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French Pages [216] Year 1938
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WITH FROM STOCK
LE ROMAN
EN PROSE DE LANCELOT DU LAC
LE CONTE
DE LA CHARRETTE
LE ROMAN EN PROSE. LANCELOT DU LAC LE CONTE
DE LA
EDITE
GWENETH
CHARRETTE
PAR
HUTCHINGS, M. A., D. PHIL.
PARIS LIBRAIRIE E. DROZ 25, RUE DE TOURNON MCMXXXVIII
... Specialement, du tres vertueux chevalier lancelot du lac,
filz du noble roy ban de benoic, du quel les puissans faiz et les _ excellentes chevaleries et la renommee glorieuse moult semble de telle qualite si fructueux, et de si digne commemoration, que, a mon aviz, grant peche seroit, et perte irreparable, de les souffrir perir et estaindre par omission de les escripre et les rediger en volume... Prologue de Jehan le Bourgois 4 son édition de Lancelot du Lac, 1488.
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_. Kahle/Austin Foundation
s
AVANT PROPOS.
Ce livre est une adaptation en frangais d’une partie de ma thése pour le Doctorat en Philosophie a I’Université d’Oxford. Il est publié grace au don généreux des Curators of the Gerrans Fund du Taylorian Institute 4 Oxford. Je tiens a les remercier ici profondément. Je dois aussi remercier de leur aide Messieurs les Professeurs A. Ewert de |’Université d’Oxford, et E. Vinaver de l'Université de Manchester, les bibliothécaires de la Bod-
léienne, de la Bibliothéque de Corpus Christi College, Cambridge, du British Museum, et de la Bibliothéque Nationale a Paris, et tous ceux et toutes celles qui m’ont aidé et encouragé.
I. MANUSCRITS
ET EDITIONS
I. MANUSCRITS’ ALLEMAGNE.
1. Bonn,
Universitats-Bibliothek.
526 (82) (Z) 1286. Ce manuscrit compte 479! feuillets de vélin, mesurant 465 x 320 mm. Chaque page comporte trois colonnes de 60 lignes. Les miniatures sont nombreuses et d’une assez haute qualité *. Des initiales en or sur fond azur et lilas, et d’autres en rouge et bleu, ornent les colonnes. Pour marquer le début de chaque division dans le texte, le feuillet est décoré d’une bordure de feuilles de lierre, d’animaux et de grotesques. Ailleurs les bordures sont composées de simples Is filigranés. Sur le dernier feuillet du manuscrit est écrite la phrase suivante : Explicit Arnulfus de Kayo scripsit istum librum qui est ambianis. En lan del incarnation M. CC. IIIE*. VI. el mois daoust le iour devant
le s. iehan
decolase
(c’est 4 dire, mercredi
le 28 aoitt,
1286). Le volume est relié en peau de mouton recouvrant des planches de chéne, et orné de fermoires de bronze. Ce manuscrit cyclique commence au f. 1 par l’Estoive del saint Graal sous le titre « de ioseph de arimathie ». Le Merlin commence f. 604.
Au
feuillet
82>, ob commencent
se trouve le titre : Ici comence des premiers celot du Lac commence au f. 1714, et se divise la marche de Gaulle, Galahot (f. 259°), la queste lancelot (f. 3074), la seconde partie
les Smtes
de Merlin,
faiz le roy artu. Lanen plusieurs sections : premiere partie de la de la queste lancelot
1 ‘Par suite d’une erreur dans le numérotage (f. 329 est suivi de f. 340) le catalogue donne 489 pour nombre de feuillets de ce manuscrit, ce qui n’est pas exact. 2 Cf. L. Orscuxi, Die vomanischen Litevaturen des Potsdam 1928 (Handbuch des Literatur-wissenschaft),
Mittelalters, Wildparkp. 111 et suivantes, et
pl. IV, p. 160; cf. aussi du méme auteur, Les manuscrits francais a peintures des bibliothéques d’ Allemagne, Genéve, 1932, pp. 59-60, pl. 73 et 74.
x
(f. 3458 = l’Agravain). La Queste del saint Graal s’ouvre f. 417, et la Mort Artu f. 455. ANGLETERRE.
2. Cambridge, Corpus Christi College,
45. (A) manuscrit de la seconde moitié du xureé siécle. I compte 262 feuillets de vélin mesurant 334 x 230 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 74-5 lignes. ? Lettres initiales, rouges et vertes. La reliure est faite de planches de bois recouvertes de parchemin et ne porte pas de titre. Ce volume contient aux ff. 1-84 les ceuvres de Bernardus Guido, mais ces feuillets composent a la vérité un autre manuscrit et d’une autre époque *. Le roman de Lancelot du Lac commence au f. 85: En la marche de gaule... Le texte n’est pas complet et s’interrompt au milieu de l’épisode de la carole: f. 262... mes atant lesse ore li contes a parler dels tos et retorne a Lanc. et de ses aventures et coment il fu delivres de la karole ou il estoit mis ¢.
3. Cheltenham,
Phillipps Collection,
8230 (Ph) manuscrit
de la seconde
moitié
du x1I®
siécle
contenant 355 feuillets de parchemin mesurant 337-40 x 210-3 mm ; chaque page comporte deux colonnes de 49-50 lignes ornées d’initiales en rouge et bleu. La reliure est faite de planches de chéne,
recouvertes
de velours
cramoisi.
Lancelot du Lac commence au f. 1: En la marche de gales... Le texte est incomplet et s’arréte au milieu de l’histoire de l’abbaye de « la petite aumosne » : f. 3552... Si soies ausi roi comme tu avoies este devant et si hautement con tu fus onques plus... 5 1 Pour une
description
détaillée de ce manuscrit,
voir mon
article Two
therto unnoticed manuscripts of the French Prose Lancelot, Medium
Aevum,
hi-
IIT
(1934), 192-4. * C’est a dire, la partie du manuscrit qui contient le Lancelot. 5 Pour la description de cette partie, voir M. R. Jamzs, Catalogue of the Manuscripts in the libvary of Corpus Christi College, Cambridge, I (1909), p. 92. ‘ cf. H. O. Sommrr, Vulgate Version of the Arthurian Romances, Washington, 1909-13, t. V, p. 148, 1. 26. 5 [bid., t. V, p. 232, 1,29.
XI 4. Londres, Musée Britannique,
Additional 10292-4 (J) trois volumes d’un seul manuscrit de la premiére moitié du xivé siécle, comptant 216, 383 et 96 feuillets de parchemin, et mesurant 400 x 295 mm. Chaque page comporte trois colonnes de 50 lignes ornées de bordures de feuilles de lierre et d’Js filigranés. Initiales en or, azur et lilas, et d’autres en rouge et bleu. Les enluminures de ce manuscrit sont trés belles. La reliure en maroquin rouge date du xvue siécle et porte sur les plats les armes du Duc de Roxburgh (3¢ duc, mort en 1804). Le volume 10292 contient l’Estoire del saint Graal et le Merlin. Lancelot du Lac occupe tout le volume 10293, et la Queste del saint Graal et la Mort Artu sont contenus dans le volume 10294. Ce manuscrit est celui qu’a publié H. O. Sommer dans son Vulgate Version of the Arthurian Romances. 5. Harléien 4419 (D) xtvé siécle, compte 168 feuillets de parchemin mesurant 335 < 227 mm; chaque page comporte deux colonnes de 45 lignes, et ornées d’initiales en rouge et bleu. La reliure en veau clair porte sur le plat les armes de Foucault, Marquis de Magny (mort 7 février, 1721). Le texte du Lancelot contenu dans ce manuscrit n’est pas complet. I] débute au f. 1: Or sen vet Galehot entre lui et son conpaignon.../ et s’arréte au milieu d’une aventure de Mordred,
#7168¢ >....-et tasta entor lui qe il cui... ? 6. Harléien 6341-2 (W) deux volumes d’un méme manuscrit écrits sur papier vers la fin du xvé siécle, et comptant 324 et 246 feuillets. Chaque page mesure 390 < 280 mm., et comporte deux colonnes de 37 lignes environ. Les initiales sont en rouge. La reliure, de veau et maroquin bleu, porte sur le plat les armes de Robert Harley, Earl d’Oxford (mort 21 mai, 1724). Ces deux volumes
contiennent
un texte du Lancelot du Lac,
dont toute la premiére partie manque. I] commence au f. I: Or sen va Gallehoz entre lui et son compaignon... ? MS. 6341 1 Cf. H. O. SomMER, op. cit., t. IV, p. 1 (N. B. ce texte ne correspond pas exac-
tement a celui de Sommer). abide SOI.
at V5 pa 3OL,cl) 3. tv, Peal.
XII
finit f. 3242... et comment il fut delivre de la dance ou il sestoit mis et que le vallet lui laissa 1. MS. 6342 continue tout de suite aprés une
rubrique,
f. 1:
Cy sensuit
comment
Lancelot
fist
demourer lenchantement de la dance. Or dit le compte que quant le vallet eust lessie Lancelot a la dance... II finit au f. 246¢: Si finist ycy maistre gautier map son livre de Lanc. et commence du saint graal et premier commence a parler de galaad le filz Lanc. Cy apres sensuit la queste du saint graal. 47. Royal 19 B vu (B) manuscrit du début du xiv® siécle, comptant 294 feuillets de vélin mesurant 300 X 222-30 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 45-48 lignes ornées d’initiales en rouge et bleu. Une feuille manque au commencement. Lancelot du Lac débute f. 1: ... trebe et dist a son seigneur... ? Le texte est incomplet et s’arréte au f. 294v: ... sili avint un iour quil chivalchoit soi quart par une forest et estoit en la terre... 3 8. Royal 19 C xu (V) -manuscrit de la seconde moitié du xi1le siécle, contient 367 feuillets de parchemin mesurant 300 x 210 mm., et écrits sur deux colonnes de 46-52 lignes. Les initiales sont en rouge et bleu. Ce volume contient le Lancelot, la Queste et la Mort Artu. F. 1: E[n la marche] de Gaulle... La Queste commence au f. 280: A la veille de pentecuste..., et la Mort Avtu f. 3232: Apres ceo ke mestre gauteir mfap] ... L’intérét du texte de ce manuscrit quant au roman de la Charrette sera mis en relief plus loin ¢.
g. Royal 20 D iv (C) manuscrit du commencement du xIvé siécle, compte 310 feuillets de vélin mince, mesurant 337 x 235 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 40 lignes et de temps a autre paraissent des bordures de feuilles de lierre. Les initiales sont or, azur et lilas, décorées de blanc, et beaucoup
d’entr’elles ont des ornements quasi-héraldiques. On y distingue 1 [bid., t. V, p. 148.
SPLOT s tel LE pO
lant.
SP LOtd ute VsDae Onde
nl.
* Voir ci-dessous, pp. xLii et 120-1.
XIII
aussi les armes
de France,
celles d’Angleterre,
de Léon et de
Castille, et de la famille Bohun. Ces quatre derniéres sont postérieures a la date du manuscrit et témoignent que, entre 1380 et 1388, il fut dans la possession de Mary, fille de Humphrey Bohun,
Earl de Hereford, Essex, et Northampton; elle épousa en 1380 ou 1381 Henry, Earl de Derby (plus tard, Henry IV, roi d’Angleterre), dont le pére John de Gaunt, maintint de 1372 a 1388, au nom de sa seconde femme, Catherine, fille de Pédro le Cruel,
une prétention aux trdénes de Léon et de Castille. Les enluminures de ce manuscrit sont intéressantes. Une partie du Lancelot seulement est contenue dans ce manuscrit. Le texte commence au f. I, aprés une rubrique: Mout fu rice la cours ke li rois tint... 1 et s’arréte au f. 310 : Et retourne a Lanselot dou lak ensi kil sen entra en la foriest pereilleuse 2. 10. Oxford, Bibliothéque Bodléienne,
Rawlinson Q. b. 6. (K) ? manuscrit du premier tiers du xivé siécle, contient 410 feuillets de parchemin mesurant 410 x 255 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 60 lignes. Ce manuscrit est orné de maintes lettres historiées, finement dessinées
et peintes. Les autres initiales sont en rouge et bleu. Beaucoup de colonnes sont décorées de bordures de feuilles de lierre et de grotesques, et les autres ont des bordures d’Js filigranés. La reliure, de maroquin
vert, est anglaise, et date du xvile siécle.
Ce volume contient le Lancelot, la Queste, et la Mort Artu. Lancelot commence f. 1: En la marche de gaule... Le début de
la Queste manque,
car une feuille a été enlevée du manuscrit a
cet endroit. Le texte commence, donc, au f. 3154: res queus dist. sire or povez vous seurement aseoir... * La Mort Artu commence
au f. 360>: Apres ce que mestre Gautier map... et finit avec le volume, au f. 406>: Explicit la mort le roi Artu. Le copiste de ce manuscrit se nomme Ernoul d’Amiens. II travaillait en Picardie, et peut-étre 4aAmiens méme. 1 Cf. H. O. Sommer,
op. a1t., t. IV, p. 86, 1. 30.
2 Toid., t. V, p. 244. 3 Pour une description détaillée de ce manuscrit, Aevum III (1934), 189-92.
voir mon
article
Medium
4 Cf. H. O. SomMER, op. cit., t. VI, p. 7, 1. 11 et A. PAUPHILET, La Queste del Saint Graal, p. 6, 1. 28.
XIV
if 4 iy
FRANCE.
mn
‘
11. Grenoble, Bibliotheque publique,
865. (Ai) manuscrit de la fin du xue siécle, comptant 136 feuillets de parchemin, mesurant 310 x 230 mm. Chaque feuillet comporte deux colonnes de 40 lignes, et beaucoup d’entr’eux sont ornées de bordures d’J/s filigranés. Les initiales sont en rouge et bleu. La reliure de velours noir recouvrant des planches de chéne est ancienne. Le texte du Lancelot contenu dans ce manuscrit n’est pas complet. I1 commence au f. 1 au milieu de l’histoire de Galehot : En ceste partie dist li contes que quant Galehaus sen part... 1+ et s’interrompt au milieu de la conversation de Lancelot et un forestier aprés ses aventures avec le chevalier noir et le chevalier rouge, au f. 1364:
... voire fet cil que vous soies le bien... ?.
12. Paris, Bibliotheque de |’Arsenal,
3479-80. (Ac) deux volumes d’un méme manuscrit, écrit ala fin du xIv® siécle, et comptant 312 et 339 feuillets de vélin. Chaque feuillet mesure 460 x 313 mm., et comporte deux colonnes de 60-65 lignes. Les enluminures de ce manuscrit sont trés belles ; on devrait les comparer avec celles du MS. Francais 117-20 de
la Bibliothéque Nationale (q. v.). Il est probable que les deux manuscrits proviennent de l’atelier de Jean, Duc de Berry. Les initiales sont de deux sortes: or, azur, lilas et blanc, ornées de feuilles de lierre, et aux mémes couleurs mais sans les ornements.
Plusieurs folios ont des bordures de feuilles de lierre. Les deux volumes, reliés de veau clair, portent sur les plats les armes de M. Paulmy d’Argenson. Le volume 3479 contient l’Estoire del saint Graal, le Merlin (commence f. 554), et une partie du Lancelot (commence f. 1708). Le volume 3480 contient le reste du Lancelot, la Queste (f. 242°) 3, et la Mort Ariu (f. 296). 1 Cf. H. O. SOMMER, op. cit., t. IV, p. 1, I, I.
gelorde to TV pi 287, alee oe: * La Queste commence par un assez long Prologue particulier 4 ce manuscrit et au MS. Frangais 120 de la Bibliothéque Nationale (q. v.). Cf. A son sujet, A. PAUPHILET,
Etudes sur la Queste del Saint
Graal, Paris,
1921, p. XIlI-XIv, et du
méme auteur, La Queste del Saint Graal (Cl. fr. du m. a), Paris, 1923, p. VI.
“79
XV
13. 3481 (Ah) manuscrit du milieu du xivé siécle, comptant 290 feuillets de parchemin, mesurant 450 x 320 mm. Chaque page comporte trois colonnes de 48 lignes, ornées d’initiales or, azur et lilas, et rouge et bleu. Les enluminures sont en mauvais état. Plusieurs pages sont décorées de feuilles de lierre. Ce manuscrit commence
par une table des matiéres. Suit, f. 3,
le Lancelot: En la marche de gaule... Le texte est incomplet et s'arréte au milieu de l’histoire de Boors et de l’essai qu’il fit pour emmener la reine Gueniévre pendant une partie de chasse, f. 289: ... et en ce qu'il vouloit mouvoir ez vous par devant lui acorre seur j. palefroy une viele... 14. Paris, Bibliothéque
Nationale,
Francais 96 (E) manuscrit du xv® siécle, comptant 331 feuillets de vélin, écrits sur deux colonnes de 63 lignes et mesurant 440 X 345 mm. Les enluminures et les bordures s’arrétent apres f. 152, et sont postérieures a l’écriture. Les initiales or et bleu, et bleu et rouge, s’arrétent également a cet endroit. La reliure,
en veau brun, porte sur le dos le chiffre de Gaston d’Orléans (deux Gs entrelacés). Ce manuscrit contient |’Estozre del saint Graal, le Merlin (f. 61), et une partie du Lancelot (f. 1784) seulement. I] s’arréte avant VA gravain, f. 3314: ... Et atant se taist ly contes a parler de lui et retorne a parler de son frere agravain ”. 15. Francais 98 (F) manuscrit du xv® siécle, comptant 723 feuillets de vélin, mesurant 446 x 320 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 59-60 lignes, et ornées en plusieurs endroits
de bordures
de feuilles de lierre, de fleurs, d’oiseaux
héraldiques et de grotesques. Les initiales sont de trois sortes : azur, lilas, vermeil et vert sur fond d’or;
or sur fond azur et
lilas ; et rouge décoré de bleu, ou bleu décoré de rouge. La reliure de veau clair porte sur les plats les armes de France. Manuscrit cyclique, qui contient l’Estozve del saint Graal (f.1), le Merlin (f. 129%) ?, Lancelot du Lac (f. 288), la Queste del saint Graal (f. 6364), et la Mort Artu (f. 685). 1 Cf. H. O. SomMER, op. cit., t. IV, p. 302, 1. 40. 2 Toid., t. lV, p. 362, 1. 31.
3 Ce manuscrit contient interpolées dans le Merlin, les Prophéties f. 2504.
de Merlin,
la on
XVI
16. Frangais 110 (L) manuscrit de la fin du x11® ou du commencement du xIVv¢® siécle. Ii contient 457 feuillets de parchemin, mesurant 465 X 320 mm., et écrits sur trois colonnes de 59-60 lignes. Les enluminures sont nombreuses, mais manquent de finesse. Les initiales sont en or sur fond azur et lilas, orné de blanc ; d’autres sont en rouge et bleu. Plusieurs feuillets sont
décorés de bordures d’Js filigranés. Le volume est relié en maroquin rouge et porte sur les plats les armes de France. Ce manuscrit contient les cinq livres du cycle, mais il y a une lacune au commencement de l’Estoive del saint Graal. Le manuscrit débute f. 1 aprés la défaite des gens de Tholomer par Evalac: ensi furent li egyptien desconfit...1 Le Merlin commence au f. 45°, le Lancelot au f. 1642, la Queste au f. 4053, et la Mort Artu au f. 4418.
17. Francais 111 (G) manuscrit du xv® siecle, comptant 299 feuillets de vélin, mesurant 490 X 340 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 65-66 lignes. Les enluminures sont nombreuses et d’une haute qualité. Les grandes initiales sont en or sur fond azur et lilas et décorées de feuilles et de fleurs. Les petites sont des mémes couleurs mais sans ornement. Trois feuillets portent des bordures de feuilles, de fleurs et de grotesques. La reliure, en veau
clair, date du xvire siécle et porte sur le plat
des armes non identifiées. Lancelot du Lac commence la marche
de gaule...
La
au f. I aprés une rubrique:
Qwueste commence
au
f. 2367,
En et la
Mort Artu f. 268». 18. Frangais 112 (M) 1470. Ce manuscrit est composé de trois parties différentes et sans pagination continue, comptant 230, 330 et 232 feuillets de vélin mince, mesurant 440 X 310 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 49-50 lignes. Les enlu1 Cf. H. O. SomMER, op. cit., t. I, p. 66, 1. 9.
» La Queste se termine ici par un Epilogue qui n’est autre que le commence-
ment de la Mort Artu. Voir a ce sujet, A. PAUPHILET, Etudes sur la Queste Saint
del
Graal, Paris, 1921, pp. XIV-XVI.
% Ce manuscrit porte a la vérité la date « mil cce soixante dix », mais en examinant de pres cette écriture, il devient évident qu’une lettre c a été raturée devant les trois qui restent et que la date était sans aucun doute 1470 et non pas 1370. Le témoignage paléographique confirme la premiére de ces dates,
XVII
minures et les bordures sont nombreuses dans la premiére et la seconde parties. Dans la troisiéme, il y a seulement quelques dessins inachevés, mais fort intéressants. Les initiales de la premiére et de la troisiéme parties se ressemblent. Les plus grandes sont azur, lilas, etc. sur fond or, et décorées de feuilles et de fleurs ; les
plus petites sont or sur fond lilas ou azur. Dans la seconde partie, les initiales sont rouge et bleu. La reliure, en maroquin rouge, porte sur les plats les armes de France. Le volume commence par un Prologue du Lancelot: Moult seroit chose desplaisant se dit maistre Robert de boron qui commenceroit une oeuvre belle et delictable a oir especialement
aux jeunes chevaliers et escuiers voire aux jeunes dames et damoiselles qui la lairoit imparfaicte... Le texte commence au f. I: En la marche de gaule... La deuxiéme partie du manuscrit débute par l’épisode du Conte de la Charrette, aprés une rubrique : Or dit ly comptes que quant lancelot... La Queste commence la troisiéme partie du manuscrit, et la Mort Artu la suit au f. 182. Le texte du Lancelot dans ce manuscrit contient de nombreuses additions tirées du roman en prose de Tristan et de Palamédes. La Queste montre aussi un texte composé dont la valeur a été discutée par M. Pauphilet dans ses Etudes sur la Queste del Saint Graal}. 1g. Francais 113-116 (N) quatre volumes d’un manuscrit du Xve siécle 4 pagination continue, et comptant 205, 148, 221, et 158 feuillets de vélin, mesurant 490 x 350 mm. Chaque feuillet comporte deux colonnes de 50 lignes. Les miniatures sont trés belles. Les plus grandes initiales or, lilas, vermeil, bleu et blanc, sont ornées de feuilles et de fleurs. Les autres sont or
sur fond azur et lilas. Les bordures de fleurs, d’oiseaux et de feuilles, sont d’une finesse exquise dans la tradition de Jacquemart de Hesdin. Les volumes sont reliés en maroquin rouge, et portent sur les plats les armes de France. L’Estoire del saint Graal commence auf.1 du MS.113. Ce volume contient aussi le Merlin qui commence au f. 117, ? et une partie 1 A. PAUPHILLET, Op. cit., pp. XII-XIII. 2 Le Merlin contenu dans ce manuscrit s’arréte aprés le couronnement roi Arthur, et ne donne point la continuation op. cit., t. II, p. 88, 1. 18, et aussi la note.
habituelle,
du
cf. H. O. SOMMER,
XVIII
du Lancelot, qui remplit les MSS. 114 et 115, et finit dans le MS. 116. La Queste commence f. 607, et la Mort Artu f. 6782. Le texte de Lancelot dans ce manuscrit a été amplifié par des aventures de Tristan et d’autres chevaliers, personnages du roman en prose de Tvstan. 20. Francais 117-120 (Aa) quatre volumes d’un manuscrit de la fin du xIv® siécle 4 pagination continue, et comptant 154, 153, 165 et 128 feuillets de vélin, mesurant 490 X 342 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 65 lignes. Les enluminures sont nombreuses et trés fines, et semblent avoir été exécu-
tées dans les ateliers de Jean, Duc de Berry, ancien possesseur de ce manuscrit. Plusieurs pages sont décorées de bordures de feuilles de lierre, d’oiseaux et de fleurs. Les plus grandes initiales sont également décorées de feuilles, les autres sont or sur fond lilas et azur. Les volumes, reliés en maroquin rouge, portent sur les plats les armes de France. L’Estoire del saint Graal et le Merlin, qui commence
au f. 504,
sont contenus dans le manuscrit 117. Lancelot du Lac commence le manuscrit 118 et ne finit qu’au manuscrit 120. La Queste commence au f. 5204, et la Mort Artu au f. 565 bis, de ce volume.
21. Francais 121 (Af) manuscrit du xv® siécle, comptant 308 feuillets de vélin mesurant 440 x 310 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 40 lignes, ornées d’initiales or sur fond azur et lilas décoré de blanc. Il y a une seule miniature (f. 1) dans le meilleur style du xvé siécle, et une bordure de feuilles de lierre, avec, en bas de la page, un écu portant les armes de France qui ont été peintes par-dessus celles du Comte de la Gruthuyse. Le volume est relié en maroquin rouge, et porte sur les plats les armes de France. Lancelot du Lac commence au f. 1: En la marche de Gaule... Le texte s’interrompt aprés la bataille que fit Lancelot aux deux chevaliers qui lui défendaient le chemin dans le Conte de la Charvette, auf. 3084: ... et lancelot sen va oultre qui plus ne le regarde
si a tant chevauchie que il vint hors de la forest }. 22. Frangais 122
(Ab) manuscrit datéde 1344, comptant 322
1 Cf. H. O. Sommer, op. cit., t. IV, p. 178; 1..25.
XIX
feuillets de vélin, mesurant 408-10 x 310 mm., et écrit en doubles colonnes de 50 lignes. On devrait comparer les enluminures de ce manuscrit avec celles du roman d’ Alexandre contenu dans le manuscrit Bodleian 264. Bien qu’elles soient inférieures A celles du roman d’Alexandre, elles ont l’air de provenir de la méme école 1. Il y a, dans ce manuscrit,
plusieurs bordures de feuilles
de lierre avec oiseaux, grotesques et autres ornements. Les plus grandes initiales sont décorées de feuilles et de portraits, les plus petites sont en or sur fond azur et lilas orné de blanc. Ce manuscrit fut, 4 un moment, dans la possession de Jacques d’ Armagnac. La reliure, en maroquin rouge, porte sur les plats les armes de France. Le texte du Lancelot dans ce manuscrit s’ouvre au milieu du Conte de la Charrette, a l’endroit ott Lancelot vient de quitter le Saint Cymentiere, au f. 1: (aprés une rubrique) Or dist li contes
que quant li chevaliers... ? La Queste del saint Graal commence, f. 2184. Le paragraphe par lequel commence la Mort Artu a été ajouté par mégarde a la fin de la Queste, au f. 272>, et la Mort Artu ne semble débuter qu’au f. 272°. L’intérét du texte du Conte de la Charrette dans ce manuscrit sera discuté plus loin.
23. Francais
123 (U)* manuscrit
de la fin du x11
siecle,
comptant 264 feuillets de vélin, mesurant 440 x 290 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 50 lignes. Les couleurs utilisées ‘dans
les lettres historiées
sont
intéressantes,
les tons
verts et
bleus prédominent. Les autres initiales sont rouge et bleu de cobalt. Ce manuscrit fut 4 un moment dans la possession du comte de la Gruthuyse, dont les armes ont été recouvertes au premier feuillet par celles de la France. Le volume est relié en maroquin rouge, et porte sur le plat les armes de France. Une table de matiéres s’étend sur les deux premiers feuillets — du manuscrit. Lancelot du Lac commence (f. 3) au moment ot la sceur de Meleagant aide Lancelot a échapper de la Tour des Marés: Meleagaunt aveit une sorour dont li contes a parle ca en arieres... 4 1 Cf. mile of 2 Cf. 8 Ce courte
M. R. James, introduction au Romance of Alexander, a collotype facsiMS. Bodley 264, Oxford 1933, Pp. 4. H.O.SomMER, op. cit., t. 1V, p. 177. manuscrit est omis du classement qui suit, car il ne contient qu’une trés section du Conte de la Charrette.
4 Cf, H. O. SomMER, op. cit., t. IV, p. 222, 1. 22.
>a
+o 8 La Queste del saint Graal commence au f.°220%.
au f. 197, et la Mort Artu
24. Francais 339 (O) manuscrit de la seconde moitié du xe siecle, comptant 283 feuillets de parchemin, écrits en doubles colonnes de 58-62 lignes, et mesurant 340-5 X 245-50 mm. Lettres historiées et initiales or sur fond lilas ou azur décoré de rouge. Un feuillet manque au commencement du volume. Le Lancelot a, donc, une lacune au début, (f. 1) : Et quant il voient quil ont a lui failli si sen retornent... 1 La Queste commence au f. 2312, et la Mort Artu au f. 264. Le texte est incomplet a la fin, et s’arréte aprés la demande que fit Gueniévre pour étre regue dans un couvent, au f. 2834: ... et se diex donoit au roi ennor et victoire
qui] vienquist ceste batalle... ® 25. Francais 344 (F) manuscrit de la seconde moitié du xe siécle, comptant 548 feuillets de parchemin et mesurant 380 X 275 mm. Chaque feuillet comporte deux colonnes de 54 lignes, et plusieurs sont décorés d’enluminures et de lettres historiées. La reliure de maroquin rouge porte sur les plats les armes de France. Dans ce manuscrit cyclique l’Estoive del saint Graal commence au f. 1, le Merlin au f. 81¢, le Lancelot au f. 1842. La fin du Lancelot et le commencement de la Queste manquent, car le feuillet 476 est mutilé. La Mort Artu commence au f. 5182, mais a une lacune au
début,
car
les cahiers
contenant
la fin de la
Queste et le commencement de la Mort Artuw sont perdus. La Queste s’arréte au f. 5174: ... car il li est avis quil ait an ceste chose son veu an fret et cil li demandent coment il li est et il res... ® et la Mort Artw commence au f. 5182 :... aume que il nau feist qange il peust...* Le dernier feuillet du manuscrit manque également, et la Mort Artu s’arréte au f. 5484: ... et firent escrire desuz lettres qui dissoient ci gist galehout le sires des estrainges illes Et avec... 5 PeLOtds et. Like pmomle 28, Sebi
ty ViLe ps5 5s le:
bidet. Vi, p. 182) 128: SO LGidin CaN yepu 24a, lig te 5 Ibid., t. VI, p. 390, 1, 12.
XXI
26. Frangais 354 (Q)1 manuscrit du xrvé siécle, comptant 81 feuillets de parchemin, écrits en doubles colonnes de 42-44 lignes, et mesurant 380 x 250 mm. Les plus grandes initiales, ornées dans le style italien, ont un coloris laid ; les autres sont
simplement faites en rouge et bleu. Le volume est relié en maroquin rouge et porte sur les plats les armes de France. Ce manuscrit contient une partie seulement du texte de Lancelot, et début auf. r:... atendoit iusque a XL iors por avoir la bataille de Lanc... ? Il finit au f. 804: ... mes il ne sera enpiece nuit et ie ai mout... 3 27. Francais 751 (Ad) manuscrit de la seconde moitié du xIu® siécle, comptant 488 feuillets de parchemin mesurant 340 X 255 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 42-46 lignes, ornées d’initiales en rouge et bleu. Il y a une seule miniature, trés abimée,
et une
bordure
d’Js filigranés.
Ce manuscrit contient le Lancelot (f. 1: En la marche de gaules...), la Queste, et la Mort Artu. La fin du Lancelot et le début de la Queste manquent a cause d’une lacune d’une quarantaine de feuillets. Le Lancelot s’arréte a l’endroit o4 Lancelot va secourir Kex assailli par deux chevaliers, au f. 3504: ... et Lanc. en prent la foi et se leve de desuz... * La Queste commence au f. 3512 au moment ot Melian est armé chevalier: ...arrieres a labeie quant cil de laiens les virent venir... ° La Mort Artu commence au f. 415¢ et finit avec le manuscrit.
28. Francais 752 (H) manuscrit de la fin du xul® siécle, comptant 236 feuillets de vélin mesurant 304 x 210 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 36 lignes, ornées d’initiales en rouge et bleu. La reliure en maroquin rouge et veau clair, porte
le chiffre de Louis XVIII. Ce manuscrit contient une partie du Lancelot seulement. Le texte commence au f. 1: ... ie poot teniri ® e il esgarde si voit devant la 1 Ce manuscrit est omis du classement car il ne contient qu’une
section du Conte de la Charrette. 2 Cf. H. O.SOMMER, op. cit., t. IV, p. 223, 1. 39. 3) Thid., t: V, p: 23.
SOU Oidaate Vip 13077 1s 4: BET Otdte
Veep: 2751019
6 Ces trois mots sont presque illisibles.
trés
courte
Pee b.4
we '
XXII
aS Me ue 7igae Li
porte ij. chevaliers...! et finit au f. 2364 au milieu de la delivrance de Lancelot par la sceur de Meleagant : ie sui feit ele une vostre amie qui me sui mise en a... ” 29. Francais 767 (R) manuscrit du xIv® siécle, comptant 104 feuillets de vélin mince. Les six premiers feuillets semblent avoir appartenu a un autre manuscrit. Ils mesurent 335 xX 250 mm., et comportent deux colonnes de 42-3 lignes, ornées d’initiales rouges. Les autres feuillets mesurent 360 x 250 mm., et comportent deux colonnes de 50 lignes, ornées de quelques
initiales décorées de fleurs dans le style italien, et d’autres simples et rouges.
Les six premiers feuillets contiennent des fragments du Lancelot commengant par le début. Le texte commence (f. 72) au milieu de l’épisode de la fausse Gueniévre : Ci endroit dist li contes que quant li rois fu perduen la forest de bredigan...* Le manuscrit se termine par la découverte par Boors et Lionnel de Lancelot malade, au f. 104>: ... si li demandent sil en porra garir et il dist oil se dieu plest... 4 30. Francais 1430 (Ae) manuscrit du milieu du xure siécle comptant 287 feuillets de parchemin, mesurant 280 x 190 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 36-28 lignes (le nombre de lignes diminue a la fin du manuscrit), ornées d’initiales dont les plus grandes sont rouge et bleu, décorées de dessins quasi géométriques verts, jaunes, rouges et bleus. Les autres initiales sont rouge et bleu. La reliure, en maroquin rouge, porte sur les plats les armes de France. Ce manuscrit ne contient qu’une partie du Lancelot. Le texte commence par la description des préparatifs de la Dame du Lac pour faire armer chevalier Lancelot, (f. 1) : ... nois negee et si li out aparellee a sa chevalerie... > Le dernier feuillet est presque entierement illisible. Le texte s’arréte au milieu d’une phrase, (f. 2874) : ... et cil chevaliers a... ® 1 Cf. H. O. Sommer, op. cit.t. III, p. 424, 1. 16. *sLbtd., t. AVnp.s 223) 1.17.
SHOU.)
teal
a TLOLd at apa
Vea 5 i 75 il SOs
& [btd., t. III, p. 118, 1.26. 6 Tbid., t. IV, p. 266, 1. 22,
XXIII
31. Francais 1466 (Ag) manuscrit de la fin du xm1e siécle, comptant 104 feuillets de parchemin, mesurant 285 x 195 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 40 lignes, ornées d’initiales rouge et bleu. Ce manuscrit ne contient qu’une partie du Lancelot. Le texte commence au f. I: a toz iorz sa compaignie quar nos serions mes toz iorz ensemble 1... et s’arréte aprés l’arrivée de Meleagant ala cour du roi Arthur, et avant son dernier combat avec Lancelot,
au f. 104»: Mes ci endroit nen parole plus li contes de lui ne del roi artus ne de leur compaignie ancois retorne a la seror meleagan. Colophon : Ici fenist Galehot. Meleagran avoit une seror ?.
32. Frangais 16998 (S) * manuscrit du x1ve siécle comptant 94 feuillets de parchemin, mesurant 390 x 265 mm. Chaque feuillet comporte deux colonnes de 40 lignes, ornées d’initiales décorées de feuilles dans le style italien. D’autres initiales sont en rouge et bleu. Plusieurs dessins colorés se trouvent en bas des pages. Le texte du Lancelot contenu dans ce manuscrit est fragmentaire et plein de lacunes. Il commence au f. 2 aprés une rubrique : En ceste partie dit li contes que quant lanc. del lac se fu partis de chies morgain...* et s’interrompt ex abrupte au milieu de l’aventure de Dodinel et Malruc, (f. 944) : ... et la voloit baisier a force et en fu trop courroucie
et trop... ®
33. Francais 16999 (T) manuscrit de la fin du xrvé siécle comptant 291 feuillets de parchemin mesurant 410 X 300 mm. Chaque page comporte trois colonnes de 48-51 lignes, ornées d’initiales or, azur et lilas, décorées de vermeil et de blanc. Les nombreuses miniatures ont peu de mérite. La reliure, en veau brun, porte sur le plat les armes de la famille Séguier. Lancelot du Lac commence au f.1: Enla marche de gaule... Le texte est incomplet, et s’arréte au milieu de l’histoire des avenUibid. at. IN ps 18, |, 33: aTbids t. IN, Pp» 222, 121.
3 Ce manuscrit est omis du classement car mentaire du Conte de la Charrette. 4 [bid., t. IV, p. 127Si fibid., t. 1V, p: 314, 1. 5.
il ne contient qu’un texte frag-
XXIV
tures d’Yvain, au f. 291f: ... au quint iour endroit prime chevauchoit
vers
une
forest
si avoit
oste
son
hiau... +
34. Rouen, Bibliothéque Publique, 1054 (O. 5) (X) manuscrit de la fin du xmi® ou du commencement du xiv? siécles, comptant 395 feuillets de parchemin, mesurant 335 < 225 mm. Chaque page comporte deux colonnes de 41-2 lignes ornées d’initiales rouge et bleu. L’unique miniature (f. 1) est en trés mauvais état. Quelques lettres historiées ornent les huit premiers feuillets du manuscrit seulement. Ce manuscrit contient le texte du Lancelot depuis le commencement jusqu’a l’A gravain ?. ITALIE.
35. Rome, Bibliothéque du Vatican,
Reginensis 1. 1489 (Y) manuscrit de la fin du xu1¢ ou du commencement du xIv® siécles, comptant 380 feuillets de vélin mesurant 302 X 215 mm. Chaque feuillet comporte deux colonnes de 40 lignes, et ornées d’initiales or sur fond azur et lilas, et rouge et bleu. La seule miniature (f. 1) est trés abimée. La reliure,en maroquin rouge, porte sur les plats les armes du pape Pie EX: Ce manuscit contient le texte du Lancelot depuis le commencement jusqu’a l’A gravain ?. 36. TURIN.
32 g I 12. Manuscrit du Lancelot contenant le Conte de la Charrette, mais qui a trop souffert dans l’incendie de 1904 pour étre aujourd’hui lisible.
Il y a deux autres manuscrits contenant le Conte de la Charvette que je n’ai pu utiliser pour faire l’édition suivante. Ce sont : 37. Le manuscrit
qui était dans
SPOVG ita lV OD aS55, * [bid., t. IV, p. 362,
ce
la collection
de H. Yates
hsa
XXV
Thompson, et qui est maintenant dans une collection privée aux et,
Etats-Unis},
38. le manuscrit jusqu’a présent dans la possession de Messrs Quaritch, Londres. Ce manuscrit date de la fin du xur¢ ou du no lcenacnt du ae siécles, et compte 354 feuillets de vélin, mesurant II atx fs; pouces. Chaque page comporte deux co7 lonnes de 3I- ae lignes et ornées d’initiales rouge et bleu. Il y a trois miniatures. Le volume contient le texte du Lancelot depuis le commencement jusqu’a 1’A gravain ?.
II. EDITIONS
1488 (Ez) 39. Lancelot du Lac. Tome I. Rouen, Jehan et Gaillard Le Bourgois, 24 novembre 1488. Tome II. Paris, Jehan Du Pré, 16 septembre 1488. Bibliothéque nationale, Y2, 46-47. British Museum, C. 7, d. I. Oxford, Bibliothéque Bodléienne,
Auct.
2 Q. 4, 4 et 5.
Le premier volume contient le Lancelot du Lac depuis le commencement jusqu’aux aventures de Lancelot a Corbenic et la prophétie du roi Pelles au sujet de la délivrance de la terre * Le second volume contient le reste du Lancelot, la Queste del saint
Graal, et la Mort Artu, désignée ici par le titre suivant:
la dermere partie de la Table Ronde. Les autres éditions suivent de trés prés le texte de celle-ci, qui est, a la vérité, l’editio princeps. De sorte que le collationnement des textes des autres éditions n’est pas nécessaire pour en faire le classement. 1 Pour la description de ce manuscrit voir H. Y. T. Catalogue, n° LXXXVIII,
pp. 94-118.
H.
Y. T. Illustrations
Third Series
of 100 Manuscripts,
t. VI,
pl. XXXI-XLV. SotHEBy’s Sale Catalogue pour mercredi le 22 juin 1921, pp. 151-2. 2 Je tiens a remercier Messrs Quaritch pour la permission qu'ils m’ont accordée de consulter ce manuscrit. 3 Cf. H, O. SomMER, op. cit., t. V, p. 107.
XXVI
1494 40. Lancelot du Lac. 3 vol. Paris, Antoine
Vérard,
1494. Le
tome I est daté du re" juillet, le tome II du 30 avril. Bibliothéque nationale, vélins 614-16. »
»
vélins 617-19. I. B. 41161.
British Museum Cf. Macfarlane, Antoine Vérard, p. 17-8. Le premier volume commence par un Prologue de celui de l’édition précédente.
qui différe
1494-1503} 41. Lancelot du Lac. 3 vol. Paris, Antoine Vérard, 1494-[1504]. Bibliotheque du Musée Condé a Chantilly. British Museum, C. 39, K. 2. British Museum, G. 10859-71. Cf. Macfarlane,
Antoine
Veérard, p. 83.
1513 42. Lancelot du Lac, 3 vol. Paris, [Michel Le Noirj, British Museum,
1513.
C. 7. b. 16-18, incomplet.
1520 43. Lancelot du Lac. 3 vol. Paris, Michel Le Noir, 1520. British Museum,
634. |. 12.
Catalogue of a Collection of Early French Books in the Library of C. Fairfax Murray, n° 301. Cet exemplaire est une combinaison de deux éditions. Le tome II est de la quatriéme, tandis que les deux autres volumes sont de la cinquiéme.
c. 1520-33 44. Lancelot du Lac. Paris, Philippe le Noir, s. d. 3 volumes. Je n’ai pas vu d’exemplaire de cette édition, et copie la description faite par J. C. Brunet, Manuel du Librairie, t. III, Paris, 1862, col. 806.
hens
duLac. 3 vol.Paris, Jean.Petit et Philippe Le Loe | luseum, ay, tet. 2
,
ord |,Bibliotheque Bedicenne: Douce R. 218-20.
atalogue Rothschild, n° 1488. CatalogueFairfax M urray, n° B04:
ae
XXVIII
TABLE
DE
CONCORDANCE.
Pour qu’on puisse comparer notre classement de manuscrits avec celui des éditeurs du corpus Lancelot-Graal-Mort Artu, * la table suivante montre les sigles que portent les manuscrits ici et ailleurs. Sigle de cotterda:
Manuscrit
Cambridge, Corpus Christi College MS. 45. Londres, Musée Britannique Royal 19. B. vil. Royal 20. D. Iv. Harleian 44109.
Pauphilet Sommer
Brauner 4.
Frappier
>
mo
Sii@ro:
Paris, Bibliothéque Nationale,
Francais Frangais Frangais Frangais
96. 98. III. 752
=]
= (@)
& ‘OO
Londres, Musée Britannique,
Additional 10293.
oad
op)an
oF
Op)an
Oxford, Bibliothéque Bodléienne,
Rawlinson Q.b.6. Paris, Bibliothéque Nationale, Frangais I10 Francais 112 Frangais I14-5 Frangais 339 Frangais 344 Francais 354 Francais 767 Francais 16998 Frangais 16999 1 H. O. SoMMER,
The Vulgate
K ts M N O EF O R
O08 Pr
d p
N (ms.116) A R
b a
E Xe N I R
1
S fi
k
Version of the Arthurian Romances, t. I, Was-
hington 1909 VII-x xXx.
G. BRAUNER, et autres, Dey altfranzdsische Prosaroman von Lancelot del Lac...
versuch einer kritischer Ausgabe nach allen bekannten
Handschriften, Marburger
Beitrage zur Romanische Philologie, 1911, 1912, 1917. A. PAUPHILET, Etudes sur la queste del Saint Graal, Paris, La Queste del Saint Graal, Paris 1923, Cl. fr. du M. A., I-vut.
J. Frapprer, La Mort le Roi Artu. Paris, 1936, X-xxx.
1921, vI-xxt1, et
XXIX Manuscrit
miele oe Pauphilet Sommer cette éd.
Francais 123 Londres, Musée Britannique, Royal 19 C xu Harleian 6341
Brauner
Frap-
etc,
pier
U
Cl
V W
R S
W
Rouen, Bibliothéque Publique,
MS. 1054 (0.5) Rome, Bibliothéque du Vatican,
Reginensis 1489
Xx
V
Y
M
Bonn, Universitats-Bibliothek,
MS. 526 (82)
Z
Paris, Bibliothéque Nationale,
Francais 119 Frangais 122 Paris, Bibliothéque de I’ Arsenal 3480 Bibliothéque Nationale, Frangais 751 Frangais 1430 Frangais 121 Francais 1466 Bibliothéque de 1’Arsenal 3481
Aa Ab
O i
Ac
Ac
Ad Ae Af Ag Ah
Grenoble, Bibliothéque Publique,
MS. 865 Cheltenham, Phillipps Collection, MS. 8230
Ai Ph
u
II. LA TRADITION
MANUSCRITE
1. Les groupes a, B, BB. Une étude préliminaire du texte du Conte de la Charrette d’aprés les manuscrits précédents, révéla parmi eux trois groupes nettement distincts l’un de l’autre : « (composé des manuscrits ABCDEFGH), 8 (composé des manuscrits JKL MNOPRSTXYZ), et 88 (composé des manuscrits AaAcAdAeAfAgAhAiPhVWEz). Seuls quatre des manuscrits n’entrent pas tout a fait dans ces catégories: le manuscrit V, qui, bien qu’apparenté au groupe 68, contient une version trés raccourcie du conte !, et les manus-
crits Aa,Ac et Ab, dont les deux premiers seuls sont apparentés pour une courte partie du récit. au groupe 88, et qui, tous les trois, s’accordent 4 imiter de trés prés les procédés narratifs et méme les phrases de Chrétien de Troyes. L’importance de cette version, ses rapports a la fois avec le poéme de Chrétien et avec les autres versions du Conte de la Charrette en prose, seront discutés a la fin de ce chapitre 2. Cette division des manuscrits en groupes est basée sur des divergences dans la matiére et dans la maniére du conte. Au début, a et 8 s’accordent dans le récit qu’ils font de la folie de Lancelot, de sa disparition, et de sa découverte par la Dame du Lac dans la forét de Tintagel. Ils parlent également de sa guérison par cette Dame, et racontent comment elle l’envoya a Camalot pour retrouver le bonheur qu'il avait perdu. 88, au conraire, offre un récit beaucoup plus détaillé de ces événements, et ne s’accorde que dans ses grandes lignes avec « et 6 °. Un peu plus loin, cependant, une divergence se produit entre le récit de «, et celui de @ et 88, qui, dés ce point, entrent dans un parfait accord, qu’ils main1 Voir ci-dessous, p. XLIII. 2 Voir ci-dessous, pp. XLII-XLVII. 8 Voir ci-dessous, p. 117 le texte du commencement
de la version £8.
ETI
tiennent, a. une exception prés!, jusqu’a la fin du Conte de la Charrette. Lorsqu’il décrit l’arrivée de Lionnel a la cour du roi Arthur, a Camalot, aprés sa quéte inutile de Lancelot, « raconte
la joie qu’ont le roi et la reine et la Dame de Maloaut a lui souhaiter la bienvenue : « Si li sailli a l’encontre li rois et la roine,
qui sor tos en fist joie, et la Dame de Maloaut que nule riens ne pooit faire esjoir, kar ele avoit perdu en la mort Galehot a estre dame de trente roialmes et le devoit esposer cel dedens an. » 2 6 et 68, au contraire, insistent sur le chagrin de la cour, chagrin accru par le rapport de Lionnel sur la futilité de sa quéte de Lancelot, et sur la mort de la Dame de Maloaut : « A ce jour fu moult povre la court, et moult troublee, car maintenant que Lyonniax fu venus, revindrent noveles de la vaillant damoisele de Malohaut qui morte estoit pour la mort Galehot »?. Il n’est pas clair pourquoi les deux versions « et 8, 68, se contredisent ainsi au sujet de la Dame de Malohaut ; vis-a-vis de l’histoire, elles ont un mérite a peu prés égal. L’infortunée Dame de Maloaut n’est plus mentionnée qu’une seule fois dans le Conte de la Charrette, au moment des jotites de Pomeglai. « dit alors qu’elle git malade et mourante, et @ qu’elle est déja morte. Il n’y a donc pas de contradiction interne dans les versions ellesmémes a ce sujet. Depuis la réponse que fait le roi Arthur a Meleagant, lors de son arrivée a la cour pour défier Lancelot 4, jusqu’au moment ou le roi Baudemagus monte a la tour pour surveiller le premier combat entre son fils et Lancelot °, la divergence entre le récit de « et celui de 8, 86 est maintenue. Elle est marquée par d’innombrables différences entre les deux groupes, dont les trois exemples suivants, choisis comme types de tous les autres, serviront a établir l’identité indéniable des deux versions. Au sujet de l’aventure de Lancelot au Pont del’Espee, 8, aprés avoir décrit sa traversée périlleuse, raconte son combat avec les lions enchan1 A savoir : la description que fait BB de l’arrivée de Meleagant a la cour du roi Arthur et de la facon dont il s’annonce et se plaint de la prétendue trahison
de Lancelot, voir ci-dessous p. 3, version af, et p. 345 version ff. 2 Voir ci-dessous, p. 2. 3 Voir ci-dessous, p. 2. 4 Voir ci-dessous, p. 3. 5 Voir ci-dessous, p. 86,
%
—
XXXII
tés, tandis que « n’en fait aucune mention. Depuis le combat dans la vallée et la dispute des chevaliers exilés pour savoir lequel d’entre eux aura l’honneur de recevoir Lancelot chez lui cette nuit-la, jusqu’a l’arrivée de Lancelot et de ses compagnons au Pont de l’Espee, l’ordre des événements dans les versions a et différe entiérement. Dans les deux versions, la description de la Terre Foraine, la terre de Baudemagus, est différente. « la donne aprés le départ de Lancelot et de la damoiselle de son chateau ot ils ont passé la nuit. Ils voyagent vers le Pont de l’Espee «... si chevalchent jusqu’a tierce, si truevent une riviere parfonde et lee. I] costoient la riviere tant que il vienent a un chastel qui estoit a entree de la terre Baudemagu, Wandehenches, et estoit fors de grant maniere. Et sachiés que la terre Baldemagu estoit close par devers Bretaigne de deus grans eves sor quoi li doi pont perilloz estoient assis, et se chevaliers errans i passast, bien poist trespasser sans chalenge et aler a bandon par la terre qui estoit entre les deus eves. Baldemagus avoit cele terre conquise puis qu’il avoit esté rois, et quant il vit que li essillié de Bretaigne croissoient si les mist en cele terre, si estoit
apelee la Terre Foraine. En cele terre avoit quatre issues, et si estoient quatre chastel si n’i estoient fet fors por ce que li essillié n’en ississent, et neporquant il n’en avoient cure » 1. La version 6 fait la description de cette terre étrange plus haut dans le récit, de sorte qu’elle semble située plus prés de la terre du roi Arthur. Ses limites, ici, sont marquées par le chateau que traverse Lancelot dans la charrette: «... et li chastiax avoit non |’Entree Galesche,
si conmengoit
ilec la terre au
roi Baudemagu,
cele
que l’en clamoit Terre Foraine. En cele terre estoient li emprisonné, non mie en forteresces, mes en viles sanz fermetes. Et la terre
estoit toute close d’une grant iaue parfonde et roide, et grant marés qui estoit mol et crollant que nus homs n’i puet entrer a force, si conme li contes l’a devizé » *. Ces deux descriptions ne sont d’accord que sur un seul point : la Terre Foraine, ot qu’elle se trouve, est presqu’entiérement entourée d’eau. La fin de histoire, a partir du premier combat de Lancelot avec Meleagant, est racontée par toutes les versions d’une seule 1 Voir ci-dessous, p. 35. 4 Voir ci-dessous, p. 18.
XXXII
et méme facon. } Mais ailleurs, des omissions d’événements ou de détails, des changements
dans leur ordre, et des différences dans
la fagon de raconter les mémes faits ou les mémes aventures, confirment et justifient la division des manuscrits en groupes d’un caractére nettement distinct.
2. Les rapports des groupes «, B,et Bf entr’eux et avec le poéme de Chrétien de Troyes, le Conte de la Charrette. L’originalité des groupes «, 8 et 6 étant ainsi déterminée, il reste a établir leurs rapports l’un a l’autre et avec le poéme de Chrétien de Troyes. Au premier abord, il est évident que 8 et 68 ont le plus grand nombre de traits communs; car, sauf au début, ils s’accordent tout le long du récit. A priori donc, leurs rapports peuvent s’exprimer ainsi :
(x)
(2)
|
(3)
‘B
BB
A
BBB
D’autre part, il est évident, que « et 88 ont le moins de traits communs, et en examinant de prés les trois groupes, le fait que « et 68 ne s’accordent jamais contre 8 devient apparent. 8 se révéle, donc, comme une version intermédiaire entre les deux autres,
puisqu’elle
s’accorde
tantét
avec
lautre, et qu’il n’y a point d’accord entre les elle. Pour des raisons qu’a précisées Dom ses Essais de Critique Textuelle *, les rapports ainsi apparentées peuvent s’exprimer des
(I) a. | j
(2) BB | ‘
BB
a
a
(3) B oe
fp
(4) a fp ara B
l’une,
tantdt
avec
deux autres contre H. Quentin dans entre trois entités fagons suivantes :
(5) x pox ; BB a
a
(6) Xx oN
8B
BB
1 La seule exception est le récit du dernier combat de Lancelot contre Meleagant dans les manuscrits A et B. 2 Dom H. QuENTIN, Essais de Critique Textuelle, Paris, 1926, pp. 45 et suivantes.
3)
XXXIV
Pour résoudre le probléme ainsi posé des rapports des versions, il est nécessaire de trouver une raison suffisante pour éliminer cing de ces tables. Si la critique était limitée aux textes du Conte de la Charrette en prose, ce probléme resterait insoluble, car il n’y a aucun moyen de savoir quelle version contient une legon meilleure ou plus correcte que les autres, et tout essai de choisir entre elles se baserait sur une erreur d’ordre logique 4. I] faut, pour surmonter cette difficulté, un témoignage qui vient du dehors. Et ce témoignage, c’est le poeme de Chrétien de Troyes qui l’apporte, car ce poéme est la source ultime de toutes les versions du roman en prose. II doit donc, étre ajouté en téte de chacune des tables précédentes. De ce fait il suit, que la version qui s’accorde le plus avec Chrétien est la plus proche de son récit, et peut étre acceptée comme représentant le texte le plus proche de lJ’original. A part le fait que @ est une version intermédiaire entre « et elle, les rapports de 6 avec les deux autres ne peuvent pas étre précisées. L’unique passage ou il n’y a pas d’accord entre 6 et « n’a pas de paralléle dans le poéme de Chrétien, et il est,
donc, parce 68 et gnage Le
impossible d’éliminer- une seule des tables précédentes qu'elle représente d’une fagon inexacte les rapports entre Chrétien de Troyes. Il reste, donc, a examiner le témoides autres versions. premier stemma implique que « est intermédiaire entre (
et Chrétien
de Troyes,
et donc,
coincidence
a part,
que
tout
ce qui est commun a Chrétien et a 8 doit aussi se trouver dans a. Mais ceci n’est pas vrai. Comme exemple de l’accord entre Chrétien et 6 contre «, il suffit de prendre l’épisode des lions enchantés au Pont de |’Espee. On se souviendra que, dans le poéme de Chrétien, les compagnons de Lancelot parlent des lions ou des léopards qu’ils croient voir del’autre coté du Pont : Mes ce fet mout desconforter Les deus chevaliers qui estoient Avuec le tierz, que il cuidoient Que dui lion ou dui liepart * Pour
une
discussion
de ce fait, voirE.
VINAVER,
Malory’s Morte
Davihur
in the light of a recent discovery, Bulletin of the John Rylands Library, vol. xrx
No 2, July, 1935.
XXXV
Au chief del pont de l’autre part Fussent liié a un perron }.
Lancelot traverse le pont, non sans difficulté, et arrivé de l’autre cdté, s’étonne de ne pas y trouver les lions. I] consulte son anneau magique, et voit que c’étaient des lions enchantés : Lors li remanbré et sovient Des deus lions qu’il i cuidoit Avoir véuz quant il estoit De l’autre part, et si esgarde Et n’i voit nes
une
leisarde,
Ne rien nule qui mal li face. Il met
sa main
devant
sa face,
S’esgarde son anel et prueve, Quant nul des deus lions n’i trueve
Qu’il i cuidoit avoir véuz, Qu’anchantez fu et decéuz ; Car il n’1 avoit rien qui vive ®. a ne fait aucune mention de ces lions. 8, au contraire, les change de lions imaginés en de véritables lions magiques contre lesquels Lancelot doit combattre dés son arrivée a l'autre cdté du Pont 3 ;
de sorte quil est évident le poeme
de Chrétien,
que 8 a dt savoir le récit contenu dans indépendemment
de «. D’autres
détails
confirment cette conclusion. Par exemple, la damoiselle qui recut Lancelot chez elle, descendit de son cheval avant qu’il put l’aider # ; elle lui donna un manteau écarlate > ; Lancelot faillit s’éva-
nouir en apercevant le peigne de la reine Gueniévre ® ; tous ces détails se trouvent dans le récit de f et dans celui de Chrétien, mais sont ignorés de «. La conclusion que « n’est pas intermédiaire entre B et Chrétien, s’impose, donc, et pour cette raison, il faut rejeter les tables 1 et 4 qui impliquent de faux rapports entre les versions. 1 CHRETIEN DE TRoyES, Lancelot, éd. W. Foerster, Halle 1899 ,vv. 3046-51. 2 [bid., vV, 3132-43. 3 Voir ci-dessous, p. 79. 4 Cf. CHRETIEN DE TROYES, op. cit., vv, 1014-8, et ci-dessous p. 29. 5 Cf. CHRETIEN DE TROYES, op. ctt., vV, 1019-23, et ci-dessous p. 29. 6 CHRETIEN DE TROYES, op. cit., VV. 1436-42, et ci-dessous p. 39.
XXXVI
Pour des raisons semblables, il est possible de rejeter également les tables 2, 3 et 5, car 8 non plus n’est pas intermédiaire entre « et Chrétien. « montre des points d’accord avec Chrétien qui sont ignorés de f. Par exemple, dans le récit de Chrétien et de «, c’est Lancelot qui demande 4 Gauvain un cheval lorsque le sien a été tué par les chevaliers de Meleagant. Dans f, c’est Gauvain qui en fait l’offre avant que Lancelot puisse le demander '. Quand la lance en flammes s’abat sur le lit de Lancelot, « et Chrétien disent qu’il se léve et la rejette loin de lui; 8 qu’il saisit son épée et coupe la lance en deux ®. Lorsque, sous l’ordre du nain, Lancelot regarde par la fenétre
le lendemain
matin,
« et
Chrétien disent qu’il est récompensé par la vue de la Reine, tandis que 8 n’en dit rien *. Les promesses que font Gauvain et Lancelot a la damoiselle qui les dirige vers les Ponts se ressemblent dans Chrétien et dans «, tandis que dans f elles ont un caractére beaucoup plus vague *. C’est apres cette échange de promesses, que Chrétien et « la font parler de Meleagant. 8 Vavait déja mentionnée *. Aucune des versions ne donne a cet endroit la description des Ponts faite ici par Chrétien ; et dans « et dans Chrétien seulement la damoiselle dit avec précision laquelle des routes méne au Pont de |’Espee, et laquelle au Pont de l’Eve ®. Lorsque Lancelot part le matin avec la damoiselle qu’il «méne en conduit» selon les coutumes de Logres, B n’explique pas ces coutumes, tandis que Chrétien et « different seulement en ce que « attribue cette explication a la damoiselle et que Chrétien lui-méme en fait le récit ”. Ainsi, puisque ni « ni 6 ne sont des versions intermédiaires, il ne nous reste que l’hypothése d’une source commune pour les deux. La table 6 montre cette parenté entre elles et est la seule qui ne contredit pas les faits connus. Au contraire, elle explique pourquoi c’est tantét « qui s’accorde avec Chrétien contre B, et pourquoi c’est tantét B. C’est a leur source commune qu’elles pui1 CHRETIEN
DE TROYES, op. cit., Vv. 276-89, et ci-dessous px 13;
® CHRETIEN DE TROYES, op. cit., vv. 532-4, et ci-dessous p. 24. * CHRETIEN DE TROYES, op. cit., vv. 553-65, et ci-dessous p. 24. 4 CHRETIEN DE TROYES. op. cit., vv. 626-38, et ci-dessous D327; 5 CHRETIEN
DE TROYES, op. cit., VV. 641-7, et ci-dessous pe27
° CHRETIEN DE TROYES, op. cit., vv. 642-79, et ci-dessous p. 27. ? CHRETIEN
DE TROYES, op. cit.,. vv, 1314-28, et ci-dessous p. 35.
XXXVI
saient tous les détails qu’elles ont en commun avec Chrétien. Il n’est pas nécessaire de supposer I’existence d’une autre version en prose, inconnue et inexistante, comme source immédiate de a et de ®. Ces deux versions peuvent aussi bien se rapporter directement au poéme de Chrétien de Troyes qu’a une version en prose intermédiaire et perdue. Cette version hypothétique naiderait nullement a déterminer la priorité de « ou de 8, et ne servirait point a établir le texte de 1’édition suivante. II n’est pas question ici de rétablir une version prétendue existante et antérieure a ce qui est vraiment connu, mais de montrer avec exactitude l’état du Conte de la Charrette en prose au treiziéme siécle, état qui est caractérisé par ces deux versions dérivées également du poeme de Chrétien de Troyes. Quant aux rapports de Bf avec « et 8, on peut objecter que la table 6 les montre d’une facon trop rigide, puisqu’on n’a pu rien préciser au sujet de ses relations avec 8. Pour éviter cette critique, on peut introduire une légére variante dans la table et qui ne changera en rien les données fondamentales. Ainsi, on peut exprimer par l’une ou l’autre des tables suivantes les rapports entre les versions connues au treiziéme siécle : Chrétien
m
Yr
B
|
Chrétien
pon
a
x
ew B BB
Un examen précis des textes montre qu’il y a beaucoup plus souvent accord entre « et Chrétien qu’entre ce dernier et 8, mais ceci ne veut pas dire que « soit antérieure a 8. Le contraire peut aussi bien étre vrai. Le fait que la priorité de l’une des versions sur l’autre ne peut pas étre déterminée ne nie point existence de cette priorité, et ne nuit nullement a la théorie de lunité d’auteur.
Mais, avec les données limitées qu’on posséde,
il est impossible d’aller plus loin et de prendre des décisions que les faits n’autorisent pas. Pour cette raison, le texte de l’édition suivante est un texte double, fourni par le manuscrit qu’on peut considérer comme le plus rapproché de l’archétype de chaque groupe.
XXXVIII
3. Le classement
des manuscrits.
Pour déterminer les rapports des manuscrits entre eux a |’intérieur de chaque groupe, et pour trouver le manuscrit le plus rapproché de l’archétype de «, de 8, et de 88, manuscrits qui doivent servir de base pour l’édition suivante, j’ai appliqué 4 chacun de ces groupes a tour de réle, la méthode évoluée par Dom H. Quentin pour faire le classement des manuscrits du Vulgate *. J'ai choisi cette méthode 4 cause du nombre des manuscrits a étudier, et parce que, n’étant pas entiérement convaincu par les méthodes suivies par les autres éditeurs de différentes parties du cycle Lancelot-Graal-Mort
Artu, j’ai voulu, moi-méme,
faire l’expérience d’une autre. La méthode de Dom Quentin a le mérite d’étre purement scientifique et objective. Elle consiste, comme
on le sait bien, a relever toutes les variantes entre
tous les manuscrits sur un passage ou sur des passages choisis. Les manucrits doivent ensuite étre étudiés par groupes de trois, et les accords
de deux
contre
le troisiéme
doivent
étre
notés. Quand deux manuscrits ne s’accordent jamais contre le troisiéme,
ce dernier
est intermédiaire
entre
les deux
autres,
et les rapports entre ces trois manuscrits peuvent étre exprimés de six facons différentes 2. Lorsqu’on a trouvé un certain nombre de ces
manuscrits
intermédiaires,
il est possible
de combiner
ensemble les tables des rapports, et d’arriver 4 un stemma pour tous les manuscrits. La méthode de Dom Quentin a, donc, le mérite de déterminer les rapports des manuscrits entre eux, mais puisque ces tables une fois établies, peuvent étre infléchies dans tous les sens sans altérer ces rapports, il est évident que, faute
de témoignage sur lequel on ne peut pas se tromper, soit extérieur, soit intérieur, il n’y a pas moyen, comme le dit Dom Quentin lui-méme,
de savoir
lequel des manuscrits
doit se trouver
en
haut de la table. « Il faut demander cette partie du classement a d’autres opérations de la critique » °. Il n’est pas mon intention de faire ici la critique de cette méthode, et je ne dispose pas d’assez de place pour me _permettre de montrer tout au long les étapes par lesquelles je ? Dom
H. QuEenTIN,
* Voir ci-dessus, 3
Cf. Dom
Essais de critiques textuelle, Paris,
p. XXXII.
H. QuENTIN, op. cit., p. 50,
1926.
XXXIX
suis arrivé a des résultats
précis. Je ne puis que donner ces
résultats 1. Pour éviter la possibilité d’une tradition manuscrite contaminée, j'ai fait le collationnement
de tous Jes manuscrits
sur le
passage qui décrit les aventures de Lancelot au Pas des Perrons, 1a ot il y a une distinction nette entre les versions « et 8. Les variantes
des
étant relevées, les calculs basés sur les concordances
manuscrits
par groupes de trois, ont révélé que,
étudiés
des manuscrits ABCDEFGH, C seulement est un manuscrit intermédiaire. I] est intermédiaire entre D et E, F et E, G et E,
et H et E. Le manuscrit D s’accorde plus souvent avec lui que H, H que F, et F que G, qui semble en étre le plus éloigné. Les manuscrits AB s’accordent toujours et forment un groupe isolé méme devant l’accord de tous les autres manuscrits de «. Ces résultats ne permettent que la construction des tables suivantes, qui toutes laissent beaucoup a désirer :
18) aslOF
2)
DFGH
|
C
C
DFGH
E
|
|
3)
ae
CaN
E-
-DFGH
Notamment, il n’y a pas moyen d’y mettre AB, car |’étude des variantes ne fournit aucun renseignement sur leur position vis-a-vis des autres manuscrits. La méthode de Dom Quentin, par conséquent, n’améne pas ici a des conclusions précises. Il faut chercher ailleurs dans le texte un indice plus stir. Un peu aprés le commencement de la Charrette, et 1a ot il y a encore accord entre les versions « et 8, se trouve un passage ot la legon de AB est indéniablement supérieure a celles des autres manuscrits: AB, Ensi demora avec sa dame iusqual quinzime tor devant lacension et lors ala ala cort le voi artu. Et sa dame li ot apparerllve cheval etc. CDEFGH introduisent une phrase qui renverse le sens du passage : (texte de C) Ensi demoura avec sa dame tuscau 1 J’ai l’intention de publier d’ici peu les résultats détaillés de ces calculs, de les comparer avec les résultats obtenus par MM. Brauner, Brugger et Wechssler, M. Pauphilet, et M. Frappier, et de discuter le probléme du classement des manuscrits du cycle.
XL
chieunkisme iour devant lascension et lors ala a la court le vot artu meleagans li fel li fieus le roi Bademagu de gorre. Et lors ot sa dame apareillie a Lans. etc. L’opinion des manuscrits du groupe 8 n’est pas unanime. KOPRXYZ ne donnent pas la phrase Ensi... dame, et leur lecon n’a pas un sens trés clair. I] est facile cependant, de découvrir comment cette legon est arrivée. La phrase qui précéde celle que nous discutons se lit ainsi: Ne onques de la mort Galeh. ne sot riens tant com il fu avec sa dame kay ele li cela et fist celer a son pooiy. KOPRXYZ contiennent tout le commencement de cette phrase, mais aprés les mots sa dame ils continuent iusqual quinzime tour etc. Le copiste é€videmment celui de l’archétype de ce groupe, s’est trompé et a pris le second dame pour le premier. JUMNT probablement mécontents de cette lecon, omettent toute la phrase: (texte de J) Ne onques de la mort Galeholt ne sot riens de tant comme il fu avec sa dame Et elle li ot appareillie cheval etc. L’analyse minutieuse de ces lecons permet de les interpréter d’une facon logique et qui peut s’exprimer ainsi :
AB
KOPRXYZ
TN
CDEFGH
ios On peut objecter que celle-ci n’est pas une preuve scientifique de la priorité de la legon de AB sur celle de CDEFGH. Malheureusement ce passage n’est pas contenu dans le poéme de Chrétien de Troyes, et, pour trancher la question, on ne peut pas ici faire
appel 4 son témoignage. Il y a, cependant, un autre passage, celui qui raconte le dernier combat de Lancelot avec Meleagant, ou la legon de AB et de Ad (manuscrit du groupe 88 et qui contient une version contaminée) est beaucoup plus proche du récit de Chrétien que celle de tous les autres manuscrits. Ces derniers font de ce combat une simple répétition de celui que Lancelot avait déja livré contre l’ennemi de la sceur de Meleagant. Sur la demande du roi Arthur, Lancelot permet 4 Meleagant de reprendre ses armes, et ne le tue point avant de l’avoir vaincu une seconde fois. Ni dans Chrétien, ni dans les manuscrits ABAd,
il n’est question de ce second combat,
Au contraire, tout le
XLI
monde, y compris le roi, se réjouit de la défaite de Meleagant, et ne cherche point a différer sa mort. Considérant tous ces faits, il est raisonnable de supposer que la legon de AB est plus prés de l’archétype du groupe « que n’est celle de CDEFGH. Le manuscrit B est probablement une copie de A !, et c’est, donc, le texte du manuscrit A qui a été pris comme
base de l’édition qui suit. La table suivante interpréte les rapports des manuscrits entre eux tels que les faits précédents les ont révélés. I] n’est pas prétendu qu’elle en soit la seule interprétation possible, mais simplement qu’elle en est une interprétation fort probable:
Les calculs basés sur les variantes des manuscrits du groupe 8, ont révélé un assez grand nombre de manuscrits intermédiaires. On peut tabuler ainsi les résultats obtenus: K est intermédiaire entre JR, LR, RT.
ees
:
Nie
;
Oj 1
>» one
; ‘
TK IN© JO; JP JR Jas KNy KEONT OT: PT ART oT JOUER LO; LPLeER® WS ORAP PSR Pik: Xe eee eNO POT Se JO, JR, JX, KN, KO, KR, KX, LO, ER; LX; NO, NR, NX,OR, OTs. ik Del As RX.
1. On remarque que les paragraphes des deux manuscrits sont identiques, et
on reléve les mémes erreurs insignifiantes des copistes. Le texte de A a moins de fautes que celui de B, et, par conséquent, A est préférable comme manuscrit de base,
XLII
Les seuls manuscrits 4 n’étre jamais intermédiaires sont JRT et X. Ils doivent, par conséquent, se trouver aux extrémités du stemma.
Le manuscrit
Y s’accorde partout avec K, M avec
N, et Z avec L. Mais il n’y en a pas un seul qui soit nécessairement la copie d’un autre, bien que ce rapport soit fort probable quant aux manuscrits M et N. Avec le manuscrit J, ils contiennent comme interpolation, le récit des aventures de Gauvain pendant son voyage au Pont de l’Eve. Certains passages omis du texte de M, mais contenus dans J et dans N, donnent lieu a croire que N ne fut pas copié sur M. Que l’inverse est probable, est soutenu par le fait que les paragraphes de ces deux manuscrits correspondent exactement. Quant aux autres manuscrits, l’hypothése d’une source commune pour KY et pour ZL est la plus prudente. Des faits précédents le stemma suivant a été construit. Encore une fois, je ne prétends pas que ce soit le seul possible mais, puisque tout autre ne peut étre qu’une variante de celui-ci, on peut croire qu'il montre avec une.assez grande véracité les rapports des manuscrits entre eux :
eA
p
Da
vo
he Nee
pes
ans
O
| |
=
R
x
Pour les manuscrits de la famille 68, le collationnement fait sur le passage décrivant le Pas des Perrons fut suppléé par un autre exercice fait sur le début du texte ot il n’y a pas d’accord entre cette famille et 8. Combinant ensuite les deux séries de résultats, les manuscrits suivants furent trouvés intermédiaires:!
XLII
Ae entre AdAg, AdAh, AdV, AdW, AdEz, AhPh, AiV, PhV. Ag V W Ze
» » » 22>)
AeEz, AhPh, PhEz, VW. AbPh: AdAg, AdEz, AgAi, AhPh, “AgVj~AhPh, VW.
AiEz,
PhEz.
Des résultats précédents, fut construite la table suivante. De méme que pour le stemma de la famille 8, il n’est pas prétendu que ce soit le seul possible, mais puisque tout autre ne doit étre qu’une variante de ceci, il peut étre accepté comme montrant les rapports probables des manuscrits entre eux:
28 |
Ae
See
6
ae
Ww
)
te |ea Ag 4mas Le manuscrit
V, dont
on a déja fait mention,
contient
une
version de l’histoire apparentée, comme le démontre cette table, a celle des manuscrits AfAgAhW et Ez. Son intérét consiste en ce que, écrit au plus tard dans les années moyennes du treiziéme siecle, il contient une version trés condensée du Conte de la Charrette. Sans omettre un seul des événements, il les réduit au
minimum, et raconte souvent en quelques lignes, des détails qui dans les autres manuscrits s’étendent sur plusieurs colonnes. Un échantillon de ce texte se trouvera a la fin du volume. 4. Les manuscrits Aa, Ab et Ac. Les seuls manuscrits 4 ne pas entrer complétement
catégories
précédentes
dans les
sont Aa, Ab et Ac. Aa et Ac sont pro-
XLIV
bablement copié l’un sur l’autre. Exécutés peut-étre tous les deux pour Jean, Duc de Berry, ils contiennent des miniatures aux mémes endroits dans le texte et d’une similarité frappante de composition. Le texte du Conte de la Charrette, dans les deux manuscrits, se divise en paragraphes identiques. Que cette similarité entre eux soit maintenue partout est fort probable, vu que M. Pauphilet a noté qu’ils contiennent avant la Queste del saint Graal, un Prologue qui ne se trouve nulle part ailleurs. Le manuscrit Ab contient la méme version du Conte de la Charvette que Aa et Ac, mais avec tant de différences que l’hypothése que l’un d’eux soit copié sur l’autre est insoutenable, et on est obligé de postuler une source commune. La version du Conte de la Charrette contenue dans ces trois manuscrits n’est autre que le poéme de Chrétien de Troyes dérimé et mis en prose. Mais limitation est si exacte, si servile méme, que les phrases de Chrétien ont été transposées telles quelles, et des distiques et inéme des quatrains restent encore au milieu du texte en prose. Atant font les liz aturner Si se couchent ; a l’ajorner Lievent matin et si s’atornent : Atorne sont, puis si s’an tornent.
Au departir rien ne mesprannent: A la dame et au seignor pran-
Atant font atourner lor lis st se couchent et a l’ajournee se lrevent et apareillent lor corps et puis si montent sour lor chevaus, si s’en vont,
mais au partir ne mesprendrent noiant qu'il au sergneur et a la dame
nent
Et a toz les autres congié. Mais une chose vos cont gié Por ce que rien ne vos trespas, Que li chevaliers ne vost pas Monter sor le cheval presté Qu’an li ot a luis apresté
et a tous les autres congiet prendent. Mais une cose par veritet je vous
que
aconte
lt chevaliers
monter
que
sour
on
dounet
devant
la sale, aenz 72 fist
Qui venu ierent avuec lui. Et il sor le cheval celui
venu sour
des
volt pas
li ot amenet
Ainz 1 fist, ce vos vuel conter, Un des deux chevaliers monter,
un
ne
le cheval
chevaliers
monter
qui
estoient avuoec luc Et il le cheval au chevalier
XLV
Monte qu’einsi li plot et sist.
monta, enst li plot et si li sist. Et guant cascuns fu montés en son cheval st s’acheminerent tout trot par le congiet et par Votrot a lor hoste quit siervis les ot et hounerés tant comme il fot et lors chemine tant
Quant chascuns sor son cheval sist,
Si s’acheminerent tuit troi Par le congié et par l’otroi Lor oste, qui serviz les ot Et enorez de quanqu’il pot. Lor droit chemin
vont
cheminant,
Tant que li jorz vet declinant, Et vienent au pont de l’espee Aprés
none
que il vint au pont de l’espee, evmert elite; dembas viesprec:
vers la vespree }.
Malheureusement, le commencement du texte manque dans le manuscrit Ab. Aa et Ac s’accordent avec la famille BB jusqu’au moment ot Lancelot monté dans la charrette vient de traverser «l’Entree Galesche »: (texte de Aa)... Si en poise monseignor Gauvain durement et maudit l’eure que oncques charrette fu establie a ce mestier et trop se merveille du chevalier qui y puet estre. Tant ont alé que du chastel sont hors yssus et viennent a une tour qui seoit hors du chastel enmy un flain. Et la tour seott sus une rouche bise trenchee et le nain entre dedens la porte... CLG?) Le collationnement du texte de ces deux manuscrits sur ce passage du début, révéla qu’ils se placent quelque part dans le groupe qui comprend Ae, Ad, Ai et Ph. Ces trois manuscrits retournent au texte commun du roman en prose pour raconter la traversée du Pont de l’Espee. Is font allusion 4 la question que posa Lancelot au sujet de la tour qui dominait la riviére, question qui ne se trouve pas dans Chrétien. Ils parlent ensuite du combat de Lancelot contre les lions enchantés, bien que leur récit soit plus court que celui de la famille 6°
Et ils s’accordent de nouveau avec cette famille lorsqu’ils disent comment la reine Gueniévre reconnut regarder son anneau magique. 1 CHRETIEN
DE TROYES,
2 Texte du manuscrit sont insignifiantes. 3 CHRETIEN
p. 17-18.
DE
a sa fagon de
Op. cit., vV. 2995-3020.
Ab. Les
TROYES,
Lancelot
op.
variantes avec les deux cit.,
vv.
426 et suivants,
autres et voir
manuscrits ci-dessous
XLVI
A partir de la délivrance de Lancelot de la Tour des Marés par la sceur de Meleagant (Meleagant avoit une serour... etc. v. ci-dessous, p. 109), Aa et Ac contiennent le récit commun aux autres manuscrits du roman en prose. Le narratif de Ab, cependant, différe également de la version en prose et du poeme de Chrétien. Ce manuscrit raconte comment la sceur de Meleagant, ayant conduit Lancelot chez son oncle, l’y guérit ; comment elle lui donne ensuite cheval et armes, et comment
il s’en va a
la cour du roi Arthur, jurant de se venger du traitre, Meleagant qui l’avait mis en prison par ruse. Sur ces entrefaites, Meleagant, ést arrivé a la cour d’Arthur. Il demande des nouvelles de Boors et de lui s’enquiert de Lancelot, se disant prét a lui livrer sa bataille. Boors répond que Lancelot est absent, mais se propose comme adversaire a sa place. On lui apporte ses armes. I] est a noter que les détails ici correspondent exactement a ceux qu’on trouve dans le poéme de Chrétien, mais que lui, il avait utilisés
pour décrire la fagon dont fut armé Gauvain. Au dernier moment arrive Lancelot. Le roi lui demande des renseignements sur ses aventures en lui disant qu’il a envoyé Gauvain a sa recherche. Lancelot raconte la trahison de. Meleagant, et veut absolument combattre avec lui, bien que Boors s’offre a sa place. Malgré la peur qui l’envahit, Meleagant se décide a combattre jusqu’au dernier soupir.
Quand
il est vaincu, Lancelot,
sur la demande
du roi, lui donne la permission de se tenir debout, et comme il s’enfuit, lui tranche la téte.
Telles sont les différences les plus importantes entre ces trois manuscrits et le récit de Chrétien de Troyes. Que nous soyons ici en présence
d’une
rédaction
assez
tardive,
me
semble
fort
probable. La servilité de limitation de Chrétien fait croire que son poéme n’était pas trés connu des lecteurs du roman en prose. Une allusion au Merlin donne lieu a supposer que le roman de ce nom était déja écrit au moment de la composition de cette version, qui, probablement, prit naissance au quatorziéme siécle, avec, ou peu avant, les trois manuscrits qui sont parvenus jusqu’a nous. Cette rédaction ne contient aucune allusion aux autres parties du corpus Lancelot-Graal. Elle doit, donc, représenter ou l'état de l’histoire de la Charrette avant d’étre incorporée dans le cycle, ou l’essai fait par un raconteur du quatorziéme
XLVII
siécle pour introduire un peu de variété dans une histoire déja trop bien connue. Lorsqu’on considére cette rédaction et sa place dans le cycle, il est tout de suite évident que l’harmonie et les proportions du tout ont été brisées. Les liens qui rattachent le Conte de la Charrette dans la version ordinaire du roman en prose, a la Queste del saint Graal, et a d’autres parties du Lancelot sont détruits.
I] semble,
donc,
que cette rédaction
soit posté-
rieure a la composition du tout, et cette conclusion est d’autant plus acceptable qu’elle se trouve appuyée par la théorie de M. Ferdinand
Lot de l’unité de la composition
cycle du Lancelot-Graal.
de cette ceuvre,
le
III. L’AUTEUR Le probléme de |’auteur du Conte de la Charrette ne peut étre résolu qu’en étudiant la question de l’auteur du cycle LancelotGraal-Mort Artu. Cette étude dépasse les limites de ce travail, et je me bornerai, donc, a montrer pour quelles raisons le Conte de la Charrette doit étre considéré comme une partie intégrale du cycle }. L’épisode qui semble prouver de la fagon la plus nette cette hypothése, est celui du Saint Cimentiere. Cet épisode, ébauché par Chrétien, l’auteur du roman en prose l’a entiérement reconstitué. On se souviendra que, dans le poéme de Chrétien, lorsque Lancelot, accompagné d’une damoiselle, arrive a un certain monastére, il est conduit au cimetiére ot: il apergoit les tombeaux destinés a plusieurs des chevaliers de la Table Ronde. Parmi eux,
se dresse une tombe d’une splendeur sans pareille, dont la pierre de marbre a une vertu particuliére ; quiconque parviendra a la relever, délivrera les exilés de Gorre. La valeur de cet épisode dans le poéme de Chrétien est apparente. Le prosateur en fait un emploi tout différent. D’abord, il 6te de ce cimetiére les tombes
utilisées.
des chevaliers de la Table Ronde,
car il les avait déja
Il les avait mises dans le cimetiére de la Dolerose
Garde, ot Gauvain, et, aprés lui, Arthur et Gueniévre, les avaient
découvertes *. Il les remplace, ici, par les tombes de Galaad, fils puiné de Joseph d’Arimathie, et de Symeu, pére de Moysi, dont les péchés sont racontés par l’Estotre del saint Graal. La pierre tombale magique est le seul trait du poéme qui persiste dans le roman en prose. Ce motif plaisait évidemment 4 ]’auteur, car il s’en est servi deux fois dans le Lancelot. Dans le cimetiére de la Dolerose
Garde,
Lancelot
trouve
écrits sur
un
tombeau
les mots suivants : « Ceste lame m’iert ja levee par main d’omme 1
Pour l'étude du probléme
de l’auteur, v. F. Lot, Etude sur le Lancelot
en
prose, Paris, 1918, et J. D. BRucE, Romanic Review, IX, (1918), pp. 241 ss., 343 ss. et X, 1919, 48 ss., et 97 ss.
2 Cf. H. O. SoMMER. op. cit., t. III, pp. 155, 162-3.
XLIX
ne par esfors, se par chelui non qui conquerra cest Doleros Chastel, et de celui est li nons escris desous. » L’ayant relevée, il lit : « Che gerra Lancelos del lac, li fiex au roi Ban de Benoye » }. Et
ici, dans
le Saint
Cimentiere,
Lancelot
souléve
la pierre
tombale de Galaad pour savoir s’il va pouvoir délivrer les exilés de Gorre. Il est évident que ces changements ne sont pas dis au hasard, mais quiils sont les résultats d’une idée directrice. Galaad et Symeu sont des personnages de |’Estoive del saint Graal. Galaad est l’ancétre de Lancelot, et c’est ainsi que l’auteur fait allusion a sa connection presque héréditaire avec le Graal. Symeu, lui, porte les regards en avant, vers la Queste del Saint Graal, car ses tourments dans le tombeau en flammes doivent continuer jusqu’a l’arrivée du chevalier sans péché, qui s’asseyera dans le Siége Perilleus et accomplira les aventures du saint Graal, chevalier qui sera parent trés proche de Lancelot et la fleur de la chevalerie terrestre. Pourquoi trouverait-on ces références au Graal dans le Conte de la Charrette, si ce n’était que l’auteur envisageait son ceuvre comme l'histoire du Graal, avec, bien entendu,
des épisodes purement aventureux et chevaleresques. Cette interprétation seule suffit 4 expliquer les changements introduits par le prosateur dans le poéme de Chrétien. I] racontait une histoire de Lancelot déja bien connue, et il l’a insérée d’une grande habileté dans le roman du Graal. L’endroit le plus propice pour faire la connection est ici, dans l’aventure du Saint Cimentiere,
et c’est ici qu'il l’a faite, renvoyant la pensée du lecteur en arriére a l’Estovve et en avant a la Queste del saint Graal. Ces changements
permettent
aussi au prosateur
d’annoncer
a Lancelot l’échec qu’il subira dans la quéte du Graal. Au milieu de son succés et de sa gloire, il lui fait souvenir de ses péchés et des péchés de son pére, 4 cause desquels un autre sera préféré devant lui, un chevalier en qui il n’y aura pas « feu de luxure ». Et c’est ainsi, dans ce roman bien terrestre, que le triomphe de la chevalerie céleste est proclamé par l’auteur, de la méme fagon qu’il le sera dans la Queste, et cette partie du Lancelot, animée du méme esprit, prend une place prescrite dans le tout. Toute chose a été écrite pour l’instruction de l’homme afin qu'il 1 [bid., p. 152.
i
puisse fuir Je péché et embrasser une vie de droiture, et les péchés de Lancelot ne doivent pas étre perdus de vue a cause de sa gloire terrestre. Voila la morale de cette histoire amorale, et que préche
également |’Estoire et la Queste del saint Graal. Les nombreuses références a d’autres parties du Lancelot qui existent tout le long du Conte de la Charrette montrent le soin du prosateur envers le détail. Il ne laisse jamais un bout de nar-
ratif, qu'il ne le trame dans le fil de son histoire. Les références aux exilés de Gorre, si mystérieuses dans le poéme de Chrétien,
sont élucidées dans une partie antérieure du Lancelot. Allusions
a des événements qui ont précédé les aventures du Conte de la Charrette,
la mort
de Galehot,
par Morgain la fée, le combat
le vol de la bague de Lancelot
de Bedingran,
sont faites pour
rendre le narratif plus clair, et bien que, d’elles-mémes,
elles ne
suffirent pas a prouver que l’auteur du Conte de la Charrette est le compilateur du cycle, elles confirment cette hypothése.
IV. LA DATE La question de la date de composition du Conte de la Charvette ne peut étre résolue qu’en déterminant la date de composi-
tion du Lancelot, question qui dépasse les limites de cette étude. Le Conte de la Charrette ne donne aucun indice pour fixer cette date. A part le fait qu’il fut composé aprés le poéme de Chrétien, qui date de l’année 1170 environ, et qu’il existe déja dans des manuscrits du milieu du treiziéme siécle, on ne peut lui attribuer de date plus précise. M. Lot, qui a profondément étudié ce probléme, est de l’opinion que le Lancelot fut composé entre les années 1221 et 1225 1. Le Conte de la Charrette ne fournit aucune raison pour rejeter cette date.
1 F, Lot, op. cit., pp. 126-40, et aussi Surv la date du Lancelot en prose, LVII (1931), 137-46. ;
Romania
V. DU POEME DE CHRETIEN AU ROMAN EN PROSE* Le Conte de la Charrette n’est, a la vérité, qu’un épisode du
roman en prose de Lancelot du Lac, une aventure de la vie pleine d’audace
de Lancelot, qui se place dans
sa carriére
4 un
mo-
ment qu’on ne saurait préciser, et qui n’est pas dicté par les contingences de l’histoire elle-méme. Chrétien ne semble pas savoir 4 quel Age son héros entreprit cette aventure, et le prosateur ne trouve pas en lui un guide pour lui apprendre comment il doit l’introduire dans toute son histoire de Lancelot. Sans doute Chrétien voyait-il son poéme comme un tout, et non pas comme un épisode ou une partie d’un cycle d’aventures. Le prosateur pouvait en faire ce qu’il voulait, et il le prit et le trama dans le dessin de son ceuvre d’un art si habile que le lecteur d’anjourd’hui ne se doute point des limites, du commencement et de la fin, du poéme de Chrétien. Il ne se rend pas compte qu’il n’est plus ici en présence d’une ceuvre originelle, mais d’un récit puisé a une source bien connue. Le prosateur fait de Lancelot un chevalier encore jeune, mais qui s’est acquis déja la renommée d’un guerrier invincible, et d’un homme a lapogée de ses forces. Déja, avant le commencement
de cette histoire, sa vail-
lance a été cent fois éprouvée, mais nulle part avec plus d’éclat que dans les aventures qui la précédent, ou, en délivrant Gauvain de la prison de Carados de la Tour Dolerose, Lancelot se montre le meilleur chevalier du monde. Son amour pour la reine Gueniévre a mari en méme temps que sa vaillance, avant le commencement du Conte de la Charrette, et la preuve de sa fidélité 4 cet amour est fournie par son succés dans l’aventure du Val aux Amants, ou sa parfaite constance et l’unité de son 1 Cf. M. Lor-Boropine, L’Episode de la Charrette dans le Lancelot, en prose et dans le poéme de Chrétien de Troyes, dans F. Lot, Etude suy le Lancelot en prose,
Paris, 1918, pp. 383-417.
Lilt
coeur lui donnent la force de délivrer les cent cinquante chevaliers emprisonnés. Le Conte de la Charrette, donc, est introduit dans le roman
en
prose quand Lancelot est au plus haut point de sa gloire et de sa renommée. Invaincu et invincible, d’une constance que nul ne peut égaler, il domine tout dans un isolement complet. La délivrance de Gueniévre des mains de Meleagant ne fait qu’ajouter a son honneur, et sa fidélité est a la fin récompensée par la reine. Cependant, les nuages s’amoncellent, nuages qui obscurciront sa gloire. La quéte du saint Graal, loin encore, s’approche, et avec
elle la déchéance
de Lancelot.
Une
fois, au tombeau
de Symeu, l’annonce en est faite ; mais ensuite l’auteur reprend son histoire de la puissance de Lancelot et de son amour, de cet amour méme qui sera la cause de sa chute. Cette annonce des événements a venir, le prosateur ne l’a pas trouvée dans Chrétien. C’est sa propre invention, son avertissement 4 Lancelot, et a ses lecteurs, que les choses de ce monde défailleront devant la splendeur de la chevalerie céleste. Mais il ne s’attarde pas sur ce point. I] continue Vhistoire des aventures de son héros et jouit pleinement du récit de son amour et de ses prouesses. La quéte du saint Graal est loin encore,
et les aventures de Lancelot
et
des autres chevaliers de la Table ronde remplissent les pages de la Suite de la Charrette et de V Agravain, les deux derniéres sections du Lancelot. Jai fait allusion a la dextérité avec laquelle l’auteur insére le Conte de la Charrette dans le courant du récit du Lancelot. Les incidents suivants en fourniront la preuve. Chrétien avait amené Meleagant a la cour du roi Arthur exprés pour défier le roi au sujet des exilés au pays de Gorre. L’auteur du roman en prose le fait venir 4 cause d’une blessure qu’il recut a Noél au tournoi de Camaalot, a la suite de ce qu’il appelle la trahison de Lancelot 1. Le courroux de la reine Gueniévre, que Chrétien explique par des raisons puisées 4 la théorie de l’amour courtois, est interprété tout autrement par le prosateur. Gueniévre est furieuse contre Lancelot parce que, quand il s’en alla a la recherche de Gauvain, enlevé par Carados, il quitta la cour 4 Londres sans
1 Cf. H. O. SoMMER, op. cit., IV, 43.
LIV
prendre congé d’elle !. En outre, ayant regu de Morgain la fée un anneau
dont auparavant
elle avait fait cadeau a Lancelot,
elle le croit infidéle 4 son amour. C’est la réponse de Lancelot ace doute qui lie le Conte de la Charrette a Vhistoire déja racontée dans le roman en prose, de son emprisonnement par Morgain, du vol fait par celle-ci de l’anneau de la reine, et du songe de Lancelot en prison sur l’inconstance de Gueniévre ?. La présence des exilés au pays de Gorre a été expliquée auparavant par le prosateur lorsqu’il racontait la prise de cette terre par le roi Urien. Urien la confia ensuite au roi Baudemagus, et Baudemagus pour faire accroitre le nombre de ses habitants, y retint prisonniers tous les « Bretons », sujets du roi Uterpendragon, qui la ravageaient *. Ce fut pour les contraindre a rester dans cette terre qu'il fit construire les deux « Ponts Perillex », le « Pont de l’Espee », et le « Pont sos Eve » 4. Lorsque Lancelot a tué Meleagant, et qu’il est assis a la féte donnée en son honneur par le roi Arthur, un chevalier, Argondras, l’accuse d’avoir agi en trahison, et le somme
de se justifier 4. la sainte Madeleine, a la cour
du roi Baudemagus. Et c’est ainsi que continuent les aventures ; chacune nait de celle qui la précéde ou porte en elle la germe de
celle qui la suivra. Comme l’a fait remarquer M. Ferdinand Lot, l’enchainement des €pisodes est un des caractéres les plus marqués du Lancelot en prose 5, et c’est un caractére fort évident du Conte de la Charrette, et qui soutient Ja conclusion que de cet épisode a lVorigine indépendant, a été fait une partie intégrale du Lancelot. Il n’est pas une addition interpolée plus tard dans un roman en prose déja existant, mais, préparé de loin, il occupe dans l/histoire sa place prescrite. Non seulement la méthode de travail employée par l’auteur du roman en prose se révéle dans les exemples précédents, mais aussi la différence qu’il y a entre son attitude et celle de Chrétien a Végard du sujet qu’ils traitent. Cette différence peut étre attribuée au point de vue suprémement rationaliste du prosateur, 1 Tbid., IV, 88 et 102.
2 Ibid., IV, 140-3, 151-2. 3 Ibid., IV, 39-40.
4 Tbid., IV, 40-1. * F, Lor., op. cit., pp. 17-28,
LV
point de vue qu'il applique a la matiére et au «sens», et qui explique tous les changements qu’il fait dans l’une et dans l'autre. Appliquée au narratif, cette attitude rationaliste a eu pour résultat le rejet de tout ce qui était mystérieux dans le poéme de Chrétien. Ainsi, la présence de Lancelot dans la forét de Camaalot le jour de l’enlévement de la reine, n’est plus la suite d’un heureux hasard, mais des bons
soins de la Dame
du
Lac, qui l’y envoya exprés pour accomplir cette aventure. Tandis que certains critiques ont été portés a voir a l’origine du poéme de Chrétien la légende du rapt de Flore par le Roi de la Mort, et a identifier Meleagant avec ce roi, et le royaume de son pére dont nul étranger ne revient, avec le pays des morts, une telle confusion ne peut pas se suggérer au lecteur du roman en prose, car, comme on l’a déja vu, la présence des exilés au pays de Gorre est expliquée, et le royaume de Baudemagus n’a rien de mystérieux. Les « Ponts Perillex » ont perdu leur caractére mystique, et ne gardent que leur allure extraordinaire. Ce sont des aventures que Lancelot et Gauvain doivent éprouver, des difficultés qu’ils doivent surmonter, avant de pouvoir délivrer la Reine. Ce serait une erreur, cependant, de penser que le merveilleux n’existe pas dans le roman en prose. II est 1a, mais il n’est pas le méme que dans le poéme de Chrétien. Il tient plutdt de la magie, que du mystére. C’est l’anneau magique de Lancelot qui le délivre des lions enchantés. Des mains invisibles lui servent a manger dans le chateau de la demoiselle chez qui il passe la nuit. La Dame du Lac, étant une fée, a la connaissance des choses
a venir. Une lance en flammes s’abat sur le lit de Lancelot endormi, et peu s’en faut qu’elle ne le tue. Dans tous ces exemples, le merveilleux a un caractére plus palpable, plus rationnel méme, que les vagues mystéres de Chrétien de Troyes, et s’accorde assez bien avec les croyances du treiziéme siécle a la magie et au surnaturel. L’attitude rationaliste du prosateur se remarque aussi dans le soin qu’il montre a identifier ses personnages. Tandis que Lancelot reste anonyme pendant plus de la moitié du poéme de Chrétien, l’auteur du roman en prose rejette, dés le début, cette
recherche
de mystére.
et aA Gauvain
le chemin
La demoiselle
qui enseigne 4 Lancelot
des « Ponts Perillex », et ensuite offre
LVI
Vhospitalité 4 Lancelot,
est identifiée par le prosateur avec la
plus jeune des demoiselles du chateau ot Lancelot avait dormi dans le lit enchanté; et c’est ainsi qu’il attribue une raison, que n’avait pas Chrétien, a l’épreuve qu'elle fait subir 4 Lancelot dans son chateau : elle voulait savoir si ce chevalier inconnu était vraiment Lancelot ou non, car l’autre demoiselle avait chargée
de cette mission, et lui avait expliqué de quelles méthodes elle devrait se servir. Dans le poéme de Chrétien, ces trois réles sont remplis par trois demoiselles différentes. La demoiselle du chateau du lit enchanté n’est pas celle qui rencontre Lancelot et Gauvain chemin faisant ; et c’est encore une troisiéme qui fait l’épreuve de la fidélité de Lancelot dans son chateau a elle. Chrétien ne donne pas de raison pourquoi ce fut la sceur de Meleagant qui délivra Lancelot de la Tour des Marais. L’auteur du roman en prose, cependant, l’identifie avec la demoiselle qui demanda a Lancelot la téte du chevalier traitre qui lui avait reproché la honte de la charrette, et il établit
ainsi une
raison pour
sa
reconnaissance envers Lancelot, et pour sa haine de son demifrére, Meleagant, qui l’avait brouillée avec son pére, et avait tué son amant.
Le sentiment de la honte qui se rattache a celui qui monte dans
une
charrette,
sentiment
d’une
importance
si profonde
dans le poéme de Chrétien, est presque entiérement absent du roman en prose. Allusions a cette honte qu’on devrait éprouver ne manquent pas, mais elle n’est pas vraiment ressentie, et elle
ne joue pas de réle dans Vhistoire. Lancelot hésite 4 monter dans la charrette non pas parce qu’il redoute la honte qui se rattachera ensuite a lui, mais parce qu'il craint que le nain n’accomplisse pas sa promesse. Et lorsque l’auteur fait monter dans la charrette Arthur et Gueniévre et toute la cour par amour de Lancelot, elle cesse d’avoir aucune signification. Cet épisode, créé par l’auteur du roman en prose, montre son peu de compréhension de la finesse de pensée de Chrétien, pour qui la charrette fut le symbole de l’avilissement supréme que Lancelot souffrirait pour l’amour de Gueniévre, symbole qui était nécessaire a sa haute conception du caractére de l’amour courtois 1. 1 J. D. BRucE, The Composition of the French Prose Lancelot,
Romanic
Review
X (1919), p. 57-8, ne semble pas se rendre compte de l’importance de cette addi-
LVII
Si on examine maintenant le «sens » du roman en prose, on retrouvera cette méme attitude rationaliste vis-a-vis de l’amour courtois, attitude qui change de fond en comble sa conception. Pour Chrétien, l’important dans son ceuvre était la démonstration de la théorie de l’amour courtois. Pour l’auteur du roman en prose, cette théorie n’avait presque plus d’intérét. Le prosateur s’intéressait beaucoup plus aux aventures de Lancelot, et racontait plus volontiers ses exploits chevaleresques, que les souffrances qu'il éprouvait pour l’amour de la reine. II élague l’histoire de tous les passages ot. Chrétien se plait 4 discuter la psychologie de l'amour et des amants, et ne garde que le vide contour de la théorie. L’histoire reste, la signification en est perdue. Ainsi, ce nest
pas parce
quil a hésité
de monter
dans
la charrette,
Tant solemant deux pas demore Li chevaliers que il n’i monte. Mar
le fist, mar
i douta
honte,
Que maintenant sus ne sailli! ; et préféré pour deux secondes son honneur a son amour, que Gueniévre refuse de lui parler, mais parce qu’elle croit qu’il a donné l’anneau dont elle lui avait fait cadeau a Morgain la fée, et parce qu’il avait quitté la cour 4 Londres sans venir lui dire adieu. Quand, dans le poéme de Chrétien, Lancelot entre dans le lit de la reine, il lui rend d’abord les honneurs dts a une divinité : Si l’aore et si li ancline Car an nul cors saint ne croit tant ?.
Mais l’auteur du roman en prose ne comprenait pas cette idée, qui ne trouvait pas de place dans sa propre conception de lamour. Et c’est ainsi qu’il a abaissé lhistoire de l’amour de Lancelot et Gueniévre de son niveau intellectuel et théorique, et l’a réduit 4 un simple intrigue entre un chevalier et la femme de son suzerain, a la fois plus ordinaire et plus naturel. L’auteur du roman en prose, qui 6te ainsi la psychologie de tion a l’histoire de Chrétien. I] n’avance pas de raison suffisante pour permettre de la considérer comme l’interpolation d’un second remanieur. 1 CHRETIEN DE TROYES, op. cit., vV. 364-7. 2 [bid., VV. 4670-1,
LVIII l’amour a ses personnages, ne leur en donne pas d’autre, plus profonde ou plus vraisemblable, a sa place ; il ne sait pas les animer du souffle de la vie. Dans le poéme de Chrétien déja, ce n’étaient pas des personnages animés d’une vie si intense qu’ils dictaient leurs actions a l’auteur, mais, néanmoins, ils gardaient une cer-
taine illusion de vie, die 4 la grandeur du génie de Chrétien luiméme.
Dans
le roman
en prose,
ce ne sont plus vraiment
des
individus,mais des fantoches que l’auteur fait gigoter a volonté. Ils ne pensent pas, n’éprouvent pas de sentiments profonds ni de douleur ni de joie. Et les émotions que l’auteur leur fait simuler sont d’un nombre trés restreint. Gueniévre n’est qu’une figure de second plan. Incapable d’aimer passionnément quoi que ce soit, son infidélité 4 Arthur reste sans cause véritable,etson amour
pour Lancelot est égoiste, quinteux et peu profond. Cet amour de Lancelot et Gueniévre n’a rien du caractére inexorable qui se fait sentir dans la passion de Tristan et d’Yseut, telle que l’ont racontée les plus anciens écrivains. L’intérét du prosateur n’est pas dans cet amour, mais dans l’histoire des aventures de Lancelot, qui ne vit, a ses yeux, que pour elles. Et c’est ainsi qu’il envisage l’amour de Lancelot et Gueniévre, non pas comme le ressort qui motive toutes leurs actions, mais simplement comme un épisode dans la carriére aventureuse de son héros. Lancelot aimait, non pas parce qu'il ne pouvait pas vivre autrement, mais parce que l’auteur l’avait voulu ainsi. On a prétendu que l’auteur du roman en prose a détourné lintérét de l'amour de Lancelot et Gueniévre pour témoigner sa désapprobation de cet amour. Il est vrai que Lancelot ne peut pas accomplir la Quéte du saint Graa! a cause du péché de sa vie, et il est vrai que le prosateur fait allusion a ce péché dans l’épisode des tombes du Saint Cimentiere. Mais il n’est pas préoccupé par l’idée de l’amour coupable de Lancelot et Gueniévre, et il ne cherche pas a enseigner une morale ni a s’appuyer sur l’erreur de leur vie. Il s’amuse de l'histoire telle quelle est, et qui ne veut voir dans le Conte de la Charrette qu'une simple préparation pour la Queste del saint Graal, interpréte d’une facon tout a fait fausse, les données de histoire elle-méme.
LIX
NOTE SUR LES DIFFERENCES
ENTRE LES VERSIONS
« ET 8.
Les différences entre les versions « et 8, bien que considérables, sont toutes des différences de détail, et ne peuvent pas étre classées, ni attribuées 4 un intérét particulier de l’auteur pour telles ou telles choses. On ne peut dire qu’une version soit plus courtoise que l’autre, ou qu’elle montre un plus grand intérét dans les aventures, ou dans les choses religieuses. Les différences sont dies au hasard de l’invention seulement.
VI. METHODE
D’EDITION
Dans l’édition qui suit, nous reproduisons fidélement le texte du manuscrit A (et pour la version f, celui du manuscrit K); Si nous nous sommes permis d’y faire quelqnes retouches, ce n’est pas pour améliorer notre texte, mais pour le rendre intelligible. Ces retouches ne concernent, d’ailleurs, que les fautes évidentes du copiste ; elles s’appuient dans chaque cas sur les lecons des autres manuscrits de la méme famille.
Or dist li contes que quant Lancelot se parti de Sorelois en emble, et il fu hors de la terre, si fist duel chescun jor, et menja petit, et dormi, si li wida la teste si qu’il forsena, et fu en tel
maniere tot l’esté et tot liver jusqu’al Noel, et ala par totes terres menant sa forsenerie. Aprés le Noel avint que la Dame del Lac qui le norri, l’aloit querant par totes terres. Si ala tant demandant noveles et encerchant enseignes qu’ele le trova, la veille de la Chandelor, gisant en un buisson en la forest de Tintaiuel, en Cornoaille, si l’en amena et le gari, et le tint avec li
tot liver et le karesme Si en fu en greignor bialté et en greignor force que il n’avoit onques esté nul jor, porce qu’ele li prametoit qu’ele li feroit avoir encore autresi grant joie com il avoit etie onques greignor. Ne onques de la mort Galehot ne sot riens tant com il fu avec sa dame, kar ele li cela et fist celer a son pooir. Ensi demora avec sa dame jusqu’al quinzime jor devant l’Acension, et lors ala a la cort le roi Artu. Et sa dame li ot appareillié cheval et armes ; si li dist : « Lancelot,
or vient li tens que tu
recoverras quanque tu as perdu se tu vels. Et sachies qu'il te covient estre le jor de |’Acension ains none a Camaalot, et se tu a cele ore n’i estoies, tu ameroies miels ta mort que ta vie». «Ha! dame, fet il, or me dites donc por quoi ». « Por ce, fet ele, que la roine en sera a force menee. Et se tu ies la, tu la secorras,
et de la ou nus ne fu onques rescos. » « Et je vos jur, fet il, que je i serai, ou soit a cheval ou soit a pié. » Si le fet movoir quinze jors devant l’Acension, si qu’il vint a droite ore de miedi a Camaalot, en la place [f. 199 d.] ou Kex li seneschals fu abatus et navrés por la roine qu'il conduisoit, si com li Contes de la Charete le devise. A cel jor tenoit li rois Artus sa cort a Camaalot, qui estoit la plus aventurose vile qu'il eiist, et une des plus delitables. Mais ce n’estoit mie des hautes cors merveilloses qu’il soloit tenir a la vie del buen Galehot, et tant com Lancelot del Lac i estoit,
dont chescuns cuidoit que mors fust; ancois fu la cors le jor triste
20
30
Zs
et dolente, et maintes lermes i furent plorees angois qu’ele departist. Kar la ou li rois estoit venus de la messe, entra laiens Lionials, li cosins Lancelot, qui venoit de lui quere par mains pais. (+) Si li sailli a l’encontre li rois et la roine, qui sor tos en fist 5 joie, et la Dame de Maloaut que nule riens ne pooit faire esjoir, kar ele avoit perdu en la mort Galehot a estre dame de trente roialmes, et le devoit esposer dedens cel an. Grans fu la joie qui fu fete de Lionel, mais tost fu en ire changiee quant il lor dist que ses cosins estoit perdus, et que bien ro cuidoit qu’il fust mors. Et li rois commence a plorer, et dist que c’estoit por le duel de Galehot qui estoit mors. « Certes, fet mesire Gauvains, il a grant droit, kar aprés tel home come Galehos
estoit, ne deiist nus hom deignier qu’il vesquist. » De ceste parole fu la roine molt corocié, kar a la mort Lancelot ne s’acordast 15 ele mie. Si dist encontre monseignor Gauvain: « Comment,
Gauvain, sin’est ore nus preudom remés en terre qui Galehot vaille ? » Et il respont, « Dame, voir, je ne le sai mie. » «Si est, fet ele, vostre oncles al mains.» Et il s’en lieve, et li cuers li engroisse, et les lermes li vienent as iex, et il s’en torne et dist
20 ensint com il s’en aloit : « Certes, dame, il le deiist bien estre. » Ensi sont remises les paroles, et lors vient Kex li seneschals, un bastonet a or en sa main, et si fu desfublés, et dist al roi que
tos pres estoit li mengiers, et que bien ert huimés tens ; « desormés poés bien mengier », kar por aventure ne remaindra il mie. Eee
(1) Ici se fait la divergence entre les versions a et
B [MS K f. 158 d].
Si li sailli li rois et la reine a l’encontre, qui seur tous en fist joie et trop merveillex duel. Lors s’asist li rois au mengier, quant Lyonniax fu venus qui Lancelot avoit quis par maint pais. Si en fu granz li duelz derechés, que onques n’i ot baron 5 ne dame ne damoisele qui dolent n’en fussent, mes nul duel ne se prenoit au duel la roine. Cele faisoit duel en apert et en repost. Ele ne se cuevre pour nuli que duel ne face, ne nus ne em puet blasmer, car autresint font tout li autre. A ce jour fu moult povre la court, et moult troublee, car maintenant 10 que Lyonniax fu venus revindrent noveles de la vaillant damoisele de Malohaut qui morte estoit pour la mort Galehot, qui atendoit a estre dame etc. V. supra, 1. 6.
3 Li rois asiet al mengier, ne mie por talent qu’il en ait, mais por sa cort esleeschier, si mengierent poi de tels i ot. Et Lionials fu avec la roine en sa chambre, si s’entreconfortent de lor grant duel. Quant li rois ot mengié, si s’asiet en une grant coche, et fu
tant dolens qu’il ne li tint des grans envoisetires qu’il soloit fere, ains pensa. Et entor lui fu ses barnages molt esbahis. La ou il pensoit issi, entra laiens uns chevaliers armés de hauberc et de
5
chauses, s’espee chainte, et fu sans hialme. Si fu molt grans, et molt bien tailliés de totes choses,et vint tot contreval la sale a
grant pas, et tint par contenance sa main destre al pont de s’espee. Et quant il vint devant le roi, si parla molt fierement et dist : « Rois Artus, je vieng ci por fere conoistre que je sui Meleagans, filz le roi Baudemagu de Gorre, si me vieng en vostre cort esloialter et desfendre contre Lancelot del Lac, de la plaie que je li fis ’autre an a bohorder, porce que j’ai oi dire qu'il se plaint que je le navrai en traison. Et s’il le dist, or viegne avant, kar tos sui appareilliés de moi deffendre. » (4) « Sire chevaliers, fet li
Io
rois, Lancelos n’est mie saiens, et grant tens a que nos ne seiimes
ou il est, c’est grans damages. Et s’il i fust il osast bien sa droi-
(1) Texte de la version
B. [MS.
« Sire
fait
chevaliers,
K f. 159a].
li rois,
nous
en
avons
bien oi parler.
de vostre prouesce en quel que lieu que vous soiez. Vous estes filz a un des plus prodome del monde de sa geste, par quoi l’en vous doit pardonner une mesprison. Et Lancelot connoist l’en bien en mon hostel qu’il oseroit bien moustrer contre un meilleur de vous une mauvestié se l’en li avoit faite. Mes tant sont alees les paroles par maintes terres, que vous avés bien oi dire qu’il ne fu ceenz il a moult grant piece, ainz est perduz, c’est grant doleur. Et s’il i fust, et il seiist que vous li eiissiez riens mesfait, ja ne vous couvenist haster de l’esprou- 10 ver, car il s’en seuust
bien semondre. » « Sire, fait Meleagans,
toutevoies offre je bien que je sui apareilliés de moi detfendre de ceste choze, et s’il est ceenz, pour Dieu, faites le venir avant,
car, certes, il n’a chevalier el monde a qui je me prouvasse si volentiers. » 9 MS. et cil i
138 MS. et cil est
4 ture desrainier, ou ci, ou en vostre pais, ce set l’en bien, ou en autre. »
Tant alerent les noveles del chevalier que l’en le set es chambres la roine. Et Lionials qui i estoit, vint devant le roi grant aleiire, et s’aati de mostrer encontre celui que malvaisement avoit navré Lancelot. Mais li rois ne volt soffrir que la bataille fust, ne la roine,
qui a son pooir la destorna. Et lors s’en va Meleagans. Quant il vint a luis de la sale, si retorna et vint devant le roi et dist: Io
« Rois, je m’en vois de ta cort sans bataille, mais je ferai tant se saiens a nul preudome que je l’avrai. Et bien sacheis qu’en la terre Baldemagu mon pere, et en la moie, sont maint chevalier
15
de vostre terre en prison et en servage, et dames, et damoiseles, et vaslés. Sine samble mie que sai [e] ns ait tant [f. 200a.] de buens chevaliers com 1’en dit, quant il ne les vienent requere et delivrer, kar ce n’est mie trop loing ne trop grant paine de passer un [pont] a tels chevaliers com il doivent estre, et de combatre a un sol chevalier. Mais or la pueent legierement conquerre 1’onor sil losent fere, kar se vos valés tant que vos osez baillier
Tant courent les paroles que es chambres la roine sont venues ou Lyonnel
i
estoit. Et il saut maintenant
sus, et vient devant
le roi et dist : «Sire, tenez mon gage, que je sui orendroit pres de moustrer encontre Meleagant qu'il en traison navra Lancelot de la plaie dont il parole. » La roine vient avant, si prent Lyon-. nel a force et le trait arrieres, si li dist : « Lessiez ester, Lyonnel,
10
car quant Diex avra amené vostre cousin, s’il treuve cel chevalier en nul lieu ou il puisse avoir pooir, il li ossera bien moustrer vers lui. Ne il ne se tendroit apaié de chose que nus en feist, se son cors n’i estoit.» A grant paine ont trait Lyonnel hors de la bataille. Et quant il voit que ce est remés, si s’entourne, et va jusque l’uis de la sale. Et lors retourne et dist au roi : « Sire rois, j’estoie chevalerie venus querre en vostre ostel, mes point
15
n’en i puis trouver. Mes anchois que je m’en aille, ferai tant que j’avrai la bataille s’il a ceenz tant de bons chevaliers comme len dit. Il est voirz que, en la terre mon pere, a des gens de cest pais a grant plenté, en serva[f. 159b] ge et en essill. Ne onques delivrer ne les poistes. Mes or en seroient il delivré legierement
5 a l'un de vos chevaliers la roine que je voi la, a conduire jusqu’a la forest, s’il la puet vers moi deffendre, je deliverrai les chaitis
et les chaitives qui en la terre de Gorre sont, et si devendrai
vostre hom, et mes peres autresi. Et si me tenés tant en prison,
quant li chevaliers m’avra conquis, que vos aiés tos vos covenans. Et se je conquier le chevalier, ja por ce ne remaigne que vos ne faciés vostre pooir et je le mien. » « Bials sire, fet li rois, se vos tenés ma gent, a soffrir le me covient tant que jele porrai amender; mais par la roine ne seront delivré, ne par li ne sont enprisoné. » Atant s’empart et monte en son cheval, si chevalche jusqu’a entree de la forest, et esgarde et atent se nus vendra aprés lui. A mains de deus archiees avoit bien cent chevaliers armés qui
lV’atendoient. Ensi atent Meleagans, et la parole est tant espandue par la maison le roi de sa fierté et de son orgueil, que Kex li seneschals le set, qui menjoit es sales aval. Si se lieve del mengier et vient
15
a son ostel, sis’arme et vient al roi, et dist : « Sire, je vos ai longue-
s'il estoit un de vos conbatroie mon pais,
qui l’osast faire. Car, se vous ossez bailler la roine a chevaliers a mener jusque cele forest aprés moi, je me a lui, et se je conqueroie la roine, je l’en menroie en et s’il la pooit vers moi deffendre, les prisons vous
seroient delivreez. » « Biaus amis, fait li rois, se vous les avez en
prison ce poise moi, et je l’amenderai quant je porrai, mes par la roine ne seront il ja delivré. » Atant s’en part Meleaganz, si nia ame leenz, qui sage soit, qui ne le tiegne a grant folie l’aatine qu il avoit faite de mener la roine el bois. Et il est montés en son cheval, si s’en ist de Kamaaloth, et s’en va trestout son pas vers 10
la forest. Et regarde moult souvent aprés lui savoir se ja nus le sivroit. Et cil de l’ostel le roi en parolent, si dient tiex i a que moult a Meleagant parlé comme musart, et tiex i a qui dient que ce qu'il a dit ne fu se prouesce non. Mesires Kex, li seneschax, en a bien la parole oie, si li poise 15 moult del chevalier qui sanz bataille s’en va. Et il est venus en son ostel, si s’arme, puis revient devant le roi, sa ventaille abatue et ses manches, si dist au roi: «Sire, je vous ai assez servi, et 1 MS. losast faira car.
5 MS.
rois ce vous
n
6 ment servi, or ne me plaist plus vostre servises, si preing a vos congié, kar je m’en vois.» Et li reis est tos esbahis de ceste chose. «Comment, fet il, seneschals, dites le vos a certes ? » « Oil, sire, fet il, sans faille. » « Por quoi est ce ? fet li rois. » « Sire, fet il, tels est ore ma volentez.» «Ce ne ferois vos mie, fet li rois. Mes se vos avés fole volenté, si la laissiés ; et je vos empri,
sor l’amor et sor la foi que vos avés a moi, que vos remaigniés. » «Sire, fet il, ne m’en proiés ja, kar il n’est en cest siecle nule Io
riens por quoi je remainssise fors une sole, et cele ne savrois vos ja par moi. » Li rois avoit Keu molt chier, si mist totes les paines qu’il pot en lui retenir, mais il ne volt dire la chose por quoi il remaindroit. Et quant li rois voit que par soi nel savra, si dist a la roine qu’ele l’en prit. Et ele si fait molt dolcement. « Et bien sachiés, fet ele, quels que la chose soit, que je la vos ferai fet il, si je estoie de ce setirs, je la diroie. » Et li rois, qui molt est liés, la licreante et l’en done la roine en pleges. «Sire, fet Kex, vos m’avés otroié a baillier madame por
T5 avoir. » « Dame,
plus pour vostre amor
avoir que pour terre ne pour tresor, et
je cuidoie jusques ci que vous. m’amissiez assez, mes non faites, je m’en sui bien aperceiiz. Et puis que vous ne m’amés, vostre compaignie ne vostre service ne veil je plus avoir en nule fin. 7) Et je m’en
vois, si servirai tel qui m’amera
et tendra
chier. »
Li rois amoit le seneschal de grant amour, si li dist ; « Que est ce, seneschal ? qu’avez-vous ? A quoi vous estes vous aperceiiz que je vous hé, ou aim mains que je ne sueil ? » « Sire, fait il, je preng congié, et aler m’en veill, ne je ne remaindroie pour nule riens. » 10 «Se nus, fait li rois, vous a mesfet, si le me dites et je l’amende-
rai si hautement que vous i avrez enneur. » Et il dist qu’il ne se plaint de nului, mes toutevoies s’en ira. De ceste chose est li rois moult angoissex, si li dist : « Seneschax, puis que vous ne volez demorer, atendez moi tant que je soie a vous revenuz. » 15 Li rois s’en va a la roine et dit qu’aler s’en veult li seneschax. « Et j’aim plus son service que riens. Et pour ce en ai je moult grant duel, si veill que vous l’empriez outreement, et anchois li chaez as piez qu’il ne le face. » « Sire, fait ele, volentiers. » La reine i est alee, si dist : « Com-
7 mener aprés le chevalier qui ci fu ore, kar vostre cors serroit honie s’il ne trovoit saiens qui l’osast mener. » De ceste chose est li rois si anguoissos que plus ne puet, si li baille la roine. Ne laiens n’a chevalier qui ne plort as iex de sa teste. Et ele plore si durement que nus n’empuet parole traire. 5 Lors fu li palefrois amenés.
ment, seneschaux, qu’est ce que vous volez faire qui aler vous en volez de mon seigneur, le roi ? Je vous pri outreement que vous remaigniez, et sil est choze nule parquoi vous soiez irez, je la vous ferai avoir se je la puis avoir, quele qu’ele soit.» « Dame, fait il, einsi remaindroie je. Et savez vous que vous m’avés otroié
5
se je en sui bien setirz ? » Et ele apele le roi, et il li creante a don-
ner ce qu'il demandera. «Sire, fait-il, je re[f. 159c¢]maindrai atant. Or vous dirai l’otroi que vous m’avés fait, c’est de mener madame aprés cel chevalier, qui de ci s’en va, pour voz gens delivrer. Car dont seroie je honiz, et tous ceuz de ceens, se il einsi 10 sanz bataille s’en aloit de vostre ostel. »
Quant li rois l’entent, si est si iriez que par un pou qu’il n’ist du sens, et miex vausist il perdre le seneschal a tous les jours de sa vie. Mes la reine en est dolente seur tous les autres. Si avoit ele d’autre part moult grant doleur que nul cors n’en peuust 15 tant soustenir, c’estoit de Lancelot dont nus ne pooit oir noveles.
Si en estoit si couroucié que toute avoit perdue sa grant biauté qu’ele avoit devant eiie, et auques en avoit perdu de son grant senz. Mes ce le paracorra qu’ele estoit otroié a mesire Keu le seneschal. Si entre en une chambre, si fait le greigneur duel qu’ele 20
peut faire. Et entre li et monseigneur Gavain avoient le jor tencié, car il disoit que aprés Galehot n’estoit remés nul preudome el monde. Ele dist que si estoit li rois ses sires, et il dit : « Dame, il le deiist bien estre. » Teles avoient esté les paroles entr’eus deus. Ne ele ne pooit croire que Lanceloz fust mors. Bien pensoit 25 qu’il estoit ou que soit emprisonez ; et li cuerz li disoit bien. Et son palefroi fu apareilliez. Et li rois l’envoia querre es chambres ou encore faisoit son duel, et ele vient.
3 MS. et cil est
6 MS. et ele li,
Et quant Dodinials li Salvages oi que totes voies l’en menroit Kex, si l’en poise molt, et dist al roi; « Sire, fet il, en lairois vos mener madame en tel maniere ? » « Je n’en puis mes, fet li rois. » «Non ? fet il. Ja Diex ne m’ait, fet il, s’il la menra gaires loing. 5 Miels est il que je li toille que plus estranges. » « N’en ferois noient, fet li rois. Ne ja se Dieu plest, en chose que je creant n’avra traison trovee. Il]’avra, puis que je li ai baillié. Ne Meleagans n’a poor de mon pooir devant qu’il soit en son pais, car chose que rois ait creantee ne doit estre desmentie. » « Non ? fet Dodi10 nials. Donc di je que nus n’est honis se rois non, et honi soit qui le velt estre. » Atant s’empart si dolens que plus ne puet estre. Et la roine monte
grant duel faisant. Et Kex dist : « Dame,
n’aiés garde. »
Et ele esgarde monseignor Gauvain, qui fet tel duel qu’il l’ocit, 15 et ele ne se puet tenir qu’ele ne die: « Ha! mesire Gauvains, hui m’apercevrai je que aprés Galehot est tote proesce morte. » Quant Dodyniax li Sauvages voit que toutevoies ira, si vient au roi, si dist : «Comment, sire, soufferez vous que madame aille el conduit au seneschal en la forest ? » « Et li rois dist que a faire li covient puis que creanté li a. « Et se li chevaliers la conquiert 5 vers lui, fait Dodyniax, l’en menra il dont quitement ? » « Oil, fait li rois, car je seroie honnis se nus hom de mon ostel la secouroit. » « Dont
seroit folie, fait Dodyniax,
de lessier l’en mener
en la forest qu’ele ne fust a Keux tolue. » « Et sil n’i avoit que moi, fait li rois, si li tendroie
je son convenant, car rois ne se
10 doit mie desdire de son serement. » « Non ? fait Dodyniax. Dont di je que rois est plus honiz que autres, et qui rois velt estre, honiz soit il. » Li palefroiz la reine fu amenés, et ele faisoit merveilleux duel quant ele dut monter. Si regarde monseignor Gavain, si li dist : 15 «Ha! biaus dous niez, encui m’aperceverai je que aprés Galehot est toute prouesce faillie. » Et lors se pasme. Et Keux li dist : «Dame,
montés,
et n’aiez garde, car je vous
en ramenrai
sain
et sauve. » Et ele est montee, et il va avant et ele aprés jusques hors de la vile. Lors s’en tournent et un et autre que plus ne le 20 convoient. Et mesires Gavains dist au roi que toutevoies la sivra il, «Et se la reine est conquisse, g’irai aprés jusqu’en la terre
9 Lors l’en [f. 2000] maine Kex, et chevalchent vers la forest droit. Et Meleagans la voit venir, si s’en vet as cent chevaliers qui Vatendent, et lor conte l’aventure, et il en sont molt lié. Melea-
gans s’en revient la ou il l’avoit atendu, et quant Kex est venus jusqu’a lui, si li demande se c’est la roine. Et il dist : « Oil. » « Et vos, fet il, qui estes ? » Et Kex se nome. « Dame, fet Melea-
gans a la roine, descovrés vos. » Et ele a tel duel qu’ele voldroit estre morte, si ne li dist mot. Et il li desvolepe son vis, si la conut. « Kex, fet il, nos irons en la plus bele lande del mont que je vos mosterrai, si josterons plus a aise que nos ne ferions en |’espés de ceste forest.» Et il li otroie.
* re)
Atant s’en vont tot lor chemin, et lors encontrent un chevalier
armé, et c’estoit Lancelot qui gardoit le chemin si com sa Dame del Lac li avoit commandé. Il demande: « Qui est cele dame ? »
de Gorre. » Atant se taist, et s’est armez, et monte en un moult bon cheval, et a deus escuierz en fait mener en destre deus
[chevax]. Si s’en ist de Kamaalot en tel maniere. D’autre part en maine Keux la [f. 159d] reine tant qu’il vint en la forest. Et Meleagans qui le vit venir, si fu dedenz le bois en parfont et bien cent chevalier qui l’atendoient el bois dedens, et il leur conte l’aventure.
A tant s’enbuchent
5
li chevalier, et
Meleaganz en revient arrieres, si encontre monseigneur Keu le seneschal,
si li dist : «Sire
chevalier,
qui estes vous? et cele
dame, qui est ele ? » «C’est, fait Keu, la roine.» «Ce ne sai je pas bien, fait Meleagans. Dame, fait il, desvolepés vous, si vous
verra[i].» Et ele se desvolepe,
et il voit bien que ce est ele.
« Mesire Keu, fait il,en ceste forest a moult anieuz lieu a combatre
deus chevaliers, et trop espesse, mes alons en la plus bele lande del monde qui est ci pres, ou il fera moult bel conbatre.» Et
15
Keu li otrie. « Alez, fait il, devant, car je sai bien ou la lande
est. » Et Meleagans s’en va devant, et Keu et la reine le suivent le petit pas tant que Lancelos les voit de la ou il estoit embuchiez. Et il ot a son col l’escu vermeil a la blanche bende de bellic. I] salue la reine au plus couvertement qu’il puet. Et ele l’a sourcouneii, mais ele ne parosse cuidier que ce soit il, si li rent son salu un poi plus debonerement qu’ele ne feist a un autre
20
Io
«C’est la roine, fet Kex.» «Quele roine ? fet Lancelos.» «La feme le roi Artu, fet Kex. » « Vos ne la menrois, fet il, en avant. » « Vers cui, fet Kex, la volés vos deffendre ? » « Vers tos cels, fet _ il, qui avant le voldront mener. » « Qui estes vos ? fet Kex. » 5 « Je sui uns chevaliers errans, fet il. Et vos qui ? » « Kex, fet il, sui.» «En menés vos, fet il, issi madame-? » Kex ne conoist pas Lancelot, si li dist : «Bials sire, fet il, vers cest chevalier le me covient deffendre. » Si li conte comment. Et Lancelos se
pense qu’il esgardera comment Kex le fera. Lors s’en part, et 10 la roine est tote esbahie qui cuide que il l’ait conue. « Je n’os mie parcuidier que ce soit il. » Et il les sieut tot le covert del bois, tant qu’il vienent en [la] lande. Et Meleagans prent la roine al frain, et dist : « Venés en, dame. » « Encore, fet Kex, ne l’avés 15
vos pas conquise. Ostes la main, kar par tens le conperrois. » Lors s’entreloignent anbedui, si metent les lances desos les aiseles, et hurtent les escus des cotés, et donent as chevals des esperons, si s’entrefierent grandismes cols sor les escus. Kex met
pour la joie qu’il li a fait a encontrer.
I] dist a Keu: « Qui est
ceste dame,
sire chevaliers,
menez ?» «Ce
il, madame
la roine. » « Laquele reine? fait il.» «La fame le
que vous
est, fait
roi Artu. » Et il l’aiert tantost au frain. « Et vous, qui estes, fait il, qui l’anmenez ?» « J’ai non, fait il, Keu li seneschaux. » « Vous ne la menrez avant, fait il. Trop l’avez menee. » « Pour
quoi ? fait il. » « Pource que je la preng en conduit. » « En conduit l’avez prise, fait mesire 10
15
Kex,
encontre
qui ? » « Encontre
tous ceuz, fait il, qui mener l’en voudront de ci. » Et Keu dist : «Biau sire, je l’en menrai par le commandement le roi, pour deffendre la de cel chevalier qui la m’atent.» «Dame, dist il voir ? fait Lancelot. Je n’en cerroie se vous non.» Et ele dist « Oil, sanz faille.» Et il pense qu’il regarderoit comment il en avendroit a Keu, car lors sera l’anneur greindre s’ il la conquiert vers le chevalier qui contre Keu l’avra conquise. Keu s’en part et la reine, et Lancelot les suiet de loinz.
Et quant Keu vient en la lande, le chevalier prist la reine au frain, et dist : « Dame 3 MS. fet ikex la
vous estes prise. » « Vous ne ]’avrez pas
5 MS. kex fet fet il
EX
_sa lance en pieces, et Meleagans le fiert si durement
que tot le
ploie sor l’argon deriere, si que li escus et les es percent, et li haubers ne puet le grant cop soffrir, si ronpent les mailes, et le fers li passe parmi le costé et li brise une des costes, et l’enpaint
si durement que par delés l’eschine passa li fers parmi le ploi del hauberc, si porta lui et le cheval tot en un mont. Et chiet si durement contre terre que tos li argons esmie. Et Kex se pasme. Et Meleagans qui tant fu fel, li vet tant par desor le cors que tot le debrise, et qu’il n’a pooir de soi deffendre. Et li chevalier Meleagan qui l’atendoient i acorent et le lievent, si navré co[m] il est, en une litiere, si l’emportent. En tel maniere en mainent la roine. Quant Lancelos, qui avoit esgardé quels seroit la fins, vit qu’il en menoient
nr
sa dame, si ne fu mie a aise. Lors hurte le cheval
des esperons, et lor escrie. Et Meleagans le voit venir, si li adresce, kar preus estoit il assés s’il ne fust si desloials. La lande fu plaine
encore si legierement, fait Keux, vous ne l’avez pas encore conquise vers moi. » « Au conquerre serez vous tost, fait Meleagans. » Lors se lance chascuns aval le pre, et met le glaive souz Vessele. Si vient Meleagant a Keu tant conme cheval le puet porter, et Keu a lui. Et il murent de loing et vindrent tost, si s’entrefierent es escuz bien en haut, si pecoia mesire Keux son glaive, et Meleaganz apoia bien le sien, de tel vertu que l’escu est rompuz, et li cuirz et les mailles del hauberc sont desploieez, si que li glaives li ront dedenz l’espaule. Et il se pasme, et son cheval s’en va fuiant aval la lande. Et Meleagans prent la roine, si l’en maine as chevalierz qui l’atendoient. Puis revient a Keu, si le con[f. 160a]roie tel que pour un pou qu'il ne l’a mort. Et Lancelot qui en vit mener la reine, fiert aprés des esperonz. Et quant voit que il sont tant, si a tel duel que par un pou que il n’enrage, car il voit bien que a toutes ces genz ne porroit un seul home durer se aventure ne li aidoit. Et nepourquant miex aime il a mourir pour sa dame chalengier, que vivre. Si lesse courre a tous les chevaliers, si porte le premier qu’il ataint a
15
terre del glaive, et le cheval desus lui, si l’enpaint si durement
que parmi le cors li est passez li fers trenchanz, et li glaives est volés em pieces. Si met la main a l’espee. Lors leur court sus et
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et li cheval tot alant et li chevalier fort et maltalentis, si s’esmue-
vent de loing et se donent grans cols sor les escus. Et Meleagans brise sa lance, et Lancelos le fiert parmi l’escu. Et li chevaliers fu fors, et se tint, et li cops pesans, si encombra
si le chevalier
5 qu'il le covint voler a terre, et chei si durement que tos fu estonés. Li chevals s’enfuit, et Lancelos lait corre as altres et ot sachié
son glaive a lui et en fiert le premier qu’il Puis se relance enmi le champ et relaisse del glaive que quatre en a mors. Et met 10 relait corre comme cil qui la mort ne dote,
ataint que mort I’abat. corre a tos, si fet tant la main a lespee si lor si lor decoupe et effon-
dre lor hialmes, et lor fause les haubers la ou il les ataint. Et
Meleagans fu remontés et veit les merveilles que cil faisoit. Et lors li dist li cuers que c’estoit Lancelos. II fiert cheval des esperons, si li adestre, et ot pris un glaive, sien fiert le cheval Lancelot
15 parmi le cors [f. 200c.], si lia mort. Et li chevalier li corent sus. leur detrenche escuz et hiaumes et haubers, si les deront si dure-
ment que a cop ne l’osent atendre. Lors sot bien la reine que ce estoit Lancelot, si l’en poize et biau l’en est. Bel pource qu’ele le desirroit a veoir, et il li poise porce qu’il ne la pooit rescourre 5 ains qu’ele fust en la terre dont ele ne cuidoit jamais issir. Einsint velt une chose et desvelt. Et Lancelot se paine de bien faire pour sa dame garder et por le besoing que il voit. Quant Meleagant ot la noise, si lesse Keu gissant a terre et vint cele part et vit cele merveille que cil faisoit. Et tantost 10 |i dist li cuers que c’estoit Lancelot. Il escrie ses chevaliers, et Lancelot le voit venir, si s’adrece vers lui et le fiert de l’espee parmi le hiaume si durement que tout li ceull li estincelent. Si est Meleaganz si estounez que se au col de son cheval ne se tenist, il fust cheiiz a terre.Et li chevalier lessent courre a Lance-
15 lot. Et quant il les voit venir si s’adrece a eulz et fiert de l’espee a destre et asenestre, qu’il se remue si vistement qu’il est avis a tous les autres que set ou uit d’eulz ne deiissent autant donner de cox, si ne l’osent a cop atendre. Et il li ont son cheval ocis, et il court a pié vers Meleagant qui encore estoit tous estourdis, 20 si li repaie tel testee que del cheval le porte a terre tous estourdiz. Et il saut sus le cheval et lesse courre a tous les autres et
detrenche canque il ataint, Et cil ront monté leur seigneur, si
13, Et Meleagans a poor de sorvenans, si lor dist : « Alés vos en tuit,
si le laissiés, kar ce n’est mie chose appareillié. » Et lors s’en tornent tuit. Et Meleagans remaint deriere, mais ne met nule paine en Lancelot ocirre ne prendre, kar poor a d’estre sorpris, et si avoit il cuer assés por une grant chose commencier. Et li chevals Lancelot est tos estanchiés que riens n’em puet traire, si remaint aprés la rote si dolens que par un poi qu’il ne s’ocit. Et quant il se regarde, si voit venir monseigneur Gavain tot armé, qui a veii le cheval Keu fuiant vers la cité, si cuidoient bien les gens le roi que il fust mors. Si ert mesire Gavains armés por secorre la roine et por sievre jusqu’en la terre de Gorre, et faisoit mener deus chevals en destre. (1) Quant Lancelos voit monseigneur Gavain, si le conoist moult bien, mais il ne conoist mie lui. Et quant il l’a aconseii, si li dist Lancelos : « Sire chevaliers, vos veez bien que mes chevals est mors, mes por Dieu et por gueredon, me prestés un des vos, ou donés, tant que rendre le vos puisse. » Et mesire Gavains dist que molt volentiers. « Et ot prise une lance et vint a Lancelot poignant, si li escrie que mors est, et cil li tourne isnelement.
Meleagant le voit venir qui moult le redoute, si fiert del glaive le cheval par le cors, et li chevax chiet mors. Lors dist a ses chevaliers : « Alez vous en. Ne ja en lui prendre ne metés paine, car ce seroit paine perdue, et domage i avroit ainz qu’il fust ne mors ne pris. » Et cil se metent en la voie, si en portent Keu seur un cheval, si angoisseux que plus ne puet, et convient qu’en le soustiegne de deus pars. Et Lancelot est a pié remés si angoisseux que plus ne puet, et va aprés la reine canque il puet, et quant il lasse si ne puet aler que le pas, car honte et doleur ne le lesse aler. Mes il n’ot guerres alé quant il encontre monseigneur Gavain qui ot encontré le cheval Keu qui s’en fuioit. Me[f. 160d]sires Gavains salue
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le chevalier, mes ne le reconnoist pas. «Sire chevaliers, fait il, 15
vous avez conbatu, bien i pert.» Et cil dist que conment qu'il se soit conbatuz,
« mauvesement l’ai fait. » « Biau sire, fait mon-
15-6 MS. dieu un por 6 MS. car se seroit
12 MS. pas canquil puet aler car (1) Pour ce détail dans B, voir ci-dessus, page 9.
I4
Io
15
prenés, fet il, lequel que miels amerés. » Lancelos saut en un des chevals mes ne li chaut el quel. Et mesire Gavains li demande qui il est. « Ne vos esmaiés mie, fet Lancelos, qui que je sole, kar vostre chevals vos sera encore bien rendus. » Et mesire Gavains en est tos avilenis et molt li poise quant il onques li demanda qui il estoit. Atant s’empart Lancelos et fiert des esperons aprés Meleagant tos les esclos tant qu’il l’ataint. Et il se merveille trop ou il a cheval pris si tost. Lors dist a ses homes qu’il ocient son cheval, cil qui ains i porra avenir. Lors trestorne il meismes a Lancelot, et quant il le voit sans glaive,si gete a terre celui qu’il ot,et sache lespee, si s’entredonent si grans cops desor les hialmes que tos s’estonent. Et Lancelos se lance jusqu’a cels qui la roine conduisoient, si fiert si le premier qu’il ataint qu'il li trenche le destre bras. Et il li ocient son cheval, et il chiet a terre, et il et li chevals.
Quant il se voit a pié, si en est trop dolens. Lors s’en vient par Meleagant qui estoit si estordis qu’il s’estoit pris al col de son
seigneur Gavain,
prenez
un des chevax,
si montez,
car je cuit
que vous vous en savrez bien aidier et il vous avra bien mestier en tel lieu porrez vous venir. » Et quant cil lot, si saut el premier maintenant qu'il pot tenir. Et mesire Gavains li demande 5 conment il a nom. « Qu’en avez vous a faire, fait il, qui je soie ? Mes vous n’avez pas vostre cheval perdu, car autel bonté, vous
fis je jadis. Et cist vous iert encore bien renduz. » Lors a mesire Gavain eii grant honte de ce qu'il a dist. Tantost s’en part Lancelos tant com li chevax puet aler. Quant 70 il les vient ataignant si leur escrie, et Meleagant, qui le voit venir, dist a ses homes: « Veci le meilleur chevalier qui vive. » «Sire, font il, qui est il ? » «Certes, fait il, je ne sai, mes
nus
n’oseroit emprendre ce qu’il a fait. Mes gardés que vous ne baez fors a son cheval ocirre si tost conme il vendra a vous, car de lui 15 retenir seroit noienz. » Lors lesse courre a Lancelot, mes il n’ose
prendre glaive de honte pource qu’il n’en avoit point. Et il li vient l’espee traite, si s’entrefierent el comble des hiaumes si pesanz cox qu’il n’i a celui a qui le menton ne soit feruz a la poitrine. Mes Meleagans est si atornez qu’il ne set quel part le 20 cheval le porte. Et Lancelot si lesse courre as autres, si leur livre
T5 cheval a deus bras. Et Lancelos li redone tel cop qu’il ne remaint mie es arcons, angcois vole a terre, et il saut el cheval si laisse corre a tos les autres. Et il li ont son cheval ocis, et ront monté
Meleagan. Et s’en vont quanqu’il pueent esperoner. Et Lancelos remaint a pié assés dolens, et vet aprés s’espee traite. Et quant il a tant alé que tos est las, si regarde sor destre en un grant chemin herbu, une charete. II vet cele part, et veit [sor les limons] un naim bocu ki molt estoit buens charetiers. « Ha! nains, fet Lancelos, se tu ses nules noveles des chevaliers qui par ci devant s’en vont, et enmainent une dame, si le me di,
=I ie)
par covenant que je soie a tos jors mes tes chevaliers. » « Ha! fet li nains, tu demandes cels qui enmainent la roine ? » « Voire, fet il.» « Desirres tu molt, fet li nains, a savoir ou il vont? » « Oil, fet il, sor tote rien. » « Dont monte, fet li nains, en ceste charete,et je te menrai en tel lieu ou tu en savras verraies ensei-
gnes. » «Creantes le me tu? fet Lancelos. » « Oil, fet cil.» Et il saut maintenant en la charete. A cel tens estoit tel costume que qui voloit home destruire ou honir en totes terres, si le fai-
si dure bataille et si cruel que tuit en sont esbahi. Mes tantost li ocient son cheval, et il est a pié remés. Si voit que l’en emporte Keu en litiere qu’il avoient fait a grant besoing, car trop avoient grant poour qu’il ne moureiist. Et la reine s’en va tel [duel] faisant que par un pou qu’ele ne s’ocit. Mes atant s’en taist ore li contes et retourne a parler de Lancelos qui moult est entrés en grant paine. Or dist li contes que quant Lancelos ot son cheval perdu et il fu remés a pié, si a toute sa route alé tant qu'il oi un poi sor destre un charetier qui une charrete menoit, si va cele part grant 10 aleiire, si ataint la charete a quel que paine, et voit seur les limons
un naym court et gros et rechinié, si chassoit a une escourgié un viel roncin qui estoit dedenz les limons. I] salua le naim, et il li rendi son saluz a moult grant paine. « Nainz, fait il, savroies
me tu dire nouveles .d’une dame qui par ci va ?» « Ha! fait li nainz, vous
parlés de la roine ? » « Voire, fait il. » « Desirres tu,
fait li nainz, a oir noveles de li?» « Ouil, fait Lancelot. » « Je la te 7-8 MS. veit cele part i. naim
hel
16 soit avant monter en charete, ne des lors en avant ne fust escotés
en cort, ains avoit perdues totes lois. Ensint monta Lancelos en la charete. Quant il orent grant piece alé, si les aconsieut mesire Gavains kiavoit esté en totes les 5 places ou Lancelos avoit fet totes les proesces, et avoit vetis tos cels qu’il avoit ocis, si se merveilla molt qui ce avoit fet. Quant il vit le chevalier en la charete, si li pesa molt, et dist al nains : « Nains, kar me di noveles de cels qui enmai[f. 200d]nent la roine, se tu le ses. » «Se tu voloies, fet li nains, monter en la charete
10 autresi comme cist, je te menroie la ou tu en orroies noveles. » « En
charete,
fet mesire
Gavains,
se Dieu
plest, ne
monterai
mosterrai a tes iex dedenz demain prime, fait li nainz, se tu fais ce que je t’enseignerai. » Et il dist que si fera il moult volentiers. «Or monte, fait li nains, en ceste cha[f. 16oc]rete et je te tendrai couvenant et te menrai la ou tu la porras trouver. » A celui tans estoit si leide chose charete que nus ne seist dedenz qui toutes lois et toutes honneurs n’etist perdues. Et quant l’en voloit aucun
home
tolir la vie, si le faisoit l’en monter
en une
charete et le menoient parmi la vile, si i estoit tant que de toz estoit veiiz. Ne ja en une vile ne jetist, tant fust grans, c’une nuit.
10 Et Lancelot dist au nain qu’il iroit plus volentiers aprés la charrete qu'il ne montera dedenz. Et cil dist que ja par lui ne sera avoiez
s’il n’i monte.
«Creantes
me, fait Lancelot,
que tu me
menras tresqu’a ma dame, se je 1 monte ? » « Je le te creant, fait li nainz, et que je le te mousterrai ainz demain prime. » 15 Et il est maintenant én la charrete sailliz ausi legierement c’une merveille. Einsi le maine li nainz en la charrete, et quant il se regardent si voient venir monseigneur Gavain et deus escuierz, dont li uns portoit son escu, et li autres son hiaume, et maine son cheval 20 en destre. Quant il a la charrete atainte, si demande au naim se il set novele de la roine ausi conme avoit fait Lancelot. Et li nainz dist que s’il monte en la charrete, il li mosterra anuit ou le matin. Et il dist, se Dieu plet, ja en charete ne montera, car trop pou connoistroit honneur ne honte qui pour charete lairoit 25 cheval. « Chevaliers, fait li nains, tu ne te hez pas tant comme
le maletireuz qui ci est, qui volentiers i est entrés pour savoir
17 je ja.» «Dont n’as tu mie, fet li nains, si grant talent d’estre honis comme cist chaitis chevaliers. » Mesire Gavains chevalche aprés la charete tant qu’il commence a avesprir. Et lors vienent a un chastel, et si tost com ili entrent, si commencent totes les gens Lancelot a huer, et le mesaament et arochent et demandent al naim qu’il a mesfet. Et li nains passe tot le chastel, et quant il est outre, si dist mesire
Gavains
a Lancelot: «Sire chevaliers, dont ne seriés vos plus honorablement sor un cheval que sor cele charete ? Et j’en ai ci deus, prenés lequel que vos voldrés, si sera honors et vos et moi. » «En non Dieu, fet li nains, il n’i montera
Io
ja, kar il doit venir
ce que vous demandez.» «Certes, fait mesires Gavainz, c’est grant damages, sire chevaliers. Car alez jus de cele charete ainz que plus grant honte vous en aviegne, et puis montés sus ce cheval qui est moult bons, car je cuit que miex vous savriez aidier sus ce cheval que vous seur cele charete. » « En non Dieu, fait li nains, ce ne fera il mie, car il m’a creanté a venir hui toute
jour en ma charete. » Et Lancelot li dist qu’il n’aie garde, qu'il n’en descendra
huimés.
« Certes, fait mesires
Gavains,
ce poise
moi, car je cuit que il a assez prouesce en vous, si sera grant dolour que vous en serés honiz. » « Sire, fait Lancelos, qui honte 10
en devra avoir, si l’ait, car seur moi ne la prenge pas. » Et mesires Gavains li demande qui il est, et il ne li veult connoistre. « Vous deistes orainz, fait mesire Gavains, que vous me donastes jadis un cheval, si savroie volentiers ou ce fu. » « Ne le demandez ja,
fait Lancelot, pour celui que vous m’avez donné, car bien vous _ sera encore renduz. » Lors ne li osse mesire Gavain plus enquerre pour le cheval dont il parole, si en lest la parole atant ester et va aprés eulz toutevoies tant qu’il voit un moult bel chastel, et ce chastel estoit en l’oreille d’un bois ; et il vont tant qu’il entrent enz. Quant les gens du chastel virent le chevalier que le nain menoit, si demandent qu’il a forfait. Mes il ne respont pas a
15
20
chascun, ainz s’en va outre, et toutes les gens huent le chevalier,
(f. 160d] et laidengent, et gietent la boe, ausint comme a un chevalier en champ vaincu. Si en poise moult a monseigneur Gavain, et maudist l’eure c’onques charete fu establie. Et trop se mer-
26
18
en la charete jusque la ou ele girra anuit.» Et Lancelos dist que si fera il. Atant s’en tornent, et quant il ont alé encor deus lieues, Si vienent a un autre chastel et entrent ens, et se l’en ot dit a 5 Lancelot assés honte el premier chastel, la l’en dist l’en assés
plus, ne n’i remaint ne grans ne petis qui aprés ne corent. Ensi le convoient jusqu’a un grant porpris clos de haut mur bateillié, si entre laiens la charete. « Descendez, » fet li nains a Lancelot. «Tu me diras avant noveles de ma dame. » « Vos les savrois, fet
ro li nains. » « Ne le savrai je autrement ? fet il. » « Dont ne volés vos saiens gesir anuit ? fet li nains. » « Naie, fet il, je iroie avant plus volentiers. » «Se vos volés, fet li nains, savoir ce que vos
demandés, saiens girrois; mais se vos n’estes preus et hardis n’i gisés mie, kar de saiens n’eschape nus se preudom non. » De ce 15 est Lancelos molt angoisseus, kar s’il remaint laiens, il set bien que mesire Gavains le conoistra, et s’il s’en va, il set bien que li nains le tendra a coardise. Si descent, et voit venir deus damoi-
veille qui le chevalier puet estre. Si ont tant alé que del chastel sont issuz. Et li chastiax avoit non l’Entree Galesche, si conmen-
coit ilec la terre au roi Baudemagu, cele que l’en clamoit Terre Foraine. En cele terre estoient li emprisonné, non mie en forte5 resces, mes en viles sanz fermetés. Et la terre estoit toute close
d’une grant iaue parfonde et roide, et grant marés qui estoit mol et crollant que nus homs n’i puet entrer a force, si conme li contes l’a devizé. Quant il ont passé le chastel si conmence a avesprir. Et il 10 aprochent
d’un petit chastel, si entrent
enz.
Et il avoit deux
damoiseles en la court, si font moult grant joie de monseigneur Gavain, et demandent
au nain del chevalier de la charrete qu’il
a meffait. Et il leur conte conment et pourquoi il i estoit entrés. Et il le lesdengent moult et dient: «Sire chevalierz, conment 15 ossezZ vous veoir nului, qui estes menez et trainez en charrete tout ausint conme un murtrier. Puis que chevalierz s’e[s]t si honiz, bien a vil cuer et mavaiz quant il el siecle remaint,mes fuie
s’en en tel lieu ou en ne le connoisse. » Lancelot ne respont mot to MS.
nains Ie le
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seles qui issoient d’une tor haute. Si font a monseignor Gavain grant joie. Et Lancelos les salue,et l’une li dist : « Si m’ait Dieus,
sire chevaliers, vos vos deiiissiés molt bien garder de nos saluer. » « Damoisele, por quoi ? fet il.» « Porce, fet ele, que vos avés esté en charete, si estes honis en tos lieus. » Et quant il l’entent si a tel duel que par un poi qu'il ne s’ocit de s’espee meismes. Mais quant il se pense que por sa dame i est montés, si rebote s’espee el fuerre e lait son duel. Lors s’en torne droit a la tor dont eles s’estoient issues, et entre ens, et vet en une molt bele chambre ou il avoit une molt riche coche. Et il oste l’escu del col, et si coche en la coche si
Io
armés com il estoit a tot le hialme. Et ne demora gaires que les deux puceles vindrent la sus. Et eles orent molt demandé a monseignor Gavain qui cil chevaliers estoit, mais il nes en sot asener. Quant eles virent qu’il se fu cochiés en la plus bele coche, si se 15 merveillent encore plus qui il estoit,et l’une li dist : « Fi! sire chevaliers honis, dehé ait l’ore que vos vos i cochastes iluec! » «Por-
a leur paroles, mes au nain dist : «Quant me mousterras tu ce que tu m’as en covent ? » « Alez jus, fait il, car je vous pramiz ce que vous ne verrez mie encore. » « Je alasse plus volentiers plus loinz ennuit,
fait Lancelot,
se tu vousisses. » Et li nainz
respont qu’il ’escovient herbergier «se vous volez savoir ce que
vous me demandez. » « Dont herbergerai je, fait il. » Lors va jus, si monte erranment les degrés en une tor et treuve une moult bele chambre
a fenestre.
Et il entre enz, si se lesse
cheoir en la plus bele couche del monde qui i estoit. Et il clot fenestres qui i estoient, pour la chambre plus anublir. Si se conmence a desarmer tout par lui, mes tantost vienent dui vallet illec qui le desarment. Et il voit un mantel a une perche pendre, si le prent, si sen afuble et envolepe sa teste qu’en ne le connoisse. Et ne demoura gueres que une damoisele vint a lui. Quant ele le vit en la couche gesir, si li vint a moult grant despit. Puis li a dist : « Qu’est ce, sire chevaliers, mauvez
par male aventure plus beles couches fait il, se plus bele fait ele, ce verrai
soit que fust je se
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vaincuz, que
ce que vous soiez ci couchiés en une des vous onques veissiez. » «Certes, dame, plus volentiers m’i couchasse. » « Certes, vous oserés couchier en touz les riches
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quoi ? fet il » « Por ce, fet ele, que trop ia riche lit a tel home com vos estes. » « Se plus fust riches, fet il, miels m’i osaisse cochier. »
« Voire ? fet ele, si m’ait Diex, ce sera par tens veii.» Atant vienent laiens vaslet qui le desarment, si li afuble li uns un 5 mantel vair. Et li mengiers fu appareilliés a lui et a monseignor Gavain, kar tuit avoient mengié par laiens. Mes il dit qu’1l ne mengeroit mie, car deshaitiés est. Et mesire Gavains qui molt est anguoissos de lui conoistre, vient en la chambre, si le semont
molt de mengier. Et il a son chief envolepé del mantel que l’en ro nel conoisse, si dist qu’il ne mengera pas. « Certes, font les deus damoiseles, vos avés droit, kar miels valdriés vos mors que Vis.
Ne vos chaut, font eles a monseignor Gavain, que nos vos ferons conpaignie, et s’il men[f. 201a@]joit 0 vos, nos n’l mengerions pas. » Tant li proie totevoie mesire Gavains qu’il li otroie que il men-
lis que vous verrés. » Lors s’en va, et tantost amaine monseigneur Gavain pour le chevalier veoir laienz, et l'autre damoisele ausint. Mesires Gavains li dist; «Sire, venés mengier, car ces damois-
eles le m’ont prié et semonz, et il est tous apareilliez. » Et il res5 pont basset qu'il ne [f. 161@] mengeroit pas, car il n’est pas bien haitiez, et tousjourz se tient envolepés el mantel. Et la damoisele dist : «Certes, il doit bien estre mors, li chevaliers ; s'il savoit que honte est, il ameroit miex a morir que vivre, car en
ce siecle est il honnis, ne en sa compaignie ne mengeroie pas. 10 Vous i poez bien mengier, fait ele a monseigneur Gavain, vous serez ausi honiz conme il est.» Lors en remena la damoisele monseigneur Gavain en la sale, si sont au mengier assiz. Et toutevoies font apareillier a mengier au chevalier de la charete, 15
mes il ne vaut mengier en nule maniere n’en nule fin. Quant sires Gavains ot mengié, si demanda que le chevalier faisoit, et l’en li dist qu’il ne veult mengier. Lors vient mesires Gavains a lui, si li dist : « Biau sire, pour quoi ne mengiez vous? Certes, je nel tieng pas a senz, car vous alez en tel besoing qu’il vous covient moult faire d’armes, si vous covient mengier, quel-
20 que mesestance que li cors i ait, car a preudome qui bee assez faire d’armes ne doit son cors ne ses membres aneenter, Et par 9 MS. en se siecle
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gera, mais ce sera en la chambre et tos sels. Et monseignor Gavain en poise molt ; si vet mengier avec les deus damoiseles,
mais
miels amast a jeiiner delés Lancelot por que il le puist conoistre. Petit menja mesire Gavains, et pensa al chevalier de la charete, ne il ne puet penser ne cuidier que ce soit se Lancelos non, kar trop a haute contenance et sans esmai. Quant vint aprés souper, si vint a Lancelot une des damoiseles, si li dist : « Sire chevaliers,
se vos osiés veoir merveilles,
je les
vos mosterai ja.» Et il cuide qu’ele die de la roine, si saut sus et dist que por merveilles veoir vet il par totes terres, kar onques nule n’en vit. Cele vet avant, et il aprés, tant qu’il vindrent en une grant sale ouil avoit un molt bel luminaire. Si i estoit mesire Gavains et l’autre damoisele. Et Lancelos s’enbronche desos le mantel dont il a son chief covert. Et la damoisele qui l’avoit amené li dist : « Sire chevaliers, esgardés. » Et il esgarde trois lis
Io
el chief de la sale. Si estoit li uns haus et li autres bas a mesure,
et el milieu de la sale en avoit un tel qu’il n’avoit onques veii tel, ne si bel ne si riche.
« Damoisele, fet il, ou est la merveille
que vos me devés mostrer ? » « Comment, fet ele, dont ne la veés vos
ci?»
«Ce ? fet il, riche lit sont
assés. » « Jamais,
fet ele,
20
la rienz que vous plus amez, mengiez. Et se vous estes iriez ne de perte ne de mescheance, si le mostrez la ou vous vous em porez vengier.» Et tant li dist mesires Gavainz qu'il li creante qu’il mengera. Et il s’en ist de laienz, car il ne li veult pas ennuier. Et l’en aporte a Lancelot a mengier. Et il menjue, et moult est pensiz et engoisseux. Aprés mengier vint a lui la damoisele qui l’avoit ledengié el lit ou il estoit couchiez, si li dist : « Sire chevaliers, s’ore ossiez
veoir biaus liz et riches je le vous mosterroie. » « Dont avroie je poi de cuer, fait Lancelot.» Ele ala avant et il aprés, si trespassent la tour et vienent en une grant sale jonchié de joins menuz et flairanz ausint souef conme se toutes les espices du monde fuissent par leens espandues. A un des chiés de cele sale avoit un lit moult grant et moult bel, et contre celui d’autre part en avoit un meneur qui moult estoit plus bas. La damoisele li dist : « Ore, sire chevalierz, veistes vous onques plus biau lit que cesti est, ne plus riche ? » « Damoisele, fait il, j’en ai veii de plus biax 6
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1d
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si riche ne si cointe ne verrois ;mes gardés, si chier com vos avés vostre cors, que vos n’i cochiés, kar vos gerrés en cel bas ou dela encore, kar il seroit trop riches a vostre oes. » « Porquoi me deffendés vos, fet il, que je ne me coche en cest lit ? » « Por-
5 quoi ? fet ele, m’ait Diex! porce qu’il n’est mie drois que vos en parlois, molt est ore mains drois del cochier. Et bien vos en gardés, kar vos n’i meteriés ja gage que le cors. » « Je ne sai, fet il, que je i metrai, mes dedens me girai je anuit mes. » «Fi! fet l’autre, li plus preudome del monde et li plus honoré i avroient ro assés a fere, et vos i gerriés qui estes li plus honis!» « Ancui, fet il, verrois qui honis sera, kar je m’i cocherai. » « Or i parra, font les damoiseles, se vostre viels cuers l’osera enprendre. » Et lors s’entornent si enmainent fors monseignor Gavain. Lancelos ot assés qui le deschauga, et si tost com il fu despoil,
cent tanz, et de plus riches que cestui n’est. » « Bien puet estrefait ele, mes en tel conme il est n’a il si hardi chevalier en la mai-
son ie roi Artu,s’il i estoit couchiés,que honteusement n’en fust levés.» «Conment qu’il soit, fait il, en cestui lit me gerrai je, 5 pource que l’en le me contredit. » «Se vous estiés si hardis que vous i meissiés le pié, vous n’en perderiés ja mains que la teste. » «En non Dieu, fait il, ce verrez vous se je m’i osserai couchier. »
Atant s’en revient en la chambre ou il ot mengié, si prent s’espee qui au mur estoit apoiee, et vint arrieres au riche lit. Et la damoi10 sele 11 demande quw’il bee a faire. « Je be, fait, il, a couchier en ce biau lit. »« Fi! fait ele, vous vous i coucherés! [f. 1610.] Gardez, fait ele, que vous ne le pensez, car onques de nul cors ne fu ce fait que l’en feroit del vostre se vous i metés le pié. » « Ori parra, fet Lancelot ». Et il se va deschaucier a quel que paine, et se des15 poille, et se couche dedenz le lit. Et la damoisele l’esgarde, qui voit qu’il met s’espee a son chevez ; si s’en va par tout leenz et conte que li chevaliers honiz s’est couchiez el plus biau lit de leenz. Mesires Gavains demande qui ce estoit. « Quoi? fait l’autre damoisele,
si m’ait
Diex,
li chevaliers
charetez
s’est
cou-
20 chiez en un lit ou nus ne jut onques qui n’en issist ou mors ou
mehaigniez. » «Si m’ait Diex, fait l’autre, il a bien fait ; puis qu'il est honiz en terre il doit sa mort pourchacier a son pooir. » Et mesires Gavainz a escoutee la parole et mot n’en dist.
23 liés si entra dedens le riche lit. Et ne demora gaires que mesire Gavains revient et les deux damoiseles, et dient que mar s’i cocha. Et lui ne chaut. Et eles s’en vont. Et mesire Gavains se coche, si cuide ore miels que onques ne fist que ce soit Lancelos, cil qui gist el riche lit. Et Lancelos qui estoit traveilliés de sa grant ire, et de sa dame,
dormi molt fermement. Quant vint a mie nuit, si commenca tote la maison a trambler, et uns escrois chei laiens si grans que il sambla que tot fondist. Et une lance descent d’en haut dont la hanste fu tote blanche et li fers vermieus, si s’en saut une flambe hors qui estoit tote vermeille. La lance descent el riche lit, si s’en vet parmi l’espiés, si bruiant comme foudre. Si perga le covertor et les dras, et feri
Io
Quant ilfu tans de couchier, si couchierent les damoiseles monseigneur Gavain en un biau lit qui au chief de la sale estoit ; et jurent si escuier tout entour lui. Et quant la damoisele s’en tourne si dist a Lancelot : «Sire veincus, or vous aaisiez el lit
tant com vous i estes, car jamais en autre ne gerrés.» Et cil prise moult poi canqu’ele dit. Lors sont par leenz couchié. Et li chevaliers apense moult durement a ce que il aloit chassant, ne nule riens ne le tient en son senz que la Damoisele del Lac qui li creanta qu’il rescourroit la roine. La nuit fu une grant piece moult a malesse, car jamais ne cui-
10
doit achever son desirrier, ne il ne voit conment, mes tant avoit
le jour traveillié qu’il s’endormi. Et quant vint endroit mie nuit, si conmenga a trambler la maison. Aprés i ot une noise moult grant que l’en n’i oist pas Dieu tonnant. Puis leva partout leenz si granz estorbeillons qu’il emportoit la chevronneiire de la messon,et les robes des lis jusqu’a lates. Et quant li estorbeillons fu remés, si vit Lancelot une clarté qui sembloit que la maison arsist. Lors descent une lance parmi le feste de la maison contreval, et
15
fiert el lit Lancelot tout droit. Cele lance estoit merveilleuse, car
li fers estoit tous vermeus conme charbon de feu espris, et une flambe en sailloit inde et vermeille et longue conme un pennon. Ele vint contreval bruiant ausi conme une foudre et feri el lit Lancelot durement,que parmi le couvertoir et les dras et le fuerre est ferue en terre plus de demi pié. Lancelot saut sus et met la
20
24 Lancelot el costé senestre, si s’en vet parmi l’espiés de la coche jusqu’en la terre. Et Lancelos saut sus, si la voit el lit fichiee tote droite, et il le sache fors, si la lance tant loing com il puet,
et dist que dehez ait comme coars qui la lanca quant il ne feri 5 demanois. Lors escout le feu de la coche et met s’espee delés lui. Et mesire Gavains refu sus saillis, si ot molt grant poor que Lancelos ne fust a mort navrez, si li demande «Bien, sire, fet il. Alés gesir. »
comment
li est.
Atant se coche mesire Gavains et demore issi-jusqu’al jor. 10 Et la sale fu obscure, si ne porent le jor veoir. Li nains entra laiens qui Lancelot avoit chareté, et il s’escrie des l’uis : « Chevaliers qui fu charetés, vois ci cels qui enmainent la roine. » Et Lancelos saut sus, qui gisoit en chemise et en braies, si gete sa cote en son dos sans plus, et vient errant sor la tor, si voit damoiseles 15 assés as fenestres devers les pres. Et il voit les chevaliers que il avoit ier veiis qui enmainent la roine, et delez voit Keu le Seneschals en litiere [f. 2010]. Quant il la voit si est tant esbahis que parler ne puet. Et quant ele plus s’esloingne et il plus se trait main a l’espee qui a son chevés estoit ; et quant il ne voit nului entour lui, si fiert en la lance si qu’en deus pieces la fist voler. Puis errache la piece qui estoit en terre fichiee, si la gete par mautalent enmi la sale. Puis a un mantel mis a son col, si quiert par tout laiens pour savoir se nus li avoit lancié. Mes il n’i a nului trouvé. Puis revint en son lit si se couche, et dist que honiz soit conme couarz qui li lanca quant il n’en feri demaintenant. Tantost se rest en son lit couchiez sanz plus [f. 161c] dire. Mesires Gavains li demande conment il li est. « Bien sire, fait il, dormez10
vous. » Einsint se jut Lancelot jusqu’au jour sanz effraer, et lors s’estoit endormis. Et il conmenga a esclairier, et li nainz qui amené Vavoit leenz, vint a luis de la chambre,
si conmenca a crier:
« Chevalier, tu qui veniz en la charrete, or sui tous pres que je te 15 moustre ton couvenant.» Lancelot entendila vois en son dormant, si sailli sus em braies et en chemize, et met a son col le mantel,
si se lance hors de Il’uis. Et li nainz le maine a une fenestres devers les pres et dist «Esgarde.» Et il esgarde moult doucement tant loing conme il puet veoir,si se tret plus avant a la fenestre,
25
fors par la fenestre por li veoir. Et mesire Gavains i fu venus, si voit que c’estoit il, et qwil estoit fors de la fenestre jusqu’as cuisses. Et il le prent entre ses bras, sel sache ariere. Et quant il le voit el vis si conoit que c’est Lancelos,et il le commence a baisier et dist : « Ha! bials doz amis, por quoi haés vos vostre vie ? par un poi que vos n’estes mors. » « Certes, font les deus damoiseles, il a droit, kar il n’avra jamés honor. » « Ha! fet messire Gavains, donc n’en avra il point el monde de I’onor sil n’en a. Petit le conoissiés ore le chevalier. » Atant demandent lor armes,
si se font armer. Et les damoiseles demandent a monseignor Gavain qui cil chevaliers est, et il lor dist qu’il ne le diroit a nul fuer se par son congié non. « Mais tant vos en di je, fet [il], que
Io
et tret petit et petit tant que tout est hors jusqu’as cuisses, et tant pense a ce qu'il esgarde que tout s’en oublie, si que par un pou qu'il ne chiet. Lors vient mesires Gavains qui levez fu, et les deus damoiseles avec lui. Quant il treuvent Lancelot en tel peril, si l’aert aus bras, et le sache arrieres et dist : « Ha! merci, biau sire, aiez merci de vous. » Et Lancelot le regarde,
si a grant honte de ce qu'il I’a einsint trouvé. Et seles dient qu’il ne doit riens tant hair conme sa jamais honneur. «Certes, fait mesires Gavains, il point el monde de l’anneur se il n’en a assez. »
les deus damoivie, ne il n’avra dont n’en avra Lors prent Lan-
10
celot entre ses bras et dist : « Ha! biau dous sire, pourquoi vous
estes vous tant celés vers moi?» « Pourquoi? fait-il, pource que je doi avoir honte de tous preudomes veoir, car j’ai esté en point et en lieu de toutes honneurs conquerre, et par ma mauvaistié
j’ai failli.»
«Ha!
ce n’est pas en vous coupes, n’achieverez il n’i ert qui le seles l’oent si a monseigneur moult qui il puet estre, et qui cel chevalier est. « Vous non, mes tant vous en dirai
biau
sire, fait mesires
Gavains, 1s
car se set l’en bien que ce que vous puisse achiever. » Quant les damoiGavain honnerer, si s’en merveillent demandent a monseigneur Gavain ne savrez pas, fait il, par moi son 20 je, que c’est li mieudres de tous les
autres. Lors se traient les damoiseles avant, si dist l’une a Lancelot : «Car, nous dites qui vous estes, » « Damoisele, fait il, uns J MS. que tous est
aia 4ox:
26
c’est li mieldres des buens, ne plus ne m’en enquerés, kar ce seroit paine gasté. » Quant il furent armé si firent les damoiseles amener chevals et glaive. Mais mesire Gavains dist qu’il n’i montera ja, « angois 5 avra, fet il, uns des miens deus celui qui miels li plaira. » I prent le glaive et monte en un des chevals, si se partent de laiens andui. Et la plus mestre des damoiseles demande a Lancelot son non. «Ha! damoisele, fet il, qu’en volés vos fere? je sui un chevaliers charetés.» «Certes, fet ele, c’est grans 10 damages. » Lors apele une soe damoisele, si li conseille ce qu’ele velt.
Et ele monte,
si convoie
les deus chevaliers
grant piece
et lor enseingne la voie aprés la roine, et lors s’en retorne.
chevaliers charretés sui.» «Certes, fait ele, c’est grant domage de vous. » Atant
ont leur armes
demandeez,
si s’armerent.
Et l’ainnee
des damoiseles dist a Lancelot : « Biau sire, conment que nous 5 yous aions ramposné, vous ne nous devés mie faillir au parestroux.
Il a ceenz
de moult biaux chevax
en avrés un tel conme conme
vous
vous le voudrez
le voudrés
meillour.
et de moult
bons, si
prendre, et glaive tel
» « Damoisele,
fait
mesires
Gavains, grant mercis, mes cheval ne prendra il ja de nului 10 tant conme j’en aie uns. Et je en ai deus bons et biaus, et il montera seur l’un. Mes glaives prendra il de vous, ou il avra le mien.»
Li cheval
sont
amené,
si monte
Lancelot
[f. 161d]
seur l'un et mesire Gavain seur l’autre. Et Lancelos conmande les damoiseles a Dieu. Mes moult ennuie a la damoisele qu’ele 15 ne set qui li chevaliers est que monseigneur Gavain a tant loé, et moult le voudroit connoistre. Et toutevoies cuidoit ele que ce fust Lancelot miex que nus autres, se ne fust ce que chascuns disoit qu’il est mors. Et toutevoies le savra elle, s’elle puet par essaier home connoistre. Elle apele sa damoisele qui moult est 20 sage et cortoise, et li dist qu’ele alast tout droit au quarefour des ponz, et li enseigna conment ele esploitera. Et ele est montee,
car moult estoit haute fame et bien bele, si va par le
plus droite voie conme cele qui bien la set tant qu’ele vient a droite nonne au quarrefour. 8 MS. non Hamoisele fet
27 Or s’en vont li dui conpaignon et chevalchent tant qu’il est midis, et lors s’encontrent
une
damoisele
sor un mul amblant
qui estoit las et tressués. I] la saluent et ele els, et il li demandent noveles de la roine. « Je vos en savroie bien, fet ele, noveles dire, se je voloie. » Et il ’emprient molt andui. Et ele dist : Que m’en 5 donriés vos?» « Damoisele, fet messire Gavains, je serai tote ma vie vostre chevaliers. » «En non Dieu, fet Lancelos, demandés
quanque vos voldrois, et vos l’avrois s’en tot le monde le puis trover. » « Vos, fet ele, le dirai je. » Et ele lor conte qui cil est qui la roine enmaine et de quel fierté. « Tot ce, fet mesire Gavains, 10 Sai je bien, mais dites nos conment nos enterromes en la terre. » « Certes, fet ele, li entrers n’est pas legiers, kar deus felons passages 1 a.» Si lor devise. « Et vez ici, fet ele, la voie a destre del
Pont de l’Espee, et a senestre al Pont sos Eve, que les gens del
Quant ele se regarde si vit venir les deus compaignons. Ele fait semblant qu’ele veille aler entr’euz, et fu envolepee si ne la connurent pas bien. Et si la saluent et ele eulz, et li demandent s’ele set nule novele de la roine. Et ele dist que le fiex au roi de Gorre l’enmaine en la terre dont nus quisoit de Bretaigne ne puet 4 issir.
« Damoisele,
fait monseigneur
Gavain,
conment
savrons
par ou nous i puissons aler ? » «Ce vous enseignerai je bien, fait ele, tel loier me porrés vous donner ».« En non Dieu, fait Lancelot,
a qui il tenoit plus au cuer, nous vous en donrons ce que vous nous
en saurez
demander.»
«Fianciez
le moi,
fist ele, andui, 10
que chascuns me donra le premier don que je li demanderai. » Et il li fiancierent andui. Et ele dist : « Vesci deus voies dont l’une va [au] Pont de |’Espee, et l’autre va au Pont Perdu, que l’en claime le Font seur l’Iaue.»Aprés leur devise la coustume des deus pons, si leur dist au departir : « Seigneur chevalier, en quel lieu 16 que je viegne a vous, sachiez que chascun de vous me doinst ce que je demanderai. » Et il dient qu’il ne l’oublieront pas. Atant s’en part la damoisele grant aletire, et va une voie viez
et herbue entre les deus chemins, car laquele que Lancelot tiegne ele li sera au devant ainz qu’il soit gueres loing alés. Li dui che- 20 valier remestrent au quarefour. Et Lancelot dist a monseigneur 4 MS.
demandent
cele set
28
pais apelent le Pont Perdu. » «Sire, fet Lancelos a monseignor Gavain, de ces deus prenés un, puis qu’en la queste estes entrés. » Et mesire Gavains prent le Pont Perdu. «Et je, fet Lancelos, le Pont de l’Espee. » « Seignor chevalier, fet la damoisele, ches-
5cuns de vos me doit un don tel com je le demanderai.’» Et il li otroient. Et ele s’empart. Et li dui conpaignon parolent ensamble molt longuement, mais mesire Gavains ne met Lancelot a raison ne de la mort Galehot ne del corros la roine, n’en quel lieu il ait esté, kar trop le voit pensif et a mesaise. Si prent 10 atant congié li uns de l’autre. Si entre misire Gavains en la voie. Mes ci se test li contes de lui et parole de Lancelot. Quant Lancelos se parti de monseignor Gavain a la voie des deus pons, si erra jusqu’al vespre sans aventure trover dont l’en doie parler. Et lors aconsieut la damoisele qui la voie li avoit 15 mostree, et c’estoit cele a cui la damoisele, chiés qui 11 avoient geli, avoit conseillié al matin. Cele l’envoia al devant des deus chevaliers por fere Lancelot herbergier en un lieu ou ele le mena, et li enseigna coment ele conoistroit se c’estoit il, kar ele le cuidoit bien. Quant ele le voit si le salue, et il li. « Sire chevaliers,
20 fet ele, je vos herbergerai anuit molt bien, se vos volés, [f. 201c.] et en vostre voie et a droite hore de herbergier. » « Et je prendrai
Gavain qu’il preigne laquele qui li plaira de ces deus voies. Et dist que moult sont andui mauvaises, mes toutevoies prent il voie au Pont Perdu. Et Lancelot s’en va au Pont de |’Espee, dist a monseigneur Gavain qu’il enquiere noveles de lui la ou S ira. « Et quant vous avrez conquis le pont, fait il, si alez a roine tout droit, et autresint ferai je.» Et mesires Gavains creante.
Atant
s’en tornent
li uns et li autres,
il la et il la li
et s’entrecom-
mandent a Dieu. Et Lancelot s’en va grant aleiire tant qu’il avesprist durement, 10 et lors ataint la damoisele qui les voies leur enseigna. II] la salue et ele lui, puis li dist qu’il se viegne avec li herbergier ennuit et ele le herbergera bien. « O vous, fait il, irai je herbergier par tout la ou je vous savroie ; mes il est, [f. 162a] fait il, trop tost de herbergier. » « Li lieus, fait elle, n’est pas pres de ci, et se vous 15 le passez vous ne recourverés meshui ne borde ne maison. »
Et il dist qu’il s’i herbergera donques o lui, Lors apele la damoisele
29 Vostel anuit, fet il.» «Creantés le vos ? fet ele.» « Oil, fet il. » Atant s’en vont, il avant et ele aprés, tant qu’il vienent de bas vespre a un molt bel herbergage qui estoit clos entor de haut
mur bateillié. Quant il furent dedens la porte, si li dist la damoisele : « Sire chevaliers, vos m’avés doné un don, le premier que
je vos demanderai. » Et il li conoist bien. « Je vos demant, fet ele, que vos gisez anuit avec moi.» Quant il l’entent si en est trop anguoisseus et dist : « Certes, damoisele, del gesir vos porriés vos bien soffrir, que j’ai assés autres ententes. » Et cele dist qu’ele ne s’en sofferra mie. « Aquiter, fet il, me covendra mon covenant, kar desloials ne serrai je ja! » Atant sont en la tor montee, et ele aida le chevalier a desar-
mer. Aprés li dist que l’atende un petit. Et ele va en une sale et revient lués. « Venés ent, fet ele.» Et il la sieut tant qu'il
un sien valet, si li dist qu’il aille avant et li conseille qu’il fera. Et cils’en va a esperon. Et entre Lancelot et la damoisele chevauchent, et ele li dist : « Sire, je ne sui pas assetire en cest pais, car Ven m’i het, et vous estes ennuit mes ostes, si vous requier que vous m/aidisiez se j’ai mestier de vous. » « Vous n’avrez ja, fait il, mal en lieu ou je vous puisse aidier. » « Grant merciz, fait ele. » Lors s’en vont en la maison,
si estoit close. Et la damoisele
saut jus del palefroi ainz que Lancelos i puist estre. Et cil descent, et ele dist : « Lessiez vostre cheval et me suivez. » Et il si fait,
et ele entre en une moult grant sale, si va outre et entre en une moult bele chambre, mes il fu nuiz. Mes tuertiz et ciergesi avoit assez alumés par tout leenz, mes nus n’i pert. Et il passent cele chambre et vienent en une autre moult bele sale et treuvent la table mise. La damoisele li deslasse son hiaume et li oste l’escu.
Et il tout par lui oste le remanant de ses tous desarmez et ele li met un mantel au col a un gros sebelin chanu. Si ont lavé et sont les mes desus la table. Et maintenant qu’il
armes. Quant il est trainant d’escarlate assiz, si ont trouvé ont mengié, si vien-
15
ent dui vallet vestuz de courz haubergons, leurs espees caintes, leurs chapiaus de fer en leur testes, si issent d’une chambre. 20
Et tient li uns en sa main un tailleur d’argent couvert d’une grant 3 MS. bel herbergagee qui 15 MS. de ces armes
30
vienent en la sale et truevent molt bial mengier appareillié com a vendredi,
kar ce fu le demain
de ]’Acension.
Mais il ne voit
laiens ne vaslet ne serjant. II lievent par els et asieent, et par une fenestre lor vint quanque mestiers lor fu. Li chevaliers s’en mer5 veille molt, puis regarde son anel, kar il cuidoit bien que tot ce fust enchantemens,
si esgarde. Mes li anials n’avoit mie la force
del conoistre, que Morgue li avoit changié en la prison. Aprés mengier dist la damoisele al chevalier : « Sire, alés vos esbatre la fors une piece tant que je vos apel, et lors.si me tenés 10 covent de gesir avec moi. » I] s’en ist tos anguoisseus, et demore tant qu’il ot une feme crier molt durement, et il s’en recort molt tost, et quant il vient en la sale ou il avoit mengié, si ot le cri en une chambre delés. I] vient la, et ot que la damoisele li crie : « Por Dieu, gentix chevaliers que j’ai herbergié, aide moi, car cist 15 desloials me velt honir, et tu dois avec moi gesir. » Quant il lot, si est molt a malaisse, car il voit un grant chevalier qui la tient enversee
en une
coche, et est entre ses jambes,
et li velt
escuele. Et li autres tient une petite escuele, et va avant. Et si tost conme il sont de la chambre hors, si traient les espees toutes nues, et vienent a la table droit. Et Lancelot saisist une grant juste d’argent toute plaine de vin devant lui, car il ne set qu il ® feront. La damoisele esgarde mout ce que il fait. Li dui serjant les mes aportent seur la table sanz dire mot, et s’en revont. Et Lancelot n’en cerche riens de tout ce, mais menjue si conme il pot conme home dolent. Einsint furent servis tant com li mengiers dura. 10 Aprés mengier se lieve la damoisele et Lancelot, et s’en vont apoier a unes loges au serain en un jardin. Quant la damoisele i ot un poi esté, si s’empart sanz dire mot et s’en va toutes les loges, et entra en la sale, et va outre en une chambre, et demeure
une grant piece. Et quant Lancelot se regarde, si ot une grant 15 noise, et il court la, si ot que la damoisele crie moult durement. Et il court a luis tout droit, si entent qu’ele dist : « Biaus ostes, aidiés moi,si conne vous m’avés en couvent! » Il est venuz a l’uiz
d'une chambre, si voit une moult grant clarté. Et voit que uns grans homz tenoit la damoisele enversé en un lit, si li est entre
70 Jes jambes, et les li a descouvertes jusqu’a[ux] cuisses qui moult
31
fere. Et ele se deffent molt durement et crie merci a son oste. Et il voit a l’entree de l’uis deux homes qui deus espees tienent totes nues, et aprés cels en a deus autres qui deus haches tienent. Quant il voit ce, si se pense qu’il ira s’espee querre et son escu. Et quant il velt retorner si dist a soi meismes que s’ostesse sera honie ains qu'il reviegne, et s’il se met laiens parmi les espees et parmi les haches il n’em puet eschaper vis se cil valent riens qui l’uis gardent. Aprés dist se il remaint, dont ne sera jamés sa dame rescosse par lui. « Et ma Dame, fet il, del Lac, me dist que je la rescorroie ; ne nus qui en queste feiist de li ne deiist coardise fere. Or l’en coviegne bien, kar se je muir ici ce sera por li,et se je en eschape ce sera par li, mais ceste pucele rescorrai je, kar ci ne remaindrai je ja. » Lors envolepe son bras senestre del mantel qu'il ot al col, si le giete sor sa teste et se lance parmi l’uis ens. Et les espees faillent a lui, si descendent si durement que ambes deus furent en terre fichiees, si sont en pieces volees. Et il ne regarda onques, ains passe avant et feri de tot le cors a un de cels qui [f. 201d] les haches tenoient, sel porte a terre tot estendu. Et li autres gete,sil’ataint del nairon de la hache si qu’il li trenche le mantel en quatre doubles, et li cops s’en vient parmi l’espaule
sont blanches. Il [f. 1624] avoit en milieu de la chambre deus homes qui le lit gardoient. Quant il se veult ens lancier, si apercoit deus serjans qui l’entree gardoient a tout les espees nues. Il s’apense qu'il porra faire, car se il s’en va ens il n’en porra eschaper sanz mort,se cil valent un denier qui tienent les haches et les espees, et se il ne secourt s’otesse il est honiz en toutes cours, et dire li convendra quant il vendra a court. I] court tost pour s’espee querre. Et quant il est deus pas alés, si pense qu’ele sera avant honie qu’il reviegne. Lors se seigne et dist aprés : « Madame, a vous me conmant, et se je muir c’est par vous. » Atant se fiert en la chambre, et li dui qui gardoient l’uis le cuident ferir. Et il faillent, et fierent en terre leur espees ambedui si qu’en pieces son[t] voleez. Et il se hurte si durement a un de cex qui les haches tenoient que tout estendu le porte a terre. Et li autres le cuide ferir parmi la teste, et il giete le braz encontre, qu’il a envolepé de son mantel,
et la hache
fiert enz si durement
que tous les
plois li trenche fors un tout seul. Et il se lance a celui qui s’otesse
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ao
32
senestre, si li trenche les le costé la chemise et le cuir si que li
sancs vermels en chiet a terre. Mais il ne s’esmaie de coup qu'il ait, ains aert as chevels
celui qui la damoisele
tint, sel sache
en haut et le lance sor une hache que cil tint qu'il avoit abatu, 5 dont il le voloit ferir. Et la hache le fiert parmi la teste, si l’afronte tot. Et li chevaliers prent la hache par devers le fer, si le sache des poins a celui qui la tenoit, et se lance de l’autre part, et dist que or viegne avant qui osera, que ja tant n’en i vendra com il lor tendra meslee. Et cil se flatissent tuit fors de la chambre. 10 Et la damoisele
commence a rire et dist : «Certes,
voirement
n’en est il plus. » Lors le prist par la main et dist : « Venés en bials ostes, kar bien m’avés deffendue. » I] s’en vont jusqu’en une grant chambre. Et li chevaliers voit em milieu un molt riche lit, et cele li dist :
15 «Sire, je me veuil cochier, mes gardeis que vos me tenés mes covenans. » « Damoisele,
fet ele. »
fet il, covient le ensi a estre ? » « Oil,
«Et je m’i cocherai, fet il.» Ele vient a une fenestre
tenoit, si le prent as chevex et le sache a terre. Et li autres qui cheiiz est, si saus sus et cuide Lancelot ferir parmila teste la ou il tenoit celui. Mes il saut arrieres, et cil ne pot son cop retenir, si fiert celui que Lancelot ot lesssié parmi la teste que tout le 5 fent jusques es espaules. Et Lancelot prent la hache, et la tout a celui qui la tenoit a force, si court sus a tous les autres et dist que tuit sont mors s’il estoient encore autant. Et cele conmenca a rire, et le prent par le poing et dist : « Estés, biax ostes, vous n’avés garde desoremés en avant, car vous avés bien moustré
10 que vous valés. » Lors s’en vont en la sale parlant ensemble. I] passent outre et vienent en une trop bele chambre petite. Si voit Lancelot un trop biau lit apareillié de toutes choses qui a biauté de lit covient. La damoisele
prent Lancelot, si s’asient
devant
le lit,
15 si li dist : « Biax ostes, vous me devés un guerredon tel conme je vous demanderai, et je le vous demant orendroit ». Et il dit qu'il li donra volentiers se avoir le puet. « Je vous demant, fait ele, seur vostre serement, que vous gesiez avec moi ennuit en cel lit.» Quant il l’entent si est si angoissex que plus ne puet, 290 et « Dame, fait il, car me demandés un autre don tel comme il
33 et fiert d’un maillet de fer si que tote la sale retentist. Et maintenant vienent chevalier et serjant a grant plenté. Et quant cil les voit venir si se dresce, kar il s’estoit assis por deschaucier. Et il se metent tuit a genols, et il lor demande qu’il vienent querre. Et il li dient que il le vienent deschaucier. Et quant il est des- 5 chauciés, si prie molt a la damoisele que ne li face cochier. Et ele dist que cochier li covient s’il ne se velt parjurer, et il dist qu'il s’i cochera. Lors met une grant piece a lui despoillier et tuit li serjant s’en sont alé, et les chandoilles estaintes, et il se coche en la fin, molt anguoissos, mais n’oste mie ne sa chemise 10
ne ses braies. Et la damoisele voit qu’il se gist tos envers sans dire mot, si le met en parole, et le taste la ou il li sueffre. Et quant
plaira et vous l’avrez, sachiés. » « Certes, fait ele, je ne vous demanderai autre chose, mais ceste vous demande je par la foi que vous m’avés plevie. » En toutes manieres essaia Lancelot s’il la porroit geter hors de sa demande, mes ne pot estre. Quant il voit que faire l’estuet, si dist qu’il i gerra por sa fiance aquiter. 5 Maintenant
s’en va cele couchier,
et tantost
s’en va li cheva-
liers la ou il devoit gesir. Quant il se voult deschaucier si vindrent laienz valés et le deschaucent. Et lors sont les chamdeilles destaintes, si se coulf. 162c|chent et un et autre. La damoisele va querre Lancelot a son lit, et dist que couvent li tiegne, et que 20 avec lui veigne gesir. Et il vient moult angoissex, et ele se couche avant
et il aprés, mes
c’est en chemise
et en braies, ne ne li
osse son dos tourner pour vilenie, ne il ne li osse son viz abandonner. Ainz se gist tous envers sanz mouvoir et sanz dire mot. La damoisele oreille et escoute qu’il fera, et quant ele voit et sent 15 qu’il n’en fera plus, si li dist : « Qu’est-ce,
sire
chevaliers, n’en
ferez vous plus? » « Que volés vous que je face? fait il. Se je cuidoie que je vous anuiasse tant que vous faites moi, je m’en iroie de ci. »
«Conment, fait ele, vous anuie je ? » « Oil, fait il, bien le
sachiez. Plus que je ne vous porroie dire. » « Pourquoi ? fait ele, 20 sui je dont si laide et si hideuse ? » « Vous estes orendroit laide, fait il, combien que vous m/aiez autrefoiz pleiie. » « Certes, fait ele, vous n’avez mie granment de tort, et se vous me volez pardon-
ner ce que je vous ai tant ennuié, je vous lairai atant aler. » Et il dist que si fera il,se encore li avoit plus mesfait. « Et je m’en 25
34 ele voit qu’ele ne le porra eschaufer si li dist : « Bials sire, ferois en vos plus ? » « Damoisele, fet il, je cuidoie avoir tant fet que je vos anuiasse autretant conme vos fetes a moi. » « Comment, sire,
fet ele, vos anui je tant ? dont ne sui je assés bele ? » « Oil, fet il. » 5 « Porquoi vos ennui je donc ? fet ele.» « Porce, fet il, que mes
cuers le velt issi a cui je sui. » « Certes, fet ele, li cuers est assés loials, et je ne vos vueil plus anuier, si avés tant fet que je sai auques qui vos estes. » «Et qui sui je ? fet il. » « Ki ? fet ele, li nompers
des buens. » Atant
se lieve.
«Or vos
dormez,
fet ele,
ro que Diex vos doinst bone nuit.» Lors s’en vet, et se coche en une autre chambre ou ses lis estoit fes, kar ele ne faisoit le chevalier s’essaier non, et se il volsist a li gesir, ele nel soffrist pas.
Mes ore cuide ele bien que ce soit Lancelos, si set de voir que se nus hom puet achever ce qu’il a enpris, il l’achevera. 15 Longement a pensé a lui, et quant vint al matin si est levee des qu’ele vit le jor, et vint a lui, si li dist que Diex li doinst buen jor. Et il li dist que Diex li doinst buene aventure. Et ele le velt encore plus assaier tant qu’ele [voie] plus de ses proesces, si li dist : « Bials sire, vos m’avés molt bien rendue ma covenance;
voiz, fait ele. Or vous gesez en vostre lit et repossez tout a aise, et je irai gesir en l’autre. » Et il dist que non fera. « Ainz gerrez vous ci, et je irai en mon lit gisir qui tant est biax, por ce, fait-il,
que je ne seroie jamais en terre ou l’en me conneiist, se l’en le ssavoit que j’etisse ennuit jeu avecques vous, qu’il ne me fust reprouchié a touz jourz mes. » « Seiirement i poez gesir, fait ele, car se vous avez amie ele n’en sara ja rienz. » « Mes cuers, fait il, le savroit qu’en son lieu est partout. » «Si m’ait Dieus, fait ele,
assez en avez dist. Et quex que vostre cuers soit, il est loiax, et zo bien i parut el Val au[x] Faux Amans. Or vous levez donques et vous alez gesir. Que bon repoz vous doinst Dieus et joie de ce que vous plus amez. » I] s’en part, et ele remest si a aisse que riens n’i faut, et pense bien en son cuer qui il est, et dist a soi meismes que ce est Lancelot, mes ele en voudra encore plus sa15 voir s’il puet estre, et pense en son cuer conment.
Einsint atent la damoisele jusqu’au matin, et lors est levee et vient a Lancelot et treuve qu’il se levoit ja. Et ele li dist que Diex li doinst bonjour. « Et vous
aiez, fait il, bone aventure. »
35
plus ne vos sai que demander, mais se vos m’oisiés mener avec vos par les hus et par les costumes del roialme de Logres, kar ]ai en ceste voie molt a fere. » Et il li demande quels hus et queles costumes ele demande. « Jel vos [f. 202a] dirai, fet ele. Li hus et les costumes del roialme de Logres sont teles, que se dame ou damoisele vet sole, ele ne dote nului, et s’ele vet en conpaignie de chevalier et autres chevaliers la puet conquerre, si fet de la dame ou de la damoisele a son talant, sans honte et sans reproche
avoir. Et se vos ensint m/osiés conduire, je croie seiirement. » « Amie, fet il, venés, kar quant vos i avrois ne mal ne honte je
ne me porrai aidier. » « Donc 1 irai je, fet ele. » Lors sont venu si serjant si li aident a armer, et ele est monté avec lui, si chevalchent jusqu’a tierce, si truevent une riviere parfonde et lee. I] costoient la riviere tant que il vienent a un chastel qui estoit a l’entree de la terre Baudemagu, [si avoit non] Wandehenches, et estoit fors de grant maniere. Et sachiés que la terre Baldemagu estoit close par devers Bretaigne de deus grans eves sor quoi li doi pont perilloz estoient assis. Et se chevaliers errans li passast, bien poist trespasser sans chalenge, et aler a bandon par la terre qui estoit entre les deus eves. Baldemagus avoit cele terre conquise puis qu’il avoit esté rois. Et quant il vit que li
Io
val oO
20
essillié de Bretaigne croissoient, si les mist en cele terre, si estoit
apelee la Terre Foraine. estoient quatre chastel. essillié n’en ississent, et chastel entra li chevaliers
«Sire, fait ele, vous
En cele terre avoit quatre issues, et $’1 Si n’i estoient fet fors por ce que li neporquant il n’en avoient cure. En ce de la charete, et la pucele qui le menoit.
m’avés
si bien
tenues
mes
25
couvenances
que je m’en lo, ne jamés ne ferai riens qui vous ennuit. Et il est voirz qu’en nule terre ne crient riens pucele qui seule va, mes, se chevalier
la conduit
et autres
la conquiert vers lui, il
em puet faire sa volenté conme de la seue. Et je le di pour ce qu’il a un chevalier en cest pais qui longuement m’a amee et requise d’amors, mes proiere i a perdue. Et se vous me volés conduire par devant lui, je iroie en vostre conduit hui toute jour.» «Encontre un chevalier irai je bien, ou encontre deus que j’a n’i avrez anui sans moi. » [f. 162d] Et ele dist que ce est assez. 10
36
Et la novele estoit ja par tot espandue que uns chevaliers qui avoit monté en une charete, venoit por la roine delivrer, et bien
savoient par tot queles armes il portoit. Li chevaliers entre el chastel et la damoisele avecques lui. Et maintenant commencent 5 a crier totes les puceles et les dames del chastel : « Fuiés ! Fuiés! por le honi chevalier qui ci vient ! kar il fu portés en la charete. » Et cloent lor iex et maudient l’ore qu'il fu nés. Et tuit li petit enfant de la vile aloient criant : « Vez ci le vaincu! Vez ci le vaincu! » En cele maniere chevalche li chevaliers jusque fors del 10 chastel. Et la damoisele en plore molt tendrement et maldist l’ore que onques charete fu fete. Et quant il sont fors del chastel, si est haus miedis. Lors sont venu a une chaucié de piere entre deus eves, et truevent el chief de la chaucié un grant chevalier tot armé. Et quant il vienent 15 pres del pont, si saut li chevaliers de lachauciee avant.Et quant il conoist celui de la charete,si li escrie: « Fui! Fui! tu qui en la cha-
rete montas. Par cine passeras tu mie, kar par ta puors m’avroit Li cheval sont apareillié, et 11 montent, si s’en issent de la mai-
son maintenant. Mes en cel pais estoit tele la coustume que si tost conme un chevalier venoit en cele terre si mouvoient mesages de la premiere vile ou il venoit, et contoient par le pais et disoient 5 que un tel chevalier venoit pour delivrer les prisons. Et tantost en savoient les noveles as max pas ainz qu’il i fust venuz. Einsint fu seiie la venue Lancelot. Et disoient par tout le mesage de leenz quel escu il avoit, et qu’il avoit sis en charete dont il fu puis assez blasmés, et mainte fois li fu reprouchié. Jo
Or s’en va Lancelot entre lui et la damoisele, si chevauchent
jusqu’endroit tierce. Lors viennent a une chaucié longue et estroite qui siet en un marez parfont et mol. Au chief avoit un chevalier armé seur son cheval. Et quant il voit venir Lancelot, si le connoist tout maintenant. Quant il vint hors de la chauciee, 15 sili demande qu’il va querant. « Outre cele chaucié ici voudroie estre, fait Lancelot. » « Fi! fait li chevaliers, outre [ne] passerez vous. Ele ne fu mie faite si bele ne si riche conme ele est pour ce qu’uns vaincus i passast par desuz. Et tu es honiz conme trainés en charrete, si as perdues toutes honneurs et toutes joies, 2 MS.
que ci tost
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ja mort ! » « Certes, fet li chevaliers, par ci passerai je puis que mes passages i est » « Tu feras que fols, fet li autres. » « Porquoi? fet cil. » « Foi que je doi Dieu, fet li autres, toi covendra laissier ce que je miels amerai de totes les choses que tu as, ou tu combatras a mol. » « Coment ? fet li autres, as tu ausi de tos cels qui par ci passent ? » «Certes, fet il, oil, neis se Artus de Bretaigne
i passoit ;et de sa feme meismes oi hui le passage assés gent et bel. » « Et que fu ce ? fet cil de la charete. » Et il li mostre un perron el chief de la chaucié. « Certes, fet cil, sor cel perron de
la porras trover le plus bel pigne que tu onques veisses, et sont plaines totes les dens des chevels la roine qui assés sont bel. Mais ne doivent pas estre veii d’ome qui a est{é] en charete si com tu as.» «Quels que je soie, fet il, totevoie le verrai je. » «Dont me bailleras tu, fet cil de la chaucié, avant, cel cheval sor quoi tu sies. » « Le cheval, fet il, n’avroies tu mie legierement,
angois me combatrai je.» « Fi! Fi! fet li autres, a toi ne me combatrai je ja, se Dieu plest, kar buens chevaliers ne se doit mie combatre a home vaincu.» « Tant [f. 202] i passerai je, fet il, plus legierement. » Quant il valt monter sor [la] chaucié et cil li vet al devant et [dit] que s’il vet avant nes un sol pas, il n’i perdra ja mains de la teste. Et cil ne fet nul samblant que li ne ne dois en nul lieu venir ou preudome soit. » « Si honiz conme je sui, irai je outre. Ja pour vous ne le lerai. » « Outre, fait li chevaliers, iras tu voire, mes tu dois de paage la chose que tu as que je miex amerai a prendre. » « Paage, fait Lancelot, ne paiai je onques, ne nus autres chevaliers, ne je ne l’acoustumerai ja. » «Il n’i a si haut home, fait li chevaliers, en toute Bretaigne qui n’en rendist paage s’il i passoit, neiz li rois Artus. Et sa fame le paia hui matin belet riche. »[« Que fuce, fait Lancelot, que la royne y paia ? »] «Certes le plus biau pingne, emplies les grosses dens et les menues de ses biax chevex. » «Se vous me moustriez le pingne, fait Lancelot, je paieroie le mien paiaige. » «Si, fait cil, vous le verrez ; a vous ne le mousterai je ja, ne a home qui honniz soit. Et si est il seur le perron de cele chauciee. » « Dont le vertai je, fait Lancelot. » Et cil monte seur la chauciee, et cil ro MS. onques veissies et. 8 MS. le paiai hui
20 MS. que cil vet
Lan
5
oe
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en chaille, ains vet avant tote voie. Et li chevaliers le prent al frain : « Chevalier, fait il, or ne va en avant, kar il te covient a moi conbatre, et bien sachies, se je te conquier, que je te cou-
perai la teste. » Nn
Atant s’areste cil de la charete, et li autres point tote la chaucié,
et puis revient si [tost] come
chevals li cort. Et li autres fet
autresi, si s’entrefierent sor les ecus. Li chevaliers de la chaucié
pecoie son glaive, et li autres le fiert si que del cheval le porte a terre. Lors descent et met l’escu hors del col, sel giete sor sa teste, if °
15
puis trait l’espee, si cort sus a celui qui fu sus saillis, si se donent grant cops par les hialmes et par les escus et par les haubers. Mais en la fin est cil de la chaucié tel conreés qu’il li covient a guerpir place, et ne puet plus la meslee soffrir, si li quite le passage. Et cil dist que en ceste maniere n’eschapera il mie s’1l ne se tient por outré.
«Or me dites, fet cil, avant, s’il fu voirs que
vos montastes en la charete.» Et il respont que voirs fu il. « Certes, fet cil de la chaucié, je ne serai outrez par home qui ait esté en charete. » « Donc morras tu, fet li autres. » « J’aim miels, 20
fet cil, mort honoree fet la damoisele, il ne de son buen gre, por cuit bien que de haut
que hontouse oltrance. » « Ha! maleiirés! fu pas honis de la charete, kar il i monta avoir sa grant honor. » « Certes, fet cil, je cuer le fist il, kar trop est buens cheva-
liers. Et tenés sire, fet il, m’espee, kar je me tieng por fin outré
li court au devant, si fiert le cheval Lancelot a cop parmi la teste si que par un pou qu'il ne la fait voler a terre. Et Lancelot est courouciez, si li dist : « Sire chevaliers, mon cheval avés feru. Mal l’avés fait, et vous le comparrés, sachiés. » 5
Lors se tret un pou arrieres, puis vint vers lui tant com li chevax le peut porter. Et li chevaliers recourut vers lui, si s’entredonnent grans cox sor les escuz. Li chevaliers brise sa lance, et vole em pieces. Et Lancelot le fiert si durement que lui et le cheval porte a terre. I] s’en passe outre, si descent,et met la main
10 a l’espee et giete l’escu seur sa teste, si vient seur lui, et le conroie
tel en peu d’eure que merci li couvient crier et prison creanter (f. 163a] a Lancelot et a tenir la ou il voudra. Atant sont au perron venu. Et Lancelot voit le pigne qui est desus le perron, si n’a mie tant de pooir que il le preigne, ainz
39
de vostre main. » «Tu avras, fet il, rendu le pigne la roine, et iras en prison la ou je te commanderai, et se tu ce ne vels fere, tu perdras la teste autresi com tu le m’as desgehui manecié a couper. » Cil le fet a molt grant paigne, mais totes voies l’otroie a molt grant force, si le maine al perron si li baille le pigne. Et cil le regarde si dolcement que tos s’en oblie. Puis a levé le pan de son hauberc, si le fiche en son sain et les chevels avec, et dist
al chevalier que tos quités s’en aille kar assés richement s’est raiens. Et cil en est molt liez et si s’empart. Et li chevaliers et la damoisele vont lor chemin tant qu’il resont entré en une forest. Et quant il ont erré jusqu’a none basse, si entrent en un sen-
tier si estroit qu’a paines s’i puist estoit cavés en parfont et li bois creus Ne demora gaires qu’il encontrerent armes. Et quant il vient pres de la
uns chevals torner, kar il espés a destre et a senestre. un chevalier armé de totes damoisele, si la conoist. Si
est del veoir si esbahis que mot ne dist. Et li oil li esbloissent si qu'il oublie tout ou il est,et par pou qu’il ne se pasme, et fust a terre cheiiz se la damoisele ne l’etist soustenu. Quant il revint de pasmoison et il vit la damoisele, si a demandé qu’ele voloit. « Je vous voloie, fait ele, baillier cel pigne, car vous le voliez prendre, ce m’e(s]t avis. » Et il dist grant merciz. I] prent le pigne si en tret les chevex hors, puis dist : « Damoisele, cest pigne me gardés en bone foi. » Et ele dist « volentierz.» I] prent les chevex si les met encontre sa char, et bien vousist que la damoisele fust plus loinz. Et pour la grant joie qu’il a, dist il au chevalier qu'il s’en voit tous quités et raienz. Et lors s’en torne entre lui et la damoisele et chevauchent jusques pres de nonne. Lors entrent en un sentier estroit qui iert entre deus pleseiz. Tant ont alé cel sentier qu’il voient parmi les arbres del pleseiz une grant praarie ou il oirent moult grant noise de bouhordeiz et de queroles. Lors vint un chevalier tout armé seur son cheval. La damoisele le connut bien, si dist a Lancelot : «Sire, veez ci
le chevalier qui tant m’a requisse d’amors, si sai bien qu’il me voudra ja prendre pour ce que je sui en conduit, si m’est mestiers que vous
me
secourez
vers lui. » « Alez, fait il, setirement,
et 20
n’aiez garde. » Et cele s’en va avant. Et quant li chevaliers la
40 dist al chevalier de la charete : « Sire, vez ci un chevalier qui me pria lonc tens a, mais je ne l’aim mie. Or i parra comment vos me garantirois. » « Alés avant, fet il, n’aiés garde ; ja savés vos bien que je vos ai dit. » Cele se taist, et quant li chevaliers la co5 noist, si fiert les paumes ensamble et dist : « Diex ! or ai je trové quanque je aloie querant. » « Coment ? fet ele. » «Si m’ait Diex, fet il, de ce que je vos ai trové en conduit, kar or vos en menrai je comme la moie.» Lors le prent al frain. « Laissiés le, bials sire, fet cil de la charete, car je la conduis. » « Certes, fet cil, ce
10 puet li pe[f. 202c]ser, kar pucele de si haut pris ne detist en conduit a home qui eiist en charete esté, entrer, ne vers mol ne li serois vos ja garans. » « Bials sire, fet li autres, encore n’estes vos mie al conquerre kar assés iert qui contre vos la deffendra. Mais retornés jusqu’a une place ou qu’ele soit, et se plus en volés 15 fere, sel verrons. » Et cil dist que ce li plest molt, kar miels la
velt avoir par bataille que par don. I] laissa la damoisele et torna
voit, sia tel joie conme il puet plus, et fiert l'une paume a l'autre et note, et chante, et est tant envoisiez que plus ne puet. Lors dist : « Bien puisse venir la rienz vivant que je plus aim et desir ! et benoit soit Diex qui toutes mes proieres m’a achevees quant 5 je la puis orendroit prendre si quitement, et mener a ma sauveté! » « Biau sire, fait ele, il ira tout autrement que vous ne cuidiez, car cest chevalier me conduit. » « Certes, fait il, ce doit vous
peser quant el conduit a home honi estez, car c’est cil qui fu charretés, et je vous en menrai voiant lui que ja chalenge n’i metra. » 10 «
Oez, sire, fait elle, que dites vous ? » « Dame, fait Lancelot, il
dira sa volenté, mes encore ne vous a il gueres loing menee. » Et cil giete la main aus resnes del cheval ala damoisele et dist : «Or vous enmenrai je, et qui vous rescourra je le verrai bien, mes cil chevaliers n’est pas si foux qu’il vous en preigne a deffen15 dre. » « Sire, fait Lancelot, lessiez ester, car assez i a qui la def-
fendra. » « Dont vous combaterés vous a moi ? fait cil.» Et il dist qu'il est tous prez. « Or n’i a dont, fait li chevaliers, que nous aillons en tel lieu ou nous puissonz conbatre a largue, car onques riens tant ne desirrai conme a combatre pour la riens el monde 11 MS. este entrez ne
14 MS.
et ce plus
4I son cheval, si s’en vet tot issi com il estoit venus, tant qu’il issent de la forest et vienent en une grant praerie qui tote estoit plaine de dames et de damoiseles et de chevaliers et de vaslés. Et karoloient
et chantoient
de tels i a, et li autre se deduioient
a bohorder et al jeu des tables et des eschiés. Si tost com li chevaliers fu hors del bois qui la damoisele amoit, si fiert des esperons a cels qui juoient es pres, si lor dist : «Ne juez plus, kar vez ci le vaincu ki fu en la charete. » « Et tantost remainent li jeu et commencent tuit a huer, fors cil qui del roialme de Logres estoient, dont il i avoit assés, qui ne faisoient se les jeus esgarder non, kar de joer ne lor tenoit. Quant tuit furent remés li geu, si prent li chevaliers la damoisele par le frain, et l’en commence
a l’encontre « Dont ? fet gaaigné ? a fet il, m’est
a mener. Et uns vielz vavasors
Leal
oO
(al
5
li vient
si li dist : « Qu’est ce, bials fiz ? dont viens tu ja ? » il, dont ne veez vos que j’ai gaaigné ? » «Ou l’as tu le toi cist chevaliers quite clamee ? » « Entretant, s’il la me quite com s’il le me contredit. Et vos veez
que je plus aim, et devant lui. » Lors s’en tourne cele part dont il venoit tant qu’il issent del sentier et entrent en la pree qu'il avoient vetie parmi les arbres. Si i avoit grant plenté de gent dont [f. 1366] les uns jouoient a pluseurz jeuz, et li autre ne jouoient pas, ainz sont tuit quoi. Cil qui jouoient sont de la terre, et cil qui ne jouoient pas sont de ceux qui estoient em prison. Li chevalierz qui la dame chalenge dist: «Ne jouez plus! veci le chevalier charetés!» Tantost remaint li jeuz de toutes parz. Et il prent la damoisele par le frain, si l’enmaine droit a un paveillon qui enmi le pré iert touz tenduz. Et un grant chevalier va encontre seur un palefroi, une chape vestue d’issanbrun fresche, et fu d’aage et sembla bien preudom. Et iert peres au chevalier et ert preudom et riches. « Qu’est-ce? fait il a son fil, ou vas
tu mener
ceste
dame ?» «Sire,
fait il, je l’en maing
conme cele que je ai conquize. » « Conment, fait il, la t’a cil chevaliers quitee ? » « Autant m’est, fait il, si la me quite conme si la me contredit, car je l’en maing autresi conme la moie. » Et Lancelot li dist : « Lessiez
la, sire chevaliers,
car tant
avez
1é
vous
perdu de pas conme vous l’avez amenee avant, car bien sera garantie contre vous,se vous avieez la prouesce a tiex deus conme
20
42 bien quel contredit il i met.» Lors li dist li autres : « Laissiés la, sire chevaliers, la damoisele, kar de vos n’a ele garde. » Et cil
ne li deigne neis respondre. Et il li redist que se il ne la let il le conperra. Lors a l’espee sachiee ; et lors dist li peres al fil: « Fu, 5 folz chaitis ! laisse la. Je savoie bien que tu ne |’avroies mie sans chalenge. » «Sire, fet il a l’autre, metés vostre espee arrieres kar nos cuidons que vos en sachiés bien ferir. Et quel que li autre fet soient, vos n’estes ne trop fols ne trop vilains, ne ja la pucele ne vos sera contretenue. » « Par sainte Crois, fet li filz, ro il n’en menra
mie sans meslee. » « Par foi, fet li peres, se tu es
musars tu ne feras mie tes folies devant moi, kar por ce que tu es mes filz, dois tu fere mon
commandement. Et je ne vueil pas
que tu a cest chevalier te combates. » Et cil jure que si fera. «Fui! fet li peres, kar tu n’as pas pooir la ou je sui.» « Puis, 15 fet il, que vos ne me laissiés devant vos combatre, jel sievrai tant que nus nel me deffendra. » « Or as tu bien dit, fet li peres,
et je meesmes irai avec toi, et se je voi chose por quoi tu te doies conbatre, tu t’i conbatras, et se je voi chose por quoi tu le doles laissier, tu le laisseras. » Et cil l’otroie. Ensint acueillent entr’els
20 deus lor chemin aprés le chevalier. Et quant cil qui avoient lor geus laissiés voient que li chevaliers en maine totes voies la damoisele,
si en sont
molt
dolent,
et
li essillié
en
ont
molt
grant joie. vous estes. » «Or puez veoir, fait li vavasorz, qu'il ne la te quite pas. » Cil dist qu’il ne l’en chaut car toutevoies l’en merra il. Et Lancelot lesse courre et li dist s’il ne la lesse qu’il li fera comparer. « Lessiez la, fait li preudonz. » Et cil la lesse, mes il dist 5 qu'il se combatra au chevalier tant qu’il l’en menra, ou il le comquerra vers lui. Et li preudons dist qu’il se garde bien de conbatre contre son gre, et cil dist que non fera, si court sus a Lancelot. Et li peres le tret arrieres deus fois ou trois, mes cil n’en velt riens faire pour deffence. Et li peres apele une partie 10 de ses amis si fait ilec prendre son filz et lier,et dist qu’il le convendra maugré sien esploitier a sa volenté. «Et sez tu quele ma volenté sera ? Tu leras la damoisele au chevalier, et pource que tu ne soies a malesse de la bataille que je te toil, si ironz
aprés cest chevalier hui et demain, Et de tel prouesce puet il
43
Tant a chevalchié li chevaliers et la pucele qu’il est bas vespres, et lors sont venu a une maison de religion. Et la damoisele li dist: « Sire, se vos me creez, vos vos herberjerois anuit saiens, kar il seroit ains mie nuit que nos trovissons mes ostel. Et len vos i fera molt grant honor, et por moi, et por ce que vos estes chevaliers. Et je i ai un oncle rendu que jadis fu chevaliers molt prouz. Et herbergiés vos i par mon los. » Et il li otroie. Lors vienent jusqu’al mostier et truevent trois des rendus qui les reseivent [f. 202d] a molt grant joie. II descendent, si fu assés qui le chevalier desarma. Aprés vindrent en un grant porpris clos de haut mur environ, et c’estoit uns cimentieres. En cel cimentiere gisoit le cors Galaad, le menor fiz Joseph de Barimatie, celui qui fu engendrez en Sorelice qui puis fu apelee Gales por lui, kar il 1 fist la lei en non Nostre Seignor Jesu Crist. Avec lui 1 gisoient vint et quatre de ses compaignons. Laiens avoit deus lames sor deus tombes, si estoient
assez
Io
15
mer-
veilloses, kar nus ne savoit de quoi eles estoient. Si estoit l’une en haut en milieu d’un trop bel prael, et l’autre estoit desos terre en une cave molt parfonde. En cele qui estoit el prael 20 avoit letres qui disoient que cil qui la leveroit geteroit toz les enprisonés del roialme sans retor. Et en cele qui estoit dedens la cave gisoit li cors Symeu, qui fu peres Moysi, a celui dont li cors gisoit en la dolerose tombe de la sale as grans poors, dont li grans contes parole del Graal. Teles com vos avés oi estoient 25
estre c’atant te soufferas de la bataille, et tel chose porras en lui veoir qu’a la bataille revendras encore. » Einsint l’a fait li preudons maugré suen. Lors s’en tourne Lancelot et la damoisele, si s’en vont la ou
ele le conduit. Et li vavasor et son fil vont aprés lui. Tant ont alé que il viegnent a une maison de relegion, et la damoisele dit a Lancelot : «Sire, est huimés bien tans de herbergier. Et vesci une maison ou l’en vous herbergera volentiers, et pource 21 var. MS. C : letres ki disoient ke cil ki le leveroit abatroit les encantemens del roiaume aventureus et metroit soi es aventures et acompliroit le siege de la table reonde. En la tombe del praiel gisoit li cors Galaad et en celle de la kave etc. 1. 23.
6 MS. ele les conduit,
44 les deus lames del mostier ou li chevaliers de la charete herberja. Si covenoit que cil qui les leveroient fuissent d’un lignage estrait. Et li mostiers avoit non li Sains Cimentieres por les sains cors qui i gisoient. Et de ce avoit Merlins profetisié, 5 que si tost comme la lame Galaad seroit levee, si en seroit ses cors aportés en Gales, et si tost com
ses cors en seroit fors, si
vendroit li delivremens as enprisonés. Laiens fu molt honorés li chevaliers. Et ne demora gaires que li vavasors qui ne laissa son fiz conbatre vint aprés et her10 berja laiens. Li frere l’amoient molt, et il estoit sires de grant piece del pais, si vint laiens, mais il ne se laissa mie veoir al che-
valier. Al matin oi messe li chevaliers ains qu’il s’armast. Et quant il fu armés si li dist li mestres des freres : « Sire, nos savons bien que vos avés la voie enprise por la roine rescorre, et li 15 premiers assaus a cels qui tel chose vuelent enprendre s’essaient
que chevalier estes, et pour ’amour de moi». Et il dist quwil 1 herbergera puis qu’ele le velut. I] vienent a la porte si troverent trois des freres a une des loges. I] se lievent encontre le chevalier et dient bien soit il venuz, sile prient de herbergier moult dure5 ment. Et quant il connoissent la damoisele, si en font trop grant joie, car ele iert moult haute fame et niece a un des rendus qui chevaliers avoit esté. I] descendent, et l’en les maine en une trop bele chambre por [f. 163c] euz aaisier, si se desarme li chevaliers, et li cheval sont bien aaisié.
Tantost vint aprés li vavasourz qui 2 grant honneur fu receiiz, car si ancisour avoient establi le lieu. De toutes les choses que Ven pooit leenz trouver fu Lancelot la nuit servis. Au matin se leva, si li chanta l’en messe du Saint Esperit. Puis li dist un des rendus : « Sire il nous est avis que vous estes venuz en cest pais 15 pour delivrer ceuz qui sont en subjection. » Et il dit que s’il i voloit metre conseil moult volentiers s’en peneroit. « Sire, fait [il], je le di pource qu’il a ceenz un essay que cil qui l’enneur en
10
avra, acomplira ceste aventure. » « A ce, fait Lancelot, m’essaie-
rai je volentiers. » « Et nous le vous mousterrons, fait li preudons. » 20 Il fu tous armez fors de[l] chief et des mains, et li preudonz le t MS.
deus tombes
dit quil i voloit
lavez del
11-12
MS.
al chevaliers
al
15-16 MS.
+
45 saiens. » « Quels est, fet il, li essais ? » Et il li devise si com li contes a dit ¢a deriere.« Donc 1’essaierai je, fet il.» Lors le mainent
el cimentiere, et quant il voit les tombes si li menbre de la Dolerose Garde. I] vient a la grant lame si l’esgarde a merveille, kar il ne puet deviser de quoi ele est. Et la tombe fu haute sor quatre 5 pilers. Et il saisist la lame, si la lieve en haut sans lui grever, tant qu'il voit dedens le cors d’un chevalier tot armé; si est encore li haubers autresi blans comme le jor que I’en le vesti premierement, et li hialmes et li escus autresi fres et luisans comme le jor qu’il furent fet. Et l’espee estoit tote nue sor lui 10 del lonc, si paroit em pluisors liex estre sanglente de fres sanc, et li escus d’or a une vermeille crois. Et cil commence a lire les letres en la tombe, qui disoient : Ci gist Galaad, li conquerres de Sorelice, li premiers rois crestiens de Gales.
maine a uncimentiere ou maint cors de chevaliers gisoient qui preudome avoient esté a Dieu et au siecle. Et il esgarde par le cimentiere si voit de moult beles tombes et de moult riches. Et bien en i avoit trente et trois. Mes une en i a de greigneur biauté que les autres. Li preudons le maine a cele tombe, et une Qn lame gisoit desus qui bien avoit trois piez de lé par aval et quatre piés par amont, et ele avoit d’espez un large pié. Et ele est seellee a plonc et a ciment. En la tombe qui desus estoit avoit grant richesce. « Vesci, fait li preudons, l’essai. Qui cele lame porra lever, si achievera les aventures que vous querés.» Et il met /0 tantost sa main au plus gros chief, si sache si durement qu'il deront les jointures del plonc et del ciment, et lieve la lame en haut sor sa teste. Et il esgarde enz,si voit le cors d’un chevalier armé, et avoit seur lui un escu a une vermeille crois, et s’espee
iert delés lui ausi bele et ausi clere conme ele estoit le jour qu’ele 15 fu onques plus clere. Et ses chauces estoient ausi blanches conme noif negiee. Et il avoit une couronne d’or desus son hiaume. A cel tans estoit a coustume que nus chevaliers ne fust mis en terre qui ne fust armez de toutes ses armes. Lancelot esgarde les letres en la tombe
qui disoient : Ci gist Galaad, li haus rois de Gales, 20
le fiex Yoseph d’Arimacie. Cil Galaad avoit conquis Gales au tans que li Graaux fu aportés en Bretaigne, et pour lui ot ele
non Gales, et devant estoit apelee Oselyce.
46
Longuement sostint li chevaliers la lame, et une odors en issoit si plaisans et si soez qu’il ne se pooit saoler del sentir et de la merveille esgarder, ains s’en oblia tot en estant. Et en cel tans n’estoit nus chevaliers enterrés sans ses armes, por qu'il moretst 5 en tel lieu ou l’en les puist avoir.Quant [li] chevaliers laissa la lame, si avint une grant merveille, kar ele remest tot issi com il l’avoit levee autresi fermement com s’il la tenist encore. Et lors vint laiens une grant conpaignie de rendus qui venoient de Gales por querre le cors del roi qui gisoit en la tombe que li chevaliers 10 avoit overte. Et li mestres de laiens lor demande comment il savoient que la tombe fust overte, et il distrent que par avisi[f. 203a]on lor estoit descovert des le nuuefisme jor devant; si s’en merveillierent molt. Iluec fu li cors defl] haut roi getez del sarcu et portez en la terre de Gales. 15
Et quant li chevaliers de la charete s’en venoit fors, si oi une
vois trop grant en la cave ou la tombe Symeu estoit, et une fumee en issoit, si fort et si anguoissose, que a paine la poist soffrir qui pres en fust. Il demande dont vient ceste fumee et ceste vois. Et li mestres li respont qu’ele vient del plus felon lieu et 20 del plus hisdeus qu’il onques etist veii, sili conte l’aventure de chief en chief. « Ceste aventure, fet il, vueil je veoir. » I] le maine
Longuement tint Lancelot la lame seur son chief en haut. Et quant il la volt metre jus,si la met en tel maniere conme il lavoit trouvee que onques plus ne s’en ravala. De ceste chose furent esbahi et un et autre trop durement. Et li preudonz dist a Lancelot : « Sire chevaliers, vous avés acompli ceste aventure, 5 ne je ne cerrai jamais choze qui soit a avenir se par vous ne sont delivré li essillié. » Atant le maine au moustier pour rendre graces. Et il esgarde parmi une fenestre si voit une grant [flamme en une] cave desous terre. I] demande quei feu ce est. « Sire, fait li freres qui l’avoit mené a l’essai, [f. 163d] c’est une aventure trop 10 merveilleuse. » « Quele ? fait Lancelot. » «Sire, fait il, ’en nous tesmoingne que cil qui une lame levera qui leenz est, achievera le Siege de la Taule Reonde,et metra a fin la haute queste,et achevera les aventures 2 MS.
la voit metre.
du Graal. » «Cele tombe
fait Lancelos,
veul
47 en une volte noire et obscure tant qu’il viennent a un degré, et lors le laissent tuit, kar en avant
n’osent
aler. Et il s’en va
tos les degrés aval tant qu’il vient la ou la grans noise estoit. Et il s’areste, et voit molt grant clarté par tot laiens,et ne voit
dont ele vient kar il est encore esblois comme cil qui de fors venoit. Ne demora gaires que la veiie li esclaira, si vit qu’il estoit en une grant chambre, et voit en milieu de la chambre une tombe autresi grant, ou plus, comme cele k’il avoit levee, si ardoit de totes pars a si grant flambe que plus haut voleit que n’est la grandors d’une lance, et puoit a demesure. Li chevaliers esgarde la tombe a merveille, mais molt en est esbahis d’une vois qu’il ot
4°
dedens, kar nule si hideuse n’avoit onques mes oie, kar ele braioit
et crioit et getoit si grans plaintes et si espontables, que nus ne Yoist qui grant poor n’en eiist, et si ot il, kar il se tret arriere sans fere plus. Et quant il est al degré si s’areste, si commence un petit a penser. Quant il ot pensé si sospire et commence a plorer molt durement et maldist l’ore que il onques fu nes et dist : « Ha ! Diex ! com grant damage! » Lors s’adresce a la tombe et cuevre le vis de son escu por la flambe. Et quant il vint pres, si li escrie la vois qui de la tombe issoit. Et il escote qu’ele disoit : « Fui! va arriere! kar tu n’as ne le pooir ne le congié de ceste
15
20
je veoir. » «Sire, fait li freres, veoir la povez vous bien, mes ne
vous i essaiez ja, que l’aventure n’est pas vostre, car uns seuz homs ne porroit pas achiever ces deus aventures. » « Toutevoies, fait Lancelot, m’i essaierai je, quel qu’il m’en aviegne. Moustrez moi par ou l’en i va.» Et il le maine a un degré. Et Lancelos avale tout le degré jusqu’en la cave. Et il avoit au chief desouz une tombe, qui ardoit si engoisseusement de toutes pars, que la flamble envole contremont ausi haut conme une lance. Si esgarde la tombe moult longuement, si se tint pour fol de ce qu’ili vint, car il ne voit pas conment nus hons i meist la main qui arse ne fust. Atant monte les degrés pour retourner. Et quant il ale tierz degré monté, si s’areste et dist : « Ha! Diex! quel duel et quel damage m’est avenu ! » Lors descent en la quave et fiert l'un pung a l’autre, et fait le greigneur duel del monde, et maudit l’eure que il fu onques nes, quant il a tant vescu qu’il est honiz. Lors 15 s’en conmence a aler vers la tombe, si s’apareille de lever, quant
“as
al she
48
aventure achever. » « Porquoi ? fet il. » « Ce te dirai je, fet la vois, mes avant me di porquoi tu deis ore, bials sire, ‘ Diex, com grant
damage?’ » Lors commence
a plorer li chevaliers, si a duel et
honte. « Di, fet la vois, seiirement. Ne me mente mie. » « Certes,
fet li chevaliers, jel dis porce que je ai le siecle trop vilement trai et deceii, kar il me
10
15
20
tienent
al meillor des buens chevaliers,
or
sai je bien que je nel sui mie, kar il n’est pas buens chevaliers qui poor a.» «O! fet la vois, tu ne dis preu, et si dis bien de ce que tu dis que buens chevaliers n’a pas poor, et si ne dis preu de dire com grant damage de ce que tu n’es pas li mieldres des buens, mais de tel cors et de tel vertu comme tu as eti preu besoigne a achever ; kar cil qui sera buens chevaliers n’est pas encore avant venus, et molt est sa venue pres. Cil sera buens et bials et de si vertuoses teches que, si tost com il metra le pié dedens ceste chambre, estaindra ceste anguoissose flambe qui ci art et degaste m’ame et mon cors. Et je te conois molt bien, et tos cels qui de ton lignage sont. Et saches que tu as non en baptesme le non al saint home de la sus que tu as de la tombe geté. Et je sui ses cosins germains. Mais tes peres t’apela Lancelot por remembrance de son aiel qui-issi avoit non. Et sera de vostre lignage cil qui de ci me getera, et acomplira le Siege Perillos et
une vois li escrie dedenz la tombe, qui li dist : « Mar i viens avant,
10
que l’aventure n’est pas a toi a faire ne a achiever ! » Quant Lancelot oi la vois, si s’en merveille que ce pooit estre car riens ne veoit. Et il li demande qui ce est. «Mes, tu. me dies avant, fait la vois, pourquoi tu deiz quel duel et quel domage, se fu a dire que tu n’es pas le melleur chevalier du monde. » « Et je voi ore bien, fait Lancelot, que j’ai le monde deceii puis que je ne sui si bons chevalierz, car bons chevaliers n’a pas poour. » « Ore, fait la vois, tu deis bien et mal. Tu deis bien de ce que tu deiz ‘Dex, quel domage.’ Ce fu a dire que tu n’estoies pas li mieudres chevaliers del monde, mes domage n’est ce pas, car cil qui li mieudres chevaliers sera, avra si hautes
tesches que nus n’l porra avenir. Car si tost conme il metera dedenz ceste quave le pié et il verra le feu qui m’art, estaindra 13 MS, il me il metera
49 les aventures de Bretaigne metra a fin.» Et lors li demande li chevaliers comment il a non. «Je ai non, fet il, Symeu, et sui niés
Joseph de Barimatie, celui qui le Graal aporta en la grant Bretaigne de [la] terre de Promission. Mais por un pechié dont je meserrai vers mon Creator si en sui tormentés en ame et en cors en ceste tombe, que Diex ne velt que je soie tormentés [f. 2036] en l’autre siecle ; si sofferrai ceste dolor jusqu’al jor que Diex nos envoiera celui qui de ci nos desprisonera. Mes or vos en alés, bials cosins, si ne‘soiés mie honteus, kar se vos n’avés tote la proesce et la valor qui puet estre en home corrumpu, et se ce ne fust, ce sachiés vos bien, vos acomplissiés les merveilles que vostre parens acomplira. Et tot ce avés vos perdu par le pechié de vostre pere, kar il mesprist une sole fois vers ma cosine, vostre mere. Et il estoit chastes et virges quant il assambla a hi, et si avoit cinquante [ans] passés ou plus. Par cest pechié avés vos perdu ce que je vos ai dit, et neporquant les grans bontés qui en
li feux maintenant pource que onques n’avra en lui le feu de luxure. Et nepourquant je ne te despiz pas, car de prouesce et de chevalerie es tu si durement garniz que nus ne t’en porroit passer. Et je te connois moult bien, car nous sonmes d’un lignage entre moi et toi. Et saches que cil qui de ci me delivera iert mes cousins, et iert si pres tes charnex amis que plus ne porroit. Et cil sera la fleur de tous les chevaliers. Et sachies que tu meismes achevasses les aventures qu’il metra a fin, mes tu les as perdues [f. 164@] par la grant ardeur de luxure qui est en toi, et pource que tes jourz n’est mie dignes de metre a fin les aventures du saint Graal, pour les crueuz pechiez et pour les ors dont tu es envenimés de desloial luxure. Et d’autre part i a tu failli pour un pechié que li rois Banz, tes peres, fist; car puis qu’il ot espousee ta mere, qui encore vit, jut il a une damoisele, et de la vient une grant partie de ton meschief. Ne tu n’as mie non
en bautesme
Lancelot,
mes
Galaad.
Mes
tes peres te fist
einsi apeler pour son pere, qui einsi ot non. Or t’en va, biaus 12 Apvrés le mot perdu, la phrase par vostre pecche est écrite dans la marge d’une autre main. 1 MS. en lieu le
Io
15
10
15
50
vos sont, avés vos des grans vertus qui en vos[tre mere] furent et sont encore. »
Quant li chevaliers ot que sa mere estoit encore vive, si en est molt liez; mais il ne velt partir de laiens qu’il n’essait a lever la 5 tombe. Et quant ce oi Symeu qu’il ne l’en porroit destorner, si li dist : « Bials cosins, puis qu’ensi est, or fetes ce que je vos dirai, kar autrement seriés vos alés. Prenés en cele piere de marbre qui est sor moi a destre, l’eve que vos i troverois, kar c’est l’eve des mains au lavement al provoire, aprés ce que il a usé le cors
cousins, a Dieu, car tu ne porroies mie achiever ceste aventure
pour les choses que je t’ai dites. » Quant Lancelot entendi que sa mere estoit encore en vie, Si en ot si grant joie que a paines le vous porroit l’en dire. Lors 5 demande
a celui son non, et conment il est ilec enserrés, ou s’ il
est mors ou vis. « Tout ce, fait il, te dirai je bien. I] est voirs que je sui niés Y[o]seph d’Arimacie, qui despendi Ihesu Crist de la croiz et aporta le Graal en .ceste terre, mes par un pechié que entre moi et mon fiex feismes, sueffre je ceste angoisse; si ali] 10 non Symeu, et cil miens fiex a non Moysez, si gist en la perilleuse sale ou maint anui sont avenu as chevaliers errans. Et se ne fust la proiere de Yoseph, mon oncle, nous fussiens dampné en cors et en ame a touz jours, mes par sa proiere nous a Dieus envoié le sauvement des ames por le dampnement des cors. Si fu chascun 15 de nous mis en tel vessel, et souffrons ceste doleur jusqu’atant que cil vendra qui nous en getera; et sa venue n’est mie loing, car a mains de trente anz est nostre terme de delivrance. Or me di, biau cousins que tu feras de ceste chose. » Et Lancelos dist quw il ne s’en ira ja sanz essaier. « Or te dirai dont, fait Symeu,
20 que tu feras. Pren ceste pierre qui ci desous est, si la lieve, et de l’yaue que tu 1 trouveras si en arouse ton vis, et ja puis par le feu ne periras, car c’est liaue don li prestres leve ses mains aprés ce qu'il a usé le cors Nostre Seigneur. Et se vous autrement i venés, vous estes mors. » 25
Lancelot
prent l’yaue, si s’en arouse,
puis vient
a la tombe
et se fiert dedenz le feu, et tant 1 est que plus ne puet souffrir. 11 MS. et ce ne
18 MS. me dit biau
eat
Jhesu Crist.
Prenés
de cele eve, si en arosés vostre
cors, kar
autrement seriés vos peris, mais ostés vostre escu kar il ne vos feroit se nuire non. » Cil le fet issi comme la vois li dist, puis vient a la tombe, mais par paine qu’il i mete ne l’a ne tant ne quant levee, et la flambe l’a si asproié que ses haubers li chiet par pieces ains qu'il ait le degré monté. Et il aporte son escu en sa main tant qu’il revient el haut cimentiere ou tos li pueples Vatendoit. Et quant il le voient vif si en ont grant joie, mais il est trop iriés de son hauberc qu'il a perdu. Et li vavasors qui ne laissa
Io
son fiz conbatre, li dist : « Bials sire, ne soiés pas iriés de vostre
Si s’en retourne jusqu’au degré, et genz qui l’atendoient. I] demandent Et li preudons qui la tombe Galaad si li dit : « Sire, ne soiez pas iriez de que nus de ceuz qui ore sont, ne la
s’en va tout contremont as qu’il a fait et il dist neant. li avoit mostree, le vit irié, ceste choze, car bien sachiés porront mestre a chief,et de
tant com vous en avés fait au cimentiere, avés vous tant d’an-
neur conquise que vous estes li mieudres chevaliers qui onques entrast ceenz, si en i sont plus de cing cent entrés. » « Tant sai je bien, fait Lancelot, que cil sera de moult grant proufes|ce qui ceste chose metra a chief. » Que qu'il par[f. 164d]loient entr’eulz leenz, estes vous une grant compaignie de renduz qui amenoient une litiere, si demanderent Galaad. Et cil de leenz leur demanderent conment il le savoient que le cors Galaad fust hors de sa tombe. Et il dient
10
que deus nuiz avoit, qu'il estoit venuz en avision a un home de Gales que l’en le troveroit l’endemain de |’Ascension. Atant leva Lancelot le cors le roi Galaad en la litiere,si s’en vont d’une
part cil qui le cors emportent, et Lancelot s’en va d’autre part. Lors dist li vavassorz a son fil qu’il etist de la bataille le piour eli, s'il a cestui se fust combatuz, «car
c’est tous li mieudres 20
chevaliers des bons, et s’il n’etist.trop haute prouesce en soi il n’osast pas emprendre ce qu’il a conmencié a faire. » Atant s’en vont entr’euz deus en leur maison. Et la damoisele convoie Lancelot, puis li dit : «Sire, je vous ai convoié longue13 MS.
leur demandement
conment
15 MS.
avisision
20 MS.
eu cil a
52
5
hauberc, kar je le vos donrai molt buen et molt a fet aporter le hauberc son fiz. Et li chevaliers le prent. Lors li demandent de la tombe Symeu avis. «Quoi ? fet il. Certes, molt sera preudom Et sachés qu’encor n’est il nus buens chevaliers. »
fres. » Lors li l’en mercie et qu'il l’en est qui la levera. Quant il ot le
hauberc vestu si monte, et li maistres li demande son non, et il
IO
q5
dist qu’il est uns chevaliers, ne plus n’em puet l’en traire. Et il s’empart entre lui et la damoisele. Et li vavasors d’autrepart, [et ses fiz], qui tuit sont esbahi des merveilles qu’il li ont veii fere. Et cil chevalche pensis et mas. Et la damoisele li prie que son non li die. Et il dist qu’il est de la maison le roi Artu, ne plus ne l’en velt dire. Et cele prent de lui congié, si s’en torne, et cil chevalche totevoies tristes et mas de l’aventure a quoi il a failli, tant qu’il est plus de midi. Lors vient a une forest et voit a l’entree deus chevaliers tos armés, li uns delés |’autre, si se metent de l’autre part de la voie. Et lors vient un escuiers, si li dist : « Sire chevaliers, cil dui qui
la sont vos deffendent par moi que vos n’ailliés avant se vos estes ment pour vostre proesce veoir, si ai tant fait que je le sai et vostre non ausi, or si m’en irai se vous m’en donnés congié. » « Je le vous donrai moult volentiers, fait il, mes dites moi conment vous savez mon non. » « Je le sai, fait ele, moult bien, car QQ
10
15
joi quant la voiz vous apela en la quave, qui vous nomma Lancelot. » « Or vous pri je, fait il, par la riens que vous plus amés, que vous ne le dites a nului tant que vous savrez conment j’avrai de ma queste esploitié, ou bien ou mal; car d’itant conme il m’est ja mescheii ai je honte trop grant et trop grant doleur. » « Tant sachiés vous, fait ele, que je ne le dirai qu’en un lieu ou l’en garderoit ausi bien vostre honneur conme vous meismes ferieez. » Lors li connoist qui ele est, et conment ele avoit alé aprés lui par la proiere sa dame. Atant s’entreconmandent a Dieu, et cil chevauche toute jour jusqu’a tierce. Lors aproche d’une forest haute et espesse. A l’entree de la forest avoit un sentier estroit, si le gardoient deus chevaliers armés. Et il estoit coustume
en cel pais, que si tost conme l’en seiist
que chevaliers estranges i entrast, que l’en gardast les pas, si conme il est establi. Quant Lancelot aprocha d’eus, si se pren-
33
cil qui montastes en la charete. » Li chevaliers est iriés que plus ne puet, si ne respont mie a l’escuier. Et cil li redit autre fois, et al chevalier ennuie. « Porquoi, fet il, n’irai je avant ? » « Por
ce, fet cil, qu’il gardent ceste forest, sine vuelent que chevaliers charetés i past. » « Or va, fet il, et si lor di, ou bel lor soit, ou il lor
poist, s’1 passera li charetés. » Cil s’en va et lor dist issi. Et li uns saisist tantost l’escu par les enarmes, et met le glaive sor laissele, si fiert des espe[f. 203c]rons contre lui, et li reproche la charete molt durement, et l’apele fiz a putain, honi en terre. Quant cil le voit issi venir, sel prise molt poi, si li guenchist iriés et plains de maltalant, sel fiert de tel force et de tel vertu que li
escus n’a duré et li haubers deront devant le fer, si li met parmi le cors [le fer trenchant] et le lieve des arcons, sel porte a la terre ; et al chaoir brise ses glaives. Et il ne le regarde onques, ains vet del retros ferir le chevalier qui son compaignon venoit vengier, si l’asena a descovert emmi le ventre, et il s’i apoia de tel vertu que li argons deriere brise. Et li chevals vient a genols,et li chevaliers vole par desore la crope del cheval a terre. Il s’en passe outre et dist : « Or i passerai je. » Et il ne cuidoit pas qu'il fust mors. Et li escuiers qui ot veii les cops se seigne, kar trop en est esbahis.
20
nent garde a l’escu tantost, et connoissent que c’est celui qui en la charrete avoit esté. Si li envoient un escuier et li mandent qu'il s’en revoist, car si vil et si honiz conme il est ne doit pas emprendre a passer la ou preudomes ont passé maintefoiz. Li escuierz vient a lui, si li dist ce que il li mandent, mes il ne li respont mot. Quant il fu pres des chevaliers si le conmencent a apeler fil a putain, et recreant, et charretés, et vaincus. Et il leur dit qu’il n’a si bon chevalier el monde, s’il le clamoit fil a putain, qu’il ne l’en feist menteeur ; ne recreant ne fu il omques,
de ce se deffendra il. Lors fiert le cheval des esperons contre |’un des chevaliers, si li donne si grant coup qu'il pecoie son glaive seur l’escu. Et Lancelos le fiert conme irez, si que de l’escu froissent les aiz, et les mailles
del haubere
faussent,
et li fers del
[f. 164c] glaive li passe outre parmi le cors, si vole a terre. Au parcheoir brise li glaives, et li tronchons li remaint souz l’essele. 15 Si point a l’autre chevalier, et il a lui. Et li chevaliers s’i faut
re: we
54 Et li chevaliers eirre tot son chemin jusqu’al vespre, et lors vint fors de la forest. Et quant il a un poi alé si voit venir sor destre deus homes a cheval,dont li uns avoit un escu a son col,
On
et li autres portoit un arc et un tarcois et un brachet deriere lui, et un cor a son col. Cil qui porte le cor estoit meslés de chaines, si ert molt preudes vavasors, si venoit de chacier de la forest ou il avoit bisse ocise. I] salue le chevalier et il lui. « Sire, fet il,
If te)
i5
24 °
s’il vos plaisoit,je vos herbergeroie molt bien anuit comme chiés vavasor, si avrois a mengier de ceste venoison. Et je vos pri que il vos plaise. » Li chevaliers a receii l’ostel, et l’en mercie. Et il prie a l'autre, qui ses fiz estoit, qu'il s’en voist avant tant com il porra traire del chaceor. Cil s’en vet avant por l’ostel appareillier, et li dui chevalier s’en vont tuit sol parlant ensamble tant que cil de la charete entent que ses ostes est des essilliés, et nes del roialme de Logres, si en est molt liés. Et il li dist que autresi est il uns chevaliers le roi Artu, et que il vet en la terre de Gorre por la roine delivrer. « Ha! sire,fet il,nos avons ja oi parler devos, et par tot cest pais le set l’en ja. Et nos somes tuit appareillé a vos aidier a nos pooirs: » Il li demande conment il vint en cest pais. «Je i ving, fet il, petis enfes por mon pere qui i estoit, si me covint rendre treii en cuivertise et en servage, et tos
conme cil qui trop se hastoit. Et Lancelot le fiert si durement, car la force del tronchon et del bras l’abat si cruelment a terre,
que au cheoir li brisa la chanolle del col. Et Lancelot s’en va outre que plus ne le regarde, si a tant chevauchié qu'il vint 5 hors de cele forest. Si commenga a avesprir. Lors encontre un vavasour et un sien fil chevalier, qui menoient deus levriers et avoient pris un chevrel. II] les salue et il lui. «Sire, fait li vavasor, je vous herberjeroie volentiers s’il vous plaisoit, et avriez de ceste venoison.» Et Lancelos |l’en 10 mercie, et dist que volentiers prendra l’ostel. Maintenant envoie li vavasor son fil a l’ostel a tout la venoison, et Lancelos et lui
s’en vont aprés, parlant de maintes choses dont li vavasorz li enquiert, [si li demande] quel part il velt aler. Et cil li dit en un 21 MS. ot tost cels 7-8 MS. il euz sire
13 MS. enquiert de maintes et quel
13 MS. et sil li
«
55 cels qui en tel maniere i sont, ja ne seront de si haut lignage estrait. Ensi li conte li vavasors les manieres de la terre. Si ont tant parlé ensamble qu'il sont venu a l’ostel, si encontrent en la voie deus chevaliers qui estoient filz al vavasor qui a l’encontre lor venoient. Quant il vindrent a l’ostel, si saut la dame encontr’els, qui molt estoit bone dame et sage. Et il fu assés qui desarma le chevalier, et li mengiers fu appareilliés, si s’asistrent. Et ne demora gaires qu'il comenga a anuitier. Et lors entra laiens uns vaslés sor un roncin las et suant. Et quant li sires le vit si li dist : « Bials
Io
fiz, bien soiés vos venus, mes molt avés demoré. » « En non Dieu,
fet li vaslés, bien sui je venus, kar je aport noveles bien estranges que la tombe del Saint Cimentiere est levee. » « Laquele? fet li vavasors. » «Cele del prael, fet li vaslés. Et por ce ai je tant demoré, que je l’alai dire a mes deus oncles, et vos autres amis. » « Diex aie! fet li vavasors,
ki a ce fet
?»
T5
«En non Dieu, fet li
vaslés, uns chevaliers qui vet rescorre la roine. Et a la tombe de la noire chambre
essaia il, mais il n’i fist rien, et se li fu ars
tos ses haubers desor le dos, kar je le vi a mes iex. » Quant il ot
sien afaire, ne plus reconnoistre ne l’en velt. Et Lancelos li demande s’il est chevaliers, et il dist que oil et de Bretaigne norriz et nes. Atant vienent pres del chastel, si leur vienent a l’encontre’ trois chevalier qui estoient fil au vavasor, et font moult grant joie a Lancelot. Quant il sont a l’ostel venu tost fu li mengier aprestés, si sont assiz. Quant vint en la fin del mengier, si entra laienz li vallés qui ert fuiz au vavasor. I] salua son pere et sa compaignie. « Biax fiz, fait li vavasorz, bien soiez vous venuz. Pourquoi as tu tant demoré ? » « Sire, fait il, je n’en puis mais, car une 10 grant aventure m’a detenu. Car la tombe de Galaad a esté overte par un chevalier le roi Artu,qui vient en cest pais pour delivrer ceux de Bretaigne et pour la roine querre que Meleaganz a.amenee en cest pais. Or est la tombe deseellee. » « Certes, fet li vavassorz, biau fiex, tu as songié, car s’il fust voirs l’en le seist par 15 tout cest pais. » «En non Dieu, fait il, c’est verité, car je vi au 15 MS. car cil fust
56
ce dit, si s’en revient a son cheval por establer. Et il esgarde, si voit l’escu al chevalier si le conut bien. Et si tost [f. 203d]
com la table fu ostee si apele son pere, si le dist : « Sire, cest escus ci, est il a cel chevalier ? » « Oil, fet li peres. » « Ce sachiés on
Io
donc, fet il, que c’est li chevaliers qui leva la lame que je di. Et savés vos qu’il a encore fet ? Il.a ocis les deus chevaliers qui gardoient la voie galesche de cele forest, kar uns escuiers le me dist, qui ambes deus les vit ocirre de son glaive, |’un del fer et l’autre del retrox. » Quant li peres l’ot, si en est molt liés. Puis vient al chevalier, si li dist : «Sire, je me plaing de vos. » « De quoi ?fet cil. » « De ce que vos nos avés tant celee nostre grant joie et vostre grant honor, kar vos avés levee la lame del Saint Cimentiere. » Et il
T5
20
en est tos fors del sen, et dist : « Porquoi le vos deisse je ? plus i oi je honte que honor. » « Conment, sire ? fet li ostes. » « Por ce, fet il, que je failli a la tombe de la chambre. » « Ahi! fet li ostes, ele ne tient de rien a vostre aventure, kar cil qui la levera ne deliverra mie les prisons del roialme de Gorre, mais par Vautre doivent il estre desprisoné, et c’est nostre grant joie. Et sachiés que maint buen chevalier i ont essaié qui onques neis
chevalier lever la tombe, et essaier la tombe Symeu, mes il i failli. » Lors fu moult liez li vavasorz et si dui fil, si en a moult
grant joie laienz. Quant li valés ot mengié, si dist a son pere : « Sire, encore vous dirai je autres nouveles 5
10
15
del chevalier qui la
lame leva. Il a ocis les deus chevaliers qui gardoient le pas de la forest.» Et li sires se seigne. Et li vallés regarde, si connoist lescu Lancelot, si dist a son pere : « I] vous est avenu bele aventure, car vous avés herbergié celui dont je vous parol ceenz, et se est cil qui la menjue devant vous. » Et li sires en est moult liez, si regarde Lancelot et li dist : « Sire, je me plein de vous. » « Pourquoi ? fait Lancelot.» « Pource, fait il, que vous m’avés celee vostre grant honneur et vostre grant joie.» « Pourquoi, fait il, le vous deisse je ? Ce poize moi que vous l’a fait savoir, que je i ai eti peu d’anneur et assez honte, car j’ai failli a une des plus beles aventures del monde. » « Sire, fait li ostes, pour Dieu merci, les deus aventures [f. 164d] ne pueent avenir a un seul home. Et de cestui avez vous assez d’onneur, car vous deliverés
37 ne la porent remuer. Et molt en devez estre liés, kar seiirs poés estre d’avenir la ou vos baez. » « Or me dites, fet il, bials ostes,
est il donc voirs que cil qui l’autre tombe levera, achevera la haute queste del Graal ? » « Oil, sire, fet li ostes. » Et lors est li
chevaliers tant iriés que plus ne puet, et si l’en viennent les lermes as iex, et il se torne delés une fenestre que l’en ne le voie, et dist : « Ha! pere bials, porquoi pechas ? » Lors vint a lui li ainsnez filz al vavasor, si li dist : «Sire, vos avés
a aler molt longue voie et molt grevose, et je vos convoieroie molt volentiers s’il vos plaisoit, et vos n’en voldriés se miels non.» Et li chevaliers li dist que lui est bel. Entresi dist li autres freres chevaliers, mais il ne velt qu’il en i voist que un. Ensi demorerent cele nuit. Et al matin sont levé, si s’arment li dui chevalier, et s’en tornent, et avec els s’en va cil qui les noveles
aporta de la lame qui estoit levee. Si s’en vont en tel maniere, 15 et li vaslés porte les deus glaives as chevaliers. Tant ont erré que endroit none vienent as Esperons. Et c’estoit
les chetiz et les chaitives qui sont en ceste terre. » « De ce ne sui je pas encore bien garnis. » Moult ont la nuit Lancelot honneré. Et li uns des deus filz au vavasor apele Lancelot et li dist : «Sire, nous devons estre moult pres de vous servir, et je vous voudroie requerre qu’il vous pleiist que je alasse avecques vous jusqu’au Pont de l’Espee. » Et illi otroie. Et li valés que la novele li ot aportee li dist : « Ha! sire, il ne seroit mie bele chose que dui chevalier alassent sans escuier ; et je irai avec vous moult volentiers se il vous plaist, et se vous ne le m’otroiez, je irai aprés vous de loing. » Et Lancelot leur otrie sa compaignie, et il l’en vont au pié. Et li peres
10
en est moult liez, si leur conmande si chier conme il ont leur cors
que il facent quanqu’il cuideront que bon li soit, et il dient que feront il a leurz pooirz. Maintenant couchent Lancelot a grant honneur, et l’endemain si tost conme il pot le jor veoir, se leva 15
et s’arma et prist congié del seigneur et de la dame, et est montez et ses deus compaignons,et s’en vont et chevauchent tout le jour jusqu’au vespre. 14 MS,
a heurz pooirz
58
un pas qui issi avoit non, et si orrois porquoi. Li pas estoit entre deus montaignes, si estoit tels qu’il n’i pooit aler que un cheval. Si avoit a destre et a senestre grans perrons et haus com est un home, si en avoit de chescune part trois. Et en chescune de ces
5 perrons avoit trois pertuis grans et larges a trois piés de haut. Et en ces pertuis estoient fichiees grans barres coleices qui tenoient d’un perron a autre si que nus n’l pooit passer sans contredit. Et a chescun des perrons avoit un serjant armé a pié, et deffendoit le pas. Et si avoit quarreres en la montaigne ou il 10 se feroient quant il veoient lor grevance. Et el chief deriere avoit un chevalier armé por deffendre le pas autresi, mais il n’i estoit pas totes ores, se lors non quant chevaliers estranges s’enbatoit en la terre. Quant il aprochierent le pas des Esperons, si commenga une gaite a corner del mont, et li vilain saillent. Et li che15 valiers qui estoit fiz al vavasor les voit, si dist al chevalier de la charete : « Sire, je ne sai qui a ja aportés ci les noveles de vos, mais l’en vos set bien en cest pais. » Atant sont venu al pas, et li vilain metent les chiés des glaives a terre, si atendent issi cels qui vienent. Et li chevaliers de la charete ne se done garde
Lors sont venu a un mal pas qui avoit a non le Pas des rons. Moult iert cis pas max a passer, car il iert entre deus trenchans, si [n’Javoit de lé plus de deus toises. Et avoit a groses estaches de pierres qui bien avoient cinq piés de
Esperoches destre haut.
5 Parmi ces estaches avoit barres de fust couleisces, si en i avoit troi, l’une loing de l’autre a trois toises, et des perons i avoit
sis, trois d’une part et trois d’autre. Chascune de ces trois barres gardoient trois chevaliers armés conme vilains de chapiax de fer et de cuiriez et de glaives. Au chief des Esperons iert uns cheva10 jiers armés de toutes ses armes. Lancelot vit le passage, si demande que ce est. Et cil li dient la couvine des chevaliers et des serjans qu’il li covient faire s’il veult passer outre. I] ne tient plus parole, mes lasce son hiaume et prent son glaive et met l’escu devant son piz, et s’adrece vers le chevalier qu’il vit au 15 chief des Esperonz, et fiert le cheval des esperons tant conme il puet aler, carson poindre cuida faire jusqu’au chevalier qu’il vit. 7 MS. vj. toises dune part iij et dautre iij chascune
59 des barres fors des vilains qui el pas sont, angois cuide poindre et ferir le chevalier qui est el chief del pas de la, si lor adresce si tost com chevals puet aler. Li chevals fu hardis et tost alans, et li dui [f. 204a] vilain premier fierent des glaives le chevaliers en son escu, si sont ansdeus volees en pieces de la grant force dont il venoit. Et il en fiert un de son glaive parmi le cors, si le gete mort. Et ses chevals se fiert en la barre si durement qu’il se pecoie tot le pis et les espaules, et li chevaliers vole a terre tos estendus.
Mais tost rest saillis sus, si laisse le glaive el cors al
vilain, puis sache l’espee, si laisse corre as autres. Et li vaslés li commence a crier : « Or i parra, gentilx chevaliers, ja levastes vos la lame del Saint Cimentiere! » Lors s’en vient parmi les vilains et fiert destre et senestre, si les ocist et mehaigne
°
et tels
les conroie que en petit d’ore lor a totes les barres tolues, si se sont feru en lor caves de poor. Et il vet la ou il voit le chevalier qui le pas devoit garder, qui est fors de la deerraine barre, et cil qui estoit dedens li dist : « Sire chevaliers, se vos descendiés, je
overroie la barre et nos conbatrions a pié. » Et cil dist que riens n’en fera. « Donc
vos ocirai je, fet Lancelot,
vostre cheval, si
avrois plus perdu. » « Se vos le poez ocire, fet cil, si l’ociés. » « M’ait
Mes il vient de si grant aletire que li chevax seur quoi il sist, quant il vint a la premiere barre, si a les espaules toutes fendues, et il vole outre la barre si durement que li glaives qu'il tenoit vole em pieces, et il jut tous estordis de l’autre part. Et un des serjans li acourt, si le fiert grant coup de la hache Et il saut sus, si ot grant honte de ce qu'il ot tant esté au desouz. Lors met la main a la hache celui qu’il avoit ocis, si en fiert si durement celui qui le coup li avoit donné que del chapel et de la teste fist deus moitiés a un seul cop. Puis court as autres qui gardoient les
Xn
autres barres, si en a trois mors a trois coux, et li autre dui se
sont feru dedenz la roche, que plus ne l’osent aten[f. 165a]dre. Et il vint droit a la derreniere
barre, et dist au chevalier
qui
dehors est : «Sire chevalier, se vous volés descendre avesques moi a pié, je me conbatrai a vous tant que je vous aie conquis, ou vous moi. » Et cil dist qu’il ne descendra mie, mes face son 8 MS.
del cheval
et
15
60 Diex ! fet cil, je n’ocis onques cheval a escient, se ma mort ip
vi ou mon grant damage, ancois vos laisserai je avant venir. » Lors vient avant li filz al vavasor, et cil de fors li dist : « Sire,
traiés vos la [arrieres], kar a vos deus ne me conbatrai je mie. » S « De lui, fet cil de la charete, vos aseiir je bien, et de tos homes
Io
fors de moi. » Lors est montés sor le cheval al chevalier qui avec lui ert, et a pris son glaive, et entre en la barre. Et cil let corre a lui, si li donne si grant cop que ses glaives pecoie sor son escu et vole en pieces. Et cil fiert lui si qu’il le porte a terre par desor la crope del cheval, et il chiet encontre un des perrons si durement que molt se blece. Et li chevals s’en vient par le vaslet, et ille prent, sel baille a son frere qui sor son roncin estoit montés. Li chevaliers chaois fu molt bleciés, si jut tos estendus a terre. Et cil de la charete li vient sor le cors, si est a pié descendus, si
15
20
li cort sus l’espee traite. Et quant cil le voit venir, si se lieve si com il puet et s’atorne de deffendre, mais deffense n’i a mestier kar il ne puet celui soffrir, si li otroie le passage et dist que plus ne s’en combatra. « Sire, fet li chevaliers qui avec lui estoit venus, ne l’en laissiés pas issi aler, kar se vos le conquerés il est vostres, et vos veez bien comment li est. » Lors li cort cil sus, si le conroie
tel en poi d’ore que por oltré le fet tenir, et prison li a fiancié. Et il li dist par sa fiance qu’il s’aille metre en la prison al vavasor preu chascuns. «Se je vous atendoie a pié por quoi vous fussiez a cheval, fait Lancelot, j’avroie de trop le piour. » « Encore, fait li chevaliers, me poise il que vous n’estes plus a meschief. » Lors vient li fiz son oste qui estoit chevaliers, et li dist : « Sire, montés seur mon cheval, si vous combatés a lui. » « Certes, fait Lancelot,
non ferai. Je verrai enchois son pooir. Je l’atendrai a pié, car je m’en irai sor son cheval quant je partirai de ci.» I] prent le glaive a un de ceuz qu'il avoit mort, puis ouvri les barres, et mist le glaive sous l’essele, et se met un poi loin de [la] voie que li chevaus 10
ne se hurte a lui. Et li chevaliers li court sus, et Lancelot l’avise, si le fiert pardesus la geule si que del cheval l’abat. Li chevaliers
jut pasmés, et li chevax s’en fuit tout contreval, et li vallés le prent au frain, si le retient. Et Lancelot court vers le chevalier, si le fiert de l’espee et l’atorne tel em poi d’eure que pour conquis 16 lestuet
tenir, et tantost fiance prison. Et Lancelot l’envoie par
61
chiés qui il avoit geii. Si li nome li fiz le non son pere et son
manolr. Atant se departent, si est li fiz al vavasor montés, si chevalchent tant qu’il est vespres. Lors sont venu chiés un frere al vavasor chiés cui il avoit geii, si fist grant joie de ses nevos et del chevalier, et fu molt bien herbergiés la nuit. Al matin eirent jusque vers prime tant qu’il vindrent a un hermitage, si oirent messe et se desjetinerent, kar li hermites estoit nes del roialme de Logres. Quant il orent mengié, si chevalchierent jusqu’a tierce, et lors encontrerent
un vaslet sor un ronchin
Loa!
ce)
corant, et sambloit
qu'il etist grant besoing. Li vaslés ert molt bials, si fu rooigniés en haut si que li cols li paroit tos, que molt estoit bials et blans. Et c’estoit enseigne qu'il estoit des essilliés, kar il avoient tos les chevels rooigniés, et cil de la terre avoient treses. Li fiz al vavasor salue le vaslet et si demande quels noveles. « Bones, sire, fet il, se Dieu plest, kar les noveles sont venues
as cheva-
liers de nostre pais c’uns chevaliers de nostre pais vient requerre la roine, qui est li mieldres des buens. Et si savons bien qu’il a levee la lame del Saint Cimentiere,et a fet assés autres proesces. Or si fet Meleagans li grans [desloiax] gaitier les chemins por lui ocire, et nos gens vienent por lui delivrer, si sont ci desos assamblés a cels de cest pais, et si i a ja assés de mors et de sa et el le
Ne °
fiance au vavassor. Si li devisent li dui frere le non leur pere, il l’entent tant que il sot bien ou ce fu. Lors monte Lancelot cheval au chevalier conquis, et l’ont lessié tout par lui enmi pré a pié. En tel maniere
s’en vont entr’euz trois ensemble, et chevau-
chant, tant qu’il encontrent un vallet seur un cheval. Li vallés ot vestu une cote de buriau noir, et fu rooignié par dessus les oreilles en haut, car einsi[n]t estoient atorné li essillié tuit, et cil del pais avoient tresces. Il connurent tantost qu’il iert de leur gens, si le saluent et li demandent ou il veult aler a tel besoing. 10 « Li besoinz, fait il, est moult grans, car en cest pais vient un chevalier pour nous delivrer, si a ja achevee l’aventure de la tombe 23-3 MS, desos assemblee a
62
navrés, et de nos et de lor. amener nostre gent, kar les por Dieu, si lor aidés, kar je Atant s’en vet tant com il
Et [f. 204b] je vois par tot por lor croissent de totes pars. Or alés m’en vois. » puet traire del roncin. Et cil crois-
5 sent lor aleiire tant qu’il vienent en un tertre haut, si voient desos en la valee cels qui asamblé sont. Si le font molt bien hi essillié, kar molt sont preu, et il lor est molt grans mestiers, kar
assés sont mains que li autre. Et il avalent le tertre, et conoissent as armes que li lor sont de ¢a, et il ont ja le peior. Et li fiz ro al vavasor dist a celui de la charete : « Sire, nos gens sont de ¢a, si ont grant mestier d’aide. » « Ne vos esmaiés, fet il, kar de la
n’a gent que je voie, qui gaires puisse
monter.» Lors ont
lor
hialmes laciés, et li fiz al vavasor a tolue une lance a un escuier,
si s’en vont a la bataille. Si fierent el tas. Si ocit li chevaliers 15 de la charete le premier k’il ataint, et li autres rabat le suen. Et cil de la charete commence a crier « Clarence! » l’enseigne le roi Artu. Et quant li glaives li brise, si met main a espee et fiert destre
et
senestre,
kar
bien
le set fere,
et commence
tant a fere d’armes que tuit s’en esbaissent et un et autre. Si 20 reprenent li essillié par son bien fere et cuer et force,qui avoient esté al desos, si recuevrent tuit en poi d’ore, si qu’il vont arriere flatissant. Et cels qui devant les avoient chacié, en ont ore le
Galaad. Si voloient nos gens aler contre lui, et cil de cest pais sont assemblé ¢a derrieres a un pas de la petite forest. Et je cour por amener touz ceuz de nos que je porrai amener, car li nostre en ont le piour. Et pour Dieu, hastés vous, et leur courez aidier.» 5 « Va tost, fait li chevaliers qui Lancelot conduit, car nous serons
partans a eux. » I] troussent leur harnoiz, et vont tant qu’il sont venu seur le chief d’un tertre haut, si voient la mellee aval, et connoissent les
banieres et les escuz. Si virent que li leur furent par deca, car nus 10 des essilliez ne portoit se noires armes non. I] descendent et s’arment, et restraignent leur chevax, et acourcent les guiges de leurz escuz. Si ont leurz hiaumes laciez, et se fierent enz si tost com li
chevax les pueent porter. Lancelot en vit un qui miex le fait que tuit li autre, si li adrece son cheval, et le fiert si durement 15 que pour l’escu ne remaint pas que del hauberc ne rompent les 12 MS. qui agaires puisse.
63
peior. Et li vaslés qui estoit fiz al vavasor, vient al chevalier que cil avoit ocis qui fu charetés, si s’arme de ses armes al miels qu'il set, et monte el cheval qu'il avoit pris quant li chevaliers en chei, et prent l’espee en sa main et pent le fuere a son argon, et vient al chevalier qui merveilles fet, et se tint pres de lui, et li aide com il feist a son pe[r]e, et nus ne set que ce soit il. Molt le font bien li essillié, mais nus biens feres ne monte a ce que faisoit cil de la charete. Et li dui le refont trop bien, si
tienent si cors lor enemis que plus nes pueent soffrir, angois torne le dos tos li plus hardis et se metent a la voie, et cil aprés qui point nes aiment. Si en ocient assés et plaient. Iluec chei li chevals al chevalier de la charete, qui a mort fu navrez en la meslee. Et li vaslés qui s’estoit armés, vint a lui,si li dist : « Sire,
montés sor cest cheval kar je sui a vos, si i devés monter miels que sor autrui. » « Qui estes vos ? fet il. » Et il se nome, et dist : «Sire, ce ai je fet por vos aidier. Et por Dieu, ore me saigniés l’espee que je ne muire escuiers. » Et il li saint. Puis monte el cheval et fiert aprés les autres des esperons, et trueve que tuit li sien recroient por ce qu'il ne le veoient mes, ne les merveilles que il faisoit. Et il se fiert en els, et ataint si le premier de l’espee ,
mailles, si li met parmi le cors le fer de la [f. 1656] lance si que mort l’abat. Et le chevalier qui le maine rabat le sien, si metent les mains as espees et courent sus a lor anemis. Et li valés fu descendus seur le chevalier que Lancelot avoit ocis, si li oste les armes et s’en arme au plus tost qu il puet. Puis est venus a Lancelot et a son frere, si leur aide moult bien.
Et ne demoura gueres que li chevax Lancelot chai desouz lui mors, si fu a pié. Et li valez vint a lui, si li dist : « Sire, montés
seur mon
cheval.» Et ce estoit cil qui au chevalier avoit esté.
Lancelot ne sot pas que ce fust le frere au chevalier, si saut sus le cheval, si li dist : «Sire, sivez moi, car vous ne serez gueres
a pié que je puisse. » Et lors vient a un chevalier, si li fiert parmi le vis de l’espee si que tout le nasel li trenche et le nes jusqu’as oreilles, et cil chiet a la terre. Et cil prent le cheval si le maine au vallet, et cil monte. Si revient aprés lui a la mellee, si li dist : 15 15 MS. et sil monte,
64 entre l’escu et l’espaule que li bras a tot l’escu li vole a terre. Et li cops descent de tel vigor que il le trenche tot jusqu’en l’arcon deriere. Il sache a lui l’espee, et cil chiet a terre. Et il prent le cheval, si l’amaine a son chevalier novel qui est a pié, 5 puis revient a la meslee et recommence a fere merveilles si que en poi d’ore ne treve gaires ki |’atende, ains se remetent a la voie. Si en ont assés que mors que navrés, kar des prisons n’avoient cure. Lors s’entornent jusqu’al chemin, si honorent le buen chevalier ro de quanqu’il porent. Et ja estoit plus de none; si n’i a nul qui bien ne sache ja que c’est li chevaliers qui vet rescore la roine, si poroffre chescuns de lui convoier, kar trop ont grant poor que Meleagans nel face ocire. Mais il dit que ja nus nel convoiera fors solement li dui qui avec lui vindrent, mais il nes en puet 15 Chastier qu’il ne le sievent, mais molt l’en poise. Et [f. 204c] uns molt sages chevaliers li dist : «Sire, por Dieu, ne vos poist
« Sire, je sui li vallés qui sui venus 0 vous, si vous pri pour Dieu, que vous me fachiez chevalier, car je ne voudroie pas morir escuier en nule fin. » « Certes, fait Lancelot, puis que tu le desirres tant, en cest point le seras tu. Mes volentiers te feisse chevalier 5 plus richement. » Lors li ceint l’espee,et li donne la colee,et li dist
que Diex le face preudome. Lors lesse corre a leur anemis, si le commence li noviax chevaliers si bien a faire conme s’il eiist dis ans armes portees et maintenues. Tant ont feru des esperons et Lancelot et li sien que moult 10 ont de ceuz de la ociz, car des prisons n’ont il que faire pource que rendre les convenist. Si ne les pueent cil de la plus endurer, ainz se metent a la voie. Et cil qui petit les aiment fierent aprés des esperons, les espees es poinz, si les mainent si malement que des plus poissanz ont tant ociz qu’il conquirent le champ a lor 15 voloir. Mes au departir del champ se merveillent moult li essillié que ce pooit estre qui si bien l’avoit fait. Si l’ont demandé au fuiz au vavasor, et il dit que ce est cil qui la reine vient delivrer et touz les autres. Lors le prient tuit de herbergier, mes il les escondist tous. Et li dui fil au vavasor dient que toutevoies 4 MS.
volentiers se feisse
6 MS,
amenis
65 mie se nos vos gardons volentiers, kar c’est por nos meismes, kar autretant amerions nos nostre mort comme la vostre, kar se vos moriés, qui nos deliveroit jamés? » « Qui? fet ‘il, mesire
Gavains, li niés le roi [Artu], qui plus est preudom que je ne sui. » « Nos tendrons, fet li chevaliers, celui al plus preudome par qui nos serons delivré, et ce sera par vos, se Dieu plest. » Ensi le mainent parlant tant qu’il commence a avesprir. Et cil chevaliers qui avoit tant parlé al buen chevalier li dist «Sire, ma maisons est en vostre voie, et je vos pri que vos i herbergois anuit. » Et il dit qu’il ne bevera ne ne mengera tant com il ait si grant presse de gent aprés lui com ili a. « Sire, fet il, jes en ferai torner, si ne vendront avec fors mi cosin et mi parent. » Et il li otroie. Lors apele tos les chevaliers, si les en a fet retorner fors quarante et cil estoient si parent. Quant il vindrent a l’ostel si fu nuis, et li pais fu si estormis
15
le convoieront tant qu’il soient a lor ostel, car il doivent Lancelot desoremés garder conme leurs cors, mes il ne I’i siet pas qu’il soit ore convoiez a tant de gent, ainz li anuient. Li dui frere avec lui s’en elissent soi quarante qui tuit sont d’un lignage pour lui convoier jusqu’a l’ostel, et en ont fait retourner tous les autres.
(1) [f. 1665] Mes li ostes dist que ainsi nel fera il mie, ainz le convoiera lui quarante de chevaliers. Et il dit que ce ne puet
estre.
Et
li ostes li dist : « Sire, ne vous
merveilliés 10
pas se nous vous gardonz, car nous n’atendons a avoir joie se par vous non. Car nous seronz se Diex plaist, par vous delivrés. » « Biau seigneur, fait il, plus predomes de moi sont venu
en ceste terre, et si i est venus mesires Gavainz qui miex
vaut que je ne fais. » «Sire, fait li ostes, nous tendrons celui a
plus preudome qui nous
deliverra. Mes a vous nous atendons
seur tous les autres. » Pour chose que nus en sache dire, ne velt que nus le convoiast. 4 MS.
sen issent soi
(3) Dés ce moment, Vordre des événements difféve dans les versions a et B. La continuation divecte du récit de B se trouve a la page 67. g MS. fera il il mie
15
66 que par tot se traioient es forteresces. La nuit fu molt bien herbergiés li chevaliers, et al matin li dist ses ostes que cil qui la nuit avoient esté laiens, le convoieroient jusqu’al Perillous Pont. Ensi avoit non li Pons de l’Espee. Mais il jure qu'il n’i avra ja fors de cels qui avec lui sont venu. Et quant li ostes Nn conpaignie ot que il se coroce, si dist que non plus que lui plest. Lors le commande a Dieu, et il lui. Si s’en part, il et si dui chevalier. Et li ostes les sieut de loing entre lui et les quarante chevaliers de son lignage, tos armés. Et il vient a l’entree d’une I ° forest, si trueve d’une part et d’autre de la voie jusqu’a trente serjans o ars et o glaives et o espees, et avec els a dis chevaliers, les cinq d’une part de la voie, et les cinq d’autre part. Et la voie est plaissié et de ¢a et de la, que riens ne s’i puet destorner se a pié n’est. Li vilain laissent passer les chevaliers 15 tant qu’il sont en milieu d’els, et lors les escrient et traient a els, et les ont navrés en maint liex, et lor chevals mors.
Si sont
tuit troi a pié et se deffendent com il pueent. Et lors vindrent li quarante qui les sieuvent. Et quant li vilain les voient, si s’en fuient en l’espés del bois. Et il descendent et se metent 20
aprés el bois, les espees traites,
si en
ont ocis assés, et cil les
ont molt bleciés. Et li troi. chevalier resont monté en trois chevals, si furent ja assamblé as chevaliers, si en orent en lor venir deus mors et quatre abatus. Et li autre si lor furent sus
Atant s’en part Lancelot [f. 166c] quant il ot oi messe. Et li vavassors, son oste, le sieut, mes c’est de loing, et maine quarante
10
chevaliers avec lui, car il ont tuit moult grant poor que Meleagans ne le face ocirre. Et Lancelot s’en va, et a tant chevauchié que a une forest vient ou il avoit pleseiz tout entor. I] entre en la forest, et quant il ot bien une archié alé,si esgarde, si voit qu'il est aceins par devant et par derriere de vilainz. Li vilain sont armé de glaives et d’espees. Et il voit dis chevaliers qui gardoient le pas. I] traient maintenant a Lancelot et as sienz, et leur ocient leur chevax. Et quant il voient ce, si sont moult a malesse, si Courent sus as vilainz et les cuident detrenchier,
mes il n’i pueent avenir. Et cil qui aprés eux venoient, aperchurent le pas, et bien savoient. Et se sont tant hasté qu’il vienent seur eux. Lors ont levé le cri, et lessent corre as esperons et se
67 coru,
si assaillent
molt
durement,
et cil se
deffendent
bien.
Quant il se regardent, si voient qu'il ont si les vilains estotoiés qu'il ne s’osent mostrer, et voient cels venir, si ne s’osent atendre, ancois se metent a la voie tant com il pueent. Et cil les enchaucent, si les tienent si cors que quatre en ont mors, et li troi se sont el bois feru, si sont eschapé. Lors vient avant li chevaliers, cil qui avoit herbergié celui de la charete, si li dist : « Sire, or poeés vos veoir que conpaignie valt, kar trop a desloialté en cest pais. » Et il li recorde bien. «Sire, fet il, je vos demant que je voise avec vos jusqu’al Pont de l’Espee, et nos i serons demain a hore de none ou angois. » Et il li otroie. I] s’en tornent et chevalchent tant qu’il encontrent un vaslet sor un grant cheval qui coroit si tost com il plus pooit. I] les salue tos, et il demandent quel besoing il a. Et il dist que molt grant; «kar uns chevaliers vient en cest pais por madame la roine delivrer, si ont li nostre poor que l’en nel detiegne as passages por Meleagan qui la commande. Si ont les letres Baudemagu
a] re)
fierent en la forest. Et quant li vilain les virent venir, si se fichent es pleseiz. Et tantost monte Lancelot seur un cheval qu’il li ont apresté, et cil l’entent courre aux chevaliers, et lui et une partie de ceux qui a secourz li sont venu, si en ont ocis les set, et les
trois s’en fuirent dedenz la forest, car ele n’estoit pas lee. Et li ostes li dist : « Sire, or poez veoir que[{l] conseil i gist en loial conseil refuser. Nous savionz bien les max pas miex que vous ne savez, et pour ce devés vous croire nostre conseil, pour vostre preu et pour nostre honneur. » (1) Il estoit encore moult haute heure, si chevauchent
quatres
lieues, lors encontrerent un valet seur un grant cheval cou(r]sier. Il connurent bien qu'il estoit de lor gent, si li demandent ou il aloit. « Je vois, fait il, par toute la terre au roi de Gorre porter lettres pour un chevalier qui nous vient delivrer, que nus ne soit tant hardis qu’il li face se ensint non conme
car nous
le savront,
[avons] [f. 165c] apris que Meleagans le fait guetier
(1) Continuation du récit de B de la page 05, ligne 6.
5
he
68 porchaciés que nus ne soit si hardis qui le destort en son pooir. » [f. 204d] Lors li dist li preudom qui le chevalier avoit secoru, s'il en set nule novele ou il le porra trover. Et il dist que nenil. « Mais g’irai tant, fet il, que cist chevals
sera recretis sos moi,
5 et j’avrai assés autres, kar il covient que je soie demain as soir a l’Entree Galesche. » « Bials amis, fet il preudom, or retorne, kar ta voie est acorciee. » «Comment ? fet cil. » « Veez ci, fet il, le chevalier. » Si li mostre. « Voirement, fet il, est il ce, kar l’en
me dist bien que tels armes portoit il. Sire, fet il al chevalier, vos ro soiés li bien venus, et vos
serois
encore
anuit
molt
honorés,
et molt plus que je ne vos porroie dire, kar vos estes plus desirrés que onques chevaliers ne fu. » Ensi chevalchent tant que il vienent la ou l’en le desirroit tant. Et li vaslet s’en vet avant, si conte les noveles qui molt 15 plaisoient as seignors. Et ne demora gaires que li chevaliers de la charete encontra tels deus cens que chevaliers que vaslés qui tuit l’apelent seignor et garant. Tant ont alé qu'il sont venu a un chastel molt bel et molt grant et molt riche, si entrent ens parmi la porte, et chevalchent tot outre. Et tos li mons vient veoir 20 le chevalier por les merveilles qu’en en dist. Quant il ont passé le chastel, si entrent en un borc molt bel. Et en celui estoient li
pour lui occirre. » « Et ses tu, fait li ainznez fuiz au vavasor, quel escu il porte ? » « Ouil, fait il, bien se je le veoie. » Et il se regarde, si voit un escuier qui l’escu Lancelot porte. « Pour Dieu, fait il, moustrés moi le chevalier qui cel escu la porte.» Et 5 Ven li moustre. Et il descent jus de son cheval, si li dist : « Sire, vous soiés li biens venus conme li plus desirrés chevaliers du monde!» Lors demanda a ceuz ou il gerra annuit, et il li dient. Lors va moult grant aleiire. (+) Quant Lancelot et si compaignon vienent a I’ostel, si treuvent 10 tant de chevaliers et de dames que moult se merveille dont tant de gent pooient venir. De la joie que fu feste Lancelot se doit l’en taire, car a poine le poroit en conter. Et ce fu moult bele vile, et moult riche, et si n’i avoit se essilliez non, si estoit sanz 1o MS. molt honorees et
17 MS. ont alee quil
(1) Les MSS. J,M, et N inteypolent ici le récit des aventures de Gauvain, voir ci-dessous, p. 122.
69 essillié sans autre gent. Et el chastel qu’il avoient passé estoient la gent del pais. La fu li chevaliers honorés, kar tos li pueples vint encontre et chantant et faisant joie, et furent les rues portendu{e]s de totes les chieres choses qu’il avoient. Si descendi en la plus bele maison de tot le borc. Et li autre furent por Vamour de lui molt honoré. Li mengiers fu appareilliés de haut jor, si mengierent, et quant il orent grant piece sis al mengier si vint laiens uns chevaliers armés de totes armes, et entra laiens tot a cheval, kar la mai-
sons estoit par terre, et dist al seignor de la maison qu’il li mostrast le buen chevalier qui vient rescore la roine. « Porquoi le
Lal
(0)
demandeés vos ? fet li ostes. » « Por ce, dist-il, que molt volentiers
le verroie. » «Ne le conoistriés mie ? fet li ostes. » « Porquoi, fet li chevaliers, se repont il ? si buens chevaliers com il est ne se doit pas celer, ains se doit fere conoistre a totes gens. Et s’il est tels qu’il osast le Pont de |’Espee passer, si le die. » Et cil respont : « Sire chevaliers, je i cuit passer.» «Tu! fet cil. Com ment osas tu emprendre si haut afere que tuit li chevalier del] roialme de Logres ne porent onques achever? si le deuissises, vials, laissier de honte de ce que tu fus trainés en charete, kar la perdis tu totes honors et totes joies. Et tant saches tu bien, que ja li
forteresce. Ilec a demie lieue avoit un chastel fort qui iert a ceux del paiz, ou tele est la coustume qu’il estoit fremez delés la vile auz essilliez, pour eux plus deffendre qu’il ne petissent revenir. Li mengiers fu apareilliez biax et riches. Et quant il orent mengié jusqu’au tiers mes, si entra laienz un chevalier armés de toutes armes, fors et legierz et isniax. Il vient devant la table tout a cheval et parole conme orgueillex. « Ou est, fait il, li chevaliers honnis qui fu trainés en la charrete ? qui tant est fox qu'il vient en cest pais pour acomplir ce que nus ne pot onques mener
a chief, tant fust de haute prouesce. » A ce respont Lancelot, et dist : «Sire, je sui cil que vous querez.» « Qu’est-ce? fait il. Es tu donc ce? conment as tu cuer de si haute proesce emprendre, quant tu as perdues toutes honneurs et toutes loiz ? Si as empensé trop grant folie quant tu onques pensas a passer le Pont de l’Espee pour delivrer les gens de ceste terre, car ja par home 15 honniz n’iert ja a chief menee ceste chose, ainz le couvendroit 9
TO
chaitif de cest pais ne seront delivré par home honi, ains le covendra preu et loial et hardi sor tos autres, et corageus. Tels cuers doit haute chose enprendre, non pas cuers honis et recreans com li tuens est. Et neporquant tu passeras l’eve dolerouse plus 5 aaisiement, se tu viels, que tu ne passeras le Pont Perillos. Mais quant tu seras outre, je prendrai la chose de sor toi que je miels amerai. » Lors respont li chevaliers qu’il ne passera ja. « Non ? fet cil. Or garde donc que ja del pont passer ne t’entremetes, kar jel te contredi. Et se tu outre mon deffois t’en viels entrero metre, vien toi orendroit a moi combatre, et se tu ne me poes conquerre, comment conquerras tu Meleagan aprés l’anguoisse del pont passer, qui est uns des meillors chevaliers del siecle ? » Et quant li sires de la maison l’ot, si dist qu’il ne se combatra ore mie, kar il a autre chose a fere. Et cil saut fors de la table,
estre net de toutes autres prouesces seur touz autres chevaliers. Et tu qui de toutes bontez n’as mie, anchoiz as empris si grant chose a faire et as honnie chevalerie,
car tu as esté en lieu de
larron. Et se tu veuz, le pont. passeras tu bien, que ja ne t’en 5 couvendra lessier gage, car je te feré metre outre l’yaue en une nef. Mes quant tu seras outre, je prendrai de toutes tes choses cele que je mieuz amerai. » « Biau sire, fait Lancelot, je oi bien que vous dites, mes je n’ai cure de tel honte, car onques ne paiai passage a pont ne a chaucie. » «Coment ? fait il, cuide tu 10 passer le pont qui tant est max ? » «Se Dieus velt, fait Lancelot, je le paserai, car j’en ferai mon pooir. Et se je remaing de ¢a, ce n’iert mie par ma defaute. » « Puisque tu t’en vantes, fait li chevaliers, del pont passer, se tu estoies tant hardiz que tu vousisses a moi conbatre en cele lande, tu avroies assez los et pris 15 se tu me pooies conquerre. Et se je me puis de toi deffendre, coment conquerras tu Meleagant qui tant est feux, et est uns des meilleurz chevaliers [f. 165d] del monde. » A ce mot saut sus li ostes del mengier qui en servoit, et dist au chevalier: « Sire alés vous en par bone
aventure,
car nostre chevalier
est lassez
20 et travailliez, car il est venuz de son pais a grans journees, et tant a fait d’armes conme il convient as aventures achiever qui sont en la terre de Gorre, si a mestier de reposer; car se vous 10 MS. entremetre vient toi
11 MS. anguoissei
FAA
si demande ses armes, et dist que puis que cil l’a aati de la bataille, ill’avra. Et
as
autres
en
poisse
molt,
mais
il ne l’en
pueent destorner. Quant il est armés, si l’en mainent hors del borc en une lande. Si s’arment tuit li essillé, kar poor ont de traison, et tos li pue-
[f. 205a]ples, s’ i aiine et del borc et del chastel. Si en ont grant poor cil qui le buen chevalier avoient conduit laiens. Et il lor dit a tos que se confortent, «et n’aiés, fet il, garde. » Lors hurte des
esperons, si a les enarmes de l’escu enpoigniés, et met le glaive sor l’aissele, si adrece al chevalier et il a lui. La lande fu bele, et li cheval vont droit et tost, et li chevalier ont andui cuer
assés, si s’entredonnent si grans cops que ambedui lor escu fendent. Et li fer s’arestent sor les haubers qui molt sont fort,
avieez hui tant feru d’espee conme il a, vous ne vous combatriez a lui pour le roiaume de Logres. » « Dont m’en irai je, fait cil, et vous le faites baignier et reposer, savoir s’il poroit estre trovez de la charrete. Je savoie bien qu'il n’oseroit pas a moi conbatre, car onques de bon chevalier ne fu ferus. » Quant Lancelot s’ot reter de couardise, si rougist tous. Lors saut
hors
de la table
et dit:
«Sire
chevaliers,
5
or belement !
car vous avrés la bataille puis que tant le desirrés. Et combien que j’aie fait d’armes, encore ne sui je mie las. Et se bons chevaliers empire de monter en charete, ce savrez vous ja tost. » Lors demande ses armes. Et tuit li autre ont de lui moult poour, si le chastient moult,et prient por Dieu qu'il n’i voist pas; mes nul chastiement n’i a mestier, car il n’en leroit riens pour nul home. Il s’est armez et monte seur son cheval, et ses ostes li baille un
glaive, car leenz en avoit de bons. Lors est venus a la lande ou li chevaliers l’atent, si em
pleurent ces autres chevaliers,
et il
leur dit qu’il n’a garde moult seiirement. La lande fu grans et large, et li chevalier se furent eslongié et sistrent andui seur leurs chevax, si s’entrelessent courre de si loing conme il estoient, si joinnent les escus as cors, et metent leurs enarmes en leurs mains, et metent les glaives sus les esseles. Il murent de loing,
si se fierent seur les escuz si grans cox conme il plus pueent. Le chevalier brise son glaive, et Lancelot le fiert en haut si que 2 MS. lavra il lavra et.
2 MS. savoir cil poroit
15
92 si brisent andui li glaive. Et li cheval s’entr’encontrent teste a teste, pis a pis, si se getent a terre mort. Et cil saillent qui gaires ne sont blecié, et neporquant si sont estordi que tuit chancelent. Et quant il se furent recovré, si ont mis mains as espees, et 5 s’entredonent grans cops la ou il pueent. Si trueve li chevaliers de la charete al chevalier assés meslee, et molt le prise. Et il estoit preus assés, mais traitres estoit et desloials. Longuement
dura la meslee, si blece li uns l’autre et empire,
mais en la fin maine cil de l[a]charete celui si malement qu'il ne ro puet a lui durex, et molt l’a empirié. Si guerpist place plus et plus sans autre conroi de lui deffendre. Et quant il le voit si audesos, sel haste et charge de cops si qu’a un genoil le fet venir. Quant cil cuide relever, et cil l’aert par le hialme, si li esrache de la teste, et le rue emmi le champ. Et cil gete l’escu sor sa teste, si guenchist, 15 mais guenchirs n’i a mestier, kar en la fin crie merci. Mais
au braz li convient hurter l’escu, si l’empaint si durement que del cheval le porte a terre. Et il descent tantost et lesse son cheval estraier, et voit enmi sa voie le chevalier. I] li court sus au plus tost qu’il peut. Cil fu grans et fors et sot d’armes, si saut sus, si 5 se garnist de lui deffendre. Et Lancelot li court sus l’espee traite, l’escu seur sa teste, si li donne si grant coup seur sa teste que par un po qu’il ne le porte a la terre, si chancele ¢a et la grant piece. Et cil qui de riens ne l’amoit li court sus, si nel lesse mie tant reposser qu'il soit destourdis, ainz li paie grans cox seur le hiaume 10 et seur les espaules et la ou il le cuide plus empirer. Si le conroie si malement que a merci le covient venir, si ne fait mes s’enpirier non. Tant a duré la bataille de lui et de l’autre, et li assauz, que plus ne puet durer li chevaliers, ainz fuist et guenchist aus coux ca et la. Et Lancelot li court sus ausi legierement conme s’il eiist 15 toute jour sejourné, si le charge si de coux qu’a la terre le convient venir des [f. 166a] paumes. Et Lancelot li court sus sanz ce qu’il n’a pooir de soi relever, si se hurte si en lui que tout estourdi le porte a terre. Lors li saut sus le cors, si li errache le
hiaume de la teste, et sa ventaille li abat sor les espaules, et fait 2 MS. et sil saillent
4 MS. peut sil fu
14 MS. conme
cil eust
73 il dist qu’il ne la prendra mie, ne ja de lui merci n’avra s’il ne monte en une charete tot avant. Et cil dist qu’en nule maniere n’1 montera. « Dont te couperai je, fet il, la teste. » « Vos le poez, fet cil, bien fere. »
A ces paroles vint en la place une damoisele grant aleiire sor un palefroi noir, et salue le chevalier de la charete, et il li. Et ele
se lance a terre del palefroi, si dist : « Gentilx chevaliers, je sui a toi venue al greignor besoing que je jamés de toi aie, si te pri et conjur sor la rien el mont que tu plus aimes en cest siecle, que tu me doignes un:don que je te demanderai ou tu avras honor et preu greignor que tu onques eitissies de services que tu feisses. » Li chevaliers li otroie le don, puis qwil i avra preu et honor. Et
Io
ele li chiet al pié tel joie en a. « Frans chevaliers, fet ele, tu m’as
doné la testa a cel chevalier, kar autresi la li viels tu couper. »
Cil cuide qu’ele li demant la vie celui por garantir, si li dist:
15
« Damoisele, je la vos doing, kar sor vostre proiere ne l’ocirrai je ja, se Dieu plest. Et si m’a il molt forfet, mais je n’escondirai ja dame ne damoisele de chose que ne me tort a honte. » « Ha! chevaliers, fet ele, vos m’avés otroié sa teste, si la me donés en
ma main, kar c’est li plus desloials qui onques fust. » Quant cil
20
semblant que la teste li veille couper. Et cil crie merci qui la mort doute. « Je n’avrai ja de toi merci se tu ne montes en la charrete que tu m’as reprochié si durement.» Et cil dist que ja, se Dex plest, en charrete ne montera, et que miex aime il a morir a
honneur que vivre a honte. A ceste parole vint une damoisele parmi la lande seur un pale-
Qa
froi noroiz. Ele vint jusqu’a ceuz qui se combatoient, puis abat sa touaille devant son viz, si li pert le vis fres et coulouré. Ele s’est lancié del palefroie a terre, si s’est mize a genouz devant Lancelot. « Ha! gentilx chevaliers, aiez merci de ceste povre 10 damoisele ! » « Damoisele, fait Lancelot, levez suz et dites vostre
volenté, et se trop n’est greveuse chose, je la ferai. » « Sire, fait ele, grant merci. Je vous pri pour Dieu de cel chevalier a qui vous volés couper la teste, que vous le me doingniez. » A ce mot saut sus Lancelot, car il cuide qu’ele li veille la vie sauver. Mes non velt, ainz commande qu'il ait la teste coupee, et l’en conjure par la riens qu’il plus aime en trestout ce monde. « Damoisele,
15
74 de la charete l’ot, si se merveille. Et li chevaliers li chiet as piés, si li crie merci et dist : « Ne la creés vos mie, kar ele me het, et je cuidoie qu’ele m’amast ! » Et cil ne set que fere, kar la damoisele rest a genols devant lui, et li demande son covent qu’il li creanta 5 sor la rien que plus amoit. Et cil li recrie merci, por Dieu et por pitié. Et il avoit tele costume que il n’oceist ja chevalier qui criast merci s’il ne l’eiist avant juré, ou se fere ne li covenist. Mais il pense a acomplir la volenté de l’un et de l’autre, si dist al chevalier : « Chevaliers, se je te rendoie ton hialme et ton escu, te com-
10 batroies tu a moi?
Et se je te conqueroie, je feroie de toi ma
volenté, et se tu en revenoies al desus, si refuisse en ta merci. »
« Ha! sire, fet cil, donc diroie je que vos seriés la flors de tos les chevaliers. » « Et jel ferai,fet cil, par tel covent,se je te conquier que tu n’emporteras point de la teste. » « Ne je nel quier, » fet cil. 15
[f. 2056] Lors li fet li chevaliers aporter escu buen et entier,
fait Lancelot, je cuidoie que vous li vausissez la vie sauver. » « Non faiz, fait ele, ainz vous conmant que vous li coupez la teste
et la me donnez en ma main, et je vous en rendrai encore moult grand guerredon, car c’est li plus desloiaux chevaliers et le plus 5traitre qui onques montast seur cheval.» Quant li chevaliers Ventent, si est tous esbahiz, et connoist bien la damoisele quant il la voit. Si set bien qu’ele ne het autretant riens conme lui, si a grant poour du don que Lancelot li a fait, si li crie merci pour Dieu, et dit : « Ha! sire, pour Dieu, ne la creés mie, car ele me
10 het, et je cuidoie qu’ele m’amast moult. De ce est Lancelos tous esbahiz, car il li crie merci, et ele le conjure de la riens qu'il plus aime que il n’oseroit trespasser, ne ne porroit. Si se pense se il ocist le chevalier, la cruauté i sera trop grant quant il crie merci, et s'il escondist la damoisele dont a il passé et faussé l’amor de 15 lui et de sa dame. Si se pense qu'il fera a l’un et a l’autre une partie de lors volentés s’il puet. Lors dist au chevalier : « Sire chevalier, je ne vous rendrai pas guerredon selonc vostre deserte, mes selonc ce que pitié requiert. Je ne puis ceste damoisele escondire sanz moi honir. Et je vous part deus gieux, si en prenés 20 l’un : ou je vous occirrai orendroit, ou je vous rendrai vostre che-
val et vostre hiaume et vous combatrez a moi conme devant, et lors,se je vous conquier, ce sera sanz merci avoir, bien le sa-
75 kar li suens estoit tos decoupés, et son hialme li rebaille, si revient
a la meslee, mais plus fierement. Et plus tost le reconquiert qu'il n’avoit fet devant, et li esrache le hialme de la teste, et li abat la
ventaille sor les espaules. Et cil recrie merci. Et d’autrepart li redemande cele la teste sor la rien qu’il plus aime. « Et sacheis, frans chevaliers, fet ele, que ce sera uns servises bien guerdonés,
et sii avrois honor, kar c’est li plus desloials crestiens qui vive. » Et li chevaliers hauce l’espee, si fiert et li coupe la teste, puis le baille a la damoisele. Et ele monte, si l’emporte grant ambleiire tant qu’ele vint a-un ancien puis molt parfont, si le gete ens. Cele damoisele estoit suer Meleagant, fille al roi Baldemagu de Gorre de sa deeriaine feme, et cil qui teste ele emportoit estoit uns chevaliers que Meleagans molt amoit. Cil amoit molt la damoisele et molt l’avoit d’amor requise. Et ele nel voloit oir, kar ele amoit
un
des plus bials chevaliers
del monde,
et
jouene enfant. Quant cil vit que ele ne l’ameroit, si dist al roi qu'il li avoit veii fere poisons por lui ocire et son fiz, et por fere roi de celui que ele amoit. Si l’en hai molt li rois et ses fiz. Aprés chiez. » Et cil se pense et respont que s’il le garnissoit einsint il se tendroit a paié. Maintenant
li rent
Lancelot
son
cheval
et
son
hiaume,
et
[f. 1665] sont monté derechief. Si prenent noviax glaives et s’entrevienent tant conme chevax leur pueent rendre, si s’entrefierent de toutes leurz forces seur les escuz. Si reporte Lancelot le chevalier a terre, ausint conme il avoit fait devant. Puis descent, et le conquiert, et li errache le hiaume de la teste, mes ce fu contre son cuer. Puis li trenche la teste et la baille a la damoisele, touz iriez. Et ele dit «Grant merciz, et sachiez c’onques bonté
que vous feissiez ne vous vint a aussi bon point conme ceste fera. » Atant le conmande la damoisele a Dieu, et s’en va, et emporte le chief pendant par les tresses tant qu’ele vint a un puiz ancient qui au chief de la lande estoit, si la giete dedenz, et il 1 avoit grant plenté de boterax et de colueuvres et d’autre vermine assez. La damoisele iert suer Meleagant, si l’avoit cil chevaliers mellee
a son pere et a son frere, et leur dist qu’ele amoit un chevalier
pource qu’ele ne le voloit amer. Et le chevalier ocist il par le
me5
6
redist li desloials qu’il l’avoit trovee gisant avec le chevalier. Et li rois li otroia que s’il le trovoit mes es chambres a la pucele qu'il l’oceist, et il si fist. Mais ce fu en traison, kar il meismes li mena, kar cil ne pensoit nul mal. Ensi fu ocis li chevaliers 5 sans coupes. Et cele pensa comment ele l’em porroit vengier. Et quant ele sot que li buens chevaliers venoit por la roine delivrer, si vint a celui qui son ami avoit ocis, et li dist que s’1l s’aloit combatre a cel chevalier qui el pais venoit, ele seroit soe, « kar je le hé, fet ele, plus que nul home. » Et ili ala molt volen10 tiers, kar trop amoit la damoisele. Et ele ala aprés por lui sorvoier. Et quant ele le vit si audesos, si conjura le chevalier de la riens que il plus amoit, kar bien sospecoit qu’il amoit. Ensi fu de son enemi vengié. Et cil de la charete et cil de sa compaignie revienent ariere a 15 l’ostel, si ’esgarde tos li mons a merveille. Assés fu qui le desar-
ma, et furent molt bien regardeez ses blecetires. Et ses ostes garde que riens ne faillie a son
hernois,
ne las, ne corroie, ne guige,
ne enarme, si n’i remaint a regarder ne une chose ne autre. Cele nuit fu molt bien aaisiés de quanques l’en pot avoir. Et 20 al matin quant il fu levés, si oi messe, et puis s’arma, et des essil-
liés molt grant partie. Si chevalchent sans aventure trover dont
conmandement Meleagant. Aprés dist il qu’ele avoit apareillié venim pour aler envenimer Meleagant. Pour ce avoit ele en hai cel chevalier. Et neporquant il ]’avoit mainte foiz proiee d’amors. Et ele li otroia par couvent qu’il se combatroit au chevalier 5 qui la roine venoit querre, et les essilliez. Et ele pensoit bien et savoit, puis qu’il avoit tel choze emprise, qu’il estoit de haute prouesce, et que cil ne durroit ja a lui. Einsint esploita de son anemi. Si se taist atant li contes del chevalier et de la damoisele,
10
et retourne a Lancelot du Lac. Or dist li contes que quant Lancelot out del chevalier la teste prise et donnee a la damoisele, si fu assez granz la joie que l’en fist de lui. I] le desarmerent et regarderent ses plaies, mes il n’en i avoit nules ou il eiist peril de mort, si en sont moult liez. La nuit fu Lancelot herbergiés richement. Au matin si tost 2 MS. que cil le
a7 Ven doie parler jusques vers none. Et lors vindrent al Pont de l’Espee. Lors n’i ot onques si hardi qui ne plorast por poor de lui. Et il les conforte tos et dist : « N’aiés ja de moi poor, kar se Dieu plest, je vos delivrai. Et se lui ne plest, il ne puet estre. Et molt vos devés confortier por les aventures qui avenues me sont, kar ce dient li sage home que aprés le cors Galaad istrez vos tuit fors de prison. Et il est fors, or si soiés setirs, que se jamais en devés issir, or en istrois. » Tant lor a dit qu’il se confortent. Et il baille son cheval a son oste qui il estoit, puis est venus a la planche, si la voit fiere et perillose. Mais molt le conforte que l’eve n’estoit
Leal
ce)
gaire lee, si estoit ele molt parfont. Lors esgarde outre, si voit
une molt bele vile et molt riche. Et c’estoit Gohorru qui estoit la mestre cités de la terre, et por li estoit tos li pais apelés Gorre. En cele cité estoit la roine Genievre, dedens les maisons
le roi.
conme il percut le jour, si s’est armés. si monte, et conmande son hoste a Dieu, et toutes autres genz. (1) [f. 166c] Einsint vont tant ensemble qu’il vienent a la chauciee de Gahihom. C’estoit la mestre cité de Gorre, et laienz est la roine em prison, et estoit a icele heure a une des fenestres de la tour, et li rois Baudemaguz avec li. Si virent venir la compaignie des chevaliers. Et bien avoient ja apris que un chevalier venoit en la terre pour la reine delivrer, et avoit ja touz les
Qn
maux pas passez. Atant sont venu li chevalier trusqu’au pont. Lors conmencierent tous a plorer, et Lancelot demande pourquoi il pleurent et font tel duel. Et il dient que c’est por l’amor de lui, car trop est perillex le pont. Atant esgarde Lancelot ]’yaue de ¢a et de la, et voit qu’ele est noire et laide et roide. Si avint que il torna son vis vers la cité ou la reine estoit, en la tour aux fenestres. 15 Lancelot demande quel ville ce est la. «Sire, font il, ce est li
liex ou la reine est. » Si li nomment la cité. Et il leur dist : « Or n’aiez ja poour de moi, car je dout mains le pont que je ne fiz onques mais pasage. I] n’est pas d’assez si perillex conme je cuidoie. Mais moult a bele tour la d’outre, et si me veullent her- 20
bergier, il m’avront en nuit a oste. » Lors descent et les conforte (1) Pour la continuation divecte du texte de B, voir arriere, p. 65.
98 Et lors ert venue as fenestres, et li rois,et Meleagans et si cheva-
lier, et dames et damoiseles, si virent bien les chevaliers al pont. Et cil les voient autresi bien. Il fu assés qui dist al chevalier de la charete que laiens estoit la roine en prison. Et il esgarde 5 molt [f. 205c] dolcement la tor. Puis se fet appareillier.Sili ostent si compaignon les pans del hauberc par entre les cuisses, et il lient a fors coroies de cerf et a gros filz autresi de fer, et li cosent les manicles. Puis li ont poiees de chaude pois por plus fermement tenir a la planche. 10 Quant il fu bien appareilliés si les commande tos a Dieu, et vient a la planche. Et lors esgarde vers la tor, et si se seigne et li encline et monte
sor la planche d’acier
en
chevalchons,
et se
traine par desus a grant dolor, kar molt est de ses armes encombrés, qu'il ne li faut nes li escus. A grant anguoisse se traine, or
moult durement, et leur dist qu’il soient ausint seiir conme devant. Et il li lacent les pans de son hauberc ensemble et le cousent a gros fil de fer qu'il avoient aporté. Et ses manicles meismes li cousent les mainz et les piez desous. Et a bone [f. 166d]
5 poiz chaude li ont pesees les manicles et tant des pans conme il out outre les cuisses ; et ce fu pour miex tenir contre l’espee. Et quant il orent atorné Lancelot et bien et bel, si leur prie qu'il s’en aillent. Et il s’en vont et se font nager outre Viaue, et en mainent son cheval. Et il vient droit a la plance, puis 10 esgarde vers la tour ou la roine iert em prison, si li encline. Aprés se seigne, et met l’escu derriere son dos qu'il ne li nuise. Lors se met desus la planche a chevauchonz, si se traine par desuz si armés conme il estoit, car il ne li faut ne hauberc ne espee ne chauses ne hiaume. Et cil de la tour qui le voient en sont 16 tout esbahi, mes qu’il veoient qu’il se traine par desus l’espee trenchant a la force des braz et a l’empreignement des genox. Si ne remaint pas pour les fuix de fer que des piez et de[s] mains et des genoux ne li saille li sanz, mes pour le peril de l’espee seur quoi il se trenche,ne pour le peril de l’iaue bruiant et noire, 20 ne remaint pas que le plus ne regardast devers la tour que vers Viaue. Ne plaie ne angoisse qu’il ait ne prise il nient, car s’il a 7 MS. leur prient quil
-
79 de lonc, or de travers, or adens, or en chevalchons, tant que est de l’autre part. Si li sainent et pié et main, et il en
venus
tert jus le sanc a l’erbe vert et as pans de sa chemise. Et quant il se regarde, si voit que si compaignon s’en vont aval la riviere por passer as nes, kar issi passoient il totes les fois que il voloient. D’autre part vient li rois Baudemagus et dist a la roine « Dame, dame, por vostre preu et por tos les servises que je vos ai fes, et que je fere vos porroie, vos pri je que vos me
cele tour puet venir, il guarra tout maintenant de ces maux. Tant s’est herciez et trainez qu’il est venuza terre. Lors esgarde, si voit un vilain qui amaine deus lyons a une chaienne, si font tel noise qu’eles l’en puet bien oir de loing. Mes il ne doute riens qu'il voie fors une chose, et cele li a tolu les autres poours. Quant il vint [a terre], si s’est assiz seur la planche a chevauchonz, et sache l’espee et met l’escu devant son vis, et apele les lyons qui ja estoient deschaiennez. Et il li courent et li rendent grant asaut. Et il leur done grans coux de l’espee, si que souvent les fait a terre ferir. Mes onques des lyonz ne pot sanc issir pour cop qu'il leur seuust donner. Et si li est souvent avis qu’il a trenchié chascun parmi le cors. Lors se traist arrieres, et a ses deus piés lasciez desouz la planche. Puis abat la manicle de sa senestre main, si esgarde l’anel que sa Dame del Lac li avoit donné. Aprés esgarde vers les lyons, si n’en voit nus. Lors set bien que c’a esté enchantemens. Au regarder qu'il fist de l’anel, le vit la reine tout clerement; si set bien la reine que ce est Lancelot, et combien qu’ele ait fait
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de duel et de tristresce, ore est a eisse, si rit et geue et fait bele chiere et biau semblant, si que Baudemagus, li rois, qui delés 20 lui seoit, s’en esbahist, car onques puis que ele avoit esté a leurs
mains mise, ne l’avoit mes veiie rire ne jouer nus hom vivant. Li rois li dist a conseil : « Bele dame, s’il ne vous ennuioit, je vous
diroie une parole a conseil, qui ne vous devroit pas ennuier.» « Sire, fait ele, je vous ai trouvé a si loial et si preudome, que riens que vous me deissiez ne m’ennuieroit. » « Dame, fait il, je vous 2 MS. Tant cest herciez
12 MS. a ces ij.
15 MS. que sa este
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diois le non a cel chevalier qui le pont a passé, kar je sai bien que por vos a il ce fet. » Et ele li dit que chose ou ele etist preu ne li celeroit ele pas. Si li dist : « Certes, sire, je ne sai mie a escient, mes je cuit que ce soit Lancelos del Lac. » « Dame, 5 fet il, se je seiiisse qu'il fust vis, je nel vos demandaisse pas, kar je sai bien que nus n’i osast passer avant son cors. Or si croi bien qu’il est vis, et que ce est il que je voi la. Si sachiés bien que c’est li chevaliers del regne vostre seignor que je plus aim, et plus vos aim encore por lui que por le roi Artu, kar li ro anceissor le roi ont assés as miens fet ennui. » « Sire, fet la roine,
vostre grant merci de totes les honors que vos m’avés fetes, kar molt m’en lo, et lui en mercierai je, se ce est il, et si l’en amerai
plus quant por lui l’avés fet. Et quels que il soit, ou il ou autres, gardez si en est vostre pooir que vos n’i aiés reproche,
demant se vous savés qui cel chevalier est, qui est a ce pont. » « Sire, fait ele, je ne sal. » « Dame, fait il, par la riens [f. 167a@] que vous plus amez, savez vous se ce est Lancelot, ne ne cuidiez ? »
« Sire, fait ele, seur ce que vous m’avez conjuree, vous di je que 5 je ne vi Lancelot un an avra partans,et ce sera la veille de Pentecoste, ainz cuident maintes gens qu'il soit mors, et pour ce ne sal je pas se ce est il. Mais pource que vous m’avez requise ou del savoir ou del penser, vous en respondrai sanz doutance. Je cuit miex, fait ele, que ce soit il que autres, et je le voudroie miex 10 que nul home. Et mix me fieroie je en sa main que en l’autrui, car vous savés bien qu'il est bons chevaliers. Et qui que soit, ou lui ou autres, pour Dieu et pour vostre honnor, le gardés si conme vous devés, qu’il n’ait garde forz de ce qu'il devra.» « Dame, fait il, je vois parler a Meleagant, car moult volentiers pourchas15 seroie la pes d’eus deus. » « Sire, fait ele, alez, si em parlés pour Dieu, mais del non au chevalier ne parlés ja, car encore ne sai je mie bien se ce est il. » « Dame, fait il, pour Dieu, n’en doutés
ja, car ja riens ne sera fait qui contre vostre volenté soit, ne contre la seue, car ce est le chevalier el monde qui riens ne me soit que 20 je plus aim. » Li rois se part de la reine et vient, si treuve Meleagant qui se 3 MS, vous ce se est
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kar l’en vos tient a un des plus preude barons del monde. » « Dame, fet il, n’en aiés garde, kar je le garantirai por m’onor. » Lors descent aval, et est montés, et fet monter de ses privés avec lui, et fet mener
un buen cheval en destre.
Et vient la ou
Lancelos tert le sanc de ses plaies jus. Quant il voit le roi, si saut 5 encontre. Et li rois descent, si l’enbrace, et li fet joie molt grant angois qu’il le voie a descovert. « Bials sire, fet il, en grant aventure vos estes mis por la grant honor que vos atendés. Et Diex la vos doinst, mes que dolor n’en aie, kar jel voldroie. Et neporquant je ne voi mie qui vos estes, mais jel sospiece, kar madame 10 la roine de Bretaigne le m’a dit. Et bien sachiés que ves n’avés garde d’ome nul, fors solement de mon fiz, kar je vos garantirai
fesoit armer a grant besoing. Et il li demande que il veult faire, et il dist qu’il s’ira combatre au chevalier qui est passez. « Dont ne vex tu, fait li rois, conbatre pour pris et pour honneur ? » « Oil, fait il. » «Or te dirai dont, fait li rois, que tu feras. Lesse le chevalier reposer jusqu’a demain, que ses plaies seront refroi- QQ diees, et il iert des goudeliz,si avras tant gaaignié que la roine et tuit li autre le tendront a grant bien, ne ja li chevaliers ne fera s’empirier non. Et se tu orendroit te combatoies a lui, tu n’avroies jamais honneur. Et d’autre part, tu ne li puez ce que 10 je t’ai dit orendroit, veer. » Tant dist li rois Baudemagus a son fil que le respit a otroié. Et li rois est montés seur un palefroi, et fait mener en destre un grant destrier,et vient a Lancelot la ou il se tert del sanc de ses plaies. Il s’est levez encontre lui, si le connut. Et li rois descent si le prent entre ses braz, et li fait joie moult grant. Il ne le veult 15 em parole metre de nule chose, car trop est tost, mes le cheval li fait bailler et dist : « Montez, sire, si nous en ironz, car huimais
est bien tans de herbergier a nostre eulz. » « Sire, fait cil, qui descouvrir ne se vaut, je ne sui pas ¢a venuz pour herbergier a tele heure, ainz sui prez de ce faire que l’aventure demande. Et 20 len me fait entendant qu’a un chevalier m’estuet combatre, et s'il est ci, si viegne avant, car moult me tarde puis que je me sui a delivrer. » « Biau sire, fait li rois, ne vous hastés mie si de com10 MS. orendroit poroit veer.
82 vers
tos les autres.»
«Sire,
fet Lancelos,
grans
mercis,
mais
vostre fiz quier je. Si viegne avant, puis que a moi se doit conbatre, ne tel chose n’estuet mie a delaier, kar trop a duré ceste prisons. » «Or, ne vos hastez mie de la bataille, fet li rois, bials
; dolz amis, kar vos avés mestier de sejorner. Et je vos ferai bien garir vos bleceiires et vos plaies. » « Sire, je n’ai plaie ne bleceiire qui a sejorner face, Dieu merci. Mais ma bataille me hastés, kar je ai molt autre chose a fere annuit. » « Mes, fet li rois, ne puet ele estre, kar je vueill qu'il i ait de mes gens et des vos. Si vos ro covient atendre jusqu’a demain, puis que vos ne poés plus soffrir. » Et Lancelos li otroie a molt grant paine, que trop le tarde. Li
batre, car vous n’avez ore mestier en cestui point. Ainz vous sejornerez 0 moi en nuit et plus encore, et se vous aviez tout sanz
bataille ce que vous venez querre, tant l’avriez vous plus de legier, bien le sachiés, car vous estes le chevalier el monde pour
5 qui je feroie plus. » « Pour moi ? fait Lancelot, ne sai je pour qui vous feriez tant, car je ne fui onques de vous acointes, ne vous de moi, ne onques mes ne vous vi [f. 1675.] au mien cuidier. Mes qui que je soie, faites moi ma bataille avoir, car je la veill avoir orendroit. Ne onques pour honte que je cuidasse qui me fust 10 faite, si loing ne ving, mes pour faire compaignie as enprisonnez a tous jours mes, tant que Diex les en mete hors. » Li rois entent bien a ses paroles qu’il se veut vers lui celer pour poour d’estre conneiiz, si bee a faire tout outreement ce que bien li sera a son avis, si li dist : «Sire chevaliers, bien le sachiez, je ne sai qui
15 vous estes, ne en ma maison ne vous ferai ja nus force de vous connoistre. Ne je ne vous veill herbergier fors pour vous garantir, car vous n’avez mie encontré celui qui a vous se doit conbatre. Et je vous praing en conduit vers tous homes fors vers lui seul. Et vostre bataille avrez demain, car ainz ne la povez avoir. 20 Mes montés
sus cest cheval, et s’il n’est bons, je vous
donrai
encore meilleur assez. Et se je vous ai dit que je vous aim plus que nul home, je nel disoie forz pour la grant prouesce qui est en vous, ce sachiés. »
Tant dist li rois a Lancelot qu’il est montez seur le destrier, 20 MS. et cil nest
83 trois le fet monter el cheval qu’il avoit fet amener, si l’enmaine es maisons ou il meesmes gist, si le fet desarmer. Et quant il le vit sans hialme, si le conoist molt bien. Et lors li fet si grant joie com il plus puet. Et quant il l’a une piece conjoi, si revient a son fiz, si li dist : «Bials fiz, or aproche une aventure que je t’oi ja dire, por quoi ne vient [f. 205d.] Lancelos delivrer les cheitis de ceste terre, et que ja a ton vivant nes deliverroit. Or a tant fet qu’il a passé le pont c’onques chevaliers ne passa mes, et por le grant harde-
ment qu’il a fet, li devroies tu laissier de ton droit une grant partie, kar tu sés bien qu’il vient la roine delivrer ou tu n’as droit. Et se tu la li rens debonairement, tu en avras plus los et pris qu'il n’avra de quanqu’il a fet, kar il a passé tos les grans perilz. Kar l’en dira que tu li as rendu par debonaireté ce que tu conqueis par force. Et s’il la conquiert par proesce, si avras perdue tote l’onor que je te di. Por ce te lo je que tu li rendes
Io
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et s’en vont en tel maniere jusqu’a la tour. Et li rois l’a fait entrer en une chambre la plus celee de la maison, ne n’a de toutes gens avec lui que un seul escuier pour faire ce qu’il li conmandera. Et se garde il meismes d’entrer leenz, pource que couroucier ne le velt pas. Aprés est venus a son fuiz, si le trest a conseil conme cil qui bien le savoit faire, et lidist moult doucement : « Biau fiex, tu as
veii maint chevalier puis que tu te seiiz entendre que armes montoient, mes tu ne veiz onques apertement plus hardi de cestui qui orendroit passa la pont pour le desmesuré hardement que nous li avonz veii faire; pour ce loeroie je que nous feissons tant vers lui que tu i comqueissez honneur et pris a tous jours mes. » « Que m’en loez vous ? biau pere fait Meleagant. » « Je te dirai, fait li rois. Je te loeroie en bone foi, que tu li rendisez outreement la roine, car tu n’as droit en li tenir, ne nul des autres prisonniers, et assés a duré ceste prison. » « Ja de cestui conseill, fait Meleagans, ne vous querrai. Bien i pert que li cuers vous est failliz, quant vous me conselliez plest a faire qui me honnisse. » « De ce, fait li rois, ne porroies tu estre honniz, ainz en conquer8 MS. deliverroit Ir a
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84 la roine, et il te tendra a grant bonté. Si n’avras rien fet por lui, kar il la conquerroit bien vers meillor de toi. Et miels la voldroit il avoir par bataille que par bonté, kar, ce ses tu bien, que nus n’est mieldres chevaliers de lui.» Atant respont Meleagans : 5 «Sire, or m’est bien mestiers que je sache respondre, kar durement m’avés assailli de parole, et espoenté de Lancelot. Certes, je n’oi onques si grant talent de combatre a nul chevalier com jai a lui. Et se il est preus, autresi cuit je estre, ou plus. Ne je ne sui mie mains grans de lui, ne mains corsus, n’a coart ne me ro tienent mie cil qui m’ont veii en besoing. Et com plus est proz et alosez, tant avrai je greignor honor quant je l’avrai mis al desos. Ne si bonteis ne serai je ja vers lui que je li rende la roine por cui je me mis en aventure de mort, kar plus me seroit atorné
roies toutes honneurs, car toutes les gens diroient que tu avroies rendu par ta franchise ce que tu comquis par ta prouesce. Et ce seroit grant honneur, ce m’est avis ». « D’anneur, fait Meleagant,
n’i voi je point, ainz seroit couardise. Si voi bien que vous estes 5 failliz de cuer, ou vous le doutés, ou vous me haez, qui si me
donnez conseill de perdre honneur. Et ja pour ce, se ce est Lancelot, ne m’espoentez si, car je ai assez cors et cuer por lui atendre. Et se vous l’avez herbergié contre moi, tant avrai je plus d’anneur en ma droiture conquerre. Et en tel lieu le jugeja, ou il avoit 10 plus d’aide qu’il n’a ci. » « Conment ses tu, fait li [f. 167c] rois, que ce est Lancelot ? Par la foi que je doi toi, je ne sai pas que ce soit il plus que tu ses, mes se je savoie que ce fust il, tu ne t’en entremetroies ja contre lui, car je sai bien sans doute que tu ne porroies a lui durer. » « Onques, fait Meleagant, ne trouvai 15 qui me desprisast fors vous tant seulement, mais ja tant ne me savrez desprisier que je ne me tiegne plus chier. Si avrez demain ou assez duel ou assez joie, car li uns de nous deuz en ira outré. Ne ja plus ne m’en chastiez, car je n’en feroie riens pour vostre chastiement. » « Puis que pour moi, fait li rois, n’en leras riens,
20 je m’en soufferrai atant. Mes se je taille sanz moi mesfaire, ja pour pendist escu a col. Et tant promet garde de nul home fors de toi, car pour toi nel commencerai. »
te peiisse destorner de la bapooir que tu eiisses ne t’en je bien au chevalier qu’il n’a je ne fui onques traitres, ne
85 a coardise que a debonaireté. Mais puis qu’il est venus, qu’atent il qu’il ne se vient combatre, si buens chevaliers com il est, et si
proisiés ? » « Certes, fet li peres, kar je ne li lais. Si feist il molt volentiers, et molt a paines atent jusqu’a demain. Mais totes voies te pri je, por Dieu et por moi, que tu li rendes la roine,
5
que droit n’i as. » Et cil dist qu’il n’en fera rien. « Or sachiés donc, fet il, que demain avras la bataille. » « Kar fust ele orendroit ! fet cil, kar onques [riens] tant ne desirai. » Atant s’empart li rois molt dolens, et revient a Lancelot. Si se paine molt de lui honorer, mais il nel met pas en parole de 10 Galehot por poor de lui corocier, kar il cuidoit qu’il en seiist bien la verité. Molt tarda Lancelot que la nuit fust passee, et quant vint a Vendemain, li rois leva matin et le mena il meismes al mostier.
Aprés la messe furent ses armes appareilliés si fu assés qui l’arma, 15
Atant s’est departis de son filz, et vient a la roine et li conte conment li chevaliers se cele, et de son fil qu’il ne puet vaincre pour nul pooir. Et ele li demande s’il connoist le chevalier. « Dame, fait il, je ne sai pas son non, ne ne l’ai pas veti descouvert, ne ja ne l’en ferai force outre son pois. » Ele cuide moult 5 bien savoir que ce soit il, si en lait la parole atant pour le roi mains apercevoir. Einsint passerent celui jour. Et quant vint a |’anuitier, si vindrent li dui fil au [va]vasour chiez qui Lancelot avoit jet, et li autre chevalier qui jusc’au pont le convoierent, car il estoient 10 passé au Pont de l’Espee assez aval. Li dui chevalier firent la nuit compaignie a Lancelot. Et tuit li autre se herbergierent en la cité. Et l’endemain, ainz qu'il fust jourz, 1 ot tant de gent que chascuns se merveillent dont il pueent estre venu en si pou d’eure. 15 Lancelot
se leva matin
et oi messe
tous armés, fors le chief
et les mains. Ne n’ot a la messe fors ses deus compaignons sans plus. Et si tost conme il issi du moustier, il mist le hiaume, et puis va au roi pour sa bataille demander. Li rois va a son filz, sel treuve tout apareillié, et il le remet en paroles de ceste chose, 20 et l’en chastie a son pooir, mes nus chastis n’i a mestier. Et il
revient a Lancelot, si le trait a une part et li dist : « Biau sire, Io
86 kar li essillié furent venu
de totes pars, kar par tot en savoit
l’en les noveles. Et d’autre part se refet armer Meleagans. Puis sont en la place venu andui. La place estoit devant la maison le roi, si fu molt grans et molt large. Et li rois remet son fiz a 5 raison et le chastie al miels qu’il puet. Mes n’i a mestier chastiemens, kar il jure quanqu’il puet jurer que parmi la bataille s’en ira, ou jusqu’a outrance. Quant ce voit li rois, si dist a lui et a Lancelot: «Or vos pri je ansdeus, et commant, que li uns ne mueve vers l’autre tant que vos orrois mon ban crier. » to Lors est montés en la tor, si prent la roine si la met as fenestres de la sale por la bataille veoir, kar molt li voloit fere de ses buens. Mais ele ne li enquiert rien de Lancelot, si s’en merveille molt li rois. Mais ele requiert le roi que il face aporter Keu le seneschal amont, si que il voie la bataille. Et il si fet. Et li appa15 reille l’en son lit a une fenestre. Et avec la roine a dames et damoiseles a grant plenté. Et lors fet li rois crier son ban. or avrés vostre bataille. Et je vous 01 couvent que nus ne vous feroit force de vous
connoistre,
ne je ne vous
en efforce mie,
mes je vous pri, et pour vostre preu meismes, que vous ostez ci vostre hiaume, et vous en conjur de la riens que vous plus amez. » 5 Lors oste Lancelot son hiaume. Et si tost conme li rois le voit, sel court baisier, et dist : « Ha! biau tres dous amis, vous soiez
li tres bien venuz, car moult avons grant poour etie de vostre mort. » Itant li dist, mes de Galehot qui mors estoit, ne li parla il
onques, car trop l’en doutoit couroucier, et si cuidoit qu’il en 10 seiist bien la verité. (+) Moult fist i roys grant joie a Lancelot, et l’en mena en la place. Et la place estoit devant la meison le roy, si estoit moult grant la place et large. Et lors mist li roys son fil derechief a raison, et le castie, mais riens ne li vaut. Lors prie li roys que il 16 ne se muevent devant qu'il orront son ban crier. Lors est en la tour montés,... (?) etc. voir ci-dessus le récit de a,l,10. 8 MS. mort Iltant li (?) A cet endroit le MS. K intercale un passage qui raconte comment Baudemagus fit reculer le combat d’encore un jour, voir ci-dessous, p. 113. Voici donc, le récit de selon le MS. J. (?) A partir des mots : Lors est montés... la concordance se refait entre les versions a et f.
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87 Et maintenant s’entrecorent sus li dui armé, et li cheval corent tost, kar li rois avoit doné a Lancelot le meillor qu’il pooit avoir. Et la place fu bele et plaine, et il furent meii de loing et orent mises les lances desos les aisseles qui furent cortes et roides, et li fer trenchant, si s’entredonent grans cops sor les escus. Meleagans fiert Lancelot si_que de l’escu covint les es pe[f. 206a]¢oier. Et li fers s’areste sor le hauberc, et l’empaint de grant force si que tote vole sa lance en pieces. Et Lancelos le fiert en haut desos la bocle; si que l’escu li fet hurter a la temple; et li fers fu trenchans, si trenche de l’escu et cuir et es, et del
hauberc les mailes, si que li fers li cole dedens la mamele et li trenche le mestre os de l’espaule, et l’empaint de grant vertu, sel porte a terre des arcons. Mes al chaoir brise li glaives, si li remaint li fers et li trongons dedens l’espaule. Lors est descendus, et Lancelos li vient l’espee traite, l’escu geté sor la teste. Et il fu en tel lieu que il vit adés la roine devant lui. Et Meleagans refu sus saillis, si enrache
le trongon
de
s’espaule,
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et sache
l’espee, si recuevre son escu. Et Lancelos li dist : « Meleagan, Meleagan; or vos ai je rendue la plaie que vos me feistes a bohorder, mais je ne l’ai pas fet en traison. » Lors il recort sus,
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et cil a lui, si se decoupent les escus et font voler des haubers les mailes et amont et aval. Si se depiecent les hialmes et debrisent as pesans coups qui se donent, et se traient le sanc des cors et des vis et des bras. Longuement se combatent en tel maniere que se li uns est vistes et li autres plus, et tant qu’il ont andui del sanc perdu assés, si lor acorcent les alaines et lor apesandissent les bras, Et Meleagans a trop sainié, kar il faisoit molt grant chaut qui li greva, si a foibli molt de tel force com il avoit, et tant qu'il commenca a perdre terre, et Lancelos le menoit auques a son
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plaisir. Et li chaus fu grans, et la roine abat sa toaile devant son vis, et Lancelos le voit a descovert, kar il [a] adés ses iex vers li.
Et lors fu si esbahis que par un poi que s’espee ne li est volee de la main. Si ne fet se li esgarder non tant que tos s’en oblie, et en pert tot son bien fere, si s’en merveillent et un et autre, kar 35
il ne fet nul samblant si d’empirier non. Et il li done grans cops
la ou il puet avenir, tant que en maint lieu l’a blecié. Et lors dist la roine a Baudemagu : « Sire, fet ele, une chose vos ai oblié
88 a demander, se c’est la Lancelos ? » « Dame, fet li rois, oil, sans
faille. » « Certes, fet Kex liseneschals, c’est grans damages que ce est il, kar molt li fust graindres honors s’il fust mors, si com
l’en
cuidoit. » Et li rois dist qu’il ne croit pas qu’il soit si aquis encore, 5 mais il le fet de gre, ce cuide il. Longuement a esté Lancelos al desos, si en ploroient de petié cil qui onques mes nel avoient vel. Et Kex ne se puet tenir qui tos est desvés a quel que paine que sa teste soit fors de la fenestre, et commence a crier: « Ha!
Lancelos, qu’est devenue la grans proesce dont vos faisiés les ro coars et les chaufés resortir, kar te menbre
des trois chevaliers
que tu conqueis en le pree de Pedugrain, quant tu me deis qu'il ne me seroit pas mestiers que je fuisse li quars. Et tu es ci par un sol chevalier conquis. » Ceste parole entendi bien Lancelos. Et lors lait corre a Meleagan, sel tient si cort que en poi d’ore le 15 remaine la ou il velt, et samble plus vistes que il ne fu huimés. Sisont ore molt lié cil qui estoient dolent, et li rois dist a la roine: « Dame, dont ne vos disoie je bien ?» Et Kex dist : « Certes, mes plaies me sont totes garies por Lancelot que je voi.» Et Meleagans estoit si menés qu’il ne faisoit mes se soffrir non. Et 20 bien voient tuit cil qui la sont qu’il est alés. Et lors vient li rois a la roine, si li dist : « Dame, je vos ai molt
honoree, kar je ne fis onques contre vostre volenté nule chose, si me devroit estre bien gueredoné la ou vos avés pooir. » Et ele dist que si sera il, setirs en soit. « Mais por quoi le dites vos ? 25 fet ele. » « Dame, fet il, je le di por mon fil, qui est al noaus qui ne me
fisst mestiers ne lui ausi, et si m’est il bel, si m’ait Diex,
mes qu'il n’i soit mors ne afolés. Si vos pri que vostre volenté en soit que la chose remaigne atant. » « Certes, fet ele, ce m’est bel. Ce poise moi quant il onques bataille i ot. Mes alés les depar30 tir, kar molt le vueil. »
A ces paroles avoit Lancelos tant mené Meleagan qu’il esto[f. 2060. jient andui desos les fenestres, et qu’il entendoient bien les parales le roi et la roine, n’onques puis Lancelos a lui ne tocha, ains bote s’espee arieres el fuerre. Et cil li done si grans 35 cops com il li puet doner si que il le blece. Et por ce ne se retorne Lancelos. Et li rois vint corant aval, et trait Meleagan arriere, 9 var. MS. K. proesce que faisiez a Bredingan et as grans assemblees souz la Roche as Sesnes qui faisiez, etc.
8¢ mes cil li dist : « Laissiés me ma bataille ! ja ne vos entremetés! » «Si ferai, fet li rois, kar je voi qu’il t’ocirroit se tu li estoies laissiés. » « Encore, fet Meleagant, en ai je le plus bel, et bien i pert. » « Riens que tu dies, fet li rois, ne te valt, kar bien veons comment il est, si te covient atant soffrir. » « Vos me poés bien,
fet il, ma bataille tolir, mais je la porchacerai a mon pooir la ou j’en cuiderai droiture avoir. » Et tant dist a Lancelot que s’il s’empart en tel maniere, il est vaincus. Et lors le trait li rois a une part,si li dist tant qu’il se sueffre de la bataille, par tel covent
que de quele ore qu’il voldroit, qu’il iroit a la cort le roi Artu et semondroit Lancelot de sa bataille, et qu’il se combatroit a lui. Et jura la roine sor sains qu’ele s’en vendra avec lui, s’il le puet conquerre par bataille. Ensi |’ont establi entre la roine et le roi; si le jura la roine, et Lancelos aprés. Et lors emmainent Lancelot por desarmer es chambres la roine. Mais Kex li seneschals est dolens de ceste pes, et miels amast que Lancelos s’en alast parmi la bataille d’outre en outre, qu’il remansist en tel maniere. Et a la roine en poise il molt, mais ele l’otroia angois qu’ele s’en donast garde. Et lors s’en vet la roine en ses chambres, kar tote jor avoit esté es sales. Et quant Lancelos fu desarmés, et il ot lavé son vis et son col, si le mena li rois veoir la roine. Et quant ele voit le roi, si se drece
contre lui, et Lancelos s’agenoille de si loing com il la vit, si li encline. Et li rois dist : « Dame, vesci Lancelos qui molt chier vos a comparee, kar par maint felon pas vos a atainte. » Et ele torne sa teste, si dist al roi: «Certes, sire, s'il a fet por mol, il
a molt sa paine perdue, kar je ne l’en sai nul gre. » « Ha! dame, fet li rois, il vos a fet de molt grans servises. » « I] m’a tant fet d’autre part, fet ele, que jamés ne l’amerai. » « Ha! dame, fet Lancelos, ou le vos forfis je? » Et ele, por lui plus ocirre, s’en entre en ses chambres. Et il l’esgarde tant com il la puet veoir. Et li rois dist a la roine : « Dame, dame, cis desrainiers servises avoit
bien vaincu tos les forfés. » Lors prent Lancelot par la main, si l’en maine la ou Kex gisoit. Et tantost com il le vit, si se lieve tantost si com il puet, et dist bien viegne li sires des chevaliers. « Certes, molt est fors
del sens qui devant vos enprent chevalerie a fere. » « Por quoi ?
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go
fet il.» « Por ce, fet Kex, que vos avés achevé ce que je enpris comme fols.» Et lors s’empart li rois. Et Lancelos demande a Keu porquoi sa dame li avoit véee sa parole. « Coment, fet Kex, a le vos ele véee ? » « Oil, fet il, voiant le roi et tos les autres. » 5 « Certes, fet Kex, l’acheison ne sai je mie. » « Or le laissons atant,
fet Lancelos, si soit com li plaira. Mais comment l’avés vos puis fet >?» Et Kex [li conte] le grant amor que li rois li a mostree, et dist que il ne laissa que li rois eiist en baillie la roine, angois gist il meismes desus ceste volte, et ele est si fors, puis que li huis 10 sont fermé, que nus hom n’i enterroit. « Mais nule dolors n’est que madame ne sueffre, kar cil volt a li gesir des la premiere nuit. Et ele dist qu’en ceste maniere ne girroit ele ja, n’a lui n’a autre, sil ne l’esposoit avant. Et il dist qu’il l’esposeroit molt volentiers. Et ele dist quant il l’avroit esposee par devant son 15 pere, si en porroit fere son buen comme de la soe. Ensi a delaié jusque ci. Et quant ses peres nos vint a l’encontre, si li chei madame as piés de son palefroi a terre, si criant et si plorant que par un poi qu’ele ne s’ocioit. Et lors l’en leva il molt dolcement
amont, et dist : « Dame, n’aiés garde, kar vos n’avrois se
20 bone garde non. » « Ha! sire, [fet ele], tant vos pri comme celui qui l’en tient al plus vaillant home del monde, que vos ne me laissois honir. » « Dame, fet il, n’aiés garde, kar [f. 206c.] je vos garantirai contre tos homes de ceste chose. » Et ses fiz dist que totes voies le voloit il avoir a feme. Et je, qui encore estoie el 25 martire, ne me poi tenir de parler, si dis qu’estrange chose avoit ci, del plus preudome del monde a un garcon. Et por le duel qu’il en ot, sim’a puis destorné mes plaies a garir et me faisoit metre desore totes les choses qui grever me pooient,si cuit qu’il les mes a fetes envenimer, kar trop m’en dueil. » Quant il orent assés 30 parlé, si se leva Lancelos
et dist qu’il movra
le matin
por aler
querre monseignor Gavain al Pont sos Eve. Atant s’empart Lancelos et vient en haut a grant compaignie que de cels de la terre que des essilliés qui l’onorent molt. Al matin mut por aler al Pont sos Eve, si n’ala que lui huitismes des essil31 Le MS. K introduit ici une discussion des dangers du voyage de Gauvain, voir, ci-dessous,
p. 115.
33 Aprés le récit des aventures de Gauvain, le MS. K raconte une seconde fois
cette partie de Vhistoive (4 partiy des mots ; Al matin....) vartantes,
en y introduisant des
gi
liés, et dist que li autre remaignent avec sa dame tant que mesire Gavains sera venus. Et il chevalche tant qu’il aproche pres del pont, si fu pris de cels del pais, kar il cuidoient que li rois le volsist. Et il ne se deffendi onques kar il estoit desarmés, ne il ne cuidoit rien doter. Quant il fu pris si l’en menerent al roi. Et 5 novele qui tost va, vint a la cort Baudemagu qu’i! estoit ocis. Et quant la roine le sot, si en ot si grant duel que par un poi qu’ele ne s’ocit, mais ele atent tant qu’ele en sache la verité. Et lors s'est porpensee qu’ele ne mengera jamés, et encore est plus dolente de ce qu’ele li cuide
avoir
donee
la mort,
kar
ele ne 10
volt parler a lui. Si se laidenge et blasme, et dist : « Puis que tels chevaliers est mors por moi, il ne me seroit nus prox de vivre.» Tels est sa complainte et tant, qu’ele acouche al lit, ne ne velt que nus voie sa grant dolor. Et li rois en a molt grant pitié, si la conforte a son pooir, mais nus confors n’i a mestier, 15 kar ce dit li contes,que deus jors fu sans boivre et sans mengier. Si est molt sa grant bialtés enpiriee. Et totes voies aprochent de la cort cil qui Lancelot amainent. Et la nuit quant il furent herbergié, si vindrent noveles a l’ostel de la roine, que sans faille ele estoit morte. Si le sot pemierement 2° li vavasors chiés qui Lancelos avoit geii quant il se conbati al chevalier felon, si ne l’osa dire, mais de plorer ne se tenist
en nule guise, ains le covint lever de la table ou o il seoit. Mais quant Lancelos le vit, si sot bien que ce n’estoit pas por noient. Et tantost com la table fu ostee, l’apela a conseil, et le conjura 25 de quanqu’il puet qu'il li die porquoi il ploroit. Et cil ne l’ose celer, si dist ce qu’il a oi; si est tant la parole alee que par tot laiens en plorent, et dient li desprisoné que jamés si buene dame ne morra. Molt le plainent et un et autre, mes Lancelos ne dist rien, kar il ne puet, mais molt li tarde qu’il soit cochiés. Et quant 30 6 var. MS. K. ...noveles qui tost vont estoient venues en la cite de Soran et de Gorhon que cil estoit ocis quile pont de lespee avoit passe des gens le roi Baudemagu quant il aloit au pont souz yaue a lencontre de monseigneur Gavain le neveu le roi Artu. 18 MS. K. ...Lancelot ont pris. Mes or se taist atant li contes de Lancelot qu’en amaine pris au roi Baudemagu et de la roine Genievre qui est acouchiee malade de la poor de son ami que il ne soit ociz, et retorne a parler de monseigneur Gavain le nies le roi Artu qui s’en va au pont souz yaue. Ici se trouvent
les aventures de Gauvain, voir ci-dessous, p. 125,
92 il fu cochiés, si se porpense en quel maniere il s’ocirra que il ne soit aperceiis, kar il ne quiert, aprés cele qui vivre le faisoit, ja un sol jor vivre, ains le sievra ; ja en cel lieu ne savra estre.
Longuement a esté Lancelos en cele pensee. Et devant son 5 lit avoit adés dis homes armés, qu’il ne le perdisent. Et avec ce estoient li huis bien fermee de la chambre ou il gisoit. Mais quant vint endroit mie nuit que il cuida que tuit dormisent, et il avoit deus cierges en la chambre
ardans, si i veoit l’en si cler comme
par jor. Et il les volt aler estaindre, kar il avoit en talent qu’il se 10 nendist ; mais aprés se porpense que de vil mort morroit, ne de si vil mort ne morra il ja, se Dieu plest. Et lors vient a une des gaites et li cuide molt belement oster l’espee del fuere, mais cil le prist et saisi par les mains. Mais onques si bien ne le tint que il ne se ferist de l’espee el costé senestre si que l’espee brisa el 15 costé,et se un poi fust plus avant alés li cops, mors fust sans recovrir. Et li cris est levez, si saillent et l’ont lié, ne onques puis cele nuit n’ot pooir de soi. Al matin si le gardirent miels qu’il n’avoient fet devant: Et quant il sont a quinze [f. 206d.] lieues englesches pres de 20 Gorrun,
si vindrent
noveles que Lancelos
est sains
et
haitiés.
Et quant la roine le sot, si est tant lice que plus ne puet, et est tote garie et menjue et beit, kar assés avoit junee. Et quant li rois set que Lancelos est pres, si monte et li vet a ]’encontre, si li fet joie molt grant, et li conte priveement le grant dolor que 25 la roine a por lui etie. « Et sachiés, fet il, je ne cuit pas que sa parole vos soit véee quant ele vos verra. » Et quant Lancelos ot qu’ele n’est mie morte, si est tant liee que plus ne puet. Atant sont venu en la cité, si sot bien la roine comment Lance-
los se volt ocirre. Et li rois fet metre en prison tos cels qui l’a3° voient pris, et dist que tos les fera destruire. Et quant Lancelos voit le roi si irié, si li chiet as piés, et li prie que por Dieu lor pardoinst son maltalent, et il si fet. Et lors l’en maine veoir la roine, et ele se drece encontre, si prent Lancelot entre ses bras et li demande
comment
li est. Et il dist : « Dame,
molt bien. »
35 Et lors s’asieent tuit troi en une couche. Mais li rois qui molt 16 MS.
32 MS.
lont liee ne
K. ...fet et ce pourquoi il le fist, si fu pour le commandement Galehodin, car li rois Clamadex avoit a lui parlé et retornés s’en estoit ja a celui point. Lors eée,
93 estoit vaillans, n’i fu gaires, kar Kex le faisoit. Et entre la roine parlant. Si demande la roine a Et il dist : « Dame, je n’ai mie Dieu qu’ele li die porquoi ele Et ele dist qu’il estoit alés de
il dist qu’il iroit veoir comment et Lancelos remistrent ensamble Lancelot s’il est auques bleciés. de mal.» Et lors li enquiert por ne volt a lui parler l’autre jor. Londres sans congié. Et il dist
que molt l’avoit bien forfet. « Encore
i a, fet ele, autre forfet
greignor. » Et lors li demande son anel. Et il dist : « Dame, vez
le ci. » Si li mostre celui de son doi. « En non Dieu, fet ele, menti m’avés, ce n’est il pas. » Et il jure quanques il puet jurer que si est, et cuide bien verité dire. Et ele li mostre celui que ele avoit en son doi, tant qu’il conoist bien que ce est il. Sia trop grant duel de ce qu’il a porté autrui anel, sel sache de son doi et le gete parmi une fenestre tant loing com il puet. Aprés li conte la roine comment la damoisele avoit aporté le suen anel, et la merveille 5 qu’ele avoit dite, tant qu’il se recorde et dist et reconoist que ce ot fet Morgue la desloials. Si li conte tote la verité, et del songe, et de la raencon, et ele se merveille molt. Quant ele oi que il ot ce songe, si dist : « Bials amis, fet ele, tant ne vive je ja que autres ait en moi part que vos, kar trop: avroie meschoisi, ne je ne cuit que nus soit qui en vostre lieu deiist gesir. » Et il dist : « Dame, seront ja moi pardoné cist grant mesfet ? » «Bials amis, fet ele, jes vos pardoing toz.» Et il li prie por Dieu,se il puet estre,qu’ele parout a lui auque nuit, kar molt a grant tens qu’il n’i parla. Et ele dist que plus en est ele tw 5 =
desirrans que il. « Alons, fet ele, veoir Keu, si verrois pres de ma
coche une fenestre ferree a destre. Et a cele fenestre porrois auque nuit o moi parler, kar dedens n’enterrés vos mie ; si vendrois par cest jardin ¢a deriere, et je vos mosterrai par quel lieu vos i enterrois miels. » Lors le maine a une fenestre de la sale, si li mostre le mur viés cheiti, et dist que par lai enterra. Lors vont veoir Keu, mes li rois parloit encore a lui. Et la mostre la roine a Lancelot par ou il enterra, ne nus ne s’en apercoit. Et quant il ont laiens grant piece esté, si les enmaine li rois. Si tarde molt a Lancelot que la nuit soit. Et quant il est nuis, si se coche plus tost qu’il ne seut, et dist 7 MS. K. ...forfet mais einsint le covint a faire que tenir ne m’en poi pour la honte que je vi faire a monseigneur Gavain et a lor compaignie. Encore etc.
35
94 qu’il est deshaitiés. Et quant il voit son point si se lieve, et ist fors par une fenestre de la sale ou il gisoit. Si se lance el jardin et vient a la fenestre. Et la roine ne dormoit pas, si vient la; si
wn
lance li uns a l’autre son bras et s’entresentent la ou il pueent. « Dame, fet Lancelos, se je pooie laiens entrer, plairoit vos il ? » [f. 207a.] « Comment, fet ele, bials amis, porroit il estre ? » « Dame, fet il, s’il vos plaisoit, il seroit fet legierement. » « Certes, fet ele, jel voldroie sor tote rien. » « En non Dieu, fet il, dont sera
il que ja fers ne m’i tendra. » « Or atendés, fet ele, tant que je 10 soie cochiee que vos ne facois aucune noise. » Ele se coche, et il sache les fers des pertuis si soef que noise n’i fet ne nul n’em brise. Et puis se lance dedens la fenestre. Et en la chambre n’avoit ne cierge ne chandoile por la clarté dont Kex li seneschaus se plaignoit. a nr Quant Lancelos entra el lit, si senti la roine le sanc qui de lui degotoit, et s’estoit des mains dont il ot rompu le cuir al trenchant des fers. Mais ele cuida que ce fust suors, ne nus d’els ne s’en apercoit. Et lor li dist ele la mort Galehot dont il ne savoit mot. Si en eiist fet assés grant ‘duel, mes il n’estoit pas lieus. 2 ° Si fu la joie assés grans qu’il s’entrefirent. Et quant li jors aprocha, si se departent.
Et Lancelos se met fors, et remet
les fers
es lieus dont il les avoit getés. Puis commande sa dame a Dieu, si s’en vet cochier si coiement que nus nel set. Al matin ala Meleagans veoir la roine si com il avoit a costume, 25 et ele dormoit encore. Et il vit les dras tains del sanc Lancelot, et lors vet al lit Keu, si estoient ses plaies escrevees et avoit assés saignié, kar ce li avenoit les plus des nuis. Lors vient a la roine, si li dist : « Dame, dame, or est noaus. » « De quoi, fet ele. »
Et il li mostre le sanc en l’un lit et puis en l’autre, si li dist: «Dame, 30 bien vos a mes peres gardee de moi, mais de Keu le seneschal vos a il mal gardee, si est grant desloialté de tel dame com |’en vos tesmoigne, qui honissiés le plus preudome del mont por le plus malvés del mont. Si me torne a grant despit, kar vos me refusastes por lui. Al mains vail je miels de lui, kar je vos conquis 35 vers lui par force d’a[r]mes. Et certes,miels valt encore Lancelos,
qui por vos a tans mals eiis, si les a mal enploiés, kar hontousement sont gueredoné servise de feme et de diable. » « Bials sire, fet la roine, vos dirois vostre plaisir, mais Diex le set c’onques
95 Kex n’aporta cest sanc en mon lit, ains m’escrieve sovent li nes. » « Sime consalt Diex, fet Meleagans, ne vos valt. Tote estes atainte.
Ne vos n’isterois de ma baillie, si en serois tenus por desloials. » Et Kex est si dolens que par un poi qu’il n’enrage ; et dist qu’il est pres qu’il s’en deffende ou par juise ou par bataille. Et Meleagans envoie son pere querre qui encore se gisoit. Et quant il ot les noveles, si saut sus tos iriés, et fet lever Lancelot por aler avecques lui. Et lors s’apercoit Lancelos premierement qu’ il avoit coupé le cuir des mains a la fenestre, si s’en vet avec le roi. Et quant il vienent en la chambre, si dist Meleagans a son pere :
Io
« Sire, veez le sanc es deus lis. » Et dist : « Sire, or me fetes droit
de ceste dame por cui je me mis em peril de mort,si me refusa, et je l’ai ci provee de malvés qui vers moi ne la pot deffendre. » « Ha! dame, fet li rois, que est ce ? com avés mal erré! » « Sire, fet ele, nel creés pas, que ja Diex ne m’ait com il ot onques part en moi! Lancelos, fet ele, or poés savoir se por tele me tienent cil qui me
conoissent. » « Dame,
fet il, Diex vos en deffende,
15
kar,
certes, Kex nel feist pas, ne vos nel voldriés pas avoir pensé, ne en cest monde n’a chevalier vers cui je ne vos en deffendisse. » « Certes, fet Meleagans, il li est bien mestiers, kar se vos l’en osés “°
deffendre, je sui pres del prover. » «Coment ? fet Lancelos, estes vos ja garis de vostre plaie ? » «En non Dieu, fet Meleagans, je n’ai mal qui me toille mon droit a desrainier. » « Certes, fet Lan-
celos, vos dites que preus, mais assés en deiiissiés avoir doné, et se vos
plus
en
volés, alés vos fere armer,
kar assés est qui la 25
deffendra. » Et cil dist que nule rien ne li plest tant. Lors s’en vont andui armer. Et li rois chastie Meleagan qu’il laisse la bataille; mais tot ce n’a mestier,
kar il cuide savoir
certainement. Si vienent en la place. Et*lors dist Lancelos al roi: «Sire, bataille de si haute chose ne doit pas estre fete [f. 2076.] sans sairement. » Lors fet aporter li rois les sains, si s’agenoillent ambedui, et Meleagans jure que se Diex li ait et li saint, que de Keu fu li sans qu'il vit el lit la roine. Et Lancelos l’en lieve, et dist que se li ait Diex et les sains, qu’il est parjurés, et si li fera conoistre parmi la gole se il ne li est tolus, ou il morra comme parjurés. Et lors sont andui monté es chevals. Et li rois essaie totes voies sil porroit son fiz torner de la bataille, mais il nel poet trover en lui, si est montez en son cheval, Et li rois et
30
35
96 la roine montent en haut as fenestres. Et cil laissent corre les chevals de grant randon,si pecoient lor glaives et s’entretaignent des chevals et des cors et des vis si qu'il n’i a celui que li ceil n’estencelent en la teste. Si lor volent les enarmes for des poins, et d’ansdeus les escus volent les bocles, et des hialmes ist li feus
ardans, et les eschines lor hurtent as arcons deriere. Meleagans rescrieve a sainier, et Lancelos met main a espee, et gete l’escu sor sa teste et cort sus a celui que il het de mort, et cil se deffent Io
si com il puet, kar molt est proz se il ne fust traitres et sans pitié. Mais deffense n’i a mestier, kar en la fin le mena Lancelos plus malement que il n’avoit fet a l’autre fois. Mais quant li rois voit que la bataille torne a son fiz honir, si nel puet endurer, kar char-
15
nels pitiés le semont comme pere. Et vient a la roine et li dist : « Dame, por Dieu et por servise, vos pri que vos fagois la chose atant remanoir. » Et ele dist : « Alés les departir vos meismes. » Lors vient li rois et dist a Lancelot : « Laissiés la bataille, kar madame le velt. » « Fetes, dame ? fet Lancelos. » Et ele dist oil,
et il redemande
a Meleagan
oil, kar il puet recovrer
30
35
a sa
s’il s’en sofferra bataille com
atant, et il dist
il velt. «Certes, fait
Lancelos, ce poise moi, et bien:sachiés que ce est force. » Atant s’empartent, et Meleagans a trop honte, et ses peres le conforte molt ; et il dist qu’il ocirra Lancelot a ses deus mains ains qu'il isse del pais. « Tant saches tu, fet ses peres, se il est ocis par toi, ja plain pié n’avras de mon roialme, kar traitres ne murdrieres ne sera ja hiretiers aprés moi.» La nuit s’en ala Meleagans fors de la vile. Et lors s’en vont del pais tuit cil qui aler s’en voldrent, kar li rois commande que nus n’i soit arestés. Et au matin vet querre Lancelos monseignor Gavain, si a quarante chevaliers armés avec soi que des essilliés que de cels del pais, et porte ses armes avec lui. Et li rois mande par tote sa terre que l’en face autant de lui comme de son cors. Mes quant il fu pres del pont a mains de set lieues, si encontra un nain sor un chacéor blanc. Li nains demande Lancelot, et l’en li mostre. « Sire, fet il, mesire Gavains vos salue. » Et Lancelos li fet trop grant joie et li demande comment il le fet. «Sire, fet il, molt
bien. Mes il vos mande paroles privees par moi.» Lors le tret
a une part, si li dist : « Sire, mesire Gavains est el lieu del monde
97 qui plus li plaist, si a quanque il demande, mais il savoit bien, sire, que vos le vendriés querre et savoir porquoi il demoroit. Si vos mande que vos venés a lui a petit de conpaignie, et lors si vos en vendrois ensamble a la roine » « Donc ne sai je, fet Lancelos, que je face de ceste gent. » « Sire, fet li nains, dites lor que ci vos atentent, et selonc ce que entre vos et monseignor Gavain vos accorderez si lor mandés, que vos n’irois gaires loing de ci. » « Combien i a ? fet Lancelos » « Une petit lieue, fet li nains. » « Donec irai je tos sols, fet Lancelos. Seignors, fet il a ses
gens,
atendés
moi ici un petit, kar vos vendrois
Io
orendroit a moi par un message.» Atant s’en vet entre lui et le naim, si sont entré entr’els deus
en une forest qui n’a pas trois archies de lé, et vont tant que il sont venu a un petit [f. 207c] chastel molt fort, qui estoit clos d’un plaisseis haut et espés, et en aprés a deus paire de fosses, T5 et devant a haut mur. Il troverent la porte overte, et vont en une grant sale par terre, et la descendent. Si estoit la sale jonchie de fresche herbe. Et Lancelos s’en vet molt grant pas, kar molt li est tart que il voie monseignor Gavain. Mais quant il vient emmi la sale, si li faut l’erbe desos les piés, et il chiet en une 20 grant fosse qui a plus de deus toisses de parfont, mais il ne se blece point, kar l’en i avoit assés herbe mise de gre que il ne se blecast, ne en bras, ne en jambes. Quant il se sent en la fosse, si
set bien qu'il est traiz et que ce li a fet Meleagans. Lors taste ¢a et la, mais il ne treve ne degré ne autre chose par quoi il s’em 25 puist issir. Mais ne demora gaires que vint chevaliers vindrent tot armé sor la fosse, et si i estoit li seneschals de Gorre cui li
chastials estoit. Cil met Lancelot a raison et dist : « Sire chevaliers, vos estes pris, kar vos veez bien que deffense n’i a mestier; si vos rendés, et vos n’avrés pas male prison. » « Et porquoi me prenés vos ? fet Lancelos. » « N’en savrois ore plus, fet cil. » « Et porquoi ne m’avés vos pris, fet il, par force d’armes ? si eiiissiés
30
mains honte qui estes tant et tuit armé. » « Or sachiés, fet cil,
que nos ne volions pas estre navrez, ne vos ocirre. Mais rendés vos se jamés volés de la prison issir. » I] voit bien que fere le covient, si lor rent s’espee, et li covint en la fosse son hialme oster. Puis le traient amont, et il dist : « Ou est Meleagans, li traitres,
qui m’a fet prendre ? » Et cil dient qu’il ne le fist pas fere. Mes
35
98 si fist, et si estoit en la maison, mais il ne se voloit pas mostrer.
Et quant Lancelos fu desarmés, si le mistrent en prison el chief d’une tornele molt fort. Mais or laisse li contes une piece a parler de lui, et retorne a cels qui avec lui estoient a l’enquerre monsei5 gnor Gavain. Quant li conpaignon Lancelot, ce dit li contes, virent qu’il ne vendroit, et qu’il demoroit tant, si furent molt anguoissos,et atendirent iluec jusqu’a la nuit. Et lors alerent herbergier a un chastel qui pres d’iluec estoit.Et la oirent noveles de monseignor Gavain 10 qui avoit passé le Pont sos Eve, et gisoit la.Al matin alerent encontre lui, si le troverent ou il venoit a grant compaignie des desprisonés. Mes il estoit molt bleciés des plaies que li chevaliers del pont li avoit fetes, kar il le trova estordi de l’eve dont il avoit assés beti, et par un poi qu’il ne noia. Et cil demandent a cels 15 qui avec lui sont comment il l’avoit fet en la bataille. Et il dient molt bien, mais trop l’avoit l’eve enpoirié, et ce que il se combati si tost com il fu fors si ne fist onques, ce dient, se soffrir non jus-
qu’a midi. Et lors mostra son grant pooir, si conquist le chevalier la ou chescuns cuidoit qu’il fust alez. « Et li chevaliers, font
20 i], est tels conreez que l’en n’i.atent se la mort non. » Et mesire Gavains ra des plaies a grant plenté. Et lors demande mesire Gavains noveles de Lancelot. Et il li content comment li nains Ven avoit mené, et disoit qu’il estoit a lui. Mais quant il ot ce, si bat ses paumes et commence a plorer et dist : « Ha! Diex, 25 trais est li buens chevaliers! ce li a fet Meleagans li desloials. » Ensi s’en vet mesire Gavains tant que il vient a la cort, si fet li rois Baldemagus molt grant joie de lui. Et la roine par est tant liee, que plus ne puet, mes quant il oient que Lancelos est perdus, si est la joie torné en duel, kar li rois est autresi comme 3° desvés, et la roine en a tel duel que plus ne puet. Et plus li greve ce qu’ele n’ose s’anguoisse descovrir por monseignor Gavain, et nequedent tant en fet que li plus fol s’en pueent apercevoir. Et li rois dist que l’en le querra par tote sa terre, et il meismes le querra mais que il ait passé cel jor. Si envoie al matin li rois par 35 tot son pooir et ses letres par tote sa terre,que bien sache cil qui 3 Suit, dans le MS. dessous, p. 125.
K,
la seconde partie des aventures de Gauvain,
voir ci-
99 Lancelot savra, s’il ne l’enseigne, que il n’avra ja raencon que il ne soit pendus [f. 207d.] s’il empuet estre aperceiis. En tele atente demora la roine et mesire Gavains quinze jors, et en dedens ne fu preu au roi de ce qu'il l’a envoié querre, ains a mandé par tote sa terre par ses letres, que tuit li baron de sa terre viengnent a lui si tost com il verront son seel, et chevalier et serjant et tuit cil qui armes porront porter. Mais cil qui tos les mals
savoit,
Meleagans,
ses
fiz, fist unes
letres por le roi
et por les barons. decoivre. Ces letres furent en un seel contrefet al seel le roi Artu, si furent aportees la roine, et disoient que li rois le saluoit et que desormés s’en venist et ele et mesire Gavains, et n’atendissent pas Lancelot, qu’il estoit en sa compaignie sains et haitiés. Lors fu grans la joie a tos, mais cele a la roine est trop grans, si li tarde molt qu’ele s’en voist. Al matin est meiie, si la convoia li rois. Et lors sont li pont perilloz abatu, si passe Ven la ou l’en velt. Et quant vint a l’issue de la terre de Gorre, si se part li rois Baudemagus de la roine, et ele le mercie molt de la grant honor qu'il li a fete, si s’en retorne li rois. Et la roine chevalche tot le droit chemin a Camaalot, si encontre son seignor le roi Artu et tos les barons qui li venoient a l’encontre. Si le baisa li rois, et puis son neveu,et Keu le seneschal aprés, qui estoit auques garis. Aprés
vos vos que mes
demande
le rendrés. qu il estoit je vos doi, letres n’en
noveles
de Lancelot.
« Lancelos,
10
20
fet la roine,
»
«Comment ? fet il. » « Donc ne me mandastes avec vos sains et haitiés ? » « Par la foi, fet il, 25 je nel vi tres la grant cort de Londres, ne onques veistes. » Quant la roine l’entent, si ne puet mot
dire. Li cors li fremist et li cuers li serre, et ele se pasme,et mesire
Gavains la cort sostenir qui trop en fet grant duel, et em plore as iex de sa teste. Mais nul duels que nus face ne se prent a celui que la roine fet, kar ele ne se cuevre por nului, ains dist, oiant
tos, que jamés n’avra joie quant en son servise est mors li mieldres chevaliers del monde. Grans est li duels que il font en la maison le roi Artu de Lancelot, kar bien cuident et un et autre qu’il soit mors. Si sejorne li rois a Camaalot por savoir s’il en orroit 1 MS. savra cil ne 26 var. MS. K. ...vi puis qu’il ocis Karados, tour ne...
le
seignor
de
la
dolereuse
30
100
nules noveles, kar pres estoit de Gorre. Et la roine i estoit volentiers por son ami qui i fu chevaliers novials. Mais un mois aprés la revenue de |’essil, vindrent al roi cheva-
lier desprisoné et li proierent de fere une assamblee, kar trop 5 avoient esté en eissil, qu’il n’avoienmt veiies proesces d’armes si com il soloient veoir. Mais li rois dist que jamés n’avroit assamblee en som pooir devant que il savroit de la mort Lancelot, ou de la vie. La s’acordent tuit, et dient que jamés armes, por besoing qu’il aient, ne porteront, tant com Lancelos fust perdus. ro Ensi est tote la cors troblee que nus n’i fist joie, ne li duels la roine ne remaint pas, kar ele ne fine ne jor ne nuit, si vet molt
sa grans bialtés a noient, ne ele ne reclaime ne Dieu ne home fors que la Dame del Lac, kar ele savoit bien qu’ele le secorroit a tos ses besoings.
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En tel maniere se contindrent des la Pentecoste jusqu’a la mi atist, et lors covint le roi cort tenir, et porter corone, si com il
estoit costume a bone feste. Et encore la tenist il en plus povre lieu se il osast por le blasme de ses barons, kar il estoit tos [des]coragiés des grans joies et des grans festes que il soloit fere. Et quant 20 Vint le jor de la feste, aprés la messe, si fu li rois apoiés a une fenestre, et ot sa teste tornee vers les pres, si ne voloit encore men-
gier por ce que nule aventure n’avoit encore veiie. Et lor esgarde, si voit venir une charete et avoit un cheval es limons qui avoit la coe coupee et les deus oreilles de la teste, et desus seoit uns 25 Hains gros et cors,et ot barbe grant et teste grosse meslee de chaines, Et en la charete avoit un chevalier, les mains liiees triees le dos,en une chemise sale et despanee, et ot les deus poins liees
as deus limons de la charete. Et ses escus pendoit pardevant, et estoit tos blans, et la guige de soie blanche. Et delés estoit 3o Ses hialmes [f. 208a.] et ses haubers. Et al chief de la charete estoit ses chevals atachiés par la resne, si avoit le frain en la teste et la sele sor le dos, et estoit blans comme neis et bials a merveille. Quant li chevaliers voit le roi et les chevaliers, si dist :
« Ha! Diex ! qui me deliverra ? » Et tuit li chevalier issent fors 35 por lui veoir. Et li rois dist al naim qui maine la charete : « Nains, qu’a forfet cis chevaliers ?» « Altant, fait il comme li autre. » 17 var. MSS. C, D ...costume si le tint a rouelens (D = roelanc) et encore... MS. J ...costume a bones festes et ce fu a roevent et encore... a
LOL
Et li rois ne set qu’il velt dire, si li demande encore. Et li nains li respont ausi. Et li rois se teiit une grant piece et tuit li chevalier. Et aprés demanda li rois al chevalier : « Comment seriés vos delivrés ? » «Sire, fet il, se uns chevaliers montoit
ici la ou
je
sui por moi.» «Ce ne troverois vos hui, fet li rois. » « Ja Dieu ne place, fet li nains. » Atant s’en va contreval la vile par totes les rues, si est hués et arochiés et de boials et de chavates. Et li
rois dist que or puet il bien aler mengier kar aventure a il veiie trop merveillose..Et mesire Gavains venoit des chambres la roine ou il avoit dormi,
kar la nuit avoit veillié en la chapele, si fu
Io
assés qui l’aventure li conta. Et il comence a plorer, et dist que maleis
soit qui charete
establi
a tel mestier, si li menbre
que
Lancelos i monta. Atant est li rois assis al mengier et tuit li autre, et quant il se regardent si voient la charete venir enmi la cort, et le chevalier jus, qui entra la ou il chevalier manjoient. Et chescuns dist : « Vez ci le chevalier de la charete. » Et il se vet seoir avec les chevaliers, mes chescuns le bote ariere et li dient que il ne doit pas seoir entre chevaliers. Et ils’en vet par tos les rens, mais nus ne li sueffre que il s’asiece delés lui, ains le bote chescuns arriere. Et quant il a par tut cerchié, si prent une nape, et se vet aseoir el renc as escuiers. Mais quant mesire Gavains vit qu'il fu si arriere botés, si lait le mengier aporter et vient a lui, si s’asiet et dist qu’il li fera compaignie puis que chevaliers est. Et la
15
20
parole vet laiens tant que li rois le set, si en parole molt en mal, 25
si mande monseignor Gavain qu'il le tient por honi de ceste chose, et li mande qu’il a forfet le siege de la Table Reonde. Et mesire Gavains li remande ariere que s’il est honis por la charete, donc est Lancelos honis,ne aprés son honissement ne velt il nul honor avoir. Et li chevaliers ot les paroles ne nul samblant n’em fet. Et li rois est tos esbahis de ce que mesire Gavains li a mandé. Quant li chevaliers ot mengié, si se leva et dist a monseignor Gavain : «Grans mercis. Or voi je bien qu'il est voirs. » Atant s’en torne, si est alés en un brueillet qui pres estoit d’iluec ou
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ses escuiers l’atendoit, si est armés de totes armes. Et vient tos 35 armés entre lui et l’escuier droit en l’estable le roi, si trova un 5 MS. moi Se ne
28 MS. que cil est It
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des meillors chevals le roi tot enselé. Li chevaliers monte sus, et puis vient en la sale devant le roi et dist : « Rois Artus, s’or
venoit avant cil qui monseignor Gavain laidengoit et tenoit a honi de ce quwil avoit mengié avec moi, je l’en deffenderove 5 encontre le meillor de vos tos, et encontre
vostre cors meismes
et plus volentiers que encontre un autre. Et sachiés que vos estes li plus faillis et li plus recreans qui onques fust. Si m’en irai atant, mais totes voies en menrai je cest vostre cheval, et quant
je porrai plus avoir del vostre, plus en prendrai, ne ja en cest 10 ostel n’avra chevalier qui par son cors le vos ramaint.» Lors s’en vet li chevaliers, si encontre monseignor Gavain, si li dist : « Mesire Gavains, fet il, vos menbre il de ce que vos menjastes avec moi ? » « Alez a Dieu, fet mesire Gavains, kar de moi n’avés
15
garde. » Et lors sont en la sale tuit esbahi, quant il voient le roi irié qui a tel duel a poi que il n’en rage, et dist que onques mes tel honte ne li avint que son cheval en maine un lerres devant ses iex. Et Saigremors saut de la table, si se cort armer a son ostel, et vet aprés le chevalier grant aleiire. Et autresi i vet Lucans
20 li boteilliers, et Bedoins li conestables, et Girflés li fiz d’O, et Kex
li seneschals qui venoit de devant la roine et avoit oi comment [f. 2086.] li autre estoient armé por aler aprés le chevalier. Mais Saigremors vet devant les autres, si choisi que li chevaliers s’en vet aval la riviere tant qu'il vient al Gué de la Forest, kar issi 25 avoit non uns guez qui estoit desos Roelent. Et la forés estoit pres a deus archiees. Li chevaliers s’areste sor le gué, et d’autre part avoit chevaliers bien quarante qui l’atendoient et qui assés valent. Et Saigremors vient la poignant. Et quant cil le vit venir, si fiert en30 contre des esperons, si se donent grans cops sor les escus. Et Saigremors brise sa lance. Et li chevaliers le fiert si qu’il l’abat el gué, et prent le cheval al frain et l’en maine outre le gué, et cil sont appareillié qui le prenent. Et li chevaliers dist a Saigremor : « Sire chevaliers, dites le roi c’or ai je plus del son, et encore 35 en avrai plus.» « Coment, fet Saigremors, ne vos combatrois
vos plus a moi ? » « Naie, fet il ore, et si cuit je que vos n’i ariés ja preu, kar j’ai avantage, kar je sui a cheval et vos a pié. » Atant s’en revient Saigremors hontex et dolens. Et lors vient
a‘
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Lucans li boteilliers. Et cil ist fors del gué encontre lui, si lait li uns corre contre l’autre. Et maintenant rabati Lucain le boteillier el gué, et en maine
son cheval, et dist : « Sire chevaliers,
dites le roi c’or ai je plus del son de trois chevals que je n’avoie ier. » Et lors vient Bedoiers, si le rabat autresi com il fist les autres,
et puis Girflés. Et par chescun mande al roi ce que li contes a dit devant. Et lors passe le gué et fet samblant que il s’en vueille fors aler. Mais ne’‘demora gaires que Kex li seneschals li escrie. Et cil prent de son escuier un glaive cort et gros et vient ariere, si s’entrencontrent enmi le gué. Et Kex le fiert si que tote sa lance vole en pieces. Et li chevaliers fiert lui parmi le hauberc et parmi l’escu, si le porte jus del cheval el gué les piez desus, et prent le cheval et l’en maine. Et Kex saut sus tos estordis de la ou il ot geii, qui assés ot beii de l’eve, et se sent molt blecié, si s’en retorne. Et li rois est si dolens que plus ne puet, et de tot se prent a son neveu. Et mesire Gavains dist de plus honis en la, Que que il parloient issi, atant es vos la charete et le naim qui la menoit. Et dedens seoit une damoisele. Li nains le maine droit a la cort, et la damoisele voit le roi as fenestres, si li escrie :
Io
T5
20
« Rois Artus, l’en soloit dire que nus desconseilliés ne nule desconseillié ne venoit saiens qui conseil n’i trovast. Mes bien i pert que c’est menconge, kar li buens chevaliers s’en est alez, “ne onques n’i trova qui en la charete montast por lui. Si 1 avez plus honte que honor, kar il en a mené six de vos chevals malgré 25 vostre. Or ne sai se je troverai qui de ci me get.» Lors vient mesire
Gavains
aval,
si li demande:
« Damoisele,
comment
en seriés vos getee ? » «Qui monteroit, fet ele, ci, je iroie jus. » « En non Dieu, fet mesire Gavains, je i monterai por le buen chevalier quii monta. » Lors se lance sor la charete, et cele descent. 30
Et tantost vienent dis chevaliers tuit armé, si descendent por la damoisele monter sor un des plus bials palefrois del monde qu'il amenoient. Et lors est venue la roine ; et la damoisele dist al roi: « Rois Artus, je m’en irai, mes avant vueill que tu saches que ta cors aproche de delivrer, si prendront fin les aventures. Se tu ne deiiisses pas avoir failli al chevalier, ains i deiiisses estre saillis, kar il n’i estoit fors por l’amor de Lancelot qui por cele 20 MS.
voit le naim
as
35
oe
Or
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AeA
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mere darts f
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Gee
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ie
ol.
104 dame la i monta et fist ce que tu n’oissaises enprendre por h qui ta feme est, et por lui devroient estre charetes honorees a tos jors mes. Et ses tu qui est li chevaliers qui a abatu ces compaignons ? II est jouenes enfes de vint et un an, et fu chevaliers 5 novials a Pentecoste,
et est cosins germains
Lancelot
et freres
Lionel qui quiert Lancelot, si fet que fols kar il n’en trovera mie. » A ces paroles es vos que li chevaliers vint dont ele avoit parlé, et aprés lui vint ses escuiers et ot tos les chevals en destre que ro ses sires ot gaaigniés. [f. 208c.] Et li chevaliers oste son hialme et vient devant
le roi, si s’agenoille et dist:
«Sire, tenez vos
chevals. Je ne les en menroie mie en tele maniere. » Et lors saut la roine si le lieve, et li rois li fet grant joie por son cousin. Et la damoisele est montee, si s’en torne sans plus dire. Et li rois retint 15 le chevalier compaignon de la Table Roonde et li demande son non. Et il dist qu’il a non Boort li essilliez. Et la roine li demande qui est la damoisele qui s’en vet. Et il dist que c’est la Damoisele del Lac qui Lancelot norri et lui et Lionel. Et quant la roine Vot, si est si dolente que plus ne puet, kar nule joie ne la conforte.
20 Et lors est la roine montee et dist que jamés ne finera devant qu’ele l’avra atainte. Et li rois vet avec, si ont trové enmi la vile monseignor Gavain ou li nains le menoit encore en la charete. Et la roine saut sus et il descent, et li rois i monte lez
la roine
ne onques ne remist chevaliers en |’ostel le roi qui n’i montast. 25 Ne des lors en avant, tant com li rois vesqui, ne fu nus hom dampnés mis en charete. Ains avoit en chescune vile un viel roncin sans coe et sans oreilles, si i montoit l’en cels que l’en voloit honir, et si le menoit l’en par totes les rues. Mais la roine vet aprés la Dame
del Lac, et mesire Gavains
avec, et cheval-
30 Chent tant que il l’ataignent. Et la roine li crie merci et dist que molt est honteuse quant ele ne l’avoit conetie, si li prie qu’ele retort. Et mesire Gavains l’en prie, de cui ele a grant joie fete. Mais ele dist que ce ne puet estre. Et lors le tret la roine a conseil, si li prie s’ele set noveles de Lancelot qu’ele li die. Et ele dist 35 qu'il est vis et en prison, mais est a aise et honorés. Et li poins 15 vay. MS. K ...roonde et cil dist quil nest encore mie dignes de si haute honnor recevoir et dautre part il ne le voudroit pas estre se par le conseil Lancelot non et li rois sen sueffre atant si li demande...
tae
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est tos establis qu’il eschapera, kar s’il eschapoit avant il avroit perdue la grant joie et la grant honor que il atent. « Mes bien sachiés, fet ele, qu’a la premiere assamblee del roialme de Logres le porrois veoir se vos 1 estes. » Ces noveles aime molt la roine, si prent congié et s’en retorne. Quant ele vit qu’ele ne porroit la dame retenir, lors revient et conte al roi les noveles de Lancelot, mais ne li dist mie qu’il doie estre a la premiere assamblee. Et li rois en est molt liés kar poor avoit de sa mort, mais la demore li greve. Et la roine li dist : « Sire, kar fetes crier une assamblee en la marche de Gorre
et de vostre terre, kar par aventure i orriés noveles de Lancelot. Et totes voies aprochera li termes de l’assamblee, et ces gens le vos prient qui sont fors issu de prison. » Et li rois li otroie. Si fet par tot mander que la grant assamblee sera d’iluec en quinze jors a Pomeglai, et ensi le mande par ses letres et par messages. Mais or ne parole plus li contes ne de lui ne de sa compaignies ains retorne a Lancelot. Ensi est Lancelos, ce dist li contes en prison chiés le seneschal de Gorre qui molt l’aime, et a quanqu’il velt sans fors issir. Mais tant est alee la novele [de l’assamblee] qu’il la set bien, si est molt dolens qu’il n’i puet estre. Et li seneschals n’estoit mie
T5
20
sovent el chastel, mais sa feme i estoit adés, qui assés avoit bialté
et cortoisie. Et Lancelos estoit en legiere prison, kar il estoit chescun jor mis fors de la tornele et menjoit avec la dame, et ele Vamoit sor tos homes por les merveilles qu’ele en avoit oi conter. Mais quant li jors aprocha de l’assamblee, si fu plus dolens et plus pensis que il ne seut, Et la dame le vit boivre et mengier malvaisement et enpoirier de sa bialté, si li demande que il a. Et il ne lie velt pas dire, et ele le conjure sor la rien que il plus aime. « Dame, fet il, tant m’avés conjuré que je le vos dirai. Et bien sacheis que je ne mengerai jamés ne ne beverai qui bien me face, se je ne sui a cele assamblee qui doit estre, et por ce sui je a malaise.
Or avés oi mon
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ennui, ce poise moi, mais force le
m’a fet dire. » « Lancelos, fet ele, qui feroit par quoi vos i fuissiés, donriés li vos grant gueredon ? » « Oil, dame, fet il, quanque je porroie avoir. » «Se vos, fet ele, me doniés un don que je vos demanderai je vos i lairoie aler. » Cil est tant [f. 208d.] liés que plus ne puet, si li otroie. « Savés vos, fet ele, que vos m’avés
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otroié vostre amor. » Et il n’en set que dire kar s'il l’escondist il crient perdre l’assamblee que tant a desiré, et si li otroie s’amor
il l’avra fausee, kar ele voldra le soreplus, si a longuement pensé. «Que me dites vos? fet ele. » « Dame, de chose que j’aie ne serois 5 vos ja escondite kar vos l’avez bien deservie. » « Otroiez me vos, fet ele, vostre amor ?» «Dame, fet il, je vos otroie ce que je puis fere sans contredit.» Et ele le voit hontex, si pense qu'il n’ose plus dire de honte, sel bee tant a servir qu’il soit al revenir tos suens. Et lors li appareille cheval et armes. Et quant ele set ro qu'il est tens de movoir, si li dist, et il en est trop liés. Et al matin, des le jor, le fet movoir, si l’arme ele meismes de sa main.
Et il li jura sor la rien que il plus amoit que il revendroit si tost com il porroit partir de l’assamblee que nule riens ne le tendroit se la mors non, et aprés li fianga. 15 Atant s’em part et s’en vet a l’assamblee, et enporte les armes al seneschal
et enmaine
son buen
cheval,
et se herberge
bien
loing de la place a set lieues el plus destorné lieu qu’il puet, si que de nului n’est conetis. Et al matin vint a l’assamblee, et la roine fu montee sor une bretesche defors Pomeglai, et dames et 20 damoiseles a grant plenté. Et les jostes commencent molt buenes en pluisors lieus, et meslees grans. Mais Bedoiers, et Dodinials li salvages, et Guerrehés, et Gaeriés, et Agrevains, ses freres, et
Yvains li avoltres, et Boorz li essilliés le font trop bien. Et Lancelos s’areste sos la bretesche et regarde molt dolcement, et avec 25 lui venoit un vaslés de la ou il ot geii qui se lance li porte. Et la roine esgarde tos cels qui bien le font, mais n’i conoist pas son ami. Et lors se met Lancelos el renc et porte l’escu de sinople a trois bendes d’argent, si point tot le renc. Et uns chevaliers encontre lui qui avoit non Herlions li rois, si estoit freres al roi 30 de Norhonberlande et preuz assés, si s’entrefierent grans cops. Et Herlions brise sa lance, et Lancelos le fiert si durement que il le porte a terre. Et lors lieve li bruis et la noise que trop i avoit cil Herlions le jor josté, si en sont molt lié cil de Logres, et li autre dolent. 35
Lors commence
Lancelos
chevaliers a abatre et lances a bri-
sier. Et lors vint encontre lui uns chevaliers qui trop durement 21 var. MSS.
C, D ...grans Mout y a chevaliers ki bien le font, messire bran-
délis et Gazoains destrangot mais bedoiers..,
Sertale TSE SY ho ee
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Osi
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107 hurtoit, qui avoit non Godez d’oltre les marches. Et Lancelos joste a lui, sel fiert et porte en un mont, lui et le cheval, et com-
mence a fere merveilles si que tuit s’en esbahissent. Et tant a josté qu'il n’a mes c’une sole lance, si la prent. Et lors voit venir un chevalier qui estoit seneschals al roi Claudas de la deserte, si s’entrefierent. Li seneschals fet voler sa lance en pieces, et Lancelos le fiert desos la gole si que li fers li cole parmi la gorge, si l’enporte le lone de la lance emmi le champ. Et cil se pasme et tote
la terre
cuevre
de sanc,
si crie chescuns:
« Mors
est!
Mors est ! » Et quant Lancelos l’entent, si l’en poise trop, et gete sa lance, et dist qu’a itant s’en partira. Si fet demander a son escuier qui cil est qu’il a navré, et s’il morra. Et l’en li dit qu’il est seneschals le roi Claudas, et qu'il est mors la ou il est, kar il a la gorge coupee. Et Lancelos dist que diels li viegne s’il le savoit.Et lors sache l’espee com cil qui bien le sot fere,si en done grans cops destre et senestre et abat chevals et chevaliers al cop de l’espee et del poing, et fiert par glaives et par escus, et errache hialmes de testes et fiert et bote et enpaint et hurte de menbres et de cheval comme cil qui trop est apers a tot fere que buens chevaliers doit entreprendre. Si sont cil de l’assamblee tuit esbahi, si pensent por voir que ce n’est se Lancelos non. Et mesire Gavains en est sor tos esbahis, si le va dire a la roine. Mais ele le savoit bien, kar maintes fois li avoit veii fere autretel, si en est
molt [f. 209@.] liee. Mes ele se pense qu’ele decevra monseignor Gavain et tos les autres. Lors apele une soe pucele, kar ne s’osoit en nului fier ne descovrir de son pensé, kar la Dame de Maloaut estoit malade en son pais del mal de la mort, si n’avoit a cui ele deist sa pensee. Si dist a la pucele : « Alez a cel chevalier la, si li dites que desormés
le face al noaus ausi com il a fet al miels, et a ces enseignes que je li dis son grant duel la ou il ot sa grant joie. » Et cele s’en vet al chevalier et li dist. Et il prent une lance que ses escuier tenoit, si muet
a un chevalier por joster, si faut et li chevaliers
fiert,
et il s’en verse sor la crope de son cheval si qu’a grant paigne se relieve. Et lors revient a la meslee, et quant il doit ferir grans 8 MS. Et sil se 26-29 var. MS. K. ...pucele que ele avoit avec lui si li descouvre son
puis que la dame de malohaut fu morte ele dist a la..,
pense
25
r08
cops, si se prent a la crine de son cheval et fet samblant qu'il doie cheoir, ne des lors en avant n’atent chevalier a cop, ains baisse la teste et fuit quant il les voit venir pour doner cops. Et fet tant que tos li mondes le hue et maldit. Et li vaslés qui 5 avec lui estoit venus en est esbahis plus que nus. En tel maniere se contint Lancelos tot le jor tant que il se departent, si sont tuit cil hontex qui por preu l’avoient tenu. Et il s’en vet a son ostel ne nus ne l’ose metre a raison de malvaisté qu’il ait fete. Et al matin se leva et venoit a l’assamblee, et estoit sans hialme. 1o Et une damoisele l’atainst, si le conoist, et c’estoit cele qui le mena al mostier ou il leva la tombe Galaad, et ele li sieut. Mais
quant il a mis son hialme, ele vet criant aprés lui par les rens: « Or est venu la merveille ! » Et quant le chéor et parléor d’armes le voient, si commencent a crier trop durement. Et Lancelos 15 commence chevaliers a abatre trop durement, si que tuit cil s’en merveillent qui le voient. Grant piece a duré li biens feres tant que la roine li remande que al noaus le face et li commande par la pucele. Et il commence al pis fere que il set. Et la damoisele qui l’ot escrié par les rens est si esbahie que plus ne n’ose par20 ler. Et ensi le fist malvaisement tant que ja ert miedis. Et lors li remande la roine que il al miels le face si que tot vainque, ne des lors en avant ne fu parlé fors que de lui. Et quant il avespri si geta son escu en la meslee et s’en vet la ou il gisoit. Et la nuit sorent tuit cil de l’assamblee que ce avoit esté Lancelos, et sorent
25 bien qu’il l’avoit fet malveisement por els gaber. Et Lancelos vet tant pas ses jornees qu’il vint en la prison. Et quant il i vint, si trova le seneschal venu qui l’atendoit, qui trop avoit grant poor qu’il ne revenist jamés, et s’il seiist que par sa feme i fust alez il l’etist morte. Et quant il le vit, si li dist que 30 ore estoit il li plus loials chevaliers del monde. Mais quant Meleagans li desloials sot qu’il ot esté a l’assamblee, si en fu trop dolens et jure qu'il le metra en tel lieu dont il n’istra pas sans congié. Et lors fist fere une tor devers la marche de Gales par le congié son pere, et dist que cele tors garderoit totes les marches de
35 Gales. La tor fist en un marois qui nule garde n’avoit de perriere ne de nul engin, ne nus el marés ne se meist qui ne fust perdus jusqu’en abisme. Cele tor garda uns seers Meleagan, et Lancelot
fu mis dedens, Et de la maison au serf coroit uns ruissials jusqu’a
109 la tor, si le portoit l’en a mengier a une petite nef, et il le traioit amont a une corde. Ne en la tor n’avoit huis ne fenestre fors une petite par out il traioit le pain et l’eve, mais ce n’estoit mie tant com il em puist mengier. Ensi est Lancelos en la tor que nus nel set fors Meleagan et le serf. Et quant Meleagans voit qu’il est issu com il velt, si se
On
part de Gorre, et s’en vient a la cort le roi Artu, si trova le roi a Londres. Si vient devant le roi et dist : « Rois Artus, il est voirs
que je [comquis cele dame que je] voi la vers Keu le seneschal, et Lancelos la vint requerre, si fu la bataile de moi et de lui. Et tels fu la fins que je li laissai [f. 209b.] amener la roine, et il me jura sor sains que devant li se combatroit a moi, mes je l’en vendroie semondre. Et la roine me jura qu’ele s’en vendroit avec moi se il ne la deffendoit. Et je l’en sui venus semondre. Mais je nel voi pas saiens, et s’il i est, si viegne avant, kar tels chevaliers com il est ne se doit pas arriere traire. » Mais quant li rois conut Meleagan, si li fist tote honor por l’amor de son pere, et dist : « Meleagan, Lancelos n’est pas saiens, ne je ne le vi puis qu'il ala la roine requerre, ne pres d’un an devant. Mes vos estes Si sages que vos savés bien que vos devés fere. » « Quoi ? fet il. » « Saiens atendre, fet li rois, quarante jors, et se il entretant ne
Lan)
5
vient, ralés vos en en vostre terre, et al chief de l’an revenés, et se
il a vos ne se combat ou autres por lui, la roine avrois. Et il dist que si fera il, et issi remest a la cort. Mais ici endroit ne parole plus li contes de lui ne del roi ne de sa compaignie, ains parole d’une seror Meleagan. Meleagans avoit une seror dont li contes a parlé avant, cele a cui Lancelos dona la teste del chevalier qu’il ocist. Cele avoit molt grant duel de la prison Lancelot, et quant la tors del marés fu fete, si se pensa que Meleagans ne l’avoit fete por autre chose. Et cele avoit norrie la femme al serf qui la tor gardoit, et la pucele li faisoit grans biens sovent. Et lors li commenga plus grans biens a fere que onques mes ne li avoit fet. Une nuit se herberja en la maison al serf qui seoit el chief del marois sor le 27 Il y a ici une lacune dans le texte du MS. K, qui veprend f. 188a a la fin du combat de Lancelot et de Meleagant. La rubrique suivante a été écrite f. 187 d: Ci faut la branche de Galeholt le roy des ylles lointaingnes Et conmence la branche de Meleagant le fiex au roy Baudemagu de Gorre Lesqueles branches Ernoul
damiens
escrit,
30
IIo
chemin. Et ele se prist molt bien garde qu’en ne la puist apercevoir, si vit comment li mengiers fu aprestés a Lancelot, et lors set de voir qu’il est en la tor, si le laisse atant cele fois. Une nuit revint et ot porchacié quanque mestiers fu a traire fors Lancelot la tor. Et la nuit quant tuit furent cochié, si ot appareillié On de son afere en une chambre ou ele gisoit et ses puceles. Et quant -tuit furent endormi,ele vint a la nef, si mist un pic dedens et une
I5
grosse corde, et ele entre ens si vient a la tor et trova un paneret pendant a la fenestre. Et ele crosle la corde del paneret. Et Lancelos ne dormoit mie qui molt pense a lui meismes, si se lieve et vient a la fenestre, et met sa teste fors. Cele l’apele molt dolcement et li demande : « Qui est[es] vos ? » « Je sui une vostre amie qui vos vieng delivrer, fet ele.» Et quant il l’entent si a trop grant joie. Et cele lie la grant corde a la menue et le pic avec. Et il le trait amont, si depiece la fenestre tant que il puet bien fors issir. Puis atache la corde par dedens, si descent aval, et s’en vient al
plus coiement qu’il puet ; si se coche la damoisele, et Lancelos delés. Al matin se leva Lancelos et se vesti de la meillor robe a la damoisele. Si le monta la damoisele sor un palefroi et ’en mena en tel maniere voiant tos cels de la maison, et erra tant qu’ele vint en sa terre qu’ele tenoit de par sa mere. Et quant ele i vint, si porchasa Lancelot ce que mestiers li fu et il avoit grant mestier d’estre a aise, kar molt avoit eii male prison. Lors envoia la damoisele a la cort le roi Artu por savoir noveles de Meleagan. Quant li messages a la damoisele vint a cort si enquist porquoi Meleagans sejornoit tant, et l’en li conta qu'il atendoit jusqu’a quarante jors por avoir la bataille vers Lancelot. Et si li dist l’en le quarentisme jor quant il seroit. Et lors s’en retorna a sa dame et li conta ce qu’il avoit trové a cort, et ele le conta a Lancelot qui estoit ja auques garis et revenus en sa force et en sa bialté. Et Lancelos li dist qu’ele 1’i lest aler, kar molt li tarde qu’il soit vengiés del home del monde qu'il plus het. « Bials amis, fet ele, je vos avrai avant appareillié armes et cheval, et lors vos en irois. Et ne dotés pas, kar encore a [ijl quarante 3 eit jors jusqu’al terme que vos i devés estre, et Diex doinst que vos m’en viengiés ausi com de celui cui vos coupastes la teste, kar c’est li hom mortels el monde que je plus has, ne mes [f. 209¢.]
~~
ITI
freres ne fu il onques, kar il m’a deseritee et pis m’a fet que tos li mons. » Ensi demore encor Lancelos uit jors, si li appareille la damoisele cheval et armes. Et lors muet et chevalche tant qu’il vint a droit terme de la bataille a Ycastanon ou li rois sejornoit.EtMeleagans estoit ja armés et disoit qu’ils’en iroit, kar il n’estoit qui la bataille creantast por Lancelot. Et lors est saillis avant Boorz li essilliés et dist qu'il la feroit orendroit se l’en li laissoit. Mais Meleagans dist qu'il ameroit miels Lancelot. Et mesire Gavains dist qu’il la fera orendroit, et que ja nus ne la fera se il non. «Si m’ait Diex,
Lal
ie)
sire chevaliers, fet Meleagans, je ne sai chevalier a cui je me combatisse si volentiers.
» Et lors se cort mesire Gavains
armer,
et
; Boors hi essilliés d’autre part. Et Lancelos chevalche totesvoies, si a ja tant esploitié qu'il entre en la vile et encontra monseignor Gavain qui s’aloit armer a son ostel, si s’entrefont molt grant joie. Et la novele est venue a la cort de Lancelot, si en est la joie molt grans, si le cort li rois baisier et la roine, et tuit li autre aprés. Quant Meleagans entent la novele, si est trop esbahis qui pas ne savoit l’aventure, kar li sers s’en fui quant il ne trova Lancelot. Et Lancelos vient en la place et dist « Meleagan, tant avés crié que ore m’avés, si avrés la bataille que tant avés desirré, kar je sui fors des marés, Dieu merci, et cele qui m’en geta. » Atant vienent el champ, si sont mises les gardes, et lors laisent corre chevals et s’entredonent grans cops. Si fet Meleagans voler en pieces son glaive, et Lancelos le fiert si durement que lescu li fet al bras serrer, et le bras al cors, et l’eschine hurte a
l’arcon, si le porte a terre.Et Lancelos descent avec lui, si traient les espees et se detrenchent et hialmes et haubers al plus que il pueent. Si dura la bataille cruel et fiere jusqu’al vespre, et lors recroit Meleagans. Et cil le haste qui trop le het, si l’a tel conreé qu’en plus de trente liex li saut li sans, et est venus a genols trois fois ou quatre. Si s’entreprenent as bras, si torne li uns et li autres. Si l’abat Lancelos et li esrache le hialme et gete el pré, et la ventaille li abat. Et li rois li crie qu il ne Vocie pas, et la 5 KR iscatanon, escalon,
maalot,
P iscartion,
G escaron,
O
Ad castemon,
scatanon, C catonis,
EDLMNW Aa caronors,
escavalon JHTAi UV carlion, Ph ka-
30
I{2
roine li fet signe que il li trencheist la teste. Et il dist al roi : « Tant en ferai je por vos que je le lairai lever, ne ja plus m’em proiés. Meleagans se relieve et Lancelos fiert, si li fet la teste voler el pré, et li cors chiet a terre tos estenduz. Et Lancelos 5 rebote s’espee el fuerre. Lors saut avant Kex li seneschals, si li oste l’escu del col, si li dist : « Ha! sire, sor tos les chevaliers del monde soiés vos li tres bien venus comme la flors de la terriene chevalerie, si l’avés
bien moustré ci et aillors.
» Aprés Keu le seneschal revient li
19 rois Artus, si acole Lancelot tot issi armé com il estoit, si li oste
le hialme de la teste il meismes et le baille a monseignor Yvain. Puis le baise en la boche et dist : « Bials doz amis, vos soiés li
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tres bien venus. » Aprés revient mesire Gavains et saut a Lancelot al col les bras tendus. Aprés vient la roine si joiouse com ele puet plus et tuit li autre baron aprés, si li font si grant joie que greignor ne vos porroie deviser. Si l’en mainent a tel joie et a tel feste amont el palés. Lors commande li rois que les tables soient mises, et eles si sont, si assieent par laiens li chevalier, née il n’estoit encore fors entre none et vespres. Lors fist li rois une chose qui molt torna a grant honor a Lancelot, ne por nul home ne l’avoit il onques mes fet, kar il le fist aseoir a son haut deis ou il menjoit droit devant lui. Ne chevaliers n’i avoit onques mes sis nule fois fors as hautes festes au soper, quant il avenoit aucune fois que alcuns Chevaliers estranges vainquoit le bohordis ou [f. 209d.] la quintaine qu'il i seoit ; et se n’estoit ce mie endroit le roi, mes un petit en loing. Si le faisoit iluec li rois asseoir por ce que tuit cil de laiens le veissent et le coneiiissent des lors en avant. Mais a nul autre n’avenist ja que nus chevaliers, tant fust haus hom, s'1 asseist. A celui jor i fu Lancelos assis par la proiere le roi, et por le commandement sa dame acomplir l’otroia. 31 MS. et par le
APPENDICES PREMIERE
Baudemagus de Meleagant,
INTERPOLATION
DANS
LE MS. K.
recule d@encore un jour la bataille de Lancelot et voir ci-dessus,
p. 86.
(f. 167c.] Et lors fist li rois remanoir la bataille jusqu’a l’endemain maugré son fil, pour Lancelot plus honorer. Et le mena en la chambre ou il avoit jeii, et le fist servir de toutes iceles riens qu’il sot qui a cors [f. 167d.] d’oume couvenoit. Et d’autre part Galehouldins,li filleus Galehot, avoit conmendé
par toutes les terres as princes qui de lui tenoient, que en quel que lieu qu’il trouvassent Lancelot qu'il li feissent autant d’onneur conme a son cors. Et aprés il lor conmanda que, s’1l le savoient encombré en quelque terre que ce fust, ne emprisonné, qu'il meissent paine en lui delivrer, et sil n’en avoient pooir, feissent lui savoir, et il iroit seur ceus qui le tendroient a ost banie a tout son pooir, qui granz iert, car il tenoit en la terre toute en sa main que onques Galehot tint a son vivant. Et se Galehoz fu preudonz et bons chevaliers, cil ne l’en dut rienz, car il fu preuz et sages et bons guerriers. Ne onques ne perdi riens
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par sa peresce, ainz fu bons chevaliers et redoutés, ne n’ot voisin
environ lui qu’il nel redoutast. Et ce fu la choze que Baudemagu plus redouta, car s’il avenist que Galehodinz en oist nouveles, ja nus essoignes nel tendroit qu’il n’i venist. Et i peuust bien hi rois avoir si grant damage, conme d’estre desherités et essiliés — dont il avint puis lonctans aprés, que Galehodinz sot que Lancelot avoit passé le Pont de |’Espee, et Meleagant le trai aprés, si conme li contes le devisera. Pource que Baudemaguz nel fist savoir a Galehodin, li voult il tolir sa terre, et volt aler sor lui 8 MS. que cil le
18 MS. car cil avenist
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II4 a ost banie. Et quant Baudemagus
le sot, si fist tant par son
savoir qu’il s’acointa tant du roi Artu par la roine, qui tant avoit servie, qu'il devint compains de la Table Roonde, et des
jurés. Et Galehodinz meismes en fu puis, pour la grant amour 5 qu il avoit en Lancelot.
Et d’autre part Galehot, ses oncles et
ses parrinz, li fist jurer ainz qu’il le revestist de sa terre a son vivant, qu'il ne faudroit Lancelot tant com vivroit, et qu’il iroit ‘ contre tous homes pour lui sauver et garantir, s’il estoit hons vivanz qui le vousist grever en nule maniere. Et ce fu la chose yo por quoi Baudemaguz fu apaisiez a Galehodin de perdre toute sa terre, car Lancelot et tuit li autre compaignon
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en firent pes,
si com li contes le devisera ga en avant moult loing. Sis’en test ore atant li contes d’ices choses retraire, et retourne a parler de Lancelot qui est en la chambre celee Baudemagu en la compaignie des deus chevaliers. Et dist li contes que moult le fist bien li rois servir de canqu’il sot que mestier li fu. Et lui meismes, ses cors, li porta compaignie trestout le jour jusques il fu nuiz serree qu'il se couchierent. (*) Or dist li contes que moult tarda a Lancelot que la nuit fust passee. Et quant vint l’endemain li rois leva matin si l’enmena au moustier. Aprés la messe furent les armes apareilliez, si fu assez qui l’arma, car li essillié furent venu de toutes pars, car par toute la terre Baudemagu en savoit [f. 168a@.] en les noveles. D’autre part se refist a{r]jmer Meleagant. Puis sont en la place venu amdui. La place estoit devant la maison le roi, si estoit moult grans et moult large. Et li rois remet son filz a raison et le (le) chastie au miex qu’il sot, mes chastiement n’i a mestier, car cil jure canqu’il puet jurer que parmi la bataille s’en ira jusqu’a la mort, ou jusqu’a la vie. Quant ce voit li rois si dit a lui et a Lancelot : « Or vous pri je dont a andeus et conmant que vous ne movez li uns vers l’autre devant que vous orrez mon ban crier, » Lors est montés en la tour, si prent la roine si la etc. Le texte continue p. 86, 1. Io.
(1) Le MS.
K suit maintenant le récit de a, voir ci-dessus p. 85, 1. 13.
aa
SECONDE
INTERPOLATION
DANS
LE MS. K.
Keus discute avec Lancelot les dangers du voyage de Gauvain vers le Pont sos Eve, voir ci-dessus, p. 90.
[f.168d.] Et quant il ont assez parlé,si se lieve Lancelot et. dist qu'il movra le matin pour aler querre monseigneur Gavain au Pont desouz Eve. « Coment, fait Keu, vient il dont en cest pais? »
«Entre
moi et lui, fait Lancelot,
venimes
une
piece ensemble.
Et il s’en ala au Pont desouz Eve, et je m’en ving a cestui passage. » «Or le conseut Dieus ! fait Keux, que moult i a a faire, que la voie est trop plus longue que ceste que vous avez alee. Et si a tant de max trespasa trespasser, et tant de traiteurs qui les passages gardent de par Meleagant, le traiteur, que merveilles sera s'il ne l’ocient en traison. » « Coment
? fait Lancelot,
Gr
a il
plus d’un chevalier a un des passages garder par ou il le couvient _a venir? » « Oil, fait Keux, ce m’a l’en dit, em pluseurz liex deus,
et em plusorz trois. » « Et a il garde d’autres agaiz, fait Lancelot, que de chevaliers ? que de deus ne de trois n’a il garde, ce sai je bien, et que bien s’en delivera, ne n’a garde ; ce ne dout pas. » «En
non
Dieu, sire, fait Keux, ili a encore autre peril. [laa
trespasser les marches a un lignage qui ne l’aiment mie. » « Qui sont il ? fait Lancelot. » «C’est
Palamedes
et Madoc,
ses cou-
sinz, et Brohandynas li rouz. Icil le heent de mort noire pour un leur cousin que messires Gavains leur ocist seur son cors deffen- 20 dant quant il repairoit de la terre la Reine des Ylles, au tens qu’il amoit par amors la sereur Gosangos d’Estregore. Si dout moult qu'il ne l’apergoivent. Et d’autre part Hargodras hi rouz, uns des cousinz Meleagant, s’em prent garde tant comme il puet, qui lor apartient, qui esta en un chastel a demie lieue de ce pont 25 ou il doit passer. Et certes, se je peuusse chevauchier, je alasse en vostre compaignie moult volentiers, car il seroit moult grans damages se de lui mesavenoit. Et puis que vous avez talent
116 d’aler encontre lui, si vous hastés tant que vous soiez au pont,
car [f. 179a.] bien sachiés que la planche est si estroite, et l’iaue si roide, que nus chevax tenir ne s’i porroit, et si est plus glisanz d’une glace. D’autre part l’yaue esi si haute par desus que nus la 5 planche ne puet veoir pour la noireté de l’yaue, et s’il chiet enz ce est noient de l’issir s’il n’a secors. » « Ha ! Dieus sire, fait Lancelot,
deffendés le gentil chevalier de mesaventure! Or sachiez que tant com j’avrai de moi puissance, ne finerai tant que jel voie. » Atant s’em part Lancelot de Keu le seneschal, et s’en vient 20 en la sale en haut ou il trouva grant compaignie que d’essilliez que des gens le roi qui moult l’onnorent etc. voir ci-dessus, pb. 90, 1. 33.
LA VERSION
88.
La version $f s’accorde partout, sauf au commencement du Conte de la Charrette, avec le récit de B.1 Je donne ici le texte du manuscrit Ae, qui peut étre considéré comme l’archétype de cette famille, pour montrer les différences entre les deux versions : [f. 238@] Einsint est Lancelos perduz que nus n’en seit enseignes, ainz cuident toz que il soit morz, si en est la meson le roi si es [f. 2380] bahie que nus ne le vos sauroit conter, ne nus ne se met mes en paine de lui querre, car bien cuident estre certain
de sa mort et un et autre. Mes cele qui en maint grant besoing li out aidié, ce fut la Dame do Lac qui le norri, et sor totes dames
en fu angoissosse et en plora maintes foiz ainz qu’ele seiist la verité, ele avoit oi la novele de lui qu’il estoit morz. Mes ele no crut pas, ainz gita son sort, et trova qu’il estoit en Cornoalle toz forsenez, nuz, et deschauz,
et en tel tens cum
en iver, Et
ele mut de son pais et chevaucha tant par ses jornees qu’ele vint en Cornaille, et aloit enquerant noveles par totes les viles
ou el venoit d’un home fors do sen. Einsi ala par tot enquerant noveles de lui, tant que la veille de la Chandelor le trova en une forest, tel atorné que nus, tant l’etist devant veii, ne petist cui-
dier que ce fust il. Mes ele le conut a l’anel qu’ele li avoit doné, qu'il avoit en sa main senestre, et celui que Morgain li avoit changié par traison avoit il en la destre. Ele l’en amena en son pais et mist tote la paine qu’ele pout metre en lui retenir, si le respassa durement tant que il fu hors de sa forsenerie et revenuz en sa biauté. Et lors li resovint de ses granz dolors, et de sa dame, dont il ne cuidoit jamés avoir s’amor, si recomenga a empirier. Et la dame soupeca bien que il avoit, si li dit : « Lancelot, biau
filz, que ravez vos qui si enpiriez durement » ? Et il ne li osoit 1. Voir ci-dessus,
p. Xxx. 12
118
conoistre tant qu’ele li creanta tant a aidier qu’il li gehi une partie de son [f. 238c] penser, non mie tote, car les amors de lui et de la reine ne reconeiist il en nule maniere. Et la dame li dist : « Biaux fiz, ge sai bien que vos avez, et se vos me creez, ge Vos ensegnerai la joie que vos cuidez avoir perdue. » Et il li chiet as piez tantost. « Ha! dame, donc m’avriez vos gari de mort ! et si avez vos ja fet deux foiz, mes ceste garison seroit gregnor que nule autre. » «Or vos dirai donc, fet ele, que vos feroiz. Vos remaindroiz ci desqu’a un terme, et lors si vos envoierai la ou vos recoverroiz totes les pertes que vos avez fet de vostre joie. » Einsint le tint desqu’a un mois enprés la Pasque, et lors li dist : « Biau fiz, vos en iroiz tot droit a Camaalot, si gardez que le jor de |’Ascension i soiez sanz faille, car se vos a ore de tierce n’i
estiez, vos ameriez mielz vostre mort que vostre vie. Et gardez que vos soiez en icelui leu ou ge vos baillai au roi Artus, mes de la forest soiez covert que l’en ne vos voie, et lors si verroiz quele aventure
vos i avendra.»
« Dame,
fet il, por Deu,
dites
moi quel domage g’i avré se ge n’i puis venir. a icele hore. » « Ce vos dirai ge bien, fet ele. Sachoiz que celui jor en iert menee la reine et conquise el conduit Keu le seneschal, et je vos pramet que vos la rescorroiz ou pres ou loing. » « En non Deu, dame, ge vos craant que g’l serai a droite hore de tierce se je ne sui morz entrevoies, car prison ne autre rien ne me tendroit puis que la chose est tant avenue. » I] se parti de sa dame au plus [tost] qu’il pout avoir congié, et sl a esté corrociez, or est il liez et joiex de la grant joie qu’il atent. [f. 238d]. Et molt fist sa dame bien c’onques de la mort Galehot
ne li dist rien. Et il s’en va, et eirre tant par les
plus droites voies qu'il puet trover qu’il vint a Camaalot au jor et a l’ore que sa dame li out dit, et ce fu a l’ore de tierce et le jor de l’Ascension. En celui jor tenoit li rois Artus cort a Camaaloht tele cum au jor apertenoit, et sist au mengier. Et ja estoit Lioniau venuz de querre son cosin Lancelot par maintes terres si en fu li duel molt grant que onc n’i out baron ne chevalier ne damoisele ne dame qui dolente n’en fust. Mes nus ne se prenoit au duel la reine, quar ele fesoit duel et en apert et en repost, ne ele ne se covroit por nului que duel ne feist, ne nul ne l’en devoit blasmer,
tIg car ausi font tuit li autre. Cel jor fu molt povre la cort et molt troblee, car maintenant que Lioniau fu venus, revindrent main-
tenant les noveles de la vaillant Dame de Malohaut qui morte estoit, et ce fu do duel de Galehot qui mort estoit, car en la mort
de Galehot perdi ele a estre dame de trente reaumes, car il l’eiist a femme prise s’il vesquist cel an solement. Einsi est la cort troblee, si menjue
li rois molt iriez. Et endementres
qu’il
menjoit, vint a la cort un chevalier armé de totes armes fors do chef et des mains, et c’estoit Meleaganz, le filz le roi Baudemaguz de Gorre. Li rois avoit pres de mangié, et Meleaganz vint devant lui, si li dit : « Rois Artus, ge sui un chevalier estrange
que l’en ne conoist gaires ceienz, Meleaganz ai non, et fiz le roi de Gorre sui, si voil que vos sachoiz et tuit cil qui ceienz sont que ge me vieng fere leal en vostre cort de la plaie que ge fis l'autre an a Lancelot a bohorder, car j’ai oi dire qu’il se plaint et me met sus que ge li fis en traison, et se il dire l’ose ne fere plus je suis prez que ge m’en deffende qu’en traison ne le fis ge mie, mes come bons chevalier a droite joste ». « Sire chevalier, fet li rois, nos avon bien oi parler de vostre proesce... Le texte continue selon la version B ; vowr ci-dessus, p. 3.
LE
MANUSCRIT
ROYAL
19 C XIII, (V).
Ce manuscrit qui est apparenté au groupe ff, offre des particularités frappantes, et en tant que cela est un manuscrit unique. Il contient une recension trés condensée du récit qu’il serait intéressant de publier im extenso. Puisque ceci ne m’est pas encore possible, je donne ici le début du Conte de la Charrette, pour éclaircir un peu les rapports entre ce manuscrit et les autres de la famille BB. Ce passage correspond exactement a celui que je viens de donner d’aprés le manuscrit Ae :
[f. r09b] Or dit li contes que ensint est Lancelos perduz que nus n’en set enseignes qui lo’ conoisse, einz quident tuit qu’il soit morz. S’en est la meson Jo roi Artu-si esbaie que jo ne lo vus savroie conter, [f. ogc] ne nus ne met mes en poine de lui querre car bien quident estre certein de sa mort trestuit. Mes cele qui en meint grant besoing li oujt] eidé, co fu la Dame del Lac qui lo nurri, ele en fu sur tote ren angoisseuse, et en plora meinte foiz ancgois que ele en seiist la verité, que ele avoit oi novele de li qu’il estoit mort, mes ele nel [crut pas], einz gita son sort et trova qu'il estoit en Cornoaille tut forsenez, nuz, et deschauz,
et en teu tens cum en yver. Su mut la Dame de son pais, et erra tant par ses jornees que ele vint en Cornoaille, et quist tant un home forsené que ele trova Lancelot tut hors del sen, et ¢o fu la veille de la Chandeleur. Et lo trova tel aturné ne nus hom del secle nel coneiist pur Lancelot ; mes ele lo conut a l’aneau que ele li avoit doné qu’il avoit en sa main senestre, et celui que Morgue li avoit changé par traison, avoit il en la destre. La dame en mena Lancelot en son pais, et mist grant poine en lui garir, et ben savoit par ses sorz par quoi la maladie li estoit venue. Il amenda chascun jur et plus et plus tant qu’il fu hors de sa forsenerie et revenuz en sa beauté. Et lors il resovint de ses doleurs et de sa dame, la roine, dont il ne quidoit jamés avoir l’amur, si recomenga a empirer durament tant [que] la dame s’en
I21t
prist garde, et sospecenoit grant partie porquoi co estoit. Si lo reconforte al meuz que ele poet, mes tolir li les granz pensers ne les doleurs qu'il senti al quoer por sa dame, ne li pooit ele tolir a nul foer. Tant lo tint ensint la dame que ¢o avint un jur a un mois aprés Pasque que ele li dist : « Beaus fiz, vus en irrez tut droit a Camaalot, si gardez que le jur de |’Acension i soez sanz
faille, car si vus
a eure
de tierce n’i estiez, vus
ameriez
meuz vostre mort que vostre vie. Et gardez que vus soiez en icelui meimes leu ou jo vus baillai al roi Artu. Mes de la forest solez coverz que l’en ne vus voie, et lors si verroiz quel aventure vus i avendra ». « Dame, fet il, pur Deu, dites moi queu damage jo i avrai si jo n’i sui a cel hoeure. » « Sachoiz, fet ele, que celui jur en ert menee la roine et conquise el conduit Key lo seneschau, et jo vus pramet que vus la rescurrez ou pres ou loing. » « Enon Deu, fet il, dame, jo vus craant que jo i serrai a terce si jo ne sul morz, car prison ne autre ren ne m’en porroit retenir. » Atant print congé de li, si s’en part a sa grant joie que nule doleur ne sent il mes. Mes ore se test li contes de li un petit et parole del roi Artu. [f. rogd] A la premere feste de Ascension que puis que Galeheut, li fiz a la jaande, fu morz, tint li rois Artus curt si riche a
Camaalot que onques un seuls n’i vint qui al partir ne s’en loast. Le jur de la feste, si cum li rois fut al manger et tuit si baron, si entra leanz uns chevaliers armé de totes armes, for de son chef et de ses mains. Li chevaliers vent droit devant lo roi, si li dit :
« Rois Artus, fet il, jo sui uns chevaliers estranges cui l’en ne connoist geres ceanz, Meleaganz ai non et sui fiz lo roi de Gorre. Si voil que vus sachoiz, et tuit cil qui ceanz sunt, que jo me vieng fere loial en vostre curt de la plaie que jo fis l’autre an a Lancelot a bohordeiz, car jo ai oi dire qu’il se pleint de moi, et me met sus que jo la fis en traison. Et si il dire l’ose voiant moi, et ere plus, jo sui prez que jo m’en defende qu’en traison ne lo navrai jo mie, mes com bons chevaliers et a droite juste. » « Sire chevalier, fet li rois, nus avoms ben oi parler de vostre proesce...
LES AVENTURES
DE GAUVAIN.
Dans son poeme du Conte de la Charrette, Chrétien de Troyes,
qui ne s’intéressait pas uniquement ques de ses personnages, n’a pas vu aventures de Gauvain pendant son parle seulement des difficultés de la Vhistoire du voyage a l’imagination
aux aventures chevaleresla nécessité de raconter les voyage au Pont Perdu. Il traversée du Pont, et laisse de ses lecteurs.
Et tantost qu’il vienent au pont Ont monseignor Gauvain véu Del pont trabuchié et chéu An l’eve qui mout est parfonde. Une ore essort et autre afonde,
Or le voient et or le perdent. Tant tressaillent que il l’aerdent
A rains, a perches et a cros. N’avoit que le hauberc el dos Et sor le chief le hiaume assis, Qui des autres valoit bien dis,
Et les chauces de fer chauciees De sa suor anrdilliees ; Car mout avoit soferz travauz,
Et mainz periz et mainz assauz Avoit trespassez et vaincuz. Sa lance estoit et ses escuz Et ses chevaus a l’autre rive ; Mais ne cuident pas que il vive Cil qui l’ont tret de l’eve fors ; Car il an
avoit mout
el cors,
Ne jusque tant qu’il lot randue N’ont de lui parole antandue. (r) Mais il était évident a tout lecteur, et surtout au lecteur du
treiziéme siécle qui s’intéressait principalement aux récits aventureux, aux quétes chevaleresques, et aux prouesses des cheva1, CHRETIEN
DE Troyes, Lancelot, 6d, W, Foerster, Halle 1899, vv. 5120-48,
“5
123 liers, que ces aventures pouvaient faire pendant A celles de Lancelot lors de son voyage au Pont de l’Espee. Nous ne sommes donc, pas étonnés de trouver interpolée dans le Conte de la Charvette en prose
l'histoire
de ces aventures,
car, pour
une
fois,
Yinterpolateur était muni d’une excuse légitime pour faire des additions
au narratif.
Ce qui étonne plutét, c’est la rareté des
manuscrits qui contiennent cette interpolation. Seuls quatre de la trentaine de manuscrits que j’ai vus contiennent cette histoire.
De
ces
quatre,
trois:
J, M, et N, donnent
le méme
récit, tandis que le quatriéme: K, n’offre pas un seul point commun avec les autres. Son récit, d’aprés ce que j’ai pu voir, est unique. Ces deux genres d’interpolations remontent presque certainement au quatorzieme siécle. Celle des manuscrits J, M, et N, ne fournit aucun indice ni de sa date de composition, ni
de l’identité de son auteur. M et N sont tous les deux des manuscrits du quinziéme siécle. J appartient a la premiére moitié du quatorziéme siécle. I] est impossible de savoir si la composition de ce récit a précédé ce manuscrit ou non. Quant al’histoire des aventures de Gauvain contenue dans le manuscrit K, il ne nous
est pas permis d’affirmer qu’elle est l’invention du scribe Ernoul d’Amiens. Quant a la date de cette rédaction, tout ce qu’on en peut dire est que, si le manuscrit K contient la composition originale (et il ’y a pas de fautes de copiste pour rendre cette supposition intenable), elle date des premiéres années du quatorzieme siécle. Pour V/histoire des aventures de Gauvain contenue par les manuscrits J, M et N, je renvoie le lecteur a |’édition de H. O. Sommer,
The Vulgate Version of the Arthurian Romances, t. IV,
p. 182-195, ou il trouvera le texte du manuscrit J. Quant aux rapports de ces trois manuscrits entr’eux, j’en ai déja_parlé 4 la page xi de I’Introduction de ce livre. Le récit est sans intérét particulier. C’est un narratif direct qui cadre bien avec le reste du Conte de la Charrette. L’auteur l’a inséré bien soigneusement dans le courant de histoire, et, pour lui donner un air de continuité, il a introduit des références 4 d’autres aven-
tures soi-disant arrivées 4 Gauvain ailleurs dans le Lancelot en prose. Malheureusement, ces références, lorsqu’on part a leur
recherche, se montrent illusoires et sans fondement, A quelque
124 moment que ce fut que Gauvain ait sauvé la vie a Suspinables ou ait tué le frére de Fergus, ce ne fut ni dans le Lancelot, ni dans les autres livres du cycle. L’illusion de continuité est, cependant, maintenue par la fagon dont V’histoire est racontée. Gauvain secourt une demoiselle importunée par un chevalier, et voyage ensuite accompagné d’elle, exactement comme I’avait fait Lancelot pendant son voyage au Pont de |’Espee. Bien que ce fit une invention commune 4 tous les romans en prose, considérée ici avec les prétendues références 4 d’autres aventures de Gauvain, et avec la mention de l’accroissement de sa force a midi, mention qui se trouve ailleurs dans le cycle !, il est évident
que l’inventeur de cette interpolation a pris de la peine pour donner au lecteur l’impression que cette histoire faisait partie intégrale et originelle du tout. L’intérét principal de cette interpolation réside dans l’attitude de son auteur vis-a-vis du caractére de Gauvain. Cette attitude n’est pas précisément la méme que celle adoptée par Vauteur du Conte de la Charrette en prose. Il est vrai que Gauvain ne figure que rarement dans cette histoire, mais il est bien évident qu'il est considéré: comme un chevalier excellent et de bon caractére, bien que quelquefois sa curiosité le méne a l’indiscrétion. Partout, dans le Lancelot en prose, il est tenu pour un chevalier preu et courtois. Mais ici, dans cette interpolation, se montrent dans son caractére des traits de cruauté, qui rappellent plutdét son caractére dans le roman en prose de Tristan que celui qu’il posséde dans le Lancelot. I] est fort probable que l’auteur de cette interpolation a subi l’influence du Tristan en prose, et ses efforts trop apparents pour exculper Gauvain et atténuer ses cruautés, peuvent peut-étre s’expliquer comme un essai de réconcilier deux conceptions différentes du caractére de Gauvain. Cette interpolation fait intervenir Suspinables qui se trouve dans le Tristan, mais est inconnu au Lancelot, raison
de plus de croire a la probabilité de l’influence du Tristan. Au demeurant, ce n’est qu’une conjecture, car le récit des aven1. Cf. H. O. Sommer, op. cit. II, 196; III, 293 ff., 403 ; IV, 194, note 2, 358. Pour une discussion de ce fait, voir, J. D. Brucz, Mort Artu, Halle rgto, p. 287 ff. Voir aussi le roman 206 et 227,
en prose de Tyisian, éd. E, Loseth,
Paris 1891, pp.
125 tures de Gauvain
dans les manuscrits J, M et N, n’offre aucun
témoignage sur sa genése. Les aventures de Gauvain d’aprés le manuscrit K ont un caractére beaucoup plus intéressant. L’interpolation qu’il contient et qui est aussi longue que toute l’histoire de la Charrette, raconte non seulement le voyage de Gauvain au Pont Perdu, mais aussi les guerres du roi Karados et de Galeholdin contre ceux de l’Orgueilleus Lignage (Brohandynas, Guigambresil, Greoreas, li Guirromelant, etc.). L’histoire de ces guerres n’a aucun rapport avec le Conte de la Charrette, et rappelle plutdét le caractére de l’Estoire de Merlin et du Livre d’Artus, que celui du Lancelot. 11 est trés probable qu’elle fut composée sous l’influence de ces deux livres, ou qu’elle a des rapports trés intimes avec eux, car beaucoup des caractéres qui figurent dans cette interpolation, paraissent seulement dans l’un ou I’autre de ces livres, ou dans les deux a la fois, et nulle part ailleurs dans le
cycle. Je ne sais pas encore déterminer les limites de cette influence ni estimer la facon dont elle s’est exercée. Mais la similarité est la. Il en est de méme pour Il’influence du Tristan en prose sur cette interpolation, qui met en scéne entre autres Palamedes et Kehedinz qui ne jouent aucun réle dans le cycle Lancelot- Graal. L’interpolation dans le manuscrit K différe de beaucoup, en caractére,
du Conte de la Charrette.
Contrairement
au
Lan-
celot en prose, cette interpolation est marquée par un manque de soin dans la fagon dont elle introduit ses personnages et prépare les événements. Cette négligence est surtout apparente en ce qui intéresse l’Orgueilleus Lignage. Sans précisément se contredire,
l’auteur réussit 4 embrouiller
tellement
les rdles de
ces chevaliers, que le lecteur ne sait jamais 4 un moment donné combien d’entr’eux sont en scéne. Une fois il fait une erreur flagrante. Il attribue a Lanval, écuier de Gauvain, deux péres,
Vappelant d’abord fils Alon de Cornuaille, et ensuite fils du Duc de Senefort !. Il ne prépare jamais les événements de longue 1. L’auteur de cette interpolation a pris le personnage de Lanval au lai de Marie de France de ce nom. C’est ainsi qu’il fait allusion 4 ce poéme : . au tans qu’il (Lanvui) ama par amors une dame, l’ama de si grant amor, pour ce que loial le trova que si grant honor l’en avint en la cort et en l’ostel
le roi Artu, que s’amie fu prouvee a estre la plus loiax de toutes les dames de Vostel la roine, et emporta son ami voiant touz ceus et toutes celes de 1’ostel le roi sor sa mule souef amblant en son pais, qui n’estoit mie petis ne povres, einsi conme li contes des aventures le raconte.
126
main, et n’introduit pas des références, vraies ou prétendues, pour relier son interpolation aux autres parties du cycle. Quelquefois méme, ses personnages se contredisent, ce qui arrive trés rarement dans les autres livres du cycle. Lorsque |’écuier d’ Yllesgalerons rencontre chemin faisant Galeholdyn et ses chevaliers qui lui demandent des nouvelles de Gauvain, l’écuyer répond: «Qui estes vous, sire, qui l’en m’enquerés ? » « Je sui, dist il, Galeholdyn qui venoie le roi (c’est @ savoir, Karados dont Gauvain vient de secourir la femme, Guygnier) aidier. Et bien puez dire a tout le parenté Guigambresil et Brandeliz que, s'il se demainent en tel maniere conme il ont conmencié, et il aillent les che-
mins brisant et les chevaliers errans destourbant, trestous l'un aprés l’autre. »
je les destruirai
Mais de retour chez son seigneur Yllesgalerons, l’écuyer parle d’abord de Gauvain,
Et aprés li dist ce que Galeholdins li avoit mandé. «Conment, dist Yllesgalerons, ou vait dont Galeholdins ? » «J1s’en vait a la court le roi Artu, fait li vallés, savoir se il orroit nules nouveles de Lancelot, car jamez ne finera, s’il vis est, du cerchier. »
Mais personne jusqu’alors n’avait parlé de Lancelot. Le seul souci de bien faire de l’auteur se manifeste par des références a des événements racontés par le Conte de la Charrette, références dont il se sert comme point de départ pour de nouvelles aventures.
Ainsi, n’étant
pas content
de l’histoire de la
vengeance de Lancelot sur le chevalier traitre faite 4 la demande de la sceur de Meleagant, il raconte comment Gauvain la délivra du frére de ce chevalier. Atant s’en vont (c’est-d-dire, Gauvain et Lanval) toute la sente et lessent les chevaliers mors estenduz. Et quant il furent outre au plain, si voient vers eulz venir une damoisele affuiant tant com cheval li pot aler, et estoit de moult grant atour, et vestue moult richement de draz de soie a or batuz, et de grant biauté estoit ele, se ne fust
la grant poor qu’ele avoit de perdre la vie. Cars uns chevaliers l’enchausoit tous armez, qui la manecoit de couper la teste, et li crioit moult durement a haute voiz :
127 « Pute, n’i garrirez, ne ne poez eschaper que vous n’i perdez la vie. » Quant ele voit monseigneur Gavain venir encontre Ini, si li com-
mence a crier : « Frans
chevaliers, aide! aide!
ou ja morrai.
Pour Dieu, pragne
vous merci d’une povre esgaree que je ni muire, car cist chevaliers qui ci me manace me velt occirre. » Et mesires Gavains li escrie; « Estez, damoisele, vous n’avez garde, car je vous praig en conduit encontre lui se plus n’en i a. » Lors lace monseigneur Gavain le hiaume, et embrace l’escu, et met le glaive sous l’essele, et muet encontre le chevalier qu’il voit venir, et li escrie : «Sire chevaliers, estez, ou je vous deffi! » Et cil qui fu iriez et chauz, ne li respont a riens qu’il die, ainz muet a lui tant conme il puet du cheval rendre, et fiert sor l’escu mesire Gavain del glaive par tel vertu que tout le fait voler em pieces. Et mesires Gavains fiert lui de tel air qu'il le fait voler des archons a terre les jambe[s] contrement. Si fiert li coins du hiaume en terre si durement que li cox li brise, et cil s’estent de tout le cors cui la mors justice. Et mesire Gavainz s’en passe outre qui nel regarde ne tant ne quant. Et puis se torne vers la damoisele et li dist : «C’est assez, dame. Je croi qu’il n’a mais pooir de vous grever. » «Sire, fait ele, c’est verités, bien m’en avez delivree, vostre merci,
car toute estoie de la mort setire s’il m’atainsist. » « Et pourcoi ? dist mesires Gavains, que vous demandoit il ? » « Certes, sire, je le vous dirai. » Lors li conte conment uns chevaliers reprouga Lancelot la charrete ou il estoit montez, et l’envai de combatre par son orgueil, et coment Lancelot se combati tant a lui qu'il l’ot outré. « Et la ou il le tenoit souz lui, et il li crioit merci, je ving et li requis la teste au chevalier, et ]’en conjura la riens ou monde qu'il plus amoit, qu’il la me donast. Et tant ala li affaires qu’il li rendi son hiaume et son cheval et toutes ses armes par tel covent qu'il se reconbatroit a lui autre fiee en tel maniere que s’il en venoit audesus, la teste li couperoit, et cil l’otroia. Si revinrent ensemble et le conquist li chevaliers charetés assez plus legierement que devant, et li trencha la teste et la me donna par les tresces, et je le getai en un put el parfont, que deservi le m’avoit. » Lors li conta le pourcoi ainsi conme li contes l’a devisé autre foiee. « Aprés avint, dist la damoisele, que je m’en aloie a un mien chastel,
si encontraiun chevalier qui freres fu au chevalier que li charretez ocist, qui avoit oies nouveles que ses freres ocis estoit par ma requeste,
128
si me courut suz si tost conme il me vit por moi ocirre. Je n’osai avant atendre, ainz tournai en fuie, et m’a chaciee plus de deus luies grans - et plenieres. Ne ne trouvai home qui me secoureust en jusques ci. Si en aour Dieu et merci que encontré vous ai, que morte m’etist se vous ne fuissiez et Diex, nostre Sires, qui ¢a m’a amenee.» « Damoisele,
fait mesires Gavains, einsint sont les aventures.
Nus
ne puet morir jusqu’a son jor, et cui Diex velt aidier, maux ne li puet nuire... »
Si l’Estoive de Merlin et le Livre d Artus ont eu quelque influence sur la composition de cette interpolation, le Conte de la Charrette lui aussi en a eu une trés grande. II y a trois parallélismes frappants entre les deux histoires. D’abord, toutes les deux racontent l’enlévement et la délivrance d’une reine. Lancelot
secourt
Gueniévre ; Gauvain
la reine
Guygniers,
femme
du roi Karados, enlevée par Brohandinas de l’Orgueilleus Lignage. Ensuite, et Lancelot et Gauvain arment chevalier leurs écuyers sur un champ de bataille. L’écuyer de Lancelot lui avait donné un cheval lorsque le sien était tué, et Lanval, l’€cuyer de Gauvain, venait d’arréter le cheval:de son maitre, le Gringalet, qui s’enfuyait.
« Sire, (c'est Lanval qui parle) je vou me ceigniez, et me donnez la colee que ne soie. » « Par foi, dist mesires Gavains, et ce dome te face ! Mais j’amasse miex qu’il
pri et requier que vous l’espee plus ne me faut que chevalier soit en non de Dieu qui preufust autrement, se toi pleiist. »
«Sire, dist Lanval, or ne vous poist mie, car ainz que vous fusiez
chevaliers portastes vous armes. Autresint ai je or fait. » Atant prent mesires Gavains le fuerre a tout l’espee et li ceint, et li donne la colee tout a cheval... (1)
Et enfin, de méme que Lancelot et ses deux compagnons sont délivrés d’embuscade par leur héte et ses quarante chevaliers,
Gauvain
et Lanval
sont
sauvés
par
Galeholdin
et ses
hommes d’un pareil danger. I] ne faut pas, cependant, exagérer limportance de ces parallélismes. Les ressemblances n’existent que dans les grandes lignes. Ils sont tous les trois des thémes }. Cf, ci-devant, pp. 63-4.
129 que l’auteur aurait pu prendre a d’autres
romans,
mais leur
présence ici, jointe aux références directes au Conte de la Char-
vette porte a croire qu’ils ont pour origine cette partie du Lancelot en prose.
Le style de cette section du manuscrit K différe beaucoup de celui du Conte de la Charrette. I] est plus personel, plus individuel. Cette absence de toute personnalité est un des caractéres les plus frappants du Lancelot en prose, méme de tout le cycle. Cela vient peut-étre de ce que l’ouvrage est dai a plusieurs auteurs travaillant ensemble. Les aventures de Gauvain ne sont certainement pas dues a un travail de collaboration. La personnalité de l’auteur s’y révéle. Ce fut un homme de bon sens et d’une certaine instruction. I] montre son bon sens lorsqu’il décrit comment la foule repécha Gauvain de la riviére a la fin de la traversée du Pont sous Eve, description qui rappelle les
vers de Chrétien de Troyes: En tel angoisse estoit mesires Gavains que bien i cuidoit morir, ne ja n’en cuide venir audesus, car quant il se cuide tenir sus la planche la grant radour de l’eve si le fait trebuchier aval. Mes toutevoies s’esforce tant conme cil qui est de grant cuer et de grant force que il aproche auques pres de l’autre rive ou il avoit ja grant partie des emprisonez du pais qui li estoit venuz a l’encontre, et s’estoient arengiez sus la rive pour atendre tant qu'il venist si pres qu'il li poissent aidier, Einsi ]’atendent et le regardent tant que aventure l’amena si que cil qui dehors estoient se ferirent en l’iaue jusqu’as aisseles et li Jancierent longues perces et grans cros dont il l’acrochoient. Ensi li trestent hors de l’yaue dont il avoit tant beti qu’il ne cuidoit mie qu’il em puise eschaper sans mort. Et il estoit en tel point qu’il n’en pueent avoir parole. et il estoit gros et emflés de l’iaue dont il avoit trop beii. Si le pristrent et le couchierent sus la rive de l’iaue, les piés en haut et le chief em bas, pource qu’il rendist l’iaue qu’il avoit el cors. Si fu en tel point tant qu’il fu espurgiez et que la parole li fu revenue en maniere que l’en le pot bien oir et entendre. Son
instruction
se
révéle
dans
son
vocabulaire;
les mots
savants et les phrases inattendues dont il se sert sont d’autant plus frappants qu’ils contrastent avec la banalité du style du Conte de la Charrette. L’inversion est un de ses procédés favoris. I] se sert méme,
une
fois, d’une comparaison,
et raconte
com-
130 ment Gauvain chassait ses ennemis de devant lui « ausi com li louz les oailles. » Une fois aussi il se sert d’un proverbe : « moult treuve d’achoisonz qui sa fame veult batre.» Dans le Conte de la Charrette il n’y a ni comparaisons, ni proverbes. Quant a l’attitude
de cet écrivain
prime dans les conseils que Gauvain le fait chevalier.
envers
l’amour,
il l’ex-
donne a Lanval lorsqu’il
« Lanval, chevaliers soies de par Dieu preuz et loiax. Et aime Dieu et sainte eglise. Et soies droituriers vers tes voisinz, et aide les vueves et les orfelins se mestier ont de toi. Garde de traiteurs ne de desloiax ne t’acointier. Aimes t’espouze et t’amie, se foi li as promise come preudom. »
I] considérait l'amour comme la source et l’origine de tous les faits chevaleresques, et une nécessité absolue pour tout chevalier. C’est ainsi qu’il fait parler Yllesgalerons lorsque ses compagnons s’étonnent de ce qu’il ne veut pas combattre Gauvain, bien que ce dernier eit déshonoré sa cousine: . «Qui met a son cuer le duel du deduit du cul sa fame, moult est povres de senz, et tailliz de cuer, et viex recreans.
Tiex est li giex
et li deduiz du siecle que chevaliers doit estre cortois et amourouz, que d’amors nessent les grans prouesces as jueunes chevaliers et as bachelers. Et li tornoiemens, et les emprises, et tout li sens, et li savoirs, et li bien, et li mal, en naissent. Et sachiez vous bien, qui par
amours n’a amé, il ne porroit mie monter em pris, que ja ne savra certainnement que est courtoisie, ne amours, ne debonairetés. »
Ce n’est pas ici le point de vue ascétique des héros de la Quéte del saint Graal, ni l’idéal que vise le Lancelot, bien que les chevaliers n’y atteignent jamais. L’interpolation des aventures de Gauvain dans le manuscrit K est importante en ce qu’elle montre le point de vue du quatorzieme siécle. De caractére hétérogéne, et confuse en matiére et en maniére, elle révéle dans un style vigoureux les intéréts de l’époque, et le gotit des hommes de ce siécle pour les récits aventureux, gotit qui ne peut étre comparé aujourd’hui qu’avec la passion du public pour les romans policiers. L’exactitude et la précision n’étaient pas demandés 4 cette littérature qui ne cherchait pas a enseigner une morale. Son but était de plaire
13t
a ses lecteurs. Elle n’était pas encore un genre populaire, et n’était probablement pas trés connue, au dehors des cours des barons. La «menue gent » n’intéressait pas l’auteur ni ses lecteurs, et elle, en revanche, ne s’intéressait pas a ces histoires de chevaliers. Mais, a cette époque, seigneurs, et chevaliers, et
dames, et demoiselles, ne demandaient pour leur distraction que ces histoires interminables d’amour et de chevalerie.
NOTES 23; to, r8. M. Faral, dans son livre Recherches suv les sources latines des contes et romans courtois du moyen age, Paris 1913, p. 386, compare cet
incident avec un autre de la Navigatio Sancti Brendani, ot une lance en flammes venue du ciel, allume les chandelles sur ]’autel d’une chapelle dans l’Isle des Silencieux. 28 ; 8. L’allusion faite ici par la version « au courroux de la reine Gueniévre contre Lancelot est intéressante. Ni Chrétien de Troyes, ni la version
8, n’en
contiennent
la référence.
L’auteur
du texte «, cependant,
en introduisant cette allusion, a complétement rationalisé la conduite de la reine. I] n’a pas compris que pour Chrétien sa colére dépendait d’une question d’amour courtois, que Gauvain, naturellement, ignorait, et qu’elle prenait son importance de ce qu’elle était inattendue. I! essaie de préparer le lecteur a cette colere subite dans Chrétien, et change ainsi le caractere de la reine. . 30; 7. La question des bagues de Lancelot est traitée d’une fagon particuliére par « et par 8. On se souviendra que, pendant que Lancelot était dans sa prison, Morgain la fée lui vola la bague de la reine. Cette bague, apportée plus tard a la reine avec des paroles menteuses, par une des demoiselles de Morgain, fournit a l’auteur une raison pour la colére de la reine contre Lancelot. I] est évident que, selon la version 8, Lancelot portait aussi une autre bague qui avait le pouvoir de détruire les enchantements. Cette bague qui lui fut donnée par la Dame del Lac (2), ie délivra des lions enchantés qui l’attaquerent aprés Ja traversée du Pont de VEspee. Chrétien dit que cette bague lui montra que les lions que ses compagnons croyaient voir, n’existaient pas, mais il ne fait aucune référence a la bague de la reine. La version a ne fait aucune mention des hons enchantés, ni de la bague que Lancelot avait recue de la Dame del Lac. Au contraire, cette version semble attribuer 4 la bague de la reine des pouvoirs magiques semblables 4 ceux de la bague de la Dame del Lac ; et parce que Morgain a volé cette bague, Lancelot ne peut pas savoir si les merveilles qu’il voit sont des enchantements ou non. La croyance qu’une bague pouvait protéger celui qui la portait contre tout enchantement n’était pas insolite au moyen Age. Miss Joan Evans dans son livre Magical Jewels, cite & ce sujet le passage suivant, tiré d’un manuscrit anglais du troisiéme quart du treiziéme siécle : t. Les chiffres gras indiquent les pages, les autres les lignes du texte. 2. Voir ci-dessus, p. 79.
133 «Si vus trovez une piere en laquele est entaillé un lumbar ky tent en
sa mein destre un ceptre et en sa mein senestre un vultre volaun et desus ses pez un cocodril la premere hore par un jor de Samadi ou le unzime hore, metez
icest
Ja en un
anel
de fer, et desuz
cele piere dedenz
le chastim
signe @ Z C H;; celui qui fra l’anel deit estre net et jeun. Nul
enchantement ne puet nuire qui la porte ne venim ne puet nuire u el est. » (1) En outre, la croyance que les diamants pouvaient protéger contre les enchantements, est, exprimée par Sir John Mandeville : « Et s’il vous plaist savoir combien que vous l’ayes en vos lapidaires, Ja vertus des dyamans, Pource que chascun ne le scet mye, je le vous declaireray... Le diamant donne a celluy qui le porte hardiesse et prouesse, Et lui garde les membres du corps entiers, et donne victoire de ses enemis en plait et en guerre se la cause est juste. Et tient cellui qui le porte en son bon sens. Et se aulcun le vouloit porter pour sa vertu, pour enforcer et enchanter,
la chose
cesseroit
du tout,
et torneroit
dessus la personne
qui fayre le vouldroit. Et sy garit les luninatiques et ceulx que le diable parsuit et travaille. Et se venim ou poisons sont portees en Ja presence du dyament, il devient tantost mort et commence a suer... Et pour ce les seygneurs Jes portent volentiers. » (2) 34;
10,
Le
Val aux
Faux
Amans,
ou
le Val
sans
Retour,
traversé
par Lancelot lorsqu’il voyageait a la Dolerose Garde pour combattre contre Karados. Ce val, fait par Morgain la Fée, était enchanté, de sorte que tout chevalier y entrant ne pouvait plus sortir s’il était infidéle & son amour. Seul Lancelot en pouvait rompre Je charme et délivrer les chevaliers prisonniers. cf. H. O. Sommer, The Vulgate Version of the Arthurian Romances, t. 1V, pp. 116-22. 35 ; 15. Wandehenches,
ville non-identifi¢ée.
Par son nom
elle semble-
rait flamande ou wallonne. 17. La terre Baldemagu, ou la Terre Foraine. On a déja 1emarqué la différence entre Ja description de cette terre faite par les versions « et 8; voir p. xxx11 de l’Introduction. 35; 22. Chrétien de Troyes fait plusieurs références aux exilés de Gorre (cf. les vers 53-5, 645-7, 3917-9), mais il n’explique pas leur présence en la terre de Baldemagu. Le Lancelot en prose en fait l’explication quelque peu avant le commencement du Conte de la Charrette (cf. H. O. Sommer, Vulgate Version, t. IV, pp. 39-40, et ci-dessus, p. LIV). 39; 7. En racontant comment Lancelot garda le peigne de la reine au lieu de le donner a la damoisele, la version « différe du récit de Chrétien et de 6. 1. Joan Evans, Magical Jewels, Oxford, 1922, p. 100. 2. Ce live est appellé Mandeville et fu fait et composé pay Monsieur Iehan de Mandeville, chevalier, natif d’ Angleterre de la ville de Saint Alein... Imprimé a Lyons en 1480 par Guillaume le Roy, p. gilid-giilia. T3
134 43; 13. Galaad, fils puiné de Joseph d’Arimatie et d’Helyap, sa femme. L’Estoive del saint Graal raconte comment Hocelice fut appelé Gales en son honneur (Sommer, of. cit., t. I, p. 282), comment il visita la tombe de
Symeu et y fonda un monastére (Ibid., p.283), et comment, aprés sa mort, 1 fut enterré, dans ce monastére. La lame de sa tombe ne peut étre soulevée que par Lancelot (Ibid., p. 284). 43 ; 23. Symeu et Moysi, son fils. Leur histoire est également racontée _ par l’ Estoire del saint Graal. A cause de leurs péchés, le manteau de Josephes posé sur la mer, s’enfonce sous leurs pieds au moment de la traversée miraculeuse de la mer, et peu s’en faut qu’ils se noyent. Leurs compagnons leur sauvent la vie (Sommer, op. cit., I, 211). Avec quatorze des indigénes de Jérusalem, ils ne croyent pas a l’explication faite par Josephes du Siege Perilleus, et Moysi se dit prét a essayer de s’y asseoir, si les autres demandent la permission a Josephes. Ils font cette demande et Josephes y consent, et en méme temps leur rappelle que Moysi était parmi les pécheurs qui n’avaient pas pu traverser l’océan. Moysi s’assied dans le Siege Perilleus 4 la Table du Graal, et, dévoré de feu, il est ravi a la vue
des
humains (Ibid., 247-8). Plus tard dans l’histoire, Josephes montre au peuple la tombe ardente et explique le sort de Moysi. Le feu cruel durera jusqu’a V’arrivée de Galaad, qui le délivrera (Ibid., 259-62). Aprés la mort de Moysi, les crimes de Symeu continuent, en dépit des avertissements de Josephes (Ibid., 261). 11 complote avec Canaan pour se venger de son cousin, Pierre, et est condamné
a étre enterré vif. Deux
hommes
de feu
paraissent et l’emportent on ne sait pas ot (Ibid., 263-5). Josephes fait une prophétie de sa délivrance par Galaad (I bid., 268), et cette délivrance est décrite dans la Queste del saint Graal
(Sommer,
op. cit., VI, 186). Sa
prétention a étre cousin germain du roi Galaad et neveu de Joseph d’Arimatie est sans fondement. 44; 4. Cette prophétie de Merlin n’existe pas dans le cycle . 45 ; 3. Devant
la Dolerose
Garde,
o4
Gauvain
fut emprisonné
par
Karados, Lancelot trouve un cimetiére qui renferme les tombes de maints chevaliers. Au milieu se dresse une tombe d’une beauté exceptionnelle, et recouverte de pierres précieuses. Sur sa lame est écrite une inscription qui dit que celui qui conquerra la Dolerose Garde réussira a la soulever, et en-dessous
il trouvera écrit son nom.
Lancelot
souléve
cette lame, et
voit en-dessous ces mots: «Chi gerra Lancelos del Lac, li fiex au roi Ban de Benoyc» (Sommer, op. cit., III, 152). 55; 17. Il semble qu’il y ait contradiction ici dans le texte d’«. A la page précédente, 1. 16-7, Lancelot avait dit qu’il venait en la terre de Gorre pour secourir la reine. Immédiatement le vavasseur répond qu’ils ont déja entendu parler de Jui, et qu’ils sont tous préparés a lui porter aide de toutes leurs forces. Jusqu’ici le récit d’x s’accorde avec celui de Chrétien, qui maintenant raconte comment Lancelot révéla son identité au vavasseur, et lui demanda des conseils pour le reste de son voyage. Mais, puisque Chrétien ne racontait pas comment Lancelot ouvrit la
135 tombe de Galaad, cette aventure ayant été substituée par l’auteur du roman en prose a la découverte par Lancelot des tombeaux des chevaliers de la Table Ronde, il ne fait aucune mention du « valet » qui apporta les nouvelles de cette aventure. Vu que l’auteur du roman en prose a permis au vavasseur de reconnaitre Lancelot et de l’identifier avec le chevalier qui allait secourir la reine au pouvoir de Meleagant, il semblerait naturel pour lui de ]’identifier aussi avec le chevalier qui souleva la lame du tombeau du roi Galaad, car le « valet» dit que ce fut fait par « uns chevaliers qui vet rescorre la roine », et il n’y a aucune indication qui laisserait supposer que le vavasseur croyait que chevaliers autres que Lancelot étaient engagés dans cette quéte. L’auteur de la version B a évité cette petite contradiction en disant que Lancelot refusa de révéler son identité au vavasseur lorsqu’il le rencontra dans la forét. 57; 17. Le Pas des Esperons. Plusieurs manuscrits l’appellent le Pas des Perrons, dérivant ainsi son nom des pierres 4 chaque cété du Pas, gardées par les vilains. Les autres, qui l’appellent Pas des Esperons, font venir son nom des poutres placées 4 travers la voie. La description que fait Chrétien de ce passage différe entiérement de celle des versions a et B du roman en prose. II l’appelle le « Passage des Pierres », et fait dériver son nom des pierres de la route. I] ne fait mention ni de poutres ni de perrons. La voie, pour lui, était gardée par une « breteske » derriére laquelle les gardiens du passage se réfugiaient. D’apreés les résultats obtenus par le classement des manuscrits, la lecon originelle semble avoir été « Pas des Esperons ». « Pas des Perrons » aurait été substitué plus tard peut-étre par quelqu’un qui ne comprenait pas pourquoi le passage avait ce nom, ou qui était familier avec le texte de Chrétien. Les historiens militaires que j’ai pu consulter a ce sujet, n’ont pu identifier cette méthode de fortification d’un passage entre les montagnes. 62 ; 16. « Clarance l’enseigne le roi Artu qui ensi estoit apelee. Clarance estoit une cité molt boine qui marcisoit au roialme de Sorgales qui fu au roi Thailas qui fu aieus Uterpendragon, chil fu [chief] del lignage le roi Artu ; et de cele cité cria il et tuit suen Clarance en toz les bosoings ou il onques puis viendrent, ne onques par hautesse qu’il etissent lor premier ensigne ne vostrent changer. » (Sommer, of. cit., III, 421). On identifie quelquefois cette ville de Clarance avec St. Clears sur la riviére Taff en Carmarthenshire, Pays de Galles. Le chateau de cette ville faisait partie des possessions de la famille Clare comme comtes de Pembroke. Jusqu’a 1850 elle fut appelée généralemet St. Clare. 77; 1. L’attitude rationaliste du prosateur envers le Pont de l’Espee et le Pont sos Eve, s’exprime dans la description faite avant le commencement du Conte de la Charrette, de leur construction dans le but de rete-
nir les exilés dans le pays de Gorre (Sommer, op. cit., IV, 41). 79 ; 5. Ces lignes semblent suggérer que tous ceux qui voulaient visiter le pays de Gorre sans essayer de libérer les exilés, pouvaient se faire passer outre la riviére en bateau. Cependant, on se souviendra qu’ailleurs
136 le prosateur fait comprendre que n’importe qui peut entrer librement en Gorre, mais partir lui serait défendu. Peut-étre qu’icil’auteur veut dire que seulement les habitants de Gorre, sujets de Baldemagus, pouvaient se servir de ce bac. Ce détail ne se trouve pas dans le poéme de Chrétien. On remarquera qu’a partir d’ici les deux compagnons de Lancelot disparaissent de l’histoire. 80; 12. Cette conversation ne se trouve pas dans le poéme de Chrétien, et il semble que pour le moment le prosateur a oublié que Gueniévre allait recevoir Lancelot d’une toute autre fagon, refusant méme de 1uiadresser la parole. En écrivant ces lignes il a introduit dans le caractére de Gueniévre une contradiction qui ne se trouvait pas dans le poeéme de Chrétien. 88 ; 11. Pedugrain est connu partout dans le cycle et désigne plusieurs lieux différents: la cité la plus importante de Grande Bretagne et de Carmelide d’Irlande
(Sommer,
op. cit., II, 122), une
et de Carmelide
(Ibid.,
1V,
ville située dans les marches
16), une
ville
en
Irlande
(Jbid.,
61), et une ville dans les marches de Cornouaille (Jbzd., VII, 120). L’allusion faite ici par Keu a un combat entre Lancelot et trois chevaliers dans le pré de Pedugrain n’est basée sur aucun récit dans le cycle. 90; 13. Cette excuse ne se trouve pas dans Chrétien. Elle indique peut-étre que le prosateur était un clerc. 91; 6. «... novele qui tost va...» rappelle la ligne de Virgile: Et tam
fama
volans,
tanti praenuntia
luctus...
(Enéide,
X1,
139).
Un
vers
de Chrétien, cependant, offre un paralleéle plus rapproché : Novele gui tost vole et cort...
(Lancelot,
éd. W.
Foerster,
Halle,
1899,
4158).
93; 6. Allusion a la cour tenue par le roi Artu a Londres quant Lionnel fut fait chevalier (Sommer, op. cit., IV, 86-7). Aprés cette cour Lancelot partit a la recherche des aventures qui aboutirent a la délivrance de Gauvain de la Dolerose Garde. 93;
9, etc., Morgain
avait volé a Lancelot
la bague
de la reine
pour
Venvoyer en trahison 4 Gueniévre (Sommer, of. cit., IV, 139-141). 93 ; 17. Référence aux songes de Lancelot que Morgain par enchantement lui fit avoir lorsqu’il était en sa prison. Ce fut & cause de ces réves qu'il crut avoir perdu l’amour de Gueniévre. (Sommer, op. cit.. IV, 151-2). 95 ; 37. Cette remarque de Meleagant a bien le caractére de la littérautre bourgeoise du treiziéme siécle. Elle ne s’accorde pas avec l’attitude envers les femmes telle qu’on les trouve généralement chez le prosateur. 100 ; 23. L’introduction par le prosateur de cet épisode de Boors dans la charrette est extrémement importante du point de vue de son attitude envers la conception de Chrétien de Troyes du réle joué par la charrette dans son histoire d’amour courtois. Comme il est dit dans I’Introduction, le prosateur n’a pas compris du tout cette conception, et il veut détruire complétement toute idée de déshonneur qu’on pour-
-
assez-Tonguement ‘importance de cet. ~
’
¥
_
=
INDEX
DES NOMS
PROPRES ©)
AGREVAIN, second fils du voi Loth d’Orcanie, fréve de Gauvain, de Guerrés, et de Gaheriet ; 106. ;
ARIMACIE, v. JOSEPH D’ ARTUS, (li rois), souverain de Bretagne ; 1, 3, 10, 22, 37, 52, 54, 55, 62, 65, 80, 89, 91, 99, 102,
103, 109g, IIO, 112, Ir.
BALDEMAGUS, BAUDEMAGUS DE GoRRE, (li rois), souverain de Gorre, pére de Meleagant ; 3, 4, 18, 35, 67, 75, 77, 79, 81, 87, 91, 98, 99, 109, 113, IT4. BAwnz, li rois, voi de Benoyc, péve de Lancelot du Lac, et fréve du vot Bohort de Gaunes ; 49. BARIMATIE, Vv. JOSEPH DE BEDOINS, BEDOIERS, li conestables ; 102, 103, 106. LI ESsILuirz, fils du voi Bohort de Gaunes, fréve de Lionel, et cousin
Boort
de Lancelot du Lac ; 104, 106. 11. BRANDELIS,
de l’Orgueilleus Lignage, cousin de Guiganbresil, de Li Guiro-
melanz, de Greoreas et d’ Yllesgalerons. Il ne figure que dans l’Estotve de Merlin et le Livre d’Artus ; 106. BREDINGRAN, v. Pedugrain.
Bretaigne, 35, 37, 45, 49, 55la roine de, 81. BROHANDYNAS LI Rovuz, fréve d’Outredoute, du Vermeil Chevalier, et du Noty Chevalier du Grant Destroit ; 1l ne figure pas dans le cycle ; 115. Camaalot,
Kamaalot,
Kamaaloth,
ville dans
le voiaume
du vor Artu ;
I, 5,9, 99.
CHEVALIERS
CLAMADEX, Clarence,
DE LA CHARETE,
LI, v. LANCELOT
DU LAC; 35.
li rois des Ylles Loingtaignes ; 92.
|’enseigne le roi Artu ; 62.
CLAUDAS DE LA DESERTE, 701 qui chassa le vci Ban et le voi Bohori de leurs teyyes ; son seneschal,
Cornoaille,
107.
1.
DAME, DAMOISELE DEL LAC, LA, v. LAC, LA DAME DEL. DODINIALS LI SALVAGES, chevalier de la cour du voi Artu, et parent de Galeschins ; 8, 106. (1) Les chiffres indiquent trouve que dans la version
les pages ; les italique indiquent que le nom ne se f, ou dans le manuscrit
K.
140 Dolerose Garde, la, chateau appartenant a Kavados qui le tua; 45, 99. Entree
Galesche,
et pris pay Lancelot
L’, ville qui se trouvait sur la frontiére de Gorve
et de
Logres ; 18, 68.
(ERNOUL D’AmIENS, copiste du manuscrit K; 109.) Esperons, li pas des, passage pierreux traversé par Lancelot en voyageant au Pont de lVEspee; 57, 58. Forest,
Le Gué
de la, prés Camaalot ; 102.
GaErtts, 106.
fils puiné du voi Loth d’Orcanie,
et fréeve préféeré de Gauvatn;
Gahihom,
«la mestre cité de Gorre », la ou Meleagant avait amené la reine
Guentévre ; 77. GaLaap, fils de Joseph d’Avimacie et d’Helyap, sa femme ; il devint rot d’Oscelice, qui aprés lui fut nommé Gales ; 43, 44, 45, 51, 55; 62, 77, 108.
GALAAD = LANCELOT DU LAC; 49. GALEHODINZ, GALEHOULDINS, fillewl de Galehot, est appelé «li princes », ou «li sives des Ylles» ou des « Yiles Loingtaines»; 92, I13, IT4. GALEHOS, GALEHOT, li sires des Loingtaines Ylles, ami de Lancelot; sa
mort est vacontée juste avant le commencement du Conte de la CharVote TAD 75S, 80,.94, LOOnmr IG; ILA GALES, nom donné a Oscelice en Vhonneur de Galaad, fils de Joseph dAnimacie; la Gaule; 43, 44, 45, 46, 52, 108” Gavains, fils ainé du voi Loth d’Orcanie, neveu du roi Artu ; 2, 7, 8, 13, 14, TOVLL7,, LO, LO~20, Zl, 22.23, 24, 25920,127) 25. 05. 00.801 sop aOor
OF, 2085 -99n LOL GAZOAINS
MLO?) sVO3) ghOAy SEOs) Tait
D’ESTRANGOT,
Ronde;
ro6,
GOSANGOS
he aielese
D’ESTREGORE,
chevalier
de la Table
rr5.
GENIEVRE, fille du voi Leodegan, et femme du voi Artu ; Vauteur l’appelle @Vhabitude «la roine»; 77, 9I. GIRFLES,
LI FIZ D’O, chevalier de la Table
Ronde ; 102,
103.
GODEZ D’OLTRE LES MARCHES, chevalier vaincu par Lancelot aux jotites de Pomeglat ; 107. Gohorru, Gorrun, la cité principale de Gorre; a identifier probablement avec Gahthom (q. v.) ou la veine fut emprisonnée par Meleagant ; 77, 92. Gorre, vo1aume donné par Urien a son neveu Baldemagus ; 27, 54, 56, OF OMS en 7 5 09a LOO, LOS) OO: GOSANGOS D’ESTREGORE, v. GAZOAINS D’ESTRANGOT. GRAAL, LE, velique du Christ; 45, 49, 50. les aventures
del, 46, 49.
li contes del, 43. Ja queste del, 57.
eR
I4I GUERREHES, ‘le troisiéme fils du voi Loth d’A grevain et de Gaheriet ; 106. HARGODRAS
LI ROUZ,
d’Ovcanie,
cousin de Meleagant;
fréve de
Gawvain,
r15.
HERLIONS LI RoIs, fréve du voi de Norhonberlande, vaincu par Lancelot aux jottes de Pomeglia ; 106. JOSEPH DE BaRIMATIE, Bretaigne
ARIMACIE, « celui qui le Graal aporta en la grant
de la terre de Promission », personnage
des Evangiles ; 43,
45, 49, 50.
Kamaalot, v. Camaalot. KaRAbos, seigneur de la Dolerose
Garde,
et cousin
de Brohandynas ; 99.
KEX
LI SENESCHALS, demi-fréve du voi Artu ; 1, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 10, II, 12, 13, 15, 86, 88, 89, 90, 93, 94, 95, 99, 102, 103, 109, 112, II5.
Lac,
LA DAME DEL, LA DAMOISELE DEL, fée qui enleva Lancelot enfant et Vadopia ; I, 9, 23, 31, 79, 100, 104.
LANCELOT DU LAC, fils du vot Ban de Benoyc ; appelé en baptéme Galaad ; passim. LIONIALS,
Lyonniax,
LIONEL,
LYONNEL,
fils du voi Bohort
de
Gaunes,
freve de Bohort, li essilliez, et cousin de Lancelot ; 2, 3, 4, 104. Logres, vo1aume du voi Artu, 35, 41, 54, 69, 7I, 105, 106. Londres, dans le vo1aume d’Artu ; 93, 109. LucaAns
LI BoTEILLIERS,
chevalier
de la Table
Ronde ; 102,
103.
Mapoc, appelé ailleurs L’Orgueilleus de la Porte, un de l’Orgueilleus Lignage ; 115. MALOAUT,
LA
DAME
DE,
LA
DAMOISELE
DE,
dame
d’honneur
de la reine
Gueniévre, fiancée a Galehot, mourut aprés sa mort ; 2, 107. MELEAGANS,
fils du voi Baldemagus de Gorre ; 3, 4, 5, 8, 9, 10, I1, 12, 13,
T4, 15, 55, 01, 64, 07, 70,-76, 78, 80, 83, 84, 86, 875-88, 89, 94; 95; 96, 97, 98, 99,
108, 109,
I10,
IIT,
112,-123,
T14, 115.
sa sceur ; 75, 109.
MERLIN, MORGUE Moys1,
/’enchanteur ; 44. LA DESLOIALS, l’enchanteresse, demi-seur du vor Artu ; 30, 93. Moysez,
fils de Symeu,
il pévit en
essayant
dé s’asseow
dans
le
Siege Perilleus ; 43, 50. NoORHOMBERLANDE,
li rois de, fréve d’Herlions
li vows ; 106.
Oscelyce, pays conquis par Galaad, et ensuite appelé Gales en son honneur;
45. PALAMEDES, un de l’Orgueilleus Lignage, ne figure pas dans le cycle ; I15. Pedugrain, Bredingan, le pré de, 88. (voiy la note pour cette page.)
142 Pont de l’Espee, le, 27, 28, 57, 66, 67, 69, 70, 77, 85, IT3. Pont
sos Eve, le, 27, 28, 90, 98, IT5.
Pont Perillos = Pont de l’Espee, g. v. Pomeglai, ville dans les marches de Gorre et de Logves ; 105, 106. Promission,
la terre
de, la Teyre
Sainte;
49.
REINE DES YLLES, LA, II5. Roche as Sesnes, la, chdteau-fort des Saxons, conquis par le voi Artu ; 88. Roelent, Rouelens, ville 0% le voi Artu tenoit sa court ; 100, note, 102.
SAIGREMORS, 102,
beau-fils du voi Brangoive,
Sains Cimentieres,
li, cimetiéve
et chevalier de la Table Ronde ;
ou furent entervés
le voi Galaad
et Symeu
(q- U.); 44, 55, 56, 59, 61. Sesnes, v. Roche
as, la.
Siege Perillos, siége véservé a la Table Ronde pour Galaad, fils de Lancelot ; 46, 48. Soran,
cité de
Sorelice,
Gorve;
91.
l’endroit o% naquit le vot Galaad ; 43.
Sorelois, terve située entve
Gales et les Estianges
Ylles ; 1.
SYMEU, le péve de Moysi, voir la note a la page 43; 43, 46, 49, 50, 52, 56. TABLE
Terre
REONDE, LA, 46, I0I, 104, IT4. Foraine, la, 18, 35. ,
Tintaiuel, la forest de, en Cornouaille ; 1. Val aux
Faux
Wandehenches,
Amants,
aventure
accomplie
pay Lancelot;
34.
ville fortifiée du voiaume de Baldemagus ; 35.
Ycastanon, ville du voiaume d’Artu; 111. YvaAIN, fils du roi Urien, chevalier de la Table Ronde ; 112.
YVAIN LI AVOLTRES, fils naturel du voi Uvien, chevalier de la Table Ronde ; 106.
GLOSSAIRE Aatine, s. 7., 5, 8, défi, gageure. aatir, v. a., défier,-71, 1; v. rvéfl., se faive fort, 4, 5. acheison, s. f., 90, 5, cause. acointier, s’, de, v. véfl., se ler avec, 114, r. acointe, adj. 82, 6, familier, ami. aconsivre, v. a., aconsieut, 16, 4; 28, 14; aconseii, 13, 14; atteindre. acouchier, v. n., se coucher, 91, 13. acueillir, v. a., prendre, 42, 19. adens, adv., 79, 1, a@ plat ventre,
sur la face. aerdre, v. a, prendve, saisiy, 10, APE D4ey OPP Ce LPAe a) they afronter, v. a., brisey le front, assomey, 32, 5. afubler, v. a., vevétiy, agait, s. m., 115, 13, aiz, vol es. aneenter, v. a., 20, mal a. anieuz, adj., 9, 13, anublir, v. a., 19,
mettve, 20, 4. embuscade. 27,
faive
du
imcommode. ro, obscurcir,
naitre, avertiy,
arochier, v. a., frapper quelqu’un en langant un projectile contre lui; harceler,
AaSCneh.
U.. Gs,
frapper,
17,
6;
101,
19), 14.1535,
(2) enseigner,
16,
(x)
instruive.
asproier, v. a., lourmenter, 51, 5. auner, s’, v. véfl., se véunir, se vassembler, 71, 6. aventureux, adj., 1, 30, ou l'on court des aventures, avoier, v. a., divigey, instruive, 16,
r2. Baer, v. a. et n., aspiver a, désirver, 1497422. 105757125 8220s.
106, 8. bateillié, p. p. de bateillier, 18, 7 ; 29, 4, fortifie, crénelé. bellic, s. m., 9, 20, terme de blason,
gueules. bohorder,
assomoriyr. apenser, v. a., examiner, méditer, 23, 7; v. réfl., véfiéchiy, 31, 4. apercevoir, v. a., 85, 7, faive con-
absol.,
()
v. v., 3, 15; 41, 5; 87,
20, Jotiter. bohordis,
bouhordeiz,
s.
m.,
39,
5; 112, 25, tournot. boial, s. m., 101, 7, boyau? bonteis, adj., 84, 12, généreux. boterel, s. m.,
bretesche,
75, 16, crapaud. s. f., 106, 19, 24, sens
douteux au moyen age, probablement ici, txtbune de bois d’on l’on
pouvait vegarder les jottes. breuillet, s. m., 101, 34, petit bois. buriau, s. m., 61, 7, sorte de bure, bureau.
7.
(1) Lorsque l’infinitif d’un verbe n’est pas suivi directement d’une référence a une page et une ligne du texte, il ne se trouve pas dans le texte, et les chiffres
yenvoient 4 d’autres formes du verbe. Les chiffres gras indiquent les pages, les autres les lignes du texte.
144 desmentir, v. a., contredive, 8, 9. Chaines, s. f. pl., meslés de, 54, despané, adj., 100, 27, déchiré. 5; 100, 25, cheveux blancs. desrainier, v. a., 4, 1; 95, 23, déchanolle, s. f., 54, 3, tyvachée-artére. fendre, soutenir pay les armes. chanu, adj., 29, 17, blanc. chapel, s. m., &9, 8, coiffure de | _destorné, adj., 106, 17, peu fréquenté, sauvage. maille. chasser, v. a., conduive, mener, 15, Effondre, v. a., briser en enfoncant, ee 12,10: chastiement, s. m., 71, 12; 86, 5; emble, en, adv., 1, 2, furtivement, a 114, 26, vépvimande. Chastier,vend. 04,9515.5" 71 rer; 85, 27; 86, 5; 95, 27; 114, 26;
véprimander,
faive
des
vemon-
trances, empécher. chastis, s. m., 85, 21, vemontrance. chéor, s. m., 108, 13, officier de la lice. chevronneiire, s. /., 23, 15, les chevrons du. toit. cointe, adj., 22, 1, soigné, élégant. coleis, ad7., barres coleices, couleisces, 58, 6, 5, @ coulisses. comparer, v. @., 10;,%4> 38, 4:
42, 4, 3, expter, payer. conreer, v. @., trvitey de telle ou telle manieve, 11, 12; 38, 12, ro; Sots OO 20087 2-510; 98.420"
Ui
s2yiee
conroi, s. m., 72, 11, soin, prévision.
la dérobée. empaindre, v. a., frapper, Pan,
empreignement, s. m., 78, 16, étyeinte, force de server. enarme, Ss. /4 53,-773)-7)0—on 76,
18; 96, 4, courroie
clier par laquelle pendant le combat. envoisetire, santerie.
envoisiez,
cuiriez, s. 7., 58, 9, pourpoint de cuir qu'on portait pardessus l’armuyre.
escrois,
dun
culvert
21, vedevance
(c’est.-d-dive, vilain,
70, 9, défense, inter
103,
d’envoisier,
40,
gar.
v. @., secouer,
s. m.,
23,
faire
tom-
24, 5. 9, coup
de ton-
nerve. esleeschier, vertir. esloialter,
v. a., 3, 2, égayer,
di-
s’, v. véfl., 3, 14, se jus-
ESPCLON
0.4.
eb 9.
S077.)
RO
\f70tsser,
Alama:
Ley) OS
ama mere
9, T5, grosse piece de bois. adv., 24, 5, tout de suite.
desconseillié, p. p. de desconseillier, 21, découragé.
destublés,
p.
humeur,
ber en secouant,
esmuIer,
diction. demanois,
p.
ti fier.
terme féodal). Deffois, s. m.,
du bou-
le tenatt
eS, alz; Shms, EL es 537 aga 6, 10, planche de bois de Vescu. esbatre, s’, v. véfl., 30, 9, se divertir. escondire; 08 ay OF 4708- saiae 74, 14, 19; 106, 1, 5, vefuser. escoudre,
s. f/., 54,
on
s. f., 3, 5, gaité, plai-
2, de bonne
corsus, ad7., 84, 9, costaud. couvine, s.7.,58, 12, maniére d’agir.
cuivertise,
heurter,
56
p. ~., de desfubler,
22, sans chapeau,
2,
espiés, s. m., 23, 12; 24, 1, épatsseur, peut-étre ici la paille du lit. estache, s. /., 58, 4, 5, piew, poteau. estanchié, p. p. d’estanchier, 6, épuisé, a bout de forces,
13,
J .
145 estorbeillon,
s. Ws 23515, LO% tourbillon. estormi, ~. p. d’estormir, 65, 15, troublé, effrayé.
estotoié, p. p. d’estotoier, 67, bouleversé, mis en desordre.
£035.
2-35
courroucé, issanbrun,
95
SA OZ
chagriné, s. m.,
ors,
attristé.
51, rz, sorte d’é-
toffe de couleur foncée,
tivetaine.
2,
Join, s. m., 21, rz, jonc. juste, s. f., 30, 4, vase et deux anses.
Failli, p. p. de faillir, 102, 7, faux,
a couvercie
per fide. HORIpESe
Karoler,
hu E7). 699, ly, Tle O74. 0,
se précrpiter. fermeté,
s. f7., 18, 5, enceinte
rieaiae 102, 3.
a nul
fuer,
25,
12,
fuere,
s.
m.,
19,
8;
4
63,
43; 92, 12; 112, 5, fourreau. fust, s. m., 58, 5, bots, manche
Gaber, v. a., 108, 25, vailler. gaite, s. f., 58, 14; 92, 12, sent-
nelle, guetteur. garni, p. p. de garnir, 57, 2, avertt. goudeliz, s. m., 81, 6, crotite (en paviant de plaies). 13, éviter,
guerpir,
obliquer,
v. a., quitter,
72, 14, 15, se détourner.
abandonner
| Maleis,
adj.,
101,
maltalant, Su
pinge,-s..f-, 62; 21-576, 17; 100, 29, courroie par laquelle le boucliey se suspendatt au cou.
eed
maltalentis, adj., 12, 1, courroucé, de mauvaise humeur. MANIC;
Sensi,
gantelet
Ones
see
elo
(armure).
mas,
adj., 52, 13, triste. mehaignier, v. @., blessey,
22) 274.09) mesaamer,
mutiler,
13:
v. a., dédaigner,
mépri-
SCV, L755. mesestance, mesprison,
s.
/., 20,
20,
peine
malaise. s. f., 3, 4, evveur,
faute,
injustice. musart,
Nairon,
dune Ire, sf.,2, 8; 23, 6, chagrin. igiC WILCZSNAA]» 0s) 125; OL, elOw 1a,
WES, dy 1Oe72
Deer
s. m.,
et adj.,
5, 13;
42,
sot
79,
2.
Bit
mautalent,
OO, atl Loo
11, étourdi, se, v. véfl., se trainer,
12, maudit.
maltalent,
déplaisiy,
F{P4,, AKOy,
Hercier,
eae CAs sere
coléve, dépit.
dune épée, d'une lance.
guenchir, v. n., 53, 10;
ON
lués, adv., 29, 14, aussitét. luminaire, s. m., 21, 12, lumiéve, clarté.
nul prix. fuerre, s. m., 23, 23, paille, chaume.
Meh Gok
lates, s. m., 23, 16, bois du lit-cage ?
piter, 32, 9; 62, 22.
fuerre,
41,
Laidengier, v. a., injurier, outrager,
fichier, se, uv. véfl., se pvrécipiter, Si aii Ge flatir, se, v. véfl., se ruer, se précis. m.,
en vond,
forti-
fiée, citadelle.
fuer,
v. »., dansey
Ae
7257, 53 75;
noaus,
s.
m.,
31,
19,
la
croisée
hache. s. m.,
94,
de pire, le pis;
28, ce qwil vy a
estre
al noaus,
88, 25, étre au dessous, desavan-
146 tage; faire al noaus, 107, 108, 17, faire aussi mal possible. _
30: que
quintaine,
noter, v. n., chantey, 40, 2.
Ocir, s’, v. véfl., mouriy de chagrin, 15, 5; 90, 18. oes, Ss. m., 22, 3, besoin, service, usage. ord, s. m., 49, rr, saleté, péché. oreille, s. f., 17, 19, listéve, bord dun
bois.
Paracorer,
v.
a.;
le ceur,
53, 15, action
de
parléor, s. m., 108, tournot, hévaut °
s. m.,
quintan,
Raiens,
raienz,
pivot
p. p. de raembre,
39, 9, II, vangonné.
ramposné,
p.
p.
de
ramposner,
26, 5, insulté, vaillé. reboter, v. a., vemettre
(une
58,
tvou,
ouverture.
pleseiz,
plaissié,
74, 14.
v. .
et véfl., se souvenir,
67, 9; 93, 16.
5, 6;
plaisseis,
rendu,
s. m., 43, 6, 9; 44, 6, 74; 46, 8; 51, 12, moine. resortir, v. v., 88, 10, veculey, s’en-
_ utr.
35, pierrier.
94,
11,
reter, v. a., 71, 5, accuser, blamer, retros, retrox, s. m., 53, 15; 56.
s.
m.,
9, petits trongons, éclats de lance, rooignié, p. p. de rooignier, 61, 12,
39, 73, 14; 66, 13, 5; 67, 2; 97, 15, hates entrelacées. plest, s. m., 83, 18, accord, traité.
plevi, p. p. de plevir, 33, 3, engagé, jure.
15, 7, coupé,
coupé en vond
Sarcu, s. m., 46, 14, cercueil. sebelin, s. m.. 29, 17, zibeline.
plois, s. m., 31, 17, pli.
semondre;
poier, v. a., poisser, couvriy d'un emplitre, 78, 8. poindre, s. m., 58, 16, attaque. poindre, v. a., 13, r; 59, 1; 102,
29, piquer des éperons. outre
son
pois, 85, 5,
contre son gré. porchacier, v. a., 22, 22; 68, 1; 98, 6; 110, 4, 22; vechercher, procurer.
(en
pavlant des cheveux).
ploi, s. m., 11, 5, mazlle du hauberc.
pois, s. m.,
épée
dans le fourreau), 19, 7. rechinié, adj., 15, 12, grimacant.
de fatigue.
13, officier du
v. @., transgressey,
perriere, s. f., 108,
pertuis,
25.
recreti p. p. de recroire, 68, 4, épuisé
chute.
parestrous, s. m., 26, 5, fin.
passer,
s. /., 112,
mannequin monté sur un contre lequel on jotttatt.
recorder,
LUCY ds LO. parcheoir, s. m., tomber,
percey
Quarrere, s. /., 58, 9, carriére? querole, s. f., 39, 16, danse en vond.
895
v.05 a4
13; err
2
19396513) 37 10935
Onetas ra
avertiy de comparaitre a une assemblée, convoquer, solliciter, appeler. sinople,
s.
m.,
106,
27,
couleur
hévaldique, rouge d’aprés Chrétien de Troyes. soffrir, se. v. véfl., 29, 9, 10; 89, 9; 96, 18, s’abstenir, se passer,
attendre, sorvoier,
patienter. v. a.,
76,
10,
surveiller.
porpris, s. m.. 18, 7 ; 43, 11, enclos.
sospecier,
provoire,
Io. souloir, v. ”., sueil, 6, 8; seut, 93,
s. m.,
50, 9, prétre.
putain, s. f., 53, 9, 7, 9, prostituée.
v.
@.,
soupconner,
81,
147 47°
solo,”
21, avoir
1,31
coutume
3103,
79,
de, étyve accou-
5-3, 5
traire,
tres, Tables, s. f. pl., 41, 5, tric-trac. tailleur, s. m., 29, 21, tailloir. tarcois, s. m., 54, 4, carquois. techenmtesche, ys. {46,9 145. 135 a@., essuyer,
79,
3;
80,
13; 81, 5. toaile, touaille, s. f., 73, § ; 87, 31, morceau d’étoffe, voile. tolir, v. a., 16, 7; 89, 6; toil, 42,
HgpmtOll 5230
a.,
liver,
avvacher.
mener,
39,
7;
triees,
prép.,
99,
26;
100,
66, apres. trespasser,
passey
v. n.,
au
treti, s. m.,
35,
dela, 54,
19;
74,
12,
négliger.
21, vedevance,
1m-
pot.
qualité. v.
v.
47,14 5,83,, 6.
tumé a.
terdre,
5, dtey, enlever,
wos. 5) tolu,s
tOlle
5914)
nS.) 5) O25)
13):
trousser, v. a., attacher, 62, 7. tuertiz, s. m., 29, rz, torche flam-
beau. Ventailleess
jenn ol
jee,
75, 4, govgerin. vessel, s. m., 50, 15, cercuetl.
LG;
TABLE
DES MATIERES
INVANL -PYOPOSs ore a divie vite tus Stamnes erecta. 4 os PROS
VII.
INTRODUCTION TeNANUSCRITSLED
ISDELIONS
or are: pacteuarncicions
II. LA TRADITION MANUSCRITE : fo Les OrOUpes 4, Popo es «as uttten se oe 2. Les rapports des groupes a, 8, et BB entr’eux et avec le poéme de Chrétien de Troyes, le Conte de la Charette ....
XXXIII-XXXVII.
..... soc)
RXXVEEEXEME
4. Les manuscrits Aa, Ab.et Ac
........
XLIII-XLVII.
Gi
csi
oc e oat «nine oo eee
dep GA SDATE Gates a & Re
ate 4 © ain ae are
XLVHI-L.
eS
V. DU POEME DE CHRETIEN AU ROMAN EN PROSE Note dur les différences entre les versions a
CURE areste
VE
XXX-XXXIII.
3. Le classement des manuscrits Pins AUTEUR
LE
IX-X XIX.
SMETHODE, CONTE
DE
oan
ce dung cece
er
teen aed a
Li: LI-LVIII.
LIX.
D EDITION 5.'&..5.05.0