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French Pages 561 [297] Year 1976
BIBLIOTHEQUE DU XVe SIECLE XLI
Jean - Claude
AUBAILLY Ÿ
LE MONOLOGUE LE DIALOGUE
ET LA SOTTIE
Essai sur quelques genres dramatiques de la fin du moyen
âge et du début du XVIe
Editions Honoré Champion 7, quai Malaquais
PARIS 1976
siècle
Qu'il nous soit permis de dire notre profonde gratitude à tous ceux qui, par leur précieux concours, ont permis l'achèvement de ce travail et principalement :
- Sorbonne A Monsieur Pierre LE GENTIL, Professeur à l’Universitéde Paris (Paris IV) qui a dirigé cette étude avec une rare compétence et une bienveillance auxquelles nous voudrions rendre un hommage tout particulier.
A Monsieur Jean DUFOURNET,
Professeur à l'Université de la Sorbonne
Nouvelle (Paris 111), notre premier Maître, qui sut éveiller en nous le goût des études médiévales, et dont les constants encouragements et les critiques amicales dispensés avec
une obligeance jamais en défaut, ont soutenu, jour après jour, nos ef-
forts tout au long de notre recherche.
© 1976, Editions Champion, Paris. Reproduction et traduction méme partielles interdites. Tous droits réservés pour tous les pays, y compris l’U.R.S.S. et les pays scandinaves
30252
AVANT
-
PROPOS
D’aucuns s’étonneront de la généralité du sous-titre de cet ouvrage. Et de fait, nous avons longuement hésité entre l’énoncé choisi et celui de ‘Essai sur la création dramatique profane à la fin du moyen-âge et au début du XVIe siècle”. Mais un tel titre n’eût-il pas semblé bien prétentieux après les réponses apportées par des Maîtres aussi prestigieux que E. Faral, J. Bédier, G. Cohen et J. Frappier, au problème toujours reposé des origines de notre théâtre profane ? Avions nous même
le droit de nous interroger à ce propos ?
Pourtant, obsédé par la constatation que plus d’un siècle et demi sépare les déclamations mimées des jongleurs et les ‘“jeux” d’Adam de la Halle des premières manifestations d’un théatre comique de caractère populaire, et par l’idée que, même en l’absence du moyen de diffusion et de conservation des textes qu’est l'imprimerie, il est difficile de croire qu’ait pu exister au XIVe siècle un théâtre profane dont toutes les pièces auraient disparu sans laisser aucune trace, nous avons osé ouvrir une.nouvelle fois le débat.
Ne pourrait-on,en effet, mettre en rapport
l'extraordinaire floraison de pièces dramatiques comiques que l’on constate dès le milieu du XVe siècle, avec les transformations sociales qui résultent du profond bouleversement provoqué par la guerre de Cent Ans ? Ne serait-il pas possible que la prise de conscience des classes moyennes eût alors provoqué la naissance d’un théâtre spécifique de caractère populaire qui,s’appuyant d’abord spontanément sur la parodie du réel, aurait peu à peu découvert l'existence d’une technique proprement dramatique lui permettant,dans un stade ultérieur, après que celle-ci se fut affinée, d'élaborer des structures de genres différenciés bien que rattachés plus ou moins les uns
aux autres par des liens de filiation, genres que leur caractère même amènera à disparaître lorsque, à la Renaissance, les conditions économiques et politiques, sociales et intellectuelles se seront à nouveau transformées ?
23 Pour répondre a ces questions,nous avons pensé qu’il était nécessaire d’étudier en elles-mémes et pour elles-mêmes les différentes formes dramatiques de cette époque parvenues jusqu’à nous en partant de la plus simple, le monologue, pour aboutir, en passant par le dialogue, à la plus complexe, la sottie, et en nous interrogeant sur leur genèse et leur possible influence des unes sur les autres.
Le lecteur sera peut-être parfois surpris de constater qu’une telle étude qui se voudrait diachronique,repose sur l’étude de genres dont les textes sont souvent contemporains; mais outre le fait qu’il est toujours difficile et souvent impossible de dater avec précision les pièces qui nous restent, nous pensons que le plan synchronique n’est que la projection à un moment donné du plan diachronique
: de la même
PREMIÈRE
manière que des auteurs de second ordre, simples imitateurs le
PARTIE
plus souvent, côtoient des créateurs de génie, toutes les techniques et tous les genres peuvent avoir coexisté sans que,pour autant,on puisse nier le principe d’une progression dans la recherche théâtrale. Afin de résister à la tentation de plier notre matière à notre hypothèse de départ et pour nous contraindre à plus d’impartialité et de rigueur, nous avons choisi de présenter les résultats de notre travail sous forme de trois études successives correspondant aux différents genres envisagés;ce qui, pensons nous, laisse au lecteur plus de liberté pour se forger sa propre opinion. Pour cette même raison, nous avons préféré ne pas refondre les conclusions partielles en une conclusion générale qui d'ailleurs ne se justifierait, dans la perspective où nous nous plaçons,que si nous avions englobé la farce dans notre étude.
Il est de plus évident que si la sottie se rattache au dia-
logue et, à travers lui, au monologue par la technique de ses échanges et l'emploi de certains types comiques, elle ne peut être définie par ce seul point car elle présente bien d’autres caractères originaux qu’elle doit à la classe dont elle est le mode d’expression dramatique. Puisse le lecteur nous le pardonner. D’autre part, partant du postulat que nous avions avec ces formes dramatiques les premières manifestations d’un théâtre populaire original, pour mieux mettre en valeur l'intérêt spécifique de nos pièces et pour ne pas trop alourdir l’exposé, nous avons volontairement - peut-être nous le reprochera-t-on - limité les comparaisons aux textes littéraires non dramatiques contemporains et aux pièces du théâtre religieux dont nous pensons, avec J. Frappier, que la naissance a été déterminée par d’autres facteurs dans un autre milieu.
On pourra enfin nous objecter que, pour être complète notre étude eût da comporter une partie sur la farce dont nous pensons qu’elle doit beaucoup aux techniques du monologue et du dialogue. Nous hypothèses.
laissons à notre collègue et ami, M. Roussele soin de confirmer ou d’infirmer nos
Le
Monolog
ue
Dra
matiq
ue
INTRODUCTION
Considéré longtemps comme un genre mineur, du moins en ses début, le monologue dramatique semble n’avoir suscité que fort peu l’intéret des exégétes et des grands historiens de notre théatre : Petit de Julleville ne lui consacre que quelques pages (1) ; E. Picot une courte introduction (2), E. Faral de trop bréves études (3) et G. Cohen de simples allusions. Il est vrai que non seulement son origine, mais encore ses limites sont difficiles à définir : “la lecture des piéces rassemblées par M. Picot et celle du prologue de Verconus, écrit E. Faral, donnent l’idée d’un genre littéraire très particulier qui prend place entre le genre narratif et le genre proprement dramatique, participant à la fois de l’un et de l’autre mais au total vraiment indépendant, vraiment original.”(4). Pour Petit de Julleville il convient de distinguer les sermons joyeux et les monologues. D’après lui le premier “est né de la Fête des Fous” et ce n’est que plus tard, “enfin chassé de l’Eglise (qu’)il trouva refuge sur le théâtre et put y continuer la parodie du discours chrétien” (5); quant au second “il a pu naître du sermon joyeux qui est lui même un monologue d’un genre particulier. Otez du sermon joyeux le texte et les divisions, il reste un monologue. Toutefois, dans la tradition théâtrale, le monologue diffère du sermon autrement que par ces caractères extérieurs. Le sermon est une dissertation satirique ; le monologue est le plus souvent un récit burlesque.
Le
sermon se moque de tout et de tous ; le monologue met en scène un personnage plaisant, qui fait rire de lui même, en se faisant connaître avec ses vices ou ses travers. Le “dit” du XIIIe siècle et du XIVe a pu, au siècle suivant, donner
naissance au monologue qui n’en diffère que par une intention
dramatique plus marquée, qui même n’en diffère pas du tout là où cette intention fait défaut. En effet, tous les monologues ne peuvent être rangés parmi les pièces de théâtre, et nous en pouvons dire autant des sermons joyeux. Les uns étaient bien destinés à des spectateurs ; les autres ne s’adressaient qu’aux lecteurs” (5). E. Picot ajoute peu de choses à ces généralités, si ce n’est qu’il ac-
centue la différence entre les deux catégories : “1.6 nom générique de monologue dramatique s’ap-
>
4
un poète, un saltimbanque ; c’est une sorte d’intendant des plaisirs, attaché à la cour des rois et des princes ; c’est un vagabond qui erre sur les routes et donne des représentations dans les villa-
plique à deux sortes de compositions fort différentes : le sermon joyeux et le monologue proprement dit. Le premier est une parodie, généralement fort libre, des sermons en vers ou prose qui
ges ; c’est le vielleur qui, à l’étape, chante ‘‘de geste” aux pélerins ; c’est un charlatan qui amuse la foule aux carrefours ; c’est l’auteur et l’acteur des “jeux” qui se jouent les jours de fête, à la
précédaient les grands mystères ; le second, au contraire, est une scène à un personnage, dans laquelle l’acteur joue un véritable rôle.
L’un se borne à un récit ; c’est une
suite plus ou moins heu-
sortie de l’église ; c’est le maitre de danse qui fait “caroler” et baller les jeunes gens ; c’est le “taboureur”’, c’ est le sonneur de trompe et de “buisine” qui règle la marche des processions ; c’est le conteur, le chanteur qui égaie les festins, les noces, les veillées ; c’est l’écuyer qui voltige
reuse de traits satiriques ; l’autre au contraire est une action : c’est une comédie complète placée dans un cadre restreint.” (6). E. Picot admet que le sermon a pu accéder à la scène : “L'origine méme du sermon joyeux explique qu'il ait dû être récité au début
de la représentation : il tenait la
place de l’exhortation pieuse dont les mystères étaient ordinairement précédés.” (7), mais il ne
sur les chevaux
semble accorder de valeur dramatique qu’au monologue
cerceaux à la course, qui mange du feu, qui se renverse et se désarticule ; le bateleur qui parade et qui mime ; le bouffon qui niaise et dit des balourdises, le jongleur c’est tout cela.” (13). Aussi estce lui qui, le premier, a su donner au genre narratif un caractère dramatique.
: “Le monologue dramatique met en scè-
ne la personne même qui le récite ; aussi est-ce un genre plus difficile à cultiver que le sermon. Il exige à la fois des qualités plus diverses chez le poéte et chez l’acteur. Tout auteur sachant tour-
; l’acrobate qui danse sur les mains, qui jongle avec des couteaux, qui traverse des
ner spirituellement les vers pourra écrire un sermon ;pour réussir dans le monologue il faudra pos-
Mais, s’il est difficile de déterminer avec précision le moment où est apparu le premier mono-
séder en outre l'entente du théâtre. Le premier venu pourra réciter tant bien que mal un sermon,
logue, ne peut-on au moins, en étudiant comment la tradition narrative se transforme peu à peu
un comédien exercé pourra seul rendre le monologue supportable.” (8).
sous l'effet d’une technique proprement théâtrale qui prend conscience d’elle-même, comprendre comment naît ce genre dont E. Faral déclare qu'il est “vraiment indépendant, vraiment original”,
Sermon qui “se borne à un récit”, monologue qui “est une action” : ces définitions ne sont-
elles pas un peu trop simples et la distinction un peu trop catégorique ? Pièces destinées tantôt à
et définir ses caractéristiques et sa technique propre ? Car il est de fait qu’au XVe siècle il sera
des “lecteurs”, tantôt à des ‘‘spectateurs” : mais qu'est-ce qui distingue les unes des autres ? Piè-
“le” genre en faveur.
ces qui “‘participent” à la fois du genre narratif et du genre dramatique : mais quelle est,dans ces A
compositions la part de l’un et de l’autre ? Et ne peut-on saisir le moment où, l'élément dramatique l’emportant sur l’élément narratif, ces pièces peuvent être considérées comme relevant d’un
quand il peut être joué et non pas simplement lu ; ce qui implique un certain nombre de critères
art proprement dramatique ? Autant de questions qui laissent l’esprit insatisfait.
extérieurs. Critère du lieu de la représentation tout d’abord, car ne relève véritablement du théâtre Ÿ
Il est vrai cependant qu’il est malaisé de définir à quel moment le premier monologue drama-
partir de quel moment peut-on penser que l'élément dramatique l'emporte sur l'élément
narratif dans un texte donné et que ce dernier relève dès lors de l’art de la scène ? Evidemment
qu’une pièce représentée sur une scène.
Mais, avant d’y accéder, le monologue dramatique ne vivra-
tique a été écrit et joué. Comme le remarque E. Faral, “la littérature du moyen âge considérée dans
t-il pas une longue période de mise au point sur les places publiques, dans les fêtes, à l’occasion des
son ensemble présente un caractère mimique très accusé” (9). Même les oeuvres destinées à être
mariages, et même dans les tavernes ? En sera-t-il moins dramatique pour autant ? Critère de l’in-
lues sont écrites en fonction d’une mise en scène rudimentaire et “il est hors de doute que l’art de
terprétation ensuite : nos textes sont-ils interprétés par des acteurs professionnels témoignant d’une
la lecture mimée était fort cultivé” (10). Aussi est-ce “une tradition ininterrompue (qui) lie les
parfaite maîtrise dans l’art de la diction et du mime et dédaignant, comme le fait Verconus, les ba-
comédiens du XVe aux jongleurs du XIIIe siècle”. (11). En effet, si l’on en croit le Dit du buffet,
teleurs et autres amuseurs de place publique :
ces derniers étaient non seulement des conteurs, mais aussi des acteurs : “ L’uns fet livre, l’autres le sot, Li uns chante, li autres note, Et li autres dit la riote Et li autres la jenglerie ; Cil qui sevent de jonglerie, Vielent par devant le conte ;
Aucuns i a qui fabliaus conte, Ou il ot mainte gaberie,
Et li autres dit l’Erberie Là ou il ot mainte risee.” (12)
Et ils étaient plus encore : “un jongleur, écrit E. Faral, est un être multiplesc’est un musicien,
“ Je ne suis pas tel bourdeur non Que Jennin qui de tout se mesle.”
Ce qu’il justifie d’ailleurs par l'énoncé de ses capacités : “ Se j’ay de fleurs un boucquelet,
Frisquandinement sur ma teste, Je contrefais le nouvellet,
Aussi gay que ung homme de feste Se j’ay, en bragardant tout beau, Dessus le poing aucun oyseau, Soit ung treselet ou lasnier, Je suis gentilhomme nouveau : Onque on ne veit tel faulconnier.
6. Se je trouve une mignonne A deviser, je m’abandonne Luy
monstrer
XVIe que nous espérons saisir non seulement les limites de chacune de ces catégories, mais enco re comment, à travers elles et grâce à elles, naît peu à peu une technique dramatique et comique
une gorge ou deux,
Puis, s’elle en veult, je luy en donne
:
qui prend conscience d’elle même et caractérise le genre du monologue, lui apportant sa vérita ble originalité.
Se j’ay ung chaperon à fol Passé au travers de mon col Je contrefais le bien disant, Abondant à menuz flajolz : Onc on n’en veit de si plaisant Se j’ay un chaperon de dueil, Je me tourmente a moy tout seul, Je pleure et me tourmente assez, En souspirant la lerme à l'oeil, Ainsi que amys des trespassez Se j’ay une chappe a docteur, Je contrefais de l’orateur, Et semble a veoir à ma faconde Ung tres noble predicateur Estre le plus grant clerc du monde Somme, c’est une mer parfonde : De mon casje sçay faire tout .. .” (14)
En véritable professionnel, Verconus énonce ici tous les rôles que nous trouverons dans nos piéces. Mais, sans savoir tout faire comme
lui, un simple amateur ne pouvait-il avec l’aide de quelques
accessoires, donner, à l’occasion, une interprétation dramatique d’un texte ? En fait, 1l semble que les critères les plus sérieux soient des critères internes reposant sur le texte lui même En effet le théâtre doit donner l'illusion de la vie ; ce sont des personnages doués d’une existence vraisemblableayant une présence tangible qu’il doit présenterau public. Et cetteillusion
de
vie sur laquelle repose le caractére dramatique d’un texte, est fonction en premier lieu de I’attitude du récitant vis à vis de son personnage : il peut garder vis à vis de celui-ci une certaine distance, parler de lui comme d’un tiers, et nous restons alors dans le domaine du conte, ou bien il peut s’identi-
fier à lui. Mais cette identification peut n’étre qu’un artifice de présentation, et l’acteur se livre alors à une parodie qui, selon le degré d’utilisation de l’artifice prend un caractère plus ou moins dramatique. Cette identification peut aussi devenir la fin même du texte et,de ce fait, ce dernier appartient alors pleinement au théâtre, Cependant tout n’est pas si simple et les limites de ces différentes catégories sont loin d’être nettes car elles reposent aussi sur d’autres critères non moins importants comme celui des sources du rire qu’elles provoquent. D’ailleurs,elles ont, au XVe siècle et au début du XVIe, de nombreux points communs et il semble qu'il y ait une sorte de filiation qui
conduise de l’une à l’autre.
Aussi est-ce en étudiant successivement les pièces à caractère narratif,les pièces parodiques et les monologues “proprement dits” (selon l'expression de E. Picot) du XVe siècle et du début du
PREMIERE LA
TRADITION
NARRATIVE
ET
CHAPITRE
SECTION LE PROBLEME
DU
UN
DRAMATIQUE
ART
DE
I
CONTEUR
Simple conteur, notre “‘amuseur’” public peut se borner à faire rire son auditoire en lui lisant Lorsque le récitant garde vis-a-vis du personnage qui est l’objet du récit, une certaine distance, le texte se caractérise en général par une nette prédominance de l’élément narratif. Il n’est alors
de bonnes histoires, en lui récitant des contes hérités de la tradition populaire qu'il essaie de renouveler et de revivifier, ou enfin en lui rapportant des créations spontanées, fruits de son imagination
qu’un conteur qui fait rire d’une bonne histoire. Mais même dans ce cas ne fait-il pas parfois appel
Le choix de l’une ou l’autre solution peut ètre dicté par la composition de l'auditoire, ses goûts du
à des procédés d'ordre dramatique ? D’autre part le conteur peut parfois se doubler d’un “‘chanson-
moment, ou tout simplement par le fait que la faculté maitresse du conteur est soit l'art de la lec-
nier” satirique qui choisit ses sujets dans la vie quotidienne ou politique. Cela ne contribue-t-il pas
ture mimée, soit la mémoire, soit l'imagination
Examinons ces différentes possibilités.
à accentuer le caractère dramatique du récit ? Autant de questions qui méritent une étude.
I. — L'HISTOIRE
LUE.
Si l’on excepte les poésies et pièces satiriques courtes réservées à un auditoire choisi (1) ou à des lecteurs (et les critères du dramatique excluent cette hypothèse) et les pièces qui reposent sur l’utilisation répetée d'un même lues présentent le même
procéde dont le plus
fréquent est l'accumulation, toutes ces pièces
caractère de recit : recit d’aventures ou récit de la vie d’un personnage.
Nous en retiendrons deux exemples : le Sermon des repeuz franches de Maistre Françoys Villon (2) et le Discours du trépas de Vert Janet (3) Ces récits étaient lus, comme en témoigne la fin du second dans laquelle l’amuseur demande la miséricorde de Dieu pour son héros et termine sur : * Au LECTEUR et a l’escoutant En face par sa grace autant ” (4) L'auteur des Repeuz franches est tout aussi explicite dans son prologue ou dans les transitions qui lui permettent de passer d’un récit à l'autre :
aah.
-10
“Vous qui serchez les repeues franches Et tant jours ouviiers com(me) dimenches N’avez pas plante de monnoye Affin que chascun de vous OYE Comme l'en les peut recouvrer Vueilles vous au sermon trouver Qui est escript dedens ce livre.”’ (v 1-7)
proposé au clerc de lui chanter une chanson pour payer son écot pour payé s'il se déclarait satisfait,
et lui a demandé
de se tenir
notre conteur termine son récit :
Bien exploité, ce dénouement aurait pu prendre une autre valeur comique. Ce qui fait l’intérêt même du récit est ici expédie en cinq vers, le reste n'étant que longue et fastidieuse préparation.
“Que chascun de vous se remue D’y venir
comment
“Chanta ainsi a haulte note Il faut payer ton hoste, ton hoste, ton hoste Tout au long chanta ce couplet Le varlet estant coste a coste, Respondit : “cela bien me plaist ”
Tout ce prologue de 114 vers en rimes plates est d'ailleurs construit comme un appel au public, presque comme un cri de sottie
voilà
bien
legierement
Le comique du texte repose sur l'imagination de l’auditeur qui reconnait dans les héros de ces bons
Et vous pourrez ouyr comment Ung grant tas de bonnes commeres Soyvent bien trouver manières De faire leurs marys coqus ’ Venez y et n’attendez plus”
tours des personnages traditionnèls appartenant à la légende des maitres farceurs : Villon, les Gallanssans-soucy, les escoliers
cits inspirés des fabliaux : la Repeue du pelletier conte comment
Il est possible d’ailleurs que cette edition représente la totalité du repertoire d’un amuseur qui alternait les récits de son cru et la lecture de récits plus connus (5) : aprés un premier récit, c’est ainsi qu’il propose de passer au livre des ‘repeues” franches :
‘ Affin qu’on prengne les meilleures. En LISANT * grandes ou petites, Vous orrez mains moiens licites Comment >
D'ailleurs lorsque le conteur sent faiblir son imagination, il rapporte des ré-
(ἢ en m’entendant lire)
Inversement, avant d’aborder son dernier récit, il déclare : “Pour passer temps joyeusement RACOMPTER vueil une repeue Qui fut faicte subtillement.” D’ailleurs, la longueur meme du récit (Trepas de Vert Janet) ou le nombre des épisodes (Ser-
le curé a réussi à occuper le pelle-
tier toute la nuit à refaire la doublure de son manteau au presbytère pour pouvoir jouir librement de sa femme
: bon tour, soit, mais comique traditionnel de fabliau (moine débauché et femme per-
verse). On rit d’une histoire et non de l'interpretation du récitant
Pourtant, nous l’avons dit, ces
récits portaient en eux une valeur dramatique et comique qui ne demandait qu’à ètre exploitée. C'est ce que comprendra l’auteur du Nouveau Pathelin (6) dont la farce, dans sa seconde partie, n’est qu’une exploitation dramatique de la première des “repeues”’ franches de Villon Si le Sermon des repeuz franches de Maistre Françoys Villon présente un point limite dans la
mesure où il n’est qu’une suite de bonnes histoires résumées sans sel, le Discours du trépas de Vert Janet, lui, présente le point limite opposé, tout au moins pour ce qui
est des pièces lues. En effet,
s’il reprend l'exploitation d’une des possibilités offertes par le même theme, le thème du mauvais
mon des repeuz franches), ainsi que leur style, incite à penser qu’effectivement nous avons affai-
garçon dont on raconte les derniers instants, il le traite d'une manière nettement plus dramatique
re a des textes écrits et lus en totalite ou en partie.
qu’implique d’ailleurs le choix meme du sujet
Essayons d’examiner cet aspect dans une analyse ra-
pide du texte Ces textes ont-ils une valeur dramatique ? Les thèmes eux mêmes le permettraient car ils feraient d’excellents sujets de farces : les Repeues franches nous rapportent en effet les bons tours qui ont permis à des farceurs impecunieux de manger à bon compte (Les cinq tours par lesquels Villon et ses compagnons ont obtenu du poisson, des tripes, du pain, du vin, et du “‘rost” sans bourse délier ; et les six autres “repeues” sont autant de récits illustrant le même thème). Mais
le conteur se borne à raconter l'aventure en suivant l'ordre chronologique. S'il essaie parfois de mettre un peu de variéte et de vie dans son récit, en rapportant les paroles de l’un ou l’autre de ses héros au style direct, et de temps à autre un dialogue, comme dans la Repeue du souffreteux, il ne s’identifie jamais a eux. Il respecte la “distanciation”’ propre au conte et se montre par là incapable d’utiliser la virtualité dramatique de son texte. Dans la Repeue du souffreteux, le
Dès le départ, le récit est rapporté à la première personne, ce qui implique une certaine iden-
tification du récitant à son héros (7) “ La Saincte Escripture nous dit Que Dieu de sa bouche maudit Le fruict qui jamais ne vient meur Ce donc congneu, JE suis bien seur Que Dieu ne ME maudira poinct Car JE suis meur Voici le poinct : ”
passage à décrire Puis jouant sur le double sens de son nom (8) le personnage consacre un long sa vie : “ Jay longtemps esté sur la paille (9)
conteur nous peint l'arrivée du heros à l'auberge, décrit son repas et nous rapporte son dialogue avec le clerc de taverne qui lui reclame son écot, puis il passe au dénouement. Mais, dans ce dernier aucune
recherche dramatique : le récit se deroule de manière linéaire et le conteur ne cher-
che aucunement a susciter la participation du public : après avoir précisé que le souffreteux a
Messieurs donc tout bien regardé Suis-je meur ? Ouy par raison.”
12:
-}5:
Ce très long passage à double sens, très goûté des spectateurs, suppose évidemment pour le récitant le soutien d’un texte écrit ; mais la forme même que prend souvent le récit (Vinterpellation directe de l'auditeur notamment) lui donne un caractère dramatique. Ici en effet il y a une double identification : celle du lecteur à son héros, mais aussi celle du public qui l’écoute à celui qui était censé assister à la pendaison et auquel Vert Janet s'adresse. D’autre part tout le récit de
la vie du personnage est à double sens. Ce jeu spirituel facilite la participation du public cariil fait naître entre ce dernier et le Personnage une sorte de complicité fondée sur une compréhension réciproque. C’est la la preuve d’une science véritable de l’art d’intéresse r le public en le faisant participer, ce qui, nous le verrons, est l’une des caractéristiques du jeu dramatique au moyen âge. L’utilisation du double sens se poursuit d’ailleurs assez longtemps : “Est-ce poinct chose bien terrible De voir un arbre si horrible Portant fleur et fruit sans odeur, Sans bonté, beauté ni verdeur, Planté en terre seiche et morte, Sans fueilles, sans branches et si porte Fruict en sa fleur sur le printemps. L'arbre, ceste potence entens : Le fruict, c'est moy ; le temps mon aage.
marque dans le texte par le retour au style indirect, et à la “distanciation” entre le conteur et son personnage. Nous retombons dans la forme narrative :
Après quoi, il essaie d’émouvoir le public sur son sort ce qui est un gage de la profondeur dramatique du texte, car une telle démarche suppose l’identification du récitant à son héros. Sans une véritable interprétation scénique, le jeu des pronoms perdrait ici tout intérêt :
“ Vert Janet, si Poire de Coin
C’est le style du conteur des Repeues franches, mais ces passages sont ici très courts et le réci-
tant revient rapidement à l'interprétation dramatique et au style direct avec l’entrée en scène d’un nouveau personnage (10) : c’est une victime de Vert Janet qui vient lui demander des comptes : πιοῦν
..........Mon
Un cent de bonnets et demy
Et, après une digression à double sens sur la valeur relative des poires, le personnage poursuit On tend
“Or croy je bien que mon sot rire Mon passe temps et mon beau dire
Ne me feroient tant secourir Qu’ils me gardassent de mourir.”
Cette reflexion personnelle est immediatement suivie d’un appel destiné à toucher l’auditoire et à le forcer à entrer dans le jeu en s’assimilant à la foule qui assistait à la pendaison : “ Faut-il que Vert Janet pourrisse ? Faut-il que les corbeaux nourrisse ? Faut-1l qu’il meure d’une corde ? Cette triple question, destinée à créer la tension dramatique, supposait de l’acteur, pour atteindre son but, de solides qualités de mime. D'ailleurs à partir de là, le texte est composé de manière à
πο τμσο
“ Alors, regardant ça et la A un homme qu’IL veid, parla En luy demandant une messe. Cest homme luy fist tost promesse Luy en donner pour une deux.”
Ὁ
Estoit lochée au lieu dé toy Ou toy, bourreau, au lieu de moy Deviendrais tu point bon chrestien ? ”
τ
Est ce repos que travailler De ça, de là, des vents touché Sans être stable ni couché ?
Les difficultés d’un tel jeu, destiné à amener l’auditoire au seuil du pathétique, devaient de-
“Or convient il sçavoir mon nom C’est Vert Janet »
Dee
“ Paté-Chaut. faictes un présent Après m'avoir haut attaché Aux fruictieres du Neuf Marché Du premier fruict de ceste année.
mander au conteur une tension après laquelle il éprouvait le besoin d’un temps de repos, ce qui se
Ce n’est d’ailleurs qu’à cet instant que, dévoilant son nom, le personnage donne la clé du pas-
sa reflexion personnelle désabusée et laisse ainsi percer les sentiments qui l’animent. vers le monologue dramatique :
loque :
Le Vert Janet est bien lavé Dites, Messieurs, pour lui “Ave” Et ce qui s’ensuyt “Maria” ””
Il porte donc fleur et fruictage.”
sage :
accentuer cette tension dramatique : il y ἃ accéleration du temps, marquée par le fait que le personnage s’adresse au bourreau, aux assistants de celui-ci, à la foule, ordonne, supplie, ironise, prie, soli-
ami
Que vous et six larrons subtils Me dérobates, où sont ils ? ” Ce à quoi Vert Janet répond en faisant de l’esprit
car, après avoir demandé au marchand la
couleur des dits bonnets et s'être entendu repondre qu'ils étaient verts, il réplique : “Va, ils sont aussi bien perdus
Que s’ils estoient blancs ou tennez”
Episode qui marque combien l'auteur était conscient de la nécessité de ménager dans une progression dramatique, des moments de répit, sorte de paliers qui permettaient au public un relachement par le rire, avant une nouvelle tension.
Autre fait remarquable ici : c’est le traitement du temps.
La chronologie ne sert plus seulement de fil directeur, elle devient élément dramatique. On cherche à substituer au temps réel un temps psychologique, surtout lors des derniers instants du condamné. C’est la succession des sensations de celui-ci qui traduit la progression du temps (et la ralentit) :
‘* Paté-Chaut, le col fort me mange, Desserez un peu ce licol
T
AS
adie Il me chatouille tant le col Qu’il me fera souiller, mon ame ! (Vert Janet refuse ensuite d’écouter les exhortations à la prière que lui adresse un religieux) Nous avons mélé nos genoils Ensemble Paté-Chaut et moy Qui me veut pousser d’auprès soy. (il rid) Je vois soupper en autre lieu Ce jourd’huy soir avecques Dieu. Mais quelle heure est ce 1a ? Combien ? Or escoutez : l’orloge sonne Il est ja tard... l"heure m’eslongne Et une, et deux, et trois, et quatre. . A cing vous me verrez abattre.”
Vert Janet est déjà un acteur qui sait, ou doit savoir, utiliser toutes les ressources de la déclamation et du mime firait de supprimer
pour faire vivre la scène complexe que rapporte son texte.
D'ailleurs il suf-
de ce texte tous les passages où la “‘distanciation’’ entre le lecteur et son per-
sonnage est trop visible - ce qui raménerait
sa longueur dans les limites de la mémoire
pour qu’il devienne un véritable monologue
dramatique.
scénique -
En fait, le lecteur du Vert Janet ne fait
que perpétuer l’antique tradition des jongleurs de l’art desquels un texte comme
la Patenostre à
l’usurier nous donne une idée Mais nous devons reconnaître que, bien souvent, l’amuseur public ne fait pas montre d’autant de qualités d'interprétation que le lecteur de ce dernier texte,
Et bien souvent
aussi, lorsqu’il
n’a pas le soutien d’un texte, il se borne à faire rire en racontant des histoires qu’il emprunte à la tradition.
Néanmoins, et c’est ce qui empéche de considérer ce texte comme un pur monologue dramatique, le conteur se dissocie parfois de son personnage et le texte prend un caractére narratif : “ Ce disant Jean Thomas parla Criant tout hault : “paix là, paix là ! “Ha! ha! ” dit-il “audiencier
Puis qu’estes cy mon officier
Faites cesser tant de langages”
Cependant, et c’est là une des qualités du texte, l’auteur, avec une science parfaite, sait passer de manière presque imperceptible du genre narratif au genre dramatique et réciproquement, par l’emploi soigneusement étudié des incises et par le jeu des pronoms. A la fin du texte notamment, on passe d’une identification profonde de l’acteur au personnage - lorsque Vert Janet demande au bourreau de le tourner vers son village et de lui clore les paupières pour que les corbeaux ne lui crèvent pas les yeux ; lorsqu'il demande aux spectateurs de prier pour lui, et qu’enfin, il ordonne au bourreau
de le pousser dans le vide - à une première ‘‘distanciation” que l’on pourrait qualifier d’ “intérieure”
IL. — L'HISTOIRE EMPRUNTEE A LA TRADITION. A cette catégorie peuvent être rattachés le Sermon de l’andouille (11) et le Sermon d’ung fiancé qui emprunte ung pain sur la fournee a rabattre sur le temps advenir (12). Essayons de voir
dans ces textes ce que le récitant a pris à la tradition et la manière dont il a revivifié la présentation pour la rendre plus dramatique Ces morceaux étaient vraisemblablement débités sur les places publiques à l’occasion des marchés ou des foires, peut-être même dans des tavernes, ce qui permettait au bateleur d'occasion de faire la quête afin de subvenir à ses besoins ainsi qu’en témoignent les discrets appels à la générosité du public qui précèdent toujours le récit :
“ Or ça, chascun tende la main
et qui se marque par un soliloque à la seconde personne du pluriel :
“ Adieu Vert Janet, c'est raison Bien tost s’en va vostre saison
Vostre esprit vers Dieu peu rira Et vostre corps cy pourrira”’
Puis l’acteur accentue la “‘distanciation”’ en parlant du héros à la troisième personne du singulier (et il redevient ainsi conteur) : “ Ce disant, IL fut espié
Et secous hors d’une rousée Et dieu sçait comme il fut escous”
Cette manière de procéder qui a pour but de détacher progressivement le public du personnage est l’équivalent du “travelling arrière” qui, au cinéma permet de clore un film en noyant le personnage dans le décor.
Nous avons donc avec ces deux textes deux cas extrêmes qui nous montrent bien que, dans le
À la bourse ; il en est temps !
Ajoutons ici que le dernier vers de ce sermon
(Sermon
d’un fiancé)
: “Allez et revenez demain” incite à penser que,
avait sa place atticomme on peut encore le voir sur les grands boulevards parisiens, notre conteur histoires. bonnes ses pas passants les retenir de trée où il revenait chaque jour essayer le dit explicitement Raconter une bonne histoire : telle est l'intention de notre amuseur qui
au début de ses récits :
‘‘ Racompter vous vueil et deduire Une histoire pour bien rire” (Sermon d’un fiancé)
“ Pendant que je suis de loisir je vous veulx racompter et dire Une histoire ou prendrés plaisir, lle) Et qui vous fera, je croy, rire” (Sermon de l’andoui
faut d’abord retenir le pasMais son problème est double : pour obtenir quelques liards, il lui sant, avant de chercher à l’amuser.
bonne Aussi ne lui suffit-il pas d'annoncer qu'il va raconter une
récit lu, la part du mime est variable et implique une valeur dramatique plus ou moins grande du tex-
t leurdonne le temps matériel histoire ; il lui faut trouver une présentation qui intrigue les badaudse
te. Si le lecteur des Repeues franches n’est qu’un conteur, par contre celui du Discours du trépas de
de s’assembler. D’où le recours à un préambule
he
-16-
Le procédé le plus simple consiste 4 annoncer d’emblée dans quel contexte se situeront les récits qui vont suivre. Et quoi de plus facile pour attirer la foule que de se placer sous le signe du scatologique et de l'obscène, en se couvrant du manteau de la folie : “Mon thesme c’est : Refecti sunt Sotise nous a huy refaicts Pour fonder a Sainct Jehan le Rond La confrerie Sainct Jehan Lipais. On ne sçauroit faire trois pets
D’une vesse sans alainer ;
Et qui voudroit baiser la paix
‘’ L'autre jour vous fustes dessoubz A present je seray dessoubz, Affin que par (le) fait contraire Nous puissions nous deux (le) deffaire” C’est là le thème du Fabliau de la grue et de quelques autres Après quoi, notre fiance abandonne la naive pour convoler en juste noce avec une autre demoiselle, laquelle, le soir de la cérémonie, fait raconter à son mari ses premieres aventures. Après que celui-ci s'est exécuté, la mariée joue la femme déçue et outragée dans le feu
HE: - . ton fiance est net ! Autsi notre gentil varlet Si me l'a fait plus de cent fois.”
Auroit de quoy boire et humer” (Sermon de l’andouille.) Le second procédé, plus élaboré, consiste à se présenter comme un prédicateur illuminé qui cherche à provoquer un effroi sacré : “ Putruerunt et corrupte sunt. Exposer (vueil) le thesme au long (et) dire vueil le contenu Mes bons amys, j’ay entendu Que l’antechrist est ja né ; Le dyable l’a bien amené ; Il vient devant qu’on le demande” (Sermon d’un fiancé)
Et le conteur fait suivre cette affirmation de justifications qu’il emprunte aux diatribes tradi-
tionnelles qui trouvent une certaine résonance auprès du public : ............. Chascun le voit En tout-pays en tout endroit,
Tout s’est retourné a rebours ; Le monde s’en va en decours.
Messieurs, vous le voyez bien : Tous mestiers ne gaignent plus rien Sinon boulengiers, taverniers Vendeurs de boys et les bouchers, Lesquelz si atrapent argent De tous estatz, de toute gent. Chascun aujourd’huy si se plaint
A cause du vin et du pain.”
Mais ce premier temps, caractérisé par une sorte d’identification du conteur à un personnage
joué, fou ou prédicateur, et qui n’a servi qu’à attirer la foule, s'arrête là. L'auditoire étant mainte-
nant rassemblé, il faut l’amuser. Chose simple pour le conteur qui se contente alors de reprendre un fabliau ou de rapporter une sorte de pot-pourri d’histoires grivoises dans le ton et l'esprit de ces mé-
mes fabliaux. C’est ce que fait le conteur du Sermon d’un fiancé qui utilise pour son récit le fond de deux fabliaux :
Un fiancé pressé met à profit la naïveté de sa fiancée pour jouir avant l’heure légale de ses droits
conjugaux. La mère de la jeune fille, mise au courant du fait, entre dans une EP colère et s’oppose au mariage projeté. Aussi lorsque le fiancé revient à la charge, se voit-il repoussé par celle qu’il a
séduite. Et il ne peut que lui proposer de “défaire” le mariage :
Mais le mari sacrifie à ses devoirs et,
de l’action, sa partenaire ne peut s’empeécher de déclarer .
C’est là encore un dénouement comme celui de la huitième des Cent Nouvelles nouvelles qui illustre, dans le genre égrillard, le proverbe “a trompeur, trompeur et demi.”. Mais ici le récit perd de sa saveur car le dénouement est amené d'une manière beaucoup plus lourde que dans la nouvelle : “Comment ma foy !
dit-elle, dictes vous qu’elle dist à sa mère que vous aviez couché avec elle ? - Oy, par
dit-il ; elle luy cogneut tout
- Par mon serment ! dist-elle, elle monstra bien qu’elle estoit
beste. Le charreton de nostre maison a couché avecques moy plus de quarante nuiz, mais vous n’avez garde que j’en deisse oncques ung seul mot a ma mère
Je m’en suis bien gardée ”” (13)
Mais notre conteur peut aussi “corser son menu” en rapportant un pot-pourri d’histoires gaillardes. C’est ce que fait le conteur du Sermon de l'andouille. Il enchaîne quatre récits qui illustrent la lubricité féminine
chère aux fabliaux. On imagine aisément les réflexions que peuvent faire trois
bourgeoises qui se retrouvent aux étuves, à propos d’une andouille amenée par l’une d’entre elles ! Récit que notre conteur fait suivre de deux autres qui illustrent la perpétuelle insatisfaction sexuelle de la femme. Le premier rapporte les propos d’une veuve qui, après avoir repoussé les avances de son amant, finit par accepter et, ayant pris gout à la chose, se montre envers le pauvre amant d’une exigence rare. C’est une situation que nous retrouverons dans le Sermon joyeulx dung ramonneux de cheminees. Le second conte les plaintes d'une jeune mariée qui, malgré les exploits de son époux,
se lamente que celui-ci ne la “pourra souler”. Et notre conteur termine son pot-pourri par la traditionnelle histoire du barbon qui ne peut ‘‘fournir a l’appointement” et qui, de plus, surpris par sa femme, reçoit une bonne raclée.
Histoire qu'il essaie de revivifier en la présentant comme une anec-
dote : ‘‘ Mais compter vous veulx aultre affaire
C'est d’un monsieur de nostre rue Duquel la femme est fort connue, Onl d rot
En fait donc,peu d'imagination dans ces histoires racontées qui, comme les Cent Nouvelles nouvelles, restent dans la tradition des fabhaux. La seule différence réside dans l'entrée en matiè-
re, justifiée par le fait que le conteur de rues doit provoquer le rassemblement de son public alors que le jongleur, qui n'avait pas cette peine, pouvait commencer directement son récit. Mais, l’at-
-18.troupement provoqué, l'identification du conteur ἃ un prédicateur ou à un fou cesse. Elle n’a pas pour but, comme dans la parodie, de provoquer le rire. Il semble que le conteur n’ait pas eu conscience de la valeur comique de ce procédé qu’il emploie à des fins uniquement pratiques. Indépendamment de l'entrée en matière, ces pièces témoignent-elles d’un “métier” dramatique ? En fait leur valeur dramatique est identique à celle des fabliaux : le conteur ne fait qu’utiliser l’effet du changement de voix lorsqu’il rapporte des dialogues. Mais pour le reste, si l’on peut
supposer toutefois qu’il souligne son récit d’un mime complice, il ne semble pas qu’il faille voir la une véritable expression théâtrale. Nous restons dans le genre narratif. Notons cependant une tendance à susciter la participation de l’auditoire, procédé qui, bien que relevant au premier chef de l’art du conteur, est utilisé dans les monologues pour donner une profondeur dramatique dans la mesure où cette participation amène le public à s’identifier à l’un des protagonistes du drame et
donc à vivre celui-ci intensément. Mais cet effort Pour susciter la participati on du public, se borne ici à poser une question conclusive à laquelle on n'attend pas de réponse : ‘ Queritur si le membre humain Se fust trouvé là d’aventure S’elles l’eussent pris a plain poing
- 19-
une grande faveur.
chissent les limites du vraisemblable.
Ces bonnes histoires qui amusaient tant le public médiéval auront-elles un caractère dramati-
que plus marqué lorsqu'elles seront imaginées, crééesspontanément en dehors de toute tradition ?
Dès les deux premiers septains de ce texte qui en comprend
vingt huit, l’auteur essaie de susciter la curiosité de l'auditoire en ayant recours 4
la localisation
géographique précise qui est un moyen de démarquer d'autant mieux le merveilleux comique
:
“Une ouaye fust en ceste annee L’an mil cinq cens et XXVI ; Jamais n’en fut telle couvee Ainsi que crois en mon advis Ceste ouaye cy que je vous dis Estoit de si terrible nature, Nourrie sur la rivière d’Eure ” Tout auprès de Nogent-le-Roy Puis l’auteur, de septain en septain, accentue l’exagération : la dite oie fait peur à tout le monde car : “ Quant elle estoit dessus ses oeufs Elle siffloit si haultement Qu’on l’oyoit bien de quinze lieux.” Mieux, elle eut deux oisons qu’elle éleva en quinze jours et qui devinrent gigantesques : “ Car ils avoyent plus de cent doibz Entre le bec et les deux yeulx
Pour faire l'oeuvre de nature ! ” (Sermon de l’andouille)
C’est là un simple coup d'oeil égrillard complice, et non une intention consciente de susciter une participation à caractère dramatique.
Ici, il s’agit tout simplement de faire naître le rire en racontant la vie imaginaire
d’un animal fabuleux avec le grossissement comique traditionnel des contes merveilleux qui fran-
Ils avoient le bec aussi large Comme un van ou une grande porte ; Et la teste de telle marge Quasi comme une grosse hotte ” fe Et l’auteur décrit les unes après les autres, toutes les parties du corps : le col, la poitrine, le dos “Comme
un lion ou elephant ;
Le ventre large comme un port
III. — L'HISTOIRE
De la mer ou de grande rivière. Mais ilz avoient tousjours la foire
IMAGINEE
Sans limites lorsqu'il s’agit d'histoires scabreuses, le génie inventif de nos conteurs médiévaux a quand même su s’exercer sur d’autres thémes. Nous n’en voulons pour preuve que la pièce intitulée la Terrible vie, testament et fin de l’oyson (14) dont E. Picot pense que “c'est une pièce qui a
dû être récitée dans un collège pour divertir les écoliers le Mardi-Gras”” (15). Quelle que soit la destination de cette pièce, elle entre dans notre catégorie des pièces récitées et offre l'avantage de témoigner d’une recherche comique originale de la part du conteur. L'auteur s'inspire d’un genre fort répandu à la fin du XVe siècle, celui du blason dont Ch.d’Héricault prétend qu'il était l'apanage, avec les discours et les sermons joyeux, des poètes mineurs (16) et qui consistait à faire l’éloge d’un
animal ou d’un objet insignifiant (17). Ici le sujet du blason est un oison : ‘ Messieurs, qui avez tout migné Prenez en gre nostre blason
Du testament et fin d’oison.” Notre auteur sacrifie d’ailleurs à la mode, car à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, les testaments, dont le genre a été lancé par Villon, et les vies de personnages burlesques rencontrent
A ce grossissement progressif, traduit par un verbalisme pur dont se délectait le public, l’auteur ajoute le détail scabreux qui fait redoubler le rire
Et cette description des parties du corps
(pieds, ergots, jambes, cuisses, plumes.) se poursuit jusqu’au milieu du récit.
Après quoi, l’auteur
imagine.le départ des deux oisons, l’un à Pans, l’autre ‘avec les griffons”’, moyen facile de se débarrasser d’une
création génante, ce dont d'ailleurs le conteur ne se cache pas
ἡ
“ Je ne scay s'il est trespassé ; Au moins en est on despèché ! ” Cela lui permet de se consacrer au recit des aventures du premier oison qui, amené à Paris, au marché, sur deux chevaux, ne peut étendre ses ailes, les rues n'étant pas assez larges
Comme aucun a-
cheteur ne veut de l'animal, il est emmené par les ecoliers au collège où : “Tl fut en huit jours passé Maistre Et apnint a parler latin ”
Mais au bout de huit jours il doit être mis à mort.
C'est alors l’occasion d’une gigantesque
bataille burlesque : on le plonge dans l’eau bouillante, mais en se débattant, il éclabousse et brüle
- 20 -
- 21 -
trente personnes ; finalement on doit le tuer d’un coup de marteau ! Et le texte se termine sur trois septains qui rapportent le testament de l’oison, et précedent la conclusion : ‘’ Ainsi mourut l’horrible oyson Rosty, bouilli et puis mengé Et en un lit mis la toison Ne l’avoit il pas bien gaigné ? ”
Ainsi notre conteur utilise-t-il un autre ressort comique nel dans les fabliaux.
que le recours à l’obscène, tradition-
Mais c'est là encore un procédé Caractéristique de l’art du conte.
Le conteur
reste extérieur au récit qu’il rapporte - il ne peut évidemment pas s'identifier à son personnage ! et même s’il semble parfois solliciter son public, ce n’est que pour piquer son intéret et non susci-
ter sa participation.
Notons cependant que le recours au merveilleux sera parfois utilisé à des fins
comiques dans des pièces qui présentent tous les caractères du dramatique (identification ; participation) : c’est le cas de Bigorne et Chicheface, dont les héros sont des monstres nés de l’imagination créatrice comique des conteurs, le premier, bien gros, mangeant tous les hommes “‘qui font le commandement
CHAPITRE
I
de leur femme”, la seconde, bien maigre, qui dévore toutes les “bonnes” fem-
mes, véritables masques portés à la scène avec une technique proche de celle du théâtre de Guignol.
UN ART
Ainsi donc, d'une manière générale, lorsqu'il rapporte de bonnes histoires, notre amuseur de
DE SATIRIQUE.
place publique n’est - il qu’un simple conteur dont la technique s'apparente à celle des anciens jongleurs, dans la mesure ou il recourt a l'effet du changement de voix et au mime lise pas à proprement parler les ressources de l’art dramatique
; mais il n’uti-
Il y a une différence de degré en-
tre le conte et le jeu, le second supposant une identification plus profonde et continue de l’ac-
teur au personnage mis en scène.
Notre conteur de places publiques peut parfois se doubler d’un chansonnier qui trouve ses sujets dans l’anecdote locale, dans la célébration satirique d’un événement politique, dans la satire sociale ou dans celle, traditionnelle,des travers féminins. Dans ces cas précis, utilisera-t-il davantage la technique dramatique ; se montrera-t-il plus acteur que conteur ? Il serait permis de le penser car si le conteur fait rire d’une situation, le satirique fait plutot rire d’un personnage. Et, pour atteindre son but, il doit se substituer à celui-ci pour en exagérer les défauts et les rendre comiques
aux yeux du public, démarche qui implique donc une identification du satirique a l'objet de sa satire. Il peut aussi utiliser l’ironie ; mais celle-ci n'est-elle pas, en quelque sorte, un regard, une attitu-
de qui relève par certains aspects du dramatique ? Mais penchons nous sur les textes.
I. — L'UTILISATION
DE L’ANECDOTE
C’est le cas de la pièce de d’Adonville intitulée les Trompeurs trompés par trompeur (1), autre illustration de ce thème qui,depuis les fabliaux, en passant par la Farce de Pathelin et les sotties,est un des thèmes fondamentaux du theatre comique français. Dans ce récit, le poète, d’après criE. Picot, ‘raconte une anecdote qui devait etre connue de tous les spectateurs” (2). Et notre
tique
: appuie cette affirmation sur les premiers vers du texte “ Reciter je veil les fassons Des trompeurs trompez par trompeurs Et par leurs semblables, pipeurs. Sçavez vous comment je le sçay ? De cela j'en ay veu l’essay .”
Py
+30. Mais peut-on se fier a une telle entrée en matiere quand on sait que l’auteur du Sermon de l’andouille avait feint de présenter sa dernière histoire comme
une anecdote réelle ! D’autre part,
le dénouement du récit de d’Adonville ressemble fort à celui de la 63ème des Cent Nouvelles nou-
De tous temps, les griefs du peuple à l'égard des boulangers, meuniers, taverniers se sont exhalés dans le théatre médieval, mais il suffit qu’un édit frappe ceux-ci pour que la satisfaction populaire se donne libre cours et s’exprime avec violence dans de nombreuses pièces.
C’est ce qui se passe dans cel-
velles. En effet, il nous rapporte en 132 vers la manière dont deux trompeurs furent punis par un
les que nous avons citées. Dans le Quaquet, c’est ainsi que les femmes répondent aux plaintes de la ta-
troisième aux dépens duquel ils vivaient.
verniére :
Après avoir consacré 58 vers à decrire la vie des trois
“Je n’en suis point en ignorance Comment tu as tant de finance, Car tu vendois poisson et chair Plusieurs fois au double plus cher Qu'il n’appartenoit selon droict Mais peu d’esgard en cest endroict Tu y avois : puis sur les pots Faulse mesure, et des fagotz Tousjours de deux en faire troys ; Et des bourrées en tel choys C’estoit pitie de ton affaire. Est ce point a toy de te taire? ”
comparses qui “Enfans estoient, se disoit l’on De Pathelin ou de Villon ”’ d’Adonville raconte que deux d’entre eux vivaient aux crochets du troisième qui payait l’ecot, jusqu’au jour où ce dernier, prenant conscience de la manière d’agir de ses compagnons, d’eux en quittant l’hotel de bon matin, après avoir fait main basse sur leurs vetements.
se vengea Ceux-ci,
qui devaient à l'hôte dix écus, ne purent ni fuir, ni payer et reçurent une sévère correction En fait, avec ce texte, nous sommes encore dans le genre narratif : le récit est fait a la troisième personne et l’auteur n'utilise jamais le style direct ; il ne cherche ni à faire participer le public ni à donner à son récit un quelconque caractére dramatique, et la ‘‘distanciation”” qu'il observe à l'égard de l’action qu’il rapporte est telle que le texte n’a qu'un très faible intérêt comique.
Ces reproches véhéments expliquent le cri de joie qui fait le fond d’un des huitains du Discours : “ Taverniers, chascun soit content : Vostre pouvoir est trespasse ; Le Roy le veult, sa cour l’entend Son Parlement y a passé Chantez “Requiescant in pace” Ou aprenez faire autre chose. Vous avez trop longtemps brassé ; Il est saison qu’on se repose
C’est
dans doute sur la seule fiction anecdotique - simple artifice de présentation-que l’auteur devait compter pour créer une certaine illusion de vraisemblance dramatique.
II. — LA SATIRE
D'UN
EVENEMENT
Nous examinerons ici quatre pièces : le Monologue d'un clerc de taverne (3) qui daterait du début du XVIe siècle ; la Complaincte des Monniers aux apprentifz des taverniers (4) qui se rapporte à deux reglements de police publiés en 1546 limitant le prix du vin à “douze deniers par la pinte” et le prix de la mouture des grains ; le Plaisant quaquet et resjouyssance des femmes pour ce que leurs marys n’yvrongnent plus en la taverne (5) et le Discours demonstrant sans feincte comme maints pions font leur plainte et les tavernes desbauchez par quoy taverniers sont faschez (6) dont E. Picot pense qu’elles
ont été écrites
“a Rouen en 1556, au moment où une ordonnance
d'Henri II fit défense aux taverniers ‘“‘d'asseoir ny bailler a boire ny a manger en leurs maisons aux gens de mestier et habitans” des villes où ils étaient établis (7).
Leur date tardive les exclut des li-
mites que nous avons fixées a ce travail, mais nous pensons avec E. Picot que ‘‘des faceties de ce genre sont très fréquentes dans les oeuvres dramatiques de tous les temps” et seul leur caractère de pièce de circonstance peut expliquer que beaucoup ne soient pas parvenues jusqu’à nous. Ces pièces pouvaient etre récitées ou lues sur la place publique, dans les tavernes ou dans des réunions joyeuses ; mais leurs themes satiriques pouvaient aussi être traités par des joueurs de farces comme
l'indique la taverniere du Quaquet qui déclare : “
:
Pour un tavernier qui y perd Cent mille gens y gagneront”
POLITIQUE
et ces joueurs
Quant quelque farce sont jouant Nous mordent bien fort en riant.”’ (v 236)
Quelle forme emploie l’acteur pour donner vie à sa satire ? Il peut se contenter de rapporter au style direct les échos de la rumeur publique, les discussions entendues : c’est ce que fait l’auteur du Quaquet.
Il peut aussi laisser éclater une sorte de chant de victoire qui s'exprime en une longue
tavernes auxquelles est attachée une qualification qui montre leur diset de bons mots : grâce, effet comique certain qui repose sur une accumulation de traits d'esprit 126 sont consacrés à une énumération de 90 noms d’enseignes : Discours, sur les 144 vers du ξξ---énumération d’enseignes de
“ Le Le Le Le
Baril d'or est bas percé Barillet est desfoncé Trou du Credit sent l’esvent Penneret est mis au vent...”
de la taverne et des platL'auteur peut aussi se livrer à un éloge antiphrastique des bienfaits
aussi s'identifier aux sirs qu’elle offre : c’est le Monologue du clerc de taverne. Mais le conteur peut
us forme de plaintes,leurs meuniers et aux taverniers, ce qui lui permet de rapporter avec humour,so des monniers. regrets de ce qui était - et provoquait l'indignation du peuple : c’est la Complaincte
ion du satirique à un perD’ailleurs,dans trois pièces sur quatre, il y a, a des degrés divers, identificat scène sur les faits. En effet, si l’ausonnage et la satire naît du regard porte par le personnage mis en
d’un appel semblable à celui teur du Discours ne recherche pas cette identification, s’il se contente
que l’on trouve au début de certains sermons :
-24-
.ῶ5.et il poursuit par des plaintes que motive son état présent. La réplique des meuniers est dans le mé-
“ Que dictes vous, gentz de boutique, Artisains, gentz esperlucatz, Gentz d’esglise, gentz de pratique Et vous qui cerchiez altercas ? Vous avez eu maints gras repas Avec les Enfants Maugouverne ; C'est faict ; de telz vous n'aurez pas : L'on ne va plus a la taverne.” (v 1-8) les
me esprit : “ On dit que NOUS sommes larrons, Mais ceste parole est bien sotte Car rien d’autruy nous ne prenons Que ce que chez nous on aporte.” C'est ainsi que ces pièces présentent un caractere scénique marqué. Et
auteurs des autres textes vont y recourir, le regard d’autrui permettant cette déformation
qui est satire, ironie ou humour.
C'est ainsi que commence le recitant du Quaquet
:
“ Une grand trouppe feminine L’autr’yer je vey, faisant la mine En sousriant et goguetant, En devisant et en contant. Mais quoi? Si dru et si menu Que bien peu en ay retenu : ”
“ C’est assez, je n'en diray plus. Se j’ay dit chose qui ennuye Pardonnez moy,je vous en prie ” Pourtant elles se rattachent encore au genre narratif par certains aspects : c’est l'emploi d’incises avec la “distanciation” propre au conteur lorsqu’il introduit les paroles rapportées au style direct ; ce sont les passages de liaison :
Ce qui lui permet de rapporter au style direct les répliques entendues, passant du “11 au “je” et au “tu”, utilisant ainsi l’effet du changement de voix
““ C'est assez parlé des complainctes Des maistres valetz taverniers,
mis en valeur par une attitude dramatique.
Quant à l’auteur du Monologue d'un clerc de taverne, il s’identifie au personnage dont il fait ainsi une satire indirecte : “Si aucun mon nom demande Devenu suis clerc de taverne”, puis il fait l'éloge des tavernes, ce qui revient à insister sur les plaisirs immoraux qu’elles procurent,
la formule rituelle qui
clôt le Monologue du clerc de taverne permet de penser qu’il a pu être représenté sur une scène :
Aux Monniers, donner run il faut.” Et
nous avons vu que, dans le Discours, le conteur parle “ἃ propos de”, mais ne joue pas “le role de
Ainsi, lorsque le conteur-chansonnier sacrifie a la satire sociale, qu’il lise ou qu'il récite, il sem-
en n’oubliant pas au passage de mentionner les actes frauduleux des taverniers. L'auteur dévoile ain-
ble avoir éprouvé le besoin de s'identifier à un personnage, de faire voir par les yeux d'un tiers pour
si sa véritable pensée d'une manière antiphrastique et ironique qui consiste à se mettre à la place de son personnage pour peindre, avec un simulacre de sincérité, comme bienfait et bénédiction, ce qui
décupler la force de sa satire ou simplement la rendre plus vivante. Il fait donc appel a des procédés de caractère dramatique, mais sans abandonner totalement les caractéristiques qui font de lui un ré-
est en fait condamnable dans l'institution des tavernes. C’est là une attitude dramatique, qui différen-
citant autant qu'un acteur, c’est à dire, de temps à autre, une certaine ‘ distanciation” par rapport
cie un tel texte du conte. Il semble que le dramatique soit ici une conséquence de l'esprit satirique, οὐ mieux un de ses modes d'expression C’est dans le même esprit que, dans la Complaincte des monniers aux apprentifz des taverniers, l’acteur se substitue aux uns et aux autres pour exprimer leurs plaintes avec un accent de sincérité affectée, ou pour dévoiler avec une candeur feinte, en faisant semblant de croire qu'ils étaient hon-
à son récit. Ainsi ces pièces peuvent-elles être considérées comme participant à la fois du genre nar-
ratif et du genre dramatique. C’est l'impression que nous allons retrouver avec les Droitz nouveaulx des de Coquillart, le Monologue des perrruques du même auteur et des pièces comme la Pacience
femmes
obstinées contre leurs marys ou le Caquet des bonnes chambrières, qui appartiennent à la
satire traditionnelle.
nétes, les actes qui leur étaient attribués et motivaient la vindicte populaire. C'est là une démarche dramatique
: ‘ Loyaux Monniers, que ferons NOUS? ” Quant premier JE vins chez mon maistre...”,
et le personnage décrit son apprentissage : “ Apres il m’aprint a conter
Dessus les escotz assez haut
Disant : “Qui ne sçait mesconter A la taverne rien ne vaut.” Quant a conter fuz bien apprins Que j'estimoys a grand science Il m’a apprins a brouiller vins,
Voire, contre ma conscience”,
ΠῚ, — LA SATIRE TRADITIONNELLE. d’entendre L’un des principaux divertissements, dans les reunions des sociétes joyeuses, était ou simvices des satire la comique les déclamations des “‘chansonniers” qui présentaient de manière
Nouveaulx (9) plement des usages du temps. C’est le but que se propose Coquillart dans ses Droitz l’on en croit les derniers vers de sa prequi devaient étre lus au cours de réunions hebdomadaires, si
jeudi ;à moins que ce ne mière partie, dans lesquels il propose, pour passer à la suite, d’ attendre 2299 à 2301 : vers les soit à l’occasion de fêtes annuelles comme le laisseraient entendre
”
|
26"
“97:
“ Touteffoys pour finer ces droitz Jentens lire tous les ans Des tiltres quelques deux ou troys Par manière de passe temps”
S’il n’y a pas véritable création d’un personnage indépendant, il y a néanmoins recherche d’une attitude, d’une personnalité particuhère, impliquant un mode de présentation de la satire qui porte en lui-même une valeur comique, puisqu'il permet l’effet du sérieux dégradé qui repose ici sur une opposition entre la forme et le fond Coquillart présente sous la forme d’un débat sérieux sur des
Après le prologue de 119 vers, qui est des plus traditionnel : ‘ Frisques mignons, bruyans enfans,
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Monde nouveau, gens triumphans,
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Peuple tout confit en images, Parfaitz ouvriers, grans maistre Jehans Tousjours pensans, veillans , songeans A bastir quelques haulx ouvrages ; Farouches, privez et ramaiges, Humains courtois, begnins, sauvages, Dissimuläteurs, inventeurs, Cueur actif et saffres couraiges Laissez bourgades et villaiges Affin d’estre nos auditeurs.” Coquillart explique que son intention est d’amuser
problèmes de droit civil, un débat sur le comportement
feminin et masculin en ce qui touche à l’a-
mour.
à jouer une attitude sérieuse, il amuse au-
Dans la mesure
objet propre : “ Se en quelque amoureuse assemblee Ung mignon peut avoir acces, Que fera il de premiere entree ? Il prie ; 11 commence ung proces ; Il sollicite de si pres Que liticontestation Se fait ; et puis on vient apres A faire la production Et fault produire quelque don,
:
Quelque affiquet.
D'ailleurs, quelques vers plus haut,il avouait prendre son “livre pour estre plus seur.” (v 90) - ce qui se justifie par la longueur même de ce texte de 2 326 vers.
” (v 138-149)
Cette attitude dramatique au niveau de la présentation, trouve son répondant au niveau de la composition méme : c’est ainsi que l’on distingue dans chaque rubrique des Droitz nouveaulx deux parties principales :
De quoi va donc faire rire notre ‘‘chansonnier - lecteur” ? Des moeurs évidemment, des moeurs |
bourgeoises de son époque qu’il peint tantôt avec humour, tantôt avec ironie, tantot enfin en s’em-
|
portant avec violence.
a) une partie de satire virulente dans laquelle Coquillart attaque les moeurs du siècle en son nom personnel. Citons par exemple le début de la rubrique De Presomptionibus : “ Parlons un peu de ces grans hommes Qui d'eux mesme presument trop, Et si n’ont pas d'argent grans sommes Mais sont aussi povres que Job
C’est d’abord la femme qui fait les frais de cette satire, cette malheureuse fem-
me qui est seule à porter la responsabilité de la Chute, mais ce sont aussi les “mignons”, les “gorriers”,
En Paris y en a beaucop Qui n’ont n’argent, vergier, ne terre Que vous jugeriez chascun cop
jeunes élégants appartenant a la bourgeoisie, qui portent perruque et veulent trancher du gentilhomEt notre auteur se montre particulièrement acerbe à leur égard. Mais,
Alliez ou grans chiefz de guerre
pour le reste, Coquillart ne fait guere que continuer la tradition antiféministe des fabliaux en l’adap-
Il se dient yssus d’Angleterre
Son originalité consiste à justifier plaisamment, en apparence,
toutes les manifestations de la débauche, pour mieux les critiquer.
Si semble beau
On mettra sans dilation Les pieces dessus le bureau
“ Advisé me suis au matin De vous lire des droitz nouveaulx”’ (v 105-106)
tant à son époque, en l'actualisant.
C’est là une démarche dra-
matique rendue sensible au niveau du ton par l'emploi d’un vocabulaire technique détourné de son
et,pour amuser, notre “chansonnier” valire un texte, et il ne s’en cache pas :
me sans en avoir les moyens
se donne
tant par sa maniere de présenter les problèmes que par leur fond même.
“ Quant est de moy pour vous instruire Pour vous recréer et desduire J'ay vestu ma chappe d’honneur . (vv 83-85)
|
donc où le chansonnier
D’ung coste d’ung baron d’Anjou
Parens aux seneschaulx d’Auxerre
Il serait fort intéressant d’étudier
la valeur morale de cette satire et la pensée de Coquillart mais tel n’est pas notre propos
Ou aux chastellains de Poitou,
Nous nous
Combien qu’il soit sailly d’ung trou De la cliquette d’ung munier, Voire, ou de la hgnee d'ung chou, Enfant a quelque jardinier ”
bornerons à nous demander quelle est la valeur dramatique de ce texte. Dès le départ, notre chansonnier a recours à un artifice de présentation à valeur dramatique :
b) dans la seconde partie, destinée vraisemblablement a attenuer la virulence de la pre-
il prend soin de se camper dans l'attitude d’un docte juriste (peut être même était-il réellement costumé pour la circonstance ) : “ J'ay vestu ma chappe d'honneur Mon chapperon fourré, pour lire, Mon pupiltre, pour plus hault luire, Et mon bonnet rond de docteur, Ma grant lenterne de liseur, Mon livre pour estre plus seur.”’ (v 85-90)
mière, Coquillart pose a l'intention du public, à partir d'exemples burlesques, des problèmes qu’il
résout
en fonction de la nouvelle juridiction Une telle démarche, qui suppose la participation du public, s'inspire de celle qu’ont adoptée
les sermonnaires de l’époque, comme Olivier Maillard.et a un caractère dramatique. Prenons comme exemple la seconde partie du de Jure natural
.9
208
“Or je mez un cas qui est tel
annonce de l’exemple (10)
Ung mary en vacation Voyant que le temps estoit bel S'en alla en commission Veoir sa belle ante, se dit-on; Il demourra bien es villaiges
récit : le plus souvent Coquillart utilise dans ces récits ce que lui a légué la tradition. Citons aux vers 345-396,la reprise du fabliau qui rapporte comment la chambriére se substitua à sa maitresse pour recevoir |’amant de celle-ci ; aux vers
Cing ou six mois.
687-734,c'est la reprise de la Farce de Colin qui
loue et despite Dieu ; aux vers 1166-1244, c’est la reprise du fabliau du Chevalier a la robe vermeille Mais il rénove ce fond traditionnel par une présentation dramatique
Assavoir mon Sil est tenu des arreraiges Quant il revient ?
Question adressee à l’assistance pour susciter sa participation
Parfois d'ailleurs le satirique pousse l'identification jusqu’à s’assimiler à un personnage dont il est censé rapporter les pensées.
dramatique, puisque le récitant s’identifie à un gendarme cassé de gages, cesse dès le vers 117 et semble bien n'avoir été employée que pour prévenir les poursuites éventuelles.
Dès le vers 119 on
passe à une satire virulente sans rapport avec le rôle joué :
Le récitant abandonne le masque protecteur du gendarme cassé et parle en son nom pour
En est tenu par tous usaiges,
attaquer la légèreté,
réponse au probléme en fonction des droits nouveaux
à créer une atmosphère dramatique. La participation suppose en effet une identification du public à un role qu’on veut lui faire jouer : ici celui d’un jury burlesque. Et,dès lors,le lieu théâtral dépasse les strictes limites de la scène pour englober la salle entière. D’autre part, l’utilisation d’une progression parodique contribue aussi a donner à cette lecture un caractère scénique : ici c’est la parodie de la rhétorique juridique
: chose à juger; problème
de droit posé ; verdict. D'ailleurs le procédé du sérieux dégradé qui suppose la parodie est, nous le verrons, un procédé spécifiquement dramatique le caractère comique de ses “‘problémes’’en les multipliant. C’est une
sorte de répétition de procédé puisque les exemples sont doublés, parfois même triplés (cf : v 14721532 +1533-1556+ 1557-1623). C’est là une sorte d’emphase fréquemment utilisée au théâtre pour
déclencher le rire, En conclusion, et c’est là ce qui nous intéresse, s’il n’y a pas jeu dramatique, dans la mesure où
l'impudicité et la rouerie féminine qui trouve son répondant dans la perver-
sité et la duplicité des religieux : “ Frere Berufle et Damp Fremin Les attendent en lieu celé. En lieu de dire leur matines ; Le vin blanc, le jambon sallé Pour festier ces pelerines. Apres, on reclost les courtines, On accolle frere frappart ; En baisant ils joingnent tetines.” (vv 197-207)
Cependant, ne nous y trompons pas, cet effort pour susciter la Participation n’est qu’artifice de présentation puisque Coquillart résout lui même le problème posé. Mais cet artifice contribue
Enfin, Coquillart accentue
Mais c’est peut-être là une précaution à l’égard de la censure.
C’est ce que fait Coquillart dans son Monologue des perruques qui est peut-être la première ébauche des Droitz Nouveaux (11). En effet la fiction qui, au départ, présente un caractère nettement
“ Soit a Tours, Molins ou Paris, Les escuz font batre les culz
Dient aucuns saiges Que le mary comme j’entens Veu qu’ilz sont escheuz de son temps Et se daventure je sens Que la femme d’aultre coste En prengne, cela n’y fait riens : Arreraiges sont personnels Et les doivent tous mariez, De rigueur, comme droit de vente. (vv 265-282)
courir à un mode de présentation dramatique pour “‘faire passer” sa satire. Ce qui n’a rien d’étonnant, car, si elle peut s'exprimer en attaques virulentes, la satire se fait surtout par la parodie et l'ironie, deux attitudes qui impliquent une vision de la réalité déformée par un écran ; d’où la nécessité pour le récitant de faire voir à travers l'oeil d’un tiers auquel il s’identifie plus ou moins.
C’est là une nouvelle utilisation d’un thème traditionnel. Puis, dans le dernier tiers du monologue, Coquillart aborde le sujet qui lui est cher : la satire des jeunes élégants qui “‘fringuent et si
n’en ont pas ung” : ‘ A Paris ung tas de bejaunes Lavent trois fois le jour leur teste
Affin qu'ils aient leur cheveulx jaunes” (vv 266-268)
“ Un oultre cuide, ung follastre Aura ung pourpoint de velours Contrefaisant du gentillastre .
”
“ La bourse pleine de gettons Pour dire qu’ilz ont de l’argent” (vv347-348) En fait, toute cette satire n’a aucunement besoin de la fiction dramatique du départ pour s’ex-
la seule finalité n’est pas la recréation effective d’un personnage, il y a néanmoins utilisation d’un mode
primer. De plus, l'absence d’appel à la participation du public, jointe au fait que la versification est
de présentation dramatique.
réguliére (suite de quatrains enchainés abab/bcbc/cd . . . . )et sans une seule faute, incitent à penser
Et si le texte garde à certains égards un aspect narratif, la ‘“‘distancia-
tion” entre le lecteur et son personnage est moindre que dans les Trompeurs trompés par trompeurs ; le récit n’est pas une fin, il n’est que prétexte et une telle pièce est plus proche du genre dramatique que du genre narratif
Le “chansonnier” satirique semble avoir pris conscience de la nécessité de re-
que ce texte était plutôt destiné à la lecture
La plupart des pièces satiriques d’ailleurs, lorsqu'elles ne prennent pas un caractère d'attaques
-30-
91.
violentes contre le régime politique ou les exactions de ceux qui le représentent, comme les Erreurs du Peuple commun (12), se cantonnent dans la traditionnelle satire des femmes. C’est ce que font les Droitz nouveaulx establis sur les femmes (13), le Caquet des bonnes chamberiéres (14) et le Sermon joyeulx
de la patience des femmes obstinées contre leurs marys (15).
Que reproche-t-on aux femmes ? Elles sont bavardes, querelleuses, infidèles et ne songent qu’à frapper leurs maris et à les abuser. Griefs traditionnels que développent la première et la dernière de nos pièces. Mais lorsque la satire s'adresse à une catégorie professionnelle définie, comme dans le Caquet des bonnes chamberieres, elle devient acerbe :
En somme il y a là identification dans la mesure où le récitant ne reste pas extérieur 4 son
‘ Aux maulvaises je vueil le tort donner
récit, mais y entre comme personnage principal, ce qui est un moyen de rendre vivante et d’ac-
Je parle a vous, mes dames les servantes Qui chascun jour estes partout en ventes,
tualiser sa satire. Quant à l’auteur des Droits nouveaulx sur les femmes, il ne fait que plagier Coquillart en reprenant le fond, la forme et le plan de la rubrique de Jure naturali qu’il cite au qua-
Je parle a vous malheureuses putains.” Ces trois pièces satiriques ont ceci de commun que non seulement elles étaient sans doute déclamées plutôt que lues :
trième vers du second huitain. Comme Coquillart il s’identifie donc avec un juriste et, sur les 55 huitains du texte, il en consacre
14 à une satire générale des femmes, qu'il fait suivre de trois ré-
cits destinés 4 poser des problémes de droit burlesque qu’il résout ainsi que le faisait Coquillart.
“ Changeons propos il est temps Et si parlons d’autre matière ;
Cependant, à la différence de ce dernier, il développe les récits : 7 huitains pour le premier, 13
Tant en parler ennuye aux gens
Et d’escouter les fait retraire ; Mais a tous je vous fait prieres Que le cas d’un povre gallant Vous retenez en vos memoires Ainsy qu’orrez cy en suyvant .. . ” (les Droits nouveaulx)
“ Adieu vous dis et plus n’en dis” (la Patience des femmes)
pour le second et 7 pour le troisième. A-t-il senti le besoin de revivifier sa satire en joignant à l’art du conteur celui du mime ? Examinons le premier de ces récits. L'auteur commence par prendre ses distances vis-à-vis des personnages. et il situe son récit en deux huitains à la troisième personne : un jeune marié, la première nuit de ses noces, décou-
mais encore, après une première partie, plus particulièrement consacrée à la satire, le récitant faisait
vre que sa femme n’est pas aussi pure qu’il le pensait. Suit un huitain de transition dans lequel
revivre
le conteur passe au style direct :
par un dialogue rapporté au style direct, une petite scène dans laquelle il s’identifiait tour à
tour à chaque personnage
prenant
la parole.
Il utilisait donc l’effet du changement de voix et le mi-
me et donnait ainsi de son texte une interprétation dramatique. Dans la première partie, le mode de présentation varie selon les textes. Dans le Caquet, le récitant ne recherche aucune identification : il attaque les chambrières en quêtant l’approbation des maîtres qui les emploient et se borne à montrer comment elles réussissent à devenir maîtresses de la maison, en faisant chasser les autres serviteurs, de manière à avoir les mains libres pour garder la totalité du profit.
Ironie et insultes alternent dans ses attaques :
“_ i
. 0 la bonne servante Que vous avez ! Est il point vrai, Marquet ? ” ot
= EE
“ Queritur de droit ou de loy Se le gallant la doit laisser
On les doibt dire et nommer par raison. Vostre logis est ou la garnison
“ C’est belle chose quant je pense
Que les femmes sont si (tres) sages De faire par subtilz usages
Tout le vouloir de leurs marys.
-
Et, à partir de là, il se borne, dans les quatre huitains qui suivent,à rapporter au style direct Mais à la fin du récit, l'acteur redevient le juriste qui pose le problème de droit burlesque :
anesses debridees
L'auteur de la Patience des femmes,lui, recourt à l'ironie et à l'humour sonnel aux yeux du public pour l'intéresser :
“ Le matin vient ; Jenin s’en va Des que l’aube veult lever. Luy dist la fille “Et, venez ça ; Il n’est pas temps de vous lever Mon amy, venez m’accoler ; Vous me semblez tout courroucé”’ - Laissez moy, de par Dieu, lever D'autres que moy y ont foncé.” les propos échangés : le mime prend le pas sur le conteur et le comique naît du jeu scénique.
Et en prendre ung autre a l’aissay ?”
De macquereaulx se retire et putains.”
M
La celle de nostre logis Fera tout tant que je lui dis. C'est gore mans DC ) Mais la tres bonne creature Ne me reproche jamais rien. S’elle demande dont je viens Et je respond ; “De la taverne D’avec les enfans Maugouverne, Et avons beu un pot de vin! ” Elle monte a son tintouyn Criant, brayant comme tonnerre.”
et porte son cas per-
Ainsi l’émule de Coquillart avait senti le besoin de présenter son récit de manière dramatique, ainsi que les auteurs du Caquet et de la Patience des femmes qui, dans leurs textes, laissent une place importante aux dialogues : “ Mais j’achepvray les ditz d’elles ensembles Quand elles sont (ensemble) a la riviere : - Dieu ! que vous estes bonne ouvriere Guillemette, nostre voisine !
-.3}- Hea ! que vous estes matineuse Veu que n’avez esté oyseuse toute la nuit ; dont vient cela ? ” (le Caquet) Il est vrai qu’il n’est pas de meilleure attitude satirique que celle qui consiste à s’identifier au personnage que l’on veut satiriser, pour lui faire accomplir les actes qu’on lui reproche et prononcer les paroles que l’on critique. C’est ainsi que le meilleur moyen de satiriser les chambrières, c’est de leur faire dévoiler à elles même leur manière de voir, d’être et de penser : cancanières à l'égard de leur maîtresse : “ Ouitre y a ung prothenotaire Qui souvent vient a nostre hostel Il a chevauche sans estrier, et de leur maitre :
Sans avoir esperon ne botte ! ” “ Posé le cas qu’en s’esbatant
Le plus souvent il me tastoit Quant personne au logis n’estoit.”’,
elles révélent leur inconscience en n’étant pas plus discrètes à leur propre égard : “Vien ça, que dis tu de Perrette
Qui de chascune ainsi caquette ? ”
C’est là un mode de présentation dont lecaractère dramatique est prouvé par le fait quel’on rencontre ces dialogues sans beaucoup de modifications dans de nombreuses farces, comme,par exemple,la Farce des chamberiéres (16).
Ainsi donc, si l’amuseur public utilise le plus souvent la technique du conteur, qu’il a héritée des jongleurs, pour faire rire son auditoire par de bonnes histoires, on constate que, dès qu’il se
double d’un “chansonnier” satirique, ilade plus en plus recours à des procédés d’ordre dramatique
dont le principal est l'identification au personnage qu’il veut satiriser. Cependant ce recours à l’identification n’est bien souvent qu’épisodique ; il n’est guére qu’un artifice de présentation car le
conteur ne peut s’empécher de reprendre à l'égard de ses personnages une certaine “ distanciation” qui transparait çà et là. S’il en utilise les procédés, le discours satirique n’est donc pas pleinement jeu dramatique
dans la mesure où celui-ci suppose une identification continue à un personnage
joué. Il est néanmoins curieux de constater que l'auteur satirique ressent le besoin de recourir à un mode de présentation dramatique : ne faut-il pas voir là la preuve d’une certaine adéquation entre la forme dramatique et l’esprit de la satire ? Ce qui laisse prévoir que les premiers monologues
dramatiques seront satiriques
et conduit
à penser que la forme dramatique naît à partir du mo-
ment où l’on éprouve le besoin de satiriser.
De la satire à la parodie il n’y a,en quelque sorte, qu’une différence de degré. Lorsque l’identification du récitant au personnage qu’il met en scène, bien que restant simple artifice de présentation, d’épisodique qu’elle était dans la satire,deviendra continue, on aboutira à la parodie que
l’on peut considérer comme un genre dans lequel l'élément dramatique l’emporte sur l'élément
Ga narratif (17). C’est ce qui se produit dans les sermons joyeux, les pronostications, les testaments et les mandements que nous allons étudier maintenant, avec cette réserve que,dans ces textes,l’identification n’est souvent encore que suggérée, n’est qu’artifice de présentation,alors que dans les monologues dramatiques elle est le sujet même du jeu. C’est d’ailleurs cette distinction seule
de l’identification considérée en tant que moyen ou en tant que fin qui différencie les uns des autres. Mais dans la mesure où dans les deux cas elle est continue, on doit admettre que, dans un cas comme dans l’autre, on se trouve en face d’une expression théâtrale et que,dés lors,le conteur agit en acteur.
DEUXIEME
LA
PARODIE
ET
LE
SECTION
PROBLEME
DU
DRAMATIQUE
5i
ae
“Venite potemus, Venite mes gentes tetines
Qui de nuict allez aulx matines,
Trouvez vous soubz le domyno o Autant nonnains comme beguynes Jubilemus, chantons les hymes Salutary nostro Je dy in confessione Sy le vin est mistionne Jubilemus ei y Ecce bonum vinum, venite potemus ”
CHAPITRE
LES
PIECES
DE
Mais,pour en revenir à notre repas de noce, il était vraisemblablement introduit par des pièces comme le Sermon fort joyeulx pour‘l’entrée de table (4). Deux vers justifient cette destination :
I
“ Qui aux nopces va sans cousteau Il pert des lopins bon morceau.” (5)
Ce sermon de 41 vers, trés court, n’est en fait qu’une parodie légére :
MARIAGE
‘ Benedicite dominus Par ma foy, je n’en diray plus Se vous n’escoutez tous ensemble ; Escoutez. Le Pape vous mande A entre vous trestous salus, Et veult que soyez absoubz.”
Le conteur de rues devient conteur professionnel lorsqu’a l'occasion de mariages, il est engagé pour faire rire l’assistance. Car c’est une des charges du nouveau marié que de
Cette absolution préalable est suivie d’une invitation à festoyer que notre amuseur interrompt
“Louer menestriers et farseurs
pour songer à lui:
Maistres d’hostelz et rotisseurs.”
“Mais je croy bien, si je n’y vois Qw’il n’y aura personne nee Qu’aporte pour moy d’escuellee.”
Ces pièces de circonstance abondent dans la littérature du XVe siècle (1) et il est probable qu'après avoir subi leur “banc d’essai” lors des repas de noces, elles ont gagné la scène. Comment notre “menestrier” peut -il faire rire des gens égayé par la perspective d’un bon
re-
pas, dans cette ambiance caractéristique de la noce où les plus grosses plaisanteries étaient permi-
et il arrête son sermon
“ J'ai dit le Benedicite Et je retoune dire Graces ’ Cependant, il se contente ici de développer
ses surtout lorsque le vin absorbé pendant le repas faisait son effet ? Il choisit dans la tradition narrative ce qui convient à la circonstance présente et l’agrémente d’une présentation adéquate :
une trés courte histoire grivoise : en allant à la cuisine, il a vu ‘‘ Ung galant avec la meschine.
c’est le plus souvent un sermon burlesque qu'il adresse à l’auditoire, contrepartie exacte de celui
La galant qui est gueulx bien fin
entendu le matin même à l’église. Mais il nous faut distinguer parmi ces pièces celles qui servent
Vous a saisi ung beau counin Que la meschine si portoit ; Ce (a) dict qu'il l’embrocheroit ; Aussi prestement l’embrocha ! ”
de prélude au repas ou l’égaient et celles qui sont destinées à amuser à la fin de ce repas.
LE PRELUDE AU REPAS.
pour se faire servir. Il est probable que les Graces joyeuses de yssue de table
qui suivent sont un morceau débité par le méme amuseur vers la fin du repas :
Le double sens est de circonstance !
La gamme des possibilités et des thèmes est très étendue car le ménestrier peut fort bien se borner à des récits sans rapport avec les circonstances. Mais, le plus souvent, il a recours au procédé du sérieux dégradé, à la parodie, et il commence par réciter un benedicite de son cru. Cette vogue des pièces farcies et des prières burlesques remonte d’ailleurs aux fabliaux : citons la Patenos-
tre a l’usurier (2), le Credo a l’usurier (3) et bien d’autres. Il est probable que le repas était émaillé de pièces de ce type qui traduisaient l’échauffement collectif. L’Imitatoyre bachique du Recueil La Valliére était sans doute destinée à cet usage :
LA FIN DU REPAS Ce sont ces thémes grivois ou ceux, traditionnels, des lamentations contre le mariage que développent alors nos conteurs.
8) tes thème Eine
Nous ne citerons pour les illustrer que le Sermon
pour une nopce de Roger de Collerye (6).
"36Après un préambule
sur le thème
ge
“‘sans instrument,
on ne fait rien”
et les implications obscè-
nes qui en découlent, le récitant raconte “le bien qu’on a en mariage” va bien, “‘on s’entrebaise, on s’entracolle” les soucis commencent
: la première année, tout
; la seconde année, avec l’annonce
du premier enfant,
pour le mari, soucis qui, les années suivantes,se transforment en déses-
poir : “ Il vouldroit bien estre chatré Quant il voit que sa femme est grosse.”
!
d’abord
" Thèmes
constances dans lesquelles ils sont utilisés, un regain de comique. Pour revivifier ces thèmes qu’il emprunte à la tradition narrative, le conteur a le plus souse à l’ouie.
”
Comme
fort joyeulx auquel est contenu tous les maux contenant
que l’homme
ἃ en
le menage et la charge de mariage (9).
le faisait Roger de Collerye dans sa première partie, les auteurs des présents monolo-
gues développent riage, comme
les griefs traditionnels contre le mariage, en s'inspirant des XV
le signale l’entrée en matiere du premier des deux “In nomine Bachi Sileni Matrimonia, matrimonia Mala producunt omnia Le thesme que j’ay cy recité Extraict d’ung livre bien dicté Nommé les Joyes de mariage Vault autant en commun langaige Que qui diroit par mocquerie L’homme est bien fol qui se marie.”
sermons
:
Joies de ma-
C’est par la
du mari, emprunté aux XV
le menage et la charge de mariage
-Et
le procéde
Joies,
:
“Car tout premier, il faut maison Et garniment a grand foison, Et tant que ce sont grans merveilles, Comme mantis, toalles, corbeilles Chalits, bancs selles et cuillieres Couppes, verres et esguieres Seilles, bouteilles et barreaux . . . (vv33-39,et ainsi pendant
:
b) Les thèmes traditionnels des lamentations contre le mariage.
contenant
marié est pour lui prétex-
naît alors d’une sorte de délire verbal.
que débute, avant d'aborder le récit traditionnel des misères l’auteur du Sermon
et joyeux Sermon
dramatique dans la mesure où il s’adres-
La liste de tous les objets que doit fournir le malheureux
te à de longues énumérations et le comique
:
C’est le cas du Sermon
les biens sont ἃ l’advantaige De la femme et les maux de l’homme ”
vent recours a un procédé de caractère plus proprement
bien souvent, ils se contentent de développer
mariage (8) et du Nouveau
dans le mariage,
traditionnels de la satire antiféministe médiévale donc, mais qui doivent aux cir-
Nous avons là un aperçu de la grivoiserie des conteurs chargés d’égayer les invités de la Cependant,
:
“ Qu’elle est par faulte d’ung escu Femme pour le faire cocu ” (Sermon auquel est contenu tous les maux
‘‘ Jamais de son corps l’union Ne doit consentir, s’elle est sage, Sans or ou argent ou bon gage.” noce.
;
:
“ Les oeuvres de misericorde Vous recommander, je m’accorde Avant que de plus loing proceder, Qu'il vous plaise d’interceder Pour toutes femmes ça et là Qui par faulte de cela Meurent en grande affliction . aux femmes ensuite
homme jusqu'au len-
burlesques (7) adressées à l’as-
le fiancé d’abord,
Joies : le pauvre fian-
car il lui faudra apporter a sa belle force écus
qu’elle dilapidera en toilettes ; et, s’il ne peut y subvenir, il doit savoir
conseille la jeune mariée sur la manière dont elle doit se comporter
Ces conseils sont suivis de recommandations
sistance, aux hommes
1, 2, 3, 4, 7 et 8 des XV
Aussi le conteur peut-il prétendre que, s’il y a plus de biens que de maux
durant la première nuit, ainsi que le nouveau marié qui doit se montrer demain matin
aux nouvelles
cé est l’esclave des caprices de sa belle ; le jour du mariage il doit offrir de multiples cadeaux, servir sans prendre de repos pendant tout le repas au point qu’il ‘‘n’a de boire ung coup espace” et quand, le soir venu, il veut s'approcher de son épouse, c’est pour être mordu et égratigné !
:
‘ Si en arez vous ceste endosse Vous aultres jeunes mariez.” Puis notre amuseur
le mari ensuite, et qu’il emprunte
De plus, dès ce jour fatal, sa condition empirera
Ce sont là les griefs des Quinze Joies de mariage que le prédicateur utilise et auxquelles l'actualité apporte un regain de saveur comique
C’est ainsi que le sermonnaire développe tous les malheurs qui attendent
70 vers)
était d’autant plus gouté que |’énumeération était plus longue et décousue.Ce genre
d’accumulation accompagne presque toujours le theme,comme si les auteurs utilisaient pour des circonstances donnees des themes et des procédés spécifiques plaincte du nouveau mesnage
(10)
marié lequel marié se complainct
: ΠΑ mesnaige fault pain et vin, Serges et coutes et couffin, Varlet et chamberiere, Napes, toailles, draps de lin, Cocqs et gelines et poussin, La crible et la civiere, Ratel et petel et mortier, Et la pelle et la civiere, Potz de cuivre et mainte cuiller,
Robe et draps de layne.”
On le retrouve dans la Com-
des extencilles qu’i luy fault avoir a son
-38Même
- 39.
chose dans les Tenebres de mariage, pièce qui reprend les XV
leçons (11), et, bien avant, dans des fabliaux comme
le Dit de menage
Joies sous
(12)
forme de
, le Ditté des cho-
ses qui faillent en menage et en mariage (13) Cependant mode mique rodie.
ce procédé seul eut été insuffisant pour revivifier le thème
; aussi est-ce par un
de présentation à caractere dramatique que notre conteur cherche à en renouveler le co: il présente son texte comme
un sermon et s'identifie à un prédicateur sérieux qu’il pa-
Il est probable,de plus,que notre conteur
est habillé en femme.
se déguisait
Ainsi, en quête de renouveau,
te-t-elle vers une forme d'expression plus nettement
- celui du Sermon
pour une nopce
la satire antiféministe traditionnelle s’oriendramatique,
forme dont
auxquels s'expose le marié,qui forment
la partie dogmatique, et l’exposé d’un point de morale se limite à des conseils adressés à la mariée, au marié, à l'assistance et qui sont la contrepartie exacte de ceux que donnerait un véritable predicateur ! Dans le Sermon auquel est contenu tous les maux . . , la partie dogmatique se décompose en deux temps : les maux qui précé-
dent le mariage et ceux qui le suivent ; et les exhortations morales se réduisent a conseiller a l’auditoire de ne pas ecouter ceux qui ne voient dans le mariage qu’un moyen de perpétuer l’espèce, position qui est celle de l'Eglise et se retrouve dans les 22 huitains du Doctrinal des nouveaux mariés (14) :
l'idée lui a été don-
“ Nouveau marié, en ta couche De mariage solennelle Avec ta femme point ne touche En seule plaisance charnelle, Mais affin que puisses en elle Estre d’ung enfant producteur, De la semence naturelle Moyennant Dieu le créateur ”
née par les circonstances mêmes Tous ces textes sont donc conçus comme
des sermons dont ils suivent le déroulement
ditionnel. Il débutent tous sur une citation qui est le thème
du sermon
tra-
:
“ Audi filia et vide” “ Matrimonia, matrimonia Mala producunt omnia.”
Ajoutons cependant
“ Libertas est et coetera.”
récitant conseille au nouveau
Cette citation, généralement en latin de cuisine, est suivie comme mons,
d’une référence
dans les véritables ser-
; mais celle-ci est burlesque, voire scatologique
marié de laisser sa femme aller voir sa mère autant de fois qu’elle le voudra, de ne pas la contredire, de lui fournir tout ce qu’elle désire . . . - donne à l’ensemble un caractère ironique et l'on est tenté d'interpréter la véritable pensée de l’auteur par anti-
:
phrase.
“Ces parolles, on trouvera Au livre des tripes d’un veau Qui jadis fut faict de nouveau Capitulo plein d’herbe verde,
Tout
comme
un véritable sermon, ces pièces se terminent par une exhortation à la prière : “Or prions Dieu qu’en cest estre Doint patience aux marys Mesmement a ceulx de Paris.” (Sermon auquel est contenu tous les
Folio illuminé de merde.”’
Après l’entrée en matière, c’est soit le développement
du thème
“Tl est escrit en mondit livre Que qui veut joyeusement vivre Se doit en liberté tenir . . .’(Sermon soit le développement
:
contenant
maux..
le menage . . 7-9)
d’une question théologique burlesque (l’auteur du sermon auquel est
contenu tous les maux
. annonce ainsi que le pauvre homme
qui se marie acquiert “l’au-
reolle de vray martyre”), soit une digression burlesque qui précise le ton du sermon
: une
jeune fille désire se marier,
rive le corps du sermon
dans les véritables sermons, composé
a boire.” Puis, après le rappel du thè-
revient clore et ponctuer chaque partie, ar-
Dans le Sermon
tent pas la totalité du plan traditionnel du sermon sérieux. Lorsqu’ils sont courts, ils présentent un déséquilibre et l'avantage est donné à l’une des deux parties, la partie dogmatique qui peint les malheurs du fiancé !
Les autres se réduisent à un simple appel à la prière burlesque
le cas du Sermon contenant le menage
C’est
.. quoique la différence entre les deux parties soit ici
Ainsi le comique de nos pièces est-il double. Il existe à l’état latent dans la condamnation
de deux parties, la première consacrée à un exposé dogmati-
que, et la seconde à un point de morale.
)
récités a l’occasion des mariages ne respec-
du mariage à un repas de noces, mais il est dû surtout au mode de présentation de cette satire
Et l’invitation à la prière qui termine ordinairement la première partie, est ici remplacée me initial qui, comme
joyeux
le développement de ce qui attend le marié après le mariage.
Pour a son plaisir satisfaire ? Je veulx dire que ouy, pourveu Que le marie soit pourveu D’ung baston a feu...”
: “Je vous pry, donnez moy
Notons cependant que tous les sermons
marquée sinon par le fond, du moins par la forme, la première étant l’énumération, la seconde
“ Assavoir mon s'il se peut faire
par une requête prosaique
que,dans ce texte, l'accumulation de tels conseils et leur choix - le
pour une nopce, ce sont les déboires
traditionnelle, qui consiste à faire,pendant le repas, la parodie burlesque du véritable sermon en-
tendu pendant la cérémonie, en en prenant le contre-pied exact. Il est possible d’ailleurs que l’idée de parodier les sermons religieux, qui donnera naissance à de nombreux textes dramatiques, soit née à l’occasion des mariages (15).
Toujours est-il que cette parodie, pour être réussie,impli-
que une identification du conteur au prédicateur dont il doit imiter le maintien et le ton. Et,bien qu’il n’y ait pas véritable re-création d’un personnage dans la mesure où l'identification se borne à calquer des attitudes extérieures, au lieu d’être plus profonde et psychologique (16), il y a la néanmoins une démarche dramatique certaine et c’est peut-être ce qui explique la faveur que le genre a rencontrée et le fait qu’il ait pu accéder à la représentation scénique
| |
- 40 -
.41donnent une idée (2). Ces sermons se composent de trois grandes parties ponctuées par le retour du thème initial choisi comme sujet du sermon : d’abord le préambule qui se compose de l’exorde (ou prothema) qui est le plus souvent une paraphrase d’un texte des Ecritures, de la questio, quesd’école tion de theologie scolastique ou de droit canon sommairement traitée par les arguements et de la parabola, discussion ou simple similitude
Aprés le préambule, vient le corps du sermon
a qui comprend deux parties, la premiére consacree a une exposition dogmatique et la seconde les tous Evidemment priere la a invitation une sur un point de morale Et le sermon se termine d’avoir sermons burlesques ne respecteront pas ce plan dans sa totalité : certains se contenteront seront un une vague allure de sermon ; d’autres ne développeront qu’une partie ; d'autres enfin, Aussi peut on distinguer parmi eux, ceux dans lesquels la parodie a valeur d’artifiun art présentation (simples piéces a rire dans lesquelles ] ‘art du récitant reste avant tout
calque précis.
CHAPITRE
ce de ou n’ont qu’une de conteur) et qui ne font que reprendre,en la parodiant,une partie du sermon la déallure générale de sermon, et ceux dont la parodie a une valeur dramatique qui,eux,sont
II
marcation burlesque
LES
SERMONS
BURLESQUES
L'idée parodique déjà en germe dans les pièces farcies, habilement utilisée par les jongleurs (1), noces, ne et exploitée spontanément par les menestriers chargés d’égayer les convives des repas de textes les Cependant, manquera pas de gagner la scène pour devenir un genre apprécié du public. mise au point qui nous restent, permettent de penser que ce n’est qu'après une certaine période de parodie et la recèle que dramatique valeur la de conscience que les auteurs comiques prendront qu'ils l'emploieront
à
exacte et complète d’un sermon religeux
des fins véritablement dramatiques
D'ailleurs, une pièce ne peut être consi-
et indif dérée comme appartenant au théâtre que lorsque le public auquel elle s'adresse est nombreux familiales férencié, ce qui n'est pas le cas dans une noce où le public ne se compose que de relations payé l'acteur public, tel un ou amicales, réunies dans une atmosphère bien particulière : devant ne lui en font pour amuser ne cherche pas à affiner son art ; l'euphorie du repas et un public facile et dont il ne écouter, pour uniquement venu indifférencié, public pas sentir la nécessité. Devant un mais enparodie, sa affiner seulement connait pas les réactions, le conteur , pour amuser, devra non à chercher cela pour core la rendre plus réelle, accentuer son caractère dramatique ; et il lui faudra s'identifier plus profondément au personnage qu’il parodie
et de ton, elle De ce fait, sa parodie ne pourra plus se contenter d’être une réplique de gestes et l’iréussie, mieux d’autant devra respecter un certain réalisme dans son déroulement Elle sera sera la transdentification de I’acteur au personnage parodié complète, que le sermon burlesque pour que le condition sérieux, sermon du comique, registre un cription fidele,point à point, dans donc devra burlesque sermon procéde du sérieux dégradé atteigne son efficacité maximale, Le respecter le plan traditionnel et complet des sermons religieux dont ceux d'Olivier Maillard nous
A) LA PARODIE
A VALEUR
D’ARTIFICE
DE PRESENTATION
ménestriers dans les noces. L’acCes sermons sont les plus proches de ceux que déclamaient les de manière comique l'illusion de teur cherche à faire rire par un procédé mais n’essaie pas de recréer sermonnaire religieux, le sermonnaire la réalité. Les thèmes traités seront les memes : à l'inverse du
manière qu’il a pu le faire lors burlesque prône les plaisirs de la chere et ceux de la chair de la même des repas de mariage.
se déploie au Ce sont là les deux poles euphoriques entre lesquels le comique
moyen âge
à parler ‘‘à la manière de”, il convient Mais parmi ces sermons, dans lesquels l'auteur se limite ons morales du sermon et ceux qui en pade distinguer ceux qui se bornent à parodier les exhortati rodient la partie didactique (ou les vies de saints)
sérieux 1 La parodie des exhortations morales du sermon
e le Sermon de Saint Raisin (3) et le Sermon Nous nous bornerons à citer dans cette catégori thèmes généraux cités. Ce sont des pièces trop joyeulx pour rire (4) qui correspondent aux deux vers pour le premier et 138 pour le second courtes pour être des parodies complètes : 152 sur sermon, le plan de l’exorde semblant calqué Tous les deux débutent comme un véritable sile sermon préché à Bruges (5) par exemple, Après celui d’un des sermons de Maillard, comme le ce, la citation latine-thème, en précisant sa référen gne de croix traditionnel, le prédicateur énonce nous epistre, nostre en Pol Ecritures Saintes : “Saint puis il enchaine sur une parabole tirée des eurs, le qu’il s’empresse de développer : ‘‘Seign *parabo . ue présente Dieu en fourme d’evesq forme a la messe pour faire sacrifice a Dieu, en telle tout a la maniere que l'evesque se présente
-42-
et manière se presenta Dieu le createur__ joyeux
4%
”. C'est exactement ce que font nos deux sermons
Hoc bibe quot possis Si vivere sanus tu vis Hec verba scribuntur 4 In Cathone. ultimo capitulo En considerant le courage Du tres noble Caton le sage Duquel je allegue le theusme 8 Affin que n’ayons tous la rume Prenons exemple a Jesuchrist Du premier miracle qu'il fist Ce fut qu’il mua eaue en vin 12 Aux nopces Saint Architrinclin. Se 1 eaue eust ete aussi bonne Boire en eust fait toute personne. (Sermon de Sainct Raisin)
4
8
12
16
“ In nomine patris prima Et fili seconda Barbara pota baston J’ayme regina celorum In hoc presenty opere À Le sens d’un Caton inspiré Avec l'engin d’une buche Qui soyt desoubz ma capeluche Omnia subjesisti sub pedibus Ejus oves et boves Hec verba horiginaliter Habentur generaliter Desimo capitulo En la baye de Sainct Lo Les carmes et les augustins Cordeliers, mesme jacobins Toutes gens en font mention
Jesuchrist a l’homme establit
24
Et avecques tant anoblit Que toutes bestes inraisonnables, Pouessons, oyseaulx tant soyent dontables Sont subjectes a l’homme humain. (Sermon joyeulx pour rire)
Remarquons cependant que, bien qu’ils se déroulent de la même manière, ces deux préambu-
En fait donc, le développement suivi par le sermon sérieux qui implique dans un premier temps une exposition dogmatique et dans un second temps un point de morale, n’est pas respecté. Les auteurs ne semblent pas avoir senti la valeur dramatique et comique que présentait une parodie fondée sur un scrupuleux respect du genre parodié, rendant plus sensible l’opposition entre la forme et le fond. Nos sermonnaires ne cherchent ici qu’à faire rire par l’euphorie bachique ou l'obscénité,et la parodie n’est considérée que comme un simple artifice de présentation qui apporte sa pierre à l'édifice comique
rale abstraite. C‘est ainsi que le récitant du Sermon joyeulx pour rire part d’une donnée sérieuse
qu’il reprend deux foix : ‘ La cause d’ung vray mariage
C'est pour faire venir lignage ”, mais au lieu d’examiner cette donnée
d’un point de vue sérieux, celui de la survie de l'espèce par exemple, et d’en tirer des conséquences pour déterminer les règles d’une morale sexuelle
prédicateur burlesque ne retient de sa donnée que l'image concrète du plaisir sexuel. Au lieu de caractéristique du sérieux dégradé par changement de registre : de l’abstrait au concret, du moral
au trivial). Même procédé lorsque notre auteur s'appuie sur une décision divine : “ Jesuchrist a l'homme establit
En effet, alors que dans le premier la citation-thème est exacte et ef fectivement empruntée à un distique de Caton (et par suite la référence est presque exacte), dans
parodie forgée de toutes pièces. L'effet vait plaire au public
comique qui en résulte est évidemment plus gros et de-
Après le préambule, les deux textes essaient de suivre le plan général d’un sermon, mais la
parodie s’arrete là, car les deux parties qui composent le corps du sermon et qui sont ponctuées
par le retour de la citation-thème,ne sont que deux aspects du développem ent d’un même thème Raisin, l'auteur développe les deux points contenus dans la citation :
Dans le Sermon de Sainct
il faut boire du vin autant que l’on peut ; le vin est le meilleur remède pour garder la santé. Dans le second texte, franchement obscene, le prédicateur consacre sa première partie à la liste des ‘‘mé-
faits” (à prendre dans un sens antiphrastique) de “l'instrument naturel” dont il vante les bienfaits dans la seconde partie : “ La gresse d'un boeuf ou d'un veau Ne feroyt pas autant de bien
En une femme, entendez bien Que faict l’ongnement précieux ”
comme le ferait un sermonnaire religieux, notre
faire porter l'attention sur les conséquences, il la fait porter sur l'acte lui même (c’est la démarche
les diffèrent quant au détail
le second elle est forgée de toutes pièces pour les besoins de la cause et la référence est hautement fantaisiste. Or,d’aprés E. Picot,le premier texte serait approximativement du milieu du XVe siècle et le second de la fin Il se serait donc produit entre les deux textes une évolution dans la manière de concevoir la parodie : d’une sorte de calque utilisant des données réelles, on serait passé à une
C’est par d’autres procédés qu’ils cherchent à faire naître le rire, et
notamment celui qui consiste à concrétiser de manière triviale les conséquences d’une donnée mo-
Que toutes bestes inraisonnables Pouessons, oyseaulx, tant soyent dontables
Sont subjectes a l’homme humain.”
pour démontrer que la femme doit être soumise à l'homme, car : “ Sy tost que nature la somme
Souvent se renverse soublz l’homme
En signe de subjection.”
C’est encore le même procédé qui est utilisé dans le Sermon de Sainct Raisin : au départ une donnée sérieuse et sacrée : un miracle de Jésus. La conséquence sérieuse attendue serait de montrer
aux fidéles.la toute puissance divine et d’exhorter à l'humilité. Au lieu de cela, le sermonnaire attide jouissanre le regard sur l'aspect matériel de la chose et attribue à Dieu un réflexe de recherche
es
“ Se l’eau eust esté aussi bonne,
Boire en eust fait toute personne.”
: et l’exhortation morale qui suit découle du point de vue sous lequel l’auteur s’est placé exemple “ Dont pour prendre a luy Se telz vertus ne povons faire
Au moins faictes (ce) que povez faire, Et, se vous avez bon vouloir Ne vous mettez a eaue boire Pour riens.......: ae d’hygiéne et de morale C’est encore en prenant systématiquement le contre-pied des conseils que nos auteurs provoquent le rire :
- 44-
- 45 C'est touchant l’incarnation De l’image de la brayette Qui entre corps, aureille et teste Au precieulx ventre des dames ”’
“ Et je trouve escript en mon dit livre Que c’est santé que d’estre yvre ”. en dénigrant les remedes conseillés par les médecins
‘’ Que vault thisane ou eaue d’orge Au mal des yeux ne de la gorge ? Rien , mais le bon vin ravoye Cueur, poulmon et rate et foye.”
Le sermon devient ici un theme introducteur du personnage
en attaquant les médecins qui, “quant ils deffendent vin boire”, préconisent pour les autres ce qu'ils
ne respectent
pas eux-meme
“ Pour eulx est establi ung droit. Soit ung autre pour leurs voisins ? ” ou en recherchant l’image la plus obcéne : “ Y prend sa consolation A faire son oblation A deulx genoulx, l’offrande au point ”
2. La parodie des sermons didactiques
Alors que les sermons que nous avons vus auparavant parodiaient les exhortations morales qui composaient en general la seconde partie du corps des sermons sérieux, ceux que nous allons étudier maintenant parodient l'enseignement didactique poursuivi par les sermonnaires dans la première partie du corps de leurs sermons où ils utilisaient à des fins édifiantes les vies des Saints ou les Actes des Apôtres que de nombreux livrets avaient vulgarisés.
Citons la Vie de Sainte Catherine (6)
ou la Vie et les miracles de Saint-Martin (7) et bien d’autres
Mais nos auteurs n’oublient pas de recourir à la répétition, figure rhétorique qu’utilisait le
sermon sérieux ; dans le Sermon joyeulx pour mire, sur les 22 vers qui composent la première partie du corps du sermon, 12 vers commencent sur ‘ “Par l'instrument . . .”. Procédé qui convient bien à l’atmosphère euphorique que veut créer le sermonnaire.
Nous classerons dans cette catégorie le Sermon de Sainct Belin (8) - 72 vers - ; le Sermon de Sainct Haren (9) - 129 vers - ; le Sermon joyeulx de la vie de Sainct Ognon (10) - 126 vers - ; le Sermon de Monseigneur Sainct Jambon et de Madame Saincte Andouille (11) - 273 vers - :16 Sermon de Monsieur Sainct Velu (12) - 193 vers - ; le Sermon de Sainct Billouart (13)- 151 vers- ; le Sermon très joyeulx de Monseigneur Sainct Frappe-cula(14) - 134 vers. A cette liste,nous pou-
Il semble donc que, dans ces textes, les auteurs ont témoigné d’un souci de recherche comique plus que d’une volonté de recherche dramatique. Ils sont avant tout des ‘‘chansonniers” paillards qui nous présentent une apologie du vin et du sexe et qui ne voient dans la parodie qu’un
vons aussi rattacher dans la mesure où, s'ils annoncent aussi le genre du blason, ils emploient les procédés du sermon joyeux, la Vie de tres haute et tres puissante dame, Madame Gueline (15), le Sermon du Poul et de la Pusse (16), et dans un autre ordre d’idées, le Sermon de Sainct Faul-
artifice de présentation à valeur comique et quelque peu satirique. Néanmoins, l’auteur du Ser-
cet (17) et les Grands et merveilleux faictz du Seigneur Nemo (18)
au sermon :
ceux-ci sont en effet l'illustration schématique du procédé qu’emploie l’auteur pour effectuer sa
mon joyeux pour rire songe parfois à susciter la participation du public par des moyens propres ” “ Or escoutez tous mes amys “ Entre vos, femmes Tant belles dames Vous me pourriez demander :“*Beau pere Ou se prend se doulx ongnement ? ”,
mais il ne semble pas prendre conscience du role que pourrait avoir cette participation.
transposition, le sérieux dégradé
Si l’épithète de “saint” appartient au registre sérieux, le nom
l’ensemble
La succession des deux mots est d’ailleurs heureuse
car,joignant le sérieux au trivial,
l’abstrait au concret, elle précise le sens dans lequel s'effectue la transposition.
Et,dans
profonde de l’acteur au personnage parodié ; le récitant reste un conteur qui se livre à des jeux plaisants sur un thème donne On pourrait supprimer le préambule sur lequel repose la parodie sans que cela enlève beaucoup au sens et à la valeur du texte, chose impossible dans une parodie dramatique. Notons cependant que ces deux types de sermons seront souvent employés dans la farce : par exemple,le Monologue du Pionnier de Seurdre débute sur un sermon de 56 vers à la t II .18) sur un sermon obscène de 72 vers :
‘’ Foullando τη calibistris Intravit per boucham ventris, Bilauldus, purgando renes. Noble assistance, retenez Ces mots pleins de dévotion
titres leur intention parodique :
qu’elle qualifie, Belin, Ognon, Billouart, Veluannonce le registre burlesque et donne le ton de
aucun de ces deux textes,nous n’avons l'impression de nous trouver devant une identification
gloire du vin et la Farce de frère Guillebert (A. TF
De longueur moyenne, ces textes annoncent déjà par leurs
Démarche comi-
que qui illustre les propos de Bergson : “est comique tout incident qui appelle notre attention sur le physique alors que le moral est en cause " (19). Les titres l’indiquent clairement, les themes traités ici sont les mêmes que ceux des sermons du groupe précédent - les plaisirs de la table - recherche de l’euphorie par la satisfaction des be-
soins et des instinct - et ceux de la chair . . . et le sermon “‘édifiant” va consister à raconter la vie d’une victuaille (Belin, jambon, andouille . . . ) ou d’un organe personnifié et élévé a la plus haute dignité
Mais ce qui nous paraît satire sacrilege
ou,tout au moins,intention de tourner en dé
rision des coutumes sacrées ( faire l'éloge d'un mouton ou d’un phallus promu au rang de saint) ne l'était peut-être pas pour le public médieval qui savait faire la part des choses et qui, peutêtre, pleurait le matin au sermon sérieux du prédicateur et riait, après le repas, au sermon bur-
lesque d'un farceur, sans opérer entre les deux sermons le rapprochement à valeur satirique que
-ἠδ-
-47Lorsque la citation présente un latin d’allure vraisemblable, elle est soigneusemen t composée en
nous-mêmes operons ; les manifestations de la Féte des Fous en témoignent Les titres de nos textes laissent aussi 4 penser que, pour atteindre leur effet, ces derniers devaient être les calques parfaits des textes sérieux qu’ils parodiaient.
On peut donc se
vue d’un double sens, le plus souvent obscéne,comme dans le sermon de Sainct Billouart : “ Introvit in tabernaculo Lachrymante recessit oculo
demander
si l’utilisation de la forme parodique y reste encore un simple artifice de présentation ou si elle devient un élément constitutif du genre en tant que cadre mnémotechnique (20) à la fois néces-
“ Bonnes gens oyez mon sermon Que j'ay trouvé tout de nouveau Escript en une peau de veau En parchemin notablement Scellé du pied d'une jument . ” (Sainct Belin)
saire et suffisant, ce qui tendrait à leur donner un caractère plus dramatique que narratif. Quelle est donc la part exacte de la parodie dans ces oeuvres ?
La plupart de nos sermons
présentent le plan en trois grandes parties, caractéristique de leurs correspondants sérieux.
Après
un préambule plus ou moins long,puisqu’il peut aller de 4 vers (Sainct Haren) à 122 vers (Monseigneur Sainct Jambon et Madame
Saincte
Elle utilise le procédé du
sérieux dégradé
Le bon Sainct Eloy d’une plume
Andouille), le corps du sermon présente les deux
Que il arracha au ciel Dedans l’esle de Sainct Michel.
prière
(21).
“
Et le sermon se termine sur une conclu-
sion plus ou moins longue qui, en général,se compose d’exhortations morales et d’un appel à la Nous avons donc un plan qui, en gros, est le même que dans les sermons de la pre-
et la seconde partie aux bienfaits dont
“ Ista verba si sont des nuées
Descendus jusque icy en terre.”
“Ce fut hersoir au plus matin Que assemblay ce fort latin.” (Sainct Billouart) ou il mime un étonnement comique
a) Le préambule En général,il commence par un signe de croix burlesque, parodie du début du sermon sé-
. . m’entendez vous ? couper les genoux tout esbahy ce latin 1cy.” (Sainct Ongnon)
Puis le sermonnaire poursuit en demandant silence et attention à son auditoire, en précisant et en situant son sujet (partie qui est introduite ou terminée par le rappel de la citation de départ,
ge trop précis -
et remplace l’exorde ou la questio d'Olivier Maillard) :
“ In nomine, de la main gauche,
Patris, aussi bien que de l’autre
Et Filii, ainsi qu'est escript Ce croy au chevet de mon lit.” (Mgr
Dans la majorité des cas cette citation est inventée de toutes pièces, en latin de
cuisine (ce qui est de circonstance !
)
“ Ad deliberandum Patris Sit sanctorum Ongnonnaris (Qui filius Syboularis In ortum (sit) sua vita . ” (Sainct Ongnon)
“ De quonatibus vitalis
Bagare bachelitatis (et) prendare andouillibus
Boutate in coffinando
Vel metate in coffino Et cetera _. Broudiare Defessarum cultare
“ Peuple dévot qui se taira Je prescheray en auditoire La vie, legende et hystoire Du devot frere Billouart * (Sainct Billouart)
Sainct Jambon)
Après cette entrée en matière, le sermonnaire annonce la citation latine choisie comme thème de son prèche
:
“ Capitulum On me puist Si je ne suis Ou j’ay pris
sérieux et dont malheureusement de nombreux textes ont été amputés. Il est possible en effet que la censure n’eut pas permis l'impression de ce qui pouvait être considéré comme un sacrilè-
(Mgr Sainct Jambon)
ou il déclare qu’il en est lui même l’auteur :
les hommes lui étaient redevables, Par conséquent, pour décider si la parodie est ici plus poussée, il faut examiner la composition du texte au niveau de chaque partie
. . ” (Sainct Frappe-culz)
τῆς - _ . ut dicit Balduynus In libro de Andouillibus” (Sainct Velu)
Parfois le prédicateur se révéle incapable d’utiliser la référence à des fins comiques :
mière catégorie étudiée, puisque dans ces derniers le sermonnaire consacrait la première partie à l’apologie de l’objet qui faisait le sujet de son sermon
:
“ Escript jadis sur une enclume
temps rituels. Dans le premier, le sermonnaire raconte la vie et le martyre du saint et,dans le second,les miracles dont les humains lui sont redevables
+
Quant à la référence, elle relève évidemment de la plus haute fantaisie :
Et ruatis de pedibus .. . ” (Sainct Frappe-culz)
Cette partie comporte aussi généralement un appel à la prière, parodie de la démarche des sermon-
naires sérieux : RER
EE
te
>
. ainçois
Que plus avant nous procedions A ceste predication Nous ferons salutation
En nous mettant sans nuls debats
Le dos en hault, le ventre au bas Honnestement sans estre infames Les hommes par dessus les femmes.” (Sainct Billouart) Ce premier temps, de longueur variable selon les textes, s’étend sur 122 vers dans le sermon de
Mgr Sainct Jambon et respecte le déroulement précis d’un véritable sermon, se chargeant ainsi
-49-
- 48 -
Nous retrouvons donc bien dans ce dernier préambule, les trois temps qui correspondent à
d’une valeur parodique marquée qui donne à l’ensemble un caractère dramatique. Après l'annonce du thème et sa référence qui a pour but de “ dégonfler” l’impression de sé-
ceux du sermon sérieux, ce qui a pour effet d’en accentuer la valeur comique et de lui donner,
rieux que suggère la consonance du latin, l'acteur demande le silence et précise ses intentions. Mais
par la même occasion,un caractere dramatique
avant de poursuivre, il réclame à boire ; interruption qui prend une triple valeur : elle parodie le
minance du fond sur la forme
Néanmoins, il semble qu’il y ait encore prédo-
qui,seule ici,contribue à donner à l’ensemble un caractère drama-
geste qu'avait vraisemblablement le vrai sermonnaire qui buvait de temps à autre une gorgée d’eau
tique
pour s’éclaircir la voix ; elle attire l’attention sur ce geste, alors que le vrai sermonnaire faisait en
viendrait que petit à petit contredire sa parole
sorte qu’il passe inaperçu, et prend de ce fait une valeur comique particulière ; enfin elle ajoute à
rodie qu’un mode comique de présentation et non son aspect proprement dramatique. Nous au-
l’euphorie que l’on veut créer : c’est de vin et non d’eau que notre sermonnaire entend se désalté-
rons d’ailleurs cette même impression dans le corps du sermon qui suit l’annonce des deux parties.
rer
Le geste souligne ainsi la parodie verbale.
Après cette interruption, le sermonnaire passe aU
point suivant qui est pratiquement une démarcation de la questio de Maillard :
En général ,cette première partie est consacrée au récit du martyre du saint. Elle fait surtout
Affin de la généalogie
appel aux talents de conteur et à l’imagination de l’acteur qui se borne à raconter dans l’ordre chro-
Vous declairez les saintz martyrs
nologique, les déboires subis par la victuaille promue au rang de saint. Tout le comique vient ici du
Je le prouveray par l’Esco Qui estoir un docteur Subtil
changement de registre qui se marque au niveau du vocabulaire : on décrit les malheurs de la vic-
Et cil estoyt en droit civil.”
tuaille avec des termes appartenant au registre des actes humains
Et l’escorcha d’ung bon cousteau En trente pieces le despeça.”
guments d’école. Mais l’auteur ne développe pas son intention et il passe au point suivant du préambule, l’étude de la généalogie du saint, qui tient lieu de la parabola. Et il termine son préambule en :
“Et pour ce, devant que commence A vous declarer cy leur vie, Laquelle sera departie En deux dont la premiére Vous fera mention planiere Comment furent martyrisez Et puis apres canonisez = Cette annonce du plan est traditionnelle dans les sermons de Maillard ; mais ici on présente en deux parties ce qui théoriquement ne devrait en faire qu’une dans la mesure où les deux points tement différenciées quant à leur contenu.
:
“ A sainct Ongnon persa la peau
Ce dernier vers ne permet pas de douter de l’intention parodique de l’auteur puisque la questio, nous l’avons dit, était un problème de théologie ou de droit canon sommairement traité par des ar-
envisagés offrent une continuité de cause à effet. Dans
Il semble donc que ce dernier n’ait vu dans la pa-
b) La première partie du corps du sermon
“ Stultorum infinitus est numerus. J’ay prins ce thesme en théologie
intercédant auprès du saint en faveur de son auditoire et en annonçant le plan du sermon
lequel serait mieux marqué si l’auteur, au départ, adoptait une attitude sérieuse que ne
L'effet comique est d’autant plus réussi que latransposition a poureffet de douer de vie un sujet inanimé et de montrer sous un aspect sanguinaire et terrifiant les acteurs inoffensifs du dra-
me : “ Premierement sçavoir pour voir Que Sainct Jambon si fut occis Et Saincte Andouille par cing ou six Mauvais garsons, larrons frians
Qu'on croit avoir esté brigans
Et pire que adventuriers Qui ne leur fu (rent) droicturiers Mais torsonniers, car les saignerent ... ”
C’est là un art de conteur et c’est à ce même art que fait appel la seconde partie.
le sermon sérieux, les deux parties sont net-
La parodie prend ainsi une valeur satirique par cette
démarche qui, à la limite extrême, consisterait à reprendre dans la seconde partie ce qui a déjà été
c) La seconde partie du corps du sermon. Elle est consacrée à l'exposé des miracles du saint et ne s'oppose pas à la partie précédente
traité dans la première, répétition qui serait une attaque dirigée contre le contenu même du sermon
comme dans les textes sérieux. Ici l’esprit imaginatif des auteurs se donne libre cours et les trou-
sérieux et tendrait à prouver son inconsistance
vailles sont parfois heureuses :
Après cette annonce, le
sermonnaire renouvelle à haute voix son désir de boire, provoquant
à nouveau l'effet dont nous avons parlé plus haut, et,dans les 42 vers qui suivent, il passe à des exhortations morales burlesques : “Vous recommande sans debatz Aussi ces jeunes chamberières Qui sçavent faire bonne cheres Quant leur maitresse n’y est pas...”
“ Sainct Ongnon telle puissance a Que s’ung hom de faulce matiere Desiroit la mort de son pere Ou (bien) de son frere germain Ou d’ung sien amy bien prochain Dont meschance luy puist advenir, Si le veoit ensevelir Sans faire mal ne demeurer Sainct Ongnon le feroit pleurer Si tendrement de ses deulx yeulx Que il seroit si très hideux.”
-51-
=$ Mais il arrive aussi que l’auteur soit à court d’idées,et, pour remplir cette partie,il utilise des procédés connus : longues accumulation comme dans le Sermon de Sainct Haren dans lequel l’auteur énumère en 12 vers tous les pays où le saint est connu, pour revenir ensuite à l’endroit où il est né, ce qui était déjà le sujet de la première partie ; digressions comme dans le Sermon de Saint Jambon dans lequel l’auteur rapporte les pérégrinations du saint emporté en un autre lieu par un
Notons ici, au passage, la valeur comique du nombre dans sa limitation : c’est un procédé qu’utilisera
ἃ la fois important et précis
Rabelais.
- L'invitation à la prière. Elle clot le sermon et doit sa valeur comique au fait qu’elle est le contre-pied exact de celle
voleur (v 233-246), idée qui vraisemblablement est une réminiscence des fabliaux et notamment
des textes serieux : on y recommande en effet tous ceux que le vrai sermonnaire condamnait ;
du Segretain moyne. Dans ces cas,la seconde partie est,en général, écourtée et n’existe que parce
femmes de moeurs legères, ivrognes . “ Et par dessus toutes besongnes
que le déroulement parodique du plan l’exigeait. Mais il ne semble pas qu’un seul auteur ait pen-
Je vous recommande ces yvrongnes
sé à la valeur comique et satirique de la reprise exacte dans la seconde partie de ce qui aurait été
Qui sont si grans meurdriers de vie, Tant qu'il fault (bien) qu’on les cherie’ (Sainct Frappe-cul)
dit dans la premiére (22), ce qui de surcroît aurait doué d’une psychologie caricaturale le personnage parodié auquel le sermonnaire burlesque devait s'identifier.
Il y a encore prédominance de
l'élément narratif sur l'élément dramatique ; le renversement ne s'effectuera que dans les textes
ou l’on demande à Dieu et aux saints d’accentuer les maux de ceux qui souffrent, forme d’humour noir : “ Nous prirons pour la povre gent Que Dieu leur doint faulte d’argent.” (Sainct Haren)
où la parodie au niveau du plan est complète et précise : elle devient alors parodie d’un person-
nage autant que d’un genre.
‘ Et si priez pour les malades Jamais ne puissent ilz lever’ (Sainct Ongnon)
d) La conclusion du sermon. Réplique assez exacte du sermon sérieux sur un mode burlesque, la conclusion
comporte
d’abord des exhortations morales ou des recommandations et se termine sur une invitation à la prière.
C’est là une recherche
consciente d’un comique d'opposition, de rupture,qui suppose, pour
être efficace,une attitude dramatique : ce n’est que dans la mesure où l’acteur soigne son identification à un sermonnaire sérieux
que son jeu prend toute sa valeur par l’opposition entre l'attitude
et la parole.
- Les recommandations : Elles tiennent leur valeur comique le plus souvent de ce qu’elles rapportent des évidences, et se caractérisent par leur gratuité.
Comique verbal à l’état pur : utiliser la parole pour ne rien
Lorsque l’auteur n’a pas ce souffle imaginatif, il se contente de souhaits propres à créer l’euphorie :
dire, c’est volontairementretirer à la communication son rôle signifiant : ‘ Pensez de boire et de menger Gardez vous de rien espargner
“ Pourquoy nous prirons Saincte Andoulle Que le vin et le blé ne coule Mais que en ayons a grant foison.”
ou encore il attaque “ Pour cardinaulx et pour evesques
De boire avecques sergens , De riens payer sans demande Et de pesant fardeau charger; D’aller à pied en long voyage Et (que) n’entrez point en mariage” (Sainct Ongnon) Ces recommandations sont d'autant plus comiques qu’elles sont inattendues et sans lien avec le corps du sermon.
Elles témoignent ainsi de l’esprit imaginatif de l’auteur qui, d’autres fois, se
contente de parodier le sermonnaire sérieux en déclarant à son public que le fait d’avoir écouté le présent sermon lui vaudra des pardons, satire légère de ce “chantage” écclésiastique qui conduisait le public à être nombreux au sermon
:
........... - . si pardonnon Tous les peschez de ceste année Et de celle qui est passee Et troys cens ans de vray pardon Et dix moys : c’est un beau don.” (Sainct Haren)
Pour ribaulx et pour archevesques Ne fault il ja faire priere”’ (Sainct Haren)
En fait donc, si tous les sermons de cette catégorie relèvent plus de l’art du conteur que de celui de l’acteur (La part de récit y est dominante et l'imagination créatrice s'y exerce sur Un Ca-
nevas préconçu et avec l’aide d’un procédé comique constant : la transposition de registre), si tous semblent utiliser la parodie plus en tant qu’artifice de présentation qu’en tant que procédé dramatique (on part d'emblée dans un registre comique au lieu de n’y entrer que progressivement et d’adopter un continuel balancement entre les deux registres et , d'autre part,on ne respecte pas dans son intégrité le déroulement du sermon sérieux.), il n'en reste pas moins qu’en maints passages,
nous trouvons des traces d’une recherche dramatique , le fond ne devenant comique que grâce à une attitude qui implique l'identification avec le personnage parodié. Cependant cette identification reste fragmentaire, discontinue
Avant d'étudier les sermons dans lesquels la parodie est utilisée à des fins dramatiques, il faut
nous pencher sur des textes voisins de ceux que nous venons de voir, textes marginaux dont la struc-
-52ture est hétérogène.
.53-
Nous distinguerons les sermons sur la vie d’un animal et les sermons spirituels.
Nunc videbitis quomodo Nostri doctores friandi Disputare pro soulardi Et semper in opinando De galina mixta lardo ”
3. Textes marginaux. a) sermon sur la vie d’un animal
Comme
Appartiennent à cette catégorie le Sermon du Poul et de la Pusse (23) et la Vie de très haulte et très puissante dame Madame Gueline (24)
Ici, le titre l’indique, le sermonnaire ne parle pas de
dans le sermon sérieux dont il emprunte le plan du préambule, l’auteur, après la référence
burlesque, passe à une traduction avec commentaires de sa citation de départ ‘‘ Ascavoir si chapons rostis Bien lardez, valent mieux
la vie d’un saint ; la parodie, si parodie il y a, est rejetée au second plan et le comique naît de l’opposition entre la médiocrité du sujet et la longueur du développement qu’on lui consacre. plus un comique latent dans le choix de l'animal sujet du sermon
Il y a de
: parler d’une puce, c’est rendre
présents à l'esprit les torts qu’elle cause à l’homme. Le premier de ces sermons, sorte de blason comique, consiste à faire l'apologie de l’insecte et à montrer sa puissance.
Du sermon, ce texte ne présente que la citation de départ : “ Audacia est de rebus deficilibus Ut caret eminet capitulis presentibus”
C’est là,en fait, une satire des disputes d’écoles : en effet les citations latines burlesque ne
revenir.
C’est là une satire évidente du pédantisme des doctes de l’époque qui trouvera sa meilleu-
re illustration avec Janotus de Bragmardo Dans le second temps du texte, le sermonnaire raconte la vie de dame Gueline.
On est tenté de voir la une parodie des textes épiques par transfert de héros :
tine est employée de la même manière : elle est la traduction en latin macaronique çais qui précède
‘* Les uns du flux, autres de la pepie Les autres cauquez d’une pie, De fluxa et de pipia Poulardi sunt trespassati Alii cauquati de pia Mortui sunt desolati Ils moururent tous desolez Sans estre de nuls consolez ”
puisqu'il est croqué par un “cinge d’Angle-
Ce texte, en fait, appartient pleinement au genre narratif Le second de ces sermons reprend au genre sérieux sa citation de départ et ses différentes parties mais la parodie s’arréte la et le texte, long de 264 vers, rapporte sur un mode burlesque une dispute sorbonnique sur une question de cuisine
laquelle est suivie du récit de la vie d’une
C’est sans doute là une pièce d’écolier assez tar-
dive,si l’on en croit E Picot,et vraisemblablement contemporaine de
Rabelais,
Elle tendrait à
montrer que la vogue du sermon joyeux passe de mode vers la fin du premier tiers du XVIe siècle (25) et laisse place à des textes plus franchement satiriques C'est une parodie scolaire. Ceci est rendu sensible par la forme de la citation latine de départ,
en latin de cuisine,comme le sujet l'impose ‘‘ Quoeritur utrum capones Vel galinae meliores Sint in brocca quam in poto Cum herbis soupa et lardo.
La citation ladu texte fran-
:
”
terre” (v 144) venu à “Picqueny” (v 147).
poule, coupé par une digression sur les femmes
|
mais pour ponctuer de docte manière chaque argument du débat, ce qui vise à donner l'impression
Et qui plus fait à redouter.”
D’ailleurs,la mort du pou est une allusion historique
|
à la partie du préambule dans laquelle le prédicateur examinait un problème de droit canon : : g “Tous les docteurs en plusieurs lieux Les uns en veulent disputer Les autres en veulent douter
que tout raisonnement ponctué d’une citation latine est un raisonnement sur lequel il n’y a plus à
‘ Sur tous les hardis vassaulx Dont j'en ay le renom ouy Je tiens le poul plus hardy
prent chastel ne donjon y est premier. C'est mon. l’ung parmy la manche au dos, l’aultre en la hanche ..
ον
qu’il présente comme le sujet d’une dispute de docteurs, rapportée sur 80 vers, et correspondant
sont pas employées comme point de départ d’un enseignement moral a déduire des Textes Saints,
laquelle est suivie de l'énoncé du thème que l’auteur développe sur 173 vers :
“ Et s’on Le poul Il happe L’aultre
:
Cette parodie des discours sorbonniques se traduit aussi par la présence dans le corps du re-
cit, de digressions comparatives dont le comique repose sur le fait qu’elles sont une nouvelle illustration du thème des travers féminins : pendant que dame Gueline couvait, son mari allait faire la cour aux autres dames
“et en entretenoit bien douze”, ce dont dame Gueline n’était pas jalouse
:
‘ Pensez vous qu’elle allast crier Si effroyement comme vous faictes ? O femmes je dy que vous n’estes Si sages que dame Gueline.” :
ce qui amène notre sermonnaire à démontrer en 27 vers qu'il est odieux de crier contre la nature et qu’il vaut mieux imiter Perrine et sa voisine qui ne s’arrétent pas de prier leurs maris “ Qu'ils fringassent leur chambriere A celle fin d’avoir lignee ”
Comique traditionnel par ses thèmes, qu'il s’agisse de la satire des doctes, de l’utilisation de la gri-
|
|
s54-
PTE
voiserie, ou encore du combat burlesque que mène dame Gueline contre les pillards :
L'auteur utilise ainsi 51 citations qui, judicieusement employées, lui permettent de décrire la vie de Nemo en suivant un ordre chronologique. Nous avons donc là un jeu érudit de chanoine, mais qui n’a rien de dramatique car il suppose l'appui d’un aide mémoire écrit qui comporte la succession des 51 citations
“ Ruant contre elle gros bastons Espees, poignards et viretons” “Elle fut saisie de plus de quinze Desmembrée fut a fine force L'un la tire ; l’autre l’escorche .. . ”
Comique scolaire d’un conteur qui fait preuve d’un art conscient, puisqu'il sait utiliser à d’autres fins la technique propre au sermon burlesque
Avec ces quatre derniers textes, nous avons donc des sermons marginaux qui utilisent des techniques et des thèmes variés et complexes et qui présentent plus un caractère de récit, plus ou moins spirituel, qu’un caractère dramatique.
b) sermons spirituels Nous rangerons dans cette catégorie le Sermon de Sainct Faulcet (26) et les Grans et merveilleux faictz du Seigneur Nemo (27).
Les auteurs de ces deux sermons ont refusé le comique facile
qui consistait à porter une victuaille au rang de saint à la satire ou à l’esprit.
Saint Faulcet qui eut sept fils dont Placebo, est, comme son nom l'indique, le patron des men-
teurs. Aussi, dans les 126 vers du texte, l’auteur,aprés avoir décrit brièvement sa vie et ses différents métiers et expliqué comment ce saint a même réussi par son astuce à mettre Dieu en contradiction et à entrer au Paradis (c'est le thème du fabliau de Sainct Pierre et le jogleor), fait à l’auditoire un cours sur la manière de tromper autrui, ponctué de conseils satiriques :
PARODIE
A VALEUR
DRAMATIQUE.
cette catégorie nous rattacherons le Sermon de la choppinerie (28), le Sermon des quatre
vens (29), le Sermon d’un cartier de mouton (30), le Sermon joyeulx et de grant value à tous les foulx qui sont dessoubz la nue (31) et, à des degrés divers, le Discours joyeux des friponniers et des friponnieres (32), le Sermon joyeux d’ung fol changant divers propos (33), le Monologue des nouveaulx sots de la joyeuse bende (34) et le Monologue des joyeulx sotz de la nouvelle bende (35)
E. Picot date les pièces 2,3 et 4 respectivement de 1550, 1545, et 1543, et la pièce 1 de 1460.
Hantez moy courretiers de chevaux,
Or elles présentent, nous le verrons, une construction identique et reposent sur l’utilisation du mé-
Procureurs, advocats, seigneurs, Cordeliers et freres prescheurs
me procédé parodique. Peut-on penser que la vogue des parodies burlesques du sermon sérieux se
Car 112 sçavent l’etat du monde.” C’est donc là un texte orienté vers la satire sociale et qui tient du récit de chansonnier
A
LA
dans la mesure où ils utilisent un thème ou un procédé traditionnel du sermon.
“ Encors derechief vous dy Que se vous n’estez assez faulx,
car le
récitant se refuse à l'identification, même implicite, avec un prédicateur et il se borne a fustiger en
racontant, ce qui implique une certaine ‘‘distanciation” par rapport au récit.
Le second de ces sermons, attribué à Jehan d’Abondance, très long puisqu'il comporte 310 vers, est présenté dans l'introduction comme un jeu d’esprit. L'auteur y annonce son intention de faire un récit “pour delectation prendre”.
B)
Ils entendent provoquer le rire par le recours
Ce n’est donc pas là un texte dramatique, mais un sim-
ple récit destine à la lecture publique, ainsi que le laissent entendre deux vers du préambule : “Or faictes paix quant je liray Ou autrement je me tairay.”
soit conservée avec la même faveur pendant un siècle ? C’est peu probable. Il est plus raisonnable de penser que l’utilisation servile du plan des sermons d'Olivier Maillard qui avait commencé à précher vers 1460 et était mort en 1502, ainsi que de ses procédés propres, ne pouvait avoir de valeur comique que dans la mesure où ce dernier était encore en vie, célèbre, et où le peuple avait entendu ses préches. D’autre part, l’utilisation de procédés communs dans le Sermon d’un fol changant
divers propos (36) et dans le Sermon d’un cartier de mouton jointe 4 la nature des attaques dirigées contre les corps de métier, nous incitent à placer la date de composition de ces pièces dans
la dernière décade du XVe siècle. Différents détails nous conduisent à penser que nous avons 1a des pièces destinées à la repré-
sentation devant un large public et non plus simplement à amuser un auditoire restreint comme
Tout le comique de ce récit est lié au choix même du saint : transformer la négation en nom
celui d’une noce ou d’une société joyeuse. En effet, le sermonnaire de la Choppinerie, outre qu’il
propre c’est la douer d’une valeur positive qui permet de donner un double sens aux citations des
annonce au cours de son sermon ses déguisements et donne des indications scéniques, présente sa
Ecritures et notamment à celle dont elle est tirée : “Deus cujus irae resistere NEMO potest”. Le récit va donc consister a additionner les citations bibliques qui seront explicitées en prenant le
contrepied positif de leur sens négatif, ce qui crée un comique d’autant plus fort qu’il est répété : “premier je trouve que de faict
Nemo fut quant et les jours faict
Dies formabuntur et Nemo in eis. Psalmo 38”
pièce dans un contexte de fête : son sermon est récité en l’honneur de Saint Nicolas : “ Nostre patron, nostre soulas, Dont on fait huy sollempnité.”
-57-
- 56-
Or, nous le savons, avec la Saint Martin, la Sainte Catherine
et l’Epiphanie, la Saint Nicolas
et celui du Discours des friponniers promet
était une fête qui donnait lieu à des divertissements scolaires marqués par des représentations théâtrales où le public était nombreux ainsi que le laissent supposer les vers suivants du Sermon de grant value “S'il y a donc ici troys cens Hommes a les comprendre tous, Je dy que les deux cens sont foulx.”
Nos sermonnaires semblent donc appartenir a des confréries de sots comme de Rouen ou celle des Enfans-sans-Soucy
celle des Connards
qui recrutaient leurs membres parmi les écoliers et les
clercs.
Assistance variée : ‘’ O present assistoire, Grans, menus et tout populaire Et premier dames et seigneurs Tous bons pions et bons beuveurs - . . ” (Sermon de grant value) que le sermonnaire interpelle et quitte avec les formules traditionnelles des représentations dramatiques :
:
“Il y a pardons generaux Dont nous portons bulles et seaux Donnez de souverains prélatz Autant abbez comme conards.”
“ Prudente assistence ” (Sermon des quatre vens) “ Seigneurs et dames, je vous prie . . . ” (Discours des friponniers) “Toute la noble compagnye Prenez en gré, je vous supplie . . . ” (Sermon d’un cartier de mouton)
Assistance nombreuse, variée, formules traditionnelles du théâtre, autant de faits qui plaident en faveur d’une représentation dramatique
Evidemment on pourrait opposer à cela les paroles du
sermonnaire du Cartier de mouton, qui semblent indiquer que notre homme opère dans un cabaret “ O vos omnes qui soupatis Prio vos quod escoutatis”. présent :
Quoi qu’il en soit, on constate dans deux pièces que le sermonnaire ne fait pas lui-même la quête qu'il présente : “Sy j'avoye frere Alitrotin Y s’en iroit faire la queste Car par ma foy sy je n’aqueste Je ne presche point de bon coeur.” (Sermon d’un cartier de mouton) Phlipot vous fera la queste ”’ (Sermon des IV vens)
ce qui implique une organisation et une représentation par des acteurs professionnels appartenant Le sermonnaire du Cartier de
mouton déclare “ Je suys un bon frere frappart, Compaignon de frere Gaultier,
Mais a nous c’est nostre mestier
Que d’aller parmy vos maisons Pour vous demander des toisons.” De la même manière, le sermonnaire des IV vens annonce,comme s’il faisait partie d’une troupe : “ Je vous recommande devant
Nostre convent qui est oyseulx
Nous sommes bons religieulx.”’
et présen-
qu’elles devront autant à la structure parodique qui les
sous-tend qu’aux thèmes et aux procédés qu’elles exploitent pour déclencher le rire
I. — LA
STRUCTURE
PARODIQUE,
canevas de départ.
Dans les quatre textes la parodie est précise et,de plus,le sermonnaire éprouve le besoin de l’indiquer de maniére explicite 4 son auditoire : “ Aucuns vous preschent le karéme
Les quatre temps et les avens ;
‘ Je ne presche poinct au moutier.”” (Cartier de mouton. v 24) D'ailleurs les sermonnaires de ces pièces se présentent bien comme des prédicateurs, présentation qui était absente des textes précédents et qui est faite ici à la première personne :
“Peuple qui as icy soupé En joye et consolation...”
à des groupes. Quelques détails d’ailleurs appuient cette hypothèse.
taires, ces pièces seront plus longues que les précédentes (de 300 à 400 vers en moyenne) teront un caractère dramatique plus marqué
Mais je diray des IV vens.”’ (Sermon des IV vens. v 11-13)
Mais ces vers sont-ils suffisants et ne peut-on interpréter comme un passé plutôt que comme un
‘Dam
Présentées par des acteurs professionnels et non plus par des amuseurs publics errants et soli-
“JE suys un bon frere frappart’’ (Cartier de mouton. v 35) “ Nous sommes bons religieulx” (IV_vens. v 25) Elle implique donc une volonté d’identification du récitant 4 un personnage
joué, condition
première du dramatique. Cette identification peut d’ailleurs, tout en restant implicite, être aussi nette si la parodie est d’une précision telle qu’il ne subsiste aucun doute dans l'esprit du spectateur. Les auteurs de nos textes semblent avoir eu conscience de ce fait. D’autre part, la parodie s’effectuant surtout par le recours au procédé du sérieux dégradé, elle est d’autant plus réussie que l’opposition entre la forme (aspect sérieux) et le fond (source du comique) est bien marquée. Il s’agit pour les auteurs de développer des thèmes bouffons sur un mode se, prise au réel,dont on veut se moquer.
sérieux et selon une progression sérieu-
En ce sens,la parodie n’est plus un simple artifice de pré-
sentation; elle devient un des ressorts du dramatique.
a) Le déroulement du sermon
Nous l'avons vu, le sermon sérieux se compose de trois grandes parties, elles-mêmes subdivisées en plusieurs points. Invariablement le sermonnaire commence par un signe de croix, énonce la citation des livres saints qui servira de thème à son sermon, donne la référence, développe quel-
que peu cette citation, incite parfois l’auditoire au silence et à la méditation puis annonce son plan
- 59
-δο-
et, généralement, avant de poursuivre, il exhorte son auditoire à la prière
Arrivent ensuite les deux
“Nous sommes bons religieulx Et bien povres moynes reiglés Aussy chanoynes desreiglés - vous cognoissés assez l'affaire Et ne voulons jamais rien faire Synon boire et chopiner
parties du corps du sermon qui débutent et se terminent sur le rappel de la citation-thème, et se déroulent de manière progressive, chacun de leurs points étant souligné par une nouvelle citation latine. L'ensemble conduit à des conclusions morales.
C’est là le plan que suivent, étape par étape, nos
Diner, rediner, souper . ...”’(v 25 - 37)
quatre sermons joyeux Mais ce n’est là qu’un plan général qui variait selon la destination du sermon.
Pour s’en rendre
compte il suffit de comparer la structure de deux sermons de Maillard, par exemple le Sermon presché à Bruges .. . l'an mil cinq cens et le Sermon prêché à Poitiers ou le Sermon de l’Ascencion. Pour le Caréme ou l’Avent,les sermons ne se composaient généralement que d'une suite d’instructions.
Celui du Cartier de mouton se vante a la premiére personne : δ Or ça, messeigneurs, je vous dy Que je suys bon grammairien Pour prescher a bon escien, Car par ma foy,je suys le maistre De tous ceulx de nostre cloestre. Les aultres ne sont que maroufles ...(v 56-61)
Or, la parodie est a ce point précise dans nos quatre textes qu'en les examinant, on s’aper-
Ty, ty, ta, ta, Font y quant Mais quant a Je desbagoule Plus dru c’un
çoit qu’ils ne parodient pas seulement le sermon sérieux en général, mais encore des types de ser-
mons bien précis. En effet, si le Sermon de grant value et à un degré moindre, celui de la Choppinerie, s’alignent sur le canevas que présente
le Sermon presché à Bruges, le Sermon des IV vens
rappelle par sa structure le Sermon préché à Poitiers pour le Caréme
: tous les deux se déroulent en
suivant les quatre points annoncés : “Pour congnoistre ceste matiere de charité, icy sont desclairez quatre points par lesquelz on pourra bien entendre ceste matiere "
1 2 3 4
-
signe de croix citation - thème présentation du sermonnaire quête et exhortation à la prière
5 - rappel de citation - annonce de plan, 6 - première partie : a) le vent du vin, b) le vent des instruments, 7 - deuxième partie : a) le vent de chemise, b) le vent de derrière. 8 - (οἱ : demande de grace pour l’auditoire,
Cette attitude du personnage qui fait de lui-même le sujet de son discours est caractéristique
:
signe de croix citation - theme présentation du sermonnaire annonce du plan - rappel de citation; suite de la présentation du sermon. prefnière partie a) plaintes sur le temps qui court, b) prière satirique. deuxième partie a) deux récits en forme de coq-a-l’aneb) jeu de devinettes Ccl : demande de grâce pour l’auditoire.
Notons cependant que le préambule de ces deux derniers sermons présente un point qui est absent des sermons sneux quel il appartient
cre à parler de son ordre et de tous ses membres...
des monologues et foncièrement dramatique. Mais lorsque l’auteur adopte pour son texte une struc-
La structure du Sermon du cartier de mouton est comparable a celle du Sermon des IV vens : Sermon d’un cartier de mouton
Quant au prédicateur du Discours des friponniers c’est une bonne moitié de son sermon qu’il consaQui sont au nombre des martyrs Lesquels vont sur mer et sur terre, Pour conquester aucun catherre.”
“On dit qu'il y a Zephyrus Eleos, Nodue, Boreas, Mais ces quatre vens ne sont pas Bien suffisans pour rapporter A ceulx que je vous veulx conter”
et selon une habile rhétorique destinée a persuader et sur laquelle nous reviendrons
Sermon des IV vens :
a l’eschapee y parlent de Dieu ; moy par le sang bieu, du latin petit deablotin.” (v 73 - 77)
: celui dans lequel le sermonnaire se présente ou présente le groupe au-
C’est un point intéressant et significatif - d’autant qu'il n'apparaît pas dans les
autres sermons de la catégorie, si ce n’est dans le Discours des friponniers - car il a pour rôle de
ture parodique plus serrée, cette présentation du personnage par lui-même n'apparaît pas dans le sermon
; c’est la structure même qui joue ce rôle, la parodie précise impliquant l'identification dra-
matique, à elle seule. Examinons le déroulement des autres sermons par comparaison avec le Sermon
presché à
Bruges par Olivier Maillard : - le préambule 1 - signe de croix :
- Maillard “In nomine patris . . . ” - $. de grant value “In nomine Bachi.. - Choppinerie : néant
.”
premier | 2- citation-thème : - Maillard “Sit civitas Jherico anathema et omnia qui in ea sunt” - $. de grant value “De qui sapientis estis in oculis vestris.” |. temps" 3 - référence :
- Choppinerie “Qui bibunt me adhuc sicient”
- Maillard “Josue secto capitulo origine...” - S. de grant value “Hec verba Esaye originaliter . .. v - Choppinerie “,,. ce tieusme est séant et escript...”
Ce premier temps est suivi, dans le sermon de Maillard, du développement d’une parabole tirée des Ecritures dont le but est d’inciter le public a la ferveur ; il montre en effet que Dieu s’étant sacrifié pour nous, en retour il faut faire “quelque chose pour l’amour de luy’’. Ce premier temps
trouve son répondant dans l'invitation par laquelle le récitant du Sermon de grant value convie à
rendre explicite l'identification du récitant au personnage parodié et de compenser le fait que
remercier Bacchus et dans l’action de grace que le sermonnaire de la Choppinerie adresse au saint
la structure parodique, un peu trop lâche, ne remplit pas complètement sa fonction dramatique.
en l’honneur duquel il va précher.
Le sermonnaire des IV vens se présente en décrivant sa confrérie :
-61-
- 60-
Puis, dans les trois sermons, nous assistons à un rappel de la citation - thème, qui est suivi dans
les deux sermons joyeux par l’annonce du plan. Ici il semble qu’il y ait un léger flottement dans la parodie. En effet, alors que le sermonnaire du Sermon de grant value annonce trois parties : “ En mes parolles je conclus Que troys parties nos ferons.”, celui de la Choppinerie n’en annonce que deux, ce qui ne l'empêche d’ailleurs pas de découper son sermon en trois. L'auteur abandonne-t-il le plan du sermon sérieux ? En fait, le contenu des premières parties va nous renseigner, ainsi que le sermon de Maillard. Ce dernier, en effet, annonce après le rappel de la citation-thème : “A la maniere acoustumee en my mes sermons, nous aurons au commencement une belle question théologale decidée et determinee en my la doctrine des theologiens .. . ”, ce qui est une annonce de plan et justifie celle faite par les sermonnaires burlesques. D'autre part, le contenu de la première partie des sermons burlesques correspond à la structure
Sermon de grant value
Sermon
Exposition dogmatique : a) les types de fous (de qualitate) b) le nombre et la repartition des fous
de la choppinerie
a) origine du vin.
Ὁ) ses bienfaits,
(de quantitate), Point de morale : c) douceur qu’il y a à boire, Ccl) emportement contre ceux qui ne veulent pas reconnaitre la prééminence de Colin
c) de modo eorum vivendi, Ccl) emportement (feint) contre les fous de l’auditoire ; conseils pour etre sage Et le sermon se termine comme il se doit
par un
appel à la méditation et à la prière pour la
rémission des fautes La parodie s’effectue donc ici par l’utilisation précise de la structure traditionnelle du sermon
annoncée par Maillard. En effet, après avoir étudié, le premier, les différentes catégories de fous
sérieux qui permet de débiter le fond burlesque sur un moule sérieux, créant une opposition comi-
(de qualitate) et le second “qui sont les pions de la feste” - ce qui est une parodie satirique des
que de sérieux dégradé.
catégories distinguées par le prédicateur sérieux parmi les croyants, ainsi que le fait Maillard dans
autre intérêt : imiter de manière précise, c’est jouer et non raconter “ἃ la manière de”.
le sermon cité, lorsqu'il distingue parmi les auditeurs ceux qui viennent pour voir, ceux qui ne retiennent rien du sermon, ceux qui écoutent
mais ne s’amendent pas, catégories vouées à l'Enfer,
et ceux qui écoutent, retiennent et s’amendent, gagnant ainsi le Ciel- nos deux auteurs vont, le
texte un caractère dramatique de monologue à deux voix , puisque la dispute est rapportée et mimée tout au long - et, le premier, démontrer par une suite d'arguments que les jaloux sont sots, démonstration en quatre points, chacun d’eux étant appuyé par une citation latine : - la femme est un animal pervers . appui sur Socrate ; citation - la femme est mauvaise de nature et incorrigible ; exemple de Samson, Aristote, Virgile ; citation. - argument du profit (l’amant enrichit le mari) et argument de la libre disposition de son corps (la femme est libre) ; citation. - parabole du trou et du doigt : user d’un objet n’est pas le voler ni le détériorer ; citation.
Cette première partie correspond donc en fait à la questio incluse dans le préambule du sermon sérieux, et elle se termine sur un exhortation morale : dans le sermon de Maillard, on invite
à respecter les commandements divins ; dans le Sermon de grant value, c’est un appel à “‘folier” : “ Ung chascun pense de foller Affin de a folye satisfaire.”
fonde l'identification entre l’acteur et le personnage joué
b) les procédés et l’art du sermonnaire La parodie ne se borne pas seulement à utiliser la structure du texte sérieux, elle apparaît
dans le détail et esprit meme du sermon Au niveau du détail, elle se manifeste dans la reprise exacte des procédés employés par le sermonnaire sérieux pour susciter l'intérêt du public et sa participation : c’est la question posée par le
prédicateur à l'assistance dont il demande l’approbation : ©. Maillard : S. de grant value :
Diz-je vrai ? ” ‘ Qu'en dictes vous donc mes seigneurs N'est il pas vray. ?”
des explications C’est la question par laquelle le sermonnaire se substitue au public pour demander vous plait de s'il nous Dictes rien. “ Frere mon amy, nous n’y entendons O. Maillard :
S. de grant value :
de la citation-thème, on passe au corps du sermon. - Le corps du sermon. D. des friponniers :
sente plusieurs points ponctués par une citation latine et se termine sur une exhortation morale conclusive qui est suivie du rappel de la citation-thème :
“Qu’en dictes vous dames ? Avez vous poinct peur d'estre dampnez ?
“ Or ça seigneurs qu’en dictes vous ? ”
et dans la Choppinerie, l’auteur appelle à reconnaître Colin comme patron. Puis, après un rappel
Chacune des parties du corps du sermon, qui se déroule selon la structure traditionnelle, pré-
La structu-
re parodique devient donc, par sa précision, un moyen de rendre à la fois plus explicite et plus pro-
second, rapporter une dispute entre docteurs (v 68-161) pour résoudre le problème de la prééminence du candidat de chaque partie, Martin ou Colin - ce qui, nous y reviendrons, donne au
Mais cette utilisation précise de la structure traditionnelle présente ici un
quoy sert ceste epistre . ‘ Bt Frere, direz vous pourquoy serons nous dampnez ys “Voyre, mais beau pere Dictes nous que pourrons faire Pour estre saiges ” “ Et si me demandez, beau pere ὃ» Qui sont ces sotz : “Beau pere demander pourriez Vous “ Dictes nous donc, se 1l vous plaist Sans y avoir (a) nul arrest Comm’on appelle vostre convent
d’exhortations Ce sont évidemment tous les moyens d'inciter le public à l'attention, qu il s’agisse au silence :
2163"
-62-
d’appels à la réflexion :
“Or chut donc! Ne dictes mot!
“ Entendez bien
mot! Entendez cy ! Chut! Paix! Hola!
(sermon de grant value) ;
(sermon des IV vens)
de questions destinées à susciter la participation
et à cingler ces derniers, par cing fois, d’un
trouvons l'équivalent dans le Sermon de grant value -
“‘baissez le front’
“Sy une femme en est ferue La clef de son con est perdue ” rale au conseil qui clôt cette partie :
“ Ne prenez de ce vent qu’a poinct”! Mais le sermon s'appuie aussi sur un art véritable de la démonstration
nous distinguerons deux types d'emplois : la citation-thème, introductive, dont le développement
Pour persuader, le sermon doit être construit de manière N'est-ce pas ce qu’essaie de
faire l’acteur du Sermon de grant value, lorsqu’après avoir montré, dans sa première partie, par une très longue énumération que “‘numerus stultorum est infinitus’’, alors que “multi sunt vocati, pauci vero electi”, il prend plaisir à énumérer, dans la seconde partie,les actes qui peuvent faire ranger
constitue le sujet même du sermon, et la citation conclusive qui sert à appuyer sur l’autorité des
Ecritures la conclusion à laquelle on est parvenu par raisonnement déductif Nous rapprocherons de cette dernière la citation - “charnière” qui sert à ponctuer une étape du raisonnement les parodies les mieux faites, nous retrouvons cette double utilisation de la citation
quels peuvent se reconnaitre tous les membres de l'auditoire, ce qui crée un effroi burlesque parmi ces derniers et les amène à demander au prédicateur les moyens de se sauver Dans le sermon on passe en quelque sorte du général et de l’abstrait à une application restrictive et concrète sur l’au-
- il développe le thème de la citation initiale, laquelle revient à chaque fin de partie ; - il utilise la citation comme point de départ d’un raisonnement
- il a recours à la citation conclusive de point de partie :
“Et pour le vray dire, telz folz
Sont contens de la gloire avoir Du monde et rien sçavoir
d’une sainte colère contre ceux qui, en dépit de tout, soutiennent Martin contre Colin.
Mais sans aller jusqu'à ce désir de créer un effroi salutaire, le sermon-ou chacune de ses par-
Premier vent, le vent du vin (v 118-170).
La première atteinte de ce vent est aussi douce que la légère caresse de la brise, car d’abord
:
“La question est difficile Vous avez dedans l'Evangile Multi sunt vocati, pauci vero electi. Que dit cela ? Cela veult dire...”
ditoire présent. Dans le Sermon de la choppinerie, l’effroi est crée par la simulation,sur la scène,
ties - peut être construit en crescendo et prendre une ampleur croissante ; enflure progressive qui conduit a la peur, dañs le but de mieux persuader. C’est ce qui se passe dans chacun des quatre Points du développement du Sermon des IV vens. Examinons brièvement la partie consacrée au
Dans
C’est ce qui
se produit dans le Sermon de grant value :
un homme au nombre des fous ; car ces actes sont ceux qu’accomplit tout bon vivant et dans les
“Tl engendre joye et deduict Y faict croistre bonnes humeurs Comme Zephirus faict les fleurs”
car toucher par l’effroi
ne suffit pas, il faut aussi prouver. Et ceci implique un usage particulier de la citation pour laquelle
Au niveau de l’esprit du sermon, elle se manifeste dans une construction progressive qui s'inspire de l’art de persuader propre au sermon. Maillard ne déclare-t-il pas : “Et c'est de quoy je veulx
. ”.
Et ce vent terrible porte avec lui le péché de chair :
Suit un exemple des ravages attribues à ce vent : l'exemple de Loth. Ce qui donne une valeur mo-
Il vous feroit rougir le front.”
à faire naître en sa fin une saine et sainte terreur au coeur du pécheur.
“ Y faict gens chanter, parler Saulter, triquer, tumber, baler Abatre ung huys, rompre une porte ; Y semble qu'un diable l’emporte, Tant esmeut un terrible orage ”’
Nous
“Or ça seigneurs qu’en dictes vous ? Par vostre foy, a il nulz foulx Icy de ceulx queje vous ditz ? Or vrayement j’en voy plus de dix Devant mes yeulx. Ce n'est pas jeu Ha! Se Moyse fust en ce lieu
SUADER en mi le thesme allegué
Mais le rythme s’accélère
bientôt, le style devient haché, apre ; la brise s’est enflée jusqu’à l'orage :
;
“Or ça je demande une question Sy on me veult faire response” (sermon d'un cartier de mouton), Mais c’est aussi, comme dans les sermons de Maillard, l’attaque et la dénonciatio n vengeresse des pécheurs de l’auditoire, car Maillard n’hésite Pas a reprocher vertement aux puissants leurs vices
qu’il dévoile au grand jour
C’est sur un rythme lent, en employant un vocabulaire noble, recherché, poétique que l’auteur nous rapporte les effets de ce vent qui “‘aguise l’entendement”
Quomodo
nix in estate, et pluvia in messe
Sic indecens est stulto gloria. Proverbio vigesimo sexto capitulo.”
D’ailleurs la plupart des citations de ce sermon, comme cette derniére, sont exactes : la citation-thème est effectivement tirée d’Esaie : (V-21) “Malheur à ceux qui sont sages à leurs yeux.” ; d’autres sont empruntées aux auteurs latins sur lesquels reposait la culture médievale, ce qui laisse à penser que l’auteur du sermon était un clerc. De plus,elles répondent toutes à un critère d'utilité
dans le raisonnement, ce qui est le gage d’une parodie précise et d’une volonté d'identification profonde au personnage parodié.
Mais l'emploi de la citation peut ne pas répondre à ce critère d'utilité. La citation peut en effet être employée aux mêmes endroits que dans le sermon sérieux, mais avec une valeur satiri-
65"
- 64que. Elle apparait alors a intervalles quasi réguliers, sans intérét autre que de ponctuer les phrases
seulement sur le respect
de sonorités latines, et elle remplace alors sa traduction française ou la double.
du sermon sérieux, On pousse ce respect jusqu’à imiter les procédés par lesquels le prédicateur
C’est ce qui se pro-
duit dans le Sermon de la choppinerie :
sérieux essayait d’agir sur le public devenue : “‘une structure sérieuse
L'utilisation de la citation est ici conforme au but poursuivi : nous avons là une pièce d’écoDe ce fait, les ci-
tations ne seront pas exactes, mais forgées de toutes pièces pour les besoins du discours
et de la
satire, et souvent suivies de leur traduction sonore en faux sens volontaire, effet comique s’il en est :
2. — LE FOND
à un fond burlesque.”
ou LES SOURCES
DU
RIRE
Il est évident que, dans ces textes, le comique est d'essence parodique et que les moyens de provoquer le rire sont 1165 ἃ la structure. Si celle-ci est minutieusement respectée, le comique résidera surtout dans le ton et l'attitude adoptés par le sermonnaire ; si elle est moins fidèle, le comique reposera plus sur le fond que sur le ton. A la limite, nous retombons sur les sermons dans les-
a) Comique de ton et d’attitude. Nous retrouvons ἢ toutes les nuances que nous laissait présager la manière dont était utilisee
N’aussi en cruches ne en celiers.”
Les citations en latin de cuisine sont donc ici principalement destinées à provoquer le rire et, seuls place et leur retour quasi régulier ont valeur parodique au niveau de la structure. Mais le
fait que la citation soit détournée du role qu’elle a dans le sermon sérieux ne retranche rien 4 la valeur dramatique du texte, car la parodie y est double : parodie d’un sermon sérieux, mais aus
la structure fondamentale et plus particulierement la citation Dans les pièces où la structure parodique reste tres fidèle à la struture de départ, nous observons une unité de ton ; le prédicateur provoque le rire par le maintien continu d’une attitude sérieuse et le comique naît de l’opposition entre l'attitude et les propos. C'est ce que fait le prédicateur du Sermon de grant value,
si parodie d’un comportement pédantesque. La citation conclusive peut aussi être remplacée,quant à son rôle et à sa place,par une comparaison allusive à des héros bibliques ou antiques : Absalon, Virgile, Samson, Aristote, Alexan-
L’intention satirique peut enfin aller jusqu'à la déformation volontaire de la citation latine de départ, qui est alors forgée de toutes pièces :
volontaire que l’auteur fait subir au latin et qu’il met en relief en déclarant : “Ce n’est poinct petit latinot” (v 81) Néanmoins, pour respecter la structure du sermon, cette citation revient ponctuer chaque
partie; mais elle a plus un intérêt comique qu'un véritable rôle dans la structure. Nous sommes à la limite au delà de laquelle le sermon deviendrait simple monologue. On constate donc, dans tous ces sermons, une volonté évidente de bâtir la parodie non
lorsque, parlant ‘‘des différentes catégo-
“ Telz sotz si se treuvent en court Et maintesfoys mengent le pain ies A plus folz que eulx ; il est certain.
D’ailleurs il manie plus volontiers l'ironie que la diatribe, notamment
lorsqu’il parle des jaloux
“Tlz ont femme honneste, gracieuse Belle, plaisante, amoureuse, Mesnaigere, fort diligente Et de mal aussi innocente Que Judas de la mort de Jesus "Δ
De bene grasse vivendy.” (Sermon d’un cartier de mouton)
burlesque par une citation sérieuse La valeur comique n’est due qu’au son et à la déformation
pas de violence
ries de sots, il attaque la cour :
“ῬΠΟ vos qui escoutatis Ouvrant grandos horeillibus Ego monstrabo lardibus
conséquence
dont le ton reste d’une apparente fadeur doctorale et uniforme
sans emportement, même dans la satire
dre, Abélard .
On enlève donc à la parodie la saveur qu’elle avait lorsqu'on justifiait une
BURLESQUE
appliquée
quels la parodie n’est qu'un simple artifice de presentation
“La boisson des nobles suppots Laquelle ne gist pas en pots Des communs vins, je le vous lo, Nec signum crucis in celo,
leur
Ce qui laisse à penser que les auteurs avaient pris conscience
de la valeur dramatique que recèlait une parodie bien conduite et que la recette du genre était
“ O quam sunt illi beati Qui pevent boire de ceste huille ! ” (v16-17) “ Certe ut tibi per metrum Certes on te tient pour bon maistre . .. ” (v 24-25) “Poutant disiez vous de illo Qu'il estoit vir magnus bello .. . ” (v 123-124) liers qui tournent en ridicule les manères pédantes de leurs doctes professeurs.
minutieux de la structure, mais encore sur celui du ton et de l’esprit
ou humour
: ne déclare-t-il pas au mari,en faisant semblant de partager ses SOUCIS . “Quel desplaisir te faict ung personnaige S'il te croist ou eslargist tes biens !
Et il considère le monde avec le détachement que requiert son rôle et que met en valeur la maniè-
re dont il traite de la répartition géographique et sociale des fous Sa méthode comique consiste à procéder à une égalisation de tous dans le domaine de la folie N'y a-t-il pas un certain humour
les medisants : dans la manière dont il feint de considérer, a egalite de degré, les fous véritables et
“ D'aultres combatent a leur ombre Car leur umbre leur faict encombre ; L'ung fait la moue et si rit a par soy, Yaultre se plaint et si ne sçait de quoy, à Et les aultres sans nulle faulte Prennent plaisir a compisser l’ung l’aultre.
286i
67:
Le comique du ton peut aussi se traduire par une recherche parodique d’un crescendo au niveau de l’ensemble (Sermon de grant value), ou au niveau de la partie (Sermon des IV vens,). Ce
b) Le comique thématique 1) les thémes traditionnels.
comique du ton est d'ordre dramatique, car c’est le ton convenant au rôle qu’il s’est fixé,qu’adopte le sermonnaire Lorsque la parodie est plus lâche, et prend un aspect satirique plus marqué, comme c’est le cas dans le Sermon de la choppinerie, le comique de ton peut être appuyé par un comique d'ordre scènique, le récitant ayant recours au déguisement, ce qui suppose une attitude parodique légère-
En guise d’exhortations morales, tous nos prédicateurs se bornent à conseiller à l’auditoire : “ De folyer ceste saison De nuyct et de jour sans se coucher ” (Sermon de grant value) et,pour ce faire,quelle autre attitude adopter que celle du sermonnaire des IV vens : “Je prie a Bacus et a Venus” (v 396)!
naître le rire sont ils ceux que nous avons déjà rencontrés.
ment forcée :
Le vin : c’est évidemment le dieu vers lequel sont adressées les prières : — “In nomine Bachi. . .”(Sermon de grant value)
“Je tiendré le lieu du docteur De Et Je Et
Martin, son sectateur, quant il sera hors ma teste, tiendré le lieu pour la feste respondre, (de) l’opposant
“Vers Bachus nous retournerons Tous ensemble et le saluerons D’ung vouloir parfaict et bening En beuvant ung verre de vin.”’ (Sermon de grant value)
De Martin qui moult fut duisant Au bon Colin plus que nul aultre.
Ou est ce beau chappeau de fauldre Queje face ung peu du gos bis.” (v 89-97)
et on loue ses mérites: “Ttem, il aiguise l’engin. Desmue toy d’ung broc de vin
Il te esclarcira le cerveau
eo ; ἢ τὸν Lorsqu’enfin la parodie est trésἥν lâche, au heu de se borner a imiter le ton du sermonnaire sérieux, l’acteur le caricature explicitement: c'est ce qui se produit dans le Sermon des IV vens et, à une échelle plus grande, dans le Sermon d’un cartier de mouton.
Net comme la teste d’un veau. Item, mais je croy que c’est fort, On dit que se ung homme estoit mort, S'il alloit boire de ceste huille, Il vivroit ; ce dit l’Euvangille ” (Choppinerie. v 222-9)
L'acteur se pose en s’opposant
de manière légère :
ou fortement appuyée comme
vers à sa présentation
:
“Mais avant que d’icy partés Et que procede plus avant, Je vous recommande devant Nostre convent qui est oyseulx . . . ’(Sermon des IV vens)
dans le sermon d’un cartier de mouton dans lequel il consacre 45
“Je “Je “Je Ny
A
ne presche poinct au moutier’’ (v 23) suys un bon frere Frapart” (v 35) ne suys poinct ung recepveur ung plaignart en une chaire.” (v 31-32)
la limite d’ailleurs, tout le sermon peut être consacré à la présentation du sermonnaire et de
son ordre : c’est ce qui se produit dans le Discours des friponniers où le sermonnaire explique qu’il préche : “En bon françois de point en point
Car de latin je n’en sçay point.”
Il ne fait que jouer le rôle du personnage qu’il crée : parodie et ton sont d’essence caricaturale.
Le comique nait donc de trois attitudes possibles : l’imitation exacte, limitation parodique et limitation forcée, caricaturale.
Mais dans ces trois cas, le rire, qui naît de l'interprétation scéni-
que, n’a pas la même qualité, car il est provoque soit par le ton, soit par l'attitude, soit par les ges tes et paroles de l’acteur. Il y a la comme une sorte de hiérarchie du rire qui était fonction du niveau mental de l’auditoire.
Aussi, les deux thèmes de prédilection utilisés pour faire
Les sermonnaires abondent en éloges burlesque à son égard, car “il engendre joye et desduict” ; (IV vens. v 133) aussi n’est-il pas étonnant que l’on ne s’en lasse pas :
Et
“Car tant plus on va l’encorner Tant plus y veult on retourner.” (Choppinerie. v 245-6) si,par hasard, les auteurs font semblant de le condamner ce n’est que pour mieux en montrer
la puissance.
on auLa danse : dans la mesure où, comme le clame Villon, la danse vient de la panse, rait pu penser que le prédicateur trouverait en elle un theme de choix ; pourtant le seul à y penser est celui du Sermon des IV vens : c’est le vent d'instrument. Encore n’est-elle employée ici que
comme moyen, l’auteur provoquant le rire par la seule description des effets visibles de la musi-
en fait provoquer que lors d’un bal villageois qu'on regarderait en se bouchant les oreilles : c’est le rire par l’image du pantin, chère à Bergson :
“ Se vent leur soufloit a l’horeille Et les faisoit saillir en haut Faire un tour, un souple saut,
Les vist aller, puys reculer. Aucuns faisoient les bras branler ;
L'un marche avant, l’aultre s’avance
Au loing ; au meileu de la dance Se metoyt pour faire virades . . . (IV vens. v 183-196) sexuels qui constitueront tout naturel Evidemment le vin et la danse conduisent aux désirs
- 68 -
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lement le second thème de predilection du sermon burlesque
Le sexe : c’est le recours habituel a la grivoiserie, à l’obscène, au scatologique ou au thème de la femme perverse et de l'amant transi.
Bien souvent l’acteur recherche la grossiéreté,
l’image obscène ou l’allusion scabreuse : le vent du vin “
abat c’est chose prompte La femme en bas ; puys l’homme monte,”
Les allusions sont nombreuses dans le Sermon des IV vens ; elles constituent d’ailleurs l’essentiel du récit. Parfois c’est une parabole qui est développée comme
dans ce conseil au nouveau
L'amant : Autre personnage, autre thème qui fait son apparition dans le sermon, l'amant martyr, en proie à la folie du “vent de chemise” et allant de déboires en déboires, selon la tradition qu’exploitera par le monologue d’amoureux. ‘ N’estes vous pas bien abusez Foulx estourdiz et incensez D’estre tant comme la nuyt dure A la pluye, au vent, a la froidure Les dentz cliquetant a la gorge Aussi dru que marteau de forge .. . "(Sermon de grant value) Attitudes et images stéréotypées, mais chargées d’un pouvoir comique certain :
“ Resemblent les chiens a la lune Ses sotz...””
marié : “Voyla contre une paroy Ung pertuys. Tu y mes le doy : Et l’aultre vient qui luy boute Ou cing ou six tout d’une route. Et par ta foy, n’es tu pas beste De t’en rompre ainsi la teste. Si le pertuis ilz emportoyent Je dy que bien se forferoyent. Mais il demeure en son entier Et si en venoit ung milier Ja pour ce n’en amoindrira.”’ (Sermon de grant value) Mais n’oublions pas que la verdeur n’avait rien que de normalau XVe siécle. Aussi le sermonnaire du Cartier de mouton peut-il demander à son auditoire de prier pour :
Mais le plus souvent le récitant se contente de présenter l’amoureux comme un pantin mû par un ressort indépendant de sa volonté, en butte aux deboires traditionnels : “ Y faict l'homme courir en rue Et paser en une saison Cent foys devant une maison Et s’une foy il ne claquete, Du moins il baise la cliquete” (Sermon des IV vens. v 247-251) “Y vient. Quelqu'un luy renverse
Un pot a pisser sur la teste.” (Sermon des IV vens. v 285-186)
Mais en plus de ces thèmes traditionnels, l’auteur a recours à la satire sociale ou politique qui fait naître un rire vengeur à l’égard des puissants.
“νος toutes gracieuses dames Qui font fourbir leur babiniére.”’ (v 147-8) et se permettre le scatologique le plus osé :
2) La satire. Outre les passages où elle est dirigée contre la femme et l’amant, elle apparaît ici et là dans
“Et mon amy, faict ton aumosne Luy di-je, au piller de la foy, Vouecy mon cul, fique y ton doy ! ” (v 224-6) Néamoins le recours à l'obscène et au scatologique n’est effectif que dans de très courts passages, disséminés ça et là, et seul le sermonnaire des IV vens consacre un point entier du dévelop-
les textes, ou se concentre dans les prières burlesques.
Lorsqu'elle apparaît disséminée dans le texte, elle est l’occasion de pointes dirigées contre les grands ou, traditionnellement, contre le clergé. Parfois virulente comme dans le Sermon d’un cartier de mouton, dans lequel les sermonnaires sérieux sont accusés de contrefaire les “papelars”’ “afin qu’on leur donne a souper”, elle reste le plus souvent générale comme dans le Sermon de
pement au “vent de derriere”.
grant value, lorsque le prédicateur s'attaque aux sots glorieux ou déclare : La femme
“ L'on a bien veu par plusieurs foys De sotz papes et de sotz roys Sotz empereurs, cardinaulx, archevesques.”
: elle est peinte selon la tradition, comme perverse, sensuelle, batailleuse.
Pour le sermonnaire du Sermon de grant value, c'est une “‘beste’’ qui ‘‘de mal faire ja ne se gardera” et qui a déçu les plus grands et les plus sages, Samson, Aristote, Virgile .. . D’ailleurs, déclare-
Ce passage
étant inclus dans une longue énumération, sa virulence s’en trouve atténuée.
t-il : “Qui vouldroit escripre des femmes Il faudroit de papier Dix rames. Toute femme fillant quenoille
Est plus sotte que n'est Gribouille.”
Elle ne songe qu’au plaisir, sans fidélité aucune
. alors que son amant se gèle à la porte, elle se ré-
jouit dans les bras d’un autre :
Quant à la prière burlesque, elle correspond aux
exhortations à la prière des sermons sérieux,
mais elle en est l’image “ἘΠ creux” car elle consiste à demander pour certaines catégories sociales
honnies du peuple, tous les maux qu’on leur souhaite habituellement, Elle s'étend sur 43 vers dans le Sermon des IV vens et sur 56 vers dans le Sermon d’un cartier de mouton et témoigne d’un esprit satirique voisin de celui qui se retrouve dans la sottie. C’est une satire des métiers du commerce dans
........... . .qui la secourra Au son de ta plaisante aubade.” (Sermon de grant value)
-«Ἴ0-
sat
une conjoncture de vie chére : meuniers qui volent sur la quantité de farine ἃ rendre (IV vens : w 66-69 ; cart. vv 155-8), boulangers qui trompent sur le poids du
pain (cart. vv 159-162), bou-
chers qui vendent de la mauvaise viande (IV vens vv 62-65), taverniers qui brassent le vin (cart. wy 150-154), tailleurs qui retiennent le tiers du tissus sur l’ouvrage qu’on leur apporte à faire
(cart. vv 181-184), tanneurs (cart. vy 163-166), marchands de chevaux, voleurs impunis (IV vens vv 47-57), serruriers et maréchaux qui empêchent les gens de dormir (cart. vv 167-172), barbiers dont le travail laisse à désirer (IV vens. vv 70-73), sergents, religieux qui ne songent qu’a la jouissance et :
“ Qui ont des grosses chambrieres Secrétement sans qu'on le sache.” (Cart. Vv 140-141) Les femmes n’y sont évidemment pas oubliées (IV vens vv 74-85
ployés
pour faire rire. Mais l’auteur en emploie d’autres dont la valeur a été éprouvée : ce sont des procédés qui relevent du comique verbal et visent a créer, le plus souvent, un effet euphorique. On peut distinguer ceux qui s’exercent au niveau de la constructio n, au niveau de l'esprit et au niveau de l’imagination 1) Niveau de la construction
géographique puis sociale, Cette énumération vise moins à créer un chaos sonore, comme dans les
; Cart. vv 144-148 et 177-180)
cris, qu’à donner l’impression que cette “maladie” déferle sur le monde comme un raz-de-marée :
Nous retrouvons là tous les métiers qui seront attaqués dans la farce. Cette prière se déroule genéralement sur un mode uniforme, véritable litanie comique
: ce sont l’énumération et l’accumulation fatrasique,
- L’énumération est un procédé frequemment employé dans nos textes. Le meilleur exemple en est la seconde partie du Sermon de grant value dans laquelle elle prend une valeur démonstrative. La sermonnaire consacre en effet 115 vers a l'énumération des fous selon leur répartition
“ Foulx gascons ont legiere teste
Ils courent fort comme tempeste.
:
Après, nous avons tout en bloc Un tas de foulx de Languedoc,
“Nous prirons pour ces taverniers
Qui sont souvent si coustumiers
Foulx de Guyenne et de Quercy
A brasser le goust du ressin Qui puissent estre en leurs seliers Noyés avecque leur brasin. Prions pour ces loyaux muniers
Qui puissent aller tous mitrés En paradis a reculons.
Prions Dieu pour....... ” (Sermon d’un cartier de mouton)
Rouergue et Tholose aussy Soit en leurs faictz ou en langaige De cent ung n’en a pas ung saige ; Foulx d’Avignon et de Provence...”
L’énumération est ici employée avec une valeur différente de celle qu’elle
a dans le Monologue
des nouveaulx sotz de la joyeuse bende (37) dont les 125 vers sont repris et développés dans le
Tout le comique vient ici de la nature des souhaits qui extériorisent les désirs de vengeance du peu-
Monologue des joyeulx sotz de la nouvelle bende, lequel comporte 298 vers et était vraisembla-
ple et lui permettent, après celle des instincts, une libération de l’esprit.
blement destiné à des lecteurs (38).
Ce désir de vengeance peut aussi se traduire dans une parodie de caractère dramatique, comme
dans le Sermon de la choppinerie
où l'acteur joue le rôle d’un docteur dont il imite le ton en le dé-
Dans le premier des deux monologues, l’énumération, véri-
table délire verbal qui va jusqu’à l’essoufflement, crée un chaos sonore par une juxtaposition de substantifs ou d’adjectifs. Le monologue
se compose d’ailleurs uniquement de deux énumerations,
l’une de “tous les sotz de la province” qui sont placés sous la juridiction du prieur des Andouilles :
gradant :
‘ Sotz glorieux et sotz cornuz
“ Tel cas requiert Martin avoir Ut probabimus ergo clicq Quando vos arguitis sic.” (v104-106)
Mais le comique ne naît pas exclusivement des thèmes, il vient aussi de l’emploi de certains procédés.
Sotz grans, sotz petis et moyens,
Sotz villageois, sotz citoyens, Sotz gras, sotz maigres, sotz refaitz ..
”
et elle se poursuit ainsi sur 40 vers ; l’autre, de toutes les victuailles allouées au prieur pour nourrir sa joyeuse bande : “Quatre muys de bles mis en miches ; Douze sengliers, Six cerfs, neuf biches, Soixante oysons, trente chevreaulx Et la chair de quatre vingt veaulx, Cinquante hepvres, cent congnins, Et autant de petis lapins ; Deux cens paons, trois mille chappons . . . h
c) Le comique technique ; les procédés du rire.
Il est bien évident que tous ces textes utilisent au niveau de l’ensemble le procédé du sérieux dégradé ou de la transposition de registre, que ceci se marque par une opposition entre le conte-
nant et le contenu, comme c’est le cas dans le Sermon de grant value, ou par une transposition même du contenant, et nous faisons plus particulièrement ici allusion à l’utilisation de la citation
et ce, sur 45 vers.
macaronique dans le Sermon d’un cartier de mouton
uniquement la longueur et le décousu. Mais l’auteur s’appuie aussi ‘sur la magie évocatrice du nom-
:
“Ego monstrabo lardibus De bene grasse vivendy” (v 13-14) La parodie et l'identification qu’elle implique sont évidemment le premier des procédés em-
Le but de ces énumérations étant de créer l’euphorie par le verbe, on recherche
|
bre appliqué à des termes désignant des victuailles. C’est là un verbalisme qui fait appel a l’imagination et à un plaisir trouble, auditif, sensuel, gustatif, Mais ce verbalisme sait aussi, parfois,attein-
dre la pureté pour devenir simple plaisir esthétique fondé sur l'accumulation de termes bizarres et
| il
:72%
-75-
la répétition de sons, plaisir auditif pur avec les jeux d’André de la Vigne dans les Complaintes et
ou improbables par des acteurs qui sont, en raison de leur nature ou condition, incapables de les
Epitaphes du Roy de la Bazoche :
accomplir”. Chaque poème est une énigme recherchée, l’aboutissement d’une expérience cons-
“ Au point perfis que spondille et musculle Sens vernacule, cartilage auriculle
ciemment tentée pour réaliser, sur le plan rationnel, l'absence totale de raison.” (39) Ce dernier sermon, d’ailleurs, est un véritable pot-pourri de non-sens, d’allusions scatologi-
D'Isis aculle Dyana crepusculle
Et l'heure aculle pour son lustre assopir, Aurora vient qui la cicatricule, Emmatricule et la neige maculle, Adminiculle, reculle et fait cropir, ” Mucer, tapir, farestrer, acropir .
ques, de plaisanteries obscènes, de satire des moeurs du temps : “ Parleray je de gens de court Ou praticiens en court laye ? Assez bien contrefont le sourt Qui ne leur aporte monnoye.”
“ L'indice disse s’en ton divice vice, Service veisse, mais ta malice lisse...”
d’attaques précises, notamment
contre le collège du cardinal Lemoine
, d’énumérations comme
on pourrait en trouver dans les monologues de charlatans :
“Porte, oste de telz sours soubz soubscris Soubz crys, gris, gros, gras, grans, griefz descrips.”
“Jay veu des choses de merveilles J’ay veu flateurs avoir grand bruyt J'ay veu leur couper les oreilles .. .”
Ce sont là d’ailleurs des jeux de rhétoriqueur pour qui la forme et la versification priment le sens : recherche de rimes équivoquées , douzains entiers composés d’accumulations de termes commençant par la même lettre...
;
. A ce stade le procédé de l’énumération a atteint son point limite
D’ailleurs au théâtre on ne le trouve guère dans cet emploi que dans les “cris” de la sottie qui se pré-
taient facilement à l'invention spontanée. Les vers d'André de la Vigne défient toute invention spon-
le tout entrecoupé de chansons. C’est en fait plus un monologue qu'un sermon. Le jeu scénique en est différent, le rythme plus vif ; l’habituelle structure du sermon, avec ses citations,n’y apparait pas et l’acteur entre en scène avec la vivacité coutumière aux débuts de monologues : “Je demande a la compaignie Se c’est ceans que dois venir ? Vecy assez bonne raison Dictes le moy sans plus mentir.”
tanée comme toute mémoire, - L’accumulation fatrasique est voisine de l’énumération ; elle consiste en un enchainement syntaxique continu dont chaque terme n’a de rapport ni avec celui qui précède, ni avec celui qui suit :
joyeux, car on y Il est cependant possible que nous ayons la un texte refait à partir d’un sermon ans lequel préambule,d le distingue très nettement les trois grands temps traditionnels : d’abord
par une suiles chansons remplacent les citations latines, qui sert à mettre le public en condition l’acteur sur de déclarations de ponctués et propos te de traits décousus dans le genre des Menus
“Et d’un homme qui devala En enfer pour voier grand pere Qui le vit en grant vitupere La ou il estoit tout estendu Peu s’en fault qui ne fust pendu,
son rôle :
“Je viens icy (pour) faire ung messaige Maisje ne sçay queje dois dire.”
Et ne tenoit qu’à un rateuil
Tant seulement pour un breuteuil Qui derobit devant la messe En une bonne fileresse Qui filoit pour nostre couvent.” (Sermon so
vv
cartier de mouton
L’art consiste à changer constamment de registre, du sacré au profane, de l’abstrait au concret . . -etc
Ce procédé n’est ici employé que dans le Sermon d’un cartier de mouton et encore très maladroite-
ment. Mais on le retrouve dans le Sermon joyeux d’ung fol changeant divers propos : ‘* Car les celiers de paradis Seront voultés d’une montaigne Qui est en la mer de Bretaigne, Lardee de clou de giroffle Et y doit venir Saint Christofle Monté dessus ung lymaçon ; Avecques luy vient un maçon Pour faire en paradis un mur
une satire sociale pleine de souset, sans risques, l’auteur peut dans son premier temps se livrer à brutalement, après 75 vers, sur : s'arrête entendus, satire de la mode, de la Cour, de la Justice, qui
“Diray je tout ? Ha! se j’osoye Je parleroye bien aultrement.
Mieux vault soy taire sottement Que trop saigement en parler.”
e à nouveau le voile protecteur de la folie pour Puis par une habile transition, notre acteur recherch il développe une attaque virulente contre le collèpasser au deuxième temps (59 vers) dans lequel événement récent. Après quoi, notre homme retrouge du cardinal Lemoine-qui évoque sans doute un Sa folie : ve l’allusion scatologique et insiste à nouveau sur
De beurre et de formage dur . . . ” (v 59-67).
Nous retrouvons bien dans ce passage une grande partie des caractères par lesquels
et quelques plaisanteries sur Puis après quelques traits scatologiques, une accumulation fatrasique ère burlesque de la folie est créée son costume, l'acteur termine sur une chanson. Dès lors l'atmosph
Lambert C. Porter
définit la fatrasie. Selon lui en effet, “Toute fatrasie doit, pour avoir droit au nom, être “impossible + c’est à dire faire accomplir de façon invraisemblable ou impossible des actions également impossibles
“ J’ay leu en tant de librarie Que j’ay l’entendement perdu.” TR Re ‘ ; FE permet d’attaquer en quelques pointes ceux qui veulent parvenir à tout prix, être ce qui lui
chee atl
“mai
= =
-74-
“Honora patrem et matrem L’onnourable patron et maistre.
“Maistre quoi ? Dea maistre regent...” Et il termine par : “Quant à moy, je n’y entens riens. Parlons d'amour . . . ”
Art du contraste donc, de I’inattendu, de la pointe habilement assenée et tout aussi habilement noyée dans le contexte général de vagabondage comique et de folie. C’est là une pièce qui présente
Ce sont parfois des jeux de mots traditionnels à la rime : ‘’passaiges” ’’pas saiges’’ (Sermon de grant value). C’est encore la création burlesque de noms de saints : l'amant ne trouve le bonheur qu’: “En faisant le pelerinage Et le voyage Sainct Bezet ”
tous les caractères et le ton d’une sottie .. . à une voix. Mais l'esprit du sermon joyeux n’est guère
éloigné de celui de la sottie, non plus que les procédés.
2) Au niveau dujeu d’esprit : ce sont surtout la devinette et le jeu de mots. - Le jeu de devinette, II n’apparait guére que dans le Sermon d’un cartier de mouton
En fait le jeu de mots ne s'élève guère qu’au niveau auditif, et appuie la conclusion précédente. 3) Au niveau de la mémoire et de l'imagination, le rire est provoqué par des allusions a
:
“Or ça je demande une question Sy on me veult faire response : A savoir mon sy une ronce
Et une ortie est tout ung ? ”
Ce jeu de devinette peut être rattaché à la technique de participation laquelle, nous l’avons vu, éétait fort utilisée par les sermonnaires pour susciter l’attention et l'intérêt de l'auditoire. Le prédi-
cateur du Sermon d’un cartier de mouton compose toute la première partie de son sermon d’une
suite de sept questions. Cependant la question est ici détournée de sa finalité première : elle sert à surprendre le spectateur pour mieux amener le rire par le manque d’originalité de la réponse donnée par l’acteur : “Lun et l’aultre piquent y pas ? Que c’est tout un, sans plus huer” De la même manière, à la question de savoir si un chien peut être vert, il répond ; “Item sy se ventrouille a l’erbe
des situations connues par les textes sacrés ou les farces, et par le choix des images et des comparai-
sons. - Les allusions aux textes faisant partie du fond sacré ou profane : En général elles vont de pair avec la satire des femmes
Par le sang bieu, c’est bien chien vert ! ”
Plus que jeu d’esprit, il y a ici appel au bon sens empirique. Le rire naît en fait de l’opposition entre le sujet inhabituel de la question,qui suppose un effort intellectuel, et la réponse qui repose sur le bon sens et l’expérience, ce qui tendrait à prouver que ces pièces étaient destinées à un public bourgeois ou populaire, plus à l’aise dans le concret que dans la subtile rhétorique cour-
toise. D'ailleurs tout le théâtre de l’époque est marqué par cet effort de concrétisation qui, dans
la sottie devient un véritable procédé comique.
- Le jeu de mots : peu élevé dans ces textes , il prend le plus souvent une allure de moquerie car il est presque toujours lié à l'emploi de la citation latine : “Ego monstrabo lardibus De bene grasse vivendy” (Sermon d’un cartier de mouton)
Loth, Virgille, David et Absalon, Aristote, Samson (Sermon des IV vens. Quant au nom de Nabupour ses consonances baroques, comme dans les fatrasies.
- Les allusions aux farces : Quoiqu'il soit difficile de l’affirmer, il est vraisemblable de penser que le fameux
: “Quel desplaisir te faict un personnaige S'il te croist ou eslargist tes biens.”
adressé au mari par le prédicateur du Sermon de grant value, est une allusion à la Farce de Colin de derrière : qui loue et despite Dieu (40). De même les vers du Sermon des IV vens relatifs au vent
“Sy soufle entre l’homme et la femme Y repute l’un l’aultre infames” (v 370-1)
que la description des sont vraisemblablement une allusion à la Farce du pet (41). Rappelons enfin, nous en donnent les amoureux (Sermon de grant value et des IV vens) est conforme au modèle que
monologues d’amoureux. les comparaisons gar- Les images et comparaisons : Assez peu nombreuses dans l’ensemble, a la vie rapportent se plupart dent ce caractère concret que nous avons observé par ailleurs. La
animale :
de grant value) les amoureux “ressemblent les chiens a la lune” (Sermon les femmes sont des “‘bestes”
(à valeur d’antiphraElles sont employées soit pour peindre, soit pour créer des effe ts de contraste se) :
Il apparait fréquemment dans les rimes de la Choppinerie, où le mot latin rime avec sa traduction auditive, jeu d’écolier qui est une satire de l'emploi du latin par les cuistres à des fins purement δ"
; on rappelle Salomon, Samson, Aristote, Virgile (Sermon de grant value),
chodonosor (Sermon d’un fol changeant divers propos), on peut penser qu'il est surtout employé
Et il en demeure couvert
ditives ; ce sont aussi des traductions en faux sens volontaire :
. . "(v 163-4)
“Et proelio Martis habent Et pour l’eaue que Martin a beue . . . ’(v 300-1)
les femmes sont :
“ Nous prirons pour ces bons sergens n d’un cartier de mouton) Qui sont aussy doulx qu’elephant”’ (Sermo
: “ .. de mal aussi innocente de grant value) Que Judas de la mort de Jesus” (Sermon les pointes obscénes dans quentes elles aussi, elles sont employées
Quant aux images, assez peu fré
Pay 7
PT -
ou scatologiques comme lors de la démonstration de lattitude irraisonnable du jaloux par l’argument du trou et du doigt
vendencium” qui est développé selon le plan d’un sermon
Dans la mesure où il n’est ici que rapporté et non exécuté, nous pourrions ajouter dans cette même catégorie, le geste comique qui vise à montrer l'homme sous un aspect animal ou sous l’aspect d’un pantin. C’est, dans le Sermon des IV vens, l’image des danseurs que l’on regarde en se bouchant les oreilles ; c’est, dans la Choppinerie, l’image du combat burlesque : “’Sainct Jehan nous nous entrebatron Aux ongles et aux bonnes dens.” (vv 285-286) ;
rir et sont ainsi responsables de la famine. Puis le sermonnaire consacre sa première partie à ridiculiser ceux qui, astrologues ou autres,
temps du sermon est consacré à faire peur aux fautifs en les menaçant de la damnation
:
‘ Aussi seront des usuriers cent mille Qui ont regné et regnent a present Desquels sera au Dyable fait present ; Aussi de ceulx qui ferment leurs greniers Et povres gens exposent aux dangiers De mort cruelle et d'extrême famine.” (v 98-103)
grant value :
“Petite pluye abat grant vens” (v 357) ; quand on sait «ες ἰδ, vent en question est le “vent de
ont prédit la famine et ont ainsi amené tous ceux qui pos-
sédaient des vivres à les dissimuler, et par là, à favoriser la réalisation de la prédiction. Le second
c’est enfin la totalité des gestes inconsidérés qui présentent l’homme comme fou dans le Sermon de
“L’aultre en mengeant va cifflant a la table Lesautres prennent leur soulas et delict Toute la nuyt chanter dedans le lict ; Aulcuns si vont frappant de huysen huys ; i L’aultre est plus sot qui crache en ung puys...” Nous pourrions enfin classer dans cette catégorie les emplois cqmiques de proverbes, dans la mesure où ils sont employés comme image pour traduire un acte concret et humain. Nous ne citerons comme exemple que l'emploi que le sermonnaire des IV vens fait du proverbe :
dans le préambule duquel l’auteur ap-
pelle ia malédiction divine sur les usuriers et sur ceux qui, en stockant les grains, les font renche-
Le ton violent :
“ Faulx usuriers et boullangiers infaitz Qui contrefaitz avez vostre mestier Et n’estes dignes d’estre ou sainct moustier Ne ou sainct temple de Dieu non plus que chiens.
.
.?
>
s’apaise après la menace, pour exhorter les fautifs à s’amender et à agir selon les prescriptions divines. Et le sermon se termine avec ampleur sur un appel général à la pénitence et à la prière. Notons cependant, pour terminer, que cette pièce semble avoir été écrite pour des lecteurs , ou tout au moins pour
derrière”, on imagine alors le sens particulier que prend le proverbe !
être lue,bien qu’elle se termine sur le traditionnel “Pardonnez moy en vous disant adieu” des pièces
Le comique est donc obtenu par le recours à des thèmes et à des procédés traditionnels, mais ces thèmes sontrevivifiésparla structure même du texte à laquelle, en retour, ils donnent une valeur parodique. Ainsi la loi qui préside à l'élaboration des sermons joyeux semble donc être : un
rions ajouter qu’il suffira, dans certains textes,de joindre au prédicateur burlesque, un personnage
ques traditionnels. L'équilibre entre ces deux données étant variable selon les textes, bien qu'il en
personnaiges du Recueil de Londres.
cadre sérieux, calque du réel, appliqué a un fond burlesque et exploité par des procédés comi-
conditionne la valeur dramatique. C’est d’ailleurs en fonction de cet équilibre qu’il est possible de
distinguer des sermons narratifs dans lesquels la structure parodique n’est qu'un artifice de présentation - le fond l'emporte alors sur la forme - et des sermons dramatiques dans lesquels cette structure parodique n’est plus seulement un artifice de présentation, mais devient un élément prépondérant au même titre que le fond. Dans ces derniers sermons, nous l'avons vu, on cherche à provoquer le rire non par un récit, non par le simple procédé du sérieux dégradé, mais par une attitude
et le public rit du sermonnaire parce qu’il y a désaccord entre son attitude et ses paroles, et donc parce que l'identification de l’acteur au personnage parodié est réussie. Il y a donc là jeu théâtral.
D'ailleurs ce mode d’expression a eu son heure de gloire puisqu'il existait, parallèlemen t aux
sermons religieux, véritables pièces de théâtre chez O. Maillard, et aux sermons burlesques qui les parodiaient, des sermons laïcs sérieux qui les imitaient. Citons par exemple les Erreurs du peuple commun qui prenostiquent la famine l’an mil cinq cens vingt et un (42). C’est là un véritable sermon sérieux, violent et polémique, qui comporte 205 vers. Il débute sur la citation exacte du Pro-
verbe XI 26 ‘‘Maledictus homo qui abscondit frumenta in populo. Benedictio autem super caput
dramatiques. S’il en était encore besoin, pour prouver la valeur dramatique de certains sermons, nous pourchargé de l’interrompre pour que le sermon burlesque, régénéré, devienne un dialogue dramatique du plus haut effet comique : c’est ce qui se produit avec le Sermon joyeulx de bien boire a deux Et de nombreux sermons burlesques serviront à introduire
des actions de farce : citons par exemple le début du Monologue du Pionnier de Seurdre et de la Farce de frère Guillebert. Cependant, les sermons joyeux ne constituent pas la seule catégorie de textes dramatiques, ou semi dramatiques, dans lesquels l’acteur crée la vie et fait rire par la parodie. Trois autres catégories de textes dont nous voudrions maintenant parler, utilisent l'identification parodique à
des fins dramatiques : ce sont les “pronostications”, les testaments et les mandements, dans lesquelles le récitant fait preuve de réelles qualités d’acteur et qui, une fois de plus, nous prouverons que le théâtre populaire est né de la parodie de la vie quotidienne.
.78-
79. que,dès la fin du XVe siécle,se sont répandus d’innombrables textes de pronostications bouffonnes. Citons entre autres : La Grant et vraye Prenostication pour cent et ung an, de nouveau composee par maistre Tyburce Dyariferos (3), la Prognostication des Prognostications (4), la Prenostication des anciens laboureurs (5), la Pronostication generalle pour quatre cens quatre vingt dix neuf ans (6), la Grant et vraye Pronosti cation pour tous climatz et nations . . . par le grand Haly Habenragel (7), la Pronostication nouvelle plus approuvee que jamais (8), la Prenostication de maistre Albert Songe-creux, Biscaïen (9), et la Prénostication nouvelle composee par troys ou quatre à Nantes sur une escabelle (10) ; liste à laquelle nous pourrions ajouter les Moyens tres utiles et necessaires pour rendre le Monde paisible et faire revenir en brief Bon Temps (11) et les “pronostications” de Molinet auxquelles il convient d’ajouter son calendrier (12). Il est bien évident que ce n’est là qu’une infime partie des textes qui ont pu paraître, puisque la vogue en existait encore au début du XVIIe siècle,comme en témoigne la Prognostication des Prognostica-
CHAPITRE
III
tions composee par Caresme Prenant docteur des deux facultes de Bacchus et Venus en 1612 (13), mais cet échantillonnage est suffisant pour notre propos.
LES “PRONOSTICATIONS”
Toutes ces pièces d’ailleurs n’ont pas la même fin ni la même valeur et ne peuvent être mises sur le même pied. Certaines se bornent à mettre les lecteurs auxquels elles s'adressent, en garde contre les livrets dont nous avons parlé plus haut : c’est le cas de la P.G. dont le style semble re-
Il peut à première vue sembler paradoxal d’intégrer à une étude sur le monologue dramatique, un chapitre sur les ‘‘pronostications” ; néanmoins, tout porte à croire que, parmi ces textes primitivement destinés à la lecture et répandus par colportage, certains ont pu être déclamés a l’occasion de festivités joyeuses, comme en témoigne leur forme et leur contenu. En effet, dans bien des cas, nous nous trouvons, avec ces textes, en face d’une parodie reposant sur le procéde du sérieux dégradé ; ce qui peut permettre de les considérer comme une autre manifestation de la forme d’esprit qui a présidé à la naissance des sermons joyeux, bien qu'ils ne présentent pas
monter au tout début du XVIe siècle tant il s'apparente à celui de Gringore et surtout de Coquillart ; de la P.d.P.
que Montaiglon date de 1537, et de la P.a.1, datée par le même Montaiglon de
1541 mais qui est vraisemblablement antérieure. D’autres, sous couvert de la forme parodique
se livrent à une satire sociale et politique : c’est le cas de la violente P.H.H., de la P.N. et de la P.A.S. qui déguisent parfois le sérieux de la satire par quelques passages comiques.
D’autres,enfin,
sont essentiellement tournées vers le rire, par la satire du genre qu’ elles parodient
: c’est le cas
de la P.T.D. et de la P.n.N.
un Caractère dramatique aussi marqué. Mais cela s’explique en partie. Les textes que nous possédons se caractérisent par opposition à des textes se voulant sérieux, que l’imprimerie avait contribué à répandre dans les campagnes dans le dernier tiers du XVe siècle,
calendriers - le premier kalendrier des Bergers est de 1488 - ou almanachs “dont
les auteurs, se fondant sur les croyances astrologiques de l’époque, de la façon la plus singulière, mélaient les prédictions sur le temps probable
de chaque saison aux traditions et aux pré-
jugés les plus en vogue.” (1). Le succès de ces petits livrets qui s’était poursuivi pendant le premier tiers du XVIe siècle,
explique la fortune de Nostradamus et autres astrologues qui spé-
culaient sur la naïveté publique. Mais il est évident qu’un tel succès devait provoquer chez les gens de bon sens, des réactions vives qui s’exprimeront d’abord dans des ‘‘pronostications” bouffonnes destinées à lutter contre les premières par le raisonnement puis par la satire, avant d’être utilisées comme couverture à une satire sociale et politique parfois virulente. De ces textes,le plus connu est sans doute la Pantagrueline Prognostication de Rabelais qui parait en 1533 (2). Mais si Rabelais contribue à développer ce genre comique, il existait bien avant lui et on peut affirmer
I. — LES TEXTES DENONCIATEURS.
Nous placerons dans cette série la P.G., la P.d.P et la P.a.l, ; les deux premières en vers à rimes plates (octosyllabes pour la premiére, décasyllabes pour la seconde) et de longueur voisine (277 vers pour la premiére, 266 pour la seconde), et la derniére en prose. Elles ont en commun,
bien que suivant des démarches différentes, leur souci de dénoncer le charlatanisme des livrets qu’elles critiquent d’un point de vue polémique et sérieux. En effet, aprés avoir dénoncé lPimpudence et l'incapacité des “pronosticateurs”, elles s'accordent à montrer que tout ce qu'il est possible de prévoir peut l’être par le bonssens, et que, seul, Dieu peut savoir ce que l’homme ne
: peut percevoir par le simple bon sens. C’est ce que résume le prologue de la P.G. “ Quant tout sera bien ruminé Cerché, compris, examiné, Mis et compté sur le bureau L'on trouvera plein tombereau De Pronostications
- 80 Artest. astrologations Et d’almanachs plus d'une asnee Forgez pour la presente annee. Mais, tout feuillete ça et la
De quoy nous profite cela,
Sinon d'un passe-temps Michault ? Car de dire qu'il fera chaud Cest este, qui ne l’entendroit Et de dire qu’il fera froid Cest hiver, chascun le sçait bien. Mais de dire quant et combien Cela c’est affaire aux asniers. Le grant Calendrier des Bergers En monstre tres bien la leçon.
b)
L’argument.
L’incapacité des ces “‘pronostiqueurs” coule de source, car ils prétendent connaitre un domaine réservé à Dieu seul : “ Penseriez vous qu’on peust comprendre Par folles imaginatives D'estoilles courantes et restives Les secrets du grand gouverneur ? ” (ΡΟvv 24-27) “Maisje tiens et croy fermement Qu'il n’y a que Dieu seulement
Qui congnoisse ce grand secret.” (P.G vv 248-250)
Et vouloir se substituer à Dieu est blasphème
Toutesfois, si est la façon
A mon advis trop glorieuse Et la manière fort facheuse De vouloir sus Dieu entreprendre.” a) L'attaque.
:
“Et d'avantage a dict qu’il n’est licite A nous sçavoir le temps et les momentz Que Dieu a mis hors noz entendementz, Hors de nos sens et nostre congnoissance, Et reservez a sa seule puissance.” (P.d.P vv 262-6) De plus toutes ces “pronostications’’ n’ont aucun intérêt : “Mais ilz ne font aucunes mentions De leurs progno-d’abus-stications, A sçavoir mon si telle marchandise Aura son cours, quoy que le marchand dise.” (P.d.P v 145-8)
Ce que l’on attaque c’est non seulement la quantité impressionnante des publications qui paraissent et n’ont d’autre fin que d’assurer la fortune de ceux qui les publient, mais aussi la naïveté de ceux qui les dévorent, et le goût malsain du monde pour le qu’en-dira-t-on et les nouvelles : “ Dont vient cela que soit en prose ou vers Tu vas cerchant par tout les yeulx ouvers Si tu verras point choses non pareilles Et qu’à tous motz tu lieve les oreilles ? O curieux jamais tu n'est ἃ requoy.”’
C’est ainsi que, tout au long des 266 vers de la P.d.P., l’auteur s’adresse au Monde en lui reprochant non seulement son goût pour les ragots du passé, et ceci sans discrimination : “Et tant tues
les nouvelles leschant
Que tu prens tout, le bon et le meschant.” (vv 41-42,)
mais encore, ce qui en est la suite logique, son intérêt pour ceux qui, prédisant l’avenir, apportent de nouvelles nouvelles : “Pour donc fournir a telle nourriture Et en avoir amas et fourniture, De celles-la qui ne sont encor nées, Voulentiers oys les haultz sons et cornées De ceulx qui font pronostication Toute nouvelle a la munition.” (vv 99-104) Or, tous les astrologues ne sont que des charlatans : “C’est que pour vray, tous tes prognostiqueurs
Sont ou seront ou mocquez ou mocqueurs.” (vv 153-4)
“Ne sont sinon folz, mocqueurs et menteurs, Chasseurs, preneurs, vendeurs de faribolles.”’ (v 184-5) et n’abusent de la crédulité publique que pour leur profit, car tous : ................ .. pour remplir bourse et panse De leurs abus te font belle dispense.” (vv 227-8)
0) La conclusion. Aussi doit-on s’en remettre à la seule chose qui soit à la portée de l’espèce humaine : le sim-
ple bon sens empirique qui rend toute “pronostication” inutile. D’où,dans ces textes, l’utilisation de deux procédés : 1) Le recours à l’expérience sensible : C'est ce que fait l’auteur de la P_G, qui se borne dans son plan à décrire ce que chacun connaît bien , la succession des quatre saisons dont le retour immuable est source de garantie fondée sur l'expérience, pour prédire ce qui adviendra. Et l’auteur se borne à accumuler les évidences : L’hyver, a ce que je puis entendre Sera froid, ou sec, ou bien tendre.” (P.G v 75-6) qu’il ponctue de plaisanteries traditionnelles mais discrétes (manière dont les moines luttent contre le froid ! ) ou de réflexions : le propre de l’été “ C’est d’estre chault et sec a tout, Du commencement jusqu’au bout. Mais Dieu, grand astrologien Le tempere souvent si bien Qu'il change nature en bequarre. Parquoy de se vouloir enquerre Quelle trempe il luy donnera Ou quantes fois 11 tonnera
Ou quantes fois auront orage
Pensez si c'est faict d'homme sage !
2
2) Le recours à l’imprécision dont la généralité est toujours réalisable, qui découle du
premier procédé et peut être considèré comme une satire du style sibyllin des prédictions astrologi-
383:
= 82:ques. C’est ce que développe la P.a.1 dans sa première partie : “Quant le premier jour de l’an sera
tification de l’acteur au personnage parodie qui donne au texte son caractère dramatique et paro-
le samedy, l’hyver sera nebuleux et obscur, avec froideur attrempé ; le printemps sera assez mode-
dique.
ré ; l’esté sera sec et chault, meslé avec humidité.
impressionner le lecteur ou l’auditeur par tout un étalage d’érudition qui dépasse sa connaissance,
sament.
Automne sera attrempé et croistra de vin suffi-
Les anciens et mouches a miel mourront.” Et toute la première partie est constituée de
leffraie et le conduit à prendre au sérieux les prédictions qui suivent.
Dans nos textes
bouffons,
c’est opposition entre cette attitude de depart et le prosaisme des prédictions qui sera source de
variations du même thème, On peut rapprocher de ce procédé le recours aux dictons populaires de la campagne qui témoignent d'une
En effet, il faut, ainsi que le faisaient les astrologues et autres charlatans, commencer par
sagesse populaire fondée sur l’observation de la nature : germination du grain, at-
comique.
Pour atteindre son but, le “pronosticateur” bouffon doit donc, dès le départ, s’identi-
fier au personnage
qu’il parodie et chercher à donner
l'impression d’être sérieux pour mieux
op-
titude des poules, plume des canards, rosée . .»“Item quand la lune est bleue, signifie temps plu-
poser le fond à la structure de son texte, ce qui implique une imitation du verbiage des astrolo-
vieux ; et s’elle est rouge, signifie vent ; et s’elle est blanche signifie beau temps.”
gues et suppose un ton adéquat.
Et de fait, nos “pronostications” commencent par une étude de
la disposition des planètes : Songecreux y consacre 10 quatrains ; l’auteur de la P.N. annonce : “J’ay faict consideration De la planete qui domine Et de sa constellation, Quelle (elle) est et quel est son signe . . . ” (vv 41-44)
Ces trois textes sont donc avant tout polémiques. Il ne présentent pas ou peu de caractères comiques et par là n’ont aucun caractère dramatique. Ils sont destinés à la lecture. Mais ils ont l'intérêt de situer le mouvement d’opinion qui se lève contre les livrets des astrologues et qui crée un climat propice à la naissance de textes comique et satiriques. D’autre part, ils portent en germe
et celui de la P.T.D.
déclare : “Ceste prenostication Diligemment j’ay composee Selon la constellation Du signe regnant ceste année.
les procédés qui, poussés à leur dernier degré, permettront l'attitude comique : il suffira à l’auteur de s'identifier plus profondément à l’astrologue et d’en adopter l’attitude et les paroles pour que la polémique devienne satire comique et dramatique.
Il. — LES TEXTES
PARODIQUES
Ung long temps aura sa durée. Jupiter faict conjunction Comme on la trouve figurée Avec le signe du Lyon.” (vv 9-16)
Certains auteurs, comme Songecreux, pour donner plus de poids a cette entrée en matiére et en rehausser l’effet parodique, commencent même par une feinte colère contre ceux qui dénigrent
COMIQUES.
Ces textes se caractérisent par une utilisation parodique de la forme ou plutot du schema général des “pronostications’’, par une recherche comique dans le fond - le fond s’opposant ainsi à la forme pour créér un comique de sérieux dégradé - et par un aspect satirique plus ou moins marqué selon les périodes. Il y a bien,dans ces textes,une volonté polémique de ridiculiser les livrets et almanachs,
mais cette volonté passe au second rang, après le désir de provoquer le rire.
les ‘‘pronostications”
: “ La science de astronomie
On voit en maintz lieux contempner De plusieurs asnes qui n’ont mye Sens assez pour eulx gouverner.”
Mais, le cap de l'introduction franchi, le fond burlesque s'oppose à la forme sérieuse du départ.
D'autres textes d'ailleurs procèdent différemment
et,dès l’entrée en matière, tournent en ridi-
cule l'étude des signes du Zodiaque (14) a) La structure parodique et l'identification de l’acteur au “‘pronosticateur’’ Les livrets ou almanachs, rédigés en prose, étaient découpés en chapitres qui étudiaient successivement les conjonctions astrales, les signes du Zodiaque pour l’année, en déduisaient des prédictions sur le temps pendant l’année en général, les quatre saisons, les douze mois, annonçaient des phénomènes prévus,comme les éclipses, insistaient sur le rôle de la lune, des signes du Zodiaque et en déduisaient les répercussions sur la vie des humains en général, sur leur comportement caracténiel, sur les maladies, sur la mort des grands du royaume, sur les naissances, sur la paix, sur la guerre, et aussi des prédictions sur la vie matérielle courante de l’année à venir, sur les “tats du commun peuple”. Parfois même les prédictions s’attachaient au sort de:
villes particulières.
C’est ce plan que reprennent, à des fins parodiques, nos “pronostications” bouffonnes, plus ou moins complet selon leur orientation, mais,dans l’ensemble,la progression est respectée. Dans nos textes d’ailleurs, c’est le début qui a le plus d'importance, car c’est sur lui que repose l’iden-
“ Mais aultre signes regneront Sur gens et bestes et seront Escorpions es chauldes places Les bons thoreaulx dessus les vaches Les gras moutons sur les bouchers Les ballences sur les greffiers
δ) Thèmes et procédés comiques manière non sibylline. Cette volonté Les prédictions bouffonnes s’exercent sur le concret et de du rire, un appel au bon sens de concrétisation et de prosaisme, qui est en quelque sorte, au dela procédés qui déterminent en pa rtie le choix fondé sur l'expérience, s’exprime dans l'utilisation de
= BS
- 84Conséquence prosaique
des thèmes. Ces procédés, dans leur quasi totalité, sont des manifestations du procédé général du sérieux dégradé, qui implique la satire du sujet auquel il est appliqué. Nous trouverons : - des evidences :
“Tellement que ceulx qui feront
Ceste annee sans avoir mal, Pour ceste fois point ne mourront Car Mars en est le signe egal L’iver de l’annee presente 5] est froit, ne sera pas chault
Conséquence spirituelle : “ La lune aura esclipse fiere Et si regnera par tel point Que tel aura en gibesiere Argent, qu’apres n’en aura point.” (PT D v 65-8)
... (P.T.D v 17-22)
Ce qui revient à parler pour ne rien dire, donc à détourner le langage de son rôle signifiant et utilitaire et à le transformer en faculté mécanique. C’est là une attitude satirique. - des généralisations d’un fait qui, par leur caractère,ne peuvent être que vraies : “Par ceste saison rigoureuse (*) (5) l’automne Toute verdeur appalyra Et la substance vertueuse Venant de terre perira.”’ (P.A.S v 117-120) “Et si vin faillent de nature On le vendra plus cherement.” (P.T
Mais nos auteurs ne se contentent pas de prédire par dérision ce qui est, ils ajoutent bien souvent, en parlant par antiphrase, des prédictions impossibles qui prennent alors valeur comique et satirique. Aucun spectateur n'étant dupe de la chose, nous retombons en fait sur la prédiction de ce qui est. - des prédictions invraisemblables : “Coutizans fuiront les offices, Comme ivrognes font les exces, Et les conseillers les espices Quand ilz raportent les proces.”
D v 55-6)
“Tel cuidera estre bien sage Qui sera vray fol de nature.” (P T D v 181-2) “ Maintz coquus se feront en court Soit a Paris ou a Lyon (ΡΝ v 63-4) ‘ Prestres chevaucheront leurs voysines Quoy que leurs marys soyent habiles.” (ΡΝ v 87-8)
“* Sergeans seront bons et loyaulx Comme leur maistre Lucifer ” (P.N v 313-319) Mais les ‘“‘pronostications” sont destinées autant à faire rire qu’à se moquer d’un genres aussi l’un des procédés souvent emploÿés est-il le jeu de mots qui justifie la prédiction en lui conférant un caractère burlesque
“On aura marché ceste annee De noix trop plus qu’on eut pieça Car chascun dit a la vollée : Celuy qui a femme, noise a.” (P.N v 357-60)
“Mignons,de biens dissipateurs
“ Nous aurons des fleurs cest esté
Plus que les annees passees ;
Sur tous sera grant quantité De soussis et menues pensées ’’ (P.N v 365-8)
De respis et de cessions.” (P_N v 373-6) ‘‘ Povres gens qui n’auront nulz vivres Et ne porront d’argent finer Ainsi que je treuve en mes livres Auront licence de jeuner.’’ (P N v 225-8) Le comique réside, en plus du recours frequent à des thèmes traditionnels, dans le fait de prédire ce qui est et non ce qui sera, seules choses dont on puisse être sûr. Ce qui revient à dénigrer la valeur des textes sérieux et à satiriser l'assurance des astrologues
La volonté de prosaïsme, nette
ici, renforce le comique du procédé oppositions entre les causes et les conséquences, recherche de l’absurde par
rupture du lien logique
Conséquence sans rapport avec la cause : “Les planettes tel cours auront
Sur le pôle equinoxial Que maintes gens souvent iront A pié par faulte de cheval.” (P.T.D v 129-132)
’
:
“Nous aurons ainsi que cuide Chascun moys ung jour lune pleine ; Mais nous aurons la bourse vuide Chascun moys plus d’une sepmaine.”’ (P.A.S 141-4) Emprunteront a millions Puys payeront leurs crediteurs
- des
:
“La lune sera si diverse Si espouvantable et terrible Si femme chet a la renverse Son cul aura le fais penible ” (P T.D v 45-8)
LES THEMES. Dans ce genre particulier, nous l'avons dit, les procédés impliquent les thèmes, La démarche satirique consiste à prédire ce qui est, une vérité déjà perceptible par les sens
De ce fait, par le
biais du procédé, le réalisme quotidien prend une valeur comique et devient un thème de choix Les auteurs ne se privent pas de décrire les répercussions des variations du temps chez l'homme le froid, la “‘rouppie” au nez, les engelures contre lesquels on ne peut lutter que par un bon feu et une bonne table, déboires
Toute la vie quotidienne, avec ses douleurs et ses joies, est évoquée jusqu'aux
qui attendent le bourgeois face aux coupeurs de bourses. Le réalisme quotidien
devient “le’théme comique ; mais il ne vaut que par les procédés qui le mettent en oeuvre Mais, comme
on pouvait s’y attendre, l’auteur fait aussi appel aux Thèmes traditionnels :
- Les plaisirs de la table : Prédire une vie joyeuse, c’est d’abord s'attacher aux plaisirs de la
:
- 86 table . Peut-être est-ce cette idée qui pousse Songecreux à faire,sur une dizaine de quatrains,une énumération de prédiction concernant différents produits alimentaires : pain, vin, épicerie, céréales, légumes, fruits et desserts, laitages et fromages, vins et gibiers . . . etc. On retrouve là le double
intérêt de ce type d’énumération : effet euphorique et valeur allusive :
‘Vin de Beaulne (et) vin d’Auxerre Vin d’allemaigne et vin de France Feront trebucher gens par terre Et endurer griefves souffrances. (P.A.S v 161-4) “Fourment, seigle, febves et poys Avoynes, porées, naveaulx Aulx et oignons, raves et poys Se Dieu plaist seront assez beaulx.” (P.A.S v 173-6)
Mais la volonté de faire passer le rire avant la satire des almanachs se marque surtout dans l’utilisation de thèmes éprouvés, thèmes antiféministes ou recours à l’obscéne et au scatologique. - l’antiféminisme : là encore la femme est présentée comme jouisseuse, querelleuse,
bavarde : ‘Les femmes yront aux banquetz
LA SATIRE. Dans la mesure où les almanachs ne manquaient pas de faire quelques prédictions touchant les grands de ce monde, les “pronostications'’bouffonnes qui les parodiaient , allaient exploiter ce thème dans la limite où la censure le leur permettait Certaines,comme la P.AS,se contentent, outre l’évocation de la traditionnelle lubricité des religieux, de rapporter quelques remarques sur la pauvreté du peuple et quelques allusions aux griefs traditionnels de celui-ci contre les brasseurs
de vin (vv 159-160), les épiciers qui volent sur le poids (vv 171-72) et les procureurs et avocats qui “ Gaigneront salutz et ducatz Aussi bien au povre que au riche.” (vv 231-2) attaques que nous avons déja rencontrées dans les sermons joyeux. Mais cette satire reste superficielle. Avec la P.N elle est plus profonde, plus âpre,car elle vise surtout “les bonnes gens qui servent Dieu”, ce qui laisse à penser qu’elle a pu être écrite par un clerc en quête de prébende; car
l’auteur s'attaque à la vénalité des prélats dont le seul souci est d’acquérir fortune en vendant
non seulement les bénéfices mais aussi les indulgences et les pardons : “Tl appartient narrer le cas Du Sainct Pere et des beaulx dons : Envoyons luy force ducas, Il nous fournira de pardons.”
Et aux festes souventes foys. Là seront chargées de paquetz Qu'il conviendra porter neuf mois.” Et quant on les deschargera Comme est de coustume ancienne Le mary franchement croyra
Que la marchandise soit sienne.” (ΒΝ ν 245-252) La tradition des fabliaux est toujours vivante au XVIe siècle. Mais,dans ce contexte précis,
quant aux bénéfices ... “ Ilz ne seront point vendus Sinon changez en bel argent.”
Et ces prélats vénaux sont aussi des débauchés : “ Aucuns evesques commanderont
le thème traditionnel est revivifié par l'emploi du futur, temps de la prédiction qui ajoute à l'idée
Aux prestres qu’i laissent leurs femmes
une note de fatalité comique.
Mais je doubte qu’ils respondront Qu'ils commencent la danse eulx mesmes.” (v 141-144)
- l’obscène : ‘ Lances dresseront contre escus Pour gaigner le pris a jouster
qui ne font preuve d’aucune charité : “Ces gros chanoines de leurs biens Quoy qu’on en parle, c’est en vain, Nourriront paillards et chiens, Et les pauvres mourront de faim.” (v 149-152)
Mais nonobstant (ce) les coquus Ne laisseront point a chanter. Se les lances sortent ployées
Et l’escu demeure fendu
Signe est qu’ilz se sont employées
Et que chascun s’est deffendu.” (P.N v 292-300)
Ce sont des ignorants et des illettrés ; au chapitre, “tout est regi par enfans”. Le savoir n’est
évidemment pas récompensé
Et foyre générale en France, Mesmement au temps de vendanges.” (P.T.D v 165-8)
Il est évident que lorsque l’auteur exploite ces thémes,il songe plus à faire éclater un rire franc qu’à satiriser. Cependant,le comique inhérent à ces thèmes est revivifé par la structure pa-
rodique et par le contexte de la “‘pronostication” ; et,par là,il devient un comique d'ordre dramatique.
:
“Nobles clercs, bons estudiants Qui ont divers volumes veuz
- le scatologique : “Si pluye vient en abondance Il sera grant marché de fanges
|
Demourreront frustrés de biens ;
Pallefreniers seront pourveuz.” (v 161-4) L’auteur consacre ainsi 64 vers a cette satire des écclésiastiques qui se termine sur une
conclu-
|
sion virulente : “ D’abstinence il ne fault parler Et de obedience nihil ;
Chasteté ilz ont faict aller D’entre eulx, et l’ont mise en exil.” (v 189-192)
Puis,après quelques quatrains qui le ramènent à son sujet, l’auteur passe à la satire de la femme, thème traditionnel qu'il développe sur 18 quatrains. Il élargit ensuite sa satire à la société tou-
|
- 88 -
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te entière : les notaires sont trompeurs (vv 301-4), les administrateurs de justice,incapables de
siécle et au début du XVIe, lors des premieres guerres d’Italie, la misère était vive, et, comme la
maintenir l’ordre (vv 305-309), les nobles écrasent leurs sujets d’impdts (vv 309-31 2), les conseil-
débauche de la noblesse et du clergé était apparente, la réprobation s’exprimait librement,
lers ne songent qu’aux épices (vv 313-16), les trésoriers et receveurs spéculent sur les grains (vv 317-
est-il vraisemblable de penser que notre “pronostication”
310), les avocats volent leurs clients (vv 321-324), les sergents vivent de rapine (vv 329-332), bourg-
“Les ministres de Sainte Eglise Ont la loy faulsée et changée Par leur malvaiz gouvernement. Faulx sont et plains de tricherie D’avarice et de symonie.”
que nous retrouverons mot pour mot dans maintes sotties et
qui se terminent sur : “16 monde est achevé de paindre” n’ont rien d’étonnant pour l’époque. On les retrouve identiques partout : Complaintede France (automne
On retrouve les mêmes plaintes dans le Congié pris au siecle seculier daté de 1480 (18)
1494) :
“ Adieu justice et raison Adieu de equité la saison
“Que faictes vous prelatz de saincte Eglise ?
Fault il qu’on lise vos vices et pechiez ?
Aujourd'hui saincte mere e esglise Chascun reboute et mesprise ; Aujourd’hui toute charité Se pert par grant tyrannité.”
Vostre maintien le peuple scandalise.” (15) Le Gouvernement des Trois Estats du temps qui court (par Pierre de la Vacherie vers 1505-
1512):
“Maintenant il n’y a prelat
Qui n’ait des filles trois ou quatre. Faulconniers, oyseaulx et chiens
Nous pourrions encore citer les Moyens tres utiles... pour ...
“Quand vous verrez que les sergents Seront fidelles et loyaux . .. Quant il n’y aura plus en cloistre Filles, garces ne chambrieres Je sçay bien, mais qu’il ne soit plus De meschans pillars par les champs Et que gens d’armes soient reclus, Et moynes ne courrent plus aux champs, Et que verrez tous ces marchands Ne vendre plus rien a usure....”
Avec eulx sont de la partie.” quant aux nobles, il n’y en a pas
“ Qui soient a leur subjectz unis, Mais leur font souffrir maintz ennuys Pour soubstenir leur gros estat.”
et les gens “‘de pratique” ne songent qu’à l’argent : “ Les juges sont de mesme sorte Qui pillent le peuple menu.” “ Je croy qu’il n’y ἃ soubz la nue
Pires garçons que sergens sont ;
Et m’esbahis qu’on ne les tue.” (16).
Dans la mesure où,de toutes parts, le mécontentement populaire s’exhale violemment au grand jour, on ne peut que reconnaître à notre “pronostication” une valeur plus comique que satirique. Le thème n’est que prétexte au rire, car l’auteur, d’une part présente au futur et d’autre part a recours à l’antiphrase :
“ Sergeans seront bons et loyaulx Comme leur maistre Lucifer.”
qui n’a plus que frire, le Monde qui est crucifié, le Monde sans croix, le Monde
qu’on acheve de paindre, le Monde qui n’a plus que les os (17), développent une satire identique : “Rien n’est prisé fors celuy qui amasse.”’ “S'on (n’)abolit ung tas de tresoriers Larrons privez, ignorans braguereaulx, S’on (n°) abolit ces asnes officiers, Ventrus et fiers, Qui d’ung proces en font quatre nouveaulx
S’on n’abolit ung tas de ganiveaulx ,
faire en brief revenir Bon
Temps (19), texte qui se rapproche des “‘pronostications” et déclare que le bon temps reviendra :
Sont substantez d’une partie ; Putains, macquereaulx, ruffiens
Le Monde
Aussi
de rue
Jehan Dupin dans ses Mélancolies, annonçait déjà cette satire :
geois et marchands pratiquent l’usure auprès des laboureurs (vv 332-344) et tout le monde est hypocrite (vv345-348). Tous ces griefs
a pu être lue à quelque coin
ou bien encore procède par allusions : “ Dieu vueille que le blé ne soit cher Car en France a de grans mangeurs; Aultres témoingz ne fault chercher Que tresoriers et receveurs.”
Peut-être est-ce tout simplement une mesure de prudence, car l’auteur du Monde qu’ on acheve de
Trop hault montez en ces flateurs bigots Qui sous l'ombre d’estre faiz doctoreaulx
paindre,auquel il est fait allusion au vers 35 2,avait été jeté en prison ainsi que l’imprimeur. Mais nous serions plutôt tentés de voir là un essai pour régénérer la satire et la rendre plus spirituelle, ce qui per-
C'est faict de moy
met de mieux l’incorporer à une structure parodique et lui donne, dans la mesure où elle suppose une
Sont pis que veaulx,
: je n’ay plus que les oz.”
Cette satire qui courait les rues,comme en témoignent les vers du Monde qui n’a rien perdu, (“Puisqu’ilz ont fait cest escript pour le lire en tous quartiers . . . ”),montre qu’à la fin du XVe
complicité de l’auditoire
due à sa participation, une valeur dramatique.
spirituelle Mais dans ces pronostications, la satire n ’est pas toujours aussi bon enfant, ou
nu ar-
/9} -
-90rive qu’elle soit incisive et violente comme dans les 892 vers de la P H.H : “D’aultres il y a qui par Des superieurs veulent Et toutesfois de justice Mais d’atraper la main Pour Pour Pour Pour
l'or l’or l’or l'or
tort ou droicture, havoir l’office n’ont cure, tousjour propice.
on fait toute meschanterie on vend le plomb et la cire a Rome chacun use de tromperie on ha souvent la mort de l’homme
Lesquelz mitrez a dire brefz langaiges Sont inclinez aupres le cul des dames Rire, baver, banqueter, faire raiges En lieu de prier Jesu Christ pour noz ames.” Ici l’auteur attaque ; il ne cherche nullement le paravent de la prédiction ; il n’a nullement recours au futur et à l’antiphrase ; il reste dans le présent et ne cherche pas à faire rire. Manifestemen t, et d’ailleurs sa longueur le prouve, c'était là un texte polémique sans doute destiné à circuler sous le manteau.
I] est satire dans sa totalité et l’utilisation du plan de la “pronostication”” n’y est qu’arti-
fice de présentation Nos textes oscillent donc entre le comique pur, appuyé sur la parodie d’un genre,et la satire qui trouve dans la “pronostication” un voile protecteur, certains présentant un habile melange de comique parodique et de satire
III. — LA
VALEUR
DRAMATIQUE
longs comme
celui sur l’Etat du commun
peuple, l’auteur ne fait que suivre un ordre logique :
plaisirs de la table (énumération des différents aliments), plaisirs du sexe, du jeu etc.
Enfin,
bien souvent, l’auteur fait appel à l’acquisde la tradition : antiféminisme, paillardise, obscénité. Il était donc possible de créer spontanément un tel texte ou de s’en souvenir sur la scène.
Ce
n’est là cependant qu’une hypothèse. La P_N : prologue (2 quatrains) ; avertissement (6 quatrains) ; des planètes (7 quatrains) ;
des douze mois (4 quatrains) ; des douze signes (21) et des éclipses (4 quatrains ; des douze mois (7 quatrains) ; passage à la satire : les gens d’église (16 quatrains) ; les comètes, le sort des grands, les guerres, les maladies, le manque d’argent (9 quatrains) ; les femmes et le mariage (18 quatrains) ; retour à la satire sociale (14 quatrains)
: conseils divers et obscénité (12 quatrains) ; des comple-
xions (2 quatrains); de l’année en général (4 quatrains).
Ici, ordre et désordre se succédent. L’au-
teur est soutenu dans son effort par les titres des chapitres des “pronostications”, mais il ne respecte passomplètement le déroulement habituel
11 semble plutôt qu’il cherche à placer
une sati-
re sociale ordonnée et la déguise par le retour aux thèmes de la “pronostication”, et le recours aux thèmes traditionnels du rire. Cette alternance d’ordre et de désordre, la répétition de thèmes et de jeux de mots en des points différents du texte, le recours aux thèmes traditionnels du rire, le ton humoriste (22) de la satire, sont autant de détails qui plaident en faveur de l’expression scénique orale et de l'improvisation sur un canevas de départ
La P.T.D qui se borne à exploiter les procédés parodiques du genre et les thèmes traditionnels du comique, rapportée sur un ton condescendant de discussion bonhomme, convient parfaitement à l'expression orale. Il semble d’ailleurs qu’elle cherche avant tout à faire naître le rire et
DES
“PRONOSTICATIONS”.
soit conçue en fonction de son action sur le public: “Le nombre d’or trouver ne puis Non plus que faisoye l’aultre année ; Je crois qu’il soit dedens ung puis Cachié de peur de la brouée.”
Il est évident que ceux de nos textes qui se bornent à dénoncer de manière polémique le peu d'intérêt des almanachs , et ceux qui ne sont que satire politique et sociale violente, ne seront pas des textes dramatiques. Leur longueur pour certains, jointe à l’absence de véritables thèmes comiques, leur ton pour tous, les en empêchent, et, de plus, elles ne supposent aucune participation du public. Enfin l’auteur y parle en son nom : il ne s’identifie pas à un personnage joué.
Qu’en est-il pour les autres et plus particulièrement pour la P.N, la P.T.D, la P.A.S ? Le premier problème qui se pose est celui de la mémorisation. Nos pièces comptent respectivement 428
? La Mais nos impressions de lecture se concrétisent-elles par des notations dans les textes ou encore à la P.A.S est en fait plus souvent à la troisième personne du singulier ou du pluriel du récitant par n” “‘distanciatio certaine une implique qui seconde du pluriel qu’à la première, ce rapport à son sujet la pronostication
L'auteur reste dans l’impersonnel, ou se détache de ceux auxquels il adresse Le “nous” n’apparait que quatre fois et chaque fois lorsque l’auteur se plaint
mémorisation est soutenu par le fait que ces trois textes sont composés d’une suite de quatrains
il ne cherdu manque d’argent,des brasseurs de vins, des receveurs, des épiciers. Apparemment ce l'auditoire de n participatio la che donc pas à donner une vie scénique à son texte en suscitant
et que, de plus, ils suivent un plan précis. (20)
que semblent justifier les vers :
vers, 216 vers et 442 vers, ce qui pour la première et la dernière est assez long ; mais l'effort de
La P.AS - introduction-présentation (2 quatrains) ; conjonction astrale de l’année (10 quatrains) ; disposition de l’année (19 quatrains : 3 pour l’introduction ; 4 pour chaque saison) ; de l'Etat du commun
peuple (38 quatrains ) ; des rois (3 quatrains) ; des villes (10 quatrains) et 28
quatrains de conseils divers, ou liés aux fêtes du calendrier. C’est là le plan d’un véritable almanach, ce qui facilite le travail de l'imagination créatrice qui n’a plus qu’à appliquer systématique-
ment le procédé parodique de la prédiction de ce qui est. D’autre part, lors des passages les plus
“ Pour bien ceste matière entendre Chascun retienne cest escript.” (vv 45-6) le personnage qu’il paro Mais peut-être est-ce là une manière de renforcer son identification avec
reste entier die en imitant le ton supérieur et détaché des astrologues ? Le problème que l’auteur s'intègre au Dans la P.T.D, le nombre des “nous” est plus important et indique indiquer un mode de transmission groupe. De plus, nous remarquons des notations qui semblent
«02s
“92%
orale : “Et par ce qu’il y Désirant sçavoir Advenir par faiz Leur en DIRAY,
a des gens quelque chose diligens non pas en prose.
“Et je vous DIS aussi, affin Que ne me prenez par la manche ...
En plus des incises, des appels aux spectateurs, de l'emploi de la première personne du pluriel, la “pronostication” comporte une ballade et des piéces qui, vraisemblablement,étaient chantées : “Le moy de May, joly et gay, Vous fera aller au vergay Von dancera ; En l’ombre on plantera le May ; Les faulcons seront sans esmay, Sol, re, fa, la.”
. "(νν 4-8) ” (vv 93-4)
“Et saichez par raison commune
Comme l'acteur l’a compassée . . .” (vv 121-2)
et visaient à entraîner le public à participer au jeu, témoignant par là du caractère dramatique du
“ Saichez . . . " (v 199)
texte
L'auteur parle à un public qui est devant lui et auquel il s’assimile ou duquel il se détache, selon le thème développé
Dans la P.N, le nombre
des “nous” est encore plus important et, en parallèle,de
nombreux
points semblent indiquer un jeu oral scénique :
nion est le gage d’une interprétation dramatique.
prement comique, où il rendait sa satire humoriste en la teintant de bonne humeur et adoptait le ton à la fois familier et distant qu’impliquait son identification au personnage qu'il parodiait, en
D’en dire a deux coups ma havée.”’ (vv 17-24)
l'occurrence l’astrologue.
en trouve encore des traces au début du XVIIe siècle avec la Prognostication des Prognostications
“Pour brief parler...” (v 125)
composée par Caresme Prenant en 1612 dont le prologue laisse à penser qu’elle appartenait au ré-
‘‘ Danger sera dont je me tais.” ( v 201)
pertoire de quelque farceur et qu’elle devait servir de parade :
“Tl doit advenir de grans choses Mais pour le present, je proteste Ne faire postilles ne gloses ; Arrester me vueil au texte.’’ (vv 389-392) Et le texte se termine sur le souhait que Jésus ‘‘NOUS vueille en santé tenir” et l'appel traditionnel
à l’indulgence du public : “ Qu’il soit a l'acteur pardonné Avec doulce correction.” Il
fait en effet ap-
pel aux thèmes traditionnels et aux procédés comiques du genre mais dans une optique d’échange
“ Regardons bas et prenons lunettes Et nous verrons merveilles assez.” “ Le nombre d’or,je ne sçay ou il est Je vous le dy : serchez fay, s’il vous plaist.”
‘ A tous vous aultres faictz assavoir . . . ἡ “ Je prens de vous congé ”
Nouvel exemple de l'aspect théâtral que prend toute parodie du réel.
D'ailleurs ce genre, que l’on peut qualifier de dramatiquea rencontré un certain succès puisqu'on
“Premier, parleray des planettes” (v 37)
“ Je ne sçay plus que dire de noblesse, A mon advis, qu’elle est presque gastée.”’
La “‘pronostication’’ était donc un genre qui pou-
vait se prêter à l’expression scénique dans la mesure où l’auteur recherchait une orientation pro-
“Mais vueillez vostre oreille estendre A ce que pronostiqueray . . . ” (vv 35-6)
avec le public :
précise, des
thèmes comiques traditionnels,et font appel à la participation de l'auditoire, éléments dont la réu-
coustume anciennement
Commencer par divers prologues. J’entens proceder aultrement Car le monde aime briefveté Court sermon et longue disnée Et pour ce suis entalenté
Un autre texte, la P.n N , semble aussi avoir été déclamé sur les planches.
: pièces à caractère satirique, pièces polémiques destinées à des lecteurs, pièces
lues ou jouées sur la scène, car certaines présentent à la fois une structure parodique
“ Messeigneurs, aulcuns astrologues Eurent
Les différentes ‘‘pronostications” que nous avons étudiées se répartissent donc selon un é ventail complet
“ Astra regunt orbem terrarum atque omnia mutant Astra creant cuncta in terris et cuncta gubernant Approchez, curieux de ce festin, et vous y trouverez viande preste Garçons à marier escoutez bien ceste prognostique fondée sur une reigle de grammaire . . . . (23).
-94-
-95Frangoys Levrault, la précision donnée sur sa charge et incluse au titre du testament, incline à penser qu'il a, lui aussi réellement existé. Quoi qu'il en soit, l'existence réelle ou vraisemblable des auteurs des testaments était, semble-t-il, une des obligations du genre car elle était le moyen de créer, sans ambiguïté possible, le contexte comique nécessaire pour que les spectateurs supportent le genre. Avant d'étudier la valeur comique de ces pièces, essayons de trancher leproblème
de leur
exploitation : pièces destinées à la lecture ou pièces jouées ? Pour résoudre
ce problème faisons d’abord appel à des arguments externes. Le XVe siècle a été hanté par la pensée de la mort ; pendant toute sa durée “ ... textes et images . . . se multiplient, qui illustrent ce désarroi et le portent à son Paroxysme par des visions de cauchemar et de pourriture.” (10). Aussi le fait de penser que les derniers instants de la vie et les évènements traditionnels qui s’y rapportent aient pu être portés au théatre pour faire l’objet de scènes ou de situations comiques, n’est-ilpas si paradoxal qu'il le paraît à
CHAPITRE
IV
première vue, car il est possible de voir dans cet effort pour démystifier l'étape suprême de la vie, un moyen d’exorciser la hantise et la peur qu’elle provoque. De nombreuses farces mettent en scène un mourant
LES
: citons, parmi bien d’autres, la Farce du munyer de qui le diable emporte l’âme en
enfer d'André de la Vigne (11). Il est vrai que, dans la plupart des cas, cette situation particulière
TESTAMENTS
était un moyen de satiriser un type social honni comme le meunier ou l’usurier. Mais il arrivait aussi, comme dans le Testament de Pathelin (12), que le comique, dû au personnage, vint de la manière dont celui-ci abordait l’ultime étape, en véritable épicurien dont le seul souci était de
L’immense succès rencontré par le Testament de Villon, succès dû autant à la personnalité du
rafraîchir son gosier brûlant, et sans appréhension d’ordre métaphysique.
poète qu’à l'oeuvre elle-même (1),a suscité à son auteur de nombreux disciples (2) et d'innombrables
imitations, au point qu’il est permis de penser qu’à la fin du XVe siècle et au début du XVIe, le testa-
Mais déjà, bien avant la farce, le fabliau avait parfois utilisé cette scène pour faire la satire
ment était devenu un véritable genre, non seulement poétique, mais encore,et c’est ce que nous vou-
d’un type social, par le biais de la prière farcie burlesque. C’est ce qui se passe dans le Credo a l’u-
drions essayer de montrer, dramatique. Malheureusement, la perte de la plupart de ces textes nous ré-
surier (13) où la situation rend plus comique le fait que le personnage ne puisse se libérer de ses
duit à ne formuler que des hypothèses.
Le Recueil de poésies françoises de Montaiglon et Rothschild
obsessions : l’usurier, à l’article de la mort, a fait appeler un prêtre pour recevoir les derniers sa-
n’en comporte en effet que cinq qui s’échelonnent entre 1488 pour Le Grand Testament de Taste-Vin,
crements. Après s’étre confessé, il accomplit la pénitence infligée par le serviteur de Dieu : réciter
Roy des pions (3) et les premières années du XVIe siècle pour le Testament de Jenin de Lesche qui
un credo. Mais quel credo ! C’est là une sorte de testament négatif qui n’a rien de surprenant dans
s’en va au mont Saint-Michel (4), le Testament feu Ruby de Turcquie,maigre marchant, contrefaisant
la bouche
sotie (5), le Testament de hault et notable homme nommé
Ragot (6) et le Testament et Epitaphe de
Maistre François Levrault sergent royal en la sénéchaussée de Guyenne (7). Nous nous bornerons donc à l'étude de ces cing textes en ayant conscience qu'ils ne représentent qu’un infime échantillon de ce qu’a pu être la production de l'époque, car de nombreux indices laissent à penser que chaque amuseur public, chaque personnage tant soit peu célèbre auprès du bon peuple, et cela pour des raisons diverses, a eu son testament : sans remonter jusqu’au Testament de Jehan Régnier
inclus dans les Fortunes et adversitez, citons le Trespassement de Caillette, les Vigiles de Triboulet, l’Epitaphe Triboulet, personnages qui étaient des sots bien connus. D'ailleurs nos cinq textes se rapportent à des personnages ayant sans doute existé : Taste-Vin Roy des pions, dont on retrouve le nom en tête de la Lettre d’escorniflerie (8),devait être le chef de quelque confrérie joyeuse ; Je-
nin de Lesche, d’après Montaiglon, était un fou bien connu, contemporain de Caillette, Ragot, un capitaine de truands tout aussi célèbre et Ruby de Turcquie, un colporteur renommé. Quant à.
d’un usurier : “ Credo, fet il de mes deniers In Deum, qu’en porrai je fere ?
Ma femme est de si pute afere
Patrem, que se je li lessoie Et je de cest mal garissoie, Tost m’en embleroit la moitié . . . Je ne li lerai pas ainsi Mes deniers en sa poesté, Mes o moi, Celi et Terre Soient tuit mis, et in Jhesum, Fetes les aporter, Cristum, Filium ejus, devant moi. a n'aurai bien se ne les voi.”
Si l’on Or, il est à remarquer que ce fabliau est construit comme une véritable pièce dramatique. les scène, la situer à excepte des 252 vers dont il se compose, les 37 vers d'introduction qui servent
- 96
297:
-
15 vers de conclusion et 5 vers destinés à noter trois jeux de scéne-qui pourraient étre récités par un meneur de jeu commentant la scène à l’intention du public-le reste, soit 195 vers,est constitué d’un seul et unique dialogue auquel s'intègre le fameux credo. Si l’on pense aux qualités mimiques dont faisait preuve le jongleur en imitant les attitudes du prêtre et de l’usurier
“ Ainsi fine le Testament De Taste-Vin, dont Dieu ait l’ame, Que chascun congnoit grandement En tout pays soit homme ou femme Beuvons a luy chascun
moribond au fur et à mesure qu’il déclamait son texte, on imagine aisément ce que devait être la représentation et son caractère dramatique et comique incontestable. Dès lors qu'il est prouvé que les derniers instants d’un homme, portés sur la scène, peuvent avoir une valeur comique, comment
s'étonner que l’on y porte aussi tout ce qui les caractérise et notamment
surtout après que Villon en eut rendule genre populaire
Vous qui vendengez sans coutel Prenez de cecy la coppie Et priez Dieu pour le vignel, Affin que nous crocquons la pye Le Testament je vous affie Est fait d’un tres bon champion Et fut passé a l’estude
le testament,
grâce à l'interprétation personnelle
qu’il en donne et que ses imitateurs s’efforceront tant bien que mal de plagier ? C’est ainsi que le testament va entrer dans la farce pour en composer une scène plaisante. C’est ce qui se pro-
Par dessoubz maistre Jehan Pion.”
duit dans le Testament de Pathelin (On devait bien à Pathelin, si proche du Villon de la légen-
de, cet ultime rapprochement
! ) où le testament proprement dit, fortement inspiré de Vil-
lon, et qui se compose de 7 quatrains,
1 quintil et 1 huitain, constitue une scène :
ble nos textes ne dépassent pas la longueur que Gratien du Pont assigne aux monologues dans son le Testament de Jenin de Lesche comporte 91 vers, celui de Taste-Vin, 128 vers ; celui de Ruby de Turcquie,124 vers et celui de Ragot
150 vers. Seul,le Testament de Françoys Levrault atteint plus de
330 vers, soit plus du double que le plus long des autres textes, mais nous verrons que, des cing
Apres (a) tous (bons) gaudisseurs Bas percez, gallans sans soucy, Je leur laisse les rostisseurs, Les bonnes tavernes aussi.
pièces, c’est celle qui offre le moins de caractères dramatiques. Cependant, si la longueur des piè-
Aux quatre couvens aussi, Cordeliers, Carmes, Augustins Jacopins, soient hors ou soient ens Je leur laisse tous bons lopins.
le Testament de Jenin de Lesche est en rimes plates, celui de Taste-Vin se compose de huitains, ce-
ces est sensiblement identique, on ne peut en dire autant de la métrique. Selon les pièces, les vers sont des octosyllabes ou des décasyllabes, et les groupements métriques varient avec chaque texte :
lui de Ruby de Turcquiede 16 sixains, 4 quintils et 1 quatrain ; celui de François Levrault est en
douzains et dizains et celui de Ragot utihse huitains, neuvains et dizains ; A F De la même manière, si nous retrouvons dans chaque pièce les mêmes points d’une structure que, s’il de base, l’ordre de succession de ces points est soumis à des variations,ce qui laisse à penser
Item, je donne aux Filles Dieu À Sainct Amant et aux beguines Et a toutes nonnains, le jeu Qui se faict a force d’eschine . ..
Indépendamment de la situation elle même, le comique est ἀ à l'emploi de procédés qui doivent
le jour à la plume de Villon. Nous y reviendrons. Dans la mesure où le testament a été intégré à la farce, il est tout aussi possible, puisqu’en quelque sorte il forme un tout à lui seul, qu’il ait aussi pu être interprété comme morceau indépendant, comme monologue dramatique=ce à quoi le prédisposait naturellement le fait quil é
tait toujours écrit à la première personne=soit sur la scène d’un théâtre, soit sur la place publique, L'étude de nos cinq textes semble corroborer nos hypothèses.
bule du Testament de Ragot
Mais ce caractère dramatique est-il confirmé par la structure même des pièces ? Dans l’ensemArt et Science de Rhetorique metrifiée : ‘quant Monologue passe deux cens lignes, c’est trop.” (14) :
“Tout premier, a vous Guillemette, Qui sçavez ou sont mes escus Dedans la petite layette, Vous les aurez s’ilz y sont plus.
à l’occasion de festivités
sa drame.
Faict en vendanges par desduit, Huit jours devant Nostre Dame Mil quatre cens ottante huit
ne laisse aucun doute sur ce point : “Ce nonobstant, pour venir à mes fins, Devant le peuple qui est icy present, Tous, cordeliers, carmes et Augustins, Gueux de Lubie, cagnardiers, gonfarins Soyez tesmoings de mon grant testament.”
et les deux derniers huitains du Testament de Taste-Vin sont tout aussi clairs :
Le préam-
y a ici parodie de la réalité, elle est
au second degré et s’effectue par l’intermédiaire de l'imita-
et l’étion de Villon. Le plan est très simple : le testament débute par la présentation du testateur au corps du testament qui noncé des raisons qui le conduisent à faire son testament; puis on passe un adieu. C’est toujours ou prière la à comprend les voeux et les legs, et on termine sur un appel
bien souvent les deux tiers ou la partie consacrée aux legs qui est la plus importante : elle occupe les trois quarts du texte.
d’ordre essentiellement draLa première partie, qui s'appuie sur la parodie de la réalité, est
irement, après le signe de croi x rituel qui matique et suppose un mime. Elle comporte obligato i e comme dans le Testament de Ta steprend ici une valeur burlesque, quand il n’est pas parodiqu
=
;
“ Au nom du pot, ou nom du verre, Ou nom de la grosse bouteille A qui, comme bien povez croire, : J'ay maintes fois tiré l’aureille . . .
- 98 -
- 99 -
la déclaration traditionnelle que la testateur est à l’article de la mort (malade de corps)
mais res-
te néanmoins sain d’esprit :
che, le sot, demande que son corps soit ramené à “Sainct Innocent” (v 19) ; Taste-Vin veut être enterré “auprés de taverne la belle” ; quant à Jehan Ragot, le capitaine des gueux, il désire que l’on
“Je, Taste-Vin, Roy des pions, Sain d’engin, malade de corps...” “Je congnoissant estre sur l’aige Ou fault finir mes povres jours ..
sérieux dégradé qui baigne l'ensemble de la pièce et lui donne son caractère parodique : Jenin de Les-
dresse sa statue et que l’on représente autour de lui ses “miracles”. Les voeux s’arrétent là, excepté pour Jenin de Lesche qui règle minutieusement, en 16 vers, les détails de son enterrement .” (T. de Françoys Levrault)
Ce qui correspond au huitain X de Villon, lequel,suivant le plan normal - annonce de la mort prochaine, déclaration de lucidité -,emploie a des fins parodiques des formules stéréotypées qui se rencontrent habituellement dans les testaments, et qu’il fait suivre généralement d’un vers de commentaire ironique ;
pas le coeur en joie !
Excellente parodie par opposition systématique à la tradition et qui permet-
tait vraisemblablement à l'acteur
des mimiques et des jeux de scène du plus haut effet comique
Après les désirs, les legs. C’est là où limitation de Villon est la plus évidente, et la recherche comique la plus marquée.
“Pour ce que foible je me sens,
: pas de
cierges car il ne les verra pas ; pas de cloches car il ne les entendra pas; pas de chants car il n’aura
Comme
chez Villon,les legs sont destinés à des gens connus dont on veut
mettre en évidence les défauts - en leur légant un objet approprié - ou simplement se venger (de ce
TROP PLUS DE BIENS QUE DE SANTE,
fait,la saveur de ce comique nous échappe en grande partie.), ou à des groupes sociaux dont on
Tant queje suis en mon plain sens,
SI PEU QUE DIEU M’EN A PRESTE CAR D’AUTRE NE L’AY EMPRUNTE,
veut faire la satire : religieux, mendiants, gueux, prostituées, hommes de justice, sergents .
. Com-
me chez Villon, la plaisanterie consiste à faire des legs inconsistants, infamants, voire obscènes ou
J’ay ce testament tres estable Faict de derniére voulenté Seul pour tout et irrevocable.”
tout simplement en accord avec les plaisanteries traditionnelles du temps. Ces legs sont aussi en
Parfois le testateur fait subir quelque entorse à la tradition, ceci pour en accentuer le caractére comique. C’est le cas de Ragot qui déclare :
rapport étroit avec la personnalité du testateur qui est toujours un gueux paillard et qui ne possède rien d’autre que son propre corps, des haillons, et des objets usés et sans valeur. Et encore, Ragot est-il le seul qui pense à léguer son corps aux Augustins pour le mettre “en reliquaire”! Mais
“Jehan Ragot, noble gueux en mon temps Attaint de mal et peu garni de sens...”
c’est là une parodie de ce privilège que le Pape n’accordait qu’aux rois dont les organes, partagés
Bien souvent cette introduction est grossie d’apports nouveaux qui visent 4 renouveler le sujet par
entre différentes abbayes, devenaient ainsi des reliques. Ces legs de Ragot sont donc normaux,
le biais d’une mise en scéne différente et témoignent d’un souci de recherche dramatique.
dans la mesure où il est le roi des gueux mais ce ne sont pas ses organes nobles qu’il lègue, tant s’en
qui se produit avec Jenin de Lesche mé en pèlerin
C’est ce
qui,loin d’être à l’article de la mort, apparait en scéne costu-
et nous apprend qu'il ne fait son testament que par précaution, au cas où la mort
le trouverait sur le chemin du Mont Saint-Michel, et parce qu’il pense que “aussi tost meurt veau que vache” (v 7). N'est-ce pas là une présentation originale du testateur et qui rehausse l'effet comique de la pièce
en rendant des plus simples sa mise en scène? En effet, elle ne condamne pas le mime à &
tre couché et lui permet ainsi d'utiliser toutes les ressources de son art. C’est vraisemblablement en fonction de cette recherche comique et dramatique, puisqu'il importe de camper un personnage particulier, qu’il faut comprendre les ajouts que constituent dans les préambules des testaments de Ragot et de Ruby de Turcquie, les 37 vers consacrés par le premier à faire l’Éloge de ce qu’il è tait, et les cinq sixains dans lesquels le second décrit sa vie de marchand ambulant (partie qui n’est pas autre chose qu’un très court monologue de charlatan : ces sixains sont composés d’énuméra-
tions de ce qu’il criait, de ce qu'il possédait, de ce qu‘il vendait.) Après ce préambule, commence
le testament proprement dit
qui comprend d’une part les
derniers désirs du testateur et d’autre part le legs deses biens. En général, l'énoncé des voeux précède les legs, mais il arrive que le testateur mélange les deux (T. de Jenin de Lesche.)
En général, les voeux, très courts, concernent la sépulture et sont en rapport étroit avec le caractère du testateur dont ils achèvent,en quelque sorte, la peinture, participant ainsi à l’aura de
faut !
Nos testateurs se contentent de léguer : - des objets hors de service : Taste-Vin légue aux “‘pellerins passans” “Mon pourpoint tout neuf coutonné
Qui ne m’a servi que neuf ans.”
Ragot destine à ses hoirs et parents : ' “Quattre vieulx potz et deux voirres cassez Mes vieulx proces, principal et despens.” et il laisse ses vêtements uses aux “quatre mendians”.
- des objets sales ou des résidus : Ruby de Turcquie laisse aux élégants “_ , ..a chacun sa cornette, Prise aux faulx bourgs de Paris ou aux Halles. Je leur laisse tous mes vieulx drapeaux salles Et mes brayes qui ne sont pas trop nettes.” et aux ordres mendiants, il abandonne
la “granche”’ de son oie.
- des valeurs inexistantes : C’est sa bourse vide que Taste-Vin laisse “aux quatre mendians” ; Ruby de Turcquie, lui, lègue généreusement ses dettes (8 sixain),et au curé et au chapelain, “ce qu’ilz me doivent”. Mais il s’empresse d’ajouter :
“ Je ne sçay point que autruy me doyve rien
Mais bien je sçay, s’on emporte du mien
Que ce n’est pas sans y laisser la croix.
payer à la taverne, il Ragot, plus généreux, lègue des dispenses : aux galants qui n’ont pas de quoi : faire à laisse des “lettres d’escorniflage”; à d’autres, des emprunts
- 100 -
- 101 Alors que le Testament de Vilion, destiné a la lecture, s’adresse a l’esprit qui a tout le temps d’en
“Et d’avantaige je propose laisser A ung grant tas de postulans
en court
saisir les finesses, nos textes s'adressent surtout a l’ouie et a la vue ; il faut que leurs effets soient
Des biens assez, tout prestz a emprunter, Jeusner souvent, quant leur argent est court.” ce qui revient à léguer du vent; ce qu’exprime, de manière
satirique F. Levrault
perceptibles et assimilables sur le champ, car le temps de la réflexion est réduit à celui de la per:
ception. D’où la simplification
“Je leur donne cent plains paniers Qu’i prendront chez marchands muniers.”
spectateur peut voir du physique du testateur.
Mais,tout en faisant des “‘voeux pieux”, nos testateurs font preuve de bons sentiments à l’égard de certains : Ruby de Turcquie ne déclare-t-il pas,comme derniére volonté en faveur des clercs du Palais :
: comme
lui de Villon, consiste donc a n’en prendre, outre l'esprit, que ce qui peut susciter un comique immédiat,
et traduit
ainsi une volonté de recherche
que le public n’était vraisemblablement pas le meme
déclare :
“Aux Quinze Vingtz, je laysse mes lunettes.” - des legs vengeurs : ils consistent à transmettre ses maux à ceux dont on veut se venger. F. Levrault souhaite aux “Quantonieres” de la ville d’attraper la vérole et de finir à la porte de Ragot, lui, don-
ne ses poux aux médecins et aux Jacobins. - des legs traditionnels ; nos testateurs n’oublient pas pour autant les legs traditionnels. Taste-Vin donne ails, oignons et chair salée à tous ceux qui sont amoureux de ‘“‘vinée”, et il propose le gros baton dont il se soutenait quand il était îvre, “a ceulx qui ont femmes noyseuses.”.
vre de Villon
conseiller truffe ou sornette faire oreiller Guillemette
Ma femme. . . Cela est honneste ? ” gens :
“Tant suyvront les voyes pubicques Qu’a la fin, ilz seront penduz.”
signation est,elle aussi,source de comique Quant
à l’adieu
qui peut à lui seul justifier
En général, et ceci est surtout sensible dans le Testament de Ruby de Turcquie, les legs sont empruntés en droite ligne à Villon dont on reprend parfois les termes et toujours les idées (nous y avons notamment relevé une reprise mot pour mot, de vers des huitains CKXXI,
CXXXVIII, CLI,
CLX.).Mais il faut noter que, dans le plagiat, s’est opéré un choix. Ce sont en effet les plaisanteries les plus faciles, les plus traditionnelles, les plus matériellement sensibles que l’on a empruntées à Vil-
curs sont explicités ; l’imitation est donc ici appauvrissement.
chez Villon, d’une double, voire
évitée
: Jenin de Lesche désigne “le trippier Sainct Innocent”! le titre de Testament,
comme
dans
le Testament
de
de Taste-Vin Carmentrant (15), et dont la tristesse feinte prend une résonance comique - l’adieu : s'adresse aux vins dont il fait une énumération ;,il peut être remplacé par un appel au souvenir combénédiction, d’une et pardons de l'octroi par ou “Souviegne vous de Ruby de Turcquie.”, me Ragot
qui, entendant trépasser en odeur de sainteté,promet force pardons “ A tous ceux-là qui, par dévotion, Escouteront le Testament Ragot.”
en soit, nous
et les vers quelque peu obs-
Mais cela ne peut-il se justifier ?
à la scène dans la mesure inclinerions à voir dans ces textes des oeuvres destinées
où
la présence physique indispensable pour elles présentent, de manière dramatique, en lui donnant e à la légende de Villon, et où elles reposent faire “passer” le texte, un type qui doit son existenc e au second degré, par le biais de l’imitasur une parodie du réel, même si cette parodie s'effectu tion de Villon
d’une triple interprétation. Toute finesse est ici soigneusement
D'ailleurs, on pourrait peut être
fin du XVe siècle et au début du XVIe, L'étude de ces textes prouve une nouvelle fois qu’à la a la lecture est difficile 4 établir Quoi qu’il la limite entre l’oeuvre dramatique et l’oeuvre destinée
Ce n’est d’ailleurs que dans ces legs traditionnels que l’auteur se livre à des jeux de mots ou à des
lon, et aucun des vers de nos testaments n’est susceptible, comme
plus
Après les legs, c’est la fin du testament, qui traditionnellement se termine par la désignation de l’exécuteur testamentaire et l’adieu. Dans certains testaments, comme celui de Ruby de Turcquie, la désignation de l’exécuteur testamentaire se fait au cours des legs. Parfois cette dé-
Ragot lègue “son billouart” aux nourrices. Et dans la farce, Pathelin déclarait :
contrepéteries : Taste-Vin prédit des jeunes
Il ne faut pas oublier non
: Villon s’adressait à des lecteurs cultivés
et avait contribué à créer sa légende, faussant ainsi sa véritable personnalité
Thèmes traditionnels du vin et de la femme, auxquels s’ajoute parfois le recours à l’obscénité :
“ Apres a vous, mon Messire Jehan, sans Je vous laisse pour Les deux fesses de
dramatique
mesurer par là ce qui, cinquante ans apres sa publication, subsistait auprès du public de l’oeu-
Villon, Ruby de Turcquie
quelque église, et à son ennemi, Jehan Le Guenais, “meschanceté, vie miserable.”.
Cette simplification d’un texte aussi riche que ce-
et initiés, nos testateurs à un public populaire indifférencié.
“Je veulx qu’ilz ayent chascun sa chopinette A desjeuner....” - des moqueries plus ou moins charitables
des sens possibles et la stricte adéquation des legs avec ce qu’un
veur d’un
dont
comique
, nous avons vu, et ce sera notre dernier argument
immediat,
caractéristique de la représentation
qu’elle est un choix en fa-
scénique
C’est là un exemple
littéraire, adaptation qui était facilitée par les de l’adaptation à la scene d'un genre proprement nous ont continué la tradition des jongleurs. Et, si extraordinaires qualités de mime de ceux qui que ; moins pas resté n’en il e, scèniqu e ues à caractèr avons classé ces pièces parmi les pièces parodiq que. dramati gue monolo se rapprochent du véritable beaucoup plus que les sermons joyeux, elles
- 102 -
- 103 -
Il est évident qu’une telle veine comique n'allait pas manquer d'ouvriers pour l’exploiter et, Jusque dans le premier quart du XVIe siècle, les descendants des jongleurs, qui sur la place publique, qui sur une scène improvisée, qui enfin au théâtre, à titre d’interméde, allaient,pour la plus grande joie du public, parodier les textes de loi et les ordonnances des rois de France, donnant ainsi des oeuvres qui sont, dans un autre domaine, l'équivalent de ce qu’étaient les sermons burlesques aux sermons religieux.
Malheureusement, ces textes qui n’avaient pas grande valeur lit-
téraire, ont pour la plupart éte perdus, sauf ceux qui nous sont parvenus liés à d’autres textes. Nous n’en citerons que trois : les Lettres nouvelles concedees et ottroyées jusqu'à cent et ung an ἃ tous ceulx qui desirent estre mariez deux foys (4), la Grande Confrarie des Soulx
d’Ouvrer et enragez de rien faire (5)
et la Lettre d’escorniflerie (6) qui suit Les quinze signes des-
cendus au pays d'Angleterre. Ces trois textes datent du premier tiers du XVIe siècle
CHAPITRE
Il suffit de rapprocher ces textes de ceux des Ordonnances des rois de France pour consta-
Y
ter qu’ils en sont, en style bouffon,une parodie exacte : “De par Saoul d’ouvrer, par la grace de Trop Dormir, roy de Negligence, duc d’Oysiveté,
LES
palatin d'Enfance, viscomte de Meschanceté,
MANDEMENTS
tiques.),
(suit une longue énumération de titres iden-
a ΠΟΖ amez et feaulx, les generaulx et conseilliers sur le faict de nulle science, a noz tre-
soriers et argentiers sur le faict de nulle finance, . . . salut.” (La Grande Confrarie Il est un dernier genre dont on peut penser, pour différentes raisons et notamment à cause de son caractere de parodie dramatique,
qu'il a pu accéder à la représentation scénique : c’est celui du
mandement Les différentes manifestations de la vie mediévale, même les plus inattendues et les plus banales, ont souvent donné naissance a des oeuvres littéraires : à la fin du XIIIe siècle, Guillaume de la
nos cours de parlement, generaulx conseillers sur le fait et gouvernement de noz finances, de la Justice, de noz aydes et de noz monnoyes, Prevost de Paris, baillifz de Vermandois, Vitry,
Si un tel texte ne nous
14 Mai 1487)
ou encore :
A tous ceulx qui ces presentes lettres verront et orront, salut”
émeut guère aujourd’hui, le simple fait qu’il ait été conservé nous
(Ordonnance du 17 Octobre 1492 a Tours )
conduit à penser qu'il était goute des contemporains de l’auteur qui devaient trouver une certaine saveur comique à ces accumulations verbales prises à la vie quotidienne.
(2).
Atous
Il est vrai que cette sa-
d’une accumulation de réclames publicitaires
? Et une telle utilisation
ne serait-elle pas, par essence, parodique ? Mais les jongleurs du XIIIe siècle ne se sont pas contentés d’utiliser, sans la modifier, la matière brute que leur fournissait la vie quotidienne ; ils ont aussi parodié certaines manifestations
de cette vie quotidienne, notamment lorsqu'elles avaient un caractère politique. E. Faral admet les conjectures de Jubinal selon lequel les jongleurs suivaient les hérauts qui publiaient par les rues les traites de paix
et,en les parodiant, donnaient lecture d'un texte qu'ils avaient rendu bouffon.
D'ailleurs, lui-même remarque que les deux chartes qui suivent le monologue de la Paix au anglais daté de 1259, sont “en style de chancellerie dérisoire, le texte d'un accord grotesque passé entre les rois de France et d'Angleterre”, le second etant une parodie et une satire du traité de Montreuil par lequel Philippe-le-Bel rendait la Guyenne a Edouard III (3)
ceulx qui ces lettres verront et orront, ne seront sours ne aveugles, salut.”
(Lettre d’escorniflerie. )
veur comique était due en grande partie à l’art du jongleur. Mais ne rirait-on pas aujourd’hui d’un poëme qui se composerait
Troyes.
(énumération des villes), et a tous noz autres justiciers, . . . salut et dilection.” (Ordonnance du
Villeneuve ne compose-t-il pas un “noviau dit” (1) en accumulant en 194 vers les cris des marchands de Paris?
. :)
“Charles, par la grace de Dieu, Roy de France, a noz amés et feaulx conseillers, les gens de
ou: “Tl est venu a nostre congnoissance que Pourquoy nous, ce considere
vous mandons, commandons et expressement enjoignons et,
a chascun de vous sur ce premier requis, que vous faictes ou faictes faire expresse inhibition et deffense de par nous sur peine de confiscation de corps et de bien >
si donnons en mandement
” (Ordonnance du 14 Mai 1487)
par ces presentes a noz amés et feaux”
(Ordonnance du 25 Novembre
1487)
“Par quoy nous, ces choses consideré et avoyr ouy par lesdictz complaignans, nous vous mandons et commandons que royallement et de faict, vous
gnans l'avons octroyé et octroyons par ces presentes
car ainsi le voulons, et ausdictz complai-
. ” (La Grande Confrarie.
“Item voulons et ordonnons en mandement aux dessus dits
.)
car par ces presentes leur endon-
nons plain pouvoir et puissance Mandons et commandons a tous noz subgetz, et oultre deffendons
105 -
- 104 par les ordonnances dessus dictes qu'ilz
sur peine de incarceration de corps et ravissement de
biens et d’estre bannys de noz royaulme
” (Lettre d’escorniflerie. )
Et les textes se terminent par la mention “ Mai
1487
), “
la date, de la precision
rituelle indiquant
theatre de
fait sous scel royal
scellé de paste par faulte de cyre verte
”’ (Lettre
” (Ordonnance du 14 d’escorniflerie.),
si nous avons affaire à l’original ou à une
copie.
miz tesmoings
.
.” (La Grande Confrarie ...)
sots bien connus qui
b) decision
ture d’ensemble du texte-
et du ton
nel des ordonnances : adresse,
Mais la parodie se situe aussi au niveau de la struc-
- car nos mandements burlesques respectent le plan tradition-
exposé
des motifs qui ont
présidé à l’élaboration
Ainsi l’utilisation de la parodie rendait-elle des plus faciles la représentation scénique l'acteur, dûment
costumé
de la decision
b) ‘Nous mariez,
avons ordonné
non
tant
en mariage
II femmes si bon leur semble c) ‘
du roiaulme
et ordonnons
affin de accomplir
le commandement
2ème temps : a) Les Turcssont
tous homes puissent
de Dieu quia
naturelz,
dit de sa bouche :
cent contre un ; d'où la nécessité en France de se multiplier
d’autant plus que les femmes sont plus nombreuses que les hommes
traditionnels du comique
médiéval.
accomplir son commandement
c) ceci pour servir Dieu,
C’est à vrai dire sans surpri-
se que nous retrouvons exploités là les thèmes du vin (Lettre d’escorniflerie.) et de la femme (Les
té contre
et defendre la chrétien-
les paiens
(notons que le comique doit beaucoup à l'évocation du “péril turc”’ et au grossissement à
Mais
ce qui est le plus étonnant ici, c’est que chaque thème soit l’objet d’un traitement spécifique : alors
valeur burlesque )
que l'exploitation comique du second thème est obtenue surtout par une opposition entre le sérieux
Le second temps du texte qui envisage les consequences possibles de l’ordonnance, accentue le caractère comique par les prescriptions qu'il prevoit à l'encontre des femmes, prescriptions qui
de la forme - style et structure - et le caractère burlesque du fond, le comique du premier repose surtout sur l’emploi du procédé
présentatif
connu
de l’accumulation,
la forme
parodique
ne servant que de cadre
Les auteurs du début du XVIe siècle auraient-ils déjà pris conscience de la spécificité
des procedes selon les thèmes traités ? Les Lettres nouvelles
sont, comme
le
titre l’indique, un texte qui entre dans la catégorie des oeuvres antiféministes lesquelles déclendont il garde le déroulement démonstratif.
sont,en quelque pourra nel)
a tous ceulx qui desirent estre mariez deux foys
chaient à coup sir la gaité de l'auditoire
Ce texte s’appuie sur la parodie des ordonnances royales Il s’agit en effet, dans un premier
temps,de justifier cet-
te ordonnance burlesque, puis de prevoir et de remédier aux inconvénients qui pourraient en résulter. Il débute par la formule rituelle d'entrée en matière laquelle donne la liste des ‘‘gens de nostre sang et gens de nostre Grant Conseil” parmi lesquels nous reconnaissons les noms des personnages de la Sottie contre le Pape Jules II de Gringore (7) : “messeigneurs les Cardinaulx du Pontalectz, le Cardinal du Plat-d’argent, le Cardinal de la Lune, les Evesquesde Borse, les Abbés de Frevaulx, de Crousleducul
tant
avoir et prendre
”
crescite et multiplicandi et replete terram et cetera
pour leur résister,
que doresnavent
de France que aultres roiaulmes,
Ὁ) d'où la décision valable pour cent et un an ‘que chascun sur peine d’encou-
ce canevas, emprunte au réél, était rempli.
) qui sont, nous l’avons vu, les thèmes
:
rir nostre malediction ait a prendre lesdictes deux femmes ”
Mais nous n’avons abordé là que le problème de la structure générale qui sous-tend le texte
Lettres nouvelles
divine
mariez que
blement écrit sur un parchemin décoré d’un sceau de cire
Essayons de voir comment
sur une scè-
Puis ce premier temps suit le plan des ordonnances
ler temps : a) annonce que les Turcs sont venus pour détruire la chretiente, d'où
: il suffisait à
et grimé, de lire avec les inflexions de voix nécessaires, le texte préala-
texte a pu etre déclamé
de
valeur l'opposition entre la forme et le fond
de l’acte, jugement
rendu, ordre d'exécution et exposé des pénitences encourues en cas de non respect de l’ordonnance.
notre
de noms
Mais ici, ce plan est redoublé ce qui crée un effet comique par l’insistance avec laquelle on met en
les formules juridiques traditionnelles en leur ajoutant parfois quelques mots de commentaire burqui, s’integrant à la formule, la font éclater
incline a croire que
Enumération
;
c) justification
La parodie consiste donc a reprendre textuellement, au niveau du style, dans un texte bouffon, lesque
nous
”.
a) énoncé des causes matérielles et immediates qui motivent l’acte ;
et de la
et signees par les maistres des Souffreteux a la relation des Endor-
et signées par nous autres notaires cy soubz nommez
et plusieurs aultres grans et notaibles personnaiges
ne à l’occasion d’un jeu dramatique
suivie de
signature de ceux qui ont assiste à l’établissement de l’acte : “ ... Scellez de noz petitz seaulx par deffault de notre grand seau
dier du Boulx
Gaietté, de Joie, de Platte-
et de la Courtille, Messeigneurs le Prince des Sotz,
le Prince de Nattes, le General d’Enfance, le Prince de la Coqueluche, l'Abbé des Cognards, le Ver-
sorte,
la renvoyer
une satire du beau
chez ses parents et en prendre
; la derniere venue
resnavent
voulons
soyent
sur peine
leurs cheveulx
sept jours en sept Jours pour le plus rer les cheveux
son mari
(thème
tradition-
la remplacer
: les curés devront
excommunier les ja-
; enfin, ‘‘pour entretenir paix et concorde avec lesdictz hommes en
et ordonnons
tondues de
se révèle trop bruyante,
une autre pour
devra être servie par la première
louses et les faire enfermer leurs maisons,
femme
sexe : si une
de ladicte malediction,que
de moys
en moys
lesdictes femmes
et les ongles des doys
rongnez
do-
de
” afin qu’elles ne puissent se battre, se griffer ou se ti-
! doit sa valeur comique à la forNous avons la une exploitation d'un theme traditionnel qui ménature de lala fiforme et>t lala natu atif e See a ’ . impératif de me parodique, c'est a dire a l'opposition entre le caractère ej un objet ici cocomm apparait ici la ffemme apparait : la revivifier î de le > revivifier me de l’ordonnance, ce qui a pour effet avons q nous que theme theme eme même du é n é parar énumeratio aiteme dont on dispose Par rapport au traitement dans le regard porté sur l’objet. Le regard , difference a y il mariage, de pieces les rencontré dans
107 -
106
craintif dans les énumérations qui sont en quelque
sorte des plaintes burlesques,
dominateur : de cette transformation,due au cadre parodique La Lettre
d'escormflene est une lettre qui donne
diversde boire sans débourser
un liard
Or, excepté
utilisé,
Avec
devient ici
d’une
naît le comique
privilège à tous
les joyeux vivants et gueux
les formules rituelles, cette lettre se compose
lout d'abord
Taste-Vin fait suivre son nom de ses 15 titres. juxtaposés dans l'ordre décroissant d'une hiérarchie burlesque (de ‘Roy des pions, duc "ἃ “baptiseur d’andoulles’’.). C’est là la mateérialisation au niveau de la phrase du serieux degrade, parodie burlesque qui ἃ l'avantage de Puis vient
enumeration
fice qui ne comporte culminant,
musicale
que
subjets”
pour
savetiers
auxquels s'adresse
savamment
composee
finalement
sur un léger
repartir
nous offre ici l’auteur
substantifs seuls (‘‘taverniers. determinatif
“feaulx
Il commence
la Lettre,
veritable
feu d’arti-
en crescendo jusqu’à crescendo
en effet
C'est
de cartes,
son énumération
faiseurs de faulse monnoye
véritable par des
”), atteint
le
point culminant avec deux substantifs déterminés par 18 adjectifs ou appositions (‘‘prevost et officiers cassez taigne,
de gages,
les souliers sans
un complement complements besars que
forbanys,
infames
semelles,
determinatif,
les yeulx
puis
les chaulses blancs
a des substantifs
(‘‘houliers houlieres qui font
ce sont
”)
Ainsi
comme.
le rythme
seuls.
tyrentes vers les tallons a la facon .
)revient
avant
acroire de miches que de cette accumulation,
a des substantifs
de repartir ce sont tantôt
sur
une
de Bre-
precisés par
série de quatre
poysles d’arain, accelere,
tantôt
et d’amralenti,
Puis repartant pour se freiner a nouveau , joint a la richesse du vocabulaire et des expressions argotiques parmi lesquelles nous n'avons constaté aucune repetition, crée un veritable vertige euphorique qui atteint son paroxysme avec l’énumeration suivante La dernière accumulation comprend
en effet l’enumeration de 1 1‘‘extenciles de taverne”, Sui-
vie de celle de 20 vins et boissons, Cette derniere enumeration ne se composant amene
le rythme a s'accelerer jusqu’à l'essoufflement
que de substantifs,
C'est l'ivresse
Des lors 1] ne reste plus au héraut qu'a terminer son mandement
par les formules rituelles
qu'il rend comiques par le recours a une onomastique burlesque (maistre Jehan Livrognet
; Sainct
Se-tu-as-s1-prens) Le procede comique employé jet et du but qu'il imphque que si Je texte est declame
ici semble donc avoir eté sciemment
ce flot verbal
choisi en fonction du su-
Or ce procède etant d'ordre rythmique, il ne peut produire ses effets Il est destine ἃ l’oure plus qu'à la vue : l'effet de surprise créé par la
succession de termes nouveaux et inattendus
et l'euphorie qui naît des variations du rythme de
ne seraient pas perçus à la lecture
emploie,
se rattache aux cris des sotz
dits cris.
1] pouvait
Nous avons la
un texte qui.
par le procédé qu'il
Et on peut fort bien admettre l'hypothèse que,
etre déclame en debut de spectacle pour
“préparer le public”
nous avons donc
au quotidien,
un nouvel
ce qui permet,
exemple
d'une
de l’utilisation
part, de donner
au tex-
le mode de presentation ajoutant son propre comique à celui du procé-
dé employe,
le cas pour
comme
comme
le theme,
nouveler
c'est
d'escormflerie,
ou devenant
que celle que nous avons rencontree dans les sermons
et les testaments : un
cadre serieux
rempli
par une
au personnage
qu'il parodie,
burlesque,
matière
meme
de re-
les
joyeux,
l’ensemble
dans ce cas precis,implique
qui,
devenant une des manifestations du procedé du sérieux degradé du recitant
le moyen
La démarche qui preside à l'é-
c’est le cas avec les Lettres nouvelles
laboration du genre est la meme pronostications
la Lettre
c'est à dire une attitude
sce-
proprement
nique
un point
une
), la poursuit par des substantifs précises par un com-
(‘joueurs de dez.
burlesques
prise au reél,
auquel l’auteur a recours,
l'identification
tout à fait compatible avec le sujet
pas moins de 4] noms,
puis en decrescendo
composition
plement
des
mandements
parodique
te un caractere dramatique et d'autre part, d'insuffler une nouvelle vie au comique traditionnel
en fait de trois longues énumérations verbales
créer par le verbe une sorte d'euphorie
ces deux
structure
comme
les
Ainsi dans
toute
cette série de textes qui va des pièces de mariage
sant par les sermons, les pronostications.
en pas-
mandements,
aux
et les testaments, on assiste à un effort conscient pour
à caractère drarevivifier les thèmes comiques traditionnels en utihsant un mode de présentation du recitant au on identificati matique par le biais de la parodie qui suppose. pour etre réussie, une personnage
parodie
(prédicateur
astrologue,
testateur,
héraut)
duquel
par la bouche
1l rapporte
Cependant, dans tous ces textous ces thèmes qui provoquaient l’hilarité du bon public populaire un simple artifice de présen souvent tes, cette identification n’est que suggeree - elle reste le plus une superficielle en quelque sorte, car le recitant ne fait que copier tation dramatique :, qui est source de comique, ce sont attitude et imiter un ton Ce n'est pas le personnage lui-même ses paroles dans
la mesure
où elles sont en contradiction
2
’
ee
Mais l'identification
avec son attitude
peut devenir l'objet même du rire et prendre un caracsi l'acteur essaie de traduire les sentiments restère dramatique plus profond si elle s'intérionse, paroles qu’il lui prête sont en accord avec son sentis par le personnage qu'il met en scene, 5] les
du récitant au personnage mis en scene
attitude
et temoignent
de son caractere
C'est alors le personnage
lui-même,
son Caractere,
sa
dans les monologues
C’e st ce qui se produit des conséquences de cet approfondisseUne ant dramatiques que nous allons étudier mainten concepage mis en scene sera la modification de la ment de l'identification de l'acteur au personn etror plus ra deviend était, d'extérionsée qu’elle tion de la parucipation du public au jeu Celle-ci, partagé nt sentime 0 partag us ne devenir plus que sensation te, plus profonde et s I interi orisera au point de que et mora(physi totale sera ge a personn son a de l'instant ou l'identification de l'acteur A part participation extesimple adhesion spirituelle et non plus le) la participation du public deviendra
psychologie
rieure
qui sont
par la voix ou
source de comique
le geste, et des lors,le monologue
dramatique
pourra
5 intégrer à la tragédie
nt. Mais nos monoloen tant que genre independa Son perfectionnement amener a sa disparition loin de ce degré du XVIe sont, pour la plupart, encore gues de la fin du XVe siecle et du debut de perfection
- 108 -
TROISIEME
LE MONOLOGUE
109
SECTION
DRAMATIQUE
CHAPITRE.
“PROPREMENT
LES MONOLOGUES
DIT”
On peut considérer qu’il y a monologue dramatique à partir du moment
où l’identification
de l'acteur a un personnage qu'il met en scène n’est plus un simple artifice de presentation, mais devient l’objet même du comique
Dès lors cette identification ne se traduit plus par une simple
imitation de ton et d’attitude, mais par une véritable re-création
psychologique d’un type donné.
Quels sont donc les “types” qui, à la fin du XVe siècle et au début du XVIe, vont accéder à la scene par l'intermediaire du monologue dramatique ? Nous en distinguerons trois : le charlatan, le soldat fanfaron et l’amoureux
Mais sont-ils véritablement des “types” avec des caractères
propres, une personnalité independante ? Nous constatons que tous les trois présentent le même défaut principal : ce sont d’incorrigibles vantards dont les exploits ne sont pas toujours à la hauteur de la conception qu’ils ont d’eux-mémes. On pourrait ainsi penser que les monologues dramatiques ne nous présentent en réalite qu’un seul type, celui du vantard, sous trois aspects différents qui correspondent à des catégories sociales ou professionnelles. Ce qui n’a rien d’étonnant lorsqu'on sait que le théâtre médiéval n’est bien souvent qu’une parodie à caractère satirique de la vie
Quel sujet pouvait mieux lui convenir que ce défaut dont la caractéristique exté-
rieure est l’outrance, le manque de mesure vis à vis de soi et d'autrui, surtout en un siècle où l'humilité était considérée comme la première
des qualités ?
Néanmoins, si ce vice tant décrie constitue l'unique sujet, les auteurs dramatiques et les ac-
I
DE CHARLATANS
Le plus ancien texte du genre,et le plus célébre, est sans doute le Diz de l’Erberie de Rutebeuf(1) qui remonte au milieu du XIIIe siècle
et a suscite de nombreuses imitations dont les plus connues
sont l’Erberie en prose du manuscrit français 19152 de la Bibliothèque Nationale (2) et une autre pièce en vers intitulée de la Goute en l’aisne (3)
De la meme époque, et peut-etre même un peu
plus tot, date un texte très court d’un auteur provençal, Raymond
d'Avignon, l'Homme qui sait
tout faire’’ (4). D'ailleurs le type de “l'homme qui sait tout faire” a éte exploité très tot dans la littérature, nages
comme en temoigne le Dit des deux bordeors ribauz (5), texte dans lequel “les personsont deux jongleurs qui se querellent sur leurs talents respectifs et qui, s’envoyant des
bordées d’injures, mélent à leurs inventions, pour faire leur propre éloge, des inepties bouffonnes’ (6), et que Melle A. de Felice rattache aux concours de vantardises et de menteries traditionnelles, lesquels ‘ont pu exister en fait, mais aussi prendre l’aspect de dialogues conventionnels entre des adversaires fictifs : il y aurait là une sorte de préambule a l'art du théâtre ” (7). Il suffit de restreindre au domaine de la médecine les vantardises de l’homme à tout faire, pour que celui-ci devienne le marchand de theriaque type Puis, si l'on en croit E
Picot (8), et si l'on se fonde sur les textes qui sont parvenus jusqu’à
nous, il faut attendre plus de deux siecles, c'est à dire la fin du XVe siecle, pour que les auteurs dramatiques s'intéressent a nouveau au personnage du charlatan ou du valet qui sait tout faire. C'est en effet de cette epoque que datent les ditz de Maistre Aliborum qui de tout se mesle (9),
teurs du moyen age ont su donner à chacun des personnages qui le toncrétisent, son originalité
Watelet de tous mestiers (10) ; Maistre Hambrelin, serviteur de Maistre Aliborum, cousin ger-
propre.
main de Pacolet (11) et le Monologue de la fille basteliere (12).
C’est ce que nous voudrions montrer, en étudiant dans un ordre qui, nous semble-t-il, tra-
suit la chronologie relative de leur creation, les monologues de charlatans, les monologues de soldats fanfarons et les monologues d’amoureux
A ces quatre piéces, nous en a-
110-
111
jouterons deux autres qui ont des rapports étroits avec elles : les Quinze signes descendus au pays d'Angleterre (13), qui bien que débutant comme un sermon n’en ressemble pas moins à une para-
a la scene et jouees en lever de rideau en guise de parade avant les pièces maitresses du spectacle,
de de charlatan destinée a attirer les badauds avant de leur présenter des remèdes miraculeux (14), et le Dialogue de Placebo pour ung homme seul (15). Cette dernière pièce, bien qu’utilisant les pro-
pas de résoudre de mamiere satisfaisante - les textes les plus courts etaient-ils déclamés par des a-
cédés caractéristiques des monologues de charlatans est en fait onentée plus nettement vers la sati-
plus longs destines au theatre ? Certains étaient-ils l'oeuvre d’authentiques charlatans ? Rien ne
re. On pourrait aussi classer dans cette série le role de la vieille bru dans la Farce des brus (16), rôle
permet de l'affirmer
qui se compose d'un monologue fractionne en tranches
nous feraient pencher en faveur d'une déclamation sur la place publique, ce qui semble confirmé
Signalons aussi,a cette période, pour souligner la faveur que rencontraient ces pieces, des textes que leur longueur destinait à être lus, mais qui présentent tous les caracteres extérieurs des textes dramatiques et dont on pouvait fort bien
declamer des extraits sur les planches; comme
“la médecine de Maistre Grimache”’ dont le titre
exact est la Vraie médecine qui garit de tous maux et plusieurs autres (17).
Le caractère meme de pieces comme celle de Rutebeuf, ou la Fille basteliere,
par les indications sceniques de la seconde
‘Icy monte sur une secabelle et dict ‘ ’ ou :
très grande
decin savoyard emprisonné pour avoir donné advis au Duc de Savoye de ne croire son devin (21) sidans les premiers textes, la profession mise en cause est surtout celle
“Icy
devalle de dessus la secabelle et prend une verge en sa main, et ἴδιοι un tour ou deulx et prend ung chien vestu de quelque toylle de coulleur et dict ce qui ensuyct
: ’. De plus certains vers de Mais par
ailleurs, le médecin du Dit de l'Erberie invite les badauds a s'asseoir ‘* Aseez vos, ne faites noise, Si escoutez, qu'il ne vos poise.”
: Varlet a louer a tout faire (18)
et Chambriere a louer a tout faire (19), celui qui fut longtemps attribue à Joachim du Bellay, sans fondement d'ailleurs, le Medecin courtisan (20), et un texte en patois : le Plaisant discours d'un mé-
Il faut noter que
museurs de places publiques pour attirer les badauds autour d'eux avant de faire la quete, et les
Warelet supposent une quête parmi le public, caractéristique des bonimenteurs de rues.
A la fin du XVIe siècle, la faveur que rencontre ce type de monologue estencore comme en temoignent les textes attribués à Christophe de Bordeaux
la sottie et la farce ? Probleme difficile et que la longueur très variable des textes (23) ne permet
ce qui s'imagne difficilement en dehors d'un heu conçu pour la representation theatrale
En fait,
il est difficile de déterminer si ces monologues ont ete déclamés sur une place publique ou sur une scène théatrale ; d'ailleurs la difference entre ces deux lieux n’est pas grande, et ce qui importe avant tout, c'est le caractere de parodie dramatique de tous ces textes et le fait que l'identifica-
“d’herbier”, de charlatan, alors que dans le second groupe, c’est le valet vantard qui est mis sur la
tion de l'acteur au personnage qu'il met en scène y est si profonde que l’on peut supposer à bon
sellette, en fait les procédés employes sont identiques et le valet qui sait tout faire se vante entre
droit
que,tot ou tard,tous ont du accéder à la scene
autres choses de savoir guérir ; quant au medecin savoyard, il ne dedaigne pas de porter a son actif des services imputables à un valet “ Ze say fare la medecena, Et poy encor myou la cuzena, Ze say alla ; ze say zappa E
Quel type de personnage nous présentent ces monologues ? Constatons en premier lieu que, sur la quantité, on ne nous présente que deux femmes
louer”, et encore cette dernière peut-elle être considérée comme
d’ailleurs il admet presenter le défaut caractéristique des valets :
Varlet par un auteur en quête de personnages.
‘‘ Zamo bin a baire matin Poy a toute ore d’o jour ”
pour le pendant tardif du mire de Rutebeuf
Aussi pouvons nous sans scrupule ranger tous ces monologues sous le dénominateur commun de “l’homme a tout faire ** (22)
Tous ces monologues nous presentent donc un type auquel s’identifie l'acteur : celui d’un bonimenteur, médecin ou valet vantard,qui cherche par ses paroles à attirer auprès de lui le plus grand nombre possible de badauds, le premier pour vendre ses herbes, le second pour trouver un emploi
Les problèmes techniques de composition se réduisent donc à deux
rons successivement
que nous étudie-
port avec ce caractere et capable de provoquer le rire sans le secours du récit,comme ce sera le cas Cependant.
préalablement à l'étude de ces deux aspects du genre,
nous voudrions soulever le problème de la représentation - ces textes sont-ils des boniments de charlatans récites par un amuseur public et rapportés par un badaud attentif ou des parodies destinées
De la même
le pendant féminin donné au
maniere,la première pourrait être prise
Peut-etre ἃ t-1l existé aussi un monologue de bateleur
sur le modèle duquel la Fille basteliere aurait ete composé, car le bateleur est un personnage bien connu de la farce (24) Toujours est-il que le fait d'avoir mis en scène une femme n'apporte rien de particulier ou de supplementaire au portrait-type, si ce n’est qu'il permet de renouveler le comique du genre par le recours à un personnage inhabituel et de renforcer l’eftet des grivoiseries Et ce choix permet aussi d’avoir recours avec plus de vraisemblance a une énuméles ration des travaux feminins et d'utiliser les themes traditionnels de la satire dirigée contre traditionnelles chambrieres Avant d'aborder l'étude du caractère du personnage, nous devons constater que, contraire-
’ presenter un caractère et imaginer un flux de paroles, de vantardises, en rap-
dans les monologues d’amoureux
la “Fille basteliere” et la “Chambriere à
ment
a ce qui se passe dans les autres monologues
où le personnage
reste anonyme
(monologues
duquel il est origid’amoureux), ou n'est défini que par sa fonction precisee par le nom du pays il se voit parfois atnaire (monologues de soldats fanfarons), dans les monologues de charlatans,
pièces, tribuer un nom propre, trait caractéristique de sa transformation en type Dans certaines > à chambriére la faire, tout à le personnage est defini par son metier : la fille basteliere, le varlet
-Ψ12-
113
tout faire.
Cette caractérisation par le métier, lorsqu'elle n’est pas suffisamment évocatrice, est précisée par une seconde qui, definissant le défaut du dit personnage-et qu’il emploie lui-même pour se caractériser -le range aussi parmi les types Or, dans les Premiers morceaux du genre, le charlatan se
defin dans le theatre du moyen age finissant
sonnage de Rutebeuf
ge seul a la scéne, sont posterieurs a la Sottie des sots qui Corrigent le Magnificat et aux farces el aux mysteres dans lesquels notre Personnage apparait, ce qui laisserait supposer que c’est par l'intermédiaire des autres genres theatraux que notre personnage est né et a acquis son indivi-
présentait sans se definir par un travers caractéristique : “Je sui uns mires” se contente de dire le perCe n'est en fait qu’ala fin du XVe siècle et au début du XVIe, que nos charla-
tans se voient attribuer un nom qui les caractérise en tant que type : Watelet, Hambrelin
Aliboron.
L'origine des deux premiers noms reste obscure malgré les explications qui en ont été données. Pour Montaiglon (25), Watelet viendrait du mème mot employé comme nom commun en patois wallon pour designer un petit gâteau et, en le rattachant à wateux” (celui qui gate), ‘‘Watelet aurait
alors le sens de gate-metier
Explication dont l’elégance n’a pas le don de satisfaire E
voit en Watelet un simple diminutif picard de Gautier
Picot qui
Dans la mesure où il existait dans le théâtre
d’alors une tendance a specialiser des noms courants comme Jehan, Jenin, Gautier ou Martin dans des roles de sots ou de maris trompes, cette explication est plausible. D'ailleurs le nom de Watelet est peut-être tout simplement un diminutif de celui de Walet, personnage du sot dans le Jeu de la Feuillée qui, comme notre monologue,est un texte picard Quoi qu'il en soit, ce nom de Watelet n’a pas fait fortune Dans celui de Hambrelin qui a eu plus de succès au théâtre, E
fantaisiste. Melle Droz,
dualité
et que son nom vient de la plante ellebore (32) jnous savons aussi qu’il a un rôle bien les Ditz de Maistre Ahborum
Aurait-on
la un processus
inverse de celui qui,
vers la fin du XVe
siécle, transforme la
mise en scene des monologues en les decoupant et en leur adjoignant un second rôle pour les transformer en dialogues ? En fait la forme métrique très pure - 14 dizains de decasyllabes rimant selon la formule aabaabbcbe
- du monologue qui nous est parvenu, et qui tranche sur celle des
autres monologues
genre,
de meme
lesquels sont le plus souvent
ser que notre pièce est unremaniement par l'allusion a la bataille de Fornoue.
en rimes plates, invite
à pen-
soigneusement versifié d’une pièce antérieure, rajeunie Si cette hypothese était vérifiée, elle permettrait de sup-
poser, ce qui semble logique, que la creation du type est antérieure à son emploi dans les farces et autres pieces Quoi qu'il en soit, Maistre Aliborum est certainement le type dont la caractérisation est la plus achevee, puisque la Moralité de Chascun, Plusieurs, le Temps, le Monde nous
Picot voit une transcription du
hautallemand
“Meister Hämmerlein”, nom qui, au théâtre, désignait un farceur Cette acception peut s'admettre si l’on voit dans le vers 197 : “76 suis du pays des grans nains”’ une allusion à la légende des Niebelungen Mais il faut attendre la Commédia dell’arte pour que tel phénomène se
apprend qu'il portait un costume traditionnel : d i Arlaiteste Le bonnet rond, cornes, cornete, Tant de papiers, c'est un grand nombre ; Tant d'engins, l’un droict, l’autre contre : Te semble un maistre Aliborunt.”
reproduise avec le nom d’Arlequin
Quant aux noms de théâtre de farceurs connus, s'ils sont parfois cités comme c'est le cas pour Maistre Gonin (v 258), celèbre farceur du règne de François ler, très rarement ils deviennent noms de type. En fait on pourrait tout aussi bien admettre que Ambrelin vient par dérivation de l'adjectif “‘ambleor” qui aurait subi une métathèse de r et 1, avant d’être pourvu du suffixe ’‘ = in” (ou du verbe “ambler” - beaucoup de substantifs du théatre comique étant formés à partu du radical d’un verbe pourvu du suffixe ‘“-in” : avertir = avertin ; brasser = brassin ; taster = tatin ; babiller =babin . )(26) Le sens de l'adjectif,qui qualifiait habituellement un cheval allant au pas de parade, conviendrait fort bien à notre charlatan qui ne fait que parader en débitant ses vantardises ! Notre personnage est aussi présenté comme le serviteur de maistre Aliborum, sur lequel nous reviendrons, et comme le cousin germain de Pacolet. Qui était Pacolet ? Dans une note de son
C'est l'imbecile qui veut faire le savant.’ (33) Pour qui datent de 1495 et marquent l'accession du personna-
édition du Recueil de Copenhague (27), E. Picot se contente de pré-
ciser que “‘Pacolet est le nom d'un nain qui figure dans le roman de Valentin et Orson. Avec une
habileté qui surpassait celle d’Aliborum et d’Ambrelin, ce nain fabriqua pour son maitre un cheval volant, qui prit a son tour le nom de Pacolet.* Ne pourrait-on penser aussi que Pacolet était
le héros d'un monologue analogue aujourd'hui perdu ? Reste le nom de Maistre Aliborum qui a eu une grande fortune au théatre, puisqu'on le rencontre aussi bien dans les mystères (28), les sotties (Sottie des sots qui corrigent le Magnificat (29) ),
et les farces (Farcedesqueues troussees (30) ), que dans les moralités (Moralite de Chascun, Plusieurs, le Temps et le Monde (31) ) Melle Droz déclare à son propos ‘‘qu’il est le produit d'une étymologie
Et le calembour de Sarrazin dans son Testament de Goulu (1656) atteste,prés de deux siècles plus tard, la vitalite du type “Ma sotane est pour maistre Aliborum Car ma sotane a sot ane appartient ‘ (34) Mais d’autres types ont pu avoir aussi leur heure de gloire, dont les monologues sont aujourd’hui perdus, le genre n'ayant pas un intéret susceptible de plaider en faveur de sa conservation. Citons par exemple Messire Domine de, de la Farce du Pont aux anes (35), et Dando Mareschal qui apparaît avec maistre Aliborum dans la Sottie des sots qui corrigent le Magnificat où il se présente ainsi : “Je suis domine fac 1o1um”,
definition qui lui accorde droit d'entree dans la confrérie des vantards. Un
autre personnage qui apparait dans la onzième pièce du Recueil Trepperel, a vraisemblablement en son temps,yencontié un certain succès dont il ne reste plus rien aujourd'hui
: Maistre Pierre Doribus
D’ailleursga sotue en question, qui n'est qu’un dialogue entre un charlatan et un sot qui l’interrompt, pourrait bien etre un réfection d’un monologue de charlatan. Droz plaide en ce sens
La date de 1480 que lui assigne Melle
car, nous l'avons dit, à la fin du XVe siecle,de nombreux monologues ont été
dedoublés ou simplement fractionnés pour permettre l'adjonction d’un second role qui les transfor-
me en dialogues Quant au nom, écrit Melle Droz, ‘c'est une trouvaille L'auteur s’est souvenu de la
poudre d’onbus, soi-disant faite avec de l'or et capable de guérir toutes les maladies! or et du suffixe savant - ibus, doribus se retrouve avec coquibus, fratribus, matribus etc
Jformé du mot dans la lan-
-114gue du theatre.” (36).
-115“Et n'ya maistre si parfait
Rappelons que l’allusion a la poudre d’oribus est fréquente dans les textes
Qui m en sceüst monstrer quelque chose
de cette periode ; on la retrouve notamment au vers 216 d’Ambrelin ‘Faire sçay pouldre d'oribus”.
Estant si parfaicte en mon art ; Que rien n'y a que je ne face.” (vy 60-65)
Rabelais y a recours dans son Prologue lorsqu'il déclare qu’il faut mettre ses chroniques entre deux linges bien chauds et les appliquer au lieu de la douleur en “les sinapizant avecques un peu de pouldre d’oribus” (37) ; et Pantagruel emploie le nom de Maistre Doribus au chapitre XXII. C’est ce qui pousse Melle Droz a déclarer : ‘il resulte qu'un triacleur dans le langage familier de la fin du XVe siècle s'appelait Maistre Doribus ” (38),
Quant au nom de Placebo, fils de Saint Faulcet, il témoigne lui
aussi de cet effort pour créer des types par le biais de la dénomination par un nom propre. Tout
Aliborum, lui, n'admet pas la controverse.
“ Je suis parfait en tout art et affaire.” (v 7) P Sa prétention est telle, qu’en bon vantard, il croit à la réalité de ses paroles.
“Je m'esbahys en moy tres grandement Du grant engin et grant entendement Du grant sçavoir, fantasie et mémoire Qui sont en moy ........,.... ..” (wy 1-4)
choix qui engage les actes de prime abord dans la categorie des types théatraux. caractère et par ses actes
Mais notre personnage se définit aussi par son
En fait,ces derniers se réduisent à la parole bien que,parfois, comme
c’est
le cas pour la fille basteliere, le personnage se livre aussi à quelque tour de prestidigitation pour attirer les badauds (39)
Notre personnage est d'abord un*beau parleur” qui se revèle être un incor-
rigible vantard et se complaît a de longues énumérations de ses qualités et de ses connaissances : l'abondance des “je sçay”, “16 suis’, qui parsèment les textes,en témoigne. est évidemment d'une prétention sans égale comme
Bien entendu, nos personnages développent leur prétention en énumérant toutes les choses dont ils sont capables et pas un métier, pas une science ne sont oubliés ! Nous retrouvons là, comme le fait remarquer Melle A un excellent exemple
vent à se presenter. Watelet, non content de faire sur 12 vers une énumération des pays dans lesquels il est connu, et qui non seulement recouvrent l’Europe entière, mais s'étendent jusqu’au bout du monde, “jusqu'au Sec Arbre” (40), déclare sans ombre de modestie : “Je sçay tout faire’ (v 132) “Tl n’est rien que ne saiche faire.” (v 164)
Si forz qu'ils n'ont garde de chiens. Il n'a el monde, el siècle, riens ” Que je ne saiche faire a point . .
et Aliborum, Hambrelin, le Varlet et la Chambriere ne lui cèdent en rien :
(v 202)
“ Je suis de tous mestiers bon maistre.”’ (v 230) ‘‘ Hambrelin suis qui sçay tout faire.” (v 290) Le Varlet reprend les mémes mots et en rajoute : “Mestier n’y a dont je ne sois Ouvrier, la chose est bien certaine.” (vv 170-171)
“Chose n’y a que je ne face ‘ (v 215) (notons au passage que la tournure négative donne une force accrue à de telles déclarations.). Et la Chambriere ne manque pas de prétendre :
Ce morceau du XIIIe siècle, volontairement farci de “bourdes” et d’invraisemblances et qui, par certains aspects, appartient déjà au théâtre- ce n’est pas encore une farce mais un intermède co-
“Nommé je suis Maistre Hambrelin Homme de sçavoir et de science.” (vv36-37) “ Atout faire je suis ydoine”
: “Ge sui cil qui les maisons cueuvre Desus de torteax en paéle. Il n’y a home jusqu’a Néele Qui mielz les cuevre que je faz. Ge sui bons seignerres de chaz, Et bon ventousierres de bués ; Si sui bons relierres d’ués, Li mieldres qu'en el monde saiches ; Si sai bien faire frains a vaches Et ganz a chiens, coifes a chievres ; Si sai faire haubers a lievres,
le montrent les phrases-leitmotive qui lui ser-
ce qu’il reprend à de nombreuses reprises :
de Felice, la tradition des formules de vantardises et de menteries
qui trouve son origine dans la littérature orale et dont le Dit des deux bordeors ribauz nous offre
Cet incorrigible vantard
“ Il n'est de rien que je face Pour ce on m'appelle en toute place Maistre Hambrelin qui tout sçait faire.” (vv 7-9),
et vit tellement ses
chimeres qu'il est le premier à s'étonner de lui-même :
le caractere de ce flatteur est contenu dans ce futur latin qui évoque une décision volontaire et un Tous ces noms propres sont donc une première caractérisation du personnage qui le fait entrer
En effet que répondre à son :
mique -, fait penser a ces joutes de mensonges plus tardives des piéces du XVe siécle. L’art du “bourdeur” sera prolongé par celui du “gaudisseur”’ et du “triacleur” et autres diseurs de boni-
ments et de mensonges dont Rabelais s'est directement inspiré. “Le ‘’bourdeur” du XIIIe siècle se vante de couvrir les maisons de tourtes ou d’omelettes, de saigner les chats, de poser aux boeufs des ventouses, de mettre des brides aux vaches, des gants aux chiens, des coiffes aux chèvres, des hauberts ou des casques aux lièvres, de telle sorte que ces derniers n’ont plus peur des chiens.
Le gaudisseur du XVe siècle procèdera de la même manière.” (41). Mais ici de nombreuses vantardises sont destinées à preciser,de manière satirique, le caractère du personnage : emportés par leur élan, nos vantards mettent au nombre de leurs qualités, tous les défauts dont un valet
traditionnel est pourvu
Ce transfert des critères moraux donne au texte une couleur humoris-
te qui n’est pas sans intérêt pour la peinture du personnage qui révèle ainsi son inconscience :
c’est déja une satire de la profession Tous nos héros sont en effet de bons vivants qui savent
4A
-116-
apprécier les joies de l’existence.
“J’ayme mieulx le bon vin que l’eau” déclare Hambrelin (v 210)
“Quant j'y pense, je ne sçay quel mestier Je doy faire, n’auquel pour le premier Doy commencer ; l’ung et l’autre me trouble.” (vv 131-133)
qui ajoute : “Du vinje suis bon avalleur” (v 218), et n’omet pas de préciser : “Quant j’ay bien beu, voire et du bon, J'ayme bien au matin jambon Avec vin blanc pour desjeuner.” (vv72-74) Tous sont aussi bons ouvriers que Watelet
:
“Je sçay rostir perdris, oysons Et faire pastez de chapons.”’ (vv75-76)
Aussi sont-ils tous dans la plus grande misère
“Et avec ce, je suis nud comme ung veau Et n’ay de quoy fourbir mes dentz.” (Aliborum v 32-33) Watelet et Hambrelin sont logés au ‘Plat d'Argent” (W, v 198 ; H, v 197), enseigne de l'hôtel
des “confrères de plate bource” ; et Watelet ajoute même
Mais leurs capacités ne s’arrétent pas la ; ils savent en effet profiter de leurs dons et agir comme le Varlet : “Je sçay la volaille plumer Et la manger quant elle est cuite ; Saulcer dedans la leschefrite Mon pain quant je tourne le rost.” (vv 182-185)
C’est ainsi qu'ils n’hésitent pas à vanter l’art dont ils font preuve pour tromper leurs maîtres : la Chambrière sait jouir de ses prérogatives : “Car, ayant la clef de la cave Ne seroy-je pas bien esclave Si je n’en buvois du meilleur ? ” (vv 187-189) “Je gruppe ce dont j’ay besoin ” (v 221)
Le cas de Placebo est un peu particulier du fait qu’il est surtout une satire dirigée contre les gens de Cour. Peut-être eût-il été préférable de le classer dans la catégorie des discours satiriques, mais la technique dont il use nous a fait opter pour un classement dans la catégorie des monologues de charlatans, a la difference prés que ce type symbolise tous les flatteurs. et que son portrait est donne, non par la liste des actions qu’il serait capable de faire, mais par la liste de celles qu’il fait réellement. du méme
Cela mis a part, notre personnage fait preuve de la méme
orgueil, de la méme
a deux dos” (v 68), déclare Hambrelin.
Quant a la Chambriére, elle se comporte comme
une véritable maquerelle :
“Quand est du passetemps des dames Du forçat plaisant et trictrac Et autres jeux, j'en sçay le trac.” (vv 288-290) et elle fait ce qu’elle veut des hommes
: je sais
“,.:,.,:....... faire les bourdes au pau Quant je suis avec les menteurs” (vv109-1 10) déclare Watelet.
Et Hambrelin, sans pudeur,ajoute : “Je suis expert en tromperie.” (v 140). Tous
sont d'excellents comédiens
: Watelet sait ‘‘plourer quant il fault que je rie.” (v 166) ; Hambrelin
: après s’être présenté, Placebo parle de lui à la première
puis après une habile transition “ A Placebo on donne offices, Dignités et grandz benefices Dont je mange la soupe grasse ”
il parle de lui à la troisième personne, ce qui est le signe d’une conscience de soi et d’une outrecuidance hors de toute proportion.peut-être est-ce ce procédé mal compris qui est à l’origine du titre de dialogue attribué à la pièce : “ Quant il entre en grasse maison Il est in loquo pascue.” et il termine a la première personne
(vv 43-44)
:
POUT EI. dau GATS Dictes adieu a Placebo.”
comiques .: le ventre et le sexe A toutes ces qualités, nos héros ajoutent le mensonge
Dax
Bien sur, dans la mesure où le flatteur est capable de toutes les actions dont il se vante, le monologue ne fera pas naitre Le
le rire franc de la comédie, mais celui grinçant de la satire
mire de Rutebeuf et son pendant féminin, la fille bastelière,ont un caractère moins com-
plexe ; ils ne sont que des charlatans qui essaient par leur intarissable bagou et leur génie inventif,de
et le Varlet savent ‘‘jouer farce sans roolle” (v 21). Ce sont, et ils le reconnaissent, d’incorrigibles
montrer la toute puissance de leurs drogues
bavards
joyeux vantards, deux jongleurs qui s'opposent en un assaut verbal comique. “Je suis cousturier de parolle” (v 22)
fin du XVe
Hambrelin savent “‘esprouver le triacle” (v 93 W-221
boniments de charlatans
s'en cache pas :
Et tous sont des fainéants. Aliborum ne
Quant aux“bordeorsribauz”’, ils ne sont que deux Il semble donc que
pour aboutir à ces types à la psychologie complexe et complète que nous offrent les textes de la
Mais ils ont aussi leur minute de lucidité car ils se définissent comme des charlatans : Watelet et H).
prétention et
le mettre en valeur,
““ Je parle myeulx qu’un gay en cage.” (v 9) “Moy, je faictz plus que on ne commande” (v 13)
car, dit-elle, “76 sçay mon roolle par coeur”,
Nous retrouvons là, comme dans les sermons joyeux, les deux principaux centres d'intérêt
; et pour mieux
:
personne
Et le Varlet surenchérit, qui se dit :
“ Grand despucelleur de nourrices, Ramoneur de bas et de haut.” (42).
suffisance que ses confrères
l'auteur utilise ici le jeu des pronoms
Pour elle,toutes les sources de profit sont bonnes. Nous reviendrons sur cet aspect satirique du
bien la beste
:
“Je n’ay rien se on ne me le donne.” (v 199)
portrait Leur appétit pour la bonne chère n’a d’égal que leur goût pour la volupté sexuelle : “Je fais
malgré leur science :
siècle et du début
du XVIe,les deux traditions orales des
se soient rejointes
“bourdes” et de “resveries”
joutes de vantardises et des
En effet, le charlatan ‘‘procède par accumulation de
Il debite des menteries traditionnelles sur les pays lointains
des listes plus ou moins fantaisistes
Il récite
Il produit des formules à équivoques, des calembours, des
-118-
-119-
séquences verbales de propos enchaines
Il mêle à tout celà des recettes magiques et des incantaC'est en effet par la magie de la parole que le charlatan ou le farceur, tient le public en son pouvoir ‘ (43)
sage se double d’une valeur parodique, car c’est de cette maniére que le “triacleur” essayait de susciter chez son auditeur, curiosité, admiration et respect, afin de mieux le dominer. Ce qui lui permettait aussi, grace a cette magie de l'inconnu, de doter d’un pouvoir miraculeux, les herbes et les pierres précieuses qu'il proposait. C'est ainsi que notre charlatan est allé en Egypte, en Afrique, en Italie d’où
tions.
Mais si le Dit des deux bordeors ribauz fait naître le rire par des accumulations verbales plai-
santes de vantards en verve, le Dit de l’Erberie ne les utilise qu’en fonction de la présentation d’un
type sur lequel, seul, repose la valeur comique de l’ensemble
il a ramené des herbes aux vertus extraordinaires
Il est même allé jusqu’en Eldorado, pays convoité par le fameux Prestre Jehan, d'ou il a rapporté des pierres miraculeuses “qui font resusciter le mort” Et suivent 16 vers d’énumeration des dites pierres et des vertus qui y sont attachées. Ici les noms des pierres sont forgés de toutes pièces Mais le véritable triacleur procédait-il autrement ? Signalons à ce
Il parodie un type réel. Au niveau de
la construction, le premier texte repose sur l’utilisation d’un procédé
et le second sur une structure parodique dont le déroulement et la progression sont soigneusement étudiés, Aussi pouvons nous nous demander si nos textes de la fin du XVe siècle et du début du XVIe, ne consistent pas, tout
Propos que, si l’en en croit le vendeur de livres, dans la farce du même nom, ce thème sera exploité
simplement, à developper le procédé emprunté au premier dans une structure fournie par le second. Bien
plus tard dans de nombreux livrets
Le Vendeur, autre type de charlatan, propose en effet à ses clientes : “ La Proprieté des Rubys Avec la Nature des Pierres Le Devis des Mers et des Terres Avecques le Dict des Pays (vv 44-47)
qu’étant des plus anciens, le Dit de l’Erberie peut être considéré comme un des chefs-
d'oeuvre du genre, et, bien qu'il s'agisse là d’un dit, “de pareilles compositions relèvent cependant de l’art theatral : le récitant y adopte un personnage d'emprunt, et son rôle comporte évidemment toutes les ressources de l’art de l'acteur, la variété des sons de voix, des expressions du visage et le
Après quoi, notre charlatan, emporté par sa verve, termine ce premier temps en revenant à l’évocation
plus souvent une gesticulation abondante soulignée de prestes changements de costume.” (44). La
des pays imaginaires qu'il a traversés :
première partie du monologue, composée de tercets enchaînés (agagb 4/ bebgc4/ Cgced 4:-- )
“Herbes aport des dezers d’Ynde Et de la terre Lincorinde Qui siet sur l'onde
debute par 9 vers qui sont un appel au public :
Es quatre parties dou monde. ”
‘* Aseez vos, ne faites noise, Si escoutez, qu'il ne vos poise.” puis l’acteur présente le personnage qu’il interprète - “Je suis uns mires.”’
Dans un second temps, apres avoir réclamé le silence, notre homme
et immédiatement, il
ractérisée six fois par la reprise du verbe “guérir”.
enchaine sur le “topique" du voyage -
une transition au cours de laquelle il présente ses herbes comme ayant un pouvoir érotique, moyen
“Si ai este en mainz empires.”
facile pour déclencher le rire et attirer le public :
Si l'on en juge par la manière dont Guillaume se présente à Harpin et Otran dans le Charroi de Nîmes, on peut penser que ce thème était utilisé comme un véritable leitmotiv dans la présentation du personnage du marchand
: ‘Et En Or Et En Et
“Jai l'herbe qui les viz redresce ᾿
Et cele qui les cons estresce ”
notre homme énumère les maladies qu’il se vante de guérir : fièvre, goutte, hémorroïdes et mal de dents, maladies fréquentes au moyen age et qui s'expliquent par l'absence d'hygiène et par une
dit Guillelmes : ce vos sai ge bien dire ; doulce France l'ai ge auques conquise. si m’en vois de voir en Lombardie, en Calabre, en Puille et en Sezile, Alemaigne, de si qu’en Romenie, en Tosquane et d’iluec en Hongrie ;
nourriture trop riche en viandes.
C'est pour lui l'occasion de développer sur 20 vers, qui sont une
parodie des recettes authentiques de l’époque, une recette de reméde-miracle, accumulation scatologique fort goutée. Puis il revient, pour terminer,surlesautresmaladiesqu’ilestcapable de guérir : la gravelle, les hernies et les maladies du foie
Puis m'en revieng de ça devers Galice Par mi Espaigne, une terre garnie
La seconde partie du monologue, en prose, est en quelque sorte une reprise de la première,
Et en Poitou, de si en Normandie ;
En Angleterre, en Escoce est ma vie : De si qu'en Gales ne finerai je mie, Tot droit au Crac menrai ge mon empire A une foire de grant anceserie.
mais sur un mode sérieux qui implique une parodie plus fine. En effet notre charlatan reprend sa présentation et la complète : “16 ne sui pas de ces povres prescheurs, ne de ces povres herbiers
»
Il est, dit-il,un disciple de ‘Madame Trote de Salerne” (45), médecin célèbre qui l’a envoyé officier
Mon change fis el regne de Venice.” (laisse 46)
C'est en des termes identiques, rappelons le,que se présentait le pélerin dans li jus du péleri
fait étalage de sa science,ca-
La composition du passage est fort habile : aprés
.
Peut-etre faut-il vow là un effet des traces laissées dans l'imagination populaire par les voyages merveilleux de Saint Brendan Notre mire developpe donc sur 10 vers (v 11 a 20) ce leitmotiv du voyage et il le reprend deux
autres fois au cours du texte Outre sa valeur comique qui réside dans la seule accumulation, ce pas
dans toutes les parties du monde, après lui avoir fait prêter serment d’honnéteté ! On sent que cette partie est,pour notre charlatan, la plus délicate, puisqu’elle doit l'amener à proposer un prix pour ses marchandises et à convaincre l'auditoire d'acheter
Aussi la parodiede Rutebeuf suit-elle le déroule-
ment qu’impose la psychologie de la vente : le charlatan - fait naître l'effroi en peignant les dangers que peuvent faire courir au corps humain les
vers “qui montent jusqu’au cuer et font morir", discours dont il renforce l’effet en invitant les gens
-120-
- 121 -
a se signer, - propose alors un remède comique puisque destiné: vos ieus la veez
la meilleure herbe
“ En une nation de Mores Les hommes ont les génitoires De la longueur de un cartiers ”
spécifiquement aux femmes : “a
ce est l’ermoize”, et donne une recette, qui, cette fois,
Dans un second temps, en décasyllabes, après ètre montée sur un escabeau, notre basteliere,
est plausible - vante alors le prix dérisoire de son remède, que “un denier de la monnoie qui corroit el pais
car on lui a recommandé de ne prendre
- occasion pour lui de faire une courte accumu-
en trois quatrains enchainés, déclare qu'elle veut montrer l'effet de sa science et prouver sur l’heu-
re qu’elle est capable de tout guerir : “Je rens sancté a toutes gentz galeux”’,
lation à valeur comique, qui est considérablement développé dans l’Erberie en prose - .. . por dou
pain, por dou vin, a moi, por dou foin, por de l’aveinne a mon roncin.”’ : il ne cherche pas à s’en-
ce qui lui est chose facile avec les remédes dont elle dispose et dont elle développe les pouvoirs
richir, mais seulement à subsister
sur trois sixains (aabaab) : ” ‘ l’ey dessus moy d’une herbe la racine “ J'ey de la poudre si notable et propice .. . ” “Jey des drogues de sy grande valeur. ”
- insiste sur la simplicité de l'ordonnance et sur la certitude des effets du remède qu'il n’hésiterait pas à recommander à ses propres parents ; et il termine par “qui vodra, si en preigne ; qui ne vodra si les laist ! ” Telle est cette seconde partie dont le déroulement soigné et le réalisme incitent à penser qu’elle aurait pu être la transcription fidèle des paroles d'un authentique charlatan; la première n’étant destinée, comme tout boniment à caractère comique, qu’a faire se rassembler la foule et la faire rire. Au niveau de l’ensemble du texte, on contaste donc une volonté de réalisme qui donne à la parodie son
caractère dramatique
: c’est l'observation de la vie quotidienne qui fournit au texte sa struc-
ture Mais comment les successeurs de Rutebeuf ont-ils utilisé le modèle qu’il leur avait légué ? L’auteur du Dit de la goutte en l’aine semble avoir abandonné le ton de la seconde partie du Dit de l’Erberie pour ne conserver que celui du début
pouvoirs érotiques analogues à ceux que le mire de Rutebeuf attribuait à ses herbes.
l’anecdote du début et de substituer à la composition binaire de Rutebeuf une structure ternaire. A ce moment du monologue, la fille basteliere se livre à un petit interméde qui consiste, si l’on en croit les indications scéniques, à faire exécuter quelques tours à un chien savant déguisé, méthode que les forains utilisent encore et qui montre que la parodie dramatique s’appuyait sur le réalisme quotidien. Puis, après le traditionnel ‘‘Petis enfans mouchés vos nés”, dans le dernier temps, elle énumère en neuf vers les maladies que peut guérir son herbe magique, et elle invite l’auditoire à se faire servir
“ Or ça levés trestous les mains
En effet,le schema en est le même, et identique la recherche
Petis et grandz, sans secrupules ; Qui n’era grandz blans ou sixains Je prendray breves et cedules ”
de l’obscène et du scatologique comme moyen de provoquer le rire. Mais le texte qui s'inspire le plus du Dit de l'Erberie, est sans conteste la fille basteliere qui reste tres proche du boniment raconté
sur un marché.
Il se déroule en trois temps que marquent des
indications scéniques et un changement dans le mètre du vers chez Rutebeuf, le personnage se présente comme ayant eté :
“Et vous despouillés toute nue passée maistresse”” (v 36) ‘
.” (v 20)
personnelle qu’elle développe sur 29 vers :
Grâce à ces leçons, notre chambriére est ‘‘de son mestier
Après cet interméde, dont la matière sinon le ton, était absente de la piè-
ce de Rutebeuf, nostre basteliere présente en quatre vers l’étalage de ses produits :
niére mécanique : elle débute sur : ‘‘J’ey este a
ἡ", et s’etendant sur 15 vers.
ἃ,
-.8
; j'en ay vendua...” et c’est le même
mération, le rythme est ralenti par l'énonce des actions accomplies dans chaque ville-étape du voyage :
“au
Pont de l’arche
Ou je vendys tout ma besache ; a Louviers Ou je remplys tous mes peniers ; . ἃ Radepons Ou je trouvys de grans fripons a Escouys Ou toutz mes saques j'escouys a Boisemont
puis, pour attirer le chaland, comme le mire de Rutebeuf, elle utilise le “topique” du voyage en trois .
Cette enumeration de 65 noms de villes en 53 vers est construite de ma-
rythme sur 33 vers, seulement rompu quatre fois par : “Et a tous ceulx de. .. ”. Vers la fin de l’énu-
Plains d'ongnementz, pouldre, racines Pour faire grosses medecines A ceulx qui en eront besoing.” (vv 39-42)
Et,jusque dans cette partie,elle fait
appel a l’image obscene ou à l’allusion grivoise pour dérider son public.
: c'est un nouvel emploi du topique du voyage, non plus pour impressionner le public mais
pour le convaincre d'acheter
“ J'ay apporte bisacqs, bonetes
phrases débutant par : ‘'J’ey este
L'effet produit sur le pu-
blic doit être mince puisque notre basteliere poursuit par une enumération des lieux où elle a vendu sa marchandise
“La chambenere d’un basteleur’’ (v 5) lequel lui a communiqué sa science par une méthode toute
Ce passage s'inspire nettement de la seconde partie du Dit de l'Erberie, mais reste plus bref et n’est pas amené par une construction fondée sur une savante psychologie de la vente.
Dans un premier temps. en octosyllabes à rimes plates, dont la tonalité est égrillarde comme
La structure de
ce début de 89 vers est d’ailleurs calquée sur celle du Dit de l’Erberie : L'auteur s’est contenté d’ajouter
Elle est allée
Ou toutes filles bien le font ”
Acet
endroit nous sommes revenus dans un contexte grivois et cela amène notre fille basteliere a
|
-122-
"123 -
terminer sur deux récits obscènes
Elle rapporte en effet la manière dont elle a “soigné” une vieille nourrice qui se plaignait de son ventre flasque et relaché, et un bon vieux désespéré parce que son membre était sans vie
En fait, l'auteur du monologue n'a gardé de son modèle qu’une structure assez lâche, des procédés traditionnels et le caractère obscene de quelques allusions dont il a fait le fond de son texte.
La volonté de réalisme dont témoignait
Rutebeuf dans la composition même de sa seconde partie,
disparaît ici au profit de la seule recherche du rire par le biais de l’allusion érotique dans ce qu’elle a de plus scabreux
tial parallèle à celui du Varlet
Le topique du voyage, lui, voit son importance décroître : deux
dizains dans Aliborum, 11 vers dans Watelet, quelques vers disséminés dans le texte pour Hambrelin, simplement associé à la presentation dans la Chambriére et pratiquement absent du Var-
let. Notons de plus que si, dans Aliborum et Watelet, les voyages s'étendent à l'Europe et au Moyen Orient en n’oubliant pas les pays imaginaires - Watelet est allé jusqu’au “Sec Arbre” et Aliborum prétend avoir vu le Turc, le Souldan de Bablone et le prestre Jehan-comme dans le Dit de l’Erberie, les textes suivants se contenteront d'une localisation géographique limitée à
quelques villes de France
Les successeurs de Rutebeuf ne sentaient certainement plus la double
nécessité de ce topique du voyage ; d’autre part,le personnage décrit n'est plus un mire dont la
Mais les auteurs ne vont pas se borner à rapporter les boniments du marchand d’orviétan, ils vont etoffer la structure de base par des énumérations de vantardises qui rappellent celles des Deux bordeors ribauz et s’étendent a un domaine plus vaste que le seul domaine médical. Le type de
à la recherche d'un emploi
l'homme à tout faire qui posséde,entre autres choses,la science médicale de son confrère le mar-
le personnage sait faire, prend une importance croissante, soulignée par le nombre des verbes qui
La naissance de ce type et son ac-
introduisent les accumulations : du ‘‘je suis” d’Aliborum, en passant par le “je scay” de Watelet,
chand d’orviétan, et qui cherche à louer ses services, apparait
science est fonction de l'expérience acquise au cours de nombreux voyages, mais un “homme à
tout faire” Jequel,en parlant trop de voyages,donnerait une impression d’instabilité préjudiciable Par contre, le dernier temps, consacré à l'accumulation de tout ce que
cession à la scène ont peut-être été favorisées par cette tradition, qui existait encore il n’y a pas si longtemps dans nos campagnes, selon laquelleà certaines périodes de l’année, Saint Jean ou Saint Martin, les jeunes gens qui cherchaient un emploi se rendaient à “la louée”, matinée pen-
on aboutit au “Je suis, je sçay, je fais” du Varlet
dant laquelle, sur le champ de foire du village, ils offraient leurs services à qui venait les solliciter
sur la logique de la construction.
Outre le Dit des deux bordeors ribauz, l'exemple le plus ancien que nous ayons de ces boniments qui consistent à nommer toutes les actions dont se disent capables nos vantards, est le texte provençal de Raymond d'Avignon, courte litanie de 78 vers qui débute ainsi : ‘ Sirvens sui avutz et arlotz
D'ailleurs l'emploi de ces verbes traduit à lui
seul une transformation dans la présentation du personnage qui devient de plus en plus superficiel, ce qui se marque dans la composition par la prééminence de la technique de l'accumulation Mais,si le mode de composition des monologues de ce type a é-
volue, cela traduit-il une volonté d’approfondissement dramatique ? Dans les premières pièces, Watelet et Aliborum, qui datent des dernières années du XVe siècle, la composition semble obéir à un souci de logique. Dès les premiers vers,Aliborum se présente comme un monologue intérieur, un soliloque presque : “Je m’esbahys EN MOY
tres gran-
Et comtarai totz mos mestiers
dement
E sui estatz arbalestriers,
tère : le personnage a une telle confiance en lui qu'il n’a nullement besoin de l’approbation d’au-
. po πῶ per
trui pour s’en assurer ; il lui suffit de s’admirer lui-même
rofian e
weet
baratiers
E pescaires et escudiers
E sai ben de peira murar *’(46) Les autres monologues que nous possédons, et qui datent de la fin du XVe siècle et du début du XVIe,vont opérer la synthèse de ces deux types de personnages qu’étaient “l'erbier” et “l’homme à tout faire”, et,suivant l’évolution de la satire bourgeoise, vont se spécialiser dans la peinture satirique des valets, ajoutant, comme nous l'avons vu plus haut, à l’énumération des vantardises, la
peinture des travers traditionnels de ce cadre professionnel, l'importance accordée à ces derniers augmentant au fur et a mesure que l’on avance dans le XVIe siècle
”. L’absencede prise à partie du public renforce indirectement la peinture du carac-
trale. Après le premier dizain de présentation qui obéit à un souci de peinture psychologique, l’auteur place deux dizains dans lesquels la technique prédomine, puisqu'ils se composent d’une simple accumulation de noms de métiers que pretend connaître Aliborum
tion dans l’importance relative reservee à chaque partie. Seul, le premier temps, pendant lequel le Personnage se presente - qui est une nécessité scénique - reste d'une longueur identique dans les
cinq pièces qui nous occupent maintenant : Aliborum, un dizain ; Watelet, 12 vers ; Hambrelin, 9 vers ; le Varlet, un quatrain initial et 9 vers repris à Hambrelin ; la Chambriere, un quatrain ini-
Ces deux dizains sont sui-
vis d’un troisième qui traduit la réflexion que l’énumeration a suscitée chez le personnage : c’est une constatation, suivie d'une conclusion qui entraine une décision : “Tant de mestiers me rompent le cerveau Et avec ce je suis nud comme ung veau
Et n'ay de quoy fourbir mes dentz ; EN SOMME
Dans l’ensemble, toutes ces pièces respectent la structure leguée par Rutebeuf en accordant
plus de place aux énumerations de vantardises Cependant on note, d’une piéce à l’autre, une évolu-
C'est là un procédé que n’emploient pas
i les autres monologues et qui, pourtant, donne au caractere une profondeur psychologique et théa-à
Trouver me fault ung bon mestier nouveau
CAR tous ceux cy ne valent ung naveau ‘’ (47) Nous avons là une première étape du débat intérieur, étape qui se clot sur une réaction en accord
avec la psychologie du personnage, une nouvelle affirmation de sa confiance en son propre savoir qui fait rebondir le monologue
-
“ J'en sçay par cuer plus qu'ilz ne font par livre.”
-124-
-125-
Cette affirmation améne en effet notre vantard à faire étalage des sciences qu’il possède bien : médecine, astrologie, méteorologie, théologie, alchimie (3 dizains). C’est à ce moment qu'il utilise le “topique” du voyage qui est comme une preuve implicite de sa renommée et justifie l’étendue de son savoir. Reconnaissons toutefois que la logique psycholo gique qui préside à la construction dispatrait quelque peu dans cette partie,derriere une évidente volonté de comique sur laquelle nous reviendrons
sent :
Après ce long exposé de ses capacités, notre homme doit cependant constater que,pour le pré-
"
fait qui,aprés une réaction psychologique normale puisque dictée par l’orgueil : “Mais Dieu mercy, bien me passeray d’eulx”’
l'amène néanmoins a prendre une décision :
“C'est assez dit : entrer fault en besongne.”
Et c’est alors que nous assistons a un veritable débat intérieur :
“Mais je ne scay par quel bout commencer ” “ Feray je point quelques engins nouveaux Nenny, nenny, ces gains sont trop petits” “Crier me fault. Quoy ? . d “ Quand j'y pense, ne ne sçay quel mestier Je doy faire, n’auquel pour le premier
Doy commencer ; l’ung et l’aultre me trouble.” C'est ce débat intérieur qui,implicitement,nous peint Aliborum comme un fainéant dont les actes
s'opposent à la parole, ce qui crée le comique. En somme, la constructio n du monologue suit un ordre logique qui repose sur le déroulement du raisonnement du personnage, en accord avec sa psychologie, ce qui fait passer presque inaperçue la part prise par la technique pure dans la construction de quelques passages C’est là un monologue profondément dramatique .
Dans Watelet, la logique de construction suivie est d’un autre ordre. Après un premier temps consacré à se présenter de manière favorable, en utilisant notamment le “topique” du voyage com-
me preuve de sa renommée et de sa science, Watelet passe à l'énoncé de ce qu’il sait faire. Du vers
33 au vers 110, la logique de construction consiste à passer en revue les différents travaux champétres dans l’ordre où ils se presentent par association d'idées Notre homme commence en effet par
enumerer des travaux courants : “mesurer blé”, “battre beurre”,“mestre le fromage en pressure”.
La, l'idée du voile fin dans lequel on met le “‘caille” pour le faire durcir en fromage, l’amène à l’acte suivant : “‘appointer faille et coeuvrechez” - la faille étant, d’après Cotgrave, un voile porté par
les religieuses et les dames de qualité et qui, en Flandre,sera adopté
par les gens des campagnes de la part des compagnies de francs-archers, peuvent expliquer cette obsession de la guerre.
Cette demarche qui consiste à accumuler des actes possibles de métiers véridiques, ainsi que les produits réelsde ces métiers, témoigne d’une vue réaliste, et ne doit son comi-
que qu’au délire verbal qu’elle crée Dans un troisième et dernier temps qui commence ἃ peu près au vers 1 10, le fil directeur est coupé et l’acteur laisse libre cours à son imagination débridée : des actes empruntés à différents métiers s'accumulent dans un désordre complet, voire recherché, et le rythme s'accélère. Alors que
il n’est nul qui me soit survenant
A mon besoing
accumulations sans rapport avec la ligne générale de l’énumération, comme celle des vers 79 à 85 de substantifs désignant des armes militaires - Il est vrai que les dommages subis
qui se compose
par toutes les femmes. L'idée
de coiffure de parade le conduit évidemment à celle de fêtes champétres, de plaisirs et de jeux, laquelle, par association le fait passer à celle de la recherche vestimentaire et des plaisirs de la table : “Tartez, pastez, bons hossepotz”. L'image des mets l’amene à celle de leur contenant : “Je sçay faire pintes et potz ; Aussi des escuelles au martel” . etc. Bien entendu, même dans cette pre-
mière partie,la chaleur de l'emportement lui fait inclure des “morceaux de bravoure” qui sont des
dans le second temps, les accumulations débutaient par “Je scay” “Je sçay faire. . . ”, on passe maintenant a des expressions du type :“Je sçay TOUT faire... ”, “Je sçay BIEN... TRES
BIEN...
", “Je sçay
”’. On sent que l’auteur cherche uniquement à faire naître, par le verbe et le
rythme, une véritable euphorie
Dans les vers 146 à 149, par exemple, l’auteur garde un rythme
binaire pendant deux vers composés de deux séquences “infinitif + c o.d” : ‘ Dorer agneaulx, mauler afficque Graver seau, faire candelle”. puis il désarticule le vers suivant dans sa seconde partie :
“ Taindre couleur, noire, vermeille” et aboutit à un rythme quaternaire : Ganne, perse, verde, mourée.””. Et cette même technique d’accelération est reprise plusieurs fois. Ainsi, si le monologue débute sur une ligne directrice qui suit une certaine logique, le fil en est coupé dès le milieu, et,par la suite,c’est la technique du délire verbal qui prédomine : on cherche à supprimer tout lien entre deux données consécutives. De ce fait, le personnage nous apparaît comme étant plus superficiel qu’Aliborum
Ce n’est plus un personnage pensant, mais un personnage
parlant caractérisé par le vide intérieur, un véritable fantoche.
Dans les monologues postérieurs, cette impression va s’accentuer, car la technique d’accumulation prend le pas sur tout souci de composition logique
En effet les monologues d’Hambrelin,
du Varlet et de la Chambriére,
dans leur forme méme, se bornent a reprendre dés le départ, en la développant, la technique utilisée dans la seconde partie du monologue de Watelet. Mieux méme, ce qui est une preuve de choix volontaire, chacun de ces monologues reprend a celui qui le précéde, des vers entiers. En effet, si dans les 129 premiers vers d’Hambrelin, on ne trouve guère que trois vers repris a Watelet, à partir du vers 130, et ce dans les 172 derniers vers, soit plus de la moitié du monologue, on retrouve motpour mot 48 vers de Watelet réutilisés dans l’ordre où ils apparaissent dans ce dernier monologue. mes.
L'auteur d’Hambrelin se contente au mieux de varier l’ordre des ter-
En voici quelques exemples :
“Je ayde bien a dire messe Telle fois est que je tiens promesse (vv 182-183
“Je sçay bien user de promesse Chanter et respondre a la messe (wy 131-132)
- 126 -
-127-
“Coudre manteau, tailler abitz” (v 46)
“Couldre, tailler manteaulx, habis” (v 153)
“Faulquier prez, abastre halos, Faire espinchaulz et bibelos Sonner, esprouver le triacle Et retailler un tabernacle Paindre crucefix, marmousez.”
Je sçay abbatre aux boys hallotz Faire espinceaux et bibelotz Je scay esprouver le triacle Bien acoustrer ung tabernacle Paindre crucifix, marmouset.”
(vv 91-95)
sant pour créer un rythme.
+ 2 ou 3 vers] redoubléeetsuivie de [ie sçay + une douzaine de vers composant une énumération donc
le rythme s'accélère au fur et à mesure du déroulemenff’. Il semble que l’auteur cherche à faire naître progressivement, et par paliers successifs, une euphorie qui atteint son point limite dans le second quart où “Je sçay”, noyé dans le flot débridé de l’énumération, n’apparaît que deux fois. Par contre,dans le
(vv 219-223)
Sur les 232 premiers vers du Varlet, 104 sont empruntés mot pour mot aux 130 premiers vers d’Hambrelin, soit les deux tiers de ce monologue de 364 vers. :
Hambrelin
Tailler morceaulx d’ung bon endroict $ De tout cela sçay practiquer ; Je sçay charpenter, fournicquer, Je sçay jouer farces sans roolle, Je suis cousturier de parolle Pour causer en faictz de proces.” (vv 14-23)
me si l’auteur, après avoir fait rire son auditoire cherchait à le convaincre sérieusement. Enfin,dans simple impression ; il semble néanmoins que le retour du verbe-clef “Je sçay”’ tende à créer une sorte
“Je sçay plaider, alleguer loy, Je fais havetz pour cueillir meures
Je sçay faire du tortu droict;
troisième quart, “Je scay” réapparait selon un rythme régulier (suivi de 3,2,2,3,5,5,5,5,8 vers), comle dernier quart, nous retrouvons une structure analogue à celle du départ. Peut-être n’est ce là qu’une
Le Varlet
“Je sçay plaider, alleguer loy, Faire Havetz pour cueillir meures Horeloge sonnant les heures
Ce rythme semble reposer sur le retour de la séquence : “Je sçay + infi-
nitif”. Dans le premier quart de l'énumération, nous retrouvons plusieurs fois la structure : “ [Je sçay
de rythme interne.
Horloges sonnant toutes heures Et si fais du tortu le droit;
Dans Hambrelin, un nouveau verbe fait son apparition : "76 suis”, mais il n’équilibre pas les emplois de “16 sçay”’.
D’autre part,l’emploi de ces verbes est irrégulier : l’auteur a tendance à les
Tailler morceaux de bon endroit ; Tout cela je sçay pratiquer ;
grouper par séries en tête de groupes de 3 à 6 vers consécutifs, et à les éviter dans l’énumération de
Je sçay jouer farce sans roolle, Je suis cousturier de parolle
bles. Mais ceci n’est pas systématique. Le rythme est plutôt donné par le retour, douze fois, à inter-
Je suis charpentier, malletier ; Et soliciteur de proces.”
6 à 7 vers qui suit le dernier emploi. Il crée donc ainsi simplement des temps forts et des temps fai-
(vv 14-23)
Avec les 532 vers de la Chambriere, par contre, on retrouve un semblant d'ordre logique, dans
la mesure où elle n’abandonne un acte qu'après l'avoir suffisamment décrit, et où elle se borne à ne rapporter qu’une succession vraisemblable de travaux féminins.
valle presque régulier, d’une phrase-leitmotif qui,seule,donne la progression du monologue a) présentation par le nom
: 1 - “Pour ce on m’appelle en toute place
Maistre Hambrelin qui sait tout faire” (vv 9-10)
Ces monologues ne sont donc qu’une reprise développée d’un monologue antérieur, et tous les passages apportés en supplément sont intégrés à ceux pris au texte précédent selon le seul principe de
2 - “Nommé
si le caractère mécanique. De plus, d’une imitation à l’autre, on remarque dans l’énumération des actes dont notre homme se dit capable, une augmentation de la part laissée à ses vices, ce qui accentue son caractère mécanique et inconscient. L'évolution nous conduit donc d’un personnage doué d’une psychologie réelle, à un pantin
Mais d’un texte à l’autre, la technique de I’énumération s’est-elle perfectionnée ? Et tout d’abord, le retour“des verbes-clef” est-il laissé au hasard, ou obéit-il à un ordre subtil ? De Watelet au Varlet, on note une progression nette dans le recours à ces verbes servant à introduire les vantardises (et qui participent à la peinture du personnage.), en même temps que leur emploi tend à s’équilibrer :
Watelet Hambrelin
Le Varlet
Je sçay
26 88
40
Je suis
1 26
32
Je fais
4 (à valeur de substitut) 7 (dont 6 en un passage de
35
À
Dans Watelet le retour périodique de vers servant de leitmotiv n’apparaît que dans la seconde
partie de l’énumération (“Je sçay tout faire’-vv 132 et 135 ; “Il n’est rien que ne saiche faire” -
v 164 ; “Je sçay tout faire Watelet” - v 187 ; “Watelet suis de tous mestiers” - v 194.), et il est insuffi-
suis Maistre Hambrelin
Homme de sçavoir et science” (vv 36-37) 3 - “ Je suis nommé Maistre Hambrelin” (v 57)
l'accumulation
L'intérêt du monologue réside donc maintenant dans la longueur et l’incohérence de son verbalisme ; le personnage n'étant plus qu’un être superficiel, sans consistance,dont on accuse ain-
:
b) présentation par le savoir :
4- ‘ On ne me sçauroit rien aprendre Ni en rien qu’il soit me reprendre” (vv 83-84) 5 - ‘ Je sçay tout ; je sçay faire rage” (v 106)
6 - “ Faire sçay ce qu’on me commande Et plus encore la moitié.” (v 162-163) 7 - “ Atout faire, je suis ydoine” (v 202)
8 - “ Mon sçavoir est de grant valeur.” (v 217) 9 - ‘ Je suis de tout mestier bon maistre.” (v 230) 10 - “ C’est de moy tout sens et tout soing” (v 243)
c) conclusion : le savoir et le nom : 11 - “ Je sçay des mestiers plus de vingtz Il me fauldroit quatorze ans estre Pour vous dire de quoy suis maistre” (v 286) 12 - “ Hambrelin suis qui sçait tout faire” (v 290) Le Varlet, lui, n’utilise pas ce moyen de progression qui repose sur une certaine logique, car les phrases-théme se répétent textuellement :
- 128 -
- 129 -
“ Le bon varlet qui sçait tout faire (vv 9 et 71)
“Mestier n’y a queje ne scache” (v 36) “Chose n'y a que je ne face” (v 215) “Mestier n’y a dont je ne sois / Ouvrier . .. "(vv 170-171)
quinze jours.
Le comique consiste a appliquer à ce verbe intransitif des compléments directs aussi
varies qu’absurdes : un jour, il pleut des tables et des chaises et il neige des moutons “Et quant (ce) vint après midi Il pleut fromage et rosty Aux (et) oignons, poires et pommes, Tant de femmes et aussi d’hommes Et aussi plusieurs gens de guerre
Par contre,il utilise un nouveau verbe introducteur : “je fais” et établit l’équilibre entre les trois; la définition du personnage est ainsi plus complète sur le triple plan du savoir, de l’être et de l’acte. De plus, la répartition de ces verbes, bien que respectant des temps forts et des temps faibles,
Assez pour le pays conquerre
est,dans l’ensemble, plus régulière. Enfin,il semble que l'alternance dans l'emploi de ces trois
verbes obéisse à des schémas qui sont sensiblement ceux, connus, de la disposition des rimes : ainsi, si nous désignons ‘‘je scays” par A, “je fais” par B et “je suis” par C, on constate les alternances suivantes :
v
vy
vy
ou encore :
v v
10a
17: AA-BB (répétition)
29a
24: ACACA (alternance régulière) 46: BCAACB (symétrie)
19à
48a 76: AA-AB-AC-AB-AC-AA 80 à 122 : AB-AA-AB-AA
v 160 à 178 : CB-BA-AC-CA
v 206 à 225 : AB-BBA-BBA v 230 à 249 : ACB-ACB
(Enchaînement)
; une autre
fois il pleut pendant cinq jours des vaches et des boeufs et il grêle des pois pilés . . .
Du grant royaume de Turquie
Atout la terre de Venise.”
Et le monologue se développe ainsi sur 135 vers qui ne font qu’utiliser le procédé cher à la fatrasie (49) dans une énumération qui ne constitue, pensons nous, que le début d’un monologue de charlatan ou de “pardonneur”’ dont la fin a été perdue Ainsi la technique contribue-t-elle a faire naître le rire, mais il n’en reste pas moins que celui-ci est lie pour une bonne part au personnage mis en scène et au fond.
Nous rejoignons là ce que nous avons dit plus haut du portrait du personnage. Dans les premiers textes, le charlatan et l’homme “ἃ tout faire”
sont d’abord d’inénarrables bavards qui font
rire de leurs paroles. Dans les seconds, le personnage fait aussi rire de ses paroles, mais beaucoup
Il y a donc une certaine tendance, consciente ou non, à rechercher l'équilibre par des effets de répétition, d’alternance ou de symétrie qui accentuent le caractère mécanique de la litanie. La
plus du tableau qu’indirectement, il brosse de lui : c’est de l’opposition entre ce qu’il est et l’opi-
technique prend le pas sur la logique : il n’ya plus aucun fil directeur dans l’énumération qui recherche uniquement à créer des effets de surprise par juxtaposition. Le monologue n’est plus soutenu
il la traduit de manière humoriste et son caractère y gagne en profondeur ; mais, s’il ne la perçoit
que par un rythme sonore, technique, abstrait. On peut penser que le choix d’une telle structure est impliqué par le désir de présenter le personnage comme un pantin comique.
personnage se fait en ce sens. On passe donc du comique pur à la satire.
D’autres textes utilisent aussi, mais d’une manière particulière, les thèmes de Rutebeuf et le procédé de l'énumération. La Médecine de Maistre Grimache (48) dont nous avons déjà parlé, s’ins-
ce qu’il affirmait la minute précédente avec sérieux
pire des recettes comiques de médicaments données par Rutebeuf, Elle se compose d’une simple accumulation de 37 huitains dont chacun est consacré à une recette comique. Les Quinze Signes descendus au pays d'Angleterre parodie du poème bien connu, que E. Picot classe parmi les sermons burlesques,a pu être utilisé comme première partie d’un monologue de charlatan : “Je suis venu par le moyen Du Roy Jesus en ceste terre
nion qu’il a de lui,que naît le comique. Si cette opposition est perçue par le personnage lui-même, pas, il devient un fantoche inconscient
Or d'un texte à l’autre, l’évolution dans la peinture du
Aliborum par le recours au jeu de mots, dégrade volontairement dans une intention comique Il a étudié la théologie et a reçu ses diplômes :
‘ Par les DEGRETZ j’y montay a grans cours Dont fus GRADUE, maistost DESGRADE m'ont : Car au retour je cheuz tout a rebours La teste en bas et les pieds contremont.”
De la même maniére, après s’étre vanté de connaître l’alchimie, il joue sur le mot“pierre” (gravelle) “ Aucuns ont dit que la pierre n’est qu’une
Que chascun l’a et ne le scet on mye”
Il rapporte ses aventures avec humourza Rome
Et suis descendu d'Angleterre
,
‘ Peu s’en faillist que ne fus cardinal ; Mais ung vent vint qui m’osta le chapeau’
Ou j’ay veu de grans merveilles. Destoupez trestous vos oreilles Affin que me puissiez entendre Autant le grant comme le mendre Mes parolles et retenir
Et il n’oublie pas de se révéler un parfait franc-archer :
Ne doubtez, c’est pour vostre bien...”
Aussi, par contre coup, cette denégation comique donne-t-elle au personnage une certaine profon-
“Je prins d’assault une grant vieille souche ; Jentray dedans sans faire ou perte ou gaigne,
Aux escoutes, jusqu’apres l’escarmouche.
Ce qui m'a fait icy venir ;
Notre homme utilise le merveilleux inhérent au “topique” du voyage pour développer sous forme
d’une énumération hétéroclite où il recherche l’effet de surprise, ce qu’il a vu pleuvoir pendant
deur spirituelle. Par contre Watelet, déjà, mêle à l’enonce de ses capacités etqualités, deux ou trois défauts : il
-131-
- 130est comédien, joueur (vv 157-159) et ne tient pas toujours parole (v 184). Et il agit ainsi de maniére inconsciente. Avec Hambrelin, la liste des defauts va croître ; il est faux-monnayeur (vv 13 et 101), voleur (v 18), jouisseur (vv 68-9), buveur et amateur de bonne chère (vv 70-74, 207, 210, 218, 276,
Les textes qui présentent une telle satire sont légion à la fin du XVe siècle et au début du XVIe
Citons par exemple le Regne de Fortune (50) qui se présente comme un monologue dra-
matique dans la mesure où il y a identification de l'acteur au personnage de Fortune - l’allégo-
277), beau parleur (v 189), incapable de tenir parole (v 131), braconnier, joueur (vv192, 274-5) et
rie ne gène nullement le spectateur de l'époque
pillard (v 237)
que ce monologue a été joué, bien que cette éventualité eut été possible.
du truand
Notre homme
se révèle donc comme ayant toutes les qualités du mauvais garçon, “Je sçay charpenter, fournicquer’’ (v 20)
Et Fortune énumère ses actions
“Je scay labourer, jardiner Je suis grant avalleur de trippes”’ (vv 206-207) ce qui semble indiquer (outre l’effet de méprise comique) qu’il place le travail et le plaisir, le mal et le bien, sur le méme plan : attitude non seulement inconsciente mais encore immorale de nature
Le
Varlet pousse plus loin encore le procedé : entre autres choses, il se dit capable de tout ce que l’on
et la suite n’est qu’une satire du pouvoir de l'argent, et une critique de la distribution des richesses que nous retrouverons dans la sottie “Je ne prens garde aux vertus, ne scavoir ; La ou je veulx je donne mon avoir Plus tost en donne aux sotz et 1gnorans Que je ne faitz aux discretz et sçavans ”
292-293), bon voleur :
“Je scays ouvrir et fermer portes Crocheter coffres et bahuz Et prendre dedans les escuz, S'ils y sont ; ou bien monnoye, Desrober au besoing une oye ” (vv 128-132) “ Je sçays desrober vantardises
“Ma nature est d'eslever et haulser Les ignorans et saiges rabaisser ”
Il est capable de mettre de l'eau dans le vin pour compenser la quantité bue
(vv 104-105); il est jouisseur (vv 116-117, 86-87,
Sans atteindre ce stade limite, dans la Chambriere déjà, la satire prend le pas sur le comique de caractère
la forme même, dans le délire verbal mecanique des accumulations ce dernier,il est aussi
faux-monnayeur (v 158), joueur (vv 202-203), bon vivant (vv 92-93) ; c’est un pantin inconscient qu'il vaut mieux ne pas avoir chez soi
Or l’évolution vers la satire suppose une forme moins franche du rire, qui devient
grinçant. Pour contre-balancer cette évolution, les auteurs recherchent des effets comiques dans
les marchands.” (v 146)
originales ajoutées par l'auteur au plagiat d'Hambrelin. Comme
Il débute en effet par :
“Fortune suys que le monde réclame Haulte princesse et souveraine dame ®
Or il met qualites et défauts sur le même plan
reproche à un valet,
Cependant nous n’irons pas jusqu’à prétendre
Nous
l’avons vu, la partie
réservée aux énumérations s’allonge en même temps que croit l'incoherence des accumulations 5 on essaie de supprimer tout rapport entre les termes que l’on juxtapose : “Je sçay planter oignons, civotz Et lyer aulx, forger esprons
Cette démarche satirique se retrouve dans le Monologue de
Bruller voleurs, pendre larrons ’ (Hambrelinvv 111-114)
la Chambriére dont la longueur nous incite à penser que c'était un texte destiné à la lecture. Celle-ci,
Je suis musnier, avalleur d'oeufs” (Hambrelin v 269)
selon la tradition de l’époque, se prostitue (vv 156-165), boit le vin de la cave (vv184-188), écume la graisse de la soupe pour la vendre à son compte (vv 196-201), prend du linge dans la lessive de la mai-
Ou, parfois, au milieu d’une énumeration de travaux masculins, le personnage se vante d’accom-
son (vy 219-231) et n'attend pas d’être mise a la porte pour commettre de multiples larcins.
plir des actes qui sont l'apanage d'une femme ou d'un enfant.
Avec le Dialogue de Placebo, la satire perd le caractère comique qu'elle avait dans la Chambriere pour se charger d’une ironie grinçante
Indépendamment
du procédé qui consiste pour le personnage
à parler de lui successivement à la première puis a la troisième personne, et qui met mieux en valeur
“Denisser petits oyselletz” (v 186) et “faire bonne lessive” (v 1770 ! Bien souvent on cherche à donner à l’énumeration un caractère absurde par l’emploi d’invraisemblances ou d'impossibilites : ‘ A belles dens je prens la lune” (Varlet) “ Je puis empescher les caquets Des chambrieres et lavandieres ; Rajeunur les vieilles crouppiéres
son outrecuidance, les actions du dit personnage sont choisies en vue d’une satire du régime politique, d’abord générale : “Placebo pervertit et gaste Les estas de ce present monde ” (vv 17-18), puis plus précise : “A Placebo on donne offices Dignités et grandz bénefices ‘’ (vv 26-27),
et enfin sans equivoque : “Pour le temps qui regne et qui court Placebo est homme de court Court vestu et de longue robe.” (vv 54-56) Placebo est le type même du courtisan menteur, flatteur, rusé, intéressé
Watelet se vante ainsi de savoir
A l'age des petits enfants ” (Valet vv 210-213)
d’absurdités : “ Si le temps est bas je le haulse.”’ (Varlet v 90) “ Je scay rompre les huis ouverts ” ‘ Le boiteux je fais aller droict Avec un peu d'huille de chesne ” (Yarlet vv 198-199) “ Je fais des fromages de cresme
Y meslant jus de maçons
(Varlet vv 300-301)
-133-
- 132 -
“ Vray est QUE je suis en esmoy Quelquefois QUAND J’oy la couchette
ou encore en inversant des termes : ‘ Je suis vray retondeur de toilles Et bon tisserand de papier” (Varlet v 32-33) Vieilles troter, chèvres danser ‘ (Varlet v 318)
QUI souvent crie et caquette
Et QUEje n’en ose approcher ” alors que celui du Varlet utilisait surtout des indépendantes, ou des accumulations d’infinitifs suivis
ou en utilisant dans un sens actif des expressions figées :
d’un complément d'objet, et très rarement des phrases contenant une seule subordonnée. De plus,
“Je tire la maille de l'oeil Sans blesser en rien la prunelle ” “Je sçay tres bien ouvrer de cyre ” (Watelet v 128)
les énumérations sont ici,en general, encadrées de plusieurs subordonnées et placées au milieu de la phrase.
ou enfin en ayant recoursauxprocedés de la fatrasie “ Je fais belles coiffes a chevres Aussi des esperons à rats Lesquels s'accordent avec chatz ”
Le rythme de l’ensemble est donc plus coule
Aux procédés qui contribuent a rendre plus incohérente et donc plus comique l’énumération,
Tous ces procédés contribuent à rendre plus incoherente donc plus comique, l’énumération et tendent à présenter le personnage comme un fantoche sans consistance.
Notons toutefois que,
il faut ajouter ceux qui relèvent du comique d/allusion : - l’allusion satirique ; le varlet déclare : ‘’Je suis bon marchant de chevaux” (v 160); Ham-
soit parce qu’il était un texte tardif, soit parce qu'il était surtout destiné à la lecture, le Monolo-
brelin et le varlet se vantent de savoir guérir les femmes, le premier de la “tance” (v 64), le second
gue de la Chambriere présente une enumeration cohérente
de la “trop fille” (v 244), et il a meme un excellent remède pour celles qui “ont le cul chaut” (v 294).
La chambrière ne sort pas des actions
attribuees à une femme ; elle suit un ordre logique dans l’enoncé de ses vantardises : par exemple,
- allusion obscène
du vers 32 où débute l’énumération genérale, au vers 232 (soit sur 200 vers) notre chambriére passe en revue ses connaissances : elle sait coudre (vv 33-34), filer (vv 44-47),repasser
(vv 48-57),
lire et écrire (vv 58-65), broder (vv 66-67) ; puis elle revient sur ses connaissances en accumulations plus courtes : elle sait s'occuper d'enfants, coudre, faire tous les travaux ménagers, faire les lits, faire les achats, repasser, broder, faire la vaisselle, préparer une réception, cuisiner, faire de la patisserie.
A ce moment
le rythme se ralentit ; elle passe a ses talents occultes : contenter Ma-
dame et Monsieur, ainsi que les invités,et en retirer de substantiels bénéfices, idée qui l’amène à développer la manière dont elle vit aux dépens de ses maitres
Dans les accumulations de subs-
tantifs, elle n’énumère que des choses du meme genre : “Et si fais pastes et gallettes Thalemouzes et tartelettes Tourtes, flans et casse museaux Formage à la cresme, tourteaux Et toutes sortes de potages " (vv 123-127) Dans les accumulations de verbes, elle respecte une progression de caractere temporel d’un terme
: “ Je suis fort bon barbier d estuves Pour raser et tondre le maujoint ‘ (v 260-261)
Nous n’insisterons pas sur cet aspect de la science de nos charlatans qui tous savent faire “la beste
a deulx dos” - allusion a des pieces connues : le varlet se dit : ‘ Grand despucelleur de nourrices
Ramoneur de bas et haut”
ce qui lui attribue tous les traits de ce personnage.
Il sait “mettre la pièce auprès du trou” (v 72),
allusion a la Farce du Maignen (51), Watelet et Hambrelin, comme Pathelin,sont des avocats rusés et savent “parler breton, picard, flamen’’ (W v 159).
Et tous les valets se vantent à des degres divers
de posséder la science du mire de Rutebeuf Ainsi l’évolution que nous avions constatée dans la maniere de peindre le personnage, trouve-t-elle son répondant dans la forme meme des enumerations : il semble que,de plus en plus,on veuille faire rire d’un pantin qui prononce un flot mécanique de paroles
à l’autre : “ Deffaire et reffaire les licts Les tourner, remuer la plume
” (wy 76-77)
“ Nettoyer, laver, essuyer Escurer potz platz et escuelles, Et fourbir bancs tables scabelles ; Mettre tout le mesnage a point.” (vv 94-97) Le récit entier abonde d'ailleurs en précisions temporelles qui lui donnent un caractère ordonné : “Jen dors un peu plus a mon aise, Le matin j'accoustre ma braise.” (v 191-192) Enfin l'auteur emploie le plus souvent des phrases qui se déroulent comme des périodes bien articulées :
Rire provenant du délire verbal, rire qui naït de la satire d’un type social auquel s’identifie l’acteur. Mais un tel rire ne suppose-t-il pas,pour être entier,une participation du public au jeu ? Nous avons vu que le mire de Rutebeuf sollicitait abondamment
son public ; mais cela faisait partie du
rôle joué (le marchand d'orviétan pour vendre ses drogues doit amener son public à réagir.). La fille basteliere agit de la meme maniere “En ce lieu cy convyent que je m’aplique
Et vous vouerez tous en vostre présence En quelle oeuvre j'ordonne ma pratique.”
“ Or ça leves trestous les mains Aliborum, par contre, qui n'a rien à vendre et se contente de faire son propre éloge avant de proposer
- 134-
- 135 -
ses services, cherche à convaincre l'auditoire mais sans le faire participer au jeu :
Ainsi l'examen des rapports entre l’acteur et le public semble-t-il confirmer l’impression que
“Ne cuides pas que je dye une mouffle ”
nous avaient laissée l'etude de la structure du texte et celle du personnage
La haute conscience qu’il a de lui même,conditionne sa psychologie et fait qu’il n’a nul besoin du C’est presque un soliloque qu’il prononce
public
C’est peut-être dans ces monologues de vantards, que nous comprenons le mieux comment le
Avec Watelet, le problème est différent : celui-ci cherche à se placer et aussi à soutirer un peu d’argent à son public: aussi le sollicite-t-il dès le départ par des questions qui le forcent à entrer dans le jeu :
Tout l’y prédisposait
générosité du public, préludant à la quête rituelle des acteurs dont le rôle même
et il maintient cette participation par des affirmations qui créent une sorte de complicité entre le public et lui :
venir se mêler au public
latan, complété par ce qu'avait léguela tradition des joutes de vantardises, est adapté en fonction Le personnage voit petit à petit le
réalisme de sa peinture s’effacer pour laisser place à une outrance caricaturale
“ Primo, vecy que je scay faire Comme vous le m’orrez noncer.” (v 33-34)
leur permettait de
Mais, en mème temps qu'il devient spectacle théâtral, le boniment de char-
d’une technique naissante qu'il contribue à rendre consciente.
i jusque au Sec Arbre Suis je congneu, je vous asseure ” (vv 23-24)
“Et aussi s’on le vous demande.
marché, a acquis ses lettres de noblesse en montant sur la scène d’un théâtre
car les sollicitations du marchand pouvaient facilement être transformées en de discrets appels à la
“Qu'en dict-on ? Suis je bien planté Respondez gros, gresle, menu ” (vv 3-4)
u
spectacle de rue, en l'occurrence le boniment de charlatan prononcé sur la place publique un jour de
si populaire que son nom seul suffit à le caractériser
Il devient un type
De l'imitation du discours pour lui-même,
on passe à un discours révélateur du caractère; d’un personnage qui crée le comique par des effets
(ν 55)
Il lui arrive aussi de s’emporter contre l’auditoire qu’il considère comme un véritable partenaire :
“Dictes vous que je ne sçay riens ? ” (v 89)
conscients, on passe ἃ un personnage qui est comique parce qu'il se révèle être un véritable pantin inconscient. Et la construction même des monologues, leur structure profonde, s'adapte à l’évolution du type
et il cherche à l’émouvoir :
D'autre part, le caractère même du rire se transforme : manifestation de bonne
humeur devant le flot verbal du mire de Rutebeuf
“Je vous signifie, bonne gent
et des “deuxbordeorsribauz” , il traduit avec
le Varlet les griefs de la bourgeoisie à l'égard de serviteurs dont elle ne peut obtenir ni honnêteté,
Que logé suis au Plat d'Argent ”
Mais cet échange entre le public et l'acteur fait partie du rôle
ni service valable.
C’est là une évolution qui semble traduire une volonté d’approfondissement
Avec Hambrelin, dans lequel l’énumération croît jusqu’à emplir tout le monologue, on note au contraire une “distanciation” entre l'acteur et son public. Excepté dans les vers de la fin, il
des principaux ressorts du comique
dramatique, et laisse à penser que les auteurs ont commencé à prendre conscience de la nature d’un
n’y a,dans tout le texte,qu’une seule apostrophe au public :
preuve de leur valeur dramatique
“ Je suis plus sage que vous n’estes Vous qui riez ; . (vv 264-265)
: une vision mecanique de la vie.
D'ailleurs ne faut-il pas voir dans le fait que nos personnages soient passés dans la farce, une
Bien souvent,
comme nous le verrons dans notre se-
conde partie, c'est un monologue que l’on transforme en farce en le fractionnant et en intercalant
et son contenu même montre bien que l'acteur se dissocie de l'auditoire ; ici d’ailleurs toute sollici-
entre les différentes parties, les répliques d'un second personnage qui dément les affirmations du
tation amènerait une rupture dans l’énumération
premier.
La volonté de ne pas rompre l’énumération, join-
te a celle de couper tout lien avec le public, accentuent l'impression de mécanique que donne personnage qui débite son role comme un pantin
le
pal est un vantard : “ Pour faire gambades a plaisance
Une telle attitude renforce l’effet comique pro-
duit par la technique de composition du monologue
Il n'y a homme en toute France
De ce fait,la “distanciation” entre le public
et l’acteur semble dénoter ici, sinon un véritable approfondissement dramatique du rôle (comme
c’est le cas pour Aliborum et certains monologues d’amoureux), du moins une prise de conscience de l'existence d’une technique comique complexe - les auteurs comprennent que le comique réside dans le caractère mecanique du personnage, qui se traduit par une certaine distanciation par rapport au public, par un flot verbal continu, et par une certaine distraction fondamentale (qui consiste, au cours de l’énumeration, à mettre sur le même pied des actions louables et des actions que la morale reprouve ) D'ailleurs dans le monologue du Varlet qui accentue encore ce caractère mécanique du personnage en allongeant l'énumération, nous ne trouvons aucun appel à la participation du public.
C’est le cas de la Farce du Gaudisseur et du Sot (52), dans laquelle le personnage princi-
Que moy, pour faire promptement.” (νν] 1-13) Après s’étre vanté d’avoir visité le monde (‘‘topique’du voyage qui vient de Rutebeuf),notre hom-
me se borne à faire des énumerations de ce qu'il a mangé et bu à la table du Roi (il y a ici une influence des monologues de soldats fanfarons ) C'est encore le cas de la Sottie de Maistre Pierre Doribus (53)
Un trés court extrait du texte suffira a montrer que le personnage principal est un
charlatan traditionnel :
“
Yay choses quasi impossibles
J’ay pour faire gens invisibles J’ay tout tant qu'on me demandera. Toutes chouses me sont possibles Esprouve moy qui le vouldra.
- 136 le sot ;
‘‘ Maudit soit il qui t’en croyra
Ventre bieu, quel maistre mignon ! le sot : Regardez quel maistre fratribus ! Vostre nom que nous le sachon : Affin qu’il n’y ait point d’abus ? e suis nommé par mon droit nom le sot : Maistre Pierre Doribus Comment ? Ici le rôle du sot se borne à ponctuer les differentes parties du monologue. Mais on peut aussi A l’esprouver on le verra.
doubler le rôle et mettre les deux mêmes personnages face a face
C’est ce qui se produit dans la
Farce d’un pardonneur, d’un triacleur et d’une tavermiere (54), où deux charlatans opposent leurs vantardises : “Jay cy en mes deux petits caques de la teste de Cerberus, De la barbe de Proserpine.” “ J'en ay icy du medragan, J'ay loreille d’un pelican Et les pieds de quatre phenix Et les ay prins dedans les Pres (de) la montagne d’Artos ” On retrouve là tous les procedés utilisés par Rutebeuf une présentation formelle particulière
CHAPITRE
LES MONOLOGUES
II
DE SOLDATS
FANFARONS
Parfois, le thème du voyage est rénové par
C’est ce qui se produit dans la Farce des brus (55) où la
vieille bru accumule sur 28 vers tous les heux ou elle a “officié” : “ J'ey este bru en tout pays La ou les brus sont obays J'ey esté bru gasecongnante, Bru bretonne, bru bretonnante, Bru espaignolle, bourguygnonne,
Bru
2
Son rôle se borne d’ailleurs aux accumulations traditionnelles : elle poursuit par “j’ey veu... j'ey veu
..j’ey congnu.
. j'ey veu
.
” Le docte maitre Aliborum, nous l'avons vu, apparait
dans plusieurs farces, et celles qui mettent en scène des chambrières sont nombreuses. Mais dans ces dernières, la chambrière se définit plus par les traits satiriques qui la caractérisent (impudicité, amour des caquets, habileté à voler et à vivre aux depens des maîtres) que par l'aspect du personnage qui se vante de savoir tout faire
Mais 1l faut cependant reconnaitre que le vantard, avec les
caractéristiques qui lui viennent du monologue, n'apparait guére dans la farce en dehors des dia-
logues Il était en effet difficile dans une farce, qui repose sur l’action,de mettre en scène un fantoche qui se caractérise essentiellement par son flot verbal, car le developpement du discours ne peut s'effectuer qu’au détriment de l'action
Quant Maistre Aliborum apparaît dans la farce, il
n’est plus exactement le même personnage, mais le type du cuistre prétentieux et sot ; quant au valet, s’il garde son traditionnel aspect de vantard, il y ajoute la bétise qui s'exerce par des actes
(la Farce nouvelle de Jeninot (56) ). Néanmoins ce personnage et la technique qu’il implique ne seront pas sans influencer le genre particulier qu'est la sottie
M.
Polak a regroupé dans une edition récente (1) les rares textes de ces monologues célèbres
que nous possédons - le Franc-archer de Baignollet, le Franc-archer de Cherré et le Pionnier de Seurdre. Ajoutons à cette liste, avec quelques réserves sur lesquelles nous reviendrons, le Monologue des Perruques de Coquillart (2) et nous aurons
ainsi, semble-t-il, fait le tour du genre.
Pourtant de nombreuses farces et quelques dialogues sont là pour témoigner de la grande faveur dont a pu jouir, à la fin du XVe siècle et au début du XVIe, le personnage du soldat fanfaron (3). Ces farces d’ailleurs, autant que l'on puisse en juger, reprennent
bien souvent, lorsqu'il s’agit de mettre
en scène notre fanfaron, le fond et les procedés des monologues que nous connaissons. Et, s’il est
raisonnable de penser que c’est par l'intermédiaire du monologue, dans lequel il s’est créé en tant que type, que le personnage a pu passer dans la farce, on peut supposer qu'il a existé dès la fin du XVe siècle, d'innombrables monologues de fanfarons, aujourd’hui perdus. On trouve d’ailleurs dans les farces des allusions précises, ainsi que des noms qui devaient évoquer pour le spectateur de l’époque, des personnages connus. La Farce nouvelle de Maistre Mymin qui va a la guerre (4) débute par la rencontre de trois bravaches qui se vantent de posseder un courage identique à celui de fandes exploits farons notoires dont ils ont hérité l'équipement. Le capitaine de Sot-Vouloir annonce dignes du héros dont il possede la lance (5) "
“ Je les tueroye, j'en abatroye . ” (vv 45) , Comme Thevot Quant au seigneur de Petit-Povoir, il rappelle :
“Et si ay le panart taillant De Copin de Valenciennes ; Toutes victoires estoient siennes” (v 13-15) A quoi, pour ne pas être en reste, le souldart de Froit-Hamel rétorque :
- 138 “Jay l'arc, Dieu en pardoint a l’ame Du franc archier du Boys Guillaume, Sa salade et ganteletz, Dague pour ferir aux pouletz.” (vv 31-34).
Ce dernier devait étre connu, comme le pense, a juste titre M. Polak (6), puisque P. Fabri, y fait allusion dans son Grand et vrai art de pleine rhetorique. De la méme manière,les monologues du
Franc archier de Cherré et du Pionnier de Seurdre qui sont postérieurs d’une cinquantaine d’an-
nées à celui du Franc archier de Baignollet (espace de temps suffisant pour que le personnage, avec le succés, se soit multiplie), citent d’autres noms en faisant allusion aux exploits de ceux qui les portaient. Le franc archer de Cherré cite parmi ses “‘frères d’armes”’ : “Le De De Et De De De De
franc archier de Chemiré Sainct Laurens et de Myré Chasteauneuf et de Seaulx de Bourg o ses grans houseaulx, Feneuil et de Chenillé Sainct Denis et de Cuillé, Seurdre, Couldray, Champigné, Brissarte et de Marigné.” (vv 216-223)
Il est évident que notre fanfaron, emporte par sa verve attribue un franc archer a chacune des communes qui environnent la sienne ; mais ne cite-t-il pas celui de Seurdre ? Et la précision relative à celui de Bourg peut rappeler un trait connu. Dans ces conditions, ne peut-on penser qu’un monologue avait rendu célèbres quelques uns des fanfarons cités, notamment ceux attribués aux communes éloignées de celle d’où est natif Cherre ? Le pionnier de Seurdre, lui, cite le franc archer de Cherré (v 455) et le franc taupin de Sainct Lambert (v 170). Dans la mesure où les actes qu’il
attribue au premier (défaite de Gros-Dosw 289 - et défaite de Tresdoulle-v 300 ) sont effectivement rapportés dans le monologue du dit franc archer, on peut supposer que ceux qu’il rapporte à propos du franc taupin, et ceci par deux fois (7),sont eux aussi des reminiscences d’un monologue aujourd’hui perdu, I] n’en reste pas moins que nous sommes réduits à des hypothèses quant à l'existence de ces textes, mais le fait même qu'ils n’aient pas subsisté, n'est-il pas, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, une preuve de leur existence, de leur nombre et du succès qu'ils ont rencontré. C’est en effet
le lot des pièces de circonstance de disparaître dès que ce qu’elles critiquent n’existe plus (8). Or nos monologues sont, autant que la peinture d’un type comique, une satire d’un fait social liée à l’existence historique et limitée dans le temps,des compagnies de francs-archers. Seuls ont dû se conserver les monologues dans lesquels le 1ype du fanfaron visait à une certaine universalité. Baignollet, Cherré, Seurdre peuvent y prétendre ; et de plus, chacun d'eux a son originalité propre. L'esprit satirique qui anime ces monologues a certainement conditionné leur création. Le type du soldat fanfaron semble en effet inconnu aux fabliaux. Le seul qui présente un type voisin est celui de Berangier au lonc cul (9) Mais qu’en est-1l exactement ? Ce fabliau nous présente un cheva-
lier couard qui, chaque jour, se fait armer, puis part dans un bois où il brise sa lance et son écu pour
pouvoir dire au retour qu'il a défait de nombreux adversaires. Or, un jour, la femme du dit chevalier se fait armer à son tour et part pour le bois où elle surprend son époux. Notre peureux demande grâce, mais pour la lui accorder, son adversaire le force à embrasser son postérieur, en déclarant qu’il
- 139s’appelle ‘‘Berangier au lonc cul”.
Après avoir inflige cette punition à son fanfaron de mari, la femme
revient chez elle et se met au lit avec son amant. Lorsque le couard revient du bois en se vantant, comme à l’accoutumée, et qu’il trouve son épouse dans les bras de son amant, il entre dans une violente colère et accable l’infidèle de menaces. Mais cette dernière se contente de lui rétorquer qu’elle ira demander au chevalier Berangier de la défendre. à prendre son mal en patience !
Le fanfaron,qui comprend enfin, n’a plus qu’à se taire . . . et
En fait, le récit est conçu moins en fonction de la peinture du type
du fanfaron, qui reste sommaire, que pour faire ressortir le denouement égrillard dans lequel la femme a le beau rôle. Nos monologues doivent-ils quelque chose au “miles gloriosus” de la comédie latine qui a inspiré quelques pièces de collège et notamment quelques dialogues de Ravisius Textor (10) ? Notre personnage est-il le frère aîné ou le frère cadet des fanfarons qui apparaissent dans les mystères, comme
“Yocciseur d’Innocents” de la Passion de Semur : “Je copperay a ung cop la boueille Jobridam, le Roy d’Esnaye Qui mectoit bien soulx sa narrie
Quant il pleut cent hommes en l'ombre “ (11)
A-t-il même un rapport avec eux ? Il semble plutôt que nos monologues soient nés de la satire d’un type social connu : celui du franc archer, Créées par l'ordonnance du 28 Avril 1448, les compagnies de francs archers se composent d'hommes du peuple. Chaque commune
était en effet obligée de choi-
sir un archer et l’équiper ; et cet archer, dispensé de l'impôt, devait en temps de guerre entrer au service du roi. Mais très vite, ceux-ci se livrérent a des exactions qui contribuérent à dresser contre eux l’opinion publique, d’autant plus qu’ils se révèlaient d’une lâcheté peu commune sur le champ de bataille : En 1479, à Guinegate, ils pillèrent les charrettes au lieu de combattre (13). Supprimés en 1480
dans de nombreux lieux, ils furent rétablis par Charles VIII puis par François ler, et ils surent, sous ces deux rois, se montrer dignes de la légende laissée par leurs pères : tous les textes de la fin du XVe
siècle et du début du XVIe abondent en plaintes à l'égard de ces pillards invétérés. La Bergerie nouvelle de Mieulx-que-devant, Plat-Pays et Peuple-Pensif et la Bergère (13) qui date de la fin du XVe siècle, n’est que gémissements exhalés par Peuple Pensif et Plat Pays, contre ces ‘“‘gendarmeaulx” qui ravagent le pays au lieu de le défendre :
PP P
Vont il en guerre ?
PP Ρ
Que vont ilz faire ?
PP P
A noz depens ?
PP P
Et puis quoy ?
PP
Eten chemin ?
Leur esbatre Sans contredit Le bonhomme batre
P PP r
On le dit
Poules abatre. Vela leur train ; C’est leur destinée.
- 140Ces mèmes plaintes reviennent dans de nombreuses sotties, et elles dureront pendant toute la première moitié du XVIe siècle, comme en témoigne ce Da pacem du laboureur daté de 1545, dans lequel on trouve le passage suivant “ A la sueur de mon visaige
J’ay labouré et meurs de faim ;
Trois jours a qu'un morceau de pain
Je ne mangeay en mon mesnage
-141prêt à passer dans la farce, ce nom sera remplacé par une création onomastique comique tendant à symboliser le caractère : Capitaine de Sot-Vouloir, Seigneur de Petit-Povoir, Capitaine de Mal-enpoint (servi par Paillard et Briffault): et finalement le type se confondra avec celui de marauds van-
tards comme Soudouvrer et Coquillon (18), avant d’être revivifié par les masques de la Commédia dell’arte et de devenir le célèbre Matamore de l’Illusion comique.
Qui a non est ;
Mon seigneur Dieu, tu sais combien On m'a faict chacun jor d’allarmes ; Comme sergens royaulx, gensdarmes Et autres avec, qu'on sçait bien Qui Pour a mes veaulx la teste fendre, Pour bien esgorger mes moutons, Sont gens qui ont barbes aux mentons ;
Dans la mesure où ce type de personnage a été porté à la scène dans une intention satirique, les traits de son caractère seront ceux que lui reproche le peuple. Tous nos fanfarons sont d’abord d’incorrigibles vantards qui se disent capables des plus grands exploits militaires : Baignollet reçoit l'hommage des grands capitaines pour ses actes valeureux ; et Cherré est prolixe sur ses hauts faits : “Je porty moy tout seul le fays
Plus d’ung heure (de) la bataille.” (vv 59-60)
Mais cherchez qui pour me deffendre Pugnet
Helas, Entre Quant Nous
c’est bien pour soy debattre nous, povres laboureurs, un tas de meschans coureurs battent en lieu de combattre Pro nobis. (14)
S’ils préféraient piller plutôt que combattre, les francs archers se révèlaient tout aussi dange-
reux et néfastes, lorsque leurs compagnies étaient dissoutes. Ils se répandaient alors dans le pays, se mêlant aux troupe de brigands qui rançonnaient le peuple, brülaient les fermes et pillaient. De nombreux édits en 1523, 1537, 1543, 1544 et 1546 donnent une idée de ce que pouvait être ce fléau, puisqu'ils autorisent chacun à mettre à mort ces aventuriers et leurs capitaines, comme des bêtes
‘ J'en embrochoys sept en ma lance.” (v 77) aussi non seulement les capitaines se mettent-ils à son service, et : “Ilz estoient plus de trente et trois” (v 171), mais le roi même le traite en égal et l’invite à sa table (vv 179-212)!
me chose Des trois,c’est cependant Cherré qui s’attribue le plus d’exploits invraisemblables qu’il grossit, détaille et répète à plaisir. Leur orgueil n’a d’égal que le dédain qu'ils éprouvent,en contrepartie,pour la classe dont ils sont originaires
jusqu’a nous, la violence de la satire est fonction de la date du texte et,par suite,du degré auquel nos pillards étaient parvenus dans leurs exactions. Le monologue du Franc archier de Baignollet,
composé entre 1468 et 1480 (15) se borne surtout à mettre en valeur la couardise de ce pillard de
me son égal :
“]1z n’ont ne honte ne effroy
De macher o moy pas a pas Et me prendre soubz le bras Propre ou le Roy me print.” (vv 255-259).
Cependant,les villageois ne se génent pas de les appeler “Jacquet” (Cherré v 252), ou “‘taignoux” (Seurdre v 568) ! Or,ces hommes de guerre qui ne recherchent, disent-ils, que la bataille,sont des couards. Baignollet avoue aux Anglais:
basses-cours
Le gendarme du Monologue des Perruques, ecrit entre 1480 et 1500, est un “homme d'armes cassé de gaiges” qui rêve non de batailles, mais d'une vie confortable qui devait être celle des francs archers du temps de leur splendeur.
Les monologues du Franc archier de Cherré et du
Pionnier de Seurdre dans lesquels la satire est plus mordante, datent, selon M. Polak de 1523-1524 ce qui conduit ce dernier à penser que “la réapparition des francs archers dans la littérature du XVIe siècle correspond à leur retablissement sous François Ier (16). Les événements sociaux et politiques ont donc présidé à la naïssance de ce genre particulier,
et ont plus ou moins guidé sa destinee. Il n'enreste pas moins que, né de la satire sociale et politique, le soldat fanfaron est devenu un type. En effet, si dans les premiers textes, le fanfaron porte
le nom du village dont il est l’archer (17), Baignollet, Cherré, Seurdre, lorsqu’il sera devenu un type
Baignollet se traite de “gentilhomme” (v 137) ainsi
que Cherré (v 31), lequel, pas plus que Seurdre ne peut admettre qu’un villageois le considère com-
malfaisantes.
Aussi n’est-il pas étonnant que la vindicte populaire ait essayé de s'exprimer sur la scène en créant au théâtre ce type tant décrié et si impopulaire. D'ailleurs dans les textes qui sont parvenus
Et Seurdre se vante de la mé-
“ Posé soit ores que je tremble, aye Sang bieu, je ne vous crains pas maille.” (vv 34-35) ce qu'il expliquera en disant ; “ Je ne craignoye que les dangiers” (v 99) ;
d’ailleurs la vue d'un épouvantail le fait trembler ! Cherre ne lui cède en rien, pas plus que Seurdre. Pourtant ce dernier est le seul à essayer de se justifier :
‘ Je suis un homme de mesnaige.” (v Tous sont de joyeux buveurs : Baignollet est “ Tousjours la lance ou boutaille Sur la cuisse .....” (vv 140-141)
444).
- 142 et le premier souci de Cherré,
- 143-
lorsque les capitaines le servent est de demander à boire. Quant à
Seurdre, il est le type même de l’ivrogne invétéré qui commence à la gloire du
vin, et ne perd
pas une
occasion
son monologue
de goûter au tonnelet
par un sermon
qu’il porte
Bien entendu, ils sont tous des pillards : Cherré ne s’en cache pas :
du vers 1 au vers 278, et du vers 279 au vers 552, excepté les passages v 305-330 et 360-444. Pratiquement, Cherré est un monologue redoublé.), et 220 vers dans celui de Seurdre. Dans l'ensemble, le premier temps de la structure de base présente donc une longueur d’environ 200 vers. Voyons comment
‘ La mort bieu, c’estoit ung desduict De nous veoir par my ce villaige
il se décompose
A - Présentation du personnage par lui-même. 279-304
De Bresigné ; je faisois raige D’amasser hardes et de prendre ! ” (vv 351-354)
; Seurdre vv 452-461.). - à vanter
“Le corps bieu,je les pillé bien ! ” (v 386). D'ailleurs il se fait une gloire d’avoir échappé de peu à la potence Pour ung bonnet qu’avois emblé Non
pas emblé,
mais assemblé
a son adversaire,
le franc taupin
de Sainct
Lambert.
Mais
un tel comporte-
ment est-il étonnant de la part de ces héros picaresques qui, tels Baignollet, ignorent le nom de leur père (v 214-217)? Avec
une
telle hérédité,
faut-il s'étonner de ce que
ce dernier
soit,de
plus,un
ou son ardeur guerrière (Cherré vv 21-38), laquelle est toujours déclenchée par un bruit domestique qui incite au pillage : cri de volaille pour Baignollet
:
- à appeler le combat
“ J'estoye gent et beau de visaige.” (v 181) : ce fanfaron se montre en effet d’une incapacité telle qu’il se révèle même
impuissant a suivre jusqu’au
bout la logique interne inhérente à son caractère de vantard. Il est in-
capable d'abandonner pleinement
la réalité pour l’image qu'il veut donner de lui. La transposition
qu’il fait subir a la vérité est toujours transparente, et même lorsqu'il se lance dans ses vantardises, il ne peut s'empêcher de se trahir lui-même.
Mais nous abordons là un des traits qui sont mis en
valeur par la construction même de ces pièces et leur donnent leur caractère éminemment
drama-
tique Tout l'art de l’auteur consiste en effet à composer un monologue qui permette de peindre le fanfaron
à
la
Les textes que
fois
par
nous possédons
ont cette particularité d’être de plus en plus longs au fur et à me-
vers, Cherré 552 vers, Seurdre 670 vers; ce
pose le problème de la mémorisation, sur lequel nous reviendrons
tate que tous, en totalité ou en partie, utilisent une même
; mais on cons
Ces monologues consistent, nous l'avons dit, à brosser un portrait satirique du fanfaron par La structure de base va donc comporter deux temps : celui du récit, ou des
vantardises,et celui de l’action Examinons le premier temps, celui du récit, qui comprend
; Cherré
:
“Vienne cy monstresa vaillance Qui veult jouster trois coups de lance Pour sa dame ? Viendra il rien ? Et Messieurs quelque homme de bien ! La vertu bieu, je meurs de deul ! ” (Cherré vv 298-301) Mais ce courage et cette ardeur guerriére sont réduits 4 néant par une limitation ou une précision qu’ajoute le fanfaron et dont la brièveté suffit à tourner en ridicule les rodomontades qui ont précédé ou qui vont suivre : Baignollet déclarequ‘ilne craint page “s’il n’a point plus de (v 13), et Cherré avoue qu’il s’est fait rosser par une
quatorze ans”
“vieille” à qui il avait dérobé une oie !
B - Récit des exploits passés du fanfaron qui cite les batailles historiques auxquelles il a participé : Baignollet, le siège d'Alençon (v 19), Ancenis et Chantocé (vv 41-42); Cherré, Milan, Fontarabie (v 41), Angers (v 340), Montreuil-Bellay (v 445) ; Seurdre, Milan (v 463) et Saint Aubindu Cormier (v 467). Puis notre fanfaron
structure de base, à laquelle se superpo-
sent des ajouts dont l'importance va croissant de Baignollet à Seurdre la parole et le geste
- à provoquer l’assistance pour susciter des adversaires (Baignollet vv 8-11 vv 295-304.)
ses paroles et par ses actes (19), ces derniers étant joués ou mimés.
sure que nous avançons dans le temps : Baignollet 381 qui évidemment
de tous ses voeux, en simulant la fureur guerrière et l’impatien-
ce (Baignollet vv 6-7 ; Cherré vv 291-294)
Voilà le personnage peint par les principaux griefs portés contre lui ; mais il en est un autre plus profond encore
; “un sas/Qu’on brouille par la boulengerie”
pour Cherré
joyeux paillard qui semble préférer les joutes amoureuses aux batailles rangées (vv 109 sq ) d’autant plus qu’il n’a pas une piètre opinion de son physique
(Cherré vv 282-284)
“ La mordé, vous est il advis Que ne soys homme de deffense, Ne remply d’aussi grant vaillance Comme ce franc archer de Cherré ? ” (Seurdre vv 451455)
Tous ont la caractéristique de s’attaquer surtout aux basses-cours, qui semblent les attirer plus que les ennemis (Baignollet : vv 37, 84, 187, 188, 320 ; Cherré vv 119-120, 285-286) et Seurdre ne manpas de le reprocher
:
“Mais que je n’avois tel couraige De combattre, et tel appetit Quant ‘. .. .
;
Avecques mes autres besongnes.”’
que
courage
“Si ne vis pieça saison Ou j’eusse si hardy couraige.” (Baignollet vv 4-5)
:
“Que je debvois estre pendu
son
(Baignollet vv 1-13 ; Cherré vv 1-38 et
Elle consiste pour le fanfaron :
- décrit la mélée et la manière dont il s’y est distingué (Baignollet vv 43-52 et vv 69-142 ; Cherré vv 59-82, Fa
121-150 et 340-359 - rapporte
; Seurdre vv 466-476)
la manière dont il a tué ou fait prisonnier (! ) les chefs ennemis
et les cing Anglais (vv 14-35), Seurdre et les trois prévots de Bretagne (vv 492-521)
: Baignollet
; Cherré et ses
trois combats singuhers contre “‘ung compaignon de guerre, Gros-Doux et Tresdoulles” (vv 457-518), 190 vers dans le Monologue du
franc archier de Baignollet (v 1 à 190), 441 vers dans celui de Cherré (répartis en deux temps :
- conte un combat
singulier qu’il a dû livrer et qui est burlesque dans la mesure où
-145-
- 144 -
l’adversaire est un personnage insignifiant (20) Baignollet s’oppose en effet 4 un colporteur (vv 143-
172), Cherré à un paysan à qui il a dérobé une poule (vy 83-1 20), et Seurdre à un vilain (vv 477-491).
C - Enoncé des honneurs que sa vaillance vaut au fanfaron : Baignollet reçoit les compliments et l'hommage des grands capitaines du moment (vv 53-68). En signe d’hommage, 33 capitaines se mettent à servir Cherré qui se voit complimenter par le roi, lequel lui offre d’être son grand capitaine et le prend familièrement par le bras pour passer en revue les troupes qui s’agenouillent sur son passage (vv 151-228),
Quant a Seurdre,non seulement il est acclamé par l’armée (vv 555-
558), mais encore le roi l’admet à sa propre table où il déjeune, d’égal à égal, avec le commandant
en chef (vv 538-543). Dans les deux derniers textes, le fanfaron insiste sur ces honneurs en leur
opposant le peu de considération dont il jouit dans son village où il est traité de “Jacquet” (Cherré v 252) ou de “taignoux” (Seurdre v 568), ce que d’ailleurs il retourne à son avantage :
nous en tenir lorsqu'il se lance dans ses bravades Cependant le fait que cette correction,ou précision rectificative (21),soit donnée par le bravache lui-même, accentue la valeur satirique de la peinture du personnage qui se montre ainsi incapable de garder jusqu’au bout le masque qu’il veut se donner. La vérité lui échappe et il se révèle comme un être chez lequel il y a conflit constant en-
tre l'imagination et le sens du réel, entre l'être et le paraître. (22). C'est en laissant percer la vérité sous la façade qu'il se donne, qu’il montre la valeur exacte de sa véritable personnalité. L’exposé des exploits du fanfaron se fait selon le même principe, une longue exagération comique étant rectifiée par quelques vers de remise au point qui laissent percer la vérité, ou par le
biais de la transposition qui n’est guère qu'un cas particulier de la rectification Cherré est prolixe sur ses exploits : “ J'en emorchoys bien, ne vous chaille, Je «του, ung millier pour le moins.” (vv 61-62)
“Paovres peons, paovres compestres
“ J'en embrochoys sept en ma lance Comme andoilles en une gaulle,
Qui ne sçavent honneur ne bien ! ” (Cherré vv 271-272)
Et les vous portoys sur l’espaule.” (vv 77-79)
“Je les vous hastoys quatre a quatre
Le second temps de la structure de base consiste à montrer notre fanfaron en action,aux prises avec un ennemu inconsistant ou imaginaire En effet,ou bien il y a effectivement un adversaire et le combat est joué (Baignollet s’oppose a un epouvantail, lequel remplit bien son rôle en épouvantant notre homme qui propose de trahir, implore grâce, rend ses armes, fait son épitaphe, se confesse
pour finalement retrouver son ardeur combative, dès qu’un souffle de vent fait choir à terre cet ennemi inanime )ou bien l'adversaire n'existe que dans la pensée du fanfaron qui vit son combat imaginaire en le mimant c’est ce que font Cherré,qui met Bayard en déroute (wv 305-330),et Seurdre qui imagine sa vengeance contre son confrère le franc-taupin de Sainct Lambert qui s'était vanté
Dix a dix, douzaine a douzaine.” (vv 141-142)
“ Je les assomois comme bestes, Lez ungs fuyoient sans piedz, sans testes Tous joyeulx d’eschapper ainsi.” (vv 145-147)
Exagération qui est telle d’ailleurs, qu’elle franchit les limites du vraisemblable et atteint celles de l'absurde, ce qui la transforme déja en satire du vantard - caractère impossible des actions et inconscience de celui qui y croit et veut y faire croire. Mais il suffit d’une double rectification pour que cette exagération prenne sa valeur exacte : “ Je les vous mys trestous en fuyte
de l'avoir battu (vv 586-671)
Telle est cette structure en deux temps dont le second, celui de l’action, sert à “ dégonfler” le premier, celui de la parole, des vantardises Or,chose curieuse, non seulement cette structure de ba-
se se répete, identique dans chaque texte, mais encore la démarche qu'elle implique,semble conditionner le choix des procédes destinés a provoquer le rire dans la peinture du personnage. Tous les procédés visent en effet à “dégonfler” le fanfaron pour en montrer derrière les bravadesJe véritable
caractére Lors de la présentation du fanfa le degonflement ron, satiri de celui-ci queest obtenu nous ,l’a-
vons vu, en opposant ἃ sa longue tirade de vantardises guerriéres et de provocation, une précision qui permet d’apprecier son courage. C'est le fameux “,__.... je ne crains paige 5} n’a point plus de quatorze ans” de Baignollet, repris un peu plus loin, avec le vers 99 -
(
“Je ne craignoye que les dangiers.”
nature du complément pluriel détruit la valeur propre au tour exceptif. C'est matérialiser, au niveau du style, le procedé général de dégonflement ). Cherre, lui, 2 été rossé et mis en fuite par une vieille, et Seurdre nous 2 suffisamment renseignés sur ses capacités pour que nous sachions à quoi
Et moy après - a la poursuite.” (vv 144-145)
Quant au franc-archer de Baignollet, après s'être montré, par allusion, l’égal des héros épiques, Charlemagne ou Guillaume :
“ Helas, que je me vis coursé
De la mort d'ung de mes nepveux.”’ (vv 43-44)
et même Un familier des dieux
:
En
ut
._. Sainte Barbe
euille moy ayder a ce coup ”
Et je t’ayderay l'autre coup ! ” (vv 47-49) c’est en toute inconscience qu’il rapporte ses exploits guerriers et notamment la manière dont il s’est précipité devant le fort ennemi “Car je cuidoye d'une poterne
Que ce fust l’huys d’une taverne.” (vv 72-73)
Au son
du clairon, il s'est jete dans la melee et il edt mis ses adversaires à mal,n’eût été les gens qui lui
criaient :
Pierre que faictes vous 7 N'assaillez pas la basse-court ! ”’ (vv 83-84) L’imaginaire est rectifié par un retour au réel dont il n’était qu’une transposition : tout se passe ici comme si Baignollet avait transposé la prise d’une basse-cour en bataille héroique. D’ailleurs, emτῷ
- 146 -
- 147 -
porté par son élan, il developpe, a partir du double sens d’un mot de bataille sur deux plans qui s’entremélent ses prétendus exploits sont ramenés
(coullart et courtault),un récit
: le plan obscène et le plan guerrier.
leur juste valeur
Quant à Seurdre,
quand il précise son armement
:
“Je m'y trouvé tout le premier Honnestement, mon pic au coul ” (vv 468-469)
Le fanfaron détruit donc lui-meme l'effet de ses rodomontades, d'abord par une exagération outrée, mais surtout par son inaptitude à déguiser la verité jusqu’au bout C'est en cela qu'il se révèle être un fantoche. Les autres points du schema de base subissent le même traitement. C’est la même démarche qui sous-tend le récit de la “capture” des chefs ennemis : Baignollet commence par déclarer qu’il a fait prisonniers “cinq Angloys”’, mais inconsciemment il poursuit son récit en rétablissant la vérité : l’un
Remarquons
aussi que,dans le récit de Baignollet, la transposition est double, car non seulement il rapporte le combat comme il aurait voulu qu’il fat, mais,de plus,c’est une rixe de cabaret qu'il transforme en combat.
Les memes procédés serviront a notre fanfaron pour rapporter ses combats singuliers burlesques. Ceux-ci reposent sur une double transposition : non content de trans-
former sa défaite en victoire, notre fanfaron présente comme un guerrier redoutable,son adversaire
insignifiant : Baignollet transforme en chevalier armé d’une lance (v 144) un colporteur, Cherré en “gendarme ” (v 107) un “paisant de village”, Seurdre en “valet” (v 479) un vilain. Cette transposition est d’autant plus comique qu’elle est laborieuse et visible, et que le fanfaron y utilise abondamment la correction,comme Cherré, dont le cheminement psychologique est ainsi mis à nu : “Ainsi que je m’entrebatoys Voicy ung paisant de villaige Qui me print a son avantage
des “prisonniers” l’a pris à la gorge et il n’a di la vie sauve qu’à la trahison, puisqu'il lui a fallu crier “Sainct George ! ”. Cependant, il a la fierté de préciser qu’il n’a capitulé que blessé sous les coups qui, en l’occurrence,sont un autre moyen de ‘‘dégonfler” le fantoche, car celui-ci ne se bat que no-
NON PAS paisant reallement, Ung homme de bon hardement.
Il venoit d’ung grand appetit.
blement
: coup de bouteille pour Baignollet, coup “d’ung manche de palle ou de besche” pour Cherré; et tous se font prendre aux cheveux ou au collet, comme des larrons, et bousculer. Il y a transposition dans la mesure où le fanfaron commence à raconter l'épisode comme il aurait voulu
par “Je me rendz donc ton prisonnier”, suivis de 9 vers qui rétablissent la vérité : “Mais sçavez vous qu’il en advint ? Pardé, le ribault me emmena A Encenis, m’emprisonna.”
Mais, comme Baignollet, Seurdre met un point d'honneur à rétablir la situation à son avantage en un vers qui présente un condensé du procédé : “Mais sans payer rançon ne pris Il m’eschappa car je fouy ”
Le procédé consiste donc ici pour le fanfaron à attribuer, en début de récit, à ses ennemis, ce qui lui est arrivé à lui, mais incapable de poursuivre jusqu’au bout cette transposition, il termine le récit en revenant à ce qui s'est effectivement passé. L'effet comique est obtenu par transfert de sujet, et, dans le cas où le procédé est condense en un seul vers, cet effet est d'autant plus fort que le vers conserve une logique interne qui s'oppose à celle que l’on attendrait habituellement. D'ailleurs cette logique interne est propre au personnage qui considère comme victoires ses défaites. Notons que la satire
du personnage est encore plus vive, lorsque, avec l'inconsciente bonne foi du fanfaron, notre guerrier
suit l'ordre inverse, c'est à dire donne la réalité avant de la transformer par son interprétation : c’est le cas de Cherré dans son combat contre Tresdoulles : “Et luy dessus et moy a bas, Et de charger : Tic toc, c'est fait, Voila mon Tresdoulles deffaict ;
Il est mort, il ne rira plus.” (vv 514-517)
: correction : transposition ; exagération
Corbieu, il estoit plus petit De trois pieds que moy, le ribault : vérité f QUE DIS-JE ? Petit, MAIS plus hault : rectification : transposition. Non point si propre a la bataille Comme moy; j’estoys de sa taille : incapacité à suivre sa logique Il estoit grand et court et trappe.
qu’il fût, mais il se montre incapable de poursuivre jusqu’au bout cet effort d’invention. Comme
Baignollet, Seurdre fait prisonniers trois prévots bretons. Il rapporte ce récit en 19 vers terminés
: vérité
La correction est en fait une forme d’insistance maladroite qui conduit à répèter ce que l’on veut cacher et qui a échappé par mégarde
Elle marque bien l'incapacité des héros à suivre le rôle qu'ils
se sont fixé. Et n’oublions pas que c’est par une correction qui est retour au réel, que se terminent tous les récits de combat : “Il s'enfuyt et moy devant Que dis je ? Devant ? Mais apres” (Cherré vv 103-104) “ Pardé mon villain me laissa De paour qu’il eut, et moy devant.” (Seurdre vv 490-491). Mais les auteurs emploient aussi d’autres moyens : - le coup comique : Cherré est mis en deroute par un coup de manche d’outil ; quant à Baignollet, le coup qu’il assène, parodie des coups d'épée épiques, est de la plus haute fantaisie : “Mais je luy tranchy une jambe
D’ung revers jusques à la hanche
coup de bas en haut qui est le symétrique du coup d'épée épique :
“Tl traist le brant d’or enheldi
Sil fiert a munt el helme enclin
Gesqu’al braiel le purfendi ” (Gormont et Isembart vv 182-184) Baignollet fait partie de la piétaille ! , Cette fantaisie est d’ailleurs rehaussée parla correction qui suit, et qui relègue l'acte dans le domaine de l'imaginaire : “ Et fis ce coup la au Dimenche Que dis je ? ung lundy matin.” - la parade avouée du fanfaron, qui est une réaction d’enfant :
8-
- 149-
si tu me batz Pardé, je le diray au roy Qui m'en fera faire raison Et te fera mettre en prison.” (Seurdre v 484-488) C'est aussi la reaction de Cherré, qui,abattu par son adversaire qui veut lui trancher la gorge, lui
et,ensuite,!’opposition entre les honneurs reçus et la considération dont il jouit dans son village et que le fanfaron signale pour montrer l'outrecuidance et la bêtise de ceux qui ne savent reconnaître sa valeur Seurdre utilise ces deux mêmes procédés et leur ajoute un troisième : il s’émeut lui-méme jusqu'aux pleurs en évoquant ce qu'un tiers lui aurait rapporté de ses propres exploits : ‘’ Arde, j'en plours a chauldes larmes
déclare :
De pitié, quant il m’en souvient.”
“Voire vous feroit 11 grand bien
Feis je, qui vous la couperoit ? (v 465-466)
- une conclusion burlesque du récit dans laquelle le fantoche donne les véritables raisons du combat : “Brief, je ne sçeu oncq tant débatre Ne pour prier ne pour batre Pour prescher, ne pour menacer Que jamais me voulsist lascher Tant que j’eusse rendu la poullaille.” (Cherré vv 116-120)
Après quoi, le naturel reprenant le dessus. il se défend de les avoir accomplis, pour soulager sa conscience : “C'est grand hideur que de la guerre ; Je n'y retourneray empiece.
Ma ἴον; si n'en tuay ge onc piece.” (vv 550-552)
Ainsi, notre héros se prend-il à son propre jeu ! Cette originalité de chacun des trois textes se retrouve dans la maniere dont est traité le second temps de la structure de base, celui de l’action.
ou bien se défile, avouant ainsi sa lächeté : “Dictez luy que le pionnier De Seurdre luy mande par vous Que ne I’appelle plus taignoux.” (Seurdre vv 666-668)
ou avoue qu’il a tout inventé :
Dans le Franc archier de Baignollet, il y a une véritable action puisque notre fanfaron se trouve face à face avec “ung espoventail de cheneviere, faict en façon d’ung gendarme, croix blanche devant et croix noire derriere”.
La situation comique se développe de manière à mettre en évidence le com-
portement du bravache, à faire sa satire : il s’avoue vaincu et demande grâce avant même d’avoir en-
“C'estois mon, par bieu, je y estois A tout le moins je pourmenois
tamé le combat :
Les chevaulx de ceulx qui y furent ;
‘ Dea ! Je suis Breton si vous l’estes. Vive Sainct Denis ou Sainct Yve ! Ne m’en chault qui, mais que je vive ! (vv 209-211)
Non pas pourmener, maiz ils beurent Pres de la ville de Cherré ”’ (Cherré vv 528-532) Baignollet, lui, n’a pas besoin de ces précisions puisqu’il s’est montré en action dans la seconde par-
Il rend ses armes, et, en tremblant, commence une confession qu’il fait durer le plus longtemps pos-
tie du monologue.
sible . . . jusqu'à ce qu’un souffle de vent fasse choir l’épouvantail. Il retrouve alors sa vaillance pour emporter comme butin la robe de son ennemi. Du point de vue dramatique, ce passage est,sans aucun
Pour ce qui est du récit des honneurs reçus, les trois textes ont chacun leur originalité. Si tous
doute,le meilleur du monologue, car il suppose de l'acteur une maitrise consommée de l’art de la scè-
ont recoursà l’exagération comique, le dégonflement des vantardises ne s’y effectue pas de la même
ne, diction et mime.
manière. Dans le Monologue du franc archier de Baignollet, il apparaît entre les lignes : les grands ca-
vient-elle de la Farce des deux francs archers (23) qui daterait des dernières années du XVe siècle
pitaines viennent féliciter notre héros, qui se trouve allongé sur le sol et blessé, tout au moins à ce
fait allusion a l'expédition de Charles VIII en Italie, à Naples en 1494-1495. En effet,le rôle du premier
qu’il dit. Mais examinons les lignes qui suivent :
franc archer comporte un combat imaginaire développé sur 14 vers :
‘ Combien que je fusse malade, Je mis la main a la salade Car elle m’estouffoit le visaige.””
l’on vient féliciter et le dégonflement
se fait par l'absurde de la situation.
: elle
“ Je prens le cas que maintenant
Bataille contre quelque paige . - . ” (vv 70 sq)
Comment interpréter ces précisions sinon par le fait que, au moment de la bataille, Baignollet, malade de peur,s’est allongé sur le sol, face contre terre pour ne rien voir!
Dans les deux autres monologues, le combat est imaginé et mimé. Peut-être l’idée
Dés lors,c’est un lache que Dans le Franc archier de
mais il se borne a la provocation de l'adversaire “Rens toy à moy ou tu es mort ! Par mon serment je suis le plus fort [ES Cherré remplace le page par Bayard, ce qui est dans le ton général de son monologue où l’exagération
Cherré, le dégonflement s'opère par deux procédés : l’exagération poussée au point limite où elle ver-
est poussée à son paroxysme, | ‘adversaire insignifiant étant remplace par le modèle du chevalier. Mais
ini
notre vantard termine son mime sur une conclusion qui rétablit l’ordre des choses :
l’invraisemblance comique, soulignée d’ailleurs par la rectification - quand notre homme parle
du roi, il fait suivre la précision de l'affirmation d’un trait descriptif tellement général et vague que le spectateur comprend qu’il n’a jamais vu celui dont il parle : “ Le Roy estoit (la) en personne Ou ung qui avoit une couronne.” (vv 182-183)
“Et par bieu, il seroit batu S'il vouloit et si j'ousoye.” (vy 329-330) Ce combat contre des ennemis imaginaires, qui n’est pas sans rappeler ceux du héros de Cervantes,
- 150 -
-151-
contribue a transformer notre fanfaron en pantin comique.
Ici, Cherré fest effrayé lui-même à la
tour au réel, marqué,en plus du choix des termes, par la ‘‘distanciation temporelle‘ qu’implique le
bravache cherche à se défiler. Nous avons donc là une peinture en action, à valeur satirique, qui témoigne d’un souci de réalisme fondé sur l’observation psychologique du personnage à peindre. Seurdre prend peur lui même de sa propre violence dont le degré est d’ailleurs fonction de sa
conditionnel
couardise.
seule evocation du combat, et comme apres un cauchemar, il ne peut s’en remettre que par un reAinsi se revele-t-11 plus lache encore que Baignollet !
Seurdre reprend l'idée du com-
bat imaginaire et la developpe en laissant transparaitre le débat intérieur
qui le conduit à l’action.
Dans un premier temps, 1l se souvient que son adversaire s'est vante de l'avoir battu ; à ce souvenir, 1”
il entre dans une violente colère : ‘Par la morde, je le turay '
‘’. Mais il essaie tout de suite de rat-
traper cette decision hative par une correction : ‘ Que dis je tuer renoncement en expliquant qu'il serait blame de tous
? Non feray.”; et il justifie ce
Cependant la pensée des vantardises de l’au-
tre, le ramène à la colère : “Je le batray.”’ Mais le fait qu'il ait perdu son épée :
suivre jusqu’au bout la logique du personnage qu’il joue, et s’effraie lui même. Mais cette structure de base qui sous-tend la totalité du Monologue du franc archier de Baignollet, et qui est redoublée dans celui de Cherré, se gonfle d’apports nouveaux dans ce dernier monologue et dans celui du Pion-
“ En m'enfuyant de Pouencé
nier de Seurdre. Or ces apports nouveaux, qui ont leur originalité, vont de pair avec un durcissement
Quant j'eusmes gaigné la bataille’’ (vv 597-599)
et l’idée que,peut-étre,il pourrait lui-meme être battu, le refroidissent un peu. Néanmoins, il imagine la rencontre, et la rapporte au style direct :
sensible de la satire. Dans le Franc archier de Baignollet, la satire garde un ton bonhomme.
Que reproche-t-on au
franc archer ? Sa couardise, sa paillardise,le fait qu’il se prenne pour un gentilhomme, qu’il dédai-
“Vien ça, tu as parle de moy Ce luy dirai ge. - Moy Monsieur ? Ce dira il ”
gne ceux qui l’entretiennent - qu’il traite péjorativement de ‘“tpehons de plat pays”, de ‘‘villenaille” et qu’il se conduise comme un soudard - dans sa confession il déclare qu'il a juré “Ainsi que faict
Il s’échauffe ainsi lui-meme par ses paroles, ce qui l'amène à prendre une décision :
un bon gendarme.” ; et qu'il a toujours bien fait la fête pour respecter le commandement qui or-
“ Et pardé il sera batu Avant qu'il soict troys jours passez.”
donne “Que on doit bien garder la feste ”. Mais il n’a pas volé - il n’en a pas eu le temps (v 324) -
Mais, immédiatement,la pensée que l'issue du combat s'annonce incertaine, lui fait minimiser la faute de l'adversaire : “Mais mon villain NON PAS, mais Quel ? Vanté ? Si hardy qu'il le
Cette structure de base qui se répète d’un texte à l’autre est donc conçue en fonction de la peinture du personnage, bravache qui pousse l’inconsistance jusqu’à se montrer incapable de pour-
et il n’a pas tué :
“Meurdre ne fis onc qu’en poullaille.” (v 320) C’est en fait sur ce dernier point seulque l’on insiste, puisque chaque fois, c’est le cri d’un volatile
qui me batit qui s’en est vante ; MAIS qui a esté voulut faire.” (v 630-633)
qui fait naître dans l’esprit du fanfaron des idées de combat
:
“ Or ça, ça, par ou assauldray je Ce coc, que icy ouy chanter ? ” (vv 187-188).
Pourtant, l'idée du bruit qu'a fait courir son adversaire, le soulève une dernière fois et, malgré sa peur,
Mais ce n’est là qu'un grief mineur. D’autre part, comme le fait remarquer M. Polak Baignollet ne
il décide de l’assaillir (v 645).Mais aumoment où la décision passe au présent :
réussit-il pas à apitoyer le spectateur sur son sort, lorsque, croyant son heure venue, il demande que
“La mordé, je le vois chercher ! ” (v 656),
l’on prie pour lui (vv 235-251) ? En fait, on éprouve pour lui un attendrissement malicieux.
il en réalise la portée et réussit à trouver une échappatoire en demandant au public d'agir à sa place : “Dictez luy que le pionnier
Dans Cherré, la satire est plus violente. Non seulement le fanfaron possède à un degré supérieur tous les défauts de Baignollet, mais il se montre de plus sanguinaire et sans charité : lorsque son enne-
De Seurdre luy mande par vous Que ne l’appelle plus taignoux ”
mi demande grâce, il la lui refuse : “ Le corps bieu, je n’en prins denier Ne maille, mais j'en eu la teste.” (vv 479-480)
Cerécit bien construit se déroule donc en plusieurs étapes qui suivent le même schéma : Seurdre pense aux
bruitsinfamants que son adversaire fait courir sur lui, ce qui entraîne sa colère et sa décision de se venger, mais, quand il realise les conséquences possibles de sa décision, il se refroidit et cherche des échappatoires
ER
Or d’une etape a l'autre. on note une progression : dans un premier temps, Seurdre parle de
tuer, dans un second temps de battre, dans un troisième, seulement d’assaillir, et dans un quatrième il charge le public d'adresser de sa part une priere au franc-taupin
Cette progression est renforcée
par l'emploi des temps : du futur lointain, le pionnier passe au futur proche marqué “Je
Etil se révèle un franc pillard : à Brésigné, dit-il :
par la périphrase :
le voys querre”’ (vy 638), “76 le vois chercher” (v 656) ; plus l'action est imminente, plus notre
ET Se je faisois raige D’amasser hardes et de prendre.”
Or c’est justement sur ce trait de caractère qu’insiste le passage ajouté à la structure de base (vv 560444) : Cherré imagine que,lors de son dernier combat, il retrouve des sergents avec lesquels il avait eu maille à partir
et dont il prend vengeance :
e
ange ἠὲ Je les pillé bien. Quoi ? Piller ? Je ne laissé rien ; Je les traicté en franc archier.””
-152-
-153-
Et,dans un second récit,il rapporte la manière dont il a pu échapper aux dits sergents royaux qui
2ème temps:
voulaient le pendre :
- 16 vers au style direct : l’insulte du franc taupin, amène Seurdre à répliquer par trois griefs contre les franc archers : “larron poulaillier” (v 206) ;
‘Pour ung bonnet qu’avois emblé Non pas emblé mais assemblé Avecques mes autres besongnes.” (vv 390-393)
“A la journée des femelles . ... . vous en fouistes.” (v 212) ;
“Tu estois a la taverne . . . loing des coups.’’. Griefs traditionnels qui sont suivis de - 7 vers qui rapportent la reaction de Sainct Lambert
fuite que Cherré n'oublie d’ailleurs pas, selon son habitude, de transformer en attaque : “ Je prins Et sailly "Si feisje Pour les
mon poignart, mon espée par dessus une haye.” (vv 414-415) trois grand lieux du pays enclore par derniere.”’ (vv 425-426)
menace proférée au style direct (3 vers) 3ème temps :
- 42 vers dans lesquels les griefs sont plus virulents et rappellent ceux des sotties et des moralités. Seurdre généralise en passant de la seconde à la troisième per-
sonne :
Ainsi ce passage apporte-t-il un thème supplémentaire qui relève d’une satire plus mordante et traduit
“ Pardé la plus grand vaillantise
la multiplication des plaintes contre les exactions des francs archers qui ont maille a partir avec la justice
Qu'il facent, c'est de tourmenter Les povres gens et leur oster Les biens de quoy ilz doivent vivre.” (vv 234-237)
et sont donc de véritables hors-la-loi,
Dans le Pionnier de Seurdre, la structure fondamentale n’occupe que le tiers du monologue. Le pre
et il rappelle le comportement des francs taupins : s’ils échappent par miracle à
premier tiers (169 vers) débute sur un sermon joyeux à la gloire du vin qui, par association d’idées,
la pendaison, ils reviennent en se vantant d’avoir mis en fuite tous les ennemis du
amène le pionnier à s’emporter contre un groupe de franc archers
roi.
“Qui defonsoient les tonneaulx Et les gettoient parmy les champs.” (vv 60-61)
- 6 vers au style direct peignent la réaction de Sainct Lambert; des insultes et un reproche : Seurdre est vêtu en paysan (satire implicite de l’orgueil des francs
et qu’il se réjouit d’avoir vu pendre. C'est là l'expression même de la haine du peuple à l’égard des francs archers : nous sommes loin de la satire bonhomme du Franc archier de Baignollet ! Le second temps du monologue, compose de 285 vers, rapporte une rixe entre Seurdre et un franc taupin qui a échappéa
pendaison
seul. Dans la première partie
archers.)
4ème temps : - 72 vers dans lesquels le retour régulier, dix fois, de “ce feis je” marque l’emportement qui a saisi Seurdre : il rappelle à Saint Lambert qu’il n’est pas dupe des
Ce passage, très bien construit,pourrait faire un monologue à lui
explications que ce dernier a données sur la manière dont il a acquis ses propres
(vv 166-197), Seurdre présente son adversaire comme un fanfaron
vêtements (Gros-Dos, Tresdoulles et les anglais n’eussent fait qu’une bouchée de
qui ne sait que se vanter - situation comique qui consiste à faire dénoncer le défaut d’un personnage par un autre qui a le même
: geste de colère (4 vers) et
lui) ; qu’il sait fort bien qu'il les a volés que ce n’est que de justesse qu’il a é
! :
chappé à la potence - mais ce n’est là que partie remise !
“Par mon serment, je croy qu’il ment Et qu'il en dict un poy beaucoup.” (vv 184-185)
- 8 vers traduisent la satisfaction de soi de Seurdre et, par opposition, la colère de Sainct Lambert qui bondit sur lui.
Puis aprés avoir donné de son adversaire une description conforme en tous points à celle qu’aurait pu en donner tout bon sujet du roi, Seurdre rapporte qu’il eut avec lui une dispute, parce que ce-
Dans toute cette dispute verbale, dont la progression est réaliste, on assiste donc à un dégonflement
lui-ci refusait de payer sa tournée.
haineux des fanfaronnades du franc taupin : le rire que peut provoquer de telles vérités est un rire
Cette dispute se déroule en deux temps : échange d’insultes et
combat burlesque :-c’est l’ordre traditionnel que suit la farce en pareil cas. Le récit de la dispute verbale (158 vers) a une valeur scénique comparable à celle de la secon-
de partie du Monologue du franc archier de Baignollet. En effet, Seurdre, dans la mesure où il rapporte la dispute au style direct dans un véritable dialogue à une voix, la revit intensément, D’autre part,l’affabulation de la dispute lui permet d’énoncer tous les griefs
du peuple contre les francs
archers : c’est une accusation en règle dans laquelle la haine transparait. L'attaque se déroule en quatre temps de plus en plus longs - 4 vers ; 16 vers ; 42 vers ; 72 vers - qui traduisent la montée
progressive de la colère : lertemps
: 4 vers au style direct pour l'attaque : Seurdre reproche à son condisciple d’être
un “happelopin”. - 4 vers pour la réaction de l'adversaire qui insulte Seurdre en l’appelant “Pehon
nourry en un paillier”.
de vengeance. Le second temps de cette deuxième partie du monologue, le combat burlesque,doit son comi-
que ἃ la situation : ce sont deux fanfarons qui s'opposent (c’est l’idée de la farce des deux francs archers). Mais le comique de situation est ici renforcé et prolongé par le comique traditionnel du
coup : les deux larrons s’empoignent aux cheveux (vv 365-366), se mordent (v 370), s’assomment avec un gourdin (vv 378-379), et le vainqueur saute a pieds joints sur le ventre du vaincu (v 388) :
véritable combat de chiffonniers qui prend valeur de satire. Ajoutons que , comme il est de tradi-
tion dans ce genre de piéce, ce récit est d’autant plus comique que celui qui le rapporte à son awantage, a en fait été battu : “*Je le baty Dea, non Mais je le Si fort, et
ordousement pas batre proprement tiray de redise sans lascher ma prinse
Qu'il en versa sur moy adens.” (vv 401-405)
-154-
-155-
“S’on ne l’eust ousté de sus moy Mordéje l’eusse effriboté.” (vv 420-421)
peut s’appuyer sur une structure d'autant plus précise qu’elle est toujours exploitée à partir des
‘“ Pardé, si versa il a terre D'un coup de poin .. . qu’il me bailla.” (vv 446-447)
avons un redoublement de la structure de base et dans Seurdre la structure de base arrive en troisiè-
Finalement la réconciliation se fait.
mêmes procédés, ce qui limite le travail nécessaire d'invention spontanée (24). Or,dans Cherré nous
. . devant un verre de vin. Le cycle est bouclé et nous revenons
me point pour soutenir une imagination créatrice défaillante, après l’exploitation,dans un premier temps, d’un canevas de sermon joyeux et, dans un second temps,d’un canevas traditionnel de dis-
au point de départ, En fait donc, si les additions a la structure de base des monologues sont sous-tendues par une
pute qui se termine par des coups et utilise d’ailleurs les procédés propres aux monologues de fanfa-
structure analogue et utilisent les mémes procedés pour peindre le personnage, le fond se charge d’une
rons. Il est donc vraisemblable de penser que, dans ces conditions, les 672 vers de Seurdre n'étaient
satire de plus en plusviolente.C’est aussi vers la satire qu’est orienté le Monologue des perruques de Co-
pas pour effrayer un acteur entraîné.
quillart qu'à tort, nous semble-t-il, E. Picot classe dans la catégorie des monologues de fanfarons. En effet nous ne retrouvons dans ce monologue ni la structure de base, niles procédés caractéristiques
Jeu dramatique qui est aussi fondé sur la participation du public. En effet,dans tout monologue
du genre. Sur les 400 vers du monologue, seuls,les 24 premiers peignent un gendarme cassé de gages,
de fanfaron, le personnage mis en scène doit convaincre le spectateur de la réalité des vantardises qu’il
et les 92
profère ; aussi prend-il souvent le public à partie Ces “prises à partie”, qui apparaissent sous forme de
suivants,la vie qu'il désirerait avoir.
A partir du vers 117, le monologue verse dans une
satire qui reprend les thémes des Droits nouveaulx : inconstance et perversité féminine , vie dissolue
conditionnels dans le Franc archier de Baignollet (‘vous eussez ouy” vv 103,122) ou d’impératifs
des religieux, et
(‘“‘pensez”’ v 130), se généralisent dans Cherré où elles apparaissent une vingtaine de fois (croyez moy,
comportement ridicule des galants de Paris qui tranchent du gentilhomme sans en
avoir les moyens, et décolorent leurs cheveux, portant perruque lorsque ceux-ci sont trop courts. En
versant dans une telle satire, le récitant ne continue plus à s'identifier au personnage qu’il campait au début du monologue. De plus,ce dernier n’est pas un fanfaron; c'est un franc archer réduit à l’état
devinez, pensez, escoutez, debvez entendre, prenez le cas que. ..., ne cuydez pas que je vous mente., qu’en voulez vous, vous eussiez esté esbahis, vous ne croyriez pas ...
), ainsi que dans Seurdre où
elles prennent souvent de l'ampleur : “Je ne vous en mentiray ja” (v 109)
de “brigant de bois”, car il a perdu son cheval et son harnachement, et laissé ses armes en gage à une
“ Plust a Dieu que vous m’ussiez veu.” (v 384) ““ ... demandez a l’houste” (v 415)
quelconque taverne ; ses habits sont en lambeaux et, dit-il, on l’appelle partout
D'ailleurs Seurdre prend bien souvent le ton de la discussion entre amis ; le public devient un person-
“ gendarme fumeux cassé.” (v 20)
Et notre homme se borne à développer le rêve d’une vie qui était celle que l’opinion publique attri-
nage auquel il se confie
buait aux francs archers du temps de leur splendeur : argent à volonté, santé physique, vêtements
avoir prononcées, sont ponctuées de nombreux “‘feis ge”, ce qui est une manière de marquer au pu-
somptueux et succès galants - développés sur une cinquantaine de vers qui suivent l’ordre chronolo-
blic qu’il s'adresse à lui. Et les très courts passages de récit
gique : le bain, les friandises, les exploits amoureux de la nuit, et, au matin, un bon feu, un repas
le direct confirment cette impression :
copieux, une toilette soignée, une dernière joute amoureuse, avant de s’habiller, de se parfumer et
de partir. Et ce rêve se termine au vers 1 12 sur l'interrogation “Mon souhait seroit il pas bon?
Cependant, l'absence de prise à partie du public et la versification soignée et régulière de ce texte
Le plus souvent,d’ailleurs,Seurdre emploie un ton de complicité :
manque de continuité dans l'identification de l'acteur à son personnage, et la “distanciation” qu’il
“ Moy, pour en parler franchement.
lance
.” (v 143)
“ Je croy que ce n’est qu'un menteux . .. _. . Car NOUS n’y avons pas esté.” (vv 174-181)
observe vis à vis du public, empêchent ce morceau d’avoir une valeur dramatique comparable à celle des autres monologues de fanfarons : ici, on ne rit pas du personnage, mais des traits incisifs qu’il
qui suivent les paroles rapportées au sty-
“Je le voy tout prest d’enrager Mordé, il me cuyda menger ; VOUS NE VEISTES onc telle tempeste Il rouilloit les yeulx en sa teste.” (vv 351-354)
”.
satirique, incitent à penser qu’il a,tout au plus,été lu devant une assemblée, mais non pas joué. Le
C’est ce qui se produit dans la seconde partie où les paroles qu'il est censé
Cette complicité active que recherche Seurdre fait ici partie du rôle
: le fanfaron essaie de mettre
le public de son côté contre Sainct Lambert. Mais elle peut parfois prendre l’aspect d’un simple Les autres monologues, par contre, ont une valeur dramatique certaine qu’ils doivent au fait
que l’identification de l'acteur au personnage joué y est complète, au fait qu’il y a participation du public au jeu, et enfin au fait qu’ils comportent une part d'action mimée. On pourrait, au vu
de la longueur des monologues de Cherré et du Pionnier de Seurdre, douter qu'ils aient réellement été joués sur scène.
Mais nous savons fort bien que la mémorisation est facilitée quand l’acteur
coup d'oeil complice : “Que dy je ? nom pas reculer - Chose dont on ne doybve parler - (Baignollet v 96)
De plus, toute correction, dans la mesure où elle est destinée au public, implique sa participation,
car elle tend à présenter le récit avec la spontaneité de la confidence, qui suppose la compréhension
et l'adhésion d’autrui. On relève aussi quelques “vous” explétifs, traditionnels dans le récit rapporté,
-157-
- 156 -
ner, dont il est vraisemblable de penser qu’ils soulignaient de manière outrancière les paroles :
qui traduisent bien ce lien qui s’établit entre l’acteur et son public :
“ Et luy d'approcher, et je frappe Et tic et tac et torche lorgne ! ” (Cherré vv 95-96).
“Je les vous hastoys quatre ἃ quatre.” (Cherré v 141) Enfin, comme dans tout monologue dramatique, l’auteur n’hésite pas à solliciter son public par des questions : “Hay ! Quoy ! Qui suis je Qu’en dictes vous ? Suis Pour achever une bataille Que vous semble de mon
en mon harnoys ? je de taille ? corsaige ? ”’ (Cherré vv 279-282)
“ A combien vendez vous céans ? ” (Seurdre v 1) “ Tenez l’ai ge bien esprouvé ? ” Le voyez vous, Saincte Marende ? ” (Seurdre vv 42-43)
Le fanfaron a tellement conscience de s’adresser à un interlocuteur
que,bien souvent, il prévient les
l'acteur devait posséder un art de la déclamation peu ordinaire. Alors que les monologues de charlatans peuvent être débités sur un ton presque uniforme, les monologues de fanfarons, eux, supposent de fréquents changements de ton et de rythme, entre les phrases destinées au public et le récit lui méme dont la vivacité et la variété se marquent par le passage du style direct au style indirect, par les réticences et les corrections, par des apartés et des jurons,sans compter qu’au niveau de l’ensemble, on passe assez souvent de longues tirades dans lesquelles le fanfaron étale sa suffisance avec complaisance, à d’autres tirades où pris de fureur soudaine, il mime une bataille, ou provoque l'assistance. Ici, l'acteur doit rendre apparente la multitude des sentiments parfois contradictoires qui l’animent :
orgueil, fureur, suffisance, assurance, peur. Aussi l’auteur a-t-il joué sur toutes les possibilités de la
reproches de son public, ou répond à ceux qu’il imagine :
phrase : interrogations, exclamations, prières, corrections, onomatopées, jurons. Les entrées en scé-
“On diroit que je mentiroye ” (Cherré v 44) “ Croyez moy et puis que j’en jure ; Tenez, voyla quien murmure :
ne sont remarquables de mouvement
“Sang bieu ! Qu’esse que j’ay ouy ?
C’estois mon, par bieu je y estois” (Cherré vv 526-528) “Qu'est-ce qui dict que ne les ay pas ? (Cherré v 546) “ Quoy vous ne m’en voulez pas croyre !
Est ce un tabourin de Suysse ? Ouy, ou je suis estourdy. A coup ! A cheval ! A la lice ! Il fault que mon harnoys fourbisse
(Cherré v 549)
Et, chose remarquable, dans ces monologues, la participation du public fait partie du canevas de dé
Pour aller a l’arriere ban
part : le fanfaron en quéte de bataille provoque le public :
Aussi bien que je fuz entan. Mais ou diable est ce tabourin ? Escoutez : bededou, bededou, bededou. Quelz gens sont ce ? Mais que sçait où Ilz s’en vont ; les voyez vous pas ? (Cherré vv 1-12)
“Qui dict ? qui grosse ? Qui en veult ? Par la mort bieu, le coeur me deult. Vienne cy monstrer sa vaillance Qui veult jouster trois coups de lance
Pour sa dame ? Viendra il rien ? (Cherré vv 296-300)
ou lui demande de servir de témoin : ‘Au cas, dictes, je m’en raporte A tous ceulx qui sont cy, beau sire
Affin que ne veuillez pas dire ) Queer. 2 (Baignollet vv 333-335)
ou quéte de lui une priére : ‘ Priez pour l'ame, s’il vous plaist Du franc archier de Baignollet.”’ (vv 238-239)
ou mieux,le prie, comme Seurdre, de l’aider, en réglant a sa place ses propres querelles. N'oublions pas non plus que le public est amené a jouer un rôle dans la mise en scène. Les notations scéniques du Franc archer de Baignollet en témoignent
: “Ὃν dist ung quidem par derriere les gens : Coqueri-
coq ”. Le monologue devient donc en quelque sorte un dialogue entre l’acteur et son public. D’ailleurs,a la fin du XVe siècle, le théâtre est jeu, fête
Il veut amuser, satiriser et parfois corriger en
faisant participer un public qui devient acteur ; c'est un théâtre primitif, spontané, vivant qui est loin de cet aspect figé que lui donnera l'époque classique.
Mais la participation du public n’est possible que s’il y a sur la scène un jeu vivant, attirant, dramatique : il faut croire en la réalité du personnage pour participer à son jeu. Tous les auteurs de nos monologues temoignent d’un sens inné du jeu dramatique qui nécessitait de la part de l'acteur un art consommé.
En effet, mis à part les gestes et mimiques que nous ne pouvons qu’imagi-
:
Mais le mouvement n’est pas seulement superficiel, il traduit aussi parfois les cheminements d’une âme, et,par là, donne au texte sa véritable profondeur dramatique. Ce mouvement interne, psychologique, est évidemment plus sensible au moment où le fanfaron est en action, qu’il se trouve face
à l'adversaire ou qu’il ne fasse qu’imaginer la rencontre. L’angoisse et la détresse qui étreignent
d’interlocuBaignollet aux prises avec son épouvantail, se marquent par un continuel changement teur, rendu par le jeu des pronoms il s'adresse à l'adversaire "
”
à lui-même
à l'adversaire
(vv 191-251) : : supplication - attendrissement “il est fait de TOY ceste foys”
: supplication
il prend l'auditoire à témoin
: “Et comment ? il ne cessera # Meshuy de me persecuter ?
il s'adresse à l’adversaire
: supplication
à »
lui-même
i
: attendrissement ‘Tu meurs bien maulgré toy Pernet !
è
lui à la troisième personne, à l'auditoire qu’il supplie de prier pour lui (il parle alors de comme s'il était déjà mort ! ) :
“Priez pour l'ame, s’il vous plaist du franc archier de Baignollet.
donne au texte une vraie profonLa situation,pourtant comique, devient pathétique : c'est ce qui
dramatique est deur dramatique. Dans le Monologue du pionnier de Seurdre, cette profondeur
(tuer, battre, assaillir, prier.), et le continuel donnée par la progression des décisions du fanfaron
- 158 -
-159-
balancement entre le désir et la peur d’agir. C’est là un véritable débat intérieur où l’orgueil blessé, la colère et la peur s'opposent et qui se termine sur la victoire de cette dernière. Tous les procédés employés traduisent donc la volonté de l’auteur de faire reposer les réactions de son personnage sur la psychologie qui lui est propre.
Tout est étudié pour mettre à nu les ressorts
d’un caractère, De là vient l'impression de vie dramatique intense que donnent ces textes, et dont on ne trouve guère d’égale dans les autres monologues si ce n’est dans ceux d’amoureux qui s’inspirent
D'autre part, si les procédés habituels sont repris, et notamment la correction, ils le sont avec beaucoup moins d’à propos ; ils sont employés parce que le modèle les comportait et non en fonc-
tion de l’utilisation qu’en faisait le modèle
Enfin,le personnage présente tout de go sa véritable per-
sonnalité sans avoir recours au récit transposé, alors que,dans le modèle, la vérité semblait n’apparaître que par mégarde ; “Je m'en voys parmi ces villages Pour menger poulles et chappons.” (vv 46-47)
de la technique éprouvée ici.
“Mais toutesfoys je me tiendray
Tousjours au derriere de l’ost
Le théâtre naissant trouve donc,dans le monologue,un terrain d’essai propice pour mettre au point ses techniques et les rôder. Mais, en passant dans la farce, le fanfaron saura-t-il témoigner de cet acquis technique - d’autant plus que certains monologues, celui de Seurdre en particulier, sont des farces en puissance, En fait,il semble que le personnage soit beaucoup plus terne dans la farce que dans le monologue. Comment teurs se bornent
l'expliquer ? Pour transformer le monologue en farce, les au-
le plus souvent à faire intervenir un second personnage à côté de notre fanfaron,
et cela à l’aide de trois procédés simples.
Le premier consiste à présenter sur scène deux francs archers qui, dans un premier temps,débitent chacun, sans se voir, un monologue - chaque monologue étant fractionné pour permettre aux deux personnages de prendre la parole à tour de rôle -,puis se rencontrent et s’effraient mutuellement. C’est ce qui se passe dans la Farce des deux francs archiers (25), très courte, puisqu’elle ne
A celle fin que soye plustost
Pres de fouir, si mestier est.” (vv 18-21) Le personnage est donc plus plat ; il ne donne plus l'impression de se trahir par son incapacité à suivre la logique du masque qu’il veut se donner ; il ne se déguise pas, il est. De ce fait,une bonne part de ce qui faisait le comique du monologue, disparaît.
Le second procédé consiste à faire rivaliser de fanfaronnades deux malandrins comme dans la Farce des maraux enchesnes (26). Prouesses guerrières de francs archers, mais qui, ici, sont détournées de leur but premier, puisqu'il ne s’agit pour chacun des deux compères que de surenchérir sur ce que l’autre a dit. D’ailleurs,l’auteur s'avère incapable d'employer les procédés traditionnels : le récit du combat que mène Soudouvrer contre des paysans à qui il a tue une poule se termine sur : “Ha ! si ne s’en fussent fouiz
comporte que 271 vers. On reprend ici les deux temps de la structure de base du monologue : van-
tardises et action, en exploitant l’idée qui était en germe dans le Franc archier de Baignollet, et qui est presque réalisée dans Seurdre, où, nous l'avons vu, le pionnier s'oppose en imagination à Sainct Lambert. Il est certes comique d’opposer deux fanfarons qui s’effraient mutuellement, mais il est indéniable que la profondeur dramatique est moindre
lorsque l’on concrétise ce qui était sur le
plan de l'imaginaire et servait plus à peindre un caractère en action, qu’à faire rire à propos de cet-
te action. Dans la farce,le rire naît de l’action qui présente un retournement de situation : au dé-
Par ma foi j’eusse tout tué.”
Rien ne permet de penser que nous ayons là un transfert de pronoms. Ce texte est donc une simple joute de vantardises qui s'inspire des propos,traditionnels, des francs archers.
Le dernier procédé consiste à entrecouper les vantardises du fanfaron de rectifications qui sont le fait d’un second personnage, et servent à ‘‘dégonfler”’ les affirmations du premier. c'est ce qui se produit dans la Farce du gaudisseur et du sot (27) : le gaudisseur :
but de la rencontre c’est le premier fanfaron qui tremble, or c’est le second qui prend la fuite !
rôle du premier,par exemple, qui est le plus long,comprend sept reprises qui pourraient se mettre bout à bout pour composer un monologue de 89 vers se déroulant selon l’ordre connu : récit des prouesses passées, désir de combattre, combat imaginaire, décision d’aller se battre, peur et fuite
devant un adversaire insignifiant. Cependant ce monologue manque d'originalité : on retrouve des vers entiers empruntés au Franc archier de Baignollet : “Ha ! je ne crains pas une maille, Homme s’il n’a plus de dix ans.” (vv 12-13) “ Mais que de fouir j'ayes espace.” (v 40)
“Vela mon gantelet pour gaige.”” (v 72)
“Quant sur ma teste ay ma salade Pour a coup faire une passade
Homme n’en crains dessus la terre.”
Quant à la peinture des deux francs archers qui s'exprime à travers leurs vantardises dans les 147 premiers vers, elle est évidemment une pâle image de ce que nous offraient les monologues. Le
Il y a dégradation de la donnée initiale.
le sot :
‘ Voire pour battre un malade Quant il a sa grande hallebarde Et pour casser a coup un voirre.”
: le gauPlus rien ne subsiste ici des données initiales et des procédés des monologues de fanfarons
disseur n’est qu’un vantard qui puise ses sources aussi bien aux monologues de francs archers qu'aux Il monologues de charlatans. Le dialogue reste superficiel et se réduit à l'exploitation d’un procédé.
régulière et mécaniy a affaiblissement dans la mesure où le vantard se borne à adopter une attitude par le dégonfleque, et où la présence d’un second personnage est nécessaire pour rétablir la vérité
s’en ressent. ment systématique. La pièce a un caractère artificiel et la qualité du rire qu’elle provoque souvent bien mais farces, Le personnage du soldat fanfaron apparaît aussi dans de nombreuses
qu’un pauvre il perd ce qui faisait la caractéristique du franc archer, sa couardise, pour n’étre plus
- 160 -
hére au ventre vide et aux vétements en lambeaux, qui ne réve que de festins, tout en racontant ses
hauts faits imaginaires. C’est le cas du héros de la Farce du capitaine Mal-en-point (28) : “ Au bon Fierabras de Connimbres J’abatoye chevaulx et timbres
Avec cing cens sagitaires.” (vv 586-588)
En fait, dés qu’il apparaft dans la farce, le fanfaron se transforme et la technique employée pour le mettre en scène se dégrade. Il n’est plus qu'un prétexte, et sa peinture passe au second plan ; le rire n’est plus satirique, il nait simplement du comique des situations.
Le monologue de fanfaron témoigne donc d’une technique élaborée ; il a son originalité propre, et présente un double intérêt, dramatique d’abord, satirique ensuite. Dramatique, car l'acteur, non seulement fait participer le public à son jeu, mais encore réussit à exprimer touslessentiments intérieurs de son personnage, à faire revivre réellement ce vantard inconsistant,dans ses paroles et ses
CHAPITRE
LI
actes. Satirique aussi, car il s’agit de concrétiser sur scène les griefs du peuple, de ridiculiser,dans un esprit de vengeance,ceux dont il a tant à se plaindre, en stigmatisant leurs travers et leur com-
portement. C’est peut-éfre là ce qui explique le succès durable que rencontrera au théâtre un tel
LES MONOLOGUES
D’AMOUREUX
personnage. D'ailleurs, nous allons retrouver, dans l’amoureux,un personnage qui présente de nombreux points communs avec notre fanfaron.
a cette catégoParmi tous les monologues qui sont parvenus jusqu’à nous, onze se rattachent
monologues-récit et des rie qui est ainsi la mieux représentée. Mais il faut distinguer parmi eux des omportent en général seconds,c les que longs plus monologues-état d’ame. Les premiers,beaucoup Nous classerons dans la preplus de 350 vers, contre un maximum de 170 vers pour les seconds.
joyeulx d’ung mière série le Sermon joyeux d’ung ramonneux de cheminées (1), le Sermon
la Fortune d’amours, sermon joyeulx despucelleur de nourrices (2), le Monologue du Resolu (3),
foing (5), le Monolod’ung Verd Galant et d’une bergiere jolye (4), le Monologue de la botte de demoura trois heures amours, gue du Puys (6), le Monologue de l’amoureux qui en poursuivant ses cuidant se coucher οἡ une | a une fenestre pendu par les bras et enfin se coucha dedens ung baing couchette (7) et enfin le Monologue de l’amoureux
qui par fortune fut pendu a une gouttiere, puis
: | A la seconde aux hardes (8). a une perche, sous les robes d'une femme et se sauva dedang le coffre: du esgarée fille la de joyeulx Sermon le série appartiennent la Femme mocqueresse mocquée(9),
fort joyeux de la chambriere Recueil La Valliere qui n’est qu'une reprise du Monologue nouveau
dame fort amoureuse d’ung sien amy despourveue du mal Damours (10) et le Monologue d’une
fonction de l'intérêt que le puSi l'on admet que le nombre des pièces parvenues jusqu’à nous est était plus apprécié que le monoblic portait a chaque genre, on peut penser que le monologue-récit logue-etat d'âme. Etudions donc le premier.
(11).
- 162-
- 163corbeille qu’il cherche le salut ! Et combien d’autres, dont tout le comique repose sur l’arrivée impré-
LE
MONOLOGUE
vue du mari qui interrompt les travaux de l’amant et le contraint à la fuite,avec les mésaventures qu’el-
- RECIT.
le implique.
D’une maniére générale, toutes les pièces appartenant à cette série, traitent le même thème et dans les mêmes conditions scéniques. Tout en faisant participer le public à son jeu, l’acteur s’identifie à un personnage caractéristique, l’amoureux vantard, et rapporte les mésaventures qui ont
empêché
ce dernier de jouir
de ses amours.
le thème qui implique un déroulement
La structure
linéaire
sera-t-il le suivant
même
de ces pièces est en rapport
étroit avec
Aussi, généralement, l’ordre de présentation adopté
: dans un premier temps qui comporte, en moyenne, de vingt à quarante vers, l’auteur essaie de susciter l’intérêt du public et sa participation, tout en précisant, par la même occasion, le sujet du monologue ; dans un second temps dont la longueur est d’autant plus variable qu’il sera repris ou non dans la suite du monologue, il présente les personnag es du drame : l’amant qu'il va
incarner, la dame et parfois le mari. Après ces préliminaires, le récit des aventures de l’amoureux peut commencer. Il occupe, selon les cas, entre les trois quarts et les neuf dixièmes du monologue et se déroule selon un plan quasi immuable. Nous assistons d’abord aux approches de l’amant, puis à la conquête amoureuse qui permet à l'amant d'obtenir un rendez-vous pour le soir ou le lendemain ; ensuite, c’est la longue attente de l’heure fixée, occupée par de multiples mésaventures qui n’empéchent d’ailleurs pas l'amant de se présenter comme convenu à la porte de sa dame de coeur.
Mieux,
même,
les circonstances
semblent jouer en sa faveur, puisque notre
homme
se voit sur le
point de mener à bonne fin son entreprise Malheure usement, l'évènement imprévu, matérialisé le plus souvent par le retour du mari, met un terme final aux préparatifs amoureux, et le pauvre galant se voit contraint de disparaître précipitamment dans des cachettes inconfortables où il passera
le reste de la nuit à méditer
logis, épuisé
sur sa malchance
et ... insastifait.
et d’où
il ne ressortira qu’au
matin
Nous avons là un schéma qui ne nous est pas inconnu puisque de nombreux loppent : c’est le fabliau de la Male feme (12) dans lequel la mère et la fille sont gnie de l’amant de la seconde ; mais la mère ne perd pas sa présence d’esprit, et, de l’amant une épée, elle le pousse derrière la porte en lui recomman dant, chose de jouer l’homme en proie à la peur ; et nos deux femmes racontent au mari que qu’elles ont ouvert leur porte au pauvre amant alors qu’il était sur le point d'être
pour
regagner son
Certains d’ailleurs,
ventures burlesques lui de Constant
pens du mari. inexistants
comme
le Fabel
d'Aloul (16) développent
à l’envie le thème
des mésa-
Mais les fabliaux ont ceci de commun que, à part quelques exceptions comme
Duhamel
(17),
Ils donnent
ils mettent
en valeur la perfidie féminine
et font
la primauté à l’action et les caractères sont le plus souvent inconsistants ou
D'ailleurs le récitant ne s’identifie à aucun de ses personnages.
Dans la mesure où il rap-
porte l’action à la troisième personne, il prend vis à vis de ces derniers une certaine distance. Il fait rire d’un tiers et non d’un rôle qu’il joue monologue
dramatique,
rire à ses dépens,
au contraire,
et par là même
: c’est là une démarche propre au genre narratif
le récitant dans
, doue
confère une plus grande valeur comique
d’authenticité
la mesure
Dans le
où il s’identifie à un personnage,
les mésaventures
qu’il rapporte,
fait
ce qui leur
Le monologue accorde autant d'importance à la peinture
du personnage mis en scène qu’à l’action,qui ne prend toute sa valeur que dans la mesure où elle est en rapport de convenance ou d'opposition avec le personnage qui la vit.
Aussi, malgré
l’apparente
analogie des thèmes traités, est-il difficile d'établir un lien de filiation entre les fabliaux et les monologues d’amoureux. à propos
Tout au plus pourrait-on appliquer à ces derniers ce qu’écrivait Barbara C. Bowen
de la farce : “ce n’est
pas un mélange
savant de choses lues, mais un chaos
joyeux
de vagues
souvenirs et de rapports éloignés’’ (18) et, nous semble-t-il, rassemblés et réutilisés avec une originalité propre à un genre neuf. prouver Ch.
Excepté le fait qu’il emploie le terme de “conte”, nous ne pouvons qu’ap-
d’Héricault lorsqu'il écrit : “le monologue est une sorte de conte en vers qui a une allu-
re propre, une formule et des règles particulières.
Cette formule ne se dessine nettement qu’au XVe
siècle, quoiqu’on trouve ça et là dans les contes et les fabliaux des trouvères bien des passages inspirés par l’esprit qui anime les monologues et se servant de formules analogues.” (19).
C’est cette
originalité que nous voudrions essayer de dégager en étudiant successivement lepersonnage de l’amoureux, la technique proprement scénique de la participation de l’auditoire, la valeur comique et
fabliaux le déve-
surprises en compa-
satirique de ces monologues,pour terminer par quelques considérations sur leur valeur dramatique et influence qu’ils ont pu avoir sur les farces
plaçant dans les mains superflue d’ailleurs, c’est par charité
rejoint par deux coquins qui en voulaient à sa vie. Après quoi, sans ombre de méfiance, le mari gardera l'amant à sa table pour le rassurer ! Dans le Cuvier (13), la femme n’a que le temps de dissimuler son amant sous un baquet renversé, avant que son mari, suivi de deux compères, ne vienne s’y attabler. Elle réussit néanmoins à rétablir la situation et à permettre à son amant de fuir. Dans le fabliau du Chevalier a la robe vermeille (14), le dit chevalier, surpris par le retour du mari, n’a d’autre ressource que de se glisser sous le lit conjugal quant au prêtre du fabliau du Prestre et de la dame (15), c'est dans une
ce-
rire surtout aux dé-
LE
PERSONNAGE
DE
L’AMOUREUX
La première preuve du caractère dramatique de nos pièces réside dans le fait que l’acteur y incarne un personnage : il parle à la première personne. pour donner vie à ce personnage. gie véritable.
Mais bien entendu, cela n’est pas suffisant
Encore faut-il que celui-ci ait un caractère propre, une psycholo-
C'est là le premier test auquel nous allons soumettre nos amoureux
: sont-ils seulement
des masques ou des êtres doués de sentiments, de qualités et de défauts ? Avant d’aborder cette étude, il convient de faire quelques remarques relatives aux textes dont nous disposons. En effet le Sermon d’ung despucelleur de nourrices et surtout celui d’ung Ramonneux
de cheminées,
ΡΟ l
ia
nous
semblent
antérieurs aux années
1500
et
1520,
dates respectives que leur
assigne E. Picot qui precise toutefois à propos du second : “Aucune allusion historique ne nous per-
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- 165 -
met d’indiquer d’une manière précise la date de la composition” (20). Ce dernier en effet, qui ne comporte que 88 vers, reste par son ton et la source du comique qu’il exploite, proche des fabliaux : il ne fait qu’utiliser le sens obscéne bien connu de l'expression “ramonner les cheminées”. Dans les
55 vers qu’il consacre au récit, “16 ramonneux” rapporte une aventure qui ne s’est pas terminée à son honneur : interpelé par une jeune fille qui le somme de “‘houlser sa cheminée”, il se met à l’oeuvre vaillamment, pensant satisfaire pleinement sa cliente; mais il doit bientôt déchanter : “Je cuydoys qu’elle me dist ‘Holla ! ” Mais elle me disois “La, la, Houlsez fort a val et a mont ! ”
et,comble de malchance, la cliente s’acharne sur l’ouvrier :
De son caractére,c’est tout cequenous connaitrons, excepté ce que l’on peut en deviner à travers le portrait élogieux qu’il nous brosse de sa dame de coeur : “Ce cul massif, ce corps petis Ce tétin dur comme un fourmage Et reffais comme ung pain fetis Deulx gros yeulx riants putatifz ” Un langaige fin, frais, friant Si le proverbe : “dis moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es” est vrai, que penser de celui qui aime cette autre grosse Margot ? Ce n’est que dans les autres pièces, vraisemblablement un peu plus tardives, que l’amoureux nous apparaitra
“Comment, dict elle, vous voulez vous rendre ? ; Qu'avez vous, houlseur, mon amy ? Tout n’est pas houlsé a demy ! ”
Notre ouvrier foit finalement demander grâce devant les exigences féminines. Malgré son caractère franchement obscène, une telle pièce eût pu être comique si le personnage mis en scène et présenté dans les 33 premiers vers avait été un vantard notoire. Or qu’en est-il ? Le monologue débute sur
le “cri” du ramonneur qui déclare au quatrième vers :
comme un type doué d’une psychologie propre et permettant a l'acteur de donner
une impression de vie véritable, sans laquelle ne peut s'établir la participation du spectateur qui ne
doit plus être l'auditeur passif d’un récit. Notre amoureux est un vantard qui, sans aucun complexe, se décerne la palme en toutes choses, et se révèle ainsi comme un vrai franc archer des lices amoureuses. Tout d’abord,il se trouve beau physiquement
: “ Je veu qu’estoye mignonnet
Ung corps fectis, sade, gronnet. ” (M. du Puys
“Je suis ung fort homme de bras.” mais ce dernier ne sait se mettre en valeur qu’en utilisant le “topique” du voyage, caractéristique des monologues de charlatans ou de valets :
‘ J'ai houlsé a Tours, a Blays
A Paris, en Lorraine, en Mes En Gascongne, en Bretaigne En Espaigne, en Allemaigne .
toujours à la pointe de la mode ”
ou en s’adressant quelques compliments : “Mais je les houlse si au net Qu’il n’y a vire ne cornet Qui ne sente bien mes houstilz.”
C’est là un portrait rudimentaire, figé dans une attitude traditionnelle, qui ne s'exprime que par le verbe et reste plus proche du boniment de charlatan que du portrait d'amoureux.
Bien que nettement plus élaboré, le Sermon joyeulx d'un despucelleur de nourrices, cité par
le Vendeur de livres au nombre des ouvrages dont il dispose, reste proche du précédent par son ton
encore grossier et le même manque de consistance de l'amoureux mis en scène. En effet le “despucelleur”, comme le “ramonneux”, se définit par le thème du voyage : “ Hé ! Mon Dieu, tant j’ay fait de tours De petits saulx et de voyages Puis ung an pour voir en decours Ces doulx yeulx, ces plaisans visaiges ... ”
Mais ce thème du voyage n’est qu’à peine esquissé ; il n’est employé que pour suggérer que la principale préoccupation de notre homme est la quête amoureuse. D’ailleurs,ce dernier s’empresse d’ajouter que, dans l'existence, il ne faut penser qu’à
“ Estre tousjours gent et empoinct
Et en tout temps estre amoureux.”
wy 21-23)
j ‘ J'avoye les membres les mieulx faitz Que au monde l’en sceut declairer.” (Botte de foing vv 206-207) et il pense savoir mettre en valeur cette beauté physique en s’habillant avec goût, avec recherche, :
“ J’entendoye assez mon latin Car pour estre plus fricquelet J'avoye le pourpoint de satin, J’entens satin par le collet Et aux manches, le chappelet
Joyeulx, la manche attachée De velours a ung beau filet ;
Trois doys de large la belle espée ' Robe a grant manche descouppée Affin que l’on veist la dessoubz.” (Botte de foing vv 114-123)(21)
“ Somme j’estoie gentil fallot
) En poinct comme le filz d’un conte ! ”” (M. de la gouttiere
Dans la plupart des monologues, d'ailleurs, l’amoureux
insiste sur le fait qu’il fait avantageusement
concurrence aux nobles de la Cour :
“ Car j’estoye de grant aparence. Pour vous en parler vrayement J'estoye abille proprement Gorgias comme ung chien de cours, Et luy sembloit certainement
Que je fusse ung mignon de court.” (Le Verd Galant) le galant Les termes “mignon”, “fringant”, “‘gorgias” reviennent fréquemment. Parfois cependant,
- c’est l'équivalent des corrections ne cache pas le véritable dénuement que recouvre cette parade dans les monologues de francs archers ἡ
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“ D’argent poinct ; ce n’est que bagage ;
“Je veu qu’estoye mignonnet Chantans entre les damoiselles.”” (M. du Puys 21-22)
Aussi je ne m’en charge guere.” (Le Resolu)
“Les chausses percées aux genoulx Pour bien dire ; mais ce n’est rien ! ” (Botte de foing vv 235-236) ce qui, au passage, semble appuyer les dires de Coquillart : “ Nous voyons povres goguelus Minces, mesgres, niais et lours Pour estre a plaisance vestus Garsonner satin et velours.” (Les Droits nouveaulx vv 503-506)
“ Aultre foys ay esté en cours Pour faire balades et rondeaux,
Et ne dormoie ne nuytz ne jours.” (M. du Puys vv 29-31)
aussi notre amoureux se déclare-t-il chéri des dames : “...j’en sçay cing ou six Ou je suis tousjours bien venu.” (La Gouttiere) “... la dame et la chamberiére Me joncherent : l’une derriere, L'autre devant me regardois ; L’une farsoit, l’autre lardoit. J’estoye fort en grace d'elle.” (Botte de foing vv 191-195)
Mais il déguise les réalités en insistant sur son équipage,qui n’existe guère que dans son imagination, et sur son noble maintien : “ Je suis tousjours gent et mignot Sus mon cheval qui va le trot.’’ (Botte de foing vv 33-34) “Je vous chevauchois royde et hault.” (Botte de foing v 142) “Je m’en aloie dela les pons Avec mon paige Jacquet Monté sur belle hacquenée.” (M. du Puys vv 91-93)
Selon leur dire, tous nos amoureux sont montés princièrement et servis par un laquais. N’est-ce pas là une des raisons qui expliquent la solide assurance dont ils font preuve ? Ils ont d’eux-méme l’opi-
Il ne compte plus ses conquétes :
“Pensez qu’avoye les plus belles! “Or pour parvenir
“ J'estoye ung homme adventurier Gay, alegre, mignon, joyeulx.” (Botte de foing vv 208-209) Le héros de Roger de Collerye insiste sur cet aspect :
“Tant au soir, la nuit,qu’au desjuc,
Prompt, prest, preux d’attendre le choc, Bon pied, bon oeil, fres comme un suc, Accoustré comme ung petit duc, Asseuré, plus ferme qu’un roc, Donnez du taillant,de l’estoc.” (Le Résolu vv 2-7)
Comment,dés lors,s’étonner de l'admiration que nos vantards vaniteux suscitent sur leur passage car,avec persévérance, ils font la sourde oreille aux quolibets : “Bref, c’est ung gentil compaignon
Et si a un tres beau maintien.” (M. du Puys vv 73-74)
“Ce dient les gens de Paris : Il feroit ung beau personnage
Pour estre abbé de Sainct Denis.” (M. du Puys wy 102-104)
“ La pluspart des gens me suyvit
Disans : vela un beau ribault, Ce n’est pas dommaige qu’il vit. (Botte de foing vv 143-145)
Et toute cette belle apparence trouve son répondant indispensable dans les qualités intellectuelles
et morales de l’amoureux. Il est en effet intelligent, spirituel et sait briller en société : “Mignon, gorgias, bien prisé Des dames ; là estoit ma fin.” (Botte de foing vv 152-153)
a mon esme
Amoureux fu de toute les trois.” (M. du baing)
aussi n’est-il pas étonnant que, lorsqu'il se résout à opérer un choix, l’élue ait toutes les qualités : “Et si vous dy bien par mon ame Que c’est la plus mignonne femme
nion la plus flatteuse : “Toutesfois si suis je joieux Propre, gorgias, nestellet Hardi, franc et aventureux.” (M. du baing)
” (M. du Puys v 24)
et parfois il se sent incapable de faire un choix parmi elles :
Pardieu qui soit poinct a Paris.” (M. du Puysvv 110-112)
“ Mais elle, poac ! C’est une fée ! ” (Botte de foing v 90) Pour l’autre,c'est “la plus sadinette”
(La
gouttiere);et celui qui en aime trois
a fait un choix
judicieux, car la première est “la plus saige”, la seconde,“‘la plus belle” et la troisiéme,“la meilleure menagiere’’ (M. du baing). Presque toujours, notre amoureux se lance dans de longues descriptions
de sa dame,d’autant plus élogieuses qu’elles plaisent a sa vanité et lui sont un moyen de prouver sa propre valeur : “Une mignonne tant sadine
Une robbe d’ung gris bien faicte D’un fin gris changeant ; bonne mine, La belle piéce a la poitrine ;
Tissu cramoisi, large a la boudine
Et du hault, jusque au boudon
Elle est aussi droicte que ung jon.” (Botte de foing vv 52-58)
“Petits gans, petites mainnettes ' Petite bouche a barbeter.” (Botte de foing vv 98-99) Selon la tradition, la dame est belle comme une miniature. Et sa parure ne le cède en rien à celle de l'amant ; elle connait aussi les bonne manières et est toujours accueillante :
“ Car elle a le plus plaisant ris
Les yeulx vers, la petite bouche ; Quant elle marche sur espinettes
Elle fait ung tas de minettes.” (M. du Puys vv 113-116)
Comment, dans ces conditions ne pas être satisfait de son sort jusqu'à la fatuité la plus complete :
- 168 -
- 169 ne de l’amour était chose courante depuis la chanson courtoise. Le personnage incarné recelait donc
“ Vivre a plaisir, la main guernie
et comment
Estre des dames recueilli ; Tousjours pourveu de belle amye. Veult on estre mieulx accueilli ? ”
ne pas avoir de soi l’idée la plus flatteuse :
déjà en lui-même un certain pouvoir comique que le sens mimique des acteurs pouvait utiliser et mettre en valeur.
(M. du baing)
Mais tout l’art des monologues consistait, après avoir peint le personnage, à le lancer dans des
““ Sang bieu, a tout considerer Tl sembloit que j’en fusse deux.” (Botte de foing vv 210-211 ) Cette suffisance de l’amant explique que bien souvent, il soit porté à se moquer de ses concurrents, qui, d’ailleurs, lui ressemblent comme des frères,
“ De ces varles dymencherés Qui sont vestus sur le gourt
aventures empruntées à la tradition, qui infirmaient le portrait avantageux qu’il avait fait de lui, C'est la démarche que suivaient déjà les monologues de soldats fanfarons, recherche d’une attitude de contradiction permanente, source de comique, dont nous allons étudier les effets dans l’art du récit.
L'ART C'est quant leurs robbes sont percées
Notre vantard va donc rapporter les mésaventures auxquelles sa suffisance s’est heurtée Par-
Ilz vous portent comme j’enten De beaulx aneaux dedens leurs dois Qui sont dorés de beau saffren, Il semble que soient petis roys ; Et mectent la main au bonnet Affin qu’on voie les aneaux, Pour dire j’ay ung afficquet,
fois, d'entrée de jeu, il a le bon goût de prévenir son public des échecs qu'il a encourus :
“ Combien que j'ai souvent failli | à parvenir a mes attainctes . . . ” (M. du baing) “ Jamais je n’eu telle vesarde
Et n’ont pas vaillant deux naveaux.” (M. du Puys wy 55-85) :
Penchant devant, la couleur fade,
que qu’il doit à l’inattendu, notre amoureux commence par la notation habituelle : ‘un jour” (quatre textes), ‘‘l’autrier soir”, “une fois. .. ”, “il y a ungan -..” ; puis,aprés s’étre décrit avec suffiessuyés au cours de la promenade qui lui 7
à se montrer aux yeux des belles, il rapporte les paroles par lesquelles il a conquis sa dame et pot
Les espaulles aussi bossues Qu’il semble droictes moules a hoste, Et si a la mine si sotte
Que quant il parle, qui vouldroit
Par le sang bieu, on le croyrait.”
Comme je vous racompteray.” (le Verd Galant)
mais,le plus souvent, sans cette précaution préalable, qui,d'ailleurs, fait perdre au récit la saveur comi-
sance, et après être passé légèrement sur les quolibets
Les jambes aussi menuettes Come fuseaulx, les joues retraictes
Dire qui songe ou qui radote
RECIT.
a) Les données : mésaventures obligatoires du héros amoureux.
Pour estre plus mignonnement.
Quandil ne se moque pas des autres galants, c’est du mari que médit notre amoureux ‘ Il vous a les yeulx endormis Rouges, et le corps tant maussade,
DU
arraché sans peine un rendez-vous pour le soir Des lors commence la longue attente jusqu'au soir, pendant laquelle il essuie ses premières mésaventures, qui d’ailleurs ne le découragent pas
=
PE
ral, pendant ce premier temps, en dehors des railleries sur sa manière de chevaucher et dont il fait
fi, il ne fait que subir de simples vexations qui n'ont d'autre effet que de détruire la belle ordon(Botte de foing vv 65-85)
C’est ici l’aveugle qui se moque du paralytique, ce qui n’est pas sans ajouter a la saveur comique d’un tel portrait, L’amoureux se présente donc comme un type : celui du vaniteux, du vantard qui se prétend le Champion incontesté des arènes amoureuses. Mais ce type d’amoureux fanfaron a un véritable caractère qui repose sur une psychologie propre. Tous les détails de son portrait concourrent à une même finalité : mettre en scène un personnage vivant, atteint des travers courants des jeunes galants du temps, et dont on puisse rire. C’est l'accumulation de tous ces travers, soigneusement étudiés, convenablement dosés, légèrement outrés Pour prendre une valeur caricaturale, mais pas trop pour rester vrais, qui permet à l’acteur de parfaire l’illusion et de rendre véritablement vivant le personnage incarné. Notons en passant que de tels portraits ont vraisemb lablement subi l'influence de ceux des soldats fanfarons ; d’ailleurs la transposition d’actes guerriers ou de bravades dans le domai-
nance de sa tenue. Seul, le Résolu arrive sans anicroche au rendez-vous ; quant au Verd Galant, ses mésaventures consistent à perdre sa haquenée
et à ne pas pouvoir dormir tant il est impatient :
“La nuit, cent foys je me resveille.”’
Dans tous les cas l'amoureux passe par une aventure qui le contraint à la fuite (et met en valeur son courage ! ). Parfois, il est poursuivi et doit alors se cacher :
de foing v 265) “Ἐξ me mussay soubz une traille” (Botte Quand il ressort de sa cachette, l'ordonnance de sa tenue s’en ressent : “ Bonnet renversé et guingnant,
La belle image sur l'oreille.” (Botte de foing vv 261-262) νν le i isser” qu’ilqu’i reçoiti sur la (δῖε ête : i c’est par un L “pot à pisser’’ Bien souvent,ses beaux vétements sont souillés
cas du “‘despucelleur”, de ’amoureux “du baing” et de celui qui “fut pendu a une gouttiere”’ quemment il en perd une partie, chapeau ou chaussures :
; fré-
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“Or ça, ça ;j’ay l’occasion
“Quant j’arrivay en ma maison ; Je n’avoie
De coucher ennuit avec vous. - Ha ! Monsieur que dictes vous ! Je seroie deshonnorée ! - Ne faictes point tant la sucrée.
chapeau ne cornette.” (la Gouttiere)
Si a ant
ne se Sauve pas par couardise, c’est sa balourdise qui le contraint a fuir de honte. L’adu puys”’ qui pense passer le temps avec d’autres galants dans un bal, y fait preuve d’une
bise
Sçavez pas bien que m'avez dit ? ” (M. du Puys vv 259-264)
telle qu’un refus à danser le ridiculise et le force à s’éclipser. Quant à l'amoureux
du baing”, il subit la totalité des avatars déjà décrits : invité à un banquet, sa méconnaissance de la danse Lane à trébucher, a perdre sa chaussure, à se couvrir de honte, à fuir dehors dans la boue où il se souille.
De plus, sur le chemin du rendez-vous, il reçoit un “pot à pisser” sur Ja tête et, surpris par le guet, il est abandonné par son laquais : “Hola
t pour mieux succomber par la suite. Mais la dame n’oppose ce premier refus que vraisemblablemen par le subtil esprit de l'amant, et, malgré son Ce qu’elle désire d’abord, c'est bavarder, être conquise impatience, notre amoureux doit en passer par là : “ Nous fusmes là bien deux chandelles
(Le Despucelleur M-R VI p 204) A baver et a caqueter.”’
j
“ Nous devisames là de baves, Et des besongnes dismes tant Et de langaiges et de brigages Foing vv 291-294) De quoy, bref, pas ne m’en souvient ” (Botte de
! Qu’est la ? Veez cy le guet !
Non est ! Si est ; et mon Jacquet
De prendre son pié a son col
Et de s'enfuir comme un fol ! ” .
ae
c’est en piteux état, souillé, ayant perdu la moitié de ses vétements, son bel équipage
dispersé, et après avoir fait montre de sa lacheté, de son inaptitude à la courtoisie la plus élémentaire ou de ne ignorance de ce que tout véritable galant est censé connaître, qu'il se présente devant sa daMais notre homme est passé au travers de toute cette série d'épreuves, avec un détachement digne d’éloges, et dont le contraste avec la haute opinion qu’il a de lui-mêrne est un puissant moteur comiie
ie
Il faut noter que,dans cette premiére série d’épreuves, seul l’accident du “pot à pisser’’,
tere scatologique, était déjà employé dans les fabliaux. Les autres épreuves sont une Mi le des auteurs de la fin du XVe siècle,
originaἐφ
““ Fusje accoustré, fus je agencé Bien pigné, miré ; je me mouche, Je sors, je pars puis je m’approuche Pres de son huys. (le Resolu’’)
et, ee
toujours, geste caractéristique, avant de heurter, il jette un regard par le trou de la serrure Le jeu du récitant est alors d'imaginer des circonstances telles que l’amant ne puisse im-
pièces
médiatement satisfaire ses désirs. Deux éventualités peuvent se produire : le trouble fête, en l’occurren-
ce le mari, le père ou le maître, est déjà dans les lieux avant l’arrivée de l’amant - c'est me se produit dans la moitié des pièces -, ou la dame est seule. Dans ce dernier cas, l’art du conteur se manifeste dans la manière, artificielle, dont il réussit à retarder le plus possible le moment où l'amant pourra jouir de
ses amours, C'est d’ailleurs chose facile : il suffit que la dame qui, au départ, semblait aussi pressée que Yamant d’assouvir ses désirs, se soit ravisée et qu’elle commence par un refus. C’est ce qui arrive au Resolu, au “‘despucelleur’”, à l'amant “du Puys” et à celui de “la botte de foing” : “ Je la trouvay si inconstente,
En langaige si vehemente
-, .
(Botte de foing vv 319-320)
l’on pouvait développer à l'infini comme les dont chaque vers reposait sur une alternance et que on dramatique et satirique, dans la mesure où dits de chacun. Mais ici, l’auteur en fait une utilisati ils traduisent les caquets des deux amants
:
“ Cestuy cy va ; cestuy là vien, Ceste là, ceste cy vault bien , L'une ayme l’autre ; l’aultre ayme l’une,
de carac-
ἤρα de temps avant l'heure convenue, et pour certains,dont le Verd Galant, le Résolu, l’amoureux “du Puys” et celui de “la botte de foing”, aprés avoir refait un brin de toilette, notre amant se dirige donc vers “l’huys” de sa belle :
cu
x qui étaient si goûtés au XVe siècle, Et c’est l’occasion pour l’acteur,de placer là un des morceau
L'une blanche et l'aultre trop brune . . .
L’ung est couard ; l’autre est hardy de foing vv 297-308) L’ung veult lundy, l'autre mardy . . . ” (Botte l’amant car plus visible et plus comique,l’impatience de Ces passages permettent,en outre,de rendre
ils durent longtemps :
“ Quant nous eusmes bien caqueté Et bien broullé et tempesté,
Onze heures si s'en vont sonner.” (M. du Puys_
vv 267-269)
e le coup de la tension “dramatico-comique” qui précèd La précision temporelle permet ici de créer r que l’amant, fête. Tout l’art de l’auteur consiste à montre théâtre que constitue l’arrivée du trouble de se rendre, pour la lutte et que le bastion est sur le point par sa conversation, a réussi à emporter pourra il où t momen le es va renvoyer aux calend mieux mettre en valeur l'interruption qui nous il puisqu' é, procéd du Puys, il utilise au maximum ce satisfaire sa passion. Dans le Monologue illé et couché auprès d'elle : montre la dame vaincue et l'amant deshab és “ Quant nous fusmes tous deux couch (vv 285-286) L'un près de l’autre aprochés...” sommes alors 4 peu point limite de tension dramatique; nous Nous atteignons donc à ce moment le le coup de théâtre : aux deux tiers du monologue. C’est alors près, suivant les textes, à la moitié ou r la bravoure de l’aun moment de panique destiné à illustre retour imprévu du mari qui déclenche
mant :
! ” (m. du Puys v 294) ‘ Qu'est il de faire ? Je suis mort . .. “Corps de moy ! Il m’advisera Non fera... Pardieu, si fera . . lu) Je suis pis que n’estois hier ” (le Reso
SE
-172Le pauvre amant est désempar é et c’est la femme qui doit avoir la présence d’esprit de trouver une cachette ow le pousser. Dans les cas où le mari est déjà à l’int érieur de la maison, c’est elle qui détourne la question motivée par le bruit qu'a provoqué l’arrivée de l'amant : “Qu'est ce là ? s’escria le maist re, Dist la nourrice : “Cest le vent Qui ἃ rompu une fenestre ! ” (le
Despucelleur M-R VI p 208) y Qu'i est cela ? C’est le belie r Qui ne cesse de fatroiller ! ” (le Verd Galant) Dans le Monologue du baing, le guet qui ἃ pris, dans l'obscurit é, l’amant pendu à la fenêtre pour une robe en train de sécher, frappe à la porte pour prévenir le maître qui s’éveille en sursa ut. Mais la dame
le calme en lui expliquant que c’est effectivement une robe ἃ elle qu’el le a oubliée et qu’elle Va aller décrocher Nous retombon s ici
dans les thèmes du fabliau qui cherche surtout à illustrer la ruse et la duplicite féminines. Après avoir rassuré son mari, la femm e peut indiquer une cachette à l’amant,
Tous les récits ont recours à ce thème de l'amant contraint de disparaître dans une cachette inconfortable, déja abondamment utilis é dans les fabliaux. L'amant peut être simplement dissimulé derrière la porte (le Résolu) et nous retro uvons ici la cachette utilisée dans la Male femme, ou il se voit indiquer une écurie (le Verd Galant : “‘le tect aupre s de
ceste vacherie”), un poulaillier (l’amant “‘du baing”’), un grenier à foin (l’amoureu x de la botte de foing) - cachettes fréquemment utilisées dans les fabliaux et les farces
Pour créer des situations comi ques - ou une chambrette au dessus de celle du maitre. Enfin, l'amant peut, en désespoir de cause, n’avoir d’autre ressource que de se dissi muler dans le puits, lieu tout aussi souve nt utilisé dans les fabliaux que les baquets ou les tonneaux.
Bien souvent, d’ailleurs, ce comique de la cachette est rehaussé par le fait que l’amant se trompe Le Verd Galant, par mégarde, entre
dans l’écurie aux oies, et l’amoureux “du baing”’ prend une baignoire pour la couchette désignée Par sa maitresse : “Tic, toc ;Je me viens estoc her Soudain contre ce baing ; hou, houche, Cest le lict, c’est mon ;je me couche
En ce baing vestu bien et beau,
Flou flou, flou flou,
flou flou, flouf touche > Vous fist mon cul dedans cest eau.” L’entrée dans la cachette marque pour l’amant le début d’une longu e période de souffrances physiques. Parfois, comme pour le Verd Galan
des fabliaux comme
t (dont le monologue,dans sa secon de Partie,est trés proche
le fabel d’Aloul), c'est le début d'une cascade de déboires. En effet, le
père de la belle, réveillé par le vacarme des oies, pense avoir à faire à un renar d et organise la chasse, Le pauvre Verd Galant, devenu gibier, en se sauvant devant les chiens, tomb e successivement dans une mare, puis dans un piege à loups où il passera le reste la nuit D'une manière générale, dans ce secon d temps, les mésaventures que subit l'amant, déjà touché, avant même le rendez-vous, dans sa tenue ou son moral, l’atteignent profondément dans son physique. Dans la plupart des cas, condamné à une immobilité absol ue par la crainte d’être vu, il est transi, gelé, transforme en objet incapable de penser. En somme,to ut au long du monologue, nous assistons à sa dégradation Progr essive en deux temps : frappé dans son aspect extérieur, sa
+73 tenue (et par suite dans son moral, puisque c'est son apparence vestimentaire qui lui en tient lieu.), puis dans sa chair, notre amant vantard devient,vers la fin de ses aventures, une véritable loque, un pantin “degonflé”’. Le moins touche est sans conteste le Résolu, qui, sauvé une seconde fois par l’à-propos de sa dame , en sera quitte pour quelques sueurs froides ! Mais,le plus souvent,l’am ant
se blesse, comme le ‘’despucelleur” qui effectue une double chute, ou est blessé, comme l’amoureux à “la botte de foing” qui a l'oreille transpercee d’un coup de fourche. Ce thème de l'amant puni dans son physique était déjà exploité dans les fabliaux, mais presque uniquement lorsque l'amant était un prêtre : c'est ce qui arrive à celui du Prestre crucifié (22) qui est émasculé, et à
bien d'autres.
Remarquons ici que, dans les monologues qui semblent les mieux élaborés et datent de la fin du XVe siècle (23), l'amant, bien que touché dans son physique, et réduit à l’état de loque, n’en réussit pas moins à retourner la situation et, comble de l’art, à nous faire rire aux dépens d’une tierce personne, victime inconsciente des aventures qui arrivent à notre vantard - cette idée est sans doute une reminiscence de fabliaux comme le Segretain moyne - :dans le Monologue de la
botte de foing, c’est “Charlot le paige” qui, n'ayant reussi à tirer la botte de foin retenue par l'amant, conte sa mésaventure à son maitre et en reçoit une raclée : Son maistre vint J’ouys le bruict. - Dont viens tu ? Clic, clac, sus ses joues Il frape, il congne . ‘ (wy 402-404) Non content de cette raclée d’ailleurs, il trouve de plus le moyen de faire,avec les autres valets, un pari qu'il perdra
L'effet est d'autant plus comique que l’innocent Charlot se trouve ainsi puni
par deux fois. Dans le Monologue du Puys, lorsque le valet vient tirer de l’eau au puits dans lequel est caché l’amant, ce dernier bondit de sa cachette provoquant l’effroi du premier :
“ Et celuy
qui m'avoit tiré
Fust si lourdement effro1é Que il cria : “‘alarme, alarme ! ” (vv 326-328)
Quant à l’amoureux “du baing”, il provoque une veritable inondation qui, par infiltration, tombe jusque sur le lit du mari, lequel,en se reveillant, imagine que les deux clercs qu’il héberge au dessus se sont mis a uriner dans la cheminée ; de colère, 1] monte les tirer de leur sommeil pour leur administrer une solide correction “ A la chambre des clercs, Zip, zop, Sur Martin et Johannes Qui se dormoient, tip, tip, top ; Ils se resveillent tout a cop Hon, hon, hom, hon Sang bieu, mort dieu, Et pissez vous en l’astre ! Chop!
ΤΙ s'en reva sans dire adieu.”
Mais c'est là le dernier sursaut d'amour propre de nos amants qui, excepte le Résolu, vont terminer leurs aventures sans avoir pu jouir de leurs amours : l’un se retrouve en prison
et l’autre ap-
prend qu'il est venu au rendez-vous un jour trop tôt ! La leçon suffit et,généralement, l'amant prend la résolution de renoncer à l'amour des belles * ‘‘ Jamais je n’y retourneray ; as Une autre fois seray plus sage ! ” (M. du baing)
-175
“#4: Le récit des aventures de l’amant se déroule donc selon un schéma traditionnel, eten
utilisant
des données tout aussi traditionnelles qui viennent en grande partie du genre narratif. Le récitant a, dès le départ, à sa disposition une matière connue, composée d’un certain nombre d'éléments
la manière dont l’auteur utilisait les données et le cadre traditionnels, afin de leur insuffler une plus grande profondeur dramatique et un plus grand pouvoir comique. C’est ce que nous voudrions essayer de dégager maintenant en étudiant :
qu’il utilise selon un processus tout aussi connu ᾿ c’est ce qui peut, en partie, expliquer la longueur qu’atteignent de tels monologues
D'autre part, l'effort de mémorisation étant réduit, il était possi-
ble de les jouer sur scène sans le soutien d'un texte écrit
Enfin, le public devait être habitué, com-
me l’était l’auditoire auquel s’adressaient les chansons courtoises, à savoir par avance ce qu’il allait voir se dérouler sous ses yeux. Le début des monologues plaide en ce sens, car il paraît destiné uniquement a prévenir l’auditoire du spectacle qu’on va lui offrir, et il a le plus souvent une forme caractéristique. Ces debuts sont composes de strophes à forme fixe en nombre à peu près égal dans chaque texte, qui, traditionnellement, posent des questions aux spectateurs. Le Monologue du Verd Galant commence par quatre sixains aabaab, dont les trois premiers vers sont un appel aux mignons, gallans, entreteneurs de bourgeoisie, chevaliers d’escurie,qui se poursuit dans le quatrième vers par la question : 1 - Peut on jouir de ses amours ? 2 - Peut on jouir des bergerettes ?
b) L’art du récit et le sens du dramatique. Les monologues d’amoureux utilisent des données traditionnelles, mais les auteurs peuvent effectuer un choix parmi elles ou, au contraire,se forcer à en prendre la gamme complète. La composition de l’ensemble s’en ressentira : nous pourrons en effet avoir une composition linéaire épurée, et,dans ce cas,le récit se réduit à ses phases essentielles et nécessaires. — c’est le cas du Monologue la structudu Resolu, et, à un degré moindre du Monologue de la botte de foing-ou,au contraire, - et se tiroirs de rôle le re de base pourra être surchargée de petits récits secondaires qui jouent retrouvent à des places différentes suivant les monologues. Dans ce dernier cas, au lieu de suivre repartir une continuité chronologique simple, le récit opère des retours en arrière, pour ensuite les évési comme digression, à l'endroit où la succession chronologique avait eté stoppée par une
l’on doinements d’une première trame semblaient insuffisants à faire avancer l'intrigue, et que
3 - Peut on acquerir quelque amie ?
ve y superposer une seconde trame.
4- Pourroit on avoir quelque amye ?
Et le dernier vers forme une sorte de refrain,en précisant le lieu où doivent s’effectuer les actes men- Le récit linéaire réduit à ses éléments essentiels.
tionnés dans les questions :
“En gardant moutons et brebis.” Le même principe est utilisé dans l'entrée en matière du Monologue de la botte de foing et de celui
du Resolu : dans le premier, quatre quintils abaab posent les mêmes questions (“Vous semble il point que” “Vous semble il que
”, “Est il possible.
.
”, “Est il possible. . .”’),et,dans le second, les
quintils du debut prodiguent des conseils :
avec son mari jaloux. Notre le galant aperçoit ‘‘une mignonne fort humaine” en train de se disputer de faire la cour à la belentreprend et lendemain le revient Il galant décide alors de tenter sa chance. à laquelle le. Après un échange réciproque de compliments, le galant pose la question de confiance tennouvelle l'amant qui fait une la dame oppose un premier refus de principe, mais sans éconduire
la porte et assistative, interrompue par le retour du mari. L'amant doit donc se dissimuler derrière
“ A tous propos ayez bon bec ; Ne soyez longuement au nic,
reprendre sa cour et finalement ter en tremblant au repas des deux epoux, mais, le mari parti, il peut d ist : À F extrémemen simple qui va jusqu’à refuser t venir a bout des résistances de la dame. C'est là un récit
Mais poursuyvez moy ric a ric
Voz amourettes chault et sec.” Ce sont des conseils analogues que prodigue
le ‘“despucelleur”. Parfois, l’amoureux se contente de
prendre l'auditoire a témoin de son bonheur
:
““ Tousjours pourveu de belle amye.
Veult on estre mieulx accueillir ? ” (M. du baing)
‘Sont ce point fortunes heureuses,
ment l'amant en victime, et l'emploi du theme traditionnel et facile des mésaventures qui transfor est des moins c’est d’ailleurs le seul qui se termine sur un succès de l'amant Et même la cachette iinattendues Sur quoi joue : i e “ti d donc l'acteur pour que son monologue tienne la scéne et am use ? Le
ent ; i imiques le verbe et les mimiq récit n’ayant par lui-meme qu'un faible pouvoir dramatique, tout repose sur
de l'acteur, les secondes soulignant les effets du premier
Tant gorgiases, tant joyeuses,
Rire, gaudir, galler, dancer ? ‘ (la Gouttiere)
Il lui arrive aussi de s’etonner de ne plus entendre les joyeux galants
se promenant, C’est celui que présente le Monologue du Resolu qui peut se résumer ainsi : En
et leur en demande les raisons,
comme l’amoureux ‘du Puys’’, ce qui ne l'empêche pas de poser la question rituelle : “Vous semble il point que pour argent Qu'on peust jouyr de ses amours ? ” (vy 25-26) Le public étant ainsi prévenu, et sachant par avance quel était le déroulement général de la piè-
ce, sur quels critères se fondait-il pour la juger et apprécier l’art de l'acteur ? Vraisemblablement sur
Et de fait, c’est surtout par l'emploi de qua-
vie : tre procédés relevant du domaine verbal que l'acteur recrée l'illusion de la
nt un mime, et rendent plus réel, par les 1) les constructions onomatopeiques, qui souligne images qu’elles en donnent, un trait descriptif :
“ Le mary vient, tary, tara “ Vous entrerez, patic, patac “ Baisez, fatroullez tric, trac
Torchez estraites ric rac.”
”
Ξ 7:
-1762) les dialogues rapportés au style direct
le second procedé, utilisé dans la seconde partie du monologue, consiste ἃ broder sur
qui permettent vraisemblablement l'effet du chan-
un fait et à l'amplifier
gement de voix : dispute du mari, plaintes de la femme 3) les accumulations verbales qui servent à traduire les caquets des amoureux (nombreuses énu-
C’est l’art de la digression qui développe un enchainement mécanique en
dehors de la trame propre au récit, technique utilisée dans bien des fabliaux,comme celui du
mérations,dont celle de 26 vers fondée sur l'accumulation d’alternances : l’ung . .. l’aultre ; ceste cy .
Prestre c'on porte ou du Segretain moyne,qui consiste à faire rebondir l’action par un enchaine-
ceste là . . .) et essaient de rendre la réalité des bruits d’une discussion par une image rythmique et
ment de cause a effet qui fait “boule de neige”. L'intérêt et le comique sont liés à l’imprévu des
sonore, ou permettent de traduire la vivacité d'un mouvement
rebondissements que le conteur imagine. Ici,notre amant trouve refuge dans le foin. Rien de par-
:
“ Puis le mary a sa fumelle Hongne, frongne, grongne, grumelle.”
ticulierement dramatique ou comique. Mais l'intérêt naît lorsque Charlot,le valet,vient chercher
* Prompt, prest, preux d’attendre le choc
gré ses efforts, retirer la botte que ce dernier retient sur sa tête (premier rebondissement qui a-
du foin pour la mule. D’un coup de fourche Charlot larde l'oreille de l’amant mais ne peut, mal-
Bon pied, bon oeil, fres comme un suc.”
4) les reticences qui créent la tension dramatique
boutit à une situation comique dans laquelle l’amant est la victime.). Charlot part donc raconter
:
ce miracle et reçoit une raclée (deuxième rebondissement comique : conséquence de l’action sur
“Corps de moy, il m’advisera . . . Non fera . ., ; Pardieu, si fera. .
un tiers.). Puis il perd un pari avec ses compères qui, dans la mesure où l’amant a pris ses précau-
Je suis pis que n’estois hyer.”
tions, peuvent sans efforts soulever la botte, objet du litige (troisième rebondissement
: seconde
Ce dernier procédé, de caractère dramatique, est d’ailleurs employé au moment où la situation est
conséquence comique de l’action sur le tiers.).
comique, ce qui permet de doubler son pouvoir par un effet de contraste : c'est au moment où l’a-
déroule sur un plan synchronique, par rapport au plan diachronique du récit. Ce monologue réa-
C’est là un enchainement de cause à effet qui se
mant,caché derrière la porte,assiste au repas des deux époux, qu’il intercale entre les paroles du ma-
lise donc l'équilibre entre l’art du conteur et celui de l’auteur dramatique, l’intérét résidant ce-
ri,qu’il rapporte, des réflexions incomplètes sur son propre sort.
pendant plus dans le récit que dans le jeu de l'acteur.
Ce monologue témoigne donc d’un art du verbe et du mime suffisant pour recréer l'illusion de la vie. C’est aussi le seul récit qui donne des précisions temporelles actualisantes : on commence par
“Vautrier soir” ce qui implique que l’action, tout en appartenant au passé récent,a des prolongements dans le présent du narrateur qui sont gages de vraisemblance. Avec ce premier texte, nous serions tentés de penser que la valeur dramatique d’un monolo-
gue d’amoureux est fonction de la simplicité du récit. Qu’en est-il exactement ? Le Monologue de la botte de foing est de construction tout aussi linéaire ; or, on n’y remarque aucune réticence wil ne comporte qu’un seul dialogue rapporté au style direct et seulement trois brèves constructions onomatopéiques. Quels sont donc les procédés employés par l’auteur pour remédier a la relative simplicité de la trame et pour créer un intérêt dramatique ? Ils se limitent à deux qui se succédent et semblent relever plus du genre narratif que du genre dramatique :
- dans la première partie du monologue, qui conduit l’amoureux jusqu’au rendez-vous, l’auteur fragmente le récit pour incorporer,dans les intervalles,des portraits brillants et répétés de l'amoureux, selon l'ordre suivant : PORTRAIT - description de la dame, du mari et à nouveau de
la dame - PORTRAIT - l’amoureux essuie une raillerie sur sa manière de chevaucher - PORTRAIT l’'amoureux fait la cour à sa maitresse
- PORTRAIT - le rendez-vous est fixé ; l'amant repart
-
PORTRAIT - altercation avec un individu et fuite de l’amant - PORTRAIT. Ainsi, dans la mesure où les éléments du récit vont dans le sens d’une dépréciation progressive de l’amant, et où les por-
traits restent toujours identiques à eux-mêmes, une progression dramatique et comique à la fois se crée, fondée sur la progression constante de l'opposition entre le récit et le ton des portraits. Dès que cette opposition a atteint son apogée, au milieu du récit, l’auteur doit employer un autre procédé.
- le récit a trame complexe. Ce sont des récits dans lesquels la trame linéaire est cachée par l’utilisation systématique, sous forme de tiroirs, de toutes les données traditionnelles, développées chacune sous forme de digression. Il y a, à tous les niveaux du récit, adjonction d'épisodes indépendants qui se retrouvent d’un monologue à l’autre, et qui doublent la trame.
Monologue Dans la premiere partie, il y a soit adjonction d’une nouvelle aventure (le bal dans le du Puys.
Remarquons ici que l’auteur reprend d'une manière plus diffuse, le procédé d'opposition
utilise dans le Monologue de la botte de foing : il intercale dans le déroulement fragmenté du récit, aux autres des portraits toujours identiques de l'amant, doublés de séries de moqueries adressées Galant qui abangalants.), soit succession d'événements fortuits (l’arrivée d’un lapin trouble le Verd
donne la bergere pour la chasse où il perd son cheval) ou de mésaventures (le ‘‘despucelleur” se heur“pot a pisser” sur la tête ), soit enfin, te longtemps a la resistance de la nourrice, puis reçoit un fuit, adjonction d'une aventure et succession de mésaventures (’amoureux du “baing’’ va au bal,
reçoit un “pot a pisser’’, est poursuivi par le guet et se trouve, déjà avant le rendez-vous, dans une position inconfortable ) Notons cependant que, dans le cas où il utilise un même motif, le bal par exemple, l'auteur cherche à le varier : l'amant du Puys est ridiculisé par un refus à danser, cela consélui du baing par sa maladresse à danser ; d'autre part, bon nombre de mésaventures sont
cachette : ainsi sont-elles quence d'erreurs commises par l'amant contraint de disparaître dans une se lancer dans de londe l’auteur à aussi mieux rattachées à la trame fondamentale Enfin,il arrive sur les écrits des anciens. gues digressions moralisantes, dans lesquelles il s'appuie parfois
-178-
-179-
Dans la seconde partie, on assiste à un redoublement systématique des aventures de l’amoureux, sorte d’enchainement par accumulation
: de la mare, le Verd Galant tombe dans un piège ;
l’amoureux du “‘baing”’ passe du baquet au poulailler, et celui du “‘Puys’’ ne sort du dit puits que pour se voir poursuivi et attrapé par le guet qui l'emmène en prison. Il y a donc recherche systématique d'un rebondissement en cascade des aventures, doublé parfois d’un développement repo-
sant sur un enchainement de cause a effet qui, dans le cas de l’amant du “Puys” et de celui du
difficile de tirer des conclusions sérieuses de l’étude de la versification, car de nombreuses pièces nous sont parvenues incomplètes, et d'autres peuvent n'être qu'un remaniemen t de formes primitives Quoi qu'il en soit nous allons essayer de raisonner en supposant que nos pièces ont été effectivement jouées dans l'état où elles nous sont parvenues. Nous remarquons d’abord que les vers
lon quatre schémas principaux
presque toujours des octosyllabes, sont groupés se-
“baing’’, amène la punition d'une tierce personne innocente (dans le Monologue du baing ce sont
1) système de rimes plates
deux personnes innocentes qui sont punies au milieu de leur sommeil). Les effets résultant des
2) système dont le point de départ est le quatrain à rimes alternees abab. Nous pouvons avoir soit une succession de type : abab/cdcd/efef εν Soit une succession de type abab - bebe - ceded... Nous retombons là sur un système traditionnel de huitains qui peuvent être détachés les uns des
données traditionnelles sont donc utilisés jusqu'aux limites du possible. Il faut de plus noter que la plupart de ces monologues utilisent aussi, parfois systématiquement comme le Monologue du baing, les constructions onomatopéiques,
autres ou,au contraire, liés pour présenter un ensemble continu.
ainsi que les accumulations et les dialogues rapportés au style direct.
3) système reposant sur des tercets redoubles et composant ainsi des sixains qui peuvent être juxtaposés sans lien autre qu'un refrain aabaab/ccbccb/ . . . ou liés par la reprise de la dernière rime
On fait donc appel dans cette série de monologues à toutes les données traditionnelles et à
: aabaab/bbcbbc/ .
tous les procédés connus. Ceci s'explique assez bien, car il est nécessaire, à défaut d’une construc-
en enchaînement
tion dramatique axée sur la psychologie du personnage, et donc sur la seule expression mimique,
4) systéme reposant sur une suite de quintils qui peuvent être sans lien (abaab/cdccd/...) ou,au contraire,enchaines par la reprise de la dernière rime (c’est le type abaab-bcbbc-cdccd . . ., qui rap-
d’avoir recours aux procédés susceptibles de donner l'illusion de la vie par l’action. On déguise ainsi la faiblesse de la peinture psychologique en renforçant les péripéties du récit, afin d’attirer
pelle une suite de sixains dont la dernière nme appartiendrait à la fois au sixain précédent et au
l'attention sur lui et de créer l'intérêt et le rire par l'accumulation des situations burlesques. Mais
Sixain suivant ; ce qui semble indiquer que l’auteur recherchait surtout un principe d’enchainement).
il y a alors prédominance de l'élément narratif sur l'élément proprement dramatique
; ces textes
ne doivent leur aspect dramatique qu’au fait que l'identification de l’acteur à un personnage y est
Peu de pièces cependant, excepté l'entrée en matière, présentent un schéma régulier du début
constante, mais à la limite on pourrait penser que ce n’est là qu’un artifice de présentation desti-
jusqu'a la fin. Seules, quatre pièces sont dans ce cas : le Ramonneux de cheminées est en rimes pla-
né à revivifier les traditionnels récits des aventures d’un amoureux. On pourrait d’ailleurs ici recti-
tes ; le Despucelleur de nourrices en huitains enchainés - mais présente cinq irrégularités correspon-
fier légèrement la pensée de Ch. d’Héricault qui estime que le Monologue du Resolu représente une
dant sans doute à cinq vers perdus ; le Verd Galant est aussi en huitains enchainés et présente une
forme décadente du genre, et qui déclare à son propos que “cette loi qui imposait au monologue
parfaite régularité, ainsi que le Resolu qui regroupe ses rimes en quintils enchainés par reprise de la
le développement d’un caractere ou d’une position n'est plus observée” et qu’il y a décadence quand
dernière rime. Que pouvons nous en déduire ? Il est évident que la disposition des rimes témoigne
“l'énumération et l’amplification commencent à l'emporter sur l'observation et le drame” (24). En
d’un souci de recherche esthétique qui est fonction de la date de composition de la pièce. Ainsi les
fait, il y a décadence quand l'élément narratif reprend le pas sur l'élément dramatique, autrement
rimes plates du Ramonneux, simple écho mnémotechnique, sont en rapport étroit avec le ton mé-
dit quand l’art du verbe n'est plus au service du mime, et quand la construction véritablement dra-
me du monologue, peu recherché, lourd, obscène et sans grande valeur dramatique. Par contre la
matique, qui suppose la mise en valeur d’un caractère, s’efface pour céder sa place à une simple
disposition recherchée des rimes du Resolu denote une oeuvre d'art consciente, polie avec soin
accumulation d’aventures reliées par un simple rapport de cause à effet. Le Monologue du Resolu
Par un auteur qui a recherché une résonance
est plus proche du dépouillement classique que celui de l’amoureux du baing,et, partant, a une plus
par les rimes elles-memes, tout aussi recherchées pour leur valeur auditive et expressive : celles des
grande puissance theatrale (25). Avant d'étudier les procédés employés par l’auteur pour susciter la participation du public qui
dramatique profonde, impression qui est appuyée
20 premiers vers se terminent par la gutturale C précédée successivement de toutes les voyelles de la gamme inversée (uc, oc, ic, ec, ac.). Il est plus difficile de se prononcer pour les deux autres piè-
contribue indirectement a renforcer l'illusion de la vie, essayons de voir si la versification jouait un
ces dans la mesure où le huitain etait une forme couramment employée au XVe siécle, mais une
rôle dans la composition dramatique.
étude précise des rimes nous montrerait que la forme du Verd Galant est plus recherchée que celle
c) Le rôle de la versification
Par un rapport de sens : association d’idees par continuité ou opposition.) ou simplement appro-
du Despucelleur dont les rimes sont souvent pauvres et faciles (nombreux infinitifs, ou rimes unies
Notons avant toute chose que c’est là un problème qui se pose avec beaucoup plus d’acuité que dans les autres types de monologues qui, presque tous utilisent la rime plate. Il est cependant assez
chées (pis/puys ; chquette /teste.). En fait, meme lorsque l’auteur emploie des systèmes courants,
- 181 -
- 180 la versification est à l’image du contenu et de l’effort de recherche dramatique plus ou moins conscient dont témoigne l'auteur. Mais la versification ne dépend-elle pas du degré d’improvisation ? Et qu’en est-il pour les autres textes ? corps Déjà, nous avions remarqué que, quelle que soit la disposition des rimes adoptée dans le du texte, qu’elle soit régulière ou non, les entrées en matière sont toujours soutenuespar des schémas rythmiques fixes : le Monologue du Verd Galant débute sur quatre sixains terminés par le mé-
me vers-refrain, et développant chacun une seule question
; le Monologue de la botte de foing sur
; le quatre quintils qui posent aussi chacun une seule question, d’ailleurs identique quant au fond sur Monologue de la gouttiere sur deux quintils qui évoquent les délices de l’amour et se terminent
une question ; le Monologue du Puys commence sur des quatrains ; le Monologue du baing et celui
du despucelleur sur des huitains ( la coupe syntaxique, marquée par une exclamation ou une interrogation tombe régulièrement tous les quatre vers.). Cette entrée en matière est donc solidement structurée et semble suivre les règles d’une rhétorique traditionnelle qui ne laisse que peu de place à l'improvisation. Peut-être faut-il voir là comme un souvenir du genre du débat, qui traitait bien lui aussi,du problème de l'amour et qui présentait un caractère dramatique : n’était-il pas, souvent, de nos textes en dépit de sa forme traditionnelle, un dialogue a une voix ? Les entrées en matière en seraient, en quelque sorte, une légère parodie perturbations, Par contre, on constate dans le corps de ces derniers monologues de nombreuses à penser rimes sans répondant ou passages qui n'entrent dans aucun système régulier, ce qui laisse cas précis, ce dans que, et d'improvisation, degré du fonction que le nombre des perturbations était les systèmes les texte, du corps le l'acteur attachait plus d'importance au fond qu’à la forme. Dans plates. rimes . . .) et les plus fréquemment employés sont les huitains enchaïnés (abab/bcbc/cdcd
. .} Seul le Monologue de la botte de foing présente un système de sixains enchainés (aabaab/bbcbbc
un des sur 27 vers. Le problème est de savoir si le passage d’un système à un autre coincide avec deux entre temps du récit. Dans le Monologue de la botte de foing, nous avons une alternance corsemblent plates rimes à systèmes les debut, Au plates. rimes systèmes, huitains enchainés et coïncide premier le : confidentiel plus respondre à des passages où le ton de l’amoureux se fait au passage avec la description du mari, vu par l'amant, et ne s’étend-que sur 10 vers (remarquons
que ce thème estuneinnovation propre à ce monologue.)
sont des monologues d'imitation vient ouvrir la fenétre a l'amant
jusqu'au moment où Charte les aventures de l'amant depuis le moment où il fait la cour à sa dame, sur ses malheurs. Mais peutlot arrive pour prendre le foin, et correspond aux confidences de l'amant dans laquelle il est. de trouver une être qu’à cet instant,le récitant est plus préoccupé par la nécessité
ces échappatoire, que par l’idée de soigner la forme métrique de son récit. En fait, il est possible que second plan, soient ceux pendant lespassages en rimes plates dans lesquels la versification passe au
n’a plus le souci quels l'imagination créatrice de l'auteur est au travail. Puis, quand l’auteur-récitant en développant le thème de trouver un nouveau thème, il reporte son attention sur la versification
et de la Gouttiere qui trouvé, Cette impression semble corroborée par les deux monologuesdu Baing
où la maîtresse
Or l'épisode du bal est inspiré par le Monologue du Puys : l’auteur
n’a donc qu’à développer une idée donnée. Mais, à la fin de ce développement il lui faut trouver une suite originale aux aventures de l'amant à partir du moment où celui-ci entrera dans la maison,puisque tout l'intérêt des monologues de ce type consiste à varier les cachettes ; d’où un long passage en rimes plates, pendant lequel l’auteur accumule des lieux communs et des mésaventures connues, qui permet
de laisser le temps à son imagination
monologue qui débute sur des huitains.
créatrice de travailler. Même
chose dans le second
mais,dès le vers 45, passe à un système de rimes plates qui
correspond à des digressions continues pendant lesquelles l’esprit est occupé à créer au fur et à mesure, et à prévoir la suite.
Il est plus difficile de se prononcer sur le Monologue du Puys où le systè-
me fondamental du huitain est tres frequemment perturbé par des passages en rimes plates
Notons
toutefois qu’ici,le récit passe au premier plan, l’auteur cherchant à améliorer les emprunts faits au Monologue de la botte de foing. Peut-être aussi l’auteur est-il plus préoccupé de créer une atmosphère, et d'obtenir la participation du public que de faire oeuvre d’art rhétorique. Ce souci d'obtenir l'adhésion et la participation du public est d’ailleurs une des caractéristiques de ce type de monologue. Voyons comment
LA TECHNIQUE
DE
il se marque.
LA
PARTICIPATION
Dans tous ces monologues, le récitant ne borne pas son rôle aux limites de la scène, comme
l'acteur d’une farce qui s'intègre au milieu et à l’action representés L'acteur considère le public comme un interlocuteur auquel il soumet son cas
Le jeu des pronoms, du “je” au “vous”; est là
pour témoigner qu'il s'agit d’une conversation, avec tout ce que cela comporte : art de conseiller, volonté de convaincre et désir d'obtenir des approbations. Dès le départ, cette volonté de prendre le public à partie se manifeste dans les questions qu’on
lui pose, et qui doivent théoriquement le forcer à émettre un avis. “ Peut on jouir de ses amours
Sans porter satin ne velours
; le second, de 16 vers, suit une conversa-
impressions personnel tion avec la dame, rapportée au style direct, et l'amant y communique des sur 82 vers, rappor s'étend les (‘je croy . . je croy . . .”) ; le troisième enfin, le plus long puisqu'il
Le premier est en huitains enchainés, sauf un passage d’environ
90 vers,en rimes plates,qui part de la fin de l’episode du bal, et s’arrête au moment
En gardant moutons et brebis ?
(le Verd Galant)
“ Vous semble il point que pour argent Qu'on peust joyr de ses amours ? » Nous avons noté que ces interrogations se répétaient souvent jusqu’a quatre fois, ce qui témoigne d’une volonté évidente de l'acteur de susciter la participation de son public. De plus, questions, ordres et apostrophes abondent dans ces débuts. Parfois aussi, l’acteur annonce au public son intention de le prendre
comme
confident,
ce qui crée entre eux un certain comique de complicité
“ Se j’avoie seulement loisir Et que l’eure fust opportune, Je vous compterois la fortune
Qui m’advint avant la conqueste
Aussi bien m’a on fait requeste ere) Compter quelque chose pour rire.” (M. de la goutti
:
- 182Parfois c’est un coup d’oeil de connivence qui annonce que l’aventure personnelle rapportée destinée a servir d’exemple
- 183 est
: “ Jamais je n’eus telle vesarde Comme je vous racompteray ; Et, affin que chascun s’en garde Ma fortune vous diray Escoutez, je commenceray Se vous voulez ung petit rire .. . ” (le Verd Galant)
“ Et qu’il soit vray, je m’en rapporte Au page qui me regardoit.” (Botte de foing vv 164-165)
Dans tous les textes,les “croyez que... ”, “sachez que. . . ”, “pensez que. . ’abondent. Et pour montrer qu’il intègre l'interlocuteur à son jeu, notre amoureux utilise souvent le “vous” explétif cher aux conteurs : “Il VOUS a “Je VOUS
Parfois encore, c’est avec assurance que, des le départ,notre amant donne force conseils 4 son
“ Flou flou, flou flou, flou flou, flouf touche VOUS fist mon cul dedans cest eau.” (M. du baing)
“ A tous propos ayez bon bec,
Vos amourettes chault et sec.” (le Resolu)
Puis l’acteur poursuit en réclamant le silence, ce qui lui permet de resserrer les liens avec son public : “ Voulentiers je deisse si j’osasse
Mais que on se tinst de cacqueter.
Quant je la voy . car je parlasse Mais, par le corps bieu, je m’en lasse
passe incontinent...” (M. du Puys v 122)
“Et je VOUS prens tous mes habis.”’ (M. du Puys v 299)
auditoire :
Ne soyez longuement au nic, Mais poursuyvez moy ric a rac
les yeulx endormis.” (Botte de foing v 65)
Dans le seul Monologue du puys, nous trouvons onze constructions semblables. Pour mieux forcer cette intégration du spectateur au jeu, notre amoureux emploie parfois la première personne du pluriel dans des expressions qui, pour la plupart, sentent “leur Pathelin”, procédé employé dans une conversation bonhomme pricipal :
entre amis lorsque l’on veut stopper une digression pour revenir au sujet “ Aufort lessons ceste faerie Et retournons a noz moutons.” (M. du Puys vv 87-88)
Car on ne me veult escouter.” (Botte de foing vv 42-46)
Notons cependant que cet appel au silence, fréquent dans les sermons, l’est beaucoup moins dans les
“ Or revenons a noz moutons.” (Botte de foing
monologues.
“Mais laissons cela pour venir A nostre propos principal.” (le Verd Galant)
Puis c’est le début du récit, rapporté sur le ton de la conversation et qui utilise toutes les ressour-
ces de l’art de la communication. Tantôt I’acteur pose une question, demande un renseignement sur l’action même : ‘Avez vous point veu cy entrer Nagueres une godinette, Qui vient rire, esbatre, dancer ? ” (Botte de foing vv 47-49) et il interprête le silence de l’auditoire comme une réponse : ‘ Pardonnez moy, elle n’y est don.”’ (v 59) Tantôt il quête du public un silence complice :
v 153)
“ Aufort, n’en parlons plus meshuy.” (M. du Puys v 362) Tous les auteurs de ces monologues dramatiques semblent donc attacher une certaine importance à la participation du public. C’est là, à l’origine, un procédé propre au conteur de rues : mais nos monologues d’amoureux ne doivent-ils pas aussi au genre narratif la plupart de leurs thèmes ? Et ce procédé ne renforce-t-il pas, d’une certaine manière, l'identification de l'acteur à son personnage n’est-il pas le meilleur moyen de rendre le jeu vivant
;
- en le faisant sortir des limites de la scène - et
plus sûrs les effets comiques ?
“Ha ! Par le corps bieu, je m'en tiens
De ceulx la, mais n'en dictes mot." (Botte de foing vv 31-32)
ou lui fait une confidence
: “ΝΕ vous soussiez, je m'attends Par Dieu, jouyr de mes amours.” (la Gouttiere)
quand il ne demande pas une approbation
:
“Bien deliberé ? Bien conduict ? Suis je fagonne ? Suis je duict ? ‘’ (le Resolu) Parfois il essaie de susciter sa curiosite :
“ Mais sçavez vous que l’on en dit ? ” (Botte de foing v 257) et, le plus souvent, le considère comme l'interlocuteur à convaincre : ‘ Pensez qu’avoye les plus belles.” (M. du Puys v 24)
“ Et croiés qu’avoye grant froit.”’ (M. du Puys v 315) ‘ Que voulez vous, sang bieu,sachez Que je scay bien ce qu'il luy fault.” (Botte de foing vv 140-141)
a ee SS ee L z
a
COMIQUE
ET
SATIRE
Nous nous étendrons peu sur le comique dans la mesure où ce serait en grande partie répéter ce que nous avons déjà dit. Nous sommes ici, en effet, dans un cas particulier du théâtre comique : il n’y
a en scène qu'un acteur qui s’identifie à un personnage et nous rapporte un récit par sa bouche. Les effets comiques sont donc liés au personnage, c'est à dire au mime, au récit lui-même et à la manière
de rapporter le récit. Le comique est lié au portrait du personnage, mais il est évident que c’est le récit des aventures qui donne à ce portrait sa pleine valeur : les actes du personnage, ses mésaventures, s’opposant à ses vantardises opèrent le dégonflement du fantoche qu'il est. Plus l’écart est grand entre les aventures du personnage et la conception qu'il a de lui-même, plus celui-ci se rapprochera d’un type comique. Le personnage, nous l'avons vu, est un vantard d’autant plus notoire qu’il n’a aucun véritable
- 184-
- 185 -
à l’opinion d’autrui ; il vit dans sa tour d’ivoire. S’il essuie fréquem-
amour propre, et est insensible
ment des railleries, il se refuse à les prendre en considération
:
‘ Et me dist que je chevauchoye En clerc. En latin, tout cela. Mais par le sang bieu, non faisoye, Car seurement je me tenoye.” (Botte de foing vv 130-134)
Sa suffisance se marque par la manière dont il transforme la réalité à son avantage, par le procédé de la correction qui vient des monologues de francs archers : ‘ Floc, floc, faisoit ma hacquenée ; Elle cuida tomber deux coups, Non pas tomber, mais el choppa.” (Botte de foing wy 124-127) Ce même procédé lui sert aussi à éviter d’être pris au dépourvu si on lui demande des précisions : “ Elle ne demeure pas loing D'icy. Si fait. Assez loingnet Entre deux... ”” (la Gouttiere) Notre amoureux est aussi coloré, mais aussi creux qu’une baudruche, et ses aventures n’altérent en
rien la haute conception qu’il a de lui même.
Le travail d’imagination de l’auteur consiste donc à le
présenter dans des situations burlesques dont il se sort sans honneur,et l’effet comique obtenu est d’autant plus marqué que c’est la victime elle-méme, qui rapporte sans fausse pudeur ces situations
qui ne sont pas son avantage et dont il ne fait pas, comme le soldat fanfaron, une transposition. Tous les récits reposent donc surtout sur la création et l’exphitation de situations comiques : on rassemble dans un même lieu l'amant, la dame et le mari, la présence du dernier conduisant le
des coups. L’amant tombe dans une cave (le “despucelleur”’), dans un trou (le Verd Galant), dans une mare, dans un bain, dans la boue, se fait maculer (“pot a pisser”), ou reçoit des coups (coup de fourche). Quand ce n’est pas lui, c’est une personne innocente qui se fait gifler (Charlot et les deux clercs), et le coup est d’autant plus comique que celui qui le regoit ne s’y attend pas (Charlot ne comprend pas, et les deux clercs dorment ). Cet enchainement qui conduit à punir un tiers innocent au lieu du coupable peut étre considéré comme l’une des manifestations primitives de ce que Bergson appelle le comique de boule de neige. Une autre manifestation de ce méme effet comique consiste a faire subir à ’amoureux des mésaventures en cascade, ces mésaventures étant de plus en plus graves pour le héros et drôles pour le public : le “‘despucelleur” tombe en enfonçant la porte ouverte et ne se relève que pour tomber dans la cave ; l’amoureux “du baing” sort de son bain pour entrer dans le poulailler ; celui “du Puys” émerge de son puits pour tomber sur le guet qui le poursuit,et le Verd Galant ne s’extrait de la mare que pour disparaitre dans un piége a loup. Après tous ces déboires, l’amant
est en loques et il est plaisant de voir comment, de fringant qu’il était, notre homme se retrouve dépenaillé, ses vêtements en lambeaux ou nu, ou encore transformé en bloc de glace. C’est là un co-
les mique qui repose sur la détérioration progressive du costume, seul critère qui, au départ, justifiait incomplet déchiré, souillé, vêtement d’un même l'image rodomontades de notre homme. D'ailleurs
ou seulement mal mis,est comique parce que cela représente un écart par rapport aux normes de la rapbienséance. De la même manière, tout geste est comique dans l'exacte mesure où il est écart par qui perd sa chaussure port à ces mêmes normes ou à la logique. Aussi l’auteur insiste-t-il sur l’amant
au bal :
premier à se cacher dans le grenier à foin, ou la chambrette au dessus de la pièce où se trouvent le mari et sa femme, ou derrière la porte, et à observer un silence prudent. Le comique réside pour une bonne part dans la nature de la cachette, que l’on s'efforce de varier. Dans certains textes, on redouble la situation comique, comme dans le Monologue du baing : dans un premier temps, l’a-
“ En desmarchant je me descauche Et envoye au loing ma pantoufle.” (M. du baing)
qu'il fait la sur le Verd Galant qui, d’un coup de pantoufle, chasse le lièvre qui vient le troubler alors cour à sa belle :
“Je luy donnay une grant souffle
mant est pendu à la fenêtre de la chambre où se trouvent la dame et son mari, pendant que le guet est au dessous de lui ; dans un second temps, il passe dans une chambrette au dessus de la même chambre
: on connaît la suite!
Une situation est aussi comique quand l’une des personnes qui y
participent, ignore ce que connaît le spectateur, et le rire naît à ses dépens : ainsi Charlot qui ti-
re la botte retenue par l'amant est comique du fait qu'il ignore la présence de l'amant ; dans le Despucelleur, la nourrice a ouvert la porte sans que son amant le sache, d’où le comique lorsqu'il enfonce la porte
. . ouverte et tombe.
En général, le comique de la situation se double d'un comique de la méprise : l'amant confond deux étables ou prend un baquet plein d’eau pour un lit. Le valet prend l’amant qui sort du puits, nu comme un ver, pour le diable, et le guet croit reconnaître en ce même amant, un voleur. Dans ces deux derniers cas, la situation est burlesque parce que l’amant est nu. Il suffit donc parfois d’une tenue inhabituelle ou saugrenue pour rendre une situation burlesque. On utilise d’ailleurs
beaucoup cette source de comique : l’amant qui a passé la nuit entière de manière inconfortable est présenté les habits raidis par la gelée, et transformé en glaçon vivant. Mais on utilise encore plus ce comique qu’affectionnaient les fabliaux, celui de la chute et e
Si fort que la dicte pantouffle Recullit comme d'ici là.”
l, mais qui est ou sur l'amant qui se couche dans l’eau tout habille. C'est là un comique traditionne personnage d’un n devenu conscient de ses effets et qui s'affine,car il repose plus sur la dégradatio
un progrès par rapport aux fabliaux. que sur des actes en eux-mêmes comiques. De ce fait il présente
s de charlatans, n’est L'utilisation du comique verbal, moins fréquente que dans les monologue
s, comme celle du Verd Galant cependant pas délaissée : c’est l'emploi d'expressions proverbiale la concrétiser dans le costume de “J'avoye bien la puce en l’oreille."~ que Rabelais reprendra pour Panurge.
: C'est l'emploi de vocabulaire juridique appliqué aux choses de l'amour
“ Par maniére d’adjournement J’eu ung jour d’assignation . . . ” (le Verd Galant) constituent les longues accumulations Ce sont, enfin, les traditionnels morceaux de rhétorique que censés imiter les commérages fémiétaient d’alternances dans le gout des ‘‘dits de chacun” et qui verbal se caractérise surtout par l’utinins. Mais, dans nos monologues,la recherche d’un comique au mime. On imagine bien la délisation de constructions onomatopéiques qui servent de soutien
161 =
- 186 marche de l’acteur lorsqu’il prononce le :
Mais c’est à travers le portrait de l’amant que s'exerce, surtout chez Coquillart, une satire anti-
“ Flic, floc faisoie je par ces boes.” Le verbe est ici au service du mime
: n'est-ce pas là la meilleure caution de la valeur dramatique d’une
bourgeoise. En effet ce que l’on reproche surtout au pauvre amant, c’est qu’il veuille trancher du gentilhomme : il porte l'épée et, dans tous les textes, se promène à cheval, en noble équipage, et
telle pièce ! De même tout passage en style haché, marquant des hésitations, devait vraisemblablement
suivi d’un laquais; et il insiste bien sur le fait qu'il semble un “mignon de court”, ou qu’il est “en
souligner des mouvements d’avance et de recul :
point comme le fils d'un comte”. C'est là une satire dirigée contre les fils de la bourgeoisie, qui
“Tout est couché. Diray je mot ? Nenny. Si feray. Non feray
Ba! Va! Je heurte Toc, toc. .” (le Verd Galant) Celui des auteurs qui met le plus son texte au service de l’expression mimique est sans conteste Roger de Collerye, mais d’autres avant lui avaient ouvert la voie. Il est probable que des passages comme : “Ce vous la voyes quant elle rit... sans faire noise : hy, hy
ne songeaient qu'a singer la noblesse
il chevauche “‘en clerc” et se révèle incapable de tenir sa place dans un bal. Notons à ce propos que la satire s'exerce aussi contre les bourgeoises qui singent les dames de la Cour, en organisant des bals, et sont incapables d’avoir la grâce propre aux femmes de la noblesse :
“ L'une contrefait la mignote
Se fait elle tout bellement.” (M_du Puys vv 118-121)
L'autre a la maniere trop sote,
L'une parle trop grossement Et l’autre si est ung peu torte.”
“ Ba, ba, ba font ces godinettes
Quant elles veulent cacqueter.”’ (Botte de foing vv 100-101)
étaient prétexte à des grimaces parodiques qui déclenchaient le rire. N’oublions pas non plus que les
différents dialogues rapportés au style direct étaient étudiés pour permettre à l'acteur d’utiliser le procédé du changement de voix, d’une manière qui devait être irrésistible : “Or ça, ça, j’ay occasion
De coucher ennuit avec vous. - Ha ! Monsieur que dictes vous !
Je seroie deshonnorée ! - Ne faictes poinct tant la sucrée.
Scavez pas bien que m'avez dit ? - Jaymeroie mieulx estre noiée Que vous en fussiez esconduit.”’ (M. du Puys vv 259-266)
et dont le seul désir était de paraître à la cour. D'ailleurs les
railleries pleuvent sur notre galant qui n’est évidemment pas capable de s'identifier à la noblesse :
Mais c’est surtout contre la catégorie des galants qui sacrifient l'être au paraître, que Coquillart exerce sa verve. Il critique leurs gestes étudiés pour montrer leurs parures, leur toilette au goût du jour, leurs perruques et tous leurs efforts pour paraître au dessus de leur condition, car leur capes coupées à la dernière mode ne sont faites qu'avec de vieilles robes percées, leurs anneaux d’or ne sont que des bagues recouvertes de safran et, dans la journée, lorsqu'ils travaillent, ils retournent
leurs robes à l’envers pour ne pas les user, car la plupart d’entre eux n’ont pas “vaillant deux naveaux.” (M. du Puys v 183)
Cette satire anti-bourgeoise est caractéristique d'une époque, et nous éclaire sur la destination de ces monologues qui, par leur esprit et les données comiques qu’ils mettent en oeuvre, sont
Un tel procédé peut fort bien déboucher sur la satire : l'amant à “la gouttiere”’ nous peint les fausses
des pièces à caractère et à destination populaire. Ils sont la preuve qu’acteurs et récitants de mo-
dévotes qui ne vont à la messe que pour se montrer aux amants en quête d’aventures galantes. Lui-mé
nologues ont pris auprès de la bourgeoisie des villes, la place que le jongleur du XIIIe siècle tenait
auprès du seigneur, C'est peut-être là ce qui explique en partie le caractère narratif que prennent
me d’ailleurs ne s’y rend que pour :
“ Esmerillonner sadinettes Barbetans de leurs babinettes. Bibi, baba ; tant de mynettes,
Joindre les mains, lever les yeulx Droit au ciel, et puis entre deux,
Oeilleter du coing en passant.”
Une telle satire, abondamment développée dans ce monologue, n’est qu’un des traits qui, parmi d’autres, mettent l'accent sur la perversité de la femme, son appétit de jouissance sexuelle et sa ruse qui lui permet de préserver les apparences
En effet, c'est toujours la femme qui, lorsque le mari
arrive, trouve,sans perdre son calme, une cachette pour l’amant, ou sait, le moment opportun, détour-
ner attention du man. Mais la femme est aussi une coquette qui, après avoir pris l’amant à “la pipée”, le fait languir et refuse de se donner à lui, quand elle ne le laisse pas se morfondre à la porte, comme
le Verd Galant. Et la meilleure confidente de la maîtresse de maison est toujours la chambrière qui sait le mieux lui servir d’entremetteuse,
parfois ces textes, qui sont en quelque sorte les lointains descendants des fabliaux. Mais alors que le fabliau était avant tout un récit, le monologue appartient au théâtre, car son souci premier est
de recréer un type de personnage
et de faire rire d’un caractère plus que d’une action. Ceci est
plus sensible encore avec les monologues-états d'âme, qui semblent relever plus nettement d’une esthétique théâtrale.
- 188 -
- 189 -
Le déroulement
LE
MONOLOGUE - ETAT
D’AME
de ce dernier texte est très simple, car la dame se limite à exprimer la plé-
nitude de son bonheur mant
leur amour
Après s’etre emportée
à tous vents, elle abonde “Impossible
Les trois piéces que nous avons regroupees dans cette catégorie ont ceci de commun qu’elles
mettent en scène une femme qui se contente de faire la louange de l'être aimé, et de clamer son bonheur, ou,au contraire,d’exprimer ses plaintes sur le passé ou sur le présent. Il s’agit donc d’un personnage qui veut communiquer a la foule les sentiments profonds qu'il ressent. Aussi ces monologues se différencient-ils des premiers par le fait qu’ils ne comportent aucun récit, et sont ainsi plus courts. Réunis, les personnages de nos pièces pourraient former comme un triptyque représentant les trois ages et les trois états de la femme, la “fille esgarée”, très jeune :
“ J'ey quinze ans ; ce n’est que fleur d’age Je suis sur la coupe de seize.” se plaint de n’avoir pas encore trouvé l’amour :
un symbole, et n’est-il pas étonnant de voir qu'aucun auteur satirique n’ait songé à réaliser ce triptyque à lui seul ? Car, trois auteurs différents ont oeuvré ici, et chacun de ces monologue s a son originalité propre, et est construit selon une démarche particulière , Aussi est-il très difficile de les étudier ensemble
Leur seul point commun réside dans le respect d’une forme métrique rigide, du début à la fin
du texte : le monologue de Roger de Collerye est écrit en quintils (abaab), et la Femme mocqueresse ainsi que la Fille esgarée,en huitains (ababbcbc) Mais, si tous commencent par une entrée en matigre qui pose le thème, on peut,dès cette entrée en matière, les répartir en deux séries de conception
différente. D’une part,la Femme mocqueresse et la Fille esgarée qui débutent sur un rondeau (ABaAabAB), dont le refrain répété présente le théme de manière lyrique : “Comme femme desconfortée, Comblee de deuil, plaine de larmes, Je me suis icy transportée.” ‘Seule, esgarée de tous joyeulx plaisir, Dire me puis en amours malheureuse.”
et d'autre part,le monologue de Roger de Collerye qui commence, comme un monologue-récit, par
des questions adressées a l’auditoire. Trois quintils indépendants (alors que dans le corps du texte les quintils seront lies par la reprise de la dernière rime) y reprennent la même question sous des formes différentes “ Est il besoing de cacqueter Qu’on ayme l’ung, qu’on ayme l’une, Brouller, marmouser, barbeter,
Quester, remarcher, mugueter De jour, de nuict, et a la lune ? ”
de courtoisie, en cla-
est que je me lasse
D’aymer ung tel tant accomply.”
Quelles promesses de bonheur
dans la vue d’un tel amant
la dame, du moins à lui faire intervertir le fameux Quel homme
la comparaison
pourrait soutenir
! Cela suffit sinon à tourner la tête de
proverbe
:
l’ouvrier congnoist on l'ouvrage.”
“A
?
Aucun sans doute. Et notre amoureuse le prou-
ve en le lançant dans un traditionnel Dit de l’ung et l’aultre de 40 vers, avant de revenir à celui qu’elle jure d’aimer sa vie entière “Et ne sçaurois estre assouvie De le veoir cent fois en une heure.” Peut-être plus qu'un véritable monologue,
nous avons là un échantillon de la rhétorique courtoi-
se qui fleurissait dans la société gourgeoise, et traitait encore de la casuistique amoureuse, me en témoigne
la conclusion
“ Le tant attendre mal me faict.” La ‘dame amoureuse”, elle, est comblée, et la “femme mocqueresse”, sur le déclin de sa vie, regrette d’avoir, par son orgueil, laissé passer sa chance. N'y a-t-il pas dans cette rencontre imprévue comme
contre ceux qui manquent
en louanges sur son amant qui se distingue entre tous :
com-
:
“Je ne dois point estre reprise Si de bon cueur, je l’ayme et prise, Vela que je dis et non plus ” Tout différents seront les deux autres monologues, qui présentent un caractere véritablement dramatique, et dont l’un possède déja un peu de ce soufflequi animera les stances de Rodrigue. Le Monologue
de la femme
mocqueresse est composé
très simplement.
Si l'on retranche
des 20 huitains qui le composent (En fait,21 huitains, mais seule,la moitié du 21ème nous est parvenue.) le huitain d'introduction
et les trois huitains de conclusion, on s'aperçoit que les
16 huitains restant sont divisés en deux
grandes parties qui s'opposent, la première rapportant
le passé de la femme (et s’arrétant au milieu du 8ème huitain sur le vers “Dont je sçay bien que j'é eu tort’’),et la seconde décrivant sa vie présente. C'est par l'opposition de ces deux parties que la femme
mocqueresse
veut justifier ses plaintes et convaincre les dames de son
auditoire de ne pas l'imiter. Le démarche générale est celle d’une temps, l'héroïne commence
mercy”
démonstration en deux temps
Dans un premier
par avouer 4 son auditoire qu'elle a été “une aultre Dame
sans
Après avoir brossé le portrait de ce qu’elle etait : “ Or devez vous entendre ainsi Que j’estois droicte, bien taillée Belle assez, advenante aussi ; Entre deux modes habillée, Mignonne, propre et esveillée ; Trop ne pou moyenne simplesse, Doulx parler, bien enbabillée, = Toutesfois ung pou mocqueresse
portrait qui la met en valeur sans exagération, mais avec une complaisance propre à amenuiser ses défauts, elle décrit ses actions passées sur cinq huitains qui présentent une construction
-191-
- 190 identique. Chacun
d’eux est coupé en deux parties égales La première, commençant par “si je ”, décrit les requêtes amoureuses qu’on lui a adressées, et la seconde, la manière dont elle les a repoussées. Elle a ainsi successivement repoussé les avances des “bien disans”, des ‘menus marjoletz”, des galants dont la brillante tenue déguisait le peu de fortune, de ceux
“Mais par la mercy Dieu, j’en jure Quant j'en auray bien attendu, Ung coup feray, a l'aventure, Et en dust tout estre perdu ! ”
voyais
qui essayaient de la séduire en lui envoyant
force cadeaux par leur page, et elle n’a pas attaché plus d'importance aux requêtes des amants transis et martyrs. Elle a ainsi résisté à la flatterie, à l'élégance, à la richesse et à la passion. Elle s’est montrée distante (“Ilz n’en avoyent que ung mot ou deux”), moqueuse (776 ne m’en fusse faict que rire”), ou intransigea nte au point de renvoyer les soupirants. C’est ce que maintenant, dit-elle dans le huitain conclusif de cette par-
tie, elle regrette, car elle sait qu’elle a eu tort
Dans un second temps,qui est exactement
parallèle au premier (8 huitains dont un desti-
Elle éprouve, aprés ce brusque mouvement
de révolte qui la surprend elle-méme, le besoin de
faire marche arrière pour le justifier : n’a-t-elle pas maintenant
toutes les qualités que peut ré-
clamer un amant ? N’est-elle pas “‘fardée””, bien mise, vêtue de ‘‘beaulx habits et honnestes”, et n’a-t-elle pas,enfin, “bonnes gestes, bonnes manières” ? Pourtant, elle a beau prendre soin d’elle, personne ne vient la requérir d'amour, et cela la peine et la touche en son amour-propre : ‘ Sy vaul ge bien une bourgeoise Par Dieu, voyre, une damoiselle.” Pourtant elle n’est ni fiere, ni “rebelle”. Au contraire, elle est gaie : elle rit, elle danse, “ Mais onques n’us la joysance De ce plaisant jeu d'amourettes.””
né a introduirel’idée générale, un à décrire son état passé ou présent, cinq à décrire ce qu’elle a fait ou ce qu’elle subit maintenant, et un huitain de réflexions morales.), elle rappelle sa douleur et avoue que, pour avoir dans sa jeunesse refusé des hommes de bien, nobles et riches,
Toutes ces bonnes raisons, jointes à l'injustice flagrante qui la frappe, l’aménent à prendre une pre-
elle a finalement
dépit “du danger de male bouche.”
été contrainte d'accepter un amant qu’elle doit entretenir et dont elle doit supporter sans murmurer les insultes et les coups. Aussi est-elle forcée d'admettre qu’elle ne peut s'en
prendre qu’à elle même
mière décision, celle de ne pas repousser les avances du premier galant qui se présentera, et ceci en
jour ou :
et que ce qu’elle subit n’est qu’un juste retour du sort.
"
Ce qui lui permet, dans les trois derniers huitains qui portent la conclusion,de déclarer aux femmes : ‘Prenez donc exemple en mon cas”. Et, pour donner plus de poids à ses paroles, elle termine son monologue
par quatre quatrains ponctués par le même
vers : “comme
confortée.” qui rappelle le motif de départ. Nous avons là un monologue
femme
des-
qui, sorte d‘ ‘“‘exemplum”
personnel, cherche plus à démontrer un fait - sa construction rationnelle en témoigne -, à établir une sorte de moralité, qu’à exprimer un état d'âme ouätraduire les étapes par lesquelles passe un esprit avant de se déterminer à l’action. Or, c’est pourtant là une condition nécessaire pour qu’un texte soit à proprement parler dramatique, surtout lorsqu'il s’agit d’un monologue. Aussi est-ce
Puis, emportée par cette perspective, elle prévoit même jusqu’au quelque mignon surviendra
de vilage, ou varlet d’ostel
Qui a espouse me prendra, Sans scavoir que le cas soyt tel.””
Et, comme la pensée du mariage amène celle du problème moral de la virginité prénuptiale, elle cherche une
excuse a ce reproche possible dans ce qu’elle voit autour d’elle : tant d’autres ont eu une vie
mouvementée qui ne les a pas empéchées de trouver un époux ! Mais elle a beau essayer de chasser cette idée comme un mauvais rêve, elle ne peut y parvenir :
“Tronc avant, tronc ; je suis sonée.”” Et il lui faut tout son bon sens paysan pour se rassurer :
le grand mérite de l’auteur de la Fille esgarée (26) que d’avoir essayé de rendre sensible ce cheminement, en lui-même dramatique, d’un esprit en train de se déterminer. Les paroles de la fille
plus de force. Ainsi, assurée de l'impunité acquise à la chose cachée, elle revient à sa décision avec
“esgaree”’ traduisent en effet l’apaisement progressif d’un esprit en marche
Elle se fixe mème un délai rapproché pour l’exécuter :
vers
une décision.
Apfés avoir fait part de son état d'âme présent, notre fille “esgaré” adresse,dans deux tains,;une prière à Venus afin qu’elle vienne la secourir
hui-
:
“Or, vinés Cupido, vinés
Et Venus, la noble déesse,
Et a mon secours arrivés.” Cet appel aux dieux est suivi de deux huitains de plaintes : elle est en âge d’aimer (“16 suis sur la coupe de seize ”’), et nul homme soutenable
ne s’appréte à lui faire la cour. Aussi sa douleur est-elle in-
: “Le
tant attendre
mal me faict.”
C’est cette douleur qui, au huitain suivant, l’améne à une première révolte :
“Il n'y pert qu’on y ait este”
“ Ains qu’il soyt la Sainct Jehan d’esté En danger que la panse dresse, A quelque mignon feray traicté.” : Les risques ne l’arrétent plus, car elle ne voit que les avantages ! "» marchande plus que “ Je n'en seray
D'ailleurs, sa décision finale lui apporte le calme de l'esprit :
“Et pourtant sans plus en crier, i Je le feray, par Saincte Marie.
sd i : i ; (notons au passage qu’il est assez comique d’invoquer la Vierge pour une telle décisio n! ). Ce calsa décision : me se manifeste par le déluge de proverbes dont elle fait suivre “ Qui n’a diné, volentiers soupe.”
populaire,qui classe la dite décision dans le C’est là une justification logique, empruntée à la sagesse
- 193 -
- 192bon ordre des choses.
Et notre fille ‘‘esgarée” recherche une dernière justification dans le milieu fa-
milial : cadette de trois soeurs qui ont bien fait leur devoir, pourquoi ne ferait-elle pas le sien dans
ment différente de celle des monologues-récit, fondée sur la participation de l’auditoire au jeu. Et c’est par son intermédiaire que pourra s’effectuer l’intégration du monologue ἃ la tragédie.
là mesure où elle en a le vouloir ? Remarquons que cette longue tirade se termine sur les mots de
“devoir” et de “‘vouloir”, et,dans son adieu au public, la chambrière rappelle son “courage”.
Il s’a-
git donc dans cette tirade, pour résoudre un difficile et douloureux problème, de rechercher la voie qui, conduisant au devoir, apportera un apaisement à l’esprit en justifiant la décision. Evidemment, le sujet même de ce débat intérieur est comique dans la mesure où l’on transpo-
CONCLUSION
: MONOLOGUES
DRAMATIQUESET FARCES.
Les monologues d’amoureux nous présentent donc un éventail complet des possibilités offertes par ce genre littéraire dont E. Faral disait qu’ “‘il prend place entre le genre narratif et le genre
se dans le domaine des sens, et plus particulièrement de la jouissance physique, un problème qui
proprement dramatique, participant à la fois de l’un et de l’autre” (27). Si certaines pièces, par leur
devrait rester au niveau du sentiment, mais la manière dont il est traité est dramatique
contenu et leur esprit restent proches de l’art des fabliaux, d’autres, au contraire, témoignent d’une
Nous voyons donc a travers ces trois monologues très différents se dégager peu à peu une certaine notion du dramatique.
Le premier est un simple morceau de rhétorique bourgeoise, la Fem-
technique dramatique consciente de ses effets. On retrouve dans la plupart les données traditionnelles, thèmes et procédés qui appartiennent en propre au genre narratif, mais les auteurs savent les utiliser à des fin proprement dramatiques. Dans les fabliaux, le rire naissait d’une action comique et de situations burlesques ; dans les monologues, il s’exerce aussi aux dépens d’un personnage. Selon
esgarée,un véritable débat dramatique qui cherche à traduire les cheminements qui conduisent
cette démarche simple que nous avions déjà observée dans les monologues de soldats fanfarons et qui consiste à opposer les actes du personnage à ses vantardises, l’enchainement des aventures tra-
une âme de la douleur à la paix. Tous ces monologues, sauf le dernier, sont assez peu comiques, et
ditionnelles n’est ici destiné qu’à amener la dégradation progressive de l’amoureux, à dégonfler l’as-
encore le dernier n’est-il comique, nous l’avons vu, que par le fond et l’utilisation,au niveau de l’en-
surance vaniteuse dont il fait preuve au début de son monologue. Que cette re-création s'appuie
semble, du procédé du sérieux dégradé par transposition de registre qu’employaient abondamment
sur une participation du public, ou qu’elle trouve son indépendance dans l'expression des débats
les sermons joyeux. (26)
de l’âme, elle est la manifestation d’un théâtre bourgeois trahissant les préoccupations et les goûts d’une classe qui s'affirme en s’opposant. Nos pièces ne sont-elles pas comme une parodie de celles
me mocqueresse mocquée,un monologue rationnel et “moral” destiné à convaincre, et la Fille
Dernier problème : les rapports entre l’acteur et le public sont-ils les mêmes dans ces monologues que dans les monologues-récits ? Nous devons constater que, d’une manière générale, l’acteur sollicite beaucoup moins la participation du public, ce qui semble normal dans la mesure où il n’essaie pas de l'intégrer à un récit, mais au contraire veut lui faire connaître par son jeu les sentiments qu’il éprouve.
L'acteur essaie de créer entre le public et lui,une “‘distanciation” d’au-
tant plus marquée que le monologue est dramatique,et la participation du public devient une
Mais, que deviendra, dans cette autre manifestation du théâtre populaire qu’est la farce, le type
de l’amoureux vantard créé par le monologue ? En fait, suivant en cela une technique dont nous a-
vons vu les effets sur les monologues de soldats fanfarons, les auteurs dramatiques vont se borner à
fractionner le monologue d’amoureux, pour intercaler entre chacune des parties, les répliques d’un
simple adhésion spirituelle et muette.
La dame “amoureuse d’un sien amy” veut prouver à son public que la discrétion est de bon ton en amour; aussi ses questions ne sont pas
qui devaient le jour à l’idéal courtois ; ne substituent-elles pas à la conception éthérée de l’amour que nous présentaient ces dernières, une vision sensuelle et souvent même triviale ?
destinées à obtenir de réponse, et son adieu le
second personnage, transformant ainsi la pièce originelle en dialogue. C’est ce qui se produit dans le Dialogue de Beaucop Veoir et Joyeulx Soudain (28), dont Melle Droz déclare qu’il‘tst presque un
prouve Quant à la femme “‘mocqueresse”’, si elle fait son “mea culpa” à l’intention du public,
monologue. En réalité, Joyeulx Soudain se borne le plus souvent à poser des questions qui incitent
c’est dans le seul but, à la fin, de le prier de songer à son exemple pour régler son propre com-
Beaucop Veoir à continuer son récit.” L'auteur y utilise l'apport des différents types de monologues
portement
Et la fille “esgarée” ignore son auditoire jusqu’à ce que, en bon acteur, elle le salue
a la fin: “Icy feray fin de langage
En vous faisant a tous priere
Qui vous souvienne du courage Ce la despourvue chamberiere.”’ En quelque sorte, dans ces monologues-état d’ame, plus l’acteur s’identifie fortement au personna-
ge qu’il met en scène, plus il ignore son public. C’est là une conception de l’art dramatique totale-
d’amoureux, ainsi que leur technique. Beaucop Veoir est le frère jumeau des amoureux immortalisés par Coquillart et ses imitateurs : même caractère, même manière de penser, mêmes défauts et mêLa seule différence entre les monologues et le dialogue réside dans le fait mes mésaventures. que le rôle imparti au public dans les premiers, est confié à un second acteur dans le dialogue.
Mais que devient notre personnage dans la farce proprement dite ? Le seul recueil Cohen nous
offre quantité de farces desquelles il est le héros principal : Farce nouvelle des trois amoureux de la croix (pièce VIII), Farce nouvelle et fort joyeuse de Resjouy d’Amours (pièce XVIII), Farce nou-
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velle du Mince de Quaire (pièce XXII), Farce nouvelle et fort joyeuse du Dorellot aux femmes qui en a la chemise Bertrand (pièce XXIV), Farce nouvelle du ramonneur de cheminées (piéce XXX), et bien d’autres. Toutes ces farces ont ceci de commun que le sort s’y acharne contre le pauvre amoureux. Mais, si c’est la le sujet méme des récits que nous livraient les monologues, le développement en est de beaucoup plus simple. Le personnage lui-méme, d’ailleurs, comme l’indiquent les titres, n’y est caractérisé bien souvent que par un seul des traits que comportait sa psychologie complexe dans le monologue. C’est là une schématisation qui l’appauvrit ; il n’est plus qu’une silhouette, un pion que l’auteur dramatique pousse dans des situations burlesques. Et le rire naît surtout de ces situations burlesques et de l'intrigue. L'action prime le portrait. Mais un tel déplacement du centre d'intérêt comique
eût-il eté possible si le monologue
n'avait pas promu le personnage au rang
CONCLUSION
de type portant implicitement en lui tous les aspects d’un caractére conventionnel ?
Ce n’est que peu à peu, que se dégage de l’art narratif la conscience d’une technique de présentation dramatique qui influera sur son objet, au point de le transformer en véritable genre. D'ailleurs à la fin du XVe siècle, la faveur du public va vers des formes dramatiques
et l’on passe du conte au
théâtre par l'intermédiaÿre du jeu dramatique. On peut employer, en effet, pour cette forme particulière de théâtre que présentent les pièces
à un récitant qui, selon l'expression de E. Faral,"“participent” à la fois du genre narratif et du genre proprement dramatique, le terme de jeu dramatique, car ce genre neuf qui, par certains aspects,reste proche encore de la technique des anciens jongleurs, et qui n’a pas encore acquis son indépendance et une vie scénique autonome, se caractérise par une participation de l’auditoire qui le transforme en une sorte de dialogue entre la salle et l’acteur. Ce n’est que lorsqu'il sera pleinement conscient de ses effets et de ses possibilités, en pleine possession de sa technique, que le monologue pourra, de jeu dramatique, devenir pièce dramatique, la participation du public se réduisant alors à une simple adhésion spirituelle. Mais par la même occasion, le monologue, devenu pleinement dramatique, sera inté-
gré à la tragédie. A partir de quel instant peut-on penser que l’on passe du genre narratif au genre dramatique ? La limite, à notre avis, est très simplement marquée par un déplacement du centre d'intérêt. Dans le genre narratif, le conteur fait rire d’un tiers et d’une action dans laquelle ce dernier se débat, mais il disparaît derrière ses personnages comme le montreur de marionnettes derrière son décor. Dans le genre dramatique, au contraire, Pacteur-récitant fait rire d’un personnage auquel il s’identifie pleinement. C’est par ce critère d'identification de l'acteur à son personnage, à notre avis déterminant, que la pièce à une voix peut se définir comme dramatique. Encore faut-il que cette identification soit continue, qu’elle ne reste pas un simple artifice de présentation, mais devienne le sujet même de
la création artistique. Bien entendu, tout en étant continue,elle peut rester superficielle, extérieure, se borner à une parodie d’attitude, de ton, appuyée sur le respect d’une structure propre à un genre : c’est ce qui se produit dans certains sermons, dans les “pronostications”, les testaments et les
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mandements.
Elle peut aussi devenir plus profonde et permettre de traduire,de maniére légérement
caricaturale, un caractère avec ses défauts : c'est ce qui se produit dans les monologues proprement dits. Elle peut enfin devenir plus intérieure, psychologique, et se donner pour but l’expression des débats de l'âme : c'est ce qui se produit dans ces sortes de soliloques dont la Fille esgarée nous don-
- 197Cette évolution, ou plus exactement cette progression toute théorique, et qui n'existait peut-être pas a l’état conscient chez les auteurs de la fin du XVe siècle, bien qu’elle soit caractéristique d’un genre théâtral populaire et bourgeois, se marque neanmoins dans l'élaboration et la mise au point de procédés qui deviennent spécifiques - ce qui est sensible, nous l'avons vu, dans les monologues de valets,
ne un exemple.
de soldats fanfarons et d’amoureux.
Ainsi, si le yeu dramatique à une voix qui se réalise en tant que genre dès la fin du XVe siècle, utilise des données traditionnelles qu’il emprunte a la vie (structures de sermon, de testament, de
tilisation au niveau de l’ensemble, d’une technique de création proprement dramatique, faite de va-
mandement-types de personnages.) et au fond comique légué par le genre narratif et surtout les fabhaux (themes et procédés ), on doit remarquer qu’il emploie ces données non plus pour elles-mémes, mais en fonction de la mise en valeur d'un type de personnage ou de caractère. Si l’on retrou-
Notons aussi que ce travail de mise au point était facilité par l’u-
riations sur un schema traditionnel et qui permettait 4 l’auteur des improvisations. technique dont s’inspirera plus tard la Commédia dell’arte
C’est un peu la
Remarquons enfin que cette technique,
tant au niveau du detail qu'au niveau de l’ensemble,relève plus d’un art du contraste que d’un art de la nuance
Elle recherche le comique par l'opposition ou la rupture : opposition entre le fond
ve les thèmes traditionnels du rire que sont les plaisirs du ventre et ceux du sexe,qui traduisent la joie de vivre du moyen âge finissant, ces thèmes n’ont de valeur que parce qu'ils sont employés dans une structure empruntée a la vie et que l’on veut parodier pour attaquer par là le type professionnel
burlesque et la structure sérieuse dans les sermons et autres pièces parodiques ; opposition entre le portrait que le personnage donne de lui-méme, entre ses vantardises et les actes qu'il accomplit ou
qui se caractérise par l'emploi de cette structure ; et l’action n’a d'intérêt que parce qu’elle affirme
entre la cause de l’acte et les conséquences
ou infirme le portrait que le personnage mis en scène donne de lui-même. De plus l'éventail des types possibles de jeux dramatiques à une voix que nous offrent nos textes - de la parodie burlesque d'un genre a la création d’un type comique de personnage - ne cache-t-il pas une progression qui témoigne de l’affinement d'un art ? N’est-on pas passé, dès que l'observation
de la vie quotidienne en a eu donné l’idee de la parodie d’une attitude et d’un ton de caractère profes sionnel,a la satire d'un type psychologique qui se caractérise par les conséquences sur le plan social de son défaut personnel (la vogue des sermons burlesques semble faiblir quand se développe celle des monologues ; bien qu'il faille aussi tenir compte de la spécialisation des types de pièces selon
les aventures qui lui arrivent ; rupture des liens logiques dans la succession des vantardises, rupture attendues
Telles semblent etre les lignes directrices de l’évolution de ce genre de jeu dramatique qui consiste ἃ mettre en scène un personnage pour rire de ses paroles ou de lui même, mais qui, à la fin du XVe siècle, n’a pas encore acquis son indépendance scénique, et ne vit qu’en s'appuyant sur la participation du public, témoignant ainsi de la conception du spectacle et du niveau intellectuel du dit public. Au fur et à mesure que la conception de ce divertissement intellectuel qu'est le théâtre évolue, au fur et à mesure que la participation du public se réduit à une simple adhésion spirituelle, le monologue se transforme. Soit, en se fractionnant, il devient un dialogue qui, à la fin
du XVe siècle, s'appuie encore parfois sur la participation du public au jeu, mais tend de plus en
les circonstances et les lieux.) : le vantard se définit autant par son attitude vis à vis d’autrui que par
plus à remplacer le rôle imparti au public par un rôle confié à un second acteur. Soit encore, par-
sa conception de lu-meme, attitude qui correspond à cette conception du jeu dramatique qui s’ap-
venu à son point limite de perfection en traduisant la profondeur des conflits psychologiques qui
pui sur la participation de l'auditoire, le rapport entre l’acteur et son public traduisant le rapport
habitent une âme, il atteint son indépendance scénique, mais il prend alors un caractère tragique,
entre le vantard et autrui Du mime parodique d'uneattitudequifaire rire d’une déformation due à la
et il sera intégré au drame.
vie sociale, on aboutit ainsi a la création du type comique du pantin, du fantoche inconsistant qui se définit par un caractère asocial et inconscient
: le varlet met sur le même pied le bien et le mal,
le soldat fanfaron,le réel et l'imaginaire,et l'amoureux vit dans un monde clos, ses heurts avec au-
Néanmoins, l'esprit qui animait ces jeux dramatiques de la fin du XVe siècle et du début du XVIe, ne disparait pas
Commele remarque E. Picot , ‘Ala fin du XVIe siècle, le sermon joyeux
banni du théâtre par les auteurs qui veulent revenir aux modèles antiques, conserve sa vogue dans
tui n’altérant pas la haute conscience qu’il a de lui. On rit alors d’un personnage qui ne peut s’in-
les provinces A Paris même, 1l reprend faveur au commencement du XVIIe siècle, mais alors il se
tégrer à la société et partager le mode de vivre et de penser de celle-ci. De la personnalisation sati-
transforme, il tombe dans le domaine des bateleurs et des charlatans du Pont-Neuf.
rique d’un travers de caractère social. le monologue pouvait passer à la traduction des débats de
de Bruscambille et les questions de Tabarin continuent la tradition des anciens joueurs de farce,
lame - du plan social on passe au plan moral et individuel, du pantin comique on passe à un personnage a la psychologique complexe, qui prend de plus en plus les caractères du personnage tra-
Les prologues
bien que la prose y remplace les vers. Les auteurs rachètent cette infériorité en exagérant encore
la grossiereté et le cynisme de leurs devanciers.” (1). Qu'on en juge par ce rapide résumé d’un des
gique : avec la “fille esgaree”’ ou Harpagon, c'est le contexte qui est comique et non le personnage
fameux prologues de Bruscambille (2) : après un appel à la générosité du public (“A propos Mes-
lui-même.
sieurs, j'avois grand besoin de vos présences et encore plus de ce que les médecins prennent en re-
Et le monologue s'intègre au drame qui se déroule en dehors de toute participation de
l'auditoire qui n'est que peu concerné par une situation individuelle,
fusant et refusent en prennant ”), notre auteur rapporte, pour introduire son sujet (le nez), des paroles qu’il attribue à Nostradamus et qui visent à démontrer l'importance du nez : “qui n’a point de nez, ne mérite pas de voir le jour
C'est la raison pourquoy l’on cache ordinairement le cul com-
- 198 me estant un visage qui n’a point de nez ou au contraire la face est tousjours descouverte a cause qu’il y a du nez.”.
Un tel début conduit nécessairement l’auteur vers la grivoiserie : il explique pourquoi
la femme n’est pas aussi bien pourvue en nez que l’homme “car Jupiter, indigné contre elle, voulant former l’homme avec plus de perfection, luy a donné deux yeux, deux oreilles, deux mains, deux pieds, deux jambes ; pareillement il la accompagné de deux tesmoing (car sans iceux, les exploicts de nature seroient de nulle valeur) et pour le rendre beaucoup plus vénérable, luy a aussi donné deux nez, primum
capiti, secondus jacet in broquibus, ce qu’il n’a voulu conferer a la femme qu'il a néant-
moins pourveue de deux mains, deux yeux, deux oreilles, deux pieds . . . mais en matière de nez,il ne luy en a donné qu’un ”.
Et, après quelques considérations sur la supériorité des hommes et le
comportement des femmes qui “désirent donc le nez en le refusant et le refusent en le désirant”, ainsi que sur les avantages des nez, l’auteur clôt ainsi son prologue : “Je finiray priant tousles orifiques
DEUXIÈME
PARTIE
nez, croutelez, burinez, éléphantins, incarnadins et rubicondins se faire moucher en temps et lieu sur peine
de la roupie.’’. Non seulement on retrouve dans ces prologues des structures de sermons
joyeux (Qu'un pet est quelque chose de corporel) ou de “pronostications” (En faveur de la chicane), mais encore l’auteur utilise les mêmes procédés, le même verbalisme, les mêmes thèmes. Il a, comme le remarquait E, Picot,le même goût pour les plaisanteries scatologiques ou obscènes, mais il sait aussi justifier ce penchant
: “Mais je respondray avec un mouvement
d’espaulles qu’il n’y a
rien de laid en nature pourveu que l’usage en soit légitime.” (3) Et cela ne justifie-t-il pas du même coup ce que l’on a tant reproché à la plus grande partie de nos jeux dramatiques de la fin du XVe siècle et du début du XVIe, et qui explique le dédain dont on ἃ longtemps fait preuve à leur égard, alors qu’en fait, selon l’expression de P. Le Gentil, “Ils ont le mérite de prouver qu’en ce siècle tourmenté on savait délicatesse, d’être en bonne santé.” (4)
parfois se réjouir franchement, sinon avec
Le
Dialogue
- 199 -
INTRODUCTION
parvenues Bien que les dialogues representent une part non négligeable des piéces qui sont farces de dizaine une d’ajouter conviendrait il quoi jusqu’a nous - une vingtaine environ (1), 4
fictiou sotties qui ne sont en fait que des dialogues dans lesquels l’auteur introduit de manière ve un troisième personnage -, il est curieux de constater le peu d'attention que les exégètes de nole premier, tre ancien théâtre leur consacrent dans leurs travaux. Emile Picot est pratiquement dialogue opposer à Copenhague, de recueil dans la notice qui precède son édition des pièces du
et farce et à considérer le premier comme un véritable genre :
la repré“Les dialogues, dont nous possédons peu de spécimens, tenaient dans qu’ils dire à c’est s, monologue les par occupée nt généraleme sentation la place proprement dit. venaient immédiatement après la sottie et ouvraient le spectacle cependant aux Le monologue dramatique, si gai, si souple d’allures, n’offrait à introduire dans ce poetes que des ressources limitées ; aussi durent-ils s’ingénier mais encore la vadivertissement traditionnel non seulement la variété des sujets, acteur ou des moseul un par récites dialogues des imagina On forme. la riete de . Dès lors, il n’y a nologues dans lesquels ont fit intervenir un second personnage été récités au début parfois aient dialogues véritables de que s'étonner pas heu de devaient contenir ne qui morceaux de la représentation C'étaient d'ailleurs des de la concision, des trait, du fallait leur Il brillant. et rapide qu'un échange d'idées
Les dialogues que nous phrases coupées que les acteurs pussent lancer avec verve. bien les difficultés du possédons sont des modèles, mais ces modèles montrent sentis assez forts pour s’y soient se d'auteurs peu que comprend l’on et genre, exercer ‘ (2)
nous contenterons d’ajouter que le A cette vue d’ensemble a laquelle nous souscrivons, nous
ement représentés sur scène , est certainenombre des dialogues ayant existé et ayant été effectiv
nous sont restés, car si le genre est, certes, ment de beaucoup supérieur au nombre de ceux qui
ala mesure où il repose sur une technique d’élabor brillant, la difficulté n’en est qu'apparente dans amateurs de la fin du XVe siècle essaieht tion simple et presque mécanique dont les auteu rs et acteurs
«201 -
* 200 -
tion du milieu dans lequel ont vecu les auteurs et des influences qu’ils ont pu subir, ces différents
d’utiliser toutes les possibilites, ainsi que nous tenterons de le montrer. Pourtant, les plus récents commentateurs et critiques de notre ancien théâtre semblent avoir opéré un retour en arrière par rapport a la prise de position d’E. Picot.
lan Maxwell intègre le dia-
logue au monologue en se contentant de déclarer que le monologue peut devenir un type intermé-
courants ne se rencontrant qu'à l'extrême fin du moyen age. au moment où, après une lente évolution, s'établit la suprématie de la classe bourgeoise qui apporte avec elle une nouvelle conception de la hiérarchie des valeurs sociales, morales et intellectuelles, cause de la transformation des rapports entre l'ex-classe dominante et la classe jadis dominée, masse populaire urbaine et campagnarde,
diaire entre le sermon et la farce par la simple présence d'un questionneur qui permet une sorte de dialogue fictif (3) Quant à B.C Bowen, bien qu'elle distingue de la liste des farces une liste de qua-
qui, prenant conscience de son existence, éprouve le besoin pour l’affirmer, de s'exprimer jusque sur
torze dialogues et de quatre débats (4), elle n'ose en fait se prononcer et répartit les dialogues en-
le théâtre
tre monologues et farces
“La question des dialogues est aussi difficile. Tantot ce sont des “monologues dialogues’’ (Messieurs de Mallepaye et de Baillevent) où deux acteurs se répondent avec une verve et un esprit verbal serrés, symétriques. Ce sont les piéces de notre liste des dialogues D'autres sont véritablement dramatiques - une querelle conjugale,comme l’obstination des femmes, ou une conversation qui aboutit à un dénouement dramatique comme les deux francs-archers qui vont à Naples - et nous les avons rangées parmi les farces ’ (5) C'est là, pensons nous, une simplification abusive d’un problème qui mérite d’être approfondi. Si l'on refuse de considérer le dialogue comme un véritable genre - bien que dans son Art et science de rhétorique inétrifiée publié en 1539, Gratien du Pont le mette sur le même pied que‘tes autres genres : “Qui aura envie de sçavoir le nombre des lignes appartientz en Monologues, Dyalo-
Et, non seulement nous souscrivons pleinement à la proposition de J. Frappier lorsqu’il
écrit que “sans rien exagérer on pourrait soutenir que l'apparition du theatre comique estliée au progrès d'une vie et d’une civilisation urbaines, alors que le theatre religieux dans sa forme embryonnaire, le drame liturgique, est un produit des couvents et des cloitres” (7), mais, de plus, nous pensons qu’ont existé concurremment un théatre de caractere bourgeois dont les auteurs, clercs cultivés et futurs juristes, appartenaient à l'élite qui prendra peu à peu la direction du pouvoir, et dont les pièces,souvent d’assez haute tenue, étaient destinées à affirmer la prééminence intellectuelle de la classe dont elles étaient l'émanation, et un theatre de caractère franchement populaire né spontanément dans l’allégresse et le débordement qui caractérisaient ces longues périodes de festivités pendant lesquelles, dans les rues et sur les places publiques, le peuple laissait libre cours à son appétit de vivre pour mieux se preparer a supporter les longues périodes de jeûne et de privations ordonnées par l'église, ce dernier courant rejoignant le premier à partir du moment où le niveau mental et intellec-
gues, Farces, Sottises εἴ Moralitez, saichent que . . . ”(6) - en alleguant la brièveté de son existence
tuel de la plèbe urbaine se fut suffisamment affine au contact de la classe bourgeoise cultivée.
et la difficulté de réduire ses exemples à l'unité, ne peut-on au moins voir en lui une étape impor-
Quänd on sait les longues périodes de liesse collective qui marquaient les grandes étapes du calendrier religieux,comme la Fête des Fous à l’Epiphanie ou, mieux encore, les semaines de célébra-
tante de l’évolution qui conduit le theatre de création populaire du monologue à la farce ou à la sottie ? Après avoir créé des types de personnages à partir d’une parodie du réel, n’était-il pas nécessaire pour attein«re la veritable comed.e d'intrigue, de passer par une étape transitoire qui permit aux auteurs d'occasion de présenter ces types de manière plus vivante en les faisant se heurter concrètement a autrui dans un dialogue scénique ? Ainsi se transformait du même coup la conception du theatre : d'un jeu entre un acteur et la salle, on passait par réduction du lieu théâtral à la seule scene, a une v.:ritable représentation. Cette concentration qui implique une certaine “dis-
on sait tion prolongée du Carnaval, qui precédaient la période d’abstinence du carême (8), et quand récombien le goût du peuple pour les improvisations déclamees à la hâte au coin des rues et parfois de sompensées par les échevins - les registres des comptes des villes portent fréquemment mention un sur montant en foule la récreer su avoir pour mes d'argent données ἃ des amuseurs d'occasion de ce qu’a tonneau pour debiter des balivernes -, on est frappé de voir que si peu de chose subsiste
du être ce theatre improvisé de la première heure. Mais s'il est possible d’admettre avec vraisemblan-
ticipation n’est plus sollicitée - est le signe d'un approfondissement de la technique théâtrale. On
on peut penser ce que la parodie du réel devait entrer pour une bonne part dans ces improvisations, les plus spécimens les que sont ne restés sont que la plupart des sermons et des monologues qui nous
pourrait opposer à celi qu'il suffisait de mettre en scène quelque bon tour puisé dans les anecdo-
réussis de cette production
tanciation dramatique” entre l'acteur et son public - qui devient simple spectateur puisque sa par-
tes du quartier ou dans les récits transmis par les jongleurs,pour faire une farce, mais ce serait ou-
bher que le geste n’atteint sa pleine valeur comique que s’il est le résultat d’une opposition psychologique qui ne s'exprime bien souvent que par le dialogue. L’argument le plus sérieux contre cette hypothèse évolutive est sans conteste celui de la coexis-
tence des differents genres à une meme epoque
Mais les différences qualitatives que l’on observe en-
tre des pièces appartenant a un même genre et qui se marquent tant au niveau de la conception même du theâtre - divertissement gratuit ou moyen didactique - qu’au niveau de la mise en scène
ou tout
simplement,pour les pièces comiques, au niveau de la qualité du rire provoqué, permettent de penser
qu'ont existe concurremment dans le théâtre profane,plusieurs courants créateurs qui ont été fonc-
Ainsi seraient nés les types du comique populaire qui, dès l’instant où le genre du monoloils pourront vivre de leur vie propre (9), permettront aux auteurs de renouveler encore à ces tylaisse qui theâtre,mais véritable d'un proche gue par une présentation dialoguee plus le prédirestent dialogues des pes devenus traditionnels le rôle principal - les personnages principaux premier dans un cateur burlesque. le fou, le charlatan, le soldat fanfaron et l'amoureux. En effet, “technique”, un dire pourrait-on rôle qu'un n’est dialogue du temps, le role du second personnage de la consisprend secondaire personnage simple artifice de présentation Cependant, peu à peu,ce
de la technitance pour devenir | ’egal du personnage principal, ce qui correspond à un affinement s’opére à partir de là : soit que de l'échange, du jeu dialogué. Puis il semble qu’une diversification
à les faire l'accent est mis sur les personnages et l’approfondissement de leur psychologie conduit
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participer à une intrigue : on entre alors dans la farce ; soit l'accent est mis sur le jeu verbal qui devient prépondérant au détriment de l’intrigue, rejetée au second degré, et l’on tend alors vers la sottie. On ne peut nier que bon nombre de pièces intitulées farces ou sotties ne sont en fait que des variations maladroites à partir d’un dialogue initial.
Soit un dialogue se termine par la réconciliation
un peu factice des deux opposants sur le dos d’un troisième personnage,
ce qui permet de clore
la pièce sur un dénouement à valeur d’intrigue - et traditionnel - inspiré des Repeues franches de Villon et des fabliaux : c'est ce qui se passe dans la Farce d’un pardonneur, d’un triacleur et d'une
tavernière (10) ; soit on applique le principe du dédoublement (voire du détriplement) à l’un des deux rôles initiaux et on assiste alors au combat inégal d’un duo ou d’un trio d’attaquants contre un seul opposant : c’est ce qui se produit dans le Moral de tout le monde (11) ou dans la Farce des cris de Paris (12) ; soit enfin,on fait entrer en scène deux par deux des personnages qui dialoguent selon la technique habituelle et l'intrigue consiste à faire se rencontrer selon toutes les solutions mathématiquement possibles, les membres de chacune des équipes : telle est la structure de la Sottie_ des coppieurs et des lardeurs (13) et de celle des Sotz qui corrigent le magnificat (14). Il est évident que nous n’avons pas épuisé là toutes les possibilités offertes à partir de variations sur un dialogue. Car il nous semble qu'avant d'aboutir aux farces et aux sotties plus élaborées du début du XVIe siè-
CHAPITRE
DU MONOLOGUE
1
AU DIALOGUE PAR FRACTIONNEMENT
SIMPLE.
cle dans lesquelles le mode de composition est moins apparent, les auteurs passeront par cette étape de transition qui est une étape d'étude et de mise au point d’une certaine technique. C’est ce que nous voudrions essayer de montrer dans la présente étude en examinant nos textes du double point
Le désir de se renouveler a dû amener de bonne heure les auteurs de monologues comiques à
de vue de l’approfondissement psychologique des personnages et de la technique de composition du
revivifier la présentation dramatique de leurs textes en les transformant par simple fractionnement
dialogue, pour dégager,autant que faire se peut,la chronologie de l'élaboration de cette technique,
en pièces à deux voix. II suffisait pour ce faire de répartir les fragments du monologue originel entre
sans perdre de vue le caractère d’autant plus subjectif de nos hypothèses que beaucoup de pièces ont été perdues et qu’il est souvent très difficile, sinon impossible, de dater avec précision celles qui nous
sont parvenues. Plutôt que de répartir nos pièces selon un classement qui soit fonction des types de personnages
deux acteurs ou d’intercaler entre ces fragments,les reparties d’un interrupteur ou d’un questionneur.
Mais les dialogues ainsi obtenus ont ceci de particulier que le rapport acteur-public reste dans la tradition scénique du monologue : il n’y a pas à proprement parler “dialogue” car la seule direction d’échange est la direction “acteur
—+ public” - soit “acteurs — public’’,et nous avons alors un
mis en scène, comme nous l'avons fait pour les monologues et qui eût été possible ici, nous avons pré-
duo et non un dialogue ; soit “acteur NO 1—+
féré adopter un classement qui soit fonction de la technique de composition du dialogue - qui d’ail-
cas du monologue
public + acteur NO 2”, et nous retombons dans le
Ce n’est donc là qu’un artifice de présentation destiné surtout à éviter l’impres-
leurs se confond avec l'évolution du type du personnage secondaire - en étudiant successivement les
sion de monotonie que peut parfois laisser une longue suite déclamée par un seul acteur. Notons
dialogues obtenus par fractionnement simple d’un monologue initial - avec répartition des fragments
cependant que le factionnement peut se faire au niveau de la structure d'ensemble ou au niveau de
entre deux ou plusieurs acteurs ou avec adjonction d’un rôle d’interrupteur ou de questionneur -, les
la phrase ou du vers, ce qui non seulement accroît la vivacité de la pièce mais encore en transforme
dialogues obtenus par fractionnement d'un monologue et opposition d’un contradicteur qui dégonfle
le caractère
les vantardises du personnage principal - qui présentent un degré d'élaboration supérieur à ceux de la
ture d’ensemble
première catégorie -, les dialogues obtenus par redoublement d’un monologue initial - donc par opposition de deux personnages identiques ou légèrement différents -, et enfin les dialogues en “‘staccato-
style” qui s’inspirent de la technique des trois précédentes catégories mais poussent dans ses dernières limites la virtuosité verbale, préfigurant en cela la sottie. Nous avons pensé, en procédant ainsi, arriver à cerner de plus pres la genèse créatrice des structures du genre.
Nous nous bornerons dans ce chapitre à étudier le fractionnement au niveau de la struc-
- 204 I — LE FRACTIONNEMENT
- 205 -
“ESTHETIQUE”
D’autre part la litanie des vers 154 à
a) Fractionnement d’une continuite sans contrepoint
. (vv 8, 10, et 16)
173 ne se supporte que parce qu’elle est “en situation” : tout
se passe comme si, dans un dialogue opposant un “esbahi”’ à Justice, le premier rôle avait été détriplé -
Ce premier procédé qui peut être considéré comme la réalisation effective du monologue à deux voix et dont l'idée était en germe dans la déclamation avec changement de voix utilisée par les jongleurs, pose de multiples problèmes. En effet, l’idée tres simple de fractionner un texte et de confier la récitation des fragments à deux acteurs
- Je m’esbahis . - De quoy ? -
- qui aboutit à une sorte de duo ou de choeur
chanté-si elle est facilement réalisable lorsqu'il s’agit de pièces reposant sur une parodie d’offices religieux comme les Vigilles de Triboulet (15)-qui“n’est que le récit du trépas et la représentation
l'importance du rôle constitué d’une suite de reproches est concrétisée sur la scène par le nombre des acteurs qui le jouent au lieu d’être simplement fonction de sa longueur : le fractionnement est donc ici un artifice de mise en scène. Le ‘‘dialogue” ne repose donc pas sur le fractionnement mais sur l’op-
position entre Justice et son trio d’adversaires et la variété est amenée par l’alternance du refrain qui constitue le rôle de Justice : a) ‘‘J’y estois moy ; je le fis faire” Ὁ) “Par ma foy, je n’y estois pas.”
des laudes de l'office des morts dites la veille de l’enterrement,que les sots chantent après avoir
loué le défunt dont ils racontent les hauts faits, (1 6)"-, de formes poétiques strophiques, ou de
Notons encore que les deux refrains sont soigneusement antithétiques. Le passage doit donc sa vie
structures a répétition sur le type des “dits de chacun” (17), est plus difficilement acceptable sous
scénique a un jeu subtil d’oppositions.
sa forme simple dans le monologue traditionnel car celui-ci suppose un déroulement progressif avec solution de continuité
Ce caractère dynamique du monologue s’accommode mal d’un tel type de
Un tel procédé de fractionnement ne pouvait s’appliquer aux monologues que lorsque ceux-ci présentaient un caractère plus ou moins statique, à ceux notamment qui se composaient d’une accumu-
fractionnement qui convient mieux au caractère plus statique des formes poétiques strophiques ou
lation de vantardises sans progression comme les monologues d’homme à tout faire. Mais là encore une
des structures à répétition.
difficulté surgit.
Aussi, le fractionnement “esthétique” au niveau de la structure ne s’observe-t-il guère sous sa
La valeur de tels monologues et la force du portrait reposaient sur la longueur de l’ac-
cumulation, son rythme, en un mot la virtuosité verbale. Les fractionner c'était rompre le rythme et
forme simple, sans contrepoint, qu’à l’intérieur des pièces utilisant des schémas poétiques strophi-
diminuer la virtuosité verbale, excepté dans le cas que nous examinerons plus loin d’un fractionnement
ques ou à répétition, et encore la répartition des fragments se fait-elle entre au moins trois person-
non plus au niveau de la structure mais au niveau même du vers : la fragmentation accentue alors l’im-
nages. C'est ce que l’on observe notamment dans la Farce des Esbahis (18). Les trente cinq pre-
pression de virtuosité verbale.
miers vers de la piéce,qui servent à présenter les personnages, constituent une suite de répliques
au niveau de la structure avec répartition des fragments entre plusieurs rôles n’a jamais été appliqué à
commençant toutes par “16 m’esbahis
. ”’ (13 fois.). C’est en quelque sorte le fractionnement
en trois rôles d’un monologue du type “dit de chacun” : le premier le second le tiers
: Je m’esbahis de ce qu’on fait : Je m’esbahis quant l’en fera : Je m’esbahis quant ce fera Que d’envieux ne sera plus. (vv 22-25)
La répartition entre plusieurs voix de ces structures à répétition ne crée pas le dialogue proprement dit,mais donne plus de légèreté et de vie à l’ensemble et l’effet de choeur chanté - ou d’écho - qui en résulte,amplifie la résonance
du contenu et sa profondeur
Le même procédé, appliqué à une forme fixe, est employé du vers 154 au vers 173 : nous avons là une succession de cinq tercets débutant tous par “je m’esbahis . .. ” et déclamés alternativement
par chacun des personnages, chacun des tercets étant ponctué d’un vers de refrain prononcé par Jus tice, personnage auquel s'opposent les trois “esbahis”. L'ensemble produit un effet de litanie. D’ailleurs, dans les deux cas, le procéde n’enléve pas totalement au texte son caractère statique et même un peu monotone
L'auteur s’en est sans doute rendu compte car, dans le premier passage, par trois
fois,il a essayé de rompre le parallélisme des répliques par une question interruptrice lancée à tour de rôle par chacun des trois personnages - c'est essayer de rompre la monotonie d’une suite unidirec-
tionnelle par l’intrusion d’un véritable dialogue d'échange :
C’est vraisemblablement la raison pour laquelle le fractionnement simple
de tels monologues. Avec ce type de monologue on préfère employer le procédé du redoublement qui, permettant une opposition compétitive, met mieux en valeur la virtuosité verbale. Les seuls monologues qui pouvaient supporter un tel fractionnement étaient ceux qui présentaient un caractère de statisme absolu, c’est à dire ceux qui se composaient d’accumulations fatrasiques comme certains monologues de sots. On obtenait ainsi des pièces à plusieurs voix constituées d’une accu-
mulation de répliques sans lien entre elles du type des Menus propos (19), morceaux qui semblent avoir rencontre un certain succès puisqu'on les trouve intégrés à de nombreuses pièces comme la Sottie _ des sotz escornez (20) - v 1 à 58, ou la Sottie de Estourdi, Coquillart et Desgouté (21) - v 1 à 98, Il n’en reste pas moins que cette déclamation décousue à trois voix avait un caractère factice et statique que ne
parvenaient guère à attenuer les rares répliques dans lesquelles l’un des acteurs, abandonnant la première ou la troisième personne, s’adressait directement à l’un de ses partenaires pour le contrer ou lui poser une question. C'est là reconnaître implicitement la nécessité de recourir à un véritable dialogue d’échange pour recréer avec vraisemblance sur scène l'illusion de la vie. Les rares cas où ce procédé de fractionnement avec répartition des fragments entre deux ou plusieurs acteurs pouvait être utilisé avec bonheur sont ceux où il soutenait le mouvement ou l'esprit même du texte C'est ce qui se produit avec certaines pièces rhétoriques comme les “blasons” qui sont
- 207-
- 206 des éloges d’un objet choisi et supposent d’un vers à l’autre une sorte de surenchérissement continu. Le fractionnement de la pièce entre deux voix souligne ce caractère ainsi qu’en témoigne le Blason
que les deux rôles,tout en restant complémentaires et en solution de continuité,offrent une tonalité
des dames en dialogue (22) de Roger de Collerye, déclamé en duo par Beau parler et Recueil gracieulx :
Ditz de Salomon et les responces de Marcon (23) offrent l'illustration la plus simple. Ils se compo-
Beau parler :
Honneur aux dames !
BP RG BP
Il leur est deu
BP
Je ne sache meilleur blazon.
BP
Es champs, es villes, en maison Chascun en doibt bien deviser.
Recueil gracieulx :
RG RG
C’est raison.
Toute saison. Dames doibt on aymer, priser
différente. Cela se traduit chez les auteurs par une recherche systématique du contrepoint dont les
sent en effet d’une succession de 46 tercets déclamés alternativement par chaque acteur. Mais, alors que les répliques de Salomon se présentent sous la forme de proverbes a valeur générale , expression de la sagesse médiévale, celles de Marcon en sont l’application ou la transcription sur un mode mineur (Toutes contiennent le terme “putain’’.) : Salomon
D’en dire tout bien y viser.
:
“ Ronce en haye prent et plume souvent
brebis et moutons.”
Aux dames n’a comparaison
Marcon
:
“Putain prent argent menu et souvent
de tous compaignons.””
Dans le corps du dialogue,la déclamation à deux voix semble naturelle puisque l’un des deux rôles consiste à énoncer une suite & “exempla” extraits de la mythologie païenne, de la Bi-
De ce fait,le ‘‘dialogue”’ conserve son unité par son caractère de leçons avec applications adressées à
ble, des romans courtois, et l’autre à en tirer une conclusion à la louange des dames.
la foule. Mais la différence de tonalité des répliques crée une variété qui non seulement rompt la mo-
Ce type de fractionnement d’une suite continue apparaît tout aussi naturel et même nécessaire lorsqu'il est utilisé à des fins parodiques comme dans la Sottie des vigilles de Triboulet. L’éloge funè-
notonie mais,de plus,est source de comique. Le méme procédé de fractionnement avec contrepoint de tonalité est utilisé dans un dialogue
bre du sot qui aurait pu étre déclamé en monologue devient ici,par fractionnement entre quatre acteurs,une parodie burlesque de l’office des morts. C’est une véritable litanie coupée de choeurs chantés :
qui n’est qu’une variation sur une pièce de mariage et qui remonterait, si l’on en croit lan Maxwell,
- le premier temps (vv 129 à 171) qui traduit la douleur des pleurants,rappelle la qualité principale de Triboulet qui était de savoir jouir de la vie. Après l’épistole chantée par Sotouart et
les pièces reposait pour une bonne part sur le procédé du sérieux dégradé. Or ici,le procédé est ma-
Croquepie (vv 129 à 147), les répliques, assez courtes, se complétent,ponctuées par la reprise de la
plainte de Rossignol (vv 151-153 et 160-162) et terminées par une triple reprise en écho ‘‘C’estoyt celluy qui...” (vv 163, 166 et 169). - le second temps ( vv 184 à 235) rapporte les hauts faits du défunt en une succession de
répliques brèves coupée par trois fois d’un refrain prononcé alternativement par Sotouart et Croque-. pie : “Or est-il mort et trespassé
Mais se c’est de soif, je ne scay.” (vv 196-197, 212-213, 231-232)
et suivi chaque fois de deux vers en quatuor chanté. - le dernier temps (vv 236 à 309) évoque en trois leçons chantées successivement par Sotouart, Croquepie et Rossignol, les circonstances du décès de Triboulet, leçons qui se terminent chaque fois par huit vers chantés moitié en quatuor, moitié en duo. En fait,le fractionnement d’une suite continue entre plusieurs rôles, de procédé de mise en scè-
ne devient ici le sujet méme dela mise en scéne.
aux alentours de 1450 - et serait par suite l’un des premiers monologues dédoublés - : la Présentation des joyaux (24). Nous avons montré dans notre étude sur le monologue que le comique de tel-
térialisé par le fractionnement en deux rôles de ce qui aurait pu ne constituer qu’un seul rôle avec changement de voix : les deux partenaires sont en effet un sot - point de vue dégradé - et un messager- point de vue sérieux -, et le thème du dialogue n’est que la présentation des cadeaux offerts
à la jeune mariée, présentation qui aurait pu être faite par un seul acteur. C’est un texte très court (134 vers) et que nos duettistes qualifient eux-mêmes d’ “entremets” (v 124). Examinons en la structure : Les trente premiers vers constituent la traditionnelle entrée en scène des deux acteurs qui dé-
bute sur un salut de bienvenue adressé par le sot à l’assemblée sous la forme d’un rondeau : “ Dieu gard la noble fiancée Avec sa noble compagnie ! ” et suivi de deux vers qui précisent d'où il vient : ‘ Je viens tout droit de Picardie Et pour vous voir tant seulement.” (vv 9-10) Là dessus, le second acteur, le messager, enchaîne sur un rondeau double qui est un compliment plus précisément adressé à la mariée :
“ Dame d’honneur le parement
Dieu vous doint honneur et liesse
b) Fractionnement d’une continuité avec contrepoint.
Que fallait-il donc pour qu'un tel fractionnement ait un caractère moins factice ? Il suffisait
Et maintienne ceste noblesse En vivant tres joyeusement.” (vv 11-14)
Il y a donc là une progression normale, puisqu’aprés avoir salué l'assemblée, on s'adresse en particu-
- 209 =
- 208 lier au destinataire de l’envoi : les deux saluts se complètent et cette impression est confirmée par les deux vers qui suivent,dans lesquels le messager annonce la raison de sa venue (vv 15-16). C’est
trouve matérialisé le dédoublement en deux voix d’un rôle unique. En fait,il faut bien admettre que ce type de fractionnement d’un texte en plusieurs rôles trans-
alors que le sot reprend la parole pour quatre vers qui s’intégrent à la structure du rondeau du mes-
forme peu le caractère originel de celui-ci ; le “dialogue” ainsi obtenu garde un caractère statique et
sager, mais avec une tonalité différente :
factice qui est l'inverse de ce que recherchent les auteurs, car l'échange ne se produit pas entre les
“ Une andouille pleine de gresse On vous garde bien cherement.” (vv 21-22)
C’est là matérialiser par une opposition de deux rôles le procédé du sérieux dégradé cher à ce type de pièce. Puis le messager termine son rondeau en précisant qui l’a envoyé. Mais s’il y a une diffé-
deux acteurs mais entre la salle et les acteurs. guée à valeur “esthétique”.
C’est donc là un simple artifice de présentation dialo-
Pour renouveler les monologues en leur apportant
plus de vie scénique
et d’imprévu,les auteurs allaient donc rechercher une autre technique de fractionnement.
rence de tonalité entre les deux rôles dès l’entrée en scène, ceux-ci n’en sont pas moins en solution de continuité.
Du vers 31 au vers 78, le messager se borne à énumérer,en les montrant,les présents offerts, et le sot apporte le contrepoint en commentant chacun d’eux dans un registre tantôt sérieux : le messager
:
le sot
l
Pour mirer ceste douce face
Advisez, il a bonne grace Recevez le de cueur joyeulx.”
tantôt comique - parce que représentant un point de vue résolument terre à terre : le messager le sot
:
“Tenez ce chappeau gracieulx Qui est honneste riche et gent. :
Il a bien cousté de l’argent ;
Pleust a Dieu qu’il fust en ma bource !
tantot franchement grivois : le messager
le sot
:
“D’espingles aurez largement Qui sont bien fines et poignantes A vostre estat sont bien duysantes. Vostre amy si les vous envoye. Il vous en garde bien en braye
Qui vous poindra si doucement
Qu'il vous semblera proprement
Que vous soyez en Paradis ! ”
Là encore, s’il y a différence de tonalité entre les deux rôles, ils apparaissent en fait complémentaires et forment un tout que met en valeur l’enchaînement régulier sans répétition des rimes plates :
c’est un duo unidirectionnel de deux acteurs qui forment bloc pour s'adresser au destinataire de l’envoi. Et, répétons le, il eut été possible à un seul acteur de déclamer les deux rôles en utilisant le procédé du changement de voix pour marquer la différence de tonalité. Du vers 79 au vers 110, le caractère du dialogue change : le sot se lance dans un monologue composé des traditionnelles plaisanteries de circonstance et le messager se borne à essayer de l’interrompre
par deux fois, puis se contente d’intercaler entre les parties du monologue de son partenaire deux ré-
pliques à valeur générale qui, par leur contenu , pourraient fort bien s'intégrer au monologue même du sot. C’est là une variante du même principe de fragmentation avec opposition de tonalité. Enfin, à partir du vers 111, les deux acteurs prennent congé sur deux rondeaux fractionnés en ré pliques
IL — LE FRACTIONNEMENT
FONCTIONNEL
“Tenez ce miroir treshonneste
qui permettent à chacun d'eux de déclamer à tour de rôle les vers qui se répètent : ainsi se
Nous appelons ce second type “fonctionnel” dans la mesure où il tient lieu d’intrigue au dialogue ainsi obtenu. Il consiste tout simplement à introduire un second personnage dont le rôle est d’essayer de faire stopper ou de faire avancer le déroulement du monologue d’un personnage principal qui s'effectue ainsi par fractions, Ce procédé n’a en soi rien de révolutionnaire et on peut penser qu’il a été puise au réel : c’est un réflexe courant, lorsqu'on est vivement intéressé par le récit d’un conteur, que de lui poser des questions destinées à lui faire accélérer son récit ou en préciser les détails ou les nuances. De la même manière, quel charlatan de place publique n'a pas été interrompu dans sa péro-
raison par les quolibets de quelque joyeux luron de l'assistance ? C’est vraisemblablement de cette manière de procéder que vont s'inspirer les auteurs dramatiques, car, par son origine même, elle était de nature à rendre plus vivants des morceaux dont la vivacité et l’intérêt reposaient, nous l'avons vu, sur la participation d’un public dont la spontanéité avait dû perdre de sa vigueur par suite des trop nombreuses représentations de mêmes monologues qu’il finissait par connaître par coeur. De plus, c'était là essayer de redonner une vie dramatique à un texte par le biais de ce qui en faisait une des
caractéristiques : l’appel à la participation du public. Car “l'interrupteur” et le “questionneur” sont des roles que l’on peut pleinement assimiler à celui de public. Il n’y a donc pas transformation de la matière même des pièces, mais simple renovation de la présentation dramatique, ce qui implique que les pièces obtenues ne seront pas encore de véritables dialogues car l'échange ne se fera pas entre deux acteurs, mais entre un acteur et un représentant de la foule. Analysons rapidement chacun
des deux types possibles de ‘‘dialogue”. a) Le personnage secondaire est un interrupteur. et le Le type en est le Sermon de bien boire a deux personnaiges c’est assavoir le prescheur
cuisinier (25) que E. Picot date approximativement,sans raison aucune, de 1540 (26) et que, pour notre part, nous pensons plus vieux d’une soixantaine d’années. sur le vin Le “prescheur” entre en scène et entame en 18 vers un véritable sermon burlesque : dans la tradition classique, avec citation, référence burlesque et traduction
*210-
-211-
Bibite et comedite. Mathei Undecima secunda. Messeigneurs faictes paix Hola ! Les parolles cy proposees Si furent jadis composees Dedans le fons d’ung beau selier Comme recite sainct Valier Escriptes d’or en lettre jaune Sur ung tonneau de vin de Beaune, Au quart livre ad epheseos.
|
- Poursuite du sermon (5 vers) - Quatrieme interruption : beaucoup plus longue (37 vers), elle se poursuit par une dispute : a) l'interruption : 1) Le cuisinier tourne le prédicateur en dérision aux yeux du public. 2) Le predicateur lui répond directement en prenant la foule à témoin : “TU...
com...
3) Le cuisinier replique indirectement par une insulte : “IL”
C'est alors que se produit la première interruption qui se déroule en trois temps qui respectent un certain réalisme psychologique
:
1) Le cuisinier furieux d’être dérangé, essaie de dresser l'assistance contre l’intrus en le tournant en ridicule, ce qui,sur le plan de la mise en scène,prend une valeur comique certaine : on peut supposer que le cuisinier était assis parmi la foule ; c’est donc à travers son rôle que celle-ci va participer : “Et qui est ce vuideur de potz Qui nous vient icy empescher De chanter ! Voise ailleurs prescher !
b) la dispute : 1) dialogue entre les deux hommes : échange de répliques ne dépassant pas un vers (emploi de la seconde personne. ) 2) puis le cuisinier se tourne vers la foule pour vexer le prédicateur en médisant de lui, ce qui fait croitre la colère de celui-ci qui reste au “tu” direct pour insulter son adversaire,lequel conclut a l'égalité des points. - Poursuite du sermon (16 vers) - Cinquiéme interruption, plus bréve cette fois : 1) Le cuisinier ironise sur les conseils que donne le prédicateur-en les lui appliquant-et en
Mais advisez quel champion :
|
développe les conséquences à l'adresse de la foule. 2) Le predicateur réplique par une malédiction et enchaîne
Or est il le plus franc pyon
Qui soit point d’icy en Bourguoigne ! ” 2) Le prédicateur réagit indirectement en demandant à la foule de faire taire l’insolent.
3) Le cuisinier réplique en aparté par un défi insultant à l'égard du prédicateur.
- Poursuite du sermon (17 vers) - Sixième interruption prolongée par une dispute : 1) Le cuisinier insulte indirectement le prédicateur en s’adressant à la foule. 2) dispute des deux adversaires - répliques ne dépassant pas un vers. 3) L'un et l'autre prennent la foule à témoin :
Cette interruption ne se solde donc pas par un dialogue car l’échange se fait par personne interposée :
c’est là un simple procédé destiné à provoquer la participation de l'auditoire. Le reste de la pièce se dé-
le prescheur
roule en étapes identiques à ce début : - Poursuite du sermon (20 vers)
1) Le cuisinier attaque directement le prédicateur : “despeche ΤΟΥ...
foule à témoin : “IL a tant beu.”
: “Et qu'on face taire ce fol ! ”
le cuisinier : “Le vez vous la ce baboyn ! ” 4) reprise de la dispute qui augmente de violence - plusieurs répliques par vers. 5) finalement,le prédicateur essaie d’amadouer le cuisinier qui se contente de lui demander
- Seconde interruption : Même réalisme,mais déroulement légèrement différent : ” en prenant la
2) Le prédicateur lui répond directement en essayant de l’effrayer par la menace de Dieu -
d’accélerer.
- Poursuite du sermon (28 vers) foule :
3) Le cuisinier réplique en s'adressant à la foule (IL... NOUS... ment son adversaire
- Poursuite du sermon (16
(1 0 vers)
- Troisième interruption : (même type que la première.) 1) Le cuisinier raille le prédicateur à l'intention du public. 2) Le prédicateur demande à la foule de faire taire le contradicteur : “Et faites taire ce becjaune Qui quaquette tant LA DERRIERE”
(précision qui confirme notre hypothèse de mise en scène : l’interrupteur se trouve dans la foule ; le théâtre est dans la salle.)
3) Le cuisinier réplique en prenant la foule à témoin contre son adversaire : “IL. . .TENEZ. ”
|
’
“Mais que povez vous conquester A luy me vez vous la bien ! ”
se prend au sérieux.
et en ignorant superbe-
j
- Septième interruption du cuisinier qui n’est qu’une simple exclamation d’impatience destinée à la
effet comique dans un contexte de sérieux dégradé car cette réaction montre que le “prescheur”
- Poursuite du sermon
VOYEZ
”
vers)
- Huitieme interruption :
sonne
1) Le cuisinier traduit son impatience par une nouvelle exclamation à la troisième per-
2) Le prédicateur engage la foule à faire taire son adversaire puis il l’insulte indirectement.
3) Troisieme dispute des deux hommes - Poursuite du sermon (12 vers)
pas. - Neuvième interruption du cuisinier qui attaque directement le prédicateur, lequel ne répond
- Poursuite du sermon (10 vers)
- 212 -
+213:
- Dixieme interruption :
Type B : interruption et réplique du personnage attaqué :
1) Le cuisinier,en colere,attaque directement le prédicateur et prend la foule à témoin. 2) Le predicateur repond par une moquerie et enchaine
a) réplique simple (NO 5 et NO 10) -
- l'interruption : dans les deux cas,8 vers dont 2 dirigés directement contre le réci-
- Poursuite du sermon (19 vers)
tant et 6 indirectement par le procédé qui consiste à prendre la foule (ce type reunit les deux possibilités de l'interruption simple.) - la replique : elle est soit une malédiction (NO 5), soit un renvoi de la implique un parallelisme de construction - réponse à l'interrupteur et témoin de la foule contre lui (NO 10). Et le prédicateur enchaîne sur
- Onziéme interruption suivie d’une dispute :
a)l’interruption : 1) insultes du cuisinier 2) Le prédicateur demande à la foule de le faire taire. 3) aparté du cuisinier dirigé contre le prédicateur.
b) réplique redoublée (NO
à témoin
balle qui prise à son sermon.
1, 2 et 3)
b) dispute violente terminée par le refus du cuisinier de se taire,ce qui contraint enfin le prédicateur à partir.
- l'interruption : l'interrupteur s'adresse soit uniquement à la foule (NO 1 et NO 3), soit a la fois à la foule et à son adversaire (NO 2)
Telle est la structure d'ensemble de ce dialogue de 355 vers dont nous allons maintenant essayer
- la réplique : prière adressee à la foule pour faire taire le géneur (NO 1 et NO 3) ou malédiction adressée au perturbateur (NO 2)
de retrouver la genèse créatrice
- repartie de l'interrupteur
Le point de départ - C’est un sermon burlesque traditionnel sur le vin (or, si l’on admet que les ser-
Type C : interruption suivie d’une dispute (NO 4, 6, 8 et 11)
mons joyeux ont vraisemblablement été les premières formes du monologue populaire improvisé,
- le premier temps est une interruption d'un des types précédents : Ab (NO 6), Ba (NO 8), Bb (NO 4 et NO 11).
on peut penser que legenre,usé prématurément avait nécessité de bonne heure une revivification par
- le second temps, la dispute, peut être : - un bref échange d'insultes (NO 8) - un échange de répliques virulentes (NO 11) - un échange de répliques terminé par la prise à temoin de l'auditoire par l'interrupteur contre le prédicateur (NO 4) - un échange au milieu duquel les deux opposants prennent tour à tour l’auditoire à témoin puis reviennent à leurs insultes en accélérant le rythme.
le biais du dialogue ), En effet, sur les 355 vers que comporte ce dialogue, 171 constituent un véritable sermon fragmenté par les interruptions du cuisinier, soit la moitié de la pièce, ce qui est la longueur moyenne d’un sermon burlesque (le Sermon de sainct Raisin s'étend sur 152 vers). La mise en scene dialoguée,qui fait apparaître un personnage d’interrupteur,permet donc de doubler la longueur de la pièce
Du sermon nous dirons peu de chose car il est classique et s'inspire quant mon de sainct Raisin et du Sermon de la Choppinerie.
ἃ son fond du Ser-
La seule chose à signaler, c’est que le prédi-
cateur burlesque ne développe pratiquement que le premier point de son sermon : il n’aborde le
second point “Et venons a COMEDITE” qu'au vers 300, soit 55 vers avant la fin de la pièce, au milieu du dernier fragment de sermon que le cuisinier lui laisse prononcer. On peut donc penser que les acteurs faisaient varier la longueur de ce type de pièces en fonction du temps imparti à l'intermède
Mais il est aussi probable que l’inachèvement du texte de base est ici une particularité
consciente qui sert de dénouement à l'intrigue : elle prouve la victoire du cuisinier sur son adversaire
: aparté destiné à la foule.
Ainsi donc, si les interruptions se déroulent toutes selon le même principe de base, leur plus ou moins grande amplification crée une variété qui non seulement fait disparaître ce qu’aurait d’ar-
tificiel l'emploi systématique du procedé, mais encore apporte au monologue l'élément réaliste propre a en revivifier la présentation dramatique : dans la vie réelle,il n’y a pas de répétition sans
variations. Le procédé de fragmentation atteint donc ici son but et, de surcroît, est source de comique
D'autre part le rythme des interruptions n’est pas laissé au hasard : la place dans la structure d'ensemble des quatre interruptions-disputes détermine les quatre temps psychologiques du “dialogue” qui ne se déroulent jamais de manière identique, mais selon une progression à caractère réalis-
La technique de l'interruption. Nous avons relevé au total onze interruptions représentant à elles
seules la moitié de la longueur de la pièce, soit 173 vers. Et ces onze interruptions qui se caractérisent par la variété et témoignent du souci qu'avait l’auteur de déguiser ce qu'avait de trop systématique l’emploi du procédé, se répartissent en trois catégories : Type A : Interruption simple : une seule replique ( N° 7 et NO 9) Deux possibilités : a)
l'interrupteur interpelle le recitant pour l’insulter : NO 9
b) l'interrupteur interpelle la foule pour la dresser contre le récitant : NO 7
te Essayons de dégager le fait d'un tableau : SERMON
:
18
20
10
5
16
17
28
16
12
4
10
19
11
Nombre de vers INTERRUPTIONS de vers : Nombre répliques : Nombre re de répliques Temps du dialogue
:
12 3 Inte
8 3
10 3
ler temps
37 19 À
9 2
30 23di
2eme temps
4
FR1 3éme temps
16 5 Ee
4 1
15
wv 2
4ème temps
28
317
Final.
-215-
-214Après une première interruption qui donne le ton et qui n’empéche pas le prédicateur de poursuivre son sermon, trois autres vont venir à intervalle de plus en plus court, d’où l’énervement progressif du predicateur qui justifie la première dispute verbale-et l'échange d’insultes-qui se clôt sur
- des accumulations : le prescheur :
“Mais tues
le cuisinier :
du tout en effaict
Le plusfort yvroigne parfaict Qui soit d’icy en Avignon Le cuisinier :
Et paix ! Dieu te mette en malan Sanglant paillart yvroignibus ! ”
La plupart du temps d'ailleurs, les deux adversaires s'adressent des insultes identiques qu’ils s’envoient du tac au tac ; ce qui les place sur un pied d'égalité et incite la foule à prendre parti pour les
Et vous estes mon compaignon ; Nous povons bien aller ensemble.”
départager - élément d’intérêt dramatique.
C'est ce qui donne au prédicateur l'impression de pouvoir continuer sans risque et il n’attache pas d'importance a l'interruption qui suit et qu’il prend pour une manifestation de dépit, car il se contente de maudire son adversaire et d’enchainer. Mais l'interruption suivante du cuisinier, qui reprend d’ailleurs en l'amplifiant la réplique de sa victime :
- des moqueries sur le physique de l'adversaire : le cuisinier :
Il luy pert bien a son nes rouge Qui est si tresplein de bubettes
le cuisinier :
L’autre jour beut par tel delit
Qu’il en pissa dedens son lict 1” Sauf l’honneur de la compaignie
lui fait comprendre que l'opposition n’est pas éliminée,et une joute verbale plus violente s'ensuit qui
se termine par une sorte de treve le cuisimier
:
:
Mais l’apport comique ne se situe pas seulement sur le plan verbal,il apparaît aussi au niveau
“N’es tu pas content que je presche ?
de l’action : l’utilisation d’un interrupteur apporte vie et mouvement sous l’aspect traditionnel de
Ouy bien mais qu'on se despesche !
la dispute. Enfin, il ne faut pas négliger, au moins au début, le comique lié à l’effet de surprise qui
Ne voys tu pas qu'il est tard ? ”
Ceci explique que le prédicateur poursuive et ne prête pas attention à l'interruption suivante du cuisinier qui n’est guère qu’une réaction d'humeur à l'égard de la foule qui ne l’a pas soutenu. Mais,lorsque le cuisinier l’interrompt à nouveau par une injure, piqué au vif, il insulte lui-même l'interrupteur
repose sur un certain type de mise en scène : de nombreuses notations conduisent en effet à penser que l'interrupteur se trouvait dans la salle parmi le public. Il est notammentle seul des deux personna-
ges à employer le “nous” qui montre qu'il s'intègre à l’auditoire : “Et qui est ce vuideur de potz Qui NOUS vient icy empescher De chanter. .."
dans une troisième et brève dispute Pensant s'être ainsi imposé, il poursuit son sermon et se permet d’ignorer l'interruption suivante du cuisinier, se contentant de prendre la foule à temoin pour tourner en dérision le perturbateur lorsque celui-ci l'interrompt une nouvelle fois; puis il enchaîne comme si la victoire était acquise. C'est alors que le cuisinier,qui ne se tient pas pour battu, passe à la contre-attaque. qui voit la foule
”
- des méchancetés :
“Il n'y a d’icy en Arragon Ung plusfort yvroigne qu’il est ! ”
le prescheur
Comme souffrez vous tel fol coquart ! Vous vez que ce n’est qu’ung paillart Ung coquillart et ung yvroing. ..
un match nul : le prescheur:
‘’ Mais escoutez ce fol testu !
Il y a donc une sorte de déplacement du lieu dramatique qui quitte la scène pour descendre dans la
salle, source d'effet comique,car la pièce prend ainsi l'aspect réaliste d’une dispute de rue improvisée.
Le prédicateur,
l'abandonner, essaie de faire taire lui-même l’opposant mais il ne réussit qu’à dé
clencher une ultime dispute qui le contraint à se replier en abandonnant la place à son adversaire. Ainsi, non seulement les interruptions sont variées, mais de plus, leur place et leur fréquence
La participation du public au jeu
L’échange se produisant entre un premier acteur et un second ac-
teur qui a partie liée avec le public, ce dernier est donc mis dans le jeu indépendamment de sa volonté
et du simple fait de sa situation : il est le juge qui devra trancher entre l’un ou l’autre des opposants
sont calculées en fonction du déroulement psychologique de la joute, ce qui permet d’affirmer que
et il ne peut s’en dispenser car,lors de chaque interruption, chacun des deux adversaires, sous une
C’est là un élément de revivifi-
forme ou une autre, fait appel à lui pour le prendre à témoin, solliciter son appui ou son interven-
c'est par elles que se cree une intrigue qui aboutit a un dénouement. cation puissant et realiste
Double intéret donc de ce procédé qui permet de passer du monologue
au dialogue par un fractionnement que l’on peut qualifier de “fonctionnel” Mais ce ne sont pas là les seuls intérets de ce procédé qui apporte de plus un surcroît de comi-
tion. Avant d’en arriver à la dispute,les opposants s'injurient chaque fois indirectement par le canal de l’auditoire
Le jeu des pronoms est très suggestif à cet égard :
le prescheur :
que et permet de mieux provoquer la participation du public au jeu. le cuisinier L'apport comique qui repose sur -
Il y a évidemment tout d’abord un comique verbal de l’insulte, toujours varié,
:
‘Et qu’ON face taire ce fol
Tresfort villain puant pugnays. Plus honneste suis que TU n’ays. Le vez VOUS la ce baboyn...”.
Ainsi la revivification dramatique du monologue se fait-elle surtout par le biais de ce qui était
- 216-
-217-
une de ses caractéristiques, la participation du public,que l’on essaie de provoquer par de nouveaux
pent le dialogue en apportant à chacune des questions qu’un sot adresse à l’autre,une réponse impré-
moyens, le résultat en étant la création d’une action, d’une pseudo-intrigue. Et l’on peut penser que,
vue à valeur de jeu de mot.
dans un public populaire, le “dialogue” s’amplifiait dans la salle en une dispute entre ceux qui vou-
les deux acteurs qui dialoguent et ils intiment chaque fois au crieur l’ordre de se taire (c’est l’équiva-
laient entendre la suite du sermon et ceux qui tenaient pour l'interrupteur, le public se donnant ain-
lent de la dispute dans le sermon précédent ), ce qui devait provoquer l’hilarité du public :
si à lui-même son propre spectacle
le premier :
La repétition d'un tel jeu a pour effet de créer un certain agacement chez
“Ce sot jamais ne cessera ! Quant la femme vieille sera
Et qu’on n’en soit plus amoureux
Mais, autre problème, le procédé permettait-il de donner une certaine consistance aux personnages eux-memes ? Il est évident que le prédicateur reste conforme au type traditionnel ; quant à l'interrupteur, nous n’apprenons que fort peu de choses sur lui si ce n’est que, lui aussi, a un penchant pour le vin que d’ailleurs il avoue : “Le prescheur va croquer la pye Et je voys prendre la copye Du vin qui est en la despense.””
Que dict le mary ? le sot
5
le second
:
Houseaulx vieux !
Taisez vous ou entrez dedans !
Si femme...”
Le fractionnement par un interrupteur devient donc ici un simple procédé comique fondé sur la surprise et la répétition, mais il n’est plus destiné à provoquer la participation du public.
Cette ressemblance dans le vice ressort aussi de l'identité des insultes que s'adressent les deux hommes : tous les deux se traitent d’ivrogne. Il y a donc là en germe l’idée d’opposer deux personnages identiques; mais dans notre texte, cette identité de caractère reste un fait secondaire car l'intérêt du rôle du cuisinier est surtout d'interrompre son adversaire en voulant le faire taire ou le faire accélérer. Remarquons à ce propos que,lorsqu’il s'adresse à son adversaire, le cuisinier ne lui ordonne que de se dépécher et c'est à la foule qu’il demande de le faire taire : il serait donc un type d’ivrogne
couard, caractéristique qui ajoute au comique mais dont l'auteur n’a pas tiré tous les effets possibles. En fait, les disputes nous permettent seulement de mieux imaginer l'aspect physique des deux per-
sonnages, car si le cuisinier accuse le prédicateur d’être un “pyon” au “nes de sainct poursain”, “nez rouge” “plein de bubettes’’ (27),ce dernier le lui rend bien en déclarant que son ivrogne d’adversai-
re est “dessiré” et que “‘ses chausses tirent contrebas”.
Mais ce n’est là qu’un comique de la carica-
ture qui n'apporte rien à la profondeur dramatique des personnages. Ceci n’est pas pour nous sur-
prendre car, nous l'avons dit, notre pièce est un faux dialogue scénique, l’un des personnages n’étant que la matérialisation concrète d’un procédé de mise en scène destiné à revivifier le genre en suscitant plus activement la participation du public. Il n’en reste pas moins que cette pièce est plus élaborée qu'il n’y paraît au premier regard et témoigne à la fois d’un sens aigu de l’observation réaliste populaire - ce qui, le Roman de Renart le prouve, était une des caractéristiques des auteurs mé-
diévaux - et d’une maîtrise certaine dans l’art de re-créer, à partir de là, l'illusion de la vie sur une scène et même dans la salle
Le role de l'interrupteur sera aussi utilisé dans certaines farces, mais de manière différente, car dans de telles pieces, le public ne participe pas au jeu ; il est seulement spectateur. Aussi l’interruption, employée là de manière systématique, devient-elle simple procédé comique. C’est ce qui se pro-
duit dans la Farce nouvelle des cris de Paris (28) pendant le premier tiers de la pièce, soit 163 vers. Ici, il n’y a pas de contact entre l'interrupteur et ceux qu’il interrompt,pas plus qu'avec le public. Deux sots dialoguent en s'adressant des questions sur le mariage,et les annonces d’un crieur interrom-
b) Le personnage secondaire est un questionneur. Autre technique de fractionnement fonctionnel du monologue pour le transformer en dialogue fictif, elle repose au départ sur une observation réaliste : l'auditeur, au fur et à mesure que son intérêt croît, est tenté de poser des questions au conteur pour le faire accélérer et atteindre plus vite le dénouement. Les auteurs dramatiques ont ainsi pu penser à faire accélérer un monologue par des questions destinées à témoigner de l'intérêt porté par un auditeur qui,en se substituant au public,
concrétise les réactions de ce dernier. Il ne faut pas oublier aussi que le mode interrogatif, mode affectif, contribue à donner une impression de vie et parfois apporte un caractère pathétique à un texte. Certains poètes l’avaient compris qui essayaient de rompre le rythme incantatoire de leurs litanies en y intégrant des ques-
tions. On transformait ainsi des pièces à forme fixe en véritables débats à deux voix : c’est le cas du Débat du cuer et du corps de Villon (29). Parfois même,le procédé est employé de manière systématique comme dans le Triolet double en forme de dialogue qui se trouve en tête des Joyeusetez en Epistres, Ballades, Rondeaulx . . . (30)
Je n’en ay plus. De quoy ? D'or ne d'argent
Je n’ay plus croix. Et ou ? Dedans ma bourse. Pour quel raison ? Car je suys indigent.
Je n'en ay plus. De quoy ? D'or ne d’argent.
I] fault escripre. A qui ? A toute gent, Qui me doibt Quoy ? Que chascun me rembourse.
Je n’en ay plus. De quoy ? D’or ne d’argent Je n’ay plus croix. Et ou? Dedans ma bourse.
Je ne suys plus . . Quel ? Coinct, propre et gent.
Je n’en ay plus. De quoy ? D'or ne d’argent. Cela me faict . . . Quel ? Estre diligent
De vous mander . . . Quoy ? De mon mal la sourse.
Je n’en ay plus. De quoy ? D'or ne d'argent.
Je n’ay plus croix. Et ou ? Dedans ma bourse.
C'est cette technique qu’emploie l’auteur du Dialogue de Beaucop Veoir et Joyeulx Soudain
- 218-
-219-
que Melle Droz pense avoir été “compose peu après 1480, date d’autant plus probable que c’est
BV
vers cette époque qu’apparaissent plusieurs monologues dédoublés en deux rôles” (31). En effet,
B:V:r:
dans cette piéce de 389 vers, excepté les 97 premiers vers, qui servent d’introduction et sur lesquels nous reviendrons, nous assistons à un traditionnel monologue d’amoureux. Après une intro-
i
PENSEZ, j'eusse eu belle vesarde ! (vv 191-197) “ Et ce vous y estiez, galloys, VOUS SERIEZ des plus esbahis” (vv 274-275)
Tout se passe donc comme
si le questionneur tenait le rôle d’un public actif, puisque la direc-
duction générale,c'est la peinture de l'amoureux et de ses aventures, la première, heureuse bien que
tion d'échange se fait entre le narrateur et le public
commencée sous de mauvais auspices (arrivée du guet) et les suivantes malheureuses (trois heures
d'utilisation du procédé,le questionneur se trouvait parmi l’assistance pour activer sa participation
sur une perche ; réfugié sous le lit ; l'oreille lardée d’un coup d’épée : c’est là un pot-pourri des
en suscitant des questions, il n'y a qu’un pas. On retomberait ainsi sur un cas voisin,quant à la mi-
monologues de Coquillart et de ses imitateurs
se en scène, du procédé précédent
) Quant au second rôle, il se compose de brèves
questions destinées a faire accélérer le récit du conteur ou donner tous les détails : “De vray ? ” (112), “Ou fusse ? ” (v 123), “Apres ? Dictes qui s’ensuit” (v 134), “Apres ? ” (v 139), “Com-
Cependant
De là à penser que,dans les formes primitives
le procédé avait ici un caractère plus factice que le précédent car le type du ques-
tionneur offrait moins de consistance que celui de l'interrupteur, et son rôle, qui va dans la même
ment ? ” (v 284), ‘‘Dictes-vous ? ” (v 286), “Pourquoy ? ” (v 305)... etc, ou de brèves remarques
ligne directrice que le récit - alors que celui de l'interrupteur s’y oppose - était plus plat et risquait
a valeur conclusive :
d'etre noyé dans le récit mème, “Et vous de croquer ceste prune ! ” (v 217) ST
vee yess ss QUOY QU il soit, Ce fut tresfainctement joué.” (vv 240-241)
“Vous me racomptez cy merveille” (v 268) ou enfin d’apartés constituant des jugements personnels : “A mort bieu ! Que je n’y estoie ! ” (v 155) “ C’est une joye nonpareille Que d’estre amoureux ! ”’ (vv 270-271) “Je suyveray bien ces santiers ! ” (v 313)
Mais le procédé semble factice car,bien souvent,le narrateur enchaîne comme s’il n’avait pas entendu la question : ΒΥ:
Je m’y fourray a l’estourdy ;
type du questionneur pour le transformer en véritable personnage qui soit autre chose qu’une simple emanation du public. Mais il fallait aussi que l’utilisation d’un questionneur soit fonctionnelle
et puisse tenir lieu d'intrigue qui conduise à un dénouement.
D'où la nécessité de créer une oppo-
sition (Pour qu'il y ait intrigue, il faut en effet l'opposition de deux forces : dans le procédé
de
fragmentation par un interrupteur, c’est le caractère même du rôle qui crée l'opposition et l’intrigue.) :c’est à l'introduction de la pièce - les 97 premiers vers - dont le besoin n’est senti, d’après nous, que dans un second temps de la genèse créatrice du procédé,qu’il appartiendra de donner une certaine consistance au personnage du questionneur en le transformant en un type sur le caractère duquel reposera l'opposition nécessaire à la création d’une pseudo-intrigue, opposition qui Le questionneur, en plus de sa fonction première qui est de représenter effectivement les réac-
Je m’en alloye riant aux anges Quant j'avoye bien esté fourby.
tions du public, devient donc un jeune galant désireux de se lancer dans les plaisirs de l'amour et
Vous estiés donc si estourdy Que n’en avoit cure de vous ?
tre, essaie de faire changer d’avis sans y réussir. Telle est l'intrigue factice, fondée sur une opposi-
curieux de connaître l'expérience de ceux qui les ont vécus, que le vieil amoureux, narrateur en ti-
Par le sang que bieu respendit Je y ay receu de bien grans coups.
tion d'âge et de gout, qui sert de ligne directrice à la présentation dialoguée du monologue. En effet,
JS:
Mais ou ?
le des personnages qui entrent en scène sans se voir et s'opposent trait pour trait - procédé factice
ΒΝ.:
Une fois entre tous Le mary de Belloy mevit...
BV.
:
(vv 340-349)
7.8.
Suis je gay ?
ΒΝ:
Queje fusse eureux Si une fois puisse regauldir !
“Quant TU fuz en ce lit tout nu ?
SS
Ce fut le plus beau de ses faitz Elle s’en vint coucher apres.
Quant a moy je me tiens de ceulx Qui ne comptent que tout plaisir.
Bis
J'ay veu que j'avoye mon desir.
Le role du questionneur est surtout destiné à apporter un peu de vie en créant une diversion.
blic (emploi de la seconde personne du pluriel.) BV. SV"
:
s’il en est - : Le dyable y ait part a la feste Quant jamais je fuz amoureux
Parfois encore,le narrateur ne répond pas directement au questionneur, mais semble s'adresser au puTS:
les quarante premiers vers - la moitié de l'introduction - sont destinés à
BV
Le narrateur ne répondant pas à la question, il n’y a pas,a proprement parler,dialogue entre les deux acteurs
Il suffisait pour cela de donner plus de consistance au
ne peut se réaliser par le caractère meme de l'interruption.
“Par troy dimenches
7.5.:
Mais les auteurs dramatiques n’ont pas manqué d’être conscients
de ce fait et ils ont cherché à y remédier.
:
Et dea ! Se quelque grant ribault Eust monté apres TOY en hault Pour cuider avoir la coquarde ?
En faitz d’amours j'estoye huppé.
Maintenant il me fault gésir Incontinent que j’ay souppé.
(vv 9-16)
une présentation individuel-
- 220-
+ 221 -
Après avoir ainsi créé l'opposition, il faut lancer une intrigue : c’est l’objet du second temps de l'introduction - v 41 a 96 - Nous assistons alors à la rencontre et à la présentation réciproque des deux hommes et prééminence est laissée, comme il se doit, au jeune amoureux qui explique son programme au vieux : ‘ Je quiers vivre amoureusement C’e (st) la ou je veulx parvenir.”
(vv 75-76)
ce qui, par quatre fois, déclenche l'hilarité de son partenaire “Ha! reaction qui surprend notre jeune vieil amoureux
Ha!
Y voulez vous courir ? "
galant : “Pourquoy non ? ‘’ (v 90), lequel, devant la réponse du
: ‘‘C’est bien pour périr ! ’ commence à lui poser les questions qui le forceront à
débiter son monologue.
L'intrigue est nouée puisque le monologue est destiné à dissuader le jeune
galant de poursuivre son intention Ainsi cette introduction, bien que factice elle aussi - le type des questions posées par la suite par le jeune amoureux ne justifie pas sa présentation - a-t-elle néanmoins une double valeur utilitaire : créer une opposition et amorcer une intrigue qui permettent de déguiser l'aspect mécanique
du procédé utilisé dans le reste de la pièce pour fractionner le monologue
le, n’en contribue pas moins a le douer d’une veritable psychologie et à faire de lui un type. D’autre part, l'enchainement progressif des questions et des réponses qui sont liées, joint au fait que l’on ne cherche pas a susciter la participation du public qui reste spectateur passif, donne |’impression d’un véritable dialogue d'échange Le procédé de revivification dramatique du monologue perd ici un peu du caractere factice que nous lui avions trouvé tout à l’heure. Il a suffi de maintenir jusqu'au bout une totale adéquation entre le fond des questions et le caractére du personnage,en les précisant et en les developpant sans pour autant les détourner de leur rôle qui est de provoquer la poursuite des conseils du docteur. Précisons aussi que les réponses du docteur sont fonction des questions posees alors que, dans le texte précédent, les questions de Joyeulx Soudain étaient fonction du récit de Beaucop Veoir Ainsi est-on passe d’un monologue présenté sous une forme dialoguée fictive à une veritable fiction de dialogue qui doit son caractère de farce à la psychologie des
personnages en présence. Le caractère fictif du procédé de fragmentation par des questions peut aussi disparaître lorsque l’auteur en fait une utilisation parodique
II devient alors le sujet même du dialogue.
C’est ce
qui se produit avec la Confession Margot (33), dans laquelle le curé, avant d’absoudre Margot, la pousse
par des questions répétées et insidieuses à dévoiler ses aventures amoureuses.
La parodie
transforme le dialogue en farce satirique qui dénonce la concupiscence des représentants du clergé.
Ce meme procédé qui consiste à faire apparaitre en scène un questionneur a été employé de nombreuses fois mais,selon les assouplissements subis, il a pu donner naissance à des structures de
farce ou permettre de verser dans la sottie. Structure de farce : le type même en est le Conseil au nouveau marié (32), texte qui est une présentation dramatique dialoguée d'un morceau satirique dirigé contre les femmes et qui prouve ainsi la valeur du procédé utilisé pour insufler une nouvelle vie aux vieux textes du fond populaire. Il apparait d'ailleurs comme un dialogue fondé sur une alternance de questions et de réponses qui donnent une véritable impression de communication.
L’intrigue en est simple : un nouveau ma-
rie, de la lignée traditionnelle des benéts, vient trouver un ‘‘docteur” qui est, lui, de la lignée de Mais-
tre Aliborum, pour lui demander, en echange de “quatre escus d’or” - ce qui représente une forte somme au début du XVIe siècle - de le conseiller sur la manière dont il doit “se gouverner bien sagement en mariage”. Son rôle se borne donc a poser une suite de questions au docteur qui y répond dans la pure tradition des XV Joies : Comment doit-il se comporter la première semaine ? le reste de l’année ?
Que faire si sa femme est jalouse ? et jalouse à tort ? si elle boit ? si elle est rioteuse ? si
elle le trompe ? Comment se comporter quand il sera au lit avec elle
? Comment savoir si elle l’ai-
me ? Que faire enfin pour avoir la paix ? Et cela, même dans le cas où elle ne le craindrait pas ? Et il termine en demandant où il pourra trouver par ecnt les conseils que lui donne le docteur. On conçoit
Mais le procédé de fragmentation d’un monologue par des questions, en voyant évoluer sa raison d’être, peut se systématiser au point de devenir un simple procédé de comique verbal utilisé comme morceau de choix dans certains dialogues ou certaines sotties. Il suffit que les réponses aux questions soient de simples mots ou groupes nominaux pour que l'on obtienne une impression de mécanique, source de rire, et ceci d’autant plus que la longueur de la question excède celle de la réponse :le procédé prend alors un aspect absurde. Déjà le Dialogue de Beaucop Veoir et de Joyeulx Soudain , dans sa conclusion,en présentait un exemple : à la question “‘qu’esse d’amours ? ” que Joyeulx Soudain répète par sept fois, Beaucop Veoir repond chaque fois par un groupe de quatre syllabes : “‘Toute tempeste”, ‘Douleur grevable” ...
cuplé par la répétition de la même question.
ici présentes sous forme de questions par un personnage secondaire. Mais l’ensemble est mis en scène
de manière très vivante, et la succession des questions que pose le jeune marié, bien que traditionnel
¥
d
C’est rechercher un effet de virtuosité verbale comique, déCe mème procédé est utilisé par Roger de Collerye dans
la première partie de son Dialogue de Monsieur de Dela de Monsieur de Dega (34) : Dela
“ Ses graces quelles ?
Deça
Sadinettes.
Dela :
Son entretien ?
Dega :
Délicieux . Or brief, entre les godinettes
En ris et petites minettes
aisément que l'idée qui a dû presider à l'élaboration de ce dialogue est la simple fragmentation d’un de ces monologues sur les femmes qui étaient fréquemment déclamés à l’occasion des mariages ; les différents cas qu’aurait envisagés le docteur dans un monologue, avant d’un énoncer le remède, étant
etc
_
Elle a le bruyt jusques aux cieulx, Dela :
Quel est son regart ?
Dega : Dela Dega :
Gracieulx :
Et son racueil ? Tresexcellent
+ 222 Dela
:
- 223 -
Et son devis ?
Dega . Dela Deca: Dela :
Fort solacieux. Et son maintien ? Moult précieux Son vouloir quel ?
Dega :
Bénivolent.
(vv 42-51)
Le procede est systématisé mais sa justification demeure : on conçoit l’impatience de l’auditeur au moment
du portrait de l'aimée par le narrateur
Et s'il y a accélération à caractère comique du ryth-
me, question et réponse étant contenues dans le meme vers, il y a réanmoins encore équilibre entre les deux C'est en fait Marot, repris en cela par Rabelais (35), qui poussera le procédé au point limite de systématisation dans son Dialogue nouveau et fort joyeulx (36) qui rapporte la conversation de deux amoureux
le premuer
le second
: Pour ce jour
la que fuz tu ?
:
le premier le second
Pris
:
le second
:
le second
Point
le premier le second
vacité du style par questions permettant des réponses en jeu de mots, avait été poursuivie par les jJongleurs comme en temoigne un passage, sans doute déclamé avec l'effet du changement de voix,
: Que veulx tu estre a elle ? :
Joinct.
: Par le mariage ou autrement ? Lequel veux tu ? :
Par mon serment
Tous deux sont bons et si ne sçay.
(vv 104-110)
Les questions, qui encore chez Roger de Collerye suivaient un certain ordre, sont ici désor-
données et ne valent que par leur longueur. De la même manière, les réponses ne valent que parce qu’el les sont monosyllabiques
19152 de la Bibliothèque Nationale :
de l’Erberie du manuscrit
Ici le procédé n’a plus rien à voir avec son emploi originel qui était de permettre la fragmentation d’un monologue.
ce non seulement pour justifier le role du questionneur - comme dans le Dialogue de Beaucop Veoir et Joyeulx Soudain - mais encore pour permettre un renversement de situation qui, posant les personnages sur le meme plan et leur donnant une consistance égale, laisse une impression d’échange véritable Remarquons à ce propos que,si certains critiques, trompés par l'intention didactique et moralisante de ce texte, l'ont rapproché du genre du débat, il en est en fait fort loin par sa technique Notons encore que l'utilisation que fait Marot du procédé de la question en dehors de son emploi a valeur de fractionnement fonctionnel et régénérateur du monologue tel qu’on l’observe dans le Dialogue de Beaucop Veoir et Joyeulx Soudain, n’est pas une innovation. Cette recherche de vi-
Gris. : Ne te rit elle jamais ?
le premier
où nous assistons à un renversement des rôles. C'est le premier qui, poussé par les questions du second, lui fait le récit de sa propre vie sentimentale d’amoureux comblé Ainsi Marot a-t-il su franchir le pas et obtenir, à partir d’un simple procédé de présentation dramatique, un véritable dialogue en utilisant l'opposition des deux types d’amoureu x en présen-
d'élaboration
: Quel visaige as tu d'elle ?
le premier
Nous allons donc assister au récit des deboires amoureux du second - qui d’ailleurs emprunte de nombreux elements a la tradition - provoqué par les questions du premier (vv 63 4 222). Mais Poriginalite de l’auteur se marque ici dans la manière dont il a su utiliser toutes les possibilités qu’offrait le procédé et en déguiser le caractère systématique par la variété méme des questions ou de leur rythme et l’adjonction de conseils Elle se marque encore dans le second temps du dialogue
L'équilibre entre les deux est rompu au profit des premières et l’on verse dan!
l'absurde C'est là un simple jeu verbal destiné à produire un effet comique par le rythme. Du fraction
- Dom estes vos ? - D'ome sui ge - De quel home ? - De char et d'os. - De quel terre ? - En volez vos faire poz ? - Ou fustes vos nez ? - Ge ne fui onques ne nef ne bateax.
nement au niveau de la structure, obtenu par l'utilisation de questions, nous sommes passés à un frac-
tionnement au niveau du détail : c'est la un des aspects du “staccato - style” que nous étudierons au
Nous retrouvons d’ailleurs ce méme emploi des questions au début de la Farce des cris de Paris dont nous avons deja parlé :
chapitre IV Notons cependant que le schema général du dialogue de Marot est conforme à celui d'un dialogue obtenu par fragmentation a l’aide de questions,d’un monologue d’amoureux. L'introduction du dialogue (v 1 à 62) qui sert a présenter la rencontre des personnages, un amoureux insatisfait et son ami, se termine en effet par l'échange suivant : Le second:
Il vault donc mieulx des maintenant Queje t'en compte tout du long
N'est ce pas bien dict ?
le premier
:
Or la donc, Mais pour ce que je suis des vieux
En cas d’amours, il vauldra mieulx Que les demandes je te face
(37)
161 kel 61: le Il 161
le-T lel? le ll 161, le Il
: : :
:
:
ὁ
: :
Comment te vas ? Comme il me vient Comment te vient ? Comme il me va. Jamais gallant mieulx ne resva ! Feras tu toujours le mauvais ? Comment te vas ? Comme je voys Comment vas tu ? Comme je peulx. Comment peulx tu ? Comme je suis
(vv 8-14)
- 224-
- 225-
C’est ici la recherche d’un enchainement comique absurde, simple jeu verbal qui montre jusqu'où peut aller la systématisation du procédé initial
c) Le fractionnement
complexe par synthèse des procédés précédents
L'auteur dramatique peut aussi utiliser en les mêlant les deux techniques de fractionnement que
nous avons étudiées. C’est ce qui se produit dans la Sottie de Maistre Pierre Doribus et du sot (38) composée, comme le pense Melle Droz, après 1480.
Après le fractionnement d'un sermon joyeux (le Pres-
cheur et le cuisinier) et celui d'un monologue d’amoureux (Beaucop Veoir et Joyeux Soudain), nous
avons la un exemple de fractionnement d’un monologue de charlatan,vendeur de thériaque et de recettes. Mais,dans ce texte,le fractionnement destine a rénover la mise en scéne est si bien réalisé qu'il perd ce caractère factice que nous lui avions observé pour s'intégrer parfaitement à l’esprit de la pièce. Ce résultat est di en grande partie au fait que l'auteur fait une synthèse des procédés précédents,ce qui lui permet de déguiser l'aspect mécanique de la démarche créatrice.
:
Dans un premier temps,le charlatan débitesonmonologuecependant qu’apparait un sot qui, par sa situation initiale, appartient au public dont il traduit les réactions : - surprise : “ Ventre bieu quel charivaris ! Qui dyable est cestuy la qui pille ? ” (vv 14-15) - curiosité :“ Il me fault aller veoir qu’il fait Car il le me fault (re) congnoistre
Afin que je saiche qu'il est
Et pourquoy il est en cest estre.”’ (vv 22-25) Aussi intervient-il d'abord en questionneur (vv 27 et 33). Mais Doribus l’ignore car il répond à la foule (v 29) et poursuit son monologue. qui n’a pas plus de succès Ilutilise
Le sot essaie alors de l’interrompre par une insulte (v 42-43), ce donc,
en se substituant à la foule,un mélange des deux :
mier temps (vv 100 a 117), le charlatan énonce la recette et le sot demande des explications (c’est la une variante normale du procédé des questions.), mais dans un second temps, les rôles sont inversés : c’est le sot qui énonce les recettes en les lisant et Doribus les commente (vy 168-169 et 182-185) ou invite le sot à poursuivre (vv 158-159 et 176-177). Or cette inversion non seulement permet de déguiser l'emploi d’un procédé Caractéristique, mais encore a une valeur dramatique : elle traduit l’évolu-
tion du personnage du contradicteur qui est pris au filet du charlatan. Ainsi le personnage secondai-
re s’intègre-t-il à une intrigue indépendante peu à peu personnage à part entière
: de simple représentant anonyme du public,il devient
De fictif, de simple procédé de dramatisation, le dialogue devient peu à peu réel. Puis la pièce se terminesurun retourrapide au procédé initial : le sot demande
à Doribus de lui montrer ce qu’il y a dans son mortier, mais Doribus refuse et part (vv 189 à 203). L’art de l’auteur se marque donc par la manière dont il fait du personnage secondaire du sot, au départ simple représentant du public sans consistance psychologique réelle, un véritable personnage qui, malgré son anonymat, s’impose par sa présence : c’est là d’ailleurs une progression réalis-
te : le badaud noyé dans le groupe en sort dès qu’il est convaincu et s’individua lise pour acheter. Et cette évolution du sot donne à la pièce son unité, son intrigue, sa progression : nous assistons aux efforts couronnés de succès d’un charlatan pour persuader le badaud. C’est l'équivalen t de l’é-
chec de Beaucop Veoir, mais dans ce dernier cas, l'effort de persuasion, beaucoup moins sensible, n’était pas suffisant pour tenir lieu d’intrigue et déguiser l’aspect mécanique du procédé de la question. Notons encore que le caractère dynamique de la pièce est aussi obtenu par une recherche de
la variété : par exemple, le thème de l'énoncé des recettes miraculeuses, qui forme un tout, est présenté sous trois aspects différents qui créent de manière fictive une impression de progressio : n a) vv 84 à 99 Doribus annonce ces recettes l’une à la suite de l’autre ; les interruptions du sot peuvent être considérées comme des apartés qui ne rompent pas la declamation de Doribus b)w100à117
Doribus présente son livret en énonçant quelques unes des recettes qui y sont imprimées. le sot questionne.
Il reprend cette attaque une seconde fois (vv 50-57), puis il quête, par de nouvelles questions (vv 60
c)vv118à
C'est le sot qui lit les recettes et Doribus commente.
et 64) des renseignements sur les drogues que présente Doribus.
Ce mode de présentation auquel correspond, nous l'avons dit, l’évolution psychologique du
“ Regardez quel maistre fratribus ! Vostre nom que NOUS le sachon . . . ” (vv 45-46)
Dans un second temps (vv 66 à 99), le sot commence par ponctuer de remarques dépréciatives
189
sot, donne vie et vraisemblance au dialogue. Notre pièce témoigne donc non seulement de l’acuité
destinées à la foule (vv 74-75) - ici apparaît brièvement le type du contradicteur que nous étudie-
de l'observation réaliste de l'auteur, mais aussi d’un art consommé de la mise en scène et permet de
rons au chapitre suivant - les éloges que Doribus fait de sa marchandise, ce qui provoque l’agace-
Saisir ce qui fait le caractère profond de ce théâtre populaire dans lequel les acteurs étaient souvent
ment et la colère de ce dernier qui, pratiquement pour la première fois, répond à son opposant
auteurs et savaient se livrer à des improvisations que dirigeait un sens profond de la vie.
(vy 80-81) - sketch analogue à l’une des disputes entre le “prescheur” et le cuisinier. Puis Doribus proposant des recettes de remèdes miraculeux, le caractère des interruptions du sot change : elles témoignent de son intérêt croissant, ce qui permet de passer habilement au temps suivant. Ce dernier temps (vv 100-189) est celui qui montre le mieux l'originalité de l’auteur par la ma-
Que penser des résultats obtenus par l’utilisation de ces premiers procédés de fractionnement
nière dont il a su adapter le procédé de fractionnement à l'esprit de sa pièce. Il s’agit de présenter de
Pour revivifier les monologues par un mode de présentation dialoguée ? Ce ne sont là en fait que
manière dramatique une suite de recettes burlesques. Pour cela, Doribus propose au sot de lire son
des procédés rudimentaires et trop souvent apparents : le dialogue reste fictif car il n’y a pas à pro-
registre contenant les recettes - vraisemblablement un livret qu’il cherchait à vendre, Dans un pre-
prement parler échange entre les deux acteurs, et le second personnage n’a pas de véritable consistance ; il est simplement l’émanation des réactions de l'auditoire qu’il force ainsi à une participation
- 226qui devenait de moins en moins effective
D'autre part,le procédé est trop souvent employé mécani-
quement,ce qui donne à l’ensemble un caractère factice Certains auteurs y ont été sensibles et ont cherché à y remedier en utilisant ensemble les différentes variantes de cette technique ou en essayant de donner plus de consistance au personnage chargé de fragmenter par ses répliques le monologue de Pacteur principal Mais, malgré quelques réussites remarquables, ils n’ont pas su créer de véritables pièces capables de vivre seules indépendamment
de la participation du public ; l'intrigue repose pra-
tiquement encore sur l'échange qui s'établit entre la salle et l'acteur. Aussi vont-ils chercher d’autres procédés de fragmentation des monologues que ceux qui sont issus de la matérialisation des réactions de l'auditoire, car l'tustoire du théâtre populaire est celle qui le conduit du jeu collectif à une véritable représentation qui ne sort pas des limites d’un lieu théâtral réduit à la scène. De procédés de fragmentation extérieurs et n’apportant rien de plus aux thèmes du monologue de départ - l’emploi d’un interrupteur ou d’un questionneur est destiné à faire arrêter, ralentir ou accélérer le monologue du personnage principal et non à le modifier ; il en est de même lorsque
CHAPITRE...
les fragments sont répartis en-
dl
tre plusieurs voix - les auteurs allaient passer à des procédés qui existaient déjà en puissance dans le monologue originel.
DU MONOLOGUE
AU DIALOGUE
ET ADJONCTION
PAR FRACTIONNEMENT
D'UN CONTRADICTEUR.
Nous avons vu dans notre étude sur le monologue dramatique l'immense
succès remporté par
les monologues de vantards et surtout de soldats-fanfarons qui se composaient d’accumulations de vantardises que les faits eux-mêmes dégonflaient : qu’on se rappelle la peur du franc archier de Bai-
gnollet face a l’epouvantail Aussi dès que la vogue du monologue commence à décliner, les auteurs essaient-ils de renover par une mise en scène dialoguée ces monologues de fanfarons. Or ces derniers contenaient en puissance en eux-mêmes ce qui allait permettre cette présentation dialoguée : il suffisait pour ce faire de rassembler en un rôle unique de personnage secondaire, l'ensemble des éléments
qui, dans le monologue primitif,opéraient le dégonflement des vantardises du fantoche. Ce nouveau role se présente donc sous la forme d'un rôle de contradicteur qui rétablit point par point la vérité
transformée par les rodomontades du fanfaron. Cependant, dans la mesure où l’on opère ainsi un véritable dédoublement de la personnalité du personnage primitif, il est évident que sa profondeur psychologique - caractérisée par son incapacité à poursuivre jusqu’au bout la logique du personnage
qu’il veut paraître-risque d’en souffrir : on tend à sacrifier la peinture du caractère à l’action,constituée par une joute verbale superficielle. Mais les turbulents spectateurs de l’époque n’y trouvaient peut être pas à redire
Essayons néanmoins de voir si les auteurs ont su utiliser ce mode de mise en
scène pour faire naître, des rapports entre les personnages, une véritable intrigue qui transforme ces
pièces,de jeu collectif qu'elles étaienten véritable representation théatrale.
- 228 -
I. - LA CONTRADICTION
TERME
-229-
A TERME
La forme primitive du procédé est illustrée parle Nouvelle Farce à deux personnages du gaudisseur qui se vante de ses faitz et un sot luy répond au contraire (39) qui, si l’on se fonde sur le fait qu’elle est parvenue jusqu’à nous dans deux recueils - le Recueil Trepperel et le Recueil du British Museum - a du avoir un certain succes Le point de départ de ce dialogue de 225 vers est un simple monologue débité à l’adresse du public par le gaudisseur, personnage complexe et tenant à la fois du charlatan, de l’amoureux et du franc-archer, ce qui nous ferait dater la pièce de la décade 1480 - 1490 de préférence à la date de 1450 avancée par Melle Droz’ qui, pour s'opposer a celle de 1540 proposée par E. Picot, fonde
toute son argumentation sur la chanson du Gaudisseur qui ouvre le dialogue et dont
la forme lui rappelle celle des pièces lyriques qui étaient à la mode vers 1440, argumentation qui
En fait de banquet, notre fanfaron n’a droit qu'à le préparer et sans doute à le servir. Mais cet aspect principal de sa personnalité, son incapacité à rester dans la logique du personnage qu’il s’imagine étre,et qui entraine des retombées inconscientes dans le reel,n’apparait guère qu’aux endroits que nous avons signalés, et la psychologie du vantard s’en trouve affaiblie par rapport aux monologues originels Tel est ce monologue adressé par le gaudisseur à la salle, que l’auteur s'est contenté, pour en revivifier la présentation dramatique, de fragmenter,pour intercaler entre chacun des fragments obtenus, les apartés d'un sot destinés à rétablir la vérité sur ce que vient de dire le gaudisseur. Et ces apartés du sot contredisent point par point les affirmations du fanfaron : le gaudisseur :“Je suis ligier comme une plume Et fait comme ung esmerillon le sot
est loin d’être probante : a-t-on renoncé,de nos jours,à danser le “Charleston”, et,d’autre part,
Le procédé offre le plus souvent un aspect mécanique car le sot reprend les mémes structures - et
l’anachronisme ne peut-il être ici un procédé inhérent à la peinture du type ? Quoi qu’il en soit, notre gaudisseur se présente d’abord (vv 1 à 20) comme les amoureux de Coquillart, “fringant à la mode qui court”,
puis (vv 21 à 56) comme un véritable franc-archer,
cousin de Baignollet, conscient de sa force (“Homme ne crains dessus la terre” v 23), à qui tout le monde se rend (vv 28-29) et capable,comme tout bon soudard,d’allusions grivoises (v 53) ; puis il poursuit ses vantardises par le thème du voyage emprunté aux charlatans (vv 57-133). Mais l’é-
les mêmes rimes - que le gaudisseur, notamment la structure accumulative - ce qui prend valeur comique - lorsque le gaudisseur énumere les mets qu'il prétend avoir dégustés : le gaudisseur :“Chappons, poulles canars, poussins Cochons, pigeons, lièvres, conins Oyes grasses, perdrix, becasses le sot
numération des pays traverses - que l’on retrouve dans l’Erberie - est interrompue par le récit d’une algarade avec un vilain, récit qui reste dans le ton et le style des monologues de franc-archer :
“ A moy tantost vint ung preudhomme
le sot
Enfin (vv 134-219) il raconte l'accueil chaleureux dont il a été l’objet à son retour au pays natal c’est,là aussi,un thème des monologues de franc-archer - en insistant principalement sur le banquet : les tables sont dressées,
les viandes apportées ; on le fait “asseoir a la table, Comme ung roy ou ung connestable, Et servir a . ” ; suit l’énumération des mets dégustés au son de la musique des “‘menestriers”,
puis l'énumération des vins qui rappelle celle contenue dans la Bataille des vins de H. d’Andéli. Et,
après un retour aux entremets et desserts, notre homme passe à la suite des réjouissances : “l’eaue rose
a laver les mains”, “165 baingz” et les exploits amoureux qu’il accomplit en champion : c’est là le programme dont rêvait le gendarme cassé de Coquillart
Mais, dans la conclusion de son
gaudisseur démolit lu-meme l'effet de ses vantardises : ‘A dieu vous dy car je m'en voys Tourner le rost en la cuisine La ou je mengeray des poys
Emprès d'une bonne geline.”
Y venoient de toutes places”
Quand ce n’est pas une reprise terme à terme, c’est une de ces corrections inspirées par les monolole gaudisseur :“
Je fis tant que je m'eschappé Et sortis hors du monastere ”’ (vv 87-89, 93-94, 97-98)
mode de court
: Pourceaulx, chévres, loups et matins Chatz, chattes, souris, ratz, ratins
gues de franc-archer et dans lesquelles le fanfaron laissait percer la vérité :
Qui m'a dict et demanda comme Dedans se lieu entré j’estoye. Je lui respondis fièrement Et luy dis : arrière villain
où il y avait ‘assez pour servir dix roys” et qu’il décrit chronologiquement
: Il est legier comme une enclume Et fait comme ung corbillon.” (vv 17-20)
monologue, notre
Je lui respondis fièrement
Et luy dis : “arrière villain”
: Par le vray bieu, le ribault ment El (le) luy donna deux coups de poing ”
Et dans la dernière partie du dialogue, le sot,qui ne sait plus quoi répondre à l'énoncé des mets du festin, se contente de ponctuer chaque affirmation du gaudisseur d’une exclamation sans doute accompagnée d’un geste éloquent :
“A Jesus ! Benedicite ! ” (v 201)
“ A Jesus ! Et de profundis ! ’ (v 205) ‘ A Jesus ! Ave Maria ! ” (v 209) ‘’ A Jesus ! Benedicite ! ” (v 213)
exclamation qui constitue une sorte de refrain d'un système à forme fixe - aabB (x 4). Mais le pro-
cédé n’en garde pas moins un caractère mécanique : jusqu'au vers 171, c'est à dire avant que le gaudisseur ne commence l’enumération des vins. les répliques de l'un et l’autre des opposants sont uni-
formément de trois vers,avec reprise des mêmes rimes, ce qui accentue l'opposition entre les vantardises et leur dégonflement jusqu'au niveau de la versification. D’autre part, et c’est là surtout ce qui fait ressortir le caractère factice du procédé, les deux hommes ne s’adressent jamais l’un à l’autre, mais toujours à la foule - le gaudisseur à la première personne ; le sot à la troisième - : il n’y a donc
- 230 pas “dialogue” entre les deux acteurs il n'est qu'une voix.
-.231-
Enfin,le personnage de l’opposant n’a aucune consistance ;
lelI
:
“ Ou povre compaignon passant Qui n’a point d’argent, sans desbattre !
Ce role, simple subterfuge de mise en scène, rendu possible par le caractère méle I
me du monologue, avait peut être été suggeré aux auteurs par les roles de sot du drame liturgique et des mystères, sorte de personnage hors-jeu qui commentait à l’usage de la foule,et à des fins le plus souvent comiques, ce qui se passait sur la scène.
Cela expliquerait le nom de ‘“sot” donné ici au
contradicteur du gaudisseur, car son rôle est analogue à celui du sot de la Farce du pauvre Jouhan
(40) : Affriquée (à son amant Glorieux) “Ennement vous estes le premier A qui jamais me consenty le sot :
Le sang bieu vous avez menty (Sauve l’honneur des assistans)
Il n’en aura jamais les gans ; Jamais n’en sera le centiesme.”
Evidemment un tel role offrait l’avantage de pouvoir être improvisé, car il suffisait au sot de contredire systématiquement le canevas que lui offrait le vantard - bien que, du point de vue comique ce fût peut être la le rôle le plus important car c'était de lui, de l'inattendu de ses répliques, que dépendait le rire de l’auditoire.
Mais les auteurs se devaient de remédier à son caractère factice, ce qui était pos-
sible en donnant plus de profondeur psychologique au type de l’opposant, de manière à pouvoir faire naître un véritable dialogue d'échange entre les deux partenaires.
-
On l’a destrossé maintenant En la forés de Sis et Quatre ! ” (vv 55-58)
C'est là une petite scène de rue qu'il a suffi
de développer pour la porter au théâtre, et qui a le méri-
te de prouver que l’amélioration du procédé du contradicteur pouvait se faire à partir d’une observation réaliste.
Il est évident que l’affinement de la technique d'opposition qui permettait, par l’approfondissement de la psychologie du contradicteur, d'obtenir plus de vraisemblance dans la présentation dialoguée du monologue, se heurtait à une difficulté qui était fonction du type du monologue originel. Les plus faciles à tranformer étaient les monologues d’amoureux puisque ceux-ci bénéficiaient
de la longue tradition du'tébat” qui leur était voisin quant à ses thèmes, et,par delà le ‘“‘débat”, du “jeu-parti” - l’un et l’autre offrant de multiples exemples d’un dialogue reposant sur une opposition (42)
La première idée qui pouvait venir a l’idée de l’auteur, et dont nous avons vu la réalisa-
tion dans l'introduction du Dialogue de Beaucop Veoir et Joyeulx Soudain, était d’opposer aux lamentations d’un vieil amoureux, les éloges d'un jeune amoureux. C’est ce que fait l’auteur du Dialogue du vieil amoureux et du jeune amoureux (43). Le vieil amoureux entre en scène en chantant une sorte de monologue de 23 vers, de forme très rhétorique, dirigé contre Amour,et le jeune amoureux lui succède en s’opposant à ses paroles : “16 le vous nye’’. Mais, comme notre vieil a-
II — APPROFONDISSEMENT PSYCHOLOGIQUE
DU ROLE DU CONTRADICTEUR.
Le principe consiste essentiellement à faire porter l'intérêt, par une sorte de renversement, sur le contradicteur duquel dépend le comique de la pièce, D’où la nécessité non seulement d’approfon-
moureux ne semble pas se soucier de l'opposition, le jeune a recours à la menace
A partir de la (v 38), les deux amoureux s'opposent trait à trait par des chansons et des questions : le vieil:
dir sa psychologie, mais encore de soigner ses reparties puisqu'elles feront de lui le héros de la joute oratoire.
Les deux personnages ayant alors autant de consistance l'un que l’autre, il pourra naître en-
tre eux un véritable dialogue Cette idée de faire du rôle de l’opposant le rôle principal avait déjà été exploitée dans des textes plus anciens : on en trouve un exemple dans un fragment de sottie à trois personnages que E. Picot
fait remonter à 1420 (41). Dans celle-ci,un bourgeois essaie de se débarrasser d'un mendiant qui demande l’aumone en s’accrochant à lui (vv 43 à 72). Les répliques de ce dernier, qui commencent toutes par ‘Ou povre
bi sont uniformes et peuvent étre considérées dans leur ensemble comme une
sorte de monologue de mendiant
Tout l’intérèt repose donc ici sur la variété des répliques du bour-
geois qui répond soit par un refus : leIl le I
: i
“Ou povre clerc que vient de Rome
Que a perdu cent escuz rouges !
Je n’en donrois pas une pome, Hussiés les (vous) mis en vous bouges.” (vv 43-46)
soit en tournant en derision les allégations du mendiant :
:
“Tes toy car avant que je sorte Ton mauvais blason te cuyra ! ”
le jeune
:
le jeune
:
le vieil
“ J'en ay tout deuil et tout ennuy .
“J'en ay tout plaisir et soulas.”’ (vv 49-50)
“Suige gay ? Sui ge gentillet ?
Sui ge pensif et douloureux ? ” (vv 55-56)
Dans tout ce passage qui va jusqu’au vers 60, il n'y a pas “dialogue”, les deux acteurs s’adressant à
la foule comme pour la prendre à parti et la convaincre. Mais tous les deux parlent à la première personne : le contradicteur est devenu personnage à part entière.
A partir du vers 61, le dialogue s’instaure, le jeune déclarant au vieux que, s’il est dans l’état dont il se plaint, la responsabilité
lui en incombe. Mais le vieux ne relève pas l'attaque et se met à chanter
- l'emploi frequent de la chanson qui est comme une caractéristique de ces dialogues, renforce l’impression qu'ils laissent de pièces populaires On revient alors à la technique d'opposition terme à terme le vieil :
“Femmes nous font bestes Et rompre les testes
Par cris et tempeste
Et toujours sont prestes Vous estre nuysantes.
- 232le jeune
Femmes sont segrettes, En amour discretes, Doulces, mignonnettes
dialoguée par fractionnement
:
ler temps (vv 1 à 105) : Rencontre du vieux pélerin et des trois pélerines et utilisation
ss
Opposition qui se termine au vers 127 à partir duquel le jeune prouve au vieil l’importance du rôle
du procédé d'interruption par questions : Les trois pélerines se relaient pour poser des questions
de” ! C'est là un point d’aboutissement inattendu et plus conforme à l'esprit du débat qu’à celui du !
tiné à les en dégoûter
En fait, nous le voyons, cette courte piéce de 158 vers est assez maladroite car pratiquement, comme dans la Farce du gaudisseur et du sot, les deux acteurs s’adressent à la foule - en soutenant à son intention les deux attitudes possibles devant l’amour - et cette direction d’echange n’est que
témoigne d’une assurance dont se moque le vieux pelerin en aparté - procédé du dégonflement
dévolu à la femme, ce qui amène le vieil à admettre que la mariage apporte “paix”, “grace” et “concor-
sur le pays de mariage vers lequel elles se dirigent,et le vieux pelerin leur en brosse un tableau des2nd temps (vv 106 à 179) : Arrivée du jeune pélerin qui se joint aux trois pélerines et
monologue d’amoureux
très rarement abandonnée au profit du dialogue entre acteurs, lequel prend toujours un caractère de dispute - si l’on excepte la fin où l'accord est amené de manière factice. D'autre part,la psychologie des personnages est des plus rudimentaire ; On ne note dans tout le rôle du vieux qu’une seule allusion aux déboires caractéristiques de l'amoureux : “Et je crie : Helas ! Caché dedans un recules.”
Enfin,la manière meme dont ils se présentent (vv 55:56) montre que l’on ne trouve plus chez le vieil les traits du vantard ; il n’est qu’un plaignant et c’est le jeune qui semble retirer une certaine fierté de sa propre apparence physique. On assiste à une sorte de dédoublement de ce mélange de rêve et de réalité, de haute opinion de soi et de plaintes contre le sort qui faisait l’originali-
té du portrait de l’amoureux.
D'ailleurs cette piece, par ses nombreuses formes chantées et son fond - le jeune reproche au vieux : “Veux tu ce BLASON soutenir/D’amours'reste proche du débat : il y a opposition sur un thème, Opposition qui est soumise au jugement de l'auditoire, mais non
par un contradicteur, mais avec inversion des rôles : le jeune
: “
A!
Je ne crains nul assaillant !
le vieil
:
Il est vaillant comme un Roullant ! Sainte Dame, qu'il est hardy ! *’ (vv 133-135)
ce qui évidemment les conduit à la dispute 3ème temps (v 180 à la fin) : joute oratoire par des chansons - procédé de la contradiction terme à terme - v 180 à 255
: alternance de couplets en faveur du mariage (chantés à tour de role par
le jeune pèlerin et les trois pélerines ) et de couplets contre le mariage (chantés par le vieil pèlerin.). - vv 256 à 358 : le jeune pèlerin et les trois pèlerines se liguent contre le vieux pèlerin qui se met en colère et enumere les obligations qu'apporte le mariage et les déboires qu’il procure, sans que ses opposants parviennent à le faire taire (procédé de l'interrupteur : vv 321-322,
332, 350) - v 359 à la fin : le vieux pélerin échoue devant l'obstination de ses adversaires et se plie
dégonflement des vantardises d'un personnage principal par un personnage secondaire, Aussi le dia-
à leur désir. Tous simulent alors une procession avec une oraison parodique (vv 384-397), des chan-
Notons ici que certaines pièces temoignent d'un effort pour insuffler au texte la’ vie par le-mouvement, mais ce sont des pièces plus tardives et plus complexes qui utilisent la plupart des procédés de fractionnement que nous avons étudiés jusqu'ici C'est le cas notamment du Pélerinage de maria-
471) et des accumulations verbales burlesques ( vv 472-497), sorte d‘ “oremus” grotesque.
logue garde-t-il dans son ensemble un caractére très statique
ge (44) que E. Picot date de 1556, qui n'est que l'amélioration d'un dialogue entre un jeune et un vieil amoureux et dont la Farce du pèlerin et de la pelerine (45),attribuee à Claude Mermet,qui en est,d’aprés E, Picot,“un remaniement abregé”, permet de saisir la genèse creatrice. Dans ce texte
le second rôle, celui du jeune amoureux, a eté dedoublé - pour permettre l'apparition sur scène du personnage sur lequel repose en fait la discussion, la femme, ce qui apporte un élément comique
nouveau - et l'un des deux rôles obtenus a ete à son tour détniplé : c'est l'utilisation du procédé
de fractionnement simple qui peut se résumer dans le schéma suivant ler rôle 2nd rôle
: le vieil pélerin : le jeune pélerin
: le jeune pelerin la jeune pélerine:
lere pèlerine 2nde pélerine 3ème pèlerine
Et la pièce se. déroule en trois temps qui utilisent chacun,l'un des procédés-types de mise en scène
sons satiriques formées de couplets dirigés alternativement contre les hommes et les femmes (vv 398-
L'utilisation des différents procédés de mise en scène dialoguee, jointe au fait que les opposants prennent une consistance due à leur nombre et à la varieté de leur caractère, apporte a ce texte dramatique une vie que n’a pas la Farce du pelerin et de la pélerine qui se contente de reprendre
le premier temps de notre pièce et la troisième partie du dernier, en se bornant à mettre en scène Mais ce mouvement, créateur de vie, qui peut suppléer à la profondeur psycho-
deux personnages
logique dans une pièce a plusieurs personnages, est difficile à realiser dans le simple dialogue où on ne peut l'obtenir qu'en approfondissant le caractère de l’opposant Et des efforts ont eté entrepris dans cette voie, qui ont été parfois couronnes de succès, ainsi
que le prouve la Farce du gentil homme et son page (46) qui n’est que la présentation dialoguée des vantardises d’un gentilhomme, type traditionnel de franc archer. C'est en effet un gendarme cassé : qui se vante d’être prise de la noblesse par suite des exploits guerriers qu il a accomplis
- 234-
- 235 -
“ J'entris sans plus d’atente Vailamment dans une tente Ou je conquestis une enseigne Et sy je prins un capitaine Et deulx pièces d’artillerye.”
et parce qu’il mène un train de grand seigneur.
Le ton est donné et le valet ne fait que dégonfler les vantardises du maitre en reprenant à son compte ce qui appartient en propre au rôle du franc - archer dans ses moments d’inconscience, et cela dans un échange direct où il joue un rôle d’opposant effectif.
Ses nombreux biens lui valent,de la même manière,
la considération des dames. I] possède en effet ung étang poissonneux près de son château fort, des prairies immenses, des terres fertiles qui produisent d’impressionnantes récoltes. Ses écuries logent
des chevaux magnifiques qui sont, pour la plupart,des présents de rois,et sa meute est enviée de tous. Tel
est le personnage que les répliques de l’opposant vont montrer sous son véritable jour,en dégonflant point par point ses vantardises. Mais, et c'est là qu’apparait l'originalité de l’auteur, l’opposant n’est
Après ce premier temps terminé sans doute par un simulacre de départ du page, le gentilhomme le rappelle - “Or vien ça” - et essaie de reprendre ses vantardises en racontant un exploit passé qui a mis sa bravoure envaleur. C’est là qu’apparait l'originalité de l’auteur et son sens du théâtre et du comique, car il fait précéder la dénegation du page d’une question deux fois reprise et qui devait être accompagnée d’une mimique le le le le
éloquente :
page gentilhomme page gentilhomme
: : + :
“Ou fusse ? Dens une tente.
plus un sot ; c’est un personnage bien précis : le page du vantard. Ce qui a pour effet de rendre l’opposition plus réaliste en douant d’une plus forte crédibilité les répliques de ce dernier, et de renforcer l'effet comique. Le page rétablit une vérité vecue avec son caractère picaresque - on retrouve le
Et la dénégation elle-méme est indirecte : le page exprime son doute, mais rappelle la couardise dont
même couple : page déluré et gentilhomme de misère dans le Lazarillo de Tormes.
a fait preuve le fanfaron en d’autres circonstances.
L'opposant n’est donc plus l'émanation des pensées de l’auditoire, mais un type indépendant qui rend possible un véritable dialogue et sur lequel repose l'intérêt dramatique de la pièce. Examinons de plus près le déroulement de ce dialogue L'entrée en matière se fait sur un rondeau incomplet et fractionné dont le refrain situe l’intrigue en justifiant l'échange qui va suivre : le gentilhomme le page
le gentilhomme le page
:
Pour quoy ? :
Les vantardises
du maître ne sont donc pas gratuites Dans un premier temps, le page se contente de rétablir la vérité en contrant son maître qui se
montre sous un jour un peu trop flatteur : le page
- Il ne risque pas de perdre l’argent qu'il gagnera
- comme M. du Crocq Hape Gibet ! - seulement des poux ! - il n’a jamais porté que des “‘poules desrobés” ! - il n’a jamais trois sous vaillant !
Ce premier temps s'arrête sur un mouvement d’impatience du gentilhomme : “Mon varlet se moque de moy
fauldra que je vous espiaultre Sy de bref vous ne changez ! ”
En désespoir de cause, le gentilhomme revient aux promesses d’argent mais son valet n’est pas dupe: “Vostre chemise est de louage’’. Il ne se laisse pas plus impressionner par l’énoncé des fiefs de son
Commence alors le troisième temps du dialogue,marqué par un nouveau rappel du gentilhomme - “Vien ça” - et dans lequel l’auteur utilise une nouvelle structure : le gentilhomme rappelle une de ses possessions imaginaires (son étang, ses prairies, ses récoltes) et le page rétablit la vérité dans un aparté destine au public (en général à la troisième personne : “Y n’a ny estan ne clapier’’). Chaque foisJe gentilhomme qui n’a pas compris, utilise le traditionnel “Que dis tu ? ” qui est suivi d’une rectification du page, lequel fait semblant d’entrer dans le jeu de son maitre et ce dernier,
Le gentilhomme
- ἢ est grand joueur
“Ὑ
partir.
Je veulx changer de maistre !
dernier, s’il persiste, devra démolir les arguments du maître dont il est mécontent.
- Il fréquente les grands - Il a tué des milliers d’ennemis - Il chasse au faucon
Le gentilhomme a alors recours a des promesses
auxquelles le page ne se laisse pas prendre ce qui lui vaut une menace qui ne le touche pas plus :
homme essaie de l’attendrir en lui rappelant les bienfaits dont il l'a comblé : le page fait mine de
Qui fut et n’est plus !
L’intrigue consiste donc pour le gentilhomme à essayer de dissuader son valet de son intention et ce
- On lui a promis une charge
Dens une tente.
maitre ou le récit des succés de celui-ci auprés des dames. Et c’est sans plus de succés que le gentil-
: ‘‘Mon page ! :
Ow?
! ”, à quoi le page répond aussitôt : “Non fais, je vous promais par ma foy. Mais je ne me puis convertir ” A vous ouir sy fort mentir...
ravi, amplifie la réponse et la développe cependant que le page rétablit définitivement la vérité dans un nouvel aparté
destiné au public. Cette structure se répète par trois fois dans sa totalité, puis elle
se réduit, traduisant ainsi le rythme de l’excitation qui saisit le fanfaron amené par son page à croire en la réalite de ses propres vantardises : par deux fois, après le rituel “Vien ça Page ! ”, le maitre
pose une question (‘As tu pas veu mes grans chevaux ? ”, “Qui me bailla / ce cheval qui est à ma femme ? ’) à laquelle le page commence à répondre en acquiesçant et en surenchérissant avant de rétablir la vérité dans un aparté destiné à l'auditoire. Et la progression psychologique, soulignée par le rythme, est telle que,dans le dernier temps de cette partie, le page peut directement rétablir la vérité, dans une réponse adressée à son maître,sans que ce dernier y prête attention : le gentilhomme
le page
:
‘Vien ça Page ! Suy ge monté A ton advis a l’avantage ?
:
Oui Monssieur, comme page Ù
Qui va a pied le plus du jour
- 236-
- 237-
Le temps suivant, quoique bati de la méme maniére, offre une légére différence qui met bien en valeur l’évolution psychologique du fanfaron, lequel vit maintenant sa chimére au point qu’il donne des ordres de grand seigneur. On trouve par cinq fois la structure :
De plus, chacune de ces structures offre des variantes. La seconde est amplifiée par l’utilisation redoublée du procédé du “Que dis tu ? ” ; dans la quatrième, après l'ordre,le page rétablit la vérité dans une réponse directe à son maître, et, la cinquième, qui sert de conclusion et suit l’ordre précédent, est augmentée d’une réplique du maître qui témoigne de son incapacité à revenir dans le réel et de son inconscience. :
“ Τ᾽αἱ ge pas payé ton payement Vaillament pour chascun cartier ?
le page
:
Y n’a point falu de papier Pour en escripre la quictance, J'en tiens encores sans doutance Tout ce qu'en receus jamais.
le gentilhomme
:
psychologique de l’opposant
qui devient peu à peu un type, permet de transformer ce qui était
à l’origine une simple technique de mise en scène dialoguee d’un monologue primitif, en une sorte de plan directeur qui préside à l’élaboration de pièces plus amples, lesquelles selon la direction
de l’effort du metteur en scène, prennent soit des caractères de farce, soit des caractères de sottie. a) Le procédé devient schéma de farce. Parfois il suffit d’ajouter à opposition initiale entre le vantard et son correcteur, un troisième personnage, simple objet qui concrétise aux yeux du public,par une présence tangible, l’ampleur des vantardises de l’un et la raison des rectifications de l’autre : c’est ce qui se produit dans la Farce nouvelle de Legier d’argent (47). Legier d’argent n’est qu’un franc-archer cassé dont les que son valet adresse à la foule
dans la première moitié de la pièce (vv 1 à 91) : Legier
:
“C’est grant fait que d’ung gentil cueur Lequel pour venir a l'honneur
A esté tant entreprenant.
Jacquet :
Devant une telle attitude - qui a une valeur comique car elle prouve qu’à la fin de la pièce, à l’inverse de ce qui se passait dans le monologue, le fanfaron n’a rien perdu de sa superbe - il ne reste plus au page qu’à donner le signal du départ. Ce dialogue est donc un exemple réussi de mise en scène à deux voix d’un monologue de francarcher, Le cadre de départ,rigide,a été assoupli et transformé parce que se crée un véritable dialogue
qui utilise toutes les formes possibles d'opposition : le dégonflement par repartie directe, l’aparté, le procédé du “Que dis tu ? ”, la rectification; formes qui, tout en permettant d'élargir le dialogue en y faisant participer l’auditoire comme témoin, ne détournent pas la direction des échanges qui ont lieu
principalement entre les deux acteurs. D'autre part, l'emploi des différents procédés et de leurs variantes n’est pas laissé au hasard, mais essaie de rendre compte du déroulement psychologique du dialogue : le fanfaron imbu de lui même passe de l’étonnement offusqué à l’impatience, à la colère puis à la supplication, ce qui d’ailleurs lui réussit puisque le page, après l’avoir quelque peu malmené, plein de commisération pour son pitoyable maître, feint devant lui d’entrer dans son jeu, se conten-
tant de rétablir la vérité pour la foule seule, ce qui a pour résultat de renvoyer l’incorrigible fanfaron dans l’inconscience du rêve qu'il se construit. Telle est la trame qui sert d’intrigue à ce dialogue qui témoigne de l’art consommé de son auteur et révèle dans les grandes lignes de son caractère, pour : intéressé, réa-
liste, moqueur, incisif, simulateur, ayant la repartie facile et possédant l’art de s’attirer les sympathies. L'utilisation d’un simple procédé de mise en scène destiné à rénover un genre dont le succès diminuait, a donc contribué, par nécessité, à la naissance d’un nouveau type comique.
: LES PIECES COMPLEXES.
fanfaronnades sont ramenées à leur juste valeur par des apartés
Gens qui ont serviteurs parfaictz Les doibvent bien entretenir ! ”
une des premières fois sur la scène, celui qui deviendra plus tard le valet de comédie
DE LA TECHNIQUE D’OPPOSITION
L’affinement de la technique d’échange,complété parallèlement par un approfondissement
le gentilhomme :‘‘Page ! Monssieur 7 : le page le gentilhomme : ordre ou question : don d’un cheval ; aller chercher douze haquenées, cadeau du Roi d'Angleterre et lui emmener des chiens courants... : - acquiescement le page - aparté qui rétablit la valeur de l’ordre.
le gentilhomme
III. — EXTENSION
C’est grant fait que d’ung malheureux Lequel a tousjours deshonneur
Et en la fin n’est qu’un truant ”
Ce déroulement primitif de l’opposition n’est rompu qu’une fois (vy 92-108) dans un passage où Jacquet s'adresse directement à son maître pour abonder dans le sens des vantardises, attitude conforme au caractère du valet et qui rend le rôle comique (et que nous avions observée tout à l'heure chez le page.). Puis,dans la seconde partie de la piéce,apparait la femme de Legier d’argent, dont l’apparence physique et vestimentaire seule, devait, si l’on en croit le valet, déclencher le rire de l’auditoire. Cette apparition qui renforce le caractère comique de l'opposition entre Legier et son valet par la présence de l’objet même sur lequel porte cette opposition - le dégonflement des vantardises s’opére autant par l’apparition concrète de l’objet vanté que par les apartés de Jacquet - met d’autant plus
en valeur l’inconscience du fantoche : Legier Jacquet:
,
“ Quant toutef sa beaulté contemple Je suis ravi de son amour.
(inconscience)
Aussi porte elle les atours (surenchérissement comique) Et si est de puissant renom Pensés,c’est ung beau lorpidon (aparté dont la valeur est doublée Qu’ay sa femme, ma dame. . par la présence de l’objet.) C’est une vieille garpelee
laquelle n’a mais dent devant !
vient la Dans le dernier temps de la farce, fort embrouillé, Legier d’argent préte sa femme a qui lui emprunter, acte qui dénote un caractére particulier puisqu'il fait de lui un entremetteur de la plus
- 238 -
-239-
basse espèce, malgré ses belles paroles.
leram.
La farce du ramonneurde cheminées (48) qui repose sur le monologue du même nom,est plus complexe. Elle met en scène quatre personnages et son intrigue consiste à opérer concrètement le dégonflement des vantardises du vieux paillard déchu qu'est le ramonneur. Le premier tiers de la
le valet
pièce est consacré,comme dans lestraditionnels monologues d’amoureux, aux plaintes de celui-ci : “Ma puissance fort diminue”, dit-il, alors que jadis “J’ay aussi bien fait l'art du mestier que homme du royaume” ; et il déplore d’être mainténant supplanté par les jeunes galants de la Cour. Ces plaintes sont entrecoupées de remarques moqueuses du valet qui ironise sur l'aspect physique de
son maître : c’est un franc buveur “au groing enluminé” qui est devenu gros et gras : “ Regardés, il est plus enflé
Qu'un rat dedans ung puis ! ”
Après ce premier temps où le yalet semble avoir partie liée avec le public dont il s’attache la sympathie au détriment de son maitre, s'opère un retournement : notre valet, hypocritement, essaie de consoler son maître après avoir fait le point surl’état présent du ramonneur, dans un passage qui utilise le procédé comique de la question.suivie d’une réponse monosyllabique :
le valet
leram.
:
“Qui vous diroit a voix basse : Prens dix escus en ma tasse Qu'en diriés vous ? :
Riens.
le valet
:
Ou de vuider une tasse Et humer la souppe grasse Vous le feriés ?
leram.
:
Bien.
le valet
:
leram. le valet
Et vous fussent assignés A dormir grans matinées Quel estat,quel ?
: :
leram.
Bon Mais pour housser cheminées La ou vertus sont minées Il ne vous en chault ?
:
Non.
Le ramonneur semble donc réduit à l’état de loque humaine lorsqu’arrive sa femme. Notre fanfaron a alors un sursaut d'énergie, dû : à son orgueil masculin, pour vanter ses capacités. Et sa superbe s’affermit d’autant plus qu’il trouve un soutien momentané dans les surenchérissements de son valet qui semble se ranger de son côté. Mais la situation se retourne car le valet changeant de camp, le malheu-
reux doit soutenir l'assaut de deux contradicteurs qui se liguent contre lui (c’est un effet comique de farce obtenu ici par simple dédoublement du rôle du contradicteur hes la femme leram,
la femme
: :
:
“Mais vos yeulx me font grant plaisir Car ilz n’ont point la couleur nette Quelz sont ilz ?
Doublés d’escarlatte.
:
leram.
J’ay tant par villes et par bourz Houssé qu’ilz en vont a rebours
Des pouldres qu’ilz sont cheus dedans.
:
Ila menty parmy ses dens ; Il ne luy vient que de trop boyre. Pour Dieu ne le vueilliés point croire Ma doulcinette, ma mignonne
:
Ma gorgerette, ma toute bonne,
Car, quant je ne suis point en serre Je ramonne aussi bien Ung voirre Quoncques fist gorge de pion !
le valet:
Cette trahison du valet déclenche la.colère du ramonneur qui, par trois fois, lui rappelle ses bienfaits. C’est la même attitude que le gentilhomme devant son page. Mais les plaintes de la femme,qui attirent une voisine toute prête à la soutenir, vont avoir raison de lui et le contraindre à avouer sa décrépitude. Ce texte est donc une farce dans la mesure où il présente une intrigue qui aboutit, après un retournement de situation, au dégonflement des vantardises du fantoche. De plus,cette intrigue repose sur la psychologie des personnages : le ramonneur, pauvre diable balloté entre son orgueil de ce qu’il s'imagine avoir été,et sa douleur de constater ce qu'il est devenu, est un jouet dans les mains d’un valet impitoyable et cynique qui sait d'avance opter pour le camp du vainqueur.
La seule originalité de
l’auteur consiste ici à avoir amélioré le procédé de mise en scène dialoguee du monologue,en dédoublant le rôle du contradicteur et en approfondissant un peu la psychologie des personnages, ce qui lui permet d'aboutir à la traditionnelle intrigue de farce
qui repose sur le changement de camp de l’un
des personnages.
b) Le procédé dans la sottie.
La même technique peut être utilisée dans la sottie pour la présentation des personnages. Nous en avons un exemple dans la Farce nouvelle nommée la folie des gorriers (49). Dans cette longue pièce de 632 vers que E. Picot date des environs de 1465, 62 vers sont consacrés à la présentation des personnages qui ne sont que deux francs archers traditionnels et un troisième personnage qui est Folie. Les deux fanfarons dialoguent en faisant assaut de vantardises traditionnelles ἡ ils ont des pages mais ont été obligés de réaliser leurs biens pour assurer leur entretien a la guerre et ils n’ont retiré aucun profit de leurs hauts faits, ce qui les conduit à décider de tenter leur chance en amour. Folie se contente de rétablir la vérité, sans prendre part au dialogue, par des apartés destinés au public :
‘ Que diz tu compaignon de guerre ?
Le II : lel le II
:
le ll
le II Folie
:
Pourquoy ?
:
lel
leI
Comment te va ?
:
Une piece de terre
En ay ja vendue.
:
N’am parlons plus.
: :
Non guyeres bien !
Et combien ?
Et moy le Tant qu’en suis ja mon pain Or il ont . . . ung estront de Oncques n’eurent ung blanc
myen querant ! chien ! vaillant.
i
- 240 -
- 241 -
Et cette structure,qui entre dans le cadre d'un huitain,se reproduit sept fois : Folie se contente,les six premières fois,de rétablir la vérité dans les deux derniers vers du huitain et n’apparait aux yeux des deux fanfarons que la septiéme fois La technique d’élaboration du dialogue par adjonction d’un contradicteur, qui sert de schéma
directeur, a subi ici certaines modifications :
- le rôle du vantard est dédouble et c’est ce qui permet un dialogue (c’est un procédé que nous étudierons au chapitre suivant) - le rôle du contradicteur est de s'opposer à un dialogue : il est par conséquent un personnage De plus,c’est un personnage allégorique qui n’a d’autre psychologie que
totalement indépendant.
celle de l’abstraction qu'il représente.
Aussi il est évident qu'à partir du moment où l’action va se nouer entre les divers personnages, elle prendra une résonance totalement différente de celle qu’elle aurait pu avoir dans une farce.
CHAPITRE
- le dialogue des fanfarons et l'aparté du contradicteur s'inscrivent dans une forme métrique qui,par sa répétition,crée une sorte de rythme régulier et mécanique qui, bien qu'a peine perceptible, n’en colore pas moins la scène d’une tonalité abstraite qui lui donne une résonance intemporelle. On oppose au dynamisme du dialogue un certain statisme de la contradicti on
DU MONOLOGUE
AU
DIALOGUE
III
PAR
REDOUBLEMENT
Le procédé de mise en scene dialoguée d'un monologue qui s'appuie sur l’utilisation d'un
contradicteur peut donc devenir une technique féconde de création de farces si l'on accentue la
profondeur psychologique des Personnages tout en augmentant leur nombre pour faire naitre une intrigue, ou de sottie si l’on renforce le caractère mécanique de l'oppositio n et si l'on fait appel, pour l’un des rôles,à un personnage allégorique La farce nait donc de certains rapports entre les caractères, et la sottie de l'approfondissement de la technique d'échange mise au point par le biais de la transformation du monologue en dialogue Cependant, malgré toutes les possibilités qu'offrait le procédé aux auteurs prolixes, il présentait, nous l'avons dit, un inconvénient : retirer du role du franc-archer fanfaron les rectifications qui le montraient sous son véritable jour, pour en constituer la trame d’un second role, c’était appauvrir le caractère du vantard. Aussi les auteurs recherchent -ils d'autres procédés de mise en scène dialoguée qui évitent cet appauvrissement tout en gardant au dialogue son caractère d'opposition entre deux personnages ‘ pour cela, il suffisait de mettre en scène deux personnages identiques, ce qui se traduisait techniquement par le redoubleme nt du monologue initial
Si les auteurs ont tenté de revivifier la présentation dramatique du monologue en le fractionnant grace à la création d’un rôle d’interrupteur, de questionneur ou de contradicteur, ils ont aussi utilisé le procedé inverse qui consisteà le redoubler pour obtenir une opposition de deux rôles identiques. Cette technique doit peu à l'observation réaliste de la vie quotidienne ; elle repose plutôt sur l’idée de joute, voire de dispute, entre deux personnages atteints du même défaut.
Cette idée avait
déjà été exploitée par les jongleurs dans des “concours de bourdes”’ où ils s’opposaient, comme en témoigne le Dit des deux bordeors ribauz qui remonte à la seconde moitié du XIIIe siècle (50).
dit se compose de deux monologues prononcés successivement par les deux jongleurs.
Ce
Le premier
qui prend la parole commence par attaquer son concurrent (vv 1 à 51), puis il fait l’étalage de ses Connaissances, rendu burlesque par une accumulation de bourdes obtenues en inversant des qualificatifs :
“ Ge sai de Guillaume au tinel Si com 1] arriva as nes, Et de Renaart au cort nes
. . (vv 66-68)
De Gauvain sai le malparlier Et de Qex le bon chevalier ; Si sai de Perceval de Blois
De Pertenoble le Galois. “ἡ (vv 85-88) Cette énumération se clôt sur quelques vers d'insultes adressées à son adversaire (vv 102-106). Puis,notre jongleur repart dans une nouvelle accumulation construite comme un monologue d’homme à tout faire :
- 242 “ Si sai bien faire frains a vaches Et ganz a chiens, coifes a chievres, Si sai faire haubers a lievres " (vv 122-124) Celle-ci se termine,comme la précédente, par quelques vers d'insultes à son opposant
(vv 136-137), suivis de la liste des personnalités qui peuvent cautionn er ses vantardises : Guillaume Grosgroing, Trenchefer, Rungefoie . . liste qui se clôt sur de nouvelles insultes à l'égard de son concurre nt (vv 146-149) qu’il fait suivre de menaces que d’ailleurs il se refuse à mettre à exécution : “ A bien poi se tient que tu n’as Du mien, se ne fust por pechié. Mais il ne m’ert ja reprouchié Que tel chetif fiere ne bate, Quar trop petit d’onnor achate Qui sor chetif homme met main ! ” (vv 160-16 5) Ce premier monologue de 176 vers est suivi de la réponse du jongleur attaqué (164 vers), construite de manière identique, mais avec une préféren ce marquée pour les longues énumérations qui contiennent moins de bourdes. Quant à la Contreg engle de 182 vers qui suit, elle est la contre-attaque du premier et se compose presque uniquement d’insultes
La succession de ces textes implique qu’ils sont des morceau x de concours adressés à un public
chargé de décerner le prix, comme en témoigne la conclus ion de l’un des jongleurs : “ Beax seignor, vos qui estes ci Qui noz paroles avez οἵ
Si j'ai auques mielz dit de li
A toz je vos requier et pri Que le metez fors de ceans, Que bien pert que c’est I noienz.” (vv 159-164) Mais que l’on remplace la succession des textes par leur débit simultané,en fractionn
ant chacun d’eux et en remplaçant les passages d’insultes du Premier par des fragments du second, on obtient alors une sorte de dialogue, une opposition plus directe des deux concurrents pour obtenir la prééminence et l'exclusivité du droit de parole, opposition qui pourra, au gré de l’auteur, se dénouer en dispute ou en duo. C'est ce que réalisent les auteurs en cherchant à revivifier le monologue par un mode de présentation dialogué reposant sur un redoublement du monologue initial.
-243Soudouvrer
Coquillon
v 244 sq : à Amiens il tua trois Allemands et était craint des plus puissants
v 279 sq : a Meaulx il se bat au baton con-
v 234 sq : à Beauvais, il tua : “Des bourguignons plus d’ung millier v 265 sq ‘ a Auxerre il se bat contre un chevalier
tre une “geline” et met en fuite des paysans v 309 sq : a Melun il a une aventure avec un prétre et sa servante - réminiscence du fabliau du Bouchier d’ Abbeville (52)
Et la pièce se termine sur un appel à la joie (vv 346 a 373). Cette farce dans laquelle les personnages en présence sont traditionnels, reste donc proche de I’esprit du “concours de bourdes” : il n’y a pas d’action ni d’intrigue autre que cette joute oratoire que se livrent les deux fanfarons La Farce des trois coquins (53) presente un progrès car le procédé est employé en vue de permettre la réalisation d’une intrigue plaisante. Trois coquins, Pain perdu, Pou d’acquest et Maulevault se rencontrent et décident de deviser sur ce qui se passe à Paris (vv 1 à 42), puis ils se lancent dans une discussion qui reste dans la tradition des “‘concours de bourdes” (vv 43 à 313) | Maulevault rapporte avec force détails un combat contre une puce (vy 53 à 126), cependant que Pain perdu commence un monologue de charlatan inspiré de celui du mire de Rutebeuf. Quant à Pou d’acquest, il se borne a faire avancer le dialogue par ses questions.
Pain perdu et Maulevault se rejoignent d’ailleurs pour
faire une description du pays imaginaire du Prestre Jehan. On retrouve là l’utilisation de la technique de fragmentation d’un monologue par un questionneur, avec cette variante que le rôle du vantard est
dédoublé. La véritable intrigue commence au vers 314, car nos trois larrons qui se sont installés à la taverne, se disputent pour savoir qui paiera et décident que celui qui s’épouillera, se mouchera ou se
grattera,devra régler la dépense. Le dernier temps de la farce se compose donc de trois recits rapportant les actions d’éclat que s’attribuent nos trois fanfarons, abondamment accompagnés de gestes qui permettent à Maulevault de tuer ses poux (combat contre La Hire.), à Pou d’acquest de se mou-
cher sur sa manche (concours de tir à l’arc.) et à Pain perdu de se gratter Puis ils simulent une dispute à propos du vol d'un ecu imaginaire pour pouvoir s'enfuir sans payer
I. — LE REDOUBLEMENT SIMPLE
: OPPOSANTS IDENTIQUES.
Cette technique sert de trame à la Farce nouvelle des maraux enchesne z à trois personnages (51),
L'originalité de cette farce consiste donc à utiliser à deux reprises le procédé de la joute de vantardises, mais la seconde fois,il est utilisé en fonction d’un comique gestuel car le recit est conçu pour
permettre le geste comique sur lequel repose l'intrigue farcesque
qui n’est en fait qu’un dialogue entre deux coquins, Coquillon et Soudouvrer, puisque le troisième ac-
La farce la plus caractéristique quant à l'emploi de ce procédé, est sans conteste la Farce des deux frans archiers qui vont à Naples (54) car elle consiste à jouer sur le redoublement du rôle initial pour
sont au cachot, prisonniers de Justice - qui s’etend sur les 211 premiers vers, les deux coquins se livrent
créer une intrigue. Au lieu d’être un simple procédé de mise en scène, le redoublement devient le mo-
teur, Justice, n'intervient guère qu'en conclusion. Après un duo de plaintes sur leur sort - puisqu'ils
à un assaut de vantardises qui consistent a exagérer les hauts faits qu’ils s’attribuent pour s’étonner mu-
tuellement, sans y réussir d’ailleurs
L’auteur s’est borné à fractionner deux monologues de francs-archers et à intercaler les fragments. Nous ne citerons en exemple que le passage relatif aux exploits guerriers :
EE
teur même de l'intrigue qui réalise de manière concrète l’idée dejà illustrée par la scène dans laquelle Baignollet se heurtait à l'épouvantail.
Dans un premier temps (vv 1 à 147) les deux francs archers en-
trent en scène en déclamant par fragments, sans se voir l’un l’autre, chacun un monologue ; et les fragments de chacun des deux monologues s’encastrent les uns dans les autres. Cette partie pourrait d’ailleurs résulter de la fragmentation d’un seul monologue en deux rôles ; ce monologue ressemblant jus-
- 245 -
- 244. qu’au plagiat a celui de Baignollet. C’est la une simple présentation de personnages et non pas une
de la dispute, l’auteur est obligé de faire intervenir le personnage allégorique de Débat qui dresse les
joute oratoire dans la tradition des “concours de bourdes”, puisque les deux hommes ne s’opposent
deux chambrières l’une contre l’autre. Le conflit tourne alors à l'échange de coups et d’injures et ne
pas directement - seul le public peut avoir cette impression de joute.
Dans le second temps (vv 148
se termine que grâce
ἃ l’arrivée d’un quatrieme personnage, le cordelier, qui rétablit l’ordre. L’au-
à 185), l’action se noue par la rencontre des deux vantards qui vont jouer réciproquement l’un à l’é-
teur a donc été contraint de faire appel à des moyens extérieurs au procédé
gard de l’autre le rôle de l’epouvantail de Baignollet ; la réalisation concrète de cette scène à deux
supplèmentaires - pour aboutir à ce qu’une utilisation bien conçue aurait pu produire seule.
personnages est source d’un surcroit de comique puisque les effets de la peur sont ainsi redoublés.
de départ - deux rôles
Si les auteurs versent dans la farce en développant toutes les possibilités d'intrigue qui peuvent
Dans le troisième et dernier temps, l’auteur dénoue habilement l’intrigue selon un schéma de farce,
naître du choc de deux caractères identiques, ils utilisent aussi le procédé dans la sottie mais à cette
en utilisant le procédé du renversement de situation, ce qui est aussi un moyen de rendre plus per-
différence près qu’ils mettent alors l’accent sur l'aspect verbal de la joute oratoire,et le caractère de
ceptible, par une action, l'opposition entre l'apparence et la réalité qui caractérise le portrait de cha-
l'opposition reste proche du “concours de bourdes” bien que celle-ci se résolve en une sorte de duo.
cun des deux fanfarons.
Après s’étre reconnus, les deux francs archers décident de se mesurer :
La Sottie des sotz nouveaulx farcez, couvez (57) qui,d’aprés E
Pour voir qui sera le plus fort.”
cumulation de bourdes :
Mais l’ardeur combattive du second décourage le premier qui, après avoir proposé le combat, supplie d’y renoncer et compose son épitaphe.
Picot,est de 1513, en donne un exem-
ple dans ses 74 premiers vers qui permettent de présenter les personnages. Le premier débite une ac-
“ Sur ma foy 1l nous fault combatre
“ L'autre hier j'avoys une jument Qui cochonna quinze thoriaulx . . . ” (vv 33-34)
Le second refusant ce compromis, le premier retrou-
ve sa vaillance pour passer à l'attaque et le second ne doit son salut qu'à la fuite.
pendant que le troisième et le second reprennent des monologues de charlatans : “ Je viens droit du fleuve Jourdain De la fontaine de Jouvence .. .” (vv 47-48)
Ainsi donc,le mode de présentation dramatique dialoguée du monologue par redoublement des rôles permettait-il d'aboutir à une intrigue de farce, le heurt de deux types identiques se résolvant
‘ Je suis venu tout en jergault De la contrée de Pampelune . . . ” (vv 63-64)
bien souvent en une action comique. On peut simplement déplorer ici que la résolution du conflit par une action effective, nuise à la profondeur psychologique des types en présence qui apparaissent superficiels et sans nuances
Puis, après s'être rencontrés dans un venite chanté en choeur - on retrouve là un des poncifs du monologue :
Cette constatation a d’ailleurs été exploitée dans la Farce de l’Avantureulx et Guermouset (55)
“ Regem follemus venite Quoniam qui bon vin bevra Tout droit au paradouze yra Super omnes deos.”
que E. Philippot date d’après 1528. Dans celle-ci,les roles de fanfaron - l’Avantureulx et Guermousetsont redoublés par la présence des fils de chacun - Guillot et Rignot. La dispute naît d’une rivalité entre ces derniers à propos d’une cure. Prenant chacun parti pour son
fils, les deux fanfarons de pè-
nos trois larrons se disputent, se battent et finalement se livrent 4 une joute de vantardises (vv 176-
res essaient d’abord de s'effrayer mutuellement par des menaces transmises par messager, puis pas-
255) rapportant les hauts faits amoureux qu’ils prétendent avoir accomplis au retour de batailles.
sent au combat après s’étre défiés - les défis sont de beaux morceaux dans la tradition des monolo-
Nous restons proches de la Farce des maraux enchesnés. Mais le procédé pouvait étre amélioré.
gues de francs archers : l'attitude provocatrice et la bravoure forcée dont chaque combattant fait preuve à l'égard de son adversaire sont en effet démenties par les paroles qu’il adresse à son fils et qui traduisent sa lâcheté et sa couardise. Mais chacun d’eux est terrifié par la simple vue de l’autre. Aussi, après avoir évoqué des souvenirs de guerre (sic ! ) qui les rapprochent, abandonnent-ils la lice à leurs fils qui s'opposent en une joute oratoire scolastique laquelle se termine à la satisfaction
de chacun puisqu’il est décidé de pourvoir l’un et l’autre d’une cure imaginaire. Dans cette farce qui est un véritable chef-d'oeuvre, l’auteur a su utiliser toutes les possibilités offertes par le type du fanfaron et par le procédé qui consiste à faire naitre une intrigue de la rencontre de deux types identi-
ques. Mais tous n’ont pas eu un égal bonheur. Peut être la réussite dépendait-elle du choix des types
mis en présence. En effet la Farce des chamberieres (56) qui repose sur le méme principe est d’un déroulement plus lourd. Elle débute
sur un dialogue de deux chambrières à la fontaine - fragmenta-
tion de monologues traditionnels et effet de joute verbale.
Mais, pour amener le second temps, celui
IL — AMELIORATION
DU REDOUBLEMENT
: OPPOSANTS DIFFERENTS
Cette amélioration est obtenue par une technique qui repose sur |’emploi conjugué de deux procédés
: celui du redoublement
inspiré par le concours de bourdes - c’est l’opposition oratoire
qui, traduisant une rivalité, sert d’intrigue a la piéce - et celui de la fragmentation d’un monologue par un interrupteur qui essaie de faire taire celui qui parle. Il suffit de transformer le role du
cuisinier du Dialogue du prescheur et du cuisinier en celui d’un charlatan, pour justifier ses interruptions par le désir d’accaparer pour lui seul le droit de parole. C’est ce qui est réalisé
dans la Farce
d’un pardonneur, d'un triacleur et d’une taverniere (58) qu’on s’accorde à dater de 1517, et qui n’est en réalité qu’un dialogue obtenu par l'opposition de deux types voisins de bonimenteurs, car la tavernière n’apparaît qu’à la fin pour permettre un dénouement traditionnel de farce, les deux opposants
-247-
SAS
| |
se réconciliant sur le dos de ce troisième personnage aux dépens duquel ils consomment sans payer.
|
|
in}
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à
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ἣν
%
foule triacleur —> foule
Same variation : harangue
: pardonneur
pardonneur
dispute
sinier : nous assistons bien au heurt ponctué de disputes de deux concurrents mais l'intérêt est accru
es, le pardonneur repre: nd sa hapar des paroles dédaigneus Après avoiri essayé ed’d’écarter l’intrus i ‘i
foule.
:
: triacleur : pardonneur —>
7ème variation : harangue dispute
de la fille bastelière. C’est là l'originalité de ce dialogue par rapport à celui du “prescheur” et du cuidu fait que ceux-ci représentent des types différents. Le comique en est double.
foule
pardonneur
(et enchaîne) : triacleur + pardonneur + triacleur
triacleur —%
par la montre d’un animal savant - ici une anguille - se révèlant ainsi un parfait triacleur de la lignée
tion des paroles de celui-ci ou par appel direct.
: pardonneur —>
: pardonneur + triacleur —
Au contraire, il passe à l’action pour son propre compte en essayant de capter l’attention de celle-ci
adversaire, lequel pour ne pas étre en reste, agit de la mème manière.
: triacleur
dispute
faire se détourner la foule du pardonneur : “ Vierge Marie, Vierge Marie Croit on en ta cabusion ! ”
foule
C. Seconde partie :
-
Un second personnage intervient alors, qui ne se contente pas, comme le désirait le cuisinier, de
: pardonneur + triacleur
triacleur (et enchaîne)
: triacleur — foule + pardonneur ' pardonneur — triacleur
triacleur —e
foule (et enchaine)
D. Troisième partie' 9ème variation : harangue
: triacleur
i
dispute : pardonneur — triacleur Cette variation est répétée 9 fois. La troisième fois, le pardonneur attaque le triacleur et tenter de reprenessaie de reprendre la parole ; la sixième et la septième fois, il ne fait que
par le dre la parole ; la huitième et la neuvième fois il se borne à insulter son adversaire tanal de la foule.
E. Final : Le triacleur menace ! “ Par la mort bieu, se je te happe Je t’envoiray prescher ailleurs
puis il enchaîne, ce qui entraine l'abandon du pardonneur :
- 249-
- 248 “ Je me tiens icy pour neant
buveur qui lui demande vin, rôtis et pâtés, ce qui déclenche entre les deux hommes une dispute ponc-
Gy pers mon sens et mémoire.”
tuée d'insultes. Mais le mélange systématique de latin et de frangais, joint au fait que les repliques se
Mais la réconciliation se fait, après la victoire du triacleur :
composent uniformément de huitains, alourdit beaucoup trop cette pièce que le type des opposants
“ Que veulx tu donc ? Yrons nous boire ? Je te pry, allons y beau sire.”
aurait pu rendre plaisante. Qu'on en juge par ce court extrait :
Et tous les deux vont boire aux dépens de la taverniere.
le pyon
:
Les variations de la structure initiale qui, sauf dans la troisième partie, ne se répète jamais deux fois de manière identique, permettent de montrer les trois étapes de la défaite du pardonneur : après une étape où les deux hommes luttent à égalité, le pardonneur est peu à peu débordé ; il n’arrive pas
à soulever la foule contre le triacleur meme en dépreciant la harangue de celui-ci Au paroxysme de la colère il ne trouve plus d'autre moyen pour arrêter le débit de son concurrent que de jurer et d’imiter le cri du coq - par deux fois actes que son adversaire retourne contre lui :
A dextris et a sinistris,
l’hoste :
le pardonneur : “ Ha ! Par le ventre bieu, non a ! Coquelicog ! le triacleur
:
Tenes ! quel prestre ! Par la chair bieu on le deust mettre En bonne prison ! Comment il jure !
Ab initio et ante
Qu'il n’y ait hutin ne tempeste Videte et vigilate Que soye payé de ma teste Si voulez avoir bonne feste Tandite nunsmisma sensus
Car quant on a le vin en teste Tutus non potet accessus.””
D’autres essais ont été tentés pour utiliser ce procédé du redoublement sous sa forme améliorée,
Mais esse pas bien grand injure
A un prebstre ainsi jurer !
Aussi, dans la dernière étape, notre pardonneur ne peut-il que soupirer inlassablement “tu mens” par quatre fois - sans réussir à couper la parole au triacleur qui dorénavant l’ignore. Ainsi l’habileté de l’auteur ne se marque-t-elle donc pas seulément par la manière dont il a su déguiser sous des variations l’emploi répété d’une même structure de base (50) ; elle se marque aussi par la manière dont il a réussi à créer une progression par la succession des variations, D'autre part,
l'accélération du rythme qui traduit l’évolution de la dispute et celle des personnages est doublée par un autre effet au niveau verbal. Alors que les répliques du pardonneur se vident peu à peu de ce qui faisait la caractéristique de son rôle - l'énumération des reliques des saints et de leurs miracles -, celles du triacleur sont marquées par une amplification des boniments qui dépassent le merveilleux pour
atteindre l’absurde, traduisant ainsi une activité créatrice débordante. Si l'on admet que cette amplification était soulignée par une amplification du ton de la déclamation et une accélération du débit,
on peut imaginer l'effet comique produit. Cette pièce qui, selon nous,est un petit chef-d'oeuvre, témoigne de l’art conscient d’un auteur qui a su faire d’un simple procédé de présentation dramatique,le moteur d’une comédie psycholo-
gique. dont l'intrigue repose sur l'opposition de deux types traditionnels mais nuancés car, au delà du métier qu’ils représentent, ils font preuve par leur sens de la repartie, leur
“ Laudo hoc in hoc non laudo Mais venons au plus prouffitable, Sedendo et quiescendo l'ame e(s)t plus prudente et capable : Se tu as chose favorable In funde cordibus nostris, Et nous metz deux potz sur la table
humour, leurs réactions
et leur manière de s’attirer la sympathie d'autrui, de qualités qui font d'eux des types profondément humains.
mais les résultats sont moins concluants, Dans le Débat de la nourrisseet de la chambriére (60) l’auteur borne le dialogue à une simple dispute : dès le départ chaque femme veut faire taire l’autre.
De la riva-
lité,il n’a retenu que la conséquence : le heurt de deux types voisins mais légèrement différents. L’élaboration du texte repose en fait sur la synthèse de deux idées : celle de la fragmentation du monologue avec redoublement du rôle initial, illustrée par le choix des personnages, et celle de la dispute pri-
se à la vie quotidienne. D'ailleurs de nombreuses farces, qui ne sont que des dialogues, illustrent ce thème réaliste de la dispute, les antagonistes étant en général le mari et la femme
: Farce de l’obsti-
nation des femmes (61), Farce de l’arbalestre (62). Le heurt de deux personnages identiques peut aus-
si se résoudre en dispute et en coups parce que l’un d’eux a joué un bon tour à l’autre : c’est ce qui se produit dans la Sottie de Trotte Menu et Mirre Loret (63) ; mais nous sommes là dans la forme la plus simple de farce, celle qui repose sur un bon tour à caractère scatologique. Un cas particulier d'utilisation du procédé - ou plutôt de son principe - est présenté par le Dialo-
gue des abusez du temps passé (64) de Roger de Collerye. Il semble qu’en effet ce dernier ait eu l’intention d’opposer deux types de fanfarons : le franc archer et l’amoureux vantard, comme le laissent à penser certaines répliques :
“ Présupposé qu’en dict et fait Homme suis pour servir un roy ! ” (vv 230-231) ‘ N’eust esté qu’on me menassa
Et quelqu’un qui me pourchassa
J’eusse en amours gaigné le pris.” (vv 249-251) Mais cette excellente intention de mise en scène, qui aurait pu donner des résultats fort intéressants,
Nous pourrions rapprocher de cette dernière pièce le Dyalogue d'un tavernier et d’un pyon en
françoys et en latin, dans lequel un hôtelier refuse de servir, sans avoir été payé au préalable, un franc
tourne court et plutôt qu’un dialogue traduisant une rivalité de deux types légèrement différents de vantards, on obtient un texte voisin du débat,dans lequel chacun veut convaincre l’autre, le premier
-250-
qu'il vaut mieux servir les seigneurs εἰ le secomd les dames
; l'échange de point de vus
évolmaent pen
à peu vers la dispute. ἢ y 2 plus opposition d'idées que rivalité de caractère entre les deux persomueges qui ne se différemcient que par leur prise de position Tous les deux τὲ présentent en effet comme
de joyeux lurous démems
de tout mais optimistes et confiamts en leur personne. La pièce se ca-
racténise néanmoins dans se premuére partie, par um approfomdiscment
de le technique d'échange qui
laisse pressentir ls nouvelle onentation que prendront les recherches sur le mode de présentation di loguée des monologues et que nous étudierons 20 chapitre savant.
L'idée de présentation dialogues des monologues par redoublement du rôle mitzel état riche de possibilités Elle amenuit un progrès dans la “distamciztion™ dramatique σας, αὖ le fractionnement pes TECOULS À UM MÉETUPEUT,
à u
CHAPITRE
questionmeur ow ἃ um comtradcteur sappwyait em fait sur lu putici
pation du public - et restait em cele proche
de la technique
dw monologue
-, le présentation disloguée
par redoublement fait se concentrer l'action sur le scène et la rend indépendante dw public qui s'est plus que spectateur
Ge
IV
Senf si [act de suscitier ae participation fait intimement
partie de Le ave
LE ῬΟΙ͂ΜΤ
du
ἘΠῚ ΤῈ DE PERFECTIONNEMENT
DU DIALOGUE :
LE “ STACCATO- STYLE”
jowe comme dans ie Farce du pardonner du imadieur et de le tavemmière : dams ce demir cas,
om peut considérer que l'auditone n'est pas sollicité em tant que public : il est assimilé pour les be soins de De cause à um attrougement de badwads écoutant des ceetens
sur ame piece publique
joue ainsi le quatiéme cdl de ly pièce Le lew théitvall, de le mille, reggre le sème d'amélioration de lp technique
et
I — Le “Stanento-stylle™ et ses tadiniques
Tous les efitontts
ont désormais em ce sms Cette “distancietion” méinessine καὶ ont ac Cast à han Manweill que mous empanrions ante éiguette sous laquelle mans cangarons wn as
te qui de jew veut devemir théitre, est rendue possible parce que le iheurt de deux poycitologies vérittebles suffit ἃ remplir ie scème Que les auteurs sent ew conscience de cette πάθοιεν.
celle ext prove
un “Vallet”, c'est-à-dire wo type qui n'est plus le concrétisation des sérctioms du public, mais vit pa
fan momies de press domi ie Digiogue de Messours de Walleye er de Éalliment, lomgrengs gr tné à Villiom (65). est le σον
le plus adtené- ot que fan Ménweill définit comme “an essay ἀρ the
staccats style in wiih bat one spasdo exeentis time andl Half line” dont an gout exemple donnes line idée :
et ayant une consistance égale, le “dnlogue”, factice jusqu'alors, devient réel et traduit Le comm nication de deux êtres Après avoir approfondi les types, ill cestaitt aux auteurs à amélioner Le tion que
d'échange, ce φα
> “Tl me faut que dienx on tros coups i
Dour
font aver le “staccatiestiple”” Mais, pensons nous, gour gouveir dévelsgger
: Pour fimguer, 5 Four genttar Le Hox ;;
scène précédentes
A ceux qui citjecterient |i: datation des pièces- d'ailleurs toujours difficile à pré Gser pour ces fx -, om peut répondre que le plan synchiromique n'est que le projection è un mo-
té — les auteurs médiocres, amples imitateuns, côtoient Bier les auteurs die gémie oui
e
foi Deore ;
- ce qui me
détmit pas le principe d'une progression dans le recitercite tiéitralee. Basen.
ast! aire et cleat! cae que aeons ailioms vois, lke “Sstansatto-stiylle” Hin Tait,
tw d
au ive par l'uritlisation
sss prunétésde Hactiommement du amomotisgue dont mous aos M l'appiication ay tive
die lip aauerare dunes lies chapitres présentes : le fente σὐτίρανι» σε ypu eee αἰδρίατηξ rar wan seul! durer: marqué lie tendance cess protness à nee ure whee monies aux Commies Rares ni ous avis dé
- 253 -
-252augmentant le nombre des coupes syntaxiques à l’intérieur du vers et en marquant une prédilection
premier rôle et le vers B au second. C'est ainsi que procède l’auteur de la pièce IX du recueil Cohen :
pour les énoncés affectifs - exclamations et interrogations - ce qui fractionnait le rythme et donnait
Ι6 1 le II lel le II lel: le ll ki
la possibilité virtuelle d’une déclamation à deux voix (cf le Débat du cuer et du corps de Villon). C'est d’ailleurs cette possibilité de fractionner une forme fixe - et monologuée - qui va permettre de l'intégrer à des pièces complexes
E
Picot constate l’analogie entre le premier vers de la sottie inti-
tulée Moral de Tout le monde (66) : le I
:
Compaignons !
jel:
Quoy
le I
:
Les auteurs pous-
au même rôle toutes les reprises d’un même vers. C’est ce qui laisse encore au procédé son aspect mécanique. On trouve ainsi des schémas :
b AB Vers : ABa jfA a -I 2 personnages:1 2 I 2
seront même le principe de la fragmentation jusqu’à répartir une forme fixe entre cinq rôles, technique qui permet, à la limite, de faire disparaître pour l’auditeur toute trace de la forme fixe qui a servi de support. Nous en avons un exemple au début de la Sottie des cinq gallans et un badin (68) : lel : Jen ay 161 = J'en say le II J'en voy iy: J'en tiens ΙΝ : Et moy j’en faictz comme de cire. lel : Voulez vous pas estre des myens ?
: : :
leV . le I
1611 le lll
J'en voy
deux acteurs, le troisième personnage qui apparaît ainsi n’ayant qu’un rôle “technique’’. On obtient alors :
Vers
lel : le Ill:
:
J’en ay
le IT : lel
61:
J'en tiens Et moy j'en faictz comme de cire.
let
les vers qui se répètent, et l’autre les vers de remplissage - ce qui justifierait la fréquence des em-
le III: le 1: CE:
plois du rondeau dans les farces et sotties de la fin du XVe siècle, C’est ce que fait l’auteur de la piè:
Cauteleux
:“ Il est bien matin esveillé
Barat Cauteleux Barat
: : :
Cauteleux
:
Auquel je ne viendroye a pas. Jamais je ne suis ensommeillé Il est bien matin esveillé Soit en repos ou travaillé
Nul ne peult fouir mes esbatz.
Il est bien matin esveillé Auquel je ne viendroye a pas.
Mais c’est là un procédé qui apparaît vite factice. Aussi,pour l’améliorer, a-t-on pu chercher à fragmenter la pièce selon une stichomythie presque parfaite qui consiste à donner le vers A du refrain au
*:
le III : le II : lel ;
Notons toutefois que nous avons ici un rondeau qui, par sa structure de forme à refrain, pouvait,
ce XII du Recueil Cohen
:
le III :
J'en voy
dès le départ,donner à l’auteur l’idée d'en confier la déclamation à deux acteurs, l’un se bornant à dor ner
À
:Bn
αὐ
2
1
ESA +3
2
ἃ Vea.
D 2
structure que l’on rencontre dans la Farce joyeuse des trois gallans, le monde qu'on fait paistre et
C’on n’en seroyt conter ne dire.
J'en say
:
personnages : 1 +3 Ordre (69) :
Moi j’espoire avoir plus de biens
: "ἢ
Pour remédier à cet aspect mécanique, les auteurs essaient de fragmenter l’un des deux rôles entre
J’en tiens
: =: :
leIV IN
J'en say
Je feray ta fievre quartaine.
au second plan la forme métrique qui sert de support à l’ensemble, il ne peut s'empêcher de donner
“ Compaignons ! Hau ! Congnois tu ? Qui ? La court.” C’est là réaliser concrètement la déclamation à deux voix d’une pièce monologuée.
le II leIV
:
Il est évident que dans un tel type de fragmentation, malgré la volonté de l’auteur de faire passer
et une ballade de Meschinot tirée des Lunettes des Princes (67) :
lell
“Je diroye au moins : Dieu gard ! Je feray ta fièvre quartaine. Quel escaillet ! Quel escouflard! Je diroye au moins : Dieu gard ! De vray j’en auroye ma part. Tu aurois ta malle estraine Je diroye au moins : Dieu gard !
le II :
? Que dict le coeur ?
J'en ay
: : : :
le Ill: le II :
Tout se pert.
Il le bat trop froid.
Qui eust cuidé qu’il eust tant seu ! On ne frapons poinct a l’endroict. Toult se pert. Y le bat trop froid.
Y congnoit le tort et le droict
Quant j’ey bien son cas aperceu Toult se pert. Y le bat trop froid. Qui eust cuidé qu’il eust tant seu ! On ne frapons poinct a l’endroit. Toult se pert. Y le bat trop froid. Y congnoyt le tort et le droict. Quant j’ey congneu et aperceu Tout se pert Y le bat trop froid. Qui eust cuidé qu’il eust tant seu !
et suraOn passe ainsi du dialogue au “‘trialogue” mais le troisième rôle garde un caractére factice
jouté. D’autre part,la répartition des vers entre trois personnages, dont on trouve de nombreux (70) : l’aspect de exemples dans les farces, ne supprime pas non plus le caractére factice de l’ensemble
car on trouve en général répétition mécanique du refrain qui caractérise la pièce ne peut être déguisé, les schémas :
+255:
254 vers
AB
personnages
:
I
a Aab 2.1.3
AB
ou
I
ABa
1,2
Aa
b
le IL: le] le II les le II lel: le II eT. le ΠῚ lel
AB
212,312
De là l’idée qu’une fragmentation de chaque vers permet seule une grande souplesse et notamment un permutation circulaire entre les acteurs des répliques contenant en totalité ou partie les vers re-
frain, qui fait disparaître aux oreilles de l'auditeur la structure poétique servant de support au dialogue. C’est ce que l’on observe dans les premiers vers de la Farce des troys gallans (71) leI : le II : le III : lel : le II : le III: leI : le Tl : le III :
9
1:
le IT :
Quoy ? De rire Sans avoir espritz endormys Joyeulx ! Joyeulx ! Promptz a bien dire Qu’est’i de faire ? Quoy ? De rire Y nous fault chagrin interdire, Et de soulcy . du tous demys
lon les possibilités du moment, une déclamation à 2, 3, 4 ou 5 acteurs.
un genre “technique”.
comme un petit duc. plus ferme qu’un roc.
Et l’on sera de plus en plus
mière de Roger de Collerye n’était pas d'écrire un dialogue,car ce n’est qu’au vers 27 que l’on verse irrémédiablement dans le monologue avec l’apparition du pronom ‘‘je”. Et cette possibilité tient uniquement à la fragmentation du rythme de chaque vers (qui repose sur des coupes syntaxiques) :
5.3./3, 2,3,/11,1,5,/2,2,4,/8,/3;5./5,3./8./2,2,4./4,4./8 /5,3./8./8,/5,345,3./3,2,3,/3,5./4,4./3.5./4,4,] 2,2,4./8./2,3,2./2,3,2./2,2,4. Ainsi,sur 26 vers,il n’y a qu’un seul enjambement d’un vers sur l’autre ; six vers forment un tout ; onze vers pourraient former chacun deux répliques et neuf vers pourraient en former chacun trois. Chaque vers comporte en
effet soit une interrogation et sa réponse, soit une accumulation de trois compléments ou de trois adjectifs, soit une répétition d'idée, soit enfin des exclamations ou des onomatopées. De plus,on πο’
te,d’un vers à l’autre,des répétitions d’une même structure syntaxique - par exemple : adjectif + comme + substantif. Ainsi est rendue possible une présentation dialoguée dont nous tenterons l'essai, à titre d'exemple, sur les six premiers vers : Pas le truc !
Teste Creuse
:
Ou sont noz sotz ?
Rossignol TAC,
: :
Jouon
En repos.
i :
Bons motz. Queron noz potz.
:
Paix !
Sotin
la possibilité virtuelle d’une déclamation dialoguée au point que l’on se demande si l'intention pre-
Cette fragmentation du rythme est obtenue par des moyens syntaxiques.
S R
τα R
5 ne S
R S
: Mot!
Tout coy. ” : Dison
:
Qui bruit ?
:
Ho!
R το
En repos ? Jouon tout coy.
le II : 161 :
Cesser! Pour toy ! Paix! Quel arroy!
le II :
Qui bruit ? Qui
Quel effroy !
C (monologue) “Ou sont...
; . . noz fais.”
: Mot!
le II : Dison bons motz. lel : Queron noz potz.
leI : Ho! Jet’encroy! le II : Ce sont noz fais.
τε 5
le II : leI :
11
Quel arroy : : Chie!
:
R
Ou sont noz sotz ?
le II : Chie! Quel effroy ! le 1 : Laisson noz traictz.
Te
R
B (Dialogue)
le II :
: Cessez ! Pour toy ! :
? Moy
!
: Laisson noz traictz. ‘
Qui? Moy !
: Je t’en croy. : Ce sont noz fais ! Chaque possibilité offre un sens scénique ’
au silence. A. Teste Creuse et Rossignol se liguent contre Sotin qui veut les contraindre B. Dispute entre un personnage qui veut éviter le bruit et un autre qui veut en faire. C. Monologue entre l'acteur et son public
ce qui peut être On s’apercoit que pour passer de C à B, il suffit de confier à un personnage secondaire devant l'attitude de son public : et considéré comme les réactions de l'acteur ayant le role principal
part.l'idée générale qui souspour passer de B à A on dédouble l’un de ces deux rôles. (74). D’autre
d’un rôle d’interrupteur tend l'échange et lui sert de ligne directrice repose sur la simple utilisation au dialogue par monologue du de passer ce qui est là, nous l’avons vu, une technique qui permettait fractionnement au niveau de la structure.
Qu’au desjuc,
C’est là une des caractéristiques de la sottie et qui fait d’elle
Prenons par exemple le‘trialogue” qui est au début de la Sottie nouvelle des sots
A (‘“‘trialogue”’)
A cet égard les 26 premiers vers du Monologue du Résolu (72) sont caractéristiques : ils offrent
prest...
...
qui corrigent le magnificat (73) - vers 1 à 46 - et tentons l'expérience sur les douze premiers vers :
tenté d'augmenter le nombre des acteurs participant à la représentation
Prompt,
Assuré
être déclamés sous une forme monologuée.
dramatique, outre la vivacité et le mouvement qu'elle apporte, a l'énorme avantage de permettre, se-
la nuit
$
Accoustré
fres... comme ung suc.
Ajoutons que l'expérience inverse peut être tentée: de nombreux “trialogues” de sottie pourraient
Quoy ? De rire Sans avoir espritz endormys.
Tant au soir
bon oeil,
: : :
. d'attendre le choc,
paye et de Baillevent
Qu'est i de faire ?
Qu’y vault le songer ?
Bon pied,
Nous retrouvons d’ailleurs cet échange presque trait pour trait dans le Dialogue de Messieurs de Malle-
‘ Qu'est i de faire ?
Ainsi les auteurs s’apercoivent-ils qu’une fragmentation très poussée - au niveau du détail - d’un texte
lel : le Il : 12 le Il : fete: le II : leI :
- preux
: :
fragmentation maximale qui s’apLe “‘staccato-style” se caractérise donc par la recherche d’une les procédés de fractionne détail du niveau puie sur une technique de composition qui applique au
-257-
- 256ment déjà étudiés et qui se complète par l'emploi de procédes particuliers de rythme qu’elle engen-
Mais la fragmentation peut aussi n’avoir qu’une valeur utilitaire : elle permet, dans
certains
dre en s’affinant. Cela est très sensible dans toutes les pièces que nous pouvons regrouper dans cette
cas d'amener imperceptiblement une alternance dans la déclamation. Du vers 130 au vers 141,
série : le Dialogue de Gautier et Martin (75), le Dialogue des abusez du temps passé (76), le Dialo-
nous avons une structure poétique de la forme “‘aabB x 3” ; le fractionnement du refrain en deux
gue de Messieurs de Mallepaye et de Baillevent (77), la premiere partie de la Moralité de Marchebeau et de Galop (78), le Dialogue de M. de Dela et de M. de Deca (79) et, dans une certaine manière, la
exclamations qui se font écho : Martin
Sottie des coppieurs et des lardeurs (80) - qui se compose pratiquement d’une juxtaposition de dialogues qui,peu à peu,s’imbriquent les uns dans les autres avec la rencontre des divers
groupes d’op-
posants.
: Tout par compas!
Gautier :
Just comme aloige !
permet de faire prononcer chacun des tercets alternativement par les deux acteurs en déguisant ce qu’aurait de trop arbitraire une fragmentation du type “‘premier role = tercets ; second rôle = refrain” ou du type “un tercet sans refrain pour chaque rôle”. Le schéma est le suivant :
mb Bo
A. — LA FRAGMENTATION SIMPLE
1
Si la fragmentation au niveau de la structure n’apporte bien souvent qu’une vie factice au morceau originel - elle convient surtout aux
effets de choeur, témoin les Vigiles de Triboulet-il en va
tout autrement lorsqu’elle est appliquée au niveau du détail, et les auteurs en utilisent toutes les possibilités. 1) Fragmentation de pièces à forme fixe.
2+
cc
1
“aide à faire ressortir la charpente de la pièce, le découpage et les péripéties de l’action, les change-
ments de ton.” (81) Dans l’exemple suivant,
le fractionnement de la forme fixe en deux rôles, accentué par un frac-
tionnement au niveau du vers, permet d’accélérer le rythme et convient parfaitement au caractère impératif de l’ensemble, bien qu’il n’aboutisse ici qu’à un effet de duo : Martin
Gautier
Martin
:
:
Debout
! debout !
;
Enplace!
Martin : Gautier:
Qui vive ?
Gautier Martin Gautier Martin
Gautier Martin
:
Sus ! Faisons devoir !
peut permettre un effet fonctionnel de redoublement de rôle qui contribue à présenter deux personnatier, et marque l'entrée en scène de Martin que les deux personnages prennent une égale importance : Martin Gautier Martin
: : :
Gautier
:
Hoye!
J’ay ouy quelcun
De ma bende, je l’entens bien ! le sang bieu ! Je n’en voys pas ung ! Hoye !
Hoye !
: Je ouy quelqu’un. : Je viens pour resjouyr (chas)cun
Sans demander quant ne combien.
Martin : Gautier:
Hoye !
Hoye !
Jay οὖν quelcun
De ma bende, je l’entens bien.
La fragmentation entre les deux rôles des vers répétés en alternance,aboutit à des effets de symétrie qui traduisent bien le rythme de la rencontre (cris + apartés). Cet effet est d’ailleurs repris dans le
rondeau qui suit (vv 30-37) pour traduire la régularité symétrique et répétée de l’accolade qui com-
Les exemples de ce procédé abondent dans tous nos textes :
Baillevent Mallepaye
A l’escarmouche !
Sus ! Faisons devoir !
L'utilisation du rondeau se justifie ici : la répétition qu’il implique tend en effet à agir sur l'inconscient de l'auditoire pour le persuader, et la fragmentation en formules impératives
Martin Gautier
Hoye !
2) La phrase inachevée complétée par le second personnage.
La joyeuse embuche !
Nous ne luy voulons riens devoir ! Debout ! Debout !
Gautier: Martin : Enplace! Gautier :
2+1
pose le second temps de la rencontre.
A l'escarmouche !
; Debout ! Debout ! : A l’escarmouche ! : Se maleur vient qu'on le trébuche !
: ;
BL
1
ges sur le même pied. C’est par un simple rondeau fractionné qui suit un monologue de 13 vers de Gau-
pose sur un effet de répétition est, par sa structure même, facilement décomposable en dialogue. Aus’
Mais, reconnaissons le, ce dialogue est pratiquement le seul à l’employer. Il est de préférence utilisé dans les pièces complexes, farces ou sotties, dans lesquelles, comme le remarque P. Le Gentil, il
dd
1+2
D’autre part, la fragmentation du rondeau,qui conduit à une alternance dans la reprise du refrain,
Nous avons vu que le rondeau, forme fixe qui comporte une reprise de certains vers et donc resi, certains auteurs ont-ils recours à lui : on en découvre sept dans le Dialogue de Gautier et Martin.
B_
2
accentue cet effet.
:
Nous sommes les adventureulx :
Baillevent
i
Mallepaye
:
Baillevent Mallepaye
: :
Despourveuz .. .
... d'argent
planteureux. (vv 217-218)
Puis la chaisne d’or, la baguette Le latz de soye, la cornette ...
...de velours
C’est bel affiquet. (vv 127-129)
- 259 -
- 258 Marchebeau Galop Marchebeau
: ; :
Nous chevauchons
Martin Gautier Martin Gautier
:
Aymer chascun
Martin Gautier Martin Gautier Martin
: : :
3) L’accumulation partagée. . . par mons..
. . par vaulx.
(v 30)
... de bonne amour fealle, C'est bien vescu . . . Sans nully esconduyre. (vv 283-284)
Tels sont gorriés et agenssez Qui n’ont de quoy nourrir leurs paiges, : Mal montez... : . . . missés de bagaiges, : Cours vestus : .. . d’une vieille soye. (vv 198-201)
sur la répétition de structures syntaxiques identiques
Un excellent exemple en est fourni par le Dia-
logue de Messieurs de Mallepaye et de Baillevent (vv 205 a 222) : - adjectif + comparaison : : : : :
Nous sommes légiers . ... comme biches, Rebondis. . . comme belles miches.
- complément circonstanciel (déterminant) + adjectif (déterminé) : Baillevent Mallepaye Baillevent Mallepaye
: : : :
Entre les gorgias
Mallepaye Baillevent Mallepaye Baillevent Mallepaye Bäillevent
: : : : : :
Pour servir princes... . . . curieux, Et pour les mignons . gracieulx, Et pour le commun... . . tant a tant.
... mignons, Entre les gens d’armes. ... courageux
L'originalité de ces deux dernières constructions consiste à inverser l’ordre de la séquence progressive : on part du général pour arriver au particulier, ce qui rend le procédé plus piquant. En fait,ce mode de composition qui consiste à laisser au second rôle le soin de terminer une phrase inachevée,est proche du procédé de l'interruption par des questions - seule l’en sépare l’intonation. Et la répétition du mécanisme - les structures sont reprises en général entre 3 et 5 fois - donne au texte son caractère de duo. La phrase en suspens peut aussi être complétée en opposition, ce qui permet de varier les effets
obtenus par le procédé - et rappelle le procédé de fragmentation par adjonction d’un contradicteur : Baillevant
:
Aagez de sens...
Baillevent Mallepaye
: :
Bien gays...
Mallepaye Baillevent
Mallepaye
clamation en duo.
:
. . . assez recréans
: Povres d’argent
:
. .. et jeunes d’ans
..
prou de santé (vv 172-174)
Les auteurs ne s’en privent pas et surtout celui du Dialogue de Gautier et Martin
dans lequel nous rencontrons fréquemment l’état premier d’une technique rudimentaire Gautier Martin Gautier Martin
:
Bien souvent d’ailleurs ce système de phrase inachevée complétée par le second acteur,s’appuie
Baillevent Mallepaye Baillevent Mallepaye
La méthode la plus simple consiste à appliquer cette fragmentation à des structures accumulatives traditionnelles et notamment aux Ditz de l’ung et l’autre qui se prétent parfaitement à une dé
: : :
Lung veult du blanc Lung est bon
:
l’autre du bis l'autre desloyal (vv 164-165)
Même technique de fragmentation pour les Ditz de tel qui, comme les précédents, reposent sur une opposition : Martin
Gautier Martin
:
Telz ont le bruyt
:
Telz sont mal paiez de leurs gaiges . . . . . (vv 196-197)
:
Telz sont cassés;
Bien souvent d’ailleurs, un passage commence sur une structure traditionnelle fragmentée - ‘dit de lung et l’autre” - se poursuit par la technique qui consiste pour l’un des acteurs à terminer la phrase laissée en suspens par l’autre, et se termine par une accumulation fragmentée. Ainsi se crée une soralors te de rythme progressif qui traduit la montée du délire verbal. L'élaboration du dialogue repose
uniquement sur l'emploi de procédés techniques :
Gautier Martin Gautier Martin Gautier
L’ung dit qu'il n’a point de monnoye L'autre se vente qu'il en fine, Mais si souvent il se nestoye Que sa robe n’est que estamine ! : L’ung porte la chemise fyne Froncye comme gorgeas Mais corps (et h)anches je devyne ar vers . as) : Pourpoins cours... large par les bras, _. : : Bas collet .. . bordez de satin ; : On cuide que ce soit taffetas
Martin Gautier Martin Gautier Martin
: è ; : ù
Martin Gautier
Martin
Gautier
: :
Mais ce n’est qu’ung viel chevrotin , Ung mirouer,
ung
La lecive claire,
pigne,
un bassin,
la rucque,
: Vela ce qu’il fault au matin
Aux gueux pour laver la perrucque !
construit Tout le passage qui s’étend du vers 188 au vers 251 est ainsi la répartition des termes entre les deux et Il est évident que la fragmentation d’une énumération
rôles, en plus de l'accélération
n. L’édu rythme qu’elle apporte, donne une impression d'amplificatio
. C’est ce qui explique la prédilection que les numération partagée prend un aspect de joute oratoire
dans le Dialogue de Messieurs de Malleauteurs semblent avoir pour elle. On la trouve fréquemment paye et de Baillevent : - accumulation et rythme ternaire :
- 260 Mallepaye Baillevent Mallepaye
: : :
- 261 -
Gentilz hommes
hardis
pect est mis en valeur par l’emploi de formes verbales a la premiére personne du singulier. et preux
(v 10)
- accumulation et rythme quaternaire : Baillevent Mallepaye Baillevent Mallepaye Baillevent
: : : : :
Nous sommes deux si beaulx gallans Fringans Bruyans Allans Parlans (vv 169-170)
par là,une impression de rapidité maximale, effet d’accumulation ponctuelle de coups donnent, que l’auteur essaie souvent de redoubler : :
Mallepaye Baillevent Mallepaye Baillevent Mallepaye Baïillevent Mallepaye Baillevent
: :
Nous avons froit
:
chault
faim
soif
: : Nous tracassons : ça : là : pres : loing.
Parfois même, et là le procédé devientrhétorique,
Mallepaye
: : : : : :
Prest !
Prins !
:
Preux !
Especiaulx !
(vv 151-152)
lequels l’affinement de cette technique est poussé à son point maximal. pour conclure,que toutes ces techniques qui aboutissent à fragmenter en deux d’un duo pourrait n’en constituer qu’un, contribuent à donner à l’ensemble le caractère
Remarquons,
ce qui de points de vue ou de caet non celui d’un véritable dialogue d'échange traduisant une opposition ractères.
B.
— FRAGMENTATION
Je tracasse. Puis au poil, puis à la plume Je gaudis et si je rimasse ..
: :
Je suys fort comme un Arcules Et moy vaillant comme Achiles
(vv90-91)
Le plus souvent,le procédé sert plutôt à concrétiser un accord entre les deux personnages comme dans cet exemple tiré du Dialogue des abusez du temps passé : le II
:
Je tombe presque sous le faix De paovreté
le I Le II le I
: : :
Et moy aussi. (vv 22-23) Longtemps a que n’euz six sols cy Ne moy (vv 27-28)
l'échange :
(vv 241-242)
dans C’est d’ailleurs le Dialogue de Messieurs de Mallepaye et de Baillevent qui offre les exemples
rôles:
Je reimasse.
Le redoublement ne conduit généralement pas à une opposition mais bien plutòt à des repri-
Hé, cueurs loyaulx !
Promps !
Je volle par coups.
ses en écho appuyées sur l’utilisation d’une méme structure, ce qui renforce le caractére de duo de
chaque terme commence par la même lettre, alli-
Hé, cueurs joyeulx !
:
Marchebeau Galop
soing
tération qui renforce encore le caractère de joute et de coups : Mallepaye Baillevent Mallepaye Baillevent Mallepaye Baillevent
Mallepaye
Je n’en faix compte.
la Moralité de Marchebeau et de Galop :
Le point limite de l’art,dans l’utilisation de ce procédé,consiste à rechercher
Baillevent
: : : :
Mais ces joutes sont assez rares dans nos dialogues et en général très courtes : deux vers dans
des accumulations de monosyllabes qui permettent le fractionnement le plus poussé du vers et
Mallepaye
Mallepaye Baïillevent Mallepaye Baillevent
ET REDOUBLEMENT.
de créer une intrigue Nous avons vu que, employé au niveau de la structure, le procédé permet lorsque le procédé est employé qui repose sur la rivalité de deux caractères identiques. Qu’en est-il
au niveau du détail ? du passage Il peut encore garder le traditionnel aspect d'une joute de vantardises. Tel est le cas
vers 129, ou cet as du Dialogue de Messieurs de Mallepaye et de Baillevent qui s’étend du vers 91 au
Gautier
: C’EST la hart !
Galop Marchebeau
: :
QUEL tourment
Mallepaye Baillevent Mallepaye
: : :
QUEL bien!
Galop
:
Marchebeau Galop Marchebeau Galop
: : : r
On faict ensemble l’arquemye Puys on s’en va, on tire vye, SANS bruict, SANS noyse, SANS envye (vv 41-43)
:
Nous sommes SI frans,
: : : : :
SI sçavans
Martin
Baillevent
Mallepaye
Baillevent Mallepaye Baillevent Mallepaye Baillevent
:
:
C’EST le deffault ! (v 192) !
QUEL dur asessoir ! (v 66)
QUEL heur ! QUEL accessoire ! (v 73)
SI parfaictz
SI cauz en nos faiz, SI bien nez SI preux SI hardis (vv 229-231)
Ce type de redoublement peut être souligné par une amplification ; il donne alors un effetde surenchère qui rappelle les joutes de vantardises mais sans détruire le caractère de duo du texte :
Mallepaye
:
Baillevent Mallepaye
; :
Nous sommes puis troys ans passez SI mainces, SI MAL compassez, SI simples,
Mallepaye
:
SI esbaudiz,
Baillevent
Baillevent
:
:
legiers comme vent, SI MAL tapiz .
- 262 L’amplification,marquée par l’emploi du groupe adverbial “si mal”, est ici soulignée par le rythme
Sotin Teste Creuse Sotin Teste Creuse
3/5 de l’octosyllabe. Lorsqu'il ne s’appuie pas sur des structures syntaxiques, le redoublement repose sur la reprise
d'une même idée dans la même tonalité et bien souvent selon le même rythme : Gautier Martin Gautier Martin
: : : è
Dehors grongneux ! Eschec argent !
Saillez tristesse !
Vuidez richesse !
Si le fractionnement par redoublement,dans ce type de dialogue,conduit plus au duo qu’à la
véritable opposition, qu’en sera-t-il du troisième procédé de fractionnement utilisé pour présenter le monologue
de manière dialoguée, celui qui fait apparaître un interrupteur, contradicteur ou
questionneur ?
1) Le second rôle est un rôle d’interrupteur.
et rien, rien, Haye !
Uz sont ychyyy...
: Etbien? Pouffe :
Teste Creuse
: Hébon!
Sotin
:
Teste Creuse Sotin
: :
Sotin
:
Teste Creuse Sotin
Teste Creuse
C. — FRACTIONNEMENT ET INTERRUPTION.
Haye!
Sotin Teste Creuse
Sotin Teste Creuse Sotin
(vv 369-370)
; : ; :
è : :
Hen !
interruption interjection reprise
2 2
interjection
1 Dieux ! 1 Tant dire! 2
Juron exclamation exclamation
2
exclamation
à
C’est droit ancien ! Vecy bien pour rire !
:
3 2 2 4
Yyyy
Bref !
1 5
1
Hardy
! 2
: :
Et sceust ... Dieu vous aid beau sire!
3 5
Teste Creuse
:
C'est...
1
Sotin
:
aparté
interruption
Le procédé qui consiste 4 opposer 4 un personnage en scéne un second personnage qui veut le faire taire et l’interrompt par des bruits, des cris ou des injures n’a pas été employé dans nos dialogues (C’est le procédé du Dialogue du prescheur et du cuisinier.). Cependant,on le trouve utilisé au niveau du détail dans une scène dialoguée de la Sottie des coppieurs et des lardeurs (82) que Melle
Teste Creuse: : Sotin
Droz date sans beaucoup d’arguments d’avant 1488. La présentation des personnage se fait, dans
Teste Creuse Sotin Teste Creuse
cette sottie, par une juxtaposition de deux dialogues, le premier mettant aux prises Nyvelet et Ma-
lostru - deux personnages identiques de moqueurs,puisque l’un d’eux est ‘‘coppieur”’ et l’autre “‘lar-
Sotin Teste Creuse
deur” - et le second, Sottin et Teste Creuse, personnages que nous avions déjà rencontrés dans la quant à sa ligne directrice. C’est à ce dernier que nous empruntons le passage
Sotin (en chantant) Teste Creuse
: “Par où m’en iray je? Ho !
Sotin Teste Creuse
: :
Sotin Teste Creuse ' Sotin Teste Creuse Sotin a este Creuse ‘ Sotin Teste Creuse
rythme : ...”
Qui tonne ? Cesse ce ch(ant) (83)
: “Ma chère... : Homp !
Hors rythme 1
3 1
4 1 7
: Haa!
1 Bb ! Setuy...
interjection
3 4
À Estront, estront ! : Mot! : Vecy un terrible homme !
; :
procédé :
1 3
interprétation
:
gsagdilisé et aétonnement ordre
interjection (interruption) juron
interjection onomatopée
refus d’obéir agacement colère ordre de se taire Etonnement et ironie Contentement
(parce que se croit
Comment
Tence!
? Bas !
Homp!
2 2
1 2 1
interruption
reprise
onomatopée question
Ha ! Sang bieu ! Laisse moy pardu ! juron 1
è : Mais...
7
interruption
étonnement interrogatif ordre de se taire
impatience et agacement lassitude compassion pour l’adversaire qu’il croit fou.
satisfaction : il se pense obéi. envoie contre-attaque paitre le géneur. grimace de colère ironie moqueuse
piqué au vif
encourage à poursuivre par ironie. essaie d’expliquer moquerie : il prend la réplique précédente pour un éternuement ! nouvel essai pour expliquer son attitude. ironie.
excédé. ironie.
grimace de dépit moquerie. ordre de se taire.
ou
excédé et en colère. dernier essai de justification plein d’insouciance, il se détourne.
pour prêter attention à son in(Mais finalement, Sotin va quand même abandonner ses chansons
suivant :
répliques :
Tence !
Sotin (Chantant) : “Estront, estront, las, las, las”
Sottie des sotz qui corrigent le magnificat où ils se livraient à un dialogue identique à celui que nous citons ci-dessous,
: : :
2
Tout ung !
agacement impatience et énervement ironie mystérieux et impératif
obéi) moue de dédain — essai de justification
nouveau systéme.) terrupteur et il lui posera méme des questions : on entre alors dans un le fractionnement est tel Nous constatons qu’il n’y a pas moins de trois répliques par vers et
que l’on ait là un interméde improqu’il fait disparaître la structure versifiée et les rimes : il semble sots. De plus,le rôle de Teste Creuse, des visé au milieu de la pièce pour rythmer les jeux et gambades : “Ho! - Cesse ce ch...- Homp! - Mot! l'opposant, est pratiquement composé de monosyllabes
-Setu
Haa!
y...-Haye!
C’est ...-Tence ! - Homp
sceust .. - Ilz son ychyyy- Pouffe !-Dieux ! - Hé bon !-Yyyy - Bref !-Et
ou exclamations ). ! - Bas! - Mais... (soit.sur 19 répliques, 15 interjections
Quant à Sotin, il chante, se moque ou jure. Le “‘staccato-style”
par l’entrée en obtenu par un fractionnement au niveau du détail et justifié
une scène de dispute par cris mettant en vascéne d’un opposant,aboutit a transformer l’ensemble en ue qui convient admirablement à la sottie mais leur les gestes qu'ils ponctuent. C’est là une techniq
l'aspect de duo l'emporte sur celui d’oppobeaucoup moins à nos dialogues puisque,dans ces derniers, sition.
- 264-
- 265 la reprise de structures syntaxiques identiques dans chaque question - image comique de la vis sans
2) Le second rôle est un rôle de contradicteur.
Pour les mémes raisons,nous ne rencontrons que rarement !’opposition par voie de contradiction qui consiste à opérer le dégonflement des vantardises de l’acteur principal. Nous n’en avons re-
fin - :
levé que deux exemples dans le Dialogue de Messieurs de Mallepaye et de Baillevent : Baillevent Mallepaye
:
Baillevent
:“ Je ne demande qu’avoir ...
Mallepaye
:“ Jay train de seigneur
Pas de saige ! ” (v 44)
:
Baillevent
Baillevent : :“On feroit Mallepaye Quoy ?
Baillevent
:“Un songe...
t
Gautier Martin Gautier
τ Regardons ... s Quoy ? : . . . la lune luyre. (v 152)
Baillevent
-Mais quel ?
:
- . . de plaisir. (v 82)
La question sert parfois à faire avancer le récit ; mais quand elle se double d’un fractionnement
au niveau du détail, elle produit un effet mécanique d’autant plus comique qu’il implique une accélération. On s’oriente vers un type de verbalisme en duo :
Martin Gautier i Martin Gautier Martin Gautier
Martin Gautier ; Martin Gautier
Martin Gautier Martin
Gautier
: Qui nous maine : : Ou tirons nous : : Par quel moyen :
? ?
7ο yeux espoir.i
Devers noblesse. ? Par bon arroy.
: ; : :
Pouquoy ?
:
Que souhaites tu ?
Faulte
Pour le bas qui qui nous blesse. d’argent ? Cela je lesse.
: Ta voulenté ? ;
:
Bonne et loyale.
Qu’en liesse Vive (en tout bruyt) la fleur de liz royalle ! (vv 270-277) On retrouve le méme procédé dans le Dialogue de Messieurs de Mallepaye et de Baillevent (vv 253-
257 et vv 292-300). On peut d’ailleurs l’améliorer par une recherche d’enchainement soulignée par
SI elle promect ?
: :
Promission
Monicion. SI on l’admoneste ?
:
Qu'on marchande
SI on faict marché ? Fruiction SI on fruict ? La petition.
: : :
(vv 61-65)
:
Mallepaye Baillevent Mallepaye Baillevent Mallepaye Baillevent Mallepaye Baillevent
: Aux survenans ? : Chère meslée. : Aux povres duppes ? : La havée. : Et aux rustres ? : Le jobelin. : Aux mignons de court ? : L’accollée.
Baillevent Mallepaye Baillevent
: : :
Mallepaye
... feu! Sainct Jehan, voire ! (v 69)
Mallepaye
:
questions à valeur énumérative
3) Le second rôle est un rôle de questionneur.
: :
Mallepaye Baillevent Mallepaye Baillevent
:
Et SI elle y croit ?
:
Pour accentuer l'effet mécanique du procédé. l'auteur peut aussi utiliser une accumulation de
C’est le mode d'interruption le plus employé, car non seulement il convient au caractère de nos textes, mais encore c’est lui qui offre le plus de facilité pour fragmenter une réplique :
Baillevent Mallepaye
:
Baillevent
Quoy ?
: Belle amye et vivre a requoy ; Faire tousjours bonne entreprise, Belles armes, loyal au Roy. Mallepaye : Mais troys poulx rempans en aboy Pour le gibier de la chemise. (vv 109-1 14)
Mallepaye Baillevent Mallepaye Baillevent Mallepaye
: Aux gens de mesme ? Et aux ouvriers ?
La risée. Le Pathelin
(vv 139-144)
” - création d’un rythm Il est évident qu’à ce stade,on utilise plus le procédé pour sa valeur “esthétique rôle d’opposant pour mécanique - que pour sa valeur originelle qui était fonctionnelle - création d’un permettre le fractionnement d’un monologue.
L'opposition est ici marquée par le rythme.
Au point
de sept syllabes et une réponse limite,on aboutitla fragmentation de l'octosyllabe en une question monosyllabique comme dans le dialogue de Marot.
est appliquée au Une même technique peut donc être source d'effets différents selon qu’elle
des besoins différents. Dans le premier niveau de la structure ou-au niveau du détail et répond ainsi à que l'émanation du public - et dans cas,elle est utilisée pour créer le dialogue - le questionneur n’est
vers une recherche de rythle second cas,pour l’améliorer en transformant son caractère - on s'oriente n'était destiné qu’à permetme οἱ de verbalisme. En fait, si l’utilisation d'un procédé qui, au départ,
rythmique, c’est que tous nos tre la fragmentation, entre maintenant dans le cadre d’une recherche
avant tout sensible a la vivacité “dialogues” visent à n’être que l'expression d'un duo, le public étant e atteint des répliques et jugeant la pièce en fonction du degré de verbalism vers le duo plutôt que vers une Réciproquement, on peut aussi penser que l'évolution nette nce directe de la recherche d'une opposition réelle de deux personnages est en fait une conséque
en effet à équilibrer les roles et,par suite, fragmentation maximale au niveau du vers. Celle-ci tend ici la preférence que nous avons objustifie à donner une importance égale aux personnages Ce qui redoublement ; la fragmentation par servée pour la fragmentation simple et la fragmentation avec parce que, dans ce dernier cas, la interruption n'étant utilisée qu'avec un rôle de questionneur
et permet une recherche avant technique prend le pas sur la valeur “fonctionnelle” du procédé tout rythmique
- 266 -
IL — L’approfondissement psychologique des personnages
et la valeur dramatique du dialogue
L’ équilibre des rôles résultant du choix des procédés mis en oeuvre, implique que les deux Personnages mis en présence seront deux personnages identiques. Comme le remarque P. Aebischer, “Gautier et Martin qui semblent n’être guère autre chose que des aventuriers, se racontent leurs derniers exploits dans une langue où le jargon entre pour une bonne part ; ils passent rapidement sur les risques du métier pour s'étendre avec plus de complaisance sur les bons côtés de la vie qu'ils mènent
et sur le peu de soucis qu’ils ont ; ils se moquent agréablement des nobles besogneux qui veulent paraître à tout prix,cachant des guenilles sous leurs beaux vêtements Pour eux, ils sont contents d'être “gallans sans argent”, étant assurés de trouver un hôpital à la fin de leur vie”. (84). Les ‘“‘abusez du temps passé” qui n’apparaissent que sous le qualificatif de “le premier”, “le second”, sont deux gais lurons qui, malgré leurs beaux discours et le souvenir imaginaire de leur splendeur passée, sont totalement démunis d’argent,ce qui ne les empêche pas, après avoir décidé de ne pas payer leurs dettes, d’envisager avec optimisme les moyens de parvenir à une situation plus brillante Quant à Messieurs de Mallepaye et de Baillevent, Marchebeau et Galop, Monsieur de Deca et Monsieur de Dela, ils appartiennent tous à cette noblesse des fanfarons cassés de gages qui, malgré leur dénuement, n’en font pas moins assaut de fanfaronnades, vantant leur physique avantageu x, leur réussite en amour -c’est l’u-
nique thème de Marchebeau et Galop - leur courage guerrier ; et ils passent leur temps à deviser sur
la manière d'obtenir ce qui leur manque : l'argent - thème commun à tous nos dialogues qui trahit
le milieu bourgeois dans lequel ceux-ci ont été élaborés. Comme l'écrit Fournier ; Tout ce que la misère fanfaronne et chimérique peut imaginer de rêves et de souhaits, d’appels vantards à la bon-
ne fortune . et de bravades contre le sort, d’espoirs en bulles de savon et de regrets en vessies cre-
vées, se trouve ici, détaillé avec une verve singulière et renvoyé en lestes répliques de Mallepaye à Baillevent, et de Baillevent à Mallepaye, comme sur deux alertes raquettes ’” Cette identité des deux types en présence se reflète aussi dans le choix de leur nom. D'un texte à l’autre d’ailleurs, il y a une utilisation plus subtile de l’onomast ique : Gautier et Martin sont des noms traditionnels de gueux (85) ; les “‘abusez” apparaissent sous de simples numéros ; les noms de Deça et Dela symbolisent une fortune imaginaire et des terres imprécise s ; Marchebeau et Galop,forgés par ironie, dépeignent des francs-archers ; Mallepaye et Baillevent sont des noms qui traduisent une fine opposition psychologique : celui qui n’a rien (le pessimist e) et celui qui vit de rêves (l’optimiste). Personnages identiques, déroulement du dialogue en duo : est-ce à dire que ne se produit jamais d'échange véritable, que les personnages ne communi quent pas, que ces dialogues ne suivent aucune progression et ne reposent sur aucune intrigue ? Et ces personnag es sont-ils si parfaitement
identiques ? Ne dénote-t-on pas,d’un texte à l'autre,un approfon dissement de la technique marqué
- 267 par l’affinement des procédés mis en oeuvre, une recherche pour traduire, à travers le duo, des réactions psychologiques très fines de personnages identiques quant à leur place dans la société mais qu’opposerait une infime différence dans la manière de concevoir la vie ? Seule une étude détaillée des pièces peut apporter une réponse à ces questions
Le Dialogue de Gautier et Martin se décompose en trois grandes parties de longueur a peu prés égale. La premiére partie (vv 1 4 141) sert a présenter les personnages selon une technique qui rappelle celle de la Farce des deux francs archiers qui vont à Naples, à la différence près que les deux personnages en présence ne sont plus deux francs archers, mais deux gueux qui se définissent par un emploi de l’argot.
Pratiquement, l’auteur se borne à fragmenter deux monologues et à intercaler les fragments obtenus. Cette technique de base étant habilement déguisée par l’adjonction,de place en place,d’un certain nombre de pièces à forme fixe, des rondeaux le plus souvent, dont la fragmentation facile entre les deux rôles, permet une accélération du rythme. Mais on ne peut,dans cette partie,parler de “staccato-style”.
Du vers 1 à 37, Gautier est en scène et débite un
monologue dans lequel il exprime son désir de vivre joyeusement sans rien faire. Ce monologue est coupé par deux rondeaux (vv 14-21 et 30-37) qui servent à marquer l’entrée en scène du second personnage
: rencontre et accolade. Puis du vers 38 au vers 98, les deux larrons, en prenant
la parole à tour de rôle dans des répliques qui comportent en général de 4 a 8 vers, exposent leur
dénuement,qui est identique, puis rapportent leurs exploits respectifs en utilisant abondamment l'argot des malfaiteurs : “ Mais a Parouart la grant vergne Un ange mist sur moy la poue Pour moy graffir dns
(ve 61-83)
Le rythme de cette discussion qui n’est que rarement ponctuée d’exclamations ou d’interrogations marquant l'approbation ou l’incrédulité, est assez lent. Il ne s'accélère qu’au vers 99 à partir duquel se succèdent plusieurs pièces à forme fixe qui traduisent le passage des deux larrons a l'insouciance puis à l’allégresse. Par deux fois,on trouve un rondeau suivi d’une pièce comprenant trois tercets ponctués par. un refrain. De l’un à l’autre de ces systémes,on note une progression, le premier exprimant
le réconfort mutuel que s’apportent les deux larrons - dedain pour la police et haute conscience de soi - et le second traduisant, après un échange de compliments, la joie des deux hommes
:
“ Or et argent, cela nous nuyt Nous n’aymons que joye et deduyt ” (vv 130-131)
En fait,cette premiére partie , de construction assez lourde, temoigne de la difficulté qu’éprouve l’auteur à améliorer une technique
traditionnelle - fragmentation et redoublement - pour parvenir
à un échange plus rapide, à une accélération du rythme qui donne plus de vie au dialogue. Dans le second temps (vv 142 à 262) les répliques ne dépassent qu'exceptionnellement trois
vers et l’auteur essaie d’en réduire encore la longueur. Du vers 142 au vers 161, le rythme est rapiqui traduisent l’insouciance des deux hommes, leur dédain pour l’argent et leur de ; les répliques
désir de vivre joyeusement, ne comprennent pas plus de deux vers. Pour en réduire la longueur, l’au-
- 268 -
- 269 -
teur utilise surtout le procédé de la question brève (six questions) ou de l’exclamation. Il obtient ainsi un duo dans lequel les deux voix se font écho (wy 156-157). Puis jusqu'au
soudre et pour porter l’art du dialogue à son point limite de perfectionnement.
vers 261, l’auteur soutient
ce caractère de duo, résultat de ses efforts pour atteindre le “staccato-style”, en l’appuyant sur des mor:
ceaux traditionnels - “dit de l’ung et l’autre” en alternance avec des “dit de tel” qui sont parfois cou-
Les autres textes, vraisemblablement plus tardifs, offrent tous la particularité de commencer
directement sur un échange rapide :
pés d’un système “question + réponse” sur un vers : vv 168-172 - qui permettent aux deux hommes
Le le le le
de se livrer en choeur à la satire des “gallans” démunis qui veulent trancher du gentilhomme 4 la mode,sans en avoir les moyens. Dans la troisième et dernière partie du dialogue,qui débute au vers 263 sur le fameux rondeau :
Mallepaye
Martin : Debout ! Debout ! Gautier : A l’escarmouche !
Martin Gautier
: En place! :
Baillevent
Sus faisons devoir !
c'est l'explosion d’allégresse partagée - emploi du pronom “nous” - qui s’exprime par une pièce à forme fixe composée de trois huitains se terminant par un refrain et dont chaque vers est fragmenté en deux : question suivie de sa réponse dans le premier huitain et phrase en suspens complétée ou reprise en écho dans les deux autres huitains. L'effet obtenu par ce procédé de fragmentation mécanique et régulier est quelque peu factice car l’allégresse est quelque chose d’incontrôlé qui devrait se traduire par des coupes irrégulières et un rythme progressif. De là, les deux hommes passent à une
chanson (vv 298-306) après laquelle ils déclament en répliques alternées qui se complètent, un long passage en rimes plates qui est l'apologie de leur mode de vie présent - procédé de la fragmentation en deux voix d’un rôle unique. La longueur des répliques diminue progressivement du vers 354 au vers 372 et l'accélération du rythme qui en découle traduit l’échauffement des deux compères désireux de justifier leur unique souci de vivre le présent dans la joie. Les derniers vers de la pièce apportent l’argument “philosophique”
:
“ Quant ung homme a amassé D’or et d’argent en une masse Et puis quant sera trespassé L’emportera il en sa tasse ?” (vv 378-381) sur lequel repose la conclusion des deux larrons qui est aussi leur adieu : “
Telz nous voiez, telz nous prenez.” (v 385)
Ce texte qui, pour nous, représente le stade premier d'une recherche conduisant au “staccato-
I Il I II
:“ Qu’en dis tu ? : Je ne sçay que dire. : Quel temps court il ? : Temps a redire. (Dial. des abusez) :
:
Hé Monsieur de Baillevent ! de neuf ?
Marchebeau Galop
: :
M. de Deca
: Monsieur de Dela !
M. de Dela M. de Deca
Quoy
Et puys, Monsieur de Galop ? Quoy Monsieur de Marchebeau ?
: : A
Qu’y ail? vostre advis plaisant babil
Est il estimé ?
Ainsi, d’entrée de jeu, les quatre dialogues se placent-ils sous le signe de la vivacité. On supprime de la piéce ce qui faisait le premier temps du Dialogue de Gautier et Martin et l’alourdissait : la rencontre des deux personnages et leur présentation par le moyen d’une opposition de deux monologues identiques de vantardises.
Cependant,le Dialogue des abusez du temps passé, daté de 1502, malgré un effort visible, ne parvient pas à la vivacité et au mouvement qui font de ces pièces une explosion de joie pure et d’enthousiasme. Nous l’avons vu, il est plus une conversation permettant un échange d’arguments destinés a
convaincre l’adversaire qu’un duo joyeux. Alors que le Dialogue de Gautier et Martin restait un duo sans parvenir à l’échange qui caractérise le véritable dialogue, celui-ci, inversement, ne laisse aucune
présent,les deux “‘aplace au duo. Après avoir exprimé leurs plaintes, justifiées par leur dénuement vaut mieux servir qu'il prétendant l’un busez” s’opposent sur les moyens de parvenir à la richesse,
chacun reste sur les seigneurs, l’autre les dames, et la conversation s’envenime jusqu’à la dispute car
l’idée qui soussa position. En fait,ce dialogue reste proche du genre du débat courtois. D’ailleurs
style” par l’affinement des procédés qui permettaient de passer du monologue au dialogue, témoi-
ue du “‘stactend l’échange ne permet pas à l’auteur de parvenir à cette fragmentation caractéristiq
gne à la fois de la volonté de l’auteur d’obtenir une plus grande vivacité dans le dialogue, et d’une
cato-style”.
certaine gaucherie dans la mise en oeuvre. Ce n’est que lentement et difficilement qu’il parvient au cours de ce dialogue à cet échange brillant de répliques incisives qui caractérise le “staccato-style” : il utilise d’abord la technique qui permet d'obtenir un dialogue en intercalant des fragments de deux monologues du même type, puis a recours à des structures traditionnelles faciles à fractionner ou à redoubler, pour enfin aboutir à un bref et vif échange de répliques courtes,appuyé sur des procédés
traditionnels ; mais, très vite,il revient à une déclamation en duo qui repose sur une fragmentation simple du vers. D'autre part,les personnages sont parfaitement identiques Ce texte montre donc bien
la difficulté à laquelle se heurtaient les auteurs et témoigne des premiers efforts entrepris pour la ré-
ce type de pièce à parIl est évident que le point limite de perfectionnement sera atteint dans
réels et les passages en duo, tir du moment où, par un savant dosage entre les passages d’échanges e qui donnera au dialogue psychologiqu évolution subtile et l’auteur réussira à traduire une très fine
du Dialogue de Messieurs son unité et sa valeur dramatique. C’est ce que parvient à réaliser l’auteur
omme le chef-d’ oeuvre de Mallepaye et de Baillevent que l’on peut considérer à beaucoup d’égards,c
d’amoureux du genre, Marchebeau et Galop n’en é tant qu'une imitation limitée à des fanfaronnades ne comporte que 161 vers. et le Dialogue de M. de Dela et de M. de Dega une reprise réduite qui
-271-
-270Le Dialogue de Messieurs de Mallepaye et de Baillevent est en effet un véritable chef d’oeuvre de virtuosité verbale et d'art dramatique, Dès les premiers mots, nous entrons directement dans le vif du sujet : il suffit de six vers répartis en cing répliques, soit trois échanges, pour situer les personnages,
esquisser leur caractère et donner la ligne directrice du dialogue. En deux vers (vv 2 et 3), Mallepaye par l’emploi du pronom “nous”, peint les deux antagonistes comme des gueux démunis. D'autre part, le fait que sa première réplique soit au présent de l'indicatif et contienne une constatation amère,
tend à le présenter comme un pessimiste, A cela, Baillevent - celui qui sait vivre d’espoir et de rêves et en faire profiter ses semblables - répond au conditionnel par une fafaronnade qui fait de lui un optimiste qui dédaigne la triste réalité du présent pour une vie imaginaire qu'il se crée. Emporté par
l’optimisme de son camarade, Mallepaye surencherit. L'idee directrice du dialogue est donnée : il se composera d’une suite de variations dont chacune repose sur une alternance de fanfaronnades avec surenchérissement ét de cruels retours à la réalité à laquelle les deux compères essaient d’échapper.
Le “staccato-style” donne vie à cette progression en dents de scie dont la vraisemblance tient à la
légère opposition de caractère qui sépare les deux hommes
et qui se traduit par une alternance en-
tre les passages d’échange et ceux de duo-échange lorsque le pessimiste Mallepaye questionne ou contredit Baillevent, et duo quand il se laisse gagner par l’optimisme communicatif de son interlo-
cuteur. Le dialogue se déroule donc selon tout un jeu d’oppositions très fines,en suivant une progression subtile. Essayons d’en dégager les grandes articulations.
- Première variation : vv 7 a 18 (elle est liée à introduction à laquelle elle fait suite) : a) L'explosion d'allegresse : elle est marquée par deux efforts pour échapper au réel (leur dénuement : v 5) mais qui échouent par la faute de Mallepaye : Baillevent Mallepaye
Baïllevent Mallepaye
Baillevent Mallepaye
Baïllevent
: Nous sommes francs, : adventureux
: Riches : Aisés
: Planteureux : Voire, de souhais !
:
C'est assez !
: premier effort (2 vers)
: première retombée dans
Baillevent Mallepaye Baïllevent Mallepaye Baillevent
: Gentilz hommes...
: Hardys : et preux : Par l’huys : du joly souffreteux : Héritiers. : De gaiges cassés,
: 4/2/2
second effort
: imaginaire réel : imaginaire réel
la pensée de ne pas être récompense selon la valeur que l’on se croît ; et la persistance de l’allégresse se justifie par l’optimisme communicatif d’un personnage : c’est là un déroulement psychologique appuyé sur les reactions profondes des personnages. L'étude de cette première variation met donc en valeur la construction rigoureuse du dialogue, facilitee par une conscience précise des effets produits par les procédés employés. - seconde variation : vv 19-30. Elle se déroule en deux temps : l’idée parl’optimiste Baillevent de la découverte possible d’un trésor les entraine dans l’imaginaire (vv 19-24), d’où leur allégresse traduite par un assaut verbal de répliques constituées d’un verbe à la première personne du singulier, en deux échanges (vv 25-27). Mais le pessimiste Mallepaye revient au présent : ‘’ On ne faict point porchatz de nous!
” (v 30)
- troisième variation : vv 31 a 49. C’est un nouvel effort pour échapper à la réalité, La montée de l’optimisme est marquée par une accélération du rythme (vv 32 à 35 : 8 + 5/1/1/1-3/5-1/7-
1/1/1/1/1/1/2): Mallepaye
: Il ne fault que deux ou troys coups
Baillevent Mallepaye Baillevent
: : :
Pour nous remonter
droictz
drutz
doux (vv 32-33)
A
partir de la,les variations s’amplifient, les deux hommes allant de plus en plus loin dans l’i-
maginaire. C'est cette amplification des variations, croissante jusqu'au milieu du texte puis décrois-
sante,qui donne au dialogue sa progression.
refuse de se laisser prendre.
- quatrième variation : vv 49 à 90. La pensee de l'argent amène les deux compères à chercher les moyens de s'en procurer, et, au fur et à mesure qu'ils examinent ces moyens, la somme qu'ils ré-
: second effort (1 vers)
vent de posséder augmente
: de 500 écus (v 49) on passe à 2000
(v 77) puis à une somme impos-
quatre tercets sible à calculer (v 84). Le rythme traduit bien cette montée de l’optimisme : après
: 2/6 + 3/5
: deuxième retombee dans le réel ; Baillevent succombe (2 vers).
La progression dans l'échec est ici traduite par la symétrie inversée des efforts : premier effort
Ce qui fait la valeur de ce dialogue c’est qu’il n’est pas uniquement un assaut de vantardises, mais fait alterner la joie qu'implique une bonne conscience de soi et l’amertume que provoque
avec un soupir à la pensee objective de l'argent qui manque (v 49).
le réel (1 vers) mais Baillevent
Mallepaye
A cela s'ajoute l’effet de repétition puisque l’échange est triplé.
Et elle se poursuit par un assaut de vantardises propres aux francs archers (vv 40-48). Mais on revient
: 4/4 équilibre et optimisme : 2/3/3 début d’allégresse
Mallepaye: SI mainces Baillevent : SI MAL compassez
: : : :
2 vers 1 vers 1 vers 2 vers.
b) retour au réel et plaintes sur le présent . c'est un duo qui repose sur la reprise d’une structure syntaxique avec amplification ( pour émou voir l'assistance) :
à raison d’un tercet par réplique - rythme lent qui évoque l'effort de réflexion des deux comparses - on passe a un système de cinq échanges rapides, chacun d’eux étant contenu dans un seul fractionne en une question et sa réponse, qui permettent a l’optimiste Baillevent de venir à bout des réticences de Mallepaye. Leur joie s'exprime alors en vagues successives qui crépitent vers
comme des applaudissements ( v 73
coupé en trois exclamations 2/2/4 ; w 79-80 : 4/4/2/3/3
|
alors Baillevent qui revient prolongés en écho par le vers 82 : 3/2/3 ; vv 86-87 : 2/2/4/4/4.) Et c'est suivante parte d'emblée variation la que au présent, mais avec une attitude de dedain qui explique
sur un certain optimisme fait d'insouciance
-272-
-273-
“ ... rentes assez et revenuz. Et s’a present n’en avons nulz Ce n’est que malheur qui nous chasse,” - Cinquième variation : vy 90 à 156. C’est le point culminant de l’allégresse et de l’optimisme : a) premier temps (vv 98-108) :c’est un assaut de répliques comportant des formes verbales à la première personne du présent de l'indicatif, qui traduisent, par le caractère absurde de leur succession, l’insouciance des deux partenaires à l'égard du présent : Baillevent Mallepaye Baillevent Mallepaye
: Je destain le feu : Je l’allume : Je m'esbas Je passe mon dueil (vv 98-99) b) second temps (vv 109 à 156) : leur insouciance à l'égard du présent les amène naturellement à entrer dans l'imaginaire (marque par le conditionnel) et à se voir en “gorriers” vêtus au gout du jour et glanant les succès amoureux. Ils vont même jusqu’à imaginer leur attitude opportuniste vis-à-vis de ceux qu’ils pourraient rencontrer dans un banquet (système “question + réponse” sur un vers repris neuf fois), Et le passage se termine sur le fameux vers qui traduit l'explosion de joie : Mallepaye Baillevent Mallepaye Baillevent Mallepaye
: : : :
Prest !
Prins !
Promps ! Preux !
que Baillevent essaie de la lui faire oublier en rappelant longuement leurs qualités. a) vv 157 à 177 :- 157 à 168 : désir de l'argent qu’ils n’ont pas : Mallepaye : “Hélas ! nous sont deues?”
Cent escus
- 169 à 177 : ils imaginent ce qu'ils feraient s’ils les possédaient et poursuivent par un déluge de com-
pliments sur leurs propres personnes.
:- 178 à 189 : retour à la pensée de l’argent et désir d’en trouver. : ils rivalisent en vantant leur splendeur passée et. . . imaginaire.
tés,en trois temps marques par la reprise de “nous sommes . . .” (vv 205, 217 et 229). Chaque fois, c’est Baillevent qui mène le jeu. Chaque étape de cette escalade vers l’optimisme repose sur la reprise d’une même structure dont les deux fanfarons se partagent la déclamation
||| ee
: ENTRE les gallans..
:
COMME hardis. (x 3)
- 233 à 246 : mais l'emploi de la particule augmentative “si” appelle implicitement une réserve : c’est le retour au réel avec la conclusion douloureuse que le sort a été injuste à leur égard en ne les pourvoyant pas comme ils le méritaient
; aussi la pensée de leur dénuement leur arrache-t-elle des plaintes
qui se transforment peu à peu en cnis par l'accélération du rythme (répétition du système : 4/1/1/1/1) : Mallepaye Baillevent
Nous avons froit,
:
Mallepaye
:
Baïllevent Mallepaye
Chault
: :
Faim,
Soif,
Soing.
D'où l'impression que la tentative d'évasion des deux compères a échoué et que le dernier temps du texte sera de facture différente.
leur dénuement est vraiment total, et Baillevent ne peut plus répondre au pessimisme de Mallepaye qu’en lui faisant part de sa décision de mendier Mallepaye
Baillevent
:
::Ὁ 81 vient guerre, mort ou famine Dont Dieu nous gard’, quel train, quel’ myne Ferons nous pour gagner le broust ? Quant a moy. je me détermine D'entrer chez voisin et voisine
Et d’aller veoir se le pot bout.
b) w 277 à 330 : aussi,nos deux larrons, qui semblent avoir définitivement renoncé à toute allégresse, vont-ils envisager tous les moyens possibles d’ ‘‘amasser bien et honneurs ” : voler - puisque l’on peut être absous pour quelques pièces à un pardonneur; servir les seigneurs, les marchands, les officiers, “faire l’ost”’, servir les Cordeliers ou les Carmes. Chaque fois,un argument - le peu de
gue se ralentit : il y a échange de point de vue et non duo, ce qui prouve que les deux fanfarons ne réussissent pas à retrouver leur optimisme.
- conclusion : vv 331 à 366 : Cependant, à défaut d’optimisme, les deux hommes vont se réfugier dans l’insouciance et décider
de partir “‘a l'adventure”
:
“ Brief c’est le plus expedient Que nous gettons la plume au vent : Qui ne peult mordre, si aboye.” (vv 340-342)
biches, (x 5) .
Nous avons donc là un dialogue habilement construit, dont le déroulement repose sur :
... compaignons. ( x 3)
ee
.“Habandonnez...
Mallepaye
ver des inconvénients à tout travail, Notons encore que, dans ce dernier temps,le rythme du dialo-
- 205 à 232 : ils échappent à cette pensée en présentant aveccomplaisance leur personne et leurs quali-
- Baillevent
- Baillevent
l’on rencontre dans les monologues d'hommes à tout faire - leur fainéantise naturelle leur fait trou-
c) vv 202 à 46: - 202 à 204 : retour à la pensée de leur pauvreté.
Nous sommes légiers . .. COMME
:* Nous sommes SI francs, : SI parfaitz.(x 3)
profit ou la peur - les fait renoncer à l’idée. C’est là une sorte de dégonflement analogue à celui que
b) w 178 à 201
: :
- Baillevent Mallepaye
a) vv 247 à 276 : un rapide tour d’horizon permet aux deux hommes de se rendre compte que
Especiaulx !
- sixième variation : vv 157 à 246. Elle se compose en fait de trois variations plus brèves qui illustrent l’oscillation continuelle des deux fanfarons entre l'imaginaire et le réel, l’allégresse et l’amertume. Et chaque fois,c’est Mallepaye qui revient à la pensée de l’argent qu’ils n’ont pas, cependant
-Baïllevent Mallepaye
:* POUR servir princes. . . : . . . Curieux (x 3)
- dernière variation : vv 247 à 330.
Mais une remarque du pessimiste Mallepaye : “comme Messieurs les despourveu z” les ramène à la triste réalité.
- 190 à 201
- Baillevent Mallepaye
- des oscillations continuelles entre une constatation amère du réel et des envolées enthousiastes dans
en
O
-274-
-275-
Pimaginaire, trait de caractère traditionnel de ces instables que sont les fanfarons du théâtre comique, amoureux ou francs archers. La répétition de ces oscillations est justifiee avec vraisemblance par la légère nuance de caractère qui sépare le pessimiste Mallepaye de l’optimiste Baillevent, nuance qui enlève aussi tout caractère factice à l'alternance entre les echanges véritables et les duos qui sert de trame au texte et lui apporte la variéte d’une vie que traduit dans toute sa spontanéité un
emploi conscient et nuancé de tous les procédés qui permettent de parvenir au “‘staccato-style”. - une double progression appuyée, d’une part, sur une diminution constante, du début a la fin du dialogue, de l'importance des désirs exprimés par les deux fanrafons, et d’autre part, sur une amplitude croissante jusqu’au milieu du texte, puis decroissante, de leurs évasions dans l’imaginaire. Notre dialogue repose donc avant tout sur la psychologie des personnages qu’il met en scène et, de ce fait, il atteint cette profondeur dramatique qui, seule, est capable de créer la “distanciation” entre les acteurs et un auditoire
devenu simple spectateur de ce qui est, plus qu'un jeu, une véritable
représentation dramatique
ploits et leurs victoires futures. Mais,si leur imagination les amène à vendre la peau de l’ours avant de lavoir tué, en passant inconsciemment du futur (“Turcs nous y verrons detailler”) au passé (“De bien pres, fort escarmouchez/On les a et effarouchez”), les lapsus qu’ils commettent ne trompent person-
ne sur la réalité de leur courage : aux Turcs mis en pièces se substitue nt des “laquetz” et “‘valetons”
qui seront “aux arbres branchez” (v 146).
Aussi personne n'est-il surpris lorsque nos fanfarons décident, à la fin de leur dialogue, de gager leurs vêtement s pour aller boire à la taverne. Nous n’avons là que des reprises de thèmes et de procedés bien connus, et l'échange lui-même n’atteint pas cette viva cité qui était la principale qualité du Dialogue de Mallepay e et de Baillevent, ce qui rend la représentation de notre dialogue plus facile pour des acteurs moyens Mais les patients efforts qui aboutissent à l’affinement d'une technique conduisant au “staccatostyle” et permettant parfois le recours à l'improvisation,n'ont pas été vains En effet, la joie qui se traduit par la vivacité, la démesure, l'absurde parfois, et que rend parfaitement le recours au “‘stac-
cato-style”, est, comme l’insouciance qui y conduit souvent, si proche de la folie qu’elle peut en é-
Cependant, il faut admettre que peu d’auteurs ont su atteindre la perfection dont témoigne le Dialogue de Messieurs de Mallepaye et de Baillevent. On peut cependant penser que tous les dialo-
gues ayant été effectivement représentés ne sont pas parvenus jusqu’à nous, car ils reposent essentiellement sur une technique d'élaboration simple qui devait permettre à des acteurs entraînés à l'emploi des différents procédés qui la composent, et conscients de leurs effets, de se livrer à des improvisations à partir d’un canavas de départ réduit à peu de choses. Dans un genre aussi technique, la forme prend plus d'importance que le fond, et la reussite est surtout fonction de l’art du comédien : vivacité du jeu, esprit de repartie, qualités de mime. Sans aller jusqu’à prétendre que ces dialogues étaient des oeuvres d'acteurs, ce qui est possible, on peut tout au moins penser qu'ils étaient bien souvent conçus en fonction des comédiens qui devaient les jouer. C'est peut-être la aussi ce qui peut expliquer que les dialogues qui se rapprochent de notre
chef-d'oeuvre n’en sont le plus souvent que de pâles imitations, comme le Dialogue de M. de Dela et de M. de Dega, oeuvre de vieillesse de Roger de Collerye. Ce court dialogue de 161 vers - en 32 quintils - débute sur un échange assez vif qui rappelle l'entrée en scène de Mallepaye et Baillevent
tre considérée comme une manifestation - elle stoppe le travail logique de la pensée ; aussi ne doiton pas s’étonner que l’utilisation du “staccato-style” ait été une des caractéristiques de la sottie, genre d’une technicité comparable à celle du dialogue dont on peut penser qu’il en a été le banc
d’essai.
On constate d’ailleurs que la structure de nombreuses sotties repose sur des combinaisons de
dialogues. C’est le cas notamment de la Sottie des sots qui corrigent le magnificat (86) et de laa Sottie des coppieurs et des lardeurs (87) qui semblent toutes les deux appartenir au même répertoire : elles mettent en scène les mêmes personnages - Sotin et Teste Creuse -, sont de la même veine co-
mique et appartiennent aux premiers exemples du genre.
La seconde surtout doit beaucoup à la technique du dialogue dont elle emploie les procédés spécifiques. Le premier temps, (vv 1 à 88)en effet, se compose d’un dialogue entre Malostru le coppieur et Nyvelet le lardeur. Or ce dialogue est fondé sur le redoublement d’un rôle : les deux personnages ne sont que les deux faces d’un même type : Nyvelet
:
‘ Pour larder lard en larderie,
Tant qu’en lardant le lardé rie, Je larde lardons bien lardez.
et présente,en onze vers,deux fanfarons, de Dela et de Dega, qui se plaignent du dédain dont on fait preuve à leur égard et qui est la conséquence de leur dénuement - c’etait aussi une plainte de
Malostru
:
Mallepaye. Puis, dans un premier temps, (vv 12 à 66), inspiré du dialogue de Marot, Dega questionné par Dela, décrit la dame dont il est amoureux.
Ces devis d’amoureux sont suivis, dans le se-
cond temps du dialogue,dun échange qui rappelle ceux de Mallepaye et de Baillevent : à l’opti-
miste et rêveur Dela,qui remet son sort aux mains de Dieu, le réaliste Deca retorque que le fondement du bien vivre c'est l'argent ; or 1] souffre d'en être démuni car il est “aux gaiges cassés”, “‘sans bruyt et renom” (vv 67-91)
Mais tous les deux se consolent par un assaut de fanfaronnades qui rap-
pelle leur valeur et leur vaillance passée ainsi que la richesse et la générosité de leurs ancêtres (vv 92107)-c’ est encore un thème de Mallepaye et de Baillevent
Ils décident alors, pour retrouver un peu
de chevance, de se battre contre les Turcs et les luthériens, et, s’échauffant, ils imaginent leurs ex-
Et pour coppier en coppie, Coppieur coppiant coppie, Les coppieux bien coppiez.” (vv 32-37)
L'auteur parvient cependant à rompre le parallélisme des repliques par l'usage du “‘staccato-style” appuyé sur des reprises d’une même structure : Nyvelet Malostru Nyvelet Malostru Nyvelet Malostru
:
: : : :
Vienne qui plante ! Quelz attaches ! Vive qui bruit ! Quels espinoches ! Fy de villains ! Quelles desmarches!
(vv 19-21)
Néanmoins, l'échange garde un caractère factice de duo jusqu’à l’arrivée de Teste Creuse qui se heurte
aux deux trompeurs (vv 89-102). Puis du vers 103 au vers 145, c'est un nouveau dialogue entre Teste
-271-
- 276 Creuse et Sotin, dont nous avons déjà parlé, qui utilise la technique de l’interruption et se termine sur un passage en “‘staccato-style”’ (v 130 sq) appuyé sur une fragmentation de chaque vers entre une question et sa réponse. L’originalité de l’auteur apparaît dans un troisième temps (vv 146-261) qui permet d’opposer en un dialogue les personnages de chaque camp : après leur avoir proposé un certain nombre de divertissements, Malostru et Nyvelet vont “‘coppier’’ et “‘larder’’ Sotin et Teste Creuse. Le dialogue, très vif, consiste pour Nyvelet et Malostru à appuyer les vantardises de Sotin et Teste Creuse en les dégonflant à l’intention du public (C’est la technique de la Farce du gentilhomme et son page) : a Sotin qui lui demande ce qu’il pense de son allure, Malostru répond
d’une
nement simple sans recherche de ‘‘staccato-style”. L’échange se poursuit jusqu’au vers 192, cependant que, dans un coin de la scène, les sots continuent à parler entre eux (vv 117-130 ; vv 153-154 : v 161 ; w 171-172) : les deux hâbleurs finissent par lier connaissance (vv 148-192). Dans la seconde partie de la pièce, l'intrigue se noue par la mise en présence des deux groupes de personnages. Dando et Aliboron empéchentles sots de se livrer à leurs ébats
Aussi ceux-ci, après un conciliabule (vv 196-
223) décident-ils de s'imposer en punissant les géneurs.
Ils reviennent donc en scène pour se venger
de Dando et Aliboron en leur appliquant la punition par eux-mêmes conseillée à l’encontre de “Ces cocardeaulx et ces badins Qui mesdisent sur leur voisins” (vv 343-344)
manière élogieuse : “ A veoir seullement vostre pié,
Je vous jugeroys pour tout seur Estre ung treshabile danseur” (vv 216-218)
mais il déclare presqu’aussitdt à l'intention du public : “ Oncques vieil poullain destravé Ne tumba cul par dessus teste Comme feroit la povre beste S'il oyoit sonner un bedon ! ” (vv 222-224)
Aussi, dans un quatrième temps (vv 262-299) où,en général,l’auteur emploie la stichomythie, Teste Creuse et Sotin vont-ils s'apercevoir,dans un échange très vif,qu’ils ont été joués. Leur désappointement s'exprime alors sur un rythme rapide, par des exclamations, des interrogations, des phrases parallèles et des répétitions des termes “lardé” et “coppié” et de leurs dérivés : Teste Creuse : La cause ? Sotin : Ilz ont au vif lardé. Teste Creuse : Lardé ? Sotin A voire, lardé ! Teste Creuse : De quoy ! (vv 266-267) Teste Creuse : Coppie on maintenant le monde ? Sotin Lardeurs tiennent ilz table ronde ? (ν 281-284)
A partir de làl’auteur s’oriente, dans le dernier tiers de la pièce, vers un dénouement de farce qui
illustre le thème du trompeur trompé (vv 300-365) : Teste Creuse et Sotin demandent appui à I’ Escumeur de latin qui les venge de Malostru et Nyvelet (vv 366-348). Là encore,le dialogue utilise beaucoup les effets de reprise en écho avec ou sans amplification qui sont un des aspects du ‘“‘staccato-style”.
La Sottie des sots qui corrigent le magnificat suit un déroulement analogue. Elle débute sur un “trialogue” entre Teste Creuse, Sotin et Rossignol, mais, nous l'avons montré, ce “trialogue”’ n’est qu’une variation sur un dialogue, le rôle de Teste Creuse ayant été dédoublé pour permettre
l'apparition d'un troisième personnage, Rossignol. Et ce dialogue est du type de ceux qui mettent
aux prises un personnage volubile et un interrupteur, en utilisant le “staccato-style”. Ce premier
dialogue, qui va jusqu’au vers 46, est suivi d’un second qui marque l'apparition de deux nouveaux personnages : Dando Mareschal et Maistre Aliboron - deux aspects du type du charlatan ou du pé-
dant - qui se livrent à tour de rôle à une satire de la mode féminine qui pourrait, sans beaucoup de modifications, étre déclamée en monologue (vv 47-116). C’est la un dialogue obtenu par fraction-
Et la pièce se termine sur la plainte trois fois répétée des deux pédants : Aliboron Dando
:
Je cuidoye estre plus saichans Maisje suis fol de tout costé” : Pour ce que sur tous j’ay parlé,
On m’a baillé le frain aux dens.”
On s’apergoit ici que le “staccato-style” est réservé aux répliques de Sotin, Teste Creuse et Rossignol. Celles des pédants sont plus longues et reposent sur les procédés primitifs de fractionnement du monologue. L’utilisation du “staccato-style” est donc fonction
des types de personnages : nous retrou-
verons cela dans maintes sotties. Rappelons enfin que la forme dialoguée peut se compliquer en “trialogue” par application au dialogue d’un des procédés qui permettent de passer du monologue au dialogue (88) : non seulement,
nous l’avons vu, il est possible de passer du dialogue au “trialogue” par fractionnement de l’un des deux rôles, mais on peut aussi faire intervenir un interrupteur qui, procédant par apartés, essaie de briser le dialogue qui se déroule entre deux personnages ; on obtient ainsi une sorte de “dialogue”
au second degré qui se superpose au dialogue de base. C’est là une technique très élaborée, aux effets sûrs et dont les soixante premiers vers du Moral de tout le monde (89) et la Farce nouvelle des cris de Paris (90) nous donnent des exemples. Le “staccato-style” est donc le point d’aboutissement des techniques qui permettent de passer du monologue au dialogue, et c’est grâce à lui que pourra s'épanouir le genre de la sottie qui, avant
de verser dans la satire politique, est surtout une manifestation de jeu verbal vif, incisif et faisant naître la gaîté. Car c’est, entre autres choses, par la qualité et la nature des échanges entre les acteurs que se différencient la farce et la sottie. Dans la farce, le dialogue est le support de la communication
il est donc le plus souvent réaliste et fonctionnel : il sert à préparer l’action et reste au service du geste. Dans la sottie, au contraire, le dialogue trouve sa fin en lui-même ; il est, échange véritable ou duo,
l’action proprement dite, un jeu reposant sur une technique hautement élaborée, source d'ivresse verbale et créatrice de vie, et le geste ne sert qu’à l’appuyer. C’est là une des raisons qui font de la sottie
une farce destinée à l'esprit, ainsi que nous essaierons de le montrer dans une troisième partie,
;
- 278 bord sur l'observation réaliste de la vie,elle s’en dégage peu à peu pour devenir plus consciente et raisonnée, plus technique, plus capable de rendre sensible, au-delà de l’apparence des êtres, leur esprit même.
La re-création de la vie qui, au départ, s’appuyait surtout sur la parodie, repose main-
tenant sur l’utilisation de procédés éprouvés et lentement mis au point qui lui donnent plus de vraisemblance et de profondeur, car elle rend compte non seulement des actes, mais aussi de leur motivation psychologique. De jeu qu’il était,le théâtre devient un art.
C’est là la démarche d’un théâtre populaire qui naît dans la rue, s’affine par besoin de renouvellement et suit l’évolution culturelle d’une classe en plein essor. : la bourgeoisie. D'ailleurs l’affinement de l’art dramatique qui conduit du monologue au dialogue et du dialogue à la sottie, et qui est en même temps une prise de conscience de la valeur du théâtre en tant que mode et moyen d’expres-
CONCLUSION
sion, témoigne d’un esprit critique et technique qui est à l’image de celui de cette classe qui a su imposer sa valeur dans la conduite des affaires aussi bien que dans Τ᾿ organisation juridique et administrative du royaume.
Le désir de rénover la mise en scène des monologues dramatiques dont la vogue allait en diminuant, conduit en fait à la création d’un genre nouveau qui se caractérise par la prééminence du jeu verbal sur l’action et par une grande technicité : le dialogue.
Mais ce n’est que peu à peu que la présentation dialoguée des monologues, de simple procédé de mise en scène, devient le sujet mème de pièces qui perdent leur caractère de jeu dramatique po-
pulaire pour devenir de véritables représentations théâtrales qui ne doivent leur vie qu’à elles-mémes et non plus à la participation du public. Dans le premier temps de cet effort de rénovation, les auteurs s'appuient sur les monologues préexistants dont ils cherchent à transformer la mise en scène par l'emploi de trois procédés : après avoir fractionné le monologue choisi comme base de départ, soit ils répartissent les fragments obtenus entre plusieurs acteurs, soit ils intercalent entre ces fragments les répliques d’un interrupteur, d’un questionneur ou les reparties d’un contradicteur, soit
enfin,ils font alterner ces fragments avec ceux d’un second monologue identique pour donner plus de consistance au rôle secondaire qui, dans le procédé précédent restait un rôle “technique”. De l’un à l’autre de ces procédés, et selon les textes, on constate un effort conscient pour donner plus de vie, de profondeur dramatique,au dialogue obtenu; mais celui-ci apparaît trop souvent factice car il prend
le caractère d’un duo ou reste un échange à peine déguisé entre l’acteur principal et l’auditoire dont la participation est rendue effective sous la forme du rôle secondaire. Ce n’est qu’à partir du moment où les auteurs, totalement maîtres de ces procédés et conscients de leurs effets, en font la synthèse
pour l'appliquer au niveau du détail, que le dialogue, caractérisé par le “staccato-style”, devient une technique de jeu verbal qui ne doit sa vie qu’à elle même et qui, refusant la participation du public, prend une plus grande profondeur dramatique. Le monologue avait servi à créer des types, le dialogue les présente en action. On retrouve d’ailleurs dans l’évolution de ces deux genres une même progression de la démarche créatrice. Fondée d’a-
TABLE
des MATIERES
du TOME
|
AVANT - PROPOS
1 Premiére Partie
:
LE
MONOLOGUE
DRAMATIQUE
INTRODUCTION PREMIERE
3
SECTION :
La Tradition
Chapitre Chapitre DEUXIEME
SECTION
:
| 11
| II
A) La B) La Chapitre 1} Chapitre IV Chapitre V SECTION
Un art de conteur Un art de satirique
21
:
34
: :
Les Pièces de mariage Les Sermons burlesques parodie à valeur d'artifice de présentation parodie à valeur dramatique : Les “Pronostications” : Les Testaments : Les Mandements
Le Monologue dramatique
Chapitre
|
:
Chapitre Chapitre
II 1}!
: :
34 40 41 55 78 94 102
‘proprement dit”
108
Les Monologues de charlatans Les Monologues de soldats fanfarons Les Monologues d‘amoureux
109 137 161
A) Le Monologue - récit
162
B)
188
Le Monologue - état d'âme
CONCLUSION
195 Seconde
Partie
:
LE
DIALOGUE
INTRODUCTION Chapitre
199 |
:
Du
monologue au dialogue par fractionnement
1) Le Fractionnement “esthétique” ”
simple
2) Le Fractionnement “fonctionnel”’ a) Le personnage secondaire est un interrupteur b) Le personnage secondaire est un questionneur c) Fractionnement complexe par synthése des procédés précédents Chapitre
II
:
Du monologue au dialogue par fractionnement et adjonction d'un contradicteur
1) La contradiction terme à terme
2) Approfondissement psychologique du rôle du contradicteur 3) Extension de la technique d'opposition : les pièces complexes Chapitre 1}!
:
Du monologue au dialogue par redoublement
1) Le redoublement simple : opposants identiques 2) Amélioration du redoublement : opposants différents Chapitre IV) : Le point limite 1) Le “staccato - style’’ 2) L'approfondissement valeur dramatique du
CONCLUSION
8
La Parodie et le problème du dramatique
Chapitre Chapitre
TROISIEME
: :
narrative et le problème du dramatique
203
204 209 209 217 224 227
228 230 237 241 242 245
de perfectionnement du dialogue : le staccato - style et ses techniques 251 psychologique des personnages et la dialogue 266
278
TROISIEME
PARTIE
La Sottie
- 280 -
-281d’ermites ; elles se reconnaissent enfin à leur dialogue dans lequel nous trouvons toujours des traces
de la fatrasie.” (7). En fait,E. Picot n’ajoute guère à ses devanciers qu’un critère vague et bien discutable qui ne peut être suffisant pour emporter l’adhésion de tous ceux qui ont lu cette manifestation particulière de notre ancien théâtre qu’est la sottie (8). Le problème est-il donc insoluble ? C’est ce que l’on pourrait croire lorsque l’on voit, trente ans plus tard, Barbara Swain reprendre la définition d’E. Picot (9). Elle est cependant la première à essayer d'étudier d’une manière plus précise le problème des origines ou,plus exactement,celui de la formation des troupes qui ont pu créer ce théâtre particulier (10). Pour elle, lorsque l'Eglise supprime la fête des Fous, celle-ci renaît d’une autre manière grâce à la création des sociétés joyeuses comme l’Infanterie Dijonnaise (11) et de “similar societies in Paris and Rouen connected not with
INTRODUCTION
the church but with the law courts”, lesquelles “expressed also in their carnival stunts the same mocking and irrepressible gaiety’’ (12). Et si,dans le nord,les sociétés joyeuses dont les membres é taient moins bien formés que ceux des basoches, continuent la tradition de la féte des Fous, dans
“Je crois que la sottie est la plus moderne de toutes les formes de drame que nous a laissées le moyen-âge” écrivait Charles d’Héricault au milieu du siècle dernier, dans l'introduction de son édition des Oeuvres complètes de Pierre Gringore
(1). Vue pénétrante et riche de promesses qui
systématisait la très brève analyse consacrée par Sainte Beuve à ce genre dramatique,quelques années auparavant (2). Pourtant, jusqu’a ces derniéres années, les nombreux érudits qui se sont penchés sur notre ancien théatre ne semblent pas avoir orienté leur réflexion dans cette voie : la plu-
part d’entre eux se refusent à voir dans la sottie un véritable genre distinct de la farce. En effet, le premier en date, Petit de Julleville, qui,dans un premier ouvrage (3),commengait à esquisser une distinction de nature entre la farce et la sottie en déclarant que cette derniére, comme le sermon joyeux, développait ‘tune conception fondamentale” identique à celle de la féte des Fous - parodie universelle et bouleversement de la hiérarchie établie - alors que la premié-
re, qui se contente de copier la réalité “en l’exagérant pour la rendre plus sensible’’, avait, comme la moralité, son “berceau ailleurs que dans l'église”, semble l’année suivante,avoir renoncé à
ce point de vue puisque, s'appuyant sur une définition de Jehan Bouchet, il prétend que la sottie n’est jamais qu’une farce jouée par des sots (4), généralisation dont le moins qu’on puisse dire
est qu’elle est abusive. Quelques années plus tard, Eugène Lintilhac qui, pourtant, a parfois des intuitions remarquables, secontente d’abonder en ce sens (5), et, s’il suggère que les moralités forment la transition entre le théâtre sérieux et les genres purement comiques, il dénie à la sottie d’au-
tre individualité que “le costume spécial de ses interprètes et peut-être un caractère plus agressif dans ses satires.” Le débat reste donc ouvert lorsqu’au début du siècle, Emile Picot essaie de regrouper en un recueil l’ensemble des sotties connues (6). Une telle entreprise nécessitait au préalable une prise de position sur le problème de la distinction entre farce, sottie et moralité. C’est ce que tente, sans beau coup de netteté d’ailleurs, le savant éditeur : “Les sotties se reconnaissent d’abord à leur titre, puis
à leurs personnages désignés sous les noms de sots, de fous, de galants, de compagnons, de pèlerins,
le centre il n’en est pas de méme : les sociétés joyeuses fusionnent le plus souvent avec les groupes des basoches dont les activités dramatiques “seem to have been satirical from the start”. C’était là une remarque pertinente, mais Barbara Swain n’en tire pas les conclusions que l’on serait en droit d’attendre sur la naissance du genre dramatique qu’est la sottie, sa diversité ou sa structure spécifi-
que. De la méme maniére que ses devanciers, elle refuse toute distinction entre le sot et le badin : “dressed in tunic and long-eared hood, they simulated the fool now as a harmless
amusing innocent,
now as a creature to be condemned, now as both at once. In the roles which they constructed for him to play, the metaphorical significance of “fool” to the moralist and théologian was embodied in the person of the jester, and he himself, appeared as a dramatic formula denoting contrasting aspects of man’nature.” Et revenant même sur le premier critère de E. Picot, elle ajoute : “‘the plays of the societies were called without careful distinction of genre, either farces, moralities or sotties”{13) Quelques années plus tard, la savante éditrice du Recueil Trepperel est encore plus pessimiste :
“Actuellement - écrit-elle - tout essai de synthèse est voué à un échec.” (14). S'appuyant sur l’autorité de Sébillet, elle refuse plus nettement encore que ne l’avait fait Barbara Swain, toute discrimination entre farce et sottie : “les théoriciens modernes, habitués à la distinction des genres, ne craignent pas d’être plus catégoriques. Pour eux, le sot est un personnage de farce et n’est sottie que la pièce où une bande de sots mène l'action. Les textes leur donnent tort : Teste-Creuse, Sotin et Nyvelet, les sots des Coppieurs et farceurs, en ont tout à coup assez de rire, chanter, sauter et faire les fous ; vêtus de leur costume de sots, ils décident de jouer “quelque vieille farce”. Malostru leur propose Pathelin, Poitrasse, le povre Jouhan, la Fillerie, les Troys coquins, la Pippée, des farces “d’é-
chaffaut”, de collèges, de noces ; rien ne leur plaît sous prétexte que ces pièces sont démodées, trop grasses ou trop badines. Cette affirmation est très importante car elle prouve d’une façon irréfutable
que la distinction que nous cherchons à établir entre la sottie et la farce n'existait pas dans le texte,
Tribouet que Pathelinet tout ce répertoire pouvait étre joué par des sots. Un passage des Vigilles de
let (X, vv 263-270) confirme cette façon de voir. Forte de l'avis de Malostru, qui devait s'y connaître,
- 282 j'ai réimprimé avec les sotties la Farce du povre Jouhan où il n’y a qu’un rôle de sot. Nous serions porté à croire qu’un même texte pouvait, au gré des acteurs, être farce ou sottie et qu'il suffisait d’un changement de mise en scène, de costume, de rapidité dans le débit, pour transformer la sottie jouée au début de la représentation, en farce qui avait le troisième rang dans le spectacle. La dif. férence essentielle résidait vraisemblablement dans le style du jeu et de l'interprétation.” (15) C’est là, disons le dès maintenant, une prise de position d’autant plus péremptoire qu’elle repose sur une confusion entre répertoire et genre dramatique : un même acteur ne peut-il interpréter des rôles tantôt comiques, tantôt tragiques sans que pour autant on puisse confondre comédie et tragédie ?
D'ailleurs Melle Droz elle-même a dû prendre conscience du caractère un peu sectaire qu'avait sa prise de position car elle ne peut s’empécher d'écrire que “la sottie, variété du genre satyrique est aussi
diverse que les autres genres littéraires” et qu’il “est aise d'en relever plusieurs espèces.” (16). Et elle
distingue la simple “parade de foire” et la “‘sottie à tendance moralisatrice, politique, sociale ou littéraire”’ (17). Mais elle ne voit guère comme facteur commun aux différentes manifestations de ce genre que le souci de provoquer le rire par des gambades et des acrobaties, ce qui la conduit à prétendre bien arbitrairement que “pour les auditeurs, la sottie était un amusement auquel ils ne prétaient
qu’une oreille distraite.” (18) Il est vrai qu’au moment où Melle Droz écrivait son introduction, elle avait présentes à l'esprit les affirmations d’un des plus grands historiens de notre ancien théâtre, G. Cohen, qui se refusait à faire une distinction entre le sot et le badin, entre la farce et la sottie (19), et prétendait, comme il
devait le répéter une bonne vingtaine
d’années plus tard, que le Jeu de la Feuillée et la Farce de Pathelin étaient 4 ranger au nombre des sotties (20). Pour le savant exégéte il n’y a que des “emplois” et non des genres dramatiques comiques distincts. D'ailleurs, onze ans après la publication du Recueil Trepperel, G. Cohen reste encore sur sa position sans en atténuer beaucoup la rigueur : “la sot-
tie, écrit-il, est soit une moralité souvent d’allure politique, soit une farce caractérisée par le fait qu’el-
le est jouée par des acteurs en costume de sots mi-partie jaune et vert, avec le bonnet ou capuchon à coquille, c’est-à-dire à oreilles, rappelant l’apex des mimes antiques dont ils perpétuent la tradition.
Ces amateurs qui sont souvent des clercs de la basoche, c’est-à-dire du Palais de Justice, ou des éco-
liers sont groupés en Enfants-sans-souci à Paris, en Conards à Rouen. , .. ” (21). Pourtant,G. Cohen avait pu bénéficier de l'excellente étude de HG Harvey, The Theatre of the Basoche ; mais - outre
le fait que sa définition suppose maintenant une distinction entre le badin et le sot : “farce . . jouée par DES acteurs en COSTUME DE 5079 - il se contente d’abonder dans le sens de ce critique pourqui
- 283-
king of the Basoche”’ (23)
C'était
là poser implicitement l'hypothèse de l’existence possible d’une
structure spécifique caractérisant ce genre de pieces et permettant de trancher le problème de la distinction entre farce et sottie sur des critères différents de ceux, superficiels , qui concernent le type de mise en scène ou la nature des rôles. Malheureusement, H.G. Harvey ne tire pas de ses constata -
tions une conclusion en ce sens.
Quelques années aprés H G. Harvey, un autre érudit, lan Maxwell (24), s'attaque au problème et posedesbasesplus sérieuses pour une distinction des deux genres : “With a few exceptions, it is true to say that the sotties are not grounded in incident and situation, that they mirror manners in the mass and not in the parti cular, and present the actual doings of this world casually or by way of illustration. However confused the frontier, farce and sottie form séparate kingdoms.”’ Idée générale que reprend et développe B.C. Bowen dans son ouvrage sur la farce (25) : “165 personnages de la farce sont ancrés dans la réalité ; ils ont une femme, des enfants, un foyer, un métier, et, symbole de tout cela, un nom. Ils sont peu nombreux - peu de farces dépassent six acteurs, et la plupart en ont deux, trois ou quatre. Les personnages des sotties sont souvent nombreux et désignés par des numéros (“le Premier sot”, “16 Second”. .. etc). Le lieu de l’action est symbolique ou vague, puisque les sotties ne sont aucunement une simple “tranche de vie”. Leur langage est plus stylisé que
celui des farces et leur contenu est ou simplement fantastique, ou amérement satirique(... ). Le ton de la satire est autre dans les farces - au lieu de se moquer férocement de quelqu’un ou de quel-
que chose, le Pape, la corruption de l'Eglise, l'auteur de farces traite toute I’humanité avec un humour
légèrement satirique mais surtout tolérant.
La dernière grande différence est dans
l’action. L'action
d’une sottie est allégorique ou satirique (. .. ). Dans une farce, l’action conduit à un dénouement .
Excellentes remarques qui ont au moins le mérite de prendre résolument parti pour une distinction
”
des genres mais qui ne satisfont pas pleinement l'esprit dans la mesure où elles résultent plus d’un jugement de constat que d’une analyse profonde. Il est vrai d’ailleurs que B C. Bowen ne faisait là que reprendre à son compte des critères de distinction qui étaient ceux exprimés quelques années
auparavent par Lambert C. Porter dans un brillant article sur la Farce et la sottie (26). Pour ce dernier,en effet,la farce et la sottie, si elles ont toutes les deux la même origine - ce qui, B. Swain et HG. Haryey l'ont montré, est discutable-, s'opposent par une différence des buts et des moyens mis en oeu-
vre pour les atteindre. A l'appui de cette affirmation, L. C. Porter oppose la Farce du Cuvier et le Jeu du Prince des sots qui illustrent toutes les deux le méme théme de la lutte pour le pouvoir. Dans la premiére,qui recrée une atmosphère familiale, le menu peuple est au centre de l’intérét ; on y stig-
la sottie est à rapprocher de la moralité (22),sans pour autant abandonner l’hypothèse de Melle Droz qui, elle, la rapproche de la farce. Et si, sous l'influence d’H.G. Harvey, il tend à établir un lien entre le genre dramatique et les troupes qui le portaient à la scène, il ne s’aventure pas dans la voie qu’implicitement ouvrait celui-ci lorsque, développant en cela les intuitions de B. Swain, il déclarait que la sottie avait été principalement jouée par les basochiens et pour eux-mêmes : “often the central the-
les remarques de Melle Droz relatives à la diversité des sotties. Il classe les sotties en deux groupes :
called captain, general, prince or mother, may represent at the same time the king of France and the
simuler les propos du fou et dont le type même est la Sottie des menus propos, puis, les auteurs “ayant formé le projet de porter devant le public, à l’aide d’un genre populaire - et protecteur - des idées qui
me of a sottie has itself a double meaning, combining a reference to the state of the kingdom of France with a discussion of the state of the kingdom of the sots Thus, the leader of the sots, whether he is
matise un vice, non un personnage. Dans la seconde, on s’intéresse aux grands événements, aux hauts
Personnages ; on censure ceux dont les actes avaient une influence sur les différentes classes sociales et le pays tout entier. La sottie vise donc la personne plus que l'institution et son role est de montrer les abus du pouvoir. Mais,pour le reste, LC Porter ne fait que transposer sur un plan diachronique d’abord seraient apparus les ‘poèmes primitifs” qui se caractérisent par un texte incohérent destiné à
- 284-
n’auraient pas été admises sous une autre forme, ils ont donné 4 la sottie une allure satirique” (27). En effet, pour L.C. Porter, le second type, la sottie satirique, “représente la manière dont les hommes du XVe et du XVIe siècle ont résolu un problème qui se présentait à eux bien plus souvent - et avec plus d’insistance - qu’à leurs prédécesseurs : celui de la liberté de la parole à une époque où la parole n’était rien moins que libre” et c’est ce qui explique que‘la sottie a abandonné dans une large mesure le langage ‘décousw’ qui avait, selon toute vraisemblance,marqué si complètement ses débuts.” (28) Par suite, “la sottie moyenne, si elle existait, serait une pièce où la moitié des personnages joueraient des rôles logiques. Leurs discours seraient découpés mais seulement pour la raison qu'ils seraient interrompus par les propos du sot suivant. C’était un procédé que la tradition du genre avait fini par rendre obligatoire.” Et, rejoignant en cela l’opinion de G. Attinger (29), LC. Porter finit par conclure que “la sottie satirique n’est en réalité qu’une allégorie dont le texte est légèrement embrouil-
lé”. Aussi, malgré toutes ces remarques pertinentes, n’avons-nous pas l’impression que le fond du pro-
bléme a été atteint, vraisemblablement parce que, là encore, on cherche à définir la sottie par opposition et non par analyse interne.
Serons-nous plus heureux avec les derniers ouvrages parus et consacrés au théâtre ? En fait, ces ouvrages, qui ne sont pour la plupart que des travaux de synthèse, nous laissent sur notre soif, car ils ne font que reprendre les thèses émises avant eux. Albert-Marie Schmidt (30) reste vague dans ses distinctions et s’il accorde une certaine individualité à la farce, “comédie pure dont les acteurs ne por-
tent ni le déguisement des sots ni les vêtements surchargés de signes et d’hiéroglyphes des personnages
des “moralités”, il donne des deux autres genres des définitions qui correspondent, en fait, à la classification que Melle Droz et L.C. Porter donnaient des sotties : “Jouées par des compagnies joyeuses
qui reconnaissent, en la secouant parfois, l'autorité du Prince des sots et de Mère Sotte, elles revêtent divers aspects tous également originaux et plaisants. C’est la “sotie”” qui se contente de relater à un
public égrillard les menus scandales conjugaux ou mercantiles dont quelque bonne ville a récemment entendu les éclats, de dénoncer les prévarications des officiers royaux ou communaux, de rapporter sans en changer une syllabe les cris commerciaux ou les paroles banales que l’on entend sur les mar-
chés comme dans les cabarets. C’est la “moralité” qui tente de distraire le peuple en animant des emblèmes où il aperçoit concrètement toutes les forces politiques et sociales à même d’exercer une in-
fluence parfois fâcheuse, parfois salutaire sur le concert des destinées individuelles.” Même refus d’a-
border le problème - et avec une sécheresse encore plus grande - dans l'ouvrage de Vito Pandolfi (31)
qui écrit : “En France le mouvement naît en relation étroite avec la formation d'associations, les ‘sociétés joyeuses’, détachées de l’organisation religieuse et de caractère purement récréatif (. .. ). Les pièces jouées par ces sociétés se subdivisaient en sotties (satires d'une situation concrète, liées à l’actualité ou à l’histoire), moralités (brefs actes dramatiques et édifiants), et farces (à caractère exclusivement comique et théâtral)”. De la même manière, on s'étonne qu’un érudit aussi consciencieux
et aussi fin que M. Le Gentil ait pu dans sa Littérature française du moyen âge, se contenter de re-
prendre la définition traditionnelle : “La sottie doit son nom aux sots, c’est-à-dire aux Fous qui la
jouaient revêtus d’un costume spécial. Ces fous (. . .) étaient affublés de noms suggestifs et jouaient dans une succession de scènes rapides et décousues, des rôles bouffons ou satiriques qu’on a compa-
- 285 rés à ceux du vaudeville.”’ (32)
Parvenu au terme de nos lectures, devons-nous, comme l’avait fait Melle Droz, conclure a une impossibilité de trancher le problème et admettre que les sotties ne forment pas un genre dramatique indépendant et ayant ses caractéristiques propres ? Il est vrai que celles-ci se laissent difficilement réduire à l’unité. Mais,chemin faisant, en lisant les études de nos savants prédécesseurs, n’avons-nous pas relevé un certain nombre de remarques pertinentes sur les caractéristiques propres à ces pièces, remarques qui, réunies, constituent à elles seules les arguments d'une plaidoirie en faveur de la reprise du problème ? Il semble maintenant bien établi que la conception et la portée de ces pièces soient fonction de leur origine (B. Swain et HG. Harvey), qu’elles se différencient des far-
ces moins par leurs buts que par les moyens mis en oeuvre pour atteindre ces buts (LC. bien que les problémes auxquels elles s’attaquent,
puissent
situent pas au méme
Porter) -
être différents dans la mesure où ils ne se
niveau de la hiérarchie sociale et politique (L.C. Porter, lan Maxwell, B.C. Bowen) - ce qui implique un type de mise en scene et une conception dramatique différents (L.C. Porter, Ilan Maxwell, B.C. Bowen) dont la manifestation extérieure la plus visible est le costume des acteurs (accord unanime des critiques) et, parfois, un mode de jeu plus acrobatique, plus symbolique aussi et dont l’incohérence même
peut être signifiante.
Pourtant, aucun de ces érudits n’a réussi à donner une définition complète, valable et définitive du genre. Mais cet échec n'est-il pas du au fait que tous ont voulu appréhender la sottie de l’extérieur et par référence à la farce (ce qui avait conduit certains à confondre genre et répertoire, sot
et badin) ? Seraient-ils parvenus au même résultat 5115 avaient étudié nos pièces de l'intérieur en se demandant si elles ne reposaient pas sur une struture spécifique,et elle-même signifiante, impliquant
une technique d'élaboration particulière et un type de mise en scène original et lui aussi signifiant,
et, corollaire de tout cela, si - comme H.G. Harvey en lance l’idée après l'intuition de B. Swain - nées dans un milieu particulier - bien que subissant parfois des influences diverses et gènées dans leur développement par une censure qui les vise tout spécialement - elles ne sont pas destinées à un public particulier sans pour autant faire fi d’un public plus général et populaire qu’elles intéressent aussi
parce qu’elles présentent plusieurs niveaux de signification ?
C’est dans cette voie que nous aimerions tenter l'aventure et c’est la raison pour laquelle nous commencerons par étudier la structure interne - ou les structures - de la sottie qui constitue à notre avis un premier niveau de signification - et le plus profond -, avant d'aborder les manifestations ex-
térieures de ce genre,qui lui confèrent un second niveau de signification plusgénéral et souvent des-
tiné à déguiser la véritable portée du premier, pour enfin essayer de résoudre le problème des origi-
nes qui justifie,en dernier ressort, l’opposition de la sottie a la farce
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moralité polémique,au point qu’il est parfois très difficile de décider si tel texte doit être considéré comme “‘sottie-action” ou comme moralité polémique. Néanmoins,nous allons proposer de nos différentes pièces un classement qui n’a pas la prétention de se vouloir définitif mais vise seulement à essayer de mettre un peu d'ordre dans cette apparente diversité qui effraie le lecteur de sotties le plus consciencieux.
CHAPITRE
LES STRUCTURES
I
INTERNES
DE
1. — LES LA SOTTIE
SOTTIES
Section A : LA
“ PRIMITIVES”
SOTTIE-PARADE.
La sottie-parade est la catégorie de sotties qui semble avoir le plus inspiré les critiques qui tenLe lecteur curieux qui relit,au fil des recueils,les textes des differentes sotties (1) parvenues jusqu’à nous, ne peut qu’étre frappé par leur étonnante diversité. Tel Hercule s'attaquant à l’Hydre, il ne sait par quelle tête saisir son adversaire, tant
il est vrai qu’on ne peut le réduire à l'unité ainsi
dent souvent à inclure en elle la quasi totalité du genre, bien que paradoxalement ce soit, et de loin, la catégorie la moins bien représentée. En effet, comme le laisse à penser son nom même, nous ne pouvons inclure dans cette catégorie que les pièces dont l’élaboration reste rudimentaire ou techni-
que l’ont fait trop souvent de nombreux critiques qui n’éprouvaient que dédain pour ce genre mi-
que, et qui n’ont d’autre but avoué que d’être de simples divertissements sans grande
neur. Aussi, plutôt que de tenter vainement de définir ‘“la” sottie, essayerons-nous d’abord de dé-
que, accordant autant d'importance aux acrobaties et pitreries traditionnelles, sauts et gambades,
gager du corpus dont nous disposons,de grands types de sotties en regroupant les différents textes se-
qu’au dialogue lui-même. Néanmoins, pour la commodité de l'exposé, nous distinguerons parmi ces
lon leur structure interne.
sotties-parades des sotties gestuelles, des choeurs parodiques et des parades techniques
portée satiri-
Lorsque l’on opère un tel travail, on s'aperçoit très vite que les sotties se répartissent entre deux grandes catégories d'importance inégale : d’une part,celles qui présentent des formes pures, originales en ce sens qu’elles se différencient des autres genres dramatiques et, d’autre part, celles qui présentent des formes bâtardes mêlant intimement les techniques propres à la sottie et celles qui sont particuliéres à la farce ou à l'emblème. Or, si l’on en croit les datations proposées pour ces textes par les différents critiques qui se sont intéressés à eux, on constate que les sotties appartenant à notre première catégorie sont, dans leur grande majorité,antérieuresà celles de la seconde. Pour cette raison,nous ap-
pellerons ces “formes pures” “formes primitives”, Mais tout n’est pas si simple, car la sottie,que son caractère ephémère rend difficile à saisir dans sa continuité évolutive, est un genre de rencontre, un genre qui se voulait capable d'apporter quelque chose à chaque individu d'un public hétérogène.
Il se situe donc au confluent des autres genres dra-
matiques qui, dans le moyen âge finissant, avaient un droit de cité reconnu. Aussi, même
parmi les
formes primitives, s’il est facile de définir, grace à leur originalité,les “sotties-parades” et les “‘sottiesjugement”, le problème des limites se pose avec une terrible acuité lorsqu'il s’agit d'isoler les “sottiesaction” dont la conception même et le mode d'élaboration, doivent beaucoup, nous le verrons, à la
I. — La sottie gestuelle A dire vrai,peu de textes nous restent pour illustrer cette catégorie, preuve évidente de leur maigre intérêt littéraire et intellectuel. Ces pièces n'étaient d’ailleurs que de simples intermèdes
destinés à faire patienter le public et à l’égayer au début d’une représentation ou entre deux pièces plus importantes. Elles étaient sans doute le plus souvent improvisées par de joyeux bouffons.
Quoi de plus facile en effet que de porter à la scène une mystification ou un bon tour - souvent Scatologique - analogue à celui que nous présente la Sottie de Trotte-Menu et Mire- Loret (D, XIII) (2). Deux sots - qui d’ailleurs n’ont de sot que leur nom et sans doute leur costume - entrent en scène en débitant des balivernes traditionnelles qui font d’eux des types de farce : un ivrogne et Un mari battu par sa femme.
Tout heureux de se rencontrer, les deux compères, après un échange
d’absurdités traditionnelles, décident de se divertir à un jeu inventé par Trotte-Menu.
Ce dernier
Propose en effet à Mire-Loret d'essayer, les yeux bandés et sans l’aide des mains, de saisir entre ses
dents une pièce de monnaie que lui, Trotte-Menu, se collera sur le front. Mire-Loret accepte et lors
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de la première phase du jeu, par maladresse, fait tomber a terre la fameuse piecette
Trotte-Menu
la ramasse alors et, tout en declarant a haute voix qu’il la remet en place, la pose délicatement sur la partie la plus charnue de son individu, après avoir baissé ses chausses.
On imagine la suite . . . et
toiement burlesque qui servira de ton au reste de la pièce - Sottie et Rossignol viennent apporter la nouvelle de la mort subite du capitaine (7) de la troupe, Triboulet.
la colére du joueur mystifie, colere qui engendre une dispute ponctuée de coups Tel est cet interméde scabreux qui a dù se présenter sous de multiples formes et variantes pour
Dès lors les laudes peuvent
commencer. Les louanges du défunt ne sont d'ailleurs, nous l'avons dit, qu’un long monologue fractionné ,
débité a plusieurs voix et agrementé de refrains chantés en choeur
Plus que le fond éminem-
faire patienter les spectateurs avant le lever du rideau, car c'est bien la son utilite si l’on en croit la
ment burlesque, c’est la technique de mise en scène, fondée sur la parodie d'un rituel bien connu,
réplique de Trotte-Menu 4 son compagnon
qui donne à cette pièce pourtant statique (8) sa vie et son originalite propre
:
Tu vois cy les gens attendant A veoir jouer ce (beau) mistere ? (vv 192-193) Parfois cependant, nos bouffons avaient le bon gout de ne pas aller jusqu’a la realisation effective de leurs plaisanteries scatologiques qui ne quittaient pas le plan oral comme dans la Farce des batards de Caux (L_III 47) (3).
Compte tenu du mode d’elaboration du dialogue et de son contenu, nous aurions pu ranger cette pièce dans la catégorie des parades techniques, mais, au risque de nous repéter, soulignons qu’il s’agit là d’une parade technique améliorée ; le choix d'une technique de presentation à caractère parodique contribuant, par l'impression de réalisme et par le comique qu’elle apporte, à déguiser la trop grande technicité d'une elaboration par fractionnement de monologue et permettant ain-
si de résoudre le difficile problème de l'adéquation de la forme au fond, ce qui n’est pas toujours le 2.-- Le choeur parodique
cas avec la dernière catégorie des sotties-parades
Avec cette seconde catégorie nous nous eloignons du comique grossier des parades gestuelles Elle rassemble en effet des pieces dont la structure repose sur le deroulement parodique d’un acte ou d’une cérémonie appartenant au quotidien
Un tel mode d'élaboration qui emprunte son cane-
vas au réel, laisse supposer qu'il était facile à des acteurs entraînés d'improviser, à partir de la,une multitude de pièces - c’est une genèse creatrice analogue à celle que nous avons rencontrée lors de
l'étude des sermons,des testaments ou des mandements burlesques étonner que peu de ces pièces nous soient restées
Aussi ne devons-nous pas nous
Neanmoins,nous avons la chance de posséder cel-
le qui peut être considérée comme le chef-d'oeuvre du genre : Les Vigilles de Triboulet (D.X ), pièce qui a peut-être éte conservee parce qu'elle mettait en cause un personnage réel et bien connu a
l’époque (4) et peut-être aussi, comme le remarque encore Melle Droz, parce qu'elle faisait “partie du même répertoire que le Magnificat et les Coppieurs” avec lesquelles elle a ete imprimée. D'autre part, le succès vraisemblable de cette pièce qui, d’après Melle Droz, aurait été écrite du vivant méme de Triboullet et par lui-méme (5), a dù être le meilleur gage de sa survie. Nous ne reviendrons pas sur cette pièce dont nous avons déjà parlé dans notre partie consacrée au dialogue ; nous nous contenterons de rappeler qu'elle “n'est que le récit du trépas et la représentation des laudes de l’office des morts, dites la veille de l'enterrement, que les sots chantent après avoir loué le défunt dont ils racontent les hauts faits ‘’ (6)
Precisons toutefois que la représentation
des laudes, sujet de la pièce, n’en occupe que les deux derniers tiers. Le premier, caractéristique de la sottie, est consacré à la presentation des personnages © du vers I au vers 74 , c’est la rencontre de
Sotouart et de Croquepie marquée par un dialogue empreint de l’exubérance traditionnelle des sotties. Nos deux sots ne songent qu’à “‘foloyer™ et dire ‘‘bons motz a planté” : Jouons, farson, saulton, rion Folon voiré ἃ bras tourne DX. w
3. — Les parades techniques Pas plus que pour le groupe precédent,nous n’insisterons sur les parades techniques dans la mesure où nous en avons longuement parlé dans notre partie consacrée au dialogue.
Ce sont en effet,
pour la plupart,des parades obtenues par fractionnement d'un monologue et répartition des fragments entre plusieurs voix ; mode de composition qui, lorsque le monologue de depart est un monologue de sot, peut conduire à une simple accumulation
de propos décousus mais d’égale longueur,
ce qui a pour effet de transformer la pièce en une litanie absurde comme la Sottie des menus propos. Cette technique a eu son heure de gloire car on la retrouve utilisée plus ou moins longuement dans bon nombre de pièces, l’auteur se contentant parfois, comme dans la Sottie de Estourdi, Coquillart
et Desgouté (D.II), de faire suivre les “menus propos” d'un monologue qui puis sa raison d’être dans la seule fantaisie verbale,et utilise les procédés les plus connus du comique de l’absurde (vv 99132) :
Et puis dirent des choses fort dignes,
Que tous ceux qui reschapperoient Tant qu’ilz vesquissent ne mourroient
Ainsi l’ay je leu sur mon ame ;
Certain il est par Nostre-Dame Je la vous jure du rouget Car je scez bien comme il en est
(vv 123-129).
des répliques d’un opParfois aussi, on intercale entre les différents fragments d’un monologue,
posant ou d'un contradicteur : telle est la technique qui donne naissance, nous l'avons vu, a la Sottie du gaudisseur et du sot (D.I ) et à la Sottie de Maistre Pierre Doribus (D.
XI). Mais on peut aussi dou-
C’est alors que Sottie, qui était apparue quelques instants auparavant sur la galerie superieure, entre
bler, voire tripler, le monologue initial avant d'operer le fractionnement de chacun des monologues destinés à un rôle Il ne reste plus alors qu’a intercaler les fragments pour obtenir des pièces du type
en scéne,accompagnée de Rossignol, tous les deux en pleurs.
chacun de la Sottie des sotz nouveaulx farces couvez (P.II 12) (9) qui met en scène trois sots débitant
16-17
Contraste comique qui prélude à l'api-
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par fragments,un monologue traditionnel :
che de celui de la sottie. (12) Le Tiers :
Je viens droit du fleuve Jourdain De la fontaine de Jouvence Ou j’ay rapporté a mon sain Une beste de grant essence Qui fait sçavoir, chascun dimenche, Tout ce que les femmes ont faict N'est ce pas une grant science ? Qu’en dictes vous a ce cornet ? Le Premier Paix la ! Paix la ! Que de caquet ! Laissez moy mon compte achever De ma truye qui mengea le lait
Apres qu’el voulut poulener :
N’estoit ce pas pour enrager ? Si estoit, par sainct Couillebault. Adieu, car il m'en fault aller Pour querir sainct Alivergault Le Second
:
Je suis venu tout enjergault De la contree de Pampelune Et ay volé du premier sault Jusques cy par roe de Fortune.
(vy 47-66) Ceux-ci décident ensuite, aprés un yenite burlesque,d’aller rendre visite à dame Folie, se battent et
finalement se livrent à un concours de fanfaronnades amoureuses. Aussi peuvent ils conclure, com-
me dans la plupart de ces parades :
En sotie n’a que follye (v 255) Parfois le mode d'élaboration est plus subtil et consiste à utiliser la technique qui avait permis
le passage du monologue au dialogue pour obtenir une pièce à partir de diverses combinaisons de dia-
logues. C’est ce qui se produit dans la Sottie des coppieurs et des lardeurs (D. VIII) et dans la Sottie des sots qui corrigent le magnificat (Ὁ ΙΧ) qui, selon Melle Droz, appartiennent au répertoire d’une
même troupe. Dans la dernière, l'idée de depart consiste à opposer un sot à un pédant mais le rôle du sot est détriplé (Teste-Creuse ; Sotin ; Rossignol) et celui du pédant dédoublé (Aliboron ; Dando)
(10) ce qui permet d’utiliser tous les modes de composition du dialogue : fractionnement, redoublement, opposition, Méme technique dans la premiére qui oppose un railleur à un sot (11), chacun des
deux rôles étant dédoublé, le premier,entre Malostru le coppieur et Nyvelet le lardeur et le second,
C'est le même procédé qui est utilisé dans une parade technique qui annonce la sottie-action dans la mesure où son ton rappelle, tout au moins dans la seconde partie, celui des moralités. Peutêtre d’ailleurs,est-ce pour cette raison que l’auteur, embarrassé, l’a intitulée Farce moralle à IV per-
sonnages, c’est assavoir Marche-beau, Galop, Amour et Convoytise (L.IV.67). La première moitié de cette pièce de 309 vers - soit 134 vers - se compose d’un dialogue entre deux fanfarons démunis, francs-archers des lices amoureuses, M. de Marche-beau et M. de Galop, qui est une démarcation exacte de celui de Mallepaye et Baillevent. Mais il suffit qu’entrent en scène Amour et Convoytise, dédoublement du rôle tenu par Plaisant-Folie dans la Pippée ou Folie dans la Folie des gorriers (Ρ.1.5) pour qu’immédiatement nos fanfarons, devenus “‘galans” ou “gorriers”, donc implicitement des sots, se mettent à les courtiser. Le parallélisme entre cette scène et celle où les “gorriers” courtisent Folie est évident. Mais là s'arrête l’analogie car, ne pouvant obtenir de ceux qui n’ont plus d’argent qu’ils se ruinent pour elles ainsi qu’ils aimeraient pouvoir le faire à nouveau, nos deux élégantes repoussent leurs avances et les renvoient à leur misère. Marche-beau et Galop ne peuvent alors que conclure : Amour ne faict rien sans argent. Telle est cette parade fondée sur la reprise d’un dialogue bien connu que l’on rallonge un peu artificiellement par une “intrigue” qui annonce celle des sotties-action : Folie, sous sa manifestation la plus apparente, l'amour, mène les galants à la folie et à la ruine,avant de les abandonner. Mais le pas est franchi : ce second acte, générateur d’action, transforme la parade technique en sottie dont l'intrigue - il est difficile de parler ici de structure - a valeur signifiante. Tel est en effet le critère qui permet de distinguer les sotties-parades des autres sotties que nous avons rangées parmi les “formes primitives” : alors que les sotties-parades n’ont pour finalité immédiate que le seul divertissement du spectateur et résultent souvent d’un mode d'élaboration technique dont le seul objectif est de résoudre le problème des échanges
(13),les autres pièces se caractérisent par la présen-
ce de différents plans de signification; leur élaboration,a partir d’une structure elle-même signifian-
te - et non plus à partir d’une simple technique d’échanges - leur conférant une finalité plus profonde que le seul amusement du public. Il n’en reste pas moins que les sotties-parades, en contribuant
à mettre définitivement au point la technique des échanges, ont vraisemblablement ouvert la voie aux sotties que nous allons étudier maintenant.
entre Teste-Creuse et Sotin. L’Escumeur de latin, personnage de farce, n’apparait ici que pour permettre un dénouement dans la meilleure tradition de la farce a cette parade technique.
On pourrait aussi inclure dans cette catégorie, bien qu’elle ne mette pas en scéne de sots tradi-
tionnels, une piéce comme la Farce des brus (P III 22), piéce statique et sans intrigue,don t le prétex—_———__— te est d’opposer en un dialogue une maquerelle et un “client” qui, s’abritant derrière son état de moi-
ne mendiant, réclame l’aumône d'une “consommation” gratuite Là comme ailleurs,les deux rôles ontété le premier,détriplé (la vieille bru vient en effet d’accueillir deux jeunes “brus”) et le second dédoublé (deux ermites). Plutôt qu'une farce, nous avons là une simple parade technique dont l'esprit est pro-
Section
B
: LA
SOTTIE - JUGEMENT.
Après la parade technique qui peut être considérée comme le premier des types primitifs du
genre, la sottie-jugement apparaît comme le second. Ces deux premiers types primitifs correspondent d’ailleurs aux deux aspects du “fol” que distingue Joël Lefébvre dans sa thèse (14) : le “fol-
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fol” de la folie-jeu qui est celle du Carnaval et qui traduit,dans le rapport entre le fol et la société,
une opposition de l’irrationnel au rationnel, et le “fol-sage” didactique des moralités qui, tout en conservant les signes extérieurs de la folie devient le porte-parole de la sagesse , le rapport entre lui-méme et la société s’inversant alors pour traduire l’opposition du rationnel à l’irrationnel.
La sottie-jugement a en effet ceci de particulier que sa finalité se confond avec celle du per-
sonnage du fou-censeur qu’elle met en scène : son rôle est de porter sur la société et ceux qui la gouvernent, un jugement de bon sens qui fasse éclater l’incohérence de leur comportement. Conséquence immédiate de cela, le déroulement méme de la sottie-jugement est signifiant : en dehors de toute action secondaire, il suit explicitement ou implicitement les différents points d’une structure qui, l’origine, était celle d’une séance de tribunal, schéma d’élaboration qui a vraisemblablement été inspiré aux auteurs par le milieu qui était le leur : celui des basoches. Néanmoins, du point de vue de la structure, sinon de la finalité, les sotties-jugement peuvent
se répartir entre deux sous-catégories qui correspondent d’ailleurs,sur le plan diachronique,a une évolution du genre conditionnée par l'emprise de plus en plus forte de la censure : la sottie-séance de tribunal et la sottie-revue. Mais ce ne sont là que deux résultats d’une élaboration guidée par le même principe créateur.
Aussi ne doit-on pas s'étonner que cet élement jeune et contestataire qui ressentait la nécessité de s'imposer, ait eu recours à une structure qu’il connaissait parfaitement, celle de la séance de tribunal, pour exprimer sa façon de penser dans les pièces dramatiques que sont les sotties et qui, selon le principe de la basoche , ont une finalité interne et externe : jeux destinés aux membres de l’organisation et leur servant d'entrainement à la procédure,mais aussi jeux “engagés” qui traduisent le désir de leurs auteurs de faire passer la société et le régime au tribunal de la sottie. Cependant, et là se manifeste l'influence de la censure-car les Parlements ont été contraints de tenir la bride à la virulence agressive de leurs futurs membres-peu de pièces présentent une structure complète ou seulement nettement marquée de séance de tribunal
Toutes témoignent d’une cer-
taine originalité et sont autant de variantes d’un schéma fondamental qu'il est néanmoins possible de retrouver à travers leur examen.
Citons entre autres la Sottie des sotz triumphants qui trompent
Chacun (D.III, datée des environs de 1475), la Sottie des sotz fourrés de malice (D_V., vers 1480), le Moral de tout le monde (P.IIL 20, vers 1480), la Sottie nouvelle du Roy des sotz (P-III. 27, seconde moitié du XVe siècle), la Farce nouvelle a troys (( 1) (22), la Sottie des sotz qui remettent en point Bon Temps (D.XII,1 492), la Sottie du jeu du Prince des sotz (P.IL.II, 1512), à quoi on peut ajouter la Farce nouvelle de Mestier, Marchandise, le Berger, le Temps, les Gens (L.IV.72 ,vers 1439) et deux pièces qui sont,en fait, des sotties-journal mais reposent sur un canevas secondaire de sottie-
1. — Structure fondamentale : la sottie-séance de tribunal. Vers la fin du XVe siècle, après l’écroulement des structures féodales, l’accession à la direction
des affaires d’une classe de juristes et de magistrats issus de la bourgeoisie se traduit dans la littératuTe par un engouement pour le thème du jugement qui sert de cadre et de structure à maintes oeuvres -
séance de tribunal : la Sottie de l’Astrologue (P.1.7, 1498) et la Sottie pour le cry de la Basoche (P IIL.28). Si l’on en croit leurs savants éditeurs, la plupart de ces pièces appartiennent au dernier quart du XVe siècle. Et toutes se situent dans une atmosphère de tribunal :
et suppose l’emploi du jargon approprié. Citons entre autres le Plaidoyer d’entre la simple et la rusée, les Droits nouveaulx de Coquillart, les Arrestz d’Amour de Martial d’Auvergne et bien d’autres. Cette évolution est notamment sensible dans le genre du débat qui abandonne résolument la casuistique cour-
Le II
:
Εἰ doit point le Prince des Sotz Assister cy en ces jours gras ?
le III
:
N'ayez peur, il n’y fauldra pas Mais appeler fault le grant cours Tous les seigneurs et les prelatz Pour déliberer en son cas Car il veult tenir ses grans jours.
toise de ses débuts pour se teinter d’un réalisme juridique de bon aloi (15). Cela n’a en soi rien d’étonnant car les nouveaux auteurs en vogue (16) gravitent bien souvent dans le milieu des parlements dont on sait importance croissante dans la vie politique du pays (17). Et rappelons à ce propos que les fu-
Je suis des sotz seigneur et Roy Pourtant je vueil par bon arroy Maintenant cy ma court tenir Et tous mes sotz faire venir Pour me faire la reverence. (PIIL27
turs avocats, procureurs et légistes, avant de pouvoir exercer, devaient passer par une très longue période de formation au sein de ces organisations de clercs fondées autour des Parlements et appelées basoches dont la structure était calquée, pour la bonne formation de leurs membres, sur celle du royaume (18). La basoche avait notamment ses propres tribunaux qui jugeaient les différents entre clercs .
Pour ce faire, sa cour de Justice siégeait deux après-midi par semaine (19) et, comme le note H.G. Harvey, il est probable que “when real cases were lacking, the clercks probably tried fictitious ones”. Si l’on ajoute à ces exercices,les jugements fictifs burlesques donnés lors du Carnaval et appelés causes grasses qui reprennent bien souvent pour sujet des motifs de fabliaux et de farces, on peut avoir une
idée de la formation suivie par les auteurs en puissance qui appartenaient à ce milieu. N'oublions pas non plus que les clercs, habitués à voir journellement le dramatique spectacle du tribunal, pouvaient y puiser inspiration et cadre pour leurs jeux dramatiques (21).
(P.IL II. vv 52-58)
vv 1-5)
Atmosphère que rend d’autant mieux le lieu scénique qui, nous le verrons, s'il n’est pas une vérita-
ble salle de tribunal - ce qui n’est pas exclu pour la Sottie des sotz triumphants et la Sottie des sotz qui remettent en point Bon Temps -s’en inspire de manière très précise Mais cela n’a rien d'étonnant, encore une fois, si l’on admet
que ces pièces étaient créées par et pour les basochiens habitués à voir
le spectacle des tribunaux et à le mettre en scène, parfois dans le même lieu,a l'occasion de leurs “cau-
ses grasses”. re
C’est donc le déroulement d'une séance de tribunal qui, dans ses grandes étapes, sert de structuelle, leur fondamentale à ces pièces et qui, par l'idée de jugement qu’elle porte implicitement en
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confére un plan de signification supplémentaire et, croyons-nous, primordial, car il donne son véritable sens à l’action. Quels sont, dans nos pièces, les grands points de cette structure qui peut être complète ou incomplète selon l'inspiration de l’auteur, l'importance particulière qu’il veut donner
à l’un ou l’autre des points du déroulement, ou, tout simplement, selon la bienveillanc e ou la sévérité d’une censure qui, le plus souvent, contraint nos basochiens à de grandes précautions s'ils veulent parvenir sans risque à leurs fins ? Nous en distinguerons cing :
lui convient de réfléchir sérieusement à la signification profonde de cette action qui reprend sur un mode désinvolte et comique le déroulement d’une séance de tribunal ? Parfois aussi,ce cry permet,à mots couverts,de prévenir le public de l'impossibilité d’une expression libre et,par la même occasion,de parer à tout reproche possible des censeurs. C’est le sens des dernières paroles du Prince qui, dans la Farce a troys personnages (C.I), prend la défense des sots qu’il appelle 4 comparaitre
1 - Appel ou cri de Mère Sotte : c’est l'ouverture du procès, parfois suivie de l’envoi de hé-
Sil fait mal par trop folloyer Et puis on le veult affoler Ou payer une amende.
rauts pour l’annoncer et convoquer les plaignants.
2 - Arrivée des sujets de Mère Sotte, les sots : c'est la comparution des plaignants. 3- A la demande de rapport de Mére Sotte, ses sots lui brossent un tableau satirique de la situation : c’est l'exposé des doléances des plaignants 4- Comparution des éléments mis en cause qui, bien souvent, s’appellent Chacun, Les Gens, le
Temps-qui-court . .. : c’est le réquisitoire suivi de la plaidoirie (qui se traduisent souvent par des ac-
tions concrètes). 5 -
Fol ne demande qu’a galler.
C’est un fol : laisse le aller.
Quand on se rappelle que Mère Sotte, second dignitaire du Royaume de la Basoche, représente souvent le Prince des Sots qui est lui-même l'image du roi de France (23), on comprend mieux la portée de nos pièces et la manière dont elles procèdent pour mettre en cause le régime. Mais voyons plutôt comment se développe, point après point,cette structure fondament ale et les raisons qui peu-
vent expliquer des schémas incomplets.
(vv 26-29)
On peut interpréter dans le même sens le fait que, dans la Sottie des sotz fourrés de malice (D V), Mère Sotte
laisse sa place au Cappitaine, homme passionné de chasse qui, dans un étran-
ge monologue, vante les qualités de ses chiens et surtout de sa lice qui lui procure toute la venaison désirée : manière habile de faire entendre, en généralisant grâce à un jeu de mots, que chacun s’entretient par “Malice”
Jugement de Mère Sotte : c'est le verdict.
:
: Qui en a il est bien fourray Elle fait beaucoup de service Brief on tient celluy pour novice Qui de malice n’est fourray. (vv 33-36)
Ainsi personne n’est dupe du personnage : c’est Mère Sotte qui a revêtu un de ses déguisements immunisateurs. Mais le reste du texte prouve qu’elle n’a pas renoncé pour autant à son rôle de meneur de jeu et de juge. Il peut arriver que l'appel disparaisse, ainsi que le personnage de Mère Sotte. C’est ce qui se pro-
L'ouverture du procès. Nos pièces débutent traditionnellement par le “cry” ou appel de Mère Sotte - sous ses diffé
rentes manifestations - destinéà rassembler les sots C’est ce que fait Sottie dans la Sottie des sots triumphants (D.III) par une accumulation d’apostrophes et d’impératifs :
Sotz triumphants, sotz bruyans, sotz parfaitz
Sotz glorieux, sotz sur sotz autentiques
Abatez tout, rompez, faictes ouverture
Et acourez plus viste que le pas
(vv 1-16)
Parfois, le cry se poursuit par une petite scène inspirée de la réalité : le Roy des Sotz réveille son sergent à verge, en l'occurrence Sottinet, et lui confie la mission d’aller ajourner les sots à comparaître : Je te vouldroyes ainsi prier Que tu t’en allasses partout Cercher noz sotz de bout en bout
Et les faire venir icy.
(P.II.27
mode d’élaboration original, nous serions tenté de voir dans cette manière de procéder,un moyen pour dissimuler aux yeux d’une censure intransigeante ce qu’a de trop contestataire une structure séance de tribunal,en supprimant le personnage ambigu de Mère Sotte,chargé ordinairement d’émettre le verdict. Cette première partie est en général suivie d’une petite scène, d’un intermède qui nous présente l’arrivée des sots au tribunal.
L'arrivée des plaignants. Signalons tout de suite que,dans certaines piéces,ce second point peut précéder le premier, comme dans la Sottie du Prince des Sots (P.II.11)de Gringore - bien que l’on puisse admettre ici
que la fameux cry,qu’on pense prononcé au début du spectacle, se trouvant de ce fait immédiavy 32-35)
ce qui permet un petit intermède comique car Sottinet, en désignant les spectateurs, déclare : Veez en cy qui nous regardent. Que n'y viennent ils vistement ?
duit dans le Moral de Tout le Monde (P.III.20) qui débute sur la rencontre des plaignants. Plus qu’un
(vv 38-39)
N'est-ce pas là, chemin faisant, une manière de montrer à l'auditoire qu’il est concerné (24) et qu’il
tement avant la sottie, lui servait d'entrée en matière. Trois sots entrent en scène en devisant sur
la situation internationale puis, en loyaux serviteurs du prince (vv 52-58),vont appeler tous les seigneurs et prélats du Conseil à se réunir avant l’arrivée de leur maitre :
i Suppostz du Prince, en ordonnance !! (vv 64-65) Pas n’est saison de sommeiller.
- 297-
- 296Tous les dignitaires, les uns aprés les autres, viennent alors prendre place dans la salle du tribunal : le seigneur de Pont-Allez, le Prince de Nates, le seigneur de Joye, le général d’Enfance, le seigneur du Plat-d’Argent, le seigneur de la Lune, l'abbé de Frévaulx et l’abbé de Plate-Bourse - noms de personnages bien connus dans le milieu des sots. Entre ensuite le Prince des Sots,accompagné de son conseiller, le seigneur de Gayecté. Et, après le recensement des absents, tout le monde s’approche du Prince pour lui faire sa révérence, ce qui est pour lui l'occasion de demander quelques nouvelles au hasard - et pour l’auteur de lancer quelques pointes satiriques
contre les ecclésiastiques
(wv 192-265). Dés lors, le tribunal étant en place, tout est prêt pour l'audition des doléances des plaignants. En fait, en inversant l'ordre de présentation, Gringore ne fait qu'être plus fidèle à la réalité : ce qu’il met en scène, c'est la réunion du Grand Conseil présidé par le Roi,et il le fait en respectant l’étiquette-alors que les autres sotties ne font que reprendre le déroulement d’une séance de tribunal plus banale. D'ailleurs quelle meilleure illustration donner de la Sottie du Prince des Sots que la scène du Grand Conseil que nous peint une miniature des chroniques de Froissart (fig 9 bis) ? C’est un début analogue, enjolivé de nombreuses digressions, que nous présente la Sottie des sots qui remettent en point Bon Temps (D XII) : Teste Legiere et Socte Mine, à leur fenêtre, échan-
plus longue - 80 vers - car Perroquet, Fine-Myne et l’Affineur arrivent les uns après les autres et chacune de ces arrivées est l’occasion d’un rapport particulier : à Perroquet, le Cappitaine demande le résultat d’une mission qu’il lui a confiée auprès d’un seigneur et Perroquet, dans un magnifique quiproquo qui rappelle celui qui,dans Pathelin,met aux prises le juge et Guillaume, esprit plein d’une visite galante dont il sort, répond au féminin ; quant a Fine-Myne et l’Affineur, ils se bornent à exprimer leur joie de retrouver un prince qu’ils croyaient perdu. Méme arrivée successive des sots dans la Sottie du Roy des Sotz (P.III.27) - Sottinet est obligé de se facher et d’en venir aux coups pour persuader Triboulet de se rendre à l’appel du Roi. Et devant celui-ci, Triboulet fait des difficultés pour quitter son manteau et apparaître en livrée de fou. Puis arrive Coquibus, marotte en main, qui “‘ratz porte” dans une hotte. Il est suivi de Mittouflet, le cou entouré d’une “baviere”’, qui se met au service du roi. Dans la Farce a troys personnages (C.L.), les deux sots ne reconnaissent pas leur prince qui
porte un long manteau sur sa livrée de sot et se livrent à un feu d’artifice d’exclamations, d’interroga-
tions et de moqueries (vv 30-70). Après ces deux premiers points qui ont pour fonction de rappeler la mise en place du tribunal, arrive le premier moment de la séance proprement dite : l'exposé des doléances des plaignants.
gent quelques propos sur les difficultés de la vie quotidienne, et notamment sur le prix du pain (wv 130), puis ils descendent pour se rendre au tribunal et, chemin faisant, ils se laissent aller à des confi-
dences érotiques (vv 32-67). Arrivés au tribunal, ils se heurtent à Mère Sottie qui leur demande 5115 n’ont pas rencontré le Général d’Enfance, car elle s'inquiète de son retard. Ils se mettent alors à cancaner sur le Général qu’ils semblent considérer comme un personnage lubrique (vv 68-100). Et, de fait, c’est en tenant des propos érotiques que le Général arrive, monté sur un cheval de bois. Cependant, à peine a-t-il mis pied à terre,qu’il est prêt à tenir son rôle et à sièger pour écouter les doléan-
Cette partie commence presque toujours par une demande de rapports ou de nouvelles de Mère
Sotte à ses suppôts. Mes gentilz poupars gorgias
Estes vous en toutes saisons
En bon point ?
(D.III wy 27-29)
Tu soye tresbien venu vrayement Et trestoute la compaignie. Et me compte (z) je vous prie Des nouvelles s’en scavez tous. (D.V.
ces des plaignants : Pour maintenir esjouissance
Que mon siège soit préparé. Ma mere Socte a plaisance Vecy le vostre tout paré.
L’exposé des doléances des plaignants.
(vv 143-146)
Si l’on excepte les digressions érotiques et le fait que la présidence soit confiée au Général d’Enfance plutôt qu’à Mère Sotte, nous avons une structure traditionnelle. Mais ces deux faits n’infirment peut-être pas la structure fondamentale car les digressions déguisent en ton de badinage celui d’une pièce, qui, en réalité, met en scène de manière explicite le Roi qui préside la séance assisté du plus haut de ses magistrats - ici Mère Sotte - lequel se borne à reprendre en écho,les déclarations de son
maître. Ce qui semble une entorse au déroulement traditionnel aurait donc en fait en sens profond. Dans la plupart des autres sotties, le cri de Mère Sotte précède le rassemblement des sots qui se dirigent vers le tribunal en échangeant des propos variés. Dans ce point secondaire de la structure, assez court en général, les auteurs laissent libre cours à leur imagination.
Dans le Moral de Tout le Monde (Ρ.111.20) c'est, en 19 vers,un simple rassemblement de trois sots qui sont à la recherche de “Passe-Temps”’. Méme chose ou presque, en 10 vers, dans la Sottie des sots triumphants (D,III) : après s’étre interpellés sur un rythme alerte, Fine-Mine et Teste-Verte se rendent à l’appel de Sotie. Dans la Sottie des sots fourrés de malice,cette partie est un peu
Sus mes sotz, amont et a val
A il rien de neuf au surplus?
vv 111414)
(D.XII. wy 153-154)
Les sots s’empressent alors de répondre à la question en exposant leurs doléances, en brossant un tableau satirique de la situation. Le plus souvent,cet exposé se fait en deux temps. Très bref dans
la Sottie des sotz triumphants, 1l consiste à signaler qu’il n’y a plus de vrais sots - de contestataires conscients - car ils sont tous “gastez’’ par le régime, et, lorsque Chacun frappe à la porte, à se livrer
à une critique générale du comportement de celui-ci qui représente la société. Ces deux temps se retrouvent,un peu plus développés et mieux marqués,dans la Sottie des sotz fourrés de malice et dans la Sottie des sotz qui remettent en point Bon Temps. Si les doléances des sots se bornent à dire, dans la première,que tout le monde est “fourré de Malice”, nobles, parlementaires, prélats, moines, marChands, femmes, et, dans la seconde, à éluder les plaintes concernant la pauvreté, la faim, le man-
que d’argent au profit d’abord de louanges adressées à la “Court de Parlement souveraine” qui “est la nourrice du commun”, puis d’actions de grâces débitées les unes et les autres sur l’injonction déguisée du Général et de Mère Sotie qui lui fait echo, elles ne sont que le prélude à la comparution
- 298 -
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des véritables plaignants, la Chose Publique dans le premier cas et Bon Temps suivi de Tout dans le second, comparution qui donne plus de poids au second tempsdel’exposé des doléances. La Chose Publique en effet, comme le remarque Perroquet, “‘pas ne dit ung mot qui ne pic-
que” ;elle exhale sa rancoeur dans une ballade très vive : Rompue suis par ung train tirannique Vela comment maulvais gouvernement A fait et fait de la Chose Publique
Sotz gouvernee m’ont contre nature ...
qu’elle explicite dans une longue réplique de trente vers
: on l'a mutilée et pillée avant de la réduire
à l’état de prostituée. Critique d’autant plus acerbe du régime que la Chose Publique compare son è tat à ce qu’elle était auparavent. Bon
Temps et Tout jouent le même rôle que la Chose Publique. Comme elle, ils arrivent en
loques sur la scène, apparition qui ne manque pas de replacer à sa juste valeur le “gaudeamus” forcé que chantaient les sots et auquel répondent avec un certain humour - fondé sur l'opposition - les hymnes de joie déclamés par nos deux
personnages allégoriques à leur entrée en scène. D’ailleurs,à leur vue,
les sots ne manquent pas de s’exclamer : Teste-Legiere Socte-Mine
: :
Bon Temps tu es en povre point ! Mais comment Tout est desnué ! (vv 275-276)
D'où leurs explications qui sont en fait des accusations : Bon Temps
:
Pensez ! On m’a bien gouverné Depuis vingt ans sans mesprison (vv 283-284)
Tout
: Et moy par la guerre terrible
Longtemps a que je ne fus paisible (vv 288-289)
En fait, sous quelque nom qu'il se présente, le plaignant principal est toujours le peuple et il vient déposer sa plainte contre le régime,au tribunal de la sottie. Dans d’autres pièces, cette comparution du peuple à la barre s'effectue directement sans le
et ce “fillet” l'empêche de pouvoir parler. C’est là une scène des plus éloquentes, bien qu’elle soit tempérée par le jeu comique des sots qui tournent autour de Guippelin en demandant les raisons de son mutisme. Pourtant, à n’en pas douter, le spectateur médiéval, habitué au jeu subtil de l’allégorie, voyait dans ce mutisme même, l'expression la plus percutante de ses doléances ; c'était la fi-
guration même d’un peuple écrasé de charges et qui n’osait ou ne pouvait ouvrir la bouche pour se plaindre, Silence plus éloquent que la parole et qui avait aussi l'avantage de ne pas trop inquiéter la censure.
Parfois, l’auteur évite de faire comparaître les plaignants ; on se borne alors à quelques échanges rapides de répliques entre sots. On peut aussi, lorsque la censure est trop vive, essayer de brouil-
ler les pistes comme dans la Farce nouvelle a troys personnages (C.I) où les rôles sont inversés : ce
sont les sots qui posent au Prince les questions rituelles, et les doléances sont limitées à quelques pointes générales contre “l’estat et le train de la court”. Les sots n’avaient pas reconnu leur prince parce qu’il portait la tenue de ce lieu où l’on juge l’homme à son habit ! Même brièveté prudente encore dans le Moral de tout le monde (Ρ.11.20) où les sots, après s'être réunis, se bornent à signaler que Passe-Temps s’est absenté depuis longtemps par “faulte de guerre”, Avarice, Faulte d’argent et Erreur. L’un d’eux se refuse même ouvertement à donner plus d’explications s’il n’est pas soutenu par Tout le monde en qui réside la solution du problème. Cette comparution des plaignants à la barre est suivie, lorsque la portée des attaques le permet, de la comparution des accusés qui viennent présenter leur défense.
Comparution des accusés et plaidoirie. C’est là, pour l’auteur,le point le plus délicat car, en bonne logique, les doléances du peuple de-
vraient faire apparaître à la barre des accusés,les responsables d’un régime qui ne donne pas satisfac-
tion. Mais on conçoit fort bien qu’au nom de la prudence la plus élémentaire, les auteurs essaient
préalable que constitue le rapport des sots. C’est ainsi que, dans la sottie de Gringore, après quel-
de se dérober ou de procéder de manière indirecte en accusant Chacun, Tout le monde, le Temps
ques brèves remarques des tr ois sots (vy 253-265) dirigées contre l'Eglise et qui ont un caractère d’a-
ou en se tirant d’affaire par quelque jeu de scène à valeur signifiante.
parté, Sotte Commune prend directement la parole pour s'élever contre la guerre et, malgré tous les
Lorsque la pièce est une pièce de commande pro-gouvernementale, comme
celle de Gringo-
arguments qu’on lui oppose et qui tendent à prouver qu’elle n’a pas à se plaindre - elle est en paix,
re, il est possible à l’auteur de faire apparaître le véritable accusé, en l’occurrence Mère Sotte, cos-
les impôts ont diminué et la justice régne -, elle exprime sa pensée dans une chanson sans fard :
tumée en Eglise, qui représente très précisément le Pape Jules II. Et pour donner plus de poids à
Faulte d'argent c’est douleur nompareille Si je le dis, las ! Je sçay bien pourquoy .. .
Satire bien légère, certes, mais n'oublions pas que cette sottie est une pièce de commande destinée à populariser la politique royale.
Dans la Sottie du Roy des Sotz ce temps de la structure est traité de manière originale : celui qui tient le role du peuple, Guippelin, est muet
; il a un “fillet” composé
De troys gros cordelons gros et fort
l'accusation, Gringore montre Mère Sotte en action dans une scène qui, selon le procédé qu’affinera Corneille dans l'Illusion comique est du théâtre au second degré (25). Mère Sotte confie à ses deux conseillers, Sotte Fiance et Sotte Occasion, son désir de réduire les droits du Prince en se saisissant du Temporel et, pour arriver à ses fins, elle décide de soudoyer princes et prélats pour les faire se soulever contre leur Prince, Elle fait alors appeler ses suppôts, les abbés de Croulecul, Sainct-
Liger, Frevaulx, La Courtille et Plate-Bourse, et leur dévoile son intention d'étendre le pouvoir qu’elle a sur le Spirituel au Temporel. Séduits par une promesse de chapeaux de cardinaux, ceux-ci se ran-
Desquelz l’ung a nom Mal vestu ; Le second est fier et testu Et s'appelle Faulte d'argent ;
gent de son côté. Après ce premier temps qui constitue, sous forme de tableau vivant, un premier dos-
Qui se dict Crainte juvenale. (vv 249-254)
de soulever les princes et seigneurs contre leur roi, le Prince des Sots, et, devant leur refus, elle appel-
Le tiers si n’est ne beau ne gent
sier d’accusation, Mère Sotte-Eglise vient soutenir son point de vue à la barre des accusés : elle essaie
- 300 301
le ses prélats à la guerre. En voyant un tel compor tement, Sotte commune redouble de plaintes à l’égard du Prince des sots qui, tout d’abord, se refuse à condamner Mère Sotte-Eglise. Il faut que cette dernière passe à l’action pour qu’enfin,il se décide à intervenir pour rétablir l’ordre. C’est bien là le déroulement même d’un procès : réquisit oire, plaidoirie de la défense, appel au verdict. C’est une manière de procéder voisine qu'utilisent la Sottie des sots triumphants et le Moral de Tout le monde. Dans la première, après les doléances des plaignants, entre l’accusé Chacun qui se comporte selon le tableau que l’on avait brossé de lui (vv 109-116) :c’est la mise en accusation d’un régime dont les effets apparents se traduisent par une croissance de l’amoralisme. A défaut de pouvoir faire comparaître le véritabl e accusé, on fait comparaître ceux qui lui semblent acquis. Pourtant , après une plaidoirie houleus e symbolisée Par une action scénique pendant
laquelle les sots se saisissent
de Chacun
pour
l’amener
de force devant
Sotie,
la défense a gain de
cause : les arguments de l’accusation tombent lorsque l’on enlève à Chacun ses vêtements. Chacun n’est pas responsable car il appartient au même bord que ses accusateurs. C’est alors que va comparaître le véritable responsable, le Temps, personn age qui symbolise le régime et auquel, dès son
entrée,
Chacun
fait serment
d’allégeance
pour
s'entendre
conseiller
:
Se voullez aller a cheval Et estre homme de grant affaire, Premier il vous fault contrefaire Du saige et du bon entendeur, Dire le mal et le bien taire ... (vv 21 7-221) Le Temps va méme jusqu’à donner à Chacun une trompe pour lui permettre de se conduire “par tromperie”. C’est là un réquisitoire qui, dans la mesure où il consiste à mettre en évidence le mécanisme qui conduit Chacun à la chute, constitu e pour ce dernier la plaidoirie de sa défense. Dans le Moral de Tout le monde, même procédé d’attaque : à défaut de faire comparaître les seuls responsables du régime, c’est la société entière qui apparaît au banc des accusés sous les
traits de Tout-le-monde revêtu d’un habit hétéroc lite
Y porte l’estat de Noblesse De Marchant, de Labeur et l'Eglise (vv 81-82) L’interrogatoire consiste à demander à l’accusé les raisons d’un tel costume. II explique alors que “Marchandise” lui permet d’acquérir la fortune, laquelle lui ouvre la porte de ‘“‘Noblesse”’ et ‘‘Eglise”, et, d’une manière générale, de tout office puisqu'il porte aussi “Yescriptoire et le chapero n de
Justice”
L’interrogatoire
est suivi de la lecture du réquisitoire (vv
173-195)
:
Tout le monde, cela n’est bien Vouloir troys estats en un mectre Car de tous tu ne peulx pas estre.
Qui
Mais la piéce qui présente
de ses origines ou de son manque
fantasie
l’homme vault
originalité
dans
le traitement
de
la comparution
des accusés
S j »lir a été té débarrassé déha ὁ de de son des Sotz : aprèsδ que Guippelin son
“fillet”? “fillet
et qu’il a retrouvé l’usage de la parole, il décide de se rattraper Maisje parleray
a tous cas
Avecques les grans advocatz ’ Ou quean l’on m'appelle Huet Je feray
bruit
3.7 vv : 262-264
en cest esté
De bien parler et de bien dire Cette liberté totale de parole, bien qu’utilisée sur un mode primesautier, primesautier,
n’en n’en laisse laisse pas pas moins Iprésa
ger une attitude plus profonde Je suis homme
quant est a moy
Pour gouverner tout seul un roy Sans y avoir aucun desroy
Et son peuple gros et menu.
(vv 278-281)
Aussi faut-il le prendre au sérieux lorsqu’ayant f recu du Roi: dese sots la charge charge dede connéta connétable, vre a une
sévére
des loyaulx
épuration
sergents
flet le courtisan. Dans
du Ì
des
j dignitaires de1 la couronneη
Roy”,»
Triboulet t
ale a 4 comparaitre raitre :: Sc Sott qu’il4 appelle
ville”, “le “le sens sens de lala ville”,
Coquibus Coq
qui “ratz qui “ratz
li-
ung18
po porte
S e des des Sotz )tZ qui re les autres pièces, la Sottie des sotz fourrés dej maliceC et lala Sottie quir
tent en point Bon Temps,
la mise en accusation par la
Chose Publique, temps etet TouTout, lique, Bon temps
fisamment explicite pour qu’il ne soit pas utile de faire comparaître les accusés par défaut.
il se
Ce sont, Ìhabilement, les ] artisans isan du régime égime que que l’on l’on fait fait venir ven à lala barre des accusés
Ἢ ? C’est possible.
Prudence vis-a-vis de la censure
refuse très nettement
de faire comparaître les Ι accusés
a
Danc Dans
ne à son tour et ils racontent leurs fredaines.
a ét
que |
Rarre a lala Farce a
on
; la pièce p iéce sese termine termine sur sur uneune Fpirouette : aprés
ouvé lala livrée livrée de son group groupe, avoir répondu aux questions des sots, le Prince,qui a retrouvé de son
les
question
Le véritable e accusé ac é eest st iciici 1le
Prin
ce. Après
la comparution
des accusés,
y c'est
enfin
lele verdict verdict
Le verdict est une simple constatation d’impuissance. lee verdict ver e
refus de Tout-le-monde
de revenir à la place qui e
font
baroque
revétir
un
costume
(
ainsi
société, les tr ine > dans dans lala so
que
c
devar ù
Bailons luy habit un peu court Qui sente l'Eglise et la Court,
Son laboureur terre cherchant Habit qui sente son marcha D'un costé long, l’autre arond
de
vertu, et chaque fois, il réplique que son argent lui tient lieu de tout. Aussi refuse-t-il fermeme nt le seul habit qui lui convienne, celui de “labour eur”, J’en veux un, dit-il
la plus grande
est sans doute encore la Sottie du Roy
s’amender.
afférente à Vhabit, par suite de son ignorance, de la bassesse
faict a ma
Car selon habit
Bien 1 souy sou
Puis, avant de procéder au verdict, le tribunal essaie d’ouvrir les yeux à l’accusé et de l’amener à On lui demande de se contenter d’un seul habit. Il réclame alors successivement l’habit d’Eglise, de Noblesse, de “pratique”. Chaque fois,on lui allègue son incapacité à remplir la charge
soyt
-
ae Ι gore C’est aussi un jeu de costume qui clôt la ‘ sottieie dede( Gringor
ve le déguisement
de Mére
Sotte et la reconnait.
Le
Ce qui perme
wy Pri
oe 257-261) conse
soule-
-303-
- 302 Affin que Chascun le cas notte Ce n’est pas Mére Saincte Eglise Qui nous faict guerre, sans fainctise Ce n’est que nostre Mere Sotte. (vv 649-652) Ainsi,dans l’intérét de la politique royale, l’Eglise en tant que pouvoir spirituel se trouve dissociée de la personne de son chef, la Pape Jules II, contre lequel on essaie de canaliser la vindicte populaire. Le verdict s'impose de lui-même
: il faut faire la guerre à ce Pape trop ambitieux.
Dans la Sottie des sotz triumphants, le jeu de costume est remplacé par un dénouement de farce à valeur signifiante : sur l’ordre de Sottie, le Temps pourvoie aussi les sots de trompes, ce qui leur permet de “tromper” Chascun, illustration du fameux thème du trompeur Teste-Verte Fine-Mine
:
trompé.
Le temps Chascun fait et deffait. Le temps se mue d’heure en heure.
Plus qu’un verdict, c’est là une menace voilée, un avertissement dans lequel les sots font part de leur volonté d’imposer leurs conceptions et de l'espoir de pouvoir y parvenir. Nous nous rapprochons davantage de l’idée de verdict avec la notion de “peine” et de “ré-
paration” qu’il comporte,dans la Sottie des sots fourrés de malice et dans celle des Sotz qui remettent en point Bon Temps. Dans la première, le verdict du Cappitaine consiste à nommer ses sots
“revisiteurs” de la Chose Publique :
a essayé de faire entrer l’action qu’il mettait en scène dans un cadre qui lui donne son véritable sens. Il était d’ailleurs normal que,pour exprimer au mieux un jugement dans toute sa complexité,et à plus forte raison un jugement à caractère politique, l’auteur, compte tenu du groupe social auquel il appartenait, utilisât une structure à laquelle il était habitué professionnellement. Bien sûr,
la conjoncture et surtout la censure l’amenaient le plus souvent à déguiser ce cadre expressif en présentant l’action dans un registre comique, en recherchant le voile de l’allégorie ou du geste symbolique, en utilisant des digressions burlesques destinées à détourner l’attention, et parfois même,en omettant un des stades du déroulement du procès ; mais il est fort probable que toutes ces petites distorsions que notre auteur faisait subir à sa structure fondamentale n’empéchaient pas la fraction cultivée et initiée du public de saisir, au-delà du spectacle immédiat, la portée pro-
fonde de l’oeuvre. La dualité du meneur de jeu n’échappait à personne, pas plus que la véritable identité des plaignants et des accusés mis en cause (26) et tout le monde comprenait le sens d’un verdict apparemment inoffensif.
Cette structure fondamentale de sottie-séance de tribunal a dû rencontrer un certain succès - qui expliquerait la disparition de bon nombre de textes considérés comme dangereux - car on
Je vous fais sans plus de replique
Revisiteurs de la Chose Publique,
Pour quoy chascun de vous s’aplicque Et tout par manière d’esbatz A revisiter la fabrique
Desormais par tout,hault et bas. (vv 336-342)
Manière élégante de confier à l’élément contestataire que les sots représentent,une mission de vigilance et de réforme dont l’auteur déguise la véritable portée en faisant interpréter cette mission par les
intéressés comme une mission érotique. La seconde sottie, beaucoup plus timide, n’a pas besoin de rechercher la protection du rire immunisateur. Le Général se contente de déclarer : Je vueuil sans y mectre debat Que Tout soit remys en estat.
Ainsi s'achève une structure signifiante dont nous ne prétendons pas qu’elle apparaisse dès le premier abord dans nos pièces, mais on ne peut nier que, consciemment ou non, l’auteur
(vv 293-294)
la retrouve en partie dans des sotties qui, nous le verrons, ont plutôt un caractère de sotties-jour-
nal : c’est le cas de la Sottie de l’Astrologue (P.I.7) et de la Sottie pour le cry de la Basoche (P.III. 28). Dans la première, après de courtes doléances des plaignants, les sots, on passe immédiatement à la comparution par défaut des accusés, remplacée par ung long réquisitoire prononcé par l’Astro-
logue et que vient appuyer un témoin à charge, Chascun. Après quoi, il revient à l’accusation de prononcer le verdict. Evidemment cette structure de séance de tribunal passe à l’arrière plan dans la mesure ou l’on donne une importance primordiale au réquisitoire prononcé selon une technique
particulière, mais il n’en reste pas moins qu’elle a dû être présente à l’esprit de l’auteur au moment de l’élaboration de la piéce,et c’est sans doute sciemment qu'il a déformé cette structure pour la rendre moins apparente, préférant se borner à présenter une sorte de journal satirique de la situa-
On donne donc aussitôt à Tout et à Bon-Temps robe et chaperon, et la pièce se termine par des
tion du royaume, Même remarque pour la seconde sottie qui respecte peut-être mieux encore la
chants. Mais n’est-ce pas la adresser au pouvoir une invite a réparer ses méfaits ?
structure fondamentale
En fait, la Sottie du Roy des Sotz est la seule qui mette nettement en valeur l’idée de condamnation, car Guippelin chasse tous lesanciens dignitaires du Roi des sots : Il fault penser au temps qui court Qui bien veult son estat conduyre Et getter ceulx dont peult produyre Et sourdre débat et envie Comme j’ay faict, dont vous supplie
Puis que les maulvais sont hors mys. (vv 354-359)
Mais on congoit fort bien que tous les verdicts ne soient pas aussi virulents que celui-ci :
c’est l’action elle-méme et son déroulement signifiant qui,implicitement,en tenaient lieu.
: appel de Mère Sotte, arrivée des plaignants, rapports plus ou moins écour-
tés sur la demande de la craintive Mère Sotte, comparution des accusés et verdict. Mais ici le contecar l'accusé est symboliquement Monsieur Rien (27) nu de cette structure fondamentale la dénature,
- qui représente en fait Tout-le-monde-et son rôle se borne à relancer, sur un mode comique, le tour d’horizon satirique auquel s'étaient livrés les plaignants. Ici encore,la sottie prend plus l'aspect d’un
journal satirique, sorte de Canard enchaîné avant la lettre. Cependant l’utilisation, au départ, de la structure fondamentale n’a pas été vain car il permet au spectateur initié de comprendre le sens pro-
fond de quelques pointes que M. Rien décoche à l'adresse du régime, au milieu de la chronique scandaleuse du quartier. La structure latente renforce la valeur accusatrice de ces quelques flèches. De plus, il faut aussi signaler qu'avant les sotties dont nous venons de parler, certaines mo-
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ralités polémiques utilisaient déja une structure qui, d’une certaine maniére, annonce celle de la sottie-séance de tribunal (28). Tel est le cas de la Moralité de Mestier et Marchandise que l’on s’accorde à dater de 1439-1440. Les trois premières scènes correspondent au rassemblement des plai-
gnants : Mestier et Marchandise se rencontrent et cette dernière, satisfaite de son sort, a quelque peu tendance à ironiser sur les plaintes du premier. Arrive alors le Berger, tout heureux de vivre, qui prend part à la discussion en prétant uneoreille attentive aux doléances de Mestier. Le réquisitoire commence ensuite avec l’arrivée du Temps-qui-court dont les variations de costume vont pro-
voilées
dont le sens nous échappe souvent, ce qui témoignerait d’une sévérité accrue de la censure (31). Tribunaux d’exception, avons nous dit : il serait plus juste de parler de juridiction financière
extraordinaire. Il s’agit en effet pour Mère Sotte, sous ses différents
et impôts de ceux qu'elle fait comparaître à son tribunal. C’est ce que déclare sans ambages la Réformeresse des Povres deables qui, “pour avoir des decimes mainctes”, envoie son sergent porter des assignations à comparaître, charge dont il s’acquitte au mieux
voquer les plaintes de Mestier, Marchandise et du Berger : le Temps apparaît d’abord vêtu de diver-
l’appauvrissement d’une époque trouble dont se plaignent amèrement les représentants du peuple.
oreilles, portant un masque derrière la tête et s'exprimant en un langage inarticulé, manière symbolique de figurer la folie et la fourberie d’un “monde à l’envers” (29). Le Temps affirme alors
qu’il ne se modifiera pas tant que les Gens eux-mêmes ne changeront pas. D’où un verdict à portée
C’est en des termes identiques que le Receveur de la Farce des veaulx se plaint à l'Official : Nous n’avons aucuns veaux de disme Quoy que tous estats nous en doybvent. (vv 4-5) Même démarche de la Réformeresse qui demande au badin de “publier à plain son les Etats qu’i nous viennent vouer’’ et ajoute : Par ce poinct on pourra prevoir
morale : pour amener le Temps et les Gens à s'améliorer, les trois représentants du peuple leur chantent une chanson,et le Temps et les Gens vont s’habiller en “gallans” et reviennent mêler leurs cris de joie à ceux de Mestier, de Marchandise et du Berger. L'action est certes signifiante en elle-même, mais on ne peut nier que son déroulement, sa structure, lui apporte.
+
un plan de signification
:
Je vous sommes que vous venez Aporter a l’eure presente Vostre disme et vostre rente A Proserpine la deesse D’enfer, d’Astarot la metresse, Elle tient aujourduy ses jours haulx.
ses couleurs pour souligner son caractère instable, puis en rouge, puis en armes, pour symboliser les menaces de guerre, puis revêtu d’une vieille couverture et le visage barbouillé, marquant ainsi Mais le Temps essaie de se justifier en rejetant la responsabilité de ses variations sur les Gens. On passe donc à la comparution de l'accusé, les Gens, qui arrive vêtu d’une mante, coiffé de grandes
masques, de percevoir des droits
Que ma presse soyt assouvye.
Et c’est aussi ce qu’attend la Mère de Ville de ceux qu’elle fait comparaître et qu’elle absout à la grande colère de son “‘varlet”’ :
Se j’avoys une telle ofice
supplémentaire. Aussi, malgré l’utilisation de l’allégorie, la symbolique du costume et le caractère des jeux de scène invitent à considérer cette pièce comme une sottie primitive et ce d’autant plus
Comme vous, ou telle prebende Je les taxerés en amende Si fort qu’i.seroyent desbauchés.
qu’il est remarquable de constater que si le mode d’élaboration repose sur un déroulement linéaire de l’action, le moment de l’entrée en scène des personnages et leur fonction font de ce déroule-
On est évidemment tenté de mettre cette “mission” de Mère Sotte (32) en rapport avec l’institution vers 1520 d’enquéteurs royaux envoyés auprès des collectivités pour prélever l’argent correspondant
ment linéaire celui d’une séance de tribunal structure qui tend à se préciser dans les pièces posté-
à l'augmentation des impôts, et qui étaient aussi chargés de vérifier la manière dont les officiers royaux
rieures.
locaux s’acquittaient de leur charge - le “‘prestre” qui comparait devant la Réformeresse ne vient-il pas
(vv 195-199)
présenter “les escripts/comptes, quictances et descharges/ de ce que nous avons les charges” -, et ce
d'autant plus que notre Mère de Ville, apres avoir déclaré qu’elle allait faire ‘ouverture de saisine et 2. — Structure dérivée : la sottie-revue.
de judicature” (vv 25-26), s’emporte en ces termes contre son valet :
C’est aussi une atmosphère de tribunal que nous restituent les quatre pièces que nous allons étudier maintenant, mais de tribunaux d’exception comme
ceux constitués à l’occasion des “grands
jours” : à la demande de Mère Sotte,un huissier introduit successivement divers accusés appelés à comparaître et l’on assiste à une suite de brefs jugements. C’est ce qui se produit dans la Mère de ville (P.IIL.23), la Reformeresse (P.III.25), les Povres deables (L.I.1 5) et, avec quelques variantes,dans la Farce des veaulx (L.IL.33), quatre pièces qui nous ont été conservées par le Recueil La Vallière. Ce
sont,toutes les quatre,des pièces très localisées : la Farce des veaulx et les Povres deables citent nom-
mément et plusieurs fois la ville de Rouen et les deux autres présentent un vocabulaire et des formes dialectales caractéristiques de la Normandie. De plus,il semble que l’on puisse dater trois d’entre elles
des environs de 1520 (30). Précisons enfin que ce sont des pièces souvent obscures, toutes en allusions
Tu congnoys que j’ey tant de peine Pour tenir justice royalle Et tu me mais en intervalle De tous ceulx que je t’ay nommés.
(vv 40-44)
Attitude identique de la Réformeresse qui se présente en des termes voisins : Je mais chascun estat en presse Ainsi qu’il m'est preordonné.
(vv 3-5)
De là, à voir, dans le choix des accusés appelés à comparaître, une satire des exactions et extorsions qui permettaient aux favoris royaux de s'enrichir, il n’y a qu’un pas. D’autant plus que le badin dis-
suade la Réformeresse de s’en prendre aux “estats” et conseille ironiquement de “reformer” plutôt “un tas de petis populaires”, ce qu’elle accepte, comme en s’excusant :
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introduit les accusés, suggére à la Réformeresse les questions a poser :
Y fault bien que ma presse serve !
Demandés luy par exament S'il a poinct crainct sa conscience D’aler plusieurs foys au dimenche . . .
La Réformeresse des Povres deables est encore plus explicite a ce sujet : Les bien vivants, en leur estat Je n'y touch, mais un grand tas De razés, tondus et barbus Je veux qui me facent tribus.
ironise en se moquant des répliques de l’accusé, lance des pointes destinées à l’accabler et . .. plaide en faveur de laclémence. Parfois même, il dispense des conseils satiriques à l'accusé. Ainsi, à l'avocat,
Mais nous abordons là le problème de la satire politique.
il suggère :
Toutes ces piéces, qui sont des piéces de circonstance, presentent donc une structure dont l’idée est empruntée au réel et leur déroulement - le gauchissement qu’elles présentent par rapport à la réalité, le choix des personnages cités à comparaitre - ainsi que leur denouement - tous les accusés sont absous - sont signifiants, Essayons d’en examiner les deux principaux moments : la constitution du tribunal - et le role de chacun de ses membres - et la comparution des accusés - et leur qualité. En effet, à partir du moment où le tribunal est ouvert, la pièce se déroule selon une struc ture à répétition, puisque la même scène se reproduit, avec les variantes nécessaires, pour chaque accusé.
Soys moy un petit plus pillard Hayt les chiens, ayme le lard ; Pren moy argent de ta partie ; Sy tost qu’elle sera partye Va moy signer le faict contraire . . . Dans la Mere de Ville, le valet tient un rôle identique mais, alors que la Mère de Ville fait naturellement preuve de clémence, le valet, lui, demande un châtiment : Et men serment, s’ yl est laron C’on me l’emprisonne a la gaule Et c’on me le late et le gaulle
Sy ferme qu’i luy en souvyenne Et que jamais il ne revienne !
Le tribunal et ses membres.
Toutes ces pièces débutent sur un monologue de Mére Sotte appelée tantot Mere de Ville, tantôt Réformeresse, qui se présente comme envoyée par le pouvoir et chargée, comme un collecteur d'impôts du Trésor, de venir prélever son tribut auprès des officiers royaux de la juridiction, avec,de temps à autre, l'intention de reformer quelque peu sinon les institutions, du moins les hom-
D'une manière générale, le valet témoigne d’une perspicacité, d’un à-propos et d’une con-
naissance précise des hommes qui font dire de lui par un des galants que juge la Réformeresse : Par Nostre-Dame ! Y congnoit tout ! Je pense moy qu’il soyt prophete !
mes. N'est-ce pas chose curieuse de voir que ce rôle principal de direction est toujours tenu par une
Aussi est-ce par ce rôle que s'exprime
femme, alors que dans la plupart des sotties,il est tenu par le Prince des sots ? N'y aurait-il pas là
qui contribue à rendre la structure signifiante.
comme une critique voilee dirigée contre Louise de Savoie qui, entre 1516 et
1530, aux dires du
bon peuple, détenait la réalité du pouvoir et que l'on rendait volontiers responsable des maux qui s’abattaient sur la France,
(vv 112-116)
Mais cette différence d’attitude s'explique par la qualité du personnage jugé.
L’aparté du “garde-pot” pourrait ètre compris en ce sens Quoy ! Mathiolus le bigame A il permys que une femme Tienne siege et qu’ele preside ! (P.III.23
vv 139-141)
Quoi qu'il en soit, immédiatement après s’étre presentée et après avoir annoncé le but qu’elle se propose de poursuivre, Mere Sotte s'adresse au personnage qui, en fait, tient le rôle principal,
son valet, pour lui demander s’il a assigné,comme prevu,tous ceux qui doivent comparaître. Quel que soit son nom, valet (la Mere de Ville), sergent (les Povres deables) ou badin (la Reformeresse), ou ses rapports avec Mère Sotte (agent traditionnel de Mere Sotte ou employé occasionnel comme
le badin de la Reformeresse), c’est lui qui dirige les opérations, assigne les accusés, les introduit, pose les questions, dirige le procès, prend des notes et conseille Mére Sotte. Il est à la fois huissier, greffier, procureur et avocat, Dans les Povres deables, par exemple, le sergent rend compte : Je les ay ajournés a ban
Les mal espargneurs de Rouen.
la véritable pensée et l'esprit satirique des auteurs et c’est lui
Le tribunal de la Farce des veaulx mérite que l’on s'arrête un peu plus longuement sur lui. Beaucoup plus étoffé dans sa composition que les précédents, il est constitué à l’image d’un tribunal réel (33) et comprend tous les personnages de la pièce puisque la comparution des accusés est remplacée par la présentation, par huissier, de la dime dont ils sont redevables. Ici le rôle de Mère Sotte est détriplé,ou plutôt Mère Sotte n’est représentée que par son of-
ficier, le Reveveur de I’Abbé des Connards de Rouen qui tient ici le rôle du sergent de la Réforme-
Tesse et qui vient se plaindre de ce que les taxes ne rentrent pas dans les caisses de l'Abbé auprès
d’un tribunal d’exception constitué par l’Official et le Promoteur, lesquels tiennent ici le rôle de la Réformeresse. Ceux-ci demandent en effet au Receveur de convoquer au tribunal tous ceux qui ne
se sont pas acquittés de leurs droits, ce qu'il fait. Et c’est par l'intermédiaire du badin et du Malodes pertin,qui jouent un rôle d’huissier, que sont introduites ou plutôt présentées les redevances : suivant tableau le par sonnages assignés. Organisation complexe que l’on pourrait schématiser
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- 309 les supérieurs du couvent qui se permettent d’exiger de leurs subalternes une discipline de fer pendant
Domaine
rôle de Mère
Sotte
:
rôle du sergent
de Mére Sotte:
néant le Receveur
Domaine
de la Réformeresse :
l’Official et le Promoteur le badin et le malotin
qu’eux-mémes font preuve de la dépravation la plus compléte, car ils sont buveurs, joueurs, jouisseurs et blasphémateurs.
de. Satire indirecte,puisque la Réformeresse s’attaque ainsi à l’effet et non à la cause. Pourtant,les derniers vers de la pièce sont une invite à la vigilance : Je prye a tout plaisant conard Qu’il ayt memoyre mesouen Et aucune foys le regard Aux povres deables de Rouen.
Bien que l’auteur maintienne l’ambiguité jusqu’au bout, il semble que les attributions du représentant de Mère Sotte et celles des homologues de la Réformeresse ne soient pas mélées (cf vv 55, 137139, 168, 242-243) ce qui serait une manière voilée de satiriser les enquêteurs royaux en s’en désolidarisant. Nous retrouvons cette même habileté dans l’autre aspect de nos pièces, la présentation
A la requéte du sergent, tous ces “‘povres deables” sont absous et dispensés d’amen-
La Farce des Veaulx, elle, est à la fois plus subtile et plus ambigué - mais le titre ne signale-t-il pas qu’elle a été “jouée devant le Roy en son entrée 4 Rouen” ? En effet, compte tenu des circons-
des accusés.
tances particulières de sa représentation, l’expression ‘‘veaux de disme” dans la bouche du Receveur
Les accusés et leur qualité.
bord, et c’est le premier sens, elle peut désigner la taxe que devait percevoir le collecteur des impôts
de l’Abbé des Connards qui vient se plaindre à l’Official, peut recouvrir plusieurs réalités. Tout d’a-
Mère Sotte,ou plutôt la Réformeresse, agent du pouvoir, est donc venue pour vérifier la manière dont les officiers royaux locaux se sont acquittés de leur tache et pour punir les abus afin de contribuer, ce faisant, à la bonne rentrée des impôts dans les caisses de l'Etat. Or cette bonne intention tourne vite court car Mère Sotte pardonne les exactions de ceux que l’on devrait condamner et semble vouloir rattraper le manque à gagner sur le dos de ceux qui sont déjà écrasés par les charges : telle est l'impression qui se dégage du choix des accusés cités. L'exemple le plus net en est donné par la Reformeresse dans laquelle le personnage du même nom, sur les conseils du badin, se contente de “presser” trois galants et un clerc. Excellente occasion de mettre au grand jour la détresse des “‘chantres”, “menestriers” et “joueurs de farces” tout en pro-
clamant qu'ils sont joueurs, buveurs, luxurieux et . . . endettés. Ainsi,apparemment,la pièce n'offre aucune prise à la censure. Pourtant,elle réussit par antiphrase,à signaler les atteintes dont sont victimes les acteurs, car,au lieu de remplir son rôle avec justice, la Réformeresse, agent du pouvoir royal, cherche surtout à réprimer ceux qui étaient les dénonciateurs de toute injustice.
Plus incisive est la Mere de Ville car,dans cette pièce, c’est l’Eglise,représentée par trois de ses dignitaires,qui passe au tribunal de Mère Sotte : le “garde-nape” dont le rôle est de garder blanches
(manière indirecte de dire que la troupe manquait de subsides) et l’on retombe alors sur le thème développé par les autres pièces : la perception des taxes et droits sur les collectivités locales et les officiers. Mais elle peut aussi être une allusion à la contribution des compagnies des villes voisines sous forme de délégations de sots envoyées pour participer aux réjouissances et festivités qui marquaient l'entrée royale (35). Les plaintes du Receveur laisseraient alors supposer que les troupes ont boudé cette entrée parce qu’elles étaient vraisemblablement en froid
avec le pouvoir royal. La pièce ne se-
rait ainsi que l’énumération de tous les sots qui ne participaient pas au spectacle : ceux des troupes “régulières” et ceux des différents états. C'est ainsi que, sur l’injonction du Promoteur, le Receveur appelle “165 veaulx de disme de l'Empire du Grand Conseil”, sans doute les sots de la troupe de l’Empire
de Galilée, formée de clercs
de la Chambre des Comptes (36), et l’on justifie leur absence par une allusion à leurs démélés avec le pouvoir à la suite d’une récente représentation (vv 37-42). Mais on passe très vite et, pour éviter vrai-
semblablement les conséquences que cette allusion aurait pu avoir devant un public royal, on la fait suivre d’une intervention scénique réaliste : le badin apparaît porteur d’un sac dans lequel se trouve “le veau de disme” envoyé par l'Empereur du Grand Conseil. Veau véritable ou sot, nous ne saurions
ecclésiastique et que l’on blanchit en lui vendant les pardons ; le “garde-pot”,
trancher, bien que nous penchions plutôt pour la première hypothèse, car, outre le réalisme comique la qu’un tel interméde pouvait apporter, il contribuait à créer une ambiguité nécessaire pour rassurer d’une appel : déroulement même le selon fois plusieurs reproduit se censure, Puis la même séquence
son profit personnel ; et enfin le “garde-cul”, entremetteur du clergé qui offre à Mère Sotte un fort
d’un troupe, allusion voilée qui justifie son absence et détente par présentation comique et triviale succesainsi veau - symbole de la contribution que la troupe aurait dû apporter au spectacle. On cite
les nappes sur lesquelles mangent les hauts prélats, nappes qui représentent symboliquement le peuple qui nourrit tout
soutien d’une Eglise qui trompe le peuple et le conduit à suivre de rigoureux commandements pour tribut pour conserver sa liberté d'action. Or,tous sont absous à la grande colère du valet ! On retrouve les mêmes personnages qui comparaissent à tour de rôle dans les Povres deables : le prêtre qui agit de manière à avoir “deulx paymens pour une journée”, l'avocat qui se plaint de voir ses profits diminués depuis que les pots-de-vin vont aux “nouveaulx conseillers autremens nommés
accesseurs”, la “fille esgarée” qui déplore la concurrence déloyale des “seurs segretes’’ - prostituées non déclarées appartenant à la bourgeoisie que visitent les “‘commandeurs”, les “moynes et filz de borgoys, les sergens et gens de justice” (34) -, l'amoureux vérolé et le moine défroqué, révolté contre
sivement “les veaux des badeaux de Paris” (troupe des Enfants-sans-souci ? ), “le gras veau du Prince des sotz”, “les veaux du Regent du Palais” (37), “les veaux de nos conars messieurs de chapitre” (38), “ses gros raminas grobis” (39) et enfin “165 veaux des souveraines cours et finances de l’abbaye”
(40). Dans un premier temps, la pièce est donc prétexte à un habile recensement des différentes troupes qui laisse entendre à quel point celles-ci ont souffert de la rigueur royale, car :
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Y ne font de dismer debvoir En tous lieux ny en toute places. La pièce se poursuit ensuite par l’énumération de tous ceux qui ne paient pas leur tribut aux finances royales (41) : la réalité que recouvre le terme de ‘‘veau de disme”’ change,ainsi que le ton de la discussion qui s’accélére sans etre interrompue par l'intermède immunisateur que constituait la présentation du veau, On repousse dorénavant, de manière satirique et antiphrastique, les veaux de ceux que l’on appelle. C’est là viser l’aveuglement royal qui refuse d'admettre les exactions de ses officiers , ‘les généraulx veaulx des monnoyes (receveurs généraux sur le fait des aides) maintenant riches du
billon (impôt sur la vente du vin au détail)”, “165 veaux non dismés de la ville
(dignitaires de la noblesse et de l’Eghse)”, "165 veaux de bailliage”, “les veaux de vicomté”, “les veaux de court c’estimans savans sans scavoir”, les ‘‘veaulx des gens de labourage anoblys par force d’argent”, les “veaux des marchans’;et, pour atténuer la virulence de la satire, on termine en appelant “les veaux de ses maris coqus” que l'on refuse et “les veaulx des gros moynes soulars” que l’on accepte à cause
de leur beauté ! Et la pièce s’achève sur une conclusion ambiguë : le Promoteur déclare au Receveur qu’il doit, pour le présent,se contenter decequ’ila, declaration
On pourrait aussi rapprocher de cette structure à repétition,caractéristique de la sottierevue, une pièce comme la Sottie des sotz gardonnez (D.VI) qui, si l’on en croit Melle Droz, serait
antérieure aux pièces précédentes (43). Excepte le fait que l’action ne s’y déroule pas dans le cadre d’un tribunal, mais plut ot dans celui d’un collège, on y retrouve les mêmes principes d'élaboration. La sottie s'ouvre en effet sur les lamentations du Principal qui a perdu ses suppôts. C’est alors qu’arrivent sur scène successivement un ermite, un coquin se reproduit
et un pèlerin. Et, chaque fois, la même séquence
: après avoir engage la conversation avec le nouvel arrivant, le Principal lui demande de
quitter son habit et il reconnait en lui un de ses suppots, ungalant. sons de son déguisement et de son absence :
Pourquoy t'es tu tant fait querir ? Que ne vins tu des l’an passay ? (vv 75-76 et vv 138-141) Et ses suppots lui répondent qu'après l'interdiction des spectacles et la poursuite-et la condamnationde ceux qui voulaient persévérer (vv 77-80, 142-144), ils ont jugé prudent, pour échapper aux
le règne de la folie sur le monde
le reste une sottie sans grande profondeur et se termine en farce (=1’Abbé des Connards)
Ce a quoi le badin fait écho dans une réplique à triple sens : Conars, ayes a subvenir A l’Abbé et ses conardeaux. Payés la disme de voz veaux ; Sy n’estes de payer dispos
Vous serés cités contra nos ! On peut en effet interpréter cette réplique d'abord dans le sens littéral de la pièce,mais aussi des deux manières suivantes : soit “pauvres fous - par nature - du monde, subvenez au roi et payez vos impôts si vous ne voulez être cités au tribunal”, soit “fous - par raison - et βοΐ soutenez l'Abbé des Connards et participez à la contestation”. Pièce virulente donc et qui a dû avoir des suites. D'ailleurs,on peut se demander si une pièce obscure comme les Deux Soupiers de Moville (L.IIL 65) n’en donnerait pas un
écho.
Bien que la Farce des veaux se différencie des trois autres pièces par le fait que l’appel à comparaître n’y est pas suivi de la comparution effective des inculpés, remplacée par la présentation des “‘veaulx de disme”, il n’en reste pas moins que toutes les quatre sont bâties sur une structure inspirée du réel (42) qui, comme la structure fondamentale que nous avons étudiée précédemment,prend une
valeur signifiante et un sens contestataire - malgré la censure - par la manière dont sont dirigés les débats et par le choix des inculpés mis en cause. Cependant, ici il se produit une sorte d’inversion:c’est en fait l’action qui donne sa valeur signifiante à la structure,alors que,dans la sottie-séance de tribunal,c’était la structure même qui transmettait sa valeur signifiante à l’action.
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l'impunité qu'offre le territoire inviolable de la Cour des Miracles dont le coquin fait une description
idyllique dans l’argot qui s'impose.
Car au monde n'y a cité Ou il ne prenne le dimage.
sergents
et procureurs, de rechercher l'isolement (l’ermite), l'immunité d’un habit de religieux (le pèlerin) ou
ironique car il n’a reçu de “‘veaulx”’ que des troupes réduites à se taire, ce qui signifie en clair, compte tenu de la seconde série d’appels, que seuls, paient les justes,alors que ceux qui commettent des extorsions sont absous. Et l’Official rappelle :
Il le questionne alors sur les rai-
Comme
la Farce des veaulx, cette dernière sottie est donc destinée à dévoiler la sévérité de la
censure à l’égard des suppôts du Prince des sots. C'est vraisemblablement aussi pour cette raison qu’elEn effet, aprés avoir retrouvé ses
suppôts, le Principal les envoie à la recherche de l’un des leurs, le petit , qu’ils aperçoivent endormi dans un coin : sa petite taille lui avait permis d'échapper aux poursuites sans le secours d’un déguisement. Et ce dernier, très habilement, en tire argument pour prouver sa fidélité héroïque au Principal qui le prend pour confident et apprend de sa bouche que les autres sots sont mécontents de lui. Le Principal rassemble alors ses suppôts pour les “gardonner” selon leurs mérites . .. et les gifle. Geste (44) qui, d’ailleurs, peut avoir une valeur signifiante si l’on admet que, dans ce second temps, le Principal peut représenter le roi.
En fait cette structure de sottie-revue ne semble pas avoir été beaucoup utilisée, bien que la technique de la revue, qui n’est qu’une manifestation du procédé général de la répétition, ait été employée dans certains passages de sotties notamment lorsqu'il s’agit de faire apparaître en scène
et de regrouper les personnages de la pièce. C’est plutôt. dans le cas qui nous occupe, une forme locale de sottie jugement,née dans des circonstances particulières - bien qu’il soit aussi possible que bon nombre de ces pièces de circonstance aient été perdues, Ailleurs,on semble lui avoir préféré une forme voisine, dérivée elle aussi de la structure fondamentale, quoique plus statique puisqu'elle consiste en un long rapport de faits divers politiques et sociaux que l’on juge : la sottie-journal.
| |
-312-
-313au goût du jour par l’adjonction du poème qui sert d'introduction aux Fantasies de Mere Sotte
3. — Structure dérivée : la sottie-journal -
Cette troisiéme et derniére variante de la sottie-jugement pourrait en fait étre considérée comme une sottie-séance de tribunal tronquée et réduite a son troisième point, l’exposé des doléances des plaignants(45). Peut-être en était-on réduit à ce simple exposé dans la mesure où il était impossible de faire comparaître les accusés au tribunal, compte tenu du rang social élevé qu'ils occupaient pour la plupart. La sottie-journal se caractérise donc par une absence totale d’action ; elle consiste en une simple juxtaposition de “rapports” présentés par les personnages secondaires auxquels le meneur de jeu (la Basoche, Propter Quos, Peuple François, Mere Sotte ou le Prince) les
convie :
Le Prince’
:
Peuple Fr.
:
Propter Quos:
La Basoche
:
Et puys mes
folz, qui triomphe, qui dance ?
Qui a le bruit? Qui caquette a plesance ? Or ça Joyeuseté jolye
Que dict on en Court ? Mes sotz, et puis ou est la voye 7 De quel chose estes vous records ? Est il point possible qu’on oye Quelque chose de voz rappors ?
Je suis icy attendant mes suppostz Acoustumez ces jours faire apparence Pour m’esjouyr par gaye reverence. J'espere d ‘eulx ouyr propos nouveaulx Qui causeront plaisir a noz cerveaulx
de Gringore.
Toutes ces pièces se bornent, à quelques variantes près, à mettre en scène Mère Sotte - ou ses homologues - et un certain nombre de sots qui se contentent de faire, dans une discussion entrecoupée de chansons, le tour d'horizon de l’actualité du moment, tour d'horizon dans lequel les interlocuteurs se font
l'écho des soupirs et des plaintes du menu peuple a propos de la guerre, des
impôts qui ne cessent de croitre, du coût de la vie et,plus particulièrement,du prix du pain. Et ils font suivre ces plaintes d'une satire traditionnelle des métiers et professions qui ont toujours encouru la vindicte populaire : sergents, procureurs, avocats, gens d’armes, marchands - et surtout
P.L7 w 1-2
marchands de bois et chevaux -, boulangers, meuniers, taverniers, couturiers, usuriers et gens d’église. Et cette satire est elle-méme suivie d’une analyse de la situation politique intérieure faite bien
P.IL.18 vv 62-63
souvent par des allusions à des événements précis qui mettent en cause les gouvernants ou leurs favoris, analyse qui s'élargit à un exposé de la situation internationale,ou tout au moins européenne.
La discussion se clôt généralement sur des allusions aux petits potins etaux scandales dujour, afin de D.IV. wy 112-115
laisser l’auditeur sur une note plus gaie. Parfois,ce tour d'horizon est concrétisé symboliquement sur la scène. C’est ce qui se produit dans la Farce de troys pelerins et Malice (P.11.21) puisque les pèlerins, après leur rencontre,
P.IIL.28 wy 23-27
Ce sont,pour la plupart,des piéces monotones, voire ennuyeuses, et de faible valeur dramatique qui essaient de se sauver par des recherches de rythme et une grande variété dans la technique de présen-
tation et d’exposition des “rapports”. Il est vrai que ce sont toutes des piéces de circonstance étroitement liées aux événements du jour et dont l’intéret reposait plus sur le fond que sur la forme ; el-
les n’ont pas d’autre ambition que d'utiliser la scène à des fins de contestation politique et sociale. Nous nous bornerons à citer dans cette catégorie la Sottie des rapporteurs (vers 1480.- D.IV;
décident d’un commun
accord : Or alons pour voir le Desordre
Qui se faict Maintenant au monde. Leur cheminement scénique traduit ainsi de manière tangible le tour d’horizon auquel ils se livrent en parole. Mais c’est là un simple artifice de présentation tellement factice que, le plus souvent, on ne prend pas même la peine d’y avoir recours. La sottie-journal dont la structure est la plus apparente et la plus simple, sinon la plus originale, est sans conteste la Sottie des chroniqueurs de Gringore,ce qui s'explique par le fait qu’elle est
353 vers), la Sottie de l’Astrologue (1498 - P.I 73594 vers), la Sottie des chroniqueurs de Gringore (1515 - P.IL.12; 347 vers), la Farce morale de trois pelerins et Malice (vers 1525, P.II.21; 252 vers), la Satyre pour les habitans d'Auxerre de R. de Collerye (vers 1530 - P.IL.18; 317 vers), la Sottie pour
précédents pour mieux ΤΕΣ
le cry de la Basoche (1548 - P.III.28; 655 vers) à quoi l’on pourrait ajouter un bon nombre de pièces
fait naître, On commence donc par examiner successivement, avec une extension Progressive, mais
qui, pour une part importante de leur contenu, présentent la même structure : la Moralité de Mars et de Justice, la Farce nouvelle de troys gallans et un badin (P.IIL.31), la Farce des esbahis (C.IID), la Farce de la bouteille . . . etc. Signalons aussi que leur caractére de piéce de circonstance a valu 4 bon nombre de ces pièces de disparaître à jamais : dans la Sottie de l’Astrologue, une réplique de Chacun laisse à penser, comme le remarque E. Picot, que,deux ans auparavant Jes mêmes personnages avaient joué une pièce analogue, aujourd'hui perdue : Voyre, je luy vis visiter,
Deux ans a, l’uryne du Monde (vv 420-421) D'autre part, la Sottie des chroniqueurs semble, par sa structure,une ancienne sottie rénovée et remise
une pièce pro-gouvanementale destinée à chanter les louanges du nouveau roi en dénigrant,en toute liberté,ses prédécesseurs. Mère Sotte et cinq de ses suppôts mettent “en cronicque”’ les trois régimes le renouveau qu'apporte le temps présent et l’espoir de mieux qu’il
selon le même plan, les règnes de Louis XI, Charles VIII et Louis XII : après avoir dénoncé les responsables de l'échec du régime, hauts prélats qui ont influé sur la politique
royale, s’attirant ainsi
la haine du peuple (La Balue avec Louis XI, Guillaume Briçonnet sous Charles VIII et Georges d’Amboise sous Louis XII) et favoris royaux (roturiers
appelés au gouvernement par Louis XI : Olivier
le Daim, Daniel Bart, Jehan de Doyac ; mignons et ‘‘macquereaulx”” de Charles VIII : Chastillon, Bourdillon, Bonneval “qu’ on disoit en rithme gouverner le sang royal” ; familles des Hurault et des Du Tillet sous Louis XII), on passe à une analyse de la situation intérieure dans ce qu’elle avait de
plus critiquable : intrigues, troubles intérieurs ( guerre du Bien Public sous Louis XI et Folle Guerre sous la régence des Beaujeu), vie dissolue des favoris entrainant des dépenses ineptes dontsouffrent le
-314-
-315-
peuple et la noblesse qui se voit reléguée a l’arrière plan par “les gens de comptes et gens de Règnes caractérisés par une grande frivolité
le second
plume”
: Pour ne dire mot De tout ce qu’on ot On n’est pointreprins,
dont les effets les plus apparents sont une mode chan-
(D.IV, vv 342-344)
geante et le mépris pour les véritables soutiens du royaume, les gens de guerre, ce qui justifie la per-
Un tel état de chose suffit à justifier le caractère souvent général des accusations portées contre le régi-
te de prestige de la France dans sa politique extérieure. Ainsi, par une extension logique, nos chro-
me. D'ailleurs lorsque, dans quelques sotties du groupe, ces attaques sont plus précises et incisives ou
niqueurs en viennent-ils (vv 163-194) à faire le point de la politique extérieure,à la fin du règne de
lorsqu'elles visent une personne en particulier, elles sont le plus souvent suivies d’une déclaration de
Louis XII,en utilisant le poème introducteur des Fantasies de Mere Sotte. Cette chronique du règne
loyalisme monarchique, voire de flatteries adressées au roi :
de Louis XII se termine, après un requiescat chanté, comme s’étaient achevées celles des précédents régnes, par quelques flagorneries destinées à flatter le nouveau roi, Puis,dans un style qui emprunte ses denominations à l'héraldique et qu’utilisent aussi la Sottie pour le cry de la Basoche et la Sottie
le Prince
: Dieu gart le roy et ces vassaulx Qui bien ayme le sang rouyal.
la Basoche
:
C’est trop a raison contredict S'eslever encontre son prince.
de l’Astrologue, les chroniqueurs brossent rapidement une revue des grands noms qui ont mainte-
A
nant la charge du royaume
régime, car c’est Bon Conseil qui a le “bruyt” (vv 63-93)-
: La on congneut la Sallemandre digne
se copuler et joindre avec l’Ermyne
(P.III.28, vv 180-181)
la question de Peuple François “Que dict on en court ? ”, Joyeuseté abonde en compliments sur le
zon critique de la situation, est le plus souvent sensible au niveau de la structure même qu’il condi-
Car la Roue a perdu son deduit
tionne. Dans la Sottie pour le cry de la Basoche,le désir d'annuler la virulence de la critique par des
Mais le Liepart, se crois je, acquerra bruit Recouvrera quelque jour son plumaige
:
Cet effort pour tempérer ce qu’aurait de trop agressif et donc de dangereux le tour d’hori-
(vv 200-201)
Et le Cigne qui a esté sauvaige
(P.1.7, vv 292-293)
louanges,donne naissance à deux personnages de sots antagonistes, le rôle de l’un étant de prendre
(vv 212-215)
Enfin, dans un dernier temps, après un bilan rapide de la situation actuelle qui,en quelque
sorte,est
le passif qu’hérite le nouveau roi - et se déroule selon le plan des trois premiers points : vie dissolue du haut clergé responsable des troubles qui s'expriment à travers la querelle de la Pragmatique Sanction ; bilan négatif de huit années de guerre en Italie dont le peuple est las - les chroniqueurs se livrent à des prédictions qui sont autant de louanges pour le prince régnant et qui, bien que présentées
le contre-pied de celui du second : ainsi la satire du régime peut-elle sembler superficielle dans la mesure où elle paraît reposer sur un fondement caractériel - opposition entre un sot optimiste et un sot pessimiste : Mireloret
: Jamays fut plus gratieulx temps Les gens et tout pareillement. : Jamays aussi, comme j’entendz Il ne fut tant de malcontens Comme il est ; c’est tout aultrement ! (vv 54-58)
Rapporte-nouvelle
sous forme de “conseils”, laissent à penser que nous avons là une pièce de commande destinée à la propagande royale : non seulement le prince fera refleurir fêtes, joutes et tournois, mais il saura ré-
C’est là d'ailleurs une technique empruntée au dialogue que nous avons rencontrée dans le Dialogue
duire l'Eglise à son role propre et redonner sa place à la Noblesse, et surtout, en reprenant les guerres
du gaudisseur et du sot et le spectateur, qui devait vraisemblablement faire le rapprochement avec
d'Italie, il permettra au pays de retrouver son honneur et son prestige perdu.
les dialogues du même type, accordait sans doute plus volontiers le bénéfice de la vérité aux paroles
Mais toutes nos pièces ne bénéficient pas de la même protection officielle. La plupart doivent au contraire tenir compte de la censure et leurs personnages ne s’en cachent pas :
le II le I
le II
vité des accusations mais auquel il ne faut pas se laisser prendre. C’est là une technique de protection
Tel veult qui ne peult ; On n’ose dire qui l’esmeult
comiques,auxquels ils confient en fait la mission d'exprimer la contestation populaire. Dans la Satyre
Esperons.
: Or sus mes suppostz, regardons Et de trop parler nous gardons.
Topsites
sn
Ne parlez sinon que pour rire
Mes IRE
contre la censure que les auteurs ont parfaite en utilisant des personnages de farce traditionnellement
..
Mes suppostz gardez de parler
Primus
tion entre deux types, l’auteur donne à l'ensemble de sa pièce un ton de badinage qui atténue la gra-
Si chacun se deult Croyez que ce n’est point sans cause.
A se plaindre ; entendez la clause. La Basoche
du “‘sot-sage” Rapporte-nouvelle plutôt qu’à celles du vantardMireloret. Grâce à ce dialogue d’opposi-
hos as 0.
: Tel ne dit mot qui fait grandes orelles
P.IIL.28, vv 64-68. (vv 115-116)
pour les habitans d'Auxerre, c'est le badin Jenyn-ma-fluste qui tient ce rôle difficile : il surenchérit sur les accusations du vigneron,mais avec un ton de dérision tel qu’il permet de faire passer les cris de haine populaire que contiennent ses propos badins : le vigneron
(vv 140-141) (vv 146-147)
Qui toultez foys n’en pense de rien mains.
(P.I.7, vv 23-24)
Jenyn
:
Il fault mectre sur le mestier Aucuns usuriers depravez Gros et gras et plus detravez
Que sont pourceaulx en la mengeoire.
: Coupper leur fault comme a ung haire
La queue pres le cul.....
(vv 181-186)
C’est ce personnage de badin qui confère à l’ensemble de cette pièce apparemment proche d’une action de grâce inoffensive, un ton ironique et grinçant qui replace les choses et les événements à leur
-316-
“317 -
juste valeur, y compris l’arrivée symbolique finale de Bon Temps: Bon Temps
Jenyn
Peut-être, d’ailleurs pourrait-on
:
La Basoche
J’entens qu’i n’y court que bon vent Par quoy je m’y veulx bien tenir.
: Ne vous logez pas au couvent
Des cordeliers, car on n’y vend Pain ne vin pour vous soustenir.
M. Rien (vv 289-293)
interpréter en ce sens une mise en scène qui rapproche la pièce de
la moralité car Peuple François, épaulé par son représentant principal en Bourgogne, le Vigneron, bien qu’on lui impose au début Joyeuseté et qu’on veuille lui faire croire, à la fin, que Bon Temps est de retour, n’en est pas moins d'accord avec le badin Jenyn pour critiquer vertement le régime ou tout au moins ses conséquences les plus néfastes. C'est vraisemblablement pour
: Monsieur Rien, je vous faictz demande Pourquoy le royaulme de France N’est jamais en paix n’asseurance ? : Je vous respondray sur ce pas : Pour ce qu’on ne la cherche pas. (vv 473-477)
Ainsi, comme
tout à I’heure Jenyn, c’est encore un personnage secondaire qui donne toute sa valeur et sa portée a cette revue satirique volontairement obscure par crainte de la censure. Mais, méme lorsque la censure ne semble pas aussi dure, on fait appel à ce que nous appelleTons un personnage-couverture. C’est le cas de l’Astrologue que sa profession conduit à jouer sur l’ambigüité des termes : Se Virgo eiist esté Regnant adonc, selon mon jugement Toult ne fust pas ja ainsi tempesté. Venus regnoit, qui hait virginité Et ne meust gens que a delis et luxure.
les mêmes raisons que l’on a recours au personnage traditionnel
du charlatan - Monsieur Rien dans la Sottie pour le cry de la Basoche - ou de l’astrologue - dans la sot-
tie du même nom. Le choix d’un tel personnage, qui implique un certain mode d’expression, confère à l’ensemble un ton comique, voire un certain humour, qui permet de faire passer la gravité des atta-
De Justice signantement Dangier est s’il y a eclypse En Chastelet ou Parlement.
ques. Monsieur Rien, dont le nom seul est un jeu de mots qui résume le personnage, se présente comme un “homme à tout faire”; il en débite le monologue traditionnel : Je sçay tout parfaire et defaire Et transmuer ouy en non. (vv 225-226)
Cependant, lorsqu'on regarde son rôle avec attention, on s'aperçoit qu'il est très exactement l'inverse du personnage traditionnel :
personnage ? Et pourtant qui s’y trompait ? Ainsi “l’astrologue passe en revue toutes les constellations et trace, à mots couverts, un tableau assez triste de la situation de la France au début du nouveau règne (46). Souvent même, il se laisse aller à la violence. A Chacun qui lui demande si l’année sera bonne, il répond
apparaissent de loin en loin - comme pour passer inaperçues de la censure - des attaques satiriques profondes qui sont le fait d’un homme sensé :
:
Chacun l’astrologue
D'où un personnage fonciérement critique si on applique ces paroles au régime, car c’est dire à mots couverts que tout va mal non parce que l’on ne peut faire autrement,mais plutôt parce qu’on ne le
(νν 314-315)
- satire des exactions des favoris protégés par une justice volontairement aveugle (vv 337-340), de l’enrichissement rapide des marchands et des “
‘. . . tresoriers et tels hommes Et baillent les deniers du roy A interest, c’est leur arroy.
- satire de la justice venale (vv 375-380)
- dénonciations violentes :
pronostication qui termine la pièce (vv 505-585), il n’épargne aucun
de ceux qui font murmurer le peuple : Je diz auci : se De Chatelet ou Ne sont pendus Les procez pris I demoureront
grands : Faire d’une ville un villaige ?
:
Ouy, la terre portera Ce que deussent porter les eaux. Quoy ? Du poisson ? Des maquereaux Et grand force de maquerelles. (vv 328-331)
Et, s’il en veut surtout aux prélats qui se mêlent du gouvernement, et principalement à Gemini-Geor-
ges d'Amboise, dans la longue
- énoncé de la misère à laquelle conduisent la cupidité, l’orgueil guerrier et l’égoisme des Sçavez vous le moyen vollaige
(vv 202-204)
Qui pourrait prétendre interpréter dans un sens plutot que dans un autre, le langage sybillin d’un tel
Brief, je faictz les choses possibles Soubz ma grande philosophie Ressembler quasi impossibles. (vv 247-249)
veut pas. D'ailleurs, noyés dans les conseils que lui demandent les sots sur des problèmes amoureux,
(vv 92-96)
gros pillars Parlement de malles hars dedans ses parcs longuement.
(vv 568-572)
Technique habile car le genre de la pronostication est suffisamment connu dans le registre burlesque Pour que l’on ne puisse en prendre ombrage sans risquer d'être ridicule, pas plus que des plaintes de Chacun que notre astrologue-médecin justifie par un examen du pouce (vv 436-447)
(47).
Lorsqu'on ne fait pas appel à un personnage caractéristique dont le rôle est de désamor(vv 369-371)
cer la suspicion possible de la censure, on a recours à des formes et des structures métriques tra-
ditionnelles qui ont un rôle analogue. Dans la Sottie des rapporteurs, on utilise l‘antiphrase systématique,
notamment
dans
recherche
de
en
rythme
un long passage - vv accélération
progressive
130 à 261 dans
- qui traduit une un
premier
volonté
temps,
un
de
- 318 -
.319 -
sot avance une constatation par antiphrase selon le principe du “‘monde à l’envers” : Sergens ne sont plus larronceaulx Ilz sont doulx comme jouvenceaulx Et ne boyvent plus mais que bieres.
(vv 134-136)
Aussitôt,Propter Quos, le prince des sots, dément violemment cette affirmation et rétablit la vérité:
le ΠῚ le I
:
En court ne regne plus envie En Romme n’est plus simonye.
Peut-être convient-il aussi de voir,dans cette recherche,un moyen
de rendre plus divertissant
ce qui n’est qu’une discussion statique dont le seul but est de procéder à un tour d’horizon journalistique et volontairement limité de la situation; un désir de mettre en scène cette discussion à bâtons rompus avec un certain réalisme comique. C’est sans doute aussi le même désir
de rompre le statisme
Ilz ne font, leur sanglante fievre, Les paillars pouacres infames ; Ilz donroient aux diables leurs ames
actuel aux doléances, qui amène les auteurs d’un certain nombre de sotties à faire entrer en scène le
Ses rappors la ne sont pas bons
véritable plaignant, bien qu'il n'ait qu’un rôle secondaire. Ainsi apparaissent Peuple François ou Cha-
Premier qu’ilz ne fussent larrons. Car c’est toute pures mensonges.
de la discussion tout en donnant plus de force à l’ensemble,et un caractère plus vraisemblable et plus
cun. À n’en point douter non plus, les recherches
d’accélération ou de ralentissement du rythme,
Et les trois sots enchérissent. Cette structure se reproduit quatre fois,puis les sots passent à un échan-
les nombreux rondeaux et surtout les très frequentes chansons qui émaillent ces textes, étaient des-
ge de répliques de trois vers chacune qui contiennent une critique par antiphrase et rappellent les pro-
tinés pour une bonne partà soutenir l'attention de l’auditeur, de même que les traditionnelles poin-
nostications burlesques - c’est le premier point de la structure précédente : tout se passe comme si
tes antiféministes,que l’on rencontre ça et là,avaient pour but de le détendre,
Propter Quos renongait à rétablir la vérité ; attitude hypocrite, car le spectateur continue sur la lancée qui lui a été donnée~
La satire antiféministe pouvait d’ailleurs prendre un aspect qui convenait particulièrement à la structure de ces pièces : celui,apprécié, de la chronique scandaleuse du quartier. La Sottie pour le
Gens d'armes si ont fait serment
Desormais payer vrayement Leurs hostes parmy ces villaiges.
cry de la Basoche, comme d'ailleurs la Moralité de Mars et de Justice - dont la première partie entre,
nous le verrons, dans la catégorie des sotties-action-, se termine sur neuf récits d'aventures grivoises F
Et, dans un troisième et dernier temps,l'échange se poursuit, mais les répliques, tout en gardant le
présentées comme d’authentiques faits divers, qui permettent de déguiser la virulence des pointes de
même caractère, se réduisent à un seul vers, véritable déluge verbal qui abasourdit et effaye l’audi-
Monsieur Rien en les noyant quelque peu entre eux :
teur par son rythme
:
Le second le tiers le premier le second
: : ; :
Seigneurs ne seront plus gouteux. Maraulx ne seront plus pouilleux. Changeurs ne seront plus usuriers. Il n’est plus de larrons cousturiers.
Ajoutons encore que le rythme et le caractère des échanges n’est pas sans rappeler les Menus pro-
Et le surpris est advocat Des nostres assez bien congneu Un gaillard officier de la ville De deux advocats compaigné ...
(vv 301-302) (vv 385-386)
Qu'ils soient authentiques ou inspirés par les fabliaux ou les Cent nouvelles nouvelles, ces récits doivent à une localisation géographique précise, leur caractère de faits vraisemblables :
pos, ce qui permet d'opposer à la censure le voile immunisateur d'une folie simulée. Et notre sottie
En la paroisse Sainct Eustache ....
(v 347)
utilise aussi les jeux de répliques en écho d’un vers à structure exclamative (vv 41-64 : Que de... ! ),
Rue Sainct Denys...
(v 422)
les accumulations traditionnelles de menus propos, les répétitions systématiques de structures iden-
Suyvant ce propos, fault toucher D’un aultre a Sainct Martin des Champs (vv 441-442)
tiques . le second le premier les
: :
J'ay veu lire sans estre clerc J’ay veu bailler jaune pour verd ...
paradoxes à allure de proverbe : “Qui mieulx entent est le plus sourd”, et enfin les proverbes :
En fleuve qui dort En serpent qui mord N'a point d’asseurance. Ainsi l’ensemble prend-il une allure de badinage frivole qui permet de faire passer la satire. Pourtant,
bien que l’on nous présente de plus les trois sots comme des types comiques traditionnels de francsarchers fanfarons (cf vv 88-94), ne faut-il pas prendre au sérieux la réplique de l’un d’eux : Je doubte qu'i ait jeu sans bourde. car, parmi le fatras joyeux,certaines répliques atteignent leur but :
Un pratiquant, assez bon maistre
Qui au forestz d’amours arpente,
En la rue de la Serpente..... (texte du Ms) (vv 528-530) Ajoutons que ces récits ne sont pas absolument gratuits car les personnages mis en cause sont quatre moines, trois avocats, deux procureurs et deux bourgeois, catégories sociales qui sont vilipen-
dées dans le reste de la piéce. Mais peut-étre faut-il voir dans cette derniére partie de la sottie un souvenir des “causes grasses” si chères aux basochiens.
Ainsi, de la méme maniére qu’un journal réserve son editorial aux grands faits de politique internationale ou intérieure et ses dernières pages aux faits divers, la sottie-journal complétait-elle son
tour d’horizon politique par la chronique scandaleuse du quartier. Elle se révélait, longtemps avant la lettre, comme le premier ‘journal parlé” connu.
-321-
- 320La sottie-journal se définit donc comme une extension maximale du point “réquisitoire”
Section
de la sottie-jugement. Elle laisse au spectateur la liberté du verdict car elle n’a d’autre but que de mettre en accusation le régime,dans un tour d’horizon de ses effets les plus critiquables sur le plan de la politique intérieure ou extérieure comme
sur celui de la moralité. Cette finalité jointe aux
C
: LA
SOTTIE-
ACTION.
A la différence des sotties précédentes, celles de ce dernier groupe ne sont pas fondées sur une structure rigide à valeur signifiante dans laquelle on essaie tant bien que mal d’intégrer l’action de la
conditions de diffusion de nos pièces, justifient le choix des personnages et la technique du dia-
pièce. Ici au contraire c’est l’action elle même, dans son déroulement chronologique, qui sert de struc-
logue qui conditionnent une structure que l’on pourrait schématiser dans le tableau suivant :
ture et tend à devenir signifiante par la simple transposition qu’implique toute représentation théatrale,surtout si elle recherche une certaine abstraction. Nous sommes ici très proche de la moralité tant
TABLEAU COMPARÉ DES RÔLES ET LEUR SENS
par la structure des pièces que par leur caractère, voire par l’organisation du spectacle et du décor,
et bien souvent,la limite entre les deux genres est difficile à saisir. pièce
élément contestataire
élément catalyseur | élément qui sert | élément qui sert à qui fait passer la à dramatiser la | atténuer la critique censure :
Les rapporteurs
critique :
Il semble d’ailleurs que cette forme de sottie apparaisse d’abord dans les collèges où elle était représentée par des écoliers rompus à la pratique théâtrale des moralités. Il suffisait en effet d’intégrer à l’action, en le dédoublant, le sot qui a un rôle “hors-jeu”’ dans la moralité, pour transformer
Propter Quos
3 sots
L’Astrologue
Le Prince
2 sots
l'astrologue
Chacun
néant
les chroniqueurs
la Mere
5 sots
en faveur d’une attitude satirique appliquée à la vie sociale ou politique. Il était encore possible, à
(inutile : pièce de commande)
néant
néant
Malice
néant
néant
l'instar de ce que faisaient les clercs de la Basoche, de prendre pour cadre de la pièce une situation inhérente au milieu dans lequel elle était jouée - les abstractions traditionnelles de la moralité évo-
Peuple Fr.
Joyeuseté
néant
néa nt
4
Troys pelerins et Malice | néant
3 pélerins
Satyre de Collerye
le vigneron
Sottie pour le cry de la Basoche
néant
=
la Basoche
ler sot
(structures métri-
| néant
ques)
| Jenyn
2éme sot M. Rien
Structure fondamentale
Ὁ
néant
celle-ci en sottie, à condition bien sûr de renoncer au caractère didactique religieux de la moralité
luant alors en milieu réaliste - : c’est ce que font les écoliers du Collège de Navarre dans la pièce au titre caractéristique qu’ils jouent en 1427:Moralité faicteen FOULOIS pour le chastiement du mon-
Bon Temps ay
variantes
Evidemment,on pourrait reprocher à cette forme de sottie son obscurité et son peu d’intérét
dramatique. Mais le premier reproche tient-il, quand on sait l’existence d’une censure sévère; et ne peut-on atténuer le second en rappelant les efforts des acteurs pour rompre la monotonie d’une for-
de, et dont A. et R. Bossuat déclarent : “il n’est pas douteux que nous ayons affaire à une sottie de collège dont les personnages sont des fous animant la scène de leurs quiproquos, mais dont l’action rudimentaire se déroule dans une salle de cours, parodiant ainsi les usages scolaires. Si, comme le genre paraît l’exiger, notre première moralité débute par le sermon d’un Docteur qui expose les grandes lignes et la signification du poème, la seconde incorpore ce personnage plus directement à l’action, Ce n’est plus, aux yeux du public, un récitant conventionnel, mais un être réel facilement re-
me imposée par sa finalité, en utilisant des personnages dramatiques traditionnels, en essayant de varier le rythme et de provoquer le rire par une chronique scandaleuse qui, d’ailleurs, ne donne aucu-
seulement connaissable à son langage et à ses tics professionnels ; c’est le maître des Artiens qui non dissurveillance une confiés sont dirige une partie des études, mais exerce sur les jeunes gens qui lui
nement l'impression d’être surajoutée tant elle entre dans le mouvement. Autant d’arguments qui
ciplinaire.” (48)
font de cette forme de pièce non un simple journal,mais un journal dramatique.
inD'autre part, les dates, dans l’ensemble tardives, de la plupart des pièces de cette catégorie
citent à penser que la recherche de nouvelles structures a pu être liée à extension du recrutement des compagnies de sots en dehors des milieux de la Basoche, pour former des troupes hétérogènes
de recoucomme celle des “gallans-sans-soucy”’ ou “‘enfans-sans-soucy” (49). Il était alors nécessaire
connue de la rir à des intrigues reposant sur le réalisme quotidien ou se rapprochant de la forme plus directeplus ainsi était moralité par l'emploi de personnages allégoriques. La signification profonde, plupart de ces pièces, les ment perceptible et l'élaboration plus facile. D’ailleurs,le fait que, dans la
“des gorpersonnages autres que les personnages allégoriques soient le plus souvent des “gallans”,
et la composition riers” ou des “‘pelerins” conduit a penser qu’il existait un lien entre le répertoire à des pièces ayant appliqué des troupes (50). Remarquons enfin que le terme de moralité est parfois très généralement un caractère indubitable de sottie, ce qui tendrait à prouver qu’il était employé
- 322pour désigner tout genre faisant apparaitre en scéne des personnages allégoriques . Mais nous reviendrons plus tard sur ce problème Examinons auparavant les différents aspects que peut prendre la sottie-action
- 323.nier d’ailleurs vient immédiatement mettre le Prince au courant,ce qui lui vaut la promesse d’une récompense dont l'importance n'a d’égale que la colère du Prince à l’égard de ses suppôts auxquels il prédit un châtiment exemplaire : Car je suis certain A jubé venrez.
I. — Adaptation et transposition ἃ la scène d’un événement réel. C’est la forme la plus simple de sottie-action. La seule transposition que l’auteur fait subir à l'événement, en l’adaptant à la scène, consiste à faire revêtir aux protagonistes du drame le capuchon immunisateur de la folie : tous les acteurs sont des sots anonymes. Ainsi l'événement parti-
culier prend-il un caractère intemporel qui lui confère une portée générale. De plus, à travers le déroulement chronologique de l’action qui sert de structure à la pièce, c’est le mécanisme de l’événement et non son résultat,qui devient le sujet primordial et c’est à travers lui que se transmet le mes-
sage.
Tel est le cas de la Sottie des sots escornez (D.XV) (51) que Melle Droz attribue sans beaucoup d’arguments à Gringore (elle se borne à avancer qu’il affectionnait de semblables sujets) et qui nous peint une conjuration contre le pouvoir. Au début de la pièce, trois sots sont en scène et échangent de menus propos - w 1 à 59 - lorsqu’arrive le Prince qui, à grand renfort de corne - première
Telle est la trame de cette sottie qui, portant en scène un événement réel en le transposant dans le domaine de l’intemporel par le biais des personnages, semble destinée à mettre en lumière le mécanisme qui conduit une conjuration à l’échec, prévenant ainsi les révoltés futurs du danger que représente tout agent double. Pièce de conception identique, la Farce nouvelle des brus (P.IIL.22) n’est que la transposition sur scène d’une situation empruntée au réel et dont on force le caractère satirique. Le premier temps de la pièce nous montre deux jeunes prostituées qui viennent demander protection et conseils à une tenancière de maison close qui répond favorablement à leur requête. Puis arrivent deux ‘‘hermites” qui demandent à consommer sans payer. Mais, prière ou menace, rien n’y fait : ils se voient refuser vertement jusqu’à ce qu’ils sortent une bourse bien garnie. L'action se réduit ici à un dialogue et le message se borne à la satire des personnages mis en scène. C’est peut-être ce qui
vaut à la pièce son titre de “farce”. On pourrait peut-être joindre à ce groupe la Sottie pour porter des présents à la feste des
ballade, vv 59 à 93 - appelle ses suppôts à venir à lui. Mais ces derniers font la sourde oreille,ce qui
rois (D.XIV). Pour Melle Droz “cette pièce, simple défilé, est une parodie du Mystère des Rois que
conde ballade, vv 124 à 144. Un nouveau personnage, Gaultier, entre en scène et va se mêler aux
rivée des rois mages et la présentation à l’enfant Jésus des cadeaux qu’ils ont apportés avec eux (53).
provoque l’étonnement de leur maître - vv 106 à 109 - puis sa colère qui s’exprime en menaces - setrois sots pour les inviter à l’obéissance. Ceux-ci lui confient alors qu’ils renient le pouvoir de leur prince, le sot haultain (v 152) et qu’ils sont décidés à entreprendre une action (vv 156 et 160) qui
leur assurera la direction du gouvernement (v 165). Dans le feu de la discussion, ils prêtent le ser-
ment d'accomplir leur projet jusqu’au bout et d’en garder le secret : c’est la conjuration (vv 169-
196). Après quoi, en pleine euphorie, ils bâtissent des châteaux en Espagne,comme si le Prince était déjà détrôné et eux-mêmes à sa place, cependant que Gaultier feint d’adhérer au mouvement. Aussi, lorsqu’à nouveau le Prince les appelle, refusent-ils d’obéir (vv 232-234). Mais Gaultier, qui est un agent double et en porte le costume : Pour ce en lieu d’une testiere Une tour a a deux visaiges Pour ce qu’il est de deux villaiges. (vv 400-402)
dévoile au Prince la conjuration et, tout en quémandant une récompense qui lui est promise, il in-
cite celui-ci à agir avec rudesse pour châtier les coupables (vv 236-258), puis il rejoint les sots qui mettent au point leur conjuration. Après avoir repoussé la proposition du premier qui préconisait une entrevue préalable avec le Prince et rappelé leur serment de se battre jusqu’à la mort, ils écoutent les directives du second sot qui leur enjoint de rassembler chacun de dix à douze mille hom-
mes et de se rendre dans une ville où les attend déjà un vieux sot puissant dont la loyauté est certaine (52). Enfin, sur la demande du traître Gaultier, ils fixent le jour et le lieu du rassemblement (vv 365-391) puis se séparent non sans avoir exprimé leur méfiance à l’égard de Gaultier. Ce der-
l'on représentait au moment de l’Epiphanie et dont il reste plusieurs versions qui,toutes,décrivent l’ar-
par une habile transMais est-ce si simple ? N’a-t-on pas cherché à exprimer autre chose en utilisant, position,le déroulement d’une action théâtrale bien connue empruntée à la Bible ? Examinons la pièce. A l’appel d’un premier sot en arrive un second qui demande où il se trouve : leIl le I
:
:
Je suis donc un ung Parlement ? Messieurs devinez s’il ment. Sur ma foy tu est fantastique, Tu est au lieu tres autenticque Ou gist et repose le roy Des clercs et trestout son arroy.
(vv 71-76)
C’est alors qu’un cri de poule les effraie. Et,à leur grande stupéfaction, trois petites sottes apparaissent dans un coin de la scéne. Elles veulent porter un présent au Roi, un “pommier de malingre” dont le fruit donne beauté, sagesse et force. Mais les deux sots le leur arrachent pour le présenter au roi, escomptant s’attirer ainsi la reconnaisance du prince. Bien que voilées, de nombreuses allusions con-
duisent à penser que,peut-être, l’auteur de la pièce a voulu en fait peindre les efforts déployés pendant la régence par les ducs de Bourbon et d'Orléans (les deux sots semblent chargés de la défense des intérêts du roi ; on peut entendre de la présidence du Conseikcf vv 213, 222, 244, 253.) pour arracher
la réalité du pouvoir au “clan des femmes”, en l'occurrence Anne de Beaujeu, Jeanne de France et la reine mère Charlotte de Savoie (cf vv 121-123, 155-158, 159-162) qui avaient une certaine influence sur le jeune Charles VIII.
-324-
- 325 -
Que l'on accepte ou non cette interprétation de la dernière pièce, on doit convenir que
Aussi bien que moy ont touché Et sy ont dict que c’est a tort,
toutes les sotties de ce premier groupe ne sont que la transposition linéaire sur scène d’un événement, d’une situation ou d’une action empruntés au quotidien
Labeur et Commun
ne peuvent que conclure Commun prenons en Dieu confort Car en ceste morte saison Contre equité, droict et Raison De nous joueront a capifol L'un après l’autre a leur plaisir.
2. — Traduction scénique d’un thème satirique par une action réaliste empruntée au quotidien. Les pièces de ce groupe présentent, par rapport aux précédentes, le degré immédiatement supérieur de l'élaboration des sotties-action
De la simple transposition de l’événement quotidien
Résignation qui est celle que l’on retrouve à la fin de la Moralité de la Croix Faubin et de la Moralité
sur la scène, on passe à l’utilisation d'un acte quotidien pour traduire, de manière imagée, une pensée
de Excellence, Science, Paris et Peuple.
C’est donc en utilisant une structure de jeu que l’auteur tra-
satirique. Cet acte quotidien qui sert de structure à la pièce ou plus simplement de schéma directeur,
duit sa pensée profonde qu’il parvient ainsi à concrétiser pour le public. Cette structure,empruntée au
devient alors signifiant, Le plus souvent, il est un jeu et les joueurs, des personnifications allegoriques
quotidien,devient ici expressive:comme dans la Sottie des sots escornez, l’auteur transmet son messa-
des classes sociales, ou des sots qui appartiennent à un groupe social déterminé.
ge en mettant en valeur le mécanisme qui fausse le jeu, la malhonnéteté de Noblesse et du Ministre,
C’est en effet un jeu qui sert de trame au Jeu du capifol (L.II.23) et à la Sottie des sots ecclésiastiques qui jouent leurs bénéfices (D.XVI), pièces qui datent du début du XVIe siècle. Bien que sous-titrée “moralité à III] personnages”, la première présente tous les caractères de la sottie : brièveté, même conduite de l'intrigue et même esprit, ainsi que le laisse entendre son titre de JEU du capiFOL. Elle ne doit ce sous-titre qu’au caractère allégorique des personnages, Commun,
No-
blesse, Labeur, le Ministre ; mais il suffirait d’appeler ceux-ci respectivement Sotte commune, Sot glorieux, Sot ignorant et Sot dissolu, ainsi que le fait, de manière tout aussi transparente, André de la Vigne dans sa Sottise a huit personnages (P-II 10), pour que notre pièce mérite le titre de sottie. Au début, Commun
se plaint des “trois estas” représentés par Noblesse, le Ministre et Labeur, mais
redoutant des représailles, il n’ose avouer la raison de ses plaintes. Pour faciliter ses aveux, on décide de jouer au capifol : un des joueurs est assis, les yeux bandés, et les autres joueurs viennent à tour de rôle frapper dans sa main tendue en demandant
: “‘de qui te plains tu?
”, et le premier jou-
et les rapports entre les joueurs. Pièce de conception identique, la Sottie des sots ecclésiastiquesquijouent leurs bénéfices au content, deux fois plus longue que la précédente, met en scène trois sots et Haulte Folie, personnification allégorique d’une abstraction, et par là méme,elle témoigne d’un degré d’élaboration plus élevé-que nous retrouverons avec les pièces du troisième groupe-car les rapports entre les personnages ajoutent un niveau de signification supplémentaire à l’intrigue : les sots ecclésiastiques sont régis par Haulte Folie. Elle se distingue encore de la précédente par un dialogue plus vif, plus dramatique et caractéristique de la sottie (cf vv 1-80: véritable feu d'artifice verbal où les sots se répondent en è cho ou accumulent les même propos ) mais,comme elle, son intrigue, signifiante, repose sur la mise en scène d’un jeu. Après leur rencontre, traduite par un dialogue très vif, trois “vrays sotz ecclesiastiques”, ne trouvant à se distraire, décident d’aller demander conseil à Haulte Folie : Nous demandons jeuz et esbats.
eur doit trouver qui l'a frappé,tout en expliquant pourquoi il le reconnait,excellente occasion, grâce à l’immunité attachee à tout jeu, de développer la cause de ses griefs. S’il ne trouve pas, le person-
Ils lui proposent de boire, de tuer les mouches, de “‘prendre les petz a la glus”. Chaque fois Haulte
nage qui l’a frappé répond : “c’est à tort”, mais s’il trouve, le joueur reconnu doit lui succéder. Com-
Folie leur fépond “‘vo estat n’est point ad cela”; puis, à leur grande joie, après s’être renseignée sur
mun, désigné par le sort, monte donc le premier sur la sellette et le jeu commence. Noblesse et le Mi-
leur origine (le premier était braconnier, le second, fils d’un savetier et le troisième,maquereau), elle
nistre vont alors tricher honteusement
En effet, celui-ci frappe le premier, doucement ; Commun re-
leur propose de jouer au content. Elle distribue à chacun une carte qui a la particularité de représen-
connaît l’auteur du coup mais, pour l’induire en erreur, c'est Noblesse qui, venant au secours du Mi-
ter un bénéfice. 515 ne sont pas contents, les joueurs ont le droit d'échanger leur carte, ce qu'ils font
nistre, répond “c’est a tort”
jusqu’à satisfaction ; puis Haulte Folie procède à une nouvelle distribution et un nouvel échange a
tromper Commun.
Noblesse frappe à son tour et le Ministre lui rend le même service pour
Noblesse renouvelle son coup et Commun se trompe encore. Puis le Ministre re-
vient à la charge et frappe très fort, mais c’est Noblesse qui, en même temps, pose la question rituelle, nouvelle manière de tricher ; et l’on ne prête aucune attention a la réponse pourtant juste de Commun
Noblesse frappe alors une troisième fois tout en posant la question, et,trichant de ma-
nière éhontée, répond à Commun
qui l’a reconnue, qu’il a tort. Quand Labeur frappe à son tour,
n'étant pas soutenu par Eglise ni Noblesse, il est reconnu et doit prendre la place de Commun.
Le
jeu reprend alors pour une seconde phase identique à la première. Et,tout en se plaignant de la tricherie de Noblesse et du Ministre :
lieu, C’est en quelque sorte un jeu de bluff, poker avant la lettre, auquel nos sots se livrent à chaque tour de carte : le I 162.
Tien ma carte que j’ayes la tienne ! Ha ! Corps bieu vous estes trompé L’archediaconé est mienne. ) : Corps bieu vela bonne fredaine ! le 2 Ma carte (ne)vault ne croix ne pille Et toutesfois j’ay eu la sienne ’ P , ; Qui mevauldra deux ou trois mille. Avec le jeu, les enchères, ou plutòt les désirs de nos joueurs avides montent : ils désirent étre cardinal, pape, Dieu ... ce qui fait naître entre eux la jalousie et la dispute. Après le septièmetour de cartes, 2
:
- 327
- 326 -
Richesse adonc coursée et despitée, Oultrecuydée, insensee, irritée, Empongna Foy fondée en Charité Et sans pitié, amour, ny equité, La fist lier soudain à une atache Comme celle qui a martirer tasche Les gens prudens preschans Saincte Escripture. Ainsi liée, vindrent gens sans droicture Qui l’oultragérent, navrerent, et blesserent; Comme morte quasi la delaisserent ; Mais Charite tousjours la soustenoit, Et Richesse rudement reprenoit Qui lui faisoit endurer maulx a tas. La survindrent gens de plusieurs estatz Voulans dire que Foy, qu’on dit si forte, Sans oeuvres est adnichilée et morte ;... (54)
comme ils sont toujours insatisfaits, Haulte Folie les voue à l’Enfer Ainsi,gràce à la mise en scène de ce jeu de cartes particulier qui sert de structure à la pièce, l’auteur peut-il traduire l’avidité des ecclésiastiques et la dissolution qui régne dans leurs rangs, traiter, d'une manière plus générale,du scandale de l'Eglise (répartition des plus hautes dignités entredes
hommes ignorants et sans foi). On pourrait inclure dans ce groupe la Moralité d’Eglise, Noblesse et Povreté qui font la lesive, bien qu’elle ne soit guère qu’un pamphlet animé, déclamation statique mimée dans un décor réduit. Pour concrétiser ses attaques et sa pensée satirique aux yeux du public, l’auteur a recours à un acte réaliste quotidien qui sert de trame à sa mise en scène : la lessive. Après s’être présentées dans de longues tirades déclamées, Eglise, Noblesse et Povreté décident en effet de faire la lessive, Eglise commence par organiser le travail de ses gens, Religion, Ipochrisie, Papelardise, Ambition, Symonie, Vérité, Foy et Avarice. Aidée par Richesse, Folle Amour, Faveur, Justice et Rapine, No-
La technique d’élaboration la plus simple pour ce genre de piéces consiste a faire entrer en scéne, au-
blesse l’imite. Comme Povreté déclare n’avoir rien à faire, puisqu'elle ne possède rien à laver, Egli-
prés des sots traditionnels, un personnage allégorique qui représente le concept incriminé. C’est ce
se et Noblesse lui ordonnent “‘d’estendre’’,ce dont elle se plaint en disant qu’elle a perdu toutes ses
qui se produit dans la Farce des esbahis (C.IIL), dans la Farce de Digeste Neuve et Digeste Vieille
forces. Puis Eglise sort son linge de l’eau et,devant l’étonnement de Noblesse et de Povreté, elle
(C.XLIID) et dans la Moralité de Science et Asnerie (L.III.49). Dans la première,le traditionnel dia-
explique comment elle l’a obtenu (en pourvoyant contre argent comptant des valets ignorants).
logue d’entrée en matiére se clot sur les plaintes des Esbahis qui déclarent a Justice : Vous n’estes pas par tout Justice. Que sçavez vous...
Povreté se livre alors,dans une ballade chantée,à une satire virulente d’Eglise. Mais Eglise et Noblesse lui répondent en se vantant de leur vie dissolue et de leurs exactions,dans deux ballades qui font
écho à la première, Les plaintes de Povreté sont ainsi étouffées par Noblesse et Eglise qui lui ordonnent de porter son faix en silence. Telle est cette courte pièce qui repose sur un mode d'élaboration dramatique analogue à celui des pièces précédentes : la pensée satirique s'exprime par l’acte qui la concrétise.
Devant l’avalanche de leurs récriminations, Justice ne peut se défendre qu’en prétextant qu’elle n’est prévenue de rien. Ce qui permet aux Esbahis de conclure qu'il n’y a de vraie justice que dans la mort. Dans la seconde, deux écoliers opposent les mérites respectifs de Digeste Vieille et Digeste Neuve et terminent en se plaignant des maigres revenus qu’ils retirent de leurs études. Arrive alors
Coutume qui leur propose ses services. Poussés par les deux Digestes, les deux clercs veulent la chasser. Mais Coutume leur promet “accroissement” et “‘pecune”’ : tous se rallient à elle. La troisième
3. — Essai de concrétisation par une action imaginée et signifiante d’une donnée satirique abstraite. Ce dernier groupe de pièces représente le degré le plus élaboré de la sottie-action. En
effet,
piéce,qu’E. Picot date de 1535,de conception voisine, présente d’abord Science qui se plaint d’être abandonnée de tous, et son clerc qu'elle ne peut pourvoir d’aucune charge. Entre ensuite en scène le badin, clerc d’Asnerye, qui ne veut pas saluer Science.
Il précède de peu Asnerye qui distribue
au lieu de prendre au réel l’action qui sert de trame à la pièce, l’auteur l’imagine entièrement dans le
des bénéfices et à laquelle il vient faire sa révérence. Science demande un bénéfice à Asnerye pour
seul
son clerc, mais celle-ci refuse pour pourvoir le badin. Et, pendant que le badin se promène ravi, Scien-
but de rendre plus concrète la signification de sa pièce, le message qu’elle a à transmettre. Ces
pièces sont donc en quelque sorte les plus “intellectuelles” des sotties-action. En cela,elles se rappro-
ce et son clerc se livrent à une critique acerbe du temps qui court :
chent de l'esprit de la moralité - à qui leur technique d’élaboration doit beaucoup : ce sont en fait
Science
des sotties morales et l’on conçoit fort bien que les auteurs aient hésité sur le titre à leur donner,
le clerc
moralité, farce moralisée, sottise
_. - d’autant plus que leurs personnages sont le plus souvent des
“‘gallans”’ aux prises avec la personnification allégorique d'une abstraction. D'ailleurs, il y a,à la fin du XVe siècle et au début du XVIe, dans les milieux cultivés et chez les auteurs, un véritable engouement pour le style allégorique qui transformait les écrits en véritables scénarii de moralités. Nous n'en donnerons comme
exemple qu’un court passage des Folles entreprises de Gringore :
Science
le clerc Science leclerc Science
:
:
:
Suys perie Car toult se faict par Asnerye. Qui faict les bons clers ravaler ?
: : : :
Qui cause tant d’impos nouveaulx ? Qui faict au monde tant de maulx ? Qui entretient la pillerye ? Conclusion : c'est Asnerye.
Qui faict Justice mal aler ?
En fait, dans ces trois pièces, l'action se réduit pratiquement aux échanges verbaux qui portent le
message satirique, Mais,dans les autres pièces de cette série,onassistea une véritable action,et c’est par cette action que s'exprime la signification
profonde de la pièce.
- 328 On peut d’ailleurs les regrouper en sous-categories selon le concept qui est personnifié et mis en
scène.
- 329 pas : de l’argent. Aussi, tout naturellement, décident-ils d’en extorquer au Monde en le gouvernant, ce qui montre que leur seul véritable désir est de s'enrichir eux-mêmes. Quand arrive le Monde, ils lui annoncent leur intention et, comme
a) Personnage allegorique mis en scène : le Monde. L’action consiste à concrétiser la satire d’une manière d’agir de certaines classes sociales
celui-ci se plaint d'etre la proie des pillards, ils lui promet-
tent de le défendre. Mais,pour ce faire, ils lui réclament de l'argent et, malgré ses gémissements,ils le dépouillent et le mènent loger à Mal, Le Monde exhale alors sa douleur dans un monologue en
vis-à-vis d'autrui, Les deux pièces les plus caractéristiques à cet égard sont les Gens nouveaulx (P.I.4)
rimes annexées dans le goût des grands rhétoriqueurs. Or,non seulement les gens nouveaux ne pré-
et la Sottie des troys gallans, le monde qu’on fait paistre et Ordre (P.1.2). Dans cette derniére,qui est
tent aucune attention à ses larmes, mais, qui plus est, ils lui réclament une seconde fois de l’argent
certainement plus proche de la fin du XVe siècle que ne l’admet E. Picot (55), trois “gallans’, qui
et le conduisent loger à Pire. Ses supplications ne se heurtant qu’à des menaces, le Monde doit alors
veulent vivre aux dépens du Monde et le réduire à leur merci (56), en dignes représentants d’une so-
se résigner. Ainsi notre auteur concrétise-t-il par l’action cette idée que chaque nouvelle vague de
ciété hypocrite, mettent leur attaque au point :
gouvernants, sous le fallacieux prétexte de bonnes résolutions jamais tenues, conduit “le Monde de
le II le ΠῚ le I et, dès que le Monde
:
: :
Gray le chemin de deriere Et moy le chemin de travers Et moy, a la gauche en arriere.
entre en scène, ils passent à l’action. Mais le Monde se méfie et tout essai pour
l’aveugler en lui bouchant les yeux avec des balles noire et blanche, pour le faire paître avec une poignée d’herbe ou pour le transformer en bête échoue. Les gallants utilisent ensuite la flatterie pour lui dérober son argent, ses vêtements, sa toque. Nouvel échec. C’est alors qu’arrive Ordre qui délivre le
Monde en chassant les galants et donne la morale de la pièce : celui qui veut obtenir des biens du Monde doit se présenter à lui de face. C’est donc ici par une action créée de toutes pièces pour concrétiser une pensée satirique abstraite que se transmet le message. La Farce des gens nouveaulx offre un exemple similaire d'élaboration (57). Les gens nou-
veaux,qui sont des sots,représentent la nouvelle vague qui arrive au pouvoir décidée à faire des miracles pour se signaler aux bonnes grâces du peuple et Acquerir de bruit si grans sommes Que partout il en soit nouvelles.
Aussi, dans un long passage de huit quatrains terminés par le refrain “Ainsi serons nous gens nouveaulx”
Mal en Pire”. Nous sommes ici proche de la mise en scène de proverbes qui
peut avoir été inspirée
aux auteurs par la technique du tableau vivant et qui est réalisée dans la pièce obscure des Esveilleurs du chat qui dort (C.34). Déjà, l'apparition du Monde comme personnage subissant les actes de fous avait été exploitée dans une pièce que l’on peut considérer comme la première en date des sotties bien que son origine et son titre la rapprochent des moralités : la Moralité de 1427
jouée au Collège de
Navarre. L'idée de mettre en scène une abstraction au milieu de sots n’était donc pas nouvelle. Elle remontait vraisemblablement à la moralité de laquelle on se rapprochera,aprés s’en être éloigné, comme nous le verrons avec la pièce d'André de la Vigne. Pour illustrer nos propos, nous nous bornerons à citer l'excellente analyse de la pièce présentée par A. et R. Bossuat dans leur introduction : “Le Docteur, personnage indispensable des moralités de collège, est ici le meneur de jeu. Il se présente comme un maitre orgueilleux et sévère, gonflé de vaine science, jaloux de son autorité Comme il arrivait sans doute dans la réalité, il se prépare, aidé de son clerc Guillot, a donner sa leçon quotidienne. On installe la chaire sur laquelle se dresse le pupitre placé à la hauteur convenable, Quand tout est prêt, le Docteur s'aperçoit que la cloche, avec laquelle on annonce l'ouverture du cours, a disparu.
et construits selon la technique des pronostications burlesques, font-il la liste de ce qu’ils ont à accom-
Guillot, sur l'ordre de son maitre, s'en va crier à l'extérieur que la leçon va commen-
plir. Décisions qui sont trop belles pour être réalisées car ils ne se proposent rien de moins que de ré-
cer (v 1-119).
tablir la justice et de porter remède à tous les maux du peuple :
Quatre fous, endormis dans un coin, se réveillent, des écoliers qui, se
croyant en retard, craignent d'affronter la colère du maitre. Mais celui-ci les accueille aimablement et prend leur défense contre Guillot qui cherche à se décharger sur eux
Faisons qu’il n'y ait nulz sergeans
de sa propre responsabilité. Maintenant que l'auditoire est là, il ne manque plus que le
S’ilz ne sont justes et loyaulx.
Monde (v
Par la ville ne par les champs
Cette structure à répétition traduit parfaitement,de manière satirique, l’élan obligé de bonne volonté dont femoigne celui qui arrive au pouvoir, élan qui, très vite, tourne court. C’est d’ailleurs ce qu’exprime le premier vers - “Faisons oyseaulx voller sans elles” - dans la mesure où, donnant le ton, il en-
120-186).
Le voila précisement qui arrive,a la fois inquiet et furieux. Il
craint d’être l'objet de nouvelles brimades, mais l’aspect des lieux le rassure. Puisqu’aussi bien il a promis de s’amender,peut-être obtiendra-t-il des fous et de leur maître quelque précieux enseignement.
Mais il est bientôt détrompé. Les sots l’accueillent par des
hurlements et gesticulent autour de lui, indifferents à ses menaces. Il s’indigne d’être
tache d’impossibilité tout ce qui va suivre. Une telle utilisation d’une structure bien connue à des fins
ainsi mystifie et il faut, pour le calmer, toute l’autorité du Docteur. Celui-ci l’avise pour-
de peinture psychologique des personnages est le fait d’un créateur conscient des ressources de son
tant qu'il ne pourra assister au cours que s’il accepte de se mettre à l’unisson et de se
art. De plus, non seulement ce début témoigne
de la verve satirique de l’auteur mais il laisse pressen-
tir ce que sera l’action et oriente déjà le spectateur. Très vite,nos gens nouveaux s’apercoivent que, pour mener à bonne fin leurs projets - trop outrés d’ailleurs pour être vrais - il leur faut ce qu’ils n’ont
costumer en fou. Après avoir longtemps résisté, il finit pas y consentir (v. 187-419).
Le Docteur fait asseoir ses auditeurs et commence son discours. Renonçant
à dévelop-
per, comme dans les sermons, un thème biblique, il a choisi une sentence proverbiale qu'il eprouve d’ailleurs quelque peine à se remémorer : “Bonne doctrine met en luy
-331-
- 330 qui se chastie par aultruy”.
Le tort du Monde est de se croire supérieur
à tous et de
mépriser son prochain
Qu'il considère le destin commun des hommes, et il verra la
vie sous son réel aspect.
Et le docteur de lui conter l’exemple du singe où finissent
par aboutir les représentants de toutes les classes sociales : le roi dévore le laboureur, le chevalier, le roi, l’usurier, le chevalier, le prêtre, l’usurier, la fille de joie, le prêtre, le ribaud, la fille, le tavernier, le ribaud, le parasite, le tavernier ; les poux rongent le
faits de guerre imaginaires, contredits en aparté par Folie, Mais,contraints de constater leur dénuement, ils décident de chercher fortune en se faisant “gorrier”. Folie se montre alors et leur explique qu’elle règne sur le monde (vv 88-130) depuis l’aube des temps (vv 134-157). Devant tant de puissance,nos deux gorriers se mettent à la courtiser d’autant plus volontiers qu’ils sont incapables de lire son nom qu’elle porte écrit sur sa manche. Folie accepte leur flamme et leurs offres de service a
parasite puis se prennent au singe qui les croque et les évacue. C’est ainsi que, sur cet-
condition qu'ils s’habillent en “‘gorriers”, ce qu’ils font sur le champ. Après quoi, ils écoutent les
te terre, tout être, quel qu'il soit, doit passer ‘‘par le cul du singe” (v.420-735). Emu
conseils de leur maitresse sur la maniére de bien se comporter :
par ce sombre tableau, le Monde s’attendrit sur lui-même et, perdant toute superbe, adresse à Dieu une complainte,
Dictez que vous avez escus La ou vous estes empreunteurs Et au lieu de toutes vertuz Soyez mesdisans et flatteurs.
Accable par le caprice de la Fortune il ne demande
qu’à faire le nécessaire pour se relever du coup qui l’a frappé. Sa seule ressource est de s’en remettre aux conseils des fous, mais il y repugne. Il s’éloigne découragé,n’espérant plus qu’en la miséricorde divine. Guillot court après lui et le ramène assez peu
conseils qu’elle développe longuement (vv 252-407) afin de mieux convaincre ses nouveaux adeptes.
décidé à reprendre l'entretien. Mais le Docteur et ses disciples lui démontrent que les
Puis ceux-ci, bien endoctrinés, se proménent de long en large sur la scène pendant que Folie, en “voix-
fous en savent souvent plus que les sages, témoin ceux qui, depuis Jérémie,ont prophétisé des malheurs qui se sont réalises. Seulement pour convaincre le Monde, il ne s’agit pas de l’étourdir de vains propos et de discours interminables comme ceux que
off”, s’adresse au public pour l’inviter à regarder agir ses suppots (vv 410-424). Très courte scène destinée à traduire l'écoulement du temps - procédé que nous n’avons rencontré que dans cette seule
les prédicateurs brodent sur les versets de la Bible, Un bon exemple suffira, si le Mon-
sottie - car,à partir du vers 425,le spectateur doit comprendre que le temps a passé : les deux “gor-
de consent à ne pas s’irriter au rappel de quelques vérités désagréables (vv 736-1059).
riers”, devenus riches mais fous, ne se reconnaissent plus et s'adressent , sur un rythme figuratif, des
C’est l'histoire d’un roi puissant qui, voyant son royaume aller à la dérive, consulta
propos décousus. Ils finissent par revenir auprès de leur maîtresse pour lui demander son nom,et ap-
les “trois états” qui chargèrent quatre clercs de découvrir et d'expliquer au souverain les causes de sa détresse. Les quatre fous tiendront le rôle des quatre clercs et commenteront, chacun à son tour, les raisons exposées d’abord er latin. Cette démonstra-
tion se poursuit jusqu’à la fin du texte lisible (vv 1060-1575) et, d’après les traces d’é-
prennent à leur grand désespoir que c’est à Folie qu’ils doivent leur réussite exceptionnelle dans le monde.
Et c’est un fol, personnage de moralité, qui tire la conclusion : malgré leur brillante réussite
ils ne sont que deux sots. Ainsi cette longue pièce de 632 vers n’a-t-elle d’autre but que de traduire
criture qui subsistent sur les feuillets 56-59, on peut supposer que le Monde, édifié par
sur un plan dramatique, l’idée que la folie régit le monde
tant d’arguments, fait amende honorable et renonce à ses erreurs.”
habile et novateur, ainsi qu’en témoignent notamment l’utilisation qu’il fait du dialogue à des fins de
Ainsi, le Monde pour s’amender doit-il assister à la leçon du Docteur, leçon qu’il ne peut comprendre sans avoir auparavant revêtu l’habit de folie. C’est là une illustration scénique du paradoxe du fou et du sage. Mais l'action elle-même
n’est pas directement signifiante : on se contente de
montrer, dans un cadre réaliste - celui d’une salle de cours-, comment
les sots peuvent aider le Monde
à s’amender, prétexte à une satire sociale complète. Néanmoins,le caractère didactique de cette pièce est plus conforme à celui de la moralité qu’à celui de la sottie, bien qu’on puisse à juste titre la consi-
dérer comme l'équivalent, dans le milieu scolaire,de la sottie-séance de tribunal.
b) Personnage allégorique mis en scène : Folie, Sancté, Folle Bobance, ou Bon Temps.
On essaie,dans ces pièces,de concrétiser par une action la satire du comportement de certaines classes sociales
Le schéma le plus employé est celui des galants qui courtisent une maitresse
et la satire s'exprime par le choix même de la maitresse courtisée. Telles se présentent la Farce nouvelle nommée la folie des gorriers (P.1.5) et la Farce nouvelle de Folle Bobance (P.I.9) que E. Picot
date respectivement de 1465 et 1500. Dans la première, deux personnages qui ressemblent étrangement au franc-archer de Baignollet se rencontrent et se lancent dans un dialogue où ils vantent leurs
; mais elle est l'oeuvre d’un artiste conscient,
peinture psychologique et son effort pour traduire de manière originale l'écoulement du temps. Bien qu’étant une oeuvre d’art moins achevée, la Farce nouvelle de Folle Bobance présente la même trame et une longueur voisine (569 vers).
Folle Bobance, autre image de la folie, appelle
ses sots à venir à elle pour tenir ses “‘troys estats”. Trois fous qui représentent les classes sociales (Gentilhomme, marchand, laboureur) répondent à son appel et lui font serment d’allégeance.
En
contrepartie, Folle Bobance leur vend des habits de “‘gorriers’’. Pour elle, nos trois fous dépensent sans compter et avec joie,en reniant leur état premier. Mais ils mangent leur patrimoine et se rui-
nent. Folle Bobance les abandonne alors à la mendicité dans le “château des Prodigueux”. Ainsi, comme le remarque E. Picot, “tandis que les gorriers réussissent a faire figure dans un monde où la folie est toute puissante, les trois personnages que nous voyons ici,marchent directement à leur ruine” (58). C’est donc là une seconde interprétation du même sujet. Sidans ces deux pièces,la maîtresse
courtisée est la folie qui règne sur le monde et le
conduit à sa perte, elle peut être aussi Bon temps sous ses différentes manifestations et la pièce, au lieu de chercher à exorciser le mal qui existe, est un appel pour un mieux vivre. Tel est le cas de la Sottie de deux gallans et Sancté (P.I.6), pièce très courte (212 vers) dans laquelle l’auteur, com-
me le remarque E. Picot (59), ‘semble s’étre simplement proposé de mettre sur la scéne cet ancien proverbe :
- 333 -
- 332+ veut correctrice et polémique
Qui n’a Santé, il n’a rien Qui a Sancté, il a tout.”
comme
le laisse supposer la réponse de Figue à Noix dans le Traicté
plaisant et sentencieux de Figue, Noix et Chastaigne (62), elle utilise rarement comme personnages
La piéce est une sorte de tableau vivant grossi de chansons, qui met en scéne deux galants qui se plai-
des sots (63) et leur préfère des allégories ou des personnages mythologiques, et, bien que son but
gnent de leur vie difficile lorsqu’arrive Sancté,qui leur demande 515 désirent avoir ‘“‘Bon Temps à plai-
soit fondamentalement analogue à celui de la sottie, elle y parvient par des voies différentes et une
sance”
Lorsqu'ils apprennent le nom de la nouvelle venue, les galants éclatent de joie, Mais Sancté,
après avoir hésité, décide de les abandonner. l’autre l’en empêche
L'un des galants propose alors de la retenir de force, mais
: c’est par des chansons qu’on peut la garder.
Santé, conquise, accepte alors de
rester.
mise en scène qui est celle de la moralité. C’est ainsi que procède Barthélemy Aneau dans son Lyon marchant, satyre françoise sur la comparaison de Paris, Rohan, Lyon, Orléans et sur les choses mémorables depuys l’an mil cing cens vingt quatre soubz Allegories et Enigmes par personnages mys« ticques, jouée au Collège de la Trinité à Lyon en 1541
Même tentative,mais soldée par un echec,dans la Farce de Faulte d'argent, Bon temps et les trois galans (C.47) : trois galants se désespérent de la disparition de Bon Temps lorsque celui-ci les interpelle de la fenêtre d’une prison où le maintient Faulte d’argent - car l’avarice mène le monde et transforme les hommes en loups. Les galants chassent
Faulte d’argent et délivrent Bon Temps
(64) : il transpose en “moralité mythologi-
que” une analyse de la situation politique française et européenne de l’époque. La pièce d’A. de la Vigne presente une conception identique aux autres sotties de la série, à cette différence près qu'elle développe et étoffe l’action en suivant une sorte de rhétorique dramatique dont le rythme scenique, surtout dans le premier temps, donne la même impression d’ampleur
qui se joint a eux avec joie. Ils lui demandent alors de donner la raison de ses éclipses et de nommer
que la moralité, mais les dialogues sont plus vifs et les personnages , bien que représentant différen-
les lieux où il a l'habitude de séjourner, Mais Faulte d’argent revient chercher son prisonnier. Cette
tes classes sociales, sont des sots. Après une ballade d’entrée en matière dans laquelle il exhale ses
qui permet la satire du pouvoir de l’argent pièce ambiguë, si un certain pessimisme par sa conclusion même
et de la répartition des richesses, traduit aus-
: si “l'argent ne fait pas le bonheur . . .”les galants
plaintes, Monde reçoit la visite d’Abuz auquel il reproche les nouvelles plantations qu’il a faites et qui ont prospéré, apportant d’étranges fruits. Mais Abuz endort Monde et procède à sa récolte en
doivent admettre que,malheureusement, plus que l’insouciance, il y contribue de manière durable.
secouant ses arbres. De chacun d’eux tombe un sot qui se présente en quelques répliques qui définis-
L'auteur, presque inconsciemment ironise sur le proverbe qui a servi de point de départ à sa pièce.
sent la classe sociale à laquelle il appartient sous son aspect le plus critiquable. Apparaissent ainsi
Même personnage principal encore dans le Jeu fait par Jehan Destrées et joué la nuit des rois 1472 a Amiens (60). Va-partout et Ne-te-bouge (personnages de sots qui, à eux
deux, symbo-
successivement Sot-dissolu qui est ecclésiastique, Sot-glorieux gendarme, Sot-corrompu magistrat, Sot-trompeur marchand, Sot-ignorant qui représente la paysannerie et d’une manière plus générale
lisent une totalité, le peuple) vont trouver le Vaquier de Chauny pour lui demander s’il sait où se
le menu peuple, et Sotte-Folle . . . qui est femme.
trouve Bon Temps disparu depuis quatre ans. Ce dernier l’ignore. Arrivent alors deux dames qui pré-
de endormi et le malméne
tendent
truire un nouveau
savoir où il est. Effectivement Bon Temps arrive dans leur sillage, mais il refuse de suivre
La troupe ainsi formée s'approche du vieux Mon-
: on le tond, on le bouscule, on le frappe et on le chasse . . . pour recons-
monde. Pourtant, lorsqu'il s'agit de passer aux actes et de définir la structure du
les trois sots qui font appel au gendarme pour le retenir de force. Pourtant, avec la complicité de Pu-
nouveau monde, les sots ne peuvent se mettre d’accord. Abuz prend alors la direction des opérations
ne des deux dames (qui représente la Bourgogne qui assiègeait alors Amiens) Bon Temps s’enfuit. Le
et décide de prendre pour fondation une pierre nommée Confuzion sur laquelle chacun posera son
gendarme promet alors à ceux qui l’ont appelé que le Roi (Louis XI) et ses armées le leur raméneront.
pilier. Nos maçons improvises se mettent à l'oeuvre. Sot-dissolu commence et pose pour première
Ici, plutôt que la mise en scène d'unproverbe,comme dans les pièces précédentes,c’est une concrétisa-
pierre Dévotion. Mais cette pierre retombe.
tion par une action d’un état de fait traduisant une situation politique.
se. Et successivement, après les avoir essayées, il va écarter Chasteté, Obédience, Oroyson qui ne con-
Dans toutes ces pièces, l’action a donc une valeur signifiante dans la mesure où elle traduit
Il la remplace alors par Ypocrisie qui a une bonne assi-
viennent pas, au profit de Ribaudise, Apostazie, Lubricité, Symonie ; et il coiffe le tout d’un toit ap-
explicitement une pensée et une prise de position qui est à la fois contestation et effort pour résou-
pelé Irrégularité. Tout ce travail étant ponctué d’un échange de propos entre tous les sots, le lecteur
dre un problème. C’est là le propre d’un théâtre “engagé” qui témoigne de la conscience aigué que
comprendra comment
prend le peuple d'une vie politique à laquelle il se reconnaît le droit de participer.
de procéder et, calquant ses actes sur ceux de son comparse, il ne retiendra pour matière première que
Cette impression de théâtre “engagé” et dénonciateur apparaît nettement dans une pièce
s'organise et se précise la satire. Après Sot-dissolu, c’est au tour de Sot-glorieux
Lascheté, Bonbance, Avarice,
Pillerie, Mespris, Menace et Corroux, Trayson et Domination. Sot-cor-
qui est le chef-d'oeuvre de la sottie-action, la Sottise a huit personnages écrite par André de la Vigne
rompu,a son tour,entasse Corruption, Allégeance, Affiction, Faveur, Ambiction, Austérité et Faulceté
en 1507 (P.II.10). C’est d’ailleurs une pièce très longue - la plus longue des sotties - qui ne comporte
quant à Sot-trompeur, il empile Tromperie, Usure, Faulces mesures, Parjurement, Faintise et Avarice.
pas moins de 1578 vers et il est probable, comme le suggère E. Picot, qu’elle ‘‘occupait dans une re-
Sot-ignorant, lui, choisit Ignorance, Cupidité, Rudesse, Murmurement, Rebellion et Fureur par deses-
présentation à la fois la place de la sottie et celle
de la moralité”. D'ailleurs, nous le verrons, elle po-
perance. Vient le tour de Sotte-Folle qui, croyant avoir été oubliée, entre en fureur. Mais tous l’ai-
se le problème de la limite entre sottie et moralité. Son titre même de “‘sottise” semble impliquer un
dent et,pour sa colonne,elle pose l’une sur l’autre,les pierres de Folye, Despit, Caquet, Variation,
genre mixte (61), plus proche cependant de la sottie que la simple “‘satyre” car, si cette dernière se
Foiblesse, et Enraigement. Le nouveau monde étant alors terminé, les sots pensent à se réjouir et à
- 334 -
+335
danser. Mais Sotte-Folle étant la seule femme, tous lui font la cour. Sommée par Abuz de choisir entre ses prétendants, elle declare qu’elle sera à celui qui chantera le mieux et sautera le mieux. Les sots ne pouvant se departager, elle organise une course entre les colonnes du nouveau monde. La course
dégenère en dispute et le nouveau monde s’ecroule. Voyant son oeuvre détruite, Abuz, en
colére, renvoie alors ses suppòts d’ou ils viennent. Et lorsqu’à son retour en scéne, le vieux Monde trouve la place vide,
il peut tirer la morale de la piéce dans une longue ballade adressée aux spec-
tateurs. Ainsi se termine cette longue pièce dont l’originalité est d’avoir mis en scène le roi Abuz
de Gringore ou la pièce du Recueil de Londres induement dénommée dain, Honneur Spirituel, Pouvoir temporel,
Farce nouvelle de Bien Mon-
la Femme (A.T.F-III.55) qui expriment la même satire
dirigée vraisemblablement contre le meme personnage, Jules II ? La encore, les personnages - plus nombreux que dans la sottie - sont de graves personnages allégoriques (dans la pièce de Gringore, Peuple François, Peuple Italique, l'homme Obstine, Pugnition Divine, Symonie, Ypocrisie, les Démerites Communes.) et si l'idée qui preside a l'elaboration de ces pièces reste le désir de concrétiser
et ses suppots dans une action signifiante et prémonitoire qui résume la pensée satirique du temps
des rapports de force politiques et moraux, le dialogue est uniformément soutenu et le ton, du dé-
dans sa totalité. Pièce d’un haut niveau dans laquelle le génie de l'auteur s'exprime dans la concep-
but à la fin, garde cette véhemence serieuse qui est celle des sermons religieux. D'ailleurs, comme
tion de cette action à la fois concrète et symbolique qui a le double et paradoxal effet d'expliquer
dans ces derniers, l'auteur, après avoir dévoile la cause du mal, en montre les remèdes possibles. De
et de rendre plus profonde la pensée satirique, De plus, grâce à cet équilibre entre la valeur concrè-
telles pièces ne sont pas des divertissements ; elles preférent l'attaque de front au coup par ricochet
te et la valeur symbolique de l’acte explicatif et dénonciateur,
de l'ironie et de l'humour.
grâce aussi aux nombreux change-
ments de rythme qui ponctuent l’action et les échanges verbaux - dialogues en “staccato-style” ; effets incantatoires et de répétition ; nombreuses formes fixes fractionnées avec une rare maîtrise de l’art poétique -, grâce enfin aux chants, aux gambades et bousculades traditionnelles de sots,
l’auteur a su éviter la lourdeur de la moralité a laquelle aurait pu conduire une intrigue aussi étoffée et aussi chargée de sens, pour nous laisser une pièce qui offre le meilleur exemple de ce que peut être
Mais toutes les moralités politiques et polémiques ne se ressemblent pas. Elles constituent un genre mixte, point d’interférence entre les autres genres, et l’on peut se demander si elles ne constituent pas l’etape de transition qui conduit de la moralité à la sottie-action - ce qui justifierait les points de ressemblance entre ces deux genres,
la sottie-action. D'ailleurs, si l’on en croit E. Picot, c’est la seule des sotties à avoir été connue et imiτές ἃ l’étranger (64). C'est aussi cette pièce qui permet le mieux de saisir ce qui sépare la sottie et la moralité.
Une simple comparaison avec, par exemple, la Moralité de Heresye et Eglise (L.III.56), permet d’apercevoir ce qui rapproche et ce qui différencie les deux genres.
Rappelons
Je sujet de cette der-
nière qui est une pièce de la Réforme : Eglise est fermée à la grande colère d’Heresie qui estime
4. — Le probléme des genres et leurs interférences : moralité polémique, bergerie politique et sottie-action. Il n’est nouveau pour personne de dire que la grave moralité religieuse, très proche, quant
qu’elle devrait être ouverte à tous. Arrivent alors Symonie, Force, Scandale et Procès qui, voulant
à sa technique de mise en scène et à son ton, du mystère (cf la Moralité du Maulvais Riche-A.T.F.60 -,
entrer pour se saisir des joyaux, se joignent à Heresie, Chacun propose une solution pour parvenir
la Moralité nouvelle d’ung Empereur qui tua son neveu qui avoit prins une fille a force - A.T.F.53:,
à ses fins mais nulle ne convient.
la Moralité de Charité - A T.F. 63 -, la Moralité des Enfans de Maintenant - A.T.F. 51.) tend vers la
Eglise, qui se plaint d’être sans soutien devant l’attaque conjuguée
de ses adversaires, contient néanmoins leur assaut et leur déclare que seule une clé, en l’occurrence
fin du XVe siècle et au début du XVIe siecle à s’égayer : aux graves abstractions personnifiées on
celle qui fut confiee au Roi par Dieu, leur permettra d'entrer. Les assaillants repartent donc chercher
substitue des aliégories plus “concrètes” et “triviales”. En dehors de la célèbre Condamnation de
chacun une clé et essaient
tour à tour d'ouvrir mais sans résultat. Finalement Eglise les met en fuite.
Banquet de Nicolas
de la Chesnaye, qui a sans
doute donné le depart du genre, citons tout ce cy-
La ligne directrice, la manière de concrétiser l'idée par l’action,est identique à celle d'André de la
cle de pièces qui mettent en scène les différents sens de l’homme,dont le Moral joyeux a quatre per-
Vigne : la clé des assaillants remplace la pierre des maçons. Mais la s’arrétent les similitudes. Ici les
sonnages c’est a sçavoir le Ventre, les Jambes, le Coeurs et le Chef (L.IL.31) ou la Farce nouvelle des
personnages ne sont plus des sots mais des allegories furieuses ; et que de différences dans le mou-
cing sens de l'homme moralisée et fort joyeuse pour rire et récréative et est à sept personnaiges, c’est
vement incomparablement plus lourd, le rythme plus lent, le fond du dialogue plus dogmatique, le
ton à la fois sérieux et emphatique : toute la différence qui oppose la fureur sauvage à l'ironie. Si la finahté des deux pieces diffère
peu, les moyens mis en oeuvre pour y parvenir n’ont rien de com-
assavoir l'Homme, la Bouche, les Mains, les Yeulx, les Pieds, l’Ouye, et le Cul (A.T.F, 61) constituent des exemples types. Dans ces pièces, bien
que la technique d'élaboration et le mode de mise en scè-
ne soient identiques à ceux des graves moralités, le choix des personnages confère à l’ensemble une atmosphère et un ton differents. Malgré l'intention morale dont elles témoignent, il s’en faut de peu
parable,
Qu'en est-il maintenant dans des moralités politiques plus concrètes parce que dirigées contre une classe, un certain pouvoir ou un homme, comme la Moralité du jeu du Prince des sots
que ces pièces, par leur trivialité, ne versent dans la parodie. Et les auteurs s’en sont bien rendu comp-
te, qui ont préfére leur donner le titre de ‘ moral yoyeux”’ ou de “farce moralisée”. Le recours à des
-337-
- 336 personnages allégoriques ne suffit donc pas pour qu'une pièce soit cataloguée “moralité”. Un genre donné présente un éventail de formes dont certaines interfèrent avec d'autres genres.
Ainsi, si l’utilisation d'un comique réaliste peut faire tendre la moralité vers la farce, la
théâtre de volonté “d'engagement” des auteurs peut aussi l'amener à tendre vers cette forme de formes différentes les travers à combat qu'est la sottie. C'est un tel glissement que nous constatons de la moralite politique ment politique et à le célébrer au theatre, restent proches de la moralité religieuse par leur caractère didactique et la recherche d'un equilibre classique dans la composition et la mise en scène (nous reviendrons au chapitre suivant sur ce dermer problème.). Tel est le cas, par de Povre Commun - 660 vers -composée
exemple de la Moralité
par Michault Taillevent pour célébrer la paix d’Arras en
dont 1435 (66). La piéce débute sur une ballade de plaintes du personnage principal,Povre Commun, plus et Guerre est la cause. Le personnage incriminé arnve alors en se vantant de gouverner le monde particulièrement Parens, Amys, Affins qui lui renouvellent leurs protestations d'amitié et de dévouequi aassisté à la scene, se lance dans une longue complainte qui rappelle ses a Povoir Papal et Envoy du Consille qui lui promet-
souffrances et son désir de Paix ; puis il se confie tent de faire accepter la paix
a Amys et Parens (Angleterre, France, Bourgogne) tout en lui conseil-
lant de ne pas se réjouir trop tot car
rien n’est encore fait, Ils l’incitent à venir se plaindre lui-même
4 Amys et Parens afin de les attendrir,et lui promettent de parachever sa tentative. Povre Commun s’acquitte donc de sa tâche : il vient trouver Amys,Parens et Affins pour se plaindre à eux après avoir promis à Guerre, au passage, qu'elle serait chassée
Amys, Parens et Affins acceptent d'écouter Com-
mun soutenu par Povoir Papal et Envoy du Consille qui prouvent par des exemples tirés de la Bible Convaincus, les trois grands personnages acceptent
et de l’histoire romaine, l’excellence de la paix. de venir à Paix de bon coeur et loyalement. Povre Commun, joyeux, peut ainsi chasser Guerre malgré ses menaces, cependant que Povoir Papal et Envoy du Consille emmènent Parens, Amys et Affins dans le “grant enclos de Justice” pour sceller la paix
Povre Commun
laisse alors éclater sa sa-
tisfaction dans une ballade finale. Pas d'autre “contestation” dans ces moralités que l’on peut qualifier d’ “historiques” dans la mesure où elles essaient d'illustrer sur scène, on pourrait dire sans parti - pris, une situation politique. Pourtant le genre évolue trés vite ; les auteurs vont l'utiliser pour traduire leur prise de position politique. C’est ce que fait André de la Vigne en 1508 avec sa Moralité du nouveau monde qui, du point de vue de la mise en scène, est un chef-d'oeuvre de rigueur et de symétrie, véritable tragédie allégorique et politique qui pourrait être divisée en cinq actes de cinq à six scènes chacun, se déroulant dans un decor de mansions disposées symetriquement autour de la chaire d’Université (fig 18):
Le premier acte, qui est un acte d'exposition, est divisé en deux temps symétriques qui peuvent se dérouler simultanément. Dans le premier temps, Bénéfice Grant (abr. B.G.) et Bénéfice Petit (abr. B.P.) se plaignent d’etre vacants. Pour trouver remède à leur mal, ils vont trouver Pragmatique (abr.
B-G et N° a B-P. Dans le second temps - ou simultanément - l'Ambitieulx (abr.A) entre à l’autre bout de la scène, Ayant appris que B-G était vacant, il vient prier Légat (abr. L) de lui prêter appui auprès du prince Quelqu’un (abr
Q) pour en obtenir l'octroi. Tout se passe selon ses désirs
car Q. accepte et, après avoir déclaré qu’E. loir Extraordinaire
se pliera à son vouloir, il envoie à cette dernière Vou-
(abr. V-E) pour lui signifier sa décision.
De plus, pour parfaire l’entreprise,
L. donne à l'A. force mandements destinés à tous ceux qui sont susceptibles d’avoir leur mot à
Les premières moralites politiques, destinées le plus souvent a rendre compte d’un évene-
ment. Povre Commun,
aussitôt après. Après avoir adressé une prière à Dieu pour connaître ses intentions, P. marie E. à
P.) qui leur promet Ellection (abr. E) et Nomination (abr. N), personnages qui arrivent
dire lors de l’élection Les trois actes qui suivent vont illlustrer les trois phases d’une action dont l'importance va croissant
En
effet, au début du second acte, l’A. vient trouver E. qui refuse de se plier au vou-
loir de Q., malgré les menaces de V-E. Il est meme expulsé, ainsi que V-E, par B-G et B-P après une courte bataille à laquelle prend part P. Decidés à se venger, l’A. et V-E reviennent prendre conseil de L. qui les accompagne auprès du prince Q. Sur le conseil de L., le prince décide de saisir Père Sainct (abr. P-S) de l'affaire et lui envoie son messager V-E pour le prier de lui accorder l’aide de sa fille Provision Apostolique (Abr. P-A). Ainsi se termine ce second acte qui illustre le premier échec de l'A. Dans le troisième acte, l'A. et V-E vont trouver P-S auquel l’A. demande sa fille P-A en mariage. P-S accepte et donne mission à sa fille P-A d'aller trouver E. pour la prier de déguerpir et de laisser libre B-G, L’A., V-E et P-A se mettent en route et rencontrent Collation Ordinaire (abr.
C-O) à qui ils proposent de prendre en mariage B-P injustement détenu par N. La troupe, ainsi grossie, vient se heurter à E et N défendues par P,auxquelles ils demandent B-G et B-P. C’est une nouvelle bataille rangée qui se solde par la défaite de la troupe de l'A. qui revient une nouvelle fois se plaindre au prince Q. Ce dernier, en colère décide d'envoyer V-E chercher P-S et de se rendre lui-même auprès de P Au début du quatrième acte, P-S, prévenu par V-E, ne fait qu’un bond pour venir se heur-
ter à P. qui commence à le lier avec “la corde du Concile de Bâle”. Sur ces entrefaites, arrive le prince Q suivi de toute la troupe de l'A. Ils attaquent P. qui succombe sous le nombre,en se plaignant d’être battue de celui qui devrait au contraire la soutenir, et tombe évanouie,à la grande joie de l’A. Q saisit alors B-G et B-P et les marie de force et contre leur gré,à P-A et C-O ; puis chacun se sépare pour regagner sa résidence. Ainsi se clôt la troisième phase de l’action.
Dans le cinquième et dernier acte, E et N, en larmes, vont relever P et lui conseillent d’aller demander justice à Université (abr. U) dont le logis est tout proche - et qui se présente dans un
long monologue. Toutes les trois vont donc se plaindre à U qui convoque Q, L, et P-S. Convoyés par le héraut de U, ceux-ci arrivent pour subir les reproches de U qui oppose la loi à leurs raisons. P-S et Q acceptent alors de se plier aux exigences d'U : L est chassé, P-A et C-Orenvoyéeset B-G et B-P redonnés à E et N. U remet debout P et fait publier son arrêt par un héraut. Ainsi se termine cette longue pièce très sérieuse dont la structure rappelle
celle de la Ba-
taille de Sainct Pensard à l'encontre de Caresme, pièce de carnaval fondée elle-même sur une parodie de chanson de geste avec ses combats épiques (67). Mais, dans la mesure où le sujet même de no-
ee
- 338 -
-339-
tre pièce consiste à peindre les assauts supportés par Pragmatique, cela n’a rien d’étonnant et ne l’em-
de la Vigne s’accentue, même lorsque, somme toute, la pièce se termine sur une note d'espoir com-
péche pas de devoir être considérée comme
me la Bergerie fort joyeuse et morale de mieulx-que-devant, écrite vers 1488 (A.T.F 57) qui, no-
le type même de la moralité polémique, ou historique en-
gagée. La moralité “historique” devient donc peu à peu “‘polémique”. Dès lors son caractère méme change : on ne se borne plus à dresser un tableau explicatif ou laudatif de la situation, on cherche à traduire, par une action signifiante, un état de fait contesté, C’est ce qui se produit dans la Moralité des trois estats reformes par Raison pour soulaiger le Monde (68) : le Monde se plaint à Raison d’être abandonné de tous ; Raison convoque à son tribunal Labour, Clergie et Chevalerie qui se rejettent tour à tour la responsabilité, dans une dispute qui permet l’expression d’une
violen-
te satire ; Raison est contrainte de conclure sur un appel à la patience et à l’espoir en Dieu. De plus,
tons-le au passage, doit son titre à l'introduction d’un personnage traditionnellement insouciant de bergère - qui facilite l’apparition de Bon Temps - mais n’a rien à voir avec les pastourelles (70). Cette pièce est d’ailleurs une des très rares “pastorales politiques” de l’ancien théâtre qui nous aient été conservées (71) et qui, pensons-nous, sont à inclure dans les moralités politiques, car, comme
le remarque Mme H. Lewicka (72), “‘en dépit de leur attirail et de leurs divertissements champêtres, les gardeurs de bêtes des moralités ne sont le plus souvent que des abstractions personnifiées qui s’entretiennent des affaires du Temps. Moins réalistes que les bergers dans les scènes pastorales des mystères, ils se font comme eux l’écho des très réels malheurs qui accablaient alors le “bonhommeau”. Dans notre pièce,l’accent est mis surtout sur les plaintes de Plat-Pays et de Peuple-Pensif à l'égard
le type des personnages peut varier quelque peu : une plus grande place est laissée aux personnages
des “gendarmeaulx”’ qui pillent les campagnes, plaintes exprimées dans un dialogue très vif - qui
allégoriques représentant le peuple ou les classes incriminées ; on traduit des rapports de forces so-
utilise la technique des sotties - ponctué de mouvements de révolte qui ne débouchent d’ailleurs
ciaux et non plus des heurts de concepts ; le ton devient plus incisif, plus mordant. On tend vers la
que sur la résignation traditionnelle. Puis survient la bergère, personnage insouciant, qui s’étonne de
sottie, dont on utilise la technique de dialogue et les jeux de scène.
leur dénuement sur un ton égrillard et leur propose de s’asseoir
Telle est l'impression que laisse la Moralité nouvelle de la Croix Faubin (69) que les édi-
dans l'herbe pour deviser. Ce qu'ils
font. C’est alors qu’arrive en chantant Mieulx-que-devant qui déclare “Roger Bon Temps je vois
teurs datent du milieu du XVe siècle. Un seul des six personnages de cette pièce incomplète est un
suyvant.” et il leur promet de faire cesser leurs tourments. Tout peut donc se terminer dans la joie
personnage allégorique représentant une abstraction. Tous les autres désignent des groupes sociaux.
par une chanson. Bien que,dans cette pièce, l’action se réduise aux échanges verbaux - ce qui n’est
Elle débute sur un dialogue de Pain (laboureurs) et Vin (Vignerons) - deux aspects d’une même clas-
pas le cas de la Bergerie de l’ Agneau de France qui présente une action signifiante -, on ne peut être
se-qui expriment en répliques parallèles et symétriques leurs plaintes d’être dépouillés par Tout :
que sensible au chemin parcouru depuis les premières moralités politiques : il suffirait ici d'appeler
Le Vin
Le Pain
:
Helas ! Et doit on despriser Les laboureux ! C’est sans raison.
: Helas ! On les doibt tant priser. Sans eulx nulle bonne maison.
Ils se plaignent encore de l’Un et de l'Aultre, de la captivité de Justice, de l’exil de Foy et de l’absence de Charité. C’est alors que Tout, qui veut être “gorrier” et porter “des grant mainches”, entre en
scène suivi de l’Unet de l’Aultre (Tout + l'Un + l’Aultre = le monde. Ce personnage connu est donc détriplé mais chacune de ses facettes recouvre une réalité spécifique : Tout = le roi, l’Un et |’ Aultre = courtisans.) auxquels il donne pleins pouvoirs pour aller pressurer Pain et Vin. Ceux-ci doivent vendre jusqu’à leurs outils pour fournir à la requête de Tout qui,néanmoins insatisfait, les envoie de plus en prison car,bien que l’Un et l’Aultre reconnaissent que “plus riens demander ne luy fault”, il n’admet pas la rebellion. On assiste alors au désespoir de Vin et Pain causé par le mauvais gouvernement, les exactions des soldats et la variabilité du temps, désespoir qui les conduit au seuil de la révolte : Une fois faudra, somme toute Sur les plus granz crier vengence.
les personnages “‘sots” pour qu’à bon droit on puisse classer cette pièce parmi les sotties.
Il semble d’ailleurs que la transition entre la moralité politique primitive et la sottie-action s'opère dans un certain nombre de pièces que l’on pourrait regrouper sous le titre de “cycle du Temps-
qui-court” : la Farce moralle de Mestier, Marchandise, le Berger, le Temps qui court, les Gens (L.IV.72), la Moralité a quatre personnages de Chascun, Plusieurs, le Temps qui court et le Monde (L.III.42), le Moral de Tout-le-Monde (L.III.48) et la Farce nouvelle de Marchandise, Mestier, Pou-d'acquest, le Temps-qui-court et Grosse Despense (A.T.F 59). Dans toutes ces pièces à la dénomination incertaine (73), un certain nombre de personnages qui sont des galants déguisés sous un nom collectif, sont aux prises avec un personnage principal qui concrétise tous les griefs du peuple : le Temps-qui-court. Schéma qui n’est pas sans nous évoquer celui des sotties-action de la troisième catégorie. Mais examinons les choses plus en détail.
La dernière de ces pièces, que l’on s’accorde à dater des environs de 1440, aussi virulente que la première partie de Mieulx-que-devant, présente une violente satire politique
du temps en une
action signifiante qui n’est pas sans rappeler celle de la Croix Faubin dont elle est contemporaine. C’est une moralité politique incisive qui met en scène des personnages dont l'identité est à peine voi
Mais, alors qu’ils appellent la mort, Patience vient les réconforter - conclusion qui est celle de nom-
lée, en un dialogue de
breuses moralités dont Excellence Science, Paris et Peuple.
tes de Mestier et Marchandise à l'égard du Temps-qui-court, plaintes qui se terminent sur la résigna-
L'évolution vers la contestation politique et sociale que laissait présager la moralité d'André
conception technique identique à celui de la sottie. Elle débute sur les plain-
tion, puisque les deux personnages décident de prendre une “estamine’”’ pour “passer le Temps”
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(valeur symbolique de l’accessoire qui apparaît ici et qui deviendra une des constantes de la sottie).
vée du Berger, qui représente ici les paysans, toujours insouciant et satisfait de son sort autant que
Arrive alors Pou-d’acquest, personnage complexe qui représente le peuple sous sa principale carac-
peut l’être, semble-t-il, Marchandise. Cependant il compatit aux plaintes de Mestier. C’est alors qu’en-
téristique, la pauvreté, et dont le rôle scénique caractérisé par l’ironie, est un rôle de sot. En effet,
tre en scène le personnage incriminé, le Temps-qui-court dont les retours successifs,sous différents
après s’être adressé à l’auditoire (rôle de liaison comme dans les moralités sérieuses), il se moque
déguisements,constituent la trame signifiante de la pièce : il se présente d’abord vêtu de diverses cou-
de Mestier et Marchandise, qui, avec leur ‘‘estamine”, n’arrivent à rien et il leur propose une nou-
leurs car il est muable, ce dont se plaignent Mestier, Marchandise et le Berger qui décident de le pas-
velle méthode pour oublier leurs misères : banqueter, ce qui provoque chez eux colère et désabu-
ser au crible - idée qui sera exploitée dans la Farce de Pou d’acquest ; puis habillé de rouge sang ;
sion. Sur ces entrefaites,entre en scène le personnage principal, le Temps-qui-court - qui représen-
puis en armes, signe de guerre et enfin le visage barbouillé, Comme
te ici la personne royale - satisfait de lui et menaçant
ger s’étonnent de le voir “brouillé’; il explique que la faute en incombe aux Gens qu’il propose d’al-
:
Resveiller Mars feray, quoi qui me couste Si je regne jusques au mois de May.
Il aborde Mestier, Marchandise et Pou-d’acquest en leur demandant si tout va bien. Pou-d’acquest acquiesce et fait taire ses compagnons qui voudraient se plaindre (utilisation du procédé du “Que dis tu ? ” Le Temps demande ensuite à ces derniers s’ils ont de argent. Ils répondent en lui réclamant du blé, ce qu’il promet avant de leur poser sur le dos la nouvelle taille qu’il leur apporte. Mestier, Marchandise et Pou-d’acquest se révoltent mais le Temps les menace et part . . . pour leur envoyer Grosse Despence. Mestier et Marchandise veulent alors éloigner cette dernière mais le Temps
revient pour la leur imposer. Grosse Despence envoie Marchandise “au brunicquet” et donne à Mes tier une “besasse” le réduisant ainsi à la mendicité. La conclusion de cette pièce est d'ordre scénique : Marchandise et Mestier écrasés sous le faix, il ne reste plus que Pou-d’acquest.
Action signifiante à caractère polémique qui se déroule sur un rythme de sottie et présente des personnages aisément identifiables. Il est évident que de telles pièces ‘ne pouvaient qu’exciter la fureur royale. Aussi note-t-on dans les mêmes années, un effort du gouvernement pour établir une censure qui, bien qu’inopérante et incapable de faire taire la voix populaire, la contraignit sans doute à plus de précaution dans I’expression de ses griefs. On tend alors à renforcer le caractère symbolique et abstrait de l’action dont la signification s’exprimera principalement à travers des jeux de cos-!
tumes ; on rend les personnages eux aussi plus abstraits donc moins aisément identifiables. De plus, on généralise le contenu et la direction des attaques en les transformant en dénonciation de la folie qui régne sur le monde : tous les personnages incriminés termineront la piéce sous la livrée des fous,
voile immunisateur facile, C’est ce qui se produit dans les trois dernières pièces citées qui, par là, de-
Mestier, Marchandise et le Ber-
ler chercher "Les Gens’arrive alors vêtu d’une mante, portant un capuchon à oreilles et un masque derrière la tête et s'exprimant en un langage inarticulé, image concrète de la folie. Le Temps déclare alors qu’il ne changera pas tant que‘les Gens’ne changera pas lui-même. Néanmoins, à la prière de Mestier , Marchandise et du Berger, il accepte de s'améliorer en échange d’une chanson. Il part donc, ainsi que les Gens,s’habiller en “‘gallans” et tous les deux reviennent ensuite mêler leurs cris de joie à ceux des trois compagnons.
Ainsi cette piéce,qui présente déjà une structure qui sera plus tard cel-
le de la sottie-jugement, par son action signifiante et son épilogue, peut-elle être considérée comme
une véritable sottie. Même moyen d'expression de la satire dans la Moralité de Plusieurs, Chascun, le Monde, le Temps avec une orientation plus nette encore vers la sottie. En effet, Plusieurs et Chacun-deux entités qui représentent le peuple - qui sont des “gallans”, expriment leurs plaintes à l’égard du Temps-qui-court mais ne voient d’autre remède qu’en la résignation, l’espoir en Dieu et l’insouciance, car il est difficile de parler : Escoute, regarde et tais toult Le Temps entre alors en scène et passe plusieurs fois près d’eux sans s'arrêter. Chascun et Plusieurs le prennent au “las” et lui demandent de justifier sa tenue hétérogène : ........ . . Ala teste Se bonnet rond, cornes, cornete Tant de papiers, c’est un grant nombre ; Tant d’engins, l’un droict, et l’autre contre ! Te semble un maistre Aliborunt.
Le Temps répond alors qu’il fait la guerre, court les bénéfices, vend la justice et refuse tout travail.
viennent des sotties. On ne garde de la moralité que l’idée d’une action symbolique mais la limite
Il vante tant sa manière de vivre qu’il y convertit nos gallans. Aussi,quand le Monde arrive, veulent-
est franchie.
ils tous le convaincre de les imiter, ce qu’il refuse d’abord violemment pour finalement se laisser dé-
Déjà, quelques années avant la Farce de Pou-d’acquest - qui doit marquer un sommet dans le mécontentement populaire -, en 1439, la Farce de Mestier et Marchandise présente ce souci de n’offrir aucune prise a la censure. Fondée essentiellement sur des jeux de costumes, elle présente un début
identique à celui de la Bergerie de Mieulx-que-devant. En effet,Mestier et Marchandise sont aux prises
cider. Il ne reste plus qu’à le renverser et à l’habiller en fol - thème du monde à l'envers - : Vestir te fault a la renverse Et prendre aussi nostre livrée. Ainsi se termine cette pièce qui offre tous les aspects de la sottie (action ; personnages ; dialogue )
et E. Picot l’a bien vu,puisqu’il intègre à son recueil de sotties le Moral de Tout le Monde qui reprend
dans un dialogue dont la facture rappelle celui de Mallepaye et de Baillevent,le premier se plaignant
en tous points la moralité précédente en l’explicitant, et en se bornant à supprimer le personnage du
et le second se moquant quelque peu des soupirs du premier. Leur dialogue est interrompu par l'arri-
Temps-qui-court : c’est ici le Monde qui entre en scène revêtu du bizarre accoutrement que portait le
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Temps dans la piéce précédente. (74)
“‘gallans” se chamaillent dans un dialogue très vif en staccato-style et finissent par s’accorder au
On comprend mieux ainsi la difficulté de saisir de maniére nette la limite entre moralités et sotties. En dehors des moralités religieuses ou moralisatrices, on ne peut parler de véritable mo-
moment où arrive un badin aux dépens duquel ils vont s’amuser - cette réconciliation de deux adversaires sur le dos d’un troisième est d’ailleurs un thème de farce qu’illustre parfaitement la
ralité que lorsque la pièce peut être considérée comme une représentation allégorique destinée à ex-
Farce à trois personnages,le savetier, le sergent et la laitière (75). C’est là le fil directeur qui sous-
pliquer ou à célébrer un événement, un acte, une situation, un comportement. Dès l'instant où la
tend la Farce moralisée et fort joyeuse des sobres sots (P.III.21), la Farce nouvelle de troys galans
pièce devient contestataire et polémique - et il est vraisemblable de penser que c’est dans les collè-
et un badin (P.IIL.31), la Farce nouvelle des cris de Paris (P.III.24), et la Farce joyeuse de troys ga-
ges que s’est effectuée cette première évolution,à l’usage d’un public dynamique, conscient et ha-
lans et Phlipot (P.III.26) pièces que E. Picot date du second quart du XVIe siècle. Remarquons que
bitué aux jeux allégoriques-, dès l'instant où son sujet est politique et où sa mission est d’expri-
toutes ces pièces, assez longues dans l’ensemble, puisque composées respectivement de 477 vers,
mer une prise de position critique, elle est en marche vers la sottie. Et la censure que rapidement la hardiesse de ces piéces fait naitre, accentue cette évolution. On recherche le vétement immunisateur du sot, le dérivatif des sauts et des cabrioles, l'ambiguïté de l’ironie et, ne pouvant attaquer le pouvoir de face, on se borne à conclure que la folie mène le monde et cause les malheurs de Chacun. Mais pour en être plus diffuse, cette satire en était-elle moins profonde et, à travers la transpa-
350 vers, 444 vers et 538 vers, bien que mettant en scène des sots,ou plutôt des “galans”, sont toutes intitulées “farce” c’est à dire divertissement joyeux sans portée politique. Ce sont donc des sotties émasculées pour n’offrir aucune prise à la censure, car, comme le remarque un des sobres sots : . .
A ! Messieurs, sy je n’avoys peur Qu'on ne serast trop fort les doys En peu de mos je vous diroys Des choses qui vous feroyent rire.
rence de l'obstacle, le spectateur averti ne reconnaissait-il pas les coupables désignés à la vindicte populaire ? Dès lors la sottie, genre contestataire,doit se définir par son esprit, sa structure, son intrigue, le ton et le rythme de ses dialogues autant que par son contenu et ses personnages. Mais si la censure avait, dans un premier temps,amené la moralité politique à se déguiser en sottie, elle n'allait pas en être dupe et,trés vite,elle allait tourner ses attaques vers la sottie qui, après une période de gloire, se voyait contrainte de s’abatardir ou de chercher refuge dans une obscurité voulue avant, finalement, de disparaître.
le parler m'est deffendu.
Interdiction qu’il ne faisait pas bon transgresser si l’on en croit le badin de la même pièce :
Mais comment nos auteurs de sotties ont-ils eu l’idée, pour subsister, d’avoir recours à ce
subterfuge ? Il est vrai qu’ils avaient en exemple le rôle du fol des moralités destiné à détendre l’atmosphère de la piéce,tout en plaçant parfois de petites pointes satiriques auxquelles la raison ordonnait de ne pas prêter attention mais qui, néanmoins,devaient avoir une certaine valeur dans la mesure où ce personnage était aussi un substitut sur scène du public. Tel est le rôle du fol de la Moralité du Lymon de la Terre qui ironise sur les paroles de graves personnages :
II. LES
FORMES
Chascun
:
Allons le chemin de Raison Bien scay que le monde y est.
le fol
: Ha ! Par Sainct Nicolas, non est !
Déjà Roger de Collerye avait ouvert la voie dans sa Satyre pour les habitans d’Auxerre en
‘ BATARDES ”
introduisant le badin Jenyn-ma-Fluste pour faire passer sans risque les pointes les plus incisives de sa
satire. Aussi les auteurs des Sobres sots et des Troys galans et un badin s’empresseront-ils de l’imiter Ce sont, nous l’avons dit, les plus tardives. Elles s'expliquent par la rencontre des divers courants qui avaient donné naissance aux sotties primitives - milieu populaire, milieu des Parlements,
milieu des écoliers - mais aussi et surtout par l'emprise croissante de la censure qui contraint la sottie
car que peut la raison et partant, la censure, contre un personnage qui, par définition, est un niais, surtout lorsque, comme c’est le cas pour Jenyn, ses partenaires essaient de le faire taire :
Peuple François : Jenyn, c’est assez caqueté
Parler nous fault d'autre matiere !
à s’abriter derrière le burlesque inoffensif ou l'obscurité voulue. Ainsi naissent deux nouveaux types :
Tu es taillé d’avoir les seaulx
Se tune te taix...
la sottie-farce et la sottie-rébus.
vv 173-174 wy 271-272
C’est en effet un badin, personnage de farce, que nos quatre pièces mettent en scène. L’undessobressots est suffisamment explicite à cet égard :
I. — LA
SOTTIE - FARCE La sottie-farce pourrait être définie comme une parade technique améliorée qui utilise la
plupart des procédés qui ont permis le passage du monologue au dialogue.
Elle est,en quelque sorte,
une sottie interrompue. Dans la plupart des cas,son mode d'élaboration est simple : deux ou trois
le Badin le V
le Badin
:
Tousjours les Sobres Sos nous sommes. Je le croys ; mais estes vous hommes Ainsy c’un aultre, comme moy ? : Nennyn, dea.
Η
Nennyn ? Et pour quoy ?
Que j’en sache l’intelligence.
- 344 le I
:
- 345-
Pour ce qu’y a bien difference
Entre badins, sages et sos ; Les badins ne sont pas vrays sos, Mais ils ne sont ne sos ne sages.
(= joueurs de sotties) (= ni fous ni sages ) (vv 87-95)
Subtilité que ne peut saisir le badin que sa niaiserie conduit à ne percevoir que des catégories bien
tranchées(76) :
le badin le Vsot
le badin
: Vous estes tous sos, n’estes pas ? ; Ouy, vrayment !
:
A!
Voiecy le cas !
Sy vous estes sos en tout temps, Fault que soyés, comme j'entens, Sos par nature ou par usage. (= fou de nature ou de métier)
Un sot ne sera pas un sage
Vous ne le serés donc jamais. Il lui suffit de ne pas être assimilé à un joueur de sottie :
(vv 117-123)
J'en nommeroys bien un ou deulx, Sy je vouloys ; mais chust, chust, mot ! Je suys badin et non pas sot. Ses sos que voyés maintenant L’eussent nommé incontinent, Car ilz sont sobres, se dict on. (vv 272-277) avantage sérieux qui lui apporte l’immunité contre uné censure parfois redoutable :
Mais d’un badin, on n’en dict mot
Car partout on l’estime et crainct.
(w 176-177) C’est vraisemblablement pour cette raison que nos auteurs appuient volontiers sur cette niaiserie
du badin : Phlipot est un “inocent inocent”, le sot des Cris de Paris et le badin de la seconde piéce sont des benéts traditionnels de la farce qui rappellent Jeninot (A.T.F,I, 17), Mahuet (A.T.F,II,28)
ou Pernet (A.T.F,II,45). Comme eux, ils utilisent le procédé systématique de la double compréhension du langage (77) qui conduit aux quiproquos tradition nels attachés au personnage :
le sot
le II
le sot
Ma mére m’a dict que le prebstre
Espousera ma femme et moy. Ouy.
Mais lequel ?
(P.IIL.24. vv 306-308)
ou aux jeux de mots équivoques tirés du nom des lettres(A .T.F,II,45 et P.IIL.31) : le badin Il y a aussi G CB, Car quant un homme trop avra Mengé et a dire viendra : J'ey AC, y luy respondra : Et B ? N’esse pas donc le poinct
DeGCB?
(vv 72-77)
De la même manière que le badin de la Farce de Me Jehan Jenin vray prophète (78), ils utilisent aussi le procédé du réve pour se voir dans une situation qui n’est pas la leur, procédé qui, proche de ce-
lui de la pronostication, permettait parfois l’expression de la satire. Mais nos badins vont-ils jusque là ? En fait, et répétons le, c’est bien là le témoignage de l'existence d’une censure active, nos pièces ne sont pratiquement pas polémiques. Elles se veulent des farces et leur structure le montre. On pourrait d’ailleurs les classer en deux dialogues (les Sobres sots et Troys galans et un badin), une pièce qui est moitié dialogue, moitié action (les Cris de Paris) et une pièce qui n’est
qu’action (Troys galans et Phlipot). Les trois premières débutent par un dialogue enstaccato-style entre les galants dont la longueur n’excède pas le huitième de la pièce et qui, excepté dans le cas des Sobres sots, borne sa satire à des pointes antiféministes. D'ailleurs, dans le cas des Sobres sots la satire est des plus généraleset des plus diffuses et s'exprime surtout à travers des structures à
répétition du type “Qui eust pensé . . .” ou “Tel Qué: «7
Arrive alors le badin qui, aiguillonné par les gallans,se lance dans une revue des fous du monde et en particulier de ceux qui se laissent gouverner par leurs femmes (les Sobres sots) ou, après quelques pirouettes verbales, il explique ce qu’il ferait si son rêve d’être Pape ou Dieu se réalisait, occasion de lancer des pointes aux corporations honnies du peuple (sergents, marchands de
bois et de chevaux, boulangers, taverniers ... ) et aux femmes (Troys galans et un badin).
C’est une structure légèrement différente qu’utilise la Farce des cris de Paris. En effet,
dans le premier temps, le badin caché dans les coulisses et imitant les cris d’un marchand ambulant (79), apporte une féponse imprévue et comique aux questions que se posent les galants sur les femmes et le mariage. Puis il apparaît en scène et les galants, jouant sur la naïve bonne conscience qu'il a de lui, lorsqu'il déclare sérieusement être maître danseur, lui font prendre des pos-
tures ridicules et caricaturales. Petit jeu auquel succède une discussion à bâtons rompus sur le thème de départ de la pièce, les femmes. La Farce de Phlipot, elle, a résolument choisi d’être une farce, simple parade qui repose sur le comique du bon tour,comme la Farce du pourpoint retrechi du recueil Cohen. Dès le début, les trois galants, décidés à s’amuser aux dépens de l’innocent Phlipot, lui déclarent qu’il lui faut choi-
sir un métier et, pour ce faire, ils l’envoient prendre conseil de Dieu. Phlipot vient donc à l’église où l’un des galants, caché derrière l’autel et prêtant sa voix à Dieu comme dans la Farce des deux save-
tiers, lui laisse entendre que, quoi qu'il fasse, il sera “maistre”. Le coeur satisfait, Phlipot part donc
à travers le pays pour chercher à s'établir, cependant que les galants imaginent de revêtir le costume de divers corps de métier et de se poster sur son chemin pour abuser de lui après lui avoir donné en-
vie de pratiquer la profession qu'ils sont censés exercer eux-mêmes. Ils se déguisent ainsi en cordon-
niers (déguisement qui renforce l’analogie avec la Farce des deux savetiers) et, tout en se moquant de lui, ils lui font abattre un travail de galérien qui enlève au malheureux toute envie de persévérer
dans la profession. Ils se déguisent ensuite en gendarmes et, après avoir enrdlé le badin, ils le rouent de coups sous le feint prétexte d’une attaque improvisée pendant laquelle notre homme se révèle le sosie du franc-archer de Baignollet. C’est donc là une pièce qui utilise des situations de farce et des thèmes connus en évitant toute satire, Elle ne garde de la sottie que les personnages des trois galants. Mais,si la censure conduit parfois la sottie à verser dans la farce inoffensive, elle peut aus-
si l’amener à chercher protection dans l'obscurité et dans un symbolisme ambigu. C’est ce qui se produit dans les sotties-rébus.
= 347-
- 346 -
2. — LA
C’est,là encore,exprimer par un jeu de costume expressif, l’idée satirique que les hommes ne songent
SOTTIE - REBUS.
qu’à obtenir des charges par l'argent et se mêlent de tout sans en avoir la capacité, cause de la dégra-
Tout en recherchant une certaine obscurité, les sotties-rébus, à la différence des précédentes, gardent ce qui fait l’essence de la sottie : un esprit satirique. Cet esprit satirique s’exprime à travers une action signifiante qui ne repose sur aucune trame logique mais s’appuie,au niveau de la mise en scéne,sur des jeux de costumes et,au niveau du vocabulaire,sur un jeu verbal.
dation des conditions de vie. D’ailleurs l’action de la pièce repose entièrement sur le costume : les galants demandent à Tout-le-monde de quitter son bizarre habit pour en choisir un plus simple, convenant à un seul état. Mais celui-ci refuse car il ne peut se décider à opter pour l’un des vêtements qu’on lui présente ; il est fou. Ainsi la satire peut-elle s'exprimer principalement non par des paroles mais par le costume, tout en bénéficiant du voile protecteur qu’apporte l'effet comique qui est le premier perçu lors de toute mise en scène reposant sur le déguisement - comique de farce qui voile un peu la valeur
a) les jeux de costumes.
L'idée de traduire la satire par des jeux de costumes n’est pas nouvelle et nous en avons rencontré l'illustration dans les pièces du cycle du Temps-qui-court-et notamment
dans la Moralité
de Plusieurs, Chascun, le Monde, les Gens, Dans celle-ci, Plusieurs et Chascun se livrent à un dialogue en staccato- style
caractéristique des sotties : Ch PI Ch PI CH PI Ch
: : : : : : :
Nos Nos Nos Nos Nos Nos Nos
symbolique que la pièce doit à ses rapports avec la moralité.
Du niveau verbal, l'expression de la satire passe donc au niveau visuel, dernier repli possible pour des comédiens qui, à chaque instant, risquent d’être poursuivis pour diffamation à l’égard du régime.
esbas sont bas. beaulx jeux sont jus. pois crus sont crus. chans sont changés. metz sont mengés. ris sont soublz ris. saultz sont saillis....
Par suite, dans le dialogue, les attaques
peuvent rester générales et traditionnelles. Elles offrent donc moins de prise à la censure.
Comme dans un rébus, l’image remplace le mot, la mise en scène, le verbe accusateur. Tel est , pensons-nous, l'esprit qui, en 1523, anime l’auteur de la Sottie des béguins (P.IL.15)
écrite dans un climat de suspicion car, comme le rappelle E. Picot dans son introduction à la pièce, la troupe genevoise des Enfans-de-Bon-Temps avait eu à souffrir du duc de Savoie : un de ses membres avait été exécuté en 1519 pour avoir-participé à un charivari dirigé contre le représentant du duc. Dans
dialogue dont le fond fait de nos deux personnages des “gallans” évoquant à mots couverts les difficultés du régime; puis ils prennent le Temps au “las”. Or le Temps, nous l'avons vu, porte un accou-
celle-ci, l’action se réduit à des jeux de costume. C’est Mère Folie qui ouvre le spectacle, vêtue de noir car elle est en deuil de Bon Temps.
. . et de plusieurs membres de la confrérie qui ont disparu. Elle re-
çoit la visite d’un messager qui annonce la venue prochaine de Bon Temps. A cette nouvelle, elle con-
trement bizarre et symbolique qu'il justifie en prétendant appartenir à la fois à la Noblesse : Estat n’y a dessus la terre
voque ses suppôts qui envoient une lettre à Bon Temps pour le prier de hâter son retour. De plus, pour
à l'Eglise :
costumes. Mère Folie leur taille alors des chaperons dans sa chemise et les leur distribue. Cependant,
Dont je ne soys, mesme de guerre
fêter cet événement, ceux-ci décident de jouer comme par le passé, Mais ils ne peuvent retrouver leurs au moment de jouer, les sots s’aperçoivent que leurs béguins n’ont qu’une oreille. Ils se résignent a-
Debvez sçavoir
Que sy n’y a guerre ou debas En l'Eglise prens mes esbas En courant les bénéfices.
lors à boire tranquillement jusqu’au retour de Bon Temps ; il leur est impossible de jouer car : L’aureille qu’avons interprette En mal ce que disons pour bien.
à la Justice :
(vv 288-289)
N’est-ce pas la une maniére habile de montrer que,malgré une amélioration sensible - une oreille - tou-
Du droict faictz tort Et du tort droict.
tes les conditions ne sont pas encore remplies - deux oreilles - pour que les sots puissent s’exprimer en
N'est-ce pas. là un moyen de réduire l’action à des jeux de costumes qui traduisent la pensée satirique de l’auteur, dénonciation d’une époque de pillage, de simonie et de vénalité ? Et cette idée n’est-elle
pas appuyée par la fin de la pièce où l’on voit Plusieurs et Chascun, conseillés par le Temps, habiller le Monde en fol après l’avoir mis à l’envers ?
toute liberté, et n’est-ce pas un moyen de stigmatiser un régime,en mettant le peuple en garde contre la police du duc et de l’évêque, toujours à l’affüt de la moindre parole dirigée contre le pouvoir ? Mais plutôt que de sacrifier le verbe au profit d’un costume signifiant, la sottie peut aussi se réfugier
dans l’obscurité du premier.
C’est la même technique, qui n’est pas sans analogie avec celle du tableau vivant, qu’utilise le Moral de Tout le monde dans laquelle le personnage qui donne son nomau titre apparaît aux yeux des trois compagnons
:
b) Le jeu verbal. La satire peut en effet avoir recours à l’ambiguité protectrice du jeu de mots pour s’expri-
Diferent de robe et pourpoinct
De bonnet et de tous abis.
(vv 75-76)
Y porte l’estat de Noblesse De Marchant, Labeur et l'Eglise (vv 81-82)
mer,et toutes les sotties ne s’en privent pas lorsque leurs attaques sont trop précises et presque nominales, Aussi peut-on concevoir que, poussés par la censure, des auteurs aient cherché à appliquer au
- 349 -
- 348 niveau de la structure de la pièce et de l'intrigue, cette technique du jeu de mots et ceci d’autant plus
des esveilleurs du chat qui dort nous donne un autre exemple qui n’a pas encore dévoilé son mys-
aisément qu’ils avaient l'exemple de la mise en scène dramatique des proverbes.
tère.
Nous ne cacherons pas qu’il ne nous reste pratiquement plus de ces pièces et nous en sommes réduit à des hypothèses. Mais ne peut-on penser que, si elles ont existé, ces pièces de circonstance
devaient très rapidement devenir incompréhensibles ? Pour être perçu, le jeu de mots suppose u-
ne conscience et un souvenir clairs de l'événement qu’il incrimine allusivement
; de là, leur rapide ou-
bli et leur disparition, qui ne signifie pas inexistence. Nous ne citerons comme
preuve de leur possible existence,qu’une pièce qui donne une idée
de ce qu’elles devaient être , la Farce nouvelle de Tout, Rien, Chascun (A.T.F.IIL.56). Non seulement cette pièce met en scène des personnages que nous avons rencontrés dans d’autres pièces et dont le rôle est assimilable à celui des galants, mais encore son esprit est celui d’une sottie. Au début de la
pièce, Rien (qui salue l’assistance comme un clerc,ou plutôt un badin, : “Nadies, nadies, dominus totus” ) et Tout prétendent, chacun de leur côté, apporter la félicité aux humains : Qui a Tout se treuve joyeulx Qui n’a Rien ne se soulcie Il n’a poinct paour de perdre Rien.
Ainsi, bien qu’en ses débuts la sottie présente des analogies avec la farce, bien qu’elle s’en rapproche par crainte de la censure dans ses formes bâtardes et tardives, il n’en reste pas moins qu’elle ne peut se confondre avec elle comme de trop nombreux critiques semblent l’admettre, Et s’il est vrai qu’au premier abord,le genre de la sottie apparaît comme un genre hétérogène aux limites incertaines, un genre de rencontre vers lequel convergent les différents courants du théâtre bourgeois, theâtre populaire, theâtre des Basoches, théâtre des clercs et des écoliers, cette diversité n’est que superficielle. Une lecture approfondie permet de constater qu’en dehors des formes bâtardes et des sotties-parades qui sont souvent des pièces techniques, les autres sotties se répartissent toutes entre
Les deux personnages se présentent ensuite mutuellement et chacun d’eux fait étalage de son pou-
deux grandes catégories, les sotties-jugement et les sotties-action, qui, à elles deux constituent un
voir. C’est un jeu d’esprit qui consiste à opposer puissance et pauvreté dans un décor de Roue de
genre autonome
Fortune, car, si Rien fait battre les femmes et règne sur les pauvres, Tout, lui, règne sur les seigneurs
un genre “intellectuel”, un genre qui,le plus souvent,présente un triple niveau de signification : il
et est capable de tromper tout le monde. Pendant qu'ils rompent ainsi quelques lances, Chascun en-
est un spectacle qui vise au comique immédiat au niveau de sa mise en scène et de ses personnages
ayant ses lois propres, un
genre qui se différencie de la farce en ce sens qu’il est
tre en scène, Tout décide d’aller lui porter confort cependant que Rien le met en garde. Mais Chas-
spécifiques, qui transmet un message au niveau de son action ou de son “‘intrigue” et qui porte un
cun va vers Tout car
jugement contestataire au niveau de sa structure signifiante.
Qui a Tout, de Rien n’a soucy. Et il s’empresse de chasser Rien qui part en prédisant son retour prochain. Effectivement, différents jeux de scène vont contribuer à ce retour : à une question de Tout, Chascun répond ‘“mon ame, rien” ; Rien arrive donc comme s’il était appelé,mais on le chasse à nouveau et il part en proférant des menaces auxquelles Tout réplique :
tirique et la nature même du rire qu’elle fait naître, qu’impliquent déjà ses structures particulières,sont autant de critères qui font de nos pièces les représentantes d’un genre indépendant, au même
Bien fol est qui a paour de Rien. Pour se venger, Rien fait un bruit et effraie Tout et Chascun, prouvant ainsi qu'ils sont fous. On le
chasse alors une troisième fois et Tout fait monter Chascun au sommet de la Roue de Fortune. Mais en partant, Rien jette le sort sur la Roue de Fortune qui redescend,au milieu des lamentations de
Tout et de Chascun qui vont à Rien, c’est à dire à la mort. Ainsi, après avoir mis en évidence l’avidité des désirs de chaque homme
Mais, et nous allons le voir maintenant, là n’est pas le seul critère distinctif de la sottie : ses personnages spécifiques, sa mise en scène signifiante, sa technique des échanges, sa finalité sa-
et la puissance de l'argent, l’auteur rappelle-t-il la vengeance du sort qui
égalise tous les hommes devant la mort, seul moyen que laisse la censure aux auteurs pour porter l’anathème contre l’amoralisme qui conduit le monde à la folie. Telle se présente cette forme bâtarde de la sottie qu’est la sottie - rébus et dont la Farce
titre que la farce et la moralité dont il se distingue par une originalité propre.
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I, — Les personnages comiques ou l’élément contestataire Comment l'élément contestataire qui a donné son nom au genre se présente-t-il
dans nos
pièces ? A vrai dire, dans les soixante-quatre pièces que nous avons retenues comme caractéristiques du genre, il apparait sous de multiples formes.
Tout d’abord, sous sa forme traditionnelle, il est absent
dans un quart des pièces ; et, dans les trois quarts restant, il apparaît tantôt sous l’incognito d’un appellatif générique - moitié des pièces - tantôt individual sé par un nom propre spécifique et descriptif - moitié des pièces.
Certaines pièces font d'ailleurs apparaître côte a côte, parmi l'élément contes-
tataire,des personnages pourvus d’un appellatif générique et d’autres d’un nom propre.
CHAPITRE
LES PERSONNAGES
II
A) Les appellatifs génériques. Dans les pieces où ils apparaissent, les personnages désignés par des appellatifs génériques
DE LA SOTTIE
ne sont distingués entre eux que par des numeros (3).
Ainsi est préservé leur anonymat et leur im-
munité car ils sont noyés dans un groupe qui a ses caractéristiques . . . et ses droits. Si l’on en croit Jusqu'à maintenant, la plupart des critiques ont classé comme sottie toute pièce dans la-
quelle se trouve un sot. C’est ainsi que procèdent Melle Droz et, avant elle, E. Picot (1) ainsi qu’en témoigne le choix de textes présenté dans leurs recueils. Mais le problème
est-il si simple ? Il exis-
te en effet, ainsi que le montrent les pièces que nous avons lues, une infinité de types de sots. Il
E. Picot,ces appellatifs sont multiples.
Pourtant,si l’on excepte le terme d’ermite que nous n’avons
rencontré que dans la Farce des brus qui n’est guère qu'une parade, nous n’avons relevé que les termes de sot - 10 pièces - (4), galant - 8 pièces (5), fol - 2 pièces (6), et gorrier, pelerin (7), compaignon, suppôt de la Basoche, esbahi - 1 pièce - à quoi il faut ajouter la pièce des Menus propos où les
est d’autre part évident que la présence d’un seul rôle de sot dans une pièce ne suffit pas à la faire
personnages n'apparaissent que sous de simples numéros. En fait,les appellatifs génériques se rédui-
considérer comme sottie car alors il faudrait inclure dans ce genre la Moralité de Charité et bien
sent donc à deux principaux, sot et galant, qui semblent d’ailleurs synonymes dans de nombreuses
d’autres. Enfin, certaines pièces qui ne mettent en scène aucun personnage de sot tel que le con-
pièces. Signalons toutefois que
çoit la tradition - avec un nom et un costume spécifiques - peuvent aussi être considérées comme
pièces qui, si l’on en croit Melle Droz, sont de la seconde moitié du XVe siècle, alors que le terme
sot est le plus employé dans le Recueil Trepperel qui présente des
sotties. Tel est le cas de la Farce des povres deables ou de la Farce des veaulx qu’E. Picot a rejetées
de galant apparaît principalement dans les pièces du Recueil Picot qui datent de la fin du XVe siè-
de son recueil alors qu'il a accepté la Mere de Ville ou la Reformeresse qui sont des pièces de concep
cle et du début du XVIe. Il semblerait donc que le goùt passe d’un terme à l’autre vers la décade
tion absolument identique (2). En fait, il serait préférable de définir la sottie comme une pièce char-
1480-1490 (8). D’autre part, nous avons déja suggéré,au chapitre précédent,que les sots apparais-
gée d'exprimer les rapports d'opposition, voire de belligérance, existant entre des groupes de person-
sent plus volontiers dans les sotties-parades ou les sotties-jugement et les galants dans les sotties-
nages différents, dont l’un au moins peut être un groupe de sots qui joue le rôle de l'élément contes-
action. N’y aurait-il pas là comme la marque implicite de répertoires appartenant à des troupes
tataire alors que les autres groupes représentent l’élément mis en cause - personnifications allégori-
différentes, Basoche et Galans-sans-soucy ? Mais, avant de résoudre ce problème, essayons de défi-
ques des classes sociales ou collectifs - et la cause l'opposition - personnifications allégoriques abs-
nir les caractères propres au sot et au galant.
traites. Cette répartition des acteurs entre trois groupes fondamentaux peut ne pas être totalement respectée - selon les thèmes traités ou la censure -, ni complète ; elle est alors un critère de classement de ces pièces entre les différents types de sotties que nous avons distingués au chapitre précé-
a) Le sot Pourquoi ce nom choisi parmi tant d’autres synonymes existant ? Les auteurs, pour la
dent. Avant d'étudier les rapports existant entre le choix des groupes de personnages mis en scène
plupart, I’expliquent par le jeu de mots facile qu'il permettait,par confusion avec son
et le caractère des pièces, examinons la constitution des différents groupes que présentent nos
saut, C’était la definir le personnage par son role méme,caractérisé par des gambades, culbutes et
textes.
pitreries diverses (9)
homonyme
En fait,nous pensons plutôt qu'il a été choisi pour définir un personnage qui
-352-
-353-
allait se différencier de plus en plus du fol et,plus tard,du badin. En effet, dans la sottie la plus ancienne qui soit parvenue jusqu’à nous, la Moralité de 1427 jouée au Collége de Navarre, les personnages qui tiennent le role de l’elément contestataire sont “quatre foulx” et la moralité est “faicte en foulois”. Or combien différents apparaissent ces écoliers malicieux et fins, du personnage qui leur a donné son nom, le fou des mystères et des moralités. Pourtant,ce personnage complexe qu’est
le fou des moralités leur a légué certains de ses caractéres fondamentaux. Chargé de détendre l’at-
mosphère en divertissant les spectateurs entre deux scènes graves, le fou a,dans les mystères,des rôles qui, comme le remarque Petit de Julleville “sont d’une licence et d’une crudité que les farces memes ne dépassaient point” (10). Nous n'en donnerons pour preuve que le rôle du fol de la Moralité de Charité: Et vous verrez présentement Beau jeu puis que le fol commence. Le fol commence en chantant :
Rigolle toy, rigolle, rigolle
toy Robin...
Que vous en semble, mon cousin, Vous sembla il bon ce notate ? Vrayement vous avez bistoqué. Je les prens sus ma conscience ! Hé dea ! Il n’y a point d’offense Quant on se treuve de loisir . . . Or paix ! Or me laissez choysir Celle qui vient de faire ung pet. Levez la main, vous l'avez faict. N’en rougissez ja. A vous honte ? Se estyés fille d'un compte Si aurions tost faict le faict. Par le corps bieu en effaict Vous qui estes tant gracieuse
Je gaige que vous estes foureuse.
Or par Sainct Jacques, je vouldroye Que ton nez fust dedans sa roye. Quant une femme mariée A esté baysée ou hochée
D’ung autre que de son mary
Et doibt pour chascune journée Qu’el se faict donner la fessée Ung denier a Sainct Cultin. . . Je parles aussi bien latin Comme ung prebstre qui dit la messe. Or parlez a moy, trousse fesse. Se dedans ung lict nu a nu Fusson couchez fesse sus fesse Ung de nous deux seroit foutu. Le fol chante. Il estoit bien malostru, Sus goguelu De cuyder qu’elle fust pucelle El s’est faict tant bistoquer Tant janculer Dessus l’herbette nouvelle Tourelourette, tourelourette ...
Le fol apporte ainsi dans ces pièces graves,un souffle licencieux qui venait de l'antique
féte des fous dans laquelle B. Swain voit la continuation des Saturnales antiques. Licence donc traditionnellement autorisée et attendue,qui fait intercaler le profane scatologique au milieu du sacré. C’est un des aspects de ce droit de tout dire à tout moment qui restera l’un des privilèges des bouffons de Cour. Mais là ne se borne pas le rôle du fou. vient pour manifester sur scène à l’égard des
Sorte de commentateur “‘hors-jeu”, il inter-
personnages de l’action, des sentiments qui sont ceux
du public auquel d’ailleurs,il est le seul des acteurs à s'adresser fréquemment
Dans la même mora-
lité, lorsque la mort vient chercher “‘l’avaricieulx”’, le fou s’écrie “C’est bien chié, chia, chia ! ”, exprimant ainsi ce que pense le public.
Mais mieux
encore, il guide souvent ce dernier dont il facilite
la compréhension par des apartés, en s’immisçant à l'action pour en prédire le déroulement.
C’est
ainsi que,dans notre moralité, lorsque Jeunesse, en colère, décide d’aller piller le Monde, le fol la traite d’étourdie et prédit une mauvaise issue à son action, juste avant que la mort n’entre en scène. Ainsi se réalise sa prédiction qu’il peut poursuivre à l’usage du spectateur
: “Je croy que Jeu-
nesse el tura””. Même rôle encore dans le Jeu du manuscrit de Barbantane- publié par F. Lecoy-qui date de la seconde
moitié du XVe siècle,où le fou ““commente, sur le mode ironique et souvent
avec bonheur, les successives déclarations des personnages, de l’Amant principalement, dont il se gausse et qu’en même temps il plaint de se laisser séduire aux tentations du sentiment.” (Roma-
nia 92-1971), A l’image du fou bouffon obscène se superpose donc peu à peu celle d’un fou omniprésent et omniscient situé en dehors du groupe (par rapport aux personnages de la pièce dans laquelle il joue, il est dans un rapport d'exclusion - supériorité, comme le fou par rapport à la société.), capable de connaître l'avenir, en un mot
l'image d’un fou sage d’une sagesse prémonitoire et divi-
ne. C’est cette image qui sera utilisée pour créer le personnage du contradicteur (lors du fractionnement des monologues en dialogues) comme celui de la Sottie du gaudisseur (11) et du sot ou encore le sot de la Farce du povre Jouhan (D. VII)
: dans cette dernière, et l'entrée en scène en témoigne, le
sot pourrait être assimilé à Dieu faisant agir ses créatures ou plutôt à un montreur de marionnettes qui donne vie et mouvement
aux fantoches que sont Jouhan, Affricquée et Glorieux auxquels il par-
le sans en attendre de réponse, entre deux apartés destinés au public. Ces deux pièces ne sont donc
pas encore des sotties. Ainsi,de la folie licencieuse de la fête des Fous, qui est dérèglement, on s’achemine peu à peu vers une folie qui devient positive, comme le remarque Joël Lefebvre dans sa thèse (12), car “la véritable raison est ce qui,aux yeux du monde,fait figure de deraison et de folie, et la prétendue sagesse du monde est la folie véritable devant
Dieu qui est le premier fol - sage’’. C’est là le paradoxe
du christianisme, thème qui trouve son plein essor au XVe siècle et qu’illustre bien la pensée de nos quatre “‘foulx” de la moralité de 1427 qui sont des fous - sages. En effet, lorsque le Monde refuse de prendre la livrée de folie, ils lui déclarent ‘‘tu n'as de toy congnoissance’(vi01 )et lorsqu’enfinilaccepte, ils soupirent d’aise,car ainsi ‘il se commence a recongnoistre” (v 413). Dans l’image du fou ne subsiste donc plus que l’idée de sagesse et celle de liberté absolue d'expression. Dès lors, comme pour marquer la prédominance de la sagesse chez le personnage, le fou troque son nom pour celui de sot
afin de supprimer toute ambiguité (13).
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Cependant, de plus en plus, pour s’exprimer, le sot va avoir besoin de qui était en méme temps crainte superstitieuse accordée ala folie véritable (14). fois feindre cette naïveté d'expression ou cette absurdité dans les propos qui est ple d’esprit de la farce, le badin. Mais ce n’est là qu'une attitude superficielle et, mais le sot ne se confond avec le badin. Le premier sot des Sobressots (P.III.21)
la différence entre son propre état et celui du badin:
Pour ce qu’y a bien difference Entre badins, sages et sos ; Les badins ne sont pas vrays sos, Mais ils ne sont ne sos ne sages.
subtilité qui dépasse celui-ci dont la réponse
cette immunité
dition, ces personnages qui formeront l'élement contestataire de leurs pièces et qui se définissent
Aussi va-t-il par-
l'égard de la société par un rapport d’exclusion - supériorité, justifié par la possession d’une vérita-
celle du fou-sim-
ble sagesse qui leur permet d’ouvrir sur cette société dont ils se détachent, un oeil critique et objec-
rappelons-le, ja-
tif (15). Et le sot (sage) ne prendra guère le qualificatifde fol ou de badin
tient à marquer
protéger de la censure : c’est le cas du badin de la Reformeresse
pes, qu’a la fin du XVe siécle,le sot laisse place au galant. (vv 92-95)
:
vexe le troisième sot qui rétorque :
b) Le galant.
Curieux personnage qui est l’image même de cette jeunesse bohème de la fin du XVe si cle qui, si l’on en croit Petit de Julleville, formait le groupe des Enfans-sans-soucy ou Gallans-sans-
Povre badin, je te promais
Qu'il ne t’appartient pas de l’estre. (vv 119-125)
C’est cette sagesse que l’on refuse de reconnaitre au badin qui distingue le sot. Conclusion dont le
soucy et dont les ascendants ne sont autres que ces “compaings de Galle” auxquels Villon dédie sa Ballade de bonne doctrine, ces “gracieux Gallans” Si bien chantans, si bien parlans,
quatriéme sot veut persuader le badin lui-méme :
Si plaisans en faiz et en dis.
Mais vous nous tiendrés
Plus sages que badins ou fos.
Ne ferez pas ? C’est là une réplique qui conduit à penser que le terme de badin remplace celui de sot dans son acception originelle qu’il a perdue au théâtre
Comme
son détachement à l’égard des choses matérielles (17). C’est ainsi que se présentent les galants des Cris de Paris : le I le II le I le II
des rêves absurdes. C'est le cas du “‘sot” de la Farce des cris de Paris (ici “‘sot” est opposé à “galant”)
le I
qui n’est qu’un badin :
:
:
1611
":
le sot
:
Dieu vous gard,amy!
Dieu vous gard
De bieniet de bonne santé
Aussi.
Il ἃ le cerveau esvanté !
Que demandez vous en cest estre ?
Je demande se je peulx estre Le premier danceur de la Cour Tenez je me tourne aussi court
Qu’ung boeuf qui court après la vache ( vv 240-247)
le II
le II le ΠῚ
Je me gaudis
Et en povreté m’esbaudis
En passant ma melencolie. Melencolie n’est que folie.
(vv 3-6)
Je fais fy du bien terrien : Aussi ne nous veult 1] pas suyvre. Ma foy, mais queje puisse vivre Bien ayse en ce monde et rien faire ; Je πᾶν d'or ne d'argent que faire Ne de bource. Ne moy aussy . Il n’est que de vivre sans soucy. (vv 20-26) De plaisir faisons nostre apieu . . . Et de soulas... (P.III.21
vv 24-25)
et surtout celui de l'amour : le II
ple d'esprit, il est plus proche d’elle. Ainsi se révèle-t-il de la lignée des Phlipot, Naudin, Jeninot et
le badin
autres simplets que, parfois, la farce envoie aux écoles, mais qui restent toujours des clercs d’Asneri e.
On comprend mieux dès lors la volonté des auteurs de marquer par un appellatif générique
Tu te gaudis,
Ils ne recherchent que le plaisir -qu’à “faire la galle" :
Remarquons au passage que le badin emprunte toujours ses images au registre de la nature car, sim-
différentde ceux habituellement employés pour désigner le simple d'esprit “par nature” ou badin (défini face à la société Par un rapport d'exclus ion - infériorité) et le fou du Carnaval, Mc gas
(T.227-228)
ses pères, il se caractérise en effet par une pauvreté qui n’a d’égale que son insouciance et
Ainsi sot et badin ne se confondent-ils pas, au point où, quand ils seront rassemblés, comme dans les sotties-farces, les sots s'amuseront aux dépens du badin qui, comme dans la farce,se révele un niais vivant en dehors de la société dont il ne comprend pas le langage et se complaisant dans
le I
que lorsqu’il aura a se
(P III.25) qui témoigne d’une sa-
gesse et d’une perspicacité qui sont l’apanage du seul sot (16). C'est vraisemblablement aussi pour des raisons identiques qui auront pour resultat de faire verser la sottie au répertoire d’autres trou-
Un sot ne sera pas un sage, Vous ne le serés doncq jamais.
lesot
à
Quant je voy l'amoureuse forge Je suys d'y hanter curieux. Vous di ge pas ? Menestrieux, Musiciens, joueurs de farces Il ayment les petites garces
Plus qu'i ne font leur créateur !
(P.III.25
vv 229-231)
Pourtant, malgré la gaité qu’ils prodiguent autour d'eux, ces joyeux drilles sont abandonnés de leurs mécènes :
- 356 -
-357-
J’ay veu, moy, s’y nous eust esté Chante ainsy comme l’on chante Vous eussiés eu plus de cinquante Personnes pour offrir a boyre ; Maintenant n'en est plus memoyre.
Pourtant,le
Recueil des status et ordonnances . . . du Royaume de la Basoche (B.N. Ms fr 7574)
affirme qu'il existait vers 1 500,des ‘bandes de femmes”. Elles ne semblent cependant pas avoir en(P.III.25.
vv 94-98)
J'ay veu que nous estions repeus Chez les bourgoys, le temps passé ; Maintenant tout y est cassé
(P.III.25. vv 106-108) Aussi n’en faut-il pas plus pour les assimiler aux ‘‘gens d’armes cassés” :c’est ce que fait Sancté qui
vahi la scène.
B) Les noms propres
refuse leur compagnie (18) (P.1.7 v 173). Parfois nos francs-archers de galants s’habillent à la dernière mode, très courte, avec :
Bien souvent l’appellatif générique
qui sert à désigner les représentants de l’élément con-
testataire est précisé par un nom propre spécifique et descriptif qui explicite les caractéristiques esGrans manches plus que cordeliers Chappeaux de travers et cornettes, Bonnet sur l’ueil, larges solliers
sentielles du personnage. C'est ce qui se produit dans la moitié des pièces où apparaissent sots et ga(PIS
vv 262)
Ils deviennent alors des gorriers, appellatif qui ajoute un trait supplémentaire à leur portrait (19). Ainsi les appellatifs de Sot et de galant semblent-ils être employés pour définir les individus sur des plans différents, le premier traduisant surtout une faculté ou une attitude mentale - la possession de la sagesse accompagnée d’une vue claire et lucide des choses - alors que le second insiste davantage sur un comportement, un manière d’être plus materielle, face à la vie sociale, qui
lants. Il arrive parfois que les sots soient appeles par leurs noms patronymiques comme dans la Sottie des béguins Gallion,
quand Mère Folie appelle ses suppôts à venir monter sur la scène : Antoine Sobret
Grand-Pierre, Claude Rousset, Pettremand, Gaudefroyd, Mulet de Palude (20). Ce qui est
d’autant plus intéressant que nous apprenons aussi la profession des sots qui composaient la troupe genevoise des Enfans-de-Bon-Temps Gallion G. Pierre
s’accompagne d’une sagesse dont le propre est d’être détachement à l'égard du quotidien. En quelque sorte, le premier se définirait surtout par ses paroles et le second par ses actes. Evidemment,le
:
: Anthoine est docte en tels affaires Ouy car je l’ay veu souvent Cet an parmi les secretaires. (vv 81-83)
poids de la censure peut expliquer que, pour déguiser la portée véritable des attaques, on ait eu re-
Peut-être d’ailleurs dans la Sottie du Monde (P.IL 17) jouent-ils leur propre rôle social. Ainsi Mulet
cours au galant, personnage moins compromettant puisqu'il ne fait qu’effleurer superficiellement
de Palude serait prêtre, Claude Rousset,
les choses sans remonter au principe. Mais ne faut-il pas voir la aussi une différence de mentalité qui reposerait sur un recrutement différent des troupes : de la grave contestation de gens initiés
ler . . . Nous aurions ainsi une idée de la composition hétérogène des troupes de sots et nous com-
aux affaires,puisqu’appartenant au milieu des Parlements, on passerait aux éraflures d’une jeunesse toujours agitée et contestataire, mais aussi superficielle dans ses attaques qu’insouciante. Deux trou-
savetier (21) ; Jehan Bonatiermédecin; Claude Rollet, conseil-
prendrions mieux la finalité et l’évolution du genre. Mais n’allons pas plus loin sur ce sentier par trop
hasardeux. Il n’en reste pas moins que, parfois, les sots sont désignés par un nom de métier. Mais il ne
pes différentes ? Il est vrai cependant que, vu le peu de documents qui nous sont restés, l’histoire
faut voir là qu’un des besoins d’une mise en scène satirique. C’est ainsi que les sots de la dernière piè-
des troupes reste une énigme difficile à résoudre. Et de plus,a la suite des arréts du Parlement, une
ce du Recueil Trepperel sont des sots écclésiastiques, que les sots qui comparaissent devant la Mère
osmose entre les diffférentes troupes pouvait se produire, les acteurs de celles qui étaient dissoutes
de Ville sont garde-pot, garde-nape et garde-cul, trois manières de stigmatiser les vices des digni-
cherchant refuge dans d’autres.
taires de l’Eglise,
Avant d'examiner le problème des noms propres, il conviendrait de dire quelques mots
des rôles féminins.
Ces derniers sont en fait peu nombreux dans la sottie, si l’on excepte les person-
nages allégoriques, et ils étaient dans doute joués par des hommes
: Malostru le coppieur ne déclare-
t-il pas à Teste-Creuse qui demandait des idées de jeu : Vous en jouerez tres bien la femme Vous avez le corps tant faictifz Les yeulx rians, le nez traitifz ; Il semble que (vous) soyez farde.
employés
On leur préfère de beaucoup des sobriquets plus expressifs. Déjà, dans la Mo-
ralité de 1427, les quatre “foulx” portent des pseudonymes éloquents : Michaut est un nom courant de benét (22); Toussains,dans un tel contexte,évoque un jeu de mots par antiphrase; Ponnart
*
*Plaisant Folie. (D.VIIL wy 186-189)
Et Nyvelet le lardeur développe la même idée à l'usage de Sotin :
rappelle le substantif masculin qui désignait une sorte de vase (il n’est que de songer à l’origine du mot teste) et pourrait ainsi avoir le sens de tête creuse (23); quant à Poncet, il a peut-étreété fait sur le verbe se poncier employé au sens de se farder (sans compter la valeur attachée aux suffixes ‘et’ et ‘-ärt”).Quoi qu'il en soit, on ne peut nier qu’il existait,parmi les noms en usage,des noms prédes-
tinés dont la farce a fait des synonymes de ‘‘bétise”. Tel est le cas de Naudin, Jenin, Gaultier (24)
Vous jouriez bien le Jaune Bec
Ou au besoing la damoiselle, Aussi doulcet qu’une pucelle.
En fait, noms patronymiques ou noms de métiers sont très rarement pour désigner les sots.
(vv 192-194)
que nous retrouvons dans nos sotties attribues aux personnages de badins (P.IIL.31
P.IIL.26 ; D XV.).
; P.IL18 ;
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- 359 -
Mais, pour se differencier du badin, les sots vont créer leur onomastique propre. Nous trouverons d’abord des diminutifs sur le terme méme de sot ’ sotin (D.VIII et D.IX), sottinet (P.III 27), sotouart (D.X). Et, à cote de ces diminutifs,toute une série de noms employés pour désigner des niais ou des fous Tel est le cas de Guippelin : C’est un guipelin Et le mal de sainct Mathelin Le tient au sommet de la teste
Ainsi l’onomastique comique est-elle une autre manière de mettre en valeur le personnage. D'ailleurs,certains de ces noms sont devenus des noms de types.
Malheureusement,le petit nom-
bre des sotties qui sont parvenues jusqu’a nous, nous empêche de nous livrer à une étude exhaustive à ce propos.
Nous pourrions néanmoins citer l'Escumeur de latin (D. VIII) dont le jargon faisait
la joie des écohers et que Rabelais n’oubliera pas en brossant le portrait de Panurge ; l’astrologue, (Ρ.ΠῚ 27
vv 196-198)
type du devin, qui apparaît, si l’on en croit la sottie du mème nom (P.1.7), dans plusieurs autres
Tel est encore le cas de Coquibus formé sur cog (25) avec le suffixe pseudo-savant ‘-ibus’ , qui a la meme valeur que Coquart employe pour désigner un niais (26) Dit Cités porte une “marote” (P.III 27) Coquillart (D ID, quoique d'origine différente, présente le mème sens qui, comme
pièces ; et surtout les prelats burlesques qui accompagnent le Prince des sots dans la sottie de Grin-
feint”, aspect qui caractérise bien le sot de la sottie, de même que le nom de Mitoufflet (P.111.27)
et surtout le Général d’Enfance qui apparaît aussi dans la Sottie des sots qui remettent en point
gore et qui,ä n’en pas douter,étaient des acteurs connus, comme
le seigneur de Pont-Alletz, ou des
chefs de troupes réelles : le Prince de Nates (33), le seigneur de Joye, le seigneur du Plat-d’Argent
le remarque Melle Η Lewicka (27), en se fondant avec l'autre valeur originelle ,aboutirait à “sot
(34), le seigneur de la Lune,
dans lequel nous voyons un synonyme de “hypocrite”, “flatteur" (ici Mitoufflet est “baveur’’) (28).
Bon Temps (D XII) et qui presente toutes les caractéristiques du fol: il a l'esprit d’un enfant :
Non contents de ces synonymes de ‘ niais”, les auteurs vont chercher d’autres termes qui traduisent expressement une idée de derangement mental C'est le sens de Triboulet (P.1IL.27)(29), Estourdi (D II) et Desgouté (D IT) Le dérangement mental se traduisant parfois par une fébrile activité physique, ou une apathie généralisée, nous ne nous étonneron s point de trouver aussi les noms de Trotte-Menu (D XII), Va-partout et Ne-te-bouge (Jeu de J. Destrées). Mais les auteurs semblent éprouver une prédilection pour des ou ‘myne’ auxquels on ajoute un adjectif
composés
le I
des niais. C'est le cas de Teste-Verte (D.III) - ce qui est vert n'est pas mûr - , Teste-légier e, ou TesteCreuse(D VIII et DIX) qui tendent à désigner des êtres incultes, des sots de nature. Avec les compo-
ses sur ‘myne’ apparait toute la différence qui separe un état reel d’un état feint Nous trouvons en effet un Socte-Myne (D XII) mais deux Fine-Myne (D III et V) ce qui laisse beaucoup à penser du Personnage et de sa valeur réelle D'ailleurs la vivacité du sot, son sens critique et sa verve malicieuse ne sont pas oubliés dans cette onomastique comique,et des noms comme Rapporte-Nouvelle (PI 28), l'Affineur (D.V), ou Rouge: Affiné (30), Descliquetout et Bec-Affillé (31) traduisent bien
cette particularité
Ainsi les noms eux-mêmes marquent-ils bien ce qui faisait la caractérist ique du sot : une folie - souvent feinte - qui est sagesse et s'exprime dans I'acuite du regard critique porté sur le mon-
de Mais la ne s'arréte pas l'onomastique comique. D'autres noms apparaissent qui apportent des
caractéristiques supplémentaires dont pouvait se targuer le galant : insouciance, goût de la vie et du luxe Tel est le cas de Croquepie (D.X) dont le nom evoque un franc buveur, ou de Mireloret
(PIII 28 et D.XIII) joyeux drille qui,insouciant, ne songe qu'à se réjouir et à jouer de bons tours (32) Pourtant, ce sont encore des noms d'oiseaux qui, dans cet emploi, ont eu le plus de succès,
peut-être parce que justement, ils évoquent chatoiement, pepiage, joie de vivre insouciante : ainsi
nous trouvons Rossignol (DIX et D X), Perroquet (D V), Verdier, Rouge-Gor ge et Jaune-bec (Pipée) Et n’oublions pas que ‘bejaune’ deviendra synonyme de ‘sot’, ‘fat’,
:
le G
Approchez Général d’Enfance
:
Appaisé serez d'ung hochet
Hon! Hon! Menmen ! Papa! Du lolo ! Au cheval fondu !
Tetet !
mais cet esprit ne l'empeche pas d’être bon buveur et porté sur les plaisirs de la chair,comme le remarquent Socte-Myne et Teste-Legiere Socte-Myne Teste-Legière
formés sur ‘teste’
Teste etant un terme vague désignant une partie du corps, sans y mettre d'expression ou de sentiment, les composés formés sur lui designeront uniformément
le seigneur de Gayecté, l'Abbe de Frevaulx, l’Abbé de Plate-Bource
Quelque part il crocque la pye. Ilest des dames poursuivant.
(Ὁ ΧΙ
vv 89-90)
D’ailleurs,tous ces seigneurs burlesques sont,comme le sot ou le galant, pauvres et insouciants. Rappelons aussi que Gaultier qui, dans la Sottie des sots escornez,est un agent double à la solde du pouvoir, est l'homme de main de Propter Quos dans la Sottie des rapporteurs. Le choix des noms qui composent cette onomastique burlesque derrière laquelle s’abrite l'élément contestataire laisse
donc présager de ce que peut être la sottie - une folie-sagesse qui réclame son droit à la libre expression selon le principe d'immunité accorde a la vraie folie Mais notre liste ne serait pas complète si nous omettions de parler des personnages traditionnels de la farce ou du monologue qui apparaissent aux cotés des sots dans nos pièces et qui d’ailleurs ne sont pas nombreux car ils ne font partie de l'élément contestataire qu’à leur corps défen-
dant (35). Citons Me Pierre Doribus dont nous avons déjà parlé, qui est le type même du charlatan et surtout
Dando Mareschal et Me Aliboron (D IX).
effet,qui se présente comme
Tous les deux sont des benéts. Le premier,en
‘domine fac totum’ (v 188),borne ses activités à “ferrer les oies” réa-
au second lisation matérielle de cette periphrase qui désigne les activités d'un sot de nature Quant traditionnelle, qui “corrige le magnificat”’, il est le type meme du sot pédant et il porte une tenue
rond, des ens'il faut en croire la Moralité de Chascun, Plusieurs, le Temps et le Monde : un bonnet un relieur, un pour prennent le qui sots des criers, des papiers en grand nombre - de la,la méprise
écrivain, un enlumineur.
Ajoutons, pour completer la liste, Malostru le coppieur et Nyvelet le lar-
deur,mais ce ne sont pas des types traditionnels
reste mainteVoila donc maintenant passée la revue des troupes contestataires ; il nous bien souvent pour sots des folie la de ons nant à dire un mot de celui qui orchestre les manifestati
- 360 en faire ressortir la quintessence ou plutot la sagesse : le meneur de jeu
- 361 -
Quant au prince lui-méme son nom varie peu : c'est le plus souvent Prince (P.I .7 ; P.I.11; D.XV) et plus rarement Roy des Sotz (P. III. 17).Remarquons qu’il n’apparait guére que dans le tiers des pièces . Ce qui n’est pas étonnant car l’organisation de la Basoche étant, nous l’avons dit, calquée
C) Le meneur de jeu
sur celle du royaume, les spectateurs étaient tentés de voir en lui le roi en personne, d’où le danger
C’est lui qui lance le “cry” qui ouvre la sottie, appelle les sots au rapport, guide la discussion, ordonne et dirige l’action lorsqu’il y en a une Selon les types de sotties ce rôle peut être confié à des personnages différents, voire à des groupes de personnages. En fait, ce rôle n’existe guère que dans les sotties-jugement et les sotties-action La plupart des sotties-parades (D.II ; D. VIII ; D.IX ; D.XIII) ou des sotties batardes que sont les sotties-farces n’en comportent pas, d'où leur caractère de jeu inorgamisé ou de jeu de groupe
d’un tel rôle dont la moindre parole pouvait ètre crimedelèse
te transposition scenique ne fait d'ailleurs aucun doute dans le Jeu du Prince des Sotz de Gringore et dans la Sottie des sotz escornez (D XV)
Il apparaît, principalement dans les sotties-jugement, sous les différents pseudonymes que peut prendre Mére Sotte ou le Prince des sots Rien d’étonnant a cela d’ailleurs si l’on veut bien se rappeler que ces pièces appartenaient, pour la plupart,au répertoire des basoches et étaient conçues en fonction de la troupe qui les jouait Or n'oublions pas que la Basoche, constituée pour
aider les clercs dans leurapprentissage
et faire d'eux des praticiens capables, était un véritable
royaume miniature dont l’organisation était calquée sur celle du Royaume, avec son Roi, son Chan-
celier, ses hauts dignitaires, sa Haute Cour de justice modelée sur le Parlement et ses cours inférieu-
res modelées sur celles des prévôts Toyaux,avec des officiers élus correspondant aux officiers royaux (36) . Rappelons encore que les dignitaires étaient élus tous les ans et que le roi avait le droit de battre monnaie. Roy des Sots et Mere Sotte étaient les titres donnés aux deux premiers dignitaires de ce royaume miniature. II était donc tout normal que,dans les pièces conçues dans et pour un tel milieu, ces personnages se voient attribuer la direction du jeu Les différents pseudonymes de Mere Sotte, meneur de jeu dans les deux tiers des pièces,
sont en fait peu nombreux : on relève lamere (P.II 13), Sotie (D.III ; DX), Mere Sotie (D.XII), grand-mère Sottie (P.II XVII), mere Folie (P.II 15) et enfin la Basoche (Ρ ΠῚ 28). Elle n’est d’ail-
leurs que le substitut du Prince auquel elle laisse la prééminence lorsqu ὮΙ est présent sur la scène. De la même mamière, lorsque le Prince délègue un envoyé spécial, Mère Sotte lui laisse prendre la direction des opérations. C'est ainsi que,dans la Sottie des sots qui remettent en point Bon Temps (D.XII), Mère Sotte est relayée dans ses pouvoirs parle Général d’Enfance qui, dès son arrivée,dé-
clare :
Il est vrai qu’alors,le Prince n’est pas un véritable me-
neur de jeu : dans la première, qui est une pièce de commande, il suit,en bon roi,les conseils de son entourage et, dans la seconde, il est isolé face à ses sujets révoltés. Souvent aussi, pour éviter de donner prise à la censure, il a un rôle d'arrière plan. rôle est peu différent de
a) meneur de jeu unique et traditionnel.
C'est ainsi que, dans la Sottie de l’Astrologue, son
celui des sots qui l'entourent.
C’est peut-être aussi la raison pour laquel-
le,dans d’autres pièces, il apparaît déguisé sous des sobriquets différents : dans la Sottie des sots fourrés de Malice (D.V), pour les besoins du jeu de mots ‘malice’ / ‘ma lice” sur lequel est construite la pièce, il devient le Cappitaine. Dans la Sottie des rapporteurs il est Propter Quos (37) et dans la Sottie des sotz gardonnez, le Principal.
Mais c’est là une pièce de collège qui nous prouve
que les écoliers, à l’image de ce qui se faisait dans les basoches, prenaient parfois un de leurs maitres pour meneur de jeu. C’est ainsi que, dans la Moralité de 1427 faicte en foulois, le rôle de meneur de jeu est dévolu au Docteur dont le Principal est un sosie : ne déclare-t-il pas dès son entrée en scène : Esse tout ? Ou sont mes suppostz ? Je cuide qu'ils ont prins campos N’auray je plus d'estudians ? (vv 5-7) Ce qui, une nouvelle fois, nous incite à penser que,lorsque la censure était trop sévère à l'égard des basochiens - et c’est l’objet même de la Sottie des sotz gardonnés que de la dénoncer - , ceux-ci cherchaient refuge parmi les troupes des écoliers de l’Université et modifiaient leur jeu en consé-
quence. Inversement, parfois, comme sous l'effet d'une ironie grinçante, le rôle de meneur de jeu, étendu à un groupe,
devient une représentation transparente du réel
Ὁ) Le rôle de meneur de jeu est confié à un groupe C'est une des caractéristiques de la sottie-revue qui s’attaque a un organe particulier du gouvernement, en l'occurrence les tribunaux d'exception réunis à l'occasion des grands jours. Le meneur de jeu devient un tribunal complet devant
lequel comparaissent les prévenus et, pour la
Pour maintenir esjouissance Que mon siege soit prépare. Ma Mere Sotte, a plaisance, Vecy le vostre tout paré (wy 143-146)
circonstance, Mere Sotte devientMére de Ville (P.III 23) :
Sus mes sotz, a mont et a val À il rien de neuf au surplus ? (vv 153-154)
ou Réformeresse (P III 25 et Farce des povres deables)
Apres quoi, 1] pose lui méme la question rituelle -
majesté aux yeux de la censure. Cet-
Les uns me nomment Mere Sote Despourveue de sens, peu abille ; Mais malgré eux et leur cohorte Sy serai ge Mere de Ville. (vv 5-8) Elle est alors toujours accompagnée d’un
huissier ou d'un sergent dont la tâche consiste a faire comparaitre les prevenus devant elle.
- 362-
- 363 -
Parfois meme,ce tribunal parodique est plus important. C’est le cas dans la Farce des
II . — Les personnages allégoriques ou l'élément mis en cause
veaulx où il se compose d’un Official assisté d’un Promoteur et d'un Receveur aidés dans leur tache par un badin qui ἃ le role du sergent
Pour résoudre le problème que pose sa finalité satirique, la sottie fait apparaître sur scène, sous forme de personnages alkgoriques, la société qui sert de cible à ses flèches, utilisant ainsi une forme d'expression qui était bien dans le gout du temps, comme en témoigne, chez des auteurs comme Gringore, la vogue de l’allegorie, du symbole et de l'énigme Ces personnages allégoriques se répartissent en deux catégories : des personnifications des différentes classes sociales ou de la société
Il est une juridiction financière chargée du contentieux
et du fisc devant laquelle les prévenus comparaissent par défaut. Cette dernière pièce est intéressante car elle presente un point limite : elle ne comporte qu’un seul rôle, celui de meneur de jeu (de là sa valeur sigmifiante)
en general,qui représentent l’elément mis en cause par la sottie - et parfois, mais rarement, l'élément plaignant qui confie ses douleurs a l'élément contestataire - , et des personnifications d’abstractions qui, en général, symbolisent la cause du dérèglement social, moyen habile pour éviter de donner pri-
c) Le rôle de meneur de jeu est confié a une allégorie signifiante C'est ce qui se produit dans la plupart des sotties-action qui empruntent aux sotties-jugement leur schéma de répartition et d'organisation des rôles : Mère Sotte laisse sa place à une allégorie, personnification de la folie qui règne sur le monde.
se à la censure
Mais dès lors,la nature même du rôle
est inversée ’ d’un meneur de jeu qui dirige la critique, on passe à un meneur de jeu dont l’action est à critiquer.
A) Les classes sociales et les “collectifs”
De ce fait, les pièces prennent une dimension nouvelle : elles permettent, dans une
Il peut arriver que la sottie s'attaque à un personnage particulier surtout lorsque celui-ci
mise en scène concrète, de s'attaquer directement aux idées mêmes. Les sots. devenus libres galants
représente un certain pouvoir et que la sottie est une pièce de commande. C'est le cas notamment
insouciants, se laissent mener - souvent a leur propre perte - par Folie. Principe de mise en scène expressif s'il en est : au lieu de dénoncer les manifestations les plus tangibles du dérèglement social et
de la sottie de Gringore dans laquelle mère Sotte est le Pape Jules Ikavec lequel Louis XII avait des
politique, on montre directement sa cause même qui en explique le mécanisme à un niveau plus
démélés :
abstrait - bien qu’il faille considérer cette abstraction comme un refus de précision ou une impuissance à s’écarter du général
Je me dis Mere Saincte Eglise ; Je vueil bien que chascun le note ; Je maulditz, anatemise, Mais soubz l’habit, pour ma devise,
Le meneur de jeu est alors Folie (Ρ 1.5), Haulte Folie (D.XVI), Plaisant Folie (la Pipée), Folle Bobance (P.1.9), Malice (P.II.16).
Pon critique ; il s’appelle alors Abuz comme dans la Sottise d'André de la Vigne. Nous atteignons évidemment là un point limite: la répartition des roles est déjà une prise de position signifiante,mais l'attaque devient anonyme ; elle se fait au niveau du raisonnement et non plus au niveau du verbe dénonciateur puisque le meneur de jeu est lui-même mis en cause et que les attaquants, ou suppôts de Mere Sotte, deviennent des victimes immolées à des fins d'exemple. Ainsi la sottie-action est-elle, dans son principe même, mieux protégée de la censure puisque l'élément contestataire s’y com-
porte en victime et non en accusateur public On comprend qu'elle ait pu survivre à la sottie-jugement
Le premier groupe des
Porte l’habit de Mere Sotte
Il peut aussi, parfois, résumer symboliquement tout ce que
personnages de nos sotties, et le plus important apparaît donc so-
lidement structuré : c'est la force contestataire - tout au moins dans les sotties-jugement - qui va se
Bien sçay qu’on dit que je radote Et que je suis fol en ma vieillesse, Mais grumeler vueil a ma poste Mon filz, le prince, en telle sorte Qu'il diminue sa noblesse. (vv 346-355)
ς
C’est d’ailleurs la seule fois que Mère Sotte se place sur un plan supérieur
au
Prince, ce qui se justi-
fie ici, d’une part, pour montrer que le spirituel prime sur le temporel, et, d'autre part, pour dénon-
cer la rebelhon de Mère Sotte contre son maître Iì peut aussi arriver que la sottie mette en scène des personnifications d’un corps de mé-
tier : dans la Farce des povres deables nous voyons comparaître au tribunal de la Réformeresse un
prètre, un praticien, une fille ‘desbauchee’, un amant vérolé, un moine. Mais de telles personnifications sont rares ; elles sont plutôt du domaine de la farce car la sottie préfère s'attaquer à une classe dans son ensemble,dans la mesure où celle-c1 représente un certain type d’oppression ou de dé
heurter a la societé, au regime et au monde dans ce qu'ils ont de critiquable, représentés par un se-
règlement social
cond groupe de personnages antagonistes qui forme le groupe des personnages mis en cause et que
te, les “sotz ecclesiastiques” (D XVI), les intendants
la sottie s’est donne pour tâche sinon de réformer du moins de dénoncer.
le ‘‘garde-nape”, le “garde-pot™ et le “garde-cul”, ou regroupera en un tableau saisissant les diffé-
Ainsi elle mettra en scene les “gens nouveaulx” qui symbolisent l’équipe régnan-
rentes classes ou forces sociales.
des plaisirs des hauts dignitaires de l'Eglise,
c'est ce que fait A. de la Vigne en nous présentant Sot- dissolu
(Eglise), sot-glorieux (Noblesse), Sot-corrompu (Justice), Sot-trompeur (Bourgeoisie marchande) et Sot-ignorant (Peuple) (38), ou l’auteur de la Farce de folle Bobance qui met en scène le “‘pre-
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- 365 -
mier fol, gentilhomme”, le “second fol, marchand” et le “tiers fol, laboureux’’. Ce ne sont pas là à proprement parler,des allégories mais plutot des personnifications transparentes individualisées, quoi-
que rangées sous l'uniforme de la folie - toutes sont des sots, ce qui, en soi, est une première dénonciation du mal Nous trouvions déja ces personnifications dans la moralité polémique qui, lorsqu’elle est
collective. Si l’on critique les actes de Chascun, on reproche surtout au Monde son dérèglement moral et mental : la plupart du temps, nous le verrons, 1l termine la pièce revêtu de la livrée de Folie. Avec ce personnage, le sottie realise son désir de satire universelle. Cependant la sottie ne se borne pas à dénoncer un état de choses régnant, elle cherche à en montrer les causes, d'où la nécessité pour elle de faire apparaître sur scène des personnifications allé-
goriques plus abstraites.
incisive et satirique, met en scéne les trois ordres,Eglise, Noblesse, Povreté ou Labeur (Le Jeu du capifol ; Eglise, Noblesse et Povreté qui font la lesive) et qui, lorsqu’elle se borne à être un cahier de doléances, limite ses personnages aux classes laborieuses, Mestier, Marchandise, le Bergier (Mestier,
Marchandise, le Berger, le Temps, les Gens ; Pou d’acquest ; le Temps qui court et Gros-
B)Les personnifications allégoriques abstraites. L'utilisation des personnifications allegoriques abstraites n’a rien qui doive nous surprendre, Comme nous l’avons déjà noté, elle correspond à une mode d'expression fort en vogue à la fin
se Despence), Plat-Pays et Peuple Pensif (Mieulx-que-devant). Il est d’ailleurs très difficile, nous
du XVe siècle et au debut du XVIe siècle
Pavons dit, de distinguer la moralité
crètes. La est peut-être la raison du succes des lourdes moralités qui cherchent à l’édifier et à le fa-
polémique de la sottie ; tout est ici question de degré, moins
dansla virulence del’attaque que dans son mode.
Il suffirait que Mestier et Marchandise soient habil-
L'homme du moyen age pense et raisonne en images con-
miliariser au monde des idées en donnant à celui-ci la réalité concrète de personnages dramatiques.
lés en sots - et peut-être l’étaient-ils - pour que tout le monde accepte de ranger cette moralité au
Ce mode de pensée passe tout naturellement dans la communication, dans le dialogue. C’est ainsi
nombre des sotties. D’ailleurs,l’un des personnages allégoriques de la moralité, le plaignant par ex-
que, dans la Satyrede Roger de Collerye (P_II.18), Peuple François déclare :
cellence, le peuple, qui s’appelle le plus souvent Commun, apparaît sous les mêmes traits dans la sottie sous les noms de Sotte-commune (P.IL 1 ) Peuple François (P.II.18), ou la Chose Publique (D V) qui représente le royaume en tant que peuple : Vela comment mauvais gouvernemt A fait et fait de la Chose Publique
(vv 213-214)
Mais, autant que contestataire dans l'instant et engagée politiquement, la sottie se veut universelle et moralisante,et elle a souvent tendance à généraliser ses attaques et à s’en prendre au monde dans son
ensemble, a un monde duquel les galants ou les sots se sont dégagés pour mieux jeter sur
lu un oeil critique. C’est ainsi qu’elle met en scène des personnages allégoriques qui représentent une totalité et portent des noms qui sont des distributifs à valeur collective : les Gens (Mestier, Marchandise, le Bergier, le Temps, les Gens), Tout estant (D XIII), Chascun (D III) : Teste-creuse Chascun Teste-creuse Fine-myne Teste-creuse
: : :
-
Comment est vostre nom ? : Chascun ! Dea !
: :
Chascun
le Monde), allegorie qui évoque une totalité maximale
paraître concrètement les causes du mal qu’elle dénonçait. C’est ainsi que, dans la cinquante neuvième pièce du Recueil de Londres apparaissent Pou d’Acquest et Grosse Despence et,dans la quarante-septième piece du Recueil Cohen, Faulte-d'argent. Dans le même ordre d'idée, les conseillers
de Mère Sotte-Jules II sont Sotte-Occasion et Sotte-Fiance.
pe” les galants, Folle Bobance (P.I 9), Malice (P II 16). Ainsi est dénoncé concrètement le déréglemen qui règne sur le monde et qui,parfois,prend le visage plus précis de Abuz (P.II. 10). Parfois Folie n’est vue que dans l’une de ses manifestations particulières : c'est ainsi que naît le personnage d’Asnerye (Science et Asnerye). Mais il est aussi un autre personnage qui apparait dans le meme role de responsable, lors-
; Chascun, Plusieurs, le temps,
; ce n'est plus le peuple qui est mis en scène,
mais la socièté dans son ensemble,sans distinction de classe ou de fonction.
(vv 17-20)
Ainsi était-il naturel que la sottie utilisât dramatiquement un tel mode d'expression pour faire ap-
autre que Folie sous ses différents visages : Folie (P 1.5), Haulte Folie (D.XVI), Plaisant Folie qui “piy
Dieu gard, enfans ; qui estes vous ? Le Temps-qui-court Et les galants ? On nous appelle plusieurs gens
10 ;P I1 17 ; P HI 20 ; Moralité de 1427
Peuple françois se faict ouyr Je l’entens bien a sa parolle, D'autant qu'il veult Soucy fouyr Et Chagrin en terre enfouyr
Ce choix pour un tel rôle est d'autant plus signifiant que le personnage qui dirige alors les galants n’es
C'est ung grant commun. Chascun se sont beaucoup de gens ! (vv 72-74)
Mais le personnage le plus frequemment mis en scéne dans la sottie est sans conteste le Monde (P.12 ;P14;P.II
(vv 17-18)
Mais, très rapidement, la vocation même de la sottie l'amène à donner plus d'importance à
que être sans exception que s'en prend la sottie : Chascun et Plusieurs apparaissent alors côte-à-côte : : ᾿
:
ces personnifications allegoriques qui, dans la sottie-action, tiennent jusqu’au rôle de meneur de jeu.
Parfois meme,le personnage est redoublé,comme pour rendre plus sensible cette idée que c’est à chaLe Monde le Temps le Monde Cet P
et Joyeusete remarque
Or Prudence et Subtil Moyen Ont bien joué leur personnaige.
EtleMonde
a ceci de
particulier qui le differencie de Chascun ou de Plusieurs, qu’il représente une conscience morale
que la sottie se veut à la fois plus localisée, plus concrète et plus vague dans la portée de ses attaques (39) : c’est le Temps-qui-court (Mestier, Marchandise, le Berger, le Temps, les Gens ; Pou d’Acquest ; Chascun, Plusieurs, le Temps, le Monde)
Avec un tel personnage, la nature même de l’homme n'est
pas mise en cause car 1] subit, contre son gre, avec une résignation qui est détachement, un destin pasSager qui ne lui enlève pas son optimisme en l'avenir. Alors que la mise en scène de Folie, qui impli-
- 366 -
- 367 Pour plus de facilité dans l’exposé,appelons groupe I le groupe des personnages contesta-
que une adéquation - volontaire ou inconsciente - du Monde au Temps-qui-court, traduit un certain
taires, groupe I M le même groupe lorsqu'il comporte un meneur de jeu, groupe 2 celui des allégo-
pessimisme en l’avenir dans la mesure ou c’est la nature même de l’homme qui est mise en cause. Ce-
ries sociales et groupe 3 celui des personnifications abstraites
ci est tres sensible dans une pièce comme la Moralité de Chascun, Plusieurs, le Temps, le Monde, pièce dont la matière aurait pu être traitée par un auteur plus pessimiste sous le titre de “deux galants
petites variantes. En effet, si la sottie-parade simple ou technique, comme les Sotz nouveaux, farcez»
et Folie”
couvez (P.II.13) ou la Sottie de Trotte-Menu et Mire-Loret (D.XIIL),ne met en scène que le groupe I,
Cet optimisme fondamental se marque d'ailleurs dans le fait que le même personnage peut
la sottie-parade développee, comme
étre vu sous un angle different : au lieu de présenter le Temps-qui-court responsable des malheurs présents,on fait apparaitre celui que l’on regrette et dont on réclame le retour, le temps passé,qui s’appelle alors Bon Temps (Jeu de J. Destrées;
C 47 ; PIL18
; D XII ; PII 15) ou Mieulx-que-devant, Joyeu-
seté (P II 18), ou Sancté (P.I 6), synonymes qui marquent bien que l’on ne met pas en doute le retour à un monde meilleur après une époque passagère de troubles et de malheurs. Il est d’ailleurs curieux de constater que beaucoup des pièces qui mettent en scène Bon Temps,sont des actions de grâces anticipées qui ont presque valeur de rite magique destiné à forcer l'apparition de celui que l’on cherche ἃ envoûter
Attitude d’un peuple superstitieux jusque dans son expression dramatique ; mais n’ou-
blions pas qu’en ses origines,le théatre etait cérémonie religieuse et mystique ; expression dramatique et rites se confondaient
E
les Coppieurs et les lardeurs (D VIII) ou la Sottie des sotz qui
corrigent le Magnificat, et la sottie-farce (PIII. 26 ; P II] 31) ajoutent à ce groupe I des types externes à la sottie qui sont des types de farce,comme le badin ou Me Aliboron. Quant à la sottie-rébus, comme la Sottie des Béguins, fondee sur une mise en valeur signifiante de l’accessoire, elle utilise le groupe IM. Ces sotties reposent donc principalement sur la nature même du rôle du sot - ou du badin - qui présente un des états de la folie. Les sotties-jugement, elles, se caractérisent dans l’ensemble par une mise en scène qui oppose le groupe IM a des personnages du groupe 2. Ce sont donc des pièces ancrées au réel, des pièces de combat qui s'appuient sur une structure signifiante et dans lesquelles la satire est exprimée. Quelques unes, comme la Sottie des sotz triumphants (D-III) mettent en scène la totalité des groupes I M + 2 + 3, mais c’est là un cas assez rare. En fait, ces sotties se caractérisent surtout par leur
Non contente de matérialiser le responsable des troubles sous une forme ou une autre, la sottie peut aussi présenter de la meme manière le remède. Dans la seconde pièce du
Recueil Picot,
Ordre vient au secours de Monde attaqué par les trois galants. Reconnaissons toutefois que de tels exemples sont rares
On s'aperçoit alors que les sotties-
parades, les sotties-farces et les sotties-rebus n’utlisent que le groupe I avec cependant quelques
Le rôle de la sottie est de dénoncer. Aussi, le plus souvent, se contente-t-elle de
suggérer le remède sans le montrer aussi explicitement. Pour l'homme médiéval, le remède n’est pas
dans le futur,mais dans une mire réflexion sur le présent qui conduit à éviter que les causes du mal ne se renouvellent
groupe de base qui est le groupe I M se composant de sots contestataires dirigés dans leurs ébats par un prince qui est la représentation de la folie-sagesse. Dès que l’on se borne à associer le groupe I aux autres groupes, on verse dans la sottieaction. La transition s’opére dans les quelques pièces qui opposent le groupe I au
groupe 2 ,
comme le Moral de Tout le Monde, ou, mieux encore, les Gens nouveaulx. Mais, plus souvent, la sottie-action prefére opposer le groupe I à un des personnages du groupe 3, comme la Folie des gorriers. Nous avons alors des pieces beaucoup plus abstraites, d’une portée morale plus profonde et qui transmettent leur enseignement et leur satire par cette illustration concrète qu'est l’action (sous l’emprise de Folie, les personnages du groupe I agissent plus qu'ils ne parlent). Or, ce qui est capital, c’est que tres vite, on constate dans ce type de pièces un double glissement dans la fonction dra matique des roles.
IIL — Groupements de personnages et nature des pièces.
En effet,le personnage appartenant au groupe 3 se voit attribuer le rôle de meneur
de jeu ; dés lors, on conçoit mieux que l’on s'oriente dans ces pièces vers une satire visuelle. Compte Ainsi que nous venons de le voir, les personnages de la sottie peuvent se répartir en trois
tenu de ce fait, la fonction dramatique des personnages du groupe I n’est plus essentielle. Aussi vont-
groupes : le groupe des contestataires,le plus souvent sous l'autorité du meneur de jeu, le groupe des
ils peu à peu changer de caractère et se fondre aux personnages du groupe 2. Ce transfert est très sen-
allégones sociales ou groupe des personnages incriminés et enfin le groupe des personnifications al-
sible par exemple dans la Farce de Folle Bobance (P 19) ou la Sottie des sotz ecclesiastiques (D.XVI)
légoriques abstraites qui représentent les véritables causes du mal. Mais nous l'avons dit, toutes les sotties ne mettent pas en scène la totalité de ces personnages. Aussi pouvons nous
nous demander
si le choix des groupes mis en scène - qui implique certains types de conflits - ainsi que la fonction dramatique impartie a chaque groupe choisi,ne pourraient pas être considérés d'abord comme un critère de genre et,ensuite,comme un critère de classification des sotties entre les différents types que présente le genre.
ou la Sottise d'A
de la Vigne (P.II 10) : le sot contestataire devient un sot-dissolu, un sot-ecclésiasti-
que ou un fol-gentilhomme
; d'extérieur a la sociéte qu'il etait, 11 devient membre de cette société et,
Par suite, en reçoit tous les maux et plus particulièrementla folie-déraison, Ainsi se justifie, d’une autre manière, le changement de nom du sot qui devient un galant. Par conséquent, la sottie-action en vient donc peu à peu a se caracteriser comme une piece dont la mise en scène oppose le groupe 2 au groupe 3. Il y a à la fois recherche d'abstraction plus poussée et, paradoxalement,effort de concréti-
sation par le jeu scénique plus grand. Mais n'est-ce pas là le propre d'une pièce didactique ? On com-
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prend mieux,de ce fait,qu'il soit si difficile de distinguer la moralité polémique de la sottie-action : la Moralite de Chascun, Plusieurs, le Temps, le Monde qui oppose des personnages du groupe 2 à un représentant du groupe 3 est-elle une moralite ou une sottie-action ? Pour notre part, nous pencherions vers la seconde hypothèse car,en la matiére,tout n'est que nuance et, nous l’avons montré, Chascun et Plusieurs sont des galants, personnages types de la sottie. laisee a definir mais nous pourrions avancer que la sottie action personnages du groupe 2 plus important que
Evidemment
la limite est ma-
se caractérise par un nombre de
ceux du groupe 3 et la moralité par l'inverse et un
nombre total de personnages plus grand En bref, pour nous résumer, nous pourrions repondre a la question que nous avions posée plus haut de la manière suivante . utilisation du groupe I dans la sottie-parade ou la sottie-farce ; utilisation des groupes I M et 2 dans la sottie-jugement
; utilisation des groupes 2 et 3 (ou mieux
CHAPITRE
2 +3 Mdans la sottie-action
Conclusion.
MISE EN SCENE
Ainsi,
SIGNIFIANTE
et ART
III
DRAMATIQUE
ORIGINAL
parvenus au terme de cette etude, nous pouvons affirmer que la sottie se caracté-
rise, non comme on l’a longtemps prétendu par la présence d’un sot, position qu’il faudrait nuancer, mais par celle de personnages appartenant à trois groupes antagonistes qui se définissent par une fonction dramatique spécifique
Alors que la farce met en scène des types, la sottie nous pré-
sente des personnages qui symbolisent un etat d'esprit et une pensée. Bien entendu, leur degré de transparence est variable et l'évocation qu’implique leur vision,plus ou moins précise ; mais,en dehors de cela,le personnage de farce se determine par ce qu’il fait, celui de la sottie par ce qu’il est. De plus,les personnages de farce sont une fin, ceux de la sotue un moyen. Evidemment,|les vicissitudes qu’a connues le genre,ont pu modifier ces personnages pour les rapprocher de ceux de la farce,comme dans la sottie-parade ou la sottie-farce,mais cela ne doit pas nous cacher leur principe gé-
nerateur Rappelons encore que le choix des personnages est fonction du type des sotties et,par conséquent,du milieu auquel appartenait la troupe et de son répertoire ; ainsi Mére Sotte n’appa rait jamais dans les sotties-action
C’est ainsi que se manifestent, à travers un théâtre de tendances,
les deux pôles de esprit bourgeois:d’une part, l'esprit objectif et orienté vers le réel des milieux junstes et, d’autre part, l'esprit plus abstrait et plus moralisant
des écoliers
Qui voudrait présenter en quelques mots le genre de la sottie,serait
tenté de lui appliquer
la définition que Charles Estienne donnait, au milieu du XVIIe siècle, d’un genre qui, deux siècles plus tôt, avait rencontré une grande popularite , l'Emblème : “L’Emblesme est proprement un Symbole doux et moral, qui consiste en la peinture et aux parolles par lequel on déclare quelque grave sentence . . . Le principal but de l’Emblesme est d'enseigner en touchant
nostre veue par les figures,
et en frappant nostre esprit par leurs sens : il faut donc quelles soyent un peu couvertes, subtiles, 1oyeuses et significatives. Que si les Peintures en sont trop communes, il faut quelles monstrent un sens cache, si elles sont un peu obscures il faut quelles soyent Analogiques ou correspondantes.” (1) C'est bien en effet comme une sorte d'embléme vivant, d’embléme dramatique (2) que nous apparait la sottie, pièce militante qui cherche à transmettre son message moral et satirique au niveau le plus directement perceptible, le niveau visuel, par une mise en scène signifiante, caractéristique du genre, qui s'exprime à travers l'organisation du décor, le costume des personnages, les accessoires et la conduite des acteurs.
Toujours est-1l que, si l’on pense encore que les personnages sont insuffisants pour définir un genre comme la sottie, on ne peut nier qu’ils impliquent une conception dramatique particuhère qui se traduit au premier niveau par une mise en scène signifiante qui, elle, est une des caracténstiques essentielles du genre
I - La scene et le décor Notre tache est ici rendue difficile par l'absence de documents et la rareté des indications sceniques que comportent nos sotties. Neanmoins,une lecture approfondie nous incite a penser qu'il existait un rapport entre la structure même des pièces et le heu théatral dans lequel elles étaient jouées. Autant que l’on puisse en juger, les sotties-parades et les sotties-farces utilisaient une scène
rudimentaire. Pour les plus simples des sotties-parades, celles qui, le plus souvent,se composaient
On est d’ailleurs moins étonné des propos de Sotinet lorsque l’on sait que des fenêtres
d’un dialogue et de pitreries,comme la Sottie de Estourdi, Coquillart et Desgouté (D-II), la Sottie
sur la salle. En effetau début de la Sottie des sotz triumphants, c'est à une fenêtre qu’apparaissent
de Trotte-Menu et Mire-Loret (D XIII), ou même la Sottie de Me Pierre Doribus (Ὁ. ΧΙ), une sim-
Teste-Verte et Fine-Myne qui déclarent en parlant de Sottie Je l'ay veue par la fenestre
ple estrade nue suffisait, les acteurs étant tous en scène du début à la fin, engagés dans une action qui ne nécessitait aucune “sortie”
A la limite meme, le jeu pouvait se dérouler à même le sol dans
une aire circulaire laissée libre par les spectateurs
C'est là une forme rudimentaire et primitive de
“theatre en rond” qui, s'il l’on en croit le fontispice d'un manuscrit de Térence (Paris B.N,yms.lat. Avec les sotties-parades plus complexes,comme la Sottie des Coppieurs et des Lardeurs
ques annotations sceniques ‘ “Socte-myne, premier sot, commence, estant a une fenestre” (vv 1-2) “Teste-Ligiere a une aultre fenestre’’, “Bon Temps estant a une fenestre ” (v 206), “Tout estant a
l'action suppose des “sorties” de la part des acteurs, l’estrade rudimentaire devait se compléter d'un rideau servant de coulisses,qui pouvait être utilisé pour provoquer la fiction d’un changement La scène ressemblait alors à celle que nous montre le frontispice du manuscrit
Socte-Myne : Descendre nous fault Teste-Ligiere : Ainsi soit . (v 31) C'est ce que Sottie demande aussi a Bon Temps Bon Temps mon mignon doulx et tendre Il te plaise descendre a bas (vv 235-236)
126 de la
bibliothèque municipale de Cambrai (fig 1). Scène qui pouvait être adossée à un mur mais qui était
Et dans la Sottie des rapporteurs (D.IV) les sots déclarent à Propter
le plus souvent montée sur une rangée de tonneaux,au milieu d’une place,et entourée par le public.
C'est tout au moins ce que l’on peut déduire des paroles du badin de la Sottie des sobres sotz qui s’écrie en regardant le public
le II le I
‘ ‘
scène ? Il semble assez réduit car nous n’avons relevé qu’une fois une mention de table (D IV. v 80),
(vv 104-108)
en dehors des allusions à un siège qui occupe en général le centre de la scène et est destiné au Prince ou à Mere Sotte Pour maintenir esjouissance Que mon siège soit préparé Ma Mere Socte a plaisance
parades étaient présentées comme intermèdes entre deux pièces plus importantes d’un même spec-
Tout d’abord,il semble qu’elle se déroule en salle.
C’est ce que laisse supposer la question de Propter Quos à Gaultier : Mes sotz sont ilz point en la salle ? Sa Gaultier va les moy hucher. (D.IV,
vv 35-36)
Cette salle comporte une ou plusieurs portes près desquelles se déroule l’action : pour entrer en scène, Chascun frappe à l’une de ces portes (D,III.
v 94)
et,dans la Sottie du Roy des sotz, Sotinet s’exclame :
:
Sotinet
:
de la requête du Géneral d’Enfance : ““Adonc monte le genéral sur l’eschaffault ‘. Salle close sur laquelle donnent, côte acteurs, une - ou deux-porte et des fenêtres constituant une galerië,et comportant une estrade sur laquelle se trouve un siège; tel est le lieu scénique simple qui semble etre celui des sotties-jugement et que, grâce a ces eléments,on peut facilement reconstituer (Fig 10)
Or,un tel lieu ne manque pas d'etonner, Les elements qui le composent ressemblent
etrangement a ceux que l'on peut voir sur toutes les gravures représentant des tribunaux ou des instances juridiques (Fig 4,7,8,9 et 9 bis) et à partir desquelles on peut imaginer la salle de tribunal type,
Sang bieu, ouvrez moy vostre porte.
le Roy
(D XIII vv 143-146)
Précisons que ce siège doit étre placé sur une estrade,comme le laisse à penser l’annotation qui précè-
La sottie-jugement, elle, si l’on en croit les quelques anotations scéniques qu’elle nous
*
Vecy le vostre tout paré
Rien ne prouve d’ailleurs que ce diver-
tissement servant d'intermède n'ait pas été joué parmi les spectateurs.
Sotinet
(vv 75-76)
Il semble d’ailleurs que ces fenetres multiples constituent une galerie donnant sur la salle et située au
usage jusqu'au XVIIe siècle parmi les farceurs du Pont-Neuf (fig 2) (3). Bien entendu,lorsque ces
transmet, présente une scène plus complexe
Quos qui les appelle :
Quels renseignements nous donnent maintenant nos pièces sur le mobilier disposé sur la
D'ailleurs,si l'on en croit les nombreuses gravures qui nous sont restées, ce type de scène restera en
tacle, elles utilisaient la scène dont elles pouvaient disposer.
Nous ne scavons par ou descendre On nous a mis a faire guet
dessus de la scène ou sur le coté.(4)
Par la benoyte Madalaine Y sont tous de la grand frarye Des scieurs d’ays. Saincte Marye Que j'en voys devant moy deboult
Deca, dela, en bas, partout.
gagner la scène, les sots doivent
descendre :
(D. VIII), et les sotties-farces,comme les Cris de Paris (P III 24) ou les Sobres sotz (P.IIL.21) dont
de lieu.
(ν 22)
Entrée en scène similaire dans la Sottie des sotz qui remettent en point Bon Temps qui offre quel-
une fenestre” (v 214). Or ces fenétres sont en altitude puisque, pour
664) était déjà pratiquée par les jongleurs et les mimes.
donnent
Mais cela doit-1l nous surprendre quand
Regardez, regardez, seigneur ! Au dessus de cest huys.
on sait que la plupart de nos sotties essaient de recréer une at-
mosphère de tribunal ? Presque toujours, comme pour mieux mettre en valeur l’analogie, le meneur
Je voy ung fol a ce pertuis. Ou?Ou?
Je n’en sçavrois veoir que la teste
avec son trône surelevé, ses entrées latérales et ses galeries supérieures destinées a l’assistance (fig. 11).
de jeu, Prince ou Mere Sotte,commence par annoncer qu’il va tenir sa Cour Le Roy
(vv 165-168)
᾿
Je suis des sots seigneur et roy ; Pourtant je vueil par bon arroy Maintenant cy ma court tenir Et tous mes sotz faire venir Pour me faire la reverence. (PIIL27.
:
vv 1-5)
.372le II
-373-
Et doit point le prince des sotz Assister cy en ses jours gras ?
le I
:
N'ayez peur, il n’y fauldra pas. Mais appeler fault le grant cours Tous les seigneurs et les prélatz Pour deliberer en son cas, Car il veult tenir ses grans jours.
breuses salles de théatre de la fin du XVe jusqu’au XVIIe siècle (tout au moins telles que nous les représentent de nombreuses
illustrations - fig 12, 14, 15, 17) tant en France qu’à l’étranger,pré-
sentent cette meme architecture du lieu scénique qui, répétons-le, n’est pas sans rappeler celle des tnbunaux - galerie supérieure sur laquelle donnent des portes ou des fenétres et, au niveau de la (P.IL.11.
vv 52-58)
De là à penser que certaines de nos sotties ont pu être représentées dans les salles mêmes du tribunal, à l'instar de la féte des Fous, qui, à l'origine se déroulait dans leglise, il n’y a qu’un pas. (5). D'autant plus que, rappelons-le encore, ces sotties-jugement sont nées dans le milieu des basoches et ont été
scène nue, un trône entouré de deux portes-et ceci même dans le cas où ce décor ne se justifie pas par le style des pièces alors en vogue. Bien qu'il soit difficile et hasardeux d'établir avec certitude une filiation, on reste trouble par l’analoge Decor plus simple, sans galene, mais recréant une atmosphère de tribunal d’exception
jouées par des clercs de loi qui n'avaient pas de meilleur entrainement à leur futur métier que les
(fig 5) dans les sotties-jugement comme
causes grasses célèbres à Paris au milieu du XVe siècle. Or, ces exercices facétieux ont pu se dérouler
ou la Mere de Ville, C’est ce que laisse entendre cette derniere dans les plaintes qu’elle adresse
eux aussi à l'intérieur des tribunaux car, comme le remarque H.G. Harvey, “the humour in these
à son sergent :
mock trials arose from the incongruity of setting into motion all the elaborate processes or Justi-
Tu congnoys que j’ey tant de peine Pour tenir justice royalle, Et tu me mais en intervalle De tous ceulx queje t'ay nommés,
ce, all the learning of judges and avocates, for a trivial and ridiculous cause”. (p 22). Quoi qu’il en soit, l’analogie du décor de nos sotties-jugement avec l'architecture et le mobilier des tribunaux est trop flagrante pour étre le jeu du hasard
D'ailleurs, meme la place du public nous incite à ce
Quant à la Reformeresse, elle ordonne
dans la Sottie des sotz triumphants, à Sottie qui leur demande où se trouvent les sots de la ville, ses suppôts répondent en fixant vraisemblablement le public Fine
Teste
;
Era
Ou?
(vv 40-43)
:
Y fault publier a plein son Les estats qu’i nous viennent vouer.
rapprochement. Si nous examinons les gravures représentant des scènes de tribunal, nous nous apercevons que le public est partout, sur les cotés, devant, dans des galeries supérieures (fig 4,7,8,9). Or,
la Reformeresse, les Povres deables, la Farce des veaulx
(vv 53-54)
Même atmosphère dans les Povres deables ou le sergent déclare aux “mal espargneurs de Rouen”
:
Je vous sommes que vous venez
:
Aporter a l'eure presente
Vostre disme et vostre rente
Hault et bas...
A Proserpine la déesse D'enfer, d Astarot la metresse Elle tient aujourduy ses jours haulx. Comparez y sans nus de defaulx Sur paine d'estre en forfaicture,
Fine Del... Teste ’ De tous costez (vv 50-51) Rappelons aussi que certaines salles de tribunal comportaient une galerie supérieure, sorte de balcon au fond et sur les côtés de la salle - architecture voisine de celle de nos tribunaux actuels- qui pouvait être occupée par le public venu assisterau jugement. Il est, d’ailleurs, possible qu’occupant la salle pour une de leurs représentations, les sots se soient parfois, avant leur entrée en scène, mêlés au public des
C’est donc là une sorte de tribunal administratif chargé du contrôle des officiers royaux, si l’on en croit les paroles du prêtre qui est le premier à comparaître : Monssieur vous nous avez mandé,
galeries supérieures afin de mieux provoquer sa participation. Mais nous reviendrons sur ce point.
Sommé et Que nous Comptes, De ce que
Reconnaissons toutefois que, compte tenu de leur contenu, toutes les sotties n’on pu être jouées dans l’enceinte des tribunaux. Mais il est vraisemblable qu’alors, on essayait de construire une scène qui les rappelait, ce décor réaliste et expressif étant nécessaire pour que le public puisse com-
par vous faict les cris aportons les escrips quictances et descharges nous avons les charges
Quant à la Farce des veaulx qui met en scène le Revepveur,!’Official et le Procureur, on ne peut en
prendre la véritable portée de la pièce. Il était toujours possible d'organiser, dans une salle, une scène
imaginer de meilleure illustration qu'une gravure sur bois représentant l’assemblée de la Prévôté des
avec galeries supérieures, portes, fenetres : il suffisait de placer l’estrade devant la porte et de rajou-
marchands de Paris (fig 6)
ter une galerie supérieure devant les fenêtres, ces éléments ayant alors valeur de symbole. On pouvait
Qu'en est-il maintenant des sotties-action ? Les pièces ne comportent pas - ou peu - d’indi-
aussi se contenter d’un décor réduit, mais tout aussi symbolique, un “eschafaut” surmonté d’une ga-
cations relatives au decor et l’on est contraint d'essayer de le reconstituer à travers l’action. La plu-
lerie supérieure, ou parfois même, donner la représentation à même
part d’entre elles pouvaient utiliser une scène très simple, réduite à un échaffaud et à une coulisse
le sol dans un décor hâtif mais
comportant néanmoins une galerie supérieure et deux portes encadrant l’espace central, où, en prin-
permettant l'entrée et la sortie des personnages car,le plus souvent, toute l’action est centrée au-
cipe, etait placée la chaire de Mère Sotte, déco: tel que celui que reconstitue R. Southern pour la
tour d'un accessoire ou d'un déguisement signifiant. Neanmoins,quelques-unes supposent un décor
représentation d'un interlude (fig 13).
particulier. C’est le cas notamment des Gens nouveaulx qui devait se dérouler dans un décor fait de
Ajoutons enfin qu'il est troublant de constater que de nom-
-374-
= 375 -
mansions
juxtaposées, en l’occurrence l’hôtel de Mal et l’hôtel de Pis - simples portes surmontées d’un écriteau, comme nous le laisse imaginer une illustration pour l’Andrienne (fig 3) - où les galants conduisent successivement le Monde (6). Quant à la Sottise d’A. de la Vigne, elle se déroulait vraisemblablement devant un décor de fond symbolisant un jardin planté d’arbres verts (vv 38 et 44)
et portant chacun un écriteau puisque Abuz, lorsqu'il va les secouer pour en faire tomber ses suppots, les appelle “arbre de Dissolution” (v 120), “arbre de Corruption” (v 163), “arbre de Tromperie” (v 196), “arbre d’Ignorance” (v 216) “arbre de Folye”.C’est sans doute devant ce décor que les sots construisaient pierre à pierre les colonnes du nouveau monde. Nous retrouvons là un principe d’organisation du décor qui rappelle celui des mystères et surtout des moralités qui utilisaient
des mansions juxtaposées, comme la Moralité du nouveau monde dont le décor de fond - peut-être un arc de cercle - devait comporter 8 niches surmontées d’un écriteau portant le nom de leurs occupants : Bénéfice-Grant et Bénéfice-Petit, Election et Nomination, Pragmatique, Université, le Pape, le Prince, Légat et l’Ambitieux (7). De mème, le decor de la Moralité de Povre Commun en comporter trois, le camp des défenseurs de Povre Commun
devait
(Pouvoir Papal et Envoy du Consille)
et le camp des alliés (Parens, Amys, Afin) disposés de part et d’autre de la mansion de Justice. Cette
le Poste Printemps arrive à cheval et fend la foule pour s'approcher de Mère Folie (vv 26-29) et les sots que cette dernière appelle,sortent d'entre les spectateurs : Anthoine, estant parmi la troupe : P Tendez les eschelles Mere, et nous vous irons voir
qui se deroule sous ses yeux
II — Les costumes
A la difference de la farce dont les personnages sont ancrés dans le réel et appartiennent au quotidien, la sottie ne nous présente que des personnages anonymes ou imaginaires, sots et allégories, qui lui conférent son cachet particulier
identité d’organisation du décor entre la sottie-action et la moralité n’est pas pour nous étonner car nous avons vu que, l’une comme l’autre, mettent en scène des allegories et se situent en général à un niveau d’abstraction supérieur qui implique un mode d’expression particulier. Mais, dans la plupart
costume symbolique.
des sotties-action, le décor scénique est réduit à sa Ρ plus simple expression car l’action est rendue siΡ gnifiante surtout par le costume des personnages, les accessoires ou la conduite des acteurs. Le décor
A) Le costume des sots.
est ici secondaire. L’organisation du décor de scéne pourrait donc étre un nouveau critére de classement des sotties entre les différents types qu’offre le genre (8). Mais, si nos différents types de sotties se distinguent par leur mise en scéne, tous se rejoignent dans les rapports que celle-ci implique vis à vis du public. Même dans la salle close du tribunal - qui crée déjà une certaine intimité entre acteurs et auditeurs -, le jeu se déroule toujours au milieu du public dont on cherche à provoquer la participation soit en le mettant en cause, comme Sotinet qui, chargé par le Roy des sots de rassembler les suppôts, s’écrie en désignant l’auditoire :
le Roy Sot
: :
Veez en cy qui nous regardent. Que n’y viennent ils vistement ? Ilz sont sages. Non sont vrayement (vv 38-41) Pas tous.
soit, encore, en procédant par apartés qui lui sont manifestement destinés. C’est ainsi qu’aprés avoir endormi le Monde, Abuz soliloque : Vez la mon villain endormy. Maintenant n’aray hom qui grongne. Il me convient mectre en besoigne
Affin de cueulhir quelques fruyct
Des arbres que j’avoys construict. (vv 111 - 115) Fréquemment, on emploie aussi un autre procédé pour stimuler le public : c’est de ses rangs que sor-
tent les sots pour monter sur la scène à l'appel de Mère Sotte (9). Dans la Sottie des béguins (P.II.15),
(vv 67-68)
De la meme manière, à l'appel des sots, le Genéral d’Enfance, monté sur son cheval de bois, fend les rangs de l’assistance pour venir vers “l'eschaffaut” Ainsi le public se sent-il concerné par l’action
Aussi de tels personnages,qui se définissent par des
actes signifiants, se devaient-ils de revêtir un costume spécifique, costume traditionnel de la folie ou
La plupart des auteurs, comme B. Swain, pour expliquer ce costume, rattachent la forma-
tion des associations de sots à la fête des fous - “When the church finally suppressed the disorderly feasts,they broke out again in a new form
- In Dijon, the association presided over by Mére Folle
inherited directly the tradition of the Feast of Fools. Similar societies in Paris and Rouen, connected not with the Church but with law courts, expressed also in their carnival stunts the same mocking and irrepressible gaiety
These societies and the many others like them,continued to act out
visibly the rôles of the fool-triumphant (10). Pourtant l’enorme différence de répertoire es existe entre des troupes comme celles des basochiens, ou des Gallans-sans-soucy et les spend que joyeuses du Nord de la France, qui officiaient surtout à l'occasion du Carnaval, laisse à penSer, cette filiation n’a peut-être pas éte aussi directe que l'on veut bien le prétendre, car,comme le remay have been only ‘gosseurs’ as marque B. Swain elle-même, “while the Joyous Societies alone Durand called the Connards of Rouen, the dramatic activities of the Basoche seem to have been
satirical from the start ‘ (11). Néanmoins,elle reste persuadée qu’il existe un rapport étroit “between the feast of fools, which fostered merry-making and allowed satirical play-acting, and thé Îa-
and specialized in playlets ter lay societies which called themselves fools, wore the costume of folly, vite sur la différence de assez passant where the fool was both licentious and critical (12) ‘’ Aussi, niveau intellectuel qui separe les associations joyeuses des troupes de sots, elle cherche surtout à
trouver le lien qui les unit:‘There is nos evidence that the members of the Joyous Societies were as well educated as the members of the Bazoches must necessarily have ἀρ or that they ©were a
born breed of courageous critics ; but when Bazoche and Joyous Societies codperated, as
they did
-377-
-376in Paris, Rouen and Dijon, high spirits, independence and a critical sense combined to satirize misguided conduct from under the protection afforded bythe traditional irresponsibility of folly (13) Le seul lien qui rattache les troupes de sots à l'ancienne Fête des Fous est bien en effet
l’épitre d'Angoulevent à l’Archi-poète des pois pillés : Qu’apres dedans le char de la Ayant pour sceptre en mains Tu sois parmi Paris pourmené Vestu de jaune et vert en ton
la recherche de l'impunité traditionnellement accordée au fou D’ailleurs,les auteurs ne s’en cachent pas. Dans le Triomphe de l'Abbaye des Connards, Umbre de folie déclare : Sous umbre de faire le Fol, On entre aussitost aux maisons Qu'un aussi sage que Saint Pol Avec sa prudence et sa raison : Fols trop plus estourdis qu’oisons Et Conards sont permis tout dire Tant en ces jours qu’en rouyaisons, Sans encourir du prince l’ire
N’était-ce pas là aussi un des privilèges du fou de cour : This freedom to indulge in parody and unexpected truthtelling, and the additional freedom to be wantonly licentious without incurring blame are the two privileges of the fool[. . he privilege of free criticism is of course the more interesting. Marot, perhaps claimed it when he assumed the name of Triboulet, the royal fool, to cover his attack upon Marguerite de Navarre ” (14)
Aussi est-il tout naturel que, pour rappeler ce droit, nos sots aient symboliquement adop-
té le costume du fou que nous peint une gravure de Brueghel (fig 21) fort bien décrite par B. Swain : “They merry makers all wear bonnets with small, terrier-like ears on either side. Some of the fools
have coxcombs running down the middle of their bonnet ; Some wear hoods which terminate in
broad scalloped capes covering their shoulders, while others seem simply to have on close-fitting jerkins which continue up into a cap-like headpiéce out of which sprout the two little ears. The gowns are various also ; some resemble ordinary monkish robes, some arecut into points that hang loose below the waist, others are plain peasant coats and still others are adaptations of the long dress-like garment that was the proper habit of the idiot Bells are attached on elbows, around
ankles and knees, on hanging points of coats, and in one or two cases on the end of ears. The revelers carry baubles with heads like their own on the ends, and seem chiefly engaged in playing musical instruments and in tossing about large, soft-looking balls. The same type of bauble appears in
two other prints of carnival fools, but the ears in these pictures are much longer than in the Feast
and all terminate in bells.’’
Brueghel,cependant,ne nous donne aucun renseignement sur la couleur de ces vêtements. Mais, s’il faut en croire J. Rigollot (1 5), un proces verbal en date du 7 Janvier 1614 nous rapporte
que, pour se venger du Trésorier Général des Finances pour la Champagne, le duc de Nevers le fit
promener à travers la ville sur un âne en costume de fou ; or,cet habit “estoit faict par bandes de serge, moitié de couleur verte et l’autre de jaune ; et la où il y avoit des bandes jaunes, il y avoit des passemens verts, et sur les vertes des passemens jaunes : entre les bandes, il y avoit aussi du tafetas jaune et vert qui estoit cousu entre les dites bandes et passemens. Les bas de chausses cousus avec le haut estoient, l’un tout de serge verte et l’autre de jaune ; et un bonnet aussi moitié de jaune et
vert, avec des oreilles
... ”. J. Rigollot
s'appuie aussi sur une déclaration de Tabarin (16) et sur
troupe idiotte, une peinte marotte, doucement, accoustrement. (17)
Fort de cette double affirmation, J. Rigollot se lance ensuite dans l'explication du symbolisme des couleurs. Le jaune, couleur du safran qui, selon la médecine du temps, agissait sur les nerfs pour exciter au rire et provoquer une gaité qui pouvait conduire jusqu’à la folie, serait le symbole même de cette folie et ceci sans préjudice du fait que cette même couleur, au moyen âge, était aussi de félonie, de deshonneur, de bassesse excitant le mépris
marque
Quant au vert, couleur de l’espoir, J. Ri-
gollot rappelle qu’elle “était aussi considérée comme un emblème de ruine, d’affliction et de deshonneur”. Ainsi, pour notre auteur “la livrée de la sottie n’avait rien que méprisable.” (18). Pour notre part, nous appuyant sur l’onomastique (Teste-Verte, Jaune-bec = fous) nous ne verrions guère dans ces couleurs que le symbole de la licence accordée à la folie de nature qui est rendue plus flagrante encore par le bariolage du costume. Quoi qu'il en soit, si cette couleur a été l’apanage des fous et des bouffons de Cour, elle n’a vraisemblablement été utilisée qu’occasionnellement par les compagnies joyeuses car, comme en témoigne le guidon de la Mère Folle de Dijon, le jaune et le rouge étaient,au XVIe siècle,les couleurs des fous de Cour ; et l’ordre des fous créé en 1380 par le comte de Clèves se signalait par un costume jaune, rouge et argent avec des sonnailles et une figure de fou brodée sur le manteau, costume que devaient porter journellement les 35 seigneurs qui composaient l’ordre. (19) Mais le costume du fou ne serait pas complet si l’on omettait de lui ajouter un des attributs caractéristiques du personnage, la “‘vessie de porc bien enflée et resonnante à cause des poys qui dedans estoient” qui sera remplacée par la marotte, sorte de sceptre en bois sculpté se terminant par une tête de fou (20) et qui, au XVe siècle, à la cour des Ducs de Bourgogne, était une verge d’or. J. Lefebvre, dans sa thèse, attache une valeur symbolique à cette marotte et au bonnet du fou : “On a de fortes raisons de penser que les attributs du fol signifiaient la sphère des instincts (21)” Pour lui,la marotte est, à l’origine, un symbole phallique,et les oreilles d'âne expriment sottise et sensualité. Qu’en est-il réellement dans nos sotties et qu’ontgardé nos sots du costume traditionnel du fou ? Si l’on en croit Marot dans son Epitre à Lyon Jamet, ils ont conservé le bonnet à oreilles : Attache moy une sonnette Sur le front d’un moine crotté, Une oreille à chaque costé Du capuchon de sa caboche : Voila un sot de la Bazoche Aussi bien painct qu'il est possible. Et,de fait,nos pièces sont explicites à cet égard : les béguins n’ont qu'une oreille à leur chaperon et s’en plaignent; et Gaultier,le traître de la Sottie des sotz escornez,précise : Chascun viendra avec ses sotz et sotes. Ad ce dit jour, chascun se trouvera Avec oreilles, testiere et marotes (D.XV
νν 372-374)
- 379 -
- 378 Car nos sots, et plusieurs pièces en témoignent, semblent avoir aussi conservé, dans de nombreux
On peut d’ailleurs se demander si la perruque à laquelle il est fait ici allusion,n’est pas le fameux
cas,ce sceptre de folie qu’est la marotte. Tel est le cas de Guippelin dont Sottinet déclare :
bonnet a oreilles, car, lorsque Folie présente ces habits aux galants, ceux-ci s’écrient :
Il ressemble ung sergent a masse Alui veoir porter sa marotte. (P.III.27
vv 114115)
La réplique de l’un des sots écclésiastiques est tout aussi catégorique à cet égard :
Se ung sot qui a la teste socte
vv 69-71)
Mais, pour ce qui est du reste du costume, peu de détails. Il semble néanmoins qu’il ne comprenait qu’une robe : dans la Sottie des sotz qui remettent en point Bon Temps, c'est en ces termes que Sottie, pour intégrer Bon Temps à la troupe, lui offre une livrée de sot :
La plupart du temps,cette robe était courte et les acteurs insistent sur cet aspect de leur vêtement, Rossignol, qui, après avoir deshabillé Me Aliboron s’exclame : v 322)
De la même manière, le Monde, dans la Moralité de 1427, obligé par les “foulx” à revêtir leur livrée, remarque : Je suy par vous bien court tenu.
(ν 422)
se rapprochant ainsi du type de l’amoureux vantard ou de celui du franc-archer, était caractérisé uniquement par ces habits,devenus ceux d’un type conventionnel. Il n’avait plus ainsi besoin du chaperon, excepté peut-être dans quelques cas bien précis. Ceci s'explique car si le sot-sage des sotties-jugement avait besoin d’un capuchon immunisateur parce que, plus sage que fou, il se distinguait par la vivaciqui règne sur un monde auquel il appartient : il est fou et n’a donc plus besoin de signe distinctif pour le paraître (22). Il est vraisemblable de penser que,dans les sotties-action, seul le meneur de jeu qui tenait la place de Mère Sotte, le personnage allégorique symbolisant la folie, portait encore le fameux capuchon à oreilles. C’est le cas de Folie dans la Folie des gorriers dont on nous dit qu’elle “ostera ce qu’elle avra
sur la teste, et avra ung bonnet ou il y avra des oreilles et des cornes”. Mais
de plus, selon la technique en usage dans la moralité, elle porte son nom écrit sur sa manche, ce qu’elle signale à ses admirateurs : A mon habit et mon renom Povez bien congnoistre mon nom Lisez le : je l’ay fait escripre.
; (P.1.5
vv 164-166)
D'ailleurs, peu à peu, c’est uniquement de cette manière que se distinguera le meneur de jeu de la
Mes enfans, la robe soit ostée Et qu’i soit en son corset mys.
(D-III. vv 158-159) Ce sont là tous les maigres renseignements que nous donnent les textes. Tout au plus,peut-on déduire
d’une réplique de Sotte Folle dans la Sottise d’A. de la Vigne (vv 1403-1405) que cette robe était grise.
Ainsi,de l’ancien costume du fou, nos sots n’auraient gardé que l’élément le plus caractéris-
tique, le chaperon à oreilles, porté sur une robe grise plus ou moins longue - d’ailleurs,les béguins ne réclament que ce seul accessoire vestimentaire pour se transformer en sots et pouvoir jouer. Et le sceau même de Gringore plaiderait en ce sens. Il présente en effet Mère Sotte revêtue d’une longue robe - ce qui devait être son attribut distinctif - entourée de deux sots portant des robes plus courtes,
très simple pour l’un et fendue et décorée de festons et de glands pour l’autre ; tous les trois étant
coiffés du fameux chaperon à oreilles d’âne, accessoire symbolique qui suffit à couvrir de son immunité les acteurs qui le portent (fig 19).
Qu’en est-il maintenant de cette autre espèce de sots que sont les galants ? Nous n’avons
que peu de renseignements sur eux. Peut-être leur costume ne se différenciait-il pas de celui des sots.
Pourtant, dans quelques pièces, ceux qui ont succombé à Folie se trouvent par elle,habillés en “‘gorriers” :
sottie-action. Ainsi le capuchon 4 oreilles,réservé au fou-sage,disparait-il (23) pour laisser place aux costumes symboliques (24) qui, en général,sont l’apanage des personnages allégoriques.
B) Les costumes symboliques Les costumes symboliques servent a la fois 4 définir un personnage, le plus souvent un personnage allégorique - car la sottie apparait,en général,comme une action qui oppose un groupe de sots coiffés du capuchon à oreilles à un personnage au costume symbolique - et à transmettre une idée, Leurs éléments ne sont pas choisis en fonction d’un critère esthétique mais en fonction de leur valeur signifiante. Bien que nos sotties donnent peu de renseignements en la matière, essayons de voir comment ils se présentent. Pour rendre un costume traditionnel,symbolique ou simplement signifiant, la solution la plus simple consiste à le surcharger de signes ou d’hiéroglyphes. C’est ainsi que, nous venons de le
voir, le personnage allégorique peut porter son nom inscrit sur la manche d’une robe, sans autres particularités distinctives. C'est le cas de Folie dans la Folie des gorriers et,sans doute aussi celui
Regardez marcher mes gorriers Aux larges manches, grans souliers
Mais n’esse pas bonne sournete ?
(v 240)
rien d’autre qu’une caricature de la mode vestimentaire dansle genrede Coquüillart.Maison pourrait
Peut-être d’ailleurs,était-ce une sorte de pourpoint, ce qui expliquerait l’ordre de Sottie qui,pour habiller Chascun de sa livrée,demande à ses sots :
Parrucque d’estrange poil faicte.
Corps bieu ! Ce sont habitz de folz!
té du regard qu’il portait sur une société dont il s’excluait, le galant, lui, se révèle atteint par la folie wy 297-298)
comme
Maintenant vous estes tout courd Et tout fol aussi. (D.IX
:
aussi penser que le galant, qui se définit par sa pauvreté, son insouciance, sa recherche du plaisir,
Doit il (pas) mener terrible dueil Quant il a perdu sa marocte ? (D.XVI
Bon Temps endossez ceste robe Et ce chapperon. (D.XII
le Il
Cependant,aucune indication scénique n’est là pour appuyer cette hypothèse. Un tel costume n’est
de Sancté (P. 1.6) et de Folle Bobance (P.1.9) : dans les trois cas, les galants demandent son nom (PIS
w 410-414)
au personnage allégorique ; c’est donc qu’au premier abord rien ne le distinguait dans son costume.
- 380 -
- 381 -
L'inscription sur les arbres plantés par Abuz joue le même rôle puisque de chacun d’eux tombe
Et le bavard Mittouflet porte une bavette :
un personnage qui est ainsi determiné Dans le même ordre. d'idée,on utilise fréquemment le symbolisme des couleurs pour rendre ce costume signifiant Dans la Sottie des béguins, Mère Folie est “vestue de noir”
le Roy
:
Dans la Moralité de 1427, le Monde apparaît en armes (v 348) comme le Temps-qui-court dans porte une coiffure bizarre dont s’étonnent les sots :
(vv 3-9)
Quant au Poste Printemps,qui porte un message d'espoir de Bon Temps, comme son nom le laisse supposer, il est vêtu de vert (v 32) Dans la Farce de Mestier, Marchandise, le Berger, le Temps, les Gens, le Temps-qui-court apparaît vêtu de rouge en signe de guerre, puis de couleurs changeantes Pour marquer sa variabihté :
Parfois c’est l'etat meme du costume qui lui confére sa valeur expressive. Dans la Farce de troys galans, le Monde qu'on faict paistre et Ordre, le Monde apparait vétu de neuf et rutilant, ce dont s'étonne l'un des galants :
le G.
:
Socte-M
:
Tesi. Socte-M
: :
Je suis bien de la morte paye ; Il y pert bien a mes habits. Vray Dieu ! Comment Tout est desmis ! Tout est deffait, en piteux point ! Bon Temps qui t’a en ce point mis ? De malle fievre soit il oingt. Bon Temps tu es en povre point. Mais comment Tout est desnué ! (vv 269-276)
sion que de parler à demi-mot,et sans une immunité totale, ils sont contraints de renoncer
à leur
les aux vetements caractéristiques de la classe ou de la fonction qu'ils représentaient.
C'est ainsi que,bien souvent, l'apport d’un accessoire complémentaire confère au costume une valeur de rébus ‘ dans la Sottie du Roy des sotz, Coquibus porte une hotte
Sottinet
:
(25)
il achéve le portrait.
C’est ainsi que Dando, le pédant de la Sottie des sots qui corrigent le Magnificat
entre en scène en portant une oie dans ses bras,car sa spécialité est de “ferrer les oies”, et le Général
d'Enfance se présente juché sur un cheval de bois.
Qu’esse qu'il porte en ceste hotte ? C'est un rapporteur.
:
re, la folie de les Gens, nous l’avons vu, s'exprime par un langage inarticulé. Quant à la Chose Publique. maltraitée par un mauvais gouvernement, non seulement elle boîte, ainsi que le remarque Perroquet :
mais de plus, elle a été dépouillée de ses vêtements et on l’a obligée à revêtir une tenue que Perro-
si que ceux de la Sottise d'A de la Vigne ne se définissaient que par l’adjonction du bonnet à oreil-
Ce sont ratz
en lieu d'une testiere
Parfois cet accessoire ajoute au costume est caractéristique d’un type de personnage dont
quet
jeu. Nous avons déjà parlé de la valeur symbolique du bonnet à oreilles qu’il suffit d'ajouter au costume du personnage pour le transformer en sot Il est fort probable que les “sots ecclésiastiques” ain-
:
ASE
Mais vrayement c’est grant dommaige Qu'elle va ainsi boyteusant (vv 220-221)
re Folie leur en fournit mais ceux qu’elle leur donne n’ont qu’une oreille : n’ayant ainsi la permis-
Coquibus :
Ms
Parfois encore, c’est un acte qui joue le rôle d’accessoire signifiant ; c’est ainsi que le Temps-
Il arrive aussi que le costume soit signifiant parce qu’incomplet. Les béguins, montant sur la scène,n’ont pas de bonnets à oreilles ; sans cet accessoire, ils ne peuvent jouer. Mé-
le Roy
:
Il semble une tour d’eglise !
qui-court entre en scène en courant, réalisation concrète de la notion temporelle. De la même maniè-
(vv 110-112)
Inversement,le costume peut être déchiré et en loques. Tel est celui de Bon Temps et de Tout (D:XII ) :
le II
Qu’esse que tu as sur la teste ?
Pour montrer son hypocrisie, le personnage appelé les Gens porte un masque derrière la tête : il a,
Il me semble plus esveillé
Tout
:
Pour ce qu’il est de deux villages. Donner nous pourroit des oppresses : C’est un Gaultier de deux paroisses A mon advis en cest endroit
Semble de diverses couleurs !
Et nouvellement abillé
le ΠῚ
comme Gautier, un double visage.
: Le Temps-qui-court, le plus souvent
Qu’aultre foys.
De quoy te sert ceste baviere ? Je cuyde que tu es baveur (vv 157-158)
Mestier, Marchandise, le Berger, le Temps, les Gens. Et Gaultier, l'agent double des Sotz escornés
Enfans, je suis Mere Folie Qui, pour passer melancholie Viens vous voir vestue de noir J'ay matiere de desespoir : Je suis vefve de fort longtemps, C’est comme devez bien sçavoir De vostre bon pere Bon Temps.
Mestier
’
reconnait tout de suite : - elle porte aussi, penson, Chapperon fort a la façon De ceulx des femmes de bordeau.
(vv
287-289)
Au point limite,le costume peut être composé d’une multitude d’accessoires, ce qui en accentue la valeur symbolique. C’est ainsi que Tout-le-monde (P.III.20) lorsqu'il apparaît en scène, provoque, par son accoutrement, l'étonnement des galants : le I
:
Que l’on me confonde Sy onc en ma vie je fus Tant estonné ne sy confus De voir Tout-le-monde en ce poinct, Diferent de robe et pourpoinct De bonnet et de tous abis (vv 71-76)
En effet,il porte “l'estat de Noblesse de Marchant Labeur et l’Eglise” et il est vêtu ‘‘de blanc, gris et noir”. C'est un vêtement identique que porte le Temps dans la moralité de Chascun, Plusieurs le Temps, le Monde et dont il explique les différents accessoires à ceux qui l'entourent :
(vv 116-117)
- 382 -
- 383 -
Ce bonnet ront ? le Temps : Debvés scavoir Que sy n’y a guerre ou debas En l’eglise prens mes esbas ;
ΠῚ
— Les accessoires de l'action A la difference de la farce, la sottie utilise peu d’accessoires en dehors des costumes et
En courant les benefices
du décor de scène
Je veulx dignites & ofices ; Force pardons, bules faulceres, Ou, sy je lesse telz affaires, Par ma cornette & ma grand robe
Gras & menus partoult desrobe, Prenant mon entiere & accetz
A) L’accessoire nécessaire au déroulement de l’action.
Sus brouilerye & gros proces
Sans aller jusqu’à l’utilisation d’une garde robe aussi variée, de nombreuses pièces ont recours au port de deux costumes superposés ce qui donne lieu à l’acte signifiant du déshabillement. C’est ainsi que, dans la sottie de Gringore, Mère Sotte apparaît “habillez par dessouz en Mere Sotte
et, par dessus son habit, ainsi comme l'Eglise”. De la même manière, dans la première pièce du Recueil Cohen, le Prince des sots, quand il entre en scène, a revêtu une longue
robe par dessus sa li-
vrée ; les sots “gardonnez”’ qui se présentent au Principal, ont recouvert leurs habits de sots, de
vetements “d'ermite”, “de coquin” et “de pelerin” ; et Triboulet arrive déguisé devant le Roy des
sots qui lui ordonne : le Roy Sotinet
: :
Despouille toy tost ! Quel seigneur ! Il est tout fin fol par dessoubz !
Sa mise en scène se caractérise surtout par des déplacements symboliques et
par un certain type de dialogue. Néanmoins,on en rencontre quelques uns au fil des pièces.
Ce type d’accessoire,qui est celui des farces dans lesquelles il est déterminé par les nécessites de l’action, n'apparait guère que dans les sotties-parades ou quelques sotties-farces. Dans les autres sotties, nous le verrons, c'est l’action qui est subordonnée à l’accessoire choisi d’avance et qu’elle a pour rôle de mettre en valeur Dans la sottie-parade,ce sera le bandeau utilisé pour le jeu proposé à Trotte-Menu par Mire-Loret (D.XIII), le cercueil de Triboulet autour duquel les sots vont se lamenter (D.X), le mortier et les remèdes miracle de Me Doribus qui provoquent les questions du sot (D.XI). Dans la sottie-farce des Galants et Phlipot, ce sont les ustensiles et chaussures à réparer du savetier ou encore les armes des francs-archers qui permettent aux galants d’abuser de la crédulité de Phlipot. Quelques accessoires se glissent aussi dans les autres sotties,comme la monture du Poste
(vv 102-103)
Printemps et la missive qu’il tend à Mère Folie (P.IL. 15), mais ils sont excessivement rares. En ef-
Meme présentation de Chascun qui contrefait le grand seigneur et qui, après une algarade avec les
fet, le jeu de carte des sots ecclésiastiques (D.XVI) ou le baquet à lessive de Eglise, Noblesse et Po-
sots, se révèle comme l’un des leurs :
vrete ne sont pas,a proprement parler,des accessoires dont la nécessité est totalement déterminée
Fine-mine : Teste-ver : Sottie : Nous
Chascun est de nostre livrée. Vé le cy caché soubz la robe. Mes enfans la robe soit ostee Et qu'i soit en son corset mys.
par l’action.
Ils ont été choisis de manière préalable pour leur valeur symbolique,et l’action est
destinée a les mettre en oeuvre. Les cartes symbolisent le hasard qui préside 4 la distribution des (D.III.
wy 156-159)
pourrions ainsi multiplier les exemples mais ces quelques remarques suffisent à différencier la
sottie de la farce. Dans cette dernière, en effet, le costume n’est qu’un élément qui sert à préciser la
bénéfices et le baquet à lessive est le point de rencontre où les trois ordres vont pouvoir se critiquer mutuellement,selon l’expression bien connue de nos jours,qui est ici réalisée concrètement. Mais nous abordons là la seconde série d’accessoires
personnalité mais surtout l'appartenance sociale et la fonction dramatique du personnage. Il n’a donc qu’un rôle secondaire bien qu’il soit nécessaire à la compréhension de l’action à laquelle il est subor-
donné. Dans la sottie, au contraire, le costume est signifiant en lui même jusque dans ses moindres détails ; plus qu'a déterminer les personnages dans leur état - folie feinte, immunisatrice ou folie réelle 1] sert à les définir dans leur nature, leur fonction sociale et leurs pensées, et permet d'exprimer un message (26)
Aussi, la plupart du temps, l’action est-elle
conçue pour le mettre en valeur, l’expli-
B) L'accessoire réel utilisé à des fins symboliques Dans cette catégorie,nous pourrions rappeler tous les accessoires signifiants utilisés pour compléter les costumes
: l’oie de Dando, la hotte du “rat-porteur” . . . etc. Mais nous nous borne-
rons à citer ceux qui n'apparaissent que dans l’action et la déterminent. Ce sont,en général,des ac-
citer et l'exploiter. En ce sens la sottie, genre intellectuel s’il en est, se révéle-t-elle comme un “‘em-
cessoires de la vie quotidienne mais qui, dans le contexte de la pièce, prennent une valeur signifiante
blème” en mouvement. Nous retrouvons d’ailleurs cette même conception de l’art dramatique avec
bien souvent ils permettent de concrétiser sur le plan dramatique
les autres éléments de la mise en scène.
langue
des expressions toute faites de la
C'est ainsi que,pour arrêter le Temps-qui-court, Chascun et Plusieurs tendent un “las”; Mes-
tier et Marchandise se munissent d’un tamis, d'une “estamine”
pour ‘‘passer le temps’, mais il n’ob-
tiennent que peu de résultat,a tel point que Pou-d’acquest leur propose un nouvel accessoire :
|
E
- 384 Mestier : Pou-d’acq.
:
- 385 -
Nous en sommes tresbien et beau ; Possible n’est passer le temps. J’ay encore ung grant vieil drapeau Vous le passerez bien dedans.
: ne
son caractère de tableau allegorique dans la voie ouverte par la sottie. Rappelons les hôtels de Mal et de Pis des Gens nouveaulx, les plantations allegoriques de Abuz dans la Sottise d’A de la Vigne, Plus que des accessoires, ce sont, il est vrai, des élements du décor, mais ces éléments sont utilisés comme
Marchandise : Voicy ung droict engin nouveau ! =
Pou d’acq. Mestier
i Pou d’acq.
:
:
tels. D’ailleurs, cette dernière pièce offre un exemple caractéristique d’accessoire symbolique : ce sont
Ayde nous.
A ! J'en suis content
Or ga! Ca!
toutes les pierres appelées Ypocrisie, Ribaudise, Apostazie, Lubricité . . . que les sots utilisent pour
Qu'en despit du temps
élever les colonnes du nouveau monde.
Il n'y passe goute ne grain. : C’est l’estamine de chagrin :
Vous n’aurez pas fait de dix anx ! Quant a Folle Bobance, elle tend au sot-marchand une masse en lui déclarant : Tien cy, empoigne ceste masse Fais contre tous bancque rompue.
(P.I.9 wv 429-430) Ainsi les banqueroutes n’étaient pas chose inconnue au moyen âge ! Dans la seconde pièce du Recueil Picot, l’un des galants essaie d’aveugler le Monde et de lui faire “prendre des vessies βοὰν at
lanternes” en lui bouchant les yeux avec un “esteur blanc” et un “esteur noir” ; un autre s’approche de lui avec une poignée d’herbe pour le “faire paistre” et le troisième, muni de “boetes” magiques essaie de le transformer “en beste”. Quant à Sottin et Rossignol, ils se précipitent sur Dando
pour lui mettre “le frain aux dens” (D.IX,v 35 8) afin de l’empécher de médire sur autrui. Utilisa-
tion identique de I’accessoire lorsque Fine-Myne et Teste-Verte prennent une “trompe” pour “tromper Chascun” qui s’exclame :
Ma trompe ne vault pas deux noix Par trop tromper je suis trompé. (D.IIL
perceptibles, en les concrétisant, les notions abstraites que sont les dénonciations politiques ou morales - et cette concrétisation est souvent une démarche satirique. pièces utilisent ces accessoires symboliques imaginaires
Mais il n’empéche que quelques
C’est ainsi que,pour “‘larder’’, Nyvelet le
lardeur accroche dans le dos du personnage larde des “‘lardons’’, sorte de chiffons semblables à nos modernes “poissons d'avril” : Malostru Nyvelet
* :
Quel glorieux sot !
Malostru
:
Nyvelet
£
Malostru
:
Dieu le scet Et de lardons ? Ouy, plus de sept Aussi bien garny que de bourre Tlznecherront point pour escourre
Est-il coppié ?
Quel Jenin !
(vv 256-260)
D'ailleurs les victimes s'en aperçoivent : vv 297-298)
Dans les cas où l'accessoire n’est pas choisi parce qu’il permet de concrétiser une expres-
sion abstraite, il prend néanmoins une valeur signifiante due le plus souvent à l’une de ses caractéristiques : rappelons les cartes des sots écclésiastiques dont chacune représente un bénéfice, et le linge sale de Noblesse et Eglise dont chaque pièce symbolise un abus du pouvoir. On pourrait aussi y ajou-
Teste-creuse :
Sotin
Par le sang bieu, tu l'es ! Tenez, quelz lardons !
5
Pour certain ?
Taste, boute icy la main
munisateur habile, il faut voir les sots des différentes troupes auxquelles il est fait allusion (27). L’accessoire réel n’a donc pas,dans la farce et la sottie la même valeur. De plus,la sottie se distingue de la farce en créant de toutes pièces des accessoires symboliqu es lorsque les accessoiconcrétiser des notions abstraites.
Regerdez moy cy son imaige : Est il coppié proprement ? Vela son menton droictement Vela son nez aussi poictu ;
Vela
idée. C’est ainsi que Barthelémy Aneau dans sa Satyre françoise intitulée Lyon marchant (28),pour montrer le Pape en guerre contre les “Colomnoys” précise dans une annotation scénique : “Icy doibt estre une forte colomne dressee et un personnage qui, avec un pal de bois vieil et vermolu bat icelle colomne a grandz coups, mettant peine ἃ l’abbatre . . . ”.Au milieu du XVIe siècle, la satire accentue
(vv 396-400)
C’est une manière de procéder identique qu’utilise l’auteur de la Pippee Bruyt
Cuyder
:
:
Bruyt Cuyder
: i
Bruyt Cuyder
: ;
Bruyt
‘
C) L’accessoire symbolique imaginé. C’est sans doute ce genre d’accessoire qui rapproche le plus la sottie du genre de l’emblème. On essaie en effet, par un ensemble d’objets mis en mouvement dans un tableau,de traduire une
(vv 272-274)
Quant à Malostru le coppieur, pour “‘coppier”’, il fait un dessin de sa victime :
ter “les veaulx de disme” que le badin apporte au Promoteur sur la demande du Receveur : derriére l’animal qui, à n’en pas douter, était utilisé - et devait soulever les rires de l'assistance -, moyen im-
res réels lui font défaut pour
Notons cependant que, dans la mesure du possible, la sottie
préfére,dans le même emploi,utiliser des accessoires réels car son rôle est de rendre plus facilement
Que portes tu ?
Ce sont esbatz
Pour appeller les jeunes gens. Mais quoy ? Les fatras sont gens Pour endurer jeunes cornetes ; Mais certes tielz sornetes Ne vous duisent point je suppose Et dy que c’est ? A ! Ce n’est point chose Qui soyt digne de grant mesmoyre ; Ce sont dupetes et cuydoires Que j'apporte vendre a la Court Et comment es tu bien si lourt Que d’aporter cuideries vendre A gens de Court ! Tu dois entendre Qu'elle en est plaine et a reles.
- 386 -
- 387-
On peut donc bien pretendre que,d ans la sottie, l'accessoire scénique a un rôle spécifique Dans tous les cas où il est employé, même si cet emploi est limité, il se charge d’une valeur Lost ave et contribue à transmettre un message Par suite, comme les costumes, il détermine l’action ainSi que nous allons l’observer en étudiant la conduite des acteur s
et, lorsque Sotinet descend chercher Triboulet pour l’emmener de force, celui-ci demande secours a ses voisins : Comment souffrez vous tel injure Mes seigneurs en vostre présence ? (vv 80-81) Puis Triboulet, arrivé devant le roi qui lui demande de retirer la robe qu’il a passée sur sa livrée de sot, s’écrie : : ... . . Je n'oseroye Car je me deshonnoreroye Devant ces gens icy d'honneur.
IV. — La conduite des acteurs
F
Toute S les sotties i ne présen ; tent pas la méme è mise en scéne dynamique et n’util isent pas , mou vement aux mémes è fins. La sottie i -parade laisse une grande part aux gambades, sauts et carioles s désor dé donné
s qui i caractérisen i t le rôle Ô du sot, ou aux mouvements parodiques (les Vigill ᾿ gil es de Triboul ue et) t) ; la sottie ie-j-jugement a un Caractère ὸ plus statique que la sottie-action Mais,d’une maniére générale, et surtout dans cette + dernière catégorie, si I’ on excepte quelques rares gestes et mouveà. 3 estinés à provoquer un rire immun isateur, aucun déplacement n’est gratuit. Ainsi que le issaie nt présag é er la conception i des costumes et le choix des access oires, tout déplacement, tout ’ acte et, » àa un niveau i ᾿ d’ense mble,toute action i ont pour but de mettre ceux-ci en valeur, et par la méme » Prennent une valeur signifi ignifi ante. Toute “actio i n” est ainsi perçue simultaném ent au niveau
visuel et au niveau de l’intellect
représentant. Et le public,ainsi embrigadé à son insu parmi les “suppostz de folie”, doit se sentir concerné par les mésaventures de ce sot, partie de lui-méme, qui monte sur la scène.
réflexions, son propre comportement,et il doit se reconnaitre tout entier dans les sots qui ne sont, en quelque sorte, que ses délégués
tendre le “cry” lui-même :
Ou estez vous, tous mes folz affolez ? Sortez trestous et cy me venez voir. Et qu’esse cy ? N’oyez vous point ma voix ?
Despechez vous ; bien tost cy avollez.
(P.1.9
Mes sotz sont ilz point en la salle ? Sa Gaultier va les moy hucher (vv 29-30) Même ordre du Roy des sots à Sotinet : Je te vouldroyes ainsi prier Que tu t'en allasses partout Cercher noz sotz de bout en bout Et les faire venir icy (vv 32-35) à quoi il ajoute, en regardant le public :
Qui oncq ne me firent hommaige
Parfois,ce type de déplacement peut aussi évoquer la sévérité de
la censure : pour échapper aux effets de celle-ci, les sots ont cherché
refuge dans l’anonymat de la
foule. C’est le cas des béguins (P.II 15). Lors du déroulement de la représentation, chaque déplacement des acteurs est encore si-
tre
Quelques exemples Pris aux divers momen ts du déroulement de la pièce suffiro nt à illusnotre propos. Nous avons souvent noté ; qu’au début de la pièce, seule, Mère Sotte ou Ξ son équiae he alent,était en scéne et procédee ait a un appel de ses suppôts Or ceux-ci , pour répond re à son appel e ; montant sur la scéne, sortent du public’ parmi ; lequel ils etaient dissimulés, ainsi que le laisse en-
J ‘en voy la six ou sept ou neuf
La participation est
donc ici autre chose que l’entrée dans un jeu. Ce que le public voit sur la scène ce sont ses propres
le II le ΠῚ le I
t rer
:
En éli-
sant refuge dans le public, le sot manifeste par la qu'il appartient au groupe social dont il n’est qu’un
gnifiant. Citons,par exemple,la manière dont les trois galants attaquent le Monde pour le faire pai-
A) Les déplacements signifiants.
Propter Quos lui, demande
(vv 99-101)
Plus qu'un simple interméde comique, cette entrée en scène est un deplacement figuratif.
(vy 50-5 1)
: : :
G'iray le chemin de derriere Et moy le chemin de travers Et moy a la gauche en arriere. Pour ce qu'on veoyt trop d'ieulx ouvers, Nous irons le chemin couvers Que le soleil sy ne nous brusle (vv 60-65)
Ainsi est symbolis&l’hypocrisie des flatteurs et des gens avides qui, pour parvenir, utilisent la “voye oblicque”’, ce contre quoi s’insurge le Monde à la fin de la pièce : Vienne le grant chemin ouvert Qui veult des biens du Monde avoir.
vv 13-16)
(vv 438-439)
Dans le même ordre d’idées, nous pourrions rappeler les entrées et sorties répétées du Temps-quicourt
qui,chaque fois,est revêtu d'un costume different : c’est là concrétiser par un déplacement
expressif son instabilite. Il est aussi des déplacements qui ont une valeur dramatique. A peu près au milieu de la Folie des gorriers (vv 410-424), pendant que Folie, sur le devant de la scène, s'adresse au public
dans un rondeau (Aabba aab VA
aabba VA) en désignant les gorriers qu'elle vient de pourvoir,
ceux-ci se promènent de long en large au fond de la scène
Or,cette promenade traduit l'écoulement
du temps : dès que le dialogue reprend, les gorriers sont censes avoir vieilh d'un laps de temps important car c'est en ces termes qu'ils s'adressent à Folie :
Mais comment
Nous
avons
estez vous nommee
le temps
de nos vies
?
Fine
Voz ordonnances accomplies
Et si ne sçavons qui vous estes.
Remarquons nos pièces.
Teste
(vv 484-496)
toutefois que de tels déplacements a valeur dramatique sont excessivement rares dans
Les deplacements
ont avant
tout
une
fonction
évocatrice
sion concrète des idées morales ou satiriqu es de l’auteur, de la même des personnages (29)
; ils servent
à faciliter l’expres-
manière que le font les actes
auteurs,
la diversite
l’avons dit, hés à l'accessoire
si, leur confère sa valeur signifiante.
aussi l’endormir,comme
ou au costume
de l’esprit
qu'ils mettent
créateur
Abuz
Ouyras,
te donnant
le Principal l’ermite
et exprimee
Ainsi
la folie du monde,
des
par l'acte lui-même.
salut
la tenue de sot que
les personnages
le Ier le Prince Gayecte
Peult estre que c'est Mere Sotte Qui d’Eglise a vestu la cotte ; Par quoy il fault qu’on y pourvoye Je vous supplye que je la voye C'est Mere Sotte par ma foy !
attaqués
Venir
voyez quel habit je porte ; s’en fault plus enquerir quoy t’es tu tant fait querir ne vins tu des l’an passay ? n’estoit
pas tout aisay
:
(vv 73-78)
lement,et la mise au grand jour de la livrée de la folie,est l’acte conclusif qui clôt l’entrée en scène de celui que l’on a arraché au public : manière habile de montrer à l’assistance sa propre folie. Mais, pour traduire la meme
idée, on peut aussi utiliser l’acte inverse qui consiste à con-
traindre un personnage, qui est en général le Monde, à revêtir la livrée des fous.
C’est ce à quoi les “foulx” de la Moralité de 1427 forcent le Monde pour qu’il puisse entendre la leçon du Docteur et en retirer profit, illustration de l’idée fort répandue que seul le fou est sage alors que celui qui Cependant,
dans
les autres sotties,
ne vise qu’à montrer le dérèglement qui régit la société
l’auteur en procédant
ainsi,
C’est ainsi que Folie fait revêtir aux ga-
lants la “tenue gorrière” qui,en l’occurrence,est celle de la folie. Parfois,cet “habillement” est complété par un acte qui l’explicite : dans la Moralitéde Chascun, Plusieurs, le Temps-qui-court et le Monde,on
renverse le Monde le Temps le Monde
dissimulent
(vv 612-616) lorsqu'il entre en scene ‘’contrefait le seigneur" (D_III) mais, lorsque Teste-Verte et Fine-Myne l’attrapent “par le collet de son pourpoint”, dans le feu de l’action, il laisse voir sa tenue de sot manière, Chascun
:
Vous Il ne Pour Que
Dans d’autres cas,comme celui de Triboulet dont nous avons parlé plus haut (P.II.27), le déshabil-
Plusieurs
sous des déguisements divers : c'est ains) que, dans le Jeu du prince des sots la véritable identité de Mère Sotte-Jules II est dévoilée
De la même
le Prince qui, dans la première pièce du Rede courtisan.
Les festes estoient deffendus
Mais l’acte signifiant par excellence,et le plus fréquemment utilisé,es t celui du déshabillement ou de ’habillement, qu'il soit volontaire ou non En général,une trés courte dispute entre les de faire apparaitre
:
se croit sage est un fou véritable.
Tromper trompant trompe trompé ! (vv 104-108) ou encore, employant des méthodes plus brutales, le tondre (P.II 10 vv 384-430) ou le frapper pour labattre (vv 485-490) ; ou l’on peut tout simplem ent le depouiller de son argent et de ses vêtement s (12)
permet
costume
Ce déshabillement, lorsqu'il est le fait des sots eux-mêmes, peut aussi traduire la levée des
des
en valeur et qui, ain-
Monde il te fault endormir Et reposer ta fantasie. Couche toy cy et melodie
Personnages
d’entrer,un
de la société entière est-elle dévoilée
court qui met aux prises deux ou plusieurs peret l'originalité témoignent
C’est ainsi que,lorsque Abuz secoue les arbres qu’il a plantés, il ne fait que recueillir les fruits qu'il a semes et que concretisent les sots qui tombent des branche s Dans le même ordre d'idées pour faire taire les médisants,comme Dando, on leur met le “frain aux dens” (D.IX) ; pour asservir le Monde afin d'en profiter a sa guise, on peut,comme les galants, lui boucher les yeux avec des balles ou essayer de lui faire manger une poignée d’herbe (P I 2) ;on
peut
revêtu, avant
l’ermite
ces mouvements,dont
sont, nous
grands,
avait
(vv 155-157)
C’est le cas de l’ermite, du coquin et du pèlerin (D.VI) qui n'ont revétu un déguisement que pour échapper aux poursuites
Nous entendons par la tout mouvement Tous
cueil Cohen,
:
déshabille lui-même comme
interdictions que faisait peser sur eux une censure sévère.
B) Actes dignifiants
sonnages
Parfoisle personnage se
Seurement Chascun est de nostre livrée Vé le cy cache soubz la robe.
le Temps Chascun
(image du monde à l'envers) :
:
Et afin qu'on te cognoise Vestir te fault a la renverse Et prendre ausy nostre livrée. : Je n’ay chose tant desirée Que de vous complaire en tous lieulx : Tu t'en trouveras beaucoup mieulx, Je te promais, tien, ves en cy : O ! Que le voela bien ainsy ’ Le Mande est a ceste heure renversé
Il arrive aussi que l'acte figuratif ne soit pas hé à un costume ou à un accessoire signifiant comme
dans les cas précités, mais, même
alors,
il n’est pas gratuit et sert à traduire une idée.
sant opérer le muet Guippelin, par le Roy des sots et ses suppôts, d'un
En fai-
gros “fillet” formé de “troys
cordelons gros et fors” appelés Mal-vestu, Faulte d’argent et Crainte juvenale, l’auteur montre que la jeunesse et la pauvreté des sots ne doivent pas les empêcher de s’ériger en censeurs d’une société pervertie, rôle que Guippelin, à peine gueri, va s’attribuer.
C'est la même
idée, bien que traitée sur
un mode comique et obscène, que traduit l’ordre du Cappitaine à ses sots de Publique:
“revisiter”
la Chose
- 390 -
A l'envers, a l'endroit Et par tout, tort ou droict Revisitez la bien (D V N’est-ce
pas la revendiquer
pour
les sots un droit
de
satire
tous les abus,leur devoir unique ? C'est encore cette même trent en faisant jouer
Chascun
servilement
Bruyt
universelle
176-183) ce qui permet a Sottie d'affirmer
rire, pleurer,
(D.III.
vv
Si tout acte est ainsi signifiant (il est rare qu'il ne serve qu'a justifier l’orientation du dial'examen du pouce de Chascun par l’Astrologue qui est prétexte à denoncer les mé-
souffre
le peuple),a
plus forte raison
en sera-t-1l de mème
de toute action
que
s’il y frappe
D'autres pièces sont plus pessimistes : dans la pièce 47 du Recueil Cohen, les galants réussissent à délivrer Bon Temps de la prison où le maintient
Faulte d'argent mais sa liberté dure peu
C’est là une “intrigue” qui résume la principale
des doléances du peuple
logue,comme faits dont
tenant
Verdier ne aultres oyseaulx de chasse Hardiement que partir n’en peut
puisque sa geolière revient l’arracher aux galants.
Les sotz font devant et dernere De Chascun a leur appetit (vv 179-180)
“intrigue”
Si bien
de
et Teste-Verte illuschanter
:
Cuyder
et faire de la dénonciation
idée que Fine-Myne
et a leur gré - ils le font
Plaisant Folie
wy 369-371)
Il nous fault de la glux avoir, Et nous serons parés maintenant Mais gardés qui soit bien tenant !
d'ensemble
ou
Dans les sotties-jugement, plus statiques - puisque la part du dialogue y prédomine sur celle de l’action - , le problème est un peu différent en ce sens où c’est la structure même qui est signifiante
dans
la mesure
où
elle respecte
si un caractère spécifique à la pièce.
le déroulement
d'une
séance
de tribunal
et confère
ain-
De ce fait,on doit admettre que l'action, déterminée par cette
structure, qui se traduit par une certaine disposition des personnages sur la scène et un certain rythme des entrées et sorties, est a fortiori signifiante.
C) Action signifiante ou “intrigue” Nous nous etendrons peu sur ce point Car ce serait répéter ce que nous avons pu dire dans le chapitre consacré aux structures de la sottie En effet, dans la sottie-action,la structure se confond avec l’action même (ou l'intrigue) qui est toujours signifiante et se differencie en cela de celle de la farce qui est une “aventure” Rappelons l'action de la Sottie des sots ecclesiastiques qui consiste en une longue partie de cartes qui concrétise la répartition arbitraire des bénéfices ; la manière dont les gens nouveaulx ménent le Monde de Mal en Pis , Comment, sous la direction d’Abuz, ses suppots,qui représentent les différentes classes sociales, construisent,pierre après pierre,un nouveau monde fondé sur Confuzion, pour enfin l’ébranler et l’abattre eux-memes par suite des efforts qu'ils déploient pour courtiser Folie et l’éblouir par leurs sauts et gambades Ainsi est illustrée une nouvelle fois cette idée que la folie et les déreglements qu’elle implique,régissent le monde Action tout aussi symbolique dans la Pippée qui utilise l’image traditionnelle du piège 4 oiseaux avec la glu pour montrer que tous
les galants se laissent prendre aux appats de cette délicate beauté qu'est Plaisant Folie piège à oiseaux, piège de l'amour, piege de la folie triple signification d'une action habilement menee Bruyt ’ Par mon ame, se fist mon ma pucellete Au moins dictes nous vostre nom Plaisant Folie Ne le scavez vous point ? Bruyt
Certes non Je vous recognoys bien de veue ; Je vous ay milles fois veue ,
Mais il n’est rién qu’on n'oblie
Cuyder
On
Bruyt
Cuyder
:
l'appelle Plaisant
Folie
Regardez ung pou sa fasson Et c’est vray, bon gré en ait on C’est ma garse ; c'est ma mignonne Or cza, ma toute belle et bonne, Vous scavez assez qu'il nous fault Je luy ay ja dit autant vault Chose est de legier a sçavoir
rution devant un
tribunal.
Toute entrée d’un personnage implique sa compa-
Quant au verdict, moment
délicat d’une pièce qui doit tenir compte de
la censure, il est rendu par une action symbolique qui est en général susceptible de plusieurs interprétations.
C’est ainsi que,pour remettre Chascun à sa place, le Temps, avant de s'endormir, don-
ne, sur l’ordre de Sotie, à Teste-Verte et à Fine- Myne, le trompeur
la trompe qui leur permettra de tromper
: ainsi le fou-sage établira-t-il sa domination sur la société dont il a dénoncé l’hypocri-
sie, et Sottie peut exprimer ce qui prend allure de prophétie
:
Mes assotez n’en parlez plus Le Temps desormais si fera A vostre gré et, au surplus Au grant jamais ne vous lerra De la même
(vv 275-278)
manière,ce sont les sots qui, sur l’ordre du Général d’Enfance remettent Tout
et Bon Temps en état,en leur
faisant endosser une robe symbolique (D_XIII)
Mais nous rejoignons là une autre idée : la mise en scène, dans la mesure où elle est signi-
fiante, est,au même titre que le dialogue,un mode d'expression de la satire
La sottie se signale donc par un type de mise en scène original et qui lui est propre. Elle se veut expression des doléances de ses auteurs et se présente comme chaque élément présente une signification profonde
un “tableau vivant” animé dont
En cela,elle se différencie nettement de la farce,
non seulement par l’organisation de son décor ou le symbolisme de ses costumes, mais surtout parce que,chez elle,tout mouvement,
toute action - lorsqu'elle n’est pas conditionnéé pat là
structure -
est au service de l'accessoire qui lui transmet sa valeur signifiante, alors que,dans la farcé,l’accessoire est au service d’une action qui n’a pas d’autre prétention que d’être le récit d’une aventure. elle s’en différencie encore, et nous allons le voir, par son dialogue qui abandonne farce pour devenir un jeu verbal que sa technicité même
rend signifiant, lui aussi.
Mais
le réalisme de la
- 392 -
-393Car c’estoit ung sot autentique
Prest a jouer et a tout faire Tant en lourdoys qu’en rethoricque,
Car pour ung sens alegoricque Il faisoit rage d’exposer.
Quelles sont donc les caractéristiques de ce jeu verbal en lourdoys - ou en foulois comme l'appelle la Moralité de 1427 - et sur la véritable portée duquel il ne faut pas se tromper ? Il se signale avant tout par une haute technicité, mise au point dans les monologues et lors de la transforma-
tion de ceux-ci en dialogues. Nous y retrouvons en effet,améliorés,tous les procédés caractéristiques qui étaient ceux des monologues et des dialogues. Mais, nous le verrons, ces procédés ont ici une signification au second degré, un “sens alegoricque”
CHAPITRE
IV I. — le “lourdoys” et les procédés caractéristiques des monologues.
DIALOGUE
ET TECHNIQUE
DES ECHANGES.
A) Recherche du délire verbal ; les accumulations.
Nous retrouvons,dans la sottie,les mêmes tentatives que dans certains monologues pour atteindre par le verbe une euphorie génératrice de folie. Mais n'est-ce pas ici chose nécessaire et
Plus que dans n’importe quel autre genre dramatique, les échanges verbaux ont,dans la sottie,une importance toute particuliére; aussi n’est-il pas étonnant que, dans la Sottie des béguins,
pti:
dans sa réponse 4 Bon Temps, la définisse comme un “jeu de parlement” en évoquant les
pressions qu’elle a eu à subir du fait de la censure :
Il n'estoit plus question ny memoire De s’esjouir a jeu de parlement.
fondamentale ? On peut susciter l’euphorie par des accumulations qui ne valent que par leur longueur même. Tels se présentaient les monologues d'homme à tout faire. Or nous retrouvons parfois,dans la sottie,ce même personnage : c’est la vieille bru qui fait étalage de son expérience en trente vers où elle accumule les déterminatifs géographiques : J’ay esté bru en tout pays La ou les brus sont obays
(vv 158-159)
J'ey esté bru gasecongnante,
Lorsqu'il ne sert pas,à lui seul,d’intrigue et d’action, comme c’est le cas,par exemple,dans
Bru bretonne, bru bretonnante, Bru espaignolle, bourguignonne, Bru de Berry... ....::. mae
les Menus propos ou la Farce morale de troys pèlerins et Malice (P.IL.16), le dialogue est conçu pour
appuyer l’action dans sa mise en valeur de l'accessoire signifiant. C'est à lui qu’incombe la difficile mis-
=
de doubler le niveau visuel pour expliciter la satire polémique,tout en toires en prévision d’une censure toujours possible. De plus,tout en servant a transmettre, le dialogue doit aussi caractériser des personnages dont nous chaient l’immunité derrière le masque de la folie - ce qui lui donne souvent
ménageant des échappade support au message
table homme 4 tout faire : N’enquerez poinct que je scays faire Qui je suys ne quel est mon nom ; Je scay tout parfaire et defaire (P.III.28 Et transmuer ouy ennon...
avons vu qu'ils recher-
un aspect impressionniste. Nous trouvons donc dans nos sotties une technique des échanges trés élaborée, condition née par la mise en scéne, la structure des piéces et leur finalité Et paradoxalement, c’est un langage trés in-
tellectuel qu’utilisent nos sots, langage qui ne se confond nullement avec celui de la farce. D’ailleurs,
dans les Vigilles de Triboulet, Sotie, parlant du défunt, nous prouve que cette distinction était pergue par les acteurs de l’époque :
(P.III.22 vv 72 et sq)
comme un vériTel est encore le cas de Monsieur Rien qui,en cinquante vers,se présente
vv 223 sq)
qui se livrent un assaut Quant aux sots “‘nouveaulx, farcez, couvez” (P.IL. 12), ils sont des vantards
de bourdes.
à définir un type, En dehors de ces cas où l'accumulation a une valeur descriptive et sert ainsi que le PeleriC’est finalité. sa elle peut apparaître de manière gratuite et dès lors,on voit mieux vers sur le terme “fil” : nage de mariage se termine sur une accumulation absolument gratuite de 26
- 394Fil Fil Fil Fil
- 395 -
d’estoupe, fil de Lyon, d’Estampes, fil d’Avignon, de Gibrey, fil de Paris, noer, fil vert
C’est d’ailleurs là une technique qui rejoint,quant à sa finalité,celle du “cry” qui ouvre généralement la sottie : (P.IIL.29
Sotz trumphants, sotz bruyants, sotz parfaitz Sotz glorieux, sotz sur sotz autentiques, Sotz assotez, sotz par ditz et par faitz. . . (DIII.
vv 471 et sq)
Sans atteindre à ce point de gratuité , l'accumulation peut parfois se présenter comme un jeu. Tel est le cas du monologue de Folie qui,dans la seconde
partie tout au moins, repose sur une recher-
che d’enchainement que soulignent les rimes annexées :
l’ensemble, traduit une recherche d’incohérence systématique qui est censée être un des symptômes
Puis que vous voulez tant sçavoir
de la folie. C’est ce qui se produit dans la technique dite “des menus propos” qui consiste ἃ accumu-
De moy et don je suis venue, Regardez moy. Je suis cornue
ler bout à bout des répliques qui n’ont aucun lien logique entre elles et qui sont l’énoncé de choses
Et si suis Folie cornarde,
soit évidentes, soit absurdes, soit impossibles, sous forme d’affirmations ou de questions entrecou-
Cornant, cavilleuse, coquarde, Coquillarde, coquillonnee, Arrogante, desordonnee, Aux fols plaisant et desplaisante, Mordent, malicieuse, cuisante, Mesdisant (...) (..} sans accors, Mere et nourrisse de discors, Discordant en tous les passaiges, Passent partout plaine d’oultraiges, Oultraigeuse en toute maison, Mesnagiere contre raison,
pées parfois de jeux de mots ou d’équivoques. Un court exemple suffira à illustrer cette technique :
Resonnaible, en faizdetestables, De testant les choses estables,
Usant de seulle volunté, Volants a AN esse nd
(P.LS
lel
:
le II
:
le III
:
le I
:
le I
:
le III
: Ce m'est tout ung : gaigne denier
le II
:
J’ay veu lire sans estre clerc.
le I le II le II
:
J’ay veu cordenners faire toilles. J’ay veu quarelleurs advocatz. Et moy d’escus faire ducatz.
Le jour de Karesme prenant Sera ceste année au mardi. Et par Saint Jacques je m’ardy Hier en peschant en la riviere. Ne vent on pas encore la bierre
Comme on souloit, quatre tournois ?
ΒἾ] est année de grosses nois Se Dieu plaist, nous avrons de l’uylle.
(P.1.2
A sept francz et demy le porc Combien seroit ce la vessie ?
(vv 169-170)
vv 41-48)
Porte baquet ou tourne brocque,
vv 563 et ss.)
Tout revient en ung equivocque Qu’on nomme soullart de cuisine.
Il peut arriver aussi que l'accumulation tende à exprimer un rythme de litanie incantatoire :
le III
vv 1 et sq)
Mais de plus, l'accumulation, lorsqu'elle est systématiquement utilisée dans la sottie au niveau de
‘(vv 429-432)
Bien entendu, de loin en loin, quelques pointes satiriques se glissent dans cette accumulation décou -
: J’ay veu bailler jaune pour verd.
sue : le I (D.IV
vv 286-290)
:
Ilya des cures a vendre En ce royaulme plus de quinze
(vv 233-234)
Impression que renforce ici la fragmentation de l’accumulation entre plusieurs rôles - mais nous re“
Ce type d’accumulation a di rencontrer un certain succès puisqu’on le retrouve dans de nombreuses
joignons ici une des techniques du dialogue. Le plus souvent,!’accumulation est impressive ; chez
pièces et notamment,dans la Sottie de Estourdi, Coquillart et Desgouté (D-II). Le désir de provoquer l’euphorie par le verbe se révèle d’une manière saisissante dans les
Sotte-Folle,par exemple,elle traduit l'éclatement de la fureur : Chagrain, courroux, bruyt et tempeste, Voire par la grant croix de bieu ! J’en baptray tant ung en ce lieu
transformations que la sottie fait parfois subir à cette technique. L’accumulation devient un jeu ver-
Brou ! ha ! ha ! Qui est pour courir Frapper, meurtrir, parler, mantir, Fandre, partir, crier, gemir, Esluyder et fere tonnerre ?
pris le sens de ces passages,mais il était sensible à la prouesse verbale, au choc des sonorités, et cela
bal
Fy de paix ! Je ne veulx que guerre!
lui suffisait.
(P.II.10 vv 264-272)
Fréquemment aussi,elle vise à provoquer l’euphorie collective : Sot-dissolu
Ay ' ha!
Ha! Toy
! Toy ! Voule ! Voule !
Ribleurs, chasseurs, joueurs, gormens,
Paillars, ruffiens, plainz de termentz Reigneurs dissolutz, appostates Yvrongnes, napleuz, a grant hastes
Venez car vostre prince est né.
fort goûté des auteurs passionnés de rhétorique qui s'amusent à ajouter composés et dérivés et à
en jouer avec une verve jamais essoufflée. Il est d’ailleurs fort peu probable que le spectateur ait com-
Qu'il ne pansera que a mourir !
Quant coppieux coupperont coupes Coppiars coppieront leurs coulpes Que tu couppes
Mes coppis, Coppiers je coppie Je fais coppientes simcoppes
Les coppies couppes et recouppes A pou couppes
En coppiant dis encore pie. (P.II.10 vv 126-131)
(D.VUI.
vv 74-81)
Bien
souvent
aussi ce jeu verbal est prétexte 2 des jeux de mots (1) Est ἢ point ung te] personnage Si beau. τὸ aug par son aige ? Parsonne ay ᾽ξ Qui n’2 2ulcun d’equipare:
Aamsi om essaie de rénover le technique i parvens
zu méme
résulizi en travaillant le fond
(PIL10
vv 312315) forme. Mais on peut aus-
A l'euphorie provoquée par le verbe s'ajoute cek
Telle est l'impresson laissée par is description
trologue : Primus
:
L’Astrol.
:
que fait le badin de son paradis Je feroy bis Qu'on mengeroyt en paradis Jambons, bonnes poules bouitys Et aulx vendredys, samedys De bons powessons par adventure Pour soustenz ma créature Et pour tout vous dure au certain, Muer feroys pierres en pain (P.HL31 Ces
plus humoristique,comme vv 211-218)
le I
:
ie ll le ΠῚ lel
: : :
le II le ΠΙ
:
Manger fauk poussins
Et pigeons, “ταν Far mate (ons) Jeunes connis entre deux cuisses, Carpes, brochetz et esturgeons Confites en belle espices, Enguilles rouges Escrevisses, Mais en saison grosse lamproye, Alozes, en saulces propices Pour resconfortez nostre foye Bon vin blanc bastard on essaye, Vin cuit, vm grec ou muscadet. ._(PL9
que le dialogue cultive
le I
dans la Sottie des rapporteurs : :
le II le III
:
vv 203-210)
le progression : on commence par prédire un fait dont la réalisation est, de notoriété publique, impossible, puis on continue sur le même moule en évoquant un fait qui pourrait être amélioré mais dont l'amélioration est entachée d’impossibilité par la réplique qui ouvre l’ensemble. Enfin, pour donner plus de force à l'ironie, on wy 320-330)
Or, souvent,dans L sottic, l'accumulation va de pair avec une recherche de
passe du futur, temps traditionnel de la pronostication, au présent qui
montre l'impossible réalisé C'est de cette utilisation de la pronostication que s'inspire le dialogue des “gens nouveaulx” : le II
:
le III
:
qui la transforme en véritable acrobatie verbale. D’ail-
leurs, exceptés les “crys” et les jeux de rhétoriqueurs, l'accumulation n’apparait guère dans nos piéces sous sa forme monologuée
B) La technique de la pronostication Comme
Regnars ne mengeront plus d'oyes Ne poulles, le pac en est fait On ne verra plus chappellains Tromper femmes a leurs parroissains ; Chacun sera du tout parfait. Les advocatz de maintenant Ne veullent plus prendre d’argent ; Ilz font tout pour l’amour de Dieu. (D.IV
Ici l'ironie inhérente à la forme de la pronostication est renforcée par une habi-
Ce fractionnement entre plusieurs personnages permet de jouer sur le rythme. C’est une technique vivacité ; de là son fractionnement extréme
vv 196-204)
justifie un état présent par les astres, on ne prédit pas l’avenir - ou,au contraire.de manière plus fine,
Personnages qui, se compleiant, rendent deja concrets les effets de l'euphorie collective : : :
En vos pronostications Que trouvés vous qui nuyre puisse Plus au quatre completions ? Les maulvaises conditions D’ambition et de justice Cheus au signe de l'Escrevice, De Justice signantement Dangier est 5}} y a eclipse En Chatelet ou Parlement. (P17
Elle permet donc d’exprimer la satire de maniére virulente comme dans cette derniére piéce - Ici on
mémes 2ccumulations prennent une force nouvelle lorsqu'elles sont prononcées par plusieurs le Il k ΠΙ
(vv 47-48)
soit pour constituer un rôle complet, celui du personnage qu'elle caractérise et qui mène le jeu, l’As-
de l'accumulation en travaillant k
ke que l'image fast τιδίιτε en suscitant limegmatson
S'il est année de grosses nois Se Dieu plaist, nous avrons de l’uylle.
il fallast s’y attendre, compte tenu de l'ironie qu’elle fait naître - on prédit des
Faisons oyseaulx voller sans elles Faisons gens d’armes sans chevaulx, Ainsi serons nous gens nouveaulx Faisons advocatz ausmosniers Et qu’ilz ne prennent nulz deniers, Et sur la peine d’estre faulx Ainsi serons nous gens nouveaulx. (P.1.4 vv 41-47)
Ici cette forme d’expression atteint un double but : non seulement elle transmet la satire sociale, mais encore elle stigmatise ceux qui l’utilsent à leur compte,en les présentant comme des charla-
tans de l’impossible. L'auteur tire donc de cette technique toutes ses possibilités.
éridencespu l’on fait semblant de croire qu’une chose impossible se réalisera -, la “pronostication” a été un mode d'expression fort employé dans la sottie,a l'esprit de laquelle elle convenait. Elle apparaît partout, soit sous la forme de quelqu p 337.
tV
Ibidem
Ibidem
Ibidem Ibidem
Abréviation : P.T.D
p224. Abréviation : P.d.P
tIl
p87.
tVI
p5.
tIV
Ibidem
MONOLOGUE
6 - Montaiglon et Rothschild Recueil de poésies frangoises.
théque d’Humanisme et Renaissance. t XVI. Genéve 1954. 3-
- 499 -
Abréviation : P.G
tXIL
p.144.
ὙΧΠ
p168.
Abréviation : ΡΝ Abréviation : P.A.S
Abréviation : P.H.H.
t V, p 137.
tX,pA 128 À
8 - Edition gothique : B.N Inv Rés Ye 1327. Le Recueil Trepperel édité en fac-similé par Slatki-
ne Reprints, Genève 1968, en comporte une version plus complète (pièce 26) qui suit les
Abréviation : P.a.l.
p36.
Ibidem —
I! - 4
Quinze Grans et merveilleuz signes descendus du ciel ou pays d’Angleterre, parodie d’un su-
jet bien connu (voir note 21 du chapitre précédent). 9-
1011 -- Edition gothique. B.N Fond Rothschild,Cat IV n° 2853 (IV-8-76). Abréviation : P.n.N Montaiglon et Rotschild. Rec. cit. ΕΝ p133.
>
οὖν
À
Les grands types comiques de la farce, pe a constitués ees ie eu aussi, semble-t-il,leur on" burteague. D’aprés la “Farce du venons de ue on peut
penser que vers 1580; Go ER
RES RE
ve
me on l'avait fait pour le Testament de Pathelin; ce qui prouve non seulement la vogue du genre à la fin du XVe siècle et au début du XVIe,mais encore le fait que,pour atteindre sa
12 - ΒΝ Rés. Ye 1340. 13 - B.N Rés. Y2 2524. pièce 4.
pleine efficacité comique et dramatique,le testament devait se rapporter à un personnage
connu.
14 - Pronostication de Molinet. Les faictz et dictz. Ed.de 1540. B.N Rés. Ye 1340. NET UE
10 - P. Le Gentil. La littérature française au moyen âge. p 176.
16-
11 - Recueil des farces, sotties et moralités du XVe siècle (par P.L,Jacob) Paris. Delahays. 1859. p 236
15 - Montaiglon et Rothschild. Rec. cit.
17-
t VIILp 74.
Ibidem
t XII
Ibidem
t XILp 197 à 219;et B.N.Ms Fr 17527
12-
Ibidem
p 178.
18 - Edition gothique,B.N Rés. Ye 3004.
13 - Barbazan et Méon, op. cit, t IV, pp 106-114.
19- Voir note 12.
14- Cité par Petit de Julleville. La comédie et les moeurs en France au moyen âge. Slatkine reprints. Genéve.1968 ; p 66.
20 - Rappelons que des textes cinq fois plus longs n’effrayaient pas les chanteurs de geste. 21 - Rappelons que ce sujet,qui faisait sans doute partie du répertoire des jongleurs,avait connu
15 - B.N.Ms. Fr. 9299. le ‘“‘Testament-adieu” ne fait ici que clore cette pièce de carnaval traditionnelle qui met en scéne le combat burlesque de Caresme et de Charnaige.
un développement extraordinaire dans la littérature pieuse du moyen-age. Voir l’édition donnée par E. Von Kraemer, Les quinze signes du jugement dernier. Commentationes tum litterarum;
Rumana-
Societas Scientiarum Fennica. 38/2. 1966. Chapitre
22- Il y a humour car :
V
a) L'acteur s’intégre au groupe auquel il prodigue ses conseils :
1- Barbazan et Méon. Fabliaux et contes des poètes françois. tI, p 276
“Envoyons luy (le Pape) force ducas,
IL NOUS fournyra de pardons”
b) Le ton est bonhomme ; l’auteur n’exhale pas sa rancoeur; il fait rire d’un état de
choses en feignant de croire qu’il est ou sera l’idéal : “ Courtisans fuiront les offices Comme yvrongnes font les excès” 23 - B.N.Rés Y2 2524. Ce texte est en prose.
Chapitre
3-
IV
: l’auteur du Testement de Ragot déclare lui même
excedé Maistre François Villon.” 3-
45-
Montaiglon et Rothschild Recueil de poésies françoises. t III, p 77.
Ibidem Ibidem
le remarque G. Lozinski (la Bataille de Quaresme et Charnage, Bibliothèque de l’Eco-
Faral. Mimes français du XIIIe siècle. Paris. 1910.
pp 32 sq
4- B.N.Fond Rotschild,Cat II n° 1775. (VE 3 bis- 66).
dans la légende : rappelons les récits des Repeues franches, et le portrait qu’en fera Rabelais. Certains l’avouent ouvertement
Comme
le des Hautes Etudes, 262, Paris,1933. pp 63-71) ces longues énumérations - et notamment cel les des mets d’un repas - étaient considérées comme ün sujet comique vulgaire réservé aux jongleurs et qu’ évitait le roman au nom de l’ennui et de la folie : Ennuiz seroit a desraisnier Et d’aconter trestoz les mes.” Eneas vv 828-829
D’ailleurs,seule,une déclamation dramatique pouvait conférer un intérêt à ces morceaux.
1- Nombreuses sont les pièces qui montrent qu’à la fin du XVe siècle notre auteur était entré 2-
2-
tX , p 369. t XIILp1.
: “Jay
5 - B.N.Fond Rothschild,Cat II n° 1842 (V-5-99).
6- Edition gothique de B.N.Inv Rés. Ye 1327. Recueil Trepperel, édition en fac-similé, Slatkine Reprints. Genéve. 1968.
MONOLOGUE II! - 1
- 500-
- 501 -
MONOLOGUE
lit - 1
Et de gros latin de cuisine
L’ay exorné du premier bout
TROISIEME
SECTION :
Chapitre
Afin que mieux je détermine
I
Ma medecine, et puis c’est tout.” Peut-étre,d’ailleurs,Maistre Grimache cherchait-il à vendre un petit recueil de conseils médicaux de son invention. Le corps du texte n’est qu’une suite de recettes burlesques pour “le mal de teste”, “pour guarir les fols”, propres à égayer un auditoire de badauds. Qu’on en
1- A. Pauphilet, Jeux et sapience du moyen âge. Ed. de la Pléiade. Paris. Gallimard. 1960.
juge par la recette suivante :
pp 204-209, 2-
E. Faral. Oeuvres de Rutebeuf. Paris. Picard. 1960, t II,
“ Si des puces craignez le morts Vous qui avez blanches tetines Prenez les moy toutes au corps Et mettez en une botine, Puis leur mettez de turbentine
p 268.
3- B.N.Ms Fr 837. Nous pourrions encore citer, bien qu’il se différencie des textes de Rutebeuf par un réalisme sans défaillance,le Dit du Mercier, édité par Ph. Menard dans les Mélanges of-
Aussi gros qu’un pois en la bouche,
ferts à ... J. Frappier (1970. t IL,p 797), 4-
supposer que le manuscrit a subi des retranchements. 5-
Et je payerai pinte et chopine Si de trois jours puce vous touche.”
Bartsch. Chrestomathie provençale, 3e éd, p 307. Il ne nous reste que 87 vers, mais on peut Ade Montaiglon. Recueil général et complet des fabliaux.
t I,pp 1-12.
18- Montaiglon et Rothschild. Rec. cit. t Ip 75-88. Il semble qu’au XVIe siècle et au XVIIe,il y ait eu un engouement particulier pour le personnage du valet et celui de la chambrière. ll
suffit de parcourir le Recueil de pièces facétieuses remises en lumière pour l’esbattement des
6-E. Faral. Jongleurs ... p 153. Rappelons le succès au XIIIe siècle dujeude “l’îvre et du sot” dansle
pantagruélistes par Charles Brunet, pour s'en convaincre. Peut-être est-ce là un fait social :
quel les jongleurs simulaient la folie en accumulant les bourdes., 7-
A. de Félice.
la société bourgeoise à laquelle s’adressait ce théatre,était préoccupée par les problèmes pra-
Formules motifs et types de contes populaires dans le théâtre français du moyen
tiques et moraux que lui posait sa domesticité.
âge. Separata das “‘actas do congresso internacional de etnographia” promovido pela câmara municipal de Santo Tirso, de 10 à 18 de Julho 1963. Volume sexto. Lisboa 1965. p 5. 8-
E. Picot, “Lemonologue dramatique. Romania XV.
9-
Montaiglon et Rothschild.
10-
pp 498 sq
.
Recueilde poésies françoises,t I,p 33-41.
Ibidem
19- Montaiglon et Rothschild. Rec.cit. t I,p 89-108. 20 t X,p 96. Ce texte, sous couvert de conseils à un futur méIbidem decin,est une satire de la profession. Qu'on en juge par les vers suivants qu’un satirique du XXe siècle ne désavouerait pas : “ Encore fauldra il tes receptes escrire Telles que le commun ne les puisse bien lire
t XIIL,p 154-169.
11 - Picot et Nyrop. Nouveau recueil de farces françaises. Paris 1880,p 199-215. 12-
Affin qu’en admirant ce papier mal escript
Recueil La Vallière. Leroux de Lincy. t I,piéce 1.
13 - B.N.Inv Rés Ye 1327{Le Recueil Trepperel. Edition en fac-similé, Slatkine reprints, pièce 26: pièce attribuée à Jehan d’Abondance,) 14 - Les quatre derniers vers de la pièce inclinent à le penser :
“ Ainsi signé, je ne sçay quant
Et pour ce passez vous a tant.
Par ung marchant qui tousjours mocque Que on appelloit Hallessenocq.” 15 - Recueil La Valliére. Leroux de Lincy. t I,piéce IV.
Comme chose sacrée,il prise ton esprit.”
B.N.Rés Ye 49.602. 22 - Nous ne rangeons sous ce titre que les monologues DE charlatans et DE valets où l’identificales valets,comtion de l’acteur au personnage est complète, et non pas les monologues SUR les pièces saavec classer à sont qui 71-84) V,p (M-R,t s chambriere bonnes des Caquet me le 21
tiriques.
d’une partie 23 - Le medecin savoyard, 96 vers ; Placebo,94 vers ; le dit de l’Erberie,1 14 vers suivis ; la fille basteliére, vers Watelet,204 ; vers signes,144 quinze vers;Les 140 Aliborum ; en prose 532 vers 300 vers ; le Varlet,364 vers plus un quatrain ; la chambriere 216 vers ; Hambrelin
16 - E. Picot. Recueil général des sotties.t IIL,p 85. 17 + B.N Rés Ye 2725. Ce texte d’environ 300 vers est en fait plus court que la Chambriere a louer a tout faire, qui n’en compte pas moins de 536. D’autre part,il est écrit en huitains,ce qui pouvait permettre une meilleure mémorisation,d’autant plus que le plan en est simple : l’acteur se présente comme un médecin :
“ Je suis Mire maistre passé Docteur en l’art de médecine Qui ay ce livre compassé
Par ma science et discipline
plus un quatrain.
24 25
Plihon. 1939.pp 43-76. Voir : le Bateleur dans E. Philipot. Six Farces normandes. Rennes.
Montaiglon et Rothschild. Rec. cit. t XIII, p 156, note I.
26
français des XVe et XVIe siecles. Halina Lewicka. La langue et le style du théâtre comique
27
et XVIe siècles. Paris 1880. Picot et Nyrop. Nouveau recueil de farces françaises des XVe
La dérivation. Varsovie,1960. p 54-55. Introduction,LXXII, note 3.
~$02-
MONOLOGUE
III - 1
28 - Montaiglon et Rothschild. Rec. cit. t I,p 35,note. 29 - E. Droz. le recueil Trepperel, t I : les sotties, Paris.1935. pièce IX, p 185.
30 - G. Cohen. Recueil de farces inédites du XVe siècle. Cambridge. Massachussetts.1949; piéce IX, p 185. 31 - Recueil La Valliére. Leroux de Lincy. t III. pièce 42.
32-
Montaiglon est le premier à réfuter les explications fantaisistes données avant lui, en éclairant
ce nom à l’aide d’un vers tiré du Roman de Renard. Renart, allant à la cour pour guérir le roi,
- 503 -
MONOLOGUE III - 1
51 - Viollet-le-Duc. A.T.F. t II, 96.
52 - E. Droz. Le Recueil Trepperel. 53-
p 246.
54- Viollet-le-Duc. A.T.F. 55 - E. Picot. 56 -
t I, pp 7 sq.
Ibidem t Il,p 50.
Recueil général des sotties. t III, p 85.
Viollet-le-Duc.
A.T.F.
tl, pièce 17.
rencontre un pélerin et, fouillant dans son sac, “Aliboron y a trouvé”, c’est-à-dire l’herbe miracle. Montaiglon et Rothschild. Rec. cit.tl,p 35.
33-
Chapitre
E. Droz. Le Recueil Trepperel,t I, p 185.
34 - Cité par Montaiglon. Rec. cit, t Lp 35-36.
1-
35 - Viollet-le-Duc. A.T.F,t II,p 35.
II
L. Polak. Le Franc archier de Baignollet. Droz. Genéve.1966.
2 - Nous avons étudié ce monologue sur l'édition des Oeuvres Maistre Guillaume Coquillart don-
36 - E. Droz. Le Recueil Trepperel, t I,p 240.
née par Galiot du Pré en 1532. Pour les éditions successives, voir E. Picot, Le Monologue dramatique. Romania XV, pp 391-398.
37 - Rabelais,Pantagruel,Prologue, Ed de la Pléiade,p 168. 38 - E. Droz. LeRecueil Trepperel, t I, p 241.
3 - Citons entre autres : le Dialogue de messieurs de Mallepaye et de Baillevent, la Farce de Galop
39 - C’est ainsi que la plupart des charlatans de la farce (Farce de Jenin fils de Rien, Farce du Bateleur, Farce du Pardonneur, du Triacleur et de la Tavernière) présentent une “beste”.
et Marchebeau (E. Fournier ; Lethéâtre français avant la Renaissance.1450-1550. Paris. LaplaceSanchez.
1872.), la Farce des deux francs archiers (Rec. Cohen,p 103), la Farce des coquins
(Rec. Cohen,p 433), la Farce des maraulx anchesnés (Rec. Cohen,327), la Farce du capitaine
40 - Une des premiéres mentions de ce pays imaginaire est sans doute celle qu’en donne le péle-
Mal-en-point (Rec. Cohen,p 391), la Farce de Maistre Mymin qui va a la guerre (Rec. Cohen,
rin dans li jus du pelerin d’Adam le Bossu :
p 27), la Farce de Colin, fils de Thevot le Maire (A.T.F. til, p 388), la Farce du Gaudisseur
“J'ai esté au Sec-Arbre et dusc a Duresté” (v 11)
et du Sot (A.T.F.
t Il,p 292; εἰ E. Droz. Le
. Trepperel. t I), l’Avantureulx et Guermouset
41 - A. de Félice. op. cit. p 17.
(Rec. La Vallière, Leroux de Lincy ; et Philippot, Six farces normandes du recueil La Valli
42 - Ce sont là deux allusions aux monologues d’amoureux qui portent ces titres.
Te, Rennes.
43 - A. de Félice. op. cit.
p 17.
4-
44- Jeux et sapience du moyen âge. Pléiade,p 204-205. de Roggeri est resté célèbre parmi les médecins du XIe siècle ; mais Rutebeuf semble jouer ici sur le nom de ce médecin et sur la mule du marchand d’orviétan. C’est à cette dernière qu’appartiennent les longues oreilles et la chaine d’argent qui sert de bride.” 46 - B.N.Ms.Fr.856. fol 372 c.
impossibilité, ce qui,d’aprés Lambert C. Porter (La Fatrasie et le Fatras,Droz,1960) caracA ce propos,signalons notre accord avec Lambert C. Porter lorsqu'il s’élè-
et les propos des fous,dans les pièces dramatiques. Nous pensons,comme lui,
que tout poème où le poète fait parade de mots disparates n’a pas nécessairement un souf50 - Montaiglon et Rothschild. Rec. cit. t X,p 75.
8-
(vv 175-179)
sur les Anglois
Dont tu en tuis trente et trois On ton grant voulge desmanché.”
; d’où la construction d’une
ve contre I. Siciliano qui groupe sous le titre général de “‘fatrasie” le Varlet a tout faire, le Dit
p 20-21)
6- L.Polak. op. cit. p 22.
ra
fle fatrasique.
tI)
7 -“Vrayment je luy ay ouy dire Cent foys que le roy notre sire Le feist chevallier
Et qu’il tua plus d’un millier D’Angloys a la prinse de Rhodes.”
48 - B.N.Rés Ye 2725.
de l’Erberie
Trepperel. Le
Recueil Cohen, piéce 4, p 27.
existait un cycle de Thevot(op. cit.
47 - Montaiglon et Rothschild. Rec. cit, p 37.
térise la fatrasie.
et la Sottie des rapporteurs (E. Droz.
5 - D’après L. Polak,qui reprend les hypothèses de E. Philipot(Six farces normandes,p 195), il
45 - D’après E. Picot (le Monologue dramatique, Romania XVI,p 493) “Trot de Salerne ou Trotola
49 - Ici il y a opposition entre le sens du verbe et son complément
1939)
(vv 219-221)
Peu de sotties, type même de la pièce de circonstance, ont subsisté en dehors de celles émanant d’auteurs connus, qui, elles, se sont conservées, parce qu’elles faisaient partie d’une
oeuvre. 9 - Barbazan et Méon. Fabliaux et contes...
t IV, pièce 23.
10 - E. Cougny. Des représentations dramatiques et plus particulièrement de la comédie politique dans les collèges. Lyon.1868.
_
MONOLOGUE II - 2
- 504 -
11- Cité par G. Cohen,Rabelais et le théâtre in Etudes d’histoire du théâtre en France au moyen âge et à la Renaissance. Gallimard. 1956. p 280. 12
1314151617-
Commynes, Mémoires,Ed Calmette,t IL, p 275; t III p 190. Voir aussi L. Polak,op.cit. Intro-
duction,pp 10-15.
Viollet-le-Duc. A.T.F.
ἘΠῚ
Montaiglon et Rothschild, Recueil de poésies françoises. t IX, p 276. L. Polak, op. cit. Introduction,p 8. Ibidem
Nous ne pensons pas,comme L. Polak,qu’au moment où le monologue a été écrit, le lieu de naissance de notre archer “semble avoir été une plaisanterie de l’époque” (p 18). Il est possible qu’il le soit devenu par la suite,du fait même du caractère du personnage resté célèbre. Ii faut voir,au départ,dans le nom du fanfaron, celui du village qui l’a choisi pour être son franc
Tbidem
tll
11 - Oeuvres de Roger de Collerye,
p 245-252.
p 73.
12 - Barbazan et Méon. Fabliaux et contes des poètes françois, tII - Le castoiement d’un père à son filz. Conte 9. Ibidem
t Ill, pièce 16.
Ibidem
t ΠῚ, pièce 36.
15-
Ibidem
t IV, pièce 11,
16-
Ibidem
t III, pièce 39.
et le monologue de l’amoureux,qui se définit par le récit de ses actes.
17-
Ibidem
t III , pièce 38,
Peut-être faut-il voir là une parodie du combat singulier des chansons de geste, parodie que re-
18 - Barbara C. Bowen. Les Caractéristiques essentielles de la farce francaise et leur survivance
prendra Rabelais avec Frêre Jean des Entommeures.
21 - Le procédé est abondamment utilisé dans les dialogues. La rectificationou, correction, qui com siste à opposer la vérité aux vantardises du personnage, constitue le rôle d’un personnage second.
Son incapacité se révèle en ce qu’il met l'imaginaire et le réel sur le même plan. C’est, dans
un autre registre, une manière de procéder identique à celle de l’homme à tout faire, qui plaçait sur le même plan le bien et le mal.
24 -
9 - Montaigion et Rothschild. Rec. cit. t X, p 269-275.
14-
19 - Nous sommes à mi chemin entre le monologue du charlatan,qui se définit par sa parole seule,
23-
Ibidem. Le texte est incomplet et ne comporte vraisemblablement que le tiers du
13-
18 - Recueil Cohen. pièce XLII,p 327.
22-
-
monologue.
10 -
p12
archer, selon l’ordonnance de 1448,
20
5 - Galiot du Pré. Oeuvres de Maistre Guillaume Coquillart. B.N.Rés. Ye 1266, p 126-138. 6Tbidem p 139-148. 7- B.N.Ms Fr 25428. 8
p 213.
MONOLOGUE III - 3
- 505 -
Recueil Cohen,p 103.
dans les années 1550-1620. University of Illinois press. Urbana. 1964. p 4.
19 - Oeuvres de Roger de Collerye. p 59, note I. 20- E. Picot. Le monologue dramatique. Romania XVI,p 485-486 et 488-489, 21 - Voir aussi:Monologue du Puys vy 37-43 ,94-6. 22 - Barbazan et Méon. Rec. cit. t III,p 14. 23 - Monologues de la Botte de foing, du Puys et du Baing. Les deux premiers sont attribués à Coquillart, et le dernier en est une imitation; ce qui a fait dire à d’Héricault : “En tout cas ces monologues paroissent étre un genre inventé
par Coquillart, un genre qui tient le mi-
Dans les chansons de geste, qui se déroulent souvent selon un canevas traditionnel, soutenu
lieu entre le conte et la farce, destiné comme le conte, à narrer quelque aventure scanda-
roi de Nimes), la limite de mémorisation dépasse toujours mille vers.
Coquillart. Introduction,p CI.
par le retour fréquent de mêmes formules marquant les étapes d’une progression (cf Le Char-
leuse, mais ressemblant fort à un dialogue récité par un seul personnage.” Oeuvres de G.
25 - Recueil Cohen,p 103.
24- Ch. d’Héricault. Oeuvres de Guillaume Coquillart. t II,p 203.
26 - Recueil Cohen,p 327.
25 - On peut ici s'appuyer sur la chronologie de E. Picot (Le Monologue dramatique. Romania XVI. p 487.) qui,fixant la date de composition du Resolu vers 1510, la place après les imi-
27 - Viollet-le-Duc. A.T.F, t Π,Ρ 292. 28 - Recueil Cohen,pièce XLIX, p 291.
tations des monologues de Coquillart. Par rapport aux monologues de Coquillart,
pouillement qui en renforce le caractére dramatique Chapitre
ta 2.
et fait naître un rire enjoué. On ne
peut en dire autant du Monologue du baing qui utilise les mêmes procédés stylistiques que
III
(constructions onomatopéiques.), emprunte au Monologue le Resolu
Montaiglon et Rothschild. Recueil de poésies françoises, t I »P 235-9,
Ibidem
le Mono-
logue du Resolu semble témoigner d'une volonté de renouvellement du genre, par un dé-
t VI,p 199-208.
33: Ch. d’Héricault - Paris. Jannet. 1855. Oeuvres Roger de de Collerye. pp 59-72. 4- B.N.Fond Rothschild.Cat 1,n0 567.
du Puys
les épisodes
du bal etet du guet, au Monologue du Verd Galant l'épisode de l’écurie et le thème de l'erreur du galant, au Monologue de la botte de foing le fait que les aventures de l’amoureux abou tissent a la punition d’un tiers innocent, et enfin,au Monologue du despucelleur le poncif
du “pot a pisser”. Cette évolution semble se concrétiser avec les monologues-état d’éme. On va vers un théâtre psychologique.
- 506 -
MONOLOGUE
II - 3
- 507 -
LE
DIALOGUE
26 - Ce texte est d’ailleurs l’illustration prosaique d’un passage tiré des Prophètes : “Jusques à quand seras-tu errante Fille égarée ? Car l'Eternel crée une chose nouvelle sur la terre : la
femme recherchera l’homme.” (Jérémie XXXI - 22). Ce qui, peut étre,lui a valu son titre de “sermon”.
Deuxième
Partie
: LE
DIALOGUE
27 - E. Faral. Mimes français du XIIe siècle. Introduction,p VI. 28 - E. Droz. Le Recueil Trepperel, t II, les farces. Travaux d’Humanisme et Renaissance. XLV.
INTRODUI
Genève. 1961.
caer
1 - La liste que donne B. C. Bowen à la fin de son étude et qui comprend 14 dialogues està notre avis, incomplète et erronée : la Confession du brigand au curé et le Garcon et l’aveugle peuvent difficilement entrer dans la catégorie des dialogues. 2-
E. Picot et C. Nyrop. Nouveau recueil de farces françaises des XVe et XVIe siècles. Paris,
3-
Ian Maxwell,French farce and John Heywood. Melbourne University Press.1946. p 20.
4-
B.C Bowen,Les Caractéristiques essentielles de la farce francaise et leur survivance dans les années 1550-1620. University of Ilinois.Press.Urbana. 1964. p 195.
5-
Ibidem
6-
Cité par Petit de Julleville. La Comédie et les moeurs en France au moyen age. Slatkine
1880.
p XXXIX à XLI.
p 9.
Reprints. Genève. p 65.
Conclusion
7- J. Frappier. Le Théâtre profane en France au moyen âge. XIIIe et XIVe siècles. C.D.U. p 11. 8 - Des pièces comme la Bataille de caresme et charnaige, la Cruelle bataille de Sainct Pensard contre Caresme, ou le Testament de Carmentrant donnent une idée de l’esprit qui présidait
1 - Ε. Picot. Le monologue dramatique. Romania XV
p 360.
a la célébration de ces fétes.
2- Les Oeuvres de Bruscambille. B.N.Fond Rothschild, Cat II, n° 1788. Prologue facétieux, p 36. 3-
Ibidem
9 - On peut admettre qu’un type comique vit de sa vie propre à partir du moment où, dès l’en-
p 65
trée en scène, il s'impose en tant que type caractérisé à la conscience du spectateur, sans avoir besoin d’un monologue pour se définir.
4- P. Le Gentil. La littérature française du moyen âge. Paris. Colin. 1963, p 184.
10 - Viollet le Duc. Ancien théâtre françois. t II, pièce 26.
11 - E. Picot. Recueil général des sotties. Paris 1912. 12- Ibidem
t III, p 25.
tIll,p 125.
13- E. Droz. Le recueil Trepperel. Les sotties. Paris 1935. |
p 147.
14- Ibidem,p 185. Chapitre
I
15 - E. Droz.Le recueil Trepperel. Les sotties. Paris 1935. p 217. 16- Ibidem
p 217.
17 - On sait qu’au milieu du XVe siècle,de tels morceaux étaient fort goûtés,comme en témoignent certaines ballades de Villon dont la Ballade des proverbes, la Ballade des menus propos et la Ballade des contre vérités. Il est évident que le fractionnement de telles pièces
par une déclamation à deux ou à trois voix,leur conférait alors une nouvelle valeur de choeur chanté à caractère pseudo-dramatique.
- 508 -
LE
DIALOGUE
18 - G. Cohen. Nouveau recueil de farces françaises du XVe siècle. pièce III. 19 - E. Picot. Recueil des Sotties. t I, p 65. A l’appui de notre hypothèse nous pouvons alléguer
le fait que ces accumulations de “menus propos” pouvaient être débitées par un seul acteur : le Sermon joyeux d’un fiancé . . .utilise des emprunts aux Menus propos (E. Picot,le Monologue dramatique. Romania XVI. p 408) :
sermon : “Mes bons amys, j’ay entendu Que l’antechrist est desja né ; Le dyable l’a bien amené
sottie : le II : Fuyons nous en ; j’ay entendu Que l’antechrist si est ja né. le III : Le dyable l’a bien amené Car il vient devant que on le mande.
Il vient devant qu’on le demande”
20 - E. Droz. Le Recueil Trepperel. les Sotties p 315. 21 - Ibidem
p17.
22 - Ch. d’Héricault. Oeuvres de Roger de Collerye. Paris 1855. p 123.
LE DIALOGUE -1
- 509 -
- 1
31- E. Droz, Le Trepperel. Les Farces. Travaux d’Humanisme et Renaissance. XLV. 1961. p ll et 12. 32 - Viollet-le-Duc. A.T.F. 33 - Ibidem
t I,piéce I.
t I, piéce 21. La fameuse farce du Vendeur de livres repose sur un mode d’élabora-
tion identique : le rôle des deux commères consiste à interrompre,par des questions;l’article du vendeur.
34 35 36 3738 -
Ch. d’Héricault. Oeuvres de R. de Collerye.
p 141.
Rabelais. Oeuvres complètes. Cinquième Livre, chap XXVIII. Ed.de la Pléiade p 831-833. E. Picot - C. Nyrop. Nouveau recueil,p 71. E. Faral et 1. Bastien, Oeuvres complètes de Rutebeuf,Paris,1960,t II, p 271.
E. Droz, Le Trepperel. Les sotties,p 245.
23- Ce texte qui sera continué par le Dialogue du fou et du sage a eu une renommée - et des imitations-internationale.
24 25 26 21:
Chapitre
E. Picot - C. Nyrop. Nouveau recueil. p 181. Viollet-le-Duc. A.T.F.
t Il, pièce 23.
E. Picot,Le Monologue dramatique. Romania XVI,
p 440.
Ce comique de la caricature fondé sur la description de l’appendice nasal caractéristique de livrogne,a été utilisé dans de nombreux textes bien avant la fameuse tirade de Cyrano de Bergerac,comme en témoigne le passage suivant,extrait du Sermon d’un cordelier aux soldats (B.N. Rés. Ye 4839) qui constitue la réponse des soldats : “ Temoings en sont voz belles rouges trongnes, Voz beaux rubis et ces gros nez d’yvrognes, Nez que tousjours ceste eaue benite lave, Qu’on va quérir au profond de la cave ;
Nez qu’on peut dire estre assez buvatif, Nez colorez de teinct alteratif,
Nez dont je dis que mesme la roupie Pisse tousjours vin de théologie ; Nez vrays gourmetz de vos tressainctz desirs, Seuls alembics de vos plus beaux plaisirs,
Nez par qui sont seurement annoncez
L’aigre, le doux, l’esvent et le poussé ; Nez qui chantent les tresgrandes merveilles Du vin hoché a deux ou une oreilles ; Nez sucevin, vaillans wydebouteilles ; Nez rougissans comme roses vermeilles ; Nez que je dis vrays nez de cardinal, Vos heures sont et vostre doctrinal, Nez vrays miroers de zele sorbonique Qui ne pensa jamais estre heretique, Nez vrays supports de nostre mere eglise,
Tresdignes nez, que l’on les canonise ! ”
II
39-
E. Droz, Le Trepperel. Les sotties,p 6 (et Viollet-le-Duc. A.T.F.
40 -
Ibidem
41 42 43 -
t Il,pièce 41)
p 117.
E. Picot, Recueil des sotties,t I,p 5. voir Appendice I Recueil La Vallière. Le Roux de Lincy.
t Lpièce 9,et E. Fournier le Théâtre français avant
la Renaissance 1450-1550,p 382. Cette pièce est très difficile à dater, mais nous ne pensons pas qu’elle soit postérieure aux premières années du XVIe siècle.
44 -
E. Picot,rec. cit. t III,piéce XXX.
45 -
Ibidem, pièce XXIX.
46 - Recueil La Vallière. Le Roux de Lincy, t I,pièce 10. M. L. Radoff date cette pièce d’octobre 1525 (the date of the Gentilhomme et son page.Modern Language
Notes. t I. 1936,p 30-32.
4748 -
G. Cohen, rec. cit, Pièce XXV. Ibidem , piéce XXX et Viollet-le-Duc. A.T.F. t II,p 189-206. Rappelons le sens obscéne de
49 -
E, Picot,rec. cit, t I,p 143.
cette dénomination professionnelle du héros.
Chapitre 50 - E. Faral, Mimes
III
français du XIIIe siècle. Paris 1910.
p 98.
51- G. Cohen, rec. cit.,pièce XLII. 52- Barbazan et Meon, Recueil des fabliaux et contes des anciens poètes françois ,t IV, pièce I.
28 - E. Picot. Recueil des sotties. t III p 125.
53- G. Cohen, rec. cit., pièce ΚΠ].
29 - A. Longnon. François Villon. Oeuvres.C.F.M.A,Paris,1958. p 92.
54- Ibidem ,pièce XIV. G. Cohen date cette pièce de la fin du XVe siècle. 55 - Recueil La Vallière. Le Roux de Lincy. t Ill,piéce 55 et E. Philippot Six farces normandes
30 - B.N Rés Ye 2713.
p 202.
-510-
.,511.-
LE DIALOGUE - 3
56 - G. Cohen, rec. cit.,piéce LI.
la femme
:
57 - E. Picot, rec. cit.,t II, p 187.
l’homme le curé
: :
l’homme la femme
: :
58 - Viollet-le-Duc. A.T.F.
t Il,piéce 26.
59 - Dans la partie “harangue” de chaque variation, le nombre des répliques varie : dans le premier temps de la piéce : répliques paralléles des deux concurrents ; dans le second temps : répliques alternées ; dans le troisième temps : répliques du triacleur seul. Dans la partie “dispute”, on note une grande variété dans la direction des échanges et leur nombre qui tend à se réduire au fur et à mesure du déroulement de la pièce, parallèlement à ce qui se
produit dans la partie “harangue”. 60 - Viollet-le-Duc, A.T.F.
t Il,pièce 49.
61 - Ibidem,t I,pièce 3. 62 - Recueil
La Vallière. Ed.Le Roux de Lincy,
63 - E, Droz,
Le Trepperel. Les sotties,p 283.
64-
71: η2: 73 74-
t I,pièce 7.
Chapitre
65 - E. Fournier, rec. cit., p 113. Pour notre part,nous serions tentés de l’attribuer à R. de Cok lerye en repoussant sa date de composition à 1512-1516. Voir
notre Essai d’attribution et de
datation du dialogue de Messieurs de Mallepaye et de Baillevent à paraître dans les Mélan-
ges offerts 4 Monsieur Pierre Le Gentil. 66 - E. Picot, rec.
cit.,t IlI,piéce XX, p 29.
69 - Ibidem,t I,piéce II,p 11. 70 - Sauf dans les cas où le refrain est constitué d’ordres ou de questions qui s’intègrent au mouvement même de l'intrigue. La répétition peut alors traduire l’impatience ou l’étonnement d’un personnage. Elle prend,de ce fait,un caractère comique qui atténue l'aspect mécanique du pro-
cédé :
l'homme la femme l'homme
la femme l'homme la femme l'homme la femme l’homme
le curé l'homme
:
:
:
Le texte offre d’ailleurs cette possibilité : monologue : : “Et paix, de par le diable paix !
Vous resveillez le chat qui dort ! ” trialogue : 1161 tle ll 1161
116 III
75 - P. AEbischer, Trois farces françaises inédites, Paris, Champion, 1924. 76 - Ch d’Héricault , Oeuvres de R. de Collerye.
p 29.
p 81.
Ch. d’Héricault , Oeuvres de R. de Collerye, p 141.
80 - E. Droz,Le Trepperel. Les sotties, p 146. 81- P. Le Gentil : Notes sur les compositions lyriques du théâtre de Gil Vicente in Mélanges Cohen. Paris. Nizet.1950. p 258. 82- E. Droz, Le Trepperel. Les sotties,p 147. 83 - Interprétation que nous préférons à celle de Melle Droz : “Se ce cech”, car elle rime avec la fin du vers de la chanson que va entonner Sotin et est plus cohérente.
Et je ne puis !
Un peu de cire.
Et quien a?
Tout se respendra devant le puis.
: Sil’estoupez. : Et je ne puis ! Il est fendu : Où ? : * : Et puis ? : Goute d’eaue n’y demourra. : Si l’estoupez Et je ne puis ! :
p 59.
p 189.
78 - Thidem ,p 36. Les 135 premiers vers.
68 - Ibidem,t III,piéce XXI.
le curé
E. Droz, Le Trepperel. Les sotties.
Vous resveillez le chat qui dort ! ”
79-
Si l’estoupez
Ch. d’Héricault, Oeuvres de R. de Collerye.
77 - E. Fournier, rec. cit., p 113.
67 - Ibidem,t III,p 29. note I.
la femme l’homme
- 4
Comment! n’avez vous pas esté Servy en chauffant la cire ? Et quelle chose m’a vous donnée ? Comment ! N’avez vous pas esté Servy du vin et du pasté ? Ouy ! Dea! Il dit vray ! Vela pour rire ! Comment ! N’avez vous pas esté Servy en chauffant la cire ? (G. Cohen, rec. cit.,pièce XIX)
dialogue : leI : Et paix! le II : De par le diable ! 161. è paix !
IV
DIALOGUE
E. Picot, rec. cit., t III, pièce XXXI.
ΤΟ
Ch. d’Héricault. Oeuvres de R. de Collerye ,p 81.
LE
Un peu de cire.
Et qui en a ?
84 - P. Aebischer, rec. cit., p 31. 85 - Ibidem,p 33, note 3. 86 - E. Droz, Le Trepperel. Les sotties, p 185(datée d'avant 1488) 87 - Ibidem, p 147. 88 - On pourrait schématiser ainsi cette évolution :
1) monologue : l'acteur n° 1 s'adresse à la foule. a) duo : l'acteur n° 1 et l’acteur πὸ 2 s'adressent à la foule. » 2) dialogue e
3)
89-
:
trialogue : i
l’autre. b)) échange : l’acteur n° | et l’acteur πὸ 2 s’adressent l’un à i : foule. la à s'adressent 3 n° et 2 n0 1, n° a)les acteurs n03 s’adresse b) l’acteur n° 1 et l’acteur πὸ 2 s'adressent l’un à l’autre; l’acteur ; à la foule.
c) l’acteur πὸ 1 et l’acteur n0 3 s’adressent à l'acteur n° 2. E. Picot, rec. cit.,t III,p 29. Ibidem, p 125.
512:
Troisième
Partie
: LA
LA SOTTIE
12131415-
SOTTIE
1 - Bibliothèque Elzévirienne. P. Jannet. Paris 1855. Et il est un des tout premiers à avoir tenté une définition du genre : “les sots donnèrent leur nom au genre dramatique, qui, comme étude de meeurs, se rapproche le plus de la haute comédie moderne et qui, comme forme, peut être, à certains égards, comparé à la comédie italienne.” Sainte-Beuve, Tableau historique et critique de la poésie françoise et du théâtre françois au XVIe siècle. Paris. 1843. p 203 : “plus légère, plus délicate, et d’une raillerie plus directe que la farce, la sottie paraît, dès l’origine, animée de cet esprit vif et mordant qui, plus tard, inspirera chez nous le conte philosophique et le pamphlet politique.”
3-
Petit de Julleville, Les Comédiens en France au moyen âge. Paris. 1885.
4-
Petit de Julleville. La Comédie et les Moeurs en France au moyen âge. Paris. 1886.
5 - Eugène Lintlihac. Histoire générale du théâtre en France. aprés tout, qu’une farce jouée par des sots.” 678-
Emile Picot, Recueil général des sotties.
Paris.
p 76
B. Swain, op.cit,
p 91.
E. Droz,Le Recueil Trepperel.
Introd.
t I : les sotties- Paris. Droz. 1935.
E. Droz, rec. cit, Introduction pp LXVIII et LXIX. Arguments au nom desquels elle reproche à F. Gaïffe de s’étre “étonné de cette assimilation de la sottie à la farce” ! (p LXVIII
Didot.
17+
Ibidem ,p LXVII.
18 -
note I)
Ibidem,p LXV.
19- G. Cohen,Le Théâtre en France au moyen âge. t II, p 99 ; E. Droz,rec.cit.,Introduction , p LXVIII, note 2. Or, chose curieuse qui montre bien l’embarras de notre auteur, il ne peut
s'empêcher d'écrire : “A la moralité s’apparente la sottie qui s’en différencie en ce qu’elle use moins exclusivement de l’allégorie personnifiée et surtout en ce que les principaux rôles sont
confiés à des sots” p 72. 20 -G. Cohen, Les Grands Farceurs du XVe siècle dans Convivium, Janvier-Février 1955. Article repris
dans : Etudes d’histoire du théâtre en France au moyen âge et à la Renaissance. Paris. Galli-
mard, 1956. pp 246-247, Pour Cohen, le Jeu de la Feuillée est “notre première sottie, où un grand rôle est attribué au dervé, qui est un fou authentique et où allusion constante est
p 31 et sq. p 71.
faite à des sots tondus et aux pois pilés,expression culinaire, comme le mot farce d’ailleurs,
t II, p 108 : “‘une sottie n’étant,
1902.
désignant le genre.”’. Quant à Pathelin, “ce qu’ils (Louis Cons, R.T. Holbrook) n’ont pas vu et que je crois avoir démontré, c’est qu’il s’agit d’une sottie comme le Jeu de la Feuillée, car l'avocat dupeur de Maitre Guillaume et dupé par le berger Agnelet à son propre mot, le fameux doit l'être ‘bee’ moutonnier pour servir à sa défense devant le juge, est également chauve comme
3 vol.
Ibidem , Introduction, p IX. Et, plus près de nous, les critiques qui se sont attaqués à ce problème - s’ils ne le résolvent pas,
eux non plus-n’éprouvent
B. Swain, op. cit,
LA SOTTIE -
16- Ibidem,p LXVI.
INTRODUCTION
2-
-§13-
aucune difficulté pour réduire à néant les trois points de la dis
tinction d’E. Picot, Barbara C. Bowen dans son ouvrage Les Caractéristiques essentielles de
un sot.”.
21- G. Cohen, 187.
Anthologie de la littérature française du moyen âge. Paris. Delagrave. 1946. pp 186-
The Theatre of the basoche. Harvard studies in Romance Languages. Cambridge. of Harvard University Press. 1941. p 39 : “Inthesixteenthcentury, under the double influence or drama ethical an become to tends play morality the Renaissance and the Reformation, the
la farce française et leur survivance dans les années 1550-1620 (Illinois Studies in language and literature. Urbana. 1964.) déclare inexact le premier point et erroné le second “car plusieurs farces possèdent un ‘fol’ dans un emploi différent de celui des sotties.”. Quant 4 Lambert. C. Porter (La farce et la sottie dans Z.R.P. LXXV. 1959. p 98),il s’insurge contre le dernier critère : “la forme de la sottie ne ressemble en rien à la structure strophique de la fatrasie et la teneur de son texte est tout à fait étrangère à celle du texte fatrasique. Il y a,dans
22- H.G. Harvey.
tomatique, des ‘mots de fous’, mais c’est en vain qu’on y cherchera 1’ “impossible irrationnel qui caractérise la fatrasie.””
partie pour 25 - Après avoir fait une promesse alléchante que d’ailleurs elle ne tiendra pas, sinon en
la sottie,des propos sans suite, un langage qui fait penser de temps à autre à l’expression au-
9- B. Swain, Fools and folly during the middle ages and the Renaissance. New-York. 1932. :
“Modern scholarship has attemped to sort out from the remains of the repertories a group
of ‘sotties’ in which the content has some connection with the idea of the ‘fool’ or ‘sot’.”
10 - Il existe de nombreuses monographies sur la naissance du théâtre et la Fête des Fous, mais elles restent trop localisées et n’abordent pas le problème de la sottie.
11 - B. Swain, op. cit., p 75.
a political pamphlet.”. Il rapproche ainsi sottie et moralité.
2324-
Ibidem , p 176. lan Maxwell, French
farce and John Heywood. Melbourne University Press.
1946.
s intérieures, que par leur strucla farce : “nous essaierons de démontrer qu’il y a des distinction sotties, même si les acteurs des tures, leurs situations et leur action, les farces sont différentes
de la différence.”’. qui les jouaient et le public qui les voyait n'étaient pas conscients
26 - L.C. Porter, art. cit., Z.R.P. 27 - Ibidem , p 100. 28 - Ibidem, p 93.
LXXX 1959. pp 89-123.
-514-
LA SOTTIE - Introd.
. 5]15-
LA SOTTIE- 1
29 - G. Attinger. L’Esprit de la Commedia dell’arte dans le théâtre français. Neûchatel. 1950. Pour G. Attinger, ce qui oppose sottie et farce,c’est que la première cultive davantage l’allégorie alors que la seconde recherche le réalisme. Et bien qu’il admette l’originalité de la
Chapitre I
sottie : “la moralité et sa casuistique, la sottie et sa causticité verbale, représentent les formes les plus originales du théâtre profane français du moyen âge.” (p 76), il est des plus sé-
tirique français théâtral. I] fera petite ville,mais sur la foi de ces ‘exister sur la scène
imitera l’évolution des autres genres, jusque dans ce qu’ils ont d’antiaussi de la polémique, raillant avec violence non plus les bourgeois d’une les faits et gestes de l’histoire contemporaine.”. Mais peut-on prétendre seules allégations et même si l’on reconnaît que “le théâtre francais fait codes entités purement abstraites et des individus brutalement réalistes”, que ce théatre,et plus particulièrement la sottie qui “ignore l’union du romanesque et du visuel”, n’a aucune valeur dramatique ? Il est plus vraisemblable de penser que c’est la forme théa-
[Ὁ] '
1 - Nous adopterons provisoirement la définition que donne de la sottie E. Picot : toute piéce dans laquelle apparaissent des sots, des galants, des fous, des pèlerins . . . cf Introduction.
31
t I. Marabout université. Paris 1964,
Ibidem,p 217.
On lit dans le Recueil des status, ordonnances . . . du Royaume de la Basoche, B.N. Ms Fr 7574, que,pour la “conduite du May”, on élit chaque année 12 “cappitaines des supposts” qui devront faire sonner les trompettes les lundis, jeudis, samedis de Mai a cing heures du
32 - P. Le Gentil, La Littérature française du moyen âge. Paris. Colin. 1963, p 181. Même étonne-
soir et faire donner “‘aubades et réveils” accoutumés aux officiers et à leurs maîtres. On peut
ment aussi de trouver sous la plume de M. J. Dufournet dont nous admirons les analyses pénétrantes, une définition aussi laconique : “. .. sotties, conversations entre sots qui s’accordent toutes les libertés, utilisant toutes les ressources du comique-comique de mots (calem-
donc en inférer que ce titre désignait, comme dans la piéce, un chef de groupe choisi pour ses qualités de joyeux drille et directement sous les ordres de Mére Sotte.
S.E.D.E.S.1971.
oo '
bours, incohérences, jargon ; énumérations interminables . . . ), de gestes (grimaces, pirouetsur le Testament de Villon, Paris.
Rec. cit., pp 218-219.
Ibidem,p 219.
pp 277.
tes, acrobaties, sauts . . . ), se complaisant dans le déguisement et la satire... ” (Recherches
Recueil La Vallière. Edition de Leroux de Lincy, t IlI,pièce 47. Nous utiliserons désor-
E. Droz,
XIVe et XVe siècles français. Paris. Seghers. 1964, pp 165-166.
V. Pandolfi, Histoire du théâtre,
Le Recueil Trepperel, t 1: les sotties. Genève. Droz.1935 ; pièce XIII. Nous utili-
mais le sigle L pour désigner ce recueil, suivi du numéro de la tomaison dans l'édition de Leroux de Lincy et du numéro de la pièce.
trale de la sottie elle-même qui a inspiré la “Commedia dell’arte. 30- A.M. Schmidt,
E. Droz,
serons désormais le sigle D pour désigner le Recueil Trepperel et nous le ferons suivre du numéro de la pièce et, le cas échéant, de celui du ou des vers cités. u ,
vères dans son jugement sur la valeur dramatique du genre : “‘ce goût pour le mot d’esprit est de la plus haute importance ; il explique presque à lui seul le délaissement profond de l'expression dramatique dans le théâtre profane.”. Cet esprit français, si différent de l’esprit italien, qui préfère le jeu de mot au jeu d’acteur,explique, selon lui que “le théâtre sa-
Elle s’arrête au moment où les pleurants portent le corps vers le lieu où s’effectuera la veillée mortuaire.
pp 307-308.). Et ne doit-on pas regret-
ter que, dans le brillant ouvrage qu’il consacre à la littérature des XIVe et XVe siècles (Lit térature Française, t II : le Moyen-âge. 1300 - 1480. Paris, Arthaud. 1971.) M.D. Poirion écrase la sottie d’une pointe dédaigneuse : “Le genre de la sottie correspond au degré zéro
E. Picot, Recueil général des sotties. Paris.1902.
t I, pièce 12. Nous adopterons désormais le
sigle P pour désigner ce recueil, suivi du munéro de la tomaison et de celui de la piéce.
Fractionnement inégal qui contribue 4 déguiser la trop grande technicité du procédé. Rappelons que si Melle Droz date cette piéce d’avant 1488, E. Philipot,plus précis,déclare qu’elle aurait été représentée en Bretagne en 1455 (op. cit.,p 45, note 2)
de construction dramatique”’_p 169?
Piéce qui permet d’opposer le cynisme orgueilleux du railleur méchant a l'attitude du sot,plus 12
'
proche de l’humour. N'oublions pas que des femmes pouvaient appartenir aux troupes des basoches comme en témoigne une plainte des basochiens de Poitiers adressée au Parlement en 1500, à l’égard d’une
bande qui avait omis de respecter la coutume : “Et entre autres bandes y avoit une bande de femmes...” Recueil des Status et Ordonnances .. . du Royaume de la Basoche. Paris 1644. B.N.MS fr 7574.
13 - Ce double fait nous incite à les considérer comme représentatives du courant théâtral populaire.
1415-
Joél Lefebvre. Les Fols et la folie. Paris. Klincksieck. cf Appendice I.
1968.
“a
16
LA
SOTTIE
- 1
Jehan Bouchet, André de la Vigne, Roger de Collerye, Henri Baude, Jehan d’Abundance, Martial d'Auvergne, Coquillart, Gringore, Marot ...
17
cf.
H.G. Harvey. The Theatre of the Basoche. Pouvoir et fonctions des cours ecclésiastiques
.517-
Cette similitude était poussée jusque dans ses moindres détails : la Basoche avait sa propre prison.
19
Cette Haute Cour de Justice était composée d’un Chancelier assisté des Maistres des Requestes
pp 171-178), la Farce des veaux, plus tardive, aurait été composée par les Conards en 1550 pour l’entrée à Rouen de Henri II et de Catherine de Médicis, cérémonie à laquelle les baso-
chiens s’étaient vu refuser par la municipalité le droit de participer. Or, G. Cohen rappelle
un écrit de Jacques Grévin dans lequel celui-ci déclare que sa Trésorière à été jouée après
une “‘satyre qu’on appelle communéement les Veaux” au Collège de Beauvais le 5 février 1558. N'y aurait-il pas eu plusieurs pièces portant le même titre ? On peut d’autant mieux
ordinaires, d’un Référendaire, d’un Grand Audiencier, d’un Procureur Général, d’un Advocat
se poser cette question qu'aucune allusion précise dans la pièce que nous possédons ne permet d’appuyer l'hypothèse de datation proposée par E. Philipot. La conjoncture politique et sociale qu’elle laisse supposer pourrait tout aussi bien être celle qui existait au moment
du Roy, d’un Procureur de Communauté, de quatre Trésoriers, d’un Greffier, de quatre notai-
res et secrétaires, d’un Premier Huissier assisté de huit Huissiers et d’un Aumônier. cf Recueil des Status et Ordonnances ... du Royaume de la Basoche.
20 21
H.G. Harvey,
22
de l'entrée de Charles VIII dans la même ville de Rouen en avril 1485. D'ailleurs, l’allusion aux “Generaulx veaulx des monnoyes, maintenant riche du billon” peut cacher un jeu de mots, le “billon” étant un impôt sur la vente du vin au détail mais aussi une monnaie émi-
op. cit.,p 19.
Si la première mention de spectacle organisé par la Basoche remonte à 1442, dès 1424 les clercs du Châtelet prennent part à une représentation donnée à Paris à l’occasion de l’entrée du duc de Bedfort. G. Cohen,
se par Charles VIII.
31-
Recueil de farces françaises inédites du XVe siècle, Pièce I. Nous adopterons désor-
cf vv 44-45 : Le Prince des sotz ne prétend / Que donner paix à ses suppotz.
24
D'ailleurs les sots qui vont monter sur scène sont disséminés dans le public. Cf vv 50 sq.
25
Du point de vue de la mise en scène, ce passage conduit à supposer, sinon un déroulement si-
Si l’on en croit le Journal d’un bourgeois de Paris, dès 1516,François ler avait rétabli une censure sévère après que trois joueurs de farce eurent représenté Louise de Savoie sous le
mais le sigle C pour désigner ce recueil, suivi du numéro de la pièce.
23
nom de Mere Sotte pillant l'Etat et le gouvernant à sa guise. Ed. Lalanne. Paris 1854. p 44.
32
La Mère de Ville déclare : Les uns me nomment Mere Sotte Despourveue de sens, peu abille ; Mais malgré eux et leur cohorte Sy serai ge Mere de Ville.
multané,du moins un double lieu. 26
Mère Sotte = chef des sots = le Roi
33 - Cf. fig 6 : juridiction de la Prévoté des marchands et eschevinage de la ville de Paris; et fig. 5.
les sots = élément contestataire et Parlement.
34 - Ian Maxwell, op. cit., Appendice B.
les plaignants = sots + différentes manifestations du peuple. les accusés = pouvoir royal présenté par son effet sur le comportement social : Chacun, Tout, Le Temps-qui-court.
35
Le terme “veaulx” est fréquemment employé au théâtre pour désigner un sot. Citons par exemple dans la Moralité de Science et Asnerie : ......... C’est Asnerye Qui mect en biens anes et veaulx.
verdict = conseils aux gouvernants comportant parfois une menace voilée, Peu utile dans la
mesure où l’action a été signifiante. 27
Dans le Monologue des Sotz joyeulx de la nouvelle bende
ou encore : où.ce personnage est aussi cité, on
apprend qu’il est ‘‘le maistre d’hostel des sotz”. Il peut done ici être considéré comme un sot chargé du rôle d’avocat commis d’office à la défense. 28
Ce lien entre sottie et moralité n’est d’ailleurs pas si étrange qu’il le paraît. Nous verrons qu'il y a osmose entre les deux genres surtout lorsque la sottie se répand dans les Collèges. D’autre part,si la moralité est oeuvre de clercs, eux aussi étaient rodés a la procédure des tribunaux ecclésiastiques. Et plus tard, ils fréquentent les basoches dont ils imitent le théâtre.
29
- 1
30 - lan Maxwell, op. cit, Appendice B. Si l'en en croit E. Philipot (Six farces normandes du Recueil La Valliére. Rennes. Plihon . 1939. p 82) et G. Cohen (La Farce des veaux dans Mélanges de linguistique et de littérature romanes à la mémoire d’Istan Frank. 1957.
et seigneuriales sont réduits dès la fin du XVe siècle au profit de la justice royale.
18
LA SOTTIE
On essaie de concrétiser en un personnage les griefs abstraits qui sont ceux du peuple, et l’action elle-même est une représentation symbolique de la pensée politique populaire.
Il est des gens plus sotz que veaulx
Qui cuident saulver tout le monde.
Menus Propos (vv 303-304)
Et Pasquier, dans ses Recherches de la France, écrira : “Celui qui, pour estre estimé un gros
lourdaud, est par nous appelé veau de disme ... ” (ch VIII, p 701) 36 - H.G. Harvey,
op.cit.,p 17.
37 - La Basoche du Palais qui était la plus importante - cf vv 110-111 - et qui, d’après le texte, avait dû préparer une représentation en 12 tableaux sur chariots, laquelle avait sans doute été interdite - cf vv 102-108. 38 - Vraisemblablement:Société Joyeuse des fous du Chapitre de la Cathédrale, vestige de l’ancienne Fête des fous,qui devait s’être rattachée aux Connards de Rouen.
-518-
LA SOTTIE
- 1
39 - Groupe des Ecoliers de Rouen qui appartenaient eux aussi aux Connards. 40-
-519-
51-
Les groupes des Basoches de Rouen liées au Parlement. Ce qui laisserait supposer que les Con-
Melle Droz date cette pièce du début du XVIe siècle, mais compte tenu de la répartition des rôles,qui a de grandes analogies avec celle de la Bergerie de l'Agneau de France - éd. H. Lewic-
ka. T.LF. Droz 1967 -, de l’allusion transparente aux Droits nouveaulx de Coquillart - vv 17-18-
nards de Rouen se composaient de sots appartenant à des groupes différents et que,seuls,ceux
nous serions tenté de la dater de l’époque de la Folle Guerre,et la coalition qu’elle nous peint pourrait être celle de 1486 contre les Beaujeu, autour de François I de Bretagne ou duc d’Orléans - cf vv 340-345. D'ailleurs Melle Droz elle-méme,n’écarte pas cette hypothèse (Rec. cit.,
qui étaient l’équivalent des Enfans-sans-soucy parisiens participaient à la fête.
41
LA SOTTIE - 1
Même thème que la Mere de Ville ou les Povres deables ; d’ailleurs notre pièce combine les thèmes de ces deux pièces.
42 -
Ρ 316), car elle note une allusion au gouvernement des femmes (vv 160 536).
Session extraordinaire réunie à l’occasion du passage des enquêteurs royaux ou du collecteur
Signalons au passage le jeu de mots habile du titre puisque “escornez” peut signifier “révoltés”
43 -
1488. Mais Melle Droz déclare que “rien ne permet de dater la pièce”. Rec. cit., p 96.
44 -
Selon Melle Droz. Mais cette explication n’est pas probante : elle ne rend pas exactement compte de “Porte ce gardon sur ta manche.”
45
La Sottie des rapporteurs en est le type même. Elle se déroule notamment dans un décor
analogue : les sots apparaissent à une galerie - v 75 - et Propter Quos est devant une table -v 80 -, pupitre de juge. Parfois,comme dans la Sottie pour le cry de la Basoche cet exposé
des doléances est suivi par l'entrée en scèrie d’un nouveau personnage,mais celui-ci n’est plus à proprement parler un accusé, comme dans le quatrième point de la sottie-séance de
tribunal: c’est le plus souvent,un personnage qui relance “l’action” ou plutôt l'exposé des doléances,
46 - E. Picot, rec. cit.,p 196.
le I
:
le badin
:
5253 5455-
Aliusion qui renforce l’hypothèse de la note précédente. E. Droz, rec. cit., p 297.
Ch d’Héricault. Oeuvres complètes de Gingore. Paris, Jannet
. 1856.
p 125.
Car le terme “engeles” - v 362 - dans lequel il voit une allusion ἃ l’occupation anglaise de la Normandie, s'explique en fait par les vers 67-68 : les galants,démunis de tout,sont pleins
d’engelures.
56- Comme le remarque E. Picot “l’auteur a essayé de mettre en action trois métaphores : l’un des galants veut faire du monde une bête, le second l’aveugler et le troisième veut le faire paître”. pp 11-12. 57- D’après E Picot, elle daterait du début du règne de Louis maisl’absence XI d’allusions préci-
47 - C’est en vertu du même principe que le badin de la Farce de troys galants et un badin exerce sa verve à l'encontre des professions les plus haïes du peuple. Il imagine ce qu’il ferait s’il était Dieu : Marchans de boys et de chevaulx Yront y poinct en paradis ? Nenin car y sont trop mauldis.
vv 135-137.
Méme remarque aussi pour la Farce de troys pelerins et Malice : c’est Malice qui leur fait visiter le monde:d’où l’ambiguité du personnage ; elle peut induire les pélerins en erreur,mais,en tant que cause méme des troubles, elle n’est pas suspecte de mensonge.
A et R. Bossuat , Deux moralités inédites composées et représentées en 1426 et 1427 au cok lège de Navarre. Bibliothèque Elzévirienne. Paris. 1955.
49
“dénoncés, trompés” et “châtiés par perte de leurs attributs de sots”. C’est résumer l’aventure de nos sots en un mot
d'impôts du Trésor Royal, avec comparution des officiers qui doivent rendre des comptes.
p 96.
On aurait ainsi l’évolution complexe suivante : a) sotties de Collège très proches de la moralité, jouées par les écoliers ;
b) influence des Basoches et recherche d’une structure réaliste ; 0) la censure incite les gallans-sans-soucy à revenir à la sottie allégorique. 50 - Impression qui est confirmée par les recueils venus jusqu’à nous. Ainsi, le Recueil Trepperel
ses-peut
tout aussi bien la faire dater du début de celui de Charles VIILou plutôt
répandues ἃ la fin du XVe siècle ; d’ailleurs les plaintes du Monde correspondent à un état de fait à la fin du règnede Louis XL
58 - E. Picot, rec. cit., p 236. 59 - Ibidem,p 177. 60 - G. Lecocg , Histoire du théâtre en Picardie. Paris.1880. 61 - Ce terme de “sottise” mérite qu’on s’y arrête quelque peu car,a notre connaissance, André de la Vigne est le seul à l’avoir employé. Y aurait-il de la part de notre auteur une intention consciente ?
D'après le dictionnaire de Godefroy, les deux termes de “‘sottise” et de “sotie”’ se-
raient,a ! origine,synonymes,au sens de “baliverne”, “bêtise” ainsi qu’en témoignent les ¢xemples relevés jusqu’au XVIe siècle : “la science dou siecle est mout bele mais ce n’est que sotie entendre” (Ms.de la Bibl. Sainte Geneviève), “la guerre de Troye a esté une sotie”. D'une manière générale, on note,a cette époque,une identité de valeur entre les suffixes -ie, ~ise et -erie. Mais,vers la fin du XVe siècle, lorsqu ’on éprouve le besoin d’utiliser ces termes
pour définir un genre dramatique nouveau, la préférence semble aller à celui de “sottie” (dont
dont les seize sotties ne comprennent que trois sotties-action qui, d’ailleurs, ne mettent en
la graphie est un
scène aucune allégorie - excepté Bon Temps et Folie - serait un recueil de pièces appartenant
que l’on rencontre dès les selon Huguet,qu’au XVIe siècle,et notamment celui nos pièces. Ainsi le choix
à la Basoche, alors que le Recueil La Valliére,qui présente les divers genres de sotties,mais sur
tout des sotties-action mettant en scéne des allégories, et des moralités polémiques ou 4 caractére religieux, appartiendrait au milieu mixte des écoliers et des gallans-sans-soucy.
de la ré-
gence des Beaujeu, ce à quoi invite à penser l’utilisation des structures de pronostication,trés
mélange des deux) peut-être à cause de son rapport étroit avec le verbe “sotir”
fabliaux au sens de “plaisanter”’; le verbe “sottiser”’ π᾿ apparaissant, siècle. Pourtant,les arrêts du Parlement de Paris du début du XVI e du 15 janvier 1516,emploient le termede “sottise” pour désigner par André de la Vigne de ce terme “officiel” pourrait exprimer une
| | |
- 520
-
LA
SOTTIE
-521-
- 1
troupes de sots qui appartiendraient à différentes corporations. Ainsi s’expliquerait mieux le passage de la moralité à la sottie.
volonté de s’élever contre la censure. En fait, nous pensons simplement qu’en effectuant un retour aux sources pour choisir ce terme, André de la Vigne a tout simplement voulu marquer que,tout en étant une sottie, sa pièce s’éloignait quelque peu des canons du genre et que, si l’on admet que la sottie-action naît de la moralité, elle était en quelque sorte une moralité polémique plaisante.
62 - B.N. Fond Rotschild, Cat IV πὸ 3017.(IV-3-134) Noix Figue
:
Noix
:
:
En quelle forme ?
Satirique
63
-
75
E. Droz,
76
La distinction entre
le Recueil Trepperel,t II: les farces.
p 25.
badin et sot a toujours posé un problème difficile dans la mesure où ces termes se caractérisent par une polysémie qui, dès leur origine,a amené une confusion entre eux, et où, par suite de leur emploi au théâtre pour désigner des types, ils ont vu leur
sens évoluer du XVe au XVIe siècle.
Car Satyre souvent s’aplique
Mesmement a reprendre vice. Je conseille que l’on explique
La première opposition que l’on relève dans la langue est celle qui se crée entre fou et sot et que l’on constate dès le Jeu de la Feuillée entre le personnage de Walet qui est un sot
Lestat d’office et benefice.
et celui du dervé. Est fou celui qui est atteint de maladie mentale (“fou ert, le sens aveit
Et Jehan Bouchet en donne une définition analogue : ‘‘aultres poètes sont satyre dictz qui
tous leurs metres
LA SOTTIE - 1
font reprehensifz de tous pechez publiques.” (cité par Huguet, Dict. du XVIe).
La Satyre pour les habitans d’ Auxerre, seule de nos pièces à être dénommée “satyre” ne comporte pas de rôle de sot mais seulement un rôle de badin.
perdu”! cité par Tobler - Lommatzsch) et est sot celui qui fait seulement preuve d’une sottise, d’une niaiserie, qui l’oppose au sage. Il y a,entre les deux termes,une différence de degré. Puis, par extension et affaiblissement, le qualificatif de fou est appliqué à toute personne qui ne reste pas dans les limites de la raison. Il se rapproche alors de sot, évolution à laquelle contribue son utilisation pour désigner un emploi au théâtre, celui du fol des moralités. Le fol est
64- B.N. Res. Ye 1656.
alors, comme le bouffon de cour, celui qui ne reste pas dans les limites d’une bienséance pru-
65 - E. Picot, rec. cit., t Il,p 16.
dente et sage, qui s’exclue volontairement du groupe, car il a le privilège de pouvoir tout dire.
66 - Editée par J.H. Watkins dans French Studies
VIII. 1954.
p 207.
Cette
évolution peut expliquer les quelques confusions que l’on trouve au théâtre entre fol
67 - Nous préparons actuellement une édition critique de ce texte joué en 1485.
et sot. Pourtant, ce dernier terme, lorsqu’il passe au théatre pour désigner un acteur de sottie,
68 - Le Recueil Trepperel, édition en fac-similé, Slatkine reprints, pièce 20.
prend une grande
69 - Editée par D.W. Tappan et S.M. Carrington dans Romania XCL. p 161.
spécificité qui dérive de sa valeur d’origine laquelle a subi un renversement
dû à une certaine interprétation théologique de l’opposition : il désigne,par opposition au sage,ou plutôt à celui qui croît l'être, un personnage qui, tout en feignant la folie - pour bé-
70 - D’ailleurs,à l’origine,le terme de “‘bergerie” était synonyme de “‘sottise” et désignait une action digne d’un berger (cf. dict de Godefroy). La “bergerie” pourrait,par définition, être considérée comme une sottie dont les personnages sont des paysans et des bergers insouciants. En fait, elle est souvent plus proche de la moralité.
p 7 et 8.
objectivité critique qui le caractérisait (c’est le cas des acteurs de la Farce des sots nouveaulx farcez couvéz qui sont appelés fols), soit lorsqu'il est présenté comme un suppôt de Folie et,
dans ce cas,le qualificatif est toujours utilisé conjointement à un substantif qui définit le per-
72- H. Lewicka, op. cit. Introduction, pp 8-9.
sonnage par son appartenance sociale (Farce de Folle Bobance.). L'emploi des deux termes
73 - Ce qui montre l'embarras desauteurs pour titrer des pièces qui ne sont pas franchement des farces,ni des sotties, ni des moralités. 74 - D’ailleurs,comme le prouve E. Picot en ajoutant la Sottie du Monde à son recueil - t ILpièce 17 -, il n’est pas besoin que les personnages en scène soient
nériques désignant des acteurs de sottie (opposition galant/sot dans la Farce des cris de Paris). De la même manière,on utilise le terme fol au lieu de sot soit lorsque le personnage perd cette
71 - H. Lewicka en cite quatre en tout et pour tout, et encore,sur ces quatre pièces, deux sont intitulées “moralité”. op. cit.
néficier de l’immunité qui y est attachée- est fondamentalement un sage. Et le terme ne perd cette valeur précise que dans les cas où il est employé en opposition avec d’autres termes gé-
explicitement des sots pour
classer la pièce dans le genre des sotties. Ici,chaque personnage entrant en scène représente
un métier ; ce n’est qu’au cours de l’action qu’il revêt le bonnet de folie, avant de proposer ses services au Monde qui n’est content d’aucun d’entre eux car il est fou. Cette répartition des rôles ne donnerait-elle pas aussi quelques explications sur la composition des
fol et sot au théâtre a donc provoqué un glissement de leur sens et il devient nécessaire d’avoir recours à un nouveau terme pour traduire la réalité que recouvrait le terme de sot à son origine. On fait donc appel au terme de badin qui apparaît dans la seconde moitié du XVe siècle et qui, peut-être, est à mettre en rapport avec l’ancien verbe bader équivalent de baer ou beer . A l’origine, ainsi que le remarque E. Philipot (Six farces normandes,p 160) il est
syiionyine de sot, de niais et d’ailleurs, il conservera cette valeur jusqu’au XVIe siècle: Ronsard
: “ Combien voit-on de gens qui seroient estimez / sots, niais, et badins,
s'ils n’estoient bien armez / de Madame Richesse escu de leur sottise”. (cité par Huguet)
- 522
-
LA
523 -
SOTTIE - 1
Chapitre
Dans la farce,il désigne un personnage naïf et niais dont le propre est de ne penser à rien
LA SOTTIE - 2
II
not, Farce du badin qui se loue, Farce de Mahuet
badin qui vend ses oeufs au Prix du Mar-
_ '
(P.III. 21; v 127) et qui, incapable de subtilité, confond l'esprit et la lettre (Farce de Jeniché.). La veuve, dans la farce qui porte son nom, se décide à prendre son “‘sot valet à maria-
ge” parce que, pense-t-elle : (vv 82-83)
Or,ce “οἱ valet” s’appelle “Robinet badin”’. De plus, comme le note E. Philipot (op. cit.,p 159, note 1), ce personnage portait un costume spécial et notamment un “béguin d’enfant”’, détail qui a pu faire écrire à Petit de Julleville : “le badin personnifie la jeunesse abandonnée à la nature.’’. Tel est, le plus souvent, le per
3 - Nous excluons pour l’instant le cas des pièces ne comportant qu’un seul personnage de sot, sur lesquelles nous reviendrons. 4-
Mais, assez vite dans la farce, la naïveté du personnage va devenir suspecte et le badin de-
inconscients et jusqu’à quel point ils sont malicieux” (E. Philipot , op.cit.,p 159). Parfois,en effet,il semble feindre une certaine naïveté pour mieux profiter, comme dans la Farce du ReAvec la réalité qu'il recouvre, le sens du terme évolue donc, et, avec E. Philipot, on
théatrale
(et l’acception moderne) de ce mot”. Dans la Farce du Bateleur,qui date de 1555, le terme
de badin est utilisé, comme l'était celui de sot, pour désigner un personnage à l'esprit spirituel, (et des acteurs célèbres comme
certaines pièces, comme
D. VI, les sots sont appelés galans - v 214 - quand ils
le “badin de Sote ville” et “celuy de Martain ville.”),
le badinage définissant alors une élocution volubile.
Ainsi, leur emploi au théâtre, améne-t-il les deux termes de sot et de badin à devenir synonymes vers la fin du XVIe siècle. Mais, seul,le second subsistera avec son acception théa-
(P.IL.10). 5-
A quoi il conviendrait d’ajouter toutes les pièces où les personnages présentés sous un autre
vocable générique sont néanmoins qualifiés de galants. 6- Dont l’une - P.II.12 - les appelle “sotz” dans le titre. 7 - Nous excluons les deux pièces P.III.29 et P.III.30 qui sont des pièces dérivées de monologues d’amoureux.
8- N’oublions pas qu’en Avril 1474,le Parlement exerce une censure sur les productions de la Basoche. Comme le remarque H.G. Harvey (op. cit.,p 10) “the court orders issued by magistrates for the control of play acting refer almost exclusively to plays given by the law clercks”. Ne serait-ce pas là une des raisons de la disparition du terme de sot ? Quant aux piéces jouées par les écoliers de l’Université ou par des groupes divers formés d’éléments hétérogènes : Le temps que Perrotin mesla Et fist jouer clers et marchans
trale. Ajoutons que les vers 94/95 de la citation précédente pourraient aussi s’interpréter de la maniére suivante : Les badins ne sont pas vraiment fous Et pourtant ils ne sont ni des sots feints ni des sages.
dans D. XVI, les sots “‘ecclesias-
tiques”. Mais nous nous rapprochons là du point limite qu’offre la sottie d’André de la Vigne
vient ‘“un des ces “enfants terribles” dont on ne sait jamais au juste jusqu’à quel point ils sont
peut penser que “c’est de la notion “‘contrefaire le badin” qu’est issue l’accæption
Et encore, dans
ne sont pas catalogués par leur appartenance sociale comme
personnage qui est opposé aux sots dans la sottie-farce.
trait.
p IX : “Les sotties se reconnaissent (. . .) à leurs personnages désignés sous les noms de sots, de fous, de galants, de compagnons, de pèlerins, d’ermites.”
2 - Nous pourrions faire la même remarque à propos de la Moralité de Chascun, Plusieurs, le Temps-qui-court, le Monde que Picot rejette alors qu’il accepte le Moral de tout le Monde, ou aussi de la Moralité de Mars et de Justice qui développe des données identiques à la Sottie pour le cry de la Basoche.
“ Tandy qu’il est simple novice J’auray toujours de luy mestrise”
Cf Introduction
elles ne seront guère visées que sous François ler; de là sans doute, la survivance du terme galant.
9 - Pourquoi alors ne pas tenir compte de l’autre homonyme “sceaux” ? Le jeu de mots convenait parfaitement au milieu des basoches.
77
.
10 - Petit de Julleville. Les Comédiens en France au moyen âge. Paris. Cerf,1885.
H. Lewicka. Un procédé comique de l’ancienne farce : la fausse compréhension du langage. dans Mélanges . . . J. Frappier, t Il, p 653.
p 149.
11 - Le terme de “gaudisseur” n'apparaît qu’à la fin du XVe pour désigner,chez Coquillart,un
joyeux drille qui aime à se gaudir. Chez R. de Collerye,le terme,devenu commun,désigne un bon vivant, railleur et plaisant.
78
E. Droz, le Recueil Trepperel, t Il:les farces, p 63.
79
Cf les crieries de Paris de Guillaume de la Villeneuve, dit composé d’une accumulation de cris de marchand ambulant (dans:Barbazan et Méon, Fabliaux et contes des poètes françois.)
12- Joël Lefebvre. Les Fols et la folie. Paris. Klincksieck. 1968. 13 - Fait qui n’a rien d'étonnant car si,à l’origine,le fou se définit par un dérèglement mental (son penchant pour l'érotisme en est une manifestation : il signifie une libération incontrôlée des
instincts ; et son privilège de tout dire est lié à la peur qu’il provoque dans la société.) le sot, lui, se définit par opposition au sage (la folie du fou est dans ses actes, elle est durable; celle du sot dans ses paroles, elle est occasionnelle.), le rapport s’inversant dans le paradoxe du
504
LA
SOTTIE
- 2
Christianisme. Quand le fou accède au théâtre par le biais de la Fête des Fous, il joue sur les planches le rôle du fou de cour ; le sot lui, très vite, devient le symbole du peuple avec sa sagesse naive et drue, son bon sens et ses difficultés d'expression. Mais,quand il a besoin de rappeler son droit à la liberté d'expression, le sot reprend son nom de fol. C’est ce qui se produit dans la Sottie de l’Astrologue (P.I.7). 14-
Et qui se marque dans de nombreux proverbes : “De fol se deit len guarder”. Signalons à ce propos que les proverbes sur les sots sont extrêmement rares.
15 - D’ailleurs,pour la plupart,ils sont des clercs instruits. Ceux des Menus propos connaissent leurs déclinaisons :
16-
Ne sont pas tous patronimiques De la tierce declineson ?
(vv 85-86),
Que j’ay chiffré mainte leçon Tant que j’estoie estudiant.
(vv 109-110)
525
souciance qui les fait fréquemment se comparer à des oiseaux. Idée mise en scène dans la Pipee qui est une sottie,et où les galants s'appellent Rouge-gorge, Verdier, Jaune-bec.
18 - Aussi le type du galant trouvera-t-il son plein épanouissement sous la plume de Roger de Collerye dans les personnages de Mallepaye et Baillevent. N'oublions pas que les “ Galans de feuillee” étaient des brigands de grand chemin (cf. Dict de Godefroy).
19 - Rappelons que c’est déjà ce que reprochait Villon aux “gallans” :
Tout auxtavernes et aux filles” (T. 1716-1719) Le substantif de gorrier n'apparaît qu’à la fin du XVe siècle au théâtre pour désigner un élégant, un galant bien paré. On peut sans doute le mettre en rapport
où il est précisé par le terme de folz :
24-
par des maris niais et cocus, qui détermine leur extension et leur usage comme nom commun.
26 - La femme de la farce du cuvier appelle son mari “coquart”. 27 - H. Lewicka, op.cit., p 216. Le terme,qui date du XVe 5, dériverait de coquille qui désigne a) une sorte de coiffure ; b) la tromperie, le mensonge. On le rencontre avec une acception argotique chez Villon et dans le procès des Coquillards. Le sens de “niais”, “benét” apparait dans la Farce du Cuvier “ Corbieu je suis bien coquillart D’estre ainsi durement mené.”
vv 166-167
Le terme ne semble pas survivre au XVe siécle.
28 - Le terme, attesté avec cette valeur chez Rabelais,appartiendrait selon J. Dufournet, à une
structure onomatopéique désignant le chat, animal réputé pour sa ruse et son hypocrisie : MINET, MITOU, MAROU ... D'ailleurs Godefroy signale l’adjectif mitouin (“hypocrite”, “flatteur””) et le verbe mitouiner (“‘flatter, séduire par des paroles hypocrites”)
29
Que J. Rigollot (Monnaies des évêques des fous, Introduction, p LII.), s’appuyant sur A. Chartier, explique ainsi : “on fait venir Triboulet de ‘triboulé’, qui a l'esprit troublé.” Le terme d’affineur se rencontre encore sous la plume de Rabelais pour désigner un person-
nage qui trompe par finesse.
31
Ici, c’est une expression connue qui est devenue nom propre : on disait ‘‘la langue avoit afilée” pour dire “il avait la langue bien pendue.”
32
L'origine de ce nom est obscure. Vient-il du verbe mirer (regarder, contempler) auquel on aurait juxtaposé le substantif féminin lore qui désigne des coups, pour désigner un personna-
avec le verbe gorrer qui
ge sachant tirer son épingle du jeu au bon moment ? Si l’on en croit Etienne Pasquier, très
sous vite, il est devenu synonyme de “‘sot” : “Pareille liberté se logea en ceste ville de Paris, le nom de la Bazoche, aux clercs tant du Palais que du Chastelet, lesquels jouant à certains jours, les uns à la Table de Marbre, au Palais, les autres au siège du Chastelet, introduysoient vulgairement ordinairement sur l’eschafaut trois d’entre eux, habillés en sotz, que l’on appeloit ses compaignons, mirelorets ou sotelets, dont l’un, nommé Rapporte-nouvelles, interrogé par
second y ajoutant une nuance juridique de dépendance : le suppôt est un vassal, un sujet de Mere Sotte. Quant au terme de pélerin,jl est employé avec sa valeur propre de “voyageur” (PIL16)
de leur rapportoit soubz équivoque de noms, tous ceux ou celles qu’ils pensoient estre marqués
“Ou sont ces Pelerins desVaulx ?
quelque vice.” (Cité par Godefroy.)
? ”
(vy
1-3)
20 - E, Picot a recueilli sur la plupart de ces acteurs des renseignements biographiques assez précis. Op. cit.,t II p 270-273.
21 - Claude Rousset était effectivement sellier et Nicolas Rollet était membre du conseil des bourgeois de la ville.
22-
On pourrait y ajouter le nom de Mahuet. C’est leur emploi dans la farce où ils étaient portés
La dérivation. Paris. Klincksieck. 1960. p 13.
Les autres appellatifs que nous avons relevés n’ajoutent rien au portrait du galant : les termes de compaignons ou de suppostz traduisent seulement l'appartenance à un groupe, le
Par chans, villages et hameaux
deux grans ponnars Touz auxi folz que je vouloye.
25 - Halina Lewicka. La Langue et le style du théâtre comique français des XVe et XVIe siècles.
existe dès le XIIIe siècle,au sens de ‘‘se parer avec recherche.”
Veulent ilz poinct suyvre Malice
- 2
leurs,le terme ponnard a bien souvent le sens de paresseux comme dans la Farce de la Pipée
30
‘ Chausses, pourpoins esguilletez Robes, et toutes vos drappilles Ains que vous fassiez pis, portez
LA SOTTIE
23- Le nom penart désignait aussi une carpe, poisson réputé pour sa bétise et sa paresse. D’ail-
On peut aussi penser que le rapprochement des termes badin et sot a amené le glissement de sens du premier.
17- Car, comme leur lointain ancêtre, le fol, ils possèdent la richesse spirituelle,cause de leur in-
-
Coquillart fait de ce nom un synonyme de Jehan pour désigner un niais.Dans la Farce de la
Veuve,il est l'oncle de Robinet badin, et souvent,il est le nom du mari trompé.
33 34 35 -
E. Picot. Rec. cit., p 137, note 2. Ibidem, p 140. note I. de piquant coSi Dando se livre à une satire de la mode avec Aliboron, c’est pour donner plus mique à la chose, car deux sots en auraient fait tout autant.
36 - H.G. Harvey, op. cit., p 18. 37 - Il est un chef anonyme ou plutôt un Principal dépeint par son tic pédagogique.
“556+
LA SOTTIE
-527-
- 3
LA SOTTIE - 3
38 - Ici la catégorie sociale est déterminée par le grief principal qu’on lui fait.
Ce qui dans de nombreux cas supprime l'obligation d’une coulisse.
39 - Parfois,cependant,le voile protecteur qu’implique le rejet des responsabilités sur un personna-
B. Swain, op. cit.,
Ibidem,p 84-85.
ge comme le Temps-qui-court peut être des plus transparents. C’est ainsi qu’à n’en pas douter,
dans la Farce de Mestier, Marchandise, Pou d’Acquest, le Temps qui - court et Grosse Despen-
Ibidem ,p 79.
ce, c’est le roi lui-meme qui est représenté par le Temps-qui-court :
Ibidem ,p
Est il saison que me tienne a requoy Puis que sur tous ay le bruyct, somme toute, Le peuple tien et tiendray en aboy. Est il saison que me tienne a requoy ! Si je regne jusques au moy de May
81.
Ibidem, p 63. J. Rigollot, op.cit., Introduction, p LXIV. Ibidem ,p CLI note I : L’habit de Tabarin était jaune et vert. “Ayant depuis un an trois cartz
D’effusion il cherra mainte goutte.
Est il saison que me tienne a requoy Puis que sur tous ay le bruyct somme toute. Les ungs m’ayment, les autres me deboute. Si n’y entens, par bieu, ne qui ne quoy. Resveiller Mars feray quoy qui me couste Si je regne jusques au moy de May.
p 75-76.
et demry-fait le circuit de toute la terre universelle sur une nasselle de verre, mon hoqueton jaune vert me servant de boussolle, ma marotte de baston de Jacob, mon bonnet rond d’Astrolabe, et le derrière de ma chemise de voiles, . . . ““Estrennes universelles de Tabarin pour lan 1621.”
17
Ibidem ,p LXIV.
18
Ibidem ,p LXXVIII.
19
Le dessin d’humour du XVe
siècle à nos jours. Publications de la Bibliothèque
Nationale,
Paris, 1971, p 12. Chapitre
III
20
Cf. la marotte de la Fête des Fous du Musée de Dijon.
1 - L'Art de faire des devises. Paris. 1645. Cité par B. Swain, op. cit., p 119.
21
Joël Lefebvre,
2-
22
Les attaques sont aussi plus virulentes dans les sotties-jugement. La sottie-action est plus générale et plus abstraite sauf quand le régime le permet.
23
Idée de la dégradation du costume du sot qui,en aucun cas,ne peut être un critère de détermination du genre de la sottie. Fête des Fous et bouffons de Cour : tenue complète du fou ; sottie-jugement : juste le capuchon ; sottie-action : tenue spécifique remplacée par un vête-
Mise en scène vivante de ces images de fous destinées à donner au peuple un enseignement
moral et qui, comme le rappelle B. Swain, étaient fort répandues au XVe siècle : “the truism that “pictura est laicorum litteratura’” was true in the fifteenth century as in the twelfth or the twentieth. In Brant’s own country, pictures, and pictures of fools too, had already been used for
the illustrations of moral teaching.” Op. cit.,p 118. 3 - Il faudrait citer tous les dessins de Brueghel ou de Bosch représentant des scènes de farces: 4- C’est là un décor semblable à celui que nous présente une illustration pour la Floriana et la Calandria de Térence (Fig 16),
5 - C’est d’ailleurs ce que laisse entendre le rapport d’E. Pasquier. Cf. chapitre deuxième, note 32. 6-
La scène traditionnelle des sotties précédentes, avec ses deux portes à chaque bout de la scène,
op. cit., p 19.
ment symbolique ou caricatural.
24
C’est ainsi que,dans la Pippée, pour la nécessité de l’action, mais aussi parce qu'ils sont des
galants insouciants, amoureux, volages comme des oiseaux, les personnages non seulement
portent des noms d'oiseaux (Verdier, Rouge-gorge, Jaune-bec) mais encore, si l’on en croit les répliques qu’ils échangent, ils sont recouverts de plumes :
Et dont nous vient se jaune bec, Ou bien bec jaune, toust m'est ung, Qui veult le secret d’ung commun Sçavoir ? Beau sire dictes lui. Mais vrayment dont il est sailly ?
Verdier
:
Rouge-g.
:
Verdier
(v 504).
Rouge-g.
à
7-
Sinon,jl est impossible d'imaginer logiquement les déplacements suggérés.
Jaune-b.
:
8-
Bien que certaines pièces soient susceptibles de types de mise en scène variés comme les piè-
Verdier Jaune-b.
: Qu’esse a dire ? Deux grans ponnars, ’
pouvait d’ailleurs fort bien convenir à ce genre de pièce. Dans Folle Bobance,nous trouvons un décor analogue : Folle Bobance :
Je vous menray, vaille que vaille Dans le Chasteau de Pouvreté ;
La vivrés en mendicité
Jusques a la fin de voz jours. le ΠῚ
ces de Carnaval.
:
(vv 451-454)
.... c’est le chasteau de Tout-y-fault.
:
Je regarde moult sa faiczon : Esse ung merle ?
C’est ung moesson.
Tu l'as perdu ; c’est ung mauvy Ad ce que puis cognoistre au signe. Et vous estes deux ouefs de cigne. Vous montrez bailleurs de brocquards.
Tout aussi sotz que je vouloye.
- 528 -
Rouge-g.
LA
SOTTIE - 3
:
Tlest en plume comme raye. A Dieu ! Que ses plumes sont belles ! : Il cuyde ja voller sans elles ; Que tu l’entends ! C’est du moins.
Verdier Jaune-b
On est loin du costume traditionnel du sot,et pourtant la Pippée,qu i met en scène Plaisant Folie, est une sottie au même titre que Folle Bobance ou la Folie de Gorriers.
25 - C’est de cette manière que le Temps présente les Gens à Mestier et Marchandise : Le Temps
:
Voyeci les Gens que je vous dis ; Venes parler a eux, venez.
Estes vous bien sos estourdis ?
Voyeci les Gens que je vous dis.
Mestier
: Createur, Dieu de Paradis,
le Temps
: Voyeci les Gens que je vous dis, Venés parler a eulx, venés. :
le Bergier le Temps
: :
Marchand.
:
Et quelz yeulx !
Chapitre
Et quel nes !
composition secondaire” qui “est basée sur Phomophonie des monphèmes de sens différents
sée comporter.”
De voir Telz Gens.
Voyeci merveille !
La Sottie de l'Astrologue se définit par une tondité différente ὡς le Fame ties toys galants,
le Monde qu'on fait paisire εἰ Ordre, elle-même différente de le Sottie cies sois tciumphants.
Ilz vous montrent leur faulx visage, Car ilz parlent mal en deriere À Et pour en scavoir la manyere,
D'ailleurs, dans l'ensemble, chacun des différents types de sotties semble Caractétisé par une tonalité dominante : sottie-parade = Giglogue-ciramatiqueet didlogue-folie ; sotticjugement = dialogue dramatique et dislogue-discussion ; sottic-action
Qui sterna, ha, ha,
constat.
Fari planga, hardet, stella, My hard, fiol, berty, hardit.
sottie,il devient élément constitutif de l’expression allégorique, alors que dans la moralité,
l’allégorie se dévoile par le dialogue.
Le terme “veaulx” est fréquemment utilisé comme synonyme de “sot” : Il est des gens plus sotz que veaulx Qui cuident saulver tout le monde, P.L.3 vv 303-304. C’est asés parler de telz veaulx !
28 - ΒΝ. Rés. Ye
1656.
: cialogue dramatique et dialogue
La Sortie des sotz qui remettent en point Bon Temps qui présente une action signifiante dans
26 - Le vétement est aussi un moyen de rendre concréte,donc compréhensible,]’allégorie. Dans la
Or sus, sus ! Y nous fault poursuyvre.
p 168.
Sorte de contre-point statique, il stoppe momentanément le éésouiement linéaice die l'action ou de lz discussion.
: Cognoisés qu’ilz ont grans oreilles ;
Parlez, les Gens.
IV
Pour les dégager on “décompose” l'unité lexicale en éléments qu'elle comporte ou est σῦν
Et sy ne faictes quelque doubte Qu’ilz ont condition saulvage;
27-
: 4
Mme H. Lewicka(La Langueet le style du théâtre comique français des XVe et XVe siècles, t Il : les composés. Paris. Klincksieck. 1968) classe ce procédé sous le tenme général de “dé-
Quel bouche ! Quel manyere ! Regardez devant et derriere Et me dictes que vous en semble. Par la foy de mon cors, je tremble
Ilz ont beaux yeulx et ne voyent goulte ;
les Gens
SOTTIE
déroulement chronologique. Chez elle,c’est plus la direction comparée des déplacements et leur ampleur qui sont signifiantes. Si l’on prend la Moralité du nouveau monde, “l'acte 1” se caractérise par une symétrie dans les déplacements : c’est la constitution des groupes de forces ; “l'acte Il”, “l'acte III” et “l'acte IV” se caractérisent Par une ampleur croissante des mêmes déplacements en cercle : ce sont les efforts déployés pour abattre Pragmatique ; Quant à “l'acte Ν᾽", rassemblement au centre,puis avance vers le devant de la scène de tous les opposants autour d’Université, équivalent d’un gros plan cin¢matogr aphique, il traduit pour le spectateur,la prédominance d’Université et l'établissement de son pouvoir (Pig 18) Ailleurs, dans la Moralité des enfans de Maintenant ou la Moralité de Charité, plus que les déplacements eux-mêmes, ce seront leurs points d’aboutissement (rencontres ) QIA seront signifiants.
Quelz grans oreilles !
Mestier le Bergier
Marchand le Temps
LA
Qu’ esse que vous nous amenés ?
Marchand.
Mestier
- §29-
PIIL.31
vv 348-349.
Lyon 1541,
29 - De ce point de vue la sottie se différencie de la moralité. Alors que la sottie, expression d’uné doléance, est un tableau figuratif animé, la moralité est plus l’histoire d’une idée et utiljse un
une structure de sottiejugement, est ua véritable concert d'un auteur quiesu tirer cies quatre notes dont J disposait des hanmoniques trés fines pour présenter une piece toute on nuances
À. Entrée dies sots : 118
: Diglogue-tisoussion (mais avec un ronfeausedoubié : "thes mauvais bletiz sontilz mengiez ? *)
19-20
: Dialogue dramatique (une seule réplique)
21-30
: Didiogue-constat (un rondieau : ‘le pain ve bien wy...”
tout par
31
Dialogue dramatique (une seule «éplique)
32-67
Dialogue-tolie sous lle acca de l'obscénité : un orhsean dovble : “he viens d'anecque tte femelle / Jay tant scale que plus d'en puis.)
LA SOTTIE
B. Rassemblement du tribunal : 68-83
:
84-95
: Dialogue-constat (présentation par autrui du Général d’En-
Dialogue dramatique (rondeau double : arrivée de Mère Sotte et présentation des personnages.)
fance. aabB x n.)
96-124:
_B
ΤΟΥΤῚ
rondeau “Je voys a vous ma Mere Sotte”) : Dialogue-constat : chansons.
142-154 : Dialogue dramatique : demande de rapports. 154-201 : Dialogue-constat : accumulation de répliques d’un vers : forme à refrain “C'est la nourice du commun”; un rondeau : “Les bledz sont beaulx / Vignes sont belles / Gaudeamus / C. Comparution des personnages cités :
292-304 : Dialogue dramatique : rondeau “Bon Temps endossez ceste
robe / et ce chapperon. Vive Enffance ! *” 305-312 : Dialogue-constat : rondeau. 313-318 : Dialogue dramatique : déplacements. 319-335
: Dialogue-constat : Chant.
336-347 : Dialogue-discussion : monologue conclusif et explicatif.
C’est ici l’alternance des différentes formes de dialogues qui crée une action.
= '
rondeaux,dont un double ; rencontre ; salut : deux structu-
285-291
Histoire sociale de l’occident médiéval, Paris, Colin, 1970. p 284-292,
Il est curieux de constater que I’élite cultivée à laquelle appartiennent nos auteurs de sotties n’a été sensible, lors des premiers symptômes de l’évolution capitaliste,qu’aux implications morales de celle-ci. Mais cela doit-il nous étonner quand on sait que le XVe siécle a été un siécle de crise économique et quand on connait le milieu des auteurs ? Car, comme le rap-
vres,que les seuls basochiens menant une existence de bohême . . . ” (Les Universités européennes du XIVe au XVIIIe siècle, Genève. Droz. 1967 p 78-79).
202-262 ; Dialogue dramatique (Appel de Tout et Bon Temps:deux
E. Verdict :
Cf. Robert Fossier
pelle Sven Stelling - Michaud “l’évolution politico-économique - c'est à dire la conjonction du pouvoir politique et des puissances économiques - eut pour conséquence de tarir cette alimentation des universités en étudiants de conditions modestes qui avaient été, jusqu’alors le ferment des facultés des arts. (. . . ) Ne parviendront désormais aux études, parmi les pau-
Vive Bon Temps”.
; Dialogue-constat (plaintes de Bon Temps et de Tout : rondeau ; étonnement des autres : rondeau) : Dialogue-discussion (explications).
- 6
Cest en effet vers 1450-1470 que,selon Guy Fourquin (Histoire économique de l’occident médiéval, Paris, Colin,1971. p 430) apparaissent les premiers symptomes de capitalisme industriel.
C. Exposé des doléances (ironie) :
263-282
LA SOTTIE
dès 1524,provoque une inflation qui atteint son point culminant vers 1550. Tout le monde en patit sauf la haute bourgeoisie qui détourne la crise à son profit.
Xn ; réponse :
res aabB x n.)
-
4- Après une période de crise, les grandes découvertes amènent un afflux d’or sur le marché qui,
a '
125-141
Dialogue dramatique (appel : aab
531
- 4
'
-
ων
«$30
Ce qui s’explique en partie par le milieu des auteurs car “ὰ l’époque de la Renaissance, avec la sécularisation de la pensée et avec le développement d’une économie monétaire, l’univer-
sité allait devenir bourgeoise et aristocratique à la fois, elle allait être au service, non plus d’une Eglise, mais des villes et des princes” (S. Stelling - Michaud, op.cit.,p 78.) Le personnage de Raison apparaît dès le Romande la Rose qui,le premier,prône le droit à l'insurrection, le refus de l'impôt et le partage des biens - et des femmes - dans un esprit communiste. Ici la prééminence de Raison sur Foy préfigure l’évolution qui conduira à l’Humanisme et à la Renaissance.
9 - Sur le plan politico-social, c’est la rupture de l’unité chrétienne,effective au XVe siécle,qui a permis l’éveil du sentiment national. 10 - Cité par E. Droz.
Jehan Bouchet, la Déploration de l'Eglise militante. On retrouve cette mé-
me position dans le Traitté plaisant et sentencieux de Figue, Noix et Chastaigne. B.N.Fonds Chapitre
V
1 - On pourrait aussi penser que l’auteur, à la solde du pouvoir, n’utilise une structure contestataire que pour retourner contre le peuple ses propres armes,ou,tout au moins,pour semer la
confusion dans son esprit. C’est déja ce qu’avait fait Gringore ; et cette sottie fait apparaitre
un personnage qui avait un rôle dans le jeu du Prince des sotz.
2- E. Droz, rec. cit.,p 255. 3-
Cette idée de cycle infernal apparaît très nettement dans la Moralité de 1427 avec l’idée que “tout passe par le cul du singe”. Ainsi que le note M. Bossuat “sans doute ne s'agit-il là que
de vues très générales mais si souvent répétées dans la littérature du temps qu’on a le droit d’y voir plus qu’un exercice de rhétorique.” Op. cit.,p 103.
Rothschild, Cat IV
πὸ 3017
(IV - 3- 134).
11 - Cité par E. Droz. Gringore. Les Folles Entreprises. 1505. 12 - La satire se déchainera à ce sujet lorsqu’en 1517. parait,avec l’agrément de Léon X,un petit livre intitulé
Taxe de la chancellerie romaine,qui est un tarif complet des indulgences pour
le rachat de toutes les fautes, des plus simples délits à
"homicide
et à l’inceste. La premiè-
re version française ne date cependant que de 1544.
13 - A la fin du XVe siècle, la noblesse française, décimée par la guerre de Cent Ans et ruinée, a perdu tout rôle politique.
J.V. Alter, les Origines de la satire anti-bourgeoise en France au moyen âgeet au XVie siécle Travaux d’Humanisme et Renaissance, LXXXIII, Droz,1966. p 199 ; tiré de R. Mousnier,La Vénalité des offices sous Henri IV et Louis XIII, Rouen, Mangard. 1945.
- 532 -
Qu'il avait été jeté hors de la Cour et était retombé dans le verger (le Verger était une terre située dans le voisinage de Baugé, terre que Pierre de Rohan avait acquise en 1482, et où il avait fait construire un magnifique chateau). Cette anecdote est rapportée par Charles d’Argentré dans ses additions à Bertrand d’Argentré (Histoir de Bretagne. 1618, in-fol. p 1031). e Rec. kt p67.
15 - C’est vers 1521 que l’esprit satirique s’en prend le plus violemment à la spéculation. Il est vrai que les nombreux édits contre la spéculation sur les blés n'avaient jamais été appliqués, ; p 63. op. cit.,
16-
J.V Alter.
17-
Dès 1444, on interdit officiellement
les “épices”. Mais, outre le fait que cette interdiction
n’était pas toujours respectée, les magistrats se rattrapaient en faisant durer les procès et ce,
malgré les ordonnances de 1446 et 1454, destinées à faire abréger l'expédition des causes dans les cours de justice. De là, la confusion dans l'esprit des plaignants.
18- Excepté aussi dans le violent Trialogue entre l'ambassadeur du Roy François, le portier d’Enfer et le Prince des diables. 1544. (B.N.Fonds Rothschild. Cat II, n° 1082. V-6 bis-37) Pièce
20 - A. εἰ R. Bossuat.
prouver que les actes de celui-ci ne justifient guère son titre de “Roi très chrestien” :
, Au XVIe siècle, la royauté, qui au XVe s’était rapprochée du patriciat,s’allie avec la petite
bourgeoisie contre le patriciat. Il est vraisemblable de penser que les efforts que l’on perçoit
dans la sottie ont porté leurs fruits.
Il ne le peult porterses a prédecesseurs tiltre Comme ont faict
23 - Ce qui laisse à penser que déjà à cette date, dans des textes qui ne sont pas parvenus jusqu’à nous, les basochiens ne se faisaient pas faute de critiquer sévèrement le régime.
Car nobles glorieusement ante cesseurs L’ontsesacquis
24 - Cette date s’explique. Jusqu'à sa victoire sur le Téméraire, Louis XI ne veut pas être discré-
La foy que cestuy veult abattre
25 - E. Cougny, De la Comédie politique dans les Collèges, Lyon, 1868, p 42.
À
di
i Deffendant virtueusement
Et n’ont jamais cessé combattre Et expulser les ennemis
Que cestuy rechoit pour amys
(... )
. ..)Noblesse n’y a, ny onction Dignité, foy ny passion Trinité, ciel ny sacrament
26-
D n'a juré et wiolé ( ...)
Ibidem, pp 43-44.
Ξ--Ξ--27 - D. Félibien. Histoire de Paris. in-fol.
t Il. Cf t IV, preuves, p 634 : texte de l'arrêt. î
la dénonciation des véritables responsables est d’autant plus forte.
De tous droicts divins et humains. (. .. )
Que la vie d’un Prinche telle Est pire que d’ung infidele. (...)
Mores et Tufcquo;'seycanailll): Ausquelz toutes faveurs il baille Sans craindre de Dieu la Justice,
‘
gnants (Chascun, Tout-le-monde . . . se présentent au tribunal. Il n’en reste pas moins que
Qu’en ung mesme jour s’est porté Dedens Luxembourg et Brabant Artois et Arragon, mectant Tout au feu, sans quelque avertance, Qui est encontre la deffense
mee x eine sse arrete
:
Souvent, nous l’avons vu, la sottie-jugement présente un jugement par défaut. Seuls,les plai-
A son cas si bien prospecté
Ὁ
'
’ A i sévérité. extréme ité et se montre d’une
Ibidem,p 674.
Croix ny hostie qu’entierement
car il ne craint pas :
op. cit.,p 104.
21 - La sottie s'inscrit ainsi dans la ligne des oeuvres d’Eustache Deschamps qui sont un code de morale complet à l’usage de la royauté. D’ailleurs,c’est de 1357 que datent les premiers essais de réformes politiques.
sans doute protestante dans laquelle‘Franchois le Roy des Franchois’est désigné nommémentpar son ambassadeur qui, pour convaincre le diable de porter secours à son maître, essaie de lui
(...)
LA SOTTIE - 5
- 533 -
Chapitre
VI
La Sottie des sots gardonnez y a recours : lorsque le coquin; τλρροτίο NES sons, on ot plus sensible à leur comique qu’à la réalité qu’elles recouvrent. De méme,la pièce se termine sur des coups qui ont une double valeur : c’est ainsi que l’on récompense ceux qui fuient
|
Devant de tels exploits,le prince des ténèbres ne peut que s’écrier :
Dictz je te prie, a ton maistre Qu’en Enfer a un diable sien.
19- E. Picot rapporte que “déjà les écoliers parisiens s'étaient permis de cuisantes allusions au maréchal de Gyé. Dans une sottie ou une moralité représentée en 1505, ou en 1506, ils avaient parlé d’un maréchal qui avait voulu ferrer une Anne et avait reçu un si violent coup de pied
: ; devant l'ennemi, en l'occurrence la censure. Mais le spectateur ne voit que leur valeur co-
mique. C’est un effet anologue que produisent les peintures de Bruegel. Le rire se prolonge dans
Pinquiétude.
884:
LA SOTTIE - Conclus.
“535:
APPENDICE
CONCLUSION 1-
D'ailleurs le sot Teste-Creuse ne les distingue-t-il pas, bien maladroitement il est vrai, - et
n’en déplaise à Melle Droz- sous le titre de “farce de bande”. lorsque Malostru lui propo: : : ξ :
S.A.T.F
Evidemment on peut toujours simuler un débat public. Mais dans le cas présent, l'intérêt du jeu n’en aurait-il pas été diminué ? Car, comme dans tout jeu de société, cet intérêt repose opposants. De toute manière, admettre que le débat pouvait être simulé, scène d’une dispute dialoguée. Montaiglon et Rothschild, Recueil de poésies françoises, t IX, p 92.
Ibidem ,t V,p 5. Vers qui pourraient être considérés comme un argument en faveur de l’improvisation d’un
Comme en témoigne la structure des piéces, leur mise en scéne et le déroulement des échanges par l'étape de mise au point que représente le genre du dialogue, rattacherait la sottie aux pre miers balbutiements du théâtre profane populaire que sont les monologues.
A
Pour étre complet, il faut aussi rappeler que la sottie, selon les besoins du moment et surtout selon la plus ou moins grande sévérité de la censure, peut glisser vers la farce ou vers la mora-
’
un
lité. Ce qui le prouve aussi, c'est que lorsque le pouvoir veut exercer une action directe sur cette
classe, c’est à cette même forme de théâtre qu’il a recours,comme dans le Jeu du Prince des sots.
Rappelons aussi que les troupes professionnelles n’apparaissent pas avant le XVIe siècle.
Ί- Le sot-sage de la sottie s'oppose au fou de la Fête des Fous qui représente une folie libératrice des instincts. Citons deux ouvrages qui les reprennent et sont en quelque sorte,une synthèse sur ce problè-
me : Du Tillot Mémoire pour servir à l’histoire de la Fête des Fous (1751) ; J. Rigollot Monnaies des évêques des innocens et des fous ; introduction. Précision relevée par J. Rigollot dans son ouvrage.
10-
certain nombre de jeux-partis.
6- Montaiglon et Rothschild, rec, cit., t V,p 264.
pouvoir de l’argent sur toutes les vertus morales et sociales.
Il est intéressant de rappeler que les basochiens ont été touchés les premiers par la censure, bien avant que les écoliers ne le soient à leur tour.
c’est reconnaître
implicitement à ce genre poétique une valeur dramatique certaine : il est alors la mise en
trois coquins qui sont des sotties.
6:
Paris 1926.
sur l’inattendu des questions et répliques qui permettent d’apprécier les qualités d’esprit des
Nous demandons farce de bande. w 174-177. Cest en effet dans cette derniére catégorie qu’il place la Farce de la pipée et la Farce des
Désir universel de parvenir que traduit,en cette époque de bouleversements, la supériorité du
1
I
2 =
Vollez vous farce d’eschaffault ? Nenny. Farces de nopces ? Jamais. Ou de collieges ? Pour tous metz,
De plus,les structures du dialogue semblent témoigner en faveur d’une sorte de filiation qui,
-
{=
se, pour se divertir, de jouer des farces appartenant à différentes catégories : Malostru Teste Malostru Sotin Malostru Teste
APPENDICE
Cette recherche de dramatisation se marque encore dans l’évolution du fond et de la structure du débat. Ainsi que le remarque G. Lozinski (La bataille de Quaresme et Charnaige. Bibl. de l’Ec. des Hautes Et.
nO 262. Paris 1933) les premiers débats, comme la Desputoizon du
Croisié et du Descroisié consistaient en un simple échange de discours. Puis, dans un second
temps, l’échange, ou plaidoyer, se poursuit par une querelle qui précède le jugement d’un tiers : c’est ce qui se produit dans la Desputoison du vin et de l’iave (Jubinal, rec. cit.,t I p 293).
Enfin,dans un dernier temps, on ajoute un duel qui constitue la partie centrale du
débat, comme dans le Débat du cuer et de l'oeil. Et le débat devient une bataille comme cek le de Quaresme et Charnaige. Ce caractère dramatique du débat explique qu’il ait pu, sans grand changement, être por-
té à la scène sous le titre de farce : il suffisait d'abandonner la structure strophique traditionnelle et de confier la déclamation à deux types comiques. Telle est l'élaboration de la Farce pour deux personnaiges, Lordeau et
Tart- Abillé (Romania
92, 1971,
Ρ 145-sq) que F. Lecoy
range dans la catégorie des “farces de doctorat” et dont il écrit : “La Farce pour deux personnaiges, Lordeau et Tart Abillé ne comporte pour ainsi dire pas d’action. C’est, en réalité, un dialogue-débat qui oppose les deux acteurs, que l’on doit se représenter comme deux valets, dont l’un, Tart abillé, est sans doute un goujat de cuisine. Ils se rencontrent par hasard et
s'apprêtent à faire bombance aux dépens d’un chapon et d’un pot de vin dérobés aux préparatifs d’un banquet. Ce banquet, et la fête qui l'accompagne, sont destinés à célébrer l’heureuse journée au cours de laquelle un seigneur, sans doute le maître de Tart Abillé, a été
reçu docteur.
Nos deux héros sont installés à l'écart, mais il semble que, du lieu où ils se trouvent, ils peuvent assister au déroulement des réjouissances, des danses en particulier. Et ce spectacle, après quelques plaisanteries peu originales, les amène à discuter de l'amour, Tart abillé se faisant le champion des doux sentiments, Lourdault, au contraire, insistant avant tout sur les
APPENDICE
É - 536 -
dangers,
et l’immoralité,
de la pratique
La discussion
amoureuse.
met
en jeu des arguments
que par leton des percent fois rebattus, le comique, si comique il y a, n’étant provoqué la bouche de deux individus dans placer de effet, en plaisant, paraître pu a il : sonnages. te du débat (398-583) grossiers une discussion sur la courtoisie. La partie la plus intéressan mariée, d’avoir un femme une pour est consacrée à la question de savoir s’il est légitime, et s’il convient à un abillé Tart affirme honneur, tout bien “ami” - mais un “ami” en tout ce jeu sentimental. Tart épouse son à permettre de nce, complaisa sotte de mari, sans excès un pareil usage ; Lourdault soutient abillé est persuadé qu’on doit admettre, sans réticence, de mariage. Conformément au l'état pour danger de source et qu’il n’y a là que sophisme de mal tourner et les déroulement traditionnel des pièces de ce type, la discussion menace sagement, propose fort , Lourdault mais champions sont près d’en venir aux mains (555) ; clers et ‘‘docteurs des décision la à remettre s’en de et d'abandonner la “‘voye de fayt” saiges”
APPENDICE
- 2
(p 147-148),
In
the ecclesiastical
feast was abolished
by the local parlement
of Dijon
and a new
or-
ganisation, The Mére Folle, inherited its privileges and its costume and the right of public criticism which the sub-deacons of the chapel royal had probably exercised in their day. B. Swain,
op. cit., p 77.
Cette corporation comprenait d’ailleurs des nobles dans ses rangs puisque l’imprimerie était, avec la verrerie,le seul métier que les nobles pouvaient exercer sans déroger. Recueil des Plaisants devis récités par les suppostz du seigneur de la Coquille. Lyon. Scheuring. 1857. 84 vers pour le plus court et 284 vers pour le plus long. Signe distinctif du maquillage, le nez peint s’explique sans doute par l'influence de la Commedia dell’arte. - B.
rec. cit.,t IV,p 151. Montaiglon et Rothschild,
1552,
- 2
Swain,
op.
Cf gravure reproduite par E. Picot rec. cit., Introduction
p XIV.
cit.,p 78.
Car selon la coutume a Dijon :
Ibidem,t IX,p 206.
Au mois de May en ceste ville Les maris les plus rigoureux Laissent leur femme bien gentille Maitresse dedans leur maison.
Ibidem,t VII,p 211. , Recueil général des Sotties,t III, piéce XXIX. E. Picot rec. cit.,t XIII,p 193. Montaiglon et Rothschild,
le maDans le manuscrit,la piéce se présente en double exemplaire, ce qui laisse 4 penser que nuscrit était un livret d’acteur.
Ibidem, t IX, p 148. Lordeau et Tart Abillé. Cf note 7. Nous avions constaté la méme évolution dans la Farce de
On peut aussi admettre que les acteurs se déplaçaient a pied, de lieu en lieu,pour répéter leur sketch.
En effet, au deuxiéme fol qui ne semble guére enthousiaste pour faire des“asnes de ce mois” le théme de la piéce : Au moings est ce ung subjectz qui de nous le mérite ? le premier rétorque :
APPENDICE
II
e par E. Picot dans son étude 1- Déjà en 1525, une gravure des Heures de Notre-Dame, reproduit
sa passion de la part des Cosur Gringore et les comédiens italiens montrait le poète subissant médiens italiens.
2-
de Bourgogne,Philippe le Bon aux Grâce à u n privilège accordé en 1454 par le puissant duc membres de sa Chapelle : Voulons,
consentons,
accordons
Pour nous et pour nos successeurs Des lieux ci-dessus dits Seigneurs Que ceste feste celebrée Soit a jamais, un jour de l’année Le premier du mois de janvier, Et que joyeux Fous, sans dangier De l’habit de nostre chapelle Fassent la fête bonne et belle Sans outrage et dérision.
Non, non, mais bien souvent cela ne nous incite D’avoir de grand subject ; ny tousjours ne fault pas Avoir grand argument pour prandre nos esbatz. Nous n’avons tous les ans la naissance d’ung prince, Nous n’avons tous les ans gouverneur de province Pour lequel nous puissions a son advenement Ou retour désiré prendre quelque argument. guére supposer que la troupe avait un caractére officiel et ne se produisait
Réponse qui laisse que lors des fétes traditionnelles ou officielles.
de Saint 13 - E. Picot dans une note de son Introduction (p XVI) rappelle que dans le Mistere
en Flandres, c’est un paysan Adrien représenté vers le milieu du XVe siécle,probablement bouffon. de ue (rusticus) qui remplit ce rôle épisodiq écrite vers 1580 et imprimée en Un des personnages des Contens d’Odet de Tournebu, comédie cas si inespéré ? ... Si je le mets ce en prendre puis-je conseil 1584, s'exprime ainsi : “Mais quel on me jouera aux pois pillez et à la Basoest, plus qui et, moy de rira se chascun un justice, en che.” A.T.F,t VII, p 177.
(cité par B. Swain, op.cit., P 77)
B.N. Ms fr 9305 f0 193 B.N. Ms fr 9324.
a fo 230.
- 539-
BIBLIOGRAPHIE
SOMMAIRE
JOURDA P. --
Les Conteurs français du XVIe siècle, la Pléiade, Gallimard, Paris, 1965
JUBINAL
Nouveau recueil de contes, dits, fabliaux et autres pièces inédites des XIIIe, XIVe et XVe siècles, Paris, 1842. 2 vol
A. —
LE ROUX DE LINCY et MICHEL Fr — Recueil de farces, moralités et sermons joyeux publiés d’après le manuscrit de la Bibliothèque Royale (manuscrit La Vallière), Techener, Paris, 1837. 4 vol. MABILLE
Nous ne donnons ci-dessous que les titres des travaux le plus souvent utilisés ; pour les contributions de détail, voir les références à l’intérieur de l’ouvrage.
Em. —
Choix de farces, sotties et moralités des XVe et XVIe siècles, Nice, 1872. 2 vol.
MONTAIGLON
A{de)et RAYNAUD M.G. — Recueil général et complet des fabliaux des XIIIe et XIVe siècles, Paris, 1872 - 1890. 6 vol.
MONTAIGLON
A(de}
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J.(de)— Recueil de poésies françoises des XVe et XVIe
siècles, Bibl. Elzévirienne, Jannet, Paris, 1865-1878.
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AEBISCHER
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BARBAZAN
BOSSUAT
BRUNET
DROZ
A. et R.—
Ch. --
DROZ
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Trois farces du Recueil de Londres, Plihon, Rennes 1931.
PHILIPOT
Em. —
Six farces normandes du Recueil La Vallière, Plihon, Rennes, Recueil général des Sotties, Didot, Paris, 1902-1912.
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|
d
n
ex
INDEX
OPERUM
Nous avons distingué dans cet index les piéces non dramatiques (narratives, didactiques, satiriques), les piéces dramatiques a une voix, les dialogues et les débats, les sotties et pièces apparentées, les farces, les piéces de Carnaval, les moralités et les piéces diverses. Les chiffres soulignés renvoient aux pages où est donné un résumé de la pièce. Chaque fois qu’il est possible de le faire, nous faisons suivre le titre de la pièce de la date qui a été proposée pour son élaboration. Les index ne font aucune mention des textes cités dans les notes.
1-
PIECES
NON
DRAMATIQUES
(narratives, didactiques, satiriques ) Les titres correspondant à un recueil sont précédés d'un astérique. Aloul (Fabel d’ ) - 163, 172. Andouille (Sermon de) ; v. 1520 (P) - 15, 17, 22.
* Art et Science de rhétorique métrifiée - 97, 200. Ballade de bonne doctrine - 355
e
Bataille des vins (La) - Berangier au lonc cul - Bigorne ; fin XVe s - Bouchier d’Abbeville Buffet (Le dit du)
- 228 (Fabliau de ) - 138. 20, (Fabliau du ) - 243.
|
- 4,
Caquet des bonnes chambriéres
- * Cent Nouvelles nouvelles (Les)
(Le) ; v. 1530 (P) - 25 - 30.
- 17, 22, 319.
Charroi de Nimes (Le) - 118 Chevalier a la robe vermeille (Fabliau du ) - 162 Chicheface
; fin XVe 5. - 20
Choses qui faillent en menage et en mariage (Le Ditté des ) - 38. Complainctes et Epitaphe du Roy de la Bazoche (Les)
; début XVIe 5. - 72.
Complaincte de France (La) ; 1494 - 88, Complaincte des Monniers aux apprentifz des taverniers (La) ; v. 1550
Congié pris au siècle seculier (Le) ; 1480 - 89. Constant Duhamel (Fabliau de ) - 163. - * Contredictz de Songecreux (Les) - 474. Credo a l’usurier (Le) - 34, 95. Cuvier (Le) - 162 Da pacem du laboureur
(Le) - 140.
(P) - 22-25.
- 548 -
- 549 Sermon préché à Bruges (O. Maillard) - 58, 59-62.
Da pacem
du laboureur
Discours demonstrant
(Le) - 140.
-
sans feincte comme
Doctrinal des nouveaux
à
Tenebres de mariage (Les) - 38
mariés (Le) - 38.
-
- *Droictz nouveaulx (Les) v 1482 - 25-29, 154, 166, 429.
=
Entrée de table (Germon fort joyeubx pour I) ; # 1520 (PI + 35,
-
Epitaphe Triboulet
Testament de Jehan
(L' } - 94.
la famine
; 1527
l'an mil cing cens vingt et un ; 1521
- * Fantasies de Mere Sotte (Les) - 312. - Fiancé qui emprunte ung pain a rabattre sur le temps advenir (Sermon d’ung) # + - * Folles entreprises (Les ) - 326.
—
Regnier (Le) - 94,
Traicté plaisant et sentencieux de Figue, noix et chastaigne - 429,
-
Trepas de Vert Janet (Discours du ) - 9, 11-14.
-
Trespassement de Caillette (Le) - 94. Triolet double en forme de dialogue - 217
(P.) - 30, 76.
Triomphe de l'Abbaye des Connards (Le) - 376,
ΕΣ
Trompeurs trompez par trompeur (Les) - 21.
15-17,
Gouvernement des Trois Estats du temps qui court (Le ) ; 1505-1512 - 88.
-
Vie et les miracles de Saint Martin (La) - 41, Vie de Saincte Catherine (La) - 41. Voyages merveilleux de Saint Brendan (Les) - 118.
Grue (Fabliau de la ) - 17.
-
Vraie medecine qui garit de tous maux
Imitatoyre bachique
(P) - 18-19.
-
Epistre à Lyon Jamet - 377. qui prenostiquent
Terrible vie, testament et fin de l’oyson (La) Testament de Villon (le) - 94.
Droits nouveaulx establis sur les femmes (Les) ; v 1490 (P) - 30-31.
Erreurs du peuple commun
préché à Poitiers (O, Maillard) - Gin
maincts pions font leurs plainctes et les tavernes desbauchez par quoy
taverniers sont faschez ; v 1556 (P) - 22, 23. -
Sermon
et plusieurs autres par Maistre Grimache - 110,
128.
- 34.
- * Lunettes des princes (Les ) - 252. Male fame (Fabliau de la ) - 162, 172. - * Melancolies de Jehan Dupin (Les ) - 89. Mesnage (Le Dit de ) - 38.
2 — PIECES
Monde g = crucifié (Le) - 88.
RIDE aul a phat QUE tie (Le )- 88.
- 88,
Amoureux . . a une fenestre (Monologue d'un) ou monologue du baing ; v 1490 (D) - 161, 165-186.
-
Barbes et des Brayes (Sermon des) ; v 1425 (P) - 55.
”
-
Chamberiere despour veue du mal d’amours (Monologue de la ) - 161.
-
Chambriere a louer a tout faire ; v 1575
Plaisant Quaquet et resjouyssance des femmes
pour ce que
leurs marys n‘ivrongnent plus en la taverne
Complaincte du nouveau
(Le) ;
-
(Fabliau du ) - 162.
(Fabliau du ) - 177
oe
=
dy eee
Dome eran
133.
marié lequel marié se complainct des extencilles qu'i luy fault avoir a son mesnage - 37.
Dame fort amoureuse d’ung sien amy (Monologue d'une ) ; v 1530 (P.) - 161, 188-189.
Villon
(Sermon des ) ; fin XVe
. en prose) - 109, 120, 223.
Faictz du Seigneur Nemo (Les grands et merveilleux) ; v 1540 (P.) - 45, 54-55. Faveur de la chicane, prologue de Bruscambille (En) - 198.
s. 9-11, 202.
Femme
mocqueresse
mocquee
(La ) ; fin XVe s - 161, 188, 189-190,
- Fille basteliere (Monologue de la) ; v 1540 ? (P.) - 109, 111, 120, 121, 133.
: Fable Gs)
132,
Despucelleur de nourrices (Sermon joyeulx d'un ) ; fin XVe s - 161, 163, 164, 166-186.
Erberie (L’...
- 36, 38, 220.
~ Roman de Renard (Le ) - 216,
ape
125, 130, 131,
Erberie (Le diz de ) ; v 1250 (P.) - 109, 111, 118, 119, 120, 121, 133, 228.
Regne de Fortune (Le) - 131,
;
123,
Confrarie des Soulx d'ouvrer et enragez de rien faire (La grande ) ; déb XVIe s - 103.
v 1556 (P’) - 22, 23.
Repeuz franches de Maistre Françoys
(P) - 110, 114, 122,
Cartier de mouton (Sermon d'ung) ; v 1545 (P) - 55-64, 66-72, 74-76. Choppinerie (Sermon de la ); v 1460 (P) - 55-64, 66-72, 74-76, 212. Clerc de taverne (Monologue d'un ) ; v 1530 (P) - 22-25.
Pacience des femmes obstinees contre leurs marys (Sermon joyeulx de la ) ; v 1500 (P) - 25, 30. Pantagrueline pronostication (La) ; 1533 - 78, Patenostre a l’usurier (La) - 34,
- * Quinze Joyes de mariage (Les)
VOIX.
-
Noviau dit par G. de la Villeneuve - 102.
Prestre c'on porte
UNE
- Botte de foing (Monologue de la ) ; 1480 - 161, 165-175, 176-177, 186.
Monde qu'on acheve de peindre (Le) - 88, Monde sans croix (Le) - 88,
Prestre et de la dame
A
- Amoureux . . a la gouttière (Monologue d'un ) ; v 1490 (D) - 161, 165-186.
Monde qui n'a plus que les os (Le) - 88,
- Monde qui n'a rien perdu (Le)
DRAMATIQUES
te
Ge )- 4. 197:
Sermon de l’Ascencion (O. Maillard) - 59.
-
Fille esgaree (Sermon joyeulx de la );déb XVIe s - 161, 188,
, 190-192.
Fol changant divers propos (Sermon joyeulx d’ung) ; v 1480- 1490 - 65, 72, 73, 74. Fortune d'Amour (La ), Sermon joyeulx d'un Verd Galant et d'une bergiere jolye ; fin XVe s -
161, 165-186.
- 550 -
Franc-archier de Baignollet
(Le ) ; 1468 - 1480-
137,
Franc-archier de Cherré (Le ) ; 1524 - 137, 138, Friponniers et des friponnières
Goute en l'aisne (La) Homme
- 551 -
138,
140,
140,
141,
(Discours joyeulx des)
141,
142-153,
Sainct
158.
; v 1530 (P.)
(Sermon de ) ; fin XVe s - 45-52.
Sainct Velu (Sermon de Monsieur ) ; v 1520 (P.) - 45-52. Sermon pour une nopce ; v 1505 (P.)
- 35-38.
Sermon joyeulx pour rire ; déb XVIe 5. s
- 94,
ae
Sainct Raisin (Sermon de) ;v 1450 (P,) - 41-43, 212.
; XIIIe s (P.) - 109.
Lettre d’escorniflerie (La ) ; fin XVe
103-106.
- 41-43.
Sermon joyeulx et de grand value à tous les foulx qui sont dessoubz la nue ; déb. XVIe
Lettres nouvelles a tous ceulx qui desirent estre mariez deux foys ; déb
Sotz de la joyeuse bende (Monologue des nouveaulx)
XVIe s - 103-106.
qui de tout se mesle
Maistre Hambrelin Maux
que
; déb
XVIe
s
-
(Les ditz de ) ; v 1495 (P.) - 109,
109,
113,
l’homme a en mariage (Sermon
114,
auquel
122,
123,
125,
est contenu
126,
113, 127,
114,
122,
130,
tous les ) ; v 1500
131, (P.)
123, 133,
124, 125, 129, 134.
Testament et epitaphe de Maistre Françoys Levrault (Le)
(Le ) - 110.
Medecin
savoyard
(Plaisant discours d’ung ) ; 1600
Mesnage
et la charge de mariage
Moyens
(P.)
(Sermon contenant
-
Testament de hault et notable homme
nommé
Ragot (Le ) ; déb, XVIe 5 - 94, 96, 98, 99-101.
110.
Varlet a louer a tout faire ; v 1575 (P.)
5 - 36, 37.
paisible et faire revenir en brief Bon Temps
(Les ) -
79-89. ; 1259
-
Pet est quelque chose de corporel
-
25, 29, 137,
(Dialogue de . . . pour
Poul et de la Pusse (Sermon Prenostication des anciens
140,
154.
; prologue de Bruscambille
Pionnier de Seurdres (Monologue du ) ; 1524 ung homme
du ) ; fin XVe
-
seul ) ;v 1540 s
-
(Qu'un
44, 77, 137-142, (P.)
Prenostication
) - 198.
153-158.
-
110,
117,
3 — DIALOGUES
130.
45, 52,
Abusez du temps passe (Dialogue des ) ; 1502
laboureurs ; v 1540 - 79, 82.
Prenostication de Maistre Albert Songecreux, biscaien (La }-79, nouvelle composee
composee
-
79, 92.
par Maistre Tyburce Dyariferos (La grant et vraye)
79, 83-88, 91. Pronostication pour tous climatz et nations par le grand
Haly
Habenragel
(La grant et vraye)
Pronostication generale pour quatre cens quatre vingt dix neuf ans (La ) ; déb XVIe s Pronostication
Prognostication des Puys (Monologue
prognostications composée
XVIe
s
-
par Caresme Prenant (la ) ; 1612
de cheminees
(Sermon
?
166-175,
176,
- 110, 128, 129. -
177-186,
; XVIes
- 221,
(Dialogue nouveau et fort joyeulx de) ; 1540-1541 - 222, 223. (Le Dit des );2ème moitié du XIIIe s - 109, 115, 118, 241, ribauz Deux bordeors 200, 243-244, 267. Deux francs archers qui vont à Naples (Farce des) ; vers 1495-1500 - 149, 153, 158-159,
17, 161,
163,
254, 255.
164,
166-186.
353, 398, 399. Gaudisseur et du sot (Farce du) ; 1480-1490 - 135, 159, 228, 229, 230, 232, 289, 315, Gautier et Martin (Dialogue de ) ; 1480-1490 (D.) - 256, 257, 258-269. Gentilhomme et son page (Farce du ) ; 1525 - 233-236
) ; v 1520
- 135, 224-225, 289, 370, 399, 480.
Maraux enchesnez (Farce des) ; fin XVe s - 159, 242, 243, 245.
Sainct Billouart (Sermon de);v 1460 (P.)-45-52 Saint Faulcet (Sermon de) ;v 1475 (P) - 45, 54. (Sermon de Monseigneur
Confession Margot (La)
Conseil au nouveau marié (Le ) ;v 1510 - 220,
Maistre Pierre Doribus (Sottie de ) ; après 1480
Sainct Belin (Sermon de );fin XVe s - 45-52.
Frappe-culz
- 79, 93.
74-76.
joyeulx d'ung ) ; fin XVes - 161,
- 193,217, 218, 219, 220, 221, 224, 231, 470.
Blazon des dames en dialogue; déb XVIe s - 206.
Ditz de Salomon et les responces de Marcon (Les) ; XVe s - 207.
55-63, 6672,
Quinze signes descendus au pays d'Angleterre (Les ) ; 1536 (P.) (Monologue du ) ; v 1510 (P.)
Beaucop Veoir et Joyeulx Soudain (Dialogue de ) ; v 1480-1490 (D.)
Deux amoureux
- 79-82.
du ) ; v 1480 (D.) - 161, 165-186.
Quatre vens (Sermon des ) ; déb Rammoneux
- 79-90
- 79-82,
nouvelle plus approuvee que jamais (La ). 79, 83-88, 91, 92.
Prognostication des prognostications (La );v 1537 (M)
- 249, 256, 261, 266-269,
Arbalestre (Farce de) - 249,
83-88, 90.
par troys ou quatre a Nantes sur une escabelle
Prenostication pour cent et ung an de nouveau
Sainct
- 110, 114, 122, 123, 125, 126, 127, 130, 131, 132, 134,
Vie de tres haulte et tres puissante dame, Madame Gueline (La ) ; déb XVIe s - 45, 53.
122
Perruques (Monologue des ) ; v 1480
Resolu
- 94, 96, 98, 99-101,
Watelet de tous mestiers ; v 1500 (P.) - 109, 111, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 132, 133, 134.
Paix aux Anglais (La)
Placebo
; 1488
Testament feu Ruby de Turcquie (Le) ; déb, XVIe s - 94, 98, 99-101,
le ) ; fin XVe
tres utiles et necessaires pour rendre le monde
- 55,71.
fin XVe s - 94, 98, 100, 101.
Testament de Jenin de Lesche qui s'en va au mont Saint Michel (Le) ; déb XVIe 5 - 94,98.
134.
36, 38.
Testament de Taste Vin, roy des pyons (Le grand) Medecin courtisan
- 55-63, 65, 66, 67-72, 76.
; v 1520 (P.) - 55, 71.
Sotz de la nouvelle bende (Monologue des joyeulx) ;v 1520 (P.) Maistre Aliboron
; v 1520 (P.)-45-52.
Sainct Ognon (Sermon de la vie de ) ; fin XVe s - 45-52
- 55-63, 66.
;v 1250 (P ) - 109, 120.
qui sait tout faire (L’)
Haren
SainctJambon et de Madame Saincte Andouille (Sermon de Monseigneur)
142-158.
(P.)
-
45-52.
- 256, 261, 266, 269. Marchebeau et Galop (Farce morale de ) ; deb XVi es 1516 - 200, 251, 255, 256-269, 270-274, 275, 291. ; ) de (Dialogue Messieurs de Mallepaye et de Baillevent
256, 269, 274-275. Monsieur de Dela et Monsieur de Deça (Dialogue de ) ; 1533 - 221,
|
- 552 -
Nourrisse et de la Chambriere (Debat de ) 249.
Deux gallans et Sancte ; v 1485 (P.)
Obstination des femmes (Farce de |’) ; fin XVIe s - 200. Pardonneur d'un triacleur et d'une tavernière (Farce d’un ) : 1517
- 202, 245, 246, 247, 248, 250.
Pèlerin et de la pelerine (Farce du ) v 1560 - 232, 233. Prescheur et le cuysinier (Sermon joyeulx de bien boire a deux personnaiges, c'est assavoir le ) ; fin XVes
209-216 , 224, 246, 262
Presentation des joyaux (La) ;v 1450
Tavernier et d'ung pyon en françoys et en latin (Dialogue d'un) Vieil amoureux et du jeune amoureux
INI
|
"ἢ
-
1
Debat du corps et de l'âme
NN
Debat de la dame et de l'Ecuyer - 469 Debat de la demoiselle et de la bourgeoise
| ||
-
Debat
ἢ}
-
Debat de l'Homme et de la femme
-
Debat du jeune et du vieil amoureux : 470 Debat du marié et du non marié - 470
IN
||!
| |
|
Debat de deux demoiselles
- 468
de deux soeurs disputant d'Amours
- 471
469 -
468
Marchebeau Menus
- 470
(P.)
-
Bien Mondain
:
Brus (Farce des ) ;v 1536 (P.)
-
347, 357, 367, 374, 380, 387,
Spiritue} Pouvoir Temporel,
(Les ) ; 1461
(P)
205, 283,
la Femme
-
;
Plusieurs, le Temps-qui court, le Monde
NN
:
| |
*
Il
389, 393, 399, 419, 421, 434, 438, 453
Chroniqueurs (Sottie des) Coppieurs et des Lardeurs Cris de Paris (Farce des ) Croix Faubin (Moralité de Cry de la Basoche (Sottie
(Moralité de)
; fin XVe
s
-
Monde
(Sottie du)
; 1524 (P.)
.
-
et Grosse Despence
XVIe s
-
335, 422, 432.
437.
319, 320, 393, 401, 420
-
139, 339, 340, 403, 427
- 232.233
393, 470. -
473, 474, 475, 476, 477.
- 323.
Povres deables (Les )v-1520 - 304.309, 350, 361, 363, 373, 422, 423, 430. ‘
Rapporteurs (Sottie des ) ; v 1480 (D)
458,
Reformeresse (La) ;v 1520
- 321, 329, 330, 352, 357, 361, 378, 381,
290, 367, 370, 385, 408. 355, 370, 402, 403, 450.
(Farce nouvelle de ) ; v 1440
357, 419, 424, 457
Pour porter des présents à la feste des Roys (Sottie) ; v 1485
112, 113, 339, 341, 346, 359,
; 1515 - 312-315, 320, 410, 411, 414, 422, 426, 432, (Sottie des ) ; av 1488 (D ) - 202, 256, 262, 275-276, ; déb XVIe s - 202, 216, 223, 277, 343, 344, 345, 354, la) ; mi XVe s . 325, 338. pour le ) ; 1548 - 293, 303, 312, 314, 315, 316, 317,
426, 429, 439, 448, 451, 454
424, 474.
Pippee (Farce de la ) ; fin XVe s + 281, 291, 385, 390, 452.
414.
(Farce nouvelle de ) ; déb
Chastiement du Monde (Moralité faicte en foulois pour le) ; 1427
|
289, 318, 392, 395, 396, 411, 414, 422, 423,
le Temps-qui-court
Pèlerinage de mariage (Le ) ; 1556 (P.)
- 110, 290, 323, 393
365, 366, 381, 389, 440 |
ver
291
Plaisants devis des suppostz du seigneur de la Coquille (Les ) fin XVIe s
Beguins (Sottie des ) ; 1523
|
propos
Mieulx-que devant (Bergerie de ) ;v 1488 +
436, 438, 457, 480
| |
s
Mere de ville (La) ; vers 1520 - 304 309, 350, 373, 447.
- Astrologue (Sottie de I’) ; 1498 (P) - 293, 303, 312, 314, 317, 320, 361, 392, 397, 411, 415, 431, 432, 433,
Chascun,
XVIe
104, 283, 293, 295, 296, 298,
Mars et Justice (Moralite de ) ; fin XVIe s - 312, 319, 448.
4-SOTTIES
|
| fl!
et Galop (Farce morale de ) ; déb
+
380, 381, 404
|
|
- 478
’ Mestier, Marchandise, le Berger, le Temps, les Gens (Farce nouvelle de ) ; 1439 - 293, 304, 339, 340, 365,
||
Honneur
328 329, 363, 367, 373, 385, 390, 397, 410, 424,
299, 301, 361, 363, 388, 414.
Mestier, Marchandise, Pou d'acquest,
|
-
- 324.325, 426
; déb XVIe s
339, 340, 365, 383, 427, 431
|
(P.) ou v 1483?
Jeu du Prince des Sots (Sottie du ) ou Sottie contre le Pape Jules || ; 1512
|
|
;v 1461
Jeu joué par l'infanterie Dijonnoise le 12 juin 1583 -
‘ Debat du vieil et du jeune - 469
|
(Farce des)
330 331, 363, 367, 396, 402, 403, 418, 419, 425.
Jeu fait par Jehan Destrées et joué la nuit des Rois 1472 - 332
Debat de l’omme mondain et du religieulx ; 1491 (D.)
1
Gens nouveaulx
427, 457, 458
Jeu du Capifol
- 217, 252
-
Î
Folle Bobance (Farce nouvelle de ) ;v 1500 (P)
- 231, 232.
- 468
| An
327
- 239, 291, 330-331, 367, 379, 387, 394, 398, 399,
405, 406, 411, 417, 444
+
Debat du cuer et du corps de Villon
-
Folie des gorriers (Farce nouvelle nommée la) ;v 1465
- 248, 249.
ΘΕΒΑΤΕΊ.
|
|
- 77,
- 287-288, 367, 370, 383, 414.
Dialogue du ) ;v 1500
s
Eglise, Noblesse et Povreté qui font la lesive (Moralité de ) ; déb XVIe s - 326, 383, 425. Esbahis (Farce des ) ; fin XVe s - 204, 312, 327, 408. ΞΞEstourdi, Coquillart et Desgoutté (Sottie de ) ; v 1460 (D) - 205, 281, 289, 370, 395 Esveilleurs du chat qui dort (Les) ; fin XVe s - 329, 349, Faulte d'argent, Bon Temps et les Troys gaians (Farce de ) ; fin XVes - 332, 390.
- 207, 208, 209,
Trotte Menu et Mire Loret (Sottie de) ; fin XVe
331, 332, 398
Digeste neuve et Digeste vieille (Farce de ) ; fin XVe
- 312, 317-319, 320, 359, 361, 371, 386, 397, 398, 404, 415, 439
304 309, 360, 373, 445, 458.
Roy des Sotz (Sottie nouvelle du ) ; fin XVe s - 293
400, 437
’
Satyre pour les habitans d'Auxerre ; v 1530 (P.) + -
Science et Asnerye
(Moralité de ) ; 1535
Sobres Sotz (Farce moralisée Sottise à huit personnages
(P.)
-
294, 297, 298, 301, 302, 370, 380, 383, 386, 389
. 312. 314, 320, 343, 365, 424, 428, 451, 327, 365, 424, 426, 445,
et fort joyeuse des ) ; déb XVIe s (P.)
; 1507
425, 428, 429, 433, 435, 440, 456
.
324,
332.334,
- 252, 343-345, 370, 440, 454
363, 367, 378, 380, 385, 394, 399, 404, 407, 409, 421,
. 554 Sotz ecclésiastiques qui jouent leur bénéfice au content
- 656 -
(Sottie des ) ; avril 1511
(D)
-
324-326, 367, 382,
383, 390, 423. Sots escornez (Sottie des ) ; déb XVIe s (D) ou v 1485 ? - 205, 322-323, 325, 359, 361, 377, 381, 407. Sotz fourres de malice (Sottie des}
; v 1480
(D) - 293, 296, 298, 301, 302, 361, 389, 407, 409, 431, 450
452, 453, 457. Sotz gardonnez
; av 1488 (D)
Sotz nouveauix, farcez, couvez (Sottie des) ;v 1513 ? (P.) le magnificat
(Sottie des ) ; av 1488
-
311, 361, 389, 414, 447,
- 245, 289, 367, 444, 448,
(D) - 112, 113, 202, 255, 262, 275, 276-277, 290
Sotz qui remettent en poinct Bon Temps (Sottie des ) ; 1492 (D)
- 293, 296-298, 301, 302, 359, 371, 378,
412, 414, 445, 448, 456. Sotz triumphants qui trompent
Chascun
(Sottie des ) ; v 1475 (D)
372, 388, 390, 416, 446, 455, 456, Tout
le Monde
-
293, 294, 296, 297, 300, 302, 367, 371,
(Le Moral de ) ; v 1480
Rien, Chascun
-
202, 252, 277, 293, 295-296, 299, 300, 301, 339, 341, 346, 367,
Troys gallans et un badin (Farce nouvelle de ) ; déb XVIe
s
-
254, 312, 343-345, 396, 444, 446,
Troys gallans, le Monde qu'on faict paistre et Ordre (Farce joyeuse des ) ; fin XVes
-
253, 328, 380, 387,
388, 402, 406, 411, 420, 436 Troys pelerins et Malice (Farce morale de ) ; vers 1525
-
(P.)
343, 345, 382. -
312, 313,
320, 392, 454.
Veauix (Farce des ) ; v 1485 ? ou 1550 (Em. P) - 304, 307-310, 311, 350, 373. Vigiles de Triboulet (Les ) ; av 1480 (D) - 94, 204, 206, 256, 281, 288, 386, 392, 446, 447. : On pourrait ajouter a cette liste 3 sotties que nous avons rangées dans les dialogues et 2 fragments donnés par E. Picot dans son recueil
Maignen
(Farce du)
Acteurs éclopez
AU
; v 1510-1520
-
194
-
237
133 ;v 1515
Mouton
(Farce du ) ; 1480-1490
Mince de Quaire (Farce nouvelle du ) ; 1480-1490 Munyer
de qui le deable emporte
Pathelin
; 1464-21,
l'ame en enter
-
344.
Pont aux asnes (Farce du ) ; fin XVes retrechy
(Farce du)
- 194. (Farce du ) ; 1496
-
-
345,
112
- 194, 238-239.
(Farce nouvelle et fort joyeuse de ) fin XVe
s
-
Intrigue (L')
de Pathelin (Le ) ; 1480-1490
-
95, 96, 100.
- 480 - 481 480
Prologue du vieux et du nouveau
Retour de Bon Temps (Le )Ubu
roi -
(Le)
- 480
Testament de Carmentrant
5et Guermouset
FARCES
(Farce de |’ ) ; après 1528 -
Batards de Caux (Farce des) ; mi XVes
PIECES
DE
CARNAVAL
Bataille de Saint Pensard contre Caresme (La cruelle ) ; 1485
481
Vaudeville (Le )
Aventureulx
6 —
- 480
479-480-
- 288.
244
193,
le sergent et la laitière (Farce a troys personnaiges du ) ; fin XVe s
Arbre de Cracovie (L‘) - 480
Ecole d’Asniéres (L')
96.
113.
Trois amoureux de la Croix (Farce des) ; fin XVe s - 193 Trois coquins (Farce des) ; fin XVe s - 243.
(Les ) - 480
-
- 230, 281, 282, 353.
; fin XVe s
Queues troussées Farce des ) ; fin XVe s
Testament
- 137, 138,
406.
281, 282.
Pauvre Jouhan (Farce du ) ; avant 1488 (D) Pect (Farce du ) ; fin XVes - 75 Pourpoinct
-
- 11.
Ramonneur de cheminées (Farce du ) ; v 1520
XVIes :
-
- 44, 77.
Maistre Jehan Jenin, vray prophète (Farce de)
Savetier,
POSTERIEURES
; fin XVes
Frere Guillebert (Farce de ) ; déb XVles
Resjouy d'Amour
PIECES
75
- 283
(Farce nouvelle et joyeuse du)
Nouveau Pathelin (Le) ; 1474
(Farce joyeuse des ) ; déb XVIe s
447 -
Deux savetiers (Farce des) ; fin XVe s - 345 Dorellot
Mariage de Robin
Troys (Farce à ) ; fin XVe s - 293, 295, 297, 299, 301, 382, 389
Remarque
-
Maistre Mymin qui va a la guerre (Farce nouvelle de ) ; fin XVes
(Farce nouvelle de ) ; déb XVIe s - 348.
Troys gallans et Phlipot
le Maire (Farce de ) ;v 1521
Legier d’argent (Farce nouvelle de ) ; fin XVes
381, 419, 423, 425, 435, 456. Tout,
312
Colin qui loue et despite Dieu (Farce de ) ;v 1525
Cuvier (Farce du) ; fin XVes
367, 381, 388, 408, 439, 444, 446, 457.
-
Chamberieres (Farce des ) v 1530- 32 » 244. Capitaine Mal-en-Point (Farce du ) ; fin XVe s - 160 Colin fils de Thevot
(Sottie des )ou des trois coquins
Sotz qui corrigent
Bouteille (Farce de la ) ;v 1540
(Le)
; déb XVIe
-
101
- 337.
-
343
- 556 -
7
Agneau de France (Bergerie de ) ; 1485
—
-
- 557 -
MORALITES
339.
Charité (Moralité de ) - 335, 350, 352, 353. Cinq sens de l'homme
(Farce nouvelle des ) - 335.
Enfans de maintenant
(Moralité des)
Empereur qui tua son neveu
-
Heresye et Eglise (Moralité de)
Lyon
-
-
obstiné (L’ ), moralité du jeu du Prince des sots (1512)
AEBISCHER
-
334,
- 343.
Marchant, satyre francoise ; 1541
Maulvais Riche (Moralité du)
-
D'AUTEURS
266.
ων.
428, 429, 438,
ANEAU
Barthélemy
333.
ATTINGER
- 335.
(Moralité de ) ; 1435
P.
ALTER
ANGOULEVENT
333, 384.
Nouveau Monde avec l'Estrif du Pourveu et de l'Ellectif (Moralité du) ; 1508 Povre Commun
NOMS
335.
325, 338, 421
- 334
Lymon et de la Terre (Moralité du)
DES
335.
(Moralité nouvelle d'ung )
Excellence, Science, Paris et Peuple (Moralité de)
Homme
INDEX
- 336-337, 374.
- 336, 374,
Trois Estatz reformés par Raison pour soulaiger le Monde
(Moralité des)
-
338.
Ventre, les Jambes, le Coeur et le Chef (Moral joyeux a quatre personnages c'est assavoir le)
BAUDE
377.
G,
284,
Henri
441.
BERGSON
H.
45, 185.
BOSSUAT
A
BOUCHET
Jehan
et BOSSUAT
R. 321, 329 280, 423.
- 336.
Poète et historien, né à Poitiers en 1476 l'école des grands rhétoriqueurs.
; il mourut
Ses oeuvres
vers 1559.
les plus connues
|| appartint à
restent
gnars traversant les périlleuses voyes des folles fiances du Monde
Les Re-
(vers 1500),
La Deploration de l'Eglise militante (vers 1512), Le Chappelet des Princes 8
—
PIECES
(vers 1539),
DIVERSES BOWEN
Illusion comique (L’)
-
141.
Jeu de la Feuillée (Le) - 112, 246, 282. Jeu du Manuscrit de Barbantane - 2ème moitiè XVe s ; 363. Jeu du Pèlerin (Le) - 118. Passion de Semur (La) Testament de Goulu (Le)
- 139,
163, 200, 283.
B.C.
BRUEGHEL
Les Epistres morales et familières du Traverseur (1547)
P.
376.
BRUSCAMBILLE
197
CHRISTOPHE de BORDEAUX
110.
COHEN
3, 282.
G.
COQUILLART
25, 30, 31, 137, 154, 166, 187, 218, 228, 292.
G.
- 113.
Fils d'un Guillaume
Coquillart qui traduisit La Guerre des Juifs vers 1460, notre
auteur serait né vers 1450.
Venu
faire ses études à Paris, il est reçu avocat au
Châtelet le 28 Mai 1481. Mais il revient à Reims où il est désigné le 5 Juin 1482 comme
titulaire d’une prébende du chapitre métropolitain.
|| meurt en 1510,
Son oeuvre la plus connue et la plus importante (2.326 vers) est une satire dramatique des moeurs
parisiennes : Les Droitz Nouveaulx.
On lui doit aussi le De-
bat des dames et des armes, L'Enqueste entre la simple et la Rusée, Le Plaidoyer et trois monologues dramatiques
: Le Monologue
nologue du Puys et le Monologue des Perruques.
de la Botte de Foing, le MoNous n'avons pas d'édition cri-
tique récente de ses oeuvres.
D'ABUNDANCE
Jehan
54 Sa vie est mal connue,
On sait seulement qu'il fut notaire à Pont-Saint-Esprit
dans la première moitié du XVIe siècle, 11 écrivit surtout des oeuvres dramatiques
: deux
monologues
: Les Grans et Merveilleux
Faictz du Seigneur Nemo,
Les Quinze Signes descendus en Angleterre. ; deux mystères : Le Mystere des
- 569 -
. 558 -
trois roys et Mystere Le
du Boiteux,
de la Passion de nostre seigneur Jesus Christ ; trois
moralités (dont deux n'ont pas été retrouvées) sieurs qui n’a point conscience,
le Monde
qui tourne
le dos a chascun
d'Humanité par P. Aebischer - B.H.R,
XXIV,
villes d’Ytallie contre Venise, Epitaphes en rondeaux
D'ADONVILLE
Jacques
21 Né à Epernon, soucy.
D'ANDELI DE
Henri
COLLERYE
Roger
il fit des études à Paris et entra dans la troupe des Enfans-sans-
|| composa
des oeuvres morales en vers dont
DE LA VILLENEUVE Guillaume
DE PONT-ALLETZ
oeuvre morale et satirique importante
113, 114, 193, 224, 228, 262, 281, 282, 288, 290, 311, 350, 351.
DU BELLAY
110,
DUPIN
89.
(1494 - 1531),
Eugénie
Jehan
Né en 1302, il meurt en 1374. 1} écrivit entre 1336 et 1340 les huit livres de
il neren-
lequel il connut
son Livre de Mandevie dont le huitiéme est plus particuliérement intitulé
les grands écrivains
Melancolies. C’est une revue satirique des différentes classes de la société de
(1530).
Le Monologue d’une dame fort amoureuse d’ung
Nous pensons aussi qu'il faut lui attribuer le Dialogue de Messieurs
de Mallepaye et de Baillevent écrit vers 1516.
LA
Edition : Les Melancolies de Jehan Dupin
DU PONT Gratien
97, 200.
ESTIENNE Ch.
369.
FABRI
138,
P.
FARAL
FRAPPIER
GRINGORE
335.
L. Lindgren, Turku,
1965.
3, 4, 102, 193, 195.
E.
FOURNIER FROISSART
109, 115.
VIGNE André
son temps.
il mou-
sien amy (vers 1530), le Dialogue des Abusez du temps passé (1502), Le Blazon des Dames en dialogue (1530), Le Dialogue de M. de Dela et de M. de Dega (1533), auxquels il faut ajouter la Satyre pour les habitans d'Auxerre
DE
Les Contredictz de Songecreux.
DROZ
gue du Resolu (vers 1510),
N.
- 441, 474,
228
lorsque Pierre Roffet publia ses oeuvres en 1536 mais on ignore quand
CHESNAYE
102.
163, 178, 280.
rut. Ses oeuvres se composent de 21 épitres, 4 complaintes, 4 ballades, 122 rondeaux, 22 ‘’epithetons”et ‘’dictons’’, 3 “crys”, 8 épitaphes, sans oublier les oeuvres dramatiques : le Sermon pour une nopce (vers 1505), le Monolo-
LA
-
(ou DE PONTALAIS ) Jehan
les plus importantes sont
35, 36, 166, 186, 188, 206, 221, 249, 274, 312, 343, 379, 418, 429.
et les
Joueur de farces bien connu du début du XVIe siècle. On lui attribue une
d'alors, Jehan Bouchet, Gringore, Bonaventure des Périers . . . Il vivait encore
DE
(1510)
D'HERICAULT Charles
avec Marot et un séjour à Paris pendant
A,
Les Ballades de Bruyt commun
de la royne (1514).
332
DESTREES Jehan
contra pas, semble-t-il, la gloire littéraire malgré une longue liaison épistolaire
FELICE
Les Com-
La Sottise 4 huit person-
Les Regrets et peines des Maladvisez et Les Moyens de éviter melancoly vers 1525. (Pas d'éditions récentes)
Né vers 1470 - 1475, secrétaire de l’évêque d'Auxerre
DE
(1501),
Il n'existe pas d'édition de ses oeuvres complètes.
1962, pp 282 sq.
Les Quinze signes descendus en Angleterre par H. Shields, French studies, 1964 - 2, pp 103 sq.
(représentées 4 Seurre en 1496),
naiges (1507), La Moralité du Nouveau Monde (1508), Le Libelle des cing
; et
deux farces : Le Testament de Carmentrant et la Farce de la Cornette. Seules éditions récentes : Le Gouvert
la Farce du Munyer
plaintes et Epitaphes du Roy de la Bazoche
Le Gouvert d’humanité, Piu-
Ed.
266, 201.
J. J. Pierre
296. 295, 296, 299, 301, 312, 313, 322, 326, 335, 359, 363, 382. Né vers
1475
à Caen.
Dès
les premières années du
XVIe
siècle, il entra dans
324, 329, 332, 333, 334, 336, 339, 362, 363, 367, 378, 399, 427, 435
la vie politique, participa aux équipées d'Italie et soutint par ses écrits la po-
Né à La Rochelle vers 1468,
litique de
il fut sans doute secrétaire d'Octavien de Saint-
Gelais avant de passer au service du duc de Savoie puis de la reine Anne de Bretagne.
En 1494 il suit Charles VIII en Italie et il est chargé par le roi de
tenir le journal de l'expédition - en 1496 dans le procès verbal de la représen-
tation de Seurre en Bourgogne il se qualifie de ‘facteur du roy”. En 1501, il est un des membres
influents de la basoche de Paris, Dès 1504, Ja reine Anne
de Bretagne se l'attache comme
secrétaire.
dante et reçoit un prix aux palinods
II fait preuve d’une activité débor-
de Rouen
en 1511
et en 1513.
II meurt
avant 1527, Il a laissé une oeuvre aussi diverse qu’importante, Citons,entre autres pièces, la Ballade sur la prise de Fougiéres
(1488),
Le Vergier d'Honneur
(journal de
l'expédition de 1494), le Mystere de Saint-Martin, la Moralité de l'Aveugle et
de ‘’Mère
Louis XII qui se l'attacha. Sotte”
qui
faisait de
Mais
il est surtout connu
lui le second
dignitaire de
par son titre
la confrérie des sots
avec François ler l'obligea à partir pour la cour de du Lorraine où, sous le titre de Vaudemont, il devint en 1518 héraut d'armes dont popularité la pas retrouva ne mais 1527 vers Paris à revint Il Antoine, duc une oeuvre il avait joui, On pense qu'il mourut en Lorraine vers 1538. 1} a laissé parisiens. Sa
mésentente
considérable. Oeuvres morales : Le Chasteau de Labour (1499), Le Chasteau d'Amours (1500), Les Folles Entreprises (1505), Les Abus du Monde (1509), Les Fantasies de Mere Sotte (1516),
Les Menus Propos (1521 ), Notables En-
seignemens, Adages et Proverbes (1527). Oeuvres polémiques : L'Entreprise Cerfs de Venise (1509), l'Obstination des Suysses (1510), La Chasse du Cerf des
des Hérétiques (1524). (1510), L'Espoir de Paix (1511) et plus tard le Blazon
Oeuvres dramatiques
-
MONTAIGLON
(1512),
-
MOUSNIER
R.
PANDOLFI
Vito
: Le Jeu du Prince des Sots, cry, sottie, moralité, farce La Sottie des Croniqueurs (1515), La Vie de monseigneur Sainct Loys par personnaiges (vers 1527). On ne possède pas d'édition récente des oeuvres
-
complètes et celle de Ch. d’Hericault et A. de Montaiglon est restée inachevée. HARVEY JARRY
H.G. A.
JUBINAL LECOY
A.
464.
J.
291, 353, 377, 449,
353.
LEWICKA
P.
Halina
LINTILHAC MAILLARD
.
PICOT Emile
102.
GENTIL
MAROT
282, 283, 292, 372, 430.
A.
F.
LEFEBVRE LE
PETIT DE JULLEVILLE
480.
LANGFORS
Ε, O.
C.
-
POLAK
-
PORTER RAYMOND
-
REGNIER
339, 358.
114, 185, 222, 359. D’AVIGNON Jehan
40, 48, 58, 59, 61, 62, 63.
1468. Bailli d'Auxerre, il fut fait prisonnier en 1432
Edition : E. Droz, S.A.T.F., Paris, 1923.
292
+
J. Rychner, S.A.T.F., Paris, 1951,
-
J.
il est connu
par divers ouvrages
La Boutique des usuriers (1574, La Pratique de l'orthographe françoise (1583), La Consolation des Mal Mariés (1583), La Propriété du réchaud . . . (1583),
376, 377. 109, 111, 117, 118, 119, 121, 122, 135, 428,
SAINTE BEUVE
280
SCHMIDT
A.M.
284
SEBILLET
281
-
SWAIN Barbara
281, 353, 375, 376, 440, 449, 462, 472, 477.
-
TABARIN
197, 376.
-
TAILLEVENT Michault
336,
SOUTHERN
232. Notaire du duc de Savoie à Saint-Rambert,
RIGOLLOT RUTEBEUF
-
200, 207, 251, 283.
publiés à Lyon à la fin du XVIe siècle :
R.
372
Né vers 1395-1400,
il meurt vers 1450. Joueur de farces, il fut aussi valet de
chambre du duc de Bourgogne à partir de 1426. II écrivit des oeuvres officielles (le Songe de la Toison d'Or vers 1431, La Moralité de Povre Commun en 1435,
Le Temps passé (1585). 252,
L'Entree au pays du Luxembourg en 1443), des oeuvres morales (Le Psautier au
Né vers 1420, il meurt en 1491 après avoir passé sa vie dans l'entourage des Grands (il fut écuyer du duc de Bretagne, gentilhomme de la Garde, maftre d'hôtel d'Anne de Bretagne). En dehors de poésies diverses, son oeuvre la plus connue reste Les Lunettes des Princes. MOLINET Jehan
94. Né en 1390, il meurt en
Edition : Les Arrestz d'Amour
MESCHINOT Jehan
122.
par les partisans du Dauphin et composa durant sa captivité ses Fortunes et_ Adversitez.
être des reminiscences des “causes grasses’ des basochiens.
C.
3, 280, 362, 365, 462.
72, 283, 284.
280.
il meurt en 1508. Procureur au Parlement pendant cinquante ans, il est surtout connu par ses Arrestz d'Amour dont certains peuvent
lan
284.
137, 138, 140, 151. LC.
-
Né à Paris vers 1430,
MERMET
L.
RABELAIS
198, 256, 284,
57, 94, 112.
427.
3, 4, 21, 22, 42, 109, 112, 197, 198, 199, 200, 228, 232, 239, 245, 262, 280, 281, 312, 327, 330, 331, 343, 350, 351, 462, 472, 479.
222, 223, 265, 274, 377.
MARTIAL D'AUVERGNE
MAXWELL
A. de
79.
Chroniqueur de la Maison de Bourgogne; né en 1436, il meurt en 1507. Ses
oeuvres les plus importantes sont les Faictz et dictz et ses Chroniques qui englobent les années 1474 - 1506. II a aussi laissé un Art de Rhétorique (écrit
avant 1492) qui fut souvent imité par la suite ; il n'a pas dédaigné les divertissements burlesques puisqu'on lui attribue le Sermon de Sainct Billouart.
Editions : Faictz et dictz : Noël Dupire , S.A.T.F., Paris 1937-1939, 3 vol.
Chroniques : G. Doutrepont et O. Jodogne, Bruxelles, 1935-1937, 3 vol.
vilain, le Règne de Fortune)et des pièces d'occasion, personnelles (La Destrousse, Le Passe - Temps, le Congié d'amors). -
TEXTOR
-
THIBAUT de CHAMPAGNE
VILLON
Ravisius
François
139, 441. 466. 94, 95, 96, 97, 98, 100, 101, 355.
TABLE
des
Troisième
MATIERES
Partie
:
du
LA
TOME
II
SOTTIE
Introduction Chapitre | |.
: Les structures internes de la sottie Les sotties primitives” Section A : La sottie-parade Section B : La sottie-jugement 1) Structure fondamentale : la sottie séance de tribunal 2) Structure dérivée : la sottie-revue 3) Structure dérivée : la sottie-journal Section C : La sottie-action Il. Les formes bâtardes La sottie-farce La sottie-rébus
Chapitre
II : Les personnages de la |. Les personnages comiques ou Il. Les personnages allégoriques 111.Groupements de personnages
sottie l'élément contestataire ou l'élément mis en cause et nature des pièces
Chapitre II] : Mise en scène signifiante et art dramatique original |. La scène et le décor Il. Les costumes 111. Les accessoires de l'action IV.La conduite des acteurs Chapitre IV I. Le Il. Le 1.9 1V.Le
:
Dialogue et technique des échanges “lourdoys”’ et les procédés caractéristiques des monologues “lourdoys” et les procédés caractéristiques du “dialogue” “lourdoys” expression d'une élite cultivée déroulement du dialogue en “lourdoys” et sa valeur “alégoricque”
Chapitre V : La fonction sociale de la sottie 1, Les moyens d'expression de la satire Il, Les themes de la satire ; la contestation politique et sociale Ill. Les aspects positifs de la sottie 1V.La sottie et la censure Chapitre VI |, Le Il. Un Ill.Le
: Le rire grimaçant de la sottie rire franc de la farce rire utilitaire : comique et couverture rire grinçant de la satire
Conclusion APPENDICES : |. Jeu - parti, débat et dialogue : problèmes d'influence Il. Les survivances de la sottie ILLUSTRATIONS NOTES BIBLIOGRAPHIE INDEX
:
I. Index operum Il. Index nominum
557