La rhétorique de la prière dans l'Antiquité grecque 9782503532905, 250353290X

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La rhétorique de la prière dans l'Antiquité grecque
 9782503532905, 250353290X

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11 La rhétorique de la prière dans l’Antiquité grecque

RECHERCHES SUR LES RHÉTORIQUES RELIGIEUSES

Collection dirigée par Gérard Freyburger et Laurent Pernot Volumes parus 1  Bibliographie analytique de la prière grecque et romaine. Deuxième édition complétée et augmentée (1898-2003), par les membres du C.A.R.R.A., sous la direction de Gérard Freyburger, Laurent Pernot, Frédéric Chapot, Bernard Laurot. 2  Corpus de prières grecques et romaines. Textes réunis, traduits et commentés par Frédéric Chapot et Bernard Laurot. 3  « Anima mea ». Prières privées et textes de dévotion du Moyen âge latin, par JeanFrançois Cottier. 4  Rhétorique, poétique, spiritualité : la technique épique de Corippe dans la « Johannide », par Vincent Zarini. 5  Nommer les dieux. Théonymes, épithètes, épiclèses dans l’Antiquité. Textes réunis et édités par Nicole Belayche, Pierre Brulé, Gérard Freyburger, Yves Lehmann, Laurent Pernot, Francis Prost. 6  Carmen et prophéties à Rome, par Charles Guittard. 7  L’hymne antique et son public. Textes réunis et édités par Yves Lehmann. 8  Rhétorique et littérature en Europe de la fin du Moyen Age au xviie siècle. Textes réunis et édités par Dominique de Courcelles. 9  L’étiologie dans la pensée antique. Textes réunis et édités par Martine Chassignet. 10  Supplicare deis. La supplication expiatoire à Rome, par Caroline Février.

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RECHERCHES SUR LES RHÉTORIQUES RELIGIEUSES Collection dirigée par Gérard Freyburger et Laurent Pernot

11 La rhétorique de la prière dans l’Antiquité grecque

Textes réunis et édités par Johann Goeken

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© 2010, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium. All rights reserved. No part of this book may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher.

D/2010/0095/1 ISBN 978-2-503-53290-5 Printed in the EU on acid-free paper

PRÉFACE La prière est un des sujets de prédilection de la collection « Recherches sur les Rhétoriques Religieuses », car elle offre un champ d’investigation fécond pour étudier les formes de langage adressées aux dieux et les relations du discours avec le divin. Après la Bibliographie analytique de la prière grecque et romaine, qui constitua le premier volume de la collection et qui vient d’être republiée dans une deuxième édition augmentée, et le Corpus de prières grecques et romaines, qui constitua le volume 2, voici, sur ce thème, un ouvrage bien ciblé et novateur. Johann Goeken, maître de conférences à l’Université de Strasbourg et spécialiste de littérature grecque, a eu l’heureuse idée de réunir un choix de communications prononcées lors du XVIe congrès de l’International Society for the History of Rhetoric, qui s’est tenu à Strasbourg sous la présidence de Laurent Pernot en juillet 2007. Ces dix textes, qui portent tous sur la prière grecque, composent un ensemble cohérent et significatif. Depuis Homère jusqu’aux Pères de l’église, en passant par les époques classique, hellénistique, impériale, ils posent le problème de la structure de la prière, de sa valeur religieuse, littéraire, philosophique, de son argumentation, de son style. Sur tous ces sujets, le présent volume apporte des éclairages importants et stimulants, en donnant des indications méthodologiques et des exemples. Gérard Freyburger et Laurent Pernot

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AVANT-PROPOS POUR UNE RHÉTORIQUE DE LA PRIÈRE GRECQUE La plupart des textes rassemblés ici sont issus de communications prononcées lors du XVIe Congrès de l’International Society for the History of Rhetoric (I.S.H.R.) qui s’est tenu à Strasbourg, du 24 au 28 juillet 2007, sous la présidence du professeur L. Pernot. Ce Congrès avait ceci de particulier qu’il célébrait le trentième anniversaire de la naissance de l’I.S.H.R., qui fut fondée à Zurich en 1977 par Marc Fumaroli, Anton Leeman, Alain Michel, James Murphy, Heinrich Plett et Brian Vickers. Le thème principal du Congrès, intitulé « Rhétorique et Religion », concernait une question qui n’avait jamais été abordée d’une manière aussi ambitieuse, qui méritait d’être traitée à l’Université de Strasbourg – tant il est vrai que les sciences religieuses constituent une des spécialités de cette institution – et dont l’examen envisagea de très nombreux aspects, depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque contemporaine. Le Congrès de Strasbourg avait été préparé notamment par un article de Laurent Pernot, consacré aux rapports qu’entretiennent les deux notions de « rhétorique » et de « religion » dans l’Antiquité grécoromaine, polythéiste et chrétienne1. Cette étude met l’accent sur trois thématiques : la dimension langagière de la religion, les formes rhétoriques précises de l’expression religieuse et la puissance sacrée du discours. La religion est liée aux mots, puisque le langage est utilisé pour s’adresser aux dieux ou à Dieu, pour parler du divin et du sacré, pour exprimer des sentiments religieux, étant entendu que les dieux peuvent

  L. Pernot, « The Rhetoric of Religion », Rhetorica, 24, 3, 2006, p. 235-254. Voir aussi K. Dowden, « Rhetoric and Religion », dans I. Worthington (éd.), A Companion to Greek Rhetoric, 2007, Malden – Oxford – Victoria, p.  320-335  ; L.  Spina, « Fall and Rise of Rhetoric and Religion », Rhetorica, 26, 3, 2008, p. 209-220 ; L. Pernot (éd.), New Chapters in the History of Rhetoric, Leyde – Boston, 2009, IIe partie : « Rhetoric and Religion ». 1

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eux-mêmes tenir des discours, qu’il s’agisse d’oracles ou de prophéties. Outre les liens incontestables entre croyance (religieuse) et conviction (rhétorique), il apparaît que le discours religieux peut être examiné en tant que discours persuasif. Une telle approche, qui ne va pas encore de soi, même s’il y a eu des pionniers2, permet d’approfondir notre connaissance des mentalités3. L’expression religieuse implique principalement deux genres de discours : des discours sur les dieux et des discours adressés aux dieux. Parler des dieux consiste par exemple à narrer leurs actions, à louer leurs pouvoirs ou à prêcher en leur faveur – la narration, l’éloge et l’exhortation (laquelle implique conseil et avertissement) constituant autant de formes d’énoncés recensées par les rhétoriciens. Les discours adressés à la divinité sont essentiellement de deux types : les prières (comportant la formulation d’une requête) et les hymnes (incluant une louange). Enfin, après avoir rappelé aussi le caractère religieux du discours que le fidèle peut s’adresser à soi-même (sur le modèle des méditations de Cassiodore à propos des Psaumes), L. Pernot souligne que, pour les Anciens, la rhétorique elle-même comporte une dimension religieuse, fondée sur le pouvoir des mots, l’efficace du discours et la magie de la persuasion. À ce titre, l’exemple d’Aelius Aristide, auteur de Hieroi logoi, d’hymnes et d’autres discours inspirés par les dieux, illustre parfaitement l’idée que l’orateur peut être investi de pouvoirs surnaturels. Parmi les formes du discours religieux, une place de choix est occupée par la prière, thème auquel deux sessions furent consacrées au Congrès de Strasbourg, l’une organisée par Paola Volpe Cacciatore, l’autre présidée par Luigi Spina. En tant que discours adressé à la divinité, la prière pose le problème de l’accès aux dieux, dont la présence et l’action ne peuvent être garanties, ce qui implique l’emploi de stratégies oratoires. Or, si la prière

2   J. M. Bremer, « Greek Hymns », dans H. S. Versnel (éd.), Faith, Hope, and Worship. Aspects of Religious Mentality in the Ancient World, Leyde, 1981, p. 193-215 ; W. H. Race, « Aspects of Rhetoric and Form in Greek Hymns », Greek, Roman, and Byzantine Studies, 23, 1982, p. 5-14 ; W. D. Furley, « Praise and Persuasion in Greek Hymns », Journal of Hellenic Studies, 115, 1995, p. 29-46 ; W. D. Furley, J. M. Bremer, Greek Hymns, 2 vol., Tübingen, 2001 ; Pernot, « The Rhetoric of Religion », p. 236237. 3   Voir par exemple H. S. Versnel, « Religious Mentality in Ancient Prayer », dans Versnel, Faith, Hope, and Worship…, p. 1-64.

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antique est un sujet bien présent dans la recherche internationale4, l’approche spécifiquement rhétorique de la prière constitue une piste qui reste encore relativement peu explorée, et qui apparemment commence à susciter aujourd’hui un intérêt croissant, ainsi qu’en témoignent les travaux menés à l’I.S.H.R. Cet intérêt tient au fait que la communication et la prière constituent dans nos sociétés des phénomènes importants, qui ont suscité la mise en œuvre de nouvelles méthodes d’investigation. Par exemple, deux études récentes, parues en 2006 dans le Journal of the American Board of Family Medicine et dans l’American Heart Journal, ont souligné, d’une part, les effets positifs de la pratique religieuse sur la durée de la vie humaine et, d’autre part, les risques de complication provoqués par la prière collective, quand elle est destinée à une tierce personne souffrant du cœur. Selon la première enquête, le fait d’appartenir à une communauté implique, semble-t-il, une réduction du stress et renforce la capacité de chacun à faire face aux aléas de l’existence. Dans la seconde expérience, menée auprès de 1800 personnes destinées à subir un pontage artéro-coronarien et divisées en trois catégories, le groupe des patients qui savaient qu’on allait prier pour eux (contrairement à un autre groupe qui n’était pas au courant et à un troisième qui ne devait faire l’objet d’aucune prière) fut celui où l’on observa le plus de complications et de nouveaux infarctus5. Au-delà de ces expériences, qui révèlent une prière

4   Voir en particulier les synthèses de D.  Aubriot-Sévin (Prière et conceptions religieuses en Grèce ancienne jusqu’à la fin du Ve siècle av. J.-C., Lyon, 1992), de S. Pulleyn (Prayer in Greek Religion, Oxford, 1997), de F. V. Hickson (Roman Prayer Language. Livy and the Aeneid of Vergil, Stuttgart, 1993) et de C.  Guittard (Carmen et prophéties à Rome, Turnhout, 2007), les recueils dirigés par D. Dubuisson (Parler aux dieux. Essais de pragmatique religieuse, dans Revue de l’histoire des religions, 211, 2, 1994) et par G. Dorival et D. Pralon (Prières méditerranéennes hier et aujourd’hui, Aixen-Provence, 2000), les actes du congrès La preghiera nel tardo antico. Dalle origini ad Agostino. XXVII Incontro di studiosi dell’antichità cristiana (Roma, 7-9 maggio 1998), Rome, 1999, sans oublier les anthologies publiées par M. Kiley (Prayer from Alexander to Constantine. A critical Anthology, Londres – New York, 1997) et par L. Cioni, G.  Regoliosi Morani et P.  Tamburini (Al dio ignoto. Preghiere degli antichi, Milan, 1998). Une bibliographie complète du sujet est donnée dans G. Freyburger, L. Pernot, F. Chapot, B. Laurot (éds.), Bibliographie analytique de la prière grecque et romaine. Deuxième édition complétée et augmentée (1898-2003), Turnhout, 2008. 5   Voir E. Peyret, G. Wallon, « La prière, c’est la santé, mais en silence », Libération, 6 mai 2006, citant D. E. Hall, « Religious Attendance : More Cost-Effective Than Lipitor ? », JABFM, 19, mars-avril 2006, p. 103-109, et M. W. Krucoff, S. W. Crater, K.  L.  Lee, «  From Efficacy to Safety Concerns  : A Step forward or a Step back for Clinical Research and Intercessory Prayer ? The Study of Therapeutic Effects of Intercessory Prayer », AHJ, 4, avril 2006, p. 762-764.

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ayant plus d’effet sur les hommes que sur les dieux, force est de constater que les pratiques antiques ne sont pas sans rapport avec celles du présent. Pour les Anciens, la prière désigne « toute démarche par laquelle l’homme, ou bien s’adresse à la divinité, ou bien tente de recourir à des puissances supérieures pour obtenir un résultat »6. Elle constitue une parole par laquelle un homme veut établir un contact avec le divin, s’adresse à la divinité pour requérir sa présence et son aide, pour la remercier, la supplier, la prendre à témoin… Si une telle définition suppose une force agissante de la parole7, la prière peut donc aussi être considérée comme un discours et faire l’objet d’une analyse rhétorique8. De fait orare signifie bien « parler » et « prier » ; et dans cette optique « parler aux dieux », c’est « parler ». Il est donc légitime de considérer la prière comme un discours raisonné (oratio). Mais il y a plus. L’analyse rhétorique de la prière se justifie par les liens intrinsèques qui existent entre la prière et la rhétorique. Si la rhétorique est l’art du discours, la prière constitue un acte de parole, une situation d’allocution, au-delà du rite et de l’expression d’un sentiment intérieur9. La rhétorique est aussi, et surtout, une « ouvrière de persuasion »10 ; elle est l’art de composer des discours qui emportent la conviction du public auquel elle s’adresse. De même, le fait de prier revient à parler à la divinité en construisant un discours argumenté. La prière, qui implique la formulation d’une requête, peut ainsi être considérée comme un plaidoyer, dans la mesure où l’orant cherche à convaincre la divinité de lui accorder ce qu’il souhaite en faisant valoir son bon droit11 et en recourant aux moyens affectifs de la rhétorique qui relèvent de l’êthos et du pathos. Dans cette perspective, même si pour un esprit rationaliste le

  Cf. Aubriot-Sévin, Prière et conceptions religieuses…, p. 24.   Cf. F. Chapot, B. Laurot, Corpus de prières grecques et romaines, Turnhout, 2001, p. 7. 8   Voir, sur le sujet, les réflexions décisives de L. Pernot, « Prière et rhétorique », dans L. Calboli Montefusco (éd.), Papers on Rhetoric III, Bologne, 2000, p. 213-232, sur lesquelles nous nous appuyons dans ce qui suit. 9   Cf. Pernot, « Prière et rhétorique », p. 215. 10   Selon la définition classique de Platon, Gorgias 453 a 2 ( ). 11   Cf. D. Aubriot, « Prière et rhétorique en Grèce ancienne (jusqu’à la fin du e V siècle av. J.-C.)  : quelques jalons  », Metis, 6, 1991, p.  147-165 (en partic. p.  156  : signifie «  proclamer une juste prétention  »). Voir également Ead., Hymne et prière à travers Homère et quelques autres poètes : la démarche religieuse à l’époque archaïque, conférence tenue à la Faculté ouverte de l’Université de Liège, 13 novembre 1996 (texte imprimé sous forme de fascicule), p. 2. 6 7

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discours persuasif de la prière comporte une fiction12 et constitue en fait un pseudo-échange, dans la mesure où la présence de la divinité n’est réalisée que linguistiquement13, il est plus instructif d’observer comment procèdent les orants, lesquels croient en leur démarche. La dimension rhétorique de la prière se vérifie en particulier dans l’emploi d’une structure codifiée par l’usage qui comprend trois étapes : 1) adresse ou invocation ; 2) arguments étayant la prière ; 3) requête. La première partie peut être très développée, si le locuteur s’adresse à plusieurs divinités, dont il peut citer plusieurs épiclèses ou épithètes. Dans la partie médiane, l’orant peut rappeler par exemple ce que le dieu a fait pour lui ou ce qu’il a lui-même fait pour le dieu. La troisième partie consiste en la formulation de la requête proprement dite. Si chacune de ces étapes peut être plus ou moins détaillée, ce plan ternaire de la prière, qui a été mis au jour par C. Ausfeld14 (mais qui n’est pas obligatoire et peut être amendé et adapté dans la pratique), se veut logique, persuasif, construit en vue d’un but précis : l’obtention de ce qu’on demande au dieu. Après avoir attiré l’attention du dieu et après avoir suggéré la légitimité de sa démarche, le fidèle, qui recourt aussi à l’éloge, exprime son attente, et tout ce qui précède est censé lui assurer la bienveillance divine. En ce sens, outre le souci d’argumentation logique, un des ressorts prin : le cipaux de l’échange est résumé par la notion polysémique de fidèle tâche de faire plaisir à la divinité pour susciter en retour sa bienveillance et obtenir sa faveur15. La prière de demande, avec ses développements stratégiques, a été critiquée par les philosophes païens et par les chrétiens. Pourtant, même ) comme les si Jésus recommande de ne pas « radoter » ( 16 païens , qui s’imaginent être écoutés s’ils parlent beaucoup, alors que Dieu sait ce dont on a besoin avant qu’on lui demande quoi que ce soit, il faut reconnaître que les Pères de l’Église sont plus nuancés dans leur

  Cf. Dowden, « Rhetoric and Religion », p. 320.   Cf. D. Dubuisson, « Parler aux dieux », Parler aux dieux. Essais de pragmatique religieuse…, p. 132. 14   Cf. C. Ausfeld, « De Graecorum precationibus quaestiones », Jahrbücher für klassische Philologie, Supplementband 28, 1903, p. 505-547. 15   Cf. Race, « Aspects of Rhetoric and Form in Greek Hymns », p. 8-10, 14 ; Furley, Bremer, Greek Hymns, vol. 1, p. 51. 16   Cf. Mt 6, 7 ( ). 12 13

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jugement sur la prière et que même le Notre Père peut être analysé selon le plan tripartite qui a été dégagé17. L’argumentation de la prière implique donc une topique que les philologues ont décrite par des expressions latines (da quia dedi, da ut dem, da quia dedisti, da quia dare tuum est…) qui correspondent aux argumentaires généraux disponibles. Dans chaque situation il y a des choses à dire, qui sont attendues (par exemple : les noms du dieu, ses attributs, ses pouvoirs, ses exploits), et d’autres à passer sous silence pour ne pas offenser la divinité, ce qui suggère d’une autre manière le pouvoir accordé par les Anciens à la prière18. La topique révèle le caractère économique de la prière, qui peut recourir au marchandage, et l’importance de la relation interpersonnelle qui s’instaure entre le locuteur et le destinataire. La rhétorique de la prière se fonde encore le plus souvent sur l’emploi d’un style particulier, d’un vocabulaire choisi et d’un rythme soigné, comme en témoignent aussi les prières que l’on trouve gravées sur la pierre. Il s’agit là de procédés artistiques qui, éventuellement associés à la musique, concourent également à persuader les dieux invoqués. ), c’estEnfin la prière implique une « action » oratoire ( à-dire des manières de parler, des gestes et des postures qu’adopte le fidèle19. Les données des textes, ajoutées aux représentations figurées, nous éclairent sur les techniques non verbales et sur l’importance du contexte que suppose l’action de prier. La prière peut être prononcée dans un sanctuaire, où la divinité est plus susceptible d’entendre la requête. Elle peut s’accompagner d’offrandes ou de sacrifices, ce qui en fait, sur le plan rituel, un acte parmi d’autres dont l’importance reste primordiale. Si Saloustios, reprenant la pensée de Jamblique, prétend que « les prières sans sacrifices ne sont que des discours, mais [que] celles qui accompagnent des sacrifices sont des discours animés »20, le Mime 17   Cf.  C.-B.  Amphoux, «  Le texte du Notre Père du Ier au IVe siècle  », dans Dorival, Pralon, Prières méditerranéennes…, p. 153-164. L’étude fondamentale sur le Notre Père est celle de M. Philonenko, Le Notre Père. De la Prière de Jésus à la prière des disciples, Paris, 2001. 18   Cf. É. Benvéniste, « La blasphémie et l’euphémie », Problèmes de linguistique générale, II, Paris, 1974, p. 254-257, cité par O. Boulnois, « Quand la réponse précède la demande. La dialectique paradoxale de la prière chrétienne », Parler aux dieux. Essais de pragmatique religieuse…, p. 174. 19   Cf. Pernot, « Prière et rhétorique », p. 224-225. 20   Saloustios, Des dieux et du monde, 16, 1 ( ), trad. Rochefort modifiée. Texte cité par Chapot, Laurot, Corpus…, p. 7 (n. 3) et par B. Cabouret, « L’empereur Julien en prière », dans Dorival, Pralon, Prières méditerranéennes…, p. 117 (et p. 121, n. 14).

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IV d’Hérodas, où le personnage de Cynnô prie pour qu’Asclépios réserve un bon accueil au coq qu’elle s’apprête à lui sacrifier, nous montre combien les sacrifices sans prière ne sont que des sacrifices. En outre, un texte comme le Péan d’Isyllos révèle que la situation historique et politique influence l’énoncé de la prière21. De même, un corpus tel que les Hymnes orphiques illustre la réalité de prières prononcées de manière conforme à un système constitué de croyances émanant d’une communauté religieuse particulière. Il apparaît donc non seulement que la prière ressortit à l’éloquence, en tant qu’elle constitue un discours qui se veut persuasif, mais aussi que les catégories de l’ancienne rhétorique permettent de mieux appréhender le phénomène, dont la codification n’empêche aucune variation ni aucune originalité par rapport à la tradition ancestrale. En témoignent par exemple les prières prononcées par les personnages d’Euripide ou de Théocrite. Les sources dont nous disposons sur la prière ont été transmises sur divers supports : manuscrits, papyrus, pierre, lamelles d’or, tablettes de bois ou de plomb… Certains textes sont dus à de grands auteurs ; d’autres émanent directement de fidèles et relèvent de la pratique cultuelle. Il serait pourtant artificiel d’opérer une distinction entre prières cultuelles (réelles) et prières littéraires (fictives) pour disqualifier ces dernières en raison de leur caractère a priori non historique. En effet, si les inscriptions constituent des documents sur des requêtes effectivement prononcées dans la vie réelle, la littérature nous renseigne aussi parfois très précisément (non sans jeu) sur les pratiques religieuses, conformément . De même, si la prière constitue un outil poétique aux lois de la très prisé par les auteurs, qui l’utilisent pour construire des situations, caractériser des personnages, élaborer une esthétique (par exemple chez Eschyle, Sophocle ou encore Euripide), le procédé littéraire n’est pas sans écho dans la réalité historique, qu’il peut aussi servir à mieux comprendre. Par ailleurs, s’agissant des inscriptions, il apparaît que si les unes ont aussi des prétentions littéraires, d’autres retranscrivent purement et simplement des œuvres d’art. Et, qu’elles soient l’œuvre d’un auteur qui se réfère aux réalités de son temps, ou qu’elles constituent un document épigraphique à prétention littéraire, les prières traduisent le rôle décisif que joue l’art de la parole dans l’éducation et dans le fonctionnement de

21   Cf. A. Kolde, « Les épiclèses d’Asclépios dans l’inscription d’Isyllos d’Épidaure : implications politiques », dans N. Belayche, P. Brulé, G. Freyburger, Y. Lehmann, L.  Pernot, F.  Prost (éds.), Nommer les dieux. Théonymes, épithètes, épiclèses dans l’Antiquité, Turnhout, 2005, p. 543-555.

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la société. Dès lors l’analyse rhétorique, en utilisant des grilles de lecture héritées des Anciens, permet de dépasser des oppositions épistémologiquement peu fécondes. Une telle approche rhétorique de la prière nous amène nécessairement à aborder l’autre type principal d’énoncé adressé aux dieux : l’hymne, qui est parfois considéré comme une variante de la prière. Dans désigne son sens antique, tel qu’il est défini par les rhétoriciens, un éloge de divinité. En toute rigueur, le fidèle formule une prière pour demander quelque chose aux dieux et prononce un hymne pour les célébrer. En réalité, les rapports entre les deux notions sont plus complexes et Platon lui-même pouvait assimiler les prières et les hymnes22. En effet, l’hymne n’est pas sans point commun avec la prière et la distinction entre les deux n’est pas toujours facile à établir. C’est ainsi que la structure type de l’hymne ressemble beaucoup à celle de la prière, car elle comporte trois développements très similaires, en faisant se succéder une invocation, une partie narrative ou mythologique (dont le contenu, à visée encomiastique, est variable), et une prière finale. Dans ce cas, la formulation d’une prière plus ou moins développée motive ce qui précède et constitue le point culminant de l’hymne. Mais il arrive (c’est le cas dans les hymnes d’Aelius Aristide) que la prière ne justifie pas la prise de parole et qu’elle tient lieu d’ornement conclusif à valeur générale. De la même façon, il a été observé plus haut que les prières contiennent un certain nombre d’éléments élogieux qui obéissent à un souci de flatterie et de persuasion. Il ne faut pas oublier non plus que la prière, prise dans un sens plus large que celui qui en fait une tentative de communication avec les dieux, peut aussi s’adresser à un être non divin. Ce type d’échange d’homme à ), homme est illustré notamment par le discours de supplication (  lequel d’ailleurs peut aussi être adressé à des dieux. Impliquant une idée d’instance et de soumission, la supplication désigne en grec le discours ) demander de l’aide dans un monde étranger d’un être « qui va » (  et s’y retrouve en condition de marginalité, loin de sa famille et de son milieu d’appartenance, sans secours, privé d’un droit qui le protège ou d’un rôle dans la structure sociale où il pénètre, qu’il s’agisse d’un vagabond, d’un étranger, d’un criminel ou d’une personne en danger de mort23. D’un point de vue pratique, il a été relevé que le discours de supplication

  Cf. Platon, Lois, III, 700 b 1-2 ( ). 23   Cf.  M.  Giordano, La supplica. Rituale, istituzione sociale e tema epico in Omero, Naples, 1999, p. 11-14. 22

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nécessite la présence physique du destinataire, alors que la prière s’adresse à une absence, et qu’il implique une réponse, que la divinité ne peut donner24. Une telle distinction ne se justifie pas forcément, car précisément les procédés mis en œuvre dans la prière, et en particulier celui de l’adresse, font comprendre que, pour les Anciens, la divinité est bien présente, et ce d’autant plus si le fidèle s’adresse à une image sculptée ou peinte de la divinité. Malgré des différences évidentes, la supplication partage un certain nombre de caractéristiques avec la prière. De manière générale, le suppliant se retrouve sous la protection des dieux, laquelle confère une dimension religieuse à ses propos. Plus précisément, on retrouve dans la supplication quelques traits rhétoriques de la prière aux dieux. Outre l’importance du rituel et de la gestualité, la requête du suppliant est présentée en des termes persuasifs qui visent à fléchir le destinataire en suscitant des émotions, et en particulier la pitié. Tous ces éléments, sur lesquels se fonde une analyse rhétorique de la supplication, justifient le rapprochement instauré entre la supplication et la prière. La notion de prière implique une grande diversité de situations (privées, publiques) et de discours (simple demande, vœu, action de grâces, imprécation…). C’est cette diversité, qui a conduit les Anciens à proposer des classifications et des typologies de la prière (selon les dieux invoqués, la personnalité du locuteur, l’objet de la requête…)25, que le présent ouvrage veut illustrer en recourant à des outils conceptuels qui étaient en usage dans l’Antiquité. L’unité du propos tient au fait que les contributions réunies ici (dans un ordre à la fois chronologique et thématique) traitent toutes de la prière dans l’Antiquité grecque. Un premier groupe de textes est centré sur les stratégies de la prière dans la tragédie grecque. Dans son étude sur « La preghiera del re. Il linguaggio religioso dei sovrani nelle tragedie superstiti di Eschilo (Ag. 810-854 – Sept. 69-77) », Stefano Amendola analyse successivement la première intervention d’Agamemnon dans la pièce éponyme d’Eschyle, puis celle d’Étéocle dans le prologue des Sept contre Thèbes. L’Atride annonce son intention de prier les dieux et de leur rendre hommage, mais son discours reste celui d’un chef militaire et d’un roi, adressé principalement à la cité pour revendiquer la légitimité de la guerre menée contre Troie. La prière prévue, qui atteste la piété du souverain (en l’opposant à la conduite sacri  Cf. ibid., p. 164.   Cf. Chapot, Laurot, Corpus…, p. 9-11.

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lège de Clytemnestre) et qui est censée devoir être prononcée à l’intérieur du palais, ne peut donc être montrée aux spectateurs et participe ainsi d’une dramaturgie fondée sur le mouvement scénique d’un personnage que l’on voit s’avancer lentement vers sa demeure, c’est-à-dire vers sa propre mort. Étéocle, quant à lui, évoque la position difficile où il se trouve : s’il connaît le succès, le mérite en reviendra à la divinité ; en revanche, en cas de défaite, lui seul sera jugé responsable et tout le monde ). C’est ensuite n’aura que son nom à la bouche (v. 7 : qu’il s’adresse à Zeus pour lui demander d’éloigner le malheur et pour nouer, au moyen de la prière, une alliance entre la cité et la divinité. À la fin du prologue (v. 69-77), le fils d’Œdipe prie Zeus, la Terre et l’Érinye d’accorder à Thèbes ce salut qui permettra à la cité de continuer à honorer les dieux. La prière instaure de ce fait une relation d’intérêt mutuel. Qu’il s’agisse d’Agamemnon ou d’Étéocle, l’adresse aux dieux permet de réaffirmer les relations qui unissent la divinité à la cité et où les rois tiennent lieu d’intermédiaires. Mais, dans un cas comme dans l’autre, seules les cités survivront à l’épreuve tragique. La figure d’Œdipe fait l’objet de l’étude qu’a menée Paola Volpe Cacciatore sur « Edipo : il re che non prega ? ». Dans l’Œdipe roi et l’Œdipe à Colone, Sophocle met en scène un roi qui, opposant à la culture religieuse traditionnelle d’un Tirésias une pensée rationnelle, lance des malédictions au lieu de prier, laissant ce soin au chœur. En deux occasions cependant le héros s’adresse aux dieux. Noyé dans ses tourments, Œdipe n’a d’autre recours que de crier le nom de Zeus (OT 738) et de demander aux Érinyes d’avoir pitié de lui (OC 84-110). L’exposé de Giovanna Pace, intitulé « Tradizione e innovazione nella preghiera di richiesta in Euripide », est consacré à quelques passages significatifs dont l’examen minutieux révèle qu’Euripide subvertit la structure tripartite habituelle de la prière, en jouant des contenus traditionnels de l’argumentation, et qu’il ressort de ce jeu une conception, sinon explicitement critique, du moins très problématique de la divinité. La libre reprise des schémas hérités de la prière homérique permet ainsi de souligner à la fois l’ambiguïté des bienfaits accordés par les dieux et l’incapacité dans laquelle ces derniers se trouvent pour répondre aux requêtes qui leur sont adressées, au point que ce sont parfois d’autres divinités, surgissant in extremis et ex machina, qui viennent exaucer les prières en question et résoudre la situation tragique des orants. La question de la supplication est ensuite abordée, dans la deuxième étape du recueil, par deux auteurs. Paola Cassella envisage, dans son article « Le parole del supplice : alcune osservazioni su retorica e hiketeia », les rapports entre la stratégie 12

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rhétorique et la dimension religieuse de la supplication, en commençant par poser la question de savoir si le suppliant est bien accueilli pour son éloquence ou en raison de la protection divine dont il bénéficie. Si le motif de la supplication est fréquent dans la tragédie, il est également bien attesté dans l’historiographie. Par exemple, l’étude comparée d’une tirade extraite des Héraclides d’Euripide (celle d’Iolaos, aux v. 181-231) et d’un discours des Platéens, rapporté au livre III (ch. 52 sqq.) de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse de Thucydide, permet de dégager d’évidentes similitudes dans l’argumentation qui mettent au jour un parallèle entre le mythe et l’histoire et peut-être une influence tragique dans l’œuvre de l’historien. Raffaella Lombardo, quant à elle, dans sa contribution sur « Demetrio e l’allegoria omerica delle Litai », s’intéresse à un extrait précis du De elocutione, où le rhéteur Démétrios, traitant du style périodique et de la longueur des kôla à employer, cite la célèbre allégorie des Litai contenue dans le discours de Phénix au chant IX de l’Iliade – discours qui tient lieu de supplication, mais aussi d’avertissement et de menace – pour établir que la prolixité et la lenteur sont les caractéristiques principales de celui qui implore et se lamente. La troisième partie de l’ouvrage concerne des prières d’époque hellénistique. Consacré à « La rhétorique de la prière dans les Idylles de Théocrite », l’article d’Alain Billault démontre que la prière, prononcée dans des situations diverses et parfois paradoxales selon des modalités complexes et inattendues, revêt une fonction poétique et constitue pour le poète un instrument de création qui lui donne l’occasion à la fois de caractériser avec humour ou ironie ses personnages et de déployer son art de la surprise. Le recours à la prière pour l’affirmation d’un projet poétique se retrouve chez Hérodas, dont j’analyse un texte précis dans mon étude « La prière et la tablette dans le Mime IV d’Hérodas ». Dans cette œuvre, où les adresses aux dieux structurent l’action, les premiers vers sont prononcés par une femme, Cynnô, qui s’est rendue à l’Asclépieion de Cos avec son amie Coccalê pour s’acquitter d’une dette envers le dieu médecin. Cynnô commence par prononcer une formule d’invocation et d’action de grâce pour demander à Asclépios de réserver un bon accueil au coq qu’elle lui a apporté et qui sera sacrifié un peu plus tard. À la fin de sa prière, elle ) à la demande à Coccalê de placer, en guise d’offrande, une tablette ( droite d’Hygie, la déesse de la santé, dont il faut comprendre qu’elle est représentée à côté d’Asclépios. Un examen attentif permet de suggérer que la prière liminaire prononcée par le personnage est censée être gravée sur 13

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la tablette en question. Par ce biais Hérodas, qui se réfère au contexte religieux de son époque, joue avec l’usage qui consiste, pour un fidèle, à mettre une prière par écrit pour l’offrir à la divinité et l’exposer dans le sanctuaire en question. Dès lors, la prière s’inscrit dans une occasion précise et implique une prononciation originale (que l’inscription enregistre et perpétue), mais par la suite elle est aussi destinée à être prononcée et lue en diverses occasions par d’autres locuteurs. C’est précisément ce processus de lecture différée et renouvelée qu’Hérodas adapte au début de son Mime, quand le lecteur lit la prière de Cynnô et se substitue ainsi à une femme du peuple, peut-être de mauvaise vie. Ce jeu de miroir, qui suppose un système de communication complexe (entre Asclépios, Hygie, Cynnô, Coccalê, le lecteur et l’auteur), confère un relief particulier à la tablette déposée par , dont la modestie s’oppose aux riches offrandes l’orante. De fait le aperçues par les personnages dans l’Asclépieion de Cos et qui n’est pas sans de Callimaque ou les de Théocrite, pourrait rappeler les bien faire de la prière liminaire du Mime IV un manifeste poétique et esthétique. L’idée qu’une prière puisse être un objet est encore illustrée par Antje Kolde, qui affine son approche du poète Isyllos en le confrontant à d’autres inscriptions dans un exposé sur «  Les péans d’Érythrées, d’Isyllos et de Makedonikos : simples variations ou originalité ? ». Si les textes littéraires et les textes épigraphiques sont encore souvent considérés comme deux ensembles distincts, il existe des documents qui appartiennent aux deux catégories, telle l’inscription d’Isyllos découverte en 1885 à Épidaure. Une des sections de ce document consiste en un péan, qu’il vaut la peine de comparer à deux autres documents : du premier, provenant d’Érythrées, il existe des versions légèrement modifiées ; le second, trouvé à l’Asclépieion d’Athènes, est l’œuvre de Makedonikos d’Amphipolis. Ces trois chants sont étroitement liés au culte dans le cadre duquel ils ont dû être récités. Malgré les ressemblances qui existent entre les trois, il apparaît que les textes d’Isyllos et de Makedonikos ne sont pas des copies du péan d’Érythrées et que tous trois ne sont pas dépourvus d’art, comme cela a parfois été avancé. Les différences de traitement sont manifestes tant dans le contenu que dans la structure. Le but de ces chants est de soumettre à la divinité une prière (pour le bien de la cité) et de la formuler de façon efficace. Dans cette optique, A. Kolde analyse en particulier les procédés formels (métrique, langue, épiclèses) qui donnent aux péans une force persuasive pour susciter la bienveillance de la divinité. En ce sens, les poètes ont composé des œuvres d’art qui, malgré les contraintes cultuelles, ont chacune leur originalité et leur pouvoir de conviction. 14

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La dernière partie du volume concerne deux aspects marquants de la pratique de la prière à l’époque de l’expansion du christianisme. Dans son article consacré aux « assimilations de dieux dans les Hymnes orphiques », Anne-France Morand analyse en particulier deux hymnes du corpus orphique (l’hymne 6 à Protogonos et l’hymne 30 à Dionysos) pour expliquer le phénomène qui consiste à donner à un dieu le nom d’une autre divinité. Désigné communément par le terme d’assimilation, le procédé peut non seulement exprimer une parenté ou souligner une communauté de caractéristiques unissant deux divinités, mais il peut encore servir à évoquer le cas d’un dieu régnant qui a intégré une divinité de la génération précédente. Pour comprendre ce genre d’assimilation, il est utile de connaître les termes employés par les Anciens («  vie en commun  » ou eux-mêmes. Philodème parle de « cohabitation »), un terme qui n’implique pas une idée de fusion ou d’assimilation des dieux, dans la mesure où les dieux gouvernants absorbent les qualités de leurs prédécesseurs, mais acquièrent d’autres caractéristiques. Le diacre Jean Galenos, pour sa part, rapporte qu’Orphée donne à Tychè le nom d’Artémis et se réfère, pour désigner le procédé, ), qui est une forme de métonymie à l’idée de métalepse ( et qui consiste à substituer un terme à un autre, comme lorsqu’on désigne un dieu par sa fonction (le vin pour Liber, le feu pour Héphaïstos). Mais tant chez Philodème que chez Jean Galenos, il ne s’agit pas non plus de fusion ou d’assimilation, mais d’un simple rapprochement de divinités différentes. Si donc Dionysos est appelé Protogonos dans l’hymne 30, c’est qu’il est rapproché sur certains points de son prédécesseur, mais la chronologie mythique interdit une assimilation totale qui consisterait à donner à Protogonos (un dieu plus ancien) le nom de Dionysos (un dieu plus récent). Cela signifie que les divinités demeurent des entités distinctes ; elles peuvent être rapprochées, absorbées, mais jamais entièrement confondues. Pour des raisons liées à la nature des sources, il est impossible de discerner dans l’orphisme récent une nette augmentation des rapprochements de dieux et de voir dans ces derniers le reflet d’une tendance monothéiste. Par ailleurs, il faut souligner l’importance du lien étroit entre le son et le sens des noms divins, du recours à l’étymologie et de l’emploi des figures rhétoriques pour exprimer les croyances du groupe auquel étaient destinés les Hymnes orphiques. Enfin, Cyrille Crépey, traitant de « La prière chrétienne selon Origène, Grégoire de Nysse et Jean Chrysostome », propose une étude synthétique sur la question de la prière en général et sur celle du Notre Père en particulier, telles qu’elles ont été abordées par les trois principaux représentants des trois courants majeurs de la patristique grecque. L’en15

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quête, fondée sur le traité Sur la prière d’Origène, sur les cinq Homélies sur la Prière du Seigneur de Grégoire de Nysse et sur l’Homélie XIX sur l’Évangile de Matthieu de Jean Chrysostome, présente les trois problèmes principaux soulevés par la prière (pourquoi prier ? comment prier ? quel objet donner à la prière ?), avant d’analyser les divergences d’interprétation auxquelles le Notre Père a donné lieu. Il ressort de cette étude que la conception chrétienne privilégie une prière transformée, spiritualisée (ce qui n’est pas sans évoquer les réflexions d’un Socrate ou d’un Maxime de Tyr)26, qui s’avère utile pour prouver sa foi, échapper au monde matériel, lutter contre le péché, à condition de ne pas parler avec hypocrisie ni avec ostentation, mais avec une âme purifiée et des mots simples, et qui consiste à s’entretenir avec Dieu pour le glorifier, lui rendre grâce et lui demander éventuellement des biens spirituels, sans émettre de vœux contre ses ennemis – ce qui reviendrait à rabaisser Dieu au niveau des passions humaines. Les études contenues dans ce recueil attestent donc la fécondité de l’approche rhétorique de la prière antique. Depuis Homère jusqu’aux Pères de l’Église, en passant par les tragiques, les historiens, sans oublier les poètes de la période hellénistique et romaine, ce sont des auteurs très divers et des genres très variés qui sont abordés. Cependant il ne s’agit là que d’un florilège qui, consacré au seul domaine grec, prétend, non pas constituer une synthèse embrassant tous les aspects de la question, mais donner un aperçu des recherches actuelles sur la dimension rhétorique de la prière. C’est à cet égard que le présent volume constitue une nouveauté. En même temps cet ouvrage est conçu pour apporter sa pierre à l’édifice qui se construit peu à peu au sein du Centre d’Analyse des Rhétoriques Religieuses de l’Antiquité (C.A.R.R.A.), c’est-à-dire l’équipe de recherche en lettres classiques hébergée à l’U.F.R. des Lettres de l’Université de Strasbourg. Il reste, pour finir, à émettre, au nom de tous les participants, le vœu que cet ouvrage contribue à éclairer les rapports entre prière et rhétorique et qu’il suscite d’autres réflexions dans ce domaine prometteur. Johann Goeken

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26   Voir en ce sens les réflexions de G. Dorival, « Païens en prière », dans DoriPralon, Prières méditerranéennes…, p. 87-101.

PREMIÈRE PARTIE STRATÉGIES DE LA PRIÈRE TRAGIQUE

LA PREGHIERA DEL RE. IL LINGUAGGIO RELIGIOSO DEI SOVRANI NELLE TRAGEDIE SUPERSTITI DI ESCHILO (Ag. 810-854 – Sept. 69-77)* La nascita del sovrano L’unica via per fondare un potere comune capace di difenderli dalle invasioni straniere e dalle ingiurie degli uni verso gli altri e di renderli sicuri (…) è di conferire tutto il loro potere e la loro forza nelle mani di un singolo uomo, o di un’assemblea di uomini, che riduca le loro volontà, con la pluralità delle voci, ad un’unica volontà (…) Questa è l’origine del grande Leviatano, o meglio, per parlare con più riverenza, di quel dio mortale (Mortal God) al quale noi dobbiamo, al di sotto del dio immortale, la nostra pace e la nostra difesa. Infatti con l’autorità concessa a lui da ogni singolo individuo nello Stato egli possiede tanto potere e tanta forza, che gli sono stati conferiti, che col terrore così ispirato è in condizione di ridurre tutte le volontà di essi alla pace in patria e al reciproco aiuto contro i loro nemici esterni (…) Colui che rappresenta questa persona è detto sovrano, e si dice che ha il potere sovrano : tutti gli altri sono sudditi. Th. Hobbes, Leviatano, II, XVII1

Così Thomas Hobbes descrive Leviathan, il mostro biblico cui il filosofo assegna il compito d’incarnare il concetto di sovranità. Il ­Leviatano è immaginato come un potere nato dall’accordo tra i singoli uomini che cedono al sovrano il loro diritto naturale all’autogoverno, ottenendo in cambio la coesione interna della civitas e la difesa dalle aggressioni esterne. Per meglio spiegare e definire questo monstrum statuale Hobbes ricorre ad un’espressione in certo qual modo ossimorica2, ossia Mortal God, un dio mortale3  : del dio immortale il Leviatano *

  Per il testo delle tragedie eschilee si fa riferimento a M. L. West, Aeschyli Tragoediae cum incerti poetae Prometheo, Stuttgart – Leipzig, 19982. 1   Th. Hobbes, Leviathan, trad. it. a cura di A.  Pacchi, Roma – Bari, 1989, p. 143. 2   Cf.  J. E. Seery, Political Theory for Mortals  : Shades of Justice, Images of Death, Ithaca – London, 1996, p. 10. 3   Sul significato di tale richiamo al « Mortal God » in Hobbes, cf. J. Freund, « Le Dieu Mortel », in R. Koselleck, R. Schnur (edd.), Hobbes-Forschungen, Berlin, 1969,

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conserva il carattere assoluto del suo potere, ma si tratta di un potere totalmente secolarizzato, profondamente immanente e, per questo, pienamente umano. Il moderno sovrano hobbesiano viene a delinearsi come una potenza collocata in posizione intermedia tra quel Dio immortale, cursoriamente citato dal filosofo nel brano precedente, e gli uomini che compongono la civitas : la definizione ideata da Hobbes mostra con certa efficacia come divino e umano siano categorie difficilmente separabili non solo dal concetto di sovranità. A ciò sembra non sfuggire il teatro di Eschilo con l’ampia galleria di sovrani, di capi militari e politici che si ritrova nei drammi superstiti del tragediografo eleusino. Se nei Persiani il coro dei dignitari orientali può rivolgersi alla regina salutandola come compagna e madre di un dio (il marito Dario e il figlio Serse)4, nell’Agamennone è l’omonimo re greco ad ingiungere alla moglie Clitemestra di riservargli onori appropriati ad un uomo e non a un dio5. Mentre i grandi re persiani sono quindi presentati come divinità, il greco Agamennone, nel primo intervento della sticomitia che lo contrappone alla moglie Clitemestra, insiste per ben due volte sul suo essere mortale, uomo e non dio (v. 923 e v. 925) : in quanto mortale egli si rifiuta di calpestare i ricchi tessuti preparati dalla moglie e sempre in quanto mortale è consapevole che la felicità di un essere umano va decretata solo al termine della vita

p. 223-236 ; sui precedenti specifici nella storia inglese dell’uso della metafora, si veda A. Martinich, The Two Gods of Leviathan : Thomas Hobbes on Religion and Politics, Cambridge, 1992, p. 46-49. Sull’importanza dell’elemento teologico-politico rinvenibile proprio nell’apparente paradosso del «  Dio Mortale  », cf.  C. Schmitt, Il Leviatano nella dottrina dello Stato di Thomas Hobbes (1938), ora in Id., Scritti su Thomas Hobbes (trad. C. Galli), Milano, 1986, p. 61-143. Sul possibile rapporto tra la definizione hobbesiana e alcune fonti antiche – in particolare il testo ermetico Asclepius –, cf. G. Paganini, « Alle origini del “mortal God” : Hobbes, Lipsius e il Corpus Hermeticum », RSF, 61, 2006, p. 509-532 ; H. Bredekamp, Thomas Hobbes, der Leviathan : das Urbild des modernen Staates und seine Gegenbilder ; 1651-2001, 3. korrigierte Aufl., Berlin, 2006, p. 63 sqq. ; Id., « Thomas Hobbes’s Visual Strategies », in P. Springborg (ed.), The Cambridge Companion to Hobbes’s Leviathan, Cambridge, 2007, p. 33-44. 4   Pers. 155-157 : cf. H. J. Rose, A Commentary on the Surviving Plays of Aeschylus, Amsterdam, 1957, I, p. 100-101 ad loc. 5   Ag. 925 : . Sul confronto tra l’entrata in scena di Atossa, esponente nei Persiani della regalità achemenide, e di Agamennone nel primo dramma della trilogia, cf. tra gli altri O. Taplin, The Stagecraft of Aeschylus : The Dramatic Use of Exits and Entrances in Greek Tragedy, Oxford, 1977, p. 75-79 (155b) e 304-306 (783b) ; L. Belloni, Eschilo. I Persiani, Milano, 19942, p. 115. Sulle differenze tra i sovrani eschilei, cf. inoltre l’introduzione di A. F. Paley, The Tragedies of Aeschylus. Re-edited with an English Commentary, London, 18794, p. xxiii-xxv.

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(Ag. 928-929). L’ , il Agamennone6, nel suo ritorno trionfale da Troia dà dimostrazione di una saggezza e di un senso della misura pienamente umani : nel rifiutare gli onori eccessivi offerti dalla consorte l’Atride prende le distanze da un modello di sovranità barbara e orientale (il riferimento è a Priamo)7, in cui al sovrano sono riservati eccessivi atti di venerazione quali la proscinesi8, una forma di ossequio che implica la deificazione del re9. Nelle parole e nelle azioni Agamennone mostra di avere una piena consapevolezza dei limiti e dei confini posti al suo essere re, limiti e confini che sono di natura non solo divina, ma anche umana : se al di sopra del sovrano si erge la potenza del dio con cui l’uomo non deve entrare né in competizione né in conflitto, sottoposti al re si trovano i sudditi, gli uomini che compongono quel popolo la cui voce –  dirà ancora Agamennone nella sticomitia – possiede anch’essa grande forza e il cui biasimo non può essere certo ignorato, come invece consiglia Clitemestra10.

6   Sul ruolo e sul potere di Agamennone sugli altri Greci, cf. Th., I, 9-12 : nonostante il comando di Agamennone sugli altri sovrani che partecipano alla spedizione contro Troia, ad Agamennone nel teatro eschileo non viene mai attribuito un titolo quale « re dei re », cosa che avviene invece in Plutarco (an seni resp. 789 F) e in autori latini quali Cicerone (Att. XIV, 17 a) e Seneca (Agam. 39)  : cf.  J. Gwyn Griffiths,  : Remarks on the History of a Title », CPh, 48, 1953, p. 145-154. «  Nei drammi eschilei questo titolo resta appannaggio, insieme all’epiteto « Gran Re », dei sovrani orientali : Pers. 24, 666, su cui cf. H. D. Broadhead, The Persae of Aeschybei lus, Cambridge, 1960, p. 253 (appendice A) ; G. Schäfer, « Zum Typ Aischylos », in H. Hommel (ed.), Wege zu Aischylos, Darmstadt, 1974, I, p. 390-402. Cf. inoltre H. Friis Johansen, E. W. Whittle, Aeschylus. The Suppliants, Copenhagen, quale epiteto di Zeus. Una possibile 1980, II, p. 408-410, ad Suppl. 524 : allusione alla supremazia di Agamennone sugli altri re si potrebbe cogliere in Choe. 360362, passo incerto e dal significato alquanto dubbio (cf. A. F. Garvie, Aeschylus. Choephoroi, Oxford, 1986, p. 139) : è preferibile comunque la soluzione proposta da V. Citti, Studi sul testo delle Coefore, Amsterdam, 2006, p. 110, che traduce il passo « tu eri un sovrano, finché vivesti, uno di coloro che con la forza delle mani adempiono il compito che il destino ha loro attribuito, lo scettro che governa gli uomini ». 7   Ag. 935-936 : / . Cf. A. W. Verrall, The Agamemnon of Aeschylus, London, 1889, p. 111 ad v. 926. 8   Cf. E. Hall, Inventing the Barbarian : Greek Self-definition through Tragedy, Oxford, 1989, p. 96-97. 9   Su quest’aspetto della teocrazia persiana, I. Kantzios, « The Politics of Fear in Aeschylus’ Persians », CW, 98, 2004, p. 9-10. 10   Ag. 937-939  : / / ( Cf. V. Di Benedetto, « La saggezza di Agamennone », Dioniso, 48, 1977, p. 167-188.

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Il buon sovrano deve dunque guardarsi non solo dallo di quei mortali che egli governa e rapdegli dei, ma anche dallo presenta : la decisione del re – nel caso di Agamennone il calpestare o meno i tessuti – viene così ad essere continuamente osservata e giudicata da due diverse ottiche, l’una divina e l’altra umana. Divino e umano sono piani che vengono frequentemente a intersecarsi e quasi a sovrapporsi nelle parole dei sovrani eschilei e ciò accade anche quando essi decidono di rivolgersi direttamente agli dei : non è certamente casuale che sia in preghiere più articolate sia in brevi invocazioni si possano ritrovare espressioni, temi e immagini che rimandano ai doveri e alle responsabilità che i re hanno nei confronti della collettività che guidano. Modi e schemi del linguaggio religioso sembrano modificarsi per meglio aderire alla particolare personalità degli oranti (nel caso dei sovrani eschilei, alla loro funzione politica)11 : di tale fenomeno in questa sede si vogliono proporre due esempi tratti dal teatro di Eschilo, il primo intervento di Agamennone nell’omonima tragedia e quello di Eteocle nel prologo dei Sette contro Tebe. Il discorso-preghiera di Agamennone v. 810-813 :

Per prima cosa è giusto salutare Argo e gli dei cittadini, responsabili insieme a me del mio ritorno e della giustizia che ottenni sulla città di Priamo... v. 851-854 :

Ora che rientro al focolare della reggia renderò onore per prima cosa agli dei, 11   Cf.  gli indirizzi di ricerca sulla preghiera antica suggeriti da L.  Pernot, « Prière et rhétorique », in L. Calboli Montefusco (ed.), Papers on Rhetoric III, Bologna, 2000, p. 223-225. Cf. inoltre D. Aubriot, « Prière et rhétorique en Grèce ancienne (jusqu’à la fin du Ve s. av. J.-C.) : quelques jalons », Metis, 6, 1991, p. 147-165.

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che, dopo avermi guidato lontano, mi riportarono indietro. La vittoria, se mi seguì fin qui, possa rimanere salda.

Più che una vera , il discorso di Agamennone si presenta come un « preannuncio di preghiera », un proemio innalzato agli dei, come )12. affermato al v. 829 ( L’espressione di saluto (v.  810-811) ricalca abbastanza fedelmente quella impiegata dal coro (ai v. 353-354) per introdurre l’invocazione a Zeus e alla notte che occupa il primo stasimo (« mi appresto ad invocare gli dei 14  – secondo il rito »)13. L’avverbio precede –  15 una sorta di epiclesi : similmente all’araldo (v. 508-514) il re indirizza il suo saluto alla città e a non specificate divinità, sempre però legate alla polis, una scelta certamente appropriata all’occasione, ossia al ritorno di Agamennone in patria16. Questo doppio riferimento ad Argo (direttamente e tramite gli dei protettori) serve ugualmente ad evidenziare come la polis rappresenti la vera preoccupazione del sovrano, divenendo da subito argomento centrale di questo suo primo discorso. Dopo il saluto/invocazione si ha una celebrazione della vittoria ottenuta da Agammenone sui Troiani : la distruzione di Troia è presen-

  Sulla necessità di contestualizzare la « preghiera » di Agamennone nell’economia dell’intero dramma e in particolare nel susseguirsi di preghiere maschili (la sentinella, l’araldo e infine lo stesso sovrano) mi sia consentito rimandare a S. Amendola, Donne e Preghiera  : Le preghiere dei personaggi femminili nelle tragedie superstiti di Eschilo, Amsterdam, 2006, p. 100-104. 13   Il verbo compare anche in Ag. 785, impiegato però dal coro ) a te ? Come potrò nei confronti di Agamennone : « come devo rivolgermi ( renderti onore (…)  ?  ». Agamennone sembrerebbe quasi correggere il saluto che gli anziani gli rivolgono, rimarcando così come siano gli immortali i primi destinatari degli onori degli uomini. Sulle differenze tra i due impieghi del verbo, cf.  P.  Judet de La Combe, L’Agamemnon d’Eschyle : commentaire des dialogues, Villeneuve-d’Ascq, 2001, I, p. 273-274. 14   L’avverbio è in posizione chiaramente enfatica – si tratta infatti della prima parola del primo discorso di Agamennone nel dramma (cf. V. Di Benedetto, L’ideologia del potere e la tragedia greca. Ricerche su Eschilo, Torino, 1978, p. 141). 15   / / ... («  salve mia terra, salve luce del sole, e tu Zeus signore della regione, e tu signore di Pito … a tutti gli dei riuniti rivolgo il mio saluto »). « The first scene of the Herald serves both as a supplement and as a foil to the scene of the king » : E. Fraenkel, Aeschylus. Agamemnon, Oxford, 1950, II, p. 293. Sui rapporti tra la preghiera dell’araldo e il saluto di Agamennone, cf. inoltre V. Citti, Il linguaggio religioso e liturgico nelle tragedie di Eschilo, Bologna, 1962, p. 71. 16   Cf. quanto sostenuto relativamente alla precedente preghiera dell’araldo da F. Chapot, B. Laurot, Corpus de prières grecques et romaines, Turnhout, 2001, p. 108. 12

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tata dallo stesso re come un atto di giustizia voluto dagli stessi dei, che avrebbero agito insieme al sovrano greco per punire la città di Priamo. La presenza di diversi termini appartenenti alla sfera semantica della giustizia – e più precisamente dell’amministrazione giudiziaria17 – e l’immagine del voto divino (v. 814-817), che riprende appunto il sistema di votazione in vigore nei tribunali ateniesi del V sec. a.C.18, evidenziano il valore apologetico19 che hanno le parole di Agamennone. L’Atride, in veste sia di re sia di capo militare della spedizione, sembra voler motivare il sacco di Troia chiamando direttamente in causa gli dei e le loro decisioni. Mediante una sorta di preghiera di saluto, e di ringraziamento per la vittoria su Troia, Agamennone indica negli dei i corresponsabili20 di quanto compiuto dall’esercito greco, ribadendo allo stesso tempo la giustizia del suo operato21. Il sovrano sembra indirettamente rispondere alle accuse precedentemente mosse contro di lui ad Argo22, accuse che il coro ha appena ricordato nel saluto rivolto al sovrano trionfante (v. 799804) : di te in passato quando inviavi l’esercito a causa di Elena, non lo nasconderò, anch’io mi ero fatto un’immagine non bella di uomo che non governava bene il timone della mente poiché infondevi coraggio con i sacrifici agli uomini che andavano a morire.

La caduta di Troia e il suo saccheggio non sono l’ultimo atto di una guerra inutile e ingiusta voluta esclusivamente dagli Atridi, ma prova evidente del rapporto di reciprocità23 instauratosi tra la divinità e i Greci :

  Cf. il commento di Fraenkel, Aeschylus. Agamemnon, II, p. 374-375 ad v. 812,

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813.   Cf. Rose, A Commentary on the Surviving Plays…, II, p. 60 ad v. 815-817.   Così Di Benedetto, L’ideologia del potere…, p. 143. 20   «  A strange form for the expression of religious gratitude  »  : così Verrall, The Agamemnon…, p. 101, evidenzia la singolarità del saluto di Agamennone, prima possibile prova dell’arroganza del re in un discorso che lo stesso editore giudica « haughty and repulsive » (similmente Citti, Il linguaggio religioso e liturgico…, p. 71 ; J.  de Romilly, Histoire et raison chez Thucydide, Paris, 1967, p. 94-96). Fraenkel, Aeschylus. Agamemnon, II, p. 372-374, ha però dimostrato come l’espressione possa considerarsi espressione del corretto sentire religioso del sovrano (sul passo, cf. inoltre J. D. Denniston, D. Page, Aeschylus. Agamemnon, Oxford, 1957, p. 140). 21   Cf.  Di Benedetto, La saggezza di Agamennone, p.  172-173  ; Judet de La Combe, L’Agamemnon d’Eschyle…, I, p. 274. 22   Cf. Di Benedetto, L’ideologia del potere…, p. 142-143. 23   Su ruolo e valore della nell’instaurazione del rapporto di comunicazione tra umano e divino, cf. S. Pulleyn, Prayer in Greek Religion, Oxford, 1997, in 18 19

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gli dei hanno concesso ad Agamennone e al suo esercito di ottenere vendetta su Troia e per questo gli Argivi dovranno mostrare la loro riconoscenza alla divinità (v. 821-822). Nessuna empietà è stata compiuta dal re : Agamennone con la sua preghiera rende vani anche i timori espressi in precedenza dalla consorte Clitemestra, falsamente preoccupata per eventuali atti sacrileghi perpetrati dall’esercito a Troia contro gli dei locali, che avrebbero potuto precludere un fortunato ritorno in patria al sovrano e ai suoi uomini (v. 341-347). Se il proemio innalzato da Agamennone si è trasformato dall’iniziale ringraziamento alla città e agli dei in una rivendicazione politica della bontà e della giustizia dell’azione militare del sovrano, nella seconda parte il discorso del re segue un andamento diametralmente opposto. A considerazioni di carattere etico-politico che occupano i v.  832-844 subentra il preannuncio di una seconda preghiera : dopo aver ripreso e completato la riflessione avviata dal coro sulla lealtà degli uomini e aver rievocato la fedeltà a lui dimostrata da Odisseo, Agamennone desidera prendersi cura di quanto riguarda la polis e gli dei (v. 844-846), riproponendo l’ordine dell’epiclesi iniziale. Il re vara così un vero programma di governo24, immaginando quei provvedimenti capaci da un lato di garantire alla città la conservazione della propria prosperità, dall’altro di stornare da Argo quei mali cui, più o meno direttamente, avevano fatto allusione sia la sentinella sia Taltibio e di cui lo stesso sovrano sembrerebbe essere a conoscenza. Ai v. 851-852 Agamennone manifesta nuovamente l’intenzione di omaggiare adeguatamente gli dei non appena rientrato nel palazzo. Il re, se nella prima parte del discorso aveva ringraziato le divinità per aver partecipato al suo successo, formula ora una vera richiesta, sebbene anche in questo caso non siano specificate le divinità alle quali egli intende rivolgersi  : il sovrano, accingendosi ad entrare nella reggia, esprime l’auspicio di vedere confermata anche in Argo la vittoria ottenuta a Troia (« La vittoria, se mi seguì fin qui, possa rimanere salda »).  : dall’iniziale Il discorso di Agamennone si chiude così nel segno di rievocazione dell’affermazione sui Troiani si giunge alla necessità per il particolare p. 16-38. 24   Il carattere politico dell’intervento di Agamennone è così evidenziato da Judet de La Combe, L’Agamemnon d’Eschyle…, I, p. 275 : « Il (scilicet Agamennone) nomme d’abord deux entités, Argos et les dieux du pays, auxquelles sont liées des formes légitimes de discours : le « proème » d’abord, l’adresse préalable destinée aux dieux, puis une sorte de programme politique (…) La réponse au chœur, malgré son tour personnel, forme après l’invocation des dieux la partie politique de son discours, qu’annonçait la  ». double adresse

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re di un’ulteriore vittoria, non ancora conquistata e che il sovrano dovrà ottenere nella propria città e nella propria casa25. Troia e Argo, passato e futuro : ad emergere da quello che inizialmente doveva essere un rispettoso atto di devozione alla divinità è invece l’uomo Agamennone nel suo duplice ruolo di condottiero militare (prima) e governante (poi). Pur manifestando l’Atride per ben due volte l’intenzione di rivolgersi alle divinità, il logos del re è indirizzato principalmente a quella città di Argo, invocata nell’incipit, che ritrova il suo sovrano dopo la guerra troiana. E gli dei ? La divinità non è certo assente nelle parole del re, che ne riconosce il ruolo fondamentale nei successi fin qui ottenuti : grazie agli dei Agamennone ha vinto a Troia, grazie agli dei è potuto tornare sano e salvo in città. Ma degli dei il sovrano ha , v. 851)26 per confermare quella bisogno anche ora in patria ( che di qui a poco Clitemestra gli contenderà nella scena dei tessuti rossi27. La pietas che il re mostra verso gli dei e il sostegno che da essi ha ricevuto sono presentati dallo stesso Agamennone come testimonianza della bontà del suo comportamento di comandante e sovrano : l’avere avuto gli dei dalla propria parte è affermazione che egli non ha agito contro giustizia a Troia e anche ora che si prepara a guidare nuovamente la polis egli mostra un rispetto per il divino che « non è vissuto in modo egoistico ; il segno distintivo dei sovrani di Eschilo è il loro perfetto civismo – o se si vuole –, la preoccupazione per il loro popolo »28. Pregare gli dei è una virtù civica e politica del buon sovrano e Agamennone mostra di appartenere a una tale schiera : l’empietà della tirannide verrà invece incarnata da Clitemestra mediante la breve e sacrilega invocazione a Zeus dei v. 973-974.

25   L’augurio di Agamennone prepara il successivo agone tra il sovrano e Clitemestra che si contenderanno appunto la vittoria nella casa : la richiesta del sovrano, destinata a rimanere delusa, svolge la funzione di anticipare gli sviluppi del dramma, una funzione che essa ha in comune con le restanti preghiere dell’Agamennone  : cf.  D. Aubriot-Sévin, «  Sur la valeur religieuse de quelques prières dans la tragédie grecque  », JS, 1, 1994, p.  9. Lo stesso ruolo avevano già le preghiere «  omeriche  »  : cf. J. V. Morrison, « The Function and Context of Homeric Prayers », Hermes, 119, 1991, p. 149-152 ; D. Lateiner, « Homeric Prayer », Arethusa, 30, 1997, p. 268-269. 26   Judet de La Combe, L’Agamemnon d’Eschyle…, I, p. 275. 27   Sulla vittoria contesa tra Agamennone e Clitemestra, cf. L. McClure, « Clytemnestra’s Binding Spell », CJ, 92, 1996-1997, p. 129. 28   Così J.  de Romilly, La tragedia greca (tr. A.  Panciera), Bologna, 1996, p. 61.

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Pregare è « difendere Tebe » Nel prologo dei Sette è Eteocle che, per illustrare il suo status di sovrano in tempo di guerra, fa riferimento alla posizione scomoda in cui il re viene a trovarsi rispetto al dio e ai propri sudditi29 : v. 4-9 :

. Se riusciremo a salvarci, il merito sarà di un dio. Ma se invece (e io prego che non accada) avremo in sorte la sventura, un solo nome, Eteocle, sarà invocato a gran voce dalla città tutta in uno scrosciare di canti e di lamenti : allontani da noi questa sorte Zeus Salvatore, sia fedele al suo nome salvando la città dei figli di Cadmo31. 30

Se da un lato Eteocle riconosce nel dio la causa di ogni buon esito cf. Ag. 811 : ), egli è consapevole che sol(v. 4 : 32 ) i Tebani farebbero ricadere la tanto su di lui ( re­sponsabilità di una eventuale sconfitta33. Similmente ad Agamennone, anche l’autorità del figlio di Edipo appare vincolata al consenso dei

29   Su questi versi del prologo, cf. E. Fraenkel, « Zu Aeschylus Septem 4-8 », MH, 18, 1961, p. 37 ; T. Hubbard, « Tragic Preludes : Aeschylus Seven against Thebes 4-8 », Phoenix, 46, 1992, p. 299-308. A. L. Brown, « Eteocles and the Chorus in the “Seven against Thebes”», Phoenix, 31, 1977, p.  300, sottolinea come il pragmatismo manifestato in questi versi da Eteocle sia per nulla empio, come dimostrano i tanto numerosi quanto rispettosi riferimenti agli dei che il sovrano fa nel prologo. 30   A differenza di West conservo il tràdito . 31   Trad. di G. Ieranò, Eschilo. Persiani, Sette contro Tebe, Milano, 1997, p. 71. 32   Sull’oppozione come «  marchio  » della solitudine di Eteocle, cf. F. I. Zeitlin, Under the Sign of the Shield. Semiotics and Aeschylus’ Seven against Thebes, Roma, 1982, p.  37  ; P.  Judet de La Combe, « Étéocle interprète. Action et langage dans la scène centrale des Sept contre Thèbes d’Eschyle », in AA. VV., Études de Littérature Ancienne 3 (Le texte et ses représentations), Paris, 1987, p.  77 n. 21  ; S. Novelli, Studi sul Testo dei Sette contro Tebe, Amsterdam, 2005, p. 10. 33   Cf. W. G. Thalmann, Dramatic art in Aeschylus’ Seven against Thebes, New Haven – London, 1978, p. 60 ; L. Lupas, Z. Petre, Commentaire aux Sept contre Thèbes d’Eschyle, Bucarest – Paris, 1981, p. 12-13.

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cittadini : il potere del re eschileo appare dunque realmente sovrano se e soltanto se riconosciuto e accettato dai sudditi. Nel tentativo di stornare l’eventualità da lui stesso evocata di una sconfitta militare contro Polinice, evento che segnerebbe la fine sia della città sia del suo essere re, Eteocle, dopo una prima formula apotropaica ), pronuncia una concisa invocazione a Zeus34 : il al v. 5 ( sovrano mortale si rivolge al sovrano degli dei. L’epiteto adoperato dal figlio di Edipo evidenzia alcune caratteristiche della divinità rispondenti alla condizione di pericolo in cui versa Tebe35 : nel suo (letteralmente « colui che allontana i mali » oppure essere « colui che difende dai mali ») Zeus è chiamato in causa dal re sia come forza capace di allontanare i cattivi presagi appena evocati, sia come divinità protettrice, parte attiva e decisiva nella difesa della città che Eteocle va organizzando. La scelta operata dal sovrano di una divinità « appropriata » al terribile momento vissuto dalla polis mostra come questa preghiera, per quanto breve, obbedisca al precetto di (« dire cose opportune ») enunciato da Eteocle in apertura del dramma : approssimandosi la battaglia, il re fa ricorso al logos opportuno della preghiera per stringere da subito un’alleanza tra la propria città e il dio36, vincolo che sarebbe ancora più stretto se fosse vera la circostanza, ricordata dallo scoliaste37 ma non verificata da altra fonte, 38 . Questo dell’esistenza a Tebe di un culto dedicato a Zeus voler sottolineare il forte legame di solidarietà e di reciprocità esistente tra il dio, Tebe e chi lotta per la salvezza di quest’ultima ritornerà nella prima parte del prologo : si noti, ad esempio, al v. 14 l’espressione ... , assai vicina al saluto di Agamennone in , cf. supra), con la quale Eteocle Ag. 810 ( sembra quasi identificare la città con gli altari dei suoi dei39.

34   Cf. H. D. Cameron, « The Power of Words in the Seven Against Thebes », TAPhA, 101, 1970, p. 96-97. 35   Cf. Citti, Il linguaggio religioso e liturgico…, p. 47. 36   « A special claim is implied in these words (in place of e. g.  ). Our city is the venerable city of Cadmus, and Cadmus enjoyed affinitas with the Gods… » : così T. G. Tucker, The Seven against Thebes of Aeschylus, Cambridge, 1908, p. 10 ad loc. 37   Schl. ad Sept. 8 h e 9 b, ed. O. L. Smith, Scholia graeca in Aeschylum quae extant omnia. Pars II, Fasc. 2 : Scholia in “Septem adversus Thebas” continens, Leipzig, 1982, p. 17. 38   La testimonianza dello scoliasta è ritenuta inattendibile da G. O. Hutchinson, Aeschylus. Septem contra Thebas, Oxford, 1985, p. 44. Cf. inoltre il commento di Lupas, Petre, Commentaire aux Sept contre Thèbes…, p. 14-15. 39   Cf. Thalmann, Dramatic art…, p. 51.

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I v. 35-36 mettono in luce il rapporto esistente tra il dio e il re. Ad una nuova affermazione di come sia nelle mani della divinità il decretare un telos favorevole per la città – che ricorda quella vista supra – Eteocle fa seguire questa volta non il timore di una possibile sconfitta, ma nuove (  ;) disposizioni per preparare al meglio la difesa tebana. Il di v. 36 rimarca come il re in certo qual modo consideri le sue decisioni complementari al volere divino40: se nei primissimi versi del prologo Eteocle associava al dio la vittoria tebana e al proprio nome la rovina della polis, ora egli rivendica come necessaria per il successo della città la collaborazione tra divinità e sovrano. Gli elementi finora evidenziati nelle parole di Eteocle si ritrovano riuniti e organizzati nella preghiera che lo stesso sovrano pronuncia al termine del prologo (v. 69-77) :

 41

. Zeus e Terra e divinità tutelari della polis, e anche tu, Erinni, maledizione potentissima del padre, non estirpate la mia città dalle fondamenta, annientata, preda del nemico questa città che parla la lingua dei Greci, e le case con i loro focolari ; non legate questo libero suolo e la città di Cadmo, al giogo servile. Al contrario, siate per essa difesa ; spero di innalzare una preghiera vantaggiosa per entrambi ; una città fiorente infatti ripaga gli dei.

La tradizionale forma retorica di questa , nella quale appaiono ben distinguibili i tre momenti caratterizzanti la comunicazione diretta

  Cf. Novelli, Studi sul Testo…, p. 4-5 e 29-30.   Sulla genuinità di questo verso espunto da West, cf.  Novelli, Studi sul Testo…, p. 60-64. 40 41

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con il divino42, consente ad Eteocle di esprimere la sua religiosità poliade in modo strettamente logico e conciso. L’epiclesi (v. 69 : ) raccoglie le tre entità divine già precedentemente menzionate dal sovrano : Zeus, il difensore della città al v. 8, la terra, la madre comune in difesa della quale i Tebani sono chiamati a combattere (v. 16-19)43, e infine gli dei protettori della città, che rimandano agli dei di v. 14. Quelle invocate da Eteocle sono tutte divinità che devono avere a cuore la salvezza di Tebe : maggiore sorpresa veste invece il riferimento all’ Erinni paterna44 (v. 70 : ), che introduce in una preghiera sulla sorte della comunità politica un dato personale del sovrano45. Il re che vuole proteggere la sua città non può dimenticare di essere il figlio di quell’Edipo che fu un tempo miasma per la polis e che in seguito maledì i suoi due figli, i futuri sovrani di Tebe, profetizzando quello scontro fratricida che ora minaccia l’esistenza dell’intera Tebe46. In un momento così drammatico il sovrano

  « Cette prière se caractérise […] par sa logique » : Chapot, Laurot, Corpus de prières…, p. 93. Sulla struttura tripartita della preghiera di Eteocle, cf. inoltre Citti, Il linguaggio religioso e liturgico…, p. 48-49 ; M. Giordano-Zecharya, « Ritual Appropriateness in Seven Against Thebes. Civic Religion in a Time of War », Mnemosyne, 59, 2006, p. 59-60. Diversamente D. Aubriot-Sévin, Prière et conceptions religieuses en Grèce ancienne jusqu’à la fin du Ve siècle av. J.-C., Lyon, 1992, p. 224-225, ritiene l’ di Eteocle più libera, sciolta da ogni struttura formalizzata, come la maggior parte delle preghiere tragiche e in particolare di quelle eschilee. 43   Sui complessi e spesso ambigui rapporti che intercorrono tra i Tebani, di­scendenti degli Sparti, e la madre Terra, cf. H. D. Cameron, « The Debt to Earth in the Seven against Thebes », TAPhA, 95, 1964, p. 1-8 ; Lupas, Petre, Commentaire aux Sept contre Thèbes…, p. 16-18 ad v. 17-20 ; P. Vidal-Naquet, « Gli scudi degli eroi », in J.-P. Vernant, P. Vidal-Naquet (edd.), Mito e tragedia due, Torino, 1991, p. 39. 44   Sulla consapevolezza che Eteocle ha della maledizione paterna e di come essa determini comportamenti e scelte del sovrano, cf. tra gli altri F. Solmsen, « The Erinys in Aischylos’ Septem », TAPhA, 68, 1937, p. 197-211 ; R. D. Dawe, « Inconsistency of Plot and Character in Aeschylus », PCPS, 189, 1963, p. 31-42 ; A. J. Podlecki, « The Character of Eteocles in Aeschylus’ Septem », TAPhA, 95, 1964, p. 283-299 ; L. Golden, « The Character of Eteocles and the Meaning of the Septem », CPh, 59, 1964, p. 79-89 ; Novelli, Studi sul Testo…, p. 51-55. 45   Sulla compresenza nella preghiera di Eteocle sia del suo ruolo politico sia della sua eredità familiare (la maledizione paterna), cf.  Thalmann, Dramatic art…, p. 53 ; Novelli, Studi sul Testo…, p. 54. 46   E. Stehle, « Prayer and Curse in Aeschylus’ Seven Against Thebes », CPh, 100, 2005, p. 110-113, e, successivamente, I. Torrance, Aeschylus : Seven Against ­Thebes, delle parole di Eteocle, il quale, London, 2007, p. 51-53, hanno evidenziato la invocando la rovinosa maledizione paterna, finirebbe per compromettere con un cattivo presagio la salvezza della città, rendendo così del tutto inutile la sua preghiera. In realtà nella sorprendente invocazione all’Erinni di Edipo vi è il tentativo da parte del sovrano di includere anche questa potenza distruttiva nella cerchia delle divinità poliadi 42

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non può ignorare una potenza – la maledizione paterna – che può causare la distruzione della città : come già visto nei primissimi versi del prologo un elemento negativo, appena menzionato, viene immediatamente neutralizzato da Eteocle con una richiesta agli dei di carattere apotropaico, introdotta dalla negazione v47.  : se al L’io del sovrano segna anche la sezione seguente dell’ … denunciava la solitaria responsabilità del re in caso v. 6 di v. 71 presenta la salvezza di Tebe dalla d’insuccesso per la città, il distruzione come una grazia che gli dei devono concedere al solo Eteocle, quasi sia compito esclusivo di chi governa il domandare agli dei la salvezza della propria polis48. Alle prime richieste di carattere apotropaico ne segue al v. 76 una di segno totalmente positivo  : l’invito rivolto agli dei di essere , riba(baluardo difensivo) per Tebe rimanda all’epiteto dendo come la divinità sia essenziale alla difesa tebana. A rivelare a pieno il carattere peculiare della religiosità del re eschiv dove si trova la sanzione leo sono i versi conclusivi (v. 76-77) della sembrerebbe rindella preghiera. L’espressione di v. 1, dando così al prologo una struttura ad viare al ) anello (Ringkomposition) : Eteocle sembra esprimere la speranza ( che anche questa sua preghiera, insieme ai vari comandi militari che egli ha impartito ai Tebani, possa rientrare in quei discorsi opportuni che deve (cf. Aubriot, « Sur la valeur religieuse de quelques prières… », p. 9-10), facendo della ante litteram » (così Novelli, Studi sul Testo…, Erinni di Edipo una sorta di «  p. 53). Sull’ Erinni come possibile forza protettrice della polis, cf. inoltre P. Judet de la Combe, « La langue de Thèbes (Les “Sept contre Thèbes”, 72 sqq. et 170) », Metis, 3, 1988, p. 207-230 (in particolare 217 sqq.). 47   Sul valore apotropaico della preghiera di Eteocle, cf. Fraenkel, Aeschylus. Agamemnon, II, p.  272-273 ad v.  535 sq.  ; F.  Ferrari, «  La decisione di Eteocle e il tragico dei Sette contro Tebe », ASNP, 2, 1972, p. 146 ; F. Geisser, Götter, Geister und Dämonen. Unheilsmächte bei Aischylos – Zwischen Aberglauben und Theatralik, München – Leipzig, 2002, p. 199-201. 48   La richiesta che Eteocle rivolge agli dei di non distruggere almeno la sua  : cf. Hutchinson, Aeschylus…, città (con la particella da riferirsi al sostantivo p.  53-54) è stata interpretata da alcuni esegeti come annuncio del sacrificio volontario del re per la sua polis e, dunque, elemento a sostegno della teoria dell’Opfertod (cf. e. g. G. Perrotta, I tragici greci, Messina – Firenze, 1966, p. 69). Pienamente condivisibili appaiono però le riserve espresse a tale riguardo da Ferrari, « La decisione di Eteocle… », p. 145-147 e, recentemente, da Novelli, Studi sul Testo…, p. 59. Cf. inoltre Lupas, Petre, Commentaire aux Sept contre Thèbes…, p. 36. A. H. Sommerstein, Aeschylean Tragedy, Bari, 1996, p. 117-118, vede nelle parole di Eteocle – e in particolare nella sottolineatura dovuta alla particella  – una nota di ironia tragica : il sovrano nella sua preghiera alluderebbe inconsapevolmente al suo destino di morte, una sorte ben nota invece agli spettatori.

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fare «  chi governa il timone di una città seguendo la rotta del bene comune ». Notevole è però lo slittamento di significato dal di v. 76 : se l’aggettivo appartiene alla sfera semaniniziale al porta con sé una più tica dell’opportunità e dell’utilità, il termine concreta accezione d’interesse49, ben più marcata anche del suo sinonimo 50 . Poiché « una città fiorente onora gli dei potenti » (v. 77), Eteocle presenta la salvezza di Tebe come un vantaggio sia per gli dei sia per gli uomini : al giogo servile, che legherebbe la città conquistata dai nemici51, il sovrano contrappone una ben diversa relazione di mutuo interesse capace di unire vicendevolmente i Tebani e il dio. Nell’instaurazione di una simile reciprocità il ruolo del re è quello di rappresentante degli uomini al cospetto della divinità : come osserva lo scoliaste spiegando , il re propone , « vantaggi comuni a voi dei e a noi uomini »52. Nell’ultimo verso della preghiera proprio l’io che del sovrano, così enfatizzato nei versi precedenti, si eclissa : la la preghiera di Eteocle vuole realizzare è un patto che mira a vincolare la polis e gli dei53, le uniche due realtà citate al v. 77, dove invece non si fa menzione alcuna del sovrano. Un patto, quello che andrà stabilendosi tra Tebe e il dio, voluto fortemente da Eteocle, ma che saprà durare oltre la scomparsa dello stesso sovrano. Anche in questo Eteocle si mostra figlio di quell’Edipo che, comune a entrando nel bosco di Colono, otterrà dalle Erinni una lui stesso e alla città di Atene, come evidenziato da un altro sovrano, Teseo (Soph., OC  1751 sq.  : … )54 : Edipo, oltre a raggiungere il sospirato termine della sua 49   Cf. Thalmann, Dramatic art…, p. 51-52 ; Novelli, Studi sul Testo…, p. 69-70. Il tono pragmatico e quasi « affaristico » della richiesta di Eteocle è fortemente rimarcato da U. Albini, « Aspetti dei Sette a Tebe », PP, 27, 1972, p. 290-291. 50   Diversamente Hutchinson, Aeschylus…, p. 55. 51   Cf. Lupas, Petre, Commentaire aux Sept contre Thèbes…, p. 38. Sul valore della metafora del giogo nel teatro eschileo, cf. recentemente A. Caramico, « La metafora del giogo nei Persiani di Eschilo », in AA. VV., Aspetti del mondo classico : lettura ed interpretazione dei testi (Seminari in collaborazione con l’AICC, Sede di Salerno), Napoli, 2007, p. 7-24 (con bibliografia precedente). 52   Schl. ad Sept. 76 d, p. 48 Smith. 53   La preghiera di Eteocle, che, con la citazione della maledizione paterna, iniziava con un dato personale e privato del figlio di Edipo, mostra invece tutto il suo carattere pubblico e collettivo, mirando appunto al bene comune della polis (sull’opposizione tra preghiera privata e pubblica, cf.  D. Aubriot, «  Pertinence et limites de l’opposition public/privé pour la prière », Ktema, 23, 1998, p. 335-343. 54   Accolgo la correzione del Reisig ( invece del tràdito  : « an almost certain correction » secondo J. C. Kamerbeek, The Plays of Sophocles (Part. VII) : The Oedipus Coloneus, Leiden, 1984, p. 233), stampata da

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vita di (v. 3), diverrà allo stesso tempo un guadagno per la polis che lo accoglie, come egli stesso aveva promesso nella sua preghiera )55. di esule (OC 92 : … Agamennone e Eteocle, sovrani chiamati a salvaguardare le comunità che governano da pericoli interni e/o esterni alle loro poleis. Dinanzi a minacce più o meno evidenti le preghiere e le invocazioni dei re intervengono a riaffermare e rinsaldare il rapporto che unisce divinità e polis : del successo argivo sui se Agamennone riconosce negli dei i Troiani, Eteocle indica nel chiedere gli dei come alleati la preghiera più forte e efficace per i Tebani. È questa alleanza/collaborazione che, durando nel tempo, può offrire alla polis benessere e prosperità (  : Ag. 846-847 /  : Sept. 77). Gli intermediari, Agamennone ed Eteocle, non ne sono però elemento fondamentale  : pure essendo re, essi restano mortali e a sopravvivere saranno soltanto Argo e Tebe. Stefano Amendola Università degli Studi di Salerno

diversi editori tra cui E. Bothe, R.  Jebb, A.  Dain, P.  Mazon, R. Dawe e G. Avezzù. Così spiega il passo R. Jebb, Sophocles. The Plays and Fragments (Part II) : The Oedifor the MS. is pus Coloneus, Cambridge, 1899, p. 268 : «  “for in a case where” (neut. pl.), (I think) right. The literal sense is : “the kindness shown by the chthonioi”, “is stored up as a common v, neut. pl. as adv.), common, namely, to Oedipus and the Athenians. That benefit” ( is : “By the death of Oedipus, the Powers below have given him the everlasting rest which he desired, and us the abiding safeguard which he promised” (i. e. his grave). To mourn here would be to provoke the deities who have ordered all things well for him and for us ». Sul significato delle parole di re Teseo, cf. inoltre G. Kirkwood, « From Melos to Colonus », TAPhA, 116, 1986, p. 99-117 ; R. Seaford, Reciprocity and Ritual. Homer and Tragedy in the Developing City-State, Oxford, 1994, p. 135 n. 141. 55   Sulla preghiera di Edipo alle Erinni, cf. il contributo di P. Volpe Cacciatore in questo stesso volume.

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EDIPO : IL RE CHE NON PREGA ? Ahimè, come è terribile sapere quando il sapere non giova a chi sa (OC 316-317)

Edipo, come scrive Dione (or. X, 32), non fu in grado di conoscere se stesso e così patì moltissimi mali e « quanto più saggio pensava di essere fra tutti e di essere sfuggito alla Sfinge e di avere persuaso gli altri Tebani, tanto più miseramente egli moriva ». Proprio questa « ignoranza » di sé fa di Edipo « un inganno per tutti oltre che per lui stesso »1. Una ignoranza che s’interrompe con l’accecamento che « rappresenta un passaggio di stato, una rinuncia a qualcosa, la vista, che consente di appropriarsi di qualcos’altro forse più importante, diciamo una vista interna sforzo estremo quanto vano di rintracciare la terribile innocenza di un prima che non è ormai più possibile ricostruire »2. Un prima, un presente, un dopo : sono i tempi che scandiscono l’esistenza di Edipo. Un prima, un presente e un dopo che si racchiudono nei primi tredici versi dell’Edipo re e dell’Edipo a Colono, dove è possibile facilmente osservare il cambiamento avvenuto nell’animo dell’uomo che se nella prima tragedia si mostra consapevole della propria potenza (v. 7-8 : ), non così nella e se ancora seconda nella quale egli altro non è che , rivolto ai sudditi che sono davanti al re inconella prima quell’ ), rivela un tono ronati dai rami propri dei supplici ( , rivolto ad Antigone nella seconda in certo senso paternalistico, il è pronunciato con un misto di incitamento e di preghiera : Antigone non lo abbandoni e che sia ella i suoi occhi e il suo sostegno (v. 33-34 : « […] questa mia figlia vede per me e per sé »). Le stesse sofferenze della città di Tebe (v. 4-5), alle quali egli partecipava ma dall’alto del suo trono, si mutano nelle sue sofferenze che per lungo tempo ha dovuto subire :

1   G. Guidorizzi, « Il potere della parola », in M. Bettini, G. Guidorizzi (edd.), Il mito di Edipo, Torino, 2004, p. 153. 2   P.  Ciminelli, in M. T. Messina, F. Oneroso di Lisa (edd.), Edipo, Amleto, Freud, Salerno, 1991, p. 122. In Edipo re il nunzio, annunciando la morte di Giocasta e l’accecamento di Edipo, commentava : « La loro antica felicità era ancora, fino a ieri, vera felicità  : oggi invece pianto, rovina, morte, infamia di tutti i mali che hanno un nome, nessuno manca » (v. 1282-1285).

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« Espiai per azioni ingiuste : mi soggiogò la Moira e il folgorante Saettatore celeste »3. Il re, quel nobile re, altro non è che straniero in una terra straniera, un ospite in una terra che egli spera ospitale. Ignoranza, ma consapevolezza di espiare per colpe non sue. Nella complessa caratterizzazione di Edipo prevale la molteplicità di un uomo che è al tempo stesso un senza patria e il re di una città, un trovatello, un parricida, un figlio, un marito, un fratello : un’ambiguità del suo essere che non può non rivelarsi anche nella comunicazione che egli tenta di instaurare con la sfera del divino che si manifesta nelle forme diverse e complesse dell’oracolo (Delfi) e del prodigio (la Sfinge). Pur conducendo un’esistenza segnata dai responsi delfici e, quindi, dalla voce della divinità, Edipo è un sovrano che non prega anzi è un re che maledice (OT 246-251  ; OC 1383-1392), che oppone, nel colloquio con Tiresia, il suo pensiero razionale alla cultura religiosa tradizionale incarnata dall’indovino, servo e interprete di Lossia (OT 357 : « chi ti avrebbe insegnato il vero. Non è certo la tua arte »). In tale situazione di contrapposizione frontale tra il razionalismo di Edipo (cui si aggiunge lo scetticismo di Giocasta, cf. v. 708-709 : « Mai creatura umana possedette l’arte della predizione »)4 e il mistero dell’oracolo un ruolo fondamentale riveste il Coro5 che non è solo la voce del poeta ma ha la funzione di alter ego di Edipo, ancora a conferma dell’ambiguità del personaggio : il coro, così, diviene anche testimone di un filo

3  Quella di Edipo è un’ « incolpevolezza predeterminata » o « colpa innocente » come l’ha definita H. Marcuse, La dimensione estetica (trad. L. Gatti), Milano, 1978, p. 41, che inserisce il destino ancestrale dell’eroe nell’anomalia che connota la sua stirpe, nella forma della sua zoppaggine e di cui Edipo stesso, dopo che ha scoperto le sue colpe, diviene innocente (v. 1456 sq.). Cf. B. Gentili, « L’“Edipo re” tra mito e storia », in R. Uglione (ed.), Atti delle giornate di studio su Edipo, Torino 11-12-13 aprile 1983, Torino, 1984, p.  135, e M. Innamorati, «  Innocenza di Edipo. L’interpretazione del mito come mito e la psicoanalisi come cultura orale », QUCC, 49, 1995, p. 161. « In nulla era stato avvertito questi nel corso della sua vita : quando era stato avvertito dal responso dell’oracolo Edipo aveva tentato tutto il possibile per non compiere i delitti ai quali il destino lo aveva condannato prima della nascita (…) Edipo non torna a Corinto per non uccidere il padre, uccide Laio perché non può essere suo padre, sposa Giocasta perché non può essere sua madre ». 4   Cf. J.-P.  Vernant, P.  Vidal-Naquet, Mito e tragedia due, trad. it., Torino, 1991, p.  155  ; J. Bremmer, «  Modi di comunicazione con il divino. La preghiera, la divinazione e il sacrificio », in S. Settis (ed.), I Greci, vol. I, Torino, 1996, p. 239-283 ; E. Cattanei, « La mantica in Platone. Tre quadri introduttivi », in AA. VV., Dio e il divino nella filosofia greca (Humanitas, LX, 4), Brescia, 2005, p. 692-707. 5   Sull’importanza del Coro nell’Edipo, cf.  E. Medda, La forma monologica. Ricerche su Omero e Sofocle, Pisa, 1983, p. 111-121, e V. S. Dhuga, « Choral identity in Sofocles’ Oedipus Coloneus », AJPh, 126, 2005, p. 333-362.

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che unisce ragione e sentimento, tradizione e innovazione. E così se Edipo – che vuole essere conoscitore di verità – non prega, è proprio il Coro a pregare per lui. Eppure in due occasioni si rivolge alla divinità : a Zeus (OT 738) in un tragico grido disperato : « O Zeus che hai deciso di fare di me ? » e alle Erinni (OC 84-110), una preghiera questa che, nella sua complessità, è parte essenziale della vicenda tragica. (...) Tebe è ormai lontana. Davanti ai due esuli si apre un (...) 6 . È un paesaggio rassicurante, lontano dai gemiti, dai lamenti, dagli incensi della città lasciata, ma è un paesaggio che prelude a una fine, ad una morte che è per Edipo – al pari degli iniziati ai misteri eleusini – « la dolce speranza (…) in una vita beata nel mondo degli inferi »7. Egli, infatti, « non muore, non sparisce (…) la terra si spalanca e lo inghiotte (…) », il messo « vuol far sentire in certo modo che Edipo non è semplicemente morto bensì è stato rapito alla vita terrena »8. Per questo il paesaggio è rassicurante e il canto dell’usignolo, considerato melodioso da Antigone ma « lamento triste » dai vecchi del Coro, lo accompagnerà in quel « sonno profondo senza fine e senza sogni », in quella morte che se è « straziante annullamento degli affetti e dei pensieri, delle percezioni del corpo e della consapevolezza di esistere, approdo e compenso alla pena del vivere, quando la disperazione abbia reso intollerabile la luce stessa del sole »9. Il messo, lì giunto, lo invita ad alzarsi dal seggio di pietra, dal momento che calpesta un suolo « inviolabile, inabitabile, che appartiene alle due temibili, alle figlie della Terra e del Buio » (v. 36-40 : ). Edipo sa che

6   Cf. V. Di Benedetto, « Spazio scenico ed extrascenico alla fine delle tragedie di Sofocle : dissolvenze e rifunzionalizzazione », in G. Avezzù (ed.), Il dramma sofocleo : testo, lingua, interpretazione, Stuttgart – Weimar, 2003, p. 110-114. 7   Cf. F. Ferrari, « Edipo a Colono 1583 : critica del testo e critica storico-religiosa », in Avezzù, Il dramma sofocleo…, p. 129. 8   Cf. E. Rohde, Psiche. Culto delle anime e fede nell’immortalità presso i Greci, trad. it., Roma – Bari, 1970, p. 461 n. 525 : « Non la fiammante folgore divina lo ha rapito, né un turbine sollevatosi dal mare in quell’istante, ma un inviato degli dei, o forse la base stessa della terra, la sede oscura dei morti, si è squarciata a lui propizia. Se n’è andato senza eco di singhiozzi, senza spasimi di malattia, in un prodigio unico al mondo » (v. 1658-1665, trad. it. di F. Ferrari). 9   D. Del Corno, I narcisi di Colono. Drammaturgia del mito nella tragedia greca, Milano, 1998, p. 66.

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è proprio quello il luogo più volte indicatogli dall’oracolo e, mentre il messo si allontana non senza aver ricordato la sacralità del posto (v. 54-58 : « tutto questo territorio è sacro e protetto dal grande Posidone ; qui è il Titano Prometeo, portatore del fuoco ; e il suolo che tu calpesti è chiamato la soglia di bronzo di questa terra, il baluardo d’Atene »), rivolge la sua )11, dal preghiera10 : « O dee venerande dallo sguardo terribile ( momento che io ho piegato le mie ginocchia12 dinanzi a voi che reggete la sacra dimora di questa terra, non siate avverse a Febo e a me ». Le dee, dunque, sono invocate come in climax e con una evidente variazione del campo semantico. Edipo è invece supplice, così come supplici erano stati un tempo i suoi sudditi, ma il poeta, già in questi primi versi della preghiera, sottolinea con chiaalla rezza due aspetti della personalità del personaggio con quell’ v (v. 87) il cui nesso indica fine del v. 85 e con il seguente l’intima unione tra il re e il suo dio e, in qualche modo, chiude la sequenza dei pronomi personali e possessivi, atti a richiamare l’attenzione dello spettatore sui fatti narrati e sui personaggi. E proprio il dio 13 – in iperbato e con il verbo in posizione centrale e prima della 14 cesura –

10   Cf. I. M. Linforth, « Religion and drama in “Oedipus at Colonus” », University of California Publications in Classical Philology, 14, 1951, p. 75-192. 11   Edipo pronuncia con solennità, e secondo gli stilemi della supplica, una preghiera alle Eumenidi impregnata di ricordi (l’oracolo di Febo, cf. v. 87 sqq.) e tesa all’accettazione dei mali presenti in vista della quiete eterna (v. 89 sqq.). Il sostantivo , femminile arcaico di (« sposo »), etimologicamente connesso con (« signore »), è l’epiteto delle divinità, riferito solitamente ad Artemide, signora delle fiere (cf. Il. XXI, 470), Demetra (cf. Soph., OC 1050) e, al plurale, come in questo è coniato da Sofocle caso, alle Erinni/Eumenidi (cf. Hdt., IX, 97). Il composto (cf. Sc. 250 riferito alle Parche), di cui ripropone il significato di sull’esiodeo essere « dallo sguardo (o dall’aspetto) terribile ». 12   Il verbo epico (cf. Il. IV, 486) spesso in regime con gli accusativi e che indica l’azione di « piegare le ginocchia (o le membra) » per (come al v. 19) e sedersi, fermarsi e quindi riposarsi (come in Il. VII, 118 ; Od. V., 453 ; Aesch., Prom. 32 ; Eur., Hec. 1079 ; VT, Is. 45.23). 13   Da notare la genericità e l’astrattezza della terminologia di questi versi che servono ad accrescere l’alone di mistero che circonda Edipo e che caratterizza lo spazio circostante  ; la materialità del luogo prende il sopravvento al v.  98 nell’uso del sos. Al v. 90 da notare la coppia di sostantivi ( ... ) in tantivo è qui usato nel senso religioso di « sede per supplici » endiadi intensiva. Il termine (cf. Aesch., Eum. 855 ; Agam. 596 ; Soph., OT 13, OC 112 ; Eur., Or. 1441). Cf. P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, 1999, s. v.  , p. 313. 14    : variatio rispetto a . Per , cf. OC 84 e OT 2, su cui V. Citti, « Figure retoriche nel prologo dell’“Edipo re” », Lexis, 11, 1993, p. 37-38.

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e dove avrebbe trovato finalmente la fine della sua vita ... to sventurata. Una morte che sarebbe stata 15 , un parallelismo questo che evidenzia i due concetti fortemente contrastanti chiariti nel primo caso dall’inserzione e nel secondo dall’ampliamento . Il dio di ) quali saranno i segni ( ) di tali stesso ha indicato ( , tre fenomeni che costituiscono eventi : l’espressione sensibile dell’universalità divina come si legge nel fr. 70 (in Sofocle : v), Radt di Eschilo : ), (qui ) // (in Sofocle  : . Edipo ne è a conoscenza e ne è convinto . Dunque il dio , v. 88, , v. 94, Edipo ora : quasi a sottolineare l’intendimento del volere divino : 16 , v. 96-97 collocato in posizione finale e con forte – con l’ ) dopo la cesura eftemimere richiama l’ ritardo e dove j ( dell’inizio del verso. Una consapevolezza, quella di Edipo, così profonda che egli non esita a riaffermare che, solo grazie ad essa si è imbattuto nel 17 , in posizione iniziale come il suo peregrinare in del v. 85 e si è potuto sedere su un seggio angusto non levigato ( , hapax : « non squadrato, duro, spigoloso »). Nell’espressione i 18 ... in iperbato e enjambement qualidue aggettivi e sono posti in rilievo ai confini della proposizione. Ancora ficano una volta, dopo l’esposizione del vaticinio di Apollo e l’espressione della v) è riforcertezza che esso si stia realizzando, la richiesta alle dee ( (v. 101) : ad mulata in termini più precisi ed è sottolineata da

  In realtà Edipo non aveva subito violenza alcuna da parte dei Tebani, in quanto aveva voluto essere mandato via, senza che i figli, Eteocle e Polinice, avessero opposto resistenza. 16   Cf. Ajax 377 ; Phil. 296. 17   Sono le Erinni dette astemie nel senso che lo scoliaste spiega : . Cf. Aesch., , . Nella sobrietà della sua vita (cf. Eum. 107  : v. 5-6) Edipo vede un termine di somiglianza con l’astinenza delle Erinni. 18   Composto aggettivale, nonchè hapax sofocleo, indicante nel prefisso negativo , l’intangibilità dello spazio, del seggio « non lavorato con l’ascia » (anche se lo , si addice più alla lavorazione del legno che a quella della pietra). distinto dal , p.  1013  ; J.  Jouanna, Cf.  Chantraine, Dictionnaire étymologique…, s.  v.  « Espaces sacrés, rites et oracles dans l’Œdipe à Colone de Sophocle », REG, 108, 1995, del v. 19. p. 38-58. Riprende la precedente espressione 15

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esse Edipo chiede di agire in conformità con la predizione di Apollo19. Tale richiesta inizia all’interno del verso, dopo la cesura eftemimere, ed . è racchiusa tra Nella preghiera di Edipo si assiste a un momento di esitazione e che è al tempo dubbio segnati da quell’ stesso espressione di timore per non aver raggiunto il termine dei suoi affanni dopo una vita che egli aveva vissuto a servizio del Fato. Dopo il riferimento agli atroci patimenti (v. 105)20 che erano stati ricordati già all’inizio della preghiera (v. 88), la preghiera si trasforma in una esortae poi zione ad avere pietà di lui e le Erinni, dapprima v, diventano le del Buio antico, così come le aveva chiamate il messo al v. 40. E l’invocazione si amplia ulteriormente col riferimento ad Atene e a Pallade che della città era la protettrice : « Vi prego, dolci figlie dell’antico Buio / prego te che a Pallade appartieni, la Æ all’inizio più onorata fra tutte le città : abbiate compassione ( del verso) di ciò che resta dell’uomo Edipo : infatti non è più questo il ) è racchiuso il mio antico corpo ». In tre parole ( destino tragico di un uomo che, nella sua solitudine, richiama alla mente Filottete che dice di chi con violenza lo portava via : « Mi porta via a forza, come avesse preso un prigioniero valido, non sa che uccide un morto, un’ombra, un filo di fumo ( ) » (Phil. 946-47). Dopo la preghiera, giunge il Coro che chiede : « O infelice, ora che hai trovato un momento di pace, dimmi chi sei ? chi sei tu che cammini per le strade del dolore ? » (v. 203-5). Alla risposta di Edipo, al racconto della sua storia il Coro resta sgomento mentre quegli ancora una volta ) : egli è ripete di aver ucciso, di aver ammazzato ma senza sapere ( innocente davanti alla legge ed ancora ripete : « ignaro arrivai a tanto ». Seguono l’incontro con Teseo, con Ismene, Creonte, Polinice e con ritmo incalzante si susseguono momenti di serenità, di tormento, di maledizione mentre il Coro prega gli dei per quell’uomo sventurato sicuro che . Poi il tuono, sì « il tuono alato di Zeus » ed è ancora il Coro che esprime la sua ma anche la paura di lui che sta  

  : secondo le parole, un plurale in rapporto a del v.  88 e del v. 94. 20     : il verbo, come in Trach. 35, indica l’assoggettamento totale di Edipo alle pene che gli sono state imposte (questo è il significato del verbo anche nella tradizione testamentaria, cf. VT, Is. 22.27), che mira all’annullamento in attesa di un riscatto consistente in un passaggio dalla vita alla morte. Soltanto così Edipo sarà v (v. 103), perdendo definitivamente qualsiasi fisicità pronto a compiere la terrena. Cf. A. van Gennep, I riti di passaggio (trad. it.), Torino, 1981. 19

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per morire. « Guarda ! Enorme inaudito s’abbatte questo fragore divino ; fino al vertice della mia chioma mi assale lo sgomento. L’anima ho sgomenta, giacchè celeste la folgore arde di nuovo » (v. 1463-66) e la stessa invocazione finale è recitata dai vecchi di Colono, mentre Edipo saluta la luce che per l’ultima volta sfiora il suo corpo21 : che possa senza travagli, senza stasimi e grida raggiungere la pianura dei morti che tutto nasconde e la casa di Stige !22 Il re tebano si avvia così nel bosco sacro accolto da piante rigogliose, dal canto dell’usignolo, dai fiori di narciso e del croco che « trascorrono una parte del loro ciclo naturale sotterra per poi splendidamente risorgere alla luna. con una sorta di straordinario “campo lungo” la selva oltremondana di Colono si trasforma nel paesaggio dell’Attica e da qui il canto si focalizza sulla città che ne è il cuore »23 : le Erinni-Eumenidi stesse assolvono al ruolo di rendere eterna la città di Atene. Come infatti nelle Eumenidi eschilee la città di Atene rende le dee guardiane della giustizia così ora – in un momento così doloroso e tragico (siamo nel 407/6) – la città, che aveva ormai perso la guerra, attribuisce a sé il ruolo di «leader morale» della Grecia. Paola Volpe Cacciatore Università degli Studi di Salerno

21   « O luce che per me non risplendi ma che un giorno eri mia : ora per l’ultima volta il mio cuore ti sfiora » (v. 1549-50). Cf. OT. 1510. 22  È l’invocazione del Coro, al dio degli Inferi Aidoneo, alle Erinni, a Cerbero e . poi a Tanato, contrassegnata dai verbi 23   D. Del Corno, I narcisi di Colono…, p. 74.

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TRADIZIONE E INNOVAZIONE NELLA PREGHIERA DI RICHIESTA IN EURIPIDE Da tempo gli studiosi hanno osservato come molte preghiere omeriche presentino una struttura tripartita, i cui elementi sono : invocazione, argomentazione o motivazione, richiesta1. La seconda parte, ossia interl’argomentazione, fa generalmente riferimento ai rapporti di corsi in passato tra l’orante e la divinità e agli obblighi che essi comportano : dopo l’invocazione iniziale la preghiera assume infatti spesso le forme da-quia-dedisti (con la quale si ricorda un precedente beneficio arrecato dal dio) o da-quia-dedi (con la quale si richiamano precedenti offerte o azioni compiute dall’orante per onorare la divinità)2. Questo tipo di preghiera intende quindi stabilire una relazione tra il passato (tempo al quale rimanda l’argomentazione) e il presente (tempo nel quale si colloca la richiesta), che sul piano linguistico è posta in evidenza ...  ; …  ; dall’uso di alcuni nessi, come ad esempio 3 … . Recentemente Aubriot-Sévin ha mostrato che la struttura tripartita non caratterizza la totalità delle preghiere omeriche e che la ripresa (non sistematica) dei suoi elementi presso i drammaturghi del V sec. (nella forma dell’imitazione o della parodia letteraria) avviene in maniera estremamente libera e variata. Inoltre la presenza dell’argomentazione in molte preghiere sia omeriche sia di età posteriori si spiegherebbe secondo la studiosa spesso con una necessità di ordine retorico, ossia quella di persuadere la divinità mostrando che la richiesta si basa su motivazioni del tutto accettabili (la cui natura muta però col mutare delle epoche).

1   Cf. e. g. C. Ausfeld, « De Graecorum precationibus quaestiones », Jahrb. f. klass. Philol., Suppl. bd. 28, 1903, p. 505-547, in part. p. 514 ; F. Schwenn, Gebet und Opfer, Heidelberg, 1927, p. 50 ; J. H. Ramsey, On the Form and Content of Aeschylean Prayer, diss., Fordham, 1943, p. 7 ; M. P. Nilsson, Geschichte der griechischen Religion, I : Die Religion Griechenlands bis auf die griechische Weltherrschaft, München, 19743 (rist. anast. München, 1992), p. 159 sq. ; E. Des Places, « La preghiera nella Grecia antica », in R. Bocassino (ed.), La preghiera nella storia delle religioni, Milano – Roma, 1967, p. 447-522, in part. p. 449 sq. ; J. M. Bremer, « Greek Hymns », in H. S. Versnel (ed.), Faith, Hope, and Worship, Leiden, 1981, p. 193-215, in part. p. 196. 2   Cf. M. L. Lang, « Reason and Purpose in Homeric Prayers », CW, 68, 1975, p. 309-314, in part. p. 310-313 ; S. Pulleyn, Prayer in Greek Religion, Oxford, 1997, p. 16-18, 26-38, 65-69 ; a p. 17 n. 3 è dato un elenco delle preghiere omeriche che presentano struttura tripartita e rientrano nelle tipologie da-quia-dedisti o da-quia-dedi. 3   D. Aubriot-Sévin, Prière et conceptions religieuses en Grèce ancienne jusqu’à la fin du Ve siècle av. J.-C., Lyon, 1992, p. 220-239.

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giovanna pace

In questa sede saranno esaminate alcune preghiere di richiesta euripidee, nelle quali alla ripresa formale degli elementi della struttura tripartita della preghiera omerica corrisponde, soprattutto nell’ambito dell’argomentazione, un sovvertimento dei contenuti tradizionali, dal quale emerge una concezione problematica (se non esplicitamente critica) dell’agire divino4. Prendiamo in considerazione in primo luogo la preghiera che il coro (probabilmente con uno scambio dialogico tra due semicori o tra voci singole) rivolge ad Apollo nella strofe del primo stasimo dell’Alcesti (v. 221-225), subito dopo aver appreso da un’ancella che la morte di Alcesti è ormai imminente (v. 141-212). Come sappiamo dal prologo, ella ha scelto di morire al posto di Admeto, per il quale Apollo aveva ottenuto dalle Moire che potesse rimandare la morte nel caso in cui trovasse qualcuno disposto a morire in sua vece (v. 10-18) :

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.

La preghiera dei v. 221-222, ridotta a due soli elementi (invocazione e richiesta), è formulata in maniera generica. Apollo è invocato non per il suo coinvolgimento nella vicenda di Alcesti e di Admeto, ma , liberatore dai mali6, e in quanto tale gli viene chiesto di come trovare un rimedio ai mali di Admeto, senza però specificare di quali mali si tratti. L’invocazione e la richiesta, nella loro genericità, richiamano il v. 91 sq., dove il coro, ancora incerto sulla situazione di Alcesti,   Per la libertà con la quale Euripide riprende la formulazione ternaria, variandola con l’introduzione di un elemento differente o complicandola, e utilizzandola soprattutto per conferire particolare solennità ad alcuni passi, cf. Aubriot-Sévin, Prière et conceptions religieuses…, p. 229-233. La studiosa osserva inoltre giustamente che le preghiere euripidee presentano le forme più diverse e sfuggono a qualsiasi tentativo di riduzione a una norma. 5   Il testo di questo e degli altri passi delle tragedie euripidee riproduce quello di J. Diggle, Euripidis fabulae, 3 vol., Oxford, 1981-1994. 6   Per questo valore dell’epiteto di Apollo , particolarmente in tragedia, cf. A.  v. Blumenthal, « Paian », in Real-Encyclopädie, 18, 2, 1942, col. 2340-2362, in part. col. 2342 ; ved. anche W. Burkert, Griechische Religion der archaischen und klassischen Epoche, Stuttgart – Berlin – Köln – Mainz, 1977, trad. ital. di P. Pavanini, Storia delle religioni. I Greci, II, Milano, 1983, p. 110, 214 ; P. Lévêque, L. Séchan, Les grandes divinités de la Grèce, Paris, 1990, p. 207. 4

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tradizione e innovazione nella preghiera di richiesta in euripide

si era augurato che nella sventura si verificasse l’epifania di Apollo 7 . La preghiera dei v. 223-225, nella quale è omessa l’invocazione, presenta invece espliciti riferimenti alla concreta situazione di Admeto , e ai suoi rapporti con Apollo. Dopo l’iniziale richiesta e al che costituisce una variatio sinonimica rispetto al precedente tempo stesso lo rafforza attraverso la geminatio, secondo un procedimento tipico della preghiera (non solo greca)8, è introdotta con l’argomentazione, collegata alla successiva e più circostanziata richiesta … , che richiamano analoattraverso i nessi temporali 9 ghe espressioni nelle preghiere omeriche , riprese anche dalla tradizione successiva10. La formulazione adottata è del tipo da-quia-dedisti : come Apollo in passato ha trovato un rimedio ai mali di Admeto, allontanando il momento della sua morte grazie alla concessione strappata alle Moire, così ora gli viene chiesto di liberare dalla morte imminente la sposa di Admeto, Alcesti11. L’argomentazione presenta però carattere paradossale : proprio l’azione compiuta in passato da Apollo in favore di Admeto ha determinato la scelta di Alcesti di morire al suo posto e costituisce quindi la causa dei presenti mali di Admeto. La preghiera pone così in risalto uno dei temi più dibattuti della tragedia : l’ambiguità del dono di Apollo, che dà origine a una terribile sventura poiché proprio Alcesti, la persona più cara a Admeto, si sacrificherà per lui12 e Admeto,  

( Zacher, prob. Diggle  : / . 8   Cf. Aubriot-Sévin, Prière et conceptions religieuses…, p. 254 sq. e n. 191 (per la bibliografia precedente). 9   Cf. in particolare la preghiera di Crise ad Apollo in Il. I, 453 ( Æ... ) e 455 ( ) ; per nella richiesta, cf. anche Il. V, 116 sq. ( ... ) ; X, 285-291 ( ... ) ; XVI, 236-238 ( ... ) ; ... ) ; XX, 115 ( ...). Od. IV, 763-765 ( 10   Cf.  Sapph., fr.  1 Voigt, 5 ( ) e 25 ( )  ; Pind., Isth. 6, 42-44 ... )  ; Soph., OT 164-167 ( ... ). I passi sono segnalati da ( M. J. Cropp, Euripides. Iphigenia in Tauris, Warminster, 2000, p. 237 ad 1082-1088, e analizzati già da Pulleyn, Prayer…, p. 34 sq., 65 sq. 11   Sulla tipicità dell’argomentazione, cf. D. Susanetti, Euripide. Alcesti, Venezia, 2001, p. 187 ad 222-23. 12   C. Brillante, « L’Alcesti di Euripide : il personaggio di Admeto e la struttura del dramma », MD, 54, 2005, p. 9-46, in part. p. 19, 21, osserva che il dono di Apollo non è negativo di per sé, ma diventa una sventura a causa del rifiuto dei genitori di Alcesti, che ha come conseguenza la decisione di Alcesti di sacrificarsi. L. Bergson, « Randbemerkungen zur Alkestis des Euripides », Eranos, 83, 1-2, 1985, p. 7-22, in part. , p. 12 sq., 15 sq., 20 sq., ritiene invece che quella di Apollo sia di per sé una perché porta a conseguenze peggiori del male che elimina e ha carattere inumano per la crudeltà della condizione che pone (lo studioso individua quindi nell’Alcesti un’aspra 7

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privato di lei, vivrà una vita non degna di questo nome e peggiore della morte stessa13. D’altra parte la richiesta rivolta ad Apollo di essere liberatore dalla morte e di fermare l’Ade contrasta con un dato che il coro ignora, ma di cui è a conoscenza il pubblico : nel prologo Apollo ha a non portare Alcesti cercato senza riuscirci di persuadere nell’Ade (v. 28-76). Si crea così una sottile ironia tragica14, che mette in risalto come sia vano pregare Apollo di allontanare la morte di Alcesti15. La benevolenza del dio verso Admeto non basta infatti a permettergli di risolvere una situazione che egli stesso ha contribuito a creare, ma di fronte alla quale si rivela impotente, perché l’azione di persuasione che egli cerca di compiere per evitare la morte di Alcesti contrasta con la e con le prerogative e i privilegi di un’altra divinità ( )16.

critica nei confronti di Apollo, mentre solo a « un accenno di critica » pensa A. Lesky, Die tragische Dichtung der Hellenen, Göttingen, 1972, trad. ital. di P. Rosa, La poesia tragica dei Greci, Bologna, 1996, p. 445 ; diversamente J. M. Bell, « Euripides’Alkestis : a Reading », Emerita, 43, 1980, p. 43-75, in part. p. 46 sq.) ; cf. anche R. M. Nielsen, «  Alcestis  : a Paradox in dying  », Ramus, 5, 1976, p.  92-102, in part. p.  94-96, 100 (che pone in risalto soprattutto le conseguenze moralmente negative che il dono di Apollo comporta per i personaggi) ; B. E. Goldfarb, « The Conflicts of Obligations in Euripides’ Alcestis », GRBS, 33, 2, 1992, p. 109-126, in part. p. 125 : « Apollo’s gift was shown to be no gift » ; G. Basta Donzelli, « Rileggendo l’Alcesti di Euripide », in F. Benedetti, S. Grandolini (edd.), Studi di filologia e tradizione greca in memoria di Aristide Colonna, Napoli, 2003, p. 57-62, in part. p. 62. M. Padilla, « Gifts of Humiliation : Charis and Tragic Experience in Alcestis », AJPh, 121, 2, 2000, p. 179-211, in part. p. 188 sq., considera la richiesta del sacrificio di un’altra persona un elemento di arroganza presente nel dono di Apollo. 13   Cf. le osservazioni del coro : (sc. Admeto) (v. 241-243) e quelle di Admeto stesso : (sc. l’annuncio di Alcesti di essere vicina alla morte) (v. 273 sq.) ; (v. 935 sq.) ; sulla sorte di Admeto peggiore di quella di Alcesti, ved. tra gli altri A. Pippin Burnett, « The Virtues of Admetus », CPh, 60, 4, 1965, p. 240-255, in part. p. 249 ; Bell, « Euripides’Alkestis… », p. 73 ; G. Smith, « The Alcestis of Euripides. An Interpretation », RFIC, 111, 2, 1983, p. 129145, in part. p. 141 ; Basta Donzelli, « Rileggendo l’Alcesti di Euripide », p. 61. 14   Cf. Susanetti, Euripide. Alcesti, p. 187 ad 220-25. 15   Cf. Bergson, « Randbemerkungen zur Alkestis… », p. 9 e n. 11. 16   In tal senso il comportamento di Apollo è giudicato da  ; cf. v. 30 sq. / ), 41 ( ( (sc.  ), 48 sq. ( ... . ;), 53 ( / ;), 63 ( `) ; cf. Bell, « Euripides’Alkestis… », p. 47 sq., e, per l’impotenza di Apollo di fronte alla morte, Bergson, « Randbemerkungen zur Alkestis… », p. 9, 14 n. 37.

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Nel macrocontesto della tragedia l’azione salvifica richiesta dal coro sarà compiuta non dal dio al quale è stata indirizzata la preghiera, ma da Eracle, che, come Apollo stesso aveva annunciato nel prologo17, (usando non le parole, come combatterà vittoriosamente con Apollo, ma la forza18) e strapperà Alcesti all’Ade19. La preghiera del coro, vana in quanto rivolta ad Apollo, sarà quindi ugualmente esaudita, ma attraverso uno spostamento su un soggetto (umano) diverso dal dio invocato, impossibilitato a soddisfare la richiesta20. Non è da trascurare anche il microcontesto nel quale si inserisce la preghiera e in particolare l’atteggiamento del coro nei confronti dell’imminente morte di Alcesti. Già nella parodo il coro aveva mostrato di conoscere l’ineluttabilità del destino di morte di Alcesti21, di fronte alla quale aveva manifestato sfiducia nel ricorso a pratiche religiose quali la consultazione degli oracoli o i sacrifici agli dèi22. L’unica possibilità di salvezza per Alcesti si collocava nell’ambito di un’ipotesi irreale, quella dell’esistenza in vita di Asclepio23, il figlio di Apollo in grado di resuscitare i morti, fulminato da Zeus proprio per aver esercitato questa capacità. Più articolato appare l’atteggiamento del coro nel primo stasimo,

17   V.  65-69. D.  J. Mastronarde, «  Euripidean Tragedy and Theology  », SemRom, 5, 2002, p. 17-49, in part. p. 45, osserva : « Apollo predicts Heracles’arrival, but it would be odd to say that he in particular causes it ». Sulla mancanza di un rapporto tra Apollo e l’intervento di Eracle cf. anche Bell, « Euripides’Alkestis… », p. 47 (per il quale l’azione di Eracle si collocherebbe piuttosto sul piano di una decisione umana) ; Bergson, « Randbemerkungen zur Alkestis… », p. 9 sq. ; diversamente A. M. Dale, Euripides. Alcestis, Oxford, 1954, p. xxii ; Pippin Burnett, « The Virtues of Admetus », p.  243, 250. Secondo R. Hamilton, «  Prologue Prophecy and Plot in Four Plays of nel prologo Euripides », AJPh, 99, 1978, p. 277-302, in part. p. 293, poiché non crede alla profezia di Apollo sull’arrivo di Eracle, per il pubblico resta incerto se esso avrà realmente luogo. 18   Sul contrasto tra i mezzi usati da Apollo e da Eracle nei confronti di v del dio avrà cf. Brillante, « L’Alcesti di Euripide… », p. 44 : « Dove è fallita la buon esito la giusta violenza dell’eroe » ; Bell, « Euripides’Alkestis… », p. 47 sq. 19   V. 843-854 e 1140-1142. 20   Sul contrasto tra l’impotenza del dio Apollo e la forza vittoriosa del mortale Eracle, cf.  Bergson, «  Randbemerkungen zur Alkestis…  », p.  10. Secondo C. Wildberg, Hyperesie und Epiphanie. Ein Versuch über die Bedeutung der Götter in den Dramen des Euripides, München, 2002, p.  26, 28 gli dèi (e nello specifico Apollo) non intervengono direttamente nell’azione dell’Alcesti, perché essa si basa piuttosto sulle azioni degli uomini orientate in base a principi morali simboleggiati dagli dèi : Eracle è spinto dall’ospitalità di Admeto. a combattere contro 21   V. 105-107 ( ) ; / ). 118-119 ( 22   V. 112-120. 23   V. 121-129.

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all’interno del quale si colloca la preghiera. La domanda iniziale rivolta a Zeus sull’esistenza di mezzi per evitare la sciagura incombente sui sovrani24 sembra oscillare tra l’intonazione retorica e quella reale e quindi tra la convinzione che il destino di morte di Alcesti sia ormai segnato e la tenue speranza che gli dèi possano ancora allontanarlo. La consapevolezza razionale dell’evidenza della situazione (ossia dell’incombente 25 … , morte di Alcesti), espressa efficacemente dall’anadiplosi appare al coro stesso in forte contrasto con la decisione di rivolgere una 26  : il preghiera agli dèi, come è rilevato dal nesso avversativo ricorso alla preghiera si fonda su una generica fiducia nella grandezza del potere degli dèi27, che però ironicamente proprio nel caso del suo destinatario, Apollo, è (come si è visto) mal riposta. Tra il piano della realtà, nel quale la morte di Alcesti rappresenta una certezza (come il coro afferma chiaramente nell’antistrofe28), e il piano della preghiera, nel quale sembra ancora possibile allontanarla, esiste quindi una contraddizione insanabile, che appare compromettere in partenza la possibilità che la preghiera stessa venga esaudita e confermarne il carattere vano. L’ambiguità della divinità alla quale viene indirizzata la preghiera, che abbiamo osservato nel caso di Apollo nell’Alcesti, trova espressione anche nell’Ifigenia in Tauride nella preghiera (v. 1082-1088) che Ifigenia rivolge ad Artemide dopo aver ritrovato il fratello Oreste (accompagnato dall’amico Pilade) e aver appreso che egli, in base a un oracolo di Apollo,

  V. 213-214.   V. 218. Giustamente Susanetti, Euripide. Alcesti, p. 186 ad 218, osserva che ;... ; proposta da J. Diggle, Euripidea, Oxford, 1994, p. 9 sq. e la congettura 199, basata sulla considerazione che la morte di Alcesti non è realmente evidente, presenta un eccesso di razionalizzazione. 26   V. 218. 27   V. 220 ( ). Opposto è il caso di Eur., Tr. 469-471 , / ( ,/ , dove Ecuba invoca gli dèi pur dichiarandosi consapevole che essi sono cattivi alleati e che quindi non potranno aiutarla e riformare il culto. Divinazione e (su questo passo cf. M. S. Mirto, « Salvare il razionalità nell’Ifigenia Taurica », MD, 32, 1994, p. 55-98, in part. p. 72 n. 27. Secondo G. Paduano, Euripide. Alcesti, Firenze, 1969, p. 49 ad 218 sqq., « la pura possibilità fideistica resta in piedi anche dopo qualsiasi smentita della realtà fattuale ». 28   La morte di Alcesti è presentata come un evento già compiuto (v. 226-228 : / ), dell’immediato futuro (v. 230-232 : ... / ) o che si sta svolgendo nel presente / / (v. 234-237 : // ). 24 25

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potrà sottrarsi alla persecuzione delle Erinni solo se porterà ad Atene la statua della dea29 :

Dopo l’invocazione iniziale, limitata all’appellativo , la preghiera presenta anche in questo caso la formulazione da-quia-dedisti. L’argomentazione, secondo un modulo stilistico tradizionale30, è costituita da una proposizione relativa, con la quale Ifigenia ricorda che la dea un tempo in Aulide l’ha salvata dalla mano omicida del padre Agamennone31. Tale beneficio è però intrinsecamente ambiguo, sia perché era stata la dea stessa a richiedere ad Agamennone di offrirle in sacrificio la figlia32, sia perché Artemide, dopo aver salvato la vita a Ifigenia, aveva voluto che fosse sua sacerdotessa in un culto che prevedeva che fossero sacrificati tutti gli stranieri giunti in Tauride33, sacrifici verso i quali Ifigenia esprime altrove la sua ripugnanza morale34 e arriva addirittura a dubitare che essi siano realmente richiesti dalla dea e non, piuttosto, dagli uomini barbari tra i quali si trova a vivere35. Il rapporto tra l’argo  V. 976-982 ; per l’oracolo, cf. anche v. 85-91.   Per la formulazione dell’argomentazione con una proposizione relativa in una preghiera omerica del tipo da-quia-dedisti, cf. Il. X, 278-280. 31   V. 28-30 ; cf. anche Eur., IA 1582-1595. 32   V. 17-24 ; cf. anche Eur., IA 89-91, 358 sq., 1570-1574. 33   V. 34-41 ; 344 sq. Sull’ironia della situazione, ved. Mastronarde, « Euripidean Tragedy and Theology », p. 27. 34   V.  35 sq. ( ;/ ) ; ai v. 585-587 Ifigenia tiene a precisare, riportando le parole di un prigioniero greco, che Artemide e non ella stessa è la vera responsabile dei sacrifici / / umani ( ). Anche il coro considera empi i sacrifici richiesti da ... / Artemide (v.  463-465  : ] ). M. Wright, Euripides’ Escape Tragedies. A Study of /[ Helen, Andromeda and Iphigenia among the Taurians, Oxford, 2005, p. 190, giudica ambivalente l’atteggiamento di Ifigenia nei confronti dei sacrifici umani che è tenuta a compiere, poiché da altri passi (v. 336 sq., 357 sq., 439-446) emerge che ella si augurava che le capitasse di poter sacrificare i suoi nemici. 35   V. 384-391 : ; (sc.  ) / / / ':/ 29 30

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mentazione, riferita al passato, e la richiesta, collocata nel presente, è posto in risalto, con il lessico tradizionale già notato nell’Alcesti, da kai; 36  ; il parallelismo tra le due situazioni viene inoltre evidenziato dalla . La prima parte della richiesta di Ifigenia, nella quale ripresa di ella prega la dea di salvarla ora come ha fatto in passato, apparentemente trova giustificazione nella benevolenza manifestata un tempo da Artemide nei suoi confronti. Va però rilevato che la salvezza richiesta da Ifigenia consiste nella possibilità di tornare in Grecia37, sottraendosi alle sue funzioni di sacerdotessa e liberandosi dal compito di sacrificare gli stranieri38, prospettiva che non può essere gradita alla dea. Attraverso la Ifigenia estende inoltre la richiesta di salvezza a , particella ossia a Oreste e a Pilade, per i quali però l’argomentazione (riguardante la sola Ifigenia) è priva di valore. La possibilità che la richiesta di salvezza per Oreste e Pilade sia accolta appare ancora più incerta, perché la dea da una parte è colei la cui statua, se trasportata in Grecia, potrà salvare Oreste, ma dall’altra è anche e soprattutto colei che richiede siano sacrificati tutti gli stranieri giunti in Tauride. Entrambe le richieste di salvezza di Ifigenia (riguardanti rispettivamente se stessa e Oreste) hanno quindi in Artemide un destinatario al contempo « sbagliato » e « giusto » : « sbagliato » perché la dea è ostile verso gli stranieri e in linea teorica non potrebbe essere propensa a lasciare andare via Ifigenia ; « giusto » per la benevolenza manifestata in passato da Artemide verso Ifigenia e l’attuale ). C. Wolff, « Euripides’Iphigenia among the Taurians : Aetiology, Ritual, and Myth », ClAnt, 11, 2, 1992, p. 308-334, in part. p. 309-311, ritiene che Ifigenia intenda qui contrapporre un’Artemide pura (greca) a una corrotta (taurica) e in tal modo risolvere le contraddizioni insite nella sua personale situazione di donna greca che assiste i barbari nel sacrificare i suoi connazionali  ; ella spiega il rituale impuro dei sacrifici in Tauride facendo ricorso a un « anthropological rationalizing ». Mirto, … », p. 70-74, interpreta l’incredulità di Ifigenia sulla possibilità che « Salvare il Artemide si compiaccia di sacrifici umani come frutto del suo intellettualismo, che la porta a negare che gli dèi abbiano debolezze e limiti propri degli uomini. Mastronarde, « Euripidean Tragedy and Theology », p. 27 sq., pensa invece a un idealismo morale in cui Ifigenia si rifugia in un particolare momento di sofferenza e di dubbio, ma che non è rappresentativo del suo atteggiamento nei confronti della dea, né costituisce un punto di vista privilegiato nella tragedia. 36   Cf. supra n. 9. 37   Tale è la promessa che le fa Oreste nel caso in cui egli riesca a lasciare la Tauride ; cf. v. 981 sq. ; 1010 sq. Wright, Euripides’ Escape Tragedies…, p. 219, osserva che per Ifigenia (e per Elena nell’omonima tragedia) « escape means not simply getting away but, specifically, returning home to Greece and the civilized society to which they belong ». 38   Ifigenia aveva formulato esplicitamente questa richiesta nel messaggio per / Oreste (v. 774-776 : / ).

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status di sacerdotessa della ragazza, nonché per la necessità di condurre la statua della dea ad Atene al fine di liberare Oreste dalle Erinni. La tragedia non offre elementi per stabilire quale sia il reale atteggiamento di Artemide nei confronti dello spostamento della sua statua ad Atene (in quanto ella non agisce né per favorirlo né per ostacolarlo) e anche i personaggi manifestano in proposito opinioni contrastanti  : secondo Oreste Artemide non poteva essere in disaccordo col fratello, altrimenti non si sarebbero spiegati l’oracolo di Apollo e l’incontro tra Ifigenia e Oreste stesso39 ; Toante ritiene invece che la dea si opponga alla fuga dei due fratelli40. In questa condizione di incertezza sulla disponibilità della dea a esaudire la preghiera, la formulazione da-quia-dedisti appare insufficiente e viene ampliata attraverso altri argomenti, nei quali vengono prospettate ad Artemide le conseguenze alle quali andrebbe incontro se accogliesse o meno la richiesta. Ifigenia dapprima, riprendendo il tema dell’oracolo di Apollo già oggetto delle riflessioni di Oreste, fa osservare in tono minaccioso alla dea che se non salverà Oreste e Pilade si renderà responsabile della fama di mendacità dell’oracolo di Apollo41. Quest’argomento trae implicitamente la sua efficacia dalla circostanza che Apollo è fratello di Artemide. Tale rapporto di parentela sarà esplicitamente ricordato da Ifigenia in un’altra preghiera rivolta ad Artemide nel corso della sua fuga con Oreste42, nella quale l’analogia tra l’affetto nutrito da Artemide per Apollo e quello di Ifigenia per Oreste diventerà l’argomento principale per persuadere la dea ad aiutarli43.   V. 1012-1016. Mirto, « Salvare il … », p. 91 sq., osserva che Oreste « dà (…) ormai credito ad Apollo anche per quanto egli aveva taciuto », ossia crede che « il consenso divino riguardi anche la liberazione di Ifigenia, oltre a quella dell’idolo di Artemide ». 40   V. 1425 sq. 41   Mirto, « Salvare il … », p. 82, nota in questa minaccia il rovesciamento con il quale si esprime gratitudine nella preghiera antica. Sull’atteggiadell’ mento di Oreste e di Ifigenia nei confronti dell’oracolo di Apollo, cf. Wright, Euripides’ Escape Tragedies…, p. 368. 42   V. 1398-1402. 43   V. 1401 sq. ( :/ `). La preghiera dei v. 1398-1402 utilizza, oltre a questo, anche altri elementi analoghi a quelli dai quali è costituita la preghiera dei v. 1082-1088 (benché con una differente articolazione e con una formulazione più esplicita) : alla menzione della salvezza procurata un tempo da Artemide a Ifigenia corrisponde quella del suo attuale ) ; alla richiesta di accettare status di sacerdotessa della dea (v. 1399 : il trasferimento da una terra barbara ad Atene, quella di permettere che Ifigenia stessa ... / ) ; alla ritorni nella sua patria (v. 1399 sq. : promessa di offrire alla dea una situazione migliore, la richiesta del perdono (v. 1400 : 39

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In secondo luogo Ifigenia riformula la sua richiesta in modo più concreto e circostanziato, specificando come la dea possa procurare la salvezza. L’imperativo bh`qi, tradizionalmente usato nelle preghiere (come quello di altri verbi di movimento) per invocare in termini generali l’arrivo salvifico della divinità44, qui è rifunzionalizzato mediante il prefisso - per esprimere la richiesta ben precisa che la dea, nella forma della sua statua, accetti di abbandonare il luogo in cui è oggetto di culto per trasferirsi ad Atene. Nella successiva argomentazione, introdotta da , attraverso la presentazione di questo trasferimento come vantaggioso per Artemide (concetto enfatizzato dalla collocazione di in fine di verso) Ifigenia manipola verbalmente la situazione in maniera tale che il rapimento della statua (atto che sarà giudicato dal messaggero il tradimento di un’ingrata45, che Ifigenia stessa teme di non poter nascondere ad Artemide46 e per il quale le chiederà in seguito perdono47) si trasformi in un beneficio che ella offre alla dea. Questo rovesciamento di prospettiva si basa sulla contrapposizione tra la terra barbara ) nella quale attualmente dimora Artemide, e Atene ( … (luogo nel quale sarà trasportata la sua statua), definita . Esso si inserisce quindi nell’ambito di uno dei temi fondamentali della tragedia, quello della purificazione di Artemide e del suo culto mediante l’oracolo del fratello Apollo e attraverso l’influenza civilizzatrice della dea Atena e della città di Atene48. Rispetto alla formula da-quia-

). L’affinità tra la mentalità espressa dalle due preghiere, che fa riferimento agli « interessi » della divinità, è rilevata da Aubriot-Sévin, Prière et … », p. 80-82, osserva come conceptions religieuses…, p. 38. Mirto, « Salvare il entrambe le preghiere proiettino sul piano divino il rapporto di filiva umana tra fratelli che lega Ifigenia e Oreste. 44   Per gli imperativi dei verbi di movimento nelle preghiere, cf.  Pulleyn, Prayer…, p. 136-144 ; per Euripide, cf. V. Langholf, Die Gebete bei Euripides und die i, ved. zeitliche Folge der Tragödien, Göttingen, 1971, p. 59 sq. ; in particolare per . Eur., Ph. 681 (preghiera del coro ad Epafo) : 45   V. 1418 sq : h} (sc. Ifigenia) / . 46   V. 995 sq. : / . 47   V. 1400 cit. supra n. 43. 48   Cf.  Mastronarde, «  Euripidean Tragedy and Theology  », p.  28  ; Mirto, … », p. 79 sq., ritiene che la rifondazione del culto sia gradita ad Arte« Salvare il mide. Nell’ambito di una successiva preghiera ad Artemide Ifigenia riprenderà questo ) ; tema promettendole che abiterà in una casa pura (v. 1231 : il trasferimento della dea ad Atene è presentato inoltre come un ritorno a casa dal / ). Cropp, coro (v. 1123 sq. : Euripides. Iphigenia in Tauris, p. 238 ad 1086-8, confronta l’invito rivolto da Ifigenia ad Artemide con quello di Atena alle Erinni in Aesch., Eu. 794-103.

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dedisti, le ulteriori argomentazioni portate da Ifigenia spostano quindi tra la divinità l’attenzione dal passato al futuro e dai rapporti di e l’orante (con gli obblighi che essi comportano) agli « interessi » della divinità stessa49. Un ribaltamento a livello contenutistico della tradizionale formulazione da-quia-dedi si osserva con particolare evidenza in due preghiere dell’Elena. La prima è pronunciata da Menelao e si inserisce in una rhesis (v. 947-995) nella quale egli cerca di persuadere Teonoe a non rivelare a Teoclimeno che egli è giunto in Egitto e a permettergli così di portare via Elena. Menelao si rivolge dapprima al defunto padre di Teonoe e Teoclimeno, Proteo, per chiedergli di intercedere presso la figlia affinché egli possa riottenere Elena (v. 962-968). Subito dopo egli indirizza una preghiera all’Ade contenente una richiesta analoga (v. 969-974) :

Dopo la breve invocazione iniziale e l’esplicitazione del collegamento tra la richiesta rivolta a Proteo e la preghiera all’Ade (che l’es` sembra porre sul medesimo piano), pressione anche in questo caso, come nell’Ifigenia, l’argomentazione è costituita da una proposizione relativa. Il beneficio offerto in passato all’Ade consiste nei numerosi morti caduti in combattimento per mano di Menelao nella guerra di Troia. In tale offerta sono stati diversamente coinvolti sia l’orante, Menelao, sia l’oggetto della richiesta, Elena : le pongono in evidenza come espressioni l’uno ne sia stato il mezzo e l’altra il fine. La natura anomala, in quanto non autenticamente volontaria, dell’offerta è però implicitamente rile, che allude all’inganno in cui gli vata proprio dal sintagma dèi (nella versione del mito accolta nella tragedia) hanno tratto Menelao : egli credeva di combattere per Elena, la donna che ora ha dinanzi (come 49   Cf.  Aubriot-Sévin, Prière et conceptions religieuses…, p.  238. A proposito della preghiera di Ifigenia la studiosa osserva inoltre che, anche se nella prima parte appare evidente la struttura tripartita, nella seconda parte essa si sviluppa come « une succession entrelacée d’arguments et d’impératifs » (p. 230), con una complessa riutilizzazione degli elementi tradizionali.

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è indicato dal deittico ), mentre in realtà si batteva vanamente per un’immagine50. Per riferirsi a quest’offerta, estortagli con l’inganno, , il verbo tradizionale per indicare la Menelao dapprima usa benevola accoglienza dei doni o dei sacrifici da parte della divinità51, ma poi brutalmente passa a presentare il rapporto con Ade in termini per . Se quindi l’arcosì dire economici attraverso l’espressione gomentazione formalmente si inserisce nell’ambito dello schema daquia-dedi, sostanzialmente consiste invece nel rinfacciare (sia pure in maniera implicita) agli dèi il comportamento scorretto che essi hanno tenuto nei confronti dell’orante, al quale sono pertanto tenuti a rimediare. La richiesta, collegata all’argomentazione anche in questo caso , è insolitamente formulata attraverso due alterattraverso l’avverbio native ( ]… ]) : l’assoluta impossibilità che la prima di esse, nella quale Menelao chiede all’Ade la restituzione in vita dei guerrieri da lui uccisi a Troia, venga esaudita52, conferisce carattere perentorio alla seconda e autentica richiesta, avente come oggetto la restituzione di Elena. Il rapporto tra le due alternative è dato proprio dall’idea della restituzione,  : per le offerte dei morti rilevata dalla ripetizione del verbo all’Ade, che egli ha compiuto tratto in inganno dagli dèi sull’identità della donna per la quale si batteva, Menelao sente di aver diritto a un contraccambio53, che può esplicarsi o (paradossalmente) nel ritorno in vita degli uomini morti invano o (più concretamente) nella possibilità di riottenere la donna per la quale egli a torto credeva di combattere. Se nella prima alternativa Menelao chiede all’Ade la restituzione diretta ) dei morti caduti in battaglia, nella seconda (poiché (v. 972 : 50   Wright, Euripides’ Escape Tragedies…, p. 295 sq., vede in quest’espressione (con la quale Menelao mostrerebbe di credere che la guerra di Troia sia stata combattuta non per un fantasma, ma per la donna reale che ha davanti a sé) uno degli elementi che testimoniano come nell’Elena Euripide abbia creato una situazione che egli stesso mina dall’interno  ; sul carattere vano della guerra di Troia e la disillusione che esso provoca nel pubblico, cf. inoltre p. 280 sq. 51   Cf. e. g. Il. II, 420 ; Aristoph., Lys. 204. 52   Nella preghiera di Menelao, Pulleyn, Prayer…, p.  35, vede un «  dark humour ». 53   Analogamente nella preghiera rivolta da Menelao a Zeus ai v.  1441-1450 egli farà riferimento alle sofferenze subite in passato, per le quali ritiene di dover ora avere una sorte migliore. Pulleyn, Prayer…, p. 198 e n. 7, individua un precedente per quest’idea in Od. VI, 325 sq., dove Odisseo rinfaccia a Zeus di non averlo ascoltato in passato, e confronta inoltre Eur., Ph. 84-87, dove Giocasta chiede a Zeus di non permettere che a soffrire siano sempre le stesse persone (ossia i membri della sua famiglia). Il caso di Menelao è tuttavia differente, perché gli dèi stessi sono i diretti responsabili delle sue sofferenze e della situazione nella quale si trova.

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Elena, essendo ancora viva, non rientra nell’ambito della sfera d’azione del dio) gli chiede invece di agire indirettamente, costringendo Teonoe alla restituzione della sua sposa (v. 973 sq. : , dove l’uso del termine pone in risalto come ciò che Menelao ritiene essergli dovuto sia il ripristino del legittimo legame matrimoniale). Anche nella richiesta rivolta da Menelao a Proteo l’idea centrale ), che ugualmente non è quella della restituzione di Elena (v. 963 : può essere soddisfatta in maniera diretta perché il suo destinatario è ) : l’analogia morto (v. 965 : tra la condizione di Proteo e quella dell’Ade, signore dei morti, è messa (v. 966) per indicare il luogo in cui si trova in risalto dall’uso di come appellativo dell’Ade (v. 969). La possibilità di Proteo e di indirizzare a Proteo una richiesta che egli sia in grado di soddisfare è quindi tacitamente messa da parte, per lasciare il posto a una considerazione sull’opportunità che Teonoe si comporti in modo da permettere la restituzione di Elena, sostituendosi al padre nell’adempimento dell’obbligo54 : sia qui sia nella preghiera all’Ade Menelao indica come motivazione che dovrebbe spingere la sacerdotessa ad agire in tal senso la volontà di mostrarsi degna del buon nome paterno (cf. v. 966-968 : /  ; / ). La 973 sq. : richiesta a Proteo e la preghiera all’Ade sembrano perciò essere entrambe utilizzate da Menelao non tanto per il loro valore intrinseco (giacché nessuno dei due, appartenendo al mondo dei defunti, può agire direttamente per la restituzione di Elena), ma piuttosto come mezzi retorici atti a rafforzare l’azione di persuasione che egli sta cercando di esercitare su Teonoe55. Ciò è esplicitamente indicato nel caso delle parole rivolte a ) ed appare confermato Proteo (v. 960 : da richiami lessicali tra le allocuzioni a Proteo e all’Ade e la sezione della rhesis indirizzata direttamente a Teonoe, dove compaiono, oltre all’im(v. 956)56, le espressioni `ó (v. 958) perativo (v.  987), che esprimono e   D. Susanetti, Euripide. Fra tragedia, mito e filosofia, Roma, 2007, p.  172, osserva in proposito che « Teonoe è chiamata a “rappresentare” Proteo ». 55   Sulla retorica come mezzo attraverso il quale Teonoe è condotta alla decisione di aiutare i Greci, cf. Wright, Euripides’ Escape Tragedies…, p. 297. 56   L’idea della restituzione, indicata dal verbo , è presente anche nella precedente rhesis con la quale Elena cerca di persuadere Teonoe a schierarsi dalla parte sua e del marito (v. 913, 916) e in quella nella quale Teonoe accetta infine le richieste di Elena e Menelao (v. 1011 sqq.). 54

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l’idea della cattiva fama che Teonoe attirerebbe su se stessa e sul padre se non soddisfacesse la richiesta di Menelao57. L’analogia tra la richiesta a Proteo e la preghiera all’Ade si osserva anche nell’argomentazione, che nel caso di Proteo consiste nel compito affidatogli da Zeus di custodire Elena per riconsegnarla un giorno al legittimo marito58, in quello dell’Ade (come si è visto) nei morti offertigli da Menelao : in entrambi i casi Menelao si appella pertanto a un diritto acquisito e all’idea di giustizia, che è esplicitamente posta alla base della richiesta rivolta a Teonoe59. La crudeltà manifestata in passato dalla divinità nei confronti dell’orante, alla quale si alludeva soltanto nella preghiera a Menelao, è invece indicata in forma più esplicita nella preghiera che Elena, prima di mettere in atto l’inganno nei confronti di Teoclimeno, rivolge ad Afrodite, facendola precedere da un’altra preghiera indirizzata ad Era (v. 1093-1106) :

57   Nella sua rhesis Teonoe affermerà di accogliere la richiesta di restituzione /  ; sia per non disonorare il padre (v. 999 sq. : … ) sia per v. 1028 sq. : ). non attirarsi ella stessa una cattiva fama (v. 1000 sq. : 58   V. 963 sq. : … v. 59   Cf. v. 959 ( ), 995 ( ). L’idea che la restituzione di Elena a Menelao si appelli a un principio di giustizia è sostenuta anche da altri personaggi : cf. v. 923  : Elena) ; sul discorso di Elena, che cerca di persuadere Teonoe della « com( – » della sua richiesta di salvare Menelao, che ha diritto pelling legitimacy – , cf. G. Zuntz, « On Euripides’ Helena : Theology and a lei in quanto Irony  », in Euripide (Entretiens sur l’antiquité classique, 6), Vandœuvres – Genève, ), 1010 sq. ( 1960, p. 199-241, in part. p. 210 sq. ; cf. anche v. 1002 ( ) ; v. 1031 (  : coro). /

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Entrambe le dee sono state, sia pure in maniera diversa, causa delle sofferenze di Elena : Era come responsabile dell’inganno con il quale, per vendicarsi della sconfitta subita nel giudizio sulla bellezza delle dee, aveva mandato a Paride non la vera Elena, ma una sua immagine60, Afrodite come colei che aveva promesso a Paride le nozze con Elena61. Ora, come ha affermato in precedenza Teonoe, esse hanno nei confronti del ritorno in patria di Elena e di Menelao due atteggiamenti opposti : Era è favorevole, Afrodite ostile, perché l’una desidera che i Greci sappiano del carattere illusorio delle nozze tra Elena e Paride, l’altra non vuole si sappia in che modo ha ottenuto la vittoria nella contesa62. La sacerdotessa ha consigliato pertanto a Elena e Menelao, per la riuscita della loro fuga, di rivolgere innanzitutto una preghiera ad entrambe le )63, vista dee, che si configura più esattamente come una supplica ( 64 la condizione di grave difficoltà in cui si trova la coppia . Le due preghiere appaiono estremamente diverse, in primo luogo perché Era, a differenza di Afrodite, non ha bisogno di essere convinta ad aiutare Elena e Menelao, ma solo confermata nelle sue intenzioni favorevoli65, in secondo luogo per la diversa natura delle due dee, l’una protettrice del matrimonio e della famiglia, l’altra dea della passione amorosa priva di freni66.   Cf. v. 31-36 (Elena racconta gli antefatti della tragedia), 260 sq. (Elena accusa Era delle sue sventure), 608-611 (l’immagine di Elena prima di svanire informa Frigi e ), 674-682 Achei che a Troia si procuravano vicendevolmente la morte Ó (Elena indica in Era la responsabile delle sue disgrazie), 708 (Menelao, in base al racconto di Elena, attribuisce alla dea la responsabilità dell’inganno), 1132-1136 (il coro di Elena). indica Era come colei che ha creato l’ 61   Cf. le accuse rivolte da Elena ad Afrodite, indicata come responsabile delle sue sventure, ai v. 27-30, 238-240, 363-366, 681 ; ved. anche v. 1117-1121. 62   Cf.  v.  880-886. Sul significato dell’atteggiamento di Era e di Afrodite nei confronti di Menelao e di Elena, cf. Zuntz, « On Euripides’ Helena… », p. 211-214, che interpreta le due divinità (nel contesto di una tragedia nella quale ha grande importanza il tema dell’inconoscibilità e dell’incomprensibilità degli dèi) come « mythological embodiments of the incalculable and unmanageable forces which preside over all man’s strivings » (p. 217), forze che l’uomo non può che accusare o pregare. 63   Cf. v. 1024 : . 64   Per la supplica come richiesta di aiuto da parte di chi si trova in «  dire straits  », cf.  Pulleyn, Prayer…, p.  56  ; sulla supplica in generale è fondamentale J. Gould, « Hiketeia », JHS, 93, 1973, p. 74-103. 65   Cf. v. 1026 sq. (Teonoe) : Ó / . 66   Cf. F. Chapot, B. Laurot, Corpus de prières grecques et romaines, Turnhout, 2001, p.  127, i quali evidenziano inoltre la diversità sia negli appellativi con i quali Elena si rivolge alle due dee sia nella formulazione (positiva nel primo caso, negativa nel secondo) delle richieste. 60

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Nella preghiera ad Afrodite, che è oggetto della nostra indagine, l’argomentazione, consistente ancora una volta in una proposizione relativa e inserita all’interno dell’invocazione, presenta solo apparentemente la tradizionale forma da-quia-dedi : il beneficio che Afrodite ha tratto in passato da Elena (la vittoria nella gara di bellezza) è stato ottenuto attraverso un mezzo (il falso matrimonio di Elena e Paride) che non costituisce un’offerta dell’orante, ma al contrario dipende da un’azione della dea (la promessa a Paride delle nozze con Elena), causa di gravi sventure per l’orante stessa. Questo genere di argomentazione, che non si appella tra la divinità e l’orante, ma, all’opposto, alle a un rapporto di sofferenze inflitte in passato da Afrodite ad Elena, determina il carattere apotropaico della richiesta : Elena chiede ad Afrodite di non distruggerla, ossia di non persistere nel suo atteggiamento negativo fino alle estreme conseguenze. A questa prima richiesta segue una nuova formulazione dell’argomentazione, nella quale si fa più esplicito riferimento alle sofferenze di , Elena (indicandone la collocazione temporale nel passato con tradizionalmente usato invece per i benefici arrecati dalla divinità67) : l’attenzione si sposta infatti dal vantaggio che Afrodite ha tratto dalle nozze di Paride con Elena al disonore che ne ha ricavato Elena stessa … )68 e al modo (posto in risalto dalla figura etimologica illusorio con il quale è stato attirato su di lei (evidenziato dall’opposi… )69. Appare evidente l’analogia fra queste zione argomentazioni e quella della preghiera indirizzata da Menelao all’Ade : in entrambi i casi esse, pur inserendosi apparentemente nell’ambito della tradizionale formula da-quia-dedi, fanno in realtà riferimento (implici-

  Cf. Il. I, 453, cit. supra n. 9.   Il linguaggio usato da Elena sarà ripreso da Menelao in una successiva preghiera a Zeus (v. 1441-1450), per riferirlo alle sofferenze subite non da uno soltanto, ma da entrambi i membri della coppia e chiedere che esse cessino (senza però in questo caso ) accusare direttamente la divinità) ; cf. v. 1099 ( ). con v. 1446 ( 69   L’opposizione tra il nome di Elena e il suo corpo (o la sua persona), volta a mettere in risalto come la guerra di Troia non sia stata combattuta per una persona reale, costituisce un leitmotiv della tragedia ; cf. v. 42 sq. ( / ) ; 66 sq. ( / /) ; cf. anche v. 249-251 ( / / ) e, per il nome di Elena / // come causa di sventure, v. 196-199 ( / )  ; sulla opposizione nome/corpo di Elena come forma del contrasto illusione/realtà, ved. Wright, Euripides’ Escape Tragedies…, p. 290. 67 68

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tamente per Menelao, esplicitamente per Elena) all’inganno divino della , che, sia pure in modi diffesostituzione della vera Elena con l’ renti, è stato fonte di sofferenze in passato tanto per Elena (che è andata incontro a una cattiva fama immeritata) quanto per Menelao (che ha combattuto invano)70. Nella preghiera di Elena alla riformulazione dell’argomentazione in maniera più esplicita corrisponde un’analoga presentazione di una nuova richiesta, che però, in considerazione dell’ostilità di Afrodite nei confronti dell’orante, assume una forma attenuata : la richiesta di ritornare sana e salva in patria si trasforma, con un’evidente punta polemica verso la divinità, in una richiesta di morire in patria, nella quale Elena riprende la terminologia usata da Teonoe nell’indicarle l’oggetto della preghiera da rivolgere ad Afrodite, ma sos71 a . tituisce L’attribuzione alla divinità della responsabilità delle sofferenze dell’orante, osservata nelle argomentazioni della preghiera di Elena, si inserisce nell’ambito di una tradizione, risalente già a Omero, che introduce nelle preghiere critiche al comportamento degli dèi72. Mentre però generalmente le critiche alle divinità all’interno delle preghiere sono limitate al modo in cui esse hanno agito nella specifica situazione riguardante l’orante, Elena dopo la richiesta trasporta tale critica su di un piano generale, rivolgendo ad Afrodite un aspro biasimo (nella forma di una proposizione interrogativa, che ha la funzione non tanto di attenuarlo quanto di esprimere sconcerto), che investe la natura stessa della dea, dedita agli inganni d’amore. La successiva considerazione, se da una parte vuole mitigare la critica rivolta ad Afrodite, prospettando la pos… , dall’altra, con l’opsibilità che ella risulti … , si presenta, sia pure nella posizione a distanza forma del periodo ipotetico, come una vera e propria indicazione da parte dell’orante alla dea sul comportamento da adottare73. 70   La comunanza di sofferenze tra Elena e Menelao e la differente natura di tali sofferenze è stata esplicitamente rilevata dal messaggero al v. 716 sq. ( / /). 71   Cf. v. 1101 sq. ( … /) con v. 1025 ( ). 72   Cf. le preghiere citate da Pulleyn, Prayer…, p. 196-203. Il tema è specificamente affrontato da J. Labarbe, « La Prière contestataire dans la poésie grecque », in H. Limet, J. Ries (edd.), L’expérience de la prière dans les grandes religions. Actes du colloque de Louvain-la-Neuve et Liège, Louvain, 1980, p. 137-148. 73   Nel contrasto tra l’Afrodite moderata e quella eccessiva Zuntz, « On Euripides’ Helena… », p. 225, vede un’allusione al contrasto tra l’Elena della tragedia e quella omerica. Analogamente in Eur., Med. 627-631, si stabilisce una contrapposizione tra ), causa di danni, e Afrodite moderata, considerata la più l’eros eccessivo (

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Nelle preghiere esaminate la libera ripresa della struttura, delle forme e del lessico della preghiera omerica è utilizzata per veicolare contenuti in aperto contrasto con quelli tradizionali : i benefici concessi dalle divinità hanno carattere ambiguo (Alcesti e Ifigenia), quelli che esse hanno ricevuto dagli oranti sono stati estorti con l’inganno (Menelao) o hanno causato grandi sofferenze agli oranti stessi (Elena), la possibilità che gli dèi esaudiscano le preghiere appare incerta o remota. Di fronte a tali divinità i mezzi di persuasione della preghiera tradizionale sono insufficienti o inadeguati : l’invocazione (che tradizionalmente dovrebbe contenere gli epiteti e indicare le prerogative del dio) è ridotta al minimo, mentre le strutture da-quia-dedisti o da-quia-dedi vengono opportunamente ampliate e rielaborate con l’introduzione di argomentazioni di natura differente e con la riformulazione della richiesta in termini diversi o la sua presentazione in una forma atipica ; non mancano critiche più o meno esplicite all’operato della divinità (Elena), che, pur inserendosi in una tradizione consolidata, acquistano in questo contesto un particolare rilievo. I personaggi indirizzano le preghiere alle divinità alle quali ritengono naturale rivolgersi per i rapporti intercorsi in passato e/o per l’influenza che esse potrebbero esercitare sulla situazione presente. Proprio queste divinità, però, si rivelano paradossalmente inadeguate a esaudire le preghiere loro rivolte : non è un caso che non solo nell’Alcesti, ma anche nell’Ifigenia e nell’Elena, le richieste formulate dagli oranti vengano soddisfatte da altri dèi, che compaiono nell’esodo ex machina : Atena nell’Ifigenia74 e i Dioscuri, messaggeri del volere di Zeus, nell’Elena. Giovanna Pace Università degli Studi di Salerno

piacevole delle divinità ( / ). Le conseguenze degli eccessi di Afrodite sono state simili per Medea e per Elena : entrambe (sia pure in maniera diversa) sono state costrette a lasciare la loro patria per vivere in un paese straniero ; cf. in Eur., Med. 645-653, le considerazioni del coro sulla sventura costituita dall’abbandono del paese natio. Per i danni causati da un eros privo di misura, cf. anche Eur., Hip. 525-529 ; per la gioia portata da un’Afrodite moderata cf. Eur., IA 543-557. 74   Mirto, «  Salvare il …  », p.  93, a proposito dell’intervento finale di Atena, che promette di scortare a destinazione la nave su cui si trovano Oreste, Ifigenia e la statua di Artemide, nota che le preghiere di Ifigenia sono state recepite, « ma indirettamente, ed è una divinità diversa da quelle cui erano rivolte (…) a darne testimonianza sulla scena ».

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DEUXIÈME PARTIE PRIÈRE ET SUPPLICATION

LE PAROLE DEL SUPPLICE : ALCUNE OSSERVAZIONI SU RETORICA E HIKETEIA « Rivolgete agli stranieri parole che suscitino rispetto, muovano al pianto ed esprimano il bisogno, come si addice a forestieri, chiaramente spiegando che il nostro esilio non è originato dal sangue. Accompagni la voce anzitutto un atteggiamento non altero, e un’espressione non temeraria venga dai volti prudenti dall’occhio tranquillo. E non essere prolissa né precipitosa nel discorso : la gente di qui è molto irascibile. »1

Le parole che Danao rivolge alle figlie inducono a riflettere su una questione : è la religione o la retorica a determinare la salvezza del supplice ? In altre parole, cosa induce una comunità ad accogliere dei fore­   : il timore della divinità oppure la stieri presentatisi come persuasione dei loro discorsi ? La risposta potrebbe essere contenuta ancora una volta nelle parole di Danao : « il popolo dei Pelasgi ha ascoltato persuasive scaltrezze oratorie : ma Zeus determinò l’ultima decisione. »2

Tuttavia, la questione non è così semplice, anzi richiederebbe, a mio parere, una trattazione completa che esaminasse tutti i discorsi di stessa. supplica e li mettesse in correlazione con gli esiti dell’ Valga qui solo la posizione di un problema che aspetta di essere ancora indagato. Il mio intento in questa sede è di mettere a confronto un’oraeurizione di supplica presente in Tucidide con una delle molte pidee, anch’essa di supplica, per vedere quali conclusioni se ne possano trarre. Anzitutto, v’è da precisare che storia e tragedia mostrano situadifferenti non tanto nella modalità, quanto negli esiti, zioni di

  Aesch., Suppl. 191-201 (trad. di Giulia e Moreno Morani, Torino, 1987, rist. / , ,/ / , / / v, / / //

1

1998) : / /

  Aesch., Suppl. 623 sq. :

/

2

.

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poiché da una disamina, seppure non completa, dei testi3 risulta evidente che la supplica tragica ha quasi sempre buon fine, mentre nella narracostretti ad uscire dal zione storica non è infrequente il caso di luogo sacro e trucidati. Un esempio famoso è rappresentato dal tentativo di Cilone e dei ciloniani4 di stabilire una tirannide ad Atene, tentativo che, come racconta Tucidide (I, 126, 3-12), termina con un sacrilegio commesso contro la dea della città : « Cilone e i suoi compagni assediati si trovavano in cattive condizioni per mancanza di cibo e di acqua. Quindi Cilone e suo fratello scappano : gli altri, dato che erano oppressi dalla fame, e alcuni anche ne morivano, si siedono come supplici sull’altare dell’acropoli. Ma gli Ateniesi ai quali era stata affidata la sorveglianza, vedendo che stavano per morire nel tempio, li fecero alzare, con il patto che non avrebbero fatto loro alcun male, poi li portarono via e li uccisero. »5

Lo stesso episodio è narrato da Erodoto : « Ed ecco in quali circostanze gli Ateniesi “impuri” ricevettero questo appellativo. Vi era ad Atene Cilone, un vincitore a Olimpia ; costui alzò la cresta fino a mirare alla tirannide e, guadagnatosi l’appoggio di un gruppo di coetanei, tentò di occupare l’acropoli : non essendo riuscito a impadronirsene, andò a sedersi come supplice presso la statua della dea. I pritani dei naucrari, che governavano Atene a quell’epoca, indussero Cilone e i suoi a uscire dal tempio per rendere conto della loro azione, con la garanzia di aver salva la vita. Ma essi furono uccisi e del delitto vennero accusati gli Alcmeonidi. Tutto ciò era accaduto prima dell’età di Pisistrato. »6   Vedi lo schema presente in F. S. Naiden, Ancient Supplication, Oxford, 2006, p. 301-338. La bibliografia del volume è la più recente sulla supplica. 4   Le date convenzionalmente accettate come probabili per la cospirazione di Cilone sono il 632, 628 e 624, ma c’è anche chi sposta il tentativo di Cilone al 552, poiché non crede all’autenticità delle liste dei vincitori olimpici, che collocano la vittoria di Cilone alla trentacinquesima Olimpiade (640). La discussione sulla cronologia è in A. W. Gomme, A Historical Commentary on Thucydides, Oxford, 1956, vol. I, p. 428-430. 5   Thuc., I, 126, 9-11 : 3

  Herod., V, 71 (trad. di F. Bevilacqua, Torino, 1996) :

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le parole del supplice

Ancora Tucidide, poco dopo il racconto della fallita impresa di Cilone, narra un simile episodio di sacrilegio compiuto, questa volta, dagli Spartani : « I Lacedemoni una volta avevano fatto andare via dal tempio di Poseidone al Tenaro alcuni supplici iloti, e dopo averli condotti via li avevano uccisi : loro stessi credono che proprio per questo sia capitato loro il grande terremoto a Sparta. »7

Entrambi gli episodi, e questo degli iloti e quello di Cilone, mostrano motivo di interesse anzitutto nel fatto che i supplici non sono stranieri che cercano accoglienza in uno Stato, ma si tratta, nel caso di , mentre nel Cilone8, di cittadini che si rifugiano sull’altare della secondo caso di schiavi in cerca di liberazione ; né gli uni né gli altri vengono rispettati nella loro dignità di iJkevtai, ma con stratagemmi vengono indotti a lasciare il luogo sacro per essere uccisi. Solo nell’Andromaca di Euripide, per quel ch’io sappia, Ermione minaccia di adottare simili provvedimenti contro Andromaca9, che però sfuggirà alla vendetta della sua rivale, trovando in Peleo il suo protettore. In I, 24, 1-7 lo storico ateniese narra un episodio relativo alla città di Epidamno10 : « negli ultimi tempi prima di questa guerra il popolo scacciò gli aristocratici, e questi, attaccando insieme con i barbari, comincia-

  Thuc., I, 128, 1 :

7

/.   Anche Tucidide, come il passo di Erodoto citato supra, fornisce la notizia che Cilone era un vincitore olimpico ateniese : cf. Thuc., I, 126, 3. 9   Si tratta della sticomitia tra Ermione e Andromaca nel primo episodio della `; / tragedia (Eur., Andr. 253-258)  : (Er.) / (Er.) (An.) / (An.) / (Er.) / (An.) . 10   Sull’importanza di Epidamno, cf.  Gomme, A Historical Commentary…, vol. I, p. 158 : « Epidamnos, the later Dyrrachium, Durazzo, important again in Roman and Byzantine times as the starting-point of the via Egnatia across Illyria to Thessalonike and thence to Byzantion. The date of the colony is said to be 626 or 625 by the ancient chronologers (ap. Eusebios and Hieronymos). […] The modern Durazzo occupies the site of the Greek, Roman, and Byzantine towns ». 8

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rono a depredare sia per terra sia per mare quelli della città. Quando gli Epidamni della città si trovarono in difficoltà, inviarono ambasciatori a Corcira, poiché era la loro metropoli, pregandola di non rimanere indifferente alla loro rovina, ma di riconciliare a loro gli esiliati e di porre fine alla guerra con i barbari. Fecero questa richiesta sedendo come supplici nel tempio di Era. Ma i Corciresi non accolsero la loro supplica, e li rimandarono senza che potessero concludere nulla. »11

Tucidide non spiega il motivo per il quale la supplica degli Epidamni viene respinta dalla madrepatria, ma non è difficile immaginare che si tratti di ragioni di ordine politico; infatti, poco più avanti, lo storico racconta che i cittadini di Epidamno, dopo il rifiuto di Corcira di accordare loro protezione, rivolgono la stessa richiesta a Corinto, che è città fondatrice di Epidamno al pari di Corcira (cf. I, 24, 2). Ma Corinto e Corcira non si trovano in buoni rapporti perché, come si apprende da I, 25, 3-4, sebbene i Corciresi siano coloni dei Corinzi, non li trattano con il rispetto loro dovuto. Dunque è probabile che Corcira abbia rifiutato di accogliere la richiesta di Epidamno per ostilità verso Corinto, città co-fondatrice di Epidamno. Il discorso che gli ambasciatori supplici nell’Heraion della città rivolgono ai Corciresi viene riportato in forma indiretta ed è privo di argomentazioni atte a persuadere l’interlocutore, mentre la preghiera è articolata in una duplice richiesta : aiutarli a riconciliare gli esiliati e porre così fine alla guerra. L’esempio migliore di discorso di supplica ci è fornito nel libro III, 52 sqq., quando Tucidide narra gli eventi relativi all’assedio e alla resa di Platea che, stremata dalla fame, si consegna nelle mani negli Spartani, i quali sottopongono i Plateesi al giudizio di un collegio di cinque magi­ strati inviati da Sparta. La richiesta di Platea è di non cedere la città nelle mani di Tebe, sua avversaria :

  Thuc., I, 24, 5-7 :

11

Tutte le traduzioni e il testo greco di Tucidide sono tratti da Le Storie di Tucidide, a cura di G. Donini, Torino, 1982, rist. 2000. Il corsivo nella traduzione è mio. Per la cronologia della guerra corcirese, qui menzionata, e sulla quale informa anche Diod., XII, 30-33, cf. ancora Gomme, A Historical Commentary…, vol. I, p. 196-199.

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le parole del supplice

« Quando essi furono giunti, non fu mossa nessuna accusa, ma dopo averli convocati chiesero ai Plateesi soltanto questo : se nella guerra che si stava combattendo avessero recato qualche beneficio nei riguardi dei Lacedemoni e dei loro alleati. »12

La risposta dei Plateesi (III, 53-59) inizia con il presentare le argomentazioni che saranno svolte nel discorso : « presenteremo tuttavia i giusti motivi che abbiamo nella nostra disputa con i Tebani e nei riguardi di voi e degli altri Greci, ricorderemo il bene che vi abbiamo fatto e cercheremo di convincervi. »13

La convinzione dunque sarà ricercata dagli oratori attraverso due ) motivazioni : il ricordo del bene fatto ( e la giustezza della propria causa contro quella dei Tebani ( ). Per quanto riguarda la prima argomentazione, i Plateesi rivendicano anzitutto i propri meriti durante la guerra persiana : « Riguardo ai fatti avvenuti durante il periodo di pace e nella guerra contro il Medo, ci siamo mostrati onesti : […] allora fummo i soli tra i Beoti ad andare all’attacco insieme con voi per la libertà della Grecia. Infatti, pur essendo un popolo continentale, combattemmo ad Artemisio nella battaglia navale, e venimmo ad aiutare voi e Pausania nella battaglia che ebbe luogo nella nostra terra ; e in tutti gli altri momenti di pericolo che toccarono ai Greci in quel tempo vi partecipammo al di là delle nostre forze. »14

Nel paragrafo successivo i Plateesi ricordano agli Spartani l’aiuto loro prestato al tempo della ribellione degli Iloti : « E a voi in particolare, o Lacedemoni, proprio quando una gravissima paura gravò su Sparta dopo il terremoto, quando gli Iloti

  Thuc., III, 52, 4  :

12

.   Thuc., III, 54, 1 :

13

. 14

  Thuc., III, 54, 3-4  :

.

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paola cassella

si sono ribellati fuggendo a Itome, inviammo un terzo dei nostri cittadini in soccorso: e di queste cose non è giusto dimenticarsi. »15

Platea ha dunque acquisito dei meriti sia verso tutta la Grecia, combattendo contro i Persiani al fianco di Spartani ed Ateniesi, sia in particolare verso gli Spartani, che i Plateesi hanno aiutato in uno dei momenti di maggiore difficoltà. La seconda argomentazione occupa il cap. 56 e si può riassumere come segue : i Tebani hanno commesso dei torti nei confronti di Platea (56, 1) soprattutto perché hanno cercato di assalire la città mentre era in vigore un trattato di pace, e dunque i Plateesi giustamente si sono difesi (56, 2) ; perciò le azioni tebane vanno giudicate secondo giustizia e non secondo il vantaggio che Sparta può trarre dall’alleanza con Tebe, perché questo pregiudicherebbe la sincerità del giudizio (56, 3). E se anche il criterio dei giudici dovesse essere l’utile immediato ( ), allora bisognerebbe considerare che il vantaggio che i Plateesi hanno arrecato alla Grecia e a Sparta è stato ben maggiore di quello che possono ora portare i Tebani a Sparta (56, 5). Esaurite le argomentazioni, il discorso prosegue con la richiesta di aiuto, introdotta però da un’osservazione : « E noi Plateesi siamo respinti da tutti, noi che fummo pieni d’ardore, al di sopra delle nostre forze, verso i Greci, e siamo abbandonati e indifesi : nessuno degli alleati di allora ci aiuta, e temiamo che voi, o Lacedemoni, nostra unica speranza, siate infidi. »16

Quindi, i Plateesi pregano gli Spartani di non essere uccisi né consegnati ai Tebani e nella parte finale del discorso fanno più esplicitamente riferimento alla condizione di supplici. « Così, concedendo l’immunità alle nostre persone, pronuncereste un giudizio conforme alle leggi divine, se considerate che ci avete presi quando ci arrendevamo spontaneamente e quando tendevamo le mani come supplici (la legge dei Greci vieta di uccidere coloro che fanno questo), e inoltre dopo che siamo sempre stati

  Thuc., III, 54, 5 :

15

.   Thuc., III, 57, 4 :

16

.

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le parole del supplice

vostri benefattori. Volgete lo sguardo alle tombe dei vostri padri, che, uccisi dai Medi e sepolti nella nostra terra, noi onoravamo ogni anno […]. Se voi ci ucciderete e renderete la terra plateese una terra tebana, che altro farete se non lasciare i vostri padri e i vostri parenti in una terra nemica e presso i loro uccisori, e privi degli onori che ora possiedono ? »17

Il richiamo al topos della parentela e della paternità del supplicato è tradizionalmente uno dei punti di forza delle argomentazioni svolte dal supplice e ritorna nella conclusione del discorso dei Plateesi (III, 59, 2) che rinnovano la preghiera di non essere consegnati ai Tebani (III, 59, 4). Dopo il discorso della controparte, i giudici spartani decidono di non accogliere la supplica di Platea per motivi di ordine politico ; come infatti apprendiamo da Tucidide, gli Spartani avevano chiesto ai Plateesi di restare neutrali, ma « poiché essi non avevano accettato la proposta, i Lacedemoni […] ritenevano di essere stati danneggiati dai Plateesi […] E così li condussero avanti uno alla volta e […] li facevano uccidere »18. Negli Eraclidi di Euripide si presenta una situazione simile : i figli di Eracle guidati da Iolao e Alcmena sono fuggiti da Argo, dopo la morte del padre, per evitare di essere uccisi da Euristeo, che però li fa inseguire dai suoi araldi e scacciare dalle terre in cui di volta in volta giungono. Gli Eraclidi si sono ora rifugiati ad Atene come supplici e chiedono alla città, nella persona del re Demofonte, di non essere consegnati all’araldo ai vv.  181-231. argivo. La richiesta è formulata da Iolao nella Mediante la prima argomentazione l’oratore intende dimostrare falsa la tesi dell’avversario, che vorrebbe portare via gli Eraclidi in quanto – so­stiene l’araldo – trattasi di cittadini argivi. Ma essi sono stati banditi da Argo, che non può più accampare pretese su loro (v. 184-190). Segue un elogio di Atene come città libera che non si sottomette, come invece hanno fatto altre città, alla paura degli Argivi :

  Thuc., III, 58, 3-5  :

17

É   Thuc., III, 68, 1  :

18

.

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« Atene non è Trachis né una città achea, da dove tu, contro il diritto esaltando Argo, come fai adesso, indicando gli Eraclidi li facevi cacciare anche se sedevano supplici a un altare. Se accadrà questo e daranno ascolto ai tuoi discorsi, non riconosco più la libera Atene. »19

La terza argomentazione riguarda esplicitamente Demofonte che è tenuto a salvare gli Eraclidi anzitutto perché imparentato con loro ; in effetti, dopo una breve genealogia che occupa i versi 207-210, Iolao conclude dimostrando che il padre di Demofonte, Teseo, ed Eracle, padre dei supplici, sono figli di cugini. Ma c’è un’altra ragione per la quale i fanciulli devono essere salvati : il debito di Demofonte verso di loro per il bene ricevuto da Eracle, quando discese nell’Ade per salvare Teseo : / ` (Eur., Heracl. 218 sq.). Infine, nell’ultima argomentazione Iolao insiste sulla vergogna che colpisce chi scaccia i supplici, e imprime maggior vigore alle sue parole invitando, ma sarebbe meglio dire ordinando, il suo interlocutore a guardare gli Eraclidi : ... / / / (v. 223-225). Al di là delle inevitabili e ben evidenti differenze tra il discorso dei euripidea, mi preme rilevare qui che le due Plateesi in Tucidide e la orazioni sono, a mio parere, costruite su argomentazioni simili. Infatti, nella prima parte del discorso l’oratore è impegnato a dimostrare all’interlocutore, dal quale dipende la sua propria salvezza, che in passato quest’ultimo, o la sua famiglia, ha ricevuto dei benefici dal supplice, o, nel caso degli Eraclidi, dal padre dei supplici. Ciò fa sì che il salvatore si trovi in debito verso il supplice-oratore, e debba perciò estinguere questo debito accordandogli la salvezza, vale a dire ricambiando quel bene che egli ha in precedenza ricevuto da lui20. Tale è la situazione che emerge

  Eur., Heracl. 193-198 :

/

19

Æ, / ./ , . Testo e traduzione sono citati da Tragedie di / Euripide, a cura di O. Musso, Torino, 1980, rist. 2000. 20   Cf. G. Zuntz, The Political Plays of Euripides, Manchester, 1963, p. 81 : « To is central. Willingness to do a favour the argument of the Heraclidae, the concept of  ; it sustains life in a world to others and readiness to appreciate and return it : this is subject to the uncontrollable whims of fortune and exposed to the brutal misuse of power obtains between the Heraclidae and Athens. » by lawless men. A bond of mutual Sulle tragedie politiche dei tre tragici, cf. ora il saggio di R. Bernek, Dramaturgie und [, /

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le parole del supplice

da Thuc., III, 54, 3-5, sopra riportato, e dai vv. 214-219 degli Eraclidi21 ; e si noti come, e non può essere un caso, sia i Plateesi che Iolao chiamino la Grecia tutta a testimone delle azioni ricordate (Heracl. 219 ; Thuc., ). Ma un altro tema III, 57, 2 : emerge dalle parole degli oratori. Si confronti il brano su riportato di Thuc., III, 57, 4 con i vv. 193-198 della tragedia : in entrambi i casi, i supplici di Platea e i figli di Eracle sono stati abbandonati da tutti, i Plateesi dai loro alleati, gli Eraclidi dalle città greche alle quali hanno chiesto aiuto, e ora ripongono la loro unica ed ultima speranza, i primi in Sparta, anche se con diffidenza, i secondi in Atene nella quale mostrano di avere piena fiducia. La seconda parte dell’orazione fa invece più esplicito riferimento alla condizione del supplice, perciò non solo insiste sulla proibizione e sulla conseguente infamia che della legge sacra di uccidere l’ colpisce chi contravviene a questa prescrizione, ma entrambi i discorsi si concludono con un argomento che si potrebbe definire « visivo ». In effetti, i Plateesi e Iolao sollecitano i loro interlocutori a guardare rispettivamente le tombe dei padri (Thuc., III, 58, 3-5) e gli Eraclidi supplici (Heracl. 225), al fine di suscitare nell’animo di chi li ascolta la pietà e, con questa, la convinzione : si tratta pertanto di un argomento che deve servire a corroborare le parole, alle quali l’immagine fa ora da suggello. Ma ci sono ancora due elementi da evidenziare : anzitutto il discorso dei di supplica in oratio recta presente nello storico Plateesi è l’unico ateniese22 ; in secondo luogo, la situazione in cui vengono pronunciate , quella degli abitanti di Platea e quella di Iolao negli Erale due clidi, è, come già osservammo, la stessa : in entrambi i casi vi sono dei supplici prossimi a morte che tengono un’orazione davanti al loro nemico e in presenza di un giudice23 che deve decidere della loro salvezza o condanna.

Ideologie. Der politische Mythos in den Hikesiedramen des Aischylos, Sophokles und Euripides, München – Leipzig, 2004. 21   `/ / ;/ :/ / `. 22   Un interessante studio sui storiografici e soprattutto sulla loro sopravvivenza in età giustinianea (Procopio e Agazia) ed eracliana (Teofilatto Simocatta) può essere indicato nel volume di A. M. Taragna, Logoi historias. Discorsi e lettere nella prima storiografia retorica bizantina, Alessandria, 2000. 23   La scena degli Eraclidi è stata classificata come a due personaggi in predans la tragédie grecque, Paris, 19682. senza di un arbitro da J. Duchemin, L’

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paola cassella

Si venga ora al famoso episodio di Temistocle che, accusato di aver intrattenuto trattative segrete con la Persia, fugge da Atene presso . Admeto, re dei Molossi, il quale, precisa Tucidide, Quindi prosegue il racconto : « Ma questi non era in casa, e Temistocle si fa supplice della moglie, e da lei riceve il consiglio di prendere il loro bambino e di sedersi al focolare. Non molto tempo dopo arriva Admeto, e Temistocle gli spiega chi è, e gli dice che, anche se si era opposto alle richieste che Admeto aveva fatto agli Ateniesi, non sarebbe giusto che lui si vendicasse di uno che fuggiva : egli infatti in quel momento avrebbe potuto subire del male da parte di Admeto quando era molto più debole di lui, ma era invece caratteristico della nobiltà d’animo vendicarsi su persone uguali in condizioni di parità. Inoltre lui si era opposto a Admeto in una richiesta e non in una situazione in cui si trattava di salvare la sua vita, mentre se lui lo avesse consegnato (e gli raccontò da chi era inseguito e perché), lo avrebbe privato della salvezza della vita. L’altro, dopo aver udito ciò, lo fa alzare insieme al proprio figlio (che Temistocle teneva in braccio, come quando si era seduto, e questa era la forma di supplica più solenne), e non molto tempo dopo, quando vennero i Lacedemoni e gli Ateniesi, e insistettero a lungo nella loro richiesta, egli non lo consegna… » 24

Anche in questo caso, come in I, 24, 5-7, il discorso del supplice è riferito in maniera indiretta da Tucidide, ma questa volta esso non si riduce alla sola richiesta di aiuto, ma ne vengono riportate le argomentazioni. Temistocle, con il figlio di Admeto in braccio, seduto nella zona sacra della casa, il focolare, fa presente al re che egli non può vendicarsi di lui in una condizione in cui il suo avversario è decisamente svantaggiato, poiché la nobiltà d’animo impone che ci si vendichi dei pari in ), mentre nel caso condizioni di uguaglianza ( presente Temistocle è molto più debole di Admeto. Da questo assunto   Thuc., I, 136, 3 – 137, 1 [mio il corsivo]  :

24

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(scil.

)

le parole del supplice

scaturisce la seconda argomentazione : Temistocle osserva infatti che dalla sua opposizione alle richieste che Admeto aveva in precedenza avanzato agli Ateniesi non dipendeva la vita di Admeto stesso, mentre ora la sua propria vita è soggetta alla decisione di Admeto, dunque anche in questo caso c’è una sproporzione tra le due parti. Nessun appello è fatto dal supplice al supplicato in nome del figlio di quest’ultimo, ma il fa come da suggello commento tucidideo al discorso di Temistocle, le cui parole non restano inascoltate : la supplica ha infatti buon fine. Questa vicenda presenta alcuni punti di contatto con il Telefo euripideo25, in particolare per quello che riguarda all’altare del protagonista insieme al bambino : l’

25   Sul Telefo di Euripide, edito in R. Kannicht, Tragicorum Graecorum Fragmenta (TrGF), vol. 5 : Euripides, Göttingen, 2004, e soprattutto sui suoi rapporti con le parodie presenti negli Acarnesi e nelle Tesmoforiazuse di Aristofane, può essere utile consultare la seguente bibliografia, cronologicamente ordinata (per quanto ne so, non esistono invece studi specifici sui rapporti del Telefo con le Storie tucididee) : L. Preller, C. Robert, Griechische Mythologie, II : Die Heroen (Die griechische Heldensage), Berlin 19214 ; L. Séchan, Études sur la tragédie grecque dans ses rapports avec la céramique, Paris, 1926 ; A. Rostagni, « I primordii di Aristofane. IV. Il processo dell’autore e la concezione degli Acarnesi  », RFIC, 55, 1927, p.  289-330  ; G.  Brizi, «  Il mito di “Telefo” nei tragici greci », A&R, n. s., 9, 1928, p. 95-145 ; A. C. Schlesinger, « Indications of Parody in Aristophanes », TAPhA, 67, 1936, p. 296-314 ; Id., « Identification of Parodies in Aristophanes », AJPh, 58, 1937, p. 294-305 ; H. W. Miller, « Euripides’ Telephus and the Thesmophoriazusae of Aristophanes  », CPh, 43, 1948, p.  174-183  ; E. W. Handley, J. Rea, « The Telephus of Euripides », BICS, 5, 1957, p. 1-50 ; F. Jouan, Euripide et les légendes des chants cypriens, Paris, 1966 ; G. Paduano, « Il motivo del re mendicante e lo scandalo del Telefo », SCO, 16, 1967, p. 330-342 ; P. Rau, Paratragodia. Untersuchungen einer komischen Form des Aristophanes, München, 1967 ; M. Cavallone, «  Il travestimento come espediente in Eschilo ed in Euripide  », BollClass, 3a s. 1, 1980, p. 93-107 ; G. Mengano Cavalli, « Il Telefo di Euripide », AAP, n. s., 31, 1982, p. 315-337 ; M. T. Ditifeci, « Note al Telefo di Euripide », Prometheus, 10, 1984, p. 210-220 ; A. Mastrocinque, « Gli stracci di Telefo e il cappello di Solone », SIFC, in Aristofane », Dioniso, 57, 77, 1984, p. 25-34 ; M. G. Bonanno, «  1987, p. 135-167 ; M. Heath, « Euripides’ Telephus », CQ, n. s., 37, 1987, p. 272-280 ; F. Jouan, « La paratragédie dans les Acharniens » in Thalie. Mélanges interdisciplinaires sur la Comédie, textes réunis par P. Ghiron-Bistagne, Montpellier, 1989, p. 17-30 ; C.  Orfanos, «  Autour de l’autel comique  », Pallas, 54, 2000, p.  41-59  ; C.  Preiser, ­Euripides : Telephos. Einleitung, Text, Kommentar, Hildesheim, 2000 ; Id., « Ein Euripides-Vers (Tel. Fr. 8 P. [723 N2]) als Sprichwort bis zu Erasmus von Rotterdam », Philologus, 144, 2000, p. 193-205 ; Id., « Die Opferung der Iphigenie : Ein Motiv in Euripides’ Telephos ? », WJA, n. s., 24, 2000, p. 29-35. R. M. Aguilar, « Ho trosas iasetai : heridos míticos en la tragedia griega », in A. P. Jiménez, C. A. Martín, R. C. Sánchez (edd.), Sófocles el hombre, Sófocles el poeta  : actas del congreso internacional con motivo del XXV centenario del nacimiento de Sófocles, celebrado en Málaga, 29-31 de mayo de 2003, Málaga, 2004, p. 205-216.

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paola cassella

Telephus Herculis et Auges filius ab Achille in pugna Chironis hasta percussus dicitur. Ex quo vulnere cum in dies taetro cruciatu angeretur, petit sortem ab Apolline, quod esset remedium ; responsum est ei neminem mederi posse nisi eandem hastam qua vulneratus erat. Hoc Telephus ut audivit, ad regem Agamemnonem venit et monitu Clytaemnestrae Orestem infantem de cunabulis rapuit, minitans se eum occisurum nisi sibi Achivi mederentur. Achivis autem, quod re­sponsum erat sine Telephi ductu Troiam capi non posse, facile cum eo in gratiam redierunt et ab Achille petierunt ut eum sanaret. Quibus Achilles respondit se artem medicam non nosse. Tunc Ulysses ait : « Non te dicit Apollo sed auctorem vulneris hastam nominat ». Quam cum rasissent, remediatus est. A quo cum peterent ut secum ad Troiam expugnandum iret, non impetrarent, quod is Laodicen Priami filiam uxorem haberet ; sed ob beneficium quod eum sanarunt, eos deduxit, locos autem et itinera demonstravit ; inde in Moesiam est profectus26.

Come si vede, Igino si limita a dire che il piccolo Oreste viene rapito dalla culla su consiglio di Clitennestra e minacciato di morte da Telefo, ma non fa alcun riferimento a una supplica all’altare ; tuttavia che questa dovesse essere presente nella tragedia euripidea è testimoniato soprattutto dalla parodia che ne fa Aristofane in Ach. 325 sqq.27, e probabilmente dalle testimonianze vascolari28. A questo punto è necessario ricondurre ad unità i vari dati sparsi. Il confronto fra le due orazioni sopra esaminate indurrebbe a credere che per il discorso dei Plateesi Tucidide abbia tenuto presente la euripidea, perciò avremmo qui un esempio di interconnessione tra storia e tragedia29, che verrebbe a realizzarsi nel campo della retorica. Tale tesi,   Hyg., fab. 101. È generalmente ammesso che il racconto di Igino riprenda il contenuto della tragedia euripidea. Per una ricostruzione accurata del Telefo sulla base dei frammenti pervenutici, cf. da ultimo Preiser, Euripides : Telephos…, p. 71- 97 ; una discussione sulla testimonianza di Igino è presente ivi, p. 172-177. 27   Nella scena degli Acarnesi Diceopoli, il protagonista, prende in ostaggio e minaccia di uccidere un cesto da carbonaio in presenza dei carbonai stessi. 28   In verità vi è stato chi ha supposto che la scena di fosse solo narrata da un araldo, non che avvenisse sulla scena : cf. N. Wecklein, « Über drei verlorene Tragödien des Euripides (I. Antiope, II. Antigone, III. Telephus)  », SBAW, 2, 1878, p.  170-223, da me tuttavia non letto e qui citato di seconda mano. Per l’iconografia, sempre insostituibile è il Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae (LIMC), s. v. « Telephos ». 29   Sulla intertestualità, soprattutto di tipo lessicale, dei due generi letterari in età bizantina, cf.  L.  R.  Cresci, «  Terminologia drammatica nella storiografia bizan26

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le parole del supplice

da me avanzata in modo prudente, potrebbe tuttavia essere corroborata da due elementi. Anzitutto il dato cronologico : senza avventurarmi nella vexata quaestio della composizione delle Storie, essa non può comunque essere anteriore all’inizio della guerra del Peloponneso, ossia il 431, e se la datazione generalmente accettata per gli Eraclidi è il 430-427, è cronologicamente possibile che lo storico ateniese abbia conosciuto la tragedia prima della composizione della sua opera. Ma un altro elemento di supporto sarebbe costituito dal racconto di Temistocle presso Admeto, poiché questo rappresenterebbe un secondo caso in cui Tucidide avrebbe avuto a modello Euripide. Questa seconda argomentazione ha però lo svantaggio di offrire facilmente il fianco a critiche e confutazioni ; è infatti possibile che la storia di Temistocle sia nata prima del motivo tragico, anzi, proprio questa storia avrebbe dato a Eschilo l’idea di inserire il motivo tematico del supplice con il bambino in braccio nel suo Telefo ; in questo caso, Tucidide sarebbe indipendente dalla tradizione tragica ed Euripide avrebbe semplicemente ripreso il motivo da Eschilo30. Ma non ci sono prove evidenti né che la storia sia stata creata in rapporto al personaggio di Temistocle, né che Eschilo l’abbia usata per primo nella sua tragedia perduta. Sussiste dunque la possibilità che l’innovazione del supplice all’altare con l’infante in braccio sia un motivo euripideo, eventualmente ripreso da Tucidide. Tanto più che il tema dell’ con il figlio del supplicato in braccio sembra essere tragico più che ­storico ; ma, in mancanza di fonti certe, non è possibile optare in maniera decisa per l’una o per l’altra tesi : resta però la suggestione che due autori contemporanei, dediti a generi letterari differenti, si incontrino sul piano retorico, probabilmente perché, vivendo nello stesso difficile momento storico, mostrano una sensibilità comune verso gli eventi. Paola Cassella Università Federico II di Napoli

tina dei secoli XI-XII  », Eikasmos. Quaderni bolognesi di filologia classica, 18, 2007, p. 381-398. 30   La discussione su questo argomento è in Preiser, Euripides  : Telephos…, p. 53-54. Per la storia su Temistocle, cf. anche Plutarco, Them. 24, 3-5.

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DEMETRIO E L’ALLEGORIA OMERICA DELLE LITAI Nella prima sezione del De elocutione Demetrio, soffermandosi sulle caratteristiche dello stile periodico, fornisce consigli molto precisi relativamente alla composizione scritta e prende in considerazione contesti e situazioni differenti in cui si verifica l’opportunità di utilizzare cola lunghi1 o cola brevi2. Nel § 7, incentrato proprio sui cola brevi, leggiamo che la forza e l’intensità espressiva risultano maggiori quando un concetto ampio viene comunicato mediante poche parole, come dimostra la rinomata brevitas dei Laconi che il retore in questo contesto non ritiene opportuno illustrare ulteriormente, corredando il testo di citazioni3. Successivamente egli instaura un confronto tra :

1   In riferimento ai cola lunghi nel § 5 Demetrio sostiene che il loro impiego è indicato in contesti di tono elevato, come dimostra un exemplum pertinente ed efficace di Platone (Pol. 269 c), in cui si afferma che il dio stesso talora guida ed aiuta l’universo a girare nella sua orbita (

). Successivamente il retore aggiunge che non a caso l’esametro è chiamato eroico, poiché la sua lunghezza, determinando elevatezza, risulta perfetta per i soggetti eroici, quali sono quelli trattati nell’Iliade che non sarebbero stati resi in maniera adeguata con il ricorso ai versi brevi di Archiloco ( ).   A proposito dei cola brevi il retore nel § 4 afferma che neppure la poesia va oltre l’esametro, se non raramente. Per ciò che concerne il discorso in prosa è opportuno impiegare dei cola che non siano né troppo lunghi, né troppo brevi, infatti una prosa strutturata unicamente mediante il ricorso a cola brevi dà vita alla cosiddetta « composi), caratterizzata da una « struttura fatta a pezzi, sminuzzata, zione arida » ( priva di dignità, perché in essa tutto è minuto ». Successivamente Demetrio aggiunge che a) il colon breve è appropriato alla trattazione di soggetti umili e come esemplificazione riferisce un passo di Xen., Anab. 4, 4, 3, in cui lo storico descrive l’arrivo dei Greci sulla riva del fiume Teleboa (§ 6), b) ma si addice anche ai passi veementi. 3   Sulla quale tratto tipico dei Laconi, si veda M. S. Celentano, « La laconicità. Un atteggiamento etico-linguistico, una qualità retorica, un criterio estetico », in Studi di retorica oggi in Italia (Atti del Convegno di Torino, 18-19 aprile 1985), Bologna, 1987, p. 109-115 ; Ead., « L’epistola laconica dalla concisione esemplare all’esiguità iperbolica », in A. Pennacini (ed.), Retorica della comunicazione nelle letterature classiche, Bologna, 1990, p. 109-129 ; Ead., « L’efficacia della brevità : aspetti pragmatici, retorici, letterari  », in M.  Cannatà Fera, S.  Grandolini (edd.), Poesia e religione in Grecia. Studi in onore di G. A. Privitera, Napoli, 2000, p. 199-204 ; Ead., « “Dionisio a Corinto” : laconicità e serio-comico », in L. Calboli-Montefusco (ed.), Papers on Rhetoric IV, Roma, 2002, p. 25-39 ; Ead., « Il fascino discreto della bre2

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raffaella lombardo

a) la concisione tipica del dare ordini ( v), che viene esemplificata dall’espressione 4 poi divenuta proverbiale ed usata ancora in età umanistica nella forma latina « omnis herus servo monosyllabus » (come leggiamo negli Adagia di Erasmo)5, e b) la prolissità che caratterizza la preghiera e il lamento, esemplificata con il comma v6, con cui Demetrio allude al 7 celebre passo di Hom., Il. 9, 503  : si tratta della nota ed affascinante allegoria delle Litai, contenuta nel discorso pronunciato da Fenice nell’ambito dell’ambasceria presso Achille.

Dunque il procedimento adottato da Demetrio si rivela fin da una prima lettura molto interessante ed originale. Infatti egli richiama dapprima la brevità autorevole degli Spartani, alla quale subito dopo contrappone un brano che si contraddistingue anch’esso per l’autorevolezza : l’allegoria delle Litai, appunto, un exemplum perfetto di prolissità e fiacchezza dell’espressione. Come ho già ricordato, la descrizione delle Litai viene effettuata da Fenice che a partire dal v. 434 del libro nono pronuncia il suo discorso all’eroe sdegnato ed in preda all’ira. Nei v. 502-12 leggiamo :

vità », in R. Pretagostini, E. Dettori (edd.), La cultura ellenistica. L’opera letteraria e l’esegesi antica (Atti del convegno Cofin 2001, Università di Roma – Tor Vergata, 22-24 settembre 2003), Roma, 2005, p. 261-275. 4   In origine l’espressione era probabilmente un frammento comico. Esso compariva nell’edizione Kock come Adesp. 538, ma non figura tra gli Adespota Comica nell’edizione di Kassel-Austin. 5   Cf. P. Chiron, Démétrios, Du style, Paris, 1993, p. 4, il quale commenta anche che la frase ha tutte le caratteristiche proprie di un’espressione proverbiale ed aggiunge che nel 1591 l’umanista Henri II Estienne la cita nella sua opera intitolata De la précellence du langage français. 6   Siamo di fronte ad una delle citazioni più brevi contenute nel De elocutione. 7   Hom., Il. 9, 503 : .

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demetrio e l’allegoria omerica delle litai

Poiché le Preghiere sono figlie del grande Zeus ; zoppe, rugose, losche d’entrambi gli occhi8 esse si affannano a correre dietro alla Colpa. E la Colpa è gagliarda e lesta di piedi ; tutte le lascia indietro, di molto ; e avanti per tutta la terra va, danneggiando gli umani ; quelle dietro, riparano. Chi le figlie di Zeus rispetta, che vengono vicino, danno a costui molto bene, l’ascoltano se prega ; chi nega invece e duramente rifiuta, vanno esse, allora, e pregano Zeus Cronide che la Colpa l’insegua, paghi il fio con suo danno.

È interessante notare che la personificazione delle preghiere nel testo iliadico si protrae per ben 14 versi, all’interno di un logos persuasivo molto ben architettato. E nel presente contributo vorrei mettere in evidenza che il brano dell’Iliade a cui Demetrio fa riferimento ha un valore paradigmatico particolare non solo per il suo contenuto e le sue implicazioni morali9, ma anche e soprattutto per l’efficacia comunicativa e per la particolare costruzione retorica che lo caratterizza. Lo stesso contesto in cui Fenice pronuncia il suo discorso è molto importante, anzi cruciale, poiché esso si colloca in un punto dell’Iliade in cui i tentativi precedenti di convincere Achille sono risultati vani. Il vecchio precettore prende la parola dopo ) e subito impiega il essere scoppiato in lacrime (v. 433 : procedimento retorico della captatio benevolentiae per ingraziarsi ed ottenere l’attenzione e l’ascolto di Achille, ormai deciso ad abbandonare il campo di battaglia e a partire. I versi 434-438 contengono tre nuclei tematici strettamente connessi con il comportamento dell’eroe acheo : a) in primo luogo, subito dopo l’apostrofe iniziale ( `), viene messa in evidenza la volontà dell’eroe di fare ritorno in patria e dunque la sua mancanza di pietà, di nei confronti degli altri Greci che rimarrebbero privi del suo aiuto ; b) in secondo luogo, in posizione centrale, si ravvisa il riferimento alla sua ira ( `/) ;

8   La traduzione riportata è di Calzecchi Onesti, di cui non condivido soltanto v, che preferisco tradurre con l’espressione la resa del sintagma « dallo sguardo obliquo », similmente a quanto fanno Ciani (che rende l’espressione con l’aggettivo « guerce ») e Cerri (che traduce « con gli occhi storti »). 9   Le implicazioni morali sono rintracciabili nel riferimento al concetto di giustizia divina, a cui si collega l’azione di Ate, ma anche nell’importanza conferita al che caratterizza in maniera importante la società guerriera rapsentimento dell’ presentata nell’Iliade. Cf. a tal proposito K. Crott, The poetics of supplication, Ithaca – London, 2002, p. 51.

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c) infine, per creare una situazione di con il destinatario anche attraverso l’utilizzo delle potenzialità espressive della Ring­ komposition, Fenice ribadisce con una carica emotiva maggiore il sentimento della pietà10.

In questo contesto si possono già ravvisare il tono e le modalità espressive proprie di colui che rivolge una preghiera : tali aspetti nel prosieguo del discorso vengono rafforzati e resi più evidenti. Mi preme osservare che alla triplice articolazione tematica della captatio bene­ volentiae corrisponde un discorso anch’esso caratterizzato da una struttura ternaria11 : a) nei v. 439-495 Fenice racconta la sua storia ; b) i v. 496-526 contengono la nota allegoria delle Litai e subito dopo si può apprezzare una sezione particolarmente interessante, in cui si fa riferimento agli aspetti da cui è regolamentato l’atto della preghiera, della supplica ; c) nei v. 527-605 è inserito il racconto di Meleagro che funge da ammonimento nei confronti di Achille.

L’organizzazione tripartita del discorso di Fenice ha le stesse caratteristiche di quello che per tanto tempo è stato considerato il piano strutturale canonico della preghiera greca che in molti casi consta di tre elementi ricorrenti o fissi : invocazione, argomentazione, richiesta12. Sebbene Aubriot in un interessante contributo abbia cercato di dimostrare che lo schema ternario impiegato dal vecchio precettore di Achille è ignorato del tutto dalle preghiere cultuali greche, per cui non sembrerebbe avere alcun valore religioso particolare13, ritengo che nel brano iliadico preso in esame si possono rintracciare non solo i moduli propri della preghiera, ma anche la codificazione dell’atteggiamento opportuno

  Il vecchio precettore considera tale sentimento secondo una prospettiva più personale e con un tono più accorato, come emerge dalla lettura del v. 437 : . 11   Cf. B. Hainsworth, The Iliad : A Commentary, Cambridge, 1993, p. 119. 12   Cf.  F.  Chamoux, La Civilisation grecque à l’époque archaïque et classique, through Paris, 1965, p. 177. Secondo F. Muellner, The Meaning of Homeric sarebbe legato in maniera intrinits Formulas, Innsbruck, 1976, lo stesso verbo seca alla struttura ternaria della preghiera greca, dal momento che esso significa « pronunciare un discorso ternario », il cui schema originale dovrebbe essere per eccellenza quello della preghiera. 13   Cf. D. Aubriot, « Prière et rhétorique en Grèce ancienne (jusqu’à la fin du Ve s. av. J.-C.) : quelques jalons », Metis, 6, 1991, p. 162, secondo cui tale schema ternario, pur essendo frequentemente impiegato da Omero, non si riscontra in tutte le preghiere omeriche. 10

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che deve assumere sia il supplice (condizione propria di Fenice), sia il destinatario di una preghiera (cioè Achille). Fenice si serve di uno schema tripartito innanzitutto per una necessità di ordine logico14 : egli ha l’esigenza di essere il più possibile convincente e persuasivo e quindi cerca di strutturare il proprio discorso in maniera rigorosa ed efficace, secondo i dettami dell’ars rhetorica. La codificazione dell’atteggiamento proprio del supplice è ravvisabile già nella prima parte del logos (v.  439-495), poiché Fenice si rivolge ad Achille, servendosi di una strategia discorsiva a cui l’eroe non può fare a meno di essere sensibile : dunque il vecchio precettore si comporta con il suo allievo come un orante che pensa che la divinità sia accessibile solo se si avanzano argomenti probanti che ne attirino l’attenzione nel migliore dei modi e che possano suscitare la commozione15. Fenice si configura allora come un orator-orante che mira innanzitutto a persuadere il destinatario fin dall’incipit della propria performance oratoria. Dalle sue parole si evince anche la peculiarità del ruolo che egli svolge nel contesto preso in esame. Egli è innanzitutto un rappresentante autorevole della composita ambasceria inviata ad Achille ed in quanto tale il suo obiettivo primario deve essere la persuasione dell’eroe attraverso argomenti convincenti. Ma tale funzione non è disgiunta da quella di persona amica, strettamente legata all’eroe ed in più anziana, che accampa il suo diritto alla mozione degli affetti : il suo discorso non è dunque un’argomentazione vera e propria, ma una supplica, poiché il vecchio precettore usa i toni della preghiera e non quelli dell’argomentazione cogente. Tale aspetto è particolarmente evidente in alcuni punti-chiave del discorso pronunciato da Fenice : a) significativo è l’utilizzo dell’apostrofe (v. 437 e 444), con cui egli accresce con grande abilità il della situazione comunicativa, rendendo il tono del discorso ed il registro linguistico ancor più familiari ed affettuosi, quasi intimi, ed esprimendo per il proprio allievo un affetto paterno16 ;   Aubriot, « Prière et rhétorique… », p. 163.   Aubriot, « Prière et rhétorique… », p. 164. 16   L’impiego di tale apostrofe nel v.  444 è preceduto da una microsezione (v. 438-443), in cui Fenice rievoca il mandato educativo affidatogli da Peleo : ritengo importante evidenziare che anche l’articolazione del percorso educativo di Achille è triplice, come si evince dalla lettura dei versi di riferimento : 14 15

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b) i v. 485-6 sono pronunciati dal vecchio maestro con lo scopo di ricordare ad Achille di averlo reso simile ai numi, poichè lo amava di cuore ( ) : egli cerca di fare appello alla sensibilità dell’eroe, sottolineando l’affetto che li lega profondamente17 ; c) il v. 492 ( ) costituisce una vera e propria dichiarazione di affetto incondizionato, come attestano i sintagmi , perfettamente paralleli ; d) anche l’imperativo contenuto nel sintagma del v. 496 deve essere interpretato secondo i moduli della preghiera : esso non si configura come un ordine, ma va interpretato come una richiesta accorata, espressa subito dopo l’apostrofe affettuosa '.

Con le parole del v. 499 siamo nella seconda macrosezione, in cui il tema della preghiera assume una centralità indiscussa, come si rileva a livello semantico e lessicale e come conferma soprattutto l’affascinante allegoria delle Litai. Tale allegoria nella poesia greca, come ha osservato già Fränkel18, è impiegata solo tre volte : è l’unica allegoria dell’Iliade19 con prosopopea e successivamente è presente soltanto in Orph., A. 107, e in A. in cui leggiamo . « Peleo, il vecchio guidatore di carri, con te mi mandò il giorno che da Ftia t’inviò in aiuto ad Agamennone, fanciullo, che non sapevi ancora la guerra crudele, non i consigli, dove gli uomini nobilmente si affermano. E mi mandò per questo, perché tu li apprendessi, e fossi buon parlatore ed operatore di opere. » 17   Secondo Hainsworth, The Iliad : A Commentary, p. 127, l’espressione usata da Fenice richiama il sentimento d’amore di Achille per Briseide, espresso con linguaggio pressoché identico al v.  343. Il forte legame affettivo che unisce il vecchio maestro ad Achille è inoltre ribadito dal chiasmo efficacissimo che campeggia nei versi in oggetto ( /), in cui il « tu » e l’« io » si alternano e si intrecciano in maniera molto significativa con un andamento che caratterizza anche i versi successivi, fino al v. 491. Dalla lettura di tale microsezione (v. 487-491) si deduce infatti che : lo stesso significato e lo stesso accento toccante contraddistinguono anche i versi successivi (v. 494-495 : ), in nell’Iliade, affercui Fenice ribadisce ulteriormente la centralità del sentimento dell’ mando di aver sempre considerato Achille come un proprio figlio, affinché egli tenesse lontano da lui l’oltraggiosa sventura derivata dalla maledizione del padre. 18   H. Fränkel, Early Greek Poetry and Philosophy, London, 1975, passim. 19   D.  Aubriot, «  Remarques sur le personnage de Phénix au chant IX de ­l’Iliade », BAGB, 1984, p. 343.

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P. 11, 361, in cui il poeta Automedonte effettua una ripresa parodica molto godibile, assimilando alle Preghiere le proprie mule fidate. Non abbiamo altre notizie sul mito delle Litai. In ambito archeologico si registra soltanto il ritrovamento a Nicea, in Bitinia, di monete che recano , che gli studiosi hanno collegato con l’esistenza del la scritta in quella zona. Sarebbero invece da culto in onore di Zeus appunto) alcune connettere con un culto dedicato ad Apollo ( monete che sono state rinvenute a Magnesia : recano anch’esse la scritta e sono state coniate durante gli anni dell’impero di Geta20. Le Preghiere, figlie di Zeus, sono descritte come zoppe e rugose, dallo sguardo obliquo e sono contraddistinte anche dalla peculiarità di correre affannosamente dietro ad Ate. Gli aggettivi stanno a designare la condizione di infermità e di vecchiezza delle Litai che nell’interpretazione degli stessi scoliasti sarebbero da connettere con l’immagine visiva delle Supplici (cf. Heraclit., Alleg. 37 : )21. In effetti l’atteggiamento claudicante e lento delle Litai ben si addice alla loro funzione : le preghiere, per essere efficaci, non possono infatti risolversi in poche parole ; non la concisione, ma la prolissità e la lentezza con cui vengono pronunciate sono garanzia del loro successo. Inoltre il loro insedel v. 504) al fine di limitarne i danni guimento di Ate (cf. il rappresenta in maniera icastica ed efficacissima il movimento che caratterizza la preghiera in quanto messaggio che compie un percorso assolutamente unidirezionale, dall’orante al destinatario della supplica. Un altro riferimento alla supplica, anch’esso allusivo e poco evidente, è indidel v. 508, in cui si legge che le figlie viduabile nel sintagma di Zeus si avvicinano a chi le rispetta e gli procurano molto bene : anche in questo caso assume un ruolo rilevante l’idea del movimento di avvicinamento che nel contesto in oggetto si configura come il risultato di una manifestazione di rispetto adeguata nei confronti delle Litai e dunque come l’esito di una preghiera effettuata secondo i canoni dovuti e le modalità appropriate. Omero afferma infatti che esse si avvicinano, colmano di beni e danno ascolto a chi le prega (v. 512 : ).

20   Cf. J. Schmidt, « Litai », Real-Encycopädie, 13, 1, Stuttgart, 1926, col. 737-738 ; B. Kruse, « Litaios », Real-Encycopädie, 13, 1, Stuttgart, 1926, col. 738. 21   Cf. F. Buffière, Héraclite, Allégories d’Homère, Paris, 1962. Anche A. B. Cook, Zeus. A Study in Ancient Religion, 1914-1940, Cambridge, vol. 2, p. 1101, sulla scorta degli scoliasti ritiene che quello delle Litai sia un ritratto trasposto delle Supplici.

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Quando invece le figlie di Zeus ricevono un rifiuto, ossia appurano che qualcuno non dà ascolto alle suppliche, esse allora si accostano al loro padre Cronide, modificando il destinatario della loro preghiera e camdel v.  51122  : in tale biando direzione, come attesta il verbo ) Zeus Cronide affinché Ate ­circostanza le Litai supplicano ( sia rovinosa e compia vendetta nei confronti di chi le ha negate (v. 51012)23. Tali versi rappresentano il fulcro di tutto il discorso di Fenice, di cui è importante mettere in evidenza non solo la struttura esteriore, ma anche la coesione interna ed in particolar modo la necessità dello sviluppo relativo alle Litai24. Uno degli aspetti che colpisce maggiormente è la coerenza del vocabolario di Fenice e soprattutto la ricorrenza notevole nel suo dis. Notiamo infatti corso delle parole appartenenti alla famiglia di che all’interno di un discorso che si estende per ben 172 versi : a) il verbo compare per ben 7 volte (v. 465 ; 501 ; 511 ; 520 ; 574 ; 585 ; 591) ; b) al v. 502 la presentazione allegorica delle Litai costituisce una sorta di hapax ; c) al v. 581 compare il lemma . Si tratta di una frequenza non soltanto eccezionale, ma addirittura unica nel poema : non è un caso che l’impiego di i, tralasciato dagli altri due ambasciatori Ulisse ed Aiace, sia così frequente da parte di Fenice : egli ha infatti l’importante compito di

22   Il verbo è già utilizzato al v. 504 per designare il movimento verso Ate nel tentativo di modificarne l’azione nociva e disastrosa. 23   D.  Aubriot, «  Les Litai d’Homère et la Dikè d’Hésiode  », REG, 97, 1984, p. 10, nell’ambito di un confronto tra le prerogative della Dike esiodea e delle Litai omeriche, afferma che, mentre le Litai sono contraddistinte da questo movimento costante nell’inseguimento di Ate e nella loro azione di avvicinamento a Zeus, la Dike di Esiodo nella funzione di supplice assume una postura particolare, dal momento che si siede ai ). Cf. Hes., Op. 258. piedi del padre ( 24   Relativamente a tale aspetto S. Nannini, Analogia e polarità in similitudine. Paragoni iliadici ed odissiaci a confronto, Amsterdam, 2003, p. 103, osserva che il motivo della supplica ritma tutta l’Iliade e risulta essere centrale in vari punti della narrazione : il poema si apre infatti con la supplica di Crise che chiede la restituzione della figlia ; nel libro nono la supplica ad Achille di accettare i doni di Agamennone e tornare a combattere non viene accolta e sull’eroe greco pesa l’esempio delle suppliche non ascoltate da Meleagro ; la serie di suppliche sfocia nell’ultima, quella di Priamo che chiede le spoglie del figlio Ettore. E la struttura dell’intero poema è in un certo senso giustificata proprio mediante l’introduzione delle Litai.

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fare una lezione morale ad Achille, prospettandogli l’obbligo di cedere alle Litai25.

A questo fine risponde anche l’exemplum di Meleagro che Fenice da vero professionista della parola e dell’arte della persuasione inserisce come ulteriore illustrazione dell’attegnella parte finale del suo giamento opportuno che deve tenere chi è oggetto di suppliche26. Anche

  A tal proposito N. Yamagata, « Phoenix’s Speech. Is Achilles Punished ? », CQ, 41, 1991, p.  5, fa notare che il discorso di Fenice, considerato profetico per ciò che accade più tardi ad Achille nella storia, si configura come una nuova categoria di supplica rispetto a tutte quelle riscontrabili nei poemi omerici  : non si tratta di una , né di una richiesta richiesta di protezione o ospitalità, effettuata da uno di vedere salva la propria vita in battaglia, né siamo di fronte alla richiesta di riscatto di una persona (sia essa viva o morta), ma quella del vecchio precettore di Achille è una richiesta di perdono nei confronti di coloro che hanno fatto qualcosa di sbagliato. Lo studioso fa notare che nell’Iliade esiste solo un parallelo perfettamente aderente a tale situazione e si tratta del paradigma di Meleagro, riportato dallo stesso Fenice nei v. 529-599. Come Meleagro anche Achille riceve tre suppliche e non le ascolta finché il nemico non avrà iniziato a distruggere le mura e a dare fuoco alle navi achee. Secondo Yamagata, mettendo insieme le due storie riferite da Fenice, ossia l’allegoria delle Litai ed il paradigma di Meleagro, si può dedurre che il messaggio comunicato dal vecchio precettore è in realtà un avvertimento ad Achille che presto verrà punito da Ate. Nel libro 19 dell’Iliade Ate è personificata pienamente e di lei si dice che è la figlia maggiore di Zeus e che è apparentemente fuori dal controllo del padre. Una caratteristica interessante che in qualche modo l’accomuna alle Litai è il suo incedere : mentre le Litai sono claudicanti, Ate ha « i piedi molli » e perciò non si muove sul suolo, ma avanza tra le teste degli uomini, danneggiandoli. Tuttavia lo studioso conclude che è opportuno leggere il discorso di Fenice come l’espressione umana di un’attesa di giustizia e di protezione divina : dunque in esso bisogna riscontrare i tratti di una « teoria persuasiva », non di una teologia stabilita. Inoltre N. Yamagata, « Disaster revisited : Ate and the Litai in Homer’s Iliad », in E. Stafford, J. Herrin (edd.), Personification in Greek world, from Antiquity to Bizantium, Ashgate, 2005, p. 22-23, riprende siffatta tematica, soffermandosi sulle caratteristiche di Ate, le cui uniche personificazioni sono quelle contenute nei già citati libri 9 e 19 dell’Iliade. Lo studioso osserva che non esiste nessun culto o iconografia associati con Ate o con le Litai come dee, per cui egli giunge ad affermare che l’allegoria delle Preghiere può essere considerata un’invenzione effettuata da Omero ed adattata al contesto riguardante la storia di Achille. 26   Il mito di Meleagro è noto soprattutto per il fatto che egli uccide il cinghiale inviato dalla dea Artemide per punire il padre Oineo, reo di non aver offerto alla dea le primizie del suo raccolto, i frutti della vigna. Successivamente all’uccisione del cinghiale per vendetta la città e la reggia di Meleagro vengono invase e l’eroe viene accusato e maledetto anche dalla madre. Per questo motivo Meleagro non combatte e, quando dopo varie richieste (da parte dei notabili Etoli, degli amici e infine della moglie Cleopatra) decide di intervenire e vince, è troppo tardi e nessuno gli rende il merito del suo operato. Come suggerisce anche Hainsworth, The Iliad  : A Commentary, p.  128, il paradigma di Meleagro va letto nell’ottica della retorica della persuasione di Fenice, dal momento che il precettore suggerisce che la situazione di Achille è analoga a quella 25

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in questa sezione ricorrono numerosi termini afferenti al campo semantico della preghiera27. Non si può dunque fare a meno di apprezzare la sottigliezza del disegno di Fenice, unitamente alla sua profonda abilità psicologica e sapienza compositiva, data la sua straordinaria capacità di organizzare in maniera rigorosa e simmetrica tutte le sezioni del suo discorso attorno al fulcro centrale (a livello spazio-temporale, ma anche logico) dell’allegoria delle Litai. Quest’ultima conferisce una veemente di Fenice soprattutto per la profonda lezione unità a tutto il morale che esso contiene e che si può riassumere in questi termini : a) le Litai individuali nessuno è tenuto a rispettarle e si può ritenere opportuno anche respingerle, come nel caso di Fenice stesso, che ha accolto le preghiere della madre, ricevendo però la maledizione del padre ; b) alle Litai ufficiali è invece assai sconveniente opporsi, poiché le figlie di Zeus, come illustra molto efficacemente l’allegoria, se non vengono rispettate, cambiano veste e funzione28 : infatti da supplici benevole che cercano di quietare Ate rovinosa si trasformano in supplici vendicatrici molto simili alle Erinni29.

A mio avviso va interpretato in questo senso il sintagma che, contrariamente a quanto sostiene Aubriot, può essere inteso proprio in senso tecnico medico, a designare una forma di strabismo delle vegliarde figlie di Zeus o comunque una bipolarità dell’eroe originario dell’Etolia, maledetto dalla madre Altea furibonda perché Meleagro le ha ucciso i fratelli e così sconvolta e desiderosa di vendetta da invocare l’Ade e la tremenda Persefone, a cui chiede la morte del figlio, mentre dall’Erebo danno ascolto alla donna anche le Erinni vendicatrici dal cuore spietato, che vagano nel buio. Il paradigma che serve a Fenice è proprio quello di un eroe che, in preda alla rabbia, non ha dato ascolto alle preghiere che gli sono state rivolte. Un altro aspetto molto interessante messo in evidenza da M.  Alden, Homer beside himself. Para-narratives in the Iliad, Oxford, 2000, p. 241 sqq., e prima ancora da J. T. Kakridis, Homeric Researches, London, 1949, p. 28 sqq., è quello della scala ascendente dell’affezione che caratterizza in maniera simile il paradigma di Meleagro e l’episodio di Achille : una serie di persone amiche ed appartenenti alla famiglia avvicinano Meleagro per ottenere da lui la disponibilità a combattere ; allo stesso modo varie ambascerie si susseguono per convincere Achille a tornare nel campo di battaglia. Kakridis interpreta la citata « climax dell’affezione » (« the ascending scale of affection ») come un motivo che si può riscontrare nella tradizione greca sin dai suoi albori e che il poeta ha desunto dal repertorio della tradizione popolare : la sua persistenza si può riscontrare tuttora in una serie di ballate moderne, caratterizzate dall’uso di tale gradazione. 27   Cf. v. 520, 574, 581, 585, 591. Cf. a proposito anche le osservazioni di Alden, Homer beside himself…, p. 242-243 e p. 247. 28   Aubriot, « Remarques sur le personnage de Phénix… », p. 361. 29   Cf. quanto afferma a tal proposito Quint. Smirn., Posthom. 10, 330.

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dello sguardo, la cui prerogativa non consisterebbe tanto nella capacità di abbracciare nello stesso tempo passato e futuro30, quanto nel possesso di una visione bidirezionale che, in base alle circostanze, può essere rivolta sia in una direzione benevola31, sia in una direzione rovinosa32. Tale scelta ermeneutica33 non discorda con il valore che la studiosa franv sulla base degli cese attribuisce alla coppia aggettivale studi di J. de Romilly, J.-P. Vernant e M. Detienne. A questo punto mi sembra opportuno chiarire con quale funzione Demetrio nel § 7 del De elocutione ha inteso fare riferimento all’allegoria delle Litai. Il retore allude ad un contesto così denso e ricco di strategie v, retoriche riportando soltanto il sintagma attributivo

30   Aubriot, « Les Litai d’Homère et la Dikè d’Hésiode », p. 22, ritiene che la sua interpretazione del sintagma in oggetto non sia conciliabile con quella degli scoliasti, ma che piuttosto sia congruente con il valore ad esso attribuito da alcuni noti studiosi francesi. J. de Romilly, Le temps dans la tragédie grecque, Paris, 1971, p. 132 sqq., pensa , « piegato, raggrinzito », aggettivo che evoca una pelle sgualcita, spiegazzata, che induce ad immaginare che le Litai abbiano un’età avanzata, alla quale bisogna conferire un significato positivo : infatti nella tradizione l’età avanzata è sinonimo di saggezza. v, invece, andrebbe considerata sulla base delle conclusioni a cui L’espressione sono giunte le ricerche di Vernant e Detienne sulla condizione dei claudicanti nell’antica Grecia che è generalmente lungi dal costituire un’infermità, ma è considerata spesso , non verrebbe descome un segno di poteri doppi. Così, quando Efesto è definito critto semplicemente in quanto dio dalla condizione claudicante, ma come portatore di una mutilazione atta a conferire dei poteri supplementari. M. Bettini, A. Borghini, «  Edipo lo zoppo  », in B.  Gentili, R.  Pretagostini (edd.), Edipo. Il teatro greco e la cultura europea (Atti del Convegno Internazionale, Urbino, 15-19 novembre 1982), Roma, 1986, p. 216 sqq., nello studio del problema della zoppìa di Edipo osservano che la menomazione ai piedi che caratterizza il noto personaggio tragico va correlata con il possesso di qualità mentali fuori dall’ordinario (come nel caso di Efesto e Melampo) : infatti è come se si stabilisse una relazione contrastiva tra parte bassa e parte alta del corpo, per cui la menomazione della parte bassa comporta un accrescimento delle qualità proprie della parte alta. Infatti Edipo è lo zoppo, ma contemporaneamente è anche colui che sa risolvere l’enigma. Cf. M. Detienne, J.-P. Vernant, « Les pieds d’Héphaïstos », in Les ruses de l’intelligence : la mètis des Grecs, Paris, 1974, p. 242-258 ; J.-P. Vernant, « Le Tyran boiteux : d’Œdipe à Périandre », in J.-P. Vernant, P. Vidal-Naquet, Mythe et tragédie – deux, Paris, 19952, p.  45-69. Allora anche nell’andatura difficile delle Litai si dovrebbe essere disposti a vedere un aspetto diverso dal difetto. 31  Qualora le Litai vengano ascoltate e rispettate. 32  Qualora le Litai vengano negate e rifiutate e si trasformano nel loro contrario, cioè in maledizioni. 33   La scelta ermeneutica viene avvalorata anche dalle osservazioni espresse da Bettini, Borghini, « Edipo lo zoppo », p. 221-222, a proposito della zoppìa di Edipo, quando riportano che il difetto, la menomazione agli occhi può talvolta comportare lo sviluppo di doti profetiche o poetiche.

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data la notorietà del brano iliadico34. Sulle motivazioni che hanno indotto il retore a fare riferimento all’allegoria delle Litai nell’ambito della trattazione relativa allo stile periodico (nel § 7 appunto) gli studiosi che si sono confrontati con il De elocutione hanno fornito interpretazioni differenti. Rhys Roberts parla di bizzarria apparente fornita dal retore ed ha ipotizzato un’interpolazione del testo alla fine del paragrafo35 ; secondo Chiron36 è pienamente condivisibile l’interpretazione del passo omerico fornita da Aubriot37 e nel commentare la citazione effettuata da Demetrio sottolinea con forza il gusto e la predilezione spesso manifestati dal retore per l’allegoria, in particolare nella sezione dello stile veemente, in cui prende in esame lo stile di Demade38. L’attento esame del contesto del § 7 del De elocutione ci consente di apprezzare pienamente non solo l’originalità dell’esegesi del retore e delle modalità con cui egli l’ha espressa, ma soprattutto la finalità con cui egli ha fatto riferimento dell’allegoria omerica. A tal proposito la Ascani39 ha osservato opportunamente che Demetrio presenta un’interpretazione assolutamente originale dell’allegoria delle Preghiere. Dunque bisogna mettere in evidenza innanzitutto la diversità dell’interpretazione di Demetrio rispetto a quella degli scoliasti e dei commentatori di Omero (in particolare Heraclit., Alleg. 37), i quali connettono la rappresentazione delle Litai con l’immagine visiva delle Supplici : le Preghiere (che, come ho già ricordato in precedenza, in ) sono Orph., A. 107 sono definite espressamente figlie di Zeus accostate alle Supplici innanzitutto in virtù dell’andatura faticosa, stentata, propria di chi è afflitto e segnato dal peso del dolore ed esprime la richiesta che il male venga allontanato, come viene riportato nel Commento all’Iliade di Eustazio, in cui leggiamo  : . Lo stesso Eustazio ribadisce ulteriormente che le Preghiere con le loro suppliche cercano di porre rimedio ai danni commessi da Ate41, 40

  Demetrio ha ritenuto opportuno che fosse sufficiente alludere ad esso solo mediante gli aggettivi-chiave, gli epiteti che veicolano le caratteristiche principali delle figlie di Zeus : il movimento claudicante e dunque lento e la rugosità della pelle che fa riferimento alla loro vecchiezza. 35   W. Rhys Roberts, Demetrius, On Style, Cambridge – London, 1927, p. 213. 36   Chiron, Démétrios, Du style, p. 87. 37   Aubriot, « Les Litai d’Homère et la Dikè d’Hésiode ». 38   Demetr., Eloc. 282-286. 39   A. Ascani, Demetrio, Sullo stile, Milano, 2002, p. 62. 40   Eustath., 2, 775, 23 van der Valk. 41   . 34

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demetrio e l’allegoria omerica delle litai

quando fa riferimento al fatto che v42 e quando successivamente afferma chiaramente : . Secondo Demetrio Omero, nel rappresentare le Preghiere zoppe e rugose, allude alla loro lentezza e dunque alla loro prolissità nell’esprimersi ( 43

). Il retore aggiunge inoltre che la tendenza ad essere prolissi è , che si dilungano nei loro discorsi una caratteristica propria dei a causa della debolezza propria dell’età ( ). Tale chiosa si riferisce in maniera evidente all’età avanzata delle Litai, ma anche a quella dello stesso Fenice, che cerca di persuadere Achille con un discorso dalla struttura encomiabile, ma piuttosto prolisso, che non si contraddistingue certo per la veemenza, bensì per l’icasticità e l’abilità descrittiva, nonché per le implicazioni morali. Ed a mio parere l’efficacia e il criterio innovativo con cui il retore effettua la propria esegesi si evincono proprio dalla sua scelta di accostare antiteticamente il brano omerico alla concisione degli Spartani ed a quella tipica delle espressioni proverbiali. Demetrio mette a confronto in maniera netta le modalità espressive opposte della concisione e della prolissità, che hanno caratteristiche completamente diverse, in base alle quali si applicano a contesti differenti : la concisione si addice alle prescrizioni, agli ordini, quali quelli proferiti nei confronti dei servi dai padroni che si esprimono a monosillabi ; la prolissità, invece, si addice alla lamentazione ed alla supplica, che risulta efficace proprio per la reiterazione e l’insistenza delle richieste. Notiamo che il retore esprime le sue considerazioni in maniera sobria e concisa, risultando sempre chiaro ed estremamente efficace, senza rinunciare a fare sfoggio delle proprie abilità compositive : ne è prova l’interessante chiasmo che campeggia nella sezione centrale del § 7, in cui vengono disposti in maniera simmetrica ed antitetica i concetti-chiave v cordi tutto il paragrafo, infatti al risponde (e si oppone concettualmente) l’espressione . Raffaella Lombardo Università di Chieti – Pescara

  Eustath., 2, 775, 20 van der Valk.   Eustath., 2, 776, 1 van der Valk.

42 43

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TROISIÈME PARTIE PRIÈRES HELLÉNISTIQUES

LA RHÉTORIQUE DE LA PRIÈRE DANS LES IDYLLES DE THÉOCRITE Sur les trente Idylles qui nous sont parvenues sous le nom de ­Théocrite, vingt-deux sont considérées comme authentiques1. Ces dernières sont très dissemblables et ne se laissent réduire à aucune formule, à aucun schéma-type, mais elles présentent des points communs. L’un des plus frappants est la présence de la parole. Les personnages de Théo­ crite et le poète lui-même parlent d’abondance. Certaines Idylles se présentent comme des dialogues, d’autres comme des monologues, d’autres comme des récits pouvant inclure des dialogues ou des monologues. Dans d’autres encore, c’est Théocrite qui s’adresse à un ami ou à un prince2. On pourrait donc qualifier de rhétorique la poésie des Idylles puisque leur trame consiste, pour une bonne part, en discours. Parmi ces discours, les prières constituent un cas particulier. Elles sont une forme éminente de la rhétorique religieuse de Théocrite. Celui-ci n’a pas composé d’hymnes aux dieux, comme ses contemporains Callimaque et Cléanthe. Il a créé un genre inédit, l’idylle, petite forme poétique où les prières trouvent leur place. Elles sont prononcées dans des situations diverses et parfois paradoxales. À cette diversité répond celle de leurs modalités souvent complexes. Analyser cette complexité peut permettre d’éclairer leur fonction et de montrer comment la rhétorique de la prière dans les Idylles , si elle relève bien de la rhétorique religieuse, est aussi, et peut-être surtout, une rhétorique poétique au service d’une intention créatrice originale. Dans les Idylles, les prières sont de longueur inégale. Les plus brèves sont des invocations ou des vœux prononcés par des personnages au début, à la fin ou au cours de leurs discours ou de leur chant. Ainsi, dans l’Idylle I, les deux refrains qui viennent scander le chant de Thyrsis sont des invocations aux Muses que Thyrsis salue également alors qu’il va cesser de chanter, en leur promettant d’autres chants à l’avenir 3. Dans l’Idylle II, Simaitha s’adresse à Séléné par un autre refrain où elle répète

  Ce sont les Idylles I-VII, X-XVIII, XXII, XXIV, XXVI, XXVIII-XXX.   Dialogues  : Idylles I, IV, V, X, XIV, XV. Monologues  : Idylles II, III, XII, XXIX-XXX. Récits : Idylles VI, VII, XVIII, XXII, XXIV, XXVI. Adresses du poète : Idylles XI, XIII, XVI, XVII, XXVIII. 3   I, 64, 70, 73, 76, 79, 84, 89, 94, 99, 104, 108, 111,114, 119, 122, 127, 131, 137, 142, 144-145. 1 2

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qu’elle veut lui expliquer l’origine de sa passion pour Delphis4. Dans l’Idylle X, avant de chanter sa bien-aimée Bombyca, Boucaios invoque les Muses. Milon lui répond par un chant aux moissonneurs où il commence par demander à Déméter une bonne récolte5. Dans l’Idylle XII, l’amant qui célèbre le retour de son bien-aimé souhaite recevoir avec lui le souffle des Amours et former avec lui un couple qu’on chantera longtemps après qu’ils seront morts tous les deux. Et il invoque Zeus, fils de Cronos, et les autres Immortels pour qu’il en soit ainsi6. Dans l’Idylle XV, le chant en l’honneur d’Adonis qu’écoutent Gorgo et Praxinoa au palais royal d’Alexandrie s’achève par un vœu : la chanteuse argienne demande à Adonis de continuer, dans l’année qui vient, à protéger ceux qui sont présents. Ils l’ont accueilli avec joie et veulent recommencer lorsqu’il reviendra7. Au début de l’Idylle XVII, c’est Théocrite lui-même qui, par une formule semblable à celle qui ouvre les Phénomènes d’Aratos, invoque Zeus et les Muses avant de commencer son éloge de Ptolémée Philadelphe8. Dans l’Idylle XXVIII, il demande à Zeus de lui donner une bonne traversée jusqu’à Milet où il veut offrir une quenouille d’ivoire à l’épouse de son ami Nikias. Ce sont là des prières brèves, faites en passant et où le poète et ses personnages entendent avant tout se placer sous le regard et sous la protection de certaines divinités sans leur adresser de demandes détaillées. Mais on trouve aussi dans les Idylles des prières plus longues et plus circonstanciées. Ces prières contiennent des requêtes précises. Ainsi, dans l’Idylle I, Daphnis mourant demande à Pan de venir en Sicile pour recevoir sa syrinx dont il veut lui faire offrande9. Dans l’Idylle II, au moment de commencer le rite magique dont elle espère qu’il lui rendra Delphis, le beau garçon qui l’a séduite et abandonnée, Simaitha prie Séléné et Hécate. Elle les choisit pour partenaires de ses actes et leur demande leur assistance10. Un peu plus tard, elle commence une prière à Artémis puis l’interrompt, car elle croit entendre Hécate arriver11. Évoquant dans l’angoisse ses tourments amoureux, elle interpelle ensuite Éros qu’elle compare à une sangsue12. À la fin, elle s’adresse de nouveau à Séléné pour la   II, 69, 75, 81, 87, 93, 99, 105, 111, 117, 123, 129, 135.   X, 24-25, 42-43. 6   XII, 10-11, 17-18. 7   XV, 143-144. 8   XVII, 1-2. 9   I, 123-130. 10 II, 10-16. 11 II, 33-34. 12 II, 55-56. 4 5

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saluer et pour évoquer son voyage vers l’Océan avec les autres astres qui font cortège au char de la Nuit13. Dans l’Idylle VII, toutes les prières sont également prononcées par un seul personnage, Simichidas. Dans le chant par lequel il répond à celui de Lykidas, il prie Pan, puis les Amours pour qu’ils viennent en aide à son ami Aratos en lui donnant le garçon dont il est éperdument amoureux14. Ensuite, évoquant la célébration des Thalysies en l’honneur de Déméter dans la ferme de Phrasidamos et d’Antigénès, il invoque les Nymphes, puis demande à la déesse de pouvoir, à l’avenir, célébrer encore ainsi sa fête sous la protection de son sourire15. Dans l’Idylle XVI, Théocrite, qui cherche à gagner la faveur de Hiéron de Syracuse, demande pour la Sicile la victoire, la prospérité, le bonheur et la paix, et pour Hiéron la gloire, dans une longue prière qu’il adresse à Zeus, Athéna et Perséphone16. Dans l’Idylle XVIII, qui est un épithalame d’Hélène, il prie pour celle-ci plusieurs divinités : il demande à Létô de lui donner de beaux enfants, à Cypris d’accorder à son couple un amour réciproque et à Zeus de lui garantir une prospérité durable17. Pour qui connaît l’avenir d’Hélène, cette prière ne va pas sans ironie. C’est que Théocrite n’est pas un poète naïf. Comme beaucoup d’autres éléments dans les Idylles, les prières pourraient servir à le démontrer. Elles sont d’abord placées sous le signe de la diversité. Parmi les personnages qui les prononcent, on trouve une figure de légende, Daphnis, une jeune citadine abandonnée, des bergers amoureux ou mêlés aux amours de leurs amis, et des chanteurs comme Thyrsis, l’Argienne qui célèbre Adonis dans l’Idylle XV et Théocrite lui-même. Les divinités à qui ils adressent leurs prières ne sont pas moins diverses. Ce sont Pan, Séléné, Hécate, Artémis, Déméter, les Amours, Zeus, Adonis, Athéna, Perséphone, Létô, Cypris et, bien sûr, les Muses, divinités tutélaires du chant poétique. Même si l’on y constate l’absence de grandes figures de l’Olympe comme Héra, Poséidon ou Apollon, le panthéon des Idylles est donc assez peuplé. Et les dieux qui le composent sont invoqués dans des situations qui peuvent parfois surprendre. Le plus souvent, celles-ci ne présentent aucun caractère religieux. La moisson (Idylle X), le retour d’un garçon aimé (Idylle XII), la supplique à un prince dont Théocrite espère la faveur (Idylle XVI) et l’éloge qu’il adresse à un autre prince dont il s’est assuré la protection (Idylle

  II, 163-166.   VII, 103-114, 115-119. 15   VII, 148-155, 155-157. 16   XVI, 82-103. 17   XVIII, 50-53. 13 14

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XVII), le voyage qu’il fait à Milet pour y retrouver un ami (Idylle XXVIII) sont des occasions dépourvues de tout aspect rituel. En revanche, cet aspect existe dans la célébration des Thalysies (Idylle VII) et dans l’épithalame d’Hélène (Idylle XVIII). Or Théocrite semble tout faire pour l’atténuer ou pour le contourner. Nous avons noté l’ironie de la prière pour le bonheur conjugal d’Hélène. Cette prière est attendue dans un épithalame, mais comme elle est hypothéquée par un avenir connu du poète comme de son public, son caractère solennel s’en trouve compromis. Dans l’Idylle VII, la prière de Simichidas à Pan et aux Amours est antérieure à la célébration des Thalysies chez Phrasidamos et Antigénès. D’autre part, lorsque Simichidas évoque cette célébration dans la dernière partie du poème18, il recourt à une ellipse surprenante, puisqu’il ne décrit pas les rites accomplis et préfère chanter les plaisirs qu’il a goûtés dans le cadre enchanteur de la propriété de ses amis. Sa prière finale à Déméter ne fait pas partie du rituel de la fête. Quant aux Idylles I et II, leur caractère religieux apparaît pour le moins problématique. Dans l’Idylle I, Thyrsis chante les souffrances et la mort de Daphnis. C’est sans doute un événement sacré puisqu’il concerne l’entrée dans la légende du berger parfois considéré comme l’inventeur du chant bucolique19. Mais s’il est vrai qu’en donnant à son chant la forme d’un thrène ponctué d’invocations aux Muses qui prennent la forme d’un refrain, Théocrite confère à cet événement un aspect rituel qui s’accorde avec sa signification mythique20, le seul rite accompli pendant son déroulement est l’offrande que Daphnis fait à Pan de sa syrinx. Le berger prie le dieu de venir pour la recevoir, mais il ne lui demande pas de le sauver de la mort. Sa prière présente donc un caractère rituel ponctuel, sans rapport avec un cérémonial prolongé où elle viendrait prendre sa place, et son contenu a de quoi surprendre, comme celui des prières de Simaitha dans l’Idylle II. En effet, Simaitha ne prie pas Séléné et Hécate pour qu’elles lui rendent Delphis. Elle entend le récupérer elle-même au moyen des rites magiques qu’elle accomplit avec l’aide de sa servante Thestylis. Ces rites et l’efficacité qu’ils sont censés posséder relèvent d’une action et d’une croyance individuelles. Alors que, dans la religion, les rituels collectifs et la reconnaissance d’une dépendance vis-à-vis du bon vouloir des dieux   VII, 131-157.   Voir R. Hunter, Theocritus. A Selection, Cambridge, 1999, p. 66-67. Je cite et je traduis le texte de cette édition. Pour les poèmes qui ne s’y trouvent pas, je cite et je traduis le texte de l’édition de P.-E. Legrand, Bucoliques grecs I. Théocrite, Paris, 1925, rééd. 1972. 20   Voir Hunter, Theocritus…, p. 67. 18 19

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prédominent, la magie implique une démarche solitaire21 et une volonté d’influencer soi-même le cours des choses. Il n’est pas douteux que Simaitha possède cette volonté. Elle invoque les déesses pour que les rites qu’elle a choisis suivent un cours favorable, non pour obtenir le résultat qu’ils sont censés garantir. Ses prières s’inscrivent donc dans un cadre rituel incontestable, mais paradoxal. Ce paradoxe réside dans l’accompagnement de rites magiques par l’invocation de divinités dont la protection est réclamée, sans que leur intervention directe soit pour autant sollicitée22. Les prières de Simaitha sont paradoxales parce qu’elles visent à transformer les déesses à qui elles sont adressées non en bienfaitrices, mais en auxiliaires. En fait, avec la diversité, le paradoxe s’avère la caractéristique principale des circonstances qui président à la prière dans les Idylles. Ses modalités réservent d’autres surprises. La rhétorique de la prière présente d’abord dans les Idylles un aspect syntaxique. La position des prières et les correspondances qui existent entre elles ou qu’elles entretiennent avec d’autres éléments définissent l’unité de certaines parties des poèmes et parfois même d’un poème entier. Dans l’Idylle I, les invocations de Thyrsis aux Muses servent de refrain et contribuent ainsi à marquer les limites de son chant et à l’isoler comme une entité distincte du reste du poème : il commence avec la première invocation et s’achève avec la dernière. De même, dans l’Idylle X, la prière de Boucaios aux Muses et celle de Milon à Déméter ouvrent leurs chants respectifs23, soulignant ainsi, malgré la différence de leur contenu, l’étroite correspondance qui les lie et donc l’unité de la seconde partie du poème24, une partie lyrique qui se distingue nettement de la première où se déroule un dialogue entre les deux moissonneurs25. Dans l’Idylle II, à la prière initiale de Simaitha à Séléné répond le salut qu’elle adresse à la même déesse au terme du poème26. Dans l’Idylle VII, la prière finale où Simichidas demande à Déméter de pouvoir encore à l’avenir célébrer en son honneur les Thalysies renvoie à la mention de la déesse et de sa fête au début du poème27. Ces prières sont des bornes. Elles balisent l’espace des Idylles et contribuent à lui donner une forme.   Voir W. Burkert, Greek Religion, Oxford, 1985, p. 55.   Voir M. W. Dickie, Magic and Magicians in the Greco-Roman World, Londres – New York, 2001, p. 38-39, 103-104. 23   X, 24-25 et 42-43. 24   X, 24-55. 25   X, 1-23. 26   II, 10-11 et 165-166. 27   VII, 3-4. 21 22

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Elles marquent son commencement et sa fin ou délimitent en son sein des entités significatives. Mais la rhétorique de la prière n’est pas seulement un facteur d’ordre dans les Idylles. Elle y introduit aussi certaines surprises. Ces surprises concernent d’abord l’occurrence des prières. Elles surviennent parfois où on ne les attendait pas. Dans l’Idylle X, on comprend que Boucaios se place sous l’invocation des Muses pour chanter sa chère Bombyca et que Milon demande à Déméter une riche récolte. Mais leurs prières surprennent parce qu’elles ouvrent des chants inattendus dans le contexte de cette Idylle. En effet, Boucaios et Milon ne sont pas en train de prendre du repos, à l’heure chaude de midi, comme Thyrsis et le chevrier dans l’Idylle I, ni de profiter d’une rencontre fortuite et du loisir d’un jour de fête pour échanger des chants, comme Simichidas et Lykidas dans l’Idylle VII. Ils ne connaissent pas un de ces temps de vacance qui, chez Théocrite, sont propices au chant et à la poésie. Ils travaillent. Ils sont en train de moissonner un champ et Milon veut imposer, dans ce travail, un rythme que Boucaios, qui pense à Bombyca, n’arrive pas à suivre, ce que Milon lui reproche sans détour dès le début du poème28. Lorsque Boucaios lui demande si quelqu’un ne lui a jamais manqué, Milon répond : « Jamais. À quoi bon, pour un ouvrier, désirer ceux qui ne sont pas là ? »29 Et quand Boucaios veut savoir si l’amour l’a déjà empêché de dormir, Milon se montre tout aussi catégorique : « Pourvu que ça ne m’arrive jamais ! Il est mauvais qu’un chien goûte aux tripes. »30 Donc, à en croire Milon, la condition amoureuse n’est pas faite pour un homme qui travaille la terre. Elle est bonne pour les oisifs et pour les riches. Boucaios ferait-il partie de cette dernière catégorie ? Milon constate avec ironie qu’il boit en puisant au tonneau, c’est-à-dire qu’il semble assez riche pour prendre le temps d’aimer, alors que lui-même n’a que de la piquette à boire, et même en quantité insuffisante31. Si les Idylles pastorales de Théocrite illustrent la compatibilité de la passion amoureuse avec le métier de berger, l’Idylle X vient les corriger en soulignant son incompatibilité avec le travail des champs. Pourtant, la passion ne va pas disparaître de ce rude tableau, aux couleurs hésiodiques32, de la condition des moissonneurs. Dans la seconde partie du poème, elle apparaît d’abord dans le chant que Boucaios

  X, 1-6.   X, 9. 30   X, 11. 31   X, 13. 32   Voir Hunter, Theocritus…, p. 199-201. 28 29

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entonne, autre paradoxe, à l’invitation de Milon qui espère ainsi lui faciliter la tâche puis, sur le mode négatif, dans celui de Milon qui énumère des consignes pour les travailleurs de la terre et qui conclut avec intransigeance : « Voilà ce que des hommes en train de peiner au soleil doivent chanter. Quant à ton amour, Boucaios, de meurt-de-faim, il est bon à raconter pour ta mère, quand elle reste au lit au point du jour. »33

Cependant, Milon a dû chanter pour répondre à Boucaios, ce qui ne semblait pas a priori conforme à sa conception de la vie paysanne. Quant à Boucaios, il a commencé son chant par une prière aux Muses, patronnes du chant poétique, mais non du travail des champs qui est pourtant sa tâche immédiate. Le caractère inattendu de cette prière est à la fois compensé et souligné par celle que Milon adresse à Déméter, une prière qui correspond cette fois à la situation des personnages. Les deux prières se trouvent donc dans un rapport d’antilogie qui met en relief la surprise qu’elles provoquent. Mais les prières peuvent surprendre aussi lorsqu’elles s’opposent à d’autres éléments qui les précèdent. C’est le cas dans l’Idylle I où la prière de Daphnis à Pan suit presque immédiatement les paroles cinglantes qu’il adresse à Aphrodite. L’attitude de la déesse n’est pas facile à définir et les vers qui la décrivent ont peut-être été mal transmis34. En tout cas, elle vient auprès de Daphnis mourant d’amour pour triompher de lui en mêlant le rire à la colère : « … elle riait, c’est en secret qu’elle riait, mais elle faisait montre d’une grande colère, et dit : “C’est donc toi qui te jurais, Daphnis, que tu ferais plier Éros ? Est-ce que toi-même le cruel Éros ne t’a pas fait plier ?” »35

À ces paroles sarcastiques, Daphnis répond avec violence36. Il applique d’abord à Aphrodite des épithètes injurieuses : « Cypris accablante, Cypris détestée, Cypris odieuse aux mortels »37, avant d’affirmer qu’il ne cèdera pas à Éros et qu’il continuera à le défier même dans l’Hadès. Ensuite, il renvoie la déesse : qu’elle retourne sur l’Ida où elle connut, dit-on, une bonne fortune avec Anchise. Adonis possède d’ailleurs autant

  X, 56-58.   Voir Hunter, Theocritus…, p. 94-95. 35   I, 95-98. 36   I, 100-113. 37   I, 100-101. 33 34

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de charme que ce dernier. Qu’Aphrodite s’en aille aussi affronter de nouveau Diomède sur le chant de bataille de Troie38 en se targuant auprès du héros de sa victoire sur Daphnis. Ces invectives constituent, en fait, une véritable anti-prière. Daphnis interpelle la déesse par des épiclèses insultantes alors que, dans une prière, on prononce des épiclèses propitiatoires et adaptées à la demande qu’on va formuler. Il refuse d’obéir au pouvoir d’un dieu, Éros, alors que toute prière présuppose et réaffirme la toute-puissance des divinités. Il chasse Aphrodite venue auprès de lui, alors qu’on prie souvent pour avoir un dieu à ses côtés. Il évoque la vie sexuelle passée et future de la déesse avec une familiarité grossière qui serait inimaginable dans une prière. En outre, la mention d’Adonis apparaît au lecteur comme lourde de menaces, comme si Daphnis connaissait déjà la fin tragique du jeune homme et le chagrin futur d’Aphrodite39. Or on ne prie pas une divinité pour la menacer, ni d’ailleurs pour se moquer d’elle, ce que fait pourtant Daphnis en rappelant à ­Aphrodite que Diomède l’a blessée sous les murs de Troie. Daphnis adresse donc à Aphrodite une anti-prière impie à laquelle s’oppose ensuite sa prière à Pan. Alors qu’il chassait la déesse, il demande au dieu de venir auprès de lui : « Ô Pan, Pan, que tu sois sur les hauts monts du Lycée ou que tu vagabondes sur le grand Ménale, viens ici sur l’île de Sicile et quitte le sommet d’Hélice et le tombeau escarpé du fils de Lycaon que même les bienheureux admirent. »40

Cette prière relève d’un genre, le chant d’appel ( ), familier des poètes depuis l’époque archaïque41. On y évoque les lieux familiers des dieux qu’on prie pour les inviter à les quitter et à venir apporter leur aide. Comme les épiclèses, cette évocation est un moyen d’identifier ces dieux et de se placer sous leur égide. Elle est un acte de piété, comme l’offrande que Daphnis veut faire à Pan et qu’il ne compromet par aucun propos déplacé, par aucune menace. Alors qu’il affirme que son combat contre Éros continue, il proclame son affinité avec Pan sur le plan musical. Au dieu qui passait pour l’inventeur de la syrinx42, il veut offrir son propre instrument. Il a donc besoin de l’avoir à ses côtés.   Cf. Iliade V, 335-430.   Cf. Euripide, Hippolyte 1416-1422 ; Théocrite, III, 46-48. 40   I, 123-126. 41   Voir R. G. M. Nisbet, M. Hubbard, A Commentary on Horace : Odes, Book I, Oxford, 1970, p. 343-344. 42   Voir Longus II, 33, 3-34. Achille Tatius VIII, 6, 2-11. 38 39

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Il est avec lui, comme il était contre Aphrodite. Sa prière à Pan prend tout son relief et tout son sens dans cette opposition. Elle est une réplique à son anti-prière à Aphrodite. Elle relève d’une rhétorique antilogique où chaque élément met en valeur son contraire en même temps qu’il le contredit. Cette rhétorique peut aussi se déployer avec une plus grande ampleur en associant des éléments plus nombreux dans un système plus complexe. C’est le cas dans l’Idylle VII, lorsque Simichidas prie pour son ami Aratos. Il le fait dans le chant par lequel il répond à celui de Lykidas. Ce dernier évoque son bien-aimé Agéanax qui doit partir pour Mytilène. Il déclare qu’Agéanax fera bon voyage s’il met fin à ses souffrances, c’està-dire s’il lui accorde ses faveurs avant de s’en aller43. Puis il passe du registre de l’affirmation aux accents oraculaires à celui du vœu : « Puisqu’Agéanax désire naviguer jusqu’à Mytilène, que tout lui soit propice et qu’après une bonne navigation il arrive au mouillage. »44

Ce vœu ne s’adresse à personne. C’est une prière sans dieu, et qui révèle chez Lykidas l’angoisse que lui inspire l’absence prochaine d’Agéanax. Cette angoisse, il va tenter d’y porter remède en imaginant un banquet où l’on chantera pour lui deux bergers légendaires, Daphnis et Comatas, tandis qu’il rêvera d’Agéanax45. À cette méditation mélancolique s’oppose le chant bien plus terre-à-terre de Simichidas qui veut d’urgence porter remède aux souffrances d’Aratos. Ce premier contraste en entraîne d’autres. Pour secourir son ami, Simichidas prie d’abord Pan, puis les Amours. Sa prière à Pan comporte deux parties égales. Dans la première46, il demande au dieu de jeter dans les bras d’Aratos le garçon dont ce dernier est amoureux, qu’il s’agisse de Philinos ou d’un autre. S’il le fait, les jeunes gens d’Arcadie ne lui flagelleront plus les flancs et les épaules avec des tiges d’oignon marin lorsqu’ils auront reçu une trop petite part de viande. Dans la seconde partie, en revanche, Simichidas souhaite à Pan, s’il n’aide pas Aratos, d’être irrité par des démangeaisons et d’être accablé tantôt par le froid, tantôt par la chaleur en séjournant en hiver dans les montagnes de Thrace et en été chez les Éthiopiens47. La rhétorique de cette prière repose sur un réseau d’oppositions. Simichidas envisage successivement deux cas, celui de l’acquiescement et celui du   VII, 52-60.   VII, 61-62. 45   VII, 63-89. 46   VII, 103-108. 47   VII, 109-114. 43 44

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refus de Pan, avec leurs conséquences. Cependant, ces deux cas ne sont pas symétriques. Dans le premier, la récompense de Pan ne paraît pas proportionnée à son concours. Il y gagnera seulement de ne plus être maltraité lors des rites suivant un sacrifice dont les participants s’estimeront mal servis. Dans ces rites, qui semblent bien correspondre à des réalités, Pan joue un rôle analogue à celui d’un bouc émissaire48. Simichidas souhaite une amélioration de son sort. Dans le second cas, en revanche, les souffrances dont Simichidas menace Pan sont peut-être une punition proportionnée à son refus, mais leur mention se trouve en contradiction avec l’idée même de prière. Dans l’Idylle I, nous l’avons vu, Daphnis menaçait Aphrodite, mais ne la priait pas. Dans l’Idylle VII, Simichidas menace Pan tout en le priant. Il lance contre lui des imprécations qui appartiennent au registre traditionnel de la magie, mais non à celui de la religion. Lorsqu’on accomplit des rites magiques, on peut souhaiter aux puissances dont on demande le concours d’être punies si elles ne vous l’accordent pas49. Mais Simichidas n’est pas en train d’accomplir ce genre de rites. Il adresse une prière à Pan et se met à appeler sur lui des souffrances censées punir son éventuelle défection. Il y a là une contradiction qu’accentue encore le caractère extravagant de ses imprécations censées attirer sur le dieu les désagréments de l’insomnie et des rigueurs du climat. On y a vu le signe de l’humour de Théocrite qui inciterait ainsi le lecteur à ne pas prendre au sérieux la prière de Simichidas50. Mais s’il s’agit bien d’une plaisanterie, elle est longue et très élaborée. En effet, après avoir ainsi prié Pan, Simichidas se met à prier les Amours : « Mais vous, quittant l’eau douce d’Hyétis et de Byblis et Oikous, séjour escarpé de la blonde Dioné, ô Amours semblables à des pommes rougissantes, décochez, je vous en prie, vos flèches au charmant Philinos, décochez-les, puisque le misérable n’a pas pitié de mon hôte. »51

Après sa prière extravagante à Pan, Simichidas revient à une prière traditionnelle qu’il adresse aux Amours. On y reconnaît un chant d’appel où l’invocation précède la demande. Cette prière s’oppose donc à celle qui la précède, mais elle la continue aussi. Il s’agit toujours de   Voir P. Borgeaud, Recherches sur le dieu Pan, Genève, 1979, p. 106-114.   Voir Hunter, Theocritus…, p. 184-185. 50   Voir L. Watson, Arae. The Curse Poetry in Antiquity, Leeds, 1991, p. 135-137 ; Hunter, Theocritus…, p. 182. 51   VII, 115-119. 48 49

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l’amour d’Aratos pour un garçon, peut-être Philinos, qui se retrouve maintenant sur le devant de la scène. Simichidas demande aux Amours de le rendre lui aussi amoureux afin qu’il souffre comme Aratos. Le fait-il parce qu’il vient de constater que sa prière précédente n’a pas été exaucée ? Dans ce cas, le récitant marquerait une pause après la fin de la prière à Pan, avant d’entamer la prière aux Amours52. Mais que Philinos devienne à son tour amoureux ne saurait compenser le fait qu’il ne se trouve pas dans les bras d’Aratos. Cette seconde demande n’efface pas la première. Toutes les deux renvoient, en fait, à la vie amoureuse chaotique d’Aratos. Elle est si agitée que Simichidas n’est même pas sûr de l’identité du garçon qui fait souffrir son ami. Comme il le dit à Pan, c’est peut-être Philinos, ou peut-être un autre53. Cette incertitude fait penser qu’Aratos possède ou convoite de nombreux amants. Sa vie amoureuse paraît à la fois agitée et confuse. Pareille confusion inspire à Simichidas une grande lassitude. À la fin de son chant, il demande à son ami de cesser de courir après le garçons et de ne plus l’emmener avec lui pour des veilles épuisantes devant des portes qui ne s’ouvrent pas54. En réalité, le désordre qu’illustrent ces expéditions nocturnes influe aussi sur son état d’esprit. Ses prières à Pan et aux Amours le font bien voir. Elles sont pleines d’extravagances, de propos inconsidérés et de contradictions. Avec Simichidas, la rhétorique antilogique de la prière atteint un degré de complexité qui renvoie au chaos de la réalité qu’elle évoque. Elle a une fonction de représentation, c’est-à-dire une fonction poétique. Une prière semble a priori devoir viser davantage son destinataire que son auteur, même si ce dernier doit être, en définitive, le bénéficiaire de ses effets. Elle est d’abord orientée vers la divinité censée la recevoir et l’exaucer. Or dans certaines Idylles de Théocrite, cette intentionnalité de la prière se trouve inversée. Alors, même si elle est destinée à un dieu, la prière renvoie d’abord à celui qui prie et dont elle met en relief la situation. C’est le cas dans l’Idylle II. Nous avons vu que les prières de Simaitha s’y trouvent, non sans paradoxe, associées aux rites magiques qu’elle accomplit. Elles font partie de son monologue qui constitue la totalité du poème puisque, même si au début on l’entend donner des ordres à sa servante Thestylis55, celle-ci ne répond jamais. On peut rapprocher ce monologue de l’action verbale inhérente à la magie où les

  Voir Hunter, Theocritus…, p. 186.   VII, 105. 54   VII, 122-127. 55   II, 1-63. 52 53

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mots accompagnent et doublent, en quelque sorte, les actes qu’on accomplit. Cependant, cette action verbale n’est pas continue dans le poème. Elle se manifeste par phases. Ces phases alternent avec d’autres phases où prédomine une parole passive qui exprime l’impuissance de Simaitha et sa dépendance vis-à-vis de Delphis. L’Idylle commence par des questions et des ordres de Simaitha à Thestylis. Ils sont suivis par une évocation de l’absence de Delphis56. Ensuite, Simaitha revient aux rites57, mais même alors qu’elle les accomplit, elle s’abandonne par moments à sa souffrance58. Après que Thestylis est partie pétrir des drogues sur le seuil de la maison de Delphis, Simaitha se retrouve seule et revit toute son aventure avec le bel infidèle en la racontant à Séléné59. À la fin du poème, son volontarisme magique reprend le dessus avant de laisser place à la sérénité résignée qui marque sa prière finale à Séléné60. Cette alternance entre action verbale et parole passive donne son rythme au poème. Elle détermine aussi la répétition et la succession des refrains. Le premier, « Iynx, attire-le vers ma maison lui, mon homme », s’adresse au disque dont la rotation fait partie des rites accomplis par Simaitha. Il relève donc de l’action verbale. Le second, « Connais mon amour, d’où il est venu, auguste Séléné », accompagne le récit que Simaitha fait à la déesse de sa liaison avec Delphis. Il appartient donc au registre de la parole passive. Ces refrains sont des invocations qui s’opposent, puisque l’une s’adresse à un objet magique et l’autre à une divinité. Mais ces invocations se font aussi écho et participent de la même structure répétitive qui donne sa forme à la majeure partie du monologue de Simaitha. Cette répétition traduit sans doute la monotonie des rites magiques euxmêmes61. Mais elle symbolise surtout l’enfermement de Simaitha dans sa solitude et dans son histoire d’amour avec Delphis. Elle tente de sortir de cet enfermement par ses paroles, mais elle s’y trouve renvoyée par elles. Et même ses prières contribuent à ce retour inéluctable. Puisqu’elle consiste dans un appel lancé à une divinité pour lui demander d’intervenir, la prière relève sans aucun doute de l’action verbale. Mais cette action ne parvient pas à libérer Simaitha. Celle-ci ne sépare pas ses prières des rites qu’elle accomplit. Elle prie d’abord Séléné et Hécate :   II, 1-3, 4-9.   II, 10-63. 58   II, 38-41. 59   II, 64-158. 60   II, 159-162, 163-166 61   Voir K. Dover cité par N. Hopkinson, A Hellenistic Anthology, Cambridge, 1988, p. 156. 56 57

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« Eh bien, Séléné, brille d’un bel éclat, car c’est à toi que j’adresserai à voix basse, déesse, mes incantations, et à la souterraine Hécate… »62

Par cette prière, qui précède la première occurrence du premier refrain, Simaitha donne la priorité à la magie dont elle demande aux déesses d’être les auxiliaires. Et elle va, tout du long, maintenir cette hiérarchie. On le voit bien lorsqu’elle prie Artémis. Comme il se doit, elle commence par invoquer la déesse : « Et toi, Artémis, tu pourrais mettre en branle l’acier qu’on trouve dans l’Hadès et tout ce qu’il y a d’autre qui soit inébran­ lable… »63

Mais elle ne va pas plus loin, car elle croit entendre les chiens d’Hécate, preuve que la déesse arrive. Comme celle-ci doit être, avec Séléné, l’auxiliaire des rites qui commencent, elle a priorité sur Artémis, car cette dernière est étrangère à ces rites. Et cette priorité s’avère définitive puisque, après avoir annoncé l’arrivée d’Hécate, Simaitha ne revient pas vers Artémis. Sa prière demeure inachevée. Qu’allait-elle demander à la déesse  ? D’émouvoir pour elle le cœur de Delphis, puisqu’elle pourrait mettre en mouvement même les portes d’acier de l’Hadès ?64 Peut-être. Mais on peut trouver surprenant que Simaitha, dans sa situation, appelle à l’aide une déesse qui symbolise la virginité la plus farouche. Dans cette prière paradoxale, l’irrationalité de la passion semble prendre pour un instant le pas sur l’apparente rationalité technique de la magie qui est censée la satisfaire. Mais cet ascendant ne dure pas. Nous ne saurons pas ce que Simaitha voulait demander à Artémis. Hécate, les rites magiques qu’elle est censée seconder et la souffrance de Simaitha qu’ils sont supposés faire cesser l’emportent sur toute autre réalité. Il en est ainsi jusqu’à la fin de l’Idylle. À ce moment-là, Simaitha prie à nouveau Séléné : « Eh bien salut à toi, vers l’Océan dirige tes chevaux, vénérable. Quant à moi, je porterai mon désir comme je l’ai supporté. Salut, Séléné à la chair brillante, salut, autres étoiles, qui escortez le char de la nuit tranquille. »65

Cette prière semble exprimer une sérénité retrouvée. À la place d’un appel à l’aide angoissé, on y trouve un au revoir. À l’enfermement   II, 10-12.   II, 33-34. 64   C’est l’interprétation de Hopkinson, A Hellenistic Anthology, p. 159. 65   II, 163-166. 62 63

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obsessionnel dans les gestes et dans les paroles de la magie succède une ouverture vers le ciel et vers les astres. Quant à son désir de l’infidèle absent, Simaitha se dit prête à continuer à le supporter. Cette résignation volontaire semble exprimer la fin de sa sujétion à sa passion. Mais elle intervient alors que Simaitha a fini d’accomplir les gestes et de prononcer les paroles qui doivent lui rendre Delphis. Les rites magiques s’achèvent en général par le congédiement des puissances qu’on avait convoquées pour assurer leur succès. À la fin de l’Idylle II, Simaitha respecte cet usage. Elle prie Séléné pour lui donner congé66. Loin de la soustraire à l’emprise de la magie, sa prière montre qu’elle lui est soumise jusqu’à la fin. Elle en suit jusqu’au bout le rituel. Exprime-t-elle un doute sur ses résultats ? Elle se déclare disposée à subir son désir avec toutes ses conséquences. Celles-ci ne disparaîtront pas avec lui, même si Delphis revient auprès d’elle. Il y aura d’autres départs et d’autres crises. Bien qu’adressée à Séléné, la prière de Simaitha renvoie d’abord à cette dernière. Elle contribue à la représentation de sa situation, celle d’une amoureuse à jamais prisonnière de sa passion. Elle participe de la création poétique de Théocrite. Ce dernier utilise la rhétorique de la prière comme un moyen de sa poésie. Les invocations aux Muses qui ponctuent certaines Idylles sont là pour rappeler cette vérité. Dans l’Idylle X, au moment de chanter Bombyca, Boucaios appelle les Muses à chanter avec lui67. Théocrite les invoque aussi au début de l’Idylle XVII où il célèbre Ptolémée Philadelphe. Pour raconter les souffrances et la mort de Daphnis dans l’Idylle I, Thyrsis se place sous leur patronage. Il les prie dans les deux refrains qui rythment son chant et, pour mieux les en rendre maîtresses, c’est elles qu’il invite à le commencer et à l’achever : « Commencez chères Muses, commencez le chant bucolique… Finissez, Muses, allez finissez le chant bucolique. » Cependant, pour donner à l’Idylle VII un ton résolument bucolique68, Théocrite remplace les Muses par les Nymphes. Non que les Muses soient absentes du poème. La rencontre entre Simichidas et 69 , et Lykidas rappelle comLykidas a lieu grâce à elles, ment elles protégèrent le berger Comatas contre la folie criminelle de son maître70. Cependant, Simichidas a beau se présenter comme une « bouche sonore des Muses »71, il déclare que ce sont les Nymphes, et non les   Voir A. S. F. Gow, Theocritus, Cambridge, 1952, II, p. 62-63.   X, 24-25. 68   Voir Hunter, Theocritus…, p. 178-179, 197. 69   VII, 12. 70   VII, 82. 71   VII, 37. 66 67

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la rhétorique de la prière dans les idylles de théocrite

Muses, qui lui ont appris bien des chants tandis qu’il gardait ses troupeaux72. Et lorsqu’il veut célébrer le vin délectable qu’il a bu chez Phrasidamos, il se tourne encore vers les Nymphes pour les consulter et confirmer, par une interrogation oratoire, la véracité de son propos : ce vin était-il semblable à celui que le centaure Chiron servit à Héraclès et à celui qui fit danser Polyphème dans sa caverne ?73 Simichidas attribue donc aux Nymphes le magistère et l’autorité poétiques des Muses. Ce transfert ne met que mieux en valeur la fonction de son objet. En invoquant ainsi les Muses ou les Nymphes, Théocrite appelle ces divinités à concourir à la réalisation de ses œuvres qu’il veut placer sous leur égide. Ses courtes prières célèbrent moins leurs destinataires qu’elles ne désignent leurs fins dernières qui sont les Idylles elles-mêmes. Sa rhétorique de la prière est alors une auto-référence. C’est le poète et la poésie qu’elle désigne. Éclectique dans ses destinataires, diverse dans ses occurrences, variable et souvent paradoxale dans ses modalités, la rhétorique de la prière a une portée religieuse, mais remplit aussi une fonction poétique dans les Idylles de Théocrite. Elle est pour lui un instrument de création. Elle lui offre l’occasion de déployer sa virtuosité verbale et son art de la surprise. Elle lui permet aussi de représenter des situations singulières et d’affirmer la nécessité impérative de son projet poétique. Alain Billault Université de Paris IV-Sorbonne

  VII, 91-93.   VII, 148-155.

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LA PRIÈRE ET LA TABLETTE DANS LE MIME IV D’HÉRODAS 1

Le poète Hérodas vécut probablement dans la première moitié du III siècle avant notre ère2. On suppose qu’il fréquenta les cercles d’intellectuels et d’artistes que les deux premiers Ptolémées avaient réunis peutêtre aussi dans l’île de Cos3. Une partie de son œuvre a été conservée en particulier grâce à un papyrus d’Égypte découvert en 1889 et publié en 18914. Les textes transmis constituent des « mimes », ou « mimiambes », c’est-à-dire de courts dialogues dramatiques en vers qui présentent, de manière vive et satirique, des caractères et des scènes de la vie quotidienne. La « curiosité réaliste »5 du poète se manifeste notamment dans la reproduction de discours qui permettent de caractériser les personnages6. Tout en composant des vers en ionien (sur le modèle d’Hipponax), Hérodas s’intéresse au langage et dépeint un monde où la rhétorique joue un rôle important dans la société et dans l’enseignement, mais aussi dans les pratiques religieuses. C’est ce qu’illustre le texte qui va nous occuper à présent. Le Mime IV d’Hérodas s’intitule , c’est-à-dire, littéralement : « Pour Asclépios, femmes qui offrent une dédicace et un sacrifice ». Le texte, qui a pu être composé entre 280 et 265 environ, sous le règne de Ptolémée II Philadelphe, représente la visite que deux femmes, Cynnô et Coccalê, effectuent dans un e

1   Cf. R. Herzog, Die Wunderheilungen von Epidauros (Philologus Sup. 22, 3), Leipzig, 1931, no I, p. 8. 2   Le nom du poète a suscité quelques discussions : cf. O. Masson, « Excursus  », sur le nom du poète : Hérondas, plutôt qu’Hérodas et les noms en Revue de philologie, 48, 1974, p. 89-91 ; L. Di Gregorio, Eronda. Mimiambi (Biblioteca di Aevum Antiquum, 9), Milan, 1997, vol. 1, p.  x-xii. Mais la forme « Hérodas » (sans « n ») semble s’imposer aujourd’hui. Voir déjà C. Hertling, Quaestiones mimicae, Strasbourg, 1899, p. 1, n. 1. 3   Sur le «  cénacle de Cos  », cf.  P.-  E.  Legrand, La Poésie alexandrine, Paris, 1924, p. 19, 97. 4   Cf. F. G. Kenyon, Classical Texts from Papyri in the British Museum, Londres, 1891. 5   L’expression est reprise à Legrand, La Poésie alexandrine, p. 106. 6   Voir en particulier le plaidoyer de Battaros dans le Mime II et la longue tirade de Mêtrotimê dans le Mime III.

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sanctuaire d’Asclépios pour s’acquitter d’une dette envers le dieu médecin7. Dans un premier temps, les deux personnages sont devant un autel8. Cynnô récite une formule d’invocation et d’action de grâce (v.  1-20). Puis, en attendant l’ouverture du temple, les deux femmes contemplent les statues qui s’offrent à leurs yeux (v. 20-53). La première œuvre qui suscite l’admiration de Coccalê s’avère avoir été façonnée par les fils de Praxitèle (Céphisodote et Timarque) et dédiée par un certain Euthias fils de Praxon ; c’est ce que révèle l’inscription sur le socle que Cynnô lit à sa compagne (v. 23-25). Coccalê réagit en demandant aux dieux de bénir les artistes et le commanditaire pour de si beaux ouvrages, réactualisant par là même une prière qui pourrait être aussi gravée sur la base de la statue (v. 25-26). Ensuite plusieurs sujets sont mentionnés et, dans tous les cas, Coccalê loue les œuvres pour l’effet de réel qui s’en dégage (v. 27-38). Suit un intermède comique : Cynnô s’en prend à sa servante Cydilla, qui est en train de rêver, ou d’admirer elle aussi les statues (v. 39-53). Mais voici que s’ouvre la porte du temple (v. 54-56). Les deux amies font remettre au néôcore le coq qu’elles ont apporté au dieu. Elles pénètrent à l’intérieur et s’émerveillent de nouveau à la vue des peintures qui ornent l’édifice (v. 56-78). Coccalê, qui salue au passage la déesse Athéna devant tant de splendeur (v.  58), examine en particulier une œuvre d’Apelle. Le tableau, apprend-on, représente une scène de sacrifice et comprend divers personnages : un enfant nu qui tient une pince en argent, un bœuf et l’homme qui le mène au sacrifice, une femme et deux autres figures masculines, autant d’éléments qui rappellent les offrandes votives figurées qui nous ont été transmises. Ici encore, les deux dévotes soulignent l’impression de vie qui se dégage de l’œuvre exposée. Mais le sacristain les interrompt dans leur contemplation pour leur annoncer que le dieu a réservé le meilleur accueil possible au sacrifice (v. 79-81). C’est ainsi qu’il prononce un péan pour demander au dieu d’être favo-

7   Sur la date du Mime IV, cf. W. Headlam, A. D. Knox, Herodas. The Mimes and Fragments, Cambridge, 1922 (rééd. 1966), p. ix ; J. A. Nairn, L. Laloy, Hérondas, Mimes, Paris, 1928 (rééd. 2003), p. 32 ; I. C. Cunningham, « Herodas 4 », The Classical Quarterly, 16, 1966, p. 117-118 ; Id., Herodas, Mimiambi, Oxford, 1971, p. 128 ; C.  Miralles, «  Consideraciones acerca de la cronología y de la posible localización geografica de algunos Mimiambos de Herodas », Emerita, 37, 1969, p. 355-357. 8   Sur les différentes étapes du mime, voir l’étude détaillée de G. Zanker, « Poetry and Art in Herodas, Mimiamb 4 », dans M. A. Harder, R. F. Regtuit, G. C. Wakker (éds.), Beyond the Canon (Hellenistica Groningana, 11), Louvain – Paris – Dudley, 2006, p. 357-377 (en particulier p. 360-363, 364-365).

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rable aux deux femmes et à leur famille (v. 82-85). Cynnô reprend la prière en écho et formule le souhait de revenir avec maris et enfants pour accomplir un plus grand sacrifice (v. 86-88). Le néôcore reçoit alors sa part du sacrifice (la cuisse du coq), tandis que Cynnô et Coccalê déposent une obole dans le trésor du sanctuaire avant de s’en retourner chez elles (v. 88-95). Si le texte s’inscrit dans un débat d’époque portant sur l’art conçu comme reproduction du réel9, il nous intéresse aussi en ce qu’il retranscrit un discours de type religieux. De fait, il apparaît d’emblée que les adresses aux dieux constituent des éléments structurels dans ce mime. Le texte montre en effet que chaque étape rituelle est accompagnée d’une prière adressée à la divinité. Or la prière ressortit à la rhétorique en tant que cette discipline étudie les lois de la persuasion, car le fait de prier revient à vouloir établir un contact avec la divinité, à vouloir agir sur elle en usant d’un discours raisonné et argumenté10. Pour illustrer ce point, je m’arrêterai sur la prière développée que Cynnô prononce au tout début du mime. Je tâcherai à la fois d’expliquer que cette prière s’inscrit dans une série de gestes solidaires et de montrer qu’elle construit une relation   Cf. en particulier Legrand, La Poésie alexandrine, p. 107-108, 113 ; T. Gelzer, « Mimus und Kunsttheorie bei Herondas, Mimiambus 4 », dans C. Schäublin (éd.), Catalepton. Festschrift für Bernhard Wyss zum 80. Geburtstag, Bâle, 1985, p. 96-116 ; G. Zanker, Realism in Alexandrian Poetry. A Literature and its Audience, Londres – Sydney – Wolfeboro, 1987, p. 43-44, 90-91, 158-160 ; A. Rouveret, Histoire et imaginaire de la peinture ancienne (Ve siècle av. J.-C. – Ier siècle ap. J.-C.), École française de Rome, . Interpretationen zu den Mimiam1989, p. 421-423 et 480 ; F.-J. Simon, ben des Herodas (Studien zur klassischen Philologie, 57), Francfort/Main – Berne – New York – Paris, 1991, p. 59-67 ; S. Goldhill, « The Naive and Knowing Eye : Ecphrasis and the Culture of Viewing in the Hellenistic World », dans S. Goldhill, R. Osborne (éds.), Art and Text in Ancient Greek Culture, Cambridge, 1994, p. 221-222 ; M. B. Skinner, « Ladies’ Day at the Art Institute. Theocritus, Herodas, and the Gendered Gaze », dans A. Lardinois, L. McClure (éds.), Making Silence Speak. Women’s Voices in Greek Literature and Society, Princeton – Oxford, 2001, p. 201-222 ; P. Sineux, « La visite au sanctuaire : le Mime IV d’Hérondas ou propos sarcastiques sur une émotion esthétique », dans C. Bertho Lavenir (éd.), La Visite du Monument, Clermont-Ferrand, 2004, p. 31-48 ; E. Esposito, « Posidippo, Eronda e l’arte tolemaica », dans M. Di Marco, B. M. Palumbo, E. Lelli (éds.), Posidippo e gli altri. Il poeta, il genere, il contesto culturale e letterario. Atti dell’incontro di studio, Roma, 14-15 maggio 2004, Pise – Rome, 2005, p.  191-202  ; A.  Bettenworth, «  Die Darstellung nonverbaler ­Handlungen bei Herondas », dans Harder, Regtuit, Wakker, Beyond the Canon, p. 1-19 ; I. MännleinRobert, « “Hinkende Nachahmung” : Desillusionierung und Grenzüberspielungen in Herodas’ viertem Mimiambos », dans Harder, Regtuit, Wakker, Beyond the Canon, p. 205-227. 10   Cf. L. Pernot, « Prière et rhétorique », dans L. Calboli Montefusco (éd.), Papers on Rhetoric III, Bologne, 2000, p. 213-232. Voir aussi le volume Parler aux dieux. Essais de pragmatique religieuse, paru dans Revue de l’histoire des religions, 211, 2, 1994. 9

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rhétorique entre les fidèles et les dieux, mais aussi entre l’auteur et son lecteur. Une telle analyse permettra de préciser la réflexion menée par Hérodas sur l’art et sa similitude avec la vie. La prière liminaire pour le sacrifice du coq Voici la prière liminaire (v. 1-18) prononcée par Cynnô11 :

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11   Le texte est cité dans l’édition J. Rusten, I. C. Cunningham, Theophrastus, Characters ; Herodas, Mimes ; Sophron and Other Mime Fragments, Cambridge (Mass.) – Londres, 2002, p.  226-228. C’est nous qui traduisons. Parmi les éditions commentées, on pourra se reporter notamment à Headlam, Knox, Herodas. The Mimes and Fragments, p.  166-167 et 174-182  ; P.  Groeneboom, Les Mimiambes d’Hérodas I-VI, avec notes critiques et commentaire explicatif, Groningue, 1922, p. 19-23 et p. 122-155 ; O.  Crusius, R.  Herzog, Die Mimiamben des Herondas, Leipzig, 1926, p.  108-119 (réimpr. Hildesheim, 1967) ; G. Puccioni, Herodae Mimiambi. Introduzione, testo critico, commento e indici a cura di G. P., Florence, 1950, p. 69-90 ; Cunningham, Herodas, Mimiambi, p.  xliii-xlv, p. 37-40 et p. 127-147 ; L. Massa Positano, Eroda, Mimiambo IV a cura di L. M. P. (Collana di Studi Greci, 68), Naples, 1973 ; Di Gregorio, Eronda. Mimiambi, vol. 1, p. 26-35 et p. 241-309. Voir également W. Gurlitt, « Der 4. Mimiambos des Herodas », Archaeologisch-epigraphische Mittheilungen aus Oesterreich-Ungarn, 15, 1, 1892, p. 169-179 ; A. J. Festugière, La vie spirituelle en Grèce à l’époque hellénistique ou les besoins de l’esprit dans un monde raffiné, Paris, 1977, p. 72, 86-91 ; W. D. Furley, J. M. Bremer, Greek Hymns (Studien und Texte zu Antike und Christentum, 9-10), Tübingen, 2001, vol. 1, p. 243-244, et vol. 2, p. 199-202 ; F. Chapot, B. Laurot, Corpus de prières grecques et romaines (Recherches sur les Rhétoriques Religieuses, 2), Turnhout, 2001, p. 215-217. Le commentaire le plus complet de la prière liminaire du mime reste celui de R. Wünsch, « Ein Dankopfer an Asklepios », Archiv für Religionswissenschaft, 7, 1904, p. 95-116.

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la prière et la tablette dans le mime iv d’hérodas

Salut à toi, seigneur Péan, toi qui règnes sur Tricca, et qui as fondé ta demeure à Cos la douce et à Épidaure ! Avec toi salut aussi à Coronis, qui te donnait le jour, ainsi qu’à Apollon, et à celle que tu touches de la main droite : Hygie ! Salut à celles à qui appartiennent les autels vénérés que voici : Panakê, Êpiô et Iêsô ! Salut aux destructeurs de la demeure et des murailles de Laomédon, guérisseurs de violentes maladies : Podalire et Machaon ! Et (salut) à tous les dieux qui demeurent dans ton foyer, ainsi qu’aux déesses, père Péan ! Daignez accepter ici avec bienveillance le dessert de ce coq que je sacrifie, héraut des murs de la demeure. C’est que notre source n’est ni abondante ni toujours disponible, car autrement c’est sans doute un bœuf ou une truie couverte de couenne épaisse, et non un coq, que nous paierions comme honoraires pour la guérison des maladies que tu as enlevées par l’imposition, ô seigneur, de tes douces mains !

Puis Cynnô s’adresse à son amie (v. 19-20) :

La prière commence par une invocation, qui occupe les 11 premiers vers. Il s’agit d’une litanie qui énumère plusieurs dieux et qui comporte des éléments d’éloge. Asclépios est invoqué en premier, avec l’épiclèse Paiêôn (c’est-à-dire « Guérisseur » ou « Sauveur »), laquelle précise la fonction du dieu qui intéresse Cynnô. Sont ensuite mentionnés les lieux où réside Asclépios : Tricca, Cos et Épidaure. Ce sont-là les trois plus grands sanctuaires d’Asclépios à l’époque classique et hellénistique, Tricca constituant le premier d’entre eux, à partir duquel le dieu fonda les deux autres12. 12   Sur ces Asclépieia (et les conflits qui peuvent les opposer), voir A.  Kolde, Politique et religion chez Isyllos d’Épidaure (Schweizerische Beiträge zur Altertumswis-

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Il convient de remarquer que Cos est le seul lieu à être accompagné . Ce constat laisse supposer que la mention de d’une épithète : Cos, située entre les deux autres toponymes, a une valeur particulière. L’adjectif peut avoir plusieurs sens : Cos est « douce » peut-être parce que le dieu aime y séjourner et parce que l’île est chère aux personnages qui y résident, mais aussi parce que la prospérité de l’île s’accroît au IIIe siècle, comme en témoigne la construction de son Asclépieion13. Si le personnage de Cynnô emploie d’autres mots appartenant au champ lexical de la douceur14, il n’est pas impossible non plus que l’épithète fasse allusion à la bonne réputation et à la « douceur » des lois démocratiques de l’île qui dispose d’un État relativement autonome15. En tout état de cause, il est indéniable que Cos est à l’époque d’Hérodas un centre de la civilisation alexandrine, lié aux grands événements de la période. L’île a vu naître Ptolémée II Philadelphe (c’est peut-être aussi pour cette raison que Cos est « douce »), ce qui lui vaut une position avantageuse comme foyer culturel et artistique16. Enfin, l’île est mise en vedette par les allitérations en qui parsèment le texte et qui font incontestablement penser 17 . L’accumulation de ces éléments peut donc nous au nom de conduire à penser que la scène se déroule à l’Asclépieion de Cos18. Aucune

senschaft, 28), Bâle, 2003, p. 327-333. 13   Cf. Zanker, « Poetry and Art in Herodas, Mimiamb 4 », p. 364, 366, 373. 14   Cf. v. 6 ( v) et v. 18 ( ). En ce sens, on peut comparer, à la prière de Cynnô, le péan d’Isyllos (cf. Kolde, Politique et religion…, p. 311). 15   Sur l’histoire et les institutions de Cos, cf.  S.  M.  Sherwin-White, Ancient Cos. An historical study from the Dorian settlement to the Imperial period (Hypomnemata, Untersuchungen zur Antike und zu ihrem Nachleben, 51), Göttingen, 1978  ; K. Höghammar, Sculpture and Society. A study of the connection between the free-standing sculpture and society on Kos in the Hellenistic and Augustan periods, Uppsala, 1993, p. 20-21 ; Ead. (éd.), The Hellenistic Polis of Kos : State, Economy and Culture. Proceedings of an International Seminar organized by the Department of Archaeology and Ancient History, Uppsala University, 11-13 May, 2000, Uppsala, 2004 (voir en particulier S. Carlsson, « Koan Democracy in Context », p. 109-118) ; C. Habicht, « Neues zur hellenistischen Geschichte von Kos », Chiron, 37, 2007, p. 123-152. Sur le thème de la douceur, voir l’étude classique de J.  de Romilly, La douceur dans la pensée grecque, Paris, 1979. 16   Cf. Sherwin-White, Ancient Cos…, p. 84, 95, 102, 108-109 ; E. Will, Histoire politique du monde hellénistique (323-30 av. J.-C.), vol. I, Nancy, 1966, p. 201, 205-207 ; Zanker, « Poetry and Art… », p. 373-374. 17   Cf. v. 1-3, 5-7, 9-13, 16, 19. 18  Quoi qu’en ait dit Cunningham, « Herodas 4 », p. 115-117. Sur la localisation à Cos, voir déjà Crusius, Herzog, Die Mimiamben des Herondas, p. 16 ; R. Herzog dans P.  Schazmann, Kos. Ergebnisse der deutschen Ausgrabungen und Forschungen. Band I : Asklepieion, Berlin, 1932, p. ix-x. Voir également les arguments développés par ­Sherwin-White, Ancient Cos…, p. 349-352.

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certitude absolue n’est acquise, mais il est difficile d’imaginer que, dans une prière prononcée à l’intérieur d’un sanctuaire d’Asclépios, l’un des trois noms mentionnés ne désigne pas le lieu où elle est formulée19. À partir du vers 3, Cynnô salue la famille d’Asclépios : ses parents (Coronis et Apollon), sa femme (Hygie), ses filles (Panakê, Êpiô, Iêsô) et ses fils les Asclépiades (Podalire et Machaon)20. Aux vers 10 et 11, l’orante invoque encore tous les dieux et toutes les déesses qui habitent la demeure d’Asclépios, c’est-à-dire toutes les divinités qui sont également honorées dans le sanctuaire. Une telle formule généralisante est attendue : elle permet d’éviter tout oubli fâcheux. À noter cependant qu’Asclépios reste le dieu auquel Cynnô s’adresse principalement ; c’est qui reprend l’aposce qu’atteste, au vers 11, l’expression du vers 1, à la faveur d’une construction annulaire trophe tout à fait classique. Il faut également souligner le statut privilégié dont bénéficie la déesse Hygie, qu’Asclépios touche de la main droite : l’expression suggère que l’orante s’adresse directement à un groupe statuaire21. Après cette invocation développée, Cynnô prononce sa requête, du vers 11 au vers 13. Il s’agit d’une formule de propitiation qui consiste à demander aux dieux de réserver un bon accueil au sacrifice qui leur est offert. C’est ici qu’affleure l’humour du poète. Cynnô est consciente de la modestie du coq qu’elle offre au dieu22. C’est pourquoi elle essaie de gonfler son offrande par le langage un peu grandiloquent dont elle use, une expression un peu étrange : en apposant au groupe t 23 . Le petit coq, qui chante le matin et devient donc un « héraut » (sur les murs d’une maison et, en l’occurrence, dans l’enceinte du sanctuaire), se charge ainsi d’une dimension épique et burlesque, alors qu’il vient d’être question du palais et des remparts de Laomédon. Dans cette perspective, il faut encore noter le contraste opéré entre le nombre des dieux invoqués et la petitesse de l’offrande qui aura

  Argument déjà formulé par Sineux, « La visite au sanctuaire… », p. 36.   On peut noter que les Asclépiades, en raison de leurs gestes héroïques (les seuls faits mythologiques que Cynnô puisse mentionner), ont droit à trois vers entiers. Pour leur participation à la guerre de Troie, voir notamment Iliade II, 729-733. 21   Sur les statues en question, cf.  Zanker, «  Poetry and Art…  », p.  360-361, 365-366. 22   Sur le précédent socratique de ce type d’offrande animale, cf. G. W. Most, « A cock for Asclepius », The Classical Quarterly, 43, 1993, p. 109. 23   En lisant le texte transmis, malgré les interrogations suscitées par l’emploi de . 19 20

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bien du mal à les rassasier tous. D’où l’idée de considérer l’animal plutôt ). comme un dessert léger (v. 13 : La troisième partie de la prière, consacrée à l’énoncé de ses circonstances, comprend deux étapes. Dans la première, du vers 14 au vers 16, Cynnô insère des considérations sur l’animal qu’elle offre au dieu en invoquant les maigres ressources dont elle dispose. Ensuite les vers 16 à 18 font allusion aux motifs de l’offrande : on comprend que le dieu est à l’origine d’une guérison dont le détail n’est cependant pas précisé. que nous Cynnô conclut alors sa prière, en employant l’apostrophe avons déjà trouvée au vers 1. Avec les vers 19 et 20, on passe à un autre niveau du discours. Cynnô demande à son amie Coccalê de déposer la tablette votive qu’elles ont apportée et de la placer à droite de la statue d’Hygie, à laquelle il a déjà été fait allusion. Le passage dans son ensemble nous apprend donc que les deux femmes sont venues au sanctuaire pour faire deux offrandes : le coq et la tablette votive. Pour l’historien des religions, l’intérêt de ce texte réside notamment dans le fait qu’il précise l’ordre dans lequel les gestes rituels sont accomplis : c’est seulement après s’être recueilli que le fidèle dépose l’ex-voto en guise de geste partiellement conclusif, en attendant l’accomplissement du sacrifice. Du point de vue pragmatique, le discours de l’orante sert à dire, avant que l’action soit accomplie, que l’action est accomplie, ou plutôt : sur le point de l’être. La prière de Cynnô s’apparente donc à un énoncé performatif dont la formulation représente l’action envisagée24. Il faut préciser cependant qu’il s’agit là d’un cas particulier de discours performatif, dans la mesure où le coq ne sera pas sacrifié par les deux femmes, mais par le néôcore, auquel elles l’ont confié. Cynnô et Coccalê, en tant que femmes, sont autorisées à formuler une prière (d’action de grâce et de propitiation), à déclarer offrir un sacrifice, mais elles ne sont pas habilitées à accomplir elles-mêmes les gestes de l’acte sacrificiel25. En apparence, la prière de Cynnô est simple. Elle consiste à demander au dieu d’agréer un sacrifice offert pour le remercier d’une guérison.

24   Sur la notion de discours performatif, voir J. L. Austin, How to do Things with Words, Oxford, 1962 (= Quand dire, c’est faire, traduit de l’anglais par G. Lane, Paris, 1970). 25   Sur le rôle de la femme grecque dans les rituels sacrificiels, cf. L. Bruit Zaidman, « Les filles de Pandore. Femmes et rituels dans les cités », dans G. Duby, M. Perrot (éds.), Histoire des femmes : L’Antiquité, sous la direction de P. Schmitt-Pantel, Paris, 1991, p. 363-403 (et en particulier p. 397, où est cité le Mime IV d’Hérodas).

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En toute rigueur, cependant, le discours de l’orante consiste à présenter trois requêtes : 1. La divinité doit d’abord se réjouir. C’est là le sens du verbe que Cynnô emploie à quatre reprises et qui implique revient plus qu’une simple salutation. L’emploi de à demander à la divinité de prendre plaisir non seulement à écouter la prière qui lui est adressée (avec les éléments d’éloge qu’elle contient), mais aussi à recevoir l’offrande qui lui est apportée26. Le verbe relève donc aussi de la formule dédica, la faveur toire qui consiste à demander en retour la 27 bienveillante des dieux invoqués . 2. Ensuite Cynnô sollicite la présence des dieux : c’est ainsi (« ici »), que peut s’interpréter l’emploi de l’adverbe au vers 11, qui implique pour certains une ellipse d’un verbe signifiant « venir »28. 3. Enfin est formulée la requête principale concernant l’ani, au vers 13. mal offert en sacrifice, avec le verbe Même dans un cas aussi banal29, le texte illustre un système d’échange qui peut être complexe et qui concerne le passé et le présent : Cynnô formule sa requête en précisant qu’elle offre un sacrifice au dieu pour une grâce déjà accordée. Mais sa prière comporte aussi des sousentendus qui impliquent le futur. De fait, le souhait exprimé à la fin du Mime (celui de pouvoir revenir en famille avec de plus grands présents) est déjà suggéré ici. L’évocation du bœuf et de la truie grasse au vers 15 révèle en effet que la réponse attendue à la prière excède la requête formulée. L’orante, qui a été exaucée et qui rend grâce au dieu, espère aussi la protection du dieu à l’avenir en formulant très discrètement le souhait d’obtenir un accroissement de fortune qui permettrait de présenter des

26   Sur l’emploi de ce verbe, cf.  R.  Meier, «  Zur Form des Grußes im Gebet Herondas IV », Philologus, 66, 1907, p. 156-159. 27   Sur cette relation réciproque de plaisir et de reconnaissance, cf. W. H. Race, « Aspects of Rhetoric and Form in Greek Hymns », Greek, Roman, and Byzantine Studies, 23, 1982, p. 8-10, 14 ; W. D. Furley, « Praise and Persuasion in Greek Hymns », Journal of Hellenic Studies, 115, 1995, p. 32 ; M. Depew, « Enacted and Represented Dedications : Genre and Greek Hymn », dans M. Depew, D. Obbink (éds.), Matrices of Genre. Authors, Canons, and Society (Center for Hellenic Studies Colloquia, 4), Cambridge (Mass.) – Londres, 2000, p. 59-79 (et p. 254-263). 28   Cf. en particulier S. Pulleyn, Prayer in Greek Religion, Oxford, 1997, p. 143. 29   Sur la conformité de ce texte avec les prières cultuelles, cf.  Wünsch, «  Ein Dankopfer an Asklepios  »  ; Cunningham, «  Herodas 4  », p.  113  ; Furley, Bremer, Greek Hymns, vol. 1, p. 244.

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offrandes de plus grande valeur30. La prière s’inscrit donc dans un échange de type économique que l’orante suggère à un moment où le dieu est considéré comme particulièrement bien disposé puisqu’un sacrifice lui est offert31. La tablette votive La prière de Cynnô a donc plusieurs objets et sert à mettre en valeur, à sacraliser l’acte sacrificiel qu’elle accompagne. Le sacrifice du coq constitue l’acquittement d’une dette que l’on peut aisément restituer : les deux femmes ont été guéries et veulent remercier Asclépios, peut-être à la suite d’un vœu qu’elles ont formulé durant leur maladie. Mais le coq ne sera sacrifié que plus tard. En attendant, la réplique adressée à Coccalê révèle que les orantes accomplissent une autre action , c’est-à-dire en offrant un autre présent. Or cette en déposant un disjonction entre l’animal et la tablette n’a pas toujours été bien comprise. est une tablette votive en bois ou en terre cuite, relativeLe ment bon marché, que les fidèles apportent dans les sanctuaires pour signaler leur visite32. Qu’il soit peint ou gravé, il constitue un type popu, d’offrande que l’on place littéralement à une certaine laire d’ hauteur, c’est-à-dire bien en vue, clouée sur un mur, suspendue à un arbre, placée contre une statue, ou bien déposée sur un autel, sur une placé à la droite d’Hygie colonne ou sur un pilier33. Au reste le   Il va sans dire que la prière d’action de grâce consiste aussi à formuler le souhait de rester, à l’avenir, en bonne santé. Cf. H. S. Versnel, « Religious Mentality in Ancient Prayer », dans H. S. Versnel (éd.), Faith, Hope, and Worship. Aspects of Religious Mentality in the Ancient World, Leyde, 1981, p. 63. 31   Sur cette disposition de la divinité, cf.  F.  T.  van Straten «  Gifts for the Gods », dans Versnel (éd.), Faith, Hope, and Worship…, p. 72. 32   Cf.  P.  Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris,   », p.  903  ; S.  B.  Aleshire, The Athenian Asklepieion. The People, 1999, s.  v.  «  their Dedications, and the Inventories, Amsterdam, 1989, p. 147-148. Voir également les commentaires ad loc. de Wünsch, « Ein Dankopfer an Asklepios », p. 107-108 ; Headlam, Knox, The Mimes and Fragments, p. 181-182 ; Crusius, Herzog, Die Mimiamben des Herondas, p.  110  ; Puccioni, Herodae Mimiambi, p.  74  ; Cunningham, Herodas, Mimiambi, p. 132 ; Groeneboom, Les Mimiambes d’Hérodas I-VI, p. 132 ; Massa Positano, Eroda, Mimiambo IV, p. 59-60 ; Di Gregorio, Eronda. Mimiambi, vol. 1, p. 266. 33   Le verbe , employé dans le titre du Mime IV, signifie « placer pour le dieu en son honneur », ainsi que le rappelle J. Rudhardt, Notions fondamentales de la pensée religieuse et actes constitutifs du culte dans la Grèce classique, Paris, 1992 (2e éd.), p. 214-218. Sur les offrandes votives, cf. van Straten, « Gifts for the Gods » ; Id., «  Votives and Votaries in Greek Sanctuaries  », dans A.  Schachter et alii (éds.), Le 30

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suggère peut-être un moyen de se concilier davantage la divinité, en ce sens que plus l’offrande est placée près d’une image divine, mieux elle sert de témoignage, de preuve tangible et sera considérée34. Le visible35 qui atteste la reconnaissance exprimée, dans un contexte où l’ingratitude peut être sévèrement punie par les dieux36. Conformément à un usage répandu37, l’offrande de l’animal consommable et périssable est accompagnée d’une offrande plus durable : en dépit de leurs maigres moyens, Cynnô et Coccalê ne veulent pas que le sacrifice du petit coq leur permet d’instaurer un lien permanent tombe dans l’oubli, et le avec la divinité. Ainsi le coq sert à remercier Asclépios d’avoir procédé à une guérison, tandis que la tablette a pour fonction de favoriser le bon accueil réservé au sacrifice, d’afficher la piété des deux amies et de faire la publicité du dieu, puisque l’objet est aussi destiné à être contemplé par les visiteurs de l’Asclépieion. C’est ce que nous fait comprendre la suite du mime, où Cynnô et Coccalê admirent les statues et les peintures qui ont été consacrées dans le sanctuaire par des fidèles plus riches qu’elles. Il faut remarquer cependant qu’aucun détail n’est donné sur ce et qu’il n’est pas mentionné dans la prière proprement dite. Plupeut comporter une peinture, sieurs hypothèses sont à suggérer. Le une inscription, ou bien les deux. Il est ainsi possible de supposer qu’il représente une scène en lien avec la guérison, une réplique de l’animal sacrifié ou bien les fidèles offrant leurs présents à la divinité : ce type d’interprétation est corroboré par les documents qui nous sont parvenus, mais dans ce cas précis il est impossible d’en savoir davantage. En revancomporte une che, plusieurs éléments m’amènent à penser que le inscription et qu’il reproduit en fait le texte de la prière récitée par Cynnô. sanctuaire grec (Entretiens sur l’Antiquité classique, 37), Vandœuvres – Genève, 1992, p. 247-290 ; Id., Hiera kala. Images of Animal Sacrifice in Archaic and Classical Greece (Religions in the Graeco-Roman World, 127), Leyde – New York – Cologne, 1995 (sur les pinakes, cf. p. 57-58). Selon la tradition, l’Asclépieion de Cos était célèbre pour le nombre particulièrement important des offrandes votives qu’on pouvait y contempler (cf. Strabon, VIII, 6, 15). 34   Comme le suggère van Straten, « Votives and Votaries in Greek Sanctuaries », p. 287. 35   Cf. van Straten, « Gifts for the Gods », p. 71-77. 36   On peut comparer l’épigramme 54 de Callimaque, où le déposé par Akésôn sert explicitement de « témoignage » (cf. v. 4 : ). 37   Sur les moyens de remédier au caractère éphémère des offrandes consommables (animales ou céréalières), cf. van Straten, Hiera kala…, p. 53, 159.

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Il s’agit là de l’illustration d’un phénomène fréquent que les historiens des religions antiques ont étudié. Pour éviter que le dieu n’oublie la prière et l’action de grâce, la supplique peut être incluse dans l’offrande votive qui lui confère une efficacité renouvelée tant qu’elle est visible dans le sanctuaire. Milite aussi en ce sens le fait que Cynnô ne dit rien de l’objet en question dans sa requête, comme si son identité tombait sous le sens, alors même qu’elle y fait référence juste après, comme si la prière une fois récitée ou lue, le texte prononcé pouvait alors seulement être déposé et consacré. Un tel effet de miroir n’est pas surprenant ; il est qui nous sont parvenus. même souvent caractéristique des Nombreux, en effet, sont les reliefs qui représentent les fidèles en train de prier et de sacrifier, sans parler des dédicaces avec prières qui nous ont été transmises. Par conséquent il apparaît que les reliefs votifs représentent visuellement ce que le geste de Cynnô illustre avec des mots prononcés et retranscrits. Ainsi la prière versifiée de Cynnô, bien que peut-être sans image, constitue elle aussi un présent de choix dont la dédicace ne semble pas étrange dans le contexte rituel envisagé38. Et j’ajoute qu’une telle mise en abîme est tout à fait conforme à l’esprit alexandrin. La lecture du La validité de cette hypothèse me semble confirmée par la fonction commémorative propre aux offrandes qui suppose un processus bien particulier de lecture de l’inscription. En effet, la prière gravée, tout comme n’importe quelle dédicace, fait l’objet de deux types de performance : une prononciation originale, d’abord, dont l’inscription est le souvenir ; puis un nombre varié de prononciations différées, quand les visiteurs du sanctuaire contemplent l’objet votif et lisent (à voix haute et devant témoins) l’inscription39. C’est exactement ce que font nos deux commères, nous l’avons vu, devant la statue des fils de Praxitèle, en lisant l’inscription qui est sur son socle. Ainsi le lecteur de l’inscription rappelle au dieu le présent qui lui a été offert, et ce faisant, il réactualise et réactive   Comparer, entre autres exemples, le caractère d’offrande qu’adopte l’inscription d’Isyllos dont la forme est majoritairement versifiée. Cf. Kolde, Politique et religion…, p. 48. 39   Sur ce point, fondamental pour ce qui suit, voir M. Depew, « Reading Greek Prayers », Classical Antiquity, 16, 1997, p. 229-259 ; J. W. Day, « Epigram and Reader : Generic Force as (Re-) Activation of Ritual  », dans Depew, Obbink (éds.), Matrices of Genre…, p. 37-57. Voir aussi Depew, « Enacted and Represented Dedications… », p. 65-69. 38

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le geste de consécration40. En même temps une telle lecture exalte aussi de celui qui a présenté l’offrande41. le Il apparaît que le texte d’Hérodas joue avec ce processus de réactivation des rites et des formules, avec cette pratique rituelle qui consiste à lire les inscriptions dédiées par autrui et à leur redonner sens. Tout comme le ferait un fidèle en visite dans un sanctuaire, le lecteur (cultivé) d’Hérodas doit prêter sa voix pour relire la prière de Cynnô et pour de deux femmes issues du peuple, peut-être de mauvaise exalter le vie42, dont il perpétue la démarche en devenant leur alter ego. L’effet du texte repose donc sur une adaptation du phénomène d’interaction43 qui s’observe à propos des offrandes votives consacrées aux dieux : de même que les lecteurs d’une inscription « imitent » la prononciation originelle de son contenu, de même le lecteur du Mime IV d’Hérodas doit commencer par imiter une commère telle que Cynnô. Et c’est sur ce jeu, inspiré des pratiques rituelles, que l’humour du poète se fonde principalement dans la prière liminaire. Mais la référence aux offrandes se vérifie encore d’une autre façon. C’est ce que révèlent certains reliefs votifs provenant d’Athènes. Sur l’un d’entre eux44, qui est conservé à Paris (Musée du Louvre 755) et qui date de la fin du IVe siècle av. J.-C., le début d’une scène de sacrifice est représenté : Asclépios est de profil, assis à gauche sur un trône et recevant un sacrifice que plusieurs personnages sont en train d’accomplir sur la

40   Il va de soi que les divinités auxquelles s’adresse Cynnô peuvent elles aussi lire la prière. Cf. Depew, « Reading Greek Prayers », p. 246-247. 41   Cf. Day, « Epigram and Reader… », p. 52, 55. 42   C’est ce que suggèrent les noms de Cynnô (qui fait penser à v, la , citée par Aristophane, Les Cavaliers 765, La Paix 755 « chienne », et à l’hétaïre , « testicules »). Dans cet esprit, il et Les Guêpes 1032) et de Coccalê (apparenté à faut encore relever, aux vers 35-38, que si les deux commères admirent en particulier une (le « derrière »), statue de Batalê, fille de Myttês, l’auteur joue avec (pour désigner le sexe de la femme). Outre Chantraine, (« adonné au sexe ») et Dictionnaire étymologique…, p. 168-169, 727, voir les remarques de Headlam, Knox, p. 186 ; Groeneboom, Les Mimiambes d’Hérodas I-VI, p. 136-137 ; Massa Positano, Eroda, Mimiambo IV, p. 70 ; Cunningham, Herodas, Mimiambi, p. 135 ; Di Gregorio, Eronda. Mimiambi, vol. 1, p. 276-277 ; Skinner, « Ladies’ Day at the Art Institute », p. 219, avec la n. 68. 43   Sur la notion d’interaction, voir l’étude de J. W. Day, « Interactive Offerings : Early Greek Dedicatory Epigrams and Ritual  », Harvard Studies in Classical Philology, 96, 1994, p. 37-74 (le Mime IV d’Hérodas est cité, en guise d’exemple conclusif, p. 73-74). 44   Cf. LIMC, II, 2, s. v. « Asklepios », no 64, p. 639 ; van Straten, « Gifts for the Gods », fig. 16 ; Id., Hiera kala…, p. 65 et fig. 63 ; Depew, « Reading Greek Prayers », p. 253-258 (et p. 259, fig. 1).

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droite45. On remarque, à côté du dieu, la présence d’Hygie qui se tient debout, de face, et qui touche de sa main droite un disque votif placé sur un pilier. Le document a été interprété de la manière suivante : le sacrifice est offert à Asclépios qui l’observe et l’agrée, tandis que le disque votif est (préalablement) destiné à Hygie qui doit aider les fidèles à se concilier le dieu médecin46. Or une comparaison entre l’image et le mime d’Hérodas permet de mieux comprendre la disjonction que nous avons observée  : elle suggère en effet que si entre l’offrande du sacrifice et celle du est (d’abord) destiné spécialement le coq est offert à Asclépios, le à la déesse de la santé, d’où l’intervention de Cynnô qui demande à sa compagne de placer l’objet à la droite d’Hygie47. De même que sur l’image l’artiste a représenté deux types d’offrande, à savoir le sacrifice et la déposition d’un disque votif dont le dessin reste schématique, de même Hérodas représente ses deux personnages en train d’offrir un sacrifice et une tablette dont le contenu n’est pas précisé. Ce sont là des procédés de redondance qui sont destinés à accroître l’efficacité de la prière prononcée et des gestes rituels accomplis pour capter la bienveillance divine. Dans cette perspective on s’aperçoit que le mime dans son ensemble est à rapprocher de ce type de document figuré. De même qu’on peut trouver une dédicace ou une prière sur une tablette ou sur la base d’une statue offerte à la divinité, de même l’incipit du mime d’Hérodas retrans, tandis que l’œuvre tout crit la prière de Cynnô et fait allusion au entière représente une scène de sacrifice. Hérodas recrée donc, sous forme dramatique, un type de rite souvent représenté dans l’art figuré, et le mime devient ainsi le tableau vivant d’une séquence habituelle dans la vie religieuse des Anciens. Conclusion Il est temps désormais de faire le bilan de ces analyses. Le texte d’Hérodas illustre tout d’abord le rôle crucial de la parole dans le rituel, mais encore les relations d’interdépendance qui existent entre la prière, le sacrifice et l’offrande commémorative quand il s’agit de remercier la divinité et de lui rendre grâce.

45   Avec notamment un garçon nu, comme sur le tableau contemplé par les per). sonnages du Mime IV (v. 59 : 46   Cf. Depew, « Reading Greek Prayers », p. 257-258. 47   Comme l’a suggéré Depew, « Reading Greek Prayers », p. 257.

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la prière et la tablette dans le mime iv d’hérodas

Le texte suggère aussi la complexité de la relation qui se construit entre le fidèle et la divinité. Cynnô remercie le dieu Asclépios qui est intervenu en sa faveur, à la suite, suppose-t-on, d’une prière antérieurement prononcée ; elle sollicite ici sa bienveillance en faisant de la guérison passée un argument implicite ; la prière cherche encore à établir une réciproque ; enfin elle suggère que le dieu pourrait relation de recevoir de plus beaux présents s’il accordait à la fidèle de plus grands moyens. Il apparaît que la relation ainsi établie implique d’autres fidèles et met en jeu des questions de pragmatique religieuse. La prière qui est formulée dans une occasion précise est destinée à être reformulée ultérieurement, que ce soit par le visiteur d’un sanctuaire ou par le lecteur du poème. Dans les deux cas « la coopération interprétative »48 du lecteur est requise et l’analyse met au jour le rôle de la représentation et de l’auto-représentation dans la prière, et ce dans le cadre d’un mime conçu, en l’occurrence, comme représentation très élaborée d’un rituel sacrificiel et, de manière générale, comme « imitation de la vie »49. En ce sens, Hérodas, qui supplée au caractère plus éphémère des offrandes, livre peut-être un indice sur la destination de son œuvre qui implique au moins un public de lecteurs50. La prière de Cynnô et le mime d’Hérodas présentent donc un intérêt à la fois pour l’historien des religions et pour l’historien de la littérature. Or le lien entre les deux approches est opéré par une étude des stratégies discursives, c’est-à-dire par une approche rhétorique. En effet, le texte met en vedette plusieurs niveaux de communication : entre le dieu et les personnages, entre la divinité et les fidèles, entre l’auteur et son lecteur, et cela à la faveur d’un jeu avec l’imaginaire religieux du

48   Cf.  U.  Eco, Lector in fabula ou la coopération interprétative dans les textes narratifs (trad. M. Bouzaher), Paris, 1985. 49   Voir la définition grecque utilisée par le grammairien Diomède : « le mime est une imitation de la vie qui comprend ce qui est convenable et ce qui ne l’est pas » : (cf. Diomedis Artis Grammaticae Lib. III, dans H.  Keil, Grammatici Latini, vol.  I, Leipzig, 1857, p. 491, 15-16). Passage cité notamment par L. Laloy, dans Nairn, Laloy, Hérondas, Mimes, p. 11. Sur cette définition, voir également Zanker, Realism in Alexandrian Poetry…, p. 144 ; A. Fountoulakis, « Herondas 8.66-79 : Generic Self-Consciousness and Artistic Claims in Herondas’ Mimiambs », Mnemosyne, 55, 2002, p. 307 ; Männlein-Robert, « “Hinkende Nachahmung”… », p. 206. 50   Sur la question de la destination des mimes d’Hérodas, les avis divergent. Si beaucoup ont parlé de poésie livresque, l’idée de textes représentés sur scène a été développée par G. Mastromarco, The Public of Herondas (London Studies in Classical Philology, 11), Amsterdam, 1984.

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public, un peu à la manière des hymnes mimétiques composés par Callimaque pour créer l’illusion d’un rituel réel dont ils évoquent les différentes étapes51. Reste à se demander pourquoi Hérodas s’est livré à un tel jeu. Plusieurs éléments de réponse sont à suggérer. D’abord la prière de Cynnô annonce une réflexion sur les arts et sur leurs rapports au réel : le poète souligne combien le spectacle qu’il avec la mention du donne à voir peut très bien n’exister que par les mots et reposer sur l’illusion de la représentation, pour donner une image de la vie qui rivalise ne peut être fortuit. De fait, avec la réalité. Ensuite le choix du mot , considère à l’époque d’Hérodas, Callimaque, l’auteur des qu’un grand livre est un grand fléau, tandis que Théocrite compose lui . Il n’est donc pas impossible que aussi de petits tableaux : les la petite tablette déposée à la droite d’Hygie soit chargée d’une valeur se distingue des programmatique. On se souvient que le modeste riches offrandes du sanctuaire et que Cynnô regrette de ne pouvoir sacrifier un bœuf ou une truie bien grasse au lieu d’un petit coq. Hérodas met ainsi en vedette son choix d’une forme littéraire modeste, celle du mimiambe, et il remédie à cette modestie relative en créant un tableau qui représente des personnages plus vrais que nature, plus vivants même que les statues et les peintures contemplées par ses personnages, puisque le mime dans son ensemble permet de mettre en scène un sacrifice avec beaucoup plus de détails que sur un relief votif. Il apparaît, par conséquent, que la prière de Cynnô sert à exposer les orientations poétiques et esthétiques d’Hérodas.52 Johann Goeken Université de Strasbourg

51   Sur la mimêsis dans les hymnes de Callimaque, cf.  M.  R.  Falivene, «  La mimesi in Callimaco : Inni II, IV, V e VI », Quaderni Urbinati di Cultura Classica, 65, 1990, p. 103-128 ; R. Pretagostini, « Rito e letteratura negli inni ‘drammatici’ di Callimaco », dans A. C. Cassio, G. Cerri (éds.), L’inno tra rituale e letteratura nel mondo antico, Rome, 1991, p. 253-263. 52   Je tiens à remercier Patrice Hamon et Antje Kolde qui ont bien voulu relire cet article et discuter avec moi sur certains de ses développements.

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LES PÉANS D’ÉRYTHRÉES, D’ISYLLOS ET DE MAKEDONIKOS : SIMPLES VARIATIONS OU ORIGINALITÉ ?∗ Problématique Habituellement, textes littéraires et textes épigraphiques constituent deux ensembles bien distincts. Il existe cependant des textes qui appartiennent aux deux groupes, comme l’inscription d’Isyllos, découverte en 1885 à Épidaure. En un ensemble de sept segments rédigés tantôt en prose et tantôt en vers de divers mètres, l’auteur aborde plusieurs sujets, allant de ses convictions politiques à la narration d’un haut fait d’Asclépios dont il fut témoin, en passant par une nouvelle loi cultuelle et le péan composé à cette occasion. C’est sur ce péan que se focalise le plus souvent l’attention des chercheurs, surtout dans une perspective d’histoire des religions, puisqu’il livre une histoire de la naissance d’Asclépios jusque-là inconnue  : après l’invocation initiale d’Apollon, le chœur formé d’Épidauriens demande à Asclépios d’assurer la santé des citoyens d’Épidaure ; et pour le pousser à exaucer sa prière, le chœur souligne le lien qui unit le dieu à cette cité, lieu d’origine de toute sa famille maternelle et son propre lieu de naissance. Le péan d’Isyllos n’est pas le seul péan qui nous soit transmis par la pierre, puisque l’on en connaît au moins deux autres. À Érythrées d’une part, on a découvert l’inscription d’un péan adressé également à Apollon, puis à Asclépios : un chœur dont l’identité n’est pas précisée commence par invoquer Apollon, pour passer rapidement à son fils Asclépios et à sa descendance ; il finit par une prière demandant à Asclépios de prodiguer la vie à ses membres et à la cité. Des versions légèrement modifiées de ce péan ont été trouvées également à Ptolémaïs en Égypte, à Athènes et à Dion en Macédoine. Dans l’Asclépiéion d’Athènes d’autre part, plusieurs fragments ont livré un péan composé par un certain Makedonikos d’Amphipolis ; ici aussi, le chœur, constitué de jeunes hommes ­d’Athènes, commence par chanter Apollon puis passe à Asclépios, son ascendance, son éducation et sa descendance, avant de formuler la prière finale, demandant au dieu d’assurer le salut de la cité par ses visites. Si les lieux de découverte de ces textes divergent, de même que leur datation –  le péan anonyme d’Érythrées est daté de 380-360 ∗   Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à André Hurst, qui a eu la gentillesse de relire cet article et de l’enrichir de ses précieuses remarques.

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av. J.-C1, celui d’Isyllos d’environ 2802, celui de Makedonikos du 1er s. av. J.-C. ou du 1er s. de notre ère3 – ils ont en commun, outre leur contenu très proche, le mode de transmission épigraphique. Tant le contenu, qui ne mentionne pas un événement particulier, que leur conservation épigraphique montrent que ces trois chants sont étroitement liés au culte dans le cadre duquel ils ont dû être régulièrement exécutés et dont ils étaient une partie constitutive ; pour le péan d’Érythrées et celui d’Isyllos, ce point est par ailleurs corroboré par les autres textes figurant sur la même pierre4, alors que le péan de Makedonikos comporte quelques instructions cultuelles5. Frappé par la similitude du contenu des trois péans et l’identité de leur mode de transmission d’une part, de l’autre par leur simplicité et leur manque d’art par rapport aux péans de Bacchylide ou de Pindare, Lutz Käppel propose de voir le péan d’Érythrées comme un texte uniquement utilitaire dépourvu de toute visée artistique, une simple application du schéma du péan tel que l’avaient développé les auteurs antérieurs, notamment Pindare et Bacchylide. De plus, il suppose entre les trois péans un lien de dépendance : les péans d’Isyllos et de Makedonikos ne seraient que des copies de celui d’Érythrées ; par là, Käppel dénie aux trois chants cultuels toute qualité artistique. Pour reprendre ses termes, qui s’inspirent fortement des formalistes russes, le péan d’Érythrées et à plus forte raison ceux d’Isyllos et de Makedonikos résul1   La version trouvée à Ptolémaïs en Égypte est datée de 97 de notre ère, le fragment d’Athènes du 1er ou du 2ème siècle de notre ère, la version de Dion du 2ème siècle de notre ère ; cf. notamment W. D. Furley, J. M. Bremer, Greek Hymns, Tübingen, 2001, vol. 1, p. 212-213. 2   Cf.  A.  Kolde, Politique et religion chez Isyllos d’Épidaure, Bâle, 2003, p. 257-301. 3   Cf. Furley, Bremer, Greek Hymns, vol. 1, p. 267. 4   La face a de la stèle de marbre qui livre le péan d’Érythrées porte des instructions relatives au rituel à effectuer suivies des premiers mots d’un péan par ailleurs perdu ; sans doute s’agit-il là d’un rituel à effectuer par des individus, alors que le péan inscrit sur la face b était confié à un chœur lors d’une cérémonie commune ; cf. Furley, Bremer, Greek Hymns, vol. 1, p. 213. Le troisième (v. 10-26) des sept segments qui composent l’inscription d’Isyllos décrit une nouvelle loi cultuelle qu’il a instituée ; cette loi stipule de faire défiler en procession les meilleurs de la cité, les cheveux longs et vêtus d’habits blancs, d’abord vers le temple d’Apollon, munis de couronnes de laurier, puis vers le temple d’Asclépios, portant un rameau d’olivier, et de leur faire demander à ces dieux par une prière de donner la santé à tous et de faire régner à Épidaure la vertu civique, l’harmonie dans les lois, la paix et la richesse ; le péan, le sixième segment, constitue l’hymne que le chœur doit chanter lors de cette procession. Dans le cinquième segment (l. 32-36), Isyllos raconte qu’il a envoyé son ami Astylaidas à Delphes pour demander à la Pythie s’il était avantageux de faire graver le péan et que la réponse fut positive. 5   Cf. l. 3-4 : « prenez dans vos mains un rameau de suppliants, un beau rameau d’olivier et une magnifique pousse de laurier, jeunes hommes d’Athènes, ié Péan ».

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teraient d’une « automatisation » du schéma de construction du péan visant la création d’un texte purement utilitaire, dépourvu de prétentions artistiques et réduit à sa seule « valeur de consommation », puisqu’il est utilisable à divers moments et en divers endroits6. Cette analyse ne convainc pas Stephan Schröder. Selon lui, s’il ne fait pas de doute que le péan d’Érythrées est marqué par un grand schématisme, il faut en chercher la raison non pas du côté d’une « automatisation » du schéma de construction, mais de celui du contexte de sa création ; ainsi, les facteurs déterminants de la forme du chant ne relèveraient pas en première ligne de catégories théoriques, mais seraient liés à son utilisation7. Visant avant tout l’efficacité dans le contexte cultuel, l’objectif premier de l’auteur d’un péan serait de soumettre la prière au dieu et d’avancer des arguments le poussant à l’exaucer, et cela sur le mode le plus général possible. De fait, sitôt qu’un chant est un élément fixe et constitutif d’un culte, qu’il est donc exécuté régulièrement et dans des contextes et lieux divers, tout élément contribuant à l’individualiser, que ce soit par rapport à un événement précis ou par rapport au savoir artistique de l’auteur, est à bannir. Il s’ensuivrait que le créateur d’un « chant utilitaire » destiné à être utilisé régulièrement dans un culte est contraint de renoncer à ce qui fait la qualité poétique et le caractère artistique des compositions des grands lyriques, qu’il en soit capable de plus ou non8. Voilà comment s’expliqueraient selon Stephan Schröder la genèse du péan d’Érythrées et celle des péans d’Isyllos et de Makedonikos, qui auraient été composés selon le modèle de celui d’Érythrées. Stephan Schröder nuance donc quelque peu le jugement de Lutz Käppel : si les trois péans sont monotones et semblables entre eux, ce serait dû au contexte de leur création et à leur finalité, et non à l’incapa-

6   L.  Käppel, Der Paian. Studien zur Geschichte einer Gattung, Berlin, 1992, p. 198 : « Damit ist der Erythräische Paian das instruktivste Beispiel dieser Gattung, in dem das Konstruktionsprinzip der Gattung (…) so weit ‘automatisiert’ ist, dass er als blosser ‚Gebrauchstext‘ gänzlich ohne künstlerische Qualität, reduziert auf den reinen ‚Konsumwert‘ des Textes, zu den verschiedensten Zeiten und an den verschiedensten Orten verwendbar war ». 7   S. Schröder, Geschichte und Theorie der Gattung Paian, Stuttgart – Leipzig, 1999, p.  68-69  : «  Möglicherweise sind die Faktoren, die die Form des Liedes prägen, nicht in erster Linie unter gattungstheoretischen Kategorien zu fassen, sondern erlaubt eine Betrachtung in unmittelbarem Zusammenhang mit dem Verwendungszweck (…) eine einheitlichere Erklärung der Gestalt des Textes ». 8   Schröder, Geschichte…, p.  71  : «  Der Schöpfer eines zu regelmässiger Verwendung im Kult bestimmten ‚Gebrauchliedes‘ war also, ob er von sich aus zu mehr imstande war oder nicht, gezwungen, auf das, was die poetische Qualität und den Kunstcharakter der Kompositionen der grossen Chorlyriker ausmacht, zu verzichten ».

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cité de leur auteur. Tout en jugeant les auteurs avec moins de dureté que Lutz Käppel, Schröder reprend néanmoins deux autres points également présents dans l’analyse de Käppel : le manque de qualité artistique d’une part, la dépendance des péans d’Isyllos et de Makédonikos par rapport à celui d’Érythrées de l’autre. Or, le but premier de ces chants, et Stephan Schröder ne cesse de le souligner, est de soumettre une prière à une divinité, et cela d’une façon convaincante – le but de toute personne qui prie est de voir sa prière exaucée. Et pour convaincre, il ne suffit pas de s’exprimer simplement ; il convient de recourir à la rhétorique, d’orner son propos de divers procédés artistiques. Un de ces procédés est la musique – un procédé qui nous échappe cependant en grande partie. De fait, si l’on sait9 que les péans étaient certainement chantés, en général avec un accompagnement instrumental10, et que, selon les cas, ils étaient dansés, on est très mal informé sur leur arrangement musical. Or, tant l’instrumentation que des lignes mélodiques, les répétitions du refrain ou encore le mode de présentation11 pouvaient générer des éléments de variation ou d’originalité. Dans les textes, les correspondances entre les strophes12 de même que les jeux de sonorités13 et les

9   Pour la question de la musique et de l’accompagnement musical, cf. Käppel, Paian…, p. 80-82. 10   L’instrument d’accompagnement est parfois indiqué : cf. Hymne homérique à Apollon 515 (la phorminx) ; Euripide, Troyennes 126 (l’aulos) ; voir Käppel, Paian…, p. 81. 11   Les péans étaient exécutés en solo, par un chœur, ou en chant alterné entre et la communauté des fidèles, qui pouvait entonner le refrain. Dans nos un trois péans, le chœur s’identifie en s’exhortant lui-même à entonner le chant  : péan d’Érythrées (v. 1) : – « jeunes hommes » (le chœur ne mentionne pas la ville à laquelle il appartient ; cela indique que le péan n’était pas réservé à un endroit de culte précis, mais qu’il était exportable)  ; péan d’Isyllos (l.  1-2)  : – «  peuples qui demeurez dans cette sainte Épidaure  »  ; péan de – « jeunes hommes d’Athènes ». Pour la place Makedonikos (l. 4) : du refrain dans les trois péans, cf. infra, le sous-chapitre sur la forme. 12   Pour un exemple de correspondances dans le péan d’Érythrées, cf. infra, le sous-chapitre sur la forme. 13  Quelques exemples de jeux de sonorités : dans le péan d’Érythrées, les vers qualifiant 1 et 2 ne sont composés que de trois mots ; au vers 1, l’adjectif Péan occupe le centre ; or, le premier membre de cet adjectif composé se retrouve en , qualifiant Hygiéia et situé seconde position dans un autre adjectif composé, en fin de vers aux vers 14 et 23 – le thème de la gloire repris pour Péan et pour Hygiéia pouvait être récurrent aussi au niveau musical. Pour le péan d’Isyllos on peut signaler l’allitération en à la ligne 9 ou en et à la ligne 12. Quant au péan de Makedonikos, on peut relever que la ligne 2 est composée de quatre mots, dont le premier et le troi, alors que les sième, des adjectifs, comptent trois syllabes et sont des composés en deuxième et quatrième termes sont des substantifs comptant deux syllabes ; aux lignes 3

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figures de style14 peuvent être considérés comme des indicateurs de la mise en musique. Il s’ensuit que dans une réflexion sur l’uniformité de textes, il ne faudrait pas oublier cette diversité perdue15. Il peut par conséquent être intéressant de soumettre les trois péans à quelques réflexions sur la rhétorique mise en œuvre par leurs auteurs. Avant ces considérations qui porteront sur les trois points principaux que sont le contenu, la structure et la forme, et que le cadre de cette contribution limitera à quelques exemples, jetons un coup d’œil sur les trois textes en question. Textes16 Le péan d’Érythrées17 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

et 4, le jeu de sonorités ... ... est manifeste. Sans doute ces éléments étaient-ils aussi exprimés par la musique. 14   Comme exemples de figures de style, on peut citer, dans le péan d’Érythrées, (v.  14-15 et 23-24) / le chiasme (v. 16-17 et 25-26) ; pour Isyllos, le chiasme (l. 16) et le jeu linguistique (l. 17) ; pour Makedonikos, la répétition de de part et d’autre du refrain (l. 4-5). Une fois encore, on peut supposer que sur le plan musical également, ces éléments étaient mis en évidence. 15   Le chant grégorien fournit un bon exemple d’un art où une grande diversité musicale côtoie une certaine uniformité des textes. 16   Pour les trois péans en général, cf. Käppel, Paian…, p. 189-206 ; Schröder, Geschichte..., p.  64-77, 104-105  ; Furley, Bremer, Greek Hymns, vol.  1, p.  211-214, 227-240, 266-267 ; vol. 2, p. 161-167, 180-191, 228-233 ; M. Vamvouri Ruffy, La fabrique du divin. Les hymnes de Callimaque à la lumière des Hymnes homériques et des Hymnes épigraphiques, Liège, 2004, p.  98-103. Pour Isyllos, cf.  aussi Kolde, Politique et religion…, passim. 17   Le texte suit l’édition donnée par Furley, Bremer, Greek Hymns, vol.  2, p. 161-162.

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Célébrez Péan fameux pour sa sagesse, jeunes hommes, le fils de Léto, qui frappe au loin, ié Péan, lui qui a engendré une grande joie pour les mortels, uni d’amour à Coronis, sur la terre de Phlégyas, ié Péan, Asclépios, dieu très glorieux, ié Péan. De lui naquirent Machaon et Podalire et Iaso, ié Péan, et Aiglaia aux beaux yeux et Panakeia, les enfants d’Épioné, avec la très fameuse et propice Hygiéia, ié Péan, Asclépios, dieu très glorieux, ié Péan. Salut à toi, avance-toi favorable jusqu’à ma ville à la vaste place de danse, ié Péan, donne-nous de voir, puisque nous te saluons, la lumière tant aimée du soleil, avec la très illustre et fameuse Hygiéia, ié Péan, Asclépios, dieu très glorieux, ié Péan. Le péan d’Isyllos18 1 2 3 4 5 6

  Le texte suit l’édition donnée par Kolde, Politique et religion…, p. 10-12 ; la répartition sur la pierre ne correspond pas à des vers. Il sera donc toujours question de « lignes ». 18

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Ié, célébrez le dieu Péan, peuples qui demeurez dans cette sainte Épidaure. Car voici l’histoire parvenue aux oreilles de nos ancêtres, Phoibos Apollon. On dit que son père Zeus donna la Muse Érato comme épouse à Malos, noces conformes à la volonté des dieux. Et Phlégyas, qui habitait Épidaure, sa patrie, épousa la fille de Malos, qu’enfanta Érato, la mère, et elle fut appelée Kléophème. De Phlégyas naquit Aigla ; c’est là son nom ; mais pour sa beauté, elle fut appelée Coronis. Lorsqu’il la vit d’en haut, dans la maison de Malos, Phoibos à l’arc d’argent mit fin à sa saison virginale et tu es monté sur la couche charmante, fils de Léto, jeune dieu à la chevelure d’or. Je t’honore : dans le sanctuaire à l’odeur d’encens, Aigla le mit au monde, et l’enfant de Zeus avec les Moires et Lachésis, la noble sage-femme, la délivrèrent d’un enfantement de bon aloi. Du nom de sa mère Aigla, Apollon le nomma Asclépios, celui qui met fin aux maladies, le dispensateur de santé, un grand don pour les mortels. Ié Péan, ié Péan, salut à toi, Asclépios, en faisant prospérer la ville de ta mère, Épidaure, puisses-tu envoyer une santé éclatante à nos esprits et à nos corps, ié Péan, ié Péan. Le péan de Makedonikos19

  Le texte suit l’édition de Furley, Bremer, Greek Hymns, vol. 2, p. 229 ; la répartition sur la pierre ne correspond pas à des vers. Il sera donc toujours question de « lignes ». 19

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Makedonikos a composé ce chant sur l’ordre du dieu. (1) Chantez le Délien au beau carquois, le fils de Zeus, qui porte un arc d’argent, avec un cœur bienveillant et une langue au beau parler, ié Péan, (3) prenez dans vos mains un rameau de suppliants, un beau rameau d’olivier, et une magnifique pousse de laurier, jeunes hommes d’Athènes, ié Péan, (5) jeunes hommes, puisse un chant irréprochable célébrer le fils de Léto, qui frappe au loin, l’illustre chef des Muses, ié Péan, (7) le protecteur qui autrefois a engendré celui qui repousse les maladies et le malheur des hommes, Asclépios, le jeune homme bienveillant ; ié o, ié Péan (9) sur les sommets du Pélion, le centaure lui a appris tout le savoir-faire secret qui écarte les maux pour les mortels, ié Péan, (11) le fils de Koronis, doux pour les hommes, dieu très vénérable, ié Péan. (12) De lui naquirent ses fils Podalire et Machaon, chefs de lances pour les Grecs, ié Péan, (14) et Iaso et Akeso et Aiglé et Panakeia, les enfants d’Épioné, avec la très respectable Hygiéia. Ié Péan (16) Salut à toi, toi qui es d’un grand profit pour les mortels, dieu très glorieux, ié o ié Péan, (17) Asclépios, donne que ceux qui chantent ta sagesse fleurissent toujours dans la vie avec la très charmante Hygiéia ; ié Péan. 132

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(19) Puisses-tu sauver la ville attique de Cécrops par tes visites ininterrompues, ié Péan, (20) sois doux, bienheureux, et écarte les maladies haïssables, ié o ié Péan.

Selon Lutz Käppel et Stephan Schröder, les textes d’Isyllos et de Makedonikos sont des copies du péan d’Érythrées et tous trois sont dépourvus d’art. Dans le sillage de ces analyses, l’examen d’abord du contenu puis de la structure et de la forme permettra de voir si les jugements des deux philologues se justifient. Le contenu Les trois péans sont adressés à Apollon et à Asclépios, et tous trois, comme le veut leur contexte cultuel, se terminent par une prière demandant à Asclépios d’assurer la santé et la prospérité du chœur et de la communauté à laquelle il appartient. Tous trois commencent par Apollon et se poursuivent par Asclépios et par les liens qui unissent les deux dieux. Mais au-delà de ces points très généraux, les éléments avancés par les chants diffèrent. Prenons comme exemple les renseignements que chacun d’entre eux nous fournit sur la famille d’Asclépios. Le péan d’Érythrées explique que les parents sont Apollon et Coronis, que sa femme s’appelle Épioné et ses enfants Machaon, Podalire, Iaso, Aiglaia, Panakeia, Hygiéia et qu’il est originaire de la terre de Phlégyas. Le péan d’Isyllos se focalise sur l’histoire de la naissance d’Asclépios, dont il nomme la source, les anciens, garants de sa crédibilité : Asclépios est né des amours d’Apollon avec Aigla-Coronis, une Épidaurienne de longue date, comme l’atteste sa généalogie, et une descendante de Zeus. Asclépios est conçu dans la maison de Malos, Épidaurien important, fondateur de l’Asclépiéion de Tricca, et il naît dans le sanctuaire à l’odeur d’encens d’Apollon, en présence d’Apollon, des Moires et de Lachésis. L’auteur ne dit rien de l’épouse d’Asclépios, ni de ses enfants. Le contenu du péan de Makedonikos est plus proche de celui d’Érythrées : Asclépios, le fils d’Apollon et de Coronis et le disciple du Centaure sur le Pélion, est l’époux d’Épioné et le père de Podalire, Machaon, Iaso, Akeso, Aigla, Panakaia et Hygiéia. Le seul point à être mentionné dans les trois chants est donc l’ascendance d’Asclépios : son père Apollon et sa mère Coronis. Et là où le péan d’Érythrées passe immédiatement à l’épouse et à la descendance d’Asclépios, celui d’Isyllos s’étend longuement sur l’ascendance de la mère sans souffler mot de l’épouse ni de la descendance, tandis que celui

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de Makedonikos insère avant l’évocation de l’épouse et l’énumération des enfants la mention de la formation prodiguée par le centaure. Dans quel but les chœurs s’adonnent-ils à ces listes généalogiques, quelles qu’elles soient ? Les hymnes sont généralement divisés en trois parties. La première constitue l’invocation qui établit le contact entre la personne ou le groupe de personnes qui parle, la troisième contient la prière. La deuxième est la plus difficile à définir  ; elle se propose de convaincre le dieu d’exaucer la prière finale, avançant dans ce but divers arguments, comme le rappel d’exploits antérieurs et semblables au bienfait demandé, un éloge plus général, le rappel d’un bienfait que le dieu a précédemment octroyé ou d’un lien particulièrement étroit entre lui et la communauté de fidèles ou encore des propriétés caractéristiques du dieu le distinguant tout particulièrement pour le bienfait demandé20. Les trois péans, tout en évoquant chacun les parents d’Asclépios et en insistant par là en quelque sorte sur la garantie médicale fournie par le père Apollon21, conjuguent cette partie différemment  : alors que le péan d’Érythrées passe immédiatement à l’épouse et aux enfants d’Asclépios, celui de Makedonikos nomme en plus l’instruction dispensée par le Centaure Chiron. Tout comme Apollon par un de ses domaines d’activité, l’épouse et les enfants d’Asclépios font aussi référence à la médecine, à savoir par leurs noms qui renvoient à des fonctions médicinales et thérapeutiques22. En nommant les proches parents du dieu, le chœur démontre à celui-ci qu’il est le plus à même d’exaucer la prière23 ; aux noms des parents, Makedonikos joint l’évocation de la formation reçue par le Centaure – autre argument destiné à convaincre Asclépios. Isyllos, quant à lui, choisit de recourir à une argumentation différente : il rappelle au dieu le lien privilégié qui le lie à Épidaure. De fait, non seulement sa mère est épidaurienne, non seulement elle est la descendante d’un Épidaurien influent, mais il a été conçu dans la maison de ce citoyen et il est né dans le temple d’Apollon à Épidaure. Pour Isyllos, ce n’est donc pas en raison

  Cf. notamment Furley, Bemer, Greek Hymns, vol. 1, p. 50-63.   Les divers enfants des dieux se spécialisent chacun dans les différents domaines d’activité de leurs parents. Cf. J. Rudhardt, Thémis et les Hôrai. Recherche sur les divinités grecques de la justice et de la paix, Genève, 1999, p. 155-160. 22   Selon l’Iliade, Machaon et Podalire sont les médecins des Grecs devant Troie : , « je soigne, je guéris » ; Iliade II, 732 ; IV, 193-219 ; XI, 506 et 833 ; , «  tout  » + «  je soigne, je guéris  »  ; , , « l’éclat » d’Asclépios (ou de la bonne « je me porte bien, je guéris » ; , « doux, bienveillant » ; selon les scholies à Lycophron 1054, santé ?) ; serait par ailleurs un nom archaïque d’Asclépios. 23   Cf. Käppel, Paian…, p. 193-200. 20

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de sa descendance qu’Asclépios est le mieux habilité à exaucer la prière, mais en raison de son ascendance et de son lien avec Épidaure ; c’est aussi pour cette raison qu’il arrête sa narration avec la naissance d’Asclépios et qu’il ne mentionne pas sa descendance. Ce choix d’argument , fréquemment nomne lui permettait cependant pas d’évoquer mée dans le sillage d’Asclépios et que les deux autres textes mentionnent comme sa fille – comme sa fille la plus importante même, puisqu’elle apparaît toujours en fin d’énumération, dotée d’une épiclèse. Pour la nommer tout de même, Isyllos « métaphorise » le lien qui la lie à Asclépios : de père d’Hygiéia, Asclépios devient son « dispensateur » (l. 16 : ), il « l’envoie à l’esprit et au corps » des Épidauriens (l. 19). Les différences qu’il est possible de constater dans le contenu des trois chants ne semblent donc pas confirmer l’hypothèse selon laquelle les péans d’Isyllos et de Makedonikos seraient des copies de celui d’Érythrées. La structure Les trois péans respectent la structure précédemment évoquée, à savoir la division en trois parties. Il est cependant intéressant de noter qu’ils n’accordent pas la même importance à chacune d’elles. Le péan d’Érythrées, le seul des trois péans à être composé en un mode strophique24, n’accorde que trois vers à l’invocation et à l’exhortation adressée au chœur de chanter, quinze vers à l’ascendance et à la descendance d’Asclépios et neuf vers à la prière ; la partie médiane est donc cinq fois et la dernière partie trois fois plus longue que la première partie. Le péan d’Isyllos consacre le même nombre de lignes à la première et à la dernière partie, à savoir trois et demi ; la partie médiane, comptant treize lignes, peut encore être divisée, si bien que l’on obtient finalement huit sousparties de longueur légèrement croissante encadrées de deux parties plus longues, mais de dimensions égales ; la structure est donc très rigoureuse25. Makedonikos, finalement, étend son invocation sur cinq lignes, chante Apollon, Asclépios et sa famille sur dix lignes et présente sa prière à nouveau en cinq lignes. Sa structure est donc plus équilibrée que celle du péan d’Érythrées, sans être aussi linéaire que celle d’Isyllos.

  Cf. infra, le sous-chapitre sur la forme.   1 : 1-4a ; 2a : 4b-5a ; 2b : 5b-7a ; 2ci : 7b-9a; 2cii : 9b-12a ; 2di : 12b-14a ; 2dii : 14b-17a ; 3 : 17b-20. 24 25

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Du point de vue de la structure aussi, il semble que les différences l’emportent sur les similitudes. La forme L’analyse de la forme des trois péans se concentrera à titre d’exemples sur la métrique, la langue et les épiclèses. Le péan d’Érythrées comporte trois strophes de neuf vers26. Elles (v. 3, 12, 21), qui sont scandées au troisième vers par le refrain est répété à la fin de chaque strophe, où il est précédé par un autre refrain, (v. 7-8, 16-17, 25-26) ; de plus, la deuxième moitié du cinquième et le sixième vers des strophes 2 et 3 sont identiques, évoquant Hygiéia. Le système strophique permet des correspondances entre les diverses strophes qui ne sont peut-être pas anodines ; ainsi, le cinquième vers de chaque strophe met en relation, pour la strophe 1, l’union d’Apollon et de Coronis, pour la strophe 2, les enfants d’Épioné et, pour la strophe 3, le soleil – en quelque sorte, des mots-clés : Asclépios est le fils d’Apollon et de Coronis ; par le pouvoir guérisseur de son père, et grâce aux enfants qu’il a eus avec Coronis, il peut permettre aux hommes de voir la lumière du soleil, en d’autres termes de vivre. Le péan est écrit en dactyles lyriques, le refrain constituant des ioniques. Le péan d’Isyllos est écrit en ioniques. Si l’absence d’un système strophique régulier27 ne permet pas de correspondances comme celles qu’on dégage dans le péan d’Érythrées, on peut voir que l’importance de certains mots est soulignée par une suite soit de plusieurs pieds purs, soit de plusieurs pieds qui ont subi des modifications. On peut citer l’exemple suivant, l. 19-20 : , où l’on a cinq ioniques purs consécutifs, qui suivent trois ioniques modifiés par des résolutions : (l. 18-19). Peut-être l’effet auditif ainsi obtenu est-il censé exprimer la sérénité qui règne dans une ville sur laquelle veille Asclépios. Le refrain apparaît trois fois : au début, à la fin et à quelques lignes

26   Pour le schéma métrique, cf. M. L. West, Greek Metre, Oxford, 1982, p. 141, et Furley, Bremer, Greek Hymns, vol. 2, p. 163. Le péan ne possède pas de forme strophique fixe ; certains ont des systèmes triadiques, comme le péan d’Érythrées, d’autres sont monostrophiques, d’autres encore astrophiques, comme celui de Makedonikos ; cf. Käppel, Paian…, p. 76-79. 27   Pour une analyse métrique détaillée et la division en strophes irrégulières, cf. Kolde, Politique et religion…, p. 34-39 et 140-142.

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de la fin, précédant le salut à Asclépios. Si l’on adopte la structure en huit strophes inégales évoquée ci-dessus, le refrain se situe au début de la première strophe et à la fin de la septième et de la huitième. Quant au péan de Makedonikos, il est rédigé en dactyles qui peuvent parfois être regroupés en hexamètres28 ; cependant, tout essai de diviser le texte en cola de quatre à huit mesures semble vain29. Aussi est-on porté à croire que Makedonikos n’a pas attribué beaucoup d’importance à ce point. Il importe cependant de noter que le chant est scandé par le refrain, dont la fréquence augmente dans la seconde moi(ou ) est répété douze fois (trois fois, le refrain tié : ) – une ligne sur deux jusqu’à la ligne 10, est élargi en puis quasiment chaque ligne30. Ces divers éléments posent bien entendu la question de savoir pourquoi tel auteur a retenu tel mètre plutôt que tel autre. De fait, le mètre ne semble pas lié au genre, puisque Käppel31 constate que les péans comportent la majeure partie des mètres usuels dans les genres méliques, à savoir des dactylo-épitrites, des dactyles, des vers éoliens, des ioniques, des crétiques, et qu’à aucune époque le péan n’a semblé privilégier un mètre aux dépens d’un autre. Peut-être l’orientation du contenu nous fournit-il une piste. Nous avons en effet constaté que les péans d’Érythrées et de Makedonikos se concentrent sur la famille d’Asclépios, à savoir tant sur son ascendance que sur sa descendance. Il se trouve que la généalogie est un thème fréquent de l’épopée, dont le mètre est dactylique. Isyllos compose son péan en mètres ioniques. , dont le rythme passait Ce mètre devrait son nom aux Æ pour efféminé32 ; or, on l’a vu, Isyllos centre son péan sur la figure de Aigla-Coronis, la mère d’Asclépios. En ce qui concerne le refrain, présent dans chaque péan puisqu’il en est un élément constitutif33, il s’avère que les trois auteurs en jouent différemment. Si jusqu’à présent, ce sont surtout les différences entre les trois péans qui ont retenu l’attention, force est de constater une similitude

  Cf. West, Greek Metre, p. 141.   Cf. Furley, Bremer, Greek Hymns, vol. 2, p. 230. 30   (ou ) : l. 2, 4, 6, 8, 10, 11, 13, 15, 16, 18, 19, 20 ; élargi en  : l. 8, 16, 20. 31   Käppel, Paian…., p. 75-80. 32   Hephaistion Scholies B, p. 302, 26 Consbr. Cf. D. Korzeniewski, Griechische Metrik, Darmstadt, 1968, p. 116-122, et West, Greek Metre, p. 142-145. 33   Cf. I. Rutherford, Pindar’s Paeans, Oxford, 2001, p. 18-22, 71-72, 90-108. 28 29

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quant à la langue. De fait, les trois chants contiennent des dorismes34 qui côtoient des ionismes et des formes épiques35. L’utilisation du dorien s’explique par le fait qu’il est le dialecte couramment utilisé dans la poésie lyrique chorale. Par ailleurs, dans le cas d’Isyllos, il est important qu’une prière soit formulée dans le dialecte local. Quant à la coloration épique, elle est probablement due au thème de la généalogie. Considérons pour terminer comment chaque auteur nomme les dieux qu’il évoque. Ici aussi, des différences s’imposent d’emblée. En effet, alors que l’auteur du péan d’Érythrées et Makedonikos ne nomment pas expressis verbis Apollon mais l’évoquent seulement par des épiclèses, Isyllos utilise le nom d’Apollon à trois reprises36. La même variété se constate au niveau des épiclèses et Isyllos se distingue à nouveau nettement des deux autres. D’une part, il qualifie Apollon de plus d’épiclèses qu’Asclépios37, alors que le péan d’Érythrées et Makedonikos, à l’inverse, dotent Asclépios de plus d’épiclèses qu’Apollon38. D’autre part, les épiclèses d’Apollon relèvent de plusieurs catégories39, alors que celles d’Asclépios appartiennent à une seule, celle du domaine d’activité40. Dans les deux autres péans, les épiclèses des deux dieux appartiennent à plusieurs catégories41.   Péan d’Érythrées, v. 2 :  ; v. 6 :  ; v. 20 :  ; v. 23 :  ; Isyllos, l. 2 :  ; l. 3 :  ; l. 7 : ...  ; l. 8 :  ; l. 11 :  ; l. 14 :  ; l. 15 :  ; l. 18 : Æ ...  ; Makedonikos, l. 1 : . 35   Péan d’Érythrées, v. 13 :  ; v. 15 + 24 : ` ; Isyllos, l. 2-3 :  ;  ; l. 7 :  ; un terme relève du vocabulaire épique : (l. 16). On l. 5 : (l. 20) ; un adjectif est éolien : (l. 1) ; trouve aussi une forme éolienne :  ; l. 10 :  ; l. 12 : (duel). Makedonikos, l. 7 : 36   L. 3-4 et 16 (deux fois). 37   Six épiclèses pour Apollon contre trois pour Asclépios. 38   Péan d’Érythrées  : quatre pour Apollon, huit pour Asclépios  ; Makedonikos : sept pour Apollon, douze pour Asclépios. 39   Relatif à ses attributs : l. 9-10 :  ; relatif à ses caractéristiques : l. 12 :  ; relatif à sa généalogie : l. 11 :  ; l. 13-14 :  ; autre : . l. 3 et 10 : 40   Les épiclèses qualifiant Asclépios relèvent du domaine d’activité de la guéet  ; l. 17 : . rison : cf. l. 16 : 41   Péan d’Érythrées : Apollon : relatif à ses caractéristiques : v. 1 :  ;  ; relatif à ses domaines d’activité : v. 1 :  ; relatif à sa généalogie : v. 2 :  ; Asclépios : relatif à ses caractéristiques : v. 4 :  ; v. 8, 17, v. 2 : Ó  ; v. 8, 17, 26 :  ; relatif à ses domaines d’activité : v. 19 : 26 : . Makedonikos : Apollon : toponymique : l. 1 :  ; relatif à ses attributs : l. 1 : ...  ; relatif à sa généalogie : l. 5 :  ; relatif à ses domai, l. 5-6 : , l. 7 :  ; nes d’activités : l. 5 : 34

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Comme pour les autres points analysés, ces différences peuvent aisément s’expliquer. Tout comme les péans d’Érythrées et de Makedonikos accordent plus d’importance à Asclépios qu’à Apollon et que leur propos est plus général et donc moins centré sur un événement lié à Asclépios, ils qualifient Asclépios de plus d’épiclèses et les épiclèses employées couvrent davantage de catégories. Conclusion Au terme de cette analyse qui a dû se limiter à quelques échantillons et sacrifier des sujets comme les champs sémantiques et les figures de style, on espère avoir pu montrer qu’il importe de nuancer les propos de Lutz Käppel et de Stephan Schröder. Vouloir dénigrer le travail de ces deux savants, dont les recherches sont de première importance, serait injuste. Mais prétendre que les trois péans en question sont dépourvus d’art et que ceux d’Isyllos et de Makedonikos sont des copies de celui d’Érythrées ne semble pas soutenable. Comme l’a souligné Stephan Schröder, les trois auteurs doivent se soumettre aux contraintes du contexte de la représentation cultuelle répétée ; par là, ils doivent être les plus « neutres » possibles. Mais il apparaît désormais que tous trois conjuguent les thèmes imposés sur un mode différent, cherchant chacun qu’il lui souhaite au début à travers son art de procurer au dieu la de la prière. Antje Kolde Université de Genève

Asclépios : relatif à ses caractéristiques : l. 8 : , l. 11 : , l. 16 : , l. 20 :  ; relatif à sa généalogie :  ; relatif à ses domaines d’activité : l. 7 : , l. 16 : l. 11 : .

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QUATRIÈME PARTIE HYMNES ET PRIÈRES À L’ÉPOQUE CHRÉTIENNE

« ’Tis all one »1 : Les ASSIMILATIONs de dieux dans les Hymnes orphiques 2 Introduction Après une brève présentation des Hymnes orphiques, je traiterai de la signification des assimilations de dieux dans ce corpus d’une interprétation difficile : que veut dire un auteur quand il affirme par exemple qu’Héra est Rhéa ? Il s’agira également de tenter de déterminer si les assimilations sont le reflet d’une tendance monothéiste. Pour les Hymnes orphiques, mon étude se concentrera particulièrement sur deux poèmes : l’hymne à Protogonos (hymne 6) et un des hymnes à Dionysos (hymne 30)3. Par la suite, la question sera abordée du point de vue de textes philosophiques et rhétoriques, pour enfin être replacée dans le contexte de la théorie antique du langage. Les Hymnes orphiques proviennent probablement d’Asie Mineure et sont généralement datés entre les deuxième et cinquième siècles ap. J.-C.4 La collection consiste en 87 textes introduits par un prologue ; les hymnes s’adressent à des dieux assez divers du panthéon grec, Athéna (hymne 32), Artémis (hymne 36), Zeus (hymnes 15, 19 et 20), à des divinités plus rares comme Misé, un Dionysos féminin (hymne 42), à des divinités locales comme Sabazios et Hipta (hymnes 48 et 49) et à des dieux typiquement orphiques comme Protogonos (le Premier-né, hymne 6). Dionysos, qui est le destinataire de plusieurs hymnes, est la divinité

  « ’Tis all one » : cf. R. Burton, The Anatomy of Melancholy (trad. française B. Hoepffner), 2e éd., Paris, 2000, vol. 1, p. 55. Voir aussi J. Pigeaud, De la mélancolie. Fragments de poétique et d’histoire, Paris, 2005, p. 7-14. 2   Je remercie J.  Goeken de m’avoir invitée à présenter un texte dans ce livre, ainsi que M.-J. Chevalley et C.-A. Morand pour leurs commentaires au sujet de mon article. 3   Dans mon texte, l’indication «  hymne  » dans les parenthèses se réfère aux Hymnes orphiques. 4   W. K. C. Guthrie, « Epithets in the Orphic Hymns », Classical Review, 44, 1930, p.  216-221  ; M.  Hopman-Govers, «  Le jeu des épithètes dans les Hymnes ­orphiques », Kernos, 14, 2001, p. 35-49 ; A.-F. Morand, Études sur les Hymnes or­phiques (Religions in the Graeco-Roman World, 143), Leyde – Boston – Cologne, 2001  ; ­ elli, Inni orfici, Milan, 2000 ; J. Rudhardt, « Quelques réflexions sur les G. Ricciard hymnes orphiques  », dans Ph.  Borgeaud (éd.), Orphisme et Orphée, en l’honneur de Jean Rudhardt (Recherches et Rencontres, 3), Genève, 1991, p. 263-289 ; M. L. West, The Orphic Poems, Oxford, 1983, p. 28-29. 1

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centrale de ces textes (hymnes 30, 42, 45–47, 50, 52–53). Les Hymnes orphiques se rattachent à une tradition de croyances liées au nom d’Orphée, le héros qui participa à l’expédition des Argonautes et tenta sans succès de ramener des Enfers sa femme Eurydice. L’orphisme, la tradition de textes religieux attribués à Orphée, interprète les éléments de religion traditionnelle de manière originale : on trouve par exemple à l’origine du monde un être ailé et monstrueux, formé d’animaux divers, Protogonos (le Premier-né) - Phanès, né d’un œuf5. Dionysos a un statut particulier : il succède à Zeus avec le consentement de ce dernier. Selon les croyances orphiques, ce dieu joue également un rôle bénéfique à l’égard des initiés dans les Enfers. Les textes attachés au nom d’Orphée mentionnent aussi des croyances semblables à celles des Pythagoriciens, comme par exemple la nécessité de s’abstenir de consommer des fèves. L’intérêt des Hymnes orphiques, qui ne sont pas narratifs et ne se réfèrent aux mythes que par allusion, réside précisément dans leur aspect peu littéraire. Il s’agit d’un des rares textes où l’on trouve simultanément un ensemble de croyances propres à un groupe religieux, les noms des membres de la hiérarchie religieuse ainsi que des rites, des offrandes, des rituels et des mystères. La structure des hymnes est constante : on trouve d’abord un titre donnant le nom du dieu auquel l’hymne est adressé, ainsi que la mention de l’offrande qui accompagne l’hymne : on brûlait en effet diverses substances végétales, de la myrrhe, de l’encens, des plantes aromatiques, ou du storax. L’hymne proprement dit débute avec une invocation suivie du nom de la divinité accompagné en général de son épiclèse. Suit, à l’endroit où les Hymnes homériques racontent le mythe, une succession d’épithètes, de courtes relatives ou participiales qui ne se réfèrent au mythe que de manière allusive. L’hymne se termine par une demande adressée au dieu invoqué, comme nous le constaterons dans les deux textes que nous étudierons plus particulièrement6. Les hymnes 6 et 30 6.   Cf. Hymn. orph. 6, 2.   Le texte grec est celui de Ricciardelli, Inni orfici.

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5 10 6. À Protogonos brûler de la myrrhe C’est Protogonos premier-né que j’appelle, aux deux natures, grand et errant dans l’éther, Né de l’œuf, te glorifiant d’ailes d’or, À la voix taurine, origine des bienheureux et des hommes mortels, Semence mémorable, aux nombreux mystères, Ericépaios Indicible, à la fois caché et pousse toute brillante, tu te déplaces avec un sifflement, Toi qui fis disparaître l’obscurité, en ôtant des yeux un brouillard obscur Tournoyant, grâce au battement de tes ailes, partout dans le cosmos, Amenant la lumière pure et brillante : c’est pourquoi je t’appelle Phanès, Souverain Priape et Antaugès au regard rapide, Mais, bienheureux, Métis, plein de ruses et de semences, viens réjoui, pour les orgiophantes7, à ces fêtes pures et fort variées. 30. 5

7   Un des termes désignant des membres de la hiérarchie religieuse du groupe qui utilisa les Hymnes. Ce terme se réfère probablement à quelqu’un qui montrait les objets , « aux du culte à des fins d’initiation aux mystères. Ericépaios est qualifié de nombreux mystères » (6, 4).

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30. À Dionysos brûler du storax J’invoque Dionysos le retentissant, lui qui pousse des cris d’évohé, Protogonos premier-né, aux deux natures, trois fois né, seigneur bachique, Indomptable, indicible, secret, aux deux cornes et deux formes, Lui dont la face taurine s’orne de lierre, Martial8, pur Evios, Mangeur de chairs crues, Triétérique, porteur de grappes, au manteau de jeunes pousses. Ô toi, Eubouleus de bon conseil, né de l’union indicible de Zeus et de Perséphone, dieu immortel : écoute ma voix, ô bienheureux, répands un souffle favorable et montre-moi un cœur bienveillant, avec tes nourrices à la belle ceinture9.

Protogonos est aussi appelé Ericépaios (hymne 6, 4), Phanès (hymne 6, 8), Priape, Antaugès (hymne 6, 9)10. Ces différents noms de Protogonos sont expliqués au moyen de jeux phoniques disséminés dans tout l’hymne11. Protogonos est également rapproché de Métis au moyen , « plein de ruse » (hymne 6, 10)12. Il est possible de l’adjectif , « tournoyant », soit une allusion à Dionysos, par que le terme le biais d’une étymologie du nom divin13. On peut cependant noter qu’à ce stade Dionysos n’est pas nommé directement. L’hymne 6, au moyen d’épithètes choisies, fait allusion à une étape importante de la cosmo­ gonie orphique : Protogonos-Phanès, un être brillant et composite, à la fois taureau et muni d’ailes d’or, sort de l’œuf. Comme le nom « Phanès » l’indique et comme l’hymne le souligne, cette divinité fait surgir la   En grec : . Le terme tiré du latin nous semble plus compréhensible en français. 9   Traductions H. Genoud et A.-F. Morand. 10   L’hymne 6 fait l’objet d’un commentaire dans l’étude, pionnière en matière d’Hymnes orphiques, de R. L. Hunsucker, A Select Commentary on the Orphic Hymns, diss. microfilm, Princeton, 1974, p. 85-167. 11   Ricciardelli, Inni orfici, p. 251, 253-254 ; A.-F. Morand, « Oppositions et jeux phoniques : le sens et le son dans les Hymnes orphiques », dans A.-L. Rey, A. Kolde, . Mélanges en l’honneur d’André Hurst, Genève, A. Lukinovich (éds.), 2005, p. 223-233. 12   Hunsucker, A Select Commentary, p. 160. La traduction « Métis, plein de ruses » souligne une allusion d’une manière qui n’est pas aussi explicite dans le grec. 13   Cf.  A.-F.  Morand, «  Etymologies of divine names in Orphic texts  », dans A.  Bernabé, F.  Casadesús (éds.), Orpheus and Orphism  : New Approaches (Actes du colloque du 3-5 février 2005, Universitat de les Illes Balears, Palma de Mallorca) [sous presse]. 8

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lumière, par sa simple émergence, par son regard et grâce à ses ailes d’or. Il est tout à la fois semence et origine du monde. Pour sa part, l’hymne à Dionysos (hymne 30) fait allusion à un dieu, issu de l’union de Zeus et de Perséphone, entouré de son cortège de nourrices et célébré à l’occasion de fêtes bacchiques  ; il disparaît régulièrement de la surface de la terre pour se rendre aux Enfers auprès de Perséphone. Cet hymne met en évidence les trois naissances du dieu, issu de Zeus et de Perséphone, de Zeus et de Sémélé, et de la cuisse de Zeus, lors d’une nouvelle gestation. Les jeux étymologiques, qui fournissent des indices relatifs à la nature du dieu, portent sur le nom de Proto­ , i. e. « Protogonos premier-né, gonos : aux deux natures, trois fois né » (hymne 30, 2). Le nom d’Eubouleus, ce Dionysos infernal, signifie littéralement « bon conseiller ». L’expression , i. e. « Eubouleus de bon conseil » (hymne 30, 6), nous éclaire également sur l’importance attachée à la signification du nom de ce Dionysos infernal. L’hymne 30 explore aussi les sens du nom (hymne 30, 1), (hymne de Dionysos au moyen du son di- : (hymne 30, 3), (hymne 30, 6). 30, 2), Malgré les différences entre les hymnes 6 et 30, Dionysos est appelé Protogonos (hymne 30, 2). Certains aspects de ces deux dieux sont rap`, « à la double prochés au moyen de mots communs ou proches14 : nature » (hymnes 6, 1 ; 30, 2), fait probablement allusion à la nature à la fois masculine et féminine de Protogonos et de Dionysos : en effet Misé, `, « mascette Dionysos féminine, est appelée culine et féminine, aux deux natures » (hymne 42, 4). Les aspects taurins de Protogonos et de Dionysos apparaissent également  : (hymne 30, 3), (hymne 30, 4). (hymne 6, 3), Dans un autre hymne à Dionysos, Triétérique, né de la cuisse de Zeus-Sabazios, un Eubouleus nocturne, un dieu qui disparaît sous terre lors de fêtes triétériques est également assimilé à Protogonos : Protogonos Ericépaios, à la fois père et fils des dieux15.

Les Hymnes orphiques distinguent probablement les règnes de Phanès, de Zeus et surtout de Dionysos. Tout comme dans la religion traditionnelle, un dieu domine les autres. Dans l’hymne 6, Protogonos 14   Sur la manière dont les Hymnes orphiques rapprochent certains dieux au moyen d’épithètes rares et communes, cf.  Rudhardt, « Quelques réflexions…  » (art. cit. n. 4), p. 263-289. 15   Hymne 52, 6. Je supprime la virgule que Ricciardelli, Inni orfici, p.  138, place entre Protogonos et Ericépaios.

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était surtout semence et origine. Dionysos pour sa part a sans doute assimilé les qualités des gouvernants précédents et devient ainsi « père et fils des dieux ». Il a intégré le passé cosmologique, mais il est surtout lié aux rites présents du groupe qui utilisa les Hymnes orphiques. Ce dieu a pourtant des caractéristiques propres : il est le dieu aux trois naissances et le dieu du raisin. La succession des Hymnes orphiques obéit à plusieurs logiques : celle du cycle de la vie, de la naissance à la mort (hymne 2 à Prothyraia ; hymne 87 à Thanatos), celle de la parenté de certaines divinités (Apollon, hymne 34 ; Léto, hymne 35 ; Artémis, hymne 36 ; Sabazios, hymne 48 ; Hipta, hymne 49) et celle de l’ordre de naissance des différents dieux. Les Hymnes orphiques suivent également une chronologie mythique liée aux différents règnes des dieux : Protogonos-Phanès (hymne 6), Cronos (hymne 13), Zeus (hymne 15), Dionysos (hymne 30). Les assimilations : un phénomène fréquent Les assimilations de dieux différents sont un trait ancien et fréquent de la religion grecque16, mais l’orphisme en fait un usage particulièrement systématique comme on le constate déjà dans le papyrus de Derveni à une date ancienne : 17

. Et il est dit également dans les Hymnes : Déméter Rhéa Terre Mère Hestia Déio. Elle est en effet appelée également Déio car elle fut déchirée dans l’union.

Les écrits orphiques recourent à des assimilations de dieux dans deux cas qui me semblent différents. Tout d’abord, certaines d’entre elles expriment une parenté ou des éléments communs qui unissent deux divinités comme Déméter et Rhéa dans le papyrus de Derveni. D’autres assimilations sont, semble-t-il, un peu différentes : le dieu qui règne sur les autres ingère la divinité de la génération précédente : Zeus absorbe le monde pour ensuite le vomir et le recréer, tout comme Cronos avait mangé les parties sexuelles d’Ouranos. L’assimilation du dieu est plus 16   Sur l’origine de ces rapprochements, R.  Parker, «  Early Orphism  », dans A. Powell (éd.), The Greek World, Londres – New York, 1995, p. 494. 17   Derveni, col. 22.11-13  : cf.  G.  Betegh, The Derveni papyrus. Cosmology, Theology and Interpretation, Cambridge, 2004, p. 46. Déio-déchirée : cf. F. Jourdan, Le papyrus de Derveni, Paris, 2003, p. 22.

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nette dans ce deuxième cas. On peut également noter en passant que les écrits orphiques conçoivent une symétrie entre les différentes générations de dieux. Signification des assimilations Il est essentiel de comprendre plus précisément ce que signifient les assimilations de dieux, en particulier si elles ont la même signification dans la religion traditionnelle et dans les écrits orphiques. Nous devons également nous demander si elles revêtent la même signification aux différentes époques, en particulier si les assimilations deviennent plus fréquentes avec l’émergence du christianisme en raison d’une tendance au monothéisme qui se serait développée durant cette période. Je limiterai mon investigation à l’orphisme et aux Hymnes orphiques. Jane Harrison fournit l’explication suivante au sujet des assimilations de dieux à l’époque tardive : If, in attempting to understand Orphic Theogony, we turn to the collection of hymns known as “Orphic”, hymns dating for the most part about the 4th century a.d., we find ourselves at ounce in an atmosphere of mystical monotheism. We have addresses to the various Olympians, to Zeus and Apollo and Hera and Athene and the rest, but these are no longer the old, clear-cut, departmental deities, with attributes sharply distinguished and incommunicable ; the outlines are all blurred ; we feel that everyone is changing into everyone else. A few traditional epithets indeed remain ; Poseidon is still “dark-haired”, and “Lord of the Horses” – he is a stubborn old god and hard to fuse ; but, for the most part, sooner or later, all divinities greater or less, mingle in the mystery melting-pot, all become “multiform”, “mighty”, “all-nourishing”, “first-born”, “saviours”, “all-glorious”, and the like. In a word the several gods by this time are all really one, and this one god is mystically conceived ) rather than a personal divinity ( )18. as a potency (

Ce passage reflète une vision de l’évolution de la religion grecque qui a été abandonnée depuis, mais l’idée du développement d’une forme de monothéisme dans le paganisme à l’époque de l’émergence du christianisme a été explorée récemment dans un livre important  : Pagan

  J. Harrison, Prolegomena to the Study of Greek Religion, Cambridge, 1903,

18

p. 625.

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Monotheism in Late Antiquity19. La question de la signification des assimilations de dieux dans les Hymnes orphiques demeure fondamentale. J’aborderai donc cette question en premier. Il s’agira ensuite de déterminer si les assimilations sont plus fréquentes au début de l’ère chrétienne et si elles sont le reflet d’une forme de monothéisme païen. En guise de réponse Pour comprendre la pleine signification des assimilations, il s’agit de se replonger dans la pensée antique20. Philodème, qui se réfère peutêtre au papyrus de Derveni, emploie, à propos des assimilations, le mot qui désigne « la vie en commun », « la cohabitation »21. Ce terme n’implique pas une idée de fusion ou d’assimilation des dieux. Le mot « assimilation », qui est un terme moderne, se réfère aux théories relatives au syncrétisme religieux. Il est mal choisi pour décrire ce phénomène dans l’Antiquité. Dans les écrits orphiques, la fusion des dieux est nettement plus importante quand le dieu de la génération précédente est absorbé. Nous avons cependant constaté que, dans les Hymnes ­orphiques, Protogonos et Dionysos sont des dieux très différents. Les dieux gouvernants absorbent les qualités de leurs prédécesseurs, mais acquièrent d’autres traits. Sur ce point, l’orphisme n’est pas très différent de la religion traditionnelle : Zeus doit régner différemment de Cronos pour conserver le pouvoir. En résumé, dans les deux cas que nous avons distingués dans l’orphisme, les dieux ne sont pas fusionnés mais conservent des caractéristiques propres : c’est un rapprochement plutôt qu’une assimilation. Un autre texte se réfère également à ce phénomène religieux : Jean Galenos nous dit qu’Orphée nomme Tyché (la Fortune) « Artémis », et il relève que ce procédé est très courant dans les écrits orphiques. Il ­désigne cette identification, ainsi que celle de Séléné (la Lune) avec 22 . Cet auteur lie Hécate, en se référant à la métalepse : 19   P.  Athanassiadi, M.  Frede (éds.), Pagan Monotheism in Late Antiquity, Oxford, 1999. 20   Ma méthode, qui consiste à tenter de se replonger autant que possible dans la subjectivité antique, se fonde sur les travaux de J. Rudhardt. 21   Philodème, De la piété (p. 63 et 23 Gomperz = PHerc. 1428 fr. 3.14-18). Voir D. Obbink, « A quotation of the Derveni papyrus in Philodemus’ On piety », Cronache Ercolanesi, 24, 1994, p. 1-39. 22   Jean Galenos, ad Hesiodi Theog. 381 (Th. Gaisford, Poetae Minores Graeci, Oxford, 1823, III, 473, 4 et III, 473, 17). Cf. Fragments orphiques : 356 F Bernabé, OF 204 Kern.

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donc deux procédés différents, le rapprochement des dieux et la métalepse. La métalepse, une forme de métonymie, consiste à substituer un terme à un autre. Selon divers auteurs anciens, qui définissent la métalepse en dehors des rapprochements de dieux, cette figure consiste à les désigner par leur fonction, le vin pour Liber, le feu pour Héphaïstos23. Dans le cadre des Hymnes orphiques, la métalepse ne peut expliquer qu’une partie des cas de rapprochements divins. On peut cependant remarquer que cette figure rhétorique implique une plus grande unité utilisé par Philoentre les dieux rapprochés que le terme dème. D’un autre côté, l’idée d’un rapport étroit entre le nom du dieu et ses attributs divins est également présente dans les nombreuses ­étymologies des noms de divinités qui émaillent les Hymnes orphiques : Pherséphone est ainsi expliquée  : , i. e. « Pherséphone, car, toujours, tu nourris (pherbeis) et tu détruis (phoneueis) toutes choses » (hymne 29, 16). Dans l’hymne à Tyché (la Fortune), le rapprochement des deux déesses Tyché et Artémis s’explique par un trait lié à la Fortune qui serait présent chez Artémis, tandis que la proximité d’Hécate et de Séléné est à mettre en rapport avec des pratiques magiques. On voit donc, tant chez Philodème que chez Jean Galenos, qu’ils ne traitent pas de fusion ou d’assimilation, mais d’un simple rapprochement de divinités différentes. Dans l’hymne qui lui est adressé, Dionysos est appelé Protogonos : il est donc rapproché sur certains points, mais contrairement à ce qu’affirme Jane Harrison, les qualificatifs choisis dans les hymnes à Proto­ gonos et à Dionysos ne sont ni banals ni interchangeables. Les Hymnes orphiques intègrent les dieux dans une chronologie mythique qui exclut des assimilations totales. Les absorptions du monde permettent aux souverains d’adopter les qualités de ceux qui les ont précédés. Comme dans le papyrus de Derveni, un des hymnes à Zeus décrit comment les choses divines, la terre, les montagnes, la mer et ce qui se trouve dans le ciel sont sortis de la tête de Zeus (hymne 15, 3-5). Dionysos est probablement appelé Protogonos parce que les dieux régnant ingèrent les anciens dieux. Dans ce contexte, même si Dionysos absorbe Protogonos, les deux divinités demeurent des entités distinctes, car elles apparaissent à des moments différents de la chronologie mythique et sont caractérisées de manière très dissemblable. Elles sont à la fois une et plusieurs. L’hymne à Protogonos ne nomme pas ce dieu «  Dionysos  », tandis que dans   Quintilien, Institution oratoire VIII, 6, 24 ; Cicéron, De l’orateur 3, 42, 167 ; Rhétorique à Hérennius 4, 32, 43. Cf. H. Lausberg, Handbuch der literarischen Rhetorik, 3e éd., Stuttgart, 1990, § 571. 23

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l’hymne 30 Dionysos est appelé Protogonos, pour des raisons qui sont probablement liées à la chronologie mythique : même si les dieux sont rapprochés et dans certains cas peut-être absorbés, ils ne sont jamais entièrement fusionnés car ils apparaissent à des moments différents. Tout comme Zeus est le dieu du présent dans la Théogonie d’Hésiode, Dio­ nysos est le dieu des fêtes présentes dans les Hymnes orphiques ; Proto­ gonos-Phanès en revanche appartient à un passé révolu. Nous ne sommes donc pas en présence d’une assimilation, mais d’un rapprochement portant sur certains points. En outre, dans les hymnes à Dionysos, l’assimilation avec Protogonos coexiste avec une dissimilation : Dionysos est à la fois un et trois. Il n’y a donc pas fusion des êtres divins et le terme d’assimilation ne rend pas bien compte du phénomène décrit : le terme de rapprochement est préférable. Les rapprochements de dieux ne semblent d’ailleurs pas très différents dans la religion traditionnelle et dans l’orphisme. Dans les ­Hymnes orphiques, certaines divinités sont simplement rapprochées : Artémis et Tyché (hymne 72, 3), Apollon et Pan (hymne 34, 25), Hestia et la Mère des dieux (hymne 27, 9), Cronos et Prométhée (hymne 13, 7). L’égalité établie entre deux divinités n’implique pas une identité complète, mais des affinités sur certains plans. Dans d’autres cas, le rapprochement est plus étroit puisque le dieu régnant absorbe le dieu de la génération précédente pour ensuite se distinguer du dieu ingéré. Dans ce cas également les dieux sont clairement distingués et apparaissent à des moments différents. En résumé, dans un cas comme dans l’autre, on ne saurait parler de fusion ou d’assimilation. Pour des raisons liées à la nature des sources, il est impossible de décider s’il y a une nette augmentation des rapprochements de dieux dans l’orphisme récent. Les écrits orphiques anciens sont en effet très fragmentaires, alors que les textes tardifs sont souvent complets. On ne peut dès lors pas affirmer que, dans le cadre de l’orphisme, les rapprochements de dieux sont nettement plus fréquents dans les écrits tardifs. Un point est cependant certain à une époque ancienne : le papyrus de Derveni atteste l’importance des rapprochements de divinités. Cette notion n’a sans doute pas un sens différent à l’époque classique et dans l’Antiquité tardive. Dès lors et sans préjuger de la question d’une influence du christianisme sur la religion polythéiste, ce n’est pas dans les rapprochements de divinités qu’il faut rechercher une manifestation du monothéisme. Il est en revanche essentiel de replacer les rapprochements de dieux dans leurs contextes anciens et en dehors de nos catégories modernes. Dans les Hymnes orphiques, il y a un lien étroit entre le son et le sens du 152

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nom divin, comme nous l’avons constaté dans deux exemples : dans la figure rhétorique « Protogonos premier-né, aux deux natures, trois fois né » (hymne 30, 2) et dans l’expression « Eubouleus de bon conseil » (hymne 30, 6). Les étymologies des noms de dieux sont fréquentes dans les Hymnes orphiques : dans ces cas également le nom est un reflet de l’essence divine. De ce fait, les catégories de noms propres, de substantifs et d’adjectifs ne sont pas délimitées de manière rigide : ainsi un rapprochement entre Protogonos et Métis est établi par le biais d’un adjectif (hymne 6, 10). Le sens du mot est perceptible dans les noms divins, ce qui n’est pas le cas pour les noms propres modernes. De plus, pour le lecteur d’aujourd’hui, le choix d’utiliser des majuscules dans le texte grec imprimé fausse la compréhension du mot en conférant au nom un caractère figé et en le coupant de ce fait de son sens. Or la distinction entre la majuscule et la minuscule n’existait pas dans les textes anciens. Ces textes n’étaient de plus pas lus, mais chantés et écoutés. Les jeux de sonorités sur les noms divins étaient donc d’autant plus fondamentaux et perçus par ceux qui les chantaient et par les auditeurs. D’un autre côté, les figures rhétoriques utilisées, comme les jeux d’oppositions, reflètent étroitement les croyances du groupe : il y a de nouveau une adéquation entre la forme choisie et le sens. Les dieux rapprochés ne forment pas le magma indistinct décrit par Jane Harrison : les dieux ne sont pas un, mais un et multiples. Ils ne sauraient être totalement identiques car les noms des dieux sont formés de sons différents et correspondent à une réalité dissemblable. En revanche, la théorie du langage, l’unité entre le son et le sens, les jeux phoniques sur les noms des dieux et les figures rhétoriques utilisées dans les Hymnes orphiques sont cohérents et doivent être envisagés ensemble : « ’tis all one ». Anne-France Morand Université Charles de Gaulle – Lille III

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La priÈre chrÉtienne selon origÈne, grÉgoire de nysse et jean chrysostome Nombre d’études ont déjà été publiées sur la prière dans l’Antiquité chrétienne1. Nous avons choisi d’apporter notre contribution sur ce champ en centrant ici notre propos sur l’analyse de ce que disent sur la prière trois Pères de l’Église de langue grecque se rattachant chacun à l’une des trois grandes traditions alexandrine, cappadocienne et antiochienne, à savoir respectivement Origène, Grégoire de Nysse et Jean Chrysostome. Même sur la question ainsi délimitée, nous ne sommes pas sans disposer d’éléments notables, comme en témoigne par exemple la remarquable synthèse proposée par Jean-Noël Guinot sur Jean Chrysostome2. Mais on manque sans doute encore d’études comparatives entre les points de vue des uns et des autres3. C’est sur cette voie que nous tenterons de progresser. Pour Origène et Grégoire, deux éléments de leur œuvre se dégagent comme représentant de manière évidente leur apport majeur sur le sujet, à savoir pour Origène son traité Sur la prière4, et pour Grégoire de Nysse, ses cinq Homélies sur la Prière du Seigneur5. S’agissant de Jean Chrysostome, on ne trouve pas chez lui de traité spécifiquement consacré au thème de la prière, ni sans doute6 d’homélie dans 1   Cf. A.-G. Hamman, « La prière dans l’Antiquité chrétienne. Un bilan des études sur la prière au XXème siècle », dans La preghiera nel tardo antico. Dalle origini ad Agostino. XXVII Incontro di studiosi dell’antichità cristiana (Roma, 7-9 maggio 1998) (Studia Ephemeridis Augustinianum, 66), Rome, 1999, p. 7-23. 2   J.-N. Guinot, « Un souci pastoral de Jean Chrysostome : l’éducation du chrétien à la pratique de la prière », dans La preghiera nel tardo antico…, p. 189-219. 3   Guinot, « Un souci pastoral... », p. 211, note l’intérêt qu’il y aurait à comparer en détail le commentaire chrysostomien à celui d’Origène sur le Notre Père. 4   P. Koetschau, Origenes Werke, Band 2, Buch V-VIII gegen Celsus, Die Schrift vom Gebet (Die Griechischen Christlichen Schriftsteller der ersten drei Jahrhunderte, 3), Leipzig, 1899 ; A.-G. Hamman, Origène, La prière. Introduction, traduction et notes par A.-G. H. (Les Pères dans la foi, 2), 2e éd. révisée par M.-H. Congourdeau, Paris, 2002. 5   J. F. Callahan, Grégoire de Nysse. De oratione dominica ; De beatitudinibus (Gregorii Nysseni Opera, 7/2), Leyde – New York – Cologne, 1992 ; traduction française dans A.-G.  Hamman, Le Notre Père dans l’Église ancienne. Choix de textes des Pères de l’Église, Paris, 1995, p. 53-121. 6   Nous avons reçu sous le nom de Jean Chrysostome plusieurs homélies sur le thème de la prière, ainsi que deux commentaires du Notre Père, mais ces ouvrages peuvent être jugés d’authenticité douteuse ou manifestement apocryphes : cf. Guinot, « Un souci pastoral... », p. 189, n. 1 et 3.

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laquelle l’auteur aurait cherché à rassembler l’ensemble de sa pensée sur ce thème, les évocations de ce dernier, d’ailleurs fort nombreuses, étant largement diffusées dans l’ensemble de son œuvre. Au sein de celle-ci, nous avons choisi de privilégier l’Homélie XIX sur l’Évangile de Matthieu7, dans laquelle on trouve un commentaire des versets de Mt 6, 5-14 sur la prière et particulièrement sur le Notre Père8, ce qui est également inclus, en y occupant une place importante, dans les éléments ci-dessus retenus pour Origène et pour Grégoire de Nysse. Comme nous avons la chance, en outre, sur Chrysostome, de pouvoir nous appuyer sur l’étude très complète de Jean-Noël Guinot précitée, nous n’avons pas manqué d’y faire appel pour apporter aux éléments tirés de l’Homélie XIX sur Matthieu les additions indispensables à la représentativité de nos observations sur cet auteur. Au total, un double intérêt peut être attendu des données ainsi réunies : apporter une information croisée sur la pensée en la matière de représentants importants des trois principaux courants de la patristique grecque, et permettre de considérer de manière particulière, à la lumière de ce que disent les trois Pères, la prière que l’on peut tenir pour la prière chrétienne par excellence, car enseignée par le Christ lui-même : le Notre Père. Nous examinerons donc ci-après d’abord ce que disent nos auteurs sur la prière en général, trois questions principales étant successivement abordées à ce titre : pourquoi prier ? comment prier ? quel objet donner à la prière ? Puis nous examinerons en particulier ce qu’ils disent sur la prière du Notre Père. Pourquoi prier ? Origène s’intéresse de près aux objections qui peuvent être opposées à l’idée de l’utilité de faire des demandes à Dieu, et s’attache à y répondre précisément9. Les objections dont il fait état sont essentiellement de deux ordres. D’une part, Dieu sait tout et sait tout à l’avance10. Il est dès lors inutile de lui faire part de nos besoins, puisqu’il les connaît déjà, comme l’atteste l’Écriture elle-même : « Car votre Père sait de quoi vous avez besoin avant même que vous l’ayez demandé  » (Mt 6, 8).   In Matth. hom. XIX, PG 57, col. 273-286 ; trad. J. Bareille, Œuvres complètes de saint Jean Chrysostome, t.  XI, Sur Saint Matthieu, Homélie XIX, Paris, 1868, p. 547-568. 8   Sur le Notre Père, voir l’étude fondamentale de M.  Philonenko, Le Notre Père. De la Prière de Jésus à la prière des disciples, Paris, 2001. 9   Orig., De orat. V, 1 – VII, 1, éd. Koetschau, p.  308-316, trad. Hamman, p. 32-41. 10   Ibid., V, 2, éd. Koetschau, p. 308-309, trad. Hamman, p. 33. 7

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D’autre part, «  nous devons croire que Dieu non seulement connaît l’avenir mais l’ordonne à l’avance et qu’il n’arrive rien qui n’ait d’abord été ordonné par lui11. » Donc, « si la volonté de Dieu commande toutes choses et si ses desseins sont immuables et ne peuvent subir aucun changement, la demande est inutile12. » La réponse apportée est la suivante. Pour Origène, la prescience de Dieu non plus que sa toute-puissance ne sont incompatibles avec la liberté de l’homme doué de raison et exerçant sa volonté. Il observe d’abord en ce sens que vouloir nier celle-ci est contraire à l’expérience de chacun : « Pour peu, dit-il, qu’un homme veuille réfléchir sur sa propre expérience, il ne peut nier sans impudence que c’est lui qui veut, qui mange, qui se promène, qui affirme, qui accepte ou rejette telle opinion comme vraie ou comme erronée13 ». Mais il ne se contente pas de ce rejet du déterminisme au nom de l’expérience personnelle. Il donne en outre une explication de la compatibilité, selon lui, entre la prescience et la toute-puissance de Dieu et la liberté de l’homme, en disant que Dieu a « vu » et « réglé d’avance, pour chacun des actes relevant de notre libre arbitre, ce qui était l’effet de nos mouvements libres ou de l’intervention de sa providence, sans que la prescience divine puisse être considérée comme la cause ni des éléments ni des actions qui relèvent du propre jeu de notre liberté14. » Sur l’utilité que peut présenter, dans une telle perspective, la prière à Dieu, Origène va jusqu’à préciser, non sans ingéniosité  : «  Donc si Dieu connaît tous les choix de notre libre arbitre à l’avance, il ordonne dans sa providence, comme il convient, ce qu’il a vu à l’avance, pour le bien de chacun, en tenant compte de notre prière, de notre disposition, de notre foi, de notre volonté. C’est ainsi qu’ayant 11

  (Ibid., V, 3, éd. Koet­

schau,

p. 309, l. 12-13, trad. Hamman, p. 34). 12  

v (Ibid., V, 6, éd. Koetschau, p. 311, l. 11-13, trad. Hamman légèrement modifiée, p. 36). 13   (Ibid., VI, 2, éd. Koetschau, p. 312, l. 14-18, trad. Hamman, p. 37). 14   (…)

(Ibid., VI, 3, éd. Koetschau, p. 313, l. 5-11, trad. Hamman, p. 38).

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connu tout cela à l’avance, il organise tout selon un ordre harmonieux. J’exaucerai, dira-t-il, cet homme parce qu’il a prié avec assiduité ; je n’exaucerai pas tel autre, parce qu’il ne mérite pas d’être exaucé ou qu’il demande ce qui ne lui serait d’aucun profit ou qu’il serait indigne pour moi de lui accorder15. » Pour convaincre ses auditeurs de la nécessité de la prière, Grégoire de Nysse ne se situe pas sur un registre aussi théorique qu’Origène. Il observe que les hommes, pour la plupart d’entre eux, se livrent à leurs multiples activités en y consacrant tout leur zèle et toute leur attention sans laisser guère de place à la prière. Tel le commerçant qui « se lève à l’aube pour vaquer à son négoce. Il a à cœur d’être le premier à exposer sa marchandise aux chalands, sa tactique consiste à devancer les concurrents, à harponner les acheteurs pour écouler les stocks. Le preneur, de son côté, se précipite là où on vend et non où on prie : il redoute d’être devancé par un autre client. Un même désir les possède tous : être le premier. Que leur importe le temps de la prière : il s’est envolé au bénéfice du commerce. On peut constater la même chose chez l’artisan, l’homme de lettres, le plaideur, le juge : chacun se consacre entièrement à sa tâche, de toutes ses énergies ; de prier il n’a nulle cure, jugeant perdre pour ses affaires le temps offert à Dieu16. » En conclusion : « Toutes les autres tâches nous éloignent de la sorte des soucis supérieurs et spirituels, en

15



(Ibid., VI, 4, éd. Koetschau, p. 313, l. 16 – p. 314, l. 3, trad. Hamman, p. 39). 16  

(De orat. dom. hom. I, 2, éd. Callahan, p. 6, l. 5-19, trad. Hamman, p. 55).

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absorbant l’esprit aux choses terre à terre et quotidiennes17. » Or, « le résultat en est que le péché envahit notre vie18 », car dans toutes les activités, le péché trouve des « brèches », pour « s’infiltrer19 » si les hommes n’invitent pas Dieu à lutter à leurs côtés contre lui. Mais « quand la prière précède le travail, le péché ne trouve pas d’accès à l’âme20. » On ne trouve pas non plus chez Chrysostome d’exposé théorique comparable à celui d’Origène sur l’utilité de la prière21. On le voit toutefois, au sein même de notre corpus, mentionner, pour l’écarter, l’objection de ceux qui jugent la prière inutile pour la raison que Dieu connaîtrait d’avance tous nos besoins22. La réponse qu’il apporte à ce sujet est que, s’il faut prier, « ce n’est pas assurément pour l’instruire, c’est pour le fléchir, pour rendre ton union avec lui plus intime par la fréquence de tes entretiens, pour t’humilier en sa présence, pour te rappeler tes péchés23.  » Mais il ne s’attache pas, comme Origène, à une réponse approfondie à partir notamment du libre arbitre de l’homme. L’affirmation de la puissance et de l’efficacité de la prière n’en est pas moins, plus généralement, bien présente dans son discours pastoral. Il les illustre surtout par des exemples tirés de l’Écriture, le thème principalement mis en avant, dans cette perspective, étant celui de la prière comme arme contre le diable, le péché et les passions24.

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(De orat. dom. hom. I, 2, éd. Callahan, p. 6, l. 29 – p. 7, l. 2, trad. Hamman, p. 55). 18   (De orat. dom. hom. I, 3, éd. Callahan, p. 7, l. 2-3, trad. Hamman, p. 55). 19   (De orat. dom. hom. I, 3, éd. Callahan, p. 7, l. 22-24, trad. Hamman, p. 56). 20   (De orat. dom. hom. I, 4, éd. Callahan, p. 7, l. 27 – p. 8, l. 1, trad. Hamman, p. 57). 21   Guinot, « Un souci pastoral... », p. 215 et la note 137. 22   In Matth. hom. XIX, 4, PG 57, col. 278, l. 31-32, trad. Bareille, p. 555. 23   (In Matth. hom. XIX, PG 57, col. 278, l. 32-35, trad. Bareille, p. 555). 24   Cf. les références données par Guinot, « Un souci pastoral... », p. 215, note 138.

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Comment prier ? Origène évoque tout un ensemble de conditions auxquelles il apparaît nécessaire de répondre si l’on veut prier « comme il faut25 ». Certaines conditions ont un caractère préalable ou d’accompagnement nécessaire par rapport à la prière elle-même. Il s’agit de l’accomplissement d’actions dont il faut s’acquitter, comme par exemple d’accorder le pardon à ses ennemis, de bannir de son cœur tout sentiment de colère ou de rancune, toutes choses nécessaires si l’on veut pouvoir, au moment de prier, « lever au ciel des mains pures » (1 Tm 2, 8)26. Origène a précédemment illustré ce lien nécessaire entre la prière et certaines actions dont il faut, en relation avec celle-ci, s’acquitter, par une remarque d’orv. Ce mot signifie dre sémantique, à savoir le double sens du mot aussi bien le vœu au sens du souhait formulé dans le cadre d’une prière, que le vœu au sens d’un engagement pris en contrepartie d’une demande27. En ce qui concerne la prière elle-même, il convient de l’aborder en ayant « décidé dans son cœur » de vraiment se mettre « en la présence de Dieu, en lui parlant comme à quelqu’un qui est là et qui vous écoute28 ». Origène ajoute qu’il faut, dans cette adresse à Dieu, se garder de se disperser dans trop de paroles. Il s’appuie à ce titre sur Mt 6, 7 : « Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de prières ils seront exaucés », qu’il commente en allant jusqu’à en donner des interprétations d’ordre philosophique voire théologique : « Celui qui parle beaucoup parle en vain, et celui qui parle en vain parle beaucoup. Il n’existe point d’unité dans la matière et dans les corps, ce qui paraît un se partage, se divise et se subtilise en une infinité de parties qui ont perdu le caractère de l’unité. Unique est le bien, multiple est le mal. Une est la vérité, multiple est l’erreur, une la vraie justice, multiples ses contrefaçons. Une est la sagesse de Dieu, multiples celles, vouées à la destruction, «de ce monde et des princes de ce monde» (1 Co 2, 6)29. 25

  ` (Orig., De orat. II, 1, éd. Koetschau, p. 299,

l. 12-13).   Ibid., IX, 1, éd. Koetschau, p. 317-318, trad. Hamman, p. 43.   Ibid., III, 1 – IV, 2, éd. Koetschau, p. 304-308, trad. Hamman, p. 29-32. 28   26 27

(Ibid., VIII, 2, éd. Koetschau, p. 317, l. 7-10, trad. Hamman, p. 42). 29  

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la prière chrétienne selon origène

S’il ne faut pas se disperser, il faut en revanche faire preuve d’ « assiduité », d’insistance sur ce que l’on demande, sans se décourager, sans même craindre d’être importun, Origène se référant pour cela à Lc 18, 1 et Lc 11, 5-630. Il faut en même temps prier sans cesse : « Prier sans interruption, nous dit Origène, fait partie intégrante des œuvres de la vertu ou des commandements qui poussent à la prière : il prie sans cesse, celui qui lie la prière à l’action, et l’action à la prière31. » La prière, cependant, doit au moins se renouveler trois fois dans la journée32. Enfin, Origène commente la mise en garde de Mt 6, 5-6 contre l’hypocrisie et l’ostentation dans la prière dans les termes suivants : « Méprisez toute gloire qui vient des hommes, fût-elle la récompense d’une belle action, pour ne rechercher que celle qui en mérite véritablement le nom, gloire que Dieu seul dispense à ceux qui en sont dignes, avec une munificence qui surpasse tout mérite33. » Origène complète son propos par l’évocation d’un ensemble de dispositions de caractère plus pratique. Ainsi souligne-t-il la nécessité de ménager un temps de préparation : « Il me semble donc que celui qui se dispose à entrer dans la prière doit se retirer et se préparer quelque peu, pour être plus prompt, plus attentif à l’ensemble de sa prière ; il doit de même chasser toutes les anxiétés et tous les troubles de sa pensée, et s’efforcer de se souvenir de la grandeur de Dieu qu’il approche ; songer qu’il est impie de se présenter à lui sans attention, sans effort, avec une sorte de sans-gêne ; rejeter enfin toutes les pensées étrangères. En venant à la prière, il faut tendre pour ainsi dire l’âme avant les mains, tendre vers Dieu l’esprit avant les yeux, avant de se lever, dégager l’esprit de la terre,

(Ibid., XXI, 2, éd. Koetschau, p. 345, l. 16-23, trad. Hamman modifiée, p. 74). 30   Ibid., X, 2, éd. Koetschau, p. 320, l. 22 – p. 321, l. 14, trad. Hamman, p. 46. 31  

(Ibid., XII, 2, éd. Koetschau, p. 324, l. 25 – p. 325, l. 3, trad. Hamman, p. 50). 32   Ibid., XII, 2, éd. Koetschau, p. 325, l. 3-5, trad. Hamman, p. 50. 33   (Ibid., XIX, 2, éd. Koetschau, p. 341, l. 31 – p. 342, l. 6, trad. Hamman, p. 71).

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et l’offrir au Seigneur de l’univers (…)34 » S’agissant des attitudes corporelles, « celle où nous étendons les mains et où nous levons les yeux au ciel doit être sûrement préférée à toutes les autres35», mais les circonstances pratiques peuvent s’y opposer, et on peut prier sans prendre aucune attitude extérieure. Origène évoque encore la « prière à genoux ) », comme étant nécessaire « lorsque quelqu’un s’apprête à ( s’accuser devant Dieu de ses propres péchés36 ». Au sujet du lieu, « il faut savoir que tout lieu est propice à la prière pour celui qui prie bien37 », mais « chacun peut choisir un endroit déterminé pour prier avec tranquillité et sans distraction, l’endroit le plus sacré, si je puis dire, de sa propre maison, s’il y a de la place38. » Cependant, « il y a une grâce particulière et une utilité » dans le « lieu où les fidèles se rassemblent39 » et peuvent prier en communauté. Enfin, c’est vers l’orient, là où l’on voit la lumière se lever, qu’il convient de se tourner pour prier40. Dans les homélies de Grégoire de Nysse sur le Notre Père, on ne trouve pas, sur la manière de prier, de commentaires aussi développés que ceux que nous venons de voir chez Origène. Grégoire ne dit rien, en particulier, sur la mise en garde de Mt 6, 5-6. Il commente en revanche,

34



(Ibid., XXXI, 2, éd. Koetschau, p. 395, l. 28 – p. 396, l. 6, trad. Hamman, p. 127). 35   (…) (Ibid., XXXI, 2, éd. Koetschau, p. 396, l. 11-12, trad. Hamman, p. 128). 36   (…) (Ibid., XXXI, 3, éd. Koetschau, p. 396, l. 21-22, trad. Hamman, p. 128). 37   (Ibid., XXXI, 4, éd. Koetschau, p. 397, l. 19-20, trad. Hamman, p. 129). 38   (Ibid., éd. Koetschau, p. 397, l. 22 – p. 398, l. 1, trad. Hamman, p. 129). 39   (Ibid., XXXI, 5, éd. Koetschau, p. 398, l. 14-15, trad. Hamman, p. 130). 40   Ibid., XXXII, 1, éd. Koetschau, p. 400, l. 24-25, trad. Hamman, p. 132.

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dans des termes qui méritent d’être rapportés, l’exhortation de Mt 6, 7-8, ), en précisant ce qui lui paraît devoir à ne pas rabâcher ( être entendu sous ce dernier vocable : « Il s’agit, semble-t-il, d’écarter l’enflure de l’intelligence, de mettre un frein aux divagations de l’imagination de ceux qui s’entêtent en de folles aspirations. Pour cette raison fut forgé ce mot étrange et inusité : il vient mettre à nu la folie de ceux qui se laissent détourner par ce qui n’est que désir vain et stérile41. » L’autre point dont traite Grégoire de Nysse est celui des préalables auxquels il faut satisfaire au plan de l’action pour aborder la prière avec une âme purifiée. On retrouve à cet égard, dans son propos, le thème, que nous avons déjà trouvé chez Origène – à qui Grégoire d’ailleurs a v, à la peut-être ici emprunté –, de la double signification du mot fois vœu, comme promesse faite à Dieu, et prière, comme demande faite à Dieu. Comme Origène, et même sans doute encore plus clairement que lui, car chez le premier cela demeurait un peu implicite, le Cappadocien exploite cette dualité de sens pour souligner que la prière doit être précédée, comme en contrepartie, d’un engagement voire d’une réalisation de cet engagement : « Il nous faut de l’assurance quand nous allons supplier Dieu de nous accorder une grâce ; il est donc nécessaire que le vœu et son accomplissement précèdent la prière ; une fois acquitté notre don, nous y puiserons le courage de demander à Dieu le bien en échange. Ainsi, le prophète peut-il dire : “Je t’acquitterai mes vœux, les vœux que les lèvres ont prononcées” (Ps 65, 13). Et ailleurs : “Faites des vœux, acquittez-les au Seigneur notre Dieu” (Ps 75, 12). La même acception du mot vœu se retrouve en maint passage de l’Écriture, pour nous apprendre que “faire un vœu” équivaut à “promettre de faire une offrande d’actions de grâces42”. » Grégoire de Nysse manifeste l’importance qu’il attache à ce préalable de l’offrande à un point tel que le respect de ce préalable devient pour lui partie intégrante de la définition même de la 41

  (De orat. dom. hom. I, 8, éd.

Callahan, p. 11, l. 23-27, trad. Hamman, p. 61). 42  

(De orat. dom. hom. II, 2, éd. Callahan, p. 21, l. 22 – p. 22, l. 4, trad. Hamman, p. 72).

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prière. « Prier, c’est se présenter à Dieu après avoir ouvert le chemin en accomplissant notre vœu43. » Dans l’ensemble de l’œuvre de Jean Chrysostome, on retrouve au sujet de la manière de prier des commentaires multiples, lesquels présentent nombre de similitudes avec ceux d’Origène44. Au sein même de notre corpus, quelques aspects se dégagent avec un relief qui mérite d’être souligné. On notera particulièrement la richesse du commentaire proposé de Mt 6, 5-6. Au-delà du blâme qu’appelle tout comportement inutilement ostentatoire, en cela nécessairement « digne de risée », celuici apparaît d’autant plus inapproprié, appliqué à la manière de prier, que la recherche de la vaine gloire auprès des hommes, en détournant la prière de sa vraie finalité, fait perdre la magnifique récompense que Dieu voulait nous donner45. Ainsi l’enjeu de se garder de l’ostentation dans la prière est-il explicité à sa pleine mesure. Mais la manière d’éviter cette ostentation est elle aussi explicitée. Appel est fait pour cela à des comparaisons et à des images. Évoquant le cas de ceux qui, en se dérobant à la vue, font en sorte de se manifester d’une autre manière, « en se ridiculisant par leur attitude et par leurs cris46 », le pasteur formule le commentaire suivant : « Ne savez-vous donc pas que, même sur la place publique, si quelqu’un implorait une faveur en poussant de tels cris, il éloignerait celui qu’il sollicite ; tandis qu’en se présentant dans une attitude calme et décente, il obtiendrait plutôt d’être exaucé47. » À l’appui de sa recommandation : « Que votre voix sorte du plus intime de votre cœur, entourez votre prière des voiles du mystère » ; voici les scènes, sur la terre et dans le ciel, qu’il propose à l’imagination de ses auditeurs : « Voyez-vous comme tout tumulte est exclu du palais des souverains, et quel silence y règne. Vous entrez, vous aussi, dans un palais beaucoup plus redoutable que ceux de la terre, celui des cieux : que tout en vous respire donc la modestie la plus   (…)

43

(De orat. dom. hom. II, 2, éd. Callahan, p. 22, l. 4-6, trad. Hamman, p. 72). 44   Cf. Guinot, «  Un souci pastoral…  », p.  214, pour une étude comparative entre Origène et Chrysostome. On peut y voir que la majeure partie des similitudes qu’il relève se rapporte à la manière de prier. 45   In Matth. hom. XIX, 2, PG 57, col. 276, l. 16-45, trad. Bareille, p. 551. 46   (…) (Ibid., PG 57, col. 277, l. 4-5, trad. Bareille modifiée, p. 552). 47   (Ibid., 3, PG 57, col. 277, l. 6-10, trad. Bareille, p. 552).

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profonde. Vous vous mêlez aux chœurs des anges, vous prenez place parmi les archanges, vous chantez avec les séraphins, et toutes les troupes célestes montrent un ordre parfait, chantent avec un religieux tremblement leurs ineffables mélodies, et leurs hymnes sacrés en l’honneur du Dieu de l’univers48. » Chrysostome souligne par ailleurs, en s’appuyant sur Mt 6, 7-8, que l’on doit se garder encore de prières « trop longues, non par le temps, mais par la multitude et la surabondance des paroles49.  » Il s’agit là d’abord de ne pas multiplier les demandes, car ce qu’il faut plutôt, c’est se montrer insistant sur la demande que l’on retient : « l’essentiel est de demander la même chose avec persévérance50. » Chrysostome reprend donc, en les liant explicitement, les deux idées sur la critique de la multiplicité et l’invitation à la persévérance, que l’on trouvait chez Origène. Mais la critique de la surabondance vaut aussi quant à la manière d’exprimer les choses. Chrysostome nous invite à « exposer simplement l’objet de nos désirs, et non en nous perdant dans d’interminables formules51 ». Quel objet donner à la prière ? Le seul fait de pouvoir, grâce à l’entretien avec Dieu, « rendre (notre) union plus intime avec Lui52 » comme nous l’avons vu dire par Chrysostome, ou de pouvoir, grâce à cet entretien, se «  souvenir de Lui53 », ou encore, faire en sorte que ce « souvenir de Dieu soit profon48



/` (Ibid., 3, PG 57, col. 277, l. 30-41, trad. Bareille, p. 553). 49   (Ibid., 4, PG 57, col. 278, l. 15-17, trad. Bareille, p. 554). 50   (Ibid., 4, PG 57, col. 278, l. 18, trad. Bareille, p. 554). 51   (…) (Ibid., 4, PG 57, col. 278, l. 27-28, trad. Bareille, p. 554). 52   Ibid., PG 57, col. 278, l. 33, trad. Bareille, p. 555. 53   (…) ` (Orig., De orat. VIII, 2, éd. Koetschau, p. 317, l. 13, trad. Hamman, p. 43).

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dément enraciné dans notre cœur54 » selon les expressions, respectivement, d’Origène et de Grégoire de Nysse, est jugé par chacun des Pères porteur de bienfait et suffirait, pour eux, à donner une raison d’être à la prière. Mais cela n’est évidemment pas exclusif d’objets plus spécifiques pouvant être conférés aux paroles de la prière, et parmi ces derniers, plusieurs genres peuvent être distingués. Ainsi Grégoire de Nysse, après les premiers développements, dont nous avons rendu compte, sur la prière en général, entre-t-il dans une spécification de l’objet en commençant par l’action de grâces : « Nous recevons de la grâce divine mille bienfaits de toute sorte. En retour nous ne pouvons donner qu’une seule chose : rendre grâces à notre bienfaiteur, dans la prière. Même si nous passions notre vie à nous entretenir avec Dieu, le priant, lui rendant grâces, nous serions encore loin du compte dans notre réponse, si nous voulions rembourser notre bienfaiteur55. » C’est ensuite seulement qu’il aborde précisément la prière de demande, à laquelle il se consacrera jusqu’à la fin pour l’essentiel, comme il se doit dès lors que la série des homélies est consacrée au Notre Père. Curieusement, pour le traité d’Origène, il faut attendre, pour l’essentiel, les toutes dernières pages pour que soient évoqués les objets de la prière autres que celui de la demande auquel tout le reste de l’ouvrage est, de fait, principalement consacré : Origène distingue ainsi, en dernier lieu, à côté de la demande, la glorification, l’action de grâces et la confession56. Quant à Jean Chrysostome, s’il se montre généralement peu enclin à mettre en avant les catégorisations entre genres de prière, on peut observer, à partir du vocabulaire qu’il emploie, qu’il distingue essentiellement, dans la pratique, entre la demande, ou supplication, et l’action de grâces, dont une variante est la prière de louange57. La prière de demande soulève elle-même une question de plus, qui est celle de savoir quel objet peut être donné à la demande, le débat étant surtout celui de la place qui dans celle-ci peut être faite, respectivement 54   (…) (Grég. Nyss., De orat. dom. hom. I, 4, éd. Callahan, p. 8, l. 1-2, trad. Hamman, p. 56). 55   (…)

(De orat. dom. hom. I, 5, éd. Callahan, p. 9, l. 16-23, trad. Hamman, p. 58-59). 56   Orig., De orat. XXXIII, 1-6, éd. Koetschau, p.  401-402, trad. Hamman, p. 133-135. 57   Cf. Guinot, « Un souci pastoral... », p. 203-205.

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aux biens divins ou spirituels et aux biens matériels ou terrestres. Pour les trois Pères, c’est sur les biens spirituels que doivent essentiellement porter les demandes, les seuls qui aient du prix et qu’il soit approprié de demander à Dieu. Chrysostome commente Mt 6, 7-8 en donnant comme le mot (langage équivalent au terme scripturaire vain ou frivole), qu’il explicite ainsi : « comme lorsque nous prions Dieu de nous accorder la puissance, les distinctions, la victoire sur nos ennemis, l’accroissement de nos richesses, en un mot toutes les choses inutiles58 ». Origène considère que faire une telle demande n’est pas seulement inefficace mais aussi désobligeant vis-à-vis de « celui qui nous ordonne de lui demander les biens du ciel59 ». Grégoire de Nysse est celui qui va le plus loin dans cette direction : « Lorsque quelqu’un s’approche de Dieu dans la prière, sans mesurer la dimension de la puissance qu’il côtoie, il outrage la majesté divine par la bassesse de sa démarche60 ». Il appuie son idée sur une comparaison : « Il en est comme d’un homme pauvre et fruste, qui imaginerait précieux de simples vases d’argile. Invité par le roi, disposé à distribuer la totalité de ses richesses et des honneurs, notre homme, au lieu de présenter une requête digne d’un roi demanderait au prince, vêtu de pourpre, de lui façonner un objet en argile, au ras de ses goûts. C’est le comportement de l’homme qui prie sans savoir ce que prier veut dire : au lieu de respirer à la hauteur de celui qui donne, il voudrait le rabaisser jusqu’à la bassesse de ses convoitises. Il exhibe les désirs de ses passions à celui qui sonde les cœurs, non pour le guérir, mais pour lui demander – élément aggravant – de l’aider à les assouvir61. » Le   (…)

58

(In Matth. hom. XIX, 3, PG 57, col.  278, l.  10-14, trad. Bareille, p. 554). 59

  (Orig., De orat. XVI, 2,

éd. Koetschau, p. 336, l. 21-22, trad. Hamman, p. 62). 60   (...) (Grég. Nyss., De orat. dom. orat. I, 8, éd. Callahan, p. 13, l. 2-5, trad. Hamman, p. 62). 61  

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comble est atteint lorsque l’on prie contre ses ennemis : « Chercher à mobiliser Dieu contre l’adversaire veut le rendre solidaire de notre colère. Ce qui veut dire : ravaler Dieu au niveau de nos passions62. » Et le pasteur d’ajouter : « Telle est l’attitude de l’homme qui cherche la gloire, de l’orgueilleux qui convoite toujours plus, du plaideur qui veut gagner, du coureur qui aspire à la couronne, de l’acteur qui recherche les applaudissements et même du jeune homme dévoré par la passion. Tous ceuxci ne supplient pas Dieu pour sortir de leurs infirmités, mais afin de la mener à son paroxysme63. » Grégoire considère ensuite les objections possibles à l’encontre de sa position, ce qui lui donne l’occasion de préciser cette dernière. En premier lieu, les prophètes n’ont-ils pas prié contre leurs ennemis ? Mais, peut-on répondre, « l’unique but de leurs propos est de déraciner la méchanceté implantée en nous64 », non pas de détruire l’homme qui « n’est pas l’ennemi de l’homme65 ». En second lieu, « certains hommes ont brigué des charges, des honneurs, des richesses, en recourant à la prière. Heureux de leur réussite, ils se sont imaginés chers à Dieu. Pourquoi me défendre de faire à Dieu les mêmes demandes66 ? » Voici la réponse : « Si la prière est exaucée, la cause n’est pas celle que vous imaginez. Dieu accorde des biens à qui le demande afin d’affermir notre confiance en lui et d’acheminer progressivement, par l’exaucement de

(Grég. Nyss., De orat. dom. hom. I, 8, éd. Callahan, p.  13, l.  5-17, trad. Hamman, p. 62-63). 62   (…) (Grég. Nyss., De orat. dom. hom. I, 8, éd. Callahan, p. 13, l. 22-25, trad. Hamman, p. 63). 63  

(De orat. dom. hom. I, 8, éd. Callahan, p. 13, l. 27 – p. 14, l. 64). 64   (…) (De orat. dom. hom. I, 9, éd. Callahan, p. 15, l. 9-10, trad. Hamman, p. 65). 65   (De orat. dom. hom. I, 9, éd. Callahan, p. 15, l. 20, trad. Hamman, p. 65). 66   (De orat. dom. hom. II, 10, éd. Callahan, p. 17, l. 19-23).

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demandes mineures, ceux qui le prient à s’élever un jour jusqu’au désir de grâces supérieures seules dignes de Dieu67. » Origène trouve d’autres mots, mais pour exprimer des vues assez proches, à propos de ce que Dieu puisse, en réponse à sa prière, accorder à l’homme non seulement des biens spirituels, mais aussi des biens matériels. D’une part, il souligne que nous ne pouvons prétendre connaître le mobile de chacun de ses dons. Dieu décide selon sa « sagesse » en donnant à chacun selon ce dont il a besoin ou à proportion de sa foi, ou comme il le veut68. D’autre part, les dons matériels viennent en surcroît et ne sont que le complément des grâces spirituelles, leur « ombre » projetée, qui les accompagne. L’image de l’ombre projetée est développée en ces termes : « Il n’est pas étonnant que ceux qui reçoivent les biens qui projettent, pour ainsi dire, de telles ombres, n’obtiennent pas forcément une ombre identique et que quelques-uns n’en obtiennent même aucune. Ceux qui étudient retrouvent le même phénomène dans les corps : les aiguilles des cadrans solaires, à certains moments, ne projettent aucune ombre, à d’autres, l’ombre se rétrécit ou s’allonge. Nous ne devons donc pas nous étonner si la sagesse divine, qui nous accorde les biens les plus précieux, décide pour des raisons mystérieuses et cachées, selon les circonstances ou les dispositions de qui les reçoit, de ne les accompagner d’aucune ombre ou de les accompagner chez quelques-uns d’une ombre plus grande ou plus petite. Celui qui recherche les rayons du soleil ne se réjouit ni ne s’attriste, une fois qu’il les a trouvés, de la présence ou de l’absence de l’ombre des corps, ou d’une ombre plus longue ou plus courte, puisqu’il a obtenu l’essentiel. Il en est de même pour nous : si nous possédons les biens spirituels, si nous sommes éclairés par Dieu sur les moyens d’acquérir les vraies richesses, peu nous chaut une chose aussi futile que l’ombre69. » 67



(De orat. dom. hom. I, 10, éd. Callahan, p. 17, l. 23 – p. 18, l. 5, trad. Hamman, p. 67-68). 68   Orig., De orat. XVI, 2, éd. Koetschau, p. 337, l. 9-11, trad. Hamman, p. 63. 69  

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Le Notre Père selon Origène, Grégoire de Nysse et Jean Chrysostome Pour Origène70 comme pour Grégoire de Nysse71, l’invocation de Dieu comme Père suppose la sainteté de vie de ceux qui prononcent cette invocation. Pour Chrysostome, le pluriel de « notre » donne à la prière un caractère communautaire qui exprime l’égalité foncière de tous les hommes devant Dieu et fait régner entre les hommes le lien de la charité72 ; en outre, la notion de paternité de Dieu éveille chez l’homme le souvenir des bienfaits divins, notamment la rédemption et l’adoption filiale73. Les « cieux » ne sont pas à comprendre au sens spatial ou matériel74, mais à celui d’une élévation spirituelle75, de la patrie céleste vers laquelle nous sommes appelés à faire retour en menant une vie sainte76. À propos de la première demande (« Que ton nom soit sanctifié ») les trois Pères se posent, explicitement pour Origène77 et Grégoire78,

(Ibid., XVII, 1, éd. Koetschau, p. 338, l. 6-24, trad. Hamman, p. 64). 70   Orig., De orat. XXII, 3, éd. Koetschau, p.  347-348, trad. Hamman, p. 76-77. 71   Grég. Nyss., De oratione dominica hom. I, 3-4, éd. Callahan, p. 7-11, trad. Hamman, p. 72-75. 72   In Matth. hom. XIX, PG 57, col. 278, l. 52 – col. 279, l. 11, trad. Bareille, p. 555-556. 73   In Matth. hom. XIX, PG 57, col. 278, l. 36-48, trad. Bareille, p. 555. 74   Orig., De orat. XXIII, 1-5, éd. Koetschau, p.  349-353, trad. Hamman, p. 78-82 ; Jean Chrys., In Matth. hom. XIX, PG 57, col. 278, l. 48-49, trad. Bareille, p. 555. 75   Jean Chrys., In Matth. hom. XIX, PG 57, col. 278, l. 50-52, trad. Bareille, p. 555. 76   Grég. Nyss., De orat. dom. hom. II, 5-6, éd. Callahan, p. 26, l. 25 – p. 29, l. 3, trad. Hamman, p. 76-77. 77   Orig., De orat. XXIV, 1, éd. Koetschau, p.  353, l.  19-20, trad. Hamman, p. 82. 78   Grég. Nyss., De orat. dom. hom. III, 2, éd. Callahan, p. 34, l. 14-15 ; 20-25 ; trad. Hamman, p. 83.

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implicitement pour Chrysostome79, la question suivante : si le nom de Dieu est toujours saint, comment peut-on demander qu’il soit sanctifié ? Grégoire80 et Chrysostome81 apportent des réponses analogues : en prononçant cette demande, on demande de pouvoir glorifier le nom de Dieu auprès des hommes par la sainteté de sa vie. De manière proche, pour Origène, sanctifier le nom de Dieu, c’est l’exalter, c’est-à-dire lui dédier une demeure en soi-même82. La deuxième demande (« Que ton règne vienne ») suscite chez Grégoire la même interrogation que la précédente. Pourquoi demander que vienne le règne de celui dont la souveraineté n’a pas de limites83 ? En fait, il s’agit de demander que le règne de Dieu s’établisse en nous, pour que nous échappions à la tyrannie du péché et de la mort84. Origène avait proposé une interprétation similaire85. Pour Jean Chrysostome, le royaume dont il s’agit est le royaume à venir, vers lequel soupirent les âmes pures, détachées des réalités terrestres86. L’interprétation de la troisième demande (« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ») est très convergente chez les trois exégètes. Celui qui prie ainsi demande que la volonté de Dieu soit accomplie ici-bas par les hommes aussi exactement qu’elle l’est là-haut par les anges qui habitent les espaces célestes87. Chaque auteur apporte sa nuance propre. Grégoire file la métaphore médicale pour signifier la guérison du péché que seul Dieu est à même de procurer à l’humanité déchue88. Origène évoque aussi une interprétation allégorique, d’ailleurs cohérente

  Jean Chrys., In Matth. hom. XIX, PG 57, col. 279, l. 27-28, trad. Bareille,

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p. 556. 80   Grég. Nyss., De orat. dom. hom. III, 3-4, éd. Callahan, p. 35, l. 6 – p. 37, l. 7, trad. Hamman, p. 84-86. 81   Jean Chrys., In Matth. hom. XIX, PG 57, col. 279, l. 28-40, trad. Bareille, p. 556. 82   Orig., De orat. XXIV, 4, éd. Koetschau, p. 355, trad. Hamman, p. 84. 83   Grég. Nyss., De orat. dom. hom. III, 2, éd. Callahan, p. 34, l. 16-24, trad. Hamman, p. 83 ; III, 5, éd. Callahan, p. 37, l. 8-12, trad. Hamman, p. 86. 84   Grég. Nyss., De orat. dom. hom. III, 5, éd. Callahan, p. 37-39, trad. Hamman, p. 86-88. 85   Orig., De orat. XXV, 1, éd. Koetschau, p. 356-357, trad. Hamman, p. 85. 86   Jean Chrys., In Matth. hom. XIX, PG 57, col. 279, l. 41-55, trad. Bareille, p. 556-557. 87   Orig., De orat. XXVI, 1, éd. Koetschau, p.  359, l.  21 – p.  360, l.  2, trad. Hamman, p. 88 ; Grég. Nyss., De orat. dom. hom. IV, 1-4, éd. Callahan, p. 44-50, trad. Hamman, p. 93-99 ; Jean Chrys., In Matth. hom. XIX, PG 57, col. 279, l. 55 – col. 280, l. 10, trad. Bareille, p. 557. 88   Grég. Nyss. De orat. dom. hom. IV, 1-3, éd. Callahan, p. 44-48, trad. Hamman, p. 92-97.

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avec l’interprétation précédente, selon laquelle cette demande signifierait : que les êtres qui sont sur la terre, c’est-à-dire les mauvais, soient rendus semblables à ceux qui sont devenus ciel, c’est-à-dire aux justes89. De plus, Origène émet l’hypothèse que les mots « sur la terre comme au ciel » s’appliquent non seulement à la troisième demande, mais aussi aux deux premières90. Jean Chrysostome explique que cette demande nous enseigne la modestie en nous montrant que la vertu ne dépend pas seulement de nos efforts mais aussi de la grâce divine91 ; il relève en outre, dans le prolongement de sa remarque initiale sur le « notre », que les mots « sur la terre » marquent le souci d’un salut universel, et non seulement personnel92. La quatrième demande soulève une question sémantique se rapauquel correspond le : « de ce jour » portant au sens du mot dans la traduction courante (« Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour »). Origène interprète plutôt le mot concerné dans le sens de « suprasubstantiel » : le pain dont il s’agit ici est donc pour lui le Verbe lui-même, qui est le « pain de vie » (Jn 6, 34)93. Jean Chrysostome, en comme étant synorevanche, interprète explicitement le terme , donc comme signifiant : « quotidien »94. Pour lui, nyme d’ comme pour Grégoire de Nysse, le pain dont il s’agit est le pain matériel ; tous deux remarquent que le Christ prescrit de ne demander que du pain, ce qui exclut toute recherche de plaisirs superflus95, et voient dans le : « aujourd’hui » une invitation à écarter toute sollicitude pour le lendemain, pour lequel il faut s’en remettre à la providence de Dieu96. Grégoire affirme en outre la nécessité d’une acquisition honnête, par le travail, des moyens d’assurer cette nourriture97.   Orig., De orat., XXVI, 6, éd. Koetschau, p.  362-363, trad. Hamman,

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p. 91-92.   Ibid., XXVI, 2, éd. Koetschau, p. 360, trad. Hamman, p. 89.   Jean Chrys., In Matth. hom. XIX, PG 57, col. 280, l. 10-12, trad. Bareille,

90 91

p. 557.   Ibid., col. 280, l. 12-22, trad. Bareille, p. 557.   Orig., De orat. XXVII, éd. Koetschau, p.  363-375, trad. Hamman, p. 92-103. 94   Jean Chrys., In Matth. hom. XIX, col. 280, l. 24. 95   Grég. Nyss., De orat. dom. hom. IV, 5-6, éd. Callahan, p. 50-55, trad. Hamman, p.  99-103  ; Jean Chrys., In Matth. hom. XIX, PG 57, col.  280, l.  34-39, trad. Bareille, p. 558. 96   Grég. Nyss., De orat. dom. hom. IV, 8, éd. Callahan, p. 56-58, trad. Hamman, p.  104-106  ; Jean Chrys., In Matth. hom. XIX, PG 57, col.  280, l.  40-49, trad. Bareille, p. 558. 97   Grég. Nyss., De orat. dom. hom. IV, 7, éd. Callahan, p. 55-56, trad. Hamman, p. 103-104. 92 93

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Concernant la cinquième demande («  Remets-nous nos dettes comme nous les remettons nous-mêmes à nos débiteurs »), les trois exégètes mettent naturellement l’accent sur la corrélation ainsi établie par l’Écriture entre le pardon que l’homme accorde à son prochain et celui qu’il obtient de Dieu. Là encore, chaque auteur apporte en outre sa touche originale. Origène consacre un long développement à l’explicitation de la notion de dette98, rapproche – comme le fera aussi Grégoire99 – ce verset de la parabole évangélique du débiteur insolvable (Mt 18, 21-35)100 et rappelle qu’il faut pardonner aussi souvent que nécessaire (cf. Lc 17, 3-4)101. Grégoire donne tout son relief102, jusqu’à lui donner un tour paradoxal103, à la corrélation évoquée. Pour Jean Chrysostome, cette demande prouve que la rémission des péchés est possible même après le baptême104. De plus, le fait que l’oubli des offenses fasse l’objet d’une demande spécifique montre bien l’importance que le Christ attache à cette vertu105. L’Antiochien souligne enfin, en des termes proches de ceux de Grégoire, que le jugement que nous aurons à subir de la part de Dieu est entre nos mains, puisqu’il dépend directement de celui que nous aurons porté sur notre prochain106. À propos de l’avant-dernière demande (« Ne nous soumets pas à la tentation ») Origène s’interroge : comment expliquer cette demande, alors que toute la vie de l’homme ici-bas n’est qu’une tentation continuelle, comme l’atteste l’Écriture elle-même à maintes reprises107 ? En fait, nous ne demandons pas d’être soustraits à la tentation, ce qui est impossible, mais de ne pas être vaincus quand nous sommes tentés108 ; la tentation n’est d’ailleurs pas inutile, car elle révèle ce que nous avons 98   Orig., De orat. XXVIII, 1-6, éd. Koetschau, p.  375-379, trad. Hamman, p. 104-107. 99   Grég. Nyss., De orat. dom. hom. V, 8, éd. Callahan, p. 69, l. 26 – p. 70, l. 12, trad. Hamman, p. 117-118. 100   Orig., De orat. XXVIII, 7, éd. Koetschau, p. 379, éd. Callahan, p. 69, l. 26 – p. 70, l. 2, trad. Hamman, p. 107. 101   Ibid. 102   Grég. Nyss., De orat. dom. hom. V, 7, éd. Callahan, p. 69, l. 24-25, trad. Hamman, p. 117. 103   De orat. dom. hom. V, 2, éd. Callahan, p.  61, l.  18-23, trad. Hamman, p. 109-110. 104   Jean Chrys., In Matth. hom. XIX, PG 57, col. 280, l. 51 – col. 281, l. 7, trad. Bareille, p. 558-559. 105   Ibid., col. 281, l. 14-37, trad. Bareille, p. 559. 106   Ibid., col. 281, l. 29-39, trad. Bareille, p. 559-560. 107   Orig., De orat. XXIX, 1-8, éd. Koetschau, p.  381-385, trad. Hamman, p. 110-113. Origène se réfère à Ga 5, 17, Rm 8, 7, Jb 7, 1, etc. 108   Ibid., XXIX, 9, éd. Koetschau, p. 385, l. 16-18, trad. Hamman, p. 113.

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dans le cœur109. L’Alexandrin formule un commentaire similaire à propos de la dernière demande, étroitement liée à la précédente (« mais délivrenous du Malin »)110. Grégoire de Nysse identifie explicitement, comme le fera également Chrysostome111, et comme le fait, implicitement, Ori' – qu’il lit donc au masculin et non au neutre – comme gène, désignant le Diable. Puis il insiste sur la nécessité de fuir le monde, dont les plaisirs sont comme les appâts du Tentateur, pour échapper à l’emprise de celui-ci112. Ce commentaire rejoint celui de Jean Chrysostome, pour qui le Christ nous enseigne ici l’humilité, en nous exhortant à ne pas nous précipiter au combat, mais plutôt à demander de pouvoir y échapper113. L’Antiochien termine par une ingénieuse analyse, faisant remarquer que le Christ nous prescrit de demander d’être délivré non )  », mais «  du Malin  ( pas «  des maux ( ­ ) », pour nous apprendre à ne pas nous irriter contre notre prochain lorsqu’il nous fait du mal, mais à reporter toute notre haine contre celui qui est la vraie cause de tous maux, c’est-à-dire le diable. Jean Chrysostome est le seul parmi nos trois exégètes à commenter la doxologie (« Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire, maintenant et toujours, et pour les siècles des siècles. Amen ») qui, dans un certain nombre de manuscrits, achève la version du Notre Père transmise par l’évangéliste Matthieu. De même, explique-t-il, que la demande précédente nous invitait à la vigilance en faisant mention de l’ennemi auquel nous sommes affrontés, de même la doxologie finale ranime notre courage en affirmant la souveraineté universelle et éternelle de Dieu, à qui le diable même est soumis114. Cyrille Crépey Université de Strasbourg

  Ibid., XXIX, 17-18, éd. Koetschau, p. 391-392, trad. Hamman, p. 120.   Ibid., XXX, 1-3, éd. Koetschau, p. 393-395, trad. Hamman, p. 121-123. 111   Jean Chrys., In Matth. hom. XIX, PG 57, col.  282, l.  13, trad. Bareille, 109 110

p. 561.   Grég. Nyss., De orat. dom. hom. V, 10, éd. Callahan, p. 73, l. 4 – 74, l. 5, trad. Hamman, p. 119-120. 113   Jean Chrys., In Matth. hom. XIX, PG 57, col. 282, l. 5-13, trad. Bareille, p. 560-561. 114   Jean Chrys., In Matth. hom. XIX, PG 57, col. 282, l. 27-53, trad. Bareille, p. 561. 112

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INDEX A Achille : 74, 78 sqq. Achille Tatius : 100 Action de grâce(s) : 13, 110, 116, 166 Action oratoire (hupokrisis) : 8 Action verbale : 6, 104 Admète (roi des Molosses) : 72, 75 Admète : 44, 45, 46, 47 Adonis : 94, 95, 99, 100 Adresse : 3, 11 Aelius Aristide : 4, 10 Agamemnon  : 11, 12, 20-26, 27, 28, 33, 49, 74, 82, 84 Agéanax : 101 Aidoneus : 41 Aigla : 131, 133, 137 Aiglaia : 130, 133 Aiglè : 132 Ajax : 84 Akeso : 132, 133 Akésôn : 119 Alceste : 44 sqq., 60 Alcmène : 69 Alcméonides : 64 Alexandrie : 94 Allégorie : 13, 77 sqq., 171 Alliance : 28 Althéa (mère de Méléagre) : 86 Ambassade : 81 Ambiguïté : 12, 45, 48, 49, 60 Amours : 94, 95, 96, 101, 102, 103 Amphipolis : 14, 125, 131, 132 Anathêma : voir Offrande Anchise : 99 Ancien Testament : 38, 40 Andromaque : 65 Antaugès : 145, 146 Antigénès : 95, 96 Antigone : 35, 37 Antilogie : 99, 101, 103

Anti-prière : 100, 101 Apelle : 110 Aphrodite : 56, 57, 58, 59, 60, 99, 100, 101, 102 Apollon : 36, 39, 40, 44, 45, 46, 47, 48, 51, 74, 83, 95, 112, 113, 115, 125 sqq., 148, 149, 152 Apotropaïque : 28, 31, 58 Aratos (personnage de Théocrite) : 95, 101, 103 Aratos (Phénomènes) : 94 Arcadie : 101 Archiloque : 77 Argonautes : 144 Argos : 22, 23, 25, 26, 33, 69, 70 Argumentation : 6, 7, 8, 12, 13, 43 sqq., 49, 50, 51 et passim Aristophane  La Paix : 121 Les Acharniens : 73, 74 Les Cavaliers : 121 Les Guêpes : 121 Les Thesmophories : 73 Lysistrata : 54 Artémis : 15, 48 sqq., 60, 85, 94, 95, 105, 143, 148, 150, 151, 152 Artémision : 67 Ascendance : 125, 133, 135, 137 Asclépios  : 9, 13, 14, 47, 109  sqq., 125 sqq. Assimilations de dieux : 15, 143-153 Astylaidas : 126 Atè : 78, 79, 83, 84, 85, 86, 88 Athéna : 52, 60, 95, 110, 143, 149 Athènes : 14, 32, 38, 40, 41, 49, 51, 52, 64, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 125, 126, 132 Atossa : 20 Augé : 74 Aulis : 49 Autel : 64, 70, 73, 110

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Automédon : 83 Auto-référence – Auto-représen­ta­ tion : 107, 123 Avertissement : 85 B Bacchylide : 126 Batalê : 121 Battaros : 109 Battologein («  radoter  », «  rabâcher ») : 7, 160, 163, 167 Béotiens : 67 Biens spirituels : 16, 167, 169 Bien terrestres : 167, 169 Bienveillance divine : 7, 117, 122 Bithynie : 83 Blâme : 21, 22, 164 Bœuf : 112, 113, 117, 124 Bombyca : 94, 98, 106 Boucaios : 94, 97, 98, 99, 106 Brièveté : 77 Briséis : 82 Burlesque : 115 Byblis : 102 C Cadmos : 29 Callimaque : 14, 93, 119, 124 Cassiodore : 4 Cécrops : 132, 133 Céphisodote (fils de Praxitèle) : 110 Cerbère : 41 Chant  : 93  sqq., 125, 126, 127, 128, 132 sqq., 153 Chiron : 74, 107, 134 Christianisme : 15, 149, 152, 155-174 Chronologie mythique : 15, 148, 151, 152 Chrysès : 45, 84 Cicéron : 21 De l’orateur : 151 Cité (ciuitas, polis) : 11, 12, 14, 19, 20, 23,

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25, 26, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 125 Classification : 11 Cléanthe : 93 Cléopâtre (épouse de Méléagre) : 85 Clytemnestre : 12, 20, 21, 25, 26, 74 Coccalê : 13, 14, 109 sqq. Colère : 79, 160, 168 Colone : 32, 41 Comatas : 101, 106 Commémoration : 120, 122 Communauté religieuse : 9, 114 Communication  : 5, 10, 29, 36, 79, 123 Confession : 166 Contact avec le divin : 6 Conviction : 4 Coq : 9, 13, 110, 111, 112, 113, 115, 116, 118, 119, 122, 124 Corcyre : 66 Corinthe : 36, 66 Coronis (Koronis) : 112, 113, 115, 129, 130, 131, 132, 133, 136, 137 Cos : 13, 14, 109, 113-115 Cosmogonie : 146 Créon : 40 Cri : 37, 41 Critique (de la divinité) : 12, 43 sqq., 59 Cronos : 94, 148, 150, 152 Cydilla : 110 Cylon : 64 sqq. Cynnô : 9, 13, 14, 109 sqq. Cypris : 56, 59, 60, 95, 99 D Da quia dedi : 8, 43, 53 sqq. 60 Da quia dedisti : 8, 43, 45, 49, 51, 52, 53, 60 Danaos : 63 Dansés (péans) : 128, 130 Daphnis : 94, 95, 96, 99, 100, 101, 102, 106 Darius : 20

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Dédicace : 109 sqq. Déio : 148 Délien : 132 Delphes : 36, 126 Delphis : 94, 96, 104, 105 Démade : 88 Déméter : 94, 95, 96, 97, 98, 99, 148 Démétrios : 13, 77 sqq. De elocutione : 13, 77 sqq. « Dieu mortel » (Mortal God) : 19-20 Démophon : 69, 70 Derveni (papyrus de) : 148, 150, 151, 152 Descendance : 125, 135, 177 Destinataire : 8 Dette : 70, 110, 118, 173 Dicéopolis : 74 Dimension langagière de la religion : 3 et passim Diodore : 66 Diomède le grammairien : 123 Diomède : 100 Dion (ville de Macédoine) : 125 Dion Chrysostome (or. X, 32) : 35 Dioné : 56, 102 Dionysos : 15, 143 sqq. Dioscures : 60 Discours adressé aux dieux : 3, 4, 6 et passim Discours performatif : 116 Discours sur les dieux : 4 et passim Disque votif : 122 E Échange : 117 Économique : 8, 54, 118 Éducation : 9, 125 Égypte : 125 Éloge (louange) – Glorification : 4, 7, 10, 51, 95, 113, 134, 166 Épaphos : 52 Épiclèses : 7, 14, 23, 25, 100, 136 sqq. Épidamne : 65, 66

Épidaure : 14, 112, 113, 125, 126, 128, 130, 131, 134, 135 Êpiô : 112, 113, 115 Épioné : 130, 132, 133, 136 Épique : 115 Épithalame : 95, 96 Épithètes  : 7, 60, 99, 114, 144, 146, 149 Érasme : 78 Érato : 130, 131 Érèbe : 86 Ericépaios : 144, 145, 146, 147 Érinye(s) : 12, 29, 30, 31, 32, 33, 37, 39, 40, 41, 49, 51, 52, 86 Éros : 94, 99, 100 Érythrées (Péan d’) : 14, 125 sqq. Eschyle : 9, 11, 19-33, 75 Agamemnon : 11, 12, 20-26, 27, 28, 38 Les Choéphores : 21 Les Euménides : 38, 39, 41, 52 Les Perses : 20, 21 Les Sept contre Thèbes : 11, 12, 22, 27-33 Les Suppliantes : 63 Esthétique : 124 Estienne (Henri II) : 78 Étéocle : 11, 12, 22, 27-33, 39 Éthiopie : 101 Êthos : 6 Étolie – Étoliens : 85, 86 Étymologie : 15, 146, 147, 151, 153 Eubouleus : 145, 146, 147, 153 Eukhesthai (« proclamer une juste prétention ») : 80 Euripide : 9, 12, 43-60, 63 sqq. Alceste : 44 sqq., 50, 60 Andromaque : 65 Hécube : 38 Hélène : 50, 53 sqq., 60 Hippolyte : 60, 100 Iphigénie en Aulide : 49, 60 Iphigénie en Tauride : 48 sqq., 53, 60 Les Héraclides : 13, 69 sqq.

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Les Phéniciennes : 54 Les Troyennes : 48, 128 Médée : 59, 60 Oreste: 38 Télèphe : 73 sqq. Eurydice : 144 Eurysthée : 69 Eustathe : 88 Commentaire à l’Iliade : 88, 89 Euthias : 110 Évangile de Luc : 161, 173 Évangile de Matthieu : 7, 156, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 167, 173, 174 Evios : 145, 146 Ex-voto : 116 F Famille (du dieu) : 115, 125, 133 sqq. Figures rhétoriques : 15, 129, 150, 153 et passim Flatterie : 10 Fonction poétique (de la prière)  : 93 sqq., 120 sqq. Formes rhétoriques de l’expression religieuse : 3 Fusion : 150, 152 Futur – Avenir : 117, 118 G Généalogie : 70, 134, 137, 138 Gestes – Gestualité – Attitudes corporelles : 8, 11, 111, 121, 162, 164 Géta : 83 Gorgo : 94 Grégoire de Nysse : 15 Homélies sur la Prière du Seigneur : 16, 155-174 Guérison : 116

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H Hadès : 44, 46, 47, 53, 54, 55, 56, 58, 70, 86, 99, 105 Hécate : 94, 95, 96, 104, 105, 150, 151 Hector : 84 Hécube : 48 Hélène : 50, 53 sqq., 60, 95, 96 Hélice : 100 Héphaïstos : 15, 87, 151 Héra : 56, 57, 66, 95, 143, 149 Héraclès : 47, 70, 74, 107 Héraclides : 69 sqq. Héraclite  Allégories d’Homère : 83, 88 Hérodas : 9, 13-14, 109-124 Mime II : 109 Mime III : 109 Mime IV : 9, 13-14, 109-124 Hérodote : 38, 64, 65 Hermione : 65 Hésiode : 98 La Théogonie : 152 Le Bouclier : 38 Les Travaux et les Jours : 84 Hestia : 148, 152 Hiéron de Syracuse : 95 Hilotes : 67 Hipponax : 109 Hipta : 143, 148 Histoire – Historiographie  : 13, 63 sqq. Hobbes : 19-20 Homère : 12, 43, 59, 60 Iliade : 13, 38, 45, 49, 54, 77 sqq., 100, 115, 134 Odyssée : 38, 45, 54 Hommage : 11, 25 Humour : 13, 102, 115, 121 Hyétis : 102 Hygie/Hygiéia : 13, 14, 112, 113, 115, 116, 118, 122, 128, 129, 130, 132, 133, 135, 136 Hygin : 74

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Hymne : 4, 10, 143 sqq., 165 Hymne homérique à Apollon : 128 Hymnes orphiques : 9, 15, 143-144 Hymne 6 à Protogonos  : 15, 144153 Hymne 30 à Dionysos : 15, 144-153 Hypocrisie : 161

K

I

L

Ida : 99 Iêsô (Iaso) : 112, 113, 115, 130, 132, 133 Image : 11, 85, 119, 120 Imitation (mimêsis) : 9, 123 Impératif : 52, 55, 82 Imprécation : 102 Inscriptions : 8, 9, 14, 110, 119, 120, 121, 125 sqq. Insulte : 99-100 Interaction : 121 Interdépendance : 122 Invocation : 7, 10, 13, 23, 33, 44, 45, 49, 52, 53, 60, 80, 93, 97, 104, 110, 113, 115, 125, 134, 135, 144, 170 Iolaos : 13, 69, 70, 71 Iphigénie : 48 sqq., 53, 60 Ironie : 13 Ironie tragique : 31, 46, 48, 49 Ismène : 40 Isyllos : 9, 14, 114, 120, 125 sqq. Ithomé : 68

Lachésis : 131, 133 Laconiens : 77 Laios : 36 Lamentation : 37, 89 Langage – Parole : 3 et passim Langue : 14, 136 sqq. Laodice : 74 Laomédon : 112, 113, 115 Lecture : 120-122, 123 Lenteur : 83 Létô : 95, 130, 131, 132, 148 Liber : 15, 151 Liberté – Libre arbitre (de l’homme) : 157 Lieu (de la prière) : 114-115, 162 Lissomai : 84 Litai : 13, 77 sqq. Locuteur : 8 et passim Longueur : 165 Longus : 100 Loxias : 36, 49 Lycaon : 100 Lycée : 100 Lycophron : 134 Lykidas : 95, 98, 101, 106 Lyrique : 97, 127, 136, 138

J Jamblique : 8 Jean Chrysostome : 15 Homélie XIX sur l’Évangile de ­Matthieu : 16, 155-174 Jean Galenos : 15, 150, 151 Jésus : 7 Jocaste : 35, 36, 54 Justice : 24, 26, 46, 56, 79, 85

Kharis : 7, 24, 32, 43, 53, 58, 70, 117, 123, 139 Kléophème : 131 Kleos : 121 Klêtikos humnos : 100

M Machaon  : 112, 113, 115, 129, 130, 132, 133, 134 Magie : 4, 94, 96, 97, 102, 103, 104, 106, 151

197

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Magnésie : 83 Makedonikos : 14, 125 sqq. Malédiction : 31, 32, 36, 40 Malin (Diable) : 174 Malos : 130, 131, 133 Manières de prier – Comment prier ? : 160-165 et passim Marchandage : 8 Maxime de Tyr : 16 Mède(s) : 67, 69 Médée : 60 Mélampous : 87 Méléagre : 80, 84, 85, 86 Menace : 13, 100, 102 Ménale : 100 Ménélas : 53 sqq., 60 Mère des dieux : 152 Métalepse : 15, 150, 151 Métis : 145, 146, 153 Métrique : 14, 136 sqq. Métrotimê : 109 Milet : 94, 96 Milon : 94, 97, 98, 99 Misé : 143, 147 Moire(s) : 36, 44, 45, 131, 133 Moisson : 94, 95, 97, 98 Monothéisme : 143, 149 Monotonie : 127 Muses : 93, 94, 95, 96, 97, 98, 106, 107, 132 Musique : 8, 128 Mythe : 10, 13, 15, 53, 83, 85, 96, 115, 144, 148, 151, 152 et passim Mytilène : 101 Myttês : 121 N Narration : 4, 10, 125, 135 Néôcore : 110, 111, 116 Nicée : 83 Nikias : 94 Noms du dieu : 8, 143 sqq., 151 sqq., 170, 171

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Notre Père : 8, 15, 16, 155-174 Nuit : 95 Nymphes : 95, 106, 107 O Objet(s) de la prière : 165-169 Océan : 95, 105 Œdipe : 12, 27, 30, 31, 32, 33, 35-41, 87 Œnée (père de Méléagre) : 85 Offrande  : 8, 13, 53, 54, 58, 94, 110 sqq., 144 Oikous : 102 Olympie : 64 Oracle : 4, 36, 38, 47, 51, 52 Oreste : 48, 50, 51, 60, 74 Origène : 15 Sur la prière : 16, 155-174 Orphée : 15, 82, 88, 144, 150 Ostentation : 16, 161, 164 Ouranos : 148 P Pacte : 32 Paian : 44, 45, 129 sqq. Paiêôn : 112, 113, 115 Pallas : 40 Pan : 94, 95, 96, 99, 100, 101, 102, 103, 152 Panakê – Panakeia  : 112, 113, 115, 130, 132, 133 Paradoxe : 93, 97, 99, 103, 105, 107 Parenté : 51, 69, 148 Pâris : 57, 58 Passé : 58, 59, 60, 70, 117 Paternité : 69, 170 Pathos : 6 Patristique : 155-174 Paul  1 Corinthiens : 160 Pausanias : 67 Péan (Asclépios) : 112, 113, 125 sqq.

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Péan : 9, 14, 110 Péché : 16, 159, 171 Peinture : 110, 119 Pélée : 65, 81, 82 Pélion : 132, 133 Performance : 81, 120 et passim P(h)erséphone : 86, 95, 145, 146, 147, 151 Perses : 68, 72 Persuader (convaincre) – Persuasion : 4, 6, 7, 8, 10, 11, 14, 43, 46, 51 et passim Phanès : 144, 145, 146, 147, 148, 152 Phénix : 13, 78 sqq. Philinos : 101, 102, 103 Philoctète : 40 Philodème : 15, 150, 151 Phlégyas : 129, 130, 131, 133 Phluaria (langage vain ou frivole)  : 167 Phoibos : 38, 130, 131 Phrasidamos : 95, 96, 107 Phthia : 82 Phthonos : 22 Piété : 11, 26, 100 et passim Pinax : 13, 14, 112, 118, 119, 120, 122, 124 Pindare : 45, 126 Pisistrate : 64 Pitié : 11, 79, 82 Plaidoyer : 6 Platée – Platéens : 13, 66 sqq. Platon  Gorgias : 6 Lois : 10 Politique : 77 Plutarque : 21 Vie de Thémistocle : 75 Podalire : 112, 113, 115, 130, 132, 133, 134 Polynice : 28, 39, 40 Polyphème : 107 Poséidon : 38, 65, 95, 149 Pouvoir des mots : passim

Pouvoirs (des dieux) : 8 Pragmatique : 116, 123 Praxinoa : 94 Praxitèle : 110, 120 Praxon : 110 Préparation – Préalables (à la prière) : 160 sqq. Prescience (de Dieu) : 156 sqq. Présent : 117 Preuve : 119 Priam : 21, 22, 24, 74, 84 Priape : 145, 146 Prolixité : 78, 83, 89 Prométhée : 38, 152 Propitiation – Propitiatoire : 100, 115, 116 Proposition relative : 144 Proskynèse : 21 Protée : 53, 55, 56 Prothyraia : 148 Protogonos : 15, 143 sqq. Pseudo-échange : 7 Psogos : 22, 55 Ptolémaïs : 125 Ptolémée Ier Sôter : 109 Ptolémée II Philadelphe : 94, 106, 109, 114 Puissance sacrée du discours : 3 Pylade : 48, 50, 51 Pythagoriciens : 144 Pythie : 126 Pythios : 23 Q Quintilien : 151 Quintus de Smyrne  Posthomerica : 86 R Rapprochements de dieux  : 15, 150, 151, 152 Récolte : 94, 98

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Refrain  : 93, 96, 97, 104, 128, 136, 137 Relation interpersonnelle  : 8 et passim Relief votif : 121-122 Remerciement : 6 Rendre grâce : 16 Répétition : 104 Représentation : 103,123 Requête – Demande : 4, 6, 7, 8, 10, 25, 47, 50, 54, 58, 59, 60, 80, 89, 100, 115, 117, 144, 160, 166 sqq. Rhéa : 143, 148 Rhétorique à Hérennius : 151 Rite – Rituel : 8, 11, 94, 96, 97, 102, 104, 105, 106, 111, 116, 121, 122, 126, 144 Rythme : 8, 137 S Sabazios : 143, 147, 148 Sacrifice  : 8, 9, 13, 47, 49, 50, 54, 109 sqq. Saloustios (Des dieux et du monde) : 8 Salut : 95, 97, 110, 113, 137 Sanctuaire : 8, 110 sqq. Sangsue : 94 Sappho : 45 Séléné : 93, 94, 95, 96, 97, 104, 105, 106, 150, 151 Sémélé : 147 Sénèque : 21 Sentiment : 3 Sicile : 94, 95, 100 Silence : 8 Simaitha : 93, 94, 96, 97, 103, 104, 105, 106 Simichidas : 95, 96, 97, 98, 101, 102, 103, 106, 107 Socrate : 16 Sophocle : 9, 12, 32, 33, 35-41 Ajax : 39

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Les Trachiniennes : 40 Œdipe roi : 12, 35-41, 45 Œdipe à Colone : 12, 32, 33, 35-41 Philoctète : 39, 40 Souverain – Souveraineté : 19-33 Sparte – Spartiates (Lacédémoniens) : 65, 66, 67, 68, 69, 71, 72, 78, 89 Sphynx : 35, 36 Statue : 52, 110, 115, 119, 122 Strabon : 119 Stratégie(s) oratoire(s) : 4, 7, 11, 12 et passim Structure : 10, 12, 14, 43, 53, 60, 80, 81, 86, 135-136, 144 Structure annulaire (Ringkomposition) : 31, 80, 115 Style : 8, 49, 77, 88 Style périodique : 77 Styx : 41 Subversion : 12, 44 sqq. Sunoikêsis (vie en commun, cohabitation) : 15, 150, 151 Supplication : 6, 10-11, 12-13, 38, 57, 63-89, 166 Surabondance : 165 Syncrétisme : 150 Syntaxique (aspect) : 97 Syracuse : 95 T Tableau : 110 Tablette : 9, 13-14, 113-124 Talthybios : 25 Tauride : 49, 50 Télèphe : 73 sqq. Temple : 110 sqq. Ténare : 65 Terre : 12, 29, 37, 148 Thalysies : 95, 96, 97 Thanatos : 41, 46, 47, 148 Thébains – Thèbes : 12, 27, 28-33, 35, 37, 39, 66, 67, 68, 69 Thémistocle : 72 sqq.

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Théoclymène : 53 sqq Théocrite (Idylles) : 9, 13, 14, 93-107, 124 Théonoé : 53 sqq. Thésée : 32, 33, 40, 70 Thestylis : 96, 103, 104 Thoas : 51 Thrace : 101 Thracis : 70 Thrène : 96 Thucydide : 21 Histoire de la guerre du Péloponnèse : 13, 63 sqq. Thyrsis : 93, 95, 96, 97, 98, 106 Timarque (fils de Praxitèle) : 110 Tirésias : 12, 36 Topique : 8 Tragédie grecque  : 11, 13, 19-60, 63-75 Tricca : 112, 113, 133 Triétérique : 145, 146, 147 Troie : 11, 21, 23, 24, 25, 26, 33, 53, 54, 57, 58, 74, 100, 134 Truie : 112, 113, 117, 124 Tychè : 15, 150, 151, 152 Typologie : 11

Xerxès : 20 Z Zeus : 12, 23, 26, 28, 29, 30, 37, 39, 40, 47, 48, 54, 56, 58, 60, 63, 78, 79, 82, 83, 84, 85, 86, 94, 95, 130, 131, 132, 133, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 151, 152 Zeus Alexêtêrios : 28, 31 Zeus Hikesios : 88 Zeus Litaios : 83

U Ulysse : 25, 74, 84 Union (avec Dieu) : 159, 165 Utilité (de la prière) : 156-159 V Variation : 9, 14, 38, 45, 125 sqq. Victoire : 23, 24, 25, 29 Vocabulaire : 8 Vœu : 16, 93, 94, 101, 118, 160, 163, 164 X Xénophon  (Anabase) : 77

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TABLE DES MATIÈRES Préface ....................................................................................................... 1 Avant-propos : Pour une rhétorique de la prière grecque ........................... 3 Johann Goeken, Université de Strasbourg Première partie Stratégies de la prière tragique La preghiera del re. Il linguaggio religioso dei sovrani nelle tragedie superstiti di Eschilo (Ag. 810-854 – Sept. 69-77) .................................... 19 Stefano Amendola, Università degli Studi di Salerno Edipo : il re che non prega ? ....................................................................... 35 Paola Volpe Cacciatore, Università degli Studi di Salerno Tradizione e innovazione nella preghiera di richiesta in Euripide ............... 43 Giovanna Pace, Università degli Studi di Salerno Deuxième partie Prière et supplication Le parole del supplice : alcune osservazioni su retorica e hiketeia............... 63 Paola Cassella, Università Federico II di Napoli Demetrio e l’allegoria omerica delle Litai .................................................. 77 Raffaella Lombardo, Università di Chieti – Pescara Troisième partie Prières hellénistiques La rhétorique de la prière dans les Idylles de Théocrite . ............................ 93 Alain Billault, Université de Paris IV – Sorbonne La prière et la tablette dans le Mime IV d’Hérodas .................................... 109 Johann Goeken, Université de Strasbourg Les péans d’Érythrées, d’Isyllos et de Makedonikos : simples variations ou originalité ? .......................................................... 125 Antje Kolde, Université de Genève 203

table des matières

Quatrième partie Hymnes et prières à l’époque chrétienne « ’Tis all one » : les assimilations de dieux dans les Hymnes orphiques . ...... 143 Anne-France Morand, Université Charles de Gaulle – Lille III La prière chrétienne selon Origène, Grégoire de Nysse et Jean Chrysostome . ................................................................................ 155 Cyrille Crépey, Université de Strasbourg Bibliographie ............................................................................................. 175 Index . ........................................................................................................ 193 Table des matières ...................................................................................... 203

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