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French Pages [326] Year 2018
Si la préhistoire de la Côte d’Ivoire est encore peu connue, l’histoire des recherches menées à l’intention de son exploration l’est certainement encore moins. Or, la recherche archéologique en Côte d’Ivoire a en réalité aujourd’hui plus de 100 ans et a connu un développement lié à l’histoire mouvementée du pays. La reconnaissance et l’analyse de cette longue et complexe histoire de la recherche locale permet de situer et de comprendre les méthodes originales et les objectifs spécifiques des archéologues ivoiriens ainsi que les cadres tant contextuels que théoriques dans lesquels ceux-ci évoluent. Cet ouvrage propose donc à la fois une histoire, celle de recherche archéologique dans un pays ouest-africain, ainsi qu’une analyse, celle de sa situation et de son fonctionnement actuel. Il retrace ainsi la succession des projets et des réalisations des différents chercheurs et chercheuses qui ont parcouru et qui sillonnent encore les routes, les meilleures comme les moins bonnes, afin d’explorer, de comprendre et de transmettre le passé de la Côte d’Ivoire.
Originaire des Franches-Montagnes, dans le Jura Suisse, Paul JOBIN est actuellement doctorant à l’Institut d’archéologie de l’Université de Neuchâtel. Spécialiste de l’histoire de l’archéologie, ces travaux portent sur la place des vestiges archéologiques dans les processus sociaux, économiques, administratifs et politiques liés à la représentation et à l’aménagement du territoire ainsi qu’à la notion de territorialité.
Etudes africaines Série Archéologie/Préhistoire Illustration de couverture : Fouilles archéologiques dans le V-Baoulé, Photographie : René Kouadio Bouadi, 2011.
ISBN : 978-2-343-10814-8
33 €
Paul Jobin
Histoire et fonctionnement de la recherche
Série Archéologie/Préhistoire
Paul Jobin
L’archéologie en Côte d’Ivoire Histoire et fonctionnement de la recherche L’archéologie en Côte d’Ivoire Histoire et fonctionnement de la recherche
L’archéologie en Côte d’Ivoire
Etudes africaines
Préface de Denis Ramseyer
L’archéologie en Côte d’Ivoire
Collection « Études africaines » dirigée par Denis Pryen et son équipe
Forte de plus de mille titres publiés à ce jour, la collection « Études africaines » fait peau neuve. Elle présentera toujours les essais généraux qui ont fait son succès, mais se déclinera désormais également par séries thématiques : droit, économie, politique, sociologie, etc. Dernières parutions Sidy TOUNKARA, La multifonctionnalité de l’agriculture « péri-urbaine » au Sénégal, Intégrer les déchets organiques dans le système productif maraîcher, 2017. Guy Noël KOUARATA, Manuel de phonologie des langues bantoues du Congo, 2017. Abdourahamane OUMAROU LY, Partis politiques, démocratie et État de droit en Afrique : l’exemple du Niger, 2017. Désiré BALABALA, Le mariage coutumier chez les Budu en République Démocratique du Congo, 2017. Ibrahima TRAORÉ, L’État de droit dans les Républiques du Mali et du Sénégal, 2017. Nathalie VUMILIA NAKABANDA, La protection de la veuve en République Démocratique du Congo, Quelle effectivité ?, 2017. Zoumana DIARRA, Les mutations de la haute fonction publique au Mali, Une contribution à l’étude de la réforme de l’Etat, 2017. Issa Makan KEITA, La responsabilité pénale des personnes morales en droit malien à la lumière du droit comparé, 2017. Mahamat Nasser HASSANE, Dispositions et normes environnementales des lois pétrolières en Afrique centrale. Projets d’exportation du brut tchadien et du pipeline Tchad-Cameroun, 2017. Romaric Franck QUENTIN DE MONGARYAS, L’école secondaire au Gabon, Analyse sociologique des jugements professoraux, 2017. Minette TOMEDI EYANGO TABI, Bassin versant du Nkam-Wouri. Prototype de la biodiversité des zones humides du Cameroun, 2017. Herman Blaise NGAMENI, La diffusion du droit international pénal dans les ordres juridiques africains, 2017. San Simon COULIBALY, Interroger les défunts, orienter les vivants. Analyse ethnolinguistique des causes de la mort en pays toussian, 2017. Auguy MAKEY, Misère de la philosophie négro-africaine, 2017. Edwige KOUADIO, Du fosterage à l’adoption plénière. L’adoption des enfants de la pouponnière d’Adjamé (Abidjan, Côte d’Ivoire), 2017.
Paul JOBIN
L’archéologie en Côte d’Ivoire Histoire et fonctionnement de la recherche
Préface de Denis Ramseyer
Cet ouvrage a été publié avec le soutien de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Neuchâtel
© L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-10814-8 EAN : 9782343108148
Région du site archéologique d’Afré Boka, Djangomênou. Photographie : René Kouadio Bouadi 2011.
REMERCIEMENTS
Durant ce travail, j’ai rencontré de nombreuses personnes qui m’ont aidé et qui ont contribué à la réalisation de cet ouvrage. Je voudrais leur exprimer ici ma gratitude. En premier lieu, je remercie profondément, Denis Ramseyer, pour avoir initié cette recherche, pour m’avoir suivi en tant que directeur de mémoire ainsi que pour son soutien tout au long de ma démarche, pour sa grande disponibilité, sa patience et, surtout, pour m’avoir donné envie d’étudier l’archéologie africaine. Je tiens à remercier Marc-Antoine Kaeser, pour sa confiance et ses enseignements. Ces conseils et encouragements m’ont permis d’aller au bout de mes idées et de les poursuivre encore plus loin. J’exprime également ma plus profonde reconnaissance à René Kouadio Bouadi qui s’est investi et m’a guidé dans mes démarches en Côte d’Ivoire. Il a pris personnellement des risques pour ce travail et sans lui, rien n’aurait été possible. Je le remercie sincèrement pour toutes les responsabilités qu’il a assumées, sans hésiter et dans mon unique intérêt. Merci à Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré pour son soutien, pour m’avoir permis de réaliser ce travail et pour son infatigable énergie qu’elle consacre au renouveau et au développement de l’archéologie en Côte d’Ivoire. Merci à Siméon Kouakou Kouassi de m’avoir orienté dans mes recherches, pour les très longs entretiens qu’il m’a accordés ainsi que pour sa bienveillance qu’il m’a apportée comme il apporte scrupuleusement à tous ses étudiants. Merci à Silvie Memel Kassi pour le soutien témoigné en m’intégrant dans les activités du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire. Sa détermination et son énergie dans la direction du MCCI lui permettent, avec son équipe, de pérenniser et de magnifier la culture, l’art et le passé de la Côte d’Ivoire. Merci aussi à tous les collaborateurs du Musée pour tous les renseignements apportés et pour les agréables moments passés en leur compagnie. Merci à Vincent Serneels pour sa compréhension, ses précieux conseils et de m’avoir offert de nombreuses opportunités de développer mes compétences et mon expérience, notamment lors des fouilles de Korsimoro, Siola et Doumbala. 7
Merci aussi aux nombreux participants de ces trois campagnes de fouilles pour toutes les enrichissantes rencontres et expériences. Merci à Jean Polet pour ses informations, ses précisions ainsi que pour ses conseils et ses encouragements. Merci à Ludovic Aka N’Zebo qui m’a guidé et aidé lors de mon séjour en Côte d’Ivoire. Merci aussi à mes autres aînés de l’ISAD. Merci à Marina, Blaise, Adama, Pierre, Mme Bemba et tous ceux qui m’ont accueilli et qui ont fait remarquablement honneur à la légendaire hospitalité ivoirienne. Merci aux nombreux relecteurs et correcteurs de ce travail, Arlette Jobin, Lucie Bovet, Camille Fallet, Laure Prétôt, et Guillaume Reich. Merci à mes parents et ma famille pour leur infaillible soutien. Merci enfin au Fonds des donations de l’Université de Neuchâtel de m’avoir attribué une bourse de recherche afin de réaliser mon terrain d’enquête. La liste étant très longue, je remercie toutes les personnes que j’ai rencontrées et qui m’ont aidé durant la réalisation de ce travail.
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SIGLES ET ABRÉVIATIONS
ANCI : AOF : BCEHSAOF : BIFAN : BNEDT : BEDH : CAMES : CERAP : CFLN : CIERPA : CRAU : CSRS : CURAT : DEUG : ESA : FISDES : FNRST : FPI : FRCI : IES : IFAN : IGT : IHAAA : ILA : ILENA : IRCT : IRD : ISAD : LMD : LSA : MCCI : MET : MESRS : MSA : ORSTOM : PASRES : PRF :
Archives nationales de la Côte d’Ivoire Afrique-Occidentale française Bulletin du Comité d’études historiques et scientifiques d’AfriqueOccidentale française Bulletin de l’IFAN Bureau national d’Études techniques et du développement Bureau d’études pour un développement harmonisé Conseil africain et malgache de l’enseignement supérieur Centre de recherche et d’action pour la paix Comité français de Libération nationale Centre ivoirien d’enseignement et de recherche en psychologie appliquée Centre de recherche en architecture urbaine Centre suisse de recherches scientifiques Centre universitaire de recherche appliquée en télédétection Diplôme d’études universitaires générales Early Stone Age Fonds ivoiro-suisse pour le développement économique et social Fonds national pour la recherche scientifique et technologique Front populaire ivoirien Forces républicaines de Côte d’Ivoire Institut d’Ethnosociologie Institut français d’Afrique noire, puis Institut fondamental d’Afrique noire, puis Institut Cheikh Anta Diop, Dakar Institut de géographie tropicale Institut d’histoire, d’arts et d’archéologie africains Institut de linguistique africaine Institut de littérature et d’esthétique négro-africaine Institut de recherches du coton et des textiles exotiques Institut de recherche pour le développement, anciennement ORSTOM Institut des sciences anthropologiques de développement Licence, Maîtrise, Doctorat Late Stone Age Musée des civilisations de Côte d’Ivoire Musée d’ethnographie du Trocadéro Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique Middle Stone Age Office de la recherche scientifique des territoires d’outre-mer, actuellement IRD. Programme d’appui stratégique à la recherche scientifique Paul Raymaekers Foundation, Bruxelles
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RDA : RDR : RERO : RTI : SLSA : SODEFOR : SODEMI : UFR :
Rassemblement démocratique africain Rassemblement des républicains Réseau des bibliothèques romandes Radiodiffusion-télévision ivoirienne Fondation Suisse-Liechtenstein pour les recherches archéologiques à l’étranger Société de développement des forêts Société pour le développement minier de la Côte d’Ivoire Unité de formation et recherche
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PRÉFACE
C’est lors d’un séjour à Abidjan en 2010 que fut prise l’initiative de relancer les recherches archéologiques en Côte d’Ivoire. Alors que les pays voisins étaient actifs sur le terrain, soutenus par diverses équipes internationales, les recherches archéologiques étaient restées très discrètes dans cette sous-région de l’Afrique de l’Ouest. Les quelques interventions des Français Jean Polet et Robert Chenorkian sur le littoral, dans les années 1980, puis celles du Belge Paul Raymaekers dans les savanes du nord, dans les années 1990, agrémentées de quelques recherches ponctuelles dues à des chercheurs ivoiriens durant la présidence de Félix Houphouët-Boigny, sont les seules sources scientifiques sur lesquelles on puisse puiser des informations sur le passé ivoirien. Par conséquent, pour relancer les activités de terrain en Côte d’Ivoire, il fallait commencer par restituer l’histoire des recherches, récolter les sources documentaires, reconstituer en quelque sorte un historique de ce qui avait été réalisé, des origines à nos jours. Ce travail de base, essentiel pour entreprendre un nouveau programme de recherches, était particulièrement délicat et difficile. Comment l’aborder ? À partir de quelle documentation ? Existait-il encore des archives à Abidjan, en France ou en Belgique ? Pouvait-on les consulter ? Qui contacter ? Les interrogations étaient nombreuses. L’un de nos étudiants de l’Université de Neuchâtel, Paul Jobin, à la recherche d’un sujet de mémoire de Master à l’Institut d’archéologie, proposa ses services. Le défi était considérable. Il prenait, en choisissant ce sujet, un grand risque : allait-il trouver suffisamment de matière pour en rédiger un mémoire ? Personne ne connaissait alors l’état de la documentation. Il fallait dans un premier temps se rendre à Abidjan, rencontrer les personnes qui avaient participé aux fouilles ou qui connaissaient les sites explorés, questionner les chercheurs ivoiriens, retrouver des rapports de terrain… bref, un travail de fourmi sans être assuré, au bout du compte, de trouver ce que l’on cherchait. Un an plus tard, les résultats dépassaient toutes nos attentes. Paul Jobin mérite toute notre admiration : partir seul dans un pays qui sortait d’une grave crise politique, sans connaître véritablement les coutumes africaines, dénote un grand courage.
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La rédaction d’un tel mémoire nécessitait trois qualités essentielles : de bonnes connaissances méthodologiques en historiographie, une bonne résistance physique pour vivre six semaines dans des conditions difficiles et un sens aigu des relations humaines. Il lui a fallu non seulement affronter les conditions climatiques éprouvantes, mais aussi des infrastructures défaillantes ou détruites, des accès difficiles à tout, doublés d’une méfiance bien compréhensible de la population au sortir des troubles que venait de vivre le pays. La plus grande partie des informations recueillies provient d’entretiens avec des Ivoiriens, des discussions avec des professeurs et des chercheurs retraités (Français, Belges, Suisses) qui ont travaillé en Côte d’Ivoire et qui ont accepté de livrer des informations et des documents inédits. Des déplacements à Bruxelles, à Paris et dans différentes villes suisses ont permis à l’auteur d’obtenir une soixantaine d’entretiens. Avec, au final, une récolte de données d’une richesse remarquable, que l’on peut qualifier de modèle du genre. Ce sont des informations de première main, livrées par des témoins ivoiriens questionnés sur place ou par des universitaires européens, experts du sujet. Les renseignements ne s’obtiennent pas aussi rapidement et aussi facilement en Afrique qu’en Suisse. Il faut gagner la confiance des gens, revenir plusieurs fois auprès de la même personne pour qu’elle se livre peu à peu, par bribes. Paul Jobin a fait un travail d’historien en consultant de nombreuses archives, en dépouillant des rapports dactylographiés et photocopiés ; un travail d’ethnologue en récoltant auprès des habitants des villages des informations orales qui n’avaient jamais été publiées et qui auraient été perdues sans son intervention. Des entretiens entrepris à la manière des ethnologues des années 1950, écrivant tout sur un calepin, accumulant les notes ; un travail d’archéologue, en participant lui-même à une campagne de terrain (un sondage-fouille effectué dans le cadre d’une thèse de doctorat mené par un jeune Ivoirien). Au final, l’auteur nous livre une synthèse de plus d’un siècle de recherches dans le pays. Le sujet s’inscrit dans un contexte plus large, dans un projet de recherche ivoiro-suisse lié aux techniques de la métallurgie ancienne du fer, mené au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire, financé par la Fondation SuisseLiechtenstein pour les fouilles archéologiques à l’étranger, dont les travaux ont été dirigés par le professeur Vincent Serneels de l’Université de Fribourg, de 2011 à 2015, en étroite collaboration avec les Universités de Ouagadougou et d’Abidjan. Ces recherches de terrain ont été complétées par des prospections financées par le PASRES et par une fouille-école à Toumodi (financée par la Fondation suisse Vontobel-Familie). Ces cinq années ont vu aussi la présentation de deux expositions au Musée des civilisations d’Abidjan : expositions portant sur le thème de la conservation du patrimoine africain, réalisées en partenariat avec le Laténium, Parc et musée d’archéologie de Neuchâtel, et l’Institut des sciences anthropologiques de développement de l’Université Félix-Houphouët12
Boigny. Cette période de relance d’activités a aussi permis la formation en archéologie, en ethnologie et en muséologie, à l’Université de Neuchâtel, de trois jeunes Ivoiriens, boursiers de la Confédération, et le séjour d’un deuxième étudiant de Neuchâtel, soutenu par le Centre suisse de recherches scientifiques en Côte d’Ivoire. Ce foisonnement de petits projets, signe d’une reprise encourageante de la recherche en sciences humaines en Côte d’Ivoire, a également stimulé les envies de l’Université de Genève qui a lancé récemment un nouveau projet scientifique du côté d’Assinie, sur le littoral. Le travail de Paul Jobin s’inscrit dans le cadre d’un programme pluridisciplinaire : les résultats présentés dans les pages qui suivent permettent de mieux comprendre l’articulation générale de cette recherche, ce qui s’est fait dans le pays, comment la recherche a évolué. Cet ouvrage sera à coup sûr une source indispensable pour tous les archéologues qui travaillent en Côte d’Ivoire. On y trouve une bibliographie comptant 317 titres, alors que les espoirs les plus optimistes se portaient sur une centaine de références, ainsi que la liste de toutes les interventions archéologiques menées dans le pays depuis 1897, avec le nom des sites, la date des interventions, le type de gisement, le nom du responsable et les références s’y rapportant. Un historique complet de l’ensemble des interventions aide à définir l’orientation qu’a prise la recherche archéologique en Côte d’Ivoire et sa part d’originalité par rapport aux pays voisins. Qui a fait quoi, à quel moment ? À quel endroit, pour quel motif ? L’auteur a su, avec habileté, démêler une grosse pelote de ficelle entremêlée pour nous rendre un texte bien structuré, cohérent et convaincant. Présenté en septembre 2013, le manuscrit du mémoire n’a subi que des retouches minimales pour cette publication. Nous avons pris l’option de ne prendre en compte que les remarques les plus importantes et les corrections demandées par les experts consultés. Denis Ramseyer Institut d’archéologie de l’Université de Neuchâtel
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Fig. 1. Carte des principaux lieux évoqués.
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1) Introduction générale
1.1) Définition et cadre des recherches Comment fonctionne la recherche archéologique en Côte d’Ivoire et quelles sont les origines de cette pratique scientifique ? Quels sont les différents acteurs et intervenants en lien avec l’archéologie et quelles relations entretiennent-ils entre eux ? Comment, actuellement, les archéologues ivoiriens construisent-ils la connaissance du passé archéologique ? Comment doit-on comprendre les méthodes et le discours de l’archéologie ivoirienne ? C’est dans le cadre d’un projet de fouilles archéologiques en Côte d’Ivoire, menées en collaboration avec des archéologues ivoiriens et suisses, que ces questions se sont posées. Les modalités et les procédures exactes de l’archéologie ivoirienne, ainsi que les nombreuses recherches réalisées dans ce pays, n’avaient jamais fait l’objet d’une analyse approfondie. Cet ouvrage a pour sujet l’historiographie et le fonctionnement actuel de la recherche archéologique en Côte d’Ivoire. Il cherche à définir et analyser la situation de la recherche, son institutionnalisation, ses champs d’études, ses méthodes et objectifs ainsi que sa place dans le rapport qu’entretient la collectivité ivoirienne avec le passé. Il vise également à observer les procédures et comportements des archéologues ivoiriens et à trouver leurs origines dans l’évolution historique de la discipline et dans son héritage scientifique. L’aspect historiographique est développé en première partie du mémoire. L’analyse du contexte actuel de la recherche, qui a pour but de comprendre le fonctionnement général de l’archéologie en Côte d’Ivoire, constitue la seconde partie du mémoire. L’approche de l’étude est de considérer l’archéologie coloniale comme l’origine de l’archéologie ivoirienne d’aujourd’hui et d’attester des nombreux travaux déjà réalisés dans le pays. Ainsi, l’analyse de la recherche actuelle prend en compte cet héritage scientifique qui induit de facto l’existence d’une réelle et pérenne tradition de la discipline en Côte d’Ivoire. Cette tradition scientifique, importée d’Europe, a ensuite été réappropriée par les Ivoiriens suite à l’indépendance, ce qui explique son caractère manifestement hybride. Cette étude réfute donc l’idée d’une archéologie naissante en Côte d’Ivoire dont les méthodes et protocoles seraient encore à 15
mettre en place. Cette position permet la compréhension de certains comportements des scientifiques ivoiriens. Il s’agit avant tout de documenter et de comprendre le fonctionnement de l’archéologie dans un cadre ouest-africain comme celui de la Côte d’Ivoire pour contribuer à la réflexion historiographique et épistémologique générale de l’archéologie. La situation de l’archéologie en Côte d’Ivoire présente assurément des similitudes avec celle des autres États voisins. Cependant, ce travail consiste en une analyse locale de la discipline dans le pays. En second lieu, ce travail est motivé par la volonté de mieux comprendre la position de nos collègues ivoiriens face au projet « Origine et développement de la métallurgie du fer au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire ». Cette recherche est issue d’un mémoire de Master en archéologie préhistorique soutenue à l’Université de Neuchâtel en août 2013. Ce mémoire de Master a été dirigé par le Dr Denis Ramseyer et le Pr MarcAntoine Kaeser, respectivement conservateur adjoint et directeur du Laténium, tous deux enseignants à l’Université de Neuchâtel. Il avait pour cadre le projet « Origine et développement de la métallurgie du fer au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire » financé par la Fondation SuisseLiechtenstein (SLSA). Ce projet est mené par Vincent Serneels (Département de Géosciences, Université de Fribourg), avec la collaboration de Denis Ramseyer (Université de Neuchâtel), Hélène Timpoko KiénonKaboré et Siméon Kouakou Kouassi (Université FHB d’Abidjan-Cocody) ainsi que Lassina Koté, Lassina Simporé et Élise Thiombiano-Ilboudo (Université de Ouagadougou). Le projet cherche à documenter la production ancienne du fer en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Quatre principales campagnes de fouilles ont été menées, deux à Korsimoro, dans le Sanmatenga, au Burkina Faso, en 2011 et 2012 et deux au nord d’Odienné, en Côte d’Ivoire, à Siola en 2013 et à Korsimoro en 2015. Le travail de mémoire a nécessité un terrain d’enquête réalisée en 2011 à Abidjan afin de rencontrer les principaux intervenants de l’archéologie ivoirienne. Pour cela, un financement a été accordé par le Fonds des donations de l’Université de Neuchâtel. Cet ouvrage présente donc l’histoire et le fonctionnement de la recherche archéologique jusqu’en 2013. Or, depuis cette date, les efforts entrepris par les archéologues ivoiriens pour développer la recherche ont aujourd’hui porté leurs fruits. Ceux-ci ont insufflé un nouveau et très réjouissant dynamisme de la discipline dans le pays. On remarque en effet de nouvelles recherches réalisées, notamment, à Odienné, dans la région du littoral ouest et sur les pourtours de la lagune Aby ainsi qu’à Assinie (Huysecom 2014). Certaines positions et grades universitaires des chercheurs ivoiriens et des personnes évoqués dans cet ouvrage ont maintenant changé. Plusieurs doctorants de l’époque ont aujourd’hui soutenu leur thèse de doctorat tandis qu’une nouvelle volée de doctorants se sont inscrits auprès de leurs aînés. Cependant, ce présent ouvrage ne tient pas compte de ces nombreux 16
changements et des nouvelles recherches réalisées durant le dernier lustre : il s’agit en fait d’une nouvelle et heureuse page de l’histoire de l’archéologie en Côte d’Ivoire que les chercheurs ivoiriens sont en train d’écrire.
1.2) Méthodes et sources L’élaboration de cette recherche a nécessité en premier lieu l’établissement d’une historiographie de l’archéologie en Côte d’Ivoire. En effet, aucun bilan conséquent retraçant le développement des recherches et l’évolution de la pratique dans le pays n’était disponible au préalable. Si quelques articles existaient bien, ils étaient insuffisamment approfondis pour parvenir aux objectifs de cette étude1. En second lieu, une enquête a été menée sur l’actualité de la recherche en Côte d’Ivoire et sur son contexte. Cette enquête a eu pour objectif d’observer les comportements et les pratiques scientifiques des archéologues ivoiriens. Les pratiques actuelles de l’archéologie ivoirienne ont ensuite été analysées en tenant compte du contexte de la recherche observé et de l’historiographie de la discipline. L’essentiel des données ont été acquises lors d’un terrain d’enquête qui s’est déroulée du 16 octobre au 20 novembre 2011. Durant ce séjour, j’ai été hébergé par un doctorant de l’ISAD, René Kouadio Bouadi2, à son domicile, au quartier « Chicane » à Adjamé, commune d’Abidjan située au nord du Plateau. De plus, René Kouadio Bouadi a été le principal informateur du terrain et a guidé l’enquête dans la ville d’Abidjan. D’autres personnes ont également orienté les déplacements et les visites comme Blaise Dghébi (colocataire de René Kouadio Bouadi), Ludovic Aka N’Zebo (étudiant en archéologie) ou Guy Stéphane Amangui (conservateur adjoint au Musée des civilisations de Côte d’Ivoire). Le terrain d’enquête a été dirigé par les deux enseignants de l’ISAD, Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré et Siméon Kouakou Kouassi, respectivement directrice et directeur adjoint de l’ISAD ainsi que par Silvie Memel Kassi, directrice du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire. Élaboration de l’historiographie de l’archéologie en Côte d’Ivoire Le travail historique a été élaboré sur la base de différentes sources et documentations qui, au final, forme une synthèse critique. Ces documents ont été séparés en deux catégories : les sources primaires et les sources secondaires.
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Depuis la réalisation de ce travail et sa soutenance en 2013, le sujet a toutefois été étoffé par une thèse de doctorat sur le développement de l’archéologie préventive soutenue en 2016 à l’Université libre de Bruxelles par Charles Dibié N’ZI (2016). 2 René Kouadio Bouadi a soutenu sa thèse en 2016.
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Sources utilisées - Sources primaires – Publications d’époque sur l’archéologie en Côte d’Ivoire – Publications d’époque sur l’archéologie en AOF – Rapports internes de recherche – Travaux académiques sur l’archéologie en Côte d’Ivoire – Entretiens personnels et témoignages – Documents divers - Sources secondaires – Bibliographie sur le contexte historique – Bibliographie sur l’histoire de l’archéologie en AOF – Bibliographie sur l’archéologie en contexte colonial – Bibliographie anthropologique - Sources primaires Les principales sources primaires utilisées lors de ce travail sont les publications scientifiques qui ont été produites au fil du temps sur l’archéologie en Côte d’Ivoire. Ces documents ont été analysés pour mettre en évidence l’évolution des pratiques scientifiques de la recherche archéologique en Côte d’Ivoire. À cette fin, un corpus complet des articles et publications sur cette thématique a été constitué. Cette opération inédite a abouti à l’élaboration d’une bibliographie complète sur l’archéologie en Côte d’Ivoire de 1897 à 2013. Le corpus réunit 279 entrées sur le sujet, sans toutefois pouvoir prétendre à l’exhaustivité. Il regroupe trois types de documents : publications (200 entrées), rapports internes (32 entrées) et travaux académiques (47 entrées). La bibliographie de ces documents recensés se trouve en annexe (Annexe 1). Les principaux articles et ouvrages publiés depuis 2013 y figurent aussi en complément portant ainsi le corpus actuel à 317 entrées1. Ces documents ont tous en commun le fait de traiter en totalité ou en partie du passé archéologique en Côte d’Ivoire. Le corpus a été réalisé sur la base d’indications et de documents directement transmis par les archéologues ivoiriens Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré, Siméon Kouakou Kouassi, Sylvain Kouakou Koffi et 1
Les nouvelles références bibliographiques publiées depuis 2013 ont pu être intégrées grâce à l’aide et aux renseignements d’Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré et de Siméon Kouakou Kouassi. Le corpus bibliographique actuel se porte ainsi à 317 références dont : 229 publications ; 33 rapports ; 52 travaux académiques ; 3 posters (Annexe 1). Toutefois, en raison des activités actuelles très prolifiques des chercheurs de l’ISAD, on remarque que le nombre de documents traitant de l’archéologie en Côte d’Ivoire augmente très rapidement. Ce corpus bibliographique devrait donc se montrer, fort heureusement, bientôt incomplet.
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François Yiodé Guédé. À chaque document, la bibliographie a été relevée et suivie. De fil en aiguille, les filiations bibliographiques ont été remontées pour trouver à chaque fois les nouveaux articles. Des références bibliographiques ont également été fournies par Augustin Potence Kouassi Kouassi, Guy Rolland Galla Tié Bi, Narcisse Kouadio Yao, Arouna Yeo, Jacques Djidjé Kazio, René Kouadio Bouadi et Ludovic Aka N’Zebo, doctorants et étudiants à l’Université de Cocody-Abidjan. Certains documents recensés n’ont pas été retrouvés et, faute d’accès, n’ont pas été intégrés à cette étude. Toutes les publications n’ont donc pas pu être réunies, ni même recensées. La difficulté de réunir un tel corpus réside dans l’éclatement géographique des publications. Les articles publiés dans des revues ouestafricaines sont peu disponibles en Europe et vice-versa. Il n’existe pas, actuellement, de bibliothèque qui réunit les articles sur l’archéologie en Côte d’Ivoire. La bibliothèque de l’Université de Cocody-Abidjan a été pillée durant la crise d’avril 2011 et était toujours fermée lors du terrain d’enquête. Les documentations réunies à l’IHAAA et à l’ISAD étaient de même indisponibles. Les étudiants et doctorants rencontrés à Abidjan avaient réuni une documentation personnelle. Beaucoup l’ont perdue lors du conflit qui a eu lieu dans la capitale suite à la crise postélectorale. Cependant, les documents consultés sont suffisants pour établir un historique crédible des pratiques de l’archéologie en Côte d’Ivoire dans leurs tendances générales. Les 200 publications recensées ne représentent pas la totalité des publications produites sur l’archéologie en Côte d’Ivoire. Certaines sont inconnues de toutes les personnes rencontrées et n’ont pas été reprises dans les références bibliographiques des autres articles. Il est impossible de connaître le nombre exact de publications qui ont échappé au recensement. Toutefois, par estimation prudente, il semble que le corpus a recensé environ 80 % des titres. Parmi les 200 publications signalées, 179 ont été consultées lors de l’étude historique, soit 90 %. Il est donc possible de prétendre que l’analyse historique qui va suivre a été réalisée sur la base d’environ 72 % des publications produites sur l’archéologie en Côte d’Ivoire. Les rapports internes de recherche sont des documents de travail non publiés à l’issue de recherches archéologiques. Ils étaient collectés par l’IHAAA suite aux fouilles des chercheurs ivoiriens ou des chercheurs associés étrangers. Il s’agit de sources grises transmises non officiellement de chercheur à chercheur. Leur dynamique de transmission étant complexe, ces rapports n’ont pas pu être recensés ; leur nombre est inconnu. Seules 32 entrées ont été recensées et 17 ont été consultées. La plupart proviennent d’Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré1 et de Paul Raymaekers2. Ce dernier a généreusement accepté de transmettre tous ses rapports de recherches en 1 2
Entretien avec Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré, le 13 octobre 2010, à Neuchâtel. Entretien avec Paul Raymaekers, du 27 au 31 mars 2012, à Rhode-Saint-Genèse, Bruxelles.
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Côte d’Ivoire. Certains travaux de mémoires et thèses ont également pu être rassemblés. Au total, 47 travaux universitaires (29 mémoires et 18 thèses) ont été recensés jusqu’en 2013. Parmi eux, 17 ont pu être consultés. Des publications d’époque sur l’archéologie en AOF ont aussi servi à éclairer la situation générale de l’archéologie dans la région dans un but contextuel et comparatif. L’analyse historique a également été complétée par des discussions lors des entretiens menés dans le cadre du travail d’enquête. Les propos concernaient principalement les périodes et évènements dont les interlocuteurs avaient été les témoins. Toutefois des renseignements qu’ils connaissaient sur les périodes antérieures ont également été recueillis. Sept personnes rencontrées ont fourni la plupart des informations utiles à l’analyse historiographique. Il s’agit de Siméon Kouakou Kouassi, Yaya Savané, François Yiodé Guédé, Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré, Paul Raymaekers, Jean Polet et Frédéric Joulian (communication téléphonique). Les documents divers sont composés d’anciens prospectus et d’imprimés de tout genre, de notes de cours données à l’Université de Cocody-Abidjan, de PowerPoint, de textes de lois et également de guides touristiques, entre autres. C’est donc une documentation diverse et variée qui fournit des informations sur le sujet. Cependant, cette documentation a été analysée avec prudence en raison de ses origines parfois inconnues. Les informations qui en sont issues ont toujours été vérifiées par d’autres sources. Parmi ces documents, le règlement de l’IHAAA a été longuement mais infructueusement recherché pour cette enquête. Il aurait pu apporter de nombreuses informations pour cette étude. De même, il semble qu’un acte de fondation de l’IHAAA ait été inscrit dans le Journal officiel de la République de Côte d’Ivoire du 24 juillet 1969. Cette référence n’a pas pu être consultée. - Sources secondaires Les sources secondaires utilisées dans ce travail sont des publications variées qui apportent des réflexions critiques ou des analyses historiques et dont le sujet porte sur la thématique de la recherche. Ces documents n’ont pas été analysés avec une attitude critique, mais sont utilisés comme références pour aiguiller et étayer les propos et les réflexions du travail. Cette catégorie est composée de publications actuelles d’histoire, d’ethnologie, d’anthropologie, d’historiographie et d’épistémologie en archéologie. Ces ouvrages concernent principalement le cadre historique en lien avec le sujet. Les thèmes principaux de ces sources traitent de l’histoire de la Côte d’Ivoire, de l’histoire générale de l’Afrique de l’Ouest, du colonialisme et de la France.
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Ensuite, différentes publications traitant de l’histoire de l’archéologie en AOF ont également été analysées. L’objectif était de comparer la réflexion obtenue en Côte d’Ivoire à une échelle plus vaste. Ce travail a également nécessité la consultation d’ouvrages théoriques sur le sujet de l’archéologie en contexte colonial ou en contexte de développement, ainsi que des publications scientifiques traitant de l’épistémologie de l’archéologie. De tels ouvrages permettent de relier les éléments observés en Côte d’Ivoire avec des réflexions plus générales. Finalement, le travail d’historiographie n’aurait pu être réalisé sans l’appui de références ethnologiques, notamment pour une meilleure compréhension des types de relations qu’entretiennent des sociétés ouestafricaines avec leur passé. Ce type de littérature permet également de se positionner dans une meilleure analyse critique des sources et traditions orales fréquemment évoquées dans l’histoire des pratiques archéologiques en Côte d’Ivoire. Pour la consultation de ces différentes sources, plusieurs centres de documentation ont été mobilisés en Suisse, à Abidjan, à Paris et à Bruxelles. Lors du terrain d’enquête réalisée à Abidjan du 15 octobre au 20 novembre 2011, la plupart des centres de documentation étaient fermés suite au conflit postélectoral d’avril 2011. Seule la bibliothèque du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire était accessible. Les autres centres se trouvent en Europe. Les documents trouvés en Suisse ont été localisés grâce au catalogue en ligne du portail Rero (www.rero.ch), tandis que ceux qui ont été consultés à Paris ont été repérés grâce au catalogue en ligne du Système universitaire de Documentation (http://www.sudoc.abes.fr). Principaux centres de documentation consultés – Réseau des bibliothèques romandes (Rero), en Suisse. – Bibliothèque du Musée des civilisations à Abidjan. – Bibliothèque de recherches africaines, à Paris. – Bibliothèque d’art et d’archéologie du centre Michelet, à Paris. – Paul Raymaekers Foundation, à Rhode-Saint-Genèse (Bruxelles). En plus des centres de documentation, des bibliothèques de revues scientifiques en ligne sur Internet ont été consultées. Bibliothèques de revues scientifiques en ligne – Bibliothèque numérique du CAMES : http://www.lecames.org. Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur. – Gallica : http://gallica.bnf.fr. Bibliothèque nationale de France. – Horizon : http://horizon.documentation.ird.fr. Institut de recherche pour le développement (IRD, ex-ORSTOM).
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– JSTOR : http://www.jstor.com, ITHAKA. – Nyame Akuma, bulletin of the SAfA : http://www.safa.rice.edu. Society of Africanist Archaeologists. – Persée : http://www.persée.fr. Ministère français de l’Éducation nationale – Ministère français de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. – Revues.org : http://www.revues.org. Centre pour l’édition électronique ouverte (Cléo – UMS 3287) Analyse du fonctionnement de l’archéologie ivoirienne Les données utiles à l’analyse de la situation actuelle de la recherche en Côte d’Ivoire ont été principalement obtenues lors du terrain d’enquête à Abidjan. Ce séjour a permis de rencontrer de nombreux intervenants de l’archéologie en Côte d’Ivoire et de visiter plusieurs institutions en lien avec l’archéologie. D’autres informations ont également été obtenues durant les campagnes de fouilles de Korsimoro (Burkina Faso) et de Siola (Kaniasso, Côte d’Ivoire). Ces deux campagnes ont été l’occasion de collecter des informations auprès des professeurs, doctorants et étudiants ivoiriens. La fouille de Korsimoro a permis d’observer la situation de l’archéologie burkinabée afin de la comparer avec celle de Côte d’Ivoire. La campagne de Siola a été l’occasion de compléter les données, de participer à une opération archéologique avec l’ISAD et de visiter l’Université d’Abidjan-Cocody. Des informations ont également été recueillies en Europe, auprès d’archéologues et de coopérants qui avaient été actifs en Côte d’Ivoire. Des rencontres ont eu lieu en Suisse (Berne et Neuchâtel), à Paris et à Bruxelles ainsi que par téléphone. De nombreux renseignements ont également été fournis par deux doctorants ivoiriens venus étudier à Neuchâtel. Il s’agit de René Kouadio Bouadi, de septembre 2010 à juin 2013 et d’Augustin Potence Kouassi Kouassi de septembre 2011 à juin 2013. L’analyse de la situation actuelle de l’archéologie en Côte d’Ivoire a donc été élaborée par le croisement de sources diverses : entretiens et discussions avec des intervenants de l’archéologie ivoirienne, visites d’institutions, immersions participantes et analyse de publications récentes. Les entretiens Les personnes rencontrées en Côte d’Ivoire sont principalement des archéologues, des muséologues et des membres de l’administration en activité ou en retraite. Toutefois, d’autres personnes ont également été approchées comme les concierges du MCCI, les villageois et les guides durant les fouilles archéologiques, par exemple. Les personnes contactées en
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Europe sont des archéologues européens qui ont travaillé en Côte d’Ivoire ainsi que des membres d’institutions liés à la coopération scientifique. Les rencontres étaient transcrites de façon manuscrite, sans dictaphone ou appareil d’enregistrement. Les questions étaient préparées à l’avance. Pour le terrain d’enquête, les questions avaient été préparées depuis la Suisse. Toutefois, le contenu des interviews a fortement évolué durant le séjour pour s’adapter à la situation et aux nouvelles connaissances acquises au fil du séjour. Certains intervenants ont été rencontrés par hasard et les entretiens ont été spontanés. Des échanges ont été réalisés avec de nombreuses personnes. Certains propos ont été utilisés comme sources mais la plupart ont surtout été utiles à la compréhension et à l’analyse de la situation. Une soixantaine de personnes ont fait l’objet d’un entretien ou de contacts plus élaborés1 : – René Kouadio Bouadi, doctorant en archéologie, contacts réguliers entre septembre 2010 et juin 2013. – André Aeschlimann, directeur du CSRS de 1958 à 1962, président de la commission de 1975 à 1984 et président de l’Académie suisse des sciences naturelles de 1982 à 1988, le 3 avril 2011, à Neuchâtel. – Danielle Ritter, division des Sciences humaines du FNS, le 23 juin 2011, à Berne. – Elisabeth Schenker, division de la Coopération internationale du FNS, le 23 juin 2011, à Berne. – Anne Christine Clottu Vogel, vice-présidente du Conseil de Fondation du CSRS, le 1er juillet 2011, à Neuchâtel. – Augustin Potence Kouassi Kouassi, doctorant en archéologie, contacts réguliers entre septembre 2011 et juin 2013. – Siméon Kouakou Kouassi, archéologue ivoirien, maître de conférences et directeur adjoint du département d’archéologie de l’ISAD (Université d’Abidjan-Cocody), du 15 au 20 novembre 2011 à Abidjan et Toumodi, du 20 décembre 2011 au 15 janvier 2012 à Korsimoro, Burkina Faso et les 4, 5, 25 et 26 janvier 2013 à Abidjan. – Silvie Memel Kassi, directrice du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire, le 19 octobre et du 8 au 19 novembre 2011, à Abidjan. – Ludovic N’Zebo Aka, étudiant DEA en archéologie, du 15 au 20 novembre 2011, à Abidjan et Toumodi et du 4 au 26 janvier 2013 à Abidjan et Kaniasso. – Claude Amory, photographe et cinéaste du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire, les 20 et 21 octobre et du 8 au 19 novembre 2011, à Abidjan et Grand-Bassam.
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Les positions et postes indiqués dans cette liste sont ceux que les personnes rencontrées possédaient lors du terrain d’étude en 2011.
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– Yaya Savané, historien et anthropologue et ancien directeur du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire, les 20 octobre et 16 novembre 2011, à Abidjan. – Tizié Bi Koffi, directeur du Musée National des Costumes de GrandBassam, le 21 octobre 2011, à Grand-Bassam. – Prosper, habitant du village d’Assafou, du 24 au 28 octobre 2011, à Assafou (Toumodi). – Lambert, habitant du village d’Assafou et guide, du 24 au 28 octobre 2011, à Assafou (Toumodi). – Le chef du village de Djangoménou, du 28 au 29 octobre 2011, à Djangoménou (Toumodi). – Guillaume, habitant du village de Djangoménou et guide, du 28 au 29 octobre 2011, à Djangoménou (Toumodi). – Koffi, habitant du village d’Akoué-Kouadiokro et guide, du 31 octobre au 4 novembre 2011. – Aïcha Desline Touré, étudiante Master en archéologie, co-déléguée de classe de Master, le 8 novembre 2011, à Abidjan. – L’équipe du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire, du 8 au 19 novembre 2011. – Aldiouma Yattara, directeur du Musée du Sahel de Gao, du 8 au 19 novembre 2011, à Abidjan. – François Yiodé Guédé, archéologue ivoirien et ancien chargé de recherche à l’IHAAA (Université d’Abidjan-Cocody), le 14 et le 19 novembre 2012, à Abidjan. – Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré, archéologue ivoirienne, maître de conférences, directrice du département d’archéologie de l’ISAD (Université d’Abidjan-Cocody), le 14 novembre 2011, à Abidjan et du 4 au 26 janvier 2013, à Abidjan et Siola (Kaniasso). – Narcisse Kouadio Yao, doctorant en archéologie, les 15 et 18 novembre 2011, à Abidjan, du 20 décembre 2011 au 15 janvier 2012, à Korsimoro, Burkina Faso et du 4 au 26 janvier 2013, à Abidjan et Kaniasso. – Adou Kraidy, ancien étudiant en archéologie, le 15 novembre 2011, à Abidjan. – Renée Divine N’Guessan, sous-directrice des Archives nationales, le 16 novembre 2011, à Abidjan. – Touré Katina, ancien directeur des musées, sites et monuments de 2004 à 2007, le 16 novembre 2011, à Abidjan. – Gilbert Foukou, responsable du secteur des sciences humaines du CSRS, le 17 novembre 2011, à Adiopodoumé. – Zoko Djowa, doyen du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire, le 17 novembre 2011, à Abidjan. – Bassirou Bonfoh, directeur général du CSRS, le 20 novembre 2011, sur le vol AF 703 entre Abidjan et Paris-Charles-de-Gaulle. 24
– Yeo Arouna, doctorant en archéologie, du 20 décembre 2011 au 15 janvier 2012 à Korsimoro, Burkina Faso et du 4 au 26 janvier 2013, à Abidjan et Kaniasso. – Djidjé Jacques Kazio, doctorant en archéologie, du 20 décembre 2011 au 15 janvier 2012 à Korsimoro, Burkina Faso et du 4 au 26 janvier 2013, à Abidjan et Kaniasso. – Galla Guy Roland Tiébi, doctorant en archéologie, du 20 décembre 2011 au 15 janvier 2012 à Korsimoro, Burkina Faso et du 4 au 26 janvier 2013, à Abidjan et Kaniasso. – Paul Raymaekers, chercheur belge, membre de l’ARSOM et chercheur associé à l’IHAAA ayant réalisé des prospections archéologiques en Côte d’Ivoire de 1987 à 1998, du 27 au 31 mars 2012, à Rhode-SaintGenèse, Bruxelles. – Jean Polet, archéologue français, ancien coopérant en Côte d’Ivoire au sein de l’IHAAA et professeur d’histoire de l’Art et d’Archéologie de l’Afrique subsaharienne à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, le 12 juin 2012, à Paris. – Frédéric Joulian, chercheur français, maître de conférences à l’EHESS ayant réalisé des recherches éthologiques, étho-archéologiques et archéologiques en Côte d’Ivoire entre 1988 et 2001, les 14 et 18 décembre, par téléphone. – Sylvain Kouakou Koffi, archéologue ivoirien, assistant à l’ISAD, du 4 au 26 janvier 2013, à Abidjan et Kaniasso. – Michel Aka, étudiant Master en archéologie, co-délégué de classe de Master, du 4 au 26 janvier 2013, à Abidjan et Kaniasso. Les visites Pour un meilleur aperçu de capacités institutionnelles de l’archéologie en Côte d’Ivoire, des infrastructures en lien avec l’archéologie ont été visitées. Il s’agit principalement de cinq institutions : – L’Université Hampaté Bâ, à Cocody, le 18 octobre 2011. – Le Musée National des Costumes, à Grand-Bassam, le 21 octobre 2011. – Le Centre suisse de recherches scientifiques, à Adiopodoumé, le 17 novembre 2011. – Le Musée des civilisations de Côte d’Ivoire, au Plateau, les 19 et 20 octobre et du 8 au 19 novembre 2011. – L’Université d’Abidjan-Cocody, à Cocody, les 4, 5, 25 et 26 janvier 2013. Les visites ont permis d’observer en quoi consiste le niveau réel d’équipement, l’état général et les capacités d’action des institutions en lien
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avec l’archéologie, les conditions dans lesquelles travaillent les intervenants ainsi que les moyens dont ils disposent. Observations participantes Durant le terrain d’enquête, deux opportunités fortuites ont permis de réaliser des observations participantes brèves mais qui ont augmenté significativement les données récoltées. Il s’agit d’une participation aux fouilles archéologiques menées par René Kouadio Bouadi dans le cadre de sa thèse de doctorat, ainsi que celle de l’inventaire des collections archéologiques du MCCI lors des travaux menés pour réaménager le Musée qui avait été pillé durant la crise. Ces deux opportunités ont significativement favorisé le travail d’analyse grâce à des observations inespérées des pratiques de terrain et muséales. René Kouadio Bouadi m’a généreusement proposé de le rejoindre lors de ses recherches dans le V-Baoulé afin d’observer les contraintes et les pratiques scientifiques sur les terrains archéologiques ivoiriens. La campagne de fouille a duré 12 jours, du 24 octobre au 4 novembre 2011. Grâce à elle, l’étude a pu se tourner vers l’observation des travaux de fouilles afin de déterminer comment les archéologues opèrent sur le terrain et comment ils procèdent à l’acquisition de données scientifiques. L’observation du déroulement d’un chantier a permis de cibler les pratiques et les méthodes utilisées ainsi que les questions d’accès aux terrains de recherche et les conditions dans lesquelles ces dernières se déroulent. Le second imprévu providentiel fut la participation aux travaux d’inventaires des collections archéologiques du MCCI. Lors de l’enquête au Musée, M. Aldiouma Yattara, conservateur du Musée du Sahel à Gao, avait été mandaté par l’École du Patrimoine Africain (Bénin) pour reconstituer les collections du MCCI suite à son pillage. Aldiouma Yattara m’a convié à collaborer à l’inventaire des pièces archéologiques lors de ces travaux. La participation au travail d’inventaire a duré 10 jours, du 9 au 19 novembre 2011. N’étant pas formé sur l’archéologie africaniste et sur la typologie africaine, j’ai réalisé un travail approximatif sur les collections archéologiques du musée mais qui convient cependant à un classement provisoire. Ma participation aux travaux d’inventaire du Musée m’a permis d’avoir accès à toutes ses collections, a grandement favorisé l’immersion parmi les collaborateurs du Musée et a facilité mes entretiens avec eux. Bibliographie Afin d’élaborer l’analyse, des publications récentes sur l’archéologie en Côte d’Ivoire ont été utilisées. Il s’agit d’articles et d’ouvrages publiés entre les années 2000 et 2013 et dont les propos traitent de l’actualité de la recherche. D’autres documents sur la recherche archéologique en Afrique de
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l’Ouest ont également été consultés à titre comparatif, ainsi que des ouvrages théoriques et sur l’épistémologie de l’archéologie en Côte d’Ivoire. Comme pour les documents historiques, ces publications ont principalement été trouvées sur Rero, le Réseau des bibliothèques romandes ainsi que sur des bibliothèques de revues scientifiques en ligne, comme pour la partie historiographique. Des données ont été collectées depuis juillet 2010 jusqu’au terme de l’analyse en juin 2013. L’opération de collecte d’informations a été très fructueuse. L’analyse de cette seconde partie ne présente pas l’intégralité des données recueillies, mais uniquement celles nécessaires à comprendre les spécificités de l’archéologie en Côte d’Ivoire. Au total, plus de 200 personnes ont été rencontrées pour l’élaboration de cette seconde partie, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, en France, en Belgique et en Suisse. Le terrain d’enquête de cinq semaines en Côte d’Ivoire aurait été impossible sans le soutien financier du Fonds de Donation de l’Université de Neuchâtel. Il aurait également été voué à l’échec sans le soutien généreux qu’ont apporté René Kouadio Bouadi, Ludovic Aka N’Zebo, Siméon Kouakou Kouassi, Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré et Silvie Memel Kassi. C’est grâce à eux que le terrain d’enquête fut un succès.
1.3) Critique des méthodes et des sources La première étape du travail fut la création d’un corpus de sources et d’une bibliothèque de « fortune ». Les documents que j’ai utilisés comme sources primaires sont en fait des documents publiés ou diffusés qui seraient des sources secondaires si cette étude avait été réalisée sur la base de documents d’archives. Ils sont considérés comme sources primaires dans ce travail en raison de l’analyse critique dont ils ont fait l’objet et à défaut de documents d’archives disponibles. Il aurait été préférable de consulter des documents d’archives, des rapports, des notes, des échanges de correspondances, des inventaires et des photographies. Malheureusement, aucune archive de ce genre n’existe sur le sujet. Ce type de documents primaires est dispersé entre la Côte d’Ivoire, la France, le Sénégal (IFAN). On les trouve dans les archives des différentes unités scientifiques qui ont opéré en Côte d’Ivoire. Ces rares archives sont réparties sur deux continents et une grande partie a simplement disparu. Dans un article sur l’histoire de l’archéologie en AOF, Hamady Bocoum et Charles Becker (1997) citent quatre types de sources : les documents issus du Musée de l’Homme, les rapports faits au Gouverneur général des Colonies, les publications du Comité d’Étude Scientifique et Historique d’AOF et les publications de l’IFAN. Pour la présente étude, les documents d’archives coloniales et ceux du Musée de l’Homme n’ont pas été consultés, faute de moyens et de temps. En revanche, les Bulletins du Comité d’Étude Scientifique et Historique d’AOF ont été analysés. Toutefois, ces derniers ne 27
contiennent que peu d’articles sur l’archéologie en Côte d’Ivoire, ne représentant qu’une minorité des publications scientifiques de leur époque sur le sujet. L’étude historiographique a été rendue possible en réunissant des sources primaires par le recensement, la consultation et l’analyse des différents documents publiés sur l’archéologie en Côte d’Ivoire. Bien qu’elle ne soit pas la meilleure approche pour établir l’historiographie d’une discipline, la méthode utilisée est la seule actuellement qui permette d’aboutir à des résultats. Au niveau de l’analyse du fonctionnement actuel de l’archéologie ivoirienne, si l’observation a permis de réunir d’importantes quantités de données, une masse plus importante aurait été nécessaire pour définir exactement les modalités et les comportements effectifs de l’archéologie ivoirienne. En effet, plusieurs facteurs ont limité l’acquisition des données. D’une part, la durée courte du terrain d’enquête (5 semaines) : si les informations recueillies sont suffisantes pour l’élaboration d’un mémoire de Master, beaucoup d’informations intéressantes auraient encore pu être acquises. Toutefois, il était impossible d’estimer au préalable combien de temps était nécessaire pour réaliser l’enquête et un plus long séjour aurait demandé un budget plus important. La durée idéale du terrain en Côte d’Ivoire aurait été de deux mois. Un séjour plus long aurait été inutile compte tenu de la situation de crise en Côte d’Ivoire et du blocage des infrastructures administratives. D’autre part, le terrain d’enquête s’est déroulé seulement cinq mois après la crise postélectorale. Les infrastructures urbaines d’Abidjan avaient subi d’importants dégâts durant le conflit armé qui s’est déroulé à l’intérieur de la ville. Plusieurs intervenants n’étaient que récemment de retour à leur poste. Certains ont dû quitter leur domicile durant la crise pour se réfugier en campagne. Les offices administratifs et les institutions culturelles de la capitale étaient encore non opérationnels ou simplement fermés. Le quartier administratif du plateau était sous contrôle de l’ONUCI et de la Force Licorne. Les quartiers résidentiels et populaires étaient encore tenus par les FRCI (Forces républicaines de Côte d’Ivoire), éléments armés paramilitaires en voie d’intégration dans une nouvelle armée nationale ivoirienne. De plus, dans ce contexte de crise et de tensions, les propos des intervenants étaient parfois très réservés. L’incidence majeure de la crise sur le terrain d’enquête fut la fermeture de la plupart des centres de documentation et des services administratifs. De plus, l’Université d’Abidjan-Cocody avait été gravement endommagée durant la crise et était fermée. C’est donc le Musée des civilisations qui a été, grâce à Mme la directrice Silvie Memel Kassi, l’institution de base lors du terrain d’enquête. Bien que fermé au public suite au pillage du Musée durant la crise d’avril 2011, le MCCI était toujours actif grâce à son équipe dynamique. L’Université d’Abidjan-Cocody a tout de
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même pu être visitée, en janvier 2013 à l’occasion de la campagne de fouille de Siola. Malheureusement, il est tout à fait possible que des évènements importants pour l’histoire et la situation actuelle de la recherche n’ont pas été relevés dans ce travail, faute de sources ou d’indications obtenues. Il est aussi très probable que des recherches archéologiques menées en Côte d’Ivoire n’aient pas été recensées lors de cette étude en raison de l’inexistence, l’indisponibilité ou de la disparition des documents produits à leur sujet. Certains sujets n’ont également pas pu être traités dans le cadre de cette recherche par manque de moyens ou de temps. Parmi les évènements qui n’ont pas été analysés ou de manière très superficielle lors de l’étude, on peut notamment citer : le colloque de Bondoukou de 1974, la table ronde sur les origines de Kong de 1975, les recherches de Norbert Charles Ouayou et de Roger Oula ainsi que le projet « Route du Cacao », entre autres. Dans le cadre de cette enquête, plusieurs analyses en projets n’ont malheureusement pas pu être menées. En premier lieu, du fait de la fermeture de l’Université d’Abidjan-Cocody, il a été impossible d’y observer les comportements scientifiques et pédagogiques qui s’y déroulaient. L’indisponibilité de cartes à des échelles utiles rend peu judicieux l’établissement d’une carte archéologique de la Côte d’Ivoire. Néanmoins, l’importante documentation réunie aurait permis de réaliser un inventaire des sites qui y sont évoqués. Le corpus bibliographique aurait également rendu possible, au travers des citations, de retracer les filiations bibliographiques à la manière d’un arbre généalogique. Cela aurait permis d’isoler les documents qui constituent la matière bibliographique à chaque époque ainsi que de mettre en évidence les types de documents indisponibles pour les chercheurs. Pour illustrer l’éclatement des différents centres de documentation, centres de recherche et autres lieux importants de la recherche archéologique ivoirienne à Abidjan, il aurait été intéressant d’établir une carte de la ville qui les situe et de recenser leur adresse. Ces différents projets abandonnés lors de cette enquête n’affectent que peu les résultats globaux de la recherche et pourront toujours être poursuivis ultérieurement. Les informations obtenues sont néanmoins suffisantes et assez variées pour la réalisation de ce mémoire. De plus, cette période de transition en Côte d’Ivoire est justement propice à un bilan de la situation de l’archéologie dans le pays. Il favorisera la réflexion sur l’avenir de la discipline dans le nouveau contexte actuel de la recherche.
1.4) Résultats obtenus L’enquête fait ressortir l’évolution plurielle et hétérogène de la discipline. En effet, depuis les premières observations publiées, l’archéologie en Côte d’Ivoire a été prise en charge par quatre collectifs qui se distinguent par les 29
origines de leurs acteurs et leur fonctionnement. Cette succession permet de diviser l’histoire de la recherche archéologique en Côte d’Ivoire en quatre périodes majeures : – Les administrateurs coloniaux (1897-1929). – L’archéologie de l’AOF (1941-1961). – L’archéologie nationale en formation (1968-1985). – L’archéologie ivoirienne en contexte de crise (1985-2008). Toutefois, l’histoire de la discipline démontre qu’une véritable tradition scientifique de l’archéologie existe en Côte d’Ivoire. De plus, en conséquence de son appropriation par les chercheurs ivoiriens, cette tradition a développé des pratiques et des procédures qui lui sont propres. L’analyse des données collectées met en évidence certaines spécificités dans les pratiques de l’archéologie ivoirienne. L’analyse historiographique permet de comprendre leurs origines et leur évolution. Certaines pratiques des archéologues ivoiriens, différentes de celles des archéologues européens, sont en réalité les protocoles d’une réelle tradition scientifique locale, qui répond au contexte moderne de la recherche. Ces pratiques différentes ne sont donc pas issues d’une mauvaise maîtrise de la pratique de l’archéologie, mais d’une réappropriation de la discipline scientifique. Toutefois, l’évolution du contexte peut nuire à l’efficacité de certaines pratiques. L’analyse permet donc aussi d’identifier les pratiques actuelles des archéologues ivoiriens, qui pourraient être aujourd’hui remises en cause.
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PREMIÈRE PARTIE Historiographie de l’archéologie en Côte d’Ivoire
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2) Les phases de l’historiographie de l’archéologie en Côte d’Ivoire
En raison de la difficulté de circonscrire le champ de l’archéologie en Côte d’Ivoire comme dans toute l’Afrique de l’Ouest, ce travail se concentre principalement sur les pratiques et non sur les résultats de la recherche archéologique. À cette distinction s’ajoute la pluralité des pratiques scientifiques soulignée d’abord par la grande diversité des contextes de l’archéologie en milieu colonial (Galitzine-Loumpet et al., 2011), puis par la transversalité des pratiques qui y ont lieu et l’hybridation des chercheurs qui la pratiquent. De plus, l’histoire de l’archéologie en Côte d’Ivoire n’est pas le fait d’une tradition scientifique unique. En effet, cette étude démontre qu’au fil du temps, quatre collectifs d’acteurs pratiquant l’archéologie sont identifiables : les administrateurs coloniaux ; l’archéologie de l’AOF (Afrique-Occidentale française) ; l’archéologie nationale en formation ; l’archéologie ivoirienne en contexte de crise. Cette pluralité de la recherche ainsi catégorisée est issue de l’absence de cohésion entre ces différents milieux pratiquant l’archéologie, ou qui l’ont pratiquée à leur époque. Chaque groupe s’est approprié la discipline à sa manière. Il ne s’agit pas uniquement de paradigmes qui traduisent l’orientation de la recherche et qui évoluent progressivement dans une communauté d’archéologues ; il s’agit de l’identité de la recherche et des personnes qui la pratiquent. Les quatre groupes évoqués sont constitués de quatre collectifs différents qui ne partagent pas les mêmes objectifs ni les mêmes fonctionnements. L’historiographie n’est donc pas axée sur l’histoire de l’évolution de ses discours, mais sur celle de ses acteurs. Il s’agira alors de mener une analyse de ces quatre collectifs qui se sont succédé et parfois même rencontrés. Nous verrons pour chaque période comment ils fonctionnent et comment ils évoluent, ce qu’ils ont apporté à la connaissance du passé archéologique ivoirien, ainsi que les méthodes et stratégies scientifiques qu’ils ont transmises aux archéologues d’aujourd’hui. L’objectif d’une telle historiographie est de retracer la construction graduelle de l’archéologie ivoirienne au travers de ces quatre collectifs. Elle permettra d’identifier l’origine des comportements actuels des archéologues ivoiriens dans les traditions hétérogènes de la recherche archéologique et de définir comment les problématiques actuelles se sont construites durant les 33
différentes périodes. En guise de bilan des travaux réalisés, elle permettra de retracer les différentes expériences de l’archéologie en Côte d’Ivoire et de montrer quelles connaissances ces dernières ont apportées. Elle fera également apparaître l’évolution de la place de l’archéologie dans le rapport qu’entretiennent les sociétés, ivoiriennes et métropolitaines/européennes, avec le passé archéologique de la Côte d’Ivoire. La division de l’histoire de l’archéologie en quatre périodes se justifie par trois raisons : les grandes différences de fonctionnement qui les caractérisent, les périodes d’inactivités scientifiques apparentes ou les ruptures qui les séparent et le renouvellement des acteurs. C’est pour les besoins du travail de mémoire et de l’analyse des pratiques actuelles que cette division a été opérée. D’autres approches sont toutefois possibles. Cette division crée des périodes de durées inégales avec des lacunes qui correspondent à des périodes sans activité archéologique attestée. Certaines périodes se chevauchent également. Cette superposition est surtout le résultat d’une transition progressive mais également d’une cohabitation entre plusieurs modes de fonctionnement. Chacune des époques connaît l’arrivée de nouveaux chercheurs d’horizons et d’opinions très différents. Les cohésions de discours sont rares. Il ne faut donc pas chercher à synthétiser les multiples comportements de chacune des périodes décrites. En fait, il ne s’agit pas de la première historiographie de l’archéologie en Côte d’Ivoire à être réalisée. Dès les débuts des recherches archéologiques en AOF, Pierre Laforgue a établi plusieurs bilans des opérations et des publications en Afrique de l’Ouest (Lafrogue, 1925a). Pour les périodes plus récentes, Raymond Mauny, en 1972, a réalisé un état de la recherche en Côte d’Ivoire. En 1983, Robert Chenorkian a entrepris une compilation des activités scientifiques de son époque et des datations au 14C (carbone 14) réalisées en Côte d’Ivoire (Chenorkian, 1983). Colette Faucquez-Tao précise, en 1989, l’état de la recherche ivoirienne (Faucquez-Tao, 1989). François Yiodé Guédé, en 1995, retrace l’historique des recherches sur le Paléolithique ivoirien (Guédé, 1995). Toutefois, ces articles sont principalement des bilans thématiques ou des synthèses de l’actualité de la recherche à une époque donnée. L’histoire de l’archéologie en Côte d’Ivoire dans sa globalité a été synthétisée dernièrement dans un article d’Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré (Kiénon-Kaboré, 2010). En plus des publications, l’enseignement actuel de l’archéologie à l’Université de Cocody-Abidjan comprend un cours d’histoire de la discipline (UV 306), donné par Siméon Kouakou Kouassi (Kouassi, 2011c). À plus large échelle, l’histoire de l’archéologie en l’Afrique de l’Ouest a été traitée dans l’ouvrage History of African Archaeology sous la direction de Peter Robertshaw (Robertshaw, 1990). Dans cette publication, la contribution de Philip de Barros retrace l’histoire de l’archéologie en AOF (De Barros, 2010). Hamady Bocoum et Charles Becker ont également travaillé sur l’histoire de l’archéologie dans le contexte colonial de l’AOF (Bocoum et Becker, 1997). 34
Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré structure l’histoire de l’archéologie en 3 étapes. La période coloniale est suivie, à l’indépendance, de la création de l’IHAAA (Institut d’histoire, d’arts et d’archéologie africains) dans une nouvelle dynamique de recherche. La dernière période, suite à une période de crise et d’un ralentissement de la recherche, débouche sur la création de l’ISAD (Institut des sciences anthropologiques de développement) et d’un nouveau mouvement pour l’archéologie ivoirienne (Kiénon-Kaboré, 2010). Dans le cours sur l’archéologie en Côte d’Ivoire (UV 306), Siméon Kouakou Kouassi divise l’histoire de l’archéologie en trois périodes : les premières recherches coloniales, puis les travaux de l’IFAN (Institut français d’Afrique noire) et finalement la période postcoloniale de la recherche (Kouassi, 2011c). Pour François Yiodé Guédé, la recherche archéologique en Côte d’Ivoire se divise en trois périodes : la recherche coloniale (1900-1960), la mise en place des structures de recherche (1960-1980) et la recherche systématique (dès 1980)1. Hamady Bocoum, pour l’historiographie de la recherche archéologique en AOF, structure ses propos en trois périodes : les origines (1900-1915), la période de formation de la recherche institutionnelle (1915-1938), la période de l’IFAN (1938-1960). Hamady Bocoum divise la recherche d’avant l’IFAN en deux périodes (Bocoum, 2004). Comme il sera expliqué, cette tendance est atténuée dans le cadre local de la Côte d’Ivoire. Quant à Philip De Barros (1990, p. 155-156), il divise la recherche archéologique en AOF en trois périodes : les débuts (jusqu’en 1940), la période de l’IFAN (19401960) et l’archéologie francophone (depuis 1960). Plus récemment, Nick Shepherd a identifié plusieurs moments dans l’historiographie de l’archéologie africaine mais à l’échelle du continent et dans un article principalement basé sur le discours de l’archéologie africaine anglophone et sur la situation de l’Afrique du Sud (Shepherd, 2002). Cependant, sa catégorisation retient également un second moment de l’archéologie coloniale, entre 1940 et 1960, marqué par une autonomisation de la recherche coloniale locale face à la recherche métropolitaine. Nick Shepherd mentionne aussi la récente période de crise de financement qui caractérise la recherche depuis 1980-1990. La périodisation de l’histoire de l’archéologie en Afrique retenue par Nick Shepherd est donc relativement similaire à celle établie pour l’analyse de ce travail. Chaque chercheur conceptualise donc les périodes de l’histoire de la recherche de manière différente. Ce travail utilise une variante de périodisation supplémentaire. Cependant, entre tous, les quatre périodes utilisées dans ce travail se retrouvent. Si d’autres divisions de l’histoire de l’archéologie sont possibles, celle utilisée dans ce travail est avant tout définie pour parvenir à l’objectif du volet historique de l’étude. Ainsi, malgré l’absence de documentation d’archive et l’utilisation des publications 1
Entretien avec François Yiodé Guédé, le 19 novembre 2011.
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pour constituer l’histoire des pratiques scientifiques en Côte d’Ivoire, les résultats obtenus concordent avec les objectifs de cette 1re partie : trouver dans l’héritage de la recherche archéologique ivoirienne les origines des comportements scientifiques actuels. L’historiographie qui va suivre est donc un travail pionnier. Si d’autres travaux ont déjà été réalisés sur l’archéologie en AOF, l’étude détaillée de l’histoire des pratiques archéologiques en Côte d’Ivoire n’a pour l’instant été entreprise que par les deux enseignants actuels de l’ISAD : Siméon Kouakou Kouassi (2011c) et Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré (2010). Toutefois, cette historiographie a bénéficié de l’établissement d’un corpus bibliographique qu’il aurait été impossible de réunir à Abidjan, faute de moyens. Ce corpus permet d’aborder l’histoire de la discipline de manière nouvelle et de compléter les données des enseignants ivoiriens en prolongeant leurs recherches.
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3) Les administrateurs coloniaux (1897-1929)
3.1) Apparition de l’archéologie en AOF En raison de la dispersion, de la disparition et de l’indisponibilité de la plupart des documents d’archives, il est difficile de déterminer la genèse de la question sur les origines des sociétés vivant en Côte d’Ivoire. Selon les données consultées pour cette analyse, l’archéologie en Côte d’Ivoire apparaît vraisemblablement en 1897 à Djangoménou, dans le V-Baoulé, au nord de Toumodi. C’est effectivement cet endroit que mentionne la première publication sur l’archéologie en Côte d’Ivoire réalisée par l’administrateur Maurice Delafosse (Delafosse M., 1900). Cependant, il s’agit d’observation réalisée sur l’indication de populations locales. De plus, certains écrits des premiers découvreurs, explorateurs et administrateurs de la Côte d’Ivoire mentionnent des activités humaines qui ne sont plus pratiquées aujourd’hui ainsi que des sites qui ne sont plus occupés. De fait, ces sources sont utilisées par les archéologues actuels comme sources historiques écrites sur les vestiges du pays. Par exemple, le capitaine Louis-Gustave Binger visite la ville de Kong en 1888. Cette ville est détruite en 1897 et sera fouillée par des archéologues dans les années 1970. Le livre de Gustave Binger est donc utilisé comme source écrite lors des recherches archéologiques sur la ville de Kong. Cependant, dans un souci de délimitation du sujet, ce travail se concentre sur les pratiques archéologiques opérées sur des sujets déjà à l’état de vestige ou d’abandon au moment de leur observation. Bien qu’utilisés actuellement par les archéologues ivoiriens, les textes des premiers observateurs européens (dont les éléments mentionnés sont devenus des vestiges archéologiques a posteriori), ne seront pas traités dans ce travail1. Pour Hamady Bocoum, la première publication sur l’archéologie de l’Afrique de l’Ouest est celle d’Ernest Théodore Hamy, en 1877, « L’Âge de la pierre chez les nègres » (Bocoum, 2004, p. 29). L’archéologie apparaît
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De ce fait, il peut sembler qu’une première période de l’histoire de l’archéologie manque. Cette analyse porte avant tout sur l’histoire de la pratique scientifique de l’archéologie et moins sur l’histoire des vestiges archéologiques.
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donc dès les débuts de l’exploration de l’intérieur de l’Afrique de l’Ouest en vue de l’établissement du contrôle français. Suite à la conférence de Berlin (1884-1885), les zones d’influences définies sont explorées par des missions de reconnaissance qui aboutiront à la conquête coloniale. En AOF, les disciplines de l’ethnologie et de l’anthropologie vont accompagner la mise en place de l’administration coloniale (Bocoum, 2004, p. 29). Elles sont pratiquées par les premiers administrateurs dans un besoin de renseignements sur les populations autochtones. Parmi les renseignements, les administrateurs collectent des objets et observent des traces d’occupations appartenant à un passé inconnu des autochtones. L’archéologie, discipline relativement marginale, s’intègre finalement et facilement au sein de la recherche scientifique coloniale. Pour Hamady Bocoum, durant cette période, l’archéologie sera : « le porte-drapeau le plus intransigeant du diffusionnisme culturel » (Bocoum, 2004, p. 29). Effectivement, l’évolution des techniques et des sociétés autochtones était alors perçue comme des emprunts et des structures sociales imposées. L’archéologie est alors pratiquée par les premiers officiels Français et ses discours sont destinés à répondre aux questions que se posent les coloniaux et les métropolitains sur le passé de l’Afrique de l’Ouest. À ses débuts, l’archéologie en AOF est une pratique scientifique occasionnelle caractérisée par un manque de coordination et de structure de diffusion et de centralisation (Bocoum, 2004, p. 30). Elle consiste généralement à de simples ramassages de surface et les publications sur le sujet se limitent aux descriptions et aux comparaisons des objets recueillis avec des artefacts européens et parfois avec des pièces africaines (De Barros, 1990, p. 157). Toutefois les travaux accomplis permettent d’entamer la recherche archéologique en AOF et d’amener l’archéologie à une phase d’organisation dès 1915 (Bocoum, 2004, p. 30). Dans ce chapitre, nous verrons quand et comment apparaissent les premières observations archéologiques réalisées par les administrateurs coloniaux. Ce dernier groupe sera également identifié au travers du parcours de Maurice Delafosse. Nous verrons aussi qui sont ces administrateurs coloniaux et comment ils pratiquent l’archéologie en Côte d’Ivoire. Les principales observations archéologiques durant cette période (1897-1929) seront évoquées. Ensuite une analyse portera sur deux hypothèses qui ont marqué cette époque : la théorie de contacts entre l’Afrique de l’Ouest et l’Égypte ancienne et les prétendues navigations de marins de Dieppe dans le golfe de Guinée avant les expéditions portugaises. Puis, nous reviendrons sur l’apparition du Comité d’Études Historiques et Scientifiques d’AfriqueOccidentale française en 1915 et de son impact sur l’archéologie en Côte d’Ivoire. Pour terminer, une synthèse rappellera les points principaux du chapitre.
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3.2) Mise en place de l’administration coloniale en Côte d’Ivoire En Côte d’Ivoire, la période de 1897 à 1929 correspond au début de la pénétration française et de l’occupation du territoire par l’administration coloniale depuis les bases françaises du littoral. En 1887, Marcel TreichLaplène est envoyé en mission à l’intérieur du territoire. La même année, le lieutenant d’infanterie de Marine Louis Gustave Binger part de la boucle du Niger pour rejoindre le golfe de Guinée par la Côte d’Ivoire. Marcel TreichLaplène le rejoint en 1888 à Kong. Les deux expéditions concluent des traités avec les rois locaux. La colonie de la Côte d’Ivoire est officiellement créée le 10 mars 1893 par décret. Cette première étape de la colonisation française s’est opérée pacifiquement. D’autres missions d’exploration sont entreprises, comme celle de l’administrateur Hostains en 1897, celles de Thomann en 1897 et 1902 et celle de Delafosse en 1903. Toutefois, à l’exploration pacifique succèdent des résistances face à l’occupation française. Durant le début des années 1890, la Côte d’Ivoire est le terrain d’un conflit qui oppose l’Almamy Samori Touré aux troupes coloniales (Anonyme, 1979, p. 19-21). Le chef résistant est finalement capturé en 1898 (Delafosse L., 1976, p. 153). Vers 1908, des révoltes endémiques éclatent à nouveau sur tout le territoire (Anonyme, 1979, p. 58). Il faut attendre 1915 pour que les positions coloniales françaises ne nécessitent plus d’intervention militaire. Le pays est alors considéré comme pacifié (Anonyme, 1979, p. 24). Dans ce contexte, c’est lors des missions d’exploration et de la mise en place de l’administration coloniale que les premières recherches archéologiques seront menées. Toutefois, on remarque que ces opérations consistent surtout en des observations qui interviennent en marge de la reconnaissance du territoire. L’archéologie est alors un travail de surface. Les fouilles en AOF sont très rares à cette période (Bocoum et Becker, 1997, p. 875). En 1902, lors d’une mission visant à reconnaître les frontières de la Côte d’Ivoire avec le Ghana, Maurice Delafosse visite des ruines découvertes près de Gaoua, en pays Lobi. Malgré ses interrogations, il n’est pas possible de sonder ces ruines : « Peut-être aurait-on la clef du mystère en pratiquant des fouilles méthodiques dans l’enceinte et aux environs. Malheureusement le temps nous manque, et, une fois les cartes mises à jour, les observations astronomiques faites, il nous faut nous arracher à l’hospitalité attachante du poste de Gaoua et reprendre notre vie errante. » (Delafosse M., 1908, p. 188).
La volonté de mener des excavations est présente chez les administrateurs de l’époque. Cependant, la raison de leur présence sur le terrain est administrative et/ou militaire. Ils n’ont donc généralement pas l’opportunité de stopper leur campagne d’inspection administrative pour se livrer à des investigations dans le sol.
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3.3) Maurice Delafosse, administrateur pratiquant l’archéologie La recherche archéologique dans l’AOF est donc pratiquée par des administrateurs ou des militaires amateurs de l’archéologie et en place sur le terrain (Bocoum et Becker, 1997, p. 873). En Côte d’Ivoire, la pratique est initiée par l’un d’eux : Maurice Delafosse. La situation de Maurice Delafosse reflète celle des administrateurs coloniaux de son époque. Né dans le Cher en 1870, il se passionne pour l’Orient et quitte la Faculté de médecine pour l’École des langues orientales. Impatient de voyager, il s’engage, en 1891, à l’Institut des Frères armés du Sahara avant de faire son service militaire dans un régiment de zouaves. Après ses études, il postule pour obtenir un poste dans l’administration coloniale. Il est finalement recruté en tant que commis des Affaires indigènes de 3e classe en Côte d’Ivoire. Il sera envoyé à Toumodi comme chef de poste, puis comme administrateur par intérim du cercle Baoulé (Delafosse L., 1976, p. 77-100). Sa diplomatie avec les sociétés baoulées lui permet de tenir seul le poste de Toumodi alors que les effectifs d’administrateurs sont encore limités en Côte d’Ivoire. Toutefois, ces efforts n’empêchent pas les actes de résistance des chefs locaux. En 1899, Kouadio-Okou, chef du village de Lomo, incendie le poste administratif de Toumodi pour tenter de tuer Maurice Delafosse. Celui-ci échappe de peu à la mort et se barricade avec les sept miliciens et le sergent noir qui l’accompagnent. Finalement, le capitaine Le Magnan et cinquante tirailleurs arrivent à Toumodi pour défendre le poste et mettre en déroute la révolte (Delafosse L., 1976, p. 170). L’administration du cercle exige de faire des tournées régulières à la rencontre des différents chefs de village afin de maintenir le contact avec les autorités autochtones. Homme de terrain, son travail l’amène à collecter des informations linguistiques, ethnographiques et historiques sur les populations locales. Durant sa carrière d’administrateur colonial en Afrique de l’Ouest, Maurice Delafosse accumule des informations sur la vie et l’histoire des sociétés qu’il rencontre (Wondji, 1998, p. 5). Il est intégré dans les milieux savants de la métropole et entretient des contacts avec les ethnologues et anthropologues Arnold Van Gennep, Paul Rivet et Marcel Mauss (Amselle et Sibeud, 1998, p. 9). Son contact scientifique le plus proche est Octave Houdas, son ancien professeur à l’École des langues orientales dont il a épousé la fille. La situation de Maurice Delafosse n’a pourtant rien de particulier. En effet, la pratique de l’ethnographie par des fonctionnaires coloniaux est alors emblématique de l’époque. Avant 1914, seule l’ethnographie coloniale existe et les ethnographes africanistes sont alors principalement des administrateurs, des militaires et des médecins ainsi que quelques missionnaires et voyageurs scientifiques (Sibeud, 1994, p. 651). Les fonctionnaires coloniaux de l’époque jouent donc un rôle primordial dans le
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développement et l’évolution de l’ethnographie française au début du XXe siècle. Les années 1880 et 1890 sont marquées par la prépondérance de la conception naturaliste de l’anthropologie qui relègue l’ethnographie à la marginalité scientifique. Les mesures et les calculs anthropométriques éclipsent alors les descriptions littéraires ethnographiques (Sibeud, 1994, p. 644). De 1880 à 1914, ce sont donc les travaux des administrateurs coloniaux durant la pénétration française en Afrique de l’Ouest qui vont aboutir à la constitution d’une littérature ethnographique sur les populations des nouveaux territoires acquis et en voie de pacification. Ce nouveau discours émerge du genre classique du récit de voyage et des descriptions géographiques (Sibeud, 1994, p. 656). De nombreux administrateurs coloniaux pratiquant l’ethnographie se réunissent, dès 1910, au sein de l’Institut ethnographique international de Paris, société savante animée par Maurice Delafosse ainsi que Arnold Van Gennep, avant son départ pour Neuchâtel en 1912 (Sibeud, 1994, p. 645). Le discours ethnographique des administrateurs coloniaux est caractérisé par des descriptions exclusivement visuelles. Ils sont alors persuadés de pouvoir décrire un milieu humain comme un milieu géographique est décrit. Les ethnographes acceptent d’apporter leur contribution à des projets de vulgarisation comme les expositions universelles ou coloniales. On note toutefois que les administrateurs coloniaux refusent le recours au succès facile de l’exotisme (Sibeud, 1994, p. 655). La pratique de l’ethnographie est intimement liée au débat, dans les milieux coloniaux, entre les partisans du régime de l’assimilation et ceux d’une association fondée sur les connaissances scientifiques des coutumes locales et indigènes. Cependant, les administrateurs coloniaux ne disposent pas de moyens suffisants pour plaider en faveur d’une association indigène (Sibeud, 1994, p. 654-655). La position de ces administrateurs coloniaux est ambigüe. Si le ministère des Colonies accepte leurs travaux et les utilise parfois, il n’en commande cependant jamais et les descriptions ethnographiques ne figurent pas dans les attributions des administrateurs coloniaux. Ces travaux ethnographiques sont des initiatives personnelles des fonctionnaires coloniaux. Les documents qu’ils produisent sont généralement ignorés par l’administration centrale (Sibeud, 1994, p. 652655). Cette dernière exprime une certaine méfiance envers les administrateurs ethnographes. D’ailleurs, le ministère des Colonies crée, en 1913, la Société ethnographique à des fins de propagande et pour canaliser les parties divergentes au sein des milieux coloniaux dans le patronage d’une société d’ethnographie coloniale officielle (Sibeud, 1994, p. 645-646). Les administrateurs coloniaux pratiquant l’ethnographie n’ont pas eu d’effets significatifs sur la politique d’assimilation du système colonial français. Cependant, leur autonomie dans la pratique scientifique de l’ethnographie leur a permis de remettre en cause la définition trop vaste de 41
l’anthropologie et la dichotomie entre le savant de cabinet et l’informateur de terrain non scientifique. Le développement de leurs enquêtes ethnographiques depuis 1905 est interrompu par la Première Guerre mondiale. Toutefois, le début du XXe siècle est un moment déterminant pour l’histoire de l’ethnographie et de surcroît pour l’ethnographie africaniste (Sibeud, 1994, p. 644). En effet, c’est bien autour de l’ethnographie africaniste, pratiquée par les administrateurs coloniaux, que se déroulent les débats qui préparent la refondation de l’ethnographie française dans les années 1930 (Sibeud, 1994, p. 656). Sur le terrain, en Côte d’Ivoire, les modalités de l’implantation de l’administration coloniale française nécessitent la collecte d’informations sur les populations locales. La pénétration française implique des tensions épisodiques, comme celle que Maurice Delafosse a vécue, en 1899, à Toumodi. Cependant, pour Maurice Delafosse comme pour les autres fonctionnaires coloniaux, l’ethnographie ne se limite pas à un objectif utilitaire mais est aussi motivée par un intérêt scientifique manifeste. Tous les administrateurs coloniaux ne pratiquaient pas l’ethnographie. L’intérêt pour l’ethnographie de certains fonctionnaires coloniaux est aussi suscité par la volonté de reconnaissance sociale des administrateurs décriés à l’époque par les métropolitains (Sibeud, 1994, p. 648). Ces renseignements divers collectés par les administrateurs coloniaux comme Maurice Delafosse durant leurs tournées sont ethnographiques, géographiques, historiques. De plus, ils comprennent des informations sur les vestiges archéologiques appartenant à des sociétés qui n’existent plus. Les descriptions ethnographiques de Maurice Delafosse et des administrateurs coloniaux deviennent ainsi les supports des premiers discours sur le passé archéologique de la Côte d’Ivoire, comme dans toute l’AOF.
3.4) La nécropole de Djangoménou et les perles d’aigris Dès 1894, Maurice Delafosse dirige le poste administratif de Toumodi, en pays Baoulé (Launay, 1998, p. 39). C’est lors d’une de ses tournées en 1897 qu’il découvre à Djangoménou1, à une trentaine de kilomètres au nord de Toumodi, une nécropole d’où sont exhumées des perles énigmatiques nommées « pierres d’aigris ». Les pierres d’aigris dont fait mention Maurice Delafosse à Djangoménou sont des perles de verre cylindriques, d’un bleu verdâtre, qui sont appelées « Ouoryé » par les habitants baoulés de Djangoménou (Delafosse M., 1900, p. 677-681). Dans la région de Toumodi, plusieurs anciennes nécropoles étaient exploitées par les Baoulés pour l’extraction de perles d’aigris lors de la pénétration française (Chauveau, 1978, p. 19). L’origine réelle des pierres d’aigris n’est pas 1
« Guiangomênou » dans le texte.
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clairement identifiée. D’après Raymond Mauny, certaines pourraient être une variété de corail, l’Allopora sub violacea. Elles sont attestées dans le golfe de Guinée dès le XVIe siècle et leur commerce est retracé jusqu’au XVIIIe siècle (Mauny, 1949, p. 34). Les perles d’aigris étaient utilisées dans les échanges par les navigateurs esclavagistes. Selon Raymond Mauny, la plupart de ces perles datent de l’époque médiévale (Mauny, 1949, p. 39). La nécropole d’où sont extraites les perles d’aigris se trouve sur une colline nommée « Afré-Boka » ou « Ouoryé-Boka », la « Montagne des perles » en baoulé (Delafosse M., 1900, p. 677). La nécropole est perturbée par les fouilles des villageois à la recherche des perles d’aigris. Les informateurs de Maurice Delafosse lui indiquent que les squelettes de la nécropole sont presque entiers. À la surface, les os se désagrègent. Les tessons de céramiques sont trop fragmentés pour les étudier. Les défunts inhumés sur la Montagne aux Perles portaient, aux bras, aux chevilles et au cou, des colliers de perles d’aigris. Le matériel funéraire est également composé d’anneaux en bronze et de bijoux en or. Des vases en bronze ont également été exhumés de la nécropole de Djangoménou (Delafosse M., 1900, p. 679-683). Pour l’administrateur, le sommet de la colline présente des traces d’habitats. Or, d’après Maurice Delafosse, il s’avère que, selon les traditions orales, aucun village n’existait à cet emplacement lorsque les ancêtres des villageois actuels de Djangoménou sont arrivés durant la conquête de la région par les Ashanti1, il y a environ 150 ans. De plus, les traditions orales traitant des périodes antérieures ne mentionnent pas de village sur la colline, preuve de l’ancienneté des vestiges (Delafosse M., 1900, p. 678). Les observations de Maurice Delafosse sur le site d’Afré-Boka, près du village de Djangoménou constituent les premières opérations archéologiques réalisées en Côte d’Ivoire. Toutefois, il est impossible de savoir si l’administrateur a réalisé des excavations. Plusieurs passages de sa publication de 1900 dans la revue L’Anthropologie le suggèrent : « … je donne ici la reproduction de l’un de ces vases provenant des fouilles de Guiangomênou. » (Delafosse M., 1900, p. 683). « Les perles de verre ne sont pas les seuls objets de fabrication égyptienne qu’on ait trouvés dans les fouilles de Guiangomênou. » (Delafosse M., 1900, p. 683).
L’administrateur colonial attribue la fabrication des pierres d’aigris aux Égyptiens de l’Antiquité dont il suppose un contact avec les sociétés baoulées. Cette théorie sera évoquée dans un chapitre ultérieur. Rien ne précise donc si Maurice Delafosse fait référence à des fouilles qu’il a réalisées ou s’il s’agit des excavations réalisées par les autochtones dans le but d’exhumer les perles pour leur valeur marchande. 1
Selon Maurice Delafosse, la région de Djangoménou aurait été envahie par les Ashanti vers 1750 (Delafosse M., 1900, p. 678).
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Maurice Delafosse accède au site de Djangoménou grâce aux indications des autochtones car ces derniers le connaissent en raison de l’exploitation du matériel funéraire de la nécropole à des fins économiques. L’observation scientifique des vestiges a donc pu être réalisée grâce à une entente avec les autochtones dans la recherche des vestiges du passé. C’est d’ailleurs les villageois de Djangoménou qui ont initié les fouilles des vestiges du site d’Afré-Boka, bien que la compréhension du passé ne soit pas leur motivation première.
3.5) Découverte des ruines du pays Lobi Après avoir été vice-consul de France au Liberia (Delafosse L., 1976, p. 145), Maurice Delafosse retourne en expédition en Côte d’Ivoire en 1901. Sa mission, confiée par le ministre des Colonies, consiste à établir la frontière entre la Côte d’Ivoire et l’actuel Ghana. Pour accomplir sa tâche, il est accompagné d’officiers coloniaux français et anglais (Delafosse M., 1908). L’expédition parcourt le territoire en établissant la limite entre les possessions françaises et anglaises. Le 19 août 1902, ils atteignent Gaoua, chef-lieu du cercle Lobi, dans l’actuel Burkina Faso et proche de la frontière ivoirienne (Verneau, 1902, p. 778). Le poste de la ville est tenu par le lieutenant d’infanterie coloniale Schwartz qui reçoit l’expédition. Durant leur séjour à Gaoua, le lieutenant Schwartz indique à Maurice Delafosse la présence de mystérieuses ruines maçonnées et de plan orthonormé à un kilomètre du poste. Durant la visite, un chef de village les accompagne et certifie que personne ne connaît l’origine de ces ruines. D’après les traditions orales, les ruines étaient déjà présentes lors de l’arrivée des populations occupant actuellement la région. Il sait également que cette migration date de plus de trois générations (Delafosse M., 1908, p. 187). Au fil du temps, d’autres ruines similaires sont découvertes dans le pays Lobi. En 1912 déjà, Maurice Delafosse en signale à Galgouli et Lorhosso. Toutes ces ruines présentent les mêmes caractéristiques et partout, leurs origines sont inconnues des autochtones et les habitants de la région affirment tous que les ruines étaient déjà présentes lors de l’arrivée de leurs ancêtres dans la région (Delafosse M., 1912, p. 8-9). Maurice Delafosse n’a pas l’occasion d’étudier plus en détail les mystérieuses ruines. Son expédition doit repartir du poste de Gaoua pour poursuivre sa mission le 1er septembre 1902 (Delafosse M., 1908, p. 188). L’étude des ruines de pierres du pays Lobi est reprise par Henri Labouret (Labouret, 1958). Henri Labouret s’engage, en 1897, comme simple soldat dans l’armée coloniale. Il devient ensuite lieutenant des tirailleurs sénégalais. En 1916, il est grièvement blessé durant une opération au Haut Bandama. Il est alors affecté à l’administration du pays Lobi. Lorsqu’il arrive à Gaoua, il parle déjà le mandingue et le peul, puis, durant ses fonctions, il apprend les 44
dialectes locaux. Le chaos politique qui règne alors dans la région et les flèches empoisonnées des autochtones ne lui laissent que peu de temps pour s’adonner à des activités scientifiques (Deschamps H., 1959, p. 291-292). Toutefois, il parvient à collecter d’importantes données de linguistique et de nombreuses traditions orales sur la région. Malgré les recherches effectuées par Maurice Delafosse et Henri Labouret, l’origine des ruines de pierres du pays Lobi reste un mystère pour les administrateurs coloniaux de l’époque. Au fil du temps, d’autres ruines seront observées au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire et la question de leurs origines sera reprise régulièrement jusqu’à nos jours.
3.6) Haches polies, haches de Lowiguié et polissoirs Outre les sites archéologiques découverts durant leurs tournées, les administrateurs coloniaux sont confrontés à des objets anciens que les autochtones collectent et leur présentent. Parmi eux, l’objet emblématique est la hache polie. Sur les seize articles publiés au sujet de la préhistoire de la Côte d’Ivoire, dix traitent de haches polies ou de polissoirs. Les origines de celles-ci sont inconnues des autochtones, mais les coloniaux reconnaissent l’outil préhistorique similaire à celui du Néolithique européen. De plus, la présence de haches polies de grande taille va attiser la curiosité des administrateurs. En 1903, l’administrateur adjoint Moesch, commis des affaires indigènes et chef du poste d’Alépé dans le cercle des lagunes, découvre une première hache polie entre Jacqueville-Plage et Jacqueville-Lagune. Elle est en schiste amphibolique. L’administrateur adjoint Moesch la transmet à FrançoisJoseph Clozel, gouverneur de la Côte d’Ivoire. À son tour, le gouverneur l’envoie au conservateur du Musée d’ethnographie du Trocadéro, Ernest Théodore Hamy. Celui-ci publie la découverte dans le Bulletin du Muséum d’histoire naturelle (Hamy, 1904, p. 535). Cependant, Ernest Théodore Hamy, faute d’exemples similaires connus, ne peut qu’attester l’apparition d’un nouveau type de hache polie. Moesch découvre d’autres haches qu’il envoie au conservateur du Musée du Trocadéro, dont une de grande taille munie d’un double tranchant qui retient son attention. C’est à nouveau Ernest Théodore Hamy qui la publie. Cette fois, il établit des comparaisons avec des exemplaires connus dans les musées de Copenhague et de Leyde (Hamy, 1907, p. 4-5). L’épisode, emblématique de la période des administrateurs coloniaux, démontre les contacts entre les administrateurs locaux et les scientifiques en métropole. Les administrateurs envoient généralement les artefacts archéologiques déplaçables au Musée d’ethnographie du Trocadéro (De Barros, 1990, p. 157). Ce musée présente aux métropolitains les objets archéologiques collectés en AOF (Levin et Schlanger, 2009, p. 43). L’interprétation des objets archéologiques mobiles
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sort donc de la responsabilité des administrateurs coloniaux et ces objets sont transmis à une autorité scientifique métropolitaine pour expertise. Les découvertes de l’administrateur Moesch et d’Ernest Théodore Hamy ne restent pas sans suites. D’autres haches polies sont également envoyées en France par les administrateurs qui les découvrent pour être étudiées par des compétences scientifiques (Combes, 1910). Toutefois, ces artefacts archéologiques sont très diversifiés et les scientifiques métropolitains ne peuvent qu’entreprendre un travail descriptif sans pour autant disposer d’assez d’exemplaires pour en dresser des typologies. Comme il a déjà été mentionné, les artefacts sont découverts par les administrateurs coloniaux durant leur service au poste (Joseph, 1913) et lors de leurs déplacements (De Zeltner, 1924). D’autres pièces sont trouvées lors de travaux miniers (Guébhard, 1911). Souvent, ce sont les chefs de village qui les collectent et les remettent aux administrateurs (Simon, 1963, p. 176). Gaston Joseph, administrateur colonial, précise qu’elles sont généralement découvertes le long des sentiers, dans les plantations et dans les lits des rivières, sous l’effet du ravinement et du ruissellement (Joseph, 1913, p. 385). Ernest Théodore Hamy rapporte également que les haches polies se trouvent à quelques centimètres du sol et qu’il suffit d’un grand orage pour les voir sortir de terre (Hamy, 1907, p. 4). À ces haches polies est associé un autre type de vestiges : les ateliers de polissage. Gaston Joseph signale des cuvettes elliptiques à fond plat vers Dabakala et Kong. En se référant au manuel d’archéologie de Joseph Déchelette (Déchelette, 1908, p. 746), il les identifie comme étant des polissoirs (Joseph, 1913, p. 388). Les polissoirs sont légion en Côte d’Ivoire. Cependant, pour les administrateurs coloniaux, ils sont plus difficilement identifiables et surtout, fixes dans la roche, ils ne peuvent pas être envoyés au MET en métropole. Certaines haches polies étonnent les administrateurs coloniaux et les scientifiques par leurs grandes dimensions, de 40 à 50 cm. Un exemplaire atteint 70 cm de long (Joseph, 1913, p. 386). La première grande hache polie découverte est celle que l’administrateur Moesch envoie à Ernest Théodore Hamy en 1906 (Hamy, 1907, p. 4). Lors d’une révolte près d’Abidjan, l’administrateur Marc Simon, accompagné d’un lieutenant colonial et de vingt tirailleurs, se rend à Lowiguié, le principal village résistant. L’administrateur y reçoit du chef du village une hache polie de 40 cm pesant 7 kilogrammes (Simon, 1963, p. 176). C’est de la découverte de cette pièce exceptionnelle que provient l’appellation typologique des haches de type Lowiguié. La fonction de ces types de haches n’a été évoquée à l’époque que par Gaston Joseph qui les définit comme des armes d’apparat (Joseph, 1913, p. 385). Marc Simon, n’ayant pas noté de traces d’usure ou d’utilisation sur la hache de Lowiguié, l’interprète comme un objet symbolique dans le livre qu’il publie en 1963 (Simon, 1963, p. 176).
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Comme dans les anciennes traditions européennes, les populations locales les interprètent comme des pierres de foudre tombées du ciel (Hamy, 1907, p. 4). C’est surtout après les gros orages que l’érosion des fortes pluies fait apparaître les haches polies en surface. Selon Paul Combes, c’est probablement la raison de leur assimilation avec la foudre. Les autochtones ne connaissent pas l’origine des haches polies ni leur usage (Combes, 1910, p. 831). Ce fait indique aux administrateurs que ces artefacts sont anciens et datent d’une époque où le fer n’était probablement pas présent en Côte d’Ivoire. Il s’agit donc d’un passé antérieur à celui des premiers contacts avec les navigateurs européens. Selon la logique des administrateurs, par association avec le matériel lithique européen similaire, les haches polies sont les représentantes du Néolithique ivoirien. À plus large échelle, en AOF, les vestiges découverts sont également assignés à la chronologie de base européenne (Paléolithique, Néolithique, Âge des métaux) à laquelle ils correspondent (De Barros, 1990, p. 159). En Europe, la périodisation de la préhistoire a été débattue et définie durant la seconde moitié du XIXe siècle. Au départ, deux principales problématiques régissent l’archéologie en France : les hommes fossiles et les antiquités celtiques. Les premiers concernent les vestiges paléolithiques et plus particulièrement ceux de la Somme. Quant aux seconds, ils réunissent des vestiges attribués à l’époque aux populations gauloises et celtiques, dont des monuments mégalithiques. Il n’existe donc pas, à l’origine de la recherche archéologique, de problématique forte et associable au concept actuel de Néolithique aux côtés des questionnements sur les premiers hommes et les antiquités celtes. Dès le milieu des années 1860, l’utilisation de données typologiques et technologiques ainsi que des méthodes de la paléontologie stratigraphique permettent aux archéologues de classifier les périodes de la préhistoire. L’apparition successive des différents matériaux utilisés pour l’élaboration des artéfacts aboutit à la séquence aujourd’hui classique des périodes de la préhistoire : Âge de la pierre, du bronze, du fer. L’étude typologique et technologique de l’industrie lithique permet ensuite de diviser l’Âge de la Pierre en deux périodes : celles de la Pierre taillée et celle de la Pierre polie. Cette dernière division est induite par l’observation de l’outillage lithique poli. En 1867, John Lubbock propose une périodisation comprenant une « époque palæolithique » et une « époque néolithique ». Cette périodisation Paléolithique/Néolithique supplante finalement, rapidement en France les Âges de la Pierre taillée et polie (Coye, 1993, p. 69-86). En Côte d’Ivoire, comme en Afrique de l’Ouest, aucun débat scientifique n’a lieu sur la classification des objets archéologiques découverts dans la région ouest-africaine. Aucune chronologie locale de la préhistoire n’est modélisée. La méthode typologique en archéologie a pour cadre théorique l’évolutionnisme. Les administrateurs coloniaux en Côte d’Ivoire estiment 47
donc devoir retrouver, en Afrique, le même modèle de périodisation, celui-ci étant perçu comme universel. Les haches et les polissoirs de Côte d’Ivoire sont donc simplement associés à la période du Néolithique, élaborée par le discours de l’archéologie européenne et importée sur le continent africain. En plus d’être insérées dans une chronologie élaborée en Europe, de grandes inconnues entourent encore ces pièces en pierre polie issues uniquement de trouvailles isolées. Aucune typologie locale des haches polies ivoiriennes n’existe pour les lier entre elles dans un discours scientifique. En 1904, Ernest Theodore Hamy ne peut que noter l’apparition de nouveaux types de haches polies en Côte d’Ivoire (Hamy, 1904, p. 536). Lorsqu’il reçoit d’autres exemplaires de l’administrateur Moesch, il constate simplement qu’elles sont toutes différentes sans pouvoir construire de corrélations ou de comparaisons interprétatives (Hamy, 1907, p. 4). En 1913, Gaston Joseph décrit plusieurs variétés de haches polies (Joseph, 1913). Toutefois, ces dernières sont insuffisamment nombreuses, trop diversifiées et recueillies sur un territoire trop grand pour pouvoir établir une typologie. À la même période, en Europe, la classification du Néolithique pose également problème aux préhistoriens. Cette difficulté a été surmontée grâce à la redécouverte de l’outil stratigraphique au début du XXe siècle. Par exemple, de 1920 à 1922, l’archéologue neuchâtelois Paul Vouga utilise la stratigraphie lors des fouilles de la station lacustre d’Auvernier/La Saunerie, qu’il compare ensuite avec le site de Saint-Aubin/Port Conty. L’étude comparative des artefacts néolithiques présents dans chaque couche lui permet de reconnaître quatre niveaux archéologiques. La méthode de Paul Vouga à Auvernier et ses résultats aboutissent à l’établissement d’une chronologie locale pour le « néolithique lacustre suisse ». En effet, au XIXe siècle, l’étude typologique donnait lieu à une classification évolutive et universelle des artefacts archéologiques. L’identification de groupes culturels par la méthode typo-stratigraphique, dès les débuts du XXe siècle, implique dorénavant une dimension géographique dans l’analyse des vestiges archéologiques (Coye, 2006). D’ailleurs, la classification du néolithique établie par Paul Vouga durant le début des années 1920 suscite une réception mitigée auprès des préhistoriens suisses, principalement en raison du caractère local de cette classification (voir Wolf, 2006). Il n’en demeure pas moins que la classification de Paul Vouga permet d’observer les différentes phases chronologiques du Néolithique, bien qu’à l’échelle locale principalement, et d’y replacer les artéfacts. Toutefois, à la même période et en Côte d’Ivoire, il n’est pas possible pour les administrateurs coloniaux de mettre en place la méthode typostratigraphique utilisée par Paul Vouga à Neuchâtel. En effet, les recherches archéologiques ne font pas partie de leurs attributions. Jamais, en Côte d’Ivoire, les administrateurs coloniaux ne peuvent mettre autant de moyens en œuvre pour des recherches archéologiques. Seule une quantité relativement limitée de pièces hors stratigraphie peut être utilisée dans le 48
discours sur le passé du pays. Ces artefacts sont insuffisants pour élaborer une classification typologique évolutive des périodes ou pour définir une chronologie locale sur la base d’une démarche typo-stratigraphique. L’identification néolithique de ces artefacts n’est donc possible qu’en les plaçant dans une matrice chronologique évolutionniste/diffusionniste établie d’après la périodisation de la préhistoire européenne. La méthode des administrateurs, pour interpréter le passé archéologique ivoirien, repose donc sur des conceptions évolutionnistes et non sur la construction de séquences par l’analyse des objets archéologiques ivoiriens. Cependant, dans cette mécanique interprétative évolutionniste/diffusionniste pourtant reconnue, les administrateurs coloniaux ne manquent pas d’observer un fait troublant : la pierre est toujours utilisée par les autochtones pour le broyage (Joseph, 1913, p. 388). Maurice Delafosse est également sceptique sur la possibilité de définir une chronologie similaire mais en retard avec la chronologie européenne et rappelle que l’ancienneté des périodes en Afrique de l’Ouest est entièrement inconnue (Delafosse M., 1912, p. 7). Encore plus problématique, Pierre Laforgue signale le commerce d’objets archéologiques comme des lames en silex récupérées pour servir de pierre à fusil qui sont exportées dans toute l’Afrique de l’Ouest (Laforgue, 1925, p. 499-500). Toutefois, ces observations ne remettent pas en cause l’idée évolutionniste d’une préhistoire de l’Afrique similaire à celle de l’Europe dans les propos des administrateurs de la période.
3.7) Diffusionnisme et hypothèse égyptienne À défaut de matériel archéologique suffisant pour établir des chronotypologies, les administrateurs associent donc les découvertes archéologiques à la période de la préhistoire européenne à laquelle elles correspondent. Toutefois, si l’identification des vestiges à une chronologie d’emprunt permet de conceptualiser des périodes, la question de la datation de ces dernières demeure ouverte. Les origines du Néolithique et de la métallurgie sont inconnues. Ces interrogations atteignent leur paroxysme lors de la découverte de vestiges qui ne ressemblent absolument pas à la production matérielle locale et actuelle et qui présentent parfois une technicité inhabituelle, comme les ruines du pays Lobi ou les perles d’aigris. La réflexion aboutira à la construction, par des administrateurs coloniaux, d’une hypothèse selon laquelle il aurait existé des contacts de diffusion entre l’Égypte antique et l’Afrique subsaharienne. Cependant, l’ampleur de ce phénomène est limitée car seuls Maurice Delafosse (Delafosse M., 1900) et Paul Combes (Combes, 1910) évoquent cette hypothèse en Côte d’Ivoire. Les autres administrateurs coloniaux pratiquant l’archéologie se limitent à un travail de description et d’identification. Ils ne traitent jamais la question des datations ni celle de
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l’origine des innovations telles que l’apparition de l’économie de production ou la métallurgie du fer. La première évocation d’un hypothétique contact de l’Afrique subsaharienne avec l’Égypte antique apparaît en 1900 quand Maurice Delafosse pense trouver des analogies entre l’ethnie baoulée et la civilisation égyptienne (Delafosse M., 1900, p. 431). Pour l’auteur, les perles d’aigris trouvées dans la nécropole de Djangoménou sont de la verroterie égyptienne (Delafosse M., 1900, p. 679). La construction de l’hypothèse égyptienne est alors établie sur la base des comparaisons entre les observations ethnographiques de Maurice Delafosse en pays Baoulé et les publications d’égyptologues français de l’époque tels que François Mariette et Gaston Maspero (Delafosse M., 1900, p. 551). L’auteur établit également des liens entre l’art baoulé et les objets présentés dans les musées européens. Il compare ainsi un vase en bronze pris à Kouadio-Okou avec les vases funéraires égyptiens en bronze présents au Musée du Louvre et au British Museum (Delafosse M., 1900, p. 683). Lorsque les ruines de pierres en pays Lobi sont découvertes, en 1902, Maurice Delafosse, frappé par leur singularité en Afrique, y voit la preuve de son hypothèse égyptienne. Selon l’administrateur, ces ruines ne peuvent être que l’œuvre de Phéniciens ou d’Égyptiens. Pour Paul Combes, l’hypothèse égyptienne est un postulat directement utilisé dans l’établissement des chronologies. D’après lui, ce sont les Égyptiens qui ont apporté la métallurgie du fer en Côte d’Ivoire (Combes, 1910, p. 831). Ces observations amènent l’auteur à établir une chronologie de base en Côte d’Ivoire qui commence avec l’âge de la pierre. Cette période est suivie d’une diffusion datant de dernières dynasties égyptiennes qui apportent « le premier élément civilisateur ». La troisième période est celle des migrations Agni-Achanti tandis que la colonisation ouvre sur la période actuelle (Combes, 1910, p. 832). L’hypothèse égyptienne apparaît au détour de la question sur les datations de la chronologie importée en Afrique de l’Ouest depuis l’Europe. Dans ce contexte de réflexion, les administrateurs coloniaux découvrent des vestiges insolites dont la complexité technique ne leur permet pas de les attribuer aux populations qu’ils côtoient et qui, par ailleurs, ne revendiquent pas ces vestiges. Alors, l’Égypte antique, pourtant très distante de la zone d’étude, devient la seule candidate pour expliquer ces vestiges et les innovations matérielles et sociales en Côte d’Ivoire. Cette hypothèse n’est pas réellement débattue. Pour les administrateurs coloniaux, il tombe sous le sens que l’Égypte des pharaons a propagé la civilisation sur le continent africain. La transmission d’éléments culturels de l’Égypte antique en Afrique de l’Ouest n’est d’ailleurs pas moins crédible en Europe dont le concept de civilisation possède une généalogie égyptienne. Cette intrusion de l’Égypte antique dans le passé ivoirien permet aux administrateurs coloniaux pratiquant l’archéologie de fixer la matrice chronologique importée en Côte d’Ivoire 50
sur un point de contact avec les chronologies classiques même si le régime de contemporanéité avec l’Afrique de l’Ouest est totalement inconnu, comme le souligne Maurice Delafosse (1922, p. 26). Toutefois, l’apparition de cette hypothèse égyptienne ne s’explique pas uniquement par une tentative de datation relative des périodes archéologiques de la Côte d’Ivoire. En effet, à l’époque de la pénétration française en Afrique de l’Ouest, les administrateurs coloniaux recevaient une formation d’orientaliste. La discipline scientifique de l’ethnologie africaniste était alors au début de sa formation (Sibeud, 1994). Les pratiques des administrateurs coloniaux en AOF se sont formées sur la base du transfert des méthodes des études orientalistes (Schmitz, 1998, p. 107-108). Comme on l’a vu, Maurice Delafosse a d’abord étudié l’arabe et voyagé au Maghreb avant de se diriger sur la Côte d’Ivoire suite à une conférence de Louis Gustave Binger (Schmitz, 1998, p. 108). C’est peut-être en raison de leurs compétences, orientées sur l’Afrique du Nord, que les administrateurs coloniaux, comme Maurice Delafosse, pensent retrouver dans leurs observations des liens avec ce qu’ils connaissent bien : l’Orient et l’Égypte antique. Pour Philip de Barros (1990, p. 160), la théorie égyptienne est emblématique de cette période. Elle repose sur des conceptions de supériorité raciale dans un contexte de recherche diffusionniste et marqué par l’ethnocentrisme des coloniaux européens. L’Afrique est alors perçue sans histoire et ses signes de civilisation sont considérés comme provenant de l’extérieur de l’Afrique de l’Ouest. Cette vision du passé a pour but de réduire en infériorité les Africains et de justifier l’entreprise coloniale. Toujours d’après Philip de Barros (1990, p. 161), Maurice Delafosse rectifie ses propos à la fin de sa vie et plaide pour une influence phénicienne. Selon Augustin Holl (1990, p. 298-299), il était du devoir de Maurice Delafosse de justifier la politique coloniale et ses propos sont la meilleure illustration de l’attitude coloniale envers le passé ouest-africain. Maurice Delafosse abandonne effectivement son hypothèse à la fin de sa vie mais pas longtemps après ces publications, puisqu’il décède en 1926 à l’âge de 55 ans (Delafosse L., 1976, p. 398). En réalité, dès 1912, il doute profondément de la présence d’Égyptiens en Afrique de l’Ouest (Delafosse M., 1912, p. 5). En 1922, Maurice Delafosse abandonne complètement son hypothèse et se livre à la critique des arguments en sa faveur (Delafosse M., 1922, p. 28-31). S’il évoque alors des contacts puniques en Afrique de l’Ouest, il réfute cependant clairement l’idée d’une navigation phénicienne sur les côtes guinéennes. Il suggère plutôt des contacts probables avec la Méditerranée par le commerce transsaharien (Delafosse M., 1922, p. 32). Contrairement à l’affirmation d’Augustin Holl (1990, p. 298-299), Maurice Delafosse n’a pas été Gouverneur général de l’AOF. De plus, son comportement et son opposition aux levées de troupes africaines durant la Première Guerre mondiale (Delafosse L., 1976, p. 310) l’ont certainement 51
placé en marge des milieux coloniaux. Écarté des hautes fonctions coloniales, la carrière de Maurice Delafosse fait face à l’ostracisme de Gabriel Angoulvant (Delafosse L., 1976, p. 346-352), qui assume la fonction de Gouverneur général de l’AOF à la mort de Joost van Vollenhoven. Maurice Delafosse n’a jamais été directeur d’une colonie. Son parcours professionnel et ses positions politiques n’en font pas un exemple emblématique de la politique coloniale, mais plutôt une exception. Il semble donc que l’évocation de contacts de diffusion entre l’Égypte antique et l’Afrique de l’Ouest trouve ses origines dans les cadres théoriques et conceptuels de la recherche menée à cette époque par les administrateurs coloniaux plutôt que dans une volonté de justifier la présence coloniale par l’infériorisation des populations locales. Du moins, cette hypothèse est évoquée en Côte d’Ivoire par des administrateurs isolés et ne paraît pas faire l’objet d’une communication planifiée de l’administration coloniale.
3.8) Les marins dieppois Si l’existence de contacts entre l’Égypte antique et la Côte d’Ivoire est une théorie indépendante de la communication coloniale, le cas est différent pour un autre mythe colonial de la même époque. Il s’agit de l’hypothèse de la découverte de la Côte d’Ivoire par des marins de Dieppe, un siècle avant les découvertes portugaises. Les côtes de l’Afrique de l’Ouest ont été découvertes par des navigateurs portugais au milieu du XVe siècle. Les rives de l’actuel Liberia sont atteintes en 1469 (Cornevin, 1972, p. 244). Soeiro da Costa découvre ensuite l’embouchure d’une rivière près d’Assinie qu’il nomma « Rio Soeiro » (Anonyme, 1979, p. 12). Les Portugais sont à Elmina au Ghana en 1471 (Cornevin, 1972, p. 244). En parallèle à l’histoire de l’arrivée portugaise, une hypothèse plaide en faveur de la priorité des découvertes par des marins dieppois des côtes de l’Afrique de l’Ouest, un siècle avant les Portugais. Les faits sont relatés par Villault de Bellefond, en 1669, dans son ouvrage intitulé Relation des Costes d’Afrique appelées Guinée (Mauny, 1950a, p. 122). Selon cette source, les marins dieppois auraient découvert les côtes de Guinée en 1339 (Gouvernement général de l’AOF, 1931, p. 1). Ils auraient atteint le Liberia en 1364 puis la Mine (Elmina) et Akara (Accra) sur la Côte de l’Or (Ghana) en 1381 (Le Moniteur des Colonies, 1903, p. 8-9). Les expéditions dieppoises en l’Afrique de l’Ouest auraient été interrompues vers 1410 en raison de la Guerre de Cent Ans (Mauny, 1950a, p. 122). Toutefois, l’ouvrage de Villault de Bellefond, postérieur de plus de trois siècles aux voyages dieppois est la seule source disponible sur le sujet. Les archives de Dieppe ont été détruites lors du bombardement de la ville en 1694. C’est dans ces archives que devaient se trouver les témoignages
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primaires des expéditions maritimes. Il est donc impossible de contrôler les propos de Villault de Bellefond (Mauny, 1950a, p. 122). Les propos de Villault de Bellefond sont repris par l’administration coloniale au début du XXe siècle. En 1903, les éditions du « Moniteur des colonies » publient un état de la Côte d’Ivoire. Les auteurs plaident pour l’hypothèse dieppoise et soulignent l’ignorance des navigateurs portugais croyant être les premiers Européens à longer les côtes du golfe de Guinée (Le Moniteur des colonies, 1903, p. 7-10). Le texte conclut par la revendication de la découverte et d’un certain droit de fait sur le territoire qui en découle : « C’est donc incontestablement à des marins français qu’il faut reporter l’honneur de la découverte des côtes de Guinée, et on comprendra que nous insistons avec un certain orgueil sur ce point, au début d’une étude d’ensemble sur la partie de cette Côte où la France a définitivement planté son drapeau. » (Le Moniteur des colonies, 1903, p. 10).
En 1906, François-Joseph Clozel, alors gouverneur de la Côte d’Ivoire, reprend l’hypothèse dans son ouvrage intitulé Dix ans à la Côte d’Ivoire (Clozel, 1906, p. 252). Il utilise les propos de Villault de Bellefond pour affirmer l’antériorité de la découverte de la Côte d’Ivoire par des Français : « Nous pouvons revendiquer pour des marins normands l’honneur de la découverte des côtes de Guinée. » (Clozel, 1906, p. 252).
Plus tard, en 1931, dans une publication parue en marge de l’Exposition coloniale internationale (Gouvernement général de l’AOF, 1931), les annales de la colonisation de la Côte d’Ivoire sont établies. Elles débutent en 1339, par les découvertes des marins normands. La publication explique l’ignorance de cette découverte par les marins portugais : « De 1390 à 1453, les comptoirs dieppois furent délaissés et l’oubli se fait sur les découvertes des caravelles normandes à tel point que les marins portugais envoyés par l’infant Don Henri vers 1460 crurent de bonne foi découvrir les côtes de Guinée. » (Gouvernement général de l’AOF, 1931, p. 1).
Selon Raymond Mauny, historien et archéologue africaniste, les anecdotiques traces concordantes n’expliquent pas l’absence totale d’attestations mentionnant le fait (Mauny, 1950a, p. 127-128). Il rappelle que Villault de Bellefond était un agent de Jean-Baptiste Colbert, intendant des Finances, à l’époque d’une rivalité coloniale entre la France et l’Angleterre sur les côtes de Guinée. En 1669, l’hypothèse permet à l’intendant des Finances d’attester des droits français sur les rivages du golfe de Guinée (Mauny, 1950a, p. 131). Au contraire, pour Mauny, il n’y a pas de doutes sur l’invalidité de l’hypothèse dieppoise : « C’est à ce dernier avis que je me range : les navigations dieppoises au XIVe, sur nos côtes, ne sont ni “douteuses”, ni “hypothétiques”, comme le disent certains auteurs récents : elles sont un mythe, […] La galerie des fausses gloires
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nationales et locales est pratiquement inépuisable. Le plus étonnant est que ces légendes aient la vie si dure… » (Mauny, 1950a, p. 130-131).
En 1972, Alfred Schwartz, sociologue de l’ORSTOM en Côte d’Ivoire, revient sur l’hypothèse des marins dieppois lors d’une conférence (Schwartz, 1972). Il déplore qu’elle apparaisse toujours dans certains manuels d’histoire consacrés à la Côte d’Ivoire. Pour lui, il s’agit d’un faux dont le but est d’attester de l’antériorité de la présence française. L’hypothèse de la découverte des côtes du golfe de Guinée apparaît au début de la colonisation française de la Côte d’Ivoire. Elle est utilisée pour renforcer la légitimation de la présence française sur les côtes de Guinée par un argument de droit de type historique, en faisant valoir la primauté de la découverte. Pour ce faire, elle utilise le document de Villault de Bellefond produit au XVIIe siècle dans un contexte similaire. Toutefois, cette hypothèse apparaît principalement dans des publications coloniales à large diffusion, bien qu’aucun historien ou archéologue de l’époque ne la relaie. La publication éditée par le « Moniteur des colonies », comme la publication de l’Exposition coloniale internationale de 1931, sont des documents visant à la communication de l’entreprise coloniale. D’ailleurs, leurs auteurs sont anonymes. Ces documents appartiennent donc plus à la propagande coloniale qu’à la recherche scientifique. Contrairement à l’idée de contact avec l’Égypte antique, l’hypothèse des marins dieppois n’est pas issue des propos des administrateurs coloniaux pratiquant l’archéologie de l’époque, mais d’une utilisation de l’histoire à des fins politiques. Par ailleurs, les débuts des recherches archéologiques en AOF sont caractérisés par une indépendance totale vis-à-vis de la politique coloniale et demeurent le fait unique des administrateurs qui ne disposent d’aucune structure institutionnelle pour diffuser leurs résultats et développer la recherche archéologique. Cette situation va changer, dès 1915, avec la création du Comité d’Études Historiques et Scientifiques d’AOF.
3.9) Le rôle joué par le Comité d’Études Historiques et Scientifiques d’AOF Les premières recherches effectuées par les administrateurs et les militaires de l’AOF permettent d’attirer l’attention des réseaux scientifiques métropolitains sur les vestiges archéologiques de la région. Cependant, la période se caractérise par l’absence totale d’une organisation réfléchie des recherches et d’un centre fédérateur qui pourrait coordonner l’archéologie (Bocoum et Becker, 1997, p. 875). La recherche archéologique en AOF ne reçoit pas d’encouragements officiels (De Barros, 1990, p. 158). Les administrateurs communiquent leurs découvertes à des relations personnelles et rapportent leurs observations dans des revues diverses, lorsqu’ils les 54
publient. C’est donc pour pallier le manque de coordination de la recherche scientifique en Afrique de l’Ouest que François Joseph Clozel, alors Gouverneur général d’AOF, crée le Comité d’Études Historiques et Scientifiques en Afrique-Occidentale française, par son arrêté du 10 décembre 1915 (Gouvernement général de l’AOF, 1917, p. 8-9). Le but de ce comité est de coordonner les recherches entreprises sous le patronage du Gouvernement général et d’en centraliser les résultats. Pour parvenir à ces objectifs, le Comité est constitué d’intellectuels, de scientifiques et d’administrateurs répartis en trois groupes. Le Comité étant basé à Dakar, les membres résidents qui sont en poste dans cette ville forment la Commission permanente chargée de l’organisation du Comité. C’est elle qui gère l’examen et la publication des travaux. Elle assume également la correspondance et propose l’achat de livres et de revues scientifiques. Les autres membres sont des correspondants répartis en deux groupes : ceux résidant en AOF et ceux basés hors des colonies. Le Comité est géré par un bureau composé du Gouverneur général, d’un président, de deux viceprésidents et d’un secrétaire-archiviste (Gouvernement général de l’AOF, 1917, p. 8-9). Chaque année, le Comité d’études publie le « Bulletin du Comité d’études historiques et scientifiques d’AOF », d’abord appelé « Annuaires et mémoires du Comité d’Études Historiques et Scientifiques d’AOF ». La revue fait office d’annuaire des membres du comité et contient des résumés de nouvelles publications d’ouvrages parus sur l’AOF ainsi que des articles sur des observations scientifiques faites par les administrateurs coloniaux (Gouvernement général de l’AOF, 1917, p. 11). Durant toute la période de publication du BCEHSAOF, de 1916 à 1938, Hamady Bocoum (2004, p. 30) a recensé 68 articles concernant l’archéologie ou la préhistoire de l’AOF. Ce nombre est relativement important et témoigne de la bonne place de l’archéologie dans les sciences coloniales de l’AOF. Les principaux administrateurs rédigeant des articles sur l’archéologie sont Pierre Jouenne et Pierre Laforgue. Ce dernier a entrepris des bilans synthétiques de la préhistoire en AOF (Laforgue, 1925a). L’AOF est alors perçue comme un pays unique et les frontières de colonies y ont peu d’importance (Bocoum, 2004, p. 30). L’échelle de base des études entreprises et publiées par les administrateurs coloniaux sont le cercle administratif et le canton, souvent associables à un collectif ou à une société indigène perceptible. Cette échelle d’étude est initiée par les travaux de Maurice Delafosse et correspond à des unités territoriales cohérentes et homogènes (Schmitz, 1998, p. 113). Elles forment ainsi une constellation de monographies facilement délimitées. Ces dernières permettent une hiérarchie des propos entre une échelle locale et une échelle générale de l’AOF sans que le discours de l’archéologie ne soit pénalisé par les délimitations entre les colonies. Avant l’apparition du BCEHSAOF, les articles sur l’archéologie ou la préhistoire de l’AOF étaient principalement publiés par la revue L’Anthropologie ou le Bulletin du Muséum d’histoire naturelle (De Barros, 55
1990, p. 158). Généralement, la publication se faisait par l’intermédiaire d’Ernest Théodore Hamy et Marcellin Boule (Levin et Schlanger, 2009, p. 43). Pour la Côte d’Ivoire, de 1900 à 1929, mise à part une majorité des articles publiés dans la revue L’Anthropologie, les administrateurs écrivent également dans le Bulletin de la Société préhistorique française, dans le Bulletin du Muséum d’histoire naturelle et dans différentes autres revues. La création, en 1915, du Comité d’Études Historiques et Scientifiques d’AOF permet de fédérer et de centraliser les résultats de la recherche archéologique en Afrique de l’Ouest. Toutefois, si l’acquis est certain pour l’archéologie ouest-africaine, aucun effet d’émulation scientifique n’est clairement ressenti dans les recherches archéologiques en Côte d’Ivoire. En effet, des 68 articles sur l’archéologie et la préhistoire en AOF recensés dans les BCEHSAOF, seuls 4 concernent la Côte d’Ivoire. Il s’agit des articles de Franz de Zeltner (De Zeltner, 1924) et de Georges Waterlot (Waterlot, 1916). Les deux autres articles, réalisés par Pierre Laforgue, sont une synthèse de la recherche archéologique en AOF en 1925 ainsi qu’une bibliographie sur l’archéologie en Afrique de l’Ouest de 1936 (Laforgue, 1925a et 1936). Ces deux articles sur la recherche archéologique de l’AOF en général traitent partiellement de la Côte d’Ivoire. Au total, toutes revues confondues, seize articles traitant de l’archéologie en Côte d’Ivoire ont été recensés. Les quatre articles du BCEHSAOF représentent donc une contribution légère à l’archéologie en Côte d’Ivoire. Toutefois, dès 1915, le nombre des publications sur l’archéologie ivoirienne ne cesse de diminuer jusqu’en 1929. Mise à part la bibliographie de Pierre Laforgue sur l’archéologie de l’AOF en général, publiée en 1936 (Laforgue, 1936), aucune publication évoquant l’archéologie en Côte d’Ivoire n’est recensée jusqu’aux années 1940. De plus, les articles qui ne paraissent pas dans le BCEHSAOF semblent échapper à la connaissance de l’archéologie en AOF qui se réfère principalement aux publications du Comité, basé à Dakar. Par exemple, en 1936, dans sa note bibliographique sur l’archéologie ouestafricaine, Pierre Laforgue ne cite pas les articles sur la Côte d’Ivoire parus après 1915 dans d’autres revues que le BCEHSAOF (Laforgue, 1936). Utilisant toujours les réseaux de publications d’avant la création du BCEHSAOF, la recherche ivoirienne semble s’isoler des autres recherches en AOF. Paradoxalement, c’est donc au moment de la création du Comité d’Études Historiques et Scientifiques d’AOF et du développement de la recherche archéologique en AOF que les publications sur l’archéologie en Côte d’Ivoire s’amoindrissent pour finalement s’interrompre en 1929. Ce paradoxe est difficile à expliquer avec les sources historiques traitées dans cette étude. Toutefois, plusieurs raisons potentielles peuvent être évoquées. La période est caractérisée par le départ de Maurice Delafosse, en 1909 (Delafosse L., 1976, p. 277), et l’apparition de nouveaux administrateurs moins concernés par l’archéologie de la Côte d’Ivoire. La diminution de l’intérêt scientifique en Côte d’Ivoire apparaît également 56
lorsque le pays est définitivement orienté vers le statut de colonie d’exploitation dont la vocation principale demeure la production de matières premières. De plus, la Côte d’Ivoire est un des rares pays d’AOF dont les communications n’aboutissent pas sur le port de Dakar, capitale d’une AOF centralisée et base du BCEHSAOF. On peut remarquer que la recherche archéologique fédérée par le Comité d’Études Historiques et Scientifiques d’AOF s’oriente sur un axe Sénégal-Mauritanie-Soudan (actuel Mali) dont la Côte d’Ivoire est excentrée, de même que la Guinée, le Burkina Faso, le Bénin et le Niger. La différence du nombre des publications dans le BCEHSAOF est flagrante et les articles publiés sur des sujets se situant à l’ouest de l’AOF sont largement majoritaires. Il semble donc que le développement de l’archéologie par la création d’une institution scientifique fédérée de l’AOF et basée à Dakar ne profite pas à la recherche archéologique de la Côte d’Ivoire, dont l’activité n’est plus observable dans les publications dès 1929, contrairement au reste de l’AOF.
3.10) Synthèse de la période (1897-1929) Les articles publiés durant la période 1897-1929 offrent, malgré leur disparité et leur faible quantité, une source cohérente pour synthétiser le fonctionnement de la recherche archéologique entreprise par les administrateurs coloniaux de la région. Il est apparu qu’aucun bilan des sources historiques n’a été réalisé sur le sujet. Outre les publications du Comité d’Études Historiques et Scientifiques d’AOF, Hamady Bocoum signale des sources issues du Musée de l’Homme à Paris et les rapports faits au Gouverneur général (Bocoum et Becker, 1997, p. 874). En France, Sonia Lévin et Nathan Schlanger (2009, p. 41-45) ont récemment travaillé sur les archives archéologiques du Service des Missions conservées aux Archives nationales, dans le fonds du ministère de l’Instruction publique. Ces archives n’ont pas été consultées pour ce travail de mémoire, faute de temps et de moyens. Toutefois, il ne semble pas qu’elles contiennent des documents importants au sujet de l’archéologie en Côte d’Ivoire. En résumé, l’analyse démontre donc que, de 1897 à 1929, l’archéologie en Côte d’Ivoire est le fait d’administrateurs et de militaires coloniaux qui la pratiquaient en marge de leurs collectes d’informations dans un besoin de renseignements sur la colonie et ses habitants. Leurs intérêts relèvent aussi de la curiosité et d’une passion manifeste pour l’archéologie. À plus large échelle, l’archéologie ivoirienne intéresse également les scientifiques métropolitains en contact avec les administrateurs comme Ernest Théodore Hamy et le MET (Musée d’ethnographie du Trocadéro), qui collectent les objets archéologiques en métropole. Les observations scientifiques de l’époque sont alors pratiquées dans le cadre des missions et des tournées administratives. Elles se limitent aux récoltes d’objets présentés par les indigènes et à l’observation de vestiges en surface. Au contact des 57
populations locales, les administrateurs identifient et déterminent les éléments archéologiques anciens par l’ignorance de leurs origines par les populations locales. C’est donc l’ignorance de l’origine d’un élément ancien par les populations locales qui le définit comme un sujet archéologique par les administrateurs. La situation géographique des découvertes démontre qu’elles se concentrent sur l’axe de la pénétration française en Côte d’Ivoire : Grand-Bassam – Toumodi. Ces découvertes ne permettent pas de dresser des typologies des objets récoltés ni de conceptualiser les périodes du passé. Les objets archéologiques ivoiriens sont alors associés à leurs semblables européens et placés sur la périodisation chronologique européenne. La volonté de trouver des points communs pour caler cette périodisation sur les datations européennes induit certains administrateurs à interpréter un contact entre l’Égypte antique et l’Afrique de l’Ouest. Toutefois, cette hypothèse n’est pas reprise par les scientifiques métropolitains, et son principal partisan, Maurice Delafosse, se ravise dès 1912. La communication coloniale ne traite pas d’archéologie et fait débuter le passé de la colonie à sa supposée découverte par des marins dieppois. Ce mythe douteux présente une portée politique évidente et sera pourtant débattu jusque dans les années 1980. Dès 1915, la promotion et le développement de la recherche scientifique en AOF ne sont paradoxalement pas au bénéfice de la Côte d’Ivoire. Pourtant, les administrateurs qui y pratiquent l’archéologie plébiscitent également une meilleure coordination de la recherche (De Zeltner, 1924, p. 615). La colonie devient alors relativement isolée et excentrée par rapport à la recherche centralisée de Dakar et dont les problématiques s’orientent sur un axe Sénégal-Fleuve du Niger. Dès 1929, l’absence de nouvelles publications sur l’archéologie en Côte d’Ivoire marque un terme à l’époque des administrateurs qui sera suivie par un hiatus d’opérations archéologiques durant une décennie. À la suite de cette première période, le bilan général de la connaissance du passé archéologique est relativement minime. Les administrateurs ont découvert des vestiges hors contexte, tels que des haches polies, des polissoirs, des perles d’aigris et aussi des statuettes funéraires (Delafosse M., 1923, p. 547). Toutefois, ils n’offrent qu’une bien maigre idée du passé d’une colonie de plus de 300 000 km2 (environ 3/5 du territoire métropolitain français). À part la nécropole de Djangoménou et des bas-fourneaux à Oumé (Reister, 1929), aucun site archéologique majeur n’est alors observé sur le territoire ivoirien. Les ruines en pays Lobi sont surtout connues de Haute-Volta (Burkina Faso) et celles observées en Côte d’Ivoire ne sont pas encore étudiées. Les administrateurs pensent alors que ces ruines sont un fait archéologique se trouvant presque exclusivement au Burkina Faso. Lorsque l’archéologie apparaît en Côte d’Ivoire, au début du XXe siècle, Ernest Théodore Hamy signale déjà son retard face aux autres colonies (Hamy, 1904, p. 535). Selon Pierre Laforgue (1925a, p. 154), la végétation ivoirienne est en cause et 58
restreint les découvertes de vestiges en surface, comme c’est le cas dans des pays plus arides. La période ne permet donc pas d’établir une présence et une tradition pérenne de la recherche archéologique qui s’interrompt finalement en Côte d’Ivoire. L’archéologie renaîtra en Côte d’Ivoire grâce à l’implantation scientifique de l’IFAN, situé à Dakar, et actif dès le début des années 1940.
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4) L’archéologie de l’AOF (1941-1961)
4.1) Autonomie de l’archéologie coloniale en AOF L’adjectif « aofienne » (de « AOF ») pour désigner l’archéologie coloniale française en Afrique de l’Ouest fait référence à l’article d’Hamady Bocoum et de Charles Becker (1997). Pour ces auteurs, il est l’épithète de la recherche durant toute la période coloniale, de l’époque des administrateurs à la décolonisation. Pour ce chapitre, il désigne l’archéologie coloniale française en Côte d’Ivoire de 1941 à 1961. Cette période concorde avec l’apparition et le développement de l’IFAN, Institut français d’Afrique noire (1938-1961). Cet institut prend le relais du Comité d’Études Historiques et Scientifiques d’AOF, actif de 1915 à 1938. Basé à Dakar, l’IFAN développe, fédère et organise la recherche scientifique dans les huit colonies de l’AOF. Il permet de créer un contexte de recherche centralisé en Afrique de l’Ouest et autonome de la métropole. Avec l’IFAN, l’archéologie passe d’une pratique de découvertes à une pratique de recherche. L’IFAN devient le support de missions archéologiques chargées d’explorer et de documenter les vestiges du passé de l’AOF. Pour leur travail d’analyse et de comparaison, les archéologues bénéficient de la présence, au musée de Dakar, des collections archéologiques de l’AOF. Le matériel à étudier n’est dès lors plus systématiquement envoyé en métropole. La recherche coloniale ouest-africaine affirme une certaine autonomie vis-à-vis de la recherche française après la Seconde Guerre mondiale. Les fonctionnaires coloniaux ethnographes ont fait perdurer la pratique de l’ethnographie de la fin du XIXe siècle jusqu’au début de la Première Guerre mondiale (Sibeud, 1994). Mais alors que l’ethnographie française connaît une refondation durant les années 1930, les administrateurs coloniaux s’autonomisent et travaillent dans un espace de recherche local. Avec l’IFAN, leur base se situe maintenant à Dakar et non plus en métropole. En effet, la création de l’IFAN donne suite au Comité des Études Historiques et Scientifiques d’AOF créé en 1915 et conclut un affranchissement progressif de la recherche coloniale locale face aux institutions scientifiques métropolitaines. Dorénavant, le réseau de fonctionnaires amateurs de l’archéologie est animé par des chercheurs professionnels basés à Dakar et 61
dépendant du Gouvernement général de l’AOF. Cette autonomie croissante n’est pas un cas unique. En effet, d’après Nick Shepherd (2002, p. 194), dès les années 1920, la professionnalisation progressive de l’archéologie en Afrique génère des tensions entre la recherche scientifique des métropoles européennes et leurs ramifications coloniales locales. L’IFAN offre un cadre de publication centralisé pour communiquer les recherches archéologiques. De plus, ses revues permettent la publication des observations de vestiges faites par des témoins qui ne sont pas des archéologues. En effet, au côté des missions archéologiques de l’IFAN, la pratique de l’archéologie est encore composée principalement de témoignages d’officiels coloniaux ou de privés durant l’exercice de leur fonction en Afrique de l’Ouest, comme lors de la précédente période des administrateurs. Une décennie après une nette diminution des publications, l’archéologie en Côte d’Ivoire réapparaît au travers d’observations publiées dans les revues de l’IFAN. La période est marquée par la création d’une institution muséale, à Abidjan, qui deviendra l’actuel Musée des civilisations de Côte d’Ivoire. Le centre est principalement orienté vers l’ethnographie et l’art africain. Il permet aussi la collecte et la conservation des objets archéologiques découverts dans la colonie comme dans les pays voisins. Toutefois, la pratique de l’archéologie n’y forme pas une unité autonome de recherche, mais s’intègre dans l’archéologie aofienne qui englobe l’archéologie des huit colonies de l’AOF. De 1941 à 1961, l’archéologie coloniale ivoirienne dépend donc entièrement de la recherche centralisée par l’Institut français d’Afrique noire à Dakar. Le chapitre qui suit évoquera l’apparition de l’IFAN et son rôle sur la recherche archéologique en Côte d’Ivoire. Il y sera expliqué comment se développe et s’organise la recherche scientifique aofienne autour de l’IFAN. La position particulière de cette institution relativement autonome de la recherche métropolitaine sera démontrée. Nous verrons également comment l’IFAN fonctionne et comment cette institution s’implante dans chacune des colonies de l’Afrique-Occidentale française. Ensuite, les principales opérations archéologiques opérées durant la période (1941-1961) seront évoquées. Au-delà des observations et des fouilles archéologiques, nous verrons comment s’élabore le discours sur le passé archéologique de cette période et comment les vestiges y sont traités. En dernier lieu, les avancées de la recherche archéologique dans le pays voisin du Ghana et leur impact sur l’archéologie en Côte d’Ivoire seront évoqués.
4.2) L’Institut français d’Afrique noire à Dakar L’Institut français d’Afrique noire entre en fonction en 1938, à Dakar, capitale et siège du Gouvernement général de l’AOF (De Barros, 1990, p. 162). Après la pénétration française en Afrique et la pacification des 62
territoires, des moyens sont investis par le Gouvernement général d’AOF, pour promouvoir et coordonner la recherche scientifique dans les colonies. Le centre permet de pallier l’absence de recherche et de formation scientifique. Selon Hamady Bocoum (2004, p. 31), des infrastructures scientifiques et académiques existaient déjà en 1938 en Afrique du Nord et à Madagascar et la vocation de l’IFAN est encore définie par l’exigence d’une mission « civilisatrice » de l’entreprise coloniale. L’apparition d’un centre scientifique à Dakar signifie que la recherche coloniale française en Afrique dispose de son propre institut et ne dépend plus exclusivement de la recherche métropolitaine (De Barros, 1990, p. 162). L’IFAN est également le reflet de la politique coloniale centralisatrice en AOF et de l’assimilation des territoires français dans une unité politique et identitaire ouest-africaine (Kense, 1990, p. 135). L’Institut est apparu sous le mandat du Gouverneur général Jules Brévié, homme de culture favorable au développement de la recherche scientifique. Sa mise en œuvre est décrétée par l’Arrêté n° 1945 du 19 août 1936 (Bocoum, 2004, p. 32). L’équipe fondatrice de l’IFAN est constituée du savant Théodore Monod, de l’archiviste-bibliothécaire André Villard et du muséologue dahoméen (béninois) Alexandre Adandé (Descamps C., 1997, p. 893). Dès 1936, le premier directeur est Marcel Griaule. Il est remplacé en 1937 par Théodore Monod, alors membre du Muséum d’histoire naturelle (Bocoum, 2004, p. 31). Dès les débuts de l’Institut, les scientifiques doivent lutter pour leur crédibilité dans un milieu colonial où les sphères politiques et économiques sont puissantes (Bocoum, 2004, p. 33). Ces dernières, mercantiles, insistent sur la rentabilité de l’IFAN alors que les avancées scientifiques, forcément lentes, ne peuvent être perceptibles que sur le long terme (Descamps C., 1997, p. 893). Les fonds investis par le Gouvernement général de l’AOF auraient pu être utilisés pour bâtir les infrastructures nécessaires au développement des colonies. Les opposants au centre ne veulent pas financer ce qu’il pense n’être que du divertissement académique. Mais pour Théodore Monod (1943, p. 194), un institut de recherche scientifique fait partie de l’équipement d’un pays moderne, dans l’objectif de sa bonne gestion. Un centre scientifique est nécessaire au développement de l’AOF. Pour Théodore Monod, l’archéologie permettra de comprendre les grandes lignes de l’évolution des sociétés africaines modernes, les changements dans les relations entre les sociétés et leurs environnements et l’étude diachronique du terroir dans le but d’une meilleure administration des ressources de l’AOF (Descamps C., 1997, p. 895). Ces arguments ont pour but de convaincre les milieux économiques coloniaux. Ils ont donc aussi pour objectifs de trouver à l’archéologie une utilité dans l’entreprise coloniale de l’exploitation des ressources africaines. À cette fin, Théodore Monod, en 1943 déjà, évoque la notion de terroir et de son évolution. Les débuts de l’IFAN sont difficiles en raison de la Seconde Guerre mondiale et son climat d’austérité (Bocoum, 2004, p. 33). Théodore Monod 63
est mobilisé en 1940 (Monod, 1943, p. 194). Le contexte est donc défavorable à l’installation du centre. Toutefois, le projet parvient à se développer. L’IFAN est conçu sur le modèle du Muséum d’histoire naturelle de Paris (Bocoum, 2004, p. 31). L’Institut est actif dans les disciplines de l’ethnologie, l’histoire, l’anthropologie, la linguistique, l’archéologie et la préhistoire, mais également dans les disciplines de sciences naturelles comme la zoologie, la géologie, la botanique et la biologie tropicale (Monod, 1943, p. 195). Le centre est divisé en sections où se répartissent les différentes disciplines (Descamps C., 1997, p. 893). L’IFAN centralise les documents et les collections scientifiques recueillis en AOF. Des missions de recherches scientifiques sont organisées par le centre. Celles-ci sont généralement ciblées et de longues durées. Elles sont menées dans toute l’Afrique de l’Ouest, sans tenir compte des frontières, et se déroulent parfois hors du territoire de l’AOF (Bocoum, 2004, p. 32). Le centre permet également de maintenir un contact permanent entre les chercheurs locaux (Descamps C., 1997, p. 894). À cet effet, l’IFAN fédéral de Dakar développe un réseau d’antennes appelées « Centrifan » ou « Centre IFAN » dans les huit colonies qui composent l’AOF. Les résultats des recherches sont publiés dans le Bulletin de l’IFAN. Pour une meilleure communication interdisciplinaire entre les chercheurs, les Notes africaines font office de bulletin de liaison. Elles réunissent un réseau de correspondants de près de 200 personnes. Les sujets contenus dans les Notes africaines concernent principalement l’histoire, l’archéologie et l’ethnographie (Descamps C., 1997, p. 893). En archéologie, elles permettent d’intégrer dans la recherche scientifique aofienne les données issues d’observations de vestiges archéologiques par des officiels et des privés qui ne sont pas mandatés pour une recherche archéologique, comme au temps des administrateurs coloniaux. Ces témoignages demeurent encore les principales sources de l’archéologie. Les Notes africaines réussissent donc à imbriquer les anciennes pratiques archéologiques persistantes dans le cadre de la nouvelle organisation de la recherche. L’Institut publie les Mémoires de l’IFAN qui sont généralement des monographies consacrées aux missions du centre. Il diffuse également des Manuels ouest-africains et des Conseils aux chercheurs (Monod, 1943, p. 197). Les premiers numéros du Bulletin de l’IFAN et des Notes africaines paraissent en 1939 (Descamps C., 1997, p. 893). Les collaborateurs de l’IFAN sont répartis dans trois catégories de fonctionnaires (assistants, aides techniques et préparateurs). Les collections archéologiques ont été réunies dès 1941 avec les pièces de la presqu’île du Cap-Vert au Sénégal, rapportées par Théodore Monod. Dès la même année, d’autres pièces en provenance de l’AOF sont collectées. En 1945, toutes les colonies d’AOF sont représentées par des pièces archéologiques réunies à l’IFAN. Les collections comprennent même des éléments du Tchad et de l’Afrique du Nord. La section d’ArchéologiePréhistoire est créée en 1944 (Bocoum, 2004, p. 32). Son premier directeur, 64
Henri Bessac est remplacé dès 1947 par Raymond Mauny. Ce dernier incarne la recherche archéologique en AOF. Raymond Mauny est un juriste. Il entre dans l’administration coloniale au Gouvernement général de Dakar en 1937. Attiré par la recherche scientifique et proche de Théodore Monod, il devient membre de l’IFAN en 1947, l’année de l’obtention de son doctorat en droit. En 15 ans d’activité à l’IFAN, Raymond Mauny publie environ 300 articles. Sa carrière à l’IFAN se conclut par une thèse de doctorat ès lettres : « Tableau géographique de l’Ouest-africain au Moyen-Âge d’après les sources écrites, la tradition et l’archéologie ». Soutenue en 1959, la thèse est publiée en 1961. Raymond Mauny quitte l’IFAN en 1962 et devient professeur à la Sorbonne (Descamps C., 1997, p. 893-895). L’IFAN fut donc le support de l’émergence d’un véritable pôle d’archéologie en Afrique de l’Ouest (Bocoum, 2004, p. 32). Les huit territoires de l’AOF ont été le théâtre d’opérations archéologiques. La création de la section Archéologie-Préhistoire va favoriser la recherche comme en témoignent le nombre des entrées de matériel archéologique et les nombreuses publications sur le sujet. Hamady Bocoum recense 209 articles sur l’archéologie dans le Bulletin de l’IFAN, dont 103 sont signés par Raymond Mauny. Les Notes africaines présentent 173 articles au sujet de l’archéologie ; 31 sont du directeur de la section d’Archéologie-Préhistoire. Les cahiers d’enregistrement de l’actuel laboratoire de Préhistoire et de Protohistoire de l’IFAN font état de 2 100 entrées archéologiques. Les pièces proviennent principalement de Mauritanie, du Sénégal, du Soudan (Mali) et du Niger qui réunissent ensemble 92,62 % des entrées (Bocoum et Becker, 1997, p. 883-884). Malgré un bilan très positif, les ressources des scientifiques sont insuffisantes pour la recherche dans une région de 4,5 millions et demi de kilomètres carrés. Les archéologues officiels en AOF ne sont que deux. Il s’agit de Raymond Mauny, de 1947 à 1961, et de Georges Szumowski, de 1951 à 1953. Ce dernier a ouvert une section d’Archéologie-Préhistoire au Centrifan de Bamako (De Barros, 1990, p. 162). Raymond Mauny ne manque pas de rappeler que les moyens scientifiques mis en œuvre pour l’archéologie en AOF ne suffisent pas. Il manifeste sa volonté de voir d’autres groupes d’archéologues (métropolitains, universitaires) s’investir en AOF (Mauny, 1953, p. 862-863).
4.3) Législation de l’archéologie en AOF L’époque de l’archéologie aofienne est le moment d’une prise en compte du patrimoine archéologique et de la nécessité de sa protection. Par son article 29, la loi du 2 mai 1930 pour la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque est étendue sur les colonies françaises. Il faut néanmoins attendre
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le 6 octobre 1937 pour que son application en AOF soit décrétée par un arrêté (Descamps C., 1997, p. 896). C’est durant la Seconde Guerre mondiale que la législation sur la protection du patrimoine archéologique est renforcée. Toutefois, il ne s’agit pas de l’introduction de la loi Carcopino1 de 1941 sur le territoire de l’AOF, bien que les colonies d’Afrique de l’Ouest soient demeurées vichystes jusqu’à la fin de l’année 1942. Alors que la France est encore occupée, le Comité français de la Libération nationale (CFLN) applique le décret du 25 janvier 1944 relatif au classement des objets d’intérêt historique, et à la réglementation des fouilles en AOF (Monod, 1951). Dans le contexte de la guerre, l’apparition d’un tel texte juridique est surprenante alors que le CFLN siégeait à Alger et avait des préoccupations beaucoup plus urgentes que la protection du patrimoine archéologique. Ce texte juridique reprend, dans les grandes lignes, les principes de la loi Carcopino (Descamps C., 1997, p. 896). Le décret du 25 janvier 1944 du CFLN stipulait que l’exportation des objets hors d’AOF, même pour la métropole, était interdite. Les objets non encore classés, présentant un intérêt d’histoire, d’art ou d’ethnologie, ne peuvent être déplacés hors des territoires coloniaux. La seule possibilité pour sortir un objet ethnographique ou archéologique d’AOF est d’obtenir une autorisation du Gouvernement général de l’AOF ou du ministère des Colonies (Monod, 1951). Les exceptions d’exportation ne sont délivrées que par des hautes instances gouvernementales. En dehors des effets sur le marché des objets d’art africain, le décret du 25 janvier 1944 possède également des répercussions importantes dans le domaine scientifique. Il implique que les objets archéologiques et ethnographiques récoltés ne pourront être envoyés en métropole pour leur étude, mais resteront conservés et analysés dans des bases locales de l’IFAN (Centrifan) pour constituer des collections homogènes et concrètes. Toutefois, si l’apparition de ce décret offre une base juridique à la gestion du patrimoine archéologique en AOF, l’application est tributaire des infrastructures et organisations à l’échelle du territoire. En 1949, la majorité des colonies de l’AOF n’ont toujours pas créé de Commissions locales permettant l’application du décret. Théodore Monod envoie une lettre circulaire aux huit centres locaux de l’IFAN (Centrifan), dans chacune des colonies, pour leur demander de constituer ces commissions. Des rappels sont encore adressés le 29 mai 1951. Le texte en vigueur est alors remplacé par la loi 56-1106 du 3 novembre 1956 qui, dans l’optique de la décentralisation de la Loi-cadre de 1956, transfère aux colonies la
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Loi n° 41-4011 du 27 septembre 1941 relative à la réglementation des fouilles archéologiques, dite : « Loi Carcopino », en raison de son auteur, Jérôme Carcopino, alors secrétaire d’État à l’Éducation nationale et à la Jeunesse.
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compétence qui était dévolue à l’administration fédérale (Descamps C., 1997, p. 897). Malgré l’avancée juridique de l’introduction d’une législation sur le patrimoine archéologique en AOF, son application demeure donc difficile. La raison de la réticence des responsables locaux à constituer une commission pour le contrôle et la gestion du patrimoine archéologique réside, sans doute, dans les comportements et les pratiques commerciales des objets ethnographiques durant l’époque coloniale.
4.4) Les Centrifan, réseau muséal aofien L’outil majeur de la recherche aofienne est l’établissement de collections permettant un travail de comparaison typologique. Dans cette optique, l’IFAN crée des corpus de références (Bocoum, 2004, p. 32). Parmi les collections de l’IFAN à Dakar, Théodore Monod rapporte la présence de 1 149 poids baoulés en bronze destinés à peser l’or provenant de la Côte d’Ivoire (Monod, 1943, p. 196). Pour l’archéologie, Raymond Mauny signale, en 1948, que sept artefacts ivoiriens sont présents à Dakar. Il s’agit de pièces néolithiques et d’un biface provenant de Bingerville (Mauny, 1948, p. 67). En 1954, le Musée historique de l’AOF à Gorée (Dakar) est mis en place par Abdoulaye Ly et Raymond Mauny. Quatre salles sont consacrées à l’archéologie de l’Afrique de l’Ouest, divisée par sections chronologiques : Paléolithique, Néolithique, Protohistoire et Moyen Âge (Descamps C., 1997, p. 895). Mais plus important encore, l’IFAN développe un véritable réseau d’antennes locales réparties dans toute l’AOF. Il s’agit des Centrifan évoqués précédemment. Jusqu’en 1950, des centres locaux ouvrent dans chacune des huit colonies de l’AOF. Ces centres scientifiques servent principalement de musées locaux où sont rassemblées des collections régionales. Mais ils sont aussi destinés à servir de points d’attache pour les missions de recherches scientifiques et permettent une liaison de communication entre les découvertes locales et l’IFAN fédéral à Dakar. Les Centrifan sont composés d’un secrétariat, d’une bibliothèque, d’un laboratoire et d’un musée. Généralement, la vocation principale des musées est l’ethnographie et chaque centre possède ses spécificités. Celui d’Abidjan est consacré à l’étude de la forêt tropicale. Il occupe un bâtiment construit durant le gouvernement de Vichy pour servir initialement de lieu de réception. Il est doublé d’un centre artistique réunissant des artisans locaux qui produisent des copies des pièces du musée (Monod, 1943, p. 197). L’institution muséale et scientifique publie également une revue : Les Études éburnéennes (Loukou, 1976, p. 141). Le premier directeur du Centrifan d’Abidjan est Jean-Luc Tournier. L’ethnologue Bohumil Holas lui succède ensuite (Bocoum et Becker, 1997, p. 884).
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Malgré l’intense activité scientifique générée par l’installation des Centrifan, l’archéologie demeure faiblement représentée dans les collections du réseau muséal aofien ; le Centrifan de Bamako (Mali) s’est également doté d’une collection archéologique grâce à la présence de Georges Szumowski et l’ouverture d’une section locale d’Archéologie-Préhistoire de 1951 à 1953 (Bocoum et Becker, 1997, p. 884). Des petites collections archéologiques sont signalées dans les Centrifan d’Abidjan (Côte d’Ivoire) et de Conakry (Guinée). Toutefois, faute de compétences en archéologie dans les Centrifan, les artefacts archéologiques sont donc généralement envoyés à Dakar, auprès de Raymond Mauny, le directeur de la section d’archéologie de l’IFAN. De ce fait, le centre principal de Dakar a drainé de nombreux artefacts archéologiques de toute l’AOF, ce qui explique la présence actuelle d’objets de Côte d’Ivoire à Dakar. Ainsi de nombreuses pièces archéologiques découvertes en Côte d’Ivoire sont envoyées à Dakar. En 1941, on signale, lors des sondages, la découverte d’objets en cuivre à 4 m de profondeur. Un certain nombre de ces pièces sont transmises à l’IFAN fédéral de Dakar (Mockers et Clamens, 1942, p. 1-3). Raymond Schnell découvre un marteau en pierre emmanché par des lianes, près de Toulepleu ; l’objet est envoyé au Sénégal (Schnell, 1951). Les artefacts préhistoriques qui demeurent en Côte d’Ivoire pour constituer les collections du Centrifan d’Abidjan sont des pièces emblématiques de la colonie et des activités du Centrifan, comme les deux haches polies de type Lowiguié que mentionne Bohumil Holas (Holas, 1951b) ou le matériel lié aux activités du centre comme les pièces provenant d’une fouille dans l’abri de Blandè en Guinée (Holas, 1953). Le centre local possède également des pièces envoyées par erreur. En 1944, un donateur anonyme confie au Centrifan d’Abidjan des statuettes en terre cuite provenant du Mont Nimba. Cependant, on manque d’informations pour les classer dans les collections. Bohumil Holas, alors membre de la section d’ethnologie du Centrifan d’Abidjan, lance un appel dans les Notes africaines. L’ethnologue profite de cet article pour rappeler aux « amateursconnaisseurs de l’Afrique » et aux membres abonnés, les informations dont ont besoin les muséologues pour documenter les pièces qui sont rapportées dans les Centrifan (Holas, 1952b, p. 18-20). Une réponse est reçue du Père Veit de la mission catholique de Bonoua (Holas, 1952c, p. 94). Il s’agit en fait de Mma, petites statuettes anthropomorphes en terre cuite liées au culte des morts et souvent appelées à l’époque « Statuettes de Krinjabo » bien que provenant plus largement du sud-est de la Côte d’Ivoire. Le père Veit les avait rassemblées pour les transmettre à l’IFAN de Dakar, mais les convoyeurs qui ont pris en charge leur transport sont arrivés un jour où le Père était absent et ils les ont envoyées au Centrifan d’Abidjan. Les Centrifan sont également des centres locaux qui permettent à l’IFAN d’intervenir rapidement sur le terrain. Par exemple, en 1953, Raymond Mauny entend parler de cas d’utilisations actuelles des pointes de flèche en 68
pierre en Haute-Volta (Burkina Faso) et en Côte d’Ivoire. Il en informe directement Bohumil Holas à Abidjan qui profite d’une tournée pour enquêter au sujet de cette rumeur qui n’a toutefois pas pu être accréditée (Mauny, 1953, p. 71). Musées locaux et pied-à-terre de l’IFAN dans chacune des colonies, les Centrifan forment un réseau scientifique efficace. Leur rôle ne se limite pas à la conservation et à la liaison. Les Centrifan seront aussi des bases de départ pour préparer des missions scientifiques à l’intérieur des colonies. En revanche, concernant l’archéologie, on ne remarque pas de véritable impulsion de l’IFAN pour la recherche en Côte d’Ivoire. La seule véritable mission archéologique organisée depuis le Centrifan d’Abidjan a en fait été menée sur la frontière avec la Guinée par Bohumil Holas.
4.5) Les missions de recherches de l’IFAN depuis le Centrifan d’Abidjan Une des premières missions de sciences humaines dirigée depuis le Centrifan d’Abidjan est celle de Bohumil Holas, en 1948, qui réalise une étude anthropologique et ethnographique des populations dans l’est du Liberia. L’instigateur de la mission, Théodore Monod, concrétise ainsi sa volonté de mener des opérations scientifiques de l’IFAN hors des colonies françaises et de contribuer à la connaissance ethnographique des pays qui ne peuvent soutenir la recherche scientifique, comme le Liberia (Holas, 1952d, p. VII-VIII). La zone est à la frontière de la Haute-Guinée et de l’ouest de la Côte d’Ivoire. La mission anthropologique, menée par Bohumil Holas, est rejointe par Pierre Louis Dekeyser qui étudie en même temps la faune de la région. Bohumil Holas relève des informations culturelles, linguistiques mais aussi anthropométriques sur les collectifs étudiés. Pour mener à bien leur mission, Bohumil Holas et Pierre Louis Dekeyser, tous deux membres de l’IFAN, ont bénéficié de la logistique du Centrifan d’Abidjan et des conseils de son directeur Jean-Luc Tournier. Ce dernier est le contact local de l’IFAN en Côte d’Ivoire et le garant du succès de la mission. Lorsque les nouvelles de la mission de Bohumil Holas ne parviennent plus à Abidjan, Jean-Luc Tournier n’hésite pas à se rendre directement à Monrovia (Liberia) pour tenter d’obtenir des informations (Holas, 1952d, p. X). L’année suivante, en 1949, Bohumil Holas mène une nouvelle mission. Elle consiste en une opération archéologique dans l’abri-sous-roche de Blandè, près du Mont Nimba en Guinée, à la frontière avec la Côte d’Ivoire. Le Centrifan d’Abidjan est chargé de la direction de la Réserve naturelle intégrale des Monts Nimba (Holas, 1950), réserve protégée par le décret du 5 juillet 1944. C’est Jean-Luc Tournier, le directeur du Centrifan d’Abidjan, qui assure la direction de cette réserve. En 1949, il y découvre une grotte présentant des vestiges préhistoriques (Holas, 1950, p. 999). À sa demande,
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le site est fouillé par Bohumil Holas (Holas, 1950, p. 1001). Trois campagnes archéologiques vont se succéder (1949, 1951 et 1952). À nouveau, le Centrifan d’Abidjan offre à la mission une base logistique. L’IFAN possède une antenne locale (Base IFAN n° 1) dans la réserve du Mont Nimba. Pour la deuxième campagne de 1951, Bohumil Holas est secondé par le préparateur de l’IFAN Thiam Bodiel et bénéficie de l’aide des manœuvres de la Base IFAN n° 1 du Mont Nimba (Holas, 1952a, p. 1941). Les trois campagnes ont permis à Bohumil Holas de reconnaître la présence, dans l’abri de Blandè, de ce qu’il interprète comme du Néolithique guinéen. Dès le début des travaux, un dialogue est mené avec les chefs locaux en vue d’étendre la concession de la réserve, dirigée par le Centrifan d’Abidjan, jusqu’à l’abri de Blandè (Holas, 1950, p. 1006). L’intégralité du matériel archéologique provenant de l’abri de Blandè est conservée au Centrifan d’Abidjan et n’a pas été envoyée à Dakar (Holas, 1953). Ces deux missions IFAN préparées par le Centrifan d’Abidjan témoignent d’une certaine intensité de l’activité scientifique durant la période. La fouille de l’abri-sous-roche de Blandè est d’envergure relativement rare pour des opérations archéologiques en zone forestière. Toutefois, l’abri de Blandè se situe en dehors du territoire ivoirien au sens strict. Dans l’archéologie aofienne fédérée, les frontières entre les colonies importaient donc peu à la recherche scientifique.
4.6) Cercles d’Agboville et découvertes archéologiques de 1941 à 1961 En dehors de l’unique campagne archéologique menée par le Centrifan d’Abidjan en Guinée, plusieurs amateurs d’archéologie signalent, en Côte d’Ivoire, leurs trouvailles dans les Notes africaines ou d’autres périodiques, comme le faisaient les administrateurs coloniaux lors de la précédente période. Leur pratique de l’archéologie va aboutir à la découverte d’objets isolés, mais aussi de sites majeurs. La première découverte importante publiée dans les Notes africaines est celle concernant les cercles d’Agboville. Il s’agit de nombreuses enceintes fossoyées circulaires avec un talus interne, présentes dans les environs de l’agglomération d’Agboville. C’est le pasteur Edmond de Billy qui les signale, en 1941, sur les indications de M. Druart, prospecteur et exploitant minier. L’année suivante, le pasteur découvre d’autres enceintes fossoyées qui semblent foisonner dans la région d’Agboville (De Billy, 1941, p. 2123). En 1951, Bohumil Holas observe certaines de ces enceintes et récolte du matériel qui en est issu. Il n’opère pas de véritables sondages, mais le site est débroussaillé en vue de sa description par des manœuvres mossi travaillant dans une plantation de café voisine (Holas, 1951a, p. 236). Bohumil Holas
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récupère le matériel de surface. Il semble qu’il s’agisse de la seule véritable intervention d’un membre de l’IFAN sur un site archéologique ivoirien. D’autres gisements archéologiques sont découverts. Plus au centre du pays, à Bouaké, la concession d’une station expérimentale présente des vestiges archéologiques. J. Korol du Service d’Agriculture y mentionne la présence d’un « tumulus », de meules, de scories et de haches polies (Korol, 1946). Le botaniste Raymond Schnell découvre, près de Man, des collines qui contiennent les vestiges d’une occupation ancienne. Plusieurs collines livrent des concentrations de tessons de céramique (Schnell, 1949a). D’autres sites sont également mentionnés par Émile Buisson, près de Toumodi, en 1948 (Buisson, 1948). L’auteur y signale une grotte, des polissoirs et des outils lithiques divers, dont une hache de grande taille. Les grandes haches polies continuent d’intriguer Bohumil Holas et Raymond Mauny. Une hache à bande peinte de type pisciforme est remise à l’IFAN par un député soudanais (malien). Raymond Mauny, sur la base de l’article de Gaston Joseph, détermine qu’elle proviendrait de Côte d’Ivoire et non de Bafoulabé, à l’ouest du Soudan (Mali) comme le mentionne le député (Mauny, 1950b, p. 33). Dix ans plus tard, il apprend de la veuve de l’administrateur Henri Abel que cette hache provient en réalité de Sikasso, au Mali, à environ 100 km au nord de la Côte d’Ivoire. Henri Abel, témoin de la découverte de cette hache, la mentionne dans ces notes : « ... La foudre ayant fendu un poteau télégraphique, le chef de canton fit creuser un trou au pied du poteau. Cette pierre fut trouvée à 40 cm environ dans la terre telle qu’on la voit actuellement avec les marques transversales de peinture noire. » (Mauny, 1960, p. 40-41).
Bohumil Holas présente les deux haches de type Lowiguié que possède le Musée de l’IFAN à Abidjan. Il s’agit de deux pièces que Jean-Luc Tournier avait découvertes près de Dabou. D’après l’ethnologue du Centrifan d’Abidjan, les haches de type Lowiguié proviendraient de la côte éburnéenne1 (Holas, 1951b). D’autres pièces sont envoyées à Dakar. En 1960, un haut-commissaire général offre une hache de type Lowiguié aux collections de l’IFAN fédéral au Sénégal (Mauny, 1960, p. 40-41). De plus, une pièce polie indéterminée est également trouvée par Raymond Schnell (Schnell, 1949c). Le pharmacien Paul Creac’h signale, en 1951, la découverte d’un biface amygdaloïde pseudo-piriforme en quartz dans les environs de Bingerville. Cette trouvaille isolée est la première, et longtemps la seule attestation du Paléolithique en Côte d’Ivoire. La pièce a été découverte dans une carrière exploitée par l’administration des Travaux publics (Creac’h, 1951, p. 427429).
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Le terme « éburnéen » est parfois utilisé comme synonyme de l’adjectif « ivoirien ».
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Au sujet des sites de production du fer, Jean-Luc Tournier découvre une multitude d’amas de scories en Basse Côte d’Ivoire entre le fleuve Sassandra et le Ghana, toujours proche de la rive nord des lagunes (Tournier 1953). J. Korol note également la présence de bas-fourneaux près de Bouaké (Korol, 1946, p. 23-24). À l’évocation de ces sites s’ajoute la découverte, en 1950, par les pères P. Mockers et Gabriel Clamens, de gravures rupestres, à Paraladougou et Tagnéguéra, dans le cercle de Katiola (Mockers et Clamens, 1950). Le père Clamens en découvre d’autres, à Souroukaha, près de Katiola, l’année suivante (Clamens, 1951a, p. 1). Raymond Mauny les consigne dans son inventaire des sites rupestres d’Afrique de l’Ouest. Il les désigne comme des « gravures du groupe arabo-berbère et moderne » (Mauny, 1954, p. 91). Les travaux archéologiques sont complétés par les nouvelles connaissances acquises en géologie et en pédologie. Le pédologue Gérard Riou cherche à comprendre pourquoi la végétation du V-Baoulé se compose de savanes à rôniers alors que la latitude et les conditions correspondent plutôt à la forêt dense. Parmi les facteurs suspectés, Gérard Riou étudie la relation entre l’occupation humaine et l’environnement. Cet objectif l’amène à rechercher les sites archéologiques qui s’y trouvent. Ces travaux aboutissent à une synthèse de la pédologie du V-Baoulé en interprétant la stratification du sol par la découverte d’objets archéologiques (Riou, 1965).
4.7) Fonctionnement des pratiques archéologiques aofiennes en Côte d’Ivoire Bien que la période de l’archéologie aofienne corresponde au développement de l’IFAN, nous avons vu que les recherches archéologiques en Côte d’Ivoire étaient principalement l’œuvre de personnes qui ne sont ni archéologues, ni ethnologues et qui, en place à l’intérieur des colonies, rapportent, dans les Notes africaines, leurs observations archéologiques susceptibles d’intéresser la communauté scientifique aofienne. Bohumil Holas les appelle les « amateurs-connaisseurs de l’Afrique » (Holas, 1952b, p. 19-20). Comment se déroulent leurs observations et quels types de vestiges retiennent leur attention ? L’étude démontre que, si leurs comportements sont très divers, les modalités par lesquelles ils accèdent aux vestiges le sont plus encore. Edmond de Billy est pasteur ; l’existence des cercles d’Agboville lui est signalée par un prospecteur minier (De Billy, 1941, p. 23). Quand Holas accède à ce site en 1951, il est invité par un ancien instituteur Agni nommé Joseph Anoma1 (Holas, 1951a, p. 236). L’instituteur 1 Lors de cette étude, il n’a pas été possible de déterminer s’il s’agit de Joseph Anoma d’Agboville, l’un des cofondateurs, notamment avec Félix Houphouët-Boigny, du Syndicat agricole africain en 1944 et dont une avenue du Plateau à Abidjan porte le nom.
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connaît les sites car il y possède une plantation de café. Le missionnaire Gabriel Clamens découvre des gravures rupestres près de Katiola grâce à l’indication d’un catéchiste (Clamens, 1951, p. 1). La hache peinte de type pisciforme que Raymond Mauny présente en 1950 a été offerte à l’IFAN de Dakar par Fily Dabo Sissoko, député du Soudan, actuel Mali (Mauny, 1950b). Elle avait été découverte à proximité de la frontière ivoirienne et a probablement été vendue par des féticheurs au Mali (Mauny, 1960). Une autre hache de Côte d’Ivoire présente à l’IFAN de Dakar a été donnée par le haut-commissaire général Pierre Mesmer (Mauny, 1960). Les stations scientifiques et expérimentales sont des lieux récurrents de découvertes archéologiques. En 1946, celles de J. Korol (Korol, 1946) se situent dans la concession de la station expérimentale de l’IRCT (Institut de recherches du coton et des textiles exotiques). Laurent Aké-Assi trouve une manille sur le terrain de l’ORSTOM (Office de la recherche scientifique des territoires d’outre-mer) à Adiopodoumé (Aké-Assi et Bouton-Martin, 1961, p. 4). Les manilles sont des bracelets en alliage de cuivre utilisés comme moyen d’échange par les esclavagistes. Les opérations entreprises se limitent généralement à la description et à la localisation des sites qui sont avant tout signalés par les témoins qui les observent par le biais de la revue de l’IFAN, les Notes africaines. Ces « amateurs-connaisseurs de l’Afrique » collectent parfois des vestiges mobiles pour les envoyer aux structures institutionnelles de l’IFAN. Mais des fouilles ne sont jamais entreprises. Lors de la découverte des cercles d’Agboville, Edmond de Billy en établit une description et mentionne leur localisation. Il conclut son article en invitant les autorités compétentes à explorer les lieux : « Voilà évidemment une série de sites qui seraient à fouiller un jour méthodologiquement pour tenter d’en éclairer l’origine » (De Billy, 1941, p. 24).
L’année suivante, il indique que le temps lui manque pour de plus amples investigations : « Si l’on avait le temps, il y aurait de quoi faire une exploration systématique passionnante » (De Billy, 1942, p. 21).
À l’instar de Maurice Delafosse 40 ans plus tôt pour les ruines Lobi, le pasteur Edmond de Billy n’est pas en Côte d’Ivoire pour des recherches archéologiques ; son travail l’empêche de poursuivre l’étude des cercles d’Agboville. Edmond de Billy en 1942, est une des dernières personnes qui aurait pu fouiller librement un site. À partir de 1944, les fouilles archéologiques sont soumises à autorisation gouvernementale (Gouvernement général de l’AOF ou ministère des Colonies) et l’IFAN est l’organe officiel de la recherche archéologique. Mais l’IFAN ne peut pas exploiter tous les gisements archéologiques découverts. Sa structure 73
officielle, bien que composée de scientifiques et d’une logistique élaborée, n’est pas suffisante pour faire face aux nombreuses découvertes mentionnées dans les Notes africaines.
4.8) Interprétation du passé ivoirien par l’archéologie aofienne Les articles rédigés durant la période de l’archéologie aofienne ne s’essaient généralement que très peu à l’interprétation des vestiges. Les publications dans les Notes africaines, qui sont surtout des observations d’amateurs, ont pour but de signaler les découvertes au réseau de l’IFAN mais ne prétendent pas interpréter le passé ivoirien. Bohumil Holas réalise un travail plus complet. Lorsqu’il fouille l’abri de Blandè, il compare son matériel très fruste aux collections présentes à l’IFAN fédéral de Dakar. Il attribue le matériel de Blandè au Néolithique guinéen que Raymond Mauny propose alors de substituer au Toumbien (Holas, 1950, p. 1004). Il associe ainsi le site de Blandè aux gisements archéologiques du Cap Manuel à Dakar, au site de Bamako et à la grotte d’Abetifi (Holas, 1953, p. 1616). Lorsqu’il observe les cercles d’Agboville, Bohumil Holas compare le matériel de surface qu’il a ramassé aux collections de l’IFAN et aux communications dans les Notes africaines (Holas, 1951a, p. 239). Il existe donc, au sein de l’IFAN une démarche scientifique autonome qui repose sur la comparaison d’éléments concrets et permet des corrélations dans l’interprétation des sites, bien que les connaissances de la préhistoire soient encore limitées. Pour parvenir à des interprétations, les archéologues aofiens utilisent une nouvelle donnée : les traditions orales. Il ne s’agit plus de faire la différence entre des sites archéologiques inconnus par des autochtones et des sites récents entretenus dans le passé des collectifs par l’oralité. La représentation des vestiges archéologiques par les sociétés locales est utilisée dans le travail d’interprétation. Edmond de Billy collecte les traditions Abbey entretenues au sujet des cercles d’Agboville (De Billy, 1942, p. 21). Les enceintes fossoyées auraient été construites par des blancs en guerre avec un chef baoulé. Cependant, les éléments obtenus sont difficiles à interpréter scientifiquement et les évènements ne peuvent pas être datés. Bohumil Holas est critique envers les traditions orales au sujet des cercles d’Agboville. Pour lui, il est impossible de déterminer à quoi fait référence le concept de « blanc » (Holas, 1951a, p. 240). Le terme issu des traditions locales ne désigne probablement pas des Européens. De plus, certains éléments naturels peuvent être considérés par les traditions locales comme des vestiges d’origines anthropiques (Djeole, 1961, p. 16). Cependant, si l’ignorance de l’origine d’un vestige par les populations locales ne marque plus la limite du champ de l’archéologie, elle en demeure toujours un gage d’ancienneté. Pour P. Mockers et Gabriel Clamens, les gravures rupestres de Paraladougou sont anciennes car les villageois n’y 74
attachent aucune importance (Mockers et Clamens, 1950, p. 36). Pour Raymond Schnell, les sites archéologiques des montagnes de la région de Toulepleu sont récents car les plus vieux Guéré se souviennent vaguement de tradition à leur sujet (Schnell, 1949a, p. 84). Il s’agirait donc d’un passé archéologique récent situé entre l’âge du Fer et les peuplements actuels de l’Ouest ivoirien. Dans le travail d’interprétation des vestiges archéologiques par les scientifiques aofiens, les sociétés traditionnelles ivoiriennes sont considérées comme ayant évolué dans un temps figé jusqu’à la colonisation, sans changements sociaux manifestes. Cette considération est illustrée par le traitement des vestiges de production du fer dans les régions qu’occupent les populations du grand groupe Akan (Abbey, Atié, Agni, Baoulé, Ébrié). Les sociétés akan proviennent de l’est, du Ghana, et ont migré, par estimation, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, sur les régions de l’est de la Côte d’Ivoire. Selon les observations de l’époque, les Akan n’ont pas pratiqué la réduction du minerai de fer. On considère alors, dans les interprétations archéologiques, que les vestiges de réduction de fer datent d’une période antérieure à la migration akan. Pour J. Korol du Service d’Agriculture (1946, p. 24), les bas-fourneaux retrouvés près de Bouaké ne peuvent appartenir qu’aux ancêtres des Djiminis avant qu’ils ne soient repoussés par les Baoulés en migration. Selon Jean-Luc Tournier (1953, p. 148), la découverte d’importants amas de scories dans la région des lagunes atteste de l’existence d’une période très ancienne, d’avant les peuplements actuels, avec une forte densité de population et durant laquelle le fer était réduit en Basse Côte d’Ivoire. Il n’est donc pas possible pour les archéologues de l’époque de concevoir des changements significatifs dans l’organisation des sociétés observées. Même si les traditions orales des autochtones se souviennent des cercles d’Agboville, Edmond de Billy les considère bien comme des vestiges archéologiques (De Billy, 1942, p. 21). Alors que les administrateurs coloniaux de la période passée se focalisaient exclusivement sur le matériel lithique, les archéologues de la période aofienne commencent l’étude de la céramique et des scories de fer présentes en Côte d’Ivoire. Si les typologies céramiques n’existent pas, les archéologues peuvent toujours les comparer avec les productions actuelles pour en déterminer grossièrement l’ancienneté. Bohumil Holas signale que le matériel céramique des cercles d’Agboville n’a pas été reconnu comme autochtone par les Abbey (Holas, 1951a, p. 240). C’est la conception d’une temporalité figée entre les derniers peuplements et la colonisation qui permet l’utilisation des traditions orales par les archéologues. Les objets et sites anciens, non reconnus par les sociétés actuelles, sont attribués à des périodes antérieures aux traditions orales. À l’inverse, les sociétés mentionnées par les sources orales sont censées être similaires aux sociétés actuelles. Par exemple, les amas de 75
scories découverts par Jean-Luc Tournier en Basse Côte d’Ivoire datent d’avant les migrations subactuelles, car les autochtones de Basse Côte d’Ivoire ne pratiquent pas la réduction du minerai de fer. Il n’est nulle part évoqué la possibilité que les autochtones de Basse Côte d’Ivoire aient pu réduire jadis le minerai de fer avant d’abandonner la pratique. Cette considération permet le classement des vestiges archéologiques ivoiriens en quatre périodes : – 1) Le Paléolithique, alors connu uniquement par le biface de Bingerville ; – 2) Le Néolithique, composé du matériel lithique et plus particulièrement des haches polies ; – 3) L’âge du Fer, caractérisé par des sites livrant des scories ; – 4) Les peuplements subactuels dont la connaissance persiste dans la tradition orale. Cette périodisation est relativement similaire à la division des quatre salles d’archéologie du Musée historique d’AOF à Gorée, composée du Paléolithique, du Néolithique, de la Protohistoire et du Moyen Âge africain. Le Moyen Âge africain correspond au développement de grands États dans les zones soudanaise et sahélienne de l’AOF (Empires du Ghana, du Mali et de Songhaï), dès la seconde moitié du Ier millénaire de notre ère et concerne peu le passé de la Côte d’Ivoire, située plus au sud. L’utilisation des sources orales et la création d’une longue durée qui fige les dernières migrations sont peut-être également motivées par la volonté de l’époque de différencier les migrations indigènes d’avant la colonisation des migrations sociales de l’état colonial. Ainsi, la préoccupation serait de trouver le dernier état originel de la Côte d’Ivoire précoloniale et de le cristalliser pour l’isoler des changements sociaux actuels et des apports exogènes de populations. Comme lors de la précédente période, des observations et des témoignages remettent occasionnellement en doute les certitudes sur la périodisation, comme le marteau de pierre emmanché retrouvé par Raymond Schnell près de Toulepleu (Schnell, 1948), ou la rumeur d’utilisation actuelle de pointes de flèche en pierre (Mauny, 1953, p. 71).
4.9) Recherches archéologiques au Ghana L’archéologie aofienne est également active dans les pays voisins de la Côte d’Ivoire. En Guinée, des opérations sont menées comme à Blandè. Le Soudan (Mali) connaît une forte activité archéologique de par la présence de Georges Szumowsky qui crée une section d’Archéologie-Préhistoire au Centrifan de Bamako (Bocoum et Becker, 1997, p. 884). En Haute-Volta (Burkina Faso), une grande ruine de pierres en pays Lobi, similaire à celle
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observée en 1902 à Gaoua par Maurice Delafosse, est découverte à Loropéni (Bertho, 1952, p. 33-34). En parallèle, la recherche archéologique se développe également dans les territoires anglophones de l’Afrique de l’Ouest. Ces travaux concernent surtout le Nigeria et le Ghana. Aucune recherche d’envergure n’est entreprise en Gambie, en Sierra Leone et au Liberia (Kense, 1990, p. 137). Au Ghana, la recherche pionnière est initiée dès 1937 par Thurstan Shaw. Ce dernier reconnaît l’existence du Néolithique guinéen au Ghana par la présence de céramique en association avec des microlithes, des haches polies et des houes en pierre. Oliver Davies arrive au département d’Archéologie de Legon en 1952. Il étudie d’abord les plages et les rivières pour interpréter l’évolution de l’environnement quaternaire ainsi que les premières traces d’occupation humaine et l’industrie paléolithique sangoenne. En 1962, Oliver Davis identifie une culture néolithique à Kintampo caractérisée par des haches polies, des éclats, des pointes barbelées, de la céramique et d’énigmatiques objets oblongs striés en terre cuite qu’il nomme « terracotta cigars » (Kense, 1990, p. 141-144). Oliver Davies ne s’isole pas de la recherche francophone. Il publie parfois dans les Notes africaines (Davies, 1960). Il ne se limite pas non plus au territoire du Ghana et entreprend des observations dans les pays voisins dont la Côte d’Ivoire, notamment à Dabakala, Fetekro et Abengourou (Davies, 1967, p. 68-73). L’archéologie en Côte d’Ivoire bénéficie du voisinage de la recherche ghanéenne très active grâce à la présence d’archéologues qui lui sont exclusivement affectés comme Thurstan Shaw et Oliver Davies. Aussi, de par une situation géographique similaire, littorale du golfe de Guinée et sur des latitudes semblables, les éléments archéologiques observés au Ghana sont plus proches du matériel archéologique ivoirien que les artefacts retrouvés dans les autres pays de l’AOF situés plus au nord.
4.10) Synthèse de la période (1941-1961) Loin de l’image d’Épinal d’une archéologie orientée par les autorités coloniales, l’archéologie aofienne et la recherche scientifique de l’IFAN doivent d’abord se légitimer et se justifier face à l’attitude mercantile des milieux politiques et économiques coloniaux. L’archéologie n’est pas motivée par l’idéologie coloniale mais sert peut-être indirectement sa cause. La période de 1941 à 1961 ne connaîtra que deux archéologues officiels pour toute l’AOF : Raymond Mauny et Georges Szumowski. L’archéologie aofienne est donc une archéologie aux moyens limités, mais elle peut prétendre à de grandes ambitions grâce à l’organisation et la logistique performante de l’IFAN. La réussite de l’archéologie aofienne résulte dans la création d’une archéologie ouest-africaine originale, autonome de la métropole et adaptée au contexte de l’AOF de l’époque. 77
Cette période voit l’apparition d’une archéologie fédérée, fonctionnant comme une entité scientifique sans limitation territoriale. L’analyse des pratiques archéologiques en Côte d’Ivoire est alors indissociable de l’histoire de l’archéologie dans son cadre global regroupant un vaste territoire, celui de l’Afrique de l’Ouest. Dès les débuts de l’IFAN, le rôle centralisateur de l’institut de Dakar conduit immédiatement à des résultats bénéfiques (Bocoum et Becker, 1997, p. 888). L’archéologie en AOF connaît un optimum d’activité intense de 1949 à 1951, comme le témoigne le nombre de publications durant cette période (Bocoum, 2004, p. 33). Ce pic se retrouve également en Côte d’Ivoire. Toutefois, cette centralisation scientifique de l’IFAN ne permet pas le plein développement de l’archéologie en Côte d’Ivoire. La seule mission archéologique développée depuis le Centrifan d’Abidjan est consacrée au site de Blandè, sur la frontière guinéenne, à l’extérieur du territoire ivoirien et la plupart des objets archéologiques ivoiriens sont de surcroît envoyés à Dakar. La Côte d’Ivoire est donc restée en marge des thématiques privilégiées par l’archéologie aofienne. En effet, dans un besoin de retrouver dans le passé des fondements unitaires à l’AOF, l’archéologie de cette période coloniale se concentre sur des problématiques transfrontalières comme les grands empires médiévaux et le commerce transsaharien (Bocoum et Becker, 1997, p. 888). Ces thématiques ne concernent que peu la Côte d’Ivoire. Les entrées du musée de l’IFAN montrent clairement que la recherche est plus intense en Mauritanie, au Sénégal, et au Soudan (Mali) que dans le reste de l’AOF (Bocoum, 2004, p. 32). La période marque les dernières années de l’ère coloniale et est celle de l’ouverture territoriale de la recherche archéologique, entre les colonies de l’AOF mais aussi avec les autres territoires d’Afrique de l’Ouest, par des opérations au Liberia et par des observations ghanéennes en Côte d’Ivoire. Les frontières entre l’ethnologie et l’archéologie s’estompent également. Les acteurs des Centrifan qui s’occupent parfois de l’archéologie, comme Bohumil Holas, sont des ethnologues de formation. Dans ce contexte, deux artefacts emblématiques se situent à la limite entre les deux disciplines : les Mma et les poids à peser l’or. Les Mma, ou statuettes de Krinjabo, sont de petites statuettes anthropomorphes modelées en terre représentant des défunts et utilisées lors des rites funéraires au sud-est de la Côte d’Ivoire, au nord de la Lagune Aby (Holas, 1951c, p. 1). Elles mesurent entre 15 et 50 cm (Lem, 1952, p. 110114). Il s’agit des mêmes statuettes que Bohumil Holas avait reçues par erreur au Centrifan d’Abidjan de la part du père Veit en 1952 (Holas, 1952b). Ces statuettes avaient déjà été signalées par Maurice Delafosse en 1923 (Delafosse, 1923). Quant aux poids en « bronze1 » pour peser la poudre d’or, utilisés avant la colonisation, il s’agit de poids réalisés selon la 1
Alliages à base de cuivre.
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technique de la fonte à la cire perdue (Durville, 1950, p. 172). Certains sont zoomorphes, anthropomorphes ou de forme géométrique, parfois en forme de carrés plats marqués d’un symbole géométrique (Holas, 1964). Le système pondéral utilisé avec ces poids reste une énigme dans les années 1950 et personne ne comprend vraiment leur fonctionnement (Abel, 1952). Suite à son travail sur les poids baoulés, Henri Abel est envoyé en mission par l’IFAN dans les pays Agni et Baoulé, en 1952 (Abel, 1954). Henri Abel a pour objectif de comprendre les systèmes pondéraux des poids utilisés. Selon Gaston Durville, ces artefacts sont encore fabriqués mais leur usage s’est complètement perdu (Durville, p. 173). Les Mma et les poids à peser l’or ne sont plus utilisés actuellement, mais leur abandon récent et la signification qu’ils représentent pour les indigènes restent du domaine de l’ethnologie. De 1941 à 1961, l’archéologie en Côte d’Ivoire fonctionne sous l’égide de la section Archéologie-Préhistoire de l’IFAN fédéral à Dakar. L’Institut scientifique aofien garde une autonomie sur l’archéologie métropolitaine. La recherche locale en Côte d’Ivoire est appuyée par le Centrifan d’Abidjan. Cependant, l’institution officielle n’apporte qu’une contribution mineure à la connaissance de la préhistoire ivoirienne. Les principaux éléments découverts durant cette période sont signalés par des amateurs éclairés. La publication de ces découvertes dans les Notes africaines permet à l’IFAN de conserver ces données dans sa sphère scientifique. Bien que le matériel archéologique soit habituellement envoyé à Dakar au bénéfice des collections de la section d’Archéologie-Préhistoire, certaines pièces emblématiques et le matériel de l’abri de Blandè sont conservés au Centrifan d’Abidjan. Les travaux archéologiques sont toujours dirigés par des scientifiques coloniaux français. Cependant, plusieurs autochtones participent au traitement du passé archéologique de l’AOF. Bohumil Holas est invité sur un des cercles d’Agboville par un ancien instituteur agni, Joseph Anoma (Holas, 1951a, p. 236). Les missions de l’IFAN sont appuyées par des préparateurs africains, comme les fouilles de Blandè avec Thiam Bodiel (Holas, 1952a, p. 1341). Raymond Mauny reçoit une hache polie de type pisciforme d’un député soudanais (Mauny, 1950b, p. 33). Toutefois, l’archéologie de cette période demeure une pratique étrangère pour les autochtones africains (Kense, 1990, p. 135). En Côte d’Ivoire, la découverte archéologique majeure de la période est celle des imposants et nombreux cercles d’Agboville. D’autres gisements archéologiques sont observés à Man, à Bouaké et à Toumodi. Des amas de scories sont signalés en Basse Côte d’Ivoire et des gravures rupestres sont repérées à Katiola. Un biface amygdaloïde est découvert près de Bingerville et les grandes haches polies continuent d’intriguer les chercheurs. Dans l’introduction d’un de ses ouvrages sur l’art ivoirien, Bohumil Holas propose une synthèse de l’archéologie en Côte d’Ivoire. Il mentionne les sites de Blandè et d’Agboville, mais également des découvertes 79
archéologiques non publiées comme celle faite sur l’Orombo-Boka, près de Toumodi. Cependant, les précisions de l’ethnologue responsable du Musée d’Abidjan insistent surtout sur la description du matériel (Holas, 1960, p. 912). Henriette Alimen (1966, p. 278) est encore plus concise sur l’archéologie ivoirienne dans son atlas de la préhistoire africaine et ne mentionne que les publications de Franz de Zeltner et de Gaston Joseph datant de la période précédente. Dans sa synthèse sur l’archéologie en AOF, Raymond Mauny (1961, p. 174-178) signale, pour la Côte d’Ivoire, les ruines lobi, la nécropole de Djangoménou, les cercles d’Agboville, les amas de scories de Basse Côte d’Ivoire, les objets en cuivre découverts près de Toumodi et les Mma. La période prend fin avec la décolonisation de l’Afrique de l’Ouest. L’IFAN, comme le Gouvernement général, et les autres organismes fédéraux étaient condamnés par la loi-cadre de 1956 (Bocoum et Becker, 1997, p. 883). L’IFAN fédéral de l’AOF n’a duré que deux décennies. La « balkanisation » de l’Afrique de l’Ouest met un terme à l’archéologie aofienne (Descamps C., 1997, p. 890-991). La décolonisation entraîne aussi la dislocation du réseau muséal aofien composé des Centrifan. La politique des anciens Centrifan est de garder les objets conservés dans chacun des centres, quelles que soient leurs origines, à l’exception du crâne d’Ibalaghen pour le Niger et des dalles peintes de la mosquée de Koumbi-Saleh pour Nouakchott (Descamps C., 1997, 898-899). Ainsi, des pièces archéologiques ivoiriennes se trouvent toujours à Dakar, tandis que le Musée d’Abidjan conserve les pièces guinéennes de Blandè. La période se clôt sur la synthèse de Raymond Mauny : « Tableau géographique de l’Ouest-africain au Moyen-Âge d’après les sources écrites, la tradition et l’archéologie » (Kense, 1990, p. 135). Cette étude du directeur de la section d’ArchéologiePréhistoire de l’IFAN est une synthèse des connaissances archéologiques de l’AOF, par colonie. Par sa forme, cette synthèse marque également la transition avec la naissance des archéologies nationales qui caractériseront la période suivante (Bocoum, 2004, p. 33).
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5) L’archéologie nationale en formation (1968-1985)
5.1) Apparition des archéologies nationales ouest-africaines L’indépendance des colonies françaises d’Afrique de l’Ouest, entre 1958 et 1960, marque la fin de l’AOF et de la recherche archéologique soutenue par l’IFAN de Dakar. Dans le contexte de la décolonisation, les institutions fédérales disparaissent tandis que la recherche scientifique s’adapte à la nouvelle situation politique (Bocoum, 2004, p. 33). L’IFAN fédéral est transformé en un Institut de recherche dépendant de l’Université de Dakar. Il perd progressivement son rôle de leader scientifique tandis que les contacts directs paraissent rompus avec les anciens Centres IFAN territoriaux. Bien qu’ils subsistent, ces derniers ont tous changé de noms et d’affectations (Descamps C., 1997, p. 898). Le manque de chercheurs professionnels à l’IFAN orientait l’institution fédérale dans l’animation d’un réseau de témoins scientifiques bénévoles dont elle publiait les documents (Descamps C., 1997, p. 899). À la disparition de l’IFAN, plus rien ne lie les chercheurs bénévoles locaux sur lesquels s’appuyait la recherche aofienne. Durant ces 20 années d’existence, l’IFAN n’est pas parvenu à poser les bases d’une véritable école scientifique et universitaire en Afrique de l’Ouest (Bocoum, 2004, p. 35). La transition de la décolonisation débouche sur la formation d’archéologies nationales dans chaque nouvel État ouest-africain, comme le préfigurait la forme du Tableau géographique de l’Afrique noire de Raymond Mauny. Selon Hamady Bocoum (2004, p. 33-34), si le discours archéologique de l’IFAN fédéral se situait à l’échelle de la région ouestafricaine, les archéologies nationales n’ont ni la volonté ni les moyens d’établir des problématiques transfrontalières. De plus, la coopération archéologique française en Afrique de l’Ouest n’est plus le fait d’institutions, comme l’IFAN, mais d’individus autonomes. Cette fragmentation de l’espace dans le discours archéologique est impliquée par la formation des nouveaux États-nations qui cherchent des fondements historiques, aussi loin que possible. Hamady Bocoum (2004, p. 33-34) souligne le paradoxe d’une recherche sur le passé pour conforter les nouvelles indépendances d’États pourtant délimités par la conférence de Berlin, sans tenir compte des limites ethniques précoloniales. Tout en acceptant ce fait, il y a cependant une quête 81
d’identité nationale recherchée par les milieux intellectuels dans chaque nouvel État-nation. Avec l’indépendance, le discours de l’archéologie est radicalement transformé. D’après Nick Shepherd (2002, p. 194), si l’archéologie de l’époque coloniale dénigrait le passé des populations locales, les archéologies nationales tendent vers l’inverse. Toutefois, en Afrique de l’Ouest, elles sont limitées par l’insignifiance des moyens que les nouveaux États leur allouent. Les travaux se font surtout grâce à des financements extérieurs dépendant de la coopération, principalement française (Bocoum, 2004, p. 34). Dans un premier temps, la réappropriation du passé par les milieux intellectuels des nouveaux États-nations se déroule surtout dans les discours de l’histoire et de l’anthropologie. Cependant, les archéologies nationales en formation sont aussi concernées par le discours cherchant une redéfinition de l’histoire et de la considération du passé. En Côte d’Ivoire, l’archéologie connaît une brève interruption au moment de l’indépendance. Plus aucune publication traitant de l’archéologie ne paraît entre 1964 et 1968. Ce laps de temps marque la transition entre le ralentissement puis la fin des activités de l’archéologie aofienne en Côte d’Ivoire jusqu’à la mise en place d’une archéologie ivoirienne soutenue par la Coopération française. Toutefois, cette courte période est ponctuée par les recherches archéologiques sur l’Orumbo Boka, colline se situant dans le VBaoulé (Siméoni, 1968, p. 20-23). Les prospections sur l’Orumbo Boka sont menées sous l’impulsion de Fernand Siméoni, professeur au Collège d’Orientation de Treichville. L’Orumbo Boka est une montagne qui revêt un caractère sacré pour les populations locales. Les prospections permettent de découvrir un énigmatique mur en pierres sèches avec plusieurs structures ovales à l’intérieur. Plusieurs abris-sous-roche et des dalles de pierres rainurées servant de polissoirs ont également été découverts (Siméoni, 1961, p. 1). Cependant, les conditions de recherche se révèlent particulièrement difficiles. La zone montagneuse est couverte d’une végétation dense. Plusieurs vestiges archéologiques pourtant déjà localisés n’ont pas pu être retrouvés lors de campagnes ultérieures en raison des difficultés dans lesquelles évoluent les prospections. L’ingénieur des Eaux et Forêts J. Bedel recommande de renoncer aux relevés topographiques et à la prospection intuitive. De meilleurs résultats pourraient être obtenus en s’appuyant sur les connaissances des guides et les traditions orales que rapportent les notables des villages. À la place des relevés topographiques, les prospections seraient organisées par des layons forestiers orthogonaux et des marques à la machette sur les arbres (Bedel, 1965, p. 3). Derrière les prospections réalisées sur l’Orumbo Boka, il y a une réelle volonté de Fernand Siméoni d’y entreprendre des opérations archéologiques plus conséquentes. Toutefois, les ruines de l’Orumbo Boka ne seraient pas les seuls vestiges archéologiques en Côte d’Ivoire dignes d’intérêt et de 82
fouilles archéologiques. Yves Person signale de nombreux amas de scories et des coquillages le long du littoral ivoirien qui ont retenu l’attention des chercheurs de l’ORSTOM (Office de la recherche scientifique des territoires d’outre-mer). De plus, toujours selon Yves Person, le mur en pierres sèches avec les deux structures ovales à l’intérieur de l’Orumbo Boka est un site religieux. Une opération heuristiquement plus rentable pourrait être réalisée sur un site d’habitat. Or, Yves Person rappelle que des enceintes fossoyées, qui sont manifestement d’anciens sites d’habitats, ont été découvertes dans la région. Malgré les démarches entreprises par Fernand Siméoni, c’est donc finalement sur un groupe d’enceintes fossoyées (celles de la Séguié) et non sur l’Orumbo Boka que vont se dérouler les premières fouilles archéologiques ivoiriennes (Person, 1965). Une première nouvelle opération archéologique est donc entreprise dès 1968 sur le site de la Séguié, motivée par un groupe de personnes issues de l’École des lettres d’Abidjan. Cette fouille est le point de départ d’un programme de soutien scientifique avec la Coopération française. La période est également celle de la création, au sein de l’Université d’Abidjan, de l’Institut d’histoire, d’arts et d’archéologie africains (IHAAA) qui sera le cadre institutionnel de la recherche archéologique. Sur cette base, un noyau de premiers archéologues ivoiriens sera alors formé. C’est le début des véritables recherches archéologiques en Côte d’Ivoire avec des fouilles programmées. La fouille de la Séguié peut donc être considérée comme le départ de l’archéologie ivoirienne. La période qui s’étend de 1968 à 1990 est un moment intense et foisonnant pour l’archéologie en Côte d’Ivoire. Partie des données relativement succinctes obtenues durant l’époque coloniale, la recherche archéologique va significativement améliorer les connaissances du passé ivoirien par de nombreux programmes de fouilles et le développement de nouvelles thématiques. Le chapitre qui suit évoquera l’apparition des archéologies nationales. Les changements profonds qui s’opèrent dans la tradition historiographique ouest-africaine après l’indépendance seront également détaillés. Ensuite, nous verrons comment la recherche archéologique ivoirienne apparaît suite aux premières fouilles sur le site de la Séguié et à la création d’un Institut de recherche au sein de l’Université d’Abidjan. Les différents programmes de fouilles et opérations archéologiques réalisés entre 1968 et 1990 seront ensuite évoqués chronologiquement. Après cela, nous reviendrons sur l’évènement du colloque de Valbonne, en 1978, qui statue sur la situation de l’archéologie en Afrique de l’Ouest durant la période.
5.2) Édification de l’histoire nationale ivoirienne Comme dans toutes les anciennes colonies françaises en Afrique de l’Ouest, l’indépendance de la Côte d’Ivoire entraîne une redéfinition de 83
l’histoire et de la perception du passé. Durant la colonisation, l’histoire africaine était perçue comme une série de mythes sans réels fondements (Wondji, 1975, p. 16). Pour traiter l’histoire de la Côte d’Ivoire, les historiens français utilisaient les sources écrites précoloniales des premiers observateurs abordant les côtes du golfe de Guinée dès le XVIe siècle, témoignages directs ou indirects, ainsi que les documents datant des débuts de l’époque coloniale (Weiskel, 1976, p. 358-359). Pour Jean-Noël Loukou, peu d’historiens français étaient alors formés pour traiter de l’histoire en Afrique de l’Ouest. Les documents utilisés par les coloniaux comme sources historiques sont trop imprécis et contiennent des erreurs. De plus, la tradition de l’histoire française occulte le passé ivoirien dans le but de justifier la colonisation (Loukou, 1976, p. 141). L’histoire de la Côte d’Ivoire est alors perçue comme une annexe de l’histoire française. La tradition historique française n’y accorde qu’une liste d’évènements dans la périphérie de l’histoire française et basés sur des chronologies et des sources européennes (Weiskel, 1976, p. 357). Le défi des historiens ivoiriens est alors de passer du mythe déconsidéré par les coloniaux au discours scientifique reconnu pour donner à la société ivoirienne en formation des fondements historiques pérennes. Les efforts des historiens ont pour but de donner une continuité historique à la conscience nationale ivoirienne, comme le préconise l’historien, anthropologue et homme politique sénégalais Cheikh Anta Diop (Wondji, 1975, p. 22). L’objectif est de créer une antériorité à la nouvelle nation ivoirienne émancipée. Pour parvenir à cet objectif, les historiens ivoiriens vont déconstruire la tradition historiographique coloniale pour ensuite créer une nouvelle conception de l’histoire grâce à un matériau nouveau et jusque-là délaissé par les historiens : les traditions orales (Marliac, 1978, p. 363). Le nouveau paradigme historique reconsidère donc les sources provenant des traditions orales. Toutefois, les historiens ne négligent pas les sources écrites et ouvrent leur discipline aux données de la linguistique, l’étude de la culture matérielle et à celle des structures sociales (Weiskel, 1976, p. 357359). Les documents écrits sont insuffisants pour construire l’histoire de la Côte d’Ivoire. Les historiens se basent donc sur de nouvelles données obtenues par des méthodes différentes pour bâtir une histoire nationale en Côte d’Ivoire. De prime abord, les traditions orales traitent du passé de manière événementielle. Les données relatent essentiellement des traditions d’origines, des guerres et des faits économiques, diplomatiques et politiques marquants (Weiskel, 1976, p. 357 et 362). De plus, elles sont caractérisées par une absence de données quantitatives (Chauveau, 1978, p. 20). Cependant, la méthodologie des historiens ivoiriens permet de passer de l’utilisation des traditions orales pour l’histoire royale à l’histoire socioéconomique du pays (Weiskel, 1976, p. 362).
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Pour ce faire, anthropologues et historiens analysent et comparent les différences de structures sociales des sociétés actuelles avec les traditions historiques. Lors de l’analyse des structures sociales de différentes régions, on peut observer des points similaires et des différences témoignant des déplacements, des imbrications et des changements. En croisant ces données avec les traditions historiques, il est alors possible de reconstituer scientifiquement la dynamique des changements sociaux et des mouvements de populations dans l’histoire (Weiskel, 1976, p. 373). L’objectif est de mieux comprendre les modalités des déplacements historiques des populations actuelles. Il est également possible de croiser les premières observations européennes et les sources coloniales écrites avec les témoignages des personnes âgées ou de leurs proches (Perrot, 1976, p. 173). L’objectif est de faire coïncider des éléments issus de l’histoire orale avec des évènements connus par les textes. Pour construire le passé avec les sources orales, l’anthropologue ClaudeHélène Perrot utilise une méthodologie précise qui se base sur une confrontation de récits historiques issus de collectifs différents, d’analyse des généalogies, des toponymies, du territoire ainsi que l’observation d’anciens sites (Perrot, 1985). Dans son travail, elle différencie ainsi les histoires orales, traitées par tout individu de la société, des traditions historiques conformées à une codification précise (Perrot, 1996, p. 26). Cette narration obéit à certaines règles en rapport avec la considération du passé. Selon les traditions, le passé appartient à ceux qui l’ont vécu. Il est donc nécessaire de demander aux ancêtres l’autorisation d’évoquer le passé par une cérémonie ou une libation. Évoquer un ancêtre peut provoquer sa manifestation, raison pour laquelle les traditions historiques sont très réglementées. Cependant, la tradition orale évoquée est une histoire de l’aristocratie qui ne retient du passé que les aspects favorables pour les groupes actuellement au pouvoir. Cette histoire est utilisée par l’aristocratie pour établir et maintenir les rapports de dépendance entre différentes sociétés (Perrot, 1976, p. 176). Dans le contexte politique, dès la décolonisation, les formations sociopolitiques actuelles ou subactuelles trouvent leur légitimation dans des représentations qui assignent à chaque composante du peuplement une place historique spécifique (Gérard, 1955, p. 281). L’indépendance des États africains génère la pratique d’une science historique nouvelle et adaptée aux conditions de l’histoire africaine. Joseph Ki-Zerbo en rappelle les grands principes. D’abord, l’histoire africaine est construite sur l’interdisciplinarité (histoire, traditions orales, archéologie, ethnologie et linguistique), par confrontation des différentes sources. Joseph Ki-Zerbo insiste pour que l’histoire africaine soit écrite selon le point de vue des historiens africains et non imposée par des historiens de traditions et de paradigmes européens. De plus, l’histoire doit être au bénéfice des sociétés africaines et sera donc une histoire des peuples. L’histoire évènementielle doit être évitée. Tels sont les mots d’ordre plébiscités par la plupart des 85
historiens africains suite à la décolonisation (Ki-Zerbo, 1980, p. 36-42). Ce renouveau de l’historiographie en Afrique de l’Ouest n’est pas un cas isolé. L’apparition d’une histoire sociale est en lien évident avec le renouveau de l’historiographie française généré par l’École des Annales. Ce courant historique apparaît, en France, durant l’entre-deux-guerres et connaît une seconde période dans les années 1950 et 1960, marquée par l’historien Fernand Braudel, entre autres. Toutefois, en Afrique de l’Ouest, ce changement de paradigme intervient très rapidement après l’indépendance. Effet accentuant la promptitude de la rupture, les historiens africains recourent aux traditions orales, jusque-là cantonnées à l’ethnologie, pour produire un discours sur le passé. De plus, le contraste est brusque entre l’histoire coloniale basée sur un nombre modeste de sources littéraires et la nouvelle histoire sociale et africaine qui trouve ses sources sur le terrain auprès des anciens villageois. Cette nouvelle interprétation des traditions orales aboutit à la constitution d’une histoire sociale de la Côte d’Ivoire. Cette tendance n’est pas uniquement méthodologique car les historiens du moment ont également la volonté d’associer les collectivités concernées à la recherche du passé national (Bony, 1975, p. 10). L’opération est possible par la collecte de traditions historiques orales. Les historiens mettent alors la société ivoirienne sur un plan d’analyse diachronique qui doit permettre de comprendre les transitions entre les sociétés traditionnelles et l’appropriation de la modernité. L’indépendance du peuple ivoirien par la création d’un État-nation et le développement des infrastructures importent de fait des éléments culturels occidentaux en Afrique de l’Ouest. Pour Joseph Ki-Zerbo, ce décalquage culturel est acceptable à la condition de la création d’une histoire et d’une pensée sociale africaine pour concilier le développement avec la préservation de l’identité ivoirienne (Ki-Zerbo, 1975). Joseph Ki-Zerbo résume le problème par la phrase : « On ne développe pas, on se développe. » (Ki-Zerbo, 1986, p. 24). Pour lui, le modèle du développement proposé à l’Afrique est le fruit d’une histoire qu’il faut comprendre pour savoir à quoi le développement engage. Il est donc nécessaire que la société ivoirienne maîtrise la construction de son histoire pour savoir comment elle peut s’insérer dans le développement général (Ki-Zerbo, 1975, p. 29). En 1986, c’est également l’avis de Semi-Bi Zan qui souligne que dans les transformations des structures socioéconomiques et des mentalités, la dimension culturelle du développement, dont l’histoire est l’axe principal, ne fut prise en compte que beaucoup plus tard. L’opération doit être réalisée pour décoloniser pleinement les structures politiques et économiques (Zan, 1986, p. 17). Pour Semi-Bi Zan, le travail sur l’histoire et la culture africaine est nécessaire pour réorienter l’économie. Le but est de trouver un équilibre entre les legs de la civilisation occidentale et le fonds propre africain. C’est sur la base de cet équilibre que l’économie doit être réorientée (Zan, 1986, p. 17). Le développement importe des 86
innovations techniques et scientifiques créées en Europe, selon un cadre culturel occidental. Aux côtés des sources orales, les sources écrites sont également utilisées par les historiens. Mais tout dépend évidemment de l’état des archives nationales. Les archives contiennent des documents qui relatent les premiers écrits sur la Côte d’Ivoire et des documents coloniaux. En 1982, Asthon Wesley Welch (1982, p. 378-379) signale que les archives ne sont pas entretenues dans des conditions optimales. Selon Elise Paraiso (1996, 89101), plusieurs facteurs sont responsables de la mauvaise gestion des archives. D’abord, la tradition archivistique est récente en Afrique de l’Ouest et la valeur réelle des documents n’est pas reconnue. Toutefois, le principal obstacle à la constitution d’archives performantes est le manque de volonté des décideurs administratifs et politiques de réunir ces documents (Paraiso, 1996, p. 90). Dans la pratique, Elise Paraiso note également que la plupart des documents se perdent dans les services administratifs lorsqu’ils ne sont pas utilisés régulièrement. Les moyens et le personnel qualifié manquent pour gérer la documentation et les archives (Paraiso, 1996, p. 92-95). À noter aussi que, selon Elise Paraiso (1996, p. 97), certains documents n’atteignent pas les archives nationales, car des agents administratifs n’acceptent pas de s’en dessaisir. Cette carence explique en partie la prédilection des historiens ivoiriens pour les sources orales. L’archéologie ne participe pas directement au débat concernant la réappropriation du passé par les historiens ivoiriens. Comme il a été mentionné au début de ce chapitre, la pratique ne réapparaît qu’en 1968 seulement, et sur des bases entièrement nouvelles. Cependant, l’archéologie ivoirienne se développe conformément aux nouvelles problématiques qui découlent de cette réappropriation du passé et bénéficie des données issues de l’analyse des sources orales. Ces dernières ne sont dorénavant plus utilisées uniquement pour guider les archéologues sur le terrain ou pour dater approximativement les sites, même si elles fournissent encore de précieux renseignements pour la localisation et l’identification des vestiges. Il s’agit de données directement utilisées dans les interprétations et le discours des archéologues. De plus, l’utilisation des traditions orales par les historiens rapproche ceux-ci de l’archéologie ; les deux disciplines nécessitent des recherches sur le terrain, et donc des modalités logistiques similaires. Historiens et archéologues établissent des liens avec les populations locales afin d’obtenir leur accord pour récolter du matériel scientifique à analyser, ce qui implique indirectement les populations locales à la construction de l’interprétation du passé (Diabaté V. T., 1979, p. 76-77). Dans ce débat, une place pour l’archéologie se profile. Il s’agit de comparer les sources orales avec les vestiges. L’archéologie peut également participer à la confrontation des sources orales et écrites (Perrot, 1976, p. 173). Alain Marliac (1978, p. 365) rappelle que toutes les familles de traits culturels évoluent. Si les historiens fondent des hypothèses à partir des 87
structures sociales et de l’analyse de leur dynamique, la culture matérielle est un ensemble de traits culturels qui peut être observé en tant que trace au sein des vestiges et être comparé aux données des historiens. Comme le remarque Bertrand Gérard (1995, p. 281), dans la nouvelle vision historique, la constante générale observable est que tout collectif est toujours originaire d’un autre lieu que celui qu’il occupe actuellement, confirmant ainsi les traditions orales. Cependant, comme l’a démontré André Leroi-Gourhan, la diffusion des traits symboliques ou matériels ne correspond pas nécessairement à des migrations (Gérard, 1995, p. 281). L’archéologie permettrait donc une meilleure compréhension des phénomènes de déplacements de populations et de diffusions. D’après Alain Marliac (1978, p. 365), l’analyse des vestiges offrirait des données exemptes d’intérêts politiques comme peuvent l’être les traditions orales. Cependant, comme le fait remarquer Timothy Weiskel, l’archéologie ivoirienne est encore insuffisamment développée pour permettre d’éclairer les modalités des conquêtes et les caractéristiques de la société à l’époque des derniers peuplements (Weiskel, 1976, p. 363-365). L’archéologue ivoirien Victor Tiégbè Diabaté rappelle que les traditions orales ne concernent que la partie la plus récente du passé du pays, remontant jusqu’au XVIe siècle tout au plus (Diabaté V. T., 1979, p. 75). Cette limite correspond aux migrations de populations qui mettent en place les ethnies actuelles. Les sociétés d’aujourd’hui ne conservent pas de traditions orales antérieures aux migrations. L’appropriation du passé par les historiens ivoiriens forme donc une période historique peu connue, périphérique aux sources écrites où peuvent se confronter les sources orales et l’archéologie à la limite antérieure de la mémoire collective. Cette période, définie dans le cadre de la réappropriation du passé par les historiens, retrace l’arrivée et l’histoire des dernières populations avant les invasions européennes, la colonisation et l’écriture. Pour les historiens, ces populations représentent le panel originel des ethnies nationales de Côte d’Ivoire. En quelque sorte, il s’agit de la formation d’une « antiquité » où se retrouve l’idée de continuation nécessaire pour créer des fondements historiques à la jeune nation ivoirienne. Le cas est relativement similaire à la réappropriation du passé antique lors des nationalismes européens. Toutefois, dans l’état actuel des recherches, il est impossible de savoir si l’apparition d’une antiquité en Côte d’Ivoire est le résultat de l’hybridation des historiens ivoiriens formés en Europe qui, peut-être, reproduisent inconsciemment la périodisation européenne ou alors si la formation de cette antiquité est consécutive au processus du nationalisme.
5.3) Premières fouilles archéologiques en Côte d’Ivoire : la Séguié En même temps que le débat des historiens sur la réappropriation du passé africain, l’archéologie ivoirienne réapparaît, en 1968, suite à la 88
découverte, au nord d’Agboville, d’enceintes fossoyées similaires à celles qu’avaient observées Edmond de Billy en 1941 et Bohumil Holas en 1951. Ces vestiges ont été découverts dans la forêt classée de la Séguié par l’ingénieur forestier F. Perrot de la Société de développement des forêts (SODEFOR), durant l’implantation d’une pépinière de tecks. F. Perrot choisit une des enceintes pour implanter la maison et les hangars de l’exploitation. L’ingénieur forestier collecte les objets apparus sur le site, comme des tessons de céramique, des fragments de fourneaux de pipes, des perles en terre cuite, des scories, des armatures de flèches métalliques, deux bracelets en bronze et des meules. Il note également la présence de foyers ainsi que des trous et des sillons remplis de terre noire. Grâce à une connaissance, la découverte de F. Perrot est rapportée à la Section d’Histoire de l’Afrique de l’École des lettres en avril 1968 (Perrot, 1968, p. 6-7). Une dizaine de fossés circulaires ont été découverts dans une zone d’environ 20 km2 de la forêt de la Séguié. Les fossés, profonds de 3 à 5 mètres, forment des enceintes ovoïdes dont le périmètre mesure environ 1 km de long (Perrot, 1968, p. 6). Les fossés sont flanqués par un talus interne et parfois externe constitué par les déblais. Les enceintes sont faiblement distantes et se situent toutes sur la crête d’une colline ou à flanc de coteau (Polet et Saison, 1981, p. 52). Les Abe, habitants de la région, désignent ces vestiges par le terme d’Amoni (Biot et Fofana, 1993, p. 55). D’après Yves Person, les Agni les nomment Baalikuman. Leur étendue serait comprise entre Toumodi, Bongouanou, Tiassalé et Agboville (Person, 1965). Les Abe et les Agni ne revendiquent pas l’héritage historique de ces sites qu’ils interprètent comme étant l’œuvre de populations précédant l’arrivée de leurs ancêtres. D’autres enceintes fossoyées ont déjà été découvertes près d’Agboville, comme dans toute la bande forestière (Polet et Saison, 1981, p. 52). Mis à part les signalements d’Edmond de Billy (1941, p. 23) et de Bohumil Holas (1951a, p. 234-242), Claude Hélène Perrot (1985, p. 1289-1306) mentionne d’autres Amoni près d’Abengourou. Au total, une dizaine de groupes d’enceintes ont été observés dans la zone forestière du sud du pays (Polet et Saison, 1981, p. 52). Après la découverte des Amoni de la Séguié, une opération de documentation est entreprise sous l’impulsion de Raymond Mauny (Polet et Saison, 1981, p. 52). Une première visite du site est organisée par l’École des lettres d’Abidjan. La mission réunit 8 membres provenant principalement de l’École des lettres (Huguette Fugier, Claude-Hélène Perrot, Jean-Louis Triaud et Norbert Ouayou) et de l’ORSTOM. L’équipe part d’Abidjan le dimanche 19 mai 1968 à bord de deux Land Rover prêtées par la Faculté des Sciences et l’ORSTOM (Perrot, 1968, p. 7). Sur place, des ramassages de surface ainsi qu’une topographie générale du site sont réalisés. La forêt dense est contraignante pour les recherches. Lors de l’opération archéologique, les pouvoirs publics sont avertis des travaux 89
menés par l’Université. Le ministre de l’Éducation nationale M. Amon Tanoh et le ministre de l’Agriculture M. Sawadogo, fortement intéressés, sont d’accord de réserver une partie du site à une fouille archéologique. Le 22 juin 1968, le ministre Sawadogo, M. Paulin, recteur de l’Université ainsi que M. Huet, directeur de la SODEFOR arrivent sur le site de la Séguié en hélicoptère. Ils sont reçus par le chef du chantier et la représentante de la Section Histoire de l’Afrique de l’École des lettres ainsi que par des journalistes de la RTI et du journal Fraternité Matin qui couvrent l’évènement. La visite aboutit à la décision de protéger deux enceintes au moins en vue de leur fouille prochaine (Perrot, 1968, p. 8). Cette première opération de reconnaissance, menée par l’École des lettres d’Abidjan sur le site de la Séguié, a également fait l’objet d’une publication dans un numéro spécial du Bulletin des Instituts de recherche de l’Université d’Abidjan, édité par les Instituts d’ethnosociologie et de géographie tropicale (Pairault, 1968, p. 3). Suite à cette première observation, deux campagnes de fouilles sont réalisées sur le site de la Séguié. La première est dirigée par Bernard Saison et a lieu en décembre 1968. L’opération consiste en l’exploitation systématique d’une enceinte de taille moyenne (Polet, 1971, p. 1). La seconde campagne sur le site de la Séguié a été mise sur pied par l’Université d’Abidjan et le secrétariat d’État à la Coopération. Elle est dirigée par Jean Polet. Par estimation, Jean Polet date le site de la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle (Polet et Saison, 1981, p. 55). En plus de leur datation, le site de la Séguié et les autres Amoni posent des problèmes d’interprétation. De prime abord, les fossés semblent avoir une fonction défensive. Toutefois, Jean-Louis Triaud soulève plusieurs problèmes qui remettent en cause l’interprétation du site (Triaud, 1968). De plus, l’eau fait gravement défaut aux Amoni de la Séguié (Polet, 1974, p. 11). Si beaucoup de questions demeurent au sujet des enceintes fossoyées d’Agboville, les opérations menées sur le site de la Séguié ont le mérite d’avoir été le détonateur de la création et du développement d’une archéologie ivoirienne huit ans après l’indépendance du pays. Ces travaux précèdent les investissements de la Coopération française pour développer une archéologie en Côte d’Ivoire avec la promesse d’un poste d’archéologue collaborant avec le nouvel Institut d’histoire de l’Université d’Abidjan. L’épisode des fouilles de la Séguié est donc également le témoin de la transition entre la Section d’Histoire africaine de l’École des lettres d’Abidjan et ce nouvel Institut d’histoire, d’arts et d’archéologie africains (IHAAA) qui sera le nouveau cadre institutionnel de la recherche archéologique ivoirienne.
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5.4) L’Institut d’histoire, d’arts et d’archéologie africains L’Université nationale d’Abidjan vient d’être créée en 1963 (Loukou, 1976, p. 142). Dès 1969, plusieurs grands instituts sont formés. Ils sont d’abord destinés à la recherche fondamentale mais servent également au support de l’enseignement dispensé par les départements facultaires de l’Université. En sciences humaines, plusieurs instituts sont créés : l’Institut d’Ethnosociologie (IES), l’Institut de géographie tropicale (IGT), l’Institut de linguistique africaine (ILA) et l’Institut de littérature et d’esthétique négro-africaine (ILENA). Le Centre universitaire de recherche et du développement (CURD) assure la coordination entre les instituts (Loukou, 1976, p. 143). Parmi ces nouveaux instituts, l’IHAAA (Institut d’histoire, d’arts et d’archéologie africains) est fondé le 4 juillet 1969. Selon Jean-Noël Loukou (1976, p. 141), la création de l’IHAAA est motivée par la compréhension du nouvel État ivoirien de l’importance de l’histoire dans la prise de conscience nationale et dans la stratégie du développement. Le nouvel Institut a quatre objectifs : coordonner les recherches historiques en Côte d’Ivoire, former les chercheurs, élaborer des méthodes de prospection, de conservation et de diffusion des découvertes historiques en Côte d’Ivoire et dans le monde, et publier les recherches scientifiques effectuées par les membres. L’IHAAA est divisée en sept sections : archéologie, histoire, traditions orales, art, publications, documents ainsi que bibliothèques et matériel. La section documentation gère la bibliothèque de l’Institut, les divers documents et une banque de sources historiques (IHAAA, 1989). L’Institut est dirigé par un directeur avec l’aide d’un directeur adjoint. L’administration et le fonctionnement de l’Institut sont assumés par un secrétariat, un service de comptabilité, un service des transports et le personnel technique de recherche. L’IHAAA organise à plusieurs reprises des colloques, des tables rondes et des séminaires. L’Institut est le support institutionnel des missions de recherches pour les membres permanents et pour les membres associés (IHAAA, 1989). Dès 1975, l’IHAAA publie une revue nommée Godo Godo. Elle regroupe des articles traitant d’histoire, d’archéologie, des traditions orales et d’ethnologie/anthropologie. Le nom de la revue Godo Godo est une expression utilisée par plusieurs ethnies de la Côte d’Ivoire comme les Adioukrou, les Ébriés, les Alladian, les Dida et les Bété. Elle signifie « avant avant » au sens littéral, soit « le passé lointain, lointain », dont la réitération suggère une mise en abîme de la mémoire entretenue par un collectif. Le terme renvoie à un passé antérieur à celui des sociétés actuelles et qui se perd à la limite de la mémoire collective. Il permet de hiérarchiser, dans une relation de temporalité, les traces et les vestiges d’occupations humaines antérieures qui ne sont reconnus ni par les sociétés actuelles, ni dans les traditions orales, mais dont la présence est indéniable. Cependant, le mot Godo Godo fait également référence à la coutume, aux traditions. Le terme
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désigne l’origine lointaine d’où un comportement social tire son fondement et son sens. À ce titre, c’est en se référant à ce passé, qui constitue une sorte de jurisprudence, que les anciens des villages trouvent des solutions aux tensions sociales de la communauté (Bony, 1975, p. 9). Les articles publiés dans la revue Godo Godo rapportent principalement les activités des chercheurs de l’Institut. Le but du bulletin est également de servir de publications de liaisons entre les scientifiques ivoiriens et les amateurs non universitaires qui collecteraient des données sur le passé de la Côte d’Ivoire (Bony, 1975, p. 11). Les chercheurs de l’IHAAA visent à publier rapidement les résultats de leurs recherches sous une forme vulgarisée pour améliorer l’accessibilité de leurs travaux à la société ivoirienne et aux lecteurs nonspécialistes. Cet angle de publication ne pouvait pas se concrétiser dans Les Annales de l’Université d’Abidjan, publication périodique générale de l’Université (Bony, 1975, p. 9-10). Depuis 1981, l’IHAAA publie également Les Cahiers de l’IHAAA qui contiennent des rapports de mission et des travaux d’études académiques (IHAAA, 1989). Leur nombre semble très limité. Dès le début des années 1970, une équipe se forme dans la section d’archéologie de l’IHAAA. Elle se compose principalement de deux postes de coopérants français et d’historiens ivoiriens qui se reconvertissent vers l’archéologie. Le premier plan stratégique de la nouvelle équipe est de développer trois pôles. Un de ces pôles est consacré à un projet de recherche sur un site préhistorique au sens strict. Les deux autres pôles s’orientent sur une archéologie récente, du dernier millénaire, un au nord de la Côte d’Ivoire et l’autre au sud pour couvrir les deux régions écologiques du pays : la forêt et la savane (Diabaté V. T., 1978, p. 68). Le pôle de recherche préhistorique est consacré aux fouilles d’amas coquilliers qui abondent dans la région des lagunes et sur le littoral. Le site de Songon-Dagbé fait l’objet d’investigations plus soutenues. Dans le nord de la Côte d’Ivoire, l’archéologie récente est représentée par les fouilles de l’ancienne ville de Kong, centre d’un grand royaume au nord de la Côte d’Ivoire datant d’avant la pénétration française. Dans le sud, des recherches sont entreprises sur les sites d’anciennes occupations de l’ethnie Eotilé, sur les îles de la lagune Aby. Par la suite, d’autres fouilles et prospections sont menées, entre autres sur les villages perchés de la région de Man, dans le Nord-Ouest ivoirien. Un site archéologique majeur pour l’établissement de la chronologie du Paléolithique est également découvert à Anyama. Les archéologues de l’IHAAA n’abordent pas l’archéologie des derniers peuplements. Selon Alain Marliac, la recherche sur les peuplements et les ethnies aboutit à des résultats semblables à ceux de l’histoire des nations ou des États (Marliac, 1978, p. 154). De plus, les débuts de l’indépendance ivoirienne sont marqués par les revendications séparatistes du royaume Sanwi. L’appréhension de revendications locales, pouvant aboutir dans les cas extrêmes à une situation similaire à celle du Biafra au Nigeria, est donc bien réelle. Toutefois, avec 92
recul, en séparant la Côte d’Ivoire en deux secteurs d’études séparés selon les deux zones écologique et économique de la Côte d’Ivoire, les archéologues de l’IHAAA participent indirectement et involontairement à la création d’une dichotomie nord/sud du pays, dont les répercussions actuelles sont particulièrement graves. La mise en place des structures de recherches qui caractérise les débuts de l’IHAAA nécessite la formation d’une première génération d’archéologues ivoiriens qui pourront ensuite diriger la recherche nationale et former les générations suivantes d’archéologues. Les premiers archéologues ivoiriens sont soutenus dans leur formation par la Coopération française. Leurs mémoires et thèses sont généralement réalisés sous la direction de professeurs étrangers, français principalement (Loukou, 1976, p. 143). En archéologie plus particulièrement, les travaux universitaires sont presque tous dirigés par Jean Devisse et inscrits à Paris I PanthéonSorbonne. La formation nécessite des séjours à Paris, non seulement pour les formalités académiques, mais également pour bénéficier des moyens de travail, des formations et des centres de documentation français, qui ne sont pas encore aussi développés en Afrique de l’Ouest (Loukou, 1976, p. 143). Il n’y a pas, dans les nouveaux instituts, tous les documents nécessaires aux nouvelles recherches entreprises. L’historien Jean-Noël Loukou espère un retour des documentations et des pièces archéologiques des ex-colonies conservées en France (Loukou, 1976, p. 144). Outre la préparation d’une future équipe de cadres pour l’archéologie ivoirienne, l’IHAAA est également une structure de formation pour de nombreux étudiants étrangers venus de toute l’Afrique de l’Ouest1. Jean-Noël Loukou signale que les traditions et le passé de la Côte d’Ivoire sont moins l’engouement de ces jeunes étudiants étrangers que l’obtention d’un diplôme de valeur reconnue, réalisé dans un centre de formation réputé, qu’ils présentent ensuite sur le marché de l’emploi de leur pays respectif. IHAAA forme donc des jeunes chercheurs qui ne participeront pas à la mise en place des structures et des compétences de l’archéologie ivoirienne. Toutefois, Jean-Noël Loukou rappelle que toute contribution ou travail de thèse et mémoire est bénéfique à l’accroissement des connaissances sur le passé de la Côte d’Ivoire (Loukou, 1976, p. 144). L’IHAAA est donc la structure institutionnelle qui permet la formation d’une première vague d’archéologues ivoiriens et la constitution d’une section de recherche en archéologie disposant de moyens techniques. Une part importante du financement de la mise en place de l’archéologie provient de la Coopération française qui prend en charge la formation de chercheurs ivoiriens et met sur pied deux postes de coopérants français en Côte d’Ivoire. Le premier poste échoit à Philippe Leclerc dès 1972. Le deuxième est confié à Jean Polet qui, après avoir travaillé sur le site de la Séguié en 1971, est 1
Entretien avec François Yiodé Guédé, le 14 novembre 2012, à Abidjan.
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engagé en 1973. Finalement, Philippe Leclerc quitte son poste en 1974 et est remplacé par Mariette Klefstad Sillonville puis par Robert Chenorkian1. Leurs recherches contribueront au point de départ de l’archéologie ivoirienne.
5.5) Les fouilles archéologiques des îles Ehotilé Les Eotilé forment une ethnie du sud-est de la Côte d’Ivoire dans la région de la lagune Aby, à proximité de la ville d’Assinie et au sud du royaume Agni Sanwi. Ils sont traditionnellement reconnus comme une société dont l’économie est principalement orientée sur la pêche. Par le passé, les Eotilé occupaient les îles de la lagune Aby. Grâce à leur situation insulaire, ils ont pu résister aux migrations akan durant lesquelles les Agnis s’établissent dans le sud-est de la Côte d’Ivoire. Mais durant le XVIIIe siècle, l’expansion de l’État Ashanti accule les Agnis qui, sous la pression, envahissent les Eotilé et les défont militairement (Polet, 1995b, p. 100). Les Eotilé sont déplacés à l’embouchure du fleuve Bia, au nord de la lagune Aby. Durant la déportation, les Eotilé perdent l’usage de leur langue au profit de la langue agni. Au milieu du XIXe siècle, les populations éotilées sont finalement autorisées à réoccuper leur territoire d’origine. Mais les nouveaux villages éotilés sont implantés sur les rives de la lagune Aby et non sur les îles. Pour les Eotilé, les îles deviennent alors des sites sacrés (Polet, 1988, p. 15). Dès le XXe siècle, le développement de l’économie de plantation en Côte d’Ivoire exerce des pressions foncières et les terrains des Eotilé, traditionnellement pêcheurs, sont menacés par l’expansion des plantations. Pour préserver leur territoire, ils adoptent une stratégie innovante dès 1970. Les représentants éotilés du RDA (Rassemblement démocratique africain) demandent auprès de l’État ivoirien le classement des îles comme des sites historiques. Dans le but de protéger leurs anciens territoires, les Eotilé plaident la protection de leur patrimoine. Les îles deviennent ainsi des lieux de mémoire (Polet, 1988, p. 15-16). Des familles éotilées sont installées à proximité de ces sites. Des plaques de ciment portant l’inscription « vestiges éotilés » ou « cimetière éotilé » signalent les sites archéologiques. Certaines plaques commémoratives mentionnent l’interdiction de défricher le site (Perrot, 1988, p. 458). En 1974, par décret, la zone est classée et devient le Parc national des îles Ehotilé (Polet, 1988, p. 16). La gestion du parc est confiée au ministère de l’Éducation nationale (Polet, 2010, p. 417). Des efforts sont également investis au niveau de la langue : si la langue agni a été adoptée par les Eotilé durant leur déportation, le village de Ngaloa pratique encore cette langue vernaculaire. Des cours de langue éotilée sont donnés (Perrot, 1988, p. 458). 1
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Afin de développer leur patrimoine, les Eotilé utilisent l’histoire. Les archéologues de l’IHAAA intègrent dans un de leurs trois pôles de recherche l’investigation de ces sites. Jean Polet, arrivé à l’IHAAA dans le cadre de la Coopération française, mène les recherches archéologiques dans ces îles (Polet, 1988, p. 19). L’IHAAA et Jean Polet souhaitent fouiller des sites archéologiques sur lesquels il est possible de croiser les données avec les sources écrites1. La région de la lagune Aby est à proximité d’Assinie et des premières implantations françaises du XVIIe siècle. Des textes donnant des informations sur les populations de la région sont connus (Polet, 1981a, p. 47). De plus, il existe des descriptions datant des débuts de la pénétration française. D’un point de vue archéologique, la date récente du sujet d’étude permet l’utilisation des matériaux importés d’Europe comme fossiles directeurs pour pallier l’absence de typologie archéologique en Côte d’Ivoire. Le matériel archéologique issu des sites éotilés peut être comparé au matériel découvert au Ghana, proche de la lagune Aby et où l’archéologie est relativement plus développée qu’en Côte d’Ivoire. Les modalités d’accès au terrain sont facilitées par les récents travaux réalisés dans la région par les historiennes et ethnologues Henriette Diabaté et Claude-Hélène Perrot. Henriette Diabaté est en contact avec les responsables officiels dans les communautés éotilées tandis que Claude-Hélène Perrot connaît la localisation des sites archéologiques (Polet, 1988, p. 12-13). Le principal avantage des recherches archéologiques sur ces îles réside dans la préservation des sites et l’ouverture des chantiers de fouilles, suite à l’intérêt des villageois des lagunes pour leur passé (Perrot, 1982, p. 24). En plus de leur volonté de protéger leur patrimoine, les Eotilé se servent des sites archéologiques pour justifier leurs droits sur un territoire. Ce cas de figure exceptionnel favorise un climat favorable entre les Eotilé et les membres de l’IHAAA (Perrot, 1982, p. 24). Les responsables éotilés ont un grand engouement pour l’archéologie. Toutefois, ils désiraient utiliser l’archéologie pour prouver que leurs ancêtres occupaient les sites. Les Eotilé souhaitaient retrouver les cultures matérielles de leurs ancêtres. Cette vision ne tient pas compte des importations antérieures de matériel qui impliquent l’impossibilité d’associer une culture matérielle archéologique au concept d’ethnie. De plus, en quête de leur identité perdue lors de la déportation, ils perçoivent leur passé comme une longue durée sans changements socioculturels (Polet, 1995b). Tout vestige est identifié comme authentiquement éotilé, alors que les comportements socioculturels des occupants des îles, parfois exogènes, n’ont cessé d’évoluer. En fait, les vestiges archéologiques représentent les anciennes populations lagunaires de la région et non l’hypothétique ethnie originelle idéalisée par la société actuelle.
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Les opérations archéologiques sur les îles Ehotilé se déroulent de 1973 à 1985. Durant cette période, une dizaine de campagnes d’environ un mois ont eu lieu1. Les opérations archéologiques font l’objet de la thèse d’État de Jean Polet qui dirige les fouilles (Polet, 1988). L’équipe se compose de 8 à 10 ouvriers, chacun originaire d’un village éotilé différent, pour favoriser la coopération entre les villages. L’équipe est accompagnée d’Émile Ahiko Etchoua, un des enseignants de la langue éotilée (Perrot, 1988, p. 458). Il contrôle également le traitement des tombes et ossements humains lors de la fouille (Polet, 1988, p. 18). Les sites sont accessibles par la lagune. La traversée en pirogue dure 40 minutes. Dès la deuxième campagne, l’IHAAA a fourni un hors-bord qui réduit le temps de traversée à 4 minutes2. Des prospections et des sondages ont lieu de 1974 à 1975. Toutefois, plusieurs grandes difficultés limitent les prospections. La zone de recherche est très vaste et le couvert forestier est dense. De plus, la mangrove limite les recherches. Les traditions orales sont donc utilisées dans les travaux de localisations des sites (Polet, 1976, p. 121-122). Trois secteurs sont étudiés : Belibété et Assoco-Monobaha, sondés en 1974 et Nyamwan, fouillé dès 1975 (Polet, 1979, p. 1). Sur le site de Belibété, sondé en 1974, des traces de constructions sont clairement visibles dans la lagune. De nombreux tessons de céramique et deux canons de marine sont découverts sur l’île de Belibété. Des bases de pilotis immergées témoignent de villages palafittes. Si les traces d’habitats sont évidentes, la boue et le niveau de la lagune ne permettent pas de les fouiller. L’île possède seulement 12 cm de dénivellation avec la lagune, au maximum (Polet, 1976, p. 124). Finalement, bien que le sondage ait été prometteur, l’investigation archéologique du site de Belibété est abandonnée faute de moyens d’excavation en milieu humide. Également sondée en 1974, l’île d’Assoco-Monobaha bénéficie d’une dénivellation plus importante que Belibété, émergeant de 85 cm (Polet, 1976, p. 124). Un amas coquillier est présent sur l’île. Dans la lagune Aby, les amas coquilliers sont nombreux et les Eotilé les interprètent comme étant l’emplacement des anciens villages (Polet, 1988, p. 22). Le sondage d’Assoco-Monobaha dévoile une fosse dépotoir creusée dans l’amas et perturbée par l’aménagement ultérieur des sépultures et par des plantations de palmiers à huile. Dans la partie sondée, on trouve des tessons modernes et des tessons européens (Polet, 1981a, p. 48). Le site ne livre ni structures très importantes, ni stratigraphies (Polet, 1976, p. 224-226). Les recherches sur les sites d’Assoco-Monobaha ne sont donc pas poursuivies. À Nyamwan, les traditions orales mentionnent la présence d’une nécropole, mais sa localisation pose problème car elle se situe dans un amas coquillier où abondent les tessons de céramique (Polet, 1981, p. 48). 1 2
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Cependant, la tradition orale semble indiquer qu’il était d’usage de planter deux greffons d’une espèce de dragonnier (Dracaena Arborea L.) sur chaque nouvelle tombe. Jean Polet repère et cartographie la zone de l’île où pousse cette plante. Les sondages montrent qu’effectivement, la plante signale une ancienne nécropole. Des sondages menés à l’intérieur et à l’extérieur démontrent que la nécropole coïncide parfaitement avec l’étendue de la zone de peuplement de Dracaena (Polet, 1983a, p. 1-9). L’amas coquillier qui forme le substrat de la nécropole de Nyamwan est également un vestige archéologique de populations plus anciennes qui ont consommé des mollusques. Une première datation au 14C du laboratoire de l’IFAN à Dakar fournit la date de 24 après J.-C. +/- 112 (Polet, 1981, p. 48). D’autres échantillons permettent de dater les débuts de l’amas vers 2 550 +/- 95 BP (Polet, 1995a, p. 104). L’amas de Nyamwan présente les traces d’une industrie sur coquillage, plus précisément sur une espèce de mollusque appelée Egeria paradoxa B. (Polet, 1995a). Le site de Nyamwan a été divisé en 22 secteurs de fouille. L’unité de base récurrente pour les secteurs est un carré de 3 m par 3 m (Polet, 1988, p. 133). Les fouilles ont porté exclusivement sur la nécropole. D’après Jean Polet, une zone d’habitation palafittique devait se trouver au nord de l’île (Polet, 1983b, p. 7). Les 383 m2 de surface de fouille ouverts (Polet, 1988, p. 135) ont livré de nombreux restes d’ossements humains, mais peu d’entre eux en connexions anatomiques (voir : Polet, 1976, p. 132). Très peu d’individus sont complets. Des ossements sont dispersés et certaines tombes contiennent plusieurs individus incomplets. Certains ossements signalent une pluralité de pratiques dans les comportements funéraires de la nécropole (Polet, 1981b). Des individus présentaient des traces de dessèchements ou de décarnisations avant l’enterrement. Durant la campagne de 1983, les restes d’ossements découverts dans un secteur de la nécropole présentaient, selon Jean Polet, des signes de découpe pouvant être interprétés comme des traces d’anthropophagie (Polet, 1983b, p. 8-10). En raison de la croyance de la possibilité pour les morts et les esprits d’intervenir dans le monde des vivants, les archéologues adoptent un comportement en accord avec les rituels de circonstance lors d’excavations dans le sol, et de surcroît lors de la fouille d’une sépulture. Dès 1974, à Assoco-Monobaha et Nyamwan, lors des découvertes des sépultures, Jean Polet demande aux notables du village de Ngaloa l’autorisation de fouiller les tombes de ceux qu’ils considèrent comme leurs ancêtres. Les notables sont d’accord à la condition de laisser les ossements sur place pour qu’ils ne soient pas utilisés à des fins de magie noire (Polet, 1988, p. 20). Il sera donc impossible de traiter les ossements en laboratoire (Polet, 1981, p. 2). Suite aux fouilles, les ossements sont enterrés et deux greffons de Dracaena sont plantés sur l’emplacement1. 1
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Dès le début des opérations archéologiques, en 1973, les Eotilé ont le projet de bâtir un musée dédié à leur culture et présentant des objets archéologiques ainsi que des objets anciens collectés par les populations locales elles-mêmes (Polet, 1995b). Toutefois, la culture matérielle archéologique ne peut représenter une ethnie. La société éotilée du passé ne correspond pas à la vision que s’en font les habitants actuels. Le problème réside dans la volonté de faire un musée qui serait le miroir d’une société éotilée originelle idéalisée, et non un vecteur de dialogue et de réflexion. Cet engouement pour un musée éotilé répond surtout à des intérêts locaux et particuliers (Polet 1995b). Associée à des problèmes de survivance culturelle et économique, l’exhortation des particularismes locaux peut fragiliser la cohésion nationale encore fragile de la jeune nation ivoirienne. Suite aux discussions, le projet est donc orienté vers un musée des populations lagunaires de la région éotilée. Une solution est ébauchée avec le Club Méditerranée d’Assinie qui propose de financer 2 emplois et de construire le musée et des pontons sur les sites1. Malgré ces perspectives, le musée n’est pas créé suite au terme soudain des deux postes de coopérants français. En 1983, Jean Polet documente un Mmaso à Ngaloa. Les Mmaso sont des lieux où sont déposés les Mma, petites figurines de terre cuite réalisées à l’occasion d’un décès (Polet, 1988, p. 552). Les Mma ont déjà été signalés par Maurice Delafosse (1923), F.-H. Lem (1952), Bohumil Holas (1952b et 1952c) et G.-J. Duchemin (1946). Il s’agit en fait de ce que les colons appelaient les « têtes de Krinjabo ». Leurs origines étaient inconnues à l’époque. Les pluies de l’été 1982 font apparaître des Mma dans le village de Ngaloa. Entre les maisons, une fouille de 5 m par 5 m a permis de mettre au jour des statuettes et des dépôts de bouteilles de gin ainsi que des coquillages et des aiguillons de silure (Polet, 1983b, p. 1). En général, les Mmaso sont établis à l’extérieur du village alors que celui de Ngaloa se situe sous le village actuel. L’absence de traces d’occupation sous le niveau du Mmaso indique que celui-ci était en activité avant l’implantation du village (Polet, 1987, p. 295). En 1976, l’historienne Henriette Diabaté, qui travaille sur l’histoire du royaume Sanwi dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire avait déjà aperçu un Mmaso près de l’ancien village de Siman, au pied du Tyrobie Buka2 (Diabaté H., 1979, p. 45). Une seconde visite du site de Siman est menée en 1983, avec Henriette Diabaté et Jean Polet. L’équipe se rend également sur le cimetière royal éotilé de Comuan (Diabaté H., 1984, p. 4348).
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Entretien avec Jean Polet, le 12 juin 2012, à Paris. Ou Colobie Buka (Diabaté H., 1984, p. 43).
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5.6) Les amas coquilliers du littoral ivoirien Durant les années 1960, des géologues de la SODEMI (Société pour le développement minier de la Côte d’Ivoire) découvrent, autour des lagunes du littoral ivoirien, de nombreux amas coquilliers composés d’accumulation de tests de coquilles de mollusques. Les géologues pensent d’abord à des amas de coquillages naturels datant de transgressions marines et leur donnent le nom de faluns. Le calcaire fait cruellement défaut à l’industrie de la Côte d’Ivoire et les amas coquilliers peuvent servir à la production de ciment (Mauny, 1972, p. 19). Dès 1964, des géologues de la SODEMI comme J.-P. Dorthe et H. Madon réalisent des prospections pour les inventorier (Leclerc et Reynard, 1975, p. 161). En 1964, J.-P. Dorthe repère des ossements et des poteries dans l’amas coquillier de Songon Kassemblé. Quatre ans plus tard, H. Madon signale que la céramique est présente à toutes les profondeurs de l’amas (Mauny, 1973, p. 208). Sur la base de trois observations, H. Madon, en 1969, réalise que les faluns sont en réalité d’origine anthropique. Des mollusques marins et d’eau douce se retrouvent dans les dépôts. Trois datations au 14C situent un amas à 1 000 BP, soit une date trop récente pour envisager des transgressions marines. De plus, les amas coquilliers contiennent plus de valves droites que de valves gauches, résultant d’un enlèvement anthropique (Polet, 1988, p. 91-93). Les géologues de la SODEMI réalisent des études et des sondages qui seront providentiels lors de l’exploration archéologique des amas coquilliers. Cependant, ils s’intéressent surtout aux amas dont l’accès est carrossable en vue de leur exploitation1. Les amas coquilliers sont des accumulations massives de coquilles de mollusques résultant de la consommation alimentaire. Les amas, vestiges archéologiques issus de l’accumulation de coquillages, contiennent occasionnellement des sépultures. En Côte d’Ivoire, les amas sont présents sur tout le littoral, de Fresco jusqu’au Ghana (Chenorkian, 1981, p. 2). En 1972, environ 50 structures sont répertoriées (Mauny, 1972, p. 21). Elles sont de tailles variables. Dans la littérature archéologique, les amas coquilliers sont nommés Kjökkenmödding. Le terme signifie « détritus de cuisine » en danois (Chenorkian, 1986, p. 1). Il provient des études du XIXe siècle de la culture mésolithique tardive d’Ertebølle dans laquelle les mollusques étaient abondamment consommés (Chenorkian, 1988, p. 31). Présent en Côte d’Ivoire en 1969, Raymond Mauny sonde les amas de Songon-Dagbé, Songon Kassemblé et Dabou-Tchotchoraf. Le matériel issu des sondages est très hétéroclite. Raymond Mauny y note une hache de type Lowiguié (néolithique) ainsi que des bracelets en bronze (Mauny, 1972, p. 22). Selon Raymond Mauny, il est possible d’établir une stratigraphie. Les datations au 14C qu’il réalise sur les trois amas démontrent que le phénomène 1
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s’étend temporellement de 1 600 BC à 1 300 AD (Mauny, 1973). Ces dates sont conformes aux trois autres dates réalisées sur l’amas d’AdiopodouméORSTOM qui les font remonter au Xe siècle AD. Les datations de Raymond Mauny sont réalisées sur les coquilles par un laboratoire spécialisé dans la datation des carbonates marins à Uppsala, en Suède (Mauny, 1973, p. 207). En 1970, d’autres sondages sont effectués par Fernand Simeoni dans la carrière de Dabou-Tchotchoraf (Mauny, 1973, p. 209-210). Les principaux amas coquilliers étudiés sont ceux de Songon-Dagbé, Nyamwan, N’Gaty, Songon Kassemblé, Dabou Tchotchoraf, Adiopodoumé, Tiebessou et Ehoussou. Cependant, d’autres amas coquilliers existent. Robert Chenorkian rappelle la nécessité de mener des campagnes de prospections pour compléter les données. Des opérations de prospections archéologiques seraient aussi nécessaires à l’échelle nationale (Chenorkian, 1980, p. 6). Les amas coquilliers forment des vestiges facilement reconnaissables sur le terrain et étendus sur une longue période (1 600 BC à 1 300 AD). Ils contiennent de la céramique utilisable pour dresser une première typologie de la région des lagunes. L’IHAAA fait donc de l’étude des amas coquilliers un de ses trois pôles de recherches. Dans le cadre de la coopération, c’est d’abord Philippe Leclerc qui réalise une première opération sur le site de Songon-Dagbé en 1973 (El Saadi, 1979, p. 78). Suite à son départ, Robert Chenorkian le remplace et reprend les fouilles de Songon-Dagbé dès 1979. Robert Chenorkian mène 6 campagnes entre 1979 et 1985 d’une durée de six à huit semaines chacune. Une fouille fine de 15 m2 est ouverte sur l’amas et complétée par 14 sondages de 1 m2. L’amas de Songon-Dagbé mesure 500 m de long et 150 à 200 m de large. Son épaisseur moyenne est de 1 m. Le volume de l’amas est de 60 000 m3 (Chenorkian, 1986, p. 7). Il est surtout composé de Corbula Trigona et de 1 % de Pachymelania (Chenorkian, 1981). Les fouilles de l’amas de Songon-Dagbé ont livré une stratigraphie composée de quatre couches principales (Chenorkian, 1984). Durant la campagne 1979-1980, pour des raisons d’ordre pratique, Robert Chenorkian ne peut pas fouiller à Songon-Dagbé. Cette période est mise à profit pour la prospection et la fouille de sauvetage d’un amas coquillier à N’Gaty (Chenorkian, 1980). Exploité pour l’entretien d’une route à proximité, le matériau composant le site a également été utilisé lors de la construction d’un stade à Abidjan. L’amas contient une nécropole : 10 tombes y ont été repérées dont 2 ont pu être fouillées (Chenorkian, 1980). Le site a livré une industrie microlithique sur quartz et de la céramique (Chenorkian, 1982, p. 286). Selon Robert Chenorkian (1982, p. 286-288), l’amas coquillier de N’Gaty, remonte à la période néolithique (au sens large). Suite à la fouille, le site est entièrement rasé par les bulldozers et sert de décharge publique (Chenorkian, 1980). L’étude de la céramique du site de Songon-Dagbé a fait l’objet d’un mémoire de DEA réalisé par Fatten El Saadi, en 1977 (El Saadi, 1977). Cette 100
étude typologique porte sur les 734 tessons présents dans les 2 135 sacs de prélèvements de la fouille de 1973 déposés à l’IHAAA par Philippe Leclerc (El Saadi, 1979, p. 81). Toutefois, les carnets de fouilles de Philippe Leclerc étant introuvables suite à son départ, les relations stratigraphiques entre les types céramiques n’ont pas pu être établies (El Saadi, 1979, p. 78). Avant de pouvoir identifier les typologies céramiques des amas coquilliers durant toute leur période d’activité (1 600 BC à 1 300 AD), de nombreuses autres fouilles devaient être réalisées pour compléter le corpus céramique des amas de la région lagunaire (El Saadi, 1981, p. 99). Suite aux reprises des fouilles sur Songon-Dagbé, Robert Chenorkian envisage de traiter le matériel céramique par un nouveau procédé informatique (Chenorkian 1980, p. 4-5). Jean Polet et Robert Chenorkian établissent un système de description et d’analyse des céramiques lagunaires (Chenorkian, 1980, p. 5). Le but est d’établir un système clair et cohérent pour toute la zone considérée (Polet et Chenorkian, 1980, p. 1). Les dépôts archéologiques couvrent une longue période ; par conséquent, les archéologues ont bon espoir de pouvoir y déterminer une première chronostratigraphie remontant jusqu’à la préhistoire et capable de fournir des éléments de datations et de comparaisons sur la céramique des autres sites du sud de la Côte d’Ivoire. Mis à part SongonDagbé, d’autres chronotypologies régionales n’ont pas encore été établies ; pourtant, les amas coquilliers sont menacés de disparition en raison de leur utilisation industrielle et comme matériau de construction.
5.7) Recherches de l’ancienne cité de Kong Aux côtés des recherches entreprises sur les îles Ehotilé et sur les amas coquilliers, un axe de recherche réservé par l’IHAAA est consacré à l’ancienne ville de Kong. Les raisons de ce choix s’expliquent par l’ancienneté de la ville et par son rôle central durant la diffusion de l’Islam. De plus, plusieurs programmes de recherches en sciences humaines se déroulaient simultanément à Kong durant les années 1970. Jusque-là, l’archéologie était absente (Diabaté, T. V., 1979, p. 2-3). Les fouilles de Kong sont dirigées par Victor Tiégbè Diabaté, le premier archéologue ivoirien diplômé. Issu d’un cursus universitaire en histoire, et après avoir rédigé un mémoire de maîtrise sur les Tarikhs soudanais (Diabaté T. V., 1973), Victor Tiégbè Diabaté s’oriente vers un doctorat en archéologie. Ses thèses, de 3e cycle et d’État, portent sur les opérations qu’il dirige à Kong. Les fouilles, comme la formation de Victor Tiégbè Diabaté, sont assurées financièrement par la Coopération française (Diabaté, T. V., 1988, p. 9). La ville de Kong a été une importante cité commerciale du nord de la Côte d’Ivoire et la capitale d’un État. Les origines de la ville sont encore peu connues. Cependant, selon Georges Niamkey Kodjo (1986, p. 21), il semblerait qu’une monarchie animiste dominait la ville de Kong à la fin du XVe siècle. Les États de Kong prennent leur essor au XVIIIe siècle après 101
l’avènement de Sekou Watara et la conquête de territoires. Mais la ville de Kong est détruite en 1897 par les troupes samoriennes durant la révolte de Samori Touré. De l’époque ancienne, seuls le mur des Baro, la petite mosquée et de rares maisons subsistent. La ville est reconstruite, mais suite à la colonisation, à l’apparition du chemin de fer et à la restructuration des réseaux commerciaux, la cité devient une bourgade (Kodjo, 1986, p. 21). Victor Tiégbè Diabaté rapporte que le nom actuel de la ville (Kong) n’est pas le nom que lui donnent les villageois autochtones mais que le nom vernaculaire de la cité est « Kpon ». Louis Gustave Binger cite la ville sous le nom de « Pon ». La déformation du nom « Kpon » en « Kong » est probablement issue de l’anglicisation du nom de la ville par l’Écossais Mungo Park, le premier explorateur européen du fleuve Niger qui mentionne la ville de Kong dans ses récits (Diabaté T. V., 1988, p. 11). Les fouilles à Kong débutent par des prospections de surface et des sondages de 1974 à 1979. Cette période est également mise à profit pour la collecte de traditions orales (Diabaté T. V., 1988, p. 5). La thèse de troisième cycle de Victor Tiégbè Diabaté relate ces opérations. Les premières excavations montrent des couches archéologiques très fines. Ce constat le pousse à étendre ses recherches dans la région environnante afin de comprendre comment le centre urbain a évolué entre les différents villages (Diabaté T. V., 1979, p. 4). La première préoccupation des chercheurs est de comprendre l’homogénéité de l’emplacement ou des emplacements successifs (Diabaté T. V., 1988, p. 11). Il existe bien une ville actuelle de Kong mais la ville ancienne est un concept historique qui peut représenter une pluralité de configurations sur le plan diachronique. Pour les recherches sur l’évolution de l’agglomération de Kong, 4 sites archéologiques sont ciblés : Ténégéra, Goronkaha, Kpon (Kong) et Labiné (Diabaté T. V., 1988, p. 5). Les sources orales évoquent les anciens centres de Labiné et de Ténéguéra (Diabaté T. V., 1979, p. 4). Durant la période de prospection, de 1974 à 1979, des sondages sont réalisés à Kong, près de la Grande Mosquée, à Labiné et à Ténéguéra (Diabaté T. V., 1982). Ce dernier village fait l’objet de plusieurs fouilles et sondages (Diabaté T. V., 1988, p. 38-40). Une autre fouille a également lieu à Gboronkaha (Diabaté T. V., 1982, p. 28) ainsi qu’à Labiné (Diabaté T. V., 1988, p. 57). Les excavations de Victor Tiégbè Diabaté ont lieu dans les rues de l’actuelle ville de Kong. Trois sondages sont réalisés autour de la Mosquée et un autre près du mur des Baro (Kodjo, 1986, p. 138). En 1982, des fouilles sont menées dans le secteur dit « de la gendarmerie » car il était menacé par la construction d’une piste d’atterrissage. Au total, quatre principaux sites de la région permettent de comprendre l’évolution de l’aire urbaine de Kpon. Il s’agit des sites de Ténéguéra (et de Guihiéou), Gboronkaha, Kpon (actuelle ville de Kong) et Labiné. La zone d’occupation de l’ancienne ville de Kpon a effectivement évolué dans le temps sur ces quatre emplacements géographiques. La densité et la 102
dispersion de la ville dans cette aire urbaine ont fluctué au fil du temps. Les recherches effectuées à ces emplacements par Victor Tiégbè Diabaté ont permis d’établir une chronologie de 4 phases distinctes de développement et d’expansion. La première phase a été observée à Ténéguéra, sur le site de Guihiéou. Elle correspond à la première occupation de l’aire de Kpon. La seconde phase est présente à Ténéguéra et Gboronkaha. Cette phase débute au VIIe siècle pour se terminer au XVe siècle. La phase 3 se trouve sur les quatre zones fouillées (Ténéguéra, Gboronkaha, Kpon, Labiné). Cette occupation de l’aire de Kpon débute au XVIIe siècle. Elle s’achève en 1897, suite à la destruction de la ville de Kpon par Samory Touré. La quatrième et dernière phase correspond à l’agglomération du XIXe siècle, soit la ville actuelle de Kpon. Cette phase n’est observée que dans l’actuelle agglomération de Kpon (Kong) et nulle part ailleurs au sein de l’aire urbaine historique (Diabaté T. V., 1988, p. 59-60). Durant la phase de prospection, Victor Tiégbè Diabaté mène ses recherches d’octobre à décembre et de mars à mai, durant la saison sèche. Au total, il passe 3 à 4 mois sur le terrain (Diabaté T. V., 1979, p. 3). Dès 1980, il fouille dans la ville de Kong par damier selon la méthode de Wheeler ou en quinconce, sans berme, dans de grands carroyages (Diabaté T. V., 1988, p. 5). Pour la phase de fouille, il préfère travailler de mi-juin à mi-août lorsque les sols sont humides pour le travail à la truelle (Diabaté T. V., 1988, p. 6). Une carte topographique de la région a été dressée par photogrammétrie grâce à des clichés aériens (Diabaté T. V., 1977, p. 431). Fofana Lemassou, historien qui se réoriente vers l’archéologie, fouille à Kong avec Victor Tiégbè Diabaté (Diabaté T. V., 1988, p. 8). Jean Polet a également participé aux fouilles de Labiné et Ténéguéra (Diabaté T. V., 1977, p. 432). Roger Oula fouille également à Kong. En 1997, il soutient une thèse portant sur les sites de Labiné et de Welasso (Oula, 1997). L’historien Georges Niamkey Kodjo réalise une étude sur la ville de Kong dès 1973. Il utilise des documents écrits trouvés à Kong, des Tarikhs, des sources européennes et les traditions orales. Ces recherches sont menées dans le cadre de sa thèse de doctorat d’État soutenue en 1986 à Aix-en-Provence (Kodjo, 1986). Des chercheurs américains interviennent dans les recherches sur Kong, comme Kathryn Lee Green qui réalise une étude sur l’histoire de la ville à l’Université d’Indiana (Green, 1984). Des Américains participent également aux fouilles de Kong dans le cadre du programme « Crossroads Africa » dirigé par J. Vogel. Les recherches s’avèrent ardues en raison de la difficulté d’identifier les vestiges des anciens bâtiments en terre crue. Victor Tiégbè Diabaté met au jour des sols damés. Angèle Dola Aguigah les mentionne dans sa thèse sur les pavements et terres damés de la région du golfe du Bénin (Aguigah, 1995, p. 219). À la même période, Roderick McIntosh réalise des observations sur la dégradation des murs en pisé et en torchis dans le village de Hani, près du site archéologique de la ville de Begho (McIntosh, 1974). 103
L’objectif est de comprendre l’évolution taphonomique des murs en terre crue afin de tenter de les identifier en fouille. Victor Tiégbè Diabaté découvre des restes de pans de murs près de la Mosquée (Diabaté, T. V., 1977, p. 432). Dans le cadre des recherches sur les origines de Kong, une table ronde internationale et interdisciplinaire est organisée à Kong du 1er au 3 novembre 1975 (Diabaté T. V., 1977). L’évènement rassemble des archéologues, des historiens, des imams et des griots. Les présentations sont faites en dioula et en français. La table ronde a été traduite en français et publiée par l’Institut de linguistique appliquée (ILA). L’objectif du rassemblement est de confronter les sources orales, archéologiques et historiques traitant du passé de la ville de Kong.
5.8) Anyama : une stratigraphie paléolithique dans la Terre de Barre Durant les années 1980, le développement du réseau routier et autoroutier de la Côte d’Ivoire fait apparaître des fronts de taille en bordure de route et dans les carrières. Dans le sud du pays, au nord des lagunes, du matériel archéologique est découvert dans la terre de Barre. Ce sol est une formation sablo-argileuse de couleur rouge à beige clair. Jusqu’alors, les géologues situaient la formation de la terre de Barre durant la période néogène, soit antérieure au pléistocène1. Mais la découverte, par le géologue Guilhan Paradis, de vestiges archéologiques dans les profils de carrières pratiquées dans la terre de Barre suggère plutôt un âge quaternaire (Paradis, 1980, p. 1393). Dès 1980, Guilhan Paradis (1980, p. 1393) découvre une coupe qui présente une stratigraphie dans une ancienne carrière au nord-ouest de l’échangeur d’Attinguié. La base de la coupe est composée de plusieurs lits de galets roulés avec du sable argileux interstratifié. Dans les lits supérieurs de la base de la coupe, Guilhan Paradis (1980, p. 1393-1394) découvre un hachereau et un galet aménagé. L’épaisseur de la terre de Barre varie de 0,5 à 6 m. Cette formation présente des alignements de gros quartz espacés à 1 m et 2,30 m de profondeur. Parmi ces quartz, Guilhan Paradis (1980, p. 1393-1395) découvre des vestiges lithiques dont des bifaces épais, des bifaces plats, des sphéroïdes, des outils variés dont certains avec retouches et quelques éclats. Le géologue attribue cette industrie au Sangoen. Robert Chenorkian et Guilhan Paradis (1982, p. 19) poursuivent les recherches dans la terrasse de la rivière Bété, près d’Anyama. La 1
Actuellement, la Commission internationale de stratigraphie propose d’inclure le Pléistocène et l’Holocène au Néogène. De ce fait, les termes employés dans le débat sur l’ancienneté de la terre de Barre peuvent induire un lecteur actuel en erreur. Durant les années 1980, le Néogène était considéré comme antérieur au quaternaire (Pléistocène et Holocène).
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stratigraphie, observée dans la coupe d’une carrière près du pont d’Anyama, est relativement similaire au site d’Attinguié. Le bed-rock est en schistes birrimiens très altérés et traversés de nombreux filons de quartz. Il est surmonté de 2 m d’épaisseur de galets et de sables grossiers, puis par un niveau fracturé et ondulé de grès ferrugineux à la base de la terre de Barre. Au-dessus se trouve, sur une épaisseur de 8 à 10 m, la terre de Barre avec deux niveaux de gros quartz avec des éclats, entre 1,8 m et 3 m de la surface. En dessus, une stone line parallèle à la topographie et composée de fragments de grès et de quartz est recouverte par un sédiment sablolimoneux (Chenorkian et Paradis, 1981, p. 19). Sur ce site de la Bété, près du pont d’Anyama, Robert Chenorkian et Guilhan Paradis (1982, p. 20-21) collectent des racloirs, des bifaces et des pics, des grattoirs, des sphéroïdes et des éclats qu’ils identifient comme appartenant au Sangoen. Les recherches sur ce site de la Bété sont reprises en 1982 par l’archéologue ivoirien François Yiodé Guédé et le géologue Jean-Pierre Tastet. François Yiodé Guédé a été formé à Leningrad où il a obtenu une maîtrise en archéologie. De retour en Côte d’Ivoire, suite aux brimades de l’Université d’Abidjan peu favorable aux formations en Russie et qui lui propose un DEUG comme équivalence à sa maîtrise, il est finalement recruté par le directeur de l’IHAAA en 19821. Sur le site de la Bété, François Yiodé Guédé et Jean-Pierre Tastet pratiquent deux coupes et effectuent une série d’échantillonnages dans la carrière (Guédé et Tastet, 1986, p. 340). Ces coupes permettent la compréhension de la stratigraphie du sommet du plateau au lit de la rivière. Le sommet du site, la couche A, correspond au sol actuel, épais de 20 cm. Il est suivi d’une couche B composée de sable brunâtre de 60 cm d’épaisseur contenant une industrie microlithique qui est associée à des tessons de céramique dans la partie haute de la couche. Les couches C et D sont la formation sablo-argileuse rouge de la terre de Barre. La couche C, épaisse de 1 m, présente 2 niveaux séparés par un sol d’habitat. La couche D, dans ses 60 cm supérieurs, livre deux niveaux surtout caractérisés par du matériel lourd (Guédé et Tastet, 1986, p. 346-347). La couche C est attribuée au Middle Stone Age tandis que la couche D est définie comme sangoenne (Guédé et Lioubine, 1999, p. 39). François Yiodé Guédé poursuit les fouilles d’Anyama de 1982 à 1984 et de 1986 à 1987. Bien que n’étant pas soutenues par le financement de la Coopération française, les recherches de François Yiodé Guédé initient les premières fouilles systématiques en Côte d’Ivoire. Le site d’Anyama-La Bété est un site exceptionnel pour l’établissement de la chronologie du paléolithique ivoirien. Les recherches sur le Paléolithique en Côte d’Ivoire et sur le site d’Anyama seront reprises durant les années 1990 par un
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Entretien avec François Yiodé Guédé, le 14 novembre 2012, à Abidjan.
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partenariat d’archéologues russo-ivoiriens. Ce point sera évoqué dans le prochain chapitre. En raison de l’importance du site d’Anyama-La Bété, des mesures sont prises pour sa protection1. Malheureusement, les mesures prises par le directeur de la Conservation, de la Protection et de la Valorisation du patrimoine culturel de la Côte d’Ivoire se sont avérées insuffisantes pour contrer la dégradation du site.
5.9) Sondages archéologiques sur le rivage Alladian Des buttes anthropiques jonchées de tessons de poteries sont récurrentes sur une majeure partie du littoral du golfe de Guinée, de Cotonou à Fresco (Rivallain, 1981, p. 1-3). D’après Josette Rivallain (1983, p. 250), les buttes anthropiques du littoral guinéen correspondent à l’implantation de populations produisant du sel à partir de l’eau de mer. En Côte d’Ivoire, de tels sites se retrouvent principalement d’Abrébi à Toukouzou, au sud de la lagune Ébrié, en pays Alladian. Les buttes anthropiques de Côte d’Ivoire, aujourd’hui abandonnées, peuvent mesurer jusqu’à 3 mètres de hauteur et s’étendent sur 2 à 10 m de diamètre (Rivallain, 1981, p. 1). On les trouve en bordure immédiate de la plage actuelle et groupées en séries de 75 à 300 m de longueur et généralement espacées de 4 km (Rivallain, 1983, p. 250). Ces buttes sont composées d’un mélange de sable et d’humus contenant des poches ou des lits de tests de mollusques (Rivallain, 1984, p. 47). Josette Rivallain a travaillé sur les buttes du littoral au Bénin qui correspondent à d’anciens campements ou villages tournés vers la production de sel. En 1980, elle observe les buttes anthropiques de Côte d’Ivoire et constate des similarités avec celles du Bénin. Pour son étude, elle est introduite par l’historienne Henriette Diabaté auprès des communautés alladian (Rivallain, 1983, p. 29). Pour étudier historiquement les occupations humaines du rivage alladian, Josette Rivallain (1983, p. 32-34) utilise une approche transversale qui recourt aux traditions orales, aux premiers écrits des navigateurs européens, à l’ethnologie, à la linguistique, à la pédologie, à la photo-interprétation, à l’étude des technologies traditionnelles et à des sondages archéologiques. Sur la rive alladian, les buttes du littoral seraient des lieux de pêche et de production de sel. L’établissement de marais salants est impossible sur le littoral guinéen en raison de l’humidité et du manque de vent. La technique utilisée est celle de l’ébullition de l’eau de mer ou de celle de la lagune. Actuellement, en Côte d’Ivoire, le sel est produit par les femmes et l’activité est saisonnière. L’eau est chauffée sur des tôles aux bords redressés ou dans des bassines. Les sources écrites européennes de voyageurs des XVIIe et 1
Entretien avec François Yiodé Guédé, le 14 novembre 2011, à Abidjan.
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XVIIIe siècles mentionnent la production de sel sur les actuelles rives alladian (Rivallain, 1981, p. 4-6). Josette Rivallain (1983, p. 251) pratique 4 sondages dans les buttes anthropiques dont 3 à Nasalama et 1 à Abrébi. Le matériel issu des sondages se compose de tessons petits et de mauvaise qualité, de scories, d’ossements de mammifères et de poissons, de coquilles de mollusques, de végétaux calcinés et, plus rarement, de perles en pâte de verre, ainsi que de fragments de pierres granuleuses ou vertes plissées (Rivallain, 1984, p. 48). La stratigraphie des amas est très difficilement observable (Rivallain, 1983, p. 251) ; cependant, deux niveaux sont discernables. À Abrébi, les deux niveaux archéologiques sont séparés par une couche de sable jaune clair (Rivallain, 1984, p. 48). La tradition orale rapporte que le village est le premier endroit où se sont regroupés les Alladian mais qu’après une série de malheurs, le site a été abandonné avant d’être réoccupé ultérieurement. Josette Rivallain établit une probable corrélation avec les deux couches distinctes présentes lors du sondage (Rivallain, 1984, p. 49). Les buttes anthropiques du littoral sont bien distinctes des amas coquilliers situés à quelques kilomètres plus au nord, au bord des lagunes. (Rivallain, 1984, p. 47). Les résultats des sondages montrent qu’une population occupait régulièrement la plage dont les activités vivrières principales sont la pêche, la chasse, la collecte de coquillages, la cueillette de végétaux et la production de fer. La poterie est abondante ; cependant il n’est pas certain que la production ait été locale. Pour l’instant, rien ne permet de prouver archéologiquement la production de sel bien que des attestations écrites et orales soient connues (Rivallain, 1983, p. 58). L’approche interdisciplinaire de Josette Rivallain permet de compiler de nombreuses informations au sujet de l’histoire de la région. La pratique de quatre sondages montre clairement le potentiel de l’apport de l’archéologie dans les problématiques historiques. L’historienne y observe les types de vestiges et les espèces présentes pour mieux cibler les modes de vie et les pratiques économiques et sociales reconnus sur les sites archéologiques. Elle les compare ensuite avec les pratiques de populations actuelles. L’archéologie offre donc des matériaux aux récits historiques permettant d’esquisser l’économie d’une région dans le passé.
5.10) Villages perchés à Man Dans les massifs environnant la ville de Man, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, des sites perchés sont connus pour avoir été des anciens habitats. Ils ont été progressivement abandonnés suite à la fondation de la ville de Man, en 1908, durant l’époque coloniale (Biot, 1982, p. 4). Dans le cadre de sa formation en archéologie, Bernadine Biot entreprend des recherches sur ces sites de hauteur. Elle bénéficie également d’une formation à la Sorbonne à Paris où elle réalise une maîtrise, un DEA et une thèse de 3e cycle, sous la 107
direction de Jean Devisse. Ces trois diplômes sont consacrés à l’étude des sites perchés dans la région de Man. En guise de pré-fouille, Bernadine Biot cherche d’abord à répertorier et cartographier les sites et réaliser une étude sur les toponymes durant son terrain de DEA. Mais sur place, elle rencontre d’importantes difficultés. Il n’y a pas assez de bénévoles pour l’accompagner sur les sites afin de réaliser une étude toponymique. Le manque de matériel topographique ne lui permet pas de dresser une cartographie des sites. De plus, le terrain présente une végétation trop dense. La campagne est réalisée en pleine période scolaire, empêchant la présence de bénévoles lycéens durant les prospections. Le manque de moyens et les difficultés l’obligent finalement à réorienter sa démarche vers la prospection extensive et l’étude des traditions orales (Biot, 1982, p. 4-6). Plusieurs villages perchés sont ensuite étudiés, notamment Manton, Gbanyapouan et Dompleu. Ces sites se trouvent à environ 400 m d’altitude. L’habitation, au sommet des collines, est entourée d’une clôture végétale constituée d’arbres et de lianes épineuses entrecroisées, et percée de 2 à 3 ouvertures. La surface interne de l’enceinte mesure environ 4 hectares pour Manton et Dompleu et 0,7 hectare pour Gbanyapouan. Les habitations sont généralement rondes et mesurent 4 m à 4,5 m de diamètre. Elles reposent sur des assises apparentes en pierres sèches. Ces anciens villages ont été construits entre le XVe siècle et le XIXe siècle (Biot et Fofana, 1993, p. 5455). Dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, un site d’habitat avait déjà été visité par Alfred Schwartz. Il s’agit du site de Santo, qui présente les ruines d’un ancien village construit en pierres. Découvert par le botaniste de l’ORSTOM Jean-Louis Guillaumet, il se situe dans la sous-préfecture de Blolequin, au sud-ouest du village de Kaodguézon, dans la région de Toulepleu. Alfred Schwartz le visite en 1965. Situé sur un dôme granitique en forme d’éperon, le site de Santo présente, sur le plateau, les restes d’habitations rondes de 3 m de diamètre en moyenne et protégées par un mur rectiligne dont les ruines mesurent 80 m de long et 1 m de haut. Les habitants de la région attribuent ces ruines à la période durant laquelle une divinité nommée GnonSua vivait encore parmi les hommes. Comme pour les ruines lobi, la découverte de ruines de construction en pierres sur le site de Santo étonne car ce matériau n’est actuellement jamais utilisé pour la construction dans la région. Alfred Schwartz met en lien la découverte du site de Santo avec les observations d’anciens villages de hauteur par Raymond Schnell (Schnell, 1949a). Selon ce dernier, les vestiges de sites de hauteur remontent à une époque de conflit chez les anciens Guérés. Alfred Schwartz met cependant en doute cette hypothèse en raison des différences entre les céramiques retrouvées sur le site de Santo et celles utilisées aujourd’hui par les populations Guéré locales (Schwartz, 1981, p. 137-141).
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Les travaux de Bernadine Biot apportent de nouvelles connaissances sur l’archéologie de l’ouest de la Côte d’Ivoire et dans la problématique des sites de hauteur de la région. Cependant, les problèmes qu’elle rencontre durant son terrain mettent en lumière les difficultés que doit affronter la jeune chercheuse pour entamer l’investigation d’un site avec lequel elle doit se former mais sans disposer de moyens financiers conséquents. En raison du manque de moyens, la scientifique se résout à l’exploration de la zone et à l’estimation du degré d’intérêt de chaque site. Ces observations sont complétées par le recueil de traditions orales. En ce sens, les recherches de Bernadine Biot préfigurent les problèmes que rencontrent actuellement les doctorants ivoiriens dans leurs recherches.
5.11) Prospections archéologiques dans le Nord-Ouest ivoirien Après avoir brièvement commenté la découverte de deux haches polies en Côte d’Ivoire dix ans plus tôt (De Bayle des Hermens, 1973, p. 6-8), l’archéologue Roger de Bayle des Hermens est invité en février-mars 1983 par le recteur de l’Université d’Abidjan à mener des opérations archéologiques en Côte d’Ivoire (De Bayle des Hermens et al., 1983, p. 241). Roger de Bayle des Hermens est alors chargé de recherche au CNRS (Faucquez-Tao, 1987, p. 23). Les recherches archéologiques opérées dans le cadre de cette invitation font également l’objet d’une thèse de 3e cycle réalisée par Colette Faucquez-Tao. Les recherches de Robert Bayle des Hermens et Colette Faucquez-Tao, en 1983, consistent en une mission de prospection dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire, comprenant les régions de Man, Séguéla, Vavoua, Touba et Odienné (Faucquez-Tao, 1987, p. 23). Une seconde mission de prospection, menée par Colette Faucquez-Tao en 1988, se concentre sur les environs d’Odienné (Faucquez-Tao, 1993, p. 141). Le choix de Roger de Bayle des Hermens pour les régions du nord-ouest comme zones d’études s’explique par l’absence de données sur l’archéologie dans cette zone géographique (De Bayle des Hermens et al., 1983, p. 241). En effet, les connaissances sur l’archéologie en Côte d’Ivoire se concentraient jusqu’alors majoritairement dans le quart sud-est du pays, toujours à proximité de l’axe entre les lagunes et le V-Baoulé. Durant la première campagne, le préfet d’Odienné, Benoît Daudie, met à disposition des archéologues un véhicule tout-terrain (Faucquez-Tao, 1987, p. 24). Les prospections sont réalisées selon les axes de circulations entre les localités. Les découvertes sont géoréférencées par point kilométrique entre les villages. Certains sites archéologiques sont situés par des coordonnées géographiques. Lors des prospections, Roger de Bayle des Hermens et Colette FaucquezTao découvrent des sites archéologiques de toutes périodes à proximité des principales villes du nord-ouest de la Côte d’Ivoire. Entre autres, la mission observe des ateliers de débitage, de nombreux objets lithiques, de la 109
céramique, des meules dormantes et des vestiges de réduction du fer. Parmi ces observations, l’équipe reconnaît des vestiges acheuléens ainsi que des galets aménagés qui, selon Roger de Bayle des Hermens, attestent de la présence d’une période pré-acheuléenne (De Bayle des Hermens et al., 1983, p. 246). Les opérations de prospection démontrent l’existence de nombreux sites archéologiques, auparavant inconnus. De plus, la seconde mission, en 1988, met en évidence l’importance du site du massif du Dienguélé, à proximité d’Odienné.
5.12) Les pierres sculptées anthropomorphes de Gohitafla Au début des années 1980, l’anthropologue Georges Niangoran-Bouah rapporte la découverte d’abondantes pierres sculptées dans la vallée du Bandama Rouge, également nommé fleuve Marahoué, dans les départements de Bouaflé, Zuénoula, et Béoumi. Il s’agit de pierres oblongues sur lesquelles un visage humain est gravé de manière réaliste ou stylisée. Les sculptures sont en granite ou en latérite. Elles mesurent généralement 17 à 32 cm de hauteur et 7 à 20 cm de largeur (Niangoran-Bouah, 1997, p. 56). Ces pierres sculptées se trouvent groupées par dizaines, voire par centaines, à fleur du sol. Les paysans les trouvent souvent durant leurs travaux. La première pierre sculptée a été découverte par hasard, par Bernadette Vouinan, une paysanne autochtone gouro du village de Gohitafla. Depuis, d’importantes collections dont celle du Musée national et d’autres collections privées ont été constituées. Les pierres de Gohitafla n’ont pas de significations pour les autochtones gouro. Elles les gênent plutôt dans leurs travaux agricoles et certaines sont parfois récupérées pour servir de pierres de foyer. Les Gouro les nomment Tahapo et les Wan Djérimin. Les deux termes signifient littéralement « pierres des ancêtres » ou « têtes des ancêtres », ce qui prouve leur ancienneté (Niangoran-Bouah, 1997). D’après l’anthropologue Georges Niangoran-Bouah (1997), il s’agit d’œuvres anciennes réalisées par les Wan avant les migrations des Gouro et celles des Baoulés. La découverte des pierres de Gohitafla aboutit à une mission d’enquête archéologique réalisée par l’IHAAA et composée de Victor Tiégbè Diabaté, Jean Polet, le technicien Norbert Ouayou et le dessinateur André Guehi. Cette mission de prospection se déroule du 15 au 18 mai 1984 avec pour but d’identifier les vestiges archéologiques de la région. Deux sites font l’objet de recherches : Goponinletiela et Bangnanzra. Aucune pierre de Gohitafla n’est découverte en contexte, cependant la mission observe des pierres polies en latérite non sculptées, en association avec des pierres à cupules et des broyeurs. Le rapport de mission préconise la poursuite des prospections systématiques avec sondages sur ces zones archéologiques. L’inventaire ainsi réalisé devrait permettre d’effectuer les fouilles nécessaires à mieux documenter ces vestiges (Niangoran-Bouah, 1997, p. 55-57). 110
Dans son ouvrage sur les pierres sculptées de Gohitafla, publié en 1997, Georges Niangoran-Bouah mentionne deux mégalithes découverts dans la région, dont un à Diacohou qui mesure 5,73 m de longueur. Il a été abandonné à 2,33 m du rocher dans lequel il a été taillé. Un autre, dressé près de Bongofla mesure 3,15 m de haut (Niangoran-Bouah, 1997, p. 134137). L’anthropologue mentionne aussi le site d’Ahouakro qui présente des rochers de formes zoomorphes et des traces d’activités humaines (Niangoran-Bouah, 1997, p. 152). De nombreuses questions demeurent au sujet des pierres de Gohitafla. Suite à la mission de l’IHAAA, aucune autre investigation archéologique n’a été réalisée à l’époque et les propos de l’anthropologue Georges NiangoranBouah, bien que néophyte en archéologie, sont, à l’époque, les seuls fournissant des indications sur ces pierres.
5.13) Le colloque de Valbonne Au sortir de la colonisation, les données sur l’archéologie ouest-africaine étaient inégalement réparties dans les ex-colonies. De plus, depuis l’indépendance des États d’Afrique de l’Ouest, l’archéologie s’est développée dans chacun des pays selon des modalités différentes favorisant les disparités de connaissances et de pratiques à l’échelle régionale. Les 25 et 26 mai 1978, le Centre de recherches archéologiques du CNRS organise, à Valbonne, dans les Alpes-Maritimes, un colloque sur l’état de la recherche archéologique dans les États du sud du Sahara et de Madagascar. Ce colloque naît de la volonté de faire un bilan méthodologique et technique de l’archéologie (Collectif, 1978, p. 3). L’assemblée qui réunit des archéologues africains et français fait le point sur l’actualité de la recherche et les problèmes rencontrés. Une réflexion est apportée sur la place et les pratiques de la Coopération française. Les actes du colloque de Valbonne offrent un panorama de l’archéologie au sud du Sahara en 1978. En premier lieu, au niveau de son organisation, l’archéologie africaine souffre d’un manque de sensibilisation dans les administrations nationales. La conscience de l’importance de l’archéologie et du domaine culturel dans le développement est récente et n’est pas encore reconnue par le corps administratif (Collectif, 1978, p. 11). Dans la région concernée, on note une grande disparité dans les cadres institutionnels de la recherche archéologique. Il s’agit soit d’un organisme de recherche autonome rattaché à un département ministériel (Sénégal, Mauritanie), soit d’une unité universitaire (Burkina Faso, Congo) ou alors d’une institution muséale (Madagascar), voire encore d’un département ministériel spécialisé (Mali, Cameroun). Cette grande diversité de cadres institutionnels ne favorise pas la coopération interafricaine. De plus, l’assemblée du colloque de Valbonne reconnaît le grave problème de l’insuffisance de liens et de coordination entre les organismes de la recherche archéologique et les établissements 111
d’enseignement supérieur (Collectif, 1978, p. 11). Les organismes de la recherche archéologique en Afrique de l’Ouest sont inégalement pourvus de moyens techniques et financiers. On note toutefois une insuffisance générale de moyens mis en œuvre par les États qui privilégient généralement l’éducation à la recherche scientifique. La recherche manque de personnel, techniciens comme archéologues, et elle suscite peu de vocations. Le manque de moyens humains risque de transformer des archéologues en agents administratifs (Collectif, 1978, p. 11). La place et la forme de la Coopération française en archéologie sont également discutées. Jusqu’au colloque de Valbonne, c’est principalement le financement de Coopération scientifique française qui a permis la mise en route et le développement de la recherche. L’aide de la Coopération française pour l’archéologie dans les États au sud du Sahara et de l’océan Indien s’est accrue de 100 000 frs en 1964 à 1 300 000 frs en 1977 (Collectif, 1978, p. 59). Toutefois, la rigidité des modalités pratiques de la Coopération française est pointée du doigt (Collectif, 1978, p. 12). Par exemple, dans le cadre de recherches sur la paléo-métallurgie de l’or et du fer au Burkina Faso, trois appareils photo Canon ont été repris aux archéologues burkinabés et donnés à un collègue coopérant français, car il s’agissait de matériel non français acheté sans autorisation de la Coopération. Cette anecdote illustrant certains comportements négatifs de la Coopération française dans les années 1970 a été révélée par Jean-Baptiste Kiethéga en 2004 (Kiethega, 2004, p. 332). Un assouplissement dans la procédure de la mise en place et de l’utilisation des crédits est souhaité par le colloque de Valbonne (Collectif, 1978, p. 12). Les archéologues africains s’accordent sur l’importance de l’interdisciplinarité en archéologie, dans les Sciences humaines mais également avec les Sciences naturelles (Groslier, 1978, p. 6). Pour répondre aux problèmes d’ordre organisationnel, les participants au colloque ont évoqué la volonté de traiter des problématiques archéologiques interafricaines. L’assemblée juge indispensable de fonder une coopération scientifique à l’échelle de la région, débouchant sur un rapprochement étroit dans la formation, la recherche et la médiation culturelle de l’archéologie. La coopération interafricaine permettrait également la rationalisation des moyens disponibles par leur mise en commun à l’échelle régionale (Collectif, 1978, p. 12). L’assemblée réunie à Valbonne statue également sur les dangers qui menacent le patrimoine archéologique africain. Outre les destructions liées à des phénomènes naturels et les pillages, les sites archéologiques sont victimes de ramassages naïfs par des voyageurs ou des autochtones mal sensibilisés à l’importance de la préservation des vestiges in situ (Collectif, 1978, p. 13). Des fouilles de sauvetage pourraient être envisagées lors des constructions de bâtiments ou d’ouvrages de génie civil. Cependant, il faudrait au préalable inventorier les sites ou réaliser des diagnostics avant les constructions. Des organismes, comme l’UNESCO, pourraient aider à lutter contre le trafic international d’objets archéologiques, mais des bases légales 112
dans les États africains doivent être créées ou renforcées pour y parvenir. Le colloque de Valbonne propose de sensibiliser les coopérants, les touristes et les expatriés à l’importance de la préservation du patrimoine culturel. Plus surprenant, parmi les menaces qui pèsent sur le patrimoine archéologique, le colloque de Valbonne mentionne que les pratiques muséales peuvent porter atteinte au patrimoine culturel. En effet, leur médiation implique une reconnaissance scientifique et artistique de ces objets. Cela leur confère une plus grande valeur et provoque une surenchère dans les milieux du marché de l’art (Collectif, 1978, p. 13). La sensibilisation des communautés locales à l’importance du patrimoine qui les entoure est ambiguë et risque de provoquer plus de commercialisation que de conservation (Collectif, 1978, p. 14). Pour une meilleure gestion du patrimoine archéologique ouestafricain, le colloque de Valbonne donne la priorité à la prospection et à l’inventaire de sites. Cette tâche sera celle de la génération d’archéologues réunis au colloque de 1978 (Collectif, 1978, p. 15). En complément des travaux de prospection, les fouilles doivent être concentrées sur des sites menacés. Malgré leur potentiel heuristique, les programmes de fouilles de sites, dont l’importance est reconnue, ne sont pas prioritaires s’ils ne sont pas en danger. L’assemblée admet la nécessité de participer activement à la protection du patrimoine archéologique bien que la mise en œuvre des mesures de protection soit du ressort des États (Groslier, 1978, p. 8). Au niveau de la formation, la situation n’est pas profondément remise en cause. L’enseignement de base est donné sur place selon les moyens propres à chaque État. La suite de la formation, comme le doctorat de 3e cycle et le doctorat d’État, se déroule en France dans le cadre de bourses de la Coopération française. L’assemblée propose qu’un soin plus important soit apporté à la mise en place de programmes de formation qui doivent concorder avec les besoins spécifiques de chaque État et favoriser l’insertion des chercheurs formés dans les structures en place. Dans plusieurs pays africains, les doctorants des années 1970 ont suivi une formation de base en histoire qui nécessite un cursus ultérieur plus général en archéologie pour disposer des capacités à diriger des recherches ou à enseigner l’archéologie dans leur pays. À l’inverse, dans d’autres États, la formation de base (licence, maîtrise) en archéologie est déjà en place et la formation des jeunes chercheurs peut être dirigée vers une spécialisation (Collectif, 1978, p. 17). Les terrains d’études réalisés par les archéologues africains en formation en France sont de préférence menés dans leur pays d’origine. En revanche, le colloque de Valbonne regrette la rigidité des cursus universitaires français insuffisamment adaptés aux besoins spécifiques des jeunes doctorants africains. La forme des thèses est en inadéquation avec les besoins et les pratiques de l’archéologie africaine en pleine phase d’exploration. L’établissement de thèses sur travaux consistant en une monographie de site ou une opération de prospection serait plus approprié à l’actualité de la recherche. Toutefois, certains archéologues africains reprochent au projet 113
d’un tel programme de thèses de simplifier sans améliorer l’étape doctorale de la formation qui doit avant tout affirmer les compétences d’un chercheur (Collectif, 1978, p. 18). Le colloque de Valbonne préconise également la mise à jour des acquis des chercheurs déjà formés par une formation continue. Celle-ci serait basée sur des stages de chantier de fouilles français ou interafricains, sur la participation à des rencontres formelles et informelles entre chercheurs de différents pays et sur l’accès à une documentation ou un bulletin de liaison permettant aux chercheurs de mettre à jour leurs connaissances (Collectif, 1978, p. 18). Une grande partie du colloque a été consacrée aux problèmes de publications. Pour mener à bien leurs travaux, les archéologues africains ont besoin de documents et d’informations relatifs à l’actualité de la recherche archéologique en cours en Afrique. Toutefois, un nombre insuffisant de recherches accèdent à la publication. Les mémoires et thèses de recherches universitaires restent souvent inédits sans être portés à la connaissance de la communauté scientifique et sont généralement relégués à la confidentialité de leur institut. Pourtant, les programmes soutenus par les ministères de la Coopération et des Affaires étrangères prévoient systématiquement des crédits destinés à la publication (Collectif, 1978, p. 20). Le colloque de Valbonne exprime son souhait qu’aucune recherche ne soit effectuée sans la prévision d’une publication. L’ensemble des documents non diffusés doivent être déposés dans les archives publiques tandis que l’établissement d’une archive double pour les organismes de recherche est indispensable en raison du risque de disparition de certains documents. L’assemblée préconise la distribution interafricaine des rapports et comptes rendus de fouilles non publiés entre les différents organismes de recherche en attendant une publication monographique ou de synthèse ultérieure. Les documents utiles mais non publiables pourraient être diffusés sous la forme de photocopies (Collectif, 1978, p. 20). Un des projets les plus importants envisagés par le colloque de Valbonne est la volonté de créer un bulletin de liaison qui permettrait aux archéologues africains de se renseigner sur l’actualité de la recherche dans la région (Collectif, 1978, p. 21). C’est l’archéologue Victor Tiégbè Diabaté qui représente la Côte d’Ivoire au colloque de Valbonne. Il rapporte les trois problèmes majeurs que connaît, selon lui, l’archéologie ivoirienne. D’abord, les archéologues ont des difficultés à sensibiliser l’opinion (travaux et services) aux éléments de la culture ivoirienne. Ensuite, le chercheur rapporte les problèmes de coordination entre l’IHAAA et la filière histoire, responsable de la formation des archéologues. Finalement, au niveau des moyens, le matériel, les appareils et les véhicules font défaut pour le bon fonctionnement des recherches, ainsi que les bourses pour les techniciens. Dans les modalités de la coopération, les archéologues ivoiriens regrettent que les subventions de la coopération accordées annuellement ne concordent pas avec l’établissement de programmes pluriannuels (Diabaté T. V., 1978, p. 29). Parmi les 114
programmes de recherches des archéologues de l’IHAAA, il mentionne un projet en pays Lobi mené en coopération avec le Burkina Faso et le Ghana, ainsi que la reprise des opérations de prospection systématique à l’échelle du pays et la constitution d’une base de données des sites archéologiques ivoiriens permettant l’élaboration d’un Atlas archéologique de la Côte d’Ivoire (Diabaté T. V., 1978, p. 68). Malheureusement, on ne connaît aucune référence bibliographique pour ces deux derniers projets. Les actes du colloque de Valbonne offrent un témoignage inestimable de l’état de la recherche archéologique ouest-africaine en 1978. Les archéologues de l’époque y évoquent sans voile et ouvertement leurs problèmes ainsi que leurs projets. On remarque que la rencontre est organisée autour de quatre points d’intérêt généraux représentant les aspects les plus préoccupants de la situation de l’archéologie africaine de l’époque : l’organisation de la recherche, la protection du patrimoine, la formation, et la publication. La place et les pratiques de la Coopération française dans l’archéologie africaine, évoquées dans chacun des quatre points principaux du colloque, forment un cinquième point majeur non revendiqué par le colloque de Valbonne, mais réellement présent et débattu. Dans le registre des problèmes d’organisation, on préconise des projets de coopération interafricains afin de rentabiliser et de partager les moyens à disposition. Toutefois, cette résolution, bien qu’encensée par les archéologues africains, est à contre-courant de la situation de l’archéologie en Côte d’Ivoire, alors en quête d’une continuité nationale historique suite à la décolonisation. De plus, le colloque de Valbonne omet l’inégalité de moyens mis en œuvre par les différents États africains. De la coopération interafricaine en archéologie apparaîtrait une hiérarchisation entre les organismes de recherche des différents États. Si certains États disposent de plus de ressources pour la recherche archéologique que d’autres, tous les organismes de recherche ont cependant comme point commun l’insuffisance de moyens. Si l’équité d’investissement dans un rapport de recherche interafricaine ne peut pas être atteinte, même les organismes de recherche les mieux pourvus en ressources ne peuvent soutenir la recherche d’autres pays par des thématiques transfrontalières. Dans un tel contexte, il serait difficilement envisageable pour l’archéologie ivoirienne d’investir des moyens dans le développement de problématiques transfrontalières, alors que pratiquement tout reste encore à faire au niveau de la recherche archéologique du pays. D’ailleurs, les projets transfrontaliers de l’archéologie ivoirienne n’aboutissent jamais à un véritable programme de recherche pérenne. La question cruciale, pourtant totalement absente des discussions de Valbonne, est celle de la médiation culturelle de l’archéologie africaine. Si le manque de sensibilisation des pouvoirs publics est mentionné, il n’est jamais question d’un investissement des archéologues dans des projets de médiation. Par cette omission, une certaine distance entre les musées et la 115
recherche archéologique est perceptible. Les pratiques muséales de l’époque ne semblent pas être une voie intéressante pour promouvoir une bonne médiation des recherches archéologiques. Dans ce domaine, le colloque de Valbonne propose d’accentuer la sensibilisation à l’importance du patrimoine archéologique. Toutefois, toute entreprise de sensibilisation semble difficile dans un contexte d’insuffisance de moyens et sans médiation. Plus concrètement, sur le terrain, le colloque de Valbonne recommande le passage à une stratégie de prospection systématique et d’exploration, afin d’inventorier les sites archéologiques et pour favoriser leur gestion et leur protection. Cette politique de recherche par prospection demeure la meilleure approche possible dans un territoire où le passé archéologique est presque inconnu. Elle remplace les programmes de fouilles de longue haleine, dispendieuses et nécessitant des ressources humaines et des crédits considérables (Groslier, 1978, p. 7). Cette décision, concrète et réalisable, trouve écho auprès des organismes africains de la recherche qui, pour la plupart, modifient leur stratégie en faveur d’une politique de prospection systématique. A posteriori, il s’agit de la recommandation la plus importante du colloque de Valbonne. En effet, on remarque que depuis, la tendance générale est à la multiplication des petites interventions légères, mais systématiques. En ce qui concerne la formation, le colloque de Valbonne propose certaines solutions pour adapter les formations et les doctorats réalisés en France avec le contexte et les besoins de l’archéologie en Afrique de l’Ouest. Le colloque réunissant surtout des coopérants en archéologie et peu de responsables académiques, il est difficile de savoir si les recommandations sur la formation ont été entendues et dans quelle mesure elles ont été appliquées. Les actes du colloque montrent que l’assemblée est toutefois divisée sur la question de la forme des thèses. Les archéologues débattent de la possibilité de réaliser une thèse liée au terrain (monographique et non thématique) s’accordant mieux avec l’état de la recherche archéologique en Afrique, plutôt qu’une thèse thématique. Il apparaît que les difficultés de diffusion et de publication des données issues des opérations archéologiques posent un problème des plus préoccupants. Les débats ne permettent pas de comprendre la raison d’une telle situation. Celle-ci est peut-être à chercher dans la crainte des archéologues d’être plagiés avant d’avoir pu publier leurs résultats, les possibilités de publier étant souvent difficiles et longues. Certains rapports de fouilles pourtant bien transmis par les archéologues à leur institut ne sont jamais publiés, faute de moyens. Les données des fouilles présentées dans les rapports sont consultables et utilisables pour d’autres chercheurs sans que leurs auteurs puissent en attester la propriété intellectuelle, en l’absence d’une publication. Les archéologues africains remettent donc la diffusion de leurs plus importantes données aux calendes grecques, au risque de ne 116
jamais les porter à la connaissance de la communauté scientifique. C’est d’ailleurs probablement le cas de Victor Tiégbè Diabaté à Kong et Bernadine Biot à Man qui ne publient finalement jamais leurs recherches réalisées dans le cadre de leurs études. Victor Tiégbè Diabaté annonce pourtant, dans son rapport sur la campagne de 1982 des fouilles de Kong, qu’il prépare une publication sur le site intitulée : « Études archéologiques à Kong, Tome 1 ». L’archéologue mentionne que le manuscrit est terminé et qu’il cherche un éditeur (Diabaté, 1982, p. 28). Le document semble n’avoir finalement jamais été publié et son contenu est aujourd’hui peut-être perdu. Des travaux de Kong et de Man, seuls subsistent les rapports, mémoires et thèses qui, assurément, ne dévoilent pas l’intégralité de leurs données et de leurs analyses réservées à une publication ultérieure, qui ne se fera finalement jamais. Le cas des publications est d’ailleurs inquiétant car les résolutions du colloque s’avéreront impuissantes à résoudre ce problème. En revanche, si le projet d’un bulletin de liaison évoqué par le colloque de Valbonne n’aboutit pas, l’Association ouest-africaine d’Archéologie réussit à créer des liens entre les organismes de recherche archéologique. L’association, fondée en 1976 à Enugu au Nigeria, publie à Ibadan la revue West-African Journal of Archaeology (Descamps C., 1997, p. 899). Ce périodique permet de diffuser les recherches archéologiques des chercheurs africains à l’échelle de la région. Bernard Philippe Groslier (1978, p. 7) mentionne la nécessité de veiller aux qualités humaines des coopérants et rappelle les devoirs des chercheurs en Afrique : former les collègues moins avancés, déposer les documents dans les archives et publier rapidement. Trente-cinq années après le colloque de Valbonne, il apparaît que les archéologues de l’époque n’ont pas évoqué le fond de certains problèmes. De ce fait, certaines résolutions peuvent paraître aujourd’hui naïves. Les causes exactes du problème de la diffusion des données ne sont pas mentionnées. Les projets de coopérations interafricaines et de programmes transfrontaliers ne prennent finalement que peu d’ampleur. Intéressante mais difficilement applicable, la coopération interafricaine souhaitée en archéologie n’est pas sans rappeler l’organisation de l’archéologie aofienne fédérée par l’IFAN, qui, bien que relativement modeste, avait trouvé un équilibre de fonctionnement. Cependant, l’Afrique de l’Ouest a radicalement changé depuis la décolonisation et les problématiques interafricaines ne sont plus d’actualité dans de jeunes États en quête de construction nationale, comme la Côte d’Ivoire. En revanche, la stratégie de recherche évoquée en 1978 lors du colloque de Valbonne est bien celle qui sera appliquée dès la fin des années 1980 dans plusieurs pays, dont la Côte d’Ivoire, où seront mises en place des prospections systématiques appuyées par des sondages légers et remplaçant les programmes de fouilles budgétivores et nécessitant trop de personnel1. 1
Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 10 janvier 2012, à Korsimoro, Burkina Faso.
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Aujourd’hui, la recherche archéologique africaine a fait des avancées significatives. Cependant, beaucoup reste à faire, et certaines questions évoquées en 1978 demeurent de la plus vive actualité (Bocoum, 2004, p. 38).
5.14) Du Centrifan au Musée national d’Abidjan Le colloque de Valbonne a finalement peu évoqué la place des musées dans la médiation culturelle de l’archéologie africaine, bien que les problèmes de sensibilisation aient été soulevés. Les pratiques muséales de l’époque, basées sur la valeur artistique des objets et non sur leur signification scientifique, sont d’abord perçues comme préjudiciables au patrimoine archéologique (Collectif, 1978, p. 13). Toutefois, dans chaque pays et dans chaque musée, la situation est différente selon l’identité de l’institution. En Côte d’Ivoire, le Centrifan devient, à l’indépendance, le Centre des sciences humaines, avant d’être rebaptisé Musée national. Malgré les changements apportés par la décolonisation, l’institution est toujours dirigée par Bohumil Holas, ancien membre de l’IFAN. Selon l’historien Jean-Noël Loukou (1976, p. 141-142), le Centre des sciences humaines s’inscrit en ligne droite avec la politique muséale de la recherche coloniale. D’après lui, l’institution n’est plus qu’une survivance d’un temps passé qui se cantonne à la gestion des collections du Musée. Cette situation ne favorise pas les liens entre la recherche archéologique de l’IHAAA et le Musée. Le matériel archéologique exhumé durant les fouilles de l’IHAAA est conservé dans les locaux de l’Institut à Treichville plutôt qu’au Musée. Les archéologues ivoiriens de l’époque ne semblent pas entretenir une collaboration rapprochée avec le Musée national pour développer la médiation de leur discipline. Les archéologues de l’IHAAA participent pourtant à des expositions temporaires. En octobre 1979, une exposition portant le titre « La Côte d’Ivoire d’hier à demain » est montée avec le soutien du ministère des Affaires culturelles. Les récentes recherches archéologiques de l’IHAAA y sont évoquées (Anonyme, 1979). De mars à avril 1983, l’exposition sur les origines de l’Homme d’Yves Coppens est présentée au Centre culturel français d’Abidjan. Elle contient des objets archéologiques ivoiriens provenant des sites de la Bété (Anyama) de Bingerville et de Songon-Dagbé. Cette première entreprise de sensibilisation du public permet de replacer les découvertes archéologiques ivoiriennes dans le peuplement préhistorique de l’Afrique (Guédé, 1987, p. 39). Suite à l’exposition d’Yves Coppens au Centre culturel français d’Abidjan et à son grand succès, la mise en valeur et l’entretien des collections archéologiques du Musée national ont été envisagés par la Direction des Affaires culturelles. L’archéologue ivoirien François Yiodé Guédé est convié au Musée pour procéder à l’inventaire des pièces archéologiques. Cet inventaire révèle que 1 300 pièces archéologiques se trouvent alors dans les collections du Musée national. Collectés à l’époque 118
coloniale, la plupart des objets se trouvent dans la réserve n° 14 du Musée depuis environ 30 ans. La difficulté majeure de l’inventaire résulte dans les origines géographiques des pièces. Suivant les besoins pour les expositions, les différents directeurs du Centrifan avaient fait venir des pièces archéologiques provenant des pays voisins de l’AOF et plus particulièrement de Dakar. Pour réaliser l’identification des pièces, François Yiodé Guédé utilise les Notes africaines et les rapports annuels des gouverneurs des colonies. Les pièces archéologiques étrangères du Musée national proviennent principalement de la Mauritanie, du Sénégal, du Niger, de la Guinée. De nombreux objets guinéens proviennent de la fouille de l’abri de Blandè près du Mont Nimba (Guédé, 1987, p. 39-44). Après le départ de Bohumil Holas à la fin des années 1970, le Musée national est dirigé par Adou Koffi, puis par Yaya Savané (Guédé, 1987, p. 40). L’inventaire réalisé par François Yiodé Guédé démontre le potentiel des collections archéologiques du Musée national. Cependant, malgré les perspectives de la mise en valeur des pièces archéologiques du Musée, la collaboration entre les archéologues de l’IHAAA et le Musée national ne s’intensifie pas durablement.
5.15) Monnaies romaines à San Pedro et Phéniciens en Afrique de l’Ouest Bohumil Holas, ancien directeur du Centrifan d’Abidjan puis du Centre des sciences humaines, quitte ses fonctions en générant une controverse. L’affaire débute en 1978 par un article de Gilbert-Charles Picard publié dans la revue Archéologia. L’auteur y révèle qu’un peintre décorateur dénommé Serge Véritzky aurait découvert, à San Pedro, dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire, une série de disques en bronze dans la souche d’un arbre déraciné. Il rapporte également que Bohumil Holas s’est rendu sur place afin de recueillir et d’examiner les 38 objets qui s’avèrent être des monnaies romaines à l’effigie de l’empereur Constantin et de ses fils. Huit des pièces ont été expertisées à Paris et sont identifiées comme une production d’Asie Mineure datée entre 330 et 339 apr. J.-C. Raymond Mauny avait auparavant dressé une carte des monnaies romaines découvertes en Afrique. Si certaines sont retrouvées loin au sud, aucune ne franchit cependant le 20e parallèle nord, sauf un denier d’Hadrien exhumé en 1893 à Matadi, en actuelle RDC. Pour Gilbert-Charles Picard, les contacts commerciaux n’ont pas pu franchir le Sahara et la forêt équatoriale. Il ne peut donc s’agir que d’une trace d’un contact entre le monde méditerranéen et ouest-africain par voie maritime (Picard, 1978, p. 22-24). Raymond Mauny conteste cette découverte. Il relève que personne ne connaît de dénommé Serge Véritzky en Côte d’Ivoire et que ce personnage n’existe vraisemblablement pas (Mauny, 1983, p. 181). De plus Bohumil
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Holas, bien qu’il ait été collègue de Raymond Mauny et Théodore Monod à l’IFAN, ne les a pas prévenus de la découverte des pièces de San Pedro, en 1974. Les deux anciens collaborateurs de Bohumil Holas n’apprennent cette découverte que par la publication de Gilbert-Charles Picard en 1978. Bohumil Holas n’a d’ailleurs pas rapporté la découverte à l’IHAAA, alors organisme officiel et légal de la recherche archéologique en Côte d’Ivoire (Mauny, 1983, p. 181-182). Raymond Mauny plaide pour un mauvais canular. Cependant, il ne sait pas si Bohumil Holas a été victime d’un imposteur ou s’il en est à l’origine (Mauny, 1981, p. 322-323). L’ancien conservateur ne travaille plus au Musée national d’Abidjan depuis le début de l’année 1979. Il décède en juillet de la même année emportant avec lui la clé de l’énigme (Mauny, 1983, p. 182). Cette découverte, plutôt anecdotique, prend des proportions importantes, car elle s’insère dans un débat plus grand et plus ancien : celui de l’authenticité du périple d’Hannon, texte ancien qui relate une potentielle expédition carthaginoise en Afrique de l’Ouest menée par Hannon et implantant des colonies carthaginoises le long du littoral guinéen. Dans un premier temps, Raymond Mauny, sceptique quant à la possibilité d’une exploration antique de l’Afrique de l’Ouest par des Phéniciens, est d’avis qu’Hannon n’a sans doute jamais dépassé le sud du Maroc (Mauny, 1953, p. 529-530). Dès 1970, il estime que le texte est un faux (Picard, 1978, p. 24). Le débat l’oppose déjà à Gilbert-Charles Picard pour qui le texte est authentique (Picard, 1971, p. 54-59). Selon Raymond Mauny (1970, p. 7880), trop peu d’historiens antiques relaient le récit d’Hannon. De plus, les bateaux de l’Antiquité n’étaient assurément pas capables de naviguer le long de la côte ouest-africaine, pense-t-il. Le texte a déjà essuyé passablement de critiques de la part de plusieurs philologues par le passé. L’ancien archéologue de l’IFAN en conclut qu’il s’agit d’un « faux », probablement écrit par un Grec au Ier siècle (Mauny, 1970, p. 78). L’hypothèse de la navigation d’une civilisation classique, romaine, phénicienne ou carthaginoise, apparaît dès les débuts de la colonisation. Le texte d’Hannon est d’ailleurs mentionné par le gouverneur de la Côte d’Ivoire François-Joseph Clozel en 1906 qui ne croit pas à une telle expédition en Afrique de l’Ouest (Clozel, 1906, p. 251). L’hypothèse crée une antériorité des contacts entre l’Afrique de l’Ouest et l’Europe de tradition classique par le recours à des textes anciens, qui participe aux efforts de légitimation de la présence coloniale française en Afrique de l’Ouest. Toutefois, le texte, très critiqué par les philologues du début du XXe siècle, n’est pas autant utilisé par la propagande coloniale que le mythe des marins dieppois. Par ailleurs, on observe que les mythes de légitimation coloniale, comme le périple d’Hannon et les marins dieppois, survivent à la décolonisation et perdurent encore longtemps.
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5.16) Méthodes et pratiques de l’archéologie nationale ivoirienne La création de l’IHAAA et de sa section d’archéologie a permis, grâce au soutien de la Coopération française, de constituer un pôle de recherche archéologique moderne. Toutefois, l’archéologie ivoirienne n’est encore qu’à ses débuts. Aucune chronotypologie permettant de périodiser le passé ivoirien n’a encore été établie. De ce fait, les archéologues ivoiriens travaillent, sans périodisation précise, avec des méthodes modernes définies pour répondre aux questions actuelles de la recherche où les chronologies sont déjà connues, comme la répartition spatiale des vestiges ou les relations homme-environnement. Par exemple, sur le site de Songon-Dagbé, Robert Chenorkian réalise une fouille fine avec des schémas de remontages et une étude spatiale alors que la chronologie des amas coquilliers et la typologie céramique sont encore inconnues. Il aurait cependant été intéressant de compléter la prospection et de sonder d’autres amas coquilliers afin de comparer le matériel et les datations. Ce problème de périodisation remet également en cause la portée heuristique du 14C utilisé pour dater des horizons stratigraphiques contenant du matériel archéologique jamais observé et dont on ne connaît pas les phases chronologiques. Les dates au 14C, comme celles qu’a pratiquées Raymond Mauny dans différents amas permettent une comparaison entre les structures. Mais isolément, la datation au 14C n’a qu’une valeur indicative pour le site. En Europe, la constitution des chronotypologies a été établie avant l’apparition du 14C, durant la seconde moitié du XIXe siècle. En Côte d’Ivoire, les périodes coloniales et aofiennes, principalement caractérisées par des ramassages épisodiques, n’ont pas permis de réunir assez de matériel pour définir des typologies. Au vu du cas ivoirien, il semble que l’établissement d’une typologie soit préalablement nécessaire à la définition de la stratigraphie des sites étudiés, et par là même, à l’utilisation du 14C pour comprendre la périodisation des cultures matérielles dans le temps et l’espace. En 1972, Raymond Mauny établit une périodisation provisoire de l’archéologie en Côte d’Ivoire. Pour lui, le Paléolithique se poursuit jusqu’en 3 000 BC et est divisé en plusieurs périodes, le Préacheuléen (probable), l’Acheuléen et le Sangoen. L’auteur semble écarter le Lupembien de la chronologie ivoirienne, faute de pièces découvertes. Vers 3 000 BC débute le Mésonéolithique. Cette période réunit les sites qui présentent des vestiges encore mal compris, mais généralement assimilables à un Mésolithique ou à un Néolithique. La quantité d’observations n’est pas suffisante pour comprendre la chronologie de la période Mésonéolithique. C’est à cette période que Mauny attribue les haches polies de Lowiguié. La période Mésonéolithique est suivie par la Protohistoire, dès l’apparition du fer en Afrique de l’Ouest, dont la date est inconnue, mais que Raymond Mauny estime à 500 AD (Mauny, 1972). Dix ans plus tard, Robert Chenorkian
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réalise une synthèse chronologique de l’archéologie en Côte d’Ivoire en y incorporant les nouvelles découvertes et surtout les premières dates 14C. Selon lui, le Paléolithique aboutit sur un Épipaléolithique, attesté par le site de Bingerville, présentant une industrie microlithique datée de 13 050 +/230 BP (Chenorkian, 1983). Chenorkian préfère utiliser le terme « Néolithique », au sens large, plutôt que de recourir à l’appellation Mésonéolithique qui, selon lui, n’est pas plus utile car il renvoie plus à une période plurielle et mal connue qu’à des sociétés pratiquant une économie originale (Chenorkian, 1983, p. 131). Pour lui, le Néolithique au sens large réunit les sites présentant de la céramique et de l’industrie lithique, mais pas de vestiges en fer. Ce Néolithique au sens large est basé sur les matériaux des vestiges découverts et non sur l’économie de production, dont l’interprétation n’est pas possible. Au sein du Néolithique, Chenorkian évoque la découverte, à Dabakala et Songon-Dagbé, de vestiges appartenant à la culture néolithique de Kintampo. Le néolithique de Kintampo identifié au Ghana est caractérisé par des pièces oblongues de céramique striées, plus communément nommées « terracotta cigars ». En dehors du Paléolithique, il s’agit de la première culture archéologique identifiée en Côte d’Ivoire (Chenorkian, 1983). Robert Chenorkian n’évoque pas la transition avec l’âge du Fer. Sur le plan international, une autre chronologie, définie lors du 3e Congrès panafricain de Préhistoire1, propose de remplacer les terminologies classiques par Early Stone Age, Middle Stone Age et Late Stone Age. Le terme de « Néolithique », désignant une période ambigüe, est de plus en plus critiqué. Il peut renvoyer à une période, une économie ou une technologie (Shaw, 1980, p. 650). Il sera remplacé par le Late Stone Age qui couvre une période approximative de 15 000 BP à 500 BP et qui engloberait l’Épipaléolithique et le Néolithique (ou Mésonéolithique) de l’archéologie ivoirienne. Le terrain n’est pas toujours propice à la récolte d’échantillons. De plus, le laboratoire manque de moyens (Diabaté T. V., 1979, p. 3). Pour obtenir les résultats d’un échantillon envoyé en Europe, il faut attendre entre un à trois ans (Diabaté T. V., 1977, p. 435). Une intervention lors de la Table ronde sur les origines de Kong témoigne de l’existence, à l’Université d’Abidjan, de matériel pour la réalisation des datations par 14C. Cependant, en 1975, il n’était pas utilisé (Diabaté T. V., 1977, p. 437-438). Les différentes opérations archéologiques réalisées par l’IHAAA permettent de réunir du matériel archéologique bien localisé. Les travaux de Fatten El-Saddi offrent une vision d’ensemble de la céramique de SongonDagbé, bien que leur situation stratigraphique fasse défaut suite à la perte des carnets de fouilles de Philippe Leclerc. Jean Polet et Robert Chenorkian réalisent une première typologie de la céramique en zone lagunaire (Polet et Chenorkian, 1980). Toutefois, les typologies du mobilier archéologique 1
En 1955, à Livingstone (Zambie).
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ivoirien sont quasiment inconnues. Les études de l’IHAAA sont les premières réalisées pour la Côte d’Ivoire et constituent les bases qui devront être complétées par de nombreuses autres recherches avant de pouvoir reconstituer des typochronologies. En revanche, certains objets caractéristiques sont utilisés comme fossiles directeurs. À large échelle, la céramique signale un site indéniablement néolithique tandis que les scories et les objets en fer caractérisent les sites protohistoriques et la période subactuelle. Cette dernière période est attestée lorsque les autochtones attribuent aux vestiges une origine connue historiquement par les traditions orales. Pour Raymond Mauny (1964, p. 257-260), tout matériel lithique appartient au Néolithique, excepté le matériel servant au broyage et à la mouture encore utilisé de nos jours. Les fusaïoles à filer le coton attestent d’une période postérieure à l’Islam, car le coton, inconnu en Afrique de l’Ouest au Néolithique, a été apporté par les Arabes. Les fourneaux de pipes semblent ne pas être antérieurs à l’arrivée du tabac. Les pipes peuvent donc être utilisées comme fossiles directeurs. Lors de ses recherches sur les îles Ehotilé, Jean Polet (1979) compare les pipes découvertes avec celles du Ghana proche, mieux connues. Toutefois, ces fossiles directeurs observables permettent de répartir les découvertes dans la chronologie de synthèse sans pour autant prétendre à sa redéfinition. En 1973, l’article de Robert Bayle des Hermens (1973) sur les découvertes isolées d’outils préhistoriques est emblématique des anciennes pratiques archéologiques de l’époque coloniale. Cet article permet de constater la différence de propos entre les deux périodes. L’auteur y évoque différentes découvertes de curiosités archéologiques qu’il compare avec d’autres éléments hors contexte. Outre l’utilisation de méthodes modernes, la dimension des surfaces explorées rompt radicalement avec les ramassages de la précédente période. La nécropole de Nyamwan est ouverte sur 383 m2 (Polet, 1988, p. 135). À Kong, le secteur de la gendarmerie est délimité par un carroyage de 120 m par 8 m et divisé en 60 carrés de 4 m de côté ; 9 de ces carrés sont ouverts durant la campagne de 1982, soit une surface de 144 m2 (Diabaté T. V., 1982, p. 1). Victor Diabaté (1979, p. 3) fouille 3 à 4 mois sur Kong. Les sites de Kong et ceux des îles Ehotilé sont fouillés durant plus de dix ans. L’amas coquillier de Songon-Dagbé est fouillé en 1973, puis de 1979 à 1985. L’investissement sur les trois fouilles, financé par la Coopération française, ne pourra jamais être égalé. D’ailleurs, dès les années 1980, les recherches menées par Bernadine Biot démontrent les difficultés à réaliser des opérations archéologiques sans soutien financier conséquent, alors que les terrains sont très onéreux. À Anyama, François Yiodé Guédé finance lui-même ses recherches en contractant des emprunts1. D’ailleurs, dès 1978, le colloque de Valbonne préconise l’arrêt des fouilles à gros budget pour une stratégie de prospections systématiques et de petites 1
Entretien avec François Yiodé Guédé, le 14 novembre 2012, à Abidjan.
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interventions. Dès la fin des années 1980 et le terme du soutien de la Coopération française, plus aucune opération localisée d’envergure similaire à Kong, Songon-Dagbé ou Nyamwan n’est entreprise. L’établissement d’une carte archéologique est un des principaux projets de l’IHAAA (IHAAA, 1989). Elle permettrait de faire un bilan des connaissances sur les sites archéologiques en Côte d’Ivoire dans le but de mieux les gérer face aux dangers de destruction et d’établir les priorités des sites à explorer. Raymond Mauny (1972), Robert Chenorkian (1983), puis Colette Faucquez-Tao (1989) publient des cartes archéologiques dans leurs articles respectifs sur la synthèse de l’archéologie en Côte d’Ivoire. Toutefois, les moyens insuffisants pour les prospections et l’exploration du patrimoine archéologique à l’échelle du territoire les obligent à réutiliser les données de l’époque coloniale. Les cartes publiées, d’échelle très réduite, se limitent à marquer d’un signe correspondant à une période chaque ville qui, dans ses environs, présente un gisement archéologique. Les données coloniales, peu explicites et de natures diverses, ne donnent pas de localisations précises et les dimensions des sites ainsi que leur état de préservation sont inconnus. Les archéologues ne peuvent donc pas réaliser de carte sans passer par des visites sur le terrain. La pratique de l’interdisciplinarité active permet d’intégrer de nouvelles données dans l’archéologie ivoirienne. Les données historiques datant de la période coloniale offrent des indications sur les sociétés de Côte d’Ivoire à l’époque subactuelle. Les Archives nationales de Côte d’Ivoire étant difficilement utilisables par les archéologues en raison de problèmes de gestion, les documents proviennent en grande partie d’institutions basées en France ou à Dakar. Lors de ses recherches sur les îles Ehotilé, Jean Polet utilise des documents d’archives de Dakar sur les premiers contacts français à Assinie (Polet, 1983, p. 4). Durant les campagnes sur les amas coquilliers, les archéologues utilisent aussi des données réalisées par les géologues de la SODEMI. Jean-Pierre Chauveau (1978) les emploie également lors de ses recherches sur l’exploitation de l’or en pays Baoulé. Ces données se présentent sous la forme de rapports qui peuvent signaler l’existence de sites archéologiques. Josette Rivaillain utilise l’ethnologie pour comparer les vestiges archéologiques du rivage Alladian avec les pratiques alimentaires actuelles. Les traditions orales sont largement utilisées pour obtenir des informations sur les sites archéologiques et les rapports que les sociétés actuelles entretiennent avec eux. Par cette pratique, le discours de l’archéologie ne traite plus de durées mais plutôt de vecteurs de comparaison dans le temps. Les données de l’interdisciplinarité sont d’abord utilisées pour compléter celles, trop peu nombreuses, de l’archéologie en Côte d’Ivoire. Cependant, leur utilisation a un impact non négligeable sur les méthodes et le discours de l’archéologie. Le principal changement dans l’organisation de la recherche ivoirienne après l’indépendance est le renouvellement des acteurs qui pratiquent 124
l’archéologie. Si Raymond Mauny est toujours actif, la présence française se limite à la coopération. Les archéologues travaillant en Côte d’Ivoire sont maintenant principalement des Ivoiriens. Ils sont aussi tous universitaires et reçoivent une formation en archéologie ou en histoire. Durant cette période, la pratique de l’archéologie en Côte d’Ivoire est issue de la tradition scientifique locale fondée durant l’époque coloniale mais elle est également réceptive aux méthodes des archéologues européens grâce à la Coopération scientifique française. La Coopération française et les archéologues ivoiriens formés en France apportent des méthodes scientifiques pour l’archéologie qui sont ensuite réinterprétées et réappropriées pour correspondre au contexte archéologique du pays. Au niveau du jargon, par exemple, une appropriation de la nomenclature avec des termes locaux est observable. Dans sa thèse, Henriette Diabaté utilise le terme Kulo Fuan pour décrire d’anciens villages abandonnés (Diabaté H., 1979, p. 44). Les têtes de Krinjabo de l’époque coloniale deviennent des Mma. Les cercles d’Agboville se traduisent par le terme d’Amoni. Lors de la Table ronde sur les origines de Kong, Jean Devisse recommande, pour les traductions, d’utiliser les termes dans la langue vernaculaire locale et d’indiquer le terme français le plus proche (Diabaté, 1977, p. 484). Bien qu’anecdotiques, ces changements dans la nomenclature archéologique ivoirienne démontrent que l’archéologie, en tant que discipline universitaire importée de France, est indéniablement en voie de transformation et d’appropriation par les archéologues ivoiriens.
5.17) Synthèse de la période (1968-1985) L’archéologie nationale ivoirienne apparaît à la suite de l’indépendance du pays et de la disparition de la recherche fédérale aofienne de l’IFAN. La réappropriation du passé de la Côte d’Ivoire par la jeune République ivoirienne se déroule d’abord dans des disciplines académiques, comme l’histoire ou l’anthropologie. Les scientifiques ivoiriens du moment y plaident une refonte et une réappropriation complète du traitement du passé et de la tradition historique. Pour ce faire, les historiens élaborent une histoire des populations et une histoire sociale de la Côte d’Ivoire basées sur l’interdisciplinarité (histoire, anthropologie, archéologie, linguistique) et sur l’utilisation des sources orales. Une telle pratique est conforme au nouvel état d’esprit des sociétés ivoiriennes. Une meilleure maîtrise du passé ivoirien, comme la conscience de la culture, doit permettre au collectif national indépendant une meilleure appropriation et redéfinition des éléments modernes exogènes importés dans le cadre du développement. La conscience de la culture et du passé doit permettre aux Ivoiriens d’assumer l’hybridité culturelle ainsi générée par le développement. Lors de son apparition, l’archéologie ivoirienne suit cette tendance à une nouvelle pratique de l’histoire. L’utilisation de sources orales génère la conception 125
d’une nouvelle période sub-récente qui évoque l’époque antérieure à la colonisation française. Cette période forme une histoire ancienne ou « antiquité » qui traite du peuplement du pays par les groupes ethniques actuels. Elle est utilisée dans le développement de l’identité nationale d’une République ivoirienne plurielle et composée de nombreuses ethnies. Cette histoire ancienne permet également de construire et de représenter une diversité originelle de la nation ivoirienne dans le passé du pays. Les opérations réalisées sur le site de la Séguié donnent le coup d’envoi du développement d’une section archéologique dans le cadre de l’IHAAA au sein de l’Université d’Abidjan. Partie d’aucune institution en place au préalable, l’archéologie ivoirienne est mise sur pied grâce à la Coopération française. Deux postes de coopérants sont créés et occupés par Philippe Leclerc puis Jean Polet et Robert Chenorkian. La Coopération française assure la formation, à Paris, des archéologues ivoiriens comme Victor Tiégbè Diabaté, Bernadine Biot et plus tard, Fofana Lemassou, mais aussi Norbert Charles Ouayou et Roger Oula dont le peu de traces dans les publications n’ont pas permis de faire état de leurs travaux dans cette étude comme ils l’auraient certainement mérité. Les ressources de la Coopération française permettent l’ouverture de trois chantiers : Songon-Dagbé, Kong et les îles Ehotilé. Ces trois fouilles correspondent au choix de trois axes de recherche, un préhistorique et deux sur le passé sub-récent dans les deux principales zones écologiques de la Côte d’Ivoire : la savane au nord, et la forêt au sud. D’autres recherches archéologiques sont également menées en dehors des trois fouilles financées par la Coopération française. François Yiodé Guédé, après avoir été formé à Leningrad, fouille le site d’Anyama-La Bété. Sans ressources de la Coopération française, il finance lui-même ses recherches en contractant des emprunts. Des opérations archéologiques sont également menées à Man, sur le rivage Alladian et dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire, tandis que l’anthropologue Georges Niangoran-Bouah documente des pierres anthropomorphes provenant de la vallée du Marahoué. D’autres recherches archéologiques ont certainement eu lieu en Côte d’Ivoire durant la période, sans toutefois avoir été recensées pour notre étude. Les recherches ivoiriennes, bien que succinctes face à l’avance de l’archéologie dans d’autres pays voisins comme le Ghana, permettent un premier aperçu général des différentes périodes de l’archéologie en Côte d’Ivoire. Les différentes fouilles sont relativement mieux réparties sur l’ensemble du territoire ivoirien et ne se cantonnent plus à l’axe AbidjanToumodi où se concentraient la plupart des recherches archéologiques coloniales. Le colloque de Valbonne permet aux archéologues africains de déceler et de comprendre les problèmes de la recherche. L’assemblée cherche des solutions pour tenter d’y remédier. Devant l’insuffisance générale des moyens à disposition, le colloque propose de renforcer les coopérations 126
interafricaines dans le but d’une mise en commun des ressources. Le colloque de Valbonne préconise également l’abandon des grandes fouilles et le recours à une stratégie de prospections et d’interventions légères. Cette recommandation, qui sera appliquée suite aux problèmes de financements de la recherche, changera radicalement les pratiques archéologiques en Côte d’Ivoire. Le problème crucial de la publication et de la diffusion des données est évoqué. Le cas ivoirien démontre qu’en raison des difficultés rencontrées par les chercheurs pour publier leurs résultats, une quantité inestimable de données ont été perdues à jamais. Les actes du colloque permettent également de percevoir le manque de médiation pour l’archéologie en Côte d’Ivoire. La chronologie du passé est toujours une périodisation de synthèse importée d’un modèle européen et non établie sur les observations et les fouilles réalisées en Côte d’Ivoire. Cependant, les archéologues de l’époque, comme Raymond Mauny ou Robert Chenorkian, tentent, par tâtonnement, d’interpréter une périodisation conforme aux observations archéologiques. Les datations au 14C, trop peu nombreuses, ne parviennent pas à définir une véritable chronologie locale. Sans chronotypologies, le 14C indique des datations temporellement ponctuelles et non des durées pour les sites archéologiques. Il ne permet pas de comprendre l’évolution des différentes cultures matérielles. Sa valeur n’est donc qu’indicative. Si les travaux et les études réalisés demeurent peu nombreux, les bases propices au développement d’une archéologie pérenne en Côte d’Ivoire sont posées. Cependant, comme nous le verrons dans le prochain chapitre, la fin du soutien de la Coopération française, puis la crise économique qui va frapper la Côte d’Ivoire changent les perspectives de la recherche.
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6) L’archéologie ivoirienne en contexte de crise (1985-2008)
6.1) Nouveau contexte de l’archéologie ivoirienne dès 1985 Malgré les importants travaux réalisés entre 1968 et 1985 et la mise en place d’une structure scientifique efficace au sein de l’IHAAA, une péjoration graduelle du contexte de la recherche transforme drastiquement la pratique de l’archéologie dès le milieu des années 1980. En 1985, les deux postes de coopérants de Jean Polet et de Robert Chenorkian ne sont pas reconduits entraînant l’interruption des deux programmes de recherches qu’ils menaient avec l’aide de la Coopération française. Il semble aussi que le programme de recherche à Kong, financé par la Coopération française et mené par Victor Diabaté, ne soit plus poursuivi dès le milieu des années 1980. Les financements alloués par l’État ivoirien sont également supprimés en 1990 (Biot, 2004, p. 388). Dès lors, plus aucun financement ne soutient la recherche en Côte d’Ivoire. De plus, cette rupture de financement intervient à l’aube d’une grave crise économique qui évolue en crise politique, puis en guerre civile. Cependant, cet abandon du financement de la recherche n’est pas propre à la Côte d’Ivoire. Nick Shepherd note un ralentissement général de l’activité des organismes de recherche archéologique en Afrique lié aux crises économiques des années 1990 (Shepherd, 2002, p. 199-200). La période de 1990 à 2008 est également marquée par le renouvellement des acteurs de l’archéologie. Devenu docteur d’État en 1988, Victor Tiégbè Diabaté dirige la section d’archéologie de l’IHAAA, ainsi que la formation de Bernadine Biot et Lémassou Fofana, tandis que François Yiodé Guédé poursuit ses recherches sur le Paléolithique en Côte d’Ivoire. Bernadine Biot présente sa thèse de troisième cycle en 1986 sur les habitats de hauteur de la région de Man. Elle commence ensuite une thèse d’État dont le sujet porte sur les sites archéologiques du V-Baoulé. Lémassou Fofana a également obtenu une thèse de troisième cycle, en 1985, suite à son travail sur l’urbanisation dans le Maghreb Al-Aqsa (Maroc)1. Il poursuit sa carrière sur la thématique de l’archéologie de la métallurgie du fer. Toutefois, une 1
Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 4 janvier 2012, à Korsimoro, Burkina Faso.
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diminution graduelle des activités du département d’archéologie de l’IHAAA est observable. Plus tard, en 2001, un département d’archéologie est créé au sein de l’Institut des sciences anthropologiques du développement (ISAD) de l’Université de Cocody. Ce département est dirigé par Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré (directrice) et Siméon Kouakou Kouassi (directeur adjoint) qui y enseignent et forment une première équipe de 7 doctorants. Si la Coopération française n’est plus reconduite après 1985, d’autres équipes étrangères interviennent en Côte d’Ivoire. Désormais, les recherches étrangères ne sont plus principalement françaises, mais russes, belges et suisses. Une rupture méthodologique apparaît également dès 1985. Les programmes pluriannuels de fouilles ciblées sur un site, comme ceux des îles Ehotilé, de Songon-Dagbé et de Kong, sont remplacés par de nombreuses missions de prospections accompagnées de sondages. Cette recherche systématique est mieux adaptée au nouveau contexte et à l’absence de financement. Dans ce nouveau contexte, les archéologues ivoiriens changent alors leur mode d’opération. Malgré la mise en place de structures de recherches efficaces entre 1968 et 1985, les projets envisagés pour le développement de l’archéologie ne peuvent être poursuivis. Si les nouvelles résolutions des archéologues permettent de maintenir tant bien que mal la pratique de l’archéologie en Côte d’Ivoire, certains acquis de la période précédente se perdent irrémédiablement. Cette période d’austérité aboutit à la recherche actuelle qui évolue aujourd’hui encore selon cette dynamique.
6.2) Crises économique et politique en Côte d’Ivoire Depuis l’indépendance proclamée en 1960, la Côte d’Ivoire connaît une période de croissance économique qui va malheureusement se détériorer, dès 1981, suite à l’effondrement des cours du café et du cacao, soit les secteurs économiques principaux du pays. La période de récession est marquée, jusqu’en 1993, par un taux du PIB régulièrement décroissant. Le décès du premier président, Félix Houphouët-Boigny, en 1993, ouvre une crise politique et une lutte pour le pouvoir. Son successeur, le président Henri Konan Bédié, est renversé en 1999 par un coup d’État militaire dirigé par le général Robert Gueï. Les nouvelles élections présidentielles organisées en 2000 sont alors remportées par le président Laurent Gbagbo, ancien directeur de l’IHAAA. La crise politique bascule dans un conflit armé en septembre 2001 lors d’une tentative de coup d’État qui manque de prendre le contrôle d’Abidjan. Les putschistes se replient alors au nord du pays, coupant ainsi la Côte d’Ivoire en deux zones d’autorité. La France et la CEDEAO envoient alors des troupes militaires pour agir en tant que forces d’interposition. En novembre 2004, des accrochages armés ont lieu en Côte d’Ivoire entre les troupes françaises de la Force Licorne et les forces 130
gouvernementales ivoiriennes. Lors des dernières élections présidentielles de 2011, le résultat du scrutin est contesté. Laurent Gbagbo et Alassane Ouatara se déclarent alors tous deux présidents. La situation se détériore en avril 2011. Les troupes du nord, favorables à Alassane Ouatara, lancent une offensive sur la ville d’Abidjan et prennent le contrôle du pays. Durant l’offensive, Abidjan est le théâtre de violents combats qui détériorent sévèrement les infrastructures urbaines. Durant ces trente dernières années, le contexte politique et économique de la Côte d’Ivoire a donc été hautement défavorable au développement et à la pérennisation de la recherche archéologique. De plus, les effets du conflit sur la recherche scientifique sont certainement aggravés par les divisions entre les différents acteurs de l’archéologie dont les positions et avis politiques divergent.
6.3) Abrogation du financement pour l’archéologie ivoirienne Jusqu’en 1985, la Coopération française finançait l’archéologie ivoirienne à hauteur de 10 millions de francs CFA par an tandis que l’État ivoirien attribuait 500 000 francs CFA à la recherche archéologique1, soit un total de 10 500 000 francs CFA (valeur d’époque non actualisée). Le montant correspond effectivement à l’ambition de la Coopération française de l’époque qui vise à installer des structures scientifiques de recherche archéologique pérennes en Côte d’Ivoire. La cessation de l’appui de la Coopération française pour l’archéologie en Côte d’Ivoire, dès 1985, s’explique par la situation générale et l’évolution des rapports entre la France et les États ouest-africains durant les années 1980. En effet, cette période correspond à la fin de la Françafrique et à un retrait général de l’implication française en Afrique de l’Ouest. De plus, cette période est également marquée par la première cohabitation entre le président François Mitterrand et le premier ministre Jacques Chirac, alors que Jean-Christophe Mitterrand, le fils du président, occupe le poste de conseiller pour les Affaires africaines au cabinet présidentiel. Cette configuration ambiguë des autorités françaises en relation avec l’Afrique a donc certainement défavorisé l’implication de la Coopération française dans le soutien aux institutions de recherche scientifique ouest-africaines. La fin du financement français pour l’archéologie en Côte d’Ivoire intervient donc dans un contexte général de retrait de la Coopération scientifique française en Afrique de l’Ouest. Toutefois, selon Jean Polet, des opportunités de Coopérations scientifiques avec la France auraient été encore possibles après 19852. Cependant, aucune démarche n’a été entreprise en ce
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Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 24 octobre 2011, à Angonda, Côte d’Ivoire. Entretien avec Jean Polet, le 12 juin 2012, à Paris.
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sens par Victor Tiégbè Diabaté. Les thèses d’État de Bernadine Biot et Lémassou Fofana ne seront finalement pas menées à terme. La grave crise économique que connaît le pays depuis 1990 provoque le retrait des 500 000 francs CFA attribués à la recherche archéologique par l’État ivoirien. Bien que relativement modeste, ce financement à la recherche aurait permis le maintien et l’assurance d’opérations archéologiques régulières en Côte d’Ivoire. En plus de l’interruption des financements à la recherche, l’IHAAA est pénalisé par le manque de relève1. Le climat ne favorise pas les vocations dans ce domaine et trop peu de jeunes chercheurs intègrent l’IHAAA. Les archéologues de l’époque recourent alors à l’autofinancement (Biot, 2004, p. 388). Dès 1990, les investigations archéologiques menées en Côte d’Ivoire sont en grande majorité le fait de programmes de recherche étrangers ou de financements personnels des archéologues. Pour les archéologues ivoiriens, la poursuite d’une carrière ou d’une formation dépend alors de paramètres sociaux et familiaux qui ne leur permettent que rarement de poursuivre leurs ambitions. Pour un individu qui pratique l’archéologie en Côte d’Ivoire, la quête d’une thèse ou la poursuite de recherches devient un calcul entre sa propre situation sociale, les besoins financiers de ses proches et les soutiens potentiels de certains autres, dans un réseau de relations à parrainage. Dans cette situation, malgré le maintien de la recherche par l’autofinancement, l’archéologie en Côte d’Ivoire est victime d’un climat de morosité lié au manque d’encouragements de la part des pouvoirs publics2. Dans les années 1990, suite à des réformes universitaires, l’IHAAA devient le département de recherche de la filière histoire. L’Institut est toujours dévolu à la recherche, tandis que le département de pédagogie de la filière histoire se charge de la formation universitaire. Cependant, en raison du manque de personnel, les chercheurs du département de recherche sont appelés à dispenser des cours. Avant la réforme, l’IHAAA dépendait directement du rectorat. La nouvelle configuration l’intègre dans l’UFR des Sciences de l’Homme et Société (SHS) de l’Université de Cocody. L’archéologie est de moins en moins présente au sein de l’IHAAA et du département de recherche de la filière histoire. Victor Tiégbè Diabaté, le premier archéologue ivoirien, décède en 2007. François Yiodé Guédé est le dernier archéologue actif dans la structure de recherche de l’IHAAA. Durant les années 1990, il poursuit ses fouilles sur le Paléolithique en Côte d’Ivoire, principalement par autofinancement mais également grâce à la participation de chercheurs russes.
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Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 24 octobre 2011, à Angonda, Côte d’Ivoire. Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 24 octobre 2011, à Angonda, Côte d’Ivoire.
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6.4) Missions de prospections archéologiques de l’IHAAA L’IHAAA poursuit les recherches archéologiques dans le pays, malgré le contexte de crise de financement. Toutefois, la politique de fouilles ciblées pluriannuelles et programmées, comme à Songon-Dagbé, à Kong ou aux îles Ehotilé, ne figure plus dans les nouveaux plans de stratégie. Les chercheurs ivoiriens privilégient dorénavant les interventions légères et la prospection systématique afin de constituer une carte archéologique de la Côte d’Ivoire, en conformité avec la situation financière et les recommandations du colloque de Valbonne. Cet outil devait permettre aux archéologues d’explorer et de synthétiser les ressources archéologiques de la Côte d’Ivoire dans l’objectif d’en dégager des axes de recherches. Dans cette perspective, Bernadine Biot et Lémassou Fofana accomplissent, entre 1985 et 1989, plusieurs missions de prospections à divers endroits de la Côte d’Ivoire. Bernadine Biot réalise d’importants travaux sur les sites archéologiques du V-Baoulé. Elle y découvre des sites dits « mésonéolithiques », ou néolithiques au sens large (Biot, 1993). D’autres prospections sont menées, notamment à Man, Touba, Mankono et Bondoukou (Fofana, 1993, p. 257). En 1987, une mission de prospection dans la région du Worodougou permet de découvrir de nouveaux gisements dans un endroit où peu d’observations archéologiques avaient été menées (Fofana, 1989, p. 10). Les nombreux sites découverts présentent une continuité de vestiges préhistoriques, protohistoriques et subactuels. Les prospections menées par Lémassou Fofana et Bernadine Biot dans le Worodougou attestent de l’énorme potentiel pour la recherche archéologique dans la région (Fofana, 1989, p. 25). Les découvertes sont classées en trois catégories : les sites préhistoriques qui ne contiennent que du matériel lithique, les sites protohistoriques qui livrent des vestiges en fer et dont les origines sont inconnues des populations locales, ainsi que les villages anciens nommés Tomi par les autochtones. Les Tomi sont des anciens emplacements de villages suggérés par des buttes de 10 à 100 m de diamètre, qui ont été abandonnés suite au passage dans la région de Samory Touré en 1905. Chef de guerre, il avait fondé un État éphémère qui s’opposa à la pénétration française à la fin du XIXe siècle. Il initia une guerre de mouvement, puis une politique de la terre brûlée, qui causa d’importantes destructions et des déplacements massifs de populations dans le nord de la Côte d’Ivoire. Durant la même prospection, Bernadine Biot étudie la poterie Wan et Mona, dans la région de Mankono. L’objectif est d’élaborer un corpus de la céramique ivoirienne utile pour comparer la céramique subactuelle issue des fouilles archéologiques, ainsi que de documenter les pratiques liées à la production et à la consommation de la céramique alors que ce matériau tend à disparaître en Côte d’Ivoire (Biot, 1989, p. 32).
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Les prospections réalisées par Bernadine Biot et Lémassou Fofana durant la fin des années 1980 permettent de maintenir une recherche active en Côte d’Ivoire et d’apporter de nouvelles connaissances utiles dans l’évaluation quantitative et la répartition géographique du patrimoine archéologique ivoirien. Toutefois, ces données se limitent aux signalements et à la description des sites archéologiques rencontrés en vue d’une investigation ultérieure plus conséquente. Les informations issues des prospections sont donc difficilement utilisables pour avancer des hypothèses cohérentes d’interprétation (Fofana, 1993, p. 257). Le nombre exact des recherches menées par l’IHAAA durant la période n’a pas pu être établi pour cette étude. De plus, excepté les travaux réalisés à Toumodi et dans le Worodougou, les autres prospections archéologiques menées par Bernadine Biot et Lémassou Fofana n’ont vraisemblablement pas été publiées. Les seuls documents subsistants sont les rapports de mission, dont la majorité est actuellement indisponible. La seule trace qui permet alors de conclure à l’existence d’une mission de prospection demeure la présence de la référence de rapports dans la bibliographie de certains articles ultérieurs, comme, par exemple, celui de Lemassou Fofana (1993, p. 275-276). Il est donc probable que les données observées lors de certaines de ces missions soient aujourd’hui définitivement perdues.
6.5) Les recherches paléolithiques et les missions ivoirosoviétiques Après la première série de campagnes de fouilles sur le site d’Anyama-La Bété, dès les années 1980, les recherches sur le Paléolithique en Côte d’Ivoire sont reprises par François Yiodé Guédé. Inscrit en thèse à l’Université d’État de Leningrad, il entreprend des fouilles systématiques dans le cadre d’une mission archéologique russe en Côte d’Ivoire, dirigée par l’archéologue Vassili Prokofievich Lioubine, alors son directeur de thèse. Avant les années 1990, le Paléolithique en Côte d’Ivoire n’avait été que brièvement observé par les premiers travaux entrepris par Robert Chenorkian, Guilhan Paradis et François Yiodé Guédé dans la terre de Barre, à Anyama-La Bété et à Attingué, entre 1982 et 1987 (Chenorkian et Paradis, 1981 ; Chenorkian et Paradis, 1982 ; Guédé et Tastet, 1986 ; Paradis, 1980). Les prospections réalisées par Robert Bayle des Hermens et Colette Faucquez-Tao (Bayle des Hermens et al., 1983 ; Faucquez-Tao, 1987 et 1993) dans l’ouest et le nord-ouest de la Côte d’Ivoire signalent la présence de l’Acheuléen près d’Odienné ainsi qu’une industrie lithique que les deux archéologues ont attribuée au « pré-acheuléen » (Guédé, 1995). D’autres publications plus anciennes mentionnent quelques découvertes isolées dont deux bifaces, un à Bingerville en 1945 (Creac’h, 1951), et un autre signalé
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par Raymond Mauny en 1972 (Mauny, 1972, p. 14). En 1960, l’archéologue du Ghana Oliver Davies rapporte également une série de découvertes datant du Paléolithique en Côte d’Ivoire (Davies, 1967). La première mission ivoiro-soviétique se déroule en février et mars 1991. Elle a pour but de réaliser des recherches systématiques au travers de toutes les zones écologiques de la Côte d’Ivoire, selon un itinéraire choisi. La méthode consiste à observer les déchaussements et les profils de terrain ainsi que les gisements de dolérites et de quartz. Les investigations se déroulent dans le couloir que forment les fleuves Bandama et Sassandra, du golfe de Guinée jusqu’au bassin du fleuve Niger. La mission de prospection permet de découvrir plusieurs sites dont La Sablière-Buyo, Niapouyo, Grand-Jacko, Chutes Naoua, Gouabouo, Mira, Gouessosso-Gbalasso et Kantara (Guédé et al., 1992). Une seconde mission ivoiro-russe est menée en 1993 (Guédé et Lioubine, 1999, p. 39). L’équipe ouvre des fouilles à Gouabouo. De nouvelles interventions sont également pratiquées sur le site de la Bété et des prélèvements sont effectués pour des datations par thermoluminescence. Le plus bas niveau du profil a été ainsi daté à 254 000 BP +/- 51 000, soit au Pléistocène moyen (Guédé et Lioubine, 2006, p. 24). La stratigraphie des sites paléolithiques de la Côte d’Ivoire méridionale présente une base sangoenne, comme à Anayama-La Bété. L’horizon ultérieur à la phase sangoenne présente des éléments moustéroïdes signalant le Paléolithique moyen. Cette industrie est également présente au Centre-ouest du pays, sur le site de Goré (Saïoua) et au sud-ouest à Gouabo II, Yabahio, La Sablière (Buyo) et aux Chutes Naoua, près de Soubré (Guédé, 1995, p. 81-82). En revanche, plus au nord, un site repéré aux environs de Biankouma, sur l’axe Gouessesso-Gbablasso, dans l’ouest, présente une industrie sur quartzite composée de choppers et de chopping-tools massifs et archaïques (Guédé, 1995, p. 82-83). Les découvertes paléolithiques du nord, comme celle de Kantara, dans le bassin ivoirien du fleuve Niger, présentent des bifaces acheuléens classiques et non sangoens (Guédé et al., 1992). Les bifaces récoltés à Kéré ont été attribués à l’Acheuléen (Guédé, 1995, p. 84). D’autres observations sur le Paléolithique ont également été réalisées en 2001 dans la région de Toulepleu et dans le cadre du projet de recherche belge « Passé et avenir des technologies africaines » dirigé par Daniel Arnoldussen (Arnoldussen et Tenena, 2007, p. 78-80). Ce projet avait pour objectif de documenter les technologies de réduction du fer dans les régions de Korhogo et Toulepleu. Une reconstitution d’un bas-fourneau a pu être réalisée à Kawow, au nord de Korhogo. Toutefois, en raison de la situation politique en Côte d’Ivoire, les recherches réalisées à Toulepleu, près du Liberia, se sont limitées à la collecte d’informations (Arnoldussen et Tenena, 2007, p. 5-6). En 2002, François Yiodé Guédé publie, dans la revue Godo Godo, un article qui retrace les recherches archéologiques effectuées dans le Haut 135
Sassandra entre 1984 et 1995, dans le cadre de différentes missions. La procédure de recherche consiste d’abord à trouver des traces écrites dans les archives, puis à mener des prospections pédestres. Les personnes âgées et les chasseurs sont également questionnés sur les sites anciens et les découvertes de vestiges par les autochtones (Guédé, 2002, p. 12-13). Au total, plusieurs sites de nature et de périodes différentes sont observés et décrits dans les sous-préfectures d’Issia et de Saïoua (Guédé, 2002, p. 13-19). Plus récemment, à la fin des années 2000, François Yiodé Guédé a entrepris de nouvelles prospections archéologiques. Une publication au sujet de ses travaux est en préparation. Cet article à venir proposera une synthèse des publications précédentes comprenant les nouvelles découvertes liées à l’exploitation des zones minières (aurifères) dans les régions du Bas Bandama (Hiré), et des savanes (département de M’Bengué ; département de Tengrela-Zone du Bassin ivoirien du Niger, frontière ivoiro-malienne ou zone du cours d’eau de la Bagoé). Les découvertes réalisées dans ces régions et décrites dans le texte à paraître s’inscrivent dans une chronologie allant du Pléistocène inférieur à moyen au Pléistocène supérieur (Acheuléen inférieur, Acheuléen supérieur, Sangoen, Middle Stone Age, Paléolithique tardif). Une partie des découvertes caractérise le post-quaternaire avec des industries attribuées à la transition du mésolithique. On distingue également des industries de l’époque néolithique (acéramique et céramique) et enfin l’âge des métaux qui apparaît avec des sites et des vestiges de la métallurgie du fer. Les sites métallurgiques sont définis comme des sites d’extraction du minerai aux fonderies pour l’obtention et le travail de la loupe, jusqu’à la production finale1. Les travaux de François Yiodé Guédé apportent une contribution majeure à l’étude du Paléolithique comme à l’archéologie en général en Côte d’Ivoire, malgré le manque crucial de moyens en finançant lui-même ses recherches. Bien que des galets aménagés aient été plusieurs fois signalés, l’existence d’une phase pré-acheuléenne n’a encore jamais été confirmée, en Côte d’Ivoire. Cependant, au vu des nombreuses observations de galets aménagés, l’hypothèse est probable. L’analyse de l’industrie sangoenne découverte en Côte d’Ivoire démontre que ce faciès y présente des caractéristiques particulières (Guédé et Lioubine, 2006). François Yiodé Guédé revient également sur l’industrie sur quartz découverte par Robert Chenorkian, datée de 13 050 +/- 250 BP et que l’archéologue français avait interprété comme une industrie microlithique. Les éclats recueillis ne présentent pas de formes géométriques et on note la présence d’éléments plus archaïques. Toutefois, les datations de Robert Chenorkian permettent de situer temporellement la phase finale du Paléolithique en Côte d’Ivoire (Guédé, 1995, p. 87). L’avancée des connaissances sur le Paléolithique est
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Entretien avec François Yiodé Guédé, le 19 novembre 2011, à Abidjan.
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manifeste grâce aux travaux de François Yiodé Guédé. De plus la publication d’autres nouvelles données est en préparation.
6.6) Inventaire des ruines du pays Lobi et prospections du BEDH Découvertes au début du siècle par le lieutenant Schwartz et observées par Maurice Delafosse dès 1902, les ruines de bâtiments et les structures en pierre du pays Lobi font l’objet de nouvelles observations archéologiques entre le milieu des années 1980 et la fin des années 1990. En 1986, Georges Savonnet publie une synthèse de ses recherches menées de 1954 à 1981 sur les ruines de pierre en pays Lobi, au sud du Burkina Faso (Savonnet, 1986). L’auteur y annonce avoir recensé une soixantaine de sites qu’il classe en cinq catégories. Dans son inventaire, seuls trois sites sont signalés du côté ivoirien de la frontière (Savonnet, 1986, p. 80-82). Pourtant, durant les années 1990, de nouvelles prospections en Côte d’Ivoire vont permettre de découvrir de nombreuses ruines similaires sur le territoire ivoirien. Ces recherches sont entreprises par le BEDH (Bureau d’études pour un développement harmonisé) dirigé par le chercheur belge Paul Raymaekers. Il travaille en coordination avec l’IHAAA, dont il a été nommé chercheur associé. Dix missions de prospection sont menées de 1986 à 1998, grâce au fonds privé du BEDH. Les opérations consistent en des observations de vestiges en surface lors de parcours à pied et en voiture1. Les recherches sont menées sur quatre axes : Téhini-Govitan, Carrefour Govitan-Goréchémité, Govitan-Gogo et Gogo-Téhini. Au total, les observations s’étendent sur une centaine de kilomètres de piste dont les abords sont prospectés sur 1 km de chaque côté en moyenne (Raymaekers 1996 ; Raymaekers et Pirson, 1997, p. 29). Les objets découverts sont mesurés sur le terrain, photographiés dans des boîtes noires portables et laissés sur place. Seuls quelques exemplaires sont prélevés2. Sur le territoire ivoirien, les missions de prospection réalisées par le BEDH ont permis de recenser 103 structures associables au phénomène des ruines de pierre en pays Lobi. Paul Raymaekers les classe en trois catégories : angulaire (61 structures), circulaire (33 structures) et mixte (9 structures). Des sépultures, réunissant quatre-vingt-cinq tombes, ont également été découvertes sur seize sites. Paul Raymaekers observe la présence de scories de fer et de débris de tuyères intégrés dans l’appareillage des murs et des traces de fourneaux de réduction du fer sont identifiées à proximité de certaines ruines. Il note également la présence d’arbres à l’intérieur de 39 structures. Seize arbres, situés sur le tracé des murs, sont contournés par les constructions en pierre (Raymaekers et Pirson, 1997, p. 29-31). Cette observation pourrait signaler une datation relativement 1 2
Entretien avec Paul Raymaekers, du 27 au 31 mars 2012, à Rhode-Saint-Genèse, Bruxelles. Entretien avec Paul Raymaekers, du 27 au 31 mars 2012, à Rhode-Saint-Genèse, Bruxelles.
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récente des vestiges et postérieure à la croissance des arbres. D’ailleurs, deux tessons de céramique totalement intégrés aux murs ont été datés par thermoluminescence. Ils indiquent les dates de 220 BP et 150 BP (+/- 20 %). Un autre tesson provenant d’une butte funéraire remonte à 190 BP (+/20 %) tandis qu’un quatrième, découvert sur un amas de pierres d’une tombe et présentant une facture différente des trois autres, a été daté à 500 BP +/20 % (Raymaekers et Pirson, 1997, p. 31-32). Plusieurs indices semblent donc indiquer une datation récente pour les sites découverts par Paul Raymaekers. Les traditions orales Lobi attribuent les ruines observées aux Koulango qui occupaient la région avant l’arrivée des Lobi au début du XIXe siècle (Raymaekers et Pirson, 1997, p. 33). Selon Madeleine Père (1992), sociologue établie à Gaoua au Burkina Faso, sur la base des traditions orales qu’elle a récoltées en 1991, les ruines de pierre en pays Lobi burkinabé sont l’œuvre des Gan. Selon Paul Raymaekers (Raymaekers et Pirson, 1997, p. 32-33), les structures rondes dont l’élévation est modeste (moins de 50 cm) pourraient être les fondations d’enclos à bétail qui étaient probablement surmontées de branchages ou d’épineux. Les structures plus massives sont manifestement des soubassements d’habitations. D’après Madeleine Père (1992, p. 86-89), la construction des ruines du pays Lobi est peut-être liée à l’exploitation de l’or dans la région, bien que la protection contre les bêtes sauvages, toujours mentionnée par les sources orales, soit également un motif valable. Lors de ses recherches, Paul Raymaekers entreprend également des prospections dans le parc de la Comoé et dans la région côtière de la Côte d’Ivoire (Sassandra, San Pedro et Grand Bérébi). Dans le parc de la Comoé, le fleuve a fait l’objet de prospections intensives depuis son entrée en territoire ivoirien, sur 90 km de la rive droite et 70 km de la rive gauche. Une prospection unique a été également poursuivie sur approximativement 105 km de la rive gauche (Raymaekers, 2009b, p. 50). Les recherches ont permis d’observer la présence de galets aménagés et d’un outillage ressemblant au Tshitolien d’Afrique centrale (Raymaekers et Petre, 1990a, p. 62). De nombreux objets attribués au Néolithique ont été observés. Des sites d’ateliers de taille, des polissoirs, des meules et des vestiges liés à la production du fer ont également été découverts (Raymaekers, 2009b, p. 5258). Au total, les restes d’environ 520 bas-fourneaux ont été inventoriés (Raymaekers, 2009b, p. 58). Du côté de la zone côtière, les prospections entre Fresco et Tabou ont notamment révélé des sites néolithiques et de l’âge du Fer, ainsi que des vestiges liés aux contacts avec les navigateurs européens et à la colonisation (Raymaekers, 2009a, p. 44-46). Les prospections archéologiques réalisées par Paul Raymaekers sur les ruines du pays Lobi permettent d’inventorier une centaine de structures en territoire ivoirien alors que Georges Savonnet n’en avait recensé que trois, dix ans plus tôt (Raymaekers et Pirson, 1997, p. 29). Selon Paul Raymaekers, lorsqu’il a débuté ses recherches, les chercheurs ivoiriens 138
ignoraient l’éventualité de l’existence de ruines en Côte d’Ivoire (Raymaekers, 1996b, p. 4). Le nouveau décompte atteste donc que les vestiges connus sont aussi nombreux du côté ivoirien de la frontière. Les ruines Lobi présentes en Côte d’Ivoire sont donc plus qu’une extension du phénomène hors du Burkina Faso et démontrent que les ruines de pierre en pays Lobi sont une réelle problématique transfrontalière.
6.7) Inventaire et définition des Mma Après avoir été précédemment documentés par Maurice Delafosse (1923), F.-H. Lem (1952), Bohumil Holas (1952b ; 1952c), Henriette Diabaté (1979 ; 1984) puis Jean Polet (1983b), les Mma du sud-est de la Côte d’Ivoire, également autrefois nommés « statuettes Anyi de Krinjabo » continuent à susciter des interrogations durant les années 1990. Les principales questions concernent l’homogénéité stylistique du phénomène, ainsi que l’étendue de sa production dans le temps et l’espace. Les Mma vont alors être intégrés dans une problématique plus large regroupant des découvertes similaires de statuettes en terre cuite au sud du Ghana et dans le sud-est de la Côte d’Ivoire, région identifiable à l’ancienne Côte de l’Or, qui correspond à la zone de contact avec les premiers établissements européens du XVIe siècle. Dans le début des années 1980, les statuettes en terre cuite du sud-est de la Côte d’Ivoire font l’objet d’une thèse de doctorat de Robert T. Soppelsa (Soppelsa, 1982). L’auteur réalise un terrain de recherche en Côte d’Ivoire en 1979 et est affilié à l’IHAAA (Soppelsa, 1987, p. 70-71). Robert Soppelsa documente des statuettes en terre cuite nommées Assongu, qui représentent une entité spirituelle. Il fait une distinction entre les Assongu et les Mma de la lagune Aby qui sont des portraits funéraires (Soppelsa, 1987, p. 66-67). L’étude de Robert T. Soppelsa démontre d’importantes variations de styles, de formes et de pratiques pour les statuettes en terre cuite du sud-est de la Côte d’Ivoire. Après avoir soutenu un mémoire de DEA sur la statuaire en terre cuite chez les Agni à l’Université de Grenoble II (Blanchard, 1988), Catherine Blanchard poursuit l’étude des Mma dans sa thèse réalisée à l’Université de Paris I, sous la direction de Jean Polet (Blanchard, 1996). Son étude rassemble un corpus de pièces observées sur le terrain, au Musée national d’Abidjan ainsi que dans les collections à l’étranger. Plus récemment, en 2005, Nolwenn L’Haridon et Jean Polet reviennent sur une hypothèse de Timothy Garrard au sujet des statuettes en terre cuite du sud-est de la Côte d’Ivoire et du sud du Ghana. Timothy Garrard s’écarte de l’étude classique (ethnographique et stylistique) des statuettes en terre cuite de la Côte d’Or. Selon lui, leur origine est issue de contacts entre les sociétés du sud-est de la Côte d’Ivoire et du sud du Ghana avec les Portugais et les premières entreprises missionnaires (L’Haridon et Polet, 2005, p. 3). 139
Jusqu’alors, l’approche ethnique de l’étude des statuettes ne permettait pas de comprendre le phénomène en raison de leur variabilité, autant dans leur style que dans leurs appellations et dans les pratiques sociales qui leur sont liées. La théorie de Timothy Garrard est confortée par l’étude cartographique des découvertes dont la localisation est connue et en écartant les pièces localisées par association stylistique. Les 70 sites de découvertes ainsi identifiés par Nolwenn L’Haridon et Jean Polet ne correspondent pas aux limites de l’État Ashanti et encore moins à l’aire culturelle Akan. Cependant, la zone des statuettes en terre cuite correspond à la Côte d’Or, la région de contact entre les premières installations portugaises et les axes de circulation qui leur sont associés (L’Haridon et Polet, 2005, p. 4-5). La production des statuettes en terre cuite de la Côte d’Or pourrait donc être issue du contact avec les premiers Européens et de la réappropriation, par les sociétés autochtones, des statues de saints apportées par les Portugais (L’Haridon et Polet, 2005, p. 8-11). Durant les années 1980 et 1990, lors de l’étude des Mma, les scientifiques cherchent à clarifier la compréhension de ce phénomène qui présente de grandes variations de styles et de pratiques sociales. Toutefois, ces questionnements ont un lien évident avec l’engouement pour les statuettes de Krinjabo qu’on trouve sur le marché de l’art africain. Le phénomène des statuettes en terre cuite est pluriel. Sa situation spatiale en fait une problématique transfrontalière entre deux États dont le passé colonial et donc linguistique diverge. De plus, les corpus utilisés par Catherine Blanchard et Robert T. Soppelsa dans l’étude des statuettes en terre cuite montrent que les objets connus et analysables sont dispersés dans différentes collections, privées et publiques, dans différents pays (Côte d’Ivoire, France, USA, entre autres). Peu de pièces possèdent des informations précises quant à leur provenance. L’attrait pour les statuettes de Krinjabo appelle donc à de nouvelles recherches sur le terrain pour compléter les connaissances à leur sujet.
6.8) Etho-archéologie et vestiges chimpanzés en Côte d’Ivoire Depuis les années 1990, la Côte d’Ivoire est le cadre de recherches sur des traces archéologiques de groupe de chimpanzés. Il s’agit de vestiges résultant du cassage de noix. Ces sites se composent d’un litage de coquilles de noix cassées et d’objets naturels utilisés comme outils lors du cassage des noix. Appelée étho-archéologie, cette nouvelle approche scientifique inaugure une nouvelle problématique interdisciplinaire pour l’archéologie en Côte d’Ivoire. Cette étude du comportement des chimpanzés est également utilisée dans la recherche sur les premiers hominidés, comme une comparaison actualiste. Certains groupes de singes utilisent des objets naturels comme des pierres et des bâtons en bois pour frapper les noix afin d’en extraire l’amande. 140
Parfois, les singes emploient un socle de pierre, la racine d’un arbre ou d’autres éléments comme enclumes. D’après le volume des litages de noix cassées, Frédéric Joulian estime que certains sites de Côte d’Ivoire ont pu être occupés approximativement durant un à deux siècles (Joulian, 1995, p. 70). Des baguettes et des bâtons sont également utilisés par les chimpanzés pour la pêche aux termites, la capture de fourmis ou la récolte du miel (Joulian, 1994, p. 52-53). L’opération de cassage de noix est réalisée selon des modalités variables (types d’objets utilisés, gestes, transports). Les différences observées dans une même action ne peuvent pourtant être induites uniquement par des facteurs d’environnement ou de fonction. Les variations peuvent donc être considérées comme « traditionnelles » ou « culturelles » (Joulian, 1995, p. 57). Le but des recherches est d’analyser les différentes variations de comportement dans un espace géographique habité par plusieurs groupes de chimpanzés. En Côte d’Ivoire, Frédéric Joulian débute ses recherches en 1988-1989 par des travaux de prospection réalisés dans le cadre de sa thèse et du projet « Traditions in West African Chimpanzees ». Ce projet avait été initié par Christophe Boesch en 1988. Sur place, il est associé à l’IHAAA et à Victor Tiégbè Diabaté. Sa thèse est soutenue en 1993 à l’Université de Paris I Panthéon Sorbonne. Lors de son terrain de thèse, Frédéric Joulian enregistre d’abord les connaissances des populations locales sur les chimpanzés et les espèces de plantes présentes. Ces renseignements orientent les prospections. Une description générale du territoire occupé par les chimpanzés est établie. À deux occasions, pour la description du territoire, un transect de 20 m de large a été entrepris sur plusieurs kilomètres (jusqu’à 20 km dans la réserve de Taï et 10 km au Mont Nimba). Pour le transect, les distances sont mesurées au topofil et l’orientation est déterminée par boussole. Le transect permet d’établir une cartographie des zones de chute de fruits et d’observer les ateliers de cassage. Un atelier est identifié par la présence d’enclumes et de coquilles de noix. Les enclumes et les percuteurs sont décrits et mesurés (Joulian, 1995, p. 58-59). Plusieurs différences dans la façon de consommer les noix peuvent être observées : le choix des noix, le cassage ou non lors de la consommation, l’emploi d’un percuteur, le choix des outils et l’activité, comme les gestes et le nombre d’extrémités utilisées (Joulian, 1995, p. 6667). De 1994 à 2002, Frédéric Joulian forme une équipe de recherches qui mène de nombreuses missions scientifiques en Côte d’Ivoire. Une base est implantée à Gansé, près du parc de la Comoé1. Des prospections et des fouilles sont réalisées sur des sites qui ont été occupés par des chimpanzés. Toutefois, les travaux ne se limitent pas à l’étude des chimpanzés. Les recherches portent également sur le comportement des babouins, sur des 1
Entretien téléphonique avec Frédéric Joulian, le 14 décembre 2012.
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sites archéologiques et sur l’ethnologie de la chasse1. Des prospections sont notamment réalisées sur des sites du Paléolithique inférieur dans région de la Comoé, dont une partie des résultats figurera dans un ouvrage en préparation. François Yiodé Guédé et Victor Tiégbè Diabaté, de l’IHAAA, collaborent aux recherches archéologiques (Polet et Joulian, 1995, p. 6-7). Dans le cadre des travaux de l’équipe de Frédéric Joulian, Vincent Leblan réalise un mémoire de DEA, dont la thématique porte sur l’établissement d’une base de données et d’un système d’information géographique des sites préhistoriques dans le parc de la Comoé. Au total, une quinzaine de missions de recherche ont été menées par l’équipe de Frédéric Joulian en Côte d’Ivoire2 ; elles explorent différentes régions du pays dont, notamment, la zone sud-ouest et le parc de Taï, le parc de la Comoé, et la forêt de Monogaga. Les recherches étho-archéologiques de Frédéric Joulian ouvrent un nouveau pan pour l’archéologie en Côte d’Ivoire. Toutefois, bien que très prometteuses, les recherches de l’équipe de Frédéric Joulian prennent fin dès septembre 2002, lorsque le terrain devient inaccessible suite au début de la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire.
6.9) Interaction homme-milieu et transition forêt-savane dans le V-Baoulé En 2002, le V-Baoulé fait l’objet d’un mémoire de DEA réalisé par Sylvain Badey, sous la direction de Jean Polet (Badey, 2002). Le V-Baoulé est une région de transgression de la savane à rôniers dans la zone de la forêt, qui forme une échancrure en « V » sur les cartes géographiques. La région se situe dans le sud du pays Baoulé, à l’est du fleuve Bandama. Le terrain de recherche de Sylvain Badey a duré 4 mois et demi s’est déroulé sur le territoire de la Réserve écologique intégrale de Lamto (Badey, 2006, p. 56). La réserve ainsi que la station scientifique ont été créées en 1962, sous l’impulsion de deux scientifiques : Maxime Lamotte et Jean-Luc Tournier, dont les noms forment l’acronyme d’appellation de la station (Lam-To). La station scientifique poursuit les recherches qui étaient menées, avant l’Indépendance, à la base IFAN du Mont Nimba. L’objectif de l’étude de DEA de Sylvain Badey est la mise en relation de l’histoire du peuplement humain avec l’évolution des écosystèmes dans la zone de contact forêt-savane. L’évolution de la limite forêt-savane dépend de plusieurs facteurs, dont les conditions climatiques et l’impact de la faune et la flore sur le sol (facteurs édaphiques), les variations paléoclimatiques et l’action de l’homme (feux de brousse, défrichements, culture, élevage). Cependant, l’impact de l’activité humaine est difficile à évaluer et la 1 2
Entretien téléphonique avec Frédéric Joulian, le 18 décembre 2012. Entretien téléphonique avec Frédéric Joulian, le 18 décembre 2012.
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chronologie de l’occupation humaine est mal connue. Il n’existe, selon Sylvain Badey, aucune recherche archéologique antérieure dans la région. Il procède donc à des prospections pédestres pour élaborer de nouvelles connaissances sur les anciennes occupations humaines de la zone (Badey, 2006, p. 56-60). Sur le terrain, Sylvain Badey mène trois types d’opérations : prospections archéologiques, évaluations archéologiques et relevés floristiques. Une prospection systématique dont l’unité de base est un carré de 250 m de côté, soit 6,25 ha et réalisée en tenant compte de l’environnement. Au total, 29 carrés qui réunissent un échantillonnage de 6 % du territoire total de la réserve sont prospectés. Les découvertes archéologiques sont géoréférencées grâce à des positions GPS et à l’utilisation d’anciennes cartes françaises qui permettent d’établir un carroyage général sur la base du système de coordonnées de la carte. Dans chaque carré de 250 m, un passage pédestre est réalisé par des prospecteurs postés à 42 m d’intervalle. Lors du signalement d’une découverte archéologique, ses environs sont inspectés en étoile (Badey, 2006, p. 61). Les observations sont documentées sur des fiches d’enregistrement préétablies. Sylvain Badey réalise également plusieurs fouilles et sondages sur des zones de concentration de matériel (Badey, 2002, p. 54). Un ancien village, déjà connu du personnel de la station de Lamto, fait l’objet de plusieurs sondages et de prospections à maillage fin avec des passages à 10 m d’intervalle (Badey, 2006, p. 64). Les relevés floristiques et l’environnement de la zone sont reportés sur la fiche d’enregistrement. Au total, la mission permet de localiser 410 « faits » archéologiques, principalement des polissoirs (Badey, 2006, p. 63). Sylvain Badey différencie les polissoirs des meules et des surfaces de broyage sur la base des critères de percussions établis par Sophie de Beaune (De Beaune, 2000). Les résultats ne permettent pas encore de reconstituer la chronologie comparée de l’évolution du peuplement humain de la région avec celle de la végétation (Badey, 2006, p. 64). Cependant ils permettent de localiser différents sites exploitables afin de poursuivre les recherches par des travaux ultérieurs. Dans un territoire considéré comme exempt de toute recherche archéologique antérieure, Sylvain Badey met au point une méthode de prospection systématique et rigoureuse qui permet une meilleure compatibilité avec les recherches sur l’environnement. Toutefois, malgré les perspectives que laissent entrevoir les prospections archéologiques de la réserve de Lamto, pour des raisons de financements aucune mission n’a poursuivi les travaux de Sylvain Badey après 2002.
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6.10) Musées, patrimoine et archéologie en Côte d’Ivoire Depuis la fin des années 1980 et durant les années 1990 et 2000, les projets communs demeurent encore relativement peu nombreux entre les archéologues ivoiriens et le Musée national qui devient le Musée des civilisations de Côte d’Ivoire (MCCI). De ce fait, aucune politique de médiation active ne peut être réellement constatée pour la recherche archéologique en Côte d’Ivoire. Lemassou Fofana (1997, p. 55-58) rapporte qu’un désaccord entre les muséologues et les archéologues s’installe suite à l’échec et l’abrogation d’une convention réalisée en 1982 entre l’IHAAA, institut de recherche universitaire, et la direction du patrimoine ivoirien. L’affaire serait à l’origine de suspicions entre l’IHAAA et le Musée national, alors que les rôles des différentes institutions, gouvernementales comme académiques, dans la conservation et l’étude du patrimoine ne sont pas clairement définis. Après le travail d’inventaire du matériel lithique du Musée national réalisé jusqu’en 1987 par François Yiodé Guédé, le département d’Histoire de l’Université fait l’expérience de donner des cours d’introduction à l’archéologie au sein du Musée et sur ses collections, dès l’année académique 1987/1988. Cette expérience aboutit à un projet d’étude et d’inventaire du matériel archéologique du Musée, notamment de la céramique, par les archéologues et les étudiants. Cependant, en raison d’incompréhension, ce projet ne s’est finalement pas concrétisé (Biot, 1997, p. 24-28). Selon Gilbert Gonnin (1997, p. 121), les collections du Musée national ont surtout été collectées durant la période coloniale. Elles reflètent d’abord la vision et les intérêts des coloniaux français au sujet de l’art premier ivoirien. Elles ne sont donc pas représentatives du regard actuel de la société ivoirienne sur elle-même. De plus, elles souffrent d’une grave carence de documentations et d’informations à leur sujet. Bernadine Biot (1997, p. 25) souligne également que le Musée national n’a pas été réorienté depuis l’indépendance. De ce fait, il a rencontré des difficultés à établir un lien avec la société ivoirienne actuelle. La situation du Musée national et les relations qu’entretiennent les archéologues de l’IHAAA avec lui n’ont pas permis, à l’époque, une collaboration soutenue et ont pénalisé l’aboutissement de projets communs entre les deux institutions. Les interrogations sur l’archéologie ivoirienne sont aussi présentes dans les nombreux projets et développement de musées locaux, dans différentes régions de la Côte d’Ivoire. Ces entreprises muséographiques de petite échelle cherchent à mettre en valeur le patrimoine régional au travers de thématiques liées à l’art, aux traditions ou à l’histoire. De tels projets sont développés à Boundiali (Diarrassouba, 1995), à Zaranou, à Bouna (Koffi A., 1995) et à Korhogo (Ouattara, 2000), par exemple. Le projet d’un musée dans la région des îles Ehotilé (Polet, 1995b) s’inscrit également dans cette
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tendance. Le principal objectif de ces projets muséaux consiste à conserver certaines traditions régionales qui tendent à disparaître, comme à Zaranou (Koffi A., 1995, p. 88-89). Toutefois, ces différents projets ne sont pas sans lien avec le contexte politique de l’actualité, le multipartisme et le réveil des identités suite à la fin de la présidence de Félix Houphouët-Boigny. À Bouna, la création d’un musée est motivée par une politique édilitaire de certains leaders politiques cherchant à former autour d’eux une cohésion de la société (Koffi A., 1995, p. 89-90). À Korhogo, le musée Péléforo Gbon Coulibaly est ouvert dans la maison du patriarche du même nom. Péléforo Gbon Coulibaly était un ancien activiste du RDA (Rassemblement démocratique africain). Suite à l’introduction du multipartisme, le parti politique de ses parents cherche à appuyer leur position par la construction d’un musée régional où le patriarche est mis à l’honneur (Ouattara, 2000, p. 110). À Kong, l’ancienne capitale de l’empire du même nom ne compte plus que 3 000 habitants. Aminata Barro (2000, p. 109-115) évoque le terme de « Village Musée ». En Côte d’Ivoire, dès les années 1990 et le développement d’institutions muséales locales, la perception du patrimoine ne concerne plus uniquement des objets d’art, mais des traditions régionales et des sites historiques régionaux. Par le développement de musées locaux, la perception du patrimoine transite donc du matériel au lieu de mémoire. Sur le plan international, le patrimoine artistique de la Côte d’Ivoire est mis en valeur par un évènement majeur : l’exposition, au Grand Palais à Paris en 1989, d’objets d’art ivoirien du Musée national d’Abidjan et de collections étrangères. L’exposition présente également des pièces archéologiques, dont des Mma et des vestiges provenant des fouilles de l’IHAAA (Auge et al. 1989, p. 57-65). Une autre exposition sur les Arts de la Côte d’Ivoire est également présentée, en 1993, au musée Barbier-Mueller à Genève (Barbier (dir.), 1993). L’exposition présente les collections d’objets d’art ivoirien rassemblés dès 1937 par Joseph Mueller puis par JeanPaul Barbier (Geoffroy, 1993, p. 63). Dans le catalogue de l’exposition, l’historien ivoirien Jean-Noël Loukou retrace l’histoire du pays et présente l’état des connaissances archéologiques du moment (Loukou, 1993, p. 1029). Ces deux expositions majeures démontrent l’intérêt croissant pour l’art ivoirien sur le plan international. Cependant, cet engouement international pour l’art ivoirien a un impact parfois négatif sur le patrimoine culturel du pays. En 1978 déjà, le lien étroit entre la médiation du patrimoine et l’encouragement du marché illicite des objets archéologiques a été évoqué lors du colloque de Valbonne. On y relève que la présentation d’un objet archéologique dans une exposition, même s’il s’agit d’un musée public, lui confère une valeur reconnue et donc négociable (Collectif, 1978, p. 13-14). Cet effet est amplifié de surcroît lorsque les objets exposés sont présentés pour leurs valeurs intrinsèques, artistiques, et non comme témoins d’une société et porteurs d’informations scientifiques et culturelles. 145
D’ailleurs, de nombreux cas de pillages sont signalés en Côte d’Ivoire par les archéologues de l’époque. Bernadine Biot et Lemassou Fofana (2000, p. 29) rapportent également des actes de pillages de sites archéologiques à Fanfala, près d’Odienné et à Gohitafla. Les sites de Fanfala sont des tumuli de pierre contenant des figurines en terre cuite qui sont victimes de pillages. À Gohitafla, les pierres sculptées étudiées par l’anthropologue Georges Niangoran-Bouah font l’objet d’un trafic illégal sur le marché de l’art. La mission de l’IHAAA à Gohitafla, en 1984, est restée sans suite immédiate et beaucoup de questions demeurent sur ces pierres (Biot, 2004, p. 386). Pourtant, une loi portant sur la protection du patrimoine culturel est édictée en 1987 (loi n° 87-806 du 28 juillet 1987, Annexe 2). Cette loi prévoit trois mesures administratives distinctes pour qualifier les biens culturels immobiliers : l’inscription, le classement et la déclaration de sauvegarde. La loi mentionne également que l’auteur d’une découverte archéologique, fortuite ou non, est tenu de la déclarer auprès des ministères chargés des Affaires culturelles et des Mines. Dans les deux mois suivant cette déclaration, l’État peut revendiquer la propriété de la découverte, moyennant une indemnité. Les biens archéologiques non revendiqués par l’État doivent être partagés entre l’auteur de la découverte et le propriétaire du terrain. D’autres décrets prévoient la protection de monuments et sites historiques, notamment à Abidjan (décret n° 91-186 du 27 mars 1991), à Grand-Bassam (décret n° 91-23 du 30 janvier 1991 ; décret n° 99-319 du 21 avril 1999 ; Arrêté interministériel n° 39 du 10 août 2001) et à Kong (décret n° 88-413 du 20 avril 1988). Toutefois, sans règlement d’application et sans moyens suffisants attribués aux organisations publiques concernées, la loi de 1987 pour la protection du patrimoine culturel, comme les autres textes juridiques similaires, est difficilement applicable. De plus l’absence de désignation d’autorités compétentes dans les textes de loi crée une confusion qui pénalise l’application de ces textes juridiques.
6.11) Apparition de l’ISAD et d’un nouveau département d’archéologie Dix ans après l’interruption du financement pour la recherche, l’archéologie connaît une nouvelle impulsion suite à la création d’une unité de formation au sein d’un Institut d’anthropologie. L’ISAD, Institut des sciences anthropologiques de développement, est créé en 2000 au sein de l’UFR SHS (Sciences humaines et Sociétés), de l’Université d’Abidjan. L’ISAD se compose de quatre départements : paléoanthropologie, bioanthropologie, archéologie et socioanthropologie. Les objectifs principaux du nouvel Institut sont de regrouper les différentes disciplines liées à l’anthropologie au sein d’un même Institut et de valoriser les sciences
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anthropologiques en tant que vecteurs d’un meilleur développement. Les programmes de formation sont initiés dès l’année académique 2000/2001. Le nouveau département d’archéologie de l’ISAD est créé en 2001. Il dispense un cursus de formation en archéologie du niveau licence jusqu’au doctorat (licence, maîtrise, DEA, doctorat). L’entrée est possible par un test d’admission pour les titulaires d’un DEUG ou d’une formation initiale équivalente. La création d’un département d’archéologie au sein d’un institut d’anthropologie est motivée par la volonté de rompre avec la tradition française de l’archéologie, plutôt liée aux sciences historiques, et le risque accru, dans un contexte de financement précaire, de devenir une discipline annexe de l’histoire. Un département d’archéologie est donc créé, à l’instar du modèle anglo-américain, dans le giron des sciences anthropologiques. Au départ, le département d’archéologie est dirigé par Bernadine Kouao-Biot, puis par Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré qui a réalisé sa thèse à Paris I sous la direction de Jean Polet et dont le sujet porte sur la métallurgie ancienne du fer au Burkina Faso. Le premier projet du département est de réaliser une prospection à grande échelle en vue d’établir une cartographie des sites archéologiques. L’éclaircissement du potentiel du patrimoine archéologique ivoirien doit permettre sa meilleure gestion et la possibilité de dégager des axes de recherches (Biot, 2004, p. 389). L’objectif initial du département d’archéologie de l’ISAD n’est donc pas en rupture avec les intentions des archéologues de l’IHAAA, durant les années 1990. Une première investigation est menée par l’ISAD en juillet 2002. Il s’agit d’un chantier-école à Assikoi, près d’Adzopé, en pays Attié (KiénonKaboré, 2006, p. 90). Le but du chantier est de permettre aux étudiants et aux membres du département d’accéder au terrain et de se former à la fouille et aux prospections archéologiques. Le site a livré des traces de métallurgie du fer et des puits d’extraction d’or1. Des recherches archéologiques sont poursuivies par Siméon Kouakou Kouassi notamment lors des travaux pour sa thèse sur les amas coquilliers de la zone côtière (Kouassi, 2007b). Il devient enseignant après avoir soutenu sa thèse en 2007. Depuis, ses recherches portent sur les amas coquilliers (Kouassi, 2009a et 2009b), la céramique (Kouassi 2011b) et l’ethnoarchéologie du tissage (Kouassi 2011a). Les recherches d’Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré, directrice du département d’archéologie, concernent plus particulièrement la métallurgie du fer (Kiénon-Kaboré, 2006, 2009, 2012a et 2012b). L’ISAD forme de nombreux étudiants, à tous les niveaux : dès 2009, le département compte sept premiers doctorants qui mènent des recherches sur le terrain dans le cadre de leur thèse et participent au fonctionnement du département. De plus, depuis la fin des années 2000, trois autres étudiants ivoiriens réalisent des thèses, à Genève, Bruxelles et Paris.
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Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, 5 janvier 2012, à Korsimoro, Burkina Faso.
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L’ISAD et son département d’archéologie apparaissent et se développent alors que l’IHAAA est encore actif au sein du département de recherche de la filière histoire. Toutefois, l’ISAD est créé sans liens avec l’IHAAA et n’hérite pas de son matériel, de sa documentation et de ses compétences. Le nouveau département d’archéologie a été créé ex nihilo et dans un contexte d’absence de financement pour la recherche. Toutefois, alors que l’IHAAA est une structure de recherche et non d’enseignement, l’ISAD est une structure pédagogique qui s’est enrichie des nombreuses recherches des étudiants réalisées dans le cadre de leur mémoire de maîtrise et de DEA, ainsi que de leur thèse. Sa vocation d’unité d’enseignement permet au département d’archéologie de l’ISAD de conserver une présence sur le terrain, même sans financement pour la recherche. Dans ce contexte, les enseignants-chercheurs de l’ISAD réalisent des efforts conséquents afin de relancer la recherche dans le pays, créant ainsi un nouveau dynamisme pour l’archéologie en Côte d’Ivoire.
6.12) Synthèse de la période (1985-2008) De 1985 à 2008, les crises économiques et politiques perturbent irrémédiablement le développement de la recherche archéologique en Côte d’Ivoire. L’arrêt du financement pour la recherche, en 1990, provoque un climat de morosité parmi les archéologues de l’IHAAA. Dans un premier temps, les chercheurs les plus motivés et ambitieux autofinancent leurs recherches. Mais dans ce contexte, une part importante des chercheurs délaissent progressivement leurs projets et s’investissent en politique. Dans ce contexte d’absence de financement pour la recherche, la pratique de l’archéologie change radicalement. Les programmes de fouilles pluriannuels, basés sur un site précis, ne peuvent plus être assumés. Les archéologues de l’IHAAA privilégient les prospections et les interventions légères. Ces opérations devaient leur permettre de mieux mesurer le potentiel et les caractéristiques des sites archéologiques du territoire ivoirien, afin d’en dégager des axes de recherches permettant la compréhension des chronologies de la préhistoire ivoirienne, jusqu’aux périodes historiques. Bernadine Biot souligne le manque de problématique propre ou emblématique à l’intégralité du pays (Biot, 1993, p. 220). Les travaux de recherche des archéologues ivoiriens consistent donc en des campagnes de prospection soutenues par des sondages-fouilles. L’objectif est de réaliser l’inventaire des sites ainsi que leur cartographie pour en faire ressortir d’éventuelles problématiques de recherches. Lémassou Fofana (1989, p. 13) mentionne la difficulté de réaliser des prospections archéologiques dans des régions sans données préalables connues. Les données de bases pour orienter la recherche manquent et aucun critère objectif ne peut servir à reconnaître les sites archéologiques. Les archéologues ne savent donc pas où porter leur attention ; en réalité, ils 148
peinent à préciser ce qu’ils doivent chercher. Ainsi, pour orienter les recherches dans des secteurs où l’état du patrimoine archéologique est inconnu, les chercheurs se basent sur les traditions orales. Mais ces dernières sont influencées par des critères identitaires propres aux collectifs qui avoisinent les vestiges (Fofana, 1989, p. 14). Les populations locales dirigent les archéologues sur des sites qui, à leur sens, sont identifiés comme des vestiges du passé. La définition des critères des sites archéologiques devient alors tributaire des relations qu’entretiennent les populations locales avec les vestiges archéologiques qu’ils côtoient. De la fin des années 1980 au début des années 1990, des prospections sont menées par les archéologues de l’IHAAA, notamment à Touba, Mankono, Bondoukou, Man, Odienné et Toumodi. Cependant, les données issues de ces prospections ne permettent pas encore de dresser une carte archéologique du pays, ni d’établir un bilan des sites afin d’en déterminer des problématiques de recherches potentielles. Les chercheurs utilisent donc les données archéologiques antérieures, dont celles de l’époque coloniale, pour compléter la carte. Mais les données archéologiques des différentes périodes sont très hétérogènes et la carte ainsi réalisée devient une carte générale à grande échelle où sont indiqués les principaux types de vestiges découverts dans les environs des villes prospectées. Les archéologues ivoiriens ne peuvent envisager des opérations de terrain de plus grande ampleur nécessaires pour dépasser le stade de la description des sites archéologiques. Les contributions de chercheurs étrangers apportent de nouvelles données substantielles sur l’archéologie en Côte d’Ivoire. Les fouilles ivoirosoviétiques, puis les travaux de François Yiodé Guédé, apportent un accroissement conséquent des connaissances sur le Paléolithique de la Côte d’Ivoire. Les prospections de Paul Raymaekers en pays Lobi permettent d’attester de l’existence de nombreuses ruines dites « du pays Lobi » en Côte d’Ivoire. Deux projets français sont réalisés : celui de Sylvain Badey dans la réserve de Lamto, et les recherches étho-archéologiques de Frédéric Joulian sur le comportement des chimpanzés. Ces deux projets n’ont pas pu être poursuivis, principalement en raison du contexte politique qui a marqué le début des années 2000. D’ailleurs, plus aucune campagne de fouille étrangère n’est recensée en Côte d’Ivoire de 2002 à 2013. Bien que très riches en données scientifiques, ces programmes étrangers réalisés entre 1985 et 2002 n’ont pas permis de compenser l’absence d’une recherche archéologique ivoirienne pérenne et financée par les pouvoirs publics. Au même titre que les secteurs universitaires, le Musée National est victime de la crise financière et le crédit dont il dispose ne lui permet pas d’améliorer la mise en valeur et la conservation des objets archéologiques. De plus, quelques incompréhensions sont parfois apparues entre les archéologues de l’IHAAA et les muséologues du Musée National. La recherche archéologique ivoirienne de l’époque ne dispose donc pas de 149
politique de médiation active qui lui permettrait de sensibiliser le public et les cadres administratifs sur l’importance du patrimoine archéologique. L’apparition de l’ISAD et de son département d’archéologie, bien qu’unité d’enseignement et non de recherche, est en train de rétablir progressivement une recherche archéologique ivoirienne grâce aux travaux actuels de ses enseignants et de ses doctorants. Dès 2009, l’exposition temporaire du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire « Un peu plus lointain, un peu plus proche », en partenariat avec le Laténium, a été l’élément déclencheur d’un programme de recherches en coopération avec la Suisse. Ce programme marque la reprise de fouilles archéologiques menées dans le cadre d’un projet de coopération.
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7) Bilan de l’analyse historiographique
Le premier constat qui apparaît clairement suite à cette analyse détaillée de l’histoire de la pratique de l’archéologie en Côte d’Ivoire est la quantité d’opérations réalisées beaucoup plus importante qu’on l’avait initialement estimée. En effet, il semblait que la totalité des recherches archéologiques antécédentes se limitait aux travaux réalisés par l’IHAAA et ses membres, auxquelles s’ajoutaient quelques rares observations isolées, de toutes époques. Le présent bilan démontre que la pratique de l’archéologie en Côte d’Ivoire est plus que centenaire. Il a toujours subsisté un groupe de personnes prenant en charge le discours de l’archéologie ivoirienne malgré les ruptures et les hiatus de la recherche. Il y a donc une réelle tradition de la pratique de l’archéologie en Côte d’Ivoire. La discipline scientifique de l’archéologie est une pratique importée d’Europe par les premiers administrateurs coloniaux. Toutefois, dans les traditions orales, les populations autochtones entretiennent un discours sur les vestiges visibles. De plus, selon Gaston Joseph (1913), les haches polies, considérées comme des pierres de foudre, étaient parfois conservées dans des « cases fétiches ». Maurice Delafosse (1900) rapporte également les fouilles des villageois baoulés de la nécropole de Djangoménou. Ce site livrait d’anciennes pierres d’aigris que les villageois revendaient ensuite à un prix élevé. L’exploration et l’interprétation des vestiges ne sont donc pas complètement étrangères aux sociétés autochtones ivoiriennes. Cependant, comme il a été développé dans cette première partie, la colonisation française apporte en Afrique un nouveau discours sur les vestiges, élaboré selon la tradition de l’archéologie européenne. Au début de la colonisation, les premiers explorateurs ont parfois rapporté des observations de vestiges ou de pratiques autochtones aujourd’hui disparues. Toutefois, la pratique de l’archéologie en Côte d’Ivoire apparaît plus significativement au tournant du XXe siècle avec les publications relativement régulières d’observations réalisées par les administrateurs coloniaux. Ces derniers ont joué un rôle important dans le développement de l’ethnographie française (Sibeud, 1994). Mais, progressivement, dès la Première Guerre mondiale, les administrateurs coloniaux s’éclipsent de la recherche scientifique métropolitaine pour fonder une nouvelle tradition 151
scientifique coloniale, autonome et ouest-africaine, tandis que l’ethnologie française métropolitaine connaît un renouvellement dans les années 1930. Cette nouvelle tradition scientifique coloniale est marquée par la création du Comité d’Études Historiques et Scientifiques d’AOF, à Dakar. Le comité coordonne la recherche et publie un bulletin dans lequel les administrateurs coloniaux témoignent de leurs observations. Cependant, l’archéologie est alors une pratique annexe que certains administrateurs entreprennent parallèlement à leurs nombreuses attributions. Ils n’ont donc pas le loisir de concrétiser leurs grandes ambitions. Les modalités d’accès sont difficiles alors que l’administration coloniale est seulement en cours d’implantation dans le pays. Au final, avant la Seconde Guerre mondiale, seul l’axe de progression coloniale Grand-Bassam-Toumodi est documenté par quelques publications. Au niveau de l’interprétation du passé archéologique ivoirien, les observations sont finalement trop peu nombreuses pour décrire une chronologie du passé de l’Afrique de l’Ouest. Les administrateurs classent donc leurs découvertes selon la chronologie générale appliquée en Europe, en accord avec les paradigmes évolutionnistes/diffusionnistes de l’époque. L’archéologie connaît une nouvelle impulsion peu avant de la Seconde Guerre mondiale grâce à la création de l’IFAN à Dakar. L’institution scientifique coloniale bénéficie alors de structures de recherches pérennes avec un office et un musée central à Dakar, ainsi que d’un réseau de centres locaux dans chacune des colonies. Chacun de ces centres coordonne la recherche scientifique et prend en charge sa médiation à l’échelle du pays. Une équipe de collaborateurs est engagée à l’IFAN par le Gouvernement général d’AOF. Leur rôle consiste également à animer un réseau de passionnés qui leur rapportent des observations réalisées durant leur mandat. L’archéologie coloniale aofienne, comme toutes les autres recherches scientifiques de l’IFAN, poursuit son autonomisation vis-à-vis de la métropole. Cependant, la recherche archéologique de l’IFAN en AOF est une recherche fédérale qui inclut dans un discours général toutes les colonies ouest-africaines. Les thèmes transversaux et fédérateurs sont alors privilégiés, comme le commerce transsaharien ou les Empires du fleuve Niger, par exemple (Bocoum et Becker, 1997, p. 888). Mais la Côte d’Ivoire se situe relativement en marge de ces problématiques généralistes de l’AOF. De plus, le couvert forestier de la région est un frein à la recherche alors que l’archéologie est encore pratiquée par des amateurs, en marge de leur activité professionnelle. La Côte d’Ivoire, comme la zone littorale du golfe de Guinée, accuse donc un important retard de la recherche archéologique face aux autres colonies de l’AOF localisées dans les zones du Sahara, du Sahel et des savanes, moins arborées. Avec la décolonisation, l’lFAN et la recherche scientifique coloniale d’AOF disparaissent. Les sciences du passé, en Afrique de l’Ouest, connaissent alors deux ruptures historiographiques importantes. D’abord, le discours unioniste du passé de l’AOF fédéralisée est remplacé par les 152
nouvelles histoires nationales, développées dans chacune des ex-colonies devenues des États indépendants. En second lieu, les sociétés africaines se réapproprient alors leur histoire en y incorporant les données scientifiques issues des traditions orales, plutôt que de se baser uniquement sur des sources écrites exogènes (arabes et européennes). En archéologie, les sources orales ne sont donc plus utilisées uniquement pour localiser ou dater des vestiges, mais servent directement à leur interprétation. Du côté institutionnel, le Centrifan d’Abidjan est mué en une institution uniquement muséale sous le nom de Centre des sciences humaines. Ce centre ne s’occupe plus de la recherche archéologique qui est d’abord entretenue par des amateurs passionnés et par l’École des lettres d’Abidjan. Suite à leurs travaux, un département de recherche archéologique est créé au sein de l’IHAAA et de l’Université d’Abidjan. La Coopération française participe financièrement au lancement de la recherche archéologique nationale et crée deux postes de coopérants pour soutenir le nouveau département d’archéologie. Les premiers archéologues ivoiriens réalisent leur thèse à Paris I Panthéon Sorbonne. Trois programmes de fouilles sont établis en Côte d’Ivoire et de nombreuses autres recherches sont entreprises dans le cadre institutionnel de l’IHAAA. La recherche connaît alors une nouvelle activité scientifique qui ne suffit cependant pas à combler toutes les lacunes. Les connaissances acquises ne permettent pas de comparer le matériel archéologique provenant de sites dispersés sur le territoire national. Les données sont insuffisantes pour constituer des typologies ou une chronologie qui dépasse l’échelle locale d’un site. La chronologie générale du pays n’est donc pas établie et la préhistoire de la Côte d’Ivoire est modélisée sur les bases chronologiques européennes. Toutefois, les archéologues sont conscients qu’il existe des incohérences entre les observations réalisées sur le terrain et le modèle chronologique européen importé en Afrique. Le concept flou du « Mésonéolithique » a surtout pour vocation d’inclure certaines de ces incohérences qui ne peuvent être réparties dans les concepts définis en Europe tels que le Paléolithique supérieur, le Mésolithique ou le Néolithique. Au niveau de la chronologie, l’utilisation nouvelle des traditions orales dans l’interprétation crée une période dite sub-récente, à la croisée de premières sources écrites, des traditions orales et de l’archéologie. Cette période est celle des dernières migrations des populations actuelles et forme une sorte d’époque antique mise en exergue par le discours de l’histoire nationale. Les intellectuels de l’époque sont convaincus que de meilleures connaissances scientifiques sur les sociétés ivoiriennes permettront de mieux assimiler, par leur hybridation, les éléments culturels occidentaux et exogènes qu’imposent la modernisation et l’équipement du pays, favorisant l’accès au développement. Les avancées dans la recherche archéologique sont brusquement ralenties entre 1985 et 1990 lorsque les financements de la Coopération française sont 153
interrompus et qu’une crise économique commence à frapper la Côte d’Ivoire. Cette situation perturbe les projets des archéologues ivoiriens. Dès lors, l’archéologie est caractérisée par de petites interventions et des prospections, comme l’avait recommandé le colloque de Valbonne en 1978. Désormais, les archéologues cherchent à inventorier les sites du pays en vue de dresser une carte archéologique. Les archéologues ne prétendent donc plus à l’établissement des chronologies locales de la préhistoire, ni à l’étude monographique de sites archéologiques. Le but de l’inventaire des sites est de permettre une meilleure gestion du patrimoine. En effet, les actes de pillage de biens culturels sont en recrudescence. En l’absence de financement pour la recherche, les activités de l’IHAAA diminuent progressivement tandis qu’un nouveau département d’archéologie est créé au sein de l’ISAD. Cette unité d’enseignement permet pour la première fois en Côte d’Ivoire de dispenser des formations de 1er et 2e cycles universitaires. Auparavant, les étudiants suivaient le cursus d’histoire. Malgré l’absence de financement, l’ISAD permet également de maintenir une recherche archéologique en Côte d’Ivoire, grâce aux travaux de ces doctorants. La recherche archéologique en Côte d’Ivoire connaît donc plusieurs naissances et renaissances. Ces périodes ne sont pas des impulsions qui régissent les moteurs internes d’une tradition scientifique, mais appartiennent plutôt à des « moments » de l’archéologie assimilables à une succession de fluctuations. Il y a bien une tradition de l’archéologie en Côte d’Ivoire, mais celle-ci est caractérisée par une évolution saccadée : autonomisation de la métropole du discours scientifique en 1915 ; équipement en structures de recherche dès 1940 ; appropriation africaine du discours historique après la décolonisation ; apparition d’archéologues africains dans les années 1970 ; formation de doctorants durant la fin des années 1980 ; filière académique complète dès 2001 ; premier doctorat soutenu en Côte d’Ivoire en 2007. L’archéologie, en Côte d’Ivoire, est une discipline scientifique en cours d’appropriation dans un processus d’indépendance progressive face à la pratique européenne dont elle est originaire. Dans le cours de cette appropriation progressive, des spécificités apparaissent et singularisent la pratique de l’archéologie : utilisation de la tradition orale, prospection et sondages-fouilles, pratique particulière de l’ethnoarchéologie, par exemple. C’est justement l’évolution de ces spécificités dans l’historiographie de la discipline qui permet de comprendre les stratégies et procédures actuelles. Dans la seconde partie de ce travail, il sera question de la situation actuelle de l’archéologie en Côte d’Ivoire, telle qu’elle a été observée en 2011. L’historiographie de la discipline permettra de mieux comprendre les particularités en recherchant leurs origines et en retraçant leurs évolutions.
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SECONDE PARTIE : La pratique de l’archéologie ivoirienne aujourd’hui
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8) Analyse de la situation actuelle sous l’éclairage de l’historiographie
L’objectif de l’analyse de la situation actuelle est de comprendre les pratiques de la recherche observées en 2011. Ces observations doivent permettre une meilleure compréhension des comportements scientifiques actuels des archéologues ivoiriens. L’opération consiste à interpréter ces comportements comme des procédures appartenant à une tradition scientifique répondant aux modalités actuelles de la recherche. Tous les comportements ne sont cependant pas forcément en accord avec la tradition scientifique. En effet, certaines pratiques peuvent être en rupture avec elle. Ce fut le cas, soit en raison de changements de paradigmes, par exemple, lors de l’indépendance et de l’appropriation de l’histoire par la nation ivoirienne, soit parce que l’évolution du contexte ne permet pas de poursuivre une procédure, comme lors de la fin du financement pour la recherche. En Côte d’Ivoire, on remarque que les ruptures les plus significatives se sont opérées lorsque le contexte économique et politique change. Cette tradition scientifique peut être plus ou moins bien maîtrisée par les archéologues locaux en fonction des problèmes liés à la formation. Certains des comportements des archéologues ivoiriens ne trouvent pas leurs origines dans l’évolution de la tradition scientifique dans le pays. Celle-ci demeure en effet réceptive aux changements méthodologiques dans la discipline de l’archéologie dans d’autres régions. Les archéologues ayant bénéficié d’une formation en Europe apportent et appliquent également des méthodes de recherches étrangères. L’hypothèse de cette analyse est que la plupart des incompréhensions des archéologues européens face aux pratiques de leurs collègues ivoiriens (et africains de manière générale) ne résultent pas d’erreurs de procédures scientifiques de la part des archéologues africains, mais des divergences qui caractérisent les deux traditions de la discipline (européenne et africaine). Ces particularités n’ont rien d’une mauvaise maîtrise de la pratique de l’archéologie, comme pourrait le penser un archéologue occidental ignorant l’histoire de l’archéologie en Côte d’Ivoire. Au contraire, ces particularités, générées par l’hybridité de la pratique, soulignent que l’archéologie est en 157
voie d’appropriation par la société ivoirienne. Elles sont issues de la réponse d’une véritable tradition scientifique, propre à la Côte d’Ivoire, au contexte de la recherche moderne. Ces comportements scientifiques appartenant à l’archéologie ivoirienne sont observables dans plusieurs champs d’analyse. Cette seconde partie est donc divisée en quatre principaux champs d’analyse : l’institutionnalisation et la formation, la recherche, la médiation culturelle et la protection du patrimoine. D’autres catégorisations sont évidemment possibles. La réunion de l’institutionnalisation de l’archéologie et de la formation se justifie par le fait que l’ISAD, seule institution actuellement active en archéologie, est une unité d’enseignement et non de recherche. Cette seconde partie est donc la finalité pour laquelle une historiographie précise de l’archéologie ivoirienne a dû être constituée. Pour des archéologues européens, le travail permet de mieux comprendre certaines pratiques de l’archéologie ivoirienne qui ne peuvent plus être considérées comme des mauvaises maîtrises du protocole de l’archéologie mais sont en réalité les procédures d’une tradition scientifique locale.
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9) Évaluation des connaissances actuelles sur l’archéologie de la Côte d’Ivoire
9.1) Chronologie de l’archéologie en Côte d’Ivoire Aujourd’hui, c’est la chronologie de Raymond Mauny, élaborée dans les années 1970, qui est la référence de base pour les archéologues ivoiriens afin de subdiviser le passé archéologique de la Côte d’Ivoire (Mauny, 1972). La chronologie ivoirienne de Raymond Mauny est composée du Paléolithique, puis du Mésonéolithique daté de 3 000 BC à 500 AD. Cette période est suivie par la Protohistoire, ou l’âge du Fer. Selon Raymond Mauny les amas coquilliers lagunaires, par leur datation (1 500 BC à 1 500 AD), ont existé tant au Néolithique que durant l’âge du Fer. Cette chronologie de Raymond Mauny est néanmoins adaptée par les archéologues ivoiriens aux nouvelles découvertes et datations réalisées depuis en Côte d’Ivoire et dans le reste de la région ouest-africaine. Une des plus récentes synthèses réalisées sur cette lignée a été publiée par René Kouamé Allou et Gilbert Gonnin en 2006 (Gonnin et Allou, 2006). Toutefois, si la chronologie a pu être précisée depuis, de grandes inconnues caractérisent encore la périodisation générale de l’archéologie en Côte d’Ivoire. En effet, bien que les nombreux travaux réalisés en Côte d’Ivoire soient suffisants pour créer une tradition scientifique dans le pays, la somme des opérations archéologiques depuis 1897 est insuffisante pour établir une chronologie générale. De plus, les données recueillies sont dispersées sur l’ensemble du territoire national ; elles sont donc trop disparates pour être mises en corrélation. Les informations collectées regroupent des informations allant du Paléolithique aux époques contemporaines. Les sondages-fouilles, appliqués en Côte d’Ivoire dès la rupture du financement pour la recherche, permettent de recueillir des données utiles pour identifier des sites archéologiques à l’échelle du territoire national, mais restent toujours insuffisants pour développer une chronologie détaillée de la préhistoire. En effet, les éléments observés sont surtout des vestiges de surface qui rendent les informations opaques et donnent une impression d’ubiquité des vestiges. Il est alors impossible de déterminer si les différents vestiges sont contemporains ou si des vestiges de plusieurs périodes se
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trouvent sur un même site. De plus, le nombre de datations réalisées est insuffisant pour établir un classement précis des découvertes. Malgré les nombreuses observations, il existe donc peu de relations entre les données récoltées et celles-ci ne peuvent être placées sur une échelle de temps absolue. Les recherches archéologiques sont également pénalisées par la couverture forestière, très dense dans le sud du pays, par l’acidité des sols qui rend particulièrement mauvaise la conservation des ossements et du matériel archéologique organique, ainsi que par les fortes pluies, facteur d’érosion. Le comblement des manques de données dans la chronologie actuelle pourrait donc, à l’avenir, remettre en cause la synthétisation générale actuelle des données. Celles-ci sont de surcroît d’origines très hétérogènes (administrateurs coloniaux, recherche aofienne, archéologie nationale ivoirienne et coopération scientifique française, belge, russe, suisse). Faute de centralisation, de nombreuses données acquises sur le terrain se perdent irrémédiablement. Ces informations perdues font gravement défaut pour l’élaboration d’une synthèse générale des données et la construction d’un discours synthétique. De tels problèmes de chronologies sont communs dans la région subsaharienne. De la fin du Paléolithique à la Protohistoire, l’interprétation des vestiges génère une ambigüité. En effet, les données ne permettent pas d’interpréter clairement comment s’est déroulée la fin du Paléolithique, ni sa transition avec les premières traces d’économie de production. Les dates et les modalités d’apparition des composantes de la néolithisation ainsi que de la métallurgie du fer ne sont pas exactement connues. De plus, les données récoltées en Afrique de l’Ouest ne sont clairement pas compatibles avec les matrices chronologiques européennes que les archéologues de l’époque coloniale transposaient en Afrique (Paléolithique supérieur, Épipaléolithique / Mésolithique, Néolithique, âge du Fer). Il faut donc élaborer une nouvelle périodisation de la préhistoire propre à l’Afrique de l’Ouest. Face à ces problèmes de périodisation, une nouvelle chronologie avait donc été adoptée lors du 3e Congrès panafricain de Préhistoire de Livingstone (Zambie) en 1955 (Biot et Fofana, 1993, p. 22). Le système divise la préhistoire africaine en trois périodes principales : Early Stone Age (ESA), Middle Stone Age (MSA) et Later Stone Age (LSA). Le LSA recouvre une période allant de la fin du Pléistocène à la Protohistoire (15 000 BC à environ 500 BC). Ce système offre une chronologie plus généralisée et donc plus perméable aux nouvelles idées qui permettraient de comprendre les données complexes de l’archéologie en Afrique. Il permettait surtout d’isoler, dans la période générale du LSA, les problèmes majeurs de chronologie et les observations incomprises. Il évite donc ainsi l’élaboration d’un discours réflexif sur la périodisation de la fin du Paléolithique à la Protohistoire. D’ailleurs, cette périodisation est déjà remise en cause et abandonnée par la conférence sur la révision de la chronologie de la préhistoire africaine de Burg Wartenstein, en 1965 (McIntosh et McIntosh, 160
1983, p. 216). Cependant, cette périodisation est parfois encore utilisée. Le MSA est employé pour catégoriser les industries hétéroclites postérieures au Sangoen. C’est en 1972 que Raymond Mauny (1972, p. 15) préconise, pour la Côte d’Ivoire, l’utilisation du terme « Mésonéolithique » plus conforme au passage complexe entre Paléolithique et l’économie de production que la notion de Néolithique au sens large. Ce passage est moins net en forêt que dans les savanes. Le terme de « Mésonéolithique » a été remis en cause dix ans plus tard par Robert Chenorkian qui met en évidence la difficulté d’observer des traces d’économie de production dans les données collectées sur la préhistoire ivoirienne. Il privilégie l’utilisation de la notion de Néolithique au sens large faisant référence à la technologie matérielle caractérisée par l’industrie lithique, la céramique et l’absence de traces de métallurgie (Chenorkian, 1983, p. 131). Le terme de Mésonéolithique n’est généralement plus utilisé par les archéologues ivoiriens d’aujourd’hui. Plusieurs essais ont donc déjà été entrepris pour définir une périodisation de la préhistoire ivoirienne. Toutefois, le manque de données ne permet pas encore d’en modéliser une. Cette périodisation fait défaut aux archéologues pour classer les vestiges découverts et pour élaborer un discours scientifique diachronique. S’il existe une réelle préoccupation pour modéliser une chronologie capable de classifier les vestiges, c’est, à l’inverse, l’aboutissement de la réflexion sur les données qui permettra l’établissement d’une chronologie. C’est donc bien sur la base des données observables localement que doit être entreprise l’élaboration de la chronologie de l’archéologie ivoirienne.
9.2) Cartographie des opérations réalisées La première partie de ce travail, consacrée à l’historiographie de l’archéologie en Côte d’Ivoire, permet de faire un bilan des recherches réalisées dans le pays. Transposées sur une carte de la Côte d’Ivoire, il est possible d’en faire une carte de répartition qui n’est pas basée sur la connaissance de l’existence de sites mais sur les principales actions effectives des archéologues (Fig. 2). Toutefois, cette présente carte ne mentionne que des recherches dont les données ont été publiées et demeurent accessibles. De plus, les nombreuses récentes recherches réalisées par les étudiants et doctorants de l’ISAD n’y figurent pas. Elle permet néanmoins de faire un état des principales recherches menées dans le pays jusqu’en 2013. La carte de répartition des opérations archéologiques réalisées en Côte d’Ivoire permet de percevoir certaines disparités régionales. En effet, on remarque tout d’abord la concentration d’études réalisées dans le secteur qui suit l’axe Abidjan et la zone des lagunes – Toumodi. Elle s’explique par les nombreuses observations datant de l’époque coloniale. En effet, l’axe allant 161
de Grand-Bassam à Toumodi était l’artère principale de la pénétration française en Côte d’Ivoire. De plus, ces zones sont également relativement faciles d’accès depuis Abidjan, ce qui explique leur surreprésentation par rapport au reste du pays. Les opérations réalisées depuis 1985 par des sondages-fouilles à l’échelle du territoire ont permis de couvrir de grandes zones de recherche. Les opérations ne sont cependant pas encore suffisantes pour établir une carte de représentation objective ; d’importantes zones d’ombre, sans explorations archéologiques connues, demeurent. Ces zones pauvres en sites reconnus se situent surtout dans la moitié ouest du sud de la Côte d’Ivoire et dans le pays Sénoufo. Diverses opérations ponctuent le reste du territoire ; toutefois, leur densité est faible.
Fig. 2. Carte de répartition des principales opérations et observations archéologiques recensées.
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9.3) Bilan synthétique des connaissances actuelles Aucune observation en contexte n’atteste pour le moment de l’existence d’une occupation humaine antérieure à l’Acheuléen en Côte d’Ivoire. Toutefois, de nombreux cas probables de galets aménagés, ressemblant parfois à l’industrie oldowayenne, ont été observés. Ces découvertes ont été réalisées à plusieurs endroits du pays ; au sud du V-Baoulé, à Lamto, Ahouati et Singrobo (Riou, 1965, p. 25), au pont de Léraba, à Tiendoukrou et à Aouan Komoé Nouah, à l’ouest de Ouellé (Davies, 1967, p. 68) ; dans le chantier diamantifère de Bobi, au nord de Séguéla (Balye des Hermens et al., 1983, p. 243) ; au village de Diéguélé, à l’ouest d’Odienné (Balye des Hermens et al., 1983, p. 246) ; dans le parc de la Comoé (Raymaekers et Petre, 1990a, p. 62) ; à Biankouma, sur l’axe Gouesso-Gbablasso (Guédé, 1995, p. 82-83). Ces dernières observations probables de galets aménagés ne certifient pourtant pas l’existence d’un pré-acheuléen. Sans stratigraphie et sans couches bien datées, il n’est pas certain que tous les objets découverts soient effectivement des outils pré-acheuléens ; il est aussi probable que ces galets soient postérieurs à l’Oldowayen. L’Acheuléen semble bien avéré. Toutefois, il n’a encore jamais été signalé en contexte stratigraphique. Les seules attestations de l’Acheuléen proviennent de ramassages de surface ou de contextes perturbés notamment dans des carrières diamantifères (Guédé et Lioubine, 2000, p. 144). La première mention de l’Acheuléen en Côte d’Ivoire est un biface amygdaloïde trouvé à Bingerville (Creac’h, 1951, p. 428-42). Quatre bifaces ont également été découverts à Kéré II, au nord d’Odienné (Bayle des Hermens et al., 1983, p. 245). Un autre biface amygdaloïde a été trouvé à Kantara et date probablement de l’Acheuléen moyen (Guédé, 1995, p. 84). Le Sangoen est clairement présent et connu en stratigraphie sur plusieurs sites (Anyama-La Bété I-IV et Gouabouo I et II). Du matériel sangoen a également été découvert à Goré et Guessesso (Guédé et Lioubine, 1999, p. 39) ainsi que, probablement, sur une terrasse de la rivière Kan, à Dimbokro (Davies, 1967). De plus, le géologue Gérard Riou a découvert, à Pakabo et Singrobo dans le sud du V-Baoulé, une industrie composée de bifaces, bifaces-pics, pics et disques sur éclats en amphibolite, dolérite, quartz ou quartzite. Selon Riou, ces pièces ressemblent à celles de l’Acheuléen (Riou, 1965, p. 25). Toutefois cette attribution reste à préciser. Présent dans la couche D du site d’Anyama-La Bété, le Sangoen présente, des « outils au profil relativement archaïque et réalisés sur du quartz filonien, à prédominance de pics, à racloirs grossiers peu nombreux et à rares choppers, bifaces et bifaçoïdes » (Guédé, 1995, p. 82). Le Sangoen ivoirien se singularise des autres faciès sangoens par des pics unidirectionnels, courts et massifs, avec des bifaces et des chopper-discoïdes atypiques. Malgré ces quelques variations locales, cette industrie découverte en Côte d’Ivoire appartient bien au faciès Sangoen (Guédé et Lioubine,
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1999, p. 40). À Anyama-La Bété, ces vestiges se situent dans les niveaux supérieurs de la couche D. La chronologie complète du site d’Anyama-La Bété est en attente d’une publication. Les niveaux les plus bas de la couche D ont été datés par thermoluminescence à 254 000 +/- 51 000 BP (Guédé et Lioubine, 1999, p. 40). Le Middle Stone Age (MSA), présent dans la couche C du site d’AnyamaLa Bété apparaît suite au Sangoen. Il a également été découvert à Gouabouo II (près de Zakéoa, sur l’axe Issia-Soubré), près de Yabahio (sur la route Yabahio-Buyo), à Buyo (la Sablière) et aux chutes Naoua, près de Soubré (Guédé, 1995, p. 82), ainsi que dans les environs de Saïoua, à Mira, Digbeubré et Gokoho (près de Loukouahio), Zou-zou I et II, Zézéahio (Lakadou), Koré-Zouzoua I, II et II, Gbago-zen, la Scierie I et II (Niakia) et la Goré, vers Koahio (Guédé, 2002, p. 7-27). De plus, une industrie hétéroclite sur quartz repérée à Kimbirila, au nord d’Odienné (Bayle des Hermens et al., 1983, p. 245), pourrait peut-être correspondre au MSA. Le MSA de Côte d’Ivoire est encore relativement mal défini. Dans la couche C d’Anyama-La Bété, il présente des éléments moustéroïdes. Parmi ces pièces figurent des nucléi discoïdes variés, des denticulés, des encoches, des racloirs et des formes limaçoïdes. L’industrie MSA d’Anyama-La Bété est le plus souvent en quartzite (Guédé, 1995, p. 82-86). Peu d’informations existent sur la fin du Paléolithique en Côte d’Ivoire. De ce fait, la transition entre le MSA et la néolithisation n’est pas encore établie. Il est donc impossible de déterminer s’il a existé un Paléolithique final, un Épipaléolithique ou un Mésolithique. Dans un contexte plus général, l’Afrique connaît une phase d’aridification importante entre 20 000 et 12 000 BP (McIntosh et McIntosh, 1983, p. 223). L’absence de vestiges durant cette période pourrait être expliquée par une diminution de l’occupation humaine de la région suite à ce changement climatique. Toutefois, une industrie microlithique sur quartz a été découverte sur l’axe Abidjan-Bingerville et a été datée à 13 050 +/- 230 BP (Chenorkian, 1983, p. 130). L’outillage est composé de grattoirs, de racloirs, de burins et d’éclats retouchés. Pour Robert Chenorkian, il s’agit d’une industrie épipaléolithique. Toutefois, d’après François Yiodé Guédé, l’absence de formes géométriques ainsi que la présence d’éléments archaïques ne permettent pas de les attribuer à l’épipaléolithique mais, dans un sens plus large, à la fin du Paléolithique (Guédé, 1995, p. 87). Les dates et les modalités d’apparition des composantes de la néolithisation en Côte d’Ivoire sont encore inconnues1. Généralement, les sites qui présentent de la céramique ou du matériel lithique poli, sauf le matériel de mouture, et qui ne contiennent pas de traces de métallurgie sont 1
Les données sur le Néolithique en Côte d’Ivoire ont depuis été enrichies par les travaux réalisés par René Kouadio Bouadi lors de sa thèse soutenue en 2016 à l’Université FHB d’Abidjan-Cocody (Bouadi 2016).
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attribués au Néolithique. Il s’agit plutôt d’un classement des vestiges découverts. De plus, ce système a des limites. En effet, en l’absence de typochronologies bien établies, un site néolithique réoccupé durant la Protohistoire et présentant des traces de métallurgie pourrait être attribué en intégralité à l’âge du Fer. Les foisonnantes observations de haches, herminettes et houes polies, de polissoirs et d’ateliers de débitage sont classées dans la période du Néolithique au sens large. Ces sites et artefacts sont omniprésents et en grand nombre dans toute la Côte d’Ivoire (Badey, 2006 ; Bayle des Hermens, 1973 ; Balye des Hermens et al., 1983, p. 242-243 ; Buisson, 1948 ; Cazalas, 1926 ; Combes, 1910 ; Fofana, 1989, p. 15-16 ; Guébard, 1911 ; Korol, 1946 ; Mauny, 1972, p. 15-18 ; Raymaekers et Petre, 1990a, p. 64 ; Raymaekers, 2009a, p. 44 ; Raymaekers, 2009b, p. 50-57 ; Raymaekers, 2009c, p. 72-74 ; Schnell, 1949c ; De Zeltner, 1924). Ce constat avait déjà été réalisé il y a un siècle par Gaston Joseph : « Ces découvertes permettent aujourd’hui d’affirmer que les pierres polies se trouvent dans toute l’étendue de la Côte d’Ivoire. On les rencontre invariablement sur les sentiers, dans les plantations, dans le lit des rivières où souvent, par suite d’un long roulage, elles ont en partie perdu leur forme primitive. » (Joseph, 1913, p. 385).
À Anyama, Guilhan Paradis a découvert trois haches polies, dont une en amphibolite, associées à des tessons de céramiques et des bois qui ont pu être datés à 3 390 +/- 140 BP (Chenorkian, 1983, p. 133). Il s’agirait de la seule hache polie dont la datation a été publiée. Les découvertes attribuables au Néolithique présentent une concentration importante dans le V-Baoulé. Du fait des nombreuses observations qui y ont été réalisées, le V-Baoulé est surreprésenté sur la carte archéologique par rapport aux autres régions du pays. Néanmoins, les découvertes y ont permis d’attester de la présence de très nombreux sites attribuables au Néolithique au sens large, comme à Adjransou, Kpangbassou, Adjokpli, Lomo-Sud, Kpouébo, Assakra, Manda-Okassou et Bo-Sî (Boit, 1993 ; Kiénon-Kaboré et al., 2010, p. 52). Ces derniers sites présentent des ateliers de débitage de pierres taillées, des outils, des éclats, des percuteurs, des meules, des molettes, des polissoirs et de la céramique (Kiénon-Kaboré et al., 2010, p. 52). Bernadine Biot et Fofana Lemassou attribuent les vestiges néolithiques du V-Baoulé au faciès D de la deuxième phase du Late Stone Age (Biot et Fofana, 1993, p. 22), c’est-à-dire au Néolithique de faciès forestier postérieur à 3 000 BC et présentant de la céramique et des haches polies, mais pas de microlithes en quartz (Shaw, 1980, p. 661). De nombreuses haches polies en schiste amphibolite de grande taille (jusqu’à 70 cm) ont été découvertes en Côte d’Ivoire : à Lowiguié (Mauny, 1972, p. 16), à Ebimpe, à Divo (Chenorkian, 1983, p. 133-134), entre Jacqueville-Plage et Jacqueville-Lagune (Hamy, 1904), plusieurs pièces dans 165
le cercle des Lagunes (Hamy, 1907), deux pièces à Corsou, près de Dabou (Holas, 1951b), à Toupa (Mauny, 1960) et à Akandjé (Mauny, 1972, p. 16). Ces haches sont de types variés. Selon Raymond Mauny qui les place dans la phase finale du Néolithique, il s’agit probablement de haches utilisées à des fins rituelles, en raison de leur fragilité et de leur taille qui les rendent non fonctionnelles (Mauny, 1972, p. 16). Parmi les objets récurrents qui ont été découverts en Côte d’Ivoire, plusieurs chercheurs notent la présence d’une industrie sur quartz qualifiée de microlithique, mais qui présente des formes peu géométriques. Leur datation est parfois ambiguë. En effet, la micro-industrie sur quartz découverte sur l’axe Abidjan-Bingerville par Robert Chenorkian (1983, p. 130) et datée à 13 050 +/- 230 BP indique la fin du Paléolithique. Mais dans plusieurs cas, des microlithes de quartz ont été découverts associés à du matériel présentant certaines composantes du Néolithique. En plus du site de l’intersection de la route Ehania-Krinjabo et celui du sud de Kong (Chenorkian, 1979), une industrie microlithique sur quartz a également été documentée avec de la céramique, en surface de l’amas coquillier d’N’Gaty (Chenorkian, 1982a). Pour Robert Chenorkian (1982a, p. 288), il s’agit d’une forme de Néolithique au sens large. Oliver Davies a observé, sur une terrasse intérieure de la rivière Nzi, à Bocanda, un galet perforé associé à des microlithes de quartz. Les galets perforés sont connus au Ghana. Cependant, aucun d’eux n’est associé à de la céramique ou une autre composante du Néolithique (Davies, 1960, p. 37-39). Dans le VBaoulé, des haches polies ont été découvertes accompagnées de microlithes peu géométriques (Riou, 1965, p. 25). Plus au nord, près d’Odienné, des éclats de quartz ont été documentés à proximité de tumuli et de meules dormantes, à Tiémé et Farakoro (Bayle des Hermens et al., 1983, p. 245246). Pour Robert Bayle des Hermens (1983, p. 245), ces industries sur quartz d’Odienné peuvent dater du Paléolithique moyen, du Mésolithique ou du Néolithique. L’attribution d’une datation plus précise pour les microlithes de quartz n’est pour l’instant pas possible. Paul Raymaekers (2009c, p. 55) relève l’absence d’armatures de flèches dans les observations réalisées dans le Haut-Comoé. Selon lui, il est probable que des flèches aient été armées avec des petits tranchants de quartz, ce qui expliquerait les découvertes récurrentes de microlithes. En effet, les armatures de flèches ont très rarement été identifiées en Côte d’Ivoire, sauf peut-être à Dabakala, associées à du matériel du Néolithique de Kintampo (Chenorkian, 1983, p. 136)1 et à Assakra (Kiénon-Kaboré et al., 2010, p. 52). L’hypothèse 1
La découverte de telles pointes de flèche n’est pas mentionnée dans le texte de l’article de Robert Chenorkian (1983). Seule une illustration (Figure 9-4), à la page 136 de l’article suggère l’existence de pointes nommées « polished stone arrow-heads » et provenant du site de Dabakala.
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d’armature de flèches avec des petits éclats (microlithes non géométriques) est plausible bien que les données ne soient pas encore suffisantes pour le confirmer. À Blandè, sur la frontière avec la Guinée, Bohumil Holas interprète le matériel découvert comme appartenant au Néolithique guinéen. Le Néolithique guinéen, qui substitue le Toumbien dans la chronologie ouestafricaine, est caractérisé par du matériel fruste et bifacial à caractère archaïque, avec présence de microlithes (Holas, 1953, p. 1616). Le matériel issu de Blandè se compose de céramique grossière ainsi que de haches polies et d’outils de types pics, ciseaux, pointes et lames (Holas, 1950, p. 1001 ; Holas, 1952a, 1342-1344). Selon Holas (1953, p. 1616), il s’agirait d’une variante du Néolithique guinéen sans microlithes, mis à part quelques fragments de quartz. Toutefois le Néolithique guinéen tel que l’a défini Bohumil Holas n’a pas encore été trouvé ailleurs en Côte d’Ivoire. À part le Néolithique guinéen, une autre culture néolithique a été reconnue en Côte d’Ivoire. Il s’agit du Néolithique de Kintampo d’abord identifié au Ghana, sur le site éponyme, caractérisé par des haches polies et des bracelets en pierre, ainsi que par un type particulier de broyeurs oblongs plus communément appelés « terracotta cigars » (Shaw, 1980, p. 660). La culture de Kintampo a également été trouvée en Côte d’Ivoire, à Dabakala (Chenorkian, 1983, p. 134), dans le parc de la Comoé (Raymaekers, 2009b, p. 54-55) et dans l’amas coquillier de Songon-Dagbé (Chenorkian, 1983, p. 135). Ces découvertes attestent de l’étendue de la culture de Kintampo qui atteint une large portion de l’est de la Côte d’Ivoire, de Dabakala jusqu’aux lagunes côtières. Ann Brower-Stahl a daté la présence des « cigars » dans l’abri n° 6 de Kintampo entre 3 700 et 3 500 BP (Raymaekers, 2009b, p. 56). Par comparaison, on remarque que cette date est plus ancienne que les premières datations de l’amas de Songon-Dagbé de Robert Chenorkian (2 760 +/- 90 BP). C’est au Néolithique et avant la généralisation du fer qu’apparaît le phénomène des amas coquilliers dans les lagunes du sud de la Côte d’Ivoire. Toutefois la durée du phénomène s’étend également sur une majeure partie de l’âge du Fer. En effet, les premières datations des amas coquilliers situent le phénomène sur une période allant de 1 630 BC à 1 300 AD (Mauny, 1973). Les amas de Thiebissou et d’Ehoussou remontent au deuxième millénaire av. J.-C., alors que Songon-Dagbé et Tchotchoraf remontent au Ier millénaire av. J.-C. Quant aux amas d’Adiopodoumé et de Songon Kassemblé, ils ont été occupés durant la seconde moitié du Ier millénaire apr. J.-C (Olsson, 1973, p. 218). On dénombre plus d’une centaine d’amas coquilliers en Côte d’Ivoire. Une quinzaine ont été recensés à proximité des lagunes Abi, Tendo et Ehi (Kouassi, 2009a) ; 49 autres ont été inventoriés de Grand-Bassam à Grand-Lahou, à proximité de la lagune Ébrié (Kouassi, 2012, p. 46). Ces amas sont principalement répartis en quatre zones : Sikensi, Grand-Lahou, Dabou-Jacqueville et Bingerville-Alépé (Kouassi, 167
2012, p. 65). Une industrie sur quartz est abondante à Sangon Dagbé et N’Gaty et est présente également à Tchotchoraf. En revanche, cette industrie n’a pas été identifiée à Nyamwan et Sangon M’Brathe (Chenorkian, 1983, p. 137). Une industrie sur tests de coquillage a été découverte à Nyamwan (Polet, 1995a). Parmi les objets en métaux trouvés, on remarque la présence de parure en cuivre et alliage cuivreux ainsi que des scories de fer à SongonDagbé, Songon Kassemblé, Abréby, Grand-Jacques et Nasalama (Kouassi, 2012, p. 65). La céramique est généralement nombreuse dans les amas coquilliers (Chenorkian, 1983, p. 138). Certains amas ont été réutilisés ultérieurement comme nécropoles, comme à Nyamwan ou à N’Gaty, par exemple. Les amas coquilliers sont donc occupés durant le Néolithique et la phase ancienne de la métallurgie du fer en Côte d’Ivoire. Comme pour la néolithisation, la date et les modalités d’apparition de la métallurgie du fer ne sont pas encore connues en Côte d’Ivoire. Toutefois, des vestiges témoignant de la métallurgie du fer sont observables dans les amas coquilliers. La diffusion de la métallurgie dans le sud de la Côte d’Ivoire peut donc être située pendant la durée d’occupation des amas coquilliers, soit entre 1 630 BC et 1 300 AD. Une analyse plus détaillée reposant sur la datation des différents amas pourrait permettre de mieux situer la transition. Cependant, le sol acide et le climat humide de la Côte d’Ivoire ne favorisent pas la conservation des artefacts en fer. L’âge du Fer en Côte d’Ivoire est donc principalement signalé par des vestiges de la production du métal : mines d’extraction du minerai, bas fourneaux et scories. Ces traces de métallurgie ont été observées dans tout le pays (Faucquez-Tao, 1993, p. 142-144 ; Fofana, 1993, Kiénon-Kaboré, 2006 ; Kiénon-Kaboré et al., 2010, p. 52 ; Kiénon-Kaboré, 2012a ; Korol, 1946 ; Kouassi, 2012, p. 105-109 et 117 ; Raymaekers, 2009a, p. 44 ; Raymaekers, 2009b, p. 58-59 ; Riou, 1965 ; Tournier, 1953)1. Les sites métallurgiques sont présents dans toute la Côte d’Ivoire, au nord comme au sud. Toutefois, la plupart de ces sites ne sont pas datés et il est impossible de savoir à quel moment chacun d’eux s’est développé. Les écrits et les traditions orales affirment que les sociétés akan ne réduisaient pas le fer. On estime donc généralement que les productions métallurgiques observées en zone akan datent d’avant les dernières migrations (KiénonKaboré, 2006, p. 93). Il est probable que durant la phase d’introduction du fer, l’industrie lithique soit encore utilisée jusqu’à la généralisation du fer, comme l’estiment Paul Raymaekers et Olivier Petre (1990a, p. 64).
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Plus récemment, les recherches entreprises dans le cadre du projet « Origine et développement de la métallurgie du fer au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire » fincancées par la SLSA et dirigées par Vincent Serneels de l’Université de Fribourg ont apporté d’importantes nouvelles connaissances sur la production ancienne du fer en Côte d’Ivoire notamment dans la région de Kaniasso au Nord de la ville d’Odienné (Serneels et al. 2013 ; 2015 ; 2016).
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C’est à la période de l’âge du Fer qu’appartiennent peut-être les nombreux villages, habitats de hauteur, nécropoles et tumuli dont les sociétés actuelles de la Côte d’Ivoire ne revendiquent pas comme ayant appartenu à leurs ancêtres : des habitats refuges de hauteur entre le Liberia et le village de Tinhou, vers Toulepleu, sur des sommets abrupts de collines granitiques à Ditrou et Kébai (Schnell, 1949a) ; des anciens villages dans la région de Mankono, à Fizanlouma, Gbokoluêma, Oussougoula, Gourana et Mankono-ville (Fofana, 1989, p. 16-19) ; des tumuli pierriers près de Goulia, à Fanfala (Biot, 2004, p. 385) ; une nécropole et un habitat de hauteur près de Toumodi, à Djangoménou, sur le site d’Afré-Boka (Delafosse M., 1900) ; des villages littoraux avec une production probable de sel le long du golfe de Guinée (Rivallain, 1983) ; un habitat probable dans le V-Baoulé, sur l’Orumbo Boka (Person, 1965) ; des sites perchés dans la région de Man, à Manton, à Gbanyapouan et Dompleu (Biot et Fofana, 1993, p. 54) ; un habitat de hauteur fortifié avec des murs en pierre près de Blolequin, à Kaodguézon sur le site de Santro (Schwartz, 1981) ; des habitats de hauteur au sud de Vavoua, sur le Mont Kala et au Mont Gouréli-Ourou avec des tumuli pierriers (Balye des Hermens et al., 1983, p. 244-245). Cette période pourrait correspondre à celle du développement de la ville de Kong dans ces phases I et II (Diabaté T. V., 1988, p. 59-60). Le matériel découvert sur le site de la Séguié est composé de céramiques, de pipes, de fusaïoles, de meules et de pierres à aiguiser en granite, de polissoirs en grès, de perles de quartz, de haches polies et de deux bifaces en quartz. Il s’agit donc d’un site d’habitat (Polet et Saison, 1981, p. 54-55). Les cercles d’Agboville correspondent donc bien à des villages. Ces enceintes fossoyées ont été provisoirement datées de la fin du XVIIe – début du XVIIIe en raison du matériel trouvé à la Séguié, notamment des pipes et un goulot anthropomorphe de style akan (Polet et Saison, 1981, p. 54-55). Toutefois, des structures d’enceintes fossoyées relativement semblables aux cercles d’Agboville ont été découvertes au Ghana, dans la vallée de Birim. Plusieurs de ces sites ghanéens ont été documentés. Leurs occupations ont été datées du premier millénaire apr. J.-C. au XVIIe siècle, avec une phase d’abandon durant le XVe siècle (Chouin et Decorse, 2010, p. 133). Il est probable que les cercles d’Agboville et les enceintes fossoyées ghanéennes soient un seul et même phénomène archéologique. Si tel est le cas, les pipes et le goulot anthropomorphe akan découverts à la Séguié seraient représentatifs uniquement des dernières phases d’occupation des cercles d’Agboville. Il se pourrait donc que les enceintes fossoyées de Côte d’Ivoire soient des sites d’habitats datant de l’âge du Fer, avant les dernières migrations1.
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De nouvelles recherches menées principalement au Ghana, nous permettent aujourd’hui de reconsidérer l’étude des enceintes fossoyées en Côte d’Ivoire et les périodes de leurs occupations (Chouin 2013 ; 2016)
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Dans la plupart des cas, les vestiges observés sont des habitats de hauteur, dont plusieurs sont protégés par ce qui semble être un système défensif. On note également la présence de sites de production du sel et des inhumations sous tumuli. Une relative complexification de la société est donc envisageable après que l’usage du fer soit pleinement généralisé en Côte d’Ivoire. Avant la fin du Ier millénaire apr. J.-C., l’émergence de sociétés complexes est observable dans les zones soudanaise et sahélienne. Ce développement est attesté par un phénomène d’urbanisation et le développement d’États et d’empires (McIntosh et McIntosh, 1983, p. 245). Il est possible qu’une telle complexification sociale, attestée au Soudan et au Sahel, ait également changé l’organisation des sociétés à la même période dans les territoires situés plus au sud, dans les zones savanicoles et forestières. Celle-ci se manifestait en Côte d’Ivoire par des habitats fortifiés, une stratification sociale plus importante et d’un développement croissant des dynamiques commerciales. La période subactuelle succède à l’âge du Fer. Toutefois, cette transition n’est pas induite par des changements profonds dans l’organisation des sociétés. La période subactuelle fait référence au passé dont les sociétés actuelles entretiennent le souvenir. Les vestiges visibles de cette période sont d’abord interprétés par les traditions orales, utilisées par l’histoire. La limite entre l’âge du Fer et la période subactuelle n’est donc pas datable ; elle est relative aux traditions conservées par les populations qui revendiquent les vestiges comme étant ceux de leurs ancêtres. Cette transition se situe, assez logiquement, aux dernières migrations de populations en Côte d’Ivoire et, pour le sud, au moment du développement des rapports commerciaux avec les marchands européens sur le littoral du golfe de Guinée. Elle peut donc être généralement estimée entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, suivant les régions. Durant la période subactuelle, un phénomène d’urbanisation se développe dans le nord de la Côte d’Ivoire suite aux migrations Mandé-Dioula des XIVe et XVe siècles. Les centres les plus anciens sont Bouna, Bondoukou, Boron et Kong. Des cités plus récentes se développent également à Mankono, Séguéla, Odienné et Touba (Kouassi, 2011c). Cette période correspond aux phases III et IV de la ville de Kong, qui se présente comme une zone partagée par plusieurs sites relativement éloignés : Kpon, Labiné, Ténéguéra et Gboronkaha (Diabaté T. V, 1988, p. 59-60). Après le XIIIe siècle, ce modèle de ville est commun à la zone soudanaise de l’Afrique de l’Ouest (Kea, 2004, p. 731-732). C’est peut-être également durant la période subactuelle qu’apparaissent les ruines de pierre en actuel pays Lobi, en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Au total, une centaine de structures ont été observées dans le nord-est de la Côte d’Ivoire. Selon les traditions orales, ces vestiges sont attribués aux Koulango (Raymaekers, 1996a, p. 146). Ces structures en pierre sont
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probablement des soubassements d’habitations ainsi que des bases d’enclos (Raymaekers, 1996a, p. 144-146). La région de Mankono présente de nombreux vestiges d’anciens villages abandonnés nommés « Tomi » par les populations locales actuelles. Plusieurs sont identifiés : Mankono-Tomi, Kongoso, Dionso, Kamandougou, Guiendou, Wansoba. Certains forment des tumuli, d’autres présentent des murs et des tessons de céramiques. D’après Lemassou Fofana (1989, p. 1920), certains des Tomi pourraient être les vestiges de villages de culture ou de villages d’esclaves que les populations locales nomment respectivement « Kongoso » et « Djonso ». Ces sites ont été abandonnés par les populations locales au début du XXe siècle, peut-être lors des guerres de Samory ou au moment de l’abolition de l’esclavage en 1905 (Fofana 1989, p. 19-20). Le sud de la Côte d’Ivoire est marqué par les migrations d’est en ouest. Dans cette dynamique, la population éotilée qui habitait les îles de la lagune Abi a été déportée par les Anyi au nord de la lagune durant le milieu du XVIIIe siècle. Ce n’est qu’au XIXe siècle que les Eotilé ont pu réoccuper le sud de la lagune Abi (Polet, 1988). Les fouilles des anciens sites, dont la nécropole de Nyamwan, ont permis de documenter les anciennes populations de la lagune, alors en contact avec les premiers marchands européens. En pays Anyi, dans le Sanwi, Henriette Diabaté a également découvert un ancien village abandonné, ou « Kulo fuan », nommé Siman (Diabaté H., 1979, p. 44). Les contacts avec les commerçants européens sont attestés par la présence de nombreux canons comme ceux retrouvés à Godé (deux pièces), sur la plage de Taki, à Bérébi Mani, à Tabou (deux pièces) ainsi qu’à Bélibété (deux pièces) dans les îles Ehotilé (Polet, 1976, p. 124 ; Raymaekers, 2009a, p. 45-46). Une manille (petit bracelet à base de cuivre ou en fer) a été retrouvée à Adiopodoumé (Aké-Assi et Bouton-Martin, 1961, p. 4) ainsi qu’à Trépoint (Raymaekers, 2009a, p. 45-46). Les manilles étaient fréquemment utilisées lors des transactions commerciales et témoignent ainsi des relations avec les Européens. À partir de la colonisation française, à la fin du XIXe siècle, la période n’est plus considérée comme subactuelle mais comme contemporaine. Plusieurs observations dites ethnographiques ainsi que les travaux « ethnoarchéologiques » des archéologues ivoiriens pourraient être qualifiés d’archéologie contemporaine, car ils documentent des comportements (céramique, tissage, métallurgie…) en cours de disparition (Kiénon-Kaboré, 2005). Tel est le cas de la réduction du fer à Kawow (Arnoldussen et Tenena, 2007) ou de la production de poterie Wan et Mona près de Mankono et Gbaziasso (Biot, 1989). Les vestiges de l’époque coloniale peuvent également être inclus dans cette période. Il s’agit, par exemple, des bâtiments coloniaux anciens de Grand-Bassam et de Bingerville, des résidences des gouverneurs de Sassandra et de Tabou, des résidences d’exploitants comme celle de M. Beau à Bérébi Mani (Raymaekers, 2009a, 171
p. 45-46), ou de la case de Louis-Gustave Binger à Kong (Barro, 2000, p. 137). À Zaakro, dans le V-Baoulé, du matériel colonial composé de bouteilles, de porcelaines, de valises, de lampes et de marmites a été découvert lors de prospections (Kiénon-Kaboré et al., 2010, p. 51). Le cimetière des bateaux, près de la Baie des Milliardaires de l’île Boulay, dans la lagune Ébrié, peut être considéré comme un site archéologique contemporain. Il s’agit d’une ancienne décharge maritime où étaient abandonnés les bateaux en fin de carrière. De nombreuses épaves de bâtiments, d’origines diverses, reposent au fond de la lagune. C’est volontairement que les données de l’histoire ou du discours général de l’archéologie en Afrique de l’Ouest n’ont pas été utilisées, dans le but de mieux faire ressortir l’apport de l’archéologie à la connaissance du passé ivoirien. Cette synthèse doit plutôt être considérée comme une variante possible d’interprétation des données. En effet, beaucoup d’interprétations ont été réalisées sur des données très ténues qu’il était difficile de mettre en lien. Cette synthèse aurait pu encore être enrichie par les nombreuses recherches réalisées par les étudiants et doctorants de l’ISAD et qui n’ont malheureusement pas pu être consultées et intégrées ainsi que par les nouvelles recherches entreprises dans le pays depuis 2013. Les données actuelles laissent néanmoins présager des problématiques et des questionnements intéressants dans l’interprétation du passé archéologique de l’Afrique de l’Ouest.
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10) Impacts de la crise postélectorale d’avril 2011 sur l’archéologie
Durant le terrain d’enquête, il a été possible d’observer certaines des répercussions de la crise d’avril 2011 sur la recherche archéologique. Ces observations sont importantes pour comprendre les modalités exactes des effets collatéraux de la crise sur le développement scientifique. La conséquence principale fut la fermeture entre avril 2011 et octobre 2012 de l’Université d’Abidjan-Cocody, au sein de laquelle sont intégrés l’ISAD et son département d’archéologie. Les infrastructures de l’Université ont subi d’importants dégâts impliquant des rénovations conséquentes. Les locaux de l’ISAD et son laboratoire d’archéologie ont été victimes de déprédations, d’actes de vandalisme et de pillages. Du matériel informatique, du matériel de chantier, de la documentation, des collections archéologiques et des données numériques de l’ISAD et du département d’archéologie ont été perdus durant le conflit. L’arrivée des combats à l’intérieur de la ville a surpris les Abidjanais qui ne s’attendaient pas à une dégradation aussi rapide de la situation. Peu de dispositions avaient été prises dans les institutions de la ville pour faire face aux évènements. Une partie des documents et des pièces archéologiques a pu être mise en sécurité au domicile d’un des enseignants du département avant et après la crise. En effet, l’équipement du laboratoire était aussi en danger après la crise, suite aux perturbations dues aux rénovations parfois drastiques des locaux. L’enseignement a été interrompu d’avril 2011 à septembre 2012, ce qui a entraîné la perte de deux années académiques. Durant cet arrêt, les deux enseignants du département d’archéologie de l’ISAD ont pu consacrer du temps à la rédaction d’articles scientifiques, ce qui explique le nombre important d’articles publiés en 2011 et 20121. Au début 2013, le département d’archéologie occupe une partie des locaux du CRAU (Centre de recherches architecturales et urbaines) sur le campus de l’Université. Le bâtiment de l’auditoire « Georges NiangoranBouah », où est basé l’ISAD, est en cours de rééquipement, comme la plupart des unités de l’Université Félix-Houphouët-Boigny d’AbidjanCocody. 1
Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 24 octobre 2011, à Angonda.
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L’ex-IHAAA, aujourd’hui département de recherche de la filière histoire, est basé à Treichville et non sur le campus de l’Université. Les locaux de Treichville étaient déjà en rénovation avant la crise d’avril 2011. Lors du terrain d’enquête en octobre et novembre 2011, il n’a pas été possible d’accéder au site pour observer ses infrastructures ni d’obtenir des informations précises sur l’état de la documentation, les anciens rapports de fouilles et de prospections, le matériel de terrain et les objets archéologiques qui devaient s’y trouver. Le Musée des civilisations de Côte d’Ivoire a été le théâtre de pillages de matériel et d’objets de ses collections. Le bâtiment, qui se trouve sur le Plateau, a subi des dégâts importants durant les combats. L’institution est redevenue active peu après la crise et le Musée a ouvert ses portes au public durant l’année 2012. Lors du terrain d’enquête en septembre 2011, la plupart des centres de documentation et de recherche scientifique ou d’enseignement supérieur publics étaient fermés. Toutefois certains centres ont repris leurs activités très peu de temps après la crise, comme le CIERPA (Centre ivoirien d’enseignement et de recherche en psychologie appliquée). Le CSRS (Centre suisse de recherches scientifiques) est resté ouvert et aucun chercheur n’a interrompu ses activités durant le conflit (Bonfoh et al., 2011). Les infrastructures publiques de la ville d’Abidjan ont également subi d’importants dommages. Le trafic était perturbé par le mauvais état des rues. Cette perturbation a entraîné une augmentation du coût des trajets et du temps de déplacement dans la capitale, en transports publics comme en taxi. Plus généralement, une substantielle hausse générale des prix a drastiquement augmenté le coût de la vie dans la ville d’Abidjan, rendant l’enquête plus difficile. Après la crise, certains centres scientifiques ont servi de lieux provisoires pour le maintien de certaines activités de l’Université. C’est le cas du CIERPA (Centre ivoirien d’enseignement et de recherche en psychologie appliquée), établi hors campus près du carrefour Saint-Jean à Cocody. Un bureau provisoire y avait été mis en place pour délivrer des documents officiels de l’Université (attestations, copies de diplômes). Concernant l’archéologie, l’Université privée Hampaté Bâ, dirigée par Séraphin Essane, fondateur de l’ISAD, servait de lieux de rencontre entre les enseignants et les étudiants pour superviser leurs travaux en cours. Ces lieux provisoires ont permis de maintenir une permanence officielle de l’Université FélixHouphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody et du département d’archéologie de l’ISAD, et de préserver ainsi l’activité des structures existantes. Toutefois, malgré l’interruption des cours et la fermeture de l’Université, les autres activités du département d’archéologie de l’ISAD ont généralement pu être maintenues. Dans l’attente de la réouverture de l’Université et en dépit de l’incertitude sur sa future réorganisation, des recherches sur le terrain ont été réalisées et les étudiants ont poursuivi leurs 174
travaux académiques (mémoires de maîtrise et de DEA et thèses de doctorat). Plus positivement, la crise d’avril 2011 a mis un terme à la partition du pays depuis 2002, améliorant l’accessibilité des recherches scientifiques aux terrains de la moitié nord du pays. C’est dans ce contexte qu’évoluait l’archéologie ivoirienne lors de l’enquête de ce travail. La situation va certainement entraîner une restructuration des organismes en lien avec l’archéologie. La crise postélectorale a donc eu un effet conséquent sur la discipline de l’archéologie et de son institutionnalisation.
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11) Institutionnalisation et formation
11.1) Les institutions de l’archéologie ivoirienne Ce chapitre traite simultanément de l’institutionnalisation de la recherche et de la formation des archéologues ivoiriens. Cette réunion est justifiée par la situation institutionnelle de l’archéologie dans le pays. En effet, en 2011, le département d’archéologie de l’ISAD, unité universitaire d’enseignement, est la seule institution actuellement active dans la recherche archéologique en Côte d’Ivoire. La gestion du patrimoine archéologique de la Côte d’Ivoire est officiellement la tâche de la direction du patrimoine culturel ivoirien et de la sous-direction des sites et monuments relevant du ministère de la Culture et de la Francophonie. Toutefois, il n’existe alors pas d’organe d’État dépendant du ministère de la Culture capable de réaliser des fouilles, des sondages ou des diagnostics en vue de la gestion, de la protection et de l’exploitation du patrimoine archéologique ivoirien1. L’ex-IHAAA, unité universitaire de recherche archéologique, a été rattachée à la filière Histoire en tant que département de recherche. Toutefois, François Yiodé Guédé, membre de l’ex-IHAAA, réalise toujours des recherches sur le terrain. Si le département d’archéologie de l’ISAD est orienté vers la formation et la recherche, la médiation culturelle de l’archéologie, au travers d’institutions muséales, est principalement opérée par le Musée des civilisations de Côte d’Ivoire. En effet, le MCCI possède des collections archéologiques qui sont présentées au public. Toutefois, l’archéologie ne représente qu’une partie des collections et de l’identité du Musée qui traite également des arts traditionnels, de l’ethnographie et de la Culture ivoirienne au sens large. La médiation culturelle de l’archéologie peut aussi être développée dans d’autres musées ivoiriens, comme le Musée national des Costumes de Grand-Bassam ou plusieurs musées locaux qui présentent parfois des vestiges archéologiques. Les muséologues et les agents de musées, comme la plupart des personnes qui exercent des professions liées à l’art et à la culture, sont formés à l’INSAAC 1 Depuis la soutenance de ce travail en 2013, un bureau d’étude privé nommé BEDAP (Bureau d’étude en développement et en archéologie préventive) a été créé à Abidjan en 2016 et propose ses services pour la réalisation d’études d’impact lors de grands travaux d’infrastructures ou de développement et pour du consulting sur les questions patrimoniales (www.bedap.org).
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(l’Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle). Le ministère du Tourisme intervient également dans la promotion touristique du patrimoine archéologique, potentiellement facteur de médiation culturelle. Les archéologues travaillent aussi avec les archives nationales qui contiennent des anciens documents coloniaux utilisables pour retracer l’histoire de l’intérieur du pays et qui mentionnent parfois l’existence de vestiges archéologiques.
Fig. 3. Organigramme de l’archéologie en Côte d’Ivoire.
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En raison de la crise postélectorale, de la fermeture de l’Université et de la réorganisation administrative du pays, il était difficile, lors de cette enquête, de savoir comment la situation institutionnelle de l’archéologie allait évoluer. C’est la raison pour laquelle les données présentées dans ce chapitre manquent parfois de précisions. L’archéologie ivoirienne s’organise aujourd’hui autour de 4 pôles : enseignement/recherche (ISAD) ; médiation (MCCI) ; gestion et protection (Direction du patrimoine culturel) ; promotion touristique (ministère du Tourisme). L’élaboration d’un organigramme institutionnel de l’archéologie permet d’observer plusieurs éléments importants (Fig. 3). En premier lieu, l’institutionnalisation de l’archéologie s’étend sur trois ministères différents. Cette situation ne simplifie pas les liens entre les différents organismes concernés par l’archéologie. De plus, l’évolution des structures et les réorganisations actuelles rompent les contacts entre les différentes institutions. De ce fait, il existe un certain flou et les principaux intervenants ne connaissent pas toujours précisément les compétences des différentes institutions ainsi que leur rôle précis, ni leurs obligations et leurs prérogatives. En revanche, des projets communs entre le MCCI et l’ISAD sont apparus sous la forme d’expositions temporaires et de travaux de mémoire de maîtrise ou de DEA réalisés par des étudiants en archéologie sur les collections du MCCI. Depuis l’indépendance et la direction de Bohumil Holas relativement peu de projets communs entre les archéologues et le Musée avaient été menés. Les collaborations actuelles entre le MCCI et l’ISAD annoncent donc une nouvelle intensification des contacts entre les archéologues et le Musée. Autre point, la recherche archéologique ivoirienne actuelle est dépendante de l’ISAD, donc de l’Université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody et du ministère en charge de l’Enseignement supérieur. Les principales activités de l’archéologie ne dépendent pas du ministère en charge de la Culture. Cette situation n’est pas nouvelle en Côte d’Ivoire, car la recherche archéologique était auparavant l’attribution de l’IHAAA, institution dévouée entièrement à la recherche et dont l’autonomie permettait d’évoluer à la manière d’un service d’archéologie, jusqu’à la rupture du financement pour la recherche, au milieu des années 1985. Toutefois, l’ISAD, qui semble actuellement prendre le relais de la recherche archéologique, ne bénéficie pas de la même autonomie que les anciens instituts de recherche et a pour première vocation l’enseignement. Un organisme qui prendrait en charge les attributions d’un service archéologique ivoirien fait clairement défaut. Les relations entre les archéologues de l’ISAD et la sous-direction des Sites et Monuments pourraient être intensifiées. Les archéologues ne sont pas mandatés par la sous-direction des Sites et Monuments, ni pour des expertises, ni pour des travaux. Ce sont les archéologues qui signalent les sites en danger à la Sous-direction des sites et 179
monuments. Sur le principe, celle-ci se charge ensuite de prendre des mesures pour la sauvegarde des sites. Ce fut le cas pour le site d’Anyama, signalé par François Yiodé Guédé. Malheureusement, les mesures prises ont été finalement trop légères pour permettre une préservation adéquate du site qui demeure en danger1. Selon Katina Touré, directeur des Musées, Sites et Monuments de 2004 à 2007, il était difficile pour la Sous-direction des sites et monuments de réaliser une carte archéologique et de mettre en place une politique préventive en raison du manque de publications et de communications des archéologues2. Les archéologues n’ont effectivement que peu d’opportunités de publications et ne transmettent généralement pas leurs données personnelles non publiées d’autant plus que, depuis 1985, leurs recherches sont autofinancées. De ce fait, la sous-direction des sites et monuments manque d’informations pour une meilleure gestion du patrimoine archéologique. Le département d’archéologie de l’ISAD ne dispose pas des moyens techniques et de l’autonomie dont bénéficiait l’IHAAA. Les archéologues de l’ISAD n’ont donc pas l’opportunité de mettre en place surveillance systématique des sites. Il serait de ce fait souhaitable que la sous-direction des Sites et Monuments et le ministère de la Culture s’engagent davantage dans la gestion des sites et qu’une collaboration plus étroite soit instaurée avec les chercheurs de l’Université. Dans ce contexte, deux solutions se profilent. La première serait de créer ex nihilo un service de recherche archéologique national répondant de la Direction du patrimoine culturel. La seconde serait de mettre en relation la sous-direction des Sites et Monuments avec le département d’archéologie de l’ISAD ; ce département pourrait alors, sur mandat de la sous-direction des Sites et Monuments ou de la Direction du patrimoine culturel, intervenir sur le terrain pour effectuer des prospections, des diagnostics et des fouilles préventives. Cependant, confier de telles attributions à l’ISAD nécessiterait de lui octroyer des moyens supplémentaires, les ressources financières allouées à la recherche étant pour l’instant inexistantes. En 2013, il y a, en Côte d’Ivoire, 3 enseignants actifs en archéologie (Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré, Siméon Kouakou Kouassi et Sylvain Kouakou Koffi), auxquels s’ajoute le chercheur François Yiodé Guédé qui poursuit actuellement ses travaux. Six doctorants de l’ISAD sont également actifs dans la recherche (René Kouadio Bouadi3, Narcisse Kouadio Yao, Yeo Arouna, Dijidjé Jacques Kazio, Galla Guy Roland Tiébi et Augustin Potence Kouassi Kouassi), ainsi qu’un mémorant de DEA (Ludovic N’Zebo Aka). Bernadine Biot et Fofana Lemassou, anciens membres de l’IHAAA, ne sont 1
Entretien avec François Yiodé Guédé, le 14 novembre 2011, à Abidjan. Entretien avec Katina Touré, le 16 novembre 2011, à Abidjan. 3 René Kouadio Bouadi a depuis soutenu sa thèse en 2016 (Bouadi 2016). 2
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actuellement plus impliqués dans la recherche archéologique. En 2013, la Côte d’Ivoire ne compte alors que quatre archéologues actifs (trois enseignants, un chercheur), auxquels s’ajoutent sept archéologues en formation (six doctorants, un maîtrisant de DEA), et 3 doctorants ivoiriens inscrits dans des universités européennes : Serge Bonaventure Yao Loukou (Université de Genève), Charles Dibié N’Zi (Université libre de Bruxelles)1 et Innocent Koffi Diezou (Université de Paris I Panthéon-Sorbonne)2. La Côte d’Ivoire ne comptant que quatre archéologues, il y a donc dans le pays un archéologue pour environ 80 000 km2 du territoire national et 5 800 000 habitants. Pour reprendre le calcul de Pierre de Maret (2008, p. 143) qui compare la situation de l’archéologie entre la France et la République Démocratique du Congo, si on considère que 3 000 archéologues sont actifs en France, alors que la Côte d’Ivoire s’étend sur 2/3 de la surface de la France, il faudrait environ 2 000 archéologues ivoiriens pour avoir un nombre équivalant d’archéologues au km2. La situation de l’archéologie en Côte d’Ivoire n’est donc pas comparable à celle de l’Europe. Elle n’est toutefois pas différente de celle des autres pays de l’Afrique subsaharienne. D’ailleurs, Pierre de Maret signale, en 2008, que seulement 4 archéologues sont actifs en RDC, soit le même nombre qu’actuellement en Côte d’Ivoire, mais pour un pays sept fois plus grand (De Maret, 2008, p. 143).
11.2) L’Université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody L’Université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody est la seule université de Côte d’Ivoire possédant en 2013 un département d’archéologie actif dans la recherche. En effet, aucun département d’archéologie ne semble exister dans les deux autres Universités d’Abobo-Adjamé et de Bouaké. Le système de l’enseignement supérieur en Côte d’Ivoire est sur le point d’être réaménagé suite à la crise postélectorale. Les trois universités de Côte d’Ivoire ont récemment changé de noms : l’Université Félix-HouphouëtBoigny (Abidjan-Cocody) ; l’Université Nangui-Abrogoua (AboboAdjamé) ; l’Université Alassane Ouattara (Bouaké). Deux Unités régionales d’enseignement supérieur (URES) ont été érigées en Universités : celles de Plélforo Gbon Coulibaly (Korhogo) et de Jean Lorougnon Guédé (Daloa). L’Université d’Abidjan est créée à partir d’unités d’enseignement supérieur réunies en 1964. Elle devient en 1977 l’Université nationale de Côte d’Ivoire, alors composée de cinq facultés (Lettres et Sciences humaines, Médecine, Sciences et techniques, Sciences économiques, Droit). Plusieurs instituts de recherche sont créés, comme, par exemple, l’IGT (Institut de géographie tropicale), l’IES (Institut d’Ethnosociologie), le CURAT (Centre universitaire de recherche appliquée en télédétection) et 1 2
Charles Dibié N’Zi a depuis soutenu sa thèse en 2016 (N’Zi 2016). Innocent Koffi Diezou a depuis soutenu sa thèse en 2015 (Koffi 2015).
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l’IHAAA (Institut d’histoire, d’arts et d’archéologie africains). Ces Instituts sont des unités de recherche totalement indépendantes des facultés et répondent directement du recteur1. Les chercheurs permanents qui y travaillent ne font normalement pas d’enseignement. En 1993, l’Université nationale investit deux nouveaux campus, à Abobo-Adjamé et à Bouaké. Ces trois centres universitaires deviennent des Universités autonomes en 1995. Dès 1996, les instituts autonomes (IGT, IES, CURAT, IHAAA) sont intégrés au sein des facultés qui deviennent des UFR (Unité de formation et recherche). Les anciens instituts de recherche sont donc progressivement refondus dans les laboratoires des départements facultaires. C’est le cas de l’IHAAA qui devient le département de recherche de la filière Histoire dans l’UFR Sciences de l’Homme et de la Société (UFRSHS). L’ISAD (Institut des sciences anthropologiques de développement) apparaît en 2000 dans cette même UFR. En 2012, l’Université est animée par plus de 1 355 enseignantschercheurs et 88 chercheurs à plein temps. Elle emploie également 805 agents. Environ 70 000 étudiants y sont inscrits (MESRS, 2012). Elle est composée d’une dizaine d’Unités de formation et recherche (UFR), deux centres de recherche autonomes et une école : Unités de formation et recherche – Sciences médicales (UFRSM) – Odontostomatologie (UFROS) – Sciences pharmaceutiques et biologiques (UFRSPB) – Biosciences (UFRBIO) – Mathématiques et informatiques (UFRMI) – Sciences des structures de la matière et de la technologie (UFRSTRM) – Sciences de l’homme et de la société (UFRSHS) – Langues, littérature et civilisation (UFRLLC) – Information, communication et art (UFRICA) – Sciences juridiques, administratives et politiques (UFRSJAP) – Sciences économiques et de gestion (UFRSEG) – Criminologie (UFRCRIM). Centres de recherche autonomes – Centre ivoirien de recherches économiques et sociales (CIRES) – Institut de recherches mathématiques (IRMA). École – Centre universitaire de formation permanente (CUFOP). 1
Entretien avec François Yiodé Guédé, le 14 novembre 2012, à Abidjan.
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L’ISAD et son département d’archéologie évoluent dans l’UFR Sciences de l’Homme et de la Société. Cette UFR dispense des formations dans les domaines de la sociologie, la géographie et l’anthropologie au sens large. L’UFRSHS a inclus plusieurs des anciens instituts autonomes, comme, par exemple l’IHAAA, l’IGT (Institut de géographie tropicale), l’IES (Institut d’Ethnosociologie), le CRAU (Centre de recherches en architectures urbaines), et le CIERAP (Centre ivoirien d’enseignement et de recherche en psychologie appliquée). Parmi les unités de l’UFRSHS, on peut remarquer des redondances. En effet, il existe, par exemple, un Institut d’Ethnosociologie, tandis que l’ISAD possède un département de socio-anthropologie. Il en va de même pour les départements d’archéologie de l’ex-IHAAA et de l’ISAD. De prime abord, ces redondances semblent intrigantes. Elles s’expliquent pourtant par des différences de vocation entre les unités (enseignement/recherche) ou par des divergences d’approche et de personnalité entre les deux unités de la même discipline académique. L’existence de plusieurs structures universitaires d’une discipline similaire permet donc de maintenir une pluralité d’approches scientifiques pour aborder les terrains complexes des sciences humaines en Côte d’Ivoire. Le système académique LMD (Licence, Maîtrise, Doctorat) a été introduit en Côte d’Ivoire lors de la réouverture de l’Université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody, en automne 2012. Ce système comporte une licence de 3 ans, une maîtrise de deux ans et un doctorat unique. Auparavant, le système académique impliquait un DEUG de deux ans, puis une année de licence, 2 ans de maîtrise et 2 ans de DEA avant d’aboutir sur un doctorat unique. Le doctorat unique est apparu vers l’an 2000. Auparavant, deux thèses existaient, la thèse de 3e cycle et la thèse d’État. Le doctorat ouvre la voie à l’enseignement, au grade académique d’assistant. L’accès aux grades supérieurs (maître-assistant, maître de conférences, Professeur titulaire) est soumis à une candidature auprès du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES, 2007). Il s’agit d’une institution commune à de nombreux États africains qui évalue depuis 1978 les dossiers de candidature aux grades académiques. Le CAMES regroupe 19 pays membres, dont la Côte d’Ivoire1. Globalement, il s’agit des États de l’Afrique francophone. Le candidat à un grade doit avoir réalisé un nombre défini d’années d’enseignement, de publications et de direction de travaux académiques. Pour être recevable, son dossier doit être ratifié par le chef du département et le Président de l’Université. Le candidat est ajourné (non retenu) s’il ne présente pas toutes les conditions requises au grade visé, si son dossier est incomplet, s’il ne présente pas les qualités requises, ou en cas de plagiat avéré. Des conditions similaires existent dans le domaine de la recherche, pour les 1
Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée équatoriale, Madagascar, Mali, Niger, République démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal et Togo.
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grades de chargé de recherche, maître de recherches et directeur de recherche (CAMES, 2007). Suite à la crise postélectorale, d’importantes rénovations ont été réalisées afin de réhabiliter le campus de l’Université Félix-Houphouët-Boigny d’AbidjanCocody. Les rénovations nécessaires sont alors estimées à environ 110 milliards de francs CFA, soit, en 2013, environ 210 millions de CHF ou 170 millions d’Euros (Gouvernement de Côte d’Ivoire, 2012). La capacité cumulée des universités et des grandes écoles publiques était d’environ 27 000 étudiants, mais leur nombre effectif était de plus de 90 000 (Gouvernement de Côte d’Ivoire, 2012). Malgré l’ampleur des travaux, la capacité des locaux ne suffit pas à faire face au nombre d’étudiants. Les amphithéâtres ne sont pas assez nombreux et les salles de cours manquent. L’Université est actuellement en cours de rééquipement. De nombreux problèmes logistiques pénalisent son fonctionnement, comme le manque de cantines abordables sur le campus ou l’insuffisance de la desserte en transports publics. En dehors des problèmes d’infrastructure, la mise en place du système LMD a nécessité une réorganisation complète des enseignements. Le corps enseignant de l’Université est insuffisant, marqué par le vieillissement et la démotivation (Gouvernement de Côte d’Ivoire, 2012). De nombreux professeurs ont quitté l’Enseignement public pour s’investir en politique, privant ainsi l’Université de leurs compétences. Maints problèmes affectent donc le fonctionnement de l’Université et pénalisent les étudiants dans leur cursus. Toutefois, en 2013, l’Université vit une transition, mais la situation devrait évoluer pour atteindre son rythme de croisière. À noter que le fonctionnement réel de l’Université n’a pas pu être observé durant le terrain d’enquête et que le lieu n’a été que partiellement visité en raison de sa fermeture, suite à la crise.
11.3) L’ISAD et le département d’archéologie L’ISAD (Institut des sciences anthropologiques de développement) est créé en 2000, sous l’impulsion du Professeur Séraphin Essane, au sein de l’UFRSHS, sur la décision n° 00404/24/11/200 du Conseil de l’Université. L’objectif est de fonder une unité académique qui suit le modèle nord-américain de l’anthropologie (Kiénon-Kaboré, 2010, p. 43). L’Institut est constitué par quatre départements qui traitent de l’anthropologie au sens large : la paléoanthropologie, la bioanthropologie, l’archéologie et la socioanthropologie. La paléoanthropologie étudie l’évolution de la biologie humaine et son évolution dans ses aspects morphologiques (paléontologie), biologiques (biologie) et comportementales (ethnologie). La bioanthropologie est l’étude de la biologie humaine et de sa considération culturelle. L’archéologie étudie l’évolution des sociétés humaines. Le département de socioanthropologie a pour champ d’étude l’anthropologie sociale et culturelle.
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Chaque département est constitué de filières de formation et de laboratoires de recherche (ISAD, 2003) et est dirigé par un chef de département et son adjoint ainsi qu’un comité scientifique sectoriel1. En 2013, l’ISAD est dirigé par le Dr Léopold Yao Yao tandis que son directeur scientifique est le Pr Bi Youzan Baha. L’école doctorale de l’ISAD est sous la direction du Pr Séraphin Essane. La direction de l’ISAD est aussi assumée par un sous-directeur chargé de la recherche, Dr Didier Blibolo, un sous-directeur chargé de la pédagogie, Dr Aubin Agnissan et d’un responsable de la filière professionnelle, Dr Atta Kouame. L’ISAD publie une revue biannuelle nommée Nyansa-Pô (Revue africaine d’anthropologie), éditée par EDUCI, les éditions de l’Université FélixHouphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody. Le Dr Siméon Kouakou Kouassi est le chef du secrétariat de rédaction de cette revue. Chaque département de l’ISAD assure, dans sa discipline, la totalité du cursus académique de la première année de licence au doctorat (Kiénon-Kaboré, 2010, p. 43). Le siège de l’ISAD est l’amphithéâtre Georges Niangoran-Bouah (Fig. 4), situé sur le campus de l’Université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody. Le bâtiment a été construit en 2003. Il a une capacité de 350 à 400 places environ. Il contient également quatre bureaux dont le secrétariat de l’ISAD et le bureau du directeur. Au sous-sol se trouve une salle d’informatique. En 2013, le département d’archéologie occupe aussi des locaux dans le bâtiment du CRAU (Centre de recherches en architectures urbaines).
Fig. 4. Amphithéâtre Georges Niangoran-Bouah, siège de l’ISAD. 1
Courriel de Siméon Kouakou Kouassi du 12 juin 2013.
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En 2013, le département d’archéologie de l’ISAD est dirigé par Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré, maître de conférences, qui est aussi la présidente de l’Association ouest-africaine d’Archéologie. Siméon Kouakou Kouassi, maître de conférences, est le directeur adjoint du département d’archéologie de l’ISAD. Il a été le premier archéologue ivoirien à soutenir sa thèse en Côte d’Ivoire, dans la filière Histoire tandis que Sylvain Kouakou Koffi, assistant, est le premier archéologue à avoir réalisé une thèse au sein de l’ISAD. L’enseignement est également dispensé par des vacataires, c’est-àdire par des membres d’autres instituts qui viennent donner des cours dans le cadre de l’ISAD. L’archéologue François Yiodé Guédé, chargé de recherche, de la filière Histoire (ex-IHAAA), donne des cours de vacation à l’ISAD. Au moment de la fermeture de l’Université, en avril 2011, environ 40 étudiants étaient inscrits en licence et environ 40 autres en maîtrise, alors qu’un étudiant était en DEA1. Le cursus de licence est sous la direction de Siméon Kouakou Kouassi, tandis que ceux de la maîtrise et du DEA sont dirigés par Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré. Les thèses sont réalisées sous la direction du Professeur Simon-Pierre Ekanza et également suivies par Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré. Au moment de l’enquête de terrain, les thèses ne pouvaient pas être dirigées par les enseignants du département d’archéologie. En effet, le titre de maître de conférences est requis pour la direction de thèse et aucun des enseignants ne le possédait2. La recherche du département d’archéologie est basée sur trois laboratoires qui constituent les axes de recherche principaux et le cadre des travaux académiques réalisés (Kouassi, 2011c) : – Le laboratoire d’Archéologie et identité culturelle a pour objectif la prospection générale de la Côte d’Ivoire afin de repérer les sites archéologiques du pays. Le programme divise la Côte d’Ivoire en neuf régions archéologiques : Nord-Est (Bondoukou, Kong, Bouna), NordOuest (pays Malinké : Odienné, Touba, Séguéla), l’Ouest montagneux (Man, Biankouma, Guiglo, Toulepleu), Sud-Ouest (Lahou, Fresco, Tabou), Centre-Ouest (pays Bété et Dida : Gagnoa, Lakota, Daloa, Divo), le pays Baoulé (Bouaké, Toumodi, Tiassale), l’Est (Aboisso, Agnibilekro, Abengourou), le pays Sénoufo (Tingrela, Korhogo, Ferkessedougou, Katiola) et la région des lagunes (Kiénon-Kaboré, 2009, p. 238). – Le laboratoire d’Histoire des techniques cherche à recenser et documenter les techniques anciennes de la Côte d’Ivoire comme la métallurgie, la céramique, le tissage, par exemple. Il a également pour but d’identifier les zones de concentration d’une production, de constituer des typologies et de documenter les anciens savoir-faire. 1
Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 4 janvier 2012, à Korsimoro, Burkina Faso. Depuis, Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré et Siméon Kouakou Kouassi sont devenus tous deux maîtres de conférences.
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– Le laboratoire d’Archéologie des mondes africains contemporains mène des recherches sur des problématiques en relation avec la valorisation du patrimoine culturel en Côte d’Ivoire. Ce laboratoire regroupe donc les recherches en lien avec la protection des sites, la médiation culturelle de l’archéologie et les vestiges matériels de l’histoire. Depuis, la création du département d’archéologie de l’ISAD, plusieurs campagnes de fouilles et de prospections ont déjà été menées. Les premières opérations archéologiques de l’ISAD se sont déroulées en 2002, dans le village Assikoi, près d’Adzopé, dans le canton d’Anapé. Il s’agissait d’une fouille-école (Kiénon-Kaboré, 2009, p. 237). En 2005, Siméon Kouakou Kouassi a réalisé des fouilles et des prospections dans le cadre de sa thèse dans la région lagunaire de la Côte d’Ivoire de Grand-Lahou à GrandBassam (Kouassi, 2012, p. 83-84). Siméon Kouakou Kouassi a également mené une prospection des sites lagunaires et côtiers du sud de la Comoé. Il a aussi participé à une mission du MCCI, dans la région de Lauzoua pour la collecte d’objets ethnographiques dans le cadre de laquelle une prospection archéologique a été menée1. Des recherches archéologiques ont été entreprises dans la région du Marahoué, à Diacohou-nord, Maminigui et Guériafla, par Sylvain Kouakou Koffi dans le cadre de sa thèse de doctorat sur les pierres sculptées de Gohitafla2. D’autres recherches ont également été menées, notamment par les doctorants de l’ISAD ainsi que dans le cadre de travaux d’étudiants en Master. Dès 2009, les démarches initiées par la directrice du département d’archéologie Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré permettent d’obtenir de nouveaux financements pour la recherche, auprès du PASRES ainsi que dans le cadre du projet « Origine et développement de la métallurgie du fer au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire », financé par la SLSA et en partenariat avec les Universités suisses de Neuchâtel et Fribourg et l’Université de Ouagadougou. Des prospections et des fouilles sont ainsi réalisées dans les régions de Toumodi et de Korhogo, puis d’Odienné. De plus, l’ISAD participe également aux fouilles menées au Burkina Faso, à Korsimoro, par le projet « Origine et développement de la métallurgie du fer au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire ». Les prospections, réalisées dès 2010 en Côte d’Ivoire, permettent de localiser une zone de production de la métallurgie du fer près de Kaniasso, dans le nord d’Odienné. Une première campagne de fouilles est menée dans le cadre du projet de la SLSA en janvier 2013 à Siola suivie d’une seconde en 2015 à Doumbala. À cela s’ajoutent de nombreuses interventions sur le terrain réalisées par l’équipe de l’ISAD. Il s’agit des 1
Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 4 janvier 2012, à Korsimoro, Burkina Faso. KOFFI Kouakou Sylvain, 2010. Problématique des pierres sculptées de Gohitafla contexte et chronologie, thèse de Doctorat, université de Cocody-Abidjan, p. 110.
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premières recherches de grande ampleur menées avec le soutien d’un partenaire étranger depuis 20021. Avant la crise postélectorale d’avril 2011, le département d’archéologie de l’ISAD disposait d’un peu de matériel de terrain pour les recherches. Ce matériel a été en partie perdu durant les évènements. Le budget de l’Université est trop restreint pour envisager une demande de financement pour du matériel de fouille. Les archéologues ivoiriens doivent donc se constituer eux-mêmes un équipement essentiel. Le département dispose de seaux, de pioches, de truelles, de pelles, des brouettes et de différents types de daba (instrument aratoire africain). Toutefois, la majorité des appareils et du matériel onéreux ne peut provenir que de donations, lors de travaux de collaboration ou de partenariat. Il s’agit principalement du matériel de mesure et de topographie. En dehors du matériel coûteux, certaines fournitures, pourtant relativement bon marché, sont simplement introuvables en Côte d’Ivoire. Il s’agit de petit matériel comme des sous-main, de l’encre de chine blanche (pour inscrire les numéros d’inventaire sur les pièces archéologiques), des pieds à coulisse, des conformateurs, des niveaux à bulle et de la ficelle élastique de chapelier2. L’équipement technique est donc une des principales préoccupations du département.
11.4) Formation en archéologie La nouvelle formation du système LMD à l’ISAD propose un cursus divisé : deux premières années de licence en tronc commun, la troisième année de licence spécialisée et deux années de maîtrise, puis la thèse. Pour les première et seconde années de licence, les cours sont des troncs communs d’anthropologie composés d’enseignement des quatre départements. Il s’agit de cours introductifs dans chaque domaine qui évoquent l’histoire des disciplines et leurs méthodologies. La spécialisation intervient en troisième année de licence. Dans le cursus d’archéologie de la maquette pédagogique (plan d’études) de l’année universitaire 2012-2013 de l’ISAD, le programme est composé principalement de cours d’archéologie, mais également d’ethnologie, d’histoire, d’histoire de l’art (ISAD, 2012). À partir de la maîtrise, deux spécialisations en archéologie sont possibles : l’ethnoarchéologie ou la Protohistoire. L’approfondissement des connaissances par des cours sur l’archéologie se poursuit dans les deux spécialisations. Toutefois, cette formation est complétée, dans la spécialisation « Ethnoarchéologie » par des cours d’ethnologie et de notion de patrimoine et, dans la spécialisation 1
Ce bilan ne tient pas compte des autres fouilles et recherches réalisées en Côte d’Ivoire après 2013, ni des nombreuses recherches de terrains réalisées par les mémorants et doctorants de l’ISAD. 2 Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 4 janvier 2012, à Korsimoro, Burkina Faso.
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« Protohistoire » par des cours sur les différentes périodes de la préhistoire et des cours d’archéométrie (biologie, environnement, analyse, datations). Tout au long de la formation, des cours facultatifs, ou parfois obligatoires, d’anglais, d’informatique et de statistiques sont proposés (ISAD, 2012). Il existe différentes modalités d’enseignement. Les principales sont le cours magistral (CM), le stage, les travaux pratiques (TP) et les travaux dirigés (TD). Les travaux dirigés sont des exercices de mise en pratique et de discussions dans un cadre d’enseignement plus restreint. Trente étudiants au maximum y participent. Dans le cadre de ces cours, les étudiants présentent des exposés. L’accréditation des cours fonctionne selon le système des crédits UE (Unités d’enseignements), relativement similaire au système de Bologne. Plusieurs cours forment une Unité d’Enseignement créditée en fonction de sa masse horaire, un crédit UE équivaut à 25 heures de travail. 180 crédits UE sont nécessaires pour l’obtention d’une licence et 120 pour une maîtrise. Les étudiants de l’ISAD sont issus de milieux sociaux très différents et sont originaires de toutes les régions de la Côte d’Ivoire, indistinctement1. Les étudiants sont mis en réseau par les délégués de classe. Dans chaque classe, deux délégués sont nommés. Ils possèdent les contacts (adresse, courriel et téléphone) de tous les étudiants. Ces délégués de classe sont nécessaires car, bien que les étudiants du département d’archéologie soient tenus de posséder une adresse e-mail, l’accès à Internet coûte cher et est très limité pour les étudiants. Généralement, un étudiant ou un doctorant a l’opportunité de consulter son adresse internet environ une fois par semaine. Les délégués de classe permettent donc de maintenir l’information entre enseignants et étudiants. Ils permettent également de résoudre certains problèmes des étudiants liés à leurs études2. La nomination des délégués est élective, ils ne sont ni rémunérés, ni indemnisés3. En 2011-2013, les délégués de classe de maîtrise en archéologie sont Aïcha Desline Touré et Michel Aka. Les étudiants et doctorants en archéologie doivent faire face à des conditions difficiles que la crise postélectorale a encore amplifiées. Le nombre d’étudiants inscrits de licence jusqu’en maîtrise atteste du nombre élevé d’abandon4. Si les conditions pour réaliser une maîtrise ou une thèse sont difficiles, les études prennent également beaucoup de temps. Les années académiques « blanches » qui ont marqué l’Université de Cocody-Abidjan depuis le début des crises (1998/1999, 2010/2011 et 2011/2012) ont rallongé le temps des études. De plus, une année académique peut s’étendre parfois sur deux années calendaires, suivant la situation de l’UFR. Il est également 1
Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 5 janvier 2012, à Korsimoro, Burkina Faso. Entretien avec Michel Aka, le 20 janvier 2013, à Kaniasso. 3 Entretien avec Aïcha Desline Touré, le 8 novembre 2011, à Abidjan. 4 Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 4 janvier 2012, à Korsimoro, Burkina Faso. 2
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problématique de travailler sur un sujet de maîtrise ou une thèse alors que la documentation manque cruellement et que les moyens sont difficiles à réunir pour réaliser les travaux de terrain1. De ce fait, les durées de réalisation des mémoires de maîtrise, de DEA et de thèse dépassent largement le temps prévu dans le cursus. Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Ibrahim Cissé, appelle cette situation le « parapluie atomique ». Selon lui, 6 000 étudiants de l’Université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody qui auraient dû réaliser une maîtrise en quatre années d’étude ont maintenant entre huit et seize années d’études effectives (Gouvernement de Côte d’Ivoire, 2012). Dans ce contexte, les étudiants qui passent leur maîtrise approchent souvent les trente ans. L’autre problème majeur auquel les étudiants en archéologie doivent faire face est le coût de la vie et des études. Avec la crise, la Côte d’Ivoire a connu une augmentation générale des prix. Les loyers et les déplacements coûtent cher. Pour donner un ordre de grandeur, en colocation, le loyer mensuel d’un étudiant qui réside à Youpougon ou à Adjamé représente environ 50 000 francs CFA par mois en 2011. À cela, il faut ajouter le coût des trajets, qui peuvent facilement s’élever entre 1 000 et 6 000 CFA par jour, suivant les déplacements. Certains étudiants touchent des bourses d’études, mais elles sont modestes. En 2011, en principe, un doctorant touche annuellement 600 000 francs CFA de bourses d’études. Les étudiants vivent grâce à des emplois annexes et des aides de proches et de parents. Toutefois, dans les réseaux de relations de parrainage qui impliquent un étudiant, celui-ci doit parfois également soutenir un proche.
11.5) Financement de la recherche Entre 1985 et 1990, les différentes sources de financement pour la recherche archéologique de l’IHAAA sont interrompues. Depuis, plus aucun financement régulier ne permet de réaliser des opérations de terrain pour collecter des données nouvelles. Le département d’archéologie de l’ISAD n’a jamais bénéficié de financement conséquent lui permettant de réaliser des programmes de recherches importants. Paradoxalement, c’est le statut d’unité d’enseignement de l’ISAD qui lui a permis de maintenir une activité de recherche en archéologie. Si les membres du département de recherche en archéologie de l’IHAAA ont dû se résoudre à l’abandon ou à l’autofinancement, une interaction recherche-enseignement subsiste toujours au sein du département de l’ISAD. La structure pédagogique maintient des activités sur le terrain grâce aux travaux académiques (mémoires et thèses) de ses étudiants. Cependant, cette situation est fragile car les travaux réalisés sur le terrain dans le cadre de recherches de mémoires et de thèses sont 1
Entretien avec Adou Kraidy, ancien étudiant en archéologie, le 15 novembre 2011, à Abidjan.
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principalement à la charge des étudiants et doctorants qui les réalisent. Ceuxci sont généralement obligés d’autofinancer leurs recherches pour progresser académiquement. En moyenne, ils ne peuvent se permettre de consacrer plus d’une série de deux à trois campagnes (prospections et sondages) durant un travail de diplôme (maîtrise, DEA, thèse). Certains étudiants ont été obligés de renoncer à leurs études, car ils ne disposaient pas des moyens nécessaires pour réaliser un terrain de fouilles. L’opération de recherche sur le terrain pour un doctorant est donc un moment crucial et déterminant dans sa formation. Les enseignants reçoivent une prime de recherche. Celle-ci était de 150 000 francs CFA par an jusqu’au milieu des années 2000 ; elle a, depuis, été augmentée grâce aux revendications de la Coordination des enseignants et chercheurs (Kiénon-Kaboré, 2010, p. 44). Toutefois, cette prime destinée à des travaux personnels ne permet pas de soutenir d’importantes recherches. Les pouvoirs publics n’octroient aucun subside. Les sphères politiques et administratives ne sont que peu sensibilisées à l’archéologie et aucun lobby, ni aucune personnalité politique, ne peut, dans le contexte économique actuel, soutenir l’archéologie du pays. Globalement, l’administration ivoirienne ne semble pas sensibilisée à l’importance du patrimoine archéologique. Les projets de coopérations scientifiques avec des institutions étrangères demeurent une option de financement privilégiée. Le projet de recherche « Origine et développement de la métallurgie du fer en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso », est financé par la SLSA (Fondation Suisse-Liechtenstein pour les recherches archéologiques à l’étranger). Ce projet de partenariat est prévu pour quatre campagnes de fouilles, deux au Burkina Faso et deux en Côte d’Ivoire. Il s’agit d’un projet à moyen terme. D’autres perspectives doivent donc être envisagées ensuite pour poursuivre le développement de l’archéologie en Côte d’Ivoire. En Côte d’Ivoire, une coopération scientifique suisse active est présente au travers du CSRS (Centre suisse de recherches scientifiques). Le CSRS a été fondé en 1951. Les débuts du centre sont modestes mais il s’est progressivement développé pour devenir une importante structure de recherche1. Il se situe à Adiopodoumé, au km 17, proche de l’ancien centre ORSTOM. Le centre est actuellement sous la double tutelle du gouvernement suisse et du gouvernement ivoirien, à travers la Direction générale de la Recherche. Il s’agit d’un centre de recherche qui héberge des projets de chercheurs, suisses et ivoiriens. En plus du centre d’Adiopodoumé, le CSRS dispose de quatre antennes locales à Bringakro, Man, Taï et Korhogo. Les axes de recherches se répartissent en trois départements : biodiversité et sécurité alimentaire, environnement et santé, et valorisation, ressources et applications. Toutefois, le CSRS demeure ouvert aux sciences humaines et à l’archéologie. L’archéologie a sa place au sein de 1
Entretien avec André Aeschlimann, le 3 avril 2011, à Neuchâtel.
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cet Institut en raison de ses études pluridisciplinaires, notamment sur l’évolution de l’environnement et l’occupation humaine du territoire1. Une recherche en archéologie aurait donc sa place dans les axes de recherches du CSRS. Toutefois, il faudrait qu’elle entre dans le cadre d’un grand projet et qu’elle soit liée avec un autre thème en interdisciplinarité. Il y a aussi la possibilité pour un étudiant de réaliser un mémoire de maîtrise, de DEA, une thèse ou un post-doctorat dans le cadre d’un projet du CSRS, si toutefois le sujet du travail s’intègre dans les axes de recherche et qu’il soit autofinancé2. Les projets logés au CSRS ont accès à l’équipement du centre et aux véhicules qui disposent d’une immatriculation diplomatique. Par ailleurs, lors de la campagne de fouille de Siola en 2013, un véhicule du CSRS avait été utilisé par la mission pour le déplacement. Il existe donc de réelles perspectives de coopérations entre les archéologues ivoiriens et le Centre suisse de recherches scientifiques. La coopération scientifique ivoiro-suisse a également abouti à la création du PASRES (Programme d’appui stratégique à la recherche scientifique), mis en place conjointement par le ministère ivoirien de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, le Secrétariat d’État à l’Éducation et à la Recherche de la Confédération helvétique avec l’appui du Fonds ivoiro-suisse pour le développement économique et social (FISDES) et du CSRS. Le PASRES est doté d’un capital important (5 milliards de CFA) dont les intérêts généraux annuels (environ 300 millions de CFA) sont employés pour financer la recherche scientifique. De manière générale, les objectifs du PASRES sont de soutenir des projets de recherches, d’allouer des bourses à la formation, apporter un appui aux structures de recherches et de fournir les appuis nécessaires à l’émergence d’un Fonds national de la Recherche scientifique et technologique en Côte d’Ivoire (CSRS, 2011, p. 24-25). Le PASRES a notamment financé les prospections du département d’archéologie de l’ISAD dans le V-Baoulé et dans le secteur de Korhogo en 2010 et en 2011. Il est donc une source de financement possible pour l’avenir de la recherche archéologique en Côte d’Ivoire. D’autres possibilités existent dans les fondations d’utilité publique. En 2013, par exemple, Denis Ramseyer a obtenu de la Fondation Vontobeln un financement, à hauteur de 5 000 CHF, pour effectuer une campagne de fouilles de l’ISAD dans le V-Baoulé. Des solutions de financement complètement indépendantes des voies classiques de la recherche existent donc. Il est néanmoins toujours indispensable d’avoir un contact dans le pays pour adresser la demande. Une coopération interafricaine serait difficile à mettre en place avec l’ISAD dans le contexte actuel de la recherche. Cependant, les campagnes de 1
Entretien avec Gilbert Foukou, le 17 novembre 2011, à Adiopodoumé. Entretien avec Bassirou Bonfoh, le 20 novembre 2011, sur le vol AF 703 entre Abidjan et Paris-Charles-de-Gaulle.
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fouilles du projet « Origine et développement de la métallurgie du fer en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso » ont permis des échanges fructueux entre les doctorants et enseignants de l’ISAD et ceux de l’Université de Ouagadougou. Le soutien des pouvoirs publics étant insuffisant, le financement est le problème n° 1 de la recherche archéologique ivoirienne. Sans partenariat, le département d’archéologie de l’ISAD ne peut que difficilement envisager des travaux de développement. Toutefois, les apports des coopérations étrangères ne suffisent pas non plus à la mise en place d’une recherche archéologique pérenne en Côte d’Ivoire. En revanche, ils permettent d’améliorer la reconnaissance de l’archéologie auprès de la société et de l’administration ivoiriennes, et sont nécessaires à un développement de la recherche de longue haleine.
11.6) Stratégie de recherche de l’ISAD La stratégie à long terme du département de l’ISAD n’est pas discutée. Pour l’instant, les archéologues de l’ISAD poursuivent l’exploration des vestiges sur le territoire du pays qui avait été initiée, dès 1985, par les archéologues de l’IHAAA. Cette politique est durablement implantée dans les axes de recherche définis par le département d’archéologie. Sur les trois laboratoires de recherches, les deux premiers (laboratoire d’Archéologie et identité culturelles et laboratoire d’Histoire des techniques) se sont consacrés au repérage, à l’identification et à l’inventaire des sites archéologiques ou des anciens centres de production sur le territoire national. Le troisième (laboratoire d’Archéologie des mondes africains contemporains) est clairement orienté vers des problématiques de patrimonialisation des vestiges. Le département d’archéologie a divisé l’ensemble du territoire en neuf régions archéologiques (Kiénon-Kaboré, 2009, p. 238) dans lesquelles les archéologues cherchent à répartir les recherches menées par le laboratoire du département ou par les étudiants, dans le cadre de leurs mémoires et thèses. Durant ces travaux académiques, les étudiants et les doctorants sont généralement orientés vers des terrains d’où ils sont originaires et dont ils sont déjà familiers. La connaissance de la langue et des comportements locaux, ainsi que les relations sociales de l’étudiant dans la région, favorisent le bon déroulement du terrain1. La stratégie de recherche de l’ISAD se caractérise par la collecte de nombreuses données provenant de l’ensemble du territoire. Cette stratégie de prospections régionales, associée à des sondages-fouilles ponctuels et à la collecte d’informations liées aux traditions locales, est généralement menée individuellement par un archéologue, un doctorant ou un mémorant. Les informations concernant les datations, les données stratigraphiques et 1
Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 5 janvier 2012, à Korsimoro, Burkina Faso.
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chronologiques ou l’étendue exacte de sites sont parfois limitées en raison du manque de moyens. Lors de recherches sur la métallurgie du fer en Côte d’Ivoire, Lemassou Fofana atteste de la nouvelle direction des études qui ne portent plus sur les problématiques de l’origine et de la diffusion du fer en Côte d’Ivoire, mais s’orientent vers l’analyse systématique du contexte historique, technique et sociologique de cette industrie (Fofana, 1993, p. 257). Bernadine Biot (1993, p. 239-241) propose de mettre en place une carte archéologique des vestiges comme celle qui avait été réalisée au Niger par Suzanne Bernus. L’inventaire des sites et de leurs caractéristiques devait permettre d’identifier des sites de référence qui pourraient faire l’objet d’une fouille systématique. Bernadine Biot (1993, p. 239-241) avait l’intention de réaliser également des recherches palynologiques et paléobotaniques pour décrire l’évolution de l’environnement de ces sites de références, ainsi que d’y élaborer une typologie de céramique et des datations. Elle souligne le faible rendement heuristique des précédentes fouilles : « Ainsi, l’on peut aujourd’hui parler de Songon-Dagbé comme un gisement néolithique ou de Kong en tant que centre urbain précolonial, mais l’on n’est pas en mesure actuellement de parler de la cristallisation urbaine dans les zones savanicoles de la Côte d’Ivoire ou d’apprécier le processus de néolithisation dans le pays. » (Biot, 1993, p. 220).
L’ancienne stratégie utilisée lors de la Coopération française a bénéficié de ressources relativement importantes. Et pourtant les données recueillies sont encore ténues, car le nombre d’interventions a finalement été limité. Une réelle question se pose quant à la rentabilité scientifique d’une telle stratégie. La nouvelle stratégie de prospection et d’intervention légère est censée produire plus d’informations utiles à l’interprétation de l’archéologie ivoirienne. Si les prospections pour déceler des sites archéologiques peuvent être mises facilement en place, les interventions systématiques pour définir leurs caractéristiques (épaisseurs des couches, présence de matériel et situation de la stratigraphie) sont en fait difficiles à mener. Dans la réalité, la stratégie a évolué en une prospection généralisée, mobilisant les sources d’archives et les traditions orales, constituée de sondages-fouilles limités sur les sites qui semblent les plus prometteurs au vu du matériel récolté à la surface du sol. Les recherches sur le terrain, financées essentiellement par les moyens personnels des chercheurs, sont rarement publiées. Lorsqu’elles le sont, les informations diffusées à leur sujet sont parfois succinctes. De ce fait, la synthétisation des données est quasi impossible. L’exercice du bilan des connaissances réalisé dans le chapitre 9.3 de ce travail démontre que, généralement, seuls les projets de recherches d’envergure, localisés sur un site et menés pluriannuellement produisent suffisamment de données pour construire un discours scientifique synthétique sur la base des vestiges découverts et de la stratigraphie. Toutefois, la stratégie actuelle de 194
prospections et d’interventions légères est la seule solution permettant de faire face au contexte actuel, en attendant des moyens financiers plus importants. La stratégie actuelle des archéologues ivoiriens est relativement similaire à celle de l’archéologie coloniale aofienne. En effet, autant les premiers administrateurs que les membres du réseau de l’IFAN produisaient un discours à partir de localisations et de descriptions des découvertes de surface. Il ne s’agit donc pas d’une innovation complète, mais d’une stratégie dont les origines profondes se trouvent dans l’histoire de la discipline. Cette stratégie permet aussi de compiler les anciennes données de la période coloniale, dans le discours actuel des archéologues ivoiriens. Le choix des archéologues pour cette stratégie ne dépend pas uniquement des capacités techniques disponibles, mais plus largement, de la considération du territoire, des vestiges qui s’y trouvent et des comportements qui leur sont liés. Plusieurs éléments dans le développement de l’archéologie expliquent le choix de cette stratégie. De manière générale, elle associe les vestiges à l’environnement d’un territoire donné, dans l’une des neuf régions archéologiques définies par les laboratoires de l’ISAD. Les résultats aboutissent à la localisation et à la définition des gisements archéologiques actuels du territoire. Cette association territoriale des sites est certainement induite par l’évolution de la représentation des vestiges archéologiques qui sont de plus en plus considérés comme des éléments du patrimoine culturel régional et de moins en moins comme des sujets de recherches scientifiques. On observe ainsi des spécialisations de certaines régions : la métallurgie du fer et les phénomènes d’urbanisation sont surtout documentés dans le nord, alors que dans le Sud, et plus particulièrement le V-Baoulé, ce sont des sites néolithiques. Pourtant, des vestiges de production du fer sont attestés dans le sud de la Côte d’Ivoire ; réciproquement, des sites néolithiques sont localisés dans le nord. Cette spécialisation régionale des vestiges archéologiques est certainement induite par la cosmologie générale de la nation ivoirienne et par la représentation dichotomique entre les ressources minières et le commerce au nord, opposé aux ressources agricoles au sud, autrement dit : le forgeron et le marchand face au planteur. La stratégie de prospections territoriales résulte également de l’appropriation de la discipline scientifique de l’archéologie par la société ivoirienne. En effet, les traditions orales élaborent un discours sur les vestiges qui participe aux méthodes de l’archéologie ivoirienne. Toutefois, la préoccupation principale des sociétés locales est d’attribuer une explication à ces vestiges visibles. L’utilisation des sources orales en archéologie entraîne donc la recherche sur le recensement des vestiges observés par les sociétés locales et la collecte de traditions orales. Enfin, un site archéologique est susceptible, potentiellement, de générer des retombées économiques sur une région s’il fait l’objet de recherches importantes, d’un programme de sauvegarde ou d’un programme de mise en valeur. Les sites archéologiques pourraient donc 195
également être envisagés comme des « ressources économiques » et être prospectés à cette fin. Le développement de la recherche dépend aussi du rôle attribué à l’archéologie dans les rapports qu’entretient la société ivoirienne avec son passé. Suite à l’indépendance et à la réappropriation de l’histoire par les intellectuels africains, comme Joseph Ki-Zerbo, l’archéologie, au même titre que l’histoire et les sciences humaines, doit permettre une meilleure connaissance de la société africaine. Cette connaissance devrait aboutir sur une meilleure assimilation, par hybridation, des éléments d’origines exogènes à l’Afrique, nécessairement importés pour le développement et l’équipement des nouveaux États africains (Ki-Zerbo, 1975). Plus récemment, en 2007, Siméon Kouakou Kouassi a démontré que les sociétés ivoiriennes ont parfois une représentation du développement et de la modernité qui s’oppose aux éléments culturels traditionnels. En effet, la culture traditionnelle est alors considérée comme un frein au développement associé à la modernité, dont la teinte est occidentale. De ce fait, l’archéologie comme l’étude des aspects anciens de la société peuvent être perçues comme des non-sens rétrogrades (Kouassi, 2007a). Pour Siméon Kouakou Kouassi, comme pour Ki-Zerbo quarante ans plus tôt, la culture, au contraire, permet l’appropriation du développement et l’accès à la modernisation. En dehors du développement, un nouveau rôle pour l’interprétation du passé est apparu suite à la crise annoncée dès la fin des années 1990. En effet, pour Gilbert Gonnin et René Kouamé Allou (2006, p. 5), l’histoire et l’étude du passé ivoirien est également un vecteur de cohésion nationale. Selon eux, l’histoire permet de comprendre la cohabitation de toutes les composantes de la population. La crise fait donc apparaître un nouveau rôle pour l’archéologie en Côte d’Ivoire : rétablir la cohésion nationale. Le rôle attribué à l’archéologie est donc favorable à la stratégie de prospection du territoire. L’archéologie est considérée comme facteur de développement, comme au début de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Toutefois, la situation actuelle diffère car la société ivoirienne n’est plus considérée comme un groupe homogène, mais comme différentes « composantes de la population », pour reprendre les termes de Gilbert Gonnin et René Kouamé Allou (2006, p. 5). Dès lors, c’est l’étude du passé de chacune de ces composantes de la population qui permettra de favoriser leur développement. De plus, l’étude de ces passés atteste de la cohabitation antérieure des différentes composantes de la population, vecteur de la cohésion nationale. La multiplication des terrains de l’archéologie ivoirienne, au travers des prospections territoriales, s’explique donc également par la récente vision plurielle de la société ivoirienne et son rapport avec la globalisation. De cette stratégie découlent les pratiques scientifiques de la recherche archéologique ivoirienne.
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12) La recherche archéologique ivoirienne
12.1) Procédure de la recherche Les procédures scientifiques mises en place par les archéologues ivoiriens suivent une stratégie relativement similaire à celle évoquée en 1978 lors du colloque de Valbonne. Toutefois, la situation réelle du terrain et l’insuffisance de moyens disponibles compliquent drastiquement le protocole de la recherche. En effet, les modalités de la recherche sont particulièrement difficiles et surtout très coûteuses. Le terrain est donc le moment crucial pour un archéologue. Très limité en argent, en temps et en moyens, celui-ci doit toutefois aboutir sur la collecte de données suffisantes à analyser pour développer la problématique visée. En amont des recherches, une importante investigation est menée en archives et sur la documentation afin de déceler des indices qui conduiraient les archéologues sur les sites. L’objectif est de trouver des sites archéologiques dans la région concernant la problématique visée et qui seraient mentionnés dans les documents rédigés par des administrateurs, des entreprises publiques ou d’autres scientifiques. Après le recueil de plusieurs sites mentionnés dans la documentation, une zone de prospection est définie. Les autorités coutumières des villages et les préfectures concernées sont contactées afin d’obtenir leurs consentements pour réaliser des prospections. À l’issue de ces premières explorations, quelques sites sont sélectionnés pour y réaliser des sondages-fouilles. Souvent, prospections et sondages sont des opérations qui sont réalisées durant des campagnes différentes. Les données sont ensuite analysées et comparées avec celles de la documentation scientifique, de l’histoire et des traditions orales. Il s’agit de la procédure décrite et mise en place par Bernadine Biot au début des années 1990 (Biot, 1993). D’ailleurs, le déroulement des opérations est relativement similaire à celui de son terrain de thèse dans la région de Man (Biot, 1982). Siméon Kouakou Kouassi a mené ses recherches dans la zone côtière de la Côte d’Ivoire selon un même protocole de recherche (Kouassi, 2012). En 2011, les fouilles menées par René Kouadio Bouadi et observées lors de cette recherche suivent également la même procédure.
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Cette organisation du terrain est surtout celle des travaux des doctorants. Les recherches financées par le PASRES et réalisées par l’ISAD dans le VBaoulé et la région de Korhogo ont probablement suivi un autre protocole. En effet, ces dernières ont disposé de moyens financiers et techniques ainsi que d’objectifs différents. Les travaux réalisés dans le cadre du projet « Origine et développement de la métallurgie du fer en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso » ne sont pas comparables avec le déroulement d’un terrain effectué dans le cadre d’une thèse de doctorat. Les recherches archéologiques menées dans le cadre de thèses portent sur des sujets thématiques (métallurgie, céramique, néolithisation, architecture). En effet, l’observation d’un phénomène archéologique dans une région est privilégiée face aux recherches monographiques. En 1978, l’élaboration de thèses monographiques ou issues de rapports de fouilles avait déjà été évoquée lors du colloque de Valbonne (Collectif, 1978, p. 18). Toutefois, il serait d’abord nécessaire d’identifier un site suffisamment intéressant pour y concentrer tous les moyens de la recherche. Dans la tradition des thèses réalisées durant l’époque de la Coopération française, les thèses actuelles portent souvent sur une thématique précise à l’échelle d’une région.
12.2) Modalités du terrain Les doctorants et mémorants n’ont pas l’occasion d’exécuter de nombreuses campagnes de prospections et de fouilles mais doivent pourtant collecter assez de données pour élaborer un propos sur un sujet thématique. D’ordinaire, deux à cinq étudiants accompagnent le doctorant dans ses travaux parfois c’est un autre doctorant ou un enseignant. Les durées de ces opérations sont limitées. Les recherches effectuées dépendent des moyens que le chercheur pourra y consacrer. Les sondages opérés de nos jours sont donc relativement peu nombreux et les chercheurs sont dans l’absolue nécessité de les rentabiliser au maximum. Préalablement à toute recherche, des contacts doivent être pris avec les autorités légales et coutumières. Les préfets et les sous-préfets des régions étudiées sont avertis. Pour cela, les chercheurs doivent se munir d’un ordre de mission délivré par le département d’archéologie de l’ISAD. Des courriers sont également envoyés aux chefs des villages concernés pour prévenir de la visite des archéologues. Les villageois et le sous-préfet s’attendront donc à cette visite et se prépareront en conséquence. Cependant, des difficultés peuvent apparaître lors du contact avec les autorités. En effet, il est nécessaire de s’informer, au préalable, de quelle sous-préfecture dépend chaque village. Certains villages voisins ne sont pas rattachés à la même sous-préfecture. Parfois, les courriers ne parviennent pas aux destinataires. Un mauvais contact avec les autorités locales peut entraîner la perte de plusieurs jours de campagne et bouleverser le programme. L’arrivée dans un village à un jour autre que celui prévu perturbe également le bon 198
fonctionnement de la campagne, ainsi que les relations. Des problèmes sont apparus lors des recherches de l’ISAD dans la région de Toumodi en 2010. Des changements dans le programme de la campagne et des courriers en retard avaient entraîné des sentiments de méfiance et d’incompréhension chez les villageois. De plus, l’indisponibilité des guides qui n’avaient pas prévu la venue des archéologues a retardé les prospections (Kiénon-Kaboré et al., 2010, p. 50). Lors de la fouille de Siola, en 2013, l’équipe disposait d’un bus de l’Université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody pour accéder à la région et pour les déplacements jusqu’aux sites. Cependant, les doctorants qui réalisent des fouilles ne peuvent pas louer des bus pour leurs déplacements, faute de moyens financiers. Pour accéder aux villages, les étudiants en archéologie voyagent généralement en autobus publics jusqu’à la ville la plus proche. De là, des taxis-brousse permettent d’atteindre les villages. Entre les villages, le nombre des bus est souvent très limité. Certains villages sont desservis par un à deux bus par jour. Il faut donc bien planifier le programme de la campagne. En effet, rater le bus du matin implique d’arriver en retard le soir au village et cause des désagréments auprès des villageois qui attendent en vain l’arrivée des archéologues.
Fig. 5. Cérémonie et libations de gin avant la fouille du site d’Assafou.
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Généralement, une fois arrivé dans le village, avant de commencer les travaux, une cérémonie avec le chef du village et les notables se déroule en présence des archéologues. Cette cérémonie est l’occasion de réaliser des rituels sacrés afin de garantir des bonnes relations avec le monde spirituel lors de l’introspection du sol. En pays Akan, un archéologue est tenu d’apporter une bouteille de gin. Le gin a été apporté dans la zone akan dès les premiers contacts avec les navigateurs anglais. Chez les Akan, il est devenu la boisson royale. C’est donc du gin qui est utilisé pour réaliser des libations lors de la cérémonie précédant les fouilles archéologiques (Fig. 5). Lors de la visite du village abandonné de Siman et de son Mmaso (lieu de dépôt des Mma, les statuettes en terre cuite de Krinjabo) par l’historienne Henriette Diabaté, des libations ont été également réalisées avec du rhum, à défaut de gin (Diabaté H., 1984, p. 44). Les entretiens pour la collecte de sources orales débutent également par des libations (Perrot, 2005, p. 145146). Avant les fouilles dans les îles Ehotilé, une grande cérémonie a réuni environ un millier de personnes, en 1973. Durant cette cérémonie un poulet a été sacrifié. Sa chute a été interprétée comme un signe favorable pour entreprendre les fouilles1. Lors des prospections de l’ISAD à Toumodi et Korhogo, en 2010, des bouteilles de gin étaient offertes à Toumodi tandis que les contacts de Korhogo étaient remerciés avec des noix de cola (Kiénon-Kaboré et al., 2010, p. 50). Sans ces cérémonies, un accident pourrait être interprété comme une conséquence de la fouille. Toutefois, dans certains villages, le gin n’entretient pas d’autres esprits que celui du chef et de ses invités. Les autorités coutumières, comme le chef de village et sa notabilité chargent parfois un griot d’annoncer la présence des archéologues au village. L’accès des archéologues aux sites depuis le village obéit souvent à un protocole. Comme la Côte d’Ivoire est composée d’une soixantaine d’ethnies différentes, les coutumes et les usages sont donc différents dans chaque région du pays. Les autorités coutumières désignent les guides qui accompagneront les archéologues et les tuteurs qui les hébergeront durant les travaux. Ils seront ensuite indemnisés par les archéologues sur le terrain. Du riz peut être également fourni aux tuteurs. Ceux-ci hébergent à leur domicile et nourrissent les archéologues le temps des recherches. Les guides sont aussi indemnisés. Ils conduisent les archéologues sur les sites, les accompagnent et participent aux terrassements. Il est nécessaire d’indemniser correctement les villageois qui prennent part aux travaux archéologiques, afin de maintenir de bonnes relations. Toutefois, les archéologues, comme les autres scientifiques sur le terrain, doivent se garder de ne pas faire monter les tarifs. Dans la région de Toumodi, lors des fouilles de René Kouadio Bouadi, les guides et les tuteurs parlaient le français. Seuls les femmes et les enfants parlaient le baoulé. Les guides étaient tous des planteurs qui connaissaient 1
Entretien avec Jean Polet, le 12 juin 2013, à Paris.
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les zones archéologiques. Les archéologues doivent aussi éviter de faire des promesses auprès de la communauté locale. En effet, des promesses non tenues de fouilles archéologiques ou de développement ultérieurs peuvent pénaliser les recherches futures en attirant la méfiance des villageois. Par exemple, lors des travaux de René Kouadio Bouadi, certains villages se souvenaient du passage de Bernadine Biot qui n’est jamais revenue poursuivre des fouilles comme elle l’avait pourtant annoncé aux villageois. Des promesses non tenues peuvent porter atteinte à la crédibilité des futures archéologues. La conjoncture peut également attirer la méfiance. En effet, ceux-ci peuvent parfois être suspectés d’être des prospecteurs miniers, de surcroît quand un Européen fait partie de l’équipe de fouille.
12.3) Localisation des sites Pour les travaux de terrain, le manque de moyens oblige les archéologues à rentabiliser au maximum leurs recherches par une préparation conséquente et de compléter leurs données par d’autres sources informatives comme les données historiques et les traditions orales. Ces recherches sont réalisées en amont des prospections. Bernadine Biot (1982, p. 5) appelle ces opérations la « pré-fouille ». Cette pré-fouille est assurée par des recherches documentaires qui orienteront la direction des prospections. Les premières recherches sont faites en archives, principalement dans les Archives nationales de la Côte d’Ivoire (ANCI). Les archéologues y trouvent d’anciennes données coloniales qui attestent de la présence d’activités anciennes et actuellement disparues ou de vestiges. Les archéologues peuvent également puiser dans ces sources des informations historiques ou ethnographiques sur la région susceptible d’être prospectée. Toutefois, Siméon Kouakou Kouassi signale des problèmes de conservation des documents dans les Archives nationales de la Côte d’Ivoire (Kouassi, 2012, p. 84). Des problèmes dans la gestion des archives sont déjà mentionnés à la fin des années 1970 et durant les années 1980 (Loukou, 1976). Des travaux de réhabilitation des archives nationales sont entrepris actuellement1. Les archives de la SODEMI (Société pour le développement minier de la Côte d’Ivoire) sont également consultées par les archéologues. Celles-ci contiennent, par exemple, les inventaires des amas coquilliers (Kouassi, 2012. p. 81). Les données de la SODEMI avaient déjà été utilisées par Jean Polet et Robert Chenorkian lors de l’investigation des amas coquilliers. D’autres archives, en dehors de la Côte d’Ivoire, contiennent d’importants renseignements pour les archéologues. C’est le cas, entre autres, du Centre des Archives diplomatiques de Nantes, consulté par Siméon Kouakou Kouassi (2012, p. 81). Ce centre de documentations contient des documents de l’époque coloniale. Sonia Lévin et Nathan Schlanger mentionnent 1
Entretien avec Renée Divine N’Guessan, le 16 novembre 2011, à Abidjan.
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également les archives d’outre-mer, à Aix-en-Provence, qui contient des documents sur la recherche scientifique en AOF durant l’époque coloniale (Lévin et Schlanger, 2009, p. 42). Les archéologues utilisent aussi les publications scientifiques de géologues, pédologues et ethnologues, par exemple. Des anciens documents scientifiques sur l’archéologie en Côte d’Ivoire sont aussi recherchés. Par exemple, lors de ces recherches dans le V-Baoulé, Bernadine Biot dispose des publications de Robert Chenorkian et de Raymond Mauny, ainsi que des anciens rapports non publiés des prospections sur l’Orumbo Boka réalisés par Fernand Siméoni, J. Bedel et Yves Person (Biot, 1993, p. 220-221). Suite à cette « pré-fouille », les archéologues ivoiriens établissent un inventaire des indices signalés d’où ressort une liste de localités autour desquelles se trouvent les sites. Les archéologues ivoiriens sélectionnent ensuite des localités à prospecter sur la base de critères préalablement définis, comme la fréquence d’un type particulier de vestiges ou la présence d’une diversification de sites (Kouassi, 2012, p. 82). Les localités sélectionnées sur la base des indices découverts lors de la « pré-fouille » seront ensuite prospectées. L’étape suivante consiste à se rendre dans ces localités et à y mener des entretiens pour collecter les traditions orales. Ces entretiens permettent dans un premier temps d’aiguiller les archéologues sur les sites recherchés, selon le sujet d’étude. Dans les villes du nord, les archéologues peuvent aussi y consulter les Tarikhs locaux. Il s’agit de documents anciens écrits en arabe et qui racontent l’histoire des lieux. Ils fournissent des indications historiques sur la zone d’étude depuis les migrations mandées et l’islamisation du pays (Fofana, 1989, p. 14). Des prospections sont finalement menées sur les sites qui ont retenu l’attention des chercheurs durant l’enquête orale. L’opération consiste à se rendre sur les différents lieux convenus, accompagné de guides. Durant les déplacements, les lieux sont prospectés et les environs sont explorés afin de repérer des vestiges visibles au sol, tandis que des échantillons et du matériel de surface sont collectés. Les sites repérés sont parfois délimités et topographiés. Si l’équipe possède un GPS, ses coordonnées sont relevées. L’objectif est de définir les critères de chaque site comme sa période, sa dimension et sa fonction, mais également son état de conservation et les possibilités d’accès. Sur la base de ces critères, les archéologues pourront évaluer les différents sites et sélectionner les plus intéressants en vue de sondages ultérieurs. Mis à part les vestiges de surface, les archéologues peuvent également utiliser des indices végétaux pour déceler des sites archéologiques. Certaines plantes signalent d’anciennes occupations humaines comme le prunier mombin (Diabaté H., 1984, p. 44) ou le manguier. Le dracaena a été retrouvé sur plusieurs sites archéologiques comme sur les cercles d’Agboville (Holas, 1951a, p. 238) et sur la nécropole de Nyamwan ou la 202
limite de la zone de dracaena arborea se confond avec le secteur de la nécropole (Polet, 1983a). Ceux-ci sont en réalité des marqueurs de tombes. Des méthodes de prospection systématique ont été appliquées en Côte d’Ivoire. Par exemple, Sylvain Badey a réalisé des prospections sous forme de quadrillage dans la réserve du Lamto (Badey, 2002 et 2006). Cependant, cette stratégie serait difficile à mettre en place dans le cadre des recherches pour une thèse de doctorat ivoirienne en raison de l’étendue du territoire à prospecter et du temps qu’il faut y consacrer. De plus, la prospection systématique par un quadrillage est, selon Lemassou Fofana, peu efficace en raison du manque de critères objectifs nécessaires afin d’identifier et de reconnaître les sites. Il est aussi difficile de déterminer une échelle pour le quadrillage. L’indisponibilité de cartes à des échelles convenables pour les recherches pénalise la mise en place de prospections systématiques (Fofana, 1989, p. 12-13). Dans les conditions de la recherche archéologique ivoirienne, il est donc plus pertinent de s’appuyer sur les connaissances des guides locaux lors des prospections.
12.4) Introspection des sites Suite aux prospections, une campagne de fouille est planifiée sur les sites sélectionnés par les archéologues. Pour cela, un matériel plus important que pour les prospections est nécessaire : pelles, truelles, pioches, dabas, seaux, pinceaux et brosses, machettes, équerre en fer, jalons, tiges de fer à béton, bobine de fil, chevillière (décamètre), double-mètres, boussole, papier millimétré et matériel de dessin, plaquettes pour inscrire la numérotation du carroyage, appareil photo numérique ainsi que mires et ardoise photographique. Suivant la disponibilité, un GPS, un niveau optique, un dictaphone ou un ordinateur portable sont parfois utilisés. Des dabas peuvent être empruntées dans les villages locaux. Le matériel ne doit pas être trop volumineux ou pondéreux pour permettre les trajets en transports publics ainsi que les déplacements à pied du village de base jusqu’au site. Pour économiser du poids et du volume lors des marches, seules les parties métalliques des pelles et des pioches peuvent être transportées : les manches pouvant être taillés dans des branches sur le site. Durant la nuit, le gros matériel d’excavation est laissé sur le chantier. Une fois l’endroit du sondage-fouille choisi (Fig. 6), un carroyage est installé. Les vestiges de surface qu’il contient sont d’abord dessinés puis collectés. Ensuite, on débute alors l’excavation sur un ou deux des mètres carrés qui contiennent le plus d’indices de vestiges archéologiques visible en surface. En fonction des éléments découverts sur les premiers mètres carrés fouillés, l’introspection est ensuite étendue à d’autres mètres carrés du carroyage.
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Fig. 6. Sondage-fouille du site d’Assafou.
De retour de la campagne de fouille, les objets sont nettoyés, inventoriés et numérotés. Le matériel de fouille et le mobilier seront utilisés par l’archéologue durant le travail d’analyse. Dans la pratique, l’archéologue conserve personnellement le matériel issu de la fouille, tant qu’il est susceptible de l’utiliser pour son étude. Une fois que l’archéologue ne l’utilise plus, il est censé le transmettre à une institution de l’État. Cependant, en raison des problèmes du manque de publication, les archéologues tendent à garder pour une durée indéterminée le mobilier qu’ils ont découvert. Le cas d’une restitution par un archéologue à un organisme de compétence d’objets archéologiques après le terme de leur exploitation ne s’est jamais produit depuis les premières fouilles de l’ISAD. Mais selon Siméon Kouakou Kouassi, les objets pourraient être transmis à l’avenir au Musée des civilisations de Côte d’Ivoire1. Les périodes d’interventions sur le terrain sont limitées. Il est nécessaire que les conditions météorologiques permettent les opérations. Toutefois, la période des fouilles ne doit pas correspondre avec celle des travaux agricoles, car les villageois et les guides sont retenus à leurs plantations. Les prospections sont plus faciles durant la saison sèche car la végétation étant moindre, les vestiges sont plus visibles. Lors des prospections de l’ISAD en 1
Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 24 octobre 2011, à Angonda.
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2010, les débuts de la saison des pluies, à Toumodi, avaient déjà fait croître la végétation rendant ainsi plus difficile la prospection. À Korhogo, les pluies ont rendu difficiles les déplacements sur le terrain (Kiénon-Kaboré et al., 2010, p. 50). À Kong, Victor Tiégbè Diabaté prospectait d’octobre à décembre et de mars à mai, durant la saison sèche. Mais les dates de ces travaux dépendaient également des autres fouilles de l’IHAAA. En effet, l’IHAAA ne disposait pas de matériel suffisant pour équiper deux fouilles simultanément (Diabaté T. V., 1979, p. 94). Ce cas de figure ne s’est jamais produit avec les archéologues de l’ISAD qui ne réalisent pas d’opérations pluriannuelles comme le faisait l’IHAAA. Au cours d’une campagne, plusieurs sondages sont réalisés. Comme pour la prospection, des traditions orales sont parfois enregistrées en marge des opérations de fouilles. D’autres sites à proximité des sondages sont aussi documentés par des photographies et du matériel de surface. La procédure utilisée pour les opérations archéologiques est précise. Toutefois, un archéologue peut la changer si le cas se justifie1.
12.5) Question de l’emplacement du sondage Comme il a été mentionné, aucune prospection introspective et aucune méthode permettant d’évaluer le sous-sol ne peuvent être mises en place. Seuls les sites qui présentent des vestiges visibles en surface sont repérés. Les sites sont constitués d’espaces plus ou moins grands dans lesquels on peut observer des indices d’une ancienne occupation humaine. Toutefois, sur cet espace où apparaissent, çà et là, des vestiges archéologiques, il est souvent impossible de détecter précisément où se trouvent les zones d’occupations stratifiées les plus riches. Ainsi, seuls les sites qui présentent des éléments visibles en surface peuvent être repérés. Les sites les plus anciens, recouverts par la sédimentation, sont souvent indécelables. Ceux qui ont été découverts proviennent de profils de terrain ou de bords de talus, de vestiges de surface issus de colluvions, de sites de hauteur attaqués par l’érosion, ou de vestiges dont la taille les rend clairement visibles comme des amas coquilliers, des amas de scories, des buttes anthropiques ou des tumuli. Il est souvent difficile, selon les cas, de choisir à quel endroit précis installer le sondage sur l’étendue du site. La technique consiste alors à sonder sur ou à proximité d’indices observables en surface. Il s’agit souvent de colluvions, d’éléments en position secondaires ou de vestiges non stratifiés. C’est pourquoi les sondages-fouilles ne livrent que peu d’éléments observables en place ni de stratigraphies bien précises. Les chercheurs investissent beaucoup de moyens privés dans leurs fouilles. Il est obligatoire pour eux de rapporter un maximum de données 1
Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 4 janvier 2012, à Korsimoro, Burkina Faso.
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dans la courte durée de la campagne. Il n’est donc pas envisageable de sonder au hasard sur la surface du site pour tenter de déceler les zones d’occupation. Les jeunes archéologues sont dans l’impossibilité de risquer un sondage négatif qui se révélerait catastrophique compte tenu du temps et des moyens à disposition, ainsi que de l’enjeu que représente leur intervention. Deux problèmes apparaissent donc : la localisation des sites anciens qui ne présentent pas de structures visibles en surface et le choix d’un endroit stratifié bien conservé. Il n’existe pas de solutions concrètes pour répondre à ces deux questions. La seule alternative est alors d’orienter les étudiants sur des sujets dont les sites sont facilement localisables, comme les vestiges métallurgiques, les amas coquilliers, les buttes anthropiques ou alors sur des sujets en lien avec des objets de musée comme les Mma et les pierres de Gohitafla. De ce fait, ces thématiques sont privilégiées dans le choix des sujets abordés par les archéologues ivoiriens.
12.6) Dépendance de l’archéologie envers les communautés locales La particularité principale de la pratique du terrain en Côte d’Ivoire est le rôle généralement crucial des communautés locales dans les travaux. Sans l’appui des villageois qui permettent aux archéologues, contre indemnisation, d’être nourris et logés, les doctorants et mémorants ne pourraient que difficilement accéder aux sites convoités avec leurs moyens personnels. Ce sont les guides locaux qui mènent les archéologues aux sites et qui les aident dans les travaux d’excavation. Si des bonnes relations ne sont pas entretenues avec les villageois, le terrain de recherche devient impossible. De plus, l’apport des communautés locales à l’archéologie ivoirienne ne se limite pas aux modalités d’accès. Les sites visités sont choisis par les guides locaux qui les identifient comme des éléments appartenant à d’anciennes occupations humaines. Aussi, les traditions orales récoltées auprès des villageois participent activement à l’analyse des vestiges et par là même à l’élaboration de leur interprétation. Toutefois, la participation des communautés locales n’est pas uniquement induite par des manques de moyens. Cette pratique est conforme à la tradition historique nationale initiée, dès les années 1960, par des anthropologues et des historiens comme Christophe Wondji, Joseph KiZerbo et Joachim Bony, par exemple. Selon Christophe Wondji (1975, p. 1324), l’existence d’une société et la conscience de son historicité sont réciproques. La cohésion de la société passe donc par son historicisation. Mais pour créer une histoire ivoirienne, il est nécessaire que la société ivoirienne s’approprie l’histoire, tant sur le plan théorique que pratique. Cette histoire doit donc être celle des Ivoiriens eux-mêmes et de ces composantes ethniques et sociales. Toutes les composantes de la société ivoirienne doivent y participer (Wondji, 1975, p. 13-14). L’historien 206
Christophe Wondji souhaite la participation de la société ivoirienne à la création de sa propre histoire. L’impact de la mobilisation des communautés locales sur le discours archéologique est majeur. En effet, les archéologues sont principalement orientés sur les vestiges connus par les sociétés locales. Il est donc nécessaire que les villageois reconnaissent vestiges et puissent les interpréter comme étant les traces de sociétés du passé. De plus, certains sites reconnus seront parfois considérés comme des lieux sacrés par les populations locales et ne seront indiqués aux archéologues qu’avec la plus grande prudence. Les rapports qu’entretiennent ces sociétés avec les vestiges sont liés aux traditions orales. Si les vestiges sont reconnus par la communauté locale comme antérieurs à leur propre venue, le collectif fait alors parfois intervenir une part de l’imaginaire liée à son mythe de fondation (au peuplement) ou à ses croyances. De plus, la simple non-reconnaissance des vestiges par une société témoigne l’ancienneté de ceux-ci, bien antérieure à l’installation de cette société dans la région.
12.7) L’analyse des données Des typologies du matériel découvert ont été à plusieurs reprises réalisées. Mais sans datations absolues ni chronologies relatives, il ne s’agit pour l’instant que de types hors de tout contexte temporel. Certains travaux présentent des corpus céramiques assez détaillés (El Saadi, 1979 et 1981 ; Polet et Chenorkian, 1980 ; Kouassi, 2012 ; Kouassi et Kiénon-Kaboré, 2012). Mais les connexions entre ces différents ensembles sont encore rares. Seules quelques pièces présentent parfois des similitudes et pourraient attester d’une contemporanéité. Le manque de données disponibles pour comparer les nouvelles observations réalisées sur le terrain motive les chercheurs à recourir parfois aux données historiques et aux traditions orales. Les données historiques sont principalement recueillies en archives durant la phase de pré-fouille, ou dans des publications scientifiques et historiques. Les sources orales sont collectées durant les prospections et les fouilles. Les travaux antérieurs, réalisés par des anthropologues ou des historiens, sont aussi utilisés dans l’analyse. Parfois, les chercheurs comparent également les traces archéologiques avec le mode de vie des sociétés actuelles (Biot, 1989 ; Kouassi, 2011a et 2011b). Pour les archéologues ivoiriens, il s’agit d’ethnoarchéologie. Bernadine Biot (1993, p. 239-241) recommande, dans la nouvelle stratégie de recherche par prospection territoriale et sondage-fouille, de réaliser également des prélèvements palynologiques et paléobotaniques pour inclure l’étude paléo-environnementale des sites dans les recherches. Cette orientation des recherches sur des thématiques environnementales est également conseillée par Alain Marliac (1978, p. 363-366). Toutefois, en 207
Côte d’Ivoire, les moyens à disposition permettent difficilement de réaliser de telles analyses. En effet, une telle spécialisation n’est pour l’instant pas envisageable dans le cadre du département d’archéologie de l’ISAD qui ne dispose pas à l’heure actuelle d’enseignant spécialisé dans le domaine, ni de l’équipement nécessaire. D’ailleurs, par manque de moyens à investir dans les analyses, les datations au 14C ne peuvent être que rarement réalisées lors des travaux des doctorants. Si les archéologues ivoiriens disposaient de moyens financiers pour réaliser des analyses, ils opteraient certainement en priorité pour les datations au 14C plutôt que pour des analyses paléoenvironnementales. En général, c’est la littérature scientifique sur l’environnement (géologie, pédologie et biologie) qui est utilisée dans l’analyse comparative. C’est par conséquent souvent le manque de données préexistantes disponibles qui incite souvent les archéologues ivoiriens à faire flèche de tout bois et à utiliser les traditions orales, l’histoire et une forme d’ethnoarchéologie pour comparer les données. Cela permet la mise en place d’un discours moins basé sur la comparaison des sites, que sur les rapports entre les sociétés locales et leurs relations avec les vestiges. L’indisponibilité des données est la conséquence de l’insuffisance de travaux déjà réalisés, à laquelle s’ajoutent les lacunes dans la gestion de la documentation scientifique.
12.8) Problèmes de la gestion de la documentation scientifique Le problème de la disponibilité de la documentation scientifique pénalise le travail des chercheurs. En raison du contexte de la recherche, les archéologues et les étudiants peinent à avoir accès à la documentation nécessaire à leurs travaux. Avec le temps, certains documents se perdent, parfois définitivement. En raison des pertes, l’existence de nombreuses publications a été purement oubliée. Aux débuts de mes recherches, seule une soixantaine de références bibliographiques traitant de l’archéologie en Côte d’Ivoire m’ont été transmises par les archéologues ivoiriens. Les recherches bibliographiques réalisées pour l’analyse historiographique m’ont finalement permis de recenser 279 publications, rapports de fouille et de prospection ainsi que des travaux académiques traitant en partie ou intégralement du sujet (voir annexe 1). De plus, beaucoup de documents, dont la majorité des rapports de recherche, n’ont pas été recensés. Quatre types de documents sont principalement utilisés en archéologie : les publications, les rapports de recherche, les travaux académiques et les documents d’archives. Les publications sont les documents publiés dans des revues scientifiques ou des journaux de différentes natures. Les rapports sont les documents internes réalisés à la suite d’une opération archéologique (fouille ou prospection). Durant l’époque coloniale, des rapports de recherche archéologique étaient réalisés par des administrateurs ou des 208
scientifiques et étaient parfois envoyés à l’administration. Dès la création de l’IHAAA, des rapports sont systématiquement rédigés à la suite des recherches sur le terrain. Les données présentées dans ces rapports ne sont pas souvent publiées. Pour les archéologues ivoiriens, l’accès à une publication est difficile. Le cas des rapports est ambigu ; ceux-ci mentionnent les données d’un archéologue qui prévoit certainement de les publier ultérieurement. Certains de ces documents sont donc parfois utilisés pour aiguiller les recherches à venir mais ne sont généralement pas cités car ils sont toujours en attente d’une hypothétique publication de la part de leurs auteurs. Il s’agit donc de littérature grise dont la dynamique de conservation est complexe, car personne ne peut prétendre officiellement posséder ce genre de documents. Les travaux académiques sont des mémoires de maîtrise et de DEA ainsi que des thèses de 3e cycle, d’État ou PhD. Ces travaux ont été soutenus dans différentes universités en France, en Côte d’Ivoire, en Russie et aux États-Unis. Les documents d’archives sont des documents datant de l’époque coloniale. Il s’agit des mêmes documents d’archives qui sont utilisés lors de la phase de pré-fouille. L’histoire de l’archéologie ivoirienne est marquée par plusieurs institutions et pôles de recherche qui se sont succédé dans le temps mais qui n’ont pas de lien entre eux (administrateurs coloniaux, Centrifan d’Abidjan, IHAAA, ISAD). Les fonds documentaires ne se sont jamais transmis lors des changements institutionnels. À chaque transition, l’institution nouvellement créée doit donc se reconstituer entièrement un nouveau fond de documentations sans pouvoir hériter de la documentation de la structure de recherche précédemment en activité. Les recherches réalisées durant les périodes coloniales étaient publiées dans des revues à Paris, à Dakar, et plus rarement à Abidjan. Suite à l’indépendance du pays, de nombreux coopérants français, belges, russes, et suisses ont travaillé en Côte d’Ivoire et ont publié des articles dans leur pays respectif. Les lieux de publication des documents traitant de l’archéologie en Côte d’Ivoire sont donc éparpillés entre plusieurs pays et sur deux continents. Ces articles publiés à l’étranger sont difficiles d’accès, car la plupart n’ont simplement pas été diffusés en Côte d’Ivoire. Généralement, les documents publiés en Europe, qui sont connus des archéologues ivoiriens, ont été transmis directement en main propre par les coopérants qui les ont publiés ou alors ont été obtenus durant un voyage en Europe. Avant la crise postélectorale d’avril 2011, plusieurs centres de documentations étaient consultés par les archéologues : – La Bibliothèque Centrale de l’Université FHB d’Abidjan-Cocody – La Bibliothèque de l’ancienne Faculté des lettres et sciences humaines – La Bibliothèque de l’Institut d’Ethnosociologie (IES) – La Bibliothèque du Centre de recherche et d’action pour la paix (CERAP) – Le Centre culturel français 209
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L’Institut de recherche pour le développement (IRD) La Bibliothèque nationale Les Archives nationales de Côte d’Ivoire (ANCI) Le fond de documentation de l’ISAD (réuni par les enseignants) Le fond de documentation de l’IHAAA (en partie délocalisé au département d’Histoire) – Les archives de la SODEMI.
Généralement, les ressources manquent pour mettre en place des systèmes de prêt et la plupart des centres refusent la sortie d’un document. Il est donc impossible d’en faire des photocopies à l’extérieur. Les documents que possèdent personnellement certains chercheurs ne peuvent non plus être photocopiés facilement car ils nécessitent un investissement financier relativement conséquent. Ce contexte pénalise la duplication des documents et favorise leur inaccessibilité, voire même leur disparition, en cas de perte du document original. À Abidjan, l’accès à internet demeure limité. Le matériel informatique de l’Université d’Abidjan a été pillé durant la crise postélectorale d’avril 2011. Le nombre de postes informatiques disponibles est encore restreint. Un abonnement internet est très onéreux pour un étudiant ou un doctorant tandis que les cybercafés, bien que très populaires, servent principalement à la consultation des courriels et ne sont pas assez commodes (connexion et matériel) pour une recherche documentaire efficace. De plus, comme pour les photocopies, les impressions de documents numériques coûtent cher. À Abidjan, la situation de l’accès à Internet n’est donc pas favorable à la recherche de références bibliographiques ou de documents en ligne. Parfois, la perte de ressources bibliographiques est le fait d’une personne d’autorité (enseignant ou chercheur) qui fait sortir des documents de son Institut pour les besoins de ses recherches personnelles ou celles d’un de ses étudiants. Les organismes de recherche n’ayant aucun contrôle sur les documents sortis, plusieurs de ces derniers, souvent originaux ou exemplaires uniques, ont ainsi été perdus, parfois définitivement, car ils n’ont simplement jamais été rendus. En 2011, la Bibliothèque centrale de l’Université de Cocody-Abidjan a été la cible de pillages et de déprédations. Néanmoins, une partie du fond de documentation du département d’archéologie de l’ISAD a pu être mise en sécurité au domicile d’un des trois enseignants avant le conflit. Plusieurs des étudiants en archéologie rapportent aussi avoir perdu leur documentation personnelle lorsqu’ils ont dû quitter leur domicile en raison des combats qui se déroulaient en ville d’Abidjan. L’accès aux éditeurs pour publier des travaux est aussi difficile pour les archéologues ivoiriens. Peu d’opportunités se présentent à eux pour diffuser leurs recherches. Aux débuts de l’IHAAA, il était prévu que le contenu des rapports de recherche soit publié. Toutefois, la plupart de ces travaux n’ont 210
finalement pas fait l’objet de publication1. Seuls leurs rapports subsistent donc. En dehors des articles scientifiques, seuls deux ouvrages traitant de l’archéologie en Côte d’Ivoire ont été publiés (Guédé et Lioubine, 2000 ; Kouassi, 2012). Victor Tiégbè Diabaté avait préparé le manuscrit d’un ouvrage intitulé Études archéologiques de Kong, Tome 1 (Diabaté, 1982). Toutefois, ce manuscrit n’a finalement jamais été publié. Plusieurs ouvrages sur l’histoire de la Côte d’Ivoire sont sortis de presse récemment alors qu’ils avaient été rédigés il y a longtemps. En 1920-1921, l’administrateur Louis Tauxier avait écrit un livre sur l’histoire de la ville de Kong qui était resté à l’état de manuscrit. Il a finalement été publié en 2003, quand Edmond Bernus l’a retrouvé dans les archives de la Société des africanistes (Tauxier, 2003). La thèse de Georges Niamkey Kodjo, soutenue en 1986 (Kodjo, 1986), a finalement été publiée en 2006 (Kodjo, 2006). De nombreuses données sont en attente de futures publications. Pourtant, comme il a été mentionné précédemment, la rédaction de publications est nécessaire pour préparer l’admission à chaque grade académique. La perspective d’une publication devient donc un enjeu. Pour les grades académiques de maître de conférences et de Professeur ordinaire, des publications à l’étranger (ou internationales) sont nécessaires. Plusieurs revues publient des articles concernant la recherche archéologique actuelle en Côte d’Ivoire : – Godo Godo, la revue de l’IHAAA créée en 1976 est toujours publiée au rythme de deux numéros par an. – La Revue ivoirienne d’Histoire fait suite à la série I (Histoire) des Annales de l’Université d’Abidjan en 2000. La publication est normalement annuelle, mais les derniers numéros ne sont pas parus. – Kasa Bya Kasa (« La vérité est parole » en Abron) est la revue de l’Institut d’Ethnosociologie (IES). La publication est biannuelle. – Nyansa Pô, Revue africaine d’Anthropologie est la revue de l’ISAD. Elle est publiée à raison de deux numéros par année. Diverses revues africaines pourraient être ouvertes aux articles sur l’archéologie en Côte d’Ivoire, notamment les revues basées sur les campus des autres universités ivoiriennes ou, à l’étranger, dans les revues scientifiques des Universités de Lomé, Cotonou et Bamako, par exemple. Toutefois, il est nécessaire que l’article corresponde à la ligne éditoriale des revues2. Dans les publications internationales, les archéologues ivoiriens peuvent proposer des articles à la revue de l’Association ouest-africaine d’Archéologie (AOAA/WAAA) nommée West African Journal of Archaeology ou à la revue Nyame Akuma de la Society of Africanists Archaeologist (SAfA). 1 2
Entretien avec François Yiodé Guédé, le 14 novembre 2011, à Abidjan. Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 4 janvier 2011, à Korsimoro, Burkina Faso.
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Les problèmes de gestion de la documentation scientifique ne sont pas uniquement attestés en Côte d’Ivoire ; la situation est similaire dans les autres pays d’Afrique de l’Ouest. En 1980 déjà, H.-J. Hugot (1980, p. 620) signale les dispersions et disparitions qui affectent la documentation scientifique de l’archéologie. Il est parfois difficile de trouver les ouvrages mentionnés en citation dans les articles accessibles aux chercheurs. N’ayant pas accès aux publications originales, les archéologues doivent donc se fier aux citations de seconde main. C’est le cas, par exemple, d’Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré qui cite, dans un article de 2012 (Kiénon-Kaboré, 2012b, p. 30), les propos de 1929 d’A. Reister (Reister, 1929, p. 570-571), d’après une citation d’un article de Fofana Lemassou paru en 1993 (Fofana, 1993, p. 257-276). Si la référence est mentionnée, la pratique est acceptée sans problème1. Parfois, des recherches antérieures tombent dans l’oubli. Par exemple, lorsque Sylvain Badey réalise des recherches dans la réserve de Lamto, il considère qu’il n’existe aucun travail antérieur dans la région (Badey, 2006, p. 60). Pourtant, plusieurs opérations avaient déjà été menées à proximité de sa zone d’étude. Les documents traitant de ces recherches sont toutefois difficilement accessibles et peu connus. Les problèmes liés à la documentation scientifique obligent les archéologues à un travail perpétuellement pionnier ; des travaux antérieurs existent, mais sont souvent introuvables. Pour pallier ce manque, les archéologues ivoiriens comparent parfois leurs résultats avec d’autres données, comme celles des traditions orales.
12.9) Utilisation des traditions orales Les archéologues ivoiriens recourent parfois aux traditions orales pour augmenter les données collectées sur le terrain. Comme nous l’avons vu dans l’analyse historiographique en première partie de ce travail, l’utilisation des traditions orales dans la discipline scientifique de l’histoire est apparue suite à l’indépendance, lors de la réappropriation de l’histoire de l’Afrique par les intellectuels africains. Les traditions orales ont alors fourni de nouvelles sources à l’interprétation du passé, afin de pallier les documents écrits trop peu nombreux. De prime abord, les traditions orales sont subjectives et donc difficilement utilisables pour l’interprétation scientifique du passé. Au travers des versions du passé développées par les traditions orales transparaissent des intérêts actuels comme la défense du prestige et de l’image de marque d’une lignée ou d’un groupe de la société, des relations d’antériorités de l’occupation d’un espace et de la légitimation d’une hiérarchie (Perrot, 1996, p. 29). La situation actuelle influe donc sur la définition du passé évoqué dans les traditions orales. 1
Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 4 janvier 2011, à Korsimoro, Burkina Faso.
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Dès les années 1960, la collecte et l’analyse des traditions orales font l’objet d’une théorisation critique qui permet leur utilisation comme sources pour l’histoire de l’Afrique de l’Ouest (Vansina et al., 1964 ; Perrot, 1996). Cette étude critique des traditions orales se base sur une multiplication des sources différentes et donc des variantes, ainsi que sur l’identification et la compréhension des facteurs actuels ayant une incidence sur l’interprétation du passé par les sociétés locales (Vansina et al., 1964, p. 2-3). Claude Hélène Perrot, par exemple, confronte des données issues de collectifs différents au sujet de récits historiques, de généalogies, de toponymes, du territoire et des anciens sites du pays Agni (Perrot, 1985). L’étude des traditions orales implique un long séjour dans les collectifs interrogés. Ce séjour est nécessaire au croisement des sources par la collecte de variantes différentes et à la compréhension des facteurs actuels. Les données doivent ensuite être interprétées avec une position critique. L’analyse des sources orales est donc un travail scientifique qui nécessite un investissement pour parvenir à en extraire des données utilisables dans l’interprétation du passé. Cependant, les archéologues ivoiriens ne recourent aux traditions orales que dans le cadre de leurs recherches archéologiques et celles-ci ne sont pas la finalité de leurs travaux. Leurs collectes de récits sont plus brèves et ne suivent pas le protocole exact des historiens et des spécialistes des traditions orales comme Claude Hélène Perrot, par exemple (Perrot, 1985). D’ailleurs, les archéologues ne disposent pas des moyens nécessaires pour réaliser de longs séjours dans chaque village. De plus, le manque de croisement des données recueillies par les archéologues ne permet pas d’en faire une analyse critique, tenant compte des facteurs actuels influant sur l’interprétation du passé. La pratique des archéologues vis-à-vis des renseignements sur le passé obtenus au sein de communautés ne peut donc pas être considérée comme une étude historique sur la base des traditions orales au sens strict. L’enquête orale menée par les archéologues ivoiriens se déroule dans un cadre cérémoniel. Elle nécessite aussi l’accomplissement de rituels propres à chaque région. Généralement, l’entretien prend la forme d’une cérémonie qui réunit le chef du village et la notabilité. Suivant les régions, une catégorie de personne précise est habilitée à évoquer le passé. Il s’agit souvent des personnes âgées du village. Parfois, l’évocation des traditions orales peut être attribuée à un notable particulier. En cas de l’indisponibilité de cette personne, l’enquête orale ne peut être menée. Suivant les objectifs spécifiques des archéologues, un questionnaire est élaboré avant les entretiens. Les questions adressées à l’assemblée suivent cette grille d’entretien. L’archéologue peut orienter la personne interrogée sur des thématiques, mais l’entretien n’est pas une discussion ouverte. La personne qui évoque les traditions orales ne doit pas être interrompue lorsqu’elle exprime ses connaissances aux archéologues. Il s’agit d’entretiens semidirectifs comme les appellent les chercheurs ivoiriens (Kouassi, 2012, p. 82). 213
Les propos tenus lors de l’entretien oral sont parfois enregistrés au dictaphone. Les sujets évoqués ainsi que la durée des entretiens dépendent évidemment des objectifs de l’archéologue. Les renseignements oraux obtenus répondent à deux objectifs méthodologiques distincts. Le premier, et le principal, est de localiser les sites anciens. Le second vise à récolter des informations de nature variée susceptibles d’apporter des compléments d’information au sujet de l’étude. Elles seront ensuite utilisées dans l’analyse des vestiges par confrontation des sources. Dans le premier cas, les renseignements fournis ont un impact pratique sur la localisation des sites visités et sur le choix des sites fouillés. Toutefois, sauf dans le cas d’une analyse spatiale des sites, ces renseignements ont une conséquence limitée sur l’analyse des données. En second lieu, les traditions orales sont parfois utilisées dans l’analyse afin de les comparer avec les vestiges, suivant le type de site et les objectifs du chercheur. Ces informations sont bien évidemment surtout utiles pour les sites archéologiques les plus récents, dont les populations locales entretiennent la mémoire. Les extraits de traditions orales mentionnés en annexe de l’ouvrage de Siméon Kouakou Kouassi sur l’archéologie côtière de la Côte d’Ivoire donnent un aperçu des procédures des archéologues ainsi que des renseignements demandés auprès des informateurs (Kouassi, 2012, p. 275290). L’auteur utilise une grille d’entretien ainsi que des fiches d’enregistrement. Les questions portent sur les sujets de la société actuelle et de ses origines, de présence des vestiges et des relations qu’entretiennent les sociétés actuelles avec ces vestiges. Les questions concernent également les anciens vestiges détruits. D’autres renseignements sont aussi demandés au sujet des activités anciennes des sociétés actuelles (mode de vie, moyens de subsistance, artisanat et habitat). Ces informations sont utilisées pour deux objectifs. Dans un premier temps, il s’agit de comprendre les rapports entre la société actuelle et les vestiges. Les archéologues peuvent ainsi savoir si les vestiges sont antérieurs à l’arrivée des populations locales dans la région et si des légendes existent au sujet des anciens occupants. En deuxième lieu, les traditions orales permettent de reconstituer les anciens modes de vie de la société questionnée et d’observer les mutations. Ainsi, les modes de vie anciens, d’avant l’industrialisation, sont documentés afin de pouvoir reconnaître les vestiges anciens de la société actuelle des autres vestiges archéologiques. La définition du mode de vie ancien de la société étudiée aboutit aussi à une comparaison actualiste avec les vestiges qui l’environnent. Les sources orales recueillies par les archéologues sont toutefois limitées dans le temps. Selon Victor Tiégbè Diabaté, elles ne remontent que rarement au-delà du XVIe siècle, ce qui correspond aux dernières migrations (Diabaté T. V., 1979a). Pour les périodes antérieures au XVIe siècle, les archéologues ne peuvent qu’obtenir des traditions orales la confirmation que les vestiges
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existaient déjà lors de l’arrivée des populations actuelles dans la région du site archéologique. Cela reste toutefois une information importante. Les traditions et informations orales récoltées par les archéologues n’ont pas pour but de générer un discours historique basé sur l’oralité, mais plutôt d’enregistrer les rapports qu’entretiennent les populations locales avec les vestiges. De plus, comme le montre le travail de Siméon Kouakou Kouassi, les archéologues ont des objectifs clairs pour lesquels ils utilisent une méthode appropriée. La pratique des archéologues vis-à-vis des renseignements oraux n’est donc pas une mauvaise application de la pratique de l’étude des traditions orales, telle que la définissent des spécialistes comme Jan Vansina ou Claude-Hélène Perrot ; il s’agit en fait d’une pratique scientifique qui vise un autre but. Au-delà des intérêts scientifiques directs pour l’archéologie, les enquêtes orales sont aussi motivées par le besoin de maintenir de bonnes relations avec les communautés locales, sans qui la recherche serait très difficile. Par respect envers ces collectifs, les archéologues sont concernés par les traditions historiques orales entretenues dans la hiérarchie de l’autorité coutumière. Le contact de proximité avec les villageois, lors des enquêtes orales, est aussi l’occasion, pour les chercheurs, de faire la médiation culturelle de l’archéologie, à l’intérieur du pays1. La collecte de renseignements oraux par les archéologues est aussi motivée par le rôle potentiel de l’archéologie dans l’étude des traditions orales. En effet, à défaut de sources écrites, seule l’archéologie permettrait de recouper et vérifier les données de la tradition orale (Person, 1964, p. 335-336). Les traditions orales ne permettent pas d’apporter des précisions d’ordre chronologique sur l’évolution des sociétés (Terray et Perrot, 1997, p. 326). L’archéologie pourrait éclairer cette chronologie ainsi que les modalités des évènements. Les archéologues sont donc sensibles à l’intégration de leurs données dans les discours des historiens et au rôle potentiel de l’archéologie dans l’historiographie africaine, principalement élaborée grâce aux traditions orales. Les traditions orales conservées par les populations des différentes régions de la Côte d’Ivoire tendent à se perdre au fil du temps (Bony, 1975b). Selon Siméon Kouakou Kouassi, la représentation parfois antithétique des aspects culturels et des anciens modes de vie avec le développement et la modernité menace la transmission des traditions orales auprès des jeunes. Leur perte aurait un impact majeur sur la recherche archéologique en raison du rôle qui lui est attribué dans cette pratique scientifique (Kouassi, 2007a). C’est donc certainement dans un but également urgentiste que les archéologues consignent des données orales sur les populations qu’ils côtoient avant que ces informations ne disparaissent.
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Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 24 octobre 2011, à Angonda.
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Dès le début des premières observations archéologiques par les administrateurs coloniaux, les populations avoisinant les vestiges étaient questionnées sur leurs origines. Au départ, elles ne sont utilisées que pour vérifier l’ancienneté des vestiges. Dès l’indépendance, les archéologues recourent de plus en plus à ces traditions orales dans leurs recherches, très certainement en raison du nouveau paradigme de l’histoire africaine qui reconsidère les traditions orales. L’interrogation des traditions orales pour comprendre les vestiges est donc une pratique qui remonte aux origines de la discipline. L’analyse des entretiens oraux par les archéologues aboutit également parfois à une comparaison actualiste très particulière entre les vestiges et les modes de vie anciens des populations locales actuelles. Cette particularité se retrouve aussi dans la pratique, par les archéologues ivoiriens d’une forme d’ethnoarchéologie spécifique.
12.10) L’ethnoarchéologie L’ethnoarchéologie est une expérience visant à tester la validité d’une hypothèse par la comparaison actualiste. Si un comportement actuel et observé produit des traces similaires à celles de vestiges archéologiques, la corrélation entre le comportement actuel et l’interprétation des traces anciennes est valide. Toutefois, la forme spécifique d’ethnoarchéologie généralement pratiquée par les archéologues ivoiriens ne conduit pas toujours à la validation d’une hypothèse d’interprétation précise. Cette pratique vise à documenter des procédés techniques anciens dans le lieu même où ont été découverts des vestiges archéologiques. Concrètement, les archéologues documentent des procédés techniques actuels mais considérés comme anciens ou traditionnels parce qu’ils n’appartiennent pas aux composantes matérielles de l’industrialisation. Les archéologues associent ensuite les vestiges avec les comportements actuels qualifiés de traditionnels dans le même lieu. Mais cette comparaison ne passe pas par l’établissement d’un lien de corrélation objectif entre les vestiges archéologiques et les comportements modernes. En réalité, il ne s’agit pas d’ethnoarchéologie au sens strict, mais plutôt d’ethnographie comparée. Cette pratique d’observation de techniques anciennes se déroule généralement dans le cadre de recherches archéologiques. Il s’agit d’observations directes ou d’enquêtes orales sur les productions techniques traditionnelles ou l’artisanat ancien. Lors d’une prospection archéologique dans la région de Mankono, Bernadine Biot a mené une série d’enquêtes auprès de populations locales au sujet de la fabrication, de la diversité et de l’évolution de la céramique dans la région (Biot, 1989). Siméon Kouakou Kouassi rassemble également des informations sur la production ancienne de la céramique dans la zone lagunaire (Kouassi, 2011b). Il documente aussi les 216
activités du tissage chez les Dida, toujours dans la zone côtière (Kouassi, 2011a). Ces observations ne servent pas directement à une comparaison actualiste ; il s’agit plutôt de la documentation ethnographique des techniques anciennes au sens large. Cette pratique de documentation des techniques de productions anciennes apparaît en Côte d’Ivoire à la fin des années 1980. Elle ne possède pas d’origine attribuable dans l’historiographie de l’archéologie ivoirienne. Toutefois, plusieurs objectifs clairement revendiqués incitent les archéologues à réaliser ces observations. Bernadine Biot (1989, p. 32), par exemple, avait l’intention de créer un corpus de céramique. L’enregistrement des faciès actuels aurait pu servir d’ébauche à ce corpus. De plus, la connaissance des styles actuels permet d’identifier les sites archéologiques récents qui contiendraient des faciès similaires. Pour Bernadine Biot comme pour Siméon Kouakou Kouassi, la collecte de données actuelles sur la céramique répond également à une nécessité urgentiste (Biot, 1989, p. 32 ; Kouassi, 2011b, p. 75). En effet, les matériaux d’origine industrielle remplacent progressivement la culture matérielle produite localement. Dans ce contexte, les archéologues se sentent concernés par la disparition des techniques de production anciennes et prennent en charge leur documentation. Concrètement, il s’agit d’ethnologie, mais dans un cadre théorique ambigu et dans le contexte urgentiste, la pratique trouve une légitimation en étant considérée comme une forme d’ethnoarchéologie. Pour un archéologue, ces observations sont aussi le moyen d’enrichir les données acquises durant les terrains pour rentabiliser au maximum les moyens limités de ces recherches. La pratique des archéologues ivoiriens soulève toutefois un problème. En effet, selon Jean Polet (2004, p. 26), il y a une forte tentation pour placer dans un temps long les constructions sociales actuelles considérées comme « anciennes », mais qui sont en fait issues de l’histoire récente dont on ignore la longévité réelle. Une telle pratique instaure une atemporalité qui ne considère pas les importants changements économiques et sociaux (Shepherd, 2002, p. 202). Cette pratique dite « ethnoarchéologique » débouche sur la vision d’une longue durée, sans changements sociaux importants des communautés actuelles depuis les derniers peuplements. Ces derniers peuplements marquent le début de la période subactuelle durant laquelle les ethnies modernes de la Côte d’Ivoire se mettent en place. L’enjeu de cette longue durée trouve donc sa place dans le cadre idéologique des derniers peuplements de la Côte d’Ivoire actuelle.
12.11) Le discours sur le peuplement Dans un contexte de manque de moyens financiers et de dépendance visà-vis des populations locales, les archéologues enregistrent des données sur le passé des sociétés actuelles (traditions orales, ethnologie, ethnoarchéologie). De plus, l’archéologie ivoirienne traite surtout des 217
vestiges repérables en surface qui sont souvent les plus récents. L’utilisation de ces données amène le discours de l’archéologie sur celui, plus général, de l’histoire des peuplements récents du pays. Contrairement aux peuplements anciens, l’histoire des peuplements récents traite du passé des collectifs et aires culturelles actuels de la Côte d’Ivoire (Fig. 7). Les peuplements récents marquent le terminus post quem des traditions orales et donc du champ de l’histoire basée sur les récits oraux. En effet, les traditions orales ne remontent pas au-delà des dernières migrations et de la constitution des sociétés actuelles dont elles rapportent l’histoire. Cette période entre l’arrivée des populations actuelles et la colonisation est appelée « subactuelle » ou « sub-récente ». Elle est marquée par des mouvements migratoires vers la Côte d’Ivoire entre les XVIe et XVIIe siècles et aboutit à la constitution des grandes aires culturelles modernes : mandé, voltaïques, krou, akan et groupes côtiers (Ekenza et Tirefort, 2000, p. 12). Dans les années 1960, les intellectuels ivoiriens se réapproprient l’histoire du pays par l’incorporation, dans le discours de la discipline, des données issues des sources orales. Ils désirent aussi faire participer les collectifs locaux à l’élaboration du discours historique (Wondji, 1975, p. 23). Cependant, les traditions orales n’évoquent que le passé interne des populations qui les entretiennent et non des interactions entre les groupes. De plus, les documents écrits de l’époque coloniale sont généralement des monographies de cercles dont les discours se situent aussi à l’échelle régionale. L’histoire générale de la Côte d’Ivoire ne peut donc être que l’histoire cumulative des différentes régions (Ekenza et Tirefort, 2000, p. 11). C’est donc l’histoire des derniers peuplements qui constituent le discours historique de la période subactuelle. Durant l’époque de la Coopération française, les archéologues de l’IHAAA avaient choisi de ne pas se diriger sur l’étude du peuplement du pays car l’histoire des peuplements est sujette aux notions politiques actuelles. Selon Alain Marliac, les recherches sur l’histoire des ethnies aboutissent à des résultats semblables à celles de l’histoire des nations. L’histoire d’un peuple ne peut être réalisée qu’avec la vision de continuité de sa réalité politique (Marliac, 1978, p. 364). L’histoire du peuplement implique donc la considération d’une longue durée sans changements sociaux ou économiques importants au sein des différentes populations. Seule l’histoire de la migration retient les attentions. L’évolution de la société n’est pas considérée. Selon Claude-Hélène Perrot (1985, p. 1291), le moment initial des migrations est l’enjeu principal de l’histoire des peuplements, car c’est à cette époque que se sont fixées les hiérarchies sociopolitiques qui font toujours référence aujourd’hui, dans le cas d’un litige, notamment foncier. L’histoire est source de droit, car celui-ci est régi par le principe d’antériorité. À l’échelle des communautés, l’interprétation de l’histoire justifie donc les hiérarchies. Les auteurs de l’histoire ivoirienne sont manifestement préoccupés par l’identification des premiers occupants 218
des différentes régions de la Côte d’Ivoire. C’est le cas, par exemple, d’Antoine Louhoy Téty Gauze qui cherche à définir les plus anciens habitants des forêts ivoiriennes (Gauze, 1969). L’implication politique de l’histoire subactuelle a aussi fait le jeu des colons français. Emmanuel Terray et Claude-Hélène Perrot rapportent une anecdote étonnante sur l’historiographie du royaume Abron. Lorsque Louis-Gustave Binger raconte son voyage dans la région de Bondoukou, celui-ci affirme que les Abron n’ont jamais été tributaires des Asante (Ashanti). Cette affirmation erronée est étonnante de la part d’un observateur comme Binger. D’après Emmanuel Terray et Claude Hélène Perrot, il ne s’agit pas d’une erreur mais d’un acte intentionnel. En effet, lors de la pénétration française en Côte d’Ivoire et anglaise au Ghana, la convention veut qu’un traité signé avec un souverain africain engage ses vassaux. La déformation de l’histoire du Royaume Abron par Louis-Gustave Binger a donc permis aux Français d’écarter ce pays de la sphère d’influence anglaise (Terray et Perrot, 1997, p. 330).
Fig. 7. Carte schématique des principales aires culturelles et linguistiques de Côte d’Ivoire.
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En Côte d’Ivoire, l’histoire des peuplements fabrique une sorte d’état originel du pays constitué d’une soixantaine ethnies différentes (Fig. 7). La Côte d’Ivoire est habitée par une pluralité de populations différentes. La construction identitaire nationale du pays réside dans la définition exhaustive de cette pluralité d’ethnies. Cette définition est possible grâce à la conception d’une longue durée qui correspond à la période subactuelle. En réalité, l’histoire de la Côte d’Ivoire depuis l’installation des populations actuelles est certainement marquée par de nombreuses dynamiques de changements économiques et sociaux très fluides et dont l’étude permetterait de remettre en question une telle définition. Le discours sur les peuplements de la Côte d’Ivoire apparaît au moment où le pays connaît une grave crise identitaire. Jusqu’aux années 1980, l’économie florissante de la Côte d’Ivoire a entraîné un afflux migratoire important des autres pays d’Afrique de l’Ouest. Dès la crise économique, de vifs débats liés à l’autochtonie ivoirienne sont apparus. Le débat a entraîné le développement de deux formations politiques en Côte d’Ivoire, l’une autochtone, l’autre allogène. La première soutient une position nationaliste de gauche, économiquement protectionniste, en réaction à la présence de personnalités étrangères dans les affaires publiques ivoiriennes. C’est dans cette perspective qu’est apparu le concept d’Ivoirité qui définit les caractères nationaux ivoiriens. Cette formation est représentée par le FPI (Front populaire ivoirien) de Laurent Gbagbo. La seconde position est celle d’acteurs cosmopolites de la Côte d’Ivoire ayant des visions libérales sur l’économie ivoirienne. Ce parti est celui du RDR (Rassemblement des républicains) d’Alassane Ouattara. Depuis la crise politique de 2002, un conflit armé s’est engagé entre les deux formations. Ce conflit s’est terminé par la crise postélectorale de 2011 et la prise du pouvoir par Alassane Ouattara. Dans le contexte actuel de crise identitaire, le discours sur les peuplements a donc un enjeu important, car il aboutit à la définition de l’état originel des sociétés plurielles de la Côte d’Ivoire. Le discours historique sur la période subactuelle conduit donc à déterminer ce qui entre dans la cadre de la diversité ivoirienne. De plus, la difficulté de trouver une position neutre entre une définition trop rigide de l’identité ivoirienne et une autre, à l’inverse trop ouverte, place les historiens et les archéologues dans une position idéologique périlleuse lors de la diffusion de leurs recherches au public.
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13) Médiation culturelle de l’archéologie ivoirienne
13.1) Archéologie et médiation culturelle en Côte d’Ivoire Il existe relativement peu d’opportunités pour présenter les recherches des archéologues au public. Le principal lieu de médiation culturelle pour l’archéologie ivoirienne est le Musée des civilisations. Ce Musée dispose de collections archéologiques dont une partie est présentée dans l’exposition permanente. Les expositions temporaires sont aussi l’occasion de mettre en valeur les nouvelles recherches. La situation est difficile dans le domaine culturel. Le MCCI doit faire face à des problèmes financiers et techniques importants qui limitent ces possibilités d’action. De plus, l’archéologie ne constitue qu’une partie des collections du MCCI qui est également tourné vers l’art ivoirien, l’ethnologie et l’ethnomusicologie. Le MCCI permet donc une médiation de l’archéologie ivoirienne, mais celle-ci reste à la mesure des possibilités. Le rôle attribué par les intellectuels ivoiriens à l’étude du passé est d’offrir, à la société ivoirienne, une meilleure connaissance d’elle-même. Ainsi, elle sera mieux disposée à intégrer, par hybridation, les éléments culturels exogènes importés en Afrique par le développement (Ki-Zerbo, 1975 et 1986). Une meilleure connaissance du passé aboutit aussi à la compréhension de la cohabitation des différentes composantes de la population ivoirienne et ainsi, à une meilleure cohésion nationale (Gonnin et Allou, 2006). Si les résultats de la recherche archéologique ne sont pas accessibles au public, elle manque alors à son rôle. De plus, l’absence d’une médiation culturelle plus active pénalise la sensibilisation du public et surtout les pouvoirs publics à l’importance du patrimoine archéologique. Du fait du manque de médiation, les pouvoirs publics, insuffisamment sensibilisés, ne sont pas incités ou motivés à financer la recherche et à prendre des mesures pour la protection des sites. Jusqu’en 2009, les archéologues ivoiriens ne s’investissaient que relativement peu dans la médiation de l’archéologie. Une rupture entre le Musée et les recherches universitaires était apparue dès l’Indépendance (Loukou, 1976, p. 142). Plusieurs projets communs entre l’IHAAA et le MCCI ont été initiés, mais n’ont finalement pas abouti à un partenariat plus important (Biot, 1997 ; Fofana, 1997). Les archéologues ivoiriens sont 221
généralement trop préoccupés par les nombreux problèmes liés aux modalités de la recherche pour s’investir dans la médiation. Le manque de publications empêche également les archéologues de communiquer leurs données issues de recherches autofinancées. Dans les milieux culturels, cette pratique est parfois perçue comme un réflexe carriériste des archéologues. Toutefois, les archéologues ivoiriens sont obligés d’adopter un tel comportement afin de protéger leurs données pour lesquels ils ont investi des moyens personnels. Si on observe un manque d’intérêts manifeste et surtout un manque total de moyen accordés par les pouvoirs publics à l’archéologie, ce désintérêt des pouvoirs publics est toutefois certainement en lien direct avec l’absence de médiation culturelle. L’État ne sera pas motivé à engager des moyens conséquents tant que l’archéologie ne concourra pas à apporter à la société ivoirienne une meilleure connaissance d’elle-même. La médiation de l’archéologie est donc une condition sine qua non pour le développement de la recherche. Dès 2009, une intensification des projets communs entre les archéologues de l’ISAD et le MCCI est observable, suite à l’exposition « Un peu plus proche, un peu plus lointain » conçue en partenariat avec le Musée du Laténium de Neuchâtel. Cette collaboration ouvre la perspective d’une meilleure médiation culturelle qui pourrait aider à dénouer une partie des problèmes de l’archéologie ivoirienne.
13.2) Origines des musées en Côte d’Ivoire et en Afrique de l’Ouest Comme nous l’avons vu dans la partie historiographique, l’archéologie en Côte d’Ivoire est une pratique importée d’Europe que la recherche locale s’est par la suite appropriée. Toutefois, des comportements sous-jacents liés à l’interprétation des vestiges existaient déjà. Qu’en est-il pour les musées en Côte d’Ivoire et en Afrique subsaharienne ? Comment sont-ils apparus et comment ont-ils évolué depuis la colonisation ? Claude-Hélène Perrot (1999) rapporte l’existence d’un bâtiment nommé l’Aban qui abritait le Musée royal à Koumassi capitale de l’État Ashanti, dans l’actuel Ghana. Le bâtiment en pierre avait été construit au début du XIXe siècle à l’époque du souverain Osei Tutu Kwame (ou Osei Bonsu). Il était adossé au palais royal. L’Aban abritait les trésors royaux constitués d’objets de prestige de facture akan auxquels ont été ajoutés les différents cadeaux offerts aux souverains ashantis par des visiteurs européens. Au fil du temps, un matériel très hétéroclite a été rassemblé dans le bâtiment comprenant, entre autres : des épées aux poignées recouvertes d’or, des calebasses recouvertes d’or, des boîtes ornées de clous d’or et d’argent, des chaînes en or, des gobelets et des verreries, une pendule, un portrait de la reine Victoria, de grandes quantités d’or brut, des livres et imprimés, des
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gravures et des peintures, un uniforme de la compagnie des Indes, des objets d’Afrique, etc. Le rôle de l’Aban et de ses collections d’objets de prestige était d’attester de la grandeur du Royaume Ashanti et de ses dirigeants. Le bâtiment a été détruit en 1874 lors de la mise à sac de la ville de Koumassi par les Anglais, alors en conflit avec l’Ashanti. Le reste des trésors de l’Aban que les Ashantis n’avaient pas emporté dans leur fuite a été saisi par les Anglais. La vente de ce matériel a rapporté 5 000 livres au profit des troupes (Perrot, 1999). L’Aban et ses collections d’objets de prestige constituent donc un antécédent d’une pratique assimilable à un musée dans la région ouest-africaine. Cette pratique correspond à celle d’un Muséetrésor qui atteste de la puissance de l’État Ashanti. Certains administrateurs coloniaux, comme Gaston Joseph (1913, p. 385), mentionnent parfois l’existence de « cases fétiches » dans les villages. Il signale que les haches polies découvertes par les villageois sont souvent entreposées dans ces cases fétiches, car les autochtones les interprètent comme des objets célestes. Les cases fétiches, dont la vocation première est cultuelle, sont donc également des lieux où sont conservées les curiosités qui interpellent les villageois. C’est dans les années 1940 et suite à la création de l’IFAN que se développe un réseau muséal dans toute l’AOF. Ce réseau sert également de structure de base aux missions scientifiques. Des musées, selon le modèle institutionnel occidental, sont implantés par l’IFAN dans chacune des colonies de l’AOF. En Côte d’Ivoire, il s’agit du Centrifan d’Abidjan. Ces musées sont le support du discours scientifique colonial et fédéral de l’AOF. Durant l’époque coloniale, des musées locaux existent aussi à l’intérieur du pays. Le Père Veit mentionne, en 1952, qu’un autre religieux, le Père Méraud, entretenait un musée local à Memni (Holas, 1952c, p. 94). Selon Marguerite de Sabran (1999, p. 885), dès l’époque coloniale, les détenteurs des autorités coutumières ont créé et soutenu des musées locaux pour affirmer leur position face aux puissances coloniales. Suite à l’Indépendance, le réseau muséal de l’IFAN s’est disloqué, à l’instar de l’AOF. Les anciens centres locaux de l’IFAN sont ensuite devenus des musées ou des Centres de recherche nationaux. À Abidjan, le Centrifan s’est mué en une institution muséale, l’actuel Musée des civilisations, qui présente alors des objets appartenant au patrimoine culturel ivoirien. Dès les années 1980, on observe la création de plusieurs nouveaux musées privés et locaux en Afrique de l’Ouest. Alors que les musées nationaux situent leur discours à l’échelle du territoire de l’État, ces musées régionaux sont utilisés pour mettre en valeur un patrimoine dont le caractère est exclusivement local. Selon Anne Gaugue (1999), ils résultent d’initiatives privées de la part d’associations villageoises ou de détenteurs de pouvoirs traditionnels. Plusieurs facteurs motivent la création de ces musées locaux privés. Entre autres, il peut s’agir pour la communauté d’un besoin de 223
préserver l’identité culturelle locale, de répondre à une menace sur la communauté, de renforcer sa cohésion ou de représenter son droit sur un territoire. Ces musées mettent en scène ce que les acteurs locaux estiment être le patrimoine local. Toutefois, cette représentation est adaptée aux enjeux actuels et permet d’affirmer le pouvoir des autorités coutumières. À l’instar de la représentation de la nation dans les musées publics, les musées privés locaux mettent en scène l’affirmation d’identités autres que nationales (Gaugue, 1999). Il existe donc deux tendances muséales distinctes en Afrique de l’Ouest. La première est représentée par les musées publics et nationaux qui sont issus de la réappropriation de la pratique muséale implantée en Afrique de l’Ouest durant l’époque coloniale. La seconde est marquée par l’installation de musées privés à l’intérieur du pays qui répondent aux besoins des collectifs locaux. Cette pratique trouve certainement ses origines profondes dans les anciens « Musées-trésor » et les « cases fétiches » utilisés par les autochtones. Pour l’instant, la recherche archéologique ivoirienne est principalement en relation avec les musées publics et plus particulièrement le Musée des civilisations de Côte d’Ivoire.
13.3) Le Musée des civilisations de Côte d’Ivoire Le Musée des civilisations de Côte d’Ivoire (Fig. 8) se situe sur le Plateau, quartier du centre administratif de la ville. Le bâtiment du Musée a été construit en 1942 à l’emplacement d’un ancien cimetière ébrié1. Il abritait d’abord un centre artisanal animé par l’artiste Pierre Mauze. En 1944, l’institution est reconvertie en un centre local de l’IFAN nommé Centrifan. Il est réorienté dans des fonctions muséales, sous la direction de Jean-Luc Tournier. En 1945, un bâtiment en « U » est construit derrière la salle d’exposition pour accueillir les bureaux de l’administration et une partie des réserves. Dès 1947, c’est l’ethnologue Bohumil Holas qui dirige le Centrifan. Suite à l’indépendance, le Musée n’est plus affilié à l’IFAN, mais au ministère de l’Éducation nationale sous le nom de Centre des sciences humaines. En 1972, il est rebaptisé « Musée national d’Abidjan ». Vers la fin des années 1970, la direction du Musée est transférée à l’actuel ministère de la Culture et de la Francophonie. En 1978, Bohumil Holas est remplacé à la direction du Musée par Yapo Osse qui reste en fonction jusqu’en 1984, puis par Adou Koffi (1984-1985), Yaya Savané (1985-2000) et Hortense Bekouan Zagbayou (2000-2006). Depuis la fin des années 1980, le Musée est membre de l’ICOM (Conseil International des Musées) et de l’ICCROM (Centre International d’Étude pour la Conservation et la Restauration des Biens Culturels). C’est en 1994 qu’il prend le nom de Musée des civilisations de Côte d’Ivoire. Silvie Memel Kassi dirige le Musée depuis 1
Entretien avec Djowa Zoko, doyen du MCCI, le 17 novembre 2011, à Abidjan.
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2006. Dès son arrivée, l’actuelle directrice et son équipe s’emploient à intensifier et à dynamiser l’activité du Musée et à réhabiliter ses infrastructures. Leurs efforts obtiennent rapidement des résultats tangibles. Un accroissement significatif du taux de fréquentation est perceptible. Toutefois la crise postélectorale de 2011, durant laquelle le Musée a été pillé, a gravement porté atteinte à l’institution.
Fig. 8. Le bâtiment d’exposition du MCCI en novembre 2011 suite aux dégâts de la crise postélectorale de 2011. Le bâtiment a depuis été remis en état.
Aujourd’hui, le Musée est composé de cinq bâtiments. La salle d’exposition est le bâtiment d’origine de 1942 (Fig. 8). Le bâtiment en « U » de 1945 abrite les bureaux, quatre dépôts, un centre de documentation et une salle de conférences. Une grande réserve a été construite avec le soutien de l’ICCROM. Un atelier de conservation-restauration servant de laboratoire pour l’entretien et l’étude des pièces a été construit dans le parc. Le cinquième bâtiment abrite un restaurant. Le Musée dispose de matériel informatique et audiovisuel, d’archives audiovisuelles ainsi que d’un centre de documentation. Toutefois, une partie de l’équipement du Musée a été volée durant la crise, comme le matériel informatique. Lors du terrain d’enquête, en automne 2011, le Musée était en cours de rééquipement. Au total, une quarantaine de collaborateurs travaillent au sein du MCCI sous la direction de Silvie Memel Kassi. Elle est secondée par le doyen Djowa
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Zoko, enseignant à l’INSAAC et le plus ancien collaborateur du Musée. Les conservateurs, animateurs et techniciens du Musée sont formés à l’INSAAC (Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle). L’INSAAC dispense des formations dans les domaines de la musique, des beaux-arts, du théâtre et de la danse, ainsi que dans l’action culturelle (documentalistes, archivistes, bibliothécaires, conservation du patrimoine). Le MCCI est composé de la direction, un secrétariat et de huit services : – Le service conservation et recherche étudie et entretient les collections du Musée. – Le service documentation gère la bibliothèque du Musée et la documentation nécessaire à son fonctionnement. – Le service exposition est chargé du suivi et de l’entretien des expositions. – Le service éducation et animation s’occupe des visites guidées et des ateliers. – Le service informatique et nouvelles technologies a pour objectif la numérisation des collections, la réalisation de support de diffusion et la réalisation d’imprimés pour la promotion du Musée. – Le service étude et projet conçoit et suit les projets d’activités du Musée, étudie leur faisabilité et enquête sur la réception du public. – Le service audiovisuel réalise et conserve, dans ses archives, les documents audiovisuels sur le Musée, ses collections et ses activités. – Le service communication s’occupe de la promotion du Musée, des relations extérieures et de la communication interne. Il existe aussi des services annexes liés au fonctionnement du Musée, comme entre autres, un service de comptabilité, d’entretien, de gardiennage et de menuiserie. Les objectifs du MCCI sont la conservation de ses collections, l’acquisition de nouvelles pièces, la présentation des collections au public et la recherche d’informations. Les collections du Musée regroupent des objets du patrimoine culturel ivoirien comme des pièces ethnographiques, iconographiques, archéologiques ou des œuvres d’art. En 2011, ces collections rassemblent environ 11 000 objets. Toutefois, seule une partie de ces pièces concerne l’archéologie au sens strict. Lorsque Silvie Memel Kassi est arrivée à la direction du MCCI, environ 10 000 objets étaient présents dans ces collections. La directrice a initié une politique d’acquisition qui a permis d’augmenter d’environ 1 000 pièces les collections du Musée. Dans cette optique, une mission de collecte d’objets d’art et d’archéologie a été organisée par le Musée dans la région de Lauzoua, en 2008. L’archéologue Siméon Kouakou Kouassi a été associé à cette mission qui a permis au Musée d’acquérir de nouvelles pièces. Jusqu’en 2011, les inventaires étaient lacunaires. En effet, beaucoup de données avaient été perdues depuis l’époque coloniale. Suite à la crise 226
postélectorale et au pillage du Musée, un expert de l’École du Patrimoine africain a été mandaté pour reconstituer les collections et établir un nouvel inventaire (Fig. 9). Beaucoup de pièces du Musée datent de l’époque coloniale. Comme les chercheurs de l’IFAN ne se limitaient pas aux frontières des colonies, certaines pièces d’autres pays de l’AOF se trouvent dans les collections du MCCI.
Fig. 9. Inventaire des pièces archéologiques du MCCI, en novembre 2011.
Depuis le milieu des années 2000, le taux de fréquentation du Musée est passé de 5 000 entrées à 30 000 par an. Le budget du Musée octroyé par l’État varie d’année en année. Cette attribution a longtemps avoisiné les 10 millions de CFA par an. Les moyens accordés par l’État ont significativement augmenté dès 2007. En 2008, le montant a atteint 85 millions de CFA. Les autres ressources du Musée sont la vente de livres, les taxes prélevées sur les œuvres d’art lors de leur exportation à l’étranger et les entrées. Le fonctionnement du MCCI nécessite davantage de moyens. Dans le contexte actuel, le maintien des activités de l’institution s’avère difficile. Les fonds manquent pour le renouvellement des expositions et pour la promotion du Musée. Malgré les difficultés, l’équipe du MCCI réalise de grands efforts pour développer l’institution, comme en attestent l’accroissement du nombre
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d’entrées, l’acquisition de nouvelles pièces dans ses collections et l’augmentation des crédits annuels accordés au Musée. L’équipe du Musée a initié de régulières expositions temporaires avec des institutions partenaires. En 2009, une exposition, en collaboration avec le Musée du Laténium à Neuchâtel, a présenté, à Abidjan, des objets archéologiques suisses. L’exposition intitulée « Un peu plus lointain, un peu plus proche », initialement conçue et réalisée pour le Musée du Houet de Bobo-Dioulasso, a été présentée au Musée national de Ouagadougou, puis au Musée des civilisations de Côte d’Ivoire. Les contacts établis grâce à la coopération suisse, l’ambassade de Suisse et les archéologues ivoiriens ont été le point de départ du projet de recherches archéologiques « Origine et développement de la métallurgie du Fer au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire ». L’exposition temporaire de 2013, intitulée « Le patrimoine de la Côte d’Ivoire : entre passé et présent », avait pour thème l’archéologie en Côte d’Ivoire. Elle a été montée en partenariat avec l’ISAD, le Laténium de Neuchâtel et le soutien financier de l’ambassade de Suisse. L’ouverture de l’exposition concordait avec le colloque international de l’Association ouestafricaine d’Archéologie, à Abidjan. Le Musée a également instauré un programme intitulé « Le Musée vient à vous » et qui consiste à exposer des pièces du MCCI dans des entreprises privées, comme des banques, et diverses institutions. Ce programme permet de présenter des pièces en dehors de l’enceinte de Musée et de susciter l’intérêt du public. Parmi les autres activités du Musée, chaque année sont organisées des « Vacances utiles » durant lesquelles les enfants en vacances scolaires peuvent s’inscrire à des ateliers sur l’artisanat et la culture ivoirienne. L’équipe du Musée réalise également des tournées, dans les écoles d’Abidjan, pour faire la promotion du MCCI. Le MCCI est également soutenu par la fondation Tapa pour les arts et la culture. Cette organisation non gouvernementale a été créée en 2001 par des acteurs du milieu de la culture ivoirienne pour promouvoir et développer des projets en lien avec la culture ou le patrimoine culturel. Silvie Memel Kassi, directrice du MCCI, en est actuellement la présidente. La fondation Tapa soutient principalement les musées ivoiriens pour leur équipement, leur promotion et leur coordination. Le site Internet de la fondation permet de présenter les différents musées. La fondation est alimentée par des donations, des legs, des mécénats, des revenus de ses activités et des subventions ministérielles. Le Musée est aussi en lien avec le WAMP (West African Museums Program). Le WAMP est une organisation non gouvernementale fondée en 1982, à Abidjan par l’International African Institute. De 1987 à 2012, son siège se situait à Dakar. Il se trouve actuellement à Ouagadougou (Burkina Faso). Le WAMP contribue au développement des musées ouest-africains en assurant leur communication ainsi qu’une assistance technique et financière. Devant les obstacles que doit affronter le MCCI et dans l’insuffisance de moyens étatiques accordés à 228
l’institution, le recours à des aides privées permet au Musée de maintenir des activités pour sa promotion et son développement.
13.4) Le MCCI et la médiation culturelle de l’archéologie Lors de sa création à l’époque coloniale, le Centrifan, l’actuel MCCI avait pris en charge la coordination de la recherche archéologique ivoirienne au travers de l’IFAN. Cependant à l’Indépendance et à la création de l’IHAAA, le Musée s’est distancé de la recherche. Pour l’historien JeanNoël Loukou, le Centre des sciences humaines a poursuivi la politique muséale de la recherche coloniale sans prendre part au changement profond de la société ivoirienne après l’Indépendance. Pour lui, le Musée n’est qu’une survivance de l’époque coloniale qui se limite à la conservation des anciennes collections (Loukou, 1976, p. 141-142). Dans les années 1980, des projets communs sont mis sur pied. Le département d’Histoire a donné des cours au sein du Musée. L’objectif était de faire travailler les étudiants sur les collections archéologiques du Musée. Des projets d’inventorisation et d’une exposition temporaire ont été envisagés (Biot, 1997). À la même période, l’archéologue François Yiodé Guédé entreprend l’inventaire des pièces archéologiques lithiques du Musée (Guédé, 1987). Toutefois, des projets plus importants de partenariat entre le Musée et les archéologues de l’IHAAA ne se développent finalement pas. Lemassou Fofana évoque une ancienne dispute entre les archéologues et le Musée suite à un accord, depuis abrogé entre le l’IHAAA et la Direction du Patrimoine. Depuis les deux institutions (Musée et IHAAA) étaient devenues très méfiantes l’une envers l’autre (Fofana, 1997, p. 55). L’éloignement entre les deux institutions s’est renforcé lors de la découverte du site de Gohitafla. Les archéologues de l’IHAAA avaient demandé des fonds au ministère de la Culture. Le Ministère a refusé d’octroyer ces moyens car, selon lui, c’était à l’IHAAA d’inclure les fouilles de Gohitafla dans ses programmes de recherches prioritaires et de les financer avec leurs propres ressources. L’IHAAA n’était en fait pas en mesure d’intervenir à Gohitafla. Après coup, l’Institut d’Ethnosociologie s’est approprié la paternité de la découverte (Fofana, 1997, p. 57). Depuis l’indépendance, plusieurs évènements ont donc généré une distance entre les muséologues et les archéologues. Comme le suggérait Bernadine Biot (1997, p. 27-28), la reprise d’une collaboration et l’intégration des archéologues comme partenaires du Musée des civilisations pourraient être réalisées mais graduellement. Récemment, les archéologues de l’ISAD et le MCCI ont intensifié les collaborations entre la recherche archéologique et le Musée, grâce aux projets ivoiro-suisses initiés en 2009 : l’exposition « Un peu plus lointain, un peu plus proche » en partenariat avec le Laténium, d’une part, et les fouilles archéologiques du projet « Origine et développement de la métallurgie du fer 229
en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso », d’autre part. Les deux expositions temporaires de 2009 et 2013, financées par l’ambassade suisse de Côte d’Ivoire, et les fouilles archéologiques, financées par la fondation SLSA depuis 2010, lient de surcroît le Musée et les archéologues au travers des partenaires suisses communs : les Universités de Neuchâtel et de Fribourg et le Laténium. Ces rapprochements sont donc nouveaux et très réjouissants. Le MCCI a toujours réalisé une médiation de l’archéologie. Concrètement, avant la crise postélectorale, les objets archéologiques étaient présentés en début de l’exposition permanente. Plusieurs séries d’objets étaient mis en scène dans trois espaces différents représentant le Paléolithique, le Néolithique et l’âge du Fer. Les objets sont principalement des objets lithiques (pierres taillées, haches polies) et des scories de fer. Dans ces collections, le MCCI dispose d’une trentaine de caisses d’objets archéologiques au sens large, soit environ un millier de pièces. Ces pièces sont très hétéroclites. Les vestiges sont principalement composés des anciennes collections de l’époque de l’IFAN. En effet, les archéologues n’ont pas l’habitude de déposer leur matériel archéologique dans le Musée et conservent les pièces en attente de pouvoir publier leurs résultats. De plus, les données associées aux pièces archéologiques du Musée ont été en partie perdues depuis l’époque coloniale. On ne connaît donc presque rien de leur contexte archéologique, ce qui diminue significativement leur valeur scientifique. D’autre part, il existe également, depuis l’époque du Centrifan et de la recherche scientifique coloniale, des vestiges archéologiques provenant d’autres pays de l’AOF dans les collections du MCCI. Toutefois, si les origines de la plupart des objets d’art peuvent être déterminées selon leur style, les typologies archéologiques de l’Afrique de l’Ouest et de la Côte d’Ivoire ne sont pas encore établies précisément. De ce fait, il est impossible de déterminer l’origine d’un vestige exogène. L’accès aux pièces du Musée permettrait aussi aux archéologues de les étudier et de les comparer avec leur matériel. Ces collections peuvent également faire l’objet de travaux académiques réalisés à l’ISAD. Sylvain Kouakou Koffi a déjà collaboré avec le Musée lors de la réalisation de sa thèse sur les pierres sculptées de Gohitafla (Koffi K. S., 2010). En 2013, au moins trois mémoires de Master étaient en préparation sur des objets issus en partie des collections du MCCI. De plus, les archéologues et le Musée pourraient être amenés à collaborer sur le terrain. La mission de collecte d’objets d’art et d’archéologie à Lauzoua en 2008 avait permis au Musée de faire de nouvelles acquisitions. Dans le cadre de cette campagne, Siméon Kouakou Kouassi avait participé aux recherches. Cette politique d’acquisitions sur le terrain pourrait aboutir à de nouvelles campagnes communes entre le Musée et l’ISAD. Pour le MCCI, une intensification des collaborations serait également enrichissante. En premier lieu les recherches archéologiques récentes peuvent être présentées lors d’expositions temporaires, comme cela a été le 230
cas en 2013. Plus généralement, l’archéologie et l’actualité de la recherche peuvent occasionnellement fournir au Musée de nouvelles pièces et de nouvelles connaissances à présenter au public. Si les archéologues confient leur matériel de fouille au MCCI, celui-ci pourrait acquérir de nouvelles pièces pour ses collections et ses expositions. De plus, les avancées de la recherche archéologique permettront peut-être ultérieurement de mieux déterminer l’origine des objets de ses collections et de les réinsérer dans les recherches scientifiques. Toutefois, bien que potentiellement très fructueuse, la collaboration entre le MCCI et les archéologues doit surmonter plusieurs obstacles. Le MCCI est actuellement le seul véritable lieu de médiation pour l’archéologie ivoirienne. Cependant, l’institution, créée à l’époque coloniale, a hérité d’une identité muséale tournée vers les arts ivoiriens, leurs significations et leurs aspects esthétiques. Le Musée n’est principalement pas orienté vers les discours de la recherche scientifique anthropologique et archéologique. De plus, il n’y a actuellement pas de personnel formé à l’archéologie au sein du MCCI. Les cursus de l’INSAAC incluent un cours d’archéologie, mais il n’est pas dispensé par un archéologue. Les compétences acquises lors de ce cours ne sont donc pas suffisantes pour permettre au personnel du Musée une mise en valeur dynamique de sa collection archéologique. La solution pour une meilleure gestion de ces collections serait d’engager ou de mandater un archéologue. Du côté des archéologues, la question de la conservation du matériel issu de leur fouille est toujours sous-jacente au projet de collaboration avec le Musée. Actuellement, les chercheurs conservent leur matériel de fouille tant que l’étude est en cours. Les archéologues conservent donc leur matériel jusqu’à une période indéterminée. La loi n° 87-806 du 28 juillet 1987 portant sur la protection du patrimoine culturel ne précise pas exactement quelle institution doit conserver les vestiges archéologiques issus de la recherche scientifique. Une convention manque pour définir la marche à suivre vis-à-vis du matériel archéologique que les chercheurs ont réuni. Ce flou n’est pas profitable aux musées qui pourraient ainsi acquérir de nouvelles pièces. La poursuite du développement de la coopération entre le MCCI et l’ISAD nécessite donc une compréhension réciproque des enjeux de chacun. Il est important que les archéologues se sentent concernés par le Musée, en tant que voie de médiation culturelle et donc de développement de leur discipline. D’un autre côté, il est nécessaire que le Musée accepte l’intégration des archéologues au sein de son institution. De plus, il est toujours nécessaire de trouver des financements pour concrétiser de tels projets de collaboration. Toutefois, l’intensification de la collaboration aboutirait à une émulation très positive des deux institutions.
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13.5) Autres voies de médiation pour l’archéologie En dehors du MCCI, il existe peu d’occasions de créer une médiation culturelle de l’archéologie auprès du public ivoirien. Des projets sont envisageables dans le cadre des autres musées nationaux ou dans des musées locaux privés. Cependant, ces opportunités sont relativement rares. Il existe plusieurs autres musées nationaux et publics en Côte d’Ivoire, comme le Musée national des Costumes de Grand-Bassam et le Musée des Armées, par exemple. À part le MCCI, aucun autre musée national ne dispose ni ne présente des collections archéologiques importantes. Cependant, certains musées pourraient avoir un lien avec l’archéologie, comme, par exemple, le Musée national des Costumes de Grand-Bassam. Selon son directeur, Tizié Bi Koffi, même si la thématique principale du Musée porte sur les costumes traditionnels, tout ce qui touche de manière générale à l’histoire des techniques anciennes, dont le tissage fait partie, et même les domaines de l’anthropologie au sens large pourrait être présenté dans le Musée1. La thématique générale du Musée n’est donc pas un frein à de potentielles collaborations. Plus concrètement, les musées nationaux et publics, dont la thématique élargie permet la médiation de l’archéologie, pourraient être le cadre de collaboration avec les archéologues, lors d’expositions temporaires ou de la présentation de vestiges, par exemple. Toutefois, pour qu’un tel projet aboutisse, il est d’abord nécessaire de réunir des financements. Or, les musées nationaux sont dans une situation précaire. Les projets de médiation, en collaboration avec des musées nationaux qui ne présentent pas déjà des vestiges archéologiques, ne sont donc pas à l’ordre du jour des archéologues de l’ISAD. En parallèle aux musées nationaux et publics existent des musées locaux privés qui se sont développés dans les années 1980. En Côte d’Ivoire, des projets de musées locaux apparaissant à Zaranou, Bouna (Koffi A., 1995), Boundiali (Diarrassouba, 1995), aux îles Ehotilé (Polet, 1995) et à Korhogo (Ouattara, 2000), pour ne citer que quelques exemples. Ces projets de musées répondent à des motivations spécifiques de la communauté locale. Comme nous l’avons déjà vu, les musées locaux sont plus précisément utilisés pour conserver des traditions locales, attester de l’occupation d’un territoire, maintenir la cohésion d’une communauté, ou pour la mise en valeur et la récupération politique d’une autorité traditionnelle. Ces musées possèdent certainement des objets anciens qui pourraient entrer dans la cadre de l’archéologie. Toutefois, comme ces musées répondent à des besoins précis de la communauté locale, ils offrent parfois une vision idéalisée du passé, influencée par les enjeux actuels. Le discours scientifique de l’archéologie nationale ivoirienne est donc difficilement conciliable avec la mise en scène politisée de la société dans les musées locaux, alors que son 1
Entretien avec Tizié Bi Koffi, le 21 octobre 2011, à Grand-Bassam.
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discours se situe à l’échelle de l’identité nationale. En effet, ce cas de figure impliquerait l’adhésion des archéologues au discours identitaire local. Toutefois, pour l’instant, les archéologues de l’ISAD n’ont jamais côtoyé de musée local, ni dans la participation à la médiation de l’archéologie, ni lors de leurs fouilles sur le terrain. Aux îles Ehotilé, c’est l’intérêt des populations locales pour leur passé qui avait incité Jean Polet et les archéologues de l’IHAAA à y consacrer un des trois programmes de fouilles de l’Institut. Les Éotilé avaient la volonté de créer un musée dédié à leur culture. Ce musée devait contenir du matériel issu des fouilles archéologiques et des objets anciens déjà recueillis par les Éotilé eux-mêmes. Cependant, selon Jean Polet (1995) le musée qu’ils visaient à construire aurait présenté une vision idéalisée de leur société dans le passé. En fait, ce musée aurait été le miroir des intérêts actuels de la société éotilée, en l’occurrence l’attestation de leur antériorité dans le sud de la lagune Abi. Après de longues discussions avec Jean Polet, le projet est réorienté sur un « musée des cultures lagunaires ». Toutefois, ce musée n’a finalement pas été construit, principalement en raison du départ de Jean Polet en 1985. Les îles Ehotilé sont un des rares exemples, en Côte d’Ivoire, d’un programme de fouille qui aurait pu aboutir à la construction d’un musée. À l’époque de la Coopération française, les archéologues de l’IHAAA avaient pu répondre aux intérêts des habitants. Toutefois, actuellement, en l’absence de financement pour la recherche, de tels programmes seraient impossibles à mettre en place par les archéologues de l’ISAD. Le projet de création de musées locaux consécutifs à des fouilles archéologiques est donc en réalité très difficile, voire impossible dans la situation actuelle de l’archéologie ivoirienne. À part les musées, les recherches sur le terrain sont l’occasion, pour les archéologues, d’évoquer leur travail aux villageois, à l’intérieur du pays. Les pratiques de terrain placent les chercheurs en contact de proximité avec les populations locales. Les enquêtes orales sont l’occasion de présenter le discours de l’archéologie et ainsi de réaliser une forme particulière de médiation sur le terrain. Le dialogue entre les traditions orales et les vestiges entraîne en effet une interrogation sur les traces du passé dans les sociétés locales. Les recherches de terrain sont encore peu nombreuses, mais les chercheurs y côtoient beaucoup de villageois ainsi que des personnalités importantes dans les localités concernées (chefs de villages, notables, anciens). Les campagnes de terrain permettent donc de présenter le discours de l’archéologie et de sensibiliser les personnes rencontrées à l’importance du patrimoine. Selon Siméon Kouakou Kouassi, l’enseignement de l’archéologie à l’Université permet aussi de faire connaître la discipline1. Tous les étudiants en tronc commun de l’ISAD suivent des cours 1
Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 4 janvier 2011, à Korsimoro, Burkina Faso.
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d’archéologie, soit environ 200 personnes par an. Seule une minorité poursuivra des études en archéologie. Les autres étudiants auront néanmoins été sensibilisés à la discipline. En 2004, Bernadine Biot recommande la création d’une « Société archéologique » en Côte d’Ivoire afin de permettre l’implication dans la recherche de personnes qui ne sont pas archéologues, pour mobiliser les différents acteurs en lien avec la discipline. Bien que cela demande beaucoup de temps et d’efforts de la part des archéologues de l’ISAD, l’animation d’une Société archéologique pourrait permettre un développement de la recherche archéologique. La recherche archéologique ivoirienne est principalement présentée au MCCI, dans une partie de l’exposition permanente et lors d’expositions temporaires. Les autres moyens de médiation culturelle, comme les musées nationaux et privés, le contact avec les populations locales durant les recherches, la formation, et la création de sociétés archéologiques, demeurent actuellement limités. Il existe donc peu de moyens significatifs pour réaliser une médiation culturelle de l’archéologie en Côte d’Ivoire. Pour l’instant, les seules perspectives concrètes résident dans une collaboration avec le Musée des civilisations. Pourtant, une médiation culturelle plus active de la discipline et plus large est nécessaire, notamment pour la promotion de la recherche et la sensibilisation du public à la sauvegarde du patrimoine archéologique qui est actuellement en danger.
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14) Protection du patrimoine archéologique ivoirien
14.1) Menaces et dangers pour le patrimoine archéologique En Côte d’Ivoire, d’importants problèmes sont liés à la gestion et à la protection du patrimoine archéologique. Ces problèmes sont communs à toute l’Afrique de l’Ouest et à l’Afrique en général. On remarque effectivement d’importants dégâts occasionnés par le pillage des sites. Dans un cadre plus général, c’est l’art africain ancien dans sa globalité qui est victime d’un commerce illégal. La gestion du patrimoine immobilier, dans son intégralité, rencontre également de sérieuses difficultés pour l’entretien et la préservation des sites et des monuments à caractère patrimonial. La protection du patrimoine en Afrique est un grand débat, de la plus vive actualité. Toutefois, ce chapitre évoque uniquement les problèmes liés à la protection du patrimoine archéologique en Côte d’Ivoire et des mesures envisagées pour sa sauvegarde dans le pays. Selon Fofana Lemassou (1997, p. 55-56), la notion même de patrimoine en Côte d’Ivoire est ambiguë dans son cadre théorique. Il note que la définition de patrimoine est subjective. Par exemple, dans le nord de la Côte d’Ivoire, les bois sacrés sont considérés, par les autorités animistes, comme une part de l’héritage patrimonial et sont préservés, alors que les mosquées sont entretenues par les autorités musulmanes. La loi 87-806 de 1987 portant sur la protection du patrimoine culturel (Annexe 2), par la définition du patrimoine citée dans son premier article, montre bien que seuls les critères scientifiques sont pris en compte. La définition du patrimoine national ivoirien, selon les critères des scientifiques, est donc en inadéquation avec les considérations des populations ivoiriennes dont, plus problématique, celles qui vivent auprès de ces vestiges. Mis à part des cas d’entrepôts d’objets rituels ou de trésors de guerre possédés par certains souverains, Ibrahima Thiaw (2008, p. 91) remarque l’absence générale d’une « mentalité de collecte et de sauvegarde des sites anciens » sur la majeure partie de l’Afrique. Les problèmes de définitions et de considérations pour le patrimoine culturel ne favorisent pas les démarches entreprises pour contrer les dégradations d’origines naturelles et humaines qui menacent les sites archéologiques.
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Parmi les facteurs naturels représentant une menace pour les sites archéologiques, on note une forte érosion des sols en raison du climat et des pluies saisonnières, surtout dans le sud du pays. Le sol acide du pays est aussi défavorable à la conservation des vestiges organiques, notamment des os (Gonnin et Allou, 2006, p. 12). On remarque également des pertes dues au développement des constructions humaines : augmentation du territoire bâti et de l’urbanisation, routes et autres ouvrages de génie civil. Ce développement implique la destruction de sites archéologiques qui n’ont généralement pas été identifiés par les archéologues. L’exploitation des ressources du pays est aussi un facteur de destructions et de dégradations pour les sites archéologiques, notamment les exploitations minières, en plein développement en Côte d’Ivoire, mais aussi les plantations agricoles comme le café, le cacao et l’hévéa qui représentent la base de l’économie ivoirienne ou encore les exploitations forestières. Dans certains cas, c’est même directement les vestiges qui sont exploités en tant que ressource, comme le calcaire des amas coquilliers et la ferraille de la décharge aquatique de l’île Boulay qui est communément nommée « le cimetière des bateaux ». Toutefois, la cause la plus préoccupante de dégradation des sites archéologiques est la recrudescence du pillage des vestiges et des fouilles illégales. En 1978, le colloque de Valbonne avait déjà évoqué les dégâts dus aux pillages. Les sites sont sensibles tant aux « ramassages naïfs » de surface qu’au pillage intentionnel (Collectif, 1978, p. 12). Toutefois, c’est bien ces derniers qui portent le plus atteinte au patrimoine archéologique et aux informations scientifiques qui lui sont liées. Plusieurs moyens d’actions existent pour favoriser une meilleure gestion du patrimoine : renforcement du cadre législatif, opérations de sauvetages, classement des sites, implication des populations locales et sensibilisation de la société ivoirienne. Cependant, leurs concrétisations se révèlent en général mal appliquées et nécessitent d’être redéfinies pour un meilleur fonctionnement.
14.2) Sites archéologiques pillés De nombreux sites archéologiques sont victimes de pillages. Les sites les plus touchés sont ceux qui contiennent des objets dont la valeur esthétique les rend sensibles au marché illégal de l’art africain. Parmi eux, les plus connus sont les têtes anthropomorphes de Gohitafla et les statuettes en terre cuite provenant de Fanfala. Les sites qui les contiennent sont la proie de pillages et de fouilles illégales détruisant irrémédiablement les contextes archéologiques qui leur sont liés. De ce fait, malgré le manque général de connaissances réelles au sujet de ces pièces, celles-ci sont vendues à des amateurs d’art africain, occasionnant ainsi des pertes sévères pour la recherche locale. 236
Le site de Fanfala, au nord d’Odienné près de la frontière ivoiromalienne, est constitué de tumuli pierriers. Dans l’état actuel des recherches, on ignore encore s’il s’agit d’un site funéraire ou cultuel, aucune dépouille n’ayant été découverte. Les tumuli sont constitués d’amas de blocs latéritiques. Ils sont relativement bien regroupés, toutefois sans ordre apparent (Biot et Fofana, 2000, p. 29). Leur diamètre mesure entre 2,5 m et 7 m. Les tumuli de Fanfala s’inscrivent dans un ensemble plus large de sites similaires observés également au Mali et au Sénégal. Ils sont approximativement datés entre les IXe et XIe siècles de notre ère. Le matériel archéologique est notamment composé de statuettes en terre cuite représentant des bustes, des têtes anthropomorphes et figures zoomorphes, des chevaux, des serpents, des tortues et des hippopotames. Les tumuli contenaient aussi des bagues, des bracelets et des clochettes (Biot, 2004, p. 385). Les statuettes en terre cuite font l’objet d’un commerce illégal, raison pour laquelle les tumuli sont clandestinement fouillés. La découverte du site archéologique ainsi que le pillage qui s’y déroulait ont été révélés suite à l’activité de l’ingénieur des mines M. Goubert qui exploitait l’or dans la région. Une mission de reconnaissance archéologique a été menée en mai 1993 et a permis de localiser le site et de constater son pillage. Une seconde mission a été organisée le même mois, avec le soutien financier des participants à un colloque du WAMP (West African Museums Program) qui avait lieu à Abidjan. Cette seconde mission a abouti à la découverte d’autres vestiges semblables (Biot et Fofana, 2000, p. 27-29). Toutefois ces missions archéologiques ont été trop brèves. Elles n’ont pas permis de documenter au mieux les sites. Depuis, plus aucune mission archéologique dans la région de Fanfala n’a été organisée. En raison du manque de moyens attribués à la recherche, les archéologues ne peuvent donc que constater les dégâts des pillages sans pour autant obtenir de meilleures connaissances sur ces sites, ni instaurer un dialogue avec les populations locales pour leur préservation. Les populations locales disent tout ignorer de ces vestiges. Toutefois, selon Bernadine Biot et Lemassou Fofana (2000, p. 29-30), c’est bien les habitants de la région qui pillent les sites et revendent les objets sur les réseaux maliens des antiquaires. La valeur de chaque pièce serait comprise entre 2 500 et 3 000 CFA (valeur de 1994 non actualisée). À Gohitafla, dans la vallée de la Marahoué, au centre du pays, des statuettes anthropomorphes et zoomorphes en latérite sont découvertes dès les années 1980. Les plus connues sont des blocs taillés en forme de tête. Elles sont nommées par le terme générique de « pierres sculptées de Gohitafla ». D’après Bernadine Biot (2004, p. 386), ces statuettes font l’objet d’un commerce de grande ampleur. Une mission de prospection avait été menée par l’IHAAA sur les sites de la région en 1984. Cette reconnaissance avait permis de découvrir des sites archéologiques, mais aucune pierre sculptée en contexte. La mission 237
archéologique de 1984 est restée sans suite directe, l’IHAAA ne pouvant y consacrer une part de ses financements et le ministère de la Culture refusant un soutien supplémentaire pour l’investigation des sites (Fofana, 1997, p. 57). Les pierres sculptées de Gohitafla deviennent connues suite à la publication d’un ouvrage de Georges Niangoran-Bouah, en 1997 (Niangoran-Bouah, 1997). L’ouvrage présente une grande collection de pierres de Gohitafla issues de ramassages et de pillages individuels (Biot, 2004, p. 386). Suite à la notoriété grandissante de ces pièces, les sites de la région sont systématiquement pillés. De plus, face à la forte demande sur le marché de l’art, les sculpteurs actuels de la région en fabriquent de nouvelles pour les enterrer dans le sol avant de s’ériger en indicateurs de sites et d’en tirer d’importants bénéfices. Cette pratique néfaste fait planer un doute sur la fiabilité des informations recueillies au sujet des pierres sculptées, complexifiant les recherches (Biot, 2004, p. 386). Après la mission de 1984, aucune autre observation archéologique n’a été réalisée dans la région par l’IHAAA. Ce n’est qu’à la fin des années 2000 que les sites de la région de Gohitafla et les pierres sculptées font l’objet d’une thèse de doctorat de l’ISAD (Koffi K. S., 2010). Bien que des connaissances nouvelles aient été apportées, les origines exactes des pierres sculptées sont encore très peu connues. Cela ne perturbe pourtant pas l’intense commerce de ces pièces qui sont proposées sur Internet à des prix parfois exorbitants. Les pierres sculptées de Gohitafla et les statuettes anthropomorphes de Fanfala sont inscrites sur la liste rouge des objets archéologiques africains de l’ICOM (ICOM, 2012). Elles ne sont évidemment pas les seuls vestiges archéologiques menacés par le pillage. Pour sortir légalement des objets d’art du territoire ivoirien, il est nécessaire d’obtenir une autorisation délivrée par le Musée de civilisations de Côte d’Ivoire et de s’affranchir d’une taxe. Le Musée contrôle ainsi les pièces destinées à l’exportation ainsi que les objets ramenés de Côte d’Ivoire par les touristes. Tous les objets d’art sortant de Côte d’Ivoire doivent être soumis à cette procédure. Les pièces interdites à l’exportation, comme les pièces archéologiques ou les pièces en ivoire, par exemple, doivent obtenir le consentement des institutions ivoiriennes compétentes. Cependant, les mesures judiciaires et le contrôle douanier sont insuffisants et pas assez concernés pour une surveillance efficace du trafic des objets archéologiques ainsi que des biens du patrimoine culturel. Finalement, bien que les pillages aient été avérés, aucune mesure n’a été réalisée sur les sites des Gohitafla et de Fanfala. Plus grave, selon Bernadine Biot (2004, p. 387), les pillages de ces deux sites ont été amplifiés par la reconnaissance officielle de leur importance pour le patrimoine culturel sans que toutefois des mesures puissent être prises en vue du suivi de leur protection. D’après elle, l’impossibilité d’intervenir pour la protection des 238
sites archéologiques est induite par plusieurs dysfonctionnements, réglementaires, institutionnels, scientifiques et humains, dans le cadre même de la problématique de la recherche archéologique et la gestion du patrimoine (Biot, 2004, p. 387).
14.3) Dispositions légales et institutionnelles La loi n° 87-806 du 28 juillet 1987 (Annexe 2) portant sur la protection du patrimoine culturel est censée être le cadre de la gestion des vestiges archéologiques. Toutefois, cette loi se révèle difficilement applicable. En effet, la loi ne précise pas les organismes de compétences chargés de la gestion du patrimoine archéologique. L’article 3 précise simplement que la gestion du patrimoine culturel incombe au « ministère chargé des Affaires culturelles ». Au niveau de l’archéologie, elle désigne vaguement « l’administration » (art. 37) et « l’État » (art. 39 et 40) comme responsables. Aucun décret d’application ne précise non plus à qui sont attribuées ces responsabilités. De toute évidence, il y a un flou général dans l’organisation des différentes institutions en lien avec la gestion du patrimoine culturel et leurs rôles attribués. Ce manque d’organisation institutionnelle ne permet pas l’application la loi de 1987 et est un frein à la gestion du patrimoine archéologique. Pour rappel, normalement, la gestion des vestiges archéologiques incombe logiquement à la direction du patrimoine culturel ou à la sousdirection des sites et monuments. Ces organismes dépendent du ministère de la Culture. Cependant, il n’y a pas de service archéologique ni même de spécialiste de l’archéologie au sein du ministère de la Culture. Selon Bernadine Biot (2004, p. 387), la situation péjore la préservation du patrimoine car les gestionnaires normalement désignés ne comprennent pas toujours ses enjeux. L’IHAAA et l’ISAD dépendent du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS) via l’Université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody. L’IHAAA était un organisme de recherche tandis que l’ISAD est une unité d’enseignement. Pourtant, bien qu’ils dépendent du MESRS et qu’ils ne soient pas les organismes désignés pour la gestion du patrimoine, ces deux institutions sont les seules concernées par sa sauvegarde. De son côté, la sous-direction des sites et monuments aurait besoin d’informations scientifiques pour pouvoir classer les sites archéologiques en vue de leur protection comme le prévoit l’article 5 de la loi de 19871. Toutefois, en raison du manque de possibilité de publication, les archéologues ivoiriens ne communiquent généralement pas leurs données issues de leurs recherches autofinancées. Pour que les sites soient inscrits, il faut que la sous-direction des monuments et sites connaisse leur existence : sans service archéologique rattaché au ministère de la 1
Entretien avec Katina Touré, le 16 novembre 2011, à Abidjan.
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Culture, et sans informations de la part de la recherche universitaire, la gestion des sites archéologiques est en réalité impossible. L’article 5 de la loi de 1987 stipule que les biens culturels immobiliers peuvent faire l’objet de trois mesures administratives distinctes en vue de leur protection : l’inscription sur la liste des biens culturels, le classement ou la déclaration de sauvegarde. L’inscription rend obligatoire l’entretien du bien par son propriétaire et les travaux sont soumis à une autorisation du ministère de la Culture (article 14). Le classement interdit, en plus, le changement d’affectation du bien (article 26). La déclaration de sauvegarde rend obligatoires la conservation, la restauration et la mise en valeur d’un bien ou la fouille de sauvetage d’un site archéologique (article 35). Le site d’Anyama-La Bété a été classé et a fait l’objet de mesures de protection. Cependant, ces mesures n’ont pas permis la préservation du site qui est encore actuellement en danger. Durant les années 1970, avant la loi de 1987, les îles Ehotilé avaient été classées et érigées en Parc national pour la conservation et la protection des sites. À noter également que le Parc archéologique d’Ahouakro a constitué un dossier de candidature pour l’inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2006. Actuellement, il est soumis à la liste indicative. Le site d’Ahouakro, dans la région de Tiassalé, présente de grands mégalithes en roche magmatique. Toutefois, après expertise, il s’est avéré que les roches étaient des formations naturelles, même si des vestiges archéologiques ont été découverts à proximité1. La gestion des grands travaux publics ivoiriens est du ressort du BNEDT (Bureau national d’études techniques et du développement). En 2012-2013, plusieurs grands chantiers sont en cours en Côte d’Ivoire, notamment l’autoroute reliant Abidjan à Yamoussoukro, la capitale politique du pays ainsi qu’un nouveau pont sur la lagune Ébrié de Marcory à Riviera. Les archéologues de l’ISAD n’ont pas été consultés lors de ces travaux. Les relations entre la sous-direction des monuments et sites et le BNEDT durant ce genre de travaux sont inconnues. Cependant, aucun diagnostic ni aucun rapport d’étude d’impacts sur les vestiges archéologiques, de prospection ou de fouille n’a été communiqué aux archéologues de l’ISAD par un organe du ministère de la Culture. La loi de 1987 ne précise pas de marche à suivre lors de travaux d’aménagement. L’article 38 stipule que l’auteur d’une découverte est tenu de la déclarer au ministère de la Culture. De plus, la loi oblige l’auteur des découvertes à veiller personnellement et pécuniairement à la sauvegarde des vestiges jusqu’à ce que l’administration se soit prononcée sur leur affectation. Toutefois, cet article concerne surtout la propriété de vestiges et non la préservation de l’intégrité d’un site archéologique. L’article 39 précise que l’État dispose de deux mois, suite à la déclaration de découverte 1
Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 4 janvier 2012, à Korsimoro, Burkina Faso.
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pour les revendiquer après quoi, selon l’article 40, ils peuvent être distribués entre les découvreurs. La loi de 1987 s’applique mal aux grands travaux d’aménagement. Le développement d’une archéologie préventive en Côte d’Ivoire est donc impossible sans de nouvelles dispositions légales et la création d’une unité d’archéologie au sein du ministère de la Culture ou le mandat des archéologues de l’ISAD. Au-delà du sauvetage des informations archéologiques lors des travaux d’aménagement, la mise en place d’une archéologie préventive pourrait aussi significativement développer la recherche et les connaissances, en Côte d’Ivoire, comme partout en Afrique. Le cas du Cameroun est emblématique. La mise en place d’une archéologie préventive, dès le début des années 2000, a permis la découverte et l’investigation de très nombreux sites lors de travaux d’aménagement, notamment de pipe-line. Le bilan des travaux est conséquent : l’importante acquisition de nouvelles connaissances sur l’archéologie du pays lors de ces opérations aurait été impossible à obtenir par les méthodes classiques de l’archéologie africaine. Ces chantiers ont également été bénéfiques pour la formation d’étudiants, pour l’emploi des archéologues et pour la création d’infrastructures nécessaires à la conservation des vestiges. Toutefois, le développement d’une telle archéologie préventive au Cameroun n’a été possible qu’après un lobbying important et avec le recours de bailleurs de fonds comme des institutions internationales, des entreprises privées et des organismes non gouvernementaux (Oslisly, 2010). La mise en place de programmes similaires en Côte d’Ivoire nécessiterait aussi des appuis politiques, scientifiques et publics, ainsi que la recherche de partenaires financiers. Pour la protection des sites archéologiques et le sauvetage de leurs données, seuls les archéologues de l’Université sont donc actuellement actifs, bien que leurs moyens d’actions soient très limités. Pour le site de Gohitafla, en 1983, le ministère de la Culture n’avait pas accepté de financer des recherches archéologiques enjoignant à l’IHAAA de placer l’investigation du site dans leurs objectifs prioritaires et de le fouiller avec leurs propres fonds (Fofana, 1997, p. 57). Les archéologues n’avaient pas pu investir les moyens nécessaires à la mise en place de fouilles de sauvetage sur les sites de Gohitafla. Concernant le site de Fanfala, un programme de recherche en vue de sa sauvegarde avait été élaboré. Une coopération scientifique avec des chercheurs sénégalais, maliens, burkinabés et nigérians avait été envisagée. Toutefois, pour des raisons institutionnelles et par manque de financement, aucun projet de fouille n’a pu aboutir (Biot, 2004, p. 389). Les récents travaux académiques réalisés en Côte d’Ivoire sont aussi l’occasion de documenter des sites en danger. Par exemple, Sylvain Kouakou Koffi a réalisé des recherches sur les sites de Gohitafla lors des travaux liés à sa thèse (Koffi K. S., 2010). La thèse de Siméon Kouakou Kouassi a permis de documenter les amas coquilliers du sud de la Côte d’Ivoire. Actuellement, ces sites sont gravement menacés de destruction 241
(Kouassi, 2007b). En 1979, l’amas de N’Gaty avait déjà fait l’objet d’une fouille de sauvetage avant sa destruction (Chenorkian, 1982a). D’après Siméon Kouakou Kouassi, d’ici 10 à 15 ans, les amas coquilliers du sud de la Côte d’Ivoire seront entièrement détruits1. L’ex-IHAAA et l’ISAD, organismes universitaires de recherche et d’enseignement, ont pu adapter en partie leurs stratégies de recherches pour documenter, au moins sommairement, certains sites archéologiques en danger. Toutefois, actuellement sans financements attribués à la recherche archéologique, un réel sauvetage est difficile. Selon Bernadine Biot (2004, p. 388), la précarité dans laquelle évolue l’archéologie ivoirienne est une des causes principales de la destruction massive des sites. Les archéologues de l’Université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody manquent donc de moyens techniques et financiers pour les recherches archéologiques comme pour assumer une archéologie préventive ou de sauvegarde en Côte d’Ivoire. D’autres imprécisions de la loi de 1987 entravent encore la gestion du patrimoine archéologique ivoirien. Par exemple, Bernadine Biot (2004, p. 387) mentionne que trois ministères sont concernés par l’archéologie : le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, par la recherche universitaire ; le ministère de la Culture et de la Francophonie, par la gestion du patrimoine ; et également le ministère du Tourisme et de l’Artisanat pour le développement du tourisme culturel. Les trois ministères sont donc susceptibles de délivrer des autorisations de fouilles, mais n’entretiennent aucune communication au sujet de l’archéologie. Il est donc impossible d’établir un contrôle centralisé des différentes opérations menées ni un suivi des opérations. Comme il a déjà été mentionné, une ambivalence existe aussi concernant la conservation des vestiges issus des recherches scientifiques et leur transmission aux musées ivoiriens. Comme les objets ne sont finalement jamais transmis à un musée, ils peuvent se perdent au fil du temps. La loi 87-806 du 28 juillet 1987 portant sur la protection du patrimoine culturel fixe donc les intentions et les principes généraux. Toutefois, en raison de son ambivalence quant à la désignation précise des structures en charge du patrimoine archéologique et leur coordination, la gestion du patrimoine n’est pas permise. L’ISAD, en tant unité d’enseignement qui pratique des recherches dans le cadre universitaire, ne dispose pas des moyens nécessaires pour la protection et le sauvetage des sites archéologiques. D’autre part, le ministère de la Culture, la Direction du Patrimoine culturel et la sous-direction des sites et monuments ne possèdent pas les compétences ni techniques, ni théoriques, pour remplir ce rôle. Dans le flou légal et institutionnel, aucune politique cohérente pour la gestion du patrimoine archéologique ne peut finalement être mise en œuvre bien que certains sites soient sérieusement en danger. 1
Entretien avec Siméon Kouakou Kouassi, le 4 janvier 2012, à Korsimoro, Burkina Faso.
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14.4) Implications des sociétés locales Dans ce contexte de manque de moyens pour la protection des sites archéologiques, la coopération avec les populations locales a été envisagée comme solution. Toutefois, le travail de communication et de sensibilisation pourrait être à double tranchant, car les communautés locales sont également celles qui pratiquent le pillage des sites archéologiques. Déjà en 1978, le colloque de Valbonne avait évoqué qu’une communication inadaptée auprès des populations locales peut aussi bien susciter la conservation des vestiges que leur destruction (Collectif, 1978, p. 14). Ibrahima Thiaw (2008, p. 87) observe au Sénégal que les relations des populations locales envers les sites archéologiques sont complexes, parfois négatives, parfois positives. Au Niger, Oumarou Amadou Ide (2008, p. 106) note que les populations avoisinant les sites archéologiques ne semblent parfois pas comprendre les interdictions de pillage et les perçoivent comme une volonté de l’État de se réserver l’exploitation des sites archéologiques dans un but lucratif. Le comportement des villageois envers les vestiges dépend étroitement de la situation économique du pays. En Côte d’Ivoire, les habitants de Fanfala ont commencé à piller les sites suite à la chute du cours du coton et aux difficultés qui ont suivi (Biot et Fofana, 2000, p. 29-30). C’est donc en partie la précarité des populations locales qui les conduisent à recourir au pillage d’objets archéologiques. Pourtant, les populations locales peuvent être un précieux facteur de préservation des sites, notamment lorsque ceux-ci sont considérés comme des sites sacrés. Toutefois, comme l’évoque Siméon Kouakou Kouassi, la représentation du développement et de la modernité peut être opposée à la culture traditionnelle, dans certains cas (Kouassi, 2007a). Cette opposition peut faire tomber les tabous liés aux sites anciens et aboutir à leur prédation. Le cas des îles Ehotilé est sans conteste l’exemple le plus fructueux d’implication des populations locales dans la préservation du patrimoine. Dans ce cas précis, c’est la population éotilée qui a suscité le classement des îles et la création d’un Parc national, ainsi qu’un programme de fouilles archéologiques de l’IHAAA et un projet de musée (Polet, 2010). Le cas des Éotilé est donc un cas particulier où les intérêts de la population locale convergeaient avec celui de la protection du patrimoine archéologique. À Fanfala, en 1993, Bernadine Biot et Fofana Lemassou ont adopté une stratégie de communication auprès des populations locales, lors de la première mission appuyée par le ministère de la Culture. En plus de la communication, des vigiles ont été désignés parmi les jeunes des villages en leur promettant qu’ils seront recrutés comme ouvriers lors des travaux archéologiques et plus tard comme guides touristiques. Les archéologues ont également déclaré vouloir s’investir dans les préoccupations de la population locale, notamment dans les problèmes d’aménagement et de réparation des puits. La stratégie de communication avait trouvé un écho favorable parmi la
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population. Toutefois, par manque de financement, aucune recherche archéologique n’a finalement été entreprise sur les sites de Fanfala. Six mois plus tard, une délégation de la région s’est rendue au Musée d’Abidjan pour demander des nouvelles sur l’état des projets, sans toutefois en obtenir. Depuis, plus aucune communication avec les populations locales de Fanfala n’a été entreprise et les sites continuent probablement d’être pillés (Biot, 2004, p. 389). L’implication des populations locales peut-être une opportunité pour la préservation du patrimoine archéologique ivoirien. Toutefois, cette implication nécessite aussi des moyens financiers et l’investissement des archéologues pour maintenir des contacts et pour animer les réseaux. Malheureusement, la péjoration de la situation économique des communautés locales et la représentation antithétique entre la notion de développement et la culture traditionnelle ne vont manifestement pas en faveur de la protection des sites. Le partenariat est beaucoup plus facile à établir lorsque les populations locales ont un intérêt commun avec les vestiges.
14.5) Sensibilisation à la protection des sites Pour la protection du patrimoine archéologique ivoirien, il est donc primordial d’améliorer les dispositions légales afin de préciser les responsabilités des institutions et leur coordination. L’obtention de financements à tout niveau est également une condition à toute entreprise en faveur de la sauvegarde des sites archéologiques. Ces dispositions, difficilement réalisables à court et moyen terme, mais toutefois crédibles, nécessitent la mise en place d’une communication de sensibilisation et d’un lobbying. La communication passe par l’intensification de la médiation de l’archéologie. Toutefois, cette médiation doit être maîtrisée. Il est également crucial que les archéologues transmettent le matériel archéologique issu de leur fouille pour le présenter au public et qu’ils communiquent leurs résultats pour permettre de donner un retour de leurs activités à la société. Bernadine Biot (2004, p. 389-390) préconise la création de deux sociétés pour appuyer l’archéologie ivoirienne. Premièrement, une « Société archéologique » permettrait de générer une émulation autour des différents acteurs en lien avec l’archéologie. En second lieu, un « Conseil national de l’archéologie et du patrimoine » pourrait impliquer les ministères concernés par l’archéologie et offrirait une plateforme de lobbying et de contrôle. Tout comme l’implication des communautés locales, le développement de sociétés d’émulation pour l’archéologie demande des investissements de la part des archéologues et des moyens financiers. Cependant, leur création est tout à fait réalisable.
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Les campagnes de lobbying et de sensibilisation ne débouchent pas uniquement sur la sauvegarde des sites archéologiques. En effet, la protection des vestiges archéologiques nécessite des améliorations et des changements profonds de l’archéologie. L’enjeu crucial de la protection du patrimoine est justement qu’il implique une refondation de l’archéologie ; sa bonne gestion est donc un argument en faveur du développement et du financement de l’archéologie, en Côte d’Ivoire, comme dans le reste de l’Afrique.
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15) Conclusion générale
« L’histoire se développe quand le peuple prend conscience de luimême », écrit Christophe Wondji, au moment même de la réappropriation de l’histoire africaine par les intellectuels de la jeune nation ivoirienne (Wondji, 1975, p. 20). Pour l’historien, l’existence revendiquée d’une société est donc le corollaire de la définition de sa propre historicité. De la même manière, l’étude de l’histoire de l’archéologie en Côte d’Ivoire permet d’affirmer l’existence de l’archéologie ivoirienne en tant que réelle tradition scientifique locale et pérenne composée d’une communauté de chercheurs qui y investissent leurs efforts. L’histoire de l’archéologie en Côte d’Ivoire permet de ne plus catégoriser les comportements scientifiques locaux comme ceux en marge de la recherche archéologique, mais comme ceux, bien affirmés, d’une archéologie propre à la Côte d’Ivoire et à l’Afrique de l’Ouest. « Est-il justifié d’investir de l’argent pour des recherches archéologiques alors que, à l’endroit même où se déroulent les investigations, les populations locales ne parviennent pas à satisfaire leurs besoins élémentaires ? Cet argent ne serait-il pas mieux investi dans le développement économique ? », s’interroge Victor Tiégbè Diabaté dans l’introduction de sa thèse de troisième cycle (1978), à propos de la fouille la ville de Kong. L’auteur se réfère alors à Joseph Ki-Zerbo pour qui la recherche sur le passé et les traditions ivoiriennes permettront l’appropriation des composantes du développement. Les recherches historiques et archéologiques font donc partie intégrante du développement du pays (Ki-Zerbo, 1975 et 1986). Trente années après la soutenance de la thèse de Victor Tiégbè Diabaté, l’archéologue Siméon Kouakou Kouassi analyse la représentation du développement chez les populations côtières de la Côte d’Ivoire. Selon lui, alors que les recherches sur le passé pourraient être considérées par certains comme un frein à la modernisation, il souligne que plusieurs modèles existent pour le développement et que la société traditionnelle est toujours à l’origine de tout progrès (Kouassi, 2007, p. 104105). Ces trois intellectuels ouest-africains, Joseph Ki-Zerbo, Victor Tiégbè Diabaté et Siméon Kouakou Kouassi nous amènent à considérer que modernisation et développement ne sont guère synonymes. De la même 247
manière, le développement de l’archéologie ivoirienne ne pourra se réaliser sans la considération de son histoire propre et des comportements culturels et sociaux qui se pratiquent dans la recherche scientifique ivoirienne. Ce livre est avant tout motivé par une envie de comprendre le fonctionnement de l’archéologie dans un pays d’Afrique de l’Ouest. Il se porte plus particulièrement sur la Côte d’Ivoire, dans le cadre d’un partenariat ivoiro-suisse. La collaboration a débuté suite à l’exposition temporaire du MCCI « Un peu plus lointain, un peu plus proche », en collaboration avec le Laténium. Cette exposition a été l’élément déclencheur de multiples activités menées depuis 2009 : plusieurs campagnes de fouilles financées par la SLSA, octroi de bourses de la Confédération pour former deux doctorants à l’Université de Neuchâtel, réalisation de deux mémoires de Master d’étudiants de l’Université de Neuchâtel, puis une nouvelle exposition temporaire au MCCI en 2013. Cette collaboration ivoiro-suisse, initiée par le Laténium, marque le retour d’un partenariat international et l’apport de nouveaux financements étrangers pour la recherche archéologique en Côte d’Ivoire après une interruption de près de 8 années. En Côte d’Ivoire, l’archéologie se singularise par son contexte postcolonial et par les crises économiques et politiques que traverse le pays depuis trente ans. Pourtant, l’historiographie de l’archéologie en Côte d’Ivoire a démontré qu’il existe une réelle tradition scientifique dans le pays, bien que les recherches soient entravées par le contexte actuel difficile. La plupart des comportements scientifiques des archéologues ivoiriens trouvent leurs origines dans cette tradition. Si les pratiques sont différentes de celles exercées en Europe, c’est surtout dû au résultat d’une adaptation des méthodes de la tradition scientifique locale au contexte moderne de la recherche. En Afrique de l’Ouest, les premiers travaux archéologiques ont été menés dès les débuts de l’époque coloniale. Rapidement les administrateurs coloniaux, acteurs de cette archéologie, se sont autonomisés de la métropole pour développer une recherche aofienne sous l’égide de l’IFAN. Suite à l’indépendance, la recherche nationale ivoirienne s’est réapproprié la discipline. Des structures de recherche sont mises en place avec le soutien de la Coopération française. Depuis l’apparition de la crise économique, la situation de l’archéologie ivoirienne a connu un tournant : la rupture de financements a entraîné des changements méthodologiques et de nouveaux enjeux théoriques sont apparus. L’historiographie de l’archéologie en Côte d’Ivoire permet de retracer comment les bases actuelles de la recherche se sont construites et quels ont été les apports des dynamiques scientifiques de chaque période. Globalement, deux tendances sont observables dans les stratégies de recherches archéologiques développées en Côte d’Ivoire. D’une part, les recherches entreprises au début de l’indépendance et sous l’impulsion de la Coopération française sont organisées autour de sites peu nombreux mais sur 248
lesquels d’importantes ressources sont consacrées. Ce mode opératoire est également celui de la plupart des recherches menées par la suite dans le cadre d’une coopération internationale. L’échelle du discours issu de ces recherches se situe au niveau national, chaque site étant représentatif du « passé » de l’intégralité du pays. L’autre stratégie de recherche consiste à mener d’importantes prospections généralisées qui sont complétées par de nombreuses interventions légères sous forme de sondages-fouilles. Cette stratégie de recherche, déjà évoquée lors du colloque de Valbonne en 1978, a été appliquée en Côte d’Ivoire dès 1985 et l’interruption de la Coopération française. L’échelle du discours de cette stratégie de recherche se situe à l’échelle régionale. Le discours national est quant à lui composé par la compilation des différents discours régionaux. Cette stratégie trouve ses fondements méthodologiques, et même parfois théoriques, dans la recherche aofienne et celle des premiers administrateurs de l’époque coloniale. L’absence de financement pour la recherche est la principale entrave au développement de l’archéologie ivoirienne. L’archéologie est aussi pénalisée par une confusion globale dans l’attribution des compétences institutionnelles et par l’imprécision de la législation. Cette situation a un impact conséquent sur la stratégie de recherche des archéologues. La stratégie des archéologues de l’ISAD consiste donc principalement à des investigations de surfaces et des interventions de type « sondagesfouilles ». De manière générale, les populations locales participent activement aux recherches. L’analyse des données est entravée par le manque de documentation disponible. Pour les interpréter, les archéologues les confrontent d’ordinaire avec les traditions orales, les documents d’archives et les récits historiques. De ce fait, les archéologues travaillent également sur les périodes récentes et les derniers peuplements du pays. Les archéologues ivoiriens pratiquent donc des recherches essentiellement pluridisciplinaires. Ce mode opératoire s’impose en raison du manque de recherches archéologiques antécédentes et du manque de moyens. Il n’en demeure pas moins que cette approche, originale, est maîtrisée sur le plan théorique. Bien que se référant à une tradition scientifique locale, l’archéologie en Côte d’Ivoire est réceptive aux changements qui s’opèrent dans la pratique de l’archéologie en Europe. Par exemple, l’ethnoarchéologie, qui n’a pourtant aucun antécédent concret en Côte d’Ivoire, est utilisée par les archéologues ivoiriens dès le milieu des années 1980. Comme il a déjà été mentionné, l’ethnoarchéologie est réappropriée par les scientifiques locaux qui la transforment en une pratique différente de l’ethnoarchéologie telle qu’elle est pratiquée par les chercheurs européens. Cette forme d’ethnoarchéologie locale est motivée par le courant théorique de la recherche qui se développe dès la seconde moitié des années 1985. Dans ce nouveau paradigme, les archéologues cherchent à définir et à retracer les
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différents peuplements où les différentes occupations du pays. Il met donc en exergue le régionalisme et les affirmations identitaires locales. Tant sur le plan national que local, il existe de forts enjeux résultant de l’attribution de l’antériorité du peuplement du territoire par les populations actuelles. Ils impliquent la conception d’une longue durée linéaire, considérée sans changements socio-économiques importants, entre les derniers peuplements connus des sources orales et la pénétration coloniale française. Appelée « période subactuelle », cette longue durée cristallise une vision exhaustive de la diversité nationale ivoirienne. Cette conception trouve principalement ses origines dans les crises identitaires actuelles du pays et dans la définition de l’autochtonie ivoirienne. Les occasions de présenter les résultats de la recherche archéologique au public ivoirien sont relativement limitées. Cette situation n’est guère favorable à la sensibilisation de la société ivoirienne et des pouvoirs publics sur l’importance du patrimoine. De plus, elle ne permet pas à l’archéologie d’assumer son rôle en transmettant à la société une meilleure connaissance d’elle-même et de son passé, vecteur de développement, comme l’a défini Joseph Ki-Zerbo (1975 et 1986). Cependant, les récentes et réjouissantes interactions entre l’ISAD et le MCCI marqueront peut-être un tournant pour la médiation de la recherche archéologique. La protection des vestiges contre les pillages et les destructions est la quadrature du cercle de l’archéologie en Côte d’Ivoire. Malgré l’urgence et la gravité de certains cas connus, notamment celui des amas coquilliers du sud du pays, aucune solution concrète n’est proposée. L’intérêt sous-jacent de la protection du patrimoine est de justifier la nécessité du redéveloppement de l’archéologie du pays, aucune autre démarche alternative n’étant envisageable. La crise économique et politique dont est victime la Côte d’Ivoire s’est enclenchée lors de l’effondrement des cours du cacao et du café dans les années 1980. La recherche archéologique ivoirienne ne dispose plus d’aucun financement depuis maintenant environ 30 ans. De ce fait, la pratique de l’archéologie en Côte d’Ivoire est actuellement durablement adaptée à ce contexte de crise. Il apparaît aujourd’hui que le développement de la recherche passe impérativement par le retour d’un financement régulier. Or, s’il se produit à l’avenir un retour du financement, le développement de la recherche archéologique nécessitera alors également d’importantes réflexions théoriques, méthodologiques et épistémologiques afin de réadapter les stratégies, les méthodes ainsi que le discours de la recherche au nouveau contexte financier potentiel. Devant la complexité de la situation, il est délicat de proposer des recommandations aux archéologues ivoiriens. Cependant, à l’issue de ce travail, il est possible de revenir sur quatre points où des actions positives pourraient être entreprises :
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– La recherche d’anciens documents perdus doit être poursuivie. Ce travail de Master a permis de reconstituer un canevas bibliographique mais d’importants documents n’ont pas encore été retrouvés. Il s’agit notamment des rapports de recherche et des travaux académiques. Ceux-ci se trouvent tant en Côte d’Ivoire que dans les bibliothèques universitaires françaises1. – À défaut d’une nouvelle loi ou d’un règlement qui préciserait les compétences des différentes institutions au sujet de la gestion du patrimoine archéologique, les rôles de ces différentes institutions pourraient être clarifiés par des accords internes conclus entre elles. – Au niveau des recherches sur le terrain, il serait intéressant d’expérimenter différents types de tarières. Celles-ci permettraient de tester le terrain afin d’identifier où se situent les couches archéologiques en place sur l’étendue des sites, sans toutefois un investissement en temps trop coûteux. – D’un point de vue théorique, nous préconisons une réflexion sur le paradigme des peuplements ainsi que sur ses apports dans les représentations du passé de la Côte d’Ivoire. Il paraît également nécessaire de situer ce discours de l’archéologie par rapport aux idéologies des différents partis impliqués dans la crise politique que connaît actuellement le pays. En perspective, la situation de l’archéologie ivoirienne possède assurément de nombreux points communs avec celle des autres États ouestafricains. La réalisation d’enquêtes similaires dans ces pays permettrait d’établir des comparaisons et de mieux observer les tendances générales du cadre de la région ouest-africaine. L’analyse historiographique a été menée tant sur l’histoire des acteurs de la recherche que sur leurs discours. Elle permet ainsi de mieux comprendre l’évolution des collectifs et des institutions qui pratiquent l’archéologie, conformément aux méthodes de la discipline de l’histoire. La démarche aboutit à des résultats qu’il aurait été impossible d’établir par une analyse basée uniquement sur les discours de l’archéologie. Elle permet également de prendre une certaine distance avec le traitement historique actuel du discours de l’archéologie coloniale et de concentrer l’analyse sur la compréhension de la construction d’une archéologie ouest-africaine. Si le volet historiographique de cet ouvrage a bénéficié de l’utilisation des méthodes de l’histoire, l’analyse de la situation actuelle pourrait aussi être enrichie par le recours aux méthodes de la sociologie. Cette procédure permettrait de comprendre aussi bien les situations et les enjeux personnels 1
D’ailleurs, en janvier 2013, Siméon Kouakou Kouassi et René Kouadio Bouadi ont entrepris des recherches fructueuses qui ont permis de retrouver les rapports des recherches sur l’Orumbo Boka dans les années 1960 et de les sauver ainsi d’une perte peut-être définitive.
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des acteurs de l’archéologie que les relations entre les populations locales et les vestiges. La situation sociale des archéologues, ainsi que celle des collectifs qui vivent à proximité des vestiges, ont un impact sur le fonctionnement de la recherche. L’étude se veut aussi enrichissante pour le partenariat ivoiro-suisse. Elle permet aux collaborateurs suisses de mieux comprendre la situation et les problèmes auxquels font face les archéologues ivoiriens, ainsi que le fonctionnement de la recherche et des institutions qui lui sont liées. Elle aboutit à une meilleure connaissance du discours de la recherche nationale et de ses enjeux théoriques. Au terme des campagnes de fouilles financées par la SLSA, les données des recherches pourront être intégrées dans ce discours. La prise en compte de l’existence d’une tradition scientifique implique la considération d’un bagage méthodologique préexistant de la recherche locale. Un meilleur dialogue est dès lors possible, favorable à l’intégration des nouvelles méthodes transmises par le partenariat scientifique lors d’aide à la formation, par exemple. Surtout, une telle étude permet d’affirmer la recherche locale comme étant une archéologie originale, dynamique, non seulement adaptée au contexte de la recherche mais aussi aux caractéristiques des vestiges et de l’histoire de la Côte d’Ivoire. Pour autant qu’on puisse l’accepter, il y a donc beaucoup d’enseignements à tirer de l’archéologie ivoirienne. Par exemple, la façon dont les archéologues prennent en compte les rapports entre les vestiges archéologiques et les sociétés qui les côtoient nous offre de nouvelles pistes de réflexion afin de reconsidérer la manière dont l’archéologie préventive est mise en place en Europe. De ce fait, il s’avère que nous avons réellement beaucoup à apprendre des archéologues ivoiriens.
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Travaux académiques ALLOH AGNAURIE Lydie Nicole. 2004. Habits et habitats dans le canton anapé (département d’Adzopé), mémoire de maîtrise, Université de Cocody-Abidjan. ALLOU Kouamé René. 2002. Histoire des peuples de civilisation akan. Des origines à 1874. Thèse de doctorat d’État. Université de Cocody-Abidjan. AROUNA Yeo. 2008. Approche ethnoarchéologique de l’architecture soudanaise dans le nord de la Côte d’Ivoire : le cas de Kong, mémoire de maîtrise, Université de Cocody-Abidjan. AROUNA Yeo. 2009. Architecture de terre dans le nord-est de la Côte d’Ivoire (XVIIIe-XXe siècles) : approche ethnoarchéologique, mémoire de DEA, Université de Cocody-Abidjan. BADEY Sylvain. 2002. Activités humaines passées et évolution du paysage : approche méthodologique de l’interaction homme-milieu dans une zone de contact forêt-savane au sud du V-Baoulé (Côte d’Ivoire centrale), mémoire de DEA, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. BIOT Bernadine. 1981. Constitution d’un organisme urbain en Côte d’Ivoire, mémoire de maîtrise, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. BIOT Bernadine. 1982. Les villages perchés de la région de Man. Prospection archéologique, mémoire de DEA, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. BIOT Bernadine. 1985. Prospection archéologique dans l’ouest de la Côte d’Ivoire : les sites perchés de la région de Man (XVe-XIXe siècles), thèse de doctorat de 3e cycle, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. BLANCHARD Catherine. 1988. La statuaire en terre cuite chez les Agni, peuple akan de Côte d’Ivoire, mémoire de DEA, Université de Grenoble II. BLANCHARD Catherine. 1996. Les statues dites « Anyi de Krinjabo » dans la statuaire en terre cuite du Quart sud-est de la Côte d’Ivoire : étude stylistique et historique, thèse de doctorat, Université de Paris I PanthéonSorbonne. BOUADI Kouadio René. 2008. Prospection archéologique à Abengourou, mémoire de maîtrise, Université de Cocody-Abidjan. BOUADI Kouadio René. 2010. Les sites « néolithiques » du V-Baoulé (centre de la Côte d’Ivoire), mémoire de DEA, Université de CocodyAbidjan. BOUADI Kouadio René. 2016. Inventaire et typologie de la culture matérielle dans le V-Baoulé : une contribution à la connaissance du Néolithique de la Côte d’Ivoire, thèse de doctorat, Université FélixHouphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody. 298
DIABATÉ Henriette. 1979. La formation du royaume Sanvi (1700-1843), thèse de doctorat de 3e cycle, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. DIABATÉ Henriette. 1984. Le Sannvin. Un royaume akan de la Côte d’Ivoire (1701-1901), sources orales et Histoire, thèse de doctorat d’État, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. DIABATÉ Tiégbè Victor. 1979. La région de Kong d’après les fouilles archéologiques : Prospections, premiers sondages, direction de recherches, thèse de doctorat de 3e cycle, Université de Paris I PanthéonSorbonne. DIABATÉ Tiégbè Victor. 1988. L’évolution d’une cité commerciale en région de savane : le cas de Kpon, thèse de doctorat d’État, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. DIEZOU Koffi Innocent. 2005. Les armes blanches du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire : Contribution à l’étude de l’armement précolonial, mémoire de DEA, Université de Cocody-Abidjan. DIEZOU Koffi Innocent. 2009. Le patrimoine architectural colonial de la Côte d’Ivoire : Le cas de la ville de Grand-Bassam 1893 à 1960, mémoire de Master, Paris I Panthéon-Sorbonne. DIEZOU Koffi Innocent. 2015. Forêts et Industries en Côte d’Ivoire de 1910 à 1980 : une histoire entre techniques et société, thèse de doctorat, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. EL SADDI Fatten. 1977. La céramique du site de Songon-Dagbé : inventaire, essai d’analyse descriptive et de typologie, mémoire de DEA, Université de Cocody-Abidjan. FAUCQUEZ-TAO Colette. 1984. Recherches préhistoriques dans l’Ouest et le Nord-Ouest de la Côte d’Ivoire, thèse de doctorat de 3e cycle, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. FOFANA Sindou. Mémoire de maîtrise, Université de Cocody-Abidjan. (Date de soutenance et titre du mémoire inconnus) GUÉDÉ Yiodé François. 1997. La Côte d’Ivoire paléolithique et sa place dans le Paléolithique de l’Afrique occidentale, thèse de doctorat, Université d’État de Saint-Pétersbourg. GREEN Kathryn Lee. 1984. The Foundation of Kong. A study in Dyula and Sonangui ethnic identity, thèse de doctorat, Indiana University. JOBIN Paul. 2013. L’archéologie en Côte d’Ivoire : histoire et fonctionnement de la recherche, mémoire de Master, Université de Neuchâtel, sous la direction de Denis Ramseyer. JOULIAN Frédéric. 1993. Application de l’éthologie des chimpanzés ouestafricains au comportement des hominidés du Plio-pléistocène : la question de la culture, thèse de doctorat, Université de Paris I PanthéonSorbonne. KAZIO Djidjé Jacques. 2008. Prospection archéologique et production céramique dans le pays Gwa (Alépé – Côte d’Ivoire), mémoire de maîtrise, Université de Cocody-Abidjan. 299
KAZIO Djidjé Jacques. 2009. La production céramique chez les mangoro de Katiola : approche ethnoarchéologique (Côte d’Ivoire), mémoire de DEA, Université de Cocody-Abidjan. KODJO Niamkey Georges. 1986. Le royaume de Kong. Des origines à 1897, thèse de doctorat d’État, Université d’Aix-en-Provence. KOFFI Kouakou Sylvain. 2002. Problématique des pierres sculptées de Gohitafla, mémoire de maîtrise, Université de Cocody-Abidjan. KOFFI Kouakou Sylvain. 2005. Étude des pierres sculptées du musée des civilisations : Une contribution à la problématique des pierres sculptées de Gohitafla, mémoire de DEA, Université de Cocody-Abidjan. KOFFI Kouakou Sylvain, 2010. Problématique des pierres sculptées de Gohitafla, contexte et chronologie, thèse de doctorat, Université de Cocody-Abidjan. KOUASSI Kouakou Siméon. 2001. Inventaire, identification, typologie et évolution des amas coquilliers de Côte d’Ivoire des origines à nos jours, mémoire de maîtrise, Université de Cocody-Abidjan. KOUASSI Kouakou Siméon. 2002. Contribution à l’archéologie de la Côte d’Ivoire côtière, mémoire de DEA, Université de Cocody-Abidjan. KOUASSI Kouakou Siméon. 2007. Archéologie de la Côte d’Ivoire côtière (Grand-Bassam – Grand-Lahou), thèse de doctorat, Université de Cocody-Abidjan. KOUASSI Kouassi Augustin Potence. 2008. La métallurgie traditionnelle de l’or à Abengourou : Approche archéologique, mémoire de maîtrise, Université de Cocody-Abidjan. KOUASSI Kouassi Augustin Potence. 2009. La métallurgie ancienne du fer dans la région des savanes : le cas des régions de Kong et de Korhogo, mémoire de DEA, Université de Cocody-Abidjan. LEBLAN Vincent. 2001. Mise au point d’un Système d’information géographique (SIG) pour des prospections préhistoriques dans le parc de la Komoé (Côte d’Ivoire), mémoire de DEA, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. LOUKOU Yao Serge. 2006. Étude ethnoarchéologique du vêtement et de l’habitat Gouro de Sinfra (XVIIIe siècle, début XXe siècle), mémoire de maîtrise, Université de Cocody-Abidjan. N’ZEBO Aka Ludovic. 2009. Ethnoarchéologie de l’habitat des Morofoué du XVIIIe au XXe siècle, mémoire de maîtrise, Université de CocodyAbidjan. N’ZI Dibié Charles. 2016. Archéologie et développement en Côte d’Ivoire : Contribution à la mise en place de l’archéologie préventive, thèse de doctorat, Université libre de Bruxelles. OULA Roger. 1997. Les sites de Labiné et Welasso. Étude ethnoarchéologique de la région de Kong (Nord-est de la Côte d’Ivoire), thèse de doctorat, Université de Caen.
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OUAYOU Norbert Charles. 1983. La production céramique Mangoro et Djeli dans le pays Djimini, thèse de doctorat de 3e cycle, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. POLET Jean. 1988. Archéologie des îles du pays Eotilé (lagune Aby, Côte d’Ivoire), thèse de doctorat d’État, Université de Paris I PanthéonSorbonne. SOPPELSA Robert T. 1982. Terracotta Traditions of the Akan of Southeastern Ivory Coast, thèse de doctorat, Ohio State University. TIEBI Galla Guy Roland. 2008. La métallurgie ancienne du fer à Issia : le cas de Zagroguié, mémoire de maîtrise, Université de Cocody-Abidjan. TIEBI Galla Guy Roland. 2009. La métallurgie ancienne du fer dans la région d’Issia : le cas de Zakroguhé, mémoire de DEA, Université de Cocody-Abidjan. YAO Kouadio Narcisse. 2008. Prospections archéologiques dans la région d’Alépé : le cas du pays Lepin, 2008, mémoire Maîtrise, Université de Cocody-Abidjan. YAO Kouadio Narcisse. 2009. La production de la céramique subactuelle des Baoulé de la vallée de Bandama, mémoire de DEA, Université de Cocody-Abidjan. YAPI Yapi Ange. 2002. Archéologie de la traite : les sites liés à la traite négrière dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, mémoire de maîtrise, Université de Cocody-Abidjan.
Posters KOUASSI Kouakou Siméon. 2014. Risques naturels côtiers et incidences en Afrique de l’Ouest : une approche patrimoniale et archéologique à partir de l’engloutissement de la ville coloniale de Grand-Lahou (sud Côte d’Ivoire), poster présenté lors de la XVIe édition des Journées scientifiques internationales de Lomé (Lomé, 20-25 octobre 2014). Voir les pages 99 et 544 du programme du Congrès sur : http://www.tg.auf.org/20-25-octobre-2014-XVIe-journees pour de plus amples informations. KOUASSI Kouakou Siméon. 2017. Perles des marges de la Forêt des Marais Tanoé-Ehy (FMTE – sud Côte d’Ivoire) poster présenté lors du XXIe colloque international du Groupe des méthodes pluridisciplinaires contribuant à l’archéologie (GMPCA ) sur l’Archéométrie à l’Université de Rennes 1 (Rennes, 1er-21 avril 2017). Voir page 7 du programme du Colloque https://gmpca2017.sciencesconf.org/data/pages/Programme_Archeometri e_Rennes_2017.pdf pour de plus amples informations. SIMPORÉ Lassina, GUILLON Rodrigue, CAMERLYNCK Christian, FARMA Hantissié, KOUASSI Kouakou Siméon, MONNA Fabrice, MEGRET Quentin. 2016. Enceinte précoloniale de Loropéni (Sud-ouest 301
du Burkina Faso) : résultats préliminaires des fouilles archéologiques du programme de recherche Lobi-Or-Fort, poster présenté lors du 23e congrès biennal de la SAFA (Society of Africanist Archaeologists) à l’Université de Toulouse Jean-Jaurès/France (Toulouse, 26 juin – 2 juillet 2016). Voir page 54 du Livret des posters http://safa2016.science/images/Safa-2016-Posters.pdf pour de plus amples informations.
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ANNEXE 2 Loi n° 87-806 du 28 juillet 1987
Loi n° 87-806 du 28 juillet 1987 portant protection du patrimoine culturel. L’Assemblée nationale a adopté Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit : CHAPITRE I - CHAMP D’APPLICATION ET DISPOSITIONS GÉNÉRALES Article 1er. - Le Patrimoine culturel national est l’ensemble des biens immobiliers et mobiliers, des arts et traditions populaires, des styles, des formes, des disciplines et des usages artistiques, sociaux, religieux, technologiques et scientifiques hérités du passé. Article 2. - Sont protégés au sens de la présente loi : 1° - Tous biens immobiliers par nature ou par destination : sites archéologiques et historiques, œuvres architecturales et monumentales isolées ou constituant un ensemble ainsi que leurs abords dès lors que leur mise en valeur en nécessite la protection ; 2° - Tous biens mobiliers : objets d’art et d’artisanat ancien, objets usuels et rituels et tous vestiges préhistoriques et historiques ayant un intérêt culturel ; 3° - Les œuvres du folklore visées à l’article 5 alinéa 12 et définies à l’article 7 alinéa 1er de la loi n° 78-634 du 28 juillet 1978 portant protection des œuvres de l’esprit, à savoir l’ensemble des productions littéraires et artistiques, transmises de génération en génération, faisant partie du patrimoine culturel traditionnel ivoirien. Article 3. - La protection et la mise en valeur du patrimoine culturel sont assurées par le ministère chargé des Affaires culturelles. Article 4. - Il est établi un Inventaire général du patrimoine culturel national mis à jour annuellement et qui porte : – Inventaire des sites et monuments, – Inventaire du mobilier, – Inventaire des arts et traditions populaires. 303
CHAPITRE II - PROTECTION DES SITES ET MONUMENTS SECTION I - DISPOSITIONS COMMUNES Article 5. - La protection du Patrimoine culturel immobilier est assurée suivant son intérêt historique, artistique, scientifique ou ethnologique ainsi qu’en raison de son état de conservation par trois mesures administratives distinctes : – L’inscription, – Le classement, – La déclaration de sauvegarde. Article 6. - Les effets de ces mesures de protection suivent le bien en quelque main qu’il passe. Le contrat d’aliénation ou de transfert de jouissance d’un bien protégé doit faire expressément état de la mesure de protection et des servitudes qui affectent ce bien. Article 7. - Les mesures de protection peuvent porter sur : – Tout ou partie d’un immeuble isolé ou compris dans des ensembles, – Les abords de l’immeuble, – Les ruines et les terrains comportant des vestiges non encore identifiés. Article 8. - Sont considérés comme abords, les espaces et aménagements extérieurs faisant corps avec l’immeuble. Les effets de la protection qui affecte l’immeuble s’appliquent à ses abords dont les éléments et les limites sont arrêtés dans la décision de protéger. Article 9. - En vue de préserver l’insertion de l’immeuble dans son environnement naturel ou historique, il peut être aménagé un périmètre de sauvegarde dont les éléments et les limites sont arrêtés dans la mesure de protection. Article 10. - Tous travaux publics ou privés, de construction, de démolition ou de modification à l’intérieur du périmètre de sauvegarde sont soumis à l’autorisation préalable du ministre chargé des Affaires culturelles. L’autorisation est réputée accordée à défaut de refus de l’administration notifié au demandeur dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception. Les entrepreneurs sont tenus en outre de se conformer aux prescriptions architecturales et techniques éventuellement arrêtées par l’administration. Les frais afférents aux prescriptions architecturales et techniques de protection peuvent être, en partie, supportés par l’État. Article 11. - Dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires applicables en matière d’urbanisme, les plans d’aménagements urbains et ruraux intéressant les zones incluant des périmètres de sauvegarde doivent, sous peine de nullité, respecter les prescriptions visant à la sauvegarde et à la mise en valeur de tout immeuble ou ensemble d’immeubles tel que prévu à l’article 2 de la présente loi ou faire l’objet d’une archéologie de sauvegarde avant exécution des travaux. 304
SECTION II – L’INSCRIPTION Article 12. - Les immeubles soumis aux mesures prévues à l’article 5 de la présente loi et qui présentent un intérêt suffisant du point de vue de l’histoire de l’art, de la science ou de l’ethnologie peuvent être en tout ou partie inscrits sur une liste dénommée liste d’inventaire. Article 13. - Les effets de l’inscription s’appliquent de plein droit aux immeubles ayant fait l’objet d’une inscription à compter du jour de la notification au propriétaire de la décision portant inscription sur la liste d’inventaire. Article 14. - Tout projet de travaux portant sur un immeuble inscrit, autre que ceux de l’entretien normal que le propriétaire entend effectuer ou que le locataire éventuel désire entreprendre, doit obligatoirement faire l’objet d’une déclaration et obtenir une autorisation préalable du ministre chargé des Affaires culturelles. Article 15. - Le propriétaire est tenu d’assurer l’entretien normal et la conservation d’un immeuble inscrit. Article 16. - Le propriétaire dès notification de la décision d’inscription, est tenu d’informer le locataire ou l’occupant à titre gratuit d’un immeuble qu’il ne peut y entreprendre des travaux sans l’en aviser, à peine d’être tenu de remettre l’immeuble en l’état. Article 17. - Les projets de travaux, soumis à autorisation préalable, sont réputés agréés, passé un délai de trois mois à compter de la date de déclaration. Article 18. - Le propriétaire, le locataire ou occupant sont tenus de se conformer aux plans éventuellement rectifiés par l’administration qui en contrôle l’exécution. Article 19. - En cas d’infraction aux articles 14 et 16 ci-dessus : – Le propriétaire est tenu de remettre l’immeuble en l’état ; – Le classement d’office de l’immeuble peut être prononcé. Le propriétaire est tenu pour responsable des infractions du locataire et peut à la requête de l’administration, être condamné à réparation ainsi qu’à des dommages et intérêts. Article 20. - L’aliénation totale ou partielle d’un immeuble inscrit est libre, sous réserve et à peine de nullité que l’acte de vente ou de donation fasse expressément état de la mesure de protection et des servitudes qui s’attachent au bien et qu’une copie certifiée conforme soit transmise au ministre chargé des Affaires culturelles. SECTION III - LE CLASSEMENT Article 21. - En raison de leur intérêt particulier, les immeubles sont classés par décret en Conseil des ministres.
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Article 22. - La proposition de classer fait l’objet d’une publication au chef-lieu de la circonscription administrative de l’immeuble en même temps qu’elle est notifiée au propriétaire. Article 23. - Les effets du classement s’appliquent de plein droit à l’immeuble visé à compter du jour où l’administration notifie au propriétaire du bien son intention d’en poursuivre le classement. Ils cessent d’être appliqués si la décision de classement n’intervient pas dans les six mois de cette notification. Article 24. - Dans les deux mois, le propriétaire est tenu de faire connaître son avis sur la proposition de classement. Passé ce délai, son accord est réputé acquis. Le propriétaire peut refuser la mesure de classement. Dans ce cas, l’administration se réserve le droit de l’exproprier pour cause d’utilité publique. Article 25. - Le décret de classement indique notamment : – La nature et l’affectation de l’immeuble, – Sa situation géographique, – L’étendue et les limites précises du périmètre de sauvegarde, – L’étendue du classement, total ou partiel, avec les servitudes particulières. Article 26. - Nul ne peut, qu’il soit propriétaire privé ou public, changer sans autorisation préalable du ministère chargé des Affaires culturelles l’affectation de l’immeuble telle que définie dans le décret de classement. Article 27. - Tous travaux de démolition ou de construction, du fait du propriétaire, locataire ou occupant, tendant à modifier l’immeuble et ses abords sont interdits, sauf autorisation préalable de l’administration. Article 28. - Les travaux du propriétaire, du locataire ou occupant visant à améliorer les conditions d’usage de l’immeuble conformément à son affectation, sont soumis aux conditions fixées par décret pris en Conseil des ministres. Article 29. - L’aliénation partielle, à titre onéreux ou gratuit, qui viendrait démembrer un immeuble classé, est interdite. Elle est nulle et de nullité absolue. Article 30. - L’intention d’aliéner ou de disposer à titre gratuit de la totalité d’un immeuble classé, qu’il soit isolé ou fasse partie d’un ensemble protégé, est notifiée, à peine de nullité absolue de l’acte de vente ou de donation, au ministère des Affaires culturelles. Article 31. - Pendant trois mois, à compter de la date d’accusé de réception de l’intention d’aliéner, l’État pourra exercer son droit de préemption sur l’immeuble. Article 32. - Passé le délai de trois mois, sans préjudice de l’application des textes en vigueur, l’aliénation est libre, sous réserve et à peine de nullité que l’acte de vente ou de donation :
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– Fasse expressément état de la mesure de protection et des servitudes qui s’attachent au bien ; – Soit transmis, copie certifiée conforme, au ministère chargé des Affaires culturelles. Article 33. - Le propriétaire est tenu d’assurer l’entretien normal d’un immeuble classé. Article 34. - L’État peut procéder à l’expropriation pour cause d’utilité publique des immeubles classés non entretenus par le propriétaire ou menacés de ruine du fait de l’abandon et conformément aux textes en vigueur. SECTION IV - LA DÉCLARATION DE SAUVEGARDE Article 35. - Les immeubles inscrits ou classés visés par la présente loi et menacés de dégradations pouvant devenir irréversibles par défaut d’entretien ou du fait d’intempéries naturelles, de destructions partielles ou totales en raison de travaux privés ou publics peuvent faire l’objet d’une déclaration de sauvegarde, par décret pris en conseil des ministres. La déclaration de sauvegarde rend obligatoire, soit une conservation, restauration et mise en valeur d’immeubles menacés de dégradation ou de disparition, soit une archéologie de sauvetage avant exécution de travaux d’aménagement. Les frais de cette mesure sont à la charge de l’État avec le concours éventuel des propriétaires et de collectivités publiques du ressort de l’immeuble. Article 36. - Dans le cas d’une prise de mesure de conservation, les effets de la déclaration de sauvegarde courent pendant un an à compter de la date de notification. La déclaration de sauvegarde peut être renouvelée, dans les mêmes formes que celles prévues à l’article 35 et pour une année seulement. Passé ce délai, l’immeuble doit alors être, soit inscrit, soit classé. Dans le cas d’une archéologie de sauvetage, un délai d’un an maximum est accordé à l’administration pour entreprendre toutes opérations de sauvetage, tous relevés, fouilles et toutes études indispensables avant les travaux de terrassement et d’aménagement. CHAPITRE III - FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES SECTION I - DISPOSITIONS COMMUNES Article 37. - Les terrains visés à l’article 7 de la présente loi, pouvant comporter et comportant des vestiges archéologiques, biens immeubles ou meubles visés aux articles 1 et 2 peuvent être inscrits, classés ou faire l’objet d’une déclaration de sauvegarde. Les projets de fouilles archéologiques sont soumis à l’autorisation délivrée par l’administration. Article 38. - L’auteur de toute découverte, fortuite ou non, résultant notamment de fouilles régulièrement autorisées et de travaux publics ou 307
privés, est tenu de le déclarer auprès des ministres chargés des Affaires culturelles et des Mines. L’auteur de toute découverte est personnellement et pécuniairement tenu de veiller à la sauvegarde des vestiges qui ne peuvent être ni vendus, ni cédés, ni dispersés avant que l’administration n’ait statué sur leur affectation définitive. Article 39. - L’État, dans le seul intérêt des Collections nationales, peut revendiquer en tout ou partie, les meubles provenant de fouilles exécutées par un tiers autorisé ou exhumées fortuitement. La revendication de l’État s’exerce dans les deux mois qui suivent la déclaration de découverte, moyennant indemnité et dans les conditions fixées par décret en Conseil des ministres. Article 40. - Les biens mobiliers non revendiqués par l’État d’une part et l’indemnité due pour les objets revendiqués d’autre part, sont partagés par moitié entre l’auteur de la découverte et le propriétaire du terrain, conformément à l’article 716 du Code civil. Article 41. - Les effets du classement des immeubles s’appliquent de plein droit à toute découverte immobilière du jour de la découverte à son affectation définitive. Article 42 - Excepté les cas d’expropriation pour cause d’utilité publique, d’inscription, de classement ou de déclaration de sauvegarde, tout fouilleur régulièrement autorisé est tenu de remettre le terrain en l’état. Article 43 - L’occupation temporaire pour exécution de fouilles donne lieu, en raison du préjudice résultant de la privation momentanée de jouissance des terrains antérieurement affectés à un usage économique et si les lieux ne peuvent être rétablis en l’état, à une indemnité prise en charge par l’autorité compétente et dont le montant est fixé conformément aux lois en vigueur. SECTION II -FOUILLES EXÉCUTÉES PAR L’ÉTAT Article 44. - L’État peut procéder à l’exécution de fouilles ou de sondages pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sur tout terrain ne lui appartenant pas, avec le consentement du propriétaire. Les conditions et les modalités des fouilles et du partage des découvertes sont fixées par décret pris en Conseil des ministres. Article 45. - Les immeubles exhumés du fait de fouilles ou sondages de l’État peuvent être inscrits, classés ou expropriés pour cause d’utilité publique. CHAPITRE IV - PROTECTION DU PATRIMOINE MOBILIER SECTION I - MUSÉES Article 46. - Afin de conserver et d’utiliser le patrimoine culturel ivoirien notamment les objets d’art, les antiquités artistiques, historiques, 308
ethnographiques et scientifiques, ainsi que les produits des fouilles et découvertes, il est créé plusieurs catégories de musée : musées publics nationaux et régionaux, musées de collectivités locales, musées privés. La création, les modalités d’organisation et de fonctionnement de ces musées sont fixées par décret. SECTION II - COLLECTIONS NATIONALES ET COLLECTIONS PRIVÉES OUVERTES AU PUBLIC Article 47. - Les collections nationales conservées dans les musées publics nationaux et régionaux sont constituées par : – les acquisitions de l’État effectuées par les musées publics nationaux et régionaux ; – les dons et legs faits à leur profit. Article 48. - Les collections nationales font l’objet d’un inventaire publié annuellement. Elles sont inaliénables. En outre, l’administration bénéficie d’un droit de suite pour revendiquer sans limite de temps et sans avoir à verser quelque indemnité, tout objet de collection nationale, là où il se trouve, même si le possesseur est de bonne foi. Article 49. - Est considéré comme collection privée classée, tout ensemble d’objets appartenant à une personne ou à un groupe de personnes physiques ou morales et présentant un intérêt culturel, reconnu par l’administration et bénéficiant du concours financier ou technique de l’État. La gestion des pièces constituant les collections privées classées est soumise aux conditions fixées ci-après. Article 50. - L’aliénation à titre onéreux et la donation de tout ou partie d’une collection privée classée sont subordonnées, sous peine de nullité absolue, à la délivrance d’une autorisation dans les conditions fixées par décret en Conseil des ministres. Article 51. - À compter de la date de réception de la déclaration d’intention de vendre ou de donner, l’administration dispose de trois mois pour acquérir au profit des collections nationales, la ou les pièces visées. Passé ce délai, la vente ou la donation des seules pièces déclarées et non acquises par l’État, sont rendues libres. Article 52. - L’acquéreur ou le donataire de collections des musées privés acquitteront des droits de taxes dont les taux sont fixés par la loi de finances. Article 53. - En cas de succession, les collections de musées privés ne peuvent être dispersées. Cependant, à défaut d’accord entre héritiers ou légataires, quant à la destination de la collection au bénéfice de l’un d’entre eux, l’État dispose d’un an pour exercer un droit de préemption au prix du marché sur ces collections. Passé ce délai, la dispersion des collections est autorisée. Article 54. - L’acquéreur, le donataire, l’héritier ou le légataire de tout ou partie d’une collection d’un musée privé sont exonérés des droits et taxes visés à l’article 52 ci-dessus, lorsqu’ils font don à l’État, au profit des
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collections nationales de pièces de haute valeur dans les cas et aux conditions fixées par décret en Conseil des ministres. SECTION III - CLASSEMENT ET EXPORTATION DES BIENS CULTURELS MOBILIERS Article 55. - En vue de contribuer à la constitution du Capital culturel national, il est établi un classement de biens culturels mobiliers considérés comme biens nationaux. Article 56. - Les biens culturels mobiliers visés aux articles 1 et 2 de la présente loi peuvent être classés biens nationaux. Article 57. - L’État peut exercer sur toute vente de biens culturels mobiliers classés un droit de préemption, au prix du marché sur les pièces intéressant les collections nationales. Article 58. - L’exportation des biens culturels mobiliers classés est interdite. Elle peut néanmoins être autorisée exceptionnellement et pour un temps limité, avec la condition de retour. Article 59. - Outre les dispositions de l’article 58 ci-dessus concernant les objets classés, l’exportation d’objets d’art et d’antiquités par tout particulier est soumise à l’autorisation préalable délivrée sous forme d’un certificat d’exportation. L’État peut alors exercer un droit d’acquisition dans des conditions fixées par décret. Sont toutefois exemptés de cette autorisation les objets d’art moderne ainsi que les produits de l’artisanat contemporain. Article 60. - Aux fins de la documentation iconographique des musées et de la recherche scientifique, l’État se réserve le droit de photographier toute pièce de stocks des antiquaires ou présentée lors de la déclaration d’exportation. CHAPITRE V - SANCTIONS Article 61. - Sans préjudice de l’application des dispositions du Code des douanes et des peines d’emprisonnement prévues à l’article 62 ci-après, quiconque aura exporté ou tenté d’exporter des objets classés sera sanctionné par la saisie desdits objets qui seront saisis et confisqués au profit des collections nationales. Article 62. - Toute infraction aux dispositions de la présente loi et notamment aux prescriptions des articles 10, 14, 16, 19, 58, constitue une contravention de 3e classe. Article 63. - Des décrets pris en Conseil des ministres fixeront les modalités d’application des dispositions de la présente loi. Article 64. - Toutes dispositions contraires à la présente loi sont abrogées, notamment la loi n° 56-1106 du 3 novembre 1956 ayant pour objet la protection des monuments naturels, des sites et monuments à caractère historique, scientifique, artistique ou pittoresque, le classement des objets historiques ou ethnographiques et la réglementation des fouilles.
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Crédits des illustrations : Illustration de couverture : Photographie, René Kouadio Bouadi, 2011. Seconde couverture : Photographie, René Kouadio Bouadi, 2011. Figures 1 à 3 et 7 : DAO, Paul Jobin, 2013. Figures 4, 8 et 9 : Photographie, Paul Jobin, 2011. Figure 5 et 6 : Photographie, René Kouadio Bouadi, 2011. Illustration finale : Photographie, René Kouadio Bouadi, 2011.
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TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS ................................................................................................ 7 SIGLES ET ABRÉVIATIONS................................................................................ 9 PRÉFACE ............................................................................................................... 11 1) Introduction générale......................................................................................... 15 1.1) Définition et cadre des recherches ................................................................ 15 1.2) Méthodes et sources ...................................................................................... 17 1.3) Critique des méthodes et des sources............................................................ 27 1.4) Résultats obtenus .......................................................................................... 29 PREMIÈRE PARTIE Historiographie de l’archéologie en Côte d’Ivoire............................................... 31 2) Les phases de l’historiographie de l’archéologie en Côte d’Ivoire................ 33 3) Les administrateurs coloniaux (1897-1929) ..................................................... 37 3.1) Apparition de l’archéologie en AOF ............................................................. 37 3.2) Mise en place de l’administration coloniale en Côte d’Ivoire....................... 39 3.3) Maurice Delafosse, administrateur pratiquant l’archéologie ........................ 40 3.4) La nécropole de Djangoménou et les perles d’aigris .................................... 42 3.5) Découverte des ruines du pays Lobi ............................................................. 44 3.6) Haches polies, haches de Lowiguié et polissoirs .......................................... 45 3.7) Diffusionnisme et hypothèse égyptienne ...................................................... 49 3.8) Les marins dieppois ...................................................................................... 52 3.9) Le rôle joué par le Comité d’Études Historiques et Scientifiques d’AOF .... 54 3.10) Synthèse de la période (1897-1929)............................................................ 57 4) L’archéologie de l’AOF (1941-1961)................................................................. 61 4.1) Autonomie de l’archéologie coloniale en AOF ............................................ 61 4.2) L’Institut français d’Afrique noire à Dakar .................................................. 62 4.3) Législation de l’archéologie en AOF ............................................................ 65 4.4) Les Centrifan, réseau muséal aofien ............................................................. 67 4.5) Les missions de recherches de l’IFAN depuis le Centrifan d’Abidjan ......... 69 4.6) Cercles d’Agboville et découvertes archéologiques de 1941 à 1961 ............ 70
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4.7) Fonctionnement des pratiques archéologiques aofiennes en Côte d’Ivoire .. 72 4.8) Interprétation du passé ivoirien par l’archéologie aofienne .......................... 74 4.9) Recherches archéologiques au Ghana ........................................................... 76 4.10) Synthèse de la période (1941-1961)............................................................ 77 5) L’archéologie nationale en formation (1968-1985) .......................................... 81 5.1) Apparition des archéologies nationales ouest-africaines .............................. 81 5.2) Édification de l’histoire nationale ivoirienne ................................................ 83 5.3) Premières fouilles archéologiques en Côte d’Ivoire : la Séguié .................... 88 5.4) L’Institut d’histoire, d’arts et d’archéologie africains................................... 91 5.5) Les fouilles archéologiques des îles Ehotilé ................................................. 94 5.6) Les amas coquilliers du littoral ivoirien ........................................................ 99 5.7) Recherches de l’ancienne cité de Kong ...................................................... 101 5.8) Anyama : une stratigraphie paléolithique dans la Terre de Barre ............... 104 5.9) Sondages archéologiques sur le rivage Alladian ......................................... 106 5.10) Villages perchés à Man ............................................................................. 107 5.11) Prospections archéologiques dans le Nord-Ouest ivoirien ........................ 109 5.12) Les pierres sculptées anthropomorphes de Gohitafla................................ 110 5.13) Le colloque de Valbonne .......................................................................... 111 5.14) Du Centrifan au Musée national d’Abidjan .............................................. 118 5.15) Monnaies romaines à San Pedro et Phéniciens en Afrique de l’Ouest...... 119 5.16) Méthodes et pratiques de l’archéologie nationale ivoirienne .................... 121 5.17) Synthèse de la période (1968-1985).......................................................... 125 6) L’archéologie ivoirienne en contexte de crise (1985-2008) .......................... 129 6.1) Nouveau contexte de l’archéologie ivoirienne dès 1985 ............................ 129 6.2) Crises économique et politique en Côte d’Ivoire ........................................ 130 6.3) Abrogation du financement pour l’archéologie ivoirienne ......................... 131 6.4) Missions de prospections archéologiques de l’IHAAA .............................. 133 6.5) Les recherches paléolithiques et les missions ivoiro-soviétiques ............... 134 6.6) Inventaire des ruines du pays Lobi et prospections du BEDH .................... 137 6.7) Inventaire et définition des Mma ................................................................ 139 6.8) Etho-archéologie et vestiges chimpanzés en Côte d’Ivoire ........................ 140 6.9) Interaction homme-milieu et transition forêt-savane dans le V-Baoulé...... 142 6.10) Musées, patrimoine et archéologie en Côte d’Ivoire................................. 144 6.11) Apparition de l’ISAD et d’un nouveau département d’archéologie.......... 146 6.12) Synthèse de la période (1985-2008).......................................................... 148 7) Bilan de l’analyse historiographique .............................................................. 151 SECONDE PARTIE La pratique de l’archéologie ivoirienne aujourd’hui ........................................ 155 8) Analyse de la situation actuelle sous l’éclairage de l’historiographie ......... 157 9) Évaluation des connaissances actuelles sur l’archéologie de la Côte d’Ivoire ................................................................... 159
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9.1) Chronologie de l’archéologie en Côte d’Ivoire ........................................... 159 9.2) Cartographie des opérations réalisées ......................................................... 161 9.3) Bilan synthétique des connaissances actuelles ............................................ 163 10) Impacts de la crise postélectorale d’avril 2011 sur l’archéologie .............. 173 11) Institutionnalisation et formation ................................................................. 177 11.1) Les institutions de l’archéologie ivoirienne .............................................. 177 11.2) L’Université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody ...................... 181 11.3) L’ISAD et le département d’archéologie .................................................. 184 11.4) Formation en archéologie ......................................................................... 188 11.5) Financement de la recherche ..................................................................... 190 11.6) Stratégie de recherche de l’ISAD.............................................................. 193 12) La recherche archéologique ivoirienne ........................................................ 197 12.1) Procédure de la recherche ......................................................................... 197 12.2) Modalités du terrain .................................................................................. 198 12.3) Localisation des sites ................................................................................ 201 12.4) Introspection des sites ............................................................................... 203 12.5) Question de l’emplacement du sondage.................................................... 205 12.6) Dépendance de l’archéologie envers les communautés locales ................ 206 12.7) L’analyse des données .............................................................................. 207 12.8) Problèmes de la gestion de la documentation scientifique ........................ 208 12.9) Utilisation des traditions orales ................................................................. 212 12.10) L’ethnoarchéologie ................................................................................. 216 12.11) Le discours sur le peuplement................................................................. 217 13) Médiation culturelle de l’archéologie ivoirienne ......................................... 221 13.1) Archéologie et médiation culturelle en Côte d’Ivoire ............................... 221 13.2) Origines des musées en Côte d’Ivoire et en Afrique de l’Ouest ............... 222 13.3) Le Musée des civilisations de Côte d’Ivoire ............................................. 224 13.4) Le MCCI et la médiation culturelle de l’archéologie................................ 229 13.5) Autres voies de médiation pour l’archéologie .......................................... 232 14) Protection du patrimoine archéologique ivoirien ........................................ 235 14.1) Menaces et dangers pour le patrimoine archéologique ............................. 235 14.2) Sites archéologiques pillés ........................................................................ 236 14.3) Dispositions légales et institutionnelles .................................................... 239 14.4) Implications des sociétés locales............................................................... 243 14.5) Sensibilisation à la protection des sites ..................................................... 244 15) Conclusion générale ....................................................................................... 247 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................... 253 ANNEXE 1. Bibliographie de l’archéologie en Côte d’Ivoire ........................... 277 ANNEXE 2. Loi n° 87-806 du 28 juillet 1987 ..................................................... 303
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Côte d’Ivoire aux éditions L’Harmattan
Dernières parutions
Côte d’Ivoire : l’évangélisation du Sanwi (1637-1960)
Koffi Koffi Lazare - Préface de Jean-Claude Djéréké
Dans cette étude, l’auteur ne s’est pas contenté d’égrener les faits relatifs à l’implantation du christianisme dans le Sanwi, situé dans l’actuel territoire ivoirien. Par une approche qui fait appel à l’anthropologie et à l’histoire des mentalités, il a montré le lien étroit et la corrélation qui a existé entre l’entreprise missionnaire et l’entreprise coloniale. De tout temps, la première a été entraînée par la seconde. Elles ont partagé les mêmes préoccupations : dominer le monde, le convertir à la pensée et à la vision de l’Europe. (Coll. L’Afrique qui se bat, 23.50 euros, 224 p.) ISBN : 978-2-343-12321-9, ISBN EBOOK : 978-2-14-004087-0 La Déchirure Photo-roman des Ivoiriens et des Africains de la diaspora
Souley - Préface de Michel Galy
Ce livre est le premier d’une série d’ouvrages de photos en couleur mettant en scène le combat des Africains issus de la diaspora, en particulier ivoirienne, qui refusent le coup d’État du 11 avril 2011 à l’encontre du président Laurent Gbagbo. Les œuvres de l’auteur Souley sont présentées dans toute leur authenticité, sans la moindre retouche. (25.00 euros, 212 p.) ISBN : 978-2-343-12727-9, ISBN EBOOK : 978-2-14-004339-0 Réforme de la formation professionnelle et technique en Côte d’Ivoire Entretiens réalisés par Jackie Fourniol
Gbato Maninga - Préface de Gervais Semedo
Sortant d’une crise grave en 2009, le système de formation professionnelle était fortement perturbé. Il ne s’agit plus de «former pour former» mais de qualifier les jeunes pour des emplois existants et à venir ; il ne s’agit plus de mettre en œuvre des stratégies pédagogiques d’un autre âge, mais de développer des pratiques pédagogiques innovantes en prise directe avec les compétences attendues aujourd’hui par la société et l’économie. (Harmattan Côte-d’Ivoire, 14.00 euros, 124 p.) ISBN : 978-2-343-12427-8, ISBN EBOOK : 978-2-14-004111-2 Côte d’Ivoire : vers un nouvel ordre plus juste
Kouame Bibli Robert-Jonas Préface du ministre Justin Koné Katinan
Le futur va se construire sur le refus, par l’ensemble du peuple, de la mentalité de soumission : c’est un futur de liberté et de responsabilité, un futur de souveraineté pour la cause commune de la société ivoirienne et africaine. C’est le combat que mène Laurent Gbagbo, devenu la pierre
d’angle de la lutte pour un nouvel ordre de justice en Afrique. C’est cette conviction que l’auteur veut partager avec ses compatriotes en même temps qu’il les invite à se battre pour protéger leur pays contre les puissances coloniales et à lutter contre leurs élus locaux prêts à toutes les compromissions pour défendre leurs propres intérêts. (Coll. L’Afrique qui se bat, 21.50 euros, 212 p.) ISBN : 978-2-343-11744-7, ISBN EBOOK : 978-2-14-003955-3 Des pensées de Laurent Gbagbo Quel message pour la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire ?
Sous la direction de Claude Koudou
Dans un pays multiethnique comme la Côte d’Ivoire les acteurs doivent se coordonner pour construire un cadre de vie ensemble. La Côte d’Ivoire ne pourra pas vivre en paix alors qu’une partie de la population est dressée contre l’autre. Pour résoudre cette équation il faut libérer la clef de voûte de la réconciliation nationale qu’est Laurent Gbagbo. (Coll. Afrique liberté, 16.50 euros, 152 p.) ISBN : 978-2-343-12133-8, ISBN EBOOK : 978-2-14-003644-6 Chroniques politiques de Côte d’Ivoire et d’ailleurs (2011-2016) Au nom de notre foi
Kouadio Jean
L’analyse que Jean Kouadio réalise de la crise africaine est que l’Afrique se complaît dans sa soumission, sa domination et son humiliation forcées par ceux qui continuent de la régenter. La conjonction simultanée et déchaînée des événements en Côte d’Ivoire et en Libye ont plongé l’auteur dans une méditation douloureuse. Le combat pour la liberté en Afrique doit se poursuivre à tout prix. (28.00 euros, 274 p.) ISBN : 978-2-343-11938-0, ISBN EBOOK : 978-2-14-003606-4 Évangéliser aujourd’hui dans nos diocèses d’Afrique
Atta Kouadio Constant
L’« Église Africaine » et en particulier celle d’Abengourou doit-elle rester européenne, latine ou bien doit-elle être africaine ? En d’autres mots, comment faire pénétrer la parole de Dieu dans nos diocèses avec ses différentes cultures ? Foi et cultures peuvent-elles cohabiter ? Église universelle, une, indivisible, l’Église catholique privilégie la cohabitation entre foi et cultures aux fins de faire pénétrer durablement la parole de Dieu. (Harmattan Côte-d’Ivoire, 11.00 euros, 74 p.) ISBN : 978-2-343-10889-6, ISBN EBOOK : 978-2-14-003627-9 Visite pastorale Guide pour réflexions-recommandations-révélations
Atta Kouadio Constant
L’Église, famille de Dieu est le reflet du corpus christique. La participation du Père-Évêque est une grâce pour la pastorale et un gage de révisitation et de bilan des activités et de la vie des paroisses. Ce guide statistique a pour but de connaître la réalité des communautés paroissiales afin de pouvoir décrire la situation ecclésiale et sociale d’un diocèse. (Harmattan Côte-d’Ivoire, 12.00 euros, 86 p.) ISBN : 978-2-343-10890-2, ISBN EBOOK : 978-2-14-003782-5 Le réveil de l’éléphant d’Afrique (Tome 1) Côte d’Ivoire : des élans maintes fois brisés
Ahoua N’Doli Théophile - Préface d’Alassane Ouattara
Avec pour emblème l’élephant, la Côte d’Ivoire, tel un pachyderme avançant dans un environnement difficile, a connu plusieurs élans de croissance économique et de développement qui furent sans cesse brisés. Le «miracle» économique ivoirien des années soixante et soixante dix a été suivi d’une longue crise économique du fait de la détérioration des termes de l’échange dont les effets se sont faits davantage sentir parce que la structure de l’économie y était favorable.
L’embellie à la suite de la dévaluation du franc CFA en 1994 sera malheureusement de courte durée. (Harmattan Côte-d’Ivoire, 31.00 euros, 282 p.) ISBN : 978-2-343-11515-3, ISBN EBOOK : 978-2-14-003336-0 Le réveil de l’éléphant d’Afrique (Tome 2) Côte d’Ivoire : de l’effondrement au sursaut
Ahoua N’Doli Théophile - Préface d’Alassane Ouattara
L’année 1999 sonne le glas d’une série de crises sociopolitiques. À partir de 2011, le travail de planification économique et l’amélioration du cadre des affaires consacrent un retour gagnant de l’Éléphant qui se relève et prend de la vitesse. Il reste toutefois des défis à relever pour que la Côte d’Ivoire accède de manière définitive à l’émergence. (Harmattan Côte-d’Ivoire, 28.00 euros, 244 p.) ISBN : 978-2-343-11516-0, ISBN EBOOK : 978-2-14-003337-7 La politique symbolique de la Côte d’Ivoire (1960-1993) Union - Discipline - Travail
Yocolly Jean - Pasquerel Wenceslas
La Côte d’Ivoire fut le creuset du patriotisme sur une terre faite de convergences des tribus et des ethnies qui dans leur lutte ont forgé le sentiment d’un même destin. Cet essai porte un autre regard sur le pays de Félix Houphouët-Boigny : devenu président de la Côte d’Ivoire de 1960 à 1993, il mena la croisade de la décolonisation en rassemblant les tribus et ethnies et instaura une «politique symbolique» afin de remédier à la crise de la communauté franco-africaine. (Harmattan Côte-d’Ivoire, 23.50 euros, 228 p.) ISBN : 978-2-343-11451-4, ISBN EBOOK : 978-2-14-003509-8 Le nouchi de Côte d’Ivoire Dictionnaire et anthologie Plus de 1 000 mots et expressions usuels
Kadi Germain-Arsène - Préface de Natasa Raschi
Né à l’origine chez les jeunes loubards (noussis ou nouchis) d’Abidjan à la fin des années 1970, le nouchi est devenu trois décennies plus tard l’un des symboles de l’identité culturelle ivoirienne. En témoigne l’usage de ce français populaire dans tous les secteurs de la vie sociale, économique, politique et surtout culturelle. Le nouchi ne peut plus être seulement considéré comme un phénomène ivoirien, car ce langage participe de la dynamique du français dans le monde. L’importance du nouchi dans les créations artistiques et culturelles rendait nécessaire l’élaboration d’un dictionnaire, d’une anthologie. (Coll. Études africaines, 26.00 euros, 258 p.) ISBN : 978-2-343-10423-2, ISBN EBOOK : 978-2-14-003333-9 Traite du café et du cacao et criminalité en Côte d’Ivoire
Touré Alexandre Apalo - Préface de Dominique Bangoura
La criminalité liée à la traite du café et du cacao prend de l’ampleur dans deux régions: l’Indénie - Djuablin voit se développer le trafic illicite des produits agricoles vers le Ghana tandis que dans le Nawa prédomine le phénomène des coupeurs de route. Il en résulte un sentiment d’insécurité, des troubles à l’odre public, une atmosphère de suspicion, la mise à mal de la cohésion sociale, la paupérisation des populations et la réduction des recettes d’exportation de l’État. L’auteur propose des pistes de prévention. (Coll. Afrique : politiques publiques, sécurité, défense, 28.00 euros, 276 p.) ISBN : 978-2-343-11258-9, ISBN EBOOK : 978-2-14-003330-8 FESCI, le rêve brisé ? Côte d’Ivoire
Ba Oulagoué
En Côte d’Ivoire, l’année 1990 a été marquée par les évènements sociopolitiques qui ont abouti au changement du système politique mis en place depuis trois décennies. C’est à la faveur de ce
vaste mouvement de protestations de tous genres qu’est née la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) en remplacement d’un premier syndicat existant. Vingt-cinq ans après sa création, que retenir globalement des actions de ce tout-puissant mouvement des élèves et étudiants ? (Harmattan Côte-d’Ivoire, 15.50 euros, 144 p.) ISBN : 978-2-343-11092-9, ISBN EBOOK : 978-978-2-14-002697-3 La ruralité et le développement rural en Côte d’Ivoire Un regard psychosocial
Yapo Yapi
De ce travail, peuvent être dégagées des pistes de réflexion et aussi d’action concernant l’intégration du monde rural dans la nouvelle économie ivoirienne. Important pour la communauté scientifique de la psychologie sociale, il interpelle aussi décideurs politiques, techniciens de l’État et paysans ivoiriens eux-mêmes. (Coll. Études africaines, série Sociologie, 29.00 euros, 280 p.) ISBN : 978-2-343-08575-3, ISBN EBOOK : 978-2-14-002499-3 Dictionnaire des mots et expressions du français ivoirien
Guébo Josué - Préface d’Hilaire D. Bohui
Du point de vue de l’épistémologie, les approches de l’objet langue en situation sont diverses, suivant les buts que peuvent assigner aux travaux et études leurs auteurs. Ce Dictionnaire des mots et expressions du français ivoirien en est une bien heureuse illustration. Il s’agit bien d’un dictionnaire, d’un ouvrage sur la langue qui témoigne d’une saisie synchronique des usages sous le rapport quasi exclusif du sens. Ce travail est une contribution à l’effort collectif de codification du français ivoirien. (Coll. Études africaines, 13.50 euros, 112 p.) ISBN : 978-978-2-343-10737-0, ISBN EBOOK : 978-978-2-14-002525-9 La fin d’une génération en Côte d’Ivoire Les ténors de « l’après-Houphouët » (1990-2020)
Bonhoulou Diensia Oris-Armel
L’année 2020 qui se profile à l’horizon annonce un événement majeur en Côte d’Ivoire. Il s’agit de la fin d’une génération d’hommes politiques contemporains, nés avant 1950, qui ont d’abord occupé une position privilégiée entre 1990 et 1993, les dernières années de la présidence de Félix Houphouët-Boigny, avant de dominer par la suite, «l’après-Houphouët». L’objectif de ce livre est de retracer l’ordre de succession générationnel établi à travers l’histoire politique ivoirienne, pour prendre conscience des enjeux des élections présidentielles de 2020, année à laquelle une passation de flambeau à la génération post-indépendance s’impose. (18.50 euros, 178 p.) ISBN : 978-2-343-09781-7, ISBN EBOOK : 978-2-14-002232-6 Ngemena de Paul Lomami Tchibamba L’engagement narratif
Mukenge Ngoie Arthur
Cette critique se fonde sur le roman de Paul Lomami Tchibamba, Ngemena où les espaces de liberté des indigènes s’amenuisent sous la montée proportionnelle de la pression exercée par le boula matari ou l’autorité coloniale. Les mécanismes de contrôle allant jusqu’au bannissement total des indigènes sont mis à nu. Les différentes répressions montées en épingles à Léopoldville et Ngemena justifient l’ascendance du sentiment d’éveil de la conscience nationale chez les indigènes. Le narrateur s’arroge le statut d’éclaireur dans cet espace de combat des géants où les indigènes deviennent taillables et corvéables à merci. (Harmattan Côte-d’Ivoire, 16.00 euros, 148 p.) ISBN : 978-2-343-10328-0, ISBN EBOOK : 978-2-14-002316-3
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Si la préhistoire de la Côte d’Ivoire est encore peu connue, l’histoire des recherches menées à l’intention de son exploration l’est certainement encore moins. Or, la recherche archéologique en Côte d’Ivoire a en réalité aujourd’hui plus de 100 ans et a connu un développement lié à l’histoire mouvementée du pays. La reconnaissance et l’analyse de cette longue et complexe histoire de la recherche locale permet de situer et de comprendre les méthodes originales et les objectifs spécifiques des archéologues ivoiriens ainsi que les cadres tant contextuels que théoriques dans lesquels ceux-ci évoluent. Cet ouvrage propose donc à la fois une histoire, celle de recherche archéologique dans un pays ouest-africain, ainsi qu’une analyse, celle de sa situation et de son fonctionnement actuel. Il retrace ainsi la succession des projets et des réalisations des différents chercheurs et chercheuses qui ont parcouru et qui sillonnent encore les routes, les meilleures comme les moins bonnes, afin d’explorer, de comprendre et de transmettre le passé de la Côte d’Ivoire.
Originaire des Franches-Montagnes, dans le Jura Suisse, Paul JOBIN est actuellement doctorant à l’Institut d’archéologie de l’Université de Neuchâtel. Spécialiste de l’histoire de l’archéologie, ces travaux portent sur la place des vestiges archéologiques dans les processus sociaux, économiques, administratifs et politiques liés à la représentation et à l’aménagement du territoire ainsi qu’à la notion de territorialité.
Etudes africaines Série Archéologie/Préhistoire Illustration de couverture : Fouilles archéologiques dans le V-Baoulé, Photographie : René Kouadio Bouadi, 2011.
ISBN : 978-2-343-10814-8
33 €
Paul Jobin
Histoire et fonctionnement de la recherche
Série Archéologie/Préhistoire
Paul Jobin
L’archéologie en Côte d’Ivoire Histoire et fonctionnement de la recherche L’archéologie en Côte d’Ivoire Histoire et fonctionnement de la recherche
L’archéologie en Côte d’Ivoire
Etudes africaines
Préface de Denis Ramseyer