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French Pages [804] Year 2009
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE: UNE VERSION DIVERGENTE DE LA VULGATE Édité par Annie Combes
HONORÉ CHAMPION ÉDITEUR Classiques français du Moyen Age
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LES CLASSIQUES FRANÇAIS DU MOYEN ÂGE Dirigés par Jacqueline CERQUIGLINI-TOULET, Joëlle Ducos et Francine MORA 158
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE: UNE VERSION DIVERGENTE DE LA VULGATE
CLASSIQUES FRANÇAIS DU MOYEN ÂGE La Chastelaine de Vergi FRANÇOIS VILLON Œuvres Courtois d'Arras La Vie de saint Alexis
Le Garçon et l’aveugle ADAM DE LA HALLE (ADAM LE Bossu) Le Jeu de la feuillée CoLN MusET Chansons Huox LE Rot Le Vair Palefroi, avec deux versions de La Male Honte, CONS UE CNE ©
par HUON DE CAMBRAI et par GUILLAUME GUILLAUME IX, DUC D’AQUITAINE Chansons PHILIPPE DE NOVARE
Mémoires (1218-1243)
PEIRE VIDAL Poésies BÉROUL Le Roman de Tristan HuoN LE RoI DE CAMBRAI
Œuvres Gormont et Isembart JAUFRÉ RUDEL Chansons Alfred JEANROY Bibliographie sommaire des chansonniers provençaux
BERTRAN DE MARSEILLE La Vie de sainte Énimie ALFRED JEANROY Bibliographie sommaire des chansonniers français du Moyen Âge
La Chanson d’Aspremont, t. 1 Gautier d'Aupais Lucien FOULET Petite syntaxe de l’ancien français Le Couronnement de Louis
Chansons satiriques et bachiques du XIIT° siècle CONON DE BÉTHUNE Chansons La Chanson d’Aspremont, t. Il
Piramus et Tisbé CERCAMON Poésies
GERBERT DE MONTREUIL La Continuation de Perceval, t. I (Suite en fin de volume)
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE: UNE VERSION DIVERGENTE DE LA VULGATE Édité par Annie COMBES
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PARIS HONORÉ CHAMPION ÉDITEUR 2009 www.honorechampion.com
Ouvrage publié avec le concours de l’'EA 1164 Textes, Langages, Imaginaires, UFR Lettres et Langages, Université de Nantes
COMITÉ DE PUBLICATION DES À CLASSIQUES FRANÇAIS DU MOYEN ÂGE Philippe MÉNARD (Paris-Sorbonne); Jacqueline CERQUIGLINI-TOULET (Paris-Sorbonne); (Madison,
Carlos ALVAR
Wisconsin),
Günter
(Alcalé de Henares);
HOLTUS
(Gôttingen);,
Keith BUSBY Cesare
SEGRE
(Pavie); Jean SUBRENAT (Aix-en-Provence); Suzanne THIOLIER (Paris-Sorbonne); Claude THOMASSET (Paris-Sorbonne), Madeleine TYSSENS (Liège); Françoise VIELLIARD (École des Chartes).
La collection des
CLASSIQUES FRANÇAIS DU MOYEN ÂGE
a été fondée par Mario ROQUES et dirigée jusqu’en 1996 par Félix LECOY
Diffusion hors France: Éditions Slatkine, Genève www.slatkine.com
© 2009. Éditions Champion, Paris. Reproduction et traduction, même partielles, interdites. Tous droits réservés pour tous les pays.
ISBN: 978-2-7453-1710-0
ISSN: 0755-1959
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FE. UN PROJET SOUS-JACENT Pour désigner les auteurs de mises en prose du xv® siècle, Georges Doutrepont utilise plusieurs termes : remanieur, translateur, metteur en prose, compilateur. Le responsable de la rédaction y mérite certainement la première appellation, puisqu'il ne se contente pas de dérimer un récit mais qu’il en modifie le déroulement grâce à l'insertion de fragments de textes pris ailleurs et transformés. D'autre part, les associations textuelles qu’il effectue entre le Lancelot et le Chc ne sont pas d’une nature telle que l’on puisse parler de compilation!. Remanieur est le mot qui semble le mieux convenir, et c’est celui que j’ai employé jusqu'ici à côté des termes neutres d’adaptateur ou de rédacteur et, occasionnellement,
de dérimeur, lorsque
j'évoquais
de façon spécifique la brisure des vers; en
revanche,
le
inapproprié.
terme
À
de
franslateur
la différence
des
serait
mises
tout
en
à fait
prose
du
xv° siècle, dont l’un des objectifs était de translater des
textes vieux de deux ou trois siècles et devenus illisibles
1! Même si insérer tel quel un fragment prélevé dans un texte déjà rédigé est «un élément essentiel de la technique de la compilation» (E. BAUMGARTNER, «Retour des personnages et mise en prose de la fiction arthurienne au x
siècle», BBSIA, t. 44, 1992, p. 304). Le ms fr. 112,
étudié par C. E. PICKFORD (L'Evolution du roman arthurien en prose vers la fin du Moyen Age d’après le manuscrit 112 du fonds français de la Bibliothèque Nationale, op. cit.) montre le travail d’un compilateur, visible dans ses divers prologues (voir C. J. CHASE, «Les prologues du LancelotGraal dans le manuscrit BNF fr. 112», Le Moyen Age, t. 111, 3/4, 2005,
p. 529-43).
148
INTRODUCTION
pour les lecteurs de l’époque, le dérimage ici effectué ne s'accompagne pas d’une véritable modernisation de la langue. Dans les deux manuscrits produits vers 1400, on note combien les traits de l’ancien français sont encore présents, puisque l’on y trouve des vestiges de déclinaisons et une syntaxe proche de celle de Chrétien. Certes, des mots tels que diamargareton, pleüriche et tiriasque sont supprimés (v. 1486-87, voir la note au $ 54), mais on peut penser que leur rareté était en cause plutôt que leur éventuel archaïsme. Les aménagements que subit le Chc ne visent pas à gommer tous les traits linguistiques de l’ancien français car la conservation de ces derniers favorise la fusion du nouveau texte avec la matière littéraire de la Vulgate, un cycle élaboré au x siècle!. Ce souci de continuité et de cohérence se retrouve dans la façon dont sont maintenues les particularités de l’univers romanesque représenté dans le roman de Chrétien.
Ainsi, les coutumes
évoquées dans cette œuvre
figurent-elles intactes dans la prose: la charrette d’infamie, la coutume de Logres, les règles liées à la joute, qu’il s’agisse du défi entre chevaliers ou de l’exigence d’un nombre égal d’adversaires, enfin, les conventions
de l’hospitalité?. Les
traits marquants de l’idéologie chevaleresque telle que Chrétien la mit en place sont soigneusement préservés. Tout le code est là ; et il est vrai que le récit-cadre du Lancelot est fondé sur les mêmes conventions. C’est dire à nouveau que la «Charrette » de y ne présente pas le phénomène d’«acculturation » remarqué par Jane Taylor dans les mises en prose
! Je reviendrai plus loin sur le conservatisme linguistique des manuscrits du Lancelot-Graal (Etude linguistique, p. 257-58). ? Sur ces aspects, voir de D. MADDox: «Lancelot et le sens de la coutume», Cahiers de Civilisation Médiévale, 29, 1986, p. 339-53: «Coutume et ‘conjointure’ dans le Lancelot en prose», BBSIA, t. 43, 1991,
p.391-92 ; The Arthurian Romances of Chrétien de Troyes. Once and future fictions, Cambridge University Press, Cambridge, 1991.
UN PROJET SOUS-JACENT
149
du xv° siècle!. Loin d’introduire une idéologie extérieure à l’univers du roman,
les modifications
que subit dans y la
trame du récit de Chrétien renforcent son potentiel fictionnel et sa coloration arthurienne. Cette intégration réussie s’accomplit d’abord grâce à une mise en phase soignée des diégèses respectives du Chc et du Lancelot. 1. LA FUSION DES MATIÈRES Au
début
de la «Charrette»,
le remanieur
adopte la
Vulgate parce qu’elle assure une continuité avec l’amont de la partie dérimée (et aussi son aval) grâce à la présence de personnages propres au Lancelot, tel que Lyonel, et aussi parce qu’elle met en place des situations qui correspondent à l’une des ambitions profondes de y: glorifier le personnage de Lancelot. Ce n’est qu'après avoir accompli la fusion des intrigues qu’il entreprend le dérimage. A partir du $ 28, aucun fragment repris à la prose ne vient s’insérer dans la trame dérimée jusqu’au $ 66. A la fin de la «Charrette», après le $ 220, il en va tout autrement et le modèle de Chrétien devient
presque imperceptible. Pour autant que l’on puisse en juger’, le texte en vers est alors très abrégé tandis que de nombreux ajouts contribuent à diluer la trame venue du Chc. Je rappellerai que l’épisode de la Charrette, dans le Lancelot, est introduit de loin dans le roman. Du temps de Galehaut, la terre de Gorre a été longuement présentée ainsi
que l’origine et les aspects de la coutume qui affecte les chevaliers de Logres entrant dans ce royaume; l’origine des deux ponts merveilleux a été expliquée et, toujours au même
1 J. H. M. TAYLOR, «The Significance of the Insignificant: Reading Reception in the Burgundian Erec and Cligés», art. cit. Grâce à ce phénomène, l’Erec et le Cligés bourguignons nous offrent «privileged
insights into socio-cultural and ideological phenomena not in the source but in the target culture » (p. 183). 2 Dans la mesure où y n’est plus représentée que par le ms 4b.
150
INTRODUCTION
endroit du récit, a été exposée la haine de Méléagant à l’égard de Lancelot! Dans les manuscrits Aa et Ac, on trouve bien sûr
cette mise au point sur les particularités du royaume de Gorre, dans laquelle figure l’annonce d’un jour futur où Lancelot viendra délivrer les prisonniers en franchissant le Pont de l’Epée, si com le drois contes de la Charete le devise?. Dans les pages qui ouvrent l’épisode proprement dit de la Charrette, la Vulgate, suivie par la rédaction y, fait intervenir
plusieurs personnages propres à l’univers du Lancelot, . comme s’il s’agissait, juste avant le passage d’une diégèse à l’autre, de compenser l’absence effective de ces figures dans . le roman de Chrétien. Sont ainsi évoqués Lyonel, Dodinel le Sauvage et la dame de Malehaut, morte de chagrin après la disparition de Galehaut. La dame du Lac, également, relie avec efficacité les intrigues: cette fée juste mentionnée dans un vers du roman de Chrétien (v. 2357), recueille Lancelot
frappé de folie, le guérit et l’envoie
sur le chemin
de
Camaalot le jour de l’ Ascension; elle introduit ainsi, littéra-
lement, son protégé dans la diégèse du Chc. A la fin de : l’épisode, elle est aux côtés de Bohort sur la charrette, et c’est
elle qui suggère à la reine l’organisation d’un tournoi, se substituant ainsi aux dames et aux demoiselles dans le Chc*.
1 L, I, 82-88. Sur les procédés mis en œuvre dans la Vulgate afin d’insérer l’épisode de la Charrette dans le Lancelot, voir M. LOT-BORODINE,
«L'épisode de la Charrette dans le Lancelot en prose et dans le poème de Chrétien de Troyes, Etude sur le Lancelot en prose, F. LoT, Champion, Paris, 1918 (réimpr. Champion, Paris, 1954, Appendice V, p. 384-86); M. T. BRUCKNER, «Intertextuality », The Legacy of Chrétien de Troyes, éd. par N. J. Lacy, D. KELLY et K. BusBy, Rodopi, Amsterdam, 1987 (Faux Titre 37), vol. I, p. 246; J. FRAPPIER, «Le cycle de la Vulgate (Lancelot en prose et Lancelot-Graal)», GrundriB der romanischen Literaturen des Mittelalters, vol. IV/1, C. WINTER, Heidelberg, 1978, p. 548, et A. COMBES, Les Voies de l'aventure, op. cit., p. 201-216.
2 L, I, 83. Dans Ars. 3479, p. 596b-598a (jusqu’au départ de Galehaut à la cour d'Arthur) ;dans le fr. 118, fol. 271c-272a. 3 Voir les$ 189-190.
UN PROJET SOUS-JACENT
151
Le remanieur adopte le récit de la Vulgate (rédaction BB) jusqu’au moment où Lancelot, le nain et Gauvain parviennent à une tour. Pourtant, dès l’évocation de la cour d’Arthur ($ 7
dans y) se présentait une transition parfaite pour glisser dans le roman de Chrétien. On lit à cet endroit (dans y et la Vulgate): Ci endroit dist ly comptes que cellui jour tint le roy Artus court a Kamaalot; or cette phrase est très proche des V. 31-34, À un jor d’une Acenssion / Fu venuz de vers Carlion / Li rois Artus et tenu ot |Cort molt riche a Camaalot. A cet endroit, le saut était facile et s’il n’a pas été choisi par le remanieur, c’est parce que la Vulgate offrait déjà un ajustement plus satisfaisant. Non seulement, comme on vient de le voir, la Vulgate introduit des personnages propres au Lancelot dans les premiers moments de l’épisode, mais elle règle un problème qui se posait aussi pour le remanieur: l’anonymat du héros. En effet, dans le récit de Chrétien, c’est
un chevalier inconnu qui affronte vaillamment Méléagant et ses
hommes,
tandis
que
dans
le Lancelot,
l'identité
du
défenseur de la reine ne peut plus être un mystère. Les rédactions a-f avaient déjà résolu cette difficulté grâce un double procédé: sur le plan de l'intrigue avec l’intervention de la dame du Lac, et sur le plan textuel en utilisant sans réserve le
nom de «Lancelot» pour désigner le chevalier combattif. Le remanieur a choisi de conserver cette récriture particulièrement bienvenue. Il a donc respecté globalement son modèle en prose, même s’il lui est ponctuellement arrivé d’utiliser un
vers de Chrétien au lieu de suivre BB. En adoptant le texte de la Vulgate, il a aussi été conduit à supprimer l’hésitation du chevalier au moment de monter dans la charrette (ce qui a des répercussions plus loin, lors de l’explication entre Lancelot et la reine), et le débat entre Raison et Amour qui accompagne cette décision (v. 364-81). C’est seulement lorsque le nain et ses compagnons parviennent à une tour que commence le dérimage ($ 28), avec les mots et la tour seoit sus une roche
bise qui transposent le v. 430, La torz sor une roche bise. La fusion avec la matière du Lancelot se poursuit toutefois après le début du dérimage grâce à des ajouts
INTRODUCTION
152
disséminés. Ainsi, au moment où Lancelot regarde l’anneau
qui lui vient de la dame du Lac, le narrateur rappelle en
quelques phrases le rôle joué par la fée au tout début du Lancelot: elle l’avoit gardé et nourri ou lac si comme vous avés ça arriere oÿ ou compte, aprés la mort le roy Ban son pere, qui Claudas
desherita. ($ 84, 1. 15-17)
Cette précision, bien sûr absente des vers, condense les événements qui ont marqué l’enfance du héros, tout en
préparant l’introduction d’un thème également inconnu du Chc, celui de la vengeance.
Cette volonté de convergence est très visible dans les lignes où est résumée la biographie de Lancelot ($ 125, I. 928). Pour expliquer à son fils que son adversaire est de haute prouesce, Baudemagu lui rappelle qu’il a conquis la Douloureuse Garde, mis en déroute les armées d’Arthur et de
Galehot, délivré le roi Arthur prisonnier à la Roche aux Saxons, tué Caradoc le Grand et enfin franchi les défilés de Gorre. Le roi énonce aussi, dans l’ordre où ils se sont succédé,
les événements qui ont marqué la vie de Lancelot jusqu’à son arrivée en Gorre. Ces phrases sans modèle ni dans les vers ni dans la prose, placées presque au centre de l’épisode, projettent ainsi sur la transposition du Chc la perspective biographique propre au Lancelot. Le héros n’est pas le seul personnage à ouvrir les portes du temps. Le second vavasseur hospitalier, simple utilité dans le Chc, raconte dans y l’époque lointaine de son arrivée en Gorre. La clef intertextuelle qui permet d’entrer dans une période presque forclose du Chc, le «passé», est le mot pieça qui figure dans le v. 2669. A cet endroit, l’aimable seigneur explique à Lancelot que lui et sa famille sont venus de Logres: Sire, nos venimes pieç’a | Del réaume de Logres ça. | Né an somes, si voudriens / Q'annors vos venist [...] (v. 2969-72). Après ces mots, le vavasseur revient tout de
suite aux actions présentes et futures de Lancelot, mais dans Y, il narre le périple d’un jeune chevalier désireux de
UN PROJET SOUS-JACENT
153
montrer Sa prouesse à sa demoiselle et qui, en sa compagnie, franchit imprudemment les bornes de Gorre, si bien qu’ils deviennent tous deux prisonniers d’une coutume que, sans doute, ils ignoraient; prenant leur parti de la situation, ils fondent une famille ($ 107). Le vavasseur met ainsi au jour
sa propre histoire, et, ce faisant, il rappelle / explicite celle du royaume de Gorre, en conformité avec ce qui avait été exposé par le narrateur en amont dans le roman (Z, I, 82-88).
Le point de vue, historique et général, mentionnait alors sans détails les chevaliers, dames et demoiselles qui, venant
de Bretagne, étaient retenus prisonniers en Gorre. Maintenant, la coutume est illustrée de manière particulière par la voix d’une des victimes. Ce petit récit enchâssé affermit et agrémente la représentation du vavasseur tout en consolidant la diégèse. Tressage avec l’amont, mais aussi tressage avec l’aval
lorsqu’est racontée l’histoire de la belle demoiselle de Langorre, amie de Moÿs, punie pour avoir voulu s’approcher du Graal. Dès le lendemain de sa faute, apprend-on dans y, elle s’est retrouvée en une cuve de marbre ardant desi aux mamelles a la plus grant angoisse qui soit ($ 67, 1. 27-28). Or, lorsque Gauvain se rend pour la première fois à Corbenyc, il rencontre une demoiselle subissant exactement
ce châtiment : elle est dans une cuve de marbre remplie d’une eau si chaude que, quand le chevalier la touche, il cuide bien
avoir la main perdue a tos jors mes!. La demoiselle refuse de révéler les raisons de ce supplice, invoquant seulement un grant pechié commis naguère. Ni à Gauvain, ni à Lancelot qui la délivre, elle n’explique les circonstances de sa faute. II revient à la rédaction y de combler cette lacune, renforçant ainsi la cohérence cyclique dans une démarche typique des récritures. Le remanieur inscrit donc soigneusement son texte dans le tissu textuel du Lancelot. Sans doute programmait-il aussi une convergence avec son récit-cadre, à charge de la
1 L, II, 373-74. Voir également les notes des 1. 19-20 et 27-28 au $ 67.
INTRODUCTION
154
construire lui-même, lorsqu’il annonçait le règne de Galaad et le succès de Perceval dans la quête du Graal. L’ambition du remanieur est donc nette : par les liens qu’il a noués avec l’amont et avec l’aval (effectif ou virtuel) du Lancelot, il a fait en sorte que la trame transposée du Chc . épouse l’arc temporel fermement dessiné dans le roman en prose, et trouve sa place dans une histoire qui existait désormais indépendamment du nom et de l’œuvre de Chrétien. 2. LE COMPTE ET LE NARRATEUR
Dans le Lancelot, la figure allégorique du conte gouverne le déroulement du récit tout en garantissant la légitimité des événements narrés. Le conte dit, témoigne, rappelle et annonce. Auxiliaire zélé du narrateur, il œuvre à ses côtés et sous sa tutelle, lui offrant les ressources de sa polysémie. En
effet, le conte est tantôt le récit originel grâce à la connaïissance duquel le narrateur est capable de raconter son histoire, tantôt le récit présent, tel qu’il se développe sous les yeux du lecteur ;parfois encore, c’est l’un et l’autre car il est impos-
sible de trancher en faveur d’une seule interprétation. L'ambiguïté entre conte-source (le premier) et ce que l’on pourrait appeler conte-miroir ou conte auto-référentiel! (le second), figure déjà dans le Choc, lorqu’il est question du très beau lit, plus bel des autres et plus riche, / Car si con li contes afiche, / Il i avoit tot le delit (v. 467-69). Le conte, de façon indécidable, est ici ou bien le récit que l’on est en train de lire,
ou bien un récit antérieur qui aurait fourni la matière de la scène ou même de l’ensemble du roman?. La même ambiguïté est perceptible lorsque la référence au conte justifie que ne soit pas davantage évoquée la joie éprouvée par les amants
1 Voir D. KELLY, The Art of Medieval French Romance, University of Wisconsin Press, Madison, 1992, p. 95. 2 Voir la note au v. 468 de l’éd. FOULET-UITTI.
UN PROJET SOUS-JACENT
155
durant la nuit qu’ils passent ensemble; cette joie, déclare le narrateur, {oz jorz iert par moi teüe, | Qu'’an conte ne doit estre dite. | Des joies fu la plus eslite / Et la plus delitable cele | Que li contes nos test et cele (v. 4699-4702). Si le premier conte a le sens général de «récit», comme dans l’expression mettre en récit, le second cumule les deux significations du mot :il évoque évidemment l’ellipse de la scène actuellement narrée, mais peut faire référence à un récit premier dans lequel l’ellipse serait déjà présente. Tous ces sens du mot conte figurent dans y (où ce terme est orthographié compte). Comme on va le voir, le remanieur maîtrise parfaitement les codes narratifs tels qu’ils fonctionnent aussi bien dans le Lancelot que dans le Chc, puisqu'il est capable de conserver les occurrences du conte présentes chez Chrétien, mais aussi bien d’en supprimer ou d’en ajouter en s’appuyant occasionnellement sur la Vulgate. La rédaction y transpose l’occurrence du v. 468 juste cité en modifiant toutefois le verbe: si y ot ung autre lit plus bel des autres et plus riche, ainsi comme ly comptes nous dist ($ 29, I. 2-4). Les deux valeurs du mot compte sont ici perceptibles, mais avec un aspect supplémentaire ; en effet, dans le cas présent, le conte-source a une référence réelle, dont il s’inspire directement :le roman du Chevalier de la charrete. Voici les quelques cas où le compte de y peut effectivement renvoyer au récit de Chrétien: —
Ettant dist ly comptes que or qui est esmerés par cent mile foys feust envers lui obscur plus que la nuit ne soit obscure contre le cler jour. ($ 54, 1. 16-18). Le début de la
phrase transpose le v. 1499, Ef se le voir m'an requerez (on retrouve ensuite l’hyperbole des cheveux infiniment plus brillants que l’or), substituant à une intervention du narrateur celle du comptes, plus autoritaire dans sa formulation. Juste après, le narrateur affirme Mais je ne vueil cy plus demourer ne faire plus long compte ($ 54, 1. 18-19), employant cette fois le mot dans un sens auto-référentiel.
INTRODUCTION
156
—
Et ly comptes dist que ilz furent servis moult richement ($ 92, L. 14; c’est un ajout). _ets’ilz tous deux s’entrehaïssent de mort, ne puis je veoir,
si comme ly comptes nous tesmoingne, que ilz s’entrecourussent sus plus vigueureusement ($ 98, 1. 19-21; c’estun
—
ajout). Et par ceste raison nous preuve ly comptes que Prouesce : ne puet mie...
($ 115, L 19-20;
c’est un
ajout). Le
narrateur poursuit en rappelant qu’il veut et sait maîtriser : son récit :Et de ces deux choses vous deisse je tant que je n'y prenisse anuit mais fin, mais je craindroye trop à: eslongnier mon compte. Si vous diray comment le roy Baudemagus tint son filz a parolle.. (transposition des v. 3195-200). Dans
tous ces cas, la référence reste imprécise,
et le
remanieur n’emploie jamais l’expression de contes de la charete que l’on rencontre dans la rédaction & (L, II, 2) et dans les mss fr. 339 et fr. 344 de la rédaction f (Z, III, 254, . note 2a)!. Aïnsi, y, rédaction la plus proche du Chc, ne
mentionne jamais sa source de façon explicite. En d’autres endroits, le compte renvoie sans ambiguïté au récit en cours. Dans le $ 149, 1. 4-10, on peut lire à propos de l’extraordinaire amour de Lancelot: Et bien peuent savoir toute la gent qui ça arrriere l’ont oÿ ou conte [...] pour voir fu il si adouléz, si comme vous pourrés oïr ou compte. Dans les seuls $ 84 et 85, on relève six occurrences du
compte. À cet endroit, il est question de Perceval et Galaad, et le compte a pour fonction évidente d’attester la véracité de ce qui est dévoilé. C’est le compte-miroir qui apparaît ici, réfléchissant ce qu’il a dit ou dira (devrait dire..…). On relève ainsi : — l’annel... avoit .IX. grans vertus en lui dont ly comptes parlera ça avant ($ 84, 1. 4-7).
* De fait, à cet endroit, y adopte la rédaction particulière de BB.
UN PROJET SOUS-JACENT
—
157
Etle compte nous tesmoingne que au temps le roy Artus… ne fufemme de sa science ($ 84, 1. 11-13). elle l’avoit gardé et nourri ou lac si comme vous avés ça arriere oÿ ou compte ($ 84, 1. 15-16). Efil si fist, si comme ly comptes tesmoingne ça avant
— —
($ 85, L. 6-7). son filz Galaad, dont li comptes vous dira ça avant ($ 85, POP il fu puis couronnés en la grant Babiloine, si comme ly comptes vous dira ($ 85,1. 19-21).
— —
Autant d’affirmations formulées pour garantir des vérités parfois bien surprenantes. Ce qui réfère au passé de la fiction est vrai: la dame du Lac est une femme pleine de savoir, et
elle a élevé Lancelot dans le lac!. En revanche, ce qui concerne le futur ne sera jamais dit par le conte, du moins dans les manuscrits qui nous sont parvenus: ni les neuf pouvoirs de l’anneau, ni, surtout, la merveilleuse vengeance
de Lancelot à travers son fils Galaad. Le compte est ici d’autant plus présent que, semble-t-il, ce qu’il annonce n’a encore jamais été écrit et demanderait donc à être justifié par l’existence d’un conte-source dans lequel ces données seraient déjà consignées. Enfin, comme ailleurs dans le Lancelot, le narrateur fait allusion à d’autres contes, dans lesquels seraient narrées les
actions de tel ou tel personnage, en l’occurrence Méléagant, dont les prouesses sont ramenteues pluseurs foys en pluseurs contes ($ 133, 1. 7-8, ajout), et qui a multiplié les obstacles au Pont
sous
l’Eau,
si comme
le compte
de Lancelot
nous
tesmoingne ($ 178, 1. 11-12, ajout). A l’opposé du comptesource, ces comptes sont donc censés offrir précisément ce que le présent récit ne contient pas.
! Même
type de formulation
dans le dernier seuil de l’épisode,
commun à ©, f et BB ($ 220-21): Meleagans avoit une serour dont li contes a parlet ça ariere…. Effectivement, le conte a déjà parlé de ce personnage.
INTRODUCTION
158 Dans
le Lancelot,
le conte a connu
un extraordinaire
développement grâce à l’entrelacement, une forme d’organisation du récit qui se fonde sur une alternance de branches narratives articulées entre elles par des seuils!, Le Chc ignore ce mode de composition et, lorsque le narrateur doit quitter un ou plusieurs personnages pour en évoquer d’autres, placés dans un cadre spatio-temporel différent, il emploie des transitions légères, telles un simple er, ou bien le recours de la rumeur, un procédé très présent lorsque Lancelot, prisonnier, est éloigné de la reine et tente de se suicider :grâce à Novelle, le récit va et vient avec célérité entre les deux personnages, narre ce que l’un éprouve et accomplit, puis revient à l’autre pour évoquer ses réactions. Que ce soient «-f ou y, toutes les rédactions conservent l’expédient de Novelle, qui permet des alternances rapides entre des personnages, des lieux et des moments distincts?.
! A. COoMBEs, Les Voies de l'aventure, p. 470:
«un
seuil est une
séquence à dominante métatextuelle qui a un rôle d’échangeur entre des acteurs placés obligatoirement en des lieux différents et que le récit envisage à des moments généralement décalés. En l’absence de décalage chronologique, le seuil peut exceptionnellement être maintenu (cas évité par le récit) ». Le seuil repose sur la structure suivante: Mais atant se taist li contes
de. et retorne a parler de. La phrase qui suit, Or dist li contes que, permet la relance du récit et joue souvent un rôle de repère visuel dans les mss grâce à son O fréquemment enluminé ;cependant, elle n’est pas indispensable à la structure du seuil, et d’ailleurs n’est pas toujours présente, comme on le voit dans y au début du $ 86: Et il regarde la pierre; ou bien au début du $ 199, commun à toutes les rédactions en prose: Ainsi comme vous avés oÿ est Lancelot en prison chiéz le seneschal, ou encore à l’ouverture du $ 221:
Meleagans avoit une serour dont li contes a parlet ça ariere. ? Ainsi, les v. 4158-59, Novele qui tost vole et cort | vient au roi deviennent dans a-f, II, p. 70 et novele qui tost va vint a la cort Baudemagu,
et dans y, Nouvelle qui tost court vint au roy ($ 145, 1. 25-26). De même, les v. 4268-69, À Lancelot vient la novele | Que morte est sa dame, corres-
pondent dans o-f, IL, p. 71, à si vindrent noveles que sans faille estoit morte la roine et dans y ($ 149, 1. 3-4) à Si en vint la nouvelle a Lancelot que morte estoit sa dame. Voir aussi les v. 4418-19 et y, $ 153, 1. 5-6 (péripétie omise
dans a-f), et enfin les v. 4428-31, a-f, II, p. 73 et y, 8 154, 1. 2-5.
UN PROJET SOUS-JACENT
159
En adaptant le roman de Chrétien, les diverses rédactions en prose introduisaient donc dans le Lancelot un récit qui ignorait l’entrelacement, et elles n’ont pas tenté de le lui imposer. Les unes et les autres ajoutent des seuils vers le début ou la fin de l’épisode, mais en nombre
limité. Le
tableau ci-dessous récapitule ces données, en rappelant aussi les termes employés par Chrétien : AGE
an mers)
PNR cour Arthur
EAN
> Lancelot
Le prétendant et son père > le ch. de la charrette et la pucele
Fs
25301253
v. 2009 Et la pucele
Percheval
$ 85-
> ch. de la charrette
86
Lancelot
v. 5102
> ses compagnons
|Ef sa gent
II, 82 |II, 82 | II, 82
Arthur et sa cour
v. 5435
$ 198 |II, 95 | II, 95 | II, 95
> Lancelot
La novelle
-99
Baudemagu et v. 6395 $ 220 |II, Méléagant Atant Baudemagu |-21 |103 > sœur de Méléagant |Mes. Une soe fille
MS 1323
TIT |323
On voit que deux seuils seulement sont propres à y, et tous deux sont légitimes. Le premier ($ 69-70) permet de quitter le
! Aux mss de BB s'ajoutent ici deux mss de f, le fr. 339 et le fr. 344, ce qui renforce les liens déjà remarqués entre g et ce dernier ms (voir supra,
p. 78-83).
160
INTRODUCTION
jeune prétendant et son père, qui ont appris la prouesse accomplie dans le cimetière par Lancelot, et décident de ne plus le suivre. On peut lire alors: Et lors retournent. Si en laisse li comptes a parler cy endroit et retourne au chevalier et a la pucelle. Or dist ly comptes que quant li chevalier de la charrette…
A cet endroit, en accord avec le fonctionnement habituel des seuils, la narration remonte dans le temps pour retrouver le chevalier de la charrette au moment où elle l’a
laissé plus haut, lorsqu'il quittait le cimetière. Le remanieur maîtrise parfaitement l’emploi de ce type de formule, comme on le voit encore avec le second seuil de son cru, . $ 85-86. Cette fois, il s’agit de clore un commentaire à propos de Perceval et du Graal, pour revenir à l’action en cours: Mais cy en laisse ly comptes a parler et retourne au chevalier de la _ charrette qui estoit entre les deux portes coulans. Et il regarde la pierre de l’annel.…
La vaste perspective temporelle ouverte par la digression est ainsi refermée, et le compte peut retourner à l'instant précis où il avait laissé le chevalier regardant l’anneau à son doigt ($ 84, I. 3). Cette indépendance par rapport à l’organisation du récit telle qu’elle figure dans les rédactions de la Vulgate se traduit aussi par le fait qu’en un endroit, y ignore un seuil qui figure dans @-f, et qui est justifié. Au moment où Lancelot est entraîné dans un piège par le nain de Méléagant, le récit retorne à ses compagnons qui l’attendent à l’endroit où le chevalier les a laissés. La rédaction y, ici, est proche d’a-f pour narrer le piège. Toutefois, le remanieur, au moment de clore la scène, n’a pas jugé utile de reprendre le seuil d’a-B, mais il a opté pour la solution des vers, en transposant Et sa gent qui l’atendent la | Le pueent longuemant atandre (v. 5102-3) en Or le peuent attendre longuement sa gent (S177, LL).
UN PROJET SOUS-JACENT
161
Le détachement que le remanieur peut montrer à l’égard de ses modèles prouve qu’il maîtrise parfaitement les procédés de gestion du récit. Le même mélange de fidélité et d’autonomie se retrouve dans la façon dont il traite la figure du narrateur. Le narrateur de y correspond d’assez près à celui du Chc. Il admet, comme son prédécesseur, qu’il ne sait pas qui a oublié le peigne près de la source (v. 1362, Avoit oblié ne sai qui et $ 51, L. 4, avoit ne sçay qui oublié. Il conserve le qui voir m'an requiert du v. 3034 ($ 109, 1. 10). Il reprend ou adapte les ne cuidiez (v. 1458 et $ 53, 1. 12), Mes por coi
feroie lonc conte (v. 1507 et $ 54, 1. 18-19), Mes que valdroit se je contoie (v. 6434 et $ 221, 1. 17-19), Mesje cuit (v. 6430
et $ 221,1. 15) De ce ne quier je ja parler (v. 2084 et $ 72, 1. 14), il indique qu’il ne veut pas allonger inconsidérément son récit, transformant les v. 3195-98, De ces deuxs choses vos deïsse / Molt, se demore n'i feïsse ; | Mes a autre chose m'ator, | Qu’a ma matiere m'an retor, en ces mots: je n’y
prenisse anuit mais fin, mais je craindroye trop a eslongnier mon
compte
($ 115, 1. 23-24).
En somme,
il tend à se
confondre avec son modèle sans marquer de distance à son égard: nulle ironie, nulle hauteur dans sa posture; le lecteur
de y n’a jamais le sentiment d’un dédoublement éventuel de la voix narrative. Toutefois, cette voix n’est pas la copie conforme de celle du Chc. Lors de la nuit d’amour ($ 163), sont supprimés les v. 4694-4702 où le narrateur de Chrétien déclare qu’il se taira sur la mervoille advenue aux amants. Le remanieur rend ainsi plus banale cette nuit qui, dans le Lancelot, il est vrai, n’est pas la première que partage le couple. Il produit ainsi un texte beaucoup plus lisse que celui de Chrétien, sans toutefois opter pour la platitude de la Vulgate!. Maïs le plus frappant est que le narrateur de y est dans l’ensemble davantage porteur d’autorité et de certitude que celui de Chrétien ;en cela, il se
1 Voir les notes au $ 163.
162
INTRODUCTION
rapproche de la voix narrative qui figure dans les autres rédactions de la Vulgate. Ce parti pris d’assurance conduit à la suppression de ces vers troublants :ne sai de quoi; / Ne sai don les paroles furent'. La manière dont ce narrateur s'adresse au narrataire est par ailleurs plus déterminée que chez Chrétien: le v. 4274, S’oir et savoir le volez devient si comme
vous pourrés oïr ou compte ($ 149, 1. 9-10) et le
v. 2690, De ce voldroie estre creüz est omis. Sa compétence se traduit aussi par des commentaires ajoutés à la trame des vers, tel ce ne je ne voy mie comment ilz se peussent tenir, à propos de Méléagant et Lancelot qui tombent à terre ($ 132, 1. 15-16). Ce narrateur efficace omet occasionnellement certaines formules qui sont de simples chevilles, telles que ce vos voel conter, au v. 3007 (le narrateur est déjà intervenu dans les v. 3002-3, en partie transposés dans le $ 108: voir les notes à
ce $) ou le ce me sanble du v. 2445. Non qu'il ne se permette jamais quelques facilités comme l’ajout d’un si comme je pense ($ 112, 1. 4), mais cela reste rare.
A partir du $ 217, dont le début correspond au v. 6167, c’est-à-dire à l’endroit où Godefroi de Leigni prend, selon ses dires, la suite de Chrétien, les interventions du narrateur se
font plus nombreuses dans le Chc. La plupart ne sont pas reprises dans y: d’une part elles n’ont pas de nécessité réelle, d’autre part, cette rédaction use à partir du $ 218 d’un régime
assez constant d’abrègement ou d’écart: aussi des vers tels que se juré l’avoie, | Ne porroie por nule painne | Dire la joie (v. 6730-32) ou Ne sai ou cosin ou neveu (v. 6791, il s’agit
des jeunes gens qui arment Gauvain) sont-ils ignorés sans préjudice pour l'intrigue. Efficacité, aisance et sobriété sont donc les aspects les plus marquants du compte et du narrateur dans la rédaction Y.
! Il s’agit des v. 552-53 (non repris dans le $ 31). L’ignorance du
narrateur est plus déconcertante ici qu’à propos du peigne précédemment évoqué.
UN PROJET SOUS-JACENT
163
Ce parti pris de simplicité, associé à une recherche constante de lisibilité, ressort aussi dans le champ rhétorique. 3. UNE SÉLECTION DES FIGURES
Transposant les vers, la prose abrège ou élimine les redondances et les effets de catalogue. Là où Chrétien expose la diversité des jeux auxquels se livrent les jeunes gens dans le pré (v. 1647-60), le remanieur réduit l’énumération: s’il précise bien que certains jouent aux dés ($ 58), il omet li autre au san, | A la mine i rejooit l’an ; / À ces jeus li plusor jooient (v. 1653-55) ; ensuite, il abrège les danses et les chants, notant
et chantent et tumbent et saillent et karollent en place des v. 1658-60, Baules et queroles et dances; | Et chantent et tunbent et saillent, | Et au luitier se retravaillent. Ce déshabillage que la prose fait parfois subir au texte versifié a pour effet un dépouillement de la représentation, qui perd de sa diversité et aussi de sa fantaisie. Parfois, les vers énoncent des faits qui ne sont pas strictement nécessaires à l’action, mais qui, en précisant un effet de lumière ou un mouvement, donnent une profondeur soudaine à un tableau : ainsi, lorsque
Lancelot autorise le chevalier du gué à récupérer ses armes, on lit (v. 846-50): Si prant son escu et sa lance | Qui par le gué flotant aloient | Et totes voies s’avaloient, | S’estoient ja molt loing aval; / Puis revet prendre son cheval. La prose est plus économique : le chevalier prent son escu et sa lance qui flotoient par le gué, et monte ou cheval ($ 37, 1. 9-11). C’est à la fois un resserrement de l’action et du temps que produit ici et ailleurs la suppression des détails. Le remanieur privilégie l’efficacité narrative, et ne s’embarrasse pas de notations incidentes à l’événement en cours. Aussi dédaigne-t-il une figure purement redondante que l’on trouve deux fois dans le Chevalier de la charrette,
l’opposition niée: après avoir affirmé qu’une chose a une certaine propriété, on ajoute qu’elle n’a pas la propriété contraire. Ainsi est décrite une couverture somptueuse: Un covertor d'or estelé. N'estoit mie de veir pelé / La forreüre,
164
INTRODUCTION
ainz ert de sables (v. 511-13); la prose mentionne seulement un couvertouer d’or listé dont la fourreure fu de sable ($ 30). D’autres figures sont elles aussi délaissées. La métonymie Et il fussent antré après, au v. 3992, à propos des yeux de Lancelot désireux de suivre la reine dans la pièce où elle pénètre, disparaît au profit de la simple notation Si entra voulentiers Lancelot ($ 142). L’adynaton des v. 4240-41, placé dans la bouche de la reine pour exprimer la crainte que sa cruauté ne lui soit jamais pardonnée: ainz seront sechié | . Tuit li flueve, et la mers tarie, laisse place à je n'en avray jamais pardon ($ 148). En revanche, le long adynaton des . v. 3066-73 est presque intégralement conservé ($ 110). De fait, il ne s’agit pas de dépouiller le récit de tous ses . ornements rhétoriques : certains sont maintenus, d’autres sont allégés, d’autres enfin sont ajoutés.
Les personnifications sont en partie supprimées. Dans le $ 227, dix vers autour de Raison ne sont pas repris (v. 686475); de même, dans le $ 209, les vingt vers (v. 5758-78) où
sont évoquées Proesce et Malvestiez. Toutefois, le débat entre Largece et Pitié ($ 102) est maintenu, et il en va de même avec les apostrophes lancées par Lancelot à l’adresse de la Mort (v. 4281-4301 et $ 150), lorsqu'il tente de se suicider. La Mort est alors invoquée dans un monologue transposé avec assez de fidélité. Dans ce domaine comme dans les précédents, le remanieur marque un rapport circonstancié à sa source. Si le long discours de Lancelot emprisonné dans la tour disparaît (v. 6488-6549 et $ 222), et avec lui Fortune et sa roue, en revanche, le monologue que prononce la reine est conservé, mais en partie transformé par l’ajout d’images remarquables? :
! Voir également la note de la 1. 1 au 8 47. ? La mise en prose de la Charrette s’écarte ainsi de celle de Cligés, où most monologues are seriously truncated (N. J. LACY, «Adaptation as Reception: The Burgundian Cligès», Fifteenth Century Study, 24, 1998, p. 201).
UN PROJET SOUS-JACENT
165
Ha, Lancelot! Lancelot ! Lumiere de toute clarté, estoille journal, fors dessus tous fors, loyal chevalier, destruisierres de maulz pas et de felons et de crueulz! [...] ($ 147, 1. 9-12).
Ce relevé d’occurrences maintenues / supprimées / ajoutées donne la clef des choix accomplis : en règle générale, les figures de style sont conservées lorsqu’elles exaltent le personnage de Lancelot! ; et l’une d’entre elles lui est spécialement dédiée :l’hyperbole. Cette image énonce l’excellence avec un vocabulaire qui reste simple. Les exemples sont très nombreux, de quelques mots, tels le plus preudomme du monde ($ 121, 1. 8-9), à plusieurs lignes?. Lors du combat entre les gens de Gorre et ceux de Logres ($ 87), on trouve un passage représentatif de ce phénomène, lorsque le remanieur quitte la trame des vers pour décrire les exploits du héros; l’hyperbole s’appuie ici comme souvent sur l’utilisation des mots merveille et esmerveillier: Et le chevalier de la charrette se tint en la greigneur presse, si
commence chevaliers et chevaulz a abatre et a faire de lui grans merveillez, et il abat chevaliers et chevaulz: il n’encontre nullui
que il n’occie et lui et le cheval, et tant que les chevaliers de la terre s’en esmerveilloient qui le chevalier estoit, qui si faisoit de lui grans merveilles. ($ 87, 1. 13-19)
De même, dans le $ 113: et a fait la plus grant merveille que oncques chevalier feist. Et aussi m’aïst Dieux, je ne cuidoye mie qu’il eust chevalier ou monde qui le peust faire. (1. 9-11)
1 On peut ainsi comprendre que les v. 5758-78 soient éliminés pour des raisons davantage thématiques que stylistiques, dans la mesure où ils contiennent des propos dépréciatifs à l’égard de Lancelot. 2 Ces ajouts sont recensés dans les notes en fin de volume. Au $ 120, l'expression de plus preudomme du monde est ainsi développée dans la bouche de Baudemagu, lorsqu'il s’adresse à Lancelot: Sire, Dieux vous doint joye comme le plus preudomme du monde, et qui a fait la plus grant prouece du monde ne que oncquez nulz homs veist ne feist.
INTRODUCTION
166
Ailleurs, c’est aussi l’anaphore qui est employée, une figure que l’on rencontre parfois dans le Lancelot: il seul les chace, il seul les occist, il seul les conffont, il seul les maine tous a desconfiture et a destruccion. Et dient tous ceulz qui le regardent que oncques mais par l’effort d’un seul chevalier ne fu
gent aussi desconfite. ($ 88, 1. 28-32)!
Le remanieur intervient donc dans le champ des figures, et, par la suppression de plusieurs effets de style présents dans le Choc, il rapproche sa prose de celle du Lancelot sans qu’elle lui soit totalement assimilable. Son texte garde une couleur rhétorique particulière, avec des images plus nombreuses que dans la Vulgate. Tendanciellement, le maniérisme de Chrétien
est effacé, et le texte se forge son propre style, en se recentrant sur lui-même, en puisant ses images et son registre dans sa propre narration. De ce point de vue, le maintien de l’image ovidienne d’un Lancelot qui plus ayme qu'oncques ne fist Pyramus ($ 137 et v. 3821, Qui plus ama que Piramus), est une exception relative, dans la mesure où le nom Pyrame
devient le support d’une hyperbole développée par les mots suivants : se oncques nul homme terrien deust plus amer, dont ama Lancelot plus que .1. autre (amplification du v. 3822, S’onques nus hom pot amer plus). Ce nom de Pyrame est presque réduit à un simple repère dans une hiérarchie des amants que domine le seul Lancelot. Mais, malgré sa position syntaxique effacée, il contribue au prestige du héros, car les
! Lors du tournoi, on peut lire aussi:1] seul fait tous les rencs fremir, il abat chevaulz et chevaliers, et porte a terre tous plas ($ 206,19-11). ? La présence de Pyramus, déjà chez Chrétien, peut s’expliquer par les similitudes que présente la situation des deux jeunes amants, dialoguant grâce à une brèche dans un mur, avec l’épisode où Guenièvre et Lancelot
sont de part et d’autre d’une fenêtre grillagée, après que le chevalier a franchi un mur grâce à une fraite ($ 160, L. 22). On notera aussi que la tentation du suicide, dans le Chevalier de la charrette, rappelle le tragique dénouement du récit ovidien. Je remercie Christine Ferlampin-Acher pour avoir attiré mon attention sur la pertinence du maintien de Pyrame dans y.
UN PROJET SOUS-JACENT
167
allusions à Pyrame et Thisbé sont toujours élogieuses dans la littérature médiévale. Cet exemple permet de comprendre que le remanieur ne cherche nullement à masquer sa source en effaçant des traits qui lui sont caractéristiques. En témoigne aussi la reprise d’une comparaison que tout lecteur du Chc a sans doute en mémoire, celle du roncin / gras et reont comme pome!. Simplification du style de Chrétien, donc, et tendance à la
suppression des images, avec cependant un sort particulier réservé à l’hyperbole, spécialement utilisée pour magnifier les traits du héros. Ces aménagements sont autant d’indices d’une mutation du matériau fictionnel. 4, LE GOÛT DE LA FICTION
De même que la Vulgate, y comble les ellipses du Chc et donne à l’enchaînement des actions une nécessité et une logique. A une esthétique du discontinu, de l’indéterminé et
de l’insolite répond ici, comme dans les rédactions a et B-BB, une recherche de la connexion, de la précision et du rationnel.
Je ne reprendrai pas les analyses que j’ai déjà faites des procédés employés par les rédacteurs de la Vulgate pour assurer une meilleure cohésion de l’intrigue du Chc, analyses qui peuvent aussi s’appliquer à y?. Maïs, afin de montrer que cette rédaction porte à un degré supérieur ce qu’amorce la Vulgate, je préciserai certains changements propres à y. On
! Cf. le v. 2299 et le $ 81, 1. 3-4. On pourrait citer encore tout autressi
comme l’aloe qui ne puet par devant l’esmerillon voler ($ 99, 1. 21-22), restitution fidèle des v. 2757-58.
2 Les Voies de l'aventure, p. 234-40; voir, par exemple, p. 235-36, les remarques sur le piège du nain. Dans y, le piège, bien que différent de ce que l’on trouve dans la Vulgate (L, II, 81 et ici, $ 175), assure la même fonction élucidatrice par rapport au simple v. 5101 du Chc: Et siust le nain qui traï l’a. y et a-f exposent précisément les circonstances de la trahison. 3 Les exemples que je vais ici choisir m’ont paru les plus représentatifs, mais on en trouvera d’autres au fil des notes en fin de volume.
INTRODUCTION
168
constate en effet que ce remaniement supprime tout ce qui pourrait référer à un «réel » indépendant du monde arthurien. Cohérence de l’espace, mais aussi cohérence de l’histoire:
pour donner plus de solidité à l’intrigue, des ajouts conséquents éclairent les figures des personnages les plus importants du récit, Baudemagu, Méléagant et surtout Lancelot. Ces analyses permettront de mesurer de manière concrète combien ce remaniement diffère dans ses ambitions diégétiques des mises en prose du xv° siècle. D’abord, il ne montre aucun goût particulier pour les batailles et les tournois, dont la narration n’est jamais amplifiée!. Mais cela n’est qu’un aspect d’une appréhension différente du fait littéraire: plus encore même que chez Chrétien, l’univers de y est non mimétique. a.
Un univers strictement «breton »
J'ai mentionné précédemment le maintien dans y de la comparaison entre Lancelot et Pyrame. Il est exceptionnel que soit ainsi conservé un nom référant à une aire culturelle extérieure à la diégèse. Le mouvement même qui fait que les figures non essentielles à la fiction sont gommées a balayé aussi toutes les références à des noms ou des toponymes exempts de connotations arthuriennes. Dans ce recentrage sur l’espace-temps «breton » (pris dans sa dimension littéraire abstraite), deux personnages issus de l’Ancien Testament sont ainsi supprimés, Abel et Noé. Ce dernier, chez Chrétien, est mentionné
dans le cadre d’une
hyperbole :Onques ne fu par nule gaite | Si bien gardee torz an marche | Des le tans que Nüex fist l'arche (v. 4068-70). ! Parmi d’autres, le rédacteur bourguignon du Cligés en prose, «reveals preference for tourneys, battles, and wars, as opposed to more peaceable pursuits (N. J. LACY, «Adaptation as Reception: The Burgundian Cligès», art. cit., p. 199); voir également M. CoLoMBo TIMELLI, Le Livre de Alixandre empereur de Constentinoble et de Cligés son filz. Roman en prose du xv° siècle, éd. cit., p. 21.
UN PROJET SOUS-JACENT
169
Cette référence biblique est tout simplement omise dans la prose (voir la note au $ 143). Plus loin, le sagremor gent et bel | Qui fu plantez del tans Abel (v. 7011-12) perd dans la prose le prestige que lui confère le fils d’ Adam, réduit qu’il est à un sycamor ($ 231, 1. 7). Seuls, les personnages du Nouveau
Testament que sont Pierre et Paul parce qu’ils sont plus communs temps moins lointain;en outre, ils à la trappe les sept vers (v. 1484-90)
sont épargnés, sans doute et qu’ils convoquent un permettent de faire passer où voisinent des mots tels
que reoncles et diamargareton ($ 54).
S1 le temps est circonscrit, l’espace l’est également. Toutes les mentions des toponymes de Gaule sont supprimées. Chez Chrétien, ces noms apparaissent dans des figures de style, non pas comme des références à des lieux liés à l’action, mais comme des termes comparatifs abstraits, permettant en outre
des rimes commodes. Dans tous les cas sans exception, le rédacteur efface le nom de ville en lui substituant en général un nom typique de la fiction tel que Sorelois ou Gorre. Mais il peut aussi ne pas rechercher d’équivalent: c’est ce qui se produit avec Poitiers, mot simplement omis: Qui avoit ja le hiaume el chief / Lacié, qui fu fait a Poitiers (v. 3520-21) > qui ja avoit son chief armé ($ 128, 1. 8).
Dans la série suivante, la région ou les villes de France citées sont écartées au profit de toponymes propres au Lancelot: Ja ne voldroies por Amiens / Qu'’a lui te fusses conbatuz (v. 1998-
99) > je ne voulzisse pour la moitié du royame de Sorelois que tu a lui te feusses combatu ($ 69, 1. 18-19).
[.…..] de plaies garir savoit / Plus que tuit cil de Monpellier (v. 35001) > qui savoit plus de playes garir que nulz homs qui feust a cellui temps ou royaume de Gorre ($ 127, 1. 5-7).
[.…] les plus beles tonbes / Qu'’an poïst trover jusqu’a Donbes, / ne de la jusqu'a Panpelune (v. 1869-70) les plus belles tombes c’on peust trouver jusques a Romme ne de la jusques a Panpelune
($ 63, 1. 9-11).
170
INTRODUCTION
L’allusion à la Dombes, située en Bourgogne, disparaît dans la prose. Les leçons des différents manuscrits de Chrétien peuvent d’ailleurs laisser penser que ce nom n’était pas bien compris!. En tout état de cause, il est supprimé au profit d’une ville qui connote l’éloignement, tout comme Pampelune’. Il s’agit bien, en effet, de rester en territoire breton,
comme le prouve aussi la suppression d’une allusion dont le référent s’inscrit dans l’espace cognitif du narrateur et du narrataire du roman de Chrétien, mais ne peut figurer dans celui des chevaliers de la Table Ronde: la foire du Lendit: Quant la foire iert plainne au Lendi / Et il i avra plus avoir, / Nel
volsist mie tot avoir (v. 1494-96) æ pour tout l’avoir du royaume de Logres ($ 54, 1. 14)
Les vers
sont entièrement
récrits, faisant disparaître
l’allusion à la grande foire annuelle
de Saint-Denis,
qui
donnait sa vivacité à l’image de Chrétien. Ce parti pris d’exclusivité à l’égard du chronotope arthurien explique à lui seul l’abrègement de vingt vers à l’endroit où sont nommés plusieurs des chevaliers participant au tournoi de Noaut (v. 5793-5842; les vers supprimés sont les v. 5824-42). Le rédacteur de la prose dérime d’abord d’assez près son modèle (voir les notes du $ 210), énumérant cinq chevaliers dont il transforme parfois les noms, les Bretons Gornains li Bloys, Ygnaurés, Corehais de Ligne, Yders et le fils du roi d’Aragon, dont le statut d’étranger est justifié, comme dans les vers, par le fait qu’il est venus en ceste terre pour los et pour honneur conquerre ($ 210). Le
remanieur interrompt ici la liste reprise aux vers, supprimant 1 On lit dans les mss conbes À, donbes C, dombes E, londres T, ondes Y.
? Disparaît aussi, dans un passage qui, il est vrai, abrège les vers de Chrétien, l’allusion aux Breibançons, mercenaires du Brabant, dont FouletUïtti rappellent qu’ils avaient très mauvaise réputation (note au v. 4237). Enfin, l’allusion à la Thessalie, au v. 978, N’avoit plus bel jusqu'an Thessaile est elle aussi éliminée : voir la note au $ 40.
UN PROJET SOUS-JACENT
(7
ainsi plusieurs toponymes français. Il est en effet question dans les vers qui suivent d’un premier écu fabriqué à Lymoges (v. 5824), d’un autre à Tolose (v. 5828) et d’un troisième à Lÿon sor le Rosne (v. 5831). Les propriétaires des écus s’évanouissent par la même occasion, pour laisser place à un personnage typique du Lancelot, le chevalier a unes armes blanches, Boors li Essiliés. Cette démarche d’effacement
a pour corollaire, d’une
manière assez prévisible, la prolifération des noms typiquement arthuriens de Logres et Gorre. Déjà, dans le $ 9 repris à la Vulgate, on peut constater deux insertions du nom de Gorre: le narrateur annonce le filz au roy Baudemagu de Gorre, et le chevalier lui-même précise qu’il est filz au roy de
Gorre, alors que la rédaction f-BB note seulement: fils au roi Baudemagu (L, III, 333). Ici et là, on pourrait encore relever
d’autres exemples, notamment dans les phrases ou épisodes ajoutés, qui ne manquent pas de signaler les pas de Gorre ($ 145, L. 21-22), la dessertine de Gorre ($ 186, 1. 20-21), une
coutume au royame de Gorre ($ 175, 1. 11), etc. Il en va de même
pour Logres,
même
si les occurrences
sont moins
nombreuses. Toutes ces interventions traduisent une volonté de resserrer l’espace-temps de la fiction autour de ses acteurs principaux, ces personnages de Gorre et de Logres liés par une frontière commune et une douloureuse coutume.
b. Une nouvelle conception des personnages L'auteur de cette récriture a voulu assortir le mieux possible actions et réactions, sentiments et motivations,
suggérant in fine une profondeur conférée aux acteurs du
1 Le quatrième, fait à Londres, disparaît en fin de série avec les autres. Avec cette dernière liste, tous les toponymes de France figurant dans le Chc auront été mentionnés dans ce commentaire.
172
INTRODUCTION
récit. Il a élucidé ce qui restait mystérieux dans les comportements des personnages venus du récit elliptique de Chrétien; à ces mystères, il a su donner une forme, celle de la suspicion. Le remanieur affine les contours et l’histoire de certains personnages, éclairant de ce fait les relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres. C’est surtout par l’ajout de portraits physiques et d’informations rétrospectives qu’il étoffe et infléchit les représentations :tantôt sont précisés un âge, une apparence, une obsession, tantôt c’est toute une biographie qui est révélée. Le lecteur accède ainsi à l’intériorité des acteurs, ce qui est loin d’être toujours le cas chez Chrétien, et le récit dans son ensemble reçoit une cohérence renforcée. De même que dans le Cligés en prose, motivation et rationalisation vont ici de pair!. Le remanieur expose les stratégies à court ou long terme des divers acteurs : ainsi apprend-on que Méléagant avait multiplié les obstacles au Pont sous l’Eau, car il n’imaginait pas que l’on envisageât de franchir le Pont de l’Epée ($ 178, 1. 11-19). Cet ajout n’était pas indispensable, mais il est typique des additions qui améliorent la vraisemblance de l’histoire. Ce parti pris peut aussi bien amener un ajout par rapport à BB: dans le $ 16, les raisons pour lesquelles Gauvain décide d’emboîter le pas à Méléagant sont mises au clair grâce à ces mots : ef quant il le verra en sa terre, si se pourra combatre a lui’.
De façon constante, le remanieur prend soin de préciser les identités et les motivations des personnages. Lorsque Lancelot et ses deux compagnons suivent un vavasseur qui leur a proposé l’hospitalité, il apparaît très vite que cet hôte appartient au camp de Gorre et qu’il est leur ennemi. En effet, il est consterné de voir que Lancelot a tué deux excellents chevaliers, parents du roi Baudemagu ($ 80, 1. 22-27); peu
! N.J. Lacy, « Adaptation as Reception : The Burgundian Cligès », art. cit., p. 199. 2 $ 16,1. 12-13 et note au $.
UN PROJET SOUS-JACENT
1178)
après, lorsque la porte coulissante s’abat derrière Lancelot et ses
compagnons,
l’obstacle
est
directement
associé
au
vavasseur : le chevalier qui herbergier les deust et qui y estoit venus devant, avoit dit aux gardans de la forterece: «Cy vient ung chevalier qui tout destruira les nostres l» Et pour ce fu la porte fermee aprés eulz
[1
Ce sont à la fois les actions et les raisons secrètes des personnages qui sont ainsi éclairées. Le narrateur de y dévoile leurs pensées davantage que celui de la Vulgate et, grâce à de petites notations glissées dans la transposition des vers, il définit certains aspects de leur intériorité. On remarque alors que ce qu’il énonce avec prédilection, c’est la peur d’être percé à jour. Ainsi, lorsque la cour apprend que Lancelot a disparu, la reine s’efforce de cacher son chagrin, mais pour paour de l’apercevance de la gent, se refraint de son dueil mener, et nonpourquant n’a elle pas moins de doulour en son cuer ($ 188, 1. 5-7).
Phrase bienvenue, qui fait écho à un autre ajout, où l’on voit Lancelot craindre d’être lu à livre ouvert par le roi de Gorre: Et nonpourquant se couvre il au plus couvertement que il puet, car paour a du roy Baudemagus qu’il ne s’apperçoive de leurs amours, car le roy estoit moult durement subtil et sages en toutes choses. ($ 142, 1. 15-18)
Le jeune Bohort,
quant à lui, devine la rouerie d’un
Méléagant prétendant que Lancelot s’est enfui pour ne pas l’affronter : «[...] jou quide que nous aions par ton malisse pierdut Lanselot. Car aussi m’aït Dieus, s’il fust çaiens et vous le seussiés ou l 8 82,1. 12-16. Dans les v. 2333-35, Si lor lessierent avaler, | Qu'ilne
s’an poïssent raler, | Une porte aprés les talons, le lien n’est pas du tout établi avec le vavasseur.
174
INTRODUCTION roiaume de Logres, vous n’i venissiés pour baptaille contre lui.»
($ 226, 1. 9-12)
Ces paroles sensées révèlent une perspicacité absente des lignes correspondantes de la Vulgate!. La méfiance, mais aussi l’incompréhension, se retrouvent
dans les figures de Baudemagu et Méléagant, auxquelles le remanieur apporte une complexité nouvelle. La rédaction y dote Baudemagu d’un portrait où est indiqué son âge, 52 ans, ce qui est tout à fait plausible, et où sont soulignées sa prestance et sa très grande beauté: et n’avoit pas son chief enveloppé ains l’avoit nu et descouvert, car moult estoit de grant beauté: si furent ses cheveulz crespés menuement, et le roy estoit-en l’aage de .LI1. ans, ne nus ne trouvast ou monde si bel prince de son aage s’il eust joye en son cuer. Mais tant estoit yrés que plus ne povoit pour la tres grant desloyauté qu’il veoit en Meleagant son filz, qu’il voulzist mieulz estre mors que vifz. ($ 129, 1. 12-19)
Les traits du personnage, passés sous silence dans le Chc comme dans la Vulgate (seule sa force d’âme est mentionnée dans Z, I, 84), restent encore flous, puisque seuls des cheveux bouclés dénotent sa perfection physique. Mais si cette beauté reste imprécise, c’est qu’elle a pour fonction essentielle de signifier le tourment du roi: elle ne vaut que par son altération, par ce qu’elle devrait être mais n’est pas, à cause de Méléagant. Se construit de la sorte, plus nettement que dans les vers, la figure d’un personnage profondément tourmenté: connaissant la noirceur de son
fils, il le soupçonne toujours des pires intentions et se défie de lui; aussi a-t-il veillé sur la reine, car il savait que
Méléagant, s’il en avait eu la liberté, l’aurait soumise à ses désirs: il en eust fait tout son bon ou il l’eust vrayement
1 Cf. L, I, 105: Et lors est sailliz avant Boorz li Essilliés et dist qu'il la feroit [la bataille] orendroit, se l’en li laissoit.
UN PROJET SOUS-JACENT
195
occise ($ 122, 1. 22-23). Face à ce fils capable de viol ou de
meurtre, bien plus noir que chez Chrétien, se précise le portrait d’un père partagé entre amour et mépris, et qui, de façon obsessionnelle, ressasse les mêmes conseils désespérément vains. Sa suspicion et sa douleur rendues ainsi très visibles justifient mieux que dans le Chc les longs dialogues échangés entre le père et le fils. Malgré sa lucidité, le roi ne se résout pas à bannir ou à laisser mourir Méléagant ; en effet (autre ajout), routes heures l’amoit il comme son enfant
($ 171,1. 23-24). Si le remanieur affine la figure du père en respectant les données des vers, en revanche, il modifie sensiblement celle du fils en creusant son passé. Dans la Vulgate figurait déjà un portrait de Méléagant, à l’endroit où est présenté le royaume de Gorre: Cil Meleagans fu uns grans chevaliers bien tailliés de cors et de tos menbres, si fu ros et lentillos et plains de si grant orgueil et de si grant felonie qu’il ne laissast nule chose a quoi il fust aatis, fust biens fust mals, ne ne prisoit chastoi c’om li feist; si avoit totes debonaretés et totes cortoisies ariere mises, ne nus n’estoit plus fel de lui, ne plus cruels. (Z, I, 86)
Evidemment, ce portrait «programmatique » correspond à merveille au personnage que l’on découvre dans l’épisode Vulgate de la Charrette. La rédaction y ne renie pas cette figure d’un Méléagant orgueilleux et cruel, mais elle accentue sa force et sa prouesse. On apprend ainsi que, dur et seur à la fois, il a pu achever maintes aventures périlleuses, narrées en pluseurs contes ($ 133). Certes, l’allusion à ces soi-disant
récits reste d’autant plus imprécise qu’elle ne renvoie à aucune réalité, mais elle confirme la volonté d’étoffer le personnage en lui donnant une maturité nouvelle. Comme il l’a fait pour le père, le remanieur précise l’âge du fils en soulignant le nombre d’années consacrées aux combats: Méléagant porte les armes depuis déjà 22 ans (dont 17 années d’errance par tous les paÿs), ce qui lui donne, au prix d’un âge presque improbable par rapport à son père, une expérience
176
INTRODUCTION
redoutable! Cette excellence guerrière fait ressortir plus nettement que dans le Chc et la Vulgate la faille du personnage : ce champion, paradoxalement, ne parvient pas à obtenir ce qu’il désire par dessus tout, l’estime de son père. Sa nature felonesse et sa déception semblent alors s’allier pour le pousser aux pires recours, et il se fourvoie dans la traîtrise et la vantardise2. Le conflit débouche sur une rupture plus violente encore que chez Chrétien, puisque Méléagant lance à son père cette apostrophe cinglante: Comment, fait il, Baudemagus, estes vous fol ou vous revéz ? ($ 220, 1. 13-14),
transposition du v. 6363, Est ce songes, ou vos resvez ? Avec le roi de Gorre et son fils, le remanieur manifeste un goût et un talent certains pour représenter les déchirements intérieurs de personnages torturés. Certes, l’épisode de la Charrette dans la rédaction y ne devient pas pour autant un roman d’analyse enchâssé dans le Lancelot-Graal, maïs les inflexions que l’on vient de souligner témoignent d’une esthétique différente de celles du Chc et de la «Charrette » dans la Vulgate. Ce qui paraît caractériser y, c’est un intérêt pour les tourments de l’âme et un penchant pour la dramatisation. Avec le personnage de Lancelot, la métamorphose est davantage narrative. c.
La gloire de Lancelot
Après qu’ils ont franchi le Passage des Pierres grâce à un magistral coup de lance asséné par Lancelot, ses deux compagnons commentent ainsi l’exploit: «Aussi m’aïst Dieux, vecy tel chevalier que nul a lui ne s’appareille ! Et aussi m’aïst Dieux, il a fait la plus tres grant merveille ! Sile père a 52 ans, et que le fils porte des armes depuis 22 ans, il faut considérer qu’il a dû s’adonner très jeune à cette activité, car il ne peut avoir guère plus de 35 ans. ? Ainsi, avant même de faire construire la tour où il emprisonnera Lancelot, essaie-t-il de soudoyer le médecin chargé de le guérir de ses blessures, après le passage du Pont de l’Epée (8 127).
UN PROJET SOUS-JACENT du monde, qui par cy chevalier au mont n’y qu’il emprent que s’il trestous les chevaliers
179 est passés a force, car oncques mais nul passa. Et bien veons aux grans merveilles puet longuement durer, il avra trespassés qui oncques feussent au monde.» ($ 78,
1. 1-7)
Ces lignes sont représentatives des modifications apportées par le remanieur au personnage de Lancelot. De façon claire, elles visent à lui restituer une figure héroïque grâce à deux types d’interventions complémentaires : —
l’ajout d’actions et de propos marquant l’excellence du personnage ;
—
la suppression ou, tout au moins, l’atténuation des aspects dévalorisants contenus dans le Chc et la Vulgate.
Dans le roman de Chrétien, Lancelot apparaît en plusieurs circonstances sous un jour déprécié, lorsqu'il grimpe sur la charrette infamante et qu’il est hué par les habitants d’un bourg, ou quand il combat comme un lâche au tournoi de Noaut. On le sait, cette abdication de l’honneur est la preuve
d’une passion hors du commun pour la reine, et la honte assumée prouve une courtoisie hors pair. Raisonnement raffiné, que les scribes du Chc n’ont pas toujours bien compris (voir les notes au $ 153), et auquel le remanieur n’a pas totalement adhéré. En effet, s’il ne supprime pas les passages d’humiliation, nécessaires à l’intrigue, il en adoucit les rudesses. Ainsi, Lancelot est toujours conspué pour être monté
dans
la charrette,
mais
moins
gravement,
et la
désignation de charreton («charretier»), employée par le narrateur au v. 894, laisse place à l’expression plus neutre de chevalier de la charrette ($ 38, 1. 12). Comme dans le Chc, Lancelot s’abandonne plus tard au désespoir en pensant que la reine n’a pas su interpréter un acte inspiré par Amour (8 152). Mais, dans y, au moment de l’explication entre les
deux personnages, il n’est pas question de la charrette, puisque la rédaction y avait calqué la Vulgate pour raconter comment Lancelot montait sans hésitation dans l’attelage
178
INTRODUCTION
ignominieux!. Le remanieur omet en conséquence les v. 45027 où figurent les vifs reproches de la reine, pour leur substituer les problèmes plus simples de malentendus que l’on trouve dans la Vulgate. Plus loin, y reprend aussi l’épisode de Bohort sur la charrette, réhabilitant ainsi l’attelage honnÿ. L’attitude lâche qu’adopte Lancelot au moment du tournoi est elle aussi corrigée: lors du combat «au pire» sont en effet omis les vers 5758-78, où est abondamment glosée la pleutrerie du chevalier. On l’a vu, la tonalité allégorique n’est guère appréciée du remanieur, et ces vers, précisément, évoquent Malvestiez et Proesce; mais cette suppression permet aussi d’atténuer le blâme porté sur le héros. Dans la même optique, les reproches des spectateurs sont atténués: 5881
5885
[...] Veez mervoilles
Veéz le cy, le chaitif, le maleureux,
De celui as armes vermoilles;
la plus doulante creature qui oncques
Revenuz est, mes que quiertil?
feust! Et certes, ce est merveille
Ja n’a el monde rien tant vil, Si despite ne si faillie. Si l’a malvestiez an baillie
comment terre le soustient comment il ose veïr homme. ($ 211, 1. 9-12)
et
Qu’il ne puet rien contre li faire.
Le vocabulaire de l’ignominie (vil, despite, faillie) laisse place à un registre de la souffrance (chaitif, maleureux, doulante) affranchi de connotations déshonorantes. Tous ces
changements montrent que, dans la représentation de Lancelot, le remanieur privilégie l’équivalence simple «prouesse = amour» plutôt que la relation paradoxale «honte = passion». Aussi, à côté des atténuations et des suppressions, il renchérit sur les exploits grâce à des ajouts
! En suivant la Vulgate, y offrait aussi une description de la charrette plus brève et moins déshonorante pour Lancelot que celle de Chrétien. 2 Avec cet épisode, en effet, la Vulgate a «inversé la valeur et la signification de la charrette d’infamie. Devenue un symbole d’amour, elle semble se transformer en char de triomphe [...].» (M. DEMAULES, Le Livre du Graal II. Lancelot, éd. cit., note 3, $ 471, p. 1913).
UN PROJET SOUS-JACENT
179
qui se multiplient à partir du $ 78, et sont marqués par les effets stylistiques précédemment analysés: l’utilisation de l’hyperbole et l’emploi du mot merveille. Le mot, mais non le phénomène : la rédaction y, fidèle à sa trame, n’invente pas de
nouveaux prodiges sur le chemin de Lancelot!. Il est important de noter que l’exaltation de la prouesse l’emporte ici sur celle de la courtoisie; certes, occasionnel-
lement, on peut lire que autressi comme il estoit meudres d’autres chevaliers, si estoit le sien cuer ententifz en soutille amour ($ 149, 1. 7-9), mais il n’y a nulle insistance sur cette
dimension. C’est bien une figure héroïque qu’il s’agit de restaurer,
et même
de créer, car les éloges
décernés
au
chevalier vont au-delà de ce que l’on peut trouver dans tous les textes antérieurs. Cette idéalisation constante se cristallise en deux temps forts. Le discours déjà mentionné du roi de Gorre, qui résume la biographie du chevalier depuis sa conquête de la Douloureuse Garde jusqu’au franchissement récent du Pont de l’Epée, constitue un véritable panégyrique émaillé de notations laudatives, telles que la grant merveille qu'il fist a la Roche aux Saisnes ou cil a faites toutes les proueces du monde. Ce discours ne condense pas seulement une vie, il l’exalte, et cela par la voix même d’un adversaire du monde
arthurien. Moins objective, mais plus passionnelle, la belle complainte que prononce la reine sur son amant qu’elle croit mort ($ 147) pousse plus loin encore l’idéalisation du héros. La tonalité laudative de la récriture atteint ici son apogée: «Ha, Lancelot! Lancelot! Lumiere de toute clarté, estoille journal, fors dessus tous fors, loyal chevalier, destruisierres de
1 Pourtant, comme l’a noté J.-R. VALETTE, «au même titre que l’hyperbole », la merveille apparaît dans la poétique romanesque, «comme une des ressources de l’héroïsation » («Ecriture et réécriture de la merveille dans le Conte de la charrette» (de Chrétien de Troyes au Lancelot en prose), L'Œuvre de Chrétien de Troyes dans la littérature française — Réminiscences, résurgences et réécritures, textes rassemblés par CI. LACHET, CEDIC, Lyon, 1997, p. 131).
INTRODUCTION
180
maulz pas et de felons et de crueulz ! Tu, par ton corps, achievoyes
ce dont nulz homs, tant feust poissans, ne povoit a chief venir! AS
Dans ces phrases, la prouesse l’emporte manifestement sur la courtoisie. Ce que déplore l’amante, c’est la disparition du plus redoutable des chevaliers, celui qu’elle appellera encore lumiere et clarté de toute la chevalerie du monde!. Ce traitement remarquable de la figure du héros n’est pas l'effet d’un goût immodéré qu’aurait eu le remanieur pour les vertus guerrières, mais il se justifie par le nouveau scénario mis en place. Dans l’ensemble, la récriture montre une grande harmonisation de ses effets. Les insertions de quelque longueur sont toujours hautement motivées et seuls des ajouts très brefs peuvent occasionnellement relever du délayage?. Toutes ces transformations s’inscrivent au cœur d’un projet fictionnel placé dans le monde imaginaire du Lancelot dont il s’agit de repenser les fins. 5. UNE MISE EN CAUSE DU CYCLE : SALAN LI ENVOISIÉ, PERCEVAL ET GALAAD
La «Charrette» dans y est un texte complexe et insolite, dont l’une des finalités est évidemment d’établir une version concurrente de la Vulgate. En effet, insérer dans le Lancelot la trame du roman de Chrétien, c’est récuser le déroulement
narratif qu’offraient déjà les versions a, B et BB et désavouer
1 $ 154, 1. 12-13. Voir aussi lumiere de tous les chevaliers du monde ($ 183,1. 12-13); le bon chevalier, le seur, la lumiere de tous autres chevaliers ($ 186, 1. 14-15); fleur de toute chevalerie ($ 153,1. 5; cette expression se rencontre ailleurs dans le Lancelot). Dans la Vulgate, rares sont les
effusions lyriques: voir E. BAUMGARTNER, « L'aventure amoureuse dans le Lancelot en prose», Liebe und Aventure in Artusroman des Mittelalters, éd. par P. SCHULZE-BELLI et M. DALLAPIAZZA, Kümmerle, Gôppingen, 1990, p. 94.
? On peut en trouver dans les dialogues.
UN PROJET SOUS-JACENT
181
le travail de leurs rédacteurs. Pour autant, le remanieur ne
prétend pas accomplir un retour au texte original de l’épisode, et il ne faut pas chercher ici un phénomène de «survivance», tel que le définit Robert Guiette, signifiant par ce mot l’intérêt effectif et particulier d’un auteur envers un texte, préalable à son renouvellement!. Le rédacteur de y ne cite jamais le nom du romancier champenois et ne fait aucune allusion au conte ou au roman de la charete?. Son objectif n’est pas de faire revivre une œuvre qui sombrait doucement dans l’oubli depuis que l’avait supplantée le Lancelot en prose. S’il recourt à la trame et à la matière du roman en vers, c’est pour
se démarquer des versions existantes de la Vulgate. L’énigme de cette rédaction s’éclaire en effet si l’on admet qu’elle n’est pas une fin en soi mais un moyen, et sans doute un excellent moyen, pour mettre en place une alternative aux événements antérieurement consignés dans les manuscrits. Dans une telle perspective, se fonder sur la trame du Chc était plus économique que modifier simplement l’une des rédactions existantes du Lancelot: la distinction était ainsi plus nette ; ce
choix n’empêchait pas, au demeurant, d’utiliser par endroits le texte de la Vulgate. Le chevalier Lancelot que présente l’épisode de la Charrette dans la rédaction y n’est donc ni celui de la Vulgate (@-B), ni celui de Chrétien de Troyes. Si l’on voulait préciser les différences, au prix d’une évidente schématisation, on
! «Chanson de geste, chronique et mise en prose», art. cit., p. 147. 2 P. SERVET remarque à propos des récritures des romans de Chrétien effectuées aux Xv° et xvr° siècles : «L'œuvre était donc bien connue, maïs le romancier n’a pas bénéficié de la même notoriété: aucun de ces textes ne mentionne le nom de Chrétien » («D’un Perceval l’autre. La mise en prose du Conte du Graal (1530)», L'Œuvre de Chrétien de Troyes dans la litté-
rature française, op. cit., p. 198). M. Stanesco relève que la dernière mention de Chrétien est faite dans le Roman de Ham, une œuvre qui date du dernier quart du x1r° siècle («Figures de l’auteur dans le roman médiéval», Travaux de littérature, 4, 1991, p. 16). On peut aussi remarquer qu’il ne nous est parvenu aucun manuscrit du Chc postérieur au x1r siècle.
182
INTRODUCTION
pourrait souligner les aspects suivants: le héros du Chc assume fièrement sa passion amoureuse jusqu’à l’ultime limite que représente l’acceptation du déshonneur; la Vulgate, quant à elle, montre un personnage condamné pour sa luxure, et qui, à cause de ce péché, ne pourra réussir la quête du Graal. Dans y, c’est un chevalier triomphant que l’on découvre, mu par la passion et auréolé de gloire, une force qui . va vers un destin qu’ignorent ses deux «allomorphes »!: le héros de Chrétien n’a pas de futur, celui de la Vulgate a un . avenir déprécié. Dans y, le retour à la trame du Chc permet de transfigurer le Lancelot de la Vulgate en lui offrant une . nouvelle perspective fictionnelle. Cette mutation, qui s'appuie sur une glorification constante du héros, exigeait en premier lieu le rachat complet du personnage discrédité par la Vulgate.
a. De Symeu à Salan ou la rédemption de Lancelot L'épisode du cimetière futur, dans lequel intervient Salan .
li Envoisié constitue une étape décisive sur le parcours de rédemption. À cet endroit, y se fonde sur la Vulgate, dans
laquelle figure un autre personnage, nommé Symeu?. La transformation du nom de Symeu en Salan emblématise la métamorphose textuelle que subit l’aventure de la tombe. Le rédacteur se fonde sur la Vulgate mais transforme ! Le terme est employé par N. J. Lacy dans «Motif Transfer in Arthurian Romance», The Medieval Opus. Imitation, Rewriting and Transmission in the French Tradition, éd. par D. KELLY, Rodopi, Amsterdam-Atlanta, 1996, p. 158. Sur le transfert d’un personnage d’une œuvre dans une autre, voir p. 159-60 (à propos de Perlesvaus) ; sur les transformations inévitables qui découlent de ce type d'opération, voir également W. MÜLLER, «Interfigurality :A Study on the Interdependance of Literary Figures», Intertextuality, éd. par H. F PLETT, de Gruyter, Berlin-New York,
1991, p. 101-21. ? Le modèle est ici B-BB. L'ordre des événements diffère quelque peu dans les rédactions « et B-B. L'épisode figure dans y aux $ 66-67. Salan se nomme dans le $ 67, 1. 15-16.
UN PROJET SOUS-JACENT
183
profondément l’épisode, d’abord en l’abrégeant et le simplifiant, ensuite en modifiant son contenu. De la même manière que, selon l’analyse de Lacy!, Perlesvaus est un non-Perceval,
Salan s’oppose à Symeu sur le mode du contradictoire. Le cadre même est modifié, puisque la tombe d’où s’élève la voix, dans y, n’est plus souterraine. Mais il convient d’abord de rappeler les circonstances de l’épisode dans le Chc et la Vulgate. Sur la route de Gorre, il faut traverser un cimetière et
soulever la dalle d’un tombeau vide afin de lire une inscription gravée. Le chevalier de la charrette, chez Chrétien, confirme
ainsi qu’il est bien celui qui libérera les prisonniers du royaume dont «nul ne revient». Les rédacteurs de la Vulgate n’ont pas réitéré dans l’épisode de la Charrette la scène du cimetière futur, qu’ils avaient déjà adaptée à la Douloureuse Garde:
en soulevant la dalle, le héros découvrait
sur une
inscription son nom et sa filiation, toutes choses qu’il ignorait jusqu'alors. Dans la «Charrette», la situation est donc autre. La scène se déroule en deux temps narrativement distincts: d’abord, Lancelot ouvre la tombe de Galaad, fils de Joseph d’Arimathie et premier roi chrétien de Gales (L, II, 31-33 et Z, III, 291) ; ensuite, son attention est attirée par une crypte d’où
proviennent du bruit et de la fumée (œ) ou des flammes (B-Bf). C’est dans cet espace souterrain que la voix de Symeu lui révèle des informations décisives pour son avenir. D’abord (je
me fonde sur la rédaction B-BB, plus proche de y), la voix déclare que seul le meilleur chevalier du monde réussira l’aventure (s’approcher de la tombe en flammes) parce qu’il ignorera le feu de la luxure. La voix annonce aussi qu’elle est du même lignage que Lancelot, et que celui qui accomplira l’aventure en fera également partie?. L’échec de Lancelot, explique-t-elle, a deux causes: sa grande luxure, les ors dont son corps est envenimés, mais aussi un péché d’adultère
1 «Motif Transfer in Arthurian Romance », art. cit.
2 Cf., ci-dessus, p. 134.
184 commis
INTRODUCTION par son père, le roi Ban. Pour toutes ces fautes,
Lancelot n’est mie dignes de metre a fin les aventures del Saint Graal(L, II, 293). La voix révèle incidemment que la mère de Lancelot est en vie, puis livre son identité: Symeu, neveu de
Joseph d’Arimathie. Le châtiment que Symeu subit dans les flammes doit racheter un terrible péché qu’il partage avec son fils Moys, lequel gist en la perilleuse place ou mains anuis sont avenus as chevaliers errans!. Enfin, Symeu annonce que lui et Moÿs seront délivrés dans moins de trente ans. Comme Lancelot veut à nouveau tenter l’aventure, il lui conseille d’arroser son visage et ses mains d’eau bénite; le chevalier échoue encore et quitte la crypte, très dépité. Le rédacteur de y adopte l’organisation en diptyque de la Vulgate, mais au lieu de narrer la découverte du corps de Galaad, il conserve le motif du cimetière futur, qui devient
ainsi le second du roman’. Toutefois, s’il transpose assez fidèlement l’épisode du Chc, en revanche, il s’écarte considé-
rablement de la scène avec Symeu élaborée par la Vulgate. En premier lieu, il la raccourcit et la simplifie. Cet abrègement vise à supprimer l’impression d’un grave échec subi par le héros : le chevalier ne fait pas ici aussi piètre figure que dans la Vulgate. Loin de manifester sa peur et de se lamenter sur sa lâcheté, il marche hardiment vers la tombe,
prend de l’eau bénite comme l’y exhorte la voix, s’approche des flammes malgré le danger, mais ne réussit pas à soulever la dalle et se retire. Point de lamentations: la voix atténue aussitôt l’échec en soulignant la prouesse déjà accomplie
! L, III, 294. « indique le même lien de parenté mais n’associe pas le fils à la faute, L, II, 32. On trouve le personnage de Symeu dans une autre œuvre du Lancelot-Graal, \Estoire del Saint Graal, où les raisons de son
châtiment sont longuement exposées, mais ni la Vulgate ni la rédaction y ne doivent rien à l’Estoire. Voir ici même les notes au 8 67.
? Il y avait là un risque de contradiction interne, que le remanieur a su éviter: voir mon article «Le dérimage du Chevalier de la charrette : les vers de Chrétien comme ressource de la prose», art.cit.
UN PROJET SOUS-JACENT
185
(parvenir à toucher le tombeau). La conversation s’engage, et Lancelot ne tentera pas une seconde fois l’aventure: il ne subit ainsi qu’un seul échec — relatif. Et il n’est pas question de son incapacité à réussir la quête du Graal; il apprend seulement qu’elle est réservée à un autre chevalier d’excellence. Après l’échange de paroles avec Salan, il quitte les lieux, moult dolant et tout honteux, en conformité avec le
dénouement de l’épisode dans la Vulgate, mais le raccord avec la trame du Chc suffit à restaurer sa valeur (rappelons que dans le Chc, l’aventure du cimetière est une parfaite
réussite) : les propos de la demoiselle (i/ n’a tel chevalier tant comme
ventent les I.
vens, $ 68, 1. 9-10), du moine (le
chevalier a fait orendroit leans si grans merveilles que je ne cuidoye mie que nul chevalier du monde les peust faire, $ 69, 1. 7-8) et du vieux chevalier (Donc n’est il moult preuz qui a fait tel effort? $ 69, 1. 16-17) effacent littéralement l’échec
pour ne garder que l’exploit. Cette scène au rythme vif préserve au mieux la gloire du chevalier. Et, différence fondamentale, les paroles de Salan
n’ont pas la gravité de celles de Symeu. Salan, d’abord, n’est pas, comme Symeu dans la Vulgate, le neveu de Joseph d’Arimathie. Joseph n’est aucunement évoqué dans la rédaction y, puisqu'il n° y est pas question de la tombe de Galaad, son fils!. Du coup, Salan ne bénéficie pas
d’une ascendance prestigieuse et la référence au temps originel du Graal disparaît. Par ailleurs, nul lien de parenté n’est évoqué entre Salan et Lancelot, alors que dans la rédaction f-BB, Symeu déclare: nous sommes d’un lignage entre toi et moi?. La tare supplémentaire que constituait la faute de Symeu pour le lignage de Lancelot est de la sorte
s
1 Dans y, le Graal parvient donc à exister indépendamment de ce personnage «témoin et garant de son origine » (E. BAUMGARTNER, « Joseph d’Arimathie dans le Lancelot en prose », Lancelot, éd. par D. BUSCHINGER, Kümmerle Verlag, Gôppingen, 1984, p. 8). PT, 11293;
186
INTRODUCTION
supprimée, comme est gommé l’adultère du roi Ban. Le lignage de Lancelot est ainsi délesté du poids de ces culpabilités accumulées au fil des années, et lui-même en est délivré. C’est pourquoi il n’est plus question d’un mieudres chevaliers del monde qui, lui, réussirait l’épreuve. Lancelot est le meilleur des chevaliers, c’est bien ce que montre
constamment y, en vantant à l’envi sa prouesse exceptionnelle et en évitant de discréditer son amour pour la reine. La rédaction y, comme le Chc, exalte la fin’amor sans la ternir par l’idée du péché ou de la luxure. L’amour courtois est : préservé de toute critique, et le héros parle et agit a maniere de fin amant. Le détour par le cimetière n’ôte donc pas à Lancelot sa gloire. Certes, il échoue dans l’aventure de la tombe, maïs,
faut-il comprendre, c’est seulement parce que cette épreuve ne le concerne pas. En fait, dans le cimetière de y, le thème de la culpabilité
est entièrement concentré sur les personnages de Salan et son frère Moÿs. Le nom de ce dernier personnage, déjà dans le
Joseph, est lié à l’idée de péché’. Dans B-BB, on apprend que
1 Tout, ici, se joue du côté du père, ce qui explique sans doute qu’un élément de la Vulgate ne soit pas repris, bien qu’il ne soit pas anodin: alors que Symeu apprend à Lancelot que sa mère est encore en vie, Salan ne dit rien sur la reine Hélène. L'essentiel est ailleurs. Du reste, cette omission ne crée pas de problème pour la suite du roman, puisque Lancelot, dans la Vulgate, ne pense aucunement à sa mère lorsqu'il reprend son chemin. 2 V. 3980 et $ 142, 1. 3-4. Egalement, 8 152, 1. 44: comme fin amant en ay fait ce que fait en ay (c’est un ajout). La mise en prose de Cligés, au XV° siècle, joue sur un autre registre puisque le sentiment qui unit Fenice et le
héros perd dans ce remaniement toute coloration d’illégitimité: «Un amour devenu entièrement licite gomme l'essence même de l’adultère» (M. CoLoMB0 TIMELLI, Le Livre de Alixandre empereur de Constentinoble et de Cligés son filz. Roman en prose du XV siècle, éd. cit., Introduction, p. 44).
3 Dans les Joseph en vers et en prose, un certain Moyse est fondu pour avoir voulu s’asseoir indûment à la Table du Graal (éd. O’GORMAN, p. 26479). Dans l’Estoire del Saint Graal, il subit un châtiment par le feu pour s’être assis sur le Siège Périlleux (voir ici même, la note au $ 67).
UN PROJET SOUS-JACENT
187
Moÿs gist en la perilleuse place ou mains anuis sont avenus as chevaliers
errans,
maïs
la nature
exacte
de la faute
commise par le père et le fils est tue!. En revanche, dans 7, Salan expose les circonstances malheureuses qui l’ont amené, lui, dans sa tombe en flammes, et son frère, dans la forêt de
Darnantes?. On apprend ainsi que les deux frères sont condamnés davantage pour leur goût de l’aventure que pour quelque faute ignominieuse: leur tort est d’avoir désiré le Graal, un travers bien compréhensible ! La rédaction y donne
un tour plaisant à l’affaire en adjoignant aux deux complices une demoiselle, amoureuse de Moÿs, et désireuse de l’aider dans l’aventure. Avec Salan li Envoisié, dont le nom enjoué
suggère «un penchant certain pour les plaisirs de ce monde »’, y substitue une aventure mi-amoureuse mi-périlleuse aux sombres propos de Symeu. Bref, grâce à Salan, le héros est lavé de tout péché. L'idée de faute disparaît, absorbée par le trio imprudent, Salan, Moÿs et la demoiselle de Langorre. La conséquence est de taille: c’est toute l’armature idéologique du cycle Lancelot-Queste-Mort Artu qui vacille à partir de ce changement. En effet, si Lancelot n’a plus besoin d’être racheté, son fils n’a plus à jouer le rôle du rédempteur. L'idée même de rachat s’évanouit. Aussi ne retrouve-t-on pas dans la bouche de Salan la remarque de Symeu sur le fait que son interlocuteur n’a pas pour nom de baptême Lancelot mais Galaad (Z, III, 294). Cette dualité, que l’on peut interpréter
comme la marque de l’imperfection du père sur l’échelle des valeurs chrétiennes, n’a pas lieu d’être, car Lancelot n’a pas à
être jaugé à l’aune de la spiritualité. Certes, la Quête existe encore, et Lancelot ne l’accomplira pas, mais cela n’est ni
souligné ni regretté. Ce n’est pas une marque de déchéance
L'J, II, 294, 2 Sur ce lieu récurrent de la littérature, voir la note au $ 67. 3 E, BAUMGARTNER, «Arthur et les chevaliers envoisiez», Romania,
t. 105, 1984, p. 316. Voir dans les p. 315-16 les connotations du mot envoisié.
INTRODUCTION
188
mais une simple circonstance :la Quête cesse d’être le point douloureux qui affecte le lignage du roi Ban. Au demeurant, la Quête perd d’une certaine façon son prestige. C’est juste une vieille histoire. On voit en effet que loin d’être un motif relégué dans un futur indéterminé, elle a déjà commencé dans un passé insituable puisque Salan ne précise pas depuis combien de temps lui et ses compagnons subissent leur châtiment. Le motif est dédramatisé par l’association qui en est faite avec ces trois personnages de petite envergure qui n’ont pas considéré que l’entreprise était trop prestigieuse pour eux. Certes, ils échouent à proportion de leurs imperfections, mais l’affaire sera bientôt réglée pour la plus grande satisfaction de tous. Avec ce nouveau Lancelot s’offrent pour la fiction des. potentialités inexploitées.
b. De Galaad à Perceval ou la vengeance d’un lignage Ni Lancelot ni Galaad ne sont donc concernés par la Quête du Graal. Qu’un autre que Galaad soit impliqué dans cette
aventure
est manifeste
dans
les paroles
de Salan,
lorsqu'il déclare que sa délivrance est imminente : Et je sçay bien que je seray delivrés par temps, car le vassal si est néz qui de ceans me gectera, et est de tel aage que il pourra par temps chevalier estre. Ycellui achievera les douleureuses aventures qui sont espandues par le monde, il conquerra tous les chevaliers qui erent encontre lui, il achievera tous les perilz: cil est sires du Graal! ($ 67,1. 6-11)
A travers la série de périphrases qui le désignent, le libérateur de Salan, bientôt chevalier, a toutes les caractéris-
tiques du héros de la Quête. Et ce libérateur est déjà né, il est même en âge d’être adoubé: ce n’est donc pas Galaad, qui, à
cet endroit du récit, n’est pas encore né (ni même conçu). Cette phrase heurte de plein fouet les propos de Symeu dans la Vulgate (l’élu viendra d’ici trente ans), et contredit les
événements inscrits dans la suite du cycle. Telle est bien la
UN PROJET SOUS-JACENT
189
fonction de ces phrases: mettre en question les fins de l’œuvre, en déniant à Galaad la possibilité d’être l’élu. Dans cette transformation, le Graal cesse d’être, comme il l’était pour les auteurs de l’ensemble Lancelot, Queste et Mort Artu,
la «carte de l’achèvement », qui permet d’écrire «la mort du récit»!. Un autre jeu commence. Par la voix de Salan, se dispose une nouvelle configuration, dont on a vu précédemment qu’elle avait pour pivot le personnage de Perceval, placé à la même génération que Lancelot et rétabli dans le rôle de sires du Graal. On le comprend maintenant, cette organisation ne signifie pas que y choisit Perceval contre Galaad parce que le remanieur voudrait rétablir dans le rôle de l’élu le personnage originellement associé au Graal. C’est parce que Galaad n’a plus pour fonction d’accomplir la Quête que Perceval retrouve cette place. De fait, Galaad a une mission autrement importante. Le point essentiel, ici, repose sur un thème bâti autour d’un héros
exceptionnel et victime d’une injustice :la vengeance. Ce nouveau tour imprimé à la fiction est loin d’être aberrant’.
En
effet,
comme
je l’ai remarqué
ailleurs,
à
l’ouverture du Lancelot, «la mort du roi Ban provoque un déséquilibre narratif initial [...]. Dans une perspective épique traditionnelle, on verrait Lancelot, devenu adulte, engager une lutte pour reconquérir ses terres. Maïs le jeune homme ne devient pas le héros de geste que l’on attendrait»*. En effet,
l E, BAUMGARTNER, «Le Graal et le temps: les enjeux d’un motif», Le Temps, sa mesure et sa perception au Moyen Age», Actes du Colloque
d'Orléans (12-13 avril 1991), éd. par B. RIBÉMONT, Paradigme «Medievalia», Caen,
1992,
p. 15. Sur la question
des fins du Lancelot-Graal,
voir
R. TRACHSLER, Clôtures du cycle arthurien. Etude et textes, op. cit., p. 67-141.
2 Ne serait-il pas, déjà, au cœur du Chevalier de la charrette? Voir Ch. MÉLA, La Reine et le Graal., op. cit., p. 308-10.
3 Les Voies de l'aventure, op. cit., p. 102. Voir aussi D. GANGLER,
«Enfants sans père: orphelins et écriture romanesque dans le roman cyclique français du Moyen Age», Littérature, Médecine, Société, 8, 1986, p. 23-25 et 29-31.
190
INTRODUCTION
en embrassant les aventures, puis en devenant l’amant de la reine, Lancelot s’attache à la terre de Logres et se désintéresse
de l’héritage paternel. Le personnage ignore même l’idée de vengeance. Galehaut, peu avant sa mort, lui rappelle pourtant que ce serait un juste combat : [...] si movrons a totes nos gens por conquerre le roialme de Benoyc dont li rois Claudas de la Deserte vos a deserité: kar trop avés demoré a vengier la mort vostre pere et vostre deseritement et les grans dolors que vostre mere a eues. Et se nos i poons trover le roi Claudas, il ne remaindra n’en cele terre n’en autre; et se nos le
poons tenir, nos en ferons justise tele com l’en doit fere de traïtor et de murdrier. (L, I, 75)
Lancelot oppose à cette perspective de conquête une fin de non recevoir, et il n’est plus question de vengeance dans le roman jusqu’à l’épisode de la Charrette, où le thème ressurgit incidemment dans a-B, mais de façon essentielle dans y!. Cette rédaction donne à cette idée un ferme contour en énonçant son déroulement et son échéance. Les choses se précisent en effet un peu plus loin ($ 84-85), à l’endroit où le narrateur, après avoir évoqué le rôle de la
dame du Lac durant l’enfance de Lancelot, décrit les circonstances terribles qui lui ont permis d’être sa mère adoptive: l’invasion des terres du roi Ban par Claudas, et la mort du roi.
Ce rappel du passé amène d’une façon naturelle l’idée que le tort subi devrait être réparé. Et c’est là que y bâtit avec audace un
nouveau
futur
pour
la fiction,
ajoutant
les touches
décisives au personnage de Lancelot qu’elle a refaçonné. On découvre par la voix du narrateur que ce Lancelot glorieux, loin d’être hostile à la vengeance, comme il l’avait fait savoir à Galehaut, porte en son cœur ce projet légitime, dans lequel pourra s'épanouir sa prouesse :
1 Dans @-f, lors du tournoi de Pomeglai, Lancelot tue un adversaire,
qui s’avère être un sénéchal de Claudas: Et Lancelot dist que Dex l’en a vengié et si nel savoit mie (L, II, 98). Cet épisode n’est pas repris dans y, qui à cet endroit épouse la trame du Chc ($ 206 et suivants).
UN PROJET SOUS-JACENT
191
Et ce desheritement estoit Lancelot souvent bien pres du cuer, mais il estoit seur du vengier, que il sueffre l’attente sans grant travail.
($ 85, L. 1-3)
Le narrateur s’appuie alors sur l’autorité du compte pour dévoiler le futur, ou plutôt les deux temps forts qui matérialiseront cette vengeance : d’abord, une action de Lancelot luimême, accomplie avant sa mort, ensuite, le recouvrement des
terres de Ban par Galaad. L'action proprement dite de Lancelot reste vague: Il em prist la plus merveilleuse vengence avant sa mort dont nulz homs oïst oncques parler. ($ 85, 1. 7-8)
On peut imaginer un combat victorieux contre Claudas, entraînant la mort de l’usurpateur, toutes circonstances qui lui sont refusées dans la Vulgate!. En revanche, l’apothéose de la vengeance est claire : Si tint puis son filz Galaad, dont li comptes vous dira ça avant, enaprés la mort Lancelot son pere, toutes les Marches de Galonne et le royaume de Benoyc et toute la Terre Deserte Claudas, et si tint les Estranges Ysles Galeod. ($ 85, 1. 8-12)
Les Marches de Galonne sont assez proches du royaume de Gorre (voir la note au $ 85), les Iles de Galehaut sont
quelque part en mer, Benoyc, comme on sait, se situe en la marche
de Gaule
et de la petite Bertaigne
(ce sont les
premiers mots du Lancelof), et la Terre Deserte, royaume de
Claudas, correspond au Berry. Ainsi est offert à Galaad un destin de roi terrestre, régnant sur les terres familiales recouvrées, jointes à celles du spoliateur et à celles de Galehaut, l’ami du père.
1 Sur la substitution d’un affrontement
Arthur / Frolle au combat
Lancelot / Claudas que l’on attendrait logiquement à la fin du roman, voir A. CoMBes, Les Voies de l'aventure, op. cit., p. 166-73.
192
INTRODUCTION Ce scénario, on l’a vu précédemment!, est confirmé dans
le fr 122 par plusieurs interpolations. La première (Annexe IID) est celle où le Chevalier Vermeil reproche à Lancelot de ne pas avoir châtié Claudas, l’homme qui a causé la ruine de sa famille. Lancelot admet la justesse du propos et, peu après, envisage d’exécuter sans plus tarder ce projet de vengeance : Aussi m’aït Dieus que jou n’arai ja mais repos, fait il, se moult grans ensonnes ne me tient, enprés chou que jou avrai ma baptaille rendue a chest chevalier, si avrai le roi Claudas desireté et mort.
Prévoyant déjà sa victoire, il avise alors un personnage . venu du passé, Banin, le filleul du roi Ban, un chevalier que
l’on voit agir avec prouesse au début de l’œuvre. Lancelot . l’investit alors des terres de Claudas qu’il compte conquérir d’ici peu: Banin, Banin, jou vous doins pour le boin sierviche que vous
fesistes au roi Ban de Benuyc, mon pere, la Tiere de la Deserte qui est au roi Claudas. Et aussi m’aït Dieus, jou l’ochirai se je puis .11. ans durer en vie, u il ochira moi. 1
Ce qui restait imprécis dans l’épisode de la «Charrette », la merveilleuse vengence, prend ainsi un aspect plus concret. Enfin, toujours dans le fr. 122, la dame du Lac cautionne à son
tour ce futur à travers les propos d’une de ses demoiselles, qui déclare à Lancelot (Annexe IV): Galaad tes fius ert rois de Gaulle et empereres de Roume et metera toute la tiere d’Espaigne a la crestiiene loi. Ensi avenra sans faille, si comme ma damoisielle l’a veut.
Lancelot apprend ainsi, à la fois, qu’il aura un fils et que celui-ci pourra parfaire le projet de vengeance de son père. Le scénario paraît sans faille.
1 Voir, supra, p. 85-86.
UN PROJET SOUS-JACENT
193
Cependant, il semble bien que la dame du Lac ait mal veut... En effet, le destin annoncé pour Galaad ne se réalise
pas. Le thème de la vengeance se développe un certain temps dans le fr. 122, au fil des interpolations, mais les résolutions
meurtrières de Lancelot contre Claudas restent en suspens. L'idée, après avoir été fortement construite, portée et confirmée par l’œuvre, se perd, comme si elle était oubliée. On ne peut que se livrer à des spéculations sur les raisons qui ont poussé quelqu'un — un seigneur amateur de romans de chevalerie, un clerc lettré, un scribe imaginatif ? — à forger un tel scénario. En l’occurrence, aucun document, aucun témoi-
gnage, aucune signature ne nous apportent leur aide. Mais si l’on ignore dans quelles conditions une telle entreprise a vu le jour, on peut comprendre pourquoi elle n’a pas été menée à son terme. Si tant est que le fr. 122 puisse nous en donner une image fiable, le remaniement, après l’épisode de la Charrette, se fondait sur une série d’interpolations. Mais venait un moment où il ne suffisait plus d’ajouter, il fallait retrancher et récrire à grande échelle, sans appui intertextuel. La tâche était d’une ampleur démesurée. Elle n’a pas trouvé d’auteur à sa taille. Seuls, la version dérimée du Chevalier de la charrette et le fr. 122 ont gardé le souvenir de ce rêve cyclique inabouti.
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G. ETUDE LINGUISTIQUE
1. LANGUE DE Ac, MANUSCRIT DE BASE POUR LES $ 1-220 La langue de ce manuscrit réalisé vers 1400 dans un atelier parisien a un aspect composite dans la mesure où elle présente, à côté des traits courants du moyen français commun, une morphologie qui, par certains aspects, tel l’emploi fréquent des formes héréditaires pour le futur et l’imparfait du verbe estre, suggère la rémanence d’un état de langue plus ancien. Si cette scripta paraît ainsi en décalage avec l’époque de production du manuscrit, cela pourrait être dû, au moins en partie, au projet littéraire du dérimage: récrire d’une façon assez fidèle un texte de Chrétien de Troyes a pu inciter le remanieur originel à conserver des traits de la langue présents dans le manuscrit qu’il avait à sa disposition et, par la suite, les copistes de l’épisode dérimé ont maintenu à leur tour certains de ces traits. J'ai voulu décrire le plus précisément possible cette scripta à l’apparence hybride à cause de l’intérêt documentaire qu’offrent ses contours morphologiques ou syntaxiques parfois inattendus. En outre, cette description linguistique pourrait avoir des prolongements littéraires. Il me semble en effet que la langue de cette copie mériterait d’être confrontée à celles des autres mises en prose romanesques effectuées entre le xur° et le xV° siècle. Remarque-t-on dans certaines de ces œuvres la tendance au conservatisme qui caractérise ici la morphologie ? Rencontre-t-on ailleurs des
196
INTRODUCTION
cas de disjonction liés à l’expansion d’un nom tels qu’en offre notre copie? Apporter des réponses à de telles questions serait sûrement éclairant pour comprendre ce type particulier de création littéraire. Afin de préciser les phénomènes imputables ou non aux sources utilisées par le remanieur, à savoir un manuscrit du
Chevalier de la charrette et un manuscrit du Lancelot, j'utiliserai les abréviations suivantes : —
pour les relations avec le roman de Chrétien: [< Chc] lorsqu'une occurrence est reprise aux vers, et [Æ Chc] quand l’occurrence étudiée ne figure pas dans les vers.
—
pour les relations avec le Lancelot: [< L] lorsque l’occur-
rence citée provient du roman en prose et [£ L] quand elle ne s’y trouve pas. Ces phénomènes de reprise ou d’écart par rapport au roman en prose concernent le début de l’édition,
$ 1-27, et la séquence
consacrée
à Bohort,
$ 189-908. —
pour les phénomènes situés dans des parties ajoutées par rapport à Ch et L: [ajout].
Lorsque
n’apparaît
pas
l’abréviation
«etc.»
ou,
simplement «… », les relevés effectués sont complets.
Enfin, on repère dans la langue de Ac quelques traits phonétiques des régions du Nord et du Nord-Est, mais qu’il n’est pas exceptionnel de rencontrer dans les scriptae de l’ancien ou du moyen français commun. Ces traits ont malgré tout été présentés à part, à la fin des deux rubriques consacrées l’une au vocalisme, l’autre au consonantisme.
ETUDE LINGUISTIQUE
197
A. PHONÉTIQUE ET GRAPHIE
18 Vocalisme 1. Traits de l’ancien / moyen français commun iele Concurrence des graphies -ie- ou -e-: on notera que le scribe n’emploie pas de signe abréviatif pour -(i)er- dans les formes ici considérées. La répartition est la suivante: pour l’adjectif chier-e (16 occ.), les substantifs chief-z (25 occ.) et congié (24 occ.), la préposition chiéz-chiés (8 occ.) on trouve toujours la graphie -ie-. dans les verbes originellement en -ier; la graphie -iesubsiste sans exception à l’infinitif (50 occ.). au participe masculin, on trouve la graphie -ié- (42 occ.) excepté dans 4 occ.: apparaillés 90, 6 / apparaillié-s (9 occ.), desconseillés 186, 16 / desconseilliés 196, 4, travaillés 96, 21 / travailliés (2 occ.), prisés 45, 7 / prisiés
63, 17 (la forme prisés pourrait être fautive, voir infra, Syntaxe du participe passé). inversement, extension de la graphie -ié- au participe masculin devisié 201, 17 / deviser (4 occ.). au masculin, l’adjectif yrié-s (7 occ.) est davantage représenté que yrés (2 occ.) (les deux graphies se rencontrent déjà au x1r° siècle) ;au féminin, on a seulement yree 147,
1, et l’on trouve l’adverbe yreement (3 occ.). le participe féminin présente une majorité de formes -iee(19 occ.) / -ee- (10 occ.): af{fjaitiee (4 occ.), chalengiee 139, 13, commenciee 98, 23, courouciee (6 occ.), despeciee 190, 14, enroulliees 178, 10, enseigniee 92, 4, espuisiee 120, 15, gaitiee 53, 15, haitiee (2 occ.); et,
d’autre part, apparaillees 193, 5, baillees 215, 7, changee 115, 7, commencee (3 occ.), couchee 42, 10, desconseillee
(2 occ.), trenchee 28, 3. pour onze formes de féminin, il y a eu monophtongaison en -i-: chacie 198, 11; frenchies 151, 11, etc. (voir infra,
les traits régionaux).
198
—
—
—
INTRODUCTION
la personne 6 du passé simple présente la forme -ierent (17 occ.) sauf dans 3 occ.: pescherent 178, 6; reppairerent 183, 7 / reppairier 181, 7 ; chevaucherent 186, 1 / chevauchierent (2 occ.). la personne 5 des présents (indicatif, subjonctif, impératif) des verbes en -ier a majoritairement une graphie -iés: aidiés 119, 10, cuidiés (4 occ.) / cuidéz, cuidés, quidés (3 occ.), empiriéz 125, 6 / empirés 3, 9, enseingnéz 34, 2, laissiés-lessiés (9 occ.) / laissés 138, 11. à l'impératif, pour le verbe savoir, on relève à la personne 2 : sachies (10 occ.) / saches (2 occ.). En moyen français,
la personne 5 sachiés s’est réduite à sachés après l’effacement du yod absorbé par la prépalatale ch; la graphie saches, dans les manuscrits, peut dès lors correspondre à une P2 ou une PS. Par un phénomène de graphie inverse, en raison de la coexistence de sachies et saches à la PS, la
P2 a pu être mécaniquement graphiée sachies!. +
oulo
La graphie ou tend à s’imposer pour —
—
—
le produit de o initial atone :mour- (radical atone, 13 occ.), nourri (4 occ.), plour- (rad. atone, 6 occ.), soulas-soulaz (4 occ.), souloi- (8 occ.) / soloie (1 occ.), tourment (1 occ.), voul- (rad. atone, 113 occ.), voulanté (13 occ.).. le produit de o tonique: court (*CORTEM) (37 occ.), tout (209 occ.).…
Elle s’impose moins nettement pour le produit de au atone: esjouys (1 occ.) / esjoïr (1 occ.), lou- (5 occ.) / lo- (5 occ.), ouïr (1 occ.) / oïr (7 occ.) et oons 183, 20; mais aloe 99, 21 [< Chc].
—
le produit de au tonique: pouvre, pouvrement (3 occ.) / povre, povrement (4 occ.)
! Je remercie G. Roussineau pour les précisions qu’il m’a fournies sur cette graphie sachies.
ETUDE LINGUISTIQUE
199
+
ou/eulue Quelle que soit leur origine, les graphies ou / eu alternent dans les mots suivants: prouve (1 occ.) / preuve (1 occ.); l’adverbe pou (26 occ.) / peu (8 occ.); et devant -r: doulour (15 occ.) / douleur (7 occ.); doulçour (1 occ.) / doulceur (2 occ.) ;(h)onnour (6 occ.) / (h)onneur (50 occ.);le comparatif piour (5 occ.) / pieur 74, 13. Le produit de l’ancienne diphtongue issue de o ouvert tonique libre ou entravé par / mouillé est généralement noté ue (quelquefois eu): buefs (1 occ.), cuer (67 occ.), estuet (4 occ.), fuer (3 occ.), muet (4 occ.), muevent (1 occ.), nueve (1 occ.), pueple (3 occ.), pues (3 occ.), rueve (1 occ.), sueffre (6 occ.), suer (2 occ.), truevent (1 occ.), vuel (subst. masc., 1 occ.), dueil (40 occ.), orgueil (11 occ.), ueil 159, 1, oeilz 54, 3, vueil (34 occ.) et veueil (4 occ.). Pour dueldra (32, 14) / deult (40, 17), la graphie ue, dans la base verbale non accentuée, suppose une prononciation analogique. D’autre part, on relève illeuc (1 occ.), queuvrent (1 occ.) et peuent (8 occ.) / puet (58 occ.).
+
elail/ayl/oyloi On observe une graphie conservatrice ou étymologique ai dans faire (111 occ.) / fere (2 occ.), chaitif, chaitive, chaitivetté, chaitiveté (15 occ.) / chetif, chetivoison (4 occ.). L’équivalence graphique entre ai et e semble confirmée par les doublets glaive (3 occ.) / gleve (14 occ.); jamais (24 occ.) / jamés, jaméz (3 occ.); souffraiteux 152, 54 / souffreteux 89, 7, et la forme pairra 55, 16 (= base per de paroir: voir infra, Morphologie).
Echanges graphiques entre ay et oy dans tournay 200, 27 | tournoy (9 occ.), tournoyement (3 occ.), et entre ai et oi dans la P1 de l’ind. présent du verbe faire: fais (10 occ.) / fois 111, 9. On remarque la fermeture du a en précession d’une palatale dans une occurrence isolée de saiges 12, 1 / sage (12 occ.).
200
INTRODUCTION
°
ou/oy Le résultat de PAUCUM est noté poy (= poi) 20, 3, 57, 2 / pou (25 occ.). Les deux formes voisinent dans luy est moult poy et pou l’en chault 57, 2.
+ __Formes pouvant attester une faible nasalisation En tenant compte du fait que le copiste distingue généralement le u et le n par la ligature, on relève une alternance
graphique on / ou dans convoyer: conv- (1 occ. avec l’abrév. 9, 68, 4) / couv- (4 occ.). En revanche, on a toujours roucin (7 occ.) et la graphie couv- figure dans toutes les formes de couvenir ou de couvoitier. Le phénomène reste donc limité. Une alternance en / a est visible dans les préfixes des mots suivants : envenra 5, 9 / avenr- (3 occ.); enpensé 61, 18 / apensa 2, 8, appensa 99, 15; amenray 56, 23 (= enmenray, graphie de Aa); extension du phénomène à enleure 23, 4 (= aleure, graphie de Aa). Cette alternance apparaît aussi dans les échanges entre les prépositions a et en: dans en nul fuer 1, 16 / a nul fuer (2 occ.); en la forest 16, 18, 71, 12 / a la forest 159, 13; a la
premiere assemblee 198, 12 / en la premiere assemblee 198, 17 ;mettre en la voye (5 occ.) / mettre a la voye (2 occ.) et la phrase les damoiselles n'avoient en nulle riens tant baé comme a lui 209, 8-9. On peut citer aussi avoir a paix 60, 23-
24 (= en paix, graphie de Aa). Dans desrainsnier 46, 12, l'insertion d’un n parasite semble l’indice d’une faible nasalisation.
°
ieu/eu Réduction exceptionnelle de ieu à eu après palatale dans geu 58, 2 / gieu (7 occ.).
°
uili Dans qui lui menoit, 40, 24, il faut comprendre qui l’i menoit :
dans lui, le segment accentué doit être le i et la semi-consonne
n’est pas prononcée. Ce phénomène explique la confusion des pronoms personnels lui et li (voir infra, Morphologie).
ETUDE LINGUISTIQUE
201
°__
Emplois de la graphie y/i Sa fréquence est importante. Le graphème y alterne avec : à l’initiale de yre /ire, ycil/ icil, yssu / issu. > figure à la finale des mots suivants : cy (97 % des cas par rapport à ci), mercy (50% / merci), enmy (95% / enmi), parmy, amy, ennemy. En revanche, si les mots sont marqués (-s ou -e), on trouve toujours -i: mercis, ennemis, amie et
amis. A la finale de lui et si, y est exceptionnel: lui (773 occ.) / luy (2 occ.), si (1200 occ.) / sy (170, 21); on a toujours qui,
ainsi. Dans les finales -oy, on constate un emploi exclusif de y pour toutes les occ. de moy, toy, soy, quoy, pourquoy, desroy, foy, palleffroy, paleffroy, paroy (FPARETEM), roy, tournoy et des P1 croy et voy. Son emploi est presque exclusif dans les finales -oys: bourgoys, boys, doys (DIGITES) (1 occ.) / dois (1 occ.), foys (90 % des occ.), gaboys, Galoys, Iroys, loys, moys, paleffroys, tournoys;, mais ainçois (43 occ.) / ainçoys (7 occ.); trois (8 occ.) / troys (1 occ.). A l’intérieur des mots, i et y alternent constamment dans les P2 et P5 du verbe estre : au subjonctif: P2: soyes / soies, PS5 : soiés / soyés, soyéz.
Après e en hiatus, (56, 9), Dieux beneye (41, 2); il chey (passé On relève une occ.
on trouve y dans que Dieux le beneye vostre corps (101, 13); pont tourneys simple de cheoir, 80, 22). oyl / oil (8 occ.).
°
Hiatus La copie présente des graphies traditionnelles remontant à une époque antérieure à la réduction de certains hiatus, et l’on trouve toutes les voyelles léguées par la tradition: on peut citer aage (4 occ.), deable (4 occ.), plasseis (1 occ.) seoir (6 occ.), reont, reonde (3 occ.), embleure (1 occ.).. Il est difficile de connaître la valeur exacte de ces anciennes graphies.
202
INTRODUCTION
Au subjonctif imparfait, veisse et son paradigme (7 occ.), feisse et son paradigme (25 occ.), deusse et son paradigme (29 occ.), peusse et son paradigme (38 occ.)..., présentent également une graphie conservatrice. La réduction de l’hiatus apparaît dans aise (3 occ.) / aaise (122, 11) et aaisier (91, 17, 203, 14), la forme isolée de Kamalot 189, 3 / Kamaalot, Camaalot (S occ.), et dans quist 124, 16 /
queist et composés (4 occ.). Elle est systématique seulement dans maille (1 occ.) et mesme, mesmes, mesmement (32 occ.).
Des phénomènes de graphie inverse concernent 10 formes de passé simple fort (voir Morphologie), ainsi que les substantifs gaage 10, 4 et veoir = voir («la vérité ») 167, 18. Même
si, vers
1400, la réduction des hiatus est bien
engagée, on constate donc dans le manuscrit le maintien graphique de la première des deux voyelles. 2. Traits du Nord et du Nord-Est
Des traits de langue picards et wallons apparaissent de façon sporadique.
*__
Finales féminines en -ie Monophtongaison en -i- pour quelques participes passés féminins. Cependant, cette réduction de la terminaison se retrouve «dans trop de dialectes pour qu’elle puisse passer pour typiquement picarde » (Wüest, «Les scriptae françaises II. Picardie, Hainaut, Artois, Flandres », p. 303-4)!: apparaillie 143, 15, apparaillies 171, 6, baillie 201, 10, blecies 164, 16, chacie 198, 11, chalengie 115, 7, chaucies 178, 9, desrainsnie 46, 12 embracies 132, 3, enfichie 109, 15, trenchies 151, 11.
(G, 8) ! Pour les références complètes des titres cités, voir la bibliographie de l'Etude linguistique. 2? Abréviation de la référence à Ch. Th. GossEN, Grammaire l’Ancien Picard, Klincksieck, Paris, 1976, $ 15.
de
:
ETUDE LINGUISTIQUE
203
Cette réduction apparaît aussi dans les substantifs corgie 175, 2 / corgiee 101, 5; lignie 89, 7.
*
Graphiesietie On relève quelques cas de monophtongaison de ie en i. Monophtongaison systématique pour l’adjectif lié au féminin (fait assez largement répandu pour cet adjectif) : lye (5 occ.) ; on relève aussi lyement 201, 16. Même phénomène dans la désignation du Passage des Pires 75, 20 / Passage des Pierres 76, 7. Selon Gossen, cette monophtongaison, fréquente en wallon, en lorrain et aussi dans l’ouest, reste
exceptionnelle en picard. (G, 10) On note l’aboutissement de *PRAESTUS > priés *182, 23 / prest (8 occ.). Ce traitement du e ouvert entravé est une caractéristique principale du wallon et se rencontre aussi en picard (G, 11). Toutefois, cette forme isolée figure dans certains mss de Chc. Dans achiever (4 occ.), achievees 133, 7 / achevee 56, 20, achievoyes (1 occ.), achieveray (2 occ.), achievera (2 occ.), la graphie pourrait attester une ancienne diphtongaison, à moins que l’on n’ait ici une extension analogique du radical fort. °
an/en
En picard et en wallon, l’aboutissement de e initial tonique devant nasale est en et non an (G, 15); mais les textes
alternent souvent les graphies. Dans Ac, on constate des échanges entre an et en quelle que soit la voyelle étymologique, et sans qu’une tendance prédomine nettement. On relève ainsi: — avec e étymologique entravé: chalengier (3 occ.) / chalangier 57, 3; doulent (8 occ.) / doulant (26 occ.); enqui 16, 4 / anqui 212, 18; present (2 occ.) / presant (2 occ.), talent (6 occ.), atalent- 47, 14, mautalent (2 occ.) / talant (2 occ.), atalant- 91, 12, mautalant-maltalant (2 occ.); tante (TENDA, la «tente ») 203, 8; on relève une occ. isolée de la préposition an 11, 11 / en (environ
204
INTRODUCTION 500 occ.); avec e étymologique libre: prennent (3 occ.),
—
emprendre (4 occ.) / prannent (3 occ.), mesprannent (1 occ.), emprandre (1 occ.). avec a étymologique, on constate aussi un phénomène d’alternance: bende (2 occ.); command- (41 occ.) / commendement 184, 17; doubtence 122, 13; espand(2 occ.) / espend- (2 occ.); lande (11 occ.) / lende 99, 5; louenge 67, 22; meng- (35 occ.); remanr- (3 occ.) / remenr- (2 occ.); senglens (2 occ.) / sang (14 occ.), ensanglantés (1 occ.); trenchier (27 occ.), detrenchier (2 occ.); vengence (4 occ.), et l’adverbe ouen (HOC ANNO) 214, 24: on relève aussi tu te ventes 220, 6.
La fréquence de ces échanges laisse supposer une équivalence phonétique entre les deux graphies. °
_ain/ein La graphie ain est presque systématique pour noter l’aboutissement de e fermé tonique devant nasale, qu’il soit libre ou entravé: alaine (3 occ.), destraindre et son paradigme (3 occ.), empaint ou enpaint (2 occ.), estaint-es (2 occ.), estraindre et son paradigme (4 occ.), faint (3 occ.), frain (10 occ.), maine-nt et composés (52 occ.), paine subst., verbe, adverbe (paines) (35 occ.), paint (1 occ.) et painte (1 occ.), plain (19 occ.) et plaine (PLENA) (4 occ.), faintes (1 occ.), vaine (VENA) (2 occ.), vaincre (3 occ.) et vaincu (4 occ.). On trouve aussi mains (6 occ.) / moins (5 occ.). Cependant, on relève toujours enseingn- (10 occ.), ceinte, enceint et ceinture (4 occ.). La graphie ain s’est généralisée en picard (Régnier, «Quelques problèmes de l’ancien picard», p. 261) (G, 19). On relève une graphie isolée nein 27, 10 / nain (33 occ.). ° _ Graphie isolée ieu de sieust (< SEQUIT avec s intérieur
parasite) 19, 2: cette forme de l’ind. présent se rencontre en picard et en wallon. (Fouché, Le Verbe, p. 99; G, 9)
ETUDE LINGUISTIQUE
205
* _eaue (35 occ.) s’impose par rapport à yaue (3 occ.); mais cette forme est si fréquente qu’elle ne peut être considérée comme un picardisme (Régnier, «Quelques problèmes de l’ancien picard», p. 260); l'aboutissement eve, plus typiquement picard, ne figure qu’indirectement dans l’adjectif evage 33, 11. (G, 12) °
Graphieer L’alternance er / ar (largement répandue en dehors du domaine picard) apparaît de façon isolée dans chergié 54, 9 / charg- (4 occ.). (G, 3) °
Infinitif veir Cette forme caractéristique du picard est isolée :175, 15 et 211, 11 / veoir (44 occ.). (G, 17)
+
Graphie au Ce phénomène d’ouverture (aboutissement de o ouvert + / antéconsonantique), caractéristique de l’aire picarde, reste minoritaire dans la copie: faulz 80, 6, 96, 2, 159, 14 / folz (7 occ.) et fols (1 occ.). (G, 23)
+ On note l’emploi exceptionnel de et = en dans la formule et non Dieu 5, 14; ce phénomène pourrait indiquer une légère nasalisation propre au Nord et à la Wallonnie (Hasenohr,
« Du bon usage de la galette des rois », p. 449).
II. Consonantisme
1. Traits de l’ancien / moyen français commun °
Emplois de la graphie x: Le graphème x est employé à la finale des mots après -eu: ambedeux, angoisseux, deux, Dieux, envieux, greveux, joyeux, merveilleux, orgueilleux, perilleux, souffreteux, mais honteux (3 occ.) / honteus
(1 occ.), maleureux
(4 occ.) /
206
INTRODUCTION
maleureus (1 occ.). On le trouve également après -ou dans couroux (6 occ.) et jaloux (1 occ.). On rencontre x intérieur en alternance avec ss dans Exillié 213, 5 / Essilliés (4 occ. : il s’agit du surnom de Bohort).
+
Emplois de la graphie z: A la finale, ce graphème peut figurer après e central atone . aussi bien qu’après e tonique: enseingnez (subst., 2 occ.) / enseingnes (subst., 1 occ.); glevez (2 occ.) / gleves (1 occ.); nouvellez (2 occ.) / nouvelles (12 occ.); richez (1 occ.) / riches (2 occ.); salez (subst., 1 occ.); perduez (1 occ.) / perdues (1 occ.); estez 17, 5 (prés. de l’ind. du verbe estre, 1 occ.) / estes (33 occ..); fiez (soi fier, P2)... On le voit, cette finale -z n’a pas de fonction diacritique, c’est pourquoi j’ai distingué -ez atone et -éz tonique. Cependant, pour aveuglez 137, 24 et delivrez 62, 2, il était difficile de savoir si l’on avait
affaire à un e atone ou tonique; j'ai privilégié la première hypothèse. Les échanges sont constants entre s et z à la PS5 des verbes au présent de l’ind. (-és / -éz) ainsi qu’à la finale des substantifs et des adjectifs : liz (2 occ.) / lis (2 occ.) «les lits» ; liéz (14 occ.) / liés (2 occ.). A côté de ces échanges qu’explique la réduction des affriquées, on relève des cas d’extension analogique de -z: pas (67 occ.) / paz (5 occ.); las (2 occ.) / laz (3 occ.).
Quelle que soit l’origine phonétique de la finale on a toujours une graphie z pour ilz, cilz, filz et perilz. Après -(i)eul et -(e)aul, quelle que soit l’origine de l’ancienne diphtongue ou triphtongue de coalescence résultant de la vocalisation d’un / consonantique, on trouve concurremment x et z à la finale: ceulz (99 occ.) / ceulx (9 occ.) / ceux (8 occ.); eulz (34 occ.) / eux (1 occ.); mieulz (27 occ.) / mieulx (19 occ.), mieux (7 occ.); vieulz (2 occ.) / vieulx (1 occ.); yeulz (8 occ.) / yeulx (8 occ.), yeux (1 occ.); beaulz (8 occ.) / beaulx (1 occ.), beaux (3 occ.); chevaulz (27 occ.) / chevaulx (9 occ.), chevaux (2 occ.); desloyaulz (1 occ.) / desloyaulx (1 occ.) ;manteaulz (2 occ.).…
ETUDE LINGUISTIQUE
207
Même chose à la finale de -e(u)l: quelz (1 occ.) / quelx (1 occ.); telz (4 occ.), teulz (9 occ.) / telx (1 occ.), teulx (2 occ.), mais dans cette série, la graphie / est toujours maintenue, alors que dans la série précédente, soit elle est maintenue, soit la vocalisation est transcrite par 4, soit on a une graphie redondante ul (voir ci-après Affaiblissement des consonnes implosives).
* Ajout de lettres étymologiques ou pseudoétymologiques ; le phénomène ne produit pas de difficultés de lecture: — —
b: doubter, redoubte, soubz (dessoubz) c:delicter, dicte; droicte, estroicte, gecter, joinct, mectre, succent, traicte
— —
d':nudz h:heure, hostel
—
l: beaulx, chault, deschaulz, sault, yeulx
— —
p: champ, compter, draps, nepveu, sepmaine hormis dans les formes en sav- et sach-, le paradigme de savoir est graphié sc-: sçay, sces, scez, scet, scevent, SÇOZ, sçot, sceusmes, sçorent, SCeusse, SCeust, SCeussons,
doulce, faulsés, hault(e),
sceussiés, sceu. On note seulement 2 occ. sans la lettre
—
+ — — — — — —
quiescente à la P1 de l’ind. présent: sais 138, 21, 220, 17 / sçay (33 occ.). extension de la graphie sc- au substantif scens (2 occ.) / sens (7 occ.).
Emploi étendu de consonnes géminées ff: coiffe, reffuser, etc. Il: Chandelleur, follie, palleffroy, parolle, seulle, etc. pp: appostre, chappelle, reppaire, soupper, etc. rr:croirre, fourreure. ss: consseil, consseilla, consseilléz (mais radical conseil dans 84 % des cas). tt: chaitivetté, littiere, quittement, etc.
208
° —
INTRODUCTION
__Affaiblissement des consonnes implosives dans les formes où / s’est vocalisé, la graphie maintient cependant le / après le u dans 84% des cas: adoulce, ceulz, charneulz, maulz, etc. Le l a ici une fonction diacritique: il signale que le digramme qui le précède forme une unité et que le w est bien un w et non un v (Chaurand, Nouvelle histoire de la langue française, p. 198). Cependant, aultre (1 occ.) est exceptionnel par rapport à autre (165 occ.) et autrement (4 occ.), et le / n’apparaît . jamais dans maudire et son paradigme (9 occ.) ni dans maugré (9 occ.). En emploi adjectival, l’adj. mal prend la . forme mau dans mau pont 109, 11.
—
la disparition du s implosif ne transparaît presque pas dans la graphie. On relève seulement au subj. impft: destourbat 60, 32 ; peut 115, 17 / peust (27 occ.) ; voulzit 171, 23 / voulzist (14 occ.). Les P3 dementa 142, 6 (dementast dans Ab) et entra 142, 12 (entrast dans Aa et
Ab) pourraient prouver la non-prononciation de -st (on . relève toutefois au total 64 occ. de -asf).
Au passé simple, on note à la P4 deux formes sans le s analogique de PS, cuidames 67, 18, faillimes 67, 18, à côté de eusmes 67, 19, 168, 13, sceusmes 140, 6, venismes 67, 17, 107, 12, 116, 2. A la P3 de estre: fut (S occ.) / fust (6 occ.) et à celle de congnoistre: congnut (1 occ.) / congnust (3 oCC.).
L’affaiblissement de ce s implosif est cependant attesté par la présence d’un s parasite dans vist (19 occ.) / vit (42 occ.) ; plaist 50, 4 (subst.) / plait 161, 5 ; esrre 6, 5, esrer 48, 21, esrant 79, 11 / errant T9, 3, erre 202, 4;
sieust 19, 2 ; aunesra 204, 23 (leçon rejetée). —
la présence des lettres parasites, étymologiques ou non, mentionnées à la page précédente, est à mettre en relation avec ce phénomène d’affaiblissement des consonnes implosives.
ETUDE LINGUISTIQUE
209
*__
Affaiblissement des consonnes finales Le fait que les consonnes finales ne se prononcent plus explique plusieurs phénomènes : — les échanges graphiques vus plus haut entre les finales en Cope — les alternances de graphie dans adonc (8 occ.) et adont (1 occ.), le penser et son pensé (35, 3 et 13). — l'absence du r final dans salu 23, 7 / salut (4 occ.). Inversement, un -t final apparaît sporadiquement dans le pronom adverbial ent 19, 4, 21, 3, 69, 23, 81, 5, 169, 5, le
—
—
—
relatif out 200, 11 et, au passé simple, à la P3 de estre: fut (5 occ.), fust (6 occ.) /fu (165 occ.). _quilutilisé pour qui dans trois occ. : tel blasme autruy quil a plus en lui a repprendre 209, 22-23; 47, 14 et 79, 8; dans ces deux dernières occ., ce pourrait toutefois être qu'il. _ipour il dans puis que i l’ot 199, 13-14, qu'i pour qu'il 18, 7, 36, 19, 61, 8, 106, 14, 117, 15, 128, 10, et si pour s’il 11, 13, 18, 23, 62, 4, 70, 5, 146, 4, 149, 4. Cette forme abrégée apparaît souvent devant / (9 occ. sur 15). les alternances de désinences à l’ind. présent, à la P1 de dy / dis, pren / prens, sui ] suis (voir Morphologie).
+
Graphiesk/g/qu/clcc k figure à l’initiale de Keux, karrefour, 32,7 / quarrefour 32, 7; Kamaalot (4 occ.) / Camaalot (2 occ.). On rencontre exceptionnellement le graphème g seul dans le participe passé vesqu 8, 7. A côté de ainçois, arçon, peçoier, tronçon. notés avec un seul c dans le manuscrit, on relève aussi souspeççonnoit 3, 7 et suspeççon. 122, 39 avec deux c.
°
Graphies ch/sch On remarque une alternance, qu’explique l’amuïssement du s implosif, de ch / sch dans bretheche T7, 1 / brethesche (6 occ.) et l’emploi de sch dans eschange 218, 17, eschéz 58, 3, eschine 43, 20, fresche 202, 4, seneschal (43 occ.).…
210
INTRODUCTION
*
Graphies du n mouillé Toutes ces graphies peuvent transcrire un ñn mouillé : — ingn: vergoingne, besoingne, Bretaingne… — ngn:ataingnent, aviengne… — ingni: bargueingnier Ces graphies sont concurrentes dans le traitement du e étymologique devant nasale: seigneur (36 occ.) / seingneur (1 occ.) ; daingn- (5 occ.), deingn (3 occ.), desdaingn- (1 occ.) | daigna 95, 2, deignastes 193, 18; enseingn- (10 occ.) / enseign- 165, 12... Les formes congn- (9 occ.) / conn- (1 occ.), et la graphie
unique gn de mesgnie (4 occ.) et maisgnie (1 occ.) laissent penser à un rapprochement du » mouillé et du n!. En position finale, on trouve -ng dans loing et loings (7 occ.), d’où l’adj. loingtaines 96, 22; besoing (10 occ.); soing (1 occ.)… On peut noter l’extension de ce système graphique à la forme ung de l’article indéfini, qui ne comprend pas étymologiquement de phonème palatal. Le -g prend ici une valeur diacritique: ung (163 occ.) / un (23 occ.); exceptionnel-
lement, on rencontre ung pronom (4 occ.) et on note une graphie isolée ungs 1, 6. ° _Graphies du / mouillé La graphie de / mouillé est généralement -5//-, mais on relève une occurrence veulle 56, 28 / vueille (2 occ.); également despoullié 128, 20. A l'indicatif présent, on trouve seulement vueil et veueil.
! G. Roussineau rappelle qu’il pourrait y avoir là un phénomène d’hypercorrection, dans la mesure où le n palatalisé intervocalique était dépalatalisé dans le Nord, le Nord-Est et l’Est (La Suite du Roman de Merlin, Droz, 1996, p. XCI, 2).
ETUDE LINGUISTIQUE
214
+
Graphèmeh Ce graphème figure à l’initiale ou à l’intérieur de certains mots. Il est parfois utilisé pour marquer l’hiatus (phénomène courant en moyen français commun). — alternance eure (12 occ.) / heure (20 occ.), onneur, onnour (15 occ.), onneurer, onnourer (5 occ.) / honneur, honnour (41 occ.), honnourer (14 occ.); et aussi hauberc (10 occ.) / auberc 87, 23. —
adjonction d’un h à l’initiale de habandonnee 83, 3.
—
adjonction d’un h intérieur après t dans brethesche
—
—
(7 occ.), Penthecouste (2 occ.), et bethee 109, 8. _h marque la diérèse dans ahans (1 occ.); aherdent (1 occ.) | aerdent (3 occ.); behourdis (1 occ.); dehait (3 occ.), maldehait (4 occ.); dehaitiés (1 occ.); esbahir et son paradigme (10 occ.) / esbaÿ (3 occ.); mehaing (2 occ.); trahi, trahy (5 occ.) / traïson (9 occ.); Galehot, Galehoz (5 occ.) / Galeod, Galeot, Galeoz (S occ.). l'absence du h s’accompagne de l’élision du e du
pronom personnel dans m'’et 105, 22 (verbe haïr) / me het (4 occ.). °
Graphieph Elle est employée dans phisicien 127, 5 et 11; prophete 84, 14 ; phee 158, 7 /fee 84, 10. °
Echange m / n devant labiale: m s’impose devant les
labiales orales ; seules exceptions : enpensé 61, 18 ; enpaint
87, 7 / empaint (3 occ.); enprist 121, 9, enprendra 121, 10 / empr- (15 occ.); enprisonnés 140, 11 / emprisonnés (4 occ.) ; enbronche 141, 10. Le graphème m se trouve aussi dans la prép. em devant des mots commençant par p (4 occ.). En revanche, devant la labiale m, on trouve toujours m, sauf dans les formes du verbe enmener (29 occ.) et enmy (21 occ.).
212
INTRODUCTION
2. Traits du Nord et du Nord-Est
°
Graphies c-/chL’aboutissement de c + a à l’initiale est graphié c dans
cavene 203, 16 et cemise 69, 3 / chemise (9 occ.). Aïlleurs, toujours ch: cheval, chaitif, chambre, etc. (G, 41)
L'aboutissement de c + e à l’initiale est graphié ch dans choille 152, 50, prés. de l’ind. 3 de celer/ cele (2 occ.). L’aboutissement de ft appuyé + yod est graphié ch dans
hauchier 66, 19 (*ALTIARE). (G, 38) +
__Consonnes implosives Effacement de -/- antéconsonantique après a dans royame
(8 occ.) / royaume (20 occ.). La chute de ce / est exceptionnelle en picard mais courante en wallon. (G, 58) Le s intérieur devant consonne > r dans varlet - varlés, forme employée exclusivement; mais ce rhotacisme est courant pour ce mot en ancien français commun. (G, 50)
+
Epenthèse Dans les groupes nr et ml, le picard et le wallon (mais aussi le lorrain, le bourguignon et le franc-comtois) n’intercalent pas de consonne de liaison (G, 61; Remacke,
Problèmes de l’ancien wallon, p. 78-79). Dans notre copie, on
constate l’absence d’une consonne épenthétique dans le groupe secondaire nr pour l’infinitif semonrre 9, 24; toutes les formes de futur de remanoir (3 occ.); de tenir (11 occ.); les formes de futur avenir (3 occ.), devenir (1 occ.), revenir (2 occ.), couvenir: couvenr- (11 occ.) /
les formes de futur de venir (18 occ.), (6 occ.) / revendrcouvendr- (4 occ.).
On note l’absence fréquente de la consonne épenthétique dans le groupe /r pour les formes de futur de vouloir et de valoir: voulr- (33 occ.) / vouldr- (6 occ.), vaulroit (6 occ., seule forme représentée).
Les formes sans épenthèse sont donc majoritaires au futur.
ETUDE LINGUISTIQUE
213 B. MORPHOLOGIE
Les traits caractéristiques du Nord sont si peu nombreux qu’ils n’ont pas été présentés séparément. a.
L'article Sur la présence des formes /i-ly de l’article défini, voir
Syntaxe. Les enclises ou (en + le, 87 occ.) et es (en + les, 22 occ.) se maintiennent. La forme contractée ou alterne avec au devant monde, mont: ou m. (23 occ.) / au m. (6 occ.). On rencontre quelques occurrences de l’article indéfini au pluriel pour évoquer un ensemble : unes lettres, 64, 14, 184, 11; unes armes 87, 4-5, 202, 1, 210, 16; unes grans
bretheschez et unes grans loges 205, 4. b. Le substantif et l’adjectif — — — — — —
* Substantifs et adjectifs à alternance de radical: sire | seigneur _homs (aucun hom) / homme, preudoms / preudomme _fel (4 occ.) /felon (14 occ.) traictre (5 occ.) / traiteur-traittour (3 occ.) lecherres 169,9 [Z Chc] _enfes 196, 25 / enfant (passim)
— — —
chaceour 71, 4 [< Chc] deviseour 143, 37 [< Chc] _pecheour 67, 17 [# Chc] + On relève deux substantifs dérivés de verbes d’action et
formés grâce au suffixe -erres (ils sont employés en fonction sujet, comme /echerres, cité ci-dessus) :achieverres 187, 5 et destruisierres 147, 11, tous deux [Z Chc].
214
INTRODUCTION
+ Maintien des formes de féminin d’adjectifs épicènes : —
on relève gentil 8, 3; desloyal 101, 32, desloial 171, 3,
fort (2 occ..), grief (2 occ.), mortel 136, 35, preux (2 occ.); vivant, trenchant, trenchans, flamboiant... mais cruelle 98, 25, desloyale 169, 9, mortelle 135, 17.
—
—
grant est majoritairement employé (212 occ.) / grande (2 occ.); aucune occ. de granz ou grans au féminin. La forme grande apparaît une fois en position d’attribut et une fois précédée de l’adverbe si: ne ja en ville, tant feust grande, n’en eust c'une seulle 24, 5-6; je eusse faite si grande desloyauté 168, 21. En position d’attribut, on relève 3 occ. de grant (41, 19, 107, 1, 205, 11). adverbes tirés d’adjectifs épicènes: briefment 207, 4, forment (passim), gentilment 143, 36, loyaument, 121, 16 : et 200, 14. + Les comparatifs synthétiques
graindre
(2 occ.
en fonction
sont bien représentés:
sujet, 1 masc.
et 1. fém.),
greigneur (7 occ., 3 masc. et 4 fém. ; la seule occ. de pl. est en fonction sujet (greigneurs), 92, 10 / plus grant (8 occ.); mendre 61, 18, meneur (2 occ.); meudre (6 occ. masc. fonction sujet, formes corrigées), meilleur (12 occ. masc. fonction régime), meilleurs (6 occ.) /plus bon 89, 32-33 ;pire (3 occ.), piour (5 occ.), pieurs (74, 13, masc. fonction attribut) | le plus mauvais 166, 26-27 (dans le syntagme le piour et le plus mauvais). On relève en particulier la forme forçor que Zink classe parmi les paradigmes «qui ne survivent guère au x1I° siècle » (Morphologie, p. 47; cf. Buridant, Grammaire nouvelle de l’ancien français, $ 173, 2): forçor 186, 5 [Æ Choc] / plus fors 64, 13 (je ne tiens pas compte des occ. de forçor, 103, 14 et 173, 24, rétablies d’après Ab). On trouve les adverbes mieulz, mieulx, mieux (53 occ.), moins (5 occ.) ou mains (6 occ.) et pis (11 occ.).
Le nombre et la variété de ces comparatifs synthétiques est remarquable, même si la forme meudre ne semble plus être bien identifiée puisqu’elle est systématiquement graphiée
ETUDE LINGUISTIQUE mendre.
De
215
fait, au xiv°
siècle,
«mieldre
semble
avoir
totalement disparu » (Marchello-Nizia, La Langue française, p. 132). Les autres comparatifs sont représentés de façon assez complète, tandis que les comparatifs analytiques sont en nombre globalement inférieur. Ce conservatisme de la langue n’est que partiellement dû au maintien de formes [< Chc] ou [< L]. Voici en effet le détail
des relevés pour meudre, piour, pieur et graindre, greigneur: meudre: 2 occ. [< Chc]: 115, 15 et v. 3186, 116, 20 et v. 3233 / 4 occ. [£ Chc]: 117, 5, 149, 8 (meudres), 184, 18 et 19. piour: 4 occ. [< Chc]: 133, 13 et v. 3647, 136, 17 et
v. 3794, 74, 13 (pieurs) et v. 2147, enfin 135, 4 pour pis v. 3725 / 2 occ. [Æ Chc]: %6, 23 et 166, 26. graindre : 2 occ., 4, 9 et 18, 23 [< L].
greigneur (aucune occ. ne provient du Lancelot ou de
Choc): 7, 8 est un ajout par rapport à la version Bf du Lancelot et 6 occ. [£ Chc]: 87, 14 (fourçour Ab), 92, 10 (greigneurs),
144, 14 (foursour Ab), 153, 10 (forte Ab), 163, 5 (fourçour Ab), 175, 14 (fourçour Ab). + On relève une forme de superlatif synthétique: grandisieme 83, 4 [# Chc]. On attendrait plutôt grandisme (Pope, From Latin to Modern French, $ 820) ou grandesme (Buridant, Grammaire nouvelle, $ 174, Rque 1). Faut-il voir
ici l’influence des adjectifs numéraux ? c.
Les démonstratifs
+ Toutes les formes de l’ancien paradigme de ci] sont représentées ; s’y ajoute la forme cilz. En revanche, le paradigme de cist
est
lacunaire
(seulement
cest,
ceste
et
cestui),
en
conformité avec l’évolution de la langue au xiv° siècle (Marchello-Nizia, La Langue française, p. 157-59). —
cil(150 occ.) est toujours au singulier. Pronom dans 96%
des emplois, il est toujours sujet, sauf dans cil qui sur la charrette fu a Dieux donné si grant honnour 62, 8-9 (voir note). Déterminant, il appartient à un syntagme sujet.
216
—
—
INTRODUCTION
cel (10 occ.) et cest (7 occ.) sont uniquement déterminants
masc. Le premier apparaît trois fois devant consonne, le second cinq fois. Le déterminant masc. le plus courant est ce. celle (72 occ.) est pronom fém. dans 46% des emplois et dét. fém. dans les autres ;celles (2 occ.) est pronom fém. plur. La répartition de ceste est plus tranchée: ceste (81 occ.) est toujours dét., sauf 111, 21 : riens au monde ne
—
lui abelist autre que ceste. Cette fréquence du déterminant démonstratif ceste n’est pas typique de la langue du xIV® siècle, où s’impose au contraire celle (MarchelloNizia, La Langue française, p. 154). celli apparaît dans une occurrence unique, comme pronom masc. en fonction régime: celli [l’annel] que Morgain lui avoit mis ou doit par traïson portoit il ou doit de la main destre (2, 16-18). Inversement, dans Et a cellui qui lui requiert (102, 4-5), cellui est féminin (on a cheli dans Ab).
—
_cellui (38 occ.) est pronom masc. dans 80% des emplois et dét. masc. dans les autres, tandis que cestui (27 occ.) est
pronom
dans 56%
des emplois et dét. dans
12 occ.
Pronom, cellui n’est sujet que dans une occ. : ilz estoient
— —
tous deux plains de grant desir, cellui d’elle et elle de lui (161, 3-4). ceulz /ceulx / ceuz / ceux (116 occ.) est toujours pronom masc. pl. cilz (10 occ.), toujours masc., peut être pronom ou déterminant, sing. ou plur. Il est pronom sujet dans 7 occ., dont quatre au sing. (65, 17, 208, 15 et 17, 213, 8) et trois au plur. (61, 9, 140, 11, 216, 19); il est dét. d’un groupe sujet dans 3 occ., au sing. (163, 11, 171, 10) et au plur. (182,
20). —
—
ces (20 occ.) est déterminant pluriel (masc. ou fém.) surtout dans des syntagmes au cas régime (2/3 des emplois). ce (326 occ.) est pronom ou dét. devant consonne; c’ (40 occ.) est pronom.
ETUDE LINGUISTIQUE
—
* Formes préfixées: série cil: ycil 179, 21 (pronom
217
sujet), ycellui 67, 8
(pronom sujet), yceulz 73, 8 (pronom sujet pluriel), ycelle
—
184, 25 (dét.). série cist: yceste 139, 5 et 188, 13 (déterminant).
° Tours n’y a cellui qui 12, 1, 88, 20 ;comme cil (cellui, celle, ceuz) qui (13 occ.).
d. Les possessifs + Emploi exceptionnel des formes picardes du possessif dans trois occ.: men paÿs 11, 13, no sejour 183, 20, no dame 186, 15.
— —
* Possessifs déterminants spécifiques du substantif : une seule occurrence du masc. P1 pluriel my (si me sont changiés my bien) 152, 46 [# Chc]. Partout ailleurs mes (46 occ.). La forme mi disparaît en moyen français commun. au fém. sing., la forme élidée devant voyelle m’ figure dans m'amour (2 occ.), m'amie 152, 29 et m’espee 171, 19 (jamais mon). Aucune forme élidée #’, mais ton aide 101, 20. Enfin, on trouve s’ dans s’amie (4 occ.) s’amour (2 occ.), s’onneur (2 occ.), s’ostesse 45, 14, s’entente 47,
23 et seulement son esselle 19, 8. Ces emplois correspondent à ceux du moyen français commun, où les formes élidées sont de moins en moins utilisées, mais subsistent
—
particulièrement devant certains substantifs tels que amie et amour (Marchello-Nizia, La Langue francaise, p. 175). leur déterminant un subst. pl. est toujours graphié avec un -s: leurs (68 occ.) sauf dans leur gieux 58, 16. La
marque -s se répand en moyen français commun (Marchello-Nizia, La Langue française, p. 178). + Possessifs déterminants non spécifiques —
forme mien du masc. P1 (11 occ.). Au masc. P2, rien (4 occ.) et une forme tiens CSS (il est tiens 59, 10);
218
—
INTRODUCTION
aucune occurrence de tuen, forme devenue exceptionnelle au xiv* siècle (Buridant, Grammaire nouvelle, $ 119). Pour le masc. P3: 13 occ. de sien et 7 occ. de siens au pluriel;pas de forme en suen. la forme ancienne moye est exclusivement employée au fém. P1 (6 occ.) et mienne n’apparaît jamais. Cela paraît dû à l'influence du Chc: 5 occ. [< Chc]: 59, 13 et v. 1707,
60,6 et v. 1731, 71, 8 et v. 2040, 126, 7 et v. 3472; 156, 13 et v. 4470. La seule occ. [Æ# Chc] en la moye foy (219, 6) est un tour formulaire et donc figé. —
au fém. P2, une seule occ. de feue [< Chc]: l’onneur [...]
sera teue 116, 18 (décalque du v. 3230). Aucune occ. de —
—
tienne. pour le fém. P3, on trouve encore la forme ancienne seue dans 4 occ.: 3 occ. [< Chc]: 59, 3 et v. 1688, 116, 18 et v. 3229, 143, 36 et v. 4078 / 1 occ. [Æ Chc], une seue seur 127, 14. On trouve par ailleurs 2 occ. de sienne: les siennes, 213, 10, et une sienne suer 220, 29. on relève l’emploi de la forme les noz [< Chc] dans mettra
les noz au dessouz, 81, 15, transposition exacte du v. 2314. Cette forme est déjà rare dans les textes du xIv° siècle (Marchello-Nizia, La Langue française, p. 178). e.
Les indéfinis et les numéraux
° Autre
Au CS sing. masc., on relève majoritairement la forme sans -s du paradigme de l’ancien français commun: 6 occ. autre | autres 18, 7 (plus liement que autres ne feist). Au CS plur., généralisation de la forme autres (22 occ.), sauf dans font ly autre 89, 10 et cent autre 160, 5.
On relève 8 occ. de la forme marquée du CR, autruiautruy (voir Syntaxe).
+ La forme nul (39 occ.) du pronom-adjectif indéfini est employée au CSS à côté de nulz (48 occ.) et nus (2 occ.) (voir Syntaxe).
ETUDE LINGUISTIQUE
219
* Pour l’indéfini tel au féminin, on a égalité d'emploi entre tel et telle. En revanche, quelle a une fréquence double de quel. + Le pronom-adjectif tous a supplanté ruit au CSP sauf en trois occurrences,
137, 29, 184, 26 et 189, 11. On relève
uniquement le composé trestous (8 occ.). + Emploi de la locution prépositive a tout au féminin : pas d’accord en genre dans a tous leurs haches 77, 12 / a toutes ces gens 20, 3-4, a toute leur gent 88, 22, a toute sa honte 99,
24. + ambedeux: 3 occ. en fonction sujet et 1 occ. en fonction régime 169, 6. Aucun ambedui.
f. Les pronoms personnels ° Le pronom sujet masc. pl. prend toujours la forme i/z (230 occ.), sauf dans i/ approuchent, 80, 3, et il le font, les mauvais cuers 152, 52-53.
+ i=il (17 occ.) voir Phonétique.
+ Emploi sporadique du pronom sujet i/ au féminin : 39, 3, 67, 21, 70, 4. L'emploi
de i/ au fém.
sing. est très rare
(Machello-Nizia, La Langue française, p. 224) et l’on peut penser qu’il s’agit d’un régionalisme du Nord-Est. + Une occ. de el, pron. fém. sujet, dans el li rendi 161, 2.
Cette forme, rare en picard, est caractéristique du wallon (voir Mantou, Actes originaux, p. 298: le pronom el «n’apparaît que devant un mot commençant par une consonne et notamment par un /»). + Le pronom li est toujours graphié ainsi (ly est toujours article). Il s’élide devant en (2, 7).
220
INTRODUCTION
° Au masculin, en position conjointe au verbe, on trouve les CR indirects lui et li, mais lui est majoritaire (environ
95 %). En position disjointe, on trouve lui et li; lui est majoritaire (97 %), avec une seule occ. li postposée: Sire, ottroiés li = Bohort 218, 15. Cela confirme la possibilité d’une équivalence lui = li (voir Phonétique). + Au féminin, en position conjointe au verbe, on trouve seulement au CR indirect lui. En position disjointe, lui est majoritaire (environ 66 %) par rapport à li. + On rencontre quelques formes le au féminin: il entre ses braz le (= la reine) sent 163, 10;également 67, 20, 126, 9 et 201,
8. Cette forme du féminin se rencontre en picard et en wallon. : g. Les pronoms relatifs
—
Quelques échanges entre les formes que et qui du relatif: que pour qui: ung don que ne vous doit grever 113, 15; également 182, 8.
— —
que pour qui = cui: que le tort en fu 69, 17 (cf. le v. 1996: Or sez tu bien cuifu li torz). qui pour que: comme cil qui Amours fait riche et puissant 32, 20-21 (cf. le v. 634, identique) ; également 60, 19, 148,
5 et 220, 20. h. Les verbes 1. Radical de la série du présent
+ La tendance à l’unification des bases, qui apparaît dès le XII siècle et se renforce en moyen français commun, ne se
manifeste guère dans notre copie. — on constate le maintien de l’alternance des bases dans des verbes tels que :appoyer / appuie, clamer |claime, grever | grieve, laver|leve, lever |lieve, mengüe / mengés, parlés /parolle, pesoit / poise, etc.
ETUDE LINGUISTIQUE —
—
—
221
la base 3 des verbes trouver, doloir, povoir, voloir, tenir et
venir apparaît à la P1 de l’ind. et au subj.: fruis, truiz (subj.: truise et truisse), dueil, puis (puisse), vueil (vueille) où veueil, tieng, (tiengne.…..), vieng (viengne). nombre limité d’extensions de la base faible pour amer: P1 ame (ou jambage manquant ?) 44, 11 / aym (3 occ.); couvrir :couvre (1 occ.) / queuvrent (1 occ.) ; annoye 198, 19 / anuye 188, 14. le verbe courre présente à la fois des formes court (11 occ.), courent (1 occ.) et queurt (9 occ.), queurent (3 occ.). Selon de la Chaussée, les formes en eu de ce verbe semblent venir du Nord (/nitiation à la morphologie, $ 121).
—
utilisation du radical dentalisé de l’infinitif pour prendoye 146, 8 / prenoient 184, 6. Ce phénomène, caractéristique du Nord-Est, est isolé.
° Extension de la base forte pour les futurs croirray et croirra, dueldra 32, 14, pairra (paroir; base per ici graphiée pair) 55, 16.
+ Au présent de l’ind., le verbe aler présente les formes de P1 vay 144, 7 à côté de la forme attestée anciennement voys 12, 19 (Fouché, Le Verbe, p. 424). A la P3, vait (44 occ.), revait (2 occ.) / va (22 occ.); vait est employé à l’exclusion de va dans les passages fondés sur le Lancelot, au début de l’édition, $ 1-27 (13 occ.) et dans les $ 189-98 (13 occ.). Au sub)j., on relève 1 occ. de voise (P3) à côté de 3 occ. en aille: (P1, P3 et P6 aillent).
* Le verbe seoir a une base se- à la P3 de l’ind. prés. sest 93, 4 / siet (8 occ.) et à la P3 du sub)j. prés. see 192, 7. Selon Fouché (Le Verbe, p. 155), ces formes seraient apparues dans le troisième quart du xrn° siècle par analogie avec les formes ché, chés, chét du verbe cheoir (après réduction de la diphtongue). On relève d’ailleurs une forme cheent 134, 19 / chiet (7 occ.).
+ Le verbe estre présente dans deux occurrences l’aboutissement de Es tonique: yes 220, 3 et 4 / 4 occ. es.
222
INTRODUCTION
+ Pour suivir, on rencontre concurremment les bases accentuées siey- (3 occ.) et suiv- (1 occ.). :
° Au subjonctif présent, le verbe prendre présente les formes palatalisées preingne 171, 15, prengne 54, 10, à côté de prennent (3 occ.). 2. Désinences de la série du présent
+ Extension limitée de -e à la P1 de l’ind. présent des verbes en -er :ayme (2 occ.), ame 44, 11 / aym (3 occ.); cuide 152, 31 / cuid (16 occ.); demande (3 occ.) / demant (3 occ.); laisse (2 occ.) / lais 37, 8; ose 142, 6; pense (4 occ.); prie (17 occ.) / pri (4 occ.). ° Extension limitée de la désinence -s à la P1 des verbes autres qu’en -er: dis (2 occ.) / dy (14 occ.); entens 134, 5; esbaÿs 121, 6; pers (perdre) (3 occ.); prens (2 occ.) / pren (2 occ.) et preng (2 occ.); remains 44, 7; sais 138, 21 ; suis (28 occ.) / sui (18 occ.). e On relève une forme commans 111, 24 (commander, P1
de l’ind. prés.). + Pour certains verbes, les graphies de P3 peuvent être exclusivement -st: à l’indicatif, pour dire, croire, mescroire et faire, on trouve seulement les formes dist, croist, mescroist et taist. Pour le verbe suivir, la seule occ. de P3 est suist (194, 7).
+ La P3 du verbe laissier à l’ind. et au subj. a aussi bien une désinence -e qu’une désinence -f: laisse / laist. + A l’impératif, présence exceptionnelle d’une désinence -s à la P2 dans espargnes 105, 1 et rens 116, 6. Ce phénomène s’est produit «sporadiquement aux x1I° et xnr° siècles, plus fréquemment au cours du moyen français» (Zink, Morphologie, p. 160).
ETUDE LINGUISTIQUE
223
* Le verbe savoir à l'impératif présente une
forme
assurément P2 graphiée chi: sachies (10 occ.) / saches (2 occ.). Il faut souligner que l’on ne relève pas d’alternance entre tutoiement et vouvoiement dans les dialogues du texte.
On relève en outre une occ. d’emploi de sachies comme sub)j. 196, 17. Ces occurrences en chi sont écrites saches ou saces dans Ab!. Voir Phonétique. 3. Les futurs + Redoublement occasionnel du r dans couvenrra 122, 28 / couvenr- (10 occ.) ; enmenrray 56, 16 / -menr- (15 occ.); larra 173, 14, larray 69, 5; tenrra 202, 6 / tenr- (11 occ.); trouverray 196, 9 / trouver- (10 occ.). Tous les futurs de croirre sont en croirr-, mais cela peut être dû à l’influence de
la graphie de l’infinitif (toujours croirre). On relève jourra fut. 3 de jouer 58, 18, avec syncope du e et redoublement du morphème r. + Métathèse re > er: deliverra (3 occ.), deliverroie 11, 14,
enterray 51, 20, enterroye
161, 9, monsterray
(5 occ.),
monsterroit 25, 7, overront 177, 14, queroit (fut. II de croirre — kerroit dans Ab) 177, 6, requerra (recroirre) 60, 26,
soufferra 62, 3, soufferroye 123, 11 et 26, soufferroit 48, 2. Cette métathèse est constante pour ces verbes. + Développement d’un e svarabhaktique dans apperceveray 16, 4; averay 60, 10 / avray (12 occ.); combateroie, combateroye (2 occ.) / combatr- (10 occ.); deveriés 89, 29,
1 Dans Aa, seulement quatre parmi les onze occurrences conservent la graphie -chi-: sachies que ce est (101, 28-29), tant sachies tu bien (96, 67, 118, 29-30), et que tu sachies (196, 17). Le scribe de ce manuscrit a
corrigé toutes les autres occurrences contexte
impliquait le tutoiement
graphie -z à la PS).
en sachiez, alors même
(ce scribe a tendance
que le
à réserver la
224
INTRODUCTION
deverions 107, 28 / devrions 107, 26, devriéz (2 occ.). Ce
phénomène,
caractéristique du Nord et de la Wallonnie
(Fouché, Le Verbe, p. 401 ; G, 74), n’est donc représenté que
par une minorité des formes concernées. + Amuïssement de e entre deux r: demourra 141, 5, demourray 13, 11, demourrés 4, 10, demourroit 161, 10.
+ Onrelève quelques formes du futur héréditaire de estre: —
P3:ert 5, 12, yert (3 occ.) / sera (38 occ.), soit 10% de
formes héréditaires —
P6: erent 67, 10 / seront (6 occ.), soit 14% de formes
héréditaires Autres personnes: seray (6 occ.), seras (4 occ.), serés (5 occ.).
A la P3, le pourcentage de formes héréditaires est supérieur à ce que l’on pourrait attendre: «déjà au début du xIv® siècle, et certainement depuis longtemps, sera domine
nettement : ert/iert ne dépasse pas le pourcentage [...] de 8% par rapport simplement aux formes de troisième personne du singulier du futur ;et ces formes n’apparaissent plus dans les textes étudiés après 1430» (Marchello-Nizia, La Langue française, p. 274; voir Fouché, Le Verbe, p.424). Cependant, il faut noter ici deux occ. [< Chc]: 37, 5 et v. 836, 118, 3 et v. 3253 ; et une occ. [< L]: 5, 12. Une occ. seulement ne vient ni de Che ni de L: 75, 23. + On constate quelques formes à radical réduit pour avoir et savoir :araz 106, 11 et ariés (3 occ.) / avr- (66 occ.); sar(5 occ.) / savr- (11 occ.). Ces formes réduites seraient plutôt picardes (Zink, Morphologie, p. 184). ° À la P4 du fut. II, la désinence est -ions (aucun -iions), mais on relève une forme isolée en -iens: avriens 107, 21.
ETUDE LINGUISTIQUE
225
4. L’imparfait * On relève quelques rares formes de l’imparfait héréditaire du verbe estre: —
Pl: yere 103, 9 / estoie, estoye (7 occ.), soit 12% de
—
formes héréditaires P3: yert (18 occ.), ert (12 occ.) / estoit (171 occ.), soit 15 de formes héréditaires
—
_P6: erent 41, 6 / estoient, estoyent (36 occ.), soit 3% de
formes héréditaires Autres personnes : estions (2 occ.), estiéz (46, 4). Comme les formes de futur héréditaire, les formes d’imparfait héréditaire sont devenues rares au xIv° siècle et sont plutôt employées dans les vers (Fouché, Le Verbe, p. 424, Marchello-Nizia, La Langue française, p. 273). Leur proportion reste ici modeste. e On observe une désinence isolée de P4 en -iemes dans aviemes 156, 10. Cette désinence est caractéristique du picard
et du wallon (G, 79, et Mantou, Actes originaux, p. 317).
5. Le passé simple + —
Radicaux le verbe avoir présente majoritairement la forme ancienne of (114 occ.), également graphiée out (95, 7, voir Pope, From Latin to Modern French, $ 1025) contre une seule occ. du radical moderne eust 35, 14; à la P1, on trouve oz 143, 10, 157, 8 et 11 ; pour le verbe pouvoir, à la P3, on a exclusivement pot (29 occ.); à la P1, on rencontre poy 136, 13, poz 36, 9, 173, 5, pos 143, 6 et
une occ. avec le radical des formes faibles: peuz 147, 18; le verbe savoir présente encore les formes sçot (16 occ.), sçorent (8 occ.) et sorent 145, 11, et une PI sçoz 52, 22; pour le verbe plaire, on trouve despleust 188, 13 / plot (4 occ.).
226
—
INTRODUCTION
le verbe estre se conjugue sur le radical fu avec une PI graphiée fuz 72, 19, 94, 16; une P3 fu (165 occ.) / fut (5 occ.) ou fust (6 occ.) ; une PS feustes 73, 3. L'extension du -t à la 3e personne ne devient courante que dans la deuxième moitié du xv° siècle (Marchello-Nizia, La Langue française, p. 269).
—
le verbe vouloir a une P1 voulz (2 occ.), une P3 voult (127 occ.) et une P6 vouldrent 205, 17. Ces formes se rencontrent normalement au xIV* siècle (Roques, «La conjugaison du verbe vouloir en ancien français», p. 227-68, Marchello-Nizia, La Langue française, p. 283).
—
les passés forts avec s étymologique présentent des : formes analogiques courantes: deistes et contredeistes (2 occ.), feistes (3 occ.) et preistes (1 occ.).
—
phénomènes de graphie inverse pour les passés forts en u: on trouve à la P3 des formes avec le e des bases longues: apperceust 113, 1 et 4, 200, 1; deust 159, 13, 205, 2 / dut 205, 3; despleust 188, 13 / plot (4 occ.); eust 35, 14 / ot (114 occ.) et geust 171, 13.
+
Désinences
—
on constate l’extension de la désinence -s /z à la P1 de avoir, pouvoir, savoir, estre (voir les relevés ci-dessus) ; on relève aussi congnuz (2 occ.) et geuz 168, 20. Ces formes en -s ou -Z, apparues en moyen français, suppriment l’ancien hiatus (Pope, From Latin to Modern French, $ 901). A la P1 de venir, on trouve ving 103, 9 et vings 90, 18.
—
les passés faibles en -i n’ont pas de -t: descendi 120, 1, dormy 48, 18, haÿ 148, 5, parti (6 occ.), perdi 8, 6, respondi
(2 occ.),
etc.,
mais
on
relève
quelques
désinences -ist; il s’agit d’un phénomène de graphie inverse que peut expliquer aussi l’influence des passés
ETUDE LINGUISTIQUE
227
sigmatiques: choisist 168, 2 / choisi (2 occ.); esbahist (2 occ.); oïst 70, 9 / oÿ (6 occ.). Pour le verbe estre, les formes en -t sont minoritaires (voir le relevé ci-dessus).
—
à la P4, la graphie -smes, analogique de -stes concurrence -mes: -smes (7 occ.) / -mes (4 occ.). De fait, la graphie -smes «se répand assez vite dès le xIv® siècle»
(Marchello-Nizia, La Langue française, p. 269). —
à la P6, mettre et prendre présentent toujours des formes à épenthèse (mistrent, pristrent), jamais en -rent, désinence qui remplace pourtant -strent en moyen français commun (Marchello-Nizia, La Langue française, p. 270). On voit cependant que -rent concurrence -strent dans distrent (2 occ.) / dirent (2 occ.). Pour venir et tenir, on trouve exclusivement tindrent 151, 13, et vindrent (13 occ.).
6. Le subjonctif imparfait + Pour le verbe estre, emploi constant d’une base feupeut-être analogique du verbe avoir: feusse, feusses, feust, feussions, feussent (aucune forme en fus-).
+ Parallèlement aux formes de passé simple, on a un radical sans -s- pour conqueisse 56, 26, deisse 115, 23, feis(22 occ.), meis- (5 occ.) et son composé promeist 32, 19, occeis- (3 occ.), queist (4 occ.). ° criembre a une P1 en cremisse 200, 18.
+ Le verbe prendre a une base preni- au subj. impft: prenisse 115, 23 et prenist 133, 23.
+ A la P3, en général, la désinence est graphiée -sf, mais on trouve quelques rares formes sans -s- (voir Phonétique) et même une forme fu dans Sire, il fu mieulx que nous en alissions o vous 90, 15.
INTRODUCTION
228
7. Les infinitifs + Une occ. de la forme querir (182, 18) à côté de querre majoritaire (17 occ. + les composés conquerre, enquerre, requerre).
8. Les participes passés + On note la forme remist 106, 13 (remettre).
* Au féminin, la forme vee (117, 14 et 143, 42) s'explique | par la répugnance qu’avaient communément les scribes à. noter trois e d’affilée (Roques, RLiR, t. 66, p. 307).
+ A côté de prise (13 occ.) on relève prinse 154, 11, forme nasalisée sans doute par l’influence des présents. Ce doublet existe dès le xIn° siècle ;en moyen français commun «prins est de loin plus fréquent que pris» (Marchello-Nizia, La Langue française, p. 283). C. SYNTAXE
1. Usage de la déclinaison + De façon massive, les substantifs masc. en fonction sujet ne présentent pas de -s désinentiel. Ainsi, les mots Le chevalier, le chevalier de la charrette, ung chevalier, le roy sont des syntagmes que l’on trouve constamment en fonction sujet avec seulement une exception :fait le chevaliers 36, 11-
12 et 92, 7. La déclinaison de certains noms propres ainsi que de sire et homs, même
si elle infléchit la tendance, ne la
renverse pas. + Les noms propres respectent davantage la déclinaison que
les noms
communs,
mais
avec
des irrégularités.
A
quelques nuances près, les formes marquées sont en fonction sujet. Les exceptions sont rares pour Baudemagus (42 occ. en
ETUDE LINGUISTIQUE
229
fonction sujet / 1 occ. Baudemagu); avec Keu, la forme marquée étend ses emplois: Keux est en fonction sujet dans 91 Z des cas et en fonction complément dans 20 % des cas. La répartition est plus floue pour Galehot: en fonction sujet, on a Galeoz (1 occ.) / Galehot (5 occ.) et en fonction complément, Gale(h)ot (5 occ.) / Galeoz (2 occ.). Enfin, la forme non marquée s’impose pour Meleagant :dans deux tiers des cas, on trouve Meleagant en fonction sujet, au lieu de Meleagans, et une forme marquée peut apparaître à proximité d’une forme non marquée : après l’incise fait Meleagans (17, 7) l’incise suivante est fait Meleagan. Artus, Gauvain et Lancelot ne se déclinent pas. Selon l’usage, Amours personnifié s’écrit toujours avec un -s final, quelle que soit sa fonction. + Pour Dieux / Dieu, la répartition est conforme
à la
syntaxe des cas. Dieux (151 occ.) est toujours employé en fonction sujet ou en apposition, sauf dans se Dieux plaist 150,
5. La forme Dieu (42 occ.) est toujours en fonction régime, sauf dans ne ja Dieu ne doint que autre l’occie se je non 119, 15-16, et Mais se Dieu vous avoit faite tant franche 200, 12. + Pour sire / seigneur, au singulier, la forme sire (122
occ.) est toujours en apostrophe et sires (8 occ.) est toujours en fonction sujet; en position de complément on trouve seigneur (23 occ.). Au pluriel, quelle que soit la fonction, on a seigneurs (15 occ.). + Pour homs / homme, la répartition homs (fonctionsujet, 34 occ.), homme (fonction-complément, 23 occ.) et hommes au pluriel (14 occ.) est presque systématique. Seuls écarts : comme oncques homme eust 53, 6; car ains mais nulz
homme ce n'enprist 121, 9; se oncques nul homme terrien deust 137, 7-8 ;Jamais n'en parolle homme a moy de boire
146, 17-18. + En fonction sujet, le substantif féminin Mauvaistié a
une marque -s 115, 17 / 2 occ. sans -s, 115, 18 et 21. Le mot
INTRODUCTION
230
Loyautés a également une marque -s 115, 2, mais en position de complément. + La forme fi/z est seule employée, indépendamment du cas et du nombre (93 occ.). * Au pluriel, en fonction
sujet, les substantifs
et les
adjectifs prennent un -s (ou un -z). Seule exception, ly hanap d’argent et d’or et ly pot plain de vin et de moure 41, 7-8. + Les adjectifs masculins respectent davantage la déclinaison que les substantifs. — quand ils sont épithètes d’un substantif sujet, ils ont souvent une désinence -s. On trouve donc fréquemment : dans un même syntagme un substantif sans -s accompagné d’un adj. marqué :je suis ung chevalier estranges 9, 4-5, le vieulz chevalier 60, 1 (mais le vieil moyne 68, 3),
—
—
prince empruntés 97, 9, etc. A propos d’un texte de 1477 dont la scripta est wallonne, G. Hasenohr note que «lorsqu'il s’agit de groupes de mots, l’un des éléments du syntagme est toujours marqué, les autres pouvant l’être ou, le plus souvent, ne pas l’être» («Du bon usage de la Galette des Rois», p. 448). On pourrait se demander si, dans certains textes caractérisés régionalement, la marque morphologique pourrait ne porter que sur un élément; dans le texte wallon, «chaque fois que c’est possible, c’est le déterminant qui porte la marque» (art. cit., p. 448); dans la copie de Ac, ce serait l’adjectif. un adj. marqué et un adj. non marqué peuvent voisiner: sur ung grant roucin fors et graz et tost alant 81, 2-3, subtil et sages 142, 18, mais ce n’est pas fréquent. De toute façon, le texte est parcimonieux en adjectifs. l’adj. attribut s’accorde irrégulièrement: il estoit tous forsennés… et tous nudz et deschaulz 1, 12-13, il est mort 7, 6, si estoit le sien cuer ententifz 149, 8-9, Gauvain, qui
tant est dolent et yriés 181, 1-2, etc; on relève un adj. attribut du complément avec -s: qui l’en amoinent loiés
ETUDE LINGUISTIQUE
231
177, 2. Au pluriel, ies adj. attributs ont tous un -s, sauf nonsachant 152, 50 et prison 210, 4.
—
en fonction-sujet au sing., toutes les occ. de sage ont un -s (6 occ.); granz-grans
est systématique;
en revanche
loyaulz (1 occ.) / loyal (4 occ.) et desloyaulx (1 occ.) / desloyal (5 occ.). + Au féminin, l’expression grans mercis (6 occ.) a un adj. au pluriel, sauf dans grant mercis 157, 19: il s’agit sans doute ici d’une étourderie du scribe. + L'article /y-li Alors que «dès la première moitié du xIv° siècle, bon nombre de textes, en prose surtout, ignorent à peu près [la]
forme li» (Marchello-Nizia, La Langue française, p. 141), celle-ci reste bien présente dans notre copie, surtout au pluriel. En fonction-sujet, l’article défini masc. ly-li (70 occ. au total) figure au singulier dans 11 % des cas (par rapport à le) et au pluriel dans 24,5 % des cas (par rapport à les). En particulier, ly-li est employé devant le subst. comptes (19 occ.) / le compte (2 occ.)!. En dehors de cet emploi, on trouve ly / li dans les syntagmes suivants (au singulier) : — 2 sont repris au Lancelot: ly glevez 19, 17, ly autre 25, 4. —
9 sont repris au Chevalier de la charrette: ly pires homs 44, 15 [li pires hom, v. 1133]; ly preudoms 79, 6-7 et 15 [li hon, v. 2273 et v. 2285]; ly homs 80, 1 [li hon v. 2293]; ly homs 110, 9 [li hom, ms C, v. 3070]; se ly uns et ly autre...
m'eust 89, 30 [Li uns aprés l’autre, v. 2491]; ly tournoys 205, 2 [li tornois, v. 5600]; tous ly pires 209, 12 [roz li pire, v. 5745]; ly pires 209, 17-18 [li pire, v. 5756].
—
9 sont des ajouts: li privés 60, 27 [mais Voirs est que privez mal achate, v. 1760] ly rendus 65, 16, ly homs 79, 13-14, li bien venus 121, 8 [mais bien venus, ms À,
1 On relève un emploi de ly comptes au pluriel: ly comptes nous diront 85n (leçon rejetée).
232,
INTRODUCTION
v. 3346] ; moult est obeissant ly homs qui ayme 137, 3-4, li poins 198, 9, li vermeaulz chevalier 206, 17, ly uns 210, 16, ly mondes 220, 21.
—
les occurrences du syntagme /y sires confirment que le phénomène dépasse le cadre du dérimage: 2 occ. sont reprises à Chc: 92, 1, 95, 2; 2 occ. sont des adaptations: 72, 19, 74, 1 [li vavasors dans les vers correspondants], 4 occ. sont des ajouts :97, 15, 107, 1 et 6 (y sire), 186, 17.
—
l’article ly-li apparaît aussi dans les désignations des chevaliers: Salan li Envoisié 67, 16, Perchevaus ly Galoys 85, 15, Lucans li bouteilliers 194, 3, Boors ly
—
Essilliés 210, 21, etc. dans un petit nombre de cas seulement (7 occ.), le substantif qui suit l’article n’est pas marqué: ly ottroier 40, . 17, ly escuier 87, 8, ly affaire 196, 17, ainsi avoit nom li gué 194, 9 et li / ly chevalier de la charrette 70, 1-2, 99, 15
(on peut penser que le syntagme chevalier de la charrette est tellement figé que chevalier y est indéclinable). On note une occ. isolée de /y en fonction régime pluriel : I! y gerra cilz qui deliverra ly chetifs de la terre et du royaume de Gorre 65, 16-18.
On peut voir dans ces emplois sporadiques de /y / li et dans les formes marquées de substantifs masculins singuliers la rémanence de faits de langue presque totalement disparus vers
1400, et cela sans que soit totalement
déterminante
l'influence du texte versifié de Chrétien, puisque les occurrences relevées apparaissent aussi dans des ajouts. Le cas du tour formulaire Or dist ly comptes. , employé de façon systématique, est sans doute particulier. On peut penser que ces phrases étaient perçues comme des signaux presque rituels du roman arthurien en prose. * Au singulier, en fonction-sujet, le pronom-déterminant indéfini nul apparaît un peu plus souvent sous la forme nulz, nus (50 occ.) / nul (42 occ.). En emploi pronominal sujet, on relève nulz, nus (27 occ.) / nul (19 occ.). L'emploi du déter-
ÉTUDE LINGUISTIQUE
233
minant nulz impose dans tous les cas sauf un la marque -s pour le substantif qui suit: nulz oeilz 54, 3, nulz plais 100, 14, nulz desconseilliés 196, 4, nulz haliegres 199, 6, nulz homs (18 occ.) / nulz homme 121, 9. Lorsque des qualificatifs sont
associés à nulz homs, ils sont toujours marqués: nulz homs vivans 182, 7, nulz homs charneulz 214, 10.
+ La forme marquée autrui-autruy est utilisée après prép. (5 occ.), également en fonction de complément déterminatif 89, 14 et 158, 2 (voir ci-dessous), et une fois en régime direct: tel blasme autruy 209, 22.
2. Construction du complément déterminatif ° Le complément déterminatif absolu postposé est constamment employé, sans qu’il s’agisse d’un calque des vers, en particulier avec Dieu et les noms propres: En nom Dieu 24, 8, la merci Dieu 104, 3, la mort Galeot 6, 4, la
maison le roy 7, 7-8, au dueil la royne T, 11, la terre mon pere 11, 7, ou conduit Keu le seneschal 15, 6, le commandement Meleagant 80, 13-14, les commandemens s’amie 137, 4-5, la prison Meleagant 179, 21-22, l'amour Gauvain 186, 6-7...
+ L'emploi de a est moins fréquent; on peut citer, par exemple, la maison au roy Artus 1, 3-4, la femme au roy Artus (2 occ.), filz au roy de Gorre 9, 6, l’amie au filz 62, 9, cousins au roy Baudemagu 80, 12, les marches au roy Baudemagu 93,
11, la cité au roy Baudemagus 185, 5, filz a putain 156, 7, les armes aux chevaliers 210, 5... + Le complément introduit par de est très rare: au filz de monseigneur 62, 9, filz de la fille (au roy Pelléz) 85, 13, frere de Lyonnel 196, 26-27, une eglise de saint Pierre 201, 18.
+ Le complément déterminatif absolu antéposé apparaît avec autrui et Dieu: autrui annel 158, 2 [< L], pour Dieu merci 39, 8 [< Chc], 200, 24 [Z Chc].
234
INTRODUCTION
+ Emploi du complément déterminatif après l’article à valeur anaphorique dans: son service et le son seignor 185, 16-17, décalque du v. 5311, et vous seréz mieulz en mon hostel que en l’autrui 89, 13-14, décalque des v. 2464-65.
Selon Ch. Marchello-Nizia, le complément déterminatif absolu n’est pas exceptionnel en moyen français, mais il y est très fortement concurrencé par la construction avec de et, àun degré moindre, celle avec a (La Langue française, p. 398). L'usage ancien se maintient ici, en particulier avec les noms propres. La répartition suivante rend bien compte de ce conservatisme : la court le roy Artus (7 occ.) / la court au roy : Artus (3 occ.) / en la court du roy 197, 23.
3. Pronoms personnels
+ Le pronom personnel sujet tend à être exprimé en toutes positions, ce qui est un phénomène caractéristique du moyen français commun. Ce trait est frappant par rapport au texte de Chrétien: très souvent la transposition d’un vers implique l’ajout d’un PPS. + A la PS de l’impératif, on trouve le sujet exprimé après le verbe dans ne le demandés vous ja 26, 16; ne l’oubliés vous pas 34, 16 [v. 711: ne l’obliez vos mie]; De ce n'ayes tu ja nulle paour 125, 33-34 [v. 3458 :De ce n'aies tu ja peor]; ne vous en escondissiés vous pas 166, 9 [4 Chc]; il est avant le verbe dans et vous y soyés li bien venus 121, 8 [v. 3346: Mes bien veignanz i soiez vos]. + Le pronom sujet en emploi prédicatif ou disjoint du verbe a presque toujours sa forme ancienne je, tu, il. De fait, en moyen français commun, «les anciennes formes prédicatives je, tu, il sont loin d’être moribondes» (Martin et Wilmet, Manuel du
français du moyen âge 2. Syntaxe du moyen français, $ 264). —
dans le tour ce est il 20, 12, ce soit il 18, 6, 22, 6, 74, 6, ce feust il 2, 13.
ETUDE LINGUISTIQUE
—
235
lorsqu'il est sujet d’une proposition elliptique du verbe : et les chevaliers lui laissent courre, et il a eulz 20, 22, si le salue et il lui bassement 21, 8, etc.
—
à la P1 et la P3, quand il est séparé du verbe par mesmes : je mesmes y avray grant preu 74, 10; je mesmes l’ay mort
—
dans il seul les chace, il seul les occist, il seul le conffont,
148, 2 ; dont il mesmes estoit ses ennemis 151, 6. il seul les maine tous a desconfiture 88, 28-30 [4 Chc];
— —
il
seul en valut .xx. [...] il seul fait tous les rencs fremir 206, 9-10 [Æ Chcl]. dans la phrase que je la riens ou monde que je oncques plus amay li donnasse 119, 5-6 [je non exprimé dans le v. 3295]. les seuls emplois de la forme tonique du pronom régime sont dans des ajouts: ne vit ne moy ne nulz 64, 7; moy et mon frere 67, 13; et moy, si ay nom 67, 15.
+ Emploi de la construction de + pronom personnel, à valeur de possessif: /a compaignie de moy 48, 5-6 (# ma conpaignie, v. 1265); tout le soulas de moy 159, 9 [£ Chc]; construction redondante:
son couvine de lui 158, 5 [z L].
Cette tournure n’est pas usitée en ancien français commun. ° Emploi de la particule énonciative es vous, estes vous (6 occ.) — 4occ. reprises au Chc: es vous 76, 11 [< Chc]; estes (le) vous 59, 1-2 [v. 1685: ez vos], 93, 7 [< Chc], 156, 1 [< Chc]; 1 occ. reprise au Lancelot: es vous 196, 1.
—
1 seule occ. ajoutée:estes vous, 81, 1. Même si la plupart des occurrences sont issues des textessources, leur nombre reste remarquable puisque la tournure es vous «ne semble pas employée au-delà du xIv° siècle» (Marchello-Nizia, La Langue française, p. 321).
+ Alternance singulier / pluriel dans l’enchaînement des pronoms : Donc le vous (= les chevaliers) diray je, fait elle. Et lors lui compte: Par foy, seigneurs... 32, 22-33, 1 . Le
INTRODUCTION
236
pronom indéfini l’un est repris par un pronom sujet pluriel dans: si commande a l’un qu'’ilz ostent les selles 91, 16-17.
+ Le pronom y Dans les occurrences suivantes, y est redondant : le roys Baudemagus y vint au ferir des esperons sur eulz 173, 1112; ilz approuchent du chastel ou le roy Baudemagus et la royne
y estoient
181,
5-6.
Dans
deux
occ.
où
il est
complément de parler, son sens est problématique. Ainsi, lorsque Baudemagu s’étonne que la reine ait refusé de parler à Lancelot, le pronom y réfère à vous: Et se elle oncques y parla a nul jour, or y deust elle mieulx parler que oncques ” mais, car vous avés fait pour lui la plus grant merveille que oncquez chevalier feist pour dame 142, 21-23. L'autre : emploi semble présenter un y explétif : Je parleroye a vous moult voulentiers, dit Lancelot à la reine, qui lui répond: Je vous diray comment vous y pourrés parler 158, 12-14. + Le pronomen En, souvent utilisé de façon redondante
(emploi par
pléonasme, Ménard, Syntaxe, $ 52), souligne les liens entre
l’amont et l’aval de l’endroit où il figure ;on peut citer: Se m'aïst Dieux, damoiselle, je en met en vostre service ung chevalier comme je sui, mais que vous m'en dites le voir 32, 16-18. Dans un emploi anaphorique, il peut être employé pour faire référence à une parole qui vient d’être prononcée : et il en chiet tantost aux piéz (en = «en entendant cela ») 4, 6-7, ou référer à un contexte antérieur et vague: quant Lancelot ot le creant sa dame, et qu'elle l’en aidera 4, 1-2.
On peut aussi relever des constructions avec en cataphorique, par ex.: prest suy que je m'en deffende que oncques en traïson ne le navray 9, 11-12. Le mot est strictement pléonastique par ex. dans i/z de nulle riens ne s’en apperceussent 160, 13-14, et n’a parfois aucun sens défini: sire,
en avés vous oÿ que cil escuier a dit a cel homme ? 82, 2-3; il n’en est a devise bons chevaliers 117, 2.
ETUDE LINGUISTIQUE
237
* Le trait de redondance qui marque les emplois de y et en se manifeste ailleurs :
dans la phrase Gauvain... qui no dame nous a ramenee, dont tout le paÿs et la terre de Logres estoit desconseillés pour li et apouvris avec la présence simultanée des pronoms dont et li 186, 14-16; dans je la te monsterray, fait il, a tes yeulx 23, 11, avec la présence simultanée de te et du possessif tes.
* On relève un exemple de dislocation avec cataphore: quant il l’a veue la merveille 65, 1-2.
4. Verbe + Pour quelques verbes, l’utilisation de l’auxiliaire ne correspond pas à celle du français moderne. l’auxiliaire du verbe monter est partout estre sauf dans cil qui en la charrette avoit monté 31, 3-4. voler est conjugué avec l’auxiliaire estre dans le glaive est volés en pieces 20, 9.
on relève deux emplois de l’auxiliaire avoir avec un verbe réfléchi : nulz homs garde ne s’en avoit pris 93, 8; il ne s’avoit oncques mais entremis d'armes 208, 19-20. Sur les formes pronominales conjuguées avec avoir, voir Stefanini, La Voix pronominale en ancien et en moyen français, p. 300-12. L'auteur note que depuis le xII® siècle,
en
dehors
de l’anglo-normand,
seuls
les
dialectes du Nord et de l’Est utilisent l’auxiliaire avoir pour les formes pronominales composées (p. 309). en coordination, le changement d’auxiliaire ou de voix n’est pas obligatoirement marqué: et avoient jeuné.. et alé nudz piéz 128, 19-20;je ne voulzisse [...] que tu a lui te feusses combatu, ne eue mellee 69, 18-19; Et quant ilz se furent armés et montés sus leurs chevaulz 76, 4-5.
238
INTRODUCTION
* Accord du verbe avec syllepse de nombre | Ce phénomène est banal en ancien et moyen français communs.
accord du verbe avec le sujet le plus proche: si li commande Largece et Pitié 102, 6; Si est ja commencee
la tenson et la meslee et la guerre 81, 11-12; la joye que li sires de la maison et sa femme fait 107, 1-2; Et les. lyons et le lieppart et l’eaue et le pont les mettoit tous deux en si grant angoisse 109, 23-24; tout le paÿs et la terre de Logres estoit desconseillés pour li et apouvris 186, 15-16. accord du part. passé avec le complément le plus proche: j'ay eue ma mesgnie et mes enfans 107, 19;etal...] mise sa teste et sa vie en aventure 141, 18-19; qui clarté et lumiere a ramenee 186, 17. chascun suivi d’un verbe au pluriel ;prédomine l’idée de pluralité: si tenoient chascun 43, 19 (Ménard, Syntaxe,
$ 128). ° Infinitif On rencontre
quelques
infinitifs
substantivés:
du
prouver 9, 24, au conquerre 19, 6, le regarder 31, 16, le
penser 35, 3, ly (article) ottroier 40, 17, le parler 47, 11, le suivir 69, 22, au descendre 91, 14, au desarmer 91, 20, du passer outre 96, 14, son penser 102, 2, l’issir 107, 15, etc.
L’infinitif nié exprimant une défense apparaît dans une unique occurrence:
nel faire 66, 6 [ajout]. Selon Ch.
Marchello-Nizia, il marque encore l’interdiction au début du xiv* siècle (La Langue française, p. 418). On ne trouve pas de calque de la proposition infinitive latine, hormis dans un seul cas, après la prép. pour: en ceste forest a trop ennuyeux lieu pour combatre deux chevaliers 17, 13-14. Cette phrase provient du Lancelot. On lit par exemple dans le PARIS fr. 344 (avec la prép. a): en ceste forest a molt anuiex leu a combaitre .l1. chevaliers (fol. 320d).
ÉTUDE LINGUISTIQUE
239
+ Participe passé Les accords sont réguliers et conformes aux règles de l’ancien français: le participe passé employé avec estre prend régulièrement la marque -s au singulier: ainsi est Lancelot perdus 1, 1, si s’est armés 12, 11, le roy est plus honniz 15, 16, etc. Au pluriel, on a toujours -s sauf dans Et a ce se sont tost accordé 177, 10-11 et en seront anqui tout amusé 212, 18.
le participe passé employé avec avoir s’accorde très régulièrement avec le complément d’objet antéposé, et les exceptions sont rares. On peut citer a l’eure que sa dame lui avoit dit 6, 6 [< L]... Il s’accorde avec le complément d’objet postposé de façon non systéma-
tique: il avra trespassés trestous les chevaliers 78, 6-7; cil qui voulentiers ot oÿe la damoiselle 101, 12-13; leans si a mise Meleagans la royne Genevre 111, 18; eust ainsi prinse la mort 154, 11; Moult avoit ou chastel venue grant chevalerie 203, 1... ; mais avoit passés une
partie des felons trespas 74, 3... On relève un part. passé qui s’accorde apparemment avec le sujet: qui [les chevaliers] moult l’avoient ainçois prisiés 208, 12. Cette graphie pourrait être une faute du scribe, car elle figure dans la proposition si en a mains prisés leurs haches, où l’on
attendrait -ees par accord avec le complément haches. Autre cas :ceulz qui pris l’avoient et loiéz 156, 6.
accord du participe passé avec syllepse de nombre: voir supra.
Relatifs et relatives + On rencontre huit occurrences
de la locution relative
indéfinie quel. que, quelle. que : quel que vous soyés 9, 14, quel que je le vouldray prendre 34, 15, quelle heure que il le semongne 139, 3 et 180, 4. Egalement 13, 10, 42, 18, 164, 45, 206, 9.
INTRODUCTION
240
* Le relatif quel est employé à la place de cui dans au temps le roy Artus, en quel temps les aventures perilleuses furent trouvees 84, 12. + On relève une relative substantive à valeur hypothétique :Qui monteroit [.….] cy, je iroie juz 196, 11 [< L]. 6. Autres subordonnants
+ La conjonction ce que développe un substantif dans je | croy que ce soit l’achoison ce que je montay en la charrette 152, 21-22. —
+ Emplois de la conjonction que on rencontre fréquemment un que redondant après une proposition incidente ou un complément circonstanciel : Et bien vous oïstes deffier |...] que, si tost que vous seriés ou gué, que je vous ferroye 36, 10-11 ; également 110, 12-
13, 118, 28-29, 139, 3-4 et 11-12, 185, 12-12, 198, 7, 200, 6-7, 15 et 24-27, 201, 18-19, 214, 3, 219, 24-25. Ce phénomène de reprise est fréquent dans les œuvres en prose
—
(Englebert,
«Etude
fonctionnelle
d’un
QUE
dit
“pléonastique” »). on note quelques omissions de la conjonction que: il voit sur Pitié et Franchise lui demande cil mercy 102, 12-13. Le phénomène apparaît surtout au discours direct: Seigneurs, lequel loués vous mieulx, ou nous alions querre Lancelot, ou nous alions a la royne ? 180, 8-9 ;Sachiés ce est Yders 210, 15: on le relève trois fois
après le verbe dire, je vous dy pour nesune gaite ne fu gardee 143, 31 ; il dist tout soit a vo commandement, et tout ce que
vous plaist lui siet 211,
14-15;
et dist
quanque vous plaist lui siet 212, 13. Dans y a escrites unes lettres qui dient, qui levera ceste lame par son seul corps, qu'il gectera.…. 64, 13-15, la conjonction apparaît en cours de discours (qu'il gectera).
ETUDE LINGUISTIQUE
—
241
on relève deux cas de subordination inverse «exprimant une concomitance conditionnée » (Buridant, Grammaire
nouvelle, $ 507): nous ne le pourrions ja si tost trouver de mauvais semblant que tantost je t'i lairay combatre et ta voulanté toute faire 61, 21-23; je vous pleviz loyaument comme loyal chevalier que ja si tost l’assemblee ne deppartira, que je me mettray en vostre prison arrieres 200, 14-16. —
° Emploi d'éléments corrélatifs un pronom personnel neutre en position proleptique : pour lui le laist que il ne l’occie 39, 4; je le vueil bien, fait le
chevalier de la charrette, que l’un de vous deux y vait 86, 13-14, etc.
—
le démonstratif ce (valeur cataphorique): ce la parcourouçoit qu'elle s’est ottroiee a mener a monseigneur Keu 14, 8-10; pour ce lui plaist tant durement a haster
qu'il ne cuide pas gaster ses pas en vain 56, 3-4, et 9 autres occ. —
l’adverbe tant, de tant avec le sens de «ceci précisément,
seulement» annonçant une complétive: 20 occ. (voir le relevé dans le Glossaire).
+ Dans le greigneur renom que chevalier que l'en congnoisse, On remarque une contamination entre les constructions du complément du comparatif et du superlatif : greigneur renom que (< QUAM) et le greigneur renom que (relatif) chevalier (ait). ° Emplois sporadiques de si pour se et de se pour si —
—
sipour se: sine m'en creés, or venés 167, 16.
se pour si: et se ne lui souvient de nulle riens fors d’une seulle 35, 4-5 ; et il s'endormy, se talent en ot 76, 2 ; ceste parolle se ne fut mie dicte a conseil 137, 1 ; se trenchent les haubers et les heaumes et les escus 172, 15-16.
242
INTRODUCTION
7. Temps et modes
+ Libertés dans la concordance des temps Ces libertés sont fréquentes (voir par ex. les premières phrases du $ 76) et correspondent à des nuances aspectuelles. Voici quelques occurrences de principale au passé et subordonnée au présent, ou l’inverse: nous chevauchions querans les aventures les plus merveilleuses que nous povons trouver 67, 14-15; si venoit pour la royne Genevre secourre, que Meliagans, le filz au roy Baudemagu, tient en prison 74, 3-5; Et quant le chevalier l’entent, si en a eu
moult grant honte 37, 1-2; Et quant le roy entent son filz, si en fu moult doulent 130, 13, etc.
+ Systèmes hypothétiques asymétriques dans l’emploi des temps et des modes: — se + ind. impf. / futur I: ainsi demourray se je en estoye seur 13, 11 ets’iln'y avoit que moy, si l’irayje a Keu tollir 15, 12-13; Et se vous ne le laissiés atant, vous en venrés trop tart au reppentir 110, 4-5. — se + ind. prés. / futur Il: dites moy quel dommage g'y avroye se je n'y suis 5, 9-10; et moult m'ariés ore espoventé de neant se vous pour telles parolles dire l’enmenés 57, 12-13; se je n’ay la bataille [...], je n’en
—
—
—
prendroye a nul autre eschange 218, 15-17. se + subj. prés. / futur IL: se je soye saus, je n’avroye Jamés pitié de toy 105, 18-19. se + subj. impf. / ind. impf.: i] si estoit sans faille merveilles bon chevalier s’il ne feust desloyaulx traictres 115, 10-11; cil est mort par qui toute chevalerie estoit soustenue, s’il vesquist 147, 3-4. se vous vouliéz et vous m'y oseriés conduire 49, 6-7 la proposition hypothétique coordonnée possède un verbe au futur II (on attendrait le subjonctif).
ÉTUDE LINGUISTIQUE
243
8. Emplois de et
+ Et est très fréquent en tête de proposition; comme souvent dans la prose du xur° siècle (le Lancelot notamment),
il semble jouer un rôle de démarcateur entre des séquences phrastiques. Dans Ac, il est parfois précédé d’un signe «/» mais paraît avoir à lui seul une valeur diacritique pour signifier le début d’une nouvelle phrase. On peut en juger d’après cet extrait présenté en transcription diplomatique: / et ceulz qui avec Lancelot sont sont tant durement joyeux que ilz plus ne porent/ mais ilz ne scevent neant du mehaing que il avoit/ Et nepourquant du mehaing ne se sent il/ ains tient a grant gaaing ce que il avoit esploitie quant il ny avoit plus souffert et il torche tout maintenant le sang juz de ses playes a sa chemise tout entour et lors regarde la tour devant lui ou il avoit la royne veue/ si lencline moult doulcement/ et il lui fu bien adviz que il navoit oncques en sa vie aussi faite tour veue et ca dessouz a une fenestre du palais siert appoyes le roy Baudemaguz.…
Les et de et il torche, et lors regarde, et ca dessouz, non
précédés d’un «/» servent de signal pour marquer, dans les deux premiers cas, un changement d’action dans une continuité temporelle, et dans le troisième cas, un changement de
focalisation. Et constitue ainsi un indice utile mais non décisif pour la ponctuation du texte (ainsi, pour cet extrait, un point a été placé devant et il torche, devant et ca dessouz, mais non devant er lors regarde :voir 114, 1-10). + Et, à l’égal d’un adverbe, peut entraîner une postposition du sujet; ainsi dans: Et chevauche le chevalier... 40, 1..., ou l’absence du PPS: Et avoit en la lance 30, 7, Et
entrent en ung plasseïs et ont ensemble chevauchié 32, 5-6; Et le saluent et descendent 72, 9-10, etc. Ces phénomènes
semblent caractéristiques du moyen français. + Dans plusieurs occurrences, et «unit des propositions non équivalentes en se bornant à marquer la solidarité discursive» (Buridant, Grammaire nouvelle, $ 451); il
244
INTRODUCTION
fonctionne alors comme un adverbe de phrase et peut se traduire par «eh bien», «alors »: — entre une sub. causale et la principale : Et puis que vous ne m'amés ne vostre compaingnie ne vueil je mais avoir en nulle fin, et je m'en voys 12, 17-19.
—
entre une sub. temporelle et la principale: quant le roy ung bon emplastre me faisoit dessus mes playes faire mettre, qui bien voulzist que je eusse garison, et son filz par son mauvais cuer et pour ce qu'il me vouloit tuer, si
—
entre une sub. hypothétique et la principale: se la royne grant amour a lui ot, et il ot cent mile tans greigneur a lui 163, 4-5. entre le tour Ainsi m'aïst Dieux et la principale: Ainsi
me faisoit remuer.
—
143, 23-27.
m'aïst Dieux, fait Meleagant, et je mieulz ne quier 218,
13-14. + Et apparaît aussi dans des répliques au discours direct, après une apostrophe éventuellement suivie d’une incise (Ménard, Syntaxe, $ 415): Et non Dieu, dame, fait il, et je vous creant [...] 5, 14-15 [< Z]; Grans mercis, sire, et je m'y
hergergeray 71, 10 -11 ; Dame, fait il, et je le vous doing 113, 15-16; En nom Dieu, fait Gauvain, et je y monteray 196, 1112. Il peut s’agir d’une question: Sire vassal, et pourquoy m'avés vous feru 36, 6.
On peut rapprocher de ces occurrences la réplique suivante, où l’apostrophe est enchâssée dans une réponse puis suivie d’une incise: Si m'aïst Dieux, dame, non sera il, fait le roy Baudemagus de Gorre, et je m'en yray parler [...] 113, 21-22.
* Ligament entre. et On rencontre quatre occurrences de cette construction courante en ancien français: entre lui et deux escuiers 25, 3; entre moy et toy 61, 19 ; entre le chevalier et la damoiselle 42, 5, entre moy et vous 64, 13.
ETUDE LINGUISTIQUE
245
9. Négation + Le terme rien, riens, dans l’ensemble de ses emplois,
conserve très souvent un sens animé: 26 occ. / 49 occ. non animé. Dans des tournures négatives, il renvoie à un animé dans 15 occ., alors que de tels emplois sont devenus marginaux au xIv* siècle (Marchello-Nizia, La Langue française, p. 308). ° Construction avec non suivi d’un verbe vicaire, faire ou estre : non feray 36, 26-27, non ferons nous 34, 16, non ferés 60, 40, non sera il 113, 21.
—
+ Emplois de ne semi-négatif et ne minimal discordanciel ne semi-négatif dans une subordonnée comparative de disparité: or qui est esmerés par cent mile foys feust envers lui obscur plus que la nuit ne soit obscure contre le cler jour 54, 16-18; Et moult la leva mieulz que x. hommes ne feissent 64, 21-22; ceste gent sarrasine, qui pieurs sont que ne sont Sarrazins 74, 13-14; de plus honis en y a que je ne suis 195, 22-23; dans une complétive marquant l'interdiction : Dieux m'en deffende que je ne lui rende ainsi 117, 12.
—
ne minimal discordanciel dans les sub. complétives suivantes : en nul fuer ne lairoit elle que elle ne le queist 1, 16-17; et pour ung peu que je ne lui ay orendroit donné congié 122, 33-34. Toutes les occurrences citées ci-dessus sont conformes à la syntaxe de l’ancien français. Les deux cas suivants sont plus remarquables :dans moult lui tarde que son cheval n’est amenés 49, 3, le ne pourrait traduire une idée de crainte sousjacente (TL 10, 109, sv. tarder cite la même constr. dans les vers 11726-27 de Cleomadès :durement li tarde | Que iln'est de la departis). Dans Et pour ce fu la porte fermee aprés eulz, qu'ilz ne vouloient pas qu'ilz ne reppairassent 82, 15-16, il semble que l’emploi du ne devant reppairassent marque «le refus subjectif du procès envisagé» (Buridant, Grammaire nouvelle,
$ 616); au lieu de ne pas vouloir, on attendrait
plutôt un verbe comme craindre.
246
INTRODUCTION + Onrelève 16 occ. de la construction en se... non, encore
fréquente au xIv° siècle. + On rencontre 10 occ. de la construction dont-donc ne au
sens de «est-ce que ne pas ?». Cette construction est en partie reprise au Chc (6 occ). 10. Ordre des mots
Le passage des vers à la prose s’accompagne souvent d’une complexification syntaxique. Il arrive plusieurs fois qu’un mot ou une proposition soient ajoutés dans le moule repris à Chrétien, remodelant la construction d’origine.
+ Phénomènes
de disjonction liés à une expansion du
nom Dans les phrases suivantes, un surcroît d’information est fourni à la fin de la phrase, qui existe parfois dans la source, mais apparaît dans la prose à un endroit où on ne l’attend pas. Aüinsi, les v. 1212-13, Un covertor de deus diaspres | Ot estandu desor la couche deviennent et ot dessus le lit ung couvertouer estendu, de deux dyapres 47, 2-3. De la sorte, la syntaxe devient parfois compliquée : Ne la honte n’est mie au chevalier que vous lui avés faite 156, 12-13 (voir note à ce $); il a le roy Artus trahy de sa femme son seigneur lige 168, 1617 (voir note à ce $); la lance qui estoit grosse, de fresne 87, 10: les mots de fresne ne figurent pas dans les vers, où l’on a la lance | Qui estoit grosse et roide et peinte (v. 2404-5); si tost comme l'aube apparut, du jour 48, 19 (cf. le v. 1293, Tor maintenant que l'aube crieve)….
+ Phénomènes de disjonction verbe-complément Un complément que l’on attendrait juste après le verbe est placé après d’autres syntagmes (compléments ou sujets), si bien que la syntaxe devient obscure. Ainsi, dans la phrase si yssi par devant l’uis de la maison ung herault, de la taverne 204, 2-3, il faut comprendre si yssi de la taverne. Dans ce
ETUDE LINGUISTIQUE
247
cas, les vers n’ont pas servi de modèle. De même, dans si s’en
part trestous armés, sur le cheval, des armes fresches et nouvelles 202, 3-4, il faut rétablir l’ordre si s’en part sur le cheval... Le complément sur le cheval a été (mal ?) inséré
dans les vers de Chrétien: si s’an est partis, | Armez d’unes armes molt beles, | Trestotes fresches et noveles (v. 5522-24).
+ Disjonctions sujet pronominal-verbe Dans les subordonnées à sujet pronominal, l’ordre sujet + complément + verbe est bien représenté. Sans faire une étude exhaustive, on peut souligner la récurrence de ce type de construction dans l’ensemble du texte: — dans les sub. conjonctives circonstancielles quant vous le gué me contredeistes 36, 13 # que le gué me contredeïstes (v. 801) ; quant nous en place devant hommes ne
nous
sommes
encontré
57, 24-25
z
Quant
antre
ancontré ne nos somes | An place lee et devant homes (v. 1639-40); Keux n'est mie si fais que il tel oultrage me requeist 168, 12 Z qu'il me requeist tel outrage (v. 4865); se vous desdire ne l’en faites 170, 19 Z Se vos ne l'an feistes desdire (v. 4942), etc. Cet ordre apparaît aussi dans des ajouts, par ex. : se vous pour telles parolles dire l’enmenés 57, 12-13; après la transposition des v. 1620-21, Ce ne seroit pas buen, / Se mener la vos an lessoie, qui deviennent ce ne seroit mie bon se je ainsi mener la vous en laissoie (57, 11-12) une proposition entière est ajoutée; malgré l’absence de toute contrainte, le verbe y est encore placé en fin de phrase: et moult m'ariés ore espoventé de neant se vous pour telles parolles dire l’enmenés (12-13).
—
—
dans les sub. complétives que je, pour Dieu, une foys ne lui pardonnasse 39,9 # Que por Deu, si com il est droiz | Merci n'an eüsse une foiz (v. 913-14), etc. dans les sub. relatives Il s’agit ici moins d’un phénomène de disjonction que de la présence d’une structure propre à l’ancien français: «L'ordre pronom relatif + X + verbe est sans doute un
248
INTRODUCTION
ordre qui tend à s’effacer dans le passage de l’ancien au moyen français [...] mais c’est une structure fortement résistante » (Buridant, «L'ancien français à la lumière de
la typologie des langues: les résidus de l’ordre «objetverbe» en ancien français et leur effacement en moyen français», p. 45-46). Notre copie présente de façon régulière des relatives en qui, comportant cette structure avec X plutôt court: qui la biere menoit 31, 11 [# Chc]; cil qui moult bien deffendre se sçot 45, 18-19 (cil qui bien s’an sot desfandre, v. 1174); qui l'aventure du Graal pourra eschiever 67, 31-32 [ajout] ; qui clarté et lumiere a ramenee entre nous 186, 17-18 [ajout], etc.
La récurrence de ce type de construction, quelles que soient les catégories de subordonnées et leurs évolutions particulières entre l’ancien et le moyen français, semble indiquer un parti pris stylistique plutôt qu’un phénomène strictement linguistique ou générique (relevant du romanesque). Il pourrait s’agir de donner au texte une coloration archaïsante. + Constructions asymétriques Je ne relèverai ici que quelques exemples ; d’autres sont commentés dans les notes. — un même verbe est suivi d’un complément nominal puis d’une conjonctive : Et quant Lancelot ot le creant sa dame et qu’elle l’en aidera 4, 1-2. Construction «apo koinou » : Lancelot congnoist on bien en ma maison, qu’il oseroit bien monstrer.… 9, 16-17 (voir note). Ce phénomène est relativement courant dans la prose. — anacoluthe: il ne fu oncques dame ou monde [...] qui ne vous amast, et non mie tant seullement pour vostre bonne chevalerie, mais toute la gentillece et la courtoisie du monde estoit assemblee en vous 147, 18-22 [ajout]: après non mie tant seullement pour, on attendrait mais pour ;or, le parallélisme de structure est suspendu au profit d’une prop. indépendante.
ETUDE LINGUISTIQUE
249
11. Construction en si m’aïst Dieux et ses variantes
Cette formule « destinée à convaincre l’interlocuteur de la sincérité du locuteur» (Marchello-Nizia, Dire le vrai, p. 84) revient très souvent (118 occ.) dans les propos des personnages avec des variations pour le mot introducteur : aussi (77 occ.), si (20 occ.), ainsi (5 occ.), se (16 occ.)!. L’adverbe si, renforcé dans ainsi et surtout aussi, est majori-
tairement employé par rapport à se. Avec se, le sujet est postposé ou antéposé : se m'’aïst Dieux (9 occ.) / se DieuxDamedieu m'aïst (7 occ.). On ne relève aucune occurrence de la formule réduite M’aïst Dieux, qui sera dominante au Xv° siècle, alors que le tour en si n’existe plus (Dire le vrai,
p. 208). A l’origine, ce tour marque donc la légitimité d’une assertion. Il sert à exprimer un véritable engagement ou, plus simplement, un jugement de valeur’. Mais il reçoit ici une fréquence telle qu’il semble devenir un tic de langage, en particulier chez les personnages masculins. On peut en juger par les ouvertures de ces trois répliques successives (séparées par quelques phrases de récit):
1 Dans le Chc, on relève seulement 15 occurrences de ce type: se Deus vos aït au v. 1866; la formule n’est pas transposée dans la prose ($ 63); se Dex m'aïst, v. 4352, non transposé dans le $ 152; v. 4856, transposé dans le $ 168; si Dex m'aïst, v. 626, transposé au $& 32; si m’aïst Dex, v. 1536, non
transposé dans le $ 55; v. 3241 transposé en Et aussi m'aïst Dieux que au $ 117; v. 3866, transposé dans le $ 138; v. 4221, transposé dans le $ 148;
v. 4896, transposé dans le $ 169; v. 6960, non transposé dans le $ 230; se Damedex me gart, v. 4799, transposé dans le $ 166 en se Damedieu m'aïst;
Ensi m'aïst Dex et cist sainz, v. 4987, transposé dans le $ 171; Tant m'aïst Dex, v. 5002, non transposé dans le $ 171;
si m'aïst sainz Pos li Apostres,
v. 6610, transposé dans le $ 223 (ms Ab); se je Deu voie an la face, v. 6611, non transposé dans le $ 223. 2 M.-L. OLLIER, «Spécificité discursive d’une locution: Si m'aïst Dex vs Se Dex m'aïst», La Forme du sens. Textes narratifs des XxIr et
xur siècles. Etudes littéraires et linguistiques, Paradigme «Medievalia», Orléans, 2000, p. 244-50.
INTRODUCTION
250
_—
Se m'aïst Dieux, sire chevalier, fait le chevalier de la charrette, ce ne seroit mie bon se je ainsi mener la vous en
— —
laissoie (57, 10-12; il envisage alors un combat) Se m'aïst Dieux, fait le chevalier, de ce n’avés vous mie tort (57, 17-18) Se Dieux m'aïst, sire chevalier, moult suy dolant quant nous, en place devant hommes, ne nous sommes encontrés (57, 23-25; même locuteur que dans la réplique précédente).
Dans une occurrence, cette construction apparaît dans un monologue prononcé par une demoiselle ; elle prend alors une valeur émotionnelle : Aussi m'aïst Dieux, je cuid qu'il pense a si grant chose dont nul chevalier ne pourroit a chief venir 48,15-16. Cependant, cette formule semble retrouver sa force de
conviction dans le tour aussi / si m’aïst Dieux que..., que l’on rencontre dans 12 occurrences (soit 10% des cas)!. Ce tour, déjà employé dans Ami et Amile, au début du xrr° siècle, avec la valeur de «j’affirme que » (Dire le vrai, p.78), s'apparente à une formule de serment qui serait naturellement suivie d’une complétive. On la trouve dans les vers célèbres où Yseult jure que Tristan n’a pas été son amant’. Dans y, Méléagant prononce ainsi un serment solennel: Aussi m'aïst Dieux, et cilz sains et tous les autres qui Dieu servent, que
! M.-L. Ollier note que c’est avec le tour en si «qu’apparaît le plus souvent l’explicitation du lien entre la formule attestatoire et l’énoncé qu’elle atteste, sous forme que ou come» («Spécificité discursive d’une locution», art. cit., p. 236). Ce constat est ici vérifié puisque l’on ne trouve que deux occurrences avec se: Se Damedieu m'aïst. que 166, et Car se m'aïst Dieux... que 204. 2 Béroul, Le Roman de Tristan, éd. par E. MURET, quatrième éd. revue par L. M. DEFOURQUES, Champion, Paris, 1979, v. 4201-8. Voici le début du
serment prononcé par Yseult: «Si m'aïst Dex et saint Ylaire, | Ces reliques, cest saintuaire, | Totes celes qui ci ne sont | Et tuit icil de par le mont, |
Qu'entre mes cuises n’entra home».
ETUDE LINGUISTIQUE
251
Keux le seneschal a anuit geu ou lit la royne, et si en ot tout son delit 171, 9-11 (la tournure est ici amplifiée et dramatisée). C’est encore le tour avec complétive qu’emploie la reine lorsqu'elle se défend devant Méléagant d’avoir couché avec Keu: Se Damedieu m'aïst, ce sang que en mes draps esgart, que oncques ne l’y apporta Keux 166, 18-19!. Dans ces exemples particulièrement, le tour si E2 - que - EI a pour rôle «de forclore totalement l’énoncé symétrique et inverse de EI » (Marchello-Nizia, Dire le vrai, p. 86). Dans les autres occurrences, même si le ton n’est pas aussi
solennel, cette formule apporte un surcroît de véracité et / ou de gravité par rapport à la construction sans complétive. On citera entre autres: Et aussi m'aïst Dieux que ainçois devenroye je ses homs que je la royne lui rendisse 117, 10-11 (Méléagant fait comprendre à son père qu’il ne veut pas laisser la reine à Lancelot; la construction est complexifiée
par la présence d’une sub. comparative) ; Ainsi m'aïst Dieux, fait elle, que je oncques mais ne vy ne ne congneuz chevalier aussi debonnaire 212, 10-12 (une demoiselle traduit ainsi son
étonnement profond devant la soumission de Lancelot). —
—
On notera deux constructions particulières : l'énoncé EI est au subjonctif dans le cas suivant: Damoiselle, aussi m'aïst Dieux que je sache que je en mon vivant ne vy mais aussi riche pigne que je voy cy 52, 4-5; cette phrase semble décomposer le processus de véridiction en explicitant la capacité cognitive du locuteur. dans l’occurrence
suivante,
la construction est insérée
dans un système hypothétique: Aussi m'aïst Diex, fait elle, que je le feisse voulentiers, et moult en feusse joyeuse et liee, se je ne cremisse ma destruction et ma mort 200, 16-19.
1 Peu après, devant le roi Baudemagu, la reine déclare: Aussi m'aïst Dieux, fait elle, que oncques ne fu neis en songe si male mansonge comptee
168, 7-8.
292
INTRODUCTION
On relèvera enfin une construction qui, en inversant les propositions affirmative et négative du tour si m'aïst Dieux que produit un effet de sens similaire. Dans cette autre formulation, si laisse la place à ja et que à sel. Ce tour est employé deux fois par Keu pour affirmer son innocence : — Ja Damedieux ne m'aïst ne face vray pardon se je onques avec ma dame geuz 168, 18-20. La seconde assertion, quelques lignes plus bas, fournit une variante de la première, avec, au lieu de m'aïst, ne m'aliege de ma doulour, ce qui permet l’ajout d’une longue relative: — Ne ja Dieux a nul jour ne m'aliege de ma doulour que je orendroit sens et que vostre filz Meleagant m'a faite souffrir long temps, se je oncques le pensay 168, 21-24. Cette construction, qui opère un renversement par rapport à la précédente, pourrait s’analyser ainsi :Ja E2 négatif - se EI positif = si E2 positif - que - E1 négatif. Est exclue la possibilité prononcée à la forme affirmative. L’énonciateur engage visiblement son salut pour mieux nier ce qui est une assertion fausse?. 12. Autres remarques * Emploi de que dans une phrase exclamative (voir TL 8, 22): que grant doulour que si fait chevalier fu oncques en charrette mis pour forfait 97, 16-17 (dans Ab en place de que, on trouve comme). + Comment est employé au début d’une phrase exclamative dans :comment je sui doulante 147, 5-6.
! On relève aussi une construction avec ja. que au $ 138, 23-24: Ne
ja Dieux tant veoir ne me doint que je par devant moy te voye occire ! ? Une construction en ja Dieux ne m'aïst se trouve plus banalement dans un emploi sans que: Mais se je pour vous laisse ceste bataille, ja Dieux ne m'aïst 60, 37-38 ; la phrase est complète et transpose les v. 177374, Mes se je rien por vos an les, | Ja Dex joie ne me doint mes.
ÉTUDE LINGUISTIQUE
253
* Construction teulx y a... de teulz y avoit. de teulz y a Selon Ch. Marchello-Nizia, «l’expression de tiex à a (‘certains, des gens”) se rencontre encore chez Gautier de Coincy, mais pas au-delà, semble-t-il» (La Langue française,
p. 196; Gautier de Coincy meurt en 1236). Or, on la trouve dans notre copie: [...] ceulz qui devers sa partie se tenoient sont si esperdus qu’ilz ne se porent soustenir, si cheent a la terre, teulx y a tous estenduz, et a genoulz de teulz y avoit. Et ainsi font moult grant joye et dueil de teulz y a 134, 18-21. Ces phrases se fondent sur les v. 3700-5, où ne figure pas la tournure en question.
D. LEXIQUE
1. Mots régionaux
+ achieverres («celui qui accomplit») 187, 5 : Gdf 8, 24a et TL 1, 84 citent acheveur dans les Poésies de Gilles le Muisit, I, 87. On trouve acheveor dans le Tristan en prose, ms PARIS, BNE f. fr. 757: ce ms (xIv° siècle) présente des traits
régionaux du Nord et du Nord-Est (Le Roman de Tristan en prose,
vol. IT, éd. Laborderie-Delcourt,
Champion,
Paris,
1999, Introduction, p. 19). On note dans les Poésies de Gilles le Muisit un certain nombre de substantifs en -eres: engeneres, et aussi docteres, rectere, deffenseres, confiesseres, predecesseres, createres et fasieres (ces sept mots sont cités comme «formes vicieuses» par A. Scheler, Efude lexicologique sur les Poésies de Gillon le Muisit (préface, glossaire, corrections), Académie Bruxelles, 1884, sv. correcteres).
Royale
de
Belgique,
On peut relever aussi destruisierres 147, 11, employé dans un ajout propre à y. TL 2, 1807 et Gdf 2, 676a citent le syntagme destruisieres de Sarrasins, que l’on trouve dans la Chronique rimée de Philippe Mousket (Tournai, vers 1240). Le mot figure aussi dans le Livre dou Tresor de Brunetto Latini (vers 1265). La carte n° 238 de l’Arlas des formes
254
INTRODUCTION
linguistiques des textes littéraires de l’ancien français d’A. Dees (Tübingen, Niemeyer, 1980) ne donne pas ici d’indication déterminante (alternance -eor / -ere au cas sujet singulier du type empereur).
° ahuege «énorme»
64, 12: l'emploi du mot, attesté
surtout au xII° et au début du xr° siècle, caractéristique de
l'Ouest ainsi que de l’anglo-normand!, est remarquable dans un texte septentrional, en prose, et datant d’env. 1400. ° cavene
(«chanvre»)
203,
16: les graphies caneve,
canneve se rencontrent dans des documents venant du Nord et de la Flandre, vers 1270 et aussi en 1370. Voir Gdf 9, 41a.
+ cymentiere 63, 7, 66, 2, 70, 2, cimentiere 63, 9: graphie
caractéristique de la Flandre et de la Picardie. FEW, 2!, 834b cite cette forme au xv° siècle.
+ forçor «plus fort» 186, 5 : ce mot est attesté au XII ou au début du xnr. TL 3, 2155 cite plusieurs exemples. Le FEW 3, 732a note pour forçor: pik. norm 12-13 jh. Cet adjectif ne se rencontre pas dans Chc: il a donc probablement été utilisé par le rédacteur initial de y. Même si forçor est correctement employé dans le $ 186, on voit, grâce à la confrontation avec Ab, qu'ailleurs dans Ac il n’est plus compris : il est remplacé par les mots foy cors 173, 24 (voir
! Voir TL 1, 222 (moins l’exemple du Couronnement de Louis qui contient un autre mot), Gdf 1, 177a, AND 18a (ahogement adv. et ahuge) et
FEW 23, 165a, auxquels on ajoutera BibleDécBEN 64, 2046, 2106 (ahoge «énorme ;violent») cf. RLIR 61, 282 et MaugisV 935 (ahuige, var. aheuge et ahuege), qui est un peu plus tardif que tous les autres textes (2° tiers du x s.). La localisation de deux textes qui contiennent aussi le mot, ContPerc1T/R (ahuege / ahuige «énorme / grossier» cf. le Glossaire de L. Foulét) et DellsrE 754 (ahuege), pose problème mais ne semble pas en mesure d’infirmer le tableau. Je dois toutes ces informations à la générosité de G. Roques, que je remercie vivement.
ETUDE LINGUISTIQUE
255
leçon rejetée), ore 103, 14 (idem), et, de façon plus satisfai-
sante, fors couroux 182, 2 ou greigneur 87, 14, 144, 14, 163, 5, 175, 14. Il est tout simplement omis en 185, note 8. Dans
tous ces cas, on trouve fourçour ou foursour dans Ab (voir ciaprès l’Etude linguistique de ce ms). * gardans 82, 14: mot au CR pluriel, correspondant à gardanc ou gardant au singulier. Le mot gardenc se rencontre en normand et anglo-normand, mais il passe ensuite dans les domaines
wallon,
flamand
et lorrain
(DEAF,
Gi,
180a,
FEW 17, 524, note 44). 2. Autres remarques
On note l’emploi de enmy avec le sens de «devant» dans enm)y leurs yeux 63, 4, enmy sa veue 84, 7, à côté de tous les autres emplois où la préposition a le sens de «au milieu de». Dans une occurrence isolée, nonpourquant est employé avec le sens de «surtout», 170, 36.
CONCLUSION
La scripta étudiée, par les traits de l’ancien français qu’elle comporte, paraît marquée par un certain conservatisme. Pourtant, les aspects qui rattachent la copie aux régions du Nord et du Nord-Est ne semblent ni suffisamment nombreux ni suffisamment caractéristiques pour expliquer des phénomènes tels que le maintien des différentes bases verbales, l’emploi de formes héréditaires du verbe estre ou la survie de certaines déclinaisons. On pourrait alors penser que ces particularités sont une incidence du dérimage: l’utilisation, comme
base d’écriture,
d’une
œuvre
versifiée du
xIr° siècle aurait eu pour effet la conservation de traits caractéristiques de l’ancien français. Une telle analyse, même si
256
INTRODUCTION
elle éclaire la présence de tournures telles que es vous ou d’une forme telle que les noz, ne doit pas être adoptée sans restrictions. Tout d’abord, on constate qu’avant même que ne débute le dérimage proprement dit (au $ 28), c’est-à-dire dans les pages de la «Charrette » fondées sur la Vulgate, ces divers aspects sont déjà présents :ert au futur, le syntagme ly autre, la construction ou conduit Keu le seneschal (15, 6), etc. En
outre, dans les phrases qui ne sont pas issues du Chc ni de la Vulgate, on trouve aussi certains de ces traits, tel le ert à
l’imparfait qui figure, au cœur de l’épisode, dans une proposition ajoutée à la trame du Chc: et ert moult frans et courtois (136, 7-8). Il semble seulement, comme on peut l’observer
grâce aux occurrences citées ($ 1-28 d’une part et $ 29-220 d’autre part) que la fréquence des traits anciens est plus forte dans les pages issues du dérimage que dans les autres. On peut donc estimer que le modèle du Chevalier de la charrette a exercé une influence sur la langue de notre épisode, mais qu’il n’est pas seul en cause pour en expliquer la coloration «ancienne ». On pourrait alors se demander si ce saupoudrage de traits datés n’est pas délibéré. Le manuscrit de l’ Arsenal, comme son apographe, le fr. 119, copiés et enluminés vers 1400, avaient pour fonction d'offrir à leurs lecteurs de belles histoires du temps passé. N’aurait-on pas choisi de les écrire dans une langue un peu archaïsante!? A l’appui de cette hypothèse, il conviendrait d’ajouter que dans ces deux manuscrits, la scripta utilisée en dehors de la «Charrette » offre beaucoup de similitudes avec celle qui vient d’être étudiée dans l’épisode proprement dit. On rencontre régulièrement des phrases de transition formulées comme celle-ci: Et se taist atant li comptes et retourne a mons. Yvain qui partis s’estoit du duc et de Lancelot. (Ars. 3479, p. 624)
! Voir D. CaPIN PANTCHEVA, « Le conservatisme de la langue, gage du caractère littéraire du texte et témoin d’une nouvelle conception de l’acte d'écriture: le cas d’Ysaïÿe le Triste », art. cit.
ETUDE LINGUISTIQUE
251
En somme, la conservation de traits anciens, même si c'est à un degré moindre que dans notre épisode, est constante. Pourtant, j’y verrai moins un parti pris d’archaïsme qu’un effet de l’inertie qui caractérise le labeur des copistes. Ce phénomène est très visible dès que l’on consulte des manuscrits du Lancelot-Graal de siècles différents. Certes,
tout n’est pas identique, mais on voit à quel point les scribes effectuent leur travail «à la lettre », recopiant fidèlement des
textes dont la langue n’est certainement plus celle qu’ils pratiquent, si bien que la différence d’aspect d’un texte copié au xIv* siècle par rapport à une copie du xIII° peut ne pas être flagrante. On peut s’en convaincre en observant le début de «La Charrette » dans l’OxFORD, Bodleian, Rawlinson Q. b. 6,
qu’Elspeth Kennedy date de la première moitié du x1v° siècle: Or dist li contes quant Lancelot se fu partis de Soreloiz et il fu hors de la terre et fist duel chascun jour et menja petit et dormi, si li vuida la teste, si forsena et fu en tel maniere tout l’esté et tout l’yver jusqu’a Noel; et passa par toutes terres menant sa forsenerie. Aprés Noel avint que la damoisele del Lac qui l’avoit nourri le queroit par toutes terres, si ala tant enquerant les noveles et encerchant enseignez de lui qu’ele le trouva la veille de la Chandeleur gisant en .1 buison en la forest de Tintavel en Cornouaille. Si le mena o li et le gueri et le tint tout l’yver et le quaresme. Si revint en greigneur biauté et en greigneur force qu’il n’avoit onques esté a nul jour, pour ce qu’ele li prometoit qu’ele li feroit avoir ausi grant joie comme il avoit onques eue greignour. Ne onques de la mort Galehot ne sot riens tant comme il fu avec sa dame jusqu'a .xv. jourz de l’Ascension. Lors ala a la cort le roi Artu et sa dame li ot apareillié le cheval et les armes, si dist: «Or vient li tans que [...]» (fol. 158c)
Ici encore on trouve li contes, mais aussi li tans, des compléments déterminatifs absolus et des comparatifs synthétiques, bref un état de langue que l’on pourrait croire plus ancien. Ce phénomène d’inertie explique, me semble-t-il, que la langue du manuscrit de l’ Arsenal, ouvrage copié vers 1400, soit finalement proche, sur les plans morphologique et
258
INTRODUCTION
syntaxique, de la scripta d’un manuscrit du xur siècle. Voici par exemple le même passage (en amont de la «Charrette »), à gauche dans le fr. 344, ce manuscrit du milieu du xmn° siècle déjà évoqué lors de l’examen de la tradition manuscrite, et, à droite, dans Ac:
fr. 344, fol. 297a
Arsenal 3479, p. 624b
Et lors troverez le plus bel jardin que onques veissiez de vos oex et enmi cel jardin troverez une tor. Au pié de la tor sort une fouteinne. Et
Et lors trouveréz vous le plus beau jardin que vous veissiéz oncques et enmi ce jardin verréz vous une tour grosse et fort et au pié de la tour sourt une fontaine. Et puis dedans la tour pourréz vous entrer sanc calenge. Et quant vous seréz dedans, si verréz une damoisele que vous ne tendrez mie pour layde ne pour vilaine car c’est une des plus beles et des plus courtoises que vous veissiéz oncques de bas lignage.
dedenz
la tor porrez entrer sanz
chalenge. dedenz,
Et
quant
si verroiz une
vos
serois
damoisele
que vos ne tendroiz pas por lede ne por vilaine car c’est une des plus cortoise (sic) et des plus beles que vos onques veissiez de bas lignaige. (cf. L, I, 185)
On pourrait croire que le temps ne s’est presque pas écoulé entre la première copie et la seconde, alors que cent cinquante années les séparent! Ce ne sont donc pas les conditions de production si particulières de la « Charrette » dans la rédaction y, c’est-àdire le dérimage d’un récit composé au x1i° siècle, qui expliquent entièrement le conservatisme de la langue. Cela étant, l’épisode de la Charrette se distingue quelque peu du récit qui l’encadre par des tournures anciennes plus nombreuses qu’ailleurs, dont certaines lui sont spécifiques. La syntaxe y est davantage heurtée que dans le reste de la copie où le phrasé, en comparaison, paraît d’une belle fluidité. Les phénomènes de disjonction liés à l’expansion d’un nom, maïs aussi la construction en si m'aïst Diex que n’apparaissent pas, à ma connaissance, ailleurs que dans la «Charrette», et, plus exactement, dans la partie corres-
ETUDE LINGUISTIQUE
259
pondant au dérimage. Mais il faudrait une enquête approfondie pour le confirmer. Pour expliquer à la fois ces traits généraux et particuliers, je reconstituerai la genèse suivante de la «Charrette» dérimée, telle que nous l’offre Ac: Aux alentours de 1300 ou au début du xIv* siècle, si l’on
admet la datation que j’ai proposée pour la production de y, un remanieur a utilisé un manuscrit du Lancelot et un
manuscrit du Chevalier de la charrette afin d’effectuer un dérimage original du roman de Chrétien. Il a maintenu certains des traits linguistiques de sa copie en vers, il a utilisé le mot forçor, qu’il pouvait avoir rencontré au cours de ses lectures, et ahuege, que l’on trouve notamment dans un manuscrit datant de la deuxième moitié du xu° siècle (le fr. 12576) et contenant
le Conte du Graal ainsi que plusieurs de ses Continuations. Cet écrivain usait avec prédilection de la tournure si m’aït Diex et employait volontiers sa variante emphatique si m'aïst Diex que. On pourrait aussi lui attribuer un goût immodéré pour la formule Par sainte Croix. Malgré ces petites particularités, son remaniement devait s’insérer dans le cours du Lancelot sans créer de rupture linguistique flagrante. On ne peut rien dire de plus quant à cet auteur, car le lexique ne nous offre guère d’indices régionaux permettant de situer la langue qu’il emploie. lorsque fut agencé vers 1400, dans un atelier parisien, le manuscrit de l’ Arsenal, on se servit d’une copie réalisée
dans le courant du xIv° siècle et comportant le remaniement de la «Charrette ». Par l’effet du conservatisme inhérent au travail de copie, ou, peut-être, parce que peu de copies intermédiaires le séparaient de l’archétype de la «Charrette» dérimée, ce modèle de Ac avait conservé de nombreux traits de l’ancien français commun.
INTRODUCTION
260
—
quelque part, dans cette sédimentation
textuelle, une
strate (ou plusieurs ?) comporte des traits du Nord et du Nord-Est, sans que l’on puisse être plus précis sur leur
localisation. L'étude linguistique du deuxième manuscrit de base, 4b,
ne modifie pas ce tableau.
2. LANGUE DE 4b, MANUSCRIT DE BASE POUR LES $ 221-233 ET LES ANNEXES I-IV La langue de ce manuscrit comporte plusieurs traits spécifiques de la langue écrite dans le Nord de la France aux xiI° et xIV° siècles, traits qui, bien sûr, voisinent avec des
graphies de l’ancien français commun du xIv* siècle. On relève aussi quelques traits propres au wallon. Ces phénomènes n’ont rien de surprenant pour un manuscrit produit dans la région de Tournai en 1345. On rappellera en effet que la région picarde se divise en cinq zones et que l’une d’elles « déborde sur la Belgique avec Mons et Tournai dans le Hainaut belge, Cambrai, Valenciennes, Avesne dans le
Hainaut français »!. Dans la mesure où seulement un petit nombre de pages est retranscrit dans la présente édition, je me contenterai de souligner les aspects les plus frappants de cette scripta, sans établir de statistiques. La description se fondera sur les paragraphes 221-233, l’Annexe I ($ 70*-77*), les Annexes IL, IT et IV, et les variantes de Ab figurant dans les notes. Pour
les sections « Phonétique et graphie» et «Morphologie», il m'arrivera de citer des formes relevées dans le manuscrit en
! P. NOBEL, «Pour une localisation du manuscrit Huth (Londres, B. L.,
Additional 38117)», Méthode !, 11, 2006, p. 61. Je remercie P. Nobel pour m'avoir communiqué ces pages avant leur publication.
ETUDE LINGUISTIQUE
dehors
de la partie éditée
261
(dans
ce
cas,
le folio est
mentionné).
On remarquera le conservatisme de la scripta. J’ai rappelé dans l’étude l’inguistique de Ac que ce phénomène, caractéristique des régions du Nord et du Nord-Est, est également imputable à l’inertie propre au labeur de copie. Toutefois, pour illustrer le conservatisme marqué du domaine picard, je citerai ici quelques vers de Gilles le Muisit, qui était abbé de Saint-Martin de Tournai dans le temps même où fut copié le fr. 122. Comme on l’a vu, notre manuscrit a pu être produit dans l’entourage de Gilles le Muisit. Or puet cescuns apercevoir Que je di et je dirai voir. Li siecles est si pervertis, Li biens a mal si conviertis
Que c’est pités et grant defaute, Quant il y a sifaite faute. Li peres souvent faut au fil [...] Pau troev’on amy, ne amie; Qui les a, ne les pierde mie. S’est li siecles a chou venus Que n’est ciertes nulle, ne nuls Qui soit amis, fors li argens [...].!
La flexion des substantifs et articles masculins est dans ce texte un phénomène constant, comme c’est aussi le cas dans
la scripta en prose du fr. 122. Les traits picards étant particulièrement nombreux dans la langue de la copie, ils sont présentés en tête des rubriques Vocalisme et au Consonantisme.
l Poésies de Gilles li Muisis, éd. K. DE LETTENHOVE, Imprimerie de J. Lefever, Louvain, 1882, vol. 1, p. 23; on peut citer aussi, pour illustrer la
présence de formes héréditaires du verbe estre: Qui n'iert par repentir munis, / De Dieu serra ciertes punis (vol. 1, p. 41). J'ai supprimé les accents ajoutés par l’éditeur.
262
INTRODUCTION À. PHONÉTIQUE ET GRAPHIE
I. Vocalisme 1. Traits du domaine picard °
Graphies au/oeteu L’aboutissement de o ouvert + / antéconsonantique est au en picard. On relève caus (4 occ.), caupent 231, 21 / cop 232, 6, 75* (2 occ.) ;faus 230, 8 /fols 77*, II; cette graphie au est constante pour certaines formes du verbe voloir: vaurai 228, 18, 75*, vaudriés 111n, vausist (7 occ.) et vaut (à côté de vuoeut où vuoet). (G, 23) Les graphies inverses auïl 230, 14 / oil (2 occ.) et maura III, mauriés III / morroie (fol. 56a) suggèrent une réduction
de la diphtongue au à o (Régnier, «Quelques problèmes de l’ancien picard», p. 261). On notera par ailleurs la graphie pau 75* (PAUCUM), typique du Nord-Est du domaine picard. Toutefois, dans le ms, cette graphie paraît exceptionnelle par rapport à peu. De même, *TRAUCU > treu 223, 16 (G, 2, et Wüest, «Les scriptae
françaises II. Picardie, Hainaut, Artois, Flandres », p. 307b308a)
+ _Graphies -i- et -ieMonophtongaison de ie à i dans Pires (PETRAS), 75* et 76*. (G, 10) En syllabe tonique et prétonique, diphtongaison conditionnée du e ouvert entravé au contact de r, /, s (Fouché,
Phonétique, vol. IL, p. 351-53): — en syllabe tonique: apiele 85*, castiel 222, 16, chiertes 228, 2, cordiele 222, 14, damoisielle (passim), freniestre 222, 21, foriest 71*, nouvielle 221, 4, puchielle (passim),
tiere (passim), viers 231, 11... Les seul cas de doublet présent dans les limites du corpus sont biel (1 occ.), biele
(6 occ.), bielement (1 occ.), bielle (1 occ.) / belles 72*; tiere (15 occ.) / terre 73*.
ETUDE LINGUISTIQUE
—
263
en syllabe prétonique, on relève apierchoit 77*, chiertaines 221, 6, mierchit III, mierveil- (passim), estiernue
160n, siergant 76*.. Cette diphtongaison, par son caractère systématique, constitue un trait marquant de la langue de Ab. Selon Gossen, elle caractérise surtout la Flandre et le Hainaut (G, 11); selon Ch. Doutrepont, cette diphtongaison dans l’entrave, déjà très développée au xur° siècle, abonde au xIv® dans la région de Tournai («Notes de dialectologie tournaisienne », p. 68)!.
+
Finales féminines en -ie Monophtongaison de -ie- en -i- pour les participes passés
féminins : afaitie 72*, apareillie 224, 14, courouchie 141n, 200n, eschillies III, fravillie 221, 21, freillie 159n et l’adjectif féminin lie 221, 3, 222, 2 et 8. La réduction de la
terminaison est donc systématique. Même si elle se rencontre ailleurs que dans le Nord, c’est en picard que, selon Gossen,
elle est employée avec le plus de régularité. (G, 8) °
iulieu
Les formes mius (8 occ.), miudres (5 occ.) semblent dominantes par rapport à miex (5 occ.), mieudres (184n). En revanche, on a toujours Dieu dans le corpus (mais une occ.
Dius dans le ms, fol. 59a). L’aboutissement iu de la triphtongue est commun au picard et au wallon. (G, 9 et 14) Présence d’une diphtongue nasale dans viunt (13 occ.), viundrent 233, 4, viunrent J1n, tiung, 136n, riunt (6 occ.). (G, 22 et Mantou, Actes originaux, p. 311-12) Le groupe il + s aboutit à is dans fius (7 occ.) et (i)chius
(123 occ.) / chieus (2 occ.). (G, 20) Dans l’aboutissement du o ouvert de LOCUM, les formes liu et miliu sont employées de façon exclusive. On relève dans
1 Voir aussi la mise au point de P. NOBEL, « Pour une localisation du manuscrit Huth (Londres, B. L., Additional 38117)», art. cit., p. 64-65.
264
INTRODUCTION
les pages éditées liu, 163n, 218n et miliu 86n. Une telle constance dans l’emploi de ces graphies est caractéristique de la Flandre et du Hainaut. (G, 25) °
-jau-et -aiauOn rencontre exclusivement biau et biautet. Toutefois,
cette graphie n’est pas exclusivement picarde. (G, 12) La graphie haiaume (4 occ.) s'impose par rapport à heaume 71* (voir ci-après Lexique). °__
Graphies ou, oi, ui En picard, le o fermé sous l’influence de yod aboutit à ou, oi ou ui en syllabe tonique, et à ui en syllabe prétonique: — en syllabe tonique :angoisse 103n. — en syllabe prétonique: quigniet 223, 15, vuiseuse 89n mais angousseus 164n; on relève aussi wiseuse au fol. 10c ;Gossen situe cette dernière forme dans la région de Tournai et Saint-Quentin. (G, 27)
La diphtongaison du o fermé aboutit à ou dans sour (SUPRA) ; on relève aussi desour 232, 6, sourplus 232, 15,
sourquidiés 219n. Cette graphie est courante
dans l’aire
wallonne et picarde. (G, 26)
*
_ou,onet om, l'adjectif boin Le o devant nasale a pu se nasaliser en o fermé et se dénasaliser partiellement en ou en picard. De là, des hésitations entre les graphies on, om et ou (mais il faut tenir compte de la difficulté à différencier n et u dans la copie): — en syllabe tonique: Aragoune 210n, Roume IV; houme, oume (7 occ.) / homme (4 occ.), etc. — en syllabe initiale ou prétonique: coumença 113n, coumencherai 118n, recoumench (2 occ.), recoumence 107n / commench- (6 occ.); coument (8 occ.) / comment (4 occ.), etc. (G, 28a) On constate par ailleurs que les graphies boin (13 occ.), boines
228,
3, et
boinement
75*,
sont
exclusivement
employées dans Ab. La carte n° 121 de l’Arlas des formes
ETUDE LINGUISTIQUE
265
linguistiques des textes littéraires de l'ancien français indique un pourcentage de 93% pour l’emploi de boin par rapport à buen dans les chartes du Nord et du Hainaut. °
_en,em/lan,am
Alternance de graphies pour trenc- (7 occ.) / tranchent 231, 13; dolente 227, 18, dolens III / dolans 230, 7, 232, 17, IT (2 occ.). Egalement femme (3 occ.) /fame (2 occ.).
L’aboutissement de TEMPUS (G, 15) +
est toujours graphié fans.
Graphie ain Le traitement de e fermé tonique + nasale aboutit à ain
dans alaine 99n, 231, 28, c(h)ainte 8'In, 231, 26, mains (MINUS) 188n, paine (7 occ., verbe ou substantif), plain (PLENUM) (4 occ.), ainsi que dans les formes à base forte du verbe mener et ses composés, soient maine, amaine, demaine
et enmaine (10 occ.). «C’est là un des picardismes le plus régulièrement respectés par les scribes» (Wüest, «Les scriptae françaises II. Picardie, Hainaut, Artois, Flandres », p. 307a). L'auteur de l’article considère que ce traitement du e fermé + nasale et la présence des trois infinitifs veir, keïr et
seïr (voir ci-après) comptent parmi les dix traits «qui opposent le picard au francien» (p. 313). e
Infinitifs caïr, seïr, veir! On relève caïr 213n, kaïr 151n / kaoir 150n; seïr 231, 6 et sir (fol. 38d); veir 230, 8 et vir 231, 5. Ces formes sont
caractéristiques du picard ; cependant, le type assir «se trouve aussi en Wallonie ». (G, 17)
1 Le tréma est seulement employé pour des raisons de clarté: comme le prouvent par exemple les graphies vir et sir, l’hiatus est résorbé à l’époque du texte.
266
°
INTRODUCTION
ale Le a initial s’est maintenu après vélaire et en hiatus dans
caïr 213n, kaïr 151n, kaoir 150n et le part. fém. caoite 230,
13 et 14/meskeance 111n, et le part. masc. keu 227, 6. (G, 29)
e
Graphiese,i/u Le e initial au contact d’une consonne labiale aboutit à w
dans
prumerain
221,
9, prumerainement
104n,
209n,
prumiiers 140n /premierement 72*. Cette graphie u se trouve en picard. (G, 31)
La graphie de fusitiien 127n, qui se rencontre en Flandre, peut s’expliquer par une labialisation du à en w sous l'influence du f. (Mantou, Actes originaux, p. 153-54) °
Graphiesi/oilei Aboutissement i de la voyelle prétonique devant palatale
dans orisons (fol. 15b), venison 71* et demisielle (3 occ.),
mais on rencontre plus fréquemment damoisielle (8 occ. dans les $ 221-233 contre une seule pour demisielle). Ce phénomène s’est produit dans le Nord et l’Est. (Pope, From Latin to Modern French, $ 422)
L'influence fermante de la consonne palatale sur la voyelle prétonique, avec un aboutissement i, apparaît aussi dans orghilleuse IX, travillie 221, 21, travilliet 222, 4.
Fermeture en à du e atone en syllabe initiale devant / palatal et n palatal dans milleurs 206n, signeur (3 occ.), signour 185n et monsigneur (4 occ.) / seigneur 75*. (G, 34
et Régnier, p. 265)
«Quelques
problèmes
de l’ancien picard»,
Enfin, les graphies hiraus (3 occ.), desiretemens 85* et desireté XII, dans lesquelles e initial s’est fermé en i, sont constantes dans le ms. (G, 35); selon R. Mantou, «il s’agirait
de faits flamands » (Actes originaux, p. 149-51). * Les graphies coureçast III / courouça III, courouchiés IL, dolereuse 228, 11, felenesse 109n, felenesses 178n, honneret 224, 11, serour 221, 1 et vighereusement 225, 17
ETUDE LINGUISTIQUE
267
attestent une dissimilation du o atone qui est «particulièremént fréquente en picard ». (G, 37)
+ Maintien de la voyelle pénultième atone dans viergene, vierghene IV (2 occ.). 2. Autres remarques
° _Graphies ou et u L’averbe interrogatif de lieu est graphié w (6 occ.). Pour le relatif de lieu, on relève u seul (2 occ.), la u (9 occ.) / ou (3 occ.).
La conjonction de coordination est notée w (7 occ.) / ou
74*. * _Graphies uoeu et uoe L’aboutissement du o ouvert libre et tonique est graphié uoeu où uoe dans vuoeulent 77*, 205n, vuoeus III, vuoeut IV, vuoet 221, 14. Même phénomène dans avuoec 205n, III, IV, avuoecques 166n, 170n, 192n, avoec 70* / avecques 192n.
+ Le suffixe -oise, aboutissement phonétique de -ifia, apparaît dans richoise, à côté de rikesse 214n et petiteche 221, 24. Cette hésitation n’est pas propre au picard. (G, 16 et Régnier, «Quelques problèmes de l’ancien picard», p. 261) °
Hiatus Ces hiatus sont graphiques : gaaingne 230, 20, kacheour
71*, meismes (passim), meesmes
(passim), raenchon 171n,
seoit (passim, vb seïr/ sir), seur (4 occ.), veir / vir, etc. Au subjonctif imparfait: ocheist 232, 13, peust 221, 15, seust 221, 19, etc. La première voyelle de l’hiatus est généralement maintenue, ce qui n’est pas surprenant dans un manuscrit de
1345.
268
INTRODUCTION
IL. Consonantisme 1. Traits du domaine picard graphies ch/c/k/ qu On présentera ces différentes graphies sans se prononcer sur leur valeur phonétique. Les graphèmes ch et c notent l’aboutissement de k + e, i à l’initiale et à l’intérieur des mots en position appuyée, de k + yod intérieur et t appuyé + yod. On relève ainsi : che, chel, chest, cheloit, chi, ichi, chitet.…; apierchevoir, canchela, enfanche, lanche, ochis..; kauchie (*CALCEATA) 77*,
mierchit, tronchons 77*...; anchois / ançois (un peu plus fréquent); cachier; coumench- (1 occ.), commench(6 occ.), recoumench- (2 occ.) / recoumence (1 occ.);
couvenanche 226, 7; pechoiies 231, 15 / peçoïe 223, 16; pieche 224, 10; raenchon 171n; ftrachier 221, 17 (*TRACTIARE); venjanche 85*,... De telles graphies se trouvent en picard mais aussi en normand. (G, 38)
Le graphème c se trouve à la finale de hac (P1 de haïr) 226, 8 et fac 100n, 111n, LIL, où il note respectivement
l’aboutissement de r + yod et c + yod. (G, 39) On note le maintien du c étymologique dans la graphie amic (AMICUM) 229, 5.
Les graphies picardes c, k et la graphie de l’ancien français commun ch sont employées concurremment pour noter l’aboutissement de k + a à l’initiale et intérieurs derrière consonne et de k d’origine germanique + e, i: — graphie c: cachier (passim); caïr 213n; cancheloit 224, 2; encareta 95n / charete 172n / tranchent 231, 13.
—
(passim);
trencans
graphie k: kauchie 77*; kief J4n et akiever 187n / chief (passim) et derechief 105n; kenus 170n; keus 227, 6, kiet 232, 19; kacheour 71*; afikiés 93n; blanke 105n, 160n; breteske (passim); frankie 221,
ETUDE LINGUISTIQUE
269
25 / franchie 215n, franchiet 119n; pekiet 142n; rikesse 214n / riche et richement (passim); sake
(SSACCAT) 222, 19; rakiés 165n; touke 137n. graphie ch: elle est employée de façon exclusive dans chemin, cheval, chevalier, chevaucier; on la trouve aussi dans chemise 160n. L’alternance des graphies est manifeste dans carete / karete | charete. Les graphies karete et charete semblent employées dans Ab de façon équivalente tandis que la graphie carete reste exceptionnelle. (G, 41) —
Les graphies k et qu sont interchangeables dans onques, onkes. La graphie qu est dominante pour esquiier 226, 16 (et passim dans le ms) / escuier (quelques occ. seulement).
Le graphème ch se rencontre dans les formes eschil 73* et eschilliet 225, 14.
graphies g et gh On relève: avec g: congot (CUM + GAUDET) 228, 1; herbegier (3 occ.), herbega 71*, herbegeray (2 occ.); longe 75*, longement 72* | longhement (6 occ.); siergans 183n, siergant (3 occ.). avec gh: aighe 109n, hierbeghiet 203n, orghilleusement 93n, vighereusement 225, 17, vierghene IV (2 occ.). Dans le ms, on rencontre aussi (ce relevé n’est pas exhaustif): larghe fol. 3a, larghesse fol. Sb, losengherai fol. 7c, onghement fol. 8d, orghueil fol. 4b, orghilleuse fol. 4a, renghe fol. 4d (en renghe assis). (G, 42)
graphies eve et aighe La graphie eve 109n est presque exclusivement employée dans le manuscrit ;on relève cependant aighe (par ex. 109n), jamais eaue ou iaue. La forme eve se rencontre dans la Flandre et le Hainaut. (G, 43)
270
INTRODUCTION
+
tfinal t final primaire ou secondaire est maintenu derrière voyelle accentuée, en particulier dans les terminaisons des participes passés (voir, infra, Morphologie). Ce trait caractéristique du Nord et du Nord-est est constant dans Ab. On citera, entre autres, les part. passés parlet 221, 1, venut 221, 13, salit (SALIRE) 226, 16... ; les substantifs bieautet 214n, foit (FIDEM) 88n, 152n, let (LATUM) 183n, mierchit II, pekiet 142n, escut 77*... (G, 46)
°
sfinal Au cas sujet singulier ou au cas régime pluriel, les part. passés ont toujours un -s., et la deuxième personne du pluriel des verbes est graphiée -és. En picard, l’affriquée a été réduite plus tôt que dans les autres régions (G, 40), mais on peut ajouter que la présence exclusive de -s à la date du manuscrit est caractéristique du Nord et du Haïnaut!. *
rhotacisme On relève ce phénomène dans varlés (2 occ.) à côté de
vallés 71*. La graphie varlés est répandue en dehors de l’aire picarde. °
Dissimilation dur Elle est systématique dans le radical herbeg- (6 occ.). (G,
56) e
Métathèse der
On relève vregier 160n, kerroit (croire) 169n, pietruis 230, 12. (G, 57)
! P.NoBeL, «Pour une localisation du manuscrit Huth (Londres, B. L.,
Additional 38117)», art. cit., p. 63. Dans les pages ici éditées du fr. 122, on relève une seule fois le graphème z, dans le mot Sarrazin (75*); dans le reste du ms, la lettre z se rencontre dans des noms propres comme Gazan (fol. 55d) ou Ezon (fol. 61d).
ETUDE LINGUISTIQUE
°
271
Graphies -/- / -I]La graphie -/- note peut-être une prononciation dépala-
talisée dans resalent 231, 20, salent 77*, salit 226, 16; il
pourrait en être de même avec le groupe -{l- dans consellerai 75*, conselleray 74* / conselliés 75*, conseil 75*; falloient 77*, miervelle 72* / mierveil- (4 occ.) et salli 75*.
(G, 59) °
Epenthèse Absence d’une consonne épenthétique dans le groupe
secondaire nr pour remanroie 161n, tenrai 226, 7, venrés 75* (2 occ.), revenrés 201n, avec assimilation nr > rr dans averra 215n, couverra 221, 17, reverrai 200n. (G, 61) Le verbe voloir présente une forme sans épenthèse (avec assimilation du / par le r) vaurai 75*, 228, 18, à côté de la forme avec épenthèse vaudriés 111n.
2. Autres traits notables
+ Ajout de lettres pseudo-étymologiques traictre… +
dans baptaille,
Développement d’un r inorganique, produit par assimi-
lation progressive dans fristre 227, 18. Peut-être a-t-on aussi
un r inorganique dans freniestre (2 occ.). ° La P6 de refraindre au passé simple, refraisent 227, 23 pourrait indiquer une dénasalisation (Mantou, Actes originaux, p. 249), à moins que le scribe n’ait oublié la barre de nasalité.
2
INTRODUCTION B. MORPHOLOGIE
a.
L'article
On constate le maintien des formes casuelles pour l’article défini au masculin: li, le, li, les.
Les formes de l’article féminin propres au picard et au wallon (Le, li) sont minoritaires. Au féminin singulier, on note des emplois occasionnels de l’article défini le, moins fréquents que /a : le cordiele 222, 19, le debte 229, 3, le dolour 233, 10, le fille IV, le kauchie (de le k.) 77*, le penne 77*, le
plus seure voie 75*. On relève un seul emploi de li: Ore soit que fust caoite li tours, se elle fust caoite…. 230, 13. (G, 63) Enclises ou (en + le): 11 occ. et ou (a + le): 3 occ., par exemple, li messages contoit ou roi IT / au (a + le): 68 occ; as (a + les): 4 occ. ; dou (de + le): 36 occ.
Emploi de l’article partitif : nous avions fais de toutes les honnours
III. Voir L. Foulet, Petite Syntaxe
de l’ancien
français, $ 106. b. Le substantif et l’adjectif — — — — —
— — —
—
—
Substantifs et adjectifs à alternance de radical: sire | seigneur _homs, hons (aucun hom) / oume, houme, homme traitres (avec -s) / traitour vavasseres (toujours avec -s) (7 occ.) / vavassour (2 occ.). On relève une forme vavassors au CSS (fol. 2b) niés 229,6et 11, IV _enfes IV empereres IV (3 occ.) _suer (passim dans le ms) / serour 221, 1 _fel (passim dans le ms) /felon (4 occ.)
Maintien des formes de féminin d’adjectifs épicènes: grant est exclusivement employé dans le corpus édité, mais on rencontre de nombreuses occurrences de grande dans le ms.
ETUDE LINGUISTIQUE —
273
on relève desloiaus III, trencant 231, 26, trenchans 76* mais fortes 231, 12.
Le comparatif synthétique fourçour, foursour est remarquablement représenté : neuf occurrences dans l’épisode de la «Charrette ». On relève aussi miudres, mieudres et pieur 74*. On note le superlatif synthétique grandesime, 175n et fol. 2c (à cet endroit, dans Ac, on trouve grandisieme 83, 4). c.
Les démonstratifs
On rencontre exclusivement les formes picardes du démonstratif avec ch à l’initiale: — chest (10 occ.) uniquement déterminant; cheste déterminant (10 occ.) / pronom IT; chestui déterminant 72* / pronom IV. — chius déterminant (4 occ.) / pronom (17 occ.); chils pronom IV; chieus pronom singulier 76* (2 occ.); chil pronom (6 occ.); cel déterminant III ; chel déterminant (3 occ.); chelle pronom (10 occ.) / déterminant (2 occ.); cheli pronom (4 occ.); chelui pronom (6 occ.); cheus pronom (3 occ.); ches déterminant féminin 89n. On relève une forme chille déterminant féminin 111n. — che (21 occ.) et chou (26 occ.) pronoms neutres. Formes préfixées : icheste 188n (déterminant), ichius (2 occ.) (déterminant), ychelle 72* (déterminant), ichelle III (déterminant).
d. Les possessifs
Les formes picardes du possessif se rencontrent sporadiquement :men ostel fol. 3d, sen oste fol. 4d, no gent fol. 2c, je sui des vos fol. 15d, enviers les siues fol. 20c.. On trouve aussi la forme non picarde moie: la moie XII,
une moie amie 228,14, de la moie part II, et des formes foie,
274
INTRODUCTION
soie analogiques de moie : une soie antain 224, 4-5, la soie espee 231, 25, li honneurs n'en ert mie soie ains ert toie
fol. 7b /.1. sien fil 71*. e.
Les indéfinis et les numéraux
Pour l’indéfini tel au féminin, on a tel (3 occ.) / telle (2 occ.). En revanche, quel (3 occ.) est seul employé au féminin.
Présence sporadique du pronom-adjectif tuit au CSP : 129n, 137n, 233, 3 / tout 227,9 et 12, 233, 2, 137n, 139n, etc. Les
deux formes peuvent figurer dans la même phrase: si li font tout si grant joie. et s’en entrent tuit a grant joie 233, 2-4. On relève la forme analogique tuites 129n. On trouve andui en fonction sujet 231, 19, et andeus en fonction complément 229, &. f. Les pronoms personnels
Concurrence entre les formes de pronom sujet jou (jo) et je avec une nette prédominance de la première. Forme abrégée i (pour il) devant / dans le guerredon tel comme i l’a enviers moi desiervit 228, 18-19. Elision de elle devant voyelle dans ell’a 222, 14.
Emploi occasionnel du pronom régime féminin atone le: 135n, 143n, 164n, 221, 10, 222, 2, enclise nel 135n.
Confusion des pronoms lui et li: on trouve après préposition lui pronom féminin: deriere lui 224, 2-3, et li pronom masculin : pour li 233, 11. On remarque l’emploi d’une forme tonique derrière faire employé dans une incise: Voire, fait soi li chevaliers
ETUDE LINGUISTIQUE
D7S
viermaus, que avés vous dit ? IL. Tous les exemples signalés par TL 3, 1582 ne comportent qu’une forme atone.
g. Les pronoms et adverbes relatifs On note des échanges entre les formes du pronom relatif : qui pour que: et vit le mangier Lanselot atourner, qui on portoit a la tour 222, 6-7 ; également 231, 10, 74*, 84*.
qui pour cui: jou sui chelle qui vous otriastes un don 223, 4 ; et 232, 20, 85*, III (2 occ..). que pour cui: une puchielle que jou fis jadis un sierviche 228, 14-15. La locution relative la u est employée de façon dominante par rapport à l’adverbe relatif: Ja u (9 occ.) / ou (3 occ.) et u (2 occ.). h. Les verbes + Au présent, maintien de l’alternance des bases: ceurt /
courre, puis / puet / pooir, sai / savons / sevent, etc.
+ Paradigme du verbe voloir au présent de l’ind.: P1 vuoeil 224, 8, P2 vuoeus III, P3 vaut 230, 1, IIL, vuoer 221, 14, yuoeut IV, P5 volés 75*, P6 vuoeulent 77*.
+ Extension de -e à la P1 de l’ind. présent pour guide (2 occ.).
+ Extension de -s à la P1 de esbahis 228, 4. + Graphie c à la finale de P1 du présent de l’indicatif dans deux verbes seulement (voir Phonétique): fac 100n, 111n, II, et hac 226, 8. (G, 75) * Au présent du subjonctif, désinences en -ece pour des verbes du premier groupe: poisece 136n, prisece 219n; et ailleurs dans le ms: retournece (fol. 6c), laissece (fol. 12b), osece (fol. 40a), envoiecent (fol. 16c)... (G, 80)
276
INTRODUCTION
+ Présence d’un e svarabhaktique dans les formes de futur suivantes: avera 180n, 232, 12, averas 106n, averés 96n,
averoies 118n, combaterai 226, 7, desfendera IL, istera 73*, isterai 73* (2 occ.), isterés 73*, naistera IV, prenderai 218n, renderai 229, 11. Ce phénomène, fréquent dans le ms, est
caractéristique du picard et du wallon, mais aussi de l’anglonormand et du lorrain. (G, 74) + Métathèse re > er dans kerroit (croire) 169n.
+ On note quelques formes de futurs à radical réduit pour avoir et savoir : arés 715%, IV, aroie 221, 18, saray 74*, 75%, sarés 70*, saroient 110n. e On relève au futur II une forme de P4 en -esmes dans
seriesmes 140n!. C’est une désinence picarde et wallonne. (G, 79 et Mantou, Actes originaux, p. 321) e Formes de futur héréditaire du verbe estre à la P3: ert 123n, 124n, 133n, 200n, 225, 9 et IV (7 occ.).
—
+ Formes d’imparfait héréditaire du verbe estre: P3:ert 224, 1 et 17, 226, 20, 227, 14, 85* (3 occ.), III (4 occ.).
— _P6: erent 91n, 133n, 174n, IIT:; eirent 87n.
+ Les passés simples de tenir et venir, aux P3 et P6 sont majoritairement en iun : tiung (P1) 136n, tiunt (6 occ.) / tinrent 76*; viunt (13 occ.) / vint (4 occ.) et viundrent 233, 4, viunrent 91n/ vinrent (2 occ.). A la P1, on relève tieung 136n. La forme revient 222, 10, pourrait être une forme affaiblie de reviunt (Mantou, Actes originaux, p. 311-12). Selon Gossen, ces
! Egalement: vauriesmes (fol. 6a), sariesmes (fol. 16b), feriesmes (fol. 27a), amenriesmes (fol. 52a), et, à l’imparfait de l’indicatif, estiesmes (fol. 16d), faisoiemes (fol. 38a), chevauchiesmes (fol. 36d et 464).
ETUDE LINGUISTIQUE
277
formes se rencontrent notamment à Lille, Tournai, Douai, et
seraient plus rares dans les textes littéraires que dans les chartes (G, 22). Leur fréquence est donc remarquable dans Ab. + Le verbe faisir (inf. au fol. 7c) présente à la P3 du passé
simple la forme teut 74*, avec le radical des formes faibles. * Emploi exclusif des formes sigmatiques du passé simple et du subjonctif imparfait: desisse 115n; fesisce 96n, fesisse 200n, fesistes IL, fesist 124n ; ochesist 136n, ochesissent INT;
presist 225, 6, IT; vesisse III. «Le picard, de même que le wallon et le lorrain, est [...] resté fidèle aux formes en -s-, et il
a même refait la 3° personne du pluriel d’après leur modèle » (J. Wüest,
«Les
scriptae françaises
II. Picardie,
Haïnaut,
Artois, Flandres », p. 311). On relève en effet : s’asisent 233, 6, et aussi fisent fol. 4a, misent fol. 4a, prisent fol. 4d.…. + Désinences du subjonctif imparfait en -aisse : alaisse 230, 9, alaissent NI, amenaissent 226, 14, aportaissent 226, 14, demandaisse 157n, moustraisse IL, osaisse IE, quidaissent II
lotriasche 229, 8. Ces désinences pourraient être analogiques de la P1 du passé simple des verbes en -er. (G, 71)
+ Les participes passés à base faible conservent systématiquement leur t final (voir, supra, Phonétique): —
—
-et: ajournet 185n, alet 176n, 221, 12, net (naitre) 72* (2 occ.), trouvet 221, 16... -it: desganit 145n, oït 149n, 199n, 221, 4, traït 169n, 230,
—
-ut: conneut
los 111n, pierdut 226,
10, veut 114n, 129n,
viestut 178n. Le participe passé à base forte ochist 230, 14 (voir leçon rejetée) / ochis (8 occ.) pourrait avoir reçu un -f analogique, à moins qu’il ne s’agisse d’une faute par anticipation (ochist Just il). Le verbe kaoir ou caoir a un part. masculin (pluriel) keus
227,6:
278
INTRODUCTION C. SYNTAXE!
1. Usage de la déclinaison La déclinaison à deux cas est respectée pour les substantifs masculins, au singulier et au pluriel. Ainsi, tous les substantifs masculins en fonction sujet présentent un -s flexionnel, y compris sires (hormis lorsqu’il est employé en apostrophe) et messires. On l’a déjà noté, le respect de la déclinaison est caractéristique du Nord de la France : «l’effort de purisme qui caractérise certains ateliers de la première moitié du x1v° siècle est particulièrement marqué en picard ». (Régnier, « Quelques problèmes de l’ancien picard», p. 269) Les noms propres Gavains / Gavain, Meleagans / Meleagant, Boors | Boort se déclinent, mais Lanselot ne se
décline pas. On a toujours Artus, quelle que soit la fonction du nom, sauf dans /a cour au roi Artu 224, 10-11. La tendance à
l’invariabilité des noms de personne a été relevée G. Moignet (Grammaire de l’ancien français, p. 22).
par
2. Article
Absence d’article dans a court dou roi Artus 225, 10-11,
tantost qu’il fu venus a court 225, 13 / en la court au roi Artus 228, 20. 3. Construction du complément d’un substantif
La construction avec complément déterminatif absolu postposé apparaît plusieurs fois:le mangier Lanselot 222, 6, des armes
Boort 230, 3, la mort Lanselot 85*, la Terre
Desierte Claudas 85*, la mort son pere III / la court au roi Artu(s) 224, 10-11, 228, 20, court dou roi Artus 225, 10-11,
! Ne sont pas ici commentées les variantes figurant dans les notes :sur le plan syntaxique, elles n’apportent rien de plus que les parties éditées du
fr 122;
ETUDE LINGUISTIQUE
279
chevaliers au roy Artus 70*, fiex au vavassour 75*, fille au roi Pellés 85*, la mort a son pere IL, etc.
On relève une construction avec la préposition de, marquant «une relation d'identité référentielle entre le nom et son complément » (Riegel, Pellat, Rioul, Grammaire métho-
dique du français, PUF, Paris, 1999, p. 188, Rque): et dist a son seigneur de pere 75*. 4. Pronoms personnels
* Non-expression du pronom personnel sujet après un et qui apparaît davantage comme un démarcateur de phrase que comme une conjonction liant des actions successives : ef s’en ceurt a son ostel 221, 6; et revient a la maison 222, 9-10; et fait tant 222, 19; et le saluent 72*.
° Omission du pronom personnel complément le dans si m'otroit Dieus (prop. placée en incise) 228, 22. + Emploi de la particule énonciative es vous: 224, 1 [< Chc], 76* [< Chc], 77*. Comme on l’a précédemment noté
dans l’étude de Ac, cette tournure XIv* siècle.
tend à disparaître au
+ Dislocation avec cataphore: elles le porent vir de pres la baptaille 231, 5-6. 5. Verbe
e L’auxiliaire de aler et venir est avoir dans si a souvent alet et venut 221, 12-13. On relève des emplois de l’auxiliaire avoir avec un verbe réfléchi : coument s’a il contenut 180n, si
s’a mis 183n, il ne s’avoit onques entremis 208n, ne s'en avoit pris (fol. 4a, construction relevée pour Ac, 93, 8). Voir,
supra, la Syntaxe de Ac pour une localisation dans le Nord et l’Est de cet emploi de l’auxiliaire avoir.
280
INTRODUCTION ° en
coordination,
le changement
de voix
n’est pas
marqué dans Et quant il se furent armet et monté en lor chevaus 76* (même phrase dans Ac, 76, 4-5).
° Accord du verbe avec syllepse de nombre. Le phénomène est récurrent: li rois Artus et si baron s’en vait 231, 6; et vient toute joie et toute leesce 227, 15-16, etc. e Infinitifs substantivés : l’issir 230, 17 ; au convoiier III.
—
* Accord du participe passé avecestre Accord avec le sujet, hormis dans me sui jou (= une demoiselle) mis en paine 223, 7-8, et lors sont a Boort, che li samble, avenues aussi grant mierveille 227, 5-6; le verbe est ici au pluriel comme dans les v. 6213-15, Mervoilles li sont avenues | ausins granz con s’il fust des nues / Devant lui cheüz, mais le sujet postposé grant mierveille est noté au singulier. De fait, le substantif mierveille, dans Ab, est employé au singulier dans les tours marquant le simple étonnement, tel que si en a moult grant mierveille (fol. 6d, 46d, S9c; relevé non exhaustif). Au pluriel, le terme a
—
certainement un sens distributif marqué: cf. Et bien veons as grandes mierveilles qu’il enprent (fol. 2a). avec avoir Accord avec le complément d’objet antéposé, hormis dans avra mains païs reverchiet 221, 16, la honte et la
desloiautet que jou ai fait II ; accord avec le complément d’objet postposé dans tres l’eure que jou oi delivree la roine 228, 11-12. * Emploi de faire vicaire dans jou ne desire nulle riens tant comme jou fac a guerroiier IX.
6. Proposition relative On relève une relative à valeur hypothétique:
qui li
dounast tout l'avoir dou monde, il n’i rentrast *223, 18-19.
ETUDE LINGUISTIQUE
;
281
7. Autres subordonnées, mots subordonnants
* La complétive introduite par que développe un adverbe dans: Et chiertes, Boort, biaus niés, que je vous en sai autel gret 229, 11-12.
— —
—
* Emplois de la conjonction que Reprise de que après une proposition incidente: tant vous puis jou bien dire que, quant de la court se parti, que elle ne sot 221, 7-9. Omission de que introduisant une complétive dans: jou croi, ains que elle l’ait trouvet, avra mains païs reverchiet 221, 15-16; et li dist s’il est venus et il ne s'en est fuis pour pauour de la baptaille, si viengne 225, 16-17 (dans ce cas, la reprise est réalisée par si). Report de que après une subordonnée hypothétique en incise : ja ses tu bien s'il aloit après eus qu'il l’ochiroient IIL.
° Emploi d’un pronom personnel neutre en position proleptique (annonçant une complétive): jou ne le lairoie pour mille livres que vous n'en soyés hors mis 223, 12-13. + Emploi de si pour se: Et si fu ychelle nuit Lanselot tres bien siervi au souper, de chou ne couvient il ja tenir conte 72*; si ne fus venus *227, 12; si ne fust illuec revenus 227,
26; si m'otroit Dieus 228, 22. + Emploi de se pour si: se lifait moult grant joie 227, 24; se li fait la tieste voler 232, 18-19. 8. Emploi des temps ° Passage brusque d’un temps passé à un temps présent et vice versa. Ce phénomène est très fréquent. On peut citer:ou prumerain chemin que elle trouva se met, et va 221, 9-10; et fait tant que elle viunt a la tour, et sake le cordiele qui amont
282
INTRODUCTION
estoit, tant que chius le sent et s’en viunt a la freniestre 222, 19-21, etc.
+ Dans il i a moult grant pieche que jou ne fui a la court au roi Artu, mon signeur, qui tous jours m'avra moult honneret 224, 10-11 l’emploi du futur antérieur au lieu du passé composé prend une valeur expressive. (Ménard, Syntaxe, $ 151, 2°a)
9. Emplois de et En tête d’une principale après une subordonnée, et marque la «solidarité discursive» des propositions (voir, supra, le même phénomène dans Ac): Quant li vavasseres ot amené Lanselot dedens la court, et la dame qui moult fu bielle et afaitie li couru a l'encontre 72*; Si m'aïst Dieus, fait il, demisielle, et je vous creant 223, 8-9 (constr. semblable dans Ac, 218, 13-14). 10. Négation Dans il ne li couvient mie reposer se elle ne vuoet ataindre che que elle cache 221, 13-14, l’adverbe ne devant vuoet
pourrait traduire la crainte que le procès ne s’accomplisse pas; dans pour s’amour le laist que il ne l’ochie 232, 10-11 («qu’il renonce à le tuer par amour pour lui»), le ne marque «le refus subjectif du procès envisagé» (Buridant, Grammaire nouvelle, $ 616). 11. Adverbes
Elision de si dans chelle s’ert serve 221, 23.
On relève un emploi de l’adverbe moult dans une structure thématisante de relief (Buridant, Grammaire nouvelle de l’ancien français, $ 137): Et moult sachiés que Boors ama tant Lanselot 227, 10.
ETUDE LINGUISTIQUE
283
12. Ordre des mots
* Lorsqu’une phrase débute par un complément ou un adverbe, le sujet nominal est régulièrement postposé au verbe et le sujet pronominal est omis. + Disjonction liée à une expansion Dans la proposition maleoite soit ta langhe de Dieu NIK, on constate un phénomène de disjonction entre maleoite et Dieu (voir, supra, des phénomènes comparables dans Ac). Ces phénomènes de disjonction, relativement nombreux dans Ab, sont à la base de nombreuses leçons propres à ce ms, et que l’on trouvera dans les variantes. + Dans les subordonnées relatives, on rencontre fréquemment la structure de l’ancien français : pronom relatif + X + verbe. Aïnsi: qui en la tour estoit 222, 8; qui de luine
se dounoient garde 227, 3 (Z Chc); qui boines et bieles me Juissent 228, 3 # qui si me fussent beles (v. 6680), etc. Comme
on l’a noté à propos de Ac, ce conservatisme est courant dans ce type de proposition. 13. Construction en si / aussi m’aïst Dieus que On relève, comme dans Ac, plusieurs occurrences de cette construction. Voici celles qui figurent dans les $ 221-33 et les Annexes: Aussi m'aït Dieus, fait la damoisielle, que jou sui toute apareillie 224, 13-14; aussi m'aït Dieus que jou croi 230, 15 ; Aussi m'aït Dieus que jou n'arai ja mais repos IX.
D. LEXIQUE
Les mots régionaux qui figurent dans Ac apparaissent également dans Ab, à l’endroit correspondant du texte, avec seulement quelques variations graphiques: ° akieveres (fol. 17b) et destruisieres (fol. 12a)
284
+ ° tiere +
INTRODUCTION
caviene (fol. 19b) cymentiere figure dans le $ 70* (on relève aussi chimenaux fol. 40b et 51b) gardans (fol. 2c)
+ foursour, fourçour: sur l’ensemble de l’épisode de la Charrette, on relève dans Ab 8 occ. de la forme fourçour et 1 occ. de foursour (les occ. sont répertoriées dans le Glossaire;
la majorité d’entre elles figurent dans les notes de l’édition). Comme cela a été noté dans l’Etude linguistique de Ac, ce
comparatif synthétique ne provient jamais du Chc, si bien qu’on peut l’attribuer à l’auteur du dérimage. Alors que les dictionnaires fournissent seulement des attestations du x1r° et du début du xmn° siècle (domaines picard et normand), foursour figure donc dans un manuscrit de 1345,
où il est toujours employé de façon adéquate. Mais il faut souligner qu’on le trouve aussi en dehors de la «Charrette »: j'ai relevé une occurrence au fol. 25b dans la phrase si s’entredounent les fourçours cos qu'il se pueent [25c] donner. À cet endroit du texte, Ab suit la Vulgate (il ne s’agit donc pas d’une interpolation), mais, dans l’édition Micha, on lit si s’entredonent sor les hialmes les greignors cops qu'il pueent amener (L, II, 114). Il faudrait donc poursuivre l’enquête et sonder la tradition manuscrite du Lancelot. Dans l'attente de telles recherches, on se gardera d’inférer quoi que ce soit de la présence de fourçour dans la «Charrette» pour dater la rédaction y. À cette liste on ajoutera deux termes propres à Ab: * haiaume (4 occ.): dans le ms, haïaume est d’un emploi constant, elme et ielme ne sont pas rares, heaume est exceptionnel et l’on ne rencontre jamais hiaume. Le DEAF, H2, 319a situe la forme haïaume dans le Hainaut, vers 1350, en se
fondant sur les Poésies de Gilles le Muisis. * raïiel, raiel, reel «filet» 222, 13 et 21. Le FEW 10, 330a indique: hainaut, rouchi, xIV* et xv°. Ce mot se trouve
ETUDE LINGUISTIQUE
285
dans le fabliau de Jouglet (NRCF, éd. Noomen et Van den Boogaard, t. II, 1984, p. 202 manuscrit A : alez vous laver au seel qui pend encoste le reel: le glossaire donne «torchon » et renvoie à Pierre Ruelle «tissu à large mailles ». 2. Autres remarques On relève dans Ab, comme dans Ac, la construction enmi sa veue (fol. 2d dans Ab), ainsi que nonpourquant avec le sens de «surtout» (fol. 15b).
CONCLUSION
La scripta de Ab contient de nombreux traits linguistiques concordant avec le lieu de production du manuscrit. En effet, comme on l’a vu, l’enluminure de ce codex permet de situer sa réalisation dans l’atelier de Pierart dou Tielt à Tournai; or,
la langue de la copie, par les graphies qu’elle présente, paraît bien indiquer une localisation dans le Haïnaut: aux traits communs du picard s’ajoutent des particularités typiques du Nord-Est de cette zone linguistique: la diphtongue conditionnée
ie, l’emploi
exclusif des formes
liu et miliu, la
présence exclusive de la graphie boin, enfin, l’utilisation des mots haiaume et raiïiel. A l’exception de la forme royame, tous les traits du Nord et du Nord-Est relevés dans Ac figurent aussi dans la scripta de Ab. Peut-on en inférer quoi que ce soit concernant leur source commune
caractéristiques déterminante.
©O!? En fait, les traits de Ac sont si peu
qu’ils
ne
peuvent
fournir
d’information
Au contraire, les traits de Ab sont tellement
marqués qu'ils risquent fort de dissimuler toute particularité antérieure. En effet, ce manuscrit qui, produit dans la région de Tournai, comporte de nombreux traits linguistiques du Hainaut, présente une langue en parfaite conformité avec son lieu de production. Sous cet «habillage» très typé, les
286
INTRODUCTION
particularités de la copie utilisée par le scribe ont toutes chances d’être masquées. Les traits du Nord et du Nord-Est communs à la fois à Ac et Ab sont alors bien insuffisants pour que l’on puisse avoir aucune certitude sur la langue de l’archétype, sur les étapes de la transmission qui aboutirent à O! ou sur les témoins échelonnés entre O! et ces deux manuscrits. Malgré les convergences et les divergences de Ac et Ab, la généalogie de leur production reste indiscernable.
H. PRINCIPES D’ÉDITION L'objectif du présent ouvrage est bien sûr d’offrir au lecteur l’épisode de la Charrette du Lancelot comportant la version dérimée du Chevalier de la charrette. Je n’ai pas essayé de restituer la version O en confrontant Ac et Ab aux manuscrits du Chc, une telle entreprise aurait été des
plus hasardeuse, et le résultat n’aurait rien eu de rigoureux. En effet, le seul critère que l’on aurait pu utiliser aurait été la recherche de la plus forte adéquation entre le texte dérimé et le texte versifié. Or, ce critère est fallacieux, car
les vers de Chrétien ne sont que le point de départ du dérimage, et la mise en prose implique de multiples transformations. Pour des raisons matérielles qui ont été exposées plus haut,
cette
édition
présente
le texte
de Ac
pour
les
paragraphes 1 à 220, puis le texte de Ab pour les paragraphes 221 à 233. La segmentation en paragraphes est fondée sur des critères sémantiques, à savoir les unités de lieu, de temps,
d’action et d’acteurs,
mais elle tient
compte également de la présence d’initiales ornées. Celles-ci ont été systématiquement placées en début de paragraphe, où elles sont imprimées en gras; leur corps dans l’édition est proportionnel à leur taille dans le manuscrit : —
lettrine d’une hauteur de deux (seulement dans Ab) ou
trois lignes (Ac): corps 14 —
lettrine d’une hauteur de six (Ab), sept (4b), huit (Ac), neuf (Ac) ou dix (Ac) lignes: corps 18.
288
INTRODUCTION
De façon générale, j’ai appliqué les principes habituels d’édition des textes en prose! : — Les variations dans les graphies des mots ont été scrupuleusement respectées. — La transcription distingue i et j. — J'ai choisi de maintenir les chiffres romains entre des points, tels qu’ils apparaissent dans le manuscrit. Les textes des deux manuscrits de base ont été conservés dès lors qu’ils étaient cohérents. Les corrections, qu’elles concernent l’oubli d’une lettre, un bourdon, un doublon, un
ou plusieurs mots manifestement fautifs car contrevenant au sens, sont signalées par un appel de note. Toutes les leçons rejetées du manuscrit de base (Ac puis Ab) sont reproduites en pied de page. Dans les $ 1-220, le manuscrit Aa a servi de caution pour corriger des erreurs minimes : lettre oubliée ou excédentaire, interversion de lettres ou de syllabes, répétition d’un ou quelques mots, un mot mis pour un autre de forme proche (chevalier pour cheval), jambage excédentaire et, cas exceptionnel, un doublon. Il s’agit de fautes d’étourderie qu’il aurait été aisé de corriger sans avoir recours à Aa, manuscrit
apographe de Ac, mais il convenait de montrer qu’un scribe médiéval avait déjà effectué les corrections qui s’imposaient. Pour les $ 1-28, avant que ne débute le dérimage proprement dit, les corrections de Ac ont été faites à partir des manuscrits du Lancelot comportant les versions ou les textes les plus proches de la version présentée par Ac: d’abord le ms
! Voir M. ROQUES, «Règles pratiques pour l’édition des anciens textes français et provençaux », Romania, t. 52, 1926, p. 243-49. L'ouvrage de À. FouLET & M. SPEER, On Editing Old French Texts, The Regents Press of
Kansas, Lawrence, 1979, et ceux de P. BOURGAIN, O. GUYOTIEANNIN & F. VIELLIARD (dir.), Conseils pour l'édition des textes médiévaux. Fasc. 1-
III, Ecole Nationale de Chartes, Paris, 2001-2002, précisent les principes posés par M. ROQUES.
PRINCIPES D’ÉDITION
289
GRENOBLE 378, tel que l’a édité A. Micha (Z, III, 331-34),
puis la version B-BB proprement dite, telle qu’éditée par A. Micha à partir du ms PARIS, BNF fr. 110 (f) et avec les variantes correspondant à Bf (L, IIL, 256-70). J’ai également utilisé le PARIS, BNF fr. 344 que j'ai partiellement collationné après avoir constaté sa proximité avec y pour les passages non dérimés!. A partir du $ 29 débute le dérimage. Depuis ce paragraphe jusqu’au $ 231, les vers de Chrétien de Troyes ont été mis à contribution pour corriger les leçons défectueuses de Ac puis de Ab; ils sont cités dans l’éd. Foulet-Uitti?. Ponctuellement, pour les passages adaptés de la Vulgate, a également été utilisée l’édition de Micha. A partir du $ 70, Ab a été un précieux auxiliaire pour corriger Ac jusqu’au $ 220, malgré les différences linguistiques nettes que présentent les scriptae des deux manuscrits, et qui sont dues à des aspects régionaux ainsi qu’à un décalage temporel. Cet écart linguistique a évidemment posé quelques problèmes, puisqu'il a fallu corriger un texte copié vers 1400 à l’aide d’un texte copié en 1345, écrit dans une langue plus proche de l’ancien français et présentant des traits picards particulièrement nets. Philippe Ménard a parfaitement résumé les difficultés que rencontre en un tel cas l’éditeur: Si l’on transpose les corrections dans la langue du ms de base, on fait de la chirurgie esthétique. Si l’on adopte dans les corrections la langue du ms étranger, on bouleverse gravement le système graphique du texte. Si l’on use de caractères spéciaux pour
1 Sur les rapports de y et du fr. 344, voir supra, p. 78-83. 2 J'ai accordé la préférence à cette édition du Chevalier de la charrette parce que, outre ses qualités intrinsèques de sérieux et de fiabilité, la numérotation de ses vers coïncide avec celle de l’édition FOERSTER, toujours précieuse à consulter, et aussi parce qu’elle a fourni la transcription de base pour le «Projet Charrette», initié par Uitti lui-même, et qui donne accès «en ligne » à tous les mss du Chc.
INTRODUCTION
290
imprimer les passages corrigés (italiques ou crochets), on risque de décourager les lecteurs.
C’est la posture du chirurgien que j’ai adoptée, parce qu’elle m’a paru de loin la plus pertinente. Aïnsi au fol. 75b ($& 106), on lit cette phrase fautive: Or me partiray de quoy. Ab donne la bonne leçon: de toi. Va-t-on corriger le quoy en toi? Ce serait introduire une anomalie orthographique, puisque nulle part dans Ac on ne trouve la graphie foi. Cette constatation rend légitime, me semble-t-il, le choix de la forme toy, omniprésente dans le reste du manuscrit. Procéder autrement, ici et ailleurs, aurait conduit à substituer à une
discordance sémantique et / ou syntaxique une incohérence graphique et / ou morphologique. Une correction respectueuse des graphies du manuscrit de base évite d’introduire dans le texte édité des formes aberrantes?; par ailleurs, le lecteur peut avoir accès à la leçon originale (toi) qui a servi à la correction puisqu'elle figure en note à la suite de la leçon rejetée. Lorsque le texte de Ac est corrigé à partir d’un vers de Chrétien, j’ai également écarté tout mot qui ne figurerait nulle part ailleurs dans Ac. Ainsi, au $ 29, on lit aux .11. dans Ac et
Aa, une leçon fautive qui a été corrigée grâce au mot andeus du v. 472. Mais la forme andeus n’apparaît jamais dans Ac, où l’on trouve seulement ambedeux (4 occ.). J’ai donc utilisé ce
mot dans ma la version O précisé plus sement cette
correction, alors même qu’il est fort possible que ait comporté le mot andeus. Mais, comme je l’ai haut, plutôt que de prétendre restituer hasardeuversion O, j’ai voulu présenter une actualisation
effective de la version dérimée, celle que fournit le manuscrit Ac, nonobstant les erreurs manifestes dues au scribe ou au
modèle qu’il avait sous les yeux.
! Ph.
MÉNARD,
«Histoire
des
Langues
romanes
et philologie
textuelle », art. cit., p. 69.
? La notation entre italiques que préconisent Foulet & Speer produit, me semble-t-il, un soulignement excessif de la correction.
PRINCIPES D’ÉDITION
291
Dans les $ 221-233, Ab offre un texte dérimé unique.
Seuls les vers du Chc pouvaient être mis à contribution pour rectifier les leçons défectueuses. L’apparat mentionne tous les endroits où Ac puis Ab ont été corrigés, ainsi que les repentirs de ces manuscrits (mots et lettres barrés, suscrits ou ajoutés en interligne). Lorsqu’une émendation a été effectuée à partir d’un manuscrit ou d’une édition, le système adopté est en règle générale le suivant: — toutes les leçons rejetées sont dûment répertoriées dans l’apparat critique; — si un seul mot est concerné, un appel de note est placé dans le texte après le mot restitué ;le mot fautif est direc-
—
tement noté en pied de page; si plusieurs mots sont concernés, l’appel de note est placé après le premier mot qui suit le texte restitué, et la note elle-même s’ouvre sur le mot qui précède le passage fautif, suivi d’une parenthèse droite, par ex : « verité]». La
leçon défectueuse est donc délimitée dans la note par la parenthèse en amont et en aval par le terme qui portait l’appel de note; — si l’erreur consiste en un ou plusieurs mots omis, l’appel de note est placé après le dernier mot restitué et le contenu de l’omission est directement noté en pied de page, suivi de omis et du sigle du manuscrit concerné. La leçon rejetée ou omise est toujours suivie du sigle du ou des manuscrits qui la comporte(nt) (Ac est toujours accompagné de Aa pour les $ 1-220, hormis, bien sûr, dans les quelques cas où Aa permet de corriger Ac), puis viennent les mots corr. d'après ; à la suite de ces mots apparaît l’indication du document utilisé. Outre Aa et Ab figurent les mentions suivantes: —
ms GRENOBLE 378, éd. Micha, L, III: il s’agit de la partie
—
du ms de GRENOBLE éditée par A. Micha dans le vol. IIT du Lancelot. fr. 344: le manuscrit PARIS, BNF fr. 344 que j’ai collationné.
INTRODUCTION
292 —
L, II ou L, III, suivi d’une indication de page: vol. IT ou
vol. III du Lancelot édité par A. Micha. — le v. ou les v.: suit le numéro de ce ou ces vers dans l’édition Foulet-Uïitti du Chevalier de la charrette. Les vers eux-mêmes sont cités dans cette édition. Lorsque des mots provenant d’éditions existantes sont cités (Foulet-Uïitti et Micha), la ponctuation de l’édition est respectée ; en revanche, les leçons rejetées de Ac, les variantes de Aa ou Ab et les leçons du fr. 344 sont copiées sans ponctuation ni majuscules, mais avec les principes suivants: abréviations résolues, ajout d’accents et d’apostrophes, utilisation de lettres ramistes. Lorsqu'une émendation va de soi, elle n’est pas commentée (cas d’un mot oublié, d’une grossière erreur telle que lancelot pour lance, etc.); mais parfois il m’a semblé opportun de justifier mon intervention : «Pour l’éditeur d’un texte le fait de pouvoir expliquer la faute du copiste est une confirmation de la justesse de son interprétation »!. Afin de ne pas alourdir le pied de page, ces remarques ont été placées dans les Notes en fin de volume; mais elles sont annoncées par l’indication: Voir note. Dans quelques cas, les trois manuscrits Ac, Aa et Ab _ s’avèrent fautifs. J’ai alors effectué des corrections minimales en restant aussi près que possible du texte rejeté et en essayant de comprendre l’origine de l’erreur; en outre, je me suis attachée à justifier les corrections effectuées. Dans la citation des variantes, la présentation est semblable à celle des leçons rejetée. Pour un meilleur respect des textes, j'ai choisi de transcrire le mot d’appel en toutes lettres dans la note. En faisant ainsi apparaître les variantes graphiques entre les manuscrits, je m’écarte de l’usage courant, mais j’ai vérifié que cela ne produisait pas de difficultés de lecture. Et ce procédé a l’avantage de fournir un accès plus rigoureux et ! Ph. MÉNARD, «Histoire textuelle », art. cit., p. 65.
des
Langues
romanes
et philologie
PRINCIPES D’ÉDITION
293
cohérent au texte de Ab. Donc, si l’on a commenceray mie dans
Ac et coumencherai ore mie dans Ab, la variante propre à Ab est signalée par un appel de note placé après mie dans le corps du texte (Ac), et on lit dans la note correspondante:
«coumen-
cheraï] ore mie Ab ». De la même manière, lorsqu’une leçon est corrigée, le mot d’appel qui est suivi de la parenthèse droite, au début de la citation du texte utilisé pour la correction, est graphié tel qu’il est dans le manuscrit. Ainsi, une leçon rejetée de Ac débutant par j’ay dans Ac est corrigée grâce à une leçon de Ab citée à partir de j'ai. J’ai souhaité faire apparaître de la façon la plus complète possible le jeu de variantes qui se manifeste entre les trois manuscrits. J’ai donc indiqué les leçons de Aa qui sont pertinentes d’un point de vue sémantique, alors même qu’elles ne fournissent pas un texte plus «authentique » que celui de Ac. Et, surtout, j’ai relevé toutes les variantes de Ab qui ne sont pas fautives. En effet, il me paraissait important que le lecteur découvre non seulement le texte d’une version dérimée copiée vers 1400 (Ac), mais qu’il ait aussi accès à une connaissance effective de la copie fournie par Ab, manuscrit de 1345. Les différences que présente Ab ne sont pas telles qu’elles justifient une édition synoptique, à l’exception toutefois des $ 70-77, notablement distincts, qui ont été trans-
crits intégralement et placés dans l’Annexe I. Pour les $ 78220, j'ai fourni toutes les variantes de Ab, à l’exclusion des
leçons fautives (tel pont sans eve, graphie majoritaire pour pont sous eve !) et des variantes strictement morphologiques (ainsi les formes chest, chestui dans Ab pour ce dans Ac ne
sont pas signalées). En outre, pour ne pas alourdir l’apparat critique, je n’ai pas pris en compte quelques décalages systématiques qu’il me suffit d'indiquer ici une fois pour toutes. Il s’agit de variantes lexicales: joiant, dans Ab, correspond toujours à joyeux dans Ac; de même, s’esmierveillier à soi
merveiller, duskes à jusques, fors et defors à hors et dehors; mais aussi de variantes morphologiques dues, en particulier, à un plus grand nombre de substantifs à alternance dans Ab: par
INTRODUCTION
294
exemple, pour messires dans Ab, il arrive souvent que l’on ait monseigneur dans Ac, pour vavasseres dans Ab, on a vavassour dans Ac. Je n’ai pas non plus signalé une différence non systématique mais fréquente : la préposition a dans Ab correspond à en dans Ac. Enfin, Ab place moins de et en début de phrase que Ac: je n’ai pas indiqué leur absence. Pour rendre perceptibles les effets de proximité / distance entre Ac ou Ab et les vers du Chc, j'ai noté, à la suite de l’indication d’une leçon rejetée ou d’une variante, le(s) vers du Chc correspondant, ce qui permet de mesurer ponctuellement le travail de récriture. On le voit, cette édition n’a pas pour seul but de présenter la version dérimée du Chevalier de la charrette, elle vise aussi à donner des outils pour mesurer l’ampleur et la variété de la récriture. C’est pourquoi elle comporte des notes critiques assez développées en fin de volume. A. ETABLISSEMENT DU TEXTE FOURNI PAR AC (PARAGRAPHES 1 À 220)
Le texte de Ac a été conservé du moment qu’il était cohérent. Afin de rectifier une leçon déficiente de Ac, j'ai toujours adopté l’ordre suivant dans la consultation des témoins: d’abord Aa, puis Ab et enfin les vers de Chrétien de Troyes. a. Ecriture du copiste
L'écriture du scribe, aisément lisible, ne pose pas de difficultés particulières. Le n et le u se distinguent généralement, mais pas toujours, par la ligature. La lettre v est visible à l’initiale des mots ;à l’intérieur des mots, on trouve w (seules exceptions vvid- (3 occ.) / vuid- (1 occ.) et aünés graphié avnes au fol. 81a). À l’initiale de ung et une, on a toujours la graphie v. Il est parfois délicat de trancher entre c et f, en particulier à la finale de donc / dont. En revanche, les ligatures -sf- et -ss-, -Ct-, -cc- et -ft- sont généralement claires.
PRINCIPES D’ÉDITION
295
b. Abréviations
Les abréviations, assez fréquentes, apparaissent presque exclusivement en fin de ligne!. Le scribe peut suscrire une lettre ou utiliser des abréviations conventionnelles, maïs il est notable qu’il se sert presque toujours d’un seul et même signe, très simple, pour abréger les mots évidemment divers qui se présentent sous sa plume: il s’agit d’un accent concave, en forme de parenthèse ouverte vers le bas, de taille variable?.
Dans la mesure où peu de lettres sont chaque fois concernées, la résolution de l’abréviation ne pose pas de problèmes ; dans le cas où deux graphies étaient possibles, j’ai choisi la forme la plus fréquemment représentée. Dans la liste ci-dessous, je parlerai simplement de «barre» pour désigner ce signe polyvalent et d’amplitude modulable. Voici les catégories d’abréviations que l’on rencontre; elles sont très conformes à ce que l’on trouve dans les manuscrits littéraires romans du xIv® siècle. Les listes, non exhaus-
tives, permettent de voir la souplesse des procédés utilisés par le copiste. Signes abréviatifs —
Barre horizontale suscrite valant nasalisation a avec accent = an, prép. (56b), estragler = estrangler (87a) e avec accent = en dans feroit = tenroit (55a).… o avec accent = on dans honiz = honniz (56b)...; = om dans ome = omme (63a)
—
Signe 9 suscrit vo? = vous (passim), no° = nous (passim), pP = plus (passim).…
1 Je remercie F. Vielliard pour les conseils qu’elle m’a généreusement prodigués concernant la présentation de cette section. Les maladresses qui pourraient subsister me sont entièrement imputables. 2 Voir, sur la reproduction de la p. 77 du ms (énfra, p. 534), six lignes au-dessus de l’enluminure, le groupe de lettres gl (= qu’il) avec l’accent placé sur g.
INTRODUCTION
296
—
Signe 9 sur la ligne cette abréviation est très peu employée par le scribe de Ac: 9= con dans gvoie = convoie (68a), oneus = conneus (93a), ognoissent = congnoissent (99a) ; 9 = com dans comme (91a)
—
Signe «u» suscrit avec po = pour (56b, 59b)
—
p barré horizontalement se lit par dans partie (55a), parolles (90b); et per dans perdue (55a), esperons (61b), pere (66b)
—
p+ signe abréviatif sur la haste descendante valant «ro » apparaît de façon isolée devant udomme (70a); l’abréviation a été résolue en pro, avec quelque hésitation; en effet, partout ailleurs on trouve en clair preudomme, mais
on constate une alternance des graphies eu / ou dans plusieurs mots (voir Phonétique et graphie, supra) —
sbarré cette abréviation (que je note ici S) se lit ser dans Svage = servage (56a); pourpenser (73a).. Le s barré vaut aussi pour seigneur dans monS = monseigneur (passim) et nostre seigneur (passim). On trouve aussi ce s barré dans
plusSs (6 occ.), résolu en pluseurs car cette forme apparaît en clair dans 7 occ. / 1 occ. plusieurs. Ce s barré figure aussi dans fais (56b) = faisoit et choS = choses (59b, 69b)
—
Signe 7 note la conjonction ef (passim)
Abréviation par contraction au moyen d’une barre horizontale suscrite Le relevé est ici considérable, et l’on se contentera d’énu-
mérer quelques occurrences significatives de la flexibilité du procédé. barre sur mlt (63a) et molt (61b) pour moult (c’est ainsi que le mot apparaît toujours en clair à l’exception de mout, 69b, mais en général on trouve simplement mit)
PRINCIPES D’ÉDITION
297
barre sur g = que (63a), = quil dans gl (63a) barre sur arm = armes (94b) barre sur atre = a terre (91a); sur arrie = arriere (57b). barre sur chun = chascun (62b) barre sur chevalr (63a) ou sur chir (63b) = chevalier chlx avec barre sur le x = chevaulx (58a); chlz avec barre sur le z = chevaulz (81b) barre sur ogz, ongz et oncgqz. En toutes lettres, avec la
consonne finale z, on trouve six occ. de oncquez et jamais onquez, ce qui autorisait à développer les formes abrégées en oncquez. Par ailleurs, on relève en clair les formes oncques
(114 occ.) et onques (10 occ. dont 1 corrigée et 6 coupées en fin de ligne: on / ques)
Abréviations par lettres suscrites a suscrit sur gnt se développe en ra pour grant (56b); sur t = quant (69b).
i suscrit sur g = qui (58a) o suscrit sur guy ou gy = quoy (67a, 78a); sur tp = trop (74a) et cix = croix (86a) u suscrit sur amors = amours (82b), hontes avec u suscrit sur le s = honteus (59a).. c.
Ponctuation
Il n’a pas été possible de respecter parfaitement la ponctuation du manuscrit. En effet, le signe omniprésent «/» marque en général une pause entre des propositions ou des phrases, mais pas toujours; il est parfois suivi d’une majuscule (en début de phrase), mais une majuscule peut ne pas être précédée d’un point. Très rarement, on rencontre un punctus elevatus suivi d’une majuscule. J’ai essayé de rendre compte de la présence des traits obliques en utilisant la virgule, le point-virgule et les deux points, et j’ai également veillé à reproduire les majuscules. Cependant, cette fidélité n’a pu être systématique, car elle aurait produit une
INTRODUCTION
298
ponctuation tantôt excessive, avec un rythme très haché, tantôt
déficiente.
Comme
l’écrit
G.
Roussineau,
la
ponctuation des manuscrits du xIV* et du xv® siècle «est aussi bien rythmique et intonative que syntaxique »!. En outre, elle peut s’avérer réellement fautive. A titre d’exemple, voici un extrait en transcription diplomatique (fol. 61a) suivi de l’édition ($ 36): —
texte du ms: mais sachies que mar laves fait / et mar my ostates du penser ou jestoie / se je au frain vous puis tenir a une de mes mains et quen avenroit / Ore fait cil se vous me tenies si maist dieux tenir me pourres
—
édition: mais sachiés que mar l’avés fait et mar m’y ostates du penser ou j'estoie, se je au frain vous puis tenir a une de mes mains !— Et qu’en avenroit ore, fait cil, se vous me teniés? Si m’aïst Dieux,
tenir me pourrés
Un tel cumul de maladresses est toutefois rare dans Ac. L'établissement de la ponctuation a donc impliqué des choix. En tenant compte de la présence des «/» et des majuscules, je me suis efforcée de rendre perceptible et lisible la structure grammaticale des phrases tout en préservant leur équilibre rythmique. Le texte comportant fréquemment des remarques annexées au propos principal (un peu comme en aparté), j'ai souvent eu recours au point-virgule. On notera enfin que le scribe ne met pas de majuscule aux noms propres: lancelot, gauvain, baudemagu, dieu, iroys, caamelot, assencion.… (les majuscules sont rétablies dans l'édition) ;en revanche, il écrit souvent (en cours de phrase)
roy et royne avec un R majuscule (cette particularité n’a pas été conservée).
! «Réflexions sur les éditions de textes en moyen français», art. cit. p. 18.
PRINCIPES D’ÉDITION
299
d. Remarques sur l’édition
—
—
—
Les futurs de avoir et savoir ont été transcrits avec un -v-. Comme seuls indices d’une prononciation consonantique plutôt que vocalique, on relève une forme averay ($ 60 / avray 12 occ.)!. Pour les formes du verbe povoir, a été adoptée la transcription pov-. Comme la graphie -z figure après e central atone aussi bien qu’après e tonique (voir Phonétique), un accent aigu distingue les finales toniques. Cet accent a été employé de manière systématique, exactement comme si l’on avait une finale en -és, dans les polysyllabes adéz, deléz, jaméz, avréz, seréz, etc., et aussi dans les monosyllabes chiéz et
liéz, comme dans priés («près »), pour éviter une lecture monosyllabique. En revanche, lez ou les («à côté de»),
—
pres ou prez («près ») n’ont pas été accentués. Le tréma est utilisé sur des formes qui pouvaient prêter à confusion telles que aïst, aït Æ ait, aÿr, aïr # air, aïünés # auner, cheïrent, oÿ, oï# oi, païs, paÿs # pais, veïr, et, par
— —
commodité de lecture, sur les formes suivantes, qui ont conservé l’ancienne prétonique jusqu’à aujourd’hui, soit pleinement, avec diérèse, ce qui est le cas pour esbaÿ, haïhaÿ, naÿs, traïson; soit en la réduisant à une semiconsonne, comme dans oil, oïr et esjoir. J'ai procédé à la déglutination de a fout, a toute. La graphie du manuscrit a été respectée pour paraccomplie 216, 22.
1 P Fouché note que l’on trouve des traces de avra jusqu’au xvr siècle (Morphologie Historique du Français. Le Verbe, op. cit., p. 396).
INTRODUCTION
300
B. ETABLISSEMENT DU TEXTE FOURNI PAR Ab
(PARAGRAPHES 221 À 233 ET ANNEXES 1-IV)
a. Ecriture du copiste
L'écriture du scribe est très lisible. Le c et le { sont bien distincts. Cependant, le n et le u sont difficiles à différencier et le v et le w ont toujours la même graphie (w). Le copiste place toujours un accent sur le i. b. Abréviations
Les abréviations sont rares et non systématiques. C’est le plus souvent en fin de ligne que le scribe a recours à une abréviation, lorsqu'il peut utiliser un signe conventionnel. Dans les premiers folios, on trouve Lanc., que j’ai résolu en Lanselot avec un s conformémentà la graphie majoritairement employée dans le ms. Par ailleurs, on relève au fol. 1c Lanselos
en fonction sujet. Dans les $ 70*-77* (Annexe I), qui comportent le texte figurant au début du manuscrit, j’ai donc développé * Lanc. en Lanselos ou Lanselot selon la fonction du mot. Mais par la suite, on ne trouve plus dans la copie que la forme Lanselot quelle que soit sa fonction; aussi, dans les Annexes suivantes, j'ai toujours résolu l’abréviation en Lanselot.
Signes abréviatifs —
Barre horizontale suscrite valant nasalisation
D'un emploi fréquent, elle a été résolue par n devant dentale et m devant labiale.
—
Signe 9 suscrit 9 = us à la finale de 0° = tous (224), vo’ = vous (22d, 23a), nu° = nus (23b)
—
Signe ? cheval” = chevalier (22b), s'voient = siervoient (22c); acol’ = acoler (22d) st’ = sont (224)
PRINCIPES D’ÉDITION
—
301
Signe 7 note la conjonction et (passim)
Abréviation par contraction au moyen d’une barre horizontale suscrite barre barre barre barre
sur sur sur sur
vre = vostre (passim) g = que (22b, 23a)
chr = chevalier meleag = meleagant (23a)
Abréviations par lettres suscrites a suscrit sur gnt = quant (22a) ; sur le t de gnt = grant (22b, etc’)
i Sur g = qui dans quidier (23a) c.
Ponctuation
Le scribe ponctue beaucoup ses phrases. Il emploie le point simple pour marquer non seulement la fin d’une phrase, mais très souvent aussi pour indiquer le début d’une proposition, signaler les prises de parole et les changements de locuteur dans un dialogue ; toutefois, cela n’a pas un caractère systématique. Il arrive quelquefois qu’il utilise deux points, l’un au dessus de l’autre, avec sans doute une valeur exclamative, puisqu'on les trouve notamment et régulièrement après ha. En général, les points sont suivis de majuscules,
mais on peut à l’occasion avoir une majuscule sans point ou un point non suivi d’une majuscule. Le scribe ne met pas de majuscule aux noms propres. J'ai tenu compte, autant que faire se pouvait, de la ponctuation du manuscrit, mais je n’ai pu entièrement la respecter car le texte produit aurait été très haché. Comme pour Ac, j'ai fait usage du point-virgule et des deux points pour marquer les pauses intermédiaires.
302
INTRODUCTION
d. Remarques sur l’édition —
Les futurs de avoir et savoir ont été transcrits avec un -v-. Comme seul indice d’une prononciation consonantique plutôt que vocalique, on relève une forme avera (232, 12 l'avra 3 occ.).
—
Pour l’usage du tréma, les principes sont les mêmes que pour Ac. On trouvera donc aïr, aïst, aït, oï(f), oïst, oir,
—
païs, seïr, veïr, ainsi que haïr, peçoïe, traït, traïson, oïl et auïl. Conformément à l’usage, j’ai transcrit avec ç les mots ançois, ça, çaiens, çainte, coureçast, courouça et maneça.
I. BIBLIOGRAPHIE I. EDITIONS ET TRADUCTIONS DU CHEVALIER DE LA CHARRETTE
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99,
INTRODUCTION
304
Le Chevalier de la charrette, édition bilingue, publication, présentation et notes par Catherine CROIZY-NAQUET,
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contient
Le Roman de la charrette, d’après Gauthier Map et Chrestien de Troies, éd. par Willem J. A. JONCKBLOET, Belinfante,
La Haye,
1850.
[Reprise,
limitée
à l’épisode
de la
Charrette, de l’édition de 1849, p. 1-56, suivie de l’édition
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médiéval,
PUF
PUF
__— Sail net eenit st 1 4 | dabaréihraste-bhieb Giiras Ab rés sas de imeistique RCE ons ASS Pr mr 7 Tnatrit:
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J. RÉSUMÉ DE L'ŒUVRE Les paragraphes ont été regroupés de façon à faire apparaître les principaux événements du récit. J’ai également essayé d’isoler les ajouts les plus marquants insérés dans la trame
du Chevalier
de la charrette:
l'indication
[ajout]
permet de les repérer. Le dérimage commence dans le $ 28. A la fin de chaque rubrique, sont précisées les correspondances avec les vers du Chevalier de la charrette (édition
Foulet-Uitti)
et avec
les paragraphes
du Lancelot
dans
l’édition Micha (en chiffres romains, suivis de l’indication du
volume et des pages). Je n’ai pas rappelé ici les rédactions
particulières (BB, B-BB ou a-B) mises à contribution (voir supra);
Micha
a veillé
à ce que
la numérotation
des
paragraphes dans f-B$ (vol. IIT) corresponde autant que faire se pouvait à celle de a (vol. II du Lancelof); dans quelques cas, il ajoute un paragraphe bis. Jusqu'au $ 28, les correspondances sont données entre y et les $ du Lancelot; à partir du $ 28, elles se font entre y et les vers du Chc, tandis que les $ de l’éd. Micha, placés entre
crochets, n’apparaissent qu’à titre indicatif. On n’a plus en effet de réelle correspondance entre y et le Lancelot, hormis dans quelques $ ajoutés (par exemple les $ 189-99) où les références à l’éd. Micha figurent de nouveau sans crochets.
$ 1-6 Disparition de Lancelot Lancelot, après avoir sombré dans la folie, a disparu. La dame du Lac le retrouve et le guérit. Elle lui demande d’être près de Camaalot le jour de l’Ascension, et il s’y rend. XXXVI 1-2, vol. II, p. 331-33
INTRODUCTION
326
$ 7-17 Le défi de Méléagant La cour d’Atthur est dans l’affliction: Lyonnel n’a pas retrouvé Lancelot, la dame
de Malehaut
est morte.
Arrive
Méléagant qui offre au roi la possibilité de délivrer les prisonniers retenus au royaume de Gorre. Il veut affronter un chevalier en combat singulier: si ce dernier est vainqueur, les prisonniers seront libérés ; dans le cas contraire, Méléagant repartira avec la reine. Keu obtient de relever le défi; Dodinel est indigné. XXXVI 3-14, vol. III, p. 331-33 et p. 256-62
$
18-22 L’enlèvement de la reine
Keu est vaincu par Méléagant. Lancelot, présent sur les lieux, essaie vainement de déconfire les ravisseurs de la reine. XXXVI 15-23, vol. II, p. 262-67
$ 23-31 Le nain et la charrette Pour avoir des nouvelles de la reine, Lancelot monte dans
la charrette d’un nain. Gauvain les rejoint et ils arrivent ensemble dans un château où Lancelot est hué. Plus loin [début du dérimage], une demoiselle les héberge et, pendant la nuit, Lancelot subit l’épreuve de la lance enflammée. Le
lendemain, la charrette a disparu et Lancelot aperçoit un cortège dont fait partie la reine. XXX VI 24-26, vol. III, p. 267-70 ; v. 430-594 [XXXVI 27-37, vol. IT, p. 270-76]
$ 32-34 Les deux ponts Gauvain et Lancelot croisent une demoiselle qui leur décrit les deux ponts permettant de gagner le royaume de Gorre. Gauvain part vers le Pont sous l’Eau et Lancelot vers le Pont de l’Epée. v. 595-713 [XXXVI 38-40, vol. IIL, p. 276-78]
$ 35-39 Le chevalier du gué Lancelot affronte peu après un chevalier qui lui interdit l’accès à un gué. Il est victorieux, mais, à la demande d’une demoiselle, accorde sa merci au vaincu. v. 715-940
RÉSUMÉ DE L'ŒUVRE
327
$ 40-48 La demoiselle entreprenante Plus loin, une demoiselle lui propose l’hospitalité. Il la suit dans son logis et assiste à un simulacre de viol qui l’amène à prendre la défense de la demoiselle. Mais il résiste à ses avances. v. 941-1297 [XXXVII 1-12, vol. III, p. 278-84]
$ 49-54 Le peigne oublié Le lendemain, Lancelot accepte d’être accompagné par la demoiselle. Ils découvrent un peigne posé près d’une source. En apprenant que cet objet appartient à la reine, le chevalier est bouleversé. v. 1298-1511 [XXXVII 13-20, vol. INT, p. 284-87]
$ Un
55-62 Le pré aux jeux
chevalier
veut
s’emparer
de la demoiselle,
mais
Lancelot prend sa défense : un combat est prévu au sortir de la forêt. Les trois cavaliers arrivent dans un pré où se divertissent des jeunes gens. Le père du prétendant interdit à son fils d’affronter Lancelot; il lui propose de suivre le chevalier pour voir de quoi il est capable. v. 1512-1840 [XXX VII 21-26, vol. IT, p. 287-89]
$
63-65 Le cimetière merveilleux
Lancelot et sa compagne arrivent près d’un cimetière où se trouvent les futures tombes des chevaliers arthuriens. Lancelot réussit à soulever la dalle de son propre tombeau, ce qui prouve qu’il délivrera les prisonniers de Gorre. v. 1841-1948 [XXX VII 27-33, vol. IT, p. 289-92]
$ 66-67 La tombe de Salan [ajout] Lancelot s’approche d’une tombe en feu. L’occupant, Salan, lui fait des révélations sur celui qui
achèvera la quête du Graal et lui explique les raisons du supplice qu’il endure. v. 1949-51 [XXXVII 34-43, vol. IT, p. 292-95]
328
INTRODUCTION $
68-75 Le vavasseur hospitalier
Le prétendant et son père, fixés sur les capacités du chevalier inconnu, font demi-tour. La demoiselle s’en va également de son côté. Lancelot, de nouveau seul, est hébergé par un vavasseur qui lui explique comment atteindre le Pont de l’Epée. v. 1952-2198 [XXXVII 43bis; XXX VIII 3-9, vol. INT, p. 295;
p. 297-99]
$ 76-83 Le seigneur hostile Le lendemain, Lancelot repart, accompagné par deux des fils du vavasseur. Ils franchissent le Passage des Pierres et croisent un seigneur qui leur propose l’hospitalité. En chemin, Lancelot tue deux chevaliers apparentés au roi Baudemagu [ajouf], ce qui désole leur guide. Les quatre cavaliers rencontrent un écuyer qui leur annonce la rébellion des gens de Logres. Le seigneur entraîne ses trois compagnons dans une forteresse où il compte les faire enfermer. Ils se retrouvent prisonniers entre deux portes coulissantes. v. 2199-2343 [XXX VIII 10-18, vol. III, p. 299-302]
$
84-85 Révélations sur Perceval et Galaad
[ajout] Dans ce péril, Lancelot invoque la dame du Lac qui l’a recueilli enfant, après que son père ait trouvé la mort à cause de Claudas. Le narrateur révèle que Lancelot se vengera de l’usurpateur, et que son fils Galaad règnera sur les terres de Claudas tandis que Perceval achèvera les aventures du Graal. v. 2348-57
$ 86-90 La rébellion des gens de Logres Lancelot et ses deux compagnons réussissent à s’échapper, puis prennent part au combat entre les gens de Logres et ceux de Gorre. Les rebelles reconnaissants se disputent pour l’héberger. Après une nuit chez un vavasseur, Lancelot et ses
deux compagnons repartent sans autre escorte. v. 2363-2518 [XXXVII 19-30, vol. III, p. 302-5]
RÉSUMÉ DE L'ŒUVRE
329
$ 91-106 Le chevalier arrogant Le soir, ils sont hébergés chez un seigneur et sa femme. Pendant le dîner, un chevalier insulte Lancelot et exige le
combat. Lancelot est vainqueur. A la demande d’une demoiselle, et après beaucoup d’atermoiements, il finit par trancher la tête du vaincu. v. 2519-2955 [XXXVII 31-41, vol. II, p. 305-11]
$
107 Biographie d’un seigneur
[ajout] Le vavasseur raconte à son hôte comment il est
devenu prisonnier du royaume de Gorre et y a fondé une famille. v. 2956-94
$ 108-113 Le franchissement du Pont de l’Epée Le lendemain, Lancelot et ses deux compagnons parviennent au Pont de l’Epée. Sur l’autre rive, ils aperçoivent deux lions et un léopard. Lancelot réussit à franchir le pont en se blessant aux mains et aux pieds. Il affronte les lions mais comprend qu’ils ne sont rien d’autre qu’un enchantement. Depuis une tour, la reine reconnaît Lancelot et demande au roi Baudemagu de bien le traiter [ajouf]. v. 2995-3137 [XXX VIII 45-50, vol. IT, p. 313-16]
$ 114-124 Baudemagu, un roi conciliant Le roi de Gorre tente vainement de dissuader son fils d’affronter Lancelot. Puis il accueille Lancelot, l’assure de son amitié et lui conseille de différer le combat mais le
chevalier refuse. Les deux compagnons de Lancelot repartent chez leurs parents [ajouf]. Le roi essaie encore de détourner son fils du combat. v. 3144-3443
[XXXVIIT
50-XXXIX
7, vol. IL, p. 316-22]
$ 125-126 Biographie de Lancelot [ajout] Le roi rappelle devant son fils toutes les prouesses accomplies par son rival. Méléagant est furieux et reste sur ses positions. v. 3444-89
INTRODUCTION
330
8
127-140 Le premier combat entre Lancelot et Méléagant Un médecin soigne les plaies de Lancelot. Le lendemain, Baudemagu, ce roi de belle prestance [ajouf] essaie encore de raisonner son fils, mais c’est en pure perte. Finalement, l'affrontement a lieu sous les yeux d’une foule considérable. Lancelot, affaibli par le sang qu’il a perdu sur le Pont, est en difficulté; Méléagant, chevalier aguerri [ajouf] a le dessus mais les paroles d’une demoiselle permettent à son adversaire de se ressaisir. Baudemagu s’adresse à Guenièvre pour que Lancelot épargne son fils. Le combat est interrompu au grand dam de Méléagant. Un accord est pris pour une nouvelle rencontre, dans un an, à la cour d’Arthur. v. 3491-3941 p. 64-67]
[XXXIX 8-19, vol. IIT, p. 322-23 et vol. II,
$ 141-144 Le mépris de la reine Guenièvre refuse de s’entretenir avec Lancelot. Celui-ci va voir Keu puis décide de partir à la recherche de Gauvain. Les anciens prisonniers se réjouissent d’être désormais libres. v. 3942-4124 [XXXIX 20-24, vol. IT, p. 67-70]
$
145-153 Les fausses rumeurs
Lancelot, en route vers le Pont sous l’Eau pour rejoindre Gauvain, est fait prisonnier par des habitants de Gorre. Le bruit parvient à la cour qu’il est mort. La reine s’abandonne au désespoir et pleure la perte du meilleur des chevaliers ; elle n’a plus envie de vivre. La nouvelle de sa mort atteint Lancelot, qui tente alors de se suicider. Il apprend peu après que la rumeur était fausse. v. 4125-4424 [XXXIX 25-30, vol. II, p. 70-73]
$
154-164 Le rendez-vous amoureux
Baudemagu puis la reine accueillent Lancelot. Guenièvre explique au chevalier les raisons de sa froideur [ajout] et lui propose un rendez-vous. La nuit venue, il pénètre dans la
RÉSUMÉ DE L'ŒUVRE
331
chambre de la reine en se blessant les mains et passe la nuit avec elle. La reine lui apprend la mort de Galehaut [ajout]. v. 4425-4754 [XXXIX 31-38, vol. IT, p. 73-76]
$ 165-171 Le sang sur les draps Le lendemain Méléagant découvre du sang sur les draps de la reine. Il accuse aussitôt Keu et prend Baudemagu à témoin de la bassesse de la reine. Lancelot propose de la défendre dans un combat judiciaire. v. 4755-5006 [XXXIX 39-43, vol. II, p. 76-79]
$
172-173 Le deuxième
combat entre Lancelot et
Méléagant L’affrontement est meurtrier et Baudemagu demande à la reine de l’interrompre. Il convainc son fils d’attendre le combat prévu à la cour d’Arthur. v. 5007-5063 [XXXIX 44-45, vol. IT, p. 79-80]
$
174-184 Lancelot prisonnier
Lancelot part de nouveau vers le Pont sous l’Eau, mais un nain le fait tomber dans un piège [ajout]. Ses compagnons parviennent au pont et repêchent Gauvain. Ensemble, ils regagnent la cour et Baudemagu lance des recherches pour retrouver Lancelot. Sans résultats. Mais un message révèle que le chevalier est auprès d’Arthur. v. 5064-5293 [XXXIX 46-XL 4, vol. II, p. 80-84]
$ 185-188 Le désarroi à la cour d'Arthur Les anciens prisonniers de Gorre regagnent le royaume de Logres. À la cour d’Arthur, Gauvain est accueilli comme un
héros
car on
pense
qu’il a délivré
la reine. Lancelot,
évidemment, n’est pas là, et nul ne sait où il se trouve. La joie
laisse place à la désolation. v. 5294-5378 [XL 5-7, vol. II, p. 84-86]
332
INTRODUCTION $
189-198 L'arrivée de Bohort sur la charrette
[ajout] La cour, toujours morose, se rend à Camaalot. A la Pentecôte, arrive un chevalier sur une charrette menée
par un naïn. Hormis Gauvain, tout le monde le repousse. Il défie Arthur et vainc quatre de ses chevaliers. Arrive la dame du Lac, qui révèle que le jeune homme est le cousin de Lancelot et qu’il s’appelle Bohort. Tout le monde grimpe dans la charrette, qui cesse d’être marquée d’infamie. La dame du Lac apprend à Guenièvre que Lancelot est vivant. Il faut que le roi organise un tournoi pour qu’il puisse y venir. XL 8-25, vol. Il, p. 86-95
$
199-214 Le tournoi de Pomiglay
Lancelot,
en
prison
chez
le sénéchal
de Méléagant,
apprend la nouvelle du tournoi. L’épouse de son geôlier lui permet d’y participer. Il s’impose sur le champ de bataille jusqu’à ce que la reine lui demande de combattre le plus mal possible. Il s’exécute. Le lendemain, il combat encore «au pis » jusqu’à ce que la reine lui ordonne l’inverse. Il provoque de nouveau l’admiration de tous. v. 5435-6072 [XLI 1-12, vol. II, p. 95-101]
$ 215-220 La tour-prison Lancelot regagne sa geôle, maïs entre-temps la femme du sénéchal a révélé à son mari l’absence du prisonnier. Le sénéchal rapporte l’histoire à Méléagant qui entreprend alors de faire construire une tour pour y enfermer Lancelot. Puis il se rend à la cour d’Arthur où il exige d’affronter son éternel rival. Bohort se propose à la place de son cousin, mais finalement, le combat est reporté. Méléagant se vante devant son père d’avoir provoqué la fuite de Lancelot. Baudemagu le rabroue durement. v. 6075-6394 [XLI 13-16, vol. II, p. 101-3]
RÉSUMÉ DE L'ŒUVRE $
333
221-224 La délivrance de Lancelot
La sœur de Méléagant, qui n’est autre que la demoiselle pour qui Lancelot avait décapité un chevalier, part à sa recherche. Après une longue quête, elle arrive chez son ancienne nourrice et découvre que Lancelot est enfermé à proximité. Elle organise alors l’évasion du prisonnier [ajouf], puis l’emmène en un endroit sûr où 1l peut se rétablir. v. 6400-6728 [XLII 1-4, vol. IIL p. 323-26]
$& 225-232
Le dernier
combat
entre
Lancelot
et
Méléagant Lancelot rejoint la cour d’Arthur le jour même où Méléagant vient y redemander son combat. Bohort est déjà armé lorsqu’arrive son cousin. La joie est générale, hormis pour Méléagant qui enrage. Le combat commence et Lancelot a le dessus. Avec l’assentiment de la reine, il tranche la tête de son adversaire. La liesse est grande dans la cité de Carahais [ajout]. v. 6729-7114 [XLII 7-12, vol. IL, p. 327-30]
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
1. O: dist ly comptes que ainsi est Lancelot perdus que nulz n’en scet enseingne a dire qui tant l’ait amé car tous et toutes cuident bien que il soit mors. Si est la maison au roy Artus si esbahie que nul ne le vous pourroit compter, ne nul ne se met mais en paine de lui querre car de sa mort cuident estre tous certains et ungs et autres. Mais celle qui en maint grant' besoing lui avoit aidié, ce fu la dame du Lac qui le nourri, celle en fu sur tous et sur toutes courouciee et doulente, si en
ploura maintes lermes des beaulx yeulx de son chief quant? 10 elle ot la verité de son affaire;et elle avoit oÿes nouvelles de lui que il estoit mort, mais en la fin ne le cuida elle pas, ains gecta son sort et trouva qu’il estoit tous forsennés et hors du sens en Cornuaille, et tous nudz et deschaulz, et en tel temps
comme en yver. Et quant la dame du Lac sçot ce, si en fut tant doulante et tant en ot grant pitié en son cuer que a pou que il ne lui creva. Si dist que en nul fuer ne lairoit elle que elle ne le queist. 2. Lors atourna son affaire et entra en mer et puis entra en la Grant Bretaingne. Si chevaucha tant par ses journees qu’elle vint en Cornuaille, si ala enquerant, par toutes les villes la ou elle venoit, d’un homme qui hors du sens yert’,
mais elle n’en povoit ouïr nouvelles. Aïnsi ala enquerant par toutes
les villes de tel homme
enseingnez,
si ne trouva
oncques qui avoyement l’en deist: si en est moult a malaise.
l grant omis Aa. 2 chief] et quant Ac et Aa. Voir note. 3 sens] y ert Ac et Aa; corr. d'après le ms GRENOBLE 378, éd. Micha, L, III, p. 331 : qui estoit hors du sens.
338
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
Lors s’apensa qu’elle le querroit parmy les forests; et ceulz qui avec lui sont li! loent bien. Si se mist es forests de 10 Cornuaille, si quist tant que la veille de la Chandelleur le trouva en une forest haulte et espesse, et estoit tel atournés que nul qui devant l’eust veu ne le recongneust ne ne peust cuidier que ce feust il. Ne la dame du Lac mesmes qui l’avoit nourri ne l’eust jamais recongneu, se ne feust par l’annel que 15 il avoit ou doit, qu’elle lui avoit donné; si le portoit tous temps ou doit de la main senestre, et celli que Morgain lui avoit mis ou doit par traïson? [55a] portoit il ou doit de la main destre. À cel annel qu’il avoit en la main senestre l’a recongneu sa dame, si ne fu pas le dueil petit qu’elle fist de lui 20 quant elle le vit tel conraé. Si le prist par la main et fist tant qu’elle le remist en son sens, et puis fist faire une littiere sur
deux des plus beaulz paleffroys du monde; et fu la littiere aournee de richez draps car la dame en avoit assés. 3. Si faitement s’en revait en son paÿs avec le chevalier malade. Et quant elle fu venue au lac, si mist toutes les paines qu’elle pot tant qu’il fu tous garis et hors de sa forcennerie ou il avoit esté, et fut tout revenus en sa grant beauté et en sa grant valour. Et lors lui resouvint de ses doulours et? de sa dame dont il ne cuida jaméz ravoir l’amour, si recommence a
empirier. Et sa dame s’en apperçoit et souspeççonnoit qu’il avoit, si lui dist: «Lancelot, beau filz, que avés vous, qui 10
empirés si durement ?» Et il ne lui osoit congnoistre. « Dites le moy, fait elle, et je vous creant que je vous aideray. » 4. Et quant Lancelot ot le creant sa dame et qu’elle l’en aidera, si en est moult liéz. Lors“ lui congnoist une partie et une partie l’en cele, car les amours de la royne ne lui l si Ac et Aa. Odm Aa: avoit] ou doit par traïson mis. ? et omis Àc et Aa. * lors répété; la première occurrence, en fin de ligne, est barrée.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
Un
339
congneust il a nul fuer. Et sa dame lui dist: « Je sçay bien que vous avés, et se vous me voulés croirre, je vous enseingneray a recouvrer la joye que vous cuidiés avoir perdue.» Et il en chiet tantost aux piéz et dist: «Ha !dame, donc m’ariés vous
gari de mort. Et si avéz vous ja fait par deux foys mais ceste garison seroit la graindre ! — Or vous diray, fait elle, que vous 10 ferés. Vous demourrés o moy ceans jusques ung terme, et lors
si vous envoieray droictement la ou vous recevrés la joye que vous cuidiés avoir perdue. »
5. Aüïnsi le tint jusques a ung moys aprés la Pasque, et lors lui dist: «Beau tres doulz filz, vous en yrés droit a Camaalot, et gardés que le jour de l’Assencion y soiés sanz nulle faille. Et se vous a heure de tierce n’y estes, vous amerés un mieulx vostre mort que vostre vie. Et gardés que vous soyéz droit en ce lieu la ou je vous baïllay au roy Artus, quant je lui priay! que il vous feist chevalier, mais gardés que de la forest soyés couvers que nulz ne vous voye. Et lors si verrés quelle aventure vous envenra. — Dame, fait il, pour Dieu, dites moy quel dommage g’y avroye se je n’y suy et a celle heure et en ce lieu. — Ce vous diray je bien, fait elle. Sachiéz que en ce jour en ert menee la royne et conquise par ung chevalier ou conduit a monseigneur Keu le seneschal. Et je vous promet, fait elle, que vous la rescourréz ou loings ou pres. — Et non 15 Dieu, dame, fait il, et je vous creant que je y seray, et a droicte tierce, ou je seray mors entrevoies, car nulle prison ne me tenroit puis que la chose est a ce menee. » 6. Et il s’en parti de sa dame au plus tost qu’il oncques pot congié avoir. Et s’il a esté courouciéz, or est liéz et joyeux pour la grant joye qui l’attent. Et moult fist sa dame bien qu’oncques de la mort Galeot riens ne lui compta. Et il s’en vait, si esrre tant par les plus [55b] droictes voyes que 1l savoit que il vint droit a Kamaalot a l’eure que sa dame lui avoit dit.
1 je] vous priay Ac et Aa. Voir note.
340
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
Et ce fu le jour de l’Assencion a heure de tierce. Si se taist ore
li comptes! ung petit de lui et parolle du roy Artus et de la royne sa femme. 7e C; endroit dist ly comptes que cellui jour tint le roy Artus court a Kamaalot, telle comme a si hault homme appartenoit, et il sist au mengier. Et lors estoit Lyonnel venus de querre son cousin Lancelot. Si dist que il l’avoit quis par moult de terres mais n’en povoit nulle nouvelle oïr. «Si sçay bien, fait Lyonnel, oultreement que il est mort. » Et quant il a ce dist, si se pasme. Et lors commence ung dueil si grant en la maison le roy qu’oncques devant n’y avoit eu greigneur. Si n’y a baron ne chevalier qui ne face dueil a son povoir, ne dame ne damoiselle qui ne se soit pasmee deux foys ou trois, mais au dueil la royne ne se prent nulz des aultres dueïlz. Celle fait dueil et en appert et en reppost: elle ne se couvroit pour nullui que dueil ne feist, ne nul ne l’en puet blasmer car autressi font tous les autres. 8.
Le jour fu moult povre la court et moult troublee, car
cellui jour mesmes, si tost comme Lyonnel fust venus, si revindrent nouvelles a court de la gentil dame de Maloaut qui morte estoit, et ce fu du grant dueiïl de Galeot, son chier amy qui mort estoit ; et ce ne fu pas merveille se elle en mena grant dueil car a sa mort perdi elle a estre dame de .XxXxX. royaumes, car il l’eust a femme prise se il eust vesqu cellui an voirement. Et ainsi est la court troublee, si mengüe le roy yriés. 9.
Et endementiers
qu’il mengoit,
vint
layens
ung
chevalier armés de toutes armes, et ce fu Meleagans, le filz au
roy Baudemagu de Gorre. Et le roy avoit pres que mengié. Et le chevalier vint devant lui, si lui dist : «Roy Artus, je suis ung chevalier estranges que on ne congnoist gaires ceans.
l ore li comptes presque illisible ; établi d'après Aa.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
341
Meliagans ay nom et sui filz au roy de Gorre. Je vueil que vous sachiés, et tous ceulz qui ceans sont, que je me vieng faire loyal en vostre court de la playe que je fiz a Lancelot l’autre an au behourdis, car j’ay oÿ dire qu’il s’en plaint et me mist sus que je l’avoie navré en traïson. Et s’il en ose faire ne dire plus, prest suy que je m’en deffende que oncques en traïson ne le navray, mais comme
bon chevalier a droicte
jouste. — Sire chevalier, fait le roy, nous avons bien oÿ de vostre prouesce, et quel que vous soyés, vous estes filz a .I. 15 des plus preudommes du monde de sa richece et pour qui on vous devroit bien pardonner une grant mesprison. Et Lancelot congnoist on bien en ma maison qu’il oseroit bien monstrer contre ung meilleur chevalier de vous une mauvaistié se on lui avoit faite. Mais tant sont alees les parolles de Lancelot 20 que bien avéz oÿ dire qu’il ne fu ceans moult a long temps, ains cuidons bien qu’il soit mors. Ainsi est perdus, dont c’est
moult grans dommagez. Et se il feust ceans [56a], ce sachiés vous, et il sceust que vous lui eussiés meffait, ja ne vous en couvenist aatir du prouver, car il s’en sceust bien semonrre. — Sire, fait Meleagans, toutesvoies vous offre je bien que je me vueil faire loial de ceste chose, et se il est ceans, pour Dieu, faites le venir avant, car certes il n’a chevalier en tout le
monde a qui je m’esprouvasse si voulentiers comme je feroye a Lancelot. »
10. Tant courut la nouvelle de ces parolles que es chambres la royne sont venues, la ou Lyonnel estoit. Et il sault maintenant sus et vient devant le roy et dist: «Sire, tenéz mon gaage, que je suis prest de monstrer contre Meleagant orendroit qu’en traïson fist mon seigneur la playe dont il parolle orendroit.» Et la royne vient a ce mot, si trait arriere Lyonnel et puis si lui dist: «Lessiés ester, Lyonnel! Car se Dieux ramenoit encore vostre cousin et il trouvoit ce chevalier en lieu ou il peust droit avoir, il oseroit moult bien monstrer vers lui, ne il ne se tenroit apayés de chose que nul en feist se son corps mesmes ne le faisoit.» A grant paine ont Lyonnel arriere trait.
342
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
11. EtMeleagans s’en tourne quant il voit que c’est remés, et vait jusques a l’uis de la sale et puis retourne et s’en revient devant le roy, si lui dist: «Sire, fait Meleagans, je estoie venus
10
querre chevalerie en vostre court, mez point n’en truis. Et ainçois que je m’en aille, feray je tant que je avray bataille s’il a ceans tant de bons chevaliers comme on dist. Il est voir qu’en la terre mon pere a de gens de vostre terre moult grant partie en servage et en essil, que oncques delivrer ne les peustes. Mais or seroient delivrés legierement s’il estoit qui l’osast faire, car se vous bailliés a ung de vos chevaliers la royne que je voy la, a mener an celle forest aprés moy, je me combateroye a lui par telles couvenances que se je le povoye conquerre, je enmenroye la royne en men paÿs, et s’i la povoit vers moy deffendre, les prisonniers vous deliverroie. — Beau
15 sire, fait le roy, vous les avéz en prison, ce poise a moy, mais
pour la royne ne sont il paz en prison ne par lui n’en seront ilz delivréz. » 12. Atant s’en part Meleagans, si n’y a cellui qui si saiges feust qui moult ne tiengne a grant follie la hastiveté qu’il avoit faite de mener la royne ou boys. Et il s’en ist de la sale, si est montés en son cheval, si s’en vait parmy les rues tout le paz et s’en vait vers la forest, si regarde a la foys se nul le sieust. Et ceulz de l’ostel le roy en parollent moult, si dient que moult a parlé Meleagans comme musart, et telz y a qui dient que quanques il a dit ne fu se de la prouesce non de son grant cuer. Et monseigneur Keux le seneschal a bien la parolle oÿe, si lui 10 pesa moult du chevalier qui sans bataille s’en aloit. Et maintenant est venus en son hostel, si s’est! armés et monte sur son meilleur cheval et puis s’en vait devant le roy enmy la sale. Si avoit sa ventaille abatue et ses maniclez, et puis parla
en telle maniere comme vous orrés cy : «Sire, je vous ay assés servi et de bon cuer, et plus pour vostre amour que pour terre
! silest Ac et Aa; corr. d'après le fr. 344, fol. 320b : si] c’est armez.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
343
ne pour tresor. Et j’ay cuidié jusques cy que vous m’amissiés a certes, mais non faites, car bien m’en suis apperceus. Et puis que vous ne m’amés ne vostre [S6b] compaingnie ne vueil je mais avoir en nulle fin, et je m’en voys: si serviray a tel, se 20 Dieu plaist, qui m’amera et tenra chier.» Et le roy amoit le seneschal de grant amour, si lui dist: «Qu’est ce, seneschal,
qu’avés vous eu ? À quoy vous estes vous apperceuz que je ne vous aym plus comme je souloie ? — Sire, fait il, je le voy bien, et je vous demande congié car aler m’en vueil ne pour nulle 25 riens ne remenroye. — Se nulz, fait le roy, vous a meffait, dites le moy, et je le vous feray amender si hautement que vous y avrés honneur. » Et il dist qu’il ne se plaint de nullui, mais toutesvoies dist il qu’il s’en yra. De ceste chose est le roy moult angoisseux et ne scet qu’il en puisse faire. Si lui dist: 30 «Ha ! seneschal, puis que remanoir ne voulés, attendés moy tant seullement que je soye a vous revenus. » Et il lui ottroye. 13.
Et le roy s’en vait es chambres la royne. «Par foy,
dame, fait il, aler s’en veult le seneschal, et j’aym tant, fait il,
Un
son service, que moult en ay grant dueil. Si vueil que vous l’en priéz oultreement qu’il remaigne!, et ainçois lui cheés au pié qu’il ne demeure. — Sire, fait ele, voulentiers. » Et la royne vient en la sale et vient a Keu le seneschal, si lui dist: «Comment, seneschal, que vouléz vous faire, qui aler vous en vouléz de mon seigneur? Je vous pri que vous demeurés oultreement, et s’il est chose nulle pour quoy vous soyés yriés, je la vous feray avoir, quelle que soit, se avoir la puis. — Dame, fait Keux, ainsi demourray je se je en estoye seur. » Et quant la royne entent que il remenra, si en est moult lye et dist qu’elle l’en fera moult bien seur. Lors appelle le roy, si lui compte, et le roy en est moult lyés. Si sault avant et creante au
15 seneschal tel don a donner comme il demandera. «Sire, fait 1l,
je remanray atant. Et savés vous que vous m’avés ottroyé?
1 qu’il remaigne omis Ac et Aa; corr. d’après L, II, p. 259.
344
20
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
— Nennil, fait le roy. — C’est, fait Keux, que je menray ma dame la royne ou boys aprés le chevalier qui de cy s’en vait, pour voz gens gecter de prison, car adonc seriés vous honniz se vous l’en laissiés aler sans bataille de vostre hostel. » 14. Et quant le roy l’entent, si en est tant doulent que pour ung peu qu’il n’ist du sens, et mieulx amast il a perdre le seneschal toute sa vie ! Et la royne en est tant courouciee que plus n’en! puet; si avoit elle d’autre part tant de douleur que nul cuer n’en? pourroit plus soustenir : et c’estoit de Lancelot dont nulz ne povoit oïr enseingnez. Si estoit telle conraee que moult avoit perdu de sa grant beauté que elle avoit jadis eue,
et en avoit aucques perdu de son grant sens; mais ce la parcourouçoit qu’elle* s’est ottroiee a mener a monseigneur 10 Keu le seneschal. Si entre en une chambre et se laisse cheoir toute pasmee sur une couche. Et quant elle revint, si fist si grant dueil que pour ung pou qu’elle ne s’occist. Et la royne et monseigneur Gauvain avoient le jour tencié, car il disoit que aprés Galeoz n’avoit remés nul preudomme ou monde, et elle
dist que si estoit le roy son seigneur, et il dist: «Dame, il le deust bien estre.» Telles avoient esté les parolles entre monseigneur Gauvain et la royne, ne elle ne povoit croirre,
que que* chascun lui deist, [57a] que Lancelot feust mort, mais elle pensoit bien qu’il estoit malades ou que soit empri20
sonnés, et le cuer lui disoit bien que encore le verroit elle.
15. Et son palleffroy fu apparailliés, et le roy l’envoye querre en ses chambres la ou elle faisoit encore son grant l ne Aa.
? n’en omis Ac et Aa; corr. d’après le fr. 344, fol. 320c : que] nus cors n’en peust tant sostenir. Voir note.
* mais] celle part acouroit qu’elle Ac et Aa; corr. d'après le fr. 344, fol. 320c :Mes] ce la parcorreça q’ele. * quel que Aa. $ malades omis Ac et Aa; corr. d’après L, Ill, p. 260. Voir l’Introduction,
p. 79.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
345
dueil. Et quant Dodiniaulx voit que toutesvoyes yra la royne ou boys, si vient au roy, si lui dist: «Comment, sire, fait il, soufferrés vous donc que ma dame voise ou boys aprés le chevalier ou conduit Keu le seneschal ?» Et le roy dist que souffrir lui couvient puis que creanté lui a. «Et se le chevalier la conquiert
vers
lui, fait Dodiniaux,
l’enmenra
il donc
quictement ? — Oïl, fait le roy, car je seroye honiz se nulz homs de ma maison la rescouoit vers lui, car ainsi en sont les
parolles prises. — Donc feroit follie, fait Dodiniaux, qui l’en lairoit mener que elle ne lui feust tollue; et s’il n’y avoit que moy, si l’iray je a Keu tollir. — Non ferés, fait le roy, car mon don seroit faulsés dont je ne doy mentir, car roy ne se doit de son creant reppentir. — Non ? fait Dodiniaulz. Donc dis je que le roy est plus! honniz que autres homs?, et qui roy veut estre, dehaiït aitil!» 16. Et le palleffroy la royne fu enselés, et elle faisoit merveilleux dueil. Et quant elle deust monter, si regarde monseigneur Gauvain, si lui a dit: «Ha ! beau doulz nepveu, enqui m’apperceveray je qu’aprés Galeoz est toute prouece faillie. » Et lors se pasme la royne, et Keux lui dist: «Dame, montés et n’ayés ja garde, car je vous en ramenray saine et haitiee. » Et elle est montee. Si vont les gens de la ville aprés tant que elle est hors de la ville, et lors s’en retournerent et uns
et autres que plus ne la couvoye nulz. Et monseigneur Gauvain dist au roy que toutesvoyes s’armeroit il, et se Meleagant vient a bataille contre le seneschal et il le conquiert, il yra aprés lui jusques l’entree de Gorre, et quant il le verra en sa terre, si se pourra combatre a lui. Atant est monseigneur Gauvain armés, et monte en ung moult bon cheval, et en fait mener a deux de ses escuiers deux autres
chevaulx en destre tous couvers de fer. En telle maniere s’en
! plus ajouté en interligne.
2 autres] roys homs : roys barré.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
ist monseigneur Gauvain de Kamaalot, et d’autre part enmaine monseigneur Kex la royne tant! que il est venus en la forest. 17. Et Meleagant, qui venir les voit, fu trais en parfont ou chevaliers l’attendoient jusques cent; et il leur compte l’aventure et parolle ung petitet a eulz, et ilz se queurent embuchier. Atant vient arriere Meleagans et encontre monseigneur Keux. «Chevalier, fait il, qui estez vous ?» Et il dist qu’il estoit Keux le seneschal. «Et celle dame, qui est elle ? fait Meleagans. - Ce est la royne, fait Keux. — Si m’aïst Dieux, ce verray je bien», fait Meleagant. Et lors vient a lui,
si lui dist: «Dame, desveloppés vous, si verray se vous estes la royne. » Et elle se desveloppe, et lors l’esgarde Meleagans, si la congnoist moult bien et scet bien qu’elle a moult plouré a son vis. Si est tant liéz que oncques mais ne fu si. «Monseigneur Keu, fait il, en ceste forest a trop ennuyeux lieu pour combatre deux chevaliers: trop est espesse. Mais 15 alons en la plus belle lande du monde qui est cy pres, et la fera moult bel jouster. » Et Keux lui ottroye et dist: « Alés avant! Je sçay bien ou la lande est. » 18. Et Meleagant s’en vait avant, et monseigneur Keux et la royne le suivent le petit pas [57b] tant que Lancelot les voit la ou il estoit embuschiés, et il ot en son col l’escu a la blanche
bende de bellinc. Et il salue la royne au? plus couvertement qu’il puet, et elle l’a surcongneu mais elle ne parose mie cuidier que ce soit il. Si lui rent son salut plus liement que autres* ne feist pour la joye qui lui a faite cuidier. Et il dist a Keu : «Qui est celle dame que vous menés ? — Sire chevalier,
! kamaalot] et d’une part enmaine monseigneur kex tant Ac et Aa; d'après le fr.344, fol. 3204. Ie AG 3 que] a aultres Aa.
corr.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
347
fait Keux, c’est la royne. - Laquelle royne ? fait il. - La royne Genevre, fait Keux, la femme au roy Artus.» Et quant Lancelot l’entent, si gecte la main et l’aert par le frain et dist: «Et vous, qui estes, sire chevalier, qui l’enmenés! ? — Je ay nom, fait il, Queux, et sui seneschal de Bretaingne. — Vous ne
l’enmenrés plus avant, fait il, car trop l’avéz vous menee. — Pourquoy ? fait il. — Pour ce, fait Lancelot, que je la preng en conduit contre tous ceuz qui la voulront mener avant de cy. » Et Keux li dist: « Beau sire, je l’i ay amenee par le creant le roy pour combatre contre ung chevalier qui ça? m’attent. — Dame, dist 1l voir ? fait Lancelot. Je n’en croirroye nullui se
vous non.» Et elle dist que oïl, sanz faille. Lors se pensa Lancelot qu’il se traira arriere et attendra pour savoir comment il en avenra a monseigneur Keu, car il se pense que de tant y sera s’onneur graindre s’i la conquiert aprés au chevalier qui a monseigneur Keu l’avroit conquise. 19.
Atant s’en part monseigneur Keux et la royne, et
Lancelot les sieust de loings. Et quant Keux vient a la lande,
Meleagant prent la royne par le frain et dist: «Dame, venéz vous ent, vous estes prise. — Vous ne la menrés mie, fait Keux,
si de legier ! Encore ne l’avés vous pas envers moy conquise. — Au conquerre,
fait Meleagant,
venrés
vous
tost!»
Lors
s’eslaisse aval enmy le champ et met le gleve soubz son esselle, si vient vers monseigneur
Keux
si tost comme
le
cheval l’en puet porter, et Keux revient aussi encontre lui. Et ilz vindrent de loings et murent tost et s’entrefierent es escus bien faiticement. Si peçoye monseigneur Keux son gleve, et Meleagant emploie le sien en telle maniere que de l’escu perce les ays, et les mailles du hauberc descloent: si l’empaint si durement qu’il lui passe parmy la destre espaule et fer et fust. Et Meleagant estoit a merveilles grans et fors, si ne puet
| Odm Aa: et vous] sire chevalier qui estes vous qui l’enmenés. 2 Ja Aa.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
le seneschal soustenir le coup pesant, ains vole a terre et chiet si durement que ly glevez lui vole en piecez en l’espaule et il se pasme ; et le cheval s’en tourne fuiant parmy la lande. Et Meleagant vint a la royne, si la maine aux chevaliers qui 20 l’attendent ;et puis vient a Keu, si le conroye tel que pour .I. pou qu’il ne l’a mort. 20. Mais Lancelot qui la royne en vit mener fiert aprés des esperons. Et quant il voit qu’ilz sont tant, si a tel dueil que : pour ung poy que il n’ist du sens car il voit bien que a toutes ces gens ne pourra nul seul homme durer se aventure ne lui. aidoit. Et nepourquant mieux aime il pour sa dame mourir que vivre. Si leur laisse courre a tous cent et porte a terre le premier qu’il attaint du gleve, le cheval dessus le corps; si l’a empaint si durement que parmy [58a] le corps lui passa! le fer trenchant, et le glaive est volés en pieces. Et il met la main a 10 l’espee, si leur queurt sus et leur detrenche escus et heaumes;
15
20
et les deppart si que nul ne l’ose attendre. Et lors scet bien la royne que ce est il: si l’en poise et bel l’en est. Il l’en poise. pour ce que elle voit bien que par lui ne puet estre rescousse, si l’en est bel pour ce qu’elle cuidoit qu’il feust mort. Et Meleagant oÿ la nouvelle et la grant noise: si laisse Keu gesant a terre, si s’en vint a la meslee et voit les merveilles que cil faisoit, et tantost lui dist son cuer que ce estoit Lancelot. Et lors li adresce, et Lancelot le voit venir, si lui trestourne; si se fierent si durement des espees parmy les heaumes que tous les yeulx leur estincellent. Et Meleagant est aussi estonnés comme s’il feust cheuz, et cheuz feust il se au col du cheval ne se tenist. Et les chevaliers lui laissent courre, et il a eulz si durement que tous s’en esbahissent; et nepourquant son cheval lui ont occis. Et il se lance vers Meleagant, si lui baïlle
25
tel coup que du cheval le porte a terre, et lors sault sur le cheval etlaisse courre a tous les autres et detrenche quanqu’il
l passe Aa.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
349
attaint. Et ceulz ront monté leur! seigneur, et il a pris une lance, si lui escrie; et cil lui revient tantost quanqu’il pot des esperons ferir. 21. Meieagant le doubta moult, si fiert le cheval du glaive ou pis devant si qu’il chiet mort, et lors dist a ses chevaliers: «Alés vous ent, ne ja en lui mettre au dessoubz n’y mettés paine, car ce seroit paine perdue. » Et ceulz s’en vont qui emportent Keu navré, qui souvent se pasme. Et Lancelot est remés a pié et court aprés quanqu’il puet courre, et quant il est lassés, si lui couvient aler le paz. Grant piece aprés l’attaint monseigneur Gauvain, si le salue et il lui bassement
qu’il ne le congnoisse. « Vous estes combatus ? fait monseigneur Gauvain. — Voire, fait il, moult l’ay fait mauvaisement. — Beau sire, fait monseigneur Gauvain, montés sur ung de
mes chevaulx. » Et quant il l’ot, si sault tantost ou premier que 1l pot tenir. Lors lui demande monseigneur Gauvain comment il avoit nom. «Ne vous chault, fait il, qui je soye, car vous n’avés pas perdu vostre cheval, et aussi grant bonté vous fis je Ja.»
22. Et tantost s’en vait ou il scet la royne, et quant il les vient? attaingnant, si leur escrie. Et Meleagans, qui venir le voit, dist a ses hommes: « Veéz cy le meilleur chevalier qui vive ! — Sire, qui est il ? font i1z. — Je ne sçay, fait il, mais nul n’oseroit emprandre ce que cil feroit fors ung seul que je congnois, et je cuid que ce soit il. Mais gardés que vous ne baés fors a son cheval occire.» Et lors laisse Meleagant courre a Lancelot’, et n’ose prendre gleve de honte pour ce que [58b] Lancelot n’en avoit point. Si s’entrefierent des espees grans coups es heaumes, si est Meleagant si estourdis
1 ont] monstré leur Ac et Aa; corr. d'après le fr.344, fol. 321a. 2 vist Ac et Aa; corr. d'après le fr.344, fol. 321b.
3 Jancelo Ac; corr. d'après Aa.
350
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
qu’il ne scet ou son cheval l’emporte. Et Lancelot relaisse courre a tous les autres, si leur livre si dure meslee que tous en sont esbahiz. Si lui occient son cheval, et il est a pié remés ; si voit que Keux est mis en une littiere qu’ilz avoient faite. Et la 15 royne s’en vait tant doulente que nulle plus. Mais atant se taist ly comptes d’eulz et retourne a Lancelot qui est a pié remés en la place, dolans et esmarris.
23. O: dist ly comptes que quant Lancelot ot son cheval : perdu et il fu remés a pié, si ala toute la route tant que il oÿ ung pou sur destre une charrette c’un nain menoit. Et il vait cellepart grant enleure et attaint! la charrette, et voit sur les lymons ung nain court et gros et mal fait et rechignié, qui chace a une courge .I. roucin vieil et lait qui estoit es lymons. Et il salue le nain, et cil lui rent a moult grant paine son salu. «Nains, fait
il, me savroies tu a dire nouvellez d’une dame qui par cy s’en vait ? — Ha ! fait le nain, tu demandes de la royne ? — Voire, fait 10
il. — Desirez tu moult, fait le nain, asavoir de lui nouvellez ? — Oil, fait Lancelot. — Je la te monsterray, fait il, a tes yeulx:
ains demain prime se tu fais ce que je t’enseingneray. » Et il dist que si fera il voulentiers. «Or monte, fait le nain, en ceste
charrette et je te tenray couvenant. » 24. En cellui temps estoit charrette si laide chose et si villaine que nul ne se seist dedens qui toutes loys et toutes honneurs n’eust perduez. Et quant on vouloit a .. homme tollir honneur, si le faisoit on monter sur la charrette et mener par la ville dont il estoit, tant que de tous estoit veus; ne ja en ville, tant feust grande, n’en eust c’une seulle. Et Lancelot dist au nain qu’il yra plus voulentiers aprés la charrette a pié que il ne monteroit dedens. «En nom Dieu, ce croy je bien, fait le nain, mais se m’aïst Dieux, ja par moy n’en seras avoyés se tu ne montes en la charrette. — Me creantes tu, fait Lancelot, que
!attent Ac et Aa; corr. d’après le fr. 344, fol. 321b: ataint.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
ss
tu me menras jusques ma dame se je y monte? — Je le te creant, fait le nain, comme loyal crestien que je te menray en tel lieu ou je la te monsterray ains demain prime. » Et il est tantost en la charrette saillis que plus n’en tient parolle. Et 15 quant cil le voit monté, si en sousrit.
25. Ainsi le maine le nain en la charrette. Et quant il a ung peu alé et il se regarde, si voit monseigneur Gauvain venir entre lui et deux escuiers dont l’un maine son cheval a destre et porte son heaume, et 1y autre porte [59a] son escu et son gleve. Et quant il a la charrette attainte, si demande au nain nouvelles de la royne si comme avoit fait Lancelot. Et le nain dist que s’il montoit en la charrette, il lui monsterroit ou anuit ou le! matin. Et il dist que, se Dieu plaist, en la charrette ne
montera il ja, car pou congnoistroit que honneur monte qui pour charrette lairoit cheval. «Chevalier, fait le nain, tu ne te
hés pas tant comme fait cil maleureux chevalier qui ci est, qui voulentiers y est montés pour savoir ce que tu demandes. — Certes, fait monseigneur Gauvain, c’est grans dommages a lui. [miniature représentant Lancelot sur la charrette du nain]
26. Sire chevalier, fait monseigneur Gauvain, car alés juz de la charrette et montés sur ce cheval qui moult est bon ainçois que plus grant honte vous en viengne. — Dehaït ait, fait le nain, qui ce loera, ne il n’en fera riens car il m’a creanté que il venra huy toute jour jusques au vespre sur ma charrette. » Et Lancelot lui dist que il n’ait ja garde car il n’en descendra huy mais jusques adonc que ilz seront herbergiéz. «Certes, fait monseigneur Gauvain, ce poise a moy, car je cuid que moult a grant prouece en vous. Si sera trop grant dommage car vous en serés honiz a tous jours mais. — Sire, fait Lancelot, qui
honte y devra avoir, si l’ait, car sur moy ne la prens je pas. » Et
l a Aa.
352
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
monseigneur Gauvain lui demande qui il est, et il ne lui veult congnoistre. «Vous me deistes orains, fait monseigneur Gauvain, que vous me donnastes ja ung cheval. Si saroye 15 moult voulentiers ou ce fu, s’il vous plaisoit, car il ne me
souvient mie. — Ne le demandés vous ja, fait Lancelot, pour cellui que vous m’avéz donné, car se je vif, bien vous sera rendus se j’ay de quoy. »
27. Etlors est monseigneur Gauvain tous honteus et ne lui : ose plus enquerre pour le cheval dont il parolle; si en laist la parolle atant ester et vait aprés ceulz toutevoyes tant que le . vespre commence a approuchier. Et lors voient devant eulz ung chastel moult bel et moult bien seant, et cil chastel estoit
en l’oreille d’une forest. Et monseigneur Gauvain chevauche tant que il entre ens [59b] parmy la porte, et le nain aussi a tout son chevalier. Et quant ceulz du chastel voient le nain qui amaine le chevalier armé, si acoururent tous encontre lui et lui
demandent que a forfait ce chaitif chevalier. Et le nein fait sa charrette aler et il ne respont nul mot a ceulz qui l’araisonnent. Et toutes les gens huent le chevalier et laidengent, et ruent aprés boe et savates et toutes les villaines choses qu’ilz peuent tenir, aussi comme a ung vaincu champion. Si en poise monseigneur Gauvain trop durement, et maudit l’eure que oncques charrette fu establie a ce mestier; et trop s’esmer-
veille! du chevalier qui y puet estre. 28. Tantontalé que du chastel sont hors yssus et viennent a une tour qui seoit hors du chastel enmy ung plain, et la tour seoit sus une roche bise trenchee; et le nain entre dedens la porte, et monseigneur Gauvain se met aprés par dedens la porte a cheval. Et en la sale ot moult de bel atour. Une damoiselle a encontree, que il n’en avoit si belle ou regne, et virent
venir deux pucelles avecques lui. Et tantost qu’elles virent
! trop] se merveille Aa.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
353
monseigneur Gauvain, si lui firent moult grant joye, et enaprés le saluent et lui demandent que il leur deist que a cil chevalier meffait. Mais ains le nain n’en voult a nulle damoiselle les raisons rendre, ains fait tantost le chevalier descendre de la charrette ;si s’en va ne oncques ne sçorent ou il fu tournés. Et
monseigneur Gauvain descent. Et atant vindrent varlés avant qui les desarment et leur affublerent deux manteaulz que la damoiselle leur fist apporter. Et quant il fu heure et temps de soupper, si assirent et mengierent, et la damoiselle sist deléz monseigneur Gauvain au mengier Mais pour neant voulzissent avoir changié leur hostel, car moult leur fist la damoiselle grant honneur et porta moult grant compaingnie. 29.
Et quant ilz orent assés mengié,
apparailliés enmy la sale, grans plus bel des autres et plus riche, dist, et il y avoit tout le delit que il fu temps de couchier, la dame elle ot ostellés, et leur monstra
si furent les lis
et longs, et si y ot ung autre lit ainsi comme ly comptes nous on en saroit! deviser. Et quant prist ambedeux? ses ostes que deux liz moult beaulz et dist:
«A vostre oeus sont fais ces deux lis ça dehors, mais en cel
autre lit ne gist nulz s’il ne l’a desservi, n’il ne fu pas fait a vostre oés.» Et le chevalier respont, cil qui sur la charrette vint, qui a desdaing et despit le tient: «Dites moy, fait il, la querelle pour quoy ce lit est deffenduz. » Et celle respont, que petit y pense, qu’elle s’ert pourpensee bien: «A vous, fait elle, n’affiert point du demander ne de l’enquerre, car honiz est chevalier en terre puis qu’il a esté en charrette. Si n’est pas droit qu’il demant ce dont vous parlés, car n’aroit povoir qu’il y gise, car durement le pourroit comparer ;ne on ne l’a mie si richement paré pour vous. — Ce verray, par mon chief, fait le chevalier, par temps. Qui qu’il anuit et qui [60a] qu’il soit grief, en cestui lit voulray je gesir. »
1 savoit Ac et Aa; corr. d'après le v. 470: seüst. 2 aux 1. Ac et Aa; corr. d'après le v. 472 : andeus. Voir note.
354
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
30. Lors s’est maintenant desvestus et vint au lit qui fu lons et haussiéz plus des autres demie aulne. Si se couche sur ung jaune samit, et dessoubz ot un couvertouer d’or listé dont la fourreure fu de sable. Et quant le chevalier fu couchiéz, si vint a mienuit de vers les lates une lance ou poing, plus tost que fouldre, et cuida le chevalier coudre parmy les flans ou lit sur quoy il gisoit. Et avoit en la! lance ung penoncel qui tout estoit espris de feu, si se feri ou couvertouer et es draps blans, 10
et le fer de la lance passe au chevalier les le costé? si qu’il lui : osta ung pou du cuir et moult pou le bleça. Et le chevalier sailli sus en son estant et ne sçot qui l’ot feru ne n’y vist homme ne femme. Lors prent la lance et estaint le feu et la gette enmy la sale, et puis se recouche dormir decy au jour sans esveillier :tout ainsi s’en revient qu’il ot fait au premier. 31. Et bien par matin se leva au point de l’ajournee, et la damoiselle leur ot fait apparaillier messe. Et quant ilz orent oÿ messe d’un chappellain, si s’arma le chevalier, cil qui en la
charrette avoit monté, et vint apoyer a une fenestre et puis regarda aval les prés. Et par decoste une autre fenestre refu la damoiselle venue, et regardoit encontre lui; et monseigneur Gauvain fu* la, decoste la damoiselle qui“ tant estoit belle et gente. Tant ont esté a la fenestre que 1lz virent devant eulz porter une biere, et deléz la biere si avoit dueil moult 10 merveilleux et moult grant que deux damoiselles menoient. Et aprés la route qui la biere menoit, virent venir une grant compaingnie de chevaliers, et ung grant chevalier venoit tout derriere, qui menoit une moult belle dame a senestre coste lui. Et le chevalier, cil qui sur la charrette avoit sis, la resgarde 15 moult et si congnust que ce estoit la royne ; et la regarde moult longuement, et moult li plot le regarder tant comme il les pot
! sa Ac et Aa; corr. d’après le v. 524 : En la lance un panon avoit. Voir note. 2? chevalier] les costes Ac et Aa; corr. d’après le v. 529: lez le costé. 3 fu ajouté en interligne.
* la] riviere qui Ac et Aa. Voir note.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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veoir. Et quant il ne la pot veoir!, si se voult jus laissier cheoir de la fenestre, et ja estoit demy fors quant monseigneur Gauvain le? vist. Si sailli de la fenestre la ou il seoit et s’en 20 vint a lui, si l’aert et le detint et lui dist : «Mercy, sire, ne faites mais, mais a pais soyés ! Ne vous occiés, car a grant tort haïéz vostre vie. — Si m’aïst Dieux, fait la damoiselle, mes a droit !
Dont n’a par tout le mond esté sceue la nouvelle qu’il a en charrette esté? Car mieulz vaulroit il mort que vif, et moult 25 est sa vie maleureuse et plaine de grant deshonneur. Et s’il avoit autant de biens en lui comme on dist qu’il a ou roy Artus, si l’avroit il perdue par la charrette, car homs enchar-
rettés a perdues toutes loysi.» A ceste parolle dist Gauvain qu’il vouloit aler aprés la royne. Et demanderent leurs armes, si s’armerent, et avec fist la damoiselle grant courtoisie et grant honnour, qui au chevalier encharretté donna cheval et lance par* amour et par concorde de ce qu’elle l’avoit ramposné. 32.
Atant ont tous deux pris congié a la damoiselle,
si
l’ont commandee a Dieu et puis s’en vont et yssent du chastel que oncques mais a eulz nulz’ ne parla, et s’en vont par illec la ou ilz orent la royne veu passer, mais 11z ne l’ont mie aconseue [60b], car ceulz s’en aloient moult durement eslaissiés$. Et
entrent en ung plasseis et ont ensemble chevauchié jusques a prime. Et lors treuvent ung quarrefour, et en ce karrefour si encontrent une des plus belles damoiselles du monde. Et quant ilz la voyent, si la saluent et lui demandent, s’elle scet, l et quant il ne la pot veoir ces mots manquent dans Ac et Aa; saut du même au même corr. d’après le v. 569. 2 Ja Ac et Aa; corr. d’après le v. 573 : Quant messire Gauvains le vit.
3 honneurs Aa. 4 donna] et lancelot par Ac et Aa; corr. d’après les v. 593-94 : Si li dona cheval et lance / Par amor. Voir note. 5 nulz omis ; saut du même au même sur ulz (cf. le v. 601 : C’onques nus nes i aparla). 6 esleeciés Ac et Aa; corr. d’après le v. 605: il s’an aloient eslessié. Voir note.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
qu’elle leur dist la ou la royne en est menee. Et elle leur dist,
comme preux et sage, que elle les savroit bien mectre en la voye, et la terre nommer la ou elle va, et le chevalier! qui la
maine, mais il y couvenroit moult grant paine avoir qui en la terre voulroit entrer. «Et qui entrer y voulra, il s’en dueldra moult ainçois qu’il ysse.» Et monseigneur Gauvain lui dist: «Se m’aïst Dieux, damoiselle, je en met en vostre service ung
chevalier comme je sui toutes les heures que il vous plaira, mais que vous m’en dites le voir.» Mais le chevalier de la charrette ne dist pas qu’il lui promeist tout son povoir, ainçois 20 s’affiche moult durement comme cil qui Amours fait riche et puissant partout; si? lui promet que il se met tout en son vouloir. « Donc le vous diray je », fait elle. 33. Et lors lui compte: «Par foy, seigneurs, fait elle, Meleagant, un grant chevalier et corsus, fi1z le roy de Gorre, cil l’a prise et la maine ou royaume estrange dont nulz ne retourne s’il n’est du païs néz; ains sejournent a force ou paÿs en essil et en servage.» Et lors lui redemande le chevalier: «Dame, ou est celle terre et ou la pourrons nous querre ? » Et celle respont: «Je le vous diray, mais moult y avrés encombrier et felons trespas, ne on n’y entre pas de legier se ce n’est par le congié au roy, et le roy, si a a nom Baudemagus. Et si 10 puet on entrer toutevoyes par deux voyes moult perilleuses et par deux felons trespas: le Pont Evages, pour ce que soubz l’eaue siet le pont, et si a de l’eaue autant dessus comme dessoubz, et si n’en y a ne plus ne mains, ains est le pont droit ou millieu, et si n’a la planche que pié et demy de lé et autretant de espés; et moult fait le passage a reffuser, et nonpourquant si est ce le mains perilleux, mais il a entre cy et la assés autres aventures dont je me tays. Et l’autre pont, si est tel qu’il est fait a maniere d’espee trenchant, et pour ce si
! cheval Ac et Aa; corr. d'après le v. 621 : Et le chevalier qui l’en mainne. 2? si omis Ac et Aa. Voir note.
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l’appellent toutes les gens “le Pont de l’Espee”. Or vous en ay la verité dicte de tant que je vous en sçay dire.»
34. Et ceulz lui dient puis: «Ha! damoiselle, ces deux voyes nous enseingnéz !» Et la damoiselle dist: «Vecy la droite voye au Pont souz Eaue, et celle dela, si va au Pont de
l’Espee.» Et lors dist le chevalier, cil qui ot esté en la charrette : «Sire, je vous part sans rancune. Prennés de ces .II. voyes celle qui mieulx vous plaira et l’autre me claméz quitte. — Par ma foy, fait monseigneur Gauvain au chevalier, sire,
moult par est perilleux et greveux l’un et l’autre passage, ne je ne suy preu sages du prendre. Mais comment qu’il m’en aviengne, je prendray, puis que a ce m’en avés mis: si m'en yrai la droite voye au Pont soubz Eaue. — Et! je le? vous ottroy », fait le chevalier. Atant s’en sont d’illeuc tous .Imr. partis, si commandent l’un l’autre a Dieu. Et quant la pucelle les en vist aler, si leur dist: 15
«Chascun de [61a] vous me doit
ung guerredon a mon gré quel que je le vouldray prendre. Et ne l’oubliés vous pas, le guerredon ! — Non ferons nous, voir,
doulce amie », font les chevaliers tous deux. 35. Et le chevalier de la charrette s’en vait pensant si comme cellui qui n’a force ne deffense vers Amours qui le justice et le destraint. Et le penser lui est de tel guise qu’il en oublie lui mesmes, et ne scet se il est ou non; et se ne lui souvient de nulle riens fors d’une seulle, et pour celle si met
toutes les autres en oubli. Et a celle pensee seulle pense tant qu’il n’entent a autre riens, et son cheval l’emporte durement tout le droit chemin grant aleure, et esploite tant par aventure qu’il vint a une belle lande. Et en celle lande, si avoit .I. guéz, et d’autre part estoit yssus ung chevalier armés de toutes armes qui gardoit le gué, et avoit decoste lui une pucelle sur ung paleffroy. Et estoit entour nonne basse, mais encore
! je prendray] la droitte voie au pont soubz eaue et Aa, qui ici abrège. 2 Je ajouté en interligne.
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n’estoit pas le chevalier lassés de son pensé. Et le cheval vit l’eaue belle et clere, si eust soif, si adresce grant aleure celle 15 part. Et le chevalier qui ert de l’autre part crie en hault: «Sire chevalier, je gart le gué et je le vous contredi!» Mais le chevalier n’en entent .1. mot, que son penser ne lui laissa, et toutevoies si eschaisse! son cheval en l’eaue. Et cil crie qu’il s’ot ensus car il n’y avoit de passage point, et jure moult durement que s’il y entre, il le ferra. Mais le chevalier n’en ot mie, et tierce foys li crie le chevalier:
sur ma deffense pense tant qu’il commence par 25 comperra: ja ne
«N’entrés mie ou gué
car, par mon chief, je vous ferroye !» Et cil ne l’ot, et le cheval sault du champ ou gué et grant talent a boire. Et cil dist que il le le garantira escu ne hauberc ne armeure !
36. Lors met le cheval es galoz et des galos l’embat ou corps, et fiert le chevalier qui l’abevroit si que 1l le porte tout estendu ou gué si que l’escu lui vole du col. Et cil relieve, si tressault tout autressi comme cil qui s’esveille, si escoute et
regarde entour soy qui l’a feru. Et lors a le chevalier choisi, si lui dist: «Sire vassal, et pourquoy m’avés vous feru quant je veu ne vous avoye ne oÿ? —Se m'’aïst Dieux, fait cil, si feistes ! Et moult me tenistes ore vil quant je vous contredis le gué .n1. fois, et si vous criay au plus hault que je poz. Et bien 10 vous oïstes deffier au moins .II. foys ou .HI. que, si tost que vous seriés ou gué, que je vous ferroye. — Dehaïit ait ore, fait le chevaliers, qui vous oÿ oncquez ne ne vist. Mais bien puet estre que je pensoie quant vous le gué me contredeistes : mais sachiés que mar’ l’avés fait et mar m’y ostates du penser ou 15 j’estoie, se je au frain vous puis tenir a une de mes mains ! - Et qu’en avenroit ore, fait cil, se vous me teniés? Si m’aïst
Dieux, tenir me pourrés par temps, et si m’aïst Dieux, je ne pris pas plain poing de cendre ta menace. — Si m’aïst Dieux, fait le chevalier, que qu’i en deust avenir aprés, tenir te
! s’eschaisse Ac er Aa. Voir note.
2 mal Aa.
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20 voulroye je orendroit !» Et quant cil l’entent, si sault avant
enmy le gué. Et le chevalier de la charrette le prent par le frain a la main senestre et parmy la cuisse a la destre, si sache et tire si durement que cil s’en plaint et lui semble qu’il [61b] traye toute la quisse hors du corps. Si lui crie que il le laist et dist: 25 «Ha! chevalier, pren ton cheval et ton escu, et vien a moy combatre corps a corps!» Et le chevalier respont: «Non feray, car aussi tost comme tu m’eschapperoyes, si te mettroyes a la voye ! » 37.
Et quant le chevalier l’entent, si en a eu! moult grant
honte et lui dist: «Je ne m’enfuiray paz, vecy ma foy que je te tendray. Et moult durement m’ennuye de la deshonneur que tu m'as dicte. — Certes, fait le chevalier, ainçois que tu retournez de cy, m’en yert plevie ta foy que tu ne me guenchiras, ne que tu ne retourneras en fuite, ne que tu ne me toucheras devant que tu me voyes monté en mon cheval. Et adonc si avray? fait moult grant bonté quant je te tieng et si te lais.» Et cil lui creante, que mais n’en° puet. Et quant il lui ot creanté, le
chevalier prent son escu et sa lance qui flotoient par le gué, et monte ou cheval et point des esperons et met la lance sur le feutre. Et s’entreviennent tant comme les chevaulz porent rendre. Et cil qui le gué deust garder‘ requist le chevalier 15
premierement, et le fiert si que sa lance peçoye. Et l’autre fiert lui si durement qu’il le fait voler ou gué tout plat dessus le flot si que l’eaue lui reclot dessus la teste. Et puis trait l’espee et descent et queurt sus au chevalier, car bien en cuidast tel cent
chacier devant lui. Et cil sault sus et trait l’espee et ist hors du gué contre lui, et se requierent corps a corps, et se queuvrent 20 aux escus et se donnent aux espees grans coups et pesans.
l eu omis Aa. 2 avras Ac et Aa; corr. d’après le v. 842: Si t’avrai fet molt grant bonté. 3 ne Aa. 4 deust] rendre garder : rendre barré.
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38. Ettant longuement dura la bataille entre eulz deux que moult en a le chevalier de la charrette grant honte. «Ha! comment achieveray je la dure aventure que je ay emprise, quant j’ay ja si grant paine mise en ung seul chevalier conquerre ? Et aussi m’aïst Dieux, se je en trouvasse telx cent yer devant moy, ne creusse je mie qu’ilz eussent duree contre moy.» Lors fust moult doulans et yriés, et quant il voit qu’il pert ses coups et gaste le jour en vain, si recourt sus au chevalier et li passe tant durement que cil li guenchist et fuit a ses coups, et lui ottroiast le passage moult voulentiers s’il atant le laissast aler. Mais il lui court sus et le tient si court qu’il chiet a paumetons. Et le chevalier de la charrette lui queurt sus moult vistement et jure moult durement que mal le fist cheoir ou gué et mar! lui avoit son pensé tollu. 39.
Et quant la damoiselle que le chevalier avoit menee
l’entent, si craint moult durement les menaces que cil fait a
son amy, et ot si grant paour de son amy que il lui prie que pour lui le laist que il ne l’occie. Et il dist que si fera voir, il l’occira car trop grant villenie lui avoit faite. Lors vint l’espee traicte sur lui, et cil, qui esmayés fu moult, lui crie : «Ha! sire,
pour Dieu, ayés mercy de moy, je le vous demant !— Se m’aïst Dieux, fait le chevalier, oncquez chevalier pour Dieu merci ne
me requist que je, pour Dieu, une foys ne lui pardonnasse. Et 10 je avray aussi de toy mercy, car reffuser ne le te doy puis que tu demandé le m’as. Mais tu me fianceras prison la ou je te vouldray envoyer.» Et cil lui plevist moult doulant. Et la damoiselle derechief lui prie que «se tu oncquez [62a] nul prison deslias, puis que tu lui as merci ottroyé, deslie moy cestui prison et le m’ottroie par ta debonnaireté, par couvent que je te rendray tel guerredon comme toy plaira et que je rendre te pourray selon ma puissance. » Et lors ot cil pitié de la damoiselle, si lui rent le chevalier quitte, et celle en a honte
! mal Aa. Cf. ci-dessus, $ 36, 1. 14.
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et angoisse trop grant qu’il pense qu’elle le congneust. Mais 20 non fait. Lors monte le chevalier sus son cheval, et s’entre-
commandent! a Dieu.
40. Etchevauche le chevalier a la charrette tant que de baz vespres trouva une damoiselle venant moult belle et bien acesmee et bien vestue. Et la damoiselle le salue comme sage et affaitiee, et il respont: «Damoiselle, saine et haïtiee vous face Dieux!» Et la damoiselle lui dist: «Sire, mon hostel
vous est apparailliéz, se vous tel comme je l’ay le daingnéz prendre. Mais par ung couvent vous herbergeray: que vous avec moy vous coucherés. Et tout ainsi le vous offre et present.» Et quant Lancelot l’entent, si n’en fu mie liéz, et 10 nonpourquant si estoit elle de merveilleuse beauté, et moult feussent liéz moult de chevaliers de tel present et l’en rendissent cent .M. mercis. Mais cil en fu trop dolent et l’en rappella et dist: «Damoiselle, de vostre hostel vous mercy je moult, et moult l’ay chier, mais du couchier? me voulray je
bien souffrir. — Je n’en feroye autrement riens», fait elle. Et cil lui ottroye puis que mieulz ne puet, et de l’ottrier sans plus lui deult moult le cuer. Et quant ly ottroier lui grieve tant, moult avra au couchier destresse et* moult y avra paine et travail, car, espoir, la damoiselle qui l’enmaine le pourroit tant 20 amer que clamer quitte ne le voulra elle mie jusques il lui avra creanté son plaisir a faire. Si le ramaine jusques a .I. baïlle qui moult yert beaulz et bien cloz de haulz murs et d’eaue 15
parfonde tout environ, et la dedens si ne manoit nulz fors tant 25
seullement la pucelle qui lui menoit. Et celle y ot fait faire moult de bellez chambres pour son reppaire, et salez moult grans et plenieres.
! encontremandent Ac; corr. d’après Aa. 2 mais du couchier répété; corr. d'après Aa. 3 destresse] au couchier et: au couchier barré.
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41. Et selon la riviere chevauchent, et s’en vont desi au herbergage, et ont ung grant pont tourneys avalé, et sont passés parmy oultre le pont et ont trouvé une grant sale ample ouverte ; et estoit la sale moult richement couverte a plonc. Et ilz entrent ens parmy l’uys et treuvent enmy la sale couvert .I. dois d’un blanc doublier ; et erent sus aporté li bus!, et les
chandoiles mises, et ly hanap d’argent et d’or et ly pot plain de vin et de mouré. Et treuvent au chief du banc? .11. bacins tous plains d’eaue chaude a laver leurs mains, et de l’autre
partie treuvent une touaille belle et blanche a essuier leurs mains, ne il n’avoit leans varlet ne escuier. Et le chevalier oste
l’escu de son col et le pent a ung croc de fer, et sa lance met en ung hanstier, et tantost descent de son cheval, et la damoyselle du sien. Et ce plot durement au chevalier que ne se vist point 15 encombré de lui descendre. Et quant la damoiselle fu descendue, si entre en une chambre et lui apporte ung mantel d’escarlate court. Et la sale ne fu mie obscure, et nonpour-
quant si yert ja la lune levee, mais tant y avoit chandoillez alumees et grans tortiz ardans que la clarté y ert si grant 20 comme du cler jour. [62b]
42. Et quant elle lui ot le mantel mis au col, si dist :« Veés illecques la touaille. Alés laver et essuyer, car ceans n’a fors moy et vous, et il est temps de mengier car il est tous apparailliés. » Et le chevalier, qui el ne demande, leve et s’en va seoir. Et mengierent entre le chevalier et la damoiselle, et orent de tant més comme iiz sçorent deviser, et venoient l’un
avant l’autre a table, ne oncques ne sçorent dont ly més venoient. Et quant ilz orent mengié, si laverent, et la damoi-
selle dist au chevalier: «Sire, alés vous la fors deduire, si ne vous poise, tant que je soye couchee. Si revenés a moy, et mie
1 vus Ac et Aa. Voir note.
? blanc Ac et Aa; corr. d’après le v. 1002 : Delez le dois, au chief d’un banc.
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ne vous ennuit, et lors revenés et si me tenés ma couvenance. — Si m’aïst Dieux, damoiselle, vostre couvenance vous tenray
je et revenray quant je cuideray qu’il soit heure. » Et lors s’en vait et demeure une grant piece en la court tant qu’il lui sembla qu’il fu temps et heure de retourner, car tenir couvent lui couvient. Si s’en vint arriere en la sale, mais celle qui se
faisoit s’amie ne trouva pas. Et quant il ne la treuve, si en fu moult dolant et dist que, en quel lieu que elle soit, il la querra. Lors ne se delaie pas du querre et lors entre en une chambre. 20 Et quant il y fut entrés, si oÿ ung grant cri et lui ert adviz que ce fu cri de femme. Et si ert ce, car c’est elle mesme avec qui il se devoit couchier. 43.
Atant vit l’uys d’une chambre ouvrir, et vint celle part
et vit devant lui que ung chevalier l’ot enversee et la tenoit a travers sur ung lit toute descouverte. Et celle qui cuidoit estre seure que il lui venist aidier crie en haut: «Ahy! Aide! un chevalier, car tu es mon hoste ! Car se tu ne m’ostes cestui, je ne trouveray qui me rescoue, et se tu ne m’aides, il me honnira voyant toy. Et ja dois tu couchier avecques moy ainsi comme tu le m’as creanté. En fera donc cestui sa voulanté avant toy, voyant tes yeulz et a force? Ha! gentil chevalier, efforce toy et si me secour ysnellement, si comme tu vois que je en ay tres grant besoing: se tu oncques pucelle desconseillee consseillas, si me secour ysnellement !» Et cil vit que trop villainement la tenoit le chevalier descouverte jusques au nombril. Si en a trop grant honte et moult lui poise quant! il 15 vist qu’il adoise a lui nu a nu, et nonpourquant si n’en ert il mie jaloux. Et devant l’entree de la chambre avoit portiers?, deux chevaliers armés de toutes armes, et tenoient deux espees nues en leurs mains; et aprés estoient quatre sergens,
! poise] et quant Ac et Aa; corr. d'après les v. 1095-96 :molt l’en poise / Quant nu a nu a li adoise.
2 pourtrait Ac et Aa; corr. d’après le v. 1099 : Mes a l’entree avoit portiers. Voir note.
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si tenoient chascun une hache! si grant c’on en peust tuer deux 20 buefs et trenchier l’eschine d’oultre en oultre autressi comme
la racine de genevre. 44.
Et lors comme le chevalier les vit, si s’arreste et dist:
«Ha! Dieux, que pourray je faire? Ja suis je pour si grant affaire meuz comme pour la royne Genevre ! Je ne doy mie avoir cuer failli quant pour lui sui entrés en ceste queste, et se Mauvestié me preste le sien cuer et je son commandement fais, je n’attaindray pas a la grant besoingne pour quoy je suis venus, et a tousjours seray honniz [63a] se je cy remains et je laisse celle damoiselle honnir a ce chevalier. Ha ! qu’ay je dit du remanoir ? Certes, or ay si grant dueil de la parolle que je ay dicte que je en voulroie bien mourir mon vuel. Et moult ay fait grant recreandise de tant demourer, et mieux ame je cy a mourir que a passer sans ceste pucelle rescourre. Et nonpourquant, se ceux qui ceste entree gardent me donnoient congié, quelle honneur aroye je de passer oultre? Autressi bien y 15 passeroit ly pires homs du monde que le meudre?! Et je voy que ceste pucelle me crie mercy si souvent, et si m’appelle tant debonnairement pour ce chevalier qui tant villainement la tient, et moult villainement me repprouche ce que tant ay demouré. » 45. Et maintenant s’approuche a l’uys de la chambre et boute ens le col et la teste, et regarde contremont et vit venir les coups des espees. Si se traist arriere, mais les chevaliers
leurs coups tenir ne porent, qu’ilz yre; et ferirent tant durement peçoierent. Et quant il vit que leurs en a mains prisés leurs haches. Et fiert du coute ung sergent et ung
orent esmeuz par si grant au pavement qu’elles espees furent peçoyees, si lors se lance entre eulz et autre aprés, ceux que il
! si tenoient chascun une hache répété Ac; corr. d'après Aa. 2 meindre Ac et Aa. Voir note.
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trouva plus pres de lui, et les heurte si qu’il les abat tous plaz. Et le tiers a a lui failli, et le quart le fiert si qu’il lui trenche le mantel et la chemise et la coiffe blanche, et li rest si pres le
cuir sur la char que le sang juz en degoute. Mais petit se sent de la playe, ains s’en vait oultre son grant paz et prent cellui par les temples qui s’ostesse tenoit, car il lui voulra rendre sa promesse et son couvenant ainçois que il de lui se depparte, et le sache amont vistement. Et cil qui ot a lui failli s’en vint vers lui moult vigueureusement, son coup leve, si le cuida bien
parmy le chief jusques aux dens fendre de la hache. Et cil, qui moult bien deffendre se sçot, li tent! le chevalier encontre, et 20 cil fiert de la hache moult vigueureusement la ou l’espaule au
corps lui joinct, et le rue mort. Mais ains qu’il peust a lui rettraire sa hache, le chevalier de la charrette la prent et lui
sache moult vigueureusement des poings. 46. Et les chevaliers sur lui viennent, ceulz qui orent orains les espeez peçoyees, et cil sault entre le lit et la paroy, la hache en la main. Et lors dist en hault: «Or ça, fait il, trestous a moy ! Car aussi m’aïst Dieux, fait il, se vous estiéz
encore autretant comme vous estes Cy, puis que je ay tant de deffense, si avriés vous assés a moy bataille !» Et la pucelle qui le regarde commence a rire et dist: «Sire chevalier, par les yeulx dont je vous voy, vous n’y avrés huy mais garde d’omme de ceans. » Lors renvoie tous les chevaliers arriere, et lors commande que il n’y ait plus fait. Et lors vint au chevalier,
si lui dist: «Sire, fait elle, moult m’avés
bien
desrainsnie encontre toute la mesgnie de ceans, mais or vous en venés avecques moy. » Et le prent par la main, si l’enmaine. Mais au chevalier n’agree point, car moult voulentiers se souffrist de sa compaingnie.
! tient Aa.
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47. Et lors ont fait enmy la sale ung lit moult bel et moult riche. Et en ce lit se coucha la damoiselle, et ot dessus le lit ung couvertouer estendu, de deux dyapres. Et le chevalier a moult grant paine mise a lui desvestir et deschaucer, [63b] et en a si grant angoisse que pour ung pou qu’il n’ist du sens, et nepourquant, parmy toute l’angoisse, couvenant lui couvint tenir. En est ce donc force! ? Oïl voir, autant se vault, car par
force lui couvient que il s’en aïlle couchier avecques la damoiselle ;mais sa chemise pas? ne trait, si se garde moult 10 d’atouchier a lui et se couche tous envers. Et si tost comme il
fu ou lit, si lui fu le parler deffendu, car il oncques ung mot ne
dist ne ne tourne son esgart d’une part ne d’autre. Et nepourquant si estoit elle trop belle, et ne cuid chevalier ou monde a
qui elle n’atalentast, fors a cestui. Mais ce quil sembloit a moult d’autres chevaliers bon n’assavouroit mie a cestui, n’il n’estoit mie a lui mesmes, ainz s’est commandés a autruy, et en telle maniere qu’il ne puet ailleurs penser. Et Amours le fait estre tout en ung lieu pensant, si comme celle qui tous les cuers justice. Tous ? Non fait, or ay dit trop mal, car moult y a 20 de teulz cuers que Amours n’y daingneroïit justicier, mais cestui justiça elle tant que elle le mist en si grant orgueil que il ne daingna penser a riens nulle, se a celle non dont Amours l’avoit saisi. Et la ou Amours veult, il entent, et illec a il si mise s’entente que nulle autre riens ne lui abelist. 15
48. Et la pucelle prent bien garde que cil sa compaingnie het et que il moult voulentiers s’en soufferroit et que il ja ne , toucheroit a lui. Si lui dist: «Sire chevalier, s’il vous plaisoit,
je m’en yroye couchier en mon lit;et je cuid bien que vous en serés plus a aise, car je cuid que petit vous siet la compaingnie de moy et le soulas. Et se je vous dy ce que je en cuid, ne le tenés pas a villenie, car vous m’avés si bien tenu mon couvent
! Odm Aa : en est ce] force donc. 2? point Aa.
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que je ne vous puis plus par raison noyent demander, et je
m'en vois.» Lors se lieve et commande le chevalier a Dieu, qui petit est quel part elle vait, car il est amis entiers a celle a qui il oncques ne faulsa. Et la damoiselle s’apperçoit bien qu’il l’amoit de grant amour. Si s’en vint en sa chambre et se coucha toute nue en son lit, et dist illec a lui mesmes qu’elle ne vit oncques mais chevalier que elle prisast autant comme cestui. «Aussi m’aïst Dieux, je cuid qu’il pense a si grant chose dont nul chevalier ne pourroit a chief venir. Et Dieux lui doint eschiever par son commandement ce qu’il a entrepris a faire.» Atant la damoiselle est endormie et dormy toute la nuit decy au jour. Mais si tost comme l’aube aparut, du jour!, 20 elle se esveille, si se lieve. Et le chevalier d’autre part fu esveilliés, si s’atourne et apparaïlle pour esrer, si s’arme et acesme que il nul homme n’y attent. 49, Et quant la damoiselle le vist, si lui dist: «Sire, bon jour vous soit huy ajournés ! — Et vous aussi, damoiselle », fait le chevalier, mais moult lui tarde que son cheval n’est amenés.
Et la damoiselle lui fait amener et puis lui dist : «Sire, fait elle, se ma compaingnie vous plaisoit, je m’en yroie moult voulentiers ensemble [64a] o vous une grant piece en ceste voye, se vous vouliéz et vous m'y oseriés conduire par les us et par les coustumes qui establiez y sont des long temps avant que nous feussions néz. » Et les coustumes si estoient telles a ce temps ou royame de Logres que damoiselle ne meschine, se ung chevalier la trouvast seulle, neant plus que s’il osast sa gueule trenchier ne lui feist il s’onneur non, pour tant que elle voulzist de bon renom estre; et s’il la efforçast, il feust hon1iz
a touzjours en toutes cours. Mais se elle conduit eust, et ung 15 autre chevalier l’encontrast, et il se fiast tant en sa prouece que il se voulzist a lui combatre corps a corps et il le peust
l Odm Aa: l'aube] du jour apparut.
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conquerre par ses armes, bien en peust faire sa voulanté sans
blasme avoir. Et pour ce si dist la pucelle que, se il la vouloit en ceste maniere conduire, elle yroit avecques lui. « Si m’aïst 20 Dieux, damoiselle, fait le chevalier, se vous ensemble o moy
voulés venir, vous ne trouverés chevalier qui ennuy vous face se avant ne le fait a moy. — Donc y vueil je, fait elle, aler. » Et
commande a enseler son palleffroy. 50.
Si fu moult tost ses commandemens fais, et lui treis-
trent hors son palleffroy et le cheval au chevalier, et montent tous deux, si s’en vont. Et celle l’araisonne et met en parolles,
mes cil n’a cure de riens qu’elle lui die, et moult het son plaist et sa parolle car penser lui plaist et parler lui grieve, car Amours lui escrieve! moult souvent les playes qu’elle lui a faites, ne il oncques en son vivant emplastre n’y mist pour garison ne pour santé, car il n’avoit cure de garison se la playe ne l’empire. Mais celle santé dont la playe muet querroit il moult voulentiers. 51. Et tiennent tant entre eulz deux leur chemin qu’ilz vindrent pres d’une moult belle fontaine, et la fontaine seoit en ung moult beau pré, et decoste si avoit ung perron moult bel, et dessus le perron avoit ne sçay qui oublié ung pigne d’yvoire doré qui trop yert riches, ne oncques si riche pigne n’avoit veu sages ne folz. Et es dens du pigne si avoit remés des cheveulz de cellui qui s’en estoit pigniés pres de plain poing. Et quant la damoiselle vint pres de la fontaine et le pigne voit, si le couvoita moult durement et ne voult pas que 10 cil le voye: si se met entre lui et le perron parmy ung autre sentier. Et cil, qui moult se delicte et plaint de son pensé que il avoit, ne s’est mie apperceus si tost qu’elle l’ot de son chemin pour eschiever aucun peril et aucune aventure. Et
l escrie Ac et Aa; corr. d'après les v. 1348-49: Amors molt sovant li escrieve / La plaie.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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quant il s’en! est apperceus, si craint moult qu’elle ne le deçoive. «Estés, damoyselle, fait il, nous n’alons mie bien et je vous pry que vous trayés en ça, car certes cy ne s’adreça onques point qui fors de son chemin yssi. — Ha ! sire, fait elle, ne le dites, car nous en yrons moult bien par cy. — Je ne sçay, fait il, damoiselle, que vous pensés, mais je voy bien que ce 20 est le droit chemin batuz ne je n’enterray en autre voye. Mais se il ne vous plaist avecques moy a cheminer ceste voye, si vous en retournéz, car cestui chemin tendray je adéz. » 52. Et tant chevauchent en ceste maniere parlant qu’ilz viennent pres du perron. Et lors regarde le chevalier, si voit le pigne et si le regarde moult voulentiers, et lui dist: «Damoiselle, aussi m’aïst Dieux que je sache que je en mon vivant ne vy mais aussi riche pigne que je voy cy. — Donnés le moy, fait [64b] la damoiselle.
— Voulentiers, certes, fait il,
pucelle. » Atant s’abaisse, si le prent, et quant il le tint entre ses mains, si le regarde moult voulentiers et vist les cheveulz
qui estoient semblans a fil d’or mieulx qu’a cheveulz. Et 10 quant la damoiselle vist qu’il les regarde, si en rit moult durement. Et quant il la vit rire, si lui prie moult durement
qu’elle lui die pourquoy elle avoit ris. Et elle dist: «Taisiéz, car aussi m’aïst Dieux, je ne vous en diray neant. — Pourquoy ? fait il. — Pour ce que je n’en ay cure», fait elle. Et quant cil l’entent, si la conjure moult durement, si comme
cil qui ne cuidoit mie que nulle damoiselle feust sans amy ne nul chevalier sanz amie, si lui dist: «Damoiselle, se vous riens nulle amés de cuer, de par cellui vous requier et pry et conjur que vous plus ne le me celés. — Ha! sire, trop m’en 20 avés conjuré, fait elle, et je le vous diray ne je ne vous en mentiray mie sur ce que conjuree m’en avés. Mais ce pigne, se je oncques sçoz neant, fu la royne. Et d’une chose me
1 l’en Ac et Aa; corr. d’après le v. 1377 :Mes quant il s’est aparceüz. 2 royne] genevre et: genevre barré.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
creés, que les cheveulz si beaulz et si clers et si luisans comme
vous veéz, que ilz furent du chief la royne ne oncques en autre pré ne crurent. - Damoiselle,
fait le chevalier, merveilles
dites :adéz sont royne et roy, mais de laquelle royne voulés vous dire?— Je dy, fait elle, de ma dame la royne Genevre, la
femme le roy Artus. » 53. Et quant cil l’ot oÿ, si n’ot onques tant de vertu que tout ne le couvenist ployer et appoyer par force a l’arçon de la sele sur son cheval. Et quant la damoiselle vit ce, si s’en merveille et esbahit toute, car elle cuidoit que il deust juz de un
son cheval cheoir. Et si faisoit il, pou s’en failloit, car il avoit
au cuer si grant doulour comme oncques homme eust, que il en a la parolle perdue une grant piece. Et la pucelle est descendue, si y queurt quanques elle pot courre pour lui secourre et tenir, car elle ne le voulzist pour riens nulle veoir! cheoir. Et quant il le? vit a terre, si en ot vergoingne et lui dist: «Dites moy, damoiselle, pour quel besoingne venistes vous cy devant moy ?» Mais ne cuidiés mie que la damoiselle le voir l’en congneust pour quoy elle l’avoit fait, car elle avoit grant paour que il n’en eust* angoisse. Si s’est de voir dire gaitiee, si dist comme affaitiee et preux, et si comme celle qui moult sçot une parolle destourner: «Sire, fait elle, je estoie venue le pigne querre, et pour ce estoie je descendue, que je estoie de l’avoir en si grant desir que ja ne cuiday venir a temps. » 54. Et cil croist qu’elle die voir, si lui donne le pigne et les cheveulz en trait si souef et tant seri que nul n’en desront; ne jamais nulz oeilz d’omme terrien nulle chose au mont ne
! Odm Aa: voulsist] mie pour nulle riens veoir. 2 se Ac et Aa. Voir note. 3 il] n’eust Ac; corr. d'après Aa.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE verront tant honnourer
comme
il les honnoura,
371 car il les
commença a aourer, et plus de cent mile foys les atouche a ses yeulz et a sa bouche et a son viz; et s’en tint merveillez a
riche, et les fiche en son sein pres de son cuer, entre sa chemise et sa char. Et sachiés qu’il n’en prendroit mie ung char chergié d’esmeraudes, ne jamais ne cuide que! nul mal le 10 prengne, ne il ne prisast mie envers les cheveulz toutes les reliquez de saint Pierre ne de saint Pol. Et quelx estoient [65a] les cheveulz ? Je le vous diray mais que vous pour fol et pour mensongier ne me tenéz; mais tant vous puisse je bien dire que pour tout l’avoir du royaume de Logres, qui l’eust donné au chevalier, n’eust il aussi grant joie comme il avoit des cheveulz qu’il avoit trouvés. Et tant dist 1y comptes que or qui est esmerés par cent mile foys feust envers lui obscur plus que la nuit ne soit obscure contre le cler jour. Mais je ne vueil cy plus demourer ne faire plus long compte. Et maintenant 20 remonte la damoiselle moult ysnellement a tout le pigne, et cil se delicte et confforte moult durement aux cheveulz que il a en son sein. 55. Ettreuvent une forest deléz ung plain, et vont par une adresce chevauchant tant que la voye leur commence moult durement a estrecier; si couvint l’un aler avant l’autre car on
n’y peust pas mener pour riens deux chevaulx coste a coste, et la pucelle se met ou chemin par devant le chevalier la ou la voye estoit plus estroicte. Et lors regardent devant eulz, si voient venir ung chevalier. Et la damoiselle, quant elle le vit, si l’a congneu, si lui a dit: «Sire chevalier, veéz vous cellui
qui la vient encontre nous tous armés et prest de bataille? Il 10 m’en cuide sanz faille orendroit avecques lui mener. Et il m’a
priee, que par lui que par ses messages, moult a long temps, mais de m’amour est il en deffens car ja’, pour riens qui
! cuide ne que: ne barrré. 2 je Ac et Aa.
BA
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
avenist, le mien cuer ne l’ameroit. Et je sçay bien orendroit qu’il a si grant joye de ce qu’il m’a cy trouvee qu’il s’i delicte 15 tout autretant comme s’il m’avoit ja toute quitte!. Mais or y pairra comment vous esploiterés encontre lui, et se vostre conduit me pourra valoir. Adont diray je, se vous me garantisséz de lui, que moult avrés prouece.» Et le chevalier lui dist: «Damoiselle, alés, aléz, n’ayés ja paour!» Et ceste 20 parolle si valut autant comme s’il deist: «Pou m’en chault de ceste parolle et petit ay d’esmaiance en moy pour parolle que vous m’ayés dite!»
56. Et que que ilz vont ainsi parlant, le chevalier ne vint mie lentement celle part maïs les grans galoz, et vint encontre eulz. Et pour ce lui plaist tant durement a haster qu’il ne cuide pas gaster ses pas en vain, mais pour bien euré se clayme quant il voit la riens que il plus ayme. Et tout maintenant que il l’approuche, si la salue de cuer et de bouche, et dist: «La
riens dont je plus me dueil et dont mains ay joye, ait bonne aventure et soit la bien venans !» Et celle respont que Dieux le beneye, car n’est mie droit qu’elle tiengne sa parolle trop chiere vers lui. Mais au chevalier a moult durement valu ce que celle son salut lui rent, ne sa bouche n’a paluee ne noyent ne lui a couté ! Et se cil eust a cest mot vaincu ung tournoy et fort jousté, ne s’en prisast il mie tant comme il s’em prise? de ce qu’elle lui avoit son salut rendu. Et pour ce qu’il en fu si 15 liéz, l’a parmy la resne du frain prise et lui dist: «Or vous enmenrray je. Et que que j’aye longuement nagié, a bon port suy arrivéz Car or suis je tous miz fors de peril et mis a droite voye de salut, et de tres grant ennuy a grant richesse, et de tres grant doulour a grant santé. Mais ore ay toute ma voulanté 20 achevee [65b] quant en telle maniere vous truiz que je vous en
’ quise Ac et Aa; corr. d'après le v. 1540: Con s’il m’avoit ja tote quite. ? peise Ac er Aa; corr. d’après le v. 1579: mialz s’an ainme et prise.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
373
puis avecques moy mener sanz nesun encombrier. — Sire, fait elle, cil chevalier me conduit. — Conduit ? fait cil. Si m’aïst
Dieux, ce conduit n’est! preux car je vous amenray? o moy si comme je cuid, car ainçois avroit leÿ chevalier mengié ung 25 muy de sel qu’il vous eust conquise vers moy. Ne cuid certes chevalier ou mond vers qui je ne vous conqueisse bien. Et puis que je vous ay yci trouvee en telle maniere, si m’aïst Dieux, veulle ce chevalier ou non, je vous enmenray o moy, et si en face tout son mieulx quanques il en pourra faire. » 57. De tout ce que le chevalier de la charrette lui ot dire, lui est moult poy et pou l’en chault, mais tout sanz orgueil et sanz menace la li commence a chalangier et lui dist: «Ha! sire, ne vous hastés trop ne ne gastés voz parolles en vain, mais parlés tous a mesure et raison, car ja ne vous en sera
vostre droicture tollue par moy quant l’i avrés. Mais par mon conduit si vint la pucelle cy: mais or la laissiés‘, car vous l’avés trop tenue ne encore n’a elle garde de vous. » Et cil dist qu’il ottroye c’on l’arde s’il ne la maine en sa compaingnie 10 quant il s’en yra. «Se m'’aïst Dieux, sire chevalier, fait le chevalier de la charrette, ce ne seroïit mie bon se je ainsi mener
la vous en laissoie, et moult m’ariés ore espoventé de neant se vous pour telles parolles dire l’enmenés. Et tant sachiés vous bien que ainçois me combatroye je que je l’en laissasse 15 mener. Et se nous voulions ore cy combatre en ce chemin, si ne pourrions nous, car trop est le chemin estroit, mais alons fors decy a la voye plaine. — Se m’aïst Dieux, fait le chevalier, de ce n’avés vous mie tort, et je m’y accort moult bien car 20
moult est le chemin estroit, mais je ay moult grant paour de mon cheval que, ainçoys que je l’aye tourné, qu’il ne brise la
l conduit est avec n ajouté en interligne. 2? enmenray Aa. 3 avroit] ung le : ung barré. 4 Odm Aa: or] laissiez la.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
cuisse. » Lors se tourna a moult grant paour, mais son cheval neant ne blece, ne de noyent ne fu courouciés. Si dist au chevalier de la charrette: «Se Dieux m’aïst, sire chevalier,
moult suy dolant quant nous, en place devant hommes, ne 25 nous sommes encontrés : si ne feust mie fait en reppost mais
devant gent. Mais ore alons, car nous trouverons cy pres de nous plaine terre la ou nous pourrons combattre.» Lors s’en vont ensemble jusquez ung pré. 58. Eten ce pré avoit dames et damoiselles et chevaliers qui a pluseurs geus se desduisoient pour ce que bel estoit le lieu;et jouoyent les pluseurs aux eschéz et aux tablez, et les autres aux! déz, et les autres pluseurs demenoient leurs enfances, et chantent et tumbent et saillent et karollent. Etung chevalier aucquez d’aage estoit de l’autre part ou pré sus ung moult grant cheval d’Espaingne, et avoit selle et frain en? or. Et estoit le chevalier mellés de chainez, et tenoit l’une de ses
mains a son destre léz, que par contenance y avoit mise; et yert en sa chemise venus pour le beau temps, et avoit ung mantel ver a ses espaules et regardoit les gieux que ceulz faisoyent. Et de l’autre partie lez ung sentier avoit chevaliers armés jusques a trente troys es chevaux [66a] montés. Et si tost comme ceulz qui amoient voyent venir le chevalier de la charrette et la damoiselle et le chevalier, si se tiennent tous de
faire leur gieux et crient tous a une voix : « Veéz le chevalier, veéz, qui fu menés en la charrette ! Et maldehaïit ait qui jamais y jourra tant comme il y* soit !»
59. Etentretant comme les gieux y furent demeurés, estes vous venu devant le chevalier — le chevalier qui estoit mellés de chaynes -, le chevalier qui la damoiselle clama pour seue,
l au Ac; corr. d'après Aa. 2? a Aa. ? y omis Ac et Aa; corr. d’après le v. 1684 : tant com il i sera.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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et lui dist: «Sire, si m’aït Dieux, moult grant joye m'est advenue, que Dieux m’a donnee et rendue la chose en ce
monde que je plus ay desiree, ne Dieux ne m’eust mie fait si grant bonté s’il m’eust couronné a roy, ne aussi bon gré ne l’en sceusse je mie. Dites moy, beau pere, fait il, dont ne va il
yci riche gaaing ? — Gaaing, beau filz ? fait le chevalier. Ce ne
| 10 sçay je mie s’il est tiens. — Ne savés? fait il. Pour Dieu, ne dites mais !Ne veés vous que je l’ay trouvee en celle forest dont je vieng, la ou je l’encontray? Et je cuid que Dieux la m'y envoioit, si l’ay prise comme la moye. — Je ne sçay pas, fait il!, encore se cil l’ottroye, qui avec lui vient;et chalengier 15 la voulra il; je croy.» Entretant furent les karolles remeses et les dances, et s’assemblerent tous environ eulz ceulz qui a celle feste estoient venus, et ne vouloient pas jouer pour le mal et pour le despit au chevalier. Et le chevalier de la charrette qui aprés la damoiselle vint, s’escria en hault: 20 «Fuyés, chevalier !Laissiés la damoiselle, vous n’y avés nul droit, et se vous envers moy l’osés tenir, je le monsterray vers vostre corps !» 60.
Lors lui dist le vieulz chevalier:
«Beau
filz, je le
disoie bien. Ne oncques plus ne la detien, si chier comme tu as m’amour. » Mais ceste parolle n’en abelist mie au chevalier,
ains dist que ja puis Dieux honneur ne lui envoit que il la rendra. «Et aussi m’aït Dieux, beau pere, je la tien, et si la tenray comme la moye chose lige que je aym autant comme mon corps. Et aussi m’aïst Dieux, je ne cuid mie que le chevalier soit encore néz qui de lui me peust partir: ainçois seroit la guige de mon escu rompue, ne en mon corps ne en 10 mes armes ne en m’espee ne en ma lance n’averay je ja fiance puis que je l’en verray mener devant moy a ung estrange chevalier. Comment,
beau pere, si lui laisseroye m’amie?
Dont seroye je honiz en terre, ne jamais en mon
l elle Ac et Aa.
vivant
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
n’avroye honneur !— Par Sainte Croix, fait le pere, je ne te lairay mie combatre pour chose que je voye. Trop te fiez en ta prouece. Laisse ester et si me croy: si feras scens. — Comment ? fait cil, suis je donc enfant a espoventer ?Aussi
m’aït Dieux, il n’a chevalier ou mond, si comme la mer l’enceint, a qui je la laissasse mie! aler, et qui je ne cuidasse 20 mie faire en moult petit d’eure recreant. — Ainsi le cuides tu,
fait le pere, mais par Sainte Croix, il en y a moult de teulz qui petit priseroient ton? povoir, et aussi m’aït Dieux, je ne vueil
25
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35
40
que tu te combates ja a cestui, mais lay lui la damoiselle avoir a? paix. — Si m’aït Dieux, fait cil, bien seroye ore honniz se je creoye vostre conseil. Et maldehaït ait qui ja le croirra ne qui ja s’en requerra pour vous, que je ne m'en voyse tout maintenant combatre au chevalier ! Il est voir que li privés mal achette, [66b] et moult en peusse ore mieulx bargueingnier ailleurs que cy, car je sçay tout vrayement que vous me voulés engignier. Et mieulz pense en .I. estrange lieu mon preu a pourchacier que cy, que ja uns homs qui ne me congneust ne‘ me destourbat de mon vouloir, et vous me grevéz et° nuysés : si en suis plus angoisseux et plus doulans que se ung autre m'en eust destourbé. Et pour ce que la bataille m’avés tant blasmee, si en suis je plus angoisseux du faire, car qui a homme et a femme blasme son vouloir, tant en art il plus et enflamme, et puis s’en met en grant vouloir. Mais ‘ se je pour vous laisse ceste bataille, ja Dieux nef m’aïst. Ains me combatray maugré vostre au chevalier. — Par saint Pierre l’appostre, fait le pere, non ferés. Or voy je bien que tu es folz et que ma priere ne vault riens en toy : si pers tout quanque je
mie omis Aa.
2 son Ac et Aa. 3 en Aa. ne répété Ac et Aa.
grevés] plus et Aa. ja] ne dieux ne Ac et Aa.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
£ 7/5)
dy. Mais je te bastiray ja tel gieu moult tost que maugré tien te couvenra mon vouloir faire et que tu en seras ja moult au dessouz! de ta pensee. » 61. Lors appelle ses chevaliers que ilz viengnent a lui, et leur commande qu’ilz tiengnent son filz tant que ce chevalier s’en soit partis, «çar tant est folz que je ne le puis chastier. Certes, fait le pere, je le feroye ainçoys lier comme fol que je un
le laissasse combatre. Vous estes tous mes hommes en foy, si
vous requier et pry sur quanque vous tenéz de moy que vous le tenéz et que il n’ait povoir de lui mesmes, car trop lui muet de grant follie et de grant orgueil qu’i va encontre ma voulanté. » Et cilz dient: «Par Sainte Croix, puis que vous le voulés, ainsi nous le vous tenrons tant durement qu’il n’avra talent de soy combatre ne de jouste faire au chevalier ;et si lui couvendra maugré sien rendre la pucelle et clamer quitte au chevalier. » Lors le queurent saisir tout maintenant par le col et par les braz. «Dont ne te tiens tu ore a fol ? fait le pere. Dy 15 moy le voir ! Or n’as tu ne force ne povoir de combatre ne de jouste faire. Et encore te pri je que tu laisses ta follie atant et ottroie ce que je te dy, si feras que sages. Et sces tu que j’ay enpensé a faire vers toy pour ce que mendre en soit ton dueil ? Nous suivrons le chevalier huy et demain, entre moy et toy, parmy forests et parmy boys, et chascun sur son cheval emblant ; et nous ne le pourrions ja si tost trouver de mauvais semblant que tantost je t’i lairay combatre et ta voulanté toute faire?. » 62.
Maintenant lui a cil creanté, si comme cil qui el n’en
pot faire, car autrement ne povoit il estre delivrez, et dist qu’il s’en soufferra pour lui mais qu’ilz le suivront tous deux ensemble et qu’il le laira combatre au chevalier, s’i vient en
! dessus Ac et Aa. Voir note. 2 Odm Aa: voulanté] faire toute.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
378 cn
lieu. Et quant ceulz qui yllec estoient virent que le chevalier qui sur la charrette fu s’en vait, et si enmaine la damoiselle sanz deffense, si s’escrient tous ensemble: « Avéz vous veu grant merveille, que cil qui sur la charrette fu a Dieux donné si grant honnour qu’il enmaine l’amie au filz de monseigneur, et si le sueffre [67a] monseigneur ? Or sachiés bien que aucun
bien cuide il que il ait fait et qu’il ait en lui, puis que il mener l’en laisse et si grant honneur lui a faite. Maldehait ait qui huy mais laissera a jouer pour lui ! Mais or! ralons jouer !» Et lors recommencent leurs gieux et leurs karolles et leurs dances. 63.
Et le chevalier de la charrette s’en tourne tantost, que
il plus en la place ne sejourne; et la pucelle ne remaint mie, ains s’en vait aprés lui toute la voye. Et ainsi comme 1ilz chevauchoient, si encontrent .1. moyne enmy leurs yeux, et le moyne estoit moult vieulx. Et quant ilz l’encontrent, si lui prient moult durement que il leur die quel clochier c’estoit que ilz veoient. Et il leur respont que il y avoit ung cymentiere, et il lui dist:
«Menés m'y.» Et lors l’enmaine. Et il
chevauche pres du cimentiere avec le moyne, et il voit les plus 10 belles tombes c’on peust trouver jusques a Romme ne de la jusques a Panpelune; et si avoit sur chascune tombe lettres qui les noms de ceulz devisoient qui ens gisent. Et il savoit lettres assés, que la dame du Lac lui avoit fait apprendre, si les commença a lire et trouva: «Cy gerra Gauvain et cy gerra Agrevain et cy Girfléz le filz Do; et cy Mordrés et cy Yvain». Et aprés ceulz y a moult leu de ceulz de la court le roy Artus, des plus prisiés et des meilleurs de celle terre ne d’autres. Et entre les autres en trouva une qui toute estoit nueve, et yert sur toutes les autres et riche et belle. 64. Et le chevalier appelle le moyne et dist: «Sire, ces tombes qui cy sont, pour quoy furent elles faites?Et si me dites que les tombes segnefient, et si me dites de celle grant
l or omis Aa.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
379
lame de quoy elle sert.» Et le preudomme lui dist : «Je le vous diray. Ce est du vaissel qui a passé tous les autres et tous ceulz qui oncques furent fais, ne oncques si riche ne si bien pourtrait ne vit ne moy ne nulz: bel est dehors et plus dedens. Mais ce ne vous pourroit chaloir, car ja dedens ne le verrés, çar il couvendroit .VI1. hommes moult grans et moult fors aü 10 descouvrir. Et qui la tombe voulroit ouvrir, il y couvenroit moult grant paine, car elle est d’une lame couverte qui trop est pesant et ahuege. Et bien y couvendroit au lever .VIr. hommes plus fors que nous ne sommes entre moy et vous. Et y a escriptes unes lettres qui dient, qui levera ceste lame par son [45 seul corps, qu’il gectera ceulz et celles hors de la prison qui ont esté long temps en la terre estrange dont nulz ne retourne, s’il n’est du paÿs néz; ne encore ne retourne nulz des estranges prisons, car les estranges y tiennent prison et ceulz du païs viennent hors et ens a leur voulanté. » Et tantost que le | 20 chevalier entent ceste parolle, si! va la? lame saisir et sus la lieve si qu’il le grieve moult petit. Et moult la leva mieulz que .X. hommes ne feissent, mais qu’ilz y meïssent tout leur povoir. 65. Et le moyne s’en esbahist tout quant il l’a veue la merveille que cil a faite, ne il ne cuide jamais en toute sa vie veoir homme qui ce veist ne feist, et lui dist: «Sire, or ay je moult grant envie que je sceusse vostre nom. Dites le moy, par la vostre voulanté !» Et le chevalier lui respont: «Ja mon nom ne povés vous [67b] savoir a ceste foys. — Se Dieux m’aïst, fait il, ce poise moy quant je ne le puis savoir. » Et le chevalier appelle le moyne, si lui dist: «Or me dites, fait il, de quoy furent les tombes faites, et pour quoy. » Et le moyne respont: «Ja avés vous leues les lettres, et se vous lettres savés, donc savés vous bien que elles dient, ne autre riens ne vous en
l et Ac et Aa. Voir note. 2 la omis Ac et Aa.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
diray. Mais, sire, se vous me disiés vostre nom, mieulx en
pourroit estre encore. » Et il lui dist: «Ung chevalier sui, ce veés, du royaume de Logres, et atant, s’il vous plaisoit, si en voulroye estre quittes. Mais or me dites qui gerra en celle tombe. — Par Sainte Croix, je le vous diray, fait 1y rendus. Il y gerra cilz qui deliverra ly chetifs de la terre et du royaume de Gorre, tous ceulz! qui sont a la trappe pris du royaume dont nulz n’eschappe. » 66. Et quant il ot ceste parolle comptee, si ot une voix qui crie en hault d’autre part du cymentiere, et commence a crier en hault: «Ha! sire chevalier, mercy! Delivre moy de la douleureuse chartre la ou je sui ! » Et quant le chevalier entent la voix, si s’en tourne celle part. Et le moyne le tire au pan du hauberc, si lui dist:
«Ha! sire chevalier, nel faire, car ains
nulz n’atoucha a la tombe qui ne morut ! Et ce est la tombe au deable !» Et quant le chevalier l’entent, si prise petit le dit au rendu. Et cil crie plus et plus que il lui aide, et Lancelot vait a 10 grans pas a la tombe et voit que grans brandons en saillent, de? feu et de flambe ardant. Et une voix qui ist de la tombe* lui dist :«Pren de celle eaue que tu vois yllec en cel orçuel, si en arrouse tes mains et ton viaire, et si garde que tu y aies moult grant creance, car ce est de l’yaue dont le prestre a lavees ses mains aprés ce qu’il a tenu le corps Nostre Seigneur. » Et le chevalier n’arreste, ains prent de l’yaue, si en arrouse son viaire et ses mains, et puis s’en vint a la tombe parmy le feu et mist son escu encontre la flambe, et vint a la tombe et la prent
et la cuida hauchier mais ains ne la pot mouvoir. Et quant il 20 failli, si s’en revint arriere tost.
! ly chetifs] de la terre et du royaume et de gorre et tous ceulz Ac; li chetifs de la terre et du royaume de logres et de gorre et touz ceulz Aa. Voir note. 2 du Ac ef Aa. ? qui] ert de l’eaue Ac et Aa; corr. d’après L, III, p. 292 : une vois li escrie qui de la tombe ist. Voir note.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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67. Et cil qui yert a la tombe lui dist: «Beaux amis, n’ayés mie honte se vous y avés failli, car maint preudomme s’i sont essaiés qui a chief venir n’en porent. Mais de tant comme vous avés fait ceans, si avés vous tant conquise d’onnour que ains mes nul chevalier n’y entra qui autretant en peust conquerre. Et je sçay bien que je seray delivrés par temps, car le vassal si est néz qui de ceans me gectera, et est de tel aage que il pourra par temps chevalier estre. Ycellui achievera les douleureuses aventures qui sont espandues par le monde, il conquerra tous 10 les chevaliers
qui erent encontre lui, il achievera tous les
perilz : cil est sires du Graal ! — Dites moy, fait le chevalier, qui vous estes. — Je le vous diray, fait cil. Nous sommes
deux
chevaliers, moy et mon frere qui a a nom Moÿs. Si nous avint que nous chevauchions! querans les aventures les plus [68a] merveilleuses que nous povons trouver. Et moy, si ay nom Salan li Envoisié?. Et tant qu’il nous advint par aventure que nous venismes une nuit chiés le Riche Roy Pecheour, car nous y cuidames achiever l’aventure du Graaz. Si y faillimes. Et quant nous eusmes failli a l’aventure, si nous dist la belle 20 damoiselle
de Langorre,
qui mon
frere amoit, que s’il le
vouloit prendre, il lui feroit achiever l’aventure et avoir le Graal. Et mon
frere, qui moult desiroit gloire et louenge,
l’ottroia, et moy mesmes ottroier le fist. Et advint la nuit que la damoiselle, par art et par jugement, vint au secré du Graal, la 25 ou on l’avoit reppost. Mais le Saint Vaissel, qui enchantement ne puet tenir, la lia en trop perilleuse aventure, car si tost comme il ajourna, elle se trouva en une cuve de marbre ardant
desi aux mamelles a la plus grant angoisse qui soit; et je me trouvay en la perilleuse tombe que cy vois, et mon frere en 30 liens de fer en la perilleuse forest de Darnantes, ne nous ne ystrons de cy atant que cil venra qui l’aventure du Graal pourra eschiever. Or va a Dieu, car a ceste aventure as tu failli. »
1! chevauchons: i ajouté en interligne.
2 envoisé Aa.
382 68
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE Atant reppaire le chevalier arriere moult dolant, et est
tout honteux de l’aventure a quoy il a failli. Et lors est a la damoiselle revenus, et le vieil moyne l’enmaine maintenant
hors de l’eglise et le convoie, et cil se remet tout maintenant en la voye. Et, endementiers que la pucelle monta, lui compta tout le moyne quanques il avoit fait leans; et son nom, s’elle le savoit, lui prie qu’elle lui deist. Et elle respont que elle ne scet, et pour ce tient elle sa compaingnie qu’elle le cuidoit savoir. «Mais tant vous puis je bien dire, fait la damoiselle, que il n’a
tel chevalier tant comme ventent les .Ir. vens.» Atant laisse la pucelle le moyne et s’eslaisse aprés le chevalier. 69. Et ceulz qui les sievoient viennent tantost aprés grant aleure et regardent, si voient le moyne seul devant l’eglise. Et le chevalier en cemise li dist: «Sire, veistes vous cy ung chevalier? Dites le nous. Et si maine une damoiselle avecques lui. — Aussi m’aït Dieux, fait le moyne, ja pour paine ne le larray que toute la verité ne vous en die. Ilz s’en vont orendroit de cy, mes le chevalier a fait orendroit leans si grans merveilles que je ne cuidoye mie que nul chevalier du monde les peust faire, car il a tout seul la pierre levee qui est sus la tombe marbrine, et ainsi qu’il oncques neant ne se greva. Et il s’en va aprés la royne pour secourre, et il la secourra sanz faille, et avec lui tous ceulz qui sont en chaïitivetté par la terre. Et vous mesmes le savés bien, qui souvent avés leues les lettres qui sont sur la lame. Ne oncques voir d’omme ne de femme ne nasqui riens terrienne qui 15 cestui vaulzist!» Et lors a dit le pere a son filz tout en riant: «Filz, que t’en semble ? Donc n’est il moult preuz qui a fait tel effort ? Or scez tu bien que le tort en fu, ou tien ou mien. Aussi
m'aïst Dieux, je ne voulzisse pour la moitié du royame de Sorelois que tu a lui te feusses combatu, ne eue mellee. Et sit’en 20 es tu huy moult debatu ainçois que je destourner t’en peusse! Mais or en povons nous aler, car trop ferions [68b] que folz se plus aprés alions. — Et ce ottroye je bien, fait cil, car le suivir petit nous vaulroit. Et quant il vous plaist, ralons nous ent. » Et lors retournent. Si en laisse li comptes a parler cy endroit et 25 retourne au chevalier et a la pucelle.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
383
70. O: dist ly comptes que quant li chevalier de la charrette se fu partis du cymentiere, si chevaucha son chemin et la pucelle avec lui; et s’acoste jouste lui, que elle le veult un
faire a lui entendre, et il lui requiert moult durement que son nom, s’i lui plaist, lui die. Si lui reprie une foys et autre moult durement, tant que cil lui dist par ennuy : «Donc ne vous ay je dit, fait il, que je sui du royame de Logres et des chevaliers au roy Artus ? Se Dieux m’aïst, autre chose ne savrés vous huy de moy.» Et quant celle oïst que plus n’en savra, si lui dist a lye chiere par semblant, mais elle a le cuer yrié ou corps de ce que son nom ne puet savoir, si lui dist qu’il lui doint congié. «Damoiselle, fait il, a Dieu alés !» Atant s’en parti la pucelle,
et cil, tant que il fu bien tart, a chevauchié sans compaingnie.
un
71. Et par devant complie, endroit vespre, si comme il son chemin tenoit, si choisi ung chevalier venant qui reppairoit du lieu la ou il avoit chacié. Si venoit le chevalier le heaume lacié, et sist la venoison toursee sur’ .I. grant chaceour ferrant. Et le chevalier qui la venoison portoit vint moult tost contre le chevalier armé, et lui pria moult de herbergier avecques lui. «Sire, fait il, il sera par tans nuit, et tans* de herbergier, et je
ay cy pres une moye maison ou je Vous menray anuit mais ; ne oncques nulz homs de mon povoir ne vous herberga mieulz que je vous herbergeray, et moult en seroye liéz. — Grans mercis, sire, fait le chevalier, et je m’y herbergeray.» Et le chevalier avoit avec lui en la forest amené
.I. sien filz, et
l’envoya avant pour faire l’ostel apparaïllier et pour la cuisine haster. Et le varlet, qui moult fu vaillans, s’en va devant grant aleure, et les autres deux n’ont de haster talent, ains s’en vont leur chemin tout souef tant qu’ilz sont a l’ostel venus.
1 C'est avec cette phrase que débute Ab. Le texte figurant sur le premier folio de ce manuscrit est édité dans l'Annexe I. 2 venoison] sursee sur Ac et Aa; corr. d'après Ab: venison] toursee (cf. le y. 2031, Et a sa venison trossee).
3 tant Ac et Aa; corr. d’après Ab.
384
72.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
Et le vavassour
avoit a femme
une
dame
moult
courtoise et affaitiee, et .V. filz qu’il ama moult, .I. varlés et deux chevaliers, et deux filles qui moult estoient belles et gentes, et estoient encore pucelles. Maïs i1z n’estoient mie de
la terre, ainçois y estoient en prison tenus et y avoient moult longuement esté, et estoient néz du royaume de Logres. Et le vavassour a amené le chevalier dedens la court, et la dame, qui moult fu belle et afaitiee, lui court a l’encontre, et ses filz
et ses filles saillent, qui moult se travaillent pour lui servir; et le saluent et descendent, et lui portent si grant honneur comme ilz plus porent faire. Et quant ilz l’orent tant honnouré comme ilz plus porent et i1z l’orent desarmé, si lui apportent ung mantel d’escarlate court; et s’il fu la nuit bien servis au
souper, de ce ne couvient il ja tenir compte. Mais quant 11z orent mengié, si commencent a parler de pluseurs choses, et tout premierement le vavassour commença son hoste a [69a] enquerre dont il estoit, mais son nom ne lui enquist il mie. Et il lui respondi tantost: «Sire, je suy du royaume de Logres, mais ains mais en cestui païs ne fuz.» Et quant ly sires l’entent, si en a moult grant merveille, et aussi ot sa femme et tous ses enfans, et n’en y a ung seul cui moult n’anuit.
73. Et lors si lui commencent a dire tout en plourant: «Ha ! sire, comme c’est grant! dommage de vous ! Et tant mar feustes, car ore serés, tout ainsi comme nous sommes, en essil et en servage ! — Et dont estes vous ? fait le chevalier. — Sire, fait il, nous sommes de la terre de Logrez dont vous dites, et
10
en ce paÿs a maint homme de vostre terre qui sont en servage et en essil. Et maudite soit la coustume et qui la mist, et tous yceulz ensement soyent maudis qui la maintiennent, car nul estrange ça ne vient qu’il ne lui couviengne remanoir et que la terre ne le detiengne. Et qui que veult entrer y puet, mais demourer lui couvient. De vous mesmes est il pais, vous n’en
! sire] comment est ce grant Ac et Aa; corr. d’après Ab : sire] comme chou
est grans.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
385
ystrés mais a nul jour. — Si feray, fait il, par Sainte Croix, se je puis. » Et quant le vavassour l’ot!, si lui respont : «Comment, sire ? En quidés vous donc issir ? — Quidier ? fait le chevalier, 15 oïl, par Sainte Croix, je croy bien que je m’en ystray. Ainçois y mettray je tout mon povoir que je n’en ysse, ne je n’ay encore veue chose pour quoy je y doye demourer ne pour quoy je n’en doye yssir. —- Donc m'en ystray je, fait le vavassour, et tous les autres quittement qui en ceste terre sont 20 en prison, puis que l’un s’en istra. » 74. Atant s’en taist ly sires et commence moult durement a penser, Car il avoit oÿ dire que il venoit en la terre ung chevalier qui ja avoit passés une partie des felons trespas: si venoit pour la royne Genevre secourre, que Meliagans, le filz au roy Baudemagu, tient en prison; et dist: «Certes, je pense et croy que ce soit il: diray lui doncquez.» Lors lui dist: «Sire, par la riens que vous plus amés, dites moy voir de la chose que je vous demanderay, et par tel couvenant le me dites que je vous en donray conseil le meilleur que je vous en 10 savray donner; et je mesmes y avray grant preu. Si m’en descouvrés la verité pour vostre preu et pour le mien, car je cuid que vous soyés venus en ceste terre pour la royne Genevre entre ceste gent sarrasine, qui pieurs sont que ne sont Sarrazins. » 75. Et il respont que pour nulle autre chose n’y vint que pour secourre sa dame, «et a lui secourre vouldray je mettre cuer et corps et povoir et engin et force. Si ay moult grant mestier de conseil :si me consseilléz se vous savéz. — Certes, sire, fait le vavassour, vous avéz emprise une chose moult
greveuse, car la voye que vous tenéz, si vous maine au Pont de l’Espee tout droit. Si vous couvenroit croirre le meilleur conseil que vous pourriés trouver, et se vous mon
1 l’entent Aa.
conseil
386
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
creés, je vous feray mener au Pont de l’Espee tout droit par la 10 plus seure voye qui y soit.» Et cil qui la meneur couvoite lui
dist :«Est ce donc la plus courte voye que vous dites que celle que je tieng? — Nennil, fait il, ains est plus longue et plus seure. — Sire, fait il, de ceste voye tenir n’ay je cure, mes en celle ou je suis entrés me consseilléz; et je suis tous 15 appareillés de croirre le meilleur conseil se je truis qui le me doint. — Certes, fait le vavassour, je vous conseilleray a mon povoir. Mais vous y avrés pou [69b] de preu quant vous ne voulés aler la voye que je vous enseingne, car vous venrés demain a ung felon passage ou tost pourrés avoir grant ennuy, 20 si a nom le Passage des Pires. Or vous diray du passage comment il est mauvais : il n’y puet c’un seul cheval passer, et si n’yroient pas deux hommes lés a léz; si est le trespas bien gardés et deffenduz. Mais il ne vous yert mie rendus maintenant que vous y venréz, ains avrés ainçois maint coup 25 donné et receu et pris, d’espees et de haches et de lances. » Et quant il lui ot toutes rettraites ces parolles, si sel trait avant ung chevalier, filz au vavassour, et lui dist : « Avec ce seigneur
m'en yray, se il ne vous grieve.» Et ung varlet sault sus, filz au vavassour, et dist:«Sire, aussi yray je !» Et le vavassour le 30 congié leur ottroie bonnement: or ne s’en yra mie seul le chevalier! Si les en mercie moult, et moult ayme leur compaingnie, car moult lui sembloient envoisiéz.
76. Atant leurs parolles remaïnent, si enmainent couchier le chevalier, et il s’endormy, se talent en ot, desy au jour. Et si tost comme il pot le jour veoir, si se lieve sus, et ceulz aussi
qui avec lui aler devoyent. Et quant ilz se furent armés et montés sus leurs chevaulz, si s’en vont quant? congié ont pris. Et le varlet s’est mis tout devant, et tiennent tant leur voye ensemble qu’ilz vindrent au Passage des Pierres, et y vindrent
! le Ac et Aa; corr. d'après le v. 2188 : Uns chevaliers avant se tret. 2 vont] droit quant Aa.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
387
a heure de prime. Et avoit, sur la brethesche devant, ung
homme en hault monté, et quant ceulz s’approuchent, cil 10 s’escrie en hault a moult grant vertu :«Cil vient par mal! Cil vient par mal !!» Atant es vous aprés ceste parolle ung homme monté? sur ung cheval, armé de toutes armes, et fu venus au chief de la brethesche, et monta sus. Et deça et dela furent sergens, si tenoient hachez trenchans.
77. Et quant il de la bretheche approuche, si lui repprouchent ceulz dela mout laidement que il avoit sur la charrette esté, et dient: «Par ma foy, vassal, grant hardement avés fait
et mout estes folz naÿs, quant vous oncques osastes entrer en ceste terre, car ja nulz homs ne deust entrer pour qu’il eust esté* en charrette.» A ytant le chevalier jus s’en avale, qui estoit montés en la brethesche, et point l’un contre l’autre tant comme les chevaulz porent courre. Et cil qui le pas deust garder peçoye sa lance par tronçons, et les tronçons lui cheent 10 a terre. Et l’autre l’assenne en la gorge parmy la pene de l’escu si qu’il l'envoie mort envers, au travers dessus les pierres. Et les sergens saillent a tous leurs haches sur lui et font grant semblant de ferir le chevalier, maïs point ne l’assenerent*, ains faillent de gré. Et le chevalier apperçoit bien qu’ilz ne lui vouloient nul mal, si s’en passe oultre sans nul ferir, et ses .II. compaingnons aprés. un
78.
Et l’un frere a dit a l’autre : « Aussi m’aïst Dieux, vecy
tel chevalier que nul a lui ne s’appareille! Et aussi m’aïst Dieux, il a fait la plus tres grant merveille du monde, qui par cy est passés a force, car oncques mais nul chevalier au mont
1 cil vient par mal non répété Aa (cf. le v. 2217: Cist vient por mal, cist vient por mal). 2 armé Ac et Aa; corr. d’après Ab: montet.
3 entré Ac et Aa. Voir note. 4 Je seuent Ac et Aa; corr. d'après Ab.
388
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
n’y passa. Et bien veons aux grans merveilles qu’il emprent que s’il puet longuement durer, il avra trespassés trestous les chevaliers qui oncques feussent! au monde. - Mais, beau frere, fait le chevalier qui estoit filz au vavassour, va a mon pere, si lui compte la merveille que ce chevalier a faite, et il 10 l’orra [70a] moult voulentiers et moult grant joye en avra. » Et quant le varlet? l’entent, si s’affiche moult durement et jure
que il arriere ne retournera, ne jamais pere ne mere que il ait ne verra decy atant que il soit chevalier par la main de cestui chevalier mesmes qui avra passés tous les preudommes du 15 monde. «Mais se vous avéz tel talant que monseigneur mon pere sache sa prouesce, si y alés et lui portés la nouvelle tantost. — Je n’yray pas !» fait le chevalier. 79. Atant s’en vont et chevauchent tant tous trois ensemble, parlant de plusieurs choses, qu’il pot estre none basse, et encontrerent .I. homme errant ou chemin. Et quant le proudomme les vit, si s’arresta et leur demanda qui ilz estoient et dont ilz venoient. Et ilz respondent :«Chevaliers sommes,
d’estranges
terres.
—Si
m'’aït
Dieux,
fait
ly
preudoms, je vous herbergeroye anuit se vous vouliés.» Et lors s’en vint au chevalier, cellui quil lui sembla des autres sire et maistre, et le‘ prie moult doulcement. « Aussi m’aït Dieux, fait le chevalier, je n’y sejourneroie pas car il est encore trop grant heure, et chevalier esrant qui si grant besoingne a a faire comme j’ay ne se doit mie a ceste heure herbergier*. Ne je ne me herbergeray point, car mauvais est ly homs qui se demeure ne reppose pour qu’il ait grant!!7 chose
! furent Aa et Ab. varlent Ac; corr. d’après Aa.
3 tant omis Aa et Ab. 4 l’en 4b. 5 Odm Ab mie] hierbegier a cheste eure. $ demeure] puis qu’il a grant Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
389
emprise.» Et ly preudoms lui dist: «Mon hostel n’est mie pres, ains est si avant et si loings sur vostre chemin que vous n’y venrés en piece, et moult y! sera tart et temps de herbergier quant vous y venrés. — Et je yrai donc!» fait le chevalier. Si se mettent atant en la voye et cheminent ensemble. 80. Et ly homs qui les enmaine s’en vait la plaine voye devant eulz, et tant qu’il encontre? deux chevaliers armés de toutes armes. Et quant* il approuchent des chevaliers, si s’eslaissent et courent sus au chevalier de la charrette, criant,
et dient: «Par Sainte Croix, oncques“ si grant hardement ne fist homs faulz, quant tu te dresces* es destrois a monseigneur et veulz passer les felons passages, et si as esté en la charrette !» Lors le ferirent ambedeux sanz arrest de leurs lances parmy son escu, et nepourquant si n’estoit il mie a ce temps coustume que deux chevaliers poinsissent a ung seul; mais ces deux le firent par la grant malice dont ilz estoient plains, et si estoient ilz cousins au roy Baudemagu etf gardoient la maistre chaucee de Gorre par le commandement? Meleagant. Et ilz tous deux ferirent ensemble sur le chevalier et brisierent leurs glevez. Et le chevalier ne se mut pour eulz,
ains en fiert l’un hault en la penne de l’escu si qu’il le perce et lui fait passer le fer du gleve parmy le pis, etf il l’empaint bien et par grant vertu, si le gecte mort de l’autre partie ou pré. Et lors trait l’espee et queurt sus a l’autre chevalier et lui donne
l 2 3 4 5
y omis Ab. encontrent Ab. comme Ab. ains Ab. tu] t’adreches Ab. 6 roi] bandamagus de gorre et Ab. ee congiet Ab. œ et omis Ab.
390
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
de l’espee merveilleux coups et l’assenne moult durement la ou le braz au corps lui joinct: si le trenche desi aux espaules, et il chey, onques! mot ne dist. Et quant le vavassour [70b] qui les enmenoit en son hostel vit? que ces deux chevaliers estoient mort, qui estoient les I. meilleurs et les plus 25 poissans qui feussent ou royaume de Gorre, si en ot le cuer 20
moult doulant en lui mesmes; et‘ lors se met au devant au
chevalier, si fut tant abosmé que il ne pot mot dire. 81.
Et ainsi comme
ilz chevauchoient,
estes
vous
un
escuier au ferir° des esperons sur ung grant roucin fors et graz et tost alantf, et estoit le roucin aussi reont comme une pomme. Et l’escuier s’escrie au preudomme qu’il vist’: «Sire, sire, venés vous ent au plus tost que vous povéz, car se vous ne vous hastés du venir, tous® sommes mors ! — En quelle maniere ? fait le preudoms. — Je le vous diray, fait cil. Vous ne savéz mie la grant merveille qui est avenue en ceste terre, car ceulz qui souloient estre cy entre nous emprisonnés du? 10 royaume le roy Artus, se sont reveléz et sont cy venus a ost sur ceulz de Gorre: si est ja commencee la tenson et la meslee et la guerre. Et dient que 1lz veulent yssir de nostre paÿs a force, et dient que en ceste contree s’est embatus ung chevalier qui tous destruira les passages et abatra les coustumes qui sont
! chaï] c’onques Ab.
2? qui les] menoit vit 4b. 3 mort omis Ac et Aa; corr. d’après Ab. Voir note. # moult] a lui mesmes et moult en fu doulant et Ac et Aa; dolant en lui meesmes et moult en fu dolens et Ab. Voir note. 5 deux chevaliers ferir Ac et Aa; un chevalier au ferir Ab; corr. d’après le v. 2296 (S’ont un escüier ancontré) ef le contexte.
6 amblant 4b.
7 qu’il vist omis Ab. 8 nous 4b. ? Odm Ab: estre chi] emprisonnet entre nous dou.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
391
15 establiez par cest regne, et mettra les noz au dessouz. Or si
vous hastés de venir, car se ilz vous treuvent dehors forteresce, mors estes! ! »
82. Lorsse metle preudomme es galos quant il a oÿ ceste parolle. Et le filz au vavassour lui dist:«Sire, en avés vous oÿ que cil escuier a dit a cel homme? Mais alons aprés et secourons à nos gens qui ja se sont meslés a ceux de la. » Et ly cn homs en vait tout adés au? ferir des esperons grant aleure, et s’adresce envers une grant forteresce qui estoit fermee enson ... tertre. Et il s’en vait tant qu’ilz viennent a l’entree de la forteresce. Et cil le sievent aprés a esperons grant aleure, et viennent a .I. baille qui estoit fermés d’un hault* mur et cloz d’un fossé environ, et ilz entrent enz. Et quant ilz furent entrés ens, si leur laissa on une porte avaler aprés“ les talons pour ce que ilz ne vouloient pas que ilz retournassent car le chevalier qui herbergier les deust et qui y estoit venus devant, avoit dit aux gardans de la forterece :«Cy vient ung chevalier qui tout 15 destruira les nostres !» Et pour ce fu la porte fermee aprés eulz, qu’ilz ne vouloient pas qu’ilz ne reppairassent. Et le chevalier de la charrette dist: «Alons, alons aprés nostre hoste, cy n’arresterons nous pas !»
83. Et s’en vont grant aleure aprés l’omme moult’ durement tant qu’ilz viennent a une autre yssue de l’autre part. Et celle yssue ne leur fu mie habandonnee a issir, ains treuvent ung chevalier, le heaume lacié, sur ung grandisieme
l Odm Ab: fortresce] vous estes mors. 2 hons] s’en va tout droit au Ab.
3 grant 4b. 4 Odm Ab: leur] laisse on avaler une porte aprés.
$ ne omis Ab. 6 Odm Ab: chi] nous n’aresterons pas.
7 Odm Ab: vont] aprés l’oume grant aleure molt.
392
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
cheval, grant et fort et tost alant, et se escrie au plus hault que il puet [71a] crier :«Par Sainte Croix, dant chevalier, ce est a tart :ceste entree vous est contredite, ne arriere ne retournerés vous point !» Lors laisse courre le cheval, et le chevalier de la
charrette aussi durement vers lui, et se vont ferir si grans parmy leurs escus que leurs lances froissent. Et le chevalier de la charrette fiert le chevalier de la tour si durement qu’il porte a terre lui et le cheval!. Et ou cheoir que
10 coups
le chevalier fait, le corps et? tous les membres lui heurtent tant
durement au pié de la tour que tout se desbrise* et le col lui 15 peçoye. Et le chevalier de la charrette et ses compaingnons
passent oultre. Et maintenant que ilz furent hors, si laisse on“ aprés leurs corps’ cheoir une porte couleisse, et par devant en laisse on une cheoir : si furent leans$ enserré. 84. Et le chevalier de la charrette avoit ung annel en son doit’ que la dame du Lac lui avoit donné. Et lors avale maintenant le manicle de sa main et regarde son doit. Etf l’annel si avoit tel force que enchantement” ne povoit tenir cellui qui sur lui l’avoit, et la pierre en estoit moult bonne et moult vertueuse, et avoit .Ix. grans vertus!° en lui dont ly comptes parlera ça avant. Et le chevalier met enmy sa veue l’annel et regarde la pierre et dist: «Ha ! dame, or aroye je de
! chevalier Ac; corr. d'après Aa et Ab. 2 fait] li elmes et li corps et 4b. ? Ac et Aa: que] tout se tout se desbrise; corr. d’après Ab: que] tous se debrise. 4 furent] fors si leur laisse on Ab.
$ coups Ac et Aa, caus Ab; corr. d’après le v. 2342 : cors. $ laisse Ac et Aa; corr. d’après Ab: laiens. 7 en son doit omis Ab (cf. le v. 2348: Avoit un anel an son doi). 8 maintenant] l’aniel de la main et regarde l’aniel. Et Ab.
? que] nus encantemens Ab. 10 avoit] deux viertus 4b.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
10
393
vous moult grant mestier !» Et celle dame qu’il reclamoit, si estoit la dame du Lac qui estoit appellee fee par la grant science qui estoit en lui. Et le compte nous tesmoingne que au temps le roy Artus, en quel temps! les aventures perilleuses furent trouvees, ne fu femme de sa science. Et la Vie Merlin,
15
qui fu le prophete aux? Anglois, le tesmoingne. Et celle dame reclama Lancelot moult souvent, car elle l’avoit gardé et nourri ou lac si comme vous? avés ça arriere oÿ ou compte, aprés la mort le roy Ban son pere, qui Claudas desherita. 85. Et“ ce desheritement estoit Lancelot souvent bien pres du cuer, maïs il estoit seur du vengier, que il sueffre l’attente sans grant travail. Dont il advientf souvent en cuer d’omme vigueureux qu’il sueffre plus de vengier l’ennuy que? on lui a fait, et il s’en pense bien a vengier, que dont s’il n’en cuidoit avoir vengence. Et il si fist, si comme ly comptes tesmoingne ça avant, il em prist la plus merveilleuse vengence avant sa mort dont nulz homs oïst oncques parler. Si tint puis son filz Galaad, dont li comptes vous dira ça avant, enaprés la mort Lancelot son pere, toutes les Marches de Galonne et le royaume de Benoyc et toute la Terre Deserte Claudas, et si tint les Estranges Ysles Galeod. Et cil Galaad fu filz de la fille auf roy Pelléz, qui fu oncles au bon chevalier et au seur,
en qui toutes guises de chevaleries furent espendues. Si ot
l en] qui tans Ab. 2 et] la vie merlin qui fu de la prophetie aux anglois Ac et Aa; et] li vie merlin qui fu de la phrophetie as englois 4b. Voir note.
3 lac] ensi que vous Ab. 4 Pour ce $, le texte complet de Ab figure dans l'Annexe IL et les variantes qu'il comporte n'ont pas été indiquées ici. 5 estoit] tant seur Ab. 6 advint Ac et Aa; corr. d'après Ab : avient.
7 quant Ac et Aa; corr. d’après Ab.
8 Je Aa.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
nom Perchevaus! 1y Galoys et fu filz au roy Alain des Vaulz de Camaalot, et les pluseurs l’appelloient Pellesvaus? pour l’amour du roy Pelléz son oncle que il ressembloit mieulx* que nulle creature’ humaine. Icil Perchevaulx acheva les aventures que nul ne peust achiever se il non, et il fu puis 20 couronnés en la grant Babiloine, si comme 1y comptes vous dira, et$ ot puis tout son vivant le precieux vaissel que on appelle Graal. Mais cy en laisse ly comptes a parler et retourne au chevalier de la char[71bJrette qui estoit entre les deux portes coulans. 86. Et il regarde la pierre de l’annel et congnut que il n’y avoit point d’enchantement. Lors s’en vont aval et viennent a une posterne et trayent leurs espees tout maintenant, et fierent tant a leurs epees qu’ilz l’ont coppee parmy la barre, et puis se lancent oultre tout maintenant. Et quant ilz furent oultre en plains champs, si voyent d’autre part une moult belle campaigne’ et moult large. Et la bataille fu commencee, et furent bien .Imi.c. chevaliers li essiliéz, et ceulz de la terre estoient bien .VII.C., que païsans que autres, quié venoient de loings et de prez. Et quant 11z furent venuz aval ou milieu” des préz, si parla le filz au vavassour comme sages et bien apris: «Sire, fait il, envoiéz pour savoir lesquelx sont nostres et de
l 2? 3 * 5
perchevaulz Aa. pellesunus Ac; pellesumus Aa; corr. d’après Ab. Voir note. pelles Aa. ressembloit] mi mieux : mi barré en fin de ligne. nulle] aultre creature Aa.
$ comme] ly comptes nous diront et Ac et Aa; com] li conte vous diront et Ab. Voir note.
7 compaingnie Ac et Aa; corr. d'après Ab : campaigne. $ vir.C.] estre les gens des païsans qui Ab (cf. le v. 2378: Estre la jaude des vilains).
? venut] au val en miliu Ab (cf. le v. 2379 : Quant il vindrent aval les prez).
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quelle partie se tiennent. — Certes, je le vueil bien, fait le chevalier de la charrette, que l’un de vous deux y vait! et que 15 nous sachions de quelle partie les nostres se tiennent. — Et je iray », fait le varlet. Et lors fiert son roucin des esperons et s’en vint vers la mellee, et tant en enquist qu’il sçot tout vrayement laquelle partie se combatoient ceulz du royaume de Logres. Et puis revint tout maintenant aux chevaliers et 20 leur dist: « Aussi m’aïst Dieux, seigneurs, je sçay tout certainement que les nostres sont deça? !»
87.
Et si tost comme* le chevalier de la charrette entent
ceste parolle, si broche le cheval des esperons; et le varlet lui
cn
avoit baïllié ung glaive. Lors s’adresce envers ceux de Gorre et voit ung chevalier venir moult richement armé d’unes moult riches armes a or. Et“ il le fiert du gleve en l’escu si qu’il lui perce et le hauberc lui rompt, et li fait le gleve passer parmy le pis. Et il l’enpaint bien, si l’abati* mort a la terre. Et ly escuier a pié descent et prent le cheval au chevalier et les armes, si s’en arme moult richement. Et quant il fu armés, si
10 prent l’escu et la lance qui estoit grosse, de fresne, et si a la bonne espee ceinte au costé senestre, trenchant et flamboiantf et clere. Et entre en la bataille tantost aprés le chevalier et aprés son frere, qui moult se rest richement” combatuz. Et le chevalier de la charrette se tint en la greigneur* presse, si
l voist Ab. 2 chiertainement] que che sont li nostre deça Ab (cf. le v. 2393 : Que ce sont li nostre de ça).
3 que Ab. 4 chevalier] armé venir armet de moult riches armes a or et 4b.
5 le] porte Ab. 6 espee] qui trencans estoit chainte au costet senestre et estoit l’espee flamboiant Ab (cf. le v. 2407 :tranchant et flanbeant et clere).
7 moult] s’eirent richement Ab.
8 fourçour Ab.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
commence chevaliers et chevaulz a abatre et a faire de lui grans merveillez, et il abat chevaliers et chevaulz:
il n’encontre
nullui que il n’occie et lui et le cheval, et tant que les chevaliers de la terre s’en esmerveilloient qui! le chevalier estoit, qui si faisoit de lui grans merveilles; et? tant que ung grant chevalier, qui gardoit les destrois de la Roche par la ou ilz estoient passés, vit la grant merveille que il faisoit. Si prent ung gleve et s’adresce au chevalier que il vit tant faire d’armes, et le fiert en l’escu si qu’il lui peçoye et l’auberc lui trenche et lui met selon le costé le fer du gleve; et au parheurter brise le gleve. Et quant’ il voult oultre passer, le chevalier de la charrette le fiert ou heaume en trespassant si qu’il lui trenche la coiffe et lui rest la moitié de la teste au travers et la cervelle lui espant: si chiet mort. 88. [72a] Et quant ceulz du paÿs le virent cheoir, si s’esmayerent moult durement’, et ceulz de la terre de Logres en sont joyeux. Et cilf se lance entre eulz et tint l’espee en la main et leur donne si grans coups que il’ nes garantist ne fust ne fer qu’il ne leur face sentir le branc jusques a l’os. Et il seul le fait si bien que tous les autres s’en desconfisent, ne il n’y a chevalier tant preu ne tant hardi qui l’osast attendre. Et les deux qui avec lui estoient venus le refont merveilles bien, et 10
ceulz du royame de Logres se merveillent de cellui qui en leur compaingnie est venus, qui si bien le fait, et si ne le
l tiere] s’esmierveillent qui 4b. 2? qui] faisoit tant de grandes mierveilles et Ab. 3 comme Ab. * et li] fent la moitiet au traviers et la chiervielle li respant si qu’il kiet mors Ab. 5 moult durement omis Ab. 6 il Ab. 7 caus] et moilt qu’il Ab. Le deuxième jambage du u de moult a été oublié. # logre] s’esmierveillent de chelui qui estoit venus en lor compaignie pour chou que si Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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congnoissent ; et si cuident ilz bien qu’il n’eust chevalier en
leur compaingnie qu’ilz ne congneussent, mais cestui ne porent ilz congnoistre. Si en demandent aux deux qui avec lui estoient venus, et tant en demandent que ceulz leur dient: 15 «Par ma foy, seigneurs, c’est! cil qui tous nous deliverra d’essil et de la grant maleurté ou nous sommes et de la ou nous avons long temps esté. Et moult lui devons grant honneur faire quant il pour nous traire? de prison a tant 20
douleureux pas passés, et encore assés en passera: moult a a faire et moult a fait. » Et lors n’y a cellui qui moult grant joye n’en ait. Et quant ilz oÿrent ceste parolle et ceste nouvelle, si coururent tant ça et la a toute leur gent que ilz sçorent bien qui il estoit, et lors orent tout ensemble si grant joye que plus ne porent. Et de la grant leece qu’ilz en ont leur croist force et
25 hardement,
et tant que moult en occient et tuent, mais tout
l’effort qu’ilz font, si est noyent envers l’effort que le chevalier de la charrette fait. Par lui seul ont ceulz du paÿs si grant doulour que tous s’en esbahissent : 1l seul les chace, il seul les occist, il seul les conffont, il seul les maine tous a 30
desconfiture et a destruccion. Et dient tous ceulz qui le regardent que oncques mais par l’effort d’un seul chevalier ne fu gent aussi desconfite. Et se la nuit ne feust si prouchaine, tous feussent mors et desconfiz, maïs la nuit vint si obscure que il les couvint deppartir. 89. Et quant ilz se commencierent a deppartir, si s’en vindrent tous les chaitifs autressi comme par estrif au chevalier, et le prannent de toutes pars au frain, et lui dient:
«Beau sire, Dieux qui toutes les vertus qui bonnes sont a en soy, il vous gart de peril et d’encombrier. Et de Dieu soyés vous li bienviengnans en ceste sauvage terre ou les
l Odm Ab: dient] signeur par ma foit ch’est. 2 nous] delivrer et traire Ab (cf. le v. 2430: Qant, por nos fors de prison treire).
3 si Ac et Aa; corr. d’après Ab.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
souffreteux! qui sont yssus de la haute lignie dez Bretons ont tant maulz souffers. » Aprés lui dist chascun : «Sire, par foy, il vous couvient avecques moy anuit mais? herbergier !—- Mais avecques moy!» font ly autre. - Mais avecques moy!» respondent les pluseurs, et dist toudis l’un aussi comme l’autre, et chascun herbergier le veult, aussi leÿ jeune comme le vieil. Si disoit chascun: «Sire, sire, vous seréz mieulz en
mon hostel que en l’autrui!» Et l’un a l’autre ceste parolle disoit*, et chascun le tolloit l’un a l’autre, et a pou qu’ilz ne
s’en combatoient entr’eulz. Et il leur dist qu’ilz se combatent de grant follieS. «Et laissiés, fait il, ce ester, carf il n’a entre nous mestier de noise ne de debat, ains’ doit avoir entre nous grant concorde et bonne paix, et moult devroit l’un amer l’autre et tenir chier et honnourer. Ne vous ne devés [72b] mie pour moy herbergier avoir tenson, ains devroit chascun
penser pour son preu que je feusse herbergiés en tel lieu que je feusse en ma droicte voye.» Et lors lui redist chascun ceste parolle#: «Sire, c’est en mon hostel ! — Mais ou mien! fait l’autre. — Par Sainte Croix, font les autres qui le vont saisir au frain, en autre hostel ne gerra il anuit que ou mien. — Par Sainte Croix, fait le chevalier”, or ne dites vous mie a mon loz,
et moult faites grant follie, qui de tel chose vous combatés. Vous me deveriés avancier et vous me voulés faire tordre ! Et
1 2 # * $
soufraitant Ab. anuit mais omis Ab. aussi] bien li Ab (cf. le v. 2463: Ausi li juenes con li vialz). l’autre] ches parolles disoit Ab. grant] vuiseuse et de grant folie Ab (cf. le v. 2471 : De grant oiseuse et de
folie).
5 Odm Ab: laissiés] chou ester fait il car. 7 noise] ne esresdie ains Ab (cf. le v. 2472: Lessiez, fet il, ceste anreidie).
8 ceste parolle omis Ab, * font les chevaliers Ac et Aa; font li chevalier Ab; corr. d’après le v. 2485: Fet li chevaliers.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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| 30 aussi m’aïst Dieux, se ly uns et ly autre a devise m’eust ja tant d’onneur et de service fait comme on pourroit a nul homme faire, dy je par saint Pierre c’on quiert a Romme, que je ja plus bon gré ne vous en saroye, quant la bonté en avroye prise, comme je fais de la voulanté; et la voulanté me haïite autant 35
comme se chascun m’avoit fait la bonté : si soit compté en lieu de fait. »
90. Aïnsi les vainct tous et appaise le chevalier par sa parolle, et 11z l’enmaynent a l’ostel ou chemin, chiéz ung vavassour moult aise!, Et ilz se painent tous de lui servir, et moult grant joye lui firent et durement l’onnourerent’, et servent toute la nuit jusques a lendemain qu’ilz se leverent par matin. Et quant ilz se furent levéz et apparaïllés, si oÿrent messe en une chappelle en la court au vavassour ; et puis prent le chevalier ses armes
pour armer son corps, et ses deux
compaingnons ensemble o lui. Et quant ilz furent montés et apparailliés, et ilz orent leurs escus et leurs lances, si voult chascun avecques lui aler. Et chascun s’en presente et pouroffre, mais il leur jure et creante que nul avec lui n’en yra fors que tant seullement les deux qui avec lui vindrent, et ceulz sans plus en voult il mener. Et quant ilz l’oÿrent’, si en 15 furent moult doulans et dirent : «Sire, il fu mieulx* que nous en alissions o vous. » Et il leur dist:« Seingneurs, il n’est mie
raison ne drois que je vous enmenasse, car par mon corps seul achieveray l’aventure pour quoy je y vings, ou je remanray ore seul5.» Lors les commandaf a Dieu, et eulz lui tous’ en 20 plourant. moult] a aise Ab (cf. le v. 2504 : Chiés un chevalier molt a eise). n
l’ouneurent Ab.
& =
l’oent Ab. 11] vausist mius Ab. u] jou remandrai ensi comme jou seul Ab. Voir note.
a&
commande Ab.
=
tout Ab.
400
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
91.
Et chevauchierent les trois chevaliers ensemble toute
la matinee sanz arrester, et lors entrerent en une grant forest,
et celle forest leur dura jusques au vespre tart. Et ainsi comme ilz yssirent de la forest, si trouverent la! maison a ung chevalier. Et le chevalier et sa femme qui moult sembloit estre bonne dame, seoient a la porte et regardoient les plains et la forest qui moult sembloit estre belle et bonne? et bien seant. Et si tost comme la dame pot veoir les chevaliers, si sault sus a
moult joieuse chiere et les salue et leur dist: « Seigneurs, bien viengnés! Je vueil que vous ayés mon hostel anuit: herbergiéz estes, descendés !- Dame, font les chevaliers, la
vostre mercy quant il ainsi vous plait et atalante, et nous descendrons et prendrons anuit mais vostre hostel.» Atant descendirent,
et au descendre
fist la dame
prendre leurs
chevaulz car il avoit leans maisgnie moult belle: si appelle* ses filz et ses filles, si commande* a l’un qu’ilz ostent les selles des chevaulz et leur commande bien a conraer et aaisier. Et il n’en y ot nul qui osast veer son commandement, ains le firent moult voulentiers puis que la dame leur ot commandé. Et au desarmer saïllent les damoiselles de leans, et quant elles desarmés les orent si comme [73a] celles qui bien le sçorent faire, si leur affublent trois cours manteaulz d’escarlate a pene d’ermine et les enmainent en l’ostel. 92.
Mais ly sires en estoit partis, qui n’y estoit pas, ains
estoit alés ou boys chacier, et deux de ses filz ensemble o lui;
mais il ne demoura mie moult qu’il revint. Et sa mesgnie, qui moult estoit bien enseingniee, vint encontre lui, et la venoison
! une Ab (cf. le v. 2524: A l’issir une meison virent).
2 et bonne omis Ab. ? apiela Ab (cf. le v. 2540 : Ses filz et ses filles apele).
* filles] et il viunrent tout maintenant varlés et puchieles qui erent si fil et ses filles si Ab. Voir note. $ commandent Ac, Aa et Ab; corr. d’après le v. 2544.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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qu’ilz apportent li deslient et destoursent, et li dient: «Sire, nous avons .Ir. hostez chevaliers errans que ma dame a ceans anuit herbergiéz. — Dieux en soit aourés !» fait le chevaliers tout maintenant. Le chevalier et ses .11. filz! font de leurs hostez moult grant joye, mais la mesgnie ne se maintint mie 10 quoyement, que tout ly meneur et les greigneurs se painent de lui honnourer, et les autres se painent de haster le? mengier. Et quant ilz l’orent apparaillié, si mistrent les tables, et les chevaliers laverent et s’assirent et commencierent a mengier. Et ly comptes dist que ilz furent servis moult richement, car 15 nulle riens* c’on peust layens veoir n’estoit chargables ne pesans. 93.
Et ainsi comme ilz orent le premerain més, ensi leur
vint ung presant, a l’uys dehors, d’un chevalier qui estoit plus orgueilleux que tors sauvages, et si est ce la plus orgueilleuse beste qui soit. Et cil, tres“ le pié jusques a la teste, sest” armés
sur ung grant destrier, et fu de l’une jambe affichiés en l’un de ses estriers et$ ot l’autre mise sur le col de son cheval par devant lui. Estes le vous layens venu tout droictement enmy la sale a cheval, c’oncques nulz homs garde ne s’en avoit pris. Et quant il vint par’ devant eulz, si leur dist ceste parolle moult angoisseusement®, comme cil qui estoit le plus desreés de parollez qui feust en toutes les marches au roy Baudemagu de
1 fait] le chevaliers tout maintenant fait le chevalier et ses .I1. filz Ac et Aa;
corr. d’après Ab. 2 son Ab (cf. le v. 2571 : Cil corent le mangier haster).
3 v. 4 5 6
riens] qu’il peussent laiens veoir carjables ne pesans n’estoit Ab (cf. les 2578-79 : Riens qu’an poïst leanz veoir / N’estoit charjable ne pesanz). des Ab (cf. le v. 2584 : Cil des les piez jusqu’a la teste). sist Ab (cf. le v. 2585 : Sist toz armez sor son destrier). afikiés en] son estrier et Ab (cf. le v. 2586: De l’une janbe an son estrier).
7 par omis Ab (cf. le v. 2592 : Tant qu’il vint devant aus). & orghilleusement Ab.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
Gorre. Et lui avoit Meleagans chargié a garde! ung des plus felons passages qu’il eust, pour ce qu’il le savoit de tres merveilleuse prouece. Et lors parla le chevalier et dist: 94.
15
«Lequel, fait il, est ce — savoir le vueil -, qui tant a
follie et orgueil et de cervel la teste vuide, qu’il vient en ce paÿs a force et cuide au Pont de l’Espee passer?Aussi m’aïst Dieux, pour neant lasser se veult et pour neant y? vient et pour neant a ses pas perdus. » Et cil qui moult a force et hardement et qui oncques ne fu esperdu lui dist:«Je suy qui vueil passer au Pont.» Et lors lui respont le chevalier moult yreement: «Dy, musars, comment osas tu oncques penser si grant follie? ? Aussi m’aïst Dieux, ja par toy ne deust estre emprise si grant follie ne tel orgueil, ainçois te deusses bien“ pourpenser de la grant honte qui t’est avenue et du grant repprouche, car chevalier ne deusses tu mais estre, ains deusses estre ostés de toute chevalierie quant tu sur la charrette montas. Si t’en deusses bien pourpenser comment et a quel parclose tu t’en pourroyes venir’, si t’en deust ore bien souvenir qu’en la charrette fuz levéz. Mais ja nulz qui eust point de scens en lui nel pensast, pour qu’il eust esté en charrette ne s’il eust esté repris a si felon blasme’. » 95. Oncques de quanques cil lui dist, le chevalier® ne lui daigna un mot respondre. Mais [73b] ly sires de la maison et tous les autres se merveillent et esbahissent de ce qu’ilz oent, ! 2? 3 * 5 6
garder Ab. veult et pour neant y omis Ab. tu] emprendre tel folie Ab. bien omis Aa. parclose] tu en poriés a kief venir Ab. puis Ab.
7 s’il] l’eust entrepris a si grant blasme Ab (cf. le v. 2614: S’il de cest blasme fust repris). 8 Jui dist le chevalier répété Ac et Aa; corr. d'après Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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et! dient: «L’eure que charrette fu establie soit maudite ! Ha! comme grant? dommage que si fait chevalier y fu oncques ! Ha ! Dieux, fait chascun, de quel blasme fu il retés au point que out tout” ainsi la charrette ?A“ tousjours lui sera il mais repprouvé. Et s’il ne feust de ceste prouece retés, en tant comme le monde dure n’en eust tant bel chevalier ne qui si bien semblast preudomme et vaillant, car nul a lui ne s’apparaille de beauté.» Et ceste parolle si disoient ilz leans entre eulz, et n’en y a ung seul qui n’en soit dolant. 96. Et le chevalier qui moult fu fel et de grant orgueil recommence sa parolle et dist: «Dy moy, faulz chevalier encharretté, entens ça, qui tout ainsi t’en vais au Pont de l’Espee sans mon congié et sans le congié a monseigneur Meleagant, et as destruis les passages et occis les chevaliers que monseigneur y avoit mis, et sans raison. Et tant sachies tu bien que pour passer au Pont, mar en avras ja’ travail, car je t’y feray en une nef passer se tu veulz, et moult souef oultre nagier, par ung couvent que nous y mettrons moy et toy. Et si 10 te diray quelz les couvenans seront: quant je venray d’autre part, se je veueil et je n’ay mercy de toy, je en prendray la teste. » Et le chevalier de la charrette lui respont : «Beau sire,
grans mercis vous rent de la voulanté que vous avés vers moy du passer oultre, mais je ne quier noyent avoir def vostre
1 Odm Ab li autre] s’esmierveillent de chou qu’il oent et s’en esbahissent et.
” 2 establie] maleoite soit soit (sic) elle ha que grant Ab. 3 au point que] outout Ac (forme agglutinée) corr. d'après Aa: ot tout. # que] ensi on l’en careta a Ab. $ prouesce] mondes en tout le monde ne veist tant Ab (cf. le v. 2629: S'il fust de cest reproche mondes). 6 Odm Ab: qui] dolans n’en soit.
7 ja omis Ab. 8 de omis Ab.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
15 voiture, ne ja ma teste pour nulle aventure, se Dieu plaist, ne
sera! mise a si grant meschief.» Et cil respont tantost comme il l’entent:
«Non,
fol
chevalier
encharretés?
Donc
te
couvendra il ça fors venir pour combatre contre moy ! » Et le chevalier de la charrette lui respondi tantost pour lui amusier: 20 «Sire, fait il, se je la bataille reffuser povoie, je ne m'y combatroye pas, car tant suis lassés et travaillés que je me? dueil des grans journees et des loingtaines que je ay faites, si cremdroie que le piour n’en eusse se je me combatoye a vous; et ainçois? me combatroye je que je feusse enlaidiz. » 97. Atant dist aux .I. varlés qui servoient, ainçois qu’il se remuast de la table, qu’il lui aillent apporter ses armes; et ceulz se hastent du tost faire tantost qu’ilz oïrent son commandement, et ilz lui apportent. Et il sault de la table tantost et saillist enmy la sale sur ung tapis. Si se painent moult de lui armer, et les autres lui amaïnent son cheval qui moult estoit fors et tost courans. Et sachiés que quant il fu montés sur le cheval et il ot l’escu saisi et la lance, qu’il ne sembla pas prince empruntés mais chevalier de tres grant 10 povoir* et de tres grant baronnie, ne il ne sembloit mie qu’il feust mescontés n’entre les beaulz n’entre les bons. Et tant avenoit sur le cheval, et l’escu a son col que il tenoit par les enarmes embracié et le heaume qu’il avoit en son chief mis li seoit tant durement bien, qu’il ne feust a nullui adviz qu’il ne 15 feust ainsi néz et creuz. Et lors dist ly sires de la maison: «Ha! Dieux, que grant doulour que si fait chevalier fu oncques en charrette mis pour forfait ! Et mauditef soit l’eure
! ma teste] n’averés pour nulle aventure se dieu plaist ne ne sera Ab. ? m’en Ab.
L _ançois] m’i combateroïie jou fesisce nouals Ab (cf. les v. 2662-63 : Mes ainçois voir me conbatroie / Que noauz feire m’esteüst). * chevalier] de tres grant bontet et de grant pooir Ab. $ comme Ab, 5 maleoite Ab,
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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que le forfait [74a] fu establis par! quoy il y fu montés!» Ainsi disoient tous ceulz de la maison. 98. Et le chevalier s’en ist hors de la maison parmy la porte et vint en une moult belle lande, la ou la bataille devoit estre. Et si tost comme
ilz s’entrevirent, si baissent leurs
lances et laissent courre leurs chevaulz de si grant aleure comme ilz les porent porter, et se vont ferir es escus. Et si grans coups s’entredonnent que les escus faussent et froissent, et les lances ployent et brisent et arçonnent et volent en pieces, mais pour coups que ilz sachent donner ne perdent les estriers. Lors trayent les? espees par grant yre et s’en vont 10 entredonner parmy les’ escus si qu’ilz les despiecent et froissent, et s’en pendent les pieces contreval; et trenchent
haubercs et heaumes faussent, et s’entredonnent si grans coups que ilz en pluseurs lieux se blecent, et se donnent par yre si grans coups comme s’1lz feussent fais par couvent; et 15 les espees moult” souvent jusques aux crouppes des chevaulz coulent et les abeuvrent du sang. Et tant receurent coups et pristrent que les chevaulx cheïrent mors soubz$ eulz enmy le plain’. Et quant ilz sont venus a terre, si requiert l’un l’autre a pié, et s’ilz tous deux s’entrehaïssent® de mort, ne puis je veoir, si comme ly comptes nous tesmoingne, que 11z s’entrecourussent sus plus vigueureusement. Et moult se coitent douleureusement et moult reçoivent douleureux coups et pesans, car la bataille ne fu mie commenciee par gieu, n’iln’y
pour Ab. lor Ab. lor Ab.
donnoient Ab. moult omis Ab (cf. le v. 2706 :Mes les espees molt sovant). sus Ac et Aa; corr. d’après Ab sous.
camp Ab. s’il] ambedui s’entrehaïssent Ab.
QUE SO "NN CS ©
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
avoit onques faille mais durs coups et bataille dure, moult
25 felonneuse et moult cruelle. 99. Et tous estoient ça fors de l’ostel yssus pour veoir la bataille, filz et filles et sire et dame et! les deux compaingnons au chevalier et tous les sergens de leans, et privés et estranges, et estoient tous de reng assis pour veoir la bataille des .II. chevaliers en la lende qui moult yert lee. Mais le chevalier de la charrette se blasme moult pour son hoste qui le regarde? et pour les autres qui tous le? regardoient ensemble. Si lui tremble tout le corps, et le viaire lui rougist, car il lui semble
qu’il deust avoir grant piece conquiz‘ cellui a qui il se combatoit. Lors lui court sus par trop merveilleux aïr et le fiert tant durement qu’il lui embat l’espee pres de la teste, et si l’enchauche et argue tant durement qu’il lui tolt la place, et tant le debat et demaine malement que pour ung peu que l’alaine* ne pert, et pou a en lui mais de deffense. Et lors 15 s’appensa ly chevalier de la charrette qu’il lui a trop villainement mise la charrette devant, sif lui recourt sus et le fiert sus? tant durement que cil s’en esmaye, et le conroye si malement qu’il ne remaïint laz ne couroye entour le coler, et 20
lui fait voler le heaume de la teste, et la ventaille lui avale juz. Et tant durement le paine et travaille que a merci venir l’estuet tout autressi$ comme l’aloe qui ne puet par devant l’esme-
| Odm Ab: filles] dames et sires et.
2? regardoit Ab. 3 Odm Ab: pour] tous les autres qui le.
* deust] piecha avoir conquis Ab (cf. le v. 2738: Avoir molt grant pieç’a conquis). $ malement] que il pour un peu l’alaine Ab. $ lors s’apensa ly chevalier de la charrette devant si Ac et Aa, saut du même au même; corr. d’après Ab: charete] qu’il li a trop vilainement mise la charete devant.
7 sus omis Ab. 8 l’estuet] et autressi Ac et Aa; corr. d’après Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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rillon voler; ne il ne puet mais trouver reppoz car cil le passe et surmonte. Et quant cil vit que plus ne puet, si lui crie moult doulcement! merci a toute sa honte, car il ne puet amender,
mais moult a grant ennuy le fait. Et il est tant laz et travailliés que il ne puet sur piéz ester.
100. Et quant le chevalier de la charrette [74b] ot qu’il lui crie? mercy, si ne le touche ne fiert plus, ains lui demanda: « Veulz tu donc mercy avoir, que je ne t’occie ? — Certes, fait il, je ne desiray oncques mais autant nulle riens comme je fais un
la mercy orendroit?. — Certes, fait le chevalier de la charrette,
se tu veulz mercy avoir, donc te couvenra il sur une charrette monter, car pour neant me pourroies crier mercy se“ tu sur charrete ne montoyes, pour ce que tant folle bouche as et si le me repprouchaz villainement. » Et le chevalier respont : «Ha! sire, nel dites mais ! Ja Damedieu ne plaise que je sur charrette monte ! — Non? fait le chevalier de la charrette, et vous y mourrés tout maintenant ! — Sire, fait cil, bien le povés* faire,
mais pour Dieu vous demant et pry merci que vous en charrette ne me mettés. Ne il n’en est nulz plais que je ne receusse voulentiers fors cestui, mais cestui n’ottroieray je ja: mieulz vueil perdre la vie et les membres que je eusse fait si mauvais meschief, ne vous nulle autre chose si grief nef me
commanderés a faire que je ne’ face pour mercy et pour garantise avoir®. »
! durement 4b. 2 quiert Ab (cf. les v. 2765-66: Et quant il ot que cil requiert / Merci). 3 onques] autant comme jou fac la mierchit ore endroit Ab. # pour noient] ne me poroies mierchit crier se Ab.
5 porés Ab (cf. le v. 2782 : Sire, bien feire le porroiz). 6 vous] ja nulle autre cose gries ne Ab (cf. le v. 2790: Ja nule autre chose si grief).
7 ne ajouté en interligne. 8 et pour] vostre graice avoir Ab (cf. le v. 2792: Por merci et por vostre grace).
408
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
101. Et entretant qu’il lui demandoit si debonnairement mercy, comme il plus le savoit faire, si virent venir parmy une lande une damoiselle de tres grant beauté. Et! venoit chevauchant si grant embleure une blanche mule, desaffublee et desloyee, et tenoit une corgiee en sa main, dont la
mule feroit grans coups; et sembloit qu’elle venist a moult merveilleux besoing. Et n’est nul cheval, pour verité, qui alast mie si tost les? galoz comme la mule ambloit. Et si tost comme elle approuche les chevaliers, si escrie en hault au 10 chevalier de la charrette et dist : «Chevalier?, Dieux te mette
dedens le cuer joye parfaicte de la riens ou monde que tu plus couvoites et que tu plus voulroyes avoir ! » Et cil qui voulentiers ot oÿe la damoiselle lui dist: «Pucelle, Dieux beneye vostre corps et vous mette ou cuer joye et santé !» Lors li dist 15 la damoiselle
sa pensee:
«Chevalier,
fait elle, par moult
grant besoing sui de longues terres a toy venue, et‘ pour demander .I. don de toy en amistié et en guerredon si grant com je le guerredon pourroye faire*. Et avras encore a faire de moy def tel chose dont tu avras espoir aussi grant besoing 20 comme j’ay ore de ton aide et? de ton secours.» Et le chevalier lui respont : « Pucelle, dites moy que vous voulés avoir, et se je l’ay, avoir le pourrés sanz demourance, mais
que ce ne soit chose trop greveuse et dont je ne soie trop au dessoubz. » Et maintenant respont la damoiselle et dist :«Je
! Odm Ab: venir] une demisielle parmi une lande qui moult estoit de tres grant biautet et. 2? chevaus] par veritet qui alast mie si fort les Ab (cf. le v. 2801 : Por verité si tost n’alast).
3 dist] ha chevaliers Ab. # tieres] venues a vous et 4b.
$_ grant] que jou le guerredon en poroie faire Ab (cf. le v. 2815 : Si grant con ge te porrai feire). 5 moi] et de Ab. 7 ore de] toi et Ab. $ pucelle omis Ab (cf. le v. 2818: Et cil li respont: Dites moi).
tt do
nai
àa:
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
409
te demande le chief de ce chevalier que tu as conquiz, et aussi maïst Dieux, se tu l’occis, que tu, au mien escient, n’occeis
oncques aussi felon ne aussi desloial ne aussi plain de toutes les malices qui peuent! estre en corps d’omme. Et sachies que ce est le plus malicieux homs qui oncques feust.» Et quant cil qui? vaincu estoit entent celle qui veult que on l’occie, si respont tout maintenant au chevalier : «Chevalier,
fait il, ne la creés pas, la desloyal, car elle me het de mort. Mais je te pri et requier, pour Cellui qui est filz et peres et qui fist sa mere de celle qui estoit sa fille et s’ancelle, que [75a] tu ne la croies pas de moy occire. — Ha! chevalier, fait la
pucelle, ne creés pas le traittour ! Que: Dieux joie et honneur te doint si grant comme tu pues couvoitier, et si te doint si __esploitier que il soit a ton preu et a ta voulanté de ce que tu as entrepris. »
|
102. Or fu le chevalier tant durement pensis que il demeure et arreste en son penser, et pense moult longuement se il donra a la pucelle la teste qu’elle lui rueve trenchier, ou s’il avra cellui tant chier qu’il lui pardonra sa mort. Et a cellui* qui lui requiert et a cestui voulroit il faire moult voulentiers ce qu’il lui demandent. Si lui commande Largece et Pitié qu’il face leur bon tous deux”, car il estoit larges et piteux. Mais se celle la teste emporte, donc est Pitié morte en lui. Et
se elle lui est devee qu’elle ne la porte ensemble o soy, donc a il Largesce desconfite. Et chascune chosef le point et angoisse en luy mesmes, car la teste veult il que il doint a la damoiselle, et d’autre part il voit sur Pitié et sur Franchise lui
! peeuent corr. d’après Aa. 2? qui ajouté en interligne. 3 ne] croire pas le chevalier que Ab (cf. le v. 2839: Ne croire pas ce traïtor).
* cheli Ab. 5 boin] ambesdeus Ab (cf. le v. 2853 : Que lor boen face a enbedeus). 6 chose omis Ab (cf. le v. 2861 : Que chascune l’angoisse et point).
410
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
demande cil mercy. Et comment lui pourra il donc veer quant nulz homs ou monde, tant feust son ennemy, puis que il l’ot mis au dessoubz et merci crier li couvint, il ne lui advint! oncques a nul jour que il merci lui deveast?, mais ja ne beast au surplus pour riens qui lui peust advenir ? Donc ne le veera il pas cestui qui lui prie et requiert, et puis que il voit que faire lui estuet, il pourchacera aux deux leur gré. 103. Si dist au chevalier: «Chevalier, il t’estuet combatre derechief a moy, et avray de toy tant de merci que“, se tu veulz ta teste deffendre, je te lairay ton heaume repprendre et rarmer a loisir et repposer tout au mieulz que tu pourras. Mais tant saches tu bien que se je te conquier a ceste foys, tu ne me pues eschapper sans mort se je une autre fois te puis conquerre.» Et cil respont: «Je mieulz ne demande ne mieulz ne quier. Et aussi m’aïst Dieux, je te hez tant pour la honte que tu m’az faite que, se je yere la dont je ving“, si revenroye je yci et me combateroie a toy. Et sachies que je m'y combatroye ainçois tous desarmés et tu feusses armés que je n’eusse vers toy la bataille, car encore en ayes tu ore eu le meilleur, si te pourroit il encore mescheoir contre moy. Et aussi m’aïst Dieux, j’ay forçor angoisse de toy qui m’as outré que je n’avroye d’un preudomme qui n’eust esté encharretté?. »
! puis que il l’ot mis au dessoubz et merci crier li couvint il ne lui advint omis Ab (ces mots correspondent aux v. 2870-72). 2 veast Ab (cf. le v. 2873 : C’une foiz merci li veast).
? Odm Ab: avrai] mierchit tant de toi que. # vieng Ab. $ ore omis Ab. $ j'ay] ore angoisse de toy qui m’as outré que je voulroye d’un Ac er Aa; corr. d'après Ab: j'ai] fourçour angoisse de toi qui m’as outret que jou n’aroie d’un. 7 en charrette Aa. Voir note.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
104.
411
À ceste parolle fu moult yriés le chevalier de la
charrette, si lui dist: « Aussi m’aïst Dieux, dans chevalier,
vous estes fols, mais la merci Dieu, puis que je le vous ay ottroyé!, vous l’avréz; et encore vous y amenderay je tant que ja n’y avray autrement mon elme remis ne ne me changeray de mon estat? ou je suy. — Par Sainte Croix, fait le chevalier, tu parolles contre ton annuy’, et assés a tans t’en
pourras tu bien reppentir! Et aussi m’aïst Dieux, tu ne couvoites pas tant la bataille comme je fais !» Lors prent son [75b] heaume et le lace tout maintenant, et arme son corps et son chief, et trait l’espee et court sus a Lancelot, et lui donne coups merveilleux la ou il le cuide plus empirier. Mais le chevalier de la charrette le reçoit de toute sa force et de tout son cuer, et revient à la bataille; et se combatent moult vigueureusement et despiecent heaumes et haubers et escus, et les fendent decy aux boucles, et tant que le chevalier commença moult a lasser et a recroirre et a amenuiser ses coups. Et le chevalier de la charrette le requiert tant vigueureusement que cil s’en esbahist tous, et puis le ra il conquis 20 tost et delivrement*. 105. Et la pucelle lui escrie tantost :«Ne l’espargnes pas, le traiteur, pour nulle riens que il te die, car voir, il ne t’espargnast mie s’il t’eust conquis une foys. Et de tant te fais je bien seur que, se tu le crois, il t’engignera. Derechief: couppe au plus desloyal de l’empire et de la couronne la teste, franc chevalier, si la me donne ! Et pour ce la me dois tu donner que
1 je] vous ai cy trouvé Ac et Aa; corr. d'après Ab: je] le vous ai otrié.
2 estal 4b. 3 amy Ac et Aa; corr. d’après Ab: anui. Voir note. 4 à la baptaille] comme engrés et Ab (cf. le v. 2897: A la bataille com angrés). Voir note. 5 delivrement] que il n’eust fait prumerainement Ab. (cf. le v. 2900 :Qu'il n’avoit fet premieremant).
412
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
je la te! guerredonneray encore moult bien, tel jour venra. Et sachies que pour la moitié du royaume de Logres ne pourroyes tu vouloir, encore? sera telle heure, que tu ne le 10 m'eusses ottroyé. Et sachies qu’il ne t’espargnast mie s’il t’eust conquiz une foys.» Et cil qui sa mort vit approuchier a eu moult grant’ paour, si s’escrie mout en haut: «Merci, chevalier, mercy !» Mais son cri riens ne lui vault ne chose
que dire lui sache, car cil l’aert par le heaume et si lui esrache 15 de la teste si que trestous lui“ trenche les laz, et la ventaille et
la coiffe lui abat, qui estoit blanche, de la teste juz. Et cil s’escrie en hault, plus et plus : «Mercy, mercyf, sire vassal !»
Et le chevalier de la charrette lui respont:«Se je soye saus, je n’avroye jamés pitié de toy ne’ merci puis que je t’ay une foys 20 respitié de la mort: n’y ayes jamais fiance. — Ha! fait il, trop avriés® grant pechié se vous la damoïiselle croyés de moy occire, qui m'’et et a son tort. »
106. Et celle qui sa mort desire durement qu’il lui trenche erraument dit, car c’est un traictre!° mortel. Et vole enmy la lande, et le corps chiet:
lui admouneste moult? la teste ne ne croye son cil!! fiert, et la teste en si plaist moult durement
l te ajouté en interligne. ? ne] le pourroyes tu valoir encore Ac et Aa; corr. d’après Ab: ne] poroies tu voloir encore. 3 Odm Ab: a] moult eut grant.
* l’en Ab (cf. le v. 2921 : Si que trestoz les laz an tranche). $ coife] blanke li abat de Ab (cf. les v. 2922-23: et la coiffe blanche / Li abat).
$ mierchit répété trois fois Ab.
7 Odm Ab: saus] jamais n’arai de toi pitet ne (cf. Le v. 2927: Ja mes de toi n’avrai pitié). 8 feriés Ab (cf. le v. 2929: Ha! fet il, pechié ferïez). ? desire li] a moustree moult Ab (cf. le v. 2933 : De l’autre part li amoneste).
10 tiratre Ac; corr. d’après Aa: traittre. 1 Odm Ab : uns] morteus traitres chius.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
413
et siet a la damoiselle. Et le chevalier! de la charrette la teste prent et si le? rent parmy les tresses a celle qui si grant joye en a que plus ne puet, et dist : « Ton cuer aussi grant joye ait de la riens que il plus ayme comme le mien cuer a de mon ennemy mortel le plus felon que oncques deables feissent, ne de riens [0 nulle ou monde ne me douloye se de ce non que il vivoit tant. Mais sachies que tu araz en cestui service que tu m'as fait grant preu, et* si t’atent de moy ung guerredon qui te‘ sera bien en lieu remist se je vif longuement. Or me partiray de toy”, si te commanderay a Dieu qu’i d’en[76a]combrier te gart. » Et tantost s’en part la pucelle, et si commande a Dieu le chevalier et tous ceulz qui ensemble o lui estoientf. 107. Et lors fu moult grant la joye que ly sires de la maison et sa femme fait, et? tous ceulz qui en la lande estoient venus pour depporter et pour veoir la bataille. Et quant ilz orent la bataille veue, si s’en vindrent entour le chevalier et lui firent
tant grant honneur comme 11z plus porent, et le desarmerent tout maintenant. Et ly sire de la maison mesmes lui apporte de l’eaue a laver ses mains, et reffurent les tables mises, et
s’assirent et mengierent et furent plus liéz que ilz oncquez devant ne furent. Et quant ilz orent mengié ensemble et ilz orent
les tables
ostees,
si parla l’oste
de la maison
au
chevalier, si dist® : «Sire, il a moult grant temps que moy et ma
1 Odm Ab: plaist] et siet moult durement a la puchielle li chevaliers (cf. le v. 2938 : A la pucele plaist et siet). 2 Jui Ac et Aa; corr. d’après Ab. 3 tant] mais ore saches que tu ave (sic) averas en cestui sierviche grant preu. et Ab. # te omis Ab. 5 de] quoy Ac et Aa; corr. d’après Ab: toi.
6 estoient] si s’en part Ab. 7 Odm Ab: maison] fait et sa femme et. 8 si] li dist Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
414
5
femme venismes du! royaume de Logres ça, et si ne l’avoye je mie espousee a cellui point. Et yert damoiselle de grant beauté et fille au roy Galain? le Roy. Si aloye querant aventures parmy la terre de Gorre, et tant y alay que neant fu de l’issir, car oncques* estrange chevalier n’y entra qui en yssist. Si vy ce lieu, la ou nous sommes,
sur ce chemin bien seant: si y
demouray et y ay puis demouré moult long temps, et tant que j'ay eue ma mesgnie et mes enfans. Et pour ce que nous 20 sommes de la terre et du paÿs néz dont vous estes, si voulrions
nous qu’il vous avenist grans biens, car nous y avriens preu ensemble vous, et a maint autre si seroit il ensement grant
preu, et moult serions liéz s’il vous avenoit preu et‘ honneur en ceste voye. — Je le croy bien», fait le chevalier. Et quant le 25 chevalier a laissié la parolle, si la recommence ung de ses filz*
et dist: «Sire, en vostre service devrions nous mettre tout
nostre povoir, etf ainçois donner que promettre. Et nous ne deverions mie attendre tant que vous nous demandissiéz chose que nous sceussons qui bonne vous feust. Et ne vous 30 esmayés mie de vostre cheval que vous avés perdu en la bataille, car, par Sainte Croix, cheval rarés vous meilleur du vostre, car ceans en’ a de bons et de fors, et tant vueil je que vous ayés du nostre, en remembrance de nous, .I. de nos 35
chevaulz et toutes les choses qui vous faillent a vostre harnois. » Et il respont que le cheval prendra il moult voulentiers, et lors le mercie moult durement.
l ou Ac et Aa;
corr. d’après Ab: dou.
galan Ab.
3 ains Ab. avenoit] biens et Ab (cf. le v. 2976 : S’enors et biens vos avenoit). recoumence uns] chevaliers ses fius et Ab. mettre] tous nos pooirs et Ab (cf. le v. 2983: Devriens toz noz pooirs metre).
7 çaïens] si en 4b.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE 108.
415
Âtant font atourner leurs liz, si se couchent. Et a
l’ajournee se lievent et atournent leurs corps! et apparaillent, et puis si montent sur leurs chevaulz, si s’en vont. Mais au deppartir ne mesprannent neant, qu’ilz au seigneur et a la dame et a tous les autres congié prannent. Mais une chose par verité vous acompte, que le chevalier ne voult pas monter sur le cheval donné que on lui ot amené devant la sale, ains y fist
ung des deux“ chevaliers monter qui venus estoient avec lui, et il sur le cheval au chevalier monta: ainsi lui plot et si lui sist*. Et quant chascun fu montés en son cheval, si s’acheminerent tous trois par le congié et par l’ottroy a leur hoste qui servis les ot et honnourés tant comme il pot. 109. Et lors cheminent tant que ilz viennent auf Pont de l’Espee, et estoit heure de baz vespre. Et au pié du pont qui moult
fu maulz, descendent
de leurs chevaulz
les [76b]
chevaliers et’ voyent l’eaue roide et espesse et felenesse et noireë et encombreuse, et yert tant espoventable et horrible comme se ce feust le flun au deable. Et tant yert perilleuse et parfonde que, se on gettast nulle riens ens, elle? feust aussi tost perdue et alee comme se ce feust en la mer bethee. Et le pont qui au travers aloït, si estoit de tous autres pons divers ;
! et atournent leurs corps omis Ab (cf. le v. 2997: Lievent matin et si s’atornent).
2 3 4 5
partir Ab (cf. le v. 2999: Au departir). verité] nous a compte que Ac et Aa; corr. d’après Ab: je vous aconte que. deux omis Ab (cf. le v. 3008 : Un des deus chevaliers monter). fist Ac et Aa; corr. d’après Ab (cf. le v. 3011 : ainsi li plot et sist).
6 Jors] chemine tant que il vient au 4b (cf. les v. 3017 et 3019: Le droit chemin vont cheminant [...] et vienent).
7 Odm Ab: descendent] li chevalier de lor chevaus et.
8 l’eaue roide et espesse] et yert heure de bas vespre et au pié du pont qui moult fu maulx estoit l’eaue noire Ac et Aa. Saut du même au même ; corr. d'après Ab: l’eve roide et espesse] et felenesse et noire.
% on]i jetast nulle riens elle Ab.
416
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
n’ains ne fu, s’il est qui voir m’en requiere, si male planche ne si mau pont, car il estoit fait d’une espee trenchant et clere, et estoit l’eaue dessoubz le pont roide et! bruyant; mais l’espee estoit fort et roide, et si avoit deux lances de long. Et de chascune part si avoit deux troncs assis? ou 15 l’espee estoit enfichie ;ne ne puet mie paour avoir cil* qui dessus montera que il ja perde l’aler pour foiblece, car ja ne ployera pour faiz que on lui face chargier; et tant y avoit il d’esploit que il‘ povoit grans fais porter. Mais ce desconfforta moult aux .11. chevaliers qui avec lui estoient venus, 20 qu’ilz veoient d’autre part de* la planche .11. lyons et ung lieppart ; et estoient loiéz les deux lyons a ung perron de l’autre part, et le lieppart amenoiït ung villain parmy une chayenne en sa main. Et les lyons et le lieppart et l’eaue et le pont les mettoit tous deux en si grant angoisse que ilz 25 trembloient tous deux de paour. 10
110. Et si lui dient: «Sire, creés conseil de ce que vous povés veoir car oncquesf mais ne fu il mestier ne besoing aussi grant comme il est ore, car moult est felonneusement cloz et joins ce pont, et mal fust il charpentés. Et se vous ne le laissiés atant, vous en venrés trop” tart au reppentir, car il couvient faire par grant esgart de telz choses y a assés. Or soit que vous soyés passé oultre — que avenir ne pourroit neant plus que on pourroit les vens tenir et deffendre qu’ilz ne
—
Odm Ab : estoit l’aighe] rade desous le pont et. avoit] un tronc assis Ab.
mie] peu valoir chius Ab. elle Ab. de omis Ac et Aa; corr. d’après Ab. Voir note. ains Ab.
a Ab (cf. le v. 3061 : Au repantir vanroiz a tart). outre] chou que Ab.
ER AOMA OR D œ
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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ventassent et que ne volassent! oiseaulx, ne que 1y homs 10 pourroit entrer ou ventre sa mere et renaistre, et ce est la chose
qui estre ne pourroit, et ne? plus c’on pourroit la mer vuidier, — povés vous cuidier et savoir que ces deux lyons qui la sont enchaennés, tous plains de forcenneries, qu’ilz ne vous occient et succent le sang des vaines et mengüent la char et 15 succent* et rongent les os? Et moult sommes hardis quant nous les osons veoir et regarder ! I1z vous avront moult tost les membres esrachiéz du corps“ ne ilz n’en avront mie mercy, car ilz ne la savront avoir’. Mais vous, soyés sages et courtois, si ayés mercy de vous mesmes et si vous en revenés ensemble 20 o nous. Et vous mesmes seriéz plus que forcennés se vous en si grantf peril de mort vous metiés a escient. 111. Seigneurs, fait le chevalier erraument’, grans mercis, et gré ayés de ce que vous dites. Et quant vous pour moy tant® vous esmayés et si grant paour avés de moy, moult vous vient d’onnour et de franchise. Et bien sçay que vous pour moy ne vouldriés avoir nul affaire de ma mescheance, mais” j’ay telle foy et!° telle creance en Nostre Seigneur que bien me garantira s’il!! veult. Et je sçay bien que mort et peril a partout, ne je neant plus ne doubt cestui pont ne ceste eaue
! que] ilz ne volassent Ac et Aa; corr. d’après Ab: que ne volaissent. nient Ab (cf. le v. 3073 : Ne qu’an porroit la mer voidier). w et succent omis Ab (cf. le v. 3079: La char et puis rungent les os). ©
&
esrachiés] hors dou corps Ab.
5 ne] l’en saroient avoir Ab (cf. le v. 3086 : Que merci avoir n’an savront).
6 7 8 %
fait Ab. erraument omis Ab. tant omis Ab. que] pour nul afaire ne vaudriés veoir ma meskeanche mais Ab.
10 tel] forche et Ab (cf. le v. 3098 : Mes j'ai tel foi et tel creance).
11 garantira] ja s’il Ab.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
que je fois ceste terre ça. [77a] Et certes, ainçois que je retourne, me vouldray je mettre en aventure de mourir et d’affoller, et mieux ayme je a! mourir sur la planche ou mourir en l’eaue que je n’avroye a vivre par ainsi que je retournasse. » Lors regarde contremont et vist la tour au roy Baudemagu de Gorre, et en celle tour estoit la royne Genevre. 15 Et quant le chevalier l’a regardee, si fu moult merveilleux de 10
si belle tour. « Dites moy, fait il aux chevaliers, se vous savés
qui celle tour? est.» Et ilz lui respondent: «Elle est au roy Baudemagu, et leans si a mise Meleagans la royne Genevre, la femme au roy Artus. » Et quant le chevalier l’entent, si fu si 20
liéz que* plus ne puet, ne riens au monde ne lui abelist autre. que ceste. Lors dist qu’il veult passer le pont. Et lors regarde amont, si vist la royne a“ une fenestre et, coste lui, le roy°
Baudemagu. Et quant il a la royne congneue, sif n’ot oncques mais aussi grant joye, et dist: «Dame, a vous me commans 25 Je.»
[miniature représentant Lancelot franchissant le Pont de l’Epée]
l 2 3 # 5
a omis Ab. qui chille] biele tours Ab. Odm Ab: si fu] liés si que. royne] genevre a Aa. lors] esgarde amont et vit la roine a une freniestre et jouste li le roi Ab.
5 Odm Ab: il] ot conneut la roine si.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
419
112. Lors vint a la planche et se saingne, et ceulz qui plus ne lui osent dire en pleurent durement! de pitié. Et il a fait une moult estrange merveille, car il desarme ses piés et ses mains,
mais 1l ne sera mie entier ne sains, si comme je pense, quant? il de l’autre part sera venus. Et moult se tint bien sur l’espee qui plus ert trenchant que faulx molue, et tout adés regardoit devers la tour ou il avoit veue la royne, si que il oncques a l’espee et a l’eaue garde ne se prist. Et l’espee qui estoit trenchant lui trenche piéz et mains et genoulz si que le sang en sault par mains lieux, mais mieulz se voult il mehaignier que juz cheoir. Mais toutes ses douleurs lui rassouage et sane Amours à qui il est attendans, si lui est doulz a souffrir la doulour que il soustient®. Si fait tant aux mains et aux piés et aux genoulz que il vint de l’autre part. Et si tost comme il fu oultre passés, si l’assaillent les deux lyons et lui coururentt sus moult vigueureusement. Et il leur donne moult grans cops [77b] et pesans, mais tant ne sçot ferir que il les peust neant dommagier : lors pense que* c’estoit enchantemens. Et lors abat la manicle de sa main et regarde son annel, et quant il l’ot veu, si ne vit ne le villain ne les lyons, nef ne vit nesune
lesarde qui mal lui face. 113. Et lors s’apperceust la royne que c’estoit Lancelot. Si fust tant lye que plus ne pot, et se commença moult durement a esjoïr et a faire moult en’ son cuer grant leece. Et le roy Baudemagu s’en apperceust bien, si en a moult grant
l 2 3 4 $
pleurent] moult durement Ab. pense] et quant Ac et Aa; corr. d’après Ab. sentoit Ab. ceurent Ab. tant] ne les sot ferir que il les peust de riens adamagier lors pensa que Ab.
6 Odm Ab: vit] ne les lion (sic) ne les villains ne.
7 plus ne] puet et se coumença durement a esjoïr et a faire moult durement en Ab.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
merveille pour ce que il oncques mais, tant comme elle fu en la tour, ne la vit getter un ris de sa bouche ne joye faire. Et lors la mist a raison, si lui dist: «Dame, par la riens que vous plus amés, dites moy se ce est Lancelot du Lac que je voy la juz, qui a passé le pont et a fait la plus grant merveille que oncques 10 chevalier feist. Et aussi m’aïst Dieux, je ne cuidoye mie qu’il eust chevalier ou monde qui le peust faire. — Sire, fait la royne, aussi m’aïst Dieux, il a passé .Ix. moys! que je ne vy Lancelot dont vous me dites. Mais pour ce que vous estes le plus preudomme du monde et le plus loyal, si vous vueil 15 demander ung don que ne vous doit grever. - Dame, fait il, et je le vous doing, et voulentiers le vous ottroy. — Sire, fait elle, grans mercis. Mais avant que je plus vous demande, vous dis je certainement que je cuid mieux que ce soit Lancelot que nul autre chevalier. Mes or vous requier je pour tous guerredons 20 que vous ne souffrés que li soit faite honte a vostre? povoir. un
— Si m’aïst Dieux, dame, non sera il, fait le roy Baudemagus
de Gorre, et je m’en yray parler a Meleagant mon filz: si voulroye moult voulentiers qu’il vous rendist a lui et si delivrast tous les prisonniers pour la prouece que cil a faite.» 25 Atant Baudemagus juz s’en avale et s’en vint en son palais et s’apuie coste Meleagant son filz a une fenestre. 114.
un
Et ceulz qui avec Lancelot sont, sont tant durement
joyeux que ilz plus ne porent, mais ilz ne scevent neant du mehaing que il avoit. Et nepourquant du mehaing ne se sent il, ains tient a grant gaaing ce que il avoit esploitié quant il n’y avoit plus souffert. Et il torche tout maintenant le sang juz de ses playes a sa chemise tout entour, et lors regarde la tour devant
lui ou il avoit la royne
veue,
si l’encline
l Odm Ab: il a passet] aussi m’aït dieus .xI. (sic) mois.
2 soufrés] qu’il li soit faite honte en vostre Ab. 3 jouste Ab. 4 ill i avoit Ab.
moult
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doulcement. Et il lui fu bien adviz que il n’avoit oncques en sa vie aussi faite tour veue. Et! ça dessouz a une fenestre du palais s’iert appoyés le roy Baudemaguz qui estoit moult subtil et moult agu en toute honneur et en tout bien, et vouloit sur toute les riens du? monde loyauté garder et faire a tous preudommes la ou il les savoit. Car ce fu le prince terrien ou monde, fors seullement la court au roy? Artus, qui plus honnoura les preudommez en son temps“. 115. Mais a son filz yert il contraires”, car il, a son povoir, abaisse tousjours Loyautés® car Desloiauté lui plaisoit, ne il oncques a nul jour de faire villenie et mauvaistié et trayson ne fu laciéz et ennoyés. Et il estoit appoyés [78a] decoste? son pere, si orent veu de la amont tous deux le chevalier
passer au pont: sif en a Meleagant de maltalant et d’ire la couleur changee, et lors scet 1l bien que lui sera chalengie la royne. Mais il estoit tel chevalier et tant se fioit en sa vertu qu’il ne cuidoit qu’il eust ou monde chevalier qui encontre lui peust contrester. Et il si estoit sans faille? merveilles bon chevalier s’il ne feust desloyaulx traictres, mes il avoit ung cuer de fust, car oncques merci n’entra dedens son cuer, et il
estoit tout sans douceur et sans pitié. Et ce fait le roy lié et joyeux de quoy son filz a si grant doulour. Et le roy savoit 15 certainement que cil qui est au pont passés yert meudre!°
©
onques] veut aussi faite tor et Ab. sur toute la rien du Ac et Aa; corr. d'après Ab.
w
seulement] li corps le roi Ab.
ES
aage Aa.
il] comme traitres Ac et Aa ; corr. d’après Ab et le v. 3162 : Etses filz, qui tot le contraire. 6 pooir] abaissa toutdis loiautet Ab. 7 jouste Ab. 8 Odm Ab: amont] ambedui le chevalier au pont passer si. ? sans faille omis Ab. 10 mendre Ac et Aa; corr. d'après Ab: miudres. un
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chevalier que nul autre, car ja nulz passer n’y osast qui! point eust de mauvaistié en lui. Mauvaistiés ne peut’ souffrir qu’il y fust passés, car Mauvaistié si fait aux mauvais honte plus que Prouece ne face d’onneur a preudomme. Et par 20 ceste raison nous preuve ly comptes que Prouesce ne puet mie tant comme fait Mauvaistié et Peresce ; et de ce ne doit ja doubter nulz’ c’on ne puist plus faire mal que bien. Et de ces deux choses vous deisse je tant que je n’y prenisse anuitf : mais fin, mais je craindroye trop a eslongnier’ mon compte. 25 Si vous diray comment le roy Baudemagus tint son filz a parolle et de quoy il l’araisonna. 116.
«Filz, fist il, aventure fu moult merveilleusef
que
nous, cy, moy et toy venismes. Si en avons si grant loyer comme nous veons appertement le plus grant hardement qui oncquez ou monde” feust fait. Mais or me di, ne me cele mie,
se tu ne!° sces merveilleux gré a cellui qui tel hardement a fait: car t’accorde a lui, filz, et t’afaite, et!! si lui rens tout
quittement la royne; ne ja n’avraz preu en l’aatine, ains y pues avoir grant dommage et trop merveilleux ennuy. Et aussi m’aïst Dieux que, se tu te combas au chevalier, tu en 10 avras honte et ennuy car tu en seras occis et recreans. Mais or te fay tenir pour sage et pour courtois, et si lui envoye ! Odm Ab: nus] n’i osast passer qui (cf. le v. 3187 :Que ja nus passer n’i osast).
2 peust 4b. 3 à Ab. # fait omis Ab (cf. le v. 3192 : Con fet Malvestiez et Peresce).
5 Odm Ab: doit] douter ja nus. 5 desisse] tant que j’en presisse anuit Ab. 7 alongier Ab. 8 fius] fait il aventure fu miervilleuse Ab. ? ou monde omis Ab. 1° n’en 4b (cf. le v. 3208 : Or me di se boen gré ne sez). 1 Jui] biaus fius et afaite et Ab.
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la! royne, et si lui fay en ta terre si grant honneur que ce que il est venus querre lui ottroie; et tu sces tout vraiement que il quiert la royne Genevre. Et ne te fay mie tenir pour fol ne pour envieux?:
se cil est venus seul en ta terre, si lui fay
compaingnie comme preudomme doit faire a preudomme. Et sachies que se tu l’onnoures et lui fais compaingnie en ton regne, l’onneur ne sera mie seue, ains sera teue. Va,
beau filz, et si fay honneur et service a ce chevalier qui est a devise le meudre* chevalier qui orendroit soit en tout le monde, et si le pourras bien savoir. »
117. Et Meleagant lui respont tout mot a motf: «Dieux me confonde, fait il, quant il n’en est a devise bons chevaliers, mais de meilleurs en y a il assés’ a moult grant plenté. Et moult avés fait grant orgueil vers moy quant vous m'y oubliastes a ce dire: dont ne suis je le meudre” chevalier du monde ? Mais vous ne me portastes encore oncques honneur!° [78b] ne ma chevalerie ne loastes. Vous!! voulriéz ja que je, joins piés et joinctes mains,
luil? alasse crier mercy,
et
voulriés ja que je devenisse ses homs et tenisse de lui toute ma terre? Et aussi m’aïst Dieux que ainçois devenroye je ses!* si] l’envoie querre la Ab (cf. les v. 3215-16:
si li anvoie / La reïne).
2 anius Ab. 3 n’en Ab. # mendre Ac et Aa; corr. d'après Ab: miudres. un
est] ore en droit li miudres chevaliers de tout le monde et Ab.
6 meleagans] respont tot maintenant a un seul mot 4b.
7 assés omis Ab. œ je] mie le Aa. w
mendre Ac et Aa; corr. d'après Ab: miudres.
10 Odm Ab: portastes] onkes encore houneur. !1 Joastes] vous onques vous Ab. 12 Odm Ab: ja que jou] jointes mains et joins piés li (cf. le v. 3238: piez et jointes mains). 13 je] ja ses Ab (cf. les v. 3241-42 : ainz devandroie/Ses hom).
Joinz
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homs que je la royne lui rendisse ! Rendre ? fait Meleagant, Dieux m’en deffende que je ne lui rende ainsi, ne ja par moy, se Dieu plaist, rendue ne lui sera, ainçois lui! sera moult bien
deffendue, et vee a tous ceulz qui tant fol seront qu’i l’oseront contredire ne veer. »
118. Lors lui dist le roy: «Se Dieux m’aïst, filz, tu seroyes moult courtois se tu ceste esredie laissoies: si te lo moult et : pry que tu soyes a paix. Et tu sces bien que ce yert moult grant honneur au chevalier s’il la conquiert encontre? toy en bataille corps a corps, et a conquerre ne pourroit il mie faillir s’il se combat. Et de tant suis je tous seurs qu’il ameroit mieulx qu’il : la conqueist par bataille que par bonté que tu l’en feisses, et pour ce que il a grant pris tourné lui seroit. Et il est voir que tu as le renom du meilleur chevalier du monde, maïs tant sachies 10 tu bien que ce chevalier a passé tous les meilleurs. Mais se tu lui rendoies la royne et lui tolloies la bataille, tu avroies®
merveilleuse honneur. Si fais a mon escient grant follie et orgueil quant tu mon conseil despis, et sachies que s’il t’en meschiet, mains m’en chaurra. Et il t’en pourra moult tost 15 mesavenir, Car il n’estuet doubter le chevalier de nulle des* riens au monde, fors tant seullement de toy : car je lui doing de moy et de mes’ hommes fermes trevez et si l’en asseur, car oncques ne fiz en mon vivant desloiauté ne traïson ne felonie, ne je ne la commenceray mief pour toy, neant plus que je la commenceroie pour ung estrange, ne je ne t’en losengeray mie en cestui point, ains promet bien au chevalier et asseur’
\ Jui omis Ab.
2 contre Ab. 3 tu] i averoies Ab. 4 des omis Ab. $ de] tous mes Ab (cf. le v. 3270 : De toz mes homes et de moi). 6
coumencherai] ore mie Ab (cf. le v. 3274: Ne je nel comancerai mie). 7 et asseur omis Ab (cf. les v. 3277-78: Einz promet bien au chevalier / Qu'il n’avra).
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que il n’avra ja mestier d’armes ne de cheval que il n’ait. Puis qu’il a fait si grant hardement qu’il est jusques a cy! venus, bien detenus y sera et garantis encontre tous les hommes de ta 25 terre, fors tant seullement de ton? corps. Et ytant te vueil je compter* et dire que s’il se puet de ton corps garder, il n’avra jamés regart en mon royame de nul homme qui soit vivant. Et tant te vueil je bien apprendre que, s’il se puet deffendre de toy, que il d’autrui ne lui couvenra avoir paour. Et tant sachies 30 tu bien que il n’a chevalier en tout mon povoir, s’il en avoit fait pour toy desloyauté ne traïson, qu’il ne feust mon desloyal traictres. 119.
— Assés me couvient* ore escouter, fait Meleagant, et
taire! Et vous dirés tout ce que mieulz vous plaira, mais moult est a moy petit de quanque vous ditez. Mais je ne suis mie si piteux ne si charitables, ne tant ne veueil ore faire envers lui d’onneur que je la riens ou monde que je oncquesf plus amay li donnasse ! Par Sainte Croix, fait il, sa besoingne ne sera mie faite si delivrement comme il cuide et comme vous cuidéz. Si vous mettéz’ en mon nuisement de tout le pis que vous oncques pourrés fairef, et se vous me nuisiés et vous” lui aidiés, ja pour ce ne m’en!° [79a] courouceray a vous. Et moy, qu’en chaut s’il a paix de vous et de tous vos
l est] de cy a cy Ac et Aa; corr. d’après Ab: est] duskes a chi venus. 2 fors] seulement encontre ton Ab.
3 aconter Ab. 4 Joist Ab (cf. le v. 3288: Assez me loist ore escoter)).
5 dirés] chou qui mius vous Ab. 6 oncques omis Aa. 7 met Ac, Aa et Ab. Voir note.
8 onques] m'i poés faire Ab. 9 vous omis Ab.
10 me Ab.
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il
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
hommes ? Ja pour! ce ne me fauldra le cuer vers lui. Et aussi m'aïst Dieux, je ne voulroye mie que vous eussiés a tout vostre povoir juree sa mort tout maintenant, car, se vous l’aviés occis, donc n’y avroie je point d’onneur, ne ja Dieu ne doint que autre? l’occie se je non seullement. Si me plaist moult, se Damedieu me doint joye, que il n’ait regart d’autrui que de moy. Ne je ne vous quier pour moy faire nulle traïson . ne nulle chose ou on peust noter nul mal, mais tant comme vous plaist a estre preudoms et loyal, si le soiés, et me laissiés estre cruel! — Comment ? fait le roy, si ne m’en diras* autre chose ? — Je non, fait il, fors tant seullement s’il ne s’en revait .
et me claime quitte la royne, mort. — Or dy* doncques ton 25 jamais par moy n’en seras mis son filz et dist qu’il yra offrir 120.
il ne me puet eschapper sanz vouloir, fait Baudemagus, car a raison. » Lors se part le roy de au bon’ chevalier son service.
Atant descendi le roy aval et a fait son cheval amener,
et on li amaine ung grant destrier, grant et fort et tost alant. Et il y monte par l’estrier et maine avec lui de sa gent$ .nn. chevaliers et trois sergens, si les fist avec lui aler sans plus. Et s’en tournerent au ferir des esperons, ne ains ne finerent d’avaler tant qu’ilz vindrent aval’ au pont, la ou le chevalier estoit et essuoit du sang ses piés et ses mains, car moult l’avoit” durement blecié le pont a passer!°, Et quant le roy
! houmes] car pour Ab. 2? que] nus autres Ab.
3 dirés Ab. #
fai Ab (cf. le v. 3314 : Or fei ton mialz, que je te les).
un
bon omis Ab.
de sa gent omis Ab (cf. le v. 3323: Et mainne avoec lui de ses genz). 7 aval omis Ab. ©
essuoit] le sanc de ses mains et de ses piés car Ab. l’avoit omis Ac et Aa; corr. d’après Ab. Odm Ab : durement] li pons blechiés a passer.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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Baudemagus le vit, si le salua en hault et lui dist: «Sire, Dieux vous doint joye comme le! plus preudomme du monde, et qui a fait la plus grant prouece du monde? ne que oncquez nulz homs veist ne* feist. Et sachiés que je vous voulray moult honnourer, et sachiés que je suis le roy de ce paÿs. » Et lors le cuide bien le roy avoir long temps avecques lui a hostel, mais 15 il pourroit aussi tost avoir la‘ mer espuisiee comme il l’avroit ensemble
o lui retenu,
car il ne beoit a riens fors tant
seullement a la royne delivrer. Lors se haste moult durement le roy de descendre pour le chevalier qu’il vit. 121. Et le chevalier, quant il vit descendre le roy, sailli contre lui; et non mie pour ce qu’il congneust le roy, maïs il
avoit oÿ dire qu’il estoit roy. Ne il ne faitf semblant de l’angoisse que il avoit es piés ne es mains neant plus que s’il feust’ tous sains. Et quant le roy le vist esvertuer, si queurt vers lui et lui dist: «Sire, se Dieux m'’aïst, je m’esbaÿs moult durement de ce que vous estes en ce paÿs embatus sur nous. Et vous y soyés li bien venus, comme le plus preudomme du monde,
car
ains®
mais
nulz
homme
ce
n’enprist
ne
n’enprendra jamais a nul jour; ne je ne cuidoye mie que le chevalier feust nés qui si osast grant” merveille emprendre. Et sachiés que je vous en ay moult plus chier et ameray mes!° a tous les jours du monde, quant vous avés fait ce que nulz
au Ab. n ee
du monde omis Ab. veist ne omis Ab.
rs
Odm Ab : poroit] avoir aussi tost la.
un
l’aroit] retenus ensamble o lui car Ab.
a
faisoit Ab. plus] ne que il feust Ac et Aa; corr. d’après Ab :plus] que s’il fust.
= co ©
onques Ab. Odm Ab qui] osast si grant.
10 jamais Ab.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
n’osast penser a faire ; et aussi m’aït Dieux que tant comme il 15 vous
plaira a cy demou[79b]rer!,
me trouverés durement?
loyal et courtois. Et comme roy vous asseur loyaument* que je tout a devise vous ottroy toute l’onneur et tout le service que je en tout mon povoir vous pourray faire. Et je si cuide moult bien savoir quel chose vous querés, si la vous diray ainçois 20 que je la vous demant: je croy que* vous estes venus en ce . regneS pour la royne Genevre. — Si m’aïst Dieux, fait le chevalier au roy, vous esperés voir, car je la quier voirement ne autre besoing ne m’amena oncques ça.
122. — Aussi m’aïst Dieux, fait le roy, il y couvenra grant paine mettre ainçois que vous rayés la royne. Et paine ne cuide je pasf que vous peussiés moult’ grant souffrir, car je voy le sanc de voz playes qui vous queurt des piéz et des mains etf des genoulz et en pluseurs lieux parmy le corps. Ne vous ne trouverés mie si franc cellui qui ça l’a amenee que il sanz meslee la vous vueille rendre, et il est chevalier de tres vigueureux cuer. Et pour ce, si vous couvenroit il avoir bon . sejour et faire voz playes atourner tant que elles soyent bien 10 garies et sanees. Et? aussi m’aïst Dieux que je couvoite!° moult bien!! vostre aaise et vostre garison, et voulroye sur toute riens vostre honneur et vostre preu pour la grant proece
! plaira] ichi a demourer 4b. 2 trouverés] vous durement Ab. 3 rois] de chou vous asseur jou loiaument 4b.
* $ 6 7 8 ? 1 !
croy] bien que Aa. roiaume Ab. mie 4b. trop Ab. de] vos piés et de vos mains et Ab. Odm Ab: bien] sanees et garies et. que je congnois Ac et Aa; corr. d’après Ab. bien omis Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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que vous avéz faite. Ne vous ja! ne soyés en doubtence de la royne, car nulle riens nee ne lui fault qu’elle sache? demander, 15
ne nulz homs n’en adoise a lui, et° neiz mon filz qui moult en poise, qui avec lui l’en amena ça‘. Ne oncques ne forsenna aussi nulz’ homs, car il en a si grant dueil que tout s’en esragef, et maudit l’eure et le temps que il oncquez l’amena en mon povoir ne en mon regne’; et l’en eust moult voulentiers
20 menee ailleurs, mais je ne lui voulz oncques consentir pour ce
que® je ne vouloie mie qu’il la forvoyast de ma terre. Et s’il l’en eust voirement menee, il en eust fait tout son bon ou il l’eust vrayement” occise. Et je ay envers vous moult bon courage, et!° si vous donray moult voulentiers, se Dieux me 25 consaut!!, quanques vous me savrés demander pour vostre corps. Car aussi m’aïst Dieux, ja mon filz n’avra si bonnes armes, qui moult mauvais gré m’en sara, que je aussi bonnes ne vous donne, et cheval tel comme a preudomme couvenrra. Et tant vous promet dessus toutes autres choses que je vous 30 pren en mon conduit contre tous hommes, que ja n’avrés regart de nul fors!? seullement de cellui qui la royne amena ça. Mais oncques nulz homs ou monde ne menaça autretant autre
onques Ab. C9
elle] le sache Ab.
3 et omis Ab. 4 chi Ab (cf. le v. 3381 : Qui avoec lui ça l’amena). 5 nulz omis Ac et Aa; corr. d'après Ab: nus. a que] tous en esrage Ab. roiaume Ab. 8 que omis Ac et Aa; corr. d’après Ab. =
9 voirement Ab.
10 Odm Ab : et] jou ai moult boin corage viers vous et (cf. le v. 3384 : Et j’ai vers vos molt boen corage).
11 saut Ab (cf. le v. 3385 : Si vos donrai, se Dex me saut). 12 nul] houme fors Ab.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
comme je l’ay menacié, et pour ung peu que je ne lui ay orendroit donné congié de ma terre par mautalant et pour ce 35 qu’il ne vous a grant piece rendue la royne. Et aussi m’aïst Dieux, s’il feust d’aussi bon cuer comme il deust, il ne l’eust
ja contretenue contre vous depuis qu’il vous eust veu faire la tres merveilleuse! prouece que vous avés faite. Ne oncques pour ce s’il? est mon filz n’en soyés vers moy en suspeççon, 40
car aussi m’aïst Dieux, [80a] s’il ne vous vainct en bataille, il
ne vous fera ja d’annuy° vaillant .I. pois. 123. —Sire, fait le chevalier, je vous mercie moult de la : parolle que vous m’avés dicte, mais je gaste mon temps et pers cy, que perdre ne gaster ne vueil, ne je ne me dueil de nulle chose ne de playe que je aye. Mais menés moy tant que je le truisse, et a teulz armes comme“ je porte sui prest que je me depporteray a lui aux coups donner et a repprendre. » Et le roy qui le regarde* et qui moult le vit blecié, li dist:« Amis, il vous vaulroit mieulz attendre une quinzaine ou trois sepmaines tant que vous soyés sain des playes que vous avés, 10 car moult vous seroit bon le sejour et le reppos au mains decy a .XV. jours; car je ne soufferroye pour nulle riens que vous me sceussiés dire que a telz armes que vous portés cy vous combatés devantf moy. — Sire, fait le chevalier, ce poise a? LS
moy de ce que vous dites. Comment? Si ne me combatray mie* se par vostre congié non ? Par Sainte Croix, ou la royne
! grant Ab. 2 qu’il 4b.
? ja] anuiït Ab (cf. les v. 3403-4 : Ja ne vos porra sor mon pois / D’enui fere vaillant un pois). * que Ab (cf. le v. 3411 : Car a tex armes con je port). $ qui la regarde Ac et Aa; corr. d’après Ab. 6 vous] laissaise combatre devant 4b.
7 a omis Ab. 8 mie omis Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
431
me sera rendue ou je me combatray a tous les chevaliers qui
contredire y oseront!» Et! le roy lui dist?: «Aussi m’aïst Dieux, sire chevalier, par mon gré n’en est ce mie que vous vous combatés a lui, se vous vous combatés : ains* vous seroit
la royne rendue par mon loz. Ne vous, ja a telles armes comme vous avés, ne vous y combatrés.» Et cil respont: «Aussi m’aïst Dieux, s’il vous pleust, ja n’y eusse autres armes ne 1l n’y eust ja respit, ne jour ne heure. Mais pour vous feray je tant, et pour ce que vous estes yci venus, que je jusques a demain* attendray. Et mar en parlerés en avant, car je pour nul povoir ne soufferroye que il y eust plus d’attente. » Lors lui a le roy acreanté toute sa voulanté a faire. 124. Et le chevalier fu dreciés en piéz, si regarda vers le pont ou il estoit passés et vist les deux chevaliers qui avecques lui estoient venus. Si leur demanda qu’ilz voulroient faire, s’ilz voulroient passer l’eaue ou ilz retourneroient af leur paÿs a leur pere. Et i1z dient : «Sire, de ce ne parolle nulz que nous nous mettons en l’eaue, car pour’ tout le royame de Logres n’y voulrions nous estre entrés en la plus seure nef que oncques feust ! Mais nous ralons en nostre paÿs et parlerons a nostre pere et a nostre mere, si yrons en la terre dont nous sommes néz, car les maulz pas sont destruiz et les forteresces nous sont rendues, et yrons partout la ou bon nous semblera’.
1 qui] contredit oseront metre et Ab. 2 Je roy lui dist omis Ab. 3 ert Ab. 4 vous vos] i combatés devant moi ains Ab. $ jusques] midi Ac et Aa (midy); duskes] a midi 4b; corr. d'après le v. 3430 : Que jusqu’a demain atendraï. Voir note. 6 7 8 ?
en Ab. par Ac et Aa; corr. d’après Ab. fumes Ab. ert Ab.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
Et benoit soit le Roy qui naistre vous! fist !» Lors s’en partent. Et le roy Baudemagus fait mander le chevalier, et lors le maine en l’ostel?, et prie et commande a ses gens qu’ilz le 15 servent et honnourent a leur povoir, et ceux de tout en tout se painent de lui servir. Et le roy, qui la paix quist* moult voulentiers se il peust, s’en vint derechief a son filz et si lui parolle moult ysnellement ainsi comme cil qui moult voulentiers queist la paix.
125. Si lui dist: «Ha! beau filz, car t’accorde a ce chevalier sans combatre ! Ne il n’est mie ça venus pour berser ne pour chacier, ains* veult pourchacier son preu et croistre et admonester, et si eust il merveilleusement grant
mestier de sejour et de reppoz, est navrés et empiriéz. Et s’il moys ne de l’autre aprés* ne faire, et si ne vy je oncques
ainsi comme j’ay veu, car il eust mon conseil creu, de ce feust il en point def bataille [80b] si engrés chevalier de
bataille comme
Mais
je l’ay veu.
pour Dieu, beau
fi1z,
10 destourne
le de combatre a toy, car il est merveilleux chevalier et de haute’ prouesce : si ameroye mieulz® l’amour et la compaingnie de toy et de lui, car tu en pourroyes mieulz valoir. Et tant saches tu vrayement que ce est Lancelot’
15
le bon chevalier,
le seur,
cil qui conquist
la
Douleureuse Garde, cil qui desconfist les assemblees du roy
! nous Ac, Aa et Ab; corr. d’après le contexte. Voir note. 2 lors] l’enmaine a son ostel Ab.
3 fesist Ab (cf. le v. 3439: Et li rois, qui la pes queïst). + Odm Ab: venus pour] cachier ne pour bierser ains (cf. le v. 3447 :Ne por berser ne por chacier). $ aprés omis Ab (cf. le v. 3453 : De cest mois ne de l’autre aprés). 6 il] engriés de Ab (cf. le v. 3454 : Ne fust de la bataille angrés). 7 de] tres haute 4b.
8 moult Ab. ? lanselot répété Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
433
Artus et de Galehot!, et tant ennuy lui fist. Et Galehot, si
comme tu as oÿ dire, lui fist tant d’onnour qu’il s’appaisa au roy ÂArtus pour avoir sa compaingnie, et lui clama quitte toute la terre de Bretaingne qu’il eust sur lui conquise, et devint 20 homs au roy Artus pour l’amour de Lancelot, qu’il n’eust fait pour riens se ne feust pour la compaingnie Lancelot avoir. Et Galehot l’ama tant qu’il fist oultreement son plaisir de toutes les choses qu’il lui? requist. N’as tu oÿ parler de la grant merveille qu’il fist a la Roche aux Saisnes, quant il delivra le 25 roy de prison ? Et a cil faites toutes les proueces du monde.
Dont n’a il occis Carados* le Grant et passés les destrois de Gorre par puissance ? Va, beau filz, si t’accorde a lui et si lui
rens la royne, et si soyes a touzjours mais de‘ sa compaingnie. Et si lui rens la royne sens tençon car il n’est mie cy venus 30 pour esbatre ne pour berser ne pour chacier, ainçoys veult pourchacier honneur a son povoir ;et nepourquant’, si eust il moult grant mestier de reppoz, ainsi comme je l’ay veu. Et cuides tu avoirf deshonneur se tu lui rens la royne? De ce n’ayes tu ja nulle paour, car il ne t’en pourroit nul blasme 35 venir.
126. - De grant follie vous esmayés, fait Meleagant a son pere. Ne ja, par la foy que je doy a Nostre Seigneur, de cestui affaire ne vous croirray je ja. Et aussi m’aïst Dieux, de sa compaingnie n’ay je soing, et je ne sui mie Galehoz qui pour paour s’accorda a lui! Et bien me devroit on detraire a chevaulz se je vous creoye de si fait affaire: s’il” quiert son
l 2 3 4
galeholt Ab. Jui omis Ab. karadoz Aa; karadot Ab. Odm Ab: et] soïiés mais a tous jours de.
5 nonporec Ab. 6 tu] si avoir Ab.
7 Odm Ab: se jou] de si fait afaire vous creoie s’il.
434
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
honneur, et je la moye, s’il quiert son preu, et moy! le mien, et s’il veult bataille et meslee, et je la vueil cent tans plus voulentiers que il ne le veult. — Aussi m’aïst Dieux, fait le roy, 10 se tu te tiens a ceste parolle, je voy bien que tu fais follie : si la trouveras et tu venras bien a temps a la bataille?, car tu esprouveras ta force et ta vertu? au chevalier puis que tu le veulz ainsi. — Ja ne me viengne plus grant dueil! fait Meleagant a son pere. Et moult mieulx voulzisse assés que ce feust huy 1) que je ne fais demain ! Et ne veés comme mortellement je me demaine plus que je ne soloie ? Dieux“, com or me troublent mes yeulz ! Moult en ay ore la chiere mate et morne, ne jamais a nul jour, tant comme je vive, n’avray joye tant que je me combate a lui.» 127. Et le roy ot que nulle priere n’y vaulroit, si laisse la parolle atant ester et se part tout maintenant de son filz, et . prent son cheval qu’il avoit moult bel et moult bon, et prent ses armes, si les envoye a cellui ou moult les a bien employés. Etf avec ce, si lui envoye ung moult bon phisicien qui savoit plus de playes garir que nulz homs qui feust a cellui temps ou roy{[8l1aJaume de Gorre. Cil s’en vint au chevalier et lui fist
tant de bien comme il potf faire, car le roy Baudemagus l’en avoit prié sur toute riens; et cil si lui fist voulentiers, car il 10
estoit preudomme et de bonne foy. Et nepourquant’ ot envoié
! jou Ab (cf. le v. 3473 : et je le mien). 2? mellee Ab. ? et ta vertu omis Ab (cf. les v. 3478-79 : Demain ta force esproveras./ Au chevalier).
* huy que] je ne fais demain plus que je ne pourroye faire et soloie dieux Ac et Aa; corr. d’après Ab : hui que] demain et ne veés comme morteument je me demaine plus que je ne seus faire dieus. Saut du même au même sur demain. 5 Odm Ab: moult] bien les a emploiies et.
6 il] li pot Ab. 7 nonporoec Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
435
au phisicien Meleagant le prevost! de Gorre, et lui commanda qu’il feist tant qu’il meist sur les playes au chevalier tel? oingnement dont il perdist vie et membres: et il lui feroit a devise toute sa voulenté et lui donroit une seue seur que il 15 avoit de par sa mere. Mais oncques cil ne daingna faire riens pour* chose que il lui deist. 128. Et ja orent oÿe la nouvelle les chevaliers et les dames et les pucelles et tous les barons qui illec entour estoient, et{ les estranges et les privés. Et chevauchierent toute la nuit jusques au cler jour, et quant le cler jour apparut, si en y ot tant d’uns et d’autres devant la tour, et y ot si grant presse a l’ajournee, que on n’y povoitf son pié tourner. Et le roy, a qui la bataille grieve moult, fu’ levés par matin, si s’en vint a son
filz derechief qui ja avoit son chief armé. Ne n’y pot estre la paix mise pour nulle paine, et si l’a moult le roy requise, mais ne puet estre qu'i la face. Et quant* le roy vit que sa parolle n’y a mestier, si en fu moult courouciés et moult doulent, si en
laissa atant la parolle ester°. Et toutes les gens furent assemblees la devant enmy la place, la ou la bataille devoit!° estre,
si comme le roy veult et commande. Si demande l’estrange
! Odm Ab: envoïiet] meleagans au fusitiien le prouvost. 2 tel omis Ab. 3 mais] ains chius n’en deigna riens faire pour Ab. 4 Odm Ab: aluec] estoient entour et. 5 Odm Ab: tant] devant la tour et d’uns et d’autres et (cf. le v. 3514: D’uns et d’autres devant la tor).
6 pot Ab. 7 Odm Ab: baptaille] moult grieve fu (cf. le v. 3518 : Cui de la bataille molt grieve). 8 n’i] pooit la pais estre mise pour nulle paine et si l’a moult requise li rois mais ne puet estre qu’il le puisse trouver ne faire quant Ab (cf. le v. 3525: Mes ne puet estre qu’il la face). * en] laie la parolle atant ester Ab.
10 doit Ab.
436
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
chevalier, et on lui amaine tantost en la place qui moult estoit plaine de gent du royaume de Logres. Mais tout ainsi comme les gens vont aux eglises a Penthecoustes ou! a Pasques ou a Noel acoustumeement, tout ainsi estoient aünés tous ceulz du païs, et les estranges et les privés, et avoient ja jeuné .I1. jours 20 et les uns et les autres, et alé nudz piéz et despoullié de chemise, pour ce que Dieux face vertus pour le chevalier : estrange, et que il puisse delivrer les chaïtis. Et autressi tous ceulz du paÿs prient pour leur seigneur que Dieux lui donnast victoire et honneur de la bataille contre le chevalier qui par 29 telle follie s’estoit embatus sur? lui. 129.
Lors les ont amenés matin enmy la place, ains que
prime sonnast, moult bien armés sur leurs chevaulx qui tous
estoient de fer couvers. Et moult estoit beaux et bien appers le filz au roy Baudemagu, et moult estoit bien tailliés; et le heaume si lui advint moult bien, et le hauberc et l’escu qu’il
avoit pendu a son col, car trop durement lui avenoit bien. Mais tous a l’autre chevalier se tenoient, et tous le regardoient a merveilles et disoient tous et toutes, neiz‘ tous ceulz qui sa
honte vouloient, dient qu’ilz se° tendroient tous envers lui de 10 la bataille. Et le roy Baudemagus s’en revint en la place sur ung grant cheval en pur le corps, et ot une cotte courte d’escarlatte et ung baston en sa main; et n’avoit pasf son chief enveloppé ains l’avoit nu et descouvert, car moult estoit de grant beauté: si furent ses cheveulz crespés menuement, et le roy estoit en l’aage de .LIL. ans, ne nus ne trouvast ou monde si bel prince de son aage s’il eust joye en son cuer. Mais tant
! Odm Aa: comme les gens aux eglisez a penthecouste vont ou.
2? contre Ab. 3 Odm Ab: qui] tout estoient couviert de fier et (cf. le v. 3555: Sor deus chevax de fer coverz). * Odm Ab: disoient] tuites et tuit nes.
5 s’en Ab.
6 n’avoit] soi pas Aa.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
437
estoit yrés que plus ne povoit pour la tres [81b] grant desloyauté qu’il veoit en! Meleagant son filz, qu’il voulzist mieulz estre mors que vifz. 130.
Et nepourquant s’en revint a son filz, si l’araisonne et
le detient tant comme il puet, et se paine de la paix faire moult durement, et lui dist: «Ha !beau filz, car appaise ton cuer et adoulce envers ce chevalier qui est le plus preudomme du monde et qui plus a de loz et de chevalerie ! Et aussi m’afïst Dieux, moult y avras grant honneur. — Certes, fait Meleagant, pour neant debatés vostre chief, car je n’en feroye? neant. Si VOUS pry, puis que vous aidier ne me voulés, que vous ne me nuisiés mie, et puis que vous n’amés mon honneur, si ne me
loués mie ma honte. Et vous avés dit que vous de la bataille ne m'aiderés ne* plus c’un estrange: si vous pry donc que vous ne me nuisiés car, par Sainte Croix, je n’en feroie* neant pour
vous. » Et quant le roy entent son f11z, si en fu moult doulent. Et lors appelle les deux chevaliers et leur dist: «Seigneurs, tenés voz chevaulz et voz frains tant que je en la tour montés soye, et tant vous pry je que vous le’ faites pour moy; et nonpourquant, si ne m’ariés® vous mie fait moult grant bonté se pour moy atargés? tant que je y soye. » Et lors s’en part tout esmaiés et tout doulans, car paour a de Meleagant son filz, 20 car il savoit bien que vers le chevalier n’avroit il nulle? moult grant duree.
qu’il] avoit veut en Ab. ©
ferai Ab.
&w
nient Ab.
»
ferai Ab.
un
le omis Ac, Aa et Ab.
a
n’avrés Ab. moi] vous atargiés Ab.
= œ
tout omis Ab.
©
mie Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
438 131.
Lors s’en vait la ou il savoit la royne, car elle lui avoit
prié la nuit devant que il la meist en tel lieu la! ou elle veist la bataille, et il lui ottroya moult voulentiers. Si la quiert et si la demande, car il se vouloit moult pener de son honneur et de son service. Si l’a a autre fenestre mise, et il fu deléz lui appoyés a destre. Si ot avec eulz assés gens, et d’uns et d’autres, qui estoient assembléz: chevaliers et dames et . pucelles du paÿs, et moult y avoit de chaitis et de chaitives, qui moult estoient ententis en oroisons. Et les prisonniers et les prisonnieres prioient trestous pour leur seigneur, car 11z se fioient en Dieu et en lui sur toute riens de leurs delivrances. . 132. Et lors si ont sanz nulle demourance traicte la gent arriere toute, et puis heurtent des couttes leurs escus, si ont leurs? enarmes embracies et baissent leurs gleves et fierent leurs chevaulz des esperons. Si s’entreviennent sans plus dire et se donnent si grans coups sur leurs escus que leurs lances froissent*, et en astellent et esmient aussi comme deux brandons feissent. Et les chevaulz vont de si grant vertu et de . si grant force, si s’entrencontrent front a front et pis a pis, et les escus heurtent ensemble‘ de si grant aÿr que il semble a 10 tous ceulz qui l’oÿrent que il eust moult forment tonné, ne il n’y remaint selle ne cengle ne poitral a rompre que tous ne soient desrompus. Et les selles peçoyerent et les arçons qui moult estoient fors, et ceulz sont a terre cheuz enmy le champ; mais ilz n’y ont pas eu trop grant honte puis qu’ilz deffaillirent de chevaulz et de selles et des estriersf, ne je ne
l la omis Ab. ? les Ab (cf. le v. 3603 :S’ont les enarmes anbraciees),.
? fraingnent Ab. * ensamble omis Ab (cf. le v. 3611 : Et li escu hurtent ansanble).
$ fort Ab (cf. le v. 3614 : Que il eüst molt fort toné).
$ puis qu’il] lor defaillirent cheval et les sieles et li estrier Ab (cf. le v. 3621 : Des que trestot ce lor failli.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
439
voy mie! comment ilz se peussent tenir. Mais ilz sont tost en piez saïllis, si s’entreviennent sans mentir plus fierement que ne feissent deux sengliers, et si s’entrefierent sans? menacier 20
grans coups comme ceuz qui moult s’entreheent, et souvent se fierent si [82a] asprement que aprés les fers en sault le sang. Et ilz fournissent si° bien la bataille de pesans coups et de felons, et mainteffois sont en la bataille paringal, ne tous ceulz qui les regardent‘ ne se scevent du bien ou du mal auquel tenir.
133. Mais il ne povoit mie legierement advenir que cil qui ert passés au pont ne feust plus felonneusement quassés que Meleagant ne feust, car il n’avoit pié ne main entier. Et cil
Meleagant estoit de si° tres grant prouece plain, et dur chevalier et seur; et avoit ja .XXII. ans porté armes, dont il
avoit par tous les paÿs estéf .xvII. ans. Et avoit maintes felonnesses/ aventures achievees qui sont ramenteues pluseurs® foys en pluseurs contes. Et pour ce qu’il estoit de si aspre prouece, si s’en esmaioyent moult les chaitiz et les chaïitives 10 qui estoient en chaitiveté par’ la terre, pour ce que les coups
au chevalier de la charrette virent tant durement affoibloier : si craignent!° qu’il n’en ait le pis, et si leur estoit il bien ja a!! tous adviz que il en avoit le piour, et Meleagant, le f11z au roy,
1! mie omis Ab. 2 si] se fierent sans Ab (cf. le v. 3625: Et se fierent sanz menacier,.
3 # 5 6 7 8
9 10 !1
moult Ab (cf. le v. 3631 : La bataille molt bien fornissent). esgardent Ab. si omis Ab. par] tout le paÿs esté Aa; par] tous les païs erret Ab. maintes] foys felonneuses Aa. maintes Ab. qui erent] escaitivet par Ab. si] se criement Ab (cf. le v. 3645 : Si criement qu’il ne l’an soit pis). Jor] en estoit il ja bien a Ab.
440
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
le meilleur. Si en murmuroient tous et toutes, et dient entre 15
eulz: « Veés ! Ja est! occis le chevalier qui passa au Pont de l’Espee !» Mais aux fenestres de la tour ot une pucelle qui estoit a merveilles de grant? science, et pense et dist en son
courage que le chevalier n’avoit mie pour lui emprise la* bataille, ne aussi n’avoit il pour celle autre gent menue qui la 20 estoient venus pour‘ regarder la bataille, ne ja ne l’eust : emprise se ne feust la royne. Et pense que se il le savoit que elle yert aux fenestres, que s’il l’esgardast et veist, que il pour lui en prenist hardement et force. Et se elle le congneust, moult voulentiers dit lui eust que il se regardast. 134. Lors s’en vint la pucelle a la royne, si lui dist: «Dame, pour l’amour Nostre Seigneur et pour vostre preu et pour le nostre, dites moy le nom a ce chevalier, se vous le savés. — Tel chose m’avés requise, fait la royne, ou je nulle hayne n’entens ne fellonnie. Le chevalier a a° nom Lancelot du Lac au mien escient. — Dieux, comme j’ay ore mon cuer riant et lié !» faitf la pucelle. Et lors vait avant, si l’appelle si haut que tout le pueple l’entent: «Lancelot! fait elle, Lancelot ! regarde moy et de moy te pren garde, et de ceux qui 10 ça amont te voient!» Et quant Lancelot s’oÿ nommer, si se tourne tantost et regarde contremont et voit la chose de tout’ le monde que il plus amoit aux fenestres de la tour; ne oncques puis qu’il l’ot apperceue, ne tourna d’autre part ses yeulz ne sa chiere, mais par derriere lui se deffendoit. Et
l ert Ab. qui] moult estoit de grant Ab. Odm Ab : mie] empris pour li la. * pour omis Ab. $ a omis Aa et Ab (cf. les v. 3676-77 : Lanceloz del Lac a a non / Li chevaliers). 5 Odm Aa : cuer] lyé et riant fait ; cuer] riant et aise fait Ab.
7 trestout Ab (cf. le v. 3688 : La chose de trestot le mont).
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
441
Meleagant l’enchaça! au plus que il povoit: si est si liés que plus ne puet, car or scet il bien que il n’a en lui nullé deffense. Si en sont moult liéz ceulx du paÿs, mais dolens en furent les estranges, si que ceulz qui devers sa partie se tenoient sont si esperdus qu’ilz ne se porent soustenir, si cheent a la terre, 20 teulx y a tous estenduz?, et a genoulz de teulz y avoit. Et ainsi font moult grant* joye et dueil de teulz y a. Et lors derechief 15
s’escrie
la damoiselle
de
la fenestre:
«Ha,
Lancelot!
comment te pourroit advenir, quant tu si follement te contiens ? Ja souloit estre tout le bien en toy et toute la 25 prouesce, ne je ne pense mie ne ne croy que Dieux feist oncquez [82b] chevalier ou monde qui a ta valour se peust apparaillier !Et or te voy si malement par ung seul chevalier conquerre que tu arriere main gectes tes coups et ne te combas se par derriere ton doz non ! Mais fay que tu adéz dela soies, 30 si que tu puisses veoir ceste tour, car y fait beau veoir“ et delictable. »
135. honte
Quant Lancelot entent ceste parolle, si tient a grant et a grant meffait ce qu’il s’estoit* contenu si
povrement, et en het lui mesmes en son cuer, car il scet ore
bien vrayement qu’il a ore eu moult long temps le piour de la bataille: si l’ont tout sceu. Et lors sault moult yreement arriere, et si fait son tour et met entre lui et la tour Meleagant trestout a force. Et quant Meleagant le vit, si n’ot oncques mais aussi grant yre ; si s’efforce moult durement’ comment 1l se peust tourner de l’autre part, mais Lancelot lui court sus
! J’encauçoit Ab (cf. le v. 3695 : Et Meleaganz l’enchauçoit). 2 si kieent] si trestout a la tiere tout estendut Ab. 3 grant omis Ab (cf. le v. 3705 : Ensi molt joie et duel 1 a). 4 tour] moult i fait boin veoir Ab (cf. le v. 3721 : Que boen veoir et bel la fet). 5 s’avoit 4b. 6 et] fait tout son Ab (cf. le v. 3727: et fet son tour. 7 vistement Ab.
442
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
moult yreement: si le heurte moult durement de l’escu et du corps, quant il se voult de l’autre part tourner, que il chancela! trois tours ou plus, mais bien lui poist. Et force? et hardement croist a Lancelot, car Amours li faisoit moult grant aide, ne il
ne vouloit que nulle autre riens lui feist aide que Amours, et nulle riens tant” haÿe comme il faisoit cellui a qui il se combatoit. Et Amours et Haine mortelle qu’il avoit le font tant durement fort et fier que il : court sus a Meleagant tant durement, et si le’ charge de si grans coups et de si pesans que il ne le tient mie a gieu ainçois 20 s’en esmaye moult durementf et moult le doubte, car 1l n’accointa oncquez mais chevalier qui’ tant le nuisist ne : grevast ne tant l’empirast de son corps. Et tant se combatent que cil moult le ressoingne et moult voulentiers se traisist loingÿ de lui. Et Lancelot le hastoit tant durement que cil ne 25 povoit s’alaine repprendre ; et le maine en telle maniere batant jusques au pié de la tour, et le menoit si pres qu’il perdoit la veue de la royne. Et quant il nel pot mais veoir, si laissoit Meleagant recouvrer, et se traioit ariere tant qu’il pooit la royne veoir, et” le ramenoit a l’espee par devant lui, et puis le : 15 ce que il n’avoit oncques
! il] en canchela Ab.
2 lui] poise de chou que forche Ab (cf. les v. 3737-38 : mes bien li poist; /Et force et hardemanz).
3 Odm Ab: onques] riens nulle tant (cf. le v. 3741 : Rien nule tant). # combatoit] et haine et amours qu’il Ab (cf. le v. 3743: Amors et haïne mortex).
5 6 7 *
durement] durement chevalier] moult] se
qu’il le Ab. omis Ab. qui il tant doutast ne qui 4b. traist volentiers loins Ab (cf. le v.
3752: Volantiers loing de lui
se tret).
? la veue de la royne] (c’est presque un saut royne] et quant il nel traioit ariere tant qu’il
et quant il ne pot mais veoir la royne, et Ac et Aa du même au même); corr. d’après Ab : la veue de la pot maïs veoir si laissoit meleagant recouvrer et se pooit la roine veoir et.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
443
30 ramenoit si pres de la tour que, s’il alast avant ung pas, il ne
peust mie veoir la royne. Et tout ainsi le menoit Lancelot arriere et avant partout la ou il vouloit, et toutevoies s’arrestoit il par devant sa dame la royne qui lui avoit mise ou cuer la flambe d’amours : et pour ce le va! il si esgardant. Et 35 celle flame si ardans que Amours lui avoit mise dedens le corps le? fait vers Meleagant si hardi que partout la ou il veult l’adrece aussi comme .I. aveugle ou .1.5 escachier, si qu’il n’a mais en lui nulle deffense. 136. Et le roy Baudemagus, qui a la fenestre estoit, regarde ; si vit durement‘ attaint son filz que il ne s’aide ne
deffent : si l’en poise moult et si l’en prent grant pitié au cuer: or y mettroit il moult voulentiers la paix se il fere le povoit, mais” il l’en couvient ainçois prier la royne se il bien veult faire sa besoingne. Et lors la commence moult debonnairementf a rettraire, [83a] si comme cil qui moult valoit et ert moult frans et courtois en toutes choses. Lors l’appella, si? lui 10
dist: «Dame, je vous ay moult amee, et moult vous ay honnouree et servie puis que je premierement vous ting en ma prison ou Meleagant, mon filz, vous mist, qui puis ne s’en est mie reppentis a gaz, ne oncques nulle riens au monde? faire ne poy!° que je moult voulentiers ne vous feisse, pour
! Jeva Ac et Aa; corr. d’après Ab: et pour che le va. 2 corps] et le Ac, Aa et Ab; corr. d'après les v. 3770-72 : Et cele flame si ardant / Vers Meleagant le feisoit, / Que. Voir note. 3 ou] comme un 4b (cf. le v. 3774 : Come avugle et come eschacier).
4 vit] si durement Ab.
se il] metre l’i pooit Ab. 5 durement Ab. 1 l’appella si omis Ab. 8 que jou] vous tieung en Ab. tn
&
s
au monde omis Ab.
povoie Aa.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
tant que je en eusse le povoir. Or si me rendés le guerredon! que je demander vous vueil, que vous faire me devriéz se vous par Amours ne le me voulés faire. Je voy bien que de ceste bataille a Meleagant mon filz? le piour, et si ne le dy je mie, aussi m’aïst Dieux, pour ce qu’il m’en poise, mais* que ne l’occie Lancelot, qui orendroit en a trestout le povoir sur 20 lui. Et vous ne devriéz pas vouloir qu’il l’occeist, et nonpourquant qu’il ne l’ait bien desservi vers vous“, mais pour moy qui moult vous en pry, lui dites, la vostre mercy, que il de lui ferir se detiengne. Et tout ainsi me pourriés vous bien merir mon service, se bon vous ert. — Beau sire, pour vostre priere le 25 vueil je bien, fait la royne. Et se je avoye haine mortel vers vostre filz, que je n’ay mie encore, si m’avés vous si bien servie que pour vostre gré avoir vueil je moult bien qu’il se detiengne de lui ferir. » 15
137. Et ceste parolle se ne fut mie dicte a conseil, ainçois l’oÿrent et entendirent moult bien les deux chevaliers qui se combatent*, Lancelot et Meleagant. Mais moult est obeissant ly homs qui ayme, et moult fait voulentiers les commandemens s’amie, et fait mout voulentiers la chose quif lui doye plaire. Donc le doit bien faire Lancelot, qui plus ayme qu’oncques ne fist Pyramus: se oncques nul homme terrien deust” plus amer, dont ama Lancelot plus que .I. autref. Et Lancelot ot bien oÿe la parolle que la royne ot dicte au roy
l si] m’en rendés un guerredon Ab. ? mon filz omis Ab (cf. le v. 3794 : A mes filz le poior). 3 dieus] qu’il m’en poisece mais Ab. 4 l’ochesist] non mie pour chou que il ne l’ait bien desiervit enviers vous Ab (cf. les v. 3799-800 : Non pas por ce que il ne l’ait / Bien vers vos et vers lui mesfait).
$ combatoient Ab.
6 cose] qu’il quide qui Ab. 7 doit 4b. 8 l’autre Ac et Aa; li autre Ab. Voir note.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
445
10 Baudemagu, et dist: «Puis que vous le voulés, si soit.» Ne
oncques! puis que ce mot lui fu de sa? bouche yssus ne se mut Lancelot ne ne trait vers Meleagant: non voir s’il cuidast que Meleagant le deust occire ne se meust il puis que il ot oÿe la voulanté et° le vouloir sa dame. Et Meleagant a si grant yre 15 que par“ un peu que il ne crieve quant il voit que il est a ce menés qu’il couvient prier pour lui. Si queurt sus a Lancelot et lui donne coups pesans” la ou il le cuida plus grever. Et le roy Baudemagus s’en avale juz de la vizf et s’en vint a la bataille et dist: «Qu’est ce, beau filz? Est ce ore avenant 20 chose qu’il ne te touche et tu le fiers ? Moult te fais ore cruel ! Et si voient tous ceulz qui cy sont que il est au dessus de toy. » Et’ lors lui dist Meleagant par grant yre, qui moult grant honte a en° lui: «Qu'est ce, fait il, beau pere ? Je cuid que vous ne
veés goute, et je croy que vous tous aveuglez soyés, qui 25 cuidiés que je soye de lui au dessoubz: ains? en suy au desseure, ce m’est adviz!°! — Or quier, fait le roy, qui t’en
croye, car aussi m’aïst Dieux, je ne t’en croy point, ne moy!! ne homs qui ceans soit en ceste place, car tous scevent bien que tu mens, car bien en savons tuit la!? verité de ton affaire. »
1 ainc 4b. 2 ]a Ab. 3 la voulanté et omis Ab.
# pour Ab. 5 mervilleus Ab. 6 tour Ab (cf. le v. 3837 : Est jus de la tor avalez).
7 cose] que tu le fiers et il ne te touke tu fais ore cruel et si voient tout chil qui chi sont que il est de toi au deseure et Ab (cf. le v. 3841 : Qu'il ne te toche et tu le fiers, et le v. 3845 : il est au desore de toi).
8 Odm Ab: moult] a grant honte en. soie] au desous de lui ains.
9 Odm Ab: 10 vis Ab.
1 jou Ab. 2 Odm Ab: car] tuit en savons bien la (cf. le v. 3855: La verité bien an savons).
446
138.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
Lors appella le roy [83b] ses barons et leur dist qu’ilz
trayent son filz arriere. Et ceuz de neant ne s’en delayent,
ains ont fait son commandement et ont arriere trait Meleagant. Mais a Lancelot traire arriere! ne couvint? il mie grant paine mettre, car moult lui peust faire Meleagant ennuy* ains qu’il‘ le touchast. Et lors dist le roy a son filz: «Aussi m’aïst Dieux, or te couvenra il paix faire maugré tien et rendre la royne a Lancelot et toute la querelle tenir a : paix. —- Moult avés ore dicte grant oiseuse ! fait Meleagant a 10 son pere. Mais trayés vous arriere, si fuyés ensus de moy, et si me laissés combatre et si ne vous en mellés ja ! — Si feray,
20
par Sainte Croix ! fait le roy Baudemagus. Je m’en mesleray : desoremais, car bien sçay que il t’occiroit qui te laisseroit combatre.» Et cil dist: « Aïnçois occiroie je lui se vous nous laissiés combatre ensemble, et je n’ay doubte de lui pour nul povoir. — Se m’aïst Dieux, fait Baudemagus, petit te vault quanque tu me dis, et neant ne te vault. — Pourquoy ? fait Meleagant. — Pour ce, fait le roy, que je ne vueil ta follie ne ton orgueil consentir, ne je ne te croirray pas de toy faire occire devant moy. Et moult as ore en toy follie et orgueil, et moult est folz qui sa mort desire si comme tu fais. Et si sais bien que tu me hees pour ce que je ne vueil regarder ta mort ne veoir. Ne ja Dieux tant veoir ne me doint’ que je par devant moy te voye occire ! »
© w R un a =
traire avant Ac ef Aa; corr. d’après Ab: ariere. n’estuet Ab (cf. le v. 3862 : N’estut il pas grant force feire). Odm Aa: peust meleagant faire ennuy. ains] qu’il se meust ne qu’il Ab (cf. le v. 3864: ainz qu’il tochast lui). qui te laisseroit combatre répété Ac (mais non Aa). esgarder Ab. laist Ab (cf. le v. 3891 : Ne me lairaja Dex).
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
447
139. [liec li dist tant le roy et chastie! que ilz ont l’accort fait et la paix. Si est temps que il lui rende la? royne, par couvenant que Lancelot, quelle heure que il le’ semongne, que de cel jour en ung an qu’il l’avra semons, qu’il se combatra a lui: yceste couvenance ne fu mie greveuse a Lancelot. Si queurt tout le pueple a la paix, et devisent que a la court le roy Artus sera faite la bataille ; et la veullent i1z tous
deux que“ elle soit. Si l’estut au roy ottroyer et a Lancelot creanter, qui moult voulentiers le fist, car nulle rien en ce
monde n’avoit il tant haÿe comme le corps Meleagant. Et Lancelot lui creante que, se Meleagant le puet faire recreant, qu’il l’en° amenra avec luif la royne ou royaume de Gorre, ne jamais a nul jour ne lui sera chalengiee par nul homme. Et ce jura Lancelot que il ainsi le fera? creanter au roy Artus et a 15 tous ceulz de la court que ilf cuideroit que nuire lui pourroient?. Tout ainsi fu la paix establie, si les ont desarmés tout maintenant et furent accordés en telle maniere. 140.
Siavoit en ce temps ou païs tel coustume que, puis que
l’un s’en yssoit, si s’en yssoient tous les autres.
Et lors
beneissent tous!° Lancelot et font moult grant festel! de lui et crient trestous a une voix pour ce que ilz veulent que on les
l et chastie omis Ab (cf. le v. 3893 : Tant li dit et tant le chastie). 2 est] telle que il li rent la Ab (cf. les v. 3895-96 :La pex est tex que cil li rant / La reïne). Le] # un
l’en Ab (cf. le v. 3898 : Quele ore que cil l’an semoigne). il] ambedui que Ab. en Ab.
a
avec lui omis Ab (cf. le v. 3911 : Qu’ele avoec lui s’an revanra).
=
feroit Ab. 1lz Ac et Aa;
CJ w©
1©
corr. d’après Ab.
court] qui il quideroïit qui nuire l’en poront Ab. moult Ab (cf. le v. 3920 :Lancelot tuit beneïssoient).
1 joie Ab (cf. le v. 3925 : de Lancelot font grant joie).
448 un
10
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
oÿe:« Ha! sire, forment nous sommes esjouys des l’eure que premier nous vous! oÿmes nommer et sceusmes tous que nous serions delivrés tout de par? vous!» Mais a celle heure ot moult merveilleuse presse, car chascun se paine et engresse d’atouchier a lui ; si y font tant moult grant* presse, car cil qui plus pres de lui se puet approuchier, si se fait plus sire. Si y ot assés dueil yllec et joye, car“ cilz qui sont enprisonnés ont tant joye qu’ilz peuent [84a] avoir, mais Meleagant et les siens n’ont de leur bon
nulle riens, ains sont maz,
mornes
et
dolans. 141. Atant se part le roy de la Lancelot, ains le fait monter sur ung ensemble o lui tant qu’ilz vindrent prie Lancelot au roy qu’il le maine
place, si n’y laisse mie grant cheval et le fait aler au pié de la sale. Et lors veoir la royne. «En moy,
fait le roy, ne demourra il ja$, et mesmement Keu le seneschal
vous monsterray je.» Et quant Lancelot l’entent, si en a si grant joie que par’ ung pou que il ne lui chiet aux piéz. Et le roy l’enmaine tout maintenant en la sale. Et quant la royne vit le roy Baudemagu qui tenoit Lancelot par la main, si fist tout : maintenant grant semblant d’estre courouciee® et s’enbronche, si ne dist mot. « Dame, veéz cy Lancelot, fait le roy”, qui veoir vous vient: ce vous puet moult seoir et plaire. — Moy, sire?
| Odm Ab : que] nous prumiiers vous. ? noumer et soumes] tout delivre que nous trestout seriesmes delivret par Ab (cf. les v. 3929-30 : seür fumes a delivre / C’or serions nos tuit delivre). 3 font] tout moult tres grant Ab.
* Odm Ab: duel] et joie illuec car. $ bien Ab (cf. le v. 3940: N’ont nule chose de lor buen). 6 mie Ab.
7 pour Ab. 8 samblant] de femme courouchie Ab. 9
fait le roy omis Ab (cf. les v. 3960-61 : Dame, veez ci Lancelot, / Fet li
rois, qui vos vient veoir).
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
449
fait la royne, aussi m’aïst Dieux, moy ne puet il plaire, ne je n’ay que faire de son veoir. — Avoy, dame! fait le roy Baudemagus, que est ce que! vous dites ? Aussi m’aïst Dieux, je me merveil moult de? ceste parolle, et si me merveil moult la ou vous avés tel cuer pris envers? homme qui tant vous a servie et honnouree, et a‘ en ceste terre pour vous souvent
mise sa teste et sa vie en aventure pour vous. Et de Meleagant mon filz vous a il rescousse et deffendue! — Aussi m’aïst Dieux, sire, fait elle, cestui service, s’il l’a fait pour moy, a il
mauvaisement emploié, car certes je ne lui en sçay* gré ne mieulz ne l’en vueil. » 142.
Et quant Lancelot entent ceste parolle que la royne a
dicte, si en fust moult doulent et moult honteux, et ne scet
pourquoy il puist avoir son couroux. Si lui respont a maniere de fin amant :«Certes, dame, ce poise a moy que vous estes a moy courouciee ne que je ay vostre mauvais Ccuer, ne je ne vous ose demander pourquoyf.» Et lors se dementa moult Lancelot se la royne le voulzist escouter, maïs elle, pour lui
grever et conffondre, ne voult escouter ne’ respondre .I. mot, ains s’en vait repondre en sa chambre. Et Lancelot, jusques a l’entree, des yeulx et du cuer tant doucement la couvoye comme il plus pot, mais la voye ne fu mie longue jusques a la chambre.
Si entraÿ voulentiers Lancelot aprés, s’il cuidast
qu'il ne grevast a° la royne et qu’il ne lui anuiast ;et pour ce
que] chou est que Ab. 2 jou] m’esmierveille de Ab. w » tn a = ET
avés] pris le cuer enviers Ab. a omis Ac et Aa; corr. d'après Ab. ne] l’en sai Ab (cf. le v. 3977: je ne l’an sai point de gré). vous] demande pourcoi Ab (cf. le v. 3982 : Ne je n’os demander por coi). escouter ne omis Ab (cf. le v. 3986: Ne li vialt un seul mot respondre). si] i entrast Ab.
9 qu’il] ne deust grever a Ab.
450
15
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
que il cremoit son couroux, remaint dehors plain! de lermes et de souspirs. Et nonpourquant se couvre il au plus couvertement que il? puet, car paour a du roy Baudemagus qu’il ne s’apperçoive? de leurs amours, car le roy estoit moult. durement subtil et sages en toutes choses. Et le roy trait Lancelot a privé conseil, si lui dist : «Lancelot, je me merveil
20 moult de ce que la royne ne vous veult veoir, ne araisonner ne
vous puet. Et se elle oncques y parla a nul jour, or y deust elle mieulx parler que oncques mais, car vous avés fait pour lui la plus grant merveille que oncquez chevalier‘ feist pour dame. Mais or me dites par quel pitié$ vous est si mesavenu que ma 25 dame la royne ne veult parler a vous. — Si m’aïst Dieux, sire,
fait Lancelot, je ne m’en gardoye orains. Mais quant il ne lui siet ne il ne lui plaist, si m’en couvient souffrir. — Aussi’ m'aïst Dieux, fait le roy, elle a tort! Mes [84b] or venés, si
yrons au seneschal parler. — Si m’aïst Dieux, fait Lancelot, je 30 le desir moult a veoir. Je ne sçay s’il vouldra parler a moy ne
plus comme ma dame la royne !» Atant s’en vont tous deux en” la chambre la ou Keu le seneschal gisoit, et s’en viennent devant lui. | 143.
Et si tost comme!° Keu le seneschal vit Lancelot, si
s’escrie: «Ha, Lancelot! Comme m’avés!! hony et deceu! — Et de quoy, fait Lancelot, vous ay je ainsi hony, et quel honte remaint] cha fors plains Ab. nonpourquant] si s’en cuevre il au plus coiement qu’il 4b. # ne] s’en apierchoive 4b. em
vous omis Ab (cf. le v. 4003 : n’aresnier ne vos vialt). onques] nus chevaliers Ab. 6 pekiet Ab.
nm +
Odm Ab : plaist] souffrir m’en couvient aussi. nient Ab. ©
vont] andui en 4b (cf. le v. 4021 : Au seneschal an vont andui).
10 que 4b. = [= mauvais avec Vais barré et exponctué, et es suscrit.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
451
vous ay je faite ? Je ne vous forfis! oncques riens que je sache. — Si avés, fait Keuz, quant vous avés traicte a fin la querelle
que je n’y pos traire, si avés fait la chose que je n’y? pos faire : si m'en ennuye moult. » Atant s’en part le roy Baudemagus et les laisse eulz deux? parlant ensemble. Et Lancelot au seneschal parolle et lui enquiert s’il a eu moult grant mal. Etil 10 lui respont que «oïl, moult, et ay encore, car je n°0z oncquez si grant mal que je encore maintenant sueffre. Et je feusse moult grant piece mort se ne feust le roy Baudemagus qui de cy s’en va. Et cil m’a monstré par sa pitié tant d’amitié et tant d’onnour que, la$ ou il sceust, oncques ne me failli’ riens nulle
qu’il sceust® que mestier m’eust, qu’il ne m’eust apparaillie tantost. Mes contre ung bien que me faisoit le roy, me faisoit cent maulz son filz Meleagant” qui a en lui toute!° la felonnie du monde assemblee et toute la traïson. Et tant vous puis je bien dire que je, puis l’eure que je chevalier!! congnuz, n’en 20 congnuz je nul aussi desloyal, car il mandoit a lui les mires que son pere m’avoit bailliés, et leur commandoit qu’ilz meissent teulz choses sus mes playes dont ilz m’occeissent. Et je, tout ainsi, si avoye parastre et pere, car quant le roy ung 15
! fen fin de ligne et fis au début de la ligne suivante. Le f ne pouvait être surmonté d’une barre pour marquer l’abréviation de for par manque d'espace. Il semble que la hampe soit prolongée par un léger trait descendant qui forme une boucle en se refermant au centre du f. 2 ne Ab (cf. le v. 4030: S’as fet ce que ge ne poi feire). 3 andeus Ab (cf. le v. 4031 : A tant li rois les lesse andeus). 4 eta Ab (cf. le v. 4035 : et ai encor).
5 fuisse] moult grant pieça mort Aa; fuisse] grant pieça mors Ab (cf. le v. 4037 : Et je fusse morz grant piece a). 6 onnour] et que il la Ac et Aa; ounour] et que la u 4b. Voir note. 7 defailli Ab (cf. Le v. 4043 : ne me failli).
8 qu’il eustAc et Aa; corr. d’après Ab: seust. 9 Odm Ab: faisoit] ses fius cent maus meleagans. 10 Odm Aa: qui] en luy a toute. 11 dire que] des puis l’eure que jou primes chevaliers Ab.
452
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
bon emplastre me faisoit dessus mes playes faire mettre, qui voulzist! que je eusse garison, et son filz par son mauvais cuer et pour ce qu’il me vouloit tuer, si me faisoit remuer tantost et mettre ung mauvais oingnement. Mais tant sçay je bien que le roy ne savoit mie la desloyauté que? son filz faisoit vers moy, car il ne le souffrist mie. Et savés vous 30 comme le roy a fait ma dame* grant honneur, c’onques, je vous dy, par‘ nesune gaite ne fu gardee si bien tour comme il l’a gardee pour’ Meleagant son filz, car il ne lui laissoit mie veoirf. Et il en a si grant dueil que il en esrage tout de ce que
25 bien
il ne la puet veoir’, fors tant seullement devant le commun 35
des gens ou devant le sien corps demaine. Et tout ainsi$ gentilment le demaine le franc roy, la seue mercy, comme elle deviser le veult, car oncques n’y ot autre deviseour que li. Et le roy moult durement l’em prisa pour la grant beauté qu’il vit en lui et pour la grant debonnaïretté. Mais or me
40 dites, fait Keux, ce que je vous demanderay, s’il est voir que
la royne ma dame ait° envers vous si grant couroux qu’elle vous a, voyant le roy Baudemagu, escondite et vee sa parolle? — Aussi m’aïst Dieux, fait Lancelot, je ne sçay pourquoy elle l’a fait, mais ce est verité ce que vous dites. 45 Mais, pour Dieu, me savriés vous dire pourquoy elle me het ? — Si m’aïst Dieux, fait Keux, nennil. Mais!° je en ay trop
! faisoit] sour mes plaies metre qui moult vausist Ab (cf. les v. 4055-56: Me feisoit sor mes plaies metre, / Qui molt se volsist).
2 mie] les desloiautés que Ab. 3 fait] a ma dame Aa.
* pour Ac, Aa et Ab; corr. d’après le v. 4068 : Onques ne fu par nule gaite.
$ il] le garda pour 4b. $ ne li] laist nes veoir Ab (cf. le v. 4072 : Que neïs veoir ne la lait).
7 avoir avec av barré et exponctué et ve suscrit. 8 autressi 4b. ? Odm Ab: que] ma dame la roine ait.
10 het] aussi m’aït dieus jou non fait keux mais Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
453
grant merveille de chevalier qui tant a fait pour lui comme vous avés. — Or la laissiés, fait Lancelot, atant :tout soit a son [85a] bon et a sa voulanté et a son commandement. » Et lors 50 lui dist Lancelot: «Je prens congié a vous, car je m’en yray
querre monseigneur Gauvain, car il m’ot en couvent qu’il venroit en ceste terre, et m’ot en couvenant! qu’il venroit au Pont soubz l’Eaue. » Et Keux lui dist: « Alés a Dieu! »
144. Atant est yssus de la chambre et en est venus devant le roy, et illec prent congié d’aler en cestui voyage, et le roy lui ottroia voulentiers. Mais ceulz que il avoit desprisonnés,
les prisons et les prisonnieres, lui demandent que ilz feront et comment 1lz pourront esploitier, car ilz ne vouloient riens faire se par son commandement non. Et il dist: «Je m’en vay? au Pont soubz l’Eaue et veueil que avec moy y° viengnent tous ceulz qui venir y voulront; et ceulz qui cy se voulront tenir avec ma dame la royne“, si s’i tiengnent, car il 10
n’est mie raison ne droit que tous la laissent et que tous viengnent avec moy, car tous ceulz qui viennent avec moy sont delivres, et tous ceulz ensement qui remanront.» Et quant ceulx qui ceste parolle oent l’entendent, les chetifs et les chaitives, si demainent la greigneur’ joye de tout le monde, et en demeurentf illec maint avec la royne, mais de
tous ceulz qui demourés? y sont n’en y a il nul qui mieulz n’amast a retourner en son paÿs que a sejourner illec. Et$ la royne, qui les tient par Amours, et pour monseigneur
couvent Ab (cf. le v. 4099 : Et covant m’ot que il vandroit).
irai Ab. y omis Ab. la royne omis Ab (cf. le v. 4111 : Lez la reïne, si s’i taignent. foursour Ab. remainent Ab (cf. le v. 4115 : Avoec la reïne remainnent). SJ En ùyLR œ
remés Ab. mais Ab (cf. le v. 4121 : Mes la reïne les retient.
454
20
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
Gauvain qui venoit, dist que elle ne s’en! mouvera devant que elle en ait vrayes nouvelles oÿes. 145. Et partout est la nouvelle dicte que la royne estoit toute quitte et tous les prisonniers delivrés : si s’en pourront aler, quant bon leur sera, sanz mesprison. Si en quiert l’un? a l’autre le voir, ne oncques d’autre chose leurs parolles ne tiennent les gens la ou ilz viennent ensemble. Mes de teulz y a qui moult sont doulans que les maulz pas estoient despeciés, et va hors et entre qui veult, ne n’est mais ainsi
comme il souloit estre. Et quant ce sçorent les gens du paÿs, ceulz qui a la bataille n’avoient esté, que Lancelot avoit tout 10 ainsi esploitié, si se? sont tout maintenant celle part trais ou ilz sorent que il s’en aloit. Et i1z cuidoient que au roy bon feust s’ilz l’avoient retenu et pris. Et Lancelot et les siens chevauchoyent 15
ensemble,
d'armes
desgarniz,
et pour ce
furent les gens Lancelot maubailli* trop durement: si le. pristrent tout maintenant et lui lierent les piéz dessoubz son cheval, et ceulz qui moult en furent yrés et doulans leur
dient : « Seigneurs ! Seigneurs ! Vous faites mal, qui en telle maniere nous destraingnés, car le roy Baudemagus de Gorre nous conduit, et si sommes 20
tous en sa garde!» Et ceulz
dient: «Nous ne’ savons noyent de ce que vous dites, que vous ayés sonf conduit, quant vous avéz brisiés tous les pas de Gorre et occis tous les chevaliers de son regne”, mais tant sachiés vous bien que, tout ainsi comme nous sommes, vous
! se Ab (cf. le v. 4123 : Et dit qu’ele ne se movra). 2 si] en enquierent l’uns Ab (cf. le v. 4130: Li uns l’autre le voir an quiert).
3 s’en Ab (cf. le v. 4140: Si se sont tuit cele part tret). * et pour ce furent les gens lancelot maubailli omis Ac et Aa; corr. d'après Ab: desgarnit] et pour chou furent li gent lanselot maubailli. 5 n’en 4b. 6 son omis Ab. 7 roiaume Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
455
menrons nous en la court le roy Baudemagu et a Meleagant son filz. Et adonc si en facent leur vouloir.» Mais Nouvelle qui tost court vint au roy, et si lui compte que les siens ont pris Lancelot et si l’ont! occis a grant doulour la ou il s’en aloit au [85b] Pont soubz l’ Yaue.
146. Et quant le roy entent la parolle, si en fu trop dolent et jure ses yeulz et son chief que ceulz qui l’ont mort en? mourront à grant honte et a grant doulour: ja si ne se’ savront garder. Et s’i les puet tenir, il les fera pendre tout maintenant ou ardoir ou noyer; et s’ilz le vouloient rendre tout sain et tout vif, ja ne laira a nul fuer que ïilz ne comperent* la desloyauté que ilz ont faite, «car, certes, fait il, bien devroit estre a mal rettrait se je n’en prendoye vengence.» Ceste nouvelle si ala partout, tant que elle’ trouva la royne qui au mengier estoit assise. Maisf a pou qu’elle ne s’occist quant elle entent la nouvelle que on lui a comptee de? Lancelot :elle cuide vrayement que ce soit voir. Si s’en esmaya tant durement que plus ne puet, et a pou qu’elle ne pert la parolle. Et lors si dist a tout le monde en appert: «Forment me poise de sa mort, et s’il m’en poise, certesi, neant de tort n’en ay, car il vint en ce paÿs pour moy.» Et puis dist a soy mesmes en bas: «Jamais n’en parolle homme a moy de boire ne de mengier, car jamais ne mengeray quant j’ay perdu la riens ou monde que plus
et] qu’il l’ont Ab (cf. le v. 4160: et si l’ont ocis). 1 Ab (cf. le v. 4163 : cil qui l’ont mort an morront). s’en Ab. il ne comprent Ac et Aa; corr. d’après Ab. on Ac et Aa; corr. d’après Ab. roine] a mangier assise mais Ab (cf. le v. 4177: Qui au mangier estoit
OA NN vw OR
assise).
7 quant elle] li a contet la nouvielle de Ab. 8 certes omis Ab (cf. le v. 4186: Et s’il m’an poise n’ai pas tort).
456 20
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
amoye. » Et! tantost se lieve moult doulante de la table, et? est tant durement esmayee que plus ne puet. 147. Lors fu tant durement doulante et yree que souvent se prent par la gueule et dist a lui seullement :«Lasse, doulante, que pourray je devenir desoremais, quant cil est mort par* qui toute chevalerie estoit* soustenue, s’il vesquist ?» Et lors se”
blasme et repprent et dist: «Ha, lasse! comment je sui doulante du mauvais pechié que je ay fait envers le plus preudomme qui oncques a nul jour feust, et passast encore, s’il feust vif, tous ceulz qui eussent esté !» Et lors fiert l’un poing en l’autre et dist: «Ha, Lancelot! Lancelot! Lumiere 10 de toute clarté, estoille journal, fors dessus tous fors, loyal chevalier, destruisierres
de maulz
pas et de felons et de
crueulz ! Tu, par ton corps, achievoyes ce dont nulz homs, tant feust poissans, ne povoit a chief venir! Tuf as destruites et abatues les mauvaises coustumes qui furent establies ainçois. 15 que nous feussions. Tu as tante chevalerie faite, et tant peril trespassé que nul, tant feust poissans, n’osast emprendre neis penser ! Ha’! gentil chevalier, quant je vous ottroiay m’amour, qu’en peuz je, quant il ne fu oncques dame ou monde, pour tant qu’elle deust amer corps de bon chevalier, qui ne vous 20 amast, et non mie tant seullement pour vostre bonne chevalerie,
! bas] ja mot en parolt nus hons mais a moi de boire ne de mangier car jamais ne mangera tant comme elle puist quant elle a pierdue la riens ou monde que plus amoit et Ab. Voir note. ? Odm Ab: lieve] de la table moult dolente et (cf. Les v. 4195-96 : Tantost se lieve molt dolante / de la table).
* quant cil est mort quant cil par Ac et Aa; corr. d’après Ab. seroit Ab. 5 maleoit Ab. 6 Odm Ab : pooit] venir a chief tu. il poissans] ne povoit a chief venir ha Ac et Aa, qui répètent un syntagme employé un peu plus haut, 1. 13; corr. d’après Ab.
4
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
457
mais toute la gentillece et la courtoisie du monde estoit assemblee en vous, qui ore est morte avec vostre corps. »
148.
Et lors reccorde tous les meffais dont elle le cuidoit
avoir couroucié, et dist: «Ha! lasse, je mesmes l’ay mort, car
il m’avoit delivree du peril dont je estoie en tel paine — que! nul chevalier ou monde ne peust faire —, et delivrer des mains Meleagant, l’omme ou monde qui mon cuer oncques plus haÿ pour la grant desloyauté qui est en lui. Et je, lasse, quant il m’ot delivree de ces loyens et il vint a moy, si ne le daingnay veoir ! Si ay fait, aussi m’aïst Dieux, comme fellonneuse et crueuse. Et si le cuiday je faire tout a gas, mais ainsi ne va il mie, si? 10 m'aïst Dieux, car° je l’ay mort et sa mort ne m’a il mie pardonnee. Car quant il [86a] vint devant moy, riant, et il cuida que je lui feisse grant joye et si le veisse voulentiers, si lui veay ma parolle et mon esgart, et ce fu le mortel coup, car, par foy, tres donc qu’il ot failli a ma parolle, si s’en tourna et s’en ala la ou il a mort‘ receue. Et je, vrayement, l’ay mort par mon oultrage. Ha !Dieux ! avray je jamais reançon de ce murdre et de ce pechié ? Nennil° voir, je n’en avray jamais pardon ! Ha! Dieux! fait elle, comme je feusse durement garie se je, une foys ainçois sa mort, l’eusse en mez bras tenu tout nu a nu, pour 20 ce que je plus af aise en feusse. Et certes, moult sui mauvaise, quant’ il est mort, que je ne m’occis, et moult sui de povre cuer quant je vif aprés® sa mort !Ne je ne me depporteray jamais a riens se a sa mort? non, et plus m’est bel a mourir que a vivre. »
donst Ab. ausi Ab. car omis Ab. il a] la mort Ab.
œDà. on. àWW UN w
naie Ab (cf. le v. 4240: Nenil voir). a omis Ab (cf. le v. 4247 :Por ce que plus an fusse a eise). moult] sui a aise quant 4b. quant jou] ne m’ochis aprés Ab. riens] s’a mort 4b. Voir note.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
458
En tel douleur et en telle yre estut! la royne .Il. jours et .Il. nuiz 25 que oncques? ne menga, tant que on cuida qu’elle feust morte.
149. Et assés fu qui porta la nouvelle, et assés est de teulz” qui plus voulentiers portent la mauvaise nouvelle que la bonne. Si en vint la nouvelle a Lancelot que morte estoit sa dame“ et s’amie, et s’i l’en pesa, oncques n’en° doubtés. Et
bien peuent savoir toute la gent qui ça arriere l’ont oÿ ouf conte, que il fu moult durement’ dolent pour lui, car riens ne pourroit autretant amer comme il l’amoit. Car autressi comme il estoit meudres8 d’autres chevaliers, si estoit le sien cuer 10
ententifz en soutille amour. Et pour voir fu il si adouléz, si comme vous pourrés oïr ou compte, que il en tint toute sa vie en despit et occire tout sans respit s’en veult. Mais!° ainçois fist une complainte moult merveilleuse. 150.
Et lors prent sa coroye, si la desçaint et noe a .Ir. chiefz
a ung laz courant, et a!! dit tout en plourant a lui seul: «Ha! Mort, comme tu m’as par agaitié, qui!? occire me veulz, et si
n’ay mal fors que je deshaitiés me sens. Et cil deshaitemens,
l estuet Ab (cf. le v. 4263 : an tel duel estut).
. ? ains Ab. 3 cheus Ab.
* morte] est sa dame Ab (cf. le v. 4269 : Que morte est sa dame et s’amie); morte] estoit la royne sa dame Aa.
$ rien Ac (le r initial est parfaitement visible) et Aa; corr. d'après Ab (cf. le v. 4270 : n’en dotez mie).
5 Odm Ab : qui] ont chariere oït ou. 7 durement omis Ab. 8 mendres Ac et Aa; corr. d'après Ab: miudres. ? amour] que nus et 4b. 1 tout] sans respit mais Ac er Aa; corr. d’après Ab: vaut mais.
tot] sans respit s’en
M a omis Ab (cf. le v. 4280 : Et dit a lui seul an plorant).
1? tu] par as gaitiet qui Ab (cf. le v. 4281 : Con m’as or agueitié).
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
459
si est tel que il me! couvenra mourir. Mais, se Dieux plaist, je mourray par temps. Comment ? fait il donc a lui mesmes, si ne pourray mourir s’il a Damedieu ne plaist ? Si feray, par Sainte Croix, maugré Sien, pour? tant que Il me laisse ce laz estraindre entour ma gorge. Et je destraindray la Mort tant que elle fera ma voulanté et que elle m’occira: Mort ne desira oncques nul jour se ceulz* non qui de lui n’ont cure, mais je la feray venir a moy, car je m’occiray a ma ceinture que je tieng.» Adonc l’a prise et estrainte vers lui, et dist: «Trop vient lent la Mort, mais, par Sainte Croix, je la feray venir tout 15
maintenant, tant par en suy durement desirant que je l’aye !» Et lors n’y demeure ne attent, ainçoys mist parmy le laz sa* teste tant que il lui arreste entour le col. Et pour ce que il se face plus mal, atache le chief de sa coroye a l’arçon de sa selle derriere, et puis sef laist tout a .I. fais a la terre cliner’.
151. Et ainsi se laisse trayner a son cheval, et tant que ceulz qui avec li estoient le virent cheuë a la terre. Si en orent grant merveille et queurent tous a .I. fais a lui, mes nul ne s’apperçoit du laz qu’il avoit entour le col. Lors le lievent sus, et lors, quant ilz l’orent sus” levé, [86b] si voyent le laz qu’il avoit entour le col, dont!° il mesmes estoit ses ennemis. Lors
! m'en Ab. 2 crois] maleoïite gret sien pour Ab. 3 se] de ceulz: de barré. 4 ainçoys] mist le laz parmy sa Ac et Aa; corr. d'après Ab: ançois] met parmi le lac sa. 5 de sa selle omis Ab (cf. le v. 4307 : A l’arçon de sa sele). 6 Ja Ac ef Aa; corr. d’après Ab. 7 kaoir Ab (cf. le v. 4309 : Puis se let vers terre cliner). 8 kaïr Ab (cf. le v. 4313: a terre cheü le voient).
? sus omis Ab. ° col] lors le lievent sus et lors quant ilz l’orent sus levé [86b] si voyent le
laz qu’il avoit entour le col dont Ac : doublon qui débute sur la colonne 86a et s'achève sur la colonne 86b; corr. d’après Aa et Ab.
460
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
lui ont trenchié tout maintenant le laz!', mais il lui avoit si durement estraint la gorge que pour ung pou qu’il ne fu mort, car le laz lui avoit si estrainte la gorge que a paines povoit il? 10 parler, si que pour ung peu qu’il n’ot les vaines du col trenchies et la gorge toute*. Mais ceulz qui moult en furent doulans lit loyent les mains derriere le dos et le montent sur .I. paleffroy et le tindrent si que, se il le voulzist bien ne il l’eust juré sur sains, ne se peust il mal faire pour rien. Mais ce lui 15 pesoit moult durement que il ne s’occioit, car mieulx amast il sa mort que sa vie. 152. Et quant il ne se pot mal faire de’ neant, si fu trop dolant et dist : «Ha ! Mort depputaire, mauditef soies tu ! Dont n’avoies tu tant de povoir ne de vertu sur moy que tu m'occeisses, quant tu avoies occise ma dame ? Mes tu me
tiens en despit quant tu ne me deingnes occire, et tu as droit, car tu es la plus vile creature qui soit. Si n’est mie droit que Mort, qui si haute chose est qu’elle tient ma dame en tel destroit, deingnast occire ung tel maleureux comme je sui! Mes j’espoir, Mort’, que tu m’espargnes ? Mais, par Sainte 10 Croix, je ne t’en sçay neant de gré, ne je ne sçay lequel me het plusÿ, ou la mort qui me soustient ou la vie?. Mes tant lui puis je bien dire que je n’en sçay gré la mort de!° la vie qui me
! Odm Aa : trenchié] le laz tout maintenant.
2 paines] ne pot il Ab. 3 et # 5
route Ab (cf. les v. 4327-28 : Qu'’a po ne sont les voinnes rotes / Del col de la gorge totes). si Ac et Aa; corr. d'après Ab. de omis Ab.
6 7 $ ?
maleoite Ab. mes] espoir mors Ab. plus omis Ab (cf. le v. 4348 :Je ne sai li quex plus me het). Odm Aa: plus ou] la mort ou la vie qui me soustient mais. Voir note.
10 se Ac et Aa; corr. d'après Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
461
soustient, ains voulroye mieulz ma mort que ma vie. Moult par suy ore, fait il, maleureux, qui maugré mien suy vif; et je LS me deusse bien avoir occis pieça, lors! que ma dame la royne me monstra semblant de haine et de? couroux. Ne elle ne quist oncques mauvoise achoison en moy haïr, ainçois sçay tout vrayement que elle ot droit, et vraye achoison par foy ot elle, mais je ne sçay, par foy, quelle l’achoison fui. Dieux, quelle 20 achoison y pot elle avoir? Je ne le sçay pas, par foy, vrayement, mes‘ je croy que ce soit l’achoison ce que je montay en la charrette, ne je ne sçay quel blasme elle me puist autre mectre sus plus que cestui qui m’a trahy. Hé, Dieux, pourquoy m'a elle haÿ pour ce forfait, car oncques* certes 25 Amours bien ne congnust quif ce a repprouche me retourna’, car nulz homs ne pourroit de bouche dire ne de cuer penser riens nulle qui venist d’ Amours qui appartenist a repprouche ; ainsi est courtoisie et honneur tout le meschief que nulz homs vivans pourroit faire pour s’amie. “Amie”, laz ! fait il, m’amie n’est elle pas, et moult suy ore hardis quant je lui osay mectre ce nom. Mais tant cuide je de vraye amour savoir que, se elle vrayement m’amast, ja pour ce ie m’eust reffusé a amy que je montay en la charrette, car, certes, tout ce fiz je pour lui gecter
de” la prison Meleagant, et pour les chaitifs du royaume de Logres qui estoient essilliés par estranges lieux et par divers.
1 Jués Ab (cf. le v. 4355, ms À : Lués que ma dame la roine). 2 royne] ne me monstra nul semblant de haine ne de Ac et Aa; roine] ne me moustra nul samblant de Ab; corr. d'après les v. 4355-56: la reïne / Me mostra sanblant de haïne. 3 ocoisons] en fu Ab.
4 Odm Ab: pas] vraiement par foit mais. 5 ains Ab (cf. le v. 4372 : Onques Amors bien ne conut). 6 amours] ne connoist mie bien qui Ab (cf. le v. 4372 cité dans la note précédente). 7 tourna Ab (cf. le v. 4373 : Qui ce me torna a reproche). # qui] a reproche tourne ains Ab (cf. le v. 4376: a reproche apartenist).
? geter] hors de Ab.
462
40
45
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
Et pour ce ne me deust elle mie haïr mais honnourer, car pour lui me sembloit honneur a faire toutes choses par quoy je la peusse delivrer ;neiz sur la charrette montay je [87a] pour lui, que je n’eusse mie fait pour tout le royaume de Logres se s’amour ne le me feist faire! ! Et ce me deust elle tourner a grant pris et a grant honneur’, car ainsi congnoist Amours les siens et essaye. Mais a ma dame ne fu pas bon ce service, bien l’ay esprouvé* au semblant qu’elle me monstra; et nonpourquant comme‘ fin amant en ay fait ce que fait en ay: si m'est venue pour l’onneur que j’ay faite deshonneur’, et si me sont changiés my bien pour mal et ma doulceur en amertume. Et, par foy, telle est mais la coustume a ceulz qui riens n’achessentf, si est telle que ilz lievent’ honneur en honneur,
mais$ qui lieve honte en honneur, il ne l’alieve” pas, ainçois la choille ! Ha, laz! comme sont ceulz nonsachanti° qui ainsi boutent Amours ensus!! d’eulz et qui le redoubtent tant qu’ilz ne l’osent!? approuchier !Ha, las ! je sçay bien qui ce font: il le font les mauvais cuers et les desloyaulz, ceulz qui sont souffraiteux de tous les biens. Mais sans faille il amende 55 moult qui fait quanques Amours commande, et tost doit estre pardonnee haïne entre fins amans qui bien ayment. » 50
| le] m’eust fait faire Ab. ? amour Ab (cf. le v. 4390 : Ce deüst ele amor conter). w prouvet Ab.
* 5 6 7
nonpourquant] tant comme Ab. faite] de deshonneur; corr. d’après Aa et Ab. n’aciessent Ab. que] il lieve Ac et Aa; corr. d’après Ab: il] alievent.
8 honneur] en honte Ab. 9 ne] le lieve Ab.
10 mausachant 4b. 1 Odm Ab: qui] amours boutent ensus. 12 Je] doutent tant qu’il n’i osent Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
463
153. Ainsi se demente Lancelot moult durement. Et ses gens qui avec lui estoient en sont tant doulans qu’ilz ne scevent qu’ilz puissent devenir, et maudissent le temps et l’eure que ilz! furent néz, quant ore voyent mourir devant eulz la? fleur de toute chevalerie. Et lors entretant vint la nouvelle que sa dame la royne n’estoit mie morte : si en sont tous liéz et le comptent a Lancelot. Et quant Lancelot entent la verité, si en a moult grant joye et se confforte moult durement. Et s’il avoit fait grant dueil devant pour sa mort, 10 encore fu cent tans greigneur* la joye que il fist quant il sçot vrayement qu’elle estoit vivant et que elle n’avoit pas la vie perdue. 154. Et quantilz vindrent a .VI. lieues pres ou a .vII. du recet ou* le roy Baudemagus estoit, si lui fu la$ nouvelle comptee que Lancelot estoit encore vif. Si? n’ot onques le roy Baudemagus aussi grant joye comme il en ot quant il oïst$ la nouvelle que il estoit sains et haïtiés; et il fist moult que courtois et que” vaillant, quant il le courut dire a la royne. Et elle lui respont: «Si m’aïst Dieux, sire, bien vous en croy
quant vous le dites ! Mais tant vous puis je bien dire pour voir et aconter que, s’il feust mort, je n’eusse jamais joye en mon cuer, et trop en haïsse ma vie a touzjours mais, se ung tel
chevalier en mon service eust ainsi prinse la mort, etl° non
Odm Ab : maudient] l’eure et le tans qu’i. ©
Odm Ab : voient] devant eus morir la.
3 forte Ab.
4 n’avoit] mie veue pierdue dou siecle Ab. 5 recet] la u Ab.
6 Ja omis Ab. 7 encore] en vie. Si 4b. 8 sot Ab.
? que omis Aa. 10 Odm Ab: eust] la mort prise tout ensi et.
464
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
mie sans plus chevalier, mais lumiere et clarté de toute la chevalerie du! monde. » 155. Atant s’en part le roy Baudemagus de la royne, mais il est a la royne moult tart que sa joye et son amy viengne, ne elle n’a mais nul talant qu’elle lui vee sa parolle. Mes Nouvelle qui ne reppose acourt a la royne tantost, et dist que Lancelot occis se feust pour lui se il eust peu, et? lui compta comment il se voult estrangler a sa ceinture. Et lors en fu la royne moult lye, car ce* scet elle bien‘ que elle avoit en lui amy loyal, mais elle n’en voulzist mie avoir tout le monde en
sa baillie pour couvenant qu’ilf se feust occis. 156. Et entre[87b]tant estes vous venu Lancelot qui moult se hastoit de venir. Et tantost comme le roy le voit, si? le court baisier et acoler et lui fait si grant joye comme il plus pot faire, et lui est adviz qu’ilé doye voler pour la grant joye qu’il en a. Et quant il a grant joye menee longuement pour Lancelot, si regarda ceulz qui pris l’avoient et loiéz: si en a si grant yre que plus ne puet, et lors dist: «Ha ! fi1z a putain, je vous feray occire tous!» Et quant ilz l’entendent, si en furent tous esmayés et lui crient mercy et lui dient :«Ha ! sire, merci, car
nous cuidions que bel vous feust ce? que nous aviemes fait! — Moy, par Sainte Croix, fait le roy, ne puet il plaire, ains me
1 de] toutes chevaleries dou Ab.
2? Lanselot] se fust ochis pour li se il li leust et Ab (cf. le v. 4450: se feire li leüst).
3 # 5 $
ore Ab. bien omis Aa. ne Ab. baïillie] par couvent qu’il Ab. le] vit venir si Ab (cf. le v. 4456 : Maintenant que li rois le voit).
8 et] est vis qu’il Ab (cf. le v. 4458: Vis li est qu’il doie voler). ? que] bien feust ce Ac et Aa; corr. d’après Ab: biau vous fust. Cette correction est exigée par la réponse du roi.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
465
desplait moult! durement ! Ne la honte n’est mie au chevalier que vous lui avés faite, ains est moye qui le devoie conduire en mon povoir. Mais, par saint Jame?, quant vous de moy partirés*, l’amendise vous“ sera grief a souffrir!» Lors les commanda a prendre et a gecter ou fons de la tour en prison. Mais quant Lancelot oïst le roy couroucier, si lui$ pesa moult, et se paine d’adrecier et$ de mettre la paix en son povoir entre le roy et ses barons. Et tant se pena que il a la paix establie?, et 20 que le roy, par la priere que Lancelot en fist, leur pardonna son mautalant: si l’en prisierent moult tous ceulz qui illec estoient. Et lors l’enmaine le roy veoir la royne. 157. Mes quant la royne le vit venir, si ne laisse mie cheoir ses yeulx a terre, ains l’ala requerre moult liement et
l’onneure de tout son povoir et le fait seoir les lui. Et quant iz furent assis, si parlerent de quanqu'’il leur fu bon. Lors un
lui demanda Lancelot :«Dame, fait il, s’il ne vous grevoit,
moult voulroie savoir pourquoy tel semblant me feistes. Si m'en esmerveil* moult durement, et a pou que vous ne me donnastes la mort, quar je n’oz tant de hardement que je le vous demandasse. Mais? or suis prest d’amender le forfait tel comme je l’ay fait!°, et je en suis tant durement esmayés
! moult omis Ab.
2 jalieme Ab. 3 departirés Ab. # vous omis Ab. 5 l’en Ab. 6 moult] d’adrecier et Ac et Aa; corr. d'après Ab: moult] et se paine
d’adrechier et. 7 tant] s’en pena que il la pais a establie Ab. 8 si] m’esmerveil Ab.
9 vous ne] m’eustes dounet la mort ne jou n’ai tant de hardement que jou le demandaisse mais Ab (cf. les v. 4494-95 : A po la mort ne m’an donastes, /Ne je n’oi tant de hardemant). 10 meffait Ab.
466
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
que je onques mais en mon vivant n’oz autant d’esmaiance en moy. — Et je le vous diray, fait elle, mais avant me dites se vous estes bleciés. — Nennil, fait il. — Or vous diray je, fait elle, pourquoy je ne voulz parler a vous: pour ce que 15 vous en alastes de la court a Londres sans mon congié. — Aussi m’aïst Dieux, fait il, droit eustes ! Mais je vous pry,
pour Dieu, se vous le me cuidés jamais pardonner a nul jour, que vous le me dites. » Et elle respont : «Oïl, je le vous pardonne. —- Dame, fait il, grant mercis. — Encore, fait elle, 20
avés vous fait autre chose dont! je suis plus courouciee a vous. — De quoy ? fait il. —- De mon annel, fait elle, que je vous baillay, que vous avés donné. —- Moy? fait il. Par Sainte Croix, je ne le donnay oncques ! — Si avés, fait elle. Mais monstrés le moy, quant vous dites que l’avés?.» Et il
25
dresce amont son doit, si lui monstre son annel et il dist: « Veés le cy. — Par Sainte Croix, faite elle, ce n’est mie voir, ce n’est il mie.» Et lors lui monstra, car elle l’avoit en son
doit. 158. Et quant Lancelot vist l’annel, si en a moult grant merveille et est trop doulent de ce que il avoit autrui annel porté*, et lors lui demande comment elle l’avoit eu. Et elle lui compta comment [88a] la damoiselle apporta l’annel a court et comment elle avoit aconté tout son couvine de lui et de la royne. Et quant il l’entent, si sçot bien qu’elle disoit voir, et lui* compte comment Morgain la phee l’avoit deceu. Si lui prie moult la mercy, et que tous ses mautalans lui soient pardonnés, et elle lui pardonne moult bonnement. 10
«Dame, fait il, je vous mercy moult durement de ce que
Odm Ab : mierchis] et encore avés vous fait autre cose fait elle dont.
2 que] vous l’avés Ab.
Odm Ab: avoit] aniel d’autrui portet. * demanda 4b. 5 et] lors li Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
467
vous le m’avés pardonné, mais! je ne vous puis mie cy? tout dire quanques je voulroye. Je parleroye a vous moult voulentiers, s’il povoit estre, priveement’. » Et la royne lui“ dist :«Je 15 vous diray comment vous y pourrés parler. »
159.
Et lors lui monstre une fenestrelle a l’ueil et5 non mie
au doit, car elle ne vouloit mie c’on s’en apperceust, et lui
dist: «Vous pourrés encorenuit venir a moy parler a celle fenestre laf par ce mur qui est cheuz, quant toute la gent sera 5 endormie. Et je vous attendray a la fenestre : si serés dehors et moy dedens, car la fenestre est treillissee? de gros fer, ne je ne pourroye a vous avenir fors tant seullement de la bouche et des mains. Et s’il vous siet, je y seray decy a demain pour l’amour de vous, et vous feray avoir tout le soulas de moy,
10 quanques je en pourray faire. Et se la fenestre estoit toute delivre, ne pourrions nous mie assembler, car en ma chambre
devant mon lit gist Keux le seneschal, qui languist des playes qui lui furent faites quant il me deust conduire a° la forest contre Meleagant, comme faulz; et l’uys de la chambre ou je
15 giz ne rest mie ouvert, ains est bien gardés estroictement. Mes gardés, quant vous venrés a moy, que nulle espie ne vous truise. — Aussi m’aïst Dieux, dame!°, fait il, tant comme je
puisse ne m’y verra ja nulz. » Lors se lieve decoste la!! royne ! pardounet] vostre mautalent mais Ab. 2 cy omis Ab (cf. les v. 4520-21 : Mes je ne vos puis mie ci / Tot dire).
3 estre] molt priveement 4b. + lui omis Ab. 5 et omis Ab (cf. le v. 4525 : Li mostre a l’uel, non mie au doi).
6 porés] anqui venir parler a moi par chelle feniestrielle la Ab.
7 treillie Ab. 8 demain] s’il vous plaist pour Ab (cf. le v. 4536: Mes s’il vos plest, jusqu’a demain). 9 en Ab. 10 dame omis Ab (cf. le v. 4546: Dame, fet il, la ou je puisse).
11 Jieve] de d’encoste la Ab.
468
20
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
Lancelot, et vait veoir Keu le seneschal. Et la royne lui monstre de la chambre le mur brisié et la fraite par la! ou il venra a li.
160. Et lors s’en yst Lancelot de la chambre, et est tant durement liéz qu’il ne lui ramembre de nul de tous ses annuys?. Mais la chose qui plus lui grieve, ce est que la nuit tant demeure, qui ne vient plus tost, et le jour lui a plus duré
que cent autre, ce lui semble. Et il yroit a ce parlement moult voulentiers, que la royne lui avoit mis. Mais* il a tant au jour luitié que la nuit obscure vint, et que le jour fu mis dessoubz la couverture de“ la nuit. Et quant il vit que il fu nuit, si menga moult tempre et commanda a faire son lit tout maintenant, et
dist que tant yert las qu’il ne se povoit soustenir, et dist que moult grant mestier avroit de sejour :vous qui avés amé et qui avés les maulx souffert souvent, povés bien savoir que il se fist couchier pour” les gens de son hostel, que ilz de nulle riens ne s’en apperceussent. Maisf il n’ot mie son lit chier, car 15 il pour nulle riens n’y repposast. Et pourquoy? Par foy, il n’osast ne ne peust ne il ne? voulzist pas, pour nulle riens, avoir le povoir ne le hardement. De ce lui advint il moult bien que il ne luisoit lune
ne
estoille,
ne
il, en la maison,
chandoille ne cierge n’avoit ardant, ne oncques nulz homs de
1 la omis Ab.
2 amis Ac, Aa et Ab; corr. d’après le v. 4553 : De nul de trestoz ses enuiz. Voir note.
? Odm Ab: iroit] a chel parlement que la roine li avoit mis moult volentiers mais. * la couverture de omis Ab (cf. le v. 4562: L’ot mis desoz sa coverture). 5 couchier] et pour Ac et Aa; corr. d’après Ab.
$ Odm Ab: il] ne s’en apiercheussent de nulle riens mais. 7 n’en 4b (cf. le v. 4575 : Ne il ne volsist pas avoir). 8 ne] ens la Ab (cf. le v. 4580 : N’an la meison n’avoit chandoile).
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
469
sa compaingnie ne estranges! ne s’en prist garde. Et de ce lui fu bien cheu que il ot [88b] ou vergier nouvellement cheu une grant partie du mur, si? y avoit une grant fraite, si la passa le chevalier et va tant qu’il vint a la fenestre. Et illec se tint si quoy que il ne tousse ne n’esternue. Et la royne y estoit, grant 25 piece avoit, venue en pure une blanche chemise, et n’avoit desseure fors seullement ung court mantel d’escarlate fourré d’ermine. [miniature représentant le rendez-vous nocturne de la reine et Lancelot] 20
161.
Quant Lancelot a la royne veue qui a la fenestre
estoit, si la salue d’un moult doulz regart, et el‘ lui rendi encontre. Et 11z estoient tous deux plains” de grant desir, cellui
d’elle et elle de lui. Ne oncques d’ennuy ne de villainie n’y ot tenu plait nef parolle, ains se traist l’un pres de l’autre. Mes de ce qu’ilz ne porent ensemble venir sont moult doulans, et moult durement en blasme Lancelot la ferreure. Et lors lui dist Lancelot: «Dame, se je ne cuidoie qu’il vous despleust?, je 10
enterroye layens avec vous, ne ja pour les fers ne demourroits.» Et lors lui respont la royne: «Comment? Enne? veéz comment ces fers sont fors a ploier et mal a fraindre ? Ne vous ne les pourriés ja tant sachier ne tirer que
! ne estranges omis Ab. 2 Odm Ab: vregier] une grant partie dou mur keut nouviellement si. 3 et la royne y estoit grant piece avoit venue en pure une blanche chemise omis Ac et Aa (saut du même
au même
sur et); corr.
d'après Ab:
n’estiernue] et la roine i estoit grant pieche avoit venue en pur une blanke chemise et. Voir note. 4 el avec e suscrit. Voir note. 5 estoient] andui plain Ab. 6 plait ne omis Ab. 7 vous] en despleust Ab. 8 remanroie Ab (cf. le v. 4618: Ja por les fers ne remanra). 9 coument] et ne Ab.
470
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
vous en peussiés esrachier .I. seul. — Or ne vous en chaille, dame, fait il, ja. Aussi m’aïst Dieux, ne cuid qu’il y aît si fort
fer qui neant! y vaille, ne riens ne me puet tenir: se vous le congié m’en ottroyés, toute m'est delivre la voye, et? se ma venue ne vous agree, la voye m'est tant durement estroicte que je ne passeroye pour riens. — Aussi m’aïst Dieux, fait la royne, la vostre venue ameroie je moult’, se estre povoit. Mais 20 il vous couvient tant attendre que je en mon lit recouchee soye: mais que il de noise ne vous mescheist! Ne nulz n’y pourroit bien noter, se il me veoit yci estre. — Dame, fait 1l, or ne vous doubtés que je ja y doye nulle noise faire“, car, par Sainte Croix, je en cuide traire si souef les fers que je ja nullui 25 n’y esveilleray. » 162. Atant s’en tourne la royne et se couche tout quoyement en son lit, et cil s’atourne fort de desconfire la fenestre ; et s’en vient aux fers, et tire si fort que il° trestous les fait ployer et les trait [89a] tous hors de leurs lieux. Mais tant
estoient trenchans les fers que il en$ empire ses doys et defroisse, et creva ses mains en pluseurs lieux, et toutes les
joinctes en rompt si que le sang en degoute. Mais sent, tant est eschaufés et chault, et entent a autre tant fait Lancelot que oultre passe et s’en? vint au seneschal, et passe oultre, et puis s’en vint au lit la
il ne s’en chose. Et lit Keu le royne, qui
sa vraye medecine estoit, ne il ne creoit tant en nul corps saint.
Et la royne lui estent ses bras encontre et le sache pres de son
| peu Ab. 2 delivre] et Ac, Aa et Ab; corr. d’après le v. 4630: tote m’est delivre la
voie. 3 mius Ab.
* nulle] chose faire Ac et Aa; corr. d’après Ab (cf. le v. 4647 :Que je i doie noise faire). 5 il omis Ab (cf. le v. 4655 : Si que trestoz ploier les fet). 6 en omis Ab. 7 s’en omis Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
471
cuer; Si l’a lez lui en son lit trait, et si lui! fait le plus bel
semblant que elle oncques lui? pot fere, car d’Amours et de 15 cuer lui muet qu’elle lui face son povoir, et elle ne s’en faint.
163. Et lors lui compta la royne la mort Galehot, et quant il sçot que il yert mort, si en fu moult doulant et moult en eust demené grant dueil, mais il n’en estoit mie illec lieu du faire. Si demainent grant deduit entre eulz, car se la royne grant amour a lui ot, et il ot cent mile tans greigneur a‘ lui. Car en
tous autres cuers failll Amours envers ce que ou sien ne fist, mais elle se* reprist si bien en son cuer, et tant ot de l’amour en lui que tous autres cuers en furent frarin et pouvre. Or a Lancelot quanqu’il veult, quant la royne reçoit en gré sa 10 compaingnie et son soulaz ;car quant il entre ses braz le sent, et elle lui, tant leur est cilz affaires doulz et bon, et tant en ont
grant doulceur au cuer; et firent toutes leurs voulantés l’un def l’autre, de baisier et d’accoler et de sentir, et rendirent tous
leurs membres chascun sa droicture l’un a l’autre. Si ot moult de joye et deduit celle nuit Lancelot et la royne. 164. Et quant le jour apparut, ce ne leur plut point, ainçois leur greva moult durement. Mais au lever fu Lancelot droit martir: tant y souffri il, au deppartir, de doulour et de tourment, que’ tout le corps de lui en fu martiriés. Mes quel part que il vaitf, son cuer remaint avec la royne, ne il n’a nul
povoir que il l’en remaint, car” la royne lui plaist tant 1 Jui omis Ab (cf. le v. 4676: Et le plus bel sanblant li fet). 2 Jui omis Ab (cf. le v. 4677 : Que ele onques feire li puet). 3 j]1] n’estoit mie aluec lius de faire si 4b.
4 il] le ot cent mille tans fourçour a Ab. 5 se omis Ab (cf. le v. 4684 : Mes an son cuer tote reprist).
6 a Ab.
7 departir] dolours et tourmens que Ab. œ
voist Ab.
w©
il] n’i remaigne car Ab (cf. le v. 4712: N'a pooir que il l’an remaint.
472
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
durement que il n’a povoir que il la laist. Et tout ainsi s’en va le corps, et le cuer demeure, mais que il li remaint tant du
corps que tous les lincelz sont tachiéz du sanc qui lui est yssus des mains. Moult s’en part Lancelot doulent et pensis et plains de lermes ; mais du revenir n’y ot il pris terme ne! jour: de ce fust il moult angoiseusement destrois?. Et s’en vint moult a grant mesaise* a la fenestre, et la passe moult a envis, et si y entra il moult voulentiers. Et quant“ il fu oultre la fenestre, si 15 redreça‘ les fers, et nonpourquant si ot il moult les mains douleureuses et blecies ; et nepourquant si les a il mis tant soutilment a point et si bien que nul ne s’en apperceust. Et lors a$ primes a il apperceu/ comment il estoit bleciéz en ses mains et en ses dois, et nonpourquant si en fu il moult doulant quant
10
20
il se sent si$ bleciés; mais ce qu’il s’estoit? bleciés pour tel
chose lui rappaise moult sa douleur, car mieux voulzist il avoir les deux braz rompuz hors du corps qu’il n’eust fait ce qu’il avoit quis. Mais s’il [89b] se feust laidement!° ailleurs cassés, moult en feust doulant. Lors s’en part a moult grant 25
angoisse et vient en son hostel et fait tant qu’il vint a son lit, si
se couche tout nu. 165.
Et la royne, la matinee, se fu endormie moult souef, ne
ne se gardoit mie de ses draps qu’il y eust sanc ne qu'’ilz feussent tachiés, ainçois cuidoit qu’ilz feussent telz comme
Odm Ab : ot] tierme pris ne. moult] angousseus et destrois Ab. Odm Ab : viunt] a moult grant mesaise.
et] lors quant Ab. radresce Ab. a omis Ab (cf. le v. 4742 : Et lors a primes). percheut Ab. si omis Aa.
Et CA CRE CES RS TU co
? s’avoit Ab. 10 fust] issi laidement Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
473
11z y estoient mis tres l’eure qu’elle s’i! coucha: et sans tache un
et sans mesavenant. Mais Meleagant, aussi tost comme il fu levés et il ot oÿ messe, s’en vint au lit la royne, si la trouva
dormant et vist les draps rouges et senglans. Si en a ses compaingnons boutés, si comme cil qui plus yert appercevans du mal que nul chevalier. Et lors regarda autresi vers le lit Keu le seneschal, si vist ses draps tachiés‘ de sang, car la nuit lui estoient ses playes creveesS. «Certes, fait Meleagant a ses compaingnons, bien ay trouvees telles enseignes comme je vouloye, et moult est folz et maleureus homsf qui se paine de femme garder, car il pert’ son temps et sa paine, et ainçoys le 15 pert cil qui plus garde® s’en donne que cil qui ne s’en donne garde. » 166.
À ceste parolle s’esveilla la royne et vist Meleagant
que elle haioit sur tous hommes de ce monde, si en fu trop doulante et esbaÿe. Et il l’aparolle couvertement, si° lui dist: « Ha ! dame, comme a ore fait belle garde mon pere en vous,
qui ainsi vous garde pour moy ! Par Sainte Croix, dame, de moy vous a il bien gardee, et de Keu le seneschal mauvaisement. Et mau gré en!° ait ore le roy Baudemagus mon pere, si a anuit geu Keu le seneschal avecques!! vous, et en a eu
! se Ab. 2 apierchevans] de mal que nus autres chevaliers Ab. 3 aussi Ab. 4 dras] tous takiés Ab (cf. le v. 4771 : Esgarde, et voit les draz tachiez).
5 jescrevees Ab (cf. le v. 4773 : Furent ses plaies escrevees). 6 maleureus] li hons Ab.
7 8 la ? 10
il] i piert Ab (cf. le v. 4778: Son travail i pert et sa painne). qui plus] se paine dou garder et qui plus garde Ab (cf. le v. 4779 : Qu’ainz pert cil qui plus la garde). si omis Ab. et maleoit gret en Ab.
1 Odm Ab : anuit] keux li senescaus jeut avuoecques.
474
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
trestout son bon ! Et ne vous en escondissiés vous! pas, car il 10 vous sera moult bien prouvé. —- Comment, fait la royne, povés
vous ce dire devant moy ? — Par Sainte Croix, fait Meleagant, je le diray partout, car j’ay trouvé en voz draps et es siens? le sang qui des playes Keu le seneschal est descendu. Et puis que demandé
le m’avés
et dire le me
couvient,
ce sont
15 enseingnes
vrayes que je truis en voz draps et es siens le sang.» Et lors vit la royne le sang en l’un et en l’autre lit, si s’en merveilla? moult, et en est toute vermeille pour la honte
que elle en ot; et dist: «Se Damedieu m’aïst, ce sang que en 20
mes draps esgart, que oncques ne l’y* apporta Keux, ainçois se crevaÿ mon nez anuit, si a seignié.» Et$ elle cuidoit vrayement verité dire. «Par mon chief, fait Meleagant, ce ne
vault riens ! Ne fainte parolle ne fains semblans ne vous puet garantir vers moy, Car Vous estes et prouvee et attainte de la grant desloyauté que vous avés anuïit faite. Et bien vous 25 devroit tout le monde honir et despire, quant vous tant m’avés reffusé, et vous avés avec vous couchié le piour et le plus mauvais et le plus recreant et le plus failli chevalier du monde !» Et lors dist aux gardes qui illec estoient: «Ne vous mouvés, et gardés’ que ostés ne vousé soyent les draps du lit 30 devant ce que je soye revenus! Car je vueil que le roy Baudemagus mon pere me tiengne a droit de ceste chose, quant il en avra sceue toute la verité. »
l_ vous omis Ab.
2 etes siens omis Ab.
* Odm Ab: sanc en] l’un lit et en l’autre si s’en esmiervilla (cf. Le v. 4796: Et an l’un et an l’autre lit). * le Ac et Aa; corr. d'après Ab: li. $ s’escreva Ab. 6
si] saïnai et Ab (cf. le v. 4802 : Einz m’a enuit senié li nés).
7
et] si gardés Ab (cf. le v. 4812 : Et gardez que osté ne soient).
8
vous omis Ab (cf., supra, le v. 4812),
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
un
475
167. Et lors s’en tourne et quist tant son pere qu’il le trouva et se laissa cheoir [90a] a son pié, et lui! dist: «Ha ! sire, venés veoir ce dont garde ne vous preistes oncques ! Or vous en venés avec moy, si pourrés veoir la royne, comment je l’ay orendroit prouvee. Mes ainçoys que vous y alés, vous vueil je moult durement prier comme a mon seigneur, que vous ja? ne me faillés de justice ne de droicture. Vous savés bien en quelle aventure je me suis mis pour la royne, que je deusse bien avoir
a ma voulanté et a mon plaisir ;mais vous l’avés gardee moult envers moy”, de quoy vous avés moult durement mespris. Et je si alay huy matin la veoir“ en son lit, si ay veu que Keu le seneschal l’a anuit revidee comme desloial, et je ay bien apperceu que il chascune nuit y gist. Si m’en plaing moult durement et, aussi m’aïst Dieux, je en ay moult grant dueil. — Tais toy, fait le pere*, par Sainte Crois, je ne t’en croy mie! — Non ? fait Meleagant, si ne m’en creés, or venés donc veoir les draps de son lit, commentf Keux le seneschal les a tachiéz. — Or vous en venés, fait le roy, si le verray, car le veoir m’en
apprendront mes yeulz. » 168. Lors s’en va le roy tout maintenant et vint a la chambre la? ou il trouva la royne, et choisist les draps senglans en son lit et ou lit Keu le seneschal les® choisi ensement. Et lors parla le roy Baudemagus a la royne : « Aussi m’aïst Dieux, dame, fait il, or vous va il moult mauvaisement”, se c’est voir que
let] si li Ab.
2 ja omis Ab (cf. le v. 4824: Vos pri que vos ne me failliez). 3 l’avés] bien gardee viers moi Ab. 4 Odm Ab: si] l’alai hui matin veoir (cf. le v. 4830: Hui matin l’alai regarder). 5 fait] li rois Ab (cf. le v. 4829: Tes ! fet li rois). 6 lit] et coument Ab (cf. le v. 4831 : Comant Kex les a conreez).
7 la omis Ab (cf. le v. 4850: an la chanbre ou il trova). 8 Je Ab. 9 ore] va il mauvaisement Ab.
476
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
mon filz me dist et fait entendant. » Quant la royne l’entent, si respont au roy : «Aussi m’aïst Dieux, fait elle, que oncques ne fu neis en songe si male mensonge comptee !Ne je ne! fais mie a mescroirre, ne aussi ne fait monseigneur Keux*, qui 10 moult est preudoms et loyaulz. Ne je ne gette mie mon corps a tel livroison que je m’abandonnasse a Keu, ne, aussi m’aïst Dieux, Keux n’est mie si fais que il tel oultrage me requeist: ne moy ne lui n’en eusmes oncques talent. — Si m’aïst Dieux, fait Meleagant, il ne va? pas ainsi. Aïns vous pri, fait il au roy
Baudemagu son pere, que Keux compere ceste vilté et cest oultrage, car il a le roy Artus trahy de sa femme son seigneur lige, qui tant le creoit que il lui avoit commandee. — Sire, or souffrés que je responde, fait Keux, et‘ je m’escondiray. Ja Damedieux ne m’aïst ne face vray pardon se je onques avec 20 ma dame geuz! Et certes je ameroye mieux que je feusse mort, que je eusse faite si grande desloyauté. Ne ja Dieux a nul jour ne m’aliege* de ma doulour que je orendroit sens et que vostre filz Meleagant m’af faite souffrir long temps, se je oncques le pensay?. Mais mes playes, tant vous puis je bien 15
25 dire, me sont anuit moult souvent escrevees
a seingnier, etf
pour ce sont” mes draps ensanglantés, et pour ce si me mescroist vostre filz Meleagant. Mais, aussi m’aïst Dieux, il
n’y a nul!° droit.»
! n’en Ab. 2? ne] fist keux Aa; ne] fait mie messires keus Ab.
3 meleagant] ne va Ac et Aa; corr. d’après Ab. * Odm Ab: sire] fait keus ore souffrés que jou responde et (cf. les v. 487879 : or sofrez que je responde, / Fet Kex). 5 m'’aït 4b. 5 Odm Ab: que] meleagans vos fius m’a. 7 le] me pensai 4b (cf. le v. 4889: Se je onques le me pansai). 8 dire] sont anuit rescrevees a sainier moult souvent et Ab.
? ce] si sont 4b. 1 nul omis Ab (cf. le v. 4894 : Mes certes il n’i a nul droit).
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
477
169. Et Meleagant lui respont: «Si m’aïst Dieux, fait il, bien vous ont traÿ les deables qui! ainsi vous orent anuit entre vous deux eschauffés de venir ensemble ! Si avés anuit trop ouvré, et par ce sont voz playes escrevees ; ne si ne vous en vault? neant le couvrir, mais dites ent le? voir !Et le sang si le preuve d’ambedeux pars, et que plus vous escondirés et tant vous en Croirra on moins“, car nous le veons cy tout en
appert. Si est droit qu’elles compere son meffait, la desloyale creature, et vous, comme desloyal lecherres, qui 10 ainsi estes pris a meffait: ne chiertes onques mais nul chevalier [90b] de vostre paÿs aussié grant desconvenue ne fist. Et s’il vous en est honte avenue, c’est a bon droit! — Sire, sire, fait Keux au roy”, ne creés le desloyal, car il ne 15
m’avint oncques a nul jour: si sui prest que je en deffende ma dame et moy vers son corps de ce que il me met sus. Et il me met en paine et en travail, si fait pechié, car aussi
m’aïst Dieux, a trop grant tort me travaille. — Vous n’en avés mestier de bataille, fait le roy, car moult durement vous doulés. — Et aussi m’aïst Dieux, fait Keux, tout aussi malade 20 comme je suy, me? combatray je a lui moult voulentiers pour
mon
corps esloyauter et pour oster ma dame de villain
1 dieus] bien vous ont fait il traït li dyable et le vif maufet qui Ab (cf. les v. 4896-97 : traï vos ont / Li deable et li vif maufé). 2 escrevees] si ne vous vaut Ab.
3 le omis Ab. 4 vous] en escondiriés tant vous en kerroit on mains Ab.
5 que Ab (cf. 6 meffait] ne nulz aussi Ac chevaliers de
le v. 4904 : Droiz est que son forfet conpert). querés jamais nul chevalier de vostre paÿs ne oncques mais et Aa; corr. d’après Ab : meffait] ne chiertes onques maïs nus vostre païs aussi.
7 au roy omis Ab (cf. le v. 4909: Sire, sire, fet Kex au roi). 8 mi Ab (cf. le v. 4913: a tort me travaille). 9 Odm Ab: tous] ensi comme jou sui malades me (cf. le v. 4917: Einsi
malades con je sui).
478
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
repprouche. Et tout sui prest orendroit! que je lui monstre que je n’en ay coulpe en cestui blasme. » 170. Et entre ces dis et ces parolles qu’ilz contendoient illec, ot la royne mandé Lancelot tout priveement qu’il a lui venist. Et enaprés dist au roy: «Sire, je avray bien ung chevalier qui deffendra moy et le seneschal de tel chose, se Dieu plaist, se vostre filz l’ose porter en avant, qui moult nous
avra travailliés
a tort.
— Aussi m’aïst Dieux,
fait
Meleagant, il n’en a° chevalier ou monde vers qui je ne m’en combatisse{, que il est ainsi avenu comme je le dy et ainsi vas, et si l’en avroye occis ains la nuit. Neiz Lancelot ou Gauvain, le nepveu le roy Artus, s’il estoit ore ceans, ne
seroient il tant hardis qu’ilz y osassent mettre deffense. » A ces parolles que Meleagant dist, vint leans Lancelot et avec lui grant route de chevaliers, si$ que la sale en’ fu toute emplie de toutes pars. Et maintenant qu’il fu venu leans, 15 compte la royne la chose oyant tous, et jeunes et vieulz quif yllec estoient, et dist: «Lancelot, Lancelot, si grant honte comme vous povés cy oïr m’a Meleagant sus mise, et en a mis en mescreance toute la gent qui desoremais? l’orront dire, se vous desdire ne l’en faites. Car il dist que anuit a 20 Keux geu avecques moy, pour ce que il a veu en mes draps et es siens le sang. Sy veult dire que je ay a lui fait follie et
l maintenant Ab. 2 a tort omis Ab. 3 il] n’a 4b.
je] me combatisse Ac et Aa; corr. d’après Ab. et ainsi va omis Ab. Odm Ab : lanselot] a grant route de chevaliers avuoecques lui si. 7
8
la] mayson en Aa.
laiens] conta la roine oïant tous la cose par devant jovenes et kenus qui Ab
(cf. le v. 4936 : Oiant toz, juenes et chenuz). ? qui] ui desoremais Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
479
mauvaistié. — Aussi m’aïst Dieux, dame!, fait Lancelot, il ne
vous couvient mie plaidoier? de si faite chose laÿ ou je soye ! Ne ja ne plaise a Damedieu que ce soit chose ou monde que 25 de vous soit il sceue si faite‘ desloyauté, car, par Sainte Croix, vous ne la pensastes oncques. Si suy prest que je vous en deffende tout maintenant contre son corps.» Et quant Meleagant entent la parolle, si sault avant et dist: « Aussi m'’aïst Dieux, Lancelotf, ceste parolle que vous m’avés dite 30 me plaist moult durement, et? plus ayme je la bataille a vous que a nul autre chevalier que je congnoisse ! — Par Sainte Croix, fait Lancelot, puis que la bataille vous plaist tant a moy, ja ne vos sera contredite, ains la vous donray orendroit. » Et puis en appella’ le roy Baudemagu, si lui dist : «Sire, fait il, ceste
bataille
ne
doit mie
estre
faite sans
sairement,
et
nonpourquant bataille de telle mescreance et de tel malice, dont monseigneur le roy Artus!° seroit honniz a tousjours mes et Keux le seneschal en devroit estre destruis. Et pour ce veueil je que vostre filz en face le serment qu’il l’a appellé de tel blasme comme desloial traictre. » 171.
[91a] A ceste parolle sault avant!! Meleagant et dist
que il veult que les sairemens y soient, «car par sairement.et par bataille prouveray!? que elle est desloial et telle comme ! 2 3 4
dame omis Ab. plaindre Ab (cf. le v. 4950: Ja ne vos an covient pleidier). Ja omis Ab (cf. le v. 4951 : la ou je soie). cose] seue au monde que de vous soit issue si faite Ab.
5 encontre Ab. 6 dieux] fait lancelot : fait barré. 7 durement] et siet et Ab (cf. le v. 4961 : Ce voel je bien et molt me siet). 8 bataille] que vous ne que a nul Ac et Aa; corr. d'après Ab.
? apiele Ab. 10 artus omis Ab. ll avant omis Ab.
12 baptaille] li prouverai 4b.
480
un
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
j'ay dit! Et si viengnent maintenant li saint, car je sçay vrayement que je ay droit.» Lors furent maintenant apparaillies leurs armes, si s’armerent et monterent en leurs chevaulx. Lors furent apportés les sains enmy la place, si descendent et s’agenoullent aux sains et dient leurs oroisons. Et Meleagant se trait avant et dist: « Aussi m’aïst Dieux et cilz sains et tous les autres qui Dieu servent, que Keux le seneschal a anuit geu ou lit la royne, et si en ot tout son delit. — Et je t’enlieve des sains, fait Lancelot, comme
20
desloyal
traictres et! parjures, et si te jure qu’il n’y geust n’il ne la senti. Et de cellui qui a trespassé son commandement et? son sairement preingne Dieux anuit la vengence, et face telle demonstrance dont il soit congnoissans ains la nuit de sa grant desloyauté. Mais encore feray je autre sairement, voyant tous ceulz qui cy sont, que se je suy au dessus de Meleagant, que je lui trencheray la teste a m’espee, que je ja n’en avray ne merci ne pardon*.» Et quant le roy Baudemagus entent ce sairement que Lancelot a fait, si en fu moult doulant car il a grant paour de Meleagant son filz qu’il n’y soit occis en la bataille, ne pour riens ne voulzit esgarder sa mort, car toutes heures l’amoit il comme son enfant, ja soit ce qu’il ne voulzist
25
mie faire pour lui rien. 172. Et quant ilz orent leurs seremens fais, si leur furent amenés leurs chevaulz bons et beaux et plains de toutes bontés, et monta sur le sien chascun. Et quant ilz furent montés, si laissent courre l’un contre l’autre, et les chevaulz
un
furent roides et courans et tost alans. Et ilz se fierent es grans cours des chevaulz de leurs lances es escus si qu’ilz les
! traictres et omis Ab. ? commandement et omis Ab. 3 raenchon Ab.
# vausist] riens faire pour lui Ab. 5)
amenet] li cheval boin et bien plain Ab (cf. le v. 5009 : Bel et boen de totes bontez).
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
481
fendent et escartellent, et leurs! lances froissent. Si portent l’un l’autre des chevaulz a terre par dessus la crouppe du cheval, mais tantost ressaillent en piéz et ne firent mie chiere
morte, ains se relievent moult vivement et trayent leurs espees et mettent leurs escus avant, si se requierent par moult merveilleux aÿr et se grievent quanqu’ilz peuent aux espees trenchans si? que les estincelles et le feu en vole des heaumes. Et si grant assault se rendent aux espees que, tout ainsi 115 qu’elles vont et viennent, se trenchent? les haubers et les heaumes et les escus, ne tant ne se quierent repposer que il leur laisse repprendre leurs alaines.
110
173. Si en poise moult durement au roy Baudemagu, si en - appelle la royne qui si“ estoit alee appoyer amont es estres, etf dist: «Ha! dame, ceste bataille fu commencee follement et par le grant desroy a Meleagant mon filz. Si vous pry comme maf dame a qui j’ay faite toute l’onneur que je faire poz, que vous me laissiés deppartir la bataille.» Quant la royne l’entent, si lui dist: «Sire, fait elle”, aussi m’aïst Dieux,
quanqu’il vous en plaist me plaistë, et moult [91b] voulentiers le vueil.» Et quant Lancelot entent la parolle que la royne 110 avoit dite, si se trait arriere que plus n’en fait. Et Meleagant court sur lui et fiert et chaple moult durement. Mais le roy Baudemagus y vint au ferir des esperons sur eulz, et trait” son filz et lui commande que il plus n’en face, si chier comme il a 1 les Ab. 2 puent] as trencans des espees si Ab (cf. le v. 5021 : aus trancanz des espees nues).
truevent Ab. si omis Ab. amont] as freniestres Ab (cf. le v. 5033, ms V: Amont as estres de la tor). comme] a ma Ab. ALE 1 2% UN &
fait elle omis Ab. siet Ab (cf. le v. 5036, mss TV: Tot quanque vos an siet me plest).
©
tiunt Ab (cf. le v. 5047 : Et tient son fil.
482
15
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
s’amour. Et cil dist et jure que la bataille ne larra il mie, «ains la vueil avoir, et je ne couvoitay oncques tant riens comme je fais la bataille contre son corps!» Et le roy lui dist: «Beau filz, laisse ester ta follie, si te! tais et croy mon conseil, mieulx
t'en venra’, et si feras ce que tu dois faire. — Je n’en feray neant, fait Meleagant, et vous faites mal qui ma bataille me 20 tollés. — Ha! beau filz, fait le roy, croy mon
conseil: aussi m'aïst Dieux, mieulx te sera ! Et dont ne te souvient 1l que en la court le roy Artus as tu bataille emprise contre lui? Et . certes, tu ne pourroies* mie vouloir que tu l’outrasses d’armes
cy alieuc, ains te seroit forçor* honneur se en la court au roy 25 Artus, la ou tous les bons chevaliers sont, estoit congneue ta
prouece. » Et tout ce disoit le roy pour essayer se il pourroit apayer son filz, qui tant avoit le cuer felon que nul plus de lui n’estoit desloyal. Et nonpourquant tant fait le roy et tant parolle que il a la paix establie moult a envis. Lors s’en vont 30 arriere quant 1lz deppartis se sont. 174. Et a Lancelot fu moult tart de trouver monseigneur Gauvain, qui en la terre de Gorre devoit venir par le Pont soubz l’Eaue. Et en vait congié querre au roy et a la royne tout maintenant, et i1z lui ottroient moult voulentiers ; si s’achemine
par le congié d’eulz .I1. a alerf au Pont soubz l’Eaue, si’ ot aprés lui grant route de gens et de chevaliers et de sergens qui le sievent, mais assés en i ala de ceulx ensemble lui dont il se
feust moult bien souffert s’ilz voulzissent remanoir. Si chevauchent sans arrester et fournissent moult bien leurs
l si] sete: se barré.
2 sera Ab. 3 t’en Ab. * povoies Ac et Aa; corr. d’après Ab: poroies. 5
foy cors Ac et Aa; corr. d’après Ab: fourçours.
6
s’achemine] aler Ac et Aa; d’aus.Ir. a aler.
7 l’eau] tout maintenant si Aa.
corr. d'après Ab: s’achemine] par le congiet
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
483
10 journees, et tant qu’ilz approuchierent! du Pont soubz l’Eaue,
mais 11z estoient? encore a une journee loings.
175. Et lors encontrerent* ung nain sur ung roucin grant‘ et fort et tost alant, et tint une corgie en sa main dont il chaçoit son cheval$. Et commef il approucha des chevaliers, si se? commença
moult
durement
a escrier:
«Dites,
seigneurs,
lequel est Lancelot du Lac ? Ne le me celés mie, car je suy cy venus pour son preu et pour le vostre et pour le mien mesme, car je suis des vos. Mais distes le moy tout maintenant, car il m'en couvient aler a grant besoing. » Et Lancelot lui respont, quant il a la parolle oÿe: «Je suis, fait il, cil que tu quiers. 10 Mais dy moy ce que tu demandes. — Je le te diray, fait le nain. Il est coustume ou royame de Gorre que tous ceulz qui par ce paÿs vont et viennent, que ilz viengnent veoir* ma dame, pour tant que ilz soyent chevaliers de grant renom. Et tu as orendroit le greigneur renom que chevalier que l’en° 15 congnoisse : si te voulroit veïr voulentiers!°. [92a] Mais n’y maine!! nulz de tes hommes avecques toy, car ma dame est!? malade ung pou en son chief, et s’elle ne te desirast tant a veoir toy mesme, n’eust elle huy!* mandé. »
aprochent Ab (cf. le v. 5075 : Tant que le Pont soz Eve aprochent). il] en erent Ab.
encontrent Ab. sour] un grandesime cheval grant Ab. cacheour Ab (cf. les v. 5081-82 : por chacier /Son chaceor). et] si comme Ab.
se omis Ab.
viengnent] a moi veoir Ab. le] fourçour honnour que chevaliers que elle Ab.
D +où D RUE w
10 voir] moult volentiers Ab.
1! amaine Ab. 2 dame] si est Ab. 13 mie Ab.
484
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
176. Quant Lancelot entent la parolle que le nain lui dist, si croist que elle soit voire, que il ne cuidoit mie que cil lui mentist pour riens. Si commande illec a attendre sa gent et fiert aprés le nain le cheval des esperons et tant qu’ilz avalent en..I. val! jouste ung marois. Si entrent en une forest espesse, et si tost comme ilz orent alé entour .I. arbalestees de la forest, si saillent? devant et derriere desi a .i.c. chevaliers sur
leurs chevaulz, les heaumes laciés. Si le prennent de toutes pars que oncques deffense ne lui ot° mestier. 177. Or le peuent attendre longuement sa‘ gent, car ceulz n’ont nul talent de rendre qui l’en amainent loiés* et pris. Et i1z l’attendent tout le jour et toute la nuit, mais quant ilz virent qu’il ne revenoit, si ne vist oncques corps d’omme la douleur que ilz en demainent. Et qui la tierce part aconterroité de la doulour que 11z mainent, nulz ne le queroit. Lors le commencierent’ a querre tous doulans, et le quistrent .II. jours et .II. nuiz, mais oncques nef porent oïr nouvelle nulle. Lors prennent conseil ensemble comment ilz peussent ouvrer de? 10 leur seigneur qu’ilz ont par si faite! maniere perdu. Et a ce se sont!! tost!? accordé qu’ilz yront au Pont soubz l’Eaue pour l vauchiel Ab. 2 tost] qu’il orent alet en la foriest entour de 1. arbalestrees si li saillent 3 desfense] n’i ot Ab. * Odm Ab: pueent] longhement atendre sa (cf. le v. 5103: Le pueent longuemant atandre). 5 car] il n’ont nul talent dou rendre qu’il l’enmainent loiiet Ab. $ part] vous aconteroit Ab ; acontevroit Ac et Aa; corr. d’après Ab. commenchent Ab (cf. le v. 5112 : Dolant le comancent a querre).
8 n’en 4b. ? comment] de Ac, Aa et Ab. Voir note. 10 ont] ensi faite Ab. 1 ce] s’est Ac et Aa; corr. d’après Ab.
12 tout 4b.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
485
savoir se 11z y pourront trouver monseigneur Gauvain ;et! s’il avenoit chose qu’ilz le peussent trouver n’en boys n’en plain, ilz en overront par le los? monseigneur Gauvain de li querre. A ce consseil s’accordent tous ensemble, si s’en vont tout
maintenant droit vers le Pont soubz l’Eaue. 178. Et tantost qu’ilz y furent venus, si truevent en l’eaue cheu monseigneur Gauvain si que elle lui reclost ensom la teste, et aloit une heure amont et l’autre aval, et sourt une
heure et autre afonde: une heure le voyent et l’autre le perdent. Et lors se painent moult de luiÿ avoir. Tant y pescherent$ que ilz le prennent et le aherdent a leurs? mains, si le tiennent tant qu’ilz le trayent hors de l’eaue delivrement. Et il avoit vestu le hauberc etf lacié le heaume en son chief, qui moult estoit bon et bel, et les chauces de fer chaucies, qui
enroulliees estoient et plaines de sanc, car moult avoit souffert paines et ahans et travaulz. Car, si comme le compte de Lancelot nous tesmoingne, Meleagant si avoit mises toutes les felonnesses gardes et° tous les felons trespas au Pont soubz l’Eaue, 15
car il ne creoit mie que nul chevalier, tant eust
hardement, osast!° venir au Pont de l’Espee. Si cremoit perdre son povoir et sa franchise par le Pont soubz l’Eaue, et pour ce
1 Odm Ab: poront] monsigneur gavain trouver et. 2 boys Ac et Aa; corr. d’après Ab. 3 Je Ab. 4 sourt une eure et] l’autre font une eure flote autre eure effondre une eure le voient et une autre eure le pierdent 4b.
$ lors] teseillent moult a lui Ab.
6 tesellent Ab. 7 deus Ab. 8 Odm Ab: avoit] le haubiert viestut et.
9 mises] toutes les felonnesses gardes mises et Ac et Aa; corr. d'après Ab: mise] toute (sic) les felenesses gardes et.
10 j] ne] quidoit mie que nus chevaliers ou monde eust tant de hardement qu’il osast Ab.
486
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
y avoit il mis grant paine a mectre teulx gardez par quoy les passages! feussent contretenus. Si y en avoit tant mis qu’il ne creoit mie que nul chevalier eust povoir? de le trespasser.
179. Et ceulz qui l’avoient trait de l’eaue voyent a l’autre rive le cheval monseigneur Gauvain et sa lance et son escu, mais ilz ne cuident mie que il doye vivre longuement, car‘ tant avoit ja beu de l’eaue que tout estoit plain et enfléz: si lui couvint rendre fors du corps, et quant il l’ot rendue, si se pasme pour l’angoisse que il avoit [92b] au cuer. Et lors demainent ceulz qui yllec estoyent moult grant dueil car ilz cuidoient qu’il feust mort. Et lors ung pou aprés revint monseigneur Gauvain de paumoisons, si ouvri les yeulz et parla et dist: «Seigneurs, dites moy que fait la royne, et° se vous en savés nulle nouvelle, et se elle sejourne en ce paÿs.» Et ceulz dient:
«Si m’aïst Dieux,
sire, oÿl, en ce paÿs
sejourne elle avec le roy Baudemagus, ne d’avec lui ne se muet elle ne nuit ne jour. Et le roy la sert moult durement bien 15 et moult l’onneure, autant comme
il feroit sa suer germaine. — Aussi m’aïst Dieux, seigneurs, fait monseigneur Gauvain, il
fait son honneur, car moult est ma dame vaillant. Mais dites moy se, en ce paÿs, la vint oncquesf puis nul requerre. » Et ilz respondent :«En nom Dieu, oïl ! Il? y vint Lancelot du Lac, le 20
bon chevalier et le puissant, cil qui a en lui tant de bien° que chevalier doit avoir en soy. Ycil a la royne delivree de la
en
messages Ac et Aa; corr. d’après Ab. eust] le pooir Ab. Odm Ab : doie] longhement vivre car. qu’ilz Ac; corr. d’après Aa et Ab. et omis Ab. ains Ab. Odm Ab : respondent] oïl enon (sic) dieu il.
chevalier omis Ab. lui] tout le bien Ab.
LOC ESC TS) CT CE
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
487
prison Meleagant, et delivrés tous les prisonniers, mais ung nain bossu et couvert! nous a engignés malement, qui le nous a tollu et fortrait. — Et quant ce fu, fait? monseigneur Gauvain,
que le nain l’enmena? — Sire, font ilz’, yer, quant nous venismes* cy pour venir encontre vous. — Et comment s’est il‘ contenu, fait monseigneur Gauvain, puis l’eure que il vint premierement en cest paÿs ? »
180. Et ceulz lui comptent tout ainsi comme cil avoit faitf, et comment il s’estoit’ combatu a Meleagant par deux foys, et comment la bataille fu prise d’eulz deux en la court le roy Artus, quellef heure que Meleagant l’en semoingne aprés cest an. «Ne la royne ne se mouvera de cest paÿs devant qu’elle vous ait’ veu ou avra oÿes au moins vrayes nouvelles de vous.» Et monseigneur Gauvain leur demande et leur dist: «Seigneurs, lequel loués vous mieulx, ou nous alions!° querre Lancelot, ou nous alions!! a la royne ? » Et ceulx dient: «Nous ne le querrons!? pas, nous!? ne le sarions ou trouver. Ains en
yrons tout droit a la royne ma dame, et compterons a lui et au roy Baudemagu comment le nain!“ nous a tollu Lancelot. Et cuidons que ce soit fait par l’engin Meleagant, son filz, et ! cuiviers Ab.
2 Odm Ab: quant] fu che fait. 3 sire] fait il Ac et Aa; corr. d’après Ab: sire] font il.
+ meusmes Ab. 5 coument] s’a il contenut Ab (cf. le v. 5177 : Et comant s’est il contenuz). 6 comme] il l’avoit fait Ab.
7 s’avoit 4b. - $ artus] de quele Ab. 9 10 11 12 13
avera Ab. alons Ab. alons Ab. Je] tro querrons: tro barré. pas] car nous Ab.
4 glous Ab.
488
15
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
nous savons bien que le roy le fera querre tantost :ne ja en tel lieu! le roy ne le savra que il tantost rendre ne le face maugré? sien. »
181. À cestui conseil s’accorda monseigneur Gauvain, qui tant est dolent et yriés de Lancelot que plus ne puet car il l’avoit moult amé ; si a grant paour que Meleagant par traÿson ne l’ait fait occire. Lors s’en vont ensemble et chevauchent tant que ilz approuchent du chastel ou le roy Baudemagus et la royne y estoient. Et si estoit avec lui le desloyal Meleagant, qui’ toute la desloiauté qui puet reppairier en corps de mortel traittour avoit en soy, car il estoit de toute traïson plain et comblés de tous maulz, car il a moult laidement troublee la court et tous les barons pour Lancelot‘. Si en sont tant durement esmayés* [93a] que plus ne peuent. 182. Etla nouvelle en vint a la royne, qui trop grant dueil en ot en son cuer; ne je ne voy comment elle puist fors couroux avoiré, car riens ou’ monde n’amoit elle tant, et mieulz amast elle que tous ceulz du royame de Logres feussent perdus que il tout seul. Mais pour l’amour de monseigneur Gauvain se confforta au plus® qu’elle pot: si lui couvint faire dueil et joye pour monseigneur Gauvain, mais il n’est nulz homs vivans, s’il la voit, que bien ne puist notter a son viaire qu’elle n’a mie son cuer lié. Lors s’en vint aval encontre monseigneur 10 Gauvain
et lui monstre
semblant de joie, et monseigneur
en] ce lieu Ac et Aa; corr. d'après Ab. Odm Ab : que] il rendre ne li face tantost maugret. meleagans] ses fius qui Ab. pour] l’amour lanselot Ab (cf. les v. 5206-7 : troblez / Por Lancelot).
courouchiet Ab. coument] elle le puist fourçour avoir Ab.
OO OP D © =
riens] ens ou Ab.
oo
mius Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
489
Gauvain la salue moult doulcement. Et le roy Baudemagus en a fait grant joye sur tous, car moult le desiroit a veoir, ne il ne l’avoit oncques veu, et si avoit moult oÿ parler de sa prouece. Mais tel dueil a et telle pesance de Lancelot qui fu trahis, qu’il en est tous esbabhis et tous mas. Et tous ceulz qui illec estoient en demainent moult grant dueil et moult en sont doulens et courouciés. Et la royne prie au roy Baudemagus qu’il le face querir aval et amont, et! y envoiast tel gent qui bien y? peussent la besoingne faire. Lors l’en prie moult Keux le seneschal et monseigneur Gauvain, et aussi font tous cilz
chevaliers? qui yllec estoient, qui Lancelot avoit tous‘ delivrés. «Si m’aïst Dieux, fait’ le roy Baudemagus, car je en suis tous priésf pieça: si y envoieray orendroit sans nul arrest. Et tant vueil je que? ceulx de mon royaume® sachent qu’il n’y a chevalier ne duc ne prince, s’il? l’avoit detenu contre ma
voulanté, qu’il n’en feust honnis a tous jours. Et!° sachiés que moult sera bien ceste queste faite. » 183. Lors l’enclinent tous ceulx qui illec estoient, et le roy envoye parmy toute sa terre maintenant sergens, et conneus et
sages, quil! bien sçorent la terre et le paÿs, et le quierent
l Odm Ab: querre] amont et aval et (cf. le v. 5232: Et prie qu’aval et amont).
2 y omis Ab. 3 tous chevaliers Ac et Aa; corr. d’après Ab : tout chil chevalier. Voir note. 4 tous omis Ab.
5 dieus] signeur fait Ab. 6 priiés Ab. 7 jou] bien que Ab. 8 ceulx] demorame avec accent sur m, soit demoramme ; demoräme Aa;
corr. d’après Ab: chil] de mon roiaume.
9 prince] que s’il 4b. 10 hounis] dou corps a tous jours mais et Ab. 11 siergans et] couvens (sic, avec barre de nasalité sur ves) et messages qui Ab (cf. le v. 5246 : Sergenz bien coneüz et sages.
490
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
environ parmy! les terres de Gorre: si ont partout nouvelles enquises et demandees de lui, mais oncques ne porent’ nulles avoir ne oncquez point n’en apristrent. Et quant ilz virent qu’ilz gastoient le temps en vain, si s’en reppairerent tantost au chastel ou les chevaliers les attendoient, et dient que ilz n’en ont neant apris de lui. Quant la royne le sçot, si en fu 10 moult
desconfortee; et le roy Baudemagus leur dist, a monseigneur Gauvain et a Keux: «Seigneurs, nous avons perdu Lancelot qui estoit la lumiere de tous les chevaliers du monde, et a fait par son corps ce que nul autre chevalier’ n’osast emprendre. Si s’est mis$ en si grant peril, comme?
15 vous avés sceu, pour vous delivrer de chaitivoison et pour
delivrer ma dame la royne: si seroit moult grant douleur se nous estions delivrés du peril, et il remanoit pour nous. Mais or remanés cy avec ma dame la royne et la gardés comme? vous devés faire la vostre dame.» Et ceulz dirent: «Ce est 20 noiant ce que nous vous oons dire de no sejour, car ainsi nous aïst Dieux, nous!° n’y sejournerons ja, ainçois le querrons parmy toutes les diverses terres du monde, lance sur fautre!i, que nous ne le raions.» Et dient: «Nous sejournerons huy mais et atournerons noz affaires, et a demain [93b] sera pris le 25 terme de mouvoir.» A ceste parolle s’accordent tous, moult
| quierent] parmi le païs environ et en let parmi Ab. 2 mais] ains n’en porent Ab. 3 il] n’ont noiant Ab. # tous chevaliers Ac er Aa; corr. d’après Ab,
$ chevalier omis Ab. a
si] s’a mis Ab.
traînée d'encre sur grant peril comme. 8 de Aa. ? gardés] si comme Ab.
10 dieus] que nous 4b. lancelot sur fautre Ac et Aa; corr. d’après Ab: lanche sour feutre. Voir
note.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
491
doulans et moult courouciés, et pou y ot cellui qui la nuit voulzist mengier ne boire. Et trespasserent celle nuit ainsi en grant doulour. 184.
Lendemain
a! matin, si tost comme
il ajourne, si
apparaillierent leurs armes. Mais ainçois qu’ilz meussent, mengierent ung pou, et quant ilz orent mengié, si demanderent leurs armes et s’armerent et monterent sur? leurs Un chevaulx qui leur furent amenés enmy la place. Ainsi comme ilz prenoient congié au roy et a la royne, qui tant estoit doulante que plus ne povoit, si vint leans un varlet au ferir des esperons sur ung grant roucin, et trespassa tous les autres, et s’en vint devant la royne, et la salua en hault et puis le roy et monseigneur Gauvain et Keux le seneschal et tous les autres qui illec estoient. Le varlet tint unes lettres en sa main, si° les baïlla au roy Baudemagus et lui dist: «Sire, faites lire ces lettres.» Et le roy les prist et les fist lire a tel qui rien n’y mesprist car bien les sçot lire. Et‘ ce disoient les lettres que 15 «Lancelot salue la royne et le roy Baudemagus, et le mercie moult humblement du service que vous lui avés fait, et sachiés que il est tout a vostre commendement. Et il en va tous sains et tous haïtiés avec le roy Artus qui est le meudre? chevalier a devisef que on sache, et le meudre? roy. Et les 20 lettres si mandent a monseigneur Gauvain et a Keux et a ma
! a omis Ab. 2? en Ab.
3 et Ab. 4 les prist] et les fist lire et Ac et Aa; saut du même au même ; corr. d'après Ab: les prist] si les fait lire a tel qui riens n’i mesprist car bien les sot lire et. 5 durement Ab. 6 fait omis Ac, Aa et Ab; corr. d'après les v. 5280-81 : Si le mercie de l’enor / Qu'il li a fet et del servise. 7 mendre Ac et Aa; corr. d'après Ab: miudres.
8 a devise omis Ab. 9 mendre Ac et Aa; corr. d'après Ab: mieudres.
492
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
dame la royne qu’ilz s’en viengnent, car le roy les desire moult a veoir. » Et ces lettres furent sellees du seel Lancelot et du roy Artus, si furent bien creues de tous ceulx qui les virent et oÿrent. Si en furent tous moult liéz et moult joyeux, et en 25 firent tant joye que oncquez en ycelle nuit n’y ot fait ne plaint ne plour ne cri, ains font tuit joye merveilleuse. 185. Et si tost comme il ajourne, ilz dient! que ilz s’en veulent aler, et le roy, qui moult fu courtois, leur ottroya voulentiers? et bonnement sa voulanté a faire. Et 11z tout maintenant montent, si s’en tournent et acqueillent leur chemin et yssent de la cité au roy Baudemagus. Et le roy, qui moult fu courtois et vaillant, monta? et les couvoya* moult grant piece” ; et tant les conduit et couvoye qu’ilz furent tost$ mis hors de sa terre. Et quant il les en a hors mis, si a pris tout maintenant congié a la royne et dist: « Dame, je vous ay mis 10 toute hors des’ destrois de ma terre, si m’en couvient retourner, et preng congié debonnairement a vous comme la dame du monde que je plus pris. Et sachiés que en tous les lieux ou je seray, que je suis vostre lige chevalier. » Et la royne l’en mercie moult, si lui dist: «Sire, je vous mercy moult durement de l’onneur que vous m’avés faite.» Lors lui met les bras au col et lui offre et promet son service et le son seigneur. Etf monseigneur Gauvain ensement lui offre son service faire” si comme a son seigneur et a son!° amy. Atant se ! 2 3 *
comme il] fu ajournet dient Ab, otria] moult volentiers Ab. Odm Ab: fu] vaillans et courtois monta. convoie Ab (cf. le v. 5302 : Fors de sa terre les convoie).
$ pieça: a barré et e suscrit. 6 tout Ab. 7 mis] fors des Ab. ©
signour] car elle ne li pooit fourçour faire et Ab. Voir note. faire omis Ab. a] u son : u barré.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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mectent a la voye, si! commandent le roy a Dieu, et il eulz tout 20
ensement. Si se mectent tantost en la voye et le roy s’en reppaire en son chastel. 186. Et la royne et la route qu’elle maine chevaucherent tant par leurs journees qu’ilz vindrent pres de la court au roy Artus. Et la nouvelle en vient au roy que la royne [94a] revient, et Keux et monseigneur Gauvain. Et quant le roy entent la nouvelle, si ne puet avoir joye forçor, pour l’amour? a la royne que il amoit sur toute riens, et pour l’amour Gauvain son nepveu que il cuidoit que par sa proece eust? la royne delivree de prison“ et tous ceulz qui de la terre estoient eschaitivés*. Mais il estoit tout autrement que il ne cuidoit. Et encontre eulz commença a vuidier toute la ville : si s’en yssent hors chevaliers et dames et pucelles et gens menues et bourgoys et citoyens. Et chascun, si comme il encontre la route, s’escrie en hault: «Bien viengne monseigneur Gauvain, le bon chevalier, le seur, la lumiere de tous autres
chevaliers, qui no dame nous a ramenee, dont toutf le paÿs et la terre de Logres estoit desconseillés pour li et apouvris! Bien viengne li sires qui clarté et lumiere a ramenee entre nous, qui devant estions tous plains de tenebres! Bien viengne monseigneur Gauvain, qui nous a rendus et amenés les chaitifs enchartrés qui estoient en essil en la dessertine? de Gorre ! »
l et Ab. 2 forçor] pour l’amour omis Ac et Aa; corr. d’après Ab: fourçour] pour l’amour a la roine. 3 fust Ab. # de] la prison Ab. 5 en chaitiveté Ac et Aa; corr. d'après Ab: escaitivet et le v. 5338: Et mainte dame escheitivee. Voir note. 6 tout omis Ab. 7 en la] deserte terre Ab.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
187. Quant monseigneur fu trop doulant et leur dist: dire, que point ne sont par que vous mettés cy sur moy,
Gauvain entent! la parolle, si en «Seigneurs, repposés vous de ce moy delivrés ! Et? ceste honneur si me vault autant comme honte,
car des aventures de Gorre ne suis je mie achieverres, ne par
moy ne ravés vous ne la royne ne les prisonniers, car je y ay par ma demouree failly. Mais Lancelot y vint a tans a achiever l’aventure, si“ l’escheva comme cil qui passe tous” les chevaliers qui oncquesf furent, et pour lui devroit faire tout le Quant ceulx l’entendent, si en ont 10 pueple oroison.» merveilleuse joye et lui demandent: «Ou est il donc, sire, Lancelot’? — Ou est il ? fait monseigneur Gauvain. Donc n’est il avec le roy Artus mon seigneur ?» Et ceux respondent: «Ainsi m’aïst Dieux, nennil, avec le roy Artus n’est il mie; 15
ne” en toute ceste contree, puis que ma dame en fu menee, n’en oÿmes parler!° de lui.» Quant monseigneur Gauvain l’entent, si n’ot onques mais sil! grant dueil, et sçot que les lettres faulses furent, qui les ont trahis et deceuz. 188.
Adonc furent tous courouciés et tous esmeus en yre et
tous doulans, et s’en viennent tout ainsi menant leur dueil
droictement a la court le roy Artus. Mais le dueil que la royne ! entendi Ab. dire] car par moi ne sont pas delivre et Ab. 3 prisons Ab. + tans] de l’akiever l’aventure si Ab.
qui] a passés tous Ab. 6 ains Ab. 7 Odm Ab: demandent] sire u est il dont lanselot (cf. le v. 5350: Ou est il donc, biax sire chiers).
8 aussi Ab.
? mie]e ne: e barré, 10 puis que] en fu menee ma dame n’en oïmes nous parler Ab (cf. les v. 5356-57: Puis que ma dame an fu menee / Nule novele n’an oïmes).
11 aussi Ab.
VA
2 LL
EN
t| tm
cf D.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
495
en fait passe toutes autres douleurs, que a paines s’en puet elle confforter! ;mais pour paour de l’apercevance de la gent se refraint de son dueil mener, et nonpourquant n’a elle pas moins de doulour en son? cuer. Et le roy, par ceulz qui viennent, en enquiert la verité de ceste oeuvre, et ceulz lui comptent comment Lancelot avoit ouvré, et comment il avoit delivree la royne, et comment ceux qui estoient emprisonnés de long temps* en la terre de Gorre sont delivrés ; si s’en aloit au Pont soubz Eaue querre monseigneur Gauvain, et comment le nain les avoit trahis. Yceste‘ chose despleust’ moult durement au roy et forment li anuye et grieve, mais la joye que il af de la royne lui [94b] allege le cuer moult durement, car ce est la rien que il oncques plus amoit; si en avoit esté a grant mesaise, car bien la cuida avoir perdue.
189. Grant est le dueil en? la maison le roy Artus pour Lancelot, car bien cuident et ung et autre que il soit mort. Si sejourne le roy Artus a Kamalot pour savoir se il en orroit nouvelle, car pres yert de Gorre. Et la royne y ert voulentiers pour son amy qui y fu chevalier nouveau. Ung moys après la revenue des essilliés, vindrent au roy les desprisonnés pour prier au roy d’une assemblee, car ilz avoient esté essilliés, si
n’avoient veu, grant piece avoit, proece d’armes si comme ilz souloient veoir. Et le roy dist que jamais assemblee n’avra en son povoir devant qu’il sache aucune chose de Lancelot. Et la
! paine] que elle s’en puet conforter Ab. 2 nonpourquant] pour chou n’a elle pas mains doleur a son Ab.
3 emprisonnet] des lonc tans Ab. 4 traïs] de lui icheste Ab.
5 desplaist Ab (cf. le v. 5372 : Ceste chose le roi desplest). 6 que il a omis Ab (cf. les v. 5374-75 : Mes joie [..] Qu'il a si grant de la reine).
7 grant] dueil est en Aa. 8 venue Ab.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
s'accordent tuit que jamais armes ne porteront pour nul besoing jusques qu’ilz sachent que Lancelot est devenus. Ainsi est la court troublee que nulz n’y fait joie, ne le dueil la royne ne remaint mie: si vait moult a neant sa beauté, ne elle 15 ne reclaime ne Dieu ne homme fors la dame du Lac, car celle
le pourroit secourre a tous besoings. 190. En telle maniere se contiennent jusques a la Penthecouste et de la jusquez a la my aoust. Et lors couvint le roy court tenir et porter couronne, si comme il estoit acoustumé. Si tint haute feste, et encore la tenist il plus grant se il eust Lancelot, car il en est tout decouragés des grans festes qu’il! souloit faire. Quant ce vint le jour de la feste,
aprés la messe’, si fu le roy a une fenestre et ot tournee sa teste devers les prés, si ne vouloit mie si tost mengier pour ce que nulle aventure n’avoit encore veue. Lors esgarda’, si voit 10 venir une charrette, et ot ung cheval es lymons qui ot la queue couppee et les oreilles, et dessus seoit ung nayn court et groz, si ot la barbe grant et la teste grosse. Et en la charrette seoit ung chevalier, les mains liees derriere le doz, en une chemise sale et despeciee, et ot les deux piéz liés aux deux lymons de la charrette, et son escu pendoit devant et estoit tout blanc, et
deléz lui estoit son heaume et son hauberc. A“ la queue de la charrette estoit son cheval attachiés par le chevestre, et avoit
le frain en la teste et la selle sur le dos, et il estoit blanc et beau a merveilles. 191. Quant le chevalier voit le roy et ses barons, si dist: «Ha ! Dieux, qui me deliverra ? » Et tous les chevaliers yssent hors du palais, et le roy demande : «Nain, nain, qu’a forfait ce
! descoragiés] de si grant feste comme il 4b. 2 fieste] si commence la messe et aprés la messe Ab.
3 esgarde Ab. 4 haubiers] et a Ab.
10
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
497
chevalier ? — Autant, fait il, comme l’autre! !» Le roy ne scet qu’il veult dire, si lui redemande autre? foys, et il dist tout
ainsi comme devant. Et le roy se taist une piece, et les autres lui demandent autressi. Aprés dist le roy au chevalier: «Sire chevalier, comment pourriés vous estre delivrés ? — Sire, fait
il, se aucun chevalier montoit pour moy la ou je suy. — Ce ne trouverés? vous huy, fait le roy. — Ja Dieu ne plaise qu’il le truisse !» fait le nain. Atant s’en vait contreval les rues, si est hués et arochiés* [95a] et de savates et de boe. Et le roy dist que ore puet il bien mengier car aventure a il veue assés grant’ et assés estrange. Et monseigneur Gauvain venoit des chambres, et la royne o lui, ou ilz avoient dormy car ilz avoient la nuit veillié a la chappelle: si fu assés qui l’aventure leur compta. Et monseigneur Gauvain en commence a plourer, et dist que mauditf soit qui premier establi charrette a tel mestier :si lui membre de Lancelot qui y monta’.
192. Ainsi est le roy assis au mengier et tous les autres. Et quant ilz se regardent, si voient la charrette enmy la court, et le chevalier sault juz et vient la ou les chevaliers mengoïient. Et chascun dist: « Veéz la le chevalier de la charrette !» Il vait seoir avec les chevaliers, et chascun le boute ariere, et dient
qu’il ne doit mie seoir avec chevaliers; et il s’en vaitf partout
les autres Ac et Aa; corr. d’après Ab: li autres. redemande] encore une autre Ab. ne] me trouverés Ab.
accochiés Ac; acrochiez Aa; corr. d’après Ab. Odm Ab : a il] assés veue grande. maleois Ab. OA pb ww Bb ŸD œ
qui] monta Ac et Aa; corr. d'après Ab: qui] i monta. il vait seoir avec les chevaliers et il s’en vait Ac et Aa (saut du même au
même sur le mot chevaliers); corr. d’après Ab: il vait seoir avuoecques les chevaliers et cascuns le boute ariere et dient qu’il ne doit mie seoir avecques chevaliers et il s’en vait.
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LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
a chascun renc, mais nul ne sueffre qu’il y see. Et quant il a partout alé, si prent une nappe et vait seoir avec les escuiers, mais ilz le chacierent! d’entr’eulz si que a force le couvint 10 hors mengier. Et quant monseigneur Gauvain voit qu’il fu si arriere boutés, si laisse le mengier a apporter et vient a lui, si dist? qu’il lui fera compaingnie puis qu’il est chevalier. La parolle en vait par leans tant que le roy le scet*, si mande Gauvain qu’il le tient a hony pour ceste chose, et dist qu’il en 15 a forfait a perdre le siege de la Table Reonde. Et il dist que s’il est honiz pour la charrette, donc est Lancelot honis, et après
son honissement ne quiert il plus honneur avoir. Et le chevalier ot les parolles mais nul semblant n’en fait. Et Gauvain n’est point esbaÿs de ce que le roy lui mande. 193.
Quant le chevalier ot mengié,
si se leva et dist a
monseigneur Gauvain: «Gauvain“, grans mercis ! Or voy je bien qu’il est voir ce que on dist’.» Atant s’en tourne et vient a ung bruellet qui pres d’illec estoit. Si s’est armés de toutes armes, car elles lui furent yllec apparaillees par son escuier, et vient tous armés, et son escuier o lui, en l’estable des chevaulz
lef roy. Si y treuve ung des meilleurs chevaulz du monde tout enselé; il monte sus et revient devant le roy et lui dist: «Roy Artus, s’ore venoit avant cil qui Gauvain laidissoit et tenoit a honi de ce qu’il m’avoit tenu? compaingnie, je l’en deffendroie contre le meilleur de vous tous, et contre vous plus voulentiers qu’encontre ung autre. Et sachiés que vous estes
1 cachent 4b. 2 si] li dist Ab. 3 sçot Aa; sot Ab. * gauvain omis Ab (omis également dans le fr. 344, fol. 330c). 5) ce que on dist omis Ac, Aa et Ab; corr. d’après L, II, p. 89 (voir l’Introduction, p. 81-82). 6 estable] dou cheval le Ab.
7 portet 4b.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
499
le plus recreant roy qui oncques mais feust! Si m’en yray atant, mais toutevoies enmenray je vostre cheval ;et quant je pourray plus avoir du vostre, plus en prendray, ne ja en cest hostel n’avra chevalier qui par son corps le vous ramaint !» Lors s’en vait le chevalier, si! encontre monseigneur Gauvain et lui dist: «Gauvain, grans mercis de ce que vous deignastes mengier avec moy. — Alés a Dieu, fait monseigneur Gauvain, 20 car de moy n’avés vous garde ! » Et lors sont par la sale tous esbahis, car ilz voyent le roy yrié, qui a tel dueil que a pou qu’il ne esrage? quant son [95b] cheval enmaine* devant lui. 194.
Et Saigremor sault de la table, si s’en court armer* en
son hostel et vait aprés le chevalier grant aleure. Si fait Lucans li boutelliers et Beduiers* 1y connestables et Girflés le filz Do et Keux le seneschal, qui dont n’y estoit mie, mais£ quant il oÿ dire comment et pourquoy les autres s’estoient armés pour aler aprés le chevalier, si fist aussi. Mais Saigremor le suist de pres tous premiers. Et cil s’en vait tout contreval la riviere tant que il vint’ aux Gués de la Forest; et ainsi avoit nom li gué qui estoit desour la forest de [O Bonevent”,
et la forest en
est pres
a demie
archee.
Le
chevalier s’arreste sur l’eaue, et d’autre part avoit bien!° .vI. chevaliers qui l’attendoient.
et Ab. que] pour un peu qu’il ne crieve et esrage Ab. amaine Ac et Aa; corr. d’après Ab : enmaine. table] et s’en vait armer Ab. deduiers Ac et Aa; corr. d'après Ab.
qui donc] n’estoit mie la mais Aa. vient Ab. œ vint aux gués de] la forest de bonevent: Ac et Aa (saut du même au même); corr. d'après Ab. 9 rovenent Ab. 10 bien omis Ab. ER Un CA + SEL
500
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
195. Et Saigremor vint la poingnant, et quant le chevalier le voit, si fiert encontre des esperons. I1z s’entredonnent grans coups sur les escus : Saigremor brise sa lance et le chevalier le fiert si durement qu’il l’abat a terre, si! saisist le cheval et le
maine oultre l’eaue, et? ceux sont apparailliés qui le prannent. Et le chevalier dist a Saigremor : «Sire chevalier, dites au roy que ore ay je plus du sien, et encore en avray plus! — Comment ? fait Saigremor’, n’en ferés vous plus ? - Nennil, fait cil. Et se je plus en faisoie, vous n’y avriés ja preu.» Saigremor
s’en vait tout honteux,
et lors vint Lucan
le
boutellier. Et cil ist hors du gué encontre lui, si s’entrefierent et il rabat Lucan et enmaine
son cheval, puis dist*: «Sire
chevalier, dites le’ au roy, que ore ay je plus du sien que je n’avoye huy matin !» Lors vint$ Beduiers, si jouste a lui et le 15 chevalier l’abat, et Girflet aprés. Et lors passe le gué et fait semblant qu’il s’en vueille aler, et Keux lui escrie, et il vient
arriere. Si s’entrencontrent’ enmy le gué, et Keux brise sa lance et cil l’abat ou gué et prent le cheval et l’enmaine. Keux saut sus tous estourdis, et ot assés beu; 20
si est moult bleciés, si
s’en retourne et revient arrieres$ au roy. Et le roy est si doulant quant il scet les nouvelles que nul plus, et de tout se prent a son nepveu. Et Gauvain dist: «Sire, sire, de plus honis en y a que je ne suis ! »
196. Que qu’ilz parloient ainsi, es vous la charrette et le nain qui la menoit, et dedens avoit une damoiselle. Le nain la let Ab. ? et] l’enmaine outre le gués (sic) et Ab (cf. le fr. 344, fol. 330d:
l’enmoine outre le gué). ? aigremor Ac; corr. d’après Aa. * puis] li dist Ab. 5 le omis Ab.
6 vient Ab. 7 s’entrecontrent Ab. 8 arrieres omis Ab.
et]
VA
a
LA)
LA
4 LL
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
501
maine en la court, et quant la damoiselle voit le roy, si lui dist:
«Roy Artus, l’en souloit dire que nulz desconseilliés ne nulle desconseillee ne venoit a ta court qui conseil ne! trouvast, mais bien y pert que ce? est mensonge, car le bon chevalier s’en est alés, ne oncques ne trouva qui le delivrast. Si en amaine* .vI. de vos chevaux maugré vostre ! Ce ne sçay je se je trouverray qui de cy me giette.» Monseigneur Gauvain vient avant et lui dist : «Damoiïselle, comment en seriés vous gettee ? — Qui monteroit, fait elle, cy, je iroie* juz. — En nom Dieu, fait Gauvain, et je y monteray [96a] pour l’amour du bon chevalier qui y monta !» Donc se lance en la charrette, et elle descent.
Et lors viennent
chevaliers
tous
montés,
si
descendent pour monter y. Lors y est venue la royne, et la damoiselle dist au roy Artus : «Roy Artus, je m’en yray, mais je vueil avant que tu sachies que ly affaire approuche par quoy ta court sera triste et doulante, par quoy* les aventures prendront fin. Ne tu ne deusses mie certes faillir au chevalier, ains deusses estre saillis en la charrette, car il n’y estoit montés forsf pour l’amour de Lancelot, qui pour celle dame la querre y monta, et fist ce que tu n’osas emprendre pour lui qui ta femme est; et pour lui devroient estre mais toutes’ charrettes honnourees. Et sces tu qui le chevalier est, qui tes
compaingnons a abatus? Ce est uns jeune enfes qui entan aprés Pasques fu chevalier. Si est cousin Lancelot et frere de Lyonnel qui quiert Lancelot — si fait que fol, car certes il ne lef trouvera mie. »
n’i Ab. ore Ab. si en maine Ab. istreroie Ab.
qui Ab. Voir note. forskes Ab. 9A PB HO &©
Odm Ab: deveroient] mais estre toutes.
œ
il] n’en trouvera Ab.
502
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
197. A ces parolles vint yllec le chevalier dont elle avoit parlé, et aprés lui son escuier qui amenoit les chevaulz qu’il avoit gaaingniés. Et il oste son heaume et vient devant le roy et! s’agenoulle, et dist: «Sire, faites repprendre voz chevaulz, car je ne les enmenroye mie en telle maniere. Mais
ainsi se doivent bons chevaliers entracointier. » Lors se lieve la royne encontre lui, et le roy lui fait grant joye pour l’amour de Lancelot son cousin. Et la damoiselle est montee, si s’en vait sans plus dire. Et le roy retient le 10 chevalier avec lui et lui ottroya la compaingnie de la Table Reonde. Et cil dist qu’il n’est encore mie dignes de si grant honneur recevoir?, et d’autre part il ne le voulroit mie se n’estoit par le conseil de Lancelot. Et le roy s’en sueffre atant, si lui demande comment il a* a nom, et il dist qu’ila a nom Boors ly Essilliés. Et la royne lui demande qui est la dame qui s’en vait, et 1l dist que «ce est la dame du Lac qui Lancelot nourri et moy et Lyonnel.» Quant la royne l’entent, si est sif doulante que plus ne puet. Dont est montee et dist que jamais ne finera devant qu’elle l’ait attainte ; et le 20 roy vait avecques lui, si ont trouvé Gauvain en la ville, que le nain enmenoit encores. Et la royne sault en la charrette et Gauvain descent, et le roy monte aprés la royne et la royne descent, ne oncques ne remaint chevalier en la court du roy qui en la charrette ne montast. Et? des lors en avant, tant 25 comme le roy vesqui, ne fu nulz homs dampnés pour charrette, ains a en chascune ville ung vieil roucin sans l si Ab. hounour] emprendre ne rechevoir Ab. ? de lancelot omis Ac et Aa; corr. d’après Ab. * avoit 4b.
dist] qu’il a nom Aa; dist] qu’il avoit non Ab. 6 tant Ab.
7 Odm Ab: onques ne] remest nus chevaliers qui en la charete ne montast qui fust de la court au roi artus et. $ vieil omis Ab.
20
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
503
queue et sans oreilles, si menoit l’en sus par toutes les rues
cellui que on! vouloit honir. 198. Et la royne et monseigneur Gauvain vont aprés la damoiselle, si l’ataingnent, et la royne lui crie mercy et dist que moult est honteuse que elle ainçois ne l’a congneue. Si lui prie que elle retourne, et monseigneur Gauvain lui prie, qui moult lui [96b] fait grant joye. Mais elle dist que ce ne pourroit ore estre. Lors se? traist la royne a conseil, si lui dist que, se elle scet nouvelles de Lancelot, qu’elle lui die. «Je sçay, fait elle, qu’il est tout sain et haïitié* et em prison; mais moult est honnourés, et li poins est establis qu’il eschappera; et s’il eschappoit avant, il avroit perdue la grant* joye qu’il a tant chacie, qu’il se vengera de Meleagant. Et bien sachiés qu’il sera a la premiere assemblee qui sera ou royaume de Logres, et la le verrés vous se vous y estes.» Ces nouvelles
ayme moult la royne. Si s’en retourne quant elle voit qu’elle ne pourra retourner la dame du Lac, et revient encontre le roy et lui compte les nouvelles de Lancelot, mais elle ne lui dist
mie qu’il doye estre en la premiere assemblee. Et le roy en est moult liés, car paour avoit de sa mort, mais la demouree lui
annoye. Et la royne lui dist: «Sire, car faites crier une assemblee en la marche de Gorre et de vostre terre, car par
l’assemblee en pourrés vous oïr nouvelles; aussi vous en prient vos gens qui sont yssus de prison. » Et le roy lui ottroie : si fait crier que d’illec a .xx.f jours sera la grant’ assemblee a Pomiglay. Ainsi le mande le roy et la royne par toutes terres,
1 on sus] chelui qui on Ab. VEN 3 et Ab. 4 est] sains et tous haitiés Ab.
5 grant omis Ab. AN A 7 grant omis Ab.
504 25
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
par lettres et par messages. Mais! ore ne parolle plus ly comptes de lui ne de sa compaingnie, ainçois retourne a Lancelot. 199. As; comme vous avés oÿ est Lancelot en prison chiéz le seneschal de Gorre, et a quanque il scet de bouche deviser. Si fu tant en celle prison? que celle assemblee dont vous avés oÿ fu° criee : si en ala par tout le monde la nouvelle, si est tant alee et‘ espendue que on en scet ja les nouvelles en la contree estrange dont nulz haliegres ne souloit retourner, mais ore, qui oncques vouloit’, si y avoit et l’entree et l’issue,
et y povoit aler et venir a sa voulanté. Si alaf tant et vint par le regne?, qu’elle vint chiéz le seneschal Meleagant en qui tout 10 le malice du monde estoit. Eté cil seneschal avoit en sa garde Lancelot; si lui avoit assés malmis’ Meleagant, qui plus le
haioit que nul homme. Si sçot Lancelot la nouvelle de l’aatine!° et tout le termine ensement, ne oncques!! puis que i l’ot oÿ ne furent ses yeulx sans lermes ne son cuer sans grant doulour, si qu’il en pert le boire et le mengier et le dormir. 200.
Et la dame de la maison s’en!? apperceust bien, si l’en
mist a raison et si lui dist: «Ha ! sire, pour Dieu et pour vostre
messages] as chevaliers mais Ab. prison omis Ac et Aa; corr. d'après Ab. 3 oït] parler fu 4b. alee] la nouvielle et Ab (cf. Le v. 5437, ms T: S’est tant alee et espandue), 5 qui] i voloit Ab. Odm Ab : aler] a sa volentet et venir si i ala. royaume Aa ; raisne Ab. qui] tout li malisse dou monde estoient et Ab.
mal fait Aa; maumis Ab. de li atine Ac et Aa; corr. d’après Ab. 1 ains Ab. dame] de laiens s’en Ab (cf. le v. 5457
: la dame de la meison ).
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
505
ame, dites moy l’achoison! pour quoy vous estes si changiés, car vous ne mengés ne beuvés ne n’avés soulas ne joye. Si voulroie moult savoir, s’il vous plaisoit, pourquoy vous estes tant dehaitiés. Et [97a] sachiés que, se je savoye vostre pesance et vostre ennuy, que moult en seroie doulante et courouciee. — Ha? ! dame, fait il, ne vous merveillés5 mie se je
suis doulant et courouciés, car certes je voulroye estre mort | 10 orendroit, quant je ne pourray estre la ou tout le loz et le pris
de la“ chevalerie du monde sera, a l’aatine out tout le monde
assemblef !Mais se Dieu vous avoit faite tant franche et tant eust mis de bien en vous que vous me laississiés aler a celle assemblee, je vous pleviz loyaument comme loyal chevalier | 15 que ja si tost l’assemblee ne deppartira, que je me mettray en vostre prison arrieres autressi/ comme je y sui ore. — Aussi m'’aïst Diex, fait elle, que je le feisse voulentiers®, et moult en feusse joyeuse et liee, se je ne cremisse ma destruccion et ma mort. Mais je craing tant durement mon seigneur que je ne | 20 l’oseroye faire, car le fel Meleagant, qui tant a de malices en lui, tantost comme il le? saroit, destruiroit mon seigneur tosti0.
Et ce n’est mie merveille se je le redoubte, car il est tant fel et tant mauvais de courage, comme vous mesmes le savés. — Dame, fait il, je vous prie pour Dieu merci que, se vous en 25 avés povoir, que vous m’en doniés congié. Et je vous creant,
moi] voir et l’ocoison Ab (cf. le v. 5460: Voir me dites, fet li la dame). 2 Odm Ab: seroie] courouchie et dolente ha. 3 esmiervilliés Ab. 4 toute Ab. 5 sera] et l’aatine Ac et Aa; corr. d'après Ab. 6 ert Ab (cf. le v. 5471 : ou toz asanble).
7 aussi 4b. 8 fesisse] moult volentiers Ab (cf. les v. 5479-80: jel feïsse / Molt volantiers).
? le ajouté en interligne. 10 tout Ab. Voir note.
506
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
tenés ma main, comme! loyal chevalier, que je aprés le tournay vendray? en vostre prison. » 201. Quant la dame l’entent, si en a moult grant pitié et se pourpensa moult durement, et enaprés lui dist: «Je vous en ottroy congié tout maintenant, par couvent que vous me donrés ung don. — Dame’, fait il, quel ? — Je le vous diray, fait elle. Vous me fiancerés, fait elle, que vous venrés‘ a moy, en
ceste prison, tantost comme le tournoy deppartira, et si me fiancerés que vous me donrés vostre amour. —- Dame, fait il, je le vous fiance telle comme je la vous pourray donner, et le revenir vous jure je. — Or m’en puis a neant tenir, fait elle, car 10 je croy vrayement que vous avés a autrui baïllie l’amour que je demandee vous ay ! Et nonpourquant, tant comme j’en puis avoir, je pren, ne* je ne le desdaingneray mie, ains en prendray le sairement que vous me tenrés ma couvenance, et vous me
donrés vostre amour ce que vous m’en pourrés donner sanz 15 vous deshonnourer, et que vous revenrés en ma prison.» Et
Lancelot, moult lyement, quant il ot la parolle, lui ottroye, et lui jure que, tout ainsi comme elle l’a devisié, lef tenra ; et tent
sa main vers une eglise de saint Pierre et jure que, ainsi? lui aïst Dieux et le saint de l’eglise, qu’il lui tenra a bonne foy 20 tout ce qu’elle l’af requis, si bien que ja ne fauldra?.
4
6 7 8
Odm Ab : congiet] et tenés ma main et je vous creant comme. reverrai Ab. don] que je vous demanderai dame Ab. revenrés Ab. comme] jou puis avoir en preng ne Ab. li Ab. aussi Ab. Jui a 4b. ja ne] l’en defaura Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
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202. Et la dame lui baïlle maintenant unes armes vermeilles son seigneur, et son cheval qui a merveilles estoit beaulz et fors et hardis. Et cil monte, si s’en part trestous! armés, sur le
cheval, des armes fresches et nouvelles, et erre tant par ses journees qu’il vint la ou l’assemblee? devoit estre; et vint a ung chastel qui a a nom Noalt, et dist qu’il se tenrra devers celle* partie. Et entra en‘ ung hostel bas et petit et pouvre et mesaisié, ne oncques mais en son vivant n’avoit herbergié en tel lieu, car tant estoit l’ostel petit et baz que a paines y pot son 10 cheval traire. Et nonpourquant si eust il asséz en la ville hosteulx beaulz et grans se il voulzist, car la dame de Nouaut,
qui moult estoit bonne dame, l’onnourast sur tous autres chevaliers se elle l’eust congneu, et autressi feissent le plus de ceulz qui estoient venus a l’assemblee. 203.
un
Mlouit avoit ou chastel venue grant chevalerie, mais
dehors en herberga encores plus que dedens, car tant en y ot [97b] venu que uns que autres, et pour la royne veoir qui y estoit venue, que 1lz ne porent avoir recet ou chastel, car contre ung que il en y avoit venu pour l’assemblee, en y avoit il venu .vir. pour‘ la royne, qui ja n’y feussent venus se pour lui ne feust; et bien .V. lieues environ le chastel ou plus,
estoient logiés les barons. Et entre les paveillons et les tantes ont tant herbergié’ dames et damoiselles que a merveilles les |10 esgardent ceulx qui les voyent, et se merveillent dontf tant de
l tous Ab. 2 ]a baptaille Ab. 3 cheste Ab (cf. le v. 5526: cele partie). * ens Ab. 5 eust il] en la ville assés osteus se il vausist biaus et grans et boins car 4b. 6 avoit il] .vI. venus pour Ab (cf. le v. 5538 : por un seul en i ot set); sept Aa. 7 baron] es pavillons et ens es tentes et otant (forme agglutinée) hierbeghiet Ab. # qui les voyent dont Ac; qui les voient dont Aa et Ab. Voir note.
508
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
dames et de damoiselles peuent estre venues, car oncques
mais nul chevalier en une assemblee tant n’en! vit. Lancelot avoit mis son escu a l’uis de son hostel par dehors, il pour son corps aaisier se? fu couchiés, et si se dormoit 15 ung lit qui trop estoit povres et couvert d’un gros drap cavene. 204.
Et et en de
Si est? Lancelot, trestout desarmés, acoutés* sur le lit.
Et la ou il gisoit si pouvrement, si yssi par devant l’uis de la maison ung herault, de la taverne, la ou il avoit beu sa cotte et
sa chauceure. Si yert en pure sa chemise tout deschaux, et vint grant aleure desaffublés contre le vent. Lors regardaf devant lui et vit le vermeil escu pendre a l’uis de la petite maison,
mais oncques’ ne pot congnoistre a qui il fu, ne il ne sçot qui porter le devoit. Lors dist: «Par Sainte Croix, je m’en vay* veoir layens quel chetif ce est qui layens se traist? a hostel. » Lors sault le grant cours en la maison et entre!° ens, et lors regarde ou lit, si vit Lancelot. Et si tost comme il l’ot veu, si
le congnust bien car il faisoit bien a congnoistre. Mes Lancelot fu moult doulant quant il vit que cil l’ot congneu: si lui deffent bien et enseingne que il, a nullui, ne a homme ne a 15 femme, ne die nouvelle de lui. «Car se!! m’aïst Dieux, fait il,
1 2 3 #
ne Ac et Aa; corr. d’après Ab. se omis Ab.
s’iert Ab. desarmés] et acoutés Ab.
5 aleure] deschaux Ac er Aa; aleure] tous descaus Ab; corr. de après le v. 5561 :Desafublez contre le vant. Voir note.
6 esgarda Ab. 7 ains Ab.
8 irai Ab. ? qui] çaiens s’est trais Ab. 10 entra Ab (cf. le v. 5567 :S’antre anz).
1! aussi 4b.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
509
se tu en avoies dictes nouvelles, que mieulx te vaulroit avoir
les yeulz trais et le col brisié. — Sire, fait le herault, je vous ay bien oÿ, mais aussi m’aïst Dieux, je ne feroye pour nul avoir riens nulle que je sceusse qui vous grevast!» Et atant sault 20 hors de la maison, si s’en va; et moult fu doulant que il ne
l’osoit nommer!, pour ce que tous disoient que il estoit mort. Et quant il ne le pot nommer, si s’escrie :«Or° est venus qui ausnera ! Or est venus qui aunera* !» Et tout ainsi va parmy la ville criant le herault, et° ceulz qui l’entendent lui demandent 25 qu’il avoit et pourquoy il crie tout ainsi. Mais oncquez$ ne leur en voult raison rendre, ains va parmy tout le chastel criant’ ce mesmes. Et les chevaliers n’en font el que rire, qu’ilzé ne savoient qu’il disoit. 205.
Et quant ce vint au matin, si s’assemblent les routes la
ou ly tournoys deust? estre; si y ot merveilles!° presse de chevaliers et de sergens. Et la ou le tournoy dut estre establis, ot fait unes grans bretheschez et unes grans loges de fust a oés la!! royne et a oés!? les dames et les damoiselles, ne oncques!* nulz ne vit tant bellez loges faites en si pou de temps. Et illec
l ne l’osoit] dire ne nommer Aa.
2 estoit] ja mors 4b. 3 s’escrie] en haut ore Ab (cf. le v. 5582 : Si s’an vet criant molt an haut). 4 aunesra Ac; corr. d'après Aa. La phrase du héraut n'est pas répétée dans Ab. 5 Odm Ab: va] criant parmi la ville li hiraus et.
6 ains Ab. 7 chastel] en criant Aa. oœ
? 10 1 12 3
qui Ab.
devoit Ab. miervilleuse Ab. fust] avec la Ac et Aa; corr. d'après Ab: fust] a oeus la roine. et] avec les Ac et Aa; et] avuoec les Ab. Voir note. ains Ab.
510
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
se sont les dames attraites! trestoutes avec la royne, car elles veulent veoir le tournoy et qui mieulx ou pis le fera. Lors commencierent? chevaliers a venir par routes, et .XX. et .XX. et 10 .XXX. et .XXX., ça quarante et ça quatrevins, et fu l’assemblee si grant que oncques* aussi grant ne fu par devant les lices: assemblent armés et desarmés, et ressemblent les lances“ ung grant boys, car tant apporter en y font ceulz qui esprouver se vouloient [98a] au tournoy, que il n’y paroit se lances non et 15 gonfanons et banieres. Si muevent les jousteours au jouster de plain eslais: si treuvent assés de compaignons ceulz qui jouster vouldrent, et les autres s’apparaïlloient$ d’autres chevaleries faire. Si furent si plaines les praieries des chevaliers, et tant en y ot, que a merveilles les povoit on regarder’. 206. Mais a la premiere assemblee n’y ot mie de Lancelot. Mais quant il vint et il approucha des rencs, si commença le herault moult durement a crier et$ forment : « Veéz cy cellui qui aunera!» Et les chevaliers lui demandent de toutes pars : « Qui est, font 11z, le chevalier que tu dis° qui ausnera ? — Je ne vous
en diray, fait il, autre chose.»
Mes
quant
Lancelot a l’estour vint, il!° seul en valut .xx. des meilleurs ;
let aluecques] sont les dames retraites Ab (cf. le v. 5606, mss TVA : La se sont les dames atretes).
2 commenchent Ab. 3 ains Ab (cf. le v. 5604 : Einz nus ne vit loges si beles). * et] ressemble des lances Ac et Aa; corr. d’après Ab: et] resamblent les
lanches ef le v. 5618 : Les lances un grant bois resanblent. 5 vuoeulent Ab (cf. le v. 5620: Cil qui s’an vuelent deporter). 6 apareillierent Ab. 7 les] pot on esgarder Ab. 8 Odm Aa: herault] a crier moult durement et; hiraus] moult durement a crier moult et Ab.
? que tu dis omis Ab. 12 Odm Ab: dirai] autre cose fait chil mais quant lanselot viunt a l’estour il (cf. le v. 5641 : Quant Lanceloz an l’estor vint).
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
511
et! le commença si bien a faire, que nus n’en povoit rettraire ses yeulx de lui regarder? en quel lieu que il alast. Il seul fait 10 tous les rencs fremir, il abat chevaulz et chevaliers, et porte a
terre tous plas. Et par devers Pomiglay estoit ung chevalier venus, qui moult estoit preux et hardis, et moult se mettoit avant, car il estoit de tres renommee prouece ; et son cheval
estoit moult blans et courans® comme cerf de lande. Icil estoit 15 filz au roy des Iroys. Si le commença moult bien a faire, si qu’il cuidoit tout passer et tout vaincre le tournoy, mais assés le fait* mieulz li vermeaulz chevalier que il ne fist, et plaisoit
JI.$ tans a ceulz qui le regardoient que ne faisoit le filz au roy d’Irlande, et ainsi que tous ceulz qui le voyent s’arguent de 20 demander qui est cil qui si bien l’a fait, 207. Et la royne, qui moult estoit sage et appercevans, a a conseil trait une meschine et lui dist :«Pucelle, je vous tieng moult a sage et a courtoise, que je vueil que vous me faciés ung message a parolles briefment rettraites. Et descendés ysnellement juz, et me dites a ce chevalier qui porte cel escu vermeil, que il face’ trestout au neant que il puet. » Et quant la damoiselle l’entent, si descent tout maintenant et monte sur
ung paleffroy et s’aqueurt aprés le chevalier vermeil et s’acointe tantost moult pres de lui, et lui dist tout a conseil: 10
«Sire, ma dame® la royne vous mande que vous, tout au neant
1 milleurs] qui i fuissent et Ab (cf. le v. 5642: Il seus valoit des meillors vint).
2 faire] rettraire ses yeux de lui regarder Ac et Aa; corr. d'après Ab: a faire que nus n’en pooit ses iex retraire de lui regarder.
3 + 5 6
et] moult courans Ab. fist Ab. quatre Ab (cf. le v. 5652 : Mes quatre tanz a toz pleisoit). demander qui] il est chius qui bien l’a fait Ab.
7 qu’il] le face Ab. 8 ma dame omis Ab (cf. le v. 5672 : Sire, ma dame la reïne).
s12
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
que vous povés, le faites.» Et cil lui respont: « Damoiselle,
moult voulentiers !» Et lors s’en part la damoiselle. 208. Et le chevalier qui ot oÿ le commandement sa dame, s’esmeust aprés ung chevalier pour jouster tant comme le cheval porter le puet. Si! faut quant il le deust ferir, ne oncques puis decy a la nuit ne fist? se au pis non que il pot
faire. Et ung chevalier qui a lui mut”, le fiert si‘ durement que pour ung pou qu’il ne le descouroye tout: quant le chevalier” sent le coup, si tourne en fuye tantost, nef oncques puis encontre chevalier ne tourna le col de son destrier; ne il ne?
tournast pour nulle riens mondaine puis que [98b] il a sa dame ne plaisoit. Si fait grant semblant qu’il ait paour* de ceulz qui vont et qui viennent, et les chevaliers font de lui leurs gabois
et leurs risees, qui moult l’avoient ainçois prisiés. Et le herault qui souloit dire: «Cil vaincra tout!» fu moult durement doulant et esbahis”, car ceulz qui orent oÿ ses fais et ses afis li 15 disoient :«Or te tays ! Cilz a s’aulne brisee ! Or te tais de lui, car il n’en aulnera huy mais.» Et les pluseurs redient: «Ce, que puet estre, que cilz estoit si preux orendroit, et ores est si tres!0 fin couart que il n’en ose attendre chevalier? Mais espoir qu’il le fist pour ce qu’il ne s’avoit oncques!! mais
! Odm Ab: chevaus] le puet porter si (cf. le v. 5678: Tant con chevax porter le puet). ? nuit ne] le fist Ab (cf. le v. 5681 : Ne fist s’au pis non que il pot). 3 vint Aa.
4 tant Ab.
quant li] viermaus chevaliers Ab. si] s’en tourne en fuies ne Ab. 7 n’i Ab.
ait] grant pauour Ab (cf. le v. 5692 : Et fet sanblant qu’il ait peor). ? abaubis Ab. 10 tres omis Ab. s’avoit] ne qu’il s’estoit oncques Ac et Aa; corr. d’après Ab: s’avoit] onques.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE 20
S13
entremis! d’armes: si cuida que a lui ne se peust tenir nulz homs car il feroit comme forsennés. Mais il en a huy tant apris que jamais tant qu’il? vive ne les amera, car son cuer ne le pourroit* endurer ;ne il n’a ou monde riens tant couarde ! » Et“
25
un
la royne qui le regardoit en est moult lye, et moult durement lui plaist, car or scet elle tout vrayement que ce est5 Lancelot. 209. Ainsi toute jour jusques au soir se fist cil tenir pour couart; et au vespre se deppartirent, sif s’en vont a leurs hosteulz. Et au deppartir sont les plais grans parmy le chastel, de ceulz qui mieulz fait l’avoient. Si pense le filz au roy d'Irlande qu’il ait tout le mieux? fait, mais il y af moult laidement mespris, car il y a° moult de ses pareus et de ceulz qui mieulz l’avoient fait que lui: neiz le chevalier vermeil l’avoit mieulz fait premierement que il. Ne les dames ne les damoiselles n’avoient en nulle riens!° tant baé comme!! a lui, il avoit premierement!? fait, et
|10 et bien orent veu comment
enaprés si fu tant acouardis qu’il n’osoit nul chevalier attendre, ains le povoit tenir et repprendre tous ly pires!* qui
l mais] mis entremis :mis barré devant entre.
2 tant] comme il Ab (cf. le v. 5716: tant com il soit vis).
3 cuers] nes poroit Ab (cf. le v. 5718: Ses cuers nes puet plus andurer). 4 Odm Ab: monde] tant couarde riens et.
5 estoit Ab (cf. le v. 5723 : Que ce est Lanceloz).
6 soir se] tiunt chius pour couars et fist tenir duskes au viespre qu’il se departirent si Ab. 7 qu’il] l’ait le mius Ab. 8 j1] l’a Ab (cf. le v. 5732 : Mes laidemant i a mespris).
? avoit 4b. 10 n’avoient] a riens Ab. 1 Odm Aa: riens] baé tant comme (cf. le v. 5738: bahé tant com a lui).
12 avoit] tout prumerainement Ab (cf. le v. 5740: Il l’avoit fet premieremant).
13 Je pooit] prendre tous li pires et retenir tous li pires Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
514
estoit en cel tournoyement!, se il le voulzist prendre. Mais? a tous et a toutes plot que ilz revenront a lendemain au tournoy 15 et verront qui mieulz le feront, ou cil de Pomiglay ou cil de Noauti. Et lors, quant ilz furent venus a leurs hostelz, si s’escrient ly herault: «Ou est le chevalier“, ly mauvais, ly pires qui oncques portast ne lance ne escu ?» Et les chevaliers mesmes en demainent grans gaboys et dient: «Par ma 20 foy, fuis est ! Le mauvais cuer l’en* a chacié et la mauvaistié dont il est plain!» Ainsi en parollent entre eulz, mes il advient souvent que tel blasme autruy quil a plus en lui a repprendref. 210.
Ainsi ont passé la nuit, et quant ce vint a l’ajournee, si
refurent tous assemblés a la matinee, et? la royne refu montee
en la loge, et dames et damoiselles o lui. Si ot assés en la loge chevaliers avec la royne, qui estoient detenus prison; et ceulz leur devisent les armes aux chevaliers que 11z plus prisoient, et: dient: «Veéz vous cellui af cel escu d’or a la bende de bellinc? Ce est Gornains li Bloys’. Et veés vous cellui! dejouste, qui a en son escu ung aigle et .I. dragon ? Il est fius!!
! conjoyement Ac et Aa; corr. d’après Ab : tournoiement. 2? prendre] et retenir tous ly pires mais Ac et Aa; répétition corr. d’après Ab: prendre] mais. 3 4 5 5
ou cil devant Ac et Aa; corr. d’après Ab : u chil de nouaut. hiraut] u est u est li chevaliers Ab. est] li maus eurs l’en Ab. Odm Ab: autrui] qui a plus a reprendre en lui.
7 l’ajournee] et Ac et Aa (saut du même au même sur la syllabe -nee) ; corr.
d’après Ab: l’ajournee] si refurent tot assamblet a la matinee et. Voir note. 8 veés vous a Ac, Aa et Ab; corr. d'après les v. 5793-94 : Veez vos or / Celui a cele bande d’or. 3 blons 4b. 10 veés] bouschelin Ac ; veez] vous bouschelin Aa; vous chelui. Voir note.
1 fuys Ac; corr. d'après Aa et Ab.
corr. d ‘après Ab : veés]
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
SES
au roy d’Arragone!, qui est venus en ceste terre pour los et pour honneur conquerre. Et veés vous cellui a cel escu vert, s’a sor le vert .1. lieppart paint, et l’autre moitié de l’escu est d’azur ? C’est Ygnaurés qui tant a chevalerie. Et cil qui porte ces fesans en son escu, bec? a bec ? C’est Corehais de Lignes. Et veés vous cellui qui porte une porte painte en son escu, si semble qu’il en ysse .I. cerf ? [99a] Sachiés ce est Yders le filz Nu. - Mais g’y voy, fait ly uns, un chevalier a unes armes blanches, qui moult jouste bel, et moult bien semble chevalier‘ appert; mais certes ne le congnois pas. — Pour’ Dieu, fait une damoiselle, il n’a pas encore ung moys qu’il vint a la court monseigneur le roy Artus, et sachiés qu’il a nom Boors ly Essilliés, et est beaulz a merveilles et de grant
prouece plains.» Aïnsi devisent entre eulz les armes a ceulz que ilz congnoissent, mais n’y voient mie de cellui au vermeil escu : si cuident qu’il s’en soit fuys.
211. Et quant la royne ne le voit, si y renvoye la damoiselle pour luy querre, et si lui mande qu’elle li die qu’il le face tout encore au pis quef il pourra. Et celle fait tantost le commandement a sa dame et s’en vait parmy les rencs et quist tant le chevalier qu’il le trouva. Si lui dist que il face encore au pis que il pourroit, car’ la royne lui mande. Et il dist: «Tout a son commandement soit! » Et lors s’en vint au tournoy, et chevaliers et sergens® le commencent a huer
l aragoune Ab.
2 escut] poins biec 4b (cf. le v. 5811 : An son escu poinz bec a bec). 3 ch’est] corehais de lignes Ab; c’est] corchaïis de ligne Aa.
4 Odm Ab : moult] samble bien chevaliers.
5 par 4b. 6 qu’il] face encore tout a nouaus que Ab (cf. le v. 5862 : Qu’au noauz le reface ancor).
7 encore au] noaus que il pora car Ab (cf. le v. 5873 : Que ancor au noauz le face). 8 et sergens omis Ab (cf. le v. 5880 :Vaslet, sergent et escüier).
516
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
et! dient: «Veéz le? cy, le chaitif, le* maleureux,
la plus
doulante creature qui oncques feust! Et certes, ce est merveille comment terre le soustient et comment il ose veïr homme. » Lors s’en revint la damoiselle a la royne, et la royne lui demande qu’elle avoit oÿ. Et celle dist: « Aussi m’aïst Dieux, il dist tout‘ soit a vo commandement, et tout ce que 15 vous plaist lui siet.» Lors scet la royne vrayement que ce est. cil a qui elle est toute.
10
212. Et lors dist a la damoiselle: « Alés arriere et lui dites qu’il face au mieulx’ que il pourra. » Et celle lui ottrie et$ se met juz de la loge a la terre, si monte et s’en vint grant aleure au chevalier, si lui dist:
«Ma dame vous mande que vous le
faites au mieulz que vous pourrés.» Et il lui respont: «Ce dites’ a ma dame que nulle chose ou monde ne lui plaist ne siet$ qui ne me plaise. » Lors s’en tourna” celle et s’en vait a sa dame, et la royne lui vient a l’encontre a l’entree de la brethesche et lui demande du chevalier que il a dit. Et elle respont, si comme celle qui bien le sçot dire: «Ainsi m’aïst Dieux, fait elle, que je oncques mais ne vy ne ne congneuz chevalier aussi debonnaire, car tout autretel semblant fait il du
bien comme du mal, et!° dist quanque vous plaist lui siet.» Lors s’en retourne la royne amont
a la brethesche, et les
! huer] tout et 4b. 2 le omis Ab.
3 çaitis] chevalier le Ab. Odm Ab : chelle dist] il dist aussi m’aïst dieus tout.
au] m mieulx : m barré en fin de ligne. 6 si Ab. 7 che] me dites 4b. ne] ne siet Ab.
tourne Aa; retourne Ab. Odm Ab: fait il] dou mal comme dou bien et (cf. le v. 5934: Fet il del bien come del mal). wo
10
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE 15
517
dames et les damoiselles se sient entour pour esgarder les! chevaliers. Et Lancelot, sans arrester, heurte le cheval des
esperons et prent son escu par les enarmes et se met entre les rencs. Et en seront anqui tout amusé ceulz qui l’orent gabé ainçoys ! Le filz au roy d’Irlande? fu de l’autre? part et tint son 20 escu embracié et s’en vint d’autre part en son encontre. Si s’entrefierent ambedeux et Lancelot le fiert si bien que le filz au roy d’Irlande* ne demande plus de la jouste, car Lancelot le fiert si qu’il l'emporte a terre et lui et le cheval. 213. Âtant brochent et poignent chevaliers de toutes pars, les uns au rescourre et les autres a l’encombrier. La veissiés chevaliers cheoïr par terre, et chevaulx gaaingnier et conquester en l’estour et en la meslee. Sif le fait Boors l’Exillié’ si bien que tous le regardent a merveilles, mais oncquez en trestout le jour ne se mesla Gauvain d’armes, [99b] ains regardoit® avec les autres le tournoyement, et a merveilles lui plaisoit cilz aux armes taintes de synople, car estre lui sembloient estaintes toutes les proueces que les autres faisoient envers les siennes. Et le? herault, qui avoit
toute jour oÿ les afis et les gaz c’on lui avoit lanciés, s’escrie!: «Par Sainte Croix, ore est venus qui aunera !» Et
1 damoisielles] s’asisent entour pour esgarder les Ab; esgarder omis dans Ac et Aa; corr. d’après Ab. 2 d’alixandre Ac et Aa; corr. d'après Ab. 3 fu] d’autre Ab (cf. le v. 5953 : De l’autre part). 4 d’alixandre Ac et Aa; corr. d’après Ab. 5 qu’il] le porte Ab. 6 si omis Ab; ce qui correspond à un autre découpage de la phrase, d’ailleurs signalé par un point : et conquester. en l’estour et en la mellee le fait boors. 7 l’essillié Aa; li eschilliés Ab. 8 esgardoit Ab. ? et quant le Ac ef Aa; et quant li Ab; correction d’après la syntaxe. 10 Janciés] si s’escrie Ab.
518
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
lors le chevalier tout maintenant s’adrece vers les chevaliers,
si fait une pointe envers ung moult cointe chevalier et le fiert si durement qu’il le porte juz du cheval. Et lors le commence si bien a faire d’espee et de lance que mesmes ceulz qui s’estoient armés pour porter armes se deduisoient! en lui veoir, car ce estoit ung fin deduit a veoir comment il fait cheoir et verser chevaliers? et chevaulx ensemble. Et ceulz qui 20 estoient illec dient: «Ha! comme nous sommes aviléz et comme avons eu grant tort quant nous avons gabé le meilleur chevalier qui oncques feust ! » 214.
Et tous disoient, les chevaliers et les dames et les
damoiselles, que oncques mes tel chevalier ne fu, et disoient entre elles que, se le chevalier estoit a marier, qu’elles ne
s’oseroient mie tant fier en leurs beautés ne en leurs richeces* que elles l’osassent mie demander. Et nonpourquant, si a il de telles qui font leurs voeux qu’elles ne seront jamais mariees decy atant que elles aront cellui a baron, qui tout ce tournoyement a vaincu; et dient qu’elles y mettront toutes leurs ententes, et dient qu’elles ne cuidoïent mie que nulz homs charneulz peust faire ce qu’il“ faisoit. Et il le fist tant durement bien que tous distrent* au deppartir que cil a l’escu vermeil avoit tout passé; que il n’y avoit eu nul pareilf, trestous le distrent’, et il estoit voir. Mais au deppartir laissa son escu cheoir en la presse, et sa lance et ses couvertures, puis se mist grant aleure en la voye et si
! deduisent Ab. 2 Odm Ab : comment il] faisoit vierser et caïr chevaliers. ? fier en] leur biautet ne en leur rikesse Ab (cf. le v. 6017: En lor biautez n’an lor richeces).
* 5 $ 7
Odm Ab: peust] che faire qu’il (cf. Le v. 6042 : Poïst ce feire qu’il feisoit. disoient Ab (cf. le v. 6044 : distrent sanz mentir). eu] nul peril Ac et Aa; corr. d’après Ab. disoient Ab (cf. le v. 6047 :Trestuit le distrent).
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
519
quoyement que! oncques nul chevalier qui yllec feust ne s’en prist? garde. Et cil se mist a la voye, si s’en ala moult tost et moult droit celle part dont il estoit venus, pour acquitter le serement qu’il avoit fait. Et les chevaliers qui du 20 tournoyement sont deppartis le quierent et demandent partout. Et quant ilz ne le porent trouver, si en ont grant ennuy et molt grant* angoisse. Et les pucelles qui l’attendoient, que il a elles venist, dient, quant elles le sçorent, que“ elles ne se marieront ouen. 215: Quant ce vint la matinee, si se deppartirent c’oncquez nulle n’enf prist mari. Et Lancelot, qui plus ne sejourna, s’en tourna et s’en vint chiéz la dame a qui il avoit promis a retourner. Mais? ainçois qu’il y feust venuz, vint le seneschal qui estoit maris a la dame. Si demanda Lancelot,
et la dame lui compta comment elle li avoit ses armes baillees et son heaume” et son cheval: tout le voir en descouvri
a son seigneur, comment
elle l’avoit envoié a
l’assemblee entre Pomiglay et Noaut!0. «Si m’aïst Dieux, 10 dame, fait il, vous avés mal fait ! Et!! je sçay bien qu’il m'en avenra grant mal, car!? Meleagant mon sire m’en essillera et
l coiement] a emblees que Ab (cf. le v. 6053: Si s’an ala si en anblee).
2 ne] prist Ac et Aa; corr. d’après Ab. 3 moult] en orent grant Ab.
4 sçorent] dient que Ac et Aa; corr. d’après Ab. 5 che viunt] au matin si 4b.
6 ne Ab (cf. le v. 6076: C’onques nule n’an prist mari). 7 dame] que il avoit fianchie la prison. Mais Ab.
8 senescaus] li maris Ab. 9 harnoïs Ab (cf. le v. 6085 : Et son hernois et son cheval).
10 noant Ac et Aa; corr. d'après Ab: nouaut. 11 fait il] moult avés maufait et Ab. 12 averra] grans maus car Ab (cf. le v. 6092 : Molt m’an vanra, ce cuit, granz maus).
520
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
me chacera de ma terre, et il ja n’en avra pitié, car il ne sçot oncques avoir pitié de nul homme. Mais ainçois que il par autrui le sache, lui yray je mesmes dire. — Or n’en ayés paour, 15 fait la dame, car rien nulle retenir ne le puet, car il le m’a juré
sur sains que il, au plus tost qu’il pourra, revenra a moy. Et je le cuid tant a vaillant et a loyal que! il ja n’en mentira de mot.»
216. Lors monte tantost le seneschal, et fist tant qu’il vint a Meleagant et lui compta? comment sa femme l’avoit bailli. «Mes, fait il, ce me rasseure moult qu’elle lui fist fiancer qu’il revenroit. — Il n’en fera ja mesprison, fait Meleagant, bien le sçay, mais* certes j’en“ suis moult doulant de ce que m'a fait vostre femme. Mais* ore en ralés [100a] arriere, et si
me laissiés savoir quant il revendra.» Atant s’en reppaire le seneschal, et quant il revint, si treuve Lancelot en sa prison,
ainsi comme il avoit couvenant a la dame. Et lors s’en reva: laf droicte voye a Meleagant et lui compta comment Lancelot estoit venus. Et Meleagant s’en vint a son pere et? lui dist: «Sire, j’ay moult grant paour d’une chose que je vous diray. Nous sommes moult haÿs de pluseurs chevaliers qui long temps ont esté en chetivoison entre nous, mais ore en sont 15
yssus par Lancelot. Si voulroye faire une tour qui gardast l’entree de Norgales.» Et Baudemagus lui ottroie et le tint a bienÿ. Lors prist Meleagant maçons et ouvriers qui lui firent
! 2 3? #
tant] vaillant et loial que Ab. conte Ab (cf. le v. 6106: À son seignor vint, se li conte). mesproison] que bien le sai fait meleagans mais Ab. je Ab.
5 Odm Ab: chou que] vostre femme m’a fait mais Ab (cf. le v. 6115: De ce que vostre fame a fait).
6 couvenant] eut a la dame lors s’en retourna la Ab.
7 se Ab. 8 boin Ab.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
521
ce qu’il leur commanda, et il leur commanda qu’ilz meissent paine a faire une tour, la plus fort qui oncquez feust. Et cilz 20 s’en painent, qu’il! l’ot commandé, et la firent moult durement, et l’orent faite en .VII. jours moins d’un an, haute et espesse et bien fondee. Et quant i1z l’ont paraccomplie, si y fait amener Lancelot par nuit, puis commanda les huys a murer, que il n’y remaint huys ne entree fors tant seullement 25 une petite fenestre par ou on lui donnoit a mengier moult povrement, a heure devisee et dicte, ainsi comme devisa? le
fel plain de tres grant cruaulté?.
217. Quant Meleagant a fait sa tour et ens mis Lancelot, si tourna sa voye a venir a la court le roy Artus. Et quant il fu venus devant la cour, si fut tout plain d’orgueil et de grant fierté, si commença sa raison en hault : «Sire, fait il, ceans suy venus Car je ay une bataille emprise vers‘ Lancelot, et il l’a emprise contre moy. Et je, si comme je doy, presant ma bataille veant vous, et se il est ceans, si viengne avant et soit
tel que il couvenant me tiengne en vostre court d’uy en ung an. Je ne sçay se oncques le vous dist on en quelle maniere et en quelle guise fu prise ceste bataille, mais je voy de teulz chevaliers ceans qui a noz couvenances furent, ainsi comme ilz vous savroient bien dire se ilz vouloient. Mais s’ilz n’en vouloient’ dire voir, ja ne le lairay en paix, ains le monsterray vers son corps.» Et la royne, qui seoit les le roy, le tire a soy d’unef part et lui dist: «C’est Meleagant qui me prist ou conduit Keux le seneschal. »
1 painent] puis qu’il Ab. 2 comme] li devisa Ab. 3 desloiautet Ab (cf. le v. 6166 : Li fel plains de desléauté).
4 Odm Ab: jou aï] empris une baptaille viers. 5 veulent Aa. 6 roi le] trait a soi a une 4b.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
522
218.
Quant le roy l’entent, si tourne!
sa parolle vers
Meleagant et lui dist: «Amis, se Dieux m’aïst, de Lancelot ne savons nous nulles? nouvelles. —Sire, sire, dist
Meleagant, on m’a dit qu’il est ceans, et ceans le cuidoie je trouver sanz faille;ne je ne me doy en nul lieu combatre se° en vostre court non, si vueil que ces chevaliers qui en vostre court sont m’en portent tesmoing. » À ceste parolle sault sus . en estant Boours li Essilliés, a qui moult‘ grieve de la parolle que il ot dire de Lancelot, et lui dist: «Par ma foy, sire, de 10
Lancelot n’a il mie en trestoute ceste terre. Mais se Dieu plaist, ainçois que l’an viengne le trouvera on, et se il ne vient au chief de l’an, qu’il soit mort ou emprisonnés, si me donnés la bataille et je m’en armeray pour lui. — Ainsié m'’aïst Dieux, fait Meleagant, et je mieulz ne quier ! » Puis
15 dist au roy: «Sire, ottroiés li, car ainsi? m’aïst Dieux, se je
n’ay la bataille ou a lui ou a Lancelot, jef n’en prendroye? a nul autre eschange. » Et le roy dist que il ottroie la bataille au: chevalier se Lancelot ne venoit dedens le terme. 219. Atant s’en part Meleagant et va tant que il vint en son paÿs et fait tant que il trouva le roy Baudemagus son pere; et vint devant li et commença a faire une chiere moult merveilleuse. Et le roy Baudemagus tenoit a cel jour court moult efforcieement. Et Meleagant vint devant tous a son pere, si lui dist en hault: «En la moye foy, pere, or vueil je
tourna Ab. Odm Aa: lancelot] nous ne savons nulles. doi] a lui combatre en nul liu se Ab.
+&à2 D co
9
qui] il moult 4b (cf. le v. 6222 : cui molt grieve). sire] n’est mie Ac; sire] n’a mie Aa; corr. d’après Ab. aussi 4b. aussi 4b. Odm Ab : baptaille u a] lanselot u a lui jou. prenderai Ab (cf. le v. 6243: Fors que l’un d’aus deus n’an prandroie).
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
523
que vous me dites voir, se cil n’est de tres grant vertu et de tres grant loz! qui en la court le roy Artus se fait doubter par ses armes.» Et quant le pere l’ot, si lui respont a sa demande : « Beau filz, se Dieux me doint joye, [100b] tout? le monde le doit honnourer, cellui qui ce puet desservir. » Et lors le blandist le roy et lui prie qu’il lui die pourquoy il a ce ramenteu, et dont il vient et de quelle contree*. « Sire, fait il,
ne vous en souvient il mie des‘ esgars’ et des couvenances
que vous feistes quant vous nous esgardastes ensemble, moy et Lancelot? Et adonc si fu il esgardé que au chief de l’an feussions ambedeuxf, moy et Lancelot, en la court au fort roy Artus. Et je y alay ainsi comme je avoye promis, apparailliés? et apprestés de tenir mes couvenances contref 20 Lancelot a qui je me devoye combattre, mes je ne le trouvay? point, car il s’en est fuys et destournés. Et je m’en tournay par tel couvent que ung jeune chevalier m’a sa!° foy plevie — qui a a nom Boours!! l’Essilliés, ainsi comme je l’ay entendu, et est cousin germain a Lancelot -, que se Lancelot 25 ne vient au chief de l’an, que il se combatra a moy. Ne le roy Artus!? n’a chevalier que il tant loue ne prise de! chevalerie, mais ainçois que l’an passe, verray!* je se le fait s’accorde a 15
! forche Ab, 2 dieux] m’aïst tout Aa. 3 tiere Ab. 4 vous] souvient il dont mie des Ab. 5 esgart Ac; corr. d'après Aa et Ab.
6 andui 4b (cf. le v. 6301 : An la cort Artus prest andui). 7 comme] aleridoi apareilliés Ab (cf. le v. 6302 : Gi alaï quant aler i dui). 8 tenir] ma couvenance contre Ab. © jou] n’en i trouvai 4b. 10 m’a] fianchiet et sa Ab (cf. le v. 6311 : m’a sa foi plevie).
!1 boors Aa et Ab.
2 artus omis Ab (cf. le v. 6318: Artus n’a chevalier qu’an lot). 13 Odm Ab: tant] prisece ne loe de. 14 ]i ans] soit passés verrai 4b.
524
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
la renommee. — Ainsi, fait! le pere, a bon droit te fais ore tenir pour sot: si scet ore tel ta follie qui devant ne? la savoit mie ! Et il est voir que moult se humilie bon cuer, maïs le fol
ne l’outrecuidié ne sera ja vuidiés de* sa follie. 220. Fi, je le te dy, pour ce que tes tesches sont si seiches et si dures qu’il n’y a doulçour ne amistié — le tien cuer est tout sans mercy et sans pitié —, si yes trop durement entrepris de grant follie. Mais se tu yes preudomme, tu trouveras assés qui te louera, car le fait mesmes si se loue ; ne neant ne t’aide* envers moy ce que tu te ventes, ains t’en° pris mains. Et se je te chastie, jef fais que fol, car cil fait grant follie qui du fol cuide la follie abatre. Si pers quanque je te diroye. » Et’ lors fu Meleagant tous esperdus et tous dolans, ne oncques aussi 10 dolant ne fu a nul jour. Et par grant couroux rompi adonc le festu a son pere, et ce est a dire que il oncques puis a nul jour ne l’ama, et pour ce qu’il ne le blandist. Et lors en appella son pere :«Comment, fait il, Baudemagus, estes vous fol ou vous revéz ? Pour ce, se je mon estre vous ay monstré et dit, si 15 comme
a mon seigneur doy faire, si m’en tenés plus vil et m'en laidengés ; ne a tort ne a raison dire ne me savés pour quoy vous? le faites. — Si sais assés, fait Baudemagus, car je ne voy en toy nulle rien fors seullement desverie et rage, et je
! renoume] fius fait Ab (cf. le v. 6324 : Filz, fet li peres).
2 folie] que ore ne Ab (cf. le v. 6326 : qui devant nel sot). 3 li fols ne] li sourquidiés ne sera ja esvuiudiés (sic) de Ab (cf. les v. 632930, mss FTV :Mes li fos et li sorcuidiez / N’iert ja de folie vuidiez). * neant] netoye Ac; neant] netoie Aa; corr. d’après Ab: noïent] ne t’aïe. 5 te Ab (cf. le v. 6326 : mes assez mains t’en pris). $ se jou] castie toi jou Ab (cf. le v. 6347 :Filz, je te chasti). 7 si pers ma paine et Aa. 8 ne fu a] tous jours et Ab. 9
laidengés] et a tort ne raison a dire ne me savés pour ce vous Ac et Aa; corr. d’après Ab : laidengiés] ne a tort ne a raison ne me savés dire pour coi
vous.
Le
VA
4) D
St
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
525
congnois! moult bien ton cuer qui moult te fera grant mal encore. Et maldehaït qui? ce croirra, que Lancelot, qui tant a prouece en soy et qui tous ly mondes prise fors toy, s’en soit pour ta cremance fuys. Mais je croy que il soit mort ou en tel prison dont il ne ystra jamais. Et aussi m’aïst Dieux, si seroit ce moult grant doulour se il estoit mort, si faite creature et si apperte !Et aussi m’aïst Dieux que je t’en mescroy plus que tous les hommes du monde de lui.» A ceste parolle se taist Baudemagus, et Meleagant s’en tourne tout doulant. Mais atant en laisse 1y comptes a parler du roy Baudemagus et de Meleagant son filz, et retourne a une sienne suer. Ac [101a] [miniature représentant l'évasion de Lancelot] Ab [21d] [miniature représentant une demoiselle à cheval]
221. Mreagans: avoit une serour dont li contes a parlet ça en ariere, et si sachiés que che fu chelle a qui Lanselot donna la tieste dou chevalier ochis. Si ne fu mie lie quant elle ot oït nouvielle de Lanselot telle c’on le cheloit, et jure que jamais n’ara repos desi atant que elle savra de lui nouvielles chiertaines et vraies. Et s’en ceurt a son ostel, et monte sour son palefroi moult biel et moult souef portant. Mais tant vous puis jou bien dire que, quant de la court se parti, que elle ne sot onques quel part tourner ;mais ou prumerain chemin que elle trouva se met, et va tant cheminant la u aventure le maine,
sans siergant et sans chevalier, et est moult durement en garde d’aconsivre che que elle a tant [22a] cachiet. Si a souvent alet et venut cha et la, car il ne li couvient mie reposer se elle ne vuoet ataindre che que elle cache, et che est a Lanselot jeter de prison, s’ele pooit venir la u elle faire le peust. Mais jou croi, ains que elle l’ait trouvet, avra mains païs reverchiet, et moult
! je] si counois 4b (cf. le v. 6376: Je conois molt bien ton corage). 2 maudehaït] ait qui Ab (cf. le v. 6378, ms T : Mal dahé ait ja cuidera). 3 À partir de ce $, le texte est établi d'après Ab, seul manuscrit à poursuivre le dérimage.
526
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
li couverra trachier et querre. Mais se je vous acontoie les païs et les journees et les tieres la u elle le quist, assés aroïe a faire et a penser. Ançois fu passés li mois que elle noïant seust, 20 nient plus que elle avoit fait devant, et tant le quist que elle fu moult a malaise et moult travillie : si pensa que elle se trairoit a sejour pour son cors reposer. Si s’en viunt droit a la maison de chelui qui avoit Lanselot en sa garde;et chelle s’ert serve . et avoit la puchielle nourie de petiteche, si l’ot la damoisielle 25
frankie, et l’ot moult richement mariee a un vavassour.
222. À la maison de chelle dame viunt la puchielle, et | quant elle le vit, si en fu moult lie et si li fist toute la joie que elle li pot faire. Et chelle li dist que elle avoit grant mestier de sejour, car moult avoit travilliet son cors en une besongne que elle avoit sivie longhement. Illueques sejourna la damoisielle In. jours, et vit le mangier Lanselot atourner, qui on portoit a la tour. Et tant en enquist que elle sot vraiement que chou estoit Lanselot qui en la tour estoit, si en fu moult lie. Et lors, quant elle a laiens sejournet tant que boin li fu, si s’en parti ; et 10 revient a la maison a la sierve, et li aporta avoir et joiaus, et fist ensement comme s’elle trespassast par la, et espia et vit moult bien l’afaire: et coument on li portoit a mangier parmi une nachielle, et coument on metoit le pain em un petit raiiel que il sacoit amont a une petite cordiele. Et quant ell’a bien tout veut, si s’en parti et dist que elle iroit en son païs. Et lors s’en parti et viunt a un castiel, si prist un pic a une grosse corde, si l’entourna et viunt ariere a la tour, et entra ens la nachielle ensi comme elle avoit veut que on li portoit a mangier. Et fait tant que elle viunt a la tour et sake le cordiele 20 qui amont estoit, tant que chius le sent et s’en viunt a la freniestre; et elle li met la corde et le pic ens ou raiiel.
223.
Et lors esgarde Lanselot aval, si vit la damoisielle et li
demanda qui elle estoit. Et elle li dist : « Jou sui venue de loins pour vous querre, si m'est si la cose avenue que jou trouvet vous ai. Et jou sui chelle qui vous otriastes un don quant vous au Pont de l’Espee a[22b]lastes, et che fu le chief d’un
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
5247
chevalier conquis que je vous fis trenchier car jou ne l’amoie noiant. Et pour chest don et pour chest sierviche me sui jou mis en paine pour vous ravoir. — Si m’aïst Dieus, fait il, demisielle, et je vous creant, s’il avient que jou fors de çaiens puisse essir, que jou a tous jours mais serai vostres chevaliers. — Aussi m’aït Dieus, fait la damoisielle, mar de chou vous esmaierés car vous en serés bien fors mis, car, voir, jou ne le
lairoie pour mille livres que vous n’en soiiés hors mis hui en cest jour ! » Lors li rueve amont traire le pic et la corde, et il si 15
fait. Et quant freniestre que fors et s’avale Et quant il fu
il l’a amont, si a tant cavet et quigniet a la il l’a toute peçoïe et fait tel treu que il s’en ist aval a la corde que la! damoisielle li ot aportee. aval en la nef, qui li dounast tout l’avoir dou
monde, il n’i rentrast !
224. Es vous desevré Lanselot de la prison, qui tant ert durement las qu’il cancheloit. Et la puchielle l’a fait deriere lui monter tout bielement sour la mulle; si s’en vont tout
priveement que nus ne les voit, et s’en vont chiés une soie antain de par sa mere. Et aluec est Lanselot tout a aise et bien reposés, et aussi l’onneure comme se che fust ses peres, et li
viest biele robe et moult riche. Et lors li dist Lanselot : «Biele, jou sui vostres, et par vous vuoeil je morir et vivre des ore mais, et rent a Dieu mierchis et a vous de ce que je sui garis. Mais il i a moult grant pieche que jou ne fui a la court au roi Artu, mon signeur, qui tous jours m’avra moult honneret, et
jou avroie moult a faire. Et jou vous prieroie moult volentiers, s’il vous plaisoit, que vous m’i laississiés aler. — Aussi m’aït Dieus, fait la damoisielle, que jou sui toute apareillie de vostre volentet faire.» Lors li delivre un moult boin cheval que elle avoit, et Lanselos i monta joians que ains n’i bailla estrier, car tant ert joians que il n’en sot mot devant que il se trouva sus. Lors commanda a Dieu la damoisielle, et elle lui, comme chelle qui moult vausist s’ounour et son bien.
! que] a la: a exponctué.
528
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
225. Et Lanselot se met tantost a la voie, si liés que plus ne puet, et dist et jure tout maintenant que mar le tiunt onques li traitres, li desloiaus, en sa prison. «Et bien puet, fait il, savoir Meleagans li traitres, li desloiaus, que il ne puet escaper sans mort, car jou l’ochirai a mes mains !» Et jure quanqu’il puet jurer qu’il n’a ou monde richoise ne avoir que il presist mie pour respiter la mort [22c] au felon Meleagant se il en venoit au desus, car trop grant laidure li avoit faite et trop grant honte. Mais tant ot! courut li afaires que par tans en ert a che 10 menés, car chius meismes Meleagans estoit ja venus a court
dou roi Artus, et sans che que nus ne li avoit mandet, car il en toute la court n’avoit chevalier? qui a venir le couvoitast. Et tantost qu’il fu venus a court, si demanda nouvielles de Boort l’Eschilliet. Et quant Boors s’oï demander, si saut avant et li 15
demanda qu’il avoit et qu’il voloit. Et Meleagans li demande nouvielles de Lanselot et li dist s’il est venus et il ne s’en est fuis pour pauour de la baptaille, si viengne vighereusement : avant.
226.
Quant Boors entent la parolle, si li anuie moult, mais
il estoit moult senés, si respondi afaitiement: « Aussi m’aït Dieus, fait il, de Lanselot ne savons nous nulle nouvielle. Et puis que il n’est venus, che poise nous, car nous ne cuidons
pas qu’il soit a sa volentet, si quidons bien qu’il soit en tel prison u il n’ait pooir de son corps. Mais pour moi et pour lui esloiauter, te tenrai jou ta couvenanche et me combaterai a ton
corps comme a chelui que jou plus hac de tous les chevaliers dou monde, car jou quide que nous aions par ton malisse 10 pierdut Lanselot. Car aussi m’aït Dieus, s’il fust çaiens et vous le seussiés ou roiaume de Logres, vous n’i venissiés
pour baptaille contre lui.» A chest mot se taist Boors et se tourna de l’autre part, et commanda as varlés qui siervoient
! ont. Voir note. 2? çar il en toute la court au chevalier. Voir note.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
qu’il li aportaissent ses armes et li amenaissent son cheval:
529
si
LS les commanda illuec a estendre sour un tapis devant lui. A son
commandement sont salit li esquiier et li ont aportet ses armes tout maintenant ; et Boors s’asist tout ireement en la sale, et
l’armerent richement et bien. Et quant il l’orent armet si comme boin lor fu, si li coururent li un amener un trop riche cheval d’Espaigne, et Boors monte tantost, qui ert enseigniés de toutes bontés. 227.
Et ja devoit prendre son escut et sa lanche, et issir au
plain contre le desloial Meleagant, quant Lanselot descent enmi la place voiant tous qui de lui ne se dounoient garde, car il est si soudainement venus qu’il n’avoit o lui neant houme vivant. Et lors sont a Boort, che li samble, avenues
aussi grant mierveille comme s’il fust tout maintenant keus des nues, et laisse tous cheus qui illuec estoient, [22d] si li ceurt les bras lachier entour! le col, et l’acole et baise moult durement; et ore sont tout moult durement liet et moult a
aise. Et moult sachiés que Boors ama tant Lanselot qu’il ne vausist mie a chel point c’on l’eust eslit a roi de tout Cournuaïille si ne fust venus. Et ja sevent tout par laiens, et li rois et la roine et messires Gavains et li baron, que Lanselot ert venus ; si en sont tant joiant que plus ne pueent, et departi tous li duels que il avoient devant demenet de lui, et vient
toute joie et toute leesce en la court. Et la roine i est venue, qui n’eut onques mais aussi grant joie en son vivant, car tant avoit devant estet tristre et dolente que elle quidoit bien morir, Mais quant elle sot la nouvielle de sa venue, si n’ot onques mais aussi grant joie, et oublie toutes dolours pour la leesche et le courut tout? maintenant baïisier et acoler. Mais li rois et li autre baron apiercheussent lor afaire, si se refraisent que plus n’en font. Et messires Gavains viunt a Lanselot, se li fait moult grant joie et est si a aise de che qu’il
l entre.
2 tant.
530 25
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
le voit sain et haitiet qu’il ne vausist mie tout le monde avoir en sa baillie si ne fust illuec revenus. 228. Et li rois revient a lui, si l’acole et congot moult durement, et li dist: «Chiertes, fait il, Lanselot, jou desiroie
moult a oïr nouvielles qui boines et bieles me fuissent. Si m’esbahis moult durement de vous, en quel tiere et en quel . païs vous avés estet, car je vous ai fait querre par monsigneur Gavain et par tous les chevaliers de la court par toutes tieres, dont li pluiseur sont encore en la queste, et li pluiseur sont repairiet qui nouvielles n’en pooient oïr!. — Aussi m'aït Dieus, sire, fait Lanselot, assés a briés parolles vous puis dire 10 la u j’ai longhement estet, car Meleagans li traitres m’a tenut en prison tres dolereuse et tres estroite : tres l’eure que jou oi delivree la roine et les prisons delivrés, si m’en? fist mener en une tour qu’il fist faire en un marois. Et encore i fuisse jou longhement se ne fust une moie amie, une puchielle que jou: 15 fis jadis un sierviche, et chelle pour asés petit de cose me rendi un grant guerredon. Et si l’en sai tel gret comme je doi a cheli savoir qui m’a jetet de mort et remis a vie. Et au felon qui m’a tenut em prison vaurai rendre le guerredon tel comme 1 l’a enviers moi desiervit. Et il est venus son guerredon 20 prendre en la court au roi Artus, et il l’avra, se Dieu plaist, si
prochainement que [23a] il ja ne s’en loera; car moult li est pres orendroit, si m’otroit Dieus, que jou li rende la merite de la prison qu’il m’a fait longhement souffrir. »
229. Etlors dist Boors a Lanselot : «Sire, fait il, or ne vous poist se jou pour vous li paie cheste bontet qu’il vous a faite. Et jou en sui ja tous pres et appareïlliés de païier le debte que vous li devés: si vous prie en guerredon, comme a mon signeur et a mon amic, que vous me laiés a lui combatre.
! qui nouvielles n’en pooient nouvielles oïr. 2415
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
531
— Aussi m’aït Dieux, biaus niés, ja nel ferai ! fait Lanselot. Et
jou me lairoie ançois d’un oeuil afoler que jou le vous otriasche — voire, aussi m’aït Dieus, ançois andeus traire de la tieste, que nus m’i menast a che! Car, aussi m’aït Dieus, fait 10 Lanselot, nus ne l’en doit rendre le guerredon fors moi, et jou
li renderai voirement. Et chiertes, Boort, biaus niés, que je
vous en sai autel gret de chou que vous en avés fait que se vous l’eussiés maintenant ochis. » 230. Quant Boors voit que proiiere noiïent n’i vaut, si desviest tout maintenant son haubiert et le sake de son dos. Et Lanselot s’arma maintenant des armes Boort sans delaïier et sans demouree qu’il fache, car moult li demeure qu’il se soit acointiés a Meleagant. Mais Meleagans, quant il vit Lanselot, si s’en esmierveille trop durement quant il l’esgarde et il le voit, et pour un petit qu’il n’esrage, et en est trop dolans. « Ha,
las ! fait il, comme je sui faus que jou n’alai ançois veïr s’ore le tenoie encore ! Et jou, fait il, pour coi 1 alaïsse et par quel 10 raison ? Coument peusse jou quidier qu’il en fust issus ? Dont n’en est li murs trop fors et la tours haute et lee ? Ne il n’i avoit pietruis ne faute par u il s’en peust issir se li murs n’est viersés par aventure. Ore soit que fust caoite li tours: se elle fust caoite, dont ne fust il autressi ochis ? Auïl, fait il, ochis! fust il
tout voirement! Mais aussi m’aït Dieus que jou croi que ançois que a murs fausist, fauroit mers que jamais n’en i seroit goute trouvee. Mais il va tout autrement: il en ot aide a l’issir,
si m'en ont traït et decheut chil qui garder le devoient. Si sai bien que jou serai hui demenés a grant honte et? a grant 20 laidure se jou ne le gaaingne par endurer. Mais chiertes jou en ferai tout mon pooir, ne ja tant comme je me porai tenir sour piés ne li faurai de baptaille. » [23b]
l ochist. 2 demenés] a grant honte et grant honte et.
992.
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
231.
Mout ensi parole Meleagans et se conforte par lui
meesmes,
et n’atent fors que tant comme
on les ait mis
ensamble, et c’ert par tans : Lanselot le vait requerre desous la chitet moult ireement ens ou plain. Si s’en va la roine et dames et damoisielles apoïier la u elles le porent vir de pres la baptaille, et li rois Artus et si baron s’en vait seïr ens ou piet de la tour, jouste! un sycamor; s’i couroit une moult biele
fontaine, et illuec s’asist li rois Artus, car il n’i voit nulle riens ou monde qui li desplaise. Et la gens fu toute traite ensus. Et Lanselot ceurt sus a Meleagant qui il puet moult haïr : si laisse li uns courre viers l’autre tant comme li cheval lor porent rendre, si se fierent sour les escus de fortes lances que les ais
en pierchent et tranchent, mais point ne se blechent en la car, car li haubiert furent fort et tenant, et les lances roides qui ne sont fraintes ne pechoiies. Et lors brochent par grant aïr et reviennent a lor joustes tant ireement comme il plus porent, et se fierent as grans aleures des chevaus tant durement que les : lanches froissent, et il s’entrecontrent? des corps et des jenous et des haïaumes qu’il volent andui a la tiere tout plat. Et li 20 cheval s’enfuient amont et aval tout estraïier, et il resalent tantost em piés. Si s’entrekeurent sus as brans nus, et caupent
et detaillent haubiers et escus et les haiaumes. Mais Lanselot ne le refusa point, qui plus savoit de l’escremie que ne savoit Meleagans, car il en avoit moult apris en s’enfanche. Si le 25
requiert a l’espee moult durement, et chius trait la soie espee qu’il avoit çainte, clere et bien trencant, et en dounent caus
miervilleus. Si se hastent tant durement que a paines pueent reprendre lor alaines.
232.
Mais a Lanselot ramembre de la honte et de l’anui que
il li avoit fait, que il le tiunt en sa prison: si li ceurt sus tant
ireement que chius s’en esbahist tous et a grant pauour de pierdre vie; et pour la pauour que il en a, se desfent tant
! ou piet] jouste; corr. d’après le v. 6995 : Aval soz la tor an la lande. 2? s’entrecontent.
Es
LL
he
A ce
LE CONTE DE LA CHARRETTE DANS LE LANCELOT EN PROSE
533
comme il pot plus. Mais Lanselot, qui moult le het, li doune! un cop desour le haiaume si qu’il li froisse et enbare tout en la tieste. Et li caus fu grans, si li couvient venir d’un des jenous a la tiere, et Lanselot le hurte, si le fait outre voler a la tiere, et jete les mains, si li esrache le haiaume de la tieste. Et ja li eust la tieste trencie quant li rois li crie que pour s’amour le laist que il ne l’ochie. Lors s’estut Lanselot et pensa un poi s’il en avera mierchit u non. Et lors esgarde la roi[23c]ne, si vit que elle li fist signe qu’il l’ocheist et qu’il li trencast la tieste. Lors dist au roi: «Sire, pour vostre amour et pour vostre volentet
acomplir, jo le lairai redrechier, mais dou sourplus ne me priés ja.» Lors se trait ensus, et Meleagans se lieve moult dolans et moult esmaïiés, et le fuit aval le pret si comme chius qui la tieste crient a pierdre. Et Lanselot le fiert de l’espee, se li fait la tieste voler emmi le pret et li corps kiet a tiere tous estendus. Si i ot moult peu de cheus qui illuec estoient qui il en pesast !
233.
Lors viunt Boors et messires Gavains et li rois a?
Lanselot, et la roine et li baron et les dames, si li font tout si
grant joie comme il plus porent, et s’en entrent tuit a grant joie? en la chitet de Karahais ; et viundrent ou palais, et illuec desarmerent Lanselot. Et lors fu li mangiers apareilliés, et
s’asisent et mangierent a si grant joie que, se jou l’avoie juret, ne vous en diroie jou la disme de la joie qui la fu faite. Et ensi comme li rois seoit au mangier, si viunt laiens uns messages qui dist au roi: «Sire, uns grans chevaliers a fait enporter le ] corps Meleagant et ne vous poroit nus dire le dolour que on fait pour li. » Et li rois qui la parolle entent ne li respont mot. [miniature représentant un chevalier s'adressant au roi et à la cour]
1 li doune répété.
SEL 3 joie répété.
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NOTES De façon traditionnelle, ces notes ont pour fonction d’éclairer le texte
lorsque surgit une difficulté sémantique ou linguistique qui n’aurait pas été évoquée dans l’Introduction (en particulier, dans l’Erude linguistique), de préciser certains faits concernant la transcription proprement dite ou de justifier une correction. Mais elles ont un autre objectif, moins convenu, à savoir faire apparaître de manière précise le travail concret de la récriture. Il y a une vingtaine d’années, Daniel Poirion, évoquant le phénomène de la mouvance à partir du Lancelot, écrivait que «les variations apportées à un texte par des variantes de détail ou des versions nettement divergentes ont
elles-mêmes un sens et une histoire qu’il faut retrouver»!'. La présente édition ne prétend pas avoir mis au jour tous les réseaux sémantiques induits par la récriture, mais elle voudrait offrir les moyens de les dégager. C’est pourquoi il a semblé utile de donner la mesure la plus exacte possible des transformations effectuées à la fois sur le roman de Chrétien et les passages repris à la Vulgate. Ce «surplus », qui amorce une réflexion quant aux procédés du remanieur, peut être lu en soi et pour soi par qui voudrait saisir la démarche d'ensemble de la production du texte. Ce désir de précision ne pouvait évidemment être absolu, à moins de faire figurer dans ces notes tous les vers du Chevalier de la charrette. J'ai donc appliqué les principes suivants : toutes les transformations concernant au moins un vers sont signalées ;en revanche, les changements dans l’ordre des mots au sein d’un seul vers, les ajouts ou suppressions de mots-outils n’ont pas été relevés: comme cela a été montré dans l’Introduction, ils
sont constitutifs du dérimage et se produisent sans cesse. Plus intéressants sont les ajouts, suppressions, substitutions, amplifications et abrègements modifiant la syntaxe: c’est à partir de ces transformations que se révèlent les principes de récriture appliqués par le remanieur. J’ai tenté de réaliser
1 «Ecriture
et
ré-écriture
au
Moyen
(Intertextualités médiévales), Paris, 1981, p. 114.
Age»,
Littérature,
41
540
NOTES
une collation minutieuse de ces phénomènes, et j’ai également relevé les transpositions de styles de discours. Pour la clarté de la présentation, j’ai adopté la procédure suivante: à côté de chaque numéro de paragraphe, j’ai indiqué, pour le paragraphe en question, les références du texte, en prose ou en vers, à la base de la récriture ;
lorsque le modèle est en prose, il est situé dans l’éd. Micha; lorsqu'il est en vers, les références des vers sont données dans l’éd. Foulet-Uïtti
du Che; quelques mots précisent la tendance majeure du remaniement: fidélité, nombreux écarts, abrègement… Viennent ensuite les notes proprement dites du paragraphe. Lorsqu’elles portent sur des phrases remaniées, elles sont présentés de la. façon suivante: indication de la ligne ou des lignes concernées;
s’il est bref, le passage est cité intégralement, sinon, seuls le premier et le dernier mot sont indiqués; après la citation, est précisée la nature de la récriture: ajout, abrègement, amplification, omission (plus exactement: ensuite,
omission de), substitution (plus exactement : ces mots se substituent à); les vers modifiés du Chc sont cités intégralement; les variantes des vers cités (venant des divers manuscrits du Chc) ont
en principe été examinées grâce au «Projet Charrette», ce qui a parfois permis de préciser que la leçon de Ac était particulièrement proche de tel ou tel manuscrit, le sigle du manuscrit est alors indiqué; lorsque les variantes n’étaient pas significatives pour la compréhension de y, elles n’ont pas été citées. La mention «tous les mss», entre parenthèses, signifie que tous les manuscrits du Che comportant les vers cités offrent la même leçon. Les notes liées à la récriture auraient sans doute pu être séparées des autres, mais il a semblé qu’un tel partage de l’apparat critique le rendrait moins maniable!,
” Je remercie Christine Ferlampin-Acher pour les suggestions qu’elle m'a faites après avoir lu la présente édition. Ses remarques m’ont plusieurs fois permis d’amender l’apparat critique du texte.
NOTES
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1 Ce $ est proche de BB (Z, IIL, GRENOBLE, 331) 1 Or dist ly comptes. A l’ouverture de la Charrette, le texte que présentent Ac et Aa est proche de la rédaction ff propre au groupe E (voir l’Introduction, p. 71-72). A. Micha a publié le début de l’épisode
de la Charrette dans cette rédaction BB à partir du ms GRENOBLE 378 (ex 865): voir Lancelot, vol. INT, 331-334 (abr. L, IN, GRENOBLE). Ce $ 1 correspond au texte de la p. 331 (les quatre
pages éditées du ms de GRENOBLE coïncident avec les neuf premiers paragraphes de la présente édition). 1 ainsi est Lancelot perdus: si la cour d’ Arthur croit que Lancelot est mort, c’est parce que celui-ci a disparu depuis un certain temps. En fait, enlevé par Morgane, il a obtenu sa libération en promettant de ne plus fréquenter le roi et son entourage; ce serment lui a été d’autant plus facile à prononcer que la fée avait suscité un songe dans lequel le chevalier se voyait chassé par la reine, qui lui préférait un autre amant (Z, I, 370-72). Lors d’un tournoi, il est
reconnu par Gauvain et Yvain, mais refuse de les suivre et part en Sorelois pour y retrouver Galehaut. Mais celui-ci est ailleurs. Lancelot sombre alors dans la folie et fuit on ne sait où. 2 nulz [...] qui tant l'ait amé: «même les plus proches ». 6-7 celle qui en maint grant besoing lui avoit aidié: la dame du Lac est déjà venue en aide à Lancelot lors d’un premier épisode de folie, au moment de l’invasion du royaume d’Arthur par les Saxons (Z,
VIII, 452-59). 9-11 des beaux yeulx de son chief et quant elle ot. et elle avoit oÿes nouvelles. mais en la fin: cette construction avec anacoluthe (que renforce dans Ac-Aa la présence d’un point après chief et d’une majuscule à Et quant) est suspecte. La correction proposée a paru la plus économique, mais on aurait pu aussi utiliser la leçon du ms de GRENOBLE: et en plora mainte larme ains que ele en seust la verité. Ele avoit oï... (L, III, GRENOBLE, 331).
9-10 quant elle ot la verité de son affaire: cette vérité est toute relative, puisque c’est l’opinion en fait erronée que partage la cour d’ Arthur à propos de la mort de Lancelot.
2 Ce $ présente une rédaction amplifiée de ff (Z, III, GRENOBLE, 331); l’enquête de la dame du Lac est développée, et sont ajoutés les détails concernant la litiere.
542
NOTES
14-15 se ne feust par l’annel que il avoit ou doit: c’est lorsqu'elle a conduit Lancelot à la cour d’ Arthur que la dame du Lac lui a fait don d’un anneau qui a le pouvoir de dissiper les enchantements (Z, VII, 270). Lancelot utilise cet anneau infra, $ 84 (à cet endroit sont
rappelées ses vertus) et $ 112. 16-17 celli que Morgain lui avoit mis ou doit par traïson:
dans f
(seulement), au moment où Morgane, qui a enlevé Lancelot (Z, III,
189), lui demande un anneau qu’il porte, le narrateur explique: ce estoit li aneaus que la roine li avoit doné avoec s'amor et celuy portoit il en la main destre, et en la main senestre portoit il.1. autre anel qu’il avoit porté du lac (L, III, 191). Lorsque Lancelot refuse de se séparer de sa bague, Morgane devine que le bijou lui a été donné par la reine. Or, elle-même possède un anneau semblable, offert autrefois par Guenièvre: ele en avoit .I autre qui estoit contrefés a celuy, car la roine li avoit doné jadis, si avoit en cascune piere .Il.L ymagenes, si s’entrebaisoient, et l’image Lancelot tenoit .1. cuer entre ses .11. mains et l’anel Morgain avoit les mains jointes: tant y avoit il de desconissance entre les .11. aneaus (L, III, 191). Un soir, elle drogue le chevalier afin de lui
ravir l’anneau pendant son sommeil et de lui substituer le sien, qui auques le resambloit (L, IT, 221). Puis elle confie la bague volée à
une demoiselle chargée de dénoncer à la cour l’adultère de la reine. Cette mission
échoue
mais, à cette occasion,
la reine
récupère sa bague, comme cela sera rappelé infra, $ 157-58. A l’endroit présent du récit, Lancelot porte l’anneau que lui a donné la dame du Lac, et, en toute ignorance, celui de Morgane.
3 Ce $ reste proche de GB (Z, III, GRENOBLE, 331-32). 4
Ce $ est proche de BB (Z, IT, GRENOBLE, 332). 8 par deux foys:les deux guérisons sont consécutives aux deux périodes de folie du héros. L’une vient d’être narrée, la première a eu lieu lors de la guerre contre les Saxons (L, VIII, 458-59).
10-12 er lors si vous envoieray droittement la ou vous recevréz la joye que vous cuidiés avoir perdue: abrègement de BB, et lors vous ensegnerai et envoierai en tel lieu u vous recovrerés toutes les pertes et toutes les joies que vous avés en lonc tans demenees (L,
IIT, GRENOBLE, 332).
NOTES
543
5 Ce $ reste proche de GB (Z, III, GRENOBLE, 332-33). 3 Camaalot: toutes les rédactions en prose s’accordent pour situer le début de l’épisode de la Charrette dans cette ville. La plupart des mss du Chc comportent également ce nom, au v. 34: Camalot dans T, Chamalot
dans À et G, Camehelot dans E. Seul C, le ms de Guiot, a une leçon différente : tant com lui plot. Le ms V débute seulement au v. 861. 3 Assencion: cette date, qui figure juste après le prologue du Chc de Chrétien (v. 31), est reprise par toutes les rédactions en prose. 6-7 je lui priay: le pronom vous que l’on trouve dans Ac-Aa ne peut guère s’expliquer comme un datif éthique et le contexte exigeait une
correction. 14-15 Et non Dieu: «au nom de Dieu » (voir l’ntroduction, p. 205).
6 Ce $ est proche de BB (Z, III, GRENOBLE, 333). 4 la mort Galeot: le fils de la Belle Géante, grand ami de Lancelot, a cru
que ce dernier s’était tué. Il s’est alors laissé dépérir, puis est mort durant la première semaine de septembre (or, L, I, 389; f, Z, III,
251). Malgré les mois écoulés depuis lors, Lancelot ignore cet événement.
7 Si se taist…: articulation du récit absente de Bf, B et o. Dans deux représentants de B (PARIS, BNE f. fr. 339 et fr. 344), apparaît à cet endroit une allusion au conte de la charete (L, TI, 254, note 2a): [...] il vint a droite eure de midi a Kamaalot en la place ou Kex li senechax fu abaitus et navrés par la roine qu'il conduisoit, si com li contes de charete le devise. Sans doute a-t-on ici un phénomène de contami-
nation puisque cette phrase figure aussi dans ot (Z, IT, 2). La rédaction y omet ce signal d’intertextualité (voir l’Introduction, p. 156).
7 Ce $ reste assez proche de BB (Z, III, GRENOBLE, 333). 5-7 «Si sçay bien, fait Lyonnel, oultreement que il est mort. » Et quant il a ce dist, si se pasme : ajout.
8 Ce $ est proche de BB (Z, III, GRENOBLE, 333). 4 ce fu du grant dueil de Galeot: la dame de Malehaut était l’amie attitrée de Galehot; leur accord datait de l’époque où Lancelot lui-même était devenu l’ami de la reine (L, VIII, 116-24).
544
NOTES
9 Le début de ce $, dans lequel Méléagant entre en scène, est fidèle à BB (Z,
III, GRENOBLE, 333-34) puis coïncide avec B-B8 (Z, IL, 256-57). 2-3 Meleagans, le filz au roy Baudemagu de Gorre: Baudemagu, son royaume et son fils ont déjà été présentés dans le roman. Sur la préparation de l’épisode de la Charrette dans le Lancelot, voir l’Introduction, p. 149-50.
9 au behourdis :tournoi narré dans L, I, 90-94. Méléagant profite de ce que l'attention de Lancelot est fixée sur un autre chevalier pour le blesser à la cuisse.
13 Sire chevalier, fait le roy: BB se confond à partir d’ici avec f (d’où la désignation B-BB), aussi Micha a-t-il interrompu à cet endroit sa transcription du ms de GRENOBLE. Pour mesurer les procédés de : récriture propres à y, il convient maintenant de se reporter au texte
de B-BB établi par Micha à partir du ms PARIS, BNE fr. 110 (M), et présenté dans L, III, 253-330. Lorsque $ et BB divergent, l’éditeur signale en note les variantes propres à BB à partir du ms de Grenoble et du BNF fr. 1430 (E).
13-14 nous avons bien oÿ de vostre prouesce: la préposition de employée : après le verbe oÿr est «sans signification» (Marchello-Nizia, La Langue française, p.331); mais elle pourrait être ici l’indice d’une
lacune puisqu'on lit dans B-BB: nous avons bien oï parler de : vostre proeche (L, I, 256).
15 de sa richece : «eu égard à sa puissance » ; de sa geste dans f-BB (Z, II, 256). 16-17 Lancelot congnoist on bien en ma maison qu'il oseroit bien monstrer: construction «apo koinou», dans laquelle le verbe congnoistre régit le complément Lancelot avec le sens de «connaître » et la sub. complétive avec le sens de «savoir». 19 Les parolles de Lancelot: «les propos au sujet de Lancelot ».
10 Ce $ est proche de B-BB (Z, III, 257). 10 il ne se tenroit apayés: je transcris apayés en un seul mot, comme dans Ac, mais la transcription a payés serait également possible; elle figure d’ailleurs dans Aa.
11 Ce $ est fidèle à B-BB (Z, III, 257-58) qui se rapproche ici du roman de Chrétien.
6-7 Il est voir qu’en la terre: ces mots, ici comme dans B-BB, opèrent un raccord fictionnel avec la situation évoquée par Méléagant dans le
NOTES
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roman de Chrétien: Rois Artus, j'ai en ma prison, | De ta terre et de ta meison, / Chevaliers, dames et puceles (v. 53-55). 12 par telles couvenances que: expression absente de f-BB mais qui fait écho au v. 77, Par un covant l'i atandrai | Que les prisons toz te randrai.
12 Le texte de ce $ ne présente que de menues variantes par rapport à B-BB (Z, III, 258-59). Son contenu correspond d’assez loin aux v. 84-116 de Chrétien.
2 la hastiveté: ce mot se substitue à l’aatine dans B-f$. 17-19 puis que vous ne m'amés ne vostre compaingnie ne vueil je mais avoir en nulle fin, et je m'en voys: la conjonction ne (devant vostre) relie les deux prop. causales: «puisque vous ne m’aimez pas et que je ne veux plus jamais, en aucune façon, rester en votre compagnie, alors je m’en vais ».
13 Ce $ est fidèle à fB-BB (Z, IT, 259-60); son contenu abrège les v. 117-181. 4 qu'il remaigne: ces mots restitués d’après l’éd. Micha manquent
également dans le fr. 344. On y lit en effet au fol. 320c : Si voel que vos l’en proiez outreement et ançois l’en chaiez aus piez qu'il ne le face. Cette faute commune confirme encore la parenté entrey et le fr. 344 (voir l’Introduction, p. 78-83).
11 ainsi demourray se je en estoye seur: système hypothétique asymétrique (voir l’Introduction, p. 242) qui met en relief l’exigence qu’a le sénéchal de recevoir une garantie. Ces mots, absents de l’éd. Micha, figurent dans le fr. 344 sous la forme suivante:einsi remendroie je se bien en estoie seurs. 12-13 Et quant la royne entent que il remenra, si en est moult lye et dist
qu'elle l'en fera moult bien seur: omis dans B-Bf. 14 Le contenu de ce $ est fidèle à B-BB (Z, III, 260) qui s’écarte en cet endroit de la trame des vers. 5 nul cuer n’en pourroit plus soustenir: dans l’usage de l’ancien et du moyen français, le déterminant nul est employé avec la négation ne
(Ménard,
Syntaxe,
$ 27,
1; Marchello-Nizia,
La Langue
française, p. 181). Aussi a-t-il paru nécessaire de corriger. Le
fr. 344 offre ici une leçon plus proche de y que la version B-B$ (nus ne le poïst souffrir, L, III, 260).
546
NOTES
8-9 mais ce la parcourouçoit qu’elle: la lecon fautive de Ac-Aa (celle part acouroit qu’elle) s'explique par un mauvais découpage des syntagmes, lors d’une copie antérieure. On pouvait être tenté de corriger en ce l'acouroit qu'elle, à partir de Z, INT, 260 (Mes ce l’acora del tot que ele), mais la leçon du fr. 344, parce qu’elle comportait par, s’est imposée pour la correction (cf. parcorouce ms fr. 1466, fol. 78a). 15-16 et il dist : « Dame, il le deust bien estre » : transposition au style direct
de B-BB, et mes sire Gauvain avoit dit que il le devoit bien estre. 18 que que chascun lui deist: ajout par rapport à B-fB. 20 que encore le verroit elle: ajout par rapport à B-Bf. 15 Ce $ correspond d’assez près à fB-B$ (Z, III, 260-61). 10-11 car ainsi en sont les parolles prises : ajout. 11-12 Donc feroit follie [...] qui l’en lairoit mener que elle ne lui feust tollue: «I1 serait donc insensé celui qui laisserait Keu emmener la reine au lieu de la lui enlever. » 12-13 Et s’il n’y avoit que moy, si l’iray je a Keu tollir: système concessif, asymétrique (voir l’Introduction, p. 242). L'emploi du futur marque
la détermination du locuteur. Dans B-Bf, la protase a la forme Et se vous volés.
16
Ce $ est très proche de f-BB (Z, III, 261). 10-13 et se Meleagant vient a la bataille contre le seneschal et il le conquiert,
il yra aprés lui jusques l’entree de Gorre. Et quant il le verra en sa
terre, si se pourra combatre a lui: amplification de f-Bf, «et se la roine est conquise, g'irai aprés jusqu'a l’entree de Gore. » L'ajout des mots Et quant il le verra en sa terre, si se pourra combatre a lui éclaire les intentions de Gauvain. Le neveu du roi souhaïite respecter à la lettre les conventions établies par Méléagant. Si celui-ci vainc Keu, il aura le droit d'emmener la reine dans la terre de Gorre. Mais une fois la frontière franchie, il devra répondre aux sommations de Gauvain qui voudra l’affronter pour reprendre la reine, selon la coutume de Logres (exposée au $ 49).
17
Ce $ reste proche de B-BB (Z, INT, 261-62). 5-6 Et il dist qu’il estoit Keux le seneschal: ces mots, appelés par la
question de Méléagant, sont absents de B-Bf.
NOTES
547
11-12 ef scet bien qu'elle a moult pleuré a son vis. Si est tant liéz que oncques mais ne fu si: ajout.
18 Ce $ est fidèle à B-BB (Z, II, 262-63). 3-4 l’escu a la blanche bende de.bellinc : l’emploi de l’article défini devant escu pourrait faire penser que le bouclier est l’un de ceux qui ont marqué la carrière chevaleresque de Lancelot, tels ceux envoyés par la dame du Lac à son protégé dans l’épisode de la Douloureuse Garde (Z, VII, 320-21). Mais la bande aurait alors été vermeille sur
champ d’argent. Cet article pourrait être dû à une mauvaise lecture
du numéral 1.;en effet, on a dans GB-Bf la leçon suivante: i/ ot a son col.I. escu vermeil a une bende blance de bellinc (L, III, 262). Dans le fr. 344, on trouve également l’escu (fol. 320d).
7 la joye qu'il lui a faite cuidier: transformation par rapport à fB-BB: /a joie qu'il li a fait a l’encontrer (L, U, 262).
11 l’aert par le frain: Lancelot veut donc appliquer la coutume de Logres aux dépens de Keu.
19 Dans ce $, le texte, toujours proche de G-BB (Z, III, 263-64) présente quelques variantes dans le récit du combat. Ce phénomène de variation est constant dans les épisodes de joute, et il n’a pas semblé utile d’en relever les effets. 2 sieust: ind. prés. 3 de suivir, avec s intérieur parasite, Voir l’Introduction,
p. 204.
20
Ce 8 reste proche de $-BB (L, III, 264-65) malgré un régime d’abrègement. 14 pour ce qu’elle cuidoit qu'il feust mort :abrègement et simplification par rapport à fB-BB: por ce qu'’ele le desiroit veoir, ains qu'’ele fust en la tere dont ele ne quidoit jamais issir. Einsi veut une chose et desveut. Et Lancelos se paine de bien faire por sa dame garder et por le grant besoing qu'il voit. 17-18 ce estoit Lancelot. Et lors li adresce, et Lancelot le voit venir: le découpage de la phrase respecte le signe de ponctuation «/» présent devant ef lors. 19 si durement: les coups infligés par Lancelot sont détaillés dans f-BB. 27 ront monté: préfixe itératif r(e)- devant avoir.
28 si lui escrie: ensuite dans B-BB: que mors est.
NOTES
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21 Ce $ présente un régime d’abrègement par rapport à B-BB (L, III, 265-66). 4 ce seroit paine perdue : ensuite dans fB-BB : et damage i avriemes molt ains qu'il fust mors ne pris. 7 aler le paz: ensuite dans BB (exclusivement) :et il vet le pas totes voies quanqu'il puet aler, qar honte et dolor ne le laissent remanoir (et
dans le fr. 344, fol. 321b). 7 Grant piece aprés: on lit au contraire dans $B-BB: Mes il n’ot gaires alé. Dans © (Z, II, 10) comme dans $-BB, Gauvain arrive après avoir croisé le cheval de Keu. 8-9 et il lui bassement qu'il ne le congnoisse : «et il lui rend son salut à voix basse, afin qu’il ne le reconnaisse pas ». 9 Vous estes combatus ?: on attendrait Vous estes vous combatus ? Le . pronom sujet normalement postposé dans le tour interrogatif est ici omis. Ce type de phénomène est isolé dans y. 11-12 ung de mes chevaux: ensuite dans $-BB: car jou quit par Dieu que vous vous en savés molt bien aidier et si vous avra mestier en tel lieu porrés vous venir.
15-16 et aussi grant bonté vous fis je ja: ensuite dans $-Bf: er cil vous ert. encore bien rendus. Lors a mes sire Gauvain molt grant honte de
ce qu’il a dit. y atténue à cet endroit l’impolitesse de Lancelot, mais la honte de Gauvain sera mentionnée plus loin, $ 27, 1. 1. :
22 Ce $ est dans un régime d’abrègement par rapport à B-BB (Z, INT, 266-67). 7 fors a son cheval occire: ensuite dans B-BB: si ost com il venra a vous, car de lui retenir seroit ce noient.
14 qu’il avoient faite :ensuite dans $-B$ : a grant besoing, car trop avoient grant paor qu'il ne morust.
15-17 Mais atant. dolans et esmarris : les Variantes de cette phrase dans les différentes rédactions figurent dans l’Introduction, p. 74-75.
23 Ce $ est très proche de B-B$ (L, III, 267). 2-3 il oï ung pou sur destre une charrette c'un nain menoit: y semble ici
combiner les leçons de f, il oï .1. poi sor destre une karete; et BB, il oï sor destre .1. charretier qui menoit une charete.
14 et je te tenray couvenant: ensuite dans B-BB: er re menrai la ou tu le porras veoir.
NOTES
549
24 Ce $ est fidèle à f-BB (L, III, 267-68). On y lit une mise au point sur la valeur infamante de la charrette, qui transpose les v. 323-346 du Chc. 6 n’en eust c'’une seulle: ces mots s’écartent de B-BB, ne jeust que une nuit (£, IT, 268) maïs sont fort proches du v. 327, N'en avoit a cel tans
que une. Cependant, le dérimage ne débute pas encore. 8-10 En nom Dieu, ce croy je bien, fait le nain. Mais se m'aïst Dieux, ja par moy n'en seras avoyés se tu ne montes en la charrette: ces phrases
au discours direct amplifient le texte, au style indirect, de B-BB: Er cil dit que ja par lui ne sera avoiés, s’il n’i monte. 12-13 comme loyal crestien que je te menray en tel lieu ou: précisions
absentes de B-6$. 14 que plus n’en tient parolle. Et quant cil le voit monté, si en sousrit: ajout
par rapport à f3-BB. 25 Ce $ est très proche de B-BB (Z, III, 268). 13-14 c'est grans dommages a lui: sous ces mots, une miniature dans Ac et Aa (voir l’Introduction, p. 22 et p. 31). Dans Aa, rubrique avant la miniature (en bas du fol. 312b): Comment aprés ce que Meleagan le filz au roy Baudemagu de Gorre ut prise la royne Genievre et que Lancelot l’eust recousse a son pouvoir, et Meleagan ly eust fait tuer son cheval desous luy et qu'i ne peust plus suyvre a pié, si monta sur une charete que ung nain conduisoit, ainsi armés comme il estoit. Et mesire Gauvain luy voulut baillier encore ung cheval, mes messire Lancelot ne le vousit pour ce qu’il avoit promis au charatier qu'i ne desendroit jusques a lendemain heure de prime. Et le nayn lui avoit promis de luy monstrer la royne. Et des grans hontes qu'il ot et grant temps fut apelé le chevalier chareté.
26 Ce $ reste assez proche de B-B$ (Z, III, 268-69). 5 jusques au vespre: précision ajoutée à f3-BB, et que l’on retrouve dans le $ 27 ; cet ajout se comprend par rapport au v. 402 du Chc (voir note ci-après).
NOTES
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27 Ce $ présente une tendance à l’amplification par rapport à B-B$ (L, III, 269). 1 lors est monseigneur Gauvain tous honteus :la «honte » de Gauvain, non mentionnée plus haut (voir note au $ 21), apparaît ici. Cette
précision est absente de f-BB à cet endroit. 3-4 tant que le vespre commence a approuchier :précision absente de B-B£. C’est une adaptation du v. 402, De bas vespre a un chastel vindrent. 13-14 et savates et toutes les villaines choses qu'ilz peuent tenir: ajout par
rapport à f-B$. 28 Dans ce $ débute le dérimage. La première phrase opère une transition entre B-BB et les vers du Chc. Les mots Tant ont alé que du chastel sont
hors yssus appartiennent à B-BB, tandis que la suite, et viennent a une tour qui seoit hors du chastel enmy ung plain transposent le
v. 426, une tor qui tot a plain. Dans fB-BB, après une mise au point du narrateur sur le royaume de Baudemagu, le nain et les chevaliers arriveront non pas devant une tour mais dans un petit chastel (L, II, 269-70). Après cette amorce sont ici dérimés assez
fidèlement les v. 430-62. 2-3 et la tour seoit sus une roche bise: c’est à cet endroit précisément que commence le dérimage. Cf. le v. 430, La torz sor une roche bise. 5-6 Et en la sale ot moult de bel atour. Une damoiselle a encontree, que il n’en avoit si belle ou regne: l’amorce du dérimage se fonde sur des vers certainement distincts de ceux de ACT, Aprés la charrete a cheval | Entre Gauvains dedanz la tor. | An la sale ont de bel ator | Une dameisele ancontree, | N'avoit si bele an la contree (v. 43236). Dans ces vers, le mot ator réfère à la demoiselle. En revanche,
dans y, le même mot s’applique à la salle; on a donc un autre découpage syntaxique, que souligne d’ailleurs la ponctuation,
puisque dans Ac les mots Et en la sale ot moult de bel atour figurent entre des traits obliques, le second trait étant suivi de la majuscule U (Une damoisele)!. La rédaction y se rapproche ici de E, dont la formulation reste ambigüe: Aprés la carette a cheval / Entre Gauvains dedenz la tor | En la sale de grant ator | Une puchele a encontré | N'avoit si bele en la contree.
! Même chose dans Aa, avec des points à la place des traits obliques.
NOTES
551
9-10 et lui demandent que il leur deist que a cil chevalier meffait :transposition au style indirect et simplification des v. 442-44, Et del chevalier demanderent: | «Nains, qu'a cist chevaliers mesfet / Que tu mainnes come contret ? »
29 Ce $ dérime les v. 463-506 de façon très fidèle avec une petite accélération à la fin. 3-4 ainsi comme ly comptes nous dist: transposition du v. 468, si con li contes afiche. 5 ambedeux: Ac et Aa donnent aux .11., où aux doit résulter d’une mauvaise
lecture des jambages d’un n dans andeus. Comme Ac n’emploie jamais andeus mais toujours ambedeux, c’est ce mot qui a été
utilisé pour la correction. 10 qui a desdaing et despit le tient: le pronom le permet d’abréger la phrase versifiée, a desdaing et a despit tint / La desfanse a la dameisele
(v. 482-83). 16-17 on ne l’a mie si richement paré pour vous: ensuite, omission des v. 498-99, Vos le conparriez molt chier / Se il vos venoit nes an
pans. 17-18 Ce verray, par mon chief, fait le chevalier, par temps: transposition du v. 500, Ce verroiz vos, fet il, par tans. Cette modification de la
personne verbale a pour conséquence l’omission du v. 501, — Jel verrai ? — Voire !— Or i parra.
30 Ce $ dérime les v. 507-38 avec une tendance à l’abrègement. 3-4 un couvertouer d'or listé dont la fourreure fu de sable : cette description abrège celle des vers, où l’on trouve le procédé de l’opposition niée, Un covertor d'or estelé. N'estoit mie de veir pelé | La
forreïre, ainz ert de sables ; / Bien fust a oés un roi metables / Li covertors qu'il ot sor lui; / Li liz ne fu mie de glui, / Ne de paille ne de viez nates (v. 511-17). La prose délaisse ce procédé (voir
également $ 47, note de la I. 1). 5 une lance ou poing : l'arme est ici «tenue», contrairement au v. 519, Vintune lance come foudre. Mais ce poing sans bras n’ôte rien au mystère. 7 et avoit en la lance: le possessif n’est pas justifié, puisque la lance, même si elle est tenue par une main, n’a pas de possesseur attitré. 11-12 ne sçot qui l'ot feru, ne n'y vist homme ne femme: ajout. Loin de rester impassible et indifférent, comme dans les vers, le chevalier
NOTES
552
tente brièvement d’analyser le phénomène merveilleux et d’en identifier l’origine. La réaction de Lancelot est plus développée
encore dans f-BB, où le chevalier, prêt à en découdre, cort par tot laiens por savoir se nus li eust lancié (L, II, 275). Maïs il n’i a nullui trové. 14 tout ainsi s’en revient qu’il ot fait au premier: «il s’en retourne dans son lit tout comme il l’avait fait la première fois»; cf. les v. 536-38,
Einz se recoucha et dormi | Tot autresi seüremant |Com il ot fet premieremant.
31 Ce $ dérime avec quelques écarts ponctuels les v. 539-904. 5-6 refu la damoiselle venue :ensuite, suppression des v. 550-53, Si l’i ot a consoil tenue | Messire Gauvain an requoi, | Une piece, ne sai de quoi; | Ne sai don les paroles furent. Voir l’Introduction, p. 162. 7 et monseigneur Gauvain fu la, decoste la damoiselle qui tant estoit belle et gente: avec le mot riviere, la copie présente ici une leçon incohérente qu'il était nécessaire de corriger. La proposition
Gauvain fu la, decoste la riviere semblerait en effet indiquer que : ce chevalier se trouve hors du château, près d’un cours d’eau. Or, la suite montre que, comme dans les vers de Chrétien, il est à côté de son hôtesse, dans l’embrasure d’une fenêtre, et que tous deux
regardent en contrebas. Mais la suppression du commentaire émis par le narrateur (voir la note précédente) nécessitait d'introduire le personnage de Gauvain avant la transposition des vers 554-56, Mes tant sor la fenestre jurent |Qu'aval les prez, lez la riviere, | An virent porter une biere (qui deviennent: Tant ont esté a la fenestre que ilz virent devant eulz porter une biere, 1. 8-9). Le dérimeur a certainement écrit la phrase et monseigneur Gauvain fu la, decoste la damoiselle qui tant estoit belle et gente, et il a pu ajouter une précision à propos de la rivière. Lors d’une copie ultérieure, une confusion a dû se produire et le mot riviere a perdu son environnement pour prendre la place de damoiselle. La relative, avec les adjectifs belle et gente, s’est alors retrouvée avec
un antécédent inapproprié (cf. $ 72, 1 3-4, où l’on a: deux filles qui moult estoient belles et gentes). 17-18 cheoir de la fenestre: ensuite, omission du v. 571, Et trebuchier aval
son Cors. 21 ne vos occiés: ces mots se substituent aux v. 576-77, Por Deu nel vos
pansez ja mes | Que vos faciez tel desverie !
NOTES
553
25-29 Et s’il avoit autant de biens en lui comme on dist qu’il a ou roy Artus, si l’avroit il perdue par la charrette car homs encharrettés a perdues toutes loys.» A ceste parolle dist Gauvain qu’il vouloit aler aprés la royne: ajout. Les paroles de la demoiselle montrent que l’hôtesse connaît l’identité du chevalier de la charrette. y fait
ici preuve
de singularité puisque dans f-BB, seul Gauvain
reconnaît son ami, et refuse de révéler son nom aux demoiselles (EL, III, 276). Que le signal du départ soit donné par Gauvain est un autre choix original. Dans si l’avroit il perdue, accord avec le mot charrette postposé. En moyen français, le pp. peut s’accorder «avec un substantif proche qui n’est pas le complément d’objet lui-même,
mais
qui se rattache
à lui»
(Marchello-Nizia,
La
Langue française, p. 406). Il pourrait aussi s’agir d’un calque du participe perdues qui apparaît dans la suite de la phrase. 31 et n.4 donna et lancelot:: les similitudes graphiques de lance et lancelot ont amené la substitution du second mot au premier. Même faute
au $ 183, 1 22. 32 Ce $ dérime les v. 595-639 avec une tendance à l’abrègement et une transposition au style indirect. 3 que oncques mais a eulz ne parla: le sujet de parler est la demoiselle; dans Chc, il s’agit des habitants du château: del chastel issirent/ C’onques nus nes i aparla (v. 600-601). 5 moult durement eslaissiés : la leçon esleeciés n’est pas admissible, on peut admettre que la troupe des ravisseurs soit heureuse de regagner le royaume de Gorre, maïs leur liesse ne saurait les préserver de poursuivants rapides. 5-7 Et entrent en un plasseis et ont ensemble chevauchié jusques a prime: abrègement des v. 606-9, Des prez antrent an un plessié | Et truevent un chemin ferré ; | S'ont tant par la forest erré |Qu'il pot estre prime de jor. 11-14 que elle les savroit bien mectre en la voye, et la terre nommer la ou elle va, et le chevalier qui la maine. Mais il y couvenroit moult grant paine avoir qui en la terre voulroit entrer: transposition au style indirect des v. 617-23, «Bien vos savroie metre, | Tant me porriez vos prometre, | El droit chemin et an la voie, | Et la terre vos nomeroiïe | Et le chevalier qui l'en mainne ; |Mes molt i covendroit grant painne, | Qui an la terre antrer voldroit ! ». Dans la ou elle va, et le chevalier qui la maine, elle et la (maine) ont pour référent la royne.
NOTES
554
21-22 lui promet que il se met tout en son vouloir :on retrouve ici des mots venus des v. 637-38, Quanqu'ele voldra li promet | Et tot an son voloir se met où les deux propositions sont sous la dépendance de afiche.. que. La prose a brisé la syntaxe en supprimant la transitivité de afichier; du coup, la fin de la phrase n’a plus d’attache avec ce qui précède. L’ajout d’un si a paru la correction la plus économique et la plus satisfaisante.
33 Ce $ dérime de très près les v. 640-709.
16-17 mais il a entre cy et la: écart par rapport au v. 670, Mes il a assez antre deus. La leçon de y paraît meilleure que les leçons concordantes des mss ACET pour le v. 670, puisque la demoiselle ne parle pour l'instant que du Pont sous l’Eau. 17 Et l’autre pont: ensuite, omission des v. 672-74, Li autres ponz est plus malvés / Et est plus perilleus assez | Qu'ainz par home ne fu passez.
34 Ce $ dérime de près les v. 680-713, avec une tendance à l’abrègement. :
8-9 ne je ne suy preu sages du prendre: cette proposition contracte les v. 696-97, Del prandre ne puis estre sages, | Je ne sai preu le quel Je praigne.
9-10 Mais comment qu'il m'en aviengne, je prendray, puis que a ce m'en avés mis: transposition des v. 6908-99, Mes n'est pas droiz qu’an moi remaingne, | Quant parti m'an avez le geu. 11-12 Et je le vous ottroy, fait le chevalier: abrègement des v. 701-703, Donc est il droiz que je m'an voise | Au Pont de l'Espee, sanz noise, | Fet l’autres, et je m'i otroi. 17 font les chevaliers tous deux: ensuite, omission du v. 714, À tant s’an va chascuns par lui.
35 Ce $ dérime d’assez près les v. 715-69. La rencontre avec le chevalier du
gué ne figure pas dans les autres rédactions en prose (æ et B-BB). 4 ne scet se il est ou non: la prose restitue fidèlement le v. 720, Ne set s’il est, ou s’il n’est mie, mais omet ensuite les anaphores des v. 71719, Ne ne li manbre de son non, / Ne set s’il est armez ou non, / Ne set Ou va, ne set don vient. 16-22 Mais le chevalier n’en ot mie. ferroye: transpose les v. 757-62, présents dans AËT mais absents de C. Dans toutevoies si eschaisse
-
NOTES
555 son cheval, le mot eschaisse provient sans doute d’une mauvaise compréhension du mot eslaisse que l’on trouve dans les v. 750-51, Et totes
voies
s’esleissa
| Li chevax;
tous
les mss
donnent
s’eslaissa ou s’eslessa. Le verbe eschassier («chasser», «mettre
en fuite»), que l’on a dans Ac-Aa, n’a pas d'emploi réfléchi attesté: plutôt que de le corriger en s’eslaissa, j'ai choisi de conserver la forme du texte et d’effectuer une correction moindre,
celle du s’ en si, ce qui supprime la voix pronominale. La proposition signifie donc: «le chevalier pousse alors son cheval vers l’eau ». On ne peut dire si la faute remonte au dérimage ou si elle provient d’une copie ultérieure. 19 ot: subj. prés. 3 du verbe oter. 22 sur ma deffense :«en dépit de mon interdiction ».
36 Ce $ dérime de près les v. 770-828, avec une légère tendance à l’abrègement.
1-2 des galos l’embat ou corps: cette formule vindicative transpose le v. 771, Et des galoz el cors l’anbat «et le poussant au galop le plus fort» (trad. Foulet-Uitti), où le mot cors a le sens de «course, galop» (cursuM). On voit d’après la graphie que dans y, ce mot a été pris pour son homonyme cors (CORPUS); le verbe embatre
«pousser, frapper » permettait cette réinterprétation. 2-3 et fiert le chevalier qui l’abevroit si que il le porte tout estendu ou gué: reformulation, un peu maladroite, des v. 772-73, Et fiert celui si qu’il l’abat / Enmi le gué tot estandu (variantes peu significatives dans les mss).
9-11 bien vous oïstes deffier au moins .I1. foys ou .ll. que, si tost que vous seriés ou gué, que je vous ferroye: cette phrase correspond aux v. 792-095, Bien vos oïstes desfier | Au moins, fet cil, deus foiz ou trois, | Et si antrastes sor mon pois, / Et bien dis que je vos ferroie.
37 Ce $ dérime les v. 829-74, sur le régime de l’abrègement et avec quelques écarts. 2-4 Je ne m'enfuiray paz, vecy ma foy que je te tendray. Et moult durement m'ennuye de la deshonneur que tu m'as dicte: reformulation des v. 830-34, « Chevaliers, monte | Sor ton cheval seüremant, | Et je te creant léaumant |Que je ne ganchisse ne fuie. | Honte m'as dite, si m'enuie.» Les mots vecy ma foy que je te tendray signifient: «Reçois ma parole, parole que je m'engage à respecter ».
NOTES
556
6 retourneras est suspect. On pourrait corriger en te tourneras (constr. réfl. attestée) ou simplement tourneras. Peut-être y a-t-il eu contamination du retournez employé au début de la phrase. 10 flotoient par le gué: ensuite, omission des v. 848-50, Et totes voies s’avaloient, | S’estoient ja molt loing aval; | Puis revet prendre son cheval. 15 dessus le flot: la prose ne reprend pas la préposition desoz du v. 861, si bien qu’il faut supposer une brève ellipse entre les deux propositions il le fait voler [...] dessus le flot et si que l’eaue lui reclot dessus la teste. 16-17 Et puis trait l’espee et descent: récriture du v. 863, Puis se trest arriers et descent (tous les mss).
38 Ce $ dérime de très près les v. 875-907. 3 comment achieveray je la dure aventure que je ay emprise: transposition des v. 878-79, Et dit que mal randra la dete | De la voie qu'il a enprise. 12 a paumetons. Et le chevalier de la charrette: dans les v. 893-94, paumetons rime avec charretons; ce mot infamant n’apparaît jamais dans y (on y trouve seulement l’expression chevalier
encharretté, $ 31, 1. 31, et $ 96, 1. 2-3 et 17). 39 Ce $ dérime les v. 898-940, avec fidélité et parfois même littéralement. 3 il lui prie: il réfère à la demoiselle. 4-5 si fera voir, il l’occira: la virgule aurait parfaitement pu être placée après fera: si fera, voir il l’occira. Mon choix de ponctuation s’appuie sur le v. 903, Et il dit que si fera voir. 10-11 car reffuser ne le te doy puis que tu demandé le m'as: cette syntaxe
contournée est le résultat d’un calque étroit des v. 916-17, Car refuser ne la te doi | Des que demandee la m'as. 17 selon ma puissance: ensuite, omission des v. 932-33, Et lors i ot cil
conuissance | Par la parole qu’ele ot dite. Dans la prose, le chevalier ne reconnaît pas la demoiselle (voir la fin du $ : Mais non
fair). 18-19 ef celle en a honte et angoisse trop grant qu'il pense qu’elle le congneust. Mais non fait. Ces phrases se démarquent des v. 93537, Et cele en a honte et angoisse, | Qu'’ele cuida qu'il la conoisse ;
/ Car ele ne le volsist pas. La prose ne dit pas la même chose que les vers (avec de nombreuses variantes dans les mss), puisque la
NOTES
557 demoiselle ne craint pas d’être reconnue par le chevalier, mais est très gênée à l’idée qu’il pourrait croire qu’elle le connaît.
40 Ce $ dérime les v. 941-85, avec une grande fidélité. 1 Débute ici l'épisode de la demoiselle séductrice, qui figure également dans o (Z, II, 19-24) et B-BB (Z, IL, 278-84), avec des scénarios un peu différents. Dans ces deux versions, la demoiselle séductrice et
la demoiselle du carrefour sont clairement la même personne, envoyée sur la route de Lancelot par la maîtresse du château au Lit Périlleux. C’est donc comme accomplissement du don qu’elle a obtenu au carrefour que la demoiselle exige de Lancelot qu’il couche avec elle. Dans y, le déroulement global de l’épisode reproduit celui du Chc et l’on ignore qui est la demoiselle. 18-19 et moult i avra paine et travail: cette précision se rapportait à la demoiselle dans les v. 971-72, ms T, Molt i avra travail et poine /
La damoisele qui l’en moine (CG idem; AEC: orguel et p.; V: angoisse et p.). La syntaxe est différente dans la prose, avec une articulation nette après travail, si bien que paine et travail concernent ici Lancelot (travail, en fin de ligne dans Ac, n’est pas
suivi d’un trait oblique, mais # mot qui lui succède, au début de la ligne suivante, porte une majuscule: Car (dans Aa figure un point après travail et Car a également une majuscule). 21-22 Si le ramaine jusques a .1. baille qui moult yert beaulz: transposition des v. 977-78, Si l’en mainne jusqu'an un baile, / N’avoit plus bel jusqu'’an Thessaile. 23-24 et la dedens si ne manoit nulz fors tant seullement la pucelle qui lui menoit: ces mots transposent les v. 981-82, tels qu’ils figurent plus particulièrement dans T, Et la dedenz nus ne manoit |Fors cels que ele i amenoit (autres mss: Et la dedanz home n'avoit). Dans les vers, il semble qu’il n’y ait aucun homme à demeure (ce qui s’avérera inexact), alors que y indique seulement que la demoiselle habite seule. La graphie lui est ici équivalente à li, et il faut comprendre qui l’i menoit: voir l’Introduction, p. 200.
41 Ce & dérime de près les v. 986-1028, avec quelques minimes suppressions. 4 moult richement couverte a plonc: ces mots se substituent au v. 992, Qui de tiules estoit coverte.
558
NOTES
5-6 couvert.I. dois d’un blanc doublier: l’antéposition du pp. couvert estun effet du calque des v. 994-95, er voient covert / Un dois d'un tablier. I faut donc comprendre .z dois couvert d’un blanc doublier. Le mot doublier «tissu doublé» connote davantage la richesse que le simple tablier, étoffe destinée à recouvrir une table.
6-7 li bus, et les chandoiles mises :tous les mss du Chc qui contiennent le v. 997 correspondant à ces mots donnent :Li mes et les chandoiles mises. Dans y, bus remplace donc le banal mes. Le mot but ou bout désigne «une outre, une grosse bouteille, un vase pour les liquides, d’assez grande dimension, et qui servait à table» (Gdf 1, 709b; voir aussi Huguet
1, 665b-666a).
Après les chandoiles mises,
omission du v. 998, Es chandeliers totes esprises.
14-15 Et ce plot durement au chevalier qu'i ne se vist point encombré de lui descendre: «Et le chevalier apprécia beaucoup de ne pas avoir l’embarras de l’aider à descendre de cheval». 15-16 quant la damoiselle fu descendue :ensuite, omission des v. 1020-21, Sanz demore et sanz atandue | Tresqu'a une chanbre s’an cort. 17-18 et nonpourquant si yert ja la lune levee: ces mots se substituent au v. 1025, Si luisoient ja les estoiles. Que la lune soit levée n’est pas synonyme de clarté (auquel cas le nonpourquant serait absurde),
mais signale la tombée de la nuit, et donc, comme les étoiles chez Chrétien, la venue de l’obscurité.
42 Ce $ dérime les v. 1029-71, avec une tendance globale à l’abrègement. 1-3 Veés illecques la touaille. Alés laver et essuyer, car ceans n’a fors moy et vous : après touaille, omission des v. 1032-33, Nus ne la vos ofre
ne baille, | Car ceanz fors moi ne veez. Dans Y, les propos simplifiés de la demoiselle sont quelque peu elliptiques. 5-8 et orent de tant més comme il sçorent deviser, et venoient l’un avant l’autre a table ne oncques ne sçorent dont li més venoient: ajout. y donne au repas une touche fantastique absente du Chc, où les
plats sont déjà disposés sur la table, absente aussi de B-BB, où les mets sont apportés par deux vallet (L, III, 279-80). En revanche,
dans a, il n’y a aucun serviteur dans le château et les plats arrivent par une fenêtre ; Lancelot soupçonne aussitôt un enchantement (L, Il, 21). y se rapproche ici d'a, mais sans correspondance littérale. 6 de tant més comme il sçorent deviser :«autant de mets qu’ils pouvaient le souhaiter ».
NOTES
559
10-11 si revenés a moy, et mie ne vous ennuit, et lors revenés: cette
répétition pourrait paraître suspecte. Elle est sans doute due à l’abrègement des v. 1047-51, Et seulemant tant i seroiz, | Se vos plest, que vos panseroiz | Que je porrai estre couchiee. | Ne vos enuit ne ne dessiee, | Que lors porroiïz a tans venir. 18 en quel lieu que elle soit, il la querra: transposition au style indirect des v. 1054-55, «An quel leu qu'’ele soit | Je la querrai tant que je
l’aie. » 43 Ce $ dérime de près les v. 1072-1107. 4 Ahy: cette interjection est une transformation de la forme d’impératif Aïe du v. 1080. L’exclamation que l’on trouve couramment dans y est Ha! 6 je ne trouveray qui me rescoue, et se tu ne m'aïdes: transposition des v. 1083-84, présents dans AETV mais omis dans C. 10-12 si comme tu vois que je en ay tres grant besoing. Se tu oncques pucelle desconseillee consseillas, si me secour ysnellement: ajout. 16 avoit portiers :le mot pourtrait que l’on trouve dans Ac-Aa conviendrait pour des statues de chevaliers; il aurait alors le sens de «façonnés » (on trouve pourtrait avec ce sens au $ 64). Mais les chevaliers en question sont bien vivants: au $ 46, la demoiselle leur ordonne de façon naturelle de cesser le combat. Cette curieuse leçon pourrait être due à la résolution fautive d’une apostrophe dans le manuscrit-source du roman de Chrétien. En effet, port's peut se lire portiers ou portrés. Le ms G du Chc contient d’ailleurs une telle abréviation (les autres donnent portiers en toutes lettres).
19-20 on en peust tuer deux buefs : surenchère dans l’hyperbole, par rapport aux v. 1104-1105, Tel don l'en poïst une vache | Tranchier outre.
44 Ce $ dérime avec quelques libertés les v. 1108-37.
4 avoir cuer failli : transposition de avoir cuer de lievre (v. 1112). 10 je en voulroie bien mourir mon vuel: transposition du v. 1122, tel que je morroie mon vuel «au point que je voudrais mourir ». 15 le meudre: La leçon meindre que donnent les deux mss Ac et Aa s’explique certainement par une mauvaise lecture de mieudre dans un ms antérieur. La comparaison est formulée différemment dans les v. 1132-33: Donc i passeroit, sanz mançonge | Ausi li pires hom qui vive.
NOTES
560 45. Ce $ dérime très fidèlement les v. 1138-80.
2-3 et vit venir les coups des espees. Si se traist arriere : y s’écarte ici de C, qui donne Si voit les espees venir, |Adonc se prist a retenir, et se rapproche de EGTV Si voit deus espees venir; / Arriers se tret et retenir: la leçon de Guiot est commentée par Roques (note au v. 1128) et par Foulet («Appendix I. On Editing Chrétien’s Lancelot», The Romances of Chrétien de Troyes : À Symposium, éd. D. KELLY, The Edwards C. Armstrong Monographs on Medieval Literature 3, French Forum Publishers, Lexington, 1985, p. 290). 6-7 si en a mains prisés leurs haches: ensuite, omission du v. 1149, Er
moins les an crient et redote. Sur l’accord du pp. (également dans Aa), voir l’Introduction, p. 239. 11-12 et la coiffe blanche et li rest si pres le cuir: la mention de la coiffe peut surprendre alors que la hache vient de traverser le manteau et la chemise.
Dans
les vers
(tous
les mss),
on
trouve
plus
logiquement la char (ou car) en place de la coiffe. 46 Ce $ dérime les v. 1183-1206 avec une tendance globale à l’abrègement. Les vers de transition 1181-82 (Et leisse cel que il tenoit, | Car desfandre le covenoif) ne sont pas transposés. 6 si avriés vous assés a moy bataille: «vous auriez suffisamment à faire pour me combattre ».
47 Ce $ dérime les v. 1207-54 avec une tendance générale à la simplification et l’abrègement. 1 La prose ne reprend pas les oppositions niées des v. 1208-11, Zi drap n'erent mie sale, | Mes blanc et lé et delié. / N'estoit pas de fuerre esmié | La couche ne de coutes aspres. 3 de deux dyapres: ensuite, omission des v. 1214-15, Et la dameisele s'i couche, | Mes n'oste mie sa chemise.
8-9 couchier avecques la damoiselle: ensuite, omission des v. 1224-25, Covanz l'en semont et apele. | Et il se couche tot a tret. 9 sa chemise pas ne trait: ensuite, omission du v. 1227, Ne plus qu’ele ot la soe treite, en conformité avec l’omission des v. 1214-15 (voir supra). 10-11 Et si tost comme ilfu ou lit, si lui fu le parler deffendu: simplification de la construction des v. 1230-31, Ne ne dit mot ne c’uns convers /
Cui li parlers est desfanduz.
NOTES
561
12 d’une part ne d'autre: ensuite, omission des v. 1235-36, Bel sanblant
feire ne li puet. | Por coi ? Car del cuer ne li muet. 13-14 et ne cuid chevalier ou monde a qui elle n’atalentast, fors a cestui: intervention du narrateur fondée sur une transposition des v. 123839, Mes ne li pleist ne atalante | Quanqu'’est bel et gent a chascun. 14-15 Mais ce qu'il sembloit a moult d'autres chevaliers bon n’assavouroit mie a cestui: ajout. 19 or ay dit trop mal: ajout. 23-24 et illec a il si mise s’entente que nulle autre riens ne lui abelist: ajout.
48 Ce $ dérime de près les v. 1255-97, avec quelques abrègements ponctuels. 12 qu'il l’amoit de grant amour: le pronom régime l’ fait référence à la dame aimée par le chevalier. 13-15 qu'elle ne vit oncques mais chevalier que elle prisast autant comme cestui : transposition au style indirect et abrègement des v. 128285, Des lores que je conui primes / Chevalier, un seul n'an conui / Que je prisasse, anvers cestui, / La tierce part d’un angevin.
49 Ce $ dérime assez fidèlement les v. 1298-1338. 6-7 se vous vouliéz et vous m'y oseriés conduire: la seconde proposition hypothétique a la particularité d’avoir un verbe au conditionnel, phénomène très rare (Ménard, Syntaxe, $ 265, Rque 2).
9 Les coustumes si estoient telles: voici la fameuse coutume de Logres, fidèlement reprise à Chrétien de Troyes. On la trouve formulée au même endroit (début du voyage avec la demoiselle) dans à (Z, IT, 24) et B-BB. (L, III, 284). Mais dans ces rédactions, c’est la demoiselle elle-même qui l’expose. 12-13 pour tant que elle voulzist de bon renom estre: la prose lève l’ambiguïté du v. 1320, S’estre volsist de boen renon, qui peut s’appliquer aussi bien à la demoiselle qu’au chevalier (de façon unanime, les traductions françaises attribuent au chevalier le souci
de préserver sa réputation!).
1 Même
interprétation, et traduction équivalente de W. W. Kiïbler
(v. 1308 dans son édition).
NOTES
562 50 Ce $ dérime d’assez près les v. 1339-1355.
9-10 Mais celle santé dont la playe muet querroit il voulentiers : cette image développe et transforme le v. 1355, Mes celi [la plaie] querroit volantiers.
51 Ce 8 dérime de près les v. 1356-95. Ici débute l’épisode du peigne. 4 avoit ne sçay qui oublié: cette intervention du narrateur reproduit le v. 1362, Avoit oblié ne sai qui.
11 moult se delicte et plaint: transposition du v. 1373, Et cil qui se delite et pest (plaist À) : plaindre remplace donc pestre (ou plaire), prolongeant l’idée, exposée dans le $ précédent, d’une alliance entre
plaisir et souffrance. 13 pour eschiever aucun peril et aucune aventure :abrègement excessif par rapport aux vers, produisant une confusion de focalisation. Dans les vers, lorsque le chevalier se rend compte que la demoiselle change de chemin, il cuide (v. 1379) qu’elle veuille lui éviter un
obstacle. La prose omet ce relais, si bien que la supposition du chevalier paraît devenir le motif réel de la demoiselle. Or, juste auparavant, on a pu lire que sa motivation était de s’approprier le peigne. 16-17 cy ne s’adreça onques point qui fors de son chemin yssi: «il n’a jamais pris une bonne direction en allant de ce côté, celui qui est sorti de son chemin». Transposition des v. 1384-85, Onques, ce cuit, ne s’adreça | Qui fors de son chemin issi. (son dans À, T seulement, cest dans C, E, U, V).
20-21 Mais se il ne vous plaist.… ceste voye: transposition du v. 1394 tel qu'il figure seulement dans E, Si ne vos plest alez vos an (Mes s’il vos plest, venez vos an, AC).
52 Ce $ dérime de très près les v. 1396-1435. 4-5 aussi m'aït Dieux que je sache que je en mon vivant ne vy mais aussi riche pigne que je voy ci: transposition des v. 1398-1400, « Onques certes, don me soveigne, | Fet li chevaliers, mes ne vi / Tant bel peigne con je voi ci. »
9 qui estoient semblans a fil d’or mieulx qu'a cheveulz: ajout. 16-17 qui ne cuidoit mie que nulle damoiselle feust sans amy ne nul chevalier sanz amie: transposition des v. 1413-15, qui ne cuidoit mie | Qu'amie ami, n'amis amie | Doient parjurer a nul fuer.
NOTES
563
26 adéz sont royne et roy: l’adverbe adéz transpose le assez du v. 1432, Assez sont reïnes et roi (tous les mss), et a ici le sens de «beaucoup». On
peut comprendre «reines et rois, il n’en manque pas». 53 Ce $ dérime de très près les v. 1436-68. 4-5 de son cheval cheoir :ensuite, omission des v. 1443-44, S'’ele ot peor, ne
l’en blasmez, | Qu'’ele cuida qu’il fust pasmez. 6 si grant doulour: ce syntagme est à la fois dans un système comparatif (comme oncques homme eust) et un système consécutif (que il en a la parolle perdue une grant piece). 10 il le vit a terre: correction nécessaire du se en le (pronom féminin),
puisque le chevalier ne s’écroule pas sur le sol. La demoiselle, en revanche, met réellement pied à terre. 15-16 et si comme celle qui moult sçot une parolle destourner :ajout.
54 Ce $ dérime les v. 1469-1511 avec des simplifications stylistiques. 1 Et cil croist qu’elle dist voir: ajout. 6 et a son viz: ces mots se substituent aux v. 1477-78, Et a son front et a sa
face; / N'est joie nule qu’il n'an face. 8-9 Et sachiés qu'il n'en prendroit mie ung char chergié d'esmeraudes : «Sachez qu’il ne les échangerait pas contre un plein char d’émeraudes ». 9-11 jamais ne cuide que nul mal le prengne, ne il ne prisast mie envers les cheveulz toutes les reliquez de saint Pierre ne de saint Pol: ces précisions se substituent aux v. 1484-90, Ne cuidoit mie que reoncles / Ne autres max ja mes le praigne, | Diamargareton desdaigne | Et pleüriche et tiriasque, | Neïs saint Martin et saint Jasque ; / Car an ces chevox tant se fie | Qu'il n’a mestier de lor aïe.
12-13 Je le vous diray mais que vous pour fol et pour mensongier ne me tenéz: transposition des v. 1492-93, Et por mançongier et por fol / M'an tanra l'en, se voir an di. 13-16 Mais tant vous puisse je bien dire que pour tout l'avoir du royaume de Logres, qui l’eust donné au chevalier, n’eust il aussi granit joie comme il avoit des cheveulz qu'il avoit trouvés :transposition des v. 1494-98, Quant la foire iert plainne au Lendi / Et il i avra plus avoir, / Nel volsist mie tot avoir / Li chevaliers, c’est voirs provez,
1 S'il n’eüst ces chevox trovez. 14 qui l’eust donné au chevalier :«si on l’avait donné au chevalier».
564
NOTES
16 Et tant dist ly comptes que: transposition du v. 1499, Et se le voir m'an requerez; le comptes réfère ici au roman de Chrétien. 18 contre le cler jour: ensuite, omission des v. 1504-1506, Qui ait an tot
cest an esté, | Qui l’or et les chevols veïst / Si que l’un lez l’autre meïst.
18-19 Mais je ne vueil cy plus demourer ne faire plus long compte: transposition du v. 1507, Et que feroie ge lonc conte ? (C) ou Mes por coi feroie lonc comte (AGT) ou Mais por quoi vos feire lonc conte (E) ou Por goi vos feroie lonc conte (V).
55 Ce $ dérime avec fidélité les v. 1512-52.
1 Les circonstances de la rencontre avec le soupirant sont plus proches de © que de B-BB, peut-être tout simplement parce que « est ici plus proche de Chrétien (cf. Z, II, 28).
8 si lui a dit: lui réfère à Lancelot. 10 avecques
lui mener:
ensuite, omission
des v. 1529-31,
sanz
nule
desfanse ;| Ce sai ge bien que il le panse, | Qu'il m'ainme, etnefet
pas que sages. 13 le mien cuer ne l’ameroit: ensuite, omission des v. 1536-37, Si m'aïst Dex, ainz me morroie | Que je l’amasse an nul androit. 56 Ce $ dérime fidèlement les v. 1553-1604.
11 ne sa bouche n'a paluee: il s’agit de la bouche de la demoiselle. Les vers 1571-72 ont une syntaxe plus explicite, Quant la pucele le salue, / Qui sa boche pas n’en palue. 13-14 comme il s’em prise de ce qu’elle lui avoit son salut rendu: ces mots se substituent aux v. 1577-78, Ne ne cuidast avoir conquis / Ne tant d’enor, ne tant de pris. 25-26 Ne cuïid certes chevalier ou mond vers qui je ne vous conqueisse bien: la récriture modifie la construction du verbe cuidier que l’on trouvait dans les v. 1599-1600, Ne cuit c'onques home veïsse / Vers cui je ne vos conqueïsse.
57 Ce $ dérime fidèlement les v. 1605-46. 12-13 moult m'ariés ore espoventé de neant se vous pour telles parolles
dire l’enmenés : ajout. 17 a la voye plaine: ensuite, omission du v. 1627, Ou jusqu’a pree ou jusqu'a lande.
NOTES
565
25-26 si ne feust mie fait en reppost mais devant gent: ces mots se substituent aux v. 1641-42, Que bel me fust que l'en veïst/Li quex de nos mialz le feïst.
58 Ce $ dérime les v. 1647-84 sur le régime de l’abrègement. 3-4 les autres aux déz: ensuite, omission des v. 1653-55, li autre au san, / A
la mine i rejooit l'an, | À ces jeus li plusor jooient. 4 les autres pluseurs: «la plupart des autres». Le pronom pluseurs, postposé, restreint l’extension de les autres (Buridant, Grammaire nouvelle, $ 139).
5 et chantent et tumbent et saillent et karollent: abrègement des v. 1658-60, Baules et queroles et dances ; / Et chantent et tunbent et saillent, /
Et au luitier se retravaillent. 14 ceulz qui amoient: ces mots explicitent le simple tuit du v. 1664 en donnant aux jeunes gens insouciants un statut d’amoureux. Cette caractérisation est propre à y. Dans « et B-Bf, une distinction est seulement faite entre les gens de Gorre, qui jouent, et les prisonniers de Logres, qui les regardent (Z, II, 29 et III, 288). 17-18 Et maldehait ait qui jamais y jourra comme il y soit: abrègement des v. 1680-84, N'i ait mes nul qui s’antremete | De jüer, tant com il i
ert; |Dahez ait qui jôer i quiert | Et dahez ait qui daingnera | Jüer, tant com il i sera.
59 Ce $ dérime de près les v. 1685-1721.
2 devant le chevalier :seul le ms C du Chc révèle dès le v. 1686 que le jeune homme est Le fil au chevalier chenu. Dans les autres mss, on lit
Devant le chevalier, mots que l’on retrouve ici. 7-8 ne l'en sceusse je mie :ensuite, omission du v. 1696, Ne tant gahaignié n'i esse. 8-10 Dites moy, beau pere, fait il, dont ne va il yci riche gaaing ? - Gaaing, beau filz ? fait le chevalier. Ce ne sçay je mie s’il est tiens: trans-
position des v. 1697-99, Car cist gaainz est biax et buens. |— Ne sai encor se il est tuens, | Fet li chevaliers a son fil.
60 Ce & dérime d’assez près les v. 1722-83, avec une tendance à l’amplification. 4-5 ja puis Dieux honneur ne lui envoit que il la rendra: transposition au style indirect des v. 1728-29, Ja Dex puis ne me doint | Joie, que je la li randrai!
566
NOTES
6-8 que je aym autant com mon corps. Et aussi m'aïst Dieux, je ne cuid mie que le chevalier soit encore néz qui de lui me peust partir: ajout. 11-14 puis que je l’en verray mener devant moy a ung estrange chevalier. Comment, beau pere, si lui laisseroye m'amie ? Dont seroye je honiz en terre, ne jamais en mon vivant n’avroye honneur :amplification du v. 1737, Quant je li lesserai m'amie. 23-24 mais lay lui la damoiselle avoir a paix: ajout. 25-27 Et maldehait ait qui ja le croirra ne qui ja s'en requerra pour vous, . que je ne m'en voyse tout maintenant combatre au chevalier: la prop. consécutive négative que je ne m'en voyse. au chevalier, au subjonctif, exclut la possibilité envisagée: «Malheur à celui qui appliquerait votre conseil et renoncerait lâchement pour vous complaire, comme si moi je n’allais pas sur-le-champ combattre le : chevalier !». Cette construction est empruntée aux v. 1757-59, 30-31 Et mieulz pense en .I. estrange lieu mon preu a pourchacier que cy: cette leçon est suspecte et on aurait pu corriger en mieulz peusse… mon preu pourchacier ;toutefois le verbe penser transpose parfaitement l’expression bien sai, et la phrase apparaît plutôt comme une adaptation maladroite des v. 1763-64, Bien sai qu'an un' estrange leu / Poïsse mialz feire mon preu (tous les mss). 43-44 que tu en seras ja moult au dessouz de ta pensee :ces mots transposent le v. 1783, Car tu an seras au desoz et produisent un sens différent. La leçon rejetée peut cependant être corrigée d’après ce vers.
61 Ce $ dérime fidèlement les v. 1784-1821, mais avec des transpositions entre discours indirect et direct.
3 car tant est folz que je ne le puis chastier: reprise au style direct du v. 1787, Son fil, qu'il ne puet chastier. 9-13 Par Sainte Croix, puis que vous le voulés, ainsi nous le vous tenrons tant durement qu'il n’avra talent de soy combatre ne de jouste faire au chevalier. Et si lui couvendra maugré sien rendre la pucelle et clamer quitte au chevalier :transposition au style direct des v. 1797-1801, Et cil dient qu'il le panront, | Ne ja puis que il le tanront | De conbatre ne li prendra | Talanz, et si li covendra | Mau gré suen, la pucele randre. 15-16 ne de jouste faire : ensuite, omission des v. 1808-9, Que que il te doie coster, | Que qu'il t'enuit ne qu'il te griet. 17-19 Et sces tu que j'ay enpensé a faire vers toy pour ce que mendre en soit ton dueil? Nous suivrons le chevalier: transposition des v. 1812-15, Ef sez tu quiex est mes corages ? | Por ce que mandres
NOTES
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soit tes diax, | Siudrons moi et toi, se tu viax / Le chevalier. Le découpage de la phrase dans la prose diffère de celui des vers: j’ai respecté la ponctuation de Ac, un point après dueil et une majuscule à Nous (même chose dans Aa). Sans ces marques de ponctuation, un découpage fidèle aux vers aurait été possible. 21-23 nous ne le pourrions ja si tost trouver de mauvais semblant que tantost je t'i lairay combatre
et ta voulanté toute faire: «et
supposons que nous le voyions faire piètre figure, aussitôt je te laisserais le combattre à ta guise ».
62 Ce $ dérime de près les v. 1822-40, avec de minimes amplifications. 2-3 il s’en soufferra pour lui: il a pour référent le fils, et lui, le père. 4-5 et qu'il le laira combatre au chevalier, s’i vient en lieu: ajout. 5-7 Et quant ceulz qui yllec estoient virent que le chevalier qui sur la charrette fu s'en vait et si enmaine la damoiselle sanz deffense: amplification du v. 1827, Et quant ceste avanture voient. 8-9 cil qui sur la charrette fu a Dieux donné si grant honneur :les premiers mots calquent le v. 1830, Cil qui sor la charrete fu, mais la proposition s’écarte ensuite de son modèle (v. 1831, À hui conquise tel enor) en introduisant un syntagme sujet Dieux et un syntagme verbal a donné si grant honneur, qui imposent de donner rétroactivement au démonstratif une fonction de complt. d’attribution. Du coup, la forme attendue serait cellui et non cil. 12 et si grant honneur lui a faite : ajout.
63 Ce $ correspond aux v. 1841-85, avec des suppressions et des ajouts. C’est ici que commence l’épisode du cimetière. Dans les rédactions o et B-BB, Lancelot et la demoiselle arrivent dans un monastère où ils passent la nuit. Le lendemain, Lancelot ouvre sans peine la tombe de Galaad, le fils de Joseph d’Arimathie, avant de s’approcher du tombeau de Symeu, qui lui restera inaccessible (Z, II, 31-38 et III, 289-95). y ignore la tombe de Galaad, et reprend en revanche à Chrétien de Troyes le motif des épitaphes futures, avant d'adapter la scène de Symeu, empruntée à B-Bf, et bien sûr absente des vers. Un «cimetière futur» figure dans l’épisode de la Douloureuse Garde, en amont dans le roman (Z, VII, 331-32). 3-4 Et ainsi comme ilz chevauchoient si encontrent .1. moyne enmy leurs yeux: cette simple phrase se substitue aux v. 1845-60, où il est rappelé que le père et le fils suivent le chevalier, puis où sont
NOTES
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évoqués le cadre du cimetière et la prière du chevalier dans l’église attenante, tandis que la demoiselle attend à l’extérieur. Lorsque le chevalier sort de l’église, Si li vient uns moinnes molt vialz / A l'encontre, devant ses ialz (v. 1859-60, avec des variantes minimes dans les mss).
6-7 quel clochier c'estoit que ilz veoient: ces mots se substituent au v. 1863, Que ce estoit qu'il ne savoit AETV ;Que par dedanz ces murs avoit C. La question, dans y, explicite ce qui reste imprécis dans le . v. 1863 (selon Foulet-Uitti, un vers qui «manque de clarté», note au v. 1863, p. 106). Aucun clocher n’est mentionné ni dans @ ni
dans B-Bf. 12 qui ens gisent: cet ind. prés. se démarque du v. 1874 où l’on trouve girroient C, gissoient À, gessoient E, gisoient T, gesoient V. 12-13 et il savoit lettres assés que la dame du Lac lui avoit fait apprendre: ajout. 14-15 Cy gerra Gauvain et cy gerra Agrevain et cy Girfléz le filz Do; et cy Mordrés et cy Yvain: cette énumération prend ses distances avec les v. 1877-78, Ci girra Gauvains, / Ci Looÿs, et ci Yvains. Sur cette modification, voir A. Combes, «Le dérimage du Chevalier
de la charrette: les vers de Chrétien comme
ressource de la
prose », art. cit., p. 183-84,
16 de ceulz de la court le roy Artu: ajout. Dans le cimetière de la Douloureuse Garde, aucun nom de chevalier n’est cité hormis celui de Lancelot (ZL, VII, 331 ; idem dans les mss Ac-Aa).
64 Ce $ dérime de très près les v. 1886-1926.
2-4 Et si me dites que les tombes segnefient, et si me dites de celle grant lame de quoy elle sert: la prose regroupe les questions posées par Lancelot, d’abord aux v. 1887-88, Ces tonbes qui ci sont, | De coi servent ? puis aux v. 1893-94, Et de cele plus grant me dites | De qu'ele sert. La première réponse du moine (v. 1889-92), ici laissée de côté, sera utilisée plus bas ($ 65). Le moine ne parle pour l'instant que de la grande tombe!.
! Sur la circularité du dialogue entre le moine et Lancelot, voir M. T. BRUCKNER, «Le Chevalier de la Charrette (Lancelof)», The Romances of
Chrétien de Troyes: À Symposium, éd. par D. KELLY, The Edwards C. Armstrong Monographs on Medieval Literature 3, French Forum
Publishers, Lexington, 1985, pp. 139-40.
NOTES
569
5 Ce est du vaissel: la préposition, ici, n’a pas de signification, comme il arrive souvent en moyen français (Marchello-Nizia, La Langue française, p. 330). 11-12 qui trop est pesant et ahuege: ajout. 17-18 nulz des estranges prisons :«aucun des prisonniers étrangers ». 20 si va la lame: la leçon et que donne Ac-Aa est fautive. L’adverbe si corrélé à tantost que se rencontre ailleurs dans le texte (par ex., $ 28, 1. 7-8).
65 Ce $ correspond aux v. 1927-48, avec insertion de vers antérieurs.
2-3 il ne cuide jamais en toute sa vie veoir homme qui ce veist ne feist: «il ne pense jamais voir durant son existence un homme capable d’assister à un tel exploit ou de l’accomplir». 6-7 Se Dieux m'aïst, fait il, ce poise moy quant je ne le puis savoir: amplification du v. 1936, Certes, fet il, ce poise moi.
7-9 Et le chevalier appelle le moyne, si lui dist: « Or me dites, fait il, de quoy furent les tombes faites, et pour quoy. » Et le moyne respont:
les premiers mots sont une reprise du v. 1886 (Li chevaliers le moinne apele); cet ajout permet d'introduire maintenant la réponse des v. 1889-92 omise plus haut. 12 Mais, sire, se vous me disiés vostre nom: le moine réitère sa demande;
cette répétition permet de rejoindre la trame des vers au v. 1937, Mes se vos le me diseiez. 13 Ung chevalier fui, ce veés, du royaume de Logres : la leçon fui (Ac et Aa) est peut-être fautive et l’on aurait pu corriger en sui, d’après les v. 1941-42, Uns chevaliers sui, ce veez, | Del réaume de Logres
nez. Mais on peut aussi considérer que l’on a ici un passé simple marquant l’origine: «Je suis un chevalier, vous le voyez, provenant du royaume de Logres ». 17-19 y chetifs de la terre et du royaume de Gorre…. tous ceulz dont nulz n'eschappe: les leçons de Ac et Aa sont l’une et l’autre fautives. Pour une stricte correspondance avec la désignation qui suit (tous ceulz qui sont a la trappe pris du royaume dont nulz n'eschappe, reprise des v. 1947-48, toz ces qui sont pris a la trape | El réaume don nus n’eschape), on attendrait ly chetifs du royaume de Gorre. On peut admettre que la terre et le royaume de Gorre ne sont pas
tout à fait la même chose, ce qui permet de rester proche de Ac. Pour interpréter la leçon de Aa, il faut rappeler que ce ms est coutumier des expressions toutes faites (le mot royaume appelle de Logres, voir l’Introduction, p. 49-50).
570
NOTES
66 Ce $ débute par une reprise du v. 1949 Et quant il li ot tot conté, puis quitte
la trame versifiée au niveau des v. 1950-51, Li chevaliers l’a comandé | À Deu et a trestoz ses sainz: avec ces vers, l'épisode du cimetière est clos dans Chc. y adapte à cet endroit, en l’abrégeant,
l'épisode de Symeu que l’on trouve dans @ (L, II, 34-38) et B-BB (Z, II, 292-95). Voir l’Introduction, p. 182-88. 1 si ot une voix: le sujet est Lancelot. Dans a, le chevalier oï une noise trop grant en la cave ou la tombe Symeu estoit (L, II, 34), ce qui attire
son attention; dans f-BB, il voit une grant flame en une cave desous tere (L, III, 292). Avecy, le processus de perception est décomposé. Dans un premier temps, Lancelot entend un cri (une voix crie en haut), sans parole distincte, et qui résonne comme un appel. Ensuite seulement, la voix, toujours forte, émet des sons articulés et prononce des mots compréhensibles. Sur ce passage et la «prose intermédiaire» ici employée, voir A. Combes, «Le dérimage du Chevalier de la charrette: les vers de Chrétien comme ressource de la prose », art. cit., p. 185.
11 qui ist de la tombe: la leçon rejetée qui ert de l’eaue est manifestement fautive. La voix, qui provient de la tombe ne peut surgir que des flammes. Il y a eu certainement contamination par le mot eaue qui . apparaît juste après (pren de celle eaue). 12 Pren de celle eaue… Les paroles de Salan sont assez proches de celles que l’on trouve dans les deux autres rédactions : - «: prenés en cele piere de marbre qui est sor moi a destre l’eve que vos i troverois, kar c'est l’eve des mains au lavement al
provoire, aprés ce qu'il a usé le cors Jhesu Crist. Prenés de cele eve, si en arosés vostre cors, kar autrement seriés vos peris ; mais ostés vostre escu, kar il ne vos feroit se nuire non. (L, II, 37).
- B-BB: Pren ceste pierre qui chi desous est, si la lieve et de l’eaue que tu troveras arouse ton vis et ja puis par le fu ne periras, car
c’est l’eaue dont li prestres leve ses mains, aprés ce qu'il a usé le cors Nostre Signor. Et se vous autrement i alés, vous estes mors.
(L, II, 294). 67 Ce $, comme le précédent, est hors du cadre du dérimage,
1-5 Beaux amis, n’ayés mie honte se vous y avés failli, car maint preudomme s’i sont essaiés qui a chief venir n'en porent. Mais de tant comme vous avés fait ceans, si avés vous tant conquise d’onnour que ains
NOTES
571 mes nul chevalier n'y entra qui autretant en peust conquerre: ces paroles de Salan sont une récriture de celles que prononce le moine
(et non Symeu) dans $-BB: Sire, ne soiés pas iriés de ceste chose, car bien sachiés que nus de cels qui ore sont ne le porront mener a chief. Et de tant com vous avés fet au chimetiere avés vous tant d’onor conquise que vous estes li mieudres chevaliers qui onques entrast chaiens (L, II, 295).
13 Moÿs :ce nom apparaît dans les versions « et B-fBB de l’épisode. Dans o, le narrateur précise que dans la tombe de la crypte gisoit li cors Symeu qui fu peres Moysi, a celui dont li cors gisoit en la Dolorose Tombe de la sale as grans poors, dont li grans contes parole del
Graal (L, II, 32). Dans f-BB, Symeu lui-même avoue que por .1. pechié que entre moi et mon filfeismes sueffre jo ceste angoisse. Si ai non Symeu et cis miens fils Moys (L, II, 294). Dans l’Estoire del Saint Graal, Moÿs et son père Symeu sont des compagnons de Josephé. 16 Salan li Envoisié: ce nom n’apparaît pas ailleurs dans le Lancelot (il est
également absent de l’Index de West). Le surnom /i Envoisié évoque davantage les compagnons de la Table Ronde que les proches de Joseph d’Arimathie. 17 nous venismes une nuit chiés le Riche Roy Pecheour: cette aventure
n’est mentionnée ni dans & ni dans fB-BB, où Symeu explique seulement que son état présent est la sanction d’un pechié, sans
préciser la nature de la faute. 19-20 la belle damoiselle de Langorre: ce nom confère une identité à un
personnage mentionné dans un épisode ultérieur de la Vulgate, lorsque Gauvain parvient au château du Graal (Z, II, 373). Ce
personnage féminin réapparaît après l’épisode de la Charrette dans une interpolation du fr. 122 (fol. 49a). On apprend alors qu’elle est la cousine de la sœur de Méléagant. 20-21 s’il le vouloit prendre: le pronom régime le réfère à la demoiselle. 21 il lui feroit: il est la forme picarde du pronom féminin. 25-26 le Saint Vaissel, qui enchantement ne puet tenir: «le saint Vase, qu'un sortilège ne peut maîtriser » (voir aussi Glossaire). 27-28 ele se trouva en une cuve de marbre... qui soit: ce châtiment correspond à celui que subit la demoiselle anonyme rencontrée par Gauvain à son arrivée au château du Graal. Le chevalier découvre en effet une damoisele en une cuve de marbre qui crioit [...] et voit
la cuve qui est bien la moitié plaine d’eve, si qu'a la damoisele i avient jusqu'amont le nombril. Gauvain met la main dans l’eau,
572
NOTES mais il ne la cuide ja avoir retraite a tens, kar tant le trova chaude
qu'il cuide bien avoir la main perdue a tos jors mes. La demoiselle refuse de dévoiler à Gauvain les raisons de son supplice, lui avouant seulement qu’il est la sanction d’un grant pechié que je fis ja (L, I, 373-74). Cette demoiselle est délivrée ultérieurement par Lancelot, sans que l’on apprenne rien de plus à son sujet (Z, IV, 201-2). La rédaction y propose ici un récit étiologique satisfaisant à un détail près : contrairement à ce qu’annonce Salan, ce n’est pas . l’élu du Graal qui libérera la demoiselle. 30 la perilleuse forest de Darnantes: le nom de Darnantes, absent des
versions o et B-fBB de la Charrette, figure dans plusieurs œuvres du Lancelot-Graal, ainsi que dans le Tristan en prose et les Prophecies de Merlin. Dans la Suite-Vulgate du Merlin, la forêt de Darnantes est un lieu de refuge pour Leonce de Paerne (Les Premiers Faits du roi Arthur, Le Livre du Graal, publié sous la dir. de Ph. Walter, p. 1054). Mais surtout, au début du Lancelot, c’est la forêt où Morgane seela Merlin, et elle est désignée, comme ici, par les mots de perilleuse forest de Darnantes (L, VII, 43,
Ars 3479, p. 349a); cette localisation figure également dans les Prophecies de Merlin, puisque l’on y voit comment la dame du Lac enserre Merlin dans une tombe de la forêt de Darnantes!, cadre de nombreuses autres aventures. La Suite du roman de Merlin (post-Vulgate) raconte également comment la dame du Lac, dans la Forest Perilleuse (que l’on traverse pour gagner le royaume de Gorre) enferme Merlin dans une tombe qu’elle scelle par ses conjurations, mais le nom de Darnantes n'apparaît pas?. Enfin, et l’on se rapproche de notre passage, l’Estoire del Saint Graal précise que Moÿs (fils de Symeu), pour s’être assis sur le Siège Périlleux, subit un châtiment par le feu dans la forêt de Darnantes*. Dans le Tristan en prose, Galaad parvient à la tombe
! L. A. PATTON, Les Prophecies de Merlin, edited from Ms. 593 in the Bibliothèque Municipale of Rennes, éd. cit., vol. I, pp. 164-72 ; le nom est noté d’Aurences, mais l’Index établit l’équivalence avec Darnantes. On . retrouve le même passage dans A. BERTHELOT, Les Prophesies de Merlin, . Cod. Bodmer 116, éd. cit., pp. 92-96; le nom est noté d’Arnente. ? La Suite du Roman de Merlin, éd. critique par G. ROUSSINEAU, Droz, Genève, 1996, vol. IT, $ 380-86.
? L’Estoire del Saint Graal, éd. par J.-P. PONCEAU, Champion, Paris, 1997, vol. IT, $ 803-809; la forêt jouxte le roiaume Escotois ($ 810).
NOTES
575 de Symeu, lequel lui révèle que son fils Moÿs est la proie des flammes dans la forêt de Darnantes!. C’est dans cette œuvre que l’aventure de Moÿs trouve enfin son dénouement grâce à Galaad: celui-ci arrive dans une abbaye w il avoit la sale perilleuse ($ 90,
1. 3); on le conduit au tombeau de Moÿs et il délivre le supplicié. Comme on le constate grâce à ces relevés, c’est seulement dans le
Lancelot que figure l’expression complète /a perilleuse forest de Darnantes que l’on retrouve dans y.
68 Dans ce $, la rédaction y reprend le régime du dérimage à l’endroit où elle l’avait quitté, après une première phrase qui conclut l’aventure de Salan. La phrase et lors est a la damoiselle revenus est en effet la récriture des v. 1952-53, Et lors est, c'onques ne pot ainz, / a la
dameisele venuz. Les v. 1954-68 sont dérimés d’assez près. 5-6 lui compta tout le moyne quanques il avoit fait leans: syntaxe un peu maladroite à cause du tout placé devant le moyne et déterminé ensuite par quanques… leans. Cette construction est l’effet d’une transposition trop ou trop peu littérale des v. 1958-59, Li moinnes trestot li reconte | Quanque cil leanz fet avoit (variantes minimes dans les mss).
8 et pour ce tient elle sa compaingnie qu'elle le cuidoit savoir :ajout. 9-10 Mais tant vous puis je bien dire... vens: cette phrase est au style indirect dans les v. 1962-66. L)
69 Ce $ dérime de très près les v. 1969-2008.
15 tout en riant': ajout. 18-19 pour la moitié du royame de Sorelois :y substitue à Amiens (v. 1998) le royaume de Sorelois. 22 le suivir: infinitif substantivé; cf. le v. 2006, Li siudres ne nos valdroit rien.
24-25 Si en laisse li comptes... la pucelle: ajout. Dans Aa, sous ces mots et avant l’initiale ornée figure une courte rubrique: Comment Lancelot suist Meleagan.
| Le Roman de Tristan en prose, vol. IX, publié sous la dir. de Ph. MÉNARD, éd. L. HARF-LANCNER, Droz, Genève, 1997, $ 12, 1. 69; dans ce
$ est rappelée l’histoire de Simeu et de son fils.
574
NOTES
70, 70* Ce 8 dérime les v. 2009-25 avec une tendance à l’amplification.
1 Or dist ly comptes : ici débute Ab, sous une miniature et une rubrique (voir l'Introduction, p. 40-41. Le premier folio de ce ms qui comporte d’assez nombreuses variantes par rapport à Ac-Aa est retranscrit dans l’Annexe I (& 70*-77*). Le $ 70* présente un net régime
d’abrègement par rapport à Ac-Aa. 1-2 Or dist li comptes que quant li chevalier de la charrette se fu partis du cymentiere, si chevaucha son chemin : ajout.
4 il lui requiert: il est la forme picarde du pronom féminin. 7 de Logres et des chevaliers :ajout (également dans Ab). 9-10 si lui dist a Lye chiere par semblant’: transposition à la demoiselle d’un syntagme qui concerne dans les vers le chevalier, lorsqu'il donne congé à sa compagne: v. 2022, Et il li done a bele chiere. 10-11 mais elle a le cuer yrié de ce que son nom ne puet savoir: ajout. La demoiselle a donc échoué, comme c’est le cas dans les vers et dans
o. En revanche, dans fB-Bf, elle explique à son compagnon qu’elle connaît son nom, puisqu'elle l’a entendu lorsque la voix, dans la crypte, l’a appelé «Lancelot» (L, III, 296). Elle promet au. chevalier de garder le silence, et lui explique qu’elle l’a suivi à la demande de sa dame (celle du château au Lit Périlleux).
12 Damoiselle, fait il, a Dieu aléz: ajout consécutif à la transformation du
v. 2022. TITLE Ce $ dérime de près les v. 2026-56. Dans Ab, le régime d’abrègement se poursuit par rapport à Ac-Aa. 7 tans de herbergier: ensuite, omission du v. 2039, Se/ devez feire par reison.
72,,72* Ce $ dérime fidèlement les v. 2057-98, avec quelques abrègements. Ab est proche ici de Ac-Aa. 8 qui moult fu belle et afaitiee:ajout. 10-11 et lui portent si grant honneur comme ilz plus porent faire: abrègement des v. 2074-78, À lor seignor gaires n’antendent | Ne les serors ne li cinc frere, | Car bien savoient que lor pere | Voloit que ensi le feissent. | Molt l’enorent et conjoiïssent. 12-13 si lui apportent ung mantel d'escarlate court: abrègement des v. 2080-82, Son mantel li a afublé | L'une des deus filles son oste, | Au col li met et del suen l’oste.
:
NOTES
575
14 de ce ne couvient il ja tenir compte: transposition du v. 2084, De ce ne quier je ja parler. 17 dont il estoit: abrègement du v. 2090, Qui il estoit, et de quel terre. Dans
Ab, ajout : et pourquoy il estoit venus en chel paÿs.
73, 73* Ce $ dérime très fidèlement les v. 2099-2127, avec seulement une accélé-
ration à la fin. Ab présente peu d’abrègements par rapport à Ac-Aa. 10 qui que veult entrer y puet: relative indéterminée à l’ind. : «quiconque le souhaite peut y entrer ». 16-18 ne je n'ay encore veue chose pour quoy je y doye demourer ne pour quoy je n'en doye yssir: ajout. 20 puis que l’un s’en istra: abrègement des v. 2124-27, Car puis que li uns léaumant | Istra fors de ceste prison, | Tuit li autre sanz mesprison | An porront issir sanz desfanse. 74, 74* Ce $ dérime assez fidèlement et parfois même littéralement les v. 2128-47. Ab présente une tendance à l’abrègement par rapport à Ac-Aa. 11-14 car je cuid que vous soyés venus en ceste terre pour la royne Genevre entre ceste gent sarrasine, qui pieurs sont que ne sont Sarrazins: transposition des v. 2144-47, An cest païs, ce cuit je bien, | Estes
venuz por la reïne, | Antre ceste gent sarradine | Qui peior que Sarrazin sont. «Dans ce pays, je le crois bien, vous êtes venu à cause de la reine, au milieu de ce peuple de mécréants qui sont pires que les Sarrasins » (trad. Foulet-Uïitti).
HSNSE Ce $ dérime les v. 2148-98, avec fidélité. Ab, qui abrège légèrement Ac-Aa, est de ce fait un peu moins proche des vers. 1-2 que pour nulle autre chose n'y vint que pour secourre sa dame: transposition au style indirect du v. 2149, Onques n'i ving por autre chose. Ce vers est au style direct dans 4b. Le vers suivant, Ne sai ou ma dame est anclose, est omis dans Ac-Aa et Ab.
11-12 est ce donc la plus courte voye que vous dites que celle que je tieng ?:
«le chemin dont vous parlez est-il donc plus court que le mien?» L’interrogation des v. 2164-65 est plus simple: Est ele ausi droite | Come ceste voie de ça? Ab offre également une construction moins compliquée. 15-16 de croirre le meilleur conseil se je truis qui le me doint: ajout propre à Ac-Aa. Dans Ab, ajout de au miex que vous savés.
576
NOTES
16-17 je vous conseilleray a mon povoir: ajout. 20 le passage des Pires: pires est une graphie picarde pour pierres (on trouve cette graphie plus bas, $ 76, L. 7). 27 a son seigneur de pere: ajout propre à Ab. 32 car moult lui sembloient envoisiéz :ajout propre à Ac-Aa.
76, 76* Ce $ dérime d’assez près les v. 2199-2222. Le texte de Ab se rapproche ici de celui d’Ac-Aa. 2 se talent en ot: se pour si. On lit ces mots, se talent en ot au v. 2201 dans
ACEV, maïs les éditeurs, gênés par le sens hypothétique, ont choisi la leçon concurrente de T, Andormiz s’est talent en ot. Ab omet cette proposition. | 4-5 et quant ilz se furent armés et montés sus leurs chevaulz: se furent est mis en facteur commun devant armés et montés, alors que monter n’est pas réflexif (même construction dans Ab). 13 et monta sus : ajout (Ac-Aa, Ab). Dans les vers le chevalier ne monte pas dans la bretèche pour ensuite en redescendre.
TTTTS Ce $ dérime assez fidèlement les v. 2223-50. Ab, qui ici abrège par rapport à Ac-Aa, se trouve donc plus éloigné du modèle des vers. 5-6 pour qu'il eust esté en charrette :le verbe entrer ne convient guère ici. La faute semble due à une répétition mécanique de entrer employé juste avant. On pouvait corriger en monté, d’après Ab, mais dans ce passage, Ac est plus fidèle aux vers de Chrétien que Ab. Aussi a-t-il paru préférable de corriger entré par esté (graphiquement proche), d’après le v. 2230, Qui sor charrete esté eüst (variantes minimes dans les mss).
6 en charrette: ensuite, omission du v. 2231, Et ja Dex joir ne t’an doint! 6-7 ytant le chevalier jus s’en avale, qui estoit montés en la brethesche: ajout (voir la dernière note du $ précédent). 14 ains faillent de gré: ensuite, omission des v. 2243-44, Qu'il n’ont talant de feire mal / Ne a lui ne a son cheval.
78 Ce $ dérime assez librement les v. 2251-66, avec plusieurs ajouts soulignant la valeur extrême de Lancelot, et des transpositions de discours (de style indirect à direct). Le texte de Ab est désormais
très proche de celui de Ac-Aa, et ne nécessite plus de transcription intégrale.
NOTES
577
1-2 Aussi m'aïst Dieux, vecy tel chevalier que nul a lui ne s’appareille: transposition au style direct des v. 2252-53, C'’onques tel chevalier ne vit, |Ne nus a lui ne s'aparoille. 3 la plus tres grant merveille du monde: «Tres est parfois tellement uni à l’adjectif sur lequel il porte qu’il peut être précédé d’un autre adverbe intensif comme [...] plus» (Ménard, Syntaxe, $ 299). Par
rapport au v. 2254, Dont n'a il feite grant mervoille, ajout de l’hyperbole et transposition de la forme interrogative à la forme affirmative. 4-6 car oncques mais nul chevalier au mont n'y passa. Et bien veons aux grans merveilles qu'il emprent que s'il puet longuement durer, il avra trespassés trestous les chevaliers qui oncques feussent au monde : ajout. 9-11 si lui compte la merveille que ce chevalier a faite, et il l’orra moult voulentiers et moult grant joye en avra. Et quant le varlet l’entent: amplification et ajout par rapport au v. 2259, Sï li conte ceste avanture. 12-13 ne jamais pere ne mere que il ait ne verra: transposition du v. 2262, Ne ja mes ne s’an partira. 14-15 qui avra passés tous les preudommes dou monde : ajout. 15-17 Mais se vous avéz tel talant que monseigneur mon pere sache sa prouesce, si y alés et lui portés la nouvelle tantost. — Je n'yray pas ! fait le chevalier :amplification et transposition au style direct des v. 2265-66, Mes il aut feire le message, | Se il en a si grant corage.
79 Ce $ dérime librement les v. 2267-94, avec des ajouts et adaptations.
3-5 Et quant le proudomme les vit, si s'arresta et leur demanda qui ilz estoient et dont ilz venoient: amplification du v. 2270, Qui lor demande qui il sont. 6 d’estranges terres: transposition du v. 2272, Qui an noz afeires alomes. 9-15 Aussi m'aït Dieux, fait le chevalier, je n'y sejourneroie pas car il est encore trop grant heure, et chevalier errant qui si grant besoingne a a faire comme j'ay ne se doit mie a ceste heure herbergier. Ne je ne me herbergeray point, car mauvais est ly homs qui se demeure ne reppose pour qu'il ait grant chose emprise: adaptation et amplification des v. 2278-84, Ne porroit estre | Que je herberjasse a ceste ore, | Car malvés est qui se demore | Ne qui a eise se repose | Puis qu'il a enprise grant chose. | Et je ai tel afeire anpris / Qu’a piece n'iert mes ostex pris.
578
NOTES
19-20 La fin de ce 8 et le début du suivant transposent les v. 2292-94, À Ja
voie se met adonques | Li hom devant, qui les an mainne, | Et cil aprés la voie plainne.
80 Ce & adapte les v. 2293-94 (voir note précédente) puis insère un épisode complet. Il s’agit d’une rencontre de Lancelot avec deux cousins de Baudemagu. Grâce à cet ajout, qui n’a pas d’équivalent dans o
et B-BB, le lecteur comprend que le vavasseur fait partie des gens de Gorre. Dans « et f-BB, juste après l’épisode de Symeu, Lancelot rencontre deux chevaliers qui lui interdisent d'avancer sous prétexte qu’il a été charetés. Il les extermine rapidement, sans que leur identité soit précisée, et poursuit sa route (Z, II, p. 39-40 et III, pp. 296-097). L'épisode de y ne présente pas de lien direct avec cette scène. 2 et tant qu'il encontre :début de l’insertion. 9-10 Et neporquant si n'’estoit il mie a ce temps coustume.….. : cette remarque
sur les usages est bien dans le ton du Lancelot ;au début du roman sont en effet évoquées toutes les coutumes qui régissaient le royaume de Logres a chelui tans (L, VII, 236-39). L'usage selon lequel des adversaires doivent s’affronter en nombre égal est mentionné pour la première fois dans Erec et Enide. 22-23 qui les enmenoit: les désigne Lancelot et ses deux compagnons. 23-24 vit que ces deux chevaliers estoient mort: on aurait pu ne pas corriger Ac, qui, comme Aa, omet mort, et considérer que le que avait valeur de qui. Mais il faudrait alors comprendre que le vavasseur ne reconnaît les deux cousins qu’après leur mort, ce que rien ne permet de supposer (on ne leur enlève pas leurs heaumes). La leçon de Ab convient donc mieux. 25-26 si en ot le cuer moult doulant en lui mesmes: les mots et moult en fu doulant,
que
l’on
trouve
ensuite
dans
les trois
manuscrits,
paraissent constituer un doublon de la proposition précédente. II se peut aussi que l’on ait eu à l’origine doulant dans une prop. et un autre adj. dans l’autre. 27 que il ne pot mot dire : fin de l’épisode des deux cousins de Baudemagu.
81 Ce $ dérime assez librement les v. 2295-2315. Est ici reprise la scène de l’écuyer affolé qui figure dans Chc mais qu’ignorent a et B-B$. 1 Et ainsi comme ilz chevauchoient: cette prop. effectue un raccord avec le v. 2295, Et quant il ont grant piece alé.
NOTES
579
3-4 et estoit le roucin aussi reont comme une pomme :reprise de la comparaison très particulière des v. 2298-09, un roncin / Gras et reont com une pome. 5-11 car se vous ne vous hastés du venir, tous sommes mors !— En quelle maniere ? fait le preudoms. — Je le vous diray, fait cil. Vous ne savéz mie la grant merveille qui est avenue en ceste terre, car ceulz qui souloient estre cy entre nous emprisonnés du royaume le roy Artus, se sont reveléz et sont cy venus a ost sur ceulz de Gorre:
amplification des v. 2301-2, Car cil de Logres sont a ost/Venu sor ces de ceste terre. L’appartenance du vavasseur et de l’écuyer au camp de Gorre est manifeste (deux phrases plus loin, on trouve encore nostre paÿs). Chez Chrétien figure seulement le possessif noz, au v. 2314, Et metra les noz au desoz, vers que reprend d’ailleurs intégralement y. 12 et dient que ilz veulent yssir de nostre paÿs a force: ajout. 13-15 qui tous destruira les passages et abatra les coustumes qui sont establiez par cest regne : abrègement et adaptation des v. 2308-13, Qui an mainz leus s’est conbatuz, | N’en ne li puet contretenir/ Passage, ou il vuelle venir / Que il n’i past, cui qu'il enuit. | Ce dient an cest païs tuit /Que il les deliverra toz.
82 Ce $ dérime avec assez de liberté les v. 2316-37. Ici débute l’épisode du
château aux portes à coulisses, épisode que l’on trouve bien sûr
chez Chrétien, mais qui est absent de «a et B-BB. 1 Lors: initiale également dans Ab. 1-2 oÿ ceste parolle: ensuite, omission des v. 2317-19, Et cil an sont molt esjoï, | Qui autresi l’orent oï, / Car il voldront eidier as lor. 12-16 car le chevalier qui herbergier les deust et qui y estoit venus devant, avoit dit aux gardans de la forterece : « Cy vient ung chevalier qui tout destruira les nostres ! » Et pour ce fu la porte fermee aprés eulz, qu'ilz ne vouloient pas qu'ilz ne reppairassent: ajout.
16 ilz ne vouloient pas qu'ilz ne reppairassent :«ils ne voulaient pas qu’ils fassent demi-tour » (et ressortent de la forteresse). Sur ce ne, voir l’Introduction, p. 245.
83 Ce & dérime les v. 2338-40, puis insère un épisode de combat contre un chevalier avant de dérimer les v. 2341-43. 3 Et celle issue ne leur fu mie habandonnee a issir: transformation du v. 2340, Qui ne lor fu pas desfandue. Dans les vers, l’issue de la
NOTES
580
forteresse est apparemment libre, alors que dans y elle est gardée par un chevalier. 3-4 ains treuvent ung chevalier :début de l’insertion. 15-16 Et le chevalier de la charrette et ses compaingnons passent oultre: fin de l’insertion et retour à la trame des vers avec la phrase Et maintenant que ilz furent hors, reprise du v. 2341, Mes maintenant que cil fu fors. 17 cheoir une porte couleisse: après ces mots qui reprennent le v. 2343, Cheoir une porte colant, ajout de et par devant en laisse on une
cheoir: si furent leans enserré. Les trois compagnons sont ici emprisonnés entre deux portes, comme Yvain dans le Chevalier au lion (Les Romans de Chrétien de Troyes, édités d’après la copie de Guiot (Bibl. Nat. fr. 794), III, Le Chevalier au lion, publié par M. ROQUES, Champion, Paris, 1960, v. 907-61). Dans Chc, seule une
porte s’abat, empêchant Lancelot et les fils du vavasseur de franchir l’enceinte de la ville.
84 Après une omission de quelques vers, ce $ dérime avec de nombreux écarts les v. 2348-57. Ensuite, débute une insertion importante par sa longueur et son contenu. 1 Les vers 2344-47, Et cil an furent molt dolant |Quant dedanz anfermé se voient, | Car il cuident qu'anchanté soient ; /Mes cil don plus dire
vos doi sont omis. 2-3 que la dame du Lac lui avoit donné. Et lors avale maintenant le manicle de sa main et regarde son doit: ajout. 3-5 Et l’annel si avoit tel force que enchantement ne povoit tenir cellui qui sur lui l’avoit: reprise des v. 2349-51 où sont décrits les pouvoirs de l’anneau, Don la pierre tel force avoit |Qu'anchantemanz ne le pooit |Tenir, puis qu'il l’avoit veüe. Ce pouvoir a déjà été évoqué dans le roman, lorsque la dame du Lac a conduit son protégé à la cour: Lors trait la dame de son doit un anelet, sel met l'enfant en
son doit et li dist qu'il a tel forche qu'il descuevre tous encantemens et fait veoir (L, VII, 270).
5-7 Et la pierre en estoit moult bonne et moult vertueuse, et avoit .Ix. grans vertus en lui dont ly comptes parlera ça avant: ajout. Le nombre deus qui figure dans Ab paraît davantage plausible. A ma connaissance, aucune information supplémentaire sur les pouvoirs de l'anneau n’apparaît dans la suite de l’œuvre (ni dans la Vulgate, ni dans les interpolations du fr. 122).
NOTES
581
7-9 Et le chevalier met enmy sa veue l’annel et regarde la pierre et dist: «Ha! dame, or aroye je de vous moult grant mestier !»: reprise des v. 2352-56, L'anel met devant sa veie, | S'esgarde la pierre, et si dit: | «Dame, dame, se Dex m'aït, | Or avroie je grant mestier/ Que vos me poïssiez eidier. » 9-10 Et cele dame qu'il reclamoit, si estoit la dame du Lac qui estoit appellee fee: ces mots transposent le v. 2357, Cele dame une fee estoit. Avec l’expression par la grant science commence l’insertion proprement dite, qui s’achève à la fin du $ 85. Elle substitue donc un nouveau (et
long) contenu à celui des v. 2358-62, Qui l’anel doné li avoit, | Er si le norri an s’anfance ; | S’avoit an li molt grant fiance | Que ele, an quel leu que ilfust | Secorre et eidier li deüst. 13 la Vie Merlin, qui fu le prophete aux Anglois: la construction que donnent Ac-Aa et Ab est bizarre, et il convenait de la corriger. Les
mots prophete as Englois désignent traditionnellement Merlin dans les textes arthuriens, et on les trouve en particulier au début du Lancelot
en prose
(L, VII, 38). C’est certainement
cette
expression qui s’est trouvée en l’occurrence corrompue, et que j’ai rétablie. La leçon propre à Ab, li vie Merlin pourrait aussi suggérer une déformation de /i livre. J'ai toutefois conservé la leçon /a Vie que fournissent Ac et Aa, car elle n’a rien d’incorrect. Cependant,
l’expression le livre Merlin pourrait désigner un livre réel, les Prophecies de Merlin (voir l’Introduction, p. 142-43).
85 Dans ce $ se poursuit et s’achève l’insertion concernant la vengeance future de Lancelot sur Claudas. Etant donnée l’importance de ce $, j’ai
placé dans l’Annexe II le texte correspondant de Ab. 3-6 Dont il advient souvent en cuer d'omme vigueureux qu'il sueffre plus de vengier l'ennuy que on lui a fait, et il s'en pense bien a vengier, que dont s’il n’en cuidoit avoir vengence : « Ainsi, il arrive souvent
qu’un cœur fort attend plus facilement de venger le tort qu’on lui a fait — et il considère longuement les moyens de le faire —, que s’il ne croyait pas pouvoir en tirer vengeance ». Le premier dont est un adverbe conclusif, le second semble presque désémantisé, à moins
qu’il n’ait 10-11 les Marches partie des son règne
été copié par inadvertance. de Galonne: un roi d’Outre les Marches de Galone fait seigneurs rebelles que doit affronter Arthur au début de (voir Lancelot, VII, 60). Ce roi, avec ses propres cheva-
liers, affronte les hommes d’ Arthur au cours d’un tournoi mais les
NOTES
582
joutes tournent à son désavantage à cause des prouesses accomplies par Lancelot (/bid., 372, 388-94 et 428). On le retrouve
ensuite au côté de Galehaut lorsque celui-ci veut s'emparer du royaume d’Arthur. Quand Galehaut abandonne ses ambitions conquérantes, on peut comprendre que le roi d’Outre les Marches fait de même (sur ce personnage, voir A. Combes, Les Voies de
l'aventure, p. 148-57). L'alliance de ces deux personnages (Galehaut étant le suzerain du roi) explique la présence des Marches de Galonne, à côté des Estranges Ysles, dans l’héritage légué à Galaad. De la sorte, le fils de Lancelot régnera non seulement sur des terres continentales (Bénoyc et la Terre Déserte) mais aussi sur une terre insulaire. En effet, le royaume de Galonne est situé en Grande Bretagne, comme
l’indique clairement une
courte interpolation de Ab, où est évoqué un trajet de Lancelot en terre de Gorre : Che dist li contes que tant erra que (sic) parmi la tiere de Gorre qu'il aproca d’un grant castiel au roi Baudamagut que on apieloit le castiel de Karaisse. Et il erra viers le castiel le plus droit chemin que il quidoit le mius aler, mais il ne savoit mie moult bien le païs et tant qu'il aproca de la grant foriest de Lanvenic qui depart I. signourages : le roiaume de Gorre et le roiaume des Esfraus et le grant roiaume de Galone (fol. 36a). 15-16 Alain des Vaulz de Camaalot: dans Li Chevaliers as deus espees (éd. FOERSTER, Halle, 1877, réimpr. Rodopi,
Amsterdam, 1966),
figure la même filiation pour Perceval : Et Perceval le fil Alain / Le Gros des Vaus de Kamelot (v. 2604-5 ; l’éditeur écrit Le gros Desvaus de Kamelor). La relation est plus évidente encore avec le Perlesvaus (ms de Chantilly): fix Alain le Gros des Vaus de Kamaalot (voir l’Introduction, p. 136-38).
16 Pellesvaus: les leçons de Ac et Aa sont très certainement le résultat d’une mauvaise lecture des lettres va dans Pellesvaus, le nom que l’on trouve dans Ab et qu’emploient de nombreux mss dans une phrase célèbre du début du Lancelot (voir l’Introduction, p. 130). 20-21 si comme ly comptes vous dira: les trois mss ont un verbe au pluriel, ce qui paraît une leçon fautive remontant à O/. En effet, on a ici une formule banale d’annonce identique à celle du 8 84, 1. 6-7,
dont ly comptes parlera ça avant. Dans les deux cas, le compte auto-référentiel, donc non multipliable, affirme qu’il évoquera de façon plus précise un personnage ou un événement qu’il se contente pour l'instant de mentionner. L'emploi du pluriel ne peut donc se justifier. Ici prend fin l'insertion.
NOTES
583
86 Ce $ dérime avec distance les v. 2363-93. C’est le début de la bataille entre
les gens de Logres et ceux de Gorre. 1 Et il regarde la pierre de l’annel: condensation des v. 2363-64, Mes il voit bien a son apel | Et a la pierre de l'anel. 1-2 qu'il n'y avoit point d’enchantement: le raccord est ici parfait avec le v. 2365, Qu'il n'i a point d'anchantemant. Les v. 2366-67, Et set trestot certainnemant |Qu'il sont anclos et anserré sont ensuite omis. 7 campaigne: la leçon de Ac-Aa aurait peut-être pu être conservée, mais le qualificatif large n’est pas usité pour une compaingnie (une «troupe »). La leçon de Ab a paru meilleure. 12-13 Sire, fait il, envoiéz pour savoir lesquelx sont nostres et de quelle partie se tiennent: abrègement des v. 2382-87, Sire, einz que nos vaigniemes la, | Ferïemes, ce cuit, savoir, / Qui iroit anquerre et savoir/De quel part les noz genz se tienent. | Je ne sai de quel part il vienent, | Mes g'irai, se vos volez. 13-15 Certes, je le vueil bien, fait le chevalier de la charrette, que l’un de vous deux y voise, et que nous sachions de quelle partie les nostres se tiennent. — Et je iray, fait le varlet: transposition avec ajout des v. 2388-89, Jel voel, fet il, tost i alez, / Et tost revenir vos covient. 16-19 Er lors fiert son roucin des esperons et s’en vint vers la mellee, et tant en enquist qu'il sçot tout vrayement laquelle partie se combatoient ceulz du royaume de Logres. Et puis revint tout maintenant aux chevaliers: amplification du v. 2390, Cil i va tost et tost revient.
87 Après une première phrase ajoutée, ce $ dérime avec quelques écarts les v. 2394-2413, puis s’écarte momentanément de la trame de Chrétien, pour évoquer librement les prouesses de Lancelot ainsi que son combat avec un grand chevalier. Cette dernière scène n’a
de modèle ni dans les vers ni dans a et f-Bf. 1-3 Et si tost comme le chevalier de la charrette entent ceste parolle, si broche le cheval des esperons; et le varlet lui avoit baillé ung glaive: ajout. 4-5 moult richement armé d'unes moult riches armes a or: ajout. 5-7 Et il le fiert du gleve en l'escu si qu'il lui perce et le hauberc lui rompt, et lifait le gleve passer parm)y le pis. Et il l’enpaint bien, si l’abati mort a la terre: amplification et transformation des v. 2397-98, Et joste a lui, sel fiert si fort | Parmi l’uel que il l’abat mort. 10 Ja lance qui estoit grosse, de fresne : «la lance en bois de frêne, qui était robuste ». Voir l’Introduction, p. 246.
584
|
NOTES
13 qui moult se rest richement combatuz: la relative détermine ici le frère, alors que dans le v. 2410, Qui molt bien s'i est maintenuz, elle
s’applique à Lancelot. 13-14 Et le chevalier de la charrette se tint: début de l'insertion. Ce récit de combat peut être vu comme une première variation des v. 2411-18, qui seront en fait transposés infra ($ 88). 17-18 les chevaliers de la terre s’en esmerveilloient qui le chevalier estoit: ces mots peuvent apparaître comme une transposition des v. 242122, Mes cil de Logres s’en mervoillent, | Qu'il nel conuissent. 19-20 Et tant que ung grant chevalier: début de la scène avec le chevalier géant. 20 les destrois de la Roche: ces «défilés de la Roche» font référence au Passage des Pierres (voir supra, $ 75-71).
88 Ce $ clôt l’épisode du géant puis dérime les v. 2414-50 sur un régime d'amplification.
1 Et quant: initiale également dans 4b. 4 et leur donne si grans coups: fin de l’insertion. \ 4-5 nes garantist ne fust ne fer: retour au dérimage avec reprise exacte du v. 2414, «ni bois ni fer ne peut les protéger ». 5 qu'il ne leur face sentir le branc jusques a l'os: transposition des v. 241516, Cui il ataint, qu'il ne l’afolt /Ou morz jus del cheval ne volt. 6-7 ne il n’y a chevalier tant preu ne tant hardi qui l’osast attendre: ajout. 8-13 et ceulz du royame de Logres se merveillent de cellui qui en leur compaingnie est venus, qui si bien le fait, et si ne le congnoissent ; et si cuident ilz bien qu'il n'eust chevalier en leur compaingnie qu'ilz ne congneussent, mais cestui ne porent ilz congnoistre: amplification des v. 2421-22, Mes cil de Logres s’en mervoillent, | Qu'il nel conuissent, déjà transposés (voir supra, $ 87).
15-17 c'est cil qui tous nous deliverra d'essil et de la grant maleurté ou nous sommes et de la ou nous avons long temps esté: amplification des v. 2425-28, ce est cil / Qui nos gitera toz d’essil | Et de la grant
maleürté | Ou nos avons lonc tans esté. On peut hésiter sur l’interprétation de et de la ou. Ces mots peuvent signifier «et du lieu où » (la adv.) ou bien «et de celle » (Ja article avec valeur anaphorique). Dans les deux cas, la proposition qui suit /a ou reste redondante par rapport au début de la phrase. Est ici en cause l’ajout de ou nous sommes entre le v. 2427 et le v. 2428, des mots qui ont brisé le couplet de façon un peu sommaire. La comparaison entre y et la
NOTES
585 phrase du Che m’incite à choisir la deuxième analyse. Ce /a serait alors le troisième exemple d’article à valeur anaphorique dans y (voir l’Introduction, p. 234).
21-24 Et quant ilz oÿrent ceste parolle et ceste nouvelle. plus ne porent: transposition et adaptation des v. 2435-39; les v. 2435-36, Quant ceste novele ont oïe, | Mout an est lor janz esjoïe sont omis dans C mais présents dans AETV. 25-32 mais tout l'effort qu'ilz font, si est noyent envers l'effort que le chevalier de la charrette fait. Par lui seul ont ceulz du paÿs si grant doulour que tous s’en esbahissent : il seul les chace, il seul les occist, il seul les conffont, il seul les maine tous a desconfiture et a destruccion. Et dient tous ceulz qui le regardent que oncques mais par l'effort d’un seul chevalier ne fu gent aussi desconfite: amplification des v. 2443-46, Et plus les mainnent leidemant |Por le bien feire seulemant / D'un seul chevalier, ce me sanble, | Que por toz les autres ansanble.
89 Ce $ dérime fidèlement les v. 2451-2502.
4-8 Beau sire, Dieux qui toutes les vertus qui bonnes sont a en soy, il vous
gart de peril et d'encombrier. Et de Dieu soyés vous si bienviengnans en ceste sauvage terre ou les souffreteux qui sont yssus de la haute lignie dez Bretons ont tant maulz souffers : amplification du v. 2456, Bien veignanz soiez vos, biax sire, avec ajout de la référence aux Bretons. 18-20 ains doit avoir entre nous grant concorde et bonne paix, et moult devroit l'un amer l’autre et tenir chier et honnourer: amplification du v. 2475, Einz devroit li uns l’autre eidier. 21-22 ains devroit chascun penser pour son preu que je feusse herbergiés en tel lieu: récriture partielle des v. 2478-79, Einz devez estre an cusançon (soupeçon AT) / De moi herbergier an tel leu. 25-26 Par Sainte Croix, font les autres qui le vont saisir au frain, en autre hostel ne gerra il anuit que ou mien: ajout. 27-36 or ne dites. lieu de fait: pour toute cette fin de $, les propos du
chevalier dériment de très près les v. 2484-2502, respectent la syntaxe complexe.
dont
ils
90 Ce $ dérime de près les v. 2503-18, avec deux ajouts. 6-10 Et quant ilz se furent levéz et apparaillés, si oÿrent messe en une chappelle en la court au vavassour, et puis prent le chevalier ses
NOTES
586
armes pour armer son corps, et ses deux compaingnons ensemble o lui. Et quant ilz furent montés et apparailliés, et ilz orent leurs escus et leurs lances: ajout. 14-19 Et quant ils l’oyrent, si en furent moult doulans et dirent: « Sire, ilfu mieulx que nous en alissions o vous. » Et il leur dist: « Seingneurs, il n'est mie raison ne drois que je vous enmenasse, car par mon corps seul achieveray l'aventure pour quoy je y vings, ou je remanray ore seul. » Lors les commanda a Dieu, et eulz lui tous en
plourant': ajout. 15 il fu mieulxs: forme de subj., comme dans Ab: il vausist mius. Voir l’Introduction, p. 227. 18 ou je remanray ore seul: ou est un relatif, «l’aventure dans laquelle ». La leçon de Ab, avec seul P1 du verbe soloir, est meilleure que celle :
de Ac et a toutes les chances de remonter à la version O. Je n’ai cependant pas corrigé Ac, dont la leçon reste parfaitement recevable. De façon exceptionnelle, Ac abrège ici son modèle: pourrait être en cause une mauvaise lecture de la forme verbale seul. 19-20 tous en plourant: V’adverbe indéfini tout s’accorde avec eulz.
91 Ce $ dérime d'assez près les v. 2519-53. Débute ici la seconde évocation
d’une famille hospitalière chez laquelle est hébergé Lancelot (voir le $ 72 pour la première).
5 Et le chevalier et sa femme: cette représentation du couple assis (également dans Aa et Ab) constitue une incohérence, puisque l’on apprendra bientôt ($ 92) que le mari est à la chasse, ce qui est également le cas dans les vers. La bévue provient-elle d’un copiste
ou du dérimeur lui-même? Il est difficile de trancher, mais il me semble que l’erreur s’explique assez bien si l’on postule une lecture distraite ou hâtive des v. 2524-27, À l'issir une meison virent |A un chevalier, et sa fame, | Qui sanbloit estre boene dame, / Virent a la porte seoir (ACET; minimes variantes dans V). Il se pourrait en effet que lors du dérimage, ces vers aient été pris en compte deux fois. D’abord aurait été perçu le rejet a un chevalier, reproduit tel quel dans la prose: si trouverent la (une dans Ab) maison ; puis, dans un second temps, le v. 2525 aurait été considéré comme une unité syntaxique: le chevalier et sa femme. Ce découpage imposait alors un verbe pour ce nouveau sujet, obtenu par la transposition de virent seoir en seoient. Si la faute remonte
NOTES
587
ainsi au dérimeur, elle serait due à un moment de relâchement (voir l’Introduction, p. 107); elle montre aussi que n’ont pas été effectuées de relecture et de correction systématiques (un phénomène comparable apparaît au $ 97, voir ci-après la note des 1. 11-15). 6-7 et regardoient les plains et la forest qui moult sembloit estre belle et bonne et bien seant': ajout. 15-16 si appelle ses filz et ses filles: ensuite, omission dans Ac-Aa des v. 2541-43, Et il vindrent tot maintenant: | Vaslet cortois et avenant | Et chevalier et filles belles. Le ms Ab transpose directement le v. 2541, puis abrège maladroitement les v. 2542-43 en répétant les mots qui erent si fil et ses filles figurant au début de la phrase. 19 puis que la dame leur ot commandé: ces mots se substituent au v. 2548, Desarmer fet les chevaliers. 20-23 et quant elles desarmé les orent si comme celles qui bien le sçorent faire, si leur affublent trois cours manteaulz d’escarlate a pene d’ermine et les enmainent en l’ostel: adaptation et amplification des v. 2550-53, Desarmé sont, puis si lor baillent / A afubler trois corz mantiax. | À l’ostel, qui molt estoit biax, / Les an mainnent eneslepas.
92 Ce $ dérime les v. 2554-79 avec une fidélité très variable. 1 Mais li sires en estoit partis: reprise du v. 2554, Mes li sires n'i estoit
pas. L'absence du seigneur constitue bien une incohérence par rapport à ce qui a été décrit au $ précédent (voir commentaire supra).
10-11 ly meneur et les greigneurs… et les autres: transposition des v. 256972, toz li mendres… Cil... Cil.…. 11 haster le mangier: ensuite, les v. 2572-74, où sont évoqués les préparatifs concrets du repas, ne sont pas transposés. 14 Et li comptes dist que ilz furent servis moult richement: ajout.
93 Ce $& dérime de près les v. 2580-92, mais à partir de si leur dist (1. 9), insertion de quelques phrases qui n’ont d’équivalent ni dans les vers ni dans @ et B-BB. Cet ajout est encadré par si leur dist et et dist, ce qui permet de retrouver sans difficulté la trame des vers. Dans ce $ débute l’épisode du chevalier orgueilleux.
NOTES
588
1 Et ainsi comme ilz orent le premerain més, ensi leur vint ung presant':
transposition de la tournure du v. 2580, Au premier mes vint uns presanz (mss CTV, vient uns sergans À, mes omis E). 6 et ot l’autre mise: ensuite, omission du v. 2588, Par contenance et par cointise. 9-14 si leur dist ceste parolle moult angoisseusement, comme cil qui estoit le plus desreés de parollez qui feust en toutes les marches au roy Baudemagu de Gorre. Et lui avoit Meleagans chargié a garde ung des plus felons passages qu'il eust, pour ce qu’il le savoit de tres merveilleuse prouece. Et lors parla le chevalier :ajout en concordance avec une interpolation de Ab, après la fin de la Charrette. Voir l’Annexe III.
94 Ce $ dérime les v. 2593-2614, d’abord très fidèlement (plusieurs vers sont
repris tels quels), puis avec une certaine liberté. 9-14 Aussi m'aïst Dieux, ja par toy ne deust estre emprise si grant follie ne tel orgueil, ainçois te deusses bien pourpenser de la grant honte qui t'est avenue et du grant repprouche, car chevalier ne deusses * tu mais estre, ains deusses estre ostés de toute chevalierie, quant
tu sur la charrette montas: ajout. 16 en la charrette fuz levéz: ensuite, omission des v. 2610-11, Ce ne sai ge se tu honte as | De ce que tu ifus menez. L'idée exprimée par ces vers est en fait transposée dans l’ajout des 1. 9-14. 16-18 Mais ja nulz qui eust. felon blasme: «Mais jamais quelqu'un pourvu d’un peu de raison n’y aurait songé [à commettre une telle folie, voir la 1. 9], du moment qu’il aurait été dans la charrette et
accusé d’une si terrible faute ». 95 Ce $ dérime les v. 2615-37 sur un régime accéléré, abrégeant le monologue plaintif de la maisonnée tout en prenant soin d’en conserver la progression et les effets de sens. 6-7 au point que out tout ainsi la charrette: «pour avoir subi ainsi la charrette ». 8 Et s'il ne feust de ceste prouece retés: transposition du v. 2629: S'il fust de cest reproche mondes. Le mot prouece est employé de façon ironique. Dans Ab, le texte reste proche des vers, mais l'emploi de la forme négative le rend absurde: s’il ne fust de cheste prouesce mondes.
NOTES
589
9%6 Ce $ dérime les v. 2638-63, avec plusieurs brefs ajouts et une transposition de discours indirect à direct. 2-3 faulz chevalier encharreté: ajout ;faulz: graphie picarde de fols. 4-7 sans mon congié et sans le congié a monseigneur Meleagant, et as destruis les passages et occis les chevaliers que monseigneur y avoit mis, et sans raison. Et tant sachies tu bien que pour passer au
Pont, mar en avras ja travail: ajout. La dernière prop. signifie «tu n’auras pas de difficultés» (sur mar... ja avec un futur, voir Buridant, Grammaire nouvelle, $ 426. 3). 9-10 par un couvent que nous y mettrons moy et toy. Et si te diray quelz les
couvenans seront :ajout. 12-16 Beau sire, grans mercis vous rent. si grant meschief: transposition au style direct et modification des v. 2650-53, Et cil respont que il ne quiert | Avoir d’ (sic) de sa voiture À (Avoir mie desavanture CE; Avoir tele mesaventure T; Avoir tele desavanture V; Avoir sa
merci n’en a cure G): | Ja sa teste an ceste avanture | N'’iert mise
por nes un meschief. Le mot voiture figure exclusivement dans À. 17 Non, fol chevalier encharretés: ces mots se substituent aux v. 2655-56, Des que tu ce feire ne viax, | Cui qu’an soit la honte ne li diax. 21-23 car tant suis lassés et travaillés que je me dueil des grans journees et des loingtaines que je ay faites. Si cremdroie que le piour n'en eusse se je me combatoye a vous: ajout.
97 Ce $ correspond aux v. 2664-90; les écarts sont nombreux par rapport à la trame des vers, relevant tantôt de l’accélération, tantôt de l’ajout.
1-7 Atant dist.… et tost courans: cette description de l’armement du chevalier suit de loin la trame des v. 2664-72. 3 se hastent du tost faire: du enclise de + le. 8-10 qu'il ne sembla pas prince empruntés mais chevalier de tres grant povoir et de tres grant baronnie: ajout. 11-15 Et tant avenoit sur le cheval, et l’escu a son col que il tenoit par les enarmes embracié et le heaume qu'il avoit en son chief mis li seoit tant durement bien, qu'il ne feust a nullui adviz qu'il ne feust ainsi néz et creuz: creuz est le pp. de croistre. Les vers correspondants (v. 2680-90) se présentent ainsi: Bien sanble qu'il doie estre suens / Li chevax, tant li avenoit, | Et li escuz que il tenoit | Par les enarmes anbracié ; | Si ot un hiaume el chief lacié / Qui tant i estoit bien assis / Que il ne vos fust mie avis | Qu'anprunté n'acreü
590
NOTES
l'eüst ; / Einz deïssiez, tant vos pleüst, | Qu'il fu ensi nez et creüz. Le dérimage n’a pas tenu compte du rejet Li chevax, au début du v. 2681, associant au contraire ce mot au syntagme subséquent, tant li avenoit, pour le transposer en tant avenoïit sur le cheval; le
vers a ensuite été calqué avec fidélité. La construction tant avenoit sur le cheval est inhabituelle; on peut comprendre: «il avait si belle allure sur le cheval» (le verbe avenir est construit de façon usuelle dans le $ 129, 1. 5 et 6). Je ne suis pas intervenue sur la
syntaxe de cette phrase, car elle me paraît remonter au dérimage lui-même, comme le laisse penser le fait que les leçons de Ac, Aa et Ab soient ici identiques. Après ainsi néz et creuz, omission du v. 2690, De ce voldroie estre creiiz.
15-19 Et lors dist Ly sires de la maison : « Ha !dieux !que grant doulour que si fait chevalier fu oncques en charrette mis pour forfait! Et maudite soit l'eure que le forfait fu establis par quoy il y fu montés.» Ainsi disoient tous ceulz de la maison: ajout qui se substitue au seul v. 2690, De ce voldroie estre creüz.
98 Ce $ correspond aux v. 2691-2723;
le récit du combat, tout en respectant la
progression des vers, est narré avec de minimes mais nombreux. écarts et une tendance à l’amplification. En revanche, la métaphore
du jeu développée par Chrétien (v. 2716-22) est supprimée. 11 et s’en pendent = et si en pendent. 19-20 ne puis je veoir, si comme ly comptes nous tesmoingne: cette intrusion du narrateur et cette référence au conte sont absentes des
vers (tous les mss). Cet ajout pourrait se fonder sur une interprétation de ja pour voir dans les v. 2713-14, Et s’il de mort s'antrehaïssent, | Ja pour voir ne s'antranvaïssent, en ne puis je veoir. 21-25 Et moult se coitent… moult cruelle : ces phrases abrègent les v. 271623, où les coups d’épée sont comparés à des coups de dés au jeu de mine, mais sans faille, c’est-à-dire sans coup raté. Seuls ont été conservés les mots gieu et faille.
99 Ce $ dérime de près les v. 2724-64. 11 pres de la teste : ensuite, omission du v. 2742, Si l’anvaïst come tanpeste. 16-17 si li recourt sus et le fiert sus tant durement que cil s'en esmaye: ces mots développent l’expression du v. 2751, Si li passe «il le contourne » (trad. Foulet-Uitti).
NOTES
591
21-23 fout autressi comme l’aloe. surmonte: reprise de l’image utilisée par Chrétien, v. 2758-61. 22-23 ne il ne puet mais trouver reppoz car cil le passe et surmonte: le récit revient aux chevaliers avec cette transposition des v. 2760-61, Ne ne s’a ou aseürer |Puis que il la passe et sormonte. Dans les mss AG, de coloration picarde, le v. 2761 a la forme Puis que il le passe et sormonte, et c’est à partir d’un tel texte (avec le) qu’a dû s’effectuer dans y l’abandon de l’image: il n’est plus question ici des oiseaux mais des combattants (au v. 2761, on a il la dans CET et il li dans V). 25-26 mais mout a grant ennuy le fait. Et il est tant laz et travailliés que il ne puet sur piéz ester : ajout.
100 Ce $ dérime de très près les v. 2765-92.
3 que je ne t'occie : ensuite, omission des v. 2768-69, Molt avez or dit grant savoir, / Fet cil, ce devroit dire fos.
101 Ce $, où l’on voit arriver la demoiselle à la mule, dérime d’assez près les
v. 2793-2843 (plusieurs vers sont repris tels quels), avec une tendance à l’amplification. 6-7 Et sembloit qu'elle venist a moult merveilleux besoing : ajout. 7-8 qui alast mie si tost :«qui allât un tant soit peu aussi vite » : mie peut être «employé positivement en contexte non thétique» (Buridant, Grammaire nouvelle, $ 606, Rque 1).
11-12 de la riens ou monde que tu plus convoites et que tu plus voulroyes avoir :ces mots amplifient le v. 2806, De la rien qui plus te delite. 16-18 pour demander .1. don. pourroye faire: «pour te demander un don en toute amitié, en échange duquel je te rendrai un service aussi grand qu’il me sera possible ». 19-20 de moy de tel chose dont tu avras espoir aussi grant besoing comme j'ay ore de ton aide et de ton secours : amplification du v. 2817, De m'aïde, si con je croi. 23-24 et dontje ne soie trop au dessoubz: ajout. 26 que tu, au mien escient, n'occeis :la syntaxe est elliptique;cette propo-
sition ne peut, d’un point de vue sémantique, être régie par demander et il faut sous-entendre un verbe déclaratif tel que dire devant le que. 27-29 ne aussi plain de toutes les malices qui peuent estre en cors d'omme. Et sachies que ce est le plus malicieux homs qui oncques feust': ces
NOTES
592
mots se substituent aux v. 2826-29, Ja ne feras pechié ne mal, / Einçois sera aumosne et biens, | Que c'est la plus desléax riens ! Qui onques fust ne ja mes soit. 33-34 Cellui qui est filz et peres et qui fist sa mere de celle qui estoit sa fille et s'ancelle: une telle présentation de Dieu (décalque fidèle des v. 2835-37,
vers
omis
dans E) se fonde
sur le mystère
de
l’Incarnation: Dieu est le père; mais incarné dans le Christ, il est fils de l'Esprit Saint et de la Vierge; la Vierge, fille et servante de Dieu en tant que créature, est aussi la mère du Christ. Ainsi la fille devient la mère. Ce type de formulation se rencontre dans d’autres romans, par exemple dans le Merlin (de façon plus condensée): Bele glorieuse mere Dieu, dame, fille et mere Jhesu Crist (Robert de Boron, Roman de Merlin. Roman du xur siècle, éd. critique par A. MicHa, Droz, Genève, 1979, p. 39).
102 Ce $ dérime de très près les v. 2844-79.
4-5 Et a cellui qui lui requiert: cellui est féminin (voir l’Introduction, p. 216). 9 se elle lui est devee : «si la tête lui est refusée » (lui = la demoiselle). 9-10 donc a il Largesce desconfite : ensuite, omission des v. 2859-60, An tel prison, an tel destrece | Le tienent pitiez et largece. 16-17 mais ja ne beast au surplus pour riens qui lui peust advenir: «étant entendu qu’il ne demanderait rien de plus quoi qu’il pût lui arriver». Autrement dit, une fois que l’adversaire s’est rendu, il
n’a rien à craindre et rien à exiger. 17 Donc ne le veera: le est la forme picarde du pronom féminin (le = mercy). 18 qui lui prie et requiert: ensuite, omission du v. 2877, Des que ensi feire le sialt. 18-19 er puis que il voit que faire lui estuet, il pourchacera aux deux leur gré: ces mots se substituent aux v. 2878-79, Et cele qui la teste vialt /Avra la ele ? Oïl, s’il puet.
103 Ce $ dérime d’abord avec fidélité les v. 2880-91 puis quitte la trame des
vers pour insérer quelques phrases marquant la haine du chevalier orgueilleux. 5-7 Mais tant saches tu bien que se je te conquier a ceste foys, tu ne me pues
eschapper sans mort se je une autre fois te puis conquerre:
NOTES
593 récriture complexe des v. 2888-89, Mes saches que tu i morras / Se je autre foiz te conquier.
8 Et aussi m'aïst Dieux, je te hez: début de l’insertion, qui se prolonge audelà du présent $. 16 encharretté: cet adjectif figure ailleurs dans Ac-Aa; il a déjà été employé deux fois par le chevalier orgueilleux($ 96, 1. 3 et 17). A cet endroit du ms, on pourrait hésiter entre encharretté et en charrette, car l’intervalle est un peu plus grand que la normale entre en et charrette. La leçon de Ab, encharetés, m’a incitée à conserver l’adjectif. Dans Aa, la leçon en charrette est cependant manifeste (le scribe a certainement tenu compte du très court espace de Ac). 104 Dans ce $ se poursuit et s’achève l’insertion du $ précédent; les v. 2892-
2900 sont à peine perceptibles dans ce passage. 1 À ceste: initiale également dans 4b. 4 vous l’avréz: fin de l’insertion. 4 et encore vous y amenderay je tant: cf. le v. 2892, Et ancor assez t'i amant. 6-19 Par Sainte Croix. cil s'en esbahit tous: nouvelle insertion développant le combat brièvement évoqué dans les v. 2896-2900, et reviennent lués / A la bataille com angrés ; | Mes plus le reconquist aprés | Li chevaliers delivremant | Qu'il n'avoit fet premieremant. On relève simplement la transposition des v. 2896-97 dans et revient a la bataille (1. 14); le v. 2897 est cependant repris intégralement dans Ab. 7 tu parolles contre ton annuy: «tu parles de manière à provoquer ton malheur ». Dans L, V, 100, on trouve une phrase similaire, lorsque
treize chevaliers déclarent à Lancelot qui vient de sonner du cor: tu cornes contre ta grant dolor, ce que Micha traduit «tu cornes pour appeler ta grande souffrance » (Lancelot, 10/18, Paris, 1984,
vol. II, p. 292). La leçon rejetée, amy, remonte certainement à l’oubli d’un jambage dans la copie du mot anui, devenant ami. Dans le $ 160, figure une erreur identique (ami pour annuy).
19-20 et puis le ra il conquis tost et delivrement: avec ces mots qui transposent les v. 2898-2900, Mes plus le reconquist aprés | Li chevaliers delivremant | Qu'il n'avoit fet premieremant, l'insertion.
prend fin
NOTES
594 105 Ce $ dérime de très près les v. 2901-31, avec de minimes ajouts.
1
4 il t'engignera. Derechief: après engignera, un / dans Ac, un point et une majuscule dans Aa. Un point après derechief dans Ab puis une . majuscule à Coupe: Ab reproduit la découpe des vers. Il faut comprendre : «Je te le répète: coupe... ». 7-10 Et sachies que pour la moitié du royaume de Logres ne pourroyes tu voloir, encore sera telle heure, que tu ne le m'eusses ottroyé:.
ajout. 9 encore sera telle heure: «un jour viendra». 10-11 Et sachies qu'il ne t'espargnast mie s'il t'eust conquiz une foys: ces mots, déjà prononcés par la demoiselle au début de son discours
(1. 2-3) se substituent aux v. 2914-15, S’il puet, il te rangignera | De sa parole autre foiee. 4 11 Et cil qui sa mort vit approuchier: clôt l’ajout en reproduisant le v. 2916, Cil qui voit sa mort aprochiee.
12-13 Merci, chevalier, mercy: transposition au style direct du v. 2917, Li crie merci molt an haut. 18 Et le chevalier de la charrette: ces mots se substituent à Ci/ (v. 2926). 20 n'y ayes jamais fiance: ajout, «n’y compte plus désormais ». 22 qui m'et: et = het (verbe haïr).
106 Ce $ dérime de très près les v. 2932-55. 3 car c’est un traictre mortel: ajout. 8-9 de mon ennemy mortel le plus felon que oncques deables feissent: amplification du v. 2945, De la rien que je plus voloie. 15 Et tantost s'en part la pucelle: cf. le v. 2954, Tantost la pucele s’an part.
Dans @ et B-Bf, lorsque la demoiselle s’en va, le narrateur explique qui elle est et dévoile les motifs de sa requête :dans a (Z, IT, 57), on apprend ainsi que cette demoiselle est la sœur de Méléagant, et que le chevalier dont elle a exigé la mort avait traîtreusement tué son ami parce qu’il en était jaloux ; aussi a-t-elle
voulu se venger; B-B$ (L, III, 311) fournit des explications différentes : le chevalier aurait brouillé la jeune fille avec son père en prétendant qu’elle avait un ami, puis aurait fait croire à Méléagant qu’elle voulait l’empoisonner, d’où le ressentiment extrême de la
demoiselle. Comme chez Chrétien, y ne dévoile ni l’identité de la
jeune fille ni les raisons de sa haine. 16 et tous ceulz qui ensemble o lui estoient: ajout.
NOTES
595
107 Ce $ dérime les v. 2956-94 avec une tendance à l’amplification et insère un développement entre le v. 2970 et le v. 2971 à propos du vavasseur et de son épouse. 3 pour veoir la bataille. Et quant ilz orent: pas de ponctuation avant le Et
dans Ac-Aa. Un point avant le er dans Ab. 6-7 Et ly sire de la maison mesmes lui apporte de l’eaue a laver ses mains: amplification du v. 2962, Tot maintenant lor mains relevent. 11-12 Sire, il a moult grant temps que moy et ma femme venismes du royaume de Logres ça: après cette phrase très proche des v. 296970, Sire, nos venimes piec'a | Del réaume de Logres ça, insertion dans laquelle le vavasseur raconte sa propre histoire. Sur ce développement discursif sans équivalent ni dans les vers ni dans la
prose (@ et B-BB), voir l’Introduction, p. 152-53. 14 Galain le Roy: le surnom le Roy pourrait être une déformation de le Rous. S’agirait-il de Galains, li dus de Ronnes, personnage juste mentionné ailleurs dans le Lancelot mais qualifié de millor chevalier de la maison Galehot (L, VIIT, 436) ? On peut en douter.
D’après l’index établi par A. Micha, aucun autre Galain ou Galan n’apparaît dans le Lancelot. 20-21 si voulrions nous: retour à la trame des vers, avec raccord aux v. 2971-72, si voudriens / Q'annors vos venist et granz biens.
27 donner que promettre: ensuite, omission du v. 2985, Se mestier aviez del prendre. 29 que nous sceussons qui bonne vous feust: ajout. 31 rarés vous: préfixe itératif r(e)- devant avoir.
32 Et tant vueil je que: tant fonctionne ici comme cataphorique d’appel (Buridant, Grammaire nouvelle, $ 140). «Et tout ce que je veux,
c’est que ». La syntaxe complexe de cette phrase semble due à une superposition de constructions : je vueil que vous ayés du nostre en remembrance de nous; et tant vueil je que vous ayés .I. de nos chevaulz. 33-35 en remembrance de nous, .1. de nos chevaulz et toutes les choses qui vous faillent a vostre harrnois: ces mots se substituent aux v. 2992-93, Tot le meillor an leu del vostre | En manroïz, qu'il vos est mestiers. 35-36 Et il respont que le cheval prendra il moult voulentiers : transposition au style indirect du v. 2994, Et cil respont: «Molt volantiers ».
NOTES
596
108 Ce $ dérime de très près les v. 2995-3016. 1 Atant: initiale également dans Ab. 5-6 Mais une chose par verité vous acompte : cette intrusion du narrateur est fidèle au v. 3002, Mais une chose vos cont gié. En revanche, le
v. 3003, Por ce que rien ne vos trespas, est omis. 7 ains y fist: ensuite, omission de ce vos voel conter (v. 3007).
109 Ce $ dérime de près les v. 3017-54. Ici commence l'épisode du Pont de
l’Epée. Dans B-BB seulement, une attaque de vilains et de chevaliers prend place avant l’arrivée au Pont (Z, III, 312-13).
8 en la mer bethee: l'adjectif betee («gelée, glaciale») figure exclusivement dans le ms C du Chc, tous les autres mss donnent salee. L'idée ainsi exprimée est que n’importe quelle créature vivante (riens) serait anéantie en tombant dans la rivière sous le Pont de
l’Epée, comme elle le serait dans la mer glaciale (au point de geler). : 9 si estoit de tous autres pons divers : ensuite, omission du v. 3033, Qu'’ainz tex ne fu ne ja mes n'iert. 10 S’il est qui voir m'en requiere : transpose directement le v. 3034, Einz ne fu, qui voir m'an requiert. 15-17 ne ne puet mie paour avoir cil qui dessus montera que il ja perde l’aler pour foiblece, car ja ne ployera pour faiz que on lui face chargier :amplification des v. 3042-43, Ja nus ne dot que il i chiee 1 Por ce que ele brist ne ploit. 17-18 avoit il d’esploit que il povoit: il, forme picarde du pronom féminin, réfère ici à l’espee. 20 d'autre part de la planche: la correction s’appuie sur le seul autre emploi de d’autre part, $ 66, 1. 2 : d'autre part du cymentiere. 20-21 .r. lyons et ung lieppart: la prose ici transforme le v. 3049, tel qu’on le trouve dans les mss VE, dui lion et dui liepart. Les mss ACT ont duy lyon ou dui liepart. Sur ce passage, voir l’Introduction,
p. 121-25. 22-23 le lieppart amenoit ung villain parmy une chayenne en sa main: cet ajout est une adaptation de B-BB, où l’on peut lire, mais seulement après que Lancelot a traversé le pont : Lors esgarde, si voit..1. vilain qui amaine .Ii. lyons en une caine (voir ci-dessous la note aux 1. 1420 du $ 112). La structure Complt-V-Sujet combinée ici avec l’absence de marque pour la fonction-sujet produit un énoncé
NOTES
597 ambigu (maïs le terme de main permet de comprendre qui tient qui). On a ici un exemple net d’un état de langue intermédiaire.
110 Ce $ dérime de très près les v. 3055-91. 9 et que ne volassent oiseaulx: transposition du v. 3068, ms E exclusivement, Et les oisseax qu'il ne vollassent (puis manquent dans E les v. 3069-72, alors que les v. 3070-72 sont transposés dans y). Dans les autres mss, on lit aux v. 3068-69, Et as oisiax qu'il ne
chantassent | Ne qu'il n'osassent mes chanter (ACTV). 9-10 ne que ly homs pourroit entrer :transposition exacte du v. 3070, tel que le donne seulement le ms C. 15-16 moult sommes hardis quant nous les osons veoir et regarder: transposition au pluriel des v. 3080-81, Molt sui hardiz quant je les os / Veoir et quant je les esgart. 18 Mais vous, soyés sages et courtois :ajout.
111 Ce $ dérime les v. 3092-3104 avec une légère tendance à l’amplification, puis sont insérées des phrases dans lesquelles Lancelot découvre que la reine est proche de lui. Le texte de cette insertion rappelle
les rédactions « et f-Bf, sans être spécialement fidèle à l’une ou l’autre, même si l’on a quelques mots en commun, peut-être dus aux similitudes de l’action. 1 fait le chevalier erraument': ces mots se substituent au v. 3092, Et cil lor respont an riant. 1-2 grans mercis, et gré ayéz: la formule de remerciement paraît indépendante de la construction avoir gré (dans Ac, barre oblique après mercis).
7-8 Et je sçay bien que mort et peril a partout: ajout. 9 je fois: P1 de l’ind. présent du verbe faire (faç dans Ab). Voir l’Introduction, p. 199. 11-13 Et mieux ayme je a mourir sur la planche ou mourir en l’eaue que je n'avroye a vivre par ainsi que je retournasse: «J'aime mieux mourir sur le pont ou mourir dans l’eau que devoir vivre à condition de faire demi-tour ». C’est le début d’une insertion qui s’achève dans le $ suivant. Les phrases de y (1. 13-25) rappellent «
et B-BB: — y: Lors regarde contremont et vist la tour au roy Baudemagu de Gorre, et en celle tour estoit la royne Genevre. Et quant le
598
NOTES
chevalier l’a regardee, si fu moult merveilleux de si belle tour. «Dites moy, fait il aux chevaliers, se vous savés qui celle tour est. » Et ilz lui respondent : « Elle est au roy Baudemagu, et leans si a mise Meleagans la royne Genevre, la femme au roy Artus.» Et quant le chevalier l’entent, si fu si liéz que plus ne puet, ne riens au monde ne lui abelist autre que ceste. Lors dist qu'il veult passer le pont. Et lors regarde amont, si vist la royne a une fenestre et, coste lui, le roy Baudemagu. Et quant il a la royne congneue, si n'ot oncques mais aussi grant joye, et dist: «Dame, a vous me commans je. »
— œ: Lors regarde outre, si voit une molt bele vile et molt riche : et c'estoit Gohorru qui estoit la mestre cités de la terre, et por li estoit tos li païs apelés Gorre. En cele cité estoit la roine Genievre dedens . les maisons le roi, et lors ert venue as fenestres, et li rois et Meleagans et si chevalier et dames et damoiseles : si virent bien les chevaliers al pont et cil les voient autresi bien. Ilfu assés qui dist al chevalier de la charete que laiens estoit la roine en prison. Et il esgarde molt dolcement la tor, puis se fait appareiller (L, I, 58).
— B-BB paraît toutefois plus éloignée de y: Afant esgarde Lancelos l’eaue de cha et de la et voit qu'ele est roide et noire. Et il avint qu'il torna son vis vers la cité ou la roine estoit en prison en la tor as fenestres. Et Lancelos demande quele vile est ce la. «Sire, font il, c’est li lius ou la roine est », si li noment la cité [...] (L, IL, 313).
24-25 Dame, a vous me commans je : ajout. Dans Aa, rubrique au-dessus de l’enluminure : Comment Lancelot passa le pont de l’epee.
112 Après la fin de l’insertion, ce $ dérime
les v. 3105-37
avec
d’assez
nombreux écarts et quelques phrases qui se rapprochent de 6-68. Le $ s’achève sur un retour aux vers.
1 Lors vint a la planche et se saingne: fin de l’insertion. Les mots er se
saingne apparaissent dans a et B-BB: Er lors esgarde vers la tor et si se seigne (ox, L, IT, 59); Et il en vait droit a la planche, puis regarda devers la tour ou la roine estoit en prison, se li encline ;
aprés se seigne (B-BB, L, II, 314). 2 en pleurent durement de pitié: ensuite, omission des v. 3107-9, Li uns et li autres molt fort. | Et cil de trespasser le gort |Au mialz que il set s’aparoille. 3 il desarme ses piés et ses mains : cette précision, fidèle au v. 3111 (Que ses
piéz desarme et ses mains), s’inscrit en faux contre « et B-BB, où
599
NOTES
les compagnons du chevalier, au contraire, s’efforcent de le préserver du tranchant de la lame: et il li lacent les pans de son hauberc ensamble et li keusent a gros fils de fers qu’il avoient aporté, et ses manicles ausi li cousent es mains et a bone poi caude li ont poiees les manicles et tant des pans com il ot outre les
cuisses, et ce fu por miex tenir contre l'espee. (B-BB, L, III, 314). Le texte d’a dit à peu près la même chose (Z, II, 58-59).
4 si comme je pense: ajout. 6-10 Et tout adés regardoit devers la tour ou il avoit veue la royne, si que il oncques a l’espee et a l’eau garde ne se prist. Et l’espee qui estoit trenchant lui trenche piéz et mains et genoulz si que le sang en sault par mains lieux : insertion qui se substitue aux v. 3116-20, As mains nues et si deschauz |Que il ne s’est lessiez an pié / Souler ne chauce n'avanpié. | De ce gueres ne s’esmaioit |S’es mains et es piez se plaioit. Les phrases de y sont sans équivalent dans & mais
rappellent celles de fB-BB: sine remaint pas pour les fils de fer que des piés et des mains et des jenous ne saille li sans, mais pour le peril de l’espee sor coi il se traine ne por le peril de l’aigue bruiant et noire ne remaint pas que plus ne regart vers la tour que
vers l’eaue, ne plaie ne angoisse qu'il ait ne prise il noïent, car s’il a cele tor puet venir, il garra de tous mals (L, HI, 314-15). 11 juz cheoiïr: ensuite, omission des v. 3123-25, An l’eve don ja mes n'issist. / A grant dolor si con li sist / S’an passe outre et a grant destrece. Le v. 3126, Mains et genolz et piez se blece a été transposé 1. 9. 14-20 Et si tost comme ilfu oultre passés, si l’assaillent les deux lyons.… ne les lyons: insertion qui se substitue aux v. 3132-35, Lors li remanbre et resovient | des deus lÿons qu'il i cuidoit / Avoir veüz quant il estoit / De l’autre part. Dans Choc, les lions ont disparu; ils n’étaient qu’enchantement comme le constate Lancelot: 7! met sa main devant sa face, | S'esgarde son anel et prueve, | Quant nul des 1 lyons n'i trueve | Qu'il i cuidoit avoir veüz, | Si cuida estre deceüz, | Mes il n'i avoit rien qui vive (v. 3138-43) ;aucun combat contre les fauves ne figure donc dans Chc. Dans o, les lions sont
totalement absents. Dans B-Bf, ils ne sont pas mentionnés avant la traversée, mais lorsque Lancelot atteint l’autre rive, si voit .1. vilain qui amaine .Il. lyons en une caine. Il engage alors le combat, et le texte de y est comme le résumé de ce combat-là dont voici le déroulement: et sache l’espee et met l’escu devant son vis et apele les lyons qui ja estoient descaené, et il acorent et li rendent grant
600
NOTES
assaut. Et il lor done grans cops de l’espee, si que sovent la fait en tere ferir, mes onques des lyons ne vit sanc issir por cop qu'il lor peust doner et si li est sovent avis qu’il ait trencié cascun par mi le cors. Lors se trait .I. poi arriere et a ses piés lachiés desous la plance, puis abat la manicle de sa senestre main, si regarde l’anel que la dame del Lac li avoit doné, puis regarde vers les 11. lyons, si n’en voit nul. Lors set bien que chou a esté enchantemens (E, TI, 315). Sur tout ce passage avec les fauves, voir l’/ntroduction,
p. 121-25. 20-21 si ne vit ne le villain ne les lyons, ne ne vit nesune lesarde qui mal lui face: retour aux vers avec cette reprise des v. 3135-37, Lors si esgarde :.| N'i avoit nes une leisarde, | Ne rien nule qui mal liface. Les lions ont disparu, comme dans les vers, mais aussi le vilain,
sans que cela soit précisé (il en va de même dans B-Bf, voir la citation de la note précédente). Le lecteur doit comprendre que le léopard s’est lui aussi évanoui.
113 Ce $, hormis dans la dernière phrase, est en dehors de la trame des vers. Ces .
lignes, dans lesquelles est évoquée la joie de la reine puis est narré
son dialogue avec Baudemagu, sont assez proches de B-Bf (Z, III, 315-16). Abrègement et amplification se mêlent pour transposer la prose. 1 Et lors s'apperceust… : cette utilisation de l’anneau comme signe identitaire figure également dans f-BB: Au regarder qu'il fist de l’anel le vit la roine tout clerement, si set tantot que c'est Lancelos sans riens doute. 9-11 et a fait la plus grant merveille que oncques chevalier feist. Et aussi m'aïst Dieux, je ne cuidoye mie qu'il eust chevalier ou monde qui
le peust faire:ajout par rapport à B-B$. 12 il a passé .Ix. moys (.xI. mois dans Ab): dans B-BB, la reine déclare qu’elle n’a pas vu Lancelot .r. an avra la vigile de la Pentecoste (L,
III, 316). 25-26 et s'apuie coste Meleagant son filz a une fenestre : cette phrase opère un raccord avec les v. 3156-57, Apoiez a une fenestre | S'estoit li rois Bademaguz.
114 Ce $ dérime d’un peu loin les v. 3144-51 puis s’en écarte brièvement (en se rapprochant de B-BB) avant de reprendre le régime du dérimage (v. 3152-61) ; un ajout apparaît à la fin du $.
NOTES
601
1 Et ceulz qui avec Lancelot sont: ces mots transposent le v. 3144, Et cil qui
sont a l’autre rive. y, contrairement à «& et B-BB, revient ici aux deux compagnons restés de l’autre côté de la rivière. 6 et lors regarde la tour: cette proposition est encore proche du v. 3152, Et voit devant lui une tor, mais elle va de nouveau aiguiller le récit
vers B-BB, avec la mention de la reine (que Lancelot n’a pas encore aperçue dans les vers) et les mots si l’encline, que l’on a déjà
trouvés plus haut dans fB-BB, lorsque le chevalier s’apprêtait à franchir le Pont. 7-8 ou il avoit la royne veue, si l’encline moult doulcement: ajout. 8-9 Et il lui fu bien adviz qu'il n'avoit oncques en sa vie aussi faite tour veue : on retrouve, simplifiés, les v. 3153-55, Si fort c’onques de sa veüe | N'avoit nule si fort veüe ; | La torz miaudre ne pooit estre. 9-10 Et ça dessouz a une fenestre du palais s'iert appoyés le roy Baudemaguz: cf. ci-dessus la dernière note du $ 113. Le récit se
focalise de nouveau sur Baudemagu, d’après les v. 3156-57, Apoiez a une fenestre | S’estoit li rois Bademaguz. 12-15 a tous preudommes la ou il les savoit. Car ce fu le prince terrien ou monde, fors seullement le corps le roy Artus, qui plus honnoura les
preudommez en son temps :ajout. 115 Ce $ dérime d’assez près les v. 3162-3200. 5-6 si orent veu de la amont tous deux le chevalier passer au pont: la fidélité aux vers crée une maladresse, puisqu'il semble ici que Baudemagu assistait avec son fils à l’exploit de Lancelot, et non avec Guenièvre comme on vient précisément de le lire. L'utilisation de deux modèles textuels distincts, les vers et la
rédaction $-Bf, produit une légère ambiguïté. 6 passer au pont: ensuite, omission du v. 3171, À grant poinne et a grant dolor. 12 car oncques merci n'entra dedens son cuer: ajout. 19 face: emploi régulier du subj. dans une sub. comparative d’ néeahté. 19-20 Et par ceste raison nous preuve ly comptes :ajout.
21-22 et de ce ne doitja doubter nulz: transposition du v. 3193, Car voirs est, n’an dotez de rien. 23-24 que je n'y prenisse anuit mais fin, mais je craindroye trop a eslon-
gnier mon compte: transposition des v. 3196-98, se demore n'i feïsse; |Mes a autre chose m'ator, | Qu'« ma matiere m'an retor. 25 Si vous diray: transposition du v. 3199, S’orroiz comant.
602
NOTES
116 Ce $, où débute la première conversation entre Baudemagu et Méléagant, dérime les v. 3201-33, de très près dans l’ensemble.
2 nous, cy, moy et toy venismes: ces mots transposent le v. 3202, Quant ci
venimes, gié et tu. Voir la remarque faite au $ 115: nouveau que Baudemagu et Méléagant ont assisté l'exploit de Lancelot. Après moy et toy venismes, v. 3203, À ceste fenestre apoier. 8-10 et trop merveilleux ennuy. Et aussi m'aïst Dieux que, se
il semble de ensemble à omission du tu te combas
au chevalier, tu en avras honte et ennuy car tu en seras occis et
recreans : ajout. 16 doit faire a preudomme: ensuite, omission des v. 3227-29, Et enorer et losangier, / Nel doit pas de lui estrangier. | Qui fet enor, l’anors est s0e.
117 Ce $ dérime d’assez près les v. 3234-48. 2 quant il n'en est a devise bons chevaliers: ajout signifiant «s’il n’est, autant qu’on peut le souhaiter, bon chevalier ». La conj. quant a . un sens hypothétique ; la phrase Dieux me confonde… assés récrit les v. 3234-35 : Que Dex me confonde, | s'ausins boen ou meillor n'ia. 3-7 Et moult avés fait grant orgueil vers moy quant vous m'y oubliastes a ce dire : dont ne suis je le meudre chevalier du monde ? Mais vous ne me portastes encore oncques honneur ne ma chevalerie ne loastes': transposition au discours direct et amplification des v. 3236-37,
Mal fist quant lui i oblia, / Qu'il ne se prise mie mains, avec amplification. La proposition vous m'y oubliastes a ce dire signifie «vous m'avez oublié en affirmant cela» (= que Lancelot est le meilleur chevalier du monde). Dans y se manifeste clairement la frustration d’un Méléagant avide de reconnaissance paternelle, alors que ce sentiment est seulement suggéré dans les vers. Sur cet aspect, voir aussi les $ 219-220 et l’Introduction, p. 175-76.
11-12 Rendre? fait Meleagant, Dieux m'en deffende que je ne lui rende ainsi: transposition des v. 3243-44, mss ET, La roine Dex m'en defende / Ke g’en tel guise ne li rende (variante dans À). Ces vers sont absents de CV.
118 Ce $ dérime de près les v. 3249-87, avec quelques écarts. 5-6 et a conquerre ne pourroit il mie faillir s’il se combat: ajout.
NOTES
603
8-10 Et il est voir que tu as le renom du meilleur chevalier du monde, mais tant sachies tu bien que ce chevalier a passé tous les meilleurs: ajout;il n’est pas dit dans les vers que Méléagant a un tel renom. 10-12 Mais se tu lui rendoies la royne et lui tolloies la bataille, tu avroies merveilleuse honneur:
ces mots se substituent aux v. 3259-63,
Mien esciant il n'an quiert point | Por ce que l’an an pes la doint, / Einz la vialt par bataille avoir. / Por ce feroies tu savoir / Se la bataille li toloies. 15-16 il n’estuet doubter le chevalier de nulle des riens au monde, fors seullement de toy: «le chevalier n’a rien à craindre de personne au monde, en dehors de toi» (le verbe impersonnel i/ n'estuet est
construit avec le régime direct le chevalier agent de doubter). Ces mots transposent les v. 3268-69, tels qu’on les trouve dans les mss AT, Que rien (riens T) le chevalier n’estuet|Douter fors seulement de toi (CV donnent au chevalier et E, a chevalier). 21 en cestui point, ains :ce découpage ne respecte pas la ponctuation et la
majuscule (en cestui point. Ains) que l’on trouve à la fois dans Ac-Aa et Ab. On aurait pu également placer un point après
estrange, et la phrase aurait débuté ainsi: Ne je ne t’en losengeray (c’est le parti adopté par tous les éditeurs du Chc pour les v. 3275-76). 22 il n'ait. Puis qu'il: pas de barre oblique dans Ac après ait. 26-27 il n'’avra jamés regart en mon royame de nul homme qui soit vivant: amplification du v. 3287, Il nel covient d'autrui doter. 27-32 Et tant sachies tu bien que il n’a chevalier en tout mon povoir, s’il en avoit fait pour toy desloyauté ne traïson, qu'il ne feust mon desloyal traictres: ajout.
119 Ce $ dérime assez fidèlement les v. 3288-3318, hormis vers la fin.
8-9 Si vous mettéz en mon nuisement de tout le pis que vous oncques pourrés faire: ajout. Cette phrase pourrait signifier: «Je vous autorise à me porter préjudice le plus gravement que vous en serez capable». Dans Le Chevalier au lion, v. 4444 (éd. Roques), on trouve : il met an son nuisement | trestot quan que lui plest et siet, «il utilise, pour lui porter préjudice, tout ce qui lui convient». Considérant que les mss sont fautifs (met figure dans les trois), je me suis rapprochée de cette construction en corrigeant met en mettéz. 12-16 Et aussi m'aïst Dieux, je ne voulroye mie que vous eussiés a tout vostre povoir juree sa mort tout maintenant, car, se vous l’aviés
NOTES
604
occis, donc n'y avroie je point d'onneur, ne ja Dieu ne doint que autre l’occie se je non seullement: ajout. 22-24 fors tant seullement s’il ne s'en revait et me claime quitte la royne, il ne me puet eschapper sanz mort: ajout. 24-25 Or dy doncques ton vouloir, fait Baudemagus, car jamais par moy n’en seras mis a raison: transposition des v. 3313-14, Eï je m'an tes. | Or fei ton mialz, que je le les. 25-26 Lors se part le roy de son filz et dist qu’il yra offrir au bon chevalier son service: transposition au style indirect des paroles de Baudemagu aux v. 3315-18, S’irai au chevalier parler:! Offrir li voel et presanter | M'aïde et mon consoil del tot, | Car je me tieng a lui de bot.
120 Ce $, où l’on voit Baudemagu
accueillir Lancelot, dérime de près les
v. 3319-34, mais avec des ajouts. 1 Afant: initiale également dans le vers correspondant de T (et dans CE avec Lors).
2 grant et fort et tost alant': ajout. Une occurrence de ce syntagme figurait déjà dans l'insertion du $ 83, 1. 5 (cf. aussi le $ 172).
4-5 Et s’en tournerent au ferir des esperons: ajout. 7-13 car moult l’avoit durement blecié le pont a passer. Et quant le roy Baudemagus le vit, si le salua en hault et lui dist: «Sire, Dieux vous doint joye comme le plus preudomme du monde, et qui a fait la plus grant prouece du monde ne que oncquez nulz homs veist ne feist, et sachiés que je vous voulray moult honnourer. Et sachiés que je suis le roy de ce paÿs » : insertion. Les mots car. a passer signifient: «çar le pont l’avait gravement blessé tandis qu’il le franchissait ». 14 avecques lui a hostel: ensuite, omission de por ses plaies garir, v. 3331. 16-17 car il ne beoïit a riens fors tant seullement a la royne delivrer: ajout.
121 Ce $ dérime de près les v. 3335-63, mais avec plusieurs brefs ajouts. 1 quant il vit descendre le roy: ces mots se substituent à qui molt estoit bleciez, v. 3335. 2-3 mais il avoit oÿ dire qu'il estoit roy: ajout. 8-9 comme le plus preudomme du monde: ajout. 9-11 car ains mais nulz homme ce n’enprist ne n’enprendra jamais a nul Jour; ne je ne cuidoye mie que le chevalier feust nés qui osast si
NOTES
12-13 14-15 17-18 19-20
605 grant merveille emprendre: transposition des v. 3347-50, Que ja mes nus ce n'anprendra, | Ne mes n'avint ne n’avandra | Que nus tel hardemant feïst |Que an tel peril se meïst. et ameray mes a tous les jours du monde: ajout. et aussi m'aït Dieux que tant comme il vous plaira a cy demourer: ajout. que je en tout mon povoir vous pourray faire:ajout. si la vous diray ainçois que je la vous demant': ajout.
122 Ce $ dérime les v. 3364-3404 en reprenant fidèlement de nombreux vers
mais en intercalant sans cesse des ajouts. 2-3 Et paine ne cuide je pas que vous peussiés moult grant souffrir: ces mots se substituent au v. 3366, Et vos estes formant plaiez. 4-5 qui vous queurt des piéz et des mains et des genoulz et en pluseurs lieux parmy le corps: ajout. 7-8 et il est chevalier de tres vigueureux cuer: ajout. 9-10 bien garies et sanees: ensuite, omission des v. 3374-76, De l'oignemant
as trois Maries | Et de meillor, s’an le trovoit, / Vos donrai ge. 11-13 ef voulroye sur toute riens vostre honneur et vostre preu pour la grant proece que vous avéz faite : ajout. 13-14 Ne vous ja ne soyés en doubtence de la royne, car nulle riens nee ne lui fault qu'elle sache demander: développement du v. 3378, La reine a boene prison. 18-23 et maudit l’eure et le temps que il oncquez l’amena en mon povoir ne en mon regne ; et l’en eust moult voulentiers menee ailleurs, mais je ne lui voulz oncques consentir pour ce que je ne vouloie mie qu’il la forvoyast de ma terre. Et s’il l'en eust voirement menee, il en eust fait tout son bon ou il l’eust vrayement occise: ajout qui explicite la défiance de Baudemagu à l’égard de son fils. 36-38 s’il feust d'aussi bon cuer comme il deust, il ne l’eust ja contretenue contre vous depuis qu'il vous eust veu faire la tres merveilleuse prouece que vous avés faite : ajout. 39 pour ce s’il est mon filz n’en soyés vers moy en suspeççon :transposition du v. 3401, S’est il mes filz; mes ne vos chaille.
123 Ce $ dérime les v. 3405-34, souvent de très près mais avec plusieurs ajouts. 6-7 Et le roy qui le regarde et qui moult le vit blecié, li dist: ajout. 11 je ne soufferoye pour nulle riens: ensuite, omission du v. 3420, Ne esgarder ne le porroie.
606
NOTES
13-21 « [...] Sire, fait le chevalier, ce poise a moy de ce que vous dites. Comment ? Sine me combatray mie se par vostre congié non ? Par Sainte Croix, ou la royne me sera rendue ou je me combatray a tous les chevaliers qui contredire y oseront! » Et le roy lui dist: «Aussi m'aïst Dieux, sire chevalier, par mon gré n’en est ce mie que vous vous combatés a lui, se vous vous combatés : ains vous seroit la royne rendue par mon loz. Ne vous ja a telles armes comme vous avés ne vous y combatrés »: ajout. 23 ne il n'y eust ja respit, ne jour ne heure : abrègement des v. 3425-28, Que volantiers a ces [ses armes] feïsse / La bataille, ne ne queïsse / Qu'il i eüst, ne pas ne ore, | Respit ne terme ne demore. 24 et pour ce que vous estes yci venus :ajout, 25 jusques a demain: les trois mss donnent la leçon midi. On pourrait penser que dans y, contrairement à ce que l’on trouve dans @, B-BB et dans les vers (tous les mss), le combat n’est pas reporté au lendemain. Mais on apprend un peu plus loin ($ 126) que Méléagant regrette que le combat n’ait pas lieu le jour même, puis il est dit que chevaliers, dames et pucelles, en apprenant l’exploit accompli au Pont de l’Epée, chevauchent toute la nuit pour : assister au combat ($ 128). La leçon midi ne pouvait donc être conservée. 25-26 Et mar en parlerés en avant, car je pour nul povoir ne soufferroye que il y eust plus d'attente : transposition des v. 3431-32, Et ja mar an parleroit nus, | Que je ne l'atandroie plus.
124 Ce $ s’ouvre sur une insertion concernant les deux compagnons de Lancelot, puis le dérimage reprend, correspondant d’assez près aux v. 3435-43. 1-13 Et le chevalier fu dreciés… fait mander le chevalier: cette insertion
conséquente est propre à y. Dans f-BB, on apprend que les deux fils du vavasseur ont franchi un pont situé en aval du Pont de l’Epée, et qu’ils ont rejoint Lancelot pour lui tenir compagnie (Z, IT, 321). Ces explications fournies par B-BB et ici par y comblent en fait une ellipse des vers, puisque dans le roman de Chrétien il n’est plus question des deux jeunes gens après que Lancelot a franchi le pont. 12 naistre vous fist: les mss donnent nous, mais il est plus logique que les deux frères se réjouissent de la naissance du chevalier capable de délivrer les prisonniers de Gorre plutôt que de la leur.
NOTES
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607
125 Ce $, où l’on assiste au second dialogue entre Baudemagu et Méléagant, dérime de près les v. 3444-55, puis insère plusieurs phrases résumant la biographie antérieure de Lancelot, telle qu’elle est narrée dans la prose. Sont ensuite dérimés les v. 3456-50. 5-6 car il est navrés et empiriéz: ajout. 9-28 Mais pour Dieu. de sa compaignie : longue insertion où sont énumérés, dans l’ordre chronologique, les hauts faits du chevalier, tous relatés dans le Lancelot: conquête de la Douloureuse Garde (Z, VII, 311-
30), guerre de Galehaut contre Arthur (L, VIT, 1-85), combats de la Roche aux Saxons (Z, VIII, 445-82), mort de Caradoc qui avait
enlevé et séquestré Gauvain (ZL, I, 336-44), passage récent des destrois de Gorre ($ 77). Cette biographie courte mais exacte ne
figure évidemment pas dans les vers et n’a aucun équivalent dans &
et B-BB. Sur ces phrases, voir l’Introduction, p. 152 et 179. 29 Si lui rens la royne sens tençon: ajout. 29-32 car il n’est mie cy venus. ainsi comme je l’ay veu: reprise presque littérale des phrases figurant au début du $, 1. 2-5. Cette boucle textuelle clot l'insertion. 32-33 Et cuides tu avoir deshonneur se tu lui rens la royne: retour à la trame versifiée avec transposition fidèle des v. 3456-57, Se tu la reïne li ranz / Criens an tu avoir desenor ? 34-35 nul blasme venir: ensuite, omission des v. 3460-65, Einz est pechiez del retenir /Chose ou an n'a reison ne droit. / La bataille tot or androit / Eüst feite molt volantiers, / Si n'a il mains ne piez antiers, | Einz les a fanduz et plaiez.
126 Ce $ dérime de très près les v. 3466-89, avec quelques ajouts. 1 De: initiale également dans Ab. 2 a nostre Seigneur : supplée le saint Pere du v. 3468. 3-5 Et aussi m'aïst Dieux, de sa compaingnie n'ay je soing, et je ne sui mie Galehoz qui pour paour s’accorda a lui: ajout, qui fait écho à l'insertion du $ précédent. 7 et je la moye: construction avec ellipse du verbe, décalque du v. 3472, S'il quiert s'anor, et je la moie. La tournure est ensuite reprise deux fois, toujours à l’imitation des vers.
11 ef tu venras bien a temps a la bataille :ajout. 18-19 je me combate a lui: ensuite, omission du v. 3490, Ne m ’avendra rien
qui me pleise.
608
NOTES
127 Ce $& dérime les v. 3491-3504 d’abord avec fidélité puis sur le mode de
l’abrègement avant d'insérer un ajout (qui s’achève à la fin du $). 4 cellui ou moult les a bien employés :l'emploi du passé composé suggère une évaluation du narrateur. 5 Et avec ce, si lui envoye ung moult bon phisicien : abrègement des v. 349799, Et aveuc .I. fusicien (ce mot n’apparaît que dans le ms À) / Qui molt estoit boens crestiens ; | El monde plus leal n'avoit. 6-7 ou royaume de Gorre: ces mots se substituent à Montpellier dans le v. 3501, Plus que tuit cil de Monpellier. 9-10 car il estoit preudomme et de bonne foy: ajout qui compense l’abrègement des v. 3497-99 (cf. supra). 10-16 Et nepourquant ot envoié au phisicien Meleagant le prevost de Gorre, et lui commanda qu'il feist tant qu'il meist sur les playes au chevalier tel oingnement dont il perdist vie et membres: et il lui feroit a devise toute sa voulenté et lui donroit une seue seur que il avoit de par sa mere. Mais oncques cil ne daingna faire riens pour chose que il lui deist: insertion. La sœur en question est la jeune fille qui partira en quête de Lancelot au $ 221. 128 Ce $ où sont narrés les préparatifs du combat dérime assez fidèlement les v. 3505-51, mais avec quelques ajouts ponctuels. 1 Et ja orent oÿe la nouvelle: retour au v. 3505, Et ja savoient les noveles. 2 qui illec entour estoient: cette proposition condense deux vers, De tot le païs anviron (v. 3508) et Tot anviron de la contree (v. 3510). 8 avoit son chief armé: ces mots se substituent aux v. 3520-21, Qui ja avoit le hiaume el chief | Lacié, qui fu fez a Peitiers. 10-12 Ef quant le roy vit que sa parolle n'y a mestier, si en fu moult courouciés et moult doulent, si en laissa atant la parolle ester: ajout. Pas de ponctuation après ester dans Ac.
19 ef les estranges et les privés: minime ajout par reprise d’un syntagme employé 1. 3. 20-21 despoullié de chemise: ensuite, omission des v. 3542-43, Totes les
puceles estrenges | Del réaume le roi Artu. Dans y, ce sont les estranges et les privés, et pas seulement les demoiselles de Logres, qui se mortifient. 21-22 pour ce que Dieux face vertus pour le chevalier estrange: transposition des v. 3544-45, Por ce que Deus force et vertu | Donast contre son averseire / Au chevalier. Le mot force a été
NOTES
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transformé en face ce qui a induit une transformation de la syntaxe. 24-25 contre le chevalier qui par telle follie s'estoit embatus sur lui: ajout.
129 Ce $ dérime d’assez près les v. 3552-67, puis débute une insertion de plusieurs lignes concernant le roi Baudemagu. 7-10 Mais tous a l’autre chevalier se tenoient, et tous le regardoient a merveilles et disoient tous et toutes, neiz tous ceulz qui sa honte vouloient, dient qu'ilz se tendroient tous envers lui de la bataille: transposition maladroite des v. 3562-65, mes a l'autre tuit se tenoient, | Nes cil qui volsissent sa honte, | Et dient tuit que rien ne monte | De Meliagant avers lui. L’ajout de et tous le regardoient a merveilles et disoient tous et toutes fait paraître fautif le présent de dient; surtout, cette récriture frôle l’incohérence puisqu’au $ précédent les mêmes gens priaient pour que Méléagant ait la victoire, et que dans le $ 134, ils se réjouiront de voir leur seigneur dominer le combat. 10 Et le roy Baudemagus s’en revint en la place : ces mot se substituent aux v. 3566-67, Maintenant qu'il furent andui / Enmi la place, et li rois vient, et ouvrent l’insertion dans laquelle le roi se voit attribuer
l’âge de 52 ans.
130 Fin de l’insertion et retour au v. 3567, puis nouvelle insertion présentant des paroles échangées entre Baudemagu et son fils. Le dérimage reprend ensuite, correspondant aux v. 3571-76, et le $ se clôt sur
un ajout. 1-2 Et nepourquant s'en revint a son filz, si l’araisonne et le detient tant comme il puet, et se paine de la paix faire: fin de l’insertion avec raccord aux v. 3567-69, et li rois vient, / Qui tant com il puet les
detient, | Si se painne de la peis feire. 3 et lui dist: ces mots se substituent à et il lor dit du v. 3571. Ainsi s’insère l’échange de répliques entre le roi et Méléagant, un dialogue qui se substitue au v. 3570, Mes il n'i [à la peis] puet son fil atreire, en Pamplifiant. 14 et lors appelle les deux chevaliers et leur dist: fin de l’insertion et retour au v. 3571, Et il lor dit : Tenez vos frains. 19-21 car paour a de Meleagant son filz, car il savoit bien que vers le chevalier n'avroit il nulle moult grant duree : ajout.
610
NOTES
131 Ce $, où l’on voit Baudemagu et la reine prendre place pour assister au combat, dérime très fidèlement les v. 3577-99. La première phrase
correspond à Lors est montés en la tor de « et B-BB, phrase à partir de laquelle on n’a plus qu’une seule rédaction (o-f). 5-6 Si l’a a autre fenestre mise, et il fu deléz lui appoyés a destre: ces mots abrègent un peu les v. 3586-88, À une fenestre l’a mise, | Et il fu delez li a destre | Couchiez sor une autre fenestre. Dans y, les mots a autre fenestre proviennent de cette installation des deux person-
nages à des fenêtres voisines. 6-7 et d'uns et d’autres: les natifs de Gorre et les gens venus de Logres, comme l’explicite la suite. 8 de chaitis et de chaitives: dans les v. 3593-94, il n’est question que de . cheitives. antantives. 132 Ce $ dérime les v. 3600-37 assez fidèlement, mais avec de petites libertés dans la narration du combat. 11 selle ne cengle ne poitral: abrègement de l’énumération des v. 3615-16, . peitrax ne cengle, | Estriés ne resne ne sorcengle. 12 Et les selles peçoyerent et les arçons: récriture des v. 3617-18, et des seles peçoient | Li arçon. 15-16 ne je ne voy mie comment ilz se peussent tenir: ajout. 21 et il fournissent si bien la bataille: ensuite, omission du v. 3632, Qu'il s’estoutoient et leidissent. 22 ne tous ceulz qui les regardent: les vers avaient une structure consécutive qui n’a pas été conservée; ne est ici une conjonction de coordination. 133 Ce $ dérime de près les v. 3638-65, avec deux ajouts, dont l’un porte sur le personnage de Méléagant. 3-9 Et cil Meleagant estoit de si tres grant prouece plain, et dur chevalier et seur ; et avoit ja .XXII. ans porté armes, dont il avoit par tous les paÿs esté .XVIIL ans. Et avoit maintes felonnesses aventures achievees qui sont ramenteues pluseurs foys en pluseurs contes. Et pour ce qu'il estoit de si aspre prouece: insertion. Sur cette biographie de Méléagant, voir l’Introduction, p. 175-76. Les aventures achievees par ce chevalier ne sont relatées dans aucune version connue ; dont il avoit. : l’antécédent est .xx11. ans.
NOTES
611
9-10 si s’en esmaioyent moult les chaïtiz et les chaitives qui estoient en chaitiveté par la terre: transposition des v. 3642-43, Molt an sont les genz esmaiees, | Celes qui a lui se tenoient. 14-16 et dient entre eulz : « Veéz! Ja est occis le chevalier qui passa au Pont de l’Espee ! »: ajout. 22 que s'il l’esgardast et veist: transposition au chevalier du regard de la reine dans le v. 3661, Qu'’ele l’esgardast ne veïst.
22-23 pour lui: «pour elle». 134 Ce $ dérime très fidèlement les v. 3666-3721.
1 Lors : initiale également dans Ab. 3 le nom a ce chevalier: ensuite, omission du v. 3670, Por ce que il li doie
aidier. 27-28 or te voy. conquerre: l’infinitif a un sens passif «être conquis ». 28-29 que tu arriere main gectes tes coups et ne te combas se par derriere ton doz non: transposition des v. 3717-18, mss AEGTV Qu'arriere main gietes tes cos, | Si te conbaz derrier ton dos, omis seulement
dans C.
135 Ce $ dérime les v. 3722-75 avec plusieurs écarts. 2-3 ce qu'il s’estoit contenu si povrement: ajout. 6-7 si fait son tour et met entre lui et la tour Meleagant trestout a force: «il passe derrière Méléagant et le met de force entre lui et la tour». 7-8 Et quant Meleagant le vit, si n'ot oncques mais aussi grant yre: ajout. 12 mais bien lui poist :«quoique cela lui déplaise ». 13-14 ne il ne vouloit que nulle autre riens lui feist aide que Amours :ajout. Cette parenthèse est insérée entre les v. 3739-40, Qu’Amors li fet molt grant aïe | Et ce qu’il n’avoit haïe. 16-17 et Haine mortelle :ensuite, omission du v. 3744, Si granz qu'ainz ne fu encor tex. 18-19 ef si le charge de si grans coups et de si pesans : ajout. 21-22 chevalier [...] qui tant l’empirast de son corps: «chevalier qui
l’atteignît si gravement dans sa chair». 22-23 Et tant se combatent que cil moult le ressoingne: ajout. 24-25 Et Lancelot le hastoit tant durement que cil ne povoit s'alaine repprendre :ces mots se substituent aux v. 3753-55, Se li ganchist et se reüse, | Que ses cos het et ses refuse. | Et Lanceloz pas nel
menace.
612
NOTES
26 jusques au pié de la tour: ensuite, omission des v. 3757-58, Ou la reïne
ert apoiee. | Sovant l’a servie et loiee. 27-31 Et quant il ne pot mais veoir, si laissoit Meleagant recouvrer; et se traioit ariere tant qu'il pooit la royne veoir, et le ramenoit a l'espee par devant lui, et puis le ramenoit si pres de la tour que, s’il alast avant ung pas, il ne peust mie veoir la royne: ces mots transposent les v. 3759-62, De tant que si pres li menoit | Qu'a remenoir li covenoit | Por ce qu'il ne la veïst pas / Se il alast avant un pas. 35-36 que Amours lui avoit mise dedens le corps: ajout. 37-38 si qu'il n’a mais en lui nulle deffense: ces mots se substituent à maugré an ait il, v. 3775.
136 Ce $, où Baudemagu en appelle à la clémence de la reine, dérime avec une grande fidélité et peu d’ajouts les v. 3776-3812. 1-2 Et le roy Baudemagus, qui a la fenestre estoit, regarde: ajout. 6-7 Et lors la commence moult debonnairement a rettraire :le pronom la doit référer à besoingne: «alors il commence à lui exposer son affaire ».
7-8 si comme cil qui moult valoit et ert moult frans et courtois en toutes choses. Lors l’appella, si lui dist: ajout. Les adjectifs ici coordonnés figurent dans le v. 3966, Qui molt estoit frans et. cortois. À cet endroit du dérimage ($ 141), ils ne seront pas repris (voir la note aux 1. 14-15 de ce $).
11-12 ou Meleagant, mon filz, vous mist, qui puis ne s’en est mie reppentis a gaz: ajout ;ne s’en est reppentis a gaz: «il ne s’en est pas repenti pour rire», c’est-à-dire qu’il l’a vraiment regretté. 13-14 pour tant que je en eusse le povoir: ces mots se substituent au v. 3788, Mes que vostre enor i veïsse. 15-16 que vous faire me devriéz, se vous par amours ne le me voulés faire: la récriture modifie la teneur des raisons invoquées par le roi aux v. 3791-92, Que doner ne me devriez | Se par amor nel feisiez. 25-26 Et se je avoye haine mortel vers vostre filz, que je n'ay mie encore: transposition des v. 3808-9, ms T seulement: Se j'avoie mortel haïne | Vers vostre fil, que je n'ai mie. On lit ge n’aim mie dans CGV Ces vers manquent dans À, le v. 3809 manque dans E.
137 Ce $ dérime les v. 3813-55 en suivant leur trame, mais avec plusieurs trans-
formations et amplifications. 2-3 et entendirent moult bien les deux chevaliers qui se combatent: ajout.
NOTES
613
8 dont ama Lancelot plus que .I. autre: ajout qui modifie la syntaxe des v. 3821-22, Lanceloz... Qui plus ama que Piramus / S’onques nus hom pot amer plus (l'hypothèse seulement envisagée dans les vers prend valeur de certitude dans la prose). La correction .z. autre se fonde sur la syntaxe de la phrase. On peut penser que, lors d’une copie antérieure, le .1. a été lu comme un L. Cette lettre aurait été corrigée en /i dans Ab («plus que les autres»). 9-10 que la royne ot dicte au roy Baudemagu, et dist: « Puis que vous le voulés, si soit»: ces mots se substituent aux v. 3824-27, Ne puis
que li darriens moz | De la boche li fu colez, | Puis qu’ele ot dit: « Quant vos volez | Que il se taigne, jel voel bien ». Le propos de Lancelot remplace celui de la reine. 11 puis que ce mot lui fu de sa bouche yssus: ajout lié à la substitution précédente. 12 non voir s’il cuidast: «non, vraiment, même s’il avait cru». 13-14 puis que il ot oÿe la voulanté et le vouloir sa dame: ajout. Ces mots compensent la suppression des paroles de la reine (v. 3826-27, voir Supra).
16-17 Si queurt sus a Lancelot et lui donne coups pesans la ou il le cuida plus grever: amplification du v. 3832, Et cil fiert lui tant com il
puet. 20 Moult te fais ore cruel: ensuite, omission du v. 3843, Trop es or preuz a mal eür. 24-26 et je croy que vous tous aveuglez soyés, qui cuidiés que je soye de lui au dessoubz: ains en suy au desseure, ce m'est adviz: amplification des v. 3850-51, Avuglez est qui de ce dote | Que au desor de lui ne soie. 27-29 car aussi m'aïst Dieux, je ne t'en croy point, ne moy ne homs qui
ceans soit en ceste place. Car tous scevent bien que tu mens, car bien en savons tuit la verité de ton affaire: amplification des v. 3853-55, Que bien sevent totes ces genz | Se tu diz voir ou se tu manz. | La verité bien an savons.
138 Ce $, qui correspond à la fin du combat entre Lancelot et Méléagant, dérime de très près les vers 3856-91. 9-10 a son pere : ensuite, omission du v. 3871, Molt vos oi de neant debatre. 11-13 Siferay, par Sainte Croix !fait le roy Baudemagus. Je m'en mesleray desoremais: amplification du v. 3874, Et li rois dit que si fera. 15-16 et je n'ai doubte de lui pour nul povoir :ajout.
614
NOTES
17 et neant te vaut: ajout qui redouble le propos. Le remanieur a dû transposer une première fois le v. 3882, Quanque tu diz rien ne te vaut sous la forme petit te vault quanques tu me dis, puis, par un effet d’étourderie, il a reformulé une seconde fois la fin du vers.
19-20 je ne te croirray pas de toi faire occire devant moy: «Je ne te croirai
pas pour que tu te fasses tuer devant moi». 20 Et moult as ore en toy follie et orgueil: ajout. 22 tu me hees pour ce que: ensuite, omission de je tan voel garder, v. 3871. 23-24 que je par devant moy te voye occire: ces mots se substituent au v. 3892, Car trop an avroiïe grant duel.
139 Ce $ dérime d’assez près les v. 3893-3916. 1 Illec: initiale également dans Ab. 3 semongne : subi. prés. 3 de semonrre. Le pronom sujet il réfère à Méléagant. 6-7 a la court le roy Artus sera faite la bataille: ensuite, omission du v. 3906, Qui tient Bretaigne et Cornoaille.
8 Si l’estut au roy ottroyer: tous les mss du Chc mentionnent la reine au
v. 3908, S’estuet que la reïne otroit. Ici, c’est le roi Baudemagu qui : donne son accord pour un nouveau combat. 9-10 qui moult voulentiers le fist, car nulle rien en ce monde n'avoit il tant haÿe comme le corps Meleagant': ajout. 12-13 qu'il l’en amenra avec lui la royne ou royaume de Gorre, ne jamais a nul jour ne lui sera chalengiee par nul homme: ces mots se substituent aux v. 3911-12, Qu'ele avoec lui s’an revanra, | Ne ja
nus ne la detanra. Le v. 3913, La reïne ensi le creante est omis. Dans la Vulgate (a-f), où l’accord est semblable (sans coïnci-
dences précises avec y), la reine prononce effectivement un serment :Et jura la roine sor sains qu'ele s'en vendra avec lui, s’il le puet conquerre par bataille (L, IT, 67). 14-16 que il ainsi le fera creanter au roy Artus et a tous ceulz de la court que il cuideroit que nuire lui pourroient. Tout ainsi fu la paix
establie: ajout. 140 Ce $ dérime d’assez près les v. 3917-41, mais en supprimant une intervention du narrateur. 3 beneissent tous Lancelot: ensuite, omission des v. 3921-24, Et ce pôez vos
bien savoir| Que lors i dut grant joie avoir, / Et si ot il sanz nule dote. | La genz estrange asanble tote.
NOTES
615
9 Si y font tant moult grant presse : ajout. 10 si se fait plus sire:ces mots se substituent au v. 3935, An fu plus liez que ne pot dire. 11 cilz qui sont enprisonné: ces mots se substituent à cil qui sont desprisoné, v. 3937.
141 Ce $, dans lequel Lancelot est conduit devant la reine, dérime les v. 3942-
77 en suivant leur trame, mais avec une tendance à l’abrègement et de nombreux écarts dans l’expression. 2-3 ains le fait monter sur ung grant cheval et le fait aler ensemble o lui tant qu'ilz vindrent au pié de la sale: amplification des mots Ençois l’an mainne, v. 3944. 5 ne demourra il ja: ensuite, omission du v. 3947, Que bien a feire me
resanble. 8 maintenant en la sale: ensuite, omission de ou venue estoit | La reïne qui
l’atandoit (v. 3953-54). 9 par la main: ensuite, omission du v. 3957, Si s’est contre le roi dreciee. 14-15 fait le roy Baudemagus : ensuite, omission du v. 3966, Qui molt estoit frans et cortois. 18 er a en ceste terre pour vous souvent: transposition du v. 3970, an cest oirre a sovant sa vie, avec erre dans T. On peut se demander si une
lecture rapide des mots cest erre n’est pas à l’origine du syntagme ceste terre. Cette leçon de reste tout à fait satisfaisante, mais la
répétition, dans la même phrase de pour vous (1. 18 et1. 19) est plus gênante. Il semble que l’on ait là, une fois encore, l’indice d’un
dérimage parfois rapide ou distrait. Le remanieur, afin de transposer le v. 3971 (Por vos mise an mortel peril), fait glisser pour vous avant souvent, puis il transforme sa vie |. mise an mortel
peril qui devient mise sa teste et sa vie en aventure, et enfin comme par inadvertance, copie une seconde fois pour vous. 20 rescousse et deffendue :ensuite, omission du v. 3974, Qui molt iriez vos
a randue. 22-23 ne mieulz ne l'en vueil: ajout.
142 Ce $ dérime avec quelques minimes écarts les v. 3978-4022. 1-3 Et quant Lancelot entent ceste parolle que la royne a dicte, si en fust moult doulent et moult honteux, et ne scet pourquoy il puist avoir son couroux: amplification du v. 3978, Ez vos Lancelot trespansé.
616
NOTES
4-5 que vous estes a moy courouciee ne que je ay vostre mauvais Cuer: ajout.
6 dementa: subj. imparfait. Voir l’Introduction, p. 208. Idem avec entra, 1212: 12-15 Si entra voulentiers Lancelot aprés s'il cuidast qu'il ne grevast a la royne et qu’il ne lui anuiast ;et pour ce que il cremoit son couroux remaint dehors plain de lermes et de souspirs: transposition des v. 3992-98, Et il [les yeux] fussent antré aprés | Molt volantiers s'il.
poiïst estre. | Li cuers qui plus est sire et mestre, | Et de plus grant pooir assez | S’an est oltre aprés li passez, | Et li oil sont remés defors, | Plain de lermes, avoec le cors. La métonymie des yeux n’est pas conservée. 15-18 Et nonpourquant se couvre il au plus couvertement que il puet, car paour a du roy Baudemagus qu'il ne s'apperçoive de leurs amours, car le roy estoit moult durement subtil et sages en toutes choses: ajout. 20-21 de ce que la royne ne vous veult veoir, ne araisonner ne vous puet: transposition des v. 4002-3, Que la reïne ne vos puet | Veoir n'aresnier ne vos vialt (tous les mss).
|
22-23 car vous avéz fait pour lui la plus grant merveille que oncquez
chevalier feist pour dame : amplification du v. 4007, À ce que por lifet avez. Cet ajout compense la suppression qui est faite plus bas des v. 4016-17, vos vos estes jusqu'a mort | Por li en avanture mis. 27 sim’en couvient souffrir :transposition du v. 4014, 1! m'an enuie et poise
molt. 28 elle a tort: ensuite, omission des v. 4016-17 (voir supra).
30-31 Je ne sçay s’il vouldra parler a moy ne plus comme ma dame la royne :ajout.
143 Ce $ dérime de près les v. 4023-4100, avec une légère tendance à l’amplification. Les propos de Keu n’ont rien à voir avec ceux que l’on trouve, à l’endroit correspondant du récit, dans @-B (L, IT, 68-69).
4 Je ne vous forfis oncques riens que je sache: ajout. 13-14 cil m'a monstré par sa pitié tant d'amitié et tant d’onnour que, la ou il sceust... : les mss ACEV de Chrétien présentent aux v. 4040-41 un lien consécutif direct Tant de douçor et d’amisté | Ke (C’) onques…. Seul, T place une pause après d'amistié et ouvre le vers suivant par Car onques.
Dans y, la syntaxe des trois mss est
NOTES
617 problématique : Ac et Aa donnent tant d'amitié et tant d'onnour et que il la ou il sceust; et Ab, tant d'amistet et tant d’ounour. et que la u il seust. La leçon d’Ab est un peu meilleure que celle de AcAa, maïs la pause (marquée par un point) ne peut être conservée. Je me suis fondée sur les vers de ACEV pour corriger cette phrase, mais il n’est pas impossible que la maladresse syntaxique de ce passage remonte au dérimage lui-même et soit due à la complexité des vers correspondants (v. 4037-45).
16-17 me faisoit cent maulz: ajout qui brise la syntaxe des vers 4046-49, Ancontre un bien qu'il me feisoit | Et Meliaganz d'autre part, /[...] Par traïson a lui mandoit. 18-20 Et tant vous puis je bien dire que je, puis l’eure que je chevalier congnuz, n’en congnuz je nul aussi desloyal: ajout. 25-26 par son mauvais cuer et pour ce qu’il me vouloit tuer: amplification de par sa traïson, v. 4058.
26-27 si me faisoit remuer: omission du pronom complément le, «il me le faisait enlever» (cf. le v. 4059, Le m'an feisoit tost remüer). 29-30 Et savés vous comme le roy a fait ma dame grant honneur, c'onques… : transposition un peu maladroite des v. 4066-67 :Mes ne savez pas la franchise | Que il a a ma dame faite : | Onques… 31 gardee si bien tour: ensuite, omission du v. 4070, Des le tans que Nôüex fist l'arche. 33 Et il en a si grant dueil que il en esrage tout: amplification de qui molt an est dolanz, v. 4073. 36 le demaine : le est la forme picarde du pronom féminin (le = la reine). La
phrase se comprend de la façon suivante: «Et c’est ainsi, avec courtoisie, qu’elle est traitée par ce noble roi — qu’il en soit remercié —, conformément à ce qu’elle souhaite, car il n’y eut jamais à cet égard d’autre juge qu’elle». 38-39 pour la grant beauté qu'il vit en lui et pour la grant debonnairetté: amplification du v. 4083, Por la léauté qu'an li vit.
43-44 je ne sçay pourquoy elle l’a fait: ajout. 46-48 Mais je en ay trop grant merveille de chevalier qui tant a fait pour lui comme vous avés :amplification avec transposition au style direct du v. 4075, Einz s'an mervoille estrangement. 48-49 Or la laissiés, fait Lancelot, atant: tout soit a son bon et a sa voulanté et a son commandement: amplification du v. 4094, Or soit a son comandemant. 53 Et Keux lui dist : Alés a Dieu: ajout.
NOTES
618 144
Ce $, dans lequel Lancelot part vers le Pont sous l’Eau, dérime les v. 410124 avec quelques écarts de régime (amplification et abrègement minimes). | 4-6 et comment ilz pourront esploitier, car ilz ne vouloient riens faire se par
son commandement non: ajout. 6-7 Je m'en vay au Pont soubz l’Eaue: ajout. 9-12 car il n’est mie raison ne droit que tous la laissent et que tous.
viengnent avec moy, car tous ceulz qui viennent avec moy sont delivres, et tous ceulz ensement qui remanront: amplification du v. 4112, N'est pas droiz que avoec moi vaingnent. 12-15 Et quant ceulx qui ceste parolle oent l’entendenit, les chetifs et les chaitives, si demainent la greigneur joye de tout le monde: ces mots se substituent aux v. 4113-14, Avoec lui vont tuit cil qui
voelent, | Lié et joiant plus qu'il ne suelent. 15 illec maint avec la royne: ensuite, omission des v. 4116-17, Puceles qui Joie demainnent |Et dames et chevalier maint. 17-19 Et la royne, qui les tient par Amours, et pour monseigneur Gauvain qui venoit, dist que: après la relative appositive prend place un complément circonstanciel de cause qui fournit la véritable raison de l’immobilité de la reine. Cette construction asymétrique est la récriture un peu maladroite des v. 4121-23, Mes la reïne les retient
{ Por mon seignor Gauvain qui vient, | Et dit qu'’ele ne se movra.
145 Ce $, dans lequel Lancelot est capturé par des gens de Gorre, dérime d’assez près les v. 4125-60 avec quelques ajouts. 12 s’ilz l’avoient retenu et pris. Et Lancelot et les siens: la transposition occulte le rejet du v. 4143, Se pris et mené li avoient / Lancelot. Et li suen estoient. 13-14 ef pour ce furent les gens Lancelot maubailli trop durement: transposition du v. 4146, Et por ce furent escherni. Ensuite, omission des v. 4147-49, Que cil del païs armé vindrent. | Ne fu pas mervoille s’il prindrent | Lancelot, qui desarmez iere. 16 qui moult en furent yrés et doulans: ajout. 17-18 qui en tel maniere nous destraingnés: ajout. 20-23 de ce que vous dites, que vous ayés son conduit, quant vous avéz brisiés tous les pas de Gorre et occis tous les chevaliers de son regne. Mais tant sachiés vous bien que: ajout; quant vous avéz
brisiés «alors que vous avez brisé ».
NOTES
619
24-25 le roy Baudemagu et a Meleagant son filz. Et adonc si en facent leur vouloir: ajout. 27-28 a grant doulour la ou il s’en aloit au Pont soubz l’Yaue: ajout.
146 Ce $ dérime les v. 4161-97 avec quelques écarts. 1 Et quant: initiale également dans Ab (Quanf).
3 a grant honte et a grant doulour :cet ajout est un déplacement du v. 4171 (voir ci-dessous). 5-9 Et s’ilz le vouloient rendre tout sain et tout vif. ja ne laira a nul fuer que ilz ne comperent la desloyauté que ilz ont faite, « car, certes, fait il, bien devroit estre a mal rettrait se je n’en prendoye vengence »: transposition des v. 4168-73, Et se il le voelent noier |Ja nes an cresra a nuel Juer, | Que trop li ont mis an son cuer |Grant duel, et si grant honte faite | Qui li devroit estre retraite | S'il n’an estoit prise vangence. Dans cette transposition, les v. 4172-73 ont été mis au style direct. 8-9 prendoye vengence: ensuite, omission du v. 4174, Mes il l'an panra sanz dotance. 16-17 en ce paÿs pour moy: ensuite, omission du v. 4188, Por ce pesance avoir an doi. 17 a soy mesmes en bas: ensuite, omission du v. 4190, Por ce que l’en ne l’oïst pas. 17-20 Jamais n’en parolle homme a moy de boire ne de mengier, car jamais ne mengeray quant j ay perdu la riens ou monde que plus amoye: transposition au style direct des v. 4191-94, Que de boivre ne de mangier / Ne la covientjames proier / Se ce est voirs que cil morz soit / Por la cui vie ele vivoit. Ab se démarque ici de Ac-Aa en présentant la deuxième partie de la phrase au style indirect. 20-21 et est tant durement esmayee que plus ne puet: transposition des v. 4196-97, si se demante | Si que nus ne l’ot ne escoute.
147 Ce $&, où l’on voit le désespoir de la reine, dérime les v. 4198-4200 puis
laisse place à une insertion de plusieurs phrases, qui se substitue aux v. 4201-11. 1 Lors fu tant durement doulante et yree: transposition du v. 4198, De li ocirre est si estoute.
1-2 souvent se prent par la gueule :même construction dans le v. 4199 de À, (a la gole dans les autres). Ces mots signifient «souvent elle se prend à la gorge». Dans les vers, le désir de suicide que traduit ce geste se comprend mieux grâce au v. 4198 (voir la note précédente).
NOTES
620
2-23 Lasse, doulante…vostre corps: cette insertion qui s’achève à la fin du 8 se substitue aux v. 4201-11, où le narrateur évoque brièvement
les regrets de la reine. Ce monologue n’a d’équivalent ni dans les vers ni dans a-B où la complainte se réduit à une phrase: « Puis que tels chevaliers est mors por moi, il ne me seroit nus prox de vivre » (L, Il, p 71).
148 Ce $ dérime en les abrégeant les v. 4212-14 puis laisse place à une insertion de quelques phrases qui poursuit le monologue du $ précédent, avant de rejoindre le monologue de Chrétien au v. 4221. Les v. 4221-65 sont alors dérimés avec des écarts et la suppression de neuf vers. 1-2 Et lors recorde tous les meffais dont elle le cuidoit avoir couroucié, et dist: abrègement des v. 4212-14, Toz ses mesfez ansanble aüne, | Et tuit li revienent devant’; | Toz les recorde et dit sovant. 2 Ha! lasse, je mesmes:
début de l’insertion fondé sur le v. 4215, Ha!
lasse ! De coi me sovint. 4 delivrer: lire delivree. 7 si ne le daingnay veoir: fin de l’insertion. Avec Si ay fait, aussi m'aïst Dieux, on rejoint le v. 4221, Ainz fis, si m'aïst Dex. 9-11 mais ainsi ne va il mie, si m'aïst Dieux, car je l’ay mort et sa mort ne m'a il mie pardonnee : transposition des v. 4224-25, Mes ensi nel cuida il pas, | Si nel m'a mie pardoné (tous les mss). L'expression
Dieu pardonna sa mort est citée par J. W. Hassel Jr (Middle French Proverbs, Sentences and Proverbial Phrases, entrée D 80) mais seulement à la forme affirmative (idem, Morawski, Proverbes français antérieurs au XVe siècle, n° 585). Dans la
phrase de y, le pronom-sujet paraît bien référer à Lancelot: «il ne m'a pas épargné la douleur de sa mort». La récurrence du mot mort (participe puis substantif), le jeu des pronoms et les allitération en m donnent une intensité lancinante aux reproches que s’adresse la reine. Les vers de Chrétien sont ici modifiés de façon inventive. 14 il ot failli a ma parolle :«il eut échoué à me parler». 14-16 si s’en tourna et s’en ala la ou il a mort receue. Et je, vrayement, l'ay mort par mon oultrage: transposition des v. 4234-37, Tantost, ce cuit, le dessevrai / Del cuer et de la vie ansanble. / Cil dui cop l'ont mort, ce me sanble ;| Ne l'ont mort autre Breibançon. 17 je n’en avray jamais pardon: abrègement des v. 4240-41, ainz seront sechié |Tuit li flueve, et la mer tarie.
NOTES
à
621
18 je feusse durement garie: ensuite, omission du v. 4243, Et com me fust granz reconforz. 21 que je ne m'occis: abrègement du v. 4249, Que je ne faz tant que je muire. 21-23 et moult sui de povre cuer quant je vif aprés sa mort! Ne je ne me depporteray jamais a riens se a sa mort non: transposition des v. 4250-53, Doit don mon ami nuire, | Se je sui vive aprés sa mort, / Quant je a rien ne me deport | S'es max non que je trai por lui ? En substituant sa mort aux max des vers, Ac pousse à l’extrême l’hyperbole déjà présente chez Chrétien. La leçon de Ab, s’a mort non, est moins surprenante mais elle pourrait être fautive (saut du même au même sur sa).
23 et plus m'est bel a mourir que a vivre: cette phrase se substitue aux v. 4254-62, où la reine choisit paradoxalement de vivre pour mener une existence de souffrance vouée à son ami. 24 En tel douleur : retour au v. 4263, La reïne an tel duel estut.
149 Ce $ dérime les v. 4266-77 assez fidèlement, avec de brefs ajouts ou trans-
formations, dont deux mettent en scène le conte. 5-6 qui ça arriere l'ont oÿ ou conte: ajout. 6-9 car riens ne pourroit autretant amer comme il l'amoit. Car autressi comme il estoit meudres d’auïres chevaliers, si estoit le sien cuer ententifz en soutille amour :ajout. 9-10 si comme vous pourrés oïr ou compte : transposition du v. 4274, S’oir et savoir le volez. 12 moult merveilleuse : ajout.
150 Ce $, où Lancelot tente de se suicider, dérime d’assez près les v. 4278-4309,
avec une tendance à l’abrègement. 3 qui occire me veulz: ces mots se substituent au v. 4282, Que tot sain me fez desheitié. 10-11 Mort ne desira oncques: Mort est sujet (comme dans le v. 4294). 13 Adonc l’a prise et estrainte vers lui, et dist: ces mots se substituent aux v. 4298-99, Et des qu'ele iert an ma justise, | Donc fera ele mon talant. 17 tant que il lui arreste entour le col: «jusqu’à ce que le nœud coulant s’arrête à la base de son cou » (lui: datif d’intérêt). 18-19 a l’arçon de sa selle derriere : ensuite, omission du v. 4308, Einsi que
nus ne l'aperçoit.
NOTES
622 151 Ce 8 dérime les v. 4310-34 avec une proximité variable.
1 Et ainsi se laisse trayner a son cheval: ensuite, omission de tant qu’il estaigne : | Une ore plus vivre ne daigne, v. 4311-12. 2-3 Si en orent grant merveille et queurent tous a .I. fais a lui: ces mots se substituent au v. 4315, Si cuident que pasmez se soit. 6 dont il mesmes estoit ses ennemis: «qui était l'ennemi de lui-même». Image reprise au v. 4321, Dont il estoit ses anemis. 8 que pour ung pou qu'il ne fu mort: ajout. 11-13 Mais ceulz qui moult en furent doulans li loyent les mains derriere le dos et le montent sur .I. paleffroy et le tindrent si que: ajout. 13-14 ne il l'eust juré sur sains: ajout. 14-16 Mais ce lui pesoit moult durement que il ne s'occioit, car mieulx amast il sa mort que sa vie: cette phrase transpose librement les v. 4331-34, Ce pesoit lui qu'an le gardoit, | À po que de duel n’en ardoit, |Que molt volantiers s’oceïst, / Se nus garde ne s’an preïst.
152 Ce $, dans lequel Lancelot adresse des reproches à la Mort, dérime les
v. 4335-4414 avec des écarts multiples (amplification, abrègement, omission, ajout), même si la proximité avec certains vers reste forte. Il devient difficile, ici, d’identifier tous les aspects de la
récriture. Cependant, le sens global des vers est respecté. 4-9 Mes tu me tiens en despit quant tu ne me deingnes occire, et tu as droit, car tu es la plus vile creature qui soit. Si n’est mie droit que Mort, qui si haute chose est qu'elle tient ma dame en tel destroit, deingnast occire ung tel maleureux comme je sui. Mes: ajout. 9 Mes j'espoir, Mort, que tu m'espargnes : transposition libre des v. 434042, Espoir por ce que bien feïsses, / Ne volsis feire ne daignas! / Par felenie m’espargnas. En ouvrant la phrase sur Mes, j'ai respecté la ponctuation de Ac; une coupure après comme je sui mes était sinon envisageable. 10-11 je ne sçay lequel me het plus, ou la mort qui me soustient ou la vie: retour au v. 4348, Je ne sai li quex plus me het. Dans y, il faut comprendre que la mort soutient Lancelot justement parce qu’elle l’empêche de mourir. Aussi la mort devient-elle paradoxalement semblable à la vie, les deux sont alliées, et le chevalier contrarié
dans son suicide peut se sentir victime autant de l’une que de l’autre. Ab donne la même leçon (jou ne sai liquels me het u la mors qui me soustient u la vie), mais le scribe de Aa a voulu
NOTES
623
rectifier l’apparent paradoxe en écrivant: lequel me het plus ou la mort ou la vie qui me soustient. Dans les vers, on lit: Je ne sai li quex plus me het |Ou la vie qui me desirre, | Ou Morz qui ne me vialt ocirre (v. 4348-50). 11-14 Mes tant lui puis je bien dire que je n'en sçay gré la mort de la vie qui me soustient, ains voulroye mieulz ma mort que ma vie. Moult par suy ore, fait il, maleureux, qui maugré mien suy vif: transposition des v. 4351-53, Ensi l’une et l’autre m'ocit; / Mes c'est a droit, se Dex m'aït, | Que maleoit gré mien sui vis. 14-15 et je me deusse bien avoir occis pieça: retour au v. 4354, Que je me deüsse estre ocis. 19 quelle l’achoison fu : ensuite sont omis les v. 4360-64, Mais se ge l'eiüsse sei, | Einz que s’ame alast devant Dé | Je le li eüsse amandé| Si richemant con li pleüst, |Mes que de moi merci eüst (les v. 436164 manquent dans V). 21-22 je croy que ce soit l’achoison ce que je montay en la charrette: «je crois que c’est pour le motif suivant, à savoir que je montai dans la charrette ». 25 Amours bien ne congnust. retourna: Amours est complément; «celle qui, à son tour, m’adressa un tel reproche, assurément, elle n’a
jamais vraiment su qui était Amour ». 33-40 car certes, tout ce fiz je pour lui gecter de la prison Meleagant, et pour les chaitifs du royaume de Logres qui estoient essilliés par estranges lieux et par divers. Et pour ce ne me deust elle mie haïr mais honnourer, car pour lui me sembloit honneur a faire toutes choses par quoy je la peusse delivrer ;neïz sur la charrette montay je pour lui, que je n'eusse mie fait pour tout le royaume de Logres se s’amour ne le me feist faire: amplification des v. 4387-89, Quant por li me sanbloit enors | À feire quanque vialt Amors, / Neïs sor charrete monter. 43-44 et nonpourquant comme fin amant en ay fait ce que fait en ay: ajout se substituant aux v. 4397-99, Et tote voie ses amis | Fist ce don maint li ont amis | Por li honte et reproche et blasme. 47-50 par foy, telle est mais la coustume a ceulz qui riens n'achesseni, si est telle que ilz lievent honneur en honneur, mais qui lieve honte en honneur, il ne l’alieve pas, ainçois la choille! Voici ce qu’on peut lire dans le ms À, le plus proche ici de y, v. 4402-6, Par foi, que tex est la costume | À cex qui rien d'amor ne sevent |Que nes honor en honte lievent / Mais qui honor en honte moille / Ne le leve pas ains le soille. Dans les autres mss, figure toujours levent (P6 de laver) et
624
NOTES non lievent (P6 de lever). La phrase de y n’a pas un sens clair car l'expression riens n’achessent se substitue à rien ne sevent que l’on trouve dans tous les mss de Chrétien. Je proposerai, sous toutes réserves, la traduction suivante : «Ma foi, tels sont bien les usages de ceux qui n’ont jamais de cesse en amour: ils acquièrent de l'honneur en agissant avec honneur; mais celui qui s’attire de la honte en agissant avec honneur, il n’accroît pas son honneur maïs le .
fait disparaître !» Autrement dit, bien que Lancelot ait agi en fin amant (1. 44), l'honneur qui lui était dû n’est pas apparu. Les vers de Chrétien ne sont pas limpides (les scribes de TV et surtout celui de E ont eu de réelles difficultés avec ce passage), et c’est sans doute ce qui a provoqué les obscurités de la transposition. 52-54 Ha, las!je sçay bien qui ce font: il le font les mauvais cuers et les desloyaulz, ceulz qui sont souffraiteux de tous les biens: ajout. 55-56 et tost doit estre pardonnee haine entre fins amans qui bien ayment: transposition des v. 4413-14, Et tot est pardonable chose; | S’est failliz qui feire ne l’ose.
153 Ce $ dérime de près les v. 4415-4424, mais avec des ajouts. 2-5 qu'ilz ne scevent qu'ilz puissent devenir, et maudissent le temps et l’eure que ilz furent néz, quant ore voyent mourir devant eulz la fleur de toute chevalerie : ajout qui se substitue au v. 4417, Qui le gardent et qui le tienent. 6-8 si en sont tous liéz et le comptent a Lancelot. Et quant Lancelot entent la verité, si en a moult grant joye: ajout. 10-12 quant il sçot vrayement qu’elle estoit vivant et que elle n’avoit pas la vie perdue: ajout.
154 Ce $ dérime de près les v. 4425-40. 11-13 et non mie sans plus chevalier, mais lumiere et clarté de toute la chevalerie du monde: ajout.
155 Ce $ dérime d’assez près les v. 4441-53, 1 Atant: initiale également dans Ab et dans CEV (sur Atant également). 3-4 Mes Nouvelle qui ne reppose: ensuite, omission du v. 4447, Einz cort toz jorz qu'ele ne fine.
5-6 et lui compta comment il se voult estrangler a sa ceinture:ajout.
NOTES
625
7-8 car ce scet elle bien que elle avoit en lui ami loyal: ces mots se substituent à ef sel croit bien, v. 4451.
8-9 mais elle n’en voulzist mie avoir tout le monde en sa baillie pour couvenant qu'il se feust occis: transposition des v. 4452-53, Mes nel volsist por nule rien, | Que trop lifust mesavenu.
156 Ce $ dérime les v. 4454-77 avec de nombreux petits écarts. 3 et lui fait si grant joye comme il plus pot faire: ajout. 4 pour la grant joye qu'il en a: ces mots se substituent au v. 4459, Tant le Jet sa joie legier. 5-7 Et quant il a grant joye menee longuement pour Lancelot, si regarda ceulz qui pris l’avoient et loiéz: si en a si grant yre que plus ne puet: ces mots transposent les v. 4460-61, Mes la joie font abregier |Cil qui le lierent et prindrent. 7-10 Ha! filz a putain, je vous feray occire tous ! » Et quant ilz l’entendent, si en furent tous esmayés et lui crient mercy et lui dient: «Ha! sire, merci! car nous cuidions que bel vous feust ce que nous aviemes fait: ces phrases amplifient et transposent au style direct les v. 4462-65, Li rois lor dist que mar i vindrent, | Que tuit sont
mort et confondu. | Et il li ont tant respondu | Qu'il cuidoient qu'il le volsist. 12-13 la honte n'est mie au chevalier que vous lui avés faite : «la honte que
vous avez infligée au chevalier ne retombe pas sur lui». Transposition des v. 4468-69, Lui n'avez vos fet nule honte, | Se moi non. 14-15 Mais par saint Jame, quant vous de moy partirés, l’amendise vous sera grief a souffrir: ces mots se substituent aux v. 4471-72, Mes ja ne vos an gaberoïz, | Quant vos de moi eschaperoiz. Dans Ab, la graphie jalieme est certaine (n. 2), mais ce nom ne figure dans aucun répertoire de saints. On peut penser à une mauvaise lecture du nom Jakeme, graphiquement proche de Jalieme. Jakeme est la graphie courante de Jacques en Flandre orientale et Flandre
occidentale!.
1 Voir, par ex., la Table des noms de personne
et de lieu dans KR.
MaANTOU, Documents linguistiques de la Belgique romane II. Flandre orientale et Flandre occidentale; publiés par J. MONFRIN avec le concours de L. FOssiER, CNRS, Paris, 1987.
626
NOTES
15-16 Lors les commanda a prendre et a gecter ou fons de la tour en
prison : ajout. 19-22 et que le roy, par la priere que Lancelot en fist, leur pardonna son mautalant : si l’en prisierent moult tous ceulz qui illec estoient: ajout. 157
:
Ce $, dans lequel Lancelot est conduit auprès de la reine, dérime les
v. 4478-4501, puis laisse place à une insertion proche de «-B, (Z, Il, 73-74), qui se poursuit au-delà de ce $. Quelques vers dérimés (v. 4514-4519) ressurgissent au sein de cette insertion. 4 de quanqu'il leur fu bon : ensuite, omission des v. 4485-90, Ne matiere ne lor failloit, / Qu'Amors assez lor an bailloit. | Et quant Lanceloz voit son eise, | Qu'il ne dit rien que molt ne pleise | La reïne, lors a consoil / À dit. 6 tel semblant me feistes :ensuite, omission du v. 4493, N'onques un mot ne me sonastes. 10-12 et je en suis tant durement esmayés que je onques mais en mon vivant n’oz autant d’esmaiance en moy: ces mots transposent les v. 4499-4500, Mes que le forfet dit m'aiez | Dom j'ai esté molt esmaiez. 12 mais avant me dites: début de l’insertion. Dans y, comme dans @-f, la
reine ne reproche pas à Lancelot d’être monté sur la charrette. L’'impasse est donc faite sur les v. 4502-13. y ne reproduit pas tel quel le texte d’œ-fB, mais l’amplifie et le modifie, lui faisant ainsi subir un traitement proche de celui appliqué aux vers. Voici le texte de la Vulgate édité par Micha (Z, II, 73-74): Et entre la roine et Lancelot remistrent ensamble parlant, si demande la roine a Lancelot s’il est auques bleciés et il dist: «Dame, je n'ai mie de mal. » Et lors li enquiert por Dieu qu'ele li die por quoi ele ne volt a lui parler l’autre jor et ele dist qu'il estoit alés de Londres sans son congié, et il dist que molt l'avoit bien forfet. «Encore il a, fet ele, autre forfet greignor.» Et lors li demande son anel et il dist: « Dame, vez le ci», si li mostre celui de son doi. « En non Dieu, fet ele, menti m'avés, ce n’est il pas. » Et iljure quanques il puet jurer que si est et cuide bien verité dire. Et ele li mostre celui que ele avoit en son doi tant qu’il conoist bien que ce est il : si a trop grant duel de ce qu'il a porté autrui anel, sel sache de son doi et le gete par mi une fenestre tant loing com il puet. Aprés li conte la roine comment la damoisele li avoit aporté
627
NOTES
le suen anel et la merveille qu’ele avoit dite, tant qu’il se recorde et dist et reconoist que ce ot fet Morgue la desloials ; si li conte tote la verité et del songe et de la raençon. Et elle se merveille molt. Quant ele oï que il ot ce songe, si dist : « Bials amis, fet ele, tant ne vive je ja que autres ait en moi part que vos, kar trop avroie meschoisi, ne je ne cuit que nus soit qui en vostre lieu deust gesir. » Et il dist: «Dame, seront ja moi pardoné cist grant mesfet ? — Bials amis, fet ele, jes vos pardoing toz. » Et il li prie por Dieu, se ilpuet estre, qu'’ele parout a lui anquenuit, kar molt a grant tens qu'il n’i parla et ele dist que plus en est ele desirrans que il. y présente des transpositions au style direct (d’où un effet de vivacité et de «naturel» absent de la Vulgate) et, dans l’ensemble, un régime d’amplification, à côté de quelques suppressions, notamment la phrase où la reine affirme que personne d’autre que Lancelot n’aura de relations sexuelles (avoir part) avec elle.
Omission qui garantit la cohérence avec le texte de Chrétien, dans lequel il semble que la nuit d’amour qui va bientôt se dérouler soit la première. 15 vous en alastes de la court a Londres sans mon congié: Lancelot a effectivement quitté la cour, sans prévenir Guenièvre, lors de l’enlè-
vement de Gauvain par Caradoc et ses hommes. Yvain avait alors émis le souhait de partir en quête du neveu du roi sans le seu le roi et sans le ma dame (L, I, 78-79). Apprenant ce départ, la reine a tel duel de ce que Lancelos s’en est alés sans son congié que les lermes li sont as ielx corues (Ibid., 247), Elle s’évanouit puis laisse
entendre qu’elle fera chèrement payer cette faute au chevalier. 16-19 Mais je vous pry, pour Dieu, se vous le me cuidés jamais pardonner a nul jour, que vous le me dites. Et elle respont: Oùl, je le vous pardonne. — Dame, fait il, grant mercis: retour au dérimage avec ces phrases qui proviennent du roman de Chrétien, v. 4514-19, Er se vos ja le me devez | Pardoner, por Deu sel me dites ! |— Amis, toz an soiez vos quites, | Fet la reïne, oltreemant: | Jel vos pardoing molt boenemant. | Dame, fet il, vostre merci.
158 Dans ce 8 s’achève l'insertion proche de la Vulgate, puis le dérimage reprend, correspondant aux v. 4518-23, avec une tendance à l’amplification. 1-7 Le début de ce $ est encore proche de la Vulgate: voir le texte cité dans
la note précédente.
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NOTES
2-3 il avoit autrui annel porté: ensuite, y ne mentionne ni le geste de Lancelot jetant l’anneau par la fenêtre, ni son évocation du songe infligé par Morgane, tels qu’ils sont narrés dans a-f (voir la note au $ 1).
5-6 son couvine de lui et de la royne: construction maladroite à cause de la redondance son et lui (voir l’Introduction, p. 235) et surtout à
cause de la présence du complément la royne alors que le sujet de | la phrase est précisément la reine (la difficulté est due à la situation de discours rapporté). 9 et elle lui pardonne moult bonnement: avec ces mots, retour au v. 4518, Jel vos pardoing molt boenemant, transposé au style indirect; ce vers, ainsi que le v. 4519, a déjà été mis à contribution (voir la dernière note du $ 157). 10-11 de ce que vous le m'avés pardonné: ajout. 13-14 Et la royne lui dist: Je vous diray comment vous y pourrés parler: ajout. Sur y parler, voir l’Introduction, p. 236.
159 Ce $, dans lequel la reine et Lancelot mettent au point leur rendez-vous nocturne, dérime les v. 4524-48 avec plusieurs ajouts et quelques omissions. 2 car elle ne vouloit mie c'on s’en apperceust: ajout. 4 par ce mur qui est cheuz: ajout provenant d’a-B où la reine montre à Lancelot le mur viés et cheu et dist que par la i enterra (L, I, 75). Dans les vers de Chrétien, la mention du mur écroulé apparaît plus loin, lorsque Lancelot rejoint nuitamment la reine; il découvre
alors que, par chance, il y a une brèche dans le mur (v. 4571-72). S Et je vous attendray a la fenestre :ces mots se substituent aux v. 4529-31, Et si vanroiz par cel vergier. | Ceanz antrer ne herbergier | Ne porroiïz mie vostre cors. Pour l'instant, y ne mentionne donc pas le verger. Dans a-f, la reine indique cest jardin par derriere (L, XI,
74), 6 car la fenestre est treillissee de gros fer: ces mots se substituent au v. 4533, Que ceanz ne porroiz venir (cf. aussi le v. 4603 cité dans le $ 161). 9-11 ef vous feray avoir tout le soulas de moy, quanques je en pourray faire. Ef se la fenestre estoit toute delivre: ajout. 13-14 qui lui furent faites quant il me deust conduire a la forest contre Meleagant, comme faulz: ces mots amplifient le v. 4541, Des plaies dom il est coverz; comme faulz: «agissant comme un insensé».
NOTES
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18 ne m'y verra ja nulz: ensuite, omission du v. 4548, Qui mal ipant ne mal an die. 18-21 Lors se lieve decoste la royne Lancelot, et vait veoir Keu le seneschal. Et la royne lui monstre de la chambre le mur brisié et la fraite par la ou il venra a Li: ajout qui s’appuie sur a-B (voir note ci-dessus). Dans les vers, ni Lancelot ni la reine ne vont voir Keu.
160 Ce $ dérime d’assez près les v. 4551-4600 (les v. 4549-50, Ensi ont pris lor parlemant, | Si departent molt lieemant sont omis).
2-3 de tous ses annuys: on peut penser qu’une mauvaise lecture du mot anui a produit ce ami, dont le sens ne convient guère dans le contexte. Il est notable que la faute apparaît dans les trois mss, ce qui n’était pas le cas dans le $ 104, où une erreur du même type (amy pour annuy) figurait seulement dans Ac-Aa et non dans Ab. La faute, ici, pourrait remonter au dérimage. 3 Mais la chose qui plus lui grieve: ajout. 6-7 il a tant au jour luitié: transposition du v. 4560, Tant a au jor vaintre luitié. Dans notre copie, on comprend que Lancelot combat (contre) le jour: il «combat pour venir à bout du jour», c’est-àdire qu’il réussit à patienter jusqu’à la nuit. 8 la couverture: ensuite, omission du v. 4563, Et desoz sa chape afublé. 8-9 si menga moult tempre et commanda a faire son lit tout maintenant: ajout. 13-14 que ilz de nulle riens ne s’en apperceussent: ajout. 17 le povoir et le hardement: ensuite, omission du v. 4577, Molt tost et sûef
s’an leva, pourtant utile à la compréhension de l’action. 19 ne cierge n'avoit ardant: ensuite, omission du v. 4582, Ensi s'an ala regardant (même remarque qu’à la note précédente). 20 ne s’en prist garde: ensuite, omission des v. 4584-86, Einz cuidoient qu'il se dormist / An son lit trestote la nuit. | Sanz conpaignie et sanz conduit | Molt tost vers le vergier s’an va, | Qu’onques nul home n'ancontra. Le style reste elliptique. 20-22 Et de ce lui fu bien cheu que il ot ou vergier nouvellement cheu une grant partie du mur, si y avoit une grant fraite: ces mots transposent de très près les v. 4589-92, Et de ce li est bien cheii | C'’une piece del mur cheü / Ot el vergier novelemant. !/ Par cele fraite isnelemant. Mais de la sorte surgit une maladresse, car ce qui est présenté ici comme une heureuse circonstance a été précédemment signalé à Lancelot par la reine ($ 159).
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NOTES
24-25 Et la royne.. une blanche chemise: l’omission des mss Ac et Aa devait être corrigée, puisque, dans les lignes suivantes, Lancelot constate que la reine est déjà à la fenêtre. En outre, que le chevalier soit vêtu d’un simple manteau ne paraît guère pertinent. L'accord en pure une blanche chemise se fonde sur en pure sa chemise,
$ 204, 1. 4. 161 Ce $, où est narré le rendez-vous nocturne, dérime de très près les v. 4601-
50, avec quelques omissions. 1 Quant Lancelot: au-dessus de la même
phrase, enluminure dans Aa,
fol. 327a, agencée de la même manière que dans Ac. Seulement une initiale champie dans Ab. Initiale au même endroit du récit dans T (sur Quant également). 1-2 a la fenestre estoit :ensuite, omission du v. 4603, Qui de gros fers estoit ferree (cf., ci-dessus, $ 159).
2 el lui rendi: c’est bien la graphie el que l’on trouve dans le ms :au-dessus du e, qui ressemble assez à un i est suscrit un petit e très fin, certai-
nement de la même main.
à
5 ains se traist l’un pres de l’autre: ensuite, omission du v. 4611, Et andui main a main se tienent. |
8-10 Dame, se je ne cuidoie qu'il vous despleust, je enterroye layens avec vous, he ja pour les fers ne demourroit :transposition au style direct des v. 4615-18, Mes de ce Lanceloz se vante | Que, s'a la reïne
atalante, | Avoec li leanz anterra: | Ja por les fers ne remanra. 15 ne me puet tenir :ensuite, omission du v. 4628, Que bien ne puisse a vos venir.
21 mais que il de noise ne vous mescheist: «mais prenez garde de vous attirer des ennuis en faisant du bruit». Ensuite, omission des v. 4639-42, Qu'il ni avroit geu ne deport | Se li seneschax qui ci dort | S’esveilloit ja por nostre noise. | Por c'est bien droiz que je m'an voise.
162 Ce $ dérime de près les v. 4651-79.
1-2 et se couche tout quoyement en son lit: ajout. 5-7 que il en empire ses doys et defroisse, et creva ses mains en pluseurs lieux, et toutes les joinctes en rompt: transposition des v. 4658-61, Que del doi mame jusqu'as ners / La premiere once s’an creva, | Et de l’autre doi se trancha | La premerainne jointe tote.
NOTES
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8 tant est eschaufés et chault: ajout. Après a autre chose, omission du v. 4665, La fenestre n’est mie basse. 9 oultre passe : ensuite, omission du v. 4667, Molt tost et molt delivremant. 10-11 qui sa vraye medecine estoit: ces mots se substituent au v. 4670, Si l’aore et se li ancline. 15 qu'’ele lui face son povoir, et elle ne s’en faint: ces mots se substituent au v. 4679, D'Amors vient qu'’ele le conjot.
163 Ce $ débute par une insertion provenant de la Vulgate, puis dérime de près les v. 4680-4704 avec un abrègement final. 1-4 Et lors lui compta la royne la mort Galehot, et quant il sçot que il yert mort, si en fu moult doulant et moult en eust demené grant dueil, mais il n’en estoit mie illec lieu du faire. Si demainent grant deduit entre eulz: cette insertion provient de a-fB, dont voici le texte (c’est là tout le récit de la nuit d’amour) : Et lors li dist ele la mort Galehout
dont il ne savoit mot: si en eust fet assés grant duel, mes il n’estoit pas lieus, si fu assés grans la joie qu'il s'entrefirent (L, II, 76). 5-6 Car en tous autres cuers failli Amours envers ce que ou sien ne fist: «Amour échoua dans tous les cœurs en comparaison de ce qu’il fit pour le sien ». La phrase de y est une reprise fidèle des v. 4682-83: Car a toz autres cuers failli /Amors avers qu'au suen ne fist. 7-8 mais elle se reprist si bien en son cuer et tant ot de l'amour en lui: la première prop. transpose le v. 4684, Mes an son cuer tote reprist (AC), la seconde est un ajout qui brise la progression des vers en introduisant une tournure impersonnelle: «mais Amour se raviva tellement dans son cœur et il y eut tant d’amour en lui... ». 10 Le sent: le est la forme picarde du pronom féminin. 11-13 et tant en ont grant doulceur au cuer, et firent toutes leurs voulantés
l’un de l’autre: ajout. 13-14 et rendirent tous leurs membres chascun sa droicture l’un a l’autre: tous les membres est sujet, et chascun est apposé, ce qui marque tout à la fois l’idée de plénitude et de réciprocité. Cette phrase se substitue aux v. 4694-4702, Que il lor avint sanz mantir |Une joie et une mervoille | Tel c'onques encore sa paroille | Ne fu oïe ne seüe ; | Mes toz jorz iert par moi teüe, | Qu'’an conte ne doit estre
dite. | Des joies fu la plus eslite | Et la plus delitable cele | Que li contes nos test et cele. 14 Si ot moult: le verbe est au singulier, comme
dans les v. 4703-4, où
Lancelot seul est sujet (Molt ot de joie et de deduit | Lanceloz tote cele nuit).
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NOTES
164 Ce $ dérime les v. 4705-54 avec de nombreux écarts. 8 le cuer demeure: ensuite, omission du v. 4716, Droit vers la fenestre s'an
torne. 14 Et quant ilfu oultre la fenestre :ajout. 16-17 Et nepourquant si les a il mis tant soutilment a point et si bien que nul ne s’en apperceust: ces mots abrègent les v. 4729-33, Et remis an lor leus arriere, | Si que ne devant ne derriere | N'an l’un ne an. l’autre costé | Ne pert que l’an eüst osté | Nus des fers ne tret ne ploié. Les vers 4734-36 Au departir a soploié / A la chanbre et fet tot autel / Con s’il fust devant un autel sont ensuite omis. 17-19 Et lors a primes a il apperceu.. moult en feust doulant: transposition des v. 4742-54 ; exceptionnellement, le dérimage ne respecte pas le déroulement des vers. Dans y, Lancelot se rend compte qu’il est blessé au moment où il quitte la chambre. Dans les vers, ce n’est que le lendemain, au réveil, qu’il découvre ses plaies. 23-24 Mais s’il se feust laidement ailleurs cassés, moult en feust doulant: «Mais s’il s’était gravement blessé dans d’autres circonstances, il en aurait été très affligé ». : 24-25 a moult grant angoisse: ensuite, omission du v. 4738, N’ancontre home qui le conoisse.
165 Ce $, dans lequel Méléagant découvre les taches de sang sur les draps de la reine, dérime de près les v. 4755-80 avec une légère tendance à l’amplification. 1 la royne, la matinee: ensuite, omission du v. 4756, Dedanz sa chambre ancortinee.
3-4 telz comme ilz y estoient mis tres l'eure qu'elle s’i coucha: ajout. 6 et il ot oÿ messe: ajout. 10 la nuit: ensuite, omission de ce sachiez, v. 4772. 11-12 Certes, fait Meleagant a ses compaingnons :ces mots transposent le
discours de Meléagant qui s’adresse d’emblée à la reine au v. 4774, Et dist: Dame, or ai ge trovees. Mais le contenu du discours est identique.
166 Ce $, après un ajout, dérime les v. 4781-4815 avec une tendance à l’amplification. 1 A ceste: initiale également dans Ab.
NOTES
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1-3 À ceste parolle s'esveilla la royne et vist Meleagant que elle haioit sur tous hommes de ce monde, si en fu trop doulante et esbaÿe: ajout. 4-5 Ha! dame, comme a ore fait belle garde mon pere en vous, qui ainsi vous garde pour moy: cette phrase dérime les v. 4781-82 absents du ms C maïs présents dans AEITV, Molt a ore bele garde fete | Mes peres qui por moi vos guete (T); dans À seulement, les mots à la rime sont faite et garde, mots que l’on retrouve dans y. 5-8 de moy vous a il bien gardee, et de Keu le seneschal mauvaisement. Et maugré en ait ore le roy Baudemagus mon pere, si a anuit geu Keu le seneschal avecques vous: ces mots transposent les vers 478385, De moi voz a il bien gardee; | Mes enuit vos a regardee | Kex li senescahax malgré suen (tous les mss). 9 Et ne vous en escondissiés vous pas: ajout. 15-16 que je truis en voz draps et es siens le sang :ajout. 22-23 ne fains semblans ne vous puet garantir vers moy: ajout. 23-28 de la grant desloyauté que vous avés anuit faite. Et bien vous devroit tout le monde honir et despire, quant vous tant m'avés reffusé, et vous avés avec vous couchié le piour et le plus mauvais et le plus recreant et le plus failli chevalier du monde: ajout. Ces phrases développent un thème que l’on trouve au même endroit dans @-f: si est grant desloialté de tel dame com l'en vos tesmoigne, qui honissiés
le plus preudome del mont por le plus malvés (del mont DFHMS) : si me torne a grant despit, kar vos me refusastes por lui (L, Il, 76). 29 gardés que ostés ne vous soyent les dras: le vous est un datif d’intérêt.
167 Ce $ dérime de près les v. 4816-48. 5 alés: emploi, plutôt rare, de l’ind. après ainçoys Grammaire de l’ancien français, p. 236).
que
(Moignet,
8-9 que je deusse bien avoir a ma voulanté et a mon plaisir: ces mots se substituent au v. 4828, Dom vos estes mes anemis 10 de quoy vous avés moult durement mespris :ajout. 11-12 le seneschal l’a anuit revidee comme desloial: ajout. 14 et, aussi m'aïst Dieux, je en ay moult grant dueil: ces mots se substituent aux v. 4836-38, Car molt me vient a grant desdaing | Qant ele me het et despist / Et Kex o li chasque nuit gist. 17 les a tachiéz: ensuite, omission des v. 4842-45, Quant ma parole ne creez, | Ençois cuidiez que je vos mante, | Les dras et la coute sanglante | Des plaies Keu vos mosterrai.
18 veoir: graphie pour voir, «la vérité ».
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NOTES
168 Ce $ dérime de près les v. 4849-94, avec quelques omissions. 15-16 ceste vilté et cest oultrage: ensuite, omission des v. 4871-72, Si que la reïne i ait honte. | A vos tient la justise et monte. 16-17 il a le roy Artus trahy de sa femme son seigneur lige: il faut comprendre «il a trahi le roi Arthur, son seigneur lige, en ce qui concerne sa femme ». Les vers sont plus limpides :Le roi Artus a Kex traï, / Son seignor (v. 4874-75).
,
17 il lui avoit commandee :ensuite, omission du v. 4877, La rien que plus ainme an cest monde. 21-23 Ne ja Dieux a nul jour ne m'aliege de ma doulour que je orendroit sens et que vostre filz Meleagant m'a faite souffrir long temps : ces mots transposent les v. 4886-88, Et ja mes Dex santé graignor | Que j'ai or androit ne me doint, | Einz me praigne morz an cest point.
169 Ce $ dérime de très près les v. 4895-4920, avec quelques ajouts. 5 mes dites ent le voir: ajout. 6-7 et que plus vous escondirés et tant vous en croirra on moins: ajout introduit par anacoluthe. ; 8-10 la desloyale creature, et vous, comme desloyal lecherres, qui ainsi estes pris a meffait: ces mots se substituent au v. 4905, Qui si est provez et repris. 11 de vostre paÿs: ces mots transposent de vostre pris, v. 4906 (tous les mss).
13-14 ne creés le desloyal, car il ne m'avint oncques a nul jour: ajout. 16 il me met en paine et en travail, si fait pechié: récriture du v. 4912, An poinne et an travail me met. 20-22 pour mon corps esloyauter, et pour oster ma dame de villain repprouche. Et tout sui prest orendroit: ajout.
170 Ce $ dérime les v. 4921-67 avec des écarts. Le $, dans lequel Lancelot prend la défense de la reine, se clôt sur un ajout.
1-2 Et entre ces dis et ces parolles qu'’ilz contendoient illec: ajout. 3-6 Sire, je avray bien ung chevalier qui deffendra moy et le seneschal de
tel chose, se Dieu plaist, se vostre filz l'ose porter en avant, qui moult nous avra travailliés a tort: transposition au style direct et amplification des v. 4923-26, Et dit au roi que ele avra | Un
NOTES
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chevalier qui desfandra | Le seneschal de ceste chose | Vers Meleagant, se il ose. 7-11 il n’en a chevalier ou monde vers qui je ne m'en combatisse, que il est ainsi avenu comme je le dy et ainsi va ; et si l'en avroye occis ains la nuit. Neiz Lancelot ou Gauvain, le nepveu le roy Artus, s’il estoit ore ceans, ne seroient il tant hardis qu'ilz y osassent mettre deffense : amplification des v. 4928-31, Nul chevalier ne vos en ost
| Vers cui la bataille n’anpraigne | Tant que li uns vaincuz remaingne, | Nes se ce estoit uns jaianz.
21-22 Sy veult dire que je ay a lui fait follie et mauvaistié: abrègement des v. 4946-49, Et dit que toz an iert atainz, | Se vers lui ne se puet desfandre | Ou se autres ne vialt anprandre | La bataille por lui aidier. 24 Ne ja ne plaise a Damedieu que ce soit chose ou monde que... : «Qu’à Dieu ne plaise qu’il advienne que. ». 27 maintenant contre son corps: ensuite, omission des v. 4956-58, Se an moi point de desfanse a, | À mon pooir l’an desfandroi; / Por lui
la bataille anprandrai. Dans les vers, Lancelot alors que dans ”, il se bat pour la reine. 29-31 Lancelot, ceste parolle que vous m'avés dite durement; et plus ayme je la bataille a vous chevalier que je congnoisse : ajout. 31-33 Par Sainte Croix, fait Lancelot, puis que la bataille
se bat pour Keu, me plaist moult que a nul autre
vous plaist tant a moy, ja ne vos sera contredite, ains la vous donray orendroit :ajout. 34 Sire, fait il: ensuite, omission des v. 4964-65, Je sai de quauses et de lois l'et de plez et de jugemanz. 36-40 et de tel malice, dont monseigneur le roy Artus seroit honniz a tousjours mes, et Keux le seneschal en devroit estre destruis. Et pour ce veueil je que vostre filz en face le serment qu'il l’a appellé de tel blasme comme desloial traictre: ajout. La prop. il l’a appellé. traictre signifie «il l’a accusé par un jugement infamant
d’être un traître déloyal ». 171 Ce $ dérime les v. 4968-5006, sans fidélité stricte, et se termine par une insertion. Ici débute le second affrontement entre Lancelot et
Méléagant. 1 À ceste: initiale également dans Ab. 2 il veult que les sairemens y soient: transposition au style indirect du v. 4970, Bien i soient li sairement (vers manquant dans V).
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NOTES
2-4 car par sairement et par bataille prouveray que elle est desloial et telle comme j'ay dit: ajout. 5 vrayement que je ay droit :ensuite, omission des v. 4973-76, Et Lanceloz ancontre dit : | «Onques, se Damedex m'aït, | Queu le seneschalne conut |Qui de tel chose le mescrut. » 5-8 Lors furent maintenant apparaillies leurs armes, si s'armerent et monterent en leurs chevaulx. Lors furent apportés les sains enmy la place, si descendent et s'agenoullent aux sains et dient leurs oroisons: abrègement des v. 4977-84, Maintenant lor chevaus demandent, / Lor armes aporter comandent’; | L'an lor aporte tost amont, / Vaslet les arment : armé sont; | Et ja resont li saint fors tret. / Meleaganz avant se tret | Et Lanceloz dejoste lui, | Et s'agenoillent anbedui. Dans y, les chevaliers enfourchent de façon prématurée leur monture, si bien qu’il leur faut aussitôt après remettre pied à terre. Cette maladresse provient d’une lecture trop rapide du v. 4980, après lequel l’action couramment
attendue serait de se
mettre en selle. Aussi le dérimeur écrit-il machinalement et monterent en leurs chevaulx. Puis vient le v. 4981 mentionnant les reliques, et il convient d'abandonner momentanément les montures. 9-10 et cilz sains : sains réfère au «saint» dont les reliques ont été amenées,
et que Méléagant prend à témoin. 12-13 je t'enlieve des sains comme desloyal traictres et parjures: on peut comprendre que Lancelot conteste le serment prononcé par celui qu’il accuse d’être un traître perfide et un parjure. Cette phrase est une amplification du v. 4991, Et je t'an lief come parjur. Elle
pourrait signifier: «j’ôte les reliques de tes mains en t’accusant d’être un traître déloyal et un parjure». Cette construction, qui s’apparente à une formule rituelle, ne figure pas dans l’ouvrage de J. W. Hassel Jr, Middle French Proverbs, Sentences and Proverbial Phrases. 14-15 cellui qui a trespassé son commandement et son sairement: «celui
qui a transgressé le commandement de Dieu et le serment qu’il a prononcé ».
16-17 dont il soit congnoissans ains la nuit de sa grant desloyauté: ajout. Il faut comprendre: dont il [Méléagant] soit congnoissans de sa grant desloyauté ains la nuit. 17-18 voyant tous ceulz qui cy sont: ces mots se substituent au v. 4999, Cui qu’il enuit ne cui qu'il poist. 18-19 que je lui trencheray la teste a m'espee: ces mots se substituent aux v. 5002-3, Tant m'aïst Dex et neant plus / Et ces reliques qui sont ci.
NOTES
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21-25 car il a grant paour de Meleagant son filz qu'il n'y soit occis en la bataille, ne pour riens ne voulzist esgarder sa mort. Car toutes heures l’amoit il comme son enfant, ja soit ce qu’il ne voulzist mie faire pour lui rien: ajout. L'expression de Meleagant signifie
«pour Méléagant ». 172 Ce $ dérime d’assez près les v. 5007-29 avec de petites libertés constantes dans le récit du combat, tantôt plus concret, tantôt abrégé. Je
n’entrerai pas dans le détail de ces écarts minimes. 4-5 et les chevaulz furent roides et courans et tost alans :ces mots se substituent au v. 5012, Tant con chevax porter le puet. On trouve une accumulation semblable d’adjectifs au $ 83 et au $ 120 (grant et fort et tost alanf). Il s’agit d’une formule-cliché fréquente dans le Lancelot. 6-7 de leurs lances es escus si qu'ilz les fendent et escartellent, et leurs lances froissent: ces mots transposent les v. 5015-16, Si qu'il ne lor remaint nes poinz | Des deus lances tresqu'anz es poinz. 10-12 et trayent leurs espees et mettent leurs escus avant, si se requierent par moult merveilleux aÿr: ajout. 15-16 se trenchent les haubers et les heaumes et les escus :ces mots transposent le v. 5027, S’antr'ancontrent et s'antrefierent.
16-17 il leur laisse repprendre leurs alaines : tournure impersonnelle.
173 Ce $ dérime les v. 5030-63 avec nombre de menus écarts.
3-6 Ha! dame, ceste bataille fu commencee follement et par le grant desroy a Meleagant mon filz. Si vous pry comme ma dame a qui j'ay faite toute l’onneur que je faire poz, que vous me laissiés deppartir la bataille: amplification, avec transposition au style direct des v. 5034-35, Por Deu, li dist, le Criator | Que ele departir les lest. 10 si se trait arriere que plus n'en fait: abrègement des v. 5041-43, À ce que li rois li requiert, | Ja puis conbatre ne se quiert, | Einz a tantost guerpi le chaple. 13-14 et lui commande que il plus n'en face, si chier comme il a s'amour: ajout. 14-16 ains la vueil avoir, et je ne couvoitay oncques tant riens comme je fais la bataille contre son corps: amplification du v. 5049, Bataille voel, n'ai soing de peis. 18-20 Je n’en feray neant, fait Meleagant, et vous faites mal qui ma bataille me tollés:ajout
638
NOTES
20-21: Ha! beau filz, fait le roy, croy mon conseil: aussi m'aïst Dieux, mieulx te sera: ajout où sont reprises les premières paroles, au style direct, adressées par Baudemagu à son fils (1. 16-18).
22-24 Et certes, tu ne pourroies mie vouloir que tu l’outrasses d'armes cy alieuc :ajout. 24-26 se en la court au roy Artus, la ou tous les bons chevaliers sont, estoit congneue ta prouece: amplification du v. 5060, Se la te vient biens, plus qu'aillors. 27-29 qui tant avoit le cuer felon que nul plus de lui n’estoit desloyal. Et nonpourquant tant fait le roy et tant parolle: ajout.
174 Ce $ dérime de près les v. 5064-76. 2-3 qui en la terre de Gorre devoit venir par le Pont soubz l'Eau: ajout. 6-7 de gens et de chevaliers et de sergens qui le sievent: amplification du v. 5071, Des chevaliers qui le suioient.
11 Les v. 5077-78, Ençois que pres del pont venissent | Et que il veoir le poïssent, [Uns nains] n’ont pas été transposés.
175 Ce $ dérime de près les v. 5079-91, puis débute une adaptation de l’épisode narrant le piège du nain, qui prend fin au $ 176 (elle correspond aux v. 5092-5101).
1-2 grant et fort et tost alant: amplification de grant, v. 5080 (voir la note du $ 172, 1. 4-5). 5-6 car je suy cy venus pour son preu et pour le vostre, et pour le mien mesme: ajout qui récrit en partie le v. 5088, Que por voz granz biens le demant. 7-8 car il m'en couvient aler a grant besoing: ajout.
9 Je suis, fait il, cil que tu quiers: ensuite débute l’adaptation de l’épisode du nain. Dans les vers, le nain demande simplement à Lancelot de l’accompagner dans un endroit plaisant: Vien t’an toz seus ansanble o moi, | Qu'an molt boen leu mener te voel (v. 5094-95), Dans a-$ (ZL, II, 80-82), le nain, qui prétend agir sur ordre de Gauvain, conduit Lancelot dans le château du sénéchal de Gorre,
où une chausse-trappe le fait basculer dans une fosse; on le met ensuite en prison (l’épisode est plus long qu'ici). y ne doit absolument rien à @&-f, non plus qu’aux vers de Chrétien. 11 Il est coustume : cette coutume, invention du nain ou de sa maîtresse, est bien sûr inconnue par ailleurs.
NOTES
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176 Dans ce $ s’achève l’adaptation de l’épisode du nain. 177 Ce $ dérime les v. 5102-25 avec de nombreux écarts.
2-3 Etilz l’attendent tout le jour et toute la nuit: ajout. 5-6 Et qui la tierce part acontevroit de la doulour que ilz mainent, nulz ne queroit :transposition des v. 5109-11, Tuit dient que traïz les a / Li nains, et si lor an pesa, | Oiseuse seroit de l’anquerre. La forme queroit est un fut. II du verbe croire. 7-8 et le quistrent .11. jours et .II. nuiz, mais oncques ne porent oïr nouvelle nulle:
transposition
des v. 5113-14,
Mes
ne sevent
ou
il le
truissent, | Ne de quel part querre le puissent. 9-10 comment ilz peussent ouvrer de leur seigneur qu'ilz ont par si faite maniere perdu : ajout. Les leçons des trois mss sont ici déficientes. Ma correction s’appuie à la fois sur l’emploiï du verbe ouvrer l. 14, sur le sens et sur une phrase de Richeut que cite Moignet à propos des interrogatives indirectes (Grammaire de l’ancien français, p. 228): À moi meïsme ai conseil pris / con jel deçoive. 10-11
se sont tost accordé : ensuite, omission des v. 5116-17, ce me sanble,
/ Li plus resnable et li plus sage. 11-12 pour savoir se ilz y pourront trouver monseigneur Gauvain: ajout.
13 ilz le peussent trouver :le réfère à Gauvain; la syntaxe des v. 5120-22 est plus claire: Et querront Lancelot aprés / Par le los monseignor Gauvain, | S'il le truevent n’a bois n'a plain.
14 de li querre: li réfère à Lancelot. 15 s'accordent tous ensemble: ensuite, omission du v. 5124, Si bien que de rien n'i descordent.
178 Ce $ dérime les v. 5126-41, puis prend place une insertion, concernant Méléagant, qui s’achève à la fin du $.
2 reclost: pas. 3 de reclore «se refermer ». 3 et aloit une heure amont et l’autre aval: ajout. 5 Et lors se painent moult de lui avoir :ajout. 5-6 Tant y pescherent que ilz le prennent et le aherdent a leurs mains : transposition des v. 5132-33, que il l’aerdent | A rains, a perches et a
cros. 6-7 si le tiennent tant qu'ilz le trayent hors de l’eaue delivrement': ajout. Pas de ponctuation dans les mss après delivrement.
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NOTES
10-11 car mout avoit souffert paines et ahans et travaulz :ces mots abrègent les v. 5139-41, Car molt avoit sofferz travauz, | Et mainz perils et
mainz asauz | Avoit trespassez et vaincuz. 11-19 Car, si comme le compte. eust povoir de le trespasser:insertion. Le récit fait retour sur les actions de Méléagant destinées à empêcher toute entrée dans le territoire de Gorre. Ces données sont absentes
de a-B, où le scénario est différent puisque Gauvain a réussi à franchir tout seul le Pont sous l’Eau et a ensuite vaincu le chevalier du Pont (Z, II, 82-83). L'expression compte de Lancelot est employée en amont dans le roman, lors de la première cérémonie où sont mises par écrit les aventures des chevaliers (Z, VIII, 48889): tout ce fu del conte Lancelot [...] et li contes Lancelot fu
branche del Graal. Les «témoignages » invoqués par les auteurs. dans les romans en prose sont généralement de purs artifices. Pourtant, il pourrait en être autrement avec la phrase de y, le compte de Lancelot nous tesmoingne. Ces mots peuvent référer à des rédactions, contenues dans de vrais manuscrits, qui racontent le périple de Gauvain vers le Pont sous l’Eau. Quatre mss, en effet, comportent une interpolation narrant ces aventures : LONDRES, BL,
Add. 10293, PARIS, BN, fr. 112, PARIS, BN, fr. 113-116 et OXFORD, Bodleian, Rawlinson
Q. b. 6. Les trois premiers présentent le
même texte, et l’on y voit Gauvain affronter divers chevaliers qui ont envers lui des griefs personnels, ou qui veulent conquérir la demoiselle qui l’accompagne; il franchit le pont sous l’eau et affronte sur l’autre rive le gardien du passage!. Le raccord est parfait avec a-fB, où Gauvain est découvert fatigué par sa traversée et par les blessures que lui a infligées le chevalier del Pont (L, I, 82), mais il n’y a pas là de felonnesses gardes ni de felons trespas. Dans le ms d'Oxford, on trouve deux interpolations ; l’une, aussi longue que l’épisode de la Charrette, raconte le voyage de Gauvain; l’autre, que cite entièrement G. Hutchings, contient quelques phrases qui semblent faire écho à y. Elle se trouve dans l’épisode où Lancelot explique au sénéchal alité que Gauvain a choisi de passer par le Pont sous l’Eau pour entrer dans Gorre;
! Cette interpolation a été publiée par SOMMER, The Vulgate Version of the Arthurian Romances, éd. cit., vol. IV, pp. 182-95. Voir les commentaires de G. HUTCHINGS, Le Roman en prose de Lancelot du Lac, op. cit., pp. 12326. Dans le fr. 115, elle se situe aux fol. 361d-366a.
NOTES
641 Keu lui répond: Or le conseut Dieus! fait Keux, que moult i a a faire, que la voie est trop plus longue que ceste que vous avez alee. Et si a tant de max trespas a trespasser, et tant de traïteurs qui les passages gardent de par Meleagant, le traïteur, que merveilles sera s’il ne l’ocient en traïson (G. HUTCHINGS, Le Roman en prose de Lancelot du Lac, op. cit., p. 115). Le compte de Lancelot, en
l’occurrence, manuscrit.
pourrait bien être la rédaction que présente ce
179 Ce $ dérime les v. 5142-78 avec plusieurs écarts. 5-10 si se pasme pour l'angoisse que il avoit au cuer, et lors demainent ceulz qui yllec estoyent moult grant dueil car ilz cuidoient qu'il feust mort. Et lors ung pou aprés revint monseigneur Gauvain de
paumoisons, si ouvri les yeulz et parla: ces mots se substituent aux v. 5149-53, Mes quant sa parole et sa voiz / Et del cuer delivre ot la doiz, / Qu'’an le pot oïr et antandre, | Au plus tost que il s’i pot prandre | À la parole, se s'i prist. Il n’est pas dit explicitement dans les vers que Gauvain s’est évanoui. . 10-17 Seigneurs, dites moy que fait la royne, et se vous en savés nulle nouvelle, et se elle sejourne en ce paÿs. » Et ceulz dient :« Sim'aïst Dieux, sire, oyl, en ce paÿs sejourne elle avec le roy Baudemagus, ne d'avec lui ne se muet elle ne nuit ne jour. Et le roy la sert moult durement bien et moult l’onneure, autant comme il feroit sa suer germaine. — Aussi m'aïst Dieux, seigneurs, fait monseigneur Gauvain, il fait son honneur, car moult est ma dame vaillant:
transposition au style direct et amplification du dialogue entre Gauvain et ses sauveurs, v. 5154-60, Lués de la reïne requist/A ces qui devant lui estoient | Se nule novele an savoient. | Et cil qui li ont respondu, | D'avoec le roi Bademagu | Dïent qu'ele ne part nul ore, | Qui molt la sert et molt l’enore. 19-20 le bon chevalier et le puissant, cil qui a en lui tant de bien que chevalier doit avoir en soy: ces mots se substituent au v. 5165, Qui passa au Pont de l’Espee. 22 et delivrés tous les prisonniers :transposition du v. 5167, Et avoec li nos
autres toz. 22-24 mais ung nain bossu et couvert nous a engignés malement qui le nous a tollu et fortrait :abrègement des v. 5168-72, Mes traïz nos en a uns goz, | Uns nains boçuz et rechigniez: / Laidemant nos a engigniez, | Qui Lancelot nos a fortret; | Nos ne savons qu'il en a fet.
642
NOTES
180 Ce $ dérime les v. 5179-97 avec des écarts constants.
1-5 tout ainsi comme cil avoit fait, et comment il s’estoit combatu a Meleagant par deux foys, et comment la bataille fu prise d'eulz deux en la court le roy Artus, quelle heure que Meleagant l'en semoingne
aprés cest an:
amplification des v. 5180-81, Si li
recontent tire a tire | Si c’un tot seul mot n'i oblient. 5-7 Ne la royne ne se mouvera de cest paÿs devant qu'elle vous ait veu ou . avra oÿes au moins vrayes nouvelles de vous: abrègement avec
transposition au style direct des v. 5182-86, Et de la reïne li dient/ Qu’ele l’atant, et dit por voir | Que riens ne la feroit movoir / Del païs, tant qu'’ele le voie, | Por novele que ele en oie. 8-9 Seigneurs, lequel loués vous mieulx, ou nous alions querre Lancelot, ou nous alions a la royne :dans les vers, Gauvain n’offre pas d’alternative à ses interlocuteurs. Il leur demande seulement: Quant nos
partirons de cest pont, | Irons nos querre Lancelot ? (v. 5188-89). 9-10 Nous ne le querrons pas, nous ne le sarions ou trouver: ajout. 10-12 Ains en yrons tout droit a la royne ma dame, et compterons a lui et au roy Baudemagu comment le nain nous a tollu Lancelot: ces mots transposent au style direct et amplifient les v. 5190-91,Na. un seul qui mialz ne lot /Qu'’a la reïne aillent ençois. 12-15 Et cuidons que ce soit fait par l'engin Meleagant, son filz, et nous savons bien que le roy le fera querre tantost : ne ja en tel lieu le roy ne le savra que il tantost rendre ne le face: transposition au style direct des v. 5192-97, Si le fera querre li rois; / Car il cuident qu'an traïson | Lait fet ses filz metre an prison, | Meleaganz, qui molt le het. / Ja an leu, se li rois le set, | Ne sera qu'il nel face rendre. 15-16 maugré sien: ajout, «malgré Méléagant»; ensuite est omis le v. 5198, De seür s'i pueent atandre.
181 Ce $ dérime d’assez près les v. 5199-5209. Gauvain rejoint ici la cour de
Baudemagu. 1 À cestui: initiale également dans Ab (et dans EV).
1-4 qui tant est dolent et yriés de Lancelot que plus ne puet, car il l'avoit moult amé; si a grant paour que Meleagant par traÿson ne l'ait fait occire: ajout. 5-6 Baudemagus et la royne y estoient: ensuite, omission du v. 5203, Et Kex avoec, li seneschax.
NOTES
643
7-9 qui de toute la desloiauté qui puet reppairier en corps de mortel traïttour avoit en soy, car il estoit de toute traïson plain et comblés de tous maulz: amplification du v. 5185, De traïson plains et conblez. 10 pour Lancelot: ensuite, omission du v. 5208, Por mort et por traï se tienent.
182 Ce $ dérime les v. 5210-42, avec de multiples écarts. A partir d’ici la récriture prend de plus en plus de liberté à l’égard des vers. 2-5 ne je ne voy comment elle puist fors couroux avoir, car riens ou monde n'amoit elle tant, et mieulz amast elle que tous ceulz du royame de Logres feussent perdus que il tout seul: ajout. 6-7 si li couvint faire dueil et joye pour monseigneur Gauvain: il faut comprendre qu’elle fait dueil pour Lancelot, et joye pour Gauvain. 7-9 mais il n’est nulz homs vivans, s’il la voit, que bien ne puist notter a son viaire qu'elle n'a mie son cuer lié: ces mots se substituent au v. 5219, Por Lancelot a le cuer vain. 10-11 et monseigneur Gauvain la salue moult doulcement: ces mots se substituent aux v. 5222-24, N'i a nul qui la novele oie | De Lancelot qui est perduz, | Ne soit dolanz et esperduz. 15-17 Et tous ceulz qui illec estoient en demainent moult grant dueil et moult en sont doulens et courouciés : ajout. 18-19 et y envoiast tel gent qui bien y peussent la besoingne faire : ces mots se substituent au v. 5234, Tot sanz demore et sanz espace.
20-21 tous cilz chevaliers: la copie comporte ici une construction sans déterminant, alors que la présence d’une relative déterminative en laisserait attendre un. Le phénomène se reproduit $ 183, 1. 12-13 avec tous (les) chevaliers du monde. Les corrections effectuées
s’appuient sur Ab. Mais, au $ 166, le syntagme sur tous hommes de ce monde (1. 2) a été laissé tel quel car il se présentait de la même manière dans Ab. La copie semble hésiter entre les deux constructions. Au $ 67, L. 9-10, au contraire, on lit: fous les chevaliers qui erent encontre lui; et au $ 118, 1. 24-25 : encontre tous les hommes de ta terre.
22-23 Si m'aïst Dieux, fait le roy Baudemagus, car je en suis tous priés pieça, si y envoieray orendroit sans nul arrest: abrègement des v. 5238-40, Sor moi lessiez ceste besoigne, | Fet li rois, si n'an parlez ja! | Que ja en sui prez grant piece a. La proposition car je en sui tous priés pieça se fonde sur le v. 5240, tel qu’il figure dans le ms 7, Car je en sui priez pieça; on lit aussi priez dans À (Bien en
644
NOTES
sui priés grant piece a) et V (Que g'en sui priez grant pieça). Le ms C comporte preiez (Que j'en preiez grant piece a). Le ms E donne ici Ken g’en sui prest des piecha (voir dans l’éd. Foerster, p. 408, le commentaire de ce vers). Les éditeurs du Chc corrigent priez en prest ou prez, d’après E. Cette correction ne s’impose pas pour la présente édition, puisque la leçon priés correspond au dérimage original et que priés «prêt» est l'aboutissement de *PRAESTUS en picard (Gossen, Grammaire de l’ancien picard, $ 11). k 24-26 Et tant vueil je que ceulx de mon royaume sachent qu'il n’y a chevalier ne duc ne prince, s’il l’avoit detenu contre ma voulanté, qu'il n'en feust honnis a tous jours: ajout.
183 Ce $ correspond aux v. 5243-56 avec des écarts incessants, dont une insertion. 3 qui bien sçorent la terre et le paÿs: ajout. 6-7 Et quant ilz virent qu'ilz gastoient le temps en vain: ajout. 8-19 et dient que ilz n’en ont neant... vous devés faire la vostre dame: insertion de plusieurs phrases. | 19-25 Ce est noiant ce que nous vous oons dire de no sejour, car ainsi nous aïst Dieux, nous n'y sejournerons ja, ainçois le querrons parmy . toutes les diverses terres du monde, lance sur fautre, que nous ne le raions. » Et dient : « Nous sejournerons huy mais et atournerons noz affaires, et a demain sera pris le terme de mouvoir: transposition au style direct et amplification des v. 5254-56, Qui dient que lance sor fautre, | Trestuit armé, querre l’iront; | Ja autrui n'i anvoieront. 22 lance sur fautre: la faute commise par Ac et répétée par le scribe de Aa (lancelot au lieu de lance) apparaissait déjà au $ 31, 1. 32.
25-27 A cest parolle s'accordent tous moult doulans et moult courouciés, et pou y ot cellui qui la nuit voulzist mengier ne boire. Et trespasserent celle nuit ainsi en grant doulour: ajout (qui se prolonge dans le $ suivant).
26 pou y ot cellui qui: «il y en eut peu qui».
184 Ce $ achève l’ajout du $ précédent puis dérime avec des écarts constants les v. 5257-93. 1-3 Lendemain a matin, si tost comme il ajourne, si apparaillierent leurs armes. Mais ainçois qu'’ilz meussent, mengierent ung pou: fin de l'ajout.
NOTES
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3-7 et quant ilz orent mengié, si demanderent leurs armes et s’armerent et monterent sur leurs chevaulx qui leur furent amenés enmy la place. Ainsi comme ilz prenoient congié au roy et a la royne qui tant estoit doulante que plus ne povoit: transposition des v. 525760, Un jor aprés mangier estoient|Tuit an la sale ou il s’armoient, 1 S’estoit venu a l’estovoir, | Qu'il n’i avoit que del movoir. 7-8 au ferir des esperons sur ung grant roucin: ajout. 9 vint devant la royne: ensuite, omission des v. 5264-67, Qui n’avoit pas color rosine, | Que por Lancelot duel avoit / Tel, don noveles ne
savoit, | Que la color an a müee. 12-13 et lui dist: « Sire, faites lire ces lettres: ajout.
14 Et ce disoient les lettres que: les mots qui suivent ne sont pas la transcription directe du message, tel que l’aurait écrit Lancelot, mais une combinaison de discours direct et de paroles rapportées; le clerc désigné par Baudemagu, qui bien le sçot lire, paraît transposer au discours indirect les mots qu’il a sous les yeux, tout en tenant compte du fait que le destinataire du message est devant lui. Ainsi, le je, émetteur du message, devient-il Lancelot, tandis que le destinataire oscille entre le roy Baudemagus et vous. 18-19 qui est le meudre chevalier a devise que on sache et le meudre roy: ajout. 21-22 car le roy les desire moult a veoir: ajout. 22-23 Et ces lettres furent sellees du seel Lancelot et du roy Artus : explicitation du v. 5290, Er si a entresaignes tes. Dans @-f, il est dit clairement que la lettre est une supercherie: Mes cil qui tos les mals savoit, Meleagans ses fiz, fist unes letres por le roi et les barons deçoivre. Ces letres furent en un seel contrefet, al seel le
roi Artu (L, I, 84). 24-26 et en firent tant joye que oncquez en ycelle nuit n'y ot fait ne plaint ne plour ne cri, ains font tuit joye merveilleuse: amplification du v. 5293, De joie bruit tote la corz.
185 Ce $, dans lequel les prisonniers du royaume de Gorre font route vers la terre de Logres, dérime les v. 5294-5319 avec des écarts incessants. 2-3 et le roy, qui moult fu courtois, leur ottroya voulentiers et bonnement sa voulanté a faire: ces mots se substituent aux v. 5296-97, Et quant ce vint a l’ajorner, | Si s'aparoillent et atornent. On peut penser que le syntagme sa voulanté a faire renvoie au désir exprimé par Lancelot dans la fausse lettre.
646
NOTES
4-5 si s'en tournent et acqueillent leur chemin et yssent de la cité au roy Baudemagus: ajout. 9-13 et dist: « Dame, je vous ay mis toute hors des destrois de ma terre, si m'en couvient retourner, et preng congié debonnairement a vous comme la dame du monde que je plus pris. Et sachiés que en tous les lieux ou je seray, que je suis vostre lige chevalier»: cet ajout se substitue au v. 5305, Et puis a toz comunemant. 14-15 Sire, je vous mercy moult durement de l’onneur que vous m'avés faite: transposition au style direct des v. 5307-8, le mercie / De ce que il l’a tant servie. 16-17 son service et le son seigneur: ensuite, omission dans Ac-Aa du v. 5312, Ne li puet prometre graignor. Toutefois, ce vers est transposé dans Ab. 18 a son seignor et a son amy: ensuite, omission du v. 5315, Et Kex ausi, tuit li prometent.
186 Ce $ correspond aux v. 5320-39. Le dérimage est ici très lâche. A côté des ajouts habituels, on remarque surtout des écarts syntaxiques constants. On ne trouve qu’exceptionnellement la transposition claire d’un vers. La trame de Chrétien est toujours suivie, mais,
comme dans a-fB, quoiqu’à un degré moindre, la récriture s’affranchit du respect de la lettre. J’ai renoncé ici à identifier toutes les opérations de transposition. 1-2 Et la royne et la route. chevaucherent tant. qu'ilz vindrent: syllepse de genre pour le pronom i/z. 8-9 qui de la terre estoient eschaitivés :la leçon originelle de Ac-Aa impliquait d’associer de la terre à ceulz pour que la phrase ait un sens. Même si la copie de Ac est familière des phénomènes de disjonction (voir l’Introduction, p. 246-48), l’ordre des mots m’a paru ici trop problématique pour être conservé, et j’ai choisi de corriger d’après Ab. 10-12 si s’en yssent hors chevaliers et dames et pucelles et gens menues et bourgoys et citoyens: amplification des v. 5333 et 5335, Si lor vont trestuit a l'encontre [...] Ou soit chevaliers ou vilains.
14-15 le bon chevalier, le seur, la lumiere de tous autres chevaliers: ajout. De façon remarquable, la métaphore fondée sur la lumiere concerne ici Gauvain, alors que dans tous les autres ajouts où elle figure, elle s’applique à Lancelot et contribue à sa gloire: lumiere de toute clarté, estoille journal ($ 147, 1. 9-10), lumiere et clarté de
NOTES
647 toute la chevalerie du monde ($ 154, 1. 12-13), la lumiere de tous les chevaliers du monde ($ 183, 1. 12-13). Dans le cas de Gauvain,
l’image est moins hyperbolique (tous autres chevaliers / tous les chevaliers du monde) et, surtout, elle est inappropriée.y semble convoquer le côté solaire de ce personnage, que les romans en vers ou en prose se plaisent à rappeler (sa force croît à midi...) pour en montrer les limites. En effet, les images de lumière, dans le passage présent, s’avèrent indûment attachées à ce chevalier puisque celui qui a ramené la clarté dans l’obscurité, bien sûr, c’est Lancelot. 15-18 dont tout le paÿs et la terre de Logres estoit desconseillés pour li et apouvris ! Bien viengne li sires qui clarté et lumiere a ramenee entre nous qui devant estions tous plains de tenebres: insertion. Sur la redondance des pronoms dont et li, voir l’Introduction, p. 237. L’image d’un Gauvain «solaire » et sauveur atteint ici son apothéose avant de se défaire lorsqu’est énoncée la cause du leurre collectif. 19-21 qui nous a rendus et amenés les chaitifs enchartrés qui estoient en essil en la dessertine de Gorre: amplification des v. 5338-39, Et mainte dame escheitivee, | Et maint prison nous a randu.
187 Ce $ dérime d’assez près les v. 5340-60. 1 Quant: initiale également dans Ab. 1-2 Quant monseigneur Gauvain entent la parolle, si en fu trop doulant et leur dist: amplification du v. 5340, Et Gauvains lor a respondu. 5-6 car des aventures de Gorre ne suis je mie achieverres, ne par moy ne
ravés vous ne la royne ne les prisonniers :ces mots se substituent au v. 5345, Queje n'i vingn'atansn'aore. 8-10 comme cil qui passe tous les chevaliers qui oncques furent. Et pour lui devroit faire tout le pueple oroison :amplification des v. 5348-49, Cui si granz enors i avint |Qu'ainz n'ot si grant nus chevaliers. 10-11 Quant ceulx l’entendent, si en ont merveilleuse joye et lui demandent: ajout. 17 si n'ot onques mais si grant dueil: ajout. 18 trahis et deceuz: ensuite, omission du v. 5361, Par les letres sont decei.
188 Ce 8 dérime d’assez près les v. 5362-78, avec de petits écarts. 3-7 Mais le dueil que la royne en fait passe toutes autres douleurs, que a paines s’en puet elle confforter. Mais pour paour de l'apercevance
NOTES
648
de la gent se refraint de son dueil mener, et nonpourquant n'a elle
pas moins de doulour en son cuer: ajout. Les vers ne disent rien de la réaction de la reine à la mauvaise nouvelle. La rédaction o-
B évoque elle aussi la douleur de la reine: li cors li fremist et li cuers li serre et ele se pasme, et mesire Gauvain la cort sostenir
(L, IL, 85). 11-12 si s’en aloit au Pont soubz Eaue querre monseigneur Gauvain : ajout
qui brise la syntaxe de la phrase, calquée sur celle des v. 5366-71 (avec une série de comant). 16-17 car ce est la rien que il oncques plus amoïit : si en avoit esté a grant mesaise, car bien la cuida avoir perdue : transposition des v. 537578, [la joie] / Qu'il a si grant de la reïne, | Que li diax por la joie fine; | Quant la rien a que il plus vialt, | Del remenant petit se: dialt.
189 Ce $ correspond à l’éd. Micha Z, IL, 85.
Avec ce $, y quitte la trame des vers pour relater l’épisode de Bohort sur la charrette tel que le présente a-B (Z, II, 85-95). Cet épisode assez long s’achève au $ 199. De la sorte est abandonné le scénario que l’on trouve chez Chrétien, et dont je rappelle la teneur: les dames et les demoiselles de Logres désirent que soit organisé un tournoi, et le roi Arthur leur donne son accord; on fixe la date et le lieu. La
nouvelle de ce tournoi parvient alors au royaume de Gorre, chez un sénéchal de Méléagant, qui, apprend-on, détient Lancelot dans sa prison (v. 5428-31). y, comme a-f, ignore le motif du tournoi souhaité par des demoiselles en quête de maris. Le rédacteur de y narre donc l’épisode de Bohort, puis reprend le dérimage lorsqu'il est question de la nouvelle d’un tournoi qui se répand dans le royaume (voir infra). Dans les notes qui suivent, je mentionnerai seulement les différences importantes entre y et -f (d’après l’éd. Micha). Lorsque le fr. 344 présentera une leçon différente de celle éditée par Micha, je l’indiquerai (pour la proximité, dans cet épisode, de y avec certains manuscrits du Lancelot, voir l’Introduction, p. 80-83).
1-2 Grant est le dueil en la maison le roy Artus pour Lancelot: voici la phrase de a-B: Grans est li duels que il font en la maison le roi Artu de Lancelot. 5 qui y fu chevalier nouveau: Lancelot est effectivement devenu chevalier
à Camaalot (Z, VII, 260-87).
NOTES
649
190 Ce $ correspond à L, II, 86.
4-5 la tenist il plus grant se il eust Lancelot: ces mots remplacent La tenist
il en plus povre lieu, se il osaist (a:-B). 12 la teste grosse :ensuite, omission de meslee de chaines (a-B). 15 ef estoit tout blanc: ensuite, omission de et la guige de soie blanche
(a-f). 18 et il estoit blanc: ensuite, omission de comme neis (a-B).
191 Ce $ correspond à L, Il, 86-88. 11-12 si est hués et arochiés : le sujet est le chevalier.
192 Ce $ correspond à L, II, 88-89.
7 nul ne sueffre qu'il y see: ensuite, omission de ains le bote chescuns arriere (omission également dans le fr. 344, fol. 330c).
9-10 si que a force le couvint hors mengier: ajout par rapport à æ-f. Mais ces mots sont dans le fr. 344, si qu'a force le covint hors mengier (fol. 330c). 18-19 Et Gauvain n'est point esbaÿs de ce que le roy lui mande: cette phrase diffère de a-fB où c’est le point de vue du roi qui est mentionné, et li rois est tos esbahis de ce que mesire Gauvain li a
mandé.
193 Ce $ correspond à Z, Il, 89-90. 4-6 ung bruellet qui pres d'’illec estoit, si s’est armés de toutes armes, car elles lui furent yllec apparaillees par son escuier, et vient: ces mots diffèrent de a-f, un brueillet qui pres estoit d’iluec ou ses escuiers l’atendoit, si est armés de totes armes et vient (leçon légèrement différente dans le fr. 344, fol. 330d: .z brueillet qui pres d'’ilec estoit. Si c’est armez de totes armes et vient toz armez et son escuier 0 lui).
10 de ce qu'il m'avoit tenu compaingnie :dans a-f, on trouve, à la place de ces mots, de ce qu'il avoit mengié avec moi. 21-22 a pou qu'il n’esrage: ensuite, omission de et dist que onques mes tel honte ne li avint (a-f).
650
NOTES
194 Ce $ correspond à Z, II, 90. 4-6 qui dont n'y estoit mie, mais quant il oÿ dire comment et pourquoy les autres s’estoient armés pour aler aprés le chevalier, si fist aussi: ces mots diffèrent de a-fB, qui venoit de devant la roine et avoit oï comment li autre estoient armé por aler aprés le chevalier. 6-7 Mais Saigremor le suist: le réfère à Bohort. 8 Gués de la Forest: dans o-f, on lit i/ vient al Gué de la Forest, et ce gué est situé desos Roelent, à .11. archiees de la forêt. La ville de Roelent ou Roevent figure ailleurs dans le Lancelot, contrairement au nom de Bonevent ou Rovenent que donne ici y. 11 sur l’eau: «auprès de l’eau» ; dans o-f$ on a sor le gué. 11-12 avoit bien .vi. chevaliers qui l’attendoient: cette escorte est de quarante chevaliers qui l’atendoient et qui assés valent dans a-f. Dans le fr. 344, avoit bien .x. chevaliers qui l’atendoient (fol. 330d, qui assés valent manque comme dans y). 195 Ce $ correspond à L, Il, 90-92. On constate une légère tendance à l’abrè-
gement dans y. 5 et ceux sont apparailliés qui le prannent: ceux réfère aux six chevaliers qui accompagnent Bohort, et le au cheval de Sagremor. 9 vous n'i avriés ja preu: ensuite, omission de kar j'ai avantage, kar je sui a cheval et vos a pié (œ-f). 11 cil ist hors du gué: cil réfère à Bohort. 16 et Keux lui escrie, et il vient: abrègement de Kex li seneschals li escrie et cil prent de son escuier .I. glaive cort et gros et vient (œ-f).
17-18 et Keux brise sa lance et cil l'abat ou gué et prent le cheval: abrègement de Et Kex le fiert si que tote sa lance vole en pieces et li chevaliers fiert lui par mi le hauberc et par mi l’escu, si le porte jus del cheval el gué les piez desus et prent le cheval (œ-B). 22-23 Sire, sire, de plus honis en y a que je ne suis :petite amplification par rapport à a-B, De plus honis en i a. La phrase de y paraît plus satisfaisante.
196 Ce $ correspond à L, II, 92-93, avec une légère tendance à l’abrègement.
1 Que: initiale également dans Ab. 7 ne trouva qui le delivrast: abrègement par rapport à a-B, ne trova qui en la charete montast por lui : si i avez plus honte que honor.
NOTES
651
14-15 si descendent pour monter y: on pourrait croire que les chevaliers (ils sont dix dans a-B) mettent pied à terre pour grimper dans la charrette. En fait, ils aident la dame du Lac à se mettre en selle: eux ne monteront qu’ultérieurement dans la charrette (voir 8 197).
L’abrègement est ici important par rapport à a-B, si descendent por la damoisele monter sor .1. des plus bials palefrois del monde qu’il amenoient (leçon proche dans le fr. 344). 17-19 Jy affaire approuche par quoy ta court sera triste et doulante, par quoy les aventures prendront fin : le texte diffère légèrement de aB, où l’on a: #a cors aproche de delivrer, si prendront fin les aventures. Dans le fr. 344, on lit li aferes aproche par qoi ta cort sera delivree et dont les aventures panront fin (fol. 331a). La dame
du Lac annonce la fin des aventures, c’est-à-dire le début de la quête du Graal — l’affaire comme la désignent y et le fr. 344. La leçon de Ab, par qui, incite à se demander s’il n’y aurait pas ici une lacune. Il pourrait manquer, après doulante, une proposition telle que car il sera par temps chevaliers cil par qui..., en accord avec l’annonce faite par Salan ($ 67). 21 celle dame la: la reine, qui assiste à la scène.
22-23 pour lui qui ta femme est; et pour lui: le premier lui réfère à Guenièvre, le second à Lancelot. 25-26 uns jeunes enfes qui entan aprés Pasques fu chevalier: abrègement par rapport à o-f jovenes enfes de .xXxI. an et fu chevaliers novials a Pentecoste. Mais y est proche du fr. 344, .r. joenes enfes qui fu oan aprés Paikes chevaliers (fol. 331a). Dans &-f comme dans y, c’est ici que l’on apprend que Bohort est déjà chevalier.
197 Ce $ correspond à Z, II, 93-94, avec une petite tendance à l’abrègement. 20-21 si ont trouvé Gauvain en la ville, que le nain enmenoit encores: abrègement de si ont trouvé en mi la vile mon seignor Gauvain ou li nains le menoit encore en la charete (fr. 344, fol. 331b: si ont trové
enmi la ville monseignor Gauvain que li nains menoït encore). 25-26 ne fu nulz homs dampnés pour charrette: «aucun homme ne fut réprouvé à cause d’une charrette ». La récriture transforme le texte de départ, ne fu nus hom dampnés mis en charete (a-fB), où dampnés avait le sens plus courant de «condamné ». 27-28 si menoit l'en sus par toutes les rues cellui que on vouloit honir: abrègement de o-f, si i montoit l'en cels que l’en voloit honir et si
les menoit l'en par totes les rues. L’abrègement est plus important encore dans Ab.
NOTES
652 198 Ce $ correspond à Z, II, 94-95.
4-5 qui moult lui fait grant joye : modification de &-f, de cui ele a grans joie fete, où c’est à l'inverse la dame du Lac qui fait grans joie à Gauvain. Le fr. 344 est du côté de y, qui molt li a fet grant joie
(fol. 331b). 7-11 Je sçay, fait elle, qu'il est tout sain et haitié et em prison; mais moult est honnourés, et li poins est establis qu'il eschappera, et s’il eschappoit avant, il avroit perdue la grant joye qu’il a tant chacie, qu'il se vengera de Meleagant: transposition au style direct de a-
B. Style direct également dans le fr. 344 (fol. 331b). 14-15 elle ne pourra retourner la dame du Lac: dans a-B, on a ele ne porroit la dame retenir. 20-21 par l’assemblee : par aventure dans o-f. 24 Pomiglay: ce lieu (Pomeglai dans l’éd. Micha) n’apparaît, dans le Lancelot, qu’au cours de l’épisode de la Charrette.
199 Après la première phrase, ce $ quitte «-f et retourne à la trame des vers, que l’on avait laissée au v. 5378, et que l’on reprend maintenant au v. 5435 (l’épisode avec Bohort a remplacé le projet de tournoi, présenté en une soixantaine de vers). Le dérimage, correspondant aux v. 5435-55, est assez fidèle. 1 Ainsi: initiale également dans Ab, surmontée d’une miniature représentant Lancelot et sa geôlière. Sous l’enluminure, rubrique: Comment la fame le seneschal Meleagan delivra Lanselot de prison pour aler au tournoiement sour sa foy. 1-3 Ainsi comme vous avés oÿ est Lancelot en prison chiéz le seneschal de Gorre, et a quanque il scet de bouche deviser: cette prase reste proche de ce que l’on trouve au même endroit dans o-f, Ensi est Lancelos, ce dist li contes, en prison chiés le seneschal de Gorre qui molt l’aime et a quanqu'il velt, sans fors issir, même si elle omet la référence au conte. Cette proximité gardée par y avec a-B pose un problème de raccord. En effet, dans @-f, le récit s’est
précédemment attardé sur le piège dans lequel est tombé Lancelot (L, IL, 81-82), et a précisé que le chevalier était prisonnier du sénéchal de Gorre, un homme de Méléagant; aussi, après la séquence consacrée à Bohort, le conte revient-il logiquement à Lancelot qu’il a laissé dans une situation bien définie: le raccord est parfait. Mais dans y, et conformément au scénario des vers
NOTES
653 (même
si, en
l'occurrence,
les circonstances
du piège sont
distinctes), il a seulement été dit que Lancelot était capturé par deux cents chevaliers, sans que l’on sache à qui obéissaient ces hommes ni où ils emmenaient leur prisonnier ($ 175-176). Certes,
Méléagant est décrit plus loin comme /e desloyal Meleagant qui a moult laidement troublee la court et tous les barons pour Lancelot
($ 181, 1. 6-10),
mais
le lecteur-auditeur
n’a pas
clairement oÿ que Lancelot était en prison chez le sénéchal de Gorre. La première phrase de ce $ est donc problématique, puisqu’elle tient pour acquis ce que l’on ne sait pas encore, et qui sera en outre énoncé un peu plus bas (1. 10-12), conformément à la trame des vers. 3-4 Si fu tant en celle prison que celle assemblee dont vous avés oÿ fu criee: cette phrase, qui n’a d’équivalent ni dans a-f ni dans les vers, fait le raccord avec la trame de Chrétien. 4 si en ala par tout le monde la nouvelle :ces mots transposent le v. 5435, La
novele par tot ala; le v. 5436, Et loing et pres et ça et la est omis. 6 dont nulz haliegres ne souloit retourner : « dont personne, d’habitude, ne
revenait sain et sauf»; l’adj. haliegres est absent du vers correspondant, le v. 5439, Don nus retorner ne soloit. 8-9 si ala tant et vint par le regne :abrègement des v. 5443-44, Tant est par le réaume alee | La novele, dite et contee. 9-10 qu'elle vint chiéz le seneschal Meleagant en qui tout le malice du monde estoit: transposition des v. 5445-47, Qu'’ele vint chiés un seneschal / Meleagant le desleal, | Le traïtor, que max feus arde! 15 si qu'il en pert le boire et le mengier et le dormir: ajout.
200 Ce $ dérime les v. 5456-95 avec quelques écarts et un abrègement final. 1 Et la dame de la maison s'en apperceust bien: ces mots transposent les v. 5456-57, Dolant et pansif Lancelot | Vit la dame de la meison. 4-6 Si voulroie moult savoir, s’il vous plaisoit, pourquoy vous estes tant dehaitiés : ajout. 6-8 Et sachiés que, se je savoye vostre pesance et vostre ennuy, que moult en seroie doulante et courouciee: transposition des v. 5464-65, Seüremant me pôez dire | Vostre panser et vostre enui. La transpo-
sition est un peu étrange, les adjectifs doulante et courouciee révélant une forte empathie de la dame envers son prisonnier. Peut-être le texte est-il ici fautif. Ces deux adjectifs réapparaissent juste après, dans un contexte plus approprié.
654
NOTES
14-16 je vous pleviz loyaument comme loyal chevalier que ja si tost l'assemblee ne deppartira que je me mettray en vostre prison arrieres autressi comme je y sui ore: transposition des v. 5476-78, Tot certeinnemant seüssiez |Que vers vos si me contanroie | Qu'an
vostre prison revandroie; ja si tost.… arrieres: «les participants du tournoi se seront à peine séparés que je reviendrai dans votre prison ». 17-18 et moult en feusse joyeuse et liee:ajout. 20-21 qui tant a de malices en lui, tantost comme il le saroit: ajout. 21 destruiroit mon seigneur tost: ces mots dériment le v. 5485, ms E, Il destruiroit mon seignor tost; en revanche, dans ACTV, on lit Qu'il destruiroit mon seignor tot, avec tot (ou tout, T) comme dans Ab. 24-25 Dame, fait il, je vous prie, pour Dieu merci, que, se vous en avés povoir, que vous m'en doniés congié: adaptation du v. 5488, tel qu’on le trouve dans les mss 7V, Dame, se vos pooir avez. Dans AC, on a peor «peur» (poier dans E). 25-27 Et je vous creant, tenés ma main, comme loyal chevalier, que je aprés le tournay vendray en vostre prison: ces mots transposent sans doute (et abrègent) les v. 5489-00, Que je tantost aprés l’estor | An vostre prison ne retor présents dans les mss ACT (où ils complètent se vos peor avez) mais omis dans EV, et les v. 5491-95,
Un seiremant vos an ferai / Dom ja ne me parjurerai, | Que ja n'iert riens qui me detaingne | Qu'an vostre prison ne revaigne | Maintenant après le tornoi. I] semble que dans la transposition des v. 5488-95, 7 soit particulièrement proche de T.
201 Après un bref ajout, ce $ dérime les v. 5496-5517 avec une tendance à
l’amplification. 1-2 Quant la dame l’entent, si en a moult grant pitié et se pourpensa moult durement; et enaprés lui dist: ajout. 4-7 Je le vous diray, fait elle. Vous me fiancerés, fait elle, que vous venrés a
moy en ceste prison tantost comme le tournoy deppartira ; et sime Jfiancerés que vous me donrés vostre amour: amplification des v. 5498-5501, Sire, par tel | Que le retor me jureroiz | Et avoec m'aseüreroiz | De vostre amor, que je l’avrai. 9 Or m'en puis tenir a neant: «Je peux à présent considérer que je n’aurai rien ». 13-15 er vous me donrés vostre amour ce que vous m'en pourrés donner sanz vous deshonnourer: ajout qui brise l’enchaînement que. et que.
NOTES
655
15-20 Et Lancelot, moult lyement, quant il ot la parolle, lui ottroye et lui jure que, tout ainsi comme elle l’a devisié, le tenra. Et tent sa main vers une eglise de saint Pierre et jure que, ainsi lui aïst Dieux et le saint de l’eglise, qu'il lui tenra a bonne foy tout ce qu’elle l'a requis, si bien que ja ne fauldra: amplification des v. 5515-17, Lanceloz tot a sa devise | Le sairemant sor sainte Eglise | Li fet qu'il revandra sanz faille.
202 Ce $ dérime les v. 5518-31, d’abord de très près puis avec une tendance à l’amplification. 3-4 si s’en part trestous armés, sur le cheval, des armes fresches et nouvelles : «11 part sur le cheval, avec une armure et des armes à l’aspect frais et neuf». Sur l’ordre des mots dans cette phrase, voir l’Introduction, p. 246-47.
5 qu'il vint la ou l’assemblee devoit estre: ces mots se substituent au
v. 5525, S’a tant erré qu'a Noauz vint. Noaut apparaît dans la phrase suivante. 5-7 Et vint a ung chastel qui a a nom Noalt, et dist qu'il se tenrra devers celle partie : le chastel de Noalt apparaît comme un lieu particulier dans le site de Pomiglay; «ceux de Noaut» formeront l’un des deux camps du tournoi, et Lancelot sera de leur côté. Ainsi se conjoignent a-B (où l’on a seulement Pomeglai) et les vers de Chrétien (Noauz). Par ailleurs, la dame de Nohaut est à l’origine
des premières aventures du jeune chevalier Lancelot: il vient à son secours avec succès, et gagne ainsi son affection (Z, VII, 299-304).
Peut-être le rédacteur de y se souvient-il de cet épisode lorsqu'il note (1. 11-13) que la dame de Noalt aurait hébergé Lancelot avec tous les honneurs possibles si elle avait connu sa présence. 7-10 Et entra en ung hostel bas et petit et pouvre et mesaisié, ne oncques mais en son vivant n'avoit herbergié en tel lieu, car tant estoit l’ostel petit et baz que a paines y pot son cheval traire :amplification des v. 5527-29, Et prist fors de la vile ostel. | Einz si prodom n'ot mes itel, | Car molt estoit petiz et bas. 10-14 Et nonpourquant si eust il asséz en la ville hosteulx beaulz et grans se il voulzist, car la dame de Nouaut, qui moult estoit bonne dame, l’onnourast sur tous autres chevaliers se elle l’eust congneu, et autressi feissent le plus de ceulz qui estoient venus a l’assemblee: ces mots se substituent aux v. 5530-31, Mes herbergier ne voloit pas / An leu ou ilfust coneüz. (voir remarque ci-dessus).
NOTES
656 203 Ce $ dérime d’assez près les v. 5532-52.
1 Moult: initiale également dans Ab. 1 Moult avoit ou chastel venue grant chevalerie: tournure impersonnelle «il y a», comme dans le v. 5533, et ici-même, 1. 5-6, contre ARE que il en y avoit venu, en y avoit i venu. 9-12 que a merveilles les esgardent ceulx qui les voyent, et se merveillent dont tant de dames et de damoiselles peuent estre venues, car oncques mais nul chevalier en une assemblee tant ne vit: amplification des v. 5544-45, Dames et dameiseles gentes | I rot tant que mervoille fu. La leçon que donnent les trois mss Ac, Aa et Ab est manifestement défectueuse. L’ajout de et se merveillent a paru
fournir une correction économique et plausible. 14-15 en ung lit qui trop estoit povres : abrègement des v. 5550-51, En un lit qu'il molt po prisoit, | Qu'estroiz ert et la coute tanve.
204 Ce $ dérime d’assez près les v. 5553-89. 2-3 si yssi par devant l’uis de la maison ung herault, de la taverne: le héraut
sort d’une taverne située en face de la maison où loge Lancelot. Ce personnage du héraut est absent de æ&-B, où l’on voit en revanche,
pendant le tournoi, surgir la demoiselle qui avait accompagné Lancelot dans le cimetière, pour crier :Or est venu la merveille (L,
IL, 100). 5 desaffublés contre le vent: les trois mss donnent deschaux / descaus. Il s’agit certainement d’une faute par persévération puisque deschaux vient d’être employé. Le contexte impose de rétablir desaffublés. 8-9 Lors dist: « Par Sainte Croix, je m'en vay veoir layens quel chetif ce est qui layens se traist a hostel: ajout. 12-13 Mes Lancelot fu moult doulant quant il vit que cil l’ot congneu: ajout. 13-15 si lui deffent bien et enseingne que il [...] ne die nouvelle: dans cette amplification du v. 5571, Ef desfandi qu'il ne parlast, V’ajout de et enseingne fait que, selon le verbe introducteur que l’on considère, le ne de la complétive est ou n’est pas explétif.
15 Car se m'aïst Dieux, fait il, se tu en avoies dictes nouvelles, que mieulx te vaulroit avoir les yeulz trais et le col brisié: transposition au style direct des v. 5573-75, s’il disoit qu’il le seüst / Mialz li vandroit que il s’eüst / Les ialz treiz ou le col brisié. 17-18 je vos ay bien oÿ: ces mots se substituent aux v. 5576-77, Sire, je vos ai molt prisié, | Fet li hyrauz, et toz jorz pris.
NOTES
657
20-21 et moult fu doulant que il ne l’osoit nommer pour ce que tous disoient que il estoit mort: ajout. 23-24 Or est venus... qui ausnera: transposition des v. 5583-84 avec ausnera comme dans AT;les mss EC ajoutent le pronom l’ devant le verbe. La graphie aunesra de Ac (leçon rejetée) pourrait laisser penser que le verbe n’est plus compris. Mais il est graphié correctement dans toutes les autres occurrences (au nombre de cinq), ainsi que dans le manuscrit allographe Aa; en outre, il est chaque fois employé à bon escient. C’est plutôt l’affaiblissement des consonnes implosives qu’il faut mettre ici en cause (voir l’Introduction, p. 208). S’il est vrai qu’en 1584, dans le roman d’Artus de Bretagne, la formule Or est venus qui aunera n’est plus comprise, aux alentours de 1400, et dans le contexte précis du tournoi de Noaut repris au roman de Chrétien, elle pouvait encore faire sens. Sur cette formule, voir P. Le Rider, «Or est venuz qui
l’aunera, ou la fortune littéraire d’un proverbe», J. Lods, vol. 1, Paris, 1978, p. 393-409.
Mélanges
27-28 Et les chevaliers n’en font el que rire, qu'ilz ne savoient qu'il disoit: cette phrase se substitue aux v. 5590-94, où intervient le narrateur:
Et sachiez que dit fu lors primes | «Or est venuz qui l’aunera!» / Nostre mestre an fu li hyra | Qui a dire le nos aprist, / Car il premieremant le dist.
205 Ce $ dérime de près les v. 5595-5631. 1 Et quant ce vint au matin: cette précision temporelle est absente des vers, où le tournoi semble se dérouler le jour même où Lancelot est arrivé à Noaut. 1-3 si s’assemblent les routes la ou ly tournoys deust estre; si y ot merveilles presse de chevaliers et de sergens: abrègement des v. 5595-09, La sont assanblees les rotes, | La reïne et les dames totes | Et chevalier et autres genz, | Car molt i avoit des sergenz /
De totes parz, destre et senestre. 4 ot fait: construction impersonnelle «on avait fait». 4-5 a oés la royne et a oés les dames :une première leçon fautive de Ac-Aa — a oés devenu avec— a pu être corrigée grâce à Ab, qui donnait a oeus. Le même glissement fautif de a oés à avec apparaît ensuite dans les trois mss, et la même correction a été effectuée. 18 Si furent si plaines les praieries: ensuite, omission du v. 5629, Et les arees et li sonbre.
NOTES
658 206
Ce 8 dérime de près les v. 5632-55, avec quelques ajouts et transpositions de style de discours. 4-6 Et les chevaliers lui demandent de toutes pars: « Qui est, font ilz, le chevalier que tu dis qui ausnera ? — Je ne vous en diray, fait il, autre chose»: amplification des v. 5639-40, Et l'an demande: « Qui est il ? » | Ne lor an vialt rien dire cil. 9-11 ZI seul fait tous les rencs fremir, il abat chevaulz et chevaliers et porte a terre tous plas: ajout. ë 12-13 et moult se mettoit avant, car il estoit de tres renommee prouece: ajout. 15-16 si qu'il cuidoit tout passer et tout vaincre le tournoy: ajout. 16-17 mais assés le fait mieulz li vermeaulz chevalier que il ne fist: ajout. La périphrase rappelle que la geôlière compatissante a donné à Lancelot une armure vermeille ($ 202, 1. 1). Cette indication fonctionne comme un relais mémoriel : placée avant le discours de la reine ($ 207, 1. 5-6) où il est question du chevalier qui porte cel escu vermeil, elle en facilite l'interprétation.
207 Ce $ dérime d’assez près les v. 5656-76.
1 qui moult estoit sage et appercevans : ajout. 2 une meschine: abrègement du v. 5657, Une pucele cointe et sage; les mots supprimés sont ajoutés dans le discours de la reine: Pucelle, je vous tieng moult a sage et a courtoise, en place du simple Dameisele, v. 5658. 4 ung message a parolles briefment rettraites :reprise exacte du v. 5660: À paroles briémant retreites, «un message qui tient en peu de mots » (trad. Frappier).
6 au neant': cette graphie supprime le jeu de mots, présent dans les vers, sur
noaut et la ville de Noauz. Mais, de façon peut-être involontaire, il est question au $ 215, 1. 9 de la ville de Noant (leçon rejetée), ce
qui crée une paronomase avec neant. 6-8 Et quant la damoisele l’entent, si descent tout maintenant et monte sur ung paleffroy: ces mots se substituent aux v. 5666-67, Cele moli tost et saigemant | Fet ce que la reïne vialt. 12 moult voulentiers: ensuite, omission du v. 5676, Come cil qui est suens
antiers. Ajout: Et lors s’en part la damoiselle.
208 Ce $ dérime d’assez près les v. 5677-5723. 1 Eï le chevalier qui ot oÿ le commandement sa dame : ajout.
NOTES
659
4-5 que il pot faire:ensuite, omission du v. 5682, Por ce qu'a la reïne plot. 8-10 ne il ne tournast pour nulle riens mondaine puis que il a sa dame plaisoit: cette phrase se substitue aux v. 5689-91, Por amorir rien ne feïst / Se sa grant honte n'i veïst, | Et son leit et sa desenor. 14-15 car ceulz qui orent oÿ ses fais et ses afis li disoient': transposition des v. 5700-1, Qu'il ot les gas et les afiz | De ces qui dient. Le mot afiz signifie «insultes» dans les vers où la phrase est autrement
formulée ; «bravades » ici. 19-20 pour ce qu'il ne s'avoit oncques mais entremis :Ac et Aa comportent à la suite deux auxiliaires, s’avoit et s’estoit. Ab fournit certai-
nement ici la leçon originelle et permet d’amender la phrase. 20-21 si cuida que a lui ne se peust tenir nulz homs: abrègement des v. 5711-13, Si fu si forz a son venir /Qu'a lui ne se pooit tenir /Nus chevaliers, tant fust senez. 22 ne les amera: les = «les armes ». Le chevalier n’appréciera plus jamais les armes (et donc les combats).
209 Ce $ dérime de près les v. 5724-81 mais avec une suppression importante
(v. 5758-78). 4-5 au roy d'Irlande: ensuite, omission du v. 5730, Sanz contredit et sanz
desfansse. 6-7 et de ceulz qui mieulz l’avoient fait que lui: ajout. 15-16 et verront qui mieulz le feront, ou cil de Pomiglay ou cil de Noaut: transformation des v. 5748-51, et si prandront | Ces cui le jor seroit l’enors / Les dameiseles a seignors; | Ensi le dient et atornent. Cette récriture s’imposait puisque y a précédemment supprimé l’enjeu matrimonial du tournoi pour les demoiselles, tel qu’on le trouve formulé dans le Chc aux v. 5381-93. 17-18 Ou est le chevalier, ly mauvais, ly pires qui oncques portast ne lance ne escu: cette phrase, qui correspond aux v. 5756-57, Ou est des chevaliers li pire, | Et li noauz, et li despiz?, est prononcée par des hérauts (et non par des chevaliers, comme dans les vers). Ensuite, sont omis les v. 5758-78, dans lesquels est évoquée Malvestiez, et les rapports qu’elle entretient avec le chevalier délaissé par Proesce. À cette vingtaine de vers correspondent donc les simples phrases Et les chevaliers mesmes en demainent grans gaboys et dient: «Par ma foy, fuis est! Le mauvais cuer l'en a chacié et la mauvaistié dont il est plain! » Ainsi en parollent entre eulz.
NOTES
660
21-23 mes il advient souvent que tel blasme autruy quil a plus en lui a repprendre :après ces mots correspondant aux v. 5779-81, Mes tex dit sovant mal d'autrui | Qui est molt pires de celui | Que il blasme et que il despit, omission du v. 5782, Chascuns ce que lui plest an
dit. 210 Ce $ dérime de près les v. 5783-5848, avec deux suppressions (v. 5813-18 et v. 5823-42, il s’agit de chevaliers venus au tournoi) et une insertion concernant Bohort.
1-2 si refurent tous assemblés a la matinee: ces mots, propres à Ab et qui manquent dans Ac-Aa, transposent les v. 5784-85, Refu la genz tote atornee, | Si s’an vindrent a l’anhatine. Le mot anhatine (C seulement ;aatine dans ATV) est devenu matinee.
4 qui estoient detenu prison: ces chevaliers sont venus à la cour d’Arthur pour se constituer prisonniers. 4-5 ceulz leur devisent: les chevaliers décrivent aux dames et aux demoiselles les armes des tournoyeurs. 7 Gornains li Bloys: les mss du roman de Chrétien présentent divers noms à cet endroit, mais pas celui-là (ni la variante de Ab, Gornains li
Blons). Ce chevalier ne figure pas dans l’index du Lancelot en prose; on ne le trouve pas davantage dans l’ouvrage de Flutre ni dans l’/ndex de West!. 7-8 Et veés vous cellui dejouste : le nom de Bouschelin, que l’on trouve dans Ac-Aa (leçon rejetée) provient manifestement d’une lecture fautive de vous chelui. 10 Et veés vous cellui a cel escu vert: après cellui, omission du v. 5804, Qui si bien point et si bien joste. 12 qui tant a chevalerie: ces mots se substituent à /i covoitiez, | Li amoreus et li pleisanz (v. 5808-9). 13 C’est Corehais de Ligne : ce nom n’apparaît ni dans les mss du roman de Chrétien (dans le vers correspondant, on trouve Coguillanz de Mautirec), ni dans le Lancelot, ni dans les ouvrages de Flutre et
! L.-R FLUTRE, Table des noms propres avec toutes leurs variantes figurant dans les romans du Moyen Age écrits en français ou en provençal et actuellement publiés ou analysés, Centre d’Etudes suprérieures de Civilisation Médiévale,
Poitiers,
1962; G. D. WEST, An Index of Proper Names
Arthurian Prose Romances, Toronto University Press, Toronto, 1978.
in
NOTES
661 West cités ci-dessus. Ensuite, omission des v. 5813-18 où sont
évoquées les armes de Sémiramis et de son compagnon. 15-16 ce est Yders le filz Nu: après cette phrase (proche du v. 5822, Par foi, ce est li rois Yders), les v. 5823-42, où sont évoqués les chevaliers Piladés, Keus d’Estraus, Taulas de la Deserte et Thoas, sont omis.
Ces vingt vers sont remplacés par l’évocation de Bohort et de ses armes (les armes blanches de Bohort ont déjà été mentionnées au $ 190). Cette insertion s’achève avec les mots de grant prouece plains. Dans «-B, on ne trouve pas cette revue des armes et de leurs possesseurs. Lorsque débute le premier jour du tournoi, on peut seulement lire: Et les jostes commencent molt buenes en pluisors lieus et meslees grans, mais Bedoiers et Dodinials li Salvages et Guerrehés et Gaeriés et Agrevains ses fresres et Yvains li Avoltres et Boorz li Essilliés le font trop bien (L, II, 97). La rédaction y ne s’appuie donc pas sur @-f pour cette évocation de Bohort. Par ailleurs, y ne reprend pas un épisode du tournoi tel que le narre a-f, où l’on voit Lancelot
affronter, sans le savoir, un sénéchal de
Claudas et l’égorger; il apprend ensuite l’identité du mort, et déclare que Dex l'en a vengié et si nel savoit mie (L, II, 98). Sur l’importance du thème de la vengeance dans y, voir l’/ntroduction, p. 188-92.
22 Ainsi devisent entre eulz: retour au v. 5843, Ensi devisent et deboissent. 23-24 mais n'y voient mie de cellui au vermeil escu: si cuident qu'il s’en soit fuys :abrègement des v. 5845-48, Mes de celui mie n'i voient/ Qu'’an tel despit eü avoient, | Si cuident qu'il s’an soit anblez / Quant a l’estor n’est assanblez.
211 Ce $ correspond aux v. 5849-94 sans dérimage presque constant d’abrègement. 1-3 si y renvoye la damoiselle pour luy querre, qu'il le face tout encore au pis que v. 5850-64, où la reine, qui forme le
fidèle mais avec un régime et si lui mande qu'elle li die il pourra: abrègement des projet d'envoyer quelqu'un
chercher Lancelot, décide de s’adresser à la même demoiselle que la veille, et lui donne des ordres au discours direct. 3-6 Et celle fait tantost le commandement a sa dame et s’en vait parmy les rencs et quist tant le chevalier qu'il le trouva. Si lui dist que ilface encore au pis que il pourroit, car la royne lui mande: abrègement des v. 5865-75, où l’on voit cheminer la demoiselle, qui trouve le chevalier et lui transmet les ordres de la reine. Dans qu'il le trouva, il est la forme picarde du pronom féminin.
NOTES
662
9-12 Veéz le cy, le chaïtif, le maleureux, la plus doulante creature qui oncques feust! Et certes, ce est merveille comment terre le soustient et comment il ose veïr homme: récriture abrégée des v. 5881-87, Veez mervoilles | De celui as armes vermoilles; | Revenuz est, mes que quiert il ? | Ja n’a el monde rien tant vil, / Si despite ne si faillie. / Si l'a malvestiez an baillie | Qu'il ne puet rien contre lifaire. 12-15 Lors s’en revint la damoiselle a la royne, et la royne lui demande qu’elle avoit oÿ. Et celle dist : « Aussi m'aïst Dieux, il dist tout soit a vo commandement, et tout ce que vous plaist lui siet »: récriture des v. 5888-92, Et la pucele s’an repaire, | S’est a la reïne venue, | Qui molt l’a corte et pres tenue | Tant que la responsse ot oïe, | Dom ele s’est molt esjoïe. y développe la réponse fournie par la demoiselle en la présentant au style direct. 16 a qui elle est toute: ensuite, omission du v. 5895, Et il toz suens sanz
nulle faille.
212 Ce $ adapte les v. 5896-5964 avec un régime constant d’abrègement assorti de suppressions. Les faits sont les mêmes mais narrés de façon très résumée. 1-2 Alés arriere et lui dites qu'il face au mieulx que il pourra : transposition au style direct des v. 5896-99, À Ja pucele dit qu'ele aille / Mol tost arriere et si li die | Que ele li comande et prie | Que au mialz face qu’il porra. 2-4 Et celle lui ottrie et se met juz de la loge a la terre, si monte et s'en vin: grant aleure au chevalier, si lui dist: abrègement des v. 5900-7, où
les actions de la demoiselle sont plus détaillées. 7 qui ne me plaise: ensuite, omission du v. 5913, que quanque li plesi m'atalante. 7-8 Lors s’en tourna celle et s’en vait a sa dame: abrègement des v. 5914. 19 où l’on voit que la demoiselle pressent le plaisir qu’aura la reine à entendre le message qu’elle lui porte. 8-10 et la royne lui vient a l'encontre a l'entree de la brethesche et lu demande du chevalier que il a dit. Et elle respont si comme celle qui bien le sçot dire: abrègement des v. 5920-28 où les déplace ments des deux personnages sont évoqués avec davantage de
précision. 13 quanques vous plaist lui siet: ensuite, omission de la réponse de la reine v. 5935, Par foi, fet ele, bien puet estre.
NOTES
663
17-18 et se met entre les rencs: abrègement des v. 5940-43, Que volentez
l’art et esprant | De mostrer tote sa proesce. | Le col de son destrier adresce | Et lesse corre antre deus rans. 18-19 Ef en seront anqui tout amusé ceulz qui l’orent gabé ainçoys: abrègement des v. 5944-49, Tuit seront esbahi par tans / Li deceü, li amusé, | Qui an lui gaber ont usé / Piece del jor et de la nuit; / Molt s’an sont grant piece deduit | Et deporté et solacié. 20-23 Si s’entrefierent ambedeux, et Lancelot le fiert si bien que le filz au roy d'Irlande ne demande plus de la jouste, car Lancelot le fiert si qu'il l'emporte a terre et lui et le cheval: abrègement des v. 595464 où est décrit le coup de lance magistral du héros.
213 Ce $ dérime d’assez près les v. 5965-6012, avec quelques écarts. 1 Atant': initiale également dans Ab. 2-4 La veissiés chevaliers cheoir par terre et chevaulx gaaingnier et conquester: ces mots se substituent aux v. 5969-70, Li un lor seignor eidier cuident, / Et des plusors les seles vuident. 4-5 Si le fait Boors l’Exillié si bien que tous le regardent a merveilles: ajout. 10-12 Et le herault qui avoit toute jour oÿ les afis et les gaz c'on lui avoit lanciés s’escrie: ces mots se substituent aux v. 5981-82, Et li hyrauz se resbaudist |Tant qu'oiant toz cria et dist. 12 ore est venus qui aunera: ensuite, omission des v. 5984-85, Hui mes
verroiz que ilfera, /Hui mes aparra sa prôüesce. 15-16 le commence si bien a faire d’espee et de lance: ensuite, omission des v. 5993-94, Qu'il n’est riens qui armes ne port |Qu'a lui veoir ne se deport. 19 chevaliers et chevaulx ensemble: ensuite, omission des v. 6000-3, Gaires a chevalier n'asanble | Qu'an sele de cheval remaingne, /
Et les chevax que il gaaigne | Done a toz ces qui les voloient. 20-22 Ha! comme nous sommes aviléz et comme avons eu grant tort quant nous avons gabé le meilleur chevalier qui oncques feust: abrègement des v. 6005-12, où les remords des chevaliers sont assortis de
compliments hyperboliques à l’endroit du chevalier inconnu. 214 Ce 8 dérime les v. 6013-72 avec une fidélité très variable. A côté de vers
repris presque intégralement, on constate des abrègements et des suppressions. 2-3 et disoient entre elles que se le chevalier estoit a marier: avec ces mots, proches du v. 6015, ms F, Que s’il estoit a marier, surgit la
NOTES
664
thématique du mariage, précédemment mise en place par Chrétien, et que y n’avait pas reprise jusqu'ici. 5 que elles l’osassent mie demander: ces simples mots se substituent aux v. 6018-21, N'an lor pooirs, n'an lor hauteces, | Que por biauté ne por avoir | Deignast nule d’eles avoir|Cil chevalier, que trop est prouz. L'adverbe mie a un sens positif: «elles oseraient le moins du monde le demander ». 8-10 et dient qu’elles y mettront toutes leurs ententes, et dient qu'elles ne cuidoient mie que nulz homs charneulz peust faire ce qu'il faisoit: ces mots se substituent aux v. 6027-42, où sont d’abord évoquées les pensées amusées de la reine lorsqu'elle entend le vœu des demoiselles, puis la jalousie de ces dernières. 21 Et quant il ne le porent trouver: ensuite, omission de car il s’an fuit, / Qu'il n’a cure qu'an le conoisse, v. 6062-63. 22 et molt grant angoisse : ensuite, omission des v. 6065-66, Li chevalier, qui an feïssent /Grant joie se il le tenissent. 22-24 Et les pucelles qui l’attendoient, que il a elles venist, dient, quant elles le sçorent, que elles ne se marieront ouen: abrègement des v. 6067-72, Et se aus chevaliers pesa | Quant il ensi lessiez les a, / Les dameiseles, quant le sorent, | Asez plus grant pesance en orent l Et dient que par saint Johan / Ne se marïeront ouan. Sont ensuite omis les vers 6073-74, Quant celui n'ont qu’eles voloient, / Toz les autres quites clamoient.
215 Ce $ dérime d’assez près les v. 6075-6104, avec quelques écarts. 1 Quant: initiale également dans Ab. 1 Quant ce vint a la matinee: comme plus haut dans Ab ($ 210), le mot
matinee s’est substitué à anhatine, entraînant une modification de la syntaxe (cf. le v. 6075, L'anhatine ensi departi). Le mot aatine apparaît pourtant ailleurs dans y (voir le Glossaire). 3-4 s’en tourna et s’en vint chiéz la dame a qui il avoit promis a retourner:
amplification du v. 6078, Mes tost an sa prison retorne. 11-12 car Meleagant mon sire m'en essillera et me chacera de ma terre:
abrègement des v. 6093-97, Que mes sire Meleaganz | Me fera pis que li jaianz | Se j'avoie esté perilliez. | Morz an serai et essilliez / Maintenant que il le savra. 13-14 Mais ainçois que il par autrui le sache, lui yrai je mesmes dire : ajout. 16-18 Et je le cuid tant a vaillant et a loyal que il ja n'en mentira de mot: ajout.
NOTES
665
216 Ce $ dérime les v. 6105-66 avec de nombreux écarts.
3-4 Mes, fait il, ce me rasseure moult qu'elle lui fist fiancer qu’il revenroit: transposition au discours direct des v. 6108-11, Mes ice molt le raseüre | Que il li dit con faitemant |Sa fame an prist le sairemant / Qu'il revandroit an la prison. Autre transformation, dans les vers, c’est Méléagant qui est rassuré, alors que dans y, c’est le
sénéchal qui a confiance dans la parole de Lancelot. 5-6 de ce que m'a fait vostre femme : ensuite, omission des v. 6116-17, Je nel volsisse por nul plait/Qu'il eüst esté an l’estor. 6-7 et si me laissiés savoir quant il revendra: abrègement des v. 6119-23, où sont précisés les ordres de Méléagant. La réponse du sénéchal est omise: Fet iert si con vos comandez (v. 6124).
9-11 Et lors s’en reva la droitte voye a Meleagant et lui compta comment Lancelot estoit venus : transposition des v. 6128-30, Uns messages arriere cort, | Que li seneschax en anvoie / À Meleagant droite voie. 11-17 Et Meleagant s’en vint a son pere et lui dist : « Sire, j'ay moult grant paour d'une chose que je vous diray. Nous sommes moult haÿs de pluseurs chevaliers qui long temps ont esté en chetivoison entre nous, maïs ore en sont yssus par Lancelot. Si voulroye faire une tour qui gardast l’entree de Norgales. » Et Baudemagus lui ottroie et le tint a bien: insertion. Ces phrases pourraient constituer un développement du syntagme par le congié son pere, que l’on
trouve dans @-B: Et lors fist fere une tor devers la marches de Gales par le congié son pere et dist que cele tors garderoit toutes les marches de Gorre (L, II, 102). 19 Ja plus fort qui oncquez feust: ensuite, omission des v. 6140-46, où est
évoquée de façon concrète l'extraction des pierres destinées à l'édification de la tour. Dans a-f, la tour est entourée d’eau : La tor
sist en un marois qui nule garde n'avoit de perriere ne de nul engin ne nus el marés ne se meist qui ne fust abisme. Cele tor garda uns sers Meleagan et dedens, et de la maison au serf coroit un ruissials li portoit l’en a mengier a une petite nef [...] (L,
perdus jusqu'en Lancelos fu mis jusqu'a la tor, si II, 102). Dans y,
comme dans les vers, aucune eau n’est pour l’instant mentionnée
au pied de la tour. 21 Et l'orent faite en .Vu. jours moins d’un an: même si le v. 6139 (An ce que ele fust tost feite) a été omis dans y, on peut être surpris par la durée de la construction. Dans le v. 6147, les travaux durent moins
NOTES
666
de cinquante et .vir. jorz (C, T), mains de .xl. jors (V). Toutefois, dans F, on a: En mains de demi an .vii. jors;le texte de y est sans doute corrompu, mais on voit qu’il est ici assez proche de F, comme supra, $ 214, alinéa 2.
23-24 commanda les huys a murer :ensuite, omission des v. 6154-57, Et fist toz les maçons jurer|Que ja par aus de cele tor | Ne sera parole a nul jor. / Ensi volt qu'’ele fust celee.
217 Ce $ dérime de très près les v. 6167-99. 1 Quant: initiale également dans Ab (initiale historiée avec tête masculine). 1 Quant Meleagant a fait sa tour et ens mis Lancelot: ces mots se substi-
tuent aux v. 6167-68, Or a tot fet quanque il vialt | Meleaganz. 7 et se il est ceans: ces mots se substituent au v. 6180, Ces que ceanz voi an
presant. 7-8 si viengne avant, et soit tel: dans Ab, le mot tel est au bas du fol. 21a. En haut de la colonne 21b, une miniature représente un chevalier
debout, à gauche de l’image, s’adressant à quatre personnages assis dans la partie droite. Sous l’enluminure, une rubrique: Comment Meleagans vint par devant le roy Artus et se pouroffri de bataille par devant tous les barons. 15-16 ou conduit Keux le seneschal: ensuite, omission du v. 6200, Assez li fist et honte et mal. La réponse qu’adresse ensuite le roi à la reine et où il lui dit qu’il a bien reconnu son interlocuteur est également omise (v. 6201-5).
218 Ce $ dérime d’assez près les v. 6206-45, avec cependant un abrègement assez conséquent vers la fin. 1 Quant: initiale également dans 4b. 7 m'en portent tesmoing :ensuite, omission des v. 6218-20, Que d’ui en un an l’en semoing / Par les covanz que nos feïsmes / La ou la bataille anpreismes.
8 Boours li Essilliés: Bohort se substitue exactement à Gauvain, qui apparaît dans les v. 6221-22, À cest mot an estant se lieve | Messire Gauvains, cui molt grieve. Les paroles que prononce Bohort dans y sont semblables à celles de Gauvain (cf. le $ 219). 10 en trestoute ceste terre: ensuite, omission du v. 6226, Mes nos l’anvoie-
romes querre. 13-14 Ainsi m'aïst Dieux, fait Meleagant, et je mieulz ne quier: ajout.
NOTES
667
15-17 Sire, ottroiés li, car ainsi m'aïst Dieux, se je n’ay la bataille ou a lui ou a Lancelot, je n'en prendroye a nul autre eschange : abrègement des v. 6234-43, où les propos de Méléagant sont plus détaillés.
219 Ce $ dérime les v. 6246-6330 par endroit très fidèlement, mais aussi avec
d’importants abrègements et suppressions. Cette scène âpre entre Méléagant et son père n'apparaît pas dans a-f. 3 et vint devant li: ensuite, omission de por ce que il pere / Qu'il est preuz et de grant afeire, v. 6250-51. 5 moult efforcieement: ensuite, suppression des v. 6255-72, où sont précisés le lieu (Bade), les circonstances des festivités (l’anniversaire du roi)
et l'importance de l’assemblée; puis est mentionnée la sœur de Méléagant, dont le narrateur annonce qu’il en parlera seulement plus loin, afin que son récit garde une progression satisfaisante. 7 que vous me dites voir: ensuite, omission du v. 6278, Se cil ne doit grant joie avoir. 11 qui ce puet desservir: ensuite, omission du v. 6287, Et maintenir sa conpaignie. 15-16 que vous feistes quant vous nous esgardastes ensemble, moy et Lancelot ? Et adonc si fu il esgardé que : transposition des v. 629599, Qui dit furent et recordé | Quant par vos fumes acordé | Et moi et Lanceloz ansanble. | Bien vos an manbre, ce me sanble, | Que
devant plusors nos dist l'an. 20 a qui je me devoye combattre: ensuite, omission des v. 6305-7, Tot ce que je dui faire fis; | Lancelot demandai et quis, / Contre cui je devoie ovrer. 23-24 qui a a nom Boours l’Essilliés, ainsi comme je l’ay entendu, et est cousin germain a Lancelot: ajout. Le nom de Boours l’Essilliés
remplace celui de Gauvain que l’on trouve au v. 6311, Que Gauvains m'a sa foi plevie (cf. le $ 218). 24-25 que se Lancelot ne vient au chief de l'an, que il se combatra a moy: abrègement des v. 6312-17, dont le propos est plus détaillé. 28 la renommee: ensuite, omission du v. 6323, Et mon vuel seroit or androit.
220 Ce $ dérime les v. 6331-94, avec une tendance constante à l’abrègement. Cette tendance est amplifiée dans Aa par l’obligation d’achever la
copie du présent épisode à la fin de la colonne 332d, qui correspond à la fin d’un cahier (voir l’Introduction, p. 51-52). Je
NOTES
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n’ai pas signalé dans les variantes ces omissions constantes de Aa, exclusivement dues à une contrainte matérielle. 1 Filz: initiale également dans Ab. 3-4 entrepris de grant follie:ensuite, omission des v. 6336-37, C’est ce por coi ge te mespris ; | C’est ce qui molt t'abeissera. 4-10 « Mais se tu yes preudomme, tu trouveras assés qui te louera, car le fait mesmes si se loue, ne neant ne t'aide envers moy ce que tu te ventes, ains t’en pris mains. Et se je te chastie, je fais que fol, car cil fait grant follie qui du fol cuide la follie abatre. Si pers quanque je te diroye. » Et lors fu Meleagant tous esperdus et tous dolans, ne oncques aussi dolant ne fu a nul jour :abrègement des v. 6338-59; le sens est conservé mais le propos est systématiquement simplifié. L'abrègement est parfois extrême : ainsi les v. 6351-53, Et biens qu'an anseigne et descuevre | Ne valt rien s'an nel met a oevre, | Einz est lués alez et perduz deviennent, de façon laconique, Si pers quanque je te diroye. L'intervention du narrateur, aux v. 6356-59, Onques home de mere né, | Ce vos puis
je bien por voir dire, | Ne veïstes ausi plain d'’ire/com il estoit est
supprimée. Cependant, ici et là réapparaissent quelques fragments de vers. 11-12 ef ce est a dire que il oncques puis a nul jour ne l’ama: ajout qui explicite l'expression rompre le festu reprise à Chrétien, v. 6360, Fu ilueques li festuz roz. Cette glose peut laisser penser que la formule avait perdu de sa limpidité. On la relève pourtant dans le Dictionnaire des locutions du moyen français de Di Stefano. 12 et pour ce qu'il ne le blandist: cette proposition transpose en les abrégeant les v. 6361-62, Car de rien nule ne blandist /Son pere, où blandir signifie «respecter». Dans y, le sujet de blandir est Baudemagu, et le verbe garde le sens de «flatter» qu’il avait déjà au $ 219. 13-14 ou vous revéz: ensuite, omission du v. 6364, Qui dites que je sui
desvez. 23-25 Et aussi m'aïst Dieux, si seroit moult grant doulour se il estoit mort, si faite creature et si apperte: abrègement des v. 6386-92, où Baudemagu évoque la douleur qu’il éprouverait si Lancelot était
mort. 27-29 et Meleagant s'en tourne tout doulant. Mais atant en laisse ly comptes a parler du roy Baudemagus et de Meleagant son filz, et retourne a une sienne suer :ces mots se substituent aux v. 6395-99, Mes quanqu'il ot dit et conté |Ot antendu et escouté |Une soe fille
NOTES
669 pucele ; | Et sachiez bien que ce fu cele | C’orains amantui an mon conte. La rédaction a-f fait mention du conte au même endroit que y (avant l’entrée de la sœur de Méléagant dans le récit): Mais ci endroit ne parole plus li contes de lui (Méléagant) ne del roi (Arthur) ne de sa compaignie, ains parole d’une seror Meleagan
(Z, IL, 103). 29 Le dérimage s’interrompt à la fin de ce $ dans Ac et Aa. Ces mss rejoignent alors la Vulgate qui, à partir d’ici, présente de nouveau une
version @ et une version f-ff ; le texte de Ac-Aa rallie la version B-BB (Z, III, 323-30). En revanche, le dérimage se poursuit dans Ab. 221 Après une phrase reprise à la Vulgate, ce $ dérime les v. 6400-41, sur un
régime constant d’abrègement. C’est à partir de cette phrase, Meleagans avoit une serour que les rédactions « et f, qui s’étaient rejointes depuis le $ 131, sont de nouveau distinctes. A la fin du &,
le texte s’écarte de la trame des vers, sans pour autant rallier le texte de la Vulgate. 1 Meleagans: ms Ab, fol. 21d. Sous la miniature, deux lignes de rubrique
(voir l’Introduction, p. 41). Puis commence le texte proprement dit. Une miniature représentant l’évasion de Lancelot figure au même
endroit du texte à la fois dans Ac, p. 101a et dans Aa,
fol. 303a. 3-4 Si ne fu mie lie quant elle ot oït nouvielle de Lanselot telle c'on le cheloit: cette phrase correspond aux vers 6400-3, Qui n'est pas liee quant an conte | Tex noveles de Lancelot. | Bien aparçoit qu'an le celot, | Quant an n'an set ne vant ne voie. Les v. 6395-99, où est révélée l’existence d’une fille de Baudemagu, sont omis. 4-6 et jure que jamais n'ara repos desi atant que elle savra de lui nouvielles
chertaines
et vraies:
transposition
au discours
indirect
des
v. 6404-7, Ja Dex, fet ele, ne me voie, / Quant je ja mes reposerai
| Jusque tant que je an savrai | Novele certainne et veraie. 6 Et s’en ceurt a son ostel: à partir d’ici, l’abrègement est systématique: y supprime les nombreux détails descriptifs concernant les préparatifs de la demoiselle puis son errance. Dans ce véritable résumé, le rédacteur de y puise son lexique directement dans les vers. 7-8 Mais tant vous puis je bien dire: cette intervention du narrateur
correspond à celle du v. 6412, Mes de ma part vos di ge tant. 12-13 se elle ne vuoet: voir l’Introduction, p. 282.
670
|
NOTES
15 Mais jou croi: ces mots transposent le Mes je cuit du v. 6430. 16-17 et moult li couverra trachier et querre: ajout. 17-19 Mais se je vous acontoie les païs et les journees et les tieres la u elle le quist, assés aroie a faire et a penser: transposition des v. 643435, Mes que valdroit se je contoie | Ne ses gistes ne ses jornees ? 19-20 Ançois fu passés li mois que elle noiant seust, nient plus que elle avoit fait devant: ces mots résument les v. 6436-41. 20 Et tant le quist: à partir de ces mots, y diverge de la trame versifiée. 23-24 et chelle s’ert serve et avoit la puchielle nourie de petiteche: chelle réfère à la femme du gardien. Ce passage sans doute corrompu laisse entendre que la serve a été la nourrice de la sœur de Méléagant. L'expression de petiteche, certainement fautive, se
comprend malgré tout comme
signifiant «dans son plus jeune
âge». Dans « et f-BB, la demoiselle sait qu’une tour a été construite par son frère Méléagant, et elle devine que Lancelot y est emprisonné. Elle décide de s’y rendre, et le narrateur précise
qu’elle connaît bien la gardienne (y est ici plus proche de B-Bf que d’o): Et ele avoit norri la feme al serf qui la tor gardoit et si l’avoit mariee et molt de bien fait (L, I, 323-24). y emprunte à la Vulgate le personnage de la serve mais modifie leur relation (c’est la jeune fille qui s’est occupée de la serve). Par ailleurs, dans y, comme dans les vers, la demoiselle errante arrive par hasard à proximité de la tour dont elle ignorait l’existence.
222 Ce $, où l’on voit la demoiselle organiser la délivrance de Lancelot, diverge
à la fois des vers et de la Vulgate, même si l’on note quelques
correspondances avec celle-ci. Dans « et B-Bf (Z, IT, 104, III, 32425), la demoiselle espionne son hôtesse et découvre comment on porte à manger à Lancelot. Une nuit, elle s’approche en barque de la tour, se présente (jou sui, fait ele, vostre amie) et fait passer au chevalier un pic et une corde. Avec le pic, Lancelot élargit sa fenêtre, avec la corde, il descend dans la barque. Dans le roman de Chrétien, après le v. 6441, la demoiselle errante découvre une tour auprès d’un bras de mer. Elle marche jusqu’à l’édifice et entend alors une longue plainte désespérée (v. 6488-6549). Elle reconnaît Lancelot et se présente (c’est elle qui avait indiqué les voies du Pont de l’Epée et du Pont sous l’Eau, c’est encore elle qui avait exigé la tête du chevalier vaincu). Au terme d’une conversation animée (v. 6588-6638), la demoiselle part chercher un pic, le
NOTES
671 ramène prestement et Lancelot peut agrandir l’embrasure de sa fenêtre. y supprime totalement le monologue de Lancelot, très
développé
dans les vers, fortement
réduit dans GB-BB mais
également absent dans o. 2 elle le vit: elle réfère à la serve, le à la demoiselle.
6-7 et vit le mangier Lanselot atourner qui on portoit a la tour: cette indication est proche de ce que l’on trouve dans B-Bf, après que la demoiselle s’est fait héberger chez la serve: si regarda comment li mangiers fu aportés a Lancelot. 9-10 si s’en parti ; et revient a la maison a la sierve : il faut comprendre que la demoiselle quitte la maison de la serve, puis y revient. Le style est elliptique. Cette manœuvre n’apparaît pas dans la Vulgate (a et B-BB). La forme revient est sans doute un passé simple (voir l’Introduction, p. 276-77). 12-13 coument on li portoit a mangier parmi une nachielle : on découvre ici que la tour n’est accessible qu’à l’aide d’une barque. Dans y, cela n'avait pas été mentionné au moment de la construction de la prison, contrairement à la Vulgate (voir la note de la 1. 19 du
$ 216). 223 Ce $ épouse par endroit la trame des vers, maïs est aussi contraint de s’en éloigner puisque le rédacteur de y a modifié les circonstances de la délivrance.
1 Et lors esgarde Lanselot aval: dans fB-BB, la demoiselle secoue le petit panier contenant le repas pour attirer l’attention du chevalier. Dans les vers et dans «x, elle appelle Lancelot (v. 6556-57). 2-4 Et elle li dist: Jou sui venue de loins pour vous querre, si m'est si la cose avenue que jou trouvet vous ai: ces phrases dériment les v. 6588-91, Si li dist: Lancelot, je sui / Por vos querre de loing venue. | Or est si la chose avenue, | Deu merci, c'or vos ai trové. 4-10 Et jou sui chelle qui vous otriastes un don quant vous au Pont de l’'Espee alastes, et che fu le chief d’un chevalier conquis que je vous fis trenchier, car jou ne l’amoie noiant. Et pour chest don et pour chest sierviche me sui jou mis en paine pour vous ravoir. — Si m'aïst Dieus, fait il, demisielle, et je vous creant, s’il avient que jou fors de çaiens puisse essir, que jou a tous jours mais serai vostres chevaliers :reprise abrégée des v. 6592-6616. 11-14 Aussi m'aït Dieus, fait la damoisielle, mar de chou vous esmaierés,
car vous en serés bien fors mis, car voir, jou ne le lairoie pour
NOTES
672
mille livres que vous n'en soyés hors mis hui en cest jour: dérimage assez proche des v. 6617-21. Les vers 6622-41, où la demoiselle promet du réconfort au chevalier puis lui explique qu’elle doit aller chercher un outil pour élargir la fenêtre sont omis : dans y, la demoiselle a déjà le pic dans sa barque. 14 Lors li rueve amont traire le pic et la corde : cette phrase se substitue aux vers concernant le pic. On remarque l’antéposition de amont par rapport à fraire: il s’agit sans doute là d’un effet du procédé d’inversion si fréquent dans Ab. On peut supposer à l’origine un traire amont.
15-16 si a tant cavet et quigniet a la freniestre: transposition du v. 6643, Et tant a feru et chevé. 16-17 que il l’a toute peçoïe et fait tel treu que il s’en ist fors et s’avale aval a la corde que la damoisielle li ot aportee: ajout. 18-19 Er quant il fu aval en la nef, qui li dounast tout l'avoir dou monde, il n'i rentrast: abrègement des v. 6652-56, Et sachiez bien que por tot l’or/Qui est espanduz par le mont, / Qui tot le meïst an un mont | Et tot li donast et solsist, / Arrieres estre ne volsist.
224 Ce $ correspond aux v. 6657-6728, avec une forte tendance à l’abrègement.
1 Es vous desevré Lanselot: on rejoint ici le v. 6657, Ez vos desserré Lancelot. Initiale également dans CFTV (soient tous les mss comportant ce vers).
2-4 Et la puchielle l’a fait deriere lui monter tout bielement sour la mulle, si s’en vont tout priveement que nus ne les voit: abrègement des v. 6660-70. 4-5 et s’en vont chiés une soie antain de par sa mere: ces mots se substituent aux v. 6671-77, où la demoiselle arrive dans un logis qui lui
appartient, sûr et agréable. Dans la Vulgate (a et B-BB), elle se rend dans un château qu’elle tient de sa mère. 5-6 Et aluec est Lanselot tout a: aise et bien reposés: abrègement des v. 6678-85, où sont décrits les soins attentionnés que la demoiselle prodigue au chevalier. L'intervention du narrateur aux v. 6684-85, Si tres bien que je n'an porroie | La mitié deviser ne dire, est
omise. 6 et aussi l’onneure comme se che fust ses peres :transposition des v. 668687, Sôef le menoie et atire | Si com ele feïst son pere. 6-7 Et li viest biele robe et moult riche: abrègement des v. 6688-6700, où
sont évoqués le rétablissement spectaculaire de Lancelot, la robe
NOTES
673
que lui donne la demoiselle, et la reconnaissance du chevalier pour sa bienfaitrice. 7-9 Biele, jou sui vostres, et par vous vuoeil je morir et vivre des ore mais, et rent a Dieu mierchis et a vous, de ce que je sui garis: abrègement des v. 6702-9, où Lancelot dit une fois encore à la
demoiselle qu’il est tout à son service. 13-15 Aussi m'aït Dieus, fait la damoisielle, que jou sui toute apareillie de vostre volentet faire: abrègement des v. 6718-21, Lancelot, biax
dolz amis chiers, | Fet la pucele, jel vuel bien ; / Que vostre enor et vostre bien | Vuel je par tot et ci et la. 17-18 il n'en sot mot devant que il se trouva sus: «il se retrouva en selle avant même de s’en rendre compte ». 19 comme chelle qui moult vausist s'ounour et son bien: ajout fondé sur le v. 6720 (cité ci-dessus).
225 Ce $ dérime les v. 6729-61 avec des abrègements et des ajouts. 1-2 si liés que plus ne puet: abrègement des v. 6730-34, Si liez que, se juré l’avoie, / Ne porroie por nule painne | Dire la joie qu’il demainne 1 De ce qu'ainsi est eschapez / De la ou il fu antrapez. 3-5 Et bien puet, fait il, savoir Meleagans li traitres, li desloiaus, que il ne puet escaper sans mort, car jou l'ochirai a mes mains: ajout. Les paroles de Lancelot, à cet endroit, se réduisent dans le roman de Chrétien au v. 6739, Et maugré suen an sui je fors. 6 qu'il n'a ou monde: le v. 6743 est plus précis, Des Babiloine jusqu'a Gant. 9 Mais tant ot courut li afaires: la correction s’appuie d’abord sur la morphologie : la désinence de afaires et le groupe verbal ert menés attestent bien que le substantif est au singulier; la phrase, par ailleurs, se fonde sur les v. 6748-49, Mes li afeires a ce monte | Que par tans en iert a meïsme; enfin, je n’ai pas relevé dans le ms d’échanges entre les graphies o / on. On notera que la rédaction y
suit ici la trame des vers. Dans la Vulgate («et B-Bf), la demoiselle a envoyé un messager à la cour d’Arthur, et c’est à son retour que Lancelot apprend l’échéance du combat. 11-12 car il en toute la court n'avoit chevalier qui a venir le couvoitast:
ajout. La leçon au chevalier du ms est manifestement déficiente. La correction, qui se veut la plus économique possible, s’appuie sur la fréquence des tournures avec pronom personnel disjoint du verbe.
674
NOTES
13-14 si demanda nouvielles de Boort l’Eschilliet :le début de cette proposition correspond au v. 6754, Quant il ifu, si demanda, puis le nom de Bohort se substitue à celui de Gauvain (v. 6755, Tant monseignor Gauvain qu'il l’of).
14-18 Et quant Boors s'oï demander, si saut avant et li demanda qu’il avoit et qu'il voloit. Et Meleagans li demande nouvielles de Lanselot et li dist s'il est venus et il ne s’en est fuis pour pauour de la baptaille, si viengne vighereusement avant: ces mots se substituent aux v. 675661, où le narrateur note que Méléagant sait très bien que Lancelot
n’est pas à la cour, mais qu’il en sait moins qu’il ne croit. 226 Ce $ s’ouvre sur une insertion; les v. 6762-72, où Gauvain défie Méléagant, sont supprimés, et l’on rejoint la trame des vers lorsque Bohort demande que soit amené un tapis. Le dérimage correspond alors, avec un fort régime d’abrègement, aux v. 6778-6806.
1-14 Quant Boors entent la parolle…. il amenaissent son cheval: insertion
qui n’a d’équivalent ni dans les vers ni dans la Wulgate (: et B-BB). Dans B-BB, Gauvain déclare seulement à Méléagant, à propos de Lancelot: se il fust chaiens, vous n'en fuissiés mie si engrés de ceste bataille com vous estes (L, III, 327).
15 estendre sour un tapis: retour à la trame versifiée, v. 6778-79, Comande gitier et estandre | Iluec devant soi un tapi. 15-21 À son commandement sont sali.… enseigniés de toute bonté: résumé très abrégé des v. 6780-6806. La substance des vers est réduite à sa trame narrative. 19-20 si li coururent li un amener un trop riche cheval d’Espaigne : le sujet li un de cette proposition laisse attendre ensuite une proposition avec li autre. Mais il n’y en a pas. Est ici en cause l’abrégement des v. 6798-99, Quant l’ont armé, li uns d’ax vait | Amener un destrier d’'Espaigne. Pour autant, il n’a pas semblé nécessaire de rajouter le pronom complément d’aus après li un.
227 Ce $ correspond aux v. 6807-75, avec un fort régime d’abrègement et quelques brefs ajouts. 1-2 et issir au plain contre le desloial Meleagant: ajout. 4-5 qu’il n'avoit o lui neant houme vivant: ajout. L'intervention du narrateur, se je n'an mant, v. 6812 n’est pas directement reprise, mais elle a un équivalent dans la formule che li samble.
NOTES
675
5 Et lors sont a Boort: le nom de Bohort remplace toujours celui de Gauvain. Sur l’absence d’accord entre avenues et miervielle, voir l’Introduction, p. 280. 7 et laisse tous cheus qui illuec estoient: ces mots se substituent aux v. 6816-19, Mes nel va lors riens detenant | Ne besoinz qu’il poïst avoir, | Quant il voit que c'est il por voir, | Qu'’a terre ne soit descenduz. 10-12 Et moult sachiés que Boors ama tant Lanselot qu'il ne vausist mie a chel point c’on l'eust eslit a roi de tout Cournuaille si ne fust venus: transposition et abrègement des v. 6824-28, Et je vos dirai voir prové, | Sine m'an mescreez vos pas, | Que Gauvains tot eneslepas | Ne volsist pas qu'an l’esleüst | À roi par si qu'il ne l’eüst. Le v. 6828 est cité ici avec la variante des mss TV, par si qu’il (por ce qu'il, autres mss) plus proche de y. La proposition si ne fust venus est une subordonnée hypothétique employée par substitution pour une comparative marquant la préférence: «plutôt qu’il [Lancelot] ne fût venu» devant si = se).
(que omis
12-13 Et ja sevent tout par laiens, et li rois et la roine et messires Gavains et li baron: amplification du v. 6829, Ja set li rois, ja sevent tuit. 13-14 que Lanselot ert venus: abrègement des v. 6830-40, Que Lanceloz, cui qu'il enuit, | Qui tel piece a esté gaitiez, | Est venuz toz sains et haitiez. 14-23 Si en sont tant joiant..… si se refraisent que plus n’en font: abrègement et simplification des v. 6833-75, où est d’abord narrée la liesse générale, puis, avec une série d’interrogations rhétoriques, l’attitude de la reine, dont le cœur s’élance vers Lancelot,
mais dont le corps dissimule la joie qu’elle éprouve. Dans Y, le bonheur de la reine s’exprime plus librement. L’évocation de Raison, qui empêche tout débordement dans l’attente d’une rencontre plus intime (v. 6864-75) est supprimée. 23-26 Et messires Gavains viunt a Lanselot. si ne fust illuec revenus: cette phrase, sans équivalent dans les vers à cet endroit-là, réduplique celle où était affirmé l’attachement de Bohort pour Lancelot (cf. supra, 1. 10-12). La construction il ne vausist mie tout le monde avoir en sa baillie si ne fust illuec revenus est en
effet un décalque de il ne vausist mie a chel point c'on l’eust eslit a roi de tout Cournuaille si ne fust venus et se comprend de la même manière.
NOTES
676
228 Ce $ correspond aux v. 6876-6913, avec un dérimage par endroits fidèle, mais aussi des abrègements et une amplification. 5-8 car je vous ai fait querre par monsigneur Gavain et par tous les chevaliers de la court par toutes tieres, dont li pluiseur sont encore en la queste, et li pluiseur sont repairiet qui nouvielles n’en pooient oir: amplification des v. 6884-86, Et tot iver et tot esté | Vos ai fet querre et sus et jus, | N'onques trover ne vos pot nus. Cette évocation de maints chevaliers partis en quête de Lancelot ne figure que dans 7.
13 en un marois: ce détail, conforme aux versions en prose (a et fi-BB), se substitue à l’indication du v. 6895, En une tor qui est sor mer. 16-17 Et si l’en sai tel gret comme je doi a cheli savoir qui m'a jetet de mort et remis a vie: ces mots se substituent au v. 6903, Grant enor m'a feite et grant bien. 17-18 Et au felon qui m'a tenut em prison :abrègement des v. 6904-6, Mes celui cui je n'aim de rien, | Qui cele honte et cest mesfet | M’a porchacié, porquis et fet. 19-23 Et il est venus son guerredon prendre en la court au roi Artus, et il l’avra, se Dieu plaist, si prochainement que ilja ne s’en loera ; car moult li est pres orendroit, si m'otroit Dieus, que jou li rende la merite de la prison qu'il m'a fait longhement souffrir: transposition assez libre des v. 6909-13, 7] l’est venuz querre, et il l'ait. /
N'estuet pas que il se delait | Por l’atandre, car toz est prez / Li gaainz, la monte et li prez; | Mes ja Dex ne doint qu'il s’en lot. 229 Ce $ correspond aux v. 6914-27, sans fidélité dans le mot à mot, mais avec
une équivalence sémantique globale. 1 Et lors dist Boors a Lanselot: de nouveau, le nom de Bohort se substitue à celui de Gauvain, v. 6914, Lors dit Gauvains a Lancelot.
6-11 Aussi m'aït Dieux, biaus niés, ja nel ferai! fait Lanselot. Et jou me lairoie ançois d'un oeuil afoler que jou le vous otriasche — voire, aussi m'aït Dieus, ançois andeus traire de la tieste, que nus m'i menast a che! Car, aussi m'aït Dieus, fait Lanselot, nus ne l’en doit rendre le guerredon fors moi, et jou li renderai voirement: transposition au style direct des v. 6922-27, Cil dit qu’il se leiroit ainz l’uel, | Voire andeus, de la teste traire | Einz qu'a ce le poist atraire. | Bien jure que ja n’avandra; | Il li doit et il li randra, | Car de sa main li afia.
NOTES
677
11-13 Et chiertes, Boort, biaus niés, que je vous en sai autel gret de chou que vous en avés fait, que se vous l’eussiés maintenant ochis: ajout.
230 Ce $ dérime les v. 6928-86, assez fidèlement malgré une tendance à l’abrè-
gement. 1 Quant Boors voit: Bohort se substitue toujours à Gauvain, cf. le v. 6928, Gauvains voit bien mestier n'i a. 8-22 comme je sui faus… faurai de baptaille: ce monologue correspond aux v. 6942-86 de Chrétien. Dans o, l’ébahissement du personnage est rapidement justifié par une notation concrète: Quant Meleagans entent la novele, si est trop esbahis, qui pas ne savoit l'aventure, kar li sers s’en fui quant il ne trova Lancelot (L, II,
106). La version f-BB est particulièrement succincte: Mes quant Meleagans le sot, si en fu tous esbahis (L, TI, 327). 8-9 s’ore le tenoie encore : ensuite, omission des v. 6923-24, An ma prison
et an ma tor|Celui qui or m'a fet un tor. 12-13 se li murs n’est viersés par aventure: ces mots se substituent aux v. 6954-55, S'’aïde par defors n'eüst. / Espoir qu'il i fu ancusez. 16-17 n'en i seroit goute trouvee: ensuite, omission des v. 6965-66, Ne li
monz ne durera plus / S’a force n'est abatuz jus. 18 si m'en ont traït et decheut chil qui garder le devoient: abrègement des v. 6969-79, à la fin desquels Méléagant prolonge ses regrets en citant notamment un «proverbe au vilain» qu’omet y (trop a tart ferme an l’estable | Quant li chevax an est menez, v. 6978-79).
231 Ce $ dérime les v. 6987-7076 avec beaucoup de liberté dans la récriture et par endroits la reprise fidèle de vers. 3 et c’ert par tans: ensuite, omission de l'intervention du narrateur, au v. 6990, Et c'iert par tans, si con moi samble.
4-9 Si s’en va la roine. qui li desplaise :abrègement des v. 6993-7022, où le roi demande aux deux chevaliers de combattre dans la lande; la cour les suit, la reine et des demoiselles s’installent aux fenêtres
tandis que le roi s’assoit près d’un sycomore et d’une fontaine qui sont tous deux décrits. 10 il puet moult haïr :ensuite, omission des v. 7027-34 où Lancelot défie
Méléagant puis prend place pour le combat. 14-15 car li haubierc furent fort et tenant, et les lances roides qui ne sont fraintes ne pechoïies :ajout. La suite du $ relate les mêmes événe-
678
NOTES ments que dans les vers, mais avec un lexique différent, proche de
ce que l’on trouve couramment dans les récits de combat du Lancelot, et avec une vitesse accrue. 19-20 Er li cheval s’enfuient amont et aval tout estraiier :ensuite, omission des v. 7063-64, Li uns regibe, l’autres mort, | Que l’uns volsist l’autre avoir mort. 22-24 Mais Lanselot ne le refusa point, qui plus savoit de l’escremie que ne savoit Meleagans, car il en avoit moult apris en s’enfanche: cette phrase est proche des v. 7073-76, Lanceloz nel redote mie, | Car il savoit plus d’escremie | La mitié que cil n’an savoit; | Car an s’anfance apris l'avoit. 24-28 Si le requiert a l’espee moult durement, et chius trait la soie espee qu'il avoit çainte, clere et bien trencant, et en dounent caus miervilleus. Si se hastent tant durement que a païines pueent reprendre lor alaines: ajout.
232 Ce $ s’écarte de la trame de Chrétien en présentant un déroulement des événements relativement proche de la Vulgate. Les vers 70777111, où Lancelot tranche la main droite de Méléagant, lui casse
trois dents, puis le décapite sans délai, sont omis. Comme dans la Vulgate, Lancelot, voyant le désir de la reine et entendant le
souhait du roi, concède à son adversaire une dernière chance. On ne peut dire que y soit davantage proche d’a ou de B-B$. 1-2 Mais a Lanselot ramembre de la honte et de l’anui que il li avoit fait, que il le tiunt en sa prison: notation propre à y. 11-12 Lors s’estut Lanselot et pensa un poi s’il en avera mierchit u non: cet
instant d’hésitation, absent des vers et de la Vulgate (x et B-BB), fait écho à l’indécision du même Lancelot lorsque la demoiselle lui demandait la tête du chevalier orgueilleux :Or fu le chevalier tant durement pensis que il demeure et arreste en son penser ($ 102, 1. 1-2). 14-16 Sire, pour vostre amour et pour vostre volentet acomplir, jo le lairai redrechier, mais dou sourplus ne me priüés ja: cf. «, Tant en ferai je por vos que je le lairai lever ne ja plus n’em proiés ; et B-Bf, Sire, jou ferai tant por vous que jou le lairai relever et remetre son heaume en sa teste; et se jou autre fois sui au desus de lui, sachiés que ja n'’i avra garant qu’il n’i muire. y semble ici se rapprocher de o.. 20-21 Si i ot moult peu de cheus qui illuec estoient qui il en pesast: cette notation, absente de la Vulgate (x et B-BB) pourrait être la transpo-
NOTES
679 sition des v. 7112-14, Mes or vos di, n'i a celui | Qu'ilueques fust, qui ce veïst, | Cui nule pitiez an preïst. C’est ici que s’achève le dérimage.
233 Ce $ suit la trame de la Vulgate, avec un régime d’abrègement très accentué 1-2 Lors viunt Boors et messires Gavains et li rois a Lanselot, et la roine et li baron et les dames: dans la Vulgate (a et B-BB), Keu, puis Arthur,
Yvain,
Gauvain,
la reine
et les barons
félicitent
le
vainqueur. Mais Bohort, curieusement, est oublié; une négligence qu'évite y.
4 la chitet de Karahais :dans « et B-Bf, le combat a lieu à Escavalon (Z, II, 105 et III, 327); dans les vers, aucun nom de ville n’est associé au
combat. 6-7 a si grant joie que se jou l’avoie juret, ne vous en diroie jou la disme de la joie qui la fu faite:cf. o, si li font si grant joie que greignor ne vos porroie deviser (L, II, 107). Après l’évocation de la joie de la cour, dans «@ et B-Bf, le récit raconte que le roi, de façon tout à fait exceptionnelle, a invité Lancelot à prendre place en face de lui à la table du repas; puis est évoquée leur conversation: ces faits sont omis dans y, qui présente directement l’arrivée du messager. 8 si viunt laiens uns messages: en place de ce messager, la Vulgate fait ici intervenir le chevalier aux armes vermeilles, cousin de Méléagant,
qui accuse Lancelot de traîtrise pour avoir tué un vaincu alors qu’il avait demandé grâce; rendez-vous est pris pour un combat à la cour de Baudemagu. Un écuyer vient ensuite annoncer que le chevalier vermeil fait emmener le corps de Méléagant (Z, II, 109-
10). Dans y, un messager vient d’abord dire que l’on emporte le corps, puis le «grand chevalier», qui s’avérera être le chevalier vermeil, arrive devant la cour et accuse Lancelot de déloyauté en invoquant d’autres arguments que ceux de la Vulgate: voir l'Annexe III. 11 ne li respont mot: au dessous, une miniature (un chevalier se présente devant trois personnages assis) suivie d’une rubrique (voir l’Introduction, p. 41).
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ANNEXES ANNEXE I MANUSCRIT FR. 122 (4b) : PREMIER FOLIO 70*.
[1a] Or dist li contes que quant li chevaliers de la charete se fu
partis de la cymentiere, si chevauca avoec la puchielle qui moult le requeroit de savoir son non, et tant que Lanselot li dist si comme par anui: «Dont ne vous ay jou dit que jou sui dou royaume de Logres et des chevaliers au roy Artus? Et si m’aït Diex, autre chose n’en sarés vous de moy. » Quant chelle oÿ chou, si li dist que il li doinst congiet. « Demisielle, fait il, alés a Dieu.» Atant s’en
parti la puchielle, et Lanselot chevauca sans compaignie tant que il
fu bien tart. AL E
Lors choisi .I. chevalier qui venoit de cachier, si estoit montés sour . grant kacheour ferrant, et avoit son heaume lachiet et sa venison
toursee deriere lui. Dont vint li chevaliers a Lanselot et li pria moult de herbegier avoec lui, et li dist que par temps seroit tans de herbegier. «Et jou ay une maison chi priés ou jou vous menrai anuit mes herbegier, ne onques hom de mon pooir ne vous herbega miex que jou vous herbegeray. — Grant mierchis, sire, dist Lanselot. Et jou m'i herbegeray. » Li chevaliers avoit amené avoec lui en la foriest .1. sien fil, si l’envoia devant pour faire l’ostel appa[1bJrellier et pour la quisinne haster. Et li vallés s’en ala grant aleure. Et Lanselot et li chevaliers s’en vont lor chemin tout souef tant qu’il sont a l’hostel venut.
727
Li vavasseres avoit a fame une dame molt courtoise et moult afaitie, et .V. fius qu’il ama moult, dont li doi estoient chevalier, et
si avoit .1. moult belles filles et moult gentes, et estoient encore puchielles. Mes il n’estoient mie net dou paÿs, anchoïs y estoient
682
ANNEXES
tenut en prison et y avoient moult longement estet, et estoient net dou royaume de Logres. Quant li vavasseres ot amené Lanselot dedens la court, et la dame, qui moult fu bielle et afaitie, li couru a
l’encontre, et si fil et ses filles, qui moult se travellierent de lui siervir; et le saluent et li portent si grant hounour comme il plus pueent. Et quant il fu descendus et il l’orent desarmet, si li aporterent .. mantiel d’escarlate vermeil. Et si fu ychelle nuit Lanselot tres bien siervi au souper, de chou ne couvient il ja tenir conte. Et quant il orent beu et mangiet tout par loisir, si commenchierent a parler de pluseurs choses, et tout premierement commencha li hostes a demander a Lanselot dont il estoit et pourquoy il estoit venus en chel paÿs, mes son non ne li enquist il mie. Et Lanselot li respon[1c]di: «Sire, jou sui dou royaume de Logres, mais onques mes en chestui paÿs ne fui.» Et quant li sires l’entent, si en a moult grant miervelle, et sa fame aussi.
1eiE
Et lors li commenchierent
comme
chou
a dire tout en plourant:
est grans damages
de vous!»
Dont
«Ha!
sire,
demanda
Lanselos au chevalier dont il estoit. «Sire, fait li chevaliers, nous
sommes de la tiere de Logres dont vous dites que vous iestes. Eten chest païs a maint des hommes de nostre terre qui sont en servitute et en eschil. Et maleoïite soit la coustume et qui l’i mist, et tout chil ausi soient maleoïit qui le maintienent, car nuls estranges hons ne
vient en chest païs qu’il n’i couviengne remanoir. Et quiconques y voelt entrer, il le puet bien faire, mes remanoir li couvient. Et de
vous meismes ausi est il pais, vous n’en isterés jamés a nul jour. — Si feray, dist Lanselot, par Sainte Crois, se il plaist a Dieu et jou puis. » Quant li vavasseres l’oÿ ensi parler, si li dist : «Comment, sire ? En
quidiés vous dont issir ?— Par Sainte Crois, dist Lanselot, oïl, jou croi bien que jou m'en isterai. Car anchoïis y metrai jou tout mon pooir que jou n’en isse, et si n’ai encore veue chose pour quoy jou y deusse demourer ne pour quoy jou n’en deusse issir. — Dont m’en isterai jou, fait li vavasseres, tout quitement et tout li autre qui en cheste prison sont emprisonnet puis que li uns s’en istera. »
74*,
Atant se teut li vavasseres et commencha moult durement a penser,
car il avoit oÿ dire que uns chevaliers venoît ou paÿs, qui ja avoit passé une partie des felons trespas: si venoit pour secourre la royne Genievre que Meleagans, li fiex le roy Baudemagus, tenoit
ANNEXE I
683
en prison. Lors dist a soy meismes: «Chiertes, jou pense et croi que chou soit il. » Lors dist a Lanselot : «Sire, par la riens que vous plus amés, dites moy voir de la chose que jou vous demanderay. Et par tel couvent le me dites que je vous en conselleray au miex que jou poray ou saray: si m’en descouvrés la veritet pour le vostre preu et pour le mien, car jou quide que vous soïiés venus en cheste tiere pour la royne Genievre entre cheste gent, qui sont pieur que
Sarrazin. »
A5
Et Lanselot respont: «Pour autre chose n’i ving jou que pour secoure ma dame, et a li secourre vaurai jou mettre cuer et corps et pooir et engien et forche. Si ai molt grant mestier de conseil: si m'en conselliés se vous savés. — Chiertes, sire, fait li vavasseres,
vous avés empris molt greveuse voie a faire, car la voie que vous tenés vous maine au Pont de l’Espee tout droit. Et se vous mon conseil creiés, jou vous feroie mener [1d] au Pont de l’Espee tout droit par le plus seure voie qui y soit. » Et Lanselot li dist: «Y aïl dont plus courte voie que chelle que jou tieng? — Nenil, fait li vavasseres, ains est plus longe et plus seure. — De cheli voie tenir, dist Lanselot, n’ai jou cure, mes de cheli ou jou sui entrés me conselliés au miex que vous savés. — Chiertes, dist li vavasseres,
jou vous consellerai au miex que jou saray. Mes vous y avrés pau de preu quant vous ne volés aler la voie que jou vous ensengne, car vous venrés demain a .I. felon passage ou tost porés avoir grant anui. Si a non li Passages des Pires. Or vous diray dou passage comment il est fais: il n’i puet que uns chevaliers passer et si n’iroient pas doi homme lés a lés, si est li trespas bien gardés et deffendus. Si ne vous iert mie rendus tantost que vous y venrés,
anchois y arés maint cop douné et recheut, de haches et d’espees et de lances.» Adont salli avant uns chevaliers, fiex au vavassour, et
dist a son seigneur de pere : «Sire, avoec chest chevalier m’en iray jou, mes qu’il ne vous grieve.» Et uns varlés qui fu fiex au vavassour dist: «Ausi irai jou avoec.» Et li sires lor otroie boinement. Et Lanselot fu moult liés de lor compaignie. 7167
Atant lor parolles remainent, si l’enmenerent couchier et il dormi desci au jour. Et si tost comme Lanselot perchut le jour, si se leva, et chil ausi qui avoec lui devoient aler. Et quant 1l se furent armet
et monté en lor chevaus, si s’en alerent quant il orent congiet pris. Et li varlés s’en va tout devant, si tinrent tant lor voie ensamble
684
ANNEXES
qu’il vinrent au Passage des Pires, et y vinrent a heure de prime. Et avoit sour la breteske en haut montet .I. homme, et quant Lanselot et sa compaignie s’aprochierent, si s’escria en haut par moult grant viertu: «Chieus vient par mal! Chieus vient par mal!» Atant es vous apriés cheste parolle .1. homme armet de toutes armes, et fu montés sour .1 grant cheval et fu venus au chief de la breteske, si
monta sus. Et decha et dela furent siergant qui tenoient haches trenchans. Ta
Et quant Lanselot aprocha de la breteske, si li reprochierent chil de la breteske moult vilainement que il avoit sour la charette estet, et puis redisoient: «Par ma foy, vassal, grant hardement avés fait, et moult iestes fols quant vous onques osastes entrer en cheste tiere. Car ja nus hom n’i deust entrer puis qu’il eust monté en charete. » Atant es vous le chevalier de la breteske, si poinst contre Lanselot
tant comme li chevaus pot courre, et Lanselot contre lui. Et li chevaliers brisa sa lance par tronchons, et Lanselot l’assena en la gorge parmi le penne de l’escut si qu’il le gieta mort au travers de le kauchie. Et li siergant salent, qui estoient sour la breteske, a Lanselot, et font grant samblant de ferir Lanselot, mes point ne l’assenerent; ains falloient tout de gret de lui ferir. [2a] Et li cheva-
liers apierchoït bien qu’il ne li vuoeulent nul mal, si s’en passe outre sans nul ferir, et si dui compaignon aprés.
ANNEXE II MANUSCRIT FR. 122 (4b) : LA VENGEANCE FUTURE DE LANCELOT
Le début du passage se situe au fol. 24.
85*,
Et chius desiretemens ert souvent a Lanselot au cuer, mais il ert
tant seurs dou vengier que il suefre l’atente sans grant travail de cuer. Dont il avient souvent en cuer d’onme vighereus qu’il suefre plus de vengier l’anui que on li a fait. Et il s’en pensa bien a vengier que dont s’il ne quidoit avoir venjanche. Et il si fist, si comme li contes tiesmongne cha avant: il s’en prist! la plus miervilleuse venganche devant sa mort dont nus hons oïst onques parler. Si tiunt puis ses fiux Galaad, dont li contes vous dira cha avant, aprés la mort Lanselot son pere, toutes les marches de Galone et le roiaume de Benuic et toute la Tiere Desierte Claudas, et si tiunt les Estranges Illes Galeholt. Et chius Galaad fu fius de la fille au roi Pellés, qui fu oncles au boin chevalier et au seur, en qui toutes graces de chevalerie furent espandues. Si ot non Pierchevaus li Galois et fu fius au roi Alain de Kamaalot. Et li pluisour l’apieloient Pellevaus pour l’amour dou roi Pellé son oncle, qui il resambloit bien mius que nulle creatu[3a]re humaine.
Ichius Pierchevaus achieva les aventures que nus ne peust akiever se il non. Et il fu puis courounés en la grant Babilone, si comme li conte vous diront, et ot puis tout son vivant le precieus vaissiel que on apiele le Greal. Mais chi en laie li contes a parler et retourne au chevalier de la charete qui ert entre les deus portes coulans.
1 pris; corr. d’après Ac.
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ANNEXE III MANUSCRIT FR. 122 (4b): LA QUERELLE ENTRE LE CHEVALIER VERMEIL ET LANCELOT
L’extrait débute au fol. 23c, sous une enluminure suivie de la rubrique suivante : Comment uns chevaliers a armes vermeilles vint Lanselot reter de traïson en presence le roy Artus Les interpolations sont placées entre
Ainsi comme li messages contoit ou roi ches parolles, si viunt laiens un grans chevaliers armés sour un grant cheval de toutes armes, et erent les armes viermeilles ;et s’en vint duskes devant la table, la u li rois seoit au mangier, sans saluer ne un ne autre. Et quant il ot longhement regardet ceus qui mangoient, si parla en haut que tout le porent oïr: «Ha! fait il, u est li desloiaus, li traitres Lanselot, li plus [234] mauvais de tous autres mauvais
chevaliers, qui a ochis monsigneur Meleagant, le fil au fort prinche le roi Baudamagus de Gorre ? U est il, Lanselot ? U est il chius qui nous avions fais de toutes les honnours dou roiaume de Gorre? > et dist au roi: «Sire, qu’esce que vous avés fait? On vous tient au plus preudoume dou monde et vous avés assis a vostre table le plus desloial chevalier qui vive. Et aussi m’aït Dieus, moult [24a] m’esmierveil* pour coi vous avés chou faits.»
Maintenant saut Lanselot de la table tous honteus de la villenie que chius li dist. «Sire chevaliers, fait il, vous ne faites mie que courtois qui tout ensi me dites honte pour noiant. — Aussi m’aït Dieus, fait li chevaliers, on ne
! qui ochist répété. 2? Cette évocation de Galehaut fait sans doute référence à une conversation qu'ont eue le héros et son ami. Après la conjuration de maître Hélie, Galehaut propose à Lancelot le projet suivant : [...] si movrons a totes nos gens por conquerre le roialme de Benoÿc dont li rois Claudas de la Deserte vos a deserité :kar trop avés demoré a vengier la mort vostre pere et vostre deseritement et les grans dolors que vostre mere a eues. Et se nos i poons trover le roi Claudas, il ne remaindra n’en cele terre n’en autre; et se nos le
poons tenir, nos en ferons justise tele com l’en doit fere de traïtor et de murdrier. (Z, I, p. 75).
3 Le texte rejoint ici la Vulgate, voir L, I, p. 109, $ 3, L. 2. # mes ajouté dans la marge. $ fait répété en début de ligne.
ANNEXE III
689
vous deveroit mie honte dire mais tant faire que on poroit plus, car vous avés ochis mauvaisement et villainement Meleagant mon cousin. — Jou ne l’ochis mie, fait Lanselot, en repostaille, ains i ot chevaliers assés, voiant qui il demanda baptaille a avoir a moi, > Il n’a court ou monde que jou ne m’en osaisse bien deffendre contre vous que il n’ot en la baptaille que jou fis a Meleagant desloiautet ne felonnie qui de la moie part venist. — En non Dieu, fait chil, se
vous en la court au roi Baudamagus de Gorre vous en osés deffendre, jou vous prouverai comme a tel comme jou vous ai dit.» Et Lanselot dist qu’il s’i desfendera. «Ore i soïés dont, fait chius, d’ui en un mois, le jour de la Magdelaine. Et je vous creant loiaument que vous m’i trouverés se mors u prisons ne me detient en la voie que jou ai enprise pour venir a cheste queste. — Et je vous di, fait Lanselot que jou i serai en[24b]sement se mors u prisons ne me detient.» Et li chevaliers, quant il ot finet sa parolle, s’en va tout maintenant que il plus n’i vaut atendre. Et Lanselot, quant il se fu partis, se rasiet tout maintenant par le commandement au roi. Et lors commenchent a parler par laiens dou chevalier viermeil et dient que moult est musars et moult a musardement parlet contre Lanselot, > Chius cria en haut et dist: «Sire, sire, fait il, li viermaus chevaliers en fait porter le corps Meleagant en la plus riche litiere que jou onques mais vesisse a nul jour, et si a au convoiier .XX. chevaliers armés de toutes armes, ne jou ne vis onques mais faire pour chevalier aussi grant duel comme chil font pour lui. Et jou croi qu’il font cel duel pour che qu’il le voient mort. > Et lors dist li rois :«Si m’aït Dieus, moi poise de cheste cose, et moult vausisse mius que li afaires fust autrement tournés que il n’en est, car moult vausisse mius que Meleagans fust ochis en autre court que en la moie pour l’amour son pere Baudamagus qui est loiaus prinches et droituriers sour tous autres prinches tieriiens.
ANNEXE IV MANUSCRIT FR. 122 (4b): LA PROPHÉTIE DE LA DAME DU LAC
Lancelot vient de découvrir la tombe de Galehaut. Il veut se donner la mort, mais surgit une demoiselle qui lui transmet un message de la dame du Lac. La première phrase se lit dans L, II, 214. Puis commence l’interpolation ; le retour à la Vulgate s'accompagne d’un bref ajout, que j'ai également signalé (entre >)
[...] et illueques soit mis en la tombe mesme la u vous trouvastes vostre
non escrit. Et elle le vuoeut ensi car illuecques sera vostres corps entierés. > Quant Lanselot
l’entent,
si en est moult liés, >!. Aprés demande a la damoisielle coument sa dame le fait.
[ Cet ajout se substitue aux mots suivants de la Vulgate : et dist que molt li sont ces noveles plaisans, kar tot ensi le fera il (L, 11, p. 214).
ANNEXEV VERS DU CHEVALIER DE LA CHARRETTE REPRIS LITTÉRALEMENT DANS Y
Ce relevé se fonde sur les éditions Foerster et Foulet-Uitti, complétées, le cas échéant, par la consultation des manuscrits dans la banque de données du «Projet Charrette ». En effet, certaines formules de la prose ont . leur source dans les tournures propres à tel ou tel manuscrit; ces leçons particulières figurent pour la plupart dans les variantes notées par Foerster, mais elles peuvent avoir été laissées de côté quand l’éditeur les jugeait fautives. Lorsque je cite la variante d’un vers et non le vers tel qu’il figure dans l’édition Foulet-Uïitti, j’indique le sigle du manuscrit à côté du numéro du vers. En l’absence d’indication, c’est bien sûr l’édition Foulet-Uïitti qui
sert de référence!. Les séquences citées proviennent de la présente édition, et donc de Ac,
mais il peut arriver qu’un vers soit maintenu dans Ab et non dans Ac: j’ai alors indiqué le sigle du manuscrit Ab après la citation de la séquence relevée dans cette copie. En revanche, je n’ai pas signalé les endroits où un vers repris dans Ac n’apparaissait pas dans Ab: les variantes mentionnées en bas de page dans l’édition, ou la consultation de l’Annexe I, permettent de vérifier ce point. J'ai seulement sélectionné les syntagmes de y correspondant à des vers de Chrétien aux plans syllabique et lexicologique; par ailleurs, la graphie
d’un mot peut avoir changé sans pour autant que le lien de proximité soit détruit: ainsi au $ 101, le mot desloyee est l’équivalent de desliee. De même, dans la mesure où le nombre des syllabes est préservé, je n’ai pas tenu compte des variations morphologiques entre, par exemple, un la et un le picard, un tuit des vers et un tous de la prose; cil n'étant jamais employé
1 Pour quelques vers, peu nombreux, Foulet-Uitti se sont écartés de Foerster. Cependant, les numérotations des deux éditions concordent parfaitement, du début à la fin du Chc.
694
ANNEXES
au pluriel dans Ac, je considère que la forme ceulz équivaut à cil. Il arrive aussi qu’un mot ait subi une légère modification; par exemple defors (v. 476) ne se trouve jamais dans Ac, où l’on a toujours dehors; cette évolution ne doit pas masquer la présence du vers. Si j'avais inclus les syntagmes présentant simplement une différence d’une syllabe avec le vers correspondant de Chrétien, la liste aurait été
considérablement plus longue. Ainsi, au $ 68, tant comme ventent les .Inl. vens transpose le v. 1966, Tant con vantent li quatre vant avec comme au lieu de com et donc une syllabe supplémentaire. Sachant que l’on rencontre aussi la graphie com dans Ac, je n’ai pas relevé cette occurrence de neuf syllabes. Toutefois, dans les cas où une conjonction a été ajoutée au début d’un vers (souvent un ef), ou lorsqu'un complément a été placé après un verbe qui se trouvait en fin de vers, j’ai isolé et relevé l’équivalent du vers. Ainsi, au $ 218, les mots de la parole que il ot dire transposent le v. 6223,
De la parole que il ot; en ce cas, j’ai isolé l’équivalent en prose. Lorsque deux vers se retrouvent d’affilée dans la prose,
leurs
références sont données à la suite (ex: 528-529), ce qui les rend facilement
repérables dans la liste. Si un mot bref a été ajouté entre la fin du premier vers et le début du second, il est noté entre crochets. Au $ 40, il a paru nécessaire d’indiquer les mots ajoutés dans y pour éclairer l’enchaînement de plusieurs vers. A côté de la séquence citée de y figure donc le numéro du vers correspondant dans l’éd. Foulet-Uitti. J’ai essayé d’être exhaustive dans le repérage.
29 quant ilz orent assés mengié enmy la sale grant et lonc plus bel des autres et plus riche il y avoit tout le delit sont fais ces deux lis ça dehors! il ne fu pas fait a vostre oés cil qui sur la charrette vint
463 CE 465T 467 469 476 479 481
Dites moy, fait il, la querelle
484
qu’elle s’ert pourpensee bien
487T
! defors dans le v. 476.
695
ANNEXEV
du! demander ne de l’enquerre honiz est chevalier en terre puis qu’il a esté en charrette
489-490-491
au? lit qui fu lons et haussiéz
508 518 528-529
30 a mienuit de vers les lates
et le fer de la lance passe au chevalier lez le costé
31 si se voult jus laissier cheoir a grant tort haiéz vostre vie
570 578
[la] ou la royne en est menee
615 630 634 639
32 mais que vous m'en dites le voir comme cil qui Amours fait riche Dont le vous diray je, fait elle
33 encombrier et felons trespas
si puet on entrer toutevoyes aventures dont je me tays
653 657 671
34 ces deux voyes nous enseignéz Vecy la droite voye au Pont Sire, je vous part sans rancune Non ferons nous, voir, doulce amie
682 684 689 712
35 que son penser” ne lui laissa car, par mon chief, je vous ferroye
129 761 E
1 del dans le v. 489, forme d'enclise que l’on n'a jamais dans Ac.
21elC'ourT: 3 ses pansers dans le v. 749.
696
ANNEXES
36 Lors met le cheval es galoz bien vous oïstes deffier bien puet estre que je pensoie
je ne pris pas plain poing de cendre 37 et met la lance sur le feutre
ou! gué tout plat dessus le flot
39 la damoiselle derechief deslie moi cestui prison si lui rent le chevalier quitte et celle en a honte et angoisse
40 tent que de baz vespres trouva une damoiselle venant [moult belle et] bien acesmee et bien vestue [et] la damoiselle le salue
942-943
ainsi le vous offre et present
la damoiselle qui l’enmaine
955 960 970 972
ung mantel d’escarlate court
1022
Sire, alés vous la fors deduire quant je cuideray qu’il soit heure
1045 1055
il me honnira voyant toy si n’en ert il mie jaloux
1085 1097
Damoiselle, de vostre hostel moult avra au couchier destresse
945-946
41
42
43
! el dans le v. 861.
697
ANNEXE V
44 et je son commandemens fais
1103
et boute ens le col et la teste Et le tiers a a lui failli li tent le chevalier encontre la ou l’espaule au corps lui joinct
1139 1155 1175 1177
entre le lit et la paroy
1187
mais sa chemise pas ne trait ainz s’est commandés a autruy
1226 1242T
que cil sa compaingnie het
1256
bon jour vous soit huy ajournés par les us et par les coustumes que damoiselle ne meschine Mais se elle conduit eust Donc y vueil je, fait elle, aler
1300 1311 1316 1323 1337
et le cheval au chevalier moult het son plaist et sa parolle pour garison ne pour santé ung pigne d’yvoire doré cellui qui s’en estoit pigniés
1341 1346 1351 1363 1367
Estés, damoyselle, fait il
qui fors de son chemin yssi damoiselle, que vous pensés
1382 1385 AT 1389
comme cil qui ne cuidoit mie se vous riens nulle amés de cuer que vous plus ne le me celés
1413 1416 1419
45
47
49
50
51
52
698
ANNEXES
oncques en autre pré ne crurent
1425 1430
si s’en merveille et esbahit venistes vous cy devant moy Et la pucelle est descendue venistes vous cy devant moy si s’est de voir dire gaitiee
1441 1445 1450 1457 1463
entre sa chemise et sa char Et quelx estoient les cheveulz
1481 1491 E
pour riens deux chevaulx coste a coste
1517 1525 1527
Et d’une chose me creés
53
54
55
Sire chevalier, veéz vous
tous armés et prest de bataille
56
que que ilz vont ainsi parlant mais pour bien euré se clayme tout maintenant que il l’approuche ne s’en prisast il mie tant vers qui je ne vous conqueisse
1553 1559 GV 1561 1576 1600
de ce n’avés vous mie tort
1630
pour ce que bel estoit le lieu
1650 1659 1678
57 58 Et chantent et tumbent et saïllent Veéz le chevalier, veéz
59 en celle forest dont je vieng
le monsterray vers vostre corps
1704 1707 1721 AV
je la tien, et si la tenray comme la moye chose lige
1730 1731
si l’ay prise comme la moye
60
699
ANNEXEV
que vous me voulés engignier
et vous me grevéz et nuysés Aiïns me combatray maugré vostre
1762 1767 AE 1775
61 sur quanque vous tenéz de moy
Or n’as tu ne force ne povoir chascun sur son cheval emblant
1792 1806 18317
dist qu’il s’en soufferra pour lui cil qui sur la charrette fu laissera a jouer pour lui
1825 1830 1838
qui les noms de ceulz devisoient et trouva: Cy gerra Gauvain
1373 1877
tous ceulz qui oncques furent fais
1897
62
63
[ne oncques]
si riche ne si bien pourtrait
qui la tombe voulroit ouvrir mieulz que .x. hommes ne feissent
1898 1906 1925
65 que je sceusse vostre nom Ung chevalier sui, ce veés
1927 1933 1941
et son nom s’elle le savoit
1960
le moyne seul devant l’eglise les lettres qui sont sur la lame oncques voir d’omme ne de femme Filz, que t’en semble ? Donc n’est il moult preuz qui a fait tel effort ?
1971 1989 1990 1994-1995
Et le moyne s’en esbahist
68
69
700
ANNEXES
70 a chevauchié sans compaingnie
71 sur .J. grant chaceour ferrant et pour la cuisine haster tant qu’ilz sont a l’ostel venus
72 le vavassour avoit a femme ui. varlés et deux chevaliers le vavassour a amené et ses filz et ses filles saillent
premierement le vavassour commença son hoste a enquerre
2088-2089
maleoite soit la coustume Ab De vous mesmes est il pais
2108 2115 EV
Meliagans, le filz au roy
2133-2134-2135
73
74 et dist: Certes, je pense et croy que ce soit il, diray lui doncquez
entre ceste gent sarrasine
2146
au Pont de l’Espee tout droit Et cil qui la meneur couvoite maintenant que vous y venréz m'en yray, se il ne vous greve or ne s’en yra mie seul
2127 2163 2183 2191 2196
Atant leurs parolles remainent qui avec lui aler devoyent qui tenoient haches trenchans Ab
2199 À 2204 2222
Et cil qui le pas deust garder le chevalier apperçoit bien
2234 2245 ETV
15
76
77
701
ANNEXE V
78
qui par cy est passés a force
2255
et mettra les noz au dessouz
2314
avoit ung annel en son doit
2348
trenchant et flamboiant et clere
2406
nes garantist ne fust ne fer et de la grant maleurté!
2414 2427 2428 2433
81
84
87
88
ou nous avons long temps esté moult a a faire et moult a fait 89
autressi comme par estrif Vous me deveriés avancier et vous me voulés faire tordre
90
2452 2488-2489
ainsi les vainct tous et appaise fors que tant seullement les deux
2503 2516
herbergiés estes, descendés ains le firent moult voulentiers
2533 2547
qui moult estoit bien enseingniee Le chevalier et ses .Ir. filz font de leurs hostez moult grant joye [...] riens c’on peust layens veoir n’estoit chargables ne pesans
2558 AE 2566-2567
91
92
1 maleürté dans le v. 2427.
2578-2579
702
ANNEXES
94 qui tant a follie et orgueil et de cervel la teste vuide au Pont de l’Espee passer
2594-2595
je suy qui vueil passer au Pont
2597 2599 2602
Mais ly sires de la maison
2617
n’entre les beaulz n’entre les bons
2679
le chevalier de la charrette
devant l’esmerillon voler
2731 2150 2758 2591"
sur une charrette monter pour ce que tant folle bouche as pour mierchit et pour vostre graice Ab
2773 2777 2792
desaffublee et desloyee dont la mule feroit grans cous au chevalier de la charrette et quant cil qui vaincu estoit qui estoit sa fille et s’ancelle Ha ! chevalier, fait la pucelle si grant comme tu pues couvoitier
2797 2799 2803 2830 2837 2838 2841
ou s’il avra cellui tant chier
2848 2855 2871
pour neant a ses pas perdus
95 97 99 que a merci venir l’estuet comme l’aloe qui ne puet
100
101
102 Mais se celle la teste emporte et merci crier li couvint
103 combatre derechief a moy se tu veulz ta teste deffendre
2881 2883
703
ANNEXEV
104 a la baptaille comme engrés Ab
2897
s’il t’eust conquis une foys il t’engignera derechief de l’empire et de la couronne
2905 2907 2909
[la teste] franc chevalier, si la me donne
2910
105
106 Et celle qui sa mort desire Et cil fiert, et la teste en vole enmy la lande, et le corps chiet
a Dieu qui d’encombrier te gart
2932 2936 G 2937 2953
107 orent la bataille veue
du royaume de Logres ça et dist: Sire en vostre service nous ne deverions mie attendre
tant vueil je que vous ayés du nostre
2957 2970 2982 2986 2991
108 que le chevalier ne voult pas ung des deux chevaliers monter si s’acheminerent tous trois par le congié et par l’ottroy [a] leur hoste qui servis les ot
3004 3008 3013-3014-3015
mais l’espee estoit fort et roide
3038-3039 E
109 [et] si avoit deux lances de long
110 de telz choses y a assés et deffendre qu’ilz ne ventassent ne que ly homs pourroit entrer ou ventre sa mere et renaistre qu'ilz ne vous occient et succent vous metiés a escient
3063 3067 3070-3071 3077 3091
704 114 a sa chemise tout entour en toute honneur et en tout bien
3151 3159
Car Desloiauté lui plaisoit Mes il avoit ung cuer de fust
3164 3180
115
[car oncques merci n’entra dedens son cuer, et il estoit]
tout sans douceur et sans pitié car ja nulz passer n’y osast de ces deux choses vous deisse
3181 3187E 3195
Fius, fait il, aventure fu Ab
3201 3212-3213
116 ja n’avraz preu en l’aatine ains y pues avoir grant dommage que ce que il est venus querre
3218
118 par bataille que par bonté ne traïson ne felonie ains promet bien au chevalier
3257 3273 3277
Assés me loist ore escouter Ab et me laissiés estre cruel
3288 3308 3311 ETV
on li amaine ung grant destrier
3321 AV
119 Ne je ne vous quier pour moy faire
120 [grant et fort et tost alant]
Et il y monte par l’estrier ains ne finerent d’avaler
3322 3326
le roy le vist esvertuer quant vous avés fait ce que nulz
3341 3352 AT
ne trouverés mie si franc cellui qui çà l’a amenee
3368-3369
121
122
705
ANNEXE V
neiz mon filz qui moult en poise qui la royne amena ça de ma terre par mautalent
3380 3395 2599
que perdre ne gaster ne vueil menés moy tant que je le truisse
3407 3410
Et le roy qui la paix quist! moult voulentiers se il peust? s’en vint derechief a son filz
3439-3440-3441
ne pour berser ne pour chacier
3447
fait Meleagant a son pere a chevaulz se je vous creoye au chevalier quant tu le veuz Ja ne me viengne plus grant dueil?
3467 3471 3479-3480
d’uns et d’autres devant la tour ot si grant presse a l’ajournee Ne n’y pot estre la paix mise mais ne puet estre qu’i la face de gent du royaume de Logres
3514-3515 3523 À 3525 3533 V
car il se vouloit moult pener
3584
et les escus heurtent ensemble
3611
123
124
125
126
128
131
132
! queïst dans le v. 3439. 2 poïst dans le v. 3440. 3 diaus dans le v. 3480.
706
ANNEXES
133 si craignent qu’il n’en ait Le pis que il en avoit le piour Mais aux fenestres de la tour que le chevalier n’avoit mie moult voulentiers dit lui eust
134 quant Lancelot s’oÿ nommer Et Meleagans l’encauçoit Ab Ja souloit estre tous le bien
135
et met entre lui et la tour Meleagant tresout a force et toutevoies s’arrestoit et celle flame si ardans
3728-3729
Dame, je vous ay moult amee
3783 3789 3801-3802
136 si me rendés le guerredon mais pour moy qui moult vous en pry lui dites, la vostre mercy Beau sire, pour vostre priere le vueil je bien, fait la royne [Et se je avoye haine mortel] vers vostre filz, que je n’ay mie si m’avés vous si bien servie
3766 3770
3806-3807
3809 T-3810
137
138
qu’il ne te touche et tu le fiers Or quier, fait le roy, qui t’en croye
3841 3852 TV
Et lors dist le roy a son filz et si ne vous en mellés ja ta follie ne ton orgueil moult est folz qui sa mort desire
3865 3873 3884 3886
quelle heure que il le semongne et devisent que a la court
3898 T 3904
139
ANNEXE V
707
140 mais Meleagant et les siens
3939
Dame, veéz cy Lancelot
Et de Meleagant mon filz
3960 5972
a maniere de fin amant
3980
car quant le roy ung bon emplastre
4054 T-4055
141
142
143 me faisoit sour mes plaies metre Ab pour ce qu’il me vouloit tuer et mettre ung mauvais oingnement ou devant le sien corps demaine dire pourquoy elle me het
4059 4061 4075 4091
lui demandent que ilz feront qui mieulz n’amast a retourner
4107 4119
partout est la nouvelle dicte Et ceulz dient: Nous ne savons
4125 4155
que ceulz qui l’ont mort en mourront qui au mengier estoit assise tantost se lieve moult doulante
4163 4177 4195
que souvent se prent par la gueule
4199A
quant il vint devant moi riant
4228
que morte est sa dame et s’amie Ab
4269
144
145
146
147
148
149
708
ANNEXES
150 se ceulz non qui de lui n’ont cure
4295
lués que ma dame la roine Ab que je montay en la charrette
4355 À 4367 EV
qua sa joye et son amy viengne Mes nouvelle qui ne reppose
que Lancelot occis se feust
4443 4446 4449
Lancelot qui moult se hastoit
4455
pourquoy tel semblant me feistes
4491
mais je ne vous puis mie Cy
4520-4521
152
155
156
157
158 tout dire quanques je voulroye 159 Keux le seneschal qui languist que nulle espie ne vous truise
4540 4545
et le jour lui a plus duré
4555
toute m'est delivre la voye
4630
Et la royne lui estent si l’a lez lui en son lit trait car d’ Amours et de cuer lui muet
4672 4675 4678 À
Car en tous autres cuers failli Or a Lancelot quanqu’il veult sa compaingnie et son soulaz
4682 À 4687 4689
160
161
162
163
709
ANNEXEV
165 la royne la matinee que cil qui ne s’en donne garde
4755 4780
de moy vous a il bien gardee ce sang que en mes draps esgart Le oncques ne l’y apporta Keux
4783 4800 T
166
Par mon chief, fait Meleagant
4801 4805
Mes ainçoys que vous y alés de justice ne de droicture
4823 4825
oncques ne fu neis en songe Sire, or souffrés que je reponde se je oncques le me pensay Ab
4857 4878 4889
Et Meleagant lui respont Sire, sire, fait Keux au roy
4895 4909
ung chevalier qui deffendra
4924
par le los monseigneur Gauvain
5121
et les chauces de fer chaucies
5137
Et comment s’est il contenu
5177
son service et le son seigneur
5311
ne en toute ceste contree puis que ma dame en fu menee
5355-5356
167
168
169
170 177 178 179
185
187
710 199 avoit et l’entree et l’issue la nouvelle de l’aatine
200 sire, pour Dieu et pour vostre ame
pour quoy vous estes si changiés vostre pesance et vostre ennuy
ma destruction et ma mort que je ne l’oseroye faire
201 Or m’en puis a neant tenir
202 estoit beaulz et fors et hardis
5521
Lancelot trestout desarmés desaffublés contre le vent les yeulz trais et le col brisié Or est venus qui ausnera Or est venus qui aunera
5558 5561 5575 EV 5583-5584
204
205
trestoutes avec la royne et.xx.et.XXx.et.xXx.et.XXX.
207 a parolles briefment rettraites qui porte cel escu vermeil sire, ma dame la royne
208 Et le herault qui souloit dire
209 se fist cil tenir pour couart 210 et quant ce vint a l’ajournee
qui est venus en ceste terre
5783 5801 FV-5802
711
ANNEXEV
pour los et pour honneur conquerre Et cil qui porte ces fesans en son escut poins biec a biec Ab Et veés vous cellui qui porte
5810 AFV-5811
5819
213 mais oncquez en trestout le jour ore est venus qui aunera
5972 5983
ne se marieront ouen
6072
c’oncques nulle n’en prist mari
6076 6085
214
215 et son harnois et son cheval Ab
216 Il n’en fera ja mesprison fait Meleagant, bien le sçay firent ce qu’il leur commanda haute et espesse et bien fondee a heure devisee et dicte
6112-6113
en vostre court d’uy en ung an ains le monsterray vers son corps
6183 6193 6198-6199
6135 6149 TV 6164
217
C’est Meleagant qui me prist ou conduit Keux le seneschal
218 de la parolle que il ot
6223
Atant s’en part Meleagant le roy Baudemagus son pere cellui qui ce puet desservir apparailliés et apprestés
6246 6249 6286 6303
pour chest don et pour chest sierviche
6599
219
223
712 228 en quel tiere et en quel païs a briés parolles vous puis dire se ne fust une moie amie
230 a grant honte et a grant laidure
GLOSSAIRE
Sans être intégral, ce glossaire est très détaillé. Il est fondé sur le texte de référence (Ac pour les paragraphes 1-220 et Ab pour les paragraphes 221-233) mais inclut des vocables relevés dans les variantes provenant de Ab et dans les extraits de Ab figurant dans les Annexes (indiquées par des chiffres romains). Les mots et les locutions retenus ont ou bien disparu, ou bien changé de sens, totalement ou en partie. Lorsqu’un terme est intégré dans le glossaire parce qu’il offre un intérêt à un endroit particulier, ses sens ou ses emplois plus ordinaires ne sont pas rappelés. Le signe «°» placé après la forme vedette signifie que le relevé est complet et que toutes les graphies ont été prises en compte, aussi bien dans Ac que dans les parties éditées de Ab, dans le corps du texte et les variantes. Lorsque la précision a paru avoir de l’intérêt, le nombre des
occurrences a été indiqué entre parenthèses. Les formes vedettes figurent sous la graphie la plus fréquemment attestée dans le texte. Quand des graphies différentes du même mot se trouvent dans Ac et Ab, celle de Ac est indiquée en premier, puis vient celle de Ab, accompagnée de la mention (4b). Les substantifs et les adjectifs sont entrés sous leur forme de cas régime
singulier. Si le texte n’offre pas d’occurrence présentant ce cas, et que la forme de CRS est délicate à déterminer, le mot est cité au cas où il figure dans le texte et ce cas est indiqué entre parenthèses. Le genre des substantifs est indiqué ; lorsqu'il ne va pas de soi, on lira simplement subst. Pour les verbes, les entrées ont été regroupées sous l’infinitif, placé
entre parenthèses droites lorsqu'il a été reconstitué et que sa forme n’est pas évidente. Ainsi, je n’ai pas signalé que abelir avait été rétabli à partir de abelist (ind. prés.) ou abeuvrer à partir de abeuvrent. Le problème se pose seulement pour les infinitifs en er / ier: j'ai opté pour une finale en -ier lorsque le texte de Ac présentait une forme de participe passé en -ié / -iee, une forme d’ind. prés. en iés / iez ou une forme de passé simple en -ierent;
714
GLOSSAIRE
dans tous ces cas, j’ai indiqué la forme sur laquelle était fondée la reconstitution ; en l’absence d’une de ces formes, j’ai tenu compte du fait que, dans
les infinitifs réprésentés, on trouve la graphie -ie- pour tous les verbes originellement en -ier (voir l'Etude linguistique de Ac). Enfin, les formes conjuguées pouvant poser des difficultés ont été relevées et identifiées. L’astérisque placé devant l'indication de paragraphe et de ligne renvoie à une note en fin de volume. Les abréviations suivantes ont été utilisées :
adj.: adjectif; adj. indéf.: adjectif indéfini; adj. subst.: adjectif substantivé; adv.: adverbe; adv. excl.: adverbe exclamatif; adv. inter.: adverbe interrogatif; conj.: conjonction; CRP: cas régime pluriel; CSP: cas sujet pluriel ; CSS : cas sujet singulier ;fut. L : futur simple de l’indicatif ; fut. II: conditionnel; imp.: impératif; impers: impersonnel; impft: imparfait ; ind. : indicatif ; inf. : infinitif ;intr. : intransitif ; loc. ad. : locution adverbiale ; loc. conj.: locution conjonctive ; loc. prép.: locution prépositionnelle; pl.: pluriel; prép.: préposition, p.: participe passé; p. prés.: participe présent, prés.: présent; pron. indéf.: pronom indéfini; pron. poss.: pronom possessif, réfl.: réfléchi; sg: singulier; s. f.: substantif féminin; s. m.: substantif masculin; subi. : subjonctif; subst. : substantif ou substantivé ; tr: transitif; tr. dir.:transitif direct; tr. ind.: transitif indirect.
Franzôsiches etymologisches Wôrterbuch de W. von Wartburg: FEW Altfranzôsisches Würterbuch de A. Tobler et E. Lommatzsch: TL Dictionnaire de l’ancienne langue française de Godefroy :Gdf
A a (Ab) prép., avec 222, 16, 225, 5, 231, 21 (as); au moyen de 222, 14, 223,
17, aaisier° #r., mettre à l'aise, soigner 91, 17 ; son corps —, se reposer 203, 14. aatine° subst., querelle 116, 7 ; tournoi 199, 13, 200, 11. aatir° réfl., + de, se vanter de 9, 24.
abandonner®, habandonner réfl., + a, se livrer entièrement à 168, 11; tr. ind., laisser disponible 83, 3. abaubi° (Ab) p., déconcerté 208n.
abelir° #r. ind., plaire 47, 24, 60, 3, 111, 20. abeuvrer”, abevrer tr., abreuver 36, 2, 98, 16. abosmé® p., consterné 80, 27.
GLOSSAIRE
US
[accointier] voir acointier. accoler voir acoler.
accorder réfl., + que, se mettre d'accord pour 177, 11; + a, être d'accord avec, 57, 18, etc. ; se réconcilier avec 116, 6, 125, 1 et 27, etc.
acesmer” réfl., s'équiper 48, 22; acesmée p., parée avec élégance 40, 3. [achesser]°, [aciesser] (Ab) intr., avoir de cesse 152, 48, 152n.
achieverres° s. m. (CSS), celui qui achève, qui accomplit 187, 5. achoïison, ocoison (Ab) s. f., raison, motif 152, 17, 18, 19, 20 et 21, etc.
[acointier]°, [accointier] (inf. restitué d’après entracointier) #r., approcher,
connaître 135, 21 ; réfl., s'approcher 207,9
; + a, s'approcher de (pour
combattre) 230, 5. acoler”, accoler tr:, serrer dans ses bras 156, 3, 163, 13, 227, 8 et 21, 228, 1. aconsivre® tr., rattraper, rejoindre 32, 4 (aconseu p) ; atteindre (un objectif)
221717
aconter”° #r., raconter 154, 9, 158, 5, 177, 5, 221, 17. acoster® réfl., s'approcher 70, 3. acouardi° p., devenu lâche 209, 11. [acourre]° intr., accourir 27, 9, 155, 4 ; réfl., se précipiter 207, 8 (s’aqueurt ind. prés. 3). acoustumé”® p., estre —, être d'usage 190, 4.
acoustumeement® adv., habituellement 128, 18.
acouté° p., allongé en étant appuyé sur le coude 204, 1. [acqueillir]° #r., — son chemin, se mettre en route 185, 4-5.
acquitter° #r, — le serement, respecter le serment 214, 18-19. acreanter° fr., — a + inf., promettre de 123, 27.
adamagier” #r., mettre à mal 112n. adés°, adéz ady., sans interruption 51, 22, 82, 5, 112, 6, 134, 29; toujours
52, 26. [adeser]° tr. ind., toucher à 43 15; avoir des contacts charnels avec 122, 15; (adoise ind. prés. 3 pour les deux occ.).
admonester®, admounester #r., fortifier 125, 4 ; — que + inf., exhorter à 106,
1-2. adonc°, adont adv., alors (8 occ.); jusques adonc que + ind., jusqu’à ce que
26, 7. [adoulcier]° #r., calmer 130, 4.
GLOSSAIRE
716 adoulé° p., affligé 149, 9.
adrecier°, adrescier, adrechier (Ab) tr. dir., diriger 135, 37; + objet interne,
se diriger 35, 14; tr. ind., se diriger vers 20, 18; intr., redresser la situation 156, 18, 156n; réfl., se diriger 80n, 82, 6, 87, 3 et 22, 213, 13;
se mettre dans la bonne voie 51, 16. adresce” s. f., chemin tout droit 55, 2.
advenir voir avenir. aerdre°, aherdre tr., saisir, attraper 18, 11, 31, 20, 105, 14, 178, 6.
afaitiement®° (Ab) adv., avec politesse 226, 2. affaire, afaire (Ab) s. m., situation 1, 10, 222, 12; affaire 44, 3, 126, 3, etc.; relation charnelle 163, 11 ; sentiment amoureux 227, 22 ;atourner son
—, faire ses préparatifs de voyage 2, 1, 183, 24; avoir — partie prenante dans 111, 5.
de, être
[affaitier]°, [afaitier] (ënf. restitué d’après le p. affaitiee) réfl., se réconcilier
116, 6; p. (toujours f.), qui connaît les belles manières, bien élevée 40, ASS 15 72220724 [afferir]° impers., convenir 29, 13.
[affichier]° (ënf. restitué d'après le p. affichiés), [afikier] (Ab) (inf. restitué d’après le p. afikiés) réfl., se raidir sur ses étriers 32, 20, 78, 11; p., fermement appuyé, calé 93, 5, 93n.
affoibloier® intr., faiblir 133, 11. affoler”®, afoler (Ab) réfl., blesser 229, 7 ; se blesser 111, 11. affubler® #r., mettre sur les épaules (un manteau) 28, 14, 91, 22. afis° s. pl., moqueries 213, 11 ; bravades *208, 14.
afonder” intr., s’enfoncer dans l’eau 178, 4. [agaitier]° (inf. restitué d’après le p. agaitié) tr., épier pour surprendre 150,
3: agu° adj., — en, qui a un sens aigu de 114, 11. ahan° subst., tourment 178, 11.
aherdre voir aerdre. ahuege° adj., énorme 64, 12. aidier réfl., avoir l'usage de ses membres 136, 2.
aighe° s. f., eau 109n. ainçois, ainçoys, ançois (Ab) adv., mais, plutôt 32, 19, 60, 8, 72, 5, etc.; avant, auparavant 75, 24, 149, 11, 198, 3, 208, 12, 212, 19, 230, 8: prép., avant 148, 19 ;— que, loc. conj., avant que 11, 5, 26, 3, 32, 15,
GLOSSAIRE
717
etc.; — … que, plutôt que 13, 4-5, 56, 24-25, 57, 14, 61, 4, 73, 15-16, 96, 24, 103, 11-12, 107, 27, 117, 10-11, 165, 14-15, 221, 19; — que, même sens 121, 19-20. ains adv., + ne, ne. jamais 28, 10, 66, 6-7 et 19, 120, 5, 224, 16; — mais + ne, jamais. ne, aucunement... ne 67, 4-5, 72, 19. ainsi comme loc. conj. + ind., comme 29, 3.
ainsi que loc. conj. + ind., si bien que 206, 19. aïr°, aÿr s. m., violence 99, 10, 132, 9, 172, 12, 231, 15.
ais voir ays. aise ad)., aisé 90, 2. ajournee® subst., a l'—, au lever du jour 108, 1-2, 128, 6, 210, 1 ; au point de l’—, même sens 31, 1.
ajourner® impers., commencer à faire jour 67, 27, 184, 1, 185, 1 ; bon jour
vous soit huy ajournés, qu’une belle journée commence pour vous 49, 1-2. [alegier]°, [allegier] tr., soulager 168, 22, 188, 15. aler intr., disparaître 109, 8 ; en —, s’en aller 184, 17 ; avec aux. avoir, faire route 128, 20; subj. prés. 3, voist III.
aleure°, enleure s. f., grant —, à vive allure (13 occ.); as grans —s des chevaus, leurs chevaux lancés à toute allure 231, 17. [alever]° tr, élever en dignité, mettre en honneur 152, 49. alieuc°, aluec (Ab), aluecques (Ab) adv., maintenant 163n, 173, 24, 205n,
224, 5. aloe”° s. f., alouette 99, 21. ambedeux®, ambedeus (Ab), ambedui (Ab) adj. indéf., tous les deux 29, 5 (leçon restituée), 169, 6; pron. indéf., même sens 80, 8, 98n, 102n,
139n, 212, 21, 219, 17. ambler®, embler intr., aller l'amble 61, 21, 101, 8.
amender° #r., dédommager, donner réparation à 12, 26, 157, 9 ; avantager 104, 4: intr., faire mieux 99, 24; s'améliorer 152, 54; intr., rétablir la
situation II. amendise® subst., dédommagement 156, 15. amenuiser”® tr., diminuer 104, 17.
amer voir aymer.
ample° adj., de vastes dimensions 41, 3. amusier° #r., se gausser de 96, 19; p. amusé, mystifié 212, 18.
GLOSSAIRE
718 ancelle® s. f., servante *101, 34.
ançois voir ainçois. andeus (CR)° (4b), andui (CS) pron. indéf., tous les deux 142n, 143n,
161n, 219n, 229, 8, 231, 19. angoisse s. f., souffrance, douleur physique 67, 28, 121, 4; oppression physique 179, 6; tourment, douleur morale 39, 19, 47, 5 et 6, 53, 14,
103, 14, 109, 24, 164, 25, 214, 22. [angoissier]° tr, tourmenter 102, 11.
angoisseusement®, angoiseusement adv., douloureusement 164, 12; agressivement 93, 10. angoisseux® adj., oppressé par l'angoisse 12, 29, 60, 33; estre — de, êfre poussé par un désir inquiet à 60, 35. annuy voir ennuy.
anqui voir enqui. antain° (Ab) s. f., tante 224, 5.
anuieux° (Ab) adj., préjudiciable XV. anuit adv., cette nuit 25, 7, 89, 26, etc. ; — mais, ce soir 71, 8, 89, 9, 91, 13,
115, 23. aourer° tr., adorer 54, 5, 92, 7.
aourné° p., + de, paré de 2, 11. aparler”° tr., parlerà 166, 3.
apayer° tr., calmer 173, 27; p., satisfait 10, 10. apenser”, appenser, enpenser #r. + a, projeter de 61, 18; réfl., + que, décider que 2, 8; s’aviser que 99, 15.
apercevance” s. f., fait d’être aperçu, découvert 188, 5. [appaisier]° #r., calmer 90, 1, 130, 3; réfl., + a, se réconcilier avec 125, 17. apparaillier, appareiïllier, apareillier tr, préparer 15, 1, etc.; réfl., se préparer, s’armer 48, 21, etc. ;+ de, se préparer à 205, 17; p., prêt,
équipé 90, 6 et 10, 195, 5 ; — de + inf., prêt à, disposé à 75, 15, 219, 19, 229, 3. apparaillier® réfl., + a, se comparer à 78, 2, 95, 10, 134, 27.
appartenir” fr. ind., avoir un rapport avec 152, 27 ; impers., convenir à 7, 2-3. [appeller] (inf. restitué d’après le p. appellee, 84, 10) tr., + de, accuser de
170, 39. appercevans”, apierchevans (Ab) adÿ., intelligent 207, 1; + de, attentif à
165, 8, 165n.
GLOSSAIRE
719
appert° adÿj., accompli 210, 18, 220, 25 ; de belle prestance 129, 3: loc. adv., en appert, ouvertement 7, 12, 146, 15; tout en —, de façon manifeste 169, 7-8. appertement® adv., de façon manifeste 116, 3. appresté° p., + de, prêt à 219, 19. après adv., à sa suite 16, 7, 20, 1, etc. ; + pron. ou subst., à la suite de 11, 11,
etc. aqueurt voir acourre. araisonner* fr, adresser la parole à 27, 11-12, 50, 3, 115, 26, 130, 1, 142,
20. arbalestee®, arbalestree (Ab) s. f., portée d'arbalète 176, 6, 176n. arçonner° intr., se courber 98, 7.
ardoir #r., brûler 57, 9, 60, 37, 146, 5; ardant, brûlant 41, 19, etc. arguer° #r., presser 99, 12; réfl., + de, se hâter de 206, 19.
arochié° p., + de, frappé avec 191, 12 (forme corrigée d'après Ab). arrest° s. m., Sanz —, sur-le-champ 80, 8 ; sans nul —, même sens 182, 23. arriere, — main voir main.
art° subst., sortilège 67, 24. asavoir” fr., savoir 23, 10.
aspre° adj., fougueux 133, 8. assavourer” fr. ind., + a, être savoureux pour 47, 15.
assemblee s. f., tournoi 189, 7 et 9, etc. assener”, assenner #r., frapper 77, 10 et 13, 77*, 80, 20. assés, assez, asés (Ab) ady. incident au subst., beaucoup de, quantité de 33, 17, 131, 6, 140, 11 ; — de, même sens 205, 16.
asseurer° tr., garantir 118, 17 et 21, 121, 16. asteler° intr., voler en pièces 132, 6. atalenter”, atalanter #r. ind., plaire à 47, 14; impers., plaire 91, 12.
[atargier]° intr., attendre 130, 18. réfl. (Ab), même sens 130n. atouchier® tr, toucher 47, 10, 54, 5, 66, 7, 140, 9.
atour° s. m., décor 28, 5. atourner° #r., préparer 2, 1, 108, 1, 183, 24, 222, 6; habiller 108, 2; faire
voz playes —, faire soigner vos plaies 122, 9; réfl., s'habiller 48, 21; + de, se préparer à 162, 2; tel atournés, dans un tel état 2, 11. attaint p., + de, convaincu de 166, 23.
720
GLOSSAIRE
attendans p. prés. (CSS), estre — a, aspirer à 112, 12. attraire° réfl., se rendre (en un lieu) 205, 7.
aucques®, aucquez adv., quelque peu 14, 8, 58, 6. auïl° (Ab) adv., oui 230, 14. aulne® s. f., aune (mesure de longueur) 30, 2, 208, 15.
aüner° intr., rassembler 128, 18. auner”°, aulner, ausner tr., en découdre 206, 4 et 5, 208, 16; or est venus qui
aunera, voilà celui qui l’emportera sur tous (trad. G. Paris, Romania, xxxII, 1903, p. 442), 204, 22 et 23, 213, 12. aussi adv., autant 72, 20, 122, 17; ainsi 114, 9. autressi®, autresi adv., aussi 128, 22, 165, 9 ; de la même façon 7, 14, 191, 7, 200, 16, 202, 13, 230, 14; — bien, aussi bien 44, 14; (tout) — comme, de la même façon que 36, 4, 43, 20, 89, 2, 99, 21, 149, 7. autretel° adj., tout —, le même 212, 12. aval adv., en bas, vers le bas 31, 5, 120, 1, etc. ; prép., à travers 19, 7, 232,
17: avaler® tr., faire descendre, abaisser 41, 2, 84, 2; + juz, rabattre 99, 19;
intr., descendre 120, 6, 176, 4 ; réfl., + jus / juz ou aval, descendre 77, 6, 113, 25, 137, 18, 223, 17; laissier —, laisser tomber 82, 11, 82n. avec adv., en même temps 31, 30. avenant° adj., convenable 137, 19.
avenir, advenir #r. ind. ou intr., aller bien 129, 5 et 6; aller favorablement 134, 23; avoir belle allure *97, 12; + a, atteindre 159, 7.
aventure” s. f., ce qui est arrivé 17, 3; entreprise 38, 3, 90, 18; événement inhabituel 190, 9, 191, 13 et 16; hasard 116, 1, 221, 10; sort, chance
20, 4 ; événement heureux 5, 9 ; entreprise risquée 167, 8 ; péril 33, 17; épreuve 67, 26, 107, 14; aventure, épreuve liée à la terre de Logres et à laquelle mettra fin la quête du Graal 67,9, 14, 18, 19, 21 et 31, 68. 2, 84, 12, 85, 19, 133, 7, 187, 5 et 8, 196, 18; avoir bonne —, connaître
un sort favorable 56, 7-8, III; esquiever aucune —, éviter un danger 51, 13; par —, au hasard 35, 8; par hasard 67, 16; par malheur 230, 13; pour nulle —, pour aucune raison, à aucun prix 96, 15 ; mettre en —, risquer 141, 19; soy mettre en — de, prendre le risque de 111, 10. avilé° p., déshonoré 213, 20. avoir inf. subst, biens de valeur 222, 10.
avoy” interjection marquant la désapprobation, allons 141, 14. avoyement® subst., dire — de, fournir une indication au sujet de 2, 7.
GLOSSAIRE
oi
[avoyer] tr., mettre sur la voie 24,9.
aymer, amer #7, plus — qqch que qqch, préférer qqch plutôt qu'autre chose 170, 30 ; mieux — qqch que qqch, même sens 5, 4-5, 44, 11-12: mieulx — que, préférer que 118, 6, 151, 15-16, 168, 20, 182, 3-4; mieux — a
+inf., préférer 14, 2, 111, 11, 144, 16-17. aÿr voir air.
ays°, ais (Ab) s. pl., planchettes du bouclier 19, 13, 231, 12. B baer°, beer tr. ind., + a / en, aspirer ardemment à 102, 16, 209, 9 ; ne — fors
a +inf., n'aspirer à rien d'autre que 22, 6-7, 120, 16. baille° s. m., espace entre une forteresse et son enceinte fortifiée 40, 21, 82, 9, baïllie s. f., avoir en sa —, avoir en sa possession 155, 8-9, 227, 25-26. [baillier] (inf. restitué d’après l’ind. prés. 5 baïlliés 11, 10) tr, donner, confier 5, 6, 20, 24, etc. ; ne — estrier, ne pas utiliser l’étrier 224, 16-
17: baillir° #r., traiter 216, 2.
bargueingnier”® intr., faire des affaires 60, 28. baron s. m., mari 214, 7.
barre° s. f., traverse de bois ou de métal empêchant le passage 86, 4. bassement® adv., à voix basse 21, 8.
bastir® #r., — un gieu loc., préparer un tour 60, 42. bataille, baptaille (Ab) s. f., combat 12, 10, 13, 20, efc. ; avoir —, combattre 11, 5, II; faire —, même sens 125, 7-8; donner la —, accorder le
combat 218, 13; venir a — contre qqn, combattre qqn 16, 11; venir pour — contre qqn, même sens 226, 11-12; deppartir la —, voir deppartir; faillir de —, voir faillir, prendre —, voir prendre; emprendre —, voir emprendre. beer voir baer. behourdis° s. m., joute à la lance 9, 9.
bel adj., —l’en est, cela lui est agréable, la réjouit 20, 12 et 14; estre — a qan, le réjouir 156, 10; faire — + inf., être agréable de 17, 15-16; estre
—, même sens 148, 23-24. bellinc° adv., de —, en diagonale 18, 4, 210, 7.
berser®, bierser (Ab) intr., chasser à l'arc 125, 3 et 30, 125n.
722
GLOSSAIRE
besoing® s. m., nécessité 1, 7, 101, 7, 16 et 19, 121, 23; urgence 175, 8; estre —, être nécessaire 110, 2; avoir —, avoir besoin de secours 43, 11 ; pour nul —, en aucun cas 189, 11-12; pl., a tous —s, dans tous les cas de nécessité 189, 16.
besoingne®, besongne (Ab) s. f., mission 44, 6, 79, 12, 182, 19, 222, 4; affaire 119, 6, 136, 6, 222, 12. bethee”° adj. f., glaciale 109, 8. bielement° (Ab) adv., doucement 224, 3.
biere° s. f., civière 31, 9 (deux occ.) et 11.
bienviengnans° p. prés. substantivé, bienvenu 89, 6. bise° adj. f., de couleur grise 28, 3. blandir° tr, flatter, parler à qqn aimablement 219, 12, 220, 12. blasme s. m., jugement infamant 170, 40. boe° subst., boue, 27, 13, 191, 12. boire fr., — sa cote et sa chauceure, « boire » sa tunique et ses chaussures,
dépenser en boisson toute sa fortune 204, 3-4. bon, boin (Ab) adÿ., estre — a qqn, être agréable, plaire à 136, 24, 145, 3 et 11-12, 157, 4, 222, 9, 226, 19, être profitable à 123, 10.
bon° s. m., ce que l’on désire 140, 13, 143, 49; faire son —. faire ce que gqn désire 102, 7 ; assouvir son désir sexuel sur gqn 122, 22; avoir son —, même sens 166, 8-9.
bonté s. f., qualité 172, 3, 226, 21 ; prendre la —, accepter le service 89, 33; faire la —, rendre le service 89, 35. boucle® subst., bosse en fer au centre du bouclier 104, 16.
bouter® #r., pousser du coude 165, 8; — ens, avancer 45, 2; — arriere, repousser 192, 5 et 11 ; — ensus de, repousser loin de 152, 51.
branc° s. m., lame (de l'épée) 88, 5, 231, 21 (brans CRP). brandon° s. m., langue de feu 66, 10; tison 132, 7. brethesche®, bretheche, breteske (Ab) s. f., bretèche (tour de bois avec un
encorbellement servant de fortification ou de tribune pour assister à un spectacle) 76, 8 et 13, 76*, 77, 1 et 7, 77*, 205, 4, 212, 9 et 14. briés (Ab) adj. (CRP), a — parolles, en peu de mots 228, 9. [brisier] (inf. restitué d'après brisierent 80, 15) #r., briser 87, 25, etc., se briser 57, 20; intr., même sens 98, 7. [brochier]° tr. et intr., éperonner le cheval 87, 2, 213, 1, 231, 15.
bruellet® s. m., petit bois 193, 4.
GLOSSAIRE
723
bus° s. m. (CSP), grosses bouteilles *41, 6.
C
çaiens voir ceans. campaigne 5. f., champ de bataille 86, 7 (leçon restituée). cancheler voir chanceler.
caoite° (Ab) p. f., écroulée 230, 13 et 14. car (Ab) s.f., chair 231, 13. careter°® (Ab) tr., mener sur une charrette 95n. cassé”, quassé p., blessé, meurtri 133, 2, 164, 24. caus° (Ab) s. m. (CSS et CRP ; forme non marquée : caup), coups 231, 26,
232, 7. cavene”° subst., chanvre 203, 16.
caver® (Ab) intr., creuser 223, 15.
ceans, çaiens (Ab) adv., ici, en ce lieu 4, 10, 9, 5, 7, 20, 22 et 26, etc. certes, chiertes loc. adv., a —, véritablement 12, 17.
chaceour”, cacheour (Ab) s. m., cheval de chasse 71, 4, 175n. chacier, cachier (Ab) tr., chasser 71, 3, 71*, etc. ;faire avancer 23, 5, 175, 2; chercher à atteindre 198, 11, 221, 12 et 14; pourchasser 88, 28; repousser 37, 18. chaines°, chaynez s. pl., mellés de —, aux cheveux poivre et sel 58, 8, 59, 3.
chaitif”, caitif (Ab) adj., misérable 27, 10, 186, 20, 211n. chaitif, chetif, caitif (Ab) s. m., prisonnier 89, 2, etc. ; infortuné 204, 9, 211, 9, III. chaitive s. f., prisonnière 131, 8, etc.
chaitiveté®, chaitivetté s. f., captivité 69, 12, 133, 10, 186n (/eçon rejetée). chaitivoison®, chetivoison, caitivoison (Ab) s. f., captivité 183, 15, 216, 14,
IE. chalangier®, chalengier tr, réclamer, revendiquer 57, 3; réclamer par les armes 59, 14, 115, 7, 139, 13. chaloir impers., importer 21, 14, 55, 20, etc. (chaut, chault ind. prés., chaurra fur. I, chaïlle subj. prés.).
chambres® s. f. pl., pièces affectées à l'usage particulier d'une personne 10, 2, 13, 1, 15, 2, 40, 25, 191, 15. champ® s. m., champ de bataille 19, 7, 132, 14; terrain plat 35, 23; en plains —s, en terrain découvert 86, 5-6.
GLOSSAIRE
724 champion® s. m., combattant en champ clos 27, 14. chanceler®, cancheler (Ab) intr., vaciller 135, 11, 135n, 224, 2.
chapler” intr., porter de grands coups 173, 11. chargable’, carjable (Ab) adj., pénible 92, 15, 92n. chariere® adv., en arrière dans ce récit (contraction de cha en ariere) 149n.
Forme non recensée dans TL et Gdf (ni sous cette graphie ni sv. cariere). charneulz° adj. (CSS), nus homs —, aucun homme de chair (en chair et en os) 214, 10.
chartres. f., prison 66, 4. chastier® #r., faire des remontrances à 139, 1, 220, 7; corriger 61, 3. chaucee®, kauchie (Ab) s. f., chaussée 77*; maistre —, route principale 80,
13: chauceure° s. f., ce qui chausse les pieds 204, 4, voir boire.
chault° adj. m., ardent 162, 8; chaude f., 41, 9; voir chaloir. chayenne® s. f., chaîne 109, 23.
chaynez voir chaines. cheler° #r., tenir caché 152, 50 (choille ind. prés. 3), 221, 4. chemin s. m., s’en aler son —-, poursuivre sa route T1, 15-16; chevauchier son —, poursuivre sa route à cheval 70, 2; acqueillir son —., voir
acqueillir. cheminer fr., — ceste voie, suivre ce chemin 51, 21.
chetivoison voir chaitivoison. chevalerie (14 occ.), chevalierie (1 occ., 94, 13) s. f., prouesse 11, 4, etc.; l’ensemble des chevaliers 147, 4, etc. chevestre® s. m., licou (d’un cheval) 190, 17. chief, kief (Ab) s. m., tête, 1,9, 45, 18, 52, 24, etc. ; bout, extrémité 41, 8, 76, 13, 150, 1 et 18;terme 218, 12, 219, 16 et 25 ; par mon —, sur ma tête
(formule de serment) 29, 17, 35, 22, 166, 21 ; venir a — de, venir à bout de, achever 48, 16, 67, 3, 147, 13; debatre son —, voir debatre; jurer
son —, voir jurer.
chier adj., avoir — qqn, préférer qqn 102, 4. chiere® s. f., visage 134, 14; expression du visage 70, 10, 91, 9, 126, 17, 219, 3; faire — morte, avoir l'air d’un mort, 172, 9-10.
chiertes voir certes. choille voir cheler.
GLOSSAIRE
725
choisir® tr, apercevoir 36, 5, 71, 2, 168, 2 et 3. chose, cose (4b) s. f,, objet, chose 24, 1, 27, 13, etc.: affaire 5, 17, 9, 26, etc. ; entreprise, mission 48, 16, 75, 1, 79, 14; créature 59, 5, 134, 11;
pour asés petit de —, pour bien peu de chose 228, 15; (ne ja ne plaise a Damedieu) que ce soit — ou monde que, (que Dieu ne permette Jamais) qu’il advienne que 170, 24; s’il avenoit — que, s’il arrivait que 177, 12-13; s’il est — nulle pour quoy, s’il y a quoi que ce soit qui 13,9; (verbe nié) pour — que + subj., pour quoi ce soit que 60, 15, 127, 16; — lige, voir lige.
cimentiere voir cymentiere. clamer tr., déclarer 34, 6, etc cliner° intr., glisser vers le bas 150, 19.
coiement° (Ab) adv., discrètement 142n. coiffe s. f., capuchon de mailles 45, 11, 87, 27, etc. cointe° adj., valeureux 213, 14.
[coitier]° réfl., se serrer de près 98, 21. coler° s. m., cou 99, 18. commander tr., recommander 32, 2, 90, 19, etc. ; confier 168, 17; réfl., + a, se mettre au service de 47, 16. comme ad. excl., quel 95, 5 ; combien 143, 2; adv. inter., comment 143, 30.
comment adv. excl., comme 147, 5 ; — que, loc. conj., quoi que 34, 9. commun® s. m., le — des gens, l'assemblée des gens 143, 34-35.
compaingnie s. f., troupe 31, 11. comparer” tr, payer 29, 16, 35, 25, 146, 7, 168, 15, 169, 8.
complie° subst., dernier office de la journée 71, 1. compte, conte (Ab) s. m., récit 54, 16, etc. ; tenir — de qqch, raconter qqch 72, 14, 72%, concorde” s. f, entente 89, 19; réconciliation 31, 32.
conduire tr., assurer la protection de 49, 7 et 19, etc. ; escorter 185, 7. conduit s. m., protection 5, 13, etc.; prendre en (son) —, prendre sous sa
protection 18, 15-16, 122, 30; avoir —, être sous la protection (d'un chevalier) 49, 14.
conffondre®, confondre tr., abattre, anéantir 88, 29, 117, 2, 142, 8. confforter°, conforter (Ab) réfl., se réconforter 153, 8, 231, 1 ; se ressaisir, se remettre 182, 6, 188, 5; se réjouir 54, 21.
GLOSSAIRE
726
congié, congiet (Ab) s. m., autorisation, permission 6, 2, 33, 9, etc.; demander / querre —, demander l'autorisation de partir 12, 24, 174,
3: donner —, donner l'autorisation de partir 70, 11, 70*; prendre —, faire ses adieux 32, 1, 76, 5, etc. ; prendre — + de, demander l'autorisation de 144, 2 ; donner — de, chasser de 122, 34.
congnoissans° adj., estre — de, être reconnu de 171, 16. congnoistre tr, faire connaître, avouer 3,9, 4, 2 et 4, etc. ; — le voir, révéler la vérité 53, 12-13; reconnaître 55, 8, 111, 23, etc. ; + que, savoir *9, 17; conneu p., renommé 183, 2.
[congoïr]° tr, faire bon accueil (congot ind. prés. 3) 228, 1. conjurer° tr., prier avec insistance 52, 15, 19, 20 et 21.
conraer°, conroyer fr, arranger à sa façon, mettre dans un mauvais état 19, 20, 99, 17; étriller (les chevaux) 91, 17; conraé p., dans un mauvais
état 2, 20, 14, 6. conseil s. m., croire —, écouter un conseil 110, 1. consentir” #r, accorder 122, 20; approuver 138, 19.
contenance® s. f., par —, pour se donner un maintien 58, 9. contendre” tr., contester 170, 1. contenir® réfl., se comporter 134, 24, 135, 2, 179, 27, 190, 1. contraire® adj., opposé 115, 1.
contre prép., en vue de, pour provoquer *104, 7. contredire” fr., interdire 35, 16, 36, 8 et 13, 83, 7; contester 117, 15, 170, 33; tr. ind., + a, protester contre 123, 17.
contredit° (Ab) s. m., opposition 123n. contremont® adv., vers le haut 45, 2, 111, 13, 134, 11.
contrester® intr., résister (dans un combat) 115, 10. contretenir”® tr, retenir 122, 37; défendre 178, 18. contreval® adv., vers le bas 98, 11 ; prép., le long de 191, 11, 194, 8. convoyer voir cCouvoyer. cordiele° (Ab) s. f., cordelette 222, 14 et 19. corgiee”, corgie s. f., fouet à lanières de cuir 101, 5, 175, 2.
corps, cors (Ab) s. m., substitut du pron. pers. 10, 11, 59, 22, 60, 7, 101, 14, 118, 25 et 26, 122, 26, 169, 15, 170, 27, 173, 16, 217, 14, 226, 8, III; équivalent du pron. pers. réfl. 90, 8, 104, 10, 108, 2, 169, 21, 203, 14, 221, 22 ; personne 101, 14; par son seul —, par mon — seul, tout seul,
sans aucune aide 64, 14-15, 90, 17; par ton / son —, par ta | sa seule personne, tout seul 147, 12, 183, 13, 193, 16; le sien — demaine, /ui-
GLOSSAIRE
,
727
même en personne 143, 35 ; n’avoir pooir de son —, ne pas disposer de
sa personne, être prisonnier 226, 6; si ne vist oncques — d’omme, aucun homme (= personne) ne vit jamais 177, 4 ; le — Nostre Seigneur, l’hostie 66, 15 ; — saint, relique 162, 11; — a —, en combat singulier 36, 26, 37, 19, etc. ; en pur le —, voir pur. corsu® adj., bien bâti 33, 2. coste° prép., à côté de 31, 13, 111, 22, 113, 26. couchier tr., faire coucher 166, 26. couleïsse® adj. f., à coulisses, qui glisse dans des rainures 83, 17. couler” intr., glisser 98, 16; coulans p. prés., à coulisses 85, 24. coulpe® subst., n’avoir —, ne pas avoir commis de faute 169, 23.
courage”, corage (Ab) s. m., intentions, sentiments 122, 24, 122n, 200, 23;
for intérieur 133, 18. courant” adj., rapide 97, 7, 172, 5, 206, 14; laz —, nœud coulant 150, 2.
courge” s.f., bâton (recourbé?) 23, 6; voir TL 2, 825.
couronne s.f., royaume 105, 5. couroucier”, courroucier tr, faire souffrir 148, 2; intr., se mettre en colère 156, 17; réfl., + a, être en colère contre 119, 10; p., affligé 1, 8, 6, 2, 182, 17, 183, 26, 188, 1, 200, 8 et 9; en colère, irrité 14, 3, 128, 11, 141, 10, 142, 5, 157, 20 ;endommagé 57, 22. couroux s. m., colère 142, 3, etc.; avoir son —, mériter la colère de qqn
142, 3. courre intr., li afaires ot courut, la situation a suivi son cours 225, 9.
cours° s. m., galop 172, 6; le grant —, rapidement 204, 10. cousin s. m., proche parent 80, 12 (il s’agit, au pluriel, de deux chevaliers qui gardent l'une des entrées du royaume de Gorre). coute”, coutte s. m., coude 45, 8, 132, 2. couvenance, couvenanche (Ab) s. f., promesse 42, 11 et 12, etc.; accord 139, 5, etc.; pl., accord passé entre deux personnes 11, 12, 217, 11,
219, 14 et 19. couvenant, couvenans (pl.) s. m., engagement solennel 74, 8, etc. ; tenir —, tenir parole 23, 14, etc. ; avoir — a, avoir promis à 216, 9; rendre son —, respecter un accord passé avec qqn 45, 14-15; pl., clauses d’un accord 96, 10; loc. conj., par — que, à condition que 139, 2-3 ; pour —
que, en échange de l'engagement que 155, 9. couvenir impers., falloir, être nécessaire 15, 7, etc. (l’objet est construit
indirectement sauf 88, 34 et 192, 9 où il est construit directement) ; + a, convenir à 122, 28.
728
GLOSSAIRE
couvent s. m., promesse 42, 15, 48, 7, etc. ; accord, contrat 96,9, 98, 14; il
m’ot en — que, il me promit que 143, 51. couvertement® adv., discrètement 18, 4, 142, 15, 166, 3. couvertouer® s. m., couverture 30, 3 et 8, 47, 3.
couverture® s. f., quelque chose qui cache, couverture 160, 8; pl., harnachement du chevalier (sa cotte et le caparaçon de son cheval) 214, 15. couvine° s. m., situation 158, 5. couvoitier tr., désirer 51, 9, 75, 10, etc. [couvoyer]°, [convoyer] tr, accompagner, escorter 16, 9, 68, 4, 142, 10,
185, 6 et 7. couvrir" tr., recouvrir 64, 11 ;réfl., dissimuler ses sentiments 7, 12, 142, 15;
inf. subst., dissimulation 169, 5; couvert p., caché, dissimulé, 5, 8; recouvert 41, 4 et 5, 203, 15; chevaulx couvers de fers, chevaux
caparaçonnés de fer 16, 16, 129, 3; fourbe 179, 23; queuvrent ind. prés. 6, 37, 19. [craindre] tr, craindre, redouter (de) ; ind. prés. : craing 200, 19, craint 39, 2, 51, 14, craignent 133, 12; ind. impft: cremoit 142, 14, 178, 15; fur. IT: craindroye 115, 24, cremdroie 96, 23 ; subj. impft :cremisse 200, 18. creance” s. f.,foi 66, 14, 111, 6. creant° s. m., promesse 4, 1, 15, 15 (voir reppentir) ; volonté 18, 17.
creanter”° #r., promettre 3, 10, etc. ; — a + inf., consentir à 40, 21.
cremance® s. f., pour ta —, par peur de toi 220, 22. cremdroie, cremisse, cremoit :voir craindre. crespé° adj., bouclé 129, 14. crever” tr., éclater 1, 16, 137, 15 ; mourir III; entailler 162, 6; estoient ses
playes crevees, ses plaies s'étaient rouvertes 165, 11; réfl., se creva mon nez, un vaisseau s’est rompu dans mon nez 166, 20.
crier tr., annoncer publiquement (un tournoi) 198, 19. cruel, crueulz (CRP) (m.); cruelle, crueuse (f.) adj., cruel 147, 12, 148, 9, etc. cuer s. m., mauvais —,
ressentiment 142, 5, 143, 26; lâcheté 209, 20;
humeur 141, 17 ; estre de povre —, manquer de courage 148, 22 ; avoir — failli, être lâche 44, 4. cuidier, quidier #r., croire, imaginer, penser 18, 6, 22, 6, 48, 4, etc. cuiviers° (Ab) adj. (CSS ; forme non marquée : cuivert), perfide 179n. cymentiere”, cimentiere s. m. (Ac) ou f. (Ab, 70*), cimetière 63, 7 et 9, 66, 21092:
GLOSSAIRE
729 D
damage voir dommage. dampné® p., réprouvé *197, 25. dant°, dans 5. m., —
chevalier, seigneur chevalier (terme d'adresse
employé dans un contexte hostile) 83, 6, 104, 2. de prép., en ce qui concerne 9, 8 et 15, 39, 3; au moyen de, avec 231, 12. debatre° tr., battre 99, 13; réfl., + de, résister à 69, 20; — son chief, Loc., litt., se casser la tête: se donner du mal 130, 7.
debonnaire° adj., affable 212, 12. debonnaireté°, debonnairetté s. f., noblesse d'âme 39, 15, 143, 39. deça® adv., de ce côté-ci 76, 13, 86, 21.
decevoir tr., tromper, trahir 51, 15; deceu, decheut (Ab) p., trompé, trahi 158, 7, 187, 18, 230, 18.
decoste® adv., à côté 51, 3; prép., à côté de 31, 7, 35, 11, 115, 4, 159, 18; par —, même sens 31, 5. decouragé”® p., estre — de, ne plus avoir envie de 190, 5. decy”, desi, desy, desci (Ab) prép., — a, jusqu'à 30, 13, 41, 1, 48, 19, 57,
17, 67, 28, 76, 2, 76*, 80, 21, 104, 16, 123, 10, 159, 8, 176, 7, 208, 4; — atant que loc. conj., jusqu'à ce que 78, 13, 214, 7, 221, 5. dedens prép., dans, à l’intérieur de 72, T7, 101, 11, 115, 12, 135, 35; — le terme, avant la date fixée 218, 18; entrer — la porte, entrer dans un
bâtiment (suffisamment important pour que l’on puisse y pénéter à cheval) 28, 3. deduire°, desduire réfl., se divertir 42, 9, 58, 2, 213, 17. deduit° s. m., joie, plaisir 163, 4 et 15; divertissement 213, 18.
deffaillir®, defaillir (Ab) tr. ind., faire défaut à 143n, 201n; intr., + de, manquer de 132, 15.
deffens° s. m., de m’amour est il en —, mon amour lui est interdit 55, 12. deffense s. f, moyens de défense 46, 6; 99, 14, 134, 16, 135, 38; mettre —, opposer une défense 170, 11. [defroissier]° #r., meurtrir 162, 6. degouter° intr., couler 45, 12, 162, 7.
dehait° s. m., — ait il, malheur à lui 15, 17; — ait qui malheur à celui qui
26, 3-4, 36, 11-12. dehaitié voir deshaiïtié.
dejouste® adv., à côté 210, 8.
730
GLOSSAIRE
dela° adv., de l’autre côté 34, 3, 76, 13, 77, 2, 134, 29. delaiier® intr., tarder 230, 3; réfl., tarder, faire attendre 138, 2, — s’attarder à 42, 19.
a,
deléz prép., à côté de 28, 16, etc. delictable® adj., plaisant 134, 30. [delictier]° réfl., prendre du plaisir à 51, 11, 54, 21, 55, 14. delit° s. m., agrément 29, 4; avoir tout son —
de qqn, prendre tout son
plaisir avec gqn 171, 11. delivre° adj. libre 62, 2, 144, 12, 159, 11, 161, 16. delivrement® adv., librement (entièrement libre) 178, 7 ;facilement 104, 20, 119, 7. delivrer (Ab) tr., donner 224, 15.
demaine adj., corps —, voir corps. demener tr., frapper 99, 13; traiter 143, 36, 230, 19; manifester 144, 14, 163, 3, etc. ; réfl., s’agiter 126, 16; [...] demenoient leurs enfances, (is) s'amusaient 58, 4-5. dementer° réfl., se plaindre 142, 6, 153, 1.
demonstrance® s. f., démonstration 171, 16.
demourance” s. f., attente 101, 22, 132, 1. demouree® s. f., retard 187, 7, 230, 4; attente 198, 18. demourer, demeurer intr., rester 42, 14, etc.; arrêter 59, 1, etc.; réfl., s'arrêter 19, 14; impers., tarder 92, 3, etc.
deppartir, departir (Ab) tr., se séparer 88, 34; disperser 20, 11; intr., s'en aller 227, 14; se séparer 200, 15, 201, 6, 214, 11 ; réfl., se séparer 45, 15, etc. ; — la bataille, interrompre le combat 173, 6; inf. subst., au —,
au moment du départ | de la séparation 108, 3-4, etc. depporter” intr., se divertir 107, 3; réfl., + a, trouver du plaisir à, s'amuser
à 123, 6, 148, 23. depputaire® adj., de mauvaise espèce 152, 2. des lors en avant loc. adv., dorénavant 197, 24.
desabité° (Ab) p., qui n'est plus habité IV. desaffublé® p., sans manteau 101, 4, 204, 5 (forme corrigée). [desbrisier]°, [debrisier] (Ab) réfl., se fracasser 83, 14, 83n. desçaindre® tr., détacher 150, 1.
descendre intr., descendre de cheval 28, 13, 37, 17, etc. deschaulz°, deschaux adj., sans chaussures 1, 13, 204, 4.
GLOSSAIRE
734
descloer” intr., se disjoindre 19, 13. desconfforter®, desconforter tr., accabler 109, 18, 183, 10.
desconfire #r., vaincre, 88, 32 et 33, etc. ; venir à bout de 162, 2: réfl., être mis en déroute 88, 6. desconfiture®, mener a — et a destruccion, conduire à la défaite et à la mort
88, 29-30. desconseillié®, desconseillee p., désemparé(e) 43, 11, 186, 16. desconseillié”, desconseillée subst., personne en difficulté 196, 4 et 5. desconvenue® subst., inconvenance 169, 11.
[descouroyer]° tr., à rapprocher sans doute de conroyer (voir à ce mot) et de desconroier (Gdf 2, 564a), mettre en déroute 208, 6.
desduire voir deduire. desevré® p., libéré 224, 1. deshaitement® s. m., affliction 150, 4. deshaïitié”, dehaïitié p., affligé 150, 4, 200, 6.
desheritement®, desiretement (Ab) s. m., spoliation d'héritage 85, 1, 85*.
desi voir decy. desiervir voir desservir. deslier tr., délivrer 39, 14.
desloyee® p. f., les cheveux libres (non maintenus par une coiffe) 101, 5. desour° prép., sur 232, 6; en direction de 194, 9. [despecier]° (ënf. restitué d’après le p. despeciés) tr., détruire, mettre en pièces 98, 10, 104, 15, 145, 7; p., en lambeaux 190, 14. despire° tr., mépriser 118, 13, 166, 25.
despit s. m., mépris 29, 10, etc. ; pour le — au chevalier, pour marquer leur mépris à l'égard du chevalier 59, 18. desprisonner° #r., libérer 144, 3; p. subst., personnes délivrées 189, 6.
[desrainsnier]° (inf. restitué d'après le p. desrainsnie) tr., défendre par les armes 46, 12.
desreé° adj., emporté 93, 10. desrompre”° tr., briser 54, 2, 132, 12. desroy° s. m., impétuosité 173, 4. dessertine® s. f., terre déserte 186, 20. desservir®, desiervir (Ab) tr., mériter 29, 8, 136, 21, 136n, 219, 11, 228, 19. desseure° adv., dessus 160, 26; estre au — de, vaincre 137, 25-26.
732
GLOSSAIRE
dessoubz, dessouz adv., mettre au —, vaincre 21, 3, etc. ; estre au —, être
incapable 101, 23-24; + de, être inférieur à 137, 25. dessus, desus (Ab) adv., estre au — de, vaincre 137, 21, 171, 18; venir au —, même sens 225, 7-8.
destourber° fr, empêcher 60, 32 et 34.
destourner° tr, détourner 53, 16; empêcher 69, 20, 125, 10; réfl., se cacher 219, 21. [destourser]° tr., décharger 92, 5. destraindre® tr., oppresser 35, 3; étreindre 150, 9; retenir prisonnier 145, 18. destre adj., droit, du côté droit 2, 18, etc. ; a —, même sens 25, 3, 131,6;en —, même sens 16, 16; sur —, vers la droite 23, 3.
destrois° s. m. pl., passages resserrés et d'accès difficile 80, 6, 87, 20, 125, 26, 185, 10; destroit s. m., prison 152, 8. destroit° adj., affligé 164, 12. destruccion® s. f., [craindre] sa — et sa mort, redouter sa mort (les mots destruccion et mort ont ici un sens équivalent) 200, 18-19; mener a desconfiture et a —, voir desconfiture. destruire tr., détruire 81, 14, etc. ; tuer 170, 38, 200, 21.
destruisierres® s. m. (CSS), destructeur 147, 11.
desus voir dessus.
desvelopper° réff., ôter son voile 17, 9 et 10. desverie”® s. f., folie 220, 18.
desy voir decy. [detaillier]° (Ab) tr., tailler en pièces 231, 22. detenir #r., garder, retenir 31, 20, 73, 10, etc. ; réfl., + de, se retenir de 136,
23 et 28. detraire° tr., — a chevaulz, écarteler 126, 5-6.
[detrenchier]° r., mettre en pièces 20, 10 et 26. devant adv., avant, auparavant 2, 12, 7, 8, etc. ; prép., devant 9, 4, etc. ; se
mettre au — a qqn, se placer devant qqn 80, 26-27. deveer° tr., refuser 102, 9 et 16. devise”, loc. a —, autant qu'on peut le souhaiter 89, 30, 116, 19-20, 117, 2, 121, 17, 127, 13-14. deviseour” subst., personne qui décide, arbitre 143, 37. deviser tr, souhaiter, demander 29, 4, 42, 6, etc.; décrire 210, 5 et 22; décider 216, 26 et 26; de bouche —, demander de vive voix 199, 2-3; devisié p., 201, 17.
GLOSSAIRE
733
disme® (Ab) s. f., dixième partie 233, 1. divers° adj., différent 109, 9, 183, 22; étrange 152, 35. dois° s. m., table 41, 6.
dommage, damage (Ab) s. m., préjudice 5, 10, 116, 8; malheur 9, 22, etc.
dont, donc adv., alors 4,7, 60, 13, 137, 6, etc. ; ainsi 85, 3; + ne, particule interro-négative, est-ce que ne pas ? 31, 23, 59, 8, 61, 14, 69, 16, 70, 6,
117, 5, 125, 26, 152, 2-3, 173, 21, 187, 12, 230, 10-11 et 14; tres — que, voir tres. doublier® s. m., nappe dont le tissu est replié, et donc double 41, 6. doubte® s. m., avoir — de, redouter 138, 15. doubtence® subst., estre en — de, s'inquiéter pour 122, 13.
doubter tr., redouter 21, 1, etc. ; + de, même sens 118, 15; douter de 115, 22 ; oncques rien doubtés, n’en doutez pas 149, 4; réfl., + que, redouter que 161, 23. doulcement® adv., aimablement 79, 9, 182, 11 ; discrètement 114, 8 ; piteusement 99, 24.
douloir° réfl., souffrir 169, 19 (doulés ind. prés. 5); + de, souffrir de, se ressentir de 96, 22, 106, 10 (douloye ind. impft 1), 123, 3 (dueil ind.
prés. 1). doulour s. f., a grant —, par grand malheur 145, 27. [drescier], [drecier] (inf. restitué d'après le p. dreciés) réfl., se diriger 80,6;
dreciés en piéz, voir piéz. droictement® adv., directement 4, 11, 188, 3; tout —, même sens 93, 7. droicture” s. f., droit 167, 7; ce qui revient de droit 57, 6, 163, 14.
droit adj., véritable 164, 2 ;fém., droite (3 occ.), droicte (3 occ.), droitte (7 occ.).
droit s. m., avoir —, se justifier 10, 9; avoir raison 152, 5 et 18, 157, 16, 168, 28, 171, 5 ; tenir a — de, rendre justice à propos de 166, 31 ; estre —, être légitime 29, 14-15, 56, 9, 144, 10, 152, 6, 169, 8; a (bon) —, à
(très) juste titre 31, 22, 169, 12, 219, 28.
droiturier® (Ab) adj., juste III. dueil, duel (Ab) s. m., chagrin, affliction 2, 19, etc. ; manifestation de chagrin 140, 11 ; avoir / faire grant —, être très affligé 13, 3, etc. ; mener grant —, éprouver une grande affliction 8, 4; demener grant —, même sens 163, 3, etc. ; mener son —, manifester son chagrin 188, 2 et 6. duree® s. f., résistance 130, 21 ; avoir —, résister 38, 6.
GLOSSAIRE
734
durement adv., intensément, fortement 3, 9, etc.; vigoureusement 19, 14
etc. durer” fr. ind., durer 91, 3, 160, 4; résister 20, 4; intr., vivre 18,6; s'étendre 95, 9; — en vie, rester en vie III.
dusques voir jusques. dyapre° subst., luxueuse étoffe de soie brodée d’or 47, 3.
E effondre® (Ab) intr., s'enfoncer dans l’eau 178n. efforcieement® adv., avec une grande puissance 219, 5. [efforcier]° (inf. restitué d’après l’adv. efforcieement) tr., violer 49, 13; réfl., rassembler ses forces 43, 10; — comment, faire des efforts afin
de 135, 8. effort° s. m., attaque impétueuse 88, 24, 26 et 26; exploit 69, 17. elme voir heaume. embatre° #r., frapper 36, 1 ; abattre 99, 11 ; réfl., se précipiter 81, 13; + sur, fondre sur 121, 7, 128, 25. emblee® (Ab), subst., a —s, en cachette 214n.
embler voir ambler. embleure° subst., grant —, à l’amble et à vive allure 101, 4.
[embracier]° (inf. restitué d'après le p. embracié) tr, passer au bras (les courroies de l’écu) 97, 13, 132, 3, 212, 20. embuchier®, embuschier réfl., se cacher dans un bois 17, 4; p., caché 18, 3.
emmi voir enmy.
empaindre”, enpaindre #r., heurter (avec la lance dans une joute) 19, 13,20, 8, 80, 17, 87, 7. empirier” tr., porter préjudice à 50, 9, *135, 22; blesser 104, 12, 162, 5; intr., s’affaiblir 3, 7 et 9; p. empirié, blessé, meurtri 125, 6. employer* tr., diriger 19, 12 ; utiliser 127, 4, 141, 22.
emprendre, enprendre, emprandre #r., entreprendre 22, 5, 38, 3, 75, 5, 75*, etc. ; — bataille, prévoir un combat 173, 22, 217, 5 et 6.
empres chou que° (Ab), enpres chou que loc. conj., après que IX, IV. emprunté° p., d'emprunt, faux 97, 9. enaprés° adv., après 28, 8, 85, 10, 170, 3, 201, 2, 209, 11.
enarmes” s. f. pl., courroie permettant de tenir l'écu pendant le combat 97,
13; 132,3, 212, 17.
GLOSSAIRE
735
enbarer° (Ab) tr., enfoncer 232, 6.
[enbronchier]° réfl., baisser la tête 141, 10. enceindre tr., entourer 60, 19. [enchacier]° (inf. restitué d'après chacier), [enchauchier], [encaucier] (Ab) tr., harceler 99, 12, 134, 15, 134n.
enchantement, encantemens (Ab), — ne puet / povoit tenir qqn ou qach, aucun sortilège ne peut | pouvait avoir de prise sur gqch ou gqn *67, 25, 84, 4, 84n. encharretter® #r., mettre dans une charrette *103, 16; p. employé comme adj., qui a été mis dans une charrette 31, 27 et 31, 96, 3 et 17.
enchartré® s. m., prisonnier 186, 20. encliner° fr., saluer en s’inclinant 114, 7, 183, 1. encombré® p., + de, chargé de 41, 15.
encombreuse® adj. f., difficile à traverser 109, 5. encombrier” s. m., difficulté 33, 7, 56, 21, 89, 5, 106, 14; gêne 213, 2. encontre adv., contre, à l'encontre 45, 19, 195, 2 ; en retour 161, 3; prép., à la rencontre de, vers 19, 9, 27, 9, 31, 6, 55, 9, etc. ; contre, envers 55,
16, 61, 8, etc. encontrer #r., rencontrer 17, 4, etc.
encorenuit® adv., dès cette nuit 159, 3.
endementiers que° loc. conj., pendant que 9, 1, 68, 5. endurer”° #r., supporter 208, 23; inf. subst., résistance 230, 20. enfances voir demener. [enfichier]° (inf. restitué d’après le p. enfichie) tr, enfoncer 109, 15. engignier® #r., tromper, abuser 60, 30, 105, 4, 179, 23.
engin”, engien (Ab) s. m., habileté 75, 3, 75*; ruse 180, 13. engrés°, engriés (Ab) adj., acharné 104n; + de, désireux de 125, 8, 125n. [engressier]° réfl., + de, s’empresser de 140, 8.
enlaidir° #r., déshonorer 96, 24. enleure voir aleure.
enlever fr, — des sains voir sains. enmy, emmi (Ab), enmi (Ab) prép., au milieu de, dans 12, 12, 19, 7, etc; —
leurs yeux, devant eux 63, 4; — sa veue, sous ses yeux 84, 7.
enne particule interro-négative, est-ce que. ne. pas 161, 11. ennuy, annuy s. m., désagrément 56, 16, 75, 19, 116, 8 et 10, etc.; sujet désagréable
161, 4; contrariété
99, 25, 214, 21; par —,
avec
GLOSSAIRE
736
agacement 70, 6; faire — a, faire du tort à, 49, 21, 85, 4-5, 125, 16; parler contre son — parler pour provoquer son propre malheur *104, de ennuyeux° adj., malcommode 17, 13. enpaindre voir empaindre.
enpenser voir apenser. enprendre voir emprendre. enpres voir empres. enquerre tr., interroger 27, 2; rechercher 2, 5; demander 29, 13, 72, 17, etc. ; + de, s'informer au sujet de 2, 3, 86, 17.
enqui°, anqui adv., maintenant 16, 4, 212, 18. enroullié° p., rouillé 178, 10. ens, enz adv., à l’intérieur 27, 7, etc. ; prép., dans 222, 17; — ou, dans le /
la 222, 21 ; au 231, 6.
enseingne° s. f, renseignement 2, 6, 14, 6; preuve 165, 12 166, 15; dire —, donner des renseignements 1, 2.
[enseingnier] (inf. restitué d'après le p. enseingniee 92, 4, mais ind. prés. 5 : enseingnéz 34, 2), [enseignier] (Ab) (inf. restitué d’après le p. enseigniés 226, 20) tr., indiquer 23, 12, etc. ; — a + inf., expliquer comment 4, 5; p., instruit, éduqué 92, 4, 226, 20.
enseler° tr., seller 16, 1, 49, 23, 193, 8. ensemble prép., avec 107, 22, 174, 7; — o, même sens 49, 6 et 20, etc. ensement adv., également 73, 8, etc. ; pareillement 222, 11. enserrer” #r., enfermer 83, 18. ensi° adv., graphie pour ainsi 93, 1, 222, 18, 231, 1, 233, 7.
ensom”, enson loc. prép., au sommet de 82, 6; par-dessus 178, 2. ensonne° (Ab) s. m., empêchement III. ensus° adv., à l’écart 35, 19, 231, 9, 232, 16; — de, loc. prép., loin de 138,
10, 152, 51. entan° loc. ady., il y a un an 196, 25.
entendre intr., diriger ses pensées 47, 23 ; + à, prêter attention à 70, 4. entente s. f., mettre s’—, placer ses pensées, son cœur 47, 24; mettre leurs —$s, même sens 214, 8-9. ententif” adj., + en, appliqué à 131, 9 ; attentifà,149, 9. entour adv., autour 114, 6, 128, 2, etc. ; prép., autour de 36, 5, etc.: aux environs de 35, 12, 176, 6.
GLOSSAIRE
737
entourner® (Ab) tr., enrouler 222, 17. entracointier® réfl., avoir des relations les uns avec les autres 197, 6. entre prép., entre 14, 16, etc.;au milieu de 74, 13, 81, 9, 170, 1, 186, 17, 212, 17; — monseigneur Gauvain et la royne, monseigneur Gauvain et la reine 14, 16-17 (4 constructions de ce type dans Ac ;également XV). entrecommander”® réfl., + a, se recommander à 39, 20. entrecourre® réfl., + sus, se lancer à l'attaque l’un vers l’autre 98, 20, 231,
21 (entrekeurent ind. prés.).
entredonner”® réfl., — grans coups, s’asséner mutuellement de grands coups 98, 6 et 12, 195, 2 ; se frapper mutuellement 98, 10.
entreferir® réfl., se frapper mutuellement 19, 10, 195, 11, 212, 21 ; — grans coups, se donner l’un à l’autre de grands coups 22, 9-10, 132, 18. entrehaïr° réfl., se haïr mutuellement 98, 19, 132, 19. entremettre® réfl., + de, s'occuper de 208, 20.
entrencontrer”, entrecontrer (Ab) réfl., se rencontrer (à cheval, lors d’un
combat) 132, 8, 195, 17, 195n, 231, 18. entrepris p., — de, saisi de 220, 3. entretant° adv., pendant ce temps 59, 15, 153, 5, 156, 1 ; — que, loc. conj.,
tandis que 101, 1 ; — comme, même sens 59, 1. entrevenir® réfl., aller l'un à la rencontre de l’autre 37, 12, 132, 4 et 17.
entrevoies® adv., entre temps 5, 16. envers° adj., étendu sur le dos 47, 10, 77, 11.
envers prép., en comparaison de 163, 6. enverser tr., renverser 43, 2. envis° loc. adv., a —, difficilement 173, 29;à contrecœur 164, 13. envoisié® adj., gai 67, 16, 75, 32. enz voir ens. erraument® adv., aussitôt 106, 2, 111, 1. errer°, esrer, esrrer intr., chevaucher, cheminer 6, 5, 48, 21, 79, 3 et 14, 202, 4,
esbahi°, esbaÿ adj., désemparé, décontenancé 1, 4, 22, 13, 182, 15, 193, 21,
208, 14; impressionné 192, 19. escachier® s. m., infirme 135, 37. escaitivet° (Ab) (CSP), eschaitivés (Ac, forme corrigée) p., exilés 133n, 186, 9, 186n.
738
GLOSSAIRE
escarlate°, escarlatte subst., étoffe précieuse de couleur variable (employée pour les vêtements de dessus, tels que le manteau) 41, 17, 72, 13, 91, 22, 129, 12, 160, 26. [escarteller]° tr., mettre en morceaux 172, 7.
esce° (Ab) graphie contractée pour est ce II. eschaitivés voir escaitivet. [eschassier]° #r., pousser un animal devant soi (eschaisse ind. prés. 3) *35,
18. eschaufer°, eschauffer tr., exciter sexuellement 169, 3; p., eschaufé, excité
162, 8.
eschéz° s. pl., jeu d'échecs 58, 3. eschiever®, eschever tr., achever 48, 17, 67, 32, 187, 8. eschiever° tr, éviter 51, 13.
eschillier voir essillier. escient° s. m., au mien —, à mon avis 101, 26, 134, 6; a mon —, même sens 118, 12; a —, en connaissance de cause 110, 21. escondire® tr., refuser 143, 42; réfl., se justifier 166, 9, 168, 18, 169, 6.
escremie® (Ab) s. f., art de combattre à l’épée 231, 23. escrevees p., playes [qui] sont —, plaies [qui] se sont rouvertes 168, 25,
169, 4. escrier tr. ind., interpeller, apostropher 20, 28, etc. ; réfl., crier, s’écrier 59, 19, etc. ; + a, crier à 81, 4. esgarder tr., regarder 17, 10, etc. ;fixer, décider 219, 15.
esgart° s. m., regard 47, 12, 148, 13; attention 110, 6; décision 219, 14. esjoïr°, esjouyr réfl., se réjouir 113, 3, 140, 5. eslais° s. m., de plain —, à toute allure 205, 15-16.
[eslaissier]° réfl., s’élancer 19, 7, 68, 11, 80, 4 ; eslaissiés (forme corrigée) p., à vive allure *32, 5.
eslire° tr., choisir (pour assurer une fonction) 227, 11 (p. eslit) ;estre esleu sour, être choisi parmi III (2 occ.) ;estre esleu pour, être choisi afin de
III. eslongnier”® tr., éloigner, faire dévier 115, 24.
esloyauter”, esloïauter (Ab) réfl., se justifier 226, 7; son corps —, même sens 169, 21. esmaiance® subst., émoi, frayeur 55, 21, 157, 11.
esmarri° p., désemparé 22, 17.
GLOSSAIRE
739
[esmayer] (inf. restitué d'après esmayerent), esmaïier (inf. restitué d'après le p. esmaïié) réfl., s'inquiéter, se tourmenter 88, 2, etc.: p. employé comme ad]., inquiet 39, 6, 130, 19, etc. esmeré° p., affiné 54, 17.
esmerillon° s. m., émerillon (petit faucon) 99, 21. esmier® intr., voler en morceaux 132, 6.
[esmovoir]° tr., mouvoir (des épées) 45, 4; réfl., + aprés, se lancer à la poursuite de 208, 2; p., esmeu + en, transporté dans un état de 188, 1. espandre°, espendre fr, répandre, 87, 28; verser 85, 14; au passif, se répandre (des aventures, une nouvelle) 67, 9, 199, 5.
esperdu”° p., troublé 94, 6, 134, 19, 220, 9. esperer”° tr., supposer 121, 22, 152, 9. esperons s. m. pl., a —, en donnant des coups d'éperons, à toute allure 82,
espés adj. subst., épaisseur 33, 15.
espie° s. f., espion 159, 16. esploit° s. m., rendement, avantage 109, 18.
esploitier® #r., faire, réussir 114, 4, 145, 10; intr., faire, agir 35, 8, 55, 16, 101, 38, 144, 5, III. espoir® adv., peut-être 40, 19, 101, 19, 152n. esprouver° tr, vérifier 152, 43 ; mettre à l'épreuve 126, 11 ; réfl., se mesurer par les armes 9, 28, 205, 13. espuisier® tr., vider 120, 15. esrachier fr., arracher 105, 14, etc.
[esragier]° intr., enrager 143, 33, 193, 22, 230, 7 ; réfl., même sens 122, 18. esredie”° s. m., opiniâtreté 118, 2, 89n.
esrer, esrrer: voir errer. essayer” tr., mettre à l'épreuve 152, 42; + se, voir si 173, 26; réfl., + a, se
mettre à l'épreuve en tentant un exploit 67, 3. esselle° subst., aisselle 19, 8. essil, eschil (Ab) s. m., exil 11, 8, etc.
[essillier], [essilier], [eschillier] (4b) (inf. restitué d’après le p. essilliés) tr. exiler 152, 35, etc. ; p. subst., exilé 86, 8, etc., 225, 14.
essir voir ySsir. estable® s., écurie 193, 6.
740
GLOSSAIRE
establir° tr, employé au passif, être institué, établi (pour des coutumes, des
usages, la paix) 27, 16, 49, 8, 81, 15, 95, 4, 139, 16, 147, 14; êrre attesté 97, 18; être placé 205, 3; employé à l'actif, instituer un usage 191, 18 ; — la paix, établir la paix 156, 19, 173, 29; li poins est établis, voir poins. estal° (Ab) s. m., lieu où l’on se tient (dans un combat) 104n. estant® s. m., saillir sus en (son) —, se lever d'un bond 30, 11, 218, 7-8.
ester intr., se tenir, rester 99, 26; réfl., s'arrêter 232, 11 (estut: passé simple 3); laissier —, laisser, abandonner 10, 7, 60, 16, 89, 17, 173, 17 ; laissier la parolle —, cesser la conversation, 27, 2-3, 127, 1-2, 128,
12: [estinceller]° rr. ind., les yeulx leur estincellent, leurs yeux jettent des étincelles 20, 19-20.
estonné° p., étourdi (à cause d’un coup reçu) 20, 20. estour° s. m., combat 206, 7, 213, 4. estovoir imp., falloir ;estuet ind. prés. 3, 99, 20, etc. ; estut passé simple 3,
139, 8. estraiier° (Ab) adj., sans maître, 231, 20.
estraindre® tr., serrer 150, 9 et 13, 151, 8 et 9.
estrange adj., étranger 9, 5, etc. ; étrange, extraordinaire 112, 3, 191, 14. estrange s. m., étranger 60, 30, etc. estre s. m., moustrer son —, exposer sa situation 220, 14.
estrecier” intr., rétrécir 55, 3. estres”° s. pl., embrasure de fenêtre 173, 2. estrif” subst., par —, en se disputant 89, 2. estut voir ester et estovoir.
esvertuer” intr., faire des efforts 121, 5. [esvuiudier]° (Ab) (inf. restitué d’après le p.) tr., vider entièrement 219n. eure voir heure.
euré° adj., bien —, favorisé par la chance 56, 4.
F faille s. f., coup porté en vain 98, 24 ; sanz / sans —, sans faute, à coup sûr, sans aucun doute 18, 20, etc. ; sanz nulle —, immanquablement 5, 3-4. faillir tr. ind. ou intr., échouer 66, 20, etc. ; manquer, disparaître 230, 16;
manquer à sa promesse 201, 20;+ a, échouer en portant une attaque
GLOSSAIRE
741
contre qqn 45, 10 et 16, 77, 14; manquer à 107, 34, etc. : manquer à
son devoir envers qqn 196, 19; — de baptaille a qqn, se dérober au combat contre qqn 230, 22; — a murs, échapper aux murs, s'évader 230, 16; pou s’en failloit, impers., il s’en fallait de peu 3, 5; failli,
faillie p., manquant, disparu 16, 5 ; incapable 166, 27; avoir cuer —, voir cuer ;fausist subj. impft 3, 230, 16. faindre réfl., elle ne s’en faint, elle le fait bien volontiers 162, 15.
faire intr., — au neant, combattre le plus mal possible 207, 6 et 10-11 ; — au pis, même sens 208, 4, 211, 5-6; — au mieulx, combattre le mieux possible 212, 2 et 5 ; — que + adj., agir en homme... 154, 5, II]; tr., le — bien, bien combattre 214, 10-11; — bien a, impers., être facile à 204, 12; réfl., fait soi li chevaliers, dit le chevalier NT; fois ind. prés.
1,111, 9. fais”, faiz s. m., charge 109, 17 et 18 ;fait d'armes, exploit 208, 14; tout a .. —, d'un seul coup 150, 19; tous a .I. —, tous ensemble 151, 3. faitement®° adv., si —, ainsi 3, 1. faiticement® adv., habilement 19, 11.
faulser”, fausser tr., tordre 98, 6 et 12; ne pas respecter (une promesse) 15, 14; tr. ind., manquer defidélité à 48, 11. faus, faulz voir fol.
fausist voir faillir.
faute° (Ab) s. f., faille 230, 12. fautre voir feutre. fel° adj., cruel 96, 1, 200, 20 et 22;adj. subst., même sens 216, 27.
felon adj. m., felenèsse, felonnesse, felonneuse, fellonneuse adj. f., difficile 33, 8 et 11, erc. ; terrible, cruel 94, 18, etc.
felonie®, fellonnie s. f., perfidie 118, 18, 134, 5. felonneusement® adv., durement, cruellement 133, 2 ; dangereusement 110,
3. fenestrelle®, feniestrielle (Ab) s. f., petite fenêtre 159, 1, 159n. ferir inf. subst., au —des esperons, en toute hâte 81, 2, 82, 5, 120, 5, 173,
12, 184, 7-8. fermer #r., construire 82, 6; fortifier 82, 9; fermer 82, 15. ferrant° adj., d’un gris couleur de fer (pour qualifier la robe d’un cheval) 71, 4, 71*. ferreure® s. f., grillage en fer 161, 7. festu° s. m., rompre le — a, briser tout lien avec *220, 10-11.
GLOSSAIRE
742
feutre®, fautre s. m., « arrêt fixé au plastron de fer pour recevoir le bois de la lance lorsqu'on chargeait à cheval »(Gdf 3, 735a) 37, 12, 183, 22.
fiance® s. f., confiance 60, 10; n’y ayes — n'y compte pas 105, 20. fiancer°, fianchier (Ab) tr., promettre 201, 5, 7 et 8, 216, 3; engager sa foi 219n; — prison, promettre de se constituer prisonnier 39, 11; — la
prison, s'engager à retourner dans la prison 215n. [fichier]° #r., placer 54, 7.
fin° adj., parfait 142, 4, 152, 44 et 56, 208, 18, 213, 18. fin° s. f,, en la —, finalement 1, 11; en nulle —, en aucune façon 12, 19; prendre —, achever 115, 23-24; s'achever 196, 19; traire à —, régler,
accomplir 143, 5, IV (2 occ.). finer° #r., achever III; intr., cesser, s'arrêter 197, 19; ne — de, + inf., ne cesser de 120, 5-6. flambe” s. f., flamme 66, 11. flun° s. m., fleuve 109, 6. fois 111, 9, voir faire.
fol, faulz (CSS), faus (Ab, CSS) adj., insensé, fou 54, 12, 61, 3 et 4, etc. fondre° (Ab) intr., s’enfoncer 178n. fons° s. m., au — de, au fond de 156, 16. forcenné°, forsenné adj., fou 1, 12, 110, 20, 208, 21.
forcennerie® s. f., folie furieuse 3, 3, 110, 13.
forçor°, fourçour (Ab), foursour (Ab) adj., plus grand, plus fort 87n, 103, 14, 103n, 144n, 163n, 173, 24, 173n, 175n, 182n, 186, 5, 186n; ady., davantage 185n. forfaire°, fourfaire (Ab) tr., enfreindre (une loi ou une coutume) 27, 10, 191, 3; tr. ind., faire du tort à qqn 143, 4, WI; intr., commettre une faute 192, 15. forfait° s. m., faute 97, 17 et 18, 152, 24, 157, 9.
forment adv., fortement 132, 10, 140, 5, etc.
fors adv., dehors, à l'extérieur 31, 18, 42, 9, etc. ; prép., + de, hors de 51, 17,56, 17,99, 1, 179, 5, 223, 9; fors employé après un verbe à la forme négative, excepté, hormis 22, 5 et 7, 35, 5, 40, 23, etc.; —
pour,
seulement pour 196, 21; — tant seullement de, excepté seulement de 159, 7; — que, sauf que 150, 4; — que tant seullement, à la seule exception de 90, 13; [il] n’atent — que tant comme, il attend seulement que 231, 2; — tant seullement se, sinon que 119, 22.
GLOSSAIRE
743
forsenner” intr., être furieux 122, 16. forskes° (Ab) prép., si ce n’est 196n. fortraire° tr., enlever 179, 24.
forvoyer® tr., — de, emmener en dehors de 122, 21. fournir° tr., remplir 174, 9 ; + de, alimenter en 132, 21. fourreure” s. f., doublure 30, 4.
foy s. f., en —, loyalement 61, 5 ; a bonne —, même sens 201, 19. foys s. f., a la —, de temps à autre 12, 5.
frain s. m., bride 18, 11, 19, 3, etc. fraindre° tr., briser 132n, 161, 12; fraintes p. f. pl., brisées 231, 15. fraite° s. f., brèche 159, 20, 160, 22. franc° adj., noble 105, 5, 122, 6, 136, 8, 143, 36; généreux 200, 12. franchise® s. f., générosité 102, 12, 111, 4 ; indépendance 178, 16.
frankir° (Ab) tr., affranchir 221, 25. frarin° adj., misérable 163, 8.
freniestre® (Ab) s. f., fenêtre 222, 21, 223, 16. [froissier] rr., briser 98, 7, etc. ; intr., se rompre 132, 6, etc.
fuer° 5. m., a nul —, à aucun prix 4, 4, 146, 6; en nul —, même sens 1, 16. fuir intr., fuis est, il s’est enfui 209, 20.
fusitiien voir phisicien. fust° s. m., bois 19, 15, 88, 4, 115, 12. G gaage” s. m., gage, c'est-à-dire objet fourni à une personne d'autorité pour garantir un engagement dans un duel judiciaire 10, 4. gaaing° s. m., butin, conquête 59, 9 et 9; profit 114, 4. gaaingnier° tr., conquérir 197, 3, 213,3; le — l'emporter (au combat) 230, 20. gaber° tr, railler 212, 18, 213, 21. gabois°, gaboys s. pl., railleries 208, 11; demener grant —, se moquer, faire des gorges chaudes 209, 19. gaite° s. f., sentinelle 143, 31. [gaitier]° (inf. reconstitué à partir du p.), gaiter (Ab) tr., garder AIT; réfl., + de, se garder de 53, 14-15.
GLOSSAIRE
744
galos, galoz s. pl., galop 36, 1 et 1, etc. ; les grans —, au grand galop 56, 2. garantir tr., protéger 35, 25, 55, 17, etc. ; impers., même sens 88, 4. garantise® s. f., garantie (d’être épargné) 100, 19. gardans° (Ac et Ab) s. pl., ceux qui surveillent et protègent, les gardes 82,
14. garde° s. m., gardien 166, 28.
garde s. f,, action de surveiller, de défendre 93, 12, 166, 4, etc. ; bâtiment de
défense 178, 13 et 17; n’avoir — n'avoir aucun sujet de crainte 16, 6, 26, 6; n’avoir — de, n'avoir rien à craindre de 46, 8-9, 57, 8, etc.; prendre —, faire attention 48, 1 ; soy prendre —, même sens 93, 8, 112, 8, etc.; estre en — de, veiller à 221, 11; soy donner — de, faire
attention à 227, 3; prendre ses précautions (en surveillant qqn) 165, 15 et 16. garder tr., surveiller et défendre 35, 11, etc.; regarder III; + que, faire
attention à ce que, surveiller 5, 3 et 5; réfl., se protéger 118, 26, 146, 4; + de, faire attention à 142, 26; éviter de 47, 9-10. garir intr., guérir 3, 3, 122, 10, etc. ; estre gari, être satisfait 148, 19; tr., — de mort, sauver 4, 8,
garison s. f., guérison 4, 9, 50, 8 et 8, etc. ; avoir —, guérir 143, 25.
gas”, gazs. pl., plaisanteries 213, 11 (forme non marquée : gab); a —, pour plaisanter *136, 12, 148, 9.
gaster‘ tr., gaspiller 56, 4, 57, 4; — son / le temps, perdre son temps 123, 2 et 3, 183, 7; — le jour, même sens 38, 8. gecter, getter, jeter (Ab) tr, lancer, jeter 18, 11, 30, 13, etc.; —
mort,
étendre mort 80, 18 ; + de, tirer de 13, 19, 67, 7, etc. ; — hors de, même sens 64, 15; — son corps a livroison, livrer son corps 168, 10-11 ; — un ris de sa bouche, voir ris ; — son sort, voir sort.
generation” (Ab) s. f., les —s du monde, ensemble des êtres humains qui ont été engendrés depuis l’origine du monde IN. gente° adj. f., gracieuse 31, 7 (leçon corrigée), 72, 4.
gentil° adj., noble 8, 3, 43, 9, 147, 17. gentillece® s. f., noblesse 147, 21.
gentilment° adv., avec courtoisie 143, 36.
gesir intr, être étendu, reposer 20, 16, etc.; se coucher 29, 8 et 16; — avecques, coucher avec 166, 8, etc. ; giz ind. prés. 1; gist ind. prés. 3; gisent ind. prés. 6; gerra fut. I 3; geust passé simple 3; geu p. getter voir gecter.
GLOSSAIRE
745
gieu s. m., bastir un —, voir bastir. gleve, glaive s. m., lance 19, 11, etc.
glous° (Ab) s. m. (CSS ; forme non marquée : glout), crapule 179n.
gonfanon” s. m., oriflamme fixée à la lance 205, 15. graice° (Ab) s. f., grâce 100n.
grandisieme®, grandesime (Ab) adj., très grand 83, 4, 175n. gré”, gret (Ab) s. m., amitié 136, 27; souhait, volonté 102, 19, 123, 18: sçavoir (bon) (merveilleux) —, être reconnaissant 59, 7-8, 89, 33, 116, 5, 141, 22, 228, 16, 229, 12; recevoir en —, accueillir favorablement
163, 9 ; — ayés, soyez remerciés 111, 2 ; sçavoir neant (de) —, ne pas être reconnaissant 152, 10 et 12; sçavoir mauvais —, éprouver du ressentiment 122, 27 ; de —, à dessein 77, 14, 77*; mau — en ait le roy
(tour concessif), en dépit du désagrément que peut éprouver le roi 166,
TA grever tr., nuire 60, 33, 113, 15, etc. ; tr. ind., déplaire à 40, 17, 50, 5, etc. ;
impers., peser, déplaire 64, 21, 157, 5, 164, 2; réfl., se donner du mal 69, 10; se faire du mal (dans un combat) 172, 12. greveux° adj., pénible 34, 8, 75, 6, 75*, 101, 23, 139, 5.
grief° adj., pénible 29, 19, 100, 17, 156, 15. guenchir° fr. ind., échapper à 37, 5, 38, 9.
guerre” s. f., conflit 81, 12. guerredon s. m., service demandé ou rendu en échange d’un autre, récompense 34, 15 et 16, 39, 16, etc.; requête 113, 19; demander en —,
demander à titre de faveur 101, 17; prier en —, même sens 229, 4,.
guerredonner° tr., récompenser 105, 7. gueule° s. f., cou, gorge 49, 11, *147, 2. guige° s. f., courroie du bouclier 60, 9. guise” s. f., façon, manière 35, 3, 85, 14, 217, 10. H habandonner voir abandonner. haiaume voir heaume.
haïr tr., détester 103, 8, 152, 10 et 17, etc. ; hez ind. prés. 1, 103, 8 ; hac (4b) ind. prés. 1, 226, 8 ; hees ind. prés. 2 138, 22; et, het ind. prés. 3, 105, 22, 143, 45 ; haiéz ind. prés. 5, 31, 21 ; haioït ind. impft. 3, 166, 2, 199,
12
746
GLOSSAIRE
haitier° tr., faire plaisir à 89, 30.
haitié°, haitiet (Ab) adj., toujours employé en coordination avec sain, bien portant 16, 7, 40, 4, 154, 5, 184, 18, 198, 8, 227, 25. haliegre° adÿ., sain et sauf 199, 6.
hanstier° s. m., support pour les lances 41, 13. hardement s. m., hardiesse 80, 5, 88, 25, etc. ; action audacieuse 77, 3, 116, 3, etc.
harnois° s. m., équipement complet du chevalier 107, 35. haster réfl., se dépêcher 56, 3, 57, 4, etc. ; tr., serrer de près (un adversaire)
135, 24; se serrer de près mutuellement (avec pronom réciproque) 231, 27 ; — la cuisine, accélérer les préparatifs du repas 71, 13-14, — le mengier, même sens 92, 11.
hastiveté”® s. f., acte irréfléchi 12, 2. hauchier° #r., soulever 66, 19; haussié p. à valeur d'adj., élevé 30, 2.
hault adj., en —, d’une voix forte 35, 15, 46, 3, 59, 19, erc. heaume (22 occ.), elme (2 occ., 104, 5, 83n), haiaume (Ab) (4 occ.) 5. m., casque 20, 19, etc. herault, hiraut (Ab) s. m., héraut d'armes 204, 3, 204n, etc. herbergage® s. m., habitation 41, 2.
heure, eure s. f., en moult petit d’—, en très peu de temps 60, 20; il est trop grant —, il est trop tôt 79, 10-11; loc. adv., toutes —s, toutefois 171, 23-24; tres l’— que, loc. conj., depuis le moment où 165, 4, 228, 11;
des l’— que, dès le moment où 140, 5; des ichelle — que, même sens IT; puis l’— que, depuis que 143, 19, 179, 27; toutes les —s que, toutes les fois que 32, 17; quelle — que + suby., quel que ce soit le moment où 180, 4.
honissement”® s. m., déshonneur 192, 17. honneur, onneur, honnour (Ab) s. f., sentiment de l'honneur 24, 3 (pl1.), 4; estime 117, 7; marque d'estime III; faire son —, agir pour son honneur 179, 17. honte s. f., — dire, adresser des paroles outrageantes XII. hostel s. m., logis 12, 11, etc. ; traire a —., voir traire; pl. hostelz, hosteulz, hosteulx.
humilier° réfl., se laisser fléchir 219, 30. huy, hui (Ab), ui (Ab) adv., aujourd'hui 26, 5, etc. ; — mais, dorénavant 26, 6-7, etc. ; d’— en un mois, dans un mois III.
huys voir uys.
GLOSSAIRE
747 I
iescrevees° (Ab) p. f. pl., rouvertes (à propos de plaies) 165n. illec, illuec, illeuc, illueques (Ab) adv., là 32, 3, 47, 23, etc.
ireement voir yreement. issi° (Ab) adv., ainsi 164n.
issir voir ySsir.
J ja adv., — si tost. que, loc. conj. + ind., à peine. je (subordination inverse) 200, 15; — soit ce que, loc. conj. + subj., bien que 171, 4. jeter voir gecter. joiant° (Ab) adj., content, heureux 224, 16 et 17, 227, 14. joiaux° (Ab) s. m. pl., objets précieux 222, 10. joincte® s. f., articulation 162, 7.
jour s. m., prendre —., fixer un rendez-vous 164, 11 ; au — que, loc. conj., à l’époque où III. journal° adj., estoille —, étoile du point du jour 147, 10. journee s. f., distance couverte par une journée de chevauchée 96, 22, etc. ; pl., journées de chevauchée 2, 2, etc.
jouste° prép., à côté de 70, 3, 176, 5, 231, 7. jousteour”° s. m., combattant à cheval, armé d'une lance 205, 15.
jugement° s. m., appréciation, avec sans doute une dimension astrologique 67, 24 jurer tr, — ses yeulz et son chief, jurer sur ce que l’on a de plus précieux 146, 2. jus, juz adv., en bas, vers le bas 26, 1, 31, 17, efc. ; le sang — de ses playes le sang coulant de ses plaies 114, 5-6. jusques, jusquez, duskes (Ab, IIT) prép., jusqu'à (6 occ.); + a, même sens (24 occ.) ;jusques conj., jusqu'à ce que 40, 20 ; — que, même sens 189, 12 ; — adonc que, même sens 26, 7. justicier® tr., gouverner 35, 3, 47, 19, 20, et 21.
K karolle° s. f., ronde 59, 15, 62, 14.
karoller® intr., faire des rondes 58, 5.
GLOSSAIRE
748 kauchie voir chaucee.
keu° (Ab) p., tombé 227, 6. L lacier voir lasser. laidement® adv., désagréablement 181, 9; vilainement 77, 2; gravement 164, 23, 209, 6. [laidengier]° tr., injurier 27, 12; outrager 220, 16. laidir° fr, déshonorer 193, 9.
laidure° (Ab) s. f., outrage 225, 8, 230, 20. laiens voir leans. laier (certains emplois sont communs avec laissier) tr., + inf., laisser 15, 12, 25, 10, etc. ; renoncer 146, 6, 223, 13; + a +inf., cesser de II (laie ind.
prés. 3); ne — que + ne, ne pas renoncer à 1, 16, 69, 5-6; ne le — en paix, ne pas y renoncer 217, 13; larray, lairay, larra, laira fur. 1; lairoie,
lairoit fut. II; lay imp., 60, 23; laiés subj. prés. 5. laissier, lessier fr., laisser 13, 20, etc. (contre) 20, 6, 22, 7-8, etc.; — cheval, s’élancer à bride abattue ind., + a, renoncer à 62, 13; +
; — courre courre le 83, 8, 98, de cesser
(a), se lancer à l'attaque (son) cheval, lancer son 4; — ester, voir ester; fr. de 69, 24; — que + ne,
renoncer à 39, 4. lame° s. f., dalle funéraire 64, 4, 11, 14 et 20, 69, 13.
languir° intr., dépérir 159, 12 (languist ind. prés. 3). las, laz adj. m., lasse adj. f., employé comme interjection, hélas 147, 5, 148, 2, 152, 29, 50 et 52, 230, 8 ; adj.f., infortunée 147, 2, 148, 6. lasser”, [lacier] (inf. restitué d’après le p. lacié) intr., faiblir 104, 17; réfl., se fatiguer 94, 4; p. lassé, lacié, fatigué 21, 7, 35, 13, 96, 21, 115, 4. lates° s. f. pl., boiseries du plafond 30, 5. layens voir leans. laz s. m., lacet 99, 18, etc. ; — courant, nœud coulant 150, 2 et 16, 151, 4, 5, 7 et 9.
laz voir las. lé°, let (4b) adj. subst., largeur 33, 14; environ et en let, dans toutes les directions 183n. leans, layens, laiens (Ab) ady., là, là-dedans 9, 1, 41, 11, etc. lecherres® s. m. (CSS), débauché 169, 9. lee° adj.f.,large 99, 5, 230, 11.
GLOSSAIRE
749
es leesce (Ab), leesche (Ab) s. f, joie, liesse 88, 24, 113, 3, 227, 16 et
legier° adj., de —, facilement 19, 5, 33, 8. legierement® adv., facilement, aisément 11, 9, 133, 1.
lermes s. f., larmes 1, 9, etc.
lesarde® s. f., lézard 112, 21. lessier voir laissier. lettres s. f. pl., (unes) —, inscription 63, 11, 64, 14, etc. ;lettre 184, 11, 187, 18, etc. ; savoir —, être instruit 63, 12-13.
lever tr, placer sur 94, 16. lez°, les prép., près de 30, 9, 58, 12, 162, 13. léz°, lés s. m., côté 58, 9; lés a léz, côte à côte 75, 22.
lié, lyé, liee, lye (f.), lyéz (CS m.), liet (Ab), lie (Ab) adj., heureux 13, 12, eic.
liement”, lyement adv., joyeusement 18, 6, 157, 2, 201, 16.
lier voir loyer. lieu s. m., venir en —, avoir l’occasion 62, 4-5; en —, au moment voulu 106, 13 ; en — de, en guise de 89, 35-36 ; estre — de, être le moment de
163, 3. lige° adj., chose —, personne liée à son seigneur par un serment d’allégeance 60, 6; — chevalier, même sens 185, 13; seigneur —, suzerain
168, 16-17. lignie° s. f., lignée 89, 7.
lincelz° s. m. pl., draps 164, 9. listé” adj., bordé 30, 3. littiere”, litiere (Ab) s. f., civière 2, 21 et 22, 22, 14, III.
livroison voir gecter. loer° tr., faire l'éloge de 117, 7; conseiller, recommander 2, 9, 26, 4, 118, 2 ; réfl., se vanter 228, 21.
loge° s. f.,galerie, tribune 205, 4 et 6, 210, 3 et 3, 212, 3. loial voir loyal. loier voir loyer.
loingtain® adj., long 96, 22. loisir°® impers., être permis 119n (loist ind. prés. 3); inf. substantivé, a —, à loisir, en prenant son temps 103, 4; tout par —, à satiété 72*; avoir — de, avoir la possibilité de IX.
GLOSSAIRE
750
long adj., éloigné 101, 16. los°, loz s. m., renom 130, 5, 200, 10, 210, 9, 219, 8; approbation, 89 27, 177, 14; conseil 123, 20.
[losengier]° #r., tromper par des paroles fallacieuses 118, 20. loyal, loial adÿ., soy faire — de, se justifier de 9, 8 et 26. loyen° s. m., lien 148, 7. loyer”, loier, lier, [loïier] (Ab) (inf. restitué d'après le p. loïiet) tr., lier 61,
4, 67, 26, 109, 21, 145, 15, 151, 12, 156, 6, 177, 2, 190, 13, 177n. loyer° s. m., récompense 116, 2. loys° s. f. pl, perdre toutes —, perdre tous ses droits 24, 2-3, 31, 28. loz voir los.
lués que° (Ab) loc. conj., dès que 152n. [luitier]° (inf. restitué d’après le p.) intr., + a, combattre contre *160, 7.
lyé, lye, lyéz voir lié. lyement voir liement. lymons”° s. pl., limons, les deux pièces de bois entre lesquelles est attelé un animal de trait 23, 4 et 6, 190, 10 et 14.
M main s. f., arriere —, loc. adv., en arriere 134, 28.
maintenant adv., aussitôt, sur-le-champ 10, 3, 12, 11, 30, 1, erc. ; à présent,
à l'heure qu'il est 143, 11, 229, 13; tout —, aussitôt, sur-le-champ 60, 26-27, 61, 13, 68, 3, etc. ; — que, loc. con]., aussitôt que 75, 24, 83, 16,
170, 14; tout — que, loc. conj., dès que 56, 5. mais adv., plus, davantage 31, 21 ; — que, loc. conj. + ind., sauf que 164, 8; à condition que 32, 18, 54, 12, 62, 3; loc. conj. + subj., même sens 101, 22-23 ; même si 64, 22 ; pourvu que 161, 21.
maisgnie voir mesgnie. mal adj., estre — a, être difficile à 161, 11. mal ady., faire —, mal agir 145, 17, 173, 19, 215, 10.
mal s. m., pour le — a, pour causer du tort à 59, 17-18; par —, en ennemi 76, 10 et 11; rettraire a —, voir rettraire.
malade ad)j., estre — en son chief, avoir mal à la tête 175, 16-17. maldehait, maudehaïit (Ab) s. m., — ait qui, malheur à celui qui 58, 17, etc. : — qui, 220, 20, même sens.
GLOSSAIRE
TS \|
malement® adv., rudement 99, 13 et 18, 134, 27; odieusement 179, 23.
maleoit° (Ab) adj., maudit 95n, 97n, 147n, 152n, 166n: —e gret sien,
malgré lui 150n. maleurté” s. f., malheur 88, 16. malice s. f. (mais tout le — 199, 10), malisse (Ab) s. m., perfidie 80, 11, 101,
28, 170, 36, 199, 10, 199n, 200, 20. malicieux° adÿj., malfaisant 101, 29. malmettre® tr. ind., maltraiter 199, 11. maltalent voir mautalent. mander intr., envoyer chercher qqn 175, 18. [manecier]° (Ab) tr., menacer III. manicle® s. f., partie de l’armure qui couvre la main et l'avant-bras 12, 13,
84, 3, 112, 19. manoir” intr., habiter 40, 23.
mar adv., mal à propos, pour son malheur 36, 14 et 14, etc. ; à tort 223, 11; mar + verbe au fut. + ja, exprime une mise en garde *96, 7. marbrine® adj. f., en marbre 69, 9. marche® s. f., région frontalière 85, 10, 93, 11, 198, 20.
[martirier]° (inf. restitué d'après le p.) tr., torturer 164, 4. mat°, mas (CSS), maz (CSP) adj., abattu 126, 17, 140, 13, 182, 15. maubaillir° tr., maltraiter 145, 14.
maufet° (Ab) s. m., démon 169n.
maugré®, maugret (Ab) prép., — mien, malgré moi 152, 14; — tien, malgré toi 60, 42, 138, 7-8; — sien, malgré lui 61, 12, 150, 8, 180, 15-16, 180n ;— vostre, malgré vous 60, 39, 196, 8.
mausachant® (Ab) adij., ignorant 152n ; mot absent de TL et FEW; Gdf cite seulement le s. m. malsavoir, ignorance (5, 127a). mautalant®, maltalant, mautalent (Ab) s. m., ressentiment, colère 115, 6,
122, 34; pardonner son —
a qqn, ne pas tenir rigueur à qqn du
sentiment de colère suscité par ses actes 156, 21, 158, 8-9, 158n.
mauvais (Ab) adj., vil TI. mauvaisement® adv., mal 21, 10, 141, 22, 166, 6, 168, 5.
mauvaistié® s. f., mauvaise action 170, 22; perfidie 9, 18, 115, 3; lâcheté
115, 17, 209, 20. mectre voir mettre.
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GLOSSAIRE
meffaire® tr. dir, commettre une faute 28, 10; tr. ind., faire du tort à 9, 23,
12:25.
meffait° s. m., faute, délit 135, 2, 148, 1, 169, 8 et 10. mehaignier® réfl., se blesser 112, 10. mehaing® s. m., blessure, mutilation 114, 3 et 3.
mellés voir chaines. membrer° impers., si lui membre de, il lui revient à la mémoire que 191,
19; il onques ne m’en membra, jamais je ne m'en souvins XII. menu° adj., gent —e, gens de peu d'importance 133, 19; gens —es, même sens 186, 11.
menuement° adv., finement 129, 14. merci, mercy, mierchit (Ab) s. f., grâce, pitié 39, 7; la vostre —, s’il vous plaît 91, 11-12, 136, 22; la seue —, qu'il en soit remercié 143, 36; pour Dieu —, par la grâce de Dieu 39, 8, 200, 24; venir a —, s’avouer vaincu 99, 20; crier —, implorer 44, 16, 156, 9, 198, 2, IIT; demander grâce 99, 23-24, 100, 2 et 7, 102, 15; rendre —