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French Pages 244 Year 1974
Père Marie-Dominique PHILIPPE o. p.
L’Apocalypse Chapitre 1 à 9
Conférences : 1 à 15
Retraite prêchée au Foyer de Charité de « La Part-Dieu » juillet 1974
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Table des matières
Conférences Pages 1
ère
Pour comprendre l’Apocalypse il faut d’abord regarder l’Evangile de S. Jean où le Mystère de l’Eglise nous est révélé : au ch. X par la Parabole du Bon Pasteur ; au ch. XV par la Parabole de la Vigne
1 à 14
2ème Les trois nourritures des brebis du Christ : - la Volonté du Père, - la Parole de Dieu, - l’Eucharistie ; leur ordre selon la Sagesse divine en Marie, dans l’Eglise catholique comparée aux autres églises. Les attaques du démon.
15 à 27
3ème Notre foi repose sur la Parole de Dieu. Comment l’interpréter. Relativité des méthodes exégétiques. Confusion entre foi et engagement politique.
28 à 41
4ème L’Apocalypse doit éveiller dans notre cœur une grande soif du retour glorieux du Christ. Les deux grandes visions du Mystère de la Très Sainte Trinité : - celle du Prologue de l’Ev. de S. Jean, - celle du Prologue de l’Apocalypse. Les deux grands aspects du Mystère de la Grâce. 1) la Grâce fait de nous des fils de Dieu ; 2) la Grâce fait de nous des prêtres. ème 5 La vision de Jésus dans la Gloire, révélée dans l’Apocalypse, nous donne la signification du sacerdoce du Christ, selon l’ordre de Melchisédech, c’est-à-dire sacerdoce éternel, au-delà de l’humain. C’est Jésus qui corrige l’Eglise. Les sept Eglises c’est l’Eglise d’aujourd’hui et chacun d’entre nous (1, 6 à 2, 11) 3
42 à 57
58 à 68
6ème La correction des sept Eglises et sa signification (2, 8 à 3, 22)
69 à 81
7ème La distinction entre l’être et la vie, si importante du point de vue philosophique, se trouve aussi dans l’Ecriture. La correction des sept Eglises : - les Dons du Saint-Esprit, - les Béatitudes évangéliques.
82 à 95
8ème Les caricatures démoniaques des Béatitudes évangélique dans les sept Eglises. Ch. 4 : Pénétration dans l’économie divine. Sens de l’Eglise, Vision de la Très Sainte Trinité, des 24 vieillards et des 4 vivants.
96 à 105
9ème Au sein de la Très Sainte Trinité il y a « l’Agneau comme égorgé ». Désormais le Père ne nous regarde qu’à travers la blessure du Cœur de Jésus. Tout est repris et recréé à partir du Mystère de la Croix (4, 11 à 6, 8)
106 à 118
10ème Notre espérance chrétienne se fonde sur la Victoire du Christ symbolisée par le 1er sceau. Les sceaux symbolisent les permissions et les volontés divines.
119 à 129
11ème Le 6ème sceau. La Victoire du Christ c’est Sa Grâce qui reprend l’Image de Dieu qui est en nous et qui a été détériorée par le péché originel. La vraie liberté de l’homme est dans sa finalité, qui échappe à la psychanalyse.
130 à 143
12ème Les deux versants de l’Apocalypse : - ce qui apparaît extérieurement : l’action du démon ; - ce qui est intérieurement : L’ordre de Dieu ; le Mystère de la Grâce. Les deux manières d’interpréter Vatican II, la fausse et la bonne.
144 à 158
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13ème Les trompettes symbolisent l’exécution des décisions divines. La finalité n’est pas dans l’exécution mais dans l’Amour.
159 à 171
14ème Jésus est le Prêtre, par le Mystère de l’Incarnation. Saint Jean dans l’Evangile nous montre Jésus comme l’Agneau, l’Epoux, le Fils Bien-Aimé. Mais c’est dans l’Apocalypse que Jésus apparaît : tout de suite dans sa Gloire de Prêtre. Consécration à la Très Sainte Vierge.
172 à 181 181 à 182
15ème Il faut lire l’Apocalypse indéfiniment et se familiariser avec elle comme avec l’Evangile. La science est-elle ordonnée à l’homme ou bien l’homme est-il ordonné à la science ?
183 à 197
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1ère conférence
Pour comprendre l’Apocalypse il faut d’abord regarder l’Evangile de S. Jean où le Mystère de l’Eglise nous est révélé : au ch. X par la Parabole du Bon Pasteur au ch. XV par la Parabole de la Vigne.
Nous allons prendre comme grand sujet de la retraite le mystère de l’Apocalypse. Je dis bien le mystère de l’Apocalypse, parce que ce ne sont pas des histoires que nous allons raconter ; nous allons essayer de gratter la terre pour entrer plus profondément dans l’ordre de la sagesse de Dieu sur le mystère de l’Eglise. Vous savez bien que c’est très grave l’Apocalypse, grave dans le sens que c’est vraiment une révélation qui nous est faite, une extase. C’est sans doute pour cela que les exégètes, devant l’Apocalypse, ne savent plus très bien quoi dire, parce que c’est une extase. Dans une extase, à moins d’y être, on ne sait pas très bien ce qui se passe. Je ne demande pas au Saint-Esprit de vous mettre tous en extase pendant la retraite, parce que je ne sais pas ce qu’on ferait ! Remarquez que ce serait très bien : on vous laisserait tous en extase tant de temps, puis les cinq jours passeraient et au bout de cinq jours on vous réveillerait en disant : « Il y a cinq jours que vous êtes en extase, vous n’avez plus qu’à partir maintenant ... ». Ce serait le meilleur moyen d’entrer dans l’Apocalypse. Mais, de fait, et nous allons le voir, cela nous est donné d’une façon très spéciale, très particulière, la grande extase de l’Apocalypse, puisqu’il nous est dit : « Bienheureux celui qui lit ce livre ». Et il nous est dit aussi qu’il ne faut rien ajouter, rien retrancher. C’est très impératif. Il n’y a pas un livre de l’Ecriture qui soit aussi impératif que l’Apocalypse, à tel point que certains exégètes disent : « Oh, ça c’est encore de l’Ancien Testament, c’est le style de l’Ancien Testament, ça ne fait pas partie du Nouveau Testament », et c’est vrai d’une certaine manière. C’est un style qui a déjà commencé dans l’Ancien Testament, si je le prends du point de vue du style. Mais le Saint-Esprit était avant le Nouveau Testament, n’est ce pas, le Saint-Esprit était déjà avant le point de départ de toutes choses. Mais tout a été repris dans le Christ. Et l’Apocalypse est bien une vision du Christ, comme nous le verrons, une vision du Christ merveilleuse. Pas celle de l’Evangile de Saint Jean. C’est autre chose, et en même temps c’est la même chose, parce que c’est le même Christ, c’est bien évident, et on ne peut pas les séparer. 7
C’est le même Christ et en même temps c’est l’Eglise, c’est la grande vision sur l’Eglise, sur l’Eglise dans son mystère trinitaire. C’est très bon de voir cela, parce que je crois que c’est ce que l’Esprit Saint nous demande de voir aujourd’hui l’Eglise dans sa vision, dans la vision trinitaire : l’Eglise du Père, l’Eglise du Fils, l’Eglise de l’Esprit Saint, l’Eglise de Marie. Ce n’est pas la même chose, vous voyez ; chaque fois qu’on dit cela, il faudrait que, dans le fond de notre cœur, nous comprenions que nous sommes nous aussi du Père, du Fils, de l’Esprit Saint et de Marie. Nous sommes liés essentiellement au Père, au Fils, à l’Esprit et à Marie, selon des modalités différentes, selon des manières différentes, grand mystère de notre grâce. Nous aurons l’occasion d’y revenir, parce que, au fond, nous revenons toujours au mystère de la Grâce et tout, en définitive, nous révèle ce grand mystère de la gratuité de l’amour et donc de la grâce qui nous fait entrer dans le mystère de la Très Sainte Trinité, qui nous fait entrer dans le mystère du Fils, qui nous fait entrer dans le mystère de l’Esprit. Le mystère de l’Apocalypse, c’est le mystère de l’Eglise militante. Alors si vous le voulez, avant d’y entrer parce qu’on ne peut pas y entrer tout de suite nous allons voir un peu quelques aspects différents, mais qui sont toujours les mêmes. Il faut bien voir les grandes révélations sur le mystère de l’Eglise, telles qu’elles nous sont données dans l’Evangile de Saint Jean. Et dans l’Evangile de Saint Jean, elles résument tout ce qui a été donné auparavant dans le grand enseignement de Saint Paul. Il n’y a pas d’opposition, il y a continuité. N’oublions jamais cela : il n’y a pas d’opposition dans l’Ecriture. Pour nous, peut-être, il y en a parce que nous ne sommes pas assez intelligents ... alors nous voyons des oppositions. Il y a des points de vue différents et l’Esprit Saint nous donne exprès des points de vue différents. Il est évident que Saul de Tarse et Jean n’ont pas tout à fait le même tempérament. Dans les apôtres ça arrive ! Dieu ne nous mêle pas tous avec le même tempérament et plus nous prenons de l’âge, plus notre tempérament se singularise et prend des nuances particulières, parce que les teintes de l’automne montrent davantage la variété des feuilles que lorsqu’on est au printemps. Quand on a vingt ans, on se ressemble tous. Quand on a 60 et 70 ans, on se ressemble beaucoup moins ... Alors on voit beaucoup plus la variété, elle se voit beaucoup mieux, avec beaucoup plus de finesse. En même temps, tout cela est l’œuvre de l’Esprit Saint. Saul de Tarse a été transformé par l’Esprit. Et il parle au nom de l’Esprit Saint, sous la mouvance de l’Esprit Saint, et c’est le même Esprit Saint. Ce que Saint Augustin affirme avec beaucoup de force : « La Bible, l’Ecriture a un seul auteur principal : l’Esprit Saint ». Je le rappelle parce que c’est très important de le rappeler aujourd’hui, où l’on est beaucoup plus sensibilisé à la diversité. C’est très bien, la diversité, c’est bon. Mais il ne faut pas confondre. 8
Il ne faut pas confondre l’Ancien Testament et le Nouveau. L’Ancien Testament, nous aurons l’occasion de le dire, ne nous donne aucun principe ; il est de l’ordre de la disposition. Il prépare. Et s’il est de l’ordre de la disposition, c’est toujours un peu matériel et on risque, à ce moment-là, de ne plus bien saisir ce que nous devons vivre, parce que nous vivons de la Nouvelle Alliance. Nous vivons du Christ. Notre définition ce n’est pas la Loi. Nous ne sommes pas en référence à la Loi, immédiatement. Nous sommes en référence à Jésus. Par Jésus tout est assumé. Pas un iota de la Loi ne disparaît. Mais c’est directement au Christ que nous sommes en référence. Alors il est bon de se rappeler le mystère de l’Eglise. Et je crois que c’est important, au début de la retraite, parce que nous vivons dans une Eglise qui est en lutte, qui peut-être connaît les dernières luttes, les luttes suprêmes, je n’en sais rien ... vous non plus. Mais nous pouvons nous poser la question et nous devons même nous poser la question parce que nous vivons sûrement des luttes qui vont très loin. Or Dieu nous demande d’être lucides. Nous n’avons pas le droit de dire « ça ne nous regarde pas ... Moi, dans l’Eglise, je n’ai qu’à obéir ... ». Oui, mais vous devez obéir d’une façon intelligente. Vous devez obéir au Saint-Esprit et le Saint-Esprit ne veut pas que vous obéissiez comme des imbéciles. Vous n’en avez pas le droit : obéir comme des imbéciles, ce n’est pas l’obéissance. L’obéissance nous ennoblit dans l’amour et elle exige de nous d’être vraiment des enfants de Dieu. Là est la difficulté. S’il s’agissait tout simplement de faire une petite opération pour que l’on devienne tous gaga, alors on n’aurait plus qu’à obéir. Le troupeau d’oies, vous savez, obéit en suivant quelqu’un qui est devant, ou bien les moutons de Panurge, en suivant par derrière ! Ce n’est pas cela que le Saint-Esprit nous demande. Il ne nous fait pas une petite opération pour nous rendre tous imbéciles et que nous n’ayons plus qu’à obéir bêtement. C’est très, très difficile l’obéissance. C’est peut-être la chose la plus difficile. L’obéissance est très difficile parce qu’elle exige que notre prudence soit éveillée, que nous soyons lucides, que nous comprenions bien les choses et que nous dépassions tout le temps notre propre jugement pour rejoindre la volonté du Père sur nous, à travers parfois des choses difficiles, pas toujours commodes ... Si Dieu chaque matin nous donnait le petit itinéraire de la journée, si en vous réveillant il y avait sur votre lit le petit itinéraire de la journée, alors vous n’auriez plus qu’à obéir en disant : « je vais faire la volonté de Dieu ». Ceux qui sont comme cela tombent facilement dans l’illuminisme. Dieu me dit qu’il faut faire cela, je le fais. A onze heures je dois prendre mon petit café du Saint-Esprit ... je suis sûr que le Saint-Esprit me demande cela ... Ce n’est pas si commode, parce que Dieu parle d’une manière extraordinairement divine, et donc à travers les hommes, les événements, à travers sa Parole, l’enseignement de l’Eglise, Il parle à travers tout cela. De temps en temps il y a des brisures où la Parole de Dieu nous est donnée d’une façon plus immédiate, mais même à ce moment-là il faut 9
faire attention. Il est important de se rappeler cet enseignement que Saint Jean nous donne sur l’Eglise parce que ça nous aidera à comprendre l’Apocalypse, qui va nous montrer constamment l’œuvre du démon. Et pour comprendre de façon lucide les attaques du démon, il faut comprendre l’œuvre du Saint-Esprit, parce que le démon lui est toujours opposé. Donc ce qu’il sait n’est pas intelligible en soi. Il faut toujours dépasser le démon pour le vaincre. Il faut être victorieux dans l’amour, de la victoire du Christ, pour ne pas s’inquiéter du démon. Si vous vous mettez en face du démon, vous êtes perdu d’avance. Dire que la réponse au marxisme c’est l’anti-marxisme, est une erreur. Etre anti-marxiste n’est pas chrétien. Il faut être chrétien et lutter contre le marxisme. Ce n’est pas la même chose. Parce que si vous vous définissez « anti », en opposition directe, vous êtes sûr d’avance d’être battu. Il faut dépasser d’une tête, dépasser du cœur et de l’intelligence. Nous sommes du Christ et étant du Christ nous avons une lumière qui dépasse tout, qui nous permet de combattre le saint combat parce que nous sommes victorieux dans le Christ. Dans le Christ, nous sommes fils de Lumière. A ce moment-là, nous voyons toutes les oppositions, mais notre vie n’est pas premièrement « anti » ; notre vie est premièrement une vie d’amour.
« Bienheureux les pacifiques ... » Il ne pourrait pas y avoir la béatitude des pacifiques si l’on était un « anti ». Il faut qu’il y ait quelque chose en nous. Alors, de temps en temps dans la lutte, (c’est très vrai à certains moments au plan psychologique, quand on est dans la pleine bagarre, on a l’impression d’être entièrement mobilisé pour être en opposition) il faut du recul, il faut la retraite. La retraite vous permet d’être au-delà des « anti », de vous mettre justement dans la lumière même du Christ et, par le fait même, de regarder avec un regard plus vrai. Quand on est dans l’agitation, dans la bagarre, que voulez-vous, on se défend ! Il faut bien se défendre. Et Dieu, de temps en temps, nous demande de nous défendre, et de temps en temps Il nous demande de remettre l’épée dans le fourreau. Maintenant Il vous demande de remettre l’épée dans le fourreau, pour que pendant ces quelques jours vous ayez justement cette paix du cœur qui vous permette d’aller plus loin. C’est pour cette raison que pour bien regarder l’Apocalypse, il faut toujours regarder l’Evangile de Saint Jean. Parce que l’Evangile de Saint Jean est ultime, il donne la vraie lumière sur l’Apocalypse. Toute la Parole de Dieu se termine par les écrits johanniques. Le vieux Saint Jean, à l’âge de 83 ans ... (vous voyez on est encore bon quand on a 83 ans, même si la société, une société de consommation considère qu’on est trop vieux, qu’on n’est plus bon pour l’efficacité, pour l’organisation ...), à 83 ans le Seigneur peut nous utiliser d’une façon étonnante, puisque nous nous mettons à l’école de quelqu’un qui a 83 ans ! 10
En lisant l’Apocalypse, évidemment, nous nous mettons à l’école du Saint-Esprit, avant tout, mais quand même il s’est servi de ce vieux bonhomme, de ce vieux saint, de cet homme extraordinaire qui avait vécu si profondément du Christ et qui, à ce momentlà, connaît les persécutions. C’est curieux la vie de Saint Jean. Il est resté sans doute le dernier de toute la génération du Christ, de tous les témoins immédiats du Christ. Il est resté le dernier. Vous savez ... quand on voit dans une grande famille celui qui reste le dernier. Ils sont tous morts, frères et sœurs, parents, grands-parents ... ils sont tous morts. On reste le dernier. C’est très beau de voir cela : le vieux chêne qui demeure, et tout le reste est tombé. Alors on vient auprès de lui pour savoir. Le vieux Jean voit cette Eglise qui va commencer une nouvelle génération. La génération de ceux qui sont les successeurs des Apôtres. Ce ne sont plus les Apôtres qui sont à la tête de l’Eglise, mais leurs successeurs. Ce ne sont plus ceux qui ont vécu intimement avec Jésus. C’est le temps des premières persécutions violentes. On commence et Jean est obligé de se réfugier à l’île de Patmos. Le vieux saint Jean, 83 ans, à Patmos. Il pensait qu’il n’avait plus qu’à se taire, et Dieu lui demande de parler. Il doit parler. Il doit parler comme un vieillard, dire des secrets, des choses profondes, des choses qu’il n’avait jamais vues avec autant de netteté. Dieu l’a secoué. Alors on comprend très bien, d’après l’Apocalypse, qu’il y ait une grande tendresse dans le cœur de Jean. Une très grande tendresse. Quand on est un tempérament fort, il faut être très secoué pour devenir tendre, pour devenir doux, de la douceur de l’Agneau ... Je crois que Jean est devenu doux de la douceur de l’Agneau, avec l’Apocalypse. Douceur et tendresse de l’Agneau pour l’Eglise. Pour cette Eglise qui lutte. Alors on comprend la première Epître de Saint Jean, et l’on comprend comment il a été obligé, par l’Esprit Saint, de communiquer les derniers secrets de son cœur : l’Evangile. Auparavant, Jean avait rencontré Luc. Lisez le Prologue de Saint Luc, qui est si beau. Il faut sauvent le lire, car il nous montre bien l’intention de Saint Luc. Saint Luc veut compléter ce qui avait été déjà donné. Il y avait déjà Marc et Matthieu, les Epîtres de Saint Paul, il y avait déjà un enseignement très riche. Saint Luc comprend, sous la conduite de l’Esprit Saint, qu’il doit compléter tout ce qui a été donné. Luc est très intelligent. Saint Paul aussi. Mais chez Saint Paul il y a une action très, très forte. Luc, c’est un intellectuel, je ne dis pas à l’état pur, ça n’existe jamais un intellectuel à l’état pur, mais c’est l’intellectuel et l’artiste. Il veut compléter tout ce qui a été dit, en recherchant depuis l’origine. C’est une parole qu’il ne faut pas oublier dans le Prologue de Saint Luc : « depuis l’origine », et c’est bien ce qu’il fait. Il nous donne des sources que personnes d’autre ne donne.
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Je rappelle cela parce que aujourd’hui le début de Saint Luc est très attaqué par les nouvelles méthodes dites exégétiques. On dit : « le début de Saint Luc ne correspond pas du tout à ses sources. Saint Luc tout simplement raconte ce que l’Eglise de son temps pense, au moment où il écrit, vers 50-55 ... ». Si Saint Luc n’avait fait que cela : un inventaire de la pensée de son temps, il ne dirait pas qu’il a été chercher depuis l’origine. Au contraire, il a eu le souci de rectifier le retour à la source. L’Esprit Saint le fait tout le temps revenir à la source. Même pour Saint Luc c’était déjà nécessaire, parce que c’est plus facile de descendre le fleuve que de remonter à la source. Tout le monde descend le fleuve, même les cadavres ... c’est plus facile, on n’a qu’à se laisser aller. On fait comme tout le monde. Tout le monde part en vacances, on part en vacances ... Tout le monde se laisse prendre par cette espèce de propagande extraordinaire ... on descend le fleuve. Quand on voit le nombre de gens qui roulent sur les routes, on a vraiment l’impression d’un fleuve qui descend. Ils ne savent plus très bien où ils vont ... ils se laissent conduire tout simplement ... Saint Luc veut remonter à la source. Alors, la source cachée, c’est Marie et Marie, elle, est confiée à Jean. Et Marie ne dit rien sans que Jean ne soit là. Et donc l’Evangile de Saint Luc a comme source très profonde Saint Jean. Ce n’est pas la seule source, sûrement pas. Mais il a beaucoup puisé en Jean. Il a beaucoup puisé en Marie. Des quantités de choses que seule Marie connaît; mystère de la Visitation ... Vous croyez qu’il y avait beaucoup de gens qui connaissaient le mystère de la Visitation ? L’Annonciation ? Vous croyez que Saint Luc a inventé cela et que la génération chrétienne a inventé cela comme un mythe ? Non, les premiers chrétiens étaient des hommes sans aucun mythe, parce que la foi nous met en dehors du mythe. Les premiers chrétiens étaient des hommes de foi. On a l’impression que certains exégètes n’ont jamais rencontré des hommes de foi, des hommes qui croient tout simplement. Des hommes pour qui la foi est un absolu. La foi, c’est l’absolu. Ils croient en la Parole. Ils croient dans le Christ. Et puis le reste ... En face de la foi dans le Christ, le mythe n’est rien. C’est peut-être très beau du point de vue poétique ... mais c’est un château de cartes, ça ne tient pas. La foi c’est tout à fait différent. C’est une connaissance substantielle. C’est la communication des secrets de Dieu. C’est quelque chose de substantiel. Est-ce que vous mettez en parallèle les paroles de quelqu’un qui vous aime et ce que raconte le concierge ? Evidemment pas. Vous laissez le concierge continuer de bavarder. Puisque vous ne voulez pas le convertir, il ne se convertira pas. Il écoute tous les bruits, alors que voulez-vous ... il continue d’écouter tous les bruits. Il est sur le sable mouvant. Le concierge intellectuel, c’est le pire de tous. C’est celui qui écoute toutes les opinions et qui oublie de revenir à la source. Il y en a beaucoup aujourd’hui ! Des quantités, parce qu’il y a beaucoup d’informations. On croit qu’on doit tout prendre et l’on oublie ce que c’est que la foi. 12
Luc avait la foi. Jean avait la foi. Marie avait la foi. Ce sont des êtres de foi. C’est pour cela qu’ils sont peut-être un peu abrupts. Et ils sont merveilleux quand on est tout proche d’eux. Dans l’Evangile de Saint Luc il y a des quantités de choses qui viennent de Saint Jean. Je crois que Jean a été très heureux de rencontrer Luc, qui fait partie des grandes rencontres de sa vie. Jean est quelqu’un qui a rencontré des personnes très bien dans sa vie ! Il a rencontré Luc. Luc était quelqu’un de très, très bien ! Il en a rencontré d’autres, mais Luc avait l’avantage pour lui d’être celui qui pouvait dire. Jean n’avait pas du tout envie d’écrire. Ce n’est pas un artiste, Saint Jean, ce n’est pas un intellectuel. Jean, c’est quelqu’un qui aime. Ça ne veut pas dire que les intellectuels ne peuvent pas aimer ... mais ce qui domine chez Jean, c’est l’amour. C’est le contact direct avec le Christ, c’est l’intimité avec le Christ. C’est cela qui domine chez lui. Alors il était très heureux de rencontrer Luc, qui pourrait dire des quantités de choses, et les dirait beaucoup mieux que lui. Dans l’Ancien Testament il y a ce passage très beau entre Moïse et Aaron, lorsque ce pauvre Moïse, très secoué par Dieu, est envoyé auprès du Pharaon ... Il n’a pas du tout envie d’y aller, c’est trop dur ... alors il dit qu’il bégaie, parce qu’il ne peut pas transmettre ce que Dieu dit. Alors Dieu lui donne Aaron, qui sera le porte-parole. Dans l’Ecriture il est très important de voir les instruments jumelés. Dieu aime à jumeler des instruments : Saint François et Sainte Claire sont des instruments jumelés, merveilleusement jumelés. Moïse et Aaron. C’est étonnant de voir que Moïse sera un Dieu pour Aaron. Dieu aime cela parce que ça humilie les deux, ça maintient l’humilité des deux. Ça empêche de dire : « C’est mon œuvre ». Non, ce n’est pas votre œuvre, c’est l’œuvre des deux. Et parce que c’est l’œuvre des deux, c’est nécessairement l’œuvre de quelqu’un qui est au-dessus. C’est-à-dire l’œuvre du troisième, qui est caché, et qui est le Saint-Esprit. Tandis que lorsque nous sommes seuls, nous croyons que c’est notre œuvre. Dieu aime jumeler les instruments. C’est très beau. Il a jumelé Aaron et Moïse, ou plus exactement il a jumelé Aaron à Moïse. Et je crois qu’il a jumelé Luc et Jean de cette manière. Luc a été pour Jean un Aaron, un porte-parole. Alors Jean s’est considéré comme libre à partir de ce moment-là. Si vous avez quelqu’un qui parle en votre nom, vous dites : très bien, je n’ai plus qu’à garder le silence. C’est merveilleux. Pas du tout. Le Saint-Esprit l’a rattrapé. Chaque fois que le Saint-Esprit nous met un tout petit peu au repos, Il nous rattrape après. Il a mis Jean un tout petit peu dans le silence et c’était sa mission : garder le silence auprès de Marie. Devenir, comme Marie, silence de Dieu. Et Jean a quelque chose de ce silence de Dieu. C’était nécessaire pour qu’il puisse nous transmettre, après l’Apocalypse, l’Evangile, selon une manière toute merveilleuse. C’est très beau de voir que toute l’Ecriture se termine par ces trois grandes œuvres johanniques qui, encore une fois, ne s’opposent pas au reste, mais achèvent tout, complètent tout le reste.
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Tout s’achève dans les œuvres johanniques et l’on comprend pourquoi : parce que Jean est le disciple bien-aimé. Evidemment, Jean ne pouvait dire qu’il était le disciple bien-aimé que lorsque tous les autres étaient morts. C’est pour cela qu’il est resté le dernier. Parce qu’il y avait certaines révélations qu’il ne pouvait pas faire du vivant des autres. Comment voulez-vous que du vivant de Pierre il dise « je suis le disciple bienaimé » ! Non, il ne pouvait pas le dire. Il fallait que Pierre soit mort. Il fallait que tous les autres aient disparu pour que Jean puisse dire qu’il était le disciple bien-aimé. Ça inquiète les exégètes aujourd’hui. Le disciple bien-aimé ce n’est pas Jean, c’est autre chose ... Mais pourquoi ? Si Jean a connu une intimité merveilleuse avec le Christ, s’il a connu les secrets de Jésus, il peut se dire le disciple bien-aimé, en toute humilité. Il y a le Magnificat de Marie. Il y a le Magnificat de Jean. Et le Magnificat de Jean c’est « je suis le disciple bien-aimé ». Mais alors on n’a le droit de le dire que lorsque tous les autres sont morts. C’est le disciple bien-aimé, celui qui a connu une intimité merveilleuse avec Jésus. C’est celui qui a été présent à la Croix. Il n’y a pas beaucoup de témoins de la Croix qui ont parlé. Marie-Madeleine, elle, était témoin. Mais elle n’a fait que réveiller les apôtres, elle n’a pas écrit son évangile. Ce n’est pas le rôle d’une femme. Il n’y avait pas encore de femme théologien à cette époque-là ! Dans l’Ancien Testament il y a des femmes prophétesses merveilleuses, mais dans le Nouveau Testament, les femmes prophétesses gardent le silence. Marie de Magdala aurait peut-être eu envie d’écrire, de dire certaines choses. Non, Dieu lui a demandé de se cacher, de terminer sa vie dans le silence. Elle a réveillé les apôtres. Elle devait garder le silence. Jean était présent à la Croix. Le seul qui ait vécu ce mystère de la Croix et qui nous le dise. Le seul parmi les apôtres, parmi les écrivains sacrés. C’est grand. Je crois que c’est cela le disciple bien-aimé : celui qui est fidèle à la Croix. On n’est disciple bien-aimé qu’après avoir vécu la Croix. En la vivant. C’est à la Croix que se fait le discernement des vrais disciples. C’est à la Croix que Marie cette plénitude d’amour, cette gratuité est donnée à Jean. Marie est la bonne terre. C’est pour cela que c’est très important pour nous, si nous vivons quelque chose d’ultime, ce que je crois, sans pouvoir l’affirmer. Nous vivons sûrement quelque chose d’ultime. Du c’est la fin d’une génération, la liquidation de toute une génération, qui a été, ne l’oublions pas, une grande culture, une culture chrétienne qui ne l’est plus maintenant. Notre culture d’aujourd’hui, dans laquelle nous baignons, n’est plus chrétienne. Absolument plus. Or, Saint Jean dit que l’antéchrist sort de chez nous. Il sort d’une culture chrétienne. Il ne peut pas en être autrement. Et donc c’est bien ce que Saint Jean annonce, en disant de l’antéchrist qu’il était déjà là présent, mais il l’annonce comme devant venir et sortant d’une culture chrétienne. Comme le fruit corrompu. C’est toujours la même chose chez ceux qui auraient dû être fidèles au Christ, qui avaient reçu la grâce ... Quand on abandonne la grâce, quand on la renie, on tombe plus bas. Ecoutez les missionnaires qui reviennent en Europe, en France, écoutez-les ! Ils sont affolés de 14
l’indifférence de notre monde d’aujourd’hui devant les mystères de Dieu, de la matérialisation, de l’opacité de notre monde. Les païens, ceux qui n’ont pas reçu la Révélation, ont encore une aspiration religieuse. Ce qui est terrible dans notre culture, aujourd’hui, est cette matérialisation de toutes choses, très opaque, très lourde par rapport au mystère de la foi, par rapport à l’enfant de Dieu qui est en nous et qui demande à aller jusqu’à Dieu. Tout en quelque sorte s’arrête. Nous vivons quelque chose d’ultime : ou c’est l’ultime dernier, ou c’est l’ultime dans le sens très très fort, c’est un très grand changement, une très grande mutation commune. Mais je me demande si ce n’est pas l’ultime dernier, parce qu’il y a des tas de signes qui sont là et qui nous montrent bien que nous vivons quelque chose de très important. De toutes façons, ce que nous vivons est très important et pas commode. C’est pour cela que nous avons tellement besoin de cette lumière dernière d’amour, sinon nous risquons de tomber dans le désespoir. La très grande tentation d’aujourd’hui c’est de tomber dans le désespoir, qui conduit à la perte de foi. Ordinairement c’est comme cela que le démon agit : il nous met dans le désespoir. Désespoir parce que tout rate, on ne peut plus rien faire, on est comme ligoté, on est comme prisonnier. Le Saint-Père est prisonnier, l’Eglise est prisonnière. On est vraiment là sur place comme de pauvres êtres qui sentent qu’ils pourraient faire quelque chose pour ceux qui sont autour d’eux et qui appellent ... et on ne peut rien faire. Les leviers de commande des communications sont tenus par certains, et si on ne montre pas le chiffre de la bête sur la main et le front, on vous exclut ! Ah ! Si vous avez le chiffre de la bête sur le front, vous aurez toutes les possibilités, toutes les communications, vous pourrez tout faire. Mais si vous restez fidèle, si vous gardez au plus intime de votre cœur un désir de fidélité, on vous accueillera et on vous arrêtera par derrière. Ce ne sera jamais celui qui vous accueillera qui refusera. Ce sera un autre. Toujours deux, ou trois, ou quatre. L’anonymat. On ne saura jamais. On vous arrêtera. Vous serez comme paralysé. C’est extraordinaire de voir cette espèce de paralysie. C’est dur d’être paralysé et de rester vivant. De rester vivant dans ce qu’il y a de plus profond en nous et de sentir qu’on ne peut plus rien faire. Alors le désespoir vient très vite quand on voit autour de soi une très grande efficacité et que soi-même on ne peut rien. Si l’on était seul et que tout le monde était paralysé, on ne connaîtrait pas le désespoir. On dirait : ça va,on est tous à la même sauce ! Mais quand on voit des personnes passer devant d’autres qui ont des possibilités merveilleuses et qui sèment le mensonge, qui sèment des vérités partielles ... C’est mélangé ... Il y a de bonnes choses, mais c’est mélangé. On a toujours l’impression que cela se fait en vue de quelque chose qui n’est pas le Christ. C’est téléguidé. Alors on est paralysé devant ce monde. C’est dur. La grande tentation d’aujourd’hui est bien le désespoir, qui conduit à la perte de foi, parce que la foi ne peut se maintenir que dans l’espérance.
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Une foi vivante se maintient toujours dans l’espérance. Et dans l’amour. On sent très bien cette attaque très perfide du démon sur l’espérance. C’est peut-être à l’égard de l’espérance qu’elles sont le plus perfides. Il faudra le voir, car c’est important de détecter, dans la lumière de l’Apocalypse, les grandes attaques du démon à l’égard de l’espérance. Amener le monde au désespoir ; je crois que c’est ce qu’il est en train de faire. Le désespoir prend des formes multiples : l’angoisse, la paralysie, le repli sur soimême. Se replier sur soi-même est une forme de désespoir, parce qu’on n’a plus d’ailes ... Le démon coupe les ailes, toujours, il nous remet tout le temps par terre. Il nous met dans l’impossibilité de discerner. Alors il est bon de regarder l’Evangile de Saint Jean d’abord, puisque nous regardons l’Eglise. Je vois deux grands enseignements de Saint Jean. Je les prendrai les deux, si vous voulez bien. L’ultime enseignement de S. Jean sur l’Eglise, enveloppé de la promesse de l’Esprit Saint, au chapitre XV. C’est la grande allégorie de la vigne. Une vision de l’Eglise merveilleuse, qui assume tout ce qui a été dit auparavant. Je crois que tout ce qui a été dit avant est présent dans cette allégorie de la vigne. C’est même très étonnant. C’est là où l’on voit l’oeuvre de l’Esprit Saint. Jean a pensé très fort au mystère de l’Eglise. Mais je ne crois pas qu’il ait voulu faire une synthèse. Saint Jean n’a pas du tout envie de faire des synthèses. C’est l’Esprit Saint qu’il veut nous donner dans ce chapitre XV. Reméditez-le, car il est si important pour entrer dans le mystère de l’Eglise.
« Moi, je suis la vigne, la véritable, et mon Père est le vigneron ». On voit l’Eglise tout de suite reliée au mystère du Père, par le Christ qui est Lui, le cep, qui est la vigne. Et nous sommes les sarments, L’Eglise, ce sont les sarments et le tronc. Et ce qu’il y a de tout à fait propre dans cet enseignement est de voir que l’Eglise doit glorifier le Père. Et elle glorifie le Père par sa fécondité. On montre que l’Eglise est faite pour la fécondité. Elle doit produire beaucoup de fruits. Et toute la taille du Père est pour qu’elle produise beaucoup de fruits. L’Eglise c’est un grand vivant, et donc, comme un grand vivant, elle doit être féconde. Je crois que c’est là que nous est montré de la manière la plus forte que les dernières attaques du démon seront sur la fécondité. Toute espèce de fécondité. Ça me frappe beaucoup. Si vous regardez attentivement ce qui se passe aujourd’hui, vous le voyez bien. Attaques de la fécondité au niveau biologique, c’est très clair, très visible, mais il y en a bien d’autres, plus subtiles, La fécondité spirituelle. Dès que quelqu’un a une certaine fécondité spirituelle, au niveau de la paternité, de la maternité spirituelles, immédiatement, vous pouvez en être sûr, il va être mis à l’écart. Le mystère de la fécondité spirituelle c’est de former des prêtres, des contemplatifs. Et n’est-ce pas là l’attaque du démon la plus forte ? N’est-ce pas là que nous voyons le venin du démon le plus caractéristique ? Qui fait qu’il ne doit plus y avoir de fécondité. 16
Le diocèse, qui représente en face de Dieu une unité profonde avec l’Evêque, accepte l’infécondité. Il y a des évêques qui acceptent de ne plus avoir de séminaire. Il y en a beaucoup. Ils ont donc accepté l’infécondité. Ils se disent : « On va se mettre à plusieurs ». Non, ce n’est pas comme cela que ça se fait. Imaginez plusieurs familles qui diraient « on va se mettre à plusieurs », on aura plus d’enfants ainsi, on va les élever à plusieurs ... mais comment va-t-on les élever ... il n’y aura plus personne. A ce momentlà le tiers viendra, celui qui n’est pas le père. Et ce n’est plus le père qui formera. Ce sera quelqu’un d’autre. C’est là la grande attaque du démon. Voyez comme il est habile. Il a fait qu’on ne regarde plus que le peuple, en oubliant la famille. En regardant attentivement l’Ecriture, nous voyons que toujours le peuple et la famille sont intimement liés. On ne peut pas les séparer. Le peuple de Dieu, c’est la famille de Dieu. C’est un peuple tout à fait particulier, du reste. Pour un peuple normal, on ne peut pas dire cela ; on ne peut pas dire que nous sommes le peuple de tel ou tel pays, et donc que nous sommes une famille. Non, non. C’est Hitler qui avait voulu faire cela. « Vous allez enfanter des enfants pour Hitler et pour l’Allemagne ... ». On n’enfante pas des enfants pour l’Allemagne ou pour tel ou tel pays. On enfante des enfants pour une famille et puis ces enfants deviendront des citoyens. Voyez comme curieux la marque du démon : vouloir confondre et faire l’inverse de l’autre côté. L’Eglise c’est la Famille. C’est la vigne de Dieu. Nous sommes tous une grande famille et dans cette famille il y a des pères. Il y a la paternité du Christ, puisque le Père lui a remis tout pouvoir et que Jésus a dit à ses apôtres :
« Ce que le Père m’a dit de faire, je vous demande de le faire. Comme Il m’a envoyé, Je vous envoie ». Alors le démon est furieux devant la fécondité. C’est pourquoi j’aime tellement ce chapitre XV, qui nous éclaire sur la finalité de l’Eglise. La finalité de l’Eglise, c’est la fécondité. C’est la vie plénière pour glorifier le Père. Fécondité, premièrement d’ordre surnaturel, c’est bien évident, c’est la première fécondité. Mais également l’autre fécondité. Pourquoi l’Eglise a-t-elle toujours dit que les familles nombreuses étaient bénies de Dieu ? Vous savez bien toutes les caricatures qu’on en a faites de cette choselà. Il faut bien comprendre. C’est béni de Dieu parce que justement c’est cette fécondité qui est offerte à Dieu. Toute la politique économique de notre monde aujourd’hui va contre les familles nombreuses. C’est sûr, on vit un monde très difficile, pas commode du tout. Ce qui existe au niveau biologique est signe de quelque chose de beaucoup plus profond : l’infécondité. On a des diocèses inféconds. C’est terrible. La stérilité est le signe que la vie n’est plus là. C’est très mystérieux. Il faut essayer de comprendre parce qu’on n’a pas le droit de tomber dans la tactique du démon. Il faut saisir ce qui se passe. Il faut regarder attentivement, faire un petit examen de conscience, merveilleux, dans la lumière du Christ, afin de voir comment le démon s’attaque à toute fécondité : spirituelle avant tout, et biologique. 17
La grande vision de Saint Jean au chapitre XV c’est que l’Eglise glorifie le Père par sa fécondité. Si vous êtes attentifs, vous voyez que cette fécondité c’est la charité fraternelle. La charité fraternelle est ce qu’il y a de dernier, la fleur des fleurs. Ce n’est pas dernier en ce sens qu’il ne faut pas s’arrêter à la charité fraternelle, on ne s’arrête pas à la fécondité pour la fécondité. La fécondité remonte vers le Père pour le glorifier. De même, la charité fraternelle remonte vers le Christ, vers le Père, pour le glorifier. Mais c’est elle qui nous montre la fécondité de l’Eglise. La charité fraternelle n’est plénière que lorsque Marie est source d’amour, maternité spirituelle. Il ne faut pas l’oublier. La charité fraternelle s’est réalisée pleinement à la Croix, lorsque Marie nous a été donnée comme Mère. Pourquoi rejette-t-on Marie aujourd’hui ? De la fécondité maternelle de Marie, on ne veut plus en entendre parler. On ne veut plus regarder cette fécondité divine, maternité virginale, maternité spirituelle mystique à la Croix. Et la charité fraternelle qui glorifie le Père, c’est en premier lieu la maternité divine de Marie à l’égard de Jean et à l’égard de toute l’Eglise, de chacun d’entre nous. Si nous laissons Marie être notre Mère, si nous permettons à sa maternité divine de s’emparer complètement de notre cœur, nous glorifions le Père. Il faut que la maternité divine de Marie prenne possession de tout nous-même pour glorifier le Père et ce que Marie réalise, 1’Esprit-Saint veut le réaliser en chacun d’entre nous. Il veut que nous soyons mère de ceux qui sont proches de nous et que nous les portions, que nous soyons responsables d’eux en face de Dieu. Dieu nous demande d’avoir vis-à-vis de tous ceux qui nous sont proches le regard de Marie sur Jean. C’est la charité fraternelle qui nous donne cette responsabilité. Dans le Cœur du Christ, nous sommes responsables de toute l’humanité d’aujourd’hui. Chacun d’entre nous. Pas humainement, bien sûr. C’est très faux de dire qu’humainement nous sommes responsables de toutes les injustices du monde. C’est très faux. Vous n’y pouvez pas grand chose. Ce n’est pas vrai à ce niveau-là. On le dit pour diluer la responsabilité immédiate. Vous êtes responsable de votre prochain immédiat. Cela c’est très vrai. Mais dans le Christ, ce qui est tout à fait différent, dans le Christ qui est l’Agneau qui porte l’iniquité du monde ; dans le Christ nous sommes responsables de toute l’humanité d’aujourd’hui. Par notre grâce, nous sommes liés à Jésus. Par notre sacerdoce royal et mystique, nous sommes responsables de toute l’humanité. Comme Caïn était responsable d’Abel. Nous sommes responsables de nos frères et nous devons les porter à Jésus, en comprenant cette responsabilité, donc cette fécondité. Pas de fécondité sans responsabilité. Et pas de vraie responsabilité sans fécondité, car la responsabilité doit être là pour nous faire comprendre la plénitude d’amour. Ce sont nos frères que nous portons. Par cette fécondité, cette responsabilité, nous glorifions Dieu. C’est très important d’avoir cette vision de l’Eglise, vision ultime, telle que Saint Jean nous la donne.
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Si nous lisions ce passage du chapitre 8 de Saint Jean, nous verrions d’une façon très nette les grandes comparaisons qui nous ont été données sur l’Eglise, dans Saint Paul. L’Eglise c’est le Corps du Christ. L’Eglise, ce sont les pauvres. L’Eglise, c’est le Temple. Trois grandes comparaisons, qui sont d’ailleurs très, très fortes. C’est la grande pédagogie de Dieu qui nous fait comprendre le mystère de l’Eglise de cette façon, parce que ce sont les trois grandes expériences de l’unité que nous avons. Vous avez trois expériences de l’unité : L’unité du point de vue du vivant. Quand on est pleinement vivant, on a l’expérience de l’unité : un sportif, celui qui fait le concours du Tour de France, a le sens de ce que représente la vitalité profonde qui est en lui. Même s’il ne fait que pédaler, tout son cœur est dans ses pédales ! Dès qu’on est malade, on a le sens de la multiplicité. Ainsi nous avons une expérience très très profonde de l’unité vitale. L’Eglise, c’est le Corps du Christ. Unité vitale. C’est la vie du Christ qui est dans le Corps. Unité substantielle. Parce qu’entre le corps et l’âme il y a une unité substantielle. Nous avons l’autre expérience : dans l’ordre de l’amitié. Dans l’amitié, on a très fort l’expérience de l’unité. C’est avoir le même vouloir que l’ami. On est tout à fait en harmonie avec quelqu’un qu’on aime et on sent tout de suite les petites choses qui ne sont pas en harmonie, et on en souffre. Unité profonde qu’on a avec celui qu’on a choisi, aimé et qu’on aime. Unité qui se fait et se refait tout le temps dans l’amour mutuel d’amitié et qui exige d’avoir le même vouloir. Entre le Christ et nous, il y a un choix réciproque. L’Eglise choisit actuellement le Christ comme Epoux. Elle n’est plus l’Eglise si elle ne Le choisit pas comme Epoux. Elle devient périphérique. L’Eglise c’est celle qui choisit actuellement le Christ comme époux. Comme Eglise, c’est le Corps du Christ qui actuellement vit cette unité vitale, autrement elle est malade. C’est un membre malade. Il y aura gangrène, peut-être faudra-t-il le couper. Cela arrive évidemment qu’on doive couper, et que l’on coupe. Il y a des membres paralysés qui alourdissent et qu’on ne peut pas toujours couper, parce qu’on espère les sauver ... Aujourd’hui on a des remèdes extraordinaires qui permettent d’espérer jusqu’au bout. Et quelquefois on continue à soigner quelqu’un dont on ne sait pas très bien s’il vit ou s’il est déjà mort ... Tout cela nous aide à comprendre le mystère de l’Eglise. Tout doit nous éclairer et peut-être est-ce ainsi que le Saint-Esprit agit aujourd’hui. Avant, on coupait tout simplement. C’était très vite fait. Comme sur le champ de bataille ! Aujourd’hui, quand on n’est pas sur le champ de bataille, on attend, on attend, et l’on voit des gens qui durent, qui durent ... C’est du reste tragique de voir des gens mourir lentement, lentement. L’Eglise, Corps du Christ. Dans la lutte, il peut y avoir ces moments, où il y a comme une espèce de longue agonie du Corps du Christ. L’Eglise c’est l’Epouse. Elle choisit l’Epoux. Elle n’est l’Epouse que dans la mesure où elle Le choisit.
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Sentir comme le Christ. Avoir le même vouloir que le Christ. L’Eglise est une œuvre architecturale de l’Esprit Saint. Elle est pavée. C’est le Temple du Saint-Esprit, dont la pierre angulaire est le Christ. Et nous sommes taillés en connaturalité avec cette pierre angulaire. Voyez ces trois grandes expériences que vous avez de l’unité : - au niveau du vivant, - au niveau de l’amour d’amitié, - au niveau de l’œuvre artistique. Une œuvre artistique implique une certaine unité, mais une unité tout à fait différente. Ce sont les trois grands exemples. Vous n’en n’avez pas d’autres, ce qui est merveilleux ! Cherchez, cherchez ... vous n’avez pas d’autres expériences de l’unité. Le Saint-Esprit a pris les trois grandes expériences de l’unité que nous avions. Et puis Il nous les a données, pour que nous comprenions que l’unité de l’Eglise est beaucoup plus que l’expérience que nous avons de l’âme et du corps. Ce n’est pas seulement cela. Ce n’est pas seulement l’unité d’amitié, c’est beaucoup plus. Ce n’est pas seulement l’unité d’une œuvre d’art, c’est beaucoup plus. Nous voyons là ces trois analogies, ces trois comparaisons qui nous obligent à atteindre le Mystère de l’Unité du Christ et de l’Eglise. Mystère qui dépasse tout ce que nous pouvons expérimenter. Tout cela est présent dans ce chapitre XV, si vous êtes attentifs vous voyez l’unité du corps : le cep et les sarments. L’unité d’amour est expérimentée par le point de vue du Christ qui demeure en nous et en Qui nous demeurons. Le sarment doit demeurer sur le cep. Il doit en être le plus proche possible et tout le temps y revenir pour lui demeurer proche. Il faut tout le temps que l’Eglise choisisse Jésus comme l’Epoux pour Lui être le plus intimement unie. Puis il y a la taille du Père, la taille des sarments. La taille de la pierre, ça se fait une fois de temps en temps ... on la refait lorsque les pierres sont usées. Ainsi on peut donner une nouvelle jeunesse à de vieux bâtiments. Mais la taille du sarment, la taille de la vigne ... on sait bien ce que c’est, surtout quand on est dans un pays de vignoble, on voit comment les gens taillent la vigne avec amour et c’est une taille multiple qui doit se faire. Ça c’est vraiment l’œuvre artistique et une vigne c’est une œuvre artistique. L’Eglise, c’est l’œuvre artistique du Père et de l’Esprit Saint. Ici est ajoutée la charité fraternelle, pour glorifier le Père. Ainsi, tout est présent et tout est dépassé. Voilà la première grande vision, l’ultime vision de l’Eglise. Je crois qu’il faut voir cela très nettement si l’on veut comprendre l’Apocalypse et saisir que toutes les attaques du démon sont contre la fécondité. En définitive, je crois qu’il y a une rage du démon contre la fécondité. Pourquoi ? Parce que la fécondité c’est l’amour plénier. Et le démon n’accepte pas l’amour, il le refuse. Alors on comprend très bien qu’il refuse la fécondité.
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L’autre passage, dont il faut se souvenir, et que je ne fais que signaler pour le reprendre tout à l’heure, c’est ce très beau passage que nous connaissons bien, le chapitre X de Saint Jean, où Jésus nous est montré comme Le Bon Pasteur. Le Bon Pasteur, celui qui conduit le troupeau. Il faut toujours voir ces deux grandes visions sur l’Eglise, en parallèle, parce qu’elles se complètent : la révélation du chapitre XV, c’est la structure de l’Eglise. L’Eglise implique ce lien très très fort avec le Père, avec le tronc, Jésus, avec l’Esprit Saint qui circule. La sève c’est l’Esprit Saint qui circule, qui fait ce va-et-vient constant entre notre cœur et le cœur du Christ, entre les membres de l’Eglise, liée au Christ dans cette unité parfaite, pour cette fécondité. Et puis, au chapitre X, cette autre parabole qui nous montre la conduite du Bon Pasteur. C’est très important de la comprendre, cette conduite. L’Eglise est conduite par le Bon Pasteur. C’est Jésus qui conduit son Eglise, avec l’Esprit Saint, en se servant des hommes. Ce n’est pas commode de se servir des hommes, en étant le Bon Pasteur. Parce que les hommes ne sont pas toujours de bons pasteurs. Songez à ce que dit Ezéchiel, à propos des mauvais pasteurs, qui oublient que le troupeau ne leur appartient pas. Mais le troupeau appartient au Christ, le troupeau est de Dieu. Il est pour Dieu. Les mauvais pasteurs sont ceux qui, tout simplement, s’enrichissent de leur troupeau. Ils ramènent tout à eux. C’est leur égoïsme forcené, tyrannique, qui ramène tout à eux. On pourrait parler de la tyrannie de ceux qui ont reçu le pouvoir de Dieu, pouvoir qui ne leur appartient pas, qui est un pouvoir ministériel. A la place d’être les serviteurs de l’amour, d’être entièrement là pour les brebis, ils ramènent tout à eux. Ils exercent un pouvoir tyrannique qui supprime l’amour. C’est aussi la manière dont le démon agit, dans sa double façon de faire : il agit contre la fécondité, et il fait que ceux qui devraient être les ministres oublient qu’ils sont les ministres du Christ, des serviteurs à l’égard de Son troupeau. Ils ramènent tout à eux. Nous reverrons cela tout à l’heure, pour essayer de comprendre comment le Mystère de l’Eglise doit être vu dans cette grande intention du Christ, Bon Pasteur. Méditez et contemplez ce chapitre XV de Saint Jean nous donnant une vision extraordinairement belle et limpide de l’Eglise, enveloppée de l’Esprit Saint. Puisque c’est à travers la promesse de l’Esprit Saint que Jésus nous donne cette vision sur l’unité et la fécondité de l’Eglise.
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2ème conférence
Les trois nourritures des brebis du Christ : - la Volonté du Père, - la Parole de Dieu, - l’Eucharistie ; leur ordre selon la Sagesse divine en Marie, dans l’Eglise catholique comparée aux autres églises. Les attaques du démon.
Avant d’entrer dans la grande révélation de l’Apocalypse sur le mystère de l’Eglise militante, je vous disais qu’il fallait vous rappeler cet enseignement ultime de Saint Jean sur le mystère de l’Eglise. Tout l’Evangile de Saint Jean parle du mystère de l’Eglise, mais spécialement ces deux grands passages, ce dernier enseignement du Christ selon l’Evangile de Saint Jean, cette vision de la Vigne, du mystère de la fécondité de l’Eglise, parce que, en définitive, c’est bien cela la révélation profonde que nous donnent Saint Jean et l’Eglise enveloppée par l’Esprit Saint. C’est la prophétie, c’est la promesse du Christ, c’est le Christ prophète de l’Esprit Saint, Celui qui annonce Celui qui doit venir. Il est important pour nous de comprendre que ce dernier enseignement de l’Eglise est dans cette grande prophétie sur le mystère de l’Esprit Saint, pour bien saisir que l’Eglise vit du Christ, que l’Eglise est au Père et que l’Eglise est sous la mouvance de l’Esprit ; que c’est l’Esprit qui lui donne cette fécondité et que c’est cette fécondité qui glorifie le Père. Par le fait même, nous comprenons très bien l’attaque du démon, car Jésus rappelle qu’il y a une haine du démon à l’égard de l’Eglise. Ce n’est pas n’importe quelle lutte, c’est une lutte à mort. Le démon veut détruire l’Eglise. C’est bien simple. Car la haine qu’il a à l’égard du Christ, il l’a à l’égard de l’Eglise, et quand on hait quelqu’un, on veut le détruire. La philosophie contemporaine le montre très bien. La néantisation n’a pas d’autre sens que, justement, la destruction qui se fait par le point de vue de la haine. On en a une toute petite expérience. Il ne faut pas trop insister là dessus, parce que ce n’est pas drôle de regarder l’expérience de la haine que nous avons. Mais il faut être lucide vis-à-vis de soi-même. On sent très bien que la haine passionnelle, acceptée, conduirait à détruire, parce qu’on ne peut pas supporter que celui qui est vraiment l’ennemi, celui qui veut nous attaquer et nous détruire, demeure là. On voudrait répondre en l’anéantissant. L’ennemi de l’Eglise, c’est le dragon, c’est le serpent. Et cet ennemi veut détruire l’Eglise, détruire sa fécondité. 23
Nous avons cet autre enseignement de Notre Seigneur, qu’il est aussi très important pour nous de bien comprendre, dans le chapitre X où Jésus se révéla comme le Bon Pasteur. L’Eglise est le troupeau du Christ. Nous sommes les brebis du Christ. Nous appartenons à Jésus. Le Bon Pasteur connaît ses brebis et les brebis le connaissent. Et là, c’est la connaissance au sens biblique, c’est-à-dire l’amour. Il y a une connaissance réciproque, un amour réciproque entre le Christ et les brebis. Le Bon Pasteur est aussi la Porte par où les brebis passent. Elles sont libres, quand elles passent par cette porte, et le Bon Pasteur les conduit dans les gras pâturages. Tous ses désirs sont de nous conduire dans les gras pâturages. Vous voyez la différence de style, la différence de symbolisme par rapport à la Vigne, par rapport à la taille que la Père fait des sarments. Il faut qu’ils soient de plus en plus proches du tronc, pour qu’ils puissent porter du fruit. Le Père veut que nous soyons de plus en plus relatifs à Jésus. Tout le regard du Père sur nous tend à nous rendre de plus en plus relatifs au Christ et de plus en plus enracinés dans le Christ, insérés dans le Christ. Et le Bon Pasteur nous conduit aux gras pâturages. Alors, il faut toujours se demander quels sont ces gras pâturages où le Son Pasteur nous conduit. Pour saisir le mystère de l’Eglise, il faut entrer dans ces gras pâturages qui sont les moyens. La finalité, c’est de glorifier le Père par la fécondité. Comment arriver à cette fécondité plénière ? Comment pouvoir être pleinement ceux qui glorifiant la Père ? Nous v/oyons la conduite, la pédagogie du Christ sur nous. Si nous regardons l’Evangile de Saint Jean et l’Evangile de Saint Luc, nous voyons bien quels sont ces gras pâturages. La parole de Dieu est une nourriture. Il faut nous nourrir de la parole de Dieu. L’Eucharistie est vraiment une nourriture. « Ma chair est une vraie nourriture et mon sang est un vrai breuvage. » Et Jésus dit qu’il est le Pain de Vie. La volonté du Père est aussi une nourriture. « Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir Son œuvre. » Voyez le Christ : Lui, comme tête, il se nourrit de la parole de Dieu. La parole de Dieu vient de lui, mais il s’en nourrit. Comme homme, Jésus s’est servi de la parole de Dieu. Et Jésus, surtout, a accompli la volonté du Père. Sa nourriture, c’est de faire la volonté du Père. Et Jésus se donne comme Pain. La nourriture propre des brebis, c’est l’Eucharistie. La nourriture commune des brebis avec la tête, c’est d’accomplir la volonté du Père et de se nourrir de la parole de Dieu. C’est important, parce que cela nous fait saisir tout de suite ce qui caractérise la nourriture des brebis. Quand on s’éloigne de l’Eucharistie, cela prouve qu’on n’accepte plus d’être brebis. Et on n’entre pas dans la perspective propre de la brebis. La brebis du 24
Christ, c’est celle qui reçoit la nourriture propre que le Christ donne, et la nourriture propre que le Christ donne, c’est justement Sa chair en nourriture. On n’est brebis du Christ que dans la mesure où on se nourrit de L’Eucharistie. Cela n’empêche absolument pas de se servir de là parole de Dieu et d’accomplir la volonté du Père. Là, il y a un problème très important, il faut le regarder attentivement pour bien saisir ce qu’est le mystère de l’Eglise. Parce que nous ne comprendrons parfaitement les tactiques du démon que dans la mesure où nous saisirons que le Père veut et a préparé pour nous un enclos dans lequel il y a les gras pâturages. Et l’Eglise, c’est le lieu où sont les gras pâturages. S’il n’y a plus ces gras pâturages, ce n’est plus l’Eglise. Et ces gras pâturages, c’est la parole de Dieu, l’Eucharistie et la volonté du Père. Alors, il y a deux points de vue qu’il faut regarder ici, je vais simplement les rappeler, mais c’est important, parce que c’est un excellent examen de conscience au début de la retraite : se demander si nous sommes des brebis qui sont bien menées par le Christ. Le mercenaire risque toujours d’intervenir. Le mercenaire est justement celui qui prend la place du Christ, et qui n’est plus le Christ. Nous sommes vraiment brebis du Christ dans la mesure où nous vivons de la parole de Dieu, de l’Eucharistie et de la volonté du Père. Il est bon de faire cet examen de conscience, qui n’est pas habituel, parce que nous ne sommes pas tellement brebis du Christ et que nous oublions de nous regarder dans la lumière du Christ et selon les intentions du Christ. Or, nous savons que le Christ n’a pas d’autre intention que de nous conduire aux gras pâturages. Est-ce que nous nourrissons pleinement de la parole de Dieu ? C’est la première interrogation que nous devons faire au Seigneur. Les brebis du Christ doivent se nourrir de l’Eucharistie. Est-ce que notre nourriture tout à fait propre, tout à fait caractéristique, celle qui est la plus voulue par le Christ, est l’Eucharistie ? Et l’Eucharistie porte-t-elle tous ses fruits en nous ? La parole de Dieu porte-t-elle tous ses fruits en nous ? N’avonsnous qu’un seul désir, celui d’accomplir la volonté du Père ? Il y a un ordre dans ces trois nourritures, comme toujours. Toutes les choses de Dieu impliquent un ordre. Et toute la tactique du démon est de désordonner. Cela nous est montré au début de la Genèse. Nous voyons très bien qu’au début de la Genèse, le démon intervient pour enlever l’ordre de la Sagesse. Le démon ne crée rien, mais la démon désordonne tout. Je ne dis pas « désorganise », parce qu’il peut y avoir une organisation dans le désordre. Il y a des choses très bien organisées qui impliquent un désordre. Parce que l’ordre implique un ordre finalisé. L’organisation est du côté de l’efficacité. Il est très important de bien distinguer les deux notions, parce que, aujourd’hui, on les confond tout le temps : on croit, parce que c’est bien organisé, que c’est ordonné. Pas du tout. Il y a des choses très bien organisées, par exemple des voyages, où il n’y a plus aucune finalité. De temps en temps, on a l’impression que certains diocèses veulent s’organiser et ne sont plus du tout ordonnés. La fécondité n’est 25
plus présente et on ne voit plus que l’organisation. L’organisation, c’est la caricature démoniaque de l’ordre de la Sagesse de Dieu, quand il n’y a plus que cela. Parce que l’Ordre de la Sagesse de Dieu implique toujours la finalité. Alors, qu’il y ait une organisation en vue de l’ordre de la Sagesse de Dieu, très bien. L’efficacité est très bonne, quand elle est finalisée par l’amour, et quand on met l’amour au delà de l’efficacité. La fécondité est de l’ordre de l’amour ; elle n’est pas de l’ordre de l’efficacité. Et donc on peut très bien organiser les choses et tuer la finalité. C’est là où nous sommes dupes, si nous ne sommes pas très attentifs. C’est là où le démon nous séduit : il nous séduit par l’organisation. L’organisation ne regarde plus les personnes, elle ne regarde que les fonctions, tandis que, au contraire, l’ordre de la sagesse de Dieu regarde la finalité des personnes et la sanctification des personnes. Il est très important de saisir ces petits aspects par où le démon, lui, agit directement. Il est intelligent. Il a horreur de la finalité, il veut la supprimer complètement. Il a horreur de la fécondité, il veut la supprimer complètement. Il veut mettre à la place une organisation parfaite : l’efficacité. Le symbolisme de la Tour de Babel nous montre bien une organisation parfaite, très efficace, puisqu’on arrive à faire une tour qui atteint le ciel, et donc on n’a plus besoin, de Dieu. C’est l’organisation la plus parfaite : on n’a plus besoin de l’ordre de la sagesse de Dieu, parce que l’ordre de la sagesse de Dieu est quelque chose de tout à fait périmé, et on est dans une organisation de l’efficacité. Il faut être très attentif à cela, bien voir si, dans notre vie, ces trois nourritures sont bien ordonnées selon l’ordre de la sagesse de Dieu et si nous ne nous laissons pas prendre quelquefois par la séduction du démon, très subtile, qui apparaît de multiples manières, pour quitter cet ordre de sagesse et alors tomber dans l’organisation. Je crois que l’ordre que nous mettons dans les trois nourritures correspond aux diverses visions théologiques de l’Eglise, aux diverses ecclésiologies, comme on dirait aujourd’hui. Ce serait très intéressant, si on voulait creuser cela, parce que là, nous verrions à la fois l’ordre de la sagesse et comment le démon essaie de désordonner. On ne va pas faire cette étude là; je vous la signale simplement, parce qu’il est bon de réfléchir dans la lumière de Dieu. C’est pour notre propre examen de conscience. Je crois que nous pouvons dire que nous sommes attentifs à l’Ecriture, si nous sommes attentifs à la tradition, si nous sommes attentifs à ce que l’Eglise elle-même nous fait comprendre, dans son grand enseignement traditionnel qui provient toujours de l’Ecriture et qui creuse l’Ecriture. Si nous regardons Marie ; c’est Marie qui est le prototype, le modèle de l’Eglise. C’est en Elle que tout se voit d’une manière admirable, j’allais dire en grosses lettres. C’est en Elle que tout le mystère de l’Eglise apparaît dans toute sa limpidité, dans toute sa pureté. Alors qu’en nous, il y a un mélange : avec l’Eglise, il y a un peu de la Synagogue et encore beaucoup plus du païen. 26
Oui, il y a de la Synagogue en nous, il ne faut pas l’oublier. Saint Augustin disait déjà : « Des quantités de chrétiens vivent de l’Ancien Testament. » Je ne sais pas ce qu’il dirait aujourd’hui ! Il y a beaucoup de chrétiens qui n’ont pas compris le mystère du Christ et qui vivent de l’Ancien Testament. Saint Augustin insiste même pour sa Règle, en disant : « La Règle religieuse ne doit pas être une nouvelle Loi qui fait que, à la place de suivre le Christ, on applique la Loi. » Saint Augustin a très bien saisi le très grand danger et la difficulté qu’on a toujours. Donc en nous, il y a quelque chose de l’Eglise, puisque nous appartenons au Christ, et il y a quelque chose de la Synagogue. Quelquefois, on fait le parallèle entre la Synagogue et l’Eglise. On dit : « Après tout, la Synagogue, c’est tellement beau ; l’Ancien Testament, c’est tellement magnifique ... » C’est vrai, il est beaucoup plus psychologique, beaucoup plus sociologique. Alors, on se laisse séduire : la petite Eglise du Christ, elle, diminue et la Synagogue augmente. Il y a en nous aussi le païen, et non seulement le païen, mais le vieil homme. Et il y a le monde (puisque le monde au sens johannique peut prendre les deux modalités), le monde en tant qu’il est sous la mouvance du démon, avec les convoitises, les trois convoitises. Il y a tout cela en nous. En Marie, il y a l’Eglise à l’état pur. Il n’y a rien de la Synagogue. Extraordinaire : Marie n’est pas de la Synagogue. Elle est tout de suite, pleinement du mystère du Christ. On fait une équivoque terrible, quand on dit : « Marie est de la race d’Israël. » Mais justement, le mystère de l’Immaculée Conception la met au delà de tout atavisme. C’est Dieu qui reprend tout. Marie est donnée à l’humanité. Elle est donnée à tous. Elle est au delà. Matériellement, elle est de la race de David, bien sûr, et Dieu a voulu qu’elle vive sous le régime de l’Ancienne Loi, extérieurement. Elle était cachée. Mais intérieurement, elle vit pleinement de l’Esprit Saint. Elle n’a été influencée que par l’Esprit Saint. C’est le mystère de l’Immaculée Conception. Elle est entièrement reprise par Dieu. C’est pour cela qu’Elle est l’Eglise à l’état pur. Il n’y a que l’Eglise du Christ en Elle, il n’y a que l’influence du Saint-Esprit. Il n’y a rien du « vieil homme ». Et c’est en Marie que nous devons tout le temps regarder le mystère de l’Eglise, si nous voulons le comprendre pleinement. C’est Elle qui nous le fait saisir. La limpidité absolue du mystère du Christ, du mystère du Père et du mystère de l’Esprit Saint se reflète en Elle. Nous pouvons dire que Marie n’a eu qu’un seul désir : accomplir la volonté du Père. C’est la première chose qui nous est révélée, selon la Tradition : le mystère de la Présentation de Marie au Temple. Et c’est important, ce mystère qui est caché dans la Tradition, ce mystère qui est comme un secret que l’Eglise a découvert. C’est comme le mystère de l’Immaculée Conception. C’est un mystère très caché ; celui-là nous est révélé par l’Eglise, mais on n’aurait pas pu le découvrir en regardant uniquement l’Ecriture. C’est 1’Esprit-Saint qui nous conduit à la vérité toute entière. Et la vérité toute entière, c’est que Marie est le reflet merveilleux de l’Amour de Dieu et qu’Elle est immaculée. 27
Il faut saisir ce premier mystère de la Présentation de Marie au Temple, que l’Eglise aime beaucoup, qui est le mystère de la Famille. Toutes les familles religieuses comprennent cela, du moins le comprenaient. Aujourd’hui, pas toujours. Le mystère de la Présentation de Marie, c’est la signification profonde de l’esprit des autres, au delà du juridisme. Et je crois que c’est cela que le Foyer de Charité doit vivre : l’esprit des autres, au delà de l’aspect juridique, parce que le juridisme est une arme à deux tranchants. C’est très mystérieux, on retrouve la source. Et l’esprit des autres, c’est l’accomplissement de la volonté du Père. C’est vivre dans un abandon plénier pour être totalement disponible à la volonté du Père, et vouloir à tout prix vivre de le volonté du Père. C’est la première chose que Marie nous enseigne et c’est sans doute son testament. Vous voyez les deux choses qui sont cachées dans la Tradition. Marie est contemporaine de la Tradition de l’Eglise, Elle est la Tradition de l’Eglise. C’est pourquoi le point de départ et le terme de sa vie sont cachés dans la Tradition ; parce qu’il faut que le point de départ et le terme nous soient donnés, mais cachés dans la Tradition. Or, le point de départ de la vie de Marie donné dans la Tradition, c’est la Présentation de Marie, et il faut bien voir la Dormition de Marie comme le terme. Lorsqu’on a révélé pour nous le dogme de l’Assomption, on n’a rien dit sur les derniers moments de la vie de la Très Sainte Vierge sur la terre. C’est resté caché dans la Tradition. Cette distinction qu’a faite le Saint-Esprit est, d’ailleurs, très étonnante ; les théologiens n’auraient pas eu assez de finesse pour la faire, mais le Saint-Esprit l’a faite, parce qu’Il donne toujours des leçons de finesse aux théologiens. L’amour va plus loin que notre intelligence. Comme il n’y a pas assez d’amour en nous, nous retombons dans les méthodes, nous retombons dans les crevasses, nous retombons dans ce qui nous est connaturel. Or, le Saint-Esprit, dans le mystère de l’Assomption, nous fait bien comprendra que Marie est glorifiée dans son corps. Comment Marie a-t-Elle terminé sa vie ? Est-Elle morte physiquement ? N’est-Elle pas morte physiquement ? Cela reste caché. Simplement, la Tradition, dans le cœur des saints, nous montre que Marie a terminé cette vie dans le grand silence de l’amour. Je crois que le dernier acte de la vie de la Très Sainte Vierge sur la terre a été de se remettre entre les mains du Père. Alors, Est-Elle morte physiquement ou non ? Cela n’a pas d’importance. L’amour est au delà de la mort. L’amour demande uniquement qu’on s’offre à Dieu. Mort mystique. Marie a terminé sa vie dans cette mort mystique, dans cette offrande totale de toute sa vie à Dieu. Mort mystique, mort d’amour et dans les mains du Père. Et donc désir d’accomplir pleinement et totalement la volonté du Père.
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A la Croix, Maris est restée debout, parce qu’Elle n’a voulu qu’une seule chose : accomplir la volonté du Père. Si Marie n’avait pas eu cet unique désir d’accomplir la volonté du Père, Elle n’aurait pas pu rester debout ; Elle aurait croulé sous le poids de la souffrance ou Elle aurait été révoltée. Si Marie s’était mise à raisonner, Elle serait partie révoltée en disant : « C’est invraisemblable que le peuple d’Israël se conduise de cette manière, que les grands prêtres se conduisent de cette manière. » Marie n’a eu qu’un seul désir : accomplir pleinement, la volonté sainte du Père sur Son Fils et sur elle. Et ce qu’Elle a vécu à la Croix, Elle l’a vécu jusqu’à la fin de son itinéraire terrestre. Marie a continué de vivre tout le temps le mystère de la Compassion, jusqu’à la fin et toujours plus. On peut dire, à partir du « stabat Mater » qui nous est révélé dans Saint Jean, que le dernier moment de la vie de la Très Sainte Vierge est encore un « stabat Mater » ; Ella demeure debout en accomplissant la volonté du Père. Voyez, l’accomplissement de la volonté du Père, c’est le point de départ et le terme de toute notre vie. Ce désir que nous avons d’accomplir la volonté du Père, c’est ce qui nous purifie le plus. N’avoir que ce désir là. Cela exige de nous, du reste, un très grand abandon, parce que ce n’est pas si facile de voir la volonté du Père. Mais Dieu regarde avant tout nos intentions. Il ne regarde pas les résultats. Les hommes ne regardent que les résultats d’efficacité, tandis que Dieu ne regarde que les intentions de notre cœur. Une fois que nous avons compris cela, cela nous apaise beaucoup, parce que nous sommes quand même de pauvres hommes qui regardons toujours un peu les résultats. Et nous voudrions bien qu’il y ait quoique chose ... ne pas mourir sans « enfants », sans un certain résultat tangible ... Et Dieu veut que nous Lui offrions tout, la pauvreté du serviteur qui accepte de ne pas voir le résultat et qui continue. Dieu ne regarde que les intentions de notre cœur. C’est merveilleux. C’est Sainte Catherine qui dit cela, une sainte ! Ce n’est pas moi qui le dis. Dieu ne regarde que les désirs de notre cœur. Les désirs, ce sont les grandes intentions. Ce ne sont pas les velléités, bien sûr ; les velléités, c’est tout à fait différent, imaginaire. Mais les intentions profondes, les désirs profonds de notre cœur, c’est la seule chose que Dieu regarde. Alors, les vrais désirs se traduisent bien dans des résultats, c’est bien évident. Mais ce que Dieu regarde en premier lieu, c’est l’intensité de notre amour. C’est la grande éducation que le Saint-Esprit nous donne. C’est ce que la petite Thérèse avait compris magnifiquement. Et c’est tellement utile pour nous. Parce que si nous sommes dans une situation de prisonniers, comme je le disais tout à l’heure, si constamment nous ne pouvions pas, nous serions désespérés. La seule manière de ne pas tomber dans le désespoir, c’est justement de comprendre que le regard de Dieu n’est pas le même que le regard des hommes, que les hommes regardent l’efficacité, tandis que Dieu regarde les intentions de notre cœur.
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Aux yeux de Dieu, tout a une très grande importance, si c’est fait avec beaucoup d’amour. Aux yeux des hommes, il y a des grandes décisions et des petites décisions, des perspectives immédiates et des perspectives lointaines. Il y a de grandes décisions qui ont beaucoup d’effet et de petites décisions qui n’ont pas beaucoup d’effet. C’est vrai au niveau de l’efficacité. En tant que serviteur de Dieu, on doit y faire attention. On ne doit pas tout faire de la même façon. Il y a des choses pour lesquelles Dieu nous demande d’être très attentifs. C’est très important. Là, c’est le serviteur, c’est le fonctionnaire. Dieu veut qu’on soit bon fonctionnaire, s’il nous donne une tâche à remplir. Mais au point de vue de la conduite de l’Esprit Saint sur nous, il n’y a pas de grandes décisions et de petites décisions. Tout doit être fait par amour. Et quelquefois, nous pouvons mettre une intensité d’amour merveilleuse dans une petite décision, et pour Dieu, cela peut avoir une valeur extraordinaire, parce que nous y avons mis un très grand amour. Saint Thomas dit cela admirablement ; il avait compris ces choses là comme un saint. Il dit, à propos de l’obéissance : « Ce qu’on demande à un serviteur, c’est d’accomplir une tâche. » C’est donc l’efficacité. On demanda à une cuisinière que le repas soit fait. Si la cuisinière disait : « Ah, j’ai eu une très bonne intention, j’ai réfléchi toute la matinée sur ce que je devais vous donner, et c’est merveilleux, j’ai très bien pensé ... » Non ! Le serviteur doit être efficace. Alors, pour le serviteur, il y a des choses importantes et des choses moins importantes. On dira au serviteur : « Vous ferez particulièrement attention à cela ; si vous pouvez faire ceci, vous le ferez aussi, mais je veux avant tout que ce soit cela. » Saint Thomas dit : « Aux enfants, on demande qu’ils soient bien élevés. » Au Moyen Age, on demande que les enfants soient bien élevés, c’est-à-dire qu’ils acquièrent des vertus, une certaine noblesse de l’âme, de la magnanimité, qu’ils soient justes. Et que demande-t-on aux tout petits ? Qu’ils ne quittent pas le regard de leur mère. C’est admirable. Ils peuvent s’amuser, jouer, faire tout ce qu’ils veulent, c’est très bien. Et quand la mère est avec ses enfants, elle ne demande qu’une seule chose : « Ne va pas trop loin, mon petit, parce que je ne pourrais plus te voir et à ce moment là, je ne pourrais plus te surveiller. » Ce qu’on demande à l’enfant, ce n’est pas du tout de faire telle ou telle chose, mais de ne pas quitter le regard de la mère. Pour un enfant, il n’y a pas de distinction entre le jeu et le devoir et le travail. Ce sont là les distinctions des grandes personnes : elles travaillent et elles jouent. Mais l’enfant doit rester dans la lumière de la mère, dans la perspective de la mère. C’est admirable, parce que cela nous fait comprendre ce que le Père attend de nous. Comme tout petits enfants de Dieu, nous devons rester sous le regard du Père. Et rester sous le regard du Père, c’est avoir toujours cette bonne volonté, ce désir d’accomplir entièrement Sa volonté. En premier lieu, nous sommes des enfants, nous restons des enfants. 30
Nous sommes aussi des serviteurs. L’obéissance de l’enfant ne supprime pas celle du serviteur, mais l’obéissance du serviteur revêt une modalité particulière. Nous ne prenons plus les choses au tragique. Nous sommes des serviteurs engagés. Mais il ne faut pas que l’enfant soit un enfant gâté. L’enfant gâté, c’est celui qui dit : « Moi, j’ai compris l’esprit d’enfance. Ce que je fais n’a aucune importance : que je joue ou que je travaille. » On tombe dans l’infantilisme, qui est la caricature de l’esprit d’enfance. Il faut y faire grande attention. Au niveau surnaturel, nous sommes des enfants de Dieu et nous sommes des serviteurs. Et nous distinguons les deux. Quand nous prions, nous sommes de tout petits enfants, nous voulons le rester et nous voulons que la prière illumine tout, transforme tout ... Nous sommes des serviteurs : Dieu nous donne une fonction, une tâche à remplir. Et nous savons que, pour remplir cette tâche avec beaucoup d’amour, cela implique des compétences et qu’on connaisse son métier. On ne doit pas faire de grosses imprudences. Si l’esprit d’enfance tombait dans l’infantilisme, à ce moment là, on serait irresponsable, sous prétexta qu’il faut être des enfants. Ce n’est pas commode d’être vraiment sous la conduite de l’Esprit Saint. C’est respecter le tout petit enfant de Dieu qui est en nous, avec un désir de ne faire que la volonté du Père. C’est rester sous Son regard, mais savoir que l’esprit d’obéissance du tout petit doit se réaliser constamment dans le service que Dieu nous demande. Vous êtes des serviteurs. Pendant la retraite, vous avez l’avantage que le serviteur peut un tout petit peu se reposer, et Dieu vous demande, avant tout, d’être des enfants, parce que, d’habitude, c’est le serviteur qui ne se repose pas et qui tue l’enfant. C’est le très grand danger du monde d’aujourd’hui. Le serviteur a tellement de travail, il est tellement pris, il est tellement responsable, il a tellement d’agitation que l’enfant risque de gémir et de ne plus avoir son biberon ! A ce moment là, cela ne va plus du tout, il dépérit et il meurt. C’est vrai, on est tellement pris ! ... Alors, pendant la retraite, l’Esprit Saint veut nous donner un tout petit peu la possibilité de rester sous le regard du Père et uniquement sous le regard du Père, pour que, lorsque nous reprendrons notre travail, nous puissions le faire dans l’esprit du tout petit enfant de Dieu, avec un souci d’accomplir notre tâche le mieux possible. Il est certain qu’un chrétien, dans le service que Dieu lui demande, doit mettre le plus de compétence possible, mais en même temps, intérieurement, il doit être un tout petit enfant du Père. Je crois qu’il faut dire, à la suite de Marie, que l’accomplissement de la volonté du Père est vraiment primordial : c’est ce qui enveloppe toute notre vie. Dès que nous nous mettons en dehors de la volonté du Père, nous ne pouvons plus prier, nous ne pouvons plus travailler chrétiennement. L’efficacité continue, mais la fécondité s’arrête, parce qu’on est en dehors de la source. 31
Ensuite, je crois que vient immédiatement la Parole de Dieu, qui nous nourrit et qui nous permet de mieux discerner la volonté du Père et de l’accomplir davantage. Et après la Parole de Dieu, vient 1’Eucharistie. Voyez l’ordre : je le donne suivant l’Eglise Catholique. Parce que, si vous regardiez l’église protestante, vous n’auriez pas tout à fait le même ordre et, je crois, si on regardait même l’église orthodoxe, il y aurait un petit changement. Il est intéressant de voir ainsi les trois grandes formes du mystère de l’Eglise. Il y en a une qui est dans la vérité toute entière et les autres qui l’attendent, mais qui ne sont pas dans la vérité toute entière. Il faut tout de même avoir le courage d’affirmer les choses telles que l’Esprit Saint veut que nous les affirmions. Il est sûr que le mystère de l’obéissance est plus fort dans l’église catholique que dans l’église orthodoxe et que dans l’église protestante. C’est plus rude de faire partie de l’Eglise Catholique, parce que c’est le commandement même qui est donné à Pierre et qui nous est donné. Cela exige de nous une obéissance qui va plus loin. Quand on est en contact avec les protestants, on le voit bien. Et à certains moments, ce n’est pas commode du tout. « Quand tu étais jeune, tu te ceignais toi-même ... Mais lorsque tu auras vieilli, ... un autre te ceindra et te portera où tu ne voudras pas ... » Et nous le sentons dans les moments de crise comme maintenant. Pourquoi y en a-t-il tellement qui veulent quitter l’église catholique et qui lorgnent du côté de l’église orthodoxe, en disant : « Au moins, elle a gardé le mystère ... » De braves croyants, des chrétiens sont tentés par l’église orthodoxe, parce qu’il leur semble qu’elle a une liturgie plus parfaite, et ils quittent l’Eglise Catholique. Attention ! C’est très grand, la beauté de la liturgie. Ce n’est quand même pas la nourriture. L’a nourriture, c’est d’accomplir la volonté du Père. C’est accepter quelquefois un dépouillement liturgique, pour être plus attentif à autre chose. Quand la lutte est forte, c’est ce qui est demandé. C’est très mystérieux. Quand les luttes sont fortes, il nous est demandé de mettre toute notre attention sur quelque chose de primordial, de fondamental. Oui, les moments de grandes luttes sont toujours des moments de très grande purification et font que les choses secondaires, qui étaient très importantes à certains moments, tombent, pour nous rendre plus attentifs aux choses essentielles. Et les choses essentielles, ce sont les gras pâturages, c’est-à-dire la volonté du Père, a travers tout. Cela, l’Eglise Catholique nous l’a toujours rappelé. C’est très important. Dans le monde d’aujourd’hui, il faut le comprendre avec une très grande acuité. Voir l’ordre des valeurs, tel que Dieu le veut. La liturgie, c’est un ornement magnifique. C’est la robe sans couture. Mais à un certain moment, la robe sans couture est arrachée. Quand on 32
était dans les catacombes, il y avait une liturgie des catacombes. La liturgie des catacombes, ce n’est pas la liturgie de l’Ancien Testament, si extraordinaire et si belle. C’est une liturgie des catacombes, c’est-à-dire ce que Pie XII avait demandé et permis aux prisonniers qui étaient dans les camps de concentration : de garder de la Messe uniquement le Consécration. Pie XII ... Ne disons pas que c’est Jean XXIII ou Paul VI ! ... Pie XII savait très bien ce qu’était la Messe : la Consécration. Les prêtres qui étaient dans les camps, n’avaient que trois minutes : ils pouvaient consacrer. Cela n’est pas pour encourager les Messes de dix minutes ! Vous le comprenez bien. Il y a un temps pour la prière. Il ne faut pas toujours aller au plus rapide. Ce n’est pas pour encourager le dénuement complet, mais il faut comprendra que l’Eglise, quand elle entre dans des luttes très grandes, ne garde que le nécessaire. C’est comme en exode, on n’emporte que le nécessaire. Mais il faut savoir ce qui est le nécessaire, car, à ce moment là, si on se trompe, c’est terrible. Si vous prenez une chose accidentelle et oubliez le nécessaire, vous êtes sûr de périr. C’est évident. Et Dieu nous demande c’est dit dans l’Apocalypse , aux moments les plus rudes, d’avoir l’esprit de finesse, l’esprit de discernement. C’est pourquoi il est si important de se rappeler que nous sommes enveloppés dans la volonté du Père et que ce qui nous permet de savoir où aller, c’est l’accomplissement de la volonté du Père qui se fait par le Christ et, pour nous, par la voie des Vicaires du Christ ; et à travers tous ceux qui sont unis au Vicaire du Christ, parce que c’est dans la mesure où ils sont unis au Vicaire du Christ qu’ils nous donnent la volonté du Père, au sens très fort. Ensuite, il y a la Parole. Voyez comme, chez les protestants, la Parole a pris une valeur extraordinaire et primordiale. Il est très important de comprendre ce qu’est la Parole de Dieu. Mais il ne faut pas que le mystère de la Parole supprime le mystère de l’Eucharistie. Quelqu’un me disait, l’autre jour : « Ce qui est un petit peu affolant, c’est que la liturgie de la Parole prend une place énorme, et la liturgie de l’Eucharistie, trois minutes. » C’est vrai. C’est un déséquilibre ; ce n’est sûrement pas selon la volonté du Père et ce n’est sûrement pas selon la volonté du Souverain Pontife. C’est une volonté particulière et c’est une certaine influence du protestantisme qui fait qu’on oublie ce qu’est l’Eucharistie. La liturgie de la Parole, ce n’est pas étonnant, nous parle davantage. Peut-être a-ton oublié un peu, à certains moments, le mystère de la Parole et il est très bon de le rappeler. La Parole de Dieu est très importante. Le mystère de la Parole de Dieu, c’est aussi la prédication et la prédication est très importante. Mais comprenons que tout le mystère de la Parole est ordonné à l’Eucharistie !
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Voyez, le démon désordonne pour organiser, dans le sens uniquement d’une efficacité. Alors, en regardant l’efficacité, on dira : « Ah, le peuple chrétien est mieux ! » (Ce n’est, d’ailleurs, pas toujours vrai.) Mais il ne comprend plus du tout l’Eucharistie. Voyez l’efficacité, l’organisation à la place de l’ordre de la Sagesse de Dieu. On ne regarde que cela. Mais là n’est pas la question. Est-ce que vous êtes ministres du Christ ou non ? Est-ce que vous êtes envoyés du Père ou non ? L’Eglise, ce n’est pas notre Eglise, c’est l’Eglise du Père, c’est l’Eglise de l’Agneau, c’est l’Eglise de l’Esprit. Alors, l’Eglise du Père, l’Eglise de l’Agneau, l’Eglise de l’Esprit doit vivre selon le rythme même des Trois Personnes Divines. Voyez comme ces trois nourritures sont le reflet de la Très Sainte Trinité. C’est Dieu qui se met tout proche de nous par ces trois nourritures : - La Volonté du Père. Le Père est au point de départ et au terme, toujours. - Le mystère de la Parole. Le premier Paraclet. Le Verbe devenu chair. - Et l’Esprit qui est lié à l’Eucharistie et inséparable de l’Eucharistie. Ce mystère du Sang, du Don absolu d’Amour. L’Esprit est donné à la Croix. L’Eucharistie, c’est la Croix et c’est l’Esprit qui nous est donné à travers la Christ. Vous voyez comment l’Eglise doit être l’Eglise de la Volonté du Père, l’Eglise de la Parole, l’Eglise du L’Eucharistie. Il ne faut surtout pas mettre d’oppositions. Comme il n’y a pas d’opposition en Dieu, il faut respecter cet ordre merveilleux selon lequel la Parole conduit à l’amour et s’achève dans l’Eucharistie. Cela nous aide beaucoup à prendre conscience de ce que c’est qu’être brebis du Christ, et à savoir si, dans notre vie, les trois nourritures sont bien ordonnées selon la Sagesse de Dieu. Considérons les luttes du démon : elles sont à l’égard de la volonté du Père, de la Parole de Dieu, de l’Eucharistie. Vous avez bien suivi dans l’Ecriture : quand on a chassé les démons d’une maison, ils reviennent sept fois plus forts. Je crois que nous assistons à cette attaque sept fois plus forte, actuellement. L’Eglise a chassé le démon de sa maison, au moment de la Réforme. Cela a été très rude. Cela ne veut pas dire que tous les protestants sont possédés du démon, parce qu’ils n’y peuvent rien d’être nés dans le protestantisme. Je me souviens d’une très brave famille protestante, des Alsaciens venus à Fribourg. C’étaient de gros brasseurs, protestants d’Alsace, il y avait eu une alliance avec Lyon, et la grand’mère était très huguenote. La première fois que je l’ai vue je venais d’arriver à Fribourg, je ne connaissais pas très bien le climat , cette brave personne, très sainte, merveilleuse, intelligente, fine, au bout de quelque temps, me dit : « Mon Père, 34
n’essayez pas de me convertir ! » Je lui réponds : « Vous allez vite ... » « Je suis huguenote. » Elle affirmait cela avec force. Comme toujours, la génération suivante était moins consciente d’être huguenote, et le fils, que je connaissais bien, un beau jour, dans un salon, après un repas, me dit : « Mon Père, vous me prenez pour un hérétique ? » Heureusement que le Saint-Esprit est toujours là pour nous aider à ces moments là ! Ça n’était pas commode de répondre, surtout que je n’y avais jamais pensé. Je lui dis : « Je n’avais jamais pensé à cela. Je n’ai pas pensé que vous étiez un hérétique. Je sais que vous aimez le Christ et que vous cherchez à L’aimer. Vous êtes né dans l’église protestante et vous aimez qu’on vous parle du Christ. Au fond, vous n’avez jamais rejeté l’Eglise Catholique. Vous aimez les catholiques. Vous savez que je suis prêtre et que je suis dominicain, c’est visible. Et vous m’invitez. Cela prouve que vous ne mettez pas d’opposition ... » Les distinctions des théologiens, à ce moment là, sont extrêmement intéressantes : elles parlent de l’hérésie matérielle et formelle. On peut être né dans une famille protestante et donc être protestant, parce qu’on a été élevé ainsi, mais on n’a pas rejeté. C’est le cas d’une quantité de protestants. C’est ce que me disait Schulz. D’ailleurs, c’est beau de voir comment est né chez lui ce désir de l’œcuménisme. Il était d’une famille de pasteur à Genève. Comme il n’avait pas beaucoup de santé, on l’avait envoyé dans le Valais, dans une famille catholique. Or, il aimait beaucoup cette famille et, dans son cœur de gosse, il disait : « Tous aiment le Christ. Pourquoi sont-ils divisés ? » Et c’est à partir de là qu’est née son idée : « On ne peut pas rester dans la division : tous aiment le Christ ... » Parce qu’il aimait ces deux familles : sa famille selon la chair et le sang, son père pasteur, et l’autre famille qui l’avait reçu et qui l’avait enveloppé d’une chaleur plus forte et plus aimante, il ne pouvait pas les diviser dans son cœur d’enfant : toutes les deux lui parlaient du Christ, aimaient le Christ, et lui n’aimait que le Christ, il ne pouvait pas les séparer. Je parle ici de ce que représente, au point de départ, la rupture qu’il y a eu et qui a brisé la chrétienté occidentale. Cela a été une grande brisure. Quand on a chassé le démon d’une maison, il revient sept fois plus fort. Je crois que nous assistons à cela. Nous assistons à une attaqua nouvelle, très profonde, souterraine. Le démon revient sept fois plus fort. Vous retrouvez exactement les mêmes attaques à l’égard de l’autorité du Souverain Pontife. Alors, sept fois plus fort, c’est à l’égard de toute autorité : le meurtre du Père, c’est connu; à l’égard de l’obéissance : si on rejette l’autorité, on rejette l’obéissance. L’obéissance est complètement rejetée aujourd’hui, et l’obéissance religieuse à fortiori. La psychologie est là pour apporter de l’eau au moulin. Pourtant, toute autorité vient de Dieu. « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. » Et l’obéissance ne peut être gardée que dans l’amour.
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Regardez les attaques à l’égard de l’Eucharistie ! Ce sont les mêmes. On veut protestantiser l’Eglise à l’égard de l’Eucharistie et dire : « Oui, il y a une Présence Réelle, mais non la Transsubstantiation. Puisque nos frères séparés ne l’acceptant pas, n’en parlons plus ! » Sous le couvert de la charité, on veut supprimer la vérité. On ne veut pas aller jusqu’au bout du réalisme de la Présence. Alors, on dit : « Présence Réelle, c’est suffisant. » Non, l’Eglise a dit que ce n’était pas suffisant. La Présence Réelle implique le mystère de la Transsubstantiation. On n’a pas le droit de diminuer la vérité de Dieu. Et quand l’Esprit Saint veut qu’on aille jusqu’au bout, Il a raison. En diminuant le mystère de l’Eucharistie, on diminue le mystère du Sacerdoce. On ne veut plus regarder le Sacerdoce comme un Sacrement du Christ. On ne veut plus regarder le Sacerdoce comme ayant cette autorité divine sur la Corps du Christ. Le prêtre consacre au Nom du Christ et la toute-puissance de Dieu est engagée. On voudrait que ce soit la communauté chrétienne. Certes, il ne faut pas faire de séparation entre le prêtre et la communauté chrétienne. Le prêtre est au service de la communauté chrétienne, comme le Christ était entouré de ses Apôtres et de la foule. Mais il faut maintenir ce que représente ce mystère du Sacerdoce. C’est un mystère. Le Christ aurait très bien pu faire autrement. La manne ne passait pas par les lévites ; elle descendait directement de Dieu ; elle était pour la communauté et le peuple d’Israël. On voudrait que l’Eucharistie soit comme la manne : qu’elle nous soit donnée directement et gratuitement par Dieu, sans qu’il y ait l’intervention d’un prêtre. Or, Dieu veut qu’il y ait l’intervention d’un prêtre en vue d’une plus grande miséricorde, parce que, chaque fois que Dieu augmente ses instruments, c’est pour une surabondance de miséricorde. Evidemment, c’est plus extraordinaire. Dans l’ordre de la Sagesse de Dieu, c’est infiniment plus grand d’avoir réalisé le mystère de l’Eucharistie en se servant des hommes. On voit là les contradictions du démon. Le démon est toujours dans la contradiction, parce qu’il ne sait plus ce qu’est l’amour. On exalte l’homme aujourd’hui. Si on exalte l’homme, on devrait considérer que la chose la plus étonnante est que Dieu ait institué l’Eucharistie et le Sacerdoce, et l’Eucharistie par le Sacerdoce. C’est la plus grande exaltation de l’homme : se servir de l’homme pour faire une œuvre divine. La Consécration. On la supprime. Et on veut exalter l’homme indépendamment du Christ. L’exaltation de l’homme pour l’homme. Voyez la contradiction : si on était vraiment pour l’exaltation de l’homme, on devrait considérer que le moyen n’a pas d’importance. Or, on préfère les méthodes à la finalité. On veut que l’homme s’exalte lui-même par luimême et on n’accepte pas l’exaltation de l’homme par le Christ. Je crois que c’est la plus grande chose que le Christ ait donnée à l’humanité : l’Eucharistie et le Sacerdoce. Regardez le Curé d’Ars, le sens qu’il avait du Sacerdoce ! C’est cela que nous devrions avoir, quand nous sentons ces attaques. Non pas du tout pour une exaltation de nous36
mêmes : notre être doit reconnaître qu’il est un pécheur comme les autres. Le prêtre doit comprendre que, si le Christ lui a donné ce pouvoir merveilleux, extraordinaire, c’est pour Ses brebis. On voit bien l’attaque à l’égard de Marie, la bonne terre qui garde la Parole de Dieu. Marie, c’est la Tradition. Si on rejette Marie, on rejette la Tradition. Si on accepte Marie, on accepte la Tradition. Aujourd’hui, on voudrait la Parole de Dieu sans la tradition. C’était déjà vrai au moment du protestantisme. On écarte Marie, on écarte la Tradition. Et on prend la Parole de Dieu comme si elle était donnée directement. Voyez le retour à l’Ancien Testament ! Marie, c’est le renouveau, la reprise de tout, et c’est la Tradition. Aujourd’hui, tous voudraient être prophètes, tous voudraient recevoir la Parole de Dieu : des communautés de petits prophètes ! Au moment de la Réforme, même si on supprimait Marie et la Tradition, il y avait néanmoins un très grand sens de la Parole de Dieu. Qu’est-il arrivé ? On a isolé la Parole de Dieu de l’Eucharistie, isolé la Parole de Dieu de l’autorité, isolé la Parole de Dieu de Marie et de la Tradition. A ce moment là, la Parole de Dieu est livrée aux hommes et les hommes veulent en prendre possession. C’est là que nous touchons, je crois, l’attaque la plus perfide qui soit faite aujourd’hui, sans supprimer les autres : les hommes veulent posséder la Parole de Dieu avec leurs méthodes, historiques, philologiques, etc ... Ils veulent traiter la Parole de Dieu comme on traite n’importe quelle autre parole. Ils s’en font les propriétaires et, ce faisant, la Parole de Dieu ne peut plus être Parole de Dieu. La grande tentation du peuple d’Israël, au moment de la venue du Christ, était d’être propriétaire de la Loi. Et le grande tentation actuelle au niveau de l’Eglise chrétienne, de l’Eglise Catholique aussi bien que de l’église protestante, c’est que toutes les philosophies contemporaines dont se servent les nouveaux théologiens sont issues du protestantisme et qu’ils veulent s’en servir pour faire une nouvelle théologie. Au cœur de tout cela, il y a le rejet complet du mystère du Marie, du mystère de la Tradition, et on veut posséder la Parole de Dieu, pour qu’elle soit efficace. La Parole de Dieu est efficace, elle est vivante, mais d’une efficacité qui est une fécondité d’amour. Et on veut qu’elle soit efficace en l’adaptant pleinement au monde d’aujourd’hui. J’ai entendu quelqu’un dire : « L’Evangile est fait pour un milieu de paysans et de ruraux. Aujourd’hui, nous sommes en face d’un milieu d’ouvriers ; alors il s’agit de changer complètement le langage de l’Evangile, pour le rendre accessible aux ouvriers. » Vous voyez la prise do possession de la Parole do Dieu ... L’Evangile n’est pas donné à des ruraux, il n’est pas donné à des paysans, il n’est pas donné à des ouvriers, il est donné à l’homme, au cœur de l’homme. Il y a des paysans qui peuvent être aussi « encroûtés » que des ouvriers et l’inverse, et il y a des intellectuels qui peuvent être doublement encroûtés : pires que des ouvriers, pires que des paysans. C’est évident. On peut toujours s’envelopper des plumes du paon et oublier qu’on est un homme créé par Dieu, qui a besoin de la Parole de Dieu. 37
C’est pourquoi il est si important de revenir à la signification profonde de la Parole de Dieu, parce que le fondement est ébranlé. Ce sont vraiment les tremblements apocalyptiques que nous vivons actuellement. Les fondements sont ébranlés et le Saint Père l’a dit , parce qu’une fois qu’on touche à la Parole de Dieu pour en prendre possession, on ne peut pas aller plus loin. Vous voyez ce que le démon peut encore faire. Les trois nourritures sont contaminées ; on les a empoisonnées, pour qu’elles ne nourrissent plus. On ne veut plus de l’autorité, de l’obéissance : « N’obéissez plus, soyez libres, soyez vous-mêmes, soyez adultes ! ... » On ne veut plus le mystère de l’Eucharistie : « Oh, simplement symbolique, un beau symbolisme ... Magnifique, le repas. Extraordinaire, la Cène. On est ensemble. Comme on est bien ensemble ! ... » Tout cela serait très bien, s’il y avait la substance, s’il y avait la réalité profonde. Mais quand il n’y a plus que les réactions épidermiques, ce n’est plus la foi. Ce n’est plus le mystère. Et puis, en dernier lieu, on attaque la Parole. Alors, on touche le fondement. Il faut que nous soyons très lucides, que nous reprenions le sens de la Parole de Dieu, le sens de l’Eucharistie, le sens da la volonté du Père. D’une certaine manière, c’est magnifique de voir cela, parce que cela prouve qu’il y a des grâces extraordinaires dans le monde d’aujourd’hui. Car si Dieu permet que cela aille si loin et s’Il nous en donne la lumière, c’est parce qu’Il veut justement nous donner une grâce de renouvellement complet dans la foi, l’espérance et l’amour. Ce n’est pas facile, c’est rude, mais c’est magnifique.
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3ème conférence
Notre foi repose sur la Parole de Dieu. Comment l’interpréter ? Relativité des méthodes exégétiques. Confusion entre foi et engagement politique.
Je vous parlais ce matin, dans ce regard que nous devons avoir sur le Mystère de l’Eglise, du Bon Pasteur qui conduit son troupeau, ses brebis dans les gras pâturages. Et de cette attaque très perfide, très subtile du démon à l’égard de la Parole de Dieu. C’est d’autant plus impressionnant que lorsque nous regardons le début de la Genèse, nous voyons que la première tentation, décrite d’une façon assez symbolique, est à l’égard d’une Parole de Dieu. Le début de la Genèse est quelque chose de difficile à lire, c’est très archaïque, très beau. Ce ne sont pas des mythes. Faisons attention. On nous dit, aujourd’hui, que ce sont des mythes ! Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas de mythes. Ou bien, alors, il s’agit de mythes comme on l’emploie dans un certain langage très particulier. Même cela, on n’a pas le droit de le dire, car la Commission biblique a dit que les premiers chapitres de la Genèse impliquaient quelque chose d’historique. C’est bien évident, puisque ils regardent l’homme et la femme. Nous sommes des personnages historiques. Donc, ça nous regarde, et ça regarde le début de notre origine. Sans nous dire le comment, cela nous montre la finalité. Le propre de la foi c’est justement de nous demander de ne pas savoir le comment, mais de regarder la finalité. C’est pour cette raison qu’elle est toujours une épreuve. Nous voudrions constamment savoir le comment. Surtout dans une culture scientifique comme la nôtre. Et la foi réclame le dépassement du comment. Pour ne voir que la finalité. La science des tout petits ... Les tout petits s’occupent de la finalité, comme les très sages. Le comment est pour ceux qui veulent posséder. C’est l’esprit de possession. Quand on veut uniquement user et user parfaitement des choses, alors c’est le pourquoi qu’on se pose, c’est la finalité. Quand vous regardez le début de la Genèse, vous voyez la première tentation. C’est très curieux de constater qu’elle est justement à l’égard d’une Parole de Dieu. Le 39
démon veut arracher du cœur d’Eve le secret que Dieu a mis sur cette petite communauté : il y a un amour de Dieu s’exprimant par un commandement négatif. Vous savez que l’obéissance est particulièrement dure quand il s’agit de commandement négatif. Quand on vous dit « ne parlez pas », c’est un commandement négatif, évidemment. En réalité, c’est du positif. Ne parlez pas pour aimer plus. Mais vous ne comprendriez pas si l’on vous disait pendant la retraite : « aimez beaucoup, aimez beaucoup ! ». Si vous aimiez avec une très grande intensité, vous ne parleriez plus, c’est sûr ! Vous n’auriez plus du tout envie de parler. Quand on aime avec une très grande intensité, le silence suffit. Le silence exprime beaucoup mieux. Mais comme nous ne sommes pas parfaits, nous avons besoin du négatif en disant : vous ne parlerez pas. Quand Dieu dit : « vous ne mangerez pas de l’arbre de vie » c’est parce qu’il veut en réalité éprouver le cœur d’Adam et d’Eve, nos premiers parents, pour qu’ils aillent plus loin. Il faut toujours essayer de traduire les préceptes négatifs dans un appel positif. C’est très très important. Quand on ne regards que le négatif, on se casse le nez et ça ne va pas. Eve a très bien compris, du reste, car quand le démon dit : « Dieu vous a interdit de prendre des fruits des arbres du jardin », elle répond : « pas du tout, Dieu nous l’a permis, mais de tel arbre, Il nous l’a interdit ». Alors le démon reprend la Parole de Dieu en en donnant une « herméneutique ». Herméneutique est un mot grec qui veut dire interprétation. Tout simplement. Le démon interprète la Parole de Dieu. Et c’est très important de regarder son interprétation. Il essaie de détourner Eve de l’habitude d’obéissance, et de lui faire comprendre que la Parole de Dieu ne veut pas du tout dire ce qu’elle a compris dans sa foi. Le démon, autrement dit, veut interpréter la Parole de Dieu en renversant l’intention divine. Le démon agit au niveau des intentions. Vous n’avez pas compris du tout, ce n’est pas du tout cela que Dieu voulait dire ... Au fond, en réalité, Dieu a très peur que, du jour où vous aurez pris du fruit de cet arbre, vous deveniez comme des dieux, connaissant le bien et le mal ... Et donc le démon renverse l’interprétation qu’Eve avait comprise spontanément dans sa foi, pour donner une interprétation tout autre. Alors je me pose la question ... Je ne vous dis pas que c’est cela. Interrogez le Saint-Esprit. Je me pose la question de savoir si, ce qui se passe aujourd’hui, n’est pas très semblable à la première tentation. Le démon essaie de s’infiltrer dans l’intelligence de certains théologiens et de certains exégètes en leur disant : donnons une nouvelle interprétation de l’Ecriture. Jusqu’ici, on n’a rien compris du tout. On a été beaucoup trop naïf. Et le démon veut donner une nouvelle interprétation par les nouvelles méthodes. C’est très astucieux, vous savez. Le démon n’intervient pas directement. Mais il intervient par des méthodes d’ordre exégétique, qui reposent elles-mêmes sur certaines philosophies, et ces philosophies, si on les regarde de près, sont des philosophies idéalistes qui n’ont plus le réalisme de la foi. Alors ça renverse tout. Et 40
alors, à partir de ce moment-là, il y a comme une espèce d’opposition qui se fait. C’est très significatif. Ce serait très intéressant de regarder cela de près. Ce n’est pas le but de la retraite, je ne fais que le signaler. Parce que je crois que c’est très important de voir que les grandes attaques qui ont lieu aujourd’hui, dans l’Eglise, sont à l’égard de la Parole de Dieu, par le moyen de certaines méthodes, de certaines interprétations de la Parole de Dieu. Et tout y passe, parce que non seulement c’est la Parole de Dieu qui doit être revue dans une méthode exégétique, mais ce sont tous les dogmes. On demande cela existe dans certaines universités catholiques que toutes les chaires de dogme soient doublées de chaires d’herméneutique. Je vais vous donner un petit exemple, vous allez tout de suite comprendre. C’est facile à saisir ces choses-là, et c’est subtil, quand on veut en regarder le sens profond. Ça dépend de toute une philosophie idéaliste, qui reste idéaliste. Quand on ne comprend plus les conclusions, il faut regarder le point de départ. Vous allez tout de suite saisir : certaines œuvres d’art prenez les œuvres d’art égyptiennes le sphinx, ont une signification en fonction d’une certaine culture religieuse et d’une certaine culture humaine. Il est bien évident que quand vous regardez le sphinx vous ne comprenez pas tout à fait la même chose que les Egyptiens de ce temps-là quand ils le regardaient ... Le sphinx, pour eux, avait toute une signification religieuse. Alors que pour vous il n’en a plus, vous le regardez comme une œuvre d’art. Et donc il revêt une expression toute différente. C’est là où joue l’herméneutique en disant : « une œuvre d’art ne peut se comprendre qu’en fonction de son contexte ». C’est vrai. C’est très vrai. Une œuvre d’art ne peut se comprendre qu’en fonction de son contexte, du moins certaines œuvres d’art. Parce que je crois que même dans la signification des œuvres d’art, il y a quelque chose qui dépasse le contexte, qui touche l’homme, qui atteint l’homme de tous les temps. C’est ce qu’on appelle justement le grand art classique. L’art classique est celui qui dépasse le contexte d’un milieu et qui atteint l’homme. Mais il est évident que les œuvres d’art moyennes il en est beaucoup sont dépendantes de leur contexte historique. Et donc de la culture de l’artiste et du milieu dans lequel il les a réalisées. Elles s’inscrivent à telle époque. Si l’on est un tout petit peu sensible à l’art, on reconnaîtra tout de suite un tableau : ah oui, c’est de telle époque ! Je la connais bien ! Et on pourra même arriver à distinguer assez facilement l’art de tel pays et de tel autre pays. Je me souviens de cette exposition très intéressante qui avait eu lieu à Paris, où était démontré le parallélisme de l’art chinois et de l’art grec. Il s’agissait des mêmes époques. Il est évident que nous sommes plus habitués à l’art grec, où l’on arrive encore à distinguer. Dans l’art chinois on est un peu plus perdu. On a plus de peine à discerner. 41
C’est intéressant de voir le parallélisme de ces deux cultures. On reconnaît l’art par les expressions tout à fait différentes de culture, parce que l’art exprime une culture. Si l’on considère que la parole est une oeuvre d’art (et elle l’est, c’est vrai. C’est une œuvre d’art que la parole. Ce n’est pas seulement une œuvre d’art parce qu’elle est faite premièrement pour communiquer ce que nous pensons. Mais c’est quand même une œuvre d’art. Surtout pour le poète qui s’en sert comme d’une matière pour exprimer un tas de choses. Il peut y avoir toute une conception philosophique considérant la parole uniquement comme une œuvre d’art) à ce moment-là on s’arrête à la parole, à l’étymologie de la parole, beaucoup plus qu’à son usage. Et l’on regarde la parole pour elle-même. Alors on va faire une herméneutique de la parole, comme pour les œuvres d’art. Et, à partir de là, on va l’appliquer à la Parole de Dieu. Mais est-ce que la Parole de Dieu est une œuvre d’art ? Ou est-elle autre chose ? La Parole de Dieu nous communique premièrement une révélation :
« Le ciel et la terre changeront, Ma Parole ne changera pas. » Le ciel et la terre changent. La Parole de Dieu ne change pas. Il y a en elle quelque chose qui nous met en union avec une vérité dépassant les lieux et le temps, qui nous met en communion avec une vérité éternelle : le Mystère même de Dieu. N’est-ce pas cela le propre de la Parole de Dieu ? La Parole de Dieu a bien quelque chose de semblable à toutes les autres paroles. En ce sens que Dieu n’a pas inventé un nouveau langage qui serait une parole divine. Non. Il aurait pu très bien inventer un nouveau langage. Dieu s’est servi de l’hébreu, du grec, du latin, et Dieu se sert de toutes les langues, ça ne le gêne pas beaucoup ! Il les connaît toutes, n’est-ce pas ! Si l’art est petite fille de Dieu, comme dit Dante, la parole est aussi petite fille du Verbe, et toutes les paroles, toutes les langues proviennent de Dieu, en définitive, mais en passant par l’homme, puisque c’est l’homme qui les a inventées. C’est merveilleux de voir que Dieu se sert de notre langage humain, qu’il s’agisse de l’hébreu, du grec ou du latin. Dieu s’en sert pour communiquer quelque chose de nouveau. Dieu ne change pas la grammaire ! Il se sert du latin, mais Il ne donne pas de code, disant « il faut vous servir du latin de telle manière ... ». Il n’a pas changé la signification normale des mots. Mais Dieu, en se servant du prophète, en se servant de l’homme inspiré, va communiquer à travers la parole humaine une signification nouvelle. Il y a une nouvelle intention. Les mots ne sont pas changés, mais Dieu veut nous communiquer quelque chose de plus. Dieu veut nous faire entrer dans quelque chose de plus profond. Il veut nous faire entrer dans la Révélation de Son Mystère. Et c’est cela le propre de la Parole de Dieu. Quand Dieu dit qu’il est Père, il veut exprimer quelque chose donnant au mot « Père » une signification toute nouvelle. Il ne s’agit pas de la paternité selon la chair et le sang. Il s’agit de quelque chose de nouveau. Quand Dieu dit 42
qu’il est Lumière, Il veut donner au mot « Lumière » une signification toute autre. La lumière prend une nouvelle signification parce qu’elle exprime le Mystère de Dieu. Ceci, le croyant le comprend tout simplement. Il sait que Dieu nous éduque en nous parlant. Et que Dieu nous conduit à son Mystère et nous révèle son Mystère en nous parlant et en prenant le langage de tout le monde. Alors il est bien évident que Dieu se sert d’Isaïe autrement que de Jean. Il est évident que, dans l’Ecriture, le Livre des Nombres ce n’est pas tout à fait le Cantique des Cantiques ! Et vous ne lisez pas de la même manière ces deux textes sacrés ! A moins que vous, ne soyez complètement abruti, et alors vous ne comprenez rien du tout. Vous prenez le Livre des Nombres, puis vous lisez le Cantique des Cantiques et vous dites : pour moi, c’est la même chose. Tout cela c’est la Parole divine ! Soyez un peu intelligent pour Dieu, car Il désire que vous soyez un peu intelligent pour Lui. C’est vrai qu’il y a des faits différents, des auteurs différents, et que Dieu a communiqué sa Parole à travers une succession d’années et de cultures, ce qui est très extraordinaire. Il y a la grande période hellénistique où l’on voit qu’à travers les prophètes sémites perce une influence grecque. C’est normal. On voit, au début de la Genèse, que Dieu s’est servi de traditions tout à fait primitives, très simples. Dieu a décanté ces traditions tout à fait primitives pour leur donner une signification beaucoup plus profonde, allant beaucoup plus loin. C’est merveilleux de voir comment Dieu se sert de toute cette diversité du peuple d’Israël. Abraham n’est quand même pas Isaïe ... Abraham n’est pas Jean-Baptiste ... Et pourtant ils sont liés. Dieu se sert de toute cette diversité avec une intention qui est toujours la même : révéler Son Mystère et Sa Vérité. Ce qui est intéressant, pour le croyant, ce qui importe pour lui, c’est de retrouver, en premier lieu, cette intention divine. C’est cela qui intéresse le croyant et c’est cela que les théologiens du Moyen Age ont recherché je pense à Saint Thomas ainsi que tous les Pères de l’Eglise, quand il se posent cette question, très classique au Moyen Age, très belle : « L’Ecriture a-t-elle un sens unique, ou en a-t-elle plusieurs ? » Parce qu’ils voyaient bien qu’il y avait des zones différentes dans lesquelles on pouvait pénétrer. La Parole de Dieu a des richesses beaucoup plus grandes que la parole humaine. Vous voyez cela déjà pour une parole poétique : elle a une signification extraordinaire, surtout quand elle est employée par un grand poète. Elle se laisse plus ou moins pénétrer parce que c’est un langage symbolique, et que le langage symbolique, par définition, n’a jamais qu’une seule signification. Il en a toujours plusieurs. Or Dieu, constamment, prend un langage symbolique, pour ne pas donner les perles aux pourceaux. Les pourceaux ce sont ceux qui ne regardent qu’un seul sens : le sens matériel, sans comprendre. Alors, pour bien cacher les perles, Dieu emploie justement un langage symbolique, multiple, caché, qui fait qu’on pénètre de plus en plus dans Sa Parole.
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Au Moyen Age je prends ce que dit Saint Thomas les théologiens comprenaient très bien que Dieu parlait non seulement en se servant de la parole humaine, mais aussi en se servant des hommes et des réalités. Et c’est pour cela qu’ils disent toujours qu’il y a comme une double signification ou comme une double zone de signification, un premier sens littéral ou historique, et un sens spirituel. Le sens littéral ou historique, c’est ce que la parole exprime, ce que la parole dit, et elle dit, à l’égard de certaines réalités, que ces réalités elles-mêmes sont porteuses d’une nouvelle signification : c’est le sens spirituel de l’Ecriture qui repose sur le sens premier, parce que Dieu parle non seulement en se servant de la langue humaine, mais également des événements. Et c’est pour cela qu’on disait que le peuple d’Israël était préfiguratif du Mystère de l’Eglise. Et donc tout ce qui est dit du peuple d’Israël peut exprimer le sens de l’Eglise. Et cela c’est le sens spirituel. L’Eglise exprime elle-même le Mystère de la Gloire. C’est encore le sens spirituel. Pour Saint Thomas, le sens historique ou littéral, c’est ce que l’auteur principal veut nous transmettre, son intention profonde, en se servant de ses multiples instruments. Et l’auteur principal de l’Ecriture, c’est l’Esprit Saint. Les auteurs seconds ce sont les instruments de Dieu. Ce sont les instruments de l’Esprit Saint. C’est Isaïe, Ezéchiel, Jean, Marc, Matthieu, Luc ... C’est très important de se rappeler que le chrétien doit, dans sa foi, comprendre que, par la Parole révélée, il est en liaison profonde avec l’auteur principal. Quand vous lisez Isaïe, ce n’est pas premièrement pour être en contact avec Isaïe, c’est premièrement pour être en contact avec l’Esprit Saint. Et, à travers Isaïe, entrer dans le Mystère de Dieu. Cela nous le faisons spontanément. Quand vous lisez les Psaumes, ce n’est pas premièrement pour essayer de comprendre la louange du psalmiste, David ou un autre, mais c’est premièrement pour être éduqué par l’Esprit Saint qui, par les Psaumes vous donne une âme de louange. Quand vous lisez le Magnificat, c’est pour être avec Marie et en Marie sous l’influence de l’Esprit Saint, pour chanter le Magnificat comme l’Esprit Saint désire que vous le chantiez. Essayez d’entrer, par le mystère de la foi, en communion profonde avec l’intention de l’auteur principal. Je sais très bien que ce n’est pas commode parce qu’on peut imaginer. Et c’est là où le Saint-Esprit nous purifiera. Et c’est là où la Tradition de l’Eglise nous aidera à nous purifier. L’exégèse contemporaine... quel est son souci principal ? C’est quand même intéressant de se le demander. Je sais très bien qu’il est multiple et divers. Parce qu’il n’y a pas qu’une seule méthode exégétique. Quand on se trouve avec des exégètes, on sait qu’il y a de multiples méthodes exégétiques. Et quand on fait un travail avec tel exégète et que c’est tel autre qui le corrige, et qui n’est pas de la même école, on a une très mauvaise note. C’est normal. Cela existe dans tous les domaines. La méthode exégétique n’est pas du tout unique. Elle est multiple. Ecoutez le Père Feuillet, écoutez le Père Braun, écoutez d’autres exégètes contemporains, vous verrez que ce n’est pas tout à fait la même chose, c’est même très différent. 44
Alors il faut essayer de comprendre et de relativiser ce que représentent les résultats de l’exégèse, qui sont toujours des résultats concernant l’opinion. Rien de plus. La foi atteint, à travers la Parole de Dieu, l’absolu. On ne construit pas son opinion. Les exégètes sont de bons serviteurs. Ce sont d’excellents serviteurs, comme les théologiens, du reste. Ils font la cuisine. Ils sont au sous-sol. C’est très très bon. Surtout s’ils n’empoisonnent pas. C’est avant tout ce qu’on leur demande parce quand ils empoisonnent, on reçoit le mets, on le prend et puis on est empoisonné ! Et ça ne va plus du tout. Ils doivent être de bons serviteurs. Il faut faire attention. Ils sont de bons serviteurs dans la mesure où ils sont en conformité avec la volonté du Père ; dans la mesure où ils sont en conformité avec le Mystère de la Parole de Dieu gardée dans le cœur des saints. Le Père Feuillet n’hésite pas à dire qu’un bon exégète doit tenir compte de la manière dont la Parole de Dieu a été gardée à travers tous les saints. Et il ajoute : même de la petite Thérèse de l’Enfant-Jésus. Un bon exégète devrait tenir compte de cela puisqu’il interprète la Parole de Dieu gardée à travers la Tradition. Et les saints font la Tradition. Et les saints vivent de la Parole de Dieu. Les saints sont la bonne terre. Les saints ont compris la Parole de Dieu plus profondément que ne le comprennent des serviteurs. C’est très important de se rappeler cela. Nous appartenons à une famille et dans cette famille il y a des saints. Et ce n’est pas pour rien que l’Eglise les a sanctifiés. Si l’Eglise a dit qu’ils étaient saints, c’est pour qu’on puisse se mettre à leur école. C’est pour qu’on puisse justement s’aider d’eux, saisir qu’ils ont mieux compris la Parole de Dieu que beaucoup d’autres. C’est pour cela qu’il vaut toujours mieux lire les écrits des saints plutôt qu’autre chose. Quand les saints sont très intelligents, qu’ils sont théologiens, c’est merveilleux. Ils nous aident beaucoup parce qu’ils ont la force étonnante de la Parole de Dieu. Quand vous lisez le commentaire de Saint Thomas sur Saint Jean, je vous affirme que c’est quelque chose de très grand. (Il y a un inconvénient, c’est qu’il n’est pas traduit. Il reste en latin, c’est ennuyeux pour ceux qui ne le connaissent pas. On a traduit la Somme, mais pas le Commentaire sur Saint Jean). Et c’est pourtant là où l’on découvre le vrai théologien. C’est là qu’on découvre celui qui n’avait pas d’autre but que de regarder la Parole de Dieu et d’en vivre. D’en vivre en profondeur. Le théologien est celui qui vit la Parole de Dieu, avec le souci d’être toujours en conformité avec la Tradition de l’Eglise : la grande Tradition. Car dans la Tradition il peut y avoir de petits courants différents. C’est normal. Ça n’a pas d’importance. Ce qu’il faut c’est justement essayer de pénétrer toujours plus avant, pour entrer toujours davantage dans l’intention de l’Esprit Saint. Le vrai théologien est toujours prêt à dire « si ce que j’ai dit est contraire à la Tradition, je m’en remets immédiatement à ce que représente l’enseignement de l’Eglise ». Il faut toujours être prêt à cela. Toutes les interprétations que nous donnons, il faut les brûler pour qu’elles soient conformes à l’Esprit Saint. Les brûler en ce sens qu’on ne doit pas les 45
garder en disant « c’est cela la vérité, il n’y a que cette vérité parce que je vous affirme que c’est moi qui l’ai inventée ... ». A ce moment-là, on se met à la place des instruments de Dieu, on se met à la place du Saint-Père. On se met à la place de ceux qui sont les gardiens de la vérité et de la Parole de Dieu. Ce ne sont pas les théologiens qui ont fonction de garder la Parole de Dieu. Ce sont les saints. Ce sont eux qui sont la bonne terre. Il n’est dit nulle part « ce seront les docteurs de l’Eglise qui garderont la Parole de Dieu ». Les théologiens, aujourd’hui c’est un orgueil théologique parce que justement ils veulent posséder la Parole de Dieu voudraient être jugés par leurs pairs. Ils oublient que c’est l’Eglise qui est gardienne de la Parole de Dieu, et non pas eux. On leur demande d’être intelligents pour Dieu. On leur demande d’être des serviteurs. De travailler, de travailler le plus possible. De connaître. Ils doivent faire cela. Ils doivent piocher, enlever les cailloux, les mauvaises herbes. Ils doivent travailler très profondément et toujours avec un désir de se conformer à ce que représente l’enseignement de l’Eglise. Et l’Eglise leur demande de faire de petites découvertes. C’est magnifique ! C’est merveilleux de faire de petites découvertes dans l’Ecriture. Mais ces petites découvertes doivent toujours être conformes à l’enseignement actuel de l’Eglise. Et si l’Eglise ne les confirme pas, on peut dire « oui ... je crois que c’est cela, j’espère que c’est cela. Je crois que ça va dans ce sens-là. Je ne peux pas vous en dire plus. Demandez au Saint-Esprit de vous éclairer ... ». Je crois que l’œuvre du serviteur est très importante. L’exégète, le théologien est le serviteur de la Parole de Dieu. Il met toute son intelligence au service de la Parole de Dieu, en se servant de diverses méthodes. Comme je vous le disais : il y a de multiples méthodes dans l’exégèse. Je ne peux pas vous les rappeler toutes ... Et puis toujours ça s’invente. Il y a trente ans, il y avait moins de méthodes que maintenant. Mais ça s’ajoute tout le temps. Dans dix ans, il y en aura encore de nouvelles. Il ne faut pas s’inquiéter, c’est normal cela. Cela fait partie d’une certaine relativité. Notre foi ne repose pas là-dessus. Notre foi repose sur la Parole de Dieu. Elle ne repose pas sur les conclusions des exégètes. Elle repose sur la Parole de Dieu gardée dans l’Eglise par la Tradition des saints. Les méthodes exégétiques contemporaines sont presque toutes orientées à regarder le contexte historique dans lequel telle parole est apparue. Ça c’est très net et intéressant. Mais ce n’est pas l’intention de la cause principale. L’intention de la cause principale n’est pas de se conformer à la mentalité des gens dans laquelle se trouve le prophète. Le rôle de l’Esprit Saint n’est pas de s’adapter aux hommes. Le rôle de l’Esprit Saint est de faire grandir les hommes jusqu’à Dieu. L’Esprit Saint est infiniment suave, merveilleusement. Fortiter de l’Esprit Saint et suaviter de l’Esprit Saint. Il a une suavité merveilleuse. De temps en temps Il est fort, Il est souvent très suave, donc Il ne brisera pas inutilement. 46
Mais l’Esprit Saint veut toujours que nous allions au-delà de ce que nous pensons selon nos convenances et notre culture humaines. Regardez ce qu’il dit à Abraham, c’est très significatif : « Sors de tout ce qui t’est connaturel ». Voilà ce qu’il demande. La foi demande d’aller toujours au-delà de notre culture. La foi n’est jamais identique à notre culture. Jamais. Autrement ce n’est plus la foi. Abraham appartenait à une grande culture. La culture de cette époque était la plus grande culture. Sors de tout cela et va vers une terre promise. L’Esprit Saint veut qu’Abraham, cet homme de 75 ans, qui avait quand même bien mérité d’avoir un peu de repos, se mette en route. Dieu fait de lui un nomade. Alors qu’il appartenait à une culture profonde, Dieu veut qu’il se dépouille ... « Sors de tout ce qui t’est connaturel ». Donc il faut sortir de tout ce qui nous est connaturel pour aller vers la terre promise. C’est cela le propre de la foi. Aujourd’hui, je crois que la tentation la plus grande qui existe au niveau de la foi est de confondre foi et politique. (C’est la même chose par rapport à l’exégèse, les deux choses tiennent, c’est assez normal. La conception qu’on a de la Parole de Dieu dépend de la conception de notre foi. Puisque la foi et la Parole de Dieu sont relatives l’une à l’autre. Et donc la conception qu’on se fait de la foi, et la conception qu’on se fait de la Parole de Dieu se tiennent). Telle est je crois la plus grande confusion aujourd’hui, qui se fait relativement à la foi : c’est de vouloir identifier la foi et la politique. On veut que tout croyant s’engage politiquement. Que tout prêtre, que tout religieux s’engage politiquement et fasse dans le monde une profession de foi pour tel ou tel candidat. Voilà ce qu’on voudrait, n’est-ce pas ? Si vous êtes attentifs, vous voyez bien que ce n’est pas précisément ce que Notre Seigneur nous dit : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Jésus n’a pas joué un rôle politique. Je crois que c’est pour cette raison qu’on l’a rejeté. Il aurait eu des hommes avec Lui s’il avait joué un rôle politique. Il aurait eu des partisans. Dès qu’on est partisan, on a une troupe derrière soi. Jésus n’a pas voulu jouer un rôle politique. Il a voulu être l’Envoyé de Dieu pour rappeler la mission divine de l’Amour. Pour faire comprendre aux hommes qu’ils étaient faits pour « être enfants de Dieu ».
« Mon Royaume n’est pas de ce monde ». Un rabbin que je connais bien, très intelligent, disait que pour lui c’était la parole la plus incompréhensible de toute l’Ecriture. Il disait : « Pour nous, en tant qu’Israélites, c’est incompréhensible. Le Royaume de Dieu n’est pas de ce monde ... Parce que pour nous le royaume de Dieu EST ce monde. La gloire de Dieu, c’est la gloire d’Israël. Et donc son royaume doit être de ce monde. » Puis il a ajouté, en se tournant vers moi : « L’Eglise catholique commence à comprendre ! ... ». Et nous voyons très bien qu’aujourd’hui la théologie et ça a commencé par l’Allemagne depuis déjà un certain 47
nombre d’années, et la France, du point de vue théologique, est à la remorque de l’Allemagne nous voyons que la théologie devient une théologie politique. « L’Eglise catholique commence à comprendre » ! Donc nous pourrons peut-être nous retrouver là. Et nous pourrons ensemble faire œuvre politique, si nous avons les mêmes options. Or il semble bien que l’Eglise catholique tende vers ces options politiques qui sont à peu près les mêmes que les nôtres ... A ce moment-là nous pourrons nous retrouver ensemble. Nous aurons la même option politique ... Comme c’est significatif. Le rabbin disait cela sans méchanceté, au contraire, avec une très grande bonté. Je le recevais, moi, d’une autre manière. J’essayais de lui faire comprendre que ce n’était pas l’option de l’Eglise catholique, mais celle de certains théologiens qui identifiaient la foi et la prudence. Dès lors, la foi devient uniquement un engagement temporel, un engagement politique. Alors que, profondément, la foi, selon toute la Tradition de l’Eglise, est premièrement une adhésion au Christ, qui est le Fils de Dieu. Le Christ n’est pas premièrement un homme politique. Jésus est avant tout l’Envoyé du Père pour nous, le Sauveur. Et notre foi nous permet d’adhérer à Lui. Que notre foi éclaire notre prudence politique, c’est bien évident ! Mais pas directement. La foi est premièrement un lien avec le Christ. Vous comprenez très bien que si vous identifiez la foi et la prudence politique, si la foi devient uniquement un engagement temporel, la Parole de Dieu, alors oui, c’est très simple, doit être comprise de manière diverse selon chaque époque. A telle époque le prophète demandait tel engagement politique, à une autre époque la Parole de Dieu nous engagera d’une autre manière … Je vous donne, à titre d’exemple, pour que vous compreniez ce qui se passe aujourd’hui, la petite interprétation qui m’a été faite directement par un théologien. (Quand nous regardons l’Apocalypse, nous pouvons avoir un double regard, et je vous indique lequel nous prenons, pour que nous soyons tout à fait dans la loyauté). Il s’agissait de montrer comment l’Eglise devenait démocrate : ce que je n’aime pas du tout, du reste, comme expression c’est faux. L’Eglise est au-delà de tous les régimes. L’Eglise est de Dieu, elle est du Christ. Elle passe à travers les hommes, elle n’est pas démocratique. Voyez c’est toujours la même chose. « ... l’Eglise doit être démocratique, parce que le pouvoir vient d’en bas ... ». A la fin de la conférence, quelqu’un a levé la main demandant une petite explication : « Mais comment expliquez-vous ce passage si important dans Saint Jean où Jésus, face à Pilate, lui dit : ‘Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s’il ne t’était venu d’en haut’. L’interpellé a simplement répondu : oh cela, c’est une question d’herméneutique ! Qu’est-ce que vous voulez dire ? Mais oui, du temps de Pilate, le pouvoir venait d’en haut, puisque c’était César. Donc il était d’en haut. Aujourd’hui, Jésus aurait dit : ‘Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s’il ne t’était venu de la base’ ».
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Vous avez la transformation. C’est très gros, n’est-ce pas ! Je ne dis pas que l’herméneutique soit toujours cela. Mais cela a été dit par un théologien qui a fait beaucoup parler de lui, et qui a un certain impact sur tout un groupe d’étudiants. Voilà la manière d’interpréter une parole dite à telle époque, en fonction de César. Et voilà la parole telle qu’on devrait l’interpréter aujourd’hui, en fonction de notre culture. On interprète la Parole de Dieu en fonction d’une culture. Alors que le propre de la Parole de Dieu et le propre de la foi, c’est de nous faire dépasser la culture, de nous faire dépasser ce que représente notre conditionnement humain. Voyez comme c’est grave ... parce que, petit à petit, on perd la foi. Cela c’est la grande tactique du démon : nous conduire au désespoir. Et faire que la Parole de Dieu ne soit plus une nourriture, qu’elle devienne une parole qui ne nourrisse plus, comme le pain. Il y a des pains qui ne nourrissent plus, aujourd’hui ... tandis qu’il y a encore du bon pain. On trouve encore du bon pain dans le Valais. On a du pain entier. L’autre jour, en Auvergne, il y avait du bon pain de paysan, c’était merveilleux ! On peut très bien se nourrir uniquement de ce pain-là, avec un peu de lait, mais on n’en trouve plus de ce pain ... C’est très significatif ce qu’on voit : le pain n’est plus le pain. Il ne nourrit plus. Il a très belle apparence, c’est tout. Ce n’est plus le pain. Tout est falsifié. Et quand on falsifie la nourriture, on sait très bien à quoi ça aboutit ! On s’anémie et puis on est bon pour le cancer au bout d’un certain temps, c’est fatal. Tout cela provient de ce qu’il n’y a plus cette nourriture normale pour se fortifier. Le démon est astucieux. Il est malin. Il roule tout le monde. Il plus malin que les théologiens. Si les théologiens veulent uniquement faire quelque chose d’intelligent, ils sont battus d’avance. S’ils ont la foi, s’ils la mettent au-dessus de tout, ils ont une arme divine et le démon ne peut rien contre eux. La foi donne le sens de la Parole de Dieu. Parce qu’on sait que Dieu nous donne cette Parole pour orienter, éduquer, enseigner notre intelligence et nous permettre d’aller vers Lui. Regardez toujours l’intention de l’auteur principal. C’est très bien ces études exégétiques si on a le temps de les faire. Quelquefois ça peut être une distraction : regarder attentivement tout le contexte historique, comme un bon historien. La Parole de Dieu implique un contexte humain. Ce que Catherine de Sienne appelle « l’écorce ». Elle dit : « Si vous êtes intelligent, lorsque vous êtes en face d’une noix, vous ne regardez pas l’écorce, surtout si la noix est encore verte. Mordez à pleines dents dedans, vous verrez ce que ça fait ! On casse la noix pour avoir la moelle ». Elle dit cela avec son langage à elle, mais elle saisit très bien que c’est la moelle qu’on veut: L’intention profonde de l’auteur principal. Qu’est-ce que Dieu veut me dire quand Il me parle ? La Parole de Dieu n’est pas n’importe quelle parole. C’est une Parole divine. Et si Dieu me la donne, c’est pour que je la reçoive avec amour, pour que je la reçoive avec foi et que ma foi s’en nourrisse. Il 49
faut me nourrir de la moelle. Si on ne se nourrit que de l’écorce, on n’atteint pas la Parole de Dieu, on la ramène à toutes les autres paroles. On ne regarde que l’aspect extérieur. Je crois que c’est cela le caractère le plus subtil de la lutte du démon aujourd’hui : s’il n’y a plus la Parole de Dieu, profonde, notre foi s’anémie, et nous ne pouvons plus prêcher l’Evangile. Puisque chacun a sa conception de la Parole de Dieu, il n’y a plus cette unité profonde qui unit les chrétiens dans la Parole de Dieu. Il est bon de regarder l’Apocalypse dans cette lumière. Et non pas d’une façon purement historique. L’Apocalypse dépasse absolument ce caractère historique. L’Apocalypse doit être vue comme une Parole divine, qui nous est donnée dans l’extase de Jean, comme une Parole qui a une intention très particulière, pour illuminer notre intelligence, fortifier notre espérance, et nous permettre d’aimer plus. C’est-à-dire d’être plus unis au Mystère de l’Agneau. Il faut lire la Parole de Dieu, et donc l’Apocalypse, dans ce sens-là. C’est ainsi que nous la lirons. Je ne veux pas faire une exégèse scientifique de l’Apocalypse. Il y en a des quantités. J’ai lu le Père Allo, ne vous inquiétez pas ! Mais quand on lit l’exégèse scientifique du Père Allo, par exemple, on voit que c’est une bonne exégèse ; il rassemble des quantités d’opinions, c’est tout. Ça ne nourrit pas. C’est très intéressant du point de vue information, si on a le temps de le lire c’est parfait. Mais l’Apocalypse n’a pas été donnée pour que les exégètes en fassent ces interprétations. Pourquoi Dieu donne-t-il cette extase de Jean ? Posez-vous la question. Quelle est l’intention profonde de Dieu ? Donne-t-il l’Apocalypse pour qu’elle soit reçue en premier lieu par les exégètes ? Pour qu’elle soit la pâture des exégètes et leur permette des quantités de thèses ? Ce n’est pas pour cela que l’Apocalypse est donnée. Qu’il y ait cela : très bien. Je ne m’y oppose pas. Il faut bien que les étudiants aient des sujets de thèse, sinon il ne pourrait plus y avoir de docteurs ! Ni de licenciés ! Il faut bien ce travail de laboratoire. Mais laissons le laboratoire. L’Apocalypse nous est donnée pour que nous, les croyants, nous vivions, pour que nous progressions. L’Apocalypse est au-delà d’un regard historique, bien qu’elle soit historique aussi. Mais elle est transhistorique. Elle est historique comme toute Parole de Dieu. Saint Thomas identifie le sens littéral et le sens historique. C’est très extraordinaire. Et il a raison parce que la Parole de Dieu a toujours un sens historique et jamais purement symbolique. Ce sens historique, c’est le propre du symbole divin qui regarde quelque chose de très concret. La Parole de Dieu conduit au Mystère du Verbe devenu chair. Et le Verbe devenu chair, c’est le Mystère du Christ, historique. Et tout ce que Jésus a fait est historique. Il est bien évident que la Parole de Dieu, et surtout l’apocalypse, a un sens qui dépasse le sens historique. Jean n’a pas fait un livre d’histoire. Il n’a pas voulu raconter une période de l’Eglise. L’Apocalypse est vraie pour toute la durée de l’Eglise. Elle était vraie au moment où Jean l’écrivait. Elle était vraie au 50
moment des Pères de l’Eglise. Elle était vraie au moment où vivait S. Thomas. Elle était vraie au 17ème siècle. Elle est vraie aujourd’hui. J’allais dire : elle est de plus en plus vraie. Je crois qu’on a le droit de dire qu’elle est encore beaucoup plus vraie pour nous maintenant que pour le Moyen Age. Et pourtant le Moyen Age la considérait comme vraie. Cela est propre à la Parole de Dieu. Mais un historien ne peut pas le faire. Il peut raconter des choses très intéressantes sur une période donnée. Il peut raconter avec beaucoup d’art, et d’une certaine manière, telle histoire du 112ème siècle peut éclairer ce qui se passe maintenant. Ce qui s’est passé du temps de S. Irénée peut très bien nous éclairer sur ce qui se passe actuellement. On peut dire qu’il y a eu une gnose et que nous avons une nouvelle gnose. Très très bien tout cela ! C’est vrai, partiellement. Ce n’est pas entièrement vrai. Parce que l’histoire du Moyen Age n’est pas notre histoire. L’histoire qui s’est passée du temps de S. Irénée n’est pas ce qui se passe maintenant. Donc ce n’est que partiellement vrai. Il y a quelque chose dans notre monde d’aujourd’hui, à notre époque, qui est unique. Quelque chose que nous devons vivre et que nous devons essayer de comprendre. L’Apocalypse reste vraie pour toute l’histoire de l’Eglise. C’est cela qui est extraordinaire. C’est pour cela qu’il ne faut pas annexer l’Apocalypse au temps de Néron. On dit que c’est pour les grandes persécutions du temps de Néron que Jean a écrit cela. Oui, c’est vrai. Mais c’est encore beaucoup plus vrai pour nous maintenant. L’Apocalypse n’est pas passée. L’Eglise ne nous a pas dit : « Maintenant nous sommes à un temps post-apocalyptique ». Non, au contraire, le Saint-Père a dit : « Nous vivons les tremblements apocalyptiques ». Ce qui prouve que le Saint-Père trouve que nous vivons quelque chose qui est assez mouvementé et assez secoué et que la lutte est suffisamment grande pour nous demander si ce ne sont pas les dernières luttes. Ce qui est possible. Donc il faut bien saisir ce regard sur l’Apocalypse. Ce n’est pas commode. Seul le croyant peut l’avoir. Quelqu’un qui n’a pas la foi et qui lit l’Apocalypse trouve cela merveilleux du point de vue symbolique. C’est d’une richesse symbolique extraordinaire. Pour le croyant c’est quelquefois un peu encombrant. Il y a tellement de symbolismes qu’on voudrait tout comprendre. Non. Ne cherchez surtout pas à tout comprendre dans l’Apocalypse. Relisez-la indéfiniment. Si vous avez quelques petites lumières, c’est merveilleux. C’est ce qu’on essaiera de faire pendant la retraite : avoir quelques petites lumières, en suppliant le Saint-Esprit de nous les donner. Mais il ne faut surtout pas tout comprendre : « Maintenant j’ai compris l’Apocalypse ». Non. Nous sommes toujours à gratter la terre pour que jaillisse la source. Voyez ce que la Très Sainte Vierge demandait à Bernadette : « Grattez la terre pour que la source jaillisse ». Eh bien, c’est cela que nous faisons : Nous grattons la terre pour essayer d’entrer dans la grande intention de Dieu et de saisir ce qui nous est donné. 51
C’est pourquoi nous ne pouvons pas non plus expliquer l’Apocalypse en regardant les apocalypses de l’Ancien Testament. Cela aussi c’est une petite manie exégétique. C’est très normal du point de vue méthode scientifique : vouloir comprendre le Nouveau Testament en fonction de l’Ancien. Mais ça va très loin. Je me souviens d’un professeur illustre (que je ne nomme pas par charité) qui disait au cours d’une conférence : « Vous ne comprenez rien à l’Ancien Testament si vous ne connaissez pas l’hébreu. Vous ne comprenez rien au Nouveau Testament si vous ne connaissez pas l’Ancien ». Il restait que la plupart des étudiants qui se trouvaient là n’avaient rien compris du tout ... Pour l’Ancien Testament, il faut connaître l’hébreu, c’est évident. Et avec l’hébreu, toute l’histoire. Et toute l’archéologie. Il faut connaître tout cela ! Et si vous ne connaissez pas l’Ancien Testament vous ne pouvez rien comprendre au Nouveau. Pauvres de nous ! Pourquoi l’Eglise nous dit-elle de regarder un tout petit peu l’Ecriture et de lire l’Evangile ? Heureusement que dans le fond de la classe il y avait un dénommé Père Dreyfus, converti en captivité, qui s’était fait dominicain, et qui lisait l’hébreu couramment. Il a levé la main : « C’est très bien ce que vous dites. Mais comment se faitil que quantités de gens qui savent l’hébreu ne croient pas dans le Christ ? Vous ne pouvez pas répondre en disant ‘il faut expliquer le Nouveau Testament par 1’Ancien ...’ (La question était très bien posée. Toute la conférence était démolie.) Ah, évidemment, notre foi repose dans le Christ, elle vient directement du Christ. Le Père Dreyfus a continué : « Par le fait même, l’Ancien Testament s’explique par le Nouveau. Puisque c’est le Christ qui nous donne la pleine lumière, c’est le Christ qui est le terme. » C’est vrai, la lumière du monde c’est le Christ. Et pour nous l’Ancien Testament n’a de signification que par rapport au Nouveau. C’est dans la lumière de l’Evangile, et de l’Evangile de Saint Jean, que nous devons comprendre l’Ancien Testament, et pas autrement. Autrement nous faisons oeuvre historique. Mais pas œuvre de croyant. C’est bien évident que l’Ancien Testament peut nous apporter beaucoup. Mais aucun principe. Tout est repris dans le Mystère du Christ, tout est repris dans le Mystère de l’Immaculée Conception. Tout est repris radicalement. C’est dans la lumière du Christ que nous devons tout comprendre. Vous savez ce qui s’était passé à Paris, il y a quelques années, et qui pourrait se reproduire maintenant, du reste. Mais maintenant ça se dirait moins. Il s’agissait de quelqu’un qui était très très pris par tout le point de vue de l’exégèse contemporaine, qui était l’aumônier des étudiants et qui leur avait dit : « Le Christ que l’Eglise nous présente maintenant, est-ce que c’est vraiment le Christ ? Le Christ des Evangiles, pour bien le comprendre il faut regarder tout l’Ancien Testament. Alors mettez entre parenthèses votre foi dans le Christ, puis nous allons recommencer ensemble une étude sérieuse, exégétique, de tout le peuple d’Israël. Et puis nous verrons si nous pouvons accepter le Christ tel qu’il nous est présenté dans le Nouveau Testament ». 52
Ce qui s’est passé, c’est qu’au bout d’un certain temps, il a dit : « Non, je rejette ce Christ-là … » et puis il a rejeté même l’Ancien Testament, il n’y croyait plus. Il a adhéré au marxisme et beaucoup d’étudiants l’ont suivi. On n’a jamais le droit de mettre entre parenthèses notre foi chrétienne. On n’en n’a jamais le droit. Notre foi chrétienne c’est le Christ qui est notre Lumière. Elle est audelà de tous les écrits. Le Christ est une personne vivante. Et notre foi se définit en fonction du Christ. Notre foi c’est le Christ. Alors le Christ nous a donné les Evangiles. Et ces Evangiles sont gardés à travers le Christ, à travers toute la doctrine et tout ce qui est impliqué dedans. Mais c’est le Christ qui est notre Lumière. Et à travers Lui et par Lui, tout l’Ancien Testament prend sa signification. La lumière de l’Apocalypse c’est justement le Mystère du Christ, qui est la grande Lumière. Et toutes les apocalypses de l’Ancien Testament conduisent à l’Apocalypse, mais elles ne nous la font pas comprendre. C’est l’Apocalypse qui nous fait comprendre toutes les apocalypses de l’Ancien Testament. Dans l’Ancien Testament il peut y avoir des phrases très éclairantes : dans Ezéchiel, dans Daniel. Mais c’est beaucoup moins lumineux que ce qui nous est donné dans l’Apocalypse, où nous saisissons la présence de Jésus. Et c’est la présence du Christ qui donne toute sa Lumière à l’Apocalypse. Ce ne sont pas les apocalypses de l’Ancien Testament. Du point de vue du style, c’est intéressant de retrouver les mêmes formules, c’est très curieux. Après tout, c’est du même auteur : le Saint-Esprit. Et le Saint-Esprit signe à sa manière, toujours la même. Et l’on voit très bien les choses qui sont du Saint-Esprit et celles qui ne sont pas de Lui. Le Saint-Esprit a signé ! Alors on comprend. Il y a un style que le Saint-Esprit nous a donné, le style apocalyptique. Mais ne nous arrêtons pas au style, comprenons l’intention profonde du Saint-Esprit qui se sert de ce style apocalyptique pour éclairer notre foi, fortifier notre espérance et nous permettre d’entrer pleinement dans son intention. C’est comme cela que nous devons comprendre ce point de départ de l’Apocalypse : « Révélation de Jésus-Christ que Dieu lui a donnée pour montrer à ses esclaves ce qui doit arriver bien vite. Et qu’il a signifiée par l’envoi de son ange, à son esclave Jean esclave dans le sens de disciple, dans le sens de celui qui est en dépendance lequel a attesté la parole de Dieu et le témoignage de Jésus-Christ, en tout ce qu’il a vu. » « Heureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de cette prophétie et gardent ce qui s’y trouve écrit car le temps est proche ! » Nous allons recevoir uns révélation. Le Prologue est très important, car il nous fait comprendre qu’il s’agit d’une révélation. Si c’est une révélation, c’est Dieu qui nous ouvre un mystère, qui nous est donné gratuitement. Donc, au-delà de tout ce que nous pouvons comprendre par nos propres efforts humains, nous devons pénétrer dans ce mystère. 53
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4ème conférence
L’Apocalypse doit éveiller dans notre cœur une grande soif du retour glorieux du Christ. Les deux grandes visions du Mystère de la Très Sainte Trinité : - celle du Prologue de l’Ev. de S. Jean, - celle du Prologue de l’Apocalypse. Les deux grands aspects du Mystère de la Grâce. 1) la Grâce fait de nous des fils de Dieu ; 2) la Grâce fait de nous des prêtres.
Marie est toute relative à la Très Sainte Trinité, comme une créature, vraiment comme une créature. Et c’est cela qui est merveilleux : Dieu, dans son mystère de fécondité, veut introduire la créature dans son propre Mystère. Marie est introduite dans le Mystère de Dieu comme aucune autre créature ne l’a été. Saint Thomas dit que le Mystère de la Maternité divine met Marie aux confins du Mystère de la Très Sainte Trinité. Et c’est ce qu’un bon théologien franciscain du 14ème siècle dit : « Marie, ‘complementum totius Trinitatis‘ ». Mais il faut bien comprendre : « complément » ne veut pas dire du tout qu’il manque quelque chose à la Très Sainte Trinité, qu’il manque la femme dans la Très Sainte Trinité ! Ce serait faux de dire cela. « Complementum » veut dire tout simplement, au sujet de la Très Sainte Trinité : mystère d’accueil de l’amour, mystère d’attraction de l’amour, mystère de fécondité de l’amour, qui fait que la Très Sainte Trinité accueille Marie comme Elle n’a accueilli aucune autre créature. Et le Mystère de l’Immaculée Conception nous fait comprendre comment Marie est le chef-d’œuvre de la Très Sainte Trinité. Mais Marie demeure dans l’adoration, éternellement. Tandis qu’on ne peut pas dire que dans la Très Sainte Trinité il y ait le mystère de l’adoration. C’est toute la différence. Et c’est cela qu’il est important de bien distinguer. Il faut considérer l’unité que Dieu réalise dans sa vie et voir que Marie demeure une créature, la plus petite et la plus pauvre de toutes les créatures ; celle qui a le plus conscience d’être créature, et donc celle qui, parmi les créatures, adore le plus profondément, en reconnaissant qu’elle n’est rien, en face de Dieu. C’est la distinction que ne fait plus la philosophie idéaliste et, qu’au fond, les protestants n’ont plus faite à cause de l’idéalisme introduit dans la philosophie protestante. C’est la distinction entre : l’être, et la vie. 55
Et je crois que cette distinction entre l’être et la vie est très importante, et c’est au fond le grand problème que nous avons avec les orthodoxes. Dieu nous communique la plénitude de Sa vie, c’est vrai. Il a communiqué la plénitude de Sa vie à l’Humanité Sainte du Christ. Et Il nous communique la plénitude de Sa vie. Mais l’Humanité sainte du Christ est Dieu, parce qu’elle subsiste dans le Verbe. Et c’est pour cela que l’Humanité Sainte du Christ n’a pas d’autre être que celui du Verbe. Et c’est pour cela que Jésus est Dieu. Tandis que Marie ne l’est pas. Marie est créature et donc totalement, radicalement dépendante de Dieu dans son être. Et c’est pour cela qu’elle adore. Adorer, c’est reconnaître notre dépendance à l’égard de Dieu, qui nous communique la plénitude de Sa vie :
« Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Je ne peux pas dire : « Mon être est fusionné avec l’être du Christ, et je ne suis plus qu’un dans l’être du Christ. » Il faut toujours bien faire cette distinction. C’est capital. Parce que si on ne la fait pas, on ne peut pas avoir ces audaces merveilleuses de l’amour. Dieu a des audaces folles d’amour, des audaces folles. Dieu n’a pas peur de se communiquer totalement à sa petite créature, en disant « je vais perdre ma dignité » ! Non, parce que Dieu sait qu’il est Dieu, Il sait ce qu’est la créature. Et la créature est d’abord non-être, avant d’être être, comme dit Sainte Catherine de Sienne. C’est-à-dire que, de fait, c’est Dieu qui l’a créée à partir de rien. La créature est totalement dépendante de Dieu dans son être. Et Marie est radicalement dépendante de Dieu dans son être. Donc, il est impossible de faire de Marie la quatrième personne de la Très Sainte Trinité. C’est impossible. Elle est celle qui adore Dieu. Nous le verrons, du reste, dans l’Apocalypse, où le mystère de l’adoration est affirmé avec une force merveilleuse. Nous devons entrer profondément dans le mystère de l’adoration, parce que c’est l’adoration qui nous empêche de confondre l’être et la vie. Or, nous baignons dans la confusion, depuis 400 ans, pour ne pas dire 500 ou 600, parce que je crois que c’est à partir du 14ème siècle, avec le nominalisme, que la confusion s’est faite totale. Trente ans après Saint Thomas. C’est toujours comme cela. Dieu donne des lumières fulgurantes et les hommes ne comprennent pas. Dieu a donné une lumière fulgurante dans la petite Thérèse pour que nous comprenions le Concile, dans la lumière de sa sainteté. La lumière nous est donnée, mais les hommes aiment mieux leurs œuvres. Et donc ils préfèrent les ténèbres. C’est ce que dit Notre Seigneur dans Saint Jean, les hommes aiment mieux leurs œuvres, ce qui provient d’eux. Alors que Dieu priait tout le temps. Si nous étions un peu intelligents, nous y penserions ! 56
Dieu a donné une lumière fulgurante pour permettre, ensuite, cette maladie terrible de l’intelligence : le nominalisme, qui est bien la maladie, le cancer de l’intelligence. Et nous sommes dedans. Tout provient de là, il ne faut pas l’oublier. Dans le nominalisme se trouve la confusion entre l’être et la vie. S’il y a confusion entre être et vie, on ne voit plus rien, on ne peut plus rien saisir. Les athéismes contemporains proviennent de cette confusion. On dit : la créature, si elle dépend de Dieu, ne peut pas avoir d’autonomie. Elle ne peut pas être libre. On oublie que la vie implique l’autonomie, et donc rend possible la liberté. Maître Eykart, un dominicain au parler difficile, mais qui est très très fort, reprend la grande doctrine en disant : « Dieu est le créateur des êtres et il est le Père qui communique la vie ». C’est vrai : la vie, au sens rigoureux, n’est créée que par l’Etre. Dieu crée des êtres qui sont radicalement dépendants de Lui. Et Il crée des êtres vivants qui ont l’autonomie, donc qui sont libres. Et si l’on ne fait pas cette distinction, on mettra une opposition entre l’autonomie de la créature et la création. On dira : puisque la créature possède une autonomie, elle ne peut pas être créée. Puisque les réalités vivantes sont autonomes, elles ne peuvent pas être créées. Donc Dieu n’existe pas. Nous reviendrons là-dessus. Continuons à entrer dans l’Apocalypse, comme nous l’avons fait hier. Il y a un petit problème que je pose très simplement : certains d’entre vous ont déjà suivi une retraite sur l’Apocalypse, et c’est toujours le même problème : on voit le début et on n’arrive jamais à la fin ! L’Apocalypse étant assez riche, il faut au moins deux bonnes retraites pour la voir entièrement. Commencer tout de suite au milieu, c’est quasi impossible. Il faut voir le début. Alors nous le reprendrons. Je m’en excuse auprès de ceux qui l’ont déjà suivie, mais on peut reprendre indéfiniment l’Apocalypse. La Parole de Dieu est infinie ! Et puis l’année prochaine, je ferai une retraite sur la seconde partie de l’Apocalypse. Cela vous obligera à revenir, si vous voulez avoir la fin. Si Dieu nous prête vie, parce que si nous vivons l’Apocalypse, et que nous la vivons d’une manière telle qu’on n’a plus besoin de la lire ... Jean ne lisait pas l’Apocalypse, il l’avait vécue. Et nous la vivrons sans doute. Je le crois. Je crois que nous vivrons l’Apocalypse. Même si nous sommes déjà un peu âgés, ça peut aller assez vite, même très vite, une fois qu’ont commencé les tremblements apocalyptiques. Il nous est dit au point de départ, et cela je crois que c’est important :
« Heureux celui qui lit et ceux qui entendent cette prophétie » ... Vous allez l’entendre. Je la lis et vous l’entendez. Vous la lisez aussi. C’est important d’entendre. On doit entendre la Parole de Dieu Et pas seulement la lire. On doit l’entendre. C’est merveilleux de voir que tous ceux qui suivent une retraite sur 57
l’Apocalypse entrent dans la béatitude. La béatitude de la Foi, de l’Espérance, de l’Amour C’est promis, donc ça va se réaliser. Oh évidemment, vous n’allez peut-être pas avoir à la fin de la retraite une auréole autour de votre tête et dire « je sors glorifié » ... Non. Vous resterez avec vos misères. Mais il y aura dans votre cœur, au plus intime de votre intelligence et de votre volonté une béatitude. Parce que vous avez lu l’Apocalypse, que vous êtes un peu entrés dedans, que vous avez désiré entrer dedans. C’est la béatitude qui nous est promise. Voyez la fin de l’Apocalypse (il faut toujours voir le point de départ et le terme l’alpha et l’oméga) :
« Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange vous attester cela au sujet des églises. Moi je suis le rejeton de la race de David. L’Etoile resplendissante du matin. Et l’Esprit et l’Epousée disent : viens ». Apoc. XXII, 16-17 L’Esprit nous faisant dire « Père » nous permet d’accueillir Celui qui est l’Envoyé du Père et nous donne soif de Le recevoir. Si l’Esprit Saint nous donne un très grand désir de dire « Père », Il nous fait comprendre en même temps que nous ne pourrons dire « Père » en toute force et en toute vérité qu’avec Jésus. Il n’y a que Jésus qui dise « Père » d’une manière absolue, parce qu’il est le Fils unique bien-aimé. Et avec Lui nous pouvons le dire. Que l’Esprit Saint nous donne cette soif de découvrir notre Père, et de dire Père pour ne pas être orphelins (l’orphelin c’est celui qui dit père, sans que le père ne réponde), et le Père répond en nous envoyant son Fils. Il nous l’a envoyé d’abord dans l’humilité du Mystère de MARIE, du mystère de la Femme. La seconde venue du Fils sera dans la gloire. Marie l’accompagnera. Cette venue ne se fera pas par Marie, mais par l’Esprit. La Gloire du Christ nous sera donnée directement. Et Marie suivra. C’est merveilleux que ce qui est de l’ordre de la disposition on dit cela en philosophie ce qui est de l’ordre de la disposition, ce qui prépare, une fois que la réalité est présente, devient la conséquence, la propriété en quelque sorte, l’acolyte. Marie est l’acolyte de la Gloire du Christ. Elle est celle qui accompagne toujours Jésus. L’« acolyte » au sens grec, c’est-à-dire « celui qui suit ». Marie suit Jésus. Dans la Gloire, Marie suit Jésus parce que, dans son corps glorieux, elle est tout entière relative à Jésus, tout entière relative à la Gloire du Christ. Elle est glorifiée sur le modèle du Corps du Christ. Tandis qu’au contraire, lorsque Jésus était sur la terre, son corps était modelé relativement à celui de Marie. Le Christ a ressemblé à Marie comme aucun enfant n’a ressemblé à sa mère. Car pour nous il y a toujours deux atavismes. Ce qui fait que le fils ne ressemble jamais totalement à sa mère. Jésus, au contraire, ressemble à sa mère d’une 58
manière unique, ce qui devait être quelque chose d’extraordinaire. Je suis persuadé que tous ceux qui regardaient Jésus et Marie disaient « mais c’est invraisemblable, c’est une ressemblance unique ». Les grands théologiens du Moyen Age ont dit cela. Ils l’ont vu. Aujourd’hui on ne regarde plus Marie. Et pourtant Dieu a voulu choisir Marie pour être la mère, mère d’une façon miraculeuse, d’une façon divine, et, comme dit Saint Augustin, quand Dieu fait un miracle, Il fait mieux que la nature toute seule. Parce que c’est Dieu qui intervient directement. La nature vient de Dieu, mais Dieu télescope en quelque sorte un ordre qui, quelquefois, implique le hasard, implique des choses monstrueuses ... Dieu agit directement pour faire les choses d’une façon plus belle. C’est pourquoi la maternité divine de Marie est une maternité unique.
« Toutes les générations Me proclameront bienheureuse ». Toutes les maternités proclament la maternité de Marie parce que c’est la maternité par excellence. Et si c’est la maternité par excellence, le Fils qui provient d’elle lui est donc tout entier relatif. Jésus, dans son humanité, ressemble à Marie d’une façon unique. Il était totalement le fils de Marie. D’une manière invraisemblable, d’une manière unique. Et dans la Gloire, Jésus a été glorifiable en Marie. Dans la Gloire, Marie est toute relative à Jésus, dans son corps glorieux. C’est pour cela que, dans la venue première, Jésus vient par la Femme, et dans la venue seconde, la venue glorieuse, Jésus vient et Marie Le suit. C’est très mystérieux le retour du Christ. Je ne sais pas comment cela se fera, vous non plus, du reste. N’imaginez rien. Tout ce que nous pouvons dire risque d’être des imaginations. Tout ce que nous savons, c’est qu’il reviendra dans sa Gloire. Pour chacun d’entre nous Il reviendra de l’intérieur. Il ne faut pas croire que c’est nos yeux qui le verront. C’est intérieurement que nous serons illuminés. Et subitement nous verrons Jésus dans sa gloire. Il sera Celui qui vient par l’Esprit prendre possession complète de tout le Mystère de l’Eglise et, par l’Eglise, de toute l’humanité. Et nous comprendrons, à ce moment-là, que la petite Eglise porte toute l’humanité et que, grâce à l’Eglise, Jésus est donné à toute l’humanité. Parce que s’il vient par l’Esprit Saint, Il vient par l’Eglise.
« Et l’Esprit et l’Epousée disent : viens ». Et aujourd’hui, il faut dire « Père », il faut dire « Viens ». Et que celui qui entend dise : viens. Et que celui qui a soif, vienne. Et que celui qui le veut prenne de l’eau de la vie gratuitement. Voilà tout ce que l’Apocalypse doit mettre dans notre cœur : Cette soif du retour du Christ. Et cela c’est le grand livre de l’Espérance. Parce que nous avons soif que le Fils revienne et qu’il revienne en plénitude. Et nous n’avons pas peur. Il y a toujours pour notre intelligence humaine et pour notre sensibilité un tout petit peu de peur, parce que 59
nous avons entendu les trompettes apocalyptiques, nous avons vu des tas de choses dans l’Apocalypse, nous avons souvent mal compris tout cela, nous l’avons compris de l’extérieur. Alors nous avons un tout petit peu peur du retour du Christ. Quand on dit que c’est la fin, on a peur, on se cache. On a en soi cette espèce de petit tremblement. C’est très faux cela. Jésus reviendra dans la victoire de l’Amour. Et tout ce qu’il y a en nous de grand, de noble, tout ce qui habite notre cœur, tout cela sera parfaitement exalté, dans le Chris Et tout cela prendra sa dimension d’éternité. L’amour demande d’être éternel. Tout amour vient de Dieu. L’amour demande d’être éternel quand c’est un véritable amour. C’est Jésus qui est le garant de l’amour puisqu’il vient pour être victorieux dans l’ordre de l’Amour. Le Christ, dans sa gloire, reviendra victorieux dans l’ordre de l’Amour. C’es Lui qui prendra tout et qui donnera à notre cœur sa véritable dimension et sa véritable signification. Votre cœur est fait pour aimer. Et toute notre vie humaine n’a de sens que pour l’amour. Toute notre intelligence, tout ce que nous connaissons n’a de sens que pour l’amour. Tout notre pouvoir n’a de sens que pour l’amour. Nous comprendrons pleinement que nous sommes les chefs-d’œuvre de l’Amour de Dieu, les petits derniers, les benjamins dans la grande famille de Dieu. Les anges sont les intellectuels. Oh, des intellectuels extraordinaires. Ils ont le « droit de bourgeoisie » à la contemplation, comme on dit en Suisse ! Ils ont le droit de bourgeoisie à la contemplation. Parce que les anges ont ce droit de bourgeoisie. Tandis que nous, nous n’avons pas du tout le droit de bourgeoisie à la contemplation. Nous avons été élevés dans les ruisseaux et nous avons marché à quatre pattes. C’est vrai. On a commencé comme cela, donc on est toujours un peu comme cela. Nous sommes des êtres rampants. Nous avons beaucoup de peine à nous élever à la contemplation. Une peine énorme. Il y faut du temps. Et s’il n’y avait que la philosophie pour nous aider, ce serait dur, pas commode du tout. Seuls quelques-uns arriveraient à une certaine contemplation, c’est-à-dire à se tenir debout. Parce que le contemplatif est celui qui se tient debout, qui regarde vers le ciel, qui parvient à dépasser l’horizon habituel. Vous voyez, c’est un peu le regard du lion. Il regarde l’horizon d’un regard qui dépasse tout. Etre contemplatif, c’est difficile pour nous. Parce que nous sommes de pauvres petits êtres chétifs qui mendions notre connaissance par toutes nos expériences, par notre sensibilité, par tout le contexte dans lequel nous sommes, et dont nous dépendons. Nous le savons bien. Nous avons une peine énorme à nous dépasser. Par la grâce, nous devenons enfants de Dieu. Et nous savons que la grâce chrétienne est une grâce qui nous donne une noblesse unique. Et nous sommes revêtus du Christ. Et si nous sommes revêtus du Christ, nous avons la contemplation du Fils bien-aimé. Contemplation supérieure à celle des anges, parce que nous sommes revêtus du Christ.
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Dans les petits villages, dans le temps jadis, on voyait des choses très étonnantes. Par exemple le pauvre du village recevoir la redingote du seigneur, lorsqu’elle était un peu usée. On donnait les vieux vêtements, on donnait las vieux souliers. On donnait tout cela. Le petit ouvrier, le petit artisan avait son costume, mais au pauvre du village le seigneur donnait tout ce qu’il avait, toute sa garde-robe. Dans la famille de Dieu nous sommes les petits derniers. Nous n’avons pas le droit de bourgeoisie à la contemplation. Nous sommes de pauvres petits mendiants. Nous avons ce privilège unique d’être revêtus du Christ. Revêtus, c’est-à-dire revêtus du Soleil, revêtus de l’Amour. Quand nous nous regardons, nous ne voyons que nos défauts, nos limites. Mais si nous nous regardons dans le regard de Dieu, nous sommes revêtus du Christ. Et avec Jésus, avec toute la grandeur du Fils, nous contemplons et nous pénétrons dans le Mystère du Père, immédiatement. Dès que vous aimez, vous contemplez. C’est impossible autrement. Mais alors il s’agit d’un amour qui prend tout et pas d’un petit amour passager. Un amour qui prend tout. Un amour qui vous met dans cet état extatique, hors de vous-même. C’est vraiment cela la contemplation : sortir de soi. Et c’est atteindre celui qui nous attire, qui est notre Dieu. Avec Jésus, le Fils bienaimé, nous regardons le Père. Et notre contemplation, c’est de toucher le Cœur du Christ en sachant que Lui regarde le Père. Alors nous avons cette soif du retour du Christ pour que le voile tombe et qu’enfin nous puissions voir le Père: dans la pleine lumière.
« Et l’Esprit et l’Epousée disent viens. Et que celui qui entend dise viens. Et que celui qui a soif vienne. Et que celui qui le veut prenne de l’eau de la vie gratuitement. Je l’atteste, moi, à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre, si quelqu’un y ajoute, Dieu lui ajoutera les plaies qui sont décrites dans ce livre. Si quelqu’un retranche quelque chose des paroles de ce livre, de cette prophétie, Dieu lui retranchera sa part de l’arbre de vie et de la Ville sainte qui sont décrits dans ce livre. Celui qui atteste dit cela : oui, je viens bientôt ». Apoc. XXII, 17-20 Voyez cette exigence : il n’y a pas un seul livre dans l’Ecriture où cela soit dit. C’est pour cela que l’Apocalypse c’est la taille du Père. C’est l’Espérance, donc c’est la taille du Père. Et le Père taille quand nous avons un très grand désir, sinon Il ne peut pas nous tailler. Comment voulez-vous ? On ne peut tailler que s’il y a surabondance, une certaine vitalité profonde. Et donc, s’il y a ce dynamisme profond du désir, le Père peut tailler et ici nous voyons bien cela qui nous est montré avec beaucoup de force et qui n’est dit dans aucun autre livre. 61
Nous devons garder la Parole de Dieu dans toute sa force, sans vouloir rien ajouter, ni retrancher. Ceci est très important en ce qui concerne l’herméneutique. Parce que si nous commençons à diminuer la force de la Parole de Dieu, c’est que nous n’avons pas assez de respect et d’amour pour elle. Une fiancée ne diminue jamais la parole de son fiancé. Autrement elle n’est pas fiancée, elle n’a pas compris. Une fiancée garde l’amour de son fiancé. En comprenant que toutes les paroles qui lui sont dites sont des paroles d’amour. Et le fiancé fait la même chose. Autrement il ne serait pas vraiment fiancé. C’est réciproque. Ce sont des liens de fiancés, d’époux et d’épouse. Et c’est pour cela que la Parole est gardée intégralement, comme un secret, un testament auquel on n’ajoute rien. Qui est-ce qui ose ajouter quelque chose à un testament ? Falsifier un testament ? ... L’Apocalypse est le testament du Christ pour nous. Et c’est le testament du désir, de notre attente et de la soif que l’épouse doit avoir. Alors on ne peut rien ajouter, on ne peut rien retrancher Mais toute la Parole de l’Apocalypse met en nous cette soif.
« Celui qui atteste ... » Celui qui atteste, c’est le Christ.
« Celui qui atteste cela dit : oui, je viens bientôt. Amen. Viens Seigneur Jésus. La grâce du Seigneur Jésus soit avec vous tous amen ». Apoc. XXII, 20-21 L’Apocalypse s’achève par l’AMEN. Voyez comment elle doit mettre en nous cette soif de la venue du Christ. Et la venue du Christ nous la portons en nous. Ne disons pas comme certains : oh moi, je voudrais bien, mais c’est pour les autres, j’ai peur que les autres ne soient pas prêts ... alors je dis « pas pour tout de suite », demain. J’ai peur qu’ils ne soient pas prêts ... Les autres sont prêts dans la mesure où vous êtes prêts, puisque nous sommes responsables de toute l’humanité dans le Cœur du Christ. Nous devons avoir un très grand désir, une très grande soif du retour du Christ, pour tous ceux qui n’ont pas soif. Et en raison de notre soif, les autres auront soif à leur tour. C’est l’Epousée qui dit cela. N’attendez pas du marxiste qu’il dise « viens Seigneur ». Il ne le dira jamais. Ne vous mettez pas à son diapason, sinon vous oubliez l’essentiel. Comment voulez-vous que le positiviste puisse dire cela. Comment voulezvous que l’athée puisse dire cela ? Ils ne le peuvent pas. Ils croient que c’est l’homme qui doit sauver l’homme. Mais le chrétien sait que seul le Christ sauve l’humanité. L’emprise du démon sur notre monde d’aujourd’hui est très forte les petits, les plus faibles ne sont pas respectés ; ils sont manœuvrés comme des instruments. C’est pire que l’esclavage d’autrefois. Aujourd’hui nous sommes en présence de l’esclavage de la pensée, qui est bien pire que ne l’était l’esclavage du corps. Nous nous trouvons vraiment dans l’esclavage de la pensée car, avec la propagande, on arrive à faire dire des 62
tas de choses aux gens qui ne sont pas assez intelligents ... Il n’y en a pas beaucoup d’intelligents, en dehors de ceux qui sont vraiment marqués par le Christ, profondément marqués par le Christ dans la foi. Eux peuvent résister, peuvent comprendre et essayer de saisir, mais la plupart ... Alors quand on voit cela, on dit : rien ne va plus. Qui est-ce qui gouverne le monde aujourd’hui ? Posez-vous la question. Est-ce la Russie ? L’Amérique ? La Chine ? Le Japon ? C’est très difficile à dire. Quand on entend les très gros banquiers suisses qui se réunissent de temps en temps, ils disent « c’est nous qui menons le monde ». C’est la banque qui mène le monde ! Quand vous voyez les très grands savants, surtout dans le domaine de l’application, ils disent : c’est notre science qui mène le monde ! C’est curieux, n’est-ce pas ? Le monde est mené par des quantités d’anonymats. On ne sait plus par qui, ce n’est pas le Christ. C’est mystérieux, ce n’est pas le Christ. Le Christ mène quelques disciples, quelques amis, l’Eglise et on sait bien que, même dans l’Eglise, les fumées de Satan se sont introduites, les fumées de l’enfer se sont introduites dans l’Eglise. Alors qu’on devrait tous être des chrétiens et dire : c’est le Christ qui nous mène, c’est l’Esprit Saint qui nous conduit, nous allons tous vers le Père ! Même dans l’Eglise on trouve cette alliance politique dont je vous parlais hier, et dès qu’il y a alliance politique ce n’est plus l’Esprit Saint qui conduit, ni le Christ. Et donc on sent des voix discordantes. Aussi devons-nous l’appeler Jésus, pour sauver les petits, pour sauver les plus pauvres, pour sauver ceux qui n’y peuvent rien et qui se laissent mener. L’Apocalypse doit vous donner une soif ardente de retour du Christ, en en remettant le moment au bon plaisir du Père, parce que c’est sa dimension chrétienne. Le « bientôt » de Dieu n’est pas notre « bientôt ». Pour nous, bientôt, nous savons ce que ça représente ! … Bientôt la fin de la retraite ! A un enfant qui réclame son biberon, on dit : bientôt, c’est-à-dire dans quelques minutes. Mais le bientôt de Dieu ... le bientôt de l’éternité de Dieu est tout à fait différent. Cependant, Dieu veut que nous ayons cette soif des premiers chrétiens. Ne disons pas qu’ils se sont trompés. On le dit de temps à autre. Quand on regarde les choses historiquement on dit qu’ils se sont trompés, qu’ils ont pris matériellement la Parole du Christ, en disant « cette génération ne passera pas avant que le retour du Christ ne se fasse ». Alors ils se sont trompés ! Les premiers chrétiens ne se sont pas trompés. Ce sont des saints. Ils ont eu, sous la mouvance du Saint-Esprit, cette soif du retour du Christ. Et c’était cela que l’Esprit Saint leur demandait : cette soif de retour du Christ. Nous ne sommes chrétiens que dans la mesure où nous avons cette soif du retour du Christ. Et cette soif rectifie tout en nous parce que nous sommes prêts à tout remettre à Dieu. Cela nous remet dans la pauvreté. La pauvreté de Jean-Baptiste. C’est Jean-Baptiste qui nous fait comprendre ce qu’est l’espérance eschatologique. La pauvreté de Jean-Baptiste ! Dans le monde d’aujourd’hui nous pouvons tous dire, en tant que chrétiens, que nous sommes la voix 63
qui crie dans le désert. Nous sommes la voix de l’Esprit Saint et personne ne nous écoute. C’est évident. Quand on est dans tel ou tel milieu de travailleurs, tel ou tel milieu d’intellectuels, on sent cette opacité matérielle. La voix de celui qui crie dans le désert ! L’espérance eschatologique nous rend pauvres et nous fait attendre. Attendre comme un pauvre. Voilà ce que l’Apocalypse doit creuser dans notre cœur. Tout ce que nous allons voir dans l’Apocalypse est en vue de cette attente. Alors on comprend certains détails, et il y a des choses qu’on comprend moins bien. C’est une « révélation », quelque chose qui nous dépasse, quelque chose qui vient directement de Dieu.
« Jean, aux sept Eglises qui sont en Asie, à vous grâce et paix de la part de Celui qui est, et Celui qui était et Celui qui vient. Et de la part des sept esprits qui sont devant le trône. Et de la part de Jésus-Christ, le Témoin fidèle, le premier-né et le chef des rois de la terre ». Apoc. 1, 4-5 Jean parle au nom de la Très Sainte Trinité. Cela est aussi très remarquable et nous ne le voyons nulle part, d’une certaine manière. Qui, vous pouvez dire que toutes les épîtres de Saint Paul parlent toujours au nom de la Très Sainte Trinité. C’est très vrai. Et Jean ici parle au nom de la Très Sainte Trinité. Mais d’une manière encore plus explicite, plus nette.
« Jean aux sept Eglises qui sont en Asie ... » Les sept Eglises d’Asie sont les églises que Jean connaît bien. Il leur parle. Jean ne parle pas de Rome. Ce n’est pas Pierre qui écrit à toutes les églises. C’est Jean. C’est curieux. Pierre est mort. Il a un successeur. Et Jean parle aux sept Eglises, en Asie. Il ne parle pas à toutes les églises. Voyez son humilité ! C’est beau, n’est-ce pas ? Le SaintEsprit nous rend toujours humble. Jean ne va pas prendre la place de Pierre, en disant : « Moi, je suis charismatique. Je prends la place de Pierre, parce que Pierre, il est dans l’institution, mais moi je suis dans le charisme, car je suis sous le souffle de l’Esprit Saint qui me donne des dimensions merveilleuses. Pierre lui, ou son successeur, ne voit pas grand-chose. Tandis que moi je suis sous le souffle de l’Esprit Saint ... ». C’est très curieux que les vrais charismes sont toujours dans l’humilité. L’humilité est le discernement des charismes. C’est important de le rappeler aujourd’hui. Les vrais charismes sont toujours dans l’humilité et ils ne s’opposent jamais à l’institution. Dès qu’un charisme s’oppose à l’institution, il n’est plus du Saint-Esprit. Il est de nous et nous mettons le Saint-Esprit dans notre poche. Lorsque nous nous mettons à la place du Saint-Esprit, en disant : « moi je suis sous le souffle de l’Esprit Saint, les autres ne le sont pas, ils sont dans l’institution », on oppose les deux. L’opposition n’est pas de Dieu. Cette opposition dialectique n’est pas de Dieu. Dès que vous voyez un théologien qui oppose les deux, il n’est pas de Dieu. L’institution de l’Eglise c’est l’Eucharistie. C’est une institution d’amour et les charismes véritables viennent du Saint-Esprit. Ce sont des charismes d’amour. Et tout est ordonné à l’amour et donc tout est dans l’humilité. 64
Evidemment, il y a une distinction entre les charismes et l’institution. Mais tout est ordonné à l’amour. Et les charismes sont en vue de l’institution et pour l’institution. Ils sont pour l’Eucharistie. Si vous opposez les charismes à l’Eucharistie, ce n’est plus du Saint-Esprit. Dès le point de départ nous saisissons cette humilité de Jean. Il parle aux sept Eglises d’Asie. Ce sont ses églises, il les connaît. Il ne prend pas la place de Pierre, et à travers ces sept églises, il parle à toutes les églises. Mais l’humilité de Jean consiste à parler aux sept Eglises d’Asie et, à travers elles, à toutes les églises. L’Esprit Saint se sert des sept Eglises d’Asie L’Esprit Saint pour parler à toutes les églises. Si Jean, sous le signe de l’Esprit Saint, avait pris la place du successeur de Pierre, il aurait parlé à toutes les églises universelles. Tandis que là il reste dans l’humilité. C’est magnifique. Le charisme est toujours en vue d’un milieu donné. Son but est de réchauffer. On en a besoin de temps en temps ! Il y a des milieux tellement froids. On a froid aux pieds, aux mains, alors on ne prie plus. On ne pense plus qu’à ses pieds et à ses mains. C’est impossible de prier parce qu’on a tellement froid ! Alors les charismes sont là pour réchauffer les milieux. Pour permettre qu’on ne pense plus aux pieds ni aux mains, mais qu’on ne pense qu’à Jésus. Les charismes nous font oublier notre conditionnement humain pour entrer dans le mystère de l’amour et découvrir notre finalité profonde, qui est l’amour. C’est magnifique : le grand charisme de Jean qui parle, sous le souffle de l’Esprit, dans cette vision de l’Apocalypse. Il parle à ses sept Eglises, petites mais importantes, qu’il aime, qui sont des trésors. Que ce milieu est donc merveilleux et aujourd’hui on revient beaucoup à ce milieu, c’est-à-dire à ce que représentent ces sept Eglises d’Asie. Si vous pouvez faire le voyage à Ephèse, faites-le. Vous les verrez ces sept églises, qui sont des ruines maintenant. Il n’en reste plus grand chose, mais ça n’a pas d’importance. Dans le regard de Dieu ce sont toujours les sept Eglises d’Asie. Et à travers ces sept églises d’Asie, ce sont toutes les églises. Un évêque regarde son église et, en lui parlant, parle à toutes les églises, s’il est uni au Pape. C’est cela la chose merveilleuse : les évêques français parlent aux églises de France. Et s’ils sont unis au Pape, à travers les églises de France, ils parlent à toutes les églises. S’ils ne sont plus unis au Pape, ils ne regardent que leur église : les charismes de gouvernement. Les évêques n’ont pas de charisme du gouvernement par eux-mêmes, mais seulement s’ils sont unis au Saint-Père. C’est un charisme qui doit les éclairer sur ce qu’ils doivent faire dans le moment actuel. Ils parlent alors à leur église. Ils ne remplacent pas le Saint-Père. Le jour où ils veulent le remplacer, en disant : nous sommes l’église la plus intelligente, c’est nous qui devons donner un exemple au monde ... c’est fini. Jean sait très bien qu’à travers ces sept églises il parle à toute l’Eglise universelle. Mais il y a là une humilité merveilleuse. Je crois qu’il faut demander au 65
Saint-Esprit cette humilité. Plus le Saint-Esprit nous prend, plus nous comprenons que nous avons une charge, une responsabilité très concrètes. Quelles sont nos sept petites églises d’Asie ? Posez-vous la question. Nous avons tous une petite église d’Asie que nous devons saigner particulièrement : notre petit groupe de travail, c’est notre petite église. Pendant la retraite, notre petite église c’est notre petite communauté. Et à travers cette petite communauté ce sont tous les Foyers de Charité. Et à travers eux, c’est toute l’Eglise. Et à travers l’Eglise, c’est toute l’humanité. L’amour implique un langage extrêmement concret :
« Aux sept Eglises d’Asie. A vous grâce et paix de la part de Celui qui est, de Celui qui était et de Celui qui vient ». Apoc. 1, 4 C’est très extraordinaire de regarder le mystère du Père, le mystère de Celui qui est sur le trône, comme dit l’Apocalypse. Le mystère donc du Père : Celui qui est, Celui qui était, et Celui qui vient. C’est le mystère de l’Eternité qu’on exprime par la succession du temps. On ne peut pas exprimer 1’éternité autrement, parce que nous n’en n’avons pas l’expérience philosophique. Nous n’avons pas l’expérience humaine de l’éternité. Nous avons, dans la foi, un toucher divin de l’éternité. Notre foi nous donne le sens de l’éternité. Mais humainement parlant, philosophiquement parlant, nous n’avons pas l’expérience de l’éternité. Nous avons l’expérience du temps. Nous avons tous l’expérience de ce que représente l’instant présent, si nous sommes un peu éveillés. Si nous dormons, nous l’avons moins. Nous avons, par le fait même, l’expérience du début, du point de départ. La conférence a commencé il y a une demi-heure, c’est déjà passé. Et nous sommes actuellement à cet instant présent. Et le passé ... fit le futur ... C’est très mystérieux l’expérience du temps, la succession du temps. Alors c’est très étonnant de regarder Dieu, l’Eternel, dans cette lumière : Celui qui dépassa la succession du temps, pour nous faire tout de suite comprendre le regard de l’Apocalypse. L’éternité brûle le temps, mais le brûle divinement. C’est le témoignage de Jean-Baptiste : celui qui était après est passé devant. C’est le propre du Mystère de l’Incarnation. L’Incarnation, c’est l’éternité dans le temps. Mais en brûlant le temps, elle ne le supprime pas. Le Mystère de l’Incarnation c’est le Verbe de Dieu qui se fait chair, mais Il ne supprime pas le temps. Le temps demeure. Mais il prend une nouvelle signification, tout autre, parce que nous comprenons que le temps est pour l’éternité. Ce n’est pas l’éternité qui est pour le temps, mais bien le contraire. Et le temps que Dieu nous laisse est pour pouvoir nous préparer à cette éternité d’amour.
« De la part de Celui qui est, de Celui qui était et de Celui qui vient. Et de la part des sept esprits qui sont devant le trône ». C’est l’Esprit Saint. Mais l’Esprit Saint, lui aussi, selon les sept esprits. C’est-à-dire l’Esprit Saint en tant qu’il est envoyé aux églises. « Les sept esprits » : c’est l’Esprit Saint dans le cœur des saints. L’Esprit Saint, pris en Lui-même, est unique. Et l’Esprit Saint, en 66
tant qu’il est envoyé, en tant qu’il est la source de la transformation de toutes choses, en tant qu’il guide l’Eglise et la gouverne, c’est « les sept esprits » de la part de Jésus-Christ, le « témoin fidèle, le premier-né d’entre les morts et le chef des rois de la terre ». Nous avons là trois aspects du Mystère du Christ. C’est très étonnant cette manière de regarder la Très Sainte Trinité, en tant qu’Elle assume toute l’économie divine à l’égard de l’Eglise. C’est la Très Sainte Trinité qui gouverne l’Eglise. C’est la Très Sainte Trinité liée à l’Eglise et inséparable d’Elle. Ce que Dieu a uni, on ne peut plus le séparer. Or, Dieu a uni l’Eglise à la Très Sainte Trinité. Et donc il y a entre Elles, nécessairement, un lien éternel, divin. Un doit regarder la Très Sainte Trinité à travers le Mystère de l’Eglise. Et on doit regarder l’Eglise dans la lumière de la Très Sainte Trinité. Et c’est bien ce qui nous est montré ici. C’est Jean qui parle aux sept Eglises d’Asie, en comprenant que ces sept églises sont liées à la Très Sainte Trinité, c’est-à-dire : au Mystère du Père Eternel qui assume la succession du temps ; au Mystère des sept esprits qui gouvernent l’Eglise ; au Mystère du Christ. Ayons la vision du Christ en tant qu’il gouverne l’Eglise. Le Témoin fidèle : Jésus est Témoin fidèle à la Croix. Le Premier-né d’entre les morts : Mystère de la Résurrection. Le Chef des rois de la terre : son Ascension à la droite du Père. Donc : La Croix, la Résurrection et l’Ascension. Les trois Mystères sont là intimement liés. On ne peut plus les séparer. On doit toujours les voir dans le Mystère même du Christ qui gouverne l’Eglise. Le Christ gouverne l’Eglise dans son Mystère de la Croix. Il gouverne l’Eglise dans son Mystère de la Résurrection ; Il gouverne l’Eglise en tant qu’il a reçu du Père tout pouvoir : « Le chef des rois de la terre », donc Celui qui a reçu du Père tout pouvoir. Ce sont les trois grands aspects du Mystère de l’Eglise. Remarquez, en outre, que vous avez un ordre de la vision de la Très Sainte Trinité qui n’est pas précisément celui que vous voyez dans l’Evangile de Saint Jean. Il faut voir les diverses visions du Mystère de la Très Sainte Trinité, pour ne pas avoir notre petit système ! Sinon nous risquons toujours d’avoir une petite théologie du Mystère de la Très Sainte Trinité, qui n’est plus la contemplation du Mystère. Si vous regardez attentivement le Prologue de l’Evangile de Saint Jean : « In principio erat Verbum dans la source le Verbe était », le Verbe c’est le FILS. Vous voyez que tout jaillit de la source du PERE. Puis vous voyez, à la fin de l’Evangile, apparaître le PARACLET.
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Ici ce n’est pas tout à fait le même ordre. Vous voyez le Père, Celui qui est au-delà du temps. Donc Il est à la source. Il est : « Celui qui est, Celui qui était et Celui qui vient ». Donc, Il est au-delà du temps. Car le Père est toujours le premier. Il y a un axe fixe qui demeure. Le Père demeure le premier. Mais immédiatement après le PERE, vous voyez le SAINT-ESPRIT. Puis, vous voyez le FILS. L’ordre est différent: Le Père, l’Esprit, le Fils. Dans l’Evangile de Saint Jean vous voyez le Père (la source), le Verbe (le Fils) et l’Esprit, qui nous est promis. Il n’y a pas d’opposition, pas de contradiction. Il ne faut pas dire : il y a deux ordres en Dieu : un ordre pour l’Orient et un autre pour l’Occident ! Il y a l’ordre des Orthodoxes et l’ordre des Catholiques romains ! Non, ne disons pas cela. Il n’y a qu’un seul ordre dans la Très Sainte Trinité. Mais c’est un ordre d’Amour, ce n’est pas un ordre cartésien, un ordre logique. C’est un ordre d’Amour. Les TROIS sont UN. Et cependant il y a un ordre. Alors tout dépend de ce que nous regardons. Si c’est le Mystère de l’économie divine, c’est l’ordre de l’Apocalypse. Selon l’économie divine, Jésus, dans Son corps, a été formé par l’Esprit Saint. C’est l’œuvre commune du Père, de l’Esprit, du Fils aussi, et de Marie. Il y a là une œuvre commune. C’est vrai. Marie est unie au Père dans une œuvre commune. Marie est unie à l’Esprit Saint dans une œuvre commune : la formation du Corps du Christ. On comprend alors comment Jésus, d’après l’économie divine, dans le Mystère du Verbe devenu chair, vient en troisième lieu, parce qu’il est le fruit, justement, de l’Esprit. Tandis que je puis aussi regarder le Mystère de la Très Sainte Trinité, en Ellemême. La foi me permet de dépasser la création. La foi me permet d’être contemporain de l’acte créateur de Dieu. Je peux toucher, dans la foi, la Parole de Dieu qui dit : « Que la lumière soit, et la lumière fut ». Je peux, dans la foi, rejoindre l’acte créateur de Dieu, actuel, puisqu’il est éternel, par lequel Dieu crée mon âme spirituelle. Je rejoins dans la foi directement ce geste. C’est du reste très impressionnant. Quand le Saint-Esprit éclaire notre foi et nous fait vivre ce moment, c’est extraordinaire. Nous comprenons ce que c’est que l’adoration : répondre à l’acte créateur de Dieu. Dieu, actuellement, crée notre âme. Ne disons pas qu’il l’a créée au moment où nous sommes nés ... au moment où nous avons été conçus ... C’est vrai, nous avons été conçus à tel moment, dans le temps. Nous sommes nés à tel moment ... c’est marqué sur les registres, à telle heure. Les astronomes peuvent regarder si nous sommes nés sous In signe d’une bonne ou d’une mauvaise constellation ... c’est très très bien. Mais profondément, notre foi remonte à la source et nous sommes créés éternellement par Dieu. Donc, actuellement, Dieu crée notre âme. Actuellement nous dépendons de Dieu. Directement, sans aucun intermédiaire. Puisqu’il ne peut pas y avoir d’intermédiaire pour la création. Il ne peut pas y avoir d’instrument pour la création. Immédiatement nous sommes créés par Dieu. Et la foi peut aller plus loin que la création. Elle remonte à la source, au-delà de la création. 68
« Père, glorifie-moi de la gloire que j’avais auprès de toi, avant la création ». Jn 17, 1-2 Nous pouvons remonter à cette procession éternelle du Verbe. Et c’est là la contemplation. L’adoration rejoint le geste créateur de Dieu. La contemplation rejoint la procession éternelle du Verbe. Et, dans la foi, nous pouvons être contemporains de l’éternité. Et nous sommes contemporains de l’éternité. Nous sommes faits pour l’éternité. Et la contemplation actue cette exigence d’éternité qui est en nous. Quand nous contemplons, nous sommes éternels. Parce que nous devançons la vision béatifique. C’est cela qu’il faut bien saisir : l’Evangile de Saint Jean est la dernière lumière, nous le voyons bien. Dans le Prologue nous est montrée la possibilité, pour notre foi, de remonter à la procession éternelle du Verbe. Donc il faut bien comparer le Prologue de l’Apocalypse et le Prologue de l’Evangile de Saint Jean, et regarder ces deux grandes visions de la Très Sainte Trinité. L’Esprit Saint aime toujours nous dérouter, pour que nous comprenions que nous avons tout à apprendre de Lui. Il a commencé par nous donner deux versions de la Création. Exprès, pour nous empêcher de posséder, et nous faire comprendre que nous avons deux grandes perspectives. Quand il s’agit de regarder des choses qui nous dépassent beaucoup, il faut avoir deux perspectives. Alors il nous est donné plusieurs perspectives de la Très Sainte Trinité.
« A Celui qui nous aime et nous a déliés de nos péchés par son sang, et qui a fait de nous un royaume, des prêtres pour son Dieu fit Père, à Lui la gloire et la domination pour les éternités d’éternités. Amen ». Apoc. 1, 6 C’est Jean qui s’adresse à Jésus en tant qu’il est le Témoin fidèle, le Premier-né d’entre les morts. Jean montre que toute l’Eglise est revêtue du sang de l’Agneau. « A Celui qui nous aime » : voilà comment Jean regarde Jésus. « Celui qui nous aime ». C’est beau de regarder Jésus toujours ainsi. Voilà comment on devrait toujours s’adresser à Lui « à Celui qui nous aime ». Et Il nous a déliés de nos péchés par son sang. Nous sommes rachetés, actuellement. Si nous sommes actuellement nés, de l’acte créateur de Dieu, nous sommes actuellement régénérés dans le Christ. Les deux créations. Et ces deux créations sont actuelles, parce que éternelles. « A Celui qui nous a déliés de nos péchés par son sang ». Actuellement nous sommes purifiés dans le sang du Christ. Nous sommes immaculés dans le sang du Christ. Le péché est, en face de Dieu, comme la neige en face du soleil, dès que nous avouons nos fautes, immédiatement. Il nous a déliés de nos péchés par son sang. Il a fait 69
de nous un royaume. Nous sommes le royaume de Dieu. Nous sommes de race royale, par la grâce. Nous sommes de race sacerdotale. Il a fait de nous un royaume de prêtres pour son Dieu et Père. C’est très grand de voir ces deux aspects du Mystère de la grâce, qu’il ne faut jamais oublier. La grâce fait de nous des fils de Dieu. Nous avons une noblesse unique. Nous sommes de la race du Christ, race divine. Donc nous sommes rois avec Jésus. Dans notre grâce. Et nous sommes prêtres avec Jésus. Voyez bien l’ordre des deux, n’est-ce pas ? C’est très important, parce que je crois que ce sont les deux aspects du Mystère de l’Amour. L’Amour implique un Amour à l’égard de Dieu et un Amour à l’égard du prochain. Les deux commandements qui se tiennent et ne font qu’un. Il y a ce lien profond avec le Père. La royauté du Christ provient de ce que le Père lui a remis tout pouvoir. Et nous sommes le Royaume du Christ, parce que le Père a remis tout pouvoir à Son Fils, et que le Fils a remis tout pouvoir à Son Eglise, tout pouvoir aux Apôtres et à leurs successeurs. Cela c’est le mystère de notre appartenance au Père. Le Père a remis tout pouvoir au Fils parce que le Fils est Celui qui Le contemple et qui est tout entier tourné vers Lui. Le pouvoir que le Christ nous a remis exige la contemplation. Et Jésus, qui a reçu tout pouvoir du Père, est .le médiateur par excellence. Médiateur d’Amour. Il est Le Prêtre. Sacerdoce d’Amour, puisque sacerdoce du Fils bien-aimé. Et le sacerdoce du Fils bien-aimé est celui de l’Agneau, Celui qui porte l’iniquité du monde. Sacerdoce de Celui qui se met à la place des pécheurs qu’il vient sauver. La médiation d’Amour n’exclut personne. Si c’était une médiation de justice, ce serait différent. Le sacerdoce du Christ est une médiation d’Amour. Et nous le comprenons bien puisque le Prêtre et la Victime ne font qu’un, car l’Amour exige que la victime ne fasse qu’un avec le prêtre. Quand il s’agissait d’une médiation de justice, d’une médiation liturgique, comme dans l’Ancien Testament, la victime était différente du prêtre. On ne demandait pas aux lévites de s’offrir. Ils en étaient incapables. Ils tuaient les taureaux qu’on leur offrait. Et ils se servaient des taureaux comme symbole de leur offrande. A un moment donné, Dieu a dit qu’il avait « horreur du sang des taureaux et des boucs ». Il faut se rappeler cette phrase, c’est très important. Dans la liturgie contemporaine, nous entendons de temps en temps certaines choses ... nous avons vraiment l’impression que c’est le sang des taureaux et des boucs ! Mais Dieu en a horreur, parce que lorsqu’il n’y a plus que l’expression extérieure, quand on dit tout le temps « ah, il faut bien qu’ils s’expriment », c’est le sang des taureaux et des boucs. Non, il faut qu’ils adorent. Et quand on adore, on s’exprime.
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Je me souviens, c’était à Lausanne ... On m’avait demandé de prêcher à toutes les messes. J’avais accepté, c’était le début de l’Avent. Je connaissais très bien le curé. Mais le curé avait oublié c’était un oubli volontaire de m’avertir que la dernière messe était la messe des jeunes. Dix minutes avant, il vient affolé, me disant : « Mon Père, je m’excuse, je ne vous l’ai pas dit, mais c’est la messe des jeunes ». Je dis : « Bon, c’est la messe des jeunes, très, très bien. Ils ont le droit d’avoir la Parole de Dieu, les jeunes. Oh oui, mais vous verrez ... c’est le vicaire qui s’en occupe ... Je ne suis pas d’accord avec lui. Je ne peux rien lui dire ... alors vous verrez ... Très bien. Je vous ai dit que je prêchais à toutes les messes. Je prêche donc à toutes les messes. C’est bien évident. La messe, c’est toujours la messe. » Dans ces moments-là, il faut demander au Saint-Esprit ce qu’on doit faire. « Quand vous serez traduits devant les juges l’Esprit Saint vous éclairera ». Alors très bien. C’était une messe super-jazz, évidemment, avec un petit orchestre qui faisait presque danser dans l’église. Quand on doit prêcher à une telle messe, il faut dire la vérité, car ce ne sont pas les jeunes qui sont responsables. On ne leur a jamais rien dit, sinon « il faut vous exprimer ». Alors les jeunes s’expriment à leur manière. On ne dit pas « adorez, contemplez, et puis après vous vous exprimerez ... ». Le gosse qui crie dans son berceau, il s’exprime ! Il y a des quantités de gens qui s’expriment. L’expression, c’est bien. Alors, vous savez, quand on doit prêcher à une messe comme celle-là, je crois que le Saint-Esprit vous éclaire. Cette parole me revenait tout le temps : « Dieu a horreur du sang des taureaux et des boucs ». Et j’ai commencé mon sermon comme cela : « Dieu a horreur du sang des taureaux et des boucs. Nous sommes dans l’Avent. Que représentait la prière de Marie auprès de cette tuerie d’animaux qui était l’expression de l’immolation des taureaux ... Dieu a horreur du sang des taureaux et des boucs ... ». Je vous affirme qu’ils m’ont écouté. Les instruments dégringolaient. Ils écoutaient avec une attention extraordinaire. Je disais que l’expression n’a aucune signification s’il n’y a pas l’adoration. Il faut adorer Dieu. La liturgie, c’est adorer Dieu. Autrement c’est un mensonge. Et Dieu a horreur des mensonges. L’Esprit Saint en a horreur, si nous n’exprimons pas notre adoration et notre amour. Il peut y avoir des paroles liturgiques, mais la messe n’est pas une parole liturgique. C’est le sacrifice du Christ. La messe n’est pas une préparation. La messe c’est l’achèvement. C’est la plénitude et c’est le sacrifice du Christ. Qu’on fasse des paraliturgies tant et plus, en dehors, comme préparation, tout à fait d’accord, si les chrétiens ont besoin de se préparer. Il faut les aider le plus possible. Il faut leur apprendre à découvrir ce que c’est que la prière. Ce n’est pas commode parce qu’ils vivent dans un monde où la prière est tellement sclérosée que la plupart du temps ils ont de la peine à parvenir au silence de Marie. C’est très important de comprendre ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui, sous ce point de vue, pour saisir notre responsabilité.
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Le sacerdoce lévitique n’est pas un sacerdoce d’amour. Il était une fonction liturgique. Tandis que In sacerdoce du Christ est un sacerdoce d’amour. L’amour s’exprime en premier lieu dans le silence. Quand on aime, on aime. L’amour s’exprime dans un geste d’holocauste, d’offrande. Regardez les quelques paroles de Jésus crucifié : « l’expression » du Christ crucifié. Regardez le silence de Marie à la Croix. Alors, qu’il y ait dans des messes solennelles l’expression de la gloire, très bien ... et qu’il y ait cette liturgie splendide, merveilleuse, très bien ... mais toujours en union au silence. Et toujours pour le silence d’amour. La liturgie chrétienne est une expression d’amour. Ce sont des gestes d’amour et pas uniquement la fête. C’est le Sacerdoce d’Amour du Christ. Et nous sommes tous liés à ce sacerdoce. Et nous sommes tous responsables, là où nous nous trouvons, de ce sacerdoce du Christ. Nous sommes un royaume de prêtres et si nous le sommes réellement, nous sommes tous liés au sacerdoce du Christ. Ce sacerdoce du Christ c’est le mystère de la charité fraternelle, au sens très très fort : Je suis responsable de mon frère. Responsable de la prière de mon frère, de la prière de tous ceux qui sont autour de moi. A la suite de Pierre, qui l’avait déjà dit dans son Epître, Jean nous rappelle ici, avec une force très grande : « A Celui qui nous aime et nous a déliés de nos péchés par son sang, et qui a fait de nous un royaume de prêtres pour son Dieu et Père, à Lui la gloire et la domination ». L’Eglise est le Royaume de Dieu, royaume d’Amour. L’Eglise est le lieu de la médiation, médiation d’Amour. Nous sommes tous médiateurs d’amour. Chacun d’entre nous. Et c’est là l’expression de notre sacerdoce mystique et royal, en liaison avec l’Unique Prêtre, en liaison avec le sacerdoce ministériel du Christ. Il n’y a pas d’opposition, mais grande unité dans cette médiation d’amour où nous devons tous nous porter les uns les autres pour glorifier le Père. Voyez le lien avec ce que je vous disais de cette grande vision de l’allégorie de l’Eglise : le grand mystère de la fécondité de l’Eglise, c’est la charité fraternelle. C’est le mystère du sacerdoce des fidèles. C’est le sacerdoce de la Femme : elle est mère de Jean, Mère de l’Eglise, elle est mère de tout ce que représente l’humanité qu’on doit offrir au Père.
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5ème conférence
La vision de Jéésus dans la Gloire, révélée dans l’Apocalypse, nous donne la signification du sacerdoce du Christ, selon l’ordre de Melchisédech, c’est-à-dire sacerdoce éternel, au-delà de l’humain. C’est Jésus qui corrige l’Eglise. Les sept Eglises c’est l’Eglise d’aujourd’hui et chacun d’entre nous (1, 6 à 2, 11)
Nous allons continuer cette lecture du début de l’Apocalypse, du Prologue. Il faut être très attentif aux Prologues : celui de la première Epître de S. Jean, celui de l’Evangile, et puis ici, ce Prologue de l’Apocalypse qui est une adresse, c'est-à-dire l’intention de Jean sous le souffle de l’Esprit Saint ; il parle au nom des Trois. Il parle aux sept Eglises. Il rappelle l’amour du Christ. « A celui qui nous aime. Qui nous a déliés de nos péchés par son sang ». L’esclavage c’est le péché, selon l’évangile de Saint Jean. Nous sommes liés par le péché. Puisqu’on parle beaucoup de libération aujourd’hui, il faut toujours se rappeler que le Christ nous libère du péché. C’est pour cela qu’il est venu et c’est avant tout cette libération là qu’il nous donne, par son sang. « ... Et qui a fait de nous un royaume, des prêtres, pour son Dieu et Père ». C’est pour le Père qu’il a fait ce royaume qui est l’Eglise, qui est le royaume de Dieu. Ici, sur terre, nous ne voyons pas beaucoup le royaume. Ce royaume est quelquefois très enseveli, comme la chrysalide, dit S. François de Sales. La grâce est comme une chrysalide en nous ; elle deviendra, un jour, un papillon : ce sera la vision béatifique. S. Thomas dit que l’Eglise ici-bas reste toujours un peu l’Eglise des catacombes ; notre grâce est cachée dans le sein de l’Eglise. Et l’Eglise est donc ce mystère qui reste caché. « La beauté est intérieure ». C’est un royaume très particulier ; c’est un royaume d’amour. Et notre grâce, parce qu’elle est liée à celle du Christ, parce qu’elle est liée à celle du Père, fait de nous des prêtres, responsables de nos frères. Le sacerdoce des fidèles, c’est cela : la responsabilité que nous avons à l’égard de nos frères. C’est Marie au pied de la Croix. C’est Marie qui offre au Père les dernières gouttes d’eau et de sang de Jésus. C’est Marie qui offre Jean. Le sacerdoce des fidèles, c’est le grand geste de l’offrande. Et c’est le grand geste de la demande. En effet, quand vraiment on prend conscience d’être responsables les uns des 73
autres dans la charité fraternelle, on ne peut qu’offrir à Dieu ce qu’on vient de demander. Quelqu’un qui souffre, on n’a pas autre chose à faire que de l’offrir à Dieu. Chaque fois qu’on voit quelqu’un souffrir avec une très grande intensité, on ne peut faire qu’une seule chose : l’offrir à Dieu. On ne lui fait pas un grand discours, on garde le silence et on le porte. C’est très fort, le geste de l’offrande dans le sacerdoce des fidèles. Et c’est la demande … « Ils n’ont plus de vin … » Ils n’ont plus la Parole, ils n’ont plus l’Eucharistie. « Un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père ». Il est très important de bien comprendre que notre grâce chrétienne nous lie au Christ, à la Royauté du Christ et au Sacerdoce du Christ, et que l’Eglise, c’est nous. Ne regardons pas trop l’Eglise de l’extérieur. Quand on regarde l’Eglise du dehors, on voit la hiérarchie, on voit l’aspect plus extérieur. Essayons d’avoir un regard divin, de voir l’Eglise comme le Christ luimême l’a vue, comme Jean l’a vue dans son extase. « Voici qu’il vient ». Jean voit. L’Eglise attend le retour du Christ. « Voici qu’il
vient avec les nuées et tout œil le verra. Et ceux-là qui l’ont transpercé, à son sujet se frapperont la poitrine. Toutes les tribus de la terre. Oui. Amen. »
Vous voyez la réponse aux Actes des Apôtres, au grand mystère de l’Ascension. Le Christ qui s’en va sur les nuées et qui reviendra de même. Ce sont les anges qui disent cela et Jean l’a entendu. Il a été témoin du mystère de l’Ascension. Il a entendu l’enseignement des anges. Et maintenant c’est lui qui directement comprend qu’il doit revenir avec les nuées. Le symbolisme des nuées, c’est l’Esprit Saint. C’est bien ce que je vous disais tout à l’heure : le retour du Christ est dans l’Esprit. Actuellement on sent très bien que si nous devons implorer le Saint-Esprit d’une façon très forte et que s’il doit y avoir un renouveau de l’Eglise dans l’Esprit Saint, c’est pour le retour du Christ. Dieu a préparé Marie, terre virginale, terre sainte pour la première venue. Et Dieu prépare l’Eglise dans une pureté nouvelle, qui vient de celle de Marie, qui accomplit celle de Marie, qui achève celle de Marie. Ceux qui sont de la race de la Femme, ceux qui sont reliés à Marie et qui ont le sens très fort, comme Marie, de leur fragilité de créatures, de leur petitesse de créatures, et qui sentent davantage la gratuité absolue de l’amour, par l’Esprit Saint, ce sont ceux-là qui attendent. « Voici qu’il vient avec les nuées », donc dans le souffle de l’Esprit. « Et tout œil le verra et ceux-là qui l’ont transpercé le verront » : Le Christ glorieux, mais qui a souffert à la Croix. Celui qui est immolé. C’est la blessure du Cœur de Jésus. Et nous comprendrons, à ce moment-là, que nous sommes des pécheurs et que c’est nous qui avons blessé Jésus. « Et à son sujet se frapperont la poitrine toutes les tribus de la terre ». On comprendra que lui seul est le Sauveur. 74
« Moi, je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, Celui qui est, celui qui était et celui qui vient. Le Tout Puissant ». Dieu est le point de départ et le terme. Tout vient de Lui et tout retourne vers Lui. Et toute l’économie divine doit nous faire comprendre que Dieu est l’alpha et l’oméga. Vous voyez les deux affirmations ici : Dieu est Celui à partir de qui tout vient et Celui vers qui tout retourne. Il faut avoir le sens de Dieu comme l’oméga. Tout s’achève en lui et tout prend sa signification en Lui. En définitive, la créature n’est parfaite qu’unie à son Créateur. Et Celui qui est l’alpha et l’oméga, c’est Celui qui est, qui était et qui vient. C’est l’Eternel. Et toute l’économie divine commence par Lui et retourne vers Lui, le Tout Puissant. Donc c’est bien au nom de la très Sainte Trinité. Il commence par le Père et il achève par le Père. Et Jean est lui-même pris dans le grand mouvement. C’est cela qui est très beau. Et Jean s’adresse aux sept églises. Nous avons alors la lettre aux sept églises qui est une chose magnifique. La lettre aux sept églises commence par une vision préparatoire qui est la grande vision de Jésus dans la gloire. C’est la seule vision de Jésus dans la gloire. Il faut bien distinguer la vision de Jean ici et les apparitions de Jésus après la Résurrection. Il y a là tout un parallélisme qui est très important à faire au plan théologique. Les apparitions, Jean, d’une certaine manière, n’en a pas eu besoin, si on suit attentivement ce qu’il nous dit, puisque dès qu’il a vu le tombeau vide, Jean a cru. Et l’apparition lui a été donnée donc par surcroît. C’est important parce que cela nous fait comprendre que Marie n’a pas eu besoin des apparitions. Marie a tout de suite vécu du mystère, dans la foi. Sans doute que l’apparition du Christ dans sa gloire lui a été donnée par surcroît et dans l’intimité. Cela ne nous est pas dit. C’est réservé à Marie. Ce sont les délicatesses de Jésus. Il y a des choses qui sont dans le secret. Alors on n’a pas besoin de le prêcher. On n’a pas besoin de dire à tout le monde : « J’ai eu telle grâce, vous savez... » Il y a des choses qu’on ne communique pas. Et puis il y a des choses qu’on doit communiquer quand elles sont pour tout le monde. Les apparitions sont pour confirmer les Apôtres. Jean, ici, reçoit une grâce qu’il doit dire, une grâce charismatique. C’est cette grande vision de Jésus dans la Gloire. C’est un charisme lié à l’extase, donc lié à la contemplation. « Moi, Jean, votre frère et qui ai part avec vous à l’affliction ... » Voyez comme Jean est proche. Quand on vit la très grande lutte de l’Eglise, quand on voit l’Eglise sur le champ de bataille, en plein combat, on est proche les uns des autres. Il ne faut pas avoir une vision de l’Eglise comme d’une armée qui défile le 14 juillet sous l’Arc de Triomphe, comme certains traités de l’Eglise nous la montrent. Ce n’est pas du tout cela : l’Eglise, c’est le champ de bataille ; c’est l’Eglise militante. L’Eglise est plus militante que jamais. Alors, sur le champ de bataille, le petit « piou-piou » est près du Général, tandis que le jour du 14 juillet, il y a des distances. Nous ne pouvons pas 75
atteindre le Saint Père comme nous voulons, mais sur le champ de bataille, on peut être tout près de lui. Il faut de temps en temps être parachuté auprès de lui. Il faut l’aider. Il est dans sa prison. Vous le savez bien, les anges passent au-dessus des portes. Quand Pierre était prisonnier et que toute l’Eglise priait, comme les Actes des Apôtres le disent, qu’est-il arrivé ? Les anges sont venus, les chaînes sont tombées, les portes se sont ouvertes. C’est très beau. C’est très important de savoir tout cela. Dans le champ de bataille, le petit dernier est tout proche. Jean voit Jésus : « Moi, Jean votre frère, qui ai part avec vous à l’affliction et au Royaume et à la constance en Jésus ... » Vous voyez bien ce que c’est que d’être frères ... On n’est frères que lorsque, de fait, on a part au même mystère de compassion. On vit le mystère de la Croix. On est dans le Royaume, on sait que l’amour est victorieux, on est fidèle et on est patient. La constance en Jésus, c’est beau comme dimension de la fraternité. « ... Moi, Jean, votre frère ... » Lui qui est le disciple bien-aimé, est tout proche de nous. Ainsi nous sommes frères les uns des autres quand nous avons part au même mystère de souffrance. C’est la souffrance du Christ que nous portons. C’est le mystère du Calvaire que nous portons. Nous sommes tous du Royaume parce que la victoire du Christ nous est donnée. Et nous avons cette patience divine. « Je me trouvais dans l’île appelée Patmos, à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus Christ ... » Jean est là, parce que justement on l’a chassé. Il est là prisonnier, rejeté. C’est bon de temps en temps de subir comme cela des rejets à cause de la parole et du témoignage. C’est une béatitude, selon S. François d’Assise. Et selon Notre Seigneur, il y a la béatitude des Persécutés, il ne faut pas l’oublier. « Je fus ravi en esprit le jour du Seigneur, et j’entendis derrière moi une voix forte ». Jean est très lucide dans son extase ; grâce à Dieu il peut nous transmettre cette chose merveilleuse. Il est ravi en esprit le jour du Seigneur. C’est le jour qui commémore la résurrection du Seigneur. « Et j’entendis derrière moi comme une trompette ». Ici, la trompette, c’est la voix forte, c’est l’Esprit Saint. Et c’est la voix du Christ. « Ce que tu regardes, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept églises : à
Ephèse, à Smyrne, à Pergame, à Thiatire, à Sardes, à Philadelphie, à Laodicée. Je me retournai pour regarder la voix qui parlait avec moi ». Il se retourne pour regarder la voix. Normalement, on entend une voix. Mais quand la voix est tellement forte, elle est une présence. Alors on se retourne ; c’est la voix substantielle de l’Esprit Saint, c’est la présence de Jésus. Quand l’Esprit Saint est très fort et prend tout en nous, c’est Jésus qui est là, et nous sommes face à Jésus. Vous voyez le lien entre la voix et Jésus ; c’est montré d’une façon merveilleuse ici. C’est la voix. C’est l’Esprit. Et l’Esprit, tel une trompette, veut réveiller Jean, il le met en extase. Entrer en extase, c’est sortir de soi, c'est-à-dire sortir de son conditionnement habituel et entrer dans le mystère de l’amour de Dieu. 76
Or, on n’entre pas en extase comme on veut. Ce sont de fausses extases si vous y entrez comme vous voulez. « Je vais me mettre en extase ... » C’est beau de se mettre en extase ... On peut le faire à la force du poignet mais c’est une extase naturelle. Avec une certaine ascèse, on peut très bien arriver à se mettre en extase ... c’est à dire à quitter notre univers et à entrer dans un autre univers. Je ne dis pas que c’est l’univers de Dieu : c’est un autre univers. Ici, c’est une extase divine. C’est la voix. C’est l’Esprit Saint qui attire et qui fait que Jean sort du contexte habituel. Il est prisonnier. Il est là pour la parole de Dieu. Subitement, il entre en contact personnel avec Jésus. L’extase divine est toujours un contact personnel ; ce n’est pas une fuite. Dans l’extase humaine, ce peut être une fuite. On en a assez de tout ce que l’on voit, alors on désire entrer dans un autre monde. Dans l’extase divine, c’est la voix, c’est l’Esprit Saint qui nous conduit. Et l’Esprit Saint donne un ordre : la volonté du Père. Et la volonté du Père est : « Ce que tu regardes, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept églises ». Vous voyez, c’est très particulier. Ce n’est pas une lettre encyclique du Saint Père. C’est Jean, le disciple bien-aimé, qui doit exécuter cela. Une révélation. « Je ne retournai pour regarder la voix qui parlait avec moi. Et m’étant
retourné, je vis sept lampadaires d’or. Et au milieu des lampadaires, quelqu’un de semblable à un Fils d’homme, vêtu d’une robe talaire » (cette robe blanche des lévites). Il voit Jésus dans la Gloire semblable à un Fils d’homme. C’est la grande révélation de Daniel qui montre le Fils de l’homme. Eh bien Jean voit Jésus dans la gloire. C’est impressionnant pour lui. Il a vu Jésus crucifié ... Il a vu Jésus ressuscité qui lui a montré les plaies de son cœur et de ses mains dans les apparitions. Et puis ici, subitement, il voit Jésus dans la Gloire, et dans la Gloire de son Sacerdoce. L’Apocalypse nous fait comprendre que l’Eglise est sacerdotale. Elle nous fait comprendre le mystère du Sacerdoce. C’est normal : si l’Eglise est reliée à la Très Sainte Trinité, elle ne peut être que sacerdotale. Elle est médiatrice entre la Très Sainte Trinité et les hommes. Alors Jésus apparaît dans Son Sacerdoce royal éternel. Il est éternellement l’unique Prêtre. « Et m’étant retourné, je vis sept lampadaires d’or, et au milieu des lampadaires, quelqu’un semblable à un Fils d’Homme. » « Quelqu’un », pour bien montrer que Jésus dans la Gloire c’est une présence. Quand on est pris par la présence d’une personne, on dit d’abord : c’est quelqu’un. Les détails viennent après. La présence est très forte. C’est justement ce qui fait la différence avec une extase purement humaine où il n’y a pas de présence. On se perd. On est au-delà de toutes les déterminations. Là, c’est « quelqu’un semblable à un Fils d’homme, vêtu d’une robe talaire et ceint à hauteur de poitrine d’une ceinture d’or ». Cette robe blanche avec la ceinture d’or, c’est la robe sacerdotale. « Sa tête et ses cheveux étaient blancs comme de 77
la laine blanche ». Vous voyez, on revient au Thabor et en même temps, c’est tout à fait différent. Mais Pour Jean qui a vécu le Thabor, c’est quelque chose de semblable. Nul homme ne peut voir la Gloire de Jésus auprès du Père, mais c’est Jésus qui se donne à Jean et qui fait saisir à Jean le mystère du Christ selon ces symbolismes du Christ par lesquels le Sacerdoce éternel du Christ se révèle à lui. Là, vous comprenez la signification du Sacerdoce du Christ selon l’ordre de Melchisédech, c’est le Sacerdoce éternel, le Sacerdoce royal. Donc, au-delà de tout sacerdoce humain. Je crois que presque toutes les religions ont un sacerdoce : sacerdoce d’hommes ou sacerdoce de femmes : des prêtresses. Et, dans l’Ancien Testament, il y a un sacerdoce. Tous ces sacerdoces qui sont des sacerdoces religieux, ne sont rien à coté du Sacerdoce royal du Christ. On dit Sacerdoce royal du Christ parce qu’il vient du Père. Ce n’est pas un Sacerdoce qui vient de la masse, ou de la base : c’est un sacerdoce qui vient d’en haut, Jésus est revêtu de cette robe blanche qui exprime justement son mystère d’amour, de pureté, de limpidité, pour ne pas faire écran. La robe blanche exprime cette pureté dans l’ordre de l’amour. « Quelqu’un de semblable à un Fils d’homme, vêtu d’une robe talaire et ceint à
hauteur de poitrine d’une ceinture d’or. Sa tête et ses cheveux étaient blancs comme de la laine blanche. Comme de la neige ». Ceci exprime la pureté et, en même temps, le caractère d’éternité. C’est la lumière. Et la lumière, quand elle est très intense, quand elle s’empare de toute la tête, elle rend les cheveux blancs comme de la neige. C’est l’éternité du mystère sacerdotal du Christ. La tête, c’est l’intelligence, ... c’est un Sacerdoce d’amour, mais contemplatif. C’est un Sacerdoce contemplatif puisqu’il vient du Père, et c’est un Sacerdoce qui exige la contemplation. « Ses yeux comme une flamme de feu ... » Ah ! Les yeux du Christ ... le regard de Jésus sur Jean ... et le regard de Jean sur Jésus. Notre regard sur Jésus, le regard de Jésus sur nous ... « Ses yeux comme une flamme de feu », c’est l’ardeur d’amour ... C’est par les yeux que l’amour s’exprime le plus, c’est dans le regard que l’amour s’exprime le plus ... Les yeux sont comme du feu. Le feu de l’amour. C’est mystérieux, les yeux ... et tout le symbolisme du regard de feu du Christ, c’est Jésus qui illumine, qui éclaire. C’est un regard d’amour. Il y a la présence, puis il y a une présence qui se précise pour Jean par le regard. « Ses pieds semblables à du bronze qu’on aurait purifié au four ». Les pieds expriment toujours la force, la force du témoin. Les pieds de Jésus qui ont été cloués à la Croix. « … Et sa voix comme la voix des grandes eaux ». La voix du Christ, c’est comme la voix de l’Esprit Saint. Elles ne font plus qu’un : il y a une unité parfaite entre les deux. 78
« Et il y avait dans sa main droite sept étoiles et de sa bouche sortait une épée
acérée à double tranchant. Et son visage était comme le soleil quand il brille dans sa puissance ».
Tous ces symbolismes sont là pour exprimer je crois que c’est cela que nous devons retenir le Sacerdoce royal du Christ, Sacerdoce d’amour, entièrement donné. Un Sacerdoce qui enseigne par le glaive. L’enseignement du Christ est un enseignement qui brise tout ce qui n’est pas de Dieu, et qui unit profondément au Père. « Lorsque je le vis, je tombai à ses pieds, comme mort ». Vous voyez le mystère de l’adoration. Immédiatement le geste spontané : Jean est tellement habitué à adorer que, dès qu’il est en présence de Dieu, il adore. Il se précipite comme mort. Quand on adore, on est mort à soi pour n’être présent qu’à Dieu. C’est une mort mystique. Nous mourons mystiquement en adorant. Le corps disparaît à nos propres yeux pour ne plus être encombré de soi. C’est terrible d’être encombré de soi. L’adoration nous purifie radicalement et nous met dans cet état de vérité à l’égard de Dieu. Alors on est comme mort ... on disparaît ... il n’y a plus que Dieu. « Et il posa sur moi sa droite ... » Quand nous adorons, nous sommes capables de contempler. Et c’est Dieu qui nous donne la contemplation. « Il posa sur moi sa droite en disant : ‘sois sans crainte. Moi je suis le premier et le dernier’ ». Vous voyez, le mot à Marie : « sois sans crainte ... ne crains pas ... » L’adoration est l’œuvre du don de crainte. On n’adore vraiment Dieu que quand on disparaît, quand on est en état de pauvreté absolue. C’est la crainte qui est le début de la sagesse. Et la crainte est parfaitement vécue dans l’adoration. Alors c’est Dieu qui nous relève. C’est Jésus qui nous relève. « Sois sans crainte. » Parce que cette crainte du don de crainte est chaste et aimante. Ce n’est pas la crainte humaine. Ce n’est pas la crainte du gendarme qui nous paralyse, c’est la crainte d’amour. « Moi je suis le Premier et le Dernier, et le Vivant ». Jésus s’est défini par le Vivant. C’est très important. C’est lui qui le dit. Comme le Père est l’alpha et l’oméga, il est le Premier et le Dernier, parce qu’il est tout entier relatif au Père. Il est le premier né et le dernier des ultimes. Il n’y a rien au-delà. « Et le Vivant … J’ai été mort et voici que je suis vivant. Pour les éternités d’éternité. Et j’ai les clés de la mort et de l’enfer. » Le symbolisme de l’Hadès. Ce sont des expressions très anciennes, très primitives, très symboliques, pour exprimer que Jésus est le maître de la vie et de la mort. « Ecris donc ce que tu as vu, ce qui est et ce qui doit arriver dans la suite. Quant 79
au mystère des sept étoiles que tu as vues sur ma main droite et aux sept lampadaires d’or, le voici … » C’est merveilleux quand c’est Jésus lui-même qui fait l’exégèse du symbolisme, parce que Jésus nous donne ainsi le point de départ. Il invite Jean, donc il nous invite. Comprenez, essayez d’être intelligents ... Il invite Jean à être intelligent dans son extase. On aimerait bien que Jésus continue à nous expliquer tout. Là, il nous explique : il nous invite à comprendre. Il ne dit pas : « reste dans le symbolisme ... » Non ... « comprends ». L’extase doit nous rendre intelligents pour Dieu. La contemplation doit nous rendre intelligents pour Dieu. Dieu veut que nous soyons intelligents pour lui.
Il y a deux espèces d’intelligences : il y a une intelligence rationnelle, qui s’oppose à l’amour. Il y a des gens dialectiques qui s’opposent à l’amour. Et puis il y a l’intelligence toute entière purifiée par l’amour qui nous conduit à l’amour. Et Dieu veut cette intelligence dans la contemplation. Les sept étoiles sont les sept anges des sept églises; et les sept lampadaires sont les sept églises. Il y a donc des archanges pour les églises. Il y a un ange pour l’Eglise d’Ephèse. Il y a un ange pour l’Eglise de la Part Dieu (ou un archange pour l’Eglise de la Part Dieu !) Il ne faut pas l’oublier. Dès qu’il y a une église, une communauté chrétienne, il y a un ange qui est là, qui veille, qui protège. C’est très grand la théologie des anges. Nous l’oublions un peu aujourd’hui, car nous n’aimons pas beaucoup que dans la grande famille de Dieu, il y ait des gens plus intelligents que nous. Quand on regarde les anges, on est bien obligé de reconnaître que nous sommes des petits benjamins et que nous ne sommes pas très intelligents. C’est pour cela qu’on évite de regarder les anges ... Si on comprenait que c’est merveilleux d’être les benjamins ... Alors on parlerait tout le temps des anges, parce que le benjamin est très content d’avoir des frères aînés. On est très heureux d’être le petit dernier parce qu’on est le plus aimé. Et c’est vrai, on est aimé d’une façon extraordinaire. Demandez à vos anges combien vous êtes aimés et demandez à l’ange de la Part Dieu combien vous êtes aimés. Et combien, quand vous êtes ici sous sa mouvance, il veut vous révéler que vous êtes des petits, des tout petits : les benjamins du Père avec tous les droits des benjamins. Si vous n’êtes pas gâtés, parce que les petits enfants gâtés méritent d’avoir une petite correction. Mais si vous êtes vraiment les benjamins et que vous le reconnaissez, alors c’est merveilleux. Voyez, c’est le seul passage de toute l’Ecriture où Jésus nous est montré dans sa gloire et c’est le Sacerdoce du Christ. Je trouve cela bouleversant. Là, on comprend ce qu’est le Sacerdoce. C’est éternel et c’est ce qu’il y a de plus lumineux dans la gloire du Christ. Tout est pour le Sacerdoce du Christ. Toute l’Eglise est revêtue du Sacerdoce du Christ. Elle est 80
sous l’emprise du Sacerdoce du Christ. C’est la médiation pour les petits benjamins, les petits derniers. Le Sacerdoce du Christ est pour nous, pas pour les anges directement : les anges coopèrent au Sacerdoce, mais ils ne sont pas directement dans le sacerdoce du Père. Ce sont les ministres du Sacerdoce du Christ. Ils ne font que coopérer, parce qu’ils ne sont pas de cette race sacerdotale. C’est très mystérieux ... Nous, nous sommes de la race sacerdotale parce que nous sommes tous liés à la grâce du Christ, alors que les anges sont les ministres du Sacerdoce du Christ. C’est extraordinaire d’avoir cette grande vision du Ciel. Parce qu’on le voit beaucoup moins dans les apparitions. Vous regardez avant tout Jésus et vous n’avez pas l’oeil suffisamment affiné, contemplatif pour dire, en regardant Jésus : « Le Grand Prêtre, le Prêtre ». Qui d’entre nous, en voyant Jésus, dit « le prêtre » ? Pourtant, c’est cela. C’est le Grand Prêtre d’amour, ce qu’il y a de plus grand. Il est l’Envoyé du Père. Et tout ce que son humanité sainte a de plus grand, c’est d’être justement le Prêtre. L’instrument conjoint à la divinité. C’est pour cela que c’est le Sacerdoce du Fils Bienaimé. Cette gloire de l’humanité du Christ, c’est cette gloire sacerdotale. Nous voyons donc les sept anges et les sept lampadaires qui sont les sept églises. Jésus est présent là où il y a des églises. Et l’Eucharistie est là pour nous indiquer sa présence. L’Eucharistie est le sacrement de Sa Présence, liée à son sacerdoce. Vous commencez à comprendre pourquoi il y a l’Eucharistie : l’Eucharistie est le fruit du Sacerdoce du Christ qui nous est donnée puisque c’est la présence de la Victime et c’est la présence du sacerdoce. C’est Jésus qui est livré, donné, communiqué comme le pain. Et c’est la présence sacerdotale de Jésus dans sa gloire. Cette présence sacerdotale est reliée aux églises, et les Eglises impliquent toujours les anges. Nous sommes l’Eglise du Christ. Nous sommes l’Eglise du Sacerdoce du Christ. Et donc Jésus ne peut plus se séparer de l’Eglise. Donc, il y a d’abord la vision du sacerdoce du Christ dans la gloire. Puis nous voyons maintenant Jésus au milieu des sept églises, Jésus corrigeant son Eglise. Ce ne sont pas les théologiens qui corrigent l’Eglise, c’est Jésus. C’est beau de voir comment Jésus corrige l’Eglise, parce qu’il l’aime. C’est une correction d’amour. Il la corrige en tant qu’il est responsable d’elle en face du Père. Les théologiens sont des serviteurs. Ils ne peuvent pas corriger l’Eglise qui est leur Mère. Qui corrige sa mère ? Celui qui le fait prouve qu’il n’est plus l’enfant de sa mère. L’Eglise, c’est notre Mère. Nous ne pouvons pas la corriger. On peut être agacé par certains hommes d’église, mais ce n’est pas l’Eglise. Et plus nous sommes agacés, et plus nous souffrons par certains hommes d’église, plus nous devons l’aimer tendrement et découvrir le mystère de l’Eglise. C’est très beau de voir que c’est Jésus dans son sacerdoce royal qui corrige l’Eglise. Il peut le faire sous le souffle de l’Esprit Saint. Le Père lui a remis tout pouvoir et donc c’est la correction du Père par le sacerdoce du Christ, parce que Jésus, dans son sacerdoce, ne 81
fait pas nombre avec le Père. Il agit au nom du Père, en médiateur, il agit comme l’envoyé. Alors, voyons cette correction des sept églises. Il s’agit bien des sept églises que Jean regarde dans son extase. Ephèse est présente à Jean quand il est à Patmos. Et il voit Ephèse d’un regard nouveau, cette chère église d’Ephèse qu’il a tant aimée. Il lui a donné le meilleur de son cœur. Peut-être que Marie a terminé sa vie là. C’est poignant de voir comment Jean, dans cette vision, saisit ces églises, les regarde, et comment, dans la contemplation, Dieu nous fait regarder ce qu’il a mis tout proche de nous, ce dont nous sommes responsables. C’est dans la contemplation que nous devons les corriger, et pas en dehors de la contemplation, parce que la correction se fait à l’intérieur même du Sacerdoce du Christ. Les sept églises, c’est l’église d’aujourd’hui, c’est nous, chacun d’entre nous. Evidemment nous sommes les sept à la fois parce que les sept sont liées ; le chiffre sept c’est la plénitude. C’est la perfection. C’est l’Eglise sous la mouvance de l’Esprit Saint. Et en même temps, chaque église a sa correction particulière, ce qui fait comprendre de façon divine le pluralisme dont on parle tout le temps aujourd’hui. On ne sait plus très bien ce que ça veut dire : alors il faut le regarder dans la lumière des sept églises. Dans cette lumière des sept églises, il y a quelque chose de très juste; il y a l’unité de l’Eglise, et puis il y a l’incarnation de l’Eglise. L’incarnation de l’Eglise est toujours particulière. L’Eglise de la Part Dieu, l’Eglise de Poissy a son caractère propre, différent de celui de l’Eglise qui est dans un autre point du globe. L’incarnation est différente. Et nous devons comprendre, au-delà de la diversité, l’unité qui est toujours l’Eglise du Christ, l’Eglise de Marie, l’Eglise du Saint Esprit. Pour chacun d’entre nous il y a un mystère d’incarnation. Jésus attend de chacun d’entre nous quelque chose de propre et d’unique que nous sommes seuls à pouvoir réaliser. Comme dans un chœur magnifiquement organisé, chacun a quelque chose à dire et fusionne avec les autres. Nous avons quelque chose d’unique à dire, quelque chose que Dieu nous fait comprendre. Il ne faut pas copier le voisin, sinon on fait fausse route. On ne doit pas rivaliser avec le voisin. Vous voyez les deux attitudes humaines : copier ou rivaliser. On louche sur le voisin, parce qu’il nous semble un peu plus prospère. Alors on dit : « Qu’a-t-il fait pour grandir de cette manière ? Prenons le procédé. » Non. Acceptons le rythme de l’Esprit Saint sur nous. Il ne faut ni copier ni rivaliser : il faut aimer. Etre du Christ et uniquement du Christ. C’est très important aujourd’hui parce que le démon essaie de diviser l’Eglise en deux : intégrisme, progressisme. Ce n’est pas du Saint-Esprit. Ce sont des titres que les journalistes mettent sur l’Eglise. Cela a commencé ainsi, c’est plus facile. On classe d’un coté et de l’autre, droite et gauche. Il faut être du Christ et du Saint Esprit. Il ne faut pas être partisan. Je sais bien que c’est plus facile d’avoir sa croyance. On n’en a pas le droit. Il faut accepter d’être seul avec le Christ. Solitude divine. Il ne faut jamais accepter d’être partisan. C’est odieux et c’est contraire à l’exigence du mystère du Christ. Et c’est toujours la tactique du démon : dans les moments de lutte, le démon essaie de nous 82
mettre dans un camp. Mais non, on n’est pas dans un camp. On est du Christ, et quand on est du Christ, on doit accepter d’aimer ses frères. Vous voyez ce que je veux dire : Si on prend l’intégrité dans le sens qu’il faut être parfaitement du Christ, et donc porter toute la tradition de l’Eglise, on n’est pas partisan, on n’a pas une étiquette sur le dos. Si les autres en mettent, cela n’a pas d’importance. C’est plus facile pour eux d’étiqueter, mais ça n’a aucune espèce d’importance parce que, ordinairement, on est intégriste d’un coté, mais on est progressiste de l’autre. C’est invraisemblable mais c’est ce qui arrive. Si vous allez dans l’intégrité jusqu’au bout en voulant être l’exemplaire de l’intégrisme, vous oubliez le Christ : vous vous regardez. De même, en voulant être l’exemplaire du côté progressiste, vous vous regardez et vous n’êtes pas du Christ. C’est beaucoup plus difficile de ne regarder que Jésus, selon la vision de Jean, Jésus dans son sacerdoce royal ... Les sept églises. « A l’ange de l’Eglise qui est à Ephèse, écris : c’est très net ‘Voici ce que dit celui qui tient les sept étoiles dans sa droite’. » Vous allez voir que, pour chacune des églises, on a un aspect différent du mystère du Christ. « Voici ce que dit celui qui tient les sept étoiles dans sa droite. Celui qui marche au milieu des sept lampadaires d’or ». C’est le mystère de la présence du Christ au milieu des églises. A Ephèse, c’est le mystère du Christ dans sa présence, d’une certaine manière, la moins caractéristique : c’est celui qui est « au milieu » des églises. C’est pour cela qu’Ephèse, je crois, représente ce qu’il y a de plus central dans l’Eglise, le grand mystère de la source, parce que c’est Jésus qui est le mystère de la présence. « Je sais tes œuvres, et ton labeur, et ta constance, et que tu ne peux supporter les méchants. Et que tu as mis à l’épreuve ceux qui se disent Apôtres et ne le sont pas. » C’est important : il y a des gens qui se disent apôtres et qui ne le sont pas au regard du Christ « et que tu les as trouvés menteurs ». Il y a des gens qui usurpent le titre d’apôtres, de témoins du Christ. Ils sont menteurs ... « Et que tu as de la constance. Et que tu as supporté à cause de mon nom et que tu ne t’es point lassée ». Donc beaucoup d’éloges n’est-ce pas ? L’Eglise d’Ephèse se tient bien. « Je sais tes œuvres ». Il y a une fécondité. « Je sais ton labeur », elle ne dort pas ... « Ta constance, ta patience, que tu ne peux supporter les méchants ». L’Eglise d’Ephèse n’accepte pas les ennemis du Christ. « Que tu as mis à l’épreuve ceux qui se disent apôtres ». Il y a discernement. Et Jésus veut le discernement; on n’a pas le droit de suivre les mercenaires. On n’a pas le droit de suivre n’importe qui, comme Sainte Thérèse la Grande Thérèse le disait déjà de son temps. On doit comprendre qu’il y a à l’intérieur même de l’Eglise un mensonge. Dieu a permis cela. Dieu a permis Judas, et que Judas reste pendant toute une partie de la vie apostolique de Jésus. Et Jésus l’a supporté. « Et que tu as de la constance, tu as de la patience et que tu as supporté à cause de mon nom ». Tu as été patiente ... Tu as pâti. 83
« Mais j’ai contre toi » voilà le reproche, voilà la correction et seul Jésus dans son sacerdoce d’amour peut faire cette correction. « J’ai contre toi que tu t’es relâchée de ton premier amour ». Voilà ce qui blesse le plus le cœur de Jésus : celle qui est la bienaimée, celle qui est aimée d’un amour unique, a oublié qu’elle était la bien-aimée, qu’elle était aimée d’un amour unique. « Rappelle-toi donc d’où tu es tombée, et repens toi et pratique tes premières œuvres ». Le premier amour doit donner les premières œuvres, fruits du premier amour. L’amour premier, c’est l’amour fervent. C’est la ferveur dans l’amour. Saint Thomas nous dit que la ferveur dans l’amour, c’est l’eau qui bout ; et l’eau qui bout fait sauter le couvercle. Ce qui permet de comprendre que l’amour n’a pas de mesure en dehors de l’amour. C’est cela le premier amour, la ferveur de l’amour. Il y a un vieux moine, Saint Jean Climaque qui, dans son « échelle de la perfection » donne des conseils à ses moines. S. Jean Climaque, c’est toute la spiritualité du Mont Sinaï, une spiritualité très forte. Il dit ceci : « Un novice doit être fervent » Je vous ai dit qu’il fallait être novice du Saint-Esprit. Donc la retraite implique la ferveur. Pas une ferveur sensible, une ferveur de volonté. Un amour volontaire mais un amour vrai. Un novice est fervent, autrement il ne serait pas novice. Si un novice n’est pas fervent, on n’a qu’à lui dire : « Vous n’avez pas besoin de rester ici ». Le discernement se fait par la ferveur. C’est l’église d’Ephèse. La ferveur c’est la plénitude de l’amour, l’amour qui nous demande d’aller plus loin, toujours plus loin. L’amour qui n’a pas de mesure en dehors de lui-même. Et Saint Jean Climaque ajoute : « Un vieux moine fervent, c’est la sainteté ». C’est une magnifique définition de la sainteté. Nous pouvons tous être moines et nous pouvons tous être de vieux moines fervents si noua avons un certain âge. Je crois que c’est cela l’Eglise d’Ephèse : la vie monastique dans sa ferveur. Mais la vie monastique comprenez bien dans le sens de la consécration totale de tout notre être à Dieu, qui se vit selon des modalités différentes, et qui doit se faire dans l’adoration et la contemplation, puisqu’on ne peut être consacré à Dieu que dans l’adoration et la contemplation. Et c’est la ferveur, ferveur dans l’adoration, ferveur dans la contemplation, que Dieu réclame de l’Eglise d’Ephèse. « Rappelle-toi donc d’où tu es tombée et repens-toi et pratique tes premières
œuvres. Sinon je viendrai à toi et j’ôterai ton lampadaire de sa place si tu ne te repens pas ». « Mais tu as pour toi de haïr les œuvres des Nicolaïtes ». Là, il faut une
herméneutique à l’égard des Nicolaïtes. Discerner les Nicolaïtes de notre temps, c’est assez particulier ; il faudra revenir là-dessus. « Mais tu as pour toi de haïr les Nicolaïtes, comme moi aussi je les hais ». Jésus a de la haine pour les œuvres des Nicolaïtes. Les Nicolaïtes, c’est la perversion de la doctrine. On ne peut pas accepter qu’on dise : « ... cela n’a pas d’importance ... il y a des opinions ... » et qu’on mêle tout. Oh, c’est très exigeant l’église d’Ephèse. Plus on aime plus on est exigeant dans l’ordre de la doctrines 84
c’est la doctrine de l’Eglise, c’est la doctrine du Christ. « Qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Eglises ». Vous voyez, c’est l’Esprit qui parle à toutes les Eglises en parlant à Ephèse. « Au vainqueur je lui donnerai à manger de l’arbre de vie qui est dans le paradis de Dieu ». Pour l’église d’Ephèse, il y a cette récompense, cette béatitude. Si l’Eglise d’Ephèse se repent, si l’Eglise d’Ephèse accepte cette correction, si l’Eglise d’Ephèse ne s’enorgueillit pas d’être l’Eglise d’Ephèse. Mais si elle s’enorgueillit d’être l’Eglise d’Ephèse, si elle se trouve satisfaite d’elle-même, alors c’est fini, parce qu’elle ne peut plus avoir son premier amour. L’orgueil empêche la « Au vainqueur je donnerai à manger de l’arbre de vie qui est dans le paradis de Dieu ». C’est le mystère de l’Eucharistie. L’arbre de vie, qui est dans le paradis de Dieu. L’Eglise d’Ephèse doit garder l’Eucharistie. Elle doit vivre de l’Eucharistie avec une très grande force. C’est beau l’Eglise d’Ephèse. C’est grand. En chacun de nous, il y a l’Eglise d’Ephèse. Nous pouvons tous être l’Eglise d’Ephèse si nous comprenons cette jalousie de l’amour du Christ sur nous et si nous avons le désir de la contemplation. Si nous avons la soif que tout nous-même soit donné à Jésus, consacré au Christ. « A l’Eglise de Smyrne et à l’ange de l’Eglise qui est à Smyrne, écris : ‘voici ce que dit le premier et le dernier. Celui qui a été mort et a repris vie.’ » Vous voyez, c’est tout à fait autre chose. Cela fait partie de ce qui a été montré avant sur le mystère du Christ. Mais c’est un autre aspect. C’est le mystère du Premier et du Dernier. Celui qui a été mort et a repris vie. C’est le Vivant. « Je sais ton affliction et ta pauvreté. Mais tu es riche. Et le blasphème de ceux
qui se disent juifs et ne le sont pas ; mais ils sont synagogue de Satan. Ne crains pas ce que tu vas souffrir. Voici que le diable va jeter quelques-uns d’entre vous en prison
pour que vous soyez mis à l’épreuve. Et vous aurez une affliction de dix jours. Montretoi fidèle jusqu’à la mort, et je te donnerai la couronne de vie. » C’est la vie victorieuse de la mort. C’est Jésus qui doit nous donner la force de ne pas avoir peur de la persécution. « Qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Eglises. Le vainqueur jamais ne subira la seconde mort ». Nous y reviendrons tout à l’heure. C’est beau. C’est magnifique, cette vision sur la structure de l’Eglise. A travers les sept églises, vous avez une vision toute nouvelle de l’Eglise, une vision très merveilleuse de l’Eglise dans sa lutte, dans son pèlerinage, dans son conditionnement et en même temps de l’Eglise revêtue de tout cet amour et sous la mouvance de l’Eglise et du Christ. 85
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6me conférence
La correction des sept Eglises et sa signification (2, 8 à 3, 22)
Continuons à voir cette correction des sept églises. Dans cette correction des sept églises, il y a une diversité, mais en même temps, une unité. Il faut d’abord considérer la manière dont le Christ regarde chacune de ces églises et en même temps ce qui a blessé le cœur du Christ dans chacune de ces églises. C’est très important pour nous parce que nous savons que les voies de Dieu ne sont pas les nôtres. « Aussi éloigné le ciel de la terre que les volontés de Dieu des nôtres ». Et très facilement, quand nous moralisons trop, nous croyons que certaines choses blessent Dieu ; en réalité, ce n’est pas cela que Dieu regarde. Il est difficile de savoir exactement ce que Dieu attend de nous. C’est pourquoi il est important de voir les corrections de Dieu par rapport aux églises, parce que nous voyons bien là ce qui a blessé Dieu. C’est comme tout le grand mystère des colères de Dieu que nous voyons dans l’Ancien Testament, ou dans le Nouveau. Le mystère des colères de Dieu nous fait comprendre le mystère des vulnérabilités de Dieu, parce qu’elles nous montrent ce qui a blessé le cœur du Père, comme nous nous mettons en colère en face de quelque chose qui nous semble désordonné ou de quelque chose qui a blessé quelqu’un. Et chacune de nos colères est différente parce que nous avons des sensibilités et des vulnérabilités différentes. Les uns sont très sensibles à l’erreur, d’autres aux injustices d’ordre économique etc ... D’autres au mensonge. Alors on se met en colère quand on se trouve en face de quelque chose qui nous blesse profondément. Dieu, j’allais dire, n’a pas la même sensibilité que nous, parce que nous, nous sommes de pauvres petits êtres qui avons de la peine à comprendre vraiment ce qu’est l’amour. Ce qui blesse le plus Dieu, ce sont tous les manques d’amour. Et nous voyons très bien la correction de la première Eglise, celle d’Ephèse. Nous, nous dirions : « Après tout, c’est parfait. Ses œuvres sont bonnes. Son labeur est bon ... On voit bien qu’elle a un certain discernement ». Si je juge selon un critère sociologique, je dirais : l’Eglise d’Ephèse est parfaite. Selon un critère qui n’est plus sociologique et qui est divin, il y a quelque chose qui blesse Dieu : elle n’a plus le premier amour. Cela échappe à l’enquête sociologique, et 88
pourtant cela atteint directement Dieu. C’est très important de voir ce qui touche Dieu, parce que, au fond, nous devons être les fils bien-aimés du Père et nous devons être sous la mouvance de l’Esprit Saint, et donc en harmonie parfaite avec Dieu. Or nous devons tout le temps nous remettre en harmonie parfaite avec Dieu et essayer de regarder les choses dans la lumière de Dieu et selon ce que Dieu attend de nous, et non pas dans notre propre lumière même si nous sommes très intelligents, même si nous avons fait des études théologiques. C’est cela que nous devons regarder : ce que Dieu attend de nous, ce que Dieu aime, vous voyez ... le don de crainte. Quand le don de crainte marche bien en nous, il nous fait sentir tout ce qui n’est pas entièrement en harmonie avec Dieu. Et il nous donne cette sensibilité intérieure, cette sensibilité divine, cette sensibilité dans l’ordre de l’amour qui nous fait craindre de ne pas être entièrement en harmonie avec Dieu. C’est la crainte de l’épouse par rapport à l’époux. Elle veut que son coeur soit en harmonie parfaite avec les désirs de son époux. C’est cela que nous apprend l’Eglise d’Ephèse. C’est ce que Dieu réclame de ceux à qui il a donné beaucoup. Je crois que nous pouvons tous dire que nous avons beaucoup reçu de Dieu. Alors Dieu réclame beaucoup de nous. Et ce qu’il réclame avant tout, c’est le premier amour. Dieu veut toujours davantage. Plus Il donne, plus Il réclame. C’est ce qui est merveilleux dans l’ordre de l’amour ; on ne peut jamais dire : c’est assez. Dieu ne dit jamais : « C’est assez, maintenant tu n’as plus qu’à dormir, c’est parfait ... » Dieu dit qu’il nous a déjà donné beaucoup et qu’il veut encore plus. Et ce qu’il veut surtout, c’est que nous ne perdions jamais cette première sensibilité dans l’ordre de l’amour, cette vulnérabilité. Il veut que nous soyons des êtres ayant un désir intense d’être en conformité plénière avec l’amour jaloux de l’Epoux. Pour l’Eglise de Smyrne, nous l’avons vu, c’est un peu différent. On peut dire d’une certaine manière (le Père Osty le dit dans ses notes) qu’il n’y a pas de reproche à l’Eglise de Smyrne comme à l’Eglise de Philadelphie. Ce n’est pas tout à fait juste : si nous sommes attentifs, nous voyons bien qu’il y a quand même un certain reproche à l’Eglise de Smyrne, et qu’elle n’est pas assez attentive, pas assez forte. « Voici ce que dit le Premier et le Dernier, celui qui a été mort et a repris vie. Je
sais ton affliction et ta pauvreté, mais tu es riche et le blasphème de ceux qui se disent
juifs et ne le sont pas, mais bien plutôt une synagogue de Satan. Ne crains pas ce que tu vas souffrir. » Donc il faut que l’Eglise de Smyrne n’ait pas de crainte. Parce qu’on a toujours peur, n’est-ce pas, de la persécution, du martyre ... « Ne crains pas ... » Donc, aie plus de confiance et plus de force. « Ne crains pas ce que tu vas souffrir. Voici que le diable va jeter quelques uns
d’entre vous en prison. Pour que vous soyez mis à l’épreuve et vous aurez une 89
affliction de dix jours. » Ce n’est pas drôle de savoir que le démon va ainsi en prendre quelques uns. Si l’on vous disait : à la suite de la retraite, le démon en prendra dix et les mettra en prison pendant un certain temps, n’ayez pas peur, le Seigneur sera là. On a toujours un petit peu peur. C’est évident, quand on dit qu’il peut y avoir des persécutions imminentes et qu’on peut être mis en prison. C’est ce que disent ceux qui sont derrière le rideau de fer. Le Père Skrima disait cela. Il était moine. On avait ajouté cela au règlement des moines : « Tous les soirs, préparez votre valise en mettant les choses essentielles que vous voulez emporter. C’est excellent comme manière de s’alléger, se dire que, pendant la nuit, on pourra peut-être être arrêté. Parce qu’ils arrêtaient justement au moment où l’on donnait le plus profondément. Ne crains pas ... Fortifie ton cœur de cette force intérieure. Je crois que c’est cela. Dieu secoue un tout petit peu l’Eglise de Smyrne. Ce n’est pas un reproche, si vous voulez, c’est un reproche d’amour. Tous les reproches de Dieu sont des reproches d’amour. C’est un Père qui châtie parce qu’il aime. Autrement, il ne châtierait pas. Alors là on voit bien le Père et Jésus dans sa paternité d’amour qui veulent que l’Eglise de Smyrne soit plus généreuse, qu’elle aille plus loin. Ce qu’elle fait est bien. C’est parfait. Ne crains pas ... Elle est un tout petit peu sur la réserve. Et Dieu veut que nous ayons de la magnanimité, que nous soyons très généreux, que nous ne fassions pas de petites réserves. Paire des petites réserves, c’est la prudence humaine. « Il y aura un hiver qui sera dur, alors faisons des réserves ... » (de sucre, de blé, de tout ce qu’on veut). Eh bien non. Dieu n’aime pas que nous fassions des réserves. Dieu veut que nous donnions tout. C’est difficile, surtout quand on prend un certain âge. Quand on est jeune, on arrive facilement à tout donner. Mais en prenant de l’âge, la prudence aussi prend de l’âge et on prend alors la vieille prudence du paysan. « Je commence à connaître les choses ... je sais bien comment cela se passe ... » Alors, attention ! Ce n’est pas toujours la prudence du Saint-Esprit et du don de Conseil. Le don de Conseil veut que nous allions plus loin et que nous vivions sous un rythme d’amour. « Le vainqueur jamais ne souffrira la seconde mort ». C’est donc bien cette force. Ce n’est pas un mot. L’Eglise de Pergame : « Et à l’ange qui est à l’Eglise de Pergame, écris : Voici ce que dit celui qui a l’épée acérée à double tranchant ». C’est le mystère du glaive : la parole de Jésus ; Jésus en tant qu’il enseigne. Ce n’est pas la même chose du tout que pour les deux premières églises. C’est le mystère de la parole de Dieu. « Je sais où tu habites, là où est le trône de Satan ». Ce n’est pas très drôle quand le Seigneur nous demande de cohabiter avec le trône de Satan. Et nous cohabitons tous avec le trône de Satan. (C’est ce qui est le plus terrible) parce qu’en chacun de nous restent les conséquences du péché originel et le démon connaît 90
parfaitement les soubassements de notre psychologie. « Je sais où tu habites. Là où est le trône de Satan. Et tu restes attaché à mon
nom. Et tu n’as pas renié ma foi. Même aux jours d’Antipas, mon témoin, mon fidèle, qui est chez vous où Satan habite ». L’Eglise de Pergame est située à un point très névralgique. Pergame, c’est l’église apostolique, l’église de ceux que Dieu met dans des situations difficiles. Il nous met de temps en temps dans des situations très difficiles. On n’a pas envie de rester parce que ce n’est pas drôle de cohabiter avec Satan. Et quelquefois, Dieu nous le demande. C’est ce qu’il demande à l’Eglise de Pergame. « Et tu restes attachée à mon nom. Et tu n’as pas renié ma foi. » Donc l’Eglise de Pergame est fidèle au point de vue de la foi. « Mais j’ai quelque chose contre toi. Tu as là des gens attachés à l’enseignement
de Balaam qui enseignait à Balac à jeter une pierre d’achoppement devant les fils d’Israël pour qu’ils mangent des viandes immolées aux idoles et forniquent. » Là c’est toute une petite histoire de l’Ancien Testament qu’il faudrait se rappeler. Je vous la lis dans la Bible de Jérusalem parce qu’elle est plus nette, pour vous la remettre en mémoire. C’est dans le Livre des Nombres (25. 1-3 et 31-16 ) « Balac, roi de Koab au temps de l’Exode, effrayé par l’arrivée des Hébreux, voulut les maudire par la bouche du devin Balaam. Mais ce dernier, contraint par Dieu, ne put que prophétiser des bénédictions. Il suggéra néanmoins à Balac de perdre les Israélites en les attirant à l’idolâtrie, grâce aux charmes des filles de Moab. » « Les attirer à l’idolâtrie ». C’est bien ce qui nous est dit ici. C’est symbolique : là on voit bien l’utilisation du symbolique et l’utilisation spirituelle d’un fait historique qui n’est pas du tout au temps de l’Apocalypse mais qui représente quelque chose dans la tradition de l’Ancien Testament et qui fait comprendre comment on perd la fidélité par l’idolâtrie et par la séduction de certaines choses qui peuvent nous faire tomber dans un piège. L’Ancien Testament est très sensible à cela. Ce doit être aussi très sensible pour nous que la séduction de la beauté peut conduire à l’idolâtrie. La beauté normalement devrait conduire à l’amour. Saint Thomas dit que le charme et la beauté de la fiancée doivent aider le fiancé à l’aimer. C’est joli de la part de Saint Thomas, parce que cela prouve qu’il avait bien ressenti cela. Le charme de la fiancée, la beauté de la fiancée, sont une disposition au mariage pour que l’époux l’aime. On comprend très bien que la beauté puisse conduire à l’amour. Et normalement c’est ce qui devrait arriver. La beauté est d’ordre sensible et elle conduit vers quelque chose qui est plus intérieur, plus profond. Mais la beauté, la séduction, peuvent très bien être un 91
piège et nous fait tomber dans la dispersion, et non seulement dans la dispersion, mais dans l’idolâtrie. Donc on voit bien ce qui nous est montré ici pour l’Eglise de Pergame. C’est curieux n’est-ce pas ? C’est un aspect de la liturgie qui est là engagé : une séduction qui conduit à l’idolâtrie.
« Ainsi tu as, toi aussi, des gens attachés pareillement à l’enseignement des Nicolaïtes ». On retrouve les Nicolaïtes ... « Repens-toi donc sinon je viens à toi bientôt et je leur ferai la guerre avec l’épée de ma bouche. Qui a des oreilles entende ce que
l’Esprit dit aux églises. Au vainqueur je lui donnerai de la manne cachée. Et je lui donnerai un caillou blanc et, écrit sur ce caillou, un nom nouveau que personne ne sait sinon celui qui le reçoit. » La correction de l’Eglise de Pergame est un petit peu plus difficile. Il y a deux grands griefs : Le manque de limpidité et de vérité dans la liturgie et dans la doctrine. C’est un grand grief. Pourtant il y a encore la foi : « Tu es fidèle, tu es restée attachée à non nom. Tu n’as pas renié ma foi ». Mais Pergame se laisse prendre par la séduction. Et pour faire comprendre cette séduction, est rappelé ce passage de l’Ancien Testament sur l’enseignement de Balaam. C’est une séduction assez forte, une astuce, pour faire tomber le peuple d’Israël et le conduire à l’idolâtrie. Et puis l’autre aspect, c’est l’enseignement des Nicolaïtes. Vous voyez la double corruption : la corruption d’ordre pratique du coté liturgique et la corruption d’ordre plus profond au niveau proprement de l’enseignement, c’est à dire du dogme. C’est une mise en garde. « Repens-toi donc, sinon je viens à toi et je leur ferai la guerre avec l’épée de ma bouche ».C’est la doctrine du Christ, c’est la parole du Christ qui n’est pas respectée entièrement à Pergame. La parole du Christ est ce qui doit être gardé dans la liturgie. La liturgie et la doctrine magnifient la parole du Christ. Or les hommes ont diminué la vérité. C’est dans le Psaume. Hélas, c’est ce qui arrive très facilement. Les hommes ont diminué la vérité : au lieu de recevoir la parole de Dieu comme une parole vivante, toujours actuelle et qui doit être pour eux la norme profonde de leur vie pratique donc de leur liturgie, de toute leur attitude religieuse, et puis de l’enseignement de tout ce que représente la doctrine de l’Eglise, c’est à dire la parole de Dieu gardée dans le cœur des Saints. L’Eglise de Pergame n’est pas assez attentive à cela et elle se laisse séduire. Vous voyez la séduction de la beauté qui peut très bien devenir rivale de la vérité et rivale de l’amour. L’adoration, c’est ce qui nous rectifie à l’égard de Dieu, ce qui permet de maintenir un véritable amour de Dieu. C’est très net, c’est le point de vue de l’épée qui est dans la bouche du Christ : donc c’est sa parole. 92
Chaque fois que nous acceptons l’erreur au niveau pratique liturgique, chaque fois que nous acceptons des compromissions dans l’ordre de la doctrine, nous blessons la parole du Christ. Jésus à ce moment là ne peut pas l’accepter. Il est la Vérité. Alors on doit avoir un désir d’être de plus en plus en conformité avec cette vérité. L’Eglise de Pergame est grande, elle a quelque chose de beau. Mais elle est dans la lutte. C’est toujours très difficile quand on est dans la lutte, quand on cohabite avec le trône de Satan. Ce n’est pas notre faute : c’est Dieu qui permet au trône de Satan de venir s’installer tout près de nous. L’Eglise de Pergame s’est installée exprès sur le trône de Satan. Mais c’est Dieu qui permet que le trône de Satan soit là. Les permissions de Dieu à l’égard du démon. Elles sont très grandes actuellement. Et le trône de Satan pénètre, pénètre, pénètre ... Alors l’Eglise de Pergame doit avoir une vigilance d’autant plus grande. Quand on sait que le pouvoir du démon est plus fort, que le trône de Satan est là, tout proche, on doit avoir une vigilance encore beaucoup plus grande : vigilance dans l’ordre liturgique, dans l’ordre pratique, dans l’ordre de l’adoration, et vigilance dans l’ordre de la doctrine. Et c’est bien ce qui est montré ici. Ensuite : « Qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Eglises. Au
vainqueur je lui donnerai la manne cachée ... Je lui donnerai un caillou blanc et, écrit sur ce caillou, un nom nouveau » un cœur nouveau un nom nouveau, une intelligence nouvelle. Je crois que c’est bien le secret que Dieu veut établir au plus intime de notre cœur. La parole de Jésus est une parole qui doit nous conduire à l’amour. Et c’est pourquoi elle est une manne cachée. Et c’est une manne cachée que nous devons garder comme un secret que seuls nous connaissons avec le Christ. C’est pour cela qu’il y a un nom nouveau sur ce petit caillou blanc. Ce petit caillou blanc c’est le secret qui nous lie au Christ. Il faut découvrir le secret qui nous lie au Christ, parce que cela nous donne la force, dans la lutte, de rester très fidèles. Il faut le découvrir au dedans de nousmêmes, dans la mesure où nous sommes la bonne terre qui gardons la parole de Dieu, cette parole vivante qui nous empêche de faire des compromis. L’Eglise de Pergame est tentée de faire des compromis. Et Dieu n’aime pas les compromis. On s’adapte par miséricorde et, très facilement, l’adaptation devient un compromis. Les compromis ne sont pas de Dieu, tandis que la miséricorde est de Dieu. Alors c’est bien évident qu’il faut être très miséricordieux pour être le plus proche possible des autres. Et donc essayer le plus possible de parler leur langue. Cela c’est la miséricorde à l’égard des personnes. Mais le compromis n’est pas de Dieu parce que le compromis c’est justement ne plus respecter la vérité et ne plus regarder la parole de Dieu comme la parole de Dieu. C’est très net : c’est le glaive, l’épée acérée à double tranchant. Voilà la correction à l’égard de l’Eglise de Pergame. Je pense souvent à l’Eglise de Pergame, elle me fait penser aux dominicains, à l’église qui doit être en pleine lutte, 93
église d’apôtres et garder avec beaucoup de limpidité la parole de Dieu, au point de vue de la doctrine. Et il n’y a pas que les dominicains. Je prends les dominicains parce que je le suis et j’y suis donc sensible. Mais tous les apôtres doivent mener le combat avec le glaive de la parole de Dieu. C’est un glaive d’amour, puisque c’est la parole de Dieu qui engendre l’amour et qui conduit justement à la manne cachée, au secret, au lien d’amour. Mais l’apôtre, du fait même qu’il est apôtre, est là où est le trône de Satan. Et alors il doit être particulièrement attentif de ne pas se laisser prendre par l’enseignement de Balaam, enseignement rusé. On se laisse quelquefois contaminer avec des bonnes intentions (c’est pourquoi on ne peut jamais juger). On confond la miséricorde, et puis ... un certain éclectisme, un certain mélange qui fait qu’on oublie que la vérité ne peut pas ne pas être la vérité. On se laisse prendre par la séduction. Il faut être très attentif à cela si l’on est chargé de garder la vérité. C’est quelque chose qui risque tout le temps de nous faire oublier l’exigence propre du glaive du Christ, de la parole de Dieu. A l’Eglise de Thyatire. « Et à l’ange de l’Eglise qui est à Thyatire, écris : ‘Voici ce que dit le Fils de Dieu.
Celui qui a les yeux comme une flamme de feu et dont les pieds sont semblables à du bronze ».
Il y a une vulnérabilité particulière du Christ à l’égard de son regard: une flamme de feu. Nous devons être de plus en plus semblables à Jésus dans son mystère sacerdotal, puisque nous sommes une race de prêtres. Et alors si nous ne sommes pas en harmonie avec le Christ, nous le blessons. « Je sais tes œuvres et ton amour et ta foi et ton service. Et ta constance, ta patience (on peut traduire aussi bien constance que patience) Et tes dernières œuvres plus nombreuses que les premières ». Thyatire est en plein épanouissement. C’est extraordinaire, merveilleux. « Je sais tes œuvres, ton amour, ta foi, ton service, ta patience et dernières œuvres plus nombreuses que les premières ». C’est une fécondité étonnante. « Mais j’ai contre toi que tu laisses faire Jézabel, cette femme qui se dit prophétesse ». (Cela devient encore plus mystérieux.) C’est encore une nouvelle séduction qui est au cœur de l’Eglise de Thyatire. « Mais j’ai contre toi que tu laisses faire Jézabel, cette femme qui se dit
prophétesse et qui égare mes disciples, mes esclaves en leur enseignant à forniquer et à manger des viandes immolées aux idoles ». Nous retrouvons ici la même séduction du côté pratique, du côté liturgique. Dieu veut que la liturgie soit pure, limpide, sans compromis. 94
« Je lui ai donné le temps de se repentir, mais elle ne veut pas se repentir de sa
fornication. Voici que je vais la jeter sur un lit et plonger dans une grande affliction ses compagnons d’adultère s’ils ne se repentent pas de ces œuvres ». Ses compagnons d’adultère, au sens biblique, c’est justement l’idolâtrie. L’Eglise de Thyatire oublie l’adoration. Parce qu’elle oublie l’adoration, elle se laisse attirer vers la fornication. Elle tombe dans cet adultère spirituel. « Et ses enfants, je les tuerai par la mort. Et toutes les Eglises connaîtront que moi je suis celui qui scrute les reins et les cœurs ». L’adoration purifie l’intention et la rectifie. On peut avoir l’air de quelqu’un qui est parfait, qui réussit parfaitement ; il y a quelque chose au plus intime du cœur de l’Eglise de Thyatire qui n’est pas ce que Dieu attend. C’est l’intention qui n’est pas pure. La béatitude des cœurs purs ... Nous ne pouvons subir le regard du Christ comme une flamme de feu que si justement nous avons en nous la béatitude des cœurs purs. Or la béatitude des cœurs purs, c’est justement cette exigence de l’intention absolument pure, et elle ne peut être gardée que grâce à l’adoration. C’est par l’adoration que nos intentions se purifient. Si nous ne purifions pas tout le temps nos intentions, nous nous laissons séduire par la prophétesse. « J’ai contre toi que tu laisses faire Jézabel, cette femme qui se dit prophétesse ». Je crois que c’est la femme, parce que justement elle séduit davantage. Mais la prophétesse montre l’action encore plus immédiate et plus directe. « Et ses enfants je les tuerai par la mort et toutes les églises connaîtront que moi
je suis celui qui scrute les reins et les cœurs et je vous donnerai à chacun selon vos
œuvres. Mais à vous je le dis, aux autres fidèles de Thyatire, qui n’ont pas cet enseignement, ceux-là qui n’ont pas connu les profondeurs de Satan, comme ils disent, je ne vous chargerai pas d’un autre fardeau, seulement, ce que vous avez, tenez-le ferme, jusqu’à ce que j’arrive ». Il y a donc un discernement dans l’Eglise de Thyatire ; il y en a qui sont, fidèles, qui ne se laissent pas prendre par cet enseignement faux. Vous voyez que Pergame et Thyatire sont proches, mais ce n’est pas tout à fait la même chose. Ce serait intéressant de bien voir la différence de séduction de l’Eglise de Thyatire et de l’Eglise de Pergame. Mais des deux côtés, ils se laissent entraîner par la séduction. « Et le vainqueur c’est celui qui garde mes œuvres jusqu’à la fin : je lui
donnerai pouvoir sur les nations et je le ferai paître avec une houlette de fer, comme on fracasse des vases d’argile ». 95
C’est la fameuse parole du Bon Pasteur qui doit gouverner avec la houlette, une houlette de douceur et en même temps de force. « Tout comme moi j’en ai reçu pouvoir de mon Père. » « Et je lui donnerai l’étoile du matin. Qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux églises ». L’étoile du matin, c’est le Christ et c’est Marie. Tous les deux sont donné à l’Eglise de Thyatire si elle est fidèle. Vous voyez que l’Eglise de Thyatire a une promesse extraordinaire. C’est encore une promesse aux apôtres; Pergame et Thyatire c’est très nettement l’église des apôtres. C’est l’église apostolique avec deux modalités différentes. Je crois que l’Eglise de Pergame, c’est plus la doctrine, et l’Eglise de Thyatire, peut-être plus la miséricorde, peut-être plus le point de vue d’un apostolat plein de miséricorde. Et c’est pour cela qu’à l’Eglise de Thyatire est faite cette promesses : « Et le vainqueur est celui qui garde mes œuvres jusqu’à la fin, je lui donnerai pouvoir sur les nations ». C’est bien la promesse de Jésus à tous ceux qui ont reçu de lui une responsabilité et la grâce d’être vraiment apôtres. « Je les ferai paître avec une houlette de fer. Comme on fracasse les vases d’argile. Tout comme moi j’en ai reçu pouvoir de mon Père. » C’est le pouvoir du Christ qui est transmis. Pouvoir de miséricorde, pouvoir de service. Vous voyez, ces deux Eglises de Pergame et de Thyatire, ce sont deux églises en pleine force, en pleine générosité. Mais la générosité ne suffit pas. La générosité n’est pas divine. Ce n’est pas ce que Dieu nous demande en premier lieu. Il désire que nous soyons généreux: je crois que Dieu aime beaucoup les gens généreux. Marie de Magdala est d’une générosité merveilleuse. Mais attention, la générosité n’est pas l’agape. On peut être très généreux et se laisser prendre à tous les pièges de la séduction. Cela arrive souvent. Les gens généreux donnent tout. Ils sont là où il y a le plus de générosité possible et ils se laissent prendre par les pièges de la séduction. Le piège de Balaam. Et puis Jézabel, cette femme qui se dit prophétesse, c’est la fausse prophétie. Ce n’est pas du tout celle qui parle au nom de l’Esprit Saint, ni au nom de la Sainte Vierge. Ce n’est pas étonnant, le démon essaie toujours d’être un faux prophète, et il essaie d’imiter les vrais prophètes. Il essaie de conduire vers quelque chose qui n’est pas directement l’œuvre du Saint Esprit. Cette femme qui se dit prophétesse et qui égare les esclaves en leur enseignant à forniquer, et à manger des viandes immolées aux idoles, c’est vraiment l’idolâtrie : un zèle généreux pour sauver les hommes par les hommes, en oubliant que les hommes ne peuvent être sauvés que par le prêtre. Ce sont ces fausses prophéties qui font croire à l’homme que l’adoration ne signifie rien du tout. C’est une perte de temps. Il faut être efficace, que l’efficacité seule compte. 96
Si l’on regarde attentivement, on voit bien qu’il y a là un piège très subtil pour les gens généreux. On veut aller immédiatement aux plus grandes misères, on s’y jette complètement et on veut sauver l’homme par les moyens que l’homme a trouvés. On prend les armes de l’adversaire, et en prenant les armes de l’adversaire, progressivement, on tombe dans le piège. C’est à dire qu’on fornique et on mange les viandes immolées aux idoles. Et ceci blesse profondément la miséricorde du cœur de Jésus. C’est l’antithèse de la miséricorde du cœur de Jésus, parce que le Christ est vraiment Celui qui a la miséricorde la plus grande. Si on entre dans la miséricorde du Fils, on comprend que cette miséricorde provient de l’amour et implique nécessairement le mystère de l’adoration. On ne peut être miséricordieux que si on adore, parce que l’adoration nous permet de nous dépouiller de nous-mêmes. Alors on peut être entièrement donné. Et voyez la subtilité qu’il y a au plan psychologique : on oppose l’adoration et le don aux autres. On ne peut pas être en contact avec les autres, si justement on se réserve pour adorer Dieu. L’adoration implique une certaine séparation et la miséricorde, au plan humain, au plan psychologique, implique le contact. Et donc, s’il faut se donner totalement aux autres, il faut nécessairement mettre entre parenthèses l’adoration. Et alors on se laisse prendre au piège d’une générosité qui devient uniquement la norme, la règle. Je crois qu’à ce moment-là, on se laisse prendre au piège de la prophétesse, de celle qui, n’adorant plus Dieu veut qu’on adore les idoles. C’est très curieux : dans le cœur de l’homme, il y a toujours un besoin d’adorer. Alors si on n’adore plus Dieu, on adore les idoles. Il y aurait des quantités d’exemples pour illustrer l’Eglise de Thyatire. Et voyez comme Jésus, d’abord, regarde tout ce qu’il y a de positif en elle. Toute sa grande générosité : « Je sais tes œuvres, ton amour, ta foi, ton service, ta patience, tes dernières œuvres plus nombreuses que les premières ». Ce ne sont pas les questions qui nous justifient, c’est l’adoration dans la foi. « A l’ange de l’Eglise qui est à Sardes, écris : Voici ce que dit Celui qui a les sept esprits de Dieu. Et les sept étoiles ». Les sept esprits de Dieu, donc Jésus en tant qu’il est sous la mouvance de l’Esprit. L’Agneau en tant qu’il est sous la mouvance de la colombe. « Je sais tes œuvres. Que tu passes pour vivre et que tu es mort ». Là, évidemment, c’est la correction la plus forte. On a les apparences de la vie parce qu’il y a encore des œuvres. On est mort pour Dieu quand il n’y a plus d’amour. On peut continuer d’être efficace, parce que le ressort est bien remonté, et pendant un 97
certain temps, cela continue. Mais il n’y a plus d’amour. « Montre toi vigilant et affermis ce qui reste et qui allait mourir ». Il reste encore un tout petit peu de sève. Alors, fais attention, ne meurs pas complètement. « Car je n’ai pas trouvé tes œuvres accomplies devant Dieu ». Tes œuvres ne sont pas conformes à la volonté du Père. « Rappelle toi donc comment tu as reçu et entendu. Garde le et repens-toi. Si
donc tu ne veilles pas, j’arriverai comme un voleur et tu ne connaîtras pas à quelle
heure j’arriverai sur toi. Mais si tu as, à Sardes quelques personnes qui n’ont pas sali leurs vêtements, elles marcheront avec moi en blanc car elles en sont dignes ». Là encore il y a discernement dans l’Eglise de Sardes. Il y en a qui sont proches de la mort. Il n’y a plus d’amour. Il n’y a plus que des œuvres. Et des œuvres sans amour, ça n’intéresse pas Dieu. Dieu ne regarde pas les résultats. Dieu regarde en premier lieu les intentions de notre cœur, parce que Dieu est Esprit. Si Dieu n’était pas Esprit, Il pourrait regarder en premier lieu l’oeuvre. La première chose que Dieu regarde, ce sont les intentions de notre cœur qui traduisent notre amour. L’Eglise de Sardes est une église qui, en apparence, continue d’aller bien. Mais il y a quelque chose qui ne va plus : la source est tarie. L’amour n’est plus là. « Rappelle toi comment tu as reçu et entendu ». Vous voyez, le rappel du premier moment. Comment l’Eglise de Sardes est née à la vie divine ... « garde le et repens-toi ... » Garde la parole de Dieu et comprends ce que tu es actuellement. Ne regardant que les œuvres, cela ne va plus. « Mais tu as à Sardes quelques personnes qui n’ont pas sali leurs vêtements, elles
marcheront avec moi en blanc car elles en sont dignes. Le vainqueur celui-là
s’habillera de vêtements blancs. Je n’effacerai pas son nom du livre de vie et je professerai son nom devant mon Père et devant ses anges. Qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Eglises ». Jésus se porte garant de ceux qui, dans l’Eglise de Sardes sont fidèles. L’Eglise de Sardes est très secouée, presque morte en majorité. Quelques uns sont fidèles, qui n’ont pas sali leurs vêtements. C’est à dire qu’ils gardent un peu d’amour. La pureté c’est l’amour. S’il n’y a plus d’amour, il n’y a plus de pureté. Et alors on voit le vainqueur. Celui-là s’habillera de vêtements blancs. Les vêtements blancs sont toujours liés au vêtement blanc du Christ, à la vie sacerdotale du 98
Christ. C’est donc la grâce sacerdotale. « Et je n’effacerai pas son nom du livre de vie ». Ce n’est pas très drôle de rester quelquefois seul au milieu d’une Eglise qui ne sait plus ce qu’est l’amour, une église qui ne s’occupe plus que d’œuvres, qui oublie son origine. D’où est-elle sortie ? Vient-elle du Christ ou d’elle-même ? « Rappelle-toi donc comment tu as reçu et entendu ». C’est la perte de la foi. La chose la plus terrible. C’est la mort. On n’a plus la foi et on veut se justifier par les œuvres. L’Eglise de Sardes est très malade. Cela se voit bien ; ce n’est pas drôle de vivre dans cette église malade. Et c’est pourquoi Jésus se porte garant de ceux qui veulent rester fidèles on se laisse si facilement contaminer au milieu de ceux qui ne croient plus, au milieu de ceux qui ont oublié l’origine de leur vie. « Celui-là s’habillera de vêtements blancs ». « Et à l’ange de l’Eglise qui est à Philadelphie, écris : Voici ce que dit le Saint, le
Véridique. La sainteté va avec la vérité. Celui qui a la clé de David. Celui qui ouvre et personne ne fermera et qui ferme et personne n’ouvre. »
Le pouvoir des clés. Le pouvoir du Christ en tant qu’il est Celui qui pardonne. C’est vraiment le mystère de la sainteté du Christ. « Je sais tes œuvres. Voici que j’ai mis devant toi une porte ouverte, qui personne
ne peut fermer, parce qu’avec ton peu de puissance, tu as gardé ma parole et tu n’as pas renié mon nom ».
L’Eglise de Philadelphie est petite, elle n’est pas puissante. Le petit reste ... Apparemment, elle n’est pas forte. « Tu as gardé ma parole et tu n’as pas renié mon nom. Voici que je te donne
quelques uns de la Synagogue de Satan et de ceux qui se disent juifs et ne le sont pas, mais ils mentent. Voici que je les ferai arriver et ils se prosterneront devant tes pieds. Ils reconnaîtront que moi, je t’ai aimé. » Voyez cette Eglise de l’humilité, de la petitesse, cette église effacée. Dieu veut la glorifier devant ceux qui la regardent avec dédain, la Synagogue de Satan, pleine de mépris. Le démon ne respecte que la puissance. Il ne respecte pas l’humilité qui, pour lui, ne signifie rien. Pour le Christ, au contraire, c’est cela qui importe. « Parce que tu as gardé ma parole, de constance, de patience, moi aussi je te
garderai à l’heure de l’épreuve qui va venir sur le monde entier pour éprouver ceux qui habitent la terre. Je viens bientôt. Tiens ferme que tu as, afin que personne ne prenne 99
ta couronne. Le vainqueur, j’en ferai une colonne dans le sanctuaire de mon Dieu ». (La petite église de Philadelphie qui devient la colonne dans le sanctuaire de Dieu). « Et il ne sortira plus dehors. Et j’écrirai sur lui le nom de non Dieu et le nom de
la ville de mon Dieu ; la nouvelle Jérusalem qui descend du Ciel d’auprès de son Dieu, ainsi que mon nom nouveau. » La petite Philadelphie est revêtue d’une gloire merveilleuse, en raison même de sa petitesse et de sa fidélité, en raison mène de son désir de rester fidèle jusqu’au bout. Jésus est là pour la réconforter. Qu’elle n’oublie pas qu’elle est, aimée. C’est là sa force. « Ils reconnaîtront que moi, je t’ai aimée ». « Qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Eglises. » « A l’ange de l’Eglise qui est à Laodicée, écris : Voici ce que dit l’Amen, le Témoin
fidèle et véridique. Le Principe de la création de Dieu. Je sais tes œuvres. Tu n’es ni froid ni chaud. Puisse-tu être froid ou chaud. » L’« Amen », c’est Jésus en tant qu’il est l’Amen, l’accomplissement de tout. Et Jésus qui a la croix achète tout. « Témoin fidèle » ... C’est le mystère du Crucifié. « Le Principe de la création de Dieu ».Tout est repris à la croix. C’est Jésus dans son aspect ultime. A la croix, le Père lui remet tout pouvoir. Alors le regard du Christ sur Laodicée : « Je sais tes œuvres ». Vous voyez, toutes les églises ont des œuvres. C’est cela qui est très curieux : toutes ont une certaine production ... Mais ce n’est pas cela que Dieu regarde en premier lieu. « Tu n’es ni froid ni chaud ». Elle s’est mise dans un état de tiédeur pour souffrir moins. C’est une espèce d’hibernation. « Puisse-tu être froid ou chaud. Ainsi, puisque tu es tiède et ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche ». Cela n’a jamais été si loin : ce que Dieu supporte le moins c’est la tiédeur, parce que la tiédeur, c’est la caricature de l’amour. « Parce que tu dis : je suis riche et je me suis enrichie, et je n’ai besoin de rien et
que tu ne sais pas que c’est toi qui est le malheureux, le misérable, le pauvre,
l’aveugle, le nu, je te conseille d’acheter de chez moi de l’or purifié au feu, pour devenir riche. »
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Vous voyez ce pharisaïsme terrible de Laodicée. Elle est enveloppée d’elle-même, contente d’elle-même, contente de sa tiédeur. Cette espèce de faux équilibre de celui qui est heureux de lui-même dans son propre équilibre et qui n’aime plus. « Parce que tu dis que je suis riche, je me suis enrichi et je n’ai besoin de rien ». Plus besoin de Dieu. Dieu est chassé. Plus de place pour Lui quand il y a la tiédeur et le contentement de soi et qu’on se croit riche. « Et tu ne sais pas que c’est toi qui es le malheureux, le misérable, le pauvre, l’aveugle, le nu. » Alors, il n’y a qu’une seule chose à faire : essayer de supprimer, de dégonfler cette espèce d’orgueil, de vanité, de contentement de soi. C’est toujours le contentement de soi la chose la plus terrible, selon toute l’Ecriture ; le contentement de soi qui empêche Dieu d’agir. Et l’Eglise de Laodicée, c’est la grenouille qui veut devenir aussi grosse que le bœuf. Elle est enflée d’elle-même, contente d’elle-même. Alors Jésus la regarde, l’Amen, celui qui est crucifié. « Je te conseille d’acheter de moi de l’or purifié au feu ». L’or purifié au feu, c’est l’amour qui vient directement du cœur de Jésus et de la blessure de son cœur. « Pour devenir riche ... » La seule richesse, c’est l’amour. « Et des
vêtements blancs pour t’habiller et ne pas laisser paraître la honte de ta nudité. Et un collyre pour t’enduire les yeux et voir clair ». L’orgueil aveugle. La vanité aveugle. On ne voit plus sa nudité parce qu’on est tellement content de soi. « Moi, tous ceux que j’aime, je les reprends, je les corrige. Aie donc du zèle et
repens toi. Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un écoute ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui. Et je dînerai avec lui et lui avec moi. » Malgré cette espèce d’opacité terrible de Laodicée, ce contentement, cette grosse vanité, cette tiédeur, on voit la sollicitude du Christ. Il ne l’abandonne pas. Il n’abandonne aucune église. Il n’abandonne jamais un homme : il le poursuit jusqu’au bout. La miséricorde merveilleuse du Christ dans ses corrections de miséricorde et d’amour. « Voici que je me tiens à la porte et que je frappe ». Il faut frapper parce qu’elle n’entend pas. Elle est contente d’elle-même. Elle n’attend plus rien du tout. « Si quelqu’un écoute ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je dînerai avec lui et lui avec moi. Le vainqueur je lui donnerai de s’asseoir avec moi sur mon trône. » 101
Ceci est dit à l’Eglise de Laodicée. Malgré tout ce poids de, misère, il lui est promis quelque chose de merveilleux : « Le vainqueur, je lui donnerai de s’asseoir avec moi sur le trône tout comme moi j’ai été le vainqueur et je ne suis assis avec mon Père sur son trône ». La victoire du. Christ est pour l’Eglise de Laodicée. Il faut que l’Eglise de Laodicée comprenne que c’est Jésus qui la lui donne. Il lui est promis cette chose extraordinaire : la gloire du Christ. Etre assis sur le trône du Père. « Qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux églises ». Cette correction est à la fois très forte et un murmure d’amour. Il faut avoir l’oreille éveillée de l’Esprit Saint pour entendre ce qu’il nous dit. Alors vous voyez ces sept corrections : je ne vous donne pas tous les commentaires. Il y en a de très curieux, très intéressants : des commentaires du 16ème siècle. Ils voyaient les églises du point de vue des âges des églises, à travers les temps. La dernière église, Laodicée, repliée sur elle-même, contente d’elle-même, c’était le refroidissement de la foi. « Quand le Fils de l’Homme reviendra sur la terre, y aura-t-il encore la foi ? » Et puis, juste avant, une ère au contraire magnifique. Mais juste avant Philadelphie, il y a Sardes. Quelque chose qui n’est pas drôle. On peut voir ainsi les âges de l’église. Je ne sais pas si c’est tout à fait comme cela, mais ça peut se faire. Les exégètes d’aujourd’hui voient beaucoup moins les choses ainsi. Ils soulignent (dans la bonne exégèse de l’Apocalypse) très nettement deux aspects que je crois beaucoup plus vrais, parce que c’est constant dans toute l’Ecriture. Il y a le regard du Christ sur l’Eglise actuelle, la structure de l’Eglise, et puis ensuite, le gouvernement de Dieu. Il y a presque toujours ces deux aspects. Regardez les onze premiers chapitres de la Genèse : vous avez le regard de Dieu comme Créateur, et donc l’ordre de la Sagesse de Dieu, et ensuite l’économie, à partir du chapitre 3, donc à partir de l’intervention du serpent, sur cette petite communauté d’Adam et Eve. De même, dans le Prologue de Jean, vous avez le regard lumineux du Verbe sur tout, sur la structure, puis l’économie divine. Je crois qu’on retrouve exactement la même chose dans l’Apocalypse. D’abord le regard de Dieu sur l’état de l’Eglise et l’état de l’Eglise ce sont les sept églises, de sorte que ce n’est pas l’Eglise dans le temps, contrairement à ce qu’on a pu dire. Je crois qu’il vaut beaucoup mieux dire : les sept églises représentent l’Eglise 102
actuelle. Comme pour Jean, l’Eglise actuelle était symbolisée par les sept églises. Ce qui viendra ensuite, c’est vraiment le point de vue de l’économie divine. C’est tout à fait différent. Il y a la structure, le regard de Dieu sur le mystère de l’Eglise et ensuite, l’économie. Autrement dit, dans ce qui nous est montré là, l’Eglise n’est pas le Christ elle est relative au Christ. Dans le Christ il y a la plénitude de la grâce. Et chaque partie de l’Eglise dépend de cette plénitude. C’est ce que S. Paul dit admirablement : dans l’Eglise il y a des membres différents. Il est demandé à chacun quelque chose. Et il ne s’agit pas de vouloir tout faire. A l’un il est demandé d’enseigner, à l’autre il est demandé de gouverner, à l’autre il est demandé d’être celui qui fera les œuvres de miséricorde. A l’autre Il demandera d’être le cœur, dans le silence. Il faut découvrir cela. La grâce du Christ est plénière. Tout est dans le Christ. Mais l’Eglise est dépendante. Et c’est pour cela, je crois, qu’il est montré d’abord cette vision totale de Jésus dans son sacerdoce, puis à l’égard de chaque Eglise, un aspect du mystère du. Christ : c’est la grâce que cette Eglise reçoit. Pour les uns, la grâce du Christ, c’est le regard du Christ et on doit être dans l’Eglise le regard lumineux d’à Christ. Pour d’autres, c’est le mystère de l’Amen ... et ainsi de suite pour chacune des Eglises. Comprenons biens c’est vrai que, pour Jean, l’Eglise est représentée par les sept Eglises. Et c’est encore vrai pour nous. Quel est actuellement le regard du Christ sur l’Eglise ? Ce qui nous est donné ici est vrai pour l’Eglise d’aujourd’hui. Et dans l’Eglise d’aujourd’hui nous retrouvons les mêmes aspects qui blessent le cœur du Christ. Le premier amour qui n’est plus aussi présent qu’il devrait l’être ... Les séductions. On entend l’enseignement de Balaam. On se laisse prendre par les séductions de ces viandes immolées aux idoles. La liturgie, au lieu d’être une liturgie chrétienne, c’est du syncrétisme ; on se laisse prendre par le point de vue de l’efficacité et ainsi de suite.
Si on regarde attentivement, c’est un magnifique regard sur le mystère de l’Eglise d’aujourd’hui, parce que l’Eglise d’aujourd’hui, c’est l’Eglise d’Ephèse, c’est l’Eglise de Laodicée, c’est l’Eglise de Smyrne ... tout cela est présent dans l’Eglise. C’est présent localement, sûrement parce qu’il y a un mystère d’incarnation. Mais il ne faut pas trop se concentrer sur le point de vue local. Et puis chaque Eglise doit vivre le Christ tout entier. Et donc, chacun d’entre nous, nous devons vivre toutes ces Eglises. Mais il y a des moments où l’Eglise nous demande d’être davantage l’Eglise d’Ephèse ou l’Eglise de Pergame. C’est pourquoi c’est très complexe. C’est un regard, j’allais dire, sur les différents tissus de l’Eglise. Nous sommes de l’Eglise et donc en nous, en chacun d’entre nous, se trouvent les sept églises. Mais pour chacun d’entre nous, il y a un aspect particulier que nous devons découvrir : pour l’un c’est plus l’Eglise d’Ephèse, pour l’autre c’est plus l’Eglise de Thyatire, pour l’autre 103
c’est plus l’Eglise de Laodicée … Comprenons que cela est actuel et que nous devons le recevoir comme un enseignement qui nous est donné et un merveilleux examen de conscience. Quand on a renouvelé l’examen de conscience, on a oublié celui que nous donnait le Saint-Esprit. Je me souviens de conférences, à Neuchâtel où, dans un contexte œcuménique, on avait parlé de la correction de l’Eglise. Ce qui m’a beaucoup étonné, c’est que personne n’a fait allusion à l’Apocalypse, alors que la correction de l’Eglise est là. C’est le grand lieu de la correction, mais d’une correction divine, qui est un encouragement. Chaque fois que Jésus corrige, il encourage. Ce n’est pas du tout une correction humaine. La correction humaine vous donne un coup de bambou, si bien qu’après, on est encore plus misérable. Tandis que la correction de l’Eglise est faite par amour et c’est Jésus qui attire. Cette correction est vraie pour nous. Il faut essayer de la comprendre. Je crois que pour bien la comprendre, il faudrait regarder les béatitudes évangéliques et les corrections et les sept dons du Saint-Esprit. C’est vraiment à ce niveau là qu’il faut essayer de comprendre ce passage ... Nous y reviendrons ...
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7me conférence
La distinction entre l’êêtre et la vie, si importante du point de vue philosophique, se trouve aussi dans l’Ecriture. La correction des sept Eglises : les Dons du Saint-Esprit, les Béatitudes évangéliques.
Hier je n’ai pas voulu insister trop sur la distinction entre l’être et la vie puisque c’est une distinction plus philosophique que ce qui nous intéresse ici. Cela fait partie de ce patrimoine de connaissances, au plan métaphysique, qui est très important. Ce sont des distinctions qui ont été acquises très lentement et qui se sont très vite perdues. C’est d’ailleurs très curieux : plus elles ont été acquises lentement, plus elles se perdent vite. Ça m’impressionne beaucoup. Heidegger fait la même remarque, d’une façon tout à fait différente, en disant que les choses les plus profondes, les plus subtiles que la philosophie a acquises lentement, parce que l’homme a de la peine à les pénétrer, ce sont ces choses qui se perdent le plus vite. C’est assez normal, je crois. On devrait les garder profondément et au fond elles se perdent très vite. Or, la distinction entre l’être et la vie a sûrement été une de ces distinctions que la philosophie a acquise lentement, péniblement, puisqu’elle a d’abord vu le point de vue du mouvement, le point de vue du devenir. Et au niveau du devenir, nous ne pouvons pas faire la distinction. Le devenir unit les deux. Et tant que la philosophie confond l’être et le devenir, elle ne peut pas faire la distinction. La philosophie est arrivée à faire progressivement la distinction entre le point de vue de l’être et le devenir. Et une fois cette distinction faite, elle a pu faire la distinction entre l’être et la vie. Distinction très importante puisque la vie se situe toujours dans l’immanence. Quand vous restez dans une philosophie de l’immanence, vous restez dans l’ordre de la vie. Il faut pouvoir saisir la réalité en tant qu’elle est pour saisir l’autre dans sa transcendance, c’est-à-dire l’autre qui me dépasse. La réalité, en tant qu’elle existe, ce n’est pas moi qui l’ai faite. Qu’il s’agisse de n’importe quelle réalité, et donc elle me dépasse toujours. Et c’est important de saisir cette transcendance, même à l’égard des réalités les plus simples, puisque c’est le respect à l’égard de l’être. 105
Ce respect à l’égard de l’être me permet de découvrir une réalité totalement autre que moi. Alors que le propre du vivant est de demeurer toujours dans l’immanence. Il y aurait là des quantités de choses à dire, du point de vue philosophique et du point de vue de l’Ecriture. Ça me frappe beaucoup et ça a frappé beaucoup les premiers théologiens et les Pères de l’Eglise de voir que ces distinctions profondes, du point de vue philosophique, sont dans l’Ecriture. Si nous sommes attentifs, nous voyons que, de fait, la dépendance radicale à l’égard de Dieu, la dépendance radicale à l’égard du Créateur est au niveau de l’être. « De tout être il était la vie ». Et la vie représente une communication de Dieu. Déjà certains philosophes néoplatoniciens, sans la Révélation, disaient qu’il fallait faire la distinction entre Dieu créateur et Dieu père. Voyez Proclus, par exemple, et même Plotin. Le Dieu créateur de l’être et le Dieu qui communique la vie (le père) ce n’est pas la même chose. Le créateur c’est la transcendance de Dieu. Et le père c’est la communication de la vie, par où il y a justement une proximité plus grande. Si nous sommes attentifs, nous comprenons pourquoi il y a ces deux récits de la création, l’un qui montre la transcendance de Dieu : « Dieu dit que la lumière soit et la lumière fut », et l’autre qui montre la proximité de Dieu par le point de vue du geste. Autrement dit, nous retrouvons toujours dans l’Ecriture ces deux grands aspects : le point de vue du Dieu Créateur par sa Parole et le point de vue du geste de Dieu. Et dans tout l’Evangile de Saint Jean vous voyez les deux aspects. Jésus commence par un geste et termine toute sa vie apostolique par un geste, ce qui montre la communication de l’amour. Parce que le geste est pour la communication de l’amour,et les sacrements sont dans la ligne des gestes. Et il y a, au contraire, l’enseignement qui est le don de la Parole, c’est-à-dire le point de vue de l’intelligence, et donc le point de vue de la transcendance de la Sagesse. C’est très curieux de retrouver ces lames de fond qui sont très importantes à découvrir. Si on ne les voit pas, on confond un peu tout. Et Saint Thomas était très attentif à cela. On peut dire que toute la structure de la Somme est commandée par la distinction de l’être et de la vie. Saint Thomas commence par montrer d’abord Dieu dans son Etre et, ensuite,le point de vue de la vie de Dieu. Ce qu’Aristote avait déjà fait, en tant que païen, en montrant d’abord que l’être premier est découvert comme un être et que cet être premier nécessairement vit. Donc c’est la perfection de l’être. Je n’insiste pas plus parce que nous ferions un cours de métaphysique, ce n’est pas le but de la retraite, mais comprenez bien que pour faire de la théologie, la métaphysique est sous-jacente, du moins si l’on comprend bien ce qu’est la métaphysique. La métaphysique nous fait développer notre intelligence, nous fait être intelligents pour Dieu. Et Dieu préfère des êtres qui essaient d’être intelligents pour Lui. Saint Thomas fait cette petite remarque : un professeur aime toujours mieux des 106
étudiants intelligents. Et donc quand Dieu nous enseigne, Il aime bien que nous soyons intelligents pour Lui, chacun d’entre nous. Nous sommes tous intelligents, dites-vous bien ça. Selon des formes différentes. Nous avons une intelligence spéculative, affective, artistique, mathématique ... Nous avons tous une forme d’intelligence. Autrement vous ne seriez pas là ! C’est un acte d’intelligence que de faire une retraite. C’est un acte d’intelligence pour Dieu que de Lui consacrer un moment de réflexion et les conférences sont faites pour nous aider à méditer Sa Parole, à la pénétrer. La méditation demande un certain effort, c’est bien évident. On est tellement peu habitué à être intelligent dans le monde d’aujourd’hui, car on est tellement habitué à suivre les autres ... la facilité. Or, il n’y a jamais de facilité dans l’intelligence. C’est impossible. Et cela explique pourquoi aujourd’hui il y a tellement peu de gens qui veulent vraiment être intelligents et remonter à la source. Parce que c’est tellement plus facile de suivre : on a dit cela, les autres ont mangé pour vous, vous n’avez plus qu’à prendre ce qu’ils ont mangé, vous suivez, vous suivez la propagande de tout le monde ... Nous arrivons donc au troisième jour aujourd’hui. Je ponctue, puisque nous sommes dans le temps. Trois jours de marche dans le désert, comme dit Moïse. Le troisième jour doit être vraiment le jour où nous pénétrons le plus avant dans le désert de l’adoration et de l’amour, par l’Eucharistie. L’Eucharistie c’est le pain des pauvres, de ceux qui sont au désert. Il faut aujourd’hui que le Mystère de l’Eucharistie soit très très présent dans notre vie, pour nous aider à aller plus vite. Et pour faire que cette journée soit une journée de grâce, que ce soit Dieu qui vienne au-devant de nous et nous aide à aller plus loin. Les deux premiers jours il faut un petit peu se réchauffer. Le premier jour on dort, on a de la peine ; le deuxième jour on commence à se réveiller, et le troisième jour on est parfaitement réveillé, les petites ailes commencent à pousser ! On doit commencer à entrer profondément dans l’adoration et la contemplation. Faites un effort de plus grand silence intérieur, mais dans le sens où je vous le disais hier, c’est-à-dire par des actes intenses d’amour. Il faut que tout le capital de grâce soit vraiment mis en œuvre. C’est ce que nous ne faisons pas assez. La ferveur consiste à mettre en œuvre tout le capital de grâce que nous avons en nous. Nous ne sommes pas fervents tant que toutes nos virtualités, humaines et divines, ne sont pas en exercice. C’est pour ça que la ferveur exige cet effort d’être parfaitement éveillé pour Dieu. Toutes nos facultés doivent être en éveil pour Dieu. C’est fatigant, d’accord. Nous avons besoin de nous reposer de temps en temps. Je ne vous demande pas que toute la journée soit comme cela. Mais qu’il y ait des moments forts, près du tabernacle. Et qu’il y ait des moments d’intensité particulièrement grande du don de vous-même. C’est dans cette lumière que je veux reprendre très rapidement parce que nous n’avons pas le temps d’insister trop, la correction des sept Eglises. Nous devons la comprendre comme une correction d’amour et de miséricorde. C’est donc, en même 107
temps, tout en enseignement du Christ sur les sept églises, et donc sur l’Eglise. L’Eglise est septiforme dans sa structure. Elle implique ces sept grandes demeures. Ce serait merveilleux de voir en nous ces sept demeures, parce que nous sommes l’Eglise. Si nous sommes parfaitement d’Eglise, elles sont en nous. Autrement nous ne sommes pas parfaitement d’Eglise. Et alors il y aurait des cloisonnements. Il n’y a pas de cloisonnement entre les sept Eglises. Il y a diversité, mais pas de cloisonnement. Et l’une ne peut pas s’isoler des autres. L’Eglise d’Ephèse ne peut pas dire : ah moi, je suis l’Eglise d’Ephèse, je n’ai pas besoin du reste. Pas du tout. Ce serait le contemplatif qui dirait « je suis contemplatif, peu importe le reste ». Là on tomberait dans la contemplation philosophique. Le philosophe a un tout petit peu cette tentation-là : « je suis arrivé, avec une très grande peine, un très grand effort, à une contemplation, ça suffit ». La contemplation chrétienne est une contemplation d’amour, avec l’intelligence, mais l’amour est avant tout, et il nous relie à nos frères. Et donc l’Eglise d’Ephèse est nécessairement liée à l’Eglise de Pergame, l’Eglise de l’Apôtre ; elle était nécessairement liée à l’Eglise de Thyatire, l’Eglise de la miséricorde. Plus on est uni à Dieu, plus se développe en nous le sens de la miséricorde, le sens de la vie apostolique, le sens du don aux autres. C’est impossible autrement. Il y aurait toute une vision de l’Eglise à voir, à travers ces sept Eglises. Mais ce travail n’a pas été fait. Les théologiens sont toujours un peu paresseux, toujours, c’est normal, comme les intellectuels. Ils font un effort énorme et après ils se reposent un peu ! Il ne faut pas oublier le geste du Saint-Père lorsqu’il est parti à l’ONU (ça m’a beaucoup impressionné). Il a envoyé un télégramme aux sept Eglises. Aucun Pape n’avait fait cela auparavant. C’est quand même impressionnant de voir Jean qui passe dans la lumière du Saint-Père. Il a envoyé un télégramme aux sept Eglises, c’est-à-dire aux différentes Eglises qu’il considérait comme la structure de l’Eglise, et impliquant justement les sept grandes formes. Regardons cette structure de l’Eglise. C’est l’Esprit Saint qui fait le tissu de l’Eglise. Un histologue fait l’analyse du tissu humain, il fait une coupe pour analyser. L’Eglise est un vivant. Et donc ce vivant a un tissu particulier, son rythme propre, sa structure propre. Quel est le tissu de l’Eglise ? Il nous est donné à travers les sept Esprits de Dieu. Ces sept Esprits de Dieu permettent à l’Eglise d’être Epouse du Christ, d’être le complément de l’Agneau. Ce sont les sept Esprits de Dieu qui font le tissu de l’Eglise pour qu’elle soit toute relative à l’Agneau. Et ces sept Esprits de Dieu sont les sept Dons du Saint-Esprit. Nous sommes créés à l’image de Dieu. Ne disons pas la nature en théologie nous disons plus volontiers l’image de Dieu. C’est plus juste. (Les philosophes eux parlent de 108
la nature de l’homme). Nous sommes créés à l’image de Dieu, il y a une vision de l’image de Dieu en nous, c’est-à-dire que Dieu nous a créés en nous donnant un certain dominium, un certain pouvoir sur l’univers. Dieu nous a créés en nous donnant une intelligence. Du reste s’il n’y avait pas d’intelligence, il n’y aurait pas de dominium. Mais l’intelligence peut dépasser le dominium. Et elle le devance toujours. Et puis Dieu nous a donné une capacité d’aimer. Ce sont les trois grandes dimensions de l’image de Dieu qui sont, du reste, le reflet de la Très Sainte Trinité en nous : dominium, intelligence, amour. C’est ça l’image. Mais l’image est transformée par la grâce. L’image est totalement reprise par la grâce. La grâce de Dieu fait que l’image demeure. La grâce ne supprime pas l’image. La grâce ne supprime pas la nature. Il n’y a pas d’opposition entre grâce et nature humaine. Il n’y a pas de rivalité entre les deux, puisque les deux proviennent du même Dieu, du Dieu Créateur et du Dieu Père. Mais nous comprenons très bien que le Mystère de la grâce qui nous est donné cette participation à la nature de Dieu, cette semence de gloire va transformer l’image du dedans. L’image va se développer en enfant de Dieu, en fils de Dieu. Et c’est là où nous découvrons l’épanouissement plénier de la grâce qui implique la foi, l’espérance et l’amour selon les sept Dons, les sept respirations de la grâce : sept poumons du Saint-Esprit en nous. C’est merveilleux de voir comment le Saint-Esprit nous apprend à respirer pleinement, à son rythme. C’est le petit de l’aigle qui se met au rythme même de l’aigle par les Dons du Saint-Esprit. Et chacun d’entre nous a ces sept Dons qui lui ont été donnés au Baptême, à la Confirmation. Et les sept Dons c’est l’Esprit Saint Lui-même, l’Amour substantiel de l’Esprit Saint, qui vient transformer la pâte humaine, qui vient nous élever jusqu’à Dieu et nous permettre d’être comme ces animaux apocalyptiques remplis d’yeux, remplis d’ailes, c’est très extraordinaire ... les chérubins sont remplis d’yeux et d’ailes. Ezéchiel montre cela. Eh bien, un être qui est pleinement surnaturalisé, sous le souffle de l’Esprit Saint, est comme cela. Il est tout yeux pour Dieu. Toute lumière. Il est tout amour. Toujours sous le souffle de l’Esprit, sous son instinct. Et il vibre à toutes les vibrations de l’Amour de l’Esprit Saint, tandis que notre opacité naturelle fait que nous avons beaucoup de peine à vibrer aux vibrations de l’Esprit Saint. Nous restons avec nos déterminations et nos limites. Mais les sept Dons nous permettent d’avoir cette vulnérabilité divine en nous, la vulnérabilité de l’amour. Je crois que c’est cela qui nous est montré ici : les sept fautes contre les sept Dons. Les Dons s’épanouissent en nous en béatitudes. C’est la grande vision de Saint Augustin, reprise par Saint Thomas, et qu’on peut considérer vraiment comme une grande vision traditionnelle. Je sais très bien qu’aujourd’hui on n’aime plus beaucoup la regarder. Ça revient ... ça revient ... Les théologiens sont toujours un peu en retard quand ils veulent être en avance. Ils sont en retard de 30 ans. Mais les fidèles sont plus souples au Saint-Esprit, parce qu’ils n’ont pas de système. Et l’on sent très bien que ça revient. Les jeunes aujourd’hui veulent qu’on leur parle des Dons du Saint-Esprit. Ça me 109
frappe énormément. Ils veulent qu’on leur parle des béatitudes évangéliques. Parce qu’ils en ont soif, ils reviennent à toute la grande vision des béatitudes et des Dons. Les Pères de l’Eglise ont toujours lié les sept Dons aux sept béatitudes. On comprend très bien du reste. Car les Dons c’est le souffle de l’amour en nous. On est bienheureux quand on aime. On est malheureux quand on n’aime pas. C’est bien évident. Le grand malheur c’est de ne pas aimer. Et on n’aime pas quand on pense qu’on n’est pas aimé. Il faut Être aimé pour aimer. C’est très curieux. Un feu allume l’autre. C’est réciproque. Quand vous aimez et que vous dites je ne suis pas aimé, au bout d’un certain temps ça dégringole. L’amour demande à être accroché à l’amour. Et c’est celui qui nous aime qui, constamment, appelle en nous un nouvel amour. C’est pour cela que Jésus dit qu’il nous a aimés le premier. Pour que nous sachions que Lui ne dort pas. L’Esprit Saint non plus, puisqu’il est dans l’éternité. Et alors, c’est cet amour que l’Esprit Saint met en nous : ce sont sept feux. Les sept instincts de l’Esprit Saint sont nos sept manières d’aimer. C’est pour cela que je vous parlais des sept respirations d’amour qui sont donc les sept béatitudes. Si l’on est bienheureux dans la mesure où l’on aime, et que l’Esprit Saint se donne à nous selon sept manières, sept modalités, nécessairement nous sommes bienheureux dans la mesure où nous vivons des sept Dons du Saint-Esprit. L’Eglise doit être une Eglise bienheureuse, puisqu’Elle est l’Epouse. Dès qu’Elle quitte la mouvance du SaintEsprit, Elle n’est plus ce qu’Elle doit être. Et si nous sommes attentifs, nous voyons bien que le reproche de Jésus aux sept Eglises reproche de l’Epoux c’est de ne plus être suffisamment dociles à l’Esprit, de ne plus être suffisamment menées par Lui. Si nous comprenons cela, nous avons tout de suite l’intelligence théologique, au-delà de la description et dans la description. C’est très descriptif l’Apocalypse, puisque c’est un mode symbolique. Il faut découvrir dans le symbole même, sans le détruire, l’intelligence que Dieu veut nous donner de ce mystère. Ces sept corrections regardent les sept Dons du Saint-Esprit présents dans l’Eglise. Très rapidement nous allons voir comment l’Eglise, dans sa structure profonde, ne peut se comprendre que dans la vision des sept Dons du Saint-Esprit. L’Eglise est l’Eglise de l’Esprit Saint et des sept Esprits de Dieu. Elle n’est pas au niveau de l’image de Dieu. Aujourd’hui on parle toujours d’une anthropologie de l’Eglise. Mais non ... ce n’est pas cela du tout. On est en retard. C’est Kant qui dit cela. On est en retard. En réalité il faut comprendre que l’Eglise est sous le souffle de l’Esprit, qu’Elle est l’Epouse. Vous verriez un époux qui garderait son épouse en disant : je vais faire son anthropologie ! Il n’aurait rien compris, car il n’a pas besoin de l’épouse pour faire l’anthropologie. L’épouse c’est autre chose. L’épouse, c’est l’épouse. Elle est toute relative à l’époux, dans l’ordre de l’amour. Et l’Eglise c’est l’Epouse. Vatican II a insisté : l’Eglise, c’est l’Epouse. Il parle bien du peuple de Dieu, mais c’est là où nous saisissons vraiment ce qu’est l’Eglise, dans sa relation vis-à-vis de l’Epoux. Et cela je crois que l’Apocalypse le montre d’une façon très nette.
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L’Eglise d’Ephèse regarde le Don de Sagesse, parce que c’est le premier amour qui est justement ce secret révélé par le don du Fils. Ce secret qui existe entre le Fils bien-aimé et son Père bien-aimé. Et c’est ce secret d’amour que l’Esprit Saint nous fait découvrir en nous disant « Père ». Le Don de Sagesse c’est le mystère de la contemplation. Le Don de Sagesse c’est le mystère d’un amour parfaitement épanoui, puisque la contemplation n’est pas autre chose que cela. C’est l’amour parfaitement épanoui, exercé. Alors on comprend très bien le reproche fait à l’Eglise d’Ephèse : Elle ne vit plus assez du secret. Le danger de notre monde d’aujourd’hui c’est de ne plus vivre assez des secrets. Parce que la propagande supprime les secrets. Parce que le journalisme supprime les secrets. On voit très bien. Ce sont des arracheurs de secrets. Vous croyez que les psychanalystes gardent les secrets ? Non, il n’y a plus de secrets. Ils disent que tous les secrets sont imaginaires, que ce sont de faux secrets. S’il n’y a plus de secrets, il n’y a plus d’amour. C’est une manière très habile du démon de supprimer la contemplation, de supprimer l’amour : supprimer les secrets. Il y a un secret qui nous est communiqué : Le VERBE, secret du PERE. Et c’est Celui que nous recevons dans l’attitude du Don de Sagesse. Marie est l’Eglise d’Ephèse parce qu’à l’Annonciation elle reçoit le Secret du Père. Marie est l’Eglise d’Ephèse parce qu’à la croix elle reçoit le Secret du Père, qui est le Verbe de Dieu. Et ce secret lui est donné pour qu’elle le garde dans la bonne terre, afin que ce secret soit vécu. On ne garde un secret qu’en en vivant. On ne le garde pas dans un coffre-fort. On le garde dans son cœur. Le cœur est le lieu des secrets. Et quand le cœur n’est plus le lieu des secrets, il devient le lieu des idoles, par les idéologies. Il faut comprendre qu’à l’Eglise d’Ephèse on lui rappelle sa dignité. Elle est l’Eglise de la contemplation. Eh bien, l’église de la contemplation est présente en nous. En chacun d’entre nous, il doit y avoir l’Eglise d’Ephèse qui prenne possession de plus en plus de notre vie. Elle est première et elle doit garder sa dignité de première et elle doit comprendre toujours qu’elle doit être première. On comprend alors ce qui est dit : « Au vainqueur je donnerai à manger de l’arbre de vie qui est dans le paradis de Dieu » (11, 7). L’arbre de vie, c’est le secret que le Père nous donne. C’est Son Fils qui est dans le paradis de Dieu. C’est le mystère de l’Eucharistie. Puisque c’est le secret de Dieu. Les premiers chrétiens avaient très très fort ce sens de la loi de l’arcane. L’Eucharistie était le secret des chrétiens. Et c’était un secret qu’ils devaient garder à travers tout. Aujourd’hui nous avons beaucoup moins ce senslà. Parce que nous ne vivons plus assez de l’amour. Alors que c’est le don, le don du Corps. C’est bien le don de l’Epoux à l’Epouse.
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Au sujet de l’Eglise de Smyrne, nous l’avons vu, c’est l’avertissement, l’encouragement. Ce n’est pas strictement une correction, mais quand même, on lui demande d’aller un peu plus loin. « Ne crains pas ce que tu vas souffrir » (2, 10). L’Eglise de Smyrne a peur du témoignage. Etre témoin, c’est être martyr. Il faut beaucoup d’amour pour aller avec joie au martyre. Il faut beaucoup d’amour pour être la proie des bêtes, la risée de tout le monde. Le chrétien doit être témoin. C’est une grande dimension de la vie chrétienne. Et le chrétien doit être martyr. L’Eglise, l’Epouse, est martyre puisque son Epoux est martyr. Et Marie, debout à la croix, est la Reine des Martyrs. Et elle montre ce que doit être l’Eglise. Il y a des martyrs sanglants et des martyrs non sanglants. C’est sûr. On ne passera peut-être pas tous par le martyre sanglant, à la manière de Saint Sébastien ! Mais on sera tous martyrs. Et on l’est tous déjà un tout petit peu, quand on se trouve dans un milieu où l’on est seul chrétien et seul catholique, et où tout le temps, tout le temps, on ne cesse de s’opposer à vous. On est martyr parce qu’on reçoit des flèches, tout le temps. On est martyr parce qu’on porte en soi le secret et qu’on va être fidèle jusqu’au bout. Et on accepte d’être la proie des requins, des lions. On accepte d’être la proie des animaux sauvages qui ne demandent qu’une seule chose : nous dévorer. Et nous dévorer lentement, parce que ça leur va mieux ! C’est cela le martyre non sanglant. Le martyre sanglant c’est de nous dévorer rapidement. Mais il y a un martyre non sanglant qui consiste à nous dévorer lentement et à nous avoir par la force. Cela c’est net. L’Eglise de Smyrne représente l’exigence du témoignage ultime. « Mais tu es riche ». Il faut se le rappeler pour être fort. Il faut se rappeler la plénitude de grâce qui est en nous. Et le blasphème de ceux qui se disent juifs et ne le sont pas : « La synagogue de Satan ». C’est très curieux, la crainte des juifs. Je crois qu’elle reprend dans notre monde d’aujourd’hui, d’une autre manière. Elle existe en tous cas. Ce n’est pas étonnant qu’elle nous soit donnée dans le début de l’Ecriture, dans les Actes des Apôtres. Les Apôtres avaient peur des juifs. C’est le Saint-Esprit qui leur a donné la force d’être témoins, en dépassant cette peur. Il faut comprendre ce que représente symboliquement les juifs, le peuple aimé : ce sont ceux qui ont le droit d’aînesse. Mais parce qu’ils ont le droit d’aînesse, ils nous battent du côté de l’intelligence et du côté de la puissance. Tout ça c’est le droit d’aînesse. Et nous ne pouvons être témoins que si notre amour dépasse l’intelligence et la puissance. Et vous voyez le blasphème de ceux qui se disent juifs. Selon le terme de l’Ecriture « Israël » c’est celui qui croit. Ce n’est pas une question de race, c’est celui qui croit en la promesse. Et les hommes en ont fait une question de race. Il ne faut jamais oublier cela. Nous confondons. Et cette confusion vient du démon pour nous faire peur, pour maintenir la peur. Alors il faut bien saisir qu’Israël, au niveau de l’Ecriture, c’est toujours le peuple qui a reçu la foi. Et c’est la foi qui justifie. On est d’Israël en Abraham, dans la foi d’Abraham. Et c’est pourquoi le véritable Israël c’est l’Eglise qui va jusqu’au bout de l’exigence de la foi. Nous en faisans une question de race. Ce n’est pas chrétien, c’est un point de vue politique, ce n’est pas un point de vue chrétien. 112
L’Eglise de Smyrne a le Don de Force. C’est la béatitude de ceux qui ont faim et soif de la justice. C’est cela la Force : avoir faim et soif de la justice divine, qui est la sainteté. Ne confondons pas la justice divine et la justice sociale, parce qu’il n’y a pas de béatitude de la justice sociale. Cela n’existe pas dans l’Ecriture. Il y a une béatitude de la justice divine qui est la sainteté, et cette béatitude relève directement du Don de Force. Avoir faim et soif, lutter, ça ne veut pas dire du tout qu’il ne faut pas tenir compte de la justice sociale. Mais la justice sociale n’est pas le motif premier. Il est toujours second. Dans l’ordre divin, il est toujours second. Il est au niveau de la nature humaine, au niveau des rapports politiques, des rapports sociaux.
L’Eglise de Pergame représente le mystère du Don d’Intelligence : la béatitude des cœurs purs. Je vous l’ai dit. C’est la béatitude des cœurs purs, Pergame. Pour mettre notre intelligence au service de l’a Parole de Dieu, il faut une intelligence très purifiée. Une intelligence qui n’est pas purifiée, qui reste liée à des opinions humaines, est une intelligence qui aliène la Parole de Dieu. On parle beaucoup d’autres aliénations aujourd’hui, mais on oublie la première d’entre elles, qui est de lier la Parole de Dieu à des opinions humaines. Et quand on fait cela, on diminue la vérité. Quand on fait une théologie à base de Hegel, de Marx, de Nietzsche (puisque c’est la grande mode aujourd’hui de renouveler la théologie de cette manière-là), il faut comprendre qu’à ce moment-là on diminue la Parole de Dieu. On l’aliène. La Parole de Dieu doit assumer notre intelligence et par respect pour la Parole de Dieu, nous savons que notre intelligence doit se purifier, toujours plus. Il faut des gens très purs pour être au service de la Parole de Dieu. La béatitude des cœurs purs ne regarde pas seulement une pureté d’ordre intellectuel ! On pourrait dire : ah, ils ont une logique qui va purifier mon intelligence ! Mais non, la logique ne donne pas la béatitude des cœurs purs. La logique est un instrument très indispensable fit très important, mais elle reste dans l’ordre de l’instrument. Tandis que la béatitude des cœurs purs c’est l’amour qui, du dedans, purifie radicalement l’intelligence. Il faut demander l’expérience de la béatitude des cœurs purs qui nous donne un souci de vérité à travers tout. On ne peut plus accepter les erreurs consenties. On en accepte toujours inconsciemment, chacun d’entre nous. Personne n’oserait dire : je n’ai pas d’erreur en moi ... j’ai tout chassé ... Non. Tant que nous sommes sur la terre, il y aura toujours en nous des erreurs inconscientes. Quand on arrivera au ciel on s’apercevra qu’il y avait encore beaucoup de poussière sous les vieux meubles ! Mais ce qui est grave, c’est de consentir à des erreurs. C’est accepter que chacun ait ses petites erreurs : moi j’ai les miennes, vous avez les vôtres ... On n’a pas le droit de faire cela, c’est oublier la béatitude des cœurs purs. La béatitude des cœurs purs c’est justement le Don d’Intelligence qui purifie notre intelligence pour qu’elle soit le réceptacle, le tabernacle de l’amour. Pour que la vérité divine puisse nous être donnée et 113
que la Parole de Dieu puisse être reçue. Parce que tous les chrétiens sont des théologiens. Ils ont tous leur petite théologie. Evidemment, vous ne le criez pas sur les toits. Mais vous faites votre petite théologie et quelquefois elle est beaucoup plus intelligente que celle de certains théologiens, parce qu’elle est plus pure, plus limpide, plus humble. Alors il faut demander cette béatitude des cœurs purs et l’on voit bien, dans l’avertissement à l’Eglise de Pergame, que, justement on se laisse séduire. La béatitude des cœurs purs nous fait comprendre ce qu’est la séduction des modes, des modes intellectuelles. Il n’y a pas que les femmes qui soient sensibles aux modes ! Les intellectuels et les théologiens le sont a fortiori. Il faut toujours être à la dernière mode, et autant que possible en avoir les prémices. Et si l’on a les prémices, c’est parfait, c’est un succès de librairie ! ... « C’est périmé », qu’est-ce que ça veut dire ? La vérité n’est jamais périmée, elle est toujours actuelle. C’est le bien de notre intelligence. Il faut savoir si c’est la vérité ou si c’est l’erreur, mais si c’est la vérité, on la redécouvre toujours. Il faut que chacun d’entre nous la redécouvre. Il ne faut pas la répéter. On ne répète pas la vérité qui est un bien intérieur. L’intelligence en vit intérieurement. « Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » ! Thyatire, c’est le Don de Science. On pourrait dire de Pergame qu’elle est la théologie, et de Thyatire, la vie apostolique. On pourrait dire cela. En chacun d’entre nous il y a une petite théologie. On doit être tous gardiens de la doctrine. Tous, Saint Thomas le dit. Et il le dirait encore beaucoup plus fortement à notre époque. Il prend l’exemple du curé qui dit des erreurs du haut de la chaire (Voyez, ça pouvait exister au Moyen Age !). Quand un curé, du haut de la chaire, dit des choses qui ne sont pas conformes à la Parole de Dieu, le chrétien qui l’écoute, avec le désir d’écouter la Parole de Dieu, dit : « Tiens, ce n’est pas tout à fait exact, ce n’est pas cela la Parole de Dieu ... c’est du toc ». La foi donne un don de discernement : béatitude des cœurs purs. Le chrétien se dit : non cela n’est pas vrai, c’est erroné. Et comme il a écouté le curé, il a fait œuvre commune avec lui. Une paroisse c’est une communauté. Le curé qui parle et ceux qui l’écoutent font œuvre commune. Nous faisons œuvre commune. Saint Thomas dit que le chrétien qui entend une erreur, qui est blessé au plus, intime de sa foi, doit aller le dire, sinon il est complice. Ce n’est pas commode d’avoir la béatitude des cœurs purs. Ça demande beaucoup de force. Alors il faut le dire au bon moment, pas tout de suite après le sermon : Non. Quand on a commis une erreur, on est d’une sensibilité particulière. Il ne faut pas le dire tout de suite, mais huit jours après ! L’octave ! Il faut le dire à une bonne occasion. On n’a pas le droit de se taire. On a le devoir de le dire. Puisque c’est l’œuvre commune. Or, quand le curé parle, il le fait au nom du Christ. On a peut-être mal entendu, compris de travers ... Alors il faut le dire. Cela demande de ne pas être passif, mais de comprendre que nous faisons tous une œuvre commune. 114
C’est pour cela que je vous ai dit, au début de la retraite, s’il y a des choses qui vous scandalisent, ou qui vous blessent, notez-les, ou bien des choses que je peux dire incomplètement, puisqu’on va vite, notez-les. Je ne veux pas que cela vous blesse. Je veux votre bien et je veux que vous progressiez dans la vérité divine. Que vous alliez plus loin. Je n’ai pas le droit d’engendrer l’erreur en vous. Si j’engendre l’erreur en vous, je suis fils du démon. On est fils de lumière dans la mesure où l’on crée la lumière. Et c’est la béatitude des cœurs purs qui prend possession du cœur de ceux qui écoutent. C’est important de comprendre ce qu’est le Mystère de l’Eglise, C’est trop facile d’accuser. C’est trop facile d’aller dire : ah, j’ai entendu cela ! Mais que voulez-vous que ça me fasse à moi ? Vous avez entendu ça d’un curé. Mais je n’en peux rien. Cela soulage votre cœur, mais ce n’est pas la béatitude des cœurs purs ! C’est trop facile de soulager son cœur. C’est pour cela que lorsque vous suivez une retraite, et que vous entendez des choses qui ne sont pas correctes, vous devez le dire à celui qui a prêché. Pas aux autres, ce n’est pas la peine. Il ne faut pas être concierge d’une retraite à l’égard d’une autre retraite. (Ah, s’il y a des problèmes que vous n’avez pas pu dire et que vous voulez éclairer, c’est tout à fait autre chose. Ce n’est pas être concierge. C’est vouloir comprendre et progresser. C’est qu’on se trouve devant des problèmes complexes. Ce n’est pas toujours commode. Je suis tout à fait d’accord). Il ne s’agit pas de dire : c’est moi qui ai la vérité. Non. Non. Vous voyez que je parle de choses qui sont directement contre l’enseignement actuel de l’Eglise. Je parle des choses qui sont directement contraires à la Tradition. Pas les petites traditions, mais la Tradition au grand sens. C’est-à-dire l’enseignement actuel de l’Eglise, le Credo de Paul VI. Je me souviens de ce fait très significatif. Une personne qui avait le sens des choses de Dieu mais qui n’avait pas fait de théologie m’a dit ce qui s’était passé dans une conférence (comme je connaissais le conférencier, elle pouvait me le dire, ce n’était pas un racontar). Elle voulait voir clair. On disait donc, dans cette conférence théologique (ce n’était pas une prédication, mais une conférence théologique) : distinguez toujours bien la foi dans le Christ et la foi dans l’Eglise. Distinguez toujours bien, parce que la foi dans le Christ est un absolu. La foi dans l’Eglise est relative ... Alors cette brave personne m’a dit : à ce moment-là m’est revenue la parole de Jeanne d’Arc : « Pour moi, croire dans l’Eglise et dans le Christ, c’est tout un ». Elle me posait la question : où est la vérité ? Je lui ai dit : quand il y a un saint ou une sainte qui disent quelque chose, il y a des chances que ce soit lui qui ait la vérité ! Et j’ai ajouté : vous auriez dû dire à ce conférencier, après : qu’est-ce que vous faites de la parole de Jeanne d’Arc ? Voyez, c’est très dangereux. Dans l’Eglise il y a des données qui sont des conseils et qui ne font pas directement partie de l’enseignement, c’est bien évident. L’infaillibilité du Saint-Père et l’enseignement de l’Eglise ne regardent pas toutes les décisions. Il y a des décisions qu’on peut très bien ne pas comprendre. On se tait et on continue sa vie comme on peut. 115
Ça c’est très différent. Mais quand il s’agit de la foi dans le Christ, et de la foi dans l’Eglise, il s’agit d’un enseignement traditionnel de l’Eglise. L’Eglise de Thyatire regarde donc la béatitude de ceux qui pleurent. C’est la béatitude des apôtres. Ne l’oubliez pas. Quand vous êtes apôtres et que vous pleurez, c’est bon signe. Et si vous pleurez tout le temps, des pleurs intérieurs, si vous êtes blessé, et avez toujours le cœur à vif, c’est bon signe. Cela prouve que vous êtes sous la mouvance du Don de Science. Le Don de Science nous empêche de nous arrêter à des idées et à des idéologies et d’en faire des idoles. Il nous donne un sens très aigu de tout ce qui doit nous conduire à la vérité absolue : toutes les œuvres de Dieu doivent nous conduire vers Lui et nous discernons que certaines conclusions scientifiques, philosophiques ou exégétiques, qui paraissent vraies (j’ai dit qui paraissent vraies) nous arrêtent, nous empêchent d’aller plus loin. Ces conclusions deviennent des idoles, parce qu’elles proviennent des hommes. L’idole c’est ce qui est fait par l’homme. Voilà sa définition. Il y a des idoles de bois, de pierre et celles-là sont les moins dangereuses, dans notre monde d’aujourd’hui. Je ne vois pas les grands savants se mettre à plat ventre devant un morceau de bois, et dire : c’est mon idole ! Mais ils se mettront à plat ventre devant leurs idées, leurs conclusions scientifiques, en disant : ça c’est mon idée scientifique, c’est moi qui l’ai découverte. Si c’est moi qui l’ai découverte, c’est quelque chose d’absolu. Et cela devient une idole. C’est le très grand danger aujourd’hui : les idoles intérieures. Ce que l’homme fabrique, ce que l’homme fait. On m’a raconté le fait suivant, qui m’a beaucoup frappé et intéressé parce que c’était pris sur le vif. Et c’était dit avec la conviction de quelqu’un qui, ayant été auparavant marxiste, et sachant très bien ce que ça représentait, recherchait la vérité. Ce brave, homme donc, ouvrier spécialisé chez Renault, avait été marxiste au départ et il commençait à découvrir un tout petit peu ce que représentait la vie chrétienne. Un jour un ingénieur présente aux ouvriers qualifiés un ordinateur. C’était merveilleux. Il avait tout pour lui. A partir de l’ordinateur, on entrerait dans une civilisation nouvelle ; il y avait tellement d’éloges, tellement d’attributs et de louanges, qu’à la fin de la conférence (où l’on avait le droit de poser des questions), ce brave ouvrier lève la main et dit : M. l’ingénieur, je ne vous connais pas, mais à la manière dont vous avez parlé de l’ordinateur, on dirait que c’est votre dieu. Il disait cela avec un peu d’humour. Alors l’ingénieur répond : eh bien, oui, c’est mon dieu. Il est bien supérieur au Dieu traditionnel, parce que celui-là est totalement à mon service ! Voilà l’idole. C’est très significatif. Il est totalement à mon service. C’est le dieu qui vient de moi. Je le connais. Et il est entièrement pour moi. C’est très significatif. C’est un petit exemple, on pourrait vous en citer des quantités d’autres. Parce que, constamment, on voit cela aujourd’hui.
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Eh bien je crois que l’Eglise de Thyatire se laisse un tout petit peu séduire. Elle se laisse prendre. Les apôtres doivent fréquenter tous les milieux. Ils doivent être présents dans tous les milieux et essayer de comprendre. Alors il y a un danger de se laisser contaminer, de se laisser prendre. Progressivement on prend les méthodes des autres. Et ça devient des idoles. Et c’est insupportable pour le Christ. Il faut relire de temps en temps la vocation de Gédéon, par rapport à Thyatire. Gédéon, Dieu le choisit pour aller renverser les idoles. Et Dieu choisit chaque chrétien pour renverser les idoles. Alors il faut le faire astucieusement. Quand vous renversez les idoles, tous leurs adorateurs vous en veulent à mort. Alors il faut le faire bien. Il faut lire l’histoire de Gédéon qui est très belle, qui est merveilleuse. Elle donne, sous un mode symbolique, ce que nous devons être en tant qu’apôtres. En tant qu’apôtres, nous devons, par le Don de Science, découvrir tout ce qui arrête les hommes dans leur cheminement vers Dieu, dans leur amour pour Dieu, et renverser ces idoles.
L’Eglise de Sardes regarde le Don de Conseil. Le Don de Conseil c’est la béatitude de la douceur. C’est très subtil le Don de Conseil. « Je sais tes œuvres, tu passes pour être vivant, mais tu es mort ». (3, 2) Le Don de Conseil nous fait comprendre les petits sentiers que Dieu nous indique. Il nous donne le sens des signes que Dieu met sur notre route ; il nous donne, le sens des événements. Nous avons une intelligence de ces choses-là pour aimer plus. La caricature du Don de Conseil est justement une prudence rusée qui risque d’être pharisaïque. C’est le danger de l’Eglise de Sardes. Voyez la caricature de la béatitude des doux : être parfaitement adapté au milieu dans lequel on se trouve. Etre parfaitement adapté, tellement bien adapté que tout le monde nous trouve tellement agréable. Il est tellement souple, celui-là, il peut s’adapter à tous les milieux possibles ! C’est la caricature de la béatitude des doux. Cette béatitude implique une très grande force et sa caricature est l’adaptation complète au monde : être de son temps. C’est l’évolution prise dans tous les sens pour être parfaitement de son temps. On dit : cela était vrai au Moyen Age, maintenant c’est autre chose ! Et ainsi de suite. Alors on s’adapte pour s’adapter. Descendre le fleuve. On fait comme tout le monde. C’est vraiment l’opposition au Don de Conseil. Là encore, Jeanne d’Arc nous éclairerait merveilleusement. Quand elle voit les capitaines et les officiers qui vont à leur conseil ... Il y a beaucoup de gens aujourd’hui qui vont à leur conseil qui sont les commissions. Ils vont à leur conseil. Et ils essaient de réfléchir. Les commissions c’est la caricature du Don de Conseil. C’est la caricature de la béatitude des doux. Pas toutes, mais beaucoup d’entre elles : Quand la commission est prise comme idéal et qu’elle remplace tout. Parce que les commissions, quelquefois, 117
remplacent tout, elles remplacent les responsabilités. La commission a dit cela, donc nous n’avons plus qu’à nous soumettre ! La commission existe pour que chacun prenne sa responsabilité, sinon ce n’est plus une commission parce que la personne lui devient relative. Saint Thomas dit admirablement : « Personne n’a condamné le Christ. Le sanhédrin l’a condamné ». Personne ne tue le Saint-Esprit. Mais certaines commissions oublient que le Saint-Esprit existe. En face de ces officiers qui vont en conseil, Jeanne d’Arc dit : « Je vais aller au Conseil ». Eh bien, il faut que le chrétien comprenne qu’il a lui un Conseil qui lui est donné toujours, chaque fois que c’est difficile. Que l’on demande aux commissions des informations, très bien. Mais les informations restent des informations. Ce sont des opinions, pas plus. Alors il s’agit de prendre une responsabilité. Et une responsabilité se prend en face de Dieu. Surtout lorsqu’on a des responsabilités importantes. On n’a jamais le droit de juger quelqu’un sur l’opinion d’un autre. Notre Seigneur le dit avec force devant Pilate : « Dis-tu cela de toi-même ou un autre te l’a-t-il dit ? » Voilà la correction de Jésus à Pilate. Et c’est un acte de jugement, un acte de prudence que fait Pilate quand il interroge Jésus. C’est très important le discernement, et le Don de Conseil nous le donne. C’est très bien de s’informer, il faut le faire. On ne peut pas aujourd’hui avoir toutes les informations par soi-même. C’est impossible et c’est nécessaire d’avoir des gens qui vous donnent des informations, qui vous préparent les dossiers. Tout cela est de l’ordre de la disposition, de l’ordre de l’opinion, de l’ordre de la préparation. Ensuite il faut aller à son Conseil. Et son Conseil divin c’est l’Esprit Saint. Il faut que le Don de Conseil nous fasse comprendre que nous ne pouvons rien décider par nous-mêmes et que nous devons toujours demander conseil au Christ et à l’Esprit Saint. Nous avons d’autant plus besoin de leur lumière que c’est plus difficile et confus. L’Eglise de Philadelphie regarde le Don de Piété. C’est merveilleux Philadelphie ! Il n’y a pas de correction. Le Don de Piété, c’est la miséricorde. La vraie miséricorde. L’Eglise de Laodicée c’est le Don de Crainte. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur l’Eglise de Laodicée. Voyez les deux extrêmes : Ephèse et Laodicée. Ça se tient. La Crainte et la Sagesse se tiennent. Mais l’Eglise de Laodicée nous fait comprendre ce qu’est la suppression du Don de Crainte : Une espèce d’équilibre de tiédeur. Le Don de Crainte nous donne le sens profond de la majesté souveraine de Dieu, du respect que nous devons avoir vis-à-vis de Dieu. Le respect dans l’adoration. Le respect en face de Celui qui nous aime, qui nous a aimés le premier. Ce sont là les fruits du Don de Crainte. Quand il n’y a plus la crainte chaste, quand il n’y a plus l’amour, il y a nivellement. 118
Vous comprenez bien ce que peut représenter aujourd’hui le mot « démocratie » mis à toutes les sauces. Pas la démocratie prise politiquement dans ce qu’elle est réellement. Mais la démocratie ... (par exemple : l’Eglise est une société démocratique). Eh bien, l’Eglise de Laodicée, c’est cela. Parce qu’au fond on veut dire : tout le monde est égal et on ne voit plus l’ordre de la Sagesse de Dieu. Quand vous supprimez l’ordre de la Sagesse divine, vous tombez dans une espèce de neutralité, d’égalité. Il n’y a pas d’égalité dans l’amour. Mettre l’égalité dans l’amour c’est introduire la tiédeur. Et à ce moment-là il s’agit uniquement d’une question d’équilibre. Donnant-donnant. J’ai donné à droite, j’ai donné à gauche ... je suis juste. D’un côté, de l’autre, comme cela, sans chercher la vérité, sans chercher où l’amour doit être vrai. C’est un très grand danger car l’égalité, l’équilibre peuvent séduire. La tiédeur peut séduire : ni chaud, ni froid, celui qui se maintient entre les deux. Mais en réalité c’est quelque chose de très perfide parce que ça tue l’amour. Et on comprend très bien ce désir du Christ : « Au moins si tu étais froid ... ». Il y a des gens qui sont froids, c’est-à-dire en opposition violente à l’égard des chrétiens. Ces gens sont peut-être beaucoup plus proches du Christ que ceux qui ont cette espèce de tiédeur et qui, au fond, ne se sont jamais engagés profondément dans la foi, l’espérance et l’amour. Ils se regardent eux-mêmes. La tiédeur, c’est un regard réflexe sur soi, une espèce de faux équilibre, une apparence d’équilibre. Elle agit directement contre le Don de Crainte. Le Don de Crainte c’est la béatitude des pauvres, des vrais pauvres, de ceux qui savent qu’ils sont incapables d’aimer et qu’ils ont besoin du secours actuel du Christ. Voyez comme est importante cette vision sur le Mystère de l’Eglise que nous donne la correction des sept Eglises. Il faudrait que notre examen de conscience se fasse au niveau des béatitudes évangéliques. Il serait beaucoup plus vrai. Vous allez me dire : il y a une huitième béatitude, « Bienheureux ceux qui sont persécutés ». Oui. Tout doit se vivre dans la lutte. Et tout se vit dans la lutte, c’est vrai. Les Eglises sont dans la lutte. Et c’est pour cela qu’on les corrige, pour qu’elles aillent jusqu’au bout de leur combat. Si elles n’étaient pas dans la lutte, ce ne serait pas la peine de les corriger. Comprenons bien ces sept grandes dimensions de l’Eglise. Essayez de mettre les béatitudes évangéliques constamment dans votre vie. Vous pouvez bloquer les béatitudes toutes ensemble et vous interroger. C’est merveilleux. Ça donne une petite variété. Il y aura la béatitude des pauvres pendant un mois ; la béatitude des doux pendant un autre mois ... c’est une manière merveilleuse de progresser dans les béatitudes évangéliques. C’est un petit truc. Le Saint-Esprit peut vous en donner un autre. Ça n’a pas d’importance. Ce qu’il faut c’est se rappeler constamment que notre vie chrétienne est vécue au niveau des béatitudes évangéliques et au niveau des Dons du Saint-Esprit.
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« Ce sont ceux qui sont mus par l’Esprit Saint qui sont fils de Dieu ». Nous oublions les béatitudes évangéliques. Elles ne sont plus pour nous le pain quotidien. Et pourtant le regard du Christ qui nous corrige est à leur niveau. Il vaut mieux le comprendre tout de suite que lorsque nous serons au jugement, en face du Christ, et qu’on se dira : mais j’ai complètement oublié les béatitudes ! Moi je me suis toujours interrogé sur les commandements de Dieu. C’est très bien les commandements de Dieu, mais ils sont dépassés par les béatitudes. Ce sont les béatitudes que Jésus regarde en premier lieu. Parce qu’il veut voir en nous ces fleurs de l’amour, que sont les béatitudes.
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8me conférence
Les caricatures déémoniaques des Béatitudes évangélique dans les sept Eglises. Ch. 4 : Pénétration dans l’économie divine. Sens de l’Eglise, Vision de la Très Sainte Trinité, des 24 vieillards et des 4 vivants.
Il faudrait, à propos des sept églises, des béatitudes évangéliques et des dons du Saint-Esprit, comprendre les caricatures du démon. L’Apocalypse nous met toujours en face de ces caricatures du démon vis-à-vis de l’œuvre de l’Esprit Saint. L’œuvre de l’Esprit Saint est une œuvre d’amour, toute intérieure. L’Esprit Saint agit toujours de l’intérieur. Il peut agir aussi par des signes extérieurs, mais c’est toujours en vue de cette intériorité de l’amour. Le démon au contraire, et nous aurons l’occasion de le voir parce que l’Apocalypse nous montre d’une manière très visible l’œuvre du démon, lui, est toujours en opposition vis-à-vis de l’œuvre de l’amour. Il ne peut pas supporter l’amour. Il ne peut pas sonder les reins et les cœurs. Il n’agit que de l’extérieur en faisant des caricatures. Il y a une caricature des béatitudes évangéliques. Je ne vais pas les reprendre ici parce que cela nous mènerait trop loin. Pensez-y et demandez au Saint-Esprit de vous éclairer. J’y reviendrai si nous avons le temps, parce que ces caricatures nous aident à dépister le démon. Il suffirait de voir les reproches de Jésus par rapport aux sept églises. Le démon nous fait oublier le premier amour. Le démon est un être qui nous met dans l’oubli. Déjà les Grecs disaient, mais pas à propos du démon, que la chose la plus terrible pour l’homme est d’oublier l’origine d’où il vient. Cette phrase très belle de Plotin s’adressant à l’âme, et voyant que l’âme se laisse prendre je la diversité, par la multiplicité, par les choses extérieures : « Comment oublie-tu l’origine divine, d’où tu viens ? » Je crois que le propre de l’œuvre du démon est de nous mettre dans la dispersion. Le don de Sagesse nous donne le sens de « l’unique nécessaire ». Le premier amour nous donne le sens de l’unique nécessaire et pour l’unique nécessaire, on vend tout, pour être fidèle à ce premier amour. Le don de Sagesse est ce qu’il y a de plus exigeant. Tout est ordonné à cela et tout, d’une certaine manière, est ordonné à l’Eglise d’Ephèse. L’Eglise d’Ephèse ne peut jamais être oubliée. Dans la pensée de Dieu et dans 121
le point de vue de l’Esprit Saint, c’est la chose fondamentale. C’est l’Eglise de Jean. Quand Pierre demande : « Et lui, qu’est-ce qu’il deviendra ? Cela ne te regarde pas ... Si je veux qu’il demeure jusqu’à mon retour ... » C’est bien l’Eglise d’Ephèse. Parce que même si l’Eglise doit vivre d’une façon purement souterraine, dans les catacombes, il doit toujours y avoir au plus intime de notre cœur cet appel, vécu dans la solitude, qui nous relie à l’Esprit. Le démon veut nous faire oublier en nous dispersant. Dans l’Eglise de Smyrne, on voit très bien l’œuvre du démon. « Je sais ton affliction et ta pauvreté, mais tu es riche ». Le démon nous fait oublier notre vraie force qui est avec Jésus, le Premier et le Dernier. Il voit que nous avons en nous une force divine. Alors le démon nous met dans l’attitude de celui qui considère que Dieu lui demande des choses impossibles. C’est la caricature de la béatitude de ceux qui ont soif de la justice divine. Les caricatures sont toujours multiples ; elles ont des modalités diverses. Il est évident que la caricature de la justice, c’est de mettre la justice sociale au-dessus de tout. Une caricature assez grosse. Mais beaucoup tombent dans le panneau. C’est la chose visible et pour le démon, ce sont toujours les choses visibles qui comptent. Il y a une caricature beaucoup plus subtile qui est intérieure et qui nous fait considérer que c’est impossible pour nous d’être martyr, d’être témoin : « Cela ne sert à rien. Personne ne nous verra. Nous ne pourrons aider personne. Nous ne sommes pas de la race des martyrs ». Or nous sommes de la race des martyrs, puisque nous sommes chrétiens, et que le christianisme a commencé par le martyre, et que le christianisme doit s’achever par le martyre. Et le martyre, c’est pour nous. La caricature du démon tend à nous empêcher d’avoir cette force. Il faut bien comprendre la voix de l’Esprit et faire le discernement. Pergame, c’est facile : la caricature de la béatitude des cœurs purs. C’est la séduction des choses extérieures secondes. Nous sommes pris par des choses qui sont purement extérieures.
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Chapitre IV Et ainsi de suite ... « Après cela, … » Ceci c’est tout à fait l’Apocalypse, comme dans l’Evangile de Saint Jean, ne cherchons pas une succession visible, logique ... « Après cela, … » Quand on est en extase, je ne sais pas ce que devient la logique cartésienne. La petite expérience de l’extase que nous pouvons avoir nous fait comprendre cette grande expérience de l’extase de Saint Jean. « Après cela, je vis et voici une porte ouverte dans le ciel ». Ici nous avons d’une façon assez nette ce qui a été dit plus haut : d’abord dans la vision on regarde ce que sont les églises actuelles, dans le regard du Christ. Et ensuite Il nous fait comprendre ce qui va venir bientôt. Nous entrons, avec le chapitre IV dans le point de vue de l’économie divine. Nous verrons comme il est difficile de bien faire l’interprétation de cette économie divine. Mais c’est l’économie divine. Donc les deux perspectives : la vision de ce qui est et la vision de ce que doit venir, de ce qui doit être. Et chaque fois, on repart dans la vision trinitaire. Nous ne pouvons rien comprendre au mystère de l’Eglise, si nous n’avons pas une vision trinitaire de l’Eglise. Nous ne pouvons rien comprendre à l’économie divine sur l’Eglise et donc sur l’humanité, si nous n’avons pas une vision trinitaire. La vision de l’économie divine ne peut se faire que dans la lumière de la Très Sainte Trinité. C’est ce qui nous est démontré ici. « Après cela, je vis et voici une porte ouverte dans le ciel ». Il y a une porte ouverte. Marie, c’est la porte du ciel. « Et la première voix que j’avais entendue comme celle d’une trompette qui parlait avec moi, disait : ‘monte ici’ ». Voyez l’appel : cette première voix, c’est la voix de Jésus. C’est Jésus qui l’appelle, qui lui demande d’être là, et c’est l’Esprit. « Monte ici et je te montrerai ce qui doit arriver dans la suite ». C’est une nouvelle montée au ciel pour une nouvelle vision. C’est très important de bien saisir cette coupure qui nous est montrée dans le texte lui-même. C’est pourquoi je ne crois pas que l’on puisse dire que les églises doivent s’étendre successivement dans le temps, parce que, autrement, l’Eglise de Laodicée serait ce qui doit arriver. L’Eglise de Laodicée, symboliquement et réellement, existait pour Jean, comme l’Eglise de Laodicée existe pour nous. Elle est de tous les temps, très nettement. Comme l’Eglise d’Ephèse et l’Eglise de Pergame sont de tous les temps : les sept dimensions de l’Eglise du Christ. L’Eglise du Christ a sept formes. Cela nous dépayse beaucoup, car nous n’avons plus du 123
tout ce regard là sur l’Eglise.
Est-ce que nous pensons, quand nous pensons à l’Eglise, à regarder l’Eglise à travers les dons du Saint-Esprit et les béatitudes évangéliques ? Là où les béatitudes sont vécues, c’est l’Eglise. Là où les béatitudes ne sont pas vécues, il n’y a plus rien que de l’humain, du sociologique. L’Eglise, c’est le mystère des béatitudes évangéliques. C’est très important. C’est très important. Certains aspects de l’Eglise peuvent nous heurter et nous choquer. Alors nous disons : l’Eglise nous choque. Pas du tout. Ce sont les apparences, c’est ce que vous voyez. L’Eglise c’est ce qu’on ne voit pas en premier lieu parce que c’est un mystère. L’Eglise implique une incarnation. L’Eglise, elle est dans le cœur des saints. C’est dans les saints que vous voyez l’Eglise et chez ceux qui sont les plus proches du Christ. Quand, dans votre vie, vous avez eu la grâce de pouvoir approcher quelqu’un qui est très proche du Christ, vous avez un sens de l’Eglise tout autre. Tandis que, quand vous regardez l’Eglise sous son aspect périphérique, vous ne savez plus très bien si c’est l’Eglise ou si c’est de l’humain ou du sociologique. Vous savez qu’il y a du bon grain et du mauvais grain. Or le Seigneur nous a demandé de ne pas enlever trop vite le mauvais grain ; alors on est obligé d’avoir de la patience et de laisser le bon grain et le mauvais grain. Mais le bon grain et le mauvais grain ne nous donnent pas une vision de l’Eglise. La vision de l’Eglise est une vision intérieure. C’est l’Epouse du Christ, celle qui est entièrement revêtue du Christ. « Monte ici et je te montrerai ce qui doit arriver dans la suite ». Il faut donc monter plus loin, et il y a des degrés dans la pénétration. Il faut pénétrer ici dans les conseils de Dieu, dans les volontés de Dieu. « Aussitôt je fus ravi en esprit ». Je vous demande de faire la même chose, sous le souffle de l’Esprit Saint. Autrement, vous regarderez cela de l’extérieur. Alors, soyez ravis en esprit, sous le souffle de l’Esprit et en vous laissant attirer par la voix. « Et voici qu’un trône était placé dans le ciel et sur ce trône quelqu’un était assis. » C’est la plus belle description du mystère de la Très Sainte Trinité qui nous est donnée ici. C’est une icône de la Très Sainte Trinité. Il y a diverses icônes de la Très Sainte Trinité, mais celle-là est la plus étonnante. « Et voici qu’un trône était placé dans le ciel ». Le trône, c’est le symbolisme de la majesté souveraine de Dieu. Et sur ce trône, quelqu’un. Et c’est une majesté dans une personne : « quelqu’un » qui « était assis ». La présence de Dieu. Présence de majesté, Présence souveraine du Tout Puissant, du Créateur, et en même temps, présence personnelle. Ce n’est pas du tout un nirvana 124
perdu dans quelque chose ... Non. Tout le mystère de Dieu est personnel. Et tout le mystère de notre vie chrétienne est personnel.
« Et celui qui était assis était semblable d’aspect à une pierre de jaspe et de sardoine ». C’est très étonnant. On dira que c’est de l’art abstrait. Mais ce n’est pas de l’art abstrait: c’est de l’art divin. Et il est très curieux de faire le parallélisme entre les deux. Il faut bien voir la différence. C’est de l’art divin : « quelqu’un ». Mais ce quelqu’un est au-delà de toutes les déterminations, de toutes les figures. Il veut nous faire comprendre que c’est au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer, quelque chose que nous ne pouvons saisir que par l’amour. L’amour est personnel. On n’aime qu’une personne. On ne peut pas aimer quelque chose d’abstrait. On n’aime que ce qui est extraordinairement singulier, personnel. L’amour demande un lien personnel. L’intelligence, elle, peut aimer des abstractions, tandis qu’au contraire, l’amour ne peut pas rester dans les abstractions. Il ne peut pas aimer le genre humain. Si vous prétendez que vous aimez le genre humain, cela prouve que vous n’aimez pas beaucoup. C’est une évasion : or, la contemplation, l’exigence d’amour, ce n’est pas du tout une évasion. C’est cela qu’il faut bien saisir : surtout ne pas le traduire en un art abstrait, mais en un art extraordinairement concret. Du reste, le véritable art abstrait est très concret si on le comprend bien. Il est très concret pour nous faire comprendre ici la présence du Créateur, la majesté souveraine de Dieu. « Celui qui était assis était semblable d’aspect à une pierre de jaspe et de sardoine ». Ce sont des pierres précieuses parce que les pierres précieuses, c’est la lumière, mais une lumière chaude, pas comme certaines lumières complètement séparées de l’amour qui sont blessantes. C’est une lumière brûlante, qui attire. « Et tout autour du trône, un arc en ciel semblable à un aspect d’émeraude ». Là, nous retrouvons l’arc en ciel. L’arc en ciel est tout à fait au début de la Genèse (Gn 9, 12). Il est donné après le déluge, pour montrer la Nouvelle Alliance, et pour faire comprendre à l’homme qu’il n’y aura plus de déluge. C’est important de se rappeler qu’il n’y aura plus de déluge. Ce n’est plus Dieu qui mettra un terme à la race humaine, à cause de l’alliance avec le Christ. Car si nous sommes attentifs au symbolisme de la nouvelle alliance avec Noé, c’est une alliance cosmique avec Jésus. Dans le Christ, c’est notre humanité, c’est l’homme, qui est en Dieu. C’est l’homme qui est Dieu, et donc c’est quelque chose de notre univers. Le corps du Christ faisait partie de notre univers quand il était formé en Marie. Maintenant il est au-delà de la nouvelle terre et du nouveau ciel, et c’est le corps glorieux du Christ. Dans le corps du Christ, quelque chose de notre 125
univers est en Dieu et est Dieu, quelque chose de la matière est Dieu. C’est le mystère de l’Incarnation. Il ne faut pas le diluer ni dire que parce quelque chose de la matière est en Dieu, la matière est divine. C’est dans la personne du Christ. De même dans le Christ nous sommes adultes, mais pas en dehors du Christ, puisque les gens, aujourd’hui, cherchent tant à être adultes. C’est la grande soif universelle. Ils n’en ont jamais autant parlé, parce qu’ils sont infantiles. Les psychologues disent que quand on parle beaucoup d’une chose, c’est une compensation, parce qu’on ne la vit pas. Si on vivait en adulte, on n’en parlerait pas. Dans le Christ, l’humanité est adulte, pas en dehors. C’est pourquoi il n’y aura plus de déluge, parce que le Père a tout remis à l’humanité en lui donnant Jésus. Et l’humanité veut être adulte en dehors de Jésus. L’humanité veut se sauver en dehors du Christ. C’est ce que nous voyons aujourd’hui et qui est symbolisé par la Tour de Babel. Nous reviendrons sur le symbolisme de la Tour de Babel parce qu’il est tellement présent dans l’Apocalypse et tellement actuel. Nous vivons du symbolisme de la Tour de Babel. C’est important parce que c’est l’antithèse de l’arc en ciel. L’arc en ciel vient de Dieu et c’est Dieu qui nous donne sa paix, c’est à dire son amour. « Bienheureux les pacifiques ... » C’est le don de Sagesse. C’est l’Eglise d’Ephèse, donc c’est Marie. C’est l’Eglise d’Ephèse qui a l’arc en ciel puisque c’est l’Eglise d’Ephèse qui doit vivre de la béatitude des pacifiques. Et la béatitude des pacifiques se vit dans le Christ. Le Christ est Prince de la paix. Il nous fait vivre de cette béatitude, des pacifiques. C’est la plénitude de l’amour qui se réalise dans le don de Sagesse. Si vous regardez attentivement le début de la Genèse, vous voyez bien que de fait, l’arc en ciel montre que Dieu met sur la terre ce qui est auprès du trône du Père : la plénitude de l’amour. C’est le ciel qui descend sur la terre pour lui donner la paix. Jésus est venu nous donner la paix. Mais les hommes ne la reçoivent pas du Christ. Il n’y a pas de paix en dehors du Christ, comme il n’y a pas de justice en dehors du Christ. La paix et la justice ne peuvent venir que du Christ. Il nous est montré ici comment les deux choses se tiennent : le point de départ et le terme. Dans l’alliance du Christ, il y a cette alliance de paix. Et si nous regardons la Genèse, nous voyons que les hommes n’ont pas compris et veulent se libérer par eux-mêmes en chassant Dieu de leur cœur. Il n’y a plus de place pour Dieu dans le cœur de l’homme. Voilà le symbolisme de la Tour de Babel. C’est l’efficacité qui veut être plénière et qui supprime l’amour. La terre veut atteindre le ciel, alors le ciel est venu sur la terre. Et la terre n’a pas accepté ce mystère d’amour. « Et tout autour du trône, vingt-quatre trônes et sur ces trônes, vingt-quatre vieillards assis, habillés de vêtements blancs et, sur leurs têtes, des couronnes d’or ». C’est très important de bien voir le symbolisme des vingt-quatre vieillards. De cette vision des vingt-quatre vieillards, on a donné des symbolismes multiples. Je ne vais 126
pas vous les rappeler tous. Ils font partie de l’Information, mais nous ne faisons pas la retraite au niveau de l’Information. Heureusement, on a une faculté d’oublier les informations pour garder l’essentiel. Mais il y a quand même un aspect qui est intéressant à souligner : c’est que, chez les Pères de l’Eglise, souvent les vingt-quatre vieillards représentent les 12 tribus d’Israël et les 12 apôtres. C’est peut-être vrai. Il ne faut jamais comprendre le symbolisme dans la perspective de la logique de Descartes. Le symbolisme est toujours polyvalent et a toujours des significations multiples. C’est très important de se le rappeler parce qu’on peut pénétrer dans le mystère de Dieu par le symbolisme et donc progressivement. Je crois qu’on ne peut pas s’arrêter à cela parce que les douze tribus d’Israël et les douze apôtres peuvent exprimer encore quelque chose de plus profond. Les douze tribus d’Israël expriment la totalité du peuple d’Israël, et la totalité du peuple d’Israël, c’est le fils aîné, responsable de toute l’humanité en face de Dieu. Et les douze apôtres reprennent les douze tribus d’Israël pour montrer les colonnes de l’Eglise, et donc la structure de l’Eglise. Et l’Eglise est responsable de toute l’humanité, parce qu’elle est Israël pour Dieu. Alors, que veulent dire ces vingt-quatre vieillards ? Ce sont des vieillards et ils ont un rôle sacerdotal, un rôle de médiateurs. Comme il est montré : « habillés de vêtements blancs et sur leurs têtes, des couronnes d’or ». Ils ont une responsabilité et ils ont un rôle de médiation dans l’ordre de la prière. Je crois que ces vingt-quatre vieillards représentent toute la création, pas seulement l’homme, mais toute la création. C’est pour cela qu’ils sont proches du trône du Créateur. Ils sont là pour envelopper. Alors c’est très juste de dire que ces vingt-quatre vieillards représentent les douze tribus d’Israël et les douze apôtres. Mais peut-être, allant plus loin, dépassant ce premier symbolisme, découvrons l’autre symbolisme plus radical que représentent les douze tribus d’Israël et les douze apôtres. Ils représentent la responsabilité de toute la création. Toute la création est rassemblée dans les douze tribus d’Israël. Et toute la création est rassemblée dans les douze apôtres. Les vingt-quatre vieillards représentent donc ceux qui ont cette responsabilité de toute la création, ceux qui sont auprès du Créateur le chef-d’œuvre de Dieu dans l’ordre de la création. Alors pour nous, tout à fait d’accord: les douze tribus d’Israël, les douze apôtres, mais en comprenant bien que c’est dans les douze tribus d’Israël et dans les douze apôtres, toute la création présente en face de Dieu. On est médiateur quand on adore. C’est donc la créature spirituelle dans l’état d’adoration, qui est là, près de Dieu. La créature spirituelle n’est vraiment créature que quand elle adore Dieu. Et quand elle adore Dieu, elle sait que tout retourne vers Dieu. Il y a dans l’adoration quelque chose de cosmique. C’est pour cela qu’on adore sur les hauts lieux. Par l’adoration toute la créature matérielle retourne vers Dieu, parce que, quand nous adorons, nous adorons aussi avec notre corps, et c’est notre corps qui 127
retourner vers Dieu. Et notre corps fait partie de l’univers. Et par notre adoration, les étoiles glorifient Dieu. N’oubliez jamais cela. Les étoiles ne glorifient Dieu que par notre adoration. Et les anges adorent Dieu en prenant toute l’œuvre de la création et en la ramenant à Dieu. Je crois donc que ces vingt-quatre vieillards représentent symboliquement ceux qui, dans les créatures spirituelles, adorent Dieu. Quand on adore Dieu, on est proche du trône, de la majesté souveraine du Père. L’adoration nous fait aller à la source, et revenir à la source, d’où tout jaillit. La source, c’est le trône, la toute-puissance, la majesté de Dieu. On est vieillard quand on adore. L’adoration est le geste premier de notre sacerdoce mystique et royal. On ne peut pas vivre du sacerdoce mystique et royal que le Christ nous a donné, sans l’adoration. C’est la première attitude parce que, quand on adore, on est médiateur pour toute l’œuvre de la création. Nous n’avons plus d’âge quand nous adorons. Un vieillard n’a plus d’âge. Il a des cheveux blancs. Celui qui n’a pas de cheveux blancs peut blanchir, tandis qu’après, il n’y a plus rien. La blancheur exprime quelque chose d’éternel. Et le vieillard exprime quelque chose d’éternel. Tant qu’on reste un enfant, c’est une promesse de vie, on doit progresser. Un vieillard est au terme de l’évolution. Il ne peut plus évoluer. On ne déracine pas les vieux arbres. Le vieillard n’est pas vieillard parce qu’on ne peut plus le changer, il est vieillard parce qu’il est éternel. Dans toutes les grandes cultures religieuses, le vieillard est celui qui est plein de sagesse. Le prêtre est vieillard, en tant que prêtre plein de sagesse. Et on est plein de sagesse dans la mesure où on adore Dieu. Parce que, quand on adore, on remet à Dieu le dominium que Dieu nous a donné. Servir Dieu, c’est régner. Et on ne sert Dieu que quand on adore. Il faut demander au Saint Esprit de nous apprendre ce qu’est l’adoration. Nous n’adorons pas assez. Nous ne sommes plus ces vieillards de l’Apocalypse parce que tout, dans notre monde d’aujourd’hui, nous fait quitter l’adoration. Il y a très peu de gens qui adorent vraiment, profondément, c’est à dire qui ne quittent pas la majesté souveraine de Dieu. L’adoration est un geste, j’allais dire : naturel, de la créature. Elle est transformée par la grâce et elle est unie à l’adoration du Christ. Ici on montre les vieillards tout auprès du trône, pour nous faire comprendre que l’adoration est une attitude naturelle. C’est le retour de la créature à sa source. « Habillés de vêtements blancs et sur leur tête, des couronnes d’or ». Dieu dépose sur notre tête une couronne d’or quand nous adorons. Ah ! Si on voyait cela, on adorerait tout le temps, pour avoir cette couronne d’or merveilleuse. Mais ne regardez pas la couronne d’or, ne regardez que le trône ! Quand on adore, on est tout entier tourné vers Dieu et on ne pense qu’à Dieu. Il ne faut surtout pas loucher, parce qu’alors, on n’adore plus. C’est Caïn qui louche et qui regarde Abel. C’est le geste premier. Ce n’est pas seulement l’homme, mais tous les hommes qui adorent Dieu. Donc les vingt-quatre vieillards, c’est la créature dans sa vérité et dans son attitude 128
d’adoration. « Et du trône sortent des éclairs, des voix et des tonnerres. Et brûlant devant le trône, sept torches de feu, qui sont les sept esprits de Dieu ». Vous voyez cette description de l’Esprit Saint. Ici, ce n’est plus le point de vue du Créateur, c’est le mystère intime de Dieu que nous pénétrons. C’est complexe et en même temps très simple. Nous sommes obligés, dans la description, d’analyser, de voir successivement, mais dans un regard profond pour comprendre l’unité de cette vision de l’Esprit Saint. La voix, c’est l’Esprit Saint. Les éclairs, c’est l’Esprit Saint, et le tonnerre c’est l’Esprit Saint, parce que le Saint-Esprit, de temps en temps, tonne, quand Dieu veut nous faire saisir quelque chose et que nous ne comprenons pas. Saul de Tarse sait ce que c’est que le tonnerre. « Et devant le trône, comme une mer vitrifiée semblable à du cristal. Et au
milieu du trône et autour du trône, quatre vivants pleins d’yeux par devant et par derrière ». L’immensité du mystère de Dieu, l’immensité de l’amour qui unit le Père et l’Esprit, je crois que c’est exprimé par cette mer vitrifiée semblable à du cristal : le mystère de l’infini de Dieu. Dieu n’est extérieur à rien. Dieu n’a pas de limite. C’est nous qui mettons des limites, parce que nous sommes des êtres limités. Dieu n’est rival de rien puisque tout provient de Lui. Il est source de tout amour et de toute lumière. C’est l’homme qui met une opposition. Il met une opposition dans son être limité, et plus profondément il met des oppositions dans sa volonté et dans son non-amour. Mais l’amour de Dieu remplit tout. Dieu porte toute son œuvre. Il est comme une mère qui ne peut jamais déposer son fardeau. Il porte tout dans l’immensité de son amour. La présence d’immensité de Dieu est exprimée justement par ce symbolisme. Vous voyez qu’elle est mise après l’Esprit Saint, pour nous faire saisir comment cette immensité de l’amour de Dieu doit se comprendre comme une présence d’immensité d’amour. Dieu nous porte. Dieu nous enveloppe de son amour. Nous sommes toujours portés par Dieu. Et plus nous aimons, plus cette présence d’immensité est forte, plus nous sommes ce que nous devons être, plus cette présence d’immensité prend possession de tout. « Et au milieu du trône, et autour du trône ». Vous voyez comme c’est exprimé avec beaucoup de force là. C’est une icône merveilleuse de la Très Sainte Trinité. C’est à travers cette description que nous devons pénétrer dans ce mystère de Dieu qui nous est donné. Alors, essayons de comprendre. « Et au milieu du trône, et autour du trône, quatre vivants pleins d’yeux, par
devant et par derrière. Et le premier vivant est semblable à un lion. Et le deuxième
vivant est semblable à un jeune taureau. Le troisième vivant a la face comme d’un 129
homme. Et le quatrième vivant est semblable à un aigle qui vole ». Evidemment, toute l’exégèse moderne fait le parallélisme avec Ezéchiel, et nous comprenons très bien cela. On dit : « symbolisme inspiré des quatre constellations situées à un angle droit sur l’équateur céleste, le lion, le taureau, le scorpion et pégase » ? Je ne crois pas du tout. C’est l’inverse qu’il faut faire ; exactement comme pour Ezéchiel. Ce n’est pas Ezéchiel qui nous fait comprendre l’Apocalypse, c’est l’Apocalypse qui nous fait comprendre Ezéchiel. Il y a la même inspiration. Alors, lisez l’Apocalypse et lisez Ezéchiel. C’est très beau Ezéchiel ... c’est magnifique. C’est une description, une espèce de préparation, c’est cela qui est extraordinaire dans Ezéchiel, ou dans Daniel : c’est comme un pressentiment du mystère de la Très Sainte Trinité, du mystère de l’Incarnation. C’est un pressentiment d’une entrée dans la Sainte Trinités niais on reste au seuil. Ce qu’il y a de merveilleux dans l’Apocalypse, c’est qu’on pénètre dans le mystère de la Très Sainte Trinité, ce qui n’existe pas dans Ezéchiel ni dans Daniel. Si on cherche des symbolismes extrinsèques à l’Apocalypse, cela ne va pas. L’Apocalypse, c’est une extase. Et, dans une extase, on doit tout chercher dans l’extase. C’est normal. Dieu nous donne son mystère dans cette icône. Et cette icône a en ellemême sa propre signification. « Et les quatre vivants ont chacun d’eux six ailes et tout autour et au dedans, ils sont pleins d’yeux. » C’est un mystère de lumière, d’inspiration, de vol, d’amour. « Ils n’ont de repos jour et nuit ... » Ils ne se reposent pas. Quand on est « plein d’yeux », on est contemplatif par excellence. Pas besoin de se reposer. Et quand on a des ailes, on est évidemment toujours sous le souffle de l’Esprit. Evidemment, on a repris le point de vue des chérubins. Dès le point de départ, on voit les chérubins qui sont là, en présence de Dieu. Symbolisme lointain qui n’explique pas, mais qui prépare. « Et ils n’ont de repos jour et nuit et ils disent : Saint, Saint le Seigneur Dieu ... Le Tout-Puissant. Celui qui était et celui qui est, et celui qui vient. » « Et chaque fois que les vivants rendront gloire, honneur, action de grâce à
Celui qui est assis sur le trône, et à celui qui vit pour les éternités d’éternités, les vingt-quatre vieillards tomberont devant Celui qui est assis sur le trône et se
prosterneront devant Celui qui vit pour les éternités d’éternités. Et ils jetteront leurs couronnes devant le trône en disant : Tu es digne, notre Seigneur et notre Dieu, de
recevoir la gloire et l’honneur et la puissance, parce que c’est toi qui as créé toutes 130
choses. Et c’est par ta volonté qu’elles ont existé et ont été créées. » Vous voyez ce lien entre l’adoration des quatre vivants et les vingt-quatre vieillards. Les vingt-quatre vieillards sont comme repris par les quatre vivants. Ils sont vingt-quatre vieillards autour du trône, avant le mystère des quatre vivants. Et cependant, quand apparaissent les quatre vivants, les vingt-quatre vieillards sont en dépendance totale des quatre vivants. C’est admirable cela. On n’aurait pas pu l’inventer. L’ordre dans ce symbolisme n’est pas du tout chaotique. C’est extraordinairement ordonné, mais d’un ordre divin, un ordre de Sagesse. Essayons de pénétrer dans ce mystère, parce que là, je crois qu’il y a une clé très profonde. C’est saint Justin le premier, je crois, qui a dit que les quatre vivants étaient les quatre évangélistes. Et c’est ce qui explique un symbolisme qu’on retrouve constamment dans l’Eglise. « Le premier vivant est semblable à un lion. Le deuxième est semblable à un jeune taureau. L’autre a face d’homme. L’autre est l’aigle. » L’aigle est Jean ; Luc, l’homme ; Marc, le lion ; Matthieu, le taureau. Ce symbolisme est très beau, très grand : il nous donne une espèce d’intelligence des quatre évangélistes. Les Pères de l’Eglise y ont été très sensibles. Il y a quelque chose de vrai, quelque chose qui va même très loin dans cette vision des évangélistes : l’aigle, Jean, c’est sûr. Luc, très proche de l’homme, l’évangéliste des intellectuels .Matthieu, le jeune taureau, il ne faut pas s’approcher de trop. Il vous donne des coups de corne. Ce sont des instantanés, comme on dit. C’est très net. Et puis, Marc, c’est le lion avec l’Ancien Testament : le lion de Jacob. Je crois que c’est très vrai et que nous pouvons peut-être aller plus loin. Comme toujours, il faut creuser : alors demandez au Saint-Esprit. Les apôtres en tant que témoins, symbolisent encore quelque chose d’autre. Les apôtres sont les témoins de Jésus. Ils n’ont pas d’autre rôle que d’être les témoins de Jésus. On ne peut pas voir le mystère du Christ dans une seule vision. Il faut quatre visions : la vision du lion, la vision du jeune taureau, la vision du visage d’homme, la vision de l’aigle. C’est pourquoi on ne peut ramener les quatre évangiles à un seul évangile. Il faut accepter ces visions différentes. On sait très bien : quand on veut regarder quelque chose qui nous dépasse, il faut des visions différentes. Alors, est-ce que les quatre vivants, dans un symbolisme plus profond que les quatre évangélistes, n’expriment pas le mystère du Vivant ? Il nous est dit que le Christ est le Vivant. N’est-ce pas le mystère de l’Incarnation qui est exprimé par ces quatre vivants ? Il y a beaucoup de signes qui nous indiquent cela si nous sommes attentifs. D’abord il nous est dit ceci : « au milieu du trône ... » 131
tandis qu’au contraire, les vingt quatre vieillards étaient « tout autour du trône ». Donc il sort de Dieu. Il vient de Dieu. Il est « au milieu du trône et autour du trône ». C’est étonnant pour exprimer le mystère de l’Incarnation. Il est au plus intime du Père et, en même temps, Il est autour, puisqu’il est avec nous. C’est notre humanité. Notre humanité en tant qu’humanité, notre nature humaine en tant que nature humaine, n’est pas au milieu du trône ; elle n’est pas au plus intime du mystère de Dieu. C’est le Verbe. Il est au sein du Père. Et quand Saint Jean dira que le Verbe est au sein du Père, que le Fils unique est dans le sein du Père, nous comprenons qu’il est au plus intime du mystère du trône, et en même temps autour, puisqu’il nous manifeste le mystère de Dieu. Alors ne sommes-nous pas là en présence de cette vision du mystère de l’Incarnation ? Jésus est LE VIVANT. Il a la plénitude de la Vie en Lui. Et les quatre évangélistes seront là pour nous manifester cette plénitude de vie et pour nous faire comprendre justement qu’en Lui, il y a la vie exprimée par le lion de la majesté. Un jeune taureau (les élans spontanés, la spontanéité du Christ, quelque chose qui devait être extraordinaire). L’homme, le visage de l’homme ... Et puis l’élan contemplatif. Je crois que si nous sommes attentifs au texte, nous pouvons aller jusque là. Alors tout s’explique beaucoup mieux, parce que nous comprenons comment, dans Ezéchiel, c’est une anticipation de la vision du mystère du Christ. Le Christ est toute lumière. Les grands théologiens ont essayé de voir toutes les lumières qui étaient dans le Christ. Quand on pense à la grande étude de Saint Thomas sur toute la lumière qui habite l’humanité sainte du Christ, c’est directement dans la lumière de l’Apocalypse. Au sommet de l’âme du Christ, la vision béatifique et toute la science infuse, toute la science acquise. Le Christ est lumière. Il est la lumière du monde. S’il est la lumière du monde, il exige la lumière du monde. C’est Lui qui donne l’intelligence au monde. Depuis que le mystère du Christ est intervenu, il y a une intelligence plus profonde de l’homme et du monde. On est adulte dans le Christ, et c’est vrai : il y a une intelligence plus profonde parce qu’il est tout yeux. « Ils sont pleins d’yeux, tout autour et au-dedans ». Et puis Il est sous le souffle de la colombe. L’Esprit Saint habite en lui, dès le premier instant de sa conception. Tout de suite, l’Esprit Saint est présent. « Chacun d’eux six ailes ». Multipliez par quatre, cela fait 24. Tout est repris dans ces ailes. C’est la création qui devient ailée dans le Christ, parce que, dans le Christ, la création devient contemplative et directement et entièrement unie au Père. Alors, qu’y a-t-il de plus profond dans ce mystère du Vivant ? La psychologie ne dit pas grand chose du mystère du Christ. Quand on veut faire un traité psychologique du Christ, on n’y comprend rien, parce que la psychologie est au niveau du conditionnement, et le propre du mystère du Christ, c’est le dépassement complet de 132
tout le conditionnement. Et c’est cela qui nous est montré par ces quatre vivants, avec chacun d’eux six ailes, et tout autour et au dedans plein d’yeux. C’est extraordinaire. La nature humaine dans le Christ est une nature humaine parfaitement déterminée, mais sans limites. Jésus est un homme sans limites. Vous voyez le rêve platonicien de l’homme en soi, mais qui n’est qu’un rêve chez les platoniciens. En Jésus, dans le mystère du Christ, c’est l’homme, mais l’homme parfait, l’homme parfaitement déterminé comme homme, mais sans limites. Tout yeux et tout amour. Alors on dirait : « Mais cette personne merveilleuse, ce Vivant par excellence devrait nous montrer son autonomie ». Pas du tout. Le Vivant par excellence est tout entier relatif à Dieu. Ce n’est pas une aliénation. C’est au contraire sa grandeur. Il est tout entier relatif à la sainteté de la Très Sainte Trinité, dans son humanité, en tant qu’il est les quatre vivants. « Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu, le Tout Puissant ». Jésus, en tant qu’il est les quatre vivants, n’a pas d’autre rôle que de nous révéler la sainteté de la Très Sainte Trinité. Et éternellement Il nous fera entrer dans la sainteté de Dieu.
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9me conférence
Au sein de la Très Sainte Trinité il y a « l’Agneau comme égorgé ». Désormais le Père ne nous regarde qu’à travers la blessure du Cœur de Jésus. Tout est repris et recréé à partir du Mystère de la Croix (4, 11 à 6, 8)
Continuons de pénétrer dans cette extase, dans cette vision céleste du Mystère de la Très Sainte Trinité. La vision du Père, dans sa majesté souveraine, comme Créateur. Les vingt-quatre vieillards autour du trône, représentant la création spirituelle les anges et les hommes qui reconnaissent dans leur attitude d’adoration ce qu’est la majesté souveraine de Dieu. Ils ne peuvent être autour du trône qu’en adorant. Il faut bien comprendre qu’ils ne peuvent être tout proches de Dieu, tout proches de la Source, que dans cette attitude d’adoration. Puis le grand Mystère de l’Esprit, dans ses symbolismes multiples. L’Esprit est toujours représenté par des symbolismes multiples. Comme l’amour ne peut pas se dire directement, il s’exprime selon tous ses effets. D’où ces symbolismes multiples : l’éclair, la voix, le tonnerre, ces torches de feu qui sont les sept Esprits de Dieu. « Et devant le trône, comme une mer vitrifiée, semblable à du cristal ». C’est, je crois, ce grand mystère de l’omniprésence de Dieu, le mystère du Dieu infini dans son amour. « Et au milieu du trône et autour du trône, quatre vivants pleins d’yeux par devant et par derrière ». Au-delà du symbolisme des quatre évangélistes, il y a ce symbolisme plus profond du Mystère de l’Incarnation. Parce que les évangélistes sont des témoins du Mystère du Verbe devenu chair. Et alors, à travers ces quatre vivants, on exprime la plénitude du Vivant. Le Christ, en tant qu’homme, est vivant selon notre condition humaine. Le chiffre 4, ne l’oublions pas, est le chiffre de notre condition humaine. C’est le chiffre de la terre. Et donc il représente bien Celui qui habite au milieu de nous, qui est devenu l’un de nous. Et en même temps qu’il y a ce chiffre 4, il y a la plénitude de la vie. On ne peut pas dire que nous sommes la plénitude de la vie, nous. Parce qu’il y a les petits animaux à côté de nous qui sont vivants. Nous ne faisons pas la synthèse du vivant. Il y a d’autres vivants et la vie est représentée par des quantités de choses multiples. Le Mystère du Christ, parce qu’il est Dieu, c’est le Vivant par 134
excellence. C’est très beau. Nous ne pensons pas assez à cet aspect-là que l’Apocalypse nous montre. Le mystère de l’union hypostatique fait que Jésus est le Vivant par excellence. Pour exprimer la plénitude de cette vie, on nous montre ces divers symbolismes : le lion, qui exprime le caractère royal de la vie ; le jeune taureau, qui exprime la hardiesse et la force ; le vivant à la face « comme d’un homme » : c’est le Christ, fils de la femme ; l’aigle qui vole, c’est le mystère du Christ dans sa contemplation d’amour qui dépasse tout. Et les quatre vivants ont chacun six ailes. Et tout autour et au-dedans ils sont pleins d’yeux. Je ne vous lis pas la vision d’Ezéchiel, vous pouvez très facilement le faire. C’est très beau à la voir en parallèle. Mais elle n’apporte rien de plus. C’est uniquement une description. Et quand vous regardez Ezéchiel, vous ne pouvez pas découvrir le Mystère de l’Incarnation. C’est impossible. Quand vous regardez l’Apocalypse, c’est tout à fait différent : Ce vivant a quatre faces, dont il est plénier ; avec le mystère de ses ailes, avec la docilité de l’humanité sainte du Christ à l’égard du souffle de l’Esprit, il est conçu par l’opération de l’Esprit Saint et Il est entièrement sous sa mouvance. Tout ce que Jésus a fait est l’œuvre de l’Esprit. Et, en même temps, il y a cette lumière plénière, totale, qui prend possession de toute l’humanité sainte du Christ. « Et ils n’ont de repos ni jour, ni nuit. Ils disent : Saint, saint, saint le Seigneur Dieu, le tout-puissant. Celui qui était, celui qui est, celui qui vient ». (4, 8) Ce qu’il y a de plus profond dans l’âme de Jésus c’est son mystère d’adoration à l’égard du Père, son mystère de remise totale à l’égard du Père. Voyez ce qui est dit dans l’Epître aux Hébreux concernant le premier moment de la conception du Verbe fait chair : « Tu m’as formé un corps pour que j’accomplisse ta volonté ». L’adoration suprême se trouve dans le Cœur de Jésus. Jésus adore le Père. Dans son humanité, il se soumet au Père. Il est obéissant. Il n’y a pas d’obéissance de la seconde Personne de la Très Sainte Trinité à l’égard de la première. Il n’y a pas d’adoration à l’intérieur du mystère de la Très Sainte Trinité, mais, depuis le mystère de l’Incarnation, au plus intime du mystère du trône, au plus intime du mystère de Dieu, l’adoration est présente. Par l’Incarnation, l’adoration a pénétré en Dieu. Par l’Incarnation, l’obéissance a pénétré en Dieu. Puisque Celui qui est le Fils bien-aimé a obéi au Père, par l’humanité sainte de Jésus. Encore une fois, l’Apocalypse a un langage symbolique et nous devons toujours demander au Saint-Esprit de nous éclairer. Comme je ne peux pas vous parler par l’autorité d’un Père de l’Eglise, je suis bien obligé de vous dire de demander au SaintEsprit sa lumière. Cela ne me semble pas du tout contraire à tout ce qui a été dit. Mais je ne l’ai vu chez aucun Père de l’Eglise. Si vous l’avez vu, vous seriez très gentils de me le dire. Parce que c’est important d’avoir l’autorité d’un Père qui aurait pu dire cela. J’ai trouvé uniquement l’explication des quatre évangélistes. Si un Père en avait parlé, on 135
l’aurait mis dans la note, n’est-ce pas, les exégètes sont des chercheurs ! Mais il peut y avoir un Père oublié, un bon vieux Père vieillard qui contemple et dont le travail soit resté caché ! Personnellement, ça ne me satisfait pas du tout de dire que ce sont les quatre évangélistes. Il y a quelque chose de plus. On le sent bien. Il y a quelque chose de plus parce que c’est au cœur du trône. Et on ne verrait plus où est le Mystère de Jésus dans son Incarnation. Nous allons voir le Mystère de l’AGNEAU. L’Agneau, c’est Jésus dans sa Rédemption. Le langage symbolique, à la différence du langage philosophique et métaphysique, regarde les fonctions puisqu’il est descriptif. Et c’est pour cela qu’il y a un symbolisme différent pour l’Incarnation et pour la Rédemption. Il y a un langage différent. C’est la même réalité, mais ce sont deux aspects très différents de la même réalité. Le Mystère de l’Incarnation c’est le Verbe qui assume notre nature humaine : le Verbe devenu chair. Et le Mystère de la Rédemption c’est Celui qui s’offre en état de victime. On voit bien que le symbolisme est différent. Et ce qui est au plus intime du Mystère de la vie de ces quatre, c’est Jésus qui adore la Très Sainte Trinité. Jésus adore en proclamant la sainteté de Dieu. On doit adorer la sainteté de Dieu. C’est l’adoration du Fils bien-aimé. « Saint, saint, saint le Seigneur Dieu ». Une créature ne peut pas s’approcher de la sainteté de Dieu sans l’adorer. Jésus n’est pas une créature, dans sa nature humaine, puisqu’il est Dieu. Mais, dans sa nature humaine, Il reconnaît la sainteté de la Très Sainte Trinité. Et chaque fois que les vivants rendront gloire, honneur et action de grâces à Celui qui est assis sur le trône et à Celui qui vit pour les éternités d’éternités, les 24 vieillards tomberont devant Celui qui est assis sur le trône. Donc, il y a une nouvelle adoration. Il y a l’adoration fondamentale de la créature et il y a l’adoration de la créature à partir du mystère de l’Incarnation. A partir du mystère de l’Incarnation, toutes les créatures sont ennoblies dans le Christ. Les hommes en premier lieu, et même les anges, puisque Jésus est leur roi. Ils n’en avaient pas auparavant. A partir du Christ, et dans le mystère du Christ, il y a une communauté, un royaume merveilleux dans le ciel, où les anges deviennent les ministres du Christ. Donc, même les anges sont ennoblis par le Christ, par son Incarnation. Ils sont ennoblis dans leur adoration. Il y a quelque chose de changé : leur adoration est liée à celle de Jésus. Chaque fois que les vivants rendent gloire, honneur et action de grâce à Celui qui est assis sur le trône, à Celui qui vit pour les éternités d’éternités, les 24 vieillards tomberont devant Celui qui est assis sur le trône et ils se prosterneront devant Celui qui vit pour les éternités d’éternités. Et ils jetteront leurs couronnes devant le Trône. C’est une adoration d’amour. L’adoration d’amour implique l’abandon, il ne faut jamais l’oublier. L’abandon évangélique est une adoration aimante. On ne peut être abandonné à 136
Dieu qu’en l’adorant. On s’abandonne lorsqu’on remet son pouvoir. C’est le propre de l’abandon. C’est le geste de remettre la couronne. L’adoration n’est plénière que quand elle est liée à celle de Jésus. Elle est à ce moment-là une adoration aimante. C’est l’adoration de la créature liée à celle du Fils bien-aimé. L’adoration aimante implique qu’on remette tout entre les mains du Père : « in manus tuas ». Remettre tout dans les mains du Père c’est rendre sa petite couronne. On a tous une petite couronne sur la tête, puisque toute créature spirituelle a un petit dominium. On a une petite fonction. On domine sur un petit carré de terrain. Et quand on adore, on remet sa couronne à Dieu, dans l’attitude de l’abandon. Il faut tout remettre entre les mains de Dieu. Un fonctionnaire, en tant que tel, ne peut pas adorer, parce qu’il garde sa couronne. N’oubliez jamais cela. Même si c’est une couronne de fonctionnaire, c’est quand même une couronne ! Il la garde. Un intellectuel, en tant qu’intellectuel, n’adore pas. C’est la créature qui adore. Il ne faut jamais l’oublier. C’est la créature qui remet à Dieu tout son pouvoir. Et elle doit accepter, à ce moment-là, sa nudité de créature, sa pauvreté de créature. C’est pour cela que l’adoration nous rend pauvres. « Nu je suis sorti du sein maternel, nu je retournerai à Dieu ». La parole de Job exprime symboliquement la pauvreté de la créature à l’égard de Dieu. Et dans l’adoration nous nous remettons complètement à Dieu. Nous reconnaissons que nous sommes non-être, avant d’être. Nous nous remettons entièrement entre ses mains. C’est très beau ce geste, c’est merveilleux. Cette vision de la Très Sainte Trinité nous montre Dieu lié à sa créature. Il ne l’abandonne pas. Dieu ne peut pas l’abandonner. Et donc le mystère de Dieu implique le mystère de la création. C’est pour cela que le mystère de Dieu, de Celui qui est sur le trône, le mystère de Dieu comme Créateur, implique les 24 vieillards. Dieu n’anéantira pas sa création. Dieu ne peut pas l’anéantir. Ce serait contraire à sa Sagesse. Il y a un lien entre Dieu et la création. Et on ne peut plus regarder Dieu sans regarder la créature. Il n’y a que les philosophes qui peuvent regarder le mystère de Dieu en Lui-même. Et le vrai philosophe devra aller plus loin. Le regard sur Dieu implique la création. Et le regard du Dieu Trinité implique le mystère de l’Incarnation. Et parce que le mystère de l’Incarnation implique l’adoration de Jésus, à l’égard de la Très Sainte Trinité, toute l’adoration de toutes les créatures est modifiée par l’adoration du Christ. Le mystère du Christ reprend tout. Il réconcilie toutes choses. Et toutes les créatures sont reprises par le mystère du Christ et remises dans les mains du Père. Et alors les 24 vieillards adorent dans cette nouvelle adoration exprimée de cette manière : « Tu es digne, Notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir l’a gloire, l’honneur et la puissance, parce que c’est toi qui as créé toutes choses et c’est par ta volonté qu’elles ont existé et ont été créées ». (4, 11) 137
Il y a une explicitation plus profonde, grâce au mystère du Christ, de la liberté du mystère du Créateur. Les 24 vieillards le reconnaissent, au nom de toute la création. C’est donc une grande vision de la Très Sainte Trinité et du Créateur qui nous est donnée ici. « Et je vis sur la main droite de Celui qui était assis sur le trône, un livre écrit, en dedans et par derrière, scellé de sept sceaux ». (5, 1) Nous commençons à entrer dans l’économie divine par le symbolisme du livre, de ce livre écrit en dedans et par derrière et scellé d e sept sceaux. Donc c’est un livre qui est un secret pour Jean, en extase. Car c’est un livre scellé, donc fermé. Il faut bien comprendre « le rouleau », c’est évident le livre. Nous sommes donc là devant les volontés de Dieu. On pourrait dire, dans un langage théologique : c’est le livre de la prédestination, du mystère de la prédestination. Parce qu’en définitive tout est ordonné à la prédestination de l’homme. Tout est ordonné à cela. Puisque l’homme est la dernière créature. Alors ce livre contient toutes les décisions de Dieu. Et les décisions de Dieu sont le grand mystère de la prédestination. « Je vis sur la main droite » la main droite exprime l’autorité la main droite et la droite, ce sont les décisions de Dieu, les décisions du Dieu Père. « ... un livre écrit en dedans et par derrière, scellé de sept sceaux ». Ce livre est écrit par Dieu. C’est une écriture divine, il symbolise les décisions de Dieu, les volontés de Dieu. « Et je vis un ange vigoureux », ça prouve qu’il y a des anges moins vigoureux ! Celui-là est particulièrement angélique, vigoureux dans la contemplation, c’est évident. « ... qui proclamait d’une voix forte : Qui est digne d’ouvrir le livre et d’en rompre les sceaux ? Personne au ciel ni sur la terre, ni sous la terre ne pouvait ouvrir le livre, ni le regarder ». (5, 2-3) Vraiment, c’est le secret de Dieu. Les secrets ce sont les décisions divines. « Et je pleurais beaucoup ». On peut pleurer en extase. Jean pleuré en extase. Les pleurs ne font pas quitter l’extase. « ... parce que personne n’avait été trouvé digne d’ouvrir le livre ni de le regarder ». (5, 4). Ce grand moment de silence et de désolation de Jean. « Et l’un des vieillards me dit : ne pleure pas. Voici qu’il est vainqueur le lion de la tribu de Juda ». (5, 5). Vous retrouvez le symbolisme du lion, le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David, au visage d’homme, lui ouvrira le livre et ses sept sceaux. 138
« Et je vis au milieu du trône et des quatre vivants » donc c’est le lien avec la toute-puissance du Père et le lien avec les quatre vivants « ... et au milieu des vieillards » Il est au centre de tout « ... un Agneau debout comme égorgé ». (5, 6-7). Nous comprenons bien que c’est un langage symbolique. Il n’y a pas d’opposition entre le mystère de l’Incarnation et le mystère de la Croix. Mais il y a un lien entre les deux. Le mystère de la Croix est au cœur du mystère de l’Incarnation. Le plus profond dans le mystère de l’Incarnation nous est révélé à la Croix. Donc « au milieu des vivants, au milieu du trône ». C’est extraordinaire pour essayer d’exprimer ce qu’est le mystère de l’Agneau égorgé « Au milieu du trône », c’est-à-dire dans ce qu’il y a de plus intime. Qu’est-ce qui nous révèle le mystère intime du Père ? Le Verbe est « in sinu patris ». Donc Il est dans le sein du Père, Il nous révèle ce qu’il y a de plus intime, on pourrait dire au sein du Sein. Au plus intime, il y a le mystère de l’Agneau égorgé. C’est donc bien la blessure de la plaie du Cœur de Jésus l’Agneau égorgé qui est la révélation la plus intime, la plus secrète de tout l’amour de Dieu. Voyez comment l’Evangile et l’Apocalypse se tiennent. C’est le même Mystère. Jean donne l’ultime révélation : la blessure du Cœur de Jésus. Et seul Jean la montre. Il fallait que ce soit l’aigle qui la donne, pas les autres. Jean a été témoin du coup de lance. Jean n’a peut-être compris parfaitement ce qu’était le coup de lance que grâce à l’Apocalypse. C’est possible. Il l’a déjà compris par Marie, mais une révélation se fait progressivement, lentement pour nous. Et sûrement que l’Apocalypse lui a donné un sens, encore beaucoup plus aigu, du Mystère de l’Amour. Dans l’Evangile de Saint Jean on voit bien quelle place unique prend le mystère de l’Agneau. Aucun synoptique ne nous parle de l’Agneau comme Jean en parle. C’est donc bien qu’il y a ce lien avec l’Apocalypse. Son Evangile et l’Apocalypse sont une grande vision du mystère du Christ, le mystère de l’Agneau. Il faudrait essayer de la comprendre parce qu’elle contient une révélation très, très intime : les quatre vivants et l’Agneau comme immolé. L’immolation de l’Agneau, c’est l’offrande de sa vie. C’est la plénitude de la vie offerte au Père dans cet état d’immolation. « Et je vis au milieu du trône et des quatre vivants et des vieillards un Agneau, debout, comme égorgé ». Donc, dans l’état d’immolation. Et la seule blessure mortelle est la blessure du cœur. L’Agneau n’est égorgé que par la blessure du cœur. C’est donc bien la blessure du cœur qui est exprimée ici dans cette vision. « Un Agneau debout, comme égorgé ... ». Il est debout. Il est toujours vivant. Et Il est toujours immolé. La blessure du Cœur de Jésus demeure dans la gloire. Jésus le montre bien, dans l’Evangile de Saint Jean, à Saint Thomas. A Thomas qui était incrédule, il fallait que Jésus montre qu’il est Celui qui a été 139
immolé et qui est ressuscité. C’est le corps du Christ formé en Marie, le corps du Christ immolé à la Croix, c’est ce corps-là qui est ressuscité. Mais selon une modalité toute nouvelle. Au-delà du mode biologique, selon un mode divin, mais c’est le même corps. Evidemment, scientifiquement, pour le savant, ce n’est plus le même corps. Pour le chrétien, c’est le même corps. Le savant ne peut rien dire. Et le croyant ne peut rien dire sur le mode. Il a la foi. La foi est la connaissance des petits. Il ne faut pas l’oublier. Nous sommes tellement habitués, à cause de notre culture scientifique, de rechercher le « comment ». Je vous l’ai déjà dit, la foi est l’ignorance du « comment ». C’est pour cela que c’est tellement éprouvant. C’est une connaissance qui ne donne que le sens de la finalité. La science explique le comment. Elle cherche à expliquer le comment. Mais elle ne nous donne pas la finalité. La foi est sur un autre plan. C’est pour cela qu’il ne peut pas y avoir d’opposition entre les deux. La science peut faire des quantités de bluffages, ça fait bien ! Ce sont les petits scientifiques qui sont les plus terribles. Les grands savants sont humbles. Mais les petits scientifiques, dans leur propagande, opposent foi et science. Il s’agit de bien comprendre ce qui est affirmé, ce qui est dit dans l’explication du « comment ». Un jour, j’étais avec Marois, et il m’avait dit : « On va essayer de dire ce qu’est la vie ». Alors j’ai souri. Il a vu tout de suite que je souriais. « Pourquoi, vous n’êtes pas d’accord ? Non, vous ne pourrez expliquer que le ‘comment’, la manière d’être des vivants, comment la vie se manifeste. Mais vous ne savez, pas ce qu’est la vie. Vous ne pouvez pas le savoir. Vous pouvez démontrer ses manifestations, rien de plus ». Et quelque temps après (c’était lors de la première réunion de son Institut sur la vie, où il avait réuni 70 savants venant du monde entier), il revenait très joyeux. Je lui dis : « Pourquoi êtes-vous si joyeux ? Mais oui, vous aviez raison ». C’était beau de sa part. Il a dit : « On a discuté, on a dit que le savant ne peut parler que du conditionnement du vivant, que de ses manifestations. C’est vrai, la vie il ne sait pas ce qu’elle est dans ce qu’elle a de plus profond ». Comme nous vivons dans un monde scientifique, un monde technique, il est très important de se rappeler cela, de préciser, pour mieux la comprendre, ce qu’est la foi. Et de bien voir les plans différents, les niveaux différents. Etre intelligent, c’est respecter les différents niveaux. Le croyant doit respecter le savant. Et le savant doit respecter le croyant, s’il est vraiment un grand savant. De même le philosophe doit respecter la science, doit respecter la foi, en comprenant que ce sont des niveaux différents. Le réel a une richesse qui dépasse ce que nous en comprenons. Voilà l’humilité du philosophe et du savant. Le réel a une richesse c’est pour cela qu’on peut toujours chercher autrement on s’arrêterait en disant : maintenant c’est fini ! Jamais un savant ne le dira. Il peut toujours chercher. Parce que le réel a une intelligibilité plus profonde 140
que ce que je puis en connaître. La très grosse erreur est de faire croire que ce que je connais est le réel. Je connais quelque chose du réel, mais le réel est beaucoup plus riche. Sa richesse me dépasse. J’en connais certains aspects seulement. La foi est la connaissance des tout petits. Parce que c’est une connaissance qui exige de nous d’accepter l’ignorance du comment. Et de recevoir de Dieu uniquement l’intention de la finalité de Dieu. Dans l’obscurité je reçois cette finalité. Je ne sais pas ce que c’est. Je ne connais pas la structure du mystère. Je sais que le mystère existe, et que le mystère m’oriente, par la grâce. Je ne sais pas ce que c’est que la grâce personne d’entre nous ne le sait ! Je sais que la grâce existe et qu’elle nous met en liaison directe avec Dieu. Et je sais que, par .le mystère de la grâce, je suis ordonné à la gloire. La grâce est une semence de gloire. Voyons bien ce qui nous est révélé ici : le Mystère de l’Agneau. C’est très grand de voir le Mystère de la Croix, dans la gloire. Le Mystère de l’Eucharistie nous montre que Jésus est toujours Celui qui s’offre au Père. Qu’il est toujours celui qui adore et qui glorifie le Père dans son adoration et son immolation. Il y a l’immolation sanglante à la Croix, il y a l’immolation glorieuse de Celui qui s’offre toujours. Comprenons-le bien, sinon nous ne comprenons plus le Mystère de l’Eucharistie. Le Mystère de l’Eucharistie est un SACRIFICE. Il faut le maintenir. Le Concile de Trente l’affirme avec force. L’Eucharistie n’est pas seulement un repas, c’est le Sacrifice du Christ pour nous. Et c’est parce que c’est le Sacrifice du Christ pour nous qu’elle est un repas. Le repas est la conséquence du don total du Christ. Mais le Christ est d’abord offert au Père. L’Eucharistie c’est le Sacrifice du Christ sous ce mode sacramentel, et donc à travers un signe, un signe divin. Un signe qui réalise ce qu’il signifie. Un signe efficace, un signe pratique. Un symbole divin, merveilleux, qui nous donne ce qui est symbolisé, ce qui est signifié. Et l’Eucharistie, par le fait même, nous fait entrer dans le Mystère du Christ Glorieux. Le Christ Glorieux est Celui qui glorifie le Père et que le Père glorifie. Jésus glorifie le Père et Jésus est glorifié quand Il s’offre au Père. La Croix et la Gloire sont essentiellement liées dans la grande vision johannique. C’est le même mystère. C’est le mystère de la Gloire du Père. Et ce mystère est la communication de son Amour. Nous voyons déjà un peu cela pour nous : tout ce que nous faisons par amour, tout ce que nous réalisons par amour l’amour surnaturel, l’amour divin, l’agape, la charité tout ce que nous faisons par amour est éternel. Tandis qu’au contraire, ce que nous faisons par égoïsme n’est pas éternel, mais est dans le temps. Nous sommes dans le temps lorsque nous péchons. A ce moment-là, nous sommes terriblement dans le temps, embourbés dans des ornières. Tout ce qui est peccadille en nous est dans le temps et n’est pas éternel, heureusement ! Nous ne ressusciterons pas avec nos péchés. Mais tout ce qui est fait par amour est 141
éternel. C’est pour cela que tout ce que Jésus a réalisé dans sa vie temporelle est éternel, car tout a été fait par amour. Et le mystère de la Croix, qui achève le grand itinéraire du Christ, tout le grand pèlerinage du Christ, est l’œuvre d’amour par excellence. Elle est donc éternelle, mais selon une nouvelle modalité. Substantiellement c’est le même acte éternel du Christ : acte d’offrande de toute sa vie, pour glorifier le Père ; acte d’offrande de toute sa vie pour nous sauver. Et c’est pour cela que l’holocauste du Christ est éternel. Et c’est bien ce que nous montre l’Apocalypse. La messe nous donne, selon un signe sensible, l’holocauste du Christ. Elle renouvelle pour nous, selon un mode sacramentel, l’holocauste du Christ; elle nous permet d’être unis à cet holocauste éternel de Jésus. Il faudrait comprendre cette chose extraordinaire. Evidemment, notre pauvre petite intelligence, quand elle essaie de contempler l’éternité, ne voit plus grand-chose ! Mais on peut quand même et on doit le dire : l’éternité assume toute la succession du temps. Donc, Jésus dans sa gloire, et dans son humanité glorieuse, et dans son cœur glorifié, Jésus dans sa gloire vit éternellement tout ce qu’il a vécu sur la terre. Puisque tout a été vécu dans l’Amour. Et la gloire le met au-delà de la succession du temps. Or, la foi nous rend contemporain de l’éternité. Et donc, dans la foi, ce qui s’est réalisé à la Croix est très important. C’est pour cela que nous pouvons être contemporains du mystère de la Croix. Evidemment il ne s’agit pas d’imaginer, parce qu’alors ça deviendrait tout à fait faux. C’est la foi, et la foi seule, qui nous fait entrer dans le mystère de l’éternité. Par la foi nous touchons le mystère de l’éternité. Et nous en vivons. Puisque Jésus, dans son éternité, vit tout ce qu’il a vécu sur la terre, tout est présent, actuellement présent. Et donc nécessairement, dans la foi, nous vivons ce que Jésus a vécu sur la Croix. Nous sommes contemporains du mystère de la Croix. C’est pour cela que nous pouvons dire, en toute vérité, quand nous assistons et que nous vivons le mystère de la messe, le mystère de l’Eucharistie, que nous sommes présents au mystère de la Croix. Dans la foi. Pas historiquement, selon la condition humaine. Mais dans la foi, nous sommes présents au mystère de la Croix et nous le vivons. Donc nous devons le vivre canine Marie l’a vécu, c’est-à-dire dans son mystère de Compassion. C’est Marie qui nous fait comprendre comment nous pouvons vivre le mystère de la Croix. Et Jésus nous demande de continuer à vivre ce même mystère. L’Apocalypse nous montre cette révélation éternelle dans l’extase de Jean qui a vécu le mystère de la Croix, qui a vécu le mystère de l’Eucharistie : « Je vois l’Agneau debout, comme immolé ». « Il avait sept cornes et sept yeux qui sont les sept Esprits de Dieu envoyés dans toute la terre » (5, 7). Mystère de la puissance et mystère de la lumière. « Et il vint et il prit le livre de la main droite de celui qui était assis sur le trône ». Le symbolisme de l’Apocalypse est très beau. Il nous montre comment l’Agneau vient prendre le livre : c’est Jésus qui reçoit le livre du Père. Qu’est-ce que tout cela veut 142
dire ? Ça veut dire que tout le mystère de la prédestination est réalisé dans le Cœur blessé de Jésus. Toutes les décisions du Père se réalisent à travers la blessure du Cœur de Jésus, à travers son Cœur, à travers sa volonté. Le mystère de la prédestination est l’œuvre commune du Père et de son Fils immolé, si nous le regardons d’une façon contemplative. Nous ne pouvons jamais le regarder d’une façon uniquement passionnelle uniquement selon une théologie spéculative. On ne vit pas au niveau de la théologie spéculative, si spéculatif qu’on soit. Du reste, les vrais spéculatifs comprennent très bien qu’on ne vit jamais au niveau spéculatif. Le moment spéculatif est un moment d’analyse, merveilleux, étonnant, mais on doit tout de suite le dépasser. C’est le danger qui guette ceux qui ne sont pas assez spéculatifs : ils croient qu’il faut vivre au niveau spéculatif. C’est impossible. Et ils ne regardent pas le mystère de la prédestination en soi. Non. Il faut regarder le mystère de la prédestination, il faut le contempler tel que Dieu l’a réalisé. Et, de fait, il l’a réalisé à travers la blessure du Cœur de Jésus. Le Père nous regarde toujours à travers la blessure de l’Agneau. Tout le temps nous sommes regardés à travers la blessure du Cœur du Christ, donc à travers toute la tendresse de l’Agneau immolé, toute sa miséricorde, tout son Amour. C’est à travers cet Amour que le Père nous regarde. Nous sommes enveloppés du sang de l’Agneau. Nous sommes prédestinés dans le sang de l’Agneau. Nous sommes prédestinés dans la blessure du Cœur de Jésus. C’est cela qui nous est exprimé ici, selon un langage symbolique. Mais si vous voulez comprendre ce langage, c’est bien cela qu’il faut voir : le rôle de l’Agneau. A la Croix, Jésus réconcilie tout. Et cette réconciliation, c’est le livre écrit en dedans et par derrière, scellé de sept sceaux. Tout est recréé et repris à travers le mystère de la Croix. Et comme le mystère de la Croix s’achève dans la blessure du Cœur de Jésus, on peut dire que tout est repris à travers cette blessure. Blessure qui exprime son Amour, son don. « Lorsqu’il eut pris le livre, les quatre vivants et les 24 vieillards tombèrent
devant l’Agneau, ayant chacun une cithare et des coupes d’or pleines de parfum, qui sont les prières des saints » (5, 8). Comprenez toujours le grand mystère symbolique des 4 vivants si les 4 vivants représentent le mystère de l’Incarnation, le mystère de l’Agneau, vous voyez bien que tout le mystère de l’Incarnation est ordonné à la Rédemption. C’est cela qui nous est montré ici. « ... les 24 vieillards tombèrent devant l’Agneau », tombèrent signifie « totalement ordonnés ». Tout le mystère de l’Incarnation est ordonné au mystère de la Rédemption. « ... ayant chacun une cithare et des coupes d’or pleines de parfum, qui sont les prières des saints ». Donc toutes les prières des saints sont liées à la prière de l’Agneau. Elles prennent ici leur signification plénière dans le mystère de l’holocauste. 143
Tout est remis à Jésus dans son holocauste d’Amour. Tout est remis à travers le geste sacerdotal du Christ, puisqu’à la Croix se réalise son geste sacerdotal, son œuvre sacerdotale. Tout est remis à Jésus. « Et ils chantent un cantique nouveau ». A partir du mystère de la Croix, il y a justement cette nouvelle liberté, ce chant nouveau, cette nouvelle liturgie, à partir de la blessure de l’Agneau. Tout est toujours renouvelé à travers le sang de l’Agneau. Le seul véritable renouvellement liturgique se fait à partir du sang de l’Agneau, à partir du mystère du sacrifice de l’Agneau. « Tu es digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux ; parce que tu as été
égorgé et que tu as acheté pour Dieu par ton sang des hommes de toutes tribus, langues, peuples et nations. Et tu as fait d’eux pour notre Dieu un royaume de prêtres. Et ils
régneront sur la terre » (5, 9-10). Donc tous proclament la grandeur du mystère de la Rédemption et la grandeur du mystère de la Croix. C’est vraiment Sagesse puisque, à partir du mystère de la Croix, tout est repris et que Jésus devient source nouvelle de tout. « Tu es digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux parce que tu as été égorgé ». Le Père a remis au Fils tout pouvoir, mais l’exercice de ce pouvoir se fait à la Croix et c’est pour cela que c’est « l’Agneau comme immolé » qui reçoit le livre et qui peut en enlever les sceaux. Du point de vue théologique, si on essaie de comprendre l’ordre profond de ce mystère, c’est merveilleux comme symbolisme, comme force, pour nous faire contempler, avec Jean, le mystère du Christ crucifié. C’est le mystère du Christ dans son holocauste d’Amour. Le Christ qui s’offre au Père. C’est à ce moment-là que vraiment il exerce sa puissance royale d’Amour, son Sacerdoce royal d’Amour. « Tu es digne de prendre le livre et d’en enlever les sceaux parce que tu as été
égorgé et que tu as acheté pour Dieu par ton sang des hommes de toutes tribus, langues, peuples et nations ». Catholicité du mystère de la Rédemption. « Et tu as fait d’eux pour notre Dieu un royaume de prêtres. Ils régneront sur la terre ». Puisque nous sommes nés à la Croix, nous avons, dirais-je, le même pouvoir que le Christ. Puisque nous sommes liés à sa grâce. Et notre grâce est une participation à la grâce du Christ. Nous sommes liés à la même offrande, nous sommes liés au même sacrifice. Notre grâce chrétienne nous lie à la Croix. Il y a un poids profond de notre grâce chrétienne vers la Croix. Un grand théologien du 16ème siècle dit cela admirablement. C’est le Père Chardon. Si vous pouvez lire ce livre, vous verrez comment, d’une façon très belle, très grande, le Père Chardon, avec son langage, montre 144
combien la grâce chrétienne a ce poids vers la Croix. On est lié au mystère de la Croix, puisque nous y sommes nés. Mais comprenons bien, cette Croix qui est la gloire, est inséparable de la Résurrection. Nous sommes liés à la glorification du Fils. Nous sommes liés à l’Agneau égorgé et nous sommes prédestinés à travers l’Agneau égorgé, dans le sang du Christ, dans l’immolation du Christ. « Et je vis, et j’entendis la voix d’anges nombreux qui étaient autour du trône et des vivants et des vieillards. Et leur nombre était de myriades de myriades et des milliers de milliers. Et ils disaient d’une voix forte : Il est digne l’Agneau qui a été
égorgé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force et l’honneur et la gloire et la louange » (5, 11-12). Voyez qu’il y a sept attributs à l’égard de l’Agneau, sept louanges, sept béatitudes. Je crois que ce sont toutes les béatitudes de l’Agneau. Il vit sous le sceau des sept Esprits de Dieu. Et donc c’est normal que nous retrouvions là, d’une manière glorieuse, les sept béatitudes évangéliques. Elles ne sont pas faites uniquement pour la terre, elles sont faites aussi pour le ciel.
Et Celui qui en vit pleinement, c’est l’Agneau. Il vit des sept béatitudes évangéliques puisque les Dons du Saint-Esprit sont pleinement en exercice dans l’âme du Christ. Son âme possède cet épanouissement plénier de Celui qui vit des sept Dons. « Il est digne l’Agneau qui a été égorgé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire et la louange. Et toutes les créatures qui sont au ciel et sur la terre, et sous la terre et sur la mer et tous les êtres qui y sont, je les entends
qui disaient : A Celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau, la louange, l’honneur,
la gloire, la domination pour les éternités d’éternités. Les quatre vivants disaient : Amen. Et les vieillards tombèrent et se prosternèrent ». (5, 11-13). Jésus c’est l’Amen : Celui qui achève tout. Et dans son mystère d’Incarnation Il est l’Amen, puisqu’il est la Résurrection. Nous avons là cette très grande vision, dans l’économie divine, de la place de l’Agneau égorgé. Nous, nous avons toujours une vision temporelle, une vision successive et nous ne comprenons pas très bien. Nous voyons ce qui est avant le Christ, le Christ et ce qui est après Lui. Mais la vision de Dieu est toute différente. Et Jean participe à toute la vision de Dieu. Qu’est-ce qui est au cœur de toute l’économie divine ? Qu’est-ce qui est au centre de toute l’économie divine ? Qu’est-ce qui donne sa signification à toute l’économie divine ? 145
C’est le MYSTERE DE LA CROIX. C’est « l’Agneau comme égorgé ». C’est le Mystère de la Croix lié à l’éternité, à la Résurrection. C’est le Mystère de la Glorification du Fils. C’est bien le Mystère de la Croix, lié à la Gloire, qui est au centre de toute l’économie divine. Et tout n’a sa signification que par rapport au Mystère de la Croix et au Mystère de la Résurrection. L’Apocalypse est une très grande purification. Elle nous donne, de façon très forte, de comprendre que nous ne pouvons plus adorer en dehors du Christ crucifié. Notre petite adoration est toujours liée à l’adoration du Christ crucifié. Alors, autant que possible, que notre adoration s’explicite dans celle de Jésus. Nous ne pouvons plus aimer en dehors du Christ crucifié. C’est Lui qui respire pour nous, avec l’Esprit-Saint. Nous sommes liés à Lui. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire ». Saint Thomas ajoute : « planter des choux et construire des maisons ». Voilà ce qu’on peut faire seulement ! Et ceci dans le temps. Tandis qu’au contraire, avec Jésus, sous le souffle de Jésus, nous avons cette dimension merveilleuse : nous respirons divinement avec Lui. Nous respirons le souffle de l’Esprit. Notre respiration divine c’est le Corps mystique, c’est l’unité avec Jésus. C’est avec Jésus que nous devons aimer le Père, que nous devons l’adorer, le contempler, parce qu’il est au centre de toute l’économie divine. Tout a été repris par Lui. Il est Celui à qui on remet le livre. Et donc tout prend sa signification à partir de Lui et en dehors de Lui il n’y a pas de signification. Je crois que c’est cela que nous devons saisir ici afin d’être purifiés de certaines petites visions latérales qui ne sont pas justes. Vouloir comprendre l’économie divine en dehors de la Croix du Christ, vouloir comprendre le gouvernement de l’Eglise en dehors de la Croix du Christ, c’est contraire à toute l’Apocalypse, c’est contraire à toute la grande vision de Saint Jean. Le mystère de la Croix est glorifié. C’est un mystère glorieux. L’immolation du Christ est glorieuse. C’est tout à fait vrai. Il ne faut pas tomber dans le dolorisme. Il ne faut pas tomber dans une vision psychologique qui ferait de nous des martyrs par la Croix du Christ. Ce serait très mauvais. Ce serait du sadisme. Il faut avoir une vision glorieuse de la Croix. C’est la seule vision chrétienne possible : une vision glorieuse de la Croix, avec tout le réalisme de l’offrande. Jésus vit le Mystère de la Croix dans sa gloire. « Je suis la Résurrection ». Il ne faut pas l’oublier. Et Il en vit pleinement maintenant. Et l’Eglise doit en vivre pleinement. Et c’est pour cela que l’Apocalypse nous donne cette grande vision qui est le sens exact et si profond de la prière liturgique. La prière liturgique c’est la prière des membres avec la Tête. La prière liturgique, c’est la prière des vieillards liée à celle de l’Agneau. La prière liturgique c’est la prière de l’Eglise avec l’Agneau, avec Jésus. Il n’y a pas de prière liturgique en dehors de celle-là. Il n’y a pas de petite liturgie, 146
de petite chapelle. Non. La prière liturgique est vraiment notre prière, notre adoration, notre louange, notre reconnaissance, les sept louanges qui sont attribuées à l’Agneau. « Lorsque l’Agneau ouvrit l’un des sept sceaux, j’entendis l’un des quatre vivants qui disait comme d’une voix de tonnerre : Viens » C’est l’Agneau qui ouvre les sceaux et les quatre vivants qui appellent Jean. C’est Jésus qui appelle Jean et qui veut l’associer intimement au geste de l’Agneau. Jésus, à la Croix, a ouvert les sept sceaux. Le Père lui a tout remis et tout a été décidé dans le Cœur du Christ, dans le Cœur de Jésus. Par ce mystère, nous devons essayer de comprendre comment nous sommes nousmêmes associés à Jésus, liés à Lui. Le mystère des sept sceaux ne nous est pas étranger. Et c’est bien de laisser passer la nuit sur cette grande vision ... « Et je vis, et voici un cheval blanc et celui qui le montait avait un arc. Il lui
fut donné une couronne et il sortit en vainqueur pour vaincre. Et lorsque l’Agneau
ouvrit le deuxième sceau, j’entendis le deuxième vivant qui disait : Viens. Et sortit un autre cheval rouge feu et à Celui qui le montait il lui fut donné d’ôter la paix de la terre et de faire qu’on s’égorge les uns les autres. Il lui fut donné un grand glaive » (6, 1-4). Là nous commençons vraiment à entrer dans le style apocalyptique ! « Et lorsque l’Agneau ouvrit le troisième sceau, j’entendis le troisième vivant
qui disait : Viens et je vis ; et voici un cheval noir et Celui qui le montait avait une balance dans la main. Et j’entendis au milieu des quatre vivants comme une voix
qui disait: un denier pour la mesure de blé et un denier les trois mesures d’orge et l’huile et le vin ne leur nuit pas ». « Et lorsque l’Agneau ouvrir le quatrième sceau, j’entendis la voix du quatrième vivant qui disait : Viens ». Voyez l’harmonie des quatre vivants et de l’Agneau qui enlève les sceaux, mystère d’une très profonde unité. « Et je vis. Et voici un cheval verdâtre et Celui qui le montait s’appelait la
peste et l’enfer l’accompagnait. Il leur fut donné pouvoir, sur le quart de la terre pour tuer par l’épée et par la famine et par la peste et par les bêtes sauvages de la terre » (6, 5-8). Donc, nous avons là les quatre premiers sceaux qui représentent un ensemble, suivi de quelque chose de particulier. « Et lorsque l’Agneau ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l’autel les âmes de
ceux qui avaient été égorgés à cause de la Parole de Dieu et du témoignage qu’ils 147
avaient eu à rendre ». Il y a quelque chose de très nouveau là. Le cinquième sceau c’est quelque chose de nouveau. Les quatre premiers sceaux se tiennent. C’est le symbolisme du cheval, avec des couleurs différentes. Les couleurs ont quelque chose de très important dans l’Apocalypse. Le symbolisme du blanc est constant. Et il y a un symbolisme différent : la couleur rouge feu. On le retrouve ailleurs : le dragon rouge feu. Puis il y a le symbolisme du noir et le symbolisme encore plus terrible d’une certaine manière : la couleur verdâtre. Il faut essayer d’entrer dans ces différents symbolismes. Ce n’est pas un rêve l’Apocalypse. Car le rêve ne nous ferait pas comprendre sa signification, sauf si c’était un rêve prophétique. Il peut y avoir des rêves prophétiques ... Mais ici il faut regarder l’Agneau. Et c’est à partir de l’Agneau que nous devons comprendre les sept sceaux. Parce que, de fait, la miséricorde du Père nous est donnée à travers le Mystère de l’Agneau. Et les sept sceaux vont nous donner les sept grands axes de sa miséricorde.
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10me conférence
Notre espérance chrétienne se fonde sur la Victoire du Christ symbolisée par le 1er sceau. Les sceaux symbolisent les permissions et les volontés divines.
Il faut que chaque jour de la retraite nous permette d’aller plus loin, de pénétrer plus profondément dans les profondeurs du mystère de Dieu. L’Esprit Saint est tout à fait maître du temps. Il peut nous y faire entrer immédiatement. Mais très souvent, Il nous demande un peu de temps avant de nous faire pénétrer plus avant. Il faut gratter la terre. Alors continuons cet effort très simplement, passons le plus de temps possible à la chapelle, en demandant à Jésus, présent dans l’Eucharistie, de nous aider et de nous permettre de comprendre cette présence invisible et mystique, cette présence d’amour de Jésus en nous et la présence du Père. Nous allons essayer d’entrer dans ce que représente le symbolisme des sceaux. Là aussi il faut pénétrer dans l’épaisseur du symbolisme pour découvrir le mystère. On ne peut pas s’arrêter au symbolisme. Tout le monde peut lire l’Apocalypse en découvrant la beauté des symboles. C’est très beau. Si on a une âme un peu poétique, on peut trouver une beauté merveilleuse dans ces symbolismes qui sont très beaux, qui sont d’une grandeur extraordinaire. Quand le Saint Esprit s’y met, il va très loin dans l’ordre symbolique. C’est très étonnant du reste : on pourrait en faire une étude au plan philosophique. Les symbolismes de l’Apocalypse vont assez loin. C’est assez remarquable. Mais le croyant veut autre chose parce qu’on ne se nourrit pas du symbole. L’amour ne se nourrit pas du symbole. L’intelligence artistique, oui. Il y a toujours un petit artiste en nous, un petit intellectuel qui aime ça. L’avantage est que cela ne nous engage pas trop. On reste dans l’ordre symbolique. C’était Jung (psychologue suisse) qui disait cela. Je vous donne des symboles du psychisme humain. Je connaissais un professeur qui venait d’Amérique en Europe pour l’année sabbatique. Il s’est arrêté à Fribourg et je lui ai demandé ce qu’il venait faire. Il me dit : « Je viens interroger Jung (de son vivant) pour savoir ce que ses symboles veulent dire ». Alors, allez-y, et quand vous l’aurez interrogé, vous reviendrez. Vous me direz ce qu’il vous aura dit. J’ai souri un peu car je savais d’avance à peu près ce qu’il dirait. Alors il est allé làbas. Il a interrogé Jung : « Qu’est-ce que ça veut dire tous ces symboles ? Qu’est-ce qu’il y a d’ontologique derrière ? Qu’est-ce qu’il y a de réel derrière ? » 149
Alors Jung lui a dit : « Ce n’est pas mon rôle de le dire. Moi je parle de symboles. Je ne sais pas ce qu’il y a de vrai derrière. Ce sont les philosophes qui parlent d’ontologie, mais moi je parle de symboles. Qu’est-ce que ça représente exactement ? Ce sont des symboles. Nous vivons dans les symboles. » C’est très dangereux n’est-ce pas de rester uniquement dans le mode symbolique. Même un psychologue n’a pas le droit de rester uniquement dans le mode symbolique. Parce qu’il touche quand même la vie de l’âme et ses aspirations. Le croyant non plus n’en a pas le droit parce que la foi est une connaissance ordonnée toute entière à l’amour. C’est pour permettre à l’amour d’être parfait que Dieu nous éprouve. Il éprouve notre intelligence. Il sonde les reins et les cœurs. Par la foi, il sonde jusqu’où nous voulons aller dans l’ordre de l’amour, Acceptons-nous que l’amour passe avant et prenne tout ? Si nous étions des intellectuels, nous resterions dans l’ordre symbolique. C’est beau, très beau. Et nous essaierions vraiment de comprendre ce jeu extraordinaire des symboles. Des alliances très multiples et diverses. Parce que toujours, comme le symbole est polyvalent, il y a des alliances multiples, un labyrinthe d’alliances. Mais comme nous sommes des croyants, nous ne pouvons pas rester à ce langage symbolique il y a un mystère d’amour que nous devons atteindre. C’est ce mystère d’amour que nous devons atteindre à travers les symboles. À travers et non pas au-delà des symboles, parce que le symbole demeure toujours. Nous en avons besoin. Il ne faut pas dire : « Je vais quitter le symbole ... » Non, non, non, nous en avons toujours besoin. C’est pour cela qu’on ne peut pas délaisser la parole de Dieu. Par elle on touche la réalité. La foi s’achève dans la réalité divine. Saint-Thomas dit cela avec beaucoup de force, en tant que théologien : « La foi touche le mystère ». Et donc, touche le mystère de Dieu, l’amour de Dieu. Mais la foi ne peut pas abandonner la parole. Pour notre conditionnement humain, nous en avons toujours besoin. Dieu ne détruit pas ce qu’il a créé. Dieu ne détruit pas le conditionnement humain, mais Il le dépasse. Et, à travers le conditionnement humain, Il nous fait toucher la réalité, la fin. La finalité, c’est la réalité, c’est l’amour, c’est celui qui suffit en nous à un amour. Alors il faut découvrir le sens de ce premier symbolisme. (Il y en aura d’autres ; il y a des couches successives de symbolismes, mais je veux d’abord voir celui-là, le premier. Après, on essaiera de pénétrer dans les autres.) Le premier c’est toujours le plus important d’une certaine manière. Si on se trompe à l’égard de celui-là, on ne comprend plus rien du tout. Je crois que ce premier symbolisme des sceaux, (si nous sommes attentifs à ce qui est juste avant l’aspect du prélude, c’est à dire cette grande vision de la Très Sainte Trinité, et le mystère des sceaux est à l’intérieur de ce mystère trinitaire) ce sont les décisions de Dieu, les décisions du Père. Et je crois que ce sont les décisions du Père parce que personne, ni au ciel, ni sur la 150
terre, ni sous la terre, ne peut ouvrir le livre, ce qui montre que nous sommes devant, les volontés de Dieu, les volontés du Dieu créateur, les volontés de la toute-puissance de Dieu qui ne dépendent que de Dieu. Et donc Dieu seul peut ouvrir le sceau. Mais dans sa miséricorde, Dieu a voulu associer l’homme à son dessein par rapport à l’humanité. Associer l’homme à son dessein, c’est le mystère de l’Incarnation. L’Incarnation, c’est introduire l’humanité au plus intime du mystère de la Très Sainte Trinité. C’est introduire l’homme dans le mystère même de Dieu. Pour que toutes les volontés de Dieu, Jésus, l’Agneau comme égorgé, coopèrent divinement à toutes ses décisions. Et c’est pour cela que l’Agneau peut recevoir le livre et peut en enlever le sceau. Parce que, en raison même de l’Incarnation et du mystère de la Rédemption, Jésus coopère pleinement, selon la volonté du Père à son œuvre. Tout ce que le Père fait, le Fils le fait pareillement. Cette affirmation qui est dans S. Jean au chapitre V, est très importante parce qu’elle nous aide à saisir toute l’action du Christ et donc l’action de Jésus jusque dans le mystère de la Croix. Et c’est dit avec beaucoup de netteté. C’est le Fils, c’est Jésus qui précise lui-même ce qu’il fait : « En vérité, en vérité je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui-même mais seulement ce qu’il voit faire au Père. Car ce que fait Celui-là, le Fils aussi le fait pareillement » (Jean, V, 19). C’est bien cette coopération voulue par le Père. Le Père n’a pas besoin de l’humanité sainte de Jésus. La Très Sainte Trinité n’a pas besoin de l’humanité sainte de Jésus. Mais le Père veut que l’humanité sainte de Jésus pénètre au plus intime de Son mystère, que tous Ses secrets soient remis à la volonté du Christ, au Fils devenu chair. Pour que ce que le Père fait, le Fils le fasse pareillement. Le Fils, ici, c’est le Fils bienaimé, c’est le Verbe devenu chair. Le Père en effet, aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait. Montrer, ça ne veut pas dire du tout donner en spectacle, mais montrer dans une connaissance affective, une connaissance aimante, dans la connaissance réalisatrice, c’est à dire que le Père associe son Fils en raison même de l’amour. Quand on aime quelqu’un, on fait œuvre commune avec lui. C’est ça le véritable amour. Et l’amour implique justement ce réalisme d’aller jusqu’au bout. Le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait. Et il montrera des oeuvres plus grandes que celle-ci pour que vous soyez étonnés. Donc, tout ce que le Père fait, Il le communique au Fils. C’est cela qui nous est montré ici symboliquement. Les deux textes s’éclairent et doivent nous aider à comprendre ce grand mystère des volontés du Père à travers le coeur blessé de Jésus, à travers la volonté du Christ, à travers le sacerdoce du Christ. Tout le gouvernement du Père sur nous a ce caractère sacerdotal. Le sacerdoce du Christ est un sacerdoce royal. C'est-à-dire un sacerdoce qui va jusqu’au bout de l’autorité du Père. L’autorité du Christ est identique à celle du Père. Le Père remet tout pouvoir au Fils et ce pouvoir est remis au sacerdoce du Christ. Donc c’est un sacerdoce royal. Par le fait même, tout le 151
gouvernement de Dieu sur nous est sacerdotal parce que c’est un sacerdoce d’amour, un sacerdoce royal. Par conséquent, la laïcisation d’aujourd’hui : « Il faut tout laïciser ... », est complètement à côté de l’Apocalypse. C’est l’œuvre du démon. La laïcisation est l’œuvre du démon alors que Dieu sacralise tout merveilleusement. Dieu veut que nous soyons de plus en plus consacrés. Et c’est très important de bien le comprendre parce qu’il faut discerner, dans le monde d’aujourd’hui, ce qui est du démon et ce qui est de Dieu. Dieu veut que nous soyons intelligents pour Lui. Et nous sommes tous responsables. Pourquoi nous laisse-t-on beaucoup plus de liberté aujourd’hui qu’avant ? Avant, il y avait le droit canon. Alors les gens disaient : « passez par les clous ..., vous ne pouvez pas passer en dehors des clous, ce serait un péché mortel ... » Les gens avaient peur du droit canon. Il y avait le saint office ! ... Il y avait des gendarmes bien armés et on n’osait jamais rien dire. Aujourd’hui Dieu laisse une liberté beaucoup plus grande. Il laisse donc à chacun d’entre nous notre responsabilité. Nous sommes bien plus responsables qu’avant. Parce que Dieu nous traite avec beaucoup plus d’amour. Et donc nous sommes beaucoup plus responsables. Ne disons pas : on fait ça, tout le monde le fait ... Vous tombez de Charybde en Sylla. Avant c’était le droit canon. Maintenant ce n’est même plus le droit canon, c’est l’anonymat, c’est le « on ». Il faut voir comment Heidegger, philosophe de notre temps, parle du « on ». On ferait bien de temps en temps de se le rappeler. En tant que chrétien, nous savons très bien que n’est humain que ce qui est finalisé. Le « on » est contraire à la finalité. Ce n’est pas évangélique, ce n’est pas humain. Celui qui dit : « J’ai fait cela parce que tout le monde le fait » mériterait une gifle au sens rigoureux. Parce que ce n’est ni chrétien ni humain. C’est se conduire comme un ... je ne dis pas mais vous comprenez bien. C’est se conduire comme quelqu’un qui a tout abdiqué. C’est tomber de Charybde en Sylla par l’astuce du démon. Je sais très bien que le droit canon n’était pas drôle. Il y a une attitude qui peut être plus humaine : c’est de réfléchir sur la finalité. Dans le monde d’aujourd’hui, quelle est notre finalité de chrétien ? Comment devons-nous donner témoignage du Mystère de l’Agneau ? Comment devons-nous entrer dans cette économie divine qui est une économie sacerdotale. C’est pour cela qu’on nous rappelle le sacerdoce mystique des fidèles. Le sacerdoce mystique des fidèles est relié au sacerdoce du Christ. Le chrétien est associé profondément au sacerdoce du Christ et il fait œuvre commune avec lui. Le sacerdoce du Christ consiste à tout ramener au Père. Et donc à ne rien abandonner à l’anonymat, mais tout ramener au Père : ramasser toutes les miettes. Et consacrer tout au Père par une consécration d’amour. Donc tout sacraliser par l’amour. C’est de l’intérieur que tout est sacré. Comme c’est une sacralisation chrétienne, elle doit s’emparer de tout notre être. Tout notre être doit être consacré à Dieu. C’est cette grande vision qu’il faut essayer de saisir ici, à travers un mode symbolique pour que celui qui comprenne, comprenne. 152
Jésus nous laisse notre liberté. Mais pour bien saisir ce qui se passe aujourd’hui, il faut comprendre comment Jésus attend de nous des options beaucoup plus libres. Et c’est l’avantage du pluralisme. Le pluralisme en lui-même n’est pas une perfection. La multiplicité n’est jamais une perfection. Ceux qui font du pluralisme pour lui-même n’ont rien compris du tout. La multiplicité pour la multiplicité, au plan philosophique, c’est la diaspora, c’est la perte dans le multiple. C’est toujours l’unité qui est liée à la perfection. C’est toujours l’unité qui est liée à l’amour. L’amour unifie. Mais Dieu permet le pluralisme pour que nous options d’une manière plus personnelle, pour que notre choix à l’égard du Christ, soit plus libre. C’est cela qui est magnifique. Ce n’est pas commode à vivre, c’est sûr. Ce serait plus facile si tout était déterminé, mais ce serait un moindre témoignage d’amour. Aujourd’hui on peut donner un témoignage d’amour plus grand. Entrons maintenant dans le symbolisme des sceaux. « L’agneau ouvrit l’un des sept sceaux. Et j’entendis l’un des quatre vivants qui disait conne d’une voix de tonnerre : viens » (6, 1) Il appelle Jean. Il associe Jean. Et nous aussi nous l’entendons. Nous devons entendre cette voix de tonnerre de l’un des vivants, c’est à dire de Jésus qui nous appelle pour que nous regardions, par l’Apocalypse, tous les sceaux qui nous sont révélés. Et donc nous pénétrons plus ou moins dans les déterminations de Dieu par mode symbolique. On peut en rester à l’écorce ou on peut pénétrer un tout petit peu plus. « Et je vis un cheval blanc et celui qui le montait avait un arc. Il lui fut donné une couronne et il sortit en vainqueur et pour vaincre. » (6, 2) Tout cela, ce sont des explications très secondaires. Je crois qu’il faut expliquer l’Apocalypse par l’Apocalypse. C’est la première chose à faire. Regardez le chapitre 19, puisqu’il nous montre le dernier grand combat. C’est la première chose qu’il faut regarder pour comprendre, (19, 11-13). « Et je vis le ciel ouvert et voici un cheval blanc », Vous voyez, on le retrouve, le cheval blanc.
« Et je vis un cheval blanc, et celui qui le montait s’appelle Fidèle et Véridique, et c’est avec justice qu’il juge et fait la guerre, Ses yeux sont une flamme de feu. » Nous retrouvons les yeux comme une flamme de feu. Nous l’avions déjà vue, cette vision du Christ. « Et sur sa tête de nombreux diadèmes. Il a un nom écrit que personne ne sait,
sinon lui. Il est revêtu d’un manteau trempé dans le sang et le nom dont il s’appelle 153
est le Verbe de Dieu ». C’est très important : c’est la première fois dans les écrits johanniques où l’on voit le mystère du Verbe. On le retrouve ensuite dans le Prologue de la 1ère Epître. Et on le retrouve ensuite dans le Prologue de l’Evangile. Trois fois. Vous voyez le triangle du Verbe, si j’ose dire. Le triangle du Verbe nous fait comprendre comment Jean, dans cette ultime révélation, découvre que la seconde personne de la Très Sainte Trinité c’est le Verbe, « logos » en grec. « Logos », le secret du Père. C’est le premier moment où est révélé le Mystère du Verbe, à travers ce symbolisme du cheval blanc. Et il est montré « revêtu d’un manteau trempé dans le sang ». Tout cela est assez clair. C’est le mystère du Christ crucifié, victorieux. A la croix, Jésus est le cheval blanc. C’est extraordinaire comme symbolisme, c’est audacieux. Il faut vraiment être tout à fait inspiré par le Saint-Esprit pour dire cela. Et comprendre que le Christ à la croix est le cheval blanc ... C’est tout le symbolisme du cheval ; l’animal noble, l’animal fougueux et c’est aussi le point de vue de la force. Tout est impliqué dedans. C’est en quelque sorte, la noblesse ultime qui nous est montrée là. Le Christ, à la croix est fidèle et véridique. Il est le témoin fidèle. C’est lui qui juge et fait la guerre. C’est vrai. Quel est le moment le plus fort de la lutte ? Quel est le sommet de la lutte ? C’est la croix. Il n’y a jamais eu de lutte aussi forte que celle du Golgotha. C’est la lutte suprême. C’est la lutte dans son paroxysme. C’est là où le Prince de ce monde est jeté bas. C’est là où se fait le discernement. C’est pour cela que la croix a toujours été vraiment le mystère de la Sagesse. Une fois que nous comprenons ce chapitre 19, nous pouvons revenir au début. Alors nous commençons à saisir que tout commence par la victoire du Christ et que tout est vu dans la victoire du Christ. A première vue, c’est très dépaysant. Et en même temps très fort ; nous essaierons de le comprendre. On devrait mettre le premier point tout à fait audessus, en dehors des autres. Comme clans le chapitre 19 où nous voyons bien la place du cheval blanc, c’est à dire comment le cheval blanc est le mystère du Verbe de Dieu. Et donc il y a quelque chose d’unique. Pourquoi ici y a-t-il un cheval blanc, puis un cheval rouge feu, etc ... Jésus a l’air d’être dans la série ! Alors celui qui n’est pas très attentif ne comprend pas. Il interprète : le cheval blanc en fonction des autres. Il faut revenir en arrière. Il faut mettre des points d’interrogation de temps en temps. Et puis il faut interroger le Saint-Esprit. Le SaintEsprit aime bien qu’on l’interroge. Cela prouve qu’on va à notre conseil divin, qu’on lui demande de nous éclairer. Et quand on lit l’Ecriture, il faut toujours demander au SaintEsprit de nous éclairer. Parce, qu’il veut nous éclairer. Il y a donc un premier lien entre le symbolisme du cheval blanc et la victoire ... « Il 154
sortit en vainqueur pour vaincre ... » C’est bien le mystère du Christ crucifié. Mystère présent à toute l’Eglise. Jésus crucifié est présent dans l’Eglise d’aujourd’hui, comme Il était présent au Golgotha. Cette victoire éternelle est une victoire d’amour. Pour mieux comprendre, regardons comment se termine l’Apocalypse. Il faut toujours voir le point de départ et le terme. C’est ce qui nous est dit dans l’Apocalypse : toutes les œuvres de Dieu, l’alpha et l’oméga, se tiennent. Donc, si on ne regarde pas le terme, on ne comprend pas. Si vraiment le premier sceau est la première des décisions de Dieu, celle qui commande le point de vue de toutes les autres, de toute l’économie divine, il faut la retrouver au terme. Qu’y a-t-il au terme de l’Apocalypse, chapitre 21 ? « Et je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la
première terre s’en étaient allés et la mer n’est plus. Et je vis la ville, la ville sainte, la Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel d’auprès de Dieu ».
Elle descendait du ciel d’auprès de Dieu: la naissance de l’Eglise à la croix. C’est la grande vision de Saint Augustin dans la perspective de Saint Jean. L’Eglise est née à la Croix. Elle est née de la blessure du Cœur de Jésus. Comme la première femme est née de la côte de l’homme. Dans la vision de l’Ecriture il y a un lien entre les deux et nous le retrouvons ici. Ce n’est plus le calvaire, c’est la consommation dernière de tout. L’Eglise éternellement est celle qui naît de la victoire du Christ. La victoire du cheval blanc. « Et je vis la ville sainte, la Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel,
d’auprès de Dieu, prête comme une épousée parée pour son mari. Et j’entendis, venant du trône, une voix forte qui disait : voici le séjour de Dieu avec les hommes. Il
séjournera avec eux et eux seront son peuple. Et Dieu lui-même sera avec eux. Et il essuiera toutes larmes de leurs yeux, et la mort ne sera plus : ni deuil, ni cri, ni douleur ne seront plus car les premières choses s’en sont allées. » (21, 1-4) Les premières choses ce sont les souffrances et nous sommes chassés du Paradis terrestre, dans cette vallée de larmes. La mort du Christ n’a pas supprimé ces douleurs et ces luttes. Elle les a accentuées. Depuis la mort du Christ il y a plus de souffrances dans le monde qu’avant. Cela donne de la peine de comprendre cela, mais nous devons le dire si nous sommes vraiment chrétiens, et nous devons le regarder, puisque la mort du Christ a été source d’autres morts. La mort du Christ a été source de la blessure du Cœur de Marie. L’agonie du Christ a été source de toutes les autres agonies. Il y avait des souffrances avant, mais à partir de la mort du Christ, il y a eu comme un paroxysme de luttes. Puisque nous vivons au niveau de Sa Croix. Le démon n’a pas désarmé ; puisqu’on lui laisse encore un temps. Et Jésus laisse encore un temps. Il aurait pu faire que la fin du monde se réalisât à la Croix. Et l’humanité aurait pu monter avec le Christ au ciel. Non ... Il y a un temps après la Croix du Christ. Un temps de miséricorde. C’est 155
un temps de miséricorde pour les amis, pour les élus, au sens de l’Ecriture. C’est un temps de miséricorde pour que le mystère de la Croix soit pleinement partagé par les hommes. Pour que nous soyons liés au mystère de la Croix et au mystère de la Compassion de Marie. Et pour que toute l’Eglise n’ait pas d’autre sens que d’être celle qui est associée intimement au mystère de la Croix. Si à la Croix et à la Résurrection du Christ toute l’humanité était entrée dans le ciel, elle n’aurait pas été associée à la Croix, sauf Marie. Et Jésus aurait très bien pu faire que Marie n’y soit pas associée. Il aurait pu être seul et mourir au milieu de gens qui ne comprenaient rien du tout. Il a voulu qu’il y ait Marie, Jean et les Saintes Femmes. Et, à travers Marie, Jean et les Saintes Femmes, toute l’Eglise, tous les saints, et tous ceux qui sont de la race de la femme. Cela c’est la surabondance de l’amour. Parce que la Croix du Christ suffit à tout. Si la Croix du Christ était uniquement un geste de justice, Marie n’aurait pas compatit. Mais parce qu’elle est un mystère d’amour, il y a surabondance. Il faut toujours bien comprendre cela : il n’y a pas de surabondance de justice, (j’allais dire heureusement), il n’y a qu’une surabondance d’amour. Et c’est parce que le mystère de la Croix est un mystère d’amour qu’il y a cette surabondance sur Marie, sur Jean, sur les Saintes Femmes, sur toute l’Eglise. Jésus l’a voulu. Le Père a voulu que le mystère de la Croix soit participé en Marie, par Marie et donc par l’Eglise et dons l’Eglise. Il a voulu que nous ne soyons pas seulement des enfants rachetés, mais des amis, des épouses. Et l’ami et l’épouse font la même œuvre. Donc l’Eglise doit faire la même œuvre que le Christ, donc sauver le monde par la Croix. Il n’y a pas d’autre moyen. Des quantités de gens d’Eglise, des quantités de membres du Christ sont distraits et essaient de sauver le monde autrement, d’être plus intelligents que le Christ. A ce moment là, ils ne sont plus chrétiens, même si, extérieurement ils le paraissent encore. Parce qu’ils cherchent un autre moyen que celui que la Sagesse de Dieu a déterminé. C’est très exigeant d’être chrétien. On comprend très bien que plus le mystère de la Croix s’implante dans l’Eglise, plus nombreux sont ceux qui disent : oh non, c’est suffisant, je vais m’arrêter. Elie a eu cette tentation. A un moment donné il a dit que c’était trop fort : « Tout le monde me persécute, on m’en veut à mort. On va me tuer. Alors, Dieu Tout Puissant, Seigneur, viens me chercher. » C’est normal qu’un apôtre, qu’un chrétien ait cette tentation. En disant : c’est suffisant ... Venez me chercher à la fin de la retraite. Je suis prêt ! Si à la fin de la retraite tout le monde partait au ciel, ça donnerait un énorme rayonnement à Poissy, n’est-ce pas ? Padre Pio faisait des choses comme cela. Quand on allait le voir, et qu’on était dans une situation impossible, que se passait-il ? Padre Pio vous expédiait au ciel. Je 156
vous affirme que c’était comme cela. Quelqu’un m’a raconté l’histoire que voici : il se trouvait dans une situation difficile, impossible. Il n’avait pas tellement envie de voir Padre Pio. Il attendait pendant que quelqu’un se confessait. Ça durait assez longtemps. Tout à coup il entend des gémissements ; il se dit : « Il a la contrition parfaite ... » Et la contrition parfaite était tellement forte que, clac ... le pénitent tombe. Personne n’a bougé. Le Padre Pio l’avait expédié au ciel ! Ça arrivait de temps en temps. Si on a le pouvoir d’expédier au ciel après cinq jours de préparation, ça vaut mieux que le purgatoire. Nous sommes tous dans des situations impossibles, du point de vue chrétien. Et l’on comprend que de temps en temps l’on en ait assez et qu’on dise : « Seigneur, viens me chercher ». Mais, la réponse de Dieu, vous la connaissez bien : le pain apporté par les corbeaux. Et Elie se met à prendre ce pain et il peut continuer sa route. C’est l’histoire de l’Eglise. C’est notre histoire. Et c’est ce que Dieu nous demande : accepter de continuer la route jusqu’au bout, même si quelquefois on a l’impression que c’est impossible, que c’est sans issue, qu’on ne voit plus rien du tout. On se trouve dans la situation limite que les philosophes d’aujourd’hui voient avec beaucoup d’acuité : Le conditionnement devient tellement pesant qu’on ne voit plus la finalité. C’est la situation limite. On est comme aveuglé. On ne voit plus rien du tout. Alors il faut comprendre que c’est normal. Jésus a connu cette situation limite à la Croix et l’a dépassée. C’est sa victoire. L’Eglise est associée aux mêmes mystères que le Christ. L’Eglise, c’est le lieu de la plus grande lutte. Quand vous êtes en lutte, dites-vous bien que vous êtes d’Eglise, que c’est la lutte de la Croix qui continue dans l’Eglise. Et plus on est uni au Christ, plus la lutte de la Croix est forte. Bien sûr elle prend des modalités différentes suivant qu’on est chargé de garder la doctrine, qu’on est apôtre ou théologien, ou mère de famille, et ainsi de suite ... Voyez les attaques du démon par rapport à la famille, aujourd’hui ... la volonté de détruire. Comme c’est difficile de maintenir une famille chrétienne aujourd’hui ! Comme c’est difficile de maintenir une doctrine saine, qui ne soit pas fermée : on est quelquefois tenté de revenir en arrière. Non. On ne peut jamais revenir en arrière. Ce ne serait pas vrai. Il faut toujours continuer sa route. Tout le temps. Dieu ne boude jamais. Même quand les hommes se sont trompés. Dieu ne boude jamais. C’est très net : dans l’Ancien Testament nous le voyons constamment. Et Dieu se sert même des bêtises des hommes pour donner une miséricorde plus grande. On doit toujours avancer, toujours aller plus loin. Alors c’est important de voir comment, au chapitre 21, tout s’achève dans la victoire du Christ. Nous devons dire que ce premier sceau c’est la victoire du Christ. Notre espérance chrétienne se fonde sur ce premier sceau. Les volontés de Dieu ce sont des volontés d’amour, mais, de temps en temps elles prennent des modalités que nous ne comprenons pas très bien. La volonté d’amour du Père sur Jésus à la Croix, c’est incompréhensible pour le cœur maternel de Marie. C’est incompréhensible pour son intelligence, c’est un scandale, une folie. Voilà ce que dit Saint Paul, en parlant de la Croix. Et la Croix aurait été pour Marie, scandale, folie, si Marie n’avait pas été 157
entièrement sous la mouvance de l’Esprit Saint. La Croix aurait été pour elle un scandale, c’est à dire quelque chose qu’elle ne pouvait pas accepter. Un scandale, ça vous arrête, c’est un mur qu’on ne peut pas dépasser. Une folie ... à 33 ans, avec toutes les capacités qu’a Jésus, toutes ses possibilités. Trois ans seulement de vie apostolique ... Quand un jeune prêtre meurt au bout de trois ans, on dit : « ah ! C’est dommage. Il avait de telles possibilités ... » Et quand il s’agit de Jésus ! Quand on regarde de près, quand on essaie de comprendre un tout petit peu l’économie divine, la manière dont le Père a traité son fils, avec un amour extraordinaire, comme c’est difficile à comprendre pour nous, quand on regarde les apparences. De la manière dont il traite son Fils, il traite l’Eglise, si elle veut être pleinement du Christ. L’Eglise ce n’est pas du tout l’armée qui passe sous l’Arc de Triomphe le 14 juillet. Cette vision de l’Eglise est tout à fait fausse. L’Eglise est en pleine lutte. Elle vit le mystère de la Croix. Et plus l’Eglise est vivante, plus le mystère de la Croix s’étend. Et plus les chrétiens ont peur, plus les chrétiens s’en écartent. Mais la Croix s’étend pour que la victoire du Christ s’étende dans la même mesure. Ainsi nous comprenons que la première décision de Dieu c’est le grand mystère de la victoire du Christ. Marie a compris cette volonté du Père à la Croix. Au-delà de la folie et du scandale, Marie a compris que la volonté du Père était Sagesse d’Amour, était Lumière d’Amour. Il y avait un amour unique du Père pour son Fils en lui demandant de sauver l’humanité. Et en lui demandant de proclamer, aux yeux de tous, que l’amour qu’il avait pour lui était tout. L’amour est plus fort que la mort. Il n’y a que Dieu qui puisse faire comprendre cela. L’amour est plus fort que la mort. Et pour exprimer d’une façon visible que l’amour est plus fort que la mort, il fallait que Jésus lui-même acceptât la mort. Jésus a absorbé la mort ; il l’a transformée par l’amour, il lui a donné une nouvelle signification grâce à l’amour. C’est le grand mystère de la victoire du Christ. Le grand mystère de la Croix, symbolisé par le premier sceau. Si nous sommes vraiment un tout petit peu lucides visà-vis de la conduite de Dieu sur nous, il faut tout le temps revenir au mystère de la Croix. C’est très dur et pas commode. C’est évident que le mystère de la Croix n’est jamais drôle. Pour notre sensibilité et pour notre intelligence c’est toujours un scandale, une folie. Et à ce moment-là il faut faire cet acte de foi, cet acte d’amour de Marie.
Deuxième Sceau. « Et lorsque l’agneau ouvrit le deuxième sceau, j’entendis le deuxième vivant qui disait : viens ». Il faut répéter chaque fois à Jean de venir. On a envie de s’écarter. Ce n’est pas commode. Il ne faut pas être trop près. « Viens ... » C’est Jésus qui nous invite à nous approcher de lui. C’est la taille du Père pour nous rapprocher du tronc. « Sortit un autre cheval rouge feu ... » 158
Celui-là a quelque chose de très spécial, il est rouge feu. Et je vous le disais hier, si nous sommes attentifs à cette couleur rouge feu, nous la retrouvons au chapitre 12 : le grand signe dans le ciel, le dragon rouge feu. Rouge feu, c’est la couleur de la colère. Blanc, c’est la couleur sacerdotale. C’est la couleur de l’amour de celui qui se donne totalement et qui sauve. La couleur victorieuse. C’est pour cela que c’est la synthèse de toutes les couleurs. C’est l’au-delà dos couleurs, c’est la plénitude, c’est la lumière. Le blanc symbolise la lumière. Tandis qu’ici, rouge feu, c’est la colère. Et c’est pourtant le cheval. C’est curieux. Ne disons pas que c’est le dragon, faisons attention. Il a la couleur du dragon. Mais ce n’est pas le dragon, c’est le cheval. C’est tout à fait autre chose. Essayons de comprendre ce symbolisme : « Un autre cheval rouge feu, et à celui qui le montait, il lui fut donné d’ôter la
paix de la terre et de faire qu’on s’égorgeât les uns les autres. Il lui fut donné un grand glaive. » (6, 4) Alors ? Est-ce que ce sont des permissions de Dieu ou des volontés de Dieu ? Vous savez bien qu’il faut toujours discerner les deux. Si nous sommes dans le mystère des symbolismes des sceaux, nous sommes en face des volontés de Dieu, Mais est-ce que la grande volonté première de Dieu, symbolisée par le cheval, permet les autres permissions de Dieu ? Il y a là un grand point d’interrogation, très important pour l’interprétation. Essayons de comprendre un peu. Je crois qu’il faut considérer là les trois chevaux ensemble : le cheval rouge feu, le noir et le verdâtre. Le cheval noir, nous l’avons vu hier, montait une balance, c’est la famine. Le cheval rouge feu, c’est la guerre. Tuer par l’épée, c’est la guerre. Et puis le cheval verdâtre ce n’est pas drôle le verdâtre ... c’est quelque chose d’assez affolant, un cheval verdâtre Il n’y a pas d’autre couleur verdâtre dans l’Apocalypse. Le noir c’est évidemment l’antithèse du blanc. On le comprend très bien. Blanc c’est la surabondance puisque c’est la qualité de l’amour. Tandis que le noir, c’est la famine. Et verdâtre, c’est la peste. C’est la corruption de l’intérieur, le cancer. Le cancer, c’est la peste moderne. La peste, maintenant, elle est devenue le cancer. Cela s’est intériorisé, tout simplement. Tout s’intériorise, de plus on plus dans l’immanence. Les choses qui étaient extérieures auparavant, deviennent de plus en plus intérieures. C’est la tactique du démon. Il se cache. Dans la peste on voyait encore quelque chose, mais maintenant c’est la corruption de l’intérieur. C’est la désagrégation totale qui, du dedans, lutte contre le vivant, et fait que petit à petit le vivant meurt, disparaît. C’est pour cela que c’est verdâtre. C’est la corruption intérieure. « Et celui qui le montait s’appelait la peste », l’Adès. C’est le symbolisme de la peste. Nous sommes dans un langage symbolique. La guerre, au point de départ, est symbolisée par l’épée. C’est propre de mourir par l’épée. 159
Je me trouvais à Bethléem pour prêcher, peu après la guerre des six jours. J’étais à l’Hôpital, dit français, de Bethléem, tenu par les Filles de la Charité et la Supérieure était une Fille de la Charité de l’ancien temps. Quelqu’un de bien ! Fille de général, elle avait quelque chose d’extraordinairement net, précis. Nous avions des amis communs et on n’avait dit, allez lui dire bonjour. Alors je lui dis : Et la guerre, comment ça s’est passé ? Ça n’a pas été très drôle. A l’hôpital d’enfants, nous avons eu sept bombes ... Quand Israël est arrivé, quand l’armée est venue, j’ai bien vu qu’on voulait prendre ma voix. On m’a dit : alors, ma Mère, alors, vous êtes contente, c’est paisible, qu’est-ce que vous dites ? » « Je n’ai qu’une seule chose à dire : A l’hôpital d’enfants, nous avons eu sept bombes, qui venaient d’Israël. » Puis elle m’a dit : A ce moment-là sa voix n’est pas passée sur les ondes. C’est bien évident, ça s’est arrêté. Au reste, il faut bien le dire, ça n’aurait pas été très drôle si les Arabes avaient été victorieux parce que les fanatiques disaient : le samedi Israël à la mer et le dimanche les chrétiens au poteau ... Donc on était pris entre les deux, il faut bien le voir. Elle a ajouté : « Je reste liée à la Palestine parce que nous avons été reçues ici et que tout s’est fait là. Et je considère que nous sommes envahis. Je ne considère pas du tout que nous sommes un pays conquis. Et je voulais faire sentir que nous étions envahis. Vous voyez les difficultés du point de vue politique ... » Et elle a ajouté ce petit détail charmant, quand on le regarde avec un peu de recul : « Comme cet hôpital est en plein milieu musulman à Bethléem, les musulmans, qui sont très amis de l’hôpital, étaient venus dire à la Mère Supérieure : Ma Mère, ne vous inquiétez pas. Ils ont dit : les chrétiens au poteau, mais nous serons là. Parce que nous sommes vos amis, nous savons très bien tout ce que vous avez fait pour nous. Alors, ma Mère, comptez sur notre parole, nous tuerons toutes vos sœurs, mais nous le ferons proprement. » C’était visible : par l’épée. Tuer proprement par l’épée, le combat chevaleresque, ça peut encore aller ... Aujourd’hui, l’épée, on voit bien ce que ça veut dire. La guerre, on voit bien ce que ça veut dire. Voyez, tout s’est intériorisé. La lutte devient de plus en plus une lutte au niveau de l’esprit aujourd’hui. C’est comme cela qu’il faut comprendre la guerre subversive. C’est une lutte d’esprit. Ce n’est plus l’épée. Peut-être qu’à un nouent donné il y aura encore l’épée, c’est possible. Mais, de fait, ce que nous vivons actuellement, c’est la lutte d’esprit. Mais c’est toujours la guerre. Voyons le symbolisme de la famine. La famine joue un très grand rôle dans tout l’Ancien Testament. La famine en Chanaan. Je pense à la grande famine qui a exigé de Jacob d’abandonner le Benjamin pour qu’il aille chercher le froment en Egypte. La famine c’est l’infécondité. L’homme travaille et il n’y a pas de fruit. L’homme dans son travail désire l’efficacité. Le travail demande l’efficacité. La famine c’est aussi la stérilité qui a toujours été considérée comme une malédiction. La famine, la stérilité, ça va ensemble tout cela. 160
C’est très mystérieux de voir cela. Est-ce que ce sont des volontés de Dieu ou des permissions de Dieu ? Est-ce que le symbolisme de ces trois : cheval rouge, cheval noir, cheval verdâtre, est-ce que ce sont des volontés de Dieu ou des permissions de Dieu ? Vous voyez bien la différence : les permissions de Dieu c’est lorsque Dieu permet au démon d’agir. Et les volontés de Dieu, c’est lorsqu’il y a une volonté expresse de Dieu. Les deux choses peuvent aller ensemble et c’est ce qui, je crois, existe ici. Dieu peut permettre au démon d’agir. Il laisse au prince de ce monde des possibilités d’agir. Cette permission de Dieu est, du côté de Dieu, une volonté, mais c’est une permission en ce sens que ce n’est pas Dieu qui directement fait le mal. C’est le démon qui fait le mal. Donc, c’est la volonté de Dieu qui implique une percussion à l’égard du démon. Je crois que c’est ainsi que nous devons essayer de comprendre ce qui nous est donné ici. Nous savons que le Christ, à la Croix, aurait pu nous rétablir tous au paradis terrestre. Il aurait pu nous remettre dans l’Eden. La Croix est assez puissante pour nous remettre en état de justice première. C’est peut-être cette volonté d’amour du Christ pour nous exprimée dans l’agonie par les paroles : « Ecarte ce calice ... » Ce n’est pas le calice par rapport à Lui. C’est le calice par rapport à nous. « Mais non ta volonté »... La volonté du Père c’est que nous ne retournons pas au Paradis terrestre à partir de la mort du Christ, mais que nous soyons engagés, à la suite du Christ, dans le grand combat. Et que nous soyons engagés totalement, si nous voulons être vraiment chrétiens. De sorte que nous disons, au plan théologique, une chose que nous avons beaucoup de peine aujourd’hui à comprendre : l’Apocalypse est là pour nous le rappeler ; nous disons que nous sommes tous nés dans le péché originel, et nous devons le dire ; nous n’avons pas le droit de le taire. Quand on ne le dit plus, il y a quelque chose qui manque et on ne comprend plus le reste. Nous sommes tous nés dans le péché originel. Ça fait partie de la Tradition de l’Eglise et ça a été défini par le Concile de Trente. Nous sommes tous nés dans le péché originel. La grâce du Christ nous sauve, mais elle n’ôte pas les conséquences du péché, et laisse les infiltrations du démon en nous. Si nous sommes nés dans le péché, nous sommes donc nés dans un état d’appartenance au démon. C’est cela le mystère du péché originel. Mystère difficile à accepter, pas commode à bien saisir. Le « pourquoi divin » de cette réalité, nous ne pouvons le comprendre qu’à partir du mystère le la Croix et je dirai même dans le lumière du mystère de l’Immaculée Conception. Au fond, c’est Marie qui nous donne la réponse à ce « pourquoi sommes-nous dans le péché originel ? » Parce que Dieu veut que ce soit par Marie que nous retrouvions, un cœur immaculé. Nous comprenons tout cela dans le ciel. Ici, sur terre, nous commençons un tout petit peu à le saisir. Et je crois que c’est pour cela que le Mystère de l’Immaculée 161
Conception nous a été révélé ; comme l’annonce de très, très grandes luttes, pour que nous comprenions mieux. C’est le « signe dans le ciel », l’Immaculée Conception.
11ème conférence Le 6ème sceau. La Victoire du Christ c’est Sa Grâce qui reprend l’Image de Dieu qui est en nous et qui a été détériorée par le péché originel. La vraie liberté de l’homme est dans sa finalité, qui échappe à la psychanalyse.
La victoire du Christ aurait pu nous réintroduire au Paradis terrestre. Et donc la victoire du Christ aurait pu, non seulement sauver notre âme, mais prendre toute notre humanité, toute notre sensibilité, et nous remettre dans le ciel. Or Dieu veut que nous soyons sauvés par le Christ, dans le Christ, que la faute soit effacée, mais que les conséquences du péché demeurent. Et vous savez que certains illuminés du 12ème siècle disaient que les conséquences du péché originel, chez ceux qui avaient atteint un certain niveau spirituel, tombaient. Alors ils devenaient impeccables. Et l’Eglise les a condamnés. L’Eglise a dit que jusqu’au bout nous étions dans la lutte, même si nous avions de très grondes grâces. Il n’y a que Marie qui soit immaculée. Il n’y a que Marie qui n’ait pas péché. Mais pour nous, jusqu’au bout, les conséquences du péché demeureront. Et ce sont justement les trois concupiscences dont parle la 1ère Epître de S. Jean : la concupiscence des yeux, la concupiscence de la vie, la concupiscence de la chair. Et ces trois concupiscences sont présentes en nous, de sorte qu’il y a en nous, toujours, un terrain volcanique. Et de temps en temps les culasses se rallument. Même si nous avons lutté beaucoup sur certains points, orgueil, vanité, concupiscence de la chair, ça peut se réveiller. Personne d’entre nous ne peut dire : Ah, je suis tranquille dans ce domaine là ... je suis arrivé à un haut plateau ... Pas du tout ... Si vous dites cela, c’est un manque de réalisme complet. Ça prouve que vous n’avez pas compris. Mais vous pouvez dire : je lutte, et grâce au Christ, je suis victorieux, et je sais que je lutterai jusqu’au bout. A moins que vous ne mourriez, alors on peut arriver à vivre sans vivre ; à ce moment là il n’y a plus de vie, donc plus de concupiscence. Mais si l’on continue de vivre, il y a nécessairement une lutte. C’est ce 162
qui est exprimé ici. Ce sont les trois concupiscences que Dieu permet. Et Dieu veut qu’elles demeurent. C’est sa permission et sa volonté. A cause des trois concupiscences, nécessairement dans l’humanité, il y aura toujours, la guerre. Jusqu’au bout. C’est impossible autrement. Le ciel ne sera pas sur la terre. Il y aura toujours la guerre. On doit tout faire pour que la guerre n’existe pas, c’est évident, nais on sait que la guerre aura lieu. On sait qu’il y aura toujours la famine. Pas seulement la famine au niveau des céréales et de l’huile, mais la famine au sens beaucoup plus profond : la famine spirituelle, la famine intellectuelle, la famine de ceux qui ne peuvent plus être éduqués chrétiennement. Quand vous pensez à tous les pays qui sont sous l’emprise d’idéologies entièrement athées, vous ne croyez pas qu’il y a la famine ? Il y a une famine terrible, parce qu’il n’y a plus d’enseignement chrétien. Il y a famine parce que la Parole de Dieu n’est plus communiquée. Il y a famine parce que l’Eucharistie n’est plus donnée. Il y a une famine terrible et elle demeure. Vous voyez là encore comme c’est intériorisé. On lutte contre les famines (par exemple dans certains pays d’Afrique) on fait ce qu’on peut. Et la famine continue. Parce que la famine, on peut l’exploiter. Il y a des gens qui l’exploitent. Fatalement. Il y a des complicités avec le démon. On exploite la famine au niveau matériel comme au niveau spirituel. Ensuite il vient le cheval verdâtre, symbolisant cet aspect terrible de la décomposition, de la destruction intérieure. J’allais presque dire de l’angoisse. Parce que l’angoisse c’est comme l’intériorisation du cancer. Psychiquement, l’angoisse, c’est le cancer. C’est quelque chose qui nous saisit, qui nous prend et qu’on ne sait plus par où prendre, car il y a des adhérences partout. L’angoisse est différente de la peur. On a peur du gros chien, mais quand il s’agit de l’angoisse, il n’y a plus d’objet, il n’y a plus rien du tout. C’est quelque chose qui nous saisit. Le cheval verdâtre représente celui qui est angoissé. Vous voyez comme Dieu permet qu’il y ait ce terrain, ce sable mouvant. Nous sommes dedans et pour chacun d’entre nous, il y a la victoire du Christ. Le premier sceau est présent. Ensuite le second sceau est présent. Personne d’entre nous n’ose dire qu’il est totalement en paix. Il y a toujours de petites guerres intestines. Chacun d’entre nous a des ennemis qui de temps en temps désirent nous prendre au tournant. Pour nous et pour ceux qui sont proches de nous, il y a les famines. Même si nous sommes dans les gras pâturages pendant la retraite, on sait très bien que la famine reviendra après. Et elle peut revenir au galop. C’est peut-être la dernière retraite que nous faisons. Et puis il y aura cette contamination qui est toujours sous-jacente. Personne d’entre nous ne peut dire qu’il est complètement à l’abri de l’angoisse, ou de n’importe quelle destruction psychique ça tombe d’un seul coup, comme cela. Mais tout est enveloppé par le premier cheval. On peut se demander : pourquoi n’a-t-on pas mis le premier cheval en dehors des 163
autres ? Cela c’est le langage de Dieu. « Que celui qui comprenne, comprenne ». Dieu nous donne sa victoire par mode symbolique dans la lutte que nous menons. Si nous sommes tout à fait loyaux, nous sommes bien obligés de dire que la victoire du Christ est toujours souterraine. Et donc, à certains moments, cette victoire du Christ peut très bien ne plus apparaître comme victoire. Et ce que nous verrions avant tout, alors, c’est le cheval verdâtre, ou le cheval noir ou le cheval rouge feu. Dieu, dans sa Révélation, nous montre bien que, pour nous tout cela est présent. Evidemment, dans un regard de foi, nous savons très bien que la victoire du Christ dépasse tout et que c’est elle qui est l’alpha et l’oméga. Que c’est elle qui prendra tout et que c’est elle qui doit tout prendre. Mais, de fait, le terrain est miné. Le prince de ce monde maintient sur chacun d’entre nous un certain empire. Nous ne le voulons pas, mais nous le savons ; les conséquences du péché sont là. Elles peuvent devenir des complicités. Elles ne sont pas des complicités tant que nous ne le voulons pas. Tant que nous restons fixés sur le mystère de la victoire du Christ, nous sommes victorieux avec lui. Et Jésus nous humilie et nous permet d’être plus pauvres en maintenant en nous ces trois conséquences du péché. Et à certains moments, elles peuvent être fortes. Les tentations ne sont pas les fautes. Ces trois chevaux sont là présents pour nous faire comprendre que les tentations ne sont pas les fautes. Ce n’est pas parce qu’on est tenté qu’on pèche. Demandons au Saint-Esprit de nous donner un très grand discernement là-dessus. Il y a des moments où l’on ne voit plus très très clair, psychiquement. Mais il n’y a pas de danger si notre volonté est donnée pleinement à Jésus. Il y aura peut-être des moments de faiblesse, mais si notre volonté est donnée pleinement à Jésus, on sait qu’il nous tient et qu’il nous prend. Evidemment, ça peut faire des remous et sentir ces remous, ce n’est pas drôle ! Mais ils sont pour nous la manière d’être plus unis à la lutte du Christ. Jésus a porté l’iniquité du monde. Et par les trois concupiscences qui sont en nous et par leurs séquelles, nous portons l’iniquité du monde. Nous comprenons mieux ce que représentent nos frères qui ne connaissent pas la victoire du Christ. S’il n’y avait pas de premier sceau, si la victoire du Christ n’était pas présente, nous serions livrés à la guerre, à la famine. Heureusement que la victoire du Christ donne une très grande miséricorde. L’Apocalypse donne une très grande lumière miséricordieuse sur la lutte que nous vivons. Si nous nous tenons debout, si nous sommes avec Marie debout au pied de la Croix, c’est à cause de la victoire du Christ. Ce n’est pas grâce à nous, c’est à cause de la victoire du Christ. Si la victoire du Christ n’était pas présente, nous serions comme les autres et peut-être pires. C’est la victoire du Christ qui seule permet de dépasser, d’assumer ces trois concupiscences. Ce mystère des quatre premiers sceaux, des décisions divines, nous met dans une perspective d’éternité par rapport au temps. C’est le regard éternel de Dieu sur le temps. 164
Chacun d’entre nous, nous vivons de ces décisions de Dieu. Personne d’entre nous, s’il a la foi, ne peut dire que les conséquences du péché originel ne le concernent pas. C’est la tactique du démon aujourd’hui de nous faire croire que nous n’avons pas à regarder les conséquences du péché originel. Alors que si nous sommes croyants, nous savons que le péché originel est présent et que ses conséquences demeurent. Et donc, la guerre est intestine, elle est au-dedans de nous-mêmes. Il y a en nous du bon, et du mauvais grain. Et chez notre voisin, de mène. Et nous voyons encore plus le mauvais grain que le bon, puisque le bon grain est souvent très caché ... le cheval blanc ... Très caché. Nous ne sommes pas victorieux visiblement sur la terre. Dans la foi et l’espérance, nous savons qu’il y a cette victoire du Christ et nous misons totalement sur cette victoire du Christ. A certains moments, nous avons beaucoup de peine à y adhérer pleinement. Nous y adhérons volontairement et nous continuons de marcher. A d’autres moments où le Saint Esprit nous permet de toucher cela dans une expérience intérieure. Mais il y a des moments où il faut avancer vraiment dans la foi, la nudité de la foi, 1’obscurité de la foi. Mais nous savons qu’il y a cette victoire La victoire du Christ est au-delà de la psychologie. Tandis qu’au contraire, les trois autres conséquences du péché, elles, sont visibles. Le psychologue n’en saisit qu’une partie. Le croyant va beaucoup plus loin, que lui, parce qu’il sait d’où ça vient, alors que le psychologue ne le sait pas. Le psychologue saisit des petits bouts. Et il veut, à travers les petits bouts, donner un ordre et justifier le tout. On sait, par avance, qu’il ne le peut pas. Nous devons réfléchir à ce problème terrible et très important pour nous parce qu’il regarde directement ce qui nous est montré ici. La victoire du Christ, c’est sa grâce qui reprend l’image de Dieu qui est en nous, à cause des conséquences du péché. Et les conséquences du péché originel, d’une certaine manière, (c’est très délicat à préciser au plan théologique) s’intensifient avec le temps. Il y a comme un progrès du côté de l’extension des conséquences du péché originel. Si vous regardez attentivement les onze premiers chapitres de la Genèse, vous voyez que, d’abord, il y a une faute personnelle, puis il y a des fautes collectives. Il y a des complicités collectives. Et donc, d’une certaine manière, les conséquences du péché originel s’intensifient du côté de l’extension. Pas du côté de l’intensité au sens rigoureux. Mais du côté de l’extension. Alors il faut bien saisir que notre psychologie humaine, puisque nous sommes nés dans le péché, est à la fois la psychologie de celui qui possède la nature humaine, image de Dieu, et de celui qui est né dans un état de péché. Donc, au niveau psychologique, je ne peux pas faire le discernement entre ce qui est image de Dieu et ce qui est conséquence du péché. Et c’est cela le drame de la psychologie. Je ne peux pas faire ce discernement. Pendant 15 ans j’ai dialogué avec des psychanalystes. Ce sont eux qui me l’avaient demandé. Ça m’intéressait beaucoup au plan philosophique. Du reste ça se passait au plan philosophique. Je crois que la psychanalyse ne peut se comprendre vraiment que quand on est en face de gens qui la 165
pratiquent. C’est un art, plus qu’une science. La psychanalyse est de l’ordre artistique, c’est pour cela qu’il y a une telle différence d’un psychanalyste à l’autre. C’est comme entre deux violonistes : Il y a un monde entre celui qui parvient à jouer du violon d’une manière géniale, extraordinaire, il devient violon. Toute sa personne est dans le violon, alors c’est magnifique. Il est entièrement pris dedans. Ou, au contraire, il y a celui qui tape dessus ...
On voit très bien que, dès qu’il s’agit de l’art, l’aspect subjectif de la personne humaine devient très très important : c’est la différence entre l’art et la science. Dans l’art, il y a l’aspect subjectif, et aussi l’inspiration. L’art dépend toujours d’une certaine inspiration. Et dans la psychanalyse, il y a une certaine inspiration. Si le médecin sent son malade, il le devine, il le comprend. Au plan scientifique, au plan des méthodes, on ne peut saisir qu’un aspect du problème. La psychanalyse ne saisit jamais totalement l’homme en tant qu’il est l’image de Dieu. Elle ne saisit pas l’homme dans sa finalité. Elle saisit le conditionnement de l’homme. Et le conditionnement de l’homme est celui de l’homme pécheur, de l’homme né dans le péché originel, avec toutes ses conséquences. Dès lors, libérer l’homme, qu’est-ce que ça veut dire ? Libérer l’homme, ce n’est pas permettre à l’homme de redécouvrir sa finalité, c’est tout simplement supprimer les limites du conditionnement. Et, à ce moment-là, on ne libère pas l’homme au sens rigoureux, on enlève certains obstacles. Ça c’est vrai : on peut enlever certains obstacles. Mais est-ce que vous n’en remettez pas d’autres ? Pour vraiment libérer l’homme, ne faut-il pas lui donner le sens de sa finalité ? Nous ne sommes libres que par notre finalité, qu’en la découvrant. Nous ne sommes pas libres autrement. C’est ce que disait d’une façon très belle et très intelligente, un philosophe de l’antiquité, Plotin : « Faisons toujours attention aux dépendances qui viennent d’en haut et aux dépendances qui viennent d’en bas. » Les dépendances qui viennent d’en bas nous lient. Les dépendances qui viennent d’en haut nous libèrent. Je crois que ce discernement, on ne peut pas le faire au plan psychologique, mais uniquement au niveau philosophique. Au niveau philosophique nous pouvons comprendre qu’être finalisé, est une dépendance qui nous libère. Quelqu’un qui est parfaitement déterminé dans sa vie et qui fait ce qu’il veut, celui-là est très fort. Celui au contraire qui est parfaitement limité et déterminé par le temps, c’est à dire qui est uniquement dépendant et prisonnier de son conditionnement, celui-là est aliéné. Donc les dépendances qui viennent d’en bas, de notre conditionnement, nous limitent et nous aliènent. Les dépendances qui viennent d’en haut, nous libèrent.
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Or, je crois que si on est attentif à ces quatre premiers sceaux, c’est bien cela qui nous est montré. Il faut discerner notre finalité. Notre finalité, c’est la victoire du Christ. Elle nous est donnée dans le Christ en tant que croyant. Nous n’avons pas d’autre finalité que celle de Jésus. C’est pour cela que nous sommes revêtus du Christ. La finalité du Christ à la Croix, c’est justement d’accomplir la volonté du Père. Et nous sommes conditionnés par les conséquences du péché. Conditionnement humain des trois concupiscences : conditionnement de notre état de pécheur qui fait toutes ces limites qui sont en nous. Jésus nous libère en nous maintenant dans notre conditionnement humain. Il ne nous donne pas un état de gloire. Il nous libère, et il nous permet de comprendre que nous devons essayer de nous libérer de plus en plus des concupiscences qui sont en nous. Mais tant que nous sommes sur la terre, nous ne pourrons jamais dire que nous en sommes totalement libérés, parce qu’elles sont congénitales à notre être. Nous sommes nés dans les conséquences du péché qui sont donc naturelles au sens congénital, mais pas naturelles au sens de la finalité. Ce discernement est très très important et ne peut pas se faire au niveau psychologique. La psychologie ne peut donc jamais être une règle de vie. La psychologie nous donne des éléments que vous devrez reprendre dans votre prudence chrétienne. Toujours. Le jour où vous vous laissez conduire par la psychologie, nous ne savez plus où vous allez. Parce que vous restez dans votre conditionnement. Et très souvent, le conditionnement le plus visible, c’est le conditionnement du pécheur.
Entrons dans le 5ème sceau. « Et lorsque l’agneau ouvrit le 5ème sceau, je vis, sous l’autel, les âmes de ceux
qui avaient été égorgés à cause de la Parole de Dieu, et du témoignage qu’ils avaient rendu ». (6, 9) Donc le 5ème sceau nous donne un regard sur l’état du chrétien en tant qu’il est martyr, en tant qu’il est témoin. Nous sommes tous des martyrs, tous des témoins, si nous sommes fidèles, dans le sens que nous voulons suivre le Christ, que nous voulons l’aimer et que nous savons que sa victoire est sur nous. Donc, en tant que chrétiens, nous sommes martyrs. Alors, il y a une petite tentation que va souligner le 5ème sceau. Parce que le 5ème sceau, ce n’est pas le dernier. Ce n’est pas le 7ème, c’est le 5ème. C’est très curieux, le 5ème sceau, car c’est le accent où on voudrait que ça s’arrête. Il décrit un moment où l’on est fidèle et où l’on voudrait dire : c’est suffisant. Elie criait d’une voix forte : (on entend cela grâce au 5ème sceau) « Jusques à quand, maître saint et véridique, ne juges-tu pas et ne venges-tu pas notre sang en le redemandant à ceux qui habitent sur la terre … » (6, 10) C’est 167
l’expression de l’Apocalypse : « qui habitent sur la terre … » et il faut bien la comprendre. En tant que chrétiens, nous ne sommes plus des habitants de la terre. Vous n’êtes plus du monde. Les habitants de la terre, ce sont ceux qui mettent leur finalité sur la terre. C’est le langage de l’Apocalypse. Parce que autrement, on ne comprend plus rien du tout. Et cela, on le découvre progressivement. Quand on lit progressivement l’Apocalypse, on voit bien que : « à ceux qui habitent la terre » signifie: ceux qui dressent leur demeure sur la terre. Pour nous, notre demeure est dans le ciel. Et nous sommes liés au mystère du Christ. Donc la victoire du Christ est à nous. Et pour cela nous sommes reliés au ciel. Tandis que les « habitants de la terre », nous dirions aujourd’hui que ce sont les matérialistes. Les habitants de la terre, ce sont ceux qui mettent toute leur finalité dans ce qu’ils voient, ce qu’ils constatent. C’est le positivisme très absolu, le matérialisme très absolu qui considère qu’il n’y a de finalité que sur la terre. C’est ça les « habitants de la terre ». Entendez ce cri des témoins du Christ qui ne sont pas encore arrivés au terme. Ils s’arrêtent. La grande tentation est de s’arrêter. La grande tentation est de se replier sur soi-même en disant : « ça va jusque maintenant, mais je vous en supplie, n’allez pas plus loin ». « Ils crièrent d’une voix forte disant jusques à quand, maître saint et véridique,
ne juges-tu pas et ne vendes-tu pas notre sang en le redemandant à ceux qui habitent
sur la terre ? » Comme si Abel demandait de venger son sang sur Caïn. C’est le cri d’Abel, qui est déjà témoin, et qui trouve que c’est suffisant. « Et il leur fut donné à chacun une robe blanche. Et il leur fut dit de se tenir en repos (repos contemplatif et non repos matériel) encore un peu de temps ». Quand on est pris par cette tentation, il faut recevoir la robe blanche, comprendre le pouvoir sacerdotal que le Christ nous donne, qui est de porter ceux qui nous attaquent, de porter nos ennemis. Nous devons être victorieux de nos ennemis, par l’intérieur, par le point de vue de la robe blanche et de ce repos contemplatif. « Il leur fut donné à chacun une robe blanche et il leur fut dit de se tenir en
repos encore un peu de temps jusqu’à ce que fussent au complet et leurs compagnons d’esclavage et leurs frères qui vont être tués tout comme eux ». (6, 10, 11) C’est leur donner beaucoup de courage que de leur faire comprendre qu’il faut patienter de la patience de Dieu. Dieu leur demande de demeurer fermes. Je crois que c’est très important ce 5ème sceau. C’est un moment où Dieu fait comprendre qu’on est fidèle, qu’on a bien accompli tout ce qu’il voulait qu’on fasse ; on est martyr, sanglant ou non sanglant, peu importe, mais on est martyr. Et à ce moment-là, il y a une petite 168
tentation de dire : « Seigneur, je vous en prie, exercez votre jugement maintenant ». De temps en temps, on a comme ça des démangeaisons ! On a tenu bon, mais est-ce qu’on va tenir encore ? On voit très bien que tous les autres augmentent et que l’impiété s’installe de plus en plus. Alors qu’ils partent, qu’ils glissent ... Alors, à ce moment-là vient la réponse : la robe blanche et le repos. Il faut tenir et aller plus loin. Et Jésus veut que nous allions plus loin. Ce n’est pas nous qui mesurons les luttes que Jésus veut que nous supportions. A certains moments, elles peuvent nous paraître suffisantes, on en a par-dessus la tête, pour ne pas dire autre chose. On a l’impression qu’on va crouler comme les autres, et l’on supplie le Seigneur d’agir. Alors il nous demande d’être patient, d’une patience divine.
Il faut se préparer au 6ème sceau avec la robe blanche et le repos, parce qu’on ne peut passer au travers que s’il y a la robe blanche et le repos, c’est à dire cette conviction de ce sacerdoce royal qu’on a reçu, avec le Christ, qui nous fait faire œuvre commune avec Jésus et qu’on a ce repos intérieur de l’âme, c’est à dire cette soif de contemplation. Je crois que le 6ème sceau, on ne peut le passer que dans ces conditions. Le 6ème sceau nous fait saisir ce qu’on appelle ordinairement « l’aspect apocalyptique » parce que c’est l’aspect ultime de la terre. Le 7ème sceau est justement celui qui, d’une certaine manière n’est plus de la terre. « Et lorsque l’agneau ouvrit le 7ème sceau, il y eut un silence d’environ une demi-heure » (8, 1) Ça, c’est l’entrée dans le ciel. Ce n’est plus de la terre. Le 7ème sceau, c’est le chapitre 21 : Nouveau ciel, nouvelle terre. Et le 7ème sceau rejoint le premier : c’est la victoire éclatante. C’est pourquoi il y a un grand silence ! C’est pour cela que le 6ème sceau décrit les luttes dernières, ultimes. Et c’est pour cela qu’il y a un tout petit moment de repos avant. Dieu est très miséricordieux. Il donne ordinairement des petits moments de repos avant la dernière lutte. C’est vrai pour chacun d’entre nous, c’est vrai pour toute l’histoire de l’Eglise. C’est cela qui est extraordinaire. Ces sceaux sont vrais pour toute l’histoire de l’Eglise. Toute l’histoire de l’Eglise est déterminée par eux. Parce que chaque chrétien est déterminé par ces sceaux. Alors, pour nous, il y a le 6ème sceau. Et pour l’Eglise d’aujourd’hui il y a le 6ème sceau. On se demande si l’Eglise d’aujourd’hui n’est pas au 6ème sceau. Je ne pose la question. Il faut se la poser. Et donc pour chacun d’entre nous aussi. « Il y eut une grande secousse (une secousse apocalyptique). Et le soleil devint noir comme un sac de crin. Et la lune entière devint comme du sang » (6, 12) Les choses apocalyptiques sont toujours unies aux choses cosmiques ... Toujours. 169
Nous sommes dans l’univers, et alors, il y a le soleil et la lune qui jouent un rôle important dans notre vie. Et qui symbolisent quelque chose de très important. « Et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre. Comme un figuier jette ses fruits encore verts quand il est secoué par un grand vent. » Cette tornade, on la voit : le figuier qui porte encore des fruits verts jette ses fruits par terre parce qu’il est trop secoué. On donne cette image pour faire comprendre comment les étoiles du ciel tombent sur la terre. Pauvre petite terre. Il suffirait qu’une petite étoile tombe sur la terre pour que ça n’aille pas très très bien. Quand une comète s’approche de la terre et une comète ce n’est pas grand chose on commence à avoir peur et l’on dit : pourvu que ça n’approche pas trop ! Si ça s’approchait, on serait tous grillés. Ce serait vite fait. « Et le ciel se retira comme un livre qu’on roule. Et toutes montagnes, îles, furent ôtées de leur place ». Les secousses vont loin. L’ordre visible de la terre, la figure de notre monde, est quand mène assez bouleversé. « Et les rois de la terre, et les grands, et les capitaines, et les riches, les puissants et tout esclave et homme libre, se cachèrent dans les cavernes et dans les rochers des
montagnes. Ils disaient aux montagnes et aux rochers: tombez sur nous. Cachez-nous
de la face de celui qui est assis sur le trône, et de la colère de l’Agneau ; car il est venu le grand jour de leur colère, et qui peut tenir ? » ( 6, 12, 17) Ce n’est pas très drôle, le 6ème sceau. On voit très bien la colère de Dieu. C’est encore la même chose : Dieu laisse au démon un très grand pouvoir. Ce n’est pas Dieu qui détruit son œuvre. Dieu ne détruit rien. Qui est-ce qui veut détruire notre planète ? C’est le démon. Le démon est enragé. (Cela nous pouvons le dire en fonction de toute l’Ecriture). Je ne veux pas vous faire ici un grand cours sur le péché, de Lucifer, quoiqu’il soit très important quand on regarde l’Apocalypse. Car l’Apocalypse ne peut se comprendre que lorsqu’on regarde le dragon, le serpent antique qui est Lucifer ou Satan. Le démon joue un rôle qui fait partie des décisions de Dieu. Dieu, dans ses décisions sur notre petite planète et sur nous, sur l’Eglise, ne fait pas abstraction du démon. Nous n’avons pas le droit de mettre entre parenthèses le démon. Si nous le mettons entre parenthèses, nous faisons une abstraction qui est fausse, et qui nous empêche de voir les choses comme elles sont. Et c’est pour cela que, dans le 6ème sceau, nous voyons les permissions de Dieu à l’égard des interventions personnelles du démon. Les sceaux du cheval rouge, du cheval noir et du cheval verdâtre montraient les conséquences du péché qui sont en nous. C’est bien l’œuvre du démon mais ce n’est pas seulement l’œuvre du démon. C’est la nôtre aussi, à cause de notre état de pécheur. Le démon agit sur nous de cette manière souterraine par les conséquences du péché. Car le démon est un psychanalyste de premier ordre. Il connaît toutes les conséquences du 170
péché, tout le psychisme, tout l’imaginaire qui est en nous : c’est le prince de l’imaginaire, le démon. C’est extraordinaire : il connaît cela parfaitement, merveilleusement. Nous avons de petites connaissances tandis que lui connaît cela parfaitement. Nous lui avons appartenu au point de départ. Il connaît notre psychisme, il le connaît très bien. Mais il ne connaît pas les secrets des cœurs, car ce n’est pas le psychisme, le secret des cœurs. Le secret des cœurs ; c’est notre volonté, notre volonté ordonnée à Dieu. C’est l’amour. L’amour lui échappe. Quand notre cœur aime, il échappe au démon. Et il ne pénètre pas dans notre intelligence. Mais le psychisme, l’imaginaire, tout cela, le démon le connaît parfaitement. Et il sait très bien se servir des ficelles. C’est l’attaque souterraine du démon. C’est ce qui est montré dans le début de la Genèse à propos du péché de Caïn. Le démon est tapis, il n’est pas extérieur. Il est tapis au dedans, caché. Le démon agit d’une façon souterraine, par notre imagination : de temps en temps il nous passe des trucs invraisemblables, comme les tentations de jalousie qui sont toujours un peu souterraines et d’ordre psychologique. Les tentations de jalousie conduisent au meurtre, conduisent donc à la guerre: toutes les guerres sont faites par jalousie, par rivalité. S’il n’y avait pas de jalousie, il n’y aurait pas de guerres. Elles sont l’œuvre du démon qui agit sur l’imaginaire pour nous mettre en opposition, nous faire croire que ... et ainsi de suite ... On vit sur ce terrain mouvant, et ensuite, le démon agit directement. Par les conséquences du péché, l’action du démon se fait toujours par l’intermédiaire de l’imaginaire, tandis qu’il y a une action directe du démon où Dieu lui laisse un certain pouvoir. Or le démon, Lucifer, a refusé d’obéir. Les anges ont été créés dans la foi. Et il y a eu une épreuve. Et il y a eu cette épreuve pour Lucifer comme pour les autres anges. Lucifer a refusé d’obéir quand Dieu lui a fait comprendre que son chef d’œuvre était l’homme et la femme. Et que les petits derniers, dans la famille de Dieu, étaient capables d’aimer plus. Et que Dieu pourrait faire de la petite dernière, la femme, son chef d’œuvre. Lucifer n’a pas accepté que Dieu qui est lumière, puisse réaliser un univers matériel et qu’en se servant de la matière il puisse réaliser son chef d’œuvre. Ce n’est pas digne du Dieu lumière ! Le démon n’a pas accepté que le chef d’œuvre de Dieu soit un chef d’œuvre d’amour. Il aurait voulu que le chef d’œuvre de Dieu soit un chef d’œuvre de lumière. Cela il l’aurait bien accepté. Mais que le chef d’œuvre de Dieu soit un chef d’œuvre d’amour, c’est incompréhensible ! Si Dieu n’était que lumière, il n’aurait pas créé la matière. C’est l’amour de Dieu qui fait comprendre comment Il crée la matière. Parce que la matière est toute entière ordonnée à la communication de l’amour. La matière, c’est le plus petit, le plus faible. C’est justement ce qui nous met dans un état de dépendance très radicale. La matière est 171
le soubassement dernier, le fondement dernier de toute notre vie biologique. Elle est ordonnée à autre chose. A quoi ? A l’épanouissement de l’amour. Notre vie biologique permet la fécondité. Il n’y a pas de fécondité dans les anges. C’est pour cela que le démon est tellement farouche contre la fécondité. Il ne la comprend pas ; dans son domaine angélique ; Dieu a voulu que toute cette vie biologique qui est quand même quelque chose d’invraisemblable. La simplicité de Dieu fait des choses si complexes ... C’est si complexe, la vie biologique. Plus on avance plus on en voit la complexité. Et en même temps, tout est ordonné vers quelque chose de simple. Toute la vie biologique est ordonnée à l’amour. Elle permet que Dieu communique à des êtres, qui sont des créatures, d’être sources de vie. C’est cela la fécondité : être source de vie. Et il fallait le mystère de la matière pour pouvoir réaliser la fécondité. Il n’y a pas de fécondité dans les purs esprits. C’est le point de vue biologique qui permet la fécondité, qui permet la source de la vie, la communication de la vie.
Je crois que là se situe la révolte de Lucifer. Il s’est révolté contre un Dieu qui crée un monde matériel pour aller plus loin dans la communication de sa vie. Pour aller plus loin dans la communication, de l’amour. Grâce à la matière, Dieu a pu aller plus loin dans la communication de son amour. Et c’est cela que Lucifer n’a pas accepté. C’est donc une faute d’orgueil, un refus d’obéissance. Lucifer est persuadé d’être dans la vérité. Et il veut montrer qu’il est dans la vérité. Et pour le prouver, il faut montrer que la création d’un monde matériel est absurde, qu’elle n’a pas de sens, que c’est le hasard, que ça ne signifie rien du tout, qu’il n’y a plus de finalité. Le conditionnement est tel que la finalité est impossible. Parce que, quand la chose est très complexe, le conditionnement devient quelque chose de tellement fort que la finalité risque de disparaître. Et le démon est celui qui désire par tous les moyens détruire notre planète. Il faut le savoir. Cela fait partie de ce qui nous est révélé. Pas immédiatement, mais c’est implicite. Le théologien doit essayer de comprendre cela. Dieu ne mettra plus fin à notre univers. Il y a l’arc-en-ciel. Dieu ne veut pas détruire ce qu’il a fait. Et Dieu ne peut pas détruire ce qu’il a fait. C’est impossible Il peut changer ce qu’il a fait, d’un changement très, très radical Et le changement très radical, c’est le nouveau ciel et la nouvelle terre. Mais le nouveau ciel et la nouvelle terre n’impliquent pas l’anéantissement du premier. C’est une transformation, une transformation totale, une transformation merveilleuse Avec une certaine discontinuité qui existe entre les deux. Et le démon, Lucifer, lui veut détruire notre petite planète. Il veut détruire la vie. Il veut détruire la fécondité par tous les moyens. Fécondité au niveau biologique. Nous commençons à le voir. Mais nous verrons des choses encore plus étonnantes. Si l’on regarde l’Apocalypse, on verra des choses encore plus étonnantes qui sont peut-être très 172
proches. Ça va très vite maintenant. Tout va très vite. L’évolution scientifique a une rapidité extraordinaire. Les savants disent (ils me l’ont dit il y a trois ans) que pendant les six dernières années, le capital des conclusions scientifiques avait doublé. Les six dernières années. Avant, il fallait 160 ans, et avant, il fallait 600 ans ... 800 ans ... Alors, vous voyez la rapidité des événements. Autrement dit, les découvertes scientifiques vont toujours plus vite, et leur application va toujours plus vite. Ça va tellement vite qu’on ne peut même plus penser comment les utiliser. Alors c’est l’usage pour l’usage. C’est l’application pour l’application. Et de l’homme, on ne parle plus. C’est la chose terrible. L’homme, on le laisse de côté, on ne regarde que le développement de la science, comme si c’était une finalité ! Cela c’est démoniaque. C’est l’emprise du démon sur l’intelligence humaine : faire que l’homme oublie sa finalité. Et faire toujours aller de plus en plus vite dans le développement scientifique ; et comme c’est une pendule qui est bien remontée, c’est très difficile de l’arrêter. C’est une chose qui va très vite une fois que l’homme est pris dedans.
Alors je crois que c’est cela qui nous est montré au 6ème sceau : l’emprise du démon sur notre univers, la permission de Dieu. Dieu a permis cela, parce que, de fait, Dieu veut que nous utilisions pour notre sainteté la rage du démon. Ce n’est pas commode. On aimerait mieux ne pas entendre la rage du démon, mais Dieu veut que nous utilisions pour notre sainteté les colères du démon. Cela fait partie de notre prédestination. Jésus a lutté contre le démon dans un dialogue serré. Et, à la Croix, Jésus a lutté contre le démon qui, après une attaque directe, a fait une attaque indirecte en se servant des grands prêtres, en se servant de Judas, en se servant de Pilate. Le démon est présent à la Croix. Et le démon est présent au sépulcre. Il croit être victorieux. Il est arrivé à détruire le corps du Christ. Et le corps du Christ, c’est le chef d’œuvre de notre univers. Notre univers n’a jamais fait quelque chose d’aussi grand que le corps du Christ. C’est notre univers qui l’a fait : c’est la Femme. C’est Marie qui a été source de vie, de vie biologique, pour son Dieu. Et le corps du Christ c’est le chef d’œuvre biologique de notre univers. C’est le chef d’œuvre divin qui n’a jamais été aussi beau, aussi grand. Là on atteint un sommet qu’on ne dépassera jamais : la splendeur, la beauté, la perception de ce que représente le corps du Christ, formé par Marie, sous l’action de l’Esprit Saint. Le démon a pu Dieu lui en a laissé le pouvoir s’attaquer au corps du Christ, et vouloir le détruire. Il a tout fait pour tuer Jésus. Puisque le peuple d’Israël, conduit par les grands prêtres, a crié : « crucifiez-le ! ». Et Pilate, qui représentait le pouvoir temporel, le pouvoir politique, aurait pu tout arrêter. Il a laissé faire. Il a abandonné Jésus. Jésus a été crucifié. Tout cela c’est l’action du démon. C’est le démon qui se sert des hommes et qui agit sur le corps du Christ, qui veut détruire le chef d’œuvre de notre univers. Le démon a tout fait pour tuer Jésus avant que la mort n’ait atteint le Christ 173
puisque la mort ne pouvait rien sur Jésus. Aucune blessure ne pouvait tuer Jésus puisqu’il est Dieu. Jésus a offert librement son âme. Il s’est offert au Père. Et le démon veut encore avoir un droit sur le cadavre du Christ, ce cadavre qui est remis à la terre, à l’anonymat de la terre. Comme le démon croit toujours qu’il a un droit sur la terre, et que le cadavre du Christ est remis à la terre, il croit avoir un droit sur ce cadavre. Il n’a aucun droit puisque c’est le cadavre d’un Dieu. C’est le Verbe devenu chair qui assume ce cadavre. Et le démon le poursuit jusqu’au bout. C’est pour cela qu’il y a même ces soldats qui sont là pour le garder. Cela va très loin ! Or ce qui est fait à l’égard de Jésus, le démon le fait à l’égard de l’Eglise, et à l’égard de l’humanité. Le démon veut détruire notre humanité parce qu’il l’a en haine. Il ne peut pas supporter que Dieu ait réalisé son chef d’œuvre dans l’humanité. Alors il désire, par tous les moyens, avec son intelligence à lui, la détruire, en se servant de l’homme. Il s’oppose toujours à la conduite de Dieu. Dieu a sauvé l’homme par l’homme dans le mystère du Christ. Dieu a sauvé l’homme par son Fils. Et son Fils s’est fait homme pour que l’humanité soit sauvée par Jésus, le Verbe devenu chair. Et le démon veut détruire l’homme en se servant de l’homme. Dans l’Apocalypse, c’est assez net. Je crois qu’il faut bien saisir ici, au 6ème sceau, l’action directe au démon qui essaie d’effrayer l’homme pour lui montrer que c’est fini, qu’on ne peut plus avoir d’espérance. Il va plonger l’humanité dans le désespoir, en montrant qu’il est le prince de ce monde et qu’il peut faire ce qu’il veut. « Le soleil devint noir comme un sac de crin ». C’est très difficile de savoir, symboliquement, ce que cela veut dire. Il ne faut pas matérialiser : c’est symbolique tout cela. Mais d’un symbolisme divin. Donc, il y a un fondement dans la réalité. Ce n’est pas du tout un symbolisme à la manière de Jung, du pur symbole. Mais cela a un fondement dans la réalité. « Le soleil devint noir comme un sac de crin ». A ce moment là, le soleil disparaît. Le soleil, symboliquement, exprime la présence de Jésus. La Femme est revêtue du soleil. Dieu dit : « que la lumière soit, et la lumière fut ... » Et il nous a donné un astre qui exprime la lumière, si vous regardez le début de la Genèse. Il faut comprendre l’Ecriture par l’Ecriture. Le soleil, c’est à. la fois la source de la vie et le Christ ; si on n’avait plus de soleil, il n’y aurait plus de vie. Les anciens disaient : « L’homme engendre l’homme avec le soleil ». Parce que, si le soleil n’était pas là, il ne pourrait pas y avoir de vie. C’est vrai. Si le soleil disparaissait pendant toute une année, vous verriez que ça ne serait pas très drôle. C’est l’action du démon pour essayer de supprimer le soleil, pour supprimer la vie, qui nous est montrée: « il devient noir comme un sac de crin ». Et, plus profondément, le soleil c’est le Christ. Donc, il faut supprimer la présence de Jésus. A sa manière. On pourrait même dire ici parce que l’eucharistie est une 174
présence au milieu de nous que le démon essaie de supprimer cette présence. Ne plus permettre de présence. Car le soleil symbolise une présence de chaleur et d’amour. Quand on a froid, on se met en plein soleil, et l’on se réchauffe et l’on se détend, et ça fait du bien. Alors le démon veut supprimer cela : « Il devient noir comme un sac de crin. Et la lune entière devint comme du sang ». La lune, c’est à dire la beauté de la lune, sa splendeur. Elle reflète le soleil. La lune symbolise aussi Marie : « Belle comme la lune ! » C’est cette chose très curieuse, la lune. Elle agit aussi beaucoup sur notre univers et sur le rythme profond de la vie. Nous sommes, dans notre vie biologique, reliés au soleil et à la lune. Il y a des influences des deux : chez certains l’influence de la lune est plus forte et chez d’autres, c’est l’influence du soleil. Vous voyez bien, le chien qui crie à la lune ... Vous avez déjà vu cela ! Le petit chien fait comprendre ce qu’est notre vie biologique. Et le petit chien, quand il crie à la lune, il nous fait comprendre quelque chose. « Alors la lune entière devint comme du sang ».
Il n’y a plus aucune beauté, mais seulement le climat du sang, le climat de la brutalité et de la violence. La lune donne habituellement un climat de paix. Ici, c’est l’inverse, c’est l’antithèse : c’est très net. Le démon ne peut pas admirer notre univers tel que lieu l’a créé. Le démon c’est l’antithèse. Il est « anti ». Il ne crée rien. Il est en opposition à l’égard du soleil et de la lune puisque ces astres jouent ce rôle très important. On peut dire cela aussi par rapport à Marie. Comme le soleil qui est la présence de Jésus, la lune est la présence de Marie. Le démon veut supprimer ces deux présences. C’est ce que je vous disais au début de la retraite. Vous le retrouvez ici, au 6ème sceau. « Et les étoiles tombaient sur la terre comme un figuier jette ses fruits encore verts, quand il est secoué par un grand vent. » C’est la destruction de toute la fécondité. Quand les fruits sont verts, les dents des petits fils en sont agacées. Ça veut dire qu’il y a une famine, mais une famine très différente de la famine habituelle : c’est la destruction par la grêle tombant sur la vigne qui commence à fleurir, par un orage qui passe rapidement et qui, en dix minutes, détruit tout le travail de l’année. Ce n’est pas drôle du tout. Je ne dis pas que c’est forcément l’œuvre du démon. Ce qui est sûr, c’est que Dieu peut laisser au démon un pouvoir comme celui-là. Il y a quelque chose d’analogue ici, mais de beaucoup plus général, symbolisé par les étoiles du ciel. Henri Poincaré qui n’est pas un Père de l’Eglise, a dit entre autres choses 175
intéressantes (il n’est pas le seul à l’avoir dite, mais il l’a dite d’une façon très étonnante) : « l’ordre des étoiles dans le ciel est ce qui a donné à l’homme le sens du nécessaire en premier lieu ». En étudiant la physique à travers tous les temps, on voit que Dieu nous dit quelque chose de semblable. Il y a là quelque chose de très vrai. Pourquoi Dieu a-t-il mis au-dessus de nous cette voûte céleste ? C’est ce que disait le guide du Palais des Papes à Avignon, avec son accent merveilleux : il y avait toutes espèces de gens qui étaient là. Il y a au moins 20 ans de cela ; en premier lieu il nous rassemblait dans la cour intérieure. Puis il regardait sérieusement chacun d’entre nous comme s’il allait dire une vérité extrêmement profonde ; « avant de commencer, regardez bien, regardez bien cette voûte extraordinaire, la plus belle du monde ! Elle a été faite par un architecte qui n’a pas été à l’école ». Les gens se regardaient, puis il leur montrait la voûte céleste. C’est merveilleux cela. C’est bien ce que dit Poincaré : Dieu a donné à l’homme cette chose extraordinaire que les gens simples, les primitifs comprennent : le ciel ... les étoiles … l’ordre des étoiles, qui nous donnent le sens du nécessaire. Les choses dans la nature sont ordonnées. L’ordre est nécessaire. Le sens de l’ordre nous est donné par le point de vue de la voûte céleste. Les premiers philosophes étaient des gens qui regardaient le ciel. Aujourd’hui, on ne regarde plus que l’homme et on ne voit plus l’ordre, surtout au plan psychologique où l’on ne voit plus que le désordre. Tandis que si l’on regarde un peu plus le ciel, on comprend : il y a quand même un ordre qui demeure. Alors vient cette chose très étonnante : « Les étoiles du ciel tombent sur la terre ». La terre, c’est le monde sublunaire du désordre, de la corruption et de la relativité. Voilà ce qui nous est montré. Le démon est arrivé à faire que les étoiles du ciel tombent sur la terre. L’homme n’a plus aucun sens de l’absolu et du nécessaire, il est dans la relativité pure. Et donc dans la relativité pure on peut faire tout ce qu’on veut. Il n’y a plus d’ordre, il n’y a plus d’amour, il n’y a plus que la relativité. Il y a trois œuvres du démon : cacher la source de la vie, le soleil. Cacher la source de la beauté, la lune. Cacher la source de l’ordre et du nécessaire, en faisant tomber les étoiles ; ce sont ses trois grandes attaques exprimées symboliquement et caractérisées par le 6ème sceau. Le démon est parvenu à faire que notre univers, qui nous a été donné par Dieu, ne nous parle plus de Dieu. L’univers appartient à Dieu : les galaxies, les étoiles appartiennent à Dieu. C’est un ordre virginal que celui des étoiles : parce qu’on n’y a pas encore touché. Mais dans la lutte ça commence à le devenir un peu moins. Prenons la lune : l’homme commence à y mettre ses pieds. Avant, c’était quelque chose qui était resté dans un ordre magnifique. On est heureux de temps en temps de trouver un paysage où l’homme n’est pas passé, une terre absolument pure, limpide, sans rien du tout. C’est pour cela que les étoiles, c’est si reposant ! Elles nous donnent une espèce de nostalgie ... 176
Le démon agit sur notre univers pour qu’il ne nous parle plus de Dieu. Pensez aux grandes prophéties de Nietzsche : elles sont très éloquentes là-dessus. Nietzsche dit : « l’homme, quand il est en face de la nature et dans la nature, il parle de la mer, de la montagne en disant : c’est divin ... » Et la nature lui parle de Dieu. Il faut enlever ce revêtement divin pour habituer l’homme à ne plus voir que l’œuvre de l’homme. Et l’homme habitant dans la ville ne voit plus que l’œuvre de l’homme et donc il ne voit plus que la relativité. Ce qu’on a construit il y a 30 ans est déjà vieux. Aujourd’hui, pour combien de temps construit-on les immeubles ? Comme tout est relatif ... Avant on construisait pour que ça dure: les pyramides ... Et plus on avance plus on voit cette relativité s’emparer de tout. C’est vrai: toute l’économie est d’une relativité absolue. Et c’est terrible d’être vieux aujourd’hui parce qu’on est en dehors de l’économie. L’économie flambe : elle ne tient plus compte de ceux qui sont à la retraite. Oui, elle en tient un tout petit peu compte, mais bientôt elle n’en tiendra plus compte. Elle dira : « non, vous n’êtes plus productifs, vous n’avez plus aucun intérêt. » C’est très nettement cette relativité qui s’empare de tout. Le démon se sert même de ce monde qui nous a été donné par Dieu qui nous permet de le glorifier, pour y mettre sa patte, sa griffe. Il est l’anti-univers. « Et le ciel se retire comme un livre qu’on roule ». Le ciel qui est l’œuvre de Dieu. La tour de Babel ... C’est le 6ème sceau. Une tour qui atteint le ciel et le démon est arrivé à faire cela. Et donc, on comprend : « et le ciel se retira comme un livre qu’on roule ... » On ne regarde plus que ce qui vient de l’homme, c’est la seule chose intéressante. « Et toutes montagnes, îles, furent ôtées de leur place. » La place des montagnes, dans la nature, vient de Dieu. Mais on veut leur donner une autre place, les situer autrement. On veut changer. C’est vrai qu’on voit cela : quand on pense à certains paysages de Jérusalem transformés par les bulldozers, quand on voit le lac de Tibériade et ce que les hommes peuvent en faire, très, très rapidement ... « Et les rois de la terre, et les grands, et les capitaines et les riches, et les puissants et tout esclave, et tout homme libre ... se cachèrent dans les cavernes ». Voilà ce que le démon arrive à faire. La relativité pure conduit nécessairement à l’angoisse. Il n’y a plus aucun lieu où l’on puisse s’abriter. Avant, il y avait encore des lieux sûrs ; maintenant tout est pris par cette relativité absolue, par cet espèce de tournoiement invraisemblable, représenté par le figuier ... On le voit très bien. Il ne s’agit pas seulement de telle ou telle caste, de tel ou tel rang d’humanité. « Les rois de la terre, les grands, les capitaines, les riches, les puissants, les 177
esclaves, l’homme libre se cachèrent dans les cavernes ... » Tous les hommes se retrouvent là dans l’œcuménisme de l’angoisse. Le démon fait exprès des oppositions de castes. Il entretient les oppositions pour détruire, tout en montrant que tous les hommes sont au mène niveau. Il les met tous dans l’angoisse et il maintient cette angoisse terrible qui est le fruit de son action, car l’angoisse annihile l’homme et l’empêche de s’adresser à Dieu. Quelqu’un qui est angoissé est complètement annihilé. « Ils se cachèrent dans les cavernes de la terre et dans les rochers des montagnes ... » Ils ont peur, ils se cachent et ils s’adressent aux montagnes et aux rochers. Alors vous voyez, la prière est inversée : on ne prie plus Dieu, on prie le cosmos. C’est curieux comme l’homme a besoin de prier. Et quand il ne prie plus Dieu, il se met à prier les montagnes et les rochers, et les abris qui demeurent encore : « Tombez sur nous », ils veulent hâter la fin. « Tombez sur nous, cachez-nous de la face de celui qui est assis sur le trône et de la colère de l’Agneau ». Ce n’est pas un remord, c’est une peur, une panique. « Car il est venu le grand jour de leur colère, et qui peut tenir ? » (6, 14, 17) On montre que le démon peut à la fois changer complètement l’ambiance et le milieu environnant. Il peut changer complètement la lune, le soleil, les étoiles. Mais il y a quelque chose dans le cœur de l’homme que le démon ne peut jamais atteindre, quelque chose qui demeure sacré. Il y a quelque chose dans l’intelligence de l’homme qui est toujours relié à Dieu. Et c’est pour cela que, au moment de la peur, de la crainte, quand le démon voudrait que l’homme oublie Dieu, quand l’homme a peur, il se ressouvient qu’il y a un Tout-Puissant. Il a peur, mais il retrouve quand même son sens religieux « car il est venu le jour, le grand jour de leur colère et qui peut tenir ? » Il nous est montré comment l’orgueil de l’homme, l’orgueil collectif de l’homme, symbolisé par la tour de Babel, en un rien de temps, dégringole, en raison même de l’angoisse. Parce que celui qui est angoissé ne peut pas monter sur la tour de Babel. Quand on est angoissé, on ne monte même pas une marche, c’est impossible. Ça nous prend et ça nous saisit de telle manière qu’on ne peut plus rien faire du tout. Tout ce qu’on a pu faire, on ne peut même plus l’utiliser. Alors, à ce moment-là, il y a un retour vers quelque chose de beaucoup plus fondamental, le retour vers ce sens religieux, ce sens profond d’un lien avec Dieu. Mais il y a une frousse intense : qui peut tenir ? Voyez l’opposition avec le « Stabat Mater », Marie debout au pied de la Croix. Celui qui est à plat ventre ne peut plus tenir, dans une telle frousse. 178
Je me souviens de cette histoire : c’était pendant la guerre, pendant les grands bombardements du camp d’Avors. J’étais là et j’avais à coté de moi un pauvre type. Il m’aimait beaucoup et je lui demandais ce qu’on demande fatalement pendant la guerre lorsqu’on est tous sous le même uniforme « qu’est-ce que tu faisais avant ? » Il m’avait dit : « j’étais en prison ». C’était mon copain. Il était juste à coté de moi. C’est merveilleux la façon d’agir de la Providence. Il m’avait raconté cette histoire (c’était un gars du nord) : « j’étais en prison parce qu’un beau jour, je me suis fait crocheteur. Il n’y avait rien. J’avais faim. Alors je suis allé dans une boulangerie, j’ai pris un pain. » Et donc il avait été en prison. Il m’a dit : « quand j’ai été jugé, j’ai dit au juge : Eh bien, monsieur le Juge, vous auriez été dans ma condition, vous auriez fait comme moi ! » Quand il y a eu ce bombardement, il y avait des tranchées à l’air libre et ce pauvre type était comme une carpe. Il s’était mis entre mes pattes parce qu’il savait que j’étais curé, donc j’étais un paratonnerre. Il faisait des sauts de carpe et moi je pensais toujours au 6ème sceau ! Il se disait : si je suis à coté de lui, il n’y a plus de danger puisqu’il est curé, c’est un paratonnerre !
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12me conférence
Les deux versants de l’Apocalypse : - ce qui apparaît extérieurement : l’action du démon ; - ce qui est intérieurement : L’ordre de Dieu ; le Mystère de la Grâce. Les deux manières d’interpréter Vatican II, la fausse et la bonne.
Il faut bien saisir ce que je vous avais dit au point de départ que, d’une certaine manière, tout ce qui est dit dans l’Apocalypse était vrai pour Jean dans sa vision sur l’Eglise. C’était vrai au Moyen Age. C’est vrai pour nous maintenant. Et c’est toujours plus vrai. Nous ne pouvons pas savoir s’il n’y aura pas, après, une période de détente. Après chaque période de crise, après chaque tension plus profonde, il y a des périodes de détente. Et après, peut-être, encore une autre période de plus grande crise. C’est là où Dieu nous demande d’avoir une très grande confiance, et ne pas vivre la crise que nous vivons en la relativisant. Ce serait mal la vivre que de dire : « oh, il y en aura encore une autre après plus terrible ». Nous n’en savons rien. C’est le démon qui nous fait dire cela. Nous devons vivre la crise que nous vivons actuellement dans la lumière de l’Apocalypse, c’est-à-dire de la Révélation qui nous est donnée. Et c’est peut-être la dernière crise. Personne d’entre nous n’oserait dire que ce n’est pas la dernière. C’est très possible que ce ne soit pas la dernière. C’est très possible qu’il puisse y avoir une miséricorde de Dieu pour quelque chose de nouveau, après, et que maintenant Dieu nous éprouve pour qu’il y ait ensuite un nouveau départ dans l’Eglise : le renouveau, la nouvelle Pentecôte. Ce sont des termes qui sont très très difficiles à bien préciser dans l’ordre du temps. Il y a sûrement un renouveau, parce que chaque fois qu’on doit vivre quelque chose de plus dur, il y a une grâce de Dieu. C’est très beau de vivre un moment de très grande lutte parce qu’alors on est très béni de Dieu. Ce n’est pas drôle pour notre 180
psychologie humaine, ni pour l’épanouissement des œuvres qu’on peut faire, mais c’est magnifique intérieurement. L’Apocalypse ne nous donne absolument aucun esprit de désespoir ; au contraire, elle nous donne un très grand espoir divin. Je crois que l’Apocalypse brûle tous les messianismes temporels. Les messianismes temporels rebondissent tout le temps. On a quand même toujours envie que ça réussisse bien, et que ça aille bien et que Jésus rétablisse le royaume d’Israël. On a toujours envie de cela. C’est normal, ça ne peut pas être autrement. L’Apocalypse nous montre quelque chose de beaucoup plus intérieur, de beaucoup plus profond, et nous met dans le regard de Dieu. Dans le regard de Dieu, l’Eglise est liée au sang du Christ. Vivez le 6ème sceau dans la lumière de la grande lutte de la Croix. Quand vous relisez cela : « Lorsque l’Agneau ouvrit le 6ème sceau, il y eut une grande secousse ». Regardez Matthieu et Marc. « Et le soleil devint noir comme un sac de crin ... », le soleil, le Christ, le cadavre ... « Et la lune entière devint comme du sang », c’est Marie dans son Mystère de Compassion. « Et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre comme un figuier jette ses fruits encore verts quand il est secoué par un grand vent ». C’est vrai, la mort du Christ a été quelque chose de bouleversant. Les fruits verts ... Jésus a 33 ans, il est en pleine force. La déroute des apôtres qui sont en quelque sorte les étoiles. Il n’y en a qu’un présent à la Croix, résultat de trois années de noviciat avec Jésus ! Un seul présent à la Croix ! C’est cela, je crois, le 6ème sceau. C’est que la réussite temporelle, matérielle, extérieurement, est un échec. Extérieurement, le 6ème sceau apparaît comme un échec. Mais aux yeux de Dieu, c’est une grande victoire, sous l’apparence d’un échec. Il ne s’agit pas d’un messianisme temporel. Vraiment, c’est une secousse. Or, c’est dans la lumière de la Croix que nous devons la lire, puisque la Croix est Sagesse, et comprendre les décisions de ces sept sceaux, tous inscrits dans le Cœur de l’Agneau, donné comme égorgé. C’est donc le Christ à la Croix. Et c’est à la lumière du Christ crucifié que nous devons comprendre le Mystère de l’Eglise dans ses luttes. Plus l’Eglise est proche du Christ crucifié et toute la taille du Père est faite pour que nous soyons plus proches du Christ crucifié plus Elle vit le Mystère de la Croix. Elle l’a toujours vécu. Mais il est bien évident que dans la première Eglise, l’Eglise des Actes des Apôtres, il y a un mystère d’éclosion étonnant. C’est pour cela qu’on a de temps en temps la nostalgie de vivre de mystère des Actes des Apôtres ! ... Non, on ne reviendra pas à la primitive Eglise. Non, nous sommes au 20ème siècle. On peut avoir la nostalgie de l’aurore, mais on est peut-être au crépuscule. L’aurore, c’est magnifique, extraordinaire ! Les crépuscules sont souvent plus tragiques. C’est le réalisme de l’Apocalypse, réalisme vraiment extraordinaire. C’est pour cela que je l’aime beaucoup. Je ne peux pas nier que j’aime beaucoup l’Apocalypse. Parce que ça me donne de la 181
force. Ça me fait comprendre que les petits combats, au fond, sont peu de choses ... Mais le grand combat, c’est celui du Christ crucifié. Et l’Eglise est dans la lumière du Christ crucifié. « Et le ciel se retira comme un livre qu’on roule »... Vous croyez que pour Marie le ciel ne s’est pas retiré comme un livre qu’on roule ? Vous croyez que la mort du Christ n’a pas été dans le Cœur de Marie, si Marie est le chef-d’œuvre de la création, une secousse terrible ? « Et toutes montagnes et îles furent ôtées de leur place, et les rois de la terre, et les
grands, et les capitaines, et les riches et les puissants et tout esclave et homme libre se cachèrent dans les cavernes ». Il n’y avait que Marie qui restait dans sa foi, dans son espérance. Pierre s’est caché dans les cavernes. Ça n’a pas été très drôle pour lui. Il n’était pas encore confirmé par le Christ. C’est venu après. Mais avant, il a renié. Et Judas, il s’est caché dans les cavernes, et dans les roches des montagnes, et ils disent aux montagnes « tombez sur nous ». Vous croyez que le grand-prêtre était fier ? Il devait se demander un tout petit peu ce qui allait arriver, quand on lui dit ce qui s’était passé. « Tombez sur nous et cachez-nous de la face de celui qui est assis sur le trône, et
de la colère de l’Agneau, car il est venu le jour, le grand jour de leur colère, et qui peut tenir ? ». Cela a été vrai pour l’Eglise de Jean, lors de la première persécution. Cela a été vrai dans les grands temps de l’Eglise, lors des invasions barbares. Cela est vrai, je crois, pour le tournant d’aujourd’hui. Je crois que ceux qui sont dans l’Eglise du silence se considèrent vraiment comme vivant le 6ème sceau. On ne sait pas si demain nous ne serons pas l’Eglise du silence. En 24 heures ça peut se faire. On peut s’endormir et se réveiller en étant l’Eglise du silence. C’est d’une rapidité folle. Alors il ne s’agit pas d’avoir peur, mais il s’agit de saisir, dans sa réalité profonde, ce que nous vivons actuellement, afin d’avoir une force divine. Encore une fois, je ne veux pas dire que nécessairement dans 20 ou 30 ans c’est fini. Je n’en sais rien. Si j’avais des révélations particulières, je n’aurais pas le droit de vous les dire et si j’avais des dates ce ne serait pas juste ! Les dates ne sont jamais révélées, puisque, de fait, « le Fils de l’Homme ne le sait pas ». Pour nous montrer qu’il n’y a pas de dates, il y a des signes, simplement. Alors comprenons qu’il y a un moment de lutte où Dieu laisse au démon un très grand pouvoir. Il lui a laissé un très grand pouvoir au moment de la Croix du Christ. Ça va jusque là : que la vie d’un Dieu soit mise sur la Croix, que Jésus, venant au milieu de nous, termine sa vie sur la Croix. « Maudit celui qui est attaché au bois ». Ça se termine de cette manière-là. Et l’Eglise, qui est l’Epouse, ne peut pas terminer sa vie autrement. Mais elle sait que la victoire est donnée. Elle sait que le royaume de Dieu n’est pas de ce monde. Il ne peut pas être de ce monde. Il est pour l’au-delà. Alors il s’agit de ne pas lire l’Apocalypse au plan psychologique, mais de la recevoir dans la foi, dans l’espérance 182
chrétienne. Après en avoir donné un versant, on va en donner l’autre versant. « Après cela je vis quatre anges debout, aux quatre coins de la terre ». (7, 1). C’est magnifique, ça nous fait tout de suite comprendre que, malgré la terrible secousse, l’univers n’est pas du tout livré au démon. Le démon sait que ses jours sont comptés. Et, par conséquent, il voit qu’on arrive au terme et il est de plus en plus enragé, comme un chien méchant qui a une très grande chaîne. Quand la chaîne est très longue, ça va encore. Vous marchez dessus, et vous la diminuez. Vous voyez sa rage : il voit que ses jours sont comptés et que la chaîne diminue. Il est intelligent. Il voit les signes beaucoup mieux que nous. Il voit beaucoup mieux que nous que ses jours sont comptés et que son pouvoir sur les hommes n’est pas éternel, mais mesuré. Alors, plus on approche du terme, plus le démon est furieux. Les fureurs du démon nous font comprendre que nous approchons du terme. Mais le démon n’a aucun pouvoir absolu. Il se dit « le prince de ce monde ». Il est persuadé qu’il arrivera à la victoire. Mais, en même temps il a une sacrée trouille parce qu’il sait que ses jours sont comptés. Alors il est suffisamment intelligent pour savoir que son pouvoir est très extérieur. « Après cela je vis debout, aux quatre coins de la terre, quatre anges ». Au milieu de cette terre secouée et sur laquelle les étoiles dégringolent, on ne voit plus très bien les quatre coins. Qu’est-ce qui en reste ? Oui, dans le regard de Dieu, extérieurement, tout a l’air d’être vraiment sans dessus dessous. Malraux dit une chose très belle, qui fait comprendre ce passage-là ; ce n’est pas un Père de l’Eglise non plus, mais il dit de temps en temps des choses intelligentes. Et dès lors qu’il dit une chose intelligente, elle est notre bien, comme dit Saint Augustin : « Tout ce qui est vrai est notre bien ». Donc Malraux dit cette chose très belle qu’il a expérimentée, quand il était pilote, après les bombardements : « tout était bouleversé, puis on remontait dans l’air, et on voyait ce vol de ces grands oiseaux migrateurs qui est toujours le même ! » La nature, aux mains de Dieu. L’instinct de ces oiseaux migrateurs et le bombardement qu’on vient de faire ... Et les oiseaux migrateurs continuent ! « Après cela je vis debout aux quatre coins de la terre quatre anges qui retenaient les quatre vents de la terre pour montrer que la terre appartient à Dieu ». La terre n’appartient pas aux hommes. Les hommes en ont l’usage, mais très vite ils font de l’usage leur propriété. Ce petit instinct de propriétaire que nous avons en nous. Et le démon, lui, se dit le prince. Il croit que ça lui appartient. Pas du tout. La terre, le soleil, la lune, les étoiles appartiennent à Dieu. Le démon peut nous faire croire que tout dégringole, que tout tombe et que tout finira ... Pas du tout, tout est dans les mains de Dieu. C’est cela la confiance. 183
« Alors, debout aux quatre coins de la terre, quatre anges qui retenaient les
quatre vents de la terre pour qu’il ne soufflât pas de vent ni sur la terre, ni sur la mer, ni sur aucun arbre. Et je vis un autre ange monter du soleil levant avec le sceau du
Dieu Vivant et il cria d’une voix forte aux quatre anges auxquels il a été donné de nuire à la terre et à la mer : ne nuisez pas à la terre ni à la mer, ni aux arbres jusqu’à
ce que nous ayons marqué d’un sceau sur le front les esclaves de notre Dieu, les enfants de notre Dieu. Et j’entendis le nombre de ceux qui étaient marqués. » (7, 1-3). Au moment même où tout semble complètement livré au démon, où il semble qu’il n’y ait plus d’ordre, il y a un ordre intérieur. C’est à ce moment-là que Dieu engrange. C’est au moment où la lutte est la plus grande que Dieu dans sa Sagesse nous marque le plus profondément. C’est bien cela qui nous est montré. Dieu tient la terre entre ses mains et le démon n’a de pouvoir que dans la mesure où Dieu le lui laisse. Heureusement, jamais plus. S’il pouvait aller plus loin, il irait encore plus loin. Un esprit comme celui du démon arriverait à faire des tas de choses. C’est un esprit puissant, mais tout est dans les mains de Dieu. C’est ce que le « nombre » signifie. Le nombre joue un très grand rôle dans l’Apocalypse. Tout ce qui est nombre est le fruit de la Sagesse. La Sagesse dénombre, elle marque : « jusqu’à ce que nous ayons marqué d’un sceau sur leur front les esclaves de notre Dieu ». Les « esclaves » de notre Dieu, c’est le sens littéral, mais cela signifie les disciples de notre Dieu, les fils, les enfants de notre Dieu. « J’entendis le nombre de ceux qui avaient été marqués ... » et vient la fameuse épître que vous connaissez bien : « 144 mille ainsi marqués de toutes les tribus des fils d’Israël. De la tribu de Juda, 12 milliers étaient marqués … » toutes les tribus y passent. C’est le symbolisme de l’ordre. Les douze tribus, elles, ont disparu, puisque l’Eglise les remplacent. Mais symboliquement, les douze tribus montrent bien comment Dieu ordonne son Eglise et que tout a été ordonné aux yeux de Dieu. Ce n’est pas un ordre extérieur, c’est un ordre intérieur. Les élus sont nombres par Dieu. L’Ancien Testament est le symbolisme de ce nombre. « Après cela je vis une foule nombreuse, que nul ne pouvait compter, de toutes
nations, de toutes tribus, et peuples et langues, debout devant le trône et devant
l’Agneau, vêtus de robes blanches avec des palmes dans leurs mains (ce sont donc des martyrs). Et ils criaient d’une voix forte : le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône et à l’Agneau. Et tous les anges se tenaient autour du trône et des vieillards et 184
des vivants. Et ils tombèrent devant le trône, sur leur face, et se prosternèrent devant
Dieu, en disant : Amen, la louange, la gloire, la sagesse, l’action de grâce, l’honneur et là puissance et la force soient à notre Dieu pour les éternités d’éternités. Amen ». (7, 912) C’est la grande adoration et la grande louange. L’Apocalypse a deux versants : le versant de la grâce de Dieu et le versant de ce qui apparaît. L’action du démon est périphérique, bien qu’elle puisse nous paraître quelquefois très très profonde, mais aux yeux de Dieu, elle est périphérique. C’est un château de cartes ! Le démon ne peut pas agir autrement. L’action de Dieu, au contraire, est une action intérieure qui nous marque pour l’éternité. C’est le mystère de la grâce. « Et l’un des vieillards prit la parole et me dit : ceux-là qui sont vêtus de blanc (vous voyez, ils sont gentils les vieillards, par rapport à Jean, ils lui donnent de petites explications, de petites herméneutiques, au milieu de l’extase ; on voit très bien ces dialogues célestes dans le ciel, il y aura encore un tout petit peu de théologie, et on verra quand même de petites explications théologiques se faire.) ... ceux-là qui sont vêtus de robes blanches, qui sont-ils ? et d’où sont-ils venus ? Je leur dis : mon Seigneur, toi tu le sais ». Quand on est dans l’extase, on est humble. Et quand on lit l’Apocalypse, on sait bien qu’on ne sait pas grand chose. Alors on est très heureux qu’un vieillard puisse nous donner quelques petites explications. « Et il me dit : ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation ». La grande tribulation est un terme très classique. L’abomination de l’abomination, dans le temple, sous l’autel, c’est ce que dit Daniel. L’abomination de l’abomination, c’est la grande tribulation qui est au cœur de l’Eglise, selon la prophétie de Daniel. Ce ne sont pas les abominations du dehors, mais elles sont à l’intérieur de l’Eglise. L’Apocalypse est pour l’Eglise, en tant qu’elle est responsable de toute l’humanité en face de Dieu. Je me souviens des paroles d’un évêque (je ne dis pas lequel), c’était pendant le Concile, à Rome. Il m’avait reconnu et on avait bavardé jusque vers 2 heures du matin. Cet évêque était très très secoué. Il m’a dit : « j’ai lu plus d’une fois, dans Daniel, l’abomination de l’abomination, je ne comprenais pas. Maintenant, je commence à comprendre ! ». Ce n’était pas une critique qu’il faisait par rapport au Concile, mais il voyait toutes les manoeuvre, il voyait les positions multiples et entendait les experts. « Abomination de l’abomination, dans le temple, sous l’autel ! » Il commençait à comprendre. Au cœur de l’Eglise, il peut y avoir des infiltrations qui vont très loin. C’est vrai que Vatican II a été un très grand tournant dans l’Eglise. On le verra progressivement. Le Saint-Esprit est plus intelligent que les experts et que les Pères du Concile. Il est plus intelligent qu’eux tous. Il parvient, à travers tout, à nous faire 185
entendre la voix de Dieu. Il est évident que le Saint-Esprit n’a pas parlé de la même manière au Concile de Trente qu’à Vatican II. Il y a plusieurs langages du Saint-Esprit. Il n’y en a pas qu’un seul. On oublie qu’il y en a sept : les sept Esprits de Dieu. Il ne parle pas tout le temps comme au Concile de Trente, où Il a parlé avec une netteté extraordinaire. Certains théologiens disent : le Concile de Trente c’est Saint Thomas qui a été repris par le Saint-Esprit ! C’est extraordinaire, mais ce n’est pas vrai. Saint Thomas était tout simplement dans la ligne droite et le Concile de Trente confirme sa doctrine, très très grande, et très vraie. Ce n’est pas le Saint-Esprit qui s’est mis à l’école de Saint Thomas. Si le Saint-Esprit devient thomiste, Il n’est plus le Saint-Esprit. Il ne faut jamais l’oublier. Eh bien, c’est la même chose. J’ai entendu dire par des experts : Vatican II s’est arrêté là où le travail des théologiens s’est arrêté. Comme si le Saint-Esprit avait besoin des théologiens ! C’est très faux de dire cela. Le Saint-Esprit s’est arrêté là où Il voulait que ça s’arrête, tout simplement, sans attendre Vatican III. Ne croyez pas que le Saint-Esprit soit relatif à Vatican III. Nous ne devons pas dire que Vatican II est en fonction de Vatican III. Ça, c’est de l’imaginaire. A Vatican II, le Saint-Esprit était devant des tensions très grandes, on le sait bien ... et Il a parlé avec la douceur, la miséricorde avec lesquelles il peut parler pour qu’on l’entende encore. Les parents ne parlent pas de la même manière aux enfants qui ont 20 ans et à ceux qui en ont 10. Surtout aujourd’hui. Demandez un peu aux pères la manière dont ils peuvent parler à leur grandes filles de 20 ans et comme c’est commode de leur donner des conseils, malgré tout l’amour qu’ils ont pour elles ! Je crois qu’il y a beaucoup de cela dans Vatican II. Le Saint-Esprit nous parle un certain langage différent de celui du Concile de Trente, qui laisse une marge beaucoup plus grande aux interprétations. Parce que c’est beaucoup moins net, il laisse une marge beaucoup plus grande aux interprétations. Et c’est ce qu’on a vu immédiatement après le Concile, les interprétations des experts qui ont voulu continuer Vatican II en vue de Vatican III. Et nous avons vu la revue Concilium réservée aux experts, traduite en douze langues. Et c’est à propos de Concilium que le Synode des évêques latins a déclaré : « Concilium sera interdit dans nos grands séminaires ». Et à partir de là, le Saint-Père a dit que les fumées de l’enfer avaient pénétré dans l’Eglise. Concilium, c’est la revue des experts. Elle montre bien ce que disent les experts, les théologiens, mais l’interprétations des théologiens, à l’égard de Vatican II, n’est pas Vatican II. Attention, il y a d’autres interprétations. Vatican II peut s’interpréter de deux manières différentes. Vatican II peut s’interpréter de cette manière : Eh bien, maintenant, il s’agit de s’adapter totalement au monde. Cette interprétation nous conduit à tomber dans la 186
relativité la plus absolue. Et Vatican II peut se traduire de cette manière : nous allons vivre quelque chose de très rude. L’Eglise ne condamne plus parce qu’elle se met sur la Croix. Le Christ, à un moment donné de sa vie, n’a plus rien condamné. Il a accepté d’être le grain de blé qui tombe en terre et qui meurt. Quand le Christ avait des initiatives durant sa vie apostolique, Il condamnait et Il a condamné avec force. Il a condamné dans le Temple. Lisez dans Saint Jean les grands chapitres 7, 8 et 9, les grandes attaques : quand Notre Seigneur dit à son peuple : votre père, c’est le démon. On ne peut pas aller plus loin. Il dit cela avec force. Ils sont mus par le démon. Ils ne sont plus dans la vraie tradition. Ils ne sont pas de vrais fils d’Abraham. Et s’ils avaient été de vrais fils d’Abraham, ils auraient reconnu qu’il était le Christ. « Votre père, c’est le démon ». Mais à un moment donné, Jésus a arrêté de condamner. C’est le moment de la dernière semaine. Et le moment de la dernière semaine commence avec le repas à Béthanie. Dans ce repas, il y a le geste d’amour de Marie et la revendication de Judas. La revendication de Judas est terrible pour le cœur de Jésus, puisque Judas n’accepte pas ce geste de gratuité d’amour de Marie : verser ce parfum d’un grand prix aux pieds de Jésus. Judas tout de suite évalue la valeur économique de ce parfum. On aurait pu le vendre 300 deniers et le donner aux pauvres ! Il considère que Marie a mal agi en préférant Jésus aux pauvres, en faisant ce geste de pure gratuité. Et Saint Juan le souligne dans son interprétation de théologien. Ce n’est pas du tout que Judas aimait les pauvres, il était un voleur. Et Jésus prend la défense de Marie : « laisse-la ». C’est très rare de voir Jésus prendre la défense d’une manière aussi nette. « Des pauvres, vous en aurez toujours, mais moi ... ». La dernière semaine, c’est le mystère du Christ qui n’a plus les initiatives. Il laisse Marie avoir cette initiative. Et il y a ce scandale de Judas qui oppose dialectiquement les pauvres à Jésus. Dans les grandes luttes, à l’intérieur du peuple d’Israël, on avait opposé Jésus à Moïse. On avait opposé Jésus à Abraham. On avait opposé Jésus à Jacob. On a fait toutes ces oppositions-là. Mais la plus fondamentale, c’est d’opposer les pauvres à Jésus, comme si ce qu’on donnait à Jésus on le retirait aux pauvres. Ceci montre, d’une façon symbolique, la grande opposition qui commandera la dernière semaine : opposer les pauvres à l’Eglise. A l’Eglise dans le grand sens du mot, l’Eglise en tant qu’elle est l’Epouse du Christ. L’Eglise en tant qu’elle est la Vierge qui suit l’Agneau partout où il va. Pas l’Eglise dans ce qu’il peut y avoir d’égoïsme dans certains hommes d’Eglise. C’est bien évident. Mais l’Eglise du Christ, le Mystère de l’Eucharistie, le Mystère de la Parole de Dieu, les gras pâturages. Alors on oppose les pauvres à Jésus. On n’accepte pas ce geste de gratuité. De même, si vous regardez Vatican II, il y a des interprétations multiples. Il y a des théologiens qui disent : « Vatican II c’est le grand concile. L’Eglise commence à naître avec Vatican II. » Comme si jusque là l’Eglise n’avait rien compris du tout ! ... On doit 187
inventer je dis bien inventer à partir de Vatican II une nouvelle vision du prêtre (parce qu’on n’avait rien compris avant), une nouvelle vision du prêtre toute différente. J’ai lu ces articles dans Concilium. Une crise des vocations ? Pas du tout. C’est tout simplement parce qu’on reste fixé sur une image du prêtre datant du Concile de Trente. Et il faut maintenant quelque chose de tout à fait nouveau, il faut tout simplement comprendre que l’Eglise c’est le sacerdoce du Christ. Pas besoin de prêtre, ce sera les fidèles. On prendre n’importe qui ... on prendre sur le tas, sur la base ! Dans tous les domaines, c’est comme si Vatican II était une révolution culturelle à l’intérieur de l’Eglise, comme s’il n’y avait rien eu auparavant ! Alors que Vatican II ne fait que confirmer tout ce qu’il y avait avant. Il reprend tout. Il est toujours en référence à ce que l’Eglise avait déjà dit. Mais on dit : c’est en référence ... oh, c’est pour les autres ... En réalité, regardez bien, Vatican II est tout entier orienté vers Vatican III. Et à Vatican III on pourra parler librement. On pourra dire tout ce qu’on veut ! Ces choses-là ont été écrites même par des gens très compétents. Alors il faut comprendre que cette interprétation fausse de Vatican II n’est sûrement pas celle du Saint-Esprit. Pas plus que celle d’ailleurs qui consiste à dire : Vatican II c’est trop flou, c’est trop dangereux. Ça n’existe pas. Alors revenons au Concile de Trente. On n’a pas le droit de dire cela. Aucun théologien n’est juge de l’Eglise. Et le jour où le théologien est juge de l’Eglise, il n’est plus théologien. Il parle en son propre nom et il ne parle pas au nom de l’Eglise. Les conciles sont partis de la conduite du Saint-Esprit à l’égard de l’Eglise. Que Vatican II soit difficile à interpréter, c’est vrai. Il faut le comprendre. Vatican II nous demande de retourner aux sources. Et c’est cela la chose la plus grande : retourner aux sources. Parce que, sans doute, l’Esprit Saint doit nous faire comprendre qu’il faut nous fortifier, et que les luttes vont être très grandes. Car si Vatican II ouvre la dernière semaine, la grande semaine, c’est que les luttes vont être grandes pour l’Eglise et pour l’humanité. Mais en même temps, il y a cette chose merveilleuse : la grâce de Dieu nous est donnée en plénitude. Et c’est vrai que la grâce de Dieu nous est donnée en plénitude. Alors nous comprenons ce qui nous est montré ici : le versant, d’une part, de toutes les choses bouleversées, où l’on ne reconnaît plus rien. Mais regardons bien : nous voyons que Dieu nombre ceux qu’il aime. Parce que c’est au moment de l’épreuve qu’on nombre les élus. « Et l’un des
vieillards prit la parole et me dit : ceux-là qui sont vêtus de robes blanches, qui sontils ? et d’où sont-ils venus ? Et je lui dis : mon Seigneur, toi tu le sais. Et il me dit : ce
sont ceux qui viennent de la grande tribulation. Ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau ». (7, 13-15) C’est bien revenir à la source, cela. Revenir à la source c’est regarder le Mystère de la Croix, le Mystère de l’Agneau. Voilà pourquoi « ils sont devant le trône de Dieu. Et lui rendent un culte jour et nuit dans son sanctuaire. Et celui qui est assis sur le trône 188
dressera sa tente au-dessus d’eux et ils n’auront plus faim ; ils n’auront plus soif ; et le soleil ne les frappera pas, ni aucune chaleur brûlante. Car l’Agneau qui est au
milieu d’eux les fera paître et les guidera vers les sources d’eau de la vie. Et Dieu essuiera toutes larmes de leurs yeux ». (7, 16-17) Vous voyez comment le dernier sceau annonce la gloire, c’est-à-dire l’entrée dans le royaume de Dieu, en montrant la venue glorieuse du Christ, dans sa proximité, et c’est cela qui donne l’espérance. Si on ne le regarde que de l’extérieur, on ne voit que l’aspect du cataclysme. On n’y reconnaît plus rien. C’est vrai qu’il y a des cas où on ne reconnaît plus rien. On voit cela dans les communautés religieuses de temps en temps. Ça avait été bien ordonné pendant des siècles et des siècles, puis tout d’un coup, tout s’est écroulé, avec une rapidité effrayante. On se dit, mais qu’est-ce qui s’est passé ? Ils sont tous devenus fous ... on ne voit plus, on ne reconnaît plus ... on ne parle plus le même langage. C’est ce que me disait l’autre jour un religieux : « on est heureux de rencontrer des religieux, on a la même foi. On croit que le Christ est Dieu, tandis que parfois on se demande si vraiment, pour eux, le Christ est encore Dieu. Ils reviennent à des conceptions où tout est tellement relativisé ... ». Quand on vit dans des milieux de théologiens, je vous affirme qu’on voit cela constamment, ce n’est pas une fois, c’est tout le temps ! Il faut beaucoup prier pour les étudiants. C’est bouleversant pour eux, et pas commode ... On a besoin d’être éduqué. On a besoin de recevoir la Tradition, on a besoin de recevoir la vérité plénière. Je sais très bien que la grâce de Dieu passe à travers tout. Mais quand même, Dieu se sert des hommes. Dieu aime se servir des hommes, et la Tradition passe par eux. Il faut bien voir ce bouleversement et ne pas faire la politique de l’autruche, en disant : tout cela est exagéré, non. Ce n’est pas exagéré parce que vraiment on le voit, surtout du côté de l’enseignement et de la liturgie. Sur la liturgie, il y aurait beaucoup de choses à dire. C’est pour cela qu’on aime les messes des catacombes, les messes silencieuses, où l’on peut prier, où l’on retrouve le Mystère de la Croix, dans son sens profond. On en a besoin. Les fidèles doivent se retrouver dans le silence auprès du Christ. Mais en même temps que ce bouleversement, n’oublions pas de voir l’autre point de vue, sous le signe du 6ème sceau : le regard de Dieu à travers tout ce tumulte. Si Dieu nous met dans la grande tourmente, « l’abomination de l’abomination, dans le temple, sous l’autel », c’est parce qu’il nous aime follement. Nous sommes ses privilégiés. Il nous aime beaucoup et nous demande ce qu’il a demandé à son Fils bien-aimé : d’être fidèles à travers tout. Il nous demande d’avoir cette foi de témoin, à travers tout ; et d’être marqués profondément, au plus intime de notre âme, de sa grâce et de ne jamais douter de sa grâce. 189
De temps en temps on est seul, et ce n’est pas très drôle. Les exodes, les déroutes, on l’a vu à la dernière guerre, ce n’était pas très drôle. Et souvent on est seul, très seul. Et à ce moment-là Dieu nous donne sa grâce et puis, très vite, il permettra qu’on retrouve d’autres solitaires et il n’y a rien de tel que les amitiés de solitaires. C’est extraordinaire les amitiés de solitaires. C’est comme ces amitiés de ces vieux soldats, de ces poilus de la guerre de 14, qui ont passé dans les tranchées. Ils racontent cela jusqu’à leur dernier âge, indéfiniment. Ils racontent toujours ce qui s’est passé, tellement ça a été fort, tellement ils ont compris à ce moment-là ce que c’était que de rencontrer quelqu’un qui parlait le même langage, qui avait la même foi qu’eux. Les catacombes spirituelles permettent des rencontres très fortes. Je crois que c’est cela le « nombre » des élus. Encore une fois, ça ne veut pas dire que tout le monde soit condamné. Pas du tout. Dieu permet de très grands tourments pour faire une très grande miséricorde. Il y a des quantités de gens qui n’y peuvent rien. Quand je parle de ces théologiens, je ne les juge pas. Je ne vois que leur opinion et je dis : non, je ne suis pas d’accord. Mais je crois que Dieu a une très grande miséricorde, car la bêtise humaine est tellement grande ! Dieu permet la bêtise pour être plus miséricordieux. On ne peut être que miséricordieux vis-à-vis de gens qui ne comprennent rien. Ils sont comme ça. Ils ne comprennent rien. Alors c’est la miséricorde de Dieu qui intervient. Au moment de la très grande tourmente, on voit cette miséricorde de Dieu qui nombre les élus. Voilà pourquoi ils sont devant le trône de Dieu. Au milieu du combat ils sont devant le trône de Dieu. Ils lui rendent un culte jour et nuit dans son sanctuaire. Quand on est seul, on peut toujours adorer, même en prison. Et on adorant, on n’est plus seul. « Ils rendent un culte jour et nuit dans son sanctuaire. Et celui qui est assis sur le trône dressera sa tente au-dessus d’eux ». C’est la miséricorde merveilleuse de Dieu. Il voit ces pauvres petits en pleine lutte et Il leur donne de tenir bon et d’être fidèles à travers tout. Parce que ce qui nous manque, c’est la fidélité. Ça ne veut pas dire que nous disions tous exactement la même chose, qu’on ait exactement les mêmes perspectives, mais non. Ce qui nous manque c’est d’être fidèles à travers tout et de vouloir suivre l’Agneau partout où il va et d’être dociles au Saint-Esprit et de comprendre ce que le Saint-Esprit veut nous donner. On aura des interprétations différentes. Ça ne peut pas être autrement. Mais on se retrouve dans la finalité, c’est-àdire dans l’adoration et la contemplation. « Et celui qui est assis sur le trône drossera sa tente au-dessus d’eux. Ils n’auront plus faim. Ils n’auront plus soif. » Quand on a eu très faim et très soif, c’est merveilleux d’être rassasiés ! « Et le soleil ne les frappera plus, ni aucune chaleur brûlante, car l’Agneau qui est au milieu du trône les fera paître et les guidera ... » Voyez le renouveau à 190
l’intérieur de tout cela, c’est le 6ème sceau. Il y a un renouveau merveilleux : c’est la présence de l’Agneau, au milieu d’eux, qui les fera paître. C’est la tendresse du Père, le 6ème sceau, mais c’est très caché. Encore une fois, si l’on regarde de l’extérieur, ce n’est pas très drôle, mais si l’on regarde de l’intérieur, on voit cette tendresse magnifique car « l’Agneau qui est au milieu d’eux les fera paître et les guidera vers les sources d’eau de la vie ». C’est lui-même qui les guide. Comme il n’y a plus beaucoup de guides, alors c’est l’Agneau qui nous guide ! Quand ceux qui devraient parler ne parlent plus, c’est l’Agneau lui-même qui intervient. C’est magnifique : c’est Jésus qui descend, qui est là, qui éclaire, qui prévient, et qui conduit aux sources de l’eau de la vie. « Et Dieu essuiera toutes larmes de leurs yeux ». C’est la tendresse merveilleuse de Dieu pour celui qui a bien combattu.
*** Chapitre 8
« Et lorsque l’Agneau ouvrit le 7ème sceau, il y eut dans le ciel un silence d’environ une demi-heure ». Je devrais vous laisser une demi-heure dans le silence. Le 7ème sceau, c’est le silence de la vision béatifique. C’est l’entrée dans la gloire. C’est le triomphe du Christ. Le 6ème sceau introduit dans le 7ème. On le voit bien. Il y a entre eux continuité sous-jacente. Mais de l’autre côté, il y a la bourrasque. Toujours les deux aspects. Il faut relire souvent le 6ème sceau et essayer de comprendre les deux aspects qui nous sont montrés. Parce que si on ne voit qu’un seul aspect, ou bien c’est le désespoir, ou bien c’est l’optimisme béat ! Il ne faut surtout pas confondre les deux aspects du 6ème sceau sceau. C’est la lutte et, extérieurement, le démon a l’air d’être victorieux, mais profondément, c’est la victoire du Christ, comme à la Croix. Il faut le lire dans la lumière de la Croix. « Il y eut dans le ciel un silence d’environ une demi-heure ». Vous voyez le ciel qui est dans l’éternité. Un silence d’une demi-heure par rapport à l’éternité, voyez ce que ça fait ! « Et je vis les sept anges qui se tiennent devant Dieu et il leur fit donner sept trompettes ». Là nous entrons dans quelque chose de tout à fait différent. En réalité, c’est très mal ponctué. Un devrait mettre « une demi-heure » et puis « un grand silence » et puis 191
aller à la ligne ! Nous entrons dans quelque chose de tout à fait autre. Nous entrons ici dans le symbolisme des trompettes. Il ne faut surtout pas les mettre à la suite des sept sceaux. Sept sceaux, sept trompettes, sept coupes, à la suite, non, ce n’est pas ainsi. Ces symboles sont à des niveaux d’intelligibilité différents. Les sceaux ce sont les définitions et les volontés de Dieu qui gouvernent l’Eglise. Et c’est pour cela que seul l’Agneau peut enlever les sceaux. C’est directement Dieu, c’est Son Mystère, c’est Son Secret. Et le Secret de Dieu nous est révélé pour que nous comprenions comment Dieu a pensé dans sa Sagesse, qui a sept formes, la manière de nous sanctifier. Dieu nous sanctifie par la victoire du Christ, point de départ et terne. Il nous sanctifie en nous demandant de lutter contre les concupiscences du péché. Il nous sanctifie en nous demandant la patience d’accepter le temps de Dieu. Il nous sanctifie en laissant le démon tout bouleverser et avoir comme une espèce de victoire extérieure. Il nous demande, à ce moment-là, de nous intérioriser. Plus le démon est puissant, plus Dieu nous demande de nous intérioriser. Et c’est cela que montre le 6ème sceau. C’est d’une très grande intériorité, comprenons bien. Il ne s’agit pas d’abandonner son poste. Non, restons à nos postes le plus longtemps possible; là où l’on est, même si ça fait du vacarme, même si les vitres sautent, on doit rester à son poste. On reste là où Dieu nous a mis et l’on, vit par l’intériorité. On sait que ce n’est pas commode du tout parce qu’on sent très bien qu’il y a des bourrasques qui veulent nous jeter par terre. Le 6ème sceau implique une très grande intériorité qui ne supprime absolument pas l’engagement que nous avons, en tant que serviteurs rie Dieu, ni la tâche que Dieu réclame de nous.
Les trompettes Nous entrons dans le symbolisme des trompettes. C’est tout à fait différent de ce que nous avons vu jusqu’à maintenant. « Et je vis les sept anges qui se tiennent devant Dieu et il leur fit donner sept trompettes ». Voyez qu’ici ce sont les anges qui ont les trompettes ; ça ne sort pas du trône. Les anges ce sont quand même des envoyés de Dieu, des instruments de Dieu. « Et un autre ange vint et se plaça près de l’autel avec un encensoir d’or ». Nous avions vu que toutes les décisions, tous les sceaux se comprenaient dans le mystère victimal et sacerdotal du Christ, et j’allais presque dire : plus victimal que sacerdotal. Victimal et sacerdotal se tiennent, mais c’est plus victimal, c’est l’Agneau égorgé. Donc l’Agneau égorgé c’est vraiment l’aspect victimal du Christ. Et toutes les décisions 192
se prennent à l’intérieur même de l’aspect victimal du Christ. Alors que les trompettes vont exprimer, dans leur symbolisme, l’exécution. Si l’on regarde attentivement on voit bien le lien entre la trompette et l’exécution. Tandis que les sceaux ce sont les décisions. En eux sont cachés les secrets. On ne peut pas dire que les trompettes expriment des secrets. C’est juste l’inverse. Les trompettes, au contraire, c’est le point de vue de l’exécution. Elles commandent l’exécution et dans l’exécution Dieu a des instruments. Et donc il y a les anges. Les anges et les sept trompettes font penser à l’Apocalypse ! Mais il faut bien voir que l’exécution implique des instruments. Toute cette exécution de Dieu est, elle aussi, enveloppée d’une liturgie. Elle est liturgique parce qu’elle est sacerdotale. Toute liturgie est sacerdotale. « Et un autre ange vint et se plaça près de l’autel avec un encensoir d’or ». Cet ange qui fait le thuriféraire ! « Il lui fut donné beaucoup de parfums pour les offrir, avec les prières de tous les saints, sur l’autel d’or qui est devant le trône ». (8, 3-4). Voyez le petit préambule aux exécutions : ce sont les prières des saints. Toute exécution des desseins de Dieu passe à travers les prières des saints. C’est très beau de voir cela. Ça montre le rôle de la prière. Il y a des moments où l’on sait très bien qu’il n’y a plus qu’une seule chose à faire, c’est de prier. Alors ne disons pas : il n’y a plus que cela à faire ! Disons : c’est la chose principale. Dans l’ordre de l’exécution, les prières comptent plus que tout le reste, c’est montré ici : cet ange « vint et se plaça près de l’autel avec un encensoir d’or ». Un encensoir d’or, parce qu’il est lié au sacerdoce royal. L’encensoir d’or montre l’aspect de l’amour. Toutes les prières ne sont vraiment des prières que lorsqu’elles expriment l’amour. Toutes nos prières de demande ne sont vraiment des prières que lorsqu’elles expriment l’amour. C’est en raison de l’intensité de l’amour qu’elles contiennent que nos prières sont efficaces. Si nos prières ont une très grande intensité d’amour, elles sont toujours efficaces. Tout le temps. On le voit bien ici. Mais elles ne sont pas efficaces à notre manière. C’est cela qui nous trouble toujours. Saint Thomas n’hésite pas, en tant que théologien, à dire que toute prière de demande est toujours efficace. Mais attention, elle n’est pas efficace selon notre manière de demander. C’est pour cela que la vraie prière de demande doit toujours se faire dans une attitude d’abandon. Tel est le bon plaisir de Dieu. Alors, à ce moment-là la prière de demande a une force extraordinaire. Je demande à Dieu cela. Il ne semble que je dois le demander. Mais je le prie dans l’attitude d’abandon. Tel est le bon plaisir de Dieu. Tandis que celui qui dit : Seigneur, je vous en supplie, n’est pas abandonné. Quelquefois les très grands saints peuvent dire je ... je ... au Seigneur. Mais nous nous 193
devons faire un petit peu attention. Nous ne sommes pas de très grands saints. Alors ne disons pas au Seigneur : Seigneur, je vous en supplie, faites ceci ou cela, ou bien je ne croirais plus rien du tout ! Non, cela c’est forcer la main, ce n’est plus une prière. La prière, c’est la demande du pauvre, du tout petit, de celui qui sait qu’il n’a aucun droit. C’est la demande du mendiant. Il y a des mendiants qui savent mendier et il y en a qui mendient très mal. Il y a des mendiants qui réclament. Il y a des mendiants qui vous font comprendre que si vous ne donnez pas, ils vous joueront un sale tour. On les retrouvera au coin du bois. Alors, à ce moment-là, vous avez compris, vous n’avez pas du tout envie de faire l’aumône, parce que c’est un faux mendiant. C’est peut-être un escroc. Ce temps en temps, nous prions comme de faux mendiants. Le vrai mendiant sait qu’il doit recevoir gratuitement. Mais il sait qu’en tant que pauvre, qu’en tant que mendiant, il a un droit sacré auprès du Christ. C’est de cette manière-là que nous est présentée la prière des saints. « Il lui fut
donné beaucoup de parfums pour les offrir, avec les prières de tous les saints, sur l’autel d’or qui est devant le trône ». Le parfum est le symbolisme de la prière d’action de grâce. Et la prière de demande doit toujours être enveloppée de parfum, et donc de prière d’action de grâce, toujours.
On doit toujours remercier Dieu parce que le parfum, c’est le parfum de Marie. Marie remercie Jésus de tout ce qu’il a fait. Et l’action de grâce est très très liée à la contemplation. Je crois qu’on ne peut vraiment remercier que d’une manière contemplative. La prière de demande doit être liée à l’action de grâce. C’est-à-dire qu’elle doit être liée à cette attitude de remerciement et d’abandon, dans une confiance totale envers le Christ. « Et la fumée des parfums montait de la main de l’ange avec les prières des saints devant Dieu ». Voyez l’efficacité de la prière. Elle atteint Dieu. Quand on écrit au Saint-Père, on n’est pas toujours sûr que la lettre va arriver, parce que ce ne sont pas uniquement des anges qui sont les intermédiaires. S’il n’y avait que des anges comme intermédiaires, ça arriverait tout le temps ! Alors on a l’avantage dans la prière : on sait que ce sont les anges qui sont les médiateurs. C’est merveilleux, ils sont totalement à notre service. Les anges aiment tellement quand on prie. Plus on demande, plus ils ont de demandes à porter, plus ils sont heureux. C’est extraordinaire. Ils sont tellement heureux qu’il y ait cette grande montée de prières vers Dieu. Ne comprenons pas quantitativement. Les demandes quantitatives, c’est un peu assommant. Il faut des demandes qualitatives. Il faut les vraies demandes. Il faut les cris 194
de l’enfant dans le désert. Ça ne s’exprime pas tellement, mais ça se dit avec une force intense. « Et l’ange prit l’encensoir et le remplit du feu de l’autel, et le jeta sur la terre.
Il y eut des tonnerres, des voix, des éclairs et une secousse. Et les sept anges qui avaient les sept trompettes se préparèrent à en sonner ». (8, 5-6) Voyez cette liturgie des anges qui offrent les prières avec le parfum, cette liturgie angélique de l’Apocalypse, au service des hommes. « Et l’ange prit l’encensoir et le
remplit du feu de l’autel ». Le feu de l’autel, c’est la grande prière du Christ, c’est sa prière sacerdotale. Le Christ prie pour tout l’univers. Et notre prière n’a son efficacité que lorsqu’elle est liée à celle de Jésus. A ce moment-là, elle prend sa signification plénière. On peut dire aussi que le feu de l’autel, c’est la prière de Marie. Parce qu’on peut dire que l’autel c’est aussi le symbolisme de Marie. Marie est d’une certaine manière l’autel. Elle l’est d’une façon très très spéciale. Il y aurait beaucoup de symbolismes à expliquer là, mais Marie est un peu l’autel. C’est sûr qu’elle est liée à la prière du Christ ; donc le feu de l’autel c’est la prière du Christ et le Mystère de la Compassion de Marie. C’est peut-être plus immédiatement la Compassion de Marie.
« Et le jeta sur la terre ». Pour montrer le lien, vous voyez : la grande montée et la grande descente. C’est l’échelle de Jacob. Les anges sont là pour prendre, ils sont là pour monter, pour donner. Nous demandons à Dieu et Dieu nous donne l’amour. Parce que le feu de l’autel, c’est l’amour. C’est l’amour qui est dans le Cœur de Marie. Chaque demande nous donne un tout petit peu de l’amour du Cœurde Marie. Voilà la réponse de Dieu. Voilà comment la prière de demande est toujours exaucée. Parce que si nous demandons vraiment, nous demandons l’amour. La seule chose à demander, c’est l’amour. C’est de grandir dans l’amour, c’est d’aller plus loin dans l’amour. « Alors l’ange prit l’encensoir, le remplit du feu de l’autel et le jeta sur la terre ». A ce moment-là, on reçoit cet amour qui est dans le Cœur de Marie. Parfois nous avons demandé telle chose : la réussite d’un examen, l’efficacité, nous avons demandé que ça aille bien ... Il faut le demander. Ça fait partie de nos préoccupations et de nos difficultés, mais on le demande en disant : « Seigneur, si tel est ton bon plaisir ... ». Il faut le demander. Mais de temps en temps ça ne réussit pas exactement comme on voudrait. C’est que Dieu fait quelque chose de plus grand : il nous donne du feu de l’autel. 195
« Il y eut des tonnerres, des voix et des éclairs ... », c’est l’Esprit Saint, « et une secousse ... ». C’est à l’intérieur de cette grande vision de la prière, de cette liturgie des anges qui unissent les hommes à Dieu et qui unissent le Cœur de Jésus aux hommes, que va se réaliser l’exécution symbolisée par les sept trompettes, dont nous verrons demain le déroulement.
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13me conférence
Les trompettes symbolisent l’exécution des décisions divines. La finalité n’est pas dans l’exécution mais dans l’Amour.
Les volontés du Père sont les volontés du Christ, et donc elles sont liées à l’aspect victimal du Christ. Tandis qu’au contraire, avec les trompettes, nous sommes dans l’ordre de l’exécution. (En termes philosophiques on pourrait dire que les décisions représentent la finalité et que les trompettes représentent l’efficience). Il y a là très nettement deux choses différentes qu’il ne faut jamais séparer. Une exécution qui est en dehors de la finalité, c’est de l’agitation. Le démon agit en dehors de la finalité. Il y a des gens qui sont agités : le mouvement pour le mouvement. Le mouvement pour le mouvement c’est l’agitation : pas de finalité. C’est le tourbillon du démon. Le démon est le prince des tourbillons. Dieu n’est jamais dans le tourbillon : Il est dans l’amour. Quand il y a un tourbillon trop grand, une agitation trop grande, on se laisse prendre. Et c’est le démon qui met cette agitation pour que nous perdions le sens de la finalité. Ici la finalité nous est montrée pleinement par les décisions. Les décisions de Dieu commencent par la victoire de l’amour et s’achèvent dans la victoire de l’amour. Tout commence par l’amour et s’achève dans l’amour. Toutes les œuvres de Dieu sont finalisées. Quand on voit quelque chose qui est parfaitement dans l’amour et qui s’achève dans l’amour, on y reconnaît la signature du Saint-Esprit. A l’intérieur de cette finalité il y a l’efficience. Dieu ne supprime pas notre conditionnement humain. L’amour nous relie au terme, mais Dieu veut que nous oeuvrions. Il ne faut pas dire : « Ah Dieu ne regarde pas les œuvres, alors je me tourne les pouces, je ne fais rien ... » Pas du tout. Dieu veut que nous oeuvrions et il demande à chacun d’entre nous une œuvre particulière. Balayer, c’est une œuvre. Ce peut être fait avec un très grand amour. Faire la cuisine, c’est une œuvre ; bâtir des maisons, c’est une œuvre ; enseigner, c’est une œuvre. Et donc Dieu peut demander des choses extrêmement différentes, Le tout est que ce soit enveloppé d’amour. Eduquer les enfants, c’est une œuvre. S’occuper d’eux comme une mère de famille, travailler pour gagner le pain, c’est une œuvre. Tout cela demande à être complètement enveloppé dans l’amour. Dieu ne supprime pas notre conditionnement humain. Cela c’est le mystère des trompettes. Nous allons essayer d’entrer dedans. 197
Les sceaux ce sont les décisions amoureuses de Dieu, et les trompettes, c’est l’exécution à l’intérieur des décisions. Et c’est pour cela qu’il ne faut surtout pas les mettre à la suite. C’est à l’intérieur de toutes ces décisions que nous voyons les trompettes. C’est pour que l’amour passe à travers le conditionnement de notre vie. Et l’amour doit arriver à transformer progressivement tout le conditionnement de notre vie. C’est surtout dans le travail que nous voyons le conditionnement de notre vie : quand on travaille, on est lié au temps et au lieu. C’est en travaillant qu’on comprend le mieux ce qu’est le temps. On travaille tant d’heures : ça se mesure. Mais vous n’allez pas dire : « j’ai aimé tant d’heures ... » Vous dites cela pour l’oraison : on fait une demi-heure d’oraison. Mais quand on aime, on est dans l’éternité, parce qu’on est au-delà du conditionnement. Déjà au point de vue humain, aimer vous met au-delà du temps, et aimer divinement vous met dans l’éternité. Tandis que quand vous travaillez, vous êtes dans votre conditionnement, vous êtes dans le temps. Vous êtes justement dans le mystère des trompettes. Le mystère des trompettes doit éclairer tout le travail, tout le conditionnement humain. Tandis que le mystère des décisions de Dieu éclaire notre cœur, et ses profondeurs. Il faut que notre cœur soit entièrement possédé par le cheval blanc, c’est à dire par la victoire de l’amour. A ce moment-là, nous sommes en conformité avec le Christ. On m’a demandé de montrer les grands symbolismes qui sont engagés dans l’Apocalypse. (Je ne vais pas vous faire un résumé : ça ne se résume pas, l’Apocalypse !) Vous avez donc les sceaux qui sont le mystère des décisions ; les trompettes, que nous allons voir, qui sont l’exécution. Ensuite, vous avez le symbolisme des signes avec la femme et le dragon, la bête de la mer, etc ... Vous avez là les sept signes successifs. Le 7ème signe, c’est justement les sept anges aux sept plaies. C’est le chapitre 15. Les signes, ce ne sont ni les décisions, ni les exécutions : c’est le contenu, intérieur, des deux ensemble, de l’exécution dans les décisions. Les décisions sont commandées par la finalité. Et leur contenu, c’est l’amour. Mais nous n’atteignons pas et ne pouvons pas atteindre notre fin en dehors d’un certain devenir, d’un certain travail. (Toujours, même dans l’amour, il y a un certain travail. Il ne peut pas en être autrement, et le travail doit être fait dans l’amour.) Alors, comme nous atteignons notre fin par le devenir, nous l’atteignons donc en respectant le conditionnement dans lequel nous sommes, avec tout le réalisme que ça représente. Le conditionnement nous limite et nous acceptons cette limite en vue de la dépasser toujours. Il est bon de réfléchir sur la signification de cette efficience à l’intérieur de la finalité. C’est cela le mystère des signes. C’est très calé tout cela. Le Saint-Esprit est très intelligent; c’est très très fort. Si vous le lisez de façon matérielle, 198
vous n’y comprenez rien. Ce n’est pas de l’exégèse, c’est une analyse profonde, c’est, si vous voulez, une exégèse théologique de ce que représentent les différents signes. Nous voyons très nettement une signification profonde de la lutte : ce n’est pas la finalité. Faisons attention, la finalité, c’est l’amour. Et la lutte a une signification dominante. Quelle est-elle ? C’est la femme et le dragon. C’est extraordinaire : toute la lutte est entre la femme et le dragon. C’est cela qui nous fait saisir le de la lutte à l’intérieur de l’Eglise et à l’intérieur du monde. La femme et le dragon, c’est à dire Marie et Lucifer, qui sont les deux extrêmes dans la famille de Dieu. On comprend très bien que les deux extrêmes dans la famille de Dieu, soient toujours en lutte. Alors nous avons cette grande vision que nous connaissons bien ; en général le chapitre 12 est bien connu. Du chapitre 12 au chapitre 15 inclus, vous avez tout le grand mystère des signes donnant la signification de la lutte. Il y a une signification dominante, puis il y a une signification secondaire. C’est « le signe dans le ciel » ... Le signe dans le ciel, c’est vraiment une signification qui vient de Dieu. Nous ne pourrions pas la découvrir autrement. C’est pour cela que je dis « le signe dans le ciel ». Le signe dans le ciel, c’est la femme et le dragon. Il faut bien comprendre que cette signification ne peut pas être saisie en regardant les choses de l’extérieur. Il faut un regard contemplatif, puisque c’est un signe céleste, pour comprendre que toute la grande lutte dans l’Eglise, est cette rivalité terrible du dragon à l’égard de la femme. Aux trois niveaux de la femme ; si nous prenons bien le symbolisme de la femme, il y a les trois niveaux : Marie, l’Eglise et la créature. La créature dernière, parce que la femme est la créature dernière. Elle est la benjamine, dans le langage de l’Ecriture. La femme, c’est donc la créature ultime. Dieu s’est reposé après avoir réalisé la femme. Il ne s’est pas reposé après avoir réalisé l’homme. Ce qui montre bien que l’homme n’est pas le dernier. La femme est quelque chose d’ultime. C’est le langage que Dieu prend dans la Genèse. On comprend la tension entre Lucifer et la benjamine. Lucifer, le premier parmi les archanges, premier dans l’ordre de l’intelligence. Celui qui aurait dû avoir, selon le plan de Dieu, cette espèce de régence sur tout notre univers physique, et donc sur ce que représentent les petites dernières créatures. Le benjamin et la benjamine étaient confiés à Lucifer. Mais il y a eu la révolte, et Michel a pris sa place. Et c’est Michel qui a cette régence sur notre univers. C’est Michel qui doit intervenir constamment. Quand il y a des choses importantes, il faut appeler Saint-Michel. Quand il y a des grands conflits, il faut l’appeler : il fait du très beau travail, du travail vigoureux. C’est vrai que le combat dans le ciel se fait entre Michel et Lucifer. L’Apocalypse nous le montre et nous fait bien comprendre comment, à l’intérieur de l’ordre des archanges, il y a Saint-Michel, qui veut être entièrement dans la docilité de Dieu, et Lucifer, au contraire, qui n’accepte pas d’être l’intendant de Dieu auprès du monde physique ni auprès de ces petites créatures que représentent la femme et l’homme. 199
Vous avez ensuite le symbolisme des coupes. Il est très lié au point de vue du jugement. Le jugement vient ensuite, mais le symbolisme des coupes représente les résultats, les fruits. C’est la moisson. On engrange. Le jugement n’est plus d’ordre symbolique. C’est lié aux coupes. Dieu fait un discernement. Mais il faut quand même bien discerner le point de vue du symbolisme des coupes et le point de vue du jugement. Le jugement n’est plus d’ordre symbolique, c’est Dieu qui fait le discernement. Comment Dieu fait-il ce discernement ? Dieu sépare l’œuvre du démon de son image qui est dans l’homme. C’est cela le discernement de Dieu. L’Apocalypse nous montre la très grande miséricorde de Dieu envers l’homme. Elle nous montre l’amour de Dieu pour l’homme, à travers tout. Il faut se rappeler ce que représente la première fautes l’homme ne pèche jamais seul. La femme a été séduite. Et l’homme a été séduit par la femme et donc, indirectement, parle démon. Donc, parce que l’homme ne pèche jamais seul, il n’est pas totalement responsable. Voyez dans une famille, par exemple, quand les fils aînés commencent à prendre un peu d’indépendance, ils sont mus par un esprit de révolte et ils voient les petits derniers qui sont encore dans les jupons de la mère et qui suivent bien docilement. Que fait le fils aîné ? Il donne de mauvais conseils au petit dernier ; il dit : « quand même, regarde, vois un peu ce qui se passe, suis-moi. » Et on voit le fils aîné entraîner le petit dernier. Quand on s’en aperçoit, on sépare les petits derniers de l’influence des aînés et on ne les gronde pas trop parce qu’on sait qu’ils ont été influencés. Ils ne sont pas très coupables. Celui qu’on gronde le plus, c’est le fils aîné : « toi en qui j’avais mis ma confiance, toi qui étais plus intelligent, toi qui devrais comprendre, voilà ce que tu as fait. » C’est exactement ce qui se passe, profondément. Dans la grande famille de Dieu, c’est Lucifer le grand coupable, puisque lui, dans son intelligence, était capable de comprendre. Evidemment il y avait le mystère de la foi, qui mettait une certaine obscurité : il ne pouvait pas pénétrer jusqu’au bout. Lucifer était capable de comprendre et c’est pour cela qu’il est le plus puni et qu’il demeure, lui, dans son orgueil. Tandis que l’homme, tandis que la femme, ont été séduits. Et donc leur péché n’est jamais un péché d’orgueil absolu. L’orgueil absolu existe quand on est seul. Etre sous l’influence d’un autre, ce n’est plus totalement l’orgueil. Nous ne sommes pas assez intelligents. Il existe de temps en temps, mais il est très rare le vrai péché d’orgueil. C’est le seul péché qui soit irrémissible. C’est le péché contre l’Esprit Saint. C’est le péché contre l’amour. C’est le péché qui refuse l’amour. Lucifer refuse la miséricorde. C’est pour cela que lorsqu’on dit : « Dieu est tellement bon qu’il devrait pardonner à Lucifer », ce n’est pas la question, car c’est Lucifer qui refuse la miséricorde de Dieu. Lucifer est persuadé, dans son intelligence, que Dieu s’est trompé. Quand on est orgueilleux, on est 200
persuadé que c’est l’autre qui nous donne les bons conseils, qui se trompe. Et l’on reste fixé dans sa décision, dans son jugement. Lucifer a péché seul, et chaque ange a péché seul. (Parce que les anges sont toujours des substances spirituelles et donc ils ont une décision qui leur est tout à fait personnelle). Les anges surtout Lucifer ayant péché chacun suivant son propre jugement, n’acceptent pas la miséricorde, parce qu’ils ne s’avouent pas coupables. Si l’on ne s’avoue pas coupable, comment faire miséricorde ? Dieu ne peut pas intervenir, c’est impossible. On reste enfermé dans sa propre décision, dans son propre jugement. L’homme et la femme ont toujours péché sous l’influence du démon, et c’est pour cela qu’ils peuvent être pardonnables et qu’ils peuvent reconnaître qu’ils se sont trompés. Chez eux, l’orgueil n’est pas absolu. Ils se sont laissés influencer ; ils se sont laissés prendre ; ils se sont laissés séduire. Toute tentation se fait par mode de séduction. C’est ce qui nous est montré d’une façon très éclatante, à la fin de l’Apocalypse. Et si on ne le regarde pas, on ne comprend plus et on a l’impression que la colère de Dieu sévit sur l’homme sur les habitants de la terre, pas sur l’homme sur les habitants de la terre, et que Dieu veut faire comprendre à l’homme qu’il n’est pas un habitant de la terre, et qu’il est fait pour le ciel, qu’il est fait pour vivre de Dieu. Et donc le discernement de Dieu, le jugement de Dieu que nous avons à la fin de l’Apocalypse, c’est très nettement Dieu qui veut faire comprendre à l’homme l’influence du démon sur luis alors l’œuvre du démon, c’est la Babylone. L’œuvre du démon, c’est cette Babylone que représente la tour de Babel. C’est net. Il y a un parallélisme entre les deux. C’est la femme adultère qui est aussi représentée par le point de vue de la Babylone. C’est à dire celle qui est vraiment la séductrice de tous les hommes. Dieu veut faire le discernement juger veut dire discerner, empêcher la confusion. Le démon, maintient la confusion en faisant croire que c’est son œuvre qui est tout, et qu’en elle l’image de Dieu disparaît. La tactique du démon consiste à supprimer l’aspect substantiel des choses. Il nous fait croire que tout est relatif, et que tout peut changer radicalement parce qu’il agit toujours sur les choses extérieures, sur les apparences. La tactique du démon, c’est de faire croire que l’image de Dieu en nous, est complètement absorbée par son œuvre. Et que son œuvre est la seule chose qui compte. Le jugement de Dieu nous rappelle que Dieu seul est créateur, que Dieu seul agit sur l’être et que le démon ne peut jamais supprimer l’image de Dieu qui est en nous. Le démon peut ajouter des quantités de choses, réaliser des œuvres extraordinaires, nous faire perdre la tête dans un tourbillon, nous faire perdre le point de vue de la volonté et nous mettre entièrement à sa remorque, mais le discernement de Dieu rappelle que l’homme est créé à l’image de Dieu. Une fois ce discernement établi, on voit l’œuvre de Dieu. Et l’œuvre de Dieu, c’est justement la Jérusalem céleste.
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Entre les deux, il y a quelques petits combats apocalyptiques. Ils sont intéressants à voir mais ne font plus partie des grands symbolismes. Ils montrent simplement quelque chose d’ultime, de dernier, aussi les appelle-t-on les combats apocalyptiques à l’intérieur de l’Apocalypse. Dans l’Apocalypse, tout est combat apocalyptique, mais on ne nous montre que deux combats particuliers qui sont comme la reprise des signes, en dernier lieu. Au fond, il faut surtout dire comment tout s’achève dans la victoire de Dieu, dans la Jérusalem céleste. Vous voyez qu’il y a une unité très profonde dans la discontinuité. A première vue, l’Apocalypse est très discontinue. C’est presque en dents de scie. Mais c’est tout simplement pour nous faire entrer de plus en plus dans ce que représente l’œuvre de Dieu, l’œuvre du Fils. C’est la réalisation de la Jérusalem céleste. Et l’anti-œuvre de Jésus, c’est l’œuvre de Lucifer qui se sert de l’homme. Le démon ne peut œuvrer qu’en se servant de l’homme. Alors, en se servant de l’homme, la bête de la terre et la bête de la mer, il veut réaliser la Babylone. Et Dieu n’accepte pas cette fausse alliance. Parce qu’il a voulu réaliser une alliance plénière avec l’homme, et Dieu est jaloux de Son alliance plénière. Alors il veut arracher l’homme de cette fausse alliance avec le démon. Si l’homme ne comprend pas quand Dieu parle avec douceur, (Dieu parle avec douceur par la foi), Il lui parlera avec force. Et la toute-puissance de Dieu sera engagée dans ce discernement pour que l’homme comprenne que le démon n’a aucune puissance par lui-même et que seul Dieu est le Tout-Puissant. C’est pour cela qu’il y a des fracas à la fin. Parce que c’est la Toute-Puissance de Dieu qui agit. Mais la Toute-Puissance de Dieu agit toujours en vue de l’amour, et jamais uniquement au niveau de la justice. Il y a une lecture de l’Apocalypse qui serait très fausse : ce serait de voir uniquement le point de vue de la justice. Dieu n’agit jamais au nom de la justice. Il agit toujours au nom de l’amour. Mais il agit au nom de l’amour en se servant de la Toute-Puissance. Et c’est quand il agit en se servant de la Toute-Puissance que c’est un peu effrayant. Les hommes n’ayant pas entendu le langage du Père, il faut leur faire entendre le langage du créateur, de même que les premiers livres de la Genèse nous font comprendre la distinction entre le Créateur et le Père ; le Créateur, c’est celui qui a la majesté de la Toute-Puissance de Dieu et de qui tout dépend dans l’être, tandis que le Père c’est celui qui communique la vie. Et le démon veut faire croire que c’est lui qui communique la vie. C’est sa grande astuce. Alors Dieu agit, d’abord avec douceur en laissant la liberté aux hommes. Quand les hommes ne s’entendent plus et ne le comprennent plus, Dieu agit comme Créateur. Et c’est sa Toute-Puissance qui se met au service de son amour. Et c’est le dernier chapitre de l’Apocalypse qui nous montre cela. C’est très important de bien le saisir parce que cela nous fait comprendre le Mystère de l’Eucharistie. L’Eucharistie est le signe divin du grand combat. L’Eucharistie 202
est le viatique. Donc elle doit nous faire comprendre à la fois la conduite infiniment douce de Dieu et sa conduite infiniment violente, sa conduite toute puissante. Dieu agit comme Père avec une infinie douceur. Et Dieu agit comme Créateur avec une autorité souveraine. Pour ceux qui n’écoutent pas la douceur du Père, il y aura l’autorité souveraine du Créateur. Et tout cela en vue de l’amour, car Dieu n’abandonne pas son œuvre. Ce serait faiblesse de sa part de laisser le démon réaliser sa Babylone. Alors Dieu nous laisse la liberté jusqu’au bout, espérant que nous comprendrons. Il veut jusqu’au bout nous conduire de l’intérieur, librement, par amour. Et comme les hommes se laissent séduire par le démon, par la puissance de la bête de la terre, par l’œuvre du démon qui est la Babylone, Dieu est obligé d’intervenir comme Créateur. Et, intervenant comme Créateur, il intervient avec sa toute-puissance. C’est frappant. Il ne détruit pas son œuvre, mais il détruit l’œuvre du démon. Il ne peut pas détruire son œuvre. Il y a une alliance : l’arc-en-ciel. Ce n’est pas Dieu qui mettra une fin au monde. C’est le démon qui voudrait nous détruire. Vous voyez, c’est complexe et en même temps c’est simple. Parce que cela nous fait toujours saisir les deux aspects de la toute-puissance de Dieu : le Père et le Créateur. Le Père infiniment aimant, qui nous enveloppe de sa tendresse et de sa miséricorde, et qui veut que nous comprenions ce langage. Et le Père demeure toujours le Créateur. Vous voyez comment l’Eucharistie qui joue un tel rôle dans l’évangile de S. Jean est l’essence de l’économie divine. Tout l’Evangile de S. Jean est eucharistique. Parce que ce sont des repas. Et toute la ponctuation, de l’Evangile de S. Jean est eucharistique. Tandis qu’on ne le voit pas directement dans l’Apocalypse. Et pourtant toute l’économie divine est eucharistique. Elle est liturgique, elle est sacerdotale. Donc elle est eucharistique. L’Eucharistie, c’est le pain du Père donné aux pauvres (Ch. 6 de S. Jean). Le Père nous donne sa nourriture, Sa propre nourriture, le fruit de son labeur contemplatif. Il nous donne son Fils en nourriture. C’est la douceur suprême du Père. On ne peut pas avoir une douceur plus grande que de donner à l’autre le fruit même de son amour. C’est la douceur du Père. Il nous montre Sa douceur infinie en nous donnant l’Eucharistie. L’Eucharistie implique aussi l’intervention de la toute-puissance de Dieu par le mystère de la transsubstantiation. Aujourd’hui, on ne voudrait plus voir que la douceur sans voir la transsubstantiation. C’est très significatif. Toutes les erreurs qu’on fait par rapport au Mystère de l’Eucharistie proviennent de ce qu’on ne comprend pas la conduite de Dieu. J’ai entendu ces choses là de mes propres oreilles, et dans des commissions théologiques. Je n’y vais pas beaucoup, mais de temps en temps on est bien obligé d’y aller, et de s’armer de patience ! Et j’ai entendu ce que disait une commission de théologiens très aimables, très très gentils, pleins de miséricorde et de bonté, mais dont le grand souci est 203
d’arrivez à faire une nouvelle théologie sans parler de la création. C’est très net. Ce n’était pas dit aussi naïvement, c’était plus voilé. Mais, au fond, c’est bien cela. A la fin, j’ai mis les pieds dans le plat pour leur demander si j’avais bien compris. On peut toujours demander. On peut toujours avoir l’air peu intelligent et demander : « est-ce que j’ai bien compris ? Je voudrais être sûr que c’est bien cela ... » C’était très net que, pour eux, il s’agissait de faire une nouvelle théologie uniquement dans le mystère de la Rédemption. Uniquement. Le mystère de la création, c’est de la métaphysique. C’est une erreur monstrueuse que d’introduire la métaphysique dans la théologie ! Si nous ne parlons plus de la création, nous n’avons plus besoin de la métaphysique. Et donc nous n’avons plus besoin que de la psychologie de l’amour ! On y croit … C’est faux. On n’a plus besoin que du symbole ... alors on tient compte uniquement du point de vue de la rédemption ; la nouvelle créature et c’est tout. La création, on la met entre parenthèses. C’est intéressant de voir comment le Saint-Père ne cesse de rappeler il l’a rappelé pendant des années que la métaphysique était absolument nécessaire. Il le dit à sa manière, comme toujours, avec beaucoup de douceur, pour que ceux qui comprennent, comprennent. Faites attention : une théologie sans métaphysique ne peut pas aboutir. On voudrait faire une théologie hégélienne, uniquement dans le devenir, alors on supprime la création. La théologie hégélienne ne regarde plus que la transformation ; c’est une théologie du devenir, uniquement. Dans le Mystère de l’Eucharistie c’est la même chose. On accepte la présence réelle. C’est la douceur du Père qui donne son pain. On accepte le mystère du repas, mais il y a deux choses qu’on veut mettre entre parenthèses : le mystère de la transsubstantiation et le mystère du sacrifice. Voilà les deux choses qu’on veut mettre entre parenthèses. C’est net, on fait une nouvelle théologie de l’Eucharistie en voyant uniquement la présence et le point de vue du repas. C’est, je crois, séparer ce que Dieu a uni. Diviser ce que Dieu a uni. Et ce qui est uni profondément est inséparable. Dans le Mystère de l’Eucharistie, il y a intervention de la toute-puissance de Dieu, comme Créateur. Le mystère de la transsubstantiation est l’action de Dieu, comme Créateur, au service de l’amour. Vous voyez comment l’Eucharistie nous permet de lire l’Apocalypse. L’Eucharistie nous fait comprendre l’économie divine : le mystère du Père et du Créateur, et le lien merveilleux entre les deux. Dans le mystère de la transsubstantiation il y a une action de Dieu Créateur : seul Dieu peut réaliser la transsubstantiation. Cela veut dire que Dieu agit directement sur l’être. Et parce que Dieu agit directement sur l’être, nous, nous agissons sur les formes extérieures. Nous ne pouvons transformer une chose qu’en modifiant les choses extérieures. C’est notre art. Nous n’agissons pas sur la substance des choses : nous agissons sur les formes extérieures. Personne d’entre nous n’agit sur la substance des 204
choses. On croit qu’on peut empêcher une personne de se manifester parce qu’on peut arrêter les manifestations d’un être. Nous ne pouvons pas supprimer la personne humaine, mais nous pouvons arrêter ses manifestations. Nous pouvons faire que quelqu’un ne puisse plus exercer la parole, ne puisse plus donner aucun signe d’intelligence. C’est une petite opération assez simple, vite faite, et qui fait qu’on devient gaga ! Il y a eu pendant un certain temps à Fribourg un chirurgien remarquable d’intelligence. Quand on lui amenait un vieux grand-père insupportable, il disait qu’il était malade et il ajoutait : ne vous inquiétez pas, on arrangera la chose. Alors, il faisait une petite intervention et le grand-père revenait comme un enfant de quatre ans. On avait empêché la manifestation de son intelligence. On peut faire qu’un être humain ne soit plus que quelque chose qui bouge, de purement mobile. Dans ce cas, on ne touche pas à la personne substantiellement, mais on touche à son conditionnement dans ce qu’il a de très profond. Car la science, plus elle avance, plus elle va loin. Et elle touche les conditionnements tout à fait primitifs et fondamentaux. C’est pourquoi elle peut faire, des dégâts énormes, comme arrêter la manifestation de la vie, empêcher la fécondité. Elle peut faire tout cela, mais elle ne touche pas à la substance de la personne humaine. Elle ne touche pas à l’âme dans ce qu’elle a de substantiel et dans ce qu’elle a de personnel. Mais elle touche à l’âme dans ses manifestations et dans son exercice. Dieu seul touche directement la substance c’est à dire l’être ce qu’il a de plus profond. Et c’est ce que l’Eglise maintient dans le Mystère de la Transsubstantiation en disant que la toute-puissance de Dieu intervient dans le mystère de la Consécration. Dans le Mystère de l’Eucharistie, la toute-puissance de Dieu est au service de Son Amour. Alors vous voyez que si vous supprimez la création, vous supprimez la transsubstantiation. Et vous ne voulez plus regarder qu’une action miséricordieuse qui n’est plus la miséricorde du Père, c’est à dire du Créateur, mais qui est tout simplement l’action de Dieu selon ce que nous concevons être la philanthropie. On fait un Dieu philanthrope. On ne fait plus le Dieu Créateur. Et l’on dit : Dieu est infiniment bon, ne vous inquiétez pas, c’est merveilleux. Ça donne un Dieu qui n’est plus vraiment un Dieu : il suit les événements et les confirme. C’est l’inverse de ce qui est Dieu. Parce que c’est Dieu qui détermine tout et nous, nous devons essayer de le saisir. La même chose se produit pour le sacrifice. Le sacrifice, c’est l’offrande de la vie et l’offrande de la mort. Et donc il touche quelque chose de substantiel. On ne peut plus saisir le mystère de la mort si on ne regarde pas justement jusqu’où va cette division. Alors, si on supprime le mystère de la transsubstantiation, on supprime le mystère du sacrifice car les deux choses se tiennent. Et l’on ne voit plus que l’aspect du repas, l’aspect de l’entente fraternelle. Vous voyez tout ce qu’on peut dire dans ce domaine-là. Et nous oublions ce que l’Apocalypse nous montre avec une si grande netteté c’est 205
peut-être le livre qui nous le montre le mieux comment Dieu agit d’abord « suaviter » et, quand les hommes ne comprennent pas le « suaviter », l’action suave de Dieu, alors Il est obligé d’agir « fortiter ». Et c’est encore par amour qu’il agit ainsi ce n’est pas par justice, c’est par amour car l’homme ne comprenant pas ce langage de bonté, ce langage de suavité où Dieu lui est tout proche dans l’immanence, Dieu agit avec sa toute-puissance de Créateur pour séparer ce qui vient du démon de ce qui vient de Dieu. Entrons maintenant dans le symbolisme des trompettes. N’oubliez pas ce que je vous ai dit hier soir (parce que si on oublie cela, on ne comprend plus rien du tout) que ce symbolisme des trompettes commence en premier lieu par la vision de ces parfums et de ces prières offertes par l’ange. Elles sont offertes à Dieu dans sa majesté souveraine par le grand mystère de la louange et de la prière, et puis elles retombent sur les hommes. « L’ange prit l’encensoir et le remplit du feu de l’autel et le jeta sur la terre. Et
il y eut des tonnerres, des voix et des éclairs. Et une secousse. Et les sept anges qui avaient les sept trompettes, se préparèrent à en sonner. » (8, 5-6)
Donc c’est à l’intérieur de ce mystère de la prière qu’il faut comprendre l’exécution. Je crois que, pratiquement, cela veut dire que, pour être conforme à la volonté de Dieu, aucun travail humain ne doit se faire en dehors de la prière. Le travail doit toujours être aidé de la prière ; ce que nos grands-parents concevaient très bien. Avant tout exercice, dans une famille chrétienne, on faisait une prière. Dans nos écoles chrétiennes, on faisait une prière. Aujourd’hui, évidemment, ça commence à se laïciser et on n’en fait plus. Au début où j’étais à l’Université il y a le Christ dans toutes les salles puisque l’Université se trouve dans un canton catholique tous les professeurs faisaient au moins un signe de Croix et une courte prière. Les professeurs de théologie le faisaient. Aujourd’hui, ils ne le font plus. Parce qu’il faut être professeur de théologie avant d’être chrétien. Il faut être professeur pour que la fonction l’emporte sur la finalité. C’est très significatif. On veut déchristianiser le milieu. Il n’y a plus de milieu chrétien. On n’accepte plus de milieu chrétien. On veut qu’il n’y ait plus que des individus. On dit : oui, très bien, la prière c’est quelque chose de tout à fait souterrain et personnel, mais surtout qu’elle ne se fasse pas dans un milieu. Il y a encore des familles chrétiennes, mais dès qu’on sort de la famille, il n’y a plus beaucoup de milieux chrétiens. Et quand on veut sauvegarder un milieu chrétien, on rencontre toutes les attaques possibles et imaginables. Parce qu’on n’accepte pas qu’il y ait un milieu chrétien. C’est la désincarnation. Et c’est contraire à la grande vision de l’Apocalypse où l’on voit bien que l’exercice des trompettes se fait à l’intérieur de ce mystère de prière. 206
Nous devons réagir dans la mesure du possible. Je dis « dans la mesure du possible » parce qu’on ne peut pas toujours réagir. On doit au moins sentir que ce n’est pas exact. Tant qu’on sent que ce n’est pas juste et qu’on fait ce qu’on peut, Dieu est avec nous. Mais le jour où on dit : « oh oui, c’est normal. C’est tout à fait normal ... ». C’est normal si l’on est en face d’institutions laïques dès le point de départ. On est dedans et l’on essaie d’être chrétien au milieu de tout cela : on fait ce qu’on peut, on essaie de sanctifier son petit coin, mais quand ces institutions, au point de départ, étaient chrétiennes, à ce moment-là cela devient quelque chose qui n’est plus normal. « Et le premier sonna de la trompette, et il y eut de la grêle. » C’est le premier fruit de la trompette : ça commence tout de suite, vous voyez, c’est la très grosse différence d’avec les sceaux. Le premier moment du sceau, c’est le point de vue de l’amour, la victoire de l’amour. Dans le travail, dans l’exécution, la première chose qu’on voit, c’est la grêle. Il faut essayer de comprendre ce langage. « Et il y eut de la grêle et du feu mêlé de sang, qui furent jetés sur la terre. Et le
tiers de la terre fut consumé, et le tiers des arbres fut consterné et toute herbe verte fut consumée. » (8, 7)
C’est le langage apocalyptique difficile à comprendre. Tous voyez comme c’est difficile: c’est beaucoup moins clair que les sceaux. « Et le deuxième ange sonna de la trompette, et quelque chose comme une grande
montagne brûlée par le feu fut jetée dans la mer. Et le tiers de la mer devient du sang
et le tiers des créatures qui étaient dans la mer et qui avaient vie, mourut, et le tiers des bateaux fut détruit. » (8, 8-9) Si vous prenez le tiers, le tiers, le tiers, il ne reste plus grand chose si vous les additionnez. Dans le langage symbolique, cela ne s’additionne pas. Parce que c’est d’ordre qualitatif. Si vous commencez à additionner, ça ne va plus du tout. Ce langage veut nous faire comprendre que tout est mesuré par Dieu. L’action du démon est mesurée par Dieu. Le démon n’est pas du tout le prince qui fait ce qu’il veut. Pas du tout. « Et le troisième ange sonna de la trompette, et il tomba du ciel une grande
étoile. Qui brûlait comme une torche, et elle tomba sur le tiers des fleuves et sur les sources des eaux. Et le nom de l’étoile se lit Absinthe. (C’est symbolique, n’est-ce pas ?) Et le tiers des eaux tourna en absinthe. Et beaucoup d’hommes moururent de ces eaux parce qu’elles étaient devenues amères. » (8, 10-11) Si vous êtes attentifs, vous voyez que cela représente tout le milieu ambiant. Le milieu ambiant, c’est ce qui permet à la vie de se développer. Selon ces trompettes, on 207
sent que, progressivement, la vie ne peut plus se développer. C’est très significatif. Il ne s’agit pas d’une action directe sur la vie, mais d’une action indirecte sur le milieu ambiant. « Et le quatrième ange sonna de la trompette, et le tiers du soleil fut frappé, et
le tiers de la lune et le tiers des étoiles pour qu’ils s’obscurcissent d’un tiers. Et le jour ne brilla plus d’un tiers, et la nuit pareillement. » (8, 12) Si nous sommes attentifs à ces quatre moments, qu’il ne faut pas du tout mettre en parallèle avec les sceaux, nous voyons comment il y a une action progressive, mesurée, toujours mesurée : le tiers, sur ce que représente notre petite planète, sur la vie des hommes. « Et je vis et j’entendis un aigle volant au zénith dire d’une voix forte :
malheur ! malheur ! à ceux qui habitent sur la terre, à cause des autres voix des trompettes des trois anges qui vont en sonner. » (8, 13)
Il y a donc une progression. Et cet aigle volant au zénith, c’est sans doute le Christ. C’est Jésus qui intervient pour nous avertir que nous devons être plus lucides. C’est une intervention nette : un aigle volant au zénith, donc atteignant le sommet. Cet aigle, c’est vraiment le Christ. « Malheur ! Malheur à ceux qui habitent sur la terre ! » C’est comme les grandes malédictions que nous voyons dans l’Evangile. Elles sont pour ceux qui ne cherchent le bonheur que sur la terre, qui sont entièrement liés à la terre. Ces malédictions sont annoncées par les autres voix qui vont venir : la 5ème, la 6ème, la 7ème. « Et le 5ème ange sonna de la trompette, et je vis une étoile qui du ciel était tombée sur la terre. Et il lui fut donné la clé du puits de l’Abîme. Et elle ouvrit le puits de l’Abîme. Et il monta du puits une fumée comme une fumée de grande fournaise. Et le soleil et l’air furent enténébrés par la fumée du puits. Et de la fumée
sortirent des sauterelles sur la terre, et il leur fut donné un pouvoir comme le pouvoir qu’ont les scorpions de la terre. » (9, 1-3) Tout cela n’est pas très drôle. Mais tout est sous le gouvernement de Dieu puisque ce sont les anges qui donnent des permissions, des permissions extraordinaires. N’oubliez pas que nous sommes dans l’ordre de l’exécution, dans l’ordre du devenir. « Et il leur fut dit de ne pas nuire à l’herbe de la terre, ni à aucune verdure, ni à
aucun arbre, mais seulement aux hommes qui n’ont pas le sceau de Dieu sur leur front. Et il leur fut donné non de les tuer, mais de les torturer pendant cinq mois. Et
leur torture est comme la torture du scorpion quand il pique l’homme. Et, en ces jours208
là, les hommes chercheront la mort et ne la trouveront pas. Et ils désireront mourir et la mort fuira loin d’eux. » (9, 4-6) « Et voici à quoi ressemblaient les sauterelles : elles étaient semblables à des
chevaux prêts pour la guerre. Sur leur tête il y avait comme des couronnes semblables à de l’or et leurs faces étaient comme des faces d’hommes. » (9, 7) Vous voyez comme cela s’oppose aux quatre vivants. Il y a une espèce d’antithèse. C’est très net. Les sauterelles représentent une espèce de puissance extraordinaire et de vitalité prodigieuse. « Elles étaient semblables à des chevaux prêts pour la guerre. Sur leur tête comme des couronnes semblables à de l’or et leurs faces étaient comme des faces
d’hommes. Elles avaient des cheveux comme des cheveux de femme et leurs dents étaient cousine celles des lions. » Faites le parallélisme avec les quatre vivants … « Elles avaient des thorax comme des cuirasses de fer. Et le bruit de leurs ailes
était comme un bruit de chars, à nombreux chevaux courant à la guerre. Et elles ont des queues semblables à des scorpions et des dards. Et dans leur queue est leur pouvoir de nuire aux hommes pendant cinq mois. Elles ont pour roi l’ange de l’Abîme. Son nom en hébreu est Abaddon et en grec il a nom Apollyon. » « Le premier malheur s’en est allé, voici qu’il vient encore deux malheurs après cela. » (9, 8-12) C’est très mystérieux. Nous n’allons pas lire tous les malheurs, bien que le 6ème soit très important. C’est toujours le 6ème qui est décisif. Et le 6ème exprime quelque chose de très très spécial. Réfléchissons sur ce que représente le symbolisme de ces trompettes. On a fait des quantités de suppositions. On les a mises un peu en parallèle avec Moïse qui s’est servi des dix plaies d’Egypte pour corriger le Pharaon. Je crois que c’est vrai, partiellement, parce qu’on voit des choses semblables : les dix plaies d’Egypte, c’est quand même quelque chose ! Ici cependant, on ne peut pas dire que c’est la même chose. Les dix plaies d’Egypte viennent directement du pouvoir que Dieu donne à Moïse. Ici, est-ce que nous sommes en face du pouvoir que Dieu donne aux anges, ou est-ce que nous sommes en face de permissions que Dieu donne pour l’action du démon ? Toute la question de l’interprétation est là. C’est toujours la question de la volonté des permissions de Dieu. C’est pour cela que si nous prenons uniquement l’exemple de Moïse, nous ne comprenons pas et nous disons « Dieu est bien méchant ». Moïse faisait cela pour corriger le Pharaon, Dieu peut très bien faire cela pour nous corriger. Mais 209
Dieu peut aussi se servir de cette colère du démon sur les hommes, lui laisser cette permission, pour que les hommes comprennent qui est Dieu, et sachent distinguer l’action de Dieu de celle du démon. Il peut y avoir un lien entre les deux. Je crois qu’on pourrait peut-être dire que Dieu a vraiment agi sur nous comme il a agi avec Moïse. Il y a des corrections de Dieu directes, et Dieu peut se servir de tout le milieu ambiant pour nous rappeler l’essentiel. Quand ça réussit trop bien, immédiatement on se gonfle par la vanité et par l’orgueil : tout ce que je fais, je le réussis ! Et on oublie que nous le faisons avec Dieu. Alors Dieu commence à nous éprouver pour nous faire comprendre que la réussite n’est pas une finalité, et qu’il faut la chercher autre part. Et donc il peut y avoir une action directe de Dieu. Dieu peut aussi permettre au démon d’agir sur nous par une action beaucoup plus terrible, pour que nous comprenions. On voit cela très nettement dans la vie des saints. On voit à la fois certaines épreuves qui peuvent venir directement de Dieu, parce qu’il éprouve ceux qu’il aime. Le Père châtie ceux qu’il aime. Et Dieu permet une action directe du démon. C’est quelque chose d’analogue aux décisions, mais ici, il s’agit de l’exécution. Parce que nous sommes dans l’ordre de l’exécution, nous n’avons plus un moment de paix. Dans les décisions, il y a la victoire dit Christ, et donc la béatitude des Pacifiques. La victoire du Christ nous donne cette béatitude des Pacifiques que nous vivons au plus intime de nous-mêmes. Mais nous ne la vivons pas dans sa réalisation concrète. Il n’y a pas de retour au Paradis Terrestre. Et même quand il y a des petites oasis de calme et de pair, comme à la PartDieu, ce n’est cependant pas l’Eden. A l’intérieur il y a nécessairement des infiltrations du démon. Ça ne peut pas être autrement. Il ne peut pas y avoir une communauté qui vive toujours de la béatitude des Pacifiques. A l’intérieur de la communauté, il y a nécessairement des infiltrations du démon, dans l’ordre visible, dans l’ordre de ce que représente le devenir. Il n’y a pas de communauté contemplative. Il n’y a pas de communauté qui réalise une oasis. Au plus intime de notre cœur, nous vivons le mystère de la contemplation ; nous vivons ce mystère de la béatitude des Pacifiques. Mais notre travail est toujours dans la lutte. C’est, je crois, le premier enseignement qui nous est donné. L’ordre des trompettes commence tout de suite par la grêle. La grêle n’est pas précisément pacifique, surtout quand il y a de petits bourgeons ! Elle commence à tout supprimer. C’est nettement une lutte. Il n’y a pas de travail dans la paix. Le travail est toujours dans la lutte. Il ne s’agit pas de la lutte des classes. Distinguons bien, c’est autre chose. La lutte des classes est une méthode qui veut s’emparer de cette lutte en vue d’une finalité uniquement humaine. Dieu fait que le travail soit toujours dans la lutte : lutte à l’extérieur ou lutte avec nousmêmes. Nous devons toujours lutter. Le travail implique la lutte. Cela nous est montré par toutes les trompettes qui, dès le point de départ, nous mettent dans la lutte. Ce premier enseignement est très important. Il nous empêche d’être paresseux et 210
aussi de murmurer. Il faut comprendre notre condition de chrétien. Par notre condition chrétienne, nous sommes dans la lutte avec le Christ ; nous devons suivre le Christ et donc accepter la lutte. Alors, dans la lutte même, pouvons-nous discerner ce qui vient de Dieu et ce qui vient du démon ? Pouvons-nous discerner les permissions de Dieu et les volontés de Dieu ? Vous sortez, il vous tombe une tuile sur la tête ... vous sortez, une guêpe vous pique ... Parce que les guêpes peuvent venir très proches des hommes et des habitations des hommes. Cette petite guêpe, suivant son instinct, est-elle venue par la sagesse de Dieu ? Exprime-t-elle pour vous l’amour de Dieu qui vous rappelle que vous devez vous réveiller parce que vous avez été piqué ? ... Normalement, c’est difficile de continuer à dormir. Est-ce que cette guêpe exprime la volonté de Dieu ou bien est-elle venue par le démon ? Et alors elle exprime la rage du démon sur vous. Je me souviens de cette petite histoire : c’était dans une abbaye bénédictine, à la fin d’une retraite ... il y a toujours des catastrophes. La brave abbesse descendait un petit escalier qui était vieux parce que l’abbaye était ancienne ; elle glisse et elle tombe (c’est elle qui m’a raconté cela) ... Elle se blesse et se fait beaucoup de mal. Parce qu’elle était d’un certain poids, comme une bonne abbesse ! Alors, elle se dit : c’est le démon. Elle fait le rapprochement : « Je réinviterai ce prédicateur, parce que c’est le démon. Il est furieux ». C’est une interprétation. Mais on peut dire aussi : vous avez manqué de prudence. Dieu vous demande d’être prudent. Vous avez descendu l’escalier sans remarquer quelques marches un peu glissantes. Est-ce que c’est nécessairement l’intervention du démon ? Vous voyez comme c’est difficile. C’est très, très difficile. Pouvons-nous faire le discernement ? Nous sommes dans l’ordre des trompettes. Nous sommes dans l’ordre de l’exécution, dans l’ordre du travail. Il y a des gens qui font tout de suite l’interprétation. Elle avait peut-être raison de dire que c’était le démon. C’était peut-être bien lui. Et pour elle, si elle a eu cette impression que c’était le démon, c’était peut-être vraiment le démon. Mais si, à partir de là, vous dites que chaque fois que vous glissez dans l’escalier c’est le démon, cela devient très dangereux. Si chaque fois que vous êtes piqué par une guêpe vous dites : c’est le démon qui me pique, cela devient aussi très dangereux. Ne jamais voir le démon, ce n’est pas vrai. Le voir toujours n’est pas vrai non plus. Nous pouvons dire très nettement que nous sommes dans un milieu ambiant sur lequel, de fait, Dieu agit, et aussi le démon. C’est peut-être ce qui est le plus pénible pour nous dans l’ordre des trompettes car on aime voir clair et on aimerait faire nettement le discernement. On aimerait dire : à droite les amis de Dieu, à gauche les ennemis. Je prépare toujours mon épée du côté de la gauche. Et à droite, j’ouvre mon cœur. Quelquefois, c’est l’inverse : à gauche toujours les amis de Dieu, à droite toujours ses ennemis. On ne peut pas faire cela. Il y a la parabole du bon grain et du mauvais grain : il ne 211
faut pas l’oublier. Il y a des gens qui voudraient toujours avoir un champ dans lequel il n’y ait pas la moindre mauvaise herbe et que tout soit de Dieu. C’est vouloir rétablir le paradis sur terre, l’Eden, et vouloir à tout prix qu’il n’y ait que les purs. Il y a toujours la tentation de réunir les purs, tous ceux qui sont de Dieu. En agissant ainsi, on devient partisan. Ce n’est pas le discernement de Dieu. Dieu nous laisse dans la lutte. Cela nous introduit dans le symbolisme des trompettes que nous allons voir tout à l’heure, et nous en montre la grande complexité. Dans cette complexité du symbolisme des trompettes, nous ne devons pas essayer de précisez avec rigueur ce qui peut venir de Dieu. Dieu se sert de la grêle, j’en suis sûr. De temps en temps. Et le démon peut s’en servir également.
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14me conférence
Jésus est le Prêtre, par le Mystère de l’Incarnation. Saint Jean dans l’Evangile nous montre Jésus comme l’Agneau, l’Epoux, le Fils Bien-Aimé. Mais c’est dans l’Apocalypse que Jésus apparaît : tout de suite dans sa Gloire de Prêtre. Consécration à la Très Sainte Vierge.
L’Apocalypse est complexe ; elle nous prend dans notre conditionnement humain. Elle nous prend dans nos luttes. C’est vraiment le livre qui éclaire nos luttes et qui nous fait comprendre qu’elles sont permises et voulues par Dieu. Et que nous ne pouvons atteindre vraiment la Jérusalem céleste qu’à travers ces luttes. Jésus, de fait, a été Celui qui a lutté le plus. Il a lutté dans un amour plénier. Toutes les luttes du Christ sont les luttes de Celui qui est l’envoyé du Père, de Celui qui est le médiateur, donc de Celui qui est le prêtre. C’est toute la vie de Jésus. Dans son être profond, Jésus est le médiateur. Et c’est pour cela que le Mystère de l’Apocalypse nous montre tout de suite Jésus dans sa Gloire comme Prêtre. Quand vous regardez l’Evangile de S. Jean, vous risquez de ne pas le voir avec suffisamment de netteté, parce que S. Jean nous parle de l’Agneau, de l’Epoux, du Fils. Il ne parle pas explicitement du sacerdoce ; et alors, à ce moment là, nous risquons de ne plus comprendre le sacerdoce. Il faut comprendre que profondément, dans la perspective même de l’Evangile de S. Jean, le mystère de l’Agneau, le mystère de l’Epoux et le mystère du Fils constituent le Prêtre. C’est une pédagogie merveilleuse de Dieu pour nous faire comprendre le mystère même du Sacerdoce du Christ. Le Verbe en tant que Verbe et en tant que Fils, n’est pas prêtre. Il est prêtre par le mystère de l’Incarnation. C’est en assumant la nature humaine que Jésus est prêtre. Le sacerdoce est dans sa nature humaine. Dieu est au-dessus du sacerdoce. C’est la créature, unie à Dieu, qui est médiatrice. C’est l’Humanité Sainte du Christ, unie à Dieu de cette manière unique, qui fait que nous sommes en face d’un Prêtre unique. Il ne peut pas y avoir deux prêtres semblables à Jésus. Il y a un seul Prêtre. Jésus est le GrandPrêtre. Il est prêtre dans son âme humaine sanctifiée par la grâce, et unie 214
personnellement au Verbe. Le mystère du Sacerdoce du Christ, c’est la plénitude de son Amour pour le Père et pour les hommes. C’est un Sacerdoce d’Amour, ce n’est plus un sacerdoce de fonction. Et c’est pour cela que c’est vital. Le sacerdoce lévitique était fonctionnel. Nous avons toujours la tentation de revenir à l’Ancien Testament. La Réforme a été la grande tentation de revenir à l’Ancien Testament. Et comme nous revivons la même tentation aujourd’hui, nous voulons revenir à l’Ancien Testament. Cette tentation est très forte parce que l’Ancien Testament est très proche de nous au plan psychologique. Le Nouveau Testament se situe tout de suite au niveau de la foi, de l’espérance et de l’amour. C’est pour cela qu’il nous parle moins. Dans le monde d’aujourd’hui, nous sommes très sensibilisés à l’aspect psychologique et à l’aspect sociologique. C’est ce qui domine aujourd’hui tandis que la métaphysique, elle, ne domine plus du tout. La culture d’aujourd’hui est une culture psychologique et sociologique, modifiée par le point de vue de la science et de la technique. Il faut bien comprendre cette tentation très nette à l’égard du sacerdoce : on revient à un sacerdoce fonctionnel. On essaie de comprendre la fonction du prêtre et on ne comprend plus le mystère du Sacerdoce du Christ. Le Mystère du Sacerdoce du Christ est au-delà de la fonction. C’est le Fils bien-aimé qui, ayant assumé la nature humaine, est Prêtre. Et c’est dans sa vie d’amour que Jésus est Prêtre. Son sacerdoce réside donc dans son âme. Et c’est son corps qui permet au Sacerdoce du Christ de s’exprimer et de se réaliser dans l’holocauste de la croix. L’aspect victimal du Christ se réalise dans son âme en premier lieu. C’est évident. Parce que la victime ne pourrait pas exister si elle n’était pas vivante. Elle se manifeste à travers son état victimal qui est l’Agneau. Le Mystère de l’Agneau exprime bien le Christ qui, dans sa miséricorde, porte l’iniquité du monde. L’Agneau est le bouc émissaire. Et Jésus accepte d’être l’Agneau innocent et le bouc émissaire. Les deux sont intimement liés dans le mystère victimal du Christ. Mais c’est parce qu’il est l’Agneau immolé que la victime est tout à fait pure ; et l’Amour prend possession complète de cette victime. C’est une victime entièrement brûlée par le feu de l’Amour. Et donc, elle peut porter toute l’iniquité du monde dans cet Amour. C’est parce que le Sacerdoce du Christ est un Sacerdoce d’Amour, qu’il peut s’achever en Marie, en la Femme. Marie est le complément du Sacerdoce du Christ. C’est Elle qui nous fait comprendre le mystère du sacerdoce royal et mystique des fidèles. C’est la Femme. C’est pour cela que, du point de vue théologique, le sacerdoce ministériel de la femme est inconcevable. Ce sont des questions qu’on essaie de reprendre aujourd’hui avec des théories multiples et diverses. C’est oublier et mal concevoir le rôle de Marie. Si nous concevons bien le rôle de Marie, nous comprenons comment le Sacerdoce du Christ s’achève dans le mystère de la Femme. Jésus, dans son Sacerdoce de Fils bien-aimé, s’offre lui-même et, en s’offrant luimême, offre toute l’humanité. 215
Mais l’humanité doit être offerte avec Jésus dans un consentement libre. Et c’est pour cela qu’il y a Marie. Elle exprime ce consentement libre et comment l’état victimal du Christ s’achève en Elle. Le sacerdoce mystique des fidèles est du côté de la victime, de l’offrande, de celle qui est offerte, et qui permet l’achèvement du Sacerdoce du Christ. Marie ne serait rien sans le Christ. Elle pourrait être sanctifiée par la grâce, mais elle ne serait pas celle qui joue ce rôle tout à fait spécial d’être la Mère de l’Eglise, parce que sa maternité divine à l’égard de l’Eglise est liée à son rôle de médiatrice dans l’ordre du sacerdoce royal. Le sacerdoce achève l’état victimal du Christ, C’est pour cela que je vous disais tout à l’heure que l’aspect victimal va plus loin que ce que représente l’acte du prêtre. L’acte du prêtre s’achève dans cette offrande victimale du Christ au Père, pour le glorifier. Mais c’est Marie qui doit offrir au Père les dernières gouttes d’eau et de sang de la blessure du cœur de Jésus quand Il est déjà mort, et donc quand Il n’est plus présent comme prêtre. Nous comprenons alors cette offrande de Marie qui, en offrant Jésus, s’offre elle-même. Elle ne peut pas offrir Jésus sans s’offrir. C’est son cœur blessé par le glaive qu’elle offre au Père. Et elle l’offre au Père en même temps que les dernières gouttes d’eau et de sang. Et donc Marie, dans son mystère de sacerdoce mystique, achève le Sacerdoce du Christ : ce Sacerdoce mystique existe grâce à cette plénitude de l’état victimal. C’est de cette manière que nous devons essayer de saisir le Sacrifice de la Messe qui reprend le sacrifice du Christ. Le prêtre, en tant qu’il est revêtu du Sacerdoce du Christ par le sacrement de l’Ordre, est revêtu du pouvoir sacramentel du Christ et il agit en Son Nom en premier lieu. Il n’agit pas premièrement au nom de la communauté. Il agit en premier lieu au nom du Christ. Il fait l’œuvre sacerdotale du Christ. De même que le Mystère de la Croix implique l’offrande du Christ et l’offrande de Marie, la Messe va impliquer nécessairement que le prêtre, agissant au nom du Christ, offre en même temps toute l’Eglise. Et l’offrande de toute l’Eglise, c’est justement ce que Marie a vécu en premier. Aussi ne pouvons-nous pas comprendre le mystère de la Messe sans comprendre le mystère de la Compassion de Marie. C’est impossible. Si nous ne comprenons pas en premier lieu ce qui s’est réalisé à la Croix, nous ne pouvons pas saisir ce qui se réalise à la Messe, parce que la Messe nous donne sacramentellement ce qui s’est réalisé à la Croix. Or, à la Croix, Dieu a voulu unir intimement le sacrifice du Christ et l’offrande de Marie toute relative à celle dé Jésus et qui l’achève. Le Mystère de la Messe, c’est le Sacrement de l’Eucharistie, c’est, à dire de ce qui a été réalisé à la Cène d’une manière première. Et la Cène est toute réalisée à la Croix. Ne séparons jamais la Cène de la Croix. Ce serait séparer quelque chose que Dieu a uni intimement dans l’Amour.
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Vous voyez comment le mystère de l’état victimal du Christ montre, d’une manière très éloquente, que le Sacerdoce du Christ est un Sacerdoce d’Amour. Le sacerdoce lévitique, le sacerdoce fonctionnel, le prépare. C’est un sacerdoce au niveau religieux : on pouvait offrir le sang des taureaux et des boucs. Le prêtre pouvait offrir des victimes qui n’étaient pas lui-même, car ce n’était pas un sacerdoce d’amour. C’était un sacerdoce symbolique qui préparait le sacerdoce d’amour. Le sacerdoce d’amour implique que le prêtre et la victime soient un. C’est le propre du Sacerdoce du Christ. L’amour ne peut pas s’arrêter au symbole ; il implique la réalité. Et le réalisme de l’amour fait que, nécessairement, le prêtre doive s’offrir lui-même. C’est ce que l’Eglise latine a très bien compris dans le point de vue du célibat du prêtre. On peut dire que le sacerdoce, comme tel n’implique pas le célibat. Mais le Sacerdoce du Christ implique dans sa plénitude le célibat, Ce n’est pas uniquement une question de discipline. C’est une question beaucoup plus profonde. Il s’agit du réalisme de l’amour, Il peut se faire dans un régime où l’amour n’est pas pleinement vécu, que le sacerdoce du Christ se communique sans impliquer cette condition. Mais il l’impliquera toujours pour certains qui comprendront, qui voudront aller jusqu’au bout. C’est une exigence profonde du Sacerdoce d’impliquer que le prêtre s’offre lui-même. Quand le prêtre agit au nom du Christ, pour être dans la vérité, il doit comprendre que le Christ lui demande de s’offrir lui-même, et d’être uni à Son Sacrifice. Sacramentellement, il agit au nom du Christ, c’est sûr, et donc c’est le Christ qu’il offre. Mais puisqu’en réalité, Marie était intimement unie au sacrifice du Christ, il faut cette complémentarité. Il faut cet achèvement. Et si le prêtre doit offrir l’Eglise, il doit s’offrir en premier lieu. Et donc, pour que le prêtre puisse vivre dans cet état d’offrande, le sacerdoce va impliquer le point de vue du célibat. Le célibat du prêtre n’est pas autre chose que cette attitude d’offrande. Quand, pour nous éclairer, nous regardons l’Ancien Testament, nous voyons comment Abraham a dû lui-même faire le sacrifice de sa paternité pour faire le geste du prêtre, pour immoler son fils. Il y a eu l’offrande de sa paternité. Et Dieu demande cela. Et le célibat c’est bien l’offrande de la paternité, c’est l’offrande de la fécondité humaine pour une fécondité divine. Et donc c’est un état d’offrande, un état d’holocauste. Que ce soit un sacrifice, c’est normal. C’est la coupe. C’est la taille. C’est l’exigence du Père pour que le Sacerdoce du Christ puisse se réaliser pleinement. Pour qu’il puisse y avoir justement le fil visible de ce Sacerdoce d’Amour qui prend tout. Comprenons bien que tout le gouvernement de Dieu passe par Jésus. Nous l’avons vu pour les signes. Donc il passe par le Sacerdoce du Christ. Disons que toutes les décisions d’amour passent par le cœur de la victime, par le Cœur de Jésus en tant que victime. L’Amour est toujours le point de vue ultime.
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Or, le sacerdoce du Christ s’achève dans l’état victimal du Christ. Et donc, c’est dans cet état victimal du Christ que nous comprenons que les décisions, qui sont des décisions d’amour, doivent toucher ce qu’il y a de dernier. Tandis qu’au contraire, quand il s’agit de l’exécution, nous ne sommes jamais en face de quelque chose d’ultime. C’est de l’ordre de l’efficience qui nous met en face du conditionnement et donc d’une chose qui est toujours limitée. Le point de vue de l’exécution n’est jamais ultime. L’exécution est dans la lumière liturgique du geste sacerdotal. Pour bien saisir le point de vue de l’Agneau et le point de vue du. Sacerdoce, il faut considérer aussi bien le symbolisme des sceaux que le symbolisme des trompettes, qui tous deux font partie du mystère du Sacerdoce du Christ. Et dans le mystère des trompettes, nous sommes associés immédiatement à ce mystère du Sacerdoce du Christ. J’allais dire nous en constituons comme la matière. Jésus nous demande de nous offrir avec Lui pour que son Sacerdoce puisse se réaliser toujours pleinement. Je crois que c’est la signification profonde de ce symbolisme des trompettes. En fait, Dieu nous demande de lutter avec Jésus pour faire la même œuvre que lui. Et dans cette lutte, nous ne pouvons pas toujours discerner avec netteté la volonté (je parle du conditionnement) et les permissions de Dieu. Il y a tout un discernement à faire et qui est très important parce qu’il nous aide beaucoup à nous pacifier. La Béatitude des cœurs purs se vit au niveau des intentions. Elle n’est jamais au niveau des exécutions. Elle est toujours au niveau des intentions. La conformité de notre volonté à la volonté du Père est au niveau des intentions, et non pas au niveau des moyens. Parce que la réalisation du conditionnement est au niveau des moyens. Ce que nous devons chercher à travers tout, c’est de faire pleinement la volonté du Père. C’est ce que nous devons chercher puisque c’est notre nourriture. Et c’est le désir dernier du Bon Pasteur : chercher à travers tout la volonté du Père. Mais nous ne pourrons jamais la connaître d’une façon absolue, en face de tel ou tel choix particulier, par exemple, faire une retraite à la Part Dieu et dire : « c’est la volonté du Père ! ». Nous pouvons, dans la prière comprendre que c’est cela qui traduira le mieux la volonté du Père sur nous. Mais nous ne pouvons pas le savoir d’une façon absolue. C’est comme celui qui dit en balayant : « je sais que c’est la volonté dm Père que je balaie ... » On lui dira : « faites attention, vous risquez de tomber dans l’illuminisme ». Parce que lorsque nous choisissons un moyen, nous ne pouvons jamais savoir d’une façon absolue si c’est bien cela qu’il faut faire, car nous sommes dans la lutte. C’est là qu’il faut toujours être extrêmement rectifié dans son cœur et vivre la Béatitude des cœurs purs, par le désir que nous avons de nous conformer pleinement à la volonté du Père. 218
Dans certaines circonstances, Dieu peut nous donner une lumière sur tel ou tel moyen. Et nous comprenons à ce moment-là que si nous ne prenons pas cette lumière, nous risquons profondément de nous mettre en opposition avec la volonté de Dieu. Mais nous devons toujours, quand il s’agit de lumières charismatiques, de lumières qui nous viennent par la Providence de Dieu, nous devons toujours remettre ces lumières dans la Béatitude des cœurs purs en disant que nous voulons par là être entièrement conformes à la volonté du Père. Autrement, nous risquons de confondre l’ordre des intentions et l’ordre des moyens. Je sais très bien que, dans le propre du mystère de la charité, l’intention illumine immédiatement les moyens. C’est le propre de l’amour. C’est déjà vrai dans l’amour humain où l’amour transforme tous les détails et leur donne une signification. Mais même dans l’amour humain, on doit toujours distinguer ce qui est l’intention profonde de notre cœur et la manière de traduire notre amour. La manière de traduire notre amour est toujours relative, tandis que l’intention de notre cœur est absolue. Dans l’ordre surnaturel, il y a quelque chose de semblable : l’intention, de notre cœur est un absolu et la manière de traduire notre amour à l’égard de Dieu est toujours relative. Nous pouvons comprendre que c’est cela que nous devons faire, mais ce n’est jamais absolu. Nous devons tout de suite l’offrir à Dieu pour revenir dans l’absolu de la contemplation, dans l’absolu de l’intention. Vous voyez que le point de vue des trompettes est au niveau de notre conditionnement, au niveau de la lutte, et doit nous faire comprendre que dans ce cas-là nous ne pouvons pas dire : « Je n’agirai que lorsque je serai absolument sûr que c’est la volonté de Dieu ... » Dieu nous demande de prendre les lumières nécessaires. Nous devons demander conseil à ceux qui peuvent nous les donner, à ceux que la Providence a mis auprès de nous pour nous aider. Mais nous n’aurons jamais une lumière absolue dans le choix d’un moyen si nous disons : « C’est sûrement la volonté de Dieu de faire cela ... » La volonté de Dieu se traduira toujours dans l’ordre de la Béatitude des cœurs purs, par l’intention que nous avons de conformer notre volonté à celle de Dieu. C’est merveilleux parce que cela nous oblige à faire totalement confiance et à nous maintenir dans la pauvreté. Autrement, nous deviendrions têtus. J’ai choisi ce moyen. Je sais que c’est ce que Dieu veut, et j’en mourrai s’il le faut. Attention : on meurt pour témoigner de sa foi, mais pas pour témoigner que nous sommes sûrs que tel moyen est de Dieu. C’est très, très important. Autrement, on n’est pas un martyr. C’est la même chose pour le Père de Foucauld. L’Eglise n’a pas tranché. Elle tranchera peut-être. L’Eglise peut le faire, mais pas un théologien : un théologien ne peut pas trancher. C’est très mystérieux et cela va très loin ces choses-là. Si nous regardons attentivement l’Apocalypse, c’est le mystère des trompettes. Il y a toujours un très grand danger qui nous guette, surtout dans les moments de crise comme les nôtres, où il y a pénurie de l’autorité. Nous sommes tentés d’aller nous éclairer à telle ou telle 219
lumière qui sont des lumières charismatiques que Dieu nous donne. Attention : on ne doit jamais s’arrêter à une lumière charismatique. La lumière charismatique est toujours relative ; si grande, si lumineuse soit-elle, elle est toujours relative à la Béatitude des cœurs purs. Les béatitudes évangéliques ne sont pas au niveau des charismes ; elles sont au niveau des dons du Saint-Esprit. Là seulement, nous touchons l’absolu. Les charismes sont toujours quelque chose de relatif. Sans les mépriser, nous devons en user dans la mesure où ils nous font vivre des béatitudes évangéliques. Si les charismes deviennent pour nous un arrêt parce qu’ils sont trop séduisants, à ce moment-là, ce ne sont plus des charismes. Il est toujours très, très difficile de discerner si les charismes sont du Saint-Esprit ou du démon, parce qu’ils ne sont pas du surnaturel absolu. Les théologiens disent que c’est du surnaturel où le sensible intervient. Tandis que les dons du Saint-Esprit proviennent de la grâce de Dieu et sont à l’intérieur de la grâce de Dieu. Ils se traduisent à l’extérieur dans nos gestes, dans notre prière, mais ils sont intérieurs. Au contraire, dans les charismes, c’est toujours le point de vue sensible qui intervient en premier lieu, pour nous faire vivre du Saint-Esprit. Alors vous voyez, il y a là tout un discernement qu’il est très important de faire, surtout dans les moments que nous vivons maintenant, lorsque l’autorité est très mince et que le troupeau de Jésus ne sait où il faut aller. Quand il y a des silences de l’autorité, ne l’accusons pas de se taire, nous ne savons pas. Elle est peut-être obligée de se taire. Personne ne le sait. A certains moments, Dieu demande le silence. Alors ce n’est pas très drôle pour ceux qui doivent prendre des engagements, des décisions. Il y a des grands silences de l’autorité, des silences où l’on peut dire. Cela me semble un peu condamnable, surtout quand il y a des abus visibles. A ce moment-là, on doit se rappeler les exigences de Dieu. On doit se souvenir de ce qui est permis et de ce qui n’est pas permis. Mais il est bien évident que dans les moments de crise, où il y a des grands silences de l’autorité, nous avons une propension normale et naturelle à aller vers les charismes. Il en a toujours été ainsi. Dans tous les moments de crise, il y a des phénomènes charismatiques qui deviennent très très forts. Ils proviennent, ou bien du Saint-Esprit, ou bien tout simplement de cette tension qui se produit dans la communauté chrétienne. Le démon peut se servir de ces états de tension pour donner un peu de sécurité (fausse sécurité qui vient du démon), il faut donc tout le temps, avoir des discernements à l’égard des charismes. On n’a jamais le droit de dire d’un charisme : « Ah, c’est sûrement de Dieu, c’est quelque chose que les hommes ne peuvent pas faire. » Mais il y a le démon ... Les démons peuvent faire des choses extraordinaires. Ils peuvent faire descendre le feu du ciel sur la terre. Et on doit donc tout le temps se demander si c’est bien de Dieu, si c’est de l’Esprit Saint, ou du démon.
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Le charisme est de l’Esprit Saint lorsqu’il porte à une plus grande charité, à un plus grand amour d’adoration, de respect et de repentir à l’égard de Dieu; lorsqu’il nous rend plus dociles à l’Esprit Saint et au mystère de Marie, à l’Eucharistie. L’Esprit Saint ne peut pas diviser l’Eglise puisqu’il est l’unité dans l’Eglise. Et donc, si les charismes divisent, ils ne sont pas sous l’action de l’Esprit Saint. Ou bien c’est nous qui les utilisons mal. A ce moment-là, la prudence consiste à nous en écarter un tout petit peu. Etant donné que nous avons une sensibilité, nous sommes toujours plus émus par les charismes que pax la grâce intérieure. C’est toujours très impressionnant pour notre sensibilité, de voir les charismes. Nous sommes un peu pris par cela et nous risquons quelquefois de faire passer les choses secondaires avant les principales. Là, encore c’est une tactique du démon qui désordonné en faisant passer le secondaire avant le principal. Alors que l’œuvre de l’Esprit Saint est d’ordre divin, qui nous rappelle toujours l’essentiel. La taille du Père nous ramène toujours au Fils ; elle veut tout le temps nous ramener au Fils. Quand les charismes nous dispersent et nous empêchent d’être unis au Christ, c’est une preuve que le démon se sert de ces événements sensibles pour nous faire perdre du temps. C’est très net : les charismes nous font perdre du temps, on ne peut pas le nier. Ils nous font nous attarder aux choses plus faciles, plus proches de nous, alors qu’au contraire, dans un temps de lutte, on devrait s’alléger, ne gardant que l’essentiel. Il y a des moments où une seule chose importe : garder la foi, garder l’espérance, garder l’amour. Garder une foi plénière, une espérance de pauvre et aimer comme le Saint-Esprit veut que nous aimions. Alors on s’allège. Ceux qui ont vécu l’exode, à la dernière guerre, le savent bien. A ce moment-là, on n’emportait que les choses essentielles. On ne disait pas : Je veux rester chez moi parce que je veux tout garder ... Celui qui raisonnait ainsi, évidemment, il était pris. Il préférait ses meubles à sa vie. Il aimait mieux certaines choses extérieures que le salut de ses enfants. Au moment de l’exode l’Eglise vit un très grand exode, un très grand moment de purification il y a nécessairement un choix à faire. Le Saint-Esprit ne nous demande pas de tout garder. Il nous demande de nous purifier. Chacun d’entre nous doit choisir dans la lumière du Saint-Esprit en tenant compte du milieu où il est. Nous savons très bien que la chose essentielle qu’il faut garder, c’est la vérité. Mais la vérité se manifeste de multiples manières. Donc, chacun d’entre nous doit choisir les choses essentielles et ce sont, pour tous : la foi, l’espérance et l’amour. Et il s’agit de garder une foi plénière et non de commencer à dire : Il y a des minidogmes et des dogmes principaux. On n’a pas le droit de faire cela. Au Concile, certains Père, certains experts ont voulu qu’on dise qu’il y ait des mini-dogmes, des dogmes que l’on peut relativiser. Evidemment, il s’agissait de l’Immaculée Conception, de l’infaillibilité du Saint-Père et de l’Assomption. C’étaient les trois plus récents. Alors, 221
ceux-là on peut les relativiser parce qu’ils sont beaucoup moins importants. Non. La vérité, c’est la vérité. Et quand le Saint-Esprit nous éclaire et donne la vérité à l’Eglise, l’Eglise doit la recevoir. Donc la vérité implique une plénitude, puisque l’Esprit Saint nous conduit à la vérité toute entière. Là, nous n’avons pas le choix. Mais nous devons comprendre ce qui est essentiel dans la Tradition de l’Eglise et ce n’est pas toujours commode. Il y a des choses secondaires, c’est évident. L’Eglise du Moyen Age n’était pas la même qu’actuellement. Si l’on avait gardé tous les meubles du Moyen Age, imaginez ce que cela donnerait : une cave, un grenier, effrayants, et alors, à ce moment-là, on s’occuperait uniquement de transporter les meubles du grenier et les bouteilles de la cave. Et l’on perdrait son temps. Il y a des collectionneurs. Et il y a même un esprit collectionneur qui peut s’emparer de notre vie chrétienne. Il y a des collectionneurs extraordinaires. J’ai rencontré dans ma vie un couple collectionneur de clés ! La fille et le garçon faisaient collection de clés. Ils se sont mariés, heureusement tardivement, ne pouvant plus avoir d’enfants. Ils en avaient trop puisqu’ils avaient les clés. Des valises énormes pleines de clés. Ils n’ont rien fait d’autre. C’était très touchant d’ailleurs, d’une certaine manière. Quand ils ont eu leur retraite, ils ont acheté une maison pour mettre leurs clés. Et l’on visite cette maison ; je l’ai visitée. Je peux vous donner l’adresse exacte. Ils ont dit cela spontanément, avec une simplicité merveilleuse. C’est tout un programme de vie !!! Transposez cela au plan spirituel et voyez ce que cela peut être. Il y a des gens qui sont ainsi : ils ne peuvent rien abandonner. Alors ils se marient et ils ont des valises de clés. Et au lieu de regarder simplement ce qu’ils doivent faire, ils s’associent, puis ils construisent un musée de clés. Je ne crois pas que le Saint-Esprit nous demande cela. Le Saint-Esprit ne construit pas de musées. Il laisse les hommes les construire. Le Saint-Esprit nous demande actuellement d’être en plein champ de bataille, avec Jésus. Et en acceptant d’être seul s’il faut être seul. Mais en gardant l’essentiel avec une très grande lumière, une très grande lucidité. Ce n’est jamais commode. Les sept trompettes nous font comprendre que ce n’est pas commode de garder l’essentiel. Ce mystère des sept trompettes nous fait comprendre que nous ne pouvons pas toujours faire le discernement absolu entre les volontés de Dieu et les permissions de Dieu. Je reprends rapidement le texte : « Il y eut de la grêle … » La grêle, ce n’est pas la pluie. La pluie est une bénédiction de Dieu, mais la grêle n’est jamais une bénédiction divine, Dans l’Ecriture, la grêle et la pluie ont une signification très précise. La pluie, dans les pays de désert, dans les pays chauds, c’est une bénédiction de Dieu. Tandis que la grêle, non. La grêle détruit. 222
Donc la première trompette, c’est la grêle. Je dirais qu’il y a tout le temps de la grêle. Elle est première, donc elle existe tout le temps, d’une certaine manière. Ce n’est pas très dangereux. Ça ne tue pas toujours ; normalement ça ne tue pas. C’est un peu désagréable ! Si on veut aller vite, cela ralentit un tout petit peu. Dieu éduque par ce moyen-là. C’est l’éducation de Dieu qui se fait directement par les anges : les bons ou les mauvais. Donc, Dieu nous éduque en permettant que dans toutes les œuvres divines que nous faisons, il y ait toujours de la grêle, quelque chose qui arrête un peu. Cela ne va jamais absolument bien comme si c’était le Paradis terrestre. Non. Il n’y avait pas de grêle dans le Paradis terrestre. Il y a quelque chose de très intéressant à voir. Vous savez bien ce que Saint Augustin a dit et qu’aujourd’hui nous n’acceptons plus du tout, que nous ne comprenons plus. Saint Augustin est quand même un « grand » Père dans l’Eglise. Et les grands-pères, il faut les écouter. Saint Augustin dit qu’à partir du premier péché, et à cause du péché, ses conséquences se sont étendues sur les animaux et sur la nature. Avant le péché il y avait une harmonie parfaite. C’est du reste ce que l’Ecriture indique constamment : dans la Parousie, le lion et l’agneau pourront paître ensemble. Ce sera la paix universelle réalisée sous le symbolisme de l’agneau et du lion. Pour Saint Augustin, les luttes entre l’agneau et le lion sont la conséquence du péché. Mais aujourd’hui, on ne dit plus cela de la même manière, on n’ose plus l’affirmer. Je crois qu’il faut peut-être se servir de ce que Saint Augustin a dit et, à partir de lui, revenir à l’Apocalypse. Tout ce que les théologiens disent doit nous éclairer sur l’Apocalypse. Mais la dernière lumière, c’est la Parole de Dieu. Ce n’est pas la conclusion du théologien. La conclusion de Saint Augustin, on peut la discuter. Je crois qu’il ne faut pas la dire exactement comme il l’a dite. Mais il faut revenir à l’Ecriture. Ce qui me semble beaucoup plus intéressant à voir, c’est que l’Apocalypse nous montre que, depuis le péché, Dieu se sert des éléments. La grêle est un phénomène scientifique qui peut s’expliquer ; évidemment son intensité dépend de Dieu. Tout dépend de Dieu. Dieu se sert des éléments pour intensifier la lutte. C’est vrai, à cause du péché, à cause de la révolte. Mais cette action de Dieu n’est pas la conséquence immédiate de la révolte, comme s’il s’agissait d’une conséquence immédiate de cause à effet ; cette action passe par le point de vue de la volonté de Dieu qui gouverne l’univers. Parce que l’homme est pécheur, on ne peut plus lui faire totalement confiance et il a besoin d’être purifié. Et c’est pour cela que l’univers n’est plus un lieu d’harmonie parfaite pour l’homme pécheur. Dieu se sert des éléments pour que l’homme comprenne que Dieu est présent. Autrement dit, depuis le péché, nous avons toujours besoin d’une correction venant de la toute-puissance de Dieu. Quand ce n’est que la grêle, cela va encore ! Cela prouve qu’on n’est pas très méchant, que le péché originel n’est pas encore trop fort en nous, mais ce n’est que la première correction ! Nous avons tous besoin de cela. Dieu se sert donc de l’univers pour corriger l’homme. Et je crois que c’est la première correction qui nous est montrée 223
ici : « Du feu mêlé de sang, qui furent jetés sur la terre. » Donc, il n’y a plus sur la terre cette harmonie première. Il y a une intervention qui la brise. Vous ne pouvez plus découvrir une harmonie parfaite dans l’univers. Ce n’est pas la conséquence immédiate de la première faute : c’est l’intervention de la volonté de Dieu. Parce que Dieu est Maître de l’univers. Notre univers dépend de Lui. C’est facile à comprendre le symbolisme de la grêle. Il suffit de l’avoir reçue sur la tête pour s’apercevoir de ce que c’est, et de constater tous les dégâts qu’elle produit. D’ailleurs, c’est dit : « Le tiers de la terre fut consumé, le tiers des arbres fut consumé, et toute herbe fut consumée. » (8, 7) Dieu a communiqué la vie qui devrait normalement avoir une fécondité merveilleuse. Mais, à cause du conditionnement dans lequel nous sommes, la vie n’a plus cette harmonie parfaite. Il y a de la grêle et du feu mêlé de sang. Le feu, c’est l’élément de la chaleur, c’est l’élément qui permet la vie. Et, selon l’Ecriture, le sang est toujours lié à l’âme. C’est du symbolisme, nous le savons bien. L’âme est dans le sang, et le sang c’est l’âme. Alors, le feu mêlé de sang signifie qu’il y a une intervention par rapport aux vivants. Ce sont les deux luttes, à l’égard de la vie et à l’égard tout simplement de l’univers physique qu’on veut nous faire comprendre. L’harmonie première n’existe plus. Et nous le ressentons à travers toutes nos activités. Nous sommes en lutte. Nous sommes dans la vallée de larmes. C’est ce que disent les Pères de l’Eglise. Ne recherchons pas le bonheur sur la terre. Nous ne le retrouverons jamais puisque nous ne pouvons pas retourner dans le Paradis terrestre. L’ange avec l’épée flamboyante nous empêche d’y retourner. Je crois que c’est ce qui nous est montré : nous ne pouvons pas retourner dans le Paradis terrestre. La lutte existe à la fois du côté physique et du côté de la vie. La vie s’en trouvera limitée, alors qu’elle vient de Dieu ; et c’est la question qu’on se pose de temps en temps : comment se fait-il que tout vienne de Dieu ? Et les Anciens, les stoïciens, les Néo-platoniciens, se posaient cette question-là. Saint Augustin se l’est posée. Tout vient de Dieu et il y a des choses monstrueuses dans la nature. Alors tout de même ! Dieu est bon. Si on ne voyait que des choses bonnes dans la nature, on se dirait : cela vient de Dieu, sans se poser de question. Mais on se pose la question et on se dit : Ah, voyez ... Dieu crée le mal. Il ne faut pas dire cela. Nous sommes ici dans l’ordre de l’exécution. Nous sommes en face de la première trompette. Comprenons que le mal s’est introduit dans le monde par la faute de l’esprit. Le mal vient d’abord de l’esprit. La première chose, c’est le démon : Lucifer. C’est un mal purement spirituel. Puis le mal spirituel a contaminé l’homme et l’a mis hors du Paradis. Et Dieu veut que l’univers, qui était le paradis de l’homme, aide l’homme à redécouvrir qu’il est un pécheur, qu’il est celui qui a refusé l’amour. Ces interventions de Dieu sont donc les conséquences du péché. Il peut y avoir des grêles qui viennent des bons anges. Des grêles dans tous les sens, des grêles 224
spirituelles et des grêles qui viennent du démon. Deuxième trompette : nous retrouvons la même chose, (les quatre se tiennent très fort).C’est pour nous montrer la force des interventions de Dieu et combien la lutte est dense. « Une grande montagne brûlée par le feu fut jetée dans la mer ». (8, 8) L’harmonie profonde, l’équilibre profond de la terre et de la mer peuvent être complètement bouleversés. Sans faire de nouveau déluge, Dieu peut intervenir de cette manière pour nous faire comprendre que l’homme dépend de lui. Parce qu’en définitive, c’est toujours pour nous faire comprendre la dépendance de l’homme à l’égard de Dieu. « Et le tiers de la mer devint du sang, et le tiers des créatures qui étaient dans la mer et qui avaient vie, mourut ». C’est toute la contamination du milieu. Aujourd’hui, la pollution du milieu nous fait très bien comprendre toutes ces choses-là. Pollution du milieu extérieur, pollution de la mer. Alors, de qui cela vient-il ? Dieu permet ces choses qui viennent des hommes, peut-être mus par le démon. La seconde trompette nous montre jusqu’où peut aller ce désordre dans l’univers. Dieu permet un très grand désordre qui peut aller jusqu’à faire que les mers qui, normalement étaient des réservoirs de vie, n’en soient plus. Dieu, qui a communiqué la vie en plénitude, permet qu’il y ait ces limites, que le milieu ambiant ne permette plus la communication de la vie. « Et le troisième ange sonna de la trompette. Et il tomba du ciel une grande
étoile qui brûlait comme une torche, et elle tomba sur le tiers des fleuves et sur les sources d’eau. » (8, 10) Ici, c’est encore la même chose : la limitation de la vie. « Et le nom de l’étoile était Absinthe ». Alors là, il faudrait regarder le symbolisme de l’absinthe. C’est un grand symbolisme, très important. Il désigne la corruption de la vie. C’est la pollution. Vous voyez, cela part toujours du dedans. Cela a commencé sur la terre, puis dans la mer, puis cela touche les étoiles et le soleil. C’est toute la corruption du milieu ambiant. Dieu Créateur permet que nous soyons éduqués par ces corruptions du milieu ambiant qui proviennent, soit de lui, soit du démon. Et nous n’avons pas toujours la possibilité de faire un discernement net. Quelquefois nous ne pouvons pas le faire, mais nous devons nous poser la question. La seule chose dont nous sommes sûrs est que cette lutte est très forte.
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*** Consécration à la Très Sainte Vierge.
Il est très important de voir la consécration à la Sainte Vierge dans la lumière des trompettes, parce que cela nous fait comprendre que la lutte dans laquelle nous sommes engagés exige de nous une armure de plus en plus intérieure, et cette armure de plus en plus intérieure, c’est cette consécration de notre être. Cette consécration de notre être va nous permettre, au-delà de toutes ces luttes, de rester dans cette lumière intérieure que Marie nous donne. Tout doit s’intérioriser. Jésus nous donne la lumière. Marie nous donne la lumière, l’Esprit Saint nous donne la lumière. Et si Dieu aime que nous passions par Marie, c’est toujours pour la même raison : Dieu multiplie ses instruments pour faire surabonder sa miséricorde. Et c’est pour exiger de nous un acte de foi, un acte d’espérance, un acte d’amour dans une plus grande pauvreté et une plus grande petitesse. C’est pour cela que Dieu fait surabonder ses instruments et qu’il nous donne Marie comme Mère pour être la Reine du Ciel et de la Terre. Elle nous aide à travers toutes ces luttes, tous ces mystères de trompette, à certains moments où l’on ne voit plus clair parce que tout est bouleversé. L’homme est tellement un homme d’habitude ... Or, les trompettes bouleversent tout. On a vu cela par la petite expérience des bombardements pendant la guerre : un paysage qu’on connaissait très bien était méconnaissable après le bombardement. On cherchait en vain de petits signes, car là où il y avait des trous, surgissaient des montagnes, et inversement. Et au fond, c’est vraiment cette espèce de bombardement que nous montrent les quatre premières trompettes. Rien n’est stable. On aimerait pouvoir reprendre les mêmes sentiers : rien n’est stable, tout est bouleversé. Mais la stabilité doit être prise du côté de l’intérieur. C’est Marie qui nous donne la stabilité. Dans le temps, la vie monastique faisait vœu de stabilité. Actuellement, nous comprenons que la seule stabilité, c’est Marie. Et c’est ce que nous demandons à la Très Sainte Vierge de nous donner la fidélité à travers tout. La stabilité du témoin. Il faut être debout. Témoin fidèle. Et c’est Marie qui nous permet, au milieu de toutes les luttes, au milieu de toutes ces avalanches, de toutes ces grêles, de tous ces bouleversements, de garder une ligne directrice très souple, mais très nette. Il ne faut pas que nous soyons des indécis, dans le monde d’aujourd’hui. Il faut que nous soyons très décidés, mais pas entêtés. Il ne faut pas confondre décision et entêtement. La décision, c’est avoir un but et 226
une recherche constante de vérité. Alors là, on est décidé. L’entêtement, c’est la limite. C’est la confusion entre la détermination et la limite. Et lorsqu’on confond la détermination et la limite, on s’enferre de plus en plus dans son étroitesse. Lorsqu’on est décidé, plus on s’approche de la fin, plus notre cœur s’ouvre. C’est juste l’inverse. C’est très très important de faire ce petit discernement parce que certaines philosophies, depuis plusieurs années, ont confondu détermination et limitation. Et alors, dans cette confusion, on ne s’en tire plus ! On a les deux camps : les intégristes et les progressistes. Il ne faut pas regarder ces deux camps : il faut être du Christ. On est du Christ et on recherche la vérité, si l’on est fidèle à l’Eglise et si l’on comprend qu’il ne faut surtout pas confondre détermination et limitation. C’est, je crois, ce que font les intégristes. (Je ne dis pas l’intégrisme, il y a l’intégrisme de la foi), mais je parle de certaines positions intégristes qui confondent la détermination et la limitation. Et si je regarde les positions du progressisme, c’est encore confondre détermination et limitation. Pour être plus déterminé, il faut briser les limites. Mais pour être plus libre, il ne faut pas briser les déterminations. Plus on est déterminé, plus on est libre, et plus on dépasse toutes les limitations. Mais il ne faut surtout pas supprimer les déterminations. Parce que la détermination, c’est justement la grande intention de notre vie, qui va vers la finalité. Alors, si vous confondez détermination et limitation, il n’y a plus qu’un seul moyen de s’en sortir : être révolutionnaire pour garder la liberté. Si on veut au contraire vraiment répondre à la manière du Christ dans le Cœur de Marie, nous voyons que Marie est la grande détermination de l’Esprit Saint. Il n’y a personne de plus déterminé que Marie. Personne de plus ouvert qu’Elle. Parce que c’est l’Amour qui prend possession de tout. Marie doit être pour nous cette détermination, cette grande ouverture vers l’Amour du Père.
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15me conférence
Il faut lire l’Apocalypse indéfiniment et se familiariser avec elle comme avec l’Evangile. La science est-elle ordonnée à l’homme ou bien l’homme est-il ordonné à la science ?
On vous a donné le texte de la Consécration à la Très Sainte Vierge, que nous lirons ce soir. Presque tous l’ont déjà faite, et je crois que, durant les chapelets, je vous ai suffisamment montré la signification de cette consécration ; il faut tout le temps la reprendre, c’est évident. Il ne faut pas du tout la faire comme une chose habituelle. L’Esprit Saint n’aime pas les répétitions. Donc ce n’est pas une répétition que nous ferons ce soir. Ce sera tout simplement une demande à l’Esprit Saint de nous donner davantage le Christ, de faire que la grâce du Baptême soit vécue en plénitude. Puisque, avec le Baptême, la grâce de l’Esprit Saint nous est donnée avec la grâce du Christ et que c’est cette grâce du Baptême qui doit nous faire vivre pleinement. Nous sommes nés à la Croix, de l’Esprit et de l’eau, comme le dit Notre Seigneur à Nicodème. L’on peut donc dire que nous sommes vraiment nés du Cœur blessé du Christ, et aussi de Marie, puisqu’elle est notre Mère. Ce soir, dans cette consécration, nous reconnaissons d’une manière explicite et très forte le lien dans l’Esprit Saint avec Jésus et Marie. Et nous leur remettons tout. Nous le faisons dans la grâce de cette retraite sur l’Apocalypse c’est-à-dire à travers le mystère de ces luttes. Je vous ai dit que l’Apocalypse doit nous donner une très grande espérance. J’espère que vous l’avez compris. L’Apocalypse nous donne un optimisme divin, pas un optimisme humain. Du reste, il n’y a pas d’optimisme humain parce qu’on se casse très vite la tête. Cet optimisme divin fait que, progressivement, plus nous avançons, plus la victoire du Christ prend possession de nous. Et au fond, c’est cela la grande découverte qu’on doit faire de plus en plus dans sa vie : plus l’Eglise approche du terme, plus le démon est déchaîné, c’est évident ; mais ce n’est pas mauvais de l’entendre grogner. Si on l’entend, ça prouve qu’on est hors de sa gueule. J’ai très peur des gens qui disent que le démon n’existe pas. S’ils ne l’entendent plus grogner, c’est parce qu’ils se trouvent dans sa gueule et qu’ils ne s’en aperçoivent pas ! Tandis que lorsqu’on est dehors, on l’entend grogner, on le sent, il est là. Et plus on se rapproche du terme, moins le démon cessera de rugir. 228
Le démon peut modifier la figure de notre monde. Et il la modifie de temps en temps, car j’ai l’impression que certains paysages sont assez abîmés dans notre monde d’aujourd’hui. C’est là une manière de reconnaître la griffe du démon. Il y en a d’autres. Quand on voit certaines propagandes, certaines revues ... c’est affiché. Le démon s’infiltre et se manifeste partout aujourd’hui. Plus les hommes disent qu’il n’existe pas, plus il rigole et plus il manifeste qu’il est là, présent. On ne peut pas nier combien il est présent à travers une quantité de choses aujourd’hui. Plus on y est attentif, plus on sait que la victoire du Christ est proche. Et plus l’Eglise est proche de son terme, plus Elle est pleine d’amour et de miséricorde. Evidemment, c’est peut-être le petit reste, le petit reste de l’Ancien Testament. Je me souviens, pendant que j’étais aux études, il y avait un étudiant qui faisait des dissertations sur le petit reste. On ne cessait d’en parler. C’est très beau, le petit reste, mais à la fin, il s’amenuise, le petit reste d’Israël, et je crois que pour l’Eglise, il y a quelque chose d’un peu semblable. On a l’impression que des chrétiens, croyants de générations en génération, perdent la foi, parce que leur foi n’est plus vraie. Elle s’identifie à une espèce de tradition religieuse, aux traditions de culture. Une foi identifiée à une tradition culturelle humaine, n’est pas une foi vraie. J’ai l’impression qu’actuellement le Seigneur demande à chacun une foi bien plus personnelle et beaucoup plus forte. C’est normal. Une foi beaucoup plus authentique, beaucoup plus pure ; une foi qui exige l’acceptation du combat, et d’être prêt au martyre, s’il le faut. Il est possible que le Seigneur nous le demande ! Et s’il nous le demande, Il nous donnera la grâce d’aller jusqu’au bout, d’être fort jusqu’au bout. Continuez de lire l’Apocalypse. Je crois que c’est excellent. Vous ne comprendrez pas tout : il faut la lire 100 fois, 200, 300. Je ne dis pas de la lire tous les jours, non, mais indéfiniment. Il faut se familiariser avec l’Apocalypse, comme on se familiarise avec l’Evangile. Et c’est dans la mesure où Elle nous devient familière que, tout d’un coup, les choses s’éclairent. Lisez donc l’Apocalypse. Elle-même plutôt que le Père Allo. Son ouvrage sur l’Apocalypse est une chose merveilleuse, mais elle est d’ordre exégétique. L’exégèse cherche le comment. Nous, nous avons essayé de chercher le pourquoi, la finalité. C’est cela qu’on doit chercher dans l’Ecriture. Nous devons comprendre la nourriture qui nous est donnée, sans mépriser le comment. Quand on a le temps de s’en occuper, faisons-le. On pourrait, à propos d’une quantité de choses, voir les parallélismes avec Ezéchiel, avec Daniel. Relisez Daniel, vous verrez combien il est riche et proche, au fond, de ce qui nous est donné dans l’Apocalypse. Et dans Ezéchiel, c’est pareil et l’on pourrait faire quantité de parallélismes. Je n’en ai pas fait trop parce que j’ai toujours l’impression que l’Apocalypse a une lumière intérieure et profonde plus forte que toutes ces comparaisons. Une fois qu’on a saisi l’essentiel, dans l’Apocalypse, ces comparaisons permettent ensuite d’en voir toute l’extension. Mais si on les voit avant, on risque de s’encombrer et de loucher un tout petit peu ! 229
Il faut saisir cet aspect très profond qui nous est donné : le Mystère de l’Agneau et le Mystère de l’Epoux. Comme dans l’Evangile de Saint Jean, c’est l’Agneau et l’Epoux qui éclairent tout. L’Agneau est la Miséricorde ; l’Epoux est l’Amour jaloux. Continuons de voir le symbolisme des trompettes parce que nous avons envie d’entrer plus profondément dans le mystère des luttes qui nous est donné. Essayons de terminer ensemble, même si l’on ne peut pas voir tous les détails, tous les grands aspects des gouvernements de Dieu, de Ses exécutions. Les anges interviennent dans les exécutions. Ce sont des intermédiaires, bons ou mauvais. Ce sont les bons que nous voyons. Les mauvais sont invisibles mais on va les démasquer soudain en en voyant les signes. C’est très curieux qu’ils ne nous soient pas montrés ici, parce que dans l’exécution, dans les moyens, on ne s’y retrouve pas très bien. Je ne reviens pas sur les 4 premières trompettes qui nous ont fait voir suffisamment comment l’homme, dans l’univers, est en lutte ; et comment le démon peut se servir des éléments pour diminuer l’épanouissement profond de notre vie. Le démon peut arriver à des choses affolantes, comme par exemple, aujourd’hui, l’industrie pharmaceutique. Il y a quelques années, quand de Gaulle était encore vivant (de Gaulle avait de temps en temps des idées un peu drôles et intelligentes), il avait eu cette idée curieuse de réunir, en un petit séminaire, ceux qu’il considérait comme les types les plus représentatifs de la France dans le domaine de l’entreprise, des tests, des calculs des probabilités, des ordinateurs, dans le domaine biologique, pharmaceutique, etc ... Je ne faisais pas partie de ce séminaire parce que les philosophes et les théologiens en étaient exclus mais je connaissais deux personnes qui y avaient participé et qui m’en avaient parlé l’un et l’autre. C’était intéressant. Il y a eu du reste un petit compte-rendu qui a paru, mais il ne relatait pas les choses essentielles. Le but de cette réunion était de tâter le pouls, pour savoir ce que l’homme sera en 1985. Il y eut, entre autres, un dialogue assez particulier entre celui qui représentait les chefs d’entreprise et le biologiste. Je ne cite pas leurs noms, ce n’est pas la peine. Le professeur de biologie disait : on pourra bientôt faire de l’homme ce qu’on veut. Il le disait avec une très grande force, une haute conviction. Là-dessus, le chef d’entreprise, habitué à savoir ce qu’est l’homme et que ce n’est pas si commode d’en faire ce qu’on veut, déclara : mais, M. le Professeur, le de Gaulle de 1985 voit la France tellement basse du point de vue prestige qu’il faut à tout prix la relever. Alors écoutez. Je vous demande un petit contrat : produisez pour la France 5 Mozart, puisque vous faites de l’homme ce que vous voulez. Que répondra le professeur de biologie de 1985 ? Là-dessus, le professeur de biologie s’est tu pendant quelques minutes et il a eu cette réponse admirable : « Si je répondais oui, vous me prendriez pour un naïf, mais je ne peux pas vous répandre non. » Il avait la conviction absolue qu’en 1985, étant donné le progrès de la science et de la technique, on arriverait à faire de l’homme ce qu’on voudrait. Produisez un génie, 230
vous arriverez à faire un génie. Et il était arrivé à cette conclusion : on voit bien certains dangers qui sont très nets ; il y en a d’autres que l’on voit moins. Le danger le plus net, c’est la bombe atomique, que tout le monde connaît bien. On sait très bien ce que cela représenterait si toutes les énergies nucléaires éclataient en un instant. Cela ferait un beau feu d’artifice ! » Ensuite ils ont considéré qu’il y a quelque chose qui va beaucoup plus loin, mais dont on ne parle pas : c’est le progrès de l’industrie pharmaceutique. Et ce progrès s’il continue et il n’y a pas de raison qu’il s’arrête représentera un danger encore beaucoup plus grand. Et comme l’industrie pharmaceutique marche très bien, il ne faut surtout pas en parler. De sorte que dans leur cahier, quand ils ont édité leur rapport, ils n’en ont pas parlé, par complicité. Il est bien évident qu’à travers cela il n’y a pas que l’homme. Pour celui qui a la foi, il y a autre chose, de caché. Alors, qu’est-ce que représentent les interventions ? Les interventions, ce sont les actions de l’homme qui, avec sa technique, avec sa science, au lieu de travailler pour lui risquent de se retourner contre lui. Un de mes amis qui assistait à ce fameux colloque sur la pollution de l’air qui s’est tenu en Suède l’année dernière me disait qu’il y avait quinze maoïstes présents. Et ces maoïstes ont tout de suite posé la question : la science est-elle pour l’homme ou l’homme est-il pour la science ? Toute la question est là. Personne n’a répondu, par complicité. Le Professeur Marois, qui s’occupe de l’Institut de la Vie, m’a raconté un petit événement qui l’avait beaucoup frappé cette année-ci. Il avait réuni les 24 savants qu’il juge, et qui se jugent entre eux, comme représentant assez bien la science actuelle, puisque parmi eux il y a 7 Prix Nobel ; et cette année ils se réunissaient à Rome. C’était l’Académie scientifique de Rome qui les recevait. Cette Académie est sous le patronage de Galilée. Le Professeur Marois, ayant le profond désir qu’un jour l’Institut de la Vie soit présenté au Saint-Père, se disait : quand même, il faut que l’Eglise s’intéresse à tout cela, qu’Elle puisse voir cela. Il avait déployé toute son énergie pour obtenir une audience du Saint-Père. Et il l’a obtenue, malgré certaines difficultés. (Il avait eu des réponses assez curieuses, dont celle-ci émanant du Secrétariat d’Etat : si vous dites au Saint-Père qu’il doit recevoir 7 prix Nobel, il n’en dormira pas de la nuit, et nous sommes là pour veiller sur sa santé !) Finalement, cette audience a été accordée. Le Professeur Marois ne connaissait pas du tout les convictions religieuses de ces 24 savants qu’il voyait uniquement du point de vue scientifique. Il m’avait demandé de beaucoup prier pour cela. Il m’avait dit : « Il faut à tout prix que cela se fasse et le mieux possible ».
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« Donc, nous arrivons à Rome. (C’est lui qui m’explique tout cela). Nous rendons hommage à Galilée, puis après ces éloges je prends mon courage à deux mains pour dire : puisque nous sommes à Rome, j’ai jugé bon, fit je crois que cela vous intéressera, d’avoir une audience du Saint-Père. » Les figures s’allongent. Il voit que le Président de l’Académie Scientifique Italienne prend tout de suite son petit calepin : Ah ! C’est désolant, juste ce jour-là, à cette heure-là, j’ai une conférence. Je regrette, mais je ne pourrai pas y être. » Marois m’a dit : j’ai vu le coup où chacun allait sortir son calepin et dire, désolant, j’ai un rendez-vous. Heureusement qu’il n’y a pas eu de successeur, mais Marois a vu que, parmi ces 24 savants, aucun n’avait la foi ! C’est symptomatique : aucun n’avait la foi. Ils ont tout simplement fait des réflexions du genre : si vous le voulez ... aller voir une momie dans un musée, ce peut être intéressant ... mais l’Eglise est tellement en perte de vitesse. L’Eglise, que signifie-telle ? Dans 150 ans existera-t-elle encore ? Le Vatican c’est un musée. C’est la science qui marche. Le progrès est du côté de la science et c’est de ce côté-là que nous devons aller. Le Professeur Marois continue : « Alors il y en a un qui m’a dit : Je vais poser des questions au Saint-Père. Je lui demanderai s’il sait ce qu’est la spectrologie. Parce que c’est quand même une science très importante et il devrait le savoir ». Marois était assez catastrophé. Toujours est-il que le jour de l’audience la femme du Président de l’Académie Italienne lui a fait demander si elle pouvait venir. (Il y a dû y avoir une petite scène de ménage le soir, un petit dialogue. Son mari n’est pas venu, mais elle est venue). Parmi ces savants, il y en avait un à moitié paralysé, à la suite d’une attaque. Son intelligence était intacte, mais son pauvre corps ne suivait plus entièrement. Ils s’étaient installés dans une salle spéciale, les 24 ensemble, juste avant l’heure. Le savant infirme se trouvait du côté par où devait arriver le Saint-Père. Juste à l’heure, le Saint-Père est arrive. Alors tous, comme un seul homme, se sont levés. Auparavant il y avait eu une petite séance assez particulière car l’épouse de l’un de ces savants n’était pas dans une tenue tout à fait correcte, selon le goût de Marois, pour une audience de ce genre. Il l’avait dit à son mari qui avait déclaré : « Je n’ai aucun pouvoir là-dessus. Marois est donc allé dire à l’épouse : vous pourriez peut-être mettre un autre costume ; celui que vous aviez l’autre jour vous allait très bien. Elle est partie se changer. Quand elle est revenue, dans une tenue très correcte, le mari a regardé Marois et lui a dit : vous avez fait un miracle ! C’est la première fois de sa vie où elle a obéi. Marais reprit : si j’ai fait un miracle, vous croyez donc en Dieu. Non, je crois en vous. Mais du reste, n’en parlons pas. » Quand le Saint-Père est arrivé, ils se sont levés, sauf celui qui était infirme et qui faisait tout ce qu’il pouvait pour se lever. Le Saint-Père en le voyant l’a pris par l’épaule et lui a dit : « ne vous levez pas, cher ami ».
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Par ce geste, ils ont tous vu que le Saint-Père n’était pas une momie. Ils ont compris, à ce moment-là, qu’il y avait une présence, un amour pour les hommes. Et Marois dit : « Le climat a totalement changé. Le Saint-Père a parlé un quart d’heure, faisant un petit discours écrit de sa main, que j’ai lu (puisqu’il a paru), un petit discours merveilleux. Tout était dedans : le respect de l’Eglise pour la science et en même temps le souci de l’Eglise de rappeler aux savants que la science est pour l’homme et qu’elle doit être ordonnée à l’homme, à son service. La science n’a pas d’autre finalité. Le SaintPère rappelait que le Maître de la vie et de la mort est Dieu et que l’homme n’en sera jamais le maître. Et qu’il est important que l’Eglise rappelle cela aux savants parce que la science croit facilement acquérir tout pouvoir. » Ils ont tous écouté. Ensuite chacun fut présenté au Saint-Père par le Professeur Marois qui m’a dit : « C’est très curieux, le Pape s’est arrêté le plus longtemps auprès du plus dur, du plus réticent. Il lui a dit : quelle est votre spécialité ? Physique nucléaire. Pourquoi faites-vous cela ? Qu’est-ce qui vous intéresse le plus ? Cela a duré assez longtemps et le savant répondait au Saint-Père. Après Marois lui a demandé : qu’en dites-vous ? Ce qui m’ennuie le plus, a-t-il répondu, c’est que je suis pleinement d’accord avec tout ce qu’il m’a dit ! » Mais il y a eu ceci de très touchant, de très étonnant. Tous, après cette audience, étaient dans la joie. Ils avaient eu tous peur et ils étaient dans la joie. Et tous spontanément disaient : « Au fond, il faut qu’il y ait une religion ». Ils ajoutaient même : « Il faut qu’il y ait un pape qui concrétise cela. Nous en avons besoin ». Marois disait : « C’était très curieux, ils étaient comme des enfants. Ils avaient eu peur d’un spectre. Mais quand ils virent la bonté du Saint-Père, sa présence respectueuse et proche d’eux, quand ils le virent les aimer et s’intéresser à chacun d’entre eux, ils ont été conquis. » Cette anecdote, très belle, montre comment le monde scientifique et technique d’aujourd’hui se sépare de la religion et de la foi et combien nous devons être attentifs à ce fait. Il s’agit du monde dans lequel nous sommes et nous devons être attentifs à ces hommes de science. Nous devons les aimer, en tant qu’hommes, en comprenant que la science risque toujours de devenir une idole et combien, au fond, ces hommes sont malheureux, profondément. Car la science ne console pas le cœur de l’homme. La science ne peut pas combler son cœur car elle n’est jamais une finalité. Et il manque toujours quelque chose à une vie qui n’est pas finalisée. C’est là qu’il faut exercer la vraie miséricorde, dans son très grand sens : aimer l’homme pour essayer de lui redonner le sens de l’amour. On ne peut pas discuter avec les savants, ce n’est pas la peine, ils sont plus savants que nous. Donc il ne sert à rien de discuter de la science avec eux. Mais on doit les considérer comme des hommes qui ont oublié l’essentiel de l’homme, qui est l’Amour. 233
Et c’est cela qu’on doit leur apporter, avec beaucoup d’humilité et une charité qui s’efface. On ne doit pas leur donner une leçon. Mais il faut, avec noblesse, leur apporter un témoignage chrétien. Il faut savoir que la foi nous donne une noblesse divine, noblesse dépassant toutes les connaissances humaines. Il faut que ce témoignage de noblesse divine, fait avec beaucoup de douceur et d’humilité, garde ce caractère très sobre. Ils en ont besoin. Il est très important aujourd’hui que nous considérions cette conquête foudroyante de la science, dans tous les domaines, et ses applications techniques qui modifient quantités de choses et même la figure de notre monde. Mais elles ne modifient rien dans le cœur de l’homme. Et quand Dieu parle, c’est au cœur de l’homme qu’il parle. C’est pour cela qu’il n’y a rien à changer à l’Ecriture, puisqu’elle parle au cœur de l’homme. Si l’Ecriture était dépendante d’une science ou d’une culture, elle devrait changer avec elles. Mais lorsque Dieu dit à Abraham : « Sors de tout ce qui t’est connaturel », Il lui fait comprendre que la foi est au-delà de toute culture scientifique, de toute culture humaine. La foi regarde le coeur de l’homme et Dieu parle au cœur de l’homme. C’est justement ce point de vue que nous devons avoir de plus en plus : la foi est quelque chose d’éternel. C’est le cœur de l’homme qu’elle atteint et le cœur de l’homme est fait pour l’éternité puisqu’il est fait pour l’Amour. Toutes ces trompettes montrent le pouvoir progressif que Dieu laisse au démon, que Dieu laisse à tous ceux qui agissent sans savoir ce qu’ils font. Tout ce pouvoir doit nous rappeler de plus en plus ce qui, en nous, nous lie à Dieu. C’est notre cœur qui est relié à Dieu, et notre intelligence, dans ce qu’elle a de plus profond. Ce n’est pas notre raison, ni la science. La science ne peut pas nous relier directement à Dieu. Mais l’intelligence, oui, dans ce qu’elle a de plus profond. Et ce qui est peut-être le plus impressionnant dans ce mystère des trompettes c’est de voir que Dieu permet tout cela pour affiner le coeur de l’homme. Dieu permet les grandes luttes car ce sont de grandes luttes que celles qui nous sont montrées dans les trompettes ainsi que les grandes luttes actuelles qui vont très loin, et qui iront sans doute plus loin encore, car il n’y a pas de raison qu’elles s’arrêtent. Du moins on n’en a pas l’impression. Quand le progrès de la science est lié au point de vue économique, au point de vue politique, il ne semble pas possible d’y mettre un frein. Si Dieu permet ces grandes luttes, c’est pour qu’il y ait plus d’amour. C’est uniquement dans ce but-là. L’Evangile de Saint Jean le montre de façon admirable. Si Dieu permet la lutte, c’est pour que Jésus soit plus présent. Si Dieu permet la lutte, c’est pour que nous soyons plus pauvres, plus dépouillés, pour que nous allégions des choses secondaires. Quand on est riche, on s’embourgeoise, on se gonfle et on oublie l’essentiel. Au contraire, la lutte nous appauvrit si elle est vraiment bien vécue. La lutte ne peut pas nous conduire au désespoir. C’est cela qu’il faut bien voir. Si elle est vécue comme Dieu 234
désire que nous la vivions, la lutte nous permet de nous appauvrir pour aller vers l’essentiel. Après les 4 premières trompettes, voici les 3 autres : « Et je vis, et j’entendis un aigle volant au zénith dire d’une voix forte :
malheur, malheur, malheur à ceux qui habitent la terre, à cause des autres voix de la trompette dont les trois anges vont sonner » (8, 13). Voyez l’avertissement du Christ. C’est toujours très important de comprendre cela, puisque c’est voulu, permis par Dieu, pour nous purifier. « Et le cinquième ange sonna de la trompette. Et je vis une étoile qui du ciel était tombée sur la terre, et il lui fut donné la clé du puits de l’abîme » (9, 1). C’est bien évident qu’il ne faut pas prendre cela selon le réalisme de l’étoile. Pauvre petite planète, si une étoile tombe dessus, il n’en restera plus grand chose ! C’est un langage symbolique, mais avec un fondement réel et c’est cela qui est le plus difficile. Ou bien l’on prend les choses matériellement et l’on fausse tout ; ou bien on les prend d’une façon symbolique sans rien de réel comme fondement. Il faut prendre un symbolisme divin qui ait un fondement réel. « ... et elle ouvrit le puits de l’abîme ». C’est mystérieux cette étoile. Une étoile, c’est quelque chose de la lumière du ciel qui tombe sur la terre. C’est une espèce de métaphysique une vision de la négation de l’abîme la clé du puits de l’abîme. Il semble qu’une étoile devrait justement représenter le point de vue de la lumière, le point de vue de ce qui vient de Dieu. Une étoile ne peut pas dégringoler sur la terre comme ça. Le démon n’a pas de pouvoir sur les étoiles. Il ne peut pas jouer à cachecache avec elles, c’est absolument impossible. Heureusement du reste, il nous en aurait déjà envoyé plusieurs sur la tête ! Mais il n’a aucun pouvoir sur elles. Cela veut dire, symboliquement, que le démon peut intervenir de telle manière qu’il transforme, en le modifiant, le conditionnement de notre vie intellectuelle, et qu’il arrive à faire que l’intelligence qui, normalement est tournée vers le point de vue positif, se tourne vers l’aspect négatif. Cette espèce d’inversion de l’intelligence a toujours existé et le fait que la négation soit première est démoniaque. C’est ce que nous voyons dans la philosophie contemporaine. Cela a toujours existé un peu, mais jamais aussi fortement que maintenant. C’est l’étoile qui nous dégringole sur la tête : « ... il lui fut donné la clé du puits de l’abîme ». Il y a d’autres interprétations. On trouverait sûrement dans l’ordre pratique des choses très semblables. Je crois que c’est le démon qui fait des inversions. 235
L’opposition radicale à l’aspect de la finalité, c’est le premier malheur. Ça va beaucoup plus loin que la transformation extérieure du milieu. On le sent bien. Un malheur, on l’annonce. Si c’est un malheur, c’est l’inverse des béatitudes évangéliques. C’est quelque chose qui va rendre l’homme incapable d’atteindre le bonheur. C’est cela le malheur. Comment pouvons-nous empêcher l’homme d’atteindre le bonheur ? En le détournant complètement de sa fin. En le mettant dans un état où il soit incapable d’atteindre sa fin, dans une situation limite du côté de l’intelligence. C’est ce qui est symbolisé par ces paroles : « ... il lui fut donné la clé du puits de l’abîme. Et il rouvrit le puits de l’abîme ». En philosophie grecque, on parle toujours de l’abîme. C’est le premier, c’est ce qui attire l’abîme, c’est le néant. C’est quelque chose d’abyssal qui attire et qui fait qu’on est séduit. « Et il monta du puits une fumée comme une fumée de grande fournaise ». C’est quelque chose qui fait qu’à partir de là on ne voit plus rien du tout. Si vous mettez la négation en premier lieu, vous êtes dans l’incapacité de rejoindre Dieu par votre intelligence. Et vous êtes même dans l’impossibilité de rejoindre l’homme. « ... Le soleil et l’air furent enténébrés par la fumée du puits » (9, 2). Donc, on est dans les ténèbres qui symboliquement représentent le péché. Le péché s’oppose à l’amour. On s’oppose à l’amour quand justement on se détourne de la finalité. « Et de la fumée sortirent des sauterelles », ça c’est encore plus extraordinaire, parce qu’il y a une espèce de fécondité, un simulacre de fécondité qui va sortir de cet abîme, de cette fumée. Il s’agit de l’efficacité de la technique qui peut nous donner un simulacre de ce que représente la fécondité. On peut croire qu’on va arriver, par la technique, à ne plus avoir besoin de la vie. Et à ce moment-là la technique devient quelque chose de monstrueux. Voilà une chose que je crois très importante aujourd’hui je le dis constamment à mes étudiants au plan philosophique, mais aussi pour toute espèce de vision. Considérer la différence entre une technique, au service de l’homme ou, au contraire, qui ne sert plus l’homme. La technique au service de l’homme permet une véritable coopération avec la nature. L’art coopère avec la nature. A ce moment-là, on ennoblit la nature et la technique est au service de l’homme. Elle lui permet d’aller plus vite. Ainsi, il est avantageux, quand on doit se rendre d’un endroit à l’autre et qu’on ne peut pas piloter soi-même, de prendre l’avion. Cela fait quand même gagner du temps. Et par le fait même, cela vous permet de faire pas mal de choses supplémentaires. La technique est au service de la nature. Mais lorsque la technique n’est plus au service de la nature, au lieu de coopérer avec elle, elle tyrannise et, au bout d’un certain temps, elle détruit. Il est très difficile de 236
faire le discernement. Il faut au moins se poser la question de voir comment la technique doit normalement coopérer avec la nature. Car il peut y avoir une technique (donc un art, puisque la technique est un art poussé à l’extrême pour une efficacité) qui, au lieu de coopérer, désagrège et fait qu’on n’en est plus maître. Je prends un exemple très simple pour que nous comprenions. Il est important de comprendre concrètement ce qui nous est montré ici. C’est une chose que nous voyons tout le temps et au sujet de laquelle nous devons nous poser la question, si nous sommes intelligents, afin de ne pas nous laisser mener par le bout du nez. Autre chose est cultiver, autre chose est exploiter. Quand on cultive un champ, une vigne, ce champ ou cette vigne, grâce à la culture, acquiert une valeur plus grande. C’est un capital que le père communique à ses fils, le grand-père à ses petits-fils, ils ont une vigne magnifique qu’il a fallu cultiver pendant des années. Quand on exploite, les dents des petits-fils en sont agacées. L’exploitation, au lieu d’ennoblir le champ, le détruit. Après, on ne peut plus rien en faire : on l’a exploité. Il n’est pas toujours commode de bien discerner les deux. La technique aujourd’hui (qui est poussée comme elle ne l’a encore jamais été) représente quelque chose de très spécial qui pose des problèmes au philosophe et au chrétien, si du moins ils cherchent à comprendre. Tant que la technique coopère au bien de l’homme, la science est ordonnée à l’homme. C’est ce que le Saint-Père rappelait aux savants : La science doit être pour l’homme. Le jour où la technique ne coopère plus avec la nature, mais l’exploite et la détruit, elle n’est plus ordonnée à l’homme. C’est la technique qui est ordonnée à la technique. La science de consommation, c’est cela. Au fond, à la place d’être ordonnée au bien de l’homme, la science est ordonnée au profit. Le profit entraîne une exploitation toujours plus grande et au bout d’un certain temps, tout est exploité. Or, si vous faites attention, vous voyez bien que tout cela provient d’une vision inversée par rapport à la finalité, où la négation est première. C’est très curieux comme tout se tient et ça ne peut pas être autrement. Il y a certaines choses qui ne peuvent se faire qu’avec une certaine philosophie. Parce que l’homme a toujours une philosophie. Et si la négation est première, vous laissez la technique se développer indéfiniment. Vous trouvez cela tout à fait normal, puisqu’il n’y a pas de finalité. C’est le mouvement qui a sa propre finalité en lui-même. Regardez attentivement ce qui est montré ici : « Il monta du puits une fumée,
comme une fumée de grande fournaise et le soleil et l’air furent enténébrés par la fumée du puits et de la fumée sortirent des sauterelles sur la terre. Et il leur fut donné
un pouvoir comme le pouvoir qu’ont les scorpions de la terre » (9, 3). Tout cela est sorti de la fumée de l’abîme. Donc tout est sorti de cette espèce de primat de la négation. Et nous voyons alors ces sauterelles. Ce ne sont pas des sauterelles vivantes ; j’allais dire des sauterelles magiques, qui expliquent la technique merveilleuse de l’homme qui arrive à faire quelque chose d’extraordinaire. 237
« ... et il leur fut dit de ne pas nuire à l’herbe de la terre, ni à aucune verdure, ni
à aucun arbre, mais seulement aux hommes qui n’ont pas le sceau de Dieu sur leur front » (9, 4). Les hommes qui ont le sceau de Dieu sur leur front, ceux qui ont le sens de l’amour de Dieu, ceux qui sont protégés par Dieu et qui l’aiment, ceux-là n’ont rien à craindre. Le démon n’a aucun pouvoir sur eux, tandis qu’il en a sur les habitants de la terre qui ont complètement oublié le point de vue de la finalité, le point de vue de l’amour. « Et il leur fut donné, non de les tuer, mais de les torturer pendant cinq mois » (9, 5). L’homme devient un rouage. Il ne faut pas le tuer, parce qu’on sait bien que la technique et la science dépendent de lui. Donc il faut le laisser en vie pour que la science progresse. On ne le tue pas, on le torture en ce sens qu’il n’a plus la possibilité d’aimer. « ... et leur torture est comme la torture du scorpion quand il pique l’homme. En
ces jours-là, les hommes chercheront la mort et ne la trouveront pas. Ils désireront mourir et la mort fuira loin d’eux » (9, 6). C’est un monde purement artificiel, dans lequel on se trouve pris, saisi. « Et voici à quoi ressemblaient les sauterelles : elles étaient semblables à des chevaux prêts pour la guerre ». On est toujours dans la lutte ; il y a une rivalité constante dans la technique. La technique appelle la technique et appelle toujours une technique plus parfaite. Il y a une rivalité constante, un mouvement dialectique constant, sans arrêt possible. « Sur leur tête il y avait comme des couronnes semblables à de l’or ». Semblables à de l’or, mais ce n’est pas de l’or. La technique veut la puissance et elle est alliée à la puissance. C’est impossible autrement. La science, quand elle n’est plus finalisée pour l’homme, se finalise par la puissance. Elle est ordonnée à la puissance. « Et leurs faces étaient comme des faces d’hommes ». C’est un monde uniquement d’apparence. « Et elles avaient des cheveux comme des cheveux de femme ». Les cheveux, dans l’Ecriture, sont une chose étonnante, extraordinaire. Il faudrait en voir tout le symbolisme. Il y a les cheveux qui essuient les pieds de Jésus. Les pieds de Jésus sont peut-être faits pour cela, parce que c’est le geste par excellence de Marie de Magdala, la femme pécheresse. Les cheveux, c’est aussi la parure. C’est aussi l’élément de séduction. L’élément par où la femme attire l’homme, comme il est dit dans le Cantique des Cantiques. « Je te suis ... un cheveu uniquement ... et je te tiens et tu me tiens de cette manière-là ». 238
« Elles avaient des cheveux comme des cheveux de femme ». Elles séduisent et attirent. On est séduit, mais on ne sait pas pourquoi et on ne plus quitter ce qui nous a séduit. Ce n’est pas l’amour, mais c’est comme l’amour. C’est la séduction de la technique qui peut enivrer de cette manière-là. On est attiré par elle, on ne peut plus rien faire d’autre. On est pris dans un engrenage. « Et leurs dents étaient comme des dents de lions » (9, 8). Leurs dents, par où ils mordent, c’est aussi la puissance. Ils prennent tout. « Et elles avaient des thorax comme des cuirasses de fer ».C’est la puissance. « Et le bruit de leurs ailes était comme un bruit de chars ». C’est curieux de voir comment tout est repris d’une façon purement extérieure. Par la similitude, par l’apparence, on peut arriver à réaliser quelque chose de monstrueux. Et l’on ne voit même plus que c’est monstrueux, parce qu’on est dedans. Alors on est séduit et on ne voit même plus ce qu’il y a d’invraisemblable : l’homme qui devient esclave. On ne voit plus que la splendeur de ce qui provient de l’homme, qui sort de cette fumée. « Et le bruit de leurs ailes était comme un bruit de chars ». Les ailes sont faites pour la contemplation. Ici ce n’est pas précisément la même chose ! « … un bruit de chars à plusieurs chevaux, qui courent au combat ». Toute cette puissance est ordonnée à la guerre. Quand il y a rivalité, il ne peut pas en être autrement. C’est difficile d’arracher la technique et la technique très poussée à la puissance destructive de la guerre. « Et elles ont des queues semblables à des scorpions, et des dards, et dans leurs queues est le pouvoir de nuire aux hommes pendant cinq mois ». (9, 10). Dans leurs queues, c’est-à-dire par derrière. Leur visage est un visage d’homme. C’est l’œuvre de l’homme, donc elle est bonne ! Tout ce qui vient de l’homme ne peut pas être mauvais. C’est au service de l’homme. Mais elles attaquent par derrière. « Et elles ont à leur tête comme Roi l’Ange de l’Abîme ». C’est assez foudroyant, cette cinquième trompette, tous ces malheurs pour nous, pour notre monde d’aujourd’hui. Et c’est bien ce que nous voyons, si nous sommes un peu lucides. Et nous voyons bien que tout est mené par le Roi de l’Abîme, qui n’est pas du tout un homme. Voyez l’opposition avec l’Aigle qui monte au zénith, et qui est le Christ. Le Roi de l’Abîme, on sait très bien qui c’est ... « Son nom en hébreu est Abaddon, et en grec il a nom Apollyon » (9, 11). Il se fait dieu, intangible, ayant tout pouvoir, toute puissance. On comprend beaucoup mieux quand on regarde ce que représente la Bête de la Terre. Mais ceci nous est donné en premier lieu pour nous faire comprendre comment 239
nous devons lutter au milieu de ces sauterelles, sortant de la fumée du puits. Et malgré tout, nous avons cette conviction que tout cela ne peut pas nous toucher dans notre foi, parce que nous sommes marqués profondément sur notre front du sceau de Dieu. Tout cela ne peut pas nous nuire, si nous sommes fidèles. Nous pouvons nous poser des questions pour savoir comment coopérer à tout cela, et nous sommes bien obligés de le faire parfois, puisque nous vivons dans ce monde. Mais c’est un autre problème. Chacun d’entre nous use de la technique et donc personne ne peut dire : Ah, moi, je garde les mains absolument pures, non, car tout se tient. Mais il y a cette garantie merveilleuse du sceau de Dieu sur notre front. Et donc tout ce tourbillon, ces choses monstrueuses décrites par la cinquième trompette, ne nous atteignent pas en profondeur. Ce qui ne veut pas dire que nous ne les portons pas et que nous n’en souffrons pas, au contraire ; mais elles ne nous touchent pas. Notre foi ne peut pas être touchée par toutes ces transformations de la technique. Il ne faut pas modifier la Parole de Dieu, changer le langage de l’Evangile en en donnant des symbolismes qui seraient semblables à ceux de la technique d’aujourd’hui, représentée par ces sauterelles. Ce serait nous livrer au Roi de l’Abîme qui voudrait falsifier la Parole de Dieu pour qu’on ne la reconnaisse plus. Ce n’est pas pour rien que, dans l’Evangile, toutes les comparaisons sont faites à partir du point de vue biologique, au sens le plus fort : le grain de blé qui tombe en terre et qui meurt ; la femme qui enfante; le berger avec ses brebis ; la vigne et son fruit. Que des choses très simples, où l’art coopère avec l’homme, avec la nature vivante. Chez certains théologiens aujourd’hui existe une grande tentation (on l’entend de temps en temps) : ils voudraient récrire un nouvel Evangile dans la lumière même de ce qui nous est montré ici, la cinquième trompette, c’est-à-dire dans ce que représentent les fruits d’une technique dont nous ne savons plus si oui ou non elle est finalisée par l’homme. Est-ce qu’elle n’est pas plutôt quelque chose qui emporte l’homme vers sa destruction ? Personne d’entre nous ne pourrait le dire. Et quand j’interroge les plus grands savants, et quand je dois les rencontrer, je leur pose cette question. Ils me regardent et disent : nous ne pouvons pas répondre. La technique détruit-elle ou ne détruit-elle pas ? Est-ce qu’elle permet à l’homme d’être plus ferme, ou, au contraire, est-ce qu’elle le détruit ? On ne sait pas. On se trouve à un moment où on ne sait plus et c’est vraiment la cinquième trompette. De temps en temps apparaît un visage d’homme ; c’est-à-dire que de temps en temps la technique apporte des choses merveilleuses. Oui, mais il y a, en même temps, le péché, un péché terrible qu’on ne regarde pas. Aussi d’autres malheurs sont-ils annoncés. « Le premier malheur s’en est allé. Voici qu’il vient encore deux malheurs après cela » (comme si la 5ème trompette ne suffisait pas !). « Et le sixième ange sonna de la 240
trompette. Et j’entendis une voix venant des quatre cornes de l’autel d’or qui est devant Dieu et qui disait au sixième ange ... », vous voyez qu’on retourne à l’autel d’or, à l’aspect liturgique et sacerdotal, heureusement. « Elle disait au sixième ange qui avait la trompette : délie les quatre anges qui
sont liés sur le grand fleuve de l’Euphrate. Et les quatre anges qui se tenaient prêts pour l’heure et le jour, le mois et l’année, furent déliés afin de tuer le tiers des hommes.
Et le nombre de cavaliers en campagne était de deux myriades de myriades. J’entendis
leur nombre. Et voici comment, dans ma vision, je vis les chevaux et ceux qui les montaient. Ils ont des cuirasses de feu et d’hyacinthe et de soufre. Et les têtes des
chevaux sont comme des têtes de lions. Et de leur bouche il sort du feu et de la fumée et du soufre » (9, 14-18). Si vous voulez voir tout l’aspect du symbole et son organisation, allez voir à Angers la très belle chose où tous ces symbolismes sont donnés successivement. « Par suite de ces trois plaies furent tués le tiers des hommes par le feu et la fumée et le soufre qui sort de leur bouche. Car le pouvoir des chevaux est dans leur bouche et dans leur queue » (9, 19), c’est une petite remarque théologique de Saint Jean, en extase. « Car leurs queues sont semblables à des serpents. Ils ont des têtes et c’est par elles qu’elles nuisent. Et les autres hommes qui n’avaient pas été tués avec ces plaies ne se repentirent même pas des oeuvres de leurs mains » (9, 20). C’est le châtiment de Dieu qui se sert du démon pour permettre tout cela. Ce n’est pas une oeuvre directe de Dieu, ce n’est pas Lui qui a inventé tout cela. Mais Dieu permet que tout cela se fasse, sous la mouvance et avec la complicité du démon. Ce châtiment montre une puissance extraordinaire qui provient des hommes, pas en tant qu’hommes, mais en tant qu’habitants de la terre, c’est-à-dire la Bête de la terre et la Bête de la mer. « Quant au reste des hommes ceux qui n’avaient pas été tués par ces fléaux
ils ne se repentirent pas de ce qu’ils avaient fait : ils continuèrent à adorer les démons et les idoles d’or, d’argent, d’airain, de pierre et de bois, qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni marcher. » (9, 20) Voilà la grande faute de l’humanité. C’est l’idolâtrie : adorer ce que l’homme fait. Et c’est cela qui la rend complètement incapable de comprendre les punitions de Dieu. Je crois que l’idolâtrie est ce qui abrutit le plus l’homme. Qu’est-ce qui purifie le coeur de l’homme ? C’est l’adoration. Par l’adoration, on remonte à la source. « Ils ne se repentirent pas de leurs meurtres, ni de leurs sortilèges, ni de leurs fornications, ni de leurs vols ». (9, 21) C’est l’endurcissement d’une humanité matérialisée, entièrement prise par la gloire de ses propres œuvres. Cet endurcissement 241
est si fort que la 5ème et la 6ème trompettes ne lui fait plus rien du tout. Aussi Dieu est-il obligé d’aller toujours plus loin. Dans sa miséricorde, Il n’y va pas d’un seul coup, mais progressivement. C’est le Père qui taille sa vigne. Il veut leur faire comprendre qu’il les aime et qu’ils ont un cœur pour aimer. Il veut les remettre dans leur finalité, qu’ils ont perdue par l’idolâtrie. Dans les 5ème et la 6ème trompettes nous voyons très nettement que Dieu lui-même se sert de tout ce que le démon a réalisé avec les hommes pour nous purifier de cette espèce de fausse alliance. « Et je vis un autre ange vigoureux ... » (10, 1). Il faut terminer ici car il faut terminer par quelque chose de positif ! A propos du 6ème sceau, nous avons vu les deux versants. Ici nous les avons vus également et c’est ce qu’il est très important de saisir dans la 6ème trompette.
« Et je vis un autre ange vigoureux, qui descendait du ciel enveloppé d’une nuée, avec 1’arc-en-ciel sur la tête. Son visage était comme le soleil. » Jésus est toujours l’Envoyé et c’est bien le mystère du Christ qui nous est donné ici. « ... enveloppé d’une nuée », c’est l’Esprit Saint, c’est l’Amour. « ... avec l’arc-enciel sur la tête » : il n’y a que Lui qui soit le Prince de la Paix. « Son visage était comme le soleil et ses jambes comme des colonnes de feu. Et il avait dans sa main un petit livre ouvert » (10, 2) C’est le Christ qui intervient Luimême pour donner une nouvelle force à ceux qui veulent recevoir son message. Ce n’est pas le Jugement dernier, ce n’est pas la fin : nous sommes à la 6ème trompette. C’est une intervention merveilleuse par le don du petit livre, l’Evangile. « Et il posa son pied droit sur la mer et le gauche sur la terre. Et il cria d’une voix forte, comme un lion qui rugit », c’est le Lion de Judas, ici. « Lorsqu’il cria, les sept tonnerres firent parler leur voix » : c’est l’Esprit Saint qui est donné avec force, dans une secousse profonde. « Et lorsque les sept tonnerres eurent parlé, j’étais sur le point d’écrire et
j’entendis une voix venant du ciel qui disait : Scelle ce qu’ont dit les sept tonnerres et
ne l’écris pas ». (10, 4) C’est bien dommage ! C’en est resté là comme un grand secret, comme quelque chose qui reste caché. « Alors l’ange que j’avais vu debout sur la mer et sur la terre leva la main
droite vers le ciel, et il jura par Celui qui vit aux siècles des siècles, qui a créé le ciel et 242
son contenu, la terre et son contenu, la mer et son contenu, qu’il n’y aurait plus de délai, mais qu’au jour où se ferait entendre le septième ange, lorsqu’il viendrait à
sonner de la trompette, s’accomplirait le mystère de Dieu, comme Il en a fait l’annonce à ses serviteurs les prophètes » (10, 5-7). C’est Jésus qui vient annoncer que tout est extrême, que tout est très proche. « Et la voix que j’avais entendue du ciel parlait avec moi de nouveau et disait :
Va, prends le livre ouvert dans la main de l’ange qui se tient debout sur la mer et la terre. Et je m’en allai vers l’ange lui disant de me donner le petit livre. Il me dit : prends et dévore-le. » (Cela est très très beau pour comprendre ce qu’est la nouvelle méthode exégétique.) « Et il remplira ton ventre d’amertume et dans ta bouche il sera doux comme du miel » (10, 8-9). « Et je pris le petit livre de la main de l’ange, je le dévorai et dans ma bouche,
comme du miel il était doux. Lorsque je l’eus mangé, mon ventre fut rempli d’amertume. Et on me dit : il te faut de nouveau prophétiser sur des peuples et des nations, et des races et des rois en grand nombre. » (10, 10-11) C’est très beau. Cela montre le secours direct de Dieu. C’est Dieu qui redonne le sens de la Parole de Dieu. C’est tout le symbolisme du « petit livre ». Il y en a sûrement plusieurs. On peut dire que le petit livre c’est l’Apocalypse, pourquoi pas ? Puisque Jean doit prophétiser, on lui en donne l’ordre. Et le petit livre une retraite sur l’Apocalypse est à la bouche doux comme du miel, mais pour les entrailles, c’est amer. C’est bien la sixième trompette. C’est merveilleusement doux comme du miel la Parole de Dieu, même s’il s’agit de l’Apocalypse ! Parce qu’on sent toute la douceur de Dieu sur nous, on sent qu’il nous arme au milieu de ce combat. On sent que Dieu est là. Et pourtant c’est amer, parce que nous sommes avec nos frères et nous sentons combien c’est rude, combien c’est terrible. Alors le petit livre peut bien être l’Apocalypse. Ou peut-être bien aussi l’Evangile de Jean. Ou peut-être aussi ce que Dieu donne au cours des âges, pour nous préparer davantage à sa venue. Le petit l’ivre peut être ce que Saint Grignion de Montfort nous donne : « Le secret de Marie », qui y est impliqué. Je ne dis pas que c’est sa première signification, mais tout cela y est impliqué. Le petit livre c’est tout ce qui vient de Dieu et qui nous prépare à entendre la septième trompette, c’est-à-dire à rester debout à travers la 5ème et la 6ème, en comprenant que tout est Amour de Dieu, même si c’est un peu rude. Et le petit livre on nous dit de le manger et c’est important cela. Nous avons mangé l’Apocalypse pendant ces quelques jours. Manger, c’est-à-dire s’en nourrir. On ne comprend pas tout, on l’accepte. On comprend suffisamment pour que ce soit doux au palais. Et puis c’est amer : c’est rude parce que ça nous oblige à aller beaucoup plus loin que tout ce que 243
nous avons pensé jusqu’à maintenant. Toutes les petites luttes que nous soutenons, tout cela peut être remis à Jésus, au Cavalier Blanc. Je ne veux pas insister davantage. Le chapitre 11, les deux témoins nous feraient arriver vers quelque chose de beaucoup plus mystérieux. Mais lisez-les et vous y découvrirez le mystère que l’Eglise doit vivre. « Le septième ange sonna de la trompette, et dans le ciel retentirent des voix
fortes qui disaient : la royauté du monde a passé au Seigneur et à Son Christ. Il régnera pour les éternités d’éternités. Et les 24 vieillards, qui devant Dieu sont assis
sur leurs trônes, tombèrent sur leur face et se prosternèrent devant Dieu en disant : ‘Nous te rendons grâce, Seigneur,Dieu tout-puissant, Celui qui est et qui était de ce que, investi de ta grande puissance, tu as pris la royauté’ » (15, 15-17). La 7ème trompette annonce le règne plénier de Dieu, qui se termine dans le ciel. La 6ème trompette, c’est la grande épreuve, pour laquelle est donné le petit livre. Il nous est donné cette exigence de manger la Parole de Dieu, autrement ça ne va plus. Donc la grande épreuve est toujours la 6ème trompette, comme c’était le 6ème sceau. La 7ème, c’est l’entrée dans la gloire, c’est l’achèvement, l’aboutissement de tout le reste. Puis viennent les signes donnant l’intelligence dernière de ce que nous avons vu. C’est à travers les signes que nous comprenons mieux la signification de toutes ces grandes luttes décrites à travers le symbolisme des trompettes.
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