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French Pages 122 Year 2016
La situation énergétique en 2015
La situation énergétique en 2015 CHOIX POLITIQUES ET CONSÉQUENCES
Commission énergie-environnement de la Société Française de Physique
Deuxième édition
Illustration de couverture : © Francis Bonami – Fotolia.com
Mise en pages : Patrick Leleux PAO Imprimé en France ISBN : 978-2-7598-1847-1
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les «-copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinés à une utilisation collective-», et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences, 2015
SOMMAIRE
Préface de la première édition par Michel Lannoo, ancien Président de la SFP ..........................................................
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Préface pour l’édition 2015 par Michel Spiro, Vice-Président de la SFP ...
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Introduction de la première édition (2012) .......................................
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Compléments pour l’édition 2015 .....................................................
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Première partie : Principaux aspects du système énergétique et de son évolution Quelques définitions................................................................... Conjoncture et prospective.......................................................... Coûts, bénéfices et risques .......................................................... Décarbonisation ....................................................................... Recherche et développement ....................................................... Économies d’énergie, sobriété ...................................................... Constantes de temps .................................................................. Conclusion ................................................................................
19 25 28 29 31 35 36 37
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SOMMAIRE
Deuxième partie : Fiches
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1. Ressources et réserves ............................................................ 2. Impacts environnementaux de diverses sources de production d’électricité ......................................................................... 3. Risques, coûts, bénéfices des filières énergétiques ...................... 4. Coûts de l’énergie .................................................................. 5. Gestion de l’intermittence ....................................................... 6. Réseaux et stockages.............................................................. 7. Réseaux et super réseau européens de transport : électricité, gaz, pétrole, CO2 .................................................................. 8. Réduction de la consommation ................................................ 9. Stratégies de décarbonisation .................................................. 10. De 2012 à 2050. Politiques de l’énergie pour la France ..............
87 99 103 109
Bibliographie ................................................................................ Index des termes et sigles employés .................................................
115 119
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
41 49 55 67 73 81
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION
D
epuis plusieurs dizaines d’années, nos concitoyens prennent de plus en plus conscience des problèmes liés à la demande continuellement croissante de consommation d’énergie. Ceci a pu se faire grâce à d’innombrables débats et à des informations largement relayées par les media. Cependant les arguments échangés sont souvent basés sur des a priori qui leur confèrent un caractère irrationnel. Les politiques à suivre, quant à elles, doivent être basées sur une vision objective et à long terme de l’évolution de la situation. C’est dans ce but que nous avons confié à la Commission Énergie-Environnement de la Société Française de Physique la mission d’éclairer ce débat. Ceci a permis d’aboutir à l’élaboration d’un document concis, typique de l’approche des physiciens. Ce livre présente de façon aussi objective et équilibrée que possible des données susceptibles d’aider à la mise en place d’une politique à la fois réaliste et ambitieuse. L’ensemble de l’argumentation est présenté de manière très adaptée à une lecture par les non-spécialistes voire 7
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION
même par le grand public. Il consiste en une synthèse d’une douzaine de pages étayée par dix fiches contenant les données factuelles. De cette synthèse il ressort que, pour aboutir à une situation raisonnable dans un avenir proche (année 2050), il est indispensable de satisfaire aux impératifs suivants : modération de la consommation et mise en œuvre de toutes les sources d’énergie disponibles. Comme le détaille le texte, les grandes tendances devraient obéir à la règle dite des 3 × 50 (cf. p. 21) ainsi qu’à l’existence d’un « âge d’or » du gaz jusqu’en 2050, suivi d’un « âge d’or » de l’électricité. Toutefois la nécessaire diversification des méthodes de production et de distribution de l’énergie devrait s’appuyer, dès maintenant, sur une recherche à la fois fondamentale et appliquée et soutenue sur le long terme. En conclusion il est clair que cet ouvrage atteint l’objectif visé, à savoir fournir une information basée sur des faits avérés et non partisane sur un problème essentiel pour l’avenir de l’humanité. Sa lecture doit être recommandée, non seulement aux décideurs, mais aussi à toute personne désireuse de se documenter sur un sujet qui suscite de nombreuses controverses. Michel LANNOO Ancien Président de la Société Française de Physique
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
PRÉFACE POUR L’ÉDITION 2015
Pour éclairer le débat énergétique la SFP, société savante, a décidé de rendre publics des faits et des chiffres établis par la science. C’était l’objet de la première édition de cet ouvrage parue à la veille de l’élection présidentielle de 2012. Or, la situation énergétique en France et dans le monde évolue, et sur un double rythme. Il existe des tendances à long terme et des orientations décidées aujourd’hui engagent l’avenir pour plusieurs décennies. En même temps, les fluctuations aléatoires des cours du pétrole, qui pèsent sur l’économie mondiale, changent la donne à court terme. Parallèlement, la science avance. Grâce au travail des chercheurs, les connaissances s’étendent et se précisent. Les modèles et les simulations s’améliorent constamment. De leur côté, les technologies se perfectionnent aussi bien pour la production que pour l’utilisation d’énergie. La SFP, par sa commission énergie-environnement, suit l’actualité du débat énergétique. La loi récemment votée 9
PRÉFACE POUR L’ÉDITION 2015
sur la transition énergétique et la croissance verte (LTE), l’imminente conférence des Nations Unies sur le climat (COP-21) qui doit se tenir à Paris à la fin de cette année apportent des éléments nouveaux sur le plan politique. Ce sont autant de raisons pour proposer aux décideurs comme au public cette mise à jour. Michel SPIRO Vice président entrant de la SFP
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
INTRODUCTION DE LA PREMIÈRE ÉDITION (2012)
D
epuis la première révolution industrielle à la fin du XVIIIe siècle, la consommation d’énergie n’a fait que progresser sous les effets conjugués de l’augmentation de la population et du développement de l’économie dont la croissance a été facilitée par la disponibilité d’une énergie abondante et peu coûteuse. En raison des quantités limitées de ressources contenues dans l’écorce terrestre et d’impacts négatifs sur l’environnement, ce mouvement séculaire ne pourra se poursuivre indéfiniment sous la même forme. Prise entre le désir de développement des peuples émergents et la nécessité de préserver une planète habitable, d’abord en limitant la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, l’humanité se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Dans ce contexte, les questions énergétiques prennent une importance cruciale. Les politiques à suivre doivent être basées sur la réalité des chiffres et choisies avec discernement en fonction de visions à long terme. La Société Française de Physique a souhaité éclairer le débat à travers une information factuelle, décrite dans ce document rédigé par des membres de la commission 11
INTRODUCTION DE LA PREMIÈRE ÉDITION (2012)
Énergie-Environnement à savoir Jean-Louis Bobin, Bernard Bonin, Jean-François Guillemoles, Elisabeth Huffer, Christian Le Brun , Jean-Marie Loiseaux, Jean Poitou, Henri Safa, Claude Stephan et Bernard Tamain. L’approche de cette commission a été résolument transversale en examinant les défis auxquels les sociétés sont confrontées et, pour chacun d’eux, différentes façons dont technologies et options politiques peuvent y répondre. Ce livre se présente en deux parties : – une revue des principaux aspects du système énergétique et de son évolution ; – un ensemble de 10 fiches relatives à des questions qui se posent aujourd’hui en France comme dans le reste du monde. Ces fiches abordent différents thèmes présentés dans le tableau ci-dessous : Thème
Production : avantages, inconvénients et coûts des différentes sources d’énergie
Transport et distribution Utilisations de l’énergie Stratégies Évolutions
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N° Titre de la fiche de la fiche 1 Ressources et réserves Impacts environnementaux de 2 diverses sources de production d’électricité Risques, coûts, bénéfices des 3 filières énergétiques 4 Coûts de l’énergie 5 Gestion de l’intermittence 6 Réseaux et stockages Réseaux et super réseau 7 européens de transport : électricité, gaz, pétrole, CO2
Zone géographique Monde Monde Monde Europe Monde France Europe
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Réduction de la consommation
France
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Stratégies de décarbonisation De 2012 à 2050. Politique de l’énergie pour la France
Monde
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
France
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
La situation énergétique en France et dans le monde évolue rapidement. Contribuent aux changements en cours : l’activité économique dans les pays développés comme dans les pays émergents et les décisions prises ou non par les instances politiques. Depuis 2012, le GIEC1 (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat), mandaté par les Nations unies, a parachevé un cinquième rapport d’évaluation publié en 2014 pour servir de support aux discussions à venir de la COP 21 (Conference Of Parties) qui se tiendra à Paris en décembre 2015. L’enjeu de ce grand rassemblement international est « d’aboutir, pour 1. Il convient ici de rappeler que les groupes de travail mis en place par cet organisme ont pour mission de dresser, pour une date donnée, un état des lieux et des perspectives à partir d’un examen aussi complet que possible des publications relatives au climat dans différents domaines : scientifique, économique, sociologique… Les recommandations élaborées d’après cette revue des connaissances ont une valeur incitative. Elles servent de base aux discussions préalables à la signature d’accords internationaux lors des COP. 13
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
la première fois, à un accord universel et contraignant permettant de lutter efficacement contre le dérèglement climatique et d’impulser/d’accélérer la transition vers des sociétés et des économies résilientes et sobres en carbone ». Selon le GIEC, pour satisfaire à ces exigences, le forçage radiatif dû aux gaz à effet de serre d’origine anthropique devrait être limité à 2,5 W/m2. Ainsi, l’augmentation de la température moyenne à la surface de la Terre serait modérée de façon à rendre supportable un changement climatique. Le chiffre de 2 °C au-dessus de la moyenne des périodes préindustrielles (recommandation de la COP 15, Copenhague 2009) a surtout valeur de symbole. Il paraît modeste, mais il convient de remarquer qu’entre notre période actuelle, tempérée et une glaciation, l’écart n’est que de 5 °C. En ce qui concerne la France, le parlement a voté une loi de transition énergétique (LTE) dont les objectifs chiffrés apparaissent particulièrement ambitieux : • réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre1990 et 2050 ; • réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030 ; • réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à la référence 2012 ; • porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030 ; • réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025, tout en plafonnant la capacité installée… 14
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
Pour tenir compte de l’évolution du contexte national autant qu’international depuis 2012, un certain nombre de données ont été mises à jour et la fiche 10 a été complètement refondue avec des scénarios qui s’inscrivent, au moins partiellement, dans le cadre de la LTE. Notons enfin que la Société Européenne de Physique poursuit une démarche parallèle à celle de la SFP. Son groupe de travail sur l’énergie a publié en juillet 2015 une prise de position sur les enjeux de la transition énergétique en Europe2. Des recommandations sont proposées qui visent à faire entendre la voix des scientifiques et des ingénieurs au niveau d’une communauté où chaque état, indépendamment des autres membres de l’Union, mène sa propre politique de l’énergie.
2. http://www.eps.org/blogpost/751263/221170/EPS-Energy-GroupPosition-paper 15
Première partie Principaux aspects du système énergétique et de son évolution
QUELQUES DÉFINITIONS « L’énergie caractérise la capacité à fournir du travail, à donner du mouvement, à modifier la température ou à transformer la matière. » Brochure du ministère de l’Économie et des Finances Comprendre pour choisir, 2003
L’énergie, grandeur abstraite et conservative, se répartit à chaque instant entre diverses formes : cinétique, travail mécanique, électrostatique, chaleur… Produire de l’énergie revient à effectuer des transformations qui la mettent sous une forme utile à la société. On distingue : • l’énergie primaire, première énergie produite dans toute chaîne de transformation. Par exemple la chaleur produite par les masses de combustibles consommés dont une fraction se retrouve sous une autre forme : travail mécanique, électricité… • l’énergie finale, fraction de l’énergie primaire effectivement utilisable par le consommateur. On mesure l’énergie en tonnes équivalent pétrole (tep) ou pour l’électricité en kilowattheures (kWh). Des multiples de ces unités sont adaptés aux situations rencontrées en pratique. Ainsi les quantités d’énergie s’expriment en Gtep 19
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
(milliards de tep ou gigatep) à l’échelle de la planète, en Mtep (millions de tep ou mégatep) à l’échelle d’un pays comme la France, ou en TWh (milliards de kWh ou térawattheure) dans le cas de l’électricité. Les réseaux électriques de gaz ou de chaleur sont des vecteurs.3
LES UNITÉS Les unités légales d’énergie (joule) et de puissance (watt, 1 W = 1 J/s) sont très petites donc mal adaptées à l’échelle industrielle. La pratique impose des multiples d’ordre élevé (tableau 1). Tableau 1. Unités utilisées dans ce document3. Unités de puissance
Kilowatt : 1 kW = 1 000 W
Unités de production électrique
Unités d’énergie basées sur la tonne équivalent pétrole (Tep)
1 kWh = 1 000 Wh
Mégawatt : 1 MW = 1 000 kW 1 MWh = 1 000 kWh
1 Tep = 11,7 MWh = 42 GJ (gigajoules)
Gigawatt : 1 GW = 1 000 MW
1 GWh = 1 000 MWh
Mégatep : 1 Mtep = 11 700 GWh
Térawatt : 1 TW = 1 000 GW
1 TWh = 1 000 GWh
Gigatep : 1 Gtep = 11 700 TWh
3. Une tendance récente est de se conformer au système international en exprimant les quantités d’énergie en jeu à l’échelle planétaire en exajoules (1 EJ = 1018 J) selon la correspondance : 1 Gtep = 42 EJ. Cette pratique étant encore peu répandue, les Mtep et Gtep ont été conservées au long de cet ouvrage. 20
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
La puissance, mesurée en watts, est la quantité d’énergie échangée par unité de temps. On appelle : • Capacité d’une installation, la puissance nominale de référence (le plus souvent un maximum) qui définit la taille d’un générateur d’énergie électrique, d’un moteur, d’un réseau… • Puissance instantanée, la part de la capacité utilisée à un instant donné. • Puissance moyenne, la quantité d’énergie rapportée à une durée de référence. Le facteur d’utilisation d’un générateur électrique est le rapport entre la puissance moyenne calculée sur une année et la capacité ; sa valeur constatée [électronucléaire 82 % (France 78 %4), chimiques 50 %, hydraulique 50 %] est représentative de la façon dont on fait appel à telle ou telle source. Énergies fatales, l’éolien et le solaire ont une production intermittente ; le facteur d’utilisation est dans leur cas souvent appelé facteur de charge ; il peut se situer entre un peu moins de 10 % et 35 %. • Puissance garantie, celle qu’un fournisseur d’électricité s’engage à procurer à ses clients avec une disponibilité proche de 100 %. L’espèce humaine a besoin d’énergie, d’autant plus que la société est dans un état de développement avancé. Cette énergie provient de sources que l’on peut classer en deux catégories principales : • Les énergies de flux plus connues sous le nom de renouvelables. La Terre est soumise en permanence au rayonnement solaire qui déverse par mètre carré orthogonal à sa direction de propagation une puissance 4. En raison du suivi de charge alors qu’ailleurs l’électronucléaire ne produit qu’en base, cf. fiche 4. 21
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
d’environ 1000 W au niveau du sol par temps clair. La puissance reçue par la Terre a pour rôle premier d’entretenir la machine climatique. Directement (les diverses formes d’énergie solaire) ou indirectement LES SOURCES D’ÉNERGIE Flux (renouvelables) • Solaire sous toutes ses formes : thermique qui convertit le rayonnement en chaleur à basse température ; thermodynamique à concentration qui convertit le rayonnement en chaleur haute température propre à faire fonctionner des machines ; photovoltaïque qui convertit directement en électricité. • Biomasse qui comprend le bois énergie et les cultures énergétiques destinées à la fabrication d’agrocarburants. • Éolien : énergie du vent utilisée pour faire tourner des moulins, des pompes ou pour produire de l’électricité. • Hydraulique : mêmes usages que l’éolien avec en plus une possibilité de stockage dans des réservoirs en hauteur.
Stocks (combustibles chimiques ou nucléaires extraits de l’écorce terrestre) • Charbon : abondant et peu coûteux, mais fort émetteur de gaz à effet de serre ; ce combustible pourrait être durablement la première source d’énergie d’ici 2050 en raison de son emploi massif dans les pays émergents dont la Chine. • Pétrole : sur un unique marché mondial, le cours du baril, volatil et imprévisible, sert de référence pour toute l’économie ; il existe une menace de pénurie à moyen terme. • Gaz : « âge d’or » en vue à condition d’exploiter les gisements non conventionnels (gaz de schistes). • Uranium : pour l’électronucléaire toutes générations. • Thorium : pour l’électronucléaire de génération IV.
22
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
(biomasse, éolien, hydraulique) l’humanité prélève une modeste partie de ce flux à son usage. • Les énergies de stock qui consomment des combustibles chimiques ou nucléaires. Elles exploitent des gisements nichés dans l’écorce terrestre5. Les ressources contenues dans le sol ou les océans sont évidemment limitées. L’épuisement des stocks est à l’ordre du jour avec le fameux « pic pétrolier ». Les flux sont par nature inépuisables, du moins tant que le Soleil fonctionne. Au contraire les stocks ne contiennent que des quantités limitées de combustibles chimiques ou nucléaires. L’humanité les exploite sur un rythme élevé ce qui pose le problème de leur épuisement à terme. Plusieurs paramètres entrent en jeu dont d’abord leur contenu énergétique potentiel par unité de masse qui est repris dans le tableau 2. Tableau 2. Contenus énergétiques (en mégajoule par kilogramme) de combustibles chimiques ou nucléaires. Combustible
Réactions chimiques
Réactions nucléaires
MJ/kg
Charbon
29
Pétrole
42
Gaz naturel
55
Hydrogène
124
Bois
14
Uranium (fission)
107
Hydrogène (fusion)
3 × 108
5. La consommation d’énergie par l’espèce humaine implique un flux : elle s’exprime par exemple en nombre de tep par an. L’essentiel en est obtenu à partir de stocks. 23
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
Le contenu énergétique est de quelques dizaines de mégajoules par kilo pour les combustibles chimiques dont les réactions font appel à un apport d’oxygène, masse qui n’est pas comptabilisée dans le calcul des MJ/kg. Les combustibles nucléaires ont un contenu énergétique des millions de fois supérieur à celui des combustibles chimiques. Mais lorsqu’il s’agit d’installations faites pour durer, une contrainte intervient : la tenue des matériaux. En conséquence, la densité de puissance émise ou reçue ne doit pas dépasser 100 W/cm3, ce qui est vrai aussi bien dans la chambre de combustion d’un moteur que dans le cœur d’une centrale nucléaire. Pour cette raison, à puissance égale, une centrale à gaz est tout aussi compacte qu’une centrale nucléaire. La différence entre les contenus énergétiques des combustibles intervient lorsqu’on examine les quantités consommées. Une réaction chimique libère par atome, une énergie 200 millions de fois moindre que celle qui est produite par la fission d’un noyau d’uranium. À l’état liquide ou solide, le nombre d’atomes par unité de volume est à peu près toujours le même. Prenant pour référence la tonne de pétrole qui occupe environ 1 m3, une énergie du même ordre de grandeur est libérée par 0,01 cm3 soit 0,2 g de matière fissile ou encore 7 g d’uranium enrichi à 3 % d’isotope fissile 235. Cette différence se répercute au niveau des rejets et des déchets. Le système électronucléaire français ne génère chaque année que 300 tonnes de déchets radioactifs de haute activité (ceux qui posent problème6) à comparer 6. La question des déchets nucléaires a été examinée par la Société Française de Physique dans les années 1990. Ce travail a conduit à la publication d’un dossier scientifique complet mis à jour dans un ouvrage de Bernard Bonin : cf. bibliographie. 24
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
aux 150 millions de tonnes de déchets industriels dont 6 000 tonnes de toxiques que notre pays doit aussi gérer. CONJONCTURE ET PROSPECTIVE Les combustibles chimiques fossiles représentent 86 % de l’énergie primaire dans le monde, moins de 50 % en France en raison du programme électronucléaire. Cette répartition est présentée dans le tableau 3. Tableau 3. Répartition des sources d’énergie primaire en 20147. Monde Mtep/an
France Mtep/an
Hydrocarbures (pétrole et gaz naturel)
7 350
56 %
Charbon
3 930
30 %
9
4%
Nucléaire
570
4%
99
39 %
Hydraulique (hydroélectricité)
879
7%
14
6%
Autres renouvelables (éolien, solaire, biomasse…)
376
3%
21
8%
13 100
100 %
252
100 %
Total
109
43 %
4,8 Gtep dont 2/3 de fossiles pour une énergie finale de 21 000 TWh sont transportés et distribués via le vecteur électrique. L’humanité vit depuis les années 1970 dans une civilisation des hydrocarbures dont tout laisse à penser qu’elle n’est pas durable. Deux raisons principales à cela : – les réserves sont limitées ce qui conduit, selon un grand nombre d’observateurs, à l’imminence d’un 7. Source : BP Statistical Review, édition 2015 ; NB. La part de la biomasse à l’échelle mondiale est vraisemblablement sous-estimée. 25
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
Tableau 4. Conversion pour la production d’électricité. Mode de production
Électronucléaire Thermique à flamme
Fission de l’uranium Combustion de charbon ou d’hydrocarbures
Géothermie Hydroélectricité, éolien, solaire
Rendement Énergie primaire conventionnel (Tep) pour produire 1 MWh électrique 0,3 0,26 0,4
0,22
0,1 1
0,86 0,086
N.B. En ce qui concerne les prix, 10 €/MWh sont, ramenés à l’échelle du consommateur individuel, 1 c€/kWh.
– pic pétrolier, arrêt de la croissance suivi du déclin prochain de la production ; – l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère fait planer la menace d’un changement climatique. La tendance (hors crises) est au doublement en 35 ans de la fourniture d’énergie primaire. La substitution progressive du vecteur électrique à l’utilisation directe des énergies thermiques entraîne un doublement en 25 ans de la fourniture d’électricité. La part du vecteur électricité est ainsi appelée à croître au cours des prochaines années. Tirée par la croissance de la population mondiale qui devrait atteindre environ 9 milliards vers 2050 (stabilisation ou maximum ?) et renforcée à la fois par une urbanisation massive et par le développement de pays émergents (Brésil, Chine, Inde…), la demande augmente plus vite que l’offre. 26
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
L’examen de la fiche 1 sur les ressources (notamment le tableau E), conduit au triple constat : 1. En 2050, il sera difficile pour l’offre d’énergie de répondre à la demande tendancielle. Celle-ci devra être tempérée. Une modération de la consommation s’impose et d’abord dans les pays développés. 2. Il n’existe pas de technologie miracle (« no silver bullet ») permettant à elle seule de résoudre les problèmes d’énergie tels qu’ils se poseront au milieu du siècle : satisfaire la demande tout en minimisant les émissions de gaz à effet de serre. 3. Il sera nécessaire de mettre en œuvre toutes les sources d’énergie disponibles à la hauteur des problèmes en France et dans le monde. La plupart des scénarios élaborés pour décrire des futurs possibles à l’horizon 2050 intègrent ces constats. On peut en résumer l’esprit de façon lapidaire par la formule 3 × 50 : 50 % de population en plus, 50 % de consommation en plus par être humain (en moyenne), 50 % d’émissions de gaz à effet de serre en moins. On aboutirait ainsi à produire 20 Gtep d’une énergie primaire décarbonée à 75 %. La première moitié du XXIe siècle pourrait être selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) un « âge d’or du gaz », abondant et relativement peu coûteux grâce à l’appoint des gaz non conventionnels (dont le gaz de schistes) et moins émetteur de CO2 que les autres combustibles chimiques fossiles. À plus long terme, en extrapolant les tendances, on s’acheminerait vers un âge d’or de l’électricité, vecteur dominant pour le transport et la distribution d’une énergie qu’il faudra bien continuer de produire. Contribuent à ce mouvement, du côté de 27
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
la demande, la multiplication des innovations dans des technologies impliquant une alimentation électrique, et du côté de l’offre, de nouvelles sources d’énergie qui pour la plupart visent à la production d’électricité. COÛTS, BÉNÉFICES ET RISQUES Toutes les méthodes de production d’énergie posent des problèmes : au niveau de leurs coûts, par les conséquences environnementales de leur mise en œuvre, ou encore par les risques qu’elles présentent. Pour s’en tenir aux coûts, à 100 $ le baril, la facture énergétique de la France qui doit importer ses combustibles fossiles s’élève à 55 milliards d’euros par an soit près de 3 % du produit intérieur brut (PIB). De façon plus générale, l’habituelle analyse coût/bénéfices doit intégrer les risques : les effets d’une marée noire ou de la contamination radioactive d’un vaste territoire ne peuvent être ignorés. Les impacts environnementaux sont répertoriés dans la fiche 2. Dans la fiche 3, les risques de toute nature sont examinés pour chaque source d’énergie. Aux coûts à la charge du client s’ajoutent des coûts externes liés aux impacts environnementaux et qui sont acquittés par la société. La répartition entre les deux catégories est assez arbitraire et varie suivant les sources d’énergie et selon les pays. Marées noires, effet de serre, conséquences de l’accident nucléaire de Tchernobyl, sont comptabilisés au titre des coûts externes (cf. fiche 4). Des estimations chiffrées de ceux-ci sont établies au niveau de la Communauté européenne par l’intermédiaire d’un programme de calcul spécifique appelé ExternE8. 8. A. Rabl & J.V. Spadaro, Les coûts externes de l’électricité, Revue de l’Énergie, N° 525 (2001), pp. 151-163. 28
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
Le système énergétique inclut des réseaux de transport et de distribution (fiche 7). Le réseau électrique est conçu et géré de manière à garantir de la puissance aux utilisateurs. Des sources d’énergie renouvelables introduisent un risque particulier de déstabilisation en raison de leur intermittence aléatoire. Les effets de l’intermittence sont abordés dans la fiche 5. DÉCARBONISATION Depuis les débuts de l’ère industrielle, les concentrations de gaz à effet de serre (CO2, CH4, NOx…) dans l’atmosphère se sont accrues au point d’atteindre 370 ppmv9 pour le CO2. Elles sont sorties du domaine de variation (180 à 290 ppmv pour le CO2) qui a été le leur pendant le million d’années précédant notre époque, comme nous l’indiquent les données obtenues grâce à l’analyse isotopique des carottes prélevées dans les calottes glaciaires de l’Antarctique et du Groenland. L’exploitation de modèles numériques du climat laisse présager que de telles concentrations vont entraîner une augmentation de la température moyenne du globe accompagnée d’une élévation du niveau des mers et d’une fréquence accrue des phénomènes extrêmes. Même si les incertitudes sont grandes, la planète se trouve bien sous la menace d’un changement climatique. Dans ces conditions, il apparaît nécessaire de réduire les émissions de gaz à effet de serre dont le tableau 5 recense les diverses sources. La principale mesure à prendre est de diminuer la part des combustibles carbonés ou, si l’on ne peut s’en passer, de capturer puis séquestrer le CO2. 9. Parties par millions (en volume). 29
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
Ce tableau fait apparaître que l’activité humaine hors agriculture est responsable des deux tiers des émissions anthropiques. Il est clair qu’un effort particulier de décarbonisation devra être amorcé d’urgence dans les secteurs qui contribuent le plus fortement. Tableau 510. Les sources d’émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Dont(1)
Contribution
Transports
14,3 %
Habitat
10,2 %
Bâtiment hors habitat
6,3 %
Industrie (dont électricité et chaleur industrielles)
38,1 % (12 %)
Changements dans l’utilisation des sols (zones tropicales)
12,2 %
Agriculture et élevage
15,8 %
traitement des déchets de toute nature (1)
Routiers Aériens Autres (ferroviaires et maritimes)
10,1 % 1,7 %
Acier Chimie Ciment Industrie charbonnière Industrie des hydrocarbures
4% 4,1 % 5%
2,5 %
1,3 % 6,4 %
28 %
3,2 %
Seules des contributions importantes figurent dans cette colonne.
Les transports représentent près de 15 % du total des émissions, 20 % si l’on ne comptabilise pas l’agriculture ni les changements d’utilisation des sols comme par exemple la 10. D’après le World Ressources Institute® (2005). 30
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
déforestation pour créer des terres cultivables. Le transport par route est de très loin le principal contributeur. Le transport aérien suit d’assez loin mais ce secteur étant en croissance très rapide, il en va de même pour ses émissions de gaz à effet de serre. Pour stabiliser les concentrations de ces gaz à des niveaux jugés raisonnables, les climatologues dans leur grande majorité estiment qu’il convient de limiter progressivement les émissions à l’échelle mondiale à un niveau ne dépassant pas au milieu du siècle la moitié de leur valeur d’aujourd’hui (le quart pour l’ensemble des pays développés), cet effort devant être poursuivi audelà de 2050. La fiche 9 est consacrée à des stratégies de décarbonisation. RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT La façon dont nous produisons, stockons, transportons, utilisons l’énergie découle de résultats obtenus par des activités de recherche fondamentale ou appliquée. Où en seraient les usages de l’électricité sans les découvertes de Galvani, d’Oersted, d’Ampère, de Faraday… sans les inventions de Volta, de Gramme, de Tesla… sans les développements mis en œuvre par Siemens, par Desprez, par Bergès… sans les techniques de communication depuis le télégraphe jusqu’à l’Iphone® ? De la recherche, on attend des améliorations de ce qui existe et des idées nouvelles. Il faut donc à la fois des programmes finalisés qui conduisent à des installations industrielles rentables et de la recherche fondamentale dans des domaines très vastes : les matériaux par exemple. De nombreux chercheurs, des instituts entiers (le CEA, 31
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives, l’Institut Français du Pétrole et des Énergies Nouvelles, l’Institut de Recherche et Développement sur l’Énergie Photovoltaïque, Oxford Institute for Energy Studies…) travaillent sur les problèmes d’énergie. Le domaine n’est pas réservé aux sciences dures comme la physique ou la chimie. Les agronomes, les économistes et les sociologues ont aussi leur mot à dire. Les problèmes pourront être résolus totalement ou partiellement selon les résultats de travaux en cours ou à venir, susceptibles ou non de repousser les limitations techniques d’aujourd’hui. Ils concernent aussi bien la production de l’énergie que les façons de la mettre à la disposition des utilisateurs. La liste suivante n’a pas la prétention d’épuiser le sujet. Sources d’énergie Sur le plan technique, le développement à long terme de l’électronucléaire dépend des possibilités offertes par les réacteurs dits de génération IV, actuellement à l’étude. Des avancées en termes d’utilisation des ressources en uranium et thorium, de sûreté des réacteurs, de réduction des déchets produits sont les motivations principales de ces études. La transmutation des déchets radioactifs que produit l’électronucléaire actuel ou leur enfouissement à grande profondeur pour de longues périodes font également l’objet de programmes spécifiques. La fusion nucléaire est à échéance de la fin du siècle. Toujours au chapitre des combustibles, un avenir acceptable du charbon dépendra largement du succès dans le développement des techniques de captage et séquestration des gaz à effet de serre. Ces technologies qui en sont au 32
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
stade des usines pilotes devraient s’appliquer à l’ensemble des installations fixes de production d’énergie utilisant des fossiles. C’est, dans les récents rapports du GIEC11, une recommandation dont l’importance est appelée à grandir : en effet la stabilisation des concentrations pourrait imposer vers la fin du siècle des « émissions négatives », les puits de carbone naturels ou artificiels l’emportant sur les sources. Du côté des énergies renouvelables, l’analyse des revers subis par l’industrie photovoltaïque européenne montre que certains types de mesures incitatives, au lieu de susciter des innovations, engendrent une bulle spéculative qui éclate lorsqu’un concurrent extérieur (la Chine en l’occurrence) envahit le marché en cassant les prix. C’est d’autant plus dommageable que la recherche de base dans le domaine solaire est active et mobilise des scientifiques de talent. Mettre en place à terme une industrie prospère passe par des encouragements soutenus et pérennes à la recherche et l’innovation. On fonde beaucoup d’espoirs sur la biomasse. Son apport à la fourniture d’énergie est aujourd’hui limité en raison des conflits d’occupation des sols. On peut envisager raisonnablement un doublement d’ici 2050 ce qui laisserait constante la contribution relative : environ 10 % à l’échelle planétaire. L’amélioration souhaitable de ce résultat passe par un effort de recherches sur les biotechnologies et l’agronomie. Par exemple, les coûts énergétiques des biocarburants dits de seconde génération dépendront beaucoup de recherches agronomiques en cours et à venir. 11. IPPC-WG3-AR5 (2014) téléchargeable https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg3/ipcc_wg3_ar5_ summary-for-policymakers.pdf 33
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
Gestion du transport et de la distribution : vecteurs, réseaux et stocks L’utilisation de l’énergie se fait le plus souvent loin des aires géographiques d’où les combustibles sont extraits, loin des lieux de production d’électricité. Transport et distribution, indispensables, se déclinent en plusieurs modes : voie maritime pour le charbon ou les hydrocarbures, oléoducs, gazoducs, lignes électriques à haute tension. Les réseaux destinés au transport de l’électricité et de la chaleur sont de la compétence des physiciens. La maîtrise de l’intermittence sur un réseau est associée à la mise en œuvre de moyens techniques de stockage massif. On connait une multitude de procédés destinés à stocker l’énergie sous ses diverses formes. Mais on manque encore de moyens de stocker massivement l’énergie électrique ce qui pose des problèmes aigus de gestion de l’intermittence sur les réseaux câblés. La fiche 6 est consacrée à des problèmes d’intégration de moyens de stockage dans les réseaux d’électricité ou de chaleur : gestion des intermittences, aussi bien au niveau de l’offre (éolien, solaire) qu’à celui de la demande (consommation domestique). Le vecteur hydrogène peut aussi être considéré comme un stockage d’énergie, au même titre que les batteries d’un véhicule électrique. Son développement est intimement lié à l’évolution de diverses techniques : piles à combustible, carburants de synthèse… Les quelques exemples présentés ci-dessus témoignent d’une recherche vigoureuse dans de multiples directions et c’est très bien ainsi. Il est impossible à ce jour d’identifier les domaines les plus prometteurs à long terme. Dans ces conditions, la seule attitude raisonnable est de mener en 34
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
parallèle les différentes recherches et d’y consacrer des moyens adéquats pendant un temps suffisant. Elle est cohérente avec la nécessaire diversification des méthodes de production et de distribution de l’énergie. ÉCONOMIES D’ÉNERGIE, SOBRIÉTÉ Les politiques d’économies d’énergie sont hautement souhaitables. Lors du premier choc pétrolier de 1973, les systèmes économiques des pays de l’OCDE12 avaient réagi rapidement. Après une courte phase d’adaptation, le PIB avait repris sa progression au même rythme qu’avant la crise, tandis que la consommation d’énergie stagnait. Il semble que les économies occidentales, en particulier européennes, aient beaucoup plus de mal à surmonter les effets du cours élevé du baril que l’on a connu en 2008 et de 2011 à 2014. Dans ces conditions, la sobriété énergétique ne pourra naître que d’efforts de recherche concernant aussi bien l’amélioration des rendements des machines que l’élaboration de matériaux dédiés à une meilleure isolation thermique pour ne citer que deux secteurs importants. L’effet de politiques d’économies à l’échelle de la France apparaît significatif sans être déterminant (fiche 8). Il faut savoir aussi que tant que l’énergie primaire sera libérée principalement sous forme thermique, on ne s’affranchira pas des lois de la thermodynamique qui imposent des limites supérieures à l’efficacité de la conversion de cette chaleur en énergie finale.
12. Organisation de coopération et de développement économiques, dont les pays membres ont en commun un système politique de démocratie représentative et une économie de marché. 35
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
CONSTANTES DE TEMPS À l’échelle de la vie humaine, les systèmes énergétiques évoluent lentement. Jusqu’aux deux tiers du XIX e siècle, la source d’énergie dominante était la biomasse y compris le travail musculaire animal et humain. Mais depuis la fin du XVIIIe siècle le charbon montait progressivement en puissance pour finir par dominer le marché pendant près d’un siècle avant de laisser la place aux hydrocarbures dont la pénétration sur le marché date du tournant du XIXe au XXe siècle. L’histoire des technologies nous montre qu’une substitution énergétique est un processus qui s’étale sur au moins un demi-siècle. En matière d’énergie, toute décision prise aujourd’hui aura des conséquences à long terme. Une centrale thermique, à flamme ou nucléaire, est construite pour fournir du courant pendant 40 à 60 ans. Dépassent ou dépasseront le siècle : la durée de vie d’un réseau de transport routier ou ferroviaire, celle d’un barrage… Dans un pays comme la France, le renouvellement de l’habitat prend 100 ans. Les entreprises énergétiques portent en elles une inertie d’autant plus grande que la puissance fournie ou consommée est élevée. Une demande croissante conduit à des installations de plus en plus importantes : taille des barrages, puissance des centrales nucléaires, parcs éoliens ou solaires, extension des réseaux électriques et des infrastructures de transport… Autant de technologies où les durées se comptent en décennies. L’humanité se trouve ainsi confrontée à la contradiction entre l’urgence des problèmes et la réponse lente du système énergétique. 36
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
CONCLUSION Les politiques énergétiques doivent nécessairement être conçues et mises en œuvre sur le long terme. Cette exigence est incompatible aussi bien avec la vision à court terme de la plupart des institutions financières, qu’avec l’instabilité qui résulterait de décisions contradictoires prises au rythme des alternances politiques telles qu’elles se produisent dans les démocraties représentatives. Face aux menaces représentées par l’approche d’une pénurie de combustibles et par la perspective d’un changement climatique, le droit à l’erreur est restreint. À l’échelle planétaire ou nationale, de nombreux scénarios ont été élaborés. Ils présentent des trajectoires possibles dont, pour pouvoir les tracer, il est nécessaire de connaître à l’avance les aboutissements. Ces trajectoires sont représentatives des principaux choix offerts à la société, allant du laisser faire aux effets indésirables d’une contrainte forte de sobriété dont on peut craindre l’impact négatif sur l’économie. Les technologies prises en compte sont essentiellement celles de l’époque présente, éventuellement améliorées. Cette approche conservatrice a le mérite de l’efficacité à court terme. Mais il est possible, bien que peu probable, que de nouvelles idées voient le jour et conduisent en quelques décennies à la pénétration sur le marché de technologies que nous ne saurions imaginer aujourd’hui. Il sera toujours temps de les laisser prendre leur place. Dans le cas de la France, certaines options sont déjà inscrites dans la loi. La fiche 10 inclut des scénarios qui tiennent compte en partie des objectifs de la LTE. La voie semble étroite pour concilier une croissance nourrie d’une 37
COMPLÉMENTS POUR L’ÉDITION 2015
énergie abondante et le respect du facteur 4 de réduction des émissions de gaz à effet de serre que le pays s’est engagé à atteindre, suivant en cela les recommandations du GIEC applicables aux nations développées.
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
Deuxième partie Fiches
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FICHE 1 RESSOURCES ET RÉSERVES
Les ressources en combustibles fossiles chimiques et nucléaires sont limitées. Mais les estimations présentent des écarts importants, comme c’est aussi le cas pour le potentiel de la plupart des renouvelables.
Énergies de stock : charbon, pétrole, gaz naturel, uranium et thorium On rappelle que la ressource est le total (généralement inconnu) des quantités d’un minéral contenues dans le sous-sol. Une réserve en revanche est limitée à la quantité que l’on peut extraire avec profit dans des conditions économiques et techniques données. Elle fait l’objet d’évaluations souvent divergentes ou biaisées par des interférences politiques. Le tableau A recense, pour les combustibles chimiques fossiles, les réserves prouvées, les potentiels selon le World Energy Council (WEC) et les réserves ultimes selon les modèles utilisés par Jean Lahérrère13. Les écarts sont importants mais, dans tous les cas, on est conduit à moyen terme à des problèmes d’approvisionnement majeurs.
13. http://aspofrance.org/
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FICHE 1 RESSOURCES ET RÉSERVES
Tableau A. Estimations de réserves fossiles en GTep selon différentes sources. Les chiffres sont à comparer aux 13 Gtep consommés en 2014. Charbon Pétrole conventionnel Pétrole non conventionnel Gaz naturel
Prouvé Potentiel (WEC) Ultime (Lahérrère) 530 1890 750 150 312 270 130-250 190 218 280
La ligne gaz naturel ne comprend pas les gaz « non conventionnels » (gaz de schiste, entre autres) dont les conditions d’exploitation rendent le concept de réserve peu pertinent dans ce cas. Les évaluations de la ressource potentielle varient entre 10 et 100 % des quantités estimées pour le gaz conventionnel. Les réserves d’uranium dépendent fortement du prix du marché14 (tableau B). Le potentiel énergétique, actuellement limité par la faible concentration (0,7 %) de l’isotope 235 dans l’uranium naturel, pourrait être presque centuplé avec les réacteurs à neutrons rapides en isogénération15, puis doublé par la mise en service d’une filière thorium. Le total de 16,7 millions de tonnes représente trois siècles de consommation au niveau actuel avec les technologies d’aujourd’hui. Les réserves minérales sont inégalement réparties entre les Nations, surtout en ce qui concerne les hydrocarbures, pétrole et gaz naturel (figure A). Leur exploitation dépend de l’abondance locale de la ressource.
14. Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA), Red book (2009). 15. Un réacteur nucléaire est dit isogénérateur s’il produit autant de matière fissile qu’il en consomme.
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RESSOURCES ET RÉSERVES FICHE 1
Tableau B. Estimation des réserves en uranium (millions de tonnes). Ressources identifiées
Ressources additionnelles
Total des ressources Estimées Raisonnablement Total Probables Spéculatives
Prix du marché
sûres
assurées
< 40 $/kg Unaturel
0,23
0,57
0,80
0,80
< 80 $/kg Unaturel
1,22
2,52
3,74
1,7
< 130 $/kg Unaturel
1,88
3,52
5,40
2,8
3,7
12
< 260 $/kg Unaturel
2,30
4,00
6,30
2,9
3,9
13,1
3,6
16,7
5,44
Sans référence au prix
Gtep
Uranium
151
Charbon Gaz naturel
121
Pétrole brut
60 50 40
38
35
33 24
a el
ne né
zu
ag Vé
Ir an
m Al le
da na Ca
e
de In
Ch i
ss i Ru
Ét at s-
Un
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0
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24
Figure A | Inégale répartition des réserves d’énergies fossiles selon Uppsala Hydrocarbon Group. Le gaz non conventionnel n’est pas comptabilisé. Les réserves sont évaluées en quantités d’énergie primaire qu’elles peuvent fournir.
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FICHE 1 RESSOURCES ET RÉSERVES
Énergies de flux : biomasse, hydroélectricité, solaire, éolien Les énergies renouvelables visent à exploiter des flux d’énergie dont le plus important est le rayonnement solaire. Des analyses concordantes16 permettent de dresser le tableau C des capacités planétaires, en termes de puissance et de potentiel de production annuelle, des différentes sources d’énergie de flux. Tableau C. Flux d’énergie. Flux TW Solaire thermique Photovoltaïque + solaire à concentration Rayonnement Photosynthèse (biomasse) Hydraulique solaire Vent (couche limite) Houle Gradient thermique des mers Marées Gravitation Courants océaniques Radioactivité Géothermie naturelle
43 000 90 11 870 3 100 3 2000 18
Puissance utilisable TW (Gtep/an) 0,5-5 50 (40) 2,5 (2) 2 9 0,5 ? 0,2 ? 0,2
En 2012, le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Changement climatique (GIEC) a rendu public un rapport sur les sources d’énergies renouvelables : Special Report on Renewable Energy Sources and
16. W. Hermann, Energy 31 (2006) 1349, A. Valero et al., Energy 34 (2009).
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RESSOURCES ET RÉSERVES FICHE 1
Climate Change Mitigation (SRREN17). Par l’examen minutieux de nombreux scénarios parus dans la littérature, le GIEC permet de dresser le tableau D sur les potentialités selon ces scénarios des énergies renouvelables et leurs contributions éventuelles à la production d’énergie primaire en 2050. Les écarts sont énormes sauf pour l’hydroélectricité au niveau mondial. Tableau D. Production d’énergie primaire renouvelable en Gtep/an vers 2050 dans les scénarios à forte réduction des émissions de gaz à effet de serre examinés par le GIEC. Électricité Minimum 2050 Maximum
Éolien Hydraulique Mer 0,2 0,7 0,02 3 0,8 2
Chaleur + électricité Géothermie 0,05 1,2
Énergie primaire Biomasse Solaire 2 0,1 8 3
Les contributions de la biomasse en 2050 ont été estimées indépendamment par un groupe de travail formé d’agronomes français 18 : elles sont de 2,3 Gtep/an au niveau mondial au maximum pour ne pas entraîner de conflit d’usage des sols. En comparaison, les évaluations retenues dans le tableau apparaissent irréalistes. En France, on pourrait passer de 15 à environ 45 Mtep/an à comparer à notre actuelle consommation totale d’énergie primaire : 263 Mtep/an. 17. http://srren.ipcc-wg3.de/ 18. HH. Bichat, cf. son exposé : http://sauvonsleclimat.org/images/ articles/pdf_files/ue_2011/bichat_sauvonsleclimat16092011.pdf. Texte dans : Quel modèle énergétique pour l’Europe en 2030 ? Aubin (2012). Voir aussi, HH. Bichat & P. Mathis, La biomasse, énergie d’avenir, Quae (2013).
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FICHE 1 RESSOURCES ET RÉSERVES
Pour conclure, il est intéressant de comparer pour 2050 l’offre d’énergie fondée sur les potentialités annoncées par les acteurs du domaine à la demande telle qu’elle serait en prolongeant les tendances de la première décennie du XXIe siècle (tableau E). Tableau E. Offre et demande en 2050 d’après les tendances 2000-2010. Quantités d’énergie annuelles en Gtep sauf pour l’électricité en TWh. Offre tendancielle d’énergie primaire Total 24 Gtep Pétrole 5 Gtep Charbon 8 Gtep Gaz 5 Gtep Nucléaire 1,7 Gtep Biomasse 2,3 Gtep Hydroélectricité 8400 TWh Autres renouvelables 15 600 TWh
Demande Énergie finale Énergie primaire 16 Gtep 30 Gtep 6 Gtep + 96 000 TWh
Combustibles chimiques ou nucléaires 28 Gtep
24 000 TWh
Électricité directe 2 Gtep
Sur les bases de l’évolution tendancielle, l’offre d’énergie primaire aura du mal à satisfaire une demande qui croît plus vite qu’elle, d’autant que le chiffre de 24 Gtep ne tient pas compte d’une limitation des réserves qui impose le passage par un pic pétrolier. Il conviendra donc de ralentir le rythme d’augmentation de la demande ce qui, compte tenu des besoins à satisfaire dans les pays émergents, implique une stagnation voire un recul dans les pays les plus riches. Les propositions de décroissance portées par certaines organisations non gouvernementales (Greenpeace est la plus emblématique) visent 10 Gtep (retour à l’année 2000 mais avec une population plus nombreuse et 46
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RESSOURCES ET RÉSERVES FICHE 1
une répartition plus égale de l’accès à l’énergie). On obtiendrait ainsi une réduction des émissions par un facteur supérieur à deux au prix d’une véritable ascèse énergétique. Il est permis de se demander dans quelle mesure l’objectif, fixé par la LTE, d’une réduction par un facteur 2 de la consommation d’énergie finale en France à l’horizon 2050 s’inscrit dans une telle perspective (cf. fiches 8 et 10). La plupart des scénarios estiment à 20 Gtep le niveau raisonnable de la production et de la consommation d’énergie primaire en 2050.
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FICHE 2 IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DE DIVERSES SOURCES DE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ
Vis-à-vis des émissions de gaz à effet de serre, des graphiques permettent de comparer différentes sources d’énergie en prenant en compte la totalité de leur cycle de vie. Une deuxième comparaison porte sur l’emprise au sol.
Émissions des principaux gaz à effet de serre19 Les figures A, B et C montrent les taux d’émissions des principaux gaz à effet de serre pour les énergies carbonées et décarbonées.
19. Source des données : ecoinvent, http://www.ecoinvent.ch/
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FICHE 2 IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DE DIVERSES SOURCES DE PRODUCTION...
Énergies carbonées
Énergies « décarbonées » (échelle X 40)
Figure A | Émissions de CO2 en grammes par kWh d’électricité produite sur tout le cycle de vie.
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DE DIVERSES SOURCES DE PRODUCTION... FICHE 2
Figure B | Émissions d’oxyde d’azote (en haut) et d’oxyde de soufre (en bas), en g par kWh d’électricité produite. Ces oxydes sont responsables des pluies acides. L’oxyde d’azote est aussi un précurseur de l’ozone troposphérique.
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FICHE 2 IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DE DIVERSES SOURCES DE PRODUCTION...
Figure C | Émissions de méthane. Les lacs de barrage émettent du méthane lors de la mise en eau.
Outre ces gaz à effet de serre dont certains sont des polluants, charbon et lignite ont des émissions notables de particules, de métaux lourds et de radionuclides.
Occupation des sols Le Tableau A présente une comparaison des surfaces utilisées par différentes types d’installations. En amont des centrales, les mines, quel que soit le minéral extrait, posent toutes des problèmes environnementaux : éventrement des sites des mines de lignite, fragilisation des sols et poussières des mines de charbon, émanations radioactives des mines d’uranium. Il faut ajouter à cela les dommages directs aux mineurs. (cf. fiche 3). En aval des centrales, les déchets solides sont soit récoltés sous cette forme, soit émis dans l’atmosphère (déchets « volants »).
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DE DIVERSES SOURCES DE PRODUCTION... FICHE 2
Tableau A. Comparaison des surfaces utilisées par différents types d’installations existantes.
Éolien Photovoltaïque Solaire à concentration (Andalousie) Nucléaire
Surface par MW installée (ou MW crête pour le photovoltaïque) 10 ha (utilisable pour l’agriculture) 1 à 5 ha
40 ha (utilisable pour l’agriculture) 6 à 30 ha(2)
9 ha
25 ha
0,03 à 0,08 ha
0,035 à 0,09 ha
Surface corrigée du facteur de charge(1)
(1) Surface nécessaire pour obtenir 1 MW de puissance moyenne, compte tenu de l’intermittence ou des périodes d’instabilité. (2) On peut gagner un facteur 2 avec des panneaux motorisés qui suivent l’orientation du Soleil.
Les déchets solides non volants du charbon sont valorisés. Les déchets solides du nucléaire correctement gérés ne posent pas de problème : les actinides mineurs à vie longue ne migrent pas dans l’environnement (cf. ce qui a été mesuré sur le site d’Oklo20) ; les produits de fission (vie ne dépassant pas quelques centaines d’années) peuvent migrer plus facilement dans l’environnement, mais les multi-barrières leur permettent d’avoir décru et être devenus inactifs avant leur migration. Les déchets volants des charbons et lignites sont une pollution de l’environnement.
20. Réacteurs fossiles datant de 2 milliards d’années découverts au Gabon. Voir : Roger Naudet, Oklo : des réacteurs nucléaires fossiles, étude physique, Eyrolles (1991).
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FICHE 3 RISQUES, COÛTS, BÉNÉFICES DES FILIÈRES ÉNERGÉTIQUES
Aucune énergie n’est sans risque. Seule une analyse multicritère mesurant ces risques à l’aune des bénéfices économiques et sociaux attendus permet d’éclairer les choix énergétiques. Une des difficultés de l’exercice est que les risques des différentes énergies sont souvent de nature différente : risques directs pour la santé, risques pour l’environnement (charbon), risques sociétaux ou géopolitiques (pétrole), risques d’accidents graves (nucléaire, barrages).
Le pétrole Cette forme d’énergie reste difficilement remplaçable pour les transports, en particulier aériens. Le risque technologique et environnemental de l’énergie pétrolière est d’abord lié aux marées noires lors de l’extraction ou lors du transport. Les techniques d’extraction d’hydrocarbures lourds sont très coûteuses en énergie. Classiquement, celle-ci est fournie par la combustion d’une partie significative (20 %) du produit extrait. Le CO2 ainsi dégagé contribue à l’effet de serre (cf. fiche 2). L’exploitation à grande échelle de schistes dans des régions sauvages (Athabasca) double les ressources, mais perturbe des écosystèmes particulièrement fragiles. 55
FICHE 3 RISQUES, COÛTS, BÉNÉFICES DES FILIÈRES ÉNERGÉTIQUES
Il y a eu aussi quelques catastrophes massives (des centaines de morts) auprès d’oléoducs à la suite de fuites que les riverains organisaient pour récupérer du pétrole. Par ailleurs, la combustion des diesels à elle seule est, selon l’ANSES21 la cause de 45 000 décès prématurés par an en France du fait des suies et poussières, ainsi que des oxydes de soufre et d’azote émis. Le risque géopolitique est associé à la rivalité pour la maîtrise des champs pétroliers (conflits armés en cours). Les pays clients courent un risque de dépendance économique vis-à-vis des pays détenteurs de ressources. La raréfaction des ressources va inévitablement entraîner une augmentation des prix.
Le gaz naturel Souple d’utilisation et actuellement bon marché, le gaz devient de plus en plus le combustible de remplacement pour la production d’électricité. Pour une même énergie produite, la combustion du gaz naturel émet deux fois moins de CO2 que le charbon, ce qui en fait une énergie moins sale, à défaut d’être « virginale ». Les ressources sont potentiellement abondantes et relativement bien réparties à la surface du globe, surtout si l’on prend en compte la découverte récente des gaz de schiste. Cependant, l’exploitation de ces derniers risque de perturber l’hydrogéologie, du fait de la technique d’extraction, qui fait appel à la fracturation hydraulique. Ce risque se traduit par 21. Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RISQUES, COÛTS, BÉNÉFICES DES FILIÈRES ÉNERGÉTIQUES FICHE 3
des possibilités de pollution de nappes aquifères de remontée incontrôlée de gaz vers la surface et l’atmosphère. Un autre risque difficilement évaluable est une éventuelle déstabilisation du sous-sol avec incidence possible sur le déclenchement de séismes. Le risque technologique principal est lié aux fuites de gazoducs : outre le risque d’explosion et d’incendie, le méthane est un puissant contributeur à l’effet de serre. À noter que le gaz fait une centaine de morts par an en France à cause des explosions. Comme avec le pétrole, les pays clients courent un risque de dépendance économique vis-à-vis des pays détenteurs de ressources.
Le charbon Le charbon reste une des sources d’énergies primaires les moins chères, et une ressource très abondante (cf. fiche 1). Les techniques de transformation du charbon ouvrent des perspectives prometteuses de production d’hydrocarbures liquides au-delà du pic pétrolier. Mais le charbon est le combustible fossile le plus polluant par unité d’énergie : les risques environnementaux sont associés au dégagement de gaz à effet de serre (dans une centrale thermique : 270 gCO2/kWh produit), mais aussi d’oxydes de soufre, d’où des risques de pluies acides. À cela il faut encore ajouter la pollution atmosphérique due aux suies et à l’émission dans l’air de la radioactivité contenue initialement dans le charbon22. 22. Une tonne de charbon contient en moyenne 1,3 g d’uranium et 3,2 g de thorium.
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FICHE 3 RISQUES, COÛTS, BÉNÉFICES DES FILIÈRES ÉNERGÉTIQUES
L’impact environnemental des mines est important : outre l’effondrement de sols dans les zones minières, qui empêche parfois l’utilisation normale des terrains, il faut surtout mentionner la pollution de l’environnement par les terrils qui relarguent des éléments nocifs (métaux lourds, éléments radioactifs) dans les sols et dans les eaux de ruissellement et de drainage. Le coût de la remédiation des zones minières est très élevé. Les risques encourus par les mineurs sont élevés : morts violentes (6000 morts par an dans le monde, du fait des coups de grisou et de l’effondrement des galeries, morts lentes par silicose). L’extraction du charbon reste un travail pénible et dangereux !
Capture et séquestration du CO2 Ces technologies allègent le bilan carbone et seront probablement de plus en plus associées à l’exploitation des énergies carbonées. Cependant, on ne peut envisager de les pratiquer que sur de grosses installations industrielles centralisées. Elles sont consommatrices d’énergie et la capture n’est jamais totale. Les techniques de capture et de séquestration du CO2 comportent elles aussi des risques, les principaux étant liés à la fuite de CO2 (qui est un toxique pour les humains) hors de l’installation de stockage, à l’altération, voire à la déstabilisation du sous-sol due à l’injection du CO2 sous pression et aux réactions chimiques induites. La capture et la séquestration du CO2 sont encore au stade de la recherche développement. Elles restent très chères, avec peu de perspectives de voir les coûts 58
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RISQUES, COÛTS, BÉNÉFICES DES FILIÈRES ÉNERGÉTIQUES FICHE 3
baisser. Pour qu’elles soient pratiquées effectivement, il faudra des incitations politiques fortes !
L’électronucléaire Aucune activité industrielle n’est aussi contrôlée et réglementée que le nucléaire. L’électronucléaire fournit une énergie stable et bon marché, indépendante des aléas géopolitiques. Elle produit 13 % de l’électricité dans le monde23. Malgré l’accident de Fukushima, le nucléaire se développe en Chine, Inde, Corée, Brésil, Afrique du Sud, États-Unis. Les pays détenteurs de cette technologie peuvent espérer de grands bénéfices à l’exportation. Les risques nucléaires sont caractérisés par une probabilité d’occurrence faible mais des conséquences qui peuvent s’avérer excessivement graves en cas de rupture des barrières de confinement de la radioactivité. Le cycle du combustible présente aussi des risques d’accidents d’usine de retraitement, de transport de matières radioactives, de gestion des déchets. Ce dernier point est particulièrement sensible aux yeux du public. L’exploitation minière de l’uranium laisse une empreinte environnementale et radiologique non négligeable. Le développement du nucléaire civil comporte aussi des risques de prolifération. Ces derniers ont grandi récemment avec le développement de la voie « U 23. Le nucléaire a de nombreuses applications non énergétiques : biologie et médecine (diagnostic, radiothérapie), industrie alimentaire (destruction des pathogènes par irradiation), géophysique, datation, etc. Sans industrie nucléaire, ces bénéfices disparaissent.
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FICHE 3 RISQUES, COÛTS, BÉNÉFICES DES FILIÈRES ÉNERGÉTIQUES
enrichi », rendue hélas beaucoup plus accessible que la voie « Pu » grâce au développement de la technique d’enrichissement par ultracentrifugation. Ce risque bien réel est cependant largement indépendant de la mise en œuvre du nucléaire civil. Le nucléaire pose particulièrement problème en cas d’instabilité sociale. Il rend le pays qui en exploite la technologie particulièrement vulnérable en cas de conflit interne ou externe. Si l’on en reste à la technologie actuelle des réacteurs à eau, gros consommateurs d’uranium (cf. fiche 1) le nucléaire, comme les autres sources d’énergie fossiles, court un risque d’auto-extinction par épuisement de la ressource. Le déploiement de réacteurs à neutrons rapides accroîtrait la ressource et rendrait le nucléaire plus durable.
L’hydraulique L’hydraulique permet une des rares formes crédibles de stockage de l’énergie en masse, par pompage d’eau vers l’amont des barrages. Par sa souplesse d’utilisation, il permet le passage des pointes de consommation. Mais le risque d’accident de rupture de barrage avec inondation brutale des zones en aval n’est pas négligeable. Les impacts environnementaux sont bien réels : perturbation du transport des alluvions ; perturbation de l’écosystème dans la zone inondée par le lac de barrage, mais aussi en aval. Les barrages sont source de gaz à effet de serre par changement d’affectation des sols. 60
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RISQUES, COÛTS, BÉNÉFICES DES FILIÈRES ÉNERGÉTIQUES FICHE 3
Les risques géopolitiques sont également forts, surtout s’il est question de barrage sur un cours d’eau traversant des frontières. Une circonstance aggravante dans les régions arides vient du fait que le barrage modifie la répartition de la ressource en eau entre les riverains en amont et en aval du barrage. Les grands barrages impliquent souvent la délocalisation de populations importantes (1 million de personnes déplacées par le barrage des Trois Gorges en Chine).
L’éolien L’éolien se développe actuellement dans le monde à un rythme accéléré. Étant une énergie aléatoire, il risque de déstabiliser le réseau électrique au-delà d’un taux de pénétration d’environ 30 %, et doit être doublé par une forte capacité de production thermique en backup, ou de stockage, ce qui grève sa compétitivité. Le risque principal de l’éolien est donc celui de la noncompétitivité économique (cf. fiche 4). Les risques technologiques, environnementaux et géopolitiques de l’éolien sont faibles. L’éolien offshore (c’est-à-dire en mer) pourrait même avoir un impact écologique positif, en créant des écosystèmes marins protégés sur des récifs artificiels. L’impact visuel des éoliennes peut être jugé gênant. La production d’électricité éolienne est souvent présentée comme locale, au plus près de l’utilisateur, d’où des économies potentielles sur les infrastructures de distribution. Mais il faut noter que c’est actuellement l’inverse qui se produit : par exemple, les champs éoliens allemands sont dans le nord du pays, alors que les centres de consommation sont plutôt dans le sud, 61
FICHE 3 RISQUES, COÛTS, BÉNÉFICES DES FILIÈRES ÉNERGÉTIQUES
ce qui va nécessiter la construction de nouvelles lignes de transport d’électricité à grande capacité (cf. fiche 5).
Le solaire Il faut distinguer solaire photovoltaïque et solaire thermique, car il s’agit de technologies très différentes, pour des utilisations différentes. Toutes deux sont en fort développement. À condition d’être locale et proche du consommateur, la production d’énergie solaire n’impose pas de coûteuses infrastructures de distribution. Pour le solaire photovoltaïque, le risque environnemental principal est lié à la technologie de fabrication des panneaux solaires. Cette activité génère des effluents dangereux (voir l’exemple de la fermeture récente d’une usine en Chine sous la pression de la population locale). Intégré sur le cycle de vie des panneaux, le solaire photovoltaïque génère une quantité significative de CO2 (70 g CO2/KWhel). Le photovoltaïque se développe largement grâce aux aides et subventions étatiques (tarifs de rachat très rémunérateurs). Le risque est la non-compétitivité économique, sauf sur des marchés de niche, pour des applications où on a besoin d’un peu d’électricité dans des endroits éloignés du réseau. Le photovoltaïque, étant une énergie fluctuante, demande à être associé à des capacités de stockage de l’énergie au même titre que l’éolien. Le solaire thermique « basse température » permet de fournir avec un investissement modéré des calories ou de l’eau chaude à usage domestique, allégeant d’autant la facture d’électricité ou de combustibles 62
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RISQUES, COÛTS, BÉNÉFICES DES FILIÈRES ÉNERGÉTIQUES FICHE 3
fossiles du secteur résidentiel-tertiaire. Les risques économiques et technologiques sont faibles. Le solaire thermique « haute température » (à concentration) vise par l’intermédiaire d’un fluide caloporteur à entraîner des générateurs électrique. L’impact environnemental vient de la forte emprise au sol des miroirs, ainsi que de certains caloporteurs qui peuvent poser des problèmes, sans doute assez facilement maîtrisables. Les sites favorables à la production doivent bénéficier d’un fort ensoleillement en atmosphère sèche. Situés en zones désertiques ou semi-arides, ils sont très éloignés des régions utilisatrices. Inséparable de lignes de transport à grande distance, cette technologie encore chère risque la non-compétitivité économique.
La biomasse Dans un pays comme la France, le principal bénéfice attendu de l’exploitation de la biomasse est, outre une importante contribution à la production de chaleur, une élaboration locale d’agrocarburants qui allègerait d’autant la facture relative aux hydrocarbures importés. À l’échelle planétaire, le risque environnemental est l’épuisement des sols par des cultures de plantes à croissance rapide, impliquant peut-être de la déforestation et demandant sûrement beaucoup d’intrants. Le risque sociétal est le conflit d’utilisation des sols, les terres arables servant d’abord à nourrir l’humanité. On a vu récemment comment l’extension de cultures énergétiques au détriment de cultures alimentaires a contribué à faire monter le prix des produits agricoles. Ces deux risques sont atténués 63
FICHE 3 RISQUES, COÛTS, BÉNÉFICES DES FILIÈRES ÉNERGÉTIQUES
si les applications énergétiques sont un sous-produit d’une production destinée d’abord à l’alimentation. Le conflit d’utilisation des sols se répercute sur le coût de la biomasse énergie. Si des technologies comme la production d’algues se développaient, l’exploitation de la biomasse changerait de nature et se présenterait sous un jour beaucoup plus favorable.
La géothermie Qu’elle soit à haute ou basse température, la géothermie bénéficie de nombreux atouts. Disponible partout, la géothermie basse ou moyenne température fournit une énergie régulière et peu polluante. Et elle a atteint un niveau de maturité technique et commerciale qui lui permet de rivaliser sans complexe avec les autres énergies renouvelables. Destinée à la production d’électricité, la géothermie profonde (5000 m) n’est exploitable que sur des sites adaptés. Elle pose des problèmes environnementaux du fait des additifs chimiques et de l’éventuelle fracturation hydraulique destinée à augmenter la conductivité de l’aquifère duquel on va extraire la chaleur. Elle est toutefois limitée et ne reste renouvelable que si la croûte terrestre ne se trouve pas refroidie au lieu d’exploitation. Sobriété et efficacité énergétique Après avoir passé en revue les risques des principales formes d’énergie primaire, il faut mentionner le risque principal : manquer d’énergie. Certes, il est bon de faire autant que possible des économies d’énergie. 64
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RISQUES, COÛTS, BÉNÉFICES DES FILIÈRES ÉNERGÉTIQUES FICHE 3
Mais attention à l’anorexie ! On a vu que le manque d’électricité dans un pays moderne (au Japon) s’est révélé un facteur aggravant dans la chute de l’économie consécutive au tremblement de terre et au tsunami du 11 mars 2011. La production d’énergie, bien que ne représentant que quelques pourcents de la valeur ajoutée, est un besoin indispensable à toutes les autres activités de l’économie. À ce titre, son impact réel est colossal.
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FICHE 4 COÛTS DE L’ÉNERGIE
La facture énergétique de la France concerne les combustibles fossiles importés, prix du marché (pétrole), contrats à long terme (gaz). Pour les coûts de l’électricité, on établit une comparaison entre différentes sources d’énergie.
Énergie électrique Le prix en euros du MWh pour différents modes de production d’électricité est fourni par le tableau A. Il dépend du coût du combustible mais aussi de l’investissement nécessaire pour l’installation électrique, du temps pour sa mise en œuvre et de sa durée de fonctionnement. À l’exception de l’éolien en mer, de l’hydraulique et de l’électronucléaire, les valeurs citées sont déduites du rapport Projected Costs of Generating Electricity édition 2010 de la NEA (Nuclear Energy Agency), organisme dépendant de l’OCDE, chiffres un peu inférieurs à ceux qui sont publiés par l’ECF (European Climate Foundation). Elles correspondent à un rapport €/$ de 1,4 (2012). Elles sont à augmenter de 20 % si le rapport €/$ est celui de 2015. Pour les énergies fossiles, il faudrait majorer de 25 % les chiffres du tableau A en cas de séquestration du CO2 afin de limiter leur contribution à l’effet de serre. Produire de l’électricité à partir de biogaz ou de 67
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
3,1 M€
8 ans
40 à 60 ans
82 %
50 € (5 à 10 %)
45 €
70 %
Nucléaire
4 ans
Plus de 100 ans
2,7 M€
260 € (100 à 300 € d’après GIEC SRREN)
9,2 à 15 %
Hydroélectricité
2 ans (ferme)
20 ans
3 M€
130 €
34 %
20 ans
Photovoltaïque
2 ans
3,3 M€
20,4 %
Éolien en mer
20 ans
82 €
6 mois
75 € (53 %)
1,3 M€
80 %
150 € (74 %)
Éolien sur terre
40 ans
85 %
83 € (53 %)
80 €
3 ans
40 ans
85 %
Biomasse
0,8 M€
Gaz naturel
3 ans
40 ans
Prix de revient du MWh sur Temps Facteur de toute la période d’exploitation d’exploitation charge (en %) part du prix du combustible
67 €
1,4 M€
Fuel
4 ans
Délai de construction ou d’installation
Biogaz
1,3 M€
Investissement par MW installé
Charbon
Mode de production d’électricité
Tableau A. Investissements et prix de revient du MWh de différents modes de production d’énergie électrique (évalués avec un rapport €/$ de 1,4 sauf pour l’éolien en mer, l’hydraulique et le nucléaire – voir texte).
FICHE 4 COÛTS DE L’ÉNERGIE
COÛTS DE L’ÉNERGIE FICHE 4
biomasse peut se faire dans une centrale existante à fuel ou à charbon. Il n’y pas actuellement d’investissement dans des centrales à fuel en raison du prix très volatil du combustible. Les valeurs relatives aux éoliennes en mer ont été calculées à partir de l’appel d’offre gouvernemental pour un parc d’éoliennes en Manche et en Atlantique. Les chiffres concernant l’hydraulique sont déduits du dossier du nouvel aménagement hydraulique Romanche-Gavet. En France le facteur d’utilisation pour le nucléaire n’est que de 78 % à cause du suivi de charge. Les coûts du tableau pour cette énergie sont tirés du rapport de la Cour des Comptes du 31 janvier 2012. Ils tiennent compte du coût de l’investissement, du traitement des déchets et du démantèlement. La somme nécessaire pour mettre en application les recommandations de l’Autorité de sûreté nucléaire suite à l’accident de Fukushima, est évaluée à 10 milliards d’euros dont 5 sont déjà provisionnés par EDF dans son programme 2011-2025. D’après le rapport de la Cour des Comptes, c’est l’évolution des investissements de maintenance qui pèsera le plus sur l’augmentation du coût de production de l’électricité nucléaire: Le doublement de leur rythme actuel conduirait à une augmentation de l’ordre de 10 % du coût moyen et de 1 à 5 % pour l’évolution des charges futures liées au démantèlement et à la gestion des déchets. RTE, l’entreprise de transport d’électricité qui gère le réseau public (Réseau de Transport d’Électricité) publie chaque année un bilan pour la France. Le dernier en 69
FICHE 4 COÛTS DE L’ÉNERGIE
date (29 janvier 2015) concerne l’année 201424. Dans la production française d’électricité, la part des fossiles a été de 5 %, celle de l’hydraulique de 12,6 %, celle du total des autres renouvelables de 5,5 %. Le facteur de charge des renouvelables a été déduit des données de ce bilan. On constate, à partir de ce rapport, que parmi les énergies renouvelables, seul l’éolien est pour l’instant compétitif du point de vue prix de revient avec les sources traditionnelles d’énergie. Le prix de revient du photovoltaïque est en décroissance rapide, en raison d’une part de progrès dus à une recherche active et d’autre part de la mise sur le marché de panneaux à bas coût par des industriels chinois. Les contributions de la géothermie et du solaire thermique sont très modestes pour l’instant et n’ont pas été prises en compte dans le tableau A.
Les facteurs non pris en compte dans le prix de revient Dans le prix de revient, on se doit de tenir compte de l’impact sur l’environnement appelé coût externe mais il est difficile à évaluer surtout pour les conséquences de l’effet de serre. Le programme ExternE25 de l’Union européenne évalue ces coûts en € par MWh produit. Ils peuvent varier d’un pays à l’autre en fonction des technologies utilisées. Les résultats pour la France fournis par ExternE actualisés en 2004 sont représentés dans le tableau B26. 24. Bilan électrique 2014, www.rte-france.com/sites/default/files/bilan_electrique_2014.pdf 25. A. Rabl & J.V. Spadaro, 2001, op. cit. 26. Mêmes observations que pour le tableau A à propos des taux de change.
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
COÛTS DE L’ÉNERGIE FICHE 4
Les incertitudes proviennent essentiellement de l’impact de l’effet de serre sur l’espérance de vie. Tableau B. Coûts en €/MWh. Technique Charbon Fuel Gaz Nucléaire Biomasse Hydroélectricité Éolien terrestre
Coût interne 83 150 75 50 80 45 82
Coût externe 70-100 80-110 20-40 3 10 10 0,5
Coût total 153-183 230-260 95-115 53 90 55 82,5
En ce qui concerne les combustibles fossiles, on prend en compte l’impact sur la santé des rejets nocifs, de la pollution de l’air et de l’effet de serre. Dans le cas du charbon, il faut aussi ajouter de possibles effondrements de sols. Pour l’hydroélectricité, on tient compte des ruptures de barrages relativement fréquentes (il y en a eu deux en France ; au Japon, le séisme à l’origine de l’accident nucléaire de Fukushima a aussi provoqué la rupture d’un barrage avec pour conséquence, quelques morts). Les accidents dans le nucléaire, très rares mais pouvant avoir des conséquences très graves (Tchernobyl), sont inclus dans le calcul ExternE. L’accident nucléaire au Japon (Fukushima) a résulté en la perte de plusieurs réacteurs, mais il n’y a eu ni morts par irradiation de ce fait ni personnes sévèrement irradiées. La mortalité différée sera donc probablement impossible à déterminer. Une population importante a cependant dû être évacuée d’une assez vaste zone autour de la centrale. Les sols seront à décontaminer. D’après l’exploitant TEPCO, le démantèlement complet 71
FICHE 4 COÛTS DE L’ÉNERGIE
et l’assainissement de la zone s’étaleront au minimum sur 10 à 20 ans. Un coût d’assainissement de la zone de 100 milliards d’euros sur 20 ans correspondrait à une augmentation du coût moyen du MWh nucléaire mondial de 5 % sur la période.
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
FICHE 5 GESTION DE L’INTERMITTENCE
Éolien et solaire sont des énergies fatales en ce sens qu’on a le choix entre accepter la production telle qu’elle se présente ou alors la perdre.
L’intermittence Elle affecte le solaire par l’alternance des jours et des nuits et la succession des saisons qui sont prévisibles ainsi que par le passage aléatoire des nuages. Quant au vent, il est irrégulier à toutes les échelles de temps, de la fraction de seconde à l’année. En revanche, les éoliennes ont une inertie qui filtre les fluctuations les plus rapides. Il arrive qu’il n’y ait pas de vent pendant des périodes plus ou moins longues. Cet effet est amplifié au niveau de la génération d’électricité. En effet, les aérogénérateurs ne débitent du courant que si le vent a une vitesse supérieure à 4 m/s (soit environ 14 km/h) et il convient, par sécurité, de mettre les hélices en drapeau lorsque la vitesse dépasse 25 m/s. La puissance nominale correspond à 15 m/s (52 km/h) et c’est un maximum. La statistique des vents en Europe occidentale montre que la plupart du temps une éolienne tourne loin de sa puissance nominale (figure A).
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FICHE 5 GESTION DE L’INTERMITTENCE
Heures/an
Vitesse moyenne
800
Puissance nominale
100 %
600
75 400
à terre
v3
50
offshore
200
0
25 0 0
5 15
10
15 50
20
25 90
m/s km/h
vitesse du vent Figure A | Statistiques du vent et puissance d’une éolienne (en tiret) en fonction de la vitesse du vent.
L’intermittence aléatoire pose des problèmes spécifiques. Ainsi, dans le cas du vent, il est nécessaire de disposer d’une prévision extrêmement précise à court terme (heures). C’est un important sujet de recherches. L’expérience acquise dans les différents pays d’Europe où de nombreuses éoliennes ont été mises en service permet de déterminer les conséquences des fluctuations et de l’intermittence liées à cette source d’énergie sur la configuration et la gestion des réseaux électriques. Un fournisseur d’énergie électrique, gestionnaire de réseau, est tenu par contrat de satisfaire ses clients avec une garantie élevée quel que soit le niveau de puissance de la demande. Tous les générateurs d’électricité sont soumis à des aléas : pannes ou intermittence. L’état de la disponibilité est 74
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
GESTION DE L’INTERMITTENCE FICHE 5
représenté par une monotone de puissance, courbe obtenue en portant en abscisses la fraction du temps pendant lequel une fraction donnée de la puissance maximale, portée en ordonnées, peut être garantie aux utilisateurs (figure B). L’intermittence a pour conséquence que la puissance garantie à un haut niveau de disponibilité est un faible pourcentage de la puissance installée.
1 Offshore À terre
0,9 0,8
P/Pmax
0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
7000
8000
9000
Heures dans l’année Figure B | Monotone de puissance d’un parc éolien. La puissance garantie pendant 8000 heures (91% du temps) est quelques pourcents de la puissance nominale Pmax.
Sur un réseau électrique, l’offre doit être équilibrée, quart d’heure par quart d’heure, avec la demande. Pour gérer la fourniture de puissance à partir d’un réseau comportant une forte composante de sources intermittentes, on envisage de préférence l’une ou l’autre des méthodes décrites ci-après. 75
FICHE 5 GESTION DE L’INTERMITTENCE
Gestion par substitution (« back up ») Lorsque les intermittents produisent, leur puissance est automatiquement et par principe admise sur le réseau. D’autres sources sont alors ralenties ou stoppées. On procède ainsi en Allemagne et partiellement au Danemark. Les gestionnaires ajustent les productions des différentes sources connectées en les faisant intervenir selon un ordre qui dépend du modèle économique : si les tarifs sont régulés, on donne la priorité à la souplesse ; sur un marché spot l’ordre est celui des coûts marginaux croissants. En raison de la faible puissance garantie par les intermittents, l’excès de demande doit pouvoir être satisfait, quel que soit son niveau, au moyen de générateurs thermiques à flamme ou nucléaires ou hydroélectriques. Mais dans beaucoup de pays dont la France et l’Allemagne, il n’est pas possible, faute de nouveaux sites à équiper, d’augmenter fortement la puissance hydraulique. En Allemagne, la centrale à gaz ou plus souvent au charbon apparaît ainsi comme le complément indispensable d’un parc éolien et fournit en réalité l’essentiel de l’énergie électrique, impliquant de ce fait d’abondantes émissions de gaz à effet de serre. Une dernière forme de substitution consiste pour un état, à recourir à des importations en provenance des pays voisins, ce qui implique l’existence d’interconnexions à haut débit (cf. fiche 7). Gestion par stockage À l’échelle d’un réseau couvrant un vaste territoire, le stockage de l’électricité, batteries ou condensateurs est inopérant. Même à un niveau local, le coût 76
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
GESTION DE L’INTERMITTENCE FICHE 5
serait dissuasif. Il convient donc de recourir à des stockages externes : chaleur, air comprimé (CAES pour « compressed air energy storage »), réservoirs d’eau (STEP pour station de transfert d’énergie par pompage), hydrogène… Un stockage de chaleur est bien adapté au solaire à concentration pour compenser l’alternance des jours et des nuits. Cette technologie est prise en compte dans les projets de centrales solaires en Afrique (DESERTEC). Pour les fermes éoliennes à terre, on envisage la compression de l’air dans des cavités souterraines avec récupération d’énergie assistée par des brûleurs à gaz. Le stockage hydraulique est le meilleur moyen de mettre en réserve de grandes quantités d’énergie pour les redistribuer par le réseau à l’échelle de toute une région. Dans les régions montagneuses, pompage et turbinage se font entre deux lacs. Le long d’un littoral, la surface de la mer est le niveau inférieur, le niveau supérieur étant soit un lac à terre si la configuration du relief s’y prête soit l’intérieur d’un atoll artificiel27. Un recours au vecteur hydrogène revient à exporter de l’énergie hors du réseau pour la propulsion par exemple. On peut en dire autant de la charge des batteries de véhicules électriques. Par rapport à la substitution, le stockage présente un double avantage : sauf pour les CAES, il s’affranchit de l’émission de gaz à effet de serre ; sur un réseau, il permet de garantir la puissance moyenne de générateurs intermittents. Mais, pour des raisons de coût, la « gestion par stockage » ne peut concerner
27. Projets de F. Lempérière : http://www.hydrocoop.org/
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FICHE 5 GESTION DE L’INTERMITTENCE
actuellement que des proportions faibles de l’énergie totale consommée28.
Gestion par transport de l’électricité Il s’agit ici d’utiliser la différence d’ensoleillement ou de vent entre deux régions éloignées à un moment donné. Il faut alors, en fonction des conditions météo ou de l’heure, transporter l’électricité produite d’un point à un autre par un réseau puissant (cf. fiche 7). Gestion par délestage (ou effacement) Cette approche consiste à couper certaines catégories d’appareils lorsque la demande électrique excède l’offre. Elle est possible pour les usages qui peuvent être décalés dans le temps : un chauffage électrique peut être interrompu pendant une heure ; un démarrage de machine à laver comme une recharge de batterie peuvent être décalés de quelques heures. Cette pratique qui doit être gérée par des compteurs dits « intelligents » peut lisser certaines pointes de demande mais elle restera limitée à moins de 10 % de la consommation instantanée. L’exemple de l’Allemagne L’Allemagne se veut à la pointe d’une transition vers les énergies renouvelables. Dans le cadre d’un programme appelé « energiewende » (tournant 28. Pour une analyse comparée des situations de la France et l’Allemagne vis-à-vis du stockage de l’électricité intermittente, voir : D. Grand, C. Le Brun, R. Vidil, Techniques de l’ingénieur (2015) : http://www.techniques-ingenieur.fr/base-documentaire/energies-th4/ nouvelles-technologies-energies-renouvelables-et-stockage-42594210/ intermittence-des-energies-renouvelables-et-mix-electrique-in301/.
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
GESTION DE L’INTERMITTENCE FICHE 5
énergétique), elle bannit l’électronucléaire et met en place de fortes capacités éoliennes et solaires. Ainsi, l’ensemble des éoliennes implantées à terre en 2014 représente une puissance installée de 35,6 GW, mais elles ne fournissent que de 40 à 60 TWh suivant les années. Le facteur de charge annuel (puissance moyenne sur puissance nominale installée) varie ainsi aléatoirement entre 16 et 22 %. La capacité « offshore », assez marginale en 2014 au niveau de 3,5 GW, va être considérablement augmentée au cours des prochaines années. Parallèlement, le total des installations photovoltaïques se monte à 38 GW pour fournir annuellement 32 TWh. Éolien et solaire comptent pour la moitié de la puissance installée mais fournissent seulement 15 % de l’énergie électrique. La demande de puissance s’établissant entre 50 et 80 MW, le système électrique allemand est déjà en situation de forte surcapacité qui ne fera que s’aggraver avec de nouvelles implantations de renouvelables. Il en résulte diverses conséquences29 . Sur les réseaux de transport d’électricité : ils doivent être calibrés en fonction de la puissance maximale (au caractère fatal) produite par ces renouvelables. Ce n’est pas le cas actuellement entre le nord (bien venté) et le sud (bien ensoleillé) de l’Allemagne. La construction de nouvelles lignes à haute tension se heurte à de fortes oppositions sociétales tandis que les pays limitrophes sont réticents à autoriser le passage par leurs propres réseaux. 29. Pour une analyse plus précise, cf. F. Wagner, Electricity by intermittent sources: An analysis based on the German situation 2012. Eur. Phys. J. Plus 129 : 20 (2014).
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FICHE 5 GESTION DE L’INTERMITTENCE
Sur les gaz à effet de serre : le remplacement de l’électronucléaire par de l’éolien ou du photovoltaïque n’a eu qu’un effet marginal (à la hausse !) sur les émissions du système électrique. Les bons résultats dont se prévaut l’Allemagne prennent pour référence l’année 1990, la RDA étant alors particulièrement polluante, situation à laquelle la réunification a porté remède. Sur le plan économique : la surcapacité renouvelable intermittente induit une distorsion du marché spot européen de l’électricité30. De coût marginal artificiellement nul (en réalité payé par les consommateurs domestiques sous la forme d’un équivalent de la CSPE française), la puissance intermittente est prioritaire. Si elle excède la demande, le prix du marché devient négatif, le client est rémunéré pour accepter l’offre. Des pays voisins connectés, Norvège et Suisse qui disposent d’importantes capacités de stockage hydraulique, y trouvent bénéfice.
30. J. Percebois, Les contraintes imposées aux réseaux européens par l’injection d’électricité intermittente, REE 2014-2
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
FICHE 6 RÉSEAUX ET STOCKAGES
Les stockages d’énergie sont un moyen de gérer l’intermittence de productions renouvelables. Des stockages de chaleur peuvent aussi gérer l’intermittence de la consommation tout en exploitant un gisement jusqu’ici ignoré.
Stockages couplés au réseau électrique Dans l’état présent des technologies (figure A), à part les Stations de Transfert d’Énergie par pompage (STEP) qui utilisent des lacs de retenue en altitude et les systèmes à air comprimés (CAES pour « Compressed Air Energy Storage »), les niveaux de puissance et les temps de décharge sont insuffisants pour envisager un stockage autre qu’individuel ou local. Des STEP sont déjà en service comme Grandmaison en France. Des projets ambitieux envisagent d’en réaliser en mer sous forme d’atolls artificiels interconnectés avec des éoliennes offshore31. Une dernière remarque d’ordre économique : tout stockage d’énergie électrique sur un réseau entraîne des coûts supplémentaires qui peuvent s’avérer importants.
31. F. Lamperière, www.hydrocoop.org
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FICHE 6 RÉSEAUX ET STOCKAGES
Gestion adaptative du transport et de la distribution
Lissages locaux
STEP
Heures Temps de décharge à la puissance nominale
Accumulateurs à circulation Zn-Cl Zn-Air Zn-Br NaS
CAES
Accumulateurs au Plomb améliorés NaNiCl2
Supercondensateurs haute énergie Li-lon
Minutes
Accumulateurs au Plomb NiCd NiMH Volants d’inertie
Secondes Supercondensateurs de puissance
1 kW
10 kW
100 kW
SMES
1 MW 10 MW Puissance nominale
Gestion des grands réseaux 100 MW
1 GW
Figure A | Comparaison entre moyens de stockage, plages de fonctionnement suivant la puissance nominale et le temps de décharge à cette puissance. Les plages colorées en gris correspondent à des accumulateurs. Les NiMH sont des hydrures mixtes de nickel associé à un autre métal. Les SMES sont du stockage magnétique par supraconducteurs.
Le stockage saisonnier de chaleur Il y a de très grandes difficultés à réduire de façon drastique les consommations de chaleur pour le bâtiment (cf. fiche 8). Répondre à la demande spécifique de chaleur pour le bâti (chauffage et eau chaude sanitaire) avec des sources de chaleur à émissions de gaz à effet de serre très réduites est un sérieux défi. Mais les chaleurs fatales ou les chaleurs de cogénération qui sont par nature de température modérée, 80 °C32, sont bien adaptées à ce secteur de consommation. Sur un plan quantitatif, une rapide estimation de ces sources d’énergie montre, qu’à l’échelle de la France (tableau A), une bonne partie des besoins pourraient 32. Une température de production de l’ordre de 135 °C serait plus favorable pour le transport, la distribution, etc.
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RÉSEAUX ET STOCKAGES FICHE 6
être couverts. Il est possible d’ajuster l’offre de chaleur « sans CO2 » aux contraintes de la demande grâce à un stockage saisonnier de chaleur et à une diversification des sources utilisées. Tableau A. Ressources de chaleur sans CO2 en France évaluées en TWh, unité pratique de ces technologies. Ressource Sources de chaleur fatales
Incinération de déchets, raffineries de pétrole, usines sidérurgiques, cimenteries
90 TWh
Cogénération Centrales nucléaires avec électricité
140 TWh(1) à 140 °C au prix de 4,5 % de perte de production d’électricité
Production de chaleur dédiée sans EGES
Estimation : 50 à 100TWh
Solaire, nucléaire, géothermie très profonde
(1) Cette ressource s’accroît aux dépens de la production d’électricité.
On peut estimer que 300 TWh au moins pourraient ainsi devenir disponibles en France à partir de telles sources qui toutes ou presque ont, a priori, un débit constant sur l’année. Mais l’utilisation de ces sources est assortie de contraintes : • Nécessité de caloducs pour transport de la chaleur des sites de production vers les lieux de consommation. Les pertes et le coût restent abordables si la puissance transportée est suffisante. Ainsi, pour transporter 360 MW sur 100 km, le taux de pertes pourrait être limité à 2 %. 83
FICHE 6 RÉSEAUX ET STOCKAGES
• Nécessité de réseaux de chaleur : ceux-ci sont nécessaires pour assurer la collecte des chaleurs issues des différentes sources citées ci-dessus et la distribution sur les lieux de consommations (immeubles en milieu urbain). • Adaptation de la production aux profils temporels de la demande : une utilisation optimale des sources de chaleur sans CO2 nécessite de pouvoir les utiliser à production constante sur toute l’année alors que la demande est fortement concentrée sur 5 à 6 mois. Un Stockage Saisonnier de Chaleur (SSC) qui stocke la chaleur l’été et la restitue en hiver réalise cette adaptation. • Il est aussi nécessaire de pouvoir faire face à des fluctuations rapides de la demande selon les heures de la journée, selon les températures extérieures etc. Dans son principe, le réseau de chaleur distribue 70 % de la fourniture annuelle de chaleur au chauffage des locaux pendant les périodes froides. Le reste se répartit entre 10 % consacrés à l’eau chaude sanitaire dont la demande est constante sur l’année et 20 % dans les pertes surtout liées au transport et à la distribution. Dans cette configuration, 30 % de la production annuelle proviennent de chaudières à combustibles (fossiles chimiques : 15 %, biomasse : 15 %) afin de faire face aux fluctuations de la demande, et 70 % sont issus de sources de chaleur sans gaz à effet de serre à débit constant sur l’année. 84
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RÉSEAUX ET STOCKAGES FICHE 6
Une technique de stockage saisonnier efficace est un stockage dans le sol33 dont la capacité thermique est de 0,05 MWh/m3 avec une différence de température qui pourrait être entre 86 ºC et 136 ºC, cette dernière étant la température supérieure. Pour le déstockage, de l’eau à 50 °C, est injectée dans des puits exploités en série. L’eau, injectée au fond du puits par un tube axial, remonte en périphérie en se réchauffant. Dans ces conditions, la capacité de stockage utilisable est égale à 80 % de la capacité nominale théorique. Cette technique s’apparente fortement à celle de la géothermie de faible profondeur (100 à 200 m) et un prix de 10 000 €/puits est considéré comme tout à fait réaliste. Une analyse économique préliminaire évalue le coût total à 50 €/MWh distribué et 60 €/MWh net livré pendant la période d’amortissement.
33. Étude soutenue par le PIE CNRS et réalisée par un groupe de travail de physiciens et ingénieurs complété par une équipe de thermiciens, cf. Jean-Marie Loiseaux (2014) : http://encyclopedie-energie. org/notices/cogeneration-et-stokage-saisonnier-de-la-chaleur-pourhabitat-tertiaire
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FICHE 7 RÉSEAUX ET SUPER RÉSEAU EUROPÉENS DE TRANSPORT : ÉLECTRICITÉ, GAZ, PÉTROLE, CO2
L’interconnexion actuelle des réseaux européens de transport électrique n’est pas satisfaisante : le débit des liaisons est insuffisant, les pertes demeurent importantes. Aller vers une « plaque de cuivre », hauts débits et pertes minimales, est un grand projet de l’Union européenne.
Objectif à l’horizon 2020 Le « paquet énergie » adopté par le Conseil européen en mars 2007 fixe des objectifs à l’horizon 2020 pour l’ensemble de la zone avec les « 3 × 20 » : 20 % de réduction d’émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, 20 % d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique, 20 % d’amélioration de l’efficacité énergétique. L’agence européenne de l’environnement estime qu’en 2010, le niveau des émissions de gaz à effet de serre de l’Europe des 27 pays qui la composaient à cette date34 était de 15,5 % inférieur à celui de 1990. Elle prévoit que l’objectif de 20 % en 2020 pourra être atteint ou sera proche de l’être35. Mais cette décroissance des 34. Un 28e pays, la Croatie, a rejoint l’Union européenne en 2013 35. European Environment Agency EEA Report No 4/2011. Téléchargeable à http://www.eea.europa.eu/publications/ghg-trendsand-projections-2011/at_download/file
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FICHE 7 RÉSEAUX ET SUPER RÉSEAU EUROPÉENS DE TRANSPORT
émissions sur le périmètre géographique est due en partie à la crise économique qui sévit depuis 2008, et en partie à une délocalisation des productions industrielles fortement émettrices. L’ignorance des fractions de la réduction imputables d’une part à une amélioration de l’efficacité énergétique qui, n’étant pas contraignante, n’évolue guère, et d’autre part à la mise en œuvre d’énergies décarbonées conduit à poser la question d’une décroissance durable des émissions de gaz à effet de serre sur le périmètre. L’abandon du nucléaire par quelques pays de la zone après l’accident de Fukushima, trop récent pour être pris en compte dans les statistiques d’émissions, ne pourra qu’augmenter celles-ci. Une estimation de la part de chacune des énergies renouvelables dans la production totale d’électricité renouvelable en 2020 a été réalisée par la Commission sur la base des 23 premiers plans d’action régionaux communiqués par les États36 (tableau A)37. Dans cette perspective, la part des renouvelables dans la production totale d’électricité des 27 en 2020 est d’environ 30 % avec une production totale de 3900 TWh en 2020.
36. Autriche, Bulgarie, République tchèque, Chypre, Allemagne, Danemark, Grèce, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Suède, Slovaquie, Slovénie et Royaume-Uni. 37. Priorités en matière d’infrastructures énergétiques pour 2020 et au-delà - Schéma directeur pour un réseau énergétique européen intégré – Annexe 2, page 26. Commission Européenne COM(2010) 677 Final – téléchargeable à http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ. do?uri=COM:2010:0677:FIN:FR:PDF
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RÉSEAUX ET SUPER RÉSEAU EUROPÉENS DE TRANSPORT FICHE 7
Tableau A. Évolution pour l’électricité renouvelable des capacités installées et des productions attendues 2010-2020. 2010 Type de renouvelable
2020
Capacité inst. Capacité inst. (GW) (GW) Production (TWh) 116,9 (342,1) 82,6 (160,2) 25,8 (21) 21,2 (103,1) 1 (6,5)
Production (TWh) 134,2 (364,7) 201 (465,8) 90 (102) 37,7 (203) 3,6 (16,4)
Hydraulique Éolien Solaire Biomasse Autres (ex: incinération des déchets) TOTAL 247,5 (632,9) 466,5 (1 151,9)
Variation Part en 2010-2020 % : 2020 %: capacité capacité (production) (production) 29 % (32 %) 43 % (40 %) 19 % (9 %) 8 % (18 %) 1 % (1 %)
15 % (7 %) 143 % (191 %) 249 % (386 %) 78 % (97 %) 260 % (152 %)
100 %
88 % (82 %)
Vision pour 2050 Le paquet énergie inclut une vision très ambitieuse à l’horizon 2050 avec des émissions de gaz à effet de serre réduites de 80 %, voire de 95 % par rapport à celles de 1990. Dans une telle transition énergétique, les instances européennes ont fait le choix de faire intervenir plutôt les énergies renouvelables que l’électronucléaire pourtant non émetteur de gaz à effet de serre et moins coûteux car non intermittent. Le « projet Roadmap 2050 », financé par la European Climate Foundation, a fait une projection de ce que pourrait être la production d’électricité européenne en 2050 (figure A) 38. Les énergies renouvelables 38. ROADMAP2050 Brief on Power Generation téléchargeable à http://www.roadmap2050.eu/attachments/files/PowerGeneration.pdf
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FICHE 7 RÉSEAUX ET SUPER RÉSEAU EUROPÉENS DE TRANSPORT
intermittentes y sont très importantes, avec tout de même quelques sources pilotables comme le nucléaire, le thermique à flamme (fossile avec captage stockage du CO2 ou biomasse), de l’hydraulique et de la géothermie. Sources d’énergie dans l’Union européenne en 2050
Europe E uro rope ope e du d Nord No ord d
Belgique + Allemagne France France e Ibé Ibérie érie
Pologne P Polog ollog gne + Balkans g Balkans
Europe Eur urope ope pe eC Centrale Cen en ntrale rale le
= 100 TWh par an
Europe E uro ope e du Sud-Est
Éolien Solaire Hydraulique et géothermique Thermique à flamme u CO2) (biomasse, ou fossiles avec captage et stockage du Nucléaire
Figure A | Production électrique en Europe en 2050 sans émissions de gaz à effet de serre et une forte proportion de renouvelables d’après ROADMAP 2050 ; histogrammes de gauche à droite : éolien ; solaire ; hydraulique et géothermie ; thermique à flamme (biomasse, ou fossiles avec captage et stockage du CO2) ; nucléaire.
Un tel bouquet suppose une extension considérable du réseau électrique du fait de l’éloignement des sites potentiels de production renouvelable (éolien en mer du Nord, solaire à concentration et éolien en Espagne) des zones de consommation (zones peuplées et industrielles) 90
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RÉSEAUX ET SUPER RÉSEAU EUROPÉENS DE TRANSPORT FICHE 7
et de stockage (hydraulique en Scandinavie, Suisse, Autriche). La mutualisation des ressources et aussi de la demande conduit au concept de super réseau intelligent de transport de l’électricité à l’échelle européenne qui doit satisfaire trois objectifs : I. intégration des énergies intermittentes ; II. sécurisation de l’approvisionnement ; III. ouverture du marché de l’électricité à la concurrence. Le super réseau 2050 est constitué de lignes de transport longue distance en courant continu haute tension ( CCHT) qui alimentent des points nodaux. Superposé aux réseaux existants, il n’a pas vocation à la desserte des pays traversés. C’est un changement radical de la capacité d’échange entre pays européens qui est envisagé comme le montre la carte des capacités actuelles et de celles prévues pour 2050 (figure B). La connexion à travers l’Espagne et la France pourrait également transporter de l’électricité solaire produite en Afrique du Nord (projet Desertec)39. On est ainsi conduit à une capacité de transfert de 41 GW entre France et Espagne à comparer à 2,8 GW une fois achevée la nouvelle interconnexion en Catalogne. Une des raisons d’être de ce projet de super réseau est un espoir de lissage par foisonnement de la production éolienne, basé sur l’hypothèse que les intermittences se compenseront d’une région à l’autre. La production 39. http://www.desertec.org/ http://www.desertec.org/ ce projet aux répercussions géopolitiques importantes est actuellement (2015) en sommeil.
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FICHE 7 RÉSEAUX ET SUPER RÉSEAU EUROPÉENS DE TRANSPORT
Figure B | Interconnexions européennes en 2010 et réseau de transport de l’électricité prévu pour 2050.
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RÉSEAUX ET SUPER RÉSEAU EUROPÉENS DE TRANSPORT FICHE 7
éolienne actuelle en Europe est suffisante pour évaluer la possibilité de ce lissage à partir des productions instantanées publiées par les gestionnaires de réseau des différents pays. Hubert Flocard et Jean-Pierre Pervès40 ont réalisé une compilation de ces données pour 7 pays : Allemagne + Autriche, France, Espagne, Danemark, Irlande, Grande-Bretagne, sur la période hivernale du 1er septembre 2010 au 31 mars 2011. L’empilement de ces productions pour les mois de janvier et février 2011 est représenté sur la figure C. Les puissances installées sont très inégales mais cela ne change rien à ce que l’on observe : la production d’ensemble est très variable, il n’est pas rare qu’aucun des pays n’ait une production significative ce qui rend assez illusoire le lissage par foisonnement. En l’absence de fortes capacités de stockage, ces fluctuations de production éolienne seront majoritairement compensées par le gaz. Il est clair que la mise en œuvre de super-réseaux pour l’électricité se heurtera à leurs coûts très élevés. Se posera la question de leur financement en particulier pour ceux qui ne feront que traverser la France et dont le pays n’aura pas besoin. Ces coûts sont difficiles à estimer et varient d’un facteur supérieur à 5 selon que le réseau est enfoui ou aérien. Une évaluation de la Commission européenne41
40. Membres de l’association « Sauvons le Climat », cf. H. Flocard (2013). http://www.sauvonsleclimat.org/images/articles/pdf_files/ etudes/131120_Flocard_FoisonnementEolienTexte.pdf voir aussi : J.L. Bobin, H. Flocard, J.P. Pervès et B. Tamain, Annales des Mines, Responsabilité & Environnement, n° 69 (2013) 43-49. 41. Marc Deffrennes, in Quel modèle énergétique pour l’Europe en 2030 ? Aubin (2012).
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FICHE 7 RÉSEAUX ET SUPER RÉSEAU EUROPÉENS DE TRANSPORT
Figure C | Production éolienne (MW) effective du 1-01-11 au 28-02-11 en pas horaire. Compilation réalisée par Hubert Flocard et Jean-Pierre Pervès à partir des données fournies par les gestionnaires de réseaux des différents pays.
situe au niveau de 200 milliards d’euros le besoin de financement d’une première étape à l’horizon 2020 pour des infrastructures liées à l’électricité et au gaz : ce financement concerne essentiellement les réseaux dont d’abord le réseau électrique.
Éolien offshore, une première étape L’installation de fermes éoliennes offshore implique elle aussi la création d’un réseau électrique substantiel. Un projet de raccordement de l’éolien offshore en mer du Nord est une première étape qui intéresse l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique en tant que producteurs, et la Norvège pour son potentiel de stockage. L’étude est en cours, en voici quelques éléments. C’est un réseau CCHT sous-marin reliant de grandes fermes éoliennes offshore pour une capacité 94
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RÉSEAUX ET SUPER RÉSEAU EUROPÉENS DE TRANSPORT FICHE 7
23 GW à des points de concentration puis à des nœuds du réseau continental selon le schéma donné en figure C. En supposant un facteur de charge de 40 % et un amortissement sur 40 ans, on arrive à un coût du transport pour l’éolien seul de 35 à 45 €/MWh42. Si le réseau transportait également de l’électricité provenant d’autres sources, le nombre de MWh transportés étant plus élevé pour un même investissement, le coût unitaire de transport serait évidemment diminué mais le coût de transport pour l’éolien seul donne une indication de ce que serait le coût de transport de l’électricité sur le super réseau européen sauf saut technologique peu vraisemblable à très court terme.
Figure C | Projet de raccordement d’éolien offshore en mer du Nord opérationnel à l’horizon 2015-2020. Friends of the Supergrid.
42. Friends of the Supergrid - Position paper on the EC Communication for a European Infrastructure Package. Cité par la CRE, accessible à http://www.smartgrids-cre.fr/media/documents/dossiers/supergrids/ Position_paper_EC_Communication_European_Infrastructure.pdf
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FICHE 7 RÉSEAUX ET SUPER RÉSEAU EUROPÉENS DE TRANSPORT
Réseaux de gaz, pétrole, CO243 En Europe, le réseau interconnecté de transport et de distribution de gaz est depuis longtemps une réalité. Mais sous sa forme actuelle, il s’avère insuffisant pour répondre à une demande future en forte croissance. D’autre part, l’Europe est globalement importatrice, situation qui ne peut que s’aggraver en raison de l’épuisement des gisements de la mer du Nord. Le recours à du gaz non conventionnel ne semble pas être une solution dans la mesure où les ressources ont été revues sérieusement à la baisse comme en Pologne, ou ne seront même pas évaluées comme en France après l’interdiction44 de la fracturation hydraulique. Le développement des réseaux de gaz va se poursuivre de deux façons : renforcement des infrastructures internes à l’Europe et nouvelles liaisons avec les pays exportateurs, Russie et Asie centrale, garantissant l’approvisionnement du continent. Au niveau de l’Union européenne, des corridors ont été identifiés pour un développement prioritaire : • Liaison entre la Baltique, la mer Noire, la mer Adriatique et la mer Égée à travers la mise en œuvre du PIMERB (Plan d’Interconnexion des Marchés Énergétiques de la Région de la mer Baltique) et le corridor Nord-Sud en Europe centrale et orientale et dans le sud-est de l’Europe. 43. Priorités en matière d’infrastructures énergétiques pour 2020 et au-delà. Schéma directeur pour un réseau énergétique européen intégré – p. 12 et suivantes. Commission Européenne COM(2010) 677 Final – téléchargeable à http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CO M:2010:0677:FIN:FR:PDF 44. Loi du 13 juillet 2011.
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RÉSEAUX ET SUPER RÉSEAU EUROPÉENS DE TRANSPORT FICHE 7
• Corridor Nord-Sud en Europe occidentale pour éliminer les goulets d’étranglement internes, optimiser les infrastructures existantes, notamment les installations de gaz naturel liquéfié (GNL) et de stockage, utiliser pleinement les autres possibilités d’approvisionnement extérieur, notamment depuis l’Afrique. • Corridor Sud (South Stream) pour acheminer le gaz du bassin de la Caspienne, d’Asie centrale et du Moyen-Orient vers l’Union européenne. Mais les plans sont constamment révisés pour tenir compte des aléas politiques dans la région. Au contraire le corridor Nord (North Stream) est déjà opérationnel après la mise en service du gazoduc entre Vyborg (Russie) et Greifswald (Allemagne). Dans le même esprit, l’Europe programme un renforcement de l’interopérabilité du réseau d’oléoducs en Europe centrale et orientale pour assurer la continuité d’approvisionnement en pétrole brut des pays membres sans façade maritime et éviter d’augmenter le transport de pétrole par navire. Ces développements reposent en grande partie sur les infrastructures existantes. Pour les infrastructures européennes de transport de CO2, tout reste à faire. Dans son schéma directeur pour les infrastructures à développer, la Commission indique que les modalités techniques et pratiques d’une infrastructure européenne de transport de CO2 devront être établies afin de permettre la création d’un tel réseau dans la perspective du déploiement commercial du captage et stockage du carbone à partir de 2020. 97
FICHE 7 RÉSEAUX ET SUPER RÉSEAU EUROPÉENS DE TRANSPORT
Il apparaît ainsi que les réseaux de toute nature sont à développer, étendre ou créer. Le coût estimé par la Commission européenne pour le développement des réseaux de gaz, pétrole et électricité d’ici à 2020 est de 200 milliards d’euros45. Il restera encore beaucoup à faire en particulier pour l’électricité et le CO2 dans la perspective de 2050. La mise en œuvre de super-réseaux en particulier pour l’électricité se heurtera à leur coût très élevé. Leur financement pose un certain nombre de problèmes : en particulier la France devra-t-elle payer pour ceux qui ne feront que la traverser et dont ce pays n’aura pas besoin ? Par ailleurs, les données existantes des années passées indiquent que l’on ne peut pas compter sur le lissage de la production éolienne au niveau de l’Europe, les conditions météorologiques restant trop proches à un instant donné d’une région à l’autre du continent. Le stockage massif d’électricité est le verrou à lever pour une insertion réussie des énergies intermittentes.
45. M. Deffrennes, Université d’été 2011 – Sauvons le Climat. www.sauvonsleclimat.org/images/articles/pdf_files/ue_2011/trans_ defrennes.pdf
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
FICHE 8 RÉDUCTION DE LA CONSOMMATION
Réduire la consommation d’énergie est un objectif hautement souhaitable, mais dont la réalisation rencontre assez vite des limites.
Consommation d’énergie finale en France (figure A46) : Le principal poste de consommation d’énergie en France est le bâti. Il représente 42 % de l’énergie finale totale consommée, c’est-à-dire de l’énergie fournie sous forme directement utilisable. Ces 42 % sont répartis entre la production de chaleur (chauffage : 26 % ; eau chaude sanitaire et cuisson : 7 %), l’éclairage, le fonctionnement des équipements de la maison (électroménager, télévision, etc.) pour 10 %. Le second poste de consommation (32 %) concerne les transports avec en particulier les véhicules individuels (15 %), les transports routiers de marchandise (10 %), les transports aériens (4 %), le rail, les bus et le transport maritime et fluvial (3 %). Les autres postes sont l’industrie avec 24 % et l’agriculture avec 2 %. 46. Source : ministère de l’Écologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement ; chiffres 2009. Ces consommations sont restées stables jusqu’en 2013, derniers relevés statistiques publiés par l’ADEME : Chiffres clés 2014, climat, air et énergie.
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FICHE 8 RÉDUCTION DE LA CONSOMMATION
Figure A | Répartition par usages de la consommation d’énergie en France (en % du total).
Peut-on réduire fortement cette consommation ? Les postes principaux sur lesquels on peut agir pour réduire la consommation à l’horizon 2050 sont l’isolation des bâtiments (chauffage), la production d’eau chaude, les transports individuels et les transports routiers de marchandise. L’industrie a déjà fait les économies possibles et une diminution supplémentaire correspondrait surtout à des délocalisations. L’isolation des bâtiments est certainement le bras de levier essentiel. On peut raisonnablement réduire la consommation d’un facteur 3 (17 %) pour passer de 26 % des dépenses totales à 9 % à nombre constant de logements. Le passage à des bâtiments à énergie positive n’est envisageable qu’à très longue échéance. Resterait le problème de l’autonomie du fait d’un déficit d’énergie l’hiver et d’une surproduction photovoltaïque l’été, au moment où le réseau en a le moins besoin. Il n’est donc pas généralisable. Par ailleurs, le coût global de rénovation des 33 millions de 100
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
RÉDUCTION DE LA CONSOMMATION FICHE 8
logement de France nécessite mille milliards d’euros étalés sur des dizaines d’années (horizon 2050). Enfin, les économies d’énergie réalisées grâce à toutes ces rénovations seront partiellement compensées par l’augmentation de la surface totale des logements induite par l’évolution démographique (passage de 65 à 72 millions d’habitants) et sociologique (par exemple l’augmentation du taux de divorces). Le 17 % d’économie est donc probablement surestimé47. L’eau chaude sanitaire peut être produite soit par la cogénération (cf. fiche 6), soit par des pompes à chaleur, soit par des chauffe-eau solaires avec une limite de l’ordre de 60 % de l’énergie consommée, pour une économie d’environ 3 % de l’énergie totale. Quant à l’accroissement des efficacités énergétiques des équipements de la maison, il pourrait être largement compensé par l’augmentation des besoins en partie liés à l’audiovisuel et aux techniques d’information et de communication. La réduction des consommations dans les transports individuels sera très difficile. En effet, ceux-ci correspondent aux déplacements journaliers logement-lieu de travail et aux déplacements de loisir (congés). Les premiers sont en constante augmentation à cause du développement de l’habitat dans les banlieues de plus en plus éloignées des centres de production, éloignement dû à la flambée des prix de l’immobilier en ville. Le développement du télétravail et des transports en commun ne peut que marginalement 47. Voir aussi l’analyse de Chistian Le Brun et Jean Claude Terrier (2014) : http://www.sfen.org/sites/default/files/public/atoms/files/la_rehabilitation_thermique_dans_le_batiment_en_france.pdf
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FICHE 8 RÉDUCTION DE LA CONSOMMATION
influencer cette évolution. La réduction sur ce poste peut provenir d’une amélioration des rendements des moteurs de 30 %, soit une baisse de 5 % de l’énergie finale ou encore du recours aux véhicules électriques. Une diminution des déplacements de loisir impliquerait une diminution marquée du niveau de vie. La réduction sur le poste des transports des marchandises doit passer par leur ferroutage. Le passage par le rail de la moitié des transports routiers actuels conduirait à 5 % d’économie sur l’énergie finale totale. Ces gains sont résumés dans le tableau A. Tableau A. Gains suivant le secteur envisagé. Isolation bâtiment
Eau chaude
Transport Transports marchandises individuels
sanitaire Gain max possible en % de l’énergie finale
17 %
3%
5%
5%
Au total, on voit qu’un effort pourtant très important au niveau des bâtiments et des transports ne conduirait qu’à une diminution de 30 % de la consommation totale d’énergie finale en France. La réduction de consommation d’énergie primaire est du même ordre. Aller au-delà, et en particulier réduire d’un facteur supérieur ou égal à 2 la consommation d’énergie finale, comme le préconisent certains scénarios médiatisés et comme le prévoit la LTE, implique une décroissance basée sur des évolutions fortes des modes de vie (alimentation moins riche en viande, rationnement, mobilité restreinte…) ou consécutive aux bouleversements majeurs que ne manquerait pas de provoquer une grave crise économique planétaire. 102
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
FICHE 9 STRATÉGIES DE DÉCARBONISATION
La décarbonisation du système énergétique doit être mise en œuvre de façon progressive et poursuivie au-delà du XXIe siècle. Technologies et politiques de l’énergie y contribueront.
Dans un scénario « laisser-faire », les émissions de gaz à effet de serre doublent en 50 ans, passant au cours de la première moitié du XXIe siècle de 7 à 14 Gt de carbone48. Les crises économiques se traduisent par des décroissances temporaires des émissions comme ce fut le cas en 2009. Dans ses derniers rapports, l’Agence Internationale de l’Énergie observe en 2014 une stagnation par rapport à 2013, sans qu’il soit possible de tirer dès maintenant de ce constat quelque conclusion que ce soit. Hors du remède radical que serait la décroissance préconisée par certains, il est possible de combattre cette tendance en mettant en œuvre d’une part des efforts d’économies d’énergie, mais dont l’impact reste limité (cf. fiche 8), et d’autre part un ensemble de technologies aujourd’hui éprouvées de production d’énergie49. Ou bien elles sont déjà bien au point sur le plan industriel et peuvent produire au moins une Gtep/an, ou bien elles ont de bonnes 48. Par commodité dans l’utilisation des chiffres, on adopte ici comme unité la tonne de carbone qui est contenue dans 3,7 tonnes de CO2. 49. S. Pacala et R. Socolow, Science, 305 (2004) 968.
103
FICHE 9 STRATÉGIES DE DÉCARBONISATION
chances d’arriver à ce stade au cours des prochaines décennies. À chaque famille de technologies est affecté un objectif représenté à l’échelle planétaire par un ou plusieurs « coins » de carbone évité. Enfoncer un coin consiste à effacer, de façon progressive (linéaire sur 50 ans), les émissions de CO2 jusqu’au niveau de 1 Gt de carbone par an (en 2000, les émissions annuelles planétaires tournaient autour de 7 Gt au total).L’année de référence pour toutes les projections basées sur ce principe est 1990. Une « solution » partielle au problème de l’effet de serre doit avoir le potentiel d’enfoncer au moins un coin. Il faut 7 coins pour stabiliser les émissions pendant 50 années à compter d’une année 1990 + N à partir de laquelle la stratégie est mise en œuvre, N étant non défini Il en faudrait 11 pour que les émissions de 2040 + N soient la moitié de celles de l’an 1990 à la condition que N ne soit pas trop grand (figure A). Toutes les stratégies de décarbonisation conçues à l’échelle planétaire (Agence Internationale de l’Énergie) ou locale (ANCRE) ou encore par secteur d’activité, suivent de plus ou moins près ce type de schéma dans lequel les politiques énergétiques publiques ou privées sauront, on l’espère, s’intégrer. En 2015, le nombre d’années N après 1990 n’est toujours pas déterminé. Les efforts actuels de décarbonisation ont une influence négligeable sur la tendance qui reste à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre suivant la même dynamique sauf en cas de crise économique. On a constaté en 2009 une diminution des émissions suivie d’une vigoureuse reprise en 2010. Cette situation a conduit l’Agence 104
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
STRATÉGIES DE DÉCARBONISATION FICHE 9
GtC/an
ire
14
fa r-
se ais l rio
a
én Sc
Stabilisation
7
Facteur 2
0 1950
1990 + N
2040 + N
Figure A | Éffacement des émissions de gaz à effet de serre à partir d’une année 1990 + N, début de l’inversion souhaitée de la tendance. Le facteur 2 est compté par rapport au niveau de 1990, année de référence.
Internationale de l’Énergie à lancer un avertissement : mettre en service des centrales à flamme au rythme actuel se traduira, en raison de l’inertie des systèmes énergétiques, par l’impossibilité de stabiliser la concentration de CO2 dans l’atmosphère à un niveau inférieur à 500 ppmv. Le tableau A précise l’effort qui doit être accompli pour que chaque catégorie d’économies d’énergie et chaque technologie de production considérée soit à même d’enfoncer au moins un coin au cours des prochaines décennies. Le choix est suffisamment vaste pour laisser de la souplesse aux politiques de l’énergie. 105
106
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
Électricité sans émissions de carbone
Amélioration des rendements
Objectif
Remplacement du charbon par de l’électronucléaire Remplacement du charbon par des éoliennes Remplacement du charbon par du photovoltaïque
Captage du CO2 émis par les centrales à flamme
Remplacement du charbon par du gaz
Amélioration, du rendement des centrales
Habitat plus efficace
Usage réduit des véhicules
Véhicules plus efficaces
Technologie
°
23 000 éoliennes de 2 MW chaque année* 1 000 km2 de panneaux photovoltaïques par an*
9 EPR/an
Pour un coin : Consommation limitée à 4 l/100 pour 1,6 milliards de voitures en 2050 parcourant 15 000 km/an Diminution par 2 du kilométrage annuel si en 2050 la consommation reste à 8 l/100. Isolation, généralisation des lampes fluocompactes Passer de 30 à 40 % + cogénération Construire par an 28 centrales à gaz de 1 GW Savoir séquestrer chaque année 70 millions de tonnes de CO2 supplémentaires
Tableau A. Mise en œuvre d’efforts d’économie d’énergie et de technologies de réduction d’émission de gaz à effet de serre (liste non exhaustive).
FICHE 9 STRATÉGIES DE DÉCARBONISATION
Reforestation
Remplacement des fossiles par de la biomasse
Production d’hydrogène à partir d’éoliennes
Production de carburants synthétiques avec capture de CO2
Production d’hydrogène avec capture de CO2
Technologie
Pour un coin : Même effort que pour le captage et la séquestration de CO2 3 milliards de tonnes de charbon par an converties en « synfuels » Même effort que pour le remplacement du charbon par des éoliennes Attribuer chaque année 4 millions d’ha à des cultures dédiées à haut rendement (15 t/ha) Réhabiliter par an 8 millions d’ha de forêt tempérée ou 6 millions d’ha de forêt tropicale
* Chiffres donnés ici à titre indicatif car dépendant fortement de la façon dont est gérée l’intermittence.
Puits végétaux
Combustibles chimiques décarbonés
Objectif
STRATÉGIES DE DÉCARBONISATION FICHE 9
107
FICHE 10 DE 2012 À 2050. POLITIQUES DE L’ÉNERGIE POUR LA FRANCE
On examine les conséquences à l’échéance 2050 des décisions les plus récentes dont la loi LTE incluant une limitation de l’électronucléaire.
Les scénarios d’évolution du système énergétique de la France doivent se situer par rapport aux engagements pris par dans le cadre de la lutte contre le dérèglement climatique, et se conformer aux décisions politiques relatives au « bouquet énergétique » : parts relatives des différentes sources d’énergie primaire. En particulier, un objectif d’une réduction de l’électronucléaire à 50 % de la production d’électricité à l’horizon 2025 a été fixé. En plus, la puissance électronucléaire installée ne doit pas dépasser le niveau actuel de 63,2 GW. La pertinence de cet objectif est objet de discussions50.
50. Voir par exemple sur le blog d’A. Grandjean “Chroniques de l’anthropocène“ : http://alaingrandjean.fr/2014/03/06/50-de-nucleaire-en-2025-lenoeud-gordien-de-la-loi-transition-energetique/ ou encore : D. Grand, C. Le Brun, R. Vidil, Revue de l’énergie n° 619, mai-juin (2014).
109
FICHE 10 DE 2012 À 2050. POLITIQUES DE L’ÉNERGIE POUR LA FRANCE
La limitation de l’électronucléaire était déjà intégrée dans les scénarios élaborés par des organisations militantes, visant à la sortie du nucléaire et à changer de société dans une perspective de décroissance. « Négawatt »51 est représentatif de cette tendance. De son côté, l’ANCRE (Alliance Nationale de Coordination des Recherches pour l’Énergie) qui regroupe l’ensemble des organismes publics français de recherche impliqués dans le domaine de l’énergie52, a tenté de répondre à ces questions : comment des scénarios basés sur une telle contrainte peuvent-ils être rendus compatibles avec une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre53 et quelles sont les barrières, notamment technologiques, à surmonter ? Cette approche visait à éclairer les choix sur la base de critères d’efficacité tant sur le plan de la politique énergétique que sur celui de la dynamique économique et industrielle française. La Loi relative à la Transition Énergétique (LTE) pour une croissance verte, adoptée définitivement en juillet 2015, définit des objectifs intermédiaires à échéance 2030. Ceux-ci impliquent une décroissance linéaire à partir de 2012 aussi bien pour les émissions de gaz à effet de serre que pour la consommation d’énergie finale jusqu’aux niveaux souhaités en 2050 : 25 % des émissions de 1990, 50 % de la consommation d’énergie finale de 2012. Les niveaux annoncés de la part des énergies renouvelables à relativement court terme 51. www.negawatt.org 52. Des membres de la Commission Énergie-Environnement de la SFP participent aux travaux de cette instance. 53. http://scenarios.allianceenergie.fr/?app=ancre
110
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
DE 2012 À 2050. POLITIQUES DE L’ÉNERGIE POUR LA FRANCE FICHE 10
(2020 et 2030) impliquent des efforts particuliers dans les domaines du solaire (toutes options) de l’éolien et de la biomasse, à mettre en œuvre dans le cadre de Plans Pluriannuels pour l’Énergie (PPE, quinquennaux) dont le premier doit être finalisé pour la fin de l’année 2015. Le tableau A compare à la situation en 2012 quelques données représentatives des scénarios de l’ANCRE intégrant ou non la contrainte d’une réduction de la part du nucléaire, du scénario « négawatt » et du scénario « Négatep », élaboré par Claude Acket et Pierre Bacher54 dans le but de concilier croissance et réduction des émissions de gaz à effet de serre. Un scénario tendanciel et des objectifs chiffrés de la LTE complètent le tableau.
54. Cl. Acket et P. Bacher, Le scénario Négatep, Futuribles n° 376, Juillet-aout 2011, p. 61, téléchargeable : http://dx.doi.org/10.1051/futur/ 37661. La mise à jour de 2014 est téléchargeable depuis : http://sauvonsle climat.org/images/articles/pdf_sites/best_of/negatep%202014.pdf.
111
112
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
75
271
7
640
163
252
3.9
320
Mobilité (hors électricité) Mtep
Total énergie finale Mtep
Total énergie primaire Mtep
Energie primaire par habitant tep
Rejets Mt CO2/an
420
110
900
Tendanciel (BAU)
Chaleur (hors électricité) Mtep
Électricité TWh
497 + 57 (export)
Situation en 2012
< 37
1.4
90
85
22
35
300
« négawatt » 2011
92
181
89
17
560
SOB
92
221
110
20
750
ELEC
92
209
112
23
21
600
DIV
92
218
112
650
ELEC-V
Scénarios ANCRE
Situation pour 2050
Tableau A. De 2012 à 2050. Scénarios représentatifs et objectifs LTE.
73
4.2
279
150
57
990
Facteur 4 « négatep »
92
Non chiffré
82
Non chiffré
Objectifs LTE
FICHE 10 DE 2012 À 2050. POLITIQUES DE L’ÉNERGIE POUR LA FRANCE
DE 2012 À 2050. POLITIQUES DE L’ÉNERGIE POUR LA FRANCE FICHE 10
• La colonne, « tendanciel » ou BAU (pour « business as usual »), représente le résultat d’une politique du laisser faire. Les tendances du début du XXIe siècle sont conservées ce qui conduit à une forte augmentation de la consommation et des émissions de CO2. • Le scénario « négawatt » est axé sur le développement des renouvelables associé à la sortie du nucléaire. Le facteur 4 est dépassé au prix d’une importante baisse de la consommation d’énergie entraînée par une sobriété généralisée y compris pour l’électricité et des économies dont une forte réduction de la mobilité. Ce scénario typiquement « décroissant » implique un bouleversement du mode de vie de nos sociétés, condition nécessaire pour réaliser une telle révolution énergétique (cf. fiche 8). • L’ANCRE a élaboré trois scénarios « officiels », SOB (sobriété renforcée), ELEC (décarbonisation par l’électricité), DIV (vecteurs diversifiés), basés sur le développement des renouvelables et une sortie partielle du nucléaire : 50 % de réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique en 2025. Si l’objectif d’une réduction par un facteur 4 des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 est respecté par ces trois scénarios, les émissions de CO2 dues au système électrique s’accroissent de 60 à 80 % d’ici 2025 pour diminuer ensuite. Avant 2025, la production intermittente des renouvelables doit être associée à celle de sources fossiles de façon à couvrir la demande qui ne peut plus être satisfaite par des générateurs électronucléaires. Après 2025, le recours au CCS 113
FICHE 10 DE 2012 À 2050. POLITIQUES DE L’ÉNERGIE POUR LA FRANCE
et la mise en service de stockages massifs pallient l’intermittence. Cet effet ne se produit pas dans un scénario ELEC-V (variante du scénario ELEC) dans lequel la contrainte de réduction de la part du nucléaire est abandonnée. • Une politique de réduction d’un facteur 4 sans obérer la croissance (« négatep ») conjugue une augmentation de la consommation d’électricité comparable à celle du scénario tendanciel et un ensemble chaleur + mobilité (hors électricité) au niveau du scénario négawatt. L’électronucléaire (75 % du total) et les renouvelables assurent un basculement vers l’électricité décarbonée qui est utilisée dans l’habitat (pompes à chaleur) et dans le développement des véhicules électriques ou hybrides.
114
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
INDEX DES TERMES ET SIGLES EMPLOYÉS
Agrocarburants Biomasse Bouquet énergétique Captage et séquestration du CO2 Carbone évité Chaleur Fatale Réseaux Ressources Stockage saisonnier Transport Changement climatique Charbon Compressed air energy storage (CAES) Conference of parties No. 21 (COP 21) Desertec Électricité Éolien offshore Facteur de charge d’un générateur Facteur d’utilisation d’un générateur
22 22, 25, 45, 46, 63, 68, 71, 89 87 32, 58, 106 104 84 83 84 83 84 83 22, 26
22, 23, 25, 30, 42, 46, 68, 71 81 13 91 61, 81, 94 21 21
119
INDEX DES TERMES ET SIGLES EMPLOYÉS
Interconnexions européennes Lissage par foisonnement Production éolienne Stockage Super réseau intelligent Transport Électronucléaire Énergétique Ascèse Contenu Décarbonisation du système Efficacité Sobriété et efficacité Énergie Bénéfices Biomasse Chimique Coûts Déchets De flux Offre et demande 2050
De stock Distribution Efforts d’économies Finale Impacts environnementaux Intermittence Nucléaire Potentialités renouvelables Primaire Réduction de consommation Réduction de la consommation Renouvelable
120
LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
92 91, 93 94 81 91 78 24, 32 47 23 103 87 64 28 33, 36 21 12, 28, 55 24, 59
21, 44
8, 26, 27, 31, 33, 45, 46, 47, 89, 90, 91, 92, 101, 106, 109, 116 23, 41
8, 12, 27 103 19 28, 49
53, 73
22, 23, 25 45 19 205 100 99 64
INDEX DES TERMES ET SIGLES EMPLOYÉS
Risques Source Stockage Transport Éolien ExternE Fission nucléaire forçage radiatif Fusion nucléaire Gaz à effet de serre
Gaz naturel Gaz non conventionnel Géothermie Gestion du réseau Par délestage Par stockage Par substitution Par transport Hydraulique Hydrocarbure Hydroélectricité Kilowattheures (kWh) Lignes de courant continu haute tension (CCHT) loi sur la transition énergétique (LTE) Parties par million en volume (ppmv) Pétrole Puissance Densité de Facteur de charge
28, 55
8, 12, 22 34 34
44, 61, 94 28, 70, 71 26, 32 14 32
22, 26, 27, 32, 45, 49, 70, 71, 76, 88, 89, 90, 106, 117
28, 29, 30, 31, 52, 55, 57, 60, 77, 82, 84, 87, 103, 104, 105,
25, 41, 56
27, 42, 43, 96 26, 44, 64
78 76 76 78 60 25 44 19 91 14 29, 105 41 24 70
121
INDEX DES TERMES ET SIGLES EMPLOYÉS
Garantie Installée Instantanée Monotone de Moyenne Nominale Nominale de référence Watt Recherche et développement Réseaux gaz, pétrole Réserves Uranium Scénario Solaire Station de transfert d’energie par pompage (STEP) Stockage magnétique par supraconducteurs (SMES) Stockage saisonnier de chaleur (SSC) Tonne équivalent pétrole (TEP) Transport de CO2
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LA SITUATION ÉNERGÉTIQUE EN 2015
21, 74 75 21 75 21 73 21 20 31 87 41 42 27 33, 44, 62 77, 81
82 84 19 96