La philosophie mystique en France à la fin du XVIIIeme siècle Saint Martin et son Maitre Martines de Pasqually


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La philosophie mystique en France à la fin du XVIIIeme siècle Saint Martin et son Maitre Martines de Pasqually

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LA

PHILOSOPHIE MYSTIQUE EN FRANGE A LA FIN DU XVIII e SIÈCLE

SAINT-MARTIN ET SON MAITRE M4RTINE7.

FRANCK

Ad. Membre de

PASQUALIS

professeur au Collège de France

l'Institut,'

PARIS GERMER BAILLIÈRE, LIBRAIR E - ÉDITEUR Rue de l'Ecole-ile-Médecinc, 17

New-York

Londres Ujpp. Baillitre, 2t'J, RegeDt street.

Baillière

brolliers,

110, BroaJw.i».

|

MADHID,

l.ill.l \-l

uni

iie,

l'LAZ»

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PRINCIPE AI.FONSO, 16,

1866 Tons

droits réservés.

BIBLIOTHÈQUE

DE PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE

LA

PHILOSOPHIE MYSTIQUE EN FRANCE A

LA FL\ DU XVIII

SIÈCLE

e

SAINT- MARTIN ET SON M AIT RE M.4RTINEZ PASQUALIS

FRANCK

Ai». Membre

'le

l'Institut,

professeur au Collège de France.

PALUS GERMEK BAILL1ÈRE, LIBRAIRE-ÉDITEUR hue de l'Ecole-de-Méilecine, 17,

Londres Uipp.

Bjilliere,

MADRID,

C.

Ut,

New-York

Kegeut jtreet.

BAILLT-BAU.LIF.KE,

Bailliere

biotliers,

440, Broadwaj.

PLAZA UEL PRINCIPE ALKONSO, 16.

18CG

LA

PHILOSOPHIE MYSTIQUE EN FRANCE AU

XVIII

SIÈCLE

e

CHAPITRE PREMIER Du mysticisme en général. religion.

— Martinez

— De

y a peu d'écrivains,

Il

ses

rapports avec la philosophie et

et surtout d'écrivains mysti-

ques, qui aient moins de droits que Saint-Martin à ce

de Philosophe inconnu dont ses ouvrages. Si obscures

il

moins pour ses contemporains) vant, devenir citer,

un

se plaisait à signer tous

,

il

les

l'étaient pas

a vues, de son vi-

objet de graves méditations, et lui sus-

en France, en Allemagne, en Suisse, des disciples

Au moment où éclatait nom était si célèbre et si

pleins de ferveur. française, son l'\-

nom

que soient pour nous ses doc-

nous pouvons affirmer qu'elles ne

trines (et

la

Pasqualis, son origine, sa vie et sa doctrine.

i.v.

r !

AU.

i

constituante, en

1791,

le

la

Révolution

respecté, que

présentait avec

DU MYSTICISME EN GÉNÉRAL.

2

Sieyès, Condorcet, Bernardin de Saint-Pierre etBerquin,

comme un

hommes parmi

des

lesquels devait être choisi

précepteur du jeune dauphin.

le

sonne dans

On

les plus élégants salons

se disputait sa per;

ceux qui ne pou-

vaient le lire étaient jaloux de l'entendre, et le charme

de sa conversation

effaçait

pour

lui toutes les distances.

a vécu dans la familiarité de la duchesse de Bourbon,

Il

de la maréchale de Noailles, de

la

marquise de Coislin,

du duc de Bichelieu, du duc de Bouillon, du duc de

Lauzun litzin,

il

;

était l'hôte et le

commensal du prince de Ga-

de lord Hereford, du cardinal de Bernis

;

a connu

il

le chevalier de Boufflers, le duc d'Orléans, devenu plus

lard

Philippe-Égalité, Bailly, Lalande,

Saint-Pierre.

Il

mille personnes,

une discussion

brillante contre Garât,

l'ancien ministre de la Convention, d'

analyse

de]

Bernardin de

a soutenu, dans une assemblée de deux

l'entendement dans

nommé

professeur

les écoles normales.

Iprès s'être attiré, dans sa jeunesse, les sarcasmes de Voltaire,

il

n'a

pu

éviter, sur la lin

de sa vie, ceux de

Chateaubriand, qu'il a aimé et admiré. Enfin c'est dans ses écrits, et principalement clans ses écrits politiques, 7

il

;

la

d'être

dit ce qu'il croit et ce qu'il sent, laissant

à ses sentiments

de se concilier comme

le soin

peuvent

ils

avec ses doctrines. C'est, sans aucun doute, dans sa maturité qu'il a écrit ces lignes

femme

«

:

L'homme

est l'esprit

de l'homme

la

femme

«

Si

Dieu pouvait avoir une mesure dans son amour,

»

devrait aimer la

»

nous, nous ne pouvons nous dispenser de

»

de l'estimer plus que nous-mêmes

»

plus corrompue est plus facile à ramener qu'un

»

qui n'aurait

fait

»

du cœur de

la

»

que

»

le

et la

femme

même

femme

de se corrompre de le

1)

(2)

citer,

mais

;

il

il

est

le

loin,

la chérir et

femme

la

la

homme

mal. Le fond

moins vigoureux moins susceptible

grande corruption

dernier

femmes. Un peu plus

nous venons de

car

;

est peut-être

la

(2). »

plus que l'homme. Quant à

qu'un pas dans

cœur de l'homme

n'avons pas encore les

est l'âme

de



»

(3)

.

»

Nous

mot de Saint-Martin sur dans ce

même

écrit

que

son ton s'élè\e jusqu'à l'hymne.

Portrait historique, n° 408.

Pensées tirées d'un manuscrit,

'3) 76td-, p.

AU.

Œuvres posthumes,

t.

er I

,

260-261.

FRANCK.

3

p. 210.

Vie

38

de saInt-makîin.

»

Les femmes, par leur constitution, par leur douceur,

»

démontrent bien qu'elles étaient destinées à une œuvre

»

de miséricorde. Elles ne sont,

»

ni ministres

»

blent n'exister

que pour

»

suprême, dont

le prêtre est

»

que pour adoucir

»

la justice sur les coupables, et

»

plaies

»

L'homme

que

de

la justice, ni

les

lléchir la

;

mais

sem-

elles

clémence de

l'Être

censé prononcer les arrêts

;

rigueur des sentences portées par

la

que pour panser

les

guerriers se font dans les combats.

que l'ange exterminateur de

parait n'être

femme en

est l'ange de paix. Qu'elle

»

Divinité; la

»

plaigne pas de son sort. divine.

ne se

Les facultés divines doivent se

»

belle faculté

diviser ici-bas

»

ne forment qu'une unité parfaite

il

la

Elle est le type de la plus

»

;

est vrai, ni prêtres,

il

guerriers

n'y a que la Divinité et

même



elles

une harmonie où

»

toutes les voix vivantes et mélodieuses ne se font ja-

»

mais entendre que pour former l'ensemble du plus

»

mélodieux des concerts Lorsqu'un homme,

spiritualité, parle ainsi difficile

(1). »

fit-il

profession de la plus haute

des femmes en général,

de croire qu'il n'ait point

quelques souvenirs particuliers,

si

l'esprit

ce n'est

une pensée unique, par une image adorée de dissimuler sous un

nom

collectif!

En

il

même

M. Mat ter a eu l'heureuse idée de reproduire

rt

Œuvres posthumes, p. 282. Ouuage cité, ch. vin, \\ 87.

par

qu'il s'efforce effet,

dans un

passage resté inédit de son Portrait historique, et

(2)

est

occupé par

(2)

,

que

Saint-

.

VIE

!>H

SAINT-MAlVl'LV

;}9

Martin nous apprend que, vers 1778, pendant à Toulouse, son

cœur

s'est

engagé deux

de concevoir des projets de mariage. Mais

pour

les affections tendres,

ne

il

l'était

qu'il était

au point

fois

s'il

était

point pour le

mariage ni pour quelque autre établissement, quel fût.

Il



ne se sentait propre qu'à une seule chose

qu'il

et n'a

jamais songé à se faire un autre revenu que des rentes

en âmes. Puis l'homme qui reste libre n'a à résoudre, dit-il (1)

,

que

le

problème de sa propre personne

celui

;

qui se marie a un double problème à résoudre. Ce qui est vrai aussi, c'est

que son âme,

qu'à la surface; autrement «

Je sens au fond de

«

je suis d'un

la

mon

pays où

il

il

être

alors, n'était atteinte

n'aurait pas écrit

une voix qui me

n'y a point de femmes.

Il

qu'il n'appelle

eut

qu'il

de près de cinquante ans, pour une

personne qui revient fréquemment dans ses

rissime B.

:

que

dit »

preuve du contraire dans l'attachement singulier

ressentit, à l'âge

(2)

jamais autrement que

ma

écrits, et

B...,

ma

ché-

.

M. Matter

établit victorieusement,

commune, que

cette désignation

contre l'opinion

ne s'applique pas à

la

duchesse de Bourbon, princesse excellente, mais d'une

médiocre intelligence, plus superstitieuse encore que religieuse, plus

occupée de pratiques magnétiques

et

som-

nambnliques que de mysticisme, à laquelle Saint-Martin était

sincèrement dévoué et dont

(1) Portrait hisloraïuey n" 195. (2) lbid., n°

468.

il

possédait toute

la

M

VIE

40

SAINT-MARTIN.

pu exercer sur

confiance, mais qui n'a jamais

Un de

ascendant.

la

pente qui l'entraînait du côté

de Mesmer et de Puységur, pour merveilleux grossier qui couronne térialisme

du

xvm

e

aucun

uniquement pour

ses livres a été écrit

pour l'arracher à

elle,

lui

siècle. Voici

la si

détourner de ce

dignement

au reste

ma-

le

le portrait qu'il

fait dans sa correspondance avec Kirchberger ; on y trouvera la confirmation de tout ce que nous venons de

en

dire. «

»

Vous avez

raison, monsieur, d'avoir très-bonne opi-

nion de l'hôtesse que je viens de quitter.

On ne

»

pas porter plus loin les vertus de la piété et

»

tout ce qui est bien

»

pour une personne de son rang. Malgré

»

notre ami

»

esprit, surtout à cause

;

c'est

Bœhm, une

de

cela, j'ai cru

nourriture trop forte pour son

du penchant

merveilleux de l'ordre inférieur,

qu'elle a

tel

bules et les prophètes du jour. Aussi je

»

dans sa mesure, après avoir

»

mon

»

peu en vue,

»

vrées au

devoir pour l'avertir

;

fait

tout ce

car YEcce

pour tout

que les somnam-

le

»

même

le désir

vraiment un modèle, surtout

»

ainsi

peut

l'ai

laissée

que j'ai cru de

homo

l'a

eue un

que quelques autres personnes

entraînement

li-

(1). »

Mais Saint-Martin a rencontré sur son chemin une autre

femme dont

nom commence par la même lettre, son esprit, comme sur son cœur, sur

le

et qui a exercé sur

comme sur ses sentiments, la plus décisive inC'est madame Charlotte de Bœcklin. Issue d'une

ses idées fluence.

(1) Lettre XI, p.

41 de l'édition Schauer et Chuquet.

VIE OK SAINT-MARTIN.

41

noble famille de l'Alsace, elle vivait à Strasbourg, séparée de son mari, au

moment où

Saint-Martin y arriva,

vers l'année 1788. Protestante convertie au catholicisme

par des considérations de famille, pas d'autre

comme on

foi

que

le

elle n'avait

un peu

christianisme

en réalité

flottant, ou,

dit aujourd'hui, le christianisme libre, qui se

confond volontiers avec

le

mysticisme. C'est

elle,

avec

le

concours de son compatriote, Rodolphe Salzmann, qui connaître à Saint-Martin les écrits de Jacob

fit

lui

aida plus tard à les traduire.

inclinait alors

direction

ciple exalté

et

Le philosophe inconnu

vers Swedenborg,

du chevalier de

Bœhm,

il

s'abandonnait à la

Silferhielm, le neveu et le dis-

du voyant suédois;

c'est

même

de ce cou-

un de

rant d'idées que sortit, au moins en partie,

ouvrages, celui qui est intitulé Le nouvel

ses

homme. On

peut donc se figurer ce qu'il dut éprouver de reconnaissance pour celle qui

pour

le tirait

ouvrir les portes de la vraie sagesse, pour

lui

conduire aux pieds du est

pour

la terre

croit

de ce mysticisme subalterne

lui la

maître suprême;

plus grande lumière qui

après celui qui est la lumière

pas digne,

lui,

de dénouer

les

car

paru sur

ait

même

le

Bœhm

;

il

ne se

cordons de ses sou-

liers.

Avec une femme prit,

belle encore, distinguée par son es-

autant que par sa grâce extérieure, faisant

d'un messager céleste qui vient apporter la

reconnaissance, dans une

la

âme comme

l'office

parole de vie,

celle

de Saint-

Martin, se changea bientôt en un sentiment plus pas-

sionné et plus tendre.

Madame de Bœcklin,

à ce que

VIE

42

nous assure M.

DE SAINT-MARTIN.

Mattel', avait alors

déplus elle était grand' mère l'ai

déjà dit,

avait, le

même

quarante-huit ans,

Saint-Martin,

(1).

et

comme je

âge. Mais qu'importe?

y a

Il

des natures qui restent toujours jeunes, parce qu'elles voient les choses et les visible. Il

hommes

à la lueur d'un idéal in-

y a un amour qui ne craint point

du temps, parce qu'il vient d'une source que

madame

de Bœcklin.

l'amitié le

ne produit pas

même langage.

les

Après

temps ne

Etait-ce bien de l'amour

Tout ce qu'on peut

qu'elle lui inspira?

le

ravages

que Saint-Martin éprouva

saurait tarir. Tel était celui

pour

les

mêmes

trois

bourg auprès de son amie,

dire, c'est

effets et

ans de résidence h Stras-

quand

et

il

réussit enfin,

après bien des obstacles, à habiter avec elle la

maison, la

il

est obligé

de

la quitter,

même

rappelé qu'il est par

maladie de son père. Or voici dans quels termes

plaint de cette cruelle nécessité »

paradis pour aller soigner

du

me fit

:

mon

fallut quitter

« Il

mon là

retourner de Lunéville à Strasbourg,

fuite

»

où je passai encore quinze jours avec

»

fallut en venir à la séparation. Je

il

se

il

La bagarre de

père.

»

roi

que

ne parle pas

ma

mon amie; mais me recommandais

»

au magnifique Dieu de

»

boire cette coupe; mais je lus clairement que, quoique

»

ce sacrifice fût horrible,

»

versant un torrent de larmes

fois, et

(t)

2

au moment

Saint-Martin,

le

il

vie pour être dispensé de

le fallait faire, et je le fis (2). »

Ce

n'est pas

en

une

décisif, qu'il arrive à Saint-Martin

Philosophe'inconnu, etc.. p. 164.

Portrait historique, partie inédite citée par M. Maller, p. 163.

\IK

DE SAINT-MARTIN.

d'exhaler ainsi sa douleur;

il

48

y revient à plusieurs re-

prises et à différents intervalles.

par

i J'ai

monde,

le

écrit-il

(1),

une amie comme

o

n'y en a point. Je ne connais qu'elle avec qui

»

âme

')

il

mon

puisse s'épancher tout à son aise et s'entretenir

des grands objets qui l'occupent, parce que je ne con-

»

nais qu'elle qui se soit placée à la

»

que

pour

l'on soit

auprès

»

ferais

»

constances.

d'elle,

Mon

mesure où

Malgré

ni' être utile.

je désire

les fruits

nous sommes séparés par

que je

les cir-

Dieu, qui connaissez les besoins que

» j'ai d'elle, faites-lui

parvenir

mes pesées

»

parvenir les siennes, et abrégez,

»

temps de notre séparation.

s'il

et faites-moi

est possible, le

»

Ce ne sont pas seulement des pensées qu'échangeait ce couple mystique lorsqu'il se trouvait réuni.

De temps

à autre quelques tendres paroles venaient se glisser au travers des plus sublimes entretiens; mais elles ont

accent particulier, qu'on chercherait vainement

un

ailleurs.

Saint-Martin nous en donne une idée dans un passage

de ses mémoires qui se rapporte évidemment à ses relations avec

madame de

grand cas

me

Bœcklin.

«

Une personne dont

disait quelquefois

fais

»

étaient doublés d'âme. Je lui disais, moi,

»

était

»

mon charme Ce

(1)

doublée de bon Dieu, et que c'est et

mon

Portrait historique, n" 103.

(2) Ibid., n°

760.

que son âme

là ce qui faisait

entraînement auprès d'elle

n'est qu'après avoir parcouru

je

que mes yeux

»

une grande

(2)

.

»

partie

VIE DE SAINT-MARTIN.

44

de

France

et

de l'Europe, que Saint-Martin s'arrêta

la capitale

de l'Alsace. Toulouse, Versailles, Lyon

la

dans

furent successivement le théâtre de son apostolat

;

car,

tout en écrivant qu'il ne voulait d'autres prosélytes que

lui-même pour

(1),

lui les

n'était

il

ne pouvait tenir en place ni garder

pensées dont son

pas en vain que Dieu

âme

donné dispense

lui avait

pour venir habiter ce monde, auquel et qui n'était pas, disait-il (2),

du

restait étranger,

il

même

âge que

S'il

n'avait pas reçu la puissance de le convertir,

lait

du moins

lui faire

sur ses ruines; 11

visita

le trafic

du

prêtre et par l'haleine de l'imposture, comme celle que

nous venons de voir s'éclipser avec

» l'avaient

déshonorée

(3)

.

les ministres qui

»

Saint-Martin n'avait donc aucune raison d'être hostile (1) Corresp. inéd. t lettre (2)

Ibid., lettre

(3)

Lettre à

LV,

p.

150.

LXXII, p. 199.

un ami sur

la

révolution française.

SUITE DE

à la Révolution;

U

VIE DE SAINT-MARTIN.

en

et,

effet,

il

57

mérite plutôt d'être

compté au nombre de ses amis. On vient de s'assurer par

le

dernier passage que

qui n'est pas un

j'ai cité, et

des plus énergiques de ce genre, qu'il en partageait toutes les rancunes contre l'Église.

Il

n'est pas plus in-

dulgent pour la noblesse, quoiqu'il en fasse partie et qu'il ait

passé presque toute sa vie avec ses plus émi-

nents représentants. Nous lisons dans ses Mémoires a

L'objet

du

fléau

que

(1)

tomber sur

la révolution fait

:

les

»

nobles, est de purger ceux qui peuvent l'être des in—

»

fluences d'orgueil

que ce

communi-

avait

titre leur

»

quées, et de les rendre plus nets et plus présentables

»

lorsqu'ils paraîtront

Ailleurs (2)

mais

il

il

dans

ne juge pas moins sévèrement

que

je

son nom.

«

la

j>

multitude et

Dieu a voulu,

visse tout sur la terre.

»

dit-il (3),

»

vu longtemps l'abus de

»

la vérité.

s'exprime avec encore plus de dureté,

ceux qui gouvernent en

» fallait

de

les régions

la puissance des

J'y avais

grands

il

;

bien que j'y visse ensuite l'abus de la puissance

des petits.

»

La Révolution, pour maire; et l'Empire,

il

s'il

lui,

ne s'arrête pas au 18 bru-

ne l'aurait pas crue

même

avait vécu assez longtemps

terminée par

pour voir

le

Consulat remplacé parce nouveau régime. Voici ce qu'il écrit «

au lendemain de

la

signature de la paix d'Amiens

:

Cette pacification externe et cet ordre apparent, pro(1) Portrait historique, n°

(2) Ibid., n°

536.

Ibid., n"

973.

(3)

965.

SUITE DE LA VIE DE S.-UNl-MAHilN.

58

de

ne sont pas

»

duit par

»



»

nous conduire,

»

concouru à cette œuvre se tromperont

»

arrivés. Je les regarde,

»

tillons

»

l'effet

la Révolution,

Providence

la

qui ont

eu

ait

agents et les instruments qui ont

et les

au contraire,

leur poste

fait

le ternie

exclusivement l'intention de

postillons de province

;

il

;

mais

se croient

s'ils

comme

des pos-

ne sont que des

ils

en faudra d'autres pour nous

au but du voyage, qui est de nous

»

faire arriver

»

entrer dans la capitale de la vérité

(1)

faire

Que nous

»

.

entrions jamais dans la capitale de la vérité et que nous

sachions

même



elle est située, cela est

problématique; mais

il

extrêmement

n'en reste pas moins à Saint-

Martin le mérite d'avoir compris que la compression des esprits n'en est pas l'apaisement, et

momentanée imposée par pasencore

gloire, n'est il

la

lassitude, autorisée par la

la

la plus vive

personne du premier Consul.

«

comme un

»

dence par rapport à notre nation

En

s'

Au reste,

la conciliation et la paix.

témoigne à plusieurs reprises

pour

qu'une abdication

Il

admiration

regarde

le

instrument temporel des plans de

la

Provi-

(2). »

inclinant devant le principe et en partageant à

bien des égards les passions de la Révolution française,

un devoir d'en accepter

Saint-Martin se

fait

et les charges.

De quel danger

pour lui? Ne nous n'a rien de

a-t-il

commun

Ma.,

n° 1000.

épreuves

peut-elle d'ailleurs être

pas déjà appris que sa destinée

avec celle de ce monde,

(1) Portrait historique, n°

(2)

les

1024.

et

qu'au*

.

si III.

IM.

59

LA VIE DE SAiNT-MARTiN.

une des tribulations réservées à celui-ci ne saurait Ôndre (I)?

La paix passe par moi,

«

l'at-

à son ami

écrit-il

Ivirchberger, et je la trouve partout à coté de

moi

(2)

.

»

en a eu, en mainte occasion, des preuves irrécusables,

[

pendant

Liitotit

la

journée du JO août

nfermé dans Paris, )ur sans rer le u'il

éprouver

n'a cessé de le traverser tout le

il

plus légère crainte, sans rencon-

moindre obstacle. Cela

le

frappe d'autant plus, ;

il

lui

n'a par

quand

l'esprit, transporté

aucune idée du

péril

dans ?

lui-même

donner ce

courage des sens. Mais qu'importe

aires, n'a

était alors

il

la

ucune force physique qui puisse

sns

car

et

n'y est absolument pour rien

elle le

:

les

le

qu'il ap-

courage des

espaces imagi-

Veut-on savoir de quoi

occupait Saint-Martin dès le lendemain de cette catas•ophe

du 10 août, qui venait de plonger

Europe dans

la stupéfaction?

orrespondant de Berne sa

Devenu

libre,

•ourg, près

il

T

France

Bœhm

(S)

au commencement de 1793, par la mort tantôt à Petit*

de son amie la duchesse de Bourbon, ou

à Paris,

il

comme on

disait

emple, devant la prison de ce

même

jugé digne d'être

quand parut,

le

l'avait

Portrait historique, n° 763.

,2)

Corresp. inéd., lettre LX, p. 167.

(3)

Ibid., lettre VI, p.

24.

du

enfant royal dont

27 germinal de

(1)

la

dans ce temps-là.

venait de monter sa garde à la porte

Assemblée constituante epteur,

et

de la lumière cachée dans

résidait tantôt à Paris,

itoyenne Bourbon, était

la

s'entretenait, avec son

6 éléments et de la xlvii épître de

e son père,

I

,

11

l'an h,

le

pré-

un dé-

8L1TE DE LA VIE DE SAINT-MARTIN.

60

cret de la Convention qui interdisait aux nobles le séjour

de

la capitale. Saint-Martin, obéissant

retourna dans sa



ville natale,

pect de ses concitoyens adoucirent son

dons patriotiques,

côté, soit par des

sans murmurer,

la confiance et le resexil.

soit

Lui, de son

par des services

personnels, s'efforça, en toute circonstance, de prouver

son attachement à la cause de la Révolution.

«

On

doit

»

s'estimer heureux, écrit-il,

»

trouve pour quelque chose dans ce grand mouvement,

»

surtout quand

»

de

les tuer.

Nommé

ne

il

toutes les fois qu'on se

de juger

s'agit ni

humains,

les

ni

»

commissaire pour

des livres nationaux,

la confection

du catalogue

trouve dans l'accomplissement

il

de cette tâche une jouissance inattendue pour son esprit c'est celle

que

lui a

procurée

la

;

découverte d'une légende

de couvent, parfaitement ignorée hors de l'enceinte où elle prit

naissance

Saint-Sacrement.

:

La

vie

de

la

sœur Marguerite

nous rentrons dans

Ici

di>

les excès d'ima-

gination dont nous avons déjà eu

un exemple à

de

la vie

d'une pauvre carmélite

du

xvii

c

de Gichtel.

siècle,

Il

s'agit

dont les perfections,

l'occasior

les tortures et les

souffrances surhumaines seraient une nouvelle confirmation des principes

du mysticisme, ou, pour mieux

des principes de Bœhni

et

dire

de Martinez. Inférieure

;

d'autres pour la science et la puissance, elle s'est élevéi aussi haut que notre nature le permet, »

la régénération et

(1)

«

dans l'ordre

des vertus de l'amour

Co))esp. inédite, lettre LUI, p. 143.

(1).

>

d

(3)

tout simplement V ennemi.

ajoute-t-il,

que cette idée

«

Je vous avoue,

est consolante

pour moi,

et

quand je ne détournerais qu'une goutte du poison que cet ennemi cherchera à jeter sur la racine même de cet (i)

Correspond, inédite, p. 166.

(2) Ibid., p. (3)

167.

Portrait historique, n° 505

:

« 11

est

certain

que

j'ai

toujours

»

appris quelque chose de grand à la suite de quelque grand écart, sur-

»

tout la bêtise

de l'ennemi

et

l'amour du Père.

»

SUITE DE LA VIE DE SAINT-MARTIN.

64

mon

pays,

reculer et je m'honore

même

»

arbre, qui doit couvrir de son

»

je

»

alors d'un pareil emploi.

me croirais coupable de

Et

»

ombre

comment

ne pas en être fier? Cet emploi

exemple dans

l'histoire

tout

ferait-il

pour

paraît être sans

lui

des peuples; non pas que les

peuples soient restés jusqu'aujourd'hui absolument dé-

pourvus d'instituteurs, mais parce eu un

tel

que

lui, «

qu'ils n'en ont jamais

vu le caractère extérieur et intérieur

qui fait tout son être », ou pour parler clairement,

))

parce qu'il est d'une nature plus exquise que celle de ce

monde. C'est

que dans

ainsi

milité et l'extrême

le

mysticisme l'extrême hu-

présomption se rencontrent presque

Le mystique

toujours l'une à côté de l'autre.

devant Dieu, mais

il

s'abaisse

se place sans scrupule au-dessus

des hommes.

Les écoles normales ne s'ouvrirent qu'à

la fin

de jan-

vier 1795. Saint-Martin n'est pas content de leur début et

il

prévoit, avec

beaucoup de sagacité, qu'elles ne du-

reront pas longtemps. Maîtres et disciples lui sont égale-

ment

suspects.

mundi, »

«

Il

ne reconnaît en eux que

et je vois bien, ajoute-t-il, qui est celui qui se

cache sous ce manteau

dans un mois,

il

(1).

Puis c'est beaucoup

»

peut parler cinq ou

devant deux mille personnes à qui refaire les oreilles.

il

six

lui

minutes, et cela

procura

le

pour parler exactement, l'unique succès

Corresp. inéd., lettre LXIV,

p.

174.

si,

faudrait auparavant

Cependant, cette institution,

juge avec tant de sévérité,

(1)

le spiritus

qu'il

plus grand ou, qu'il ait

eu de

SUITE DE LA VIE DE SAINT- MARTIN. sa vie. Je rapporterai plus loin, avec

65

un peu plus de pré-

cision qu'on ne l'a fait jusqu'à présent, sa discussion avec

Garât. Je

me

bornerai à dire

ici

que

c'est

à

lui

que re-

vient l'honneur d'avoir, le premier en France, ébranlé

dans

humilié par un échec public

les esprits et

s\stème de

la sensation transformée.

le triste

Aussi ne peut-on

pas l'accuser d'exagérer son importance, lorsqu'il écrit à son ami de Berne »

:

«

une pierre dans

J'ai jeté

le front

d'un des Goliaths de notre école normale, en pleine aset les rieurs n'ont

»

semblée,

»

fesseur qu'il est. C'est

règne de

»

défendre

»

récompense que

le

pas été pour

la vérité

celle

lui, tout

pro-

un devoir que j'ai rempli pour de

;

ma

je n'attends pas d'autre

conscience

cependant remarquer, pour être juste,

(1).

»

Il

qu'il n'est

faut

pas le

seul qui, dans cette occasion, ait élevé la voix contre la

doctrine régnante. Nous voyons, dans les séances des écoles

dans

normales recueillies par

la

même

séance où

tôse de l'an

m, un

défendit la

méthode

dire

il

les

sténographes, que,

prit la parole, celle

du 9 ven-

de ses condisciples, appelé Teyssèdre,

une des sources

et la doctrine les

de Descartes, c'est-à-

plus fécondes du spiritualisme

moderne. Ce même Teyssèdre attaque

la toute-puissance

que Garât, à l'exemple de son maître Condilla,: accordait

aux signes sur les idées. C'était

la

question à laquelle

s'attacha principalement Saint-Martin et sur laquelle revint, en

des sciences morales et politiques, lîn autre, du

(1;

il

1796, dans un mémoire adressé à l'Académie

Corresp. inédite, lettre LX.VI, p. 181.

nom

de

,

BOÎTE DE

66

I

\

VIE DE SAINT-MARTIN.

Duhamel, élève des objections pleines de force sens contre la fameuse hypothèse de

l'

et

de bon

homme-statue.

Mais Saint-Martin eut les honneurs de la journée.

Son pronostic sur se vérifier

En

;

les quittant,

normales ne tarda pas à

les écoles

ne vécurent pas au delà de

elles

il

songeait

un

trois mois.

instant à devenir profes-

seur d'histoire à l'école centrale de Tours

;

mais

il

s'aper-

çut bien vite que ces fonctions n'étaient pas faites pour lui. L'histoire et la

nature, c'est-à-dire l'action et la vie,

sont une protestation permanente contre les principes

du

mysticisme, et ce n'est qu'en les réduisant à une ombre vaine, à une figure, à

un symbole, que ces principes ont

quelquefois essayé de les dominer.

Nommé membre

de

l'assemblée électorale de son département, Saint-Martin,

grâce à l'éclat qu'il venait d'ajouter à sa renommée, aurait

pu comme un autre

Mais

il

comprit que

se pousser vers la vie publique.

la politique active lui

core moins que l'enseignement.

Il

entier dans les travaux de la pensée.

à un ami

convenait en-

se renferma donc tout Il

publia sa Lettre

sur la révolution française, bientôt suivie de

Y Éclair sur l'association humaine doctrine sur l'ordre social.

Il

(1),



il

complète sa

prend part à deux concours

de l'Académie des sciences morales

et politiques

tout en raillant les académies dans son étrange

(1) Publié par

M. Schauer, avec

le

(2)

poëme

Traité des nombres, in-8°, Paris,

4861. (2) L'un,

comme

sur cette question u

der

la

:

je l'ai dit, sur les signes, en «

1796, l'autre en 1797,

Quelles sont les institutions les plus propres à fon-

morale d'un peuple

? »

*U[TE DE LA VIE DE SAINT-MARTIN

du Crocodile

en se présentant devant elles dans

d'un juge plutôt que d'un justiciable.

L'attitude

résumer ses idées

force de

et

(2)

et le

De

:

l'esprit des

Ministère de ï homme-esprit

même temps, il traduisait

s'ef-

Il

de les revêtir de leur forme

dans deux derniers ouvrages

définitive

choses

(1), et

67

En

(3).

en français plusieurs œuvres de

lïœhni (h), quoiqu'il soit extrêmement douteux qu'il les ait

jamais comprises, et

il

continuait sa correspondance

avec Rirchberger, resté pour lui jusqu'à l'ami le plus tendre et le plus dévoué.

Il le

la.

fin

de sa vie

perdit en

\

799,

sans l'avoir jamais vu autrement qu'en peinture; car les

deux amis échangèrent leurs portraits, n'ayant pu,

comme

ils

l'auraient voulu, échanger leurs bourses et se

soutenir réciproquement dans les circonstances difficiles

eurent à traverser.

qu'ils

Nous ne voyons pas que Saint-Martin

ait

pleuré sur sa

mort, ni sur celle d'aucune autre personne qui lui fût chère.

ment,

Il

a toujours regardé la mort

et

il

comme un

condamnait cette expression

:

parce qu'il n'y en a qu'une, précisément celle-là. «

moins sur

les

morts que sur les vivants,

(1)

In-8°, Paris, an vu (1799).

(2)

Deux

(3)

In-8°, Paris, an xi.

(4)

V Aurore

vol. in-8°, Paris,

avance-

Vautre «

rie,

C'est

dit-il

an vin (1801).

û naissante, ou la Racine de la philosophie, in-8 ,

les Trois principes de Pessence divine, deux volumes in-8°, 1802; triple vie

de l'homme, in-8°,

1800

De

1809; Quarante questions sur l'âme,

duction revue et éditée par Gilbert. Paris, 1807. (5)

(5),

Portrait historiq hp, n° 82f>.

;

la

tra-

^SUITE DE LA VIE DE SAINT-MARTIN.

68 »

qu'il faudrait

nous

Comment

affliger.

»

rait-il

»

tinuelle

affliction est d'être en vie

»

monde?

»

de »

la

le

sage

s'afflige-

sur les morts, tandis que sa journalière etcon-

On

ne peut pas

Rochefoucault

pour supporter

lui

ou dans ce bas

appliquer cette maxime

« On a toujours assez de courage maux d* autrui » car il mettait son

:

les

;

principe en pratique sur lui-même.

n'a jamais cessé de

11

placer dans sa dernière heure le plus ardent de ses désirs et la plus fait

dans

douce de ses espérances

la vieillesse est salué

non pas vers

la délivrance,

(I)

.

Chaque pas

qu'il

comme un acheminement,

mais vers

le

couronnement

des joies qui l'ont toujours accompagné dans ce monde (2).

La seule maladie que

l'âge lui ait apportée, c'est celle

de l'homme

qu'il appelle le spleen

bien différent de celui des Anglais.

;

mais ce spleen «

Car, dit-il, celui

»

des Anglais les rend noirs et tristes, et

»

rend intérieurement

»

rose

»

(3).

et

poétique

:

«

mien

le

Quand

me

extérieurement tout couleur de

Je veux citer encore ces lignes où

idée est exprimée sous

est

une forme plus grave

je vois les

la

même

et plus

admirations du grand

»

nombre pour

»

reux, je rentre bientôt dans la classe des vieillards

les

beautés de

la

nature et les

sites

heu-

»

d'Israël qui, en voyant le

nouveau temple, pleuraient

»

sur la beauté de l'ancien

(/i).

(1)

Portrait historique, n° 1050.

(2) Ibid., n"

1092.

(3) Ibid., n°

1105.

(4) Ibid., n°

1106.

»

C'est

ici

que Saint-

SUITE DE LA VIE DE SAINT-MARTIN;

pu

Martin et Rousseau auraient

que

la

beauté de

G9

se comprendre, parce

nature n'est pas diminuée par cette

la

mélancolique comparaison. La nature est d'autant plus belle qu'elle élève

davantage nos pensées

nos senti-

et

ments. Cette vie donnée tout entière à l'esprit et cette jouis-

sance anticipée du ciel ne le rendaient pas indifférent aux peines matérielles de ses semblables. trailles

En et

humaines chez cet

voici il

une preuve.

pas riche,

n'était

Il

Il

aimait beaucoup le spectacle.

y avait des en-

monde

exilé d'un

Il

supérieur.

comme on sait,

l'aimait à

un

tel

point que, lorsqu'il se dirigeait vers le théâtre, l'idée de la

jouissance qui l'attendait lui donnait des transports.

Mais chemin faisant,

il

se disait

«

:

sir

»

de la vertu.

»

teindre la réalité de cette

»

bonne action au

»

présentation fugitive.

Eh

bien

lieu

même somme, je puis at-

avec la

!

de

image

il

malheureux de sa connaissance

et

»

son billet de parterre. Jamais

ment d'une nouvelle cher de croire que

bien par le

lui,

je

peux

il

faire

une

dans une re-

montait chez quelque

y

laissait la

n'a

valeur de

manqué à

ce vire-

espèce. Aussi ne peut-on s'empê-

lui, si

se calomnie lorsqu'il

mieux que

;

la voir retracée

Puis,

orgueilleux a d'autres égards, soutient

que Rousseau

valait

sous prétexte que Rousseau tendait au

cœur

et lui

par l'esprit

Saint-Martin, ne se sépare point du

(1)

le plai-

d'admirer une simple image ou plutôt une ombre

»

il

Je vais payer

Portrait historique, n° 423.

(1). L'esprit,

cœur

et,

en

chez

même

70

1TE DE

31

temps

U

VII DE SAINT-MARTIN.

donne quelque chose de sa

qu'il lui

emprunte sa grâce

et

moment semblable

me

lui

k elle-même. Dans l'été de l'an-

née 1803, Saint-Martin sentit sa pour

il

demeura jusqu'au der-

Cette douce et aimable nature nier

finesse,

son indulgence.

approcher,

fin

Il

eut,

servir de ses expressions (1), quelques avertis-

sements d'un ennemi physique qui, selon toute apparence, devait l'emporter,

père.

Il

année,

il

mourut à Aunay, dans

de son ami, mort,

la

(2)

,

et

nelle et

dans

d'un de ses ou-

rendait grâce au ciel de lui avoir accordé

recommanda à la

Quelques instants avant d'expirer,

ses amis de vivre dans l'union frater-

confiance en Dieu.

Il

ne se

illusion sur l'influence qu'il avait exercée

u

)

)

»

:

faisait

aucune

de son vivant,

place qu'il avait tenue parmi ses contemporains,

la

et sur la gloire qui allait entourer son sait

même

maison de campagne

lui avait fourni le sujet il

cette dernière faveur.

sur

la

sénateur Lenoir-Laroche. La veille de sa

le

nombres, qui

il

emporté son

avait

il

s'entretenait avec M. de Rossel sur la vertu des

il

vrages

comme

ne se trompait point. Le 23 octobre de

«

Ce

n'est point à l'audience

nom. Mais

que

il

di-

les défenseurs

officieux reçoivent le salaire des causes qu'ils plaident, c'est

est

hors de l'audience et après qu'elle est finie. Telle

mon

histoire et telle est aussi

n'être pas

payé dans ce bas monde

(1) Portrait historique, n° (2)

résignation de

(3). »

1132.

Des nombres, œuvre posthume, autog-raphiée en 1843, par

de M. Léon Chauvin. Une édition de ce livre en 1861, Paris, in-8°. (3)

ma

Portrait historique, n n 1009.

a été

les soins

publiée par M. Schauer

CHAPITRE Doctrine philosophique de

mique contre

les savants



Saint-Martin.



Sa discussion avec Garât.

du

IV Ses

Sa théorie sur

xvm e

siècle.

premiers ouvrages.

le

— Sa

langage.

— Sa



polé-

polémique contre

les

prêtres et les théologiens.

Ce

qu'il y a

de plus original clans

les

œuvres de Saint-

Martin c'est lui-même, je veux dire l'empreinte qu'il y a laissée

de son caractère, de son tour d'esprit, de ses sen-

timents, de sa vie. Cependant, sa doctrine, ses idées

philosophiques et religieuses, quoique empruntées en

grande partie aux maîtres qu'il

s'est

donnés successive-

ment, ne sont pas non plus dépourvues d'intérêt et de valeur. Elles

nous présentent

forme particulière, à tale,

dogmatique

tionnelle et

la fois

le

mysticisme sous une

métaphysique

et sentimen-

et rêveuse, satirique et inspirée» tradi-

indépendante, on pourrait presque dire ré-

volutionnaire, qui a

fait,

qui

fait

encore de Saint-Martin

un maître, un hiérophante, un chef de secte, quand n'est le plus

il

souvent que l'écho d'autres voix plus puis-

sautes que la sienne.

Mais pour être en état de se faire une idée exacte de la

pensée qui se développe à travers tous ses écrits et de

l'esprit

général qui les domine,

rer Saint-Martin

il

faut d'abord considé-

dans ses rapports avec

la

philosophie

DISCUSSION DE SAINT-MAKT1N AVEC GAKAT.

72

de son temps

car tout en partageant,

;

pu nous en convaincre par

comme nous

avons

ses lettres et ses confidences,

quelques-unes des illusions, quelques-uns des préjugés

xvm

du

e

siècle et jusqu'à ses passions, c'est pourtant

l'aversion qu'inspiraient à sa nature délicate les opinions les plus accréditées

l'extrémité opposée s'est efforcé

les

;

ce sont les raisons par lesquelles

de les combattre qui sont devenues

il

comme

premières assises de son propre système.

Il

si

à cette époque, qui l'ont poussée vers

entra en lice par

Des erreurs

le livre

xvm

c

la philosophie

du

ment contre

matérialisme et

dans

le

siècle en général,

âmes toute croyance

les

nous

Des erreurs

»

ment

»

gné de

»

pris naissance

»

catastrophes de la nature.

et

et

de la

Saint-Martin

(2) qu'il

ne

la

il

vérité,

de déraciner

C'est à Lyon,

j'ai écrit le livre

par désœuvreJe fus indi-

les religions n'avaient

frayeur occasionnée par les

Malgré

»

s'est

la déclaration

appuyé dans

sur les Principes naturels dont nesse,

que

l'ai écrit

dans Boulanger que

que dans

,

«

les philosophes.

par colère contre

lire

(1)

Je

vérité.

de la

mais unique-

le parti pris

religieuse.

lui-même

» »

dit l'auteur

et

un manifeste, non contre

maltraité par Voltaire. C'était

il

cet écrit

de

que

a été nourri dans sa jeu-

n'est pas difficile d'y reconnaître la théorie

tiqueou plutôt kabbalistique de l'émanation

et

mys-

du Verbe,

sur laquelle reposait renseignement de Martinez Pasqualis.

Le mysticisme

et la

loges contre un adversaire

(1)

Porlra il historique, n° 105.

(2)

Md.,

n° 319.

kabbale évoqués du sein des tel

que l'auteur de Vanti-

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT.

comme un

quité dévoilée, c'est

dialogue entre deux per-

sonnages qui ne parleraient pas raient hors d'état de se

7:;

même

la

langue

et se-

comprendre.

Saint-Martin fut mieux inspiré et rencontra un adver-

de

saire plus cligne

lui, le

jour où

osa, de vive voix,

il

devant une assemblée de deux mille personnes, s'atta-

quer à Garât à propos de la nature du langage. Ses objec-

réponse n'étaient pas seulement, pour

tions restées sans

me

image qui

servir d'une

chère

lui est

(1),

une pierre

lancée dans le front d'un des Goliaths de la science con-

temporaine, elles allaient au delà du professeur d'analyse

d'entendement humain aux écoles normales,

elles attei-

gnaient au cœur la philosophie de Locke et de Condillac. Déjà,

comme on

peut s'en assurer par le compte rendu

des séances des écoles normales tré d'autres

(2)

,

Garât avait rencon-

contradicteurs. L'un d'eux, dans une lettre

anonyme, comme

il

est d'habitude encore aujourd'hui

d'en adresser aux professeurs de la faculté des lettres et

du collège de France,

fait cette

de nos idées,

il

est impossible

s'il

trait-il rait-il

(1)

âme

en est ainsi, comment ce

distincte

même

du corps.

système admet-

l'immortalité de l'âme? Quelle sanction laisseà la morale?

Voir,

dans

dance inedile

et

chapitre précédent^ un passage de

le

Le Crocodile,

\>.

147, où

la

la

Correspon-

même image

est repro-

duite. (2J

le

l'unique origine

de comprendre une exis-

tence purement spirituelle, une

Or,

remarque que, dans

comme

système qui considère les sens

Tome AU.

111, p.

5 et suivantes.

FRANCK.

5

bISCUSSION DE HAlYl-MA!ill.\ AVEC GARAT,

74

Un un

autre du

nom de Teyssèdre

terrain plus délicat et plus

porta la discussion sur

purement philosophique.

Interprète fidèle de la doctrine de Condillac, Carat, dans

son discours d'ouverture, avait soutenu que les langues n'étaient pas

pour

les

moins nécessaires pour former nos idées que

exprimer, et que l'homme pense par cela seul

qu'il est capable fixer

de parler, la parole ayant pour

effet

dans notre esprit des sensations, qui sans

s'échapperaient de

de

elle

toute part et ne tarderaient pas à

s'évanouir. Teyssèdre lui oppose cette observation judi-

cieuse que les langues n'ont pas la vertu de créer, mais

seulement de décomposer ou d'analyser

la

pensée

et d'en

noter tous les éléments après les avoir séparés les uns

des autres, après avoir

fait sortir

d'un tout concret plu-

sieurs idées abstraites, dont chacune est désignée par un

signe particulier. Or, on n'analyse, on ne décompose,

on n'enregistre que ce qui existe déjà; donc est antérieure à la parole et à toute espèce

la

pensée

de langage

artificiel. Il

n'est pas sans intérêt de savoir

comment Garât

a

tenu tète à ces deux premiers adversaires. Contre l'auteur de la lettre

anonyme

il

cherche à démontrer que

l'immortalité de l'âme ne suppose pas, nécessairement,

que l'âme

soit

d'une autre nature eue

a des philosophes et

même

le

corps

;

qu'il

y

des Pères de l'Église qui ont

cru l'âme à la fois matérielle et immortelle, et que cette parfaitement par l'idée que l'expé-

croyance se

justifie

rience nous

donne de

la

matière. Nous voyons, en

effet,

q\\o les formes seules de la matière sont changeantes et

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT.

75

mais que ses éléments constitutifs, que

fugitives,

atomes dont

elle est

indestructibles.

composée demeurent invariables

Du moins nous

les

et

impossible de nous

est-il

assurer qu'il en soit autrement. Si l'immense auditoire des écoles normales s'est contenté de ce raisonnement, il

faut convenir qu'en l'an

on

divisible,

m

de

n'était pas difficile

future. Garât

République une

la

en matière de

foi

et in-

à la vie

ne se montre pas moins étranger aux vrais

principes de la morale qu'à ceux de la métaphysique, lorsqu'il soutient

observation ter

;

que

la

morale est une science de pure

qu'on la voit en quelque sorte se manifes-

d'elle-même dans

blissent entre les

mutuelles qui s'éta-

les relations

hommes

;

qu'elle apporte avec elle sa

sanction, aussi facile à constater par l'expérience, aussi

évidente à nos sens que ses lois

;

que partout

malheur naître du mal

«

nous

bonheur du

»

verrons

le

»

bien.

Cela était hardi à dire au lendemain des jours

de

la

A

»

et le

Terreur. l'objection tirée

créer la pensée, position,

que

il

de l'impuissance du langage puni

se contente de répondre par cette pro-

œuvres de Guillaume

l'on croirait tirée des

Ockam ou de Hobbes, encore plus que de lac

:

«

celles de Condil-

Penser, c'est compter, c'est calculer des sensations

ce calcul se

»

et

»

comme

fait,

dans tous

en arithmétique

les genres, »

(1)*

;

avec des signes

Comment

s'étonner

après cela que Garât, tout en reconnaissant en lui un

homme (1)

de génie qui a beaucoup

Séances des écoles normales, elc,

t.

fait

Il,

pour

le

progrès des

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT.

70

sciences, et qui a contribué à l'avancement de la langue française, refuse à Descartes

sous prétexte qu'il n'a rien

tendement?

«

A

nom

le

fait

de philosophe,

pour l'analyse de où

l'instant, dit-il,

l'on

l'en-

adopte l'hypo-

»

thèse des idées innées, on doit renoncer à connaître

»

l'esprit

Un

humain.

»

Duhamel et que Garât

troisième antagoniste appelé

n'a pas mieux réfuté que les précédents, attaqua la phi-

losophie de Condillac dans ce qui lui était le plus cher,

non-seulement dans ses conclusions, mais dans sa méthode, dans l'hypothèse de

avec beaucoup cation et

même

homme-statue. années avant

avant la composition des

du physique

ports

l'

de force, bien des

et

du moral, que

établit

Il

la publi-

Nouveaux rap-

cette

manière de

procéder n'a rien d'analytique, mais qu'elle est précisé-

ment

de l'analyse.

le contraire

Il

annonça en quelque

sorte les Leçons de philosophie de Laroiniguière en

trant que la sensation, passive, involontaire,

comme

elle l'est,

une à une

ne peut pas être

la

ment,

la

les opérations diverses et les facultés

La discussion en

la

réminiscence

la parole.

sur trois points 1°

(1)

mêmes

le

juge-

(i).

était là et l'autorité

déjà passablement ébranlée,

manda

fugitive-

source d'où sortent

de l'intelligence, l'attention, la comparation,

mémoire,

mon-

du maître

était

quand Saint-Martin de-

Ses objections portent successivement

:

Tout en prenant pour devise de son discours d'ouSéance des écoles normales,

etc., t. III, p.

48-60.

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC CARAT.

Bacon qui proclame à

verture une parole de

l'harmonie

77

du

et la distinction

vrai et

du bien

la

(1),

fois

Garât

ne s'occupe que d'une seule faculté de l'homme, à savoir, l'intelligence,

qu'il

fait, la

pourrait être admise,

que

dériver tout entière d'un seul

fait

même que

sensation. Mais alors

du

la faculté

nous expliquer

l'intelligence

vrai, et

l'idée

bien, le sentiment

du

il

origine

cette

ne serait toujours

en faudrait une autre pour

bien, car

évidemment

l'idée

du

du bien, ne sauraient prendre leur

source dans la sensation, qui leur est étrangère et sou-

de l'âme, par

vent opposée. Cette seconde puissance laquelle nous discernons le bien

du mal

qui nous

et

porte à aimer l'un et h haïr l'autre, c'est le sens moral,

complètement

distinct

nous discernons

2° S'il est vrai,

de Condillac

et

du sens

le vrai

du

comme

intellectuel, par lequel

faux.

Garât

le

prétend à l'exemple

de quelques autres philosophes, que

parole soit indispensable non-seulement à la

mais à

cation,

donc ces lisés

de

la formation

mêmes

la

communi-

de nos pensées, pourquoi

philosophes se montrent-ils

fameuse phrase de Rousseau

:

Entre

»

signes appelés naturels

les

abîme. Ceux-ci n'ont pu servir de

scanda-

si

«La parole me

parait nécessaire à l'institution de la parole.

langage parlé et

la

modèle à

il

le

y a un

celui-là.

Or, puisque nous voyons que, dans l'ordre intellectuel

comme dans (1)

«

l'ordre

physique, toute chose a un coni-

Etenim illuminationis puritas

»

runt, simul corruerunt,

»

sympalhia quam

illa

neque datur

veri el boni.

»

et arbitrii libertas in universitate

simul

incepe-

rerum tam intima

'De augm. scientiarum.)

.

WEG GARAT.

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN

78

mencement, toute chose

germe qui

est sortie d'un

n'est

pas l'œuvre de l'homme, pourquoi les langues seraientelles exceptées

de cette

universelle

loi

mêmes de

?

»

sont les expressions

»

beau de nos privilèges

»

active, serait-il le seul qui fût le fruit

(se

Saint-Martin) le plus

de

celui

,

Pourquoi

«

parole vive

la

et

de notre puis-

»

sance créatrice, tandis que pour tous les autres avan-

»

tages qui lui sont inférieurs, nous serions subordonnés

)>

à un germe et condamnés à attendre la fécondation

A

en croire

»

sible

de savoir

»

pense ou ne pense pas.



la parole »

du maître

et « inutile

doublement contestable.

»

de chercher



impos-

« il serait

matière

si la

Or, cette proposition est

y a au monde une question

S'il

qui nous intéresse, c'est précisément celle-ci, c'est de savoir

si

nous sommes

une âme ou

si

ou matière,

?

du corps. Cette question

êtres qui appartiennent à la nature

ture,

est-elle

l'homme

est susceptible de perfectionnement et

les diriger

et

de

qu'il

et les

physique ou animale

développe ses facultés parce

il

nous avons

Non, car nous voyons clairement

n'y a point d'assimilation possible entre

L'homme

si

toute notre existence se réduit aux pro-

priétés et aux fonctions

donc insoluble

esprit

de cul-

qu'il est capable

de

c'est-à-dire parce qu'il

les conduire,

pense. Si les êtres inférieurs à lui, les êtres matériels

quand dans la

ils

le

sont abandonnés à eux-mêmes, restent toujours

même

état, c'est qu'ils n'ont

pensée. D'un autre côté,

s'il

pas reçu

est vrai

que

soient l'instrument nécessaire de la pensée, et

que l'homme qui en

soit

pourvu,

il

le

les

don de

langues s'il

n'y a

faut en conclure

que

.

de tous n'y a

les êtres qui vivent

que

lui

qui pense

»

pour

»

strument avec lequel

!,es

faire

W

GARAT.

79

surface de la terre,

il

SSIOM DE SAINT MARTIN

lilM.l

«

:

un don à un il

sur

la

car

la

EC

nature est trop sage

être et lui refuser le seul in*

puisse le mettre en œuvre

aucun

tort

font

à ce raisonnement. Ces signes restant uni-

formes et invariables,

expriment

(1) »

animaux ne

signes naturels dont se servent les

comme les

les sensations et les

contraire, la

preuve

espèces

mêmes

besoins, nous

irrécusable

que

dont

offrent,

ils

au

animaux ne

les

pensent point. L'existence d'un sens moral, supérieur, non-seulement à la sensation, mais h la raison

même,

l'existence de la

pensée

comme

parole

elle-même

ginale,

que l'homme n'a pas inventée à

faculté distincte de

comme une

parole et de la

la

faculté primitive, plaisir

ori-

enfin

;

l'incompatibilité radicale de la matière et de la pensée

par suite,

et,

la distinction

de l'âme

sont les trois points essentiels

et

du corps

que Saint-Martin

;

tels

s'est pro-

posé de défendre contre la philosophie de Condillac,

publiquement enseignée au

nom

de

l'État,

à ceux qui

allaient recevoir la mission d'instruire la jeunesse. Il

ne paraît pas que Garât se soit défendu d'abord

avec beaucoup de succès, puisqu'il a

proche d'avoir, clans

le

pu mériter

compte rendu de

ces débats eurent lieu, substitué

la

une réponse

le re-

séance où tout à

fait

nouvelle à celle qui avait été le fruit de l'improvisation, C'est ce qui autorisa Saint-Martin,

1

Séances des écoles normales,

etc.,

t.

dans une

111, p.

14.

lettre adres-

DISCUSSION DK SAINT-MARTIN AVEC GARAT.

80

sée à Garât et publiée clans les Séances des écoles nor-

males

à reproduire ses objections avec des considé-

(1),

rations plus étendues. Peut-être n'était-il pas fâché d'un

incident qui lui donnait le droit de présenter avec en-

semble, avec méthode, autant cpie la méthode pouvait entrer dans son esprit,

des idées que leur isolement

rendait difficiles à saisir,

forme, ont été, clans

d'une critique assez

phrase

Je

fine.

oppose h

qu'il

sous cette première

et cpii,

réponse écrite de Garât, l'objet

la

la

me bornerai

à en citer cette

sentence de Rousseau

»

seau voulait découvrir

les

«

:

cherchées dans son embouchure, ce qui n'é-

les a

»

et

»

tait

»

de croire,

»

n'étaient pas sur la terre, mais clans le ciel (2).

il

La écrits

pas

le

lettre

moyen de

»

les trouver,

comme on l'a cru

mais

c'était le

des sources du

moyen

Nil, qu'elles »

dont nous venons de parler, un des meilleurs

de Saint-Martin, a été elle-même complétée

expliquée par la

Rous-

sources d'un grand fleuve,

le

mémoire qui devait

question de la troisième classe de l'institut

:

«

Quelle

est l'influence des signes sur la formation des idées ?

et qui est

devenu un peu plus tard

chant du Crocodile

(3).

et

servir de réponse à

»

le soixante- dixième

Ces deux ouvrages réunis ne

laissent rien à désirer sur la signification

et

la

portée

des trois propositions dont Saint-Martin voulait se servir

(1)

Tome

III, p.

(2) Jbid., p.

Cl-159.

40.

Le Crocodile, ou la guerre du bien et du mal arrivée sous le règne poème épico-magique en cent deux chants, 1 vol. in-8° mêlé de prose et de vers, an vu de la république. (3)

de Louis XV,

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT.

comme

Ht

d'autant de leviers pour renverser la philosophie

régnante.

A vrai

à deux, puisque tière et

de

la

clin la

1

,

ces trois propositions se réduisent

troisième, l'incompatibilité de la

ma-

pensée, est une conséquence nécessaire

des deux autres.

Le sens moral dont

comme on

pas,

il

pourrait

a été question plus haut, ce n'est le

une

croire,

faculté particulière, le

même nom, le

même

de notre être,

semblable à celle que reconnaissait, sous philosophe ilutchison à.

la fois

dit

;

c'est le

fond

sensible et intelligent, sensible

Saint-Martin

;

c'est la

et

non sensit/f,

source profonde d'où jaillissent

à la fois nos idées et nos sentiments, mais d'abord nos

sentiments, et le sentiment religieux aussi bien que le

sentiment moral,

du bien;

c'est

la

le

sentiment du divin autant que celui

racine de notre existence spirituelle,

dont l'intelligence proprement n'est

qu'une simple ramification

dite ;

ou

c'est,

l'entendement

en un mot, l'âme

elle-même, naturellement douée d'une puissance affective et intellectuelle,

d'une faculté de sentir et de com-

prendre qui cherche son objet infiniment au-dessus ou au delà de

la

nature extérieure, et qui cependant ne

peut entrer en exercice, qui ne

se

manifeste par des

sentiments et par des idées déterminées qu'à

la

faveur

d'une excitation venue du dehors. C'est ainsi trine

que Saint-Martin, en repoussant

la

doc-

que non-seulement nos idées, mais nos sentiments

et notre volonté

ne sont que des impressions reçues par

nos sens, échappe aux difficultés du système des idées innées et laisse

ci

la sensation le privilège d'exciter,

de

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT.

82

de provoquer en quelque sorte

réveiller,

plus essentielles de noire

dans cette phrase où l'on reconnaîtra en cachet particulier de son style

pas une table rase,

»

n'est

»

une table rasée, dont

»

n'attendent que la

»

mer

(1)

les facultés les

âme. Son opinion se résume

«

:

comme

les

l'a dit

le

l'homme

Locke, mais

restent encore et

racines

réaction

même temps

L'esprit de

convenable

pour ger-

»

.

Cette manière de concevoir l'esprit

humain

a conduit

Saint-Martin à une théorie du langage qui diffère

com-

plètement de celle de Conclillac sans ressembler pourtant à celle de de Bonald, avec laquelle on l'a souvent

confondue. De Bonald, plus rapproché qu'on ne pense, et surtout

qu'il

ne s'en doute lui-même, de l'auteur du

Traité des sensations, ne comprend pas que la pensée,

quand on

la distingue

sentation des objets à

de

la perception et

un degré quelconque sans

que

la

de la repré-

purement matériels, puisse la parole

;

d'où

parole ne peut avoir été inventée parles

car elle l'aurait été parle

moyeu de

la pensée,

il

il

l'esprit

humain

d'institution

l'a

créée.

humaine,

il

la parole

Or,

résulte

hommes; par con-

faudrait supposer qu'elle existait déjà

séquent

exister

quand

n'étant

pas

faut bien admettre, selon l'au-

teur de la Législation primitive qu'elle est une révéla,

tion divine et

même

a enseigné à nos

langue qui

(1)

surnaturelle, c'est-à-dire que Dieu

ait été

parlée sur la terre

Le Crocodile, chant

lui-

premiers parents la première

i.xx. p.

284,

et

d'où sont sorties

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT.

toutes les autres (1)

.

Ce

même

83

raisonnement, de Bonald

l'applique avec mie confiance imperturbable à l'origine

de

l'écriture.

La décomposition des sons,

»

»

l'écriture sont

o

n'a

une seule

pu précéder

l'autre,

poser les sons sans les

par

»

les lettres

,

chose

dit-il (2), et ;

donc l'une

puisqu'on ne pouvait décom-

nommer,

les caractères

ni

les

nommer que

qui les distinguent.

»

donc pas moins nécessaire à l'invention

L'écriture n'est

do l'écriture

ou

même

et

que

la parole à l'invention de la parole.

Dieu a donc révélé à l'homme d'une manière surnaturelle le

premier alphabet,

comme

il

lui a

révélé la pre-

mière langue. On croirait que de Bonald a voulu s'approprier l'argument par lequel certains rabbins se flattaient

démontrer que Dieu lui-même a fabriqué ou créé

de

du néant

la

première paire de

disaient ces docteurs, ne

de

même

instrument

cet

l'homme la

s'en est servi,

il

tenailles.

Des

tenailles,

peuvent être construites qu'avec

donc

;

a



la

,

le tenir

première

fois

que

d'une grâce spéciale

toute-puissance divine.

Rien de pareil dans l'opinion de Saint-Martin.

Il

ne

regarde point la parole, au moins dans la totalité de ses éléments,

comme une pure convention qui n'aurait pu hommes que par le concours des plus

s'établir entre les

heureux hasards

et

d'une longue suite de siècles; mais

ne croit pas non plus nécessaire,

il

le

il

déclare expressé-

ment, de l'expliquer par un miracle ou une révélation extraordinaire. (i)

Il la

considère

Recherches philosophiques,

(2) lbid., ch.

III,

t. I,

comme une p.

100

propriété na-

et suivantes.

84

DISCUSSION DR SAINT-MARTIN AVEC GARAT.

turelle à

l'homme ou comme un langage

trouvons en nous

le secret

natif,

dont nous

sans l'avoir appris, et dont

nous sommes forcés de nous servir par cela seul que nous sommes des êtres pensants. En d'êtres a reçu de la nature Il

y a

la

langue des êtres

effet,

chaque espèce

une langue qui

lui est propre.

sensitifs, c'est-à-dire

maux, qui varie suivant leur organisation. des être matériels »

et

inanimés

car

;

«

Il

des ani-

y a la langue

tout ce qui est ex-

terne dans les êtres, nous pouvons le regarder

»

étant le signe et

»

ternes (1).

l'homme en

»

l'indice

de leurs propriétés in-

L'être moral et intellectuel, c'est-à-dire

doué du sens moral, l'homme

tant qu'il est

en tant qu'il a

comme

d'aimer et de penser,

la faculté

donc seul exception à cette loi universelle

?

Non,

ferait-il

lui aussi

a été pourvu d'un langage qui lui est propre, aussi ancien

que son existence, qui répond exactement à son

sence spirituelle

;

et ce

Mais parce que la parole a paru sur la terre en

temps que

la

es-

langage est la parole.

nature humaine,

il

même

n'en faudrait pas con-

clure qu'elle a atteint dès le premier jour à la dernière limite de la perfection. Elle a suivi la

revêtu successivement

les

même marche

et

mêmes caractères que la pen-

sée. Or, la pensée est d'abord obscure et confuse,

con-

fondue non-seulement avec nos affections morales, mais avec nos impressions sensibles. existence,

si

différents les

Lettre

au

citoyen

(1) t.

m,

p.

m.

Garai,

Ces modes de notre

uns des autres, sont d'abord,

clans les

Séances des écoles normales,

DISCUSSION OK SAINT-MARTIN AVEC CARAT.

me

pour

85

servir d'une image de Saint-Martin, enveloppés

et scellés

sous

môme cachet connue l'alliage et même creuset (1). Peu à peu

le

sont enfermés dans le

sentiments se dégagent de nos sensations

l'or

nos

nos idées de

et

nos sentiments. C'est le travail actif de l'âme sur elle-

même

qui donne ce résultat, et le travail de l'âme,

nifesté par tion, la

une

ma-

suite d'opérations qui s'appellent l'atten-

comparaison,

le

jugement,

réflexion, la délibération, a

même

Mais la parole, en

le

raisonnement,

pour instrument

temps qu'elle en

la

la parole.

est l'instru-

ment, est aussi, sous un certain rapport, un produit de ces opérations, puisqu'elle leur doit

un degré de plus en

plus élevé de précision et de clarté.

Aussi rien de plus insoutenable, selon Saint- Martin,

que

la

prétention de Condillac et de presque tous les

philosophes du fection et

du langage

de nous

sition

xvm

offrir,

e

siècle

afin

de vouloir corriger l'imper-

d'amener

la perfection

comme un modèle

de toutes nos connaissances,

des idées,

à suivre dans l'expo-

la

langue des calculs.

L'imperfection du langage tient à l'obscurité de la pensée, à l'état

d'enveloppement où se trouvent d'abord

toutes nos facultés et à cette loi de notre nature qui veut

que l'imagination réflexion.

pose



et le

sentiment précèdent en nous

Quant aux mathématiques, dont on nous pro-

tout

propos l'imitation, l'autorité incontestée

qu'elles exercent sur notre esprit tient priétés particulières

(t)

la

Le Crocodile,

p.

moins aux pro-

de leurs signes qu'à

288-280.

la

nature des

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT.

86

vérités qu'elles enseignent. Les signes qui sont à l'usage

de ces sciences sont l'expression des

lois

mêmes de

la

nature que l'homme n'a point faites et qui s'imposent à son esprit avec une

telle

évidence, qu'elles ne laissent

point de place aux objections et au doute. Ces signes,

ramenés à leur point de départ ments invariables, ce sont

et réduits

les figures

leurs élé-

de géométrie tou-

jours prêtes à ramener l'esprit à la vérité

de s'en écarter.

ta

s'il

était tenté

n'en est pas ainsi des autres sciences,

Il

surtout des sciences morales et religieuses, dont la parole est le seul

moyen

d'expression

l'Écriture. Est-ce à dire

dite ?

Non,

elles ont

que

et,

à défaut de la parole,

la certitude leur soit inter-

au dedans de nous, dans les principes

qui émanent du sens moral, dans les idées premières et

dans

que

axiomes de

les

celle des

raison

,

la raison,

une base aussi inébranlable

connaissances dites exactes

et,

à plus forte

que celle des sciences physiques. Elles ont aussi

leurs preuves particulières qui, pour n'être point sensibles à l'œil, n'en restent l'esprit

;

car, ainsi

beaucoup de sens, »

pas moins irrécusables pour

que Saint-Martin «

nionstration qui lui est propre (1).

Tout en admettant

le

remarque avec

chaque science a son genre de dé-

la perfectibilité

Martin ne pense pas qu'elle contraire, qu'arrivées à

un

»

de

la parole, Saint-

soit indéfinie.

Il

croit

au

certain point les langues ne

peuvent plus que décliner, se corrompre

et se dessécher.

C'est lorsqu'elles substituent les abstractions et les dé-

(1)

Le Crocodile, chant lxx.

p.

339,

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC CARAT.

constructions régulières et invariables aux

finitions, les

impressions directes que les choses font sur nous

aux tournures libres

vi\ es images,

l'expression.

87

Comme

c'est

et

aux

et

animées qui en sont

justement ce qui

fait la diffé-

rence des langues anciennes et des langues modernes, n'hésite pas à

donner

un sentiment

dans

la

il

Il

y profond du génie de l'antiquité

1

a

préférence aux premières.

la

vrai et

manière dont Saint-Martin nous rend compte de

sa prédilection.

«

Les langues primitives,

dit-il

(1),

étaient plus près que les nôtres de la véritable origine

des langues, qui est autre

que

celle

que

les

docteurs nous

ont enseignée en ne la puisant que dans la nature brute des sauvages. Par cette raison ces langues primitives étaient plus

dans

de participer à toutes les pro-

le cas

priétés de leur source, et

de pourvoir ensuite à tous

les

besoins de notre esprit. Elles étaient plutôt des langues d'action et d'affection elles étaient

que des langues de méditation;

plus parlées qu'écrites, et par cette vivante

activité elles avaient

une force

et

une supériorité qui ap-

partiendra toujours à la parole par préférence à l'écriture

;

parce que, par ce moyen, elles devaient faire sortir

d'elles-mêmes une chaleur et une vie que nos froides spéculations ne savent plus exprimer de nos esprits

ni

nos langues, et que nous cherchons à remplacer par luxe de notre style.

de le

»

Mais quelle que soit

la

supériorité des langues an-

ciennes sur les langues modernes, cela n'empêche pas les

(1)

Le Crocodile, chant lxx, p. 346,

DISCUSSION DR SAINT-MARTIN AVEC CARAT.

88

comme

unes

les autres d'être

Or,

diverses.

comment

essentielle de

l'unité

très-nombreuses

concilier cette

diversité

nature humaine?

la

langues venant se résoudre finalement dans la parole n'étant

moyen

et très-

avec

Toutes

les

la parole, et

pas une invention de l'homme, mais un

d'expression que la nature elle-même nous en-

seigne, qui dérive spontanément et nécessairement de

nos facultés intellectuelles

que

le

et

morales, ne semble-t-il pas

genre humain tout entier

d'abord qu'une seule et

même

n'ait

dû connaître

langue? Cette unité de

!

langage, que de Bonald prenait à la lettre et qu'il faisait consister dans

un idiome

privilégié de création surnatu;

relie,

Saint-Martin la reconnaît dans les lois générales

dominent toutes

cpii

langues et qui, par cela

les

précèdent dans l'esprit humain.

les

Il

la

même,

reconnaît aussi

dans ces idées premières et ces premières affections dont chacune, pour Martin,

«

me servir

choisit

et

des expressions

mêmes de

Saint-

crée son messager », c'est-à-dire

dont chacune, sous l'empire d'un instinct s'adapte au signe qui lui convient

communiquer au dehors, l'enregistrer en nous.

À

soit

le

pour

mieux,

la

infaillible,

soit

pour

la

conserver ou pour

ces signes originels ou natifs,

qui finissent par faire corps avec la pensée dont

ils

sont pourtant que les archives, viennent peu à peu

ne

s'en

ajouter d'autres qui répondent à des besoins particuliers et

à

la diversité

des circonstances au milieu desquelles,

sous l'influence desquelles, se développent nos facultés.

De

là la nécessité

sortes de signes

:

de distinguer dans

les signes fixes

et

les

langues deux

les signes

conven-

.

DISCUSSION DE SAINT MARTIN AVEC GARAT. tionnels; les premiers, relativement :

en petit nombre,

qu'on trouve, on du moins qu'on pourrait, avec de meilleurs principes sur la constitution

partout;

les

propre de la •

89

qui

seconds,

du langage, retrouver

déterminent

caractère

le

langue de chaque pays, de chaque nation,

de chaque branche des connaissances humaines

(1)

Qu'on ôte à cette théorie ce que l'esprit de système et peut-être aussi l'ardeur de la polémique lui donne de trop absolu, on ne la trouvera pas trop éloignée de celle

qui est accréditée aujourd'hui par les travaux les plus récents de la philologie comparée.

munes,

cet

organisme

commun

Ces racines com-

qu'on a découverts dans

une multitude de langues autrefois considérées

comme

radicalement distinctes, et maintenant rapportées à deux familles, la famille

indo-européenne et

la famille

tique; ce sont les signes fixes de Saint-Martin,

savants modernes font remonter,

du genre humain la vie.

Les

et jaillir

comme

lui,

sémi-

que nos

au berceau

spontanément des sources de

flexions, les combinaisons, les modifications

de toute espèce que' nous présentent ces éléments primitifs et

d'une

qui déterminent la diversité des idiomes sortis

même

souche, c'est ce qu'il appelle les signes con-

ventionnels, sans les regarder cependant traires. Elles

ne sont, en

partie variable, et

1

comme

peut parler ainsi,

l'on

arbi-

dans sa pensée, que

la

la partie

dont

les

radicaux et les formes géné-

nous représentent

la

charpente osseuse. Ce u'est

fluide des langues,

rales

si

effet,

Le Crocodile, p. 321-358,

et la

Lettre à Garât, p.

13G-I4fi.

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC, GARAT.

90

pas un médiocre honneur pour Saint-Martin, d'avoir, sans autre secours que l'observation philosophique, de-

vancé d'un demi-siècle

les

découvertes les plus accrédi-

tées de l'érudition contemporaine.

Ces idées sur

la

formation de la parole et sur la nature

de la pensée, Saint-Martin les tourne

comme une arme

de guerre, non-seulement contre

philosophie, mais

la

contre la science de son temps, pénétrée tout entière du

même

esprit et

guidée par

les

mêmes

Ce ne

principes.

sont plus les métaphysiciens de l'école de Locke et de Gondillac, ce sont en général les savants

qui sont mis en cause

et

du

xvin'' siècle,

tournés en ridicule dans

le

Crocodile. Dans cette composition étrange, formée de

prose et de vers, à la

fois

allégorique et satirique, où ne

figurent que des êtres imaginaires avec quelques person-

nages réels cachés sous des noms supposés, ce serait

une a

tentative superflue de chercher le sens

donné à chacune de ses paroles

;

mais

il

que l'auteur

est impossible

d'y méconnaître l'intention de bafouer l'Académie des sciences flattent

et les

sciences elles-mêmes,

quand

dans leur orgueil de comprendre

la

elles

se

nature sans

avoir besoin de s'élever au-dessus d'elle. Voici, en effet,

comment s'exprime un des personnages ont

le

allégoriques qui

privilège d'être les interprètes de sa pensée

:

«

Du

humaine en

»

torrent de prestiges a inondé l'intelligence

)>

général, et celle des Parisiens en particulier, parce que

»

leur ville, qui renferme des savants et des docteurs de

»

tout genre, en possède bien peu qui tournent leur

»

pensée vers

la

recherche des véritables connaissances,

DISCUSSION .»

»

et

l>K

SAINT-MARTIN AVEC GARAT.

91

encore moins qui marchent vers les véritables con-

naissances avec un véritable esprit. La plupart d'entre

eux ne s'attachent qu'à disséquer l'écorce delà nature, »

et

les

molécules,

tentent en insensés la conquête de tout ce qui entre

dans »

nombrer toutes

à en mesurer, peser et

la

comme

composition de l'univers,

était possible

savants,

si

à la manière dont

célèbres et

si

cela leur

s'y prennent.

ils

Ces

bruyants, ne savent seulement

si

temps

»

pas que l'univers ou

»

l'indivisible et universelle éternité

»

la

»

priétés et de ses merveilles, qui doivent journellement

»

de son principe, mais qu'ils ne s'empareront jamais du

»

secret de son existence (1)

se

contempler et l'admirer par

est l'image réduite ;

qu'ils

soit

une représentation

»

.

n'ait jamais bien

prend soin de nous l'apprendre

(2)

compris,

turelles,

la

physique proprement dite

qu'à l'abus qu'on a

surtout au

xvnf

siècle,

fait

comme

que l'homme pût

,

s'occuper un instant des choses de la matière,

moins à

de

peuvent bien

spectacle de ses pro-

le

monde

succéder pour que ce

Cependant, quoiqu'il il

le

et

il

en veut

aux sciences na-

de ces connaissances,

pour se passer de Dieu. Aussi

ses railleries sont-elles dirigées particulièrement contre

ces hypothèses ambitieuses qui avaient

quer l'origine du

monde

animés qu'inanimés, par

la

seule puissance des élé-

ments, par les seules propriétés de (1)

Chant xv,

p. .53.

(2) Portrait historique, n° '3

Voyez surtout

les

pour but d'expli-

formation des êtres, tant

et la

1085.

chants xx-xxxvi.

la

matière brute

(8).

DISCUSSION DE SAINT -MARTIN AVEC GARAT.

92

Buffon

n'y est pas

Puisque

plus

amené à

j'ai été

ménagé que tous

les autres.

ne puis

citer le Crocodile, je

remarquer que

trouve la confir-

m' empêcher de faire mation de mes conjectures sur Martinez Pasqualis. Marj'y

évidemment le nom véritable que nous

tinez Pasqualis est

cache celui d'Éléazar,

comme madame Jof, née en Norvège

en 17/13, c'est-à-dire dans l'année où Swedenborg eut sa

première vision, nous représente velle et

Jérusalem. Tout ce que

la doctrine

dit Éléazar

de

Xou-

la

de sa personne

de ses opinions s'applique exactement au premier

maître de Saint-Martin. Né en Espagne de parents Israélites,

il

s'est réfugié

gueurs de ses pères,

en France pour échapper aux

ri-

Élevé avec soin dans la

de

l'inquisition. il

n'a jamais changé de religion, tout en con-

sidérant le christianisme

time de la

loi

comme un développement

promulguée sur

le

mont

Livres saints,

il

en a ajouté une autre qui

source plus abondante et plus pure. )>

de l'étude de l'homme,

»

clartés vives et

»

la

»

et qui lui seraient ouvertes

«

légi-

Sinaï et de la pa-

role des prophètes. Mais à la lumière qui brille

»

foi

dans

jaillit

Nourri,

les

d'une

dit-il

(1)

,

cru apercevoir en lui des

j'ai

lumineuses sur ses rapports avec toute

nature et sur toutes les merveilles qu'elle renferme,

clef qui lui est

donnée avec

s'il

ne

laissait

la vie.

»

pas égarer

Au moyen

la

de ce

talisman, aujourd'hui perdu pour l'immense majorité

des

hommes

et

mis de retrouver,

1

qu'une grâce particulière il

a

lui

a per-

pu s'assurer des prétendues vé-

Le Crocodile, chant win, p. 87.

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GÉRÂT. ,(«> (|ui

font

la

base

du

Traité de la réintégration*

comme

ajoutez qu'Eléazar a,

Martinez-Pascpialis, la

détention d'être en rapport avec

monde supérieur

le

lont celui-ci n'est (pie l'image visible, et

uèinede tous spéculatif

les êtres, la

non-seulement par

le

le

principe

commerce

pensée, mais par ces communications

l'abbé Fournie et laissé

Unis l'esprit de Saint-Martin.

si

fortement

une impression ineffaçable

Du

reste,

dans son opinion,

puissance extraordinaire n'a rien de surnaturel

:ette

lie est, .Hait

avec

par ces vertus actives qui ont agi

•éelles,

air

de

93

au contraire, un retour à

avant sa déchéance

'acuités

endormies

;

la

elle n'est

nature

que

et la restauration

yrigincls avec la cause première

;

;

telle qu'elle

le réveil

de nos

de nos rapports

rapports qui n'ont ja-

mais été interrompus, quoiqu'ils soient restés cachés dans le

fond

le

plus reculé de notre être

(1)

.

Cette manière

de voir s'accorde parfaitement avec le fond kabbalistique

des enseignements de Martinez.

On

n'aura maintenant aucune peine à comprendre

comment Saint-Martin, en attaquant dans cipes,

plus chères, la philosophie et la science était

cependant

a\ ec elle

l'Eglise catholique.

du

et

particulièrement contre

La première,

la véritable révélation,

selon lui, c'est celleque nous trouvons en

(i)

la voix

nous-mêmes,

du sens moral, dans ces idées

Le Croccdile,

p. 8(5.

6

xviil siècle,

contre la religion, ou du moins,

contre les églises établies,

dans

leurs prin-

dans leurs méthodes, dans leurs hypothèses les

et ces affec-

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC CARAT.

94

lions premières dont les sens sont incapables de nous i

wpliquer l'origine et qui nous transportent au delà du

monde

visible,

dans ce sentiment indestructible d'amour

et d'admiration qui nous

élève jusqu'à

notre existence et de notre pensée. lation

il

A côté

la

source de

de cette révé-

y en a une autre, non moins ancienne, celle que

renferme l'œuvre de la création ou nature; car,

la nature entière,

«

»

peut se considérer

»

continuelle,

comme

grand

le

de

livre

Saint-Martin

dit

la

(1),

étant dans une révélation

active et effective.

Mais

»

la voix

de

la

nature est moins claire et s'adresse à nous moins direc-

tement que

du sens moral. Elle

celle

pas une

n'offre

image aussi expressive que nous-mêmes des

même

ou, pour parler la

attributs,

langue que Saint-Martin, des

vertus de son divin auteur. Si nous la comprenons, cela n'est pas toujours facile à cause

du bien

et

qui se mêlent dans son sein, c'est moins par

que

sa propre puissance »

>

«

par

la

et

du mal

l'effet

de

sublime dignité de

notre être qui nous appelle à planer sur l'universalité

des choses

(2)

d'avoir analysé

.

»

Voilà pourquoi

il

y a danger, avant

l'homme, de s'appuyer sur

pour parler de Dieu. Saint-Martin

fait cette

la

nature

réflexion,

qui n'aurait pas été désavouée par l'auteur de la Critique de la raison pure, que les preuves de l'existence

de Dieu qui ont été tirées par les philosophes du spectacle de la

1)

(2)

nature, n'ont pas plus de solidité

Lettre à Garât, p. il 9.

Le Crocodile,

p. 85.

que

les

bISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC CAIïAï.

arguments contraires

Bière intérieure de notre

La conséquence qui

;•>

réalité

âme,

la

il

n'y a que la lu-

lumière du sens moral,

nous mette en communication avec l'ordre divin.

lui

o

En

(1).

95

sort de là

est facile

à prévoir.

Le sens moral étant antérieur à tous les livres et à toutes les traditions, c'est au sens moral jouissant de

suprême de ce qui con-

i>

tous ses droits à être le juge

te

cerne la chose religieuse, puisque c'est lui qu'elle est

,)

censée avoir principalement pour objet

«

»

»



»

il

n'y

un témoin non suspect, non-

seulement pour attester

si

une source '>

enfin,

;

a (pie lui qui puisse être

réelle

cette

chose religieuse a

ou non, mais pour discerner dans

tous les livres et dans toutes les traditions qui traitent

de cette chose religieuse, ce qu'elle tient de sa base originelle et les scories qu'elle a

cours

(2).

ramassées dans son

»

D'où vient donc

le

respect profond que Saint-Martin

(témoigne en toute circonstance et qu'il

de sa vie pour

n'a cessé d'é-

Ecritures?

prouver jusqu'à

la

Qu" est-ce qui

porté à dire que nous ne pouvions avoir

l'a

fin

les

Quelque confiance dans nos doctrines qu'autant que nous avions mis notre esprit en pension dans les Écritures (saintes (3)?

Comment en

est-il

venu à se persuader que

nous arrivait de perdre tout à coup

s'il

jplus

les

ouvrages des

grands écrivains tant anciens que modernes, des

écrivains ecclésiastiques aussi bien

Garât,?. 93,

(1)

Lettre à

(2)

76JJ.,p. 94.

(3

Portrait historique, n" 819.

que de? auteurs pro-

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT,

96

nous pourrions facilement nous consoler de ce

fanes,

malheur en conservant les

les

Livres saints (1)? C'est que

Livres saints et particulièrement la

qu'anime

livres

prophétique

l'esprit

,

partie de ces

sont pour

lui

l'expression la plus vraie et la plus pure de l'état où se

trouve notre sens moral.

àme quand Ils

cède aux inspirations du

elle

ne sont pas

cun de nous

;

mais

cœur

le

éclairer l'esprit de cha-

et

nous en présentent

ils

traduction

la

plus éloquente et la plus fidèle. Ce qui

la

car

descend directement de

celle-là est toute intérieure et

Dieu pour échauffer

même;

la révélation

leur su-

fait

périorité sur tous les autres livres, ce qui fait qu'on ne

se lasse point de les méditer et de les relire, c'est que )

Voyez principalement sa Lettre à Garai, p. 9j 100

57

et 87.

posthumes,

La lettre de

t.

I,

p.

Œuvres posthumes,

t.

I,

hO'ôhOb. ;

el

Le Cro-

la

révolution française et le ministère de

p.

307.

l'homme-esprit. (4)

el

87.

(2)

codile, p.

les

.

SAINT-MARTIN AVEC GARAT.

DISCI SSION 1>K »

philosophes qui engendrent

les



Je ne puis,

«

dit-il ailleurs (1),

»

d'hommes sans que

»

douleur, tant

néant et

le

99

la

»

penser à cette classe

nies entrailles ne soient percées de

me pa-

suites de leur négligence

les

mort.

pour eux,

pour

peu-

»

raissent effrayantes, soit

»

pies qui attendaient d'eux leur soutien et la guérison

»

de leurs maux.

A

de sa

la fin

soit

les

»

vie,

dans

les

derniers écrits sortis de

sa plume, on le voit incliner vers des sentiments plus

indulgents et plus dignes de la douceur naturelle de

son âme.

Il

négligences et les impru-

se reproche les

dences qu'il a commises dans ses premiers jugements 11

('2)

parle avec respect du célibat ecclésiastique, de la con-

fession auriculaire,

tutions

de

la

du catholicisme

plupart des fêtes et des

(3).

insti-

Mais c'est une étrange

illu-

sion d'en conclure qu'il ait songé à rentrer dans cette

Église qu'il appelle quelque part

le

(l\)

Séminaire du

christianisme, et sur laquelle, jusque dans ses

d'attendrissement et de retour,

il

avec la plus grande liberté

Tous

(1)

Le Crocodile,

(2)

Portrait historique, n° 1116.

(3)

Ibid., p.

i

(5)

p.

(5).

moments

continue à s'exprimer ses ouvrages, sans

57.

270, 284, 287.

Ministère de V homme-esprit, p. 37

1

.

Voyez particulièrement OEuvres posthumes,

t,

I,

p.

270, n°

IIP..

«

Respectons

»

vertus de ce qu'ils font, mais n'attendons pas d'eux de vastes instruc-

» tions

et

les fonctions

des prêtres et tâchons de nous approprier les

ne nous reposons pas sur leur science

»

que toute

»

serait pas indestructible. »

la

religion est écrite sur

l'homme,

et

;

enfin n'oublions

que sans cela

elle

pas

ne

100

DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC OARAT.

en excepter un seul

;

toute sa correspondance, les sen-

timents presque d'idolâtrie qu'il professe jusqu'à sa dernière heure pour Jacques

détracteurs de l'Église

prononcées à son

lit

dans leur ensemble testent

contre

Bœhm, un

des plus fanatiques

catholique; les paroles qu'il a

de mort enfin toutes ses idées prises ;

et leur

développement successif, pro-

cette supposition.

preuves surabondantes dans

On

la suite

en trouvera des

de ce

travail.

CHAPITRE V Doctrine politique de Saint-Martin.

— Sa polémique contre souveraineté du peuple. — société.

— Son

J.

.T.

Lettre sur la

qu'elle

a

de

commun

Jo?eph de Maistre. à celui

En ciait

opinion sur l'origine de

la

française.

avec les Considérations sur la France,

— Système théocralique de Saint-Martin

de

comparé

de Joseph de Maistre.

comme

politique

en religion, Saint-Martin s'asso-

à quelques-uns des préjugés de ses contemporains

et applaudissait

à leur

œuvre de destruction, tout en

condamnant leurs principes. Quelle

sans contestation, à la fin la

du

xvm

période révolutionnaire

seau enseigne dans

le

en

était,

effet, la

en France, presque

philosophie politique qui régnait

dant

la

— Répudiation de — Ce Révolution

Rousseau.

e

siècle, surtout

? C'était celle

pen-

que Rous-

Contrat social, après en avoir

posé les prémisses dans le Discours sur l'inégalité des conditions, et qui, réduite à ses éléments les plus essentiels,

peut se résumer sans peine dans les

tions suivantes

:



pour être heureux nocence

et

à son

voix de la nature cielle

l'homme

est naturellement

aussi n'a-t-il rien

;

bonheur ;

2

U

trois proposi-

tant

bon

manqué

qu'il n'a

c'est la société,

et créé

à son in-

écouté que la

création artifi-

de sa volonté, œuvre de pure convention, qui

rendu malheureux et qui

l'a

corrompu, en

lui

l'a

enlevant G.

DOCTRINE POLITIQUE DE SAINT-MARTIN.

102

avantages de

les

du contrat d'où

l'état

de nature, sans

elle tire

son origine

étant pour lui perdu sans retour,

;

lui

accorder ceux

3° l'état

de nature

moins

faut au

il

lui

rendre la jouissance des biens de la société en rétablissant le pacte primitif, qui n'est pas autre chose que la

souveraineté du peuple, ou la volonté générale substi-

tuée à toutes les volontés particulières. Or, aucune de ces propositions ne pouvait se concilier avec les opinions

personnelles de Saint-Martin et les articles les plus importants de sa Il

foi tant religieuse

l'homme

et sa félicité

de la nature,

lui

âme, au dogme de les

que philosophique.

se gardait bien d'admettre la bonté originelle de

preuves tout à

sous l'empire des

lois

actuelles

qui croyait, de toute la force de son la chute,

dont

dans

la fois

il

s'efforce

la tradition

de montrer et clans la

conscience; dans les désordres de l'univers et ceux de la société.

L'homme, selon

lui,

est

un

esprit

tombé de

l'ordre divin dans l'ordre naturel et qui tend à remonter

à son premier état

(1).

Une

seule des inquiétudes de

l'âme humaine établit plus sûrement cette vérité, que

le

contraire ne peut l'être par les assertions et les balbu-

tiements des philosophes

(2).

Comment

trement que par une abberration

et

expliquer au-

un renversement de

l'ordre primitif l'inégalité choquante qui existe chez les

hommes

et cette iniquité prolongée en vertu

parmi des êtres issus de

la

même

de laquelle,

origine et composés

(1)

Éclair sur l'association humaine, édition Schauer, p. 16.

(2)

Lettre sur la Révolution française, p. 22.

DOCTRINE POLITIQUE DE SAINT-MARTIN.

de

la

même essence,

les

uns jouissent de tous

autres n'en ont aucun

tandis

que

même

a gardé les traces de cette

il

n'est plus

d'être >>

les

que notre prison

(1) ?

L'univers lui-

tombeau, au

et notre

car lieu

La déso-

«

(2).

nous accable a pénétré jusqu'à de vie

les droits,

immense calamité,

pour nous une demeure de gloire

lation qui

103

lui, et

il

lui

de force pour la ressentir. L'uni-

»

reste assez

»

vers est sur son

»

veines et ne cesse de gêner et de tourmenter le prin-

»

cipe de sa vie. C'est à nous à lui porter des paroles de

»

consolation qui puissent l'engager à

»

maux. C'est à nous à

»

délivrance et de l'alliance que l'éternelle sagesse vient

»

faire

et

lit

de douleur, parce que depuis

la

chute, une substance étrangère est entrée dans ses

avec

lui (3)

.

lui

annoncer

la

supporter ses

promesse de sa

»

L'état de nature, tel

que Rousseau l'a imaginé, n'ayant

jamais existé, on ne saurait concevoir que la société été

ait

fondée parla seule volonté de l'homme, ou qu'elle

soit

une œuvre de convention. Comment en

ainsi ?

celui loin

qu'on nous présente sous d'avoir

le

donné naissance à

nom

de culture très-avancé.

(1)

De

(2)

Ministère de

l'essence des choses,

lbid., p. 56.

l'

demande un

Il

accord dans les volontés,

t.

si

un développement

I,

p. 47.

homme-esprit, p. 97.

à

de contrat social

la société,

la

déjà établie depuis longtemps et parvenue à

(3)

serait-il

Une œuvre de convention, un pacte semblable

suppose

un degré

merveilleux si

rare dans

DOCTRINE POLITIQUE DE SAINT-MARTIN.

104

les idées et

dans

les sentiments,

que

un monument

si

de cette espèce avait pu être fondé, n'importe à quelle époque,

serait impossible,

il

malgré

qu'il n'eût laissé sur la terre

tence

ravages du temps,

aucune trace de son exis-

(1).

Ce

n'est

donc pas un acte de

a créé la société. Serait-ce, le

les

la volonté

comme

humaine qui

pensé Helvetius,

l'a

sentiment du besoin, la prévoyance du lendemain,

le

désir de placer sous la protection publique les provisions

amassées pour notre subsistance core moins

?

Cette cause est en-

acceptable que la précédente; car on n'a

jamais trouvé un peuple

ni

un gouvernement assez

gradé pour borner son ambition

faction des besoins de la nature animale

qui n'ait été plus occupé des soins

de sa gloire

cpie

gardé peut

le

reconquérir.

Au

Il

lui

;

n'y en a pas

et

de son

milieu de sa chute, l'homme a

ôter l'envie de

lui

la

peut, sous l'empire de l'ignorance et des

passions, s'écarter par

vant

il

souvenir de sa splendeur perdue, et rien ne arracher l'espérance ni

lui

;

de son honneur ou

de la conservation de sa vie

bien-être matériel.

dé-

et ses efforts à la satis-

jamais

il

moments du but

ne cesse de

le

qui est placé de-

poursuivre.

«

C'est

en appuyant sa pensée d'une

»

ainsi, dit Saint-Martin,

»

ingénieuse

»

tombé dans un précipice commence à gravir sur quatre

»

pattes

»

marchait droit sur ses deux pieds

(1)

comparaison, c'est ainsi

comme

les

qu'un

homme

animaux, tandis qu'auparavant

comme

il

les autres

Éclair sur l'association humaine, édition Scliauer, p. G.

DOCTRINE POLITIQUE DE SAINT-MARTIN.

hommes

»

se propose n'en

qu'il

»

11

fait

pour se relever,

pas moins évident

est

même

tombe

quoiqu'il se traîne, quoiqu'il

et

;

à chaque tentative qu'il

o

105

but

le

(1). »

y a pourtant des créatures humaines et des races

entières tellement abaissées,

que toutes

les facultés

de

l'âme semblent chez elles vaincues et enchaînées par les appétits

du corps ou engourdies par

éternelle enfance. Telles sont, par

ne connaissent pas

le

sentiment de

Comme Rousseau lui-même redemander

vendu

ont

besoin

le soir

le

prévoyance.

la

remarqué

l'a

en pleurant leur

lit

,

elles

vont

de coton qu'elles

matin, ne se doutant pas qu'elles en auront

quand

qu'elles

exemple, les peupla-

du nouveau monde. Mais ces races déshé-

des sauvages ritées

sommeil d'une

le

la

nuit

sera revenue. C'est ce qui

fait

ne songent point à faire des provisions pour

lendemain, qu' elles restent étrangères à dividuelle et se passent cessaire (2)

de

la

le

propriété in-

la protection qui lui est

né-

Aussi n'ont-elles jamais pu former que des

.

associations guerrières pour la défense de leur vie contre les

attaques de leurs voisins. L'idée

ciation civile et politique,

ne

s'est point

si

humble

même

d'une asso-

qu'elle puisse être,

présentée à leur esprit, et quand les Euro-

péens les ont rencontrées, elles ont mieux aimé périr

que de se plier à leurs

lois et

d'accepter les dons de

leur civilisation.

Ce qui a trompé

les publicistes,

(1)

Éclair sur l'association humaine,

(2)

Ibid

,

p,

4 et

7.

p.

soit qu'ils

appar-

10, édition Scli uer.

DOCTRINE POLITIQUE DE SAINT-MARTIN.

106

tiennent à l'école de Rousseau ou à celle d'Helvetius,

sur l'origine de la société, c'est d'avoir ture de l'homme

et l'altération

conséquent

atteinte, par

les

méconnu

profonde dont

la

na-

elle a été

deux influences contraires

qui se disputent dans son sein et la dominent tour tour.

Les uns n'y ont aperçu que

stincts

de

la brute, oubliant

à

les appétits et les in-

entièrement ou n'ayant ja-

mais su que l'homme est aussi une intelligence, un esprit,

un

dont

social.

les facultés et les besoins jouent

dans

rôle

la



le

nécessairement

développement de l'ordre

Les autres, en reconnaissant ces facultés supé-

rieures, ne les

non

formation et

comprennent que corrompues

telles qu'elles sont

dans

être

l'origine.

en elles-mêmes ou qu'elles ont

De

là vient

«

qu'ils n'ont écrit

»

qu'avec des idées dans une matière où

»

n'écrire qu'avec des sanglots (!) ».

Non,

la

et viciées,

ils

auraient dû

société n'est pas née de l'instinct de notre

conservation physique ou de l'accord réfléchi des volontés

;

elle

maine,

a ses racines dans les profondeurs de l'âme hu-

elle

a ses lois écrites d'avance dans notre essence

spirituelle, elle est aussi

avoir pour auteur

ancienne que l'homme et ne peut

que Dieu lui-même.

G' est. une vérité

dont nous pouvons nous convaincre en quelque sorte par l'expérience, en observant de quelle manière s'engen-

drent et se conservent les sociétés particulières, c'est-àdire les peuples, qui ne sont que des débris de la société universelle.

(1)

Or,

les

peuples et

les

gouvernements

Eclair sur l'association humaine. Introduction.

se

DOCTRINE POLITIQUE DE SAINT-MARTIN.

forment d'eux-mêmes avec

le

!/

concours du temps

et à la

laveur de circonstances donl l'homme est l'occasion plulot (|ue la

Les

lois

cause, qu'il laisse faire plutôt qu'il ne lus

qui se développent avec eux. leurs

lois

fait.

fonda-

mentales et constitutives, ne sont pas non plus l'œuvre de

la

des

de

volonté

lois

qui en la

sagesse humaines; elles dérivent

la

supérieures de l'éternelle justice; elles sortent

nature

la

de

et

l'ait

la

môme

des choses, et c'est précisément ce

majesté et

la force.

La nature des choses,

nature de l'homme, voilà ce qui échappe constamment

aux publicistes et aux philosophes du que, au lieu de l'observer,

On

est étonné

ils

xvm°

siècle,

parce

ont voulu la composer

(1).

de rencontrer, au milieu des rêves du

nnsticisme, une conscience aussi exacte des

faits,

un

(sentiment aussi juste et aussi profond de l'histoire. Mais il

faut considérer

que

c'est à l'exaltation

que Saint-Martin

esprit

est

même

de son

en grande partie redevable

de ces qualités; car, en l'élevant au-dessus des hypothèses et des systèmes les plus accrédités de son temps, elle l'a

préservé de l'aveuglement général, et lui a per-

mis, grâce à la finesse naturelle de son jugement, de

devancer sur plus d'un point siècle.

la

philosophie de son

Malheureusement ces aperçus,

d'ailleurs assez

rares dans ses écrits, sont tellement enveloppés de et

nuages

enchevêtrés de chimères, que ce n'est pas sans effort

qu'on réussit à

Des

(i)

trois

Lettre

les

découvrir.

propositions qui nous représentent la sub-

à un ami sur

lu

Révolution française, p. 20 et 21.

DOCTRINE POLITIQUE DE SAINT-MARTIN.

108

stance du système de Piousseau, en voilà déjà deux com-

plètement écartées par Saint-Martin

;

il

ne

lui était

pas

possible de traiter la troisième avec plus d'indulgence.

La souveraineté du peuple dans l'hypothèse qui Or, puisque

le

conséquence? Puis,

la

Providence, au

la

contenue implicitement

principe a été convaincu de fausseté,

comment conserver que

est

dériver la société d'un contrat.

fait

hommes

moyen des

lois

s'il

est vrai

qui découlent de

dans

la

formation des peuples, pourquoi n'exercerait-elle pas

la

nature des

la

môme

influence sur leur législation et leurs gouverne-

ments?

«

Martin

»

et des choses, intervient

La souveraineté des peuples, nous (1)

,

est leur impuissance.

»

dit Saint-

C'est-à-dire qu'elle

consiste à laisser faire la Providence, qui place à leur

rang

les nations et les individus,

en

les appelant,

chacun

suivant ses facultés, ses talents et ses forces, à concourir

à l'accomplissement de ses desseins. Qu'un

homme

s'élève au milieu de ses semblables avec des facultés su-

périeures, avec le génie et les vertus qui le rendent digne

du commandement

et la

volonté qui en est inséparable,

personne ne l'empêchera d'arriver au rang qui tient; la résistance qu'on

de Il

telles souffrances,

en est de

les

qu'on sera obligé d'y renoncer

(2).

même des

peuples considérés dans leur exis-

De

tout temps, dit Saint-Martin (3),

tence collective. »

lui appar-

voudra lui opposer engendrera

«

peuples servent alternativement de moyens à

(1)

Eclair sur l'association humaine, p. 20.

(2)

Lettre sur la Révolution française, p. 30.

:,3)

Ibid., p. 20.

l'ac-

.

DE SAINT-MARTIN.

OPINION

109

»

complisseinent du grand œuvre de la Providence, se-

»

Ion leurs crimes

vidence, d'après aussi évidente

comme

lui,

règne dans

que dans

ministres, et les

selon leurs vertus.

la

gouvernements sont

d'une manière

les ministres

communique

a rempli la nature entière.

Que

triompher indirectement par car

;

ils

les

des

dont

l'esprit

peuples essayent

les

de résister à cette impulsion mystérieuse,

ront sur leurs têtes

La Pro-

nature; les peuples sont ses

peuples, parce que Dieu leur il

l'histoire

»

la feront

ils

calamités qu'ils attire-

démontreront

même

par

leurs crimes les lois de la sagesse et de la justice divines. «

L'histoire des nations, dit Saint-Martin avec

une rare

»

énergie d'expression, est une sorte de tissu vivant et

»

mobile où se tamise, sans interruption, l'irréfragable éternelle justice

» et

Mais en ruinant

»

(1)

souveraineté du peuple, telle qu'on

la

l'entend généralement, cette doctrine n'a-t-elle pas pour

de nous montrer

effet

liberté? fait

Quel rôle

comme impossible

reste-t-il

à l'homme,

l'existence si c'est

de

la

Dieu qui

tout? Saint-Martin ne se dissimule pas la difficulté;

seulement

il

croit pouvoir la résoudre

par un moyen qu'il

appelle lui-même une sainte hardiesse. C'est tion qu'il établit entre la fatalité

servile

imaginée par

de l'amour

la distinc-

et la fatalité

les poètes et les philosophes.

Dieu,

dans son amour inépuisable pour ses créatures, a décidé

que ses desseins, complis. Mais

1;

cpioi qu'elles

comme

il

puissent faire, seront ac-

serait indigne

de

lui

d'épancher

Lettre sur la révolution française, p. 65 et 66.

AD. FRANCK.

7

.

SUR LA SOUVERAINETÉ DU PEUPLE.

HO

avec lui aucune sa grâce sur des êtres qui n'auraient liberté, ne pouranalogie, et qui, privés absolument de

raient ni le

comprendre

ni l'aimer,

il

a laissé à l'homme

pouvoir de répondre ou de résister à ses avances (1) célèbre Fata C'est la traduction mystique de ce mot

le

:

après volcntem dncunt,nolentem trahunt. Elle consiste, l'individu et avoir banni le libre arbitre des actions de œuvres de la société, à lui laisser pour dernier refuge

des

le sentiment.

appartient Saint-Martin oublie que le sentiment nous

que si la encore moins que l'action et la volonté, et véritablement a liberté humaine n'a pas d'autre asile, elle cessé d'exister.

Saint-Martin

fait

valoir

encore d'autres arguments

Ce qu'on contre le principe de la souveraineté du peuple. de règne le c'est peuple, entend par la souveraineté du la volonté générale.

se former dans

Mais une volonté générale peut-elle

une société corrompue comme

la nôtre,

les opinions, divisée par l'intérêt, par les passions, par

par mille autres causes?

A

la place

de

volonté géné-

la

des volontés partirale, nous ne rencontrons donc que forte, non la culières qui se combattent, et dont la plus préciséplus juste, l'emporte sur les autres. Telle est

ment

celle

de cette portion de la nation,

qu'elle puisse être, à laquelle on le

nom

de peuple.

lonté, pas

A

même une

si

|

nombreuse j

donne particulièrement;

vrai dire, le peuple n'a pas de vo-

volonté particulière

révolution française, p. 8 et 9. (1) Lettre sur la

;

il

n'a que des

.

OPINION DE SAINT-MARTIN.

passions, à l'aide desquelles d'autres

111

que

lui

duisent à leur gré et le ploient à leur dessein.

le

On

con-

n'a ja-

mais écrit contre la souveraineté delà multitude rien de plus ironique et de plus dédaigneux que ces lignes

Qui ne

«

sait

:

que ce qu'on appelle peuple doit se consi-

comme

»

dérer partout

»

pour tous ceux qui voudront s'en

»

quel sens?

Il

l'instrument le plus maniable servir, n'importe

dans

leur est aussi facile de le mouvoir pour

mal que pour

»

faire le

»

parer à un aiguillon clans la main du pâtre, qui l'eniploie à son gré

»

et qui,



avec ce

faire le bien, et l'on

pour conduire son bétail où

même

instrument,

mène

bœuf au pâturage, au labourage ou à

»

rie »

lui plaît,

la

bouche-

(1)

D'ailleurs, la souveraineté

ne

il

à sa volonté le

»

jet

peutlecom-

s'est

du peuple ne

jamais exercée directement;

s'exerce pas

elle

passe à des

délégués, des mandataires, des représentants, qui gou-

vernent et font les lois au tiennent

du

nom

de

la nation, et qui

suffrage de leurs concitoyens leurs titres et

leurs pouvoirs.

Or, le régime représentatif ne donne pas moins d'objections que le principe dont il est la xmséquence et l'application nécessaire. D'abord il est

brise à

liffîcile

de comprendre que

qu'elle n'est

pas dans

lans les représentants

le

la

peuple lui-même, puisse exister

du peuple. On ne comprend pas

lavantage que la souveraineté, :hez les

(1)

hommes,

volonté générale, puis-

si elle

si elle

existe

quelque part

réside véritablement dans la na-

Éclair sur l'association humaine, édition Schauer, p. 28.

SUR LA SOUVERAINETÉ DU PEUPLE,

112

ou représentée.

tion tout entière, puisse être déléguée

Saint-Martin pense,

comme Rousseau, que

souve-

la

raineté ne peut être représentée, par la raison qu'elle ne

peut être aliénée,

et

que dès

donne des représentants, il

il

qu'un peuple se

l'instant

cesse d'être libre (1). Mais

a soin d'ajouter que la souveraineté n'est pas

but de la nature humaine

;

ne peuvent en revendiquer ni les uns ni les autres,

montrer par générale.

l'histoire,

un

attri-

ni les peuples ni les individus

parce que

les prérogatives,

comme

ne sont

La volonté générale

prend soin de

il

les

organes de

le

dé-

la volonté

pas seulement supé-

n'est

rieure, elle est antérieure à toutes les volontés particulières, et

n'y en a pas d'autre à laquelle puisse s'appli-

il

quer cette définition que »

la

volonté divine,

«

la volonté

universelle de l'éternelle sagesse qui embrasse tout

On

» (2).

verra tout à l'heure quelles sont les règles de gou-

vernement

et

de législation que Saint- Martin a

fait

dé-

couler de cette idée mystique de la souveraineté. Maie

auparavant

il

n'est pas sans intérêt de

contradicteur de Rousseau était en

remarquer que

même temps

ce

le pluf

passionné de ses admirateurs, et que cet ennemi mépri sant de la démocratie, après avoir salué la révolutioi française avec des transports d'enthousiasme, a écrit

ei

son honneur non pas une apologie, mais un hymne.

Rousseau, avec lequel d'ailleurs

il

se trouve de

breuses ressemblances (3), est pour (1)

Eclair sur l'association humaine,

(2) lbid., p. 25.

(3)

Portraits historiques, n° 60.

p.

34.

lui

plus

nom qu'u

OPINION DE SAINT-MARTIN SUR ROUSSEAU.

grand écrivain, plus qu'un garde

comme un envoyé du

de l'ordre sensible,

»

maine

la

de génie;

comme un

ciel, «

prophète

plus vive clarté. Mieux que personne

le

il

mais, n'en connaissant ni

:

remède, faute d'avoir été

supérieure,

le re-

il

qui a répandu sur la nature hu-

»

signalé les difformités

gine ni

homme

113

initié à

en a l'ori-

une science

n'a tiré aucune conclusion utile des véri-

il

môme

tés qu'il a aperçues, et

des paradoxes.

«

il

les a

Son âme délicieuse

compromises par et divine a

frémi

»

d'indignation en envisageant les abominations où

»

vu que l'homme

» arrivés, »

civil et

sans observer

partis dès l'origine

le

vicieux,

persuader qu'un état négatif

»

nous puissions tendre,

»

nous puissions arriver

»

doué de

» le

a

le

ils

étaient

sauvage moins

a employé toute son éloquence pour nous

»

»

il

il

politique étaient

point faux d'où

trouvant

et,

;

l'homme

si

était le seul

terme auquel

et la seule perfection à laquelle (1).

grands dons,

— Si

dit-il

cet

homme

rare et

ailleurs (2), avait

eu

bonheur de tomber en des mains éclairées, quel

» fruit n'aurait-il

pas produit? Ses ouvrages sont d'une

profonde, qu'on ne peut trop admirer

»

philosophie

»

la force

»

dans une carrière où Voltaire n'a seulement pas mis

»

pied.

»

des parfaitement sonores, et ilenatiré des sons qui ont

»

droit de surprendre les plus instruits. »

Il

si

de son génie;

il

a été seul infiniment loin le

a frappé sur de véritables bases, sur des cor-

(1)

Lettre sur la révolution française, p. 34.

(2)

Œuvres posthumes,

t.

II,

p.

327

et

328.

LETTRE SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

114

Trouvant avec Rousseau que

du

existait jusqu'à la fin

xvm

e

la société,

telle qu'elle

siècle, était

radicalement

pervertie, qu'il n'y avait plus rien clans ses institutions,

dans ses mœurs, dans son esprit

même

qui ne fût en

opposition avec la raison et avec la justice, avec les et les besoins véritables

en

même temps que

dans un

tel état

de corruption,

n'avait rien à attendre de la sagesse

ne

fallait rien

moins pour

volution avec respect,

humaine pour

la régénérer,

qu'une intervention extraordinaire de n'est pas étonnant

lois

de notre nature, mais convaincu

que Saint-Martin

la

comme un événement

et qu'il

la sauver,

Providence,

ait accueilli la

un mélange de bonheur

elle

et

il

Ré-

de religieux

comme une comme une œuvre

surnaturel,

grâce et un châtiment tout ensemble,

d'expiation et de rédemption. C'est pour cela qu'elle

comme un sermon en action destiné comme une miniature du jugement dernier, tantôt « comme une leçon qu'on lui apparaît, tantôt

à édifier

le

genre humain, tantôt

»

nous donne pour nous apprendre à mieux dire notre

»

Pater que nous ne le faisons communément

même

idée le poursuit

tous ses ouvrages.

comme une

Mais nulle part

autant de force, nulle part

il

ne

la

»

(1).

La

obsession à travers il

n'y insiste avec

développe avec au-

que dans sa Lettre q révolution française (2). Ce remarquable

tant d'originalité et d'abondance

un ami sur

la

(1)

Œuvres posthumes,

(2)

En

t.

voici le titre exact

:

I,

p.

405-406.

« Lettre

tiques, philosophiques et religieuses

l'an III (1795),

80 pages in-8°.

à un ami, ou Considérations poli-

sur la révolution française. Paris,

LETTRE SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE. écrit est d'autant plus cligne

de nous arrêter quelques

instants, qu'il a été certainement le

inspirée, en traitant

le

118

même

sujet,

modèle dont

s'est

l'imagination ar-

dente de l'auteur des Considérations sur la France.

Dès foi.

début l'auteur nous expose sa profession de

le

croit voir, dit-il, la

Il

chaque pas que fait

fait la

éclater à nos

Providence se manifester à

Révolution, car à chaque pas elle

yeux de nouveaux prodiges. Rien de

ce qui lui appartient ne s'explique par des causes naturelles

;

aucune force humaine ne pouvait produire

les

merveilleux, féeriques, dont elle nous donne le

faits

spectacle

;

aucune pensée humaine, avant de

vus accomplis, ne pouvait les concevoir. Aussi

mis de dire que la main cachée qui a dirigé serait seule capable d'en écrire l'histoire.

la

Il

les avoir

est-il

per-

Révolution

faut être in-

sensé ou de mauvaise foi pour n'y pas voir, écrite en traits

de feu, l'exécution d'un décret de la sagesse éter-

nelle, et

ne pas s'écrier en sa présence,

comme

giciens d'Egypte devant les miracles de Moïse » le

doigt de Dieu

La Révolution

!

:

les « Ici

maest

»

n'est pas

seulement un événement

surnaturel, dans ce sens qu'elle échappe à la volonté et

à la puissance de l'homme; elle est aussi un événement

donné le nom de commencé par un

universel, et c'est à tort qu'on lui a

Révolution française; car

grand État

si elle

a

comme la France, c'est pour écraser

les

enne-

mis qui ont entouré son berceau et s'étendre ensuite, avec l'énergie que donne la lutte et avec la victoire, à

le

prestige de

tous les autres peuples. Elle est la révolu-

LETTRE SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAIRE.

116

tion

du genre humain,

dans sa cause

et

et elle

dans ses

image du jugement

ne peut être mieux définie

effets

dernier.

que

A

si

on l'appelle une

voir ce

monarque,

le

plus puissant de l'Europe, renversé en quelques jours

de son trône et son trône précipité après

lui

;

à voir ces

grands, ces premiers ordres du royaume, s'enfuir avec terreur, poussés par

une main

invisible, et tous ces op-

primés reprendre en un instant perdus depuis des

puissances de

bons

et les

la terre et

la

la

Irom-

que

s'est fait entendre,

les

des cieux sont ébranlées, que

méchants vont tout

récompense? C'est

humains

les droits qu'ils avaient

ne dirait-on pas que

jugement dernier

pette du

les

siècles,

à

l'heure recevoir leur

convulsion de tous les pouvoirs

se débattant, avant d'expirer, contre

une

force

mystérieuse qu'ils n'ont point soupçonnée et qui va

ré-

gner à leur place. Mais pourquoi cette crise terrible

Dieu lui

l'a-t-il

infligée à l'humanité ?

apporter en compensation des

?

Dans quel but

Quels biens doit-elle

maux

qu'elle lui fait

souffrir? Selon Saint-Martin, la Providence, en déchaî-

nant

la

Révolution, a eu pour dessein deréveiller-l'homme

d'un sommeil de mort qui étouffait ses plus nobles facultés, le

de

le

rappeler à

lui

par

l'effroi et la

régénérer par l'intermédiaire de

nérer la société elle-même par

la

douleur, de

la société, et

de régé-

destruction des abus

contenus clans son sein, par l'anéantissement des pouvoirs qui ont été les instruments de sa corruption. La

Révolution fera

l'office

d'une opération de chirurgie pra-

tiquée par une main savante pour extirper

du corps

so-

Ht

LETTRE SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE. cial

les

corps étrangers qui

ont inoculé tous ses

lui

vices.

Ces corps étrangers dont l'extraction est devenue nécessaire, ces pouvoirs

mander

le rôle

même.

:

de

faire dis-

l'Eglise et la royauté.

comme

pas la noblesse,

semblent

le

de-

oppressif qu'elle a joué dans l'histoire et

les privilèges iniques

temps avant

qu'il s'agit

nombre de deux

paraître, sont au Si l'on n'y joint

usurpés

89

dont

elle avait joui, c'est

n'était plus

elle

que long-

que l'ombre d'elle-

Saint-Martin, sur ce point, tient presque

le

même

langage que M. de Tocqueville dans Y Ancien régime et la Révolution.

«

La noblesse,

dit-il

(1), cette

excrois-

»

sance monstrueuse parmi des individus égaux parleur

»

nature, ayant déjà été abaissée en France par quel-

»

ques monarques

»

à perdre, pour ainsi dire, que de vains

» titres

l'Église fruits

et

imaginaires. et

de

par leurs ministres, n'avait plus

»

Il

n'en était pas de

royauté.

la

noms

et des

même

de

Restées en possession des

de leurs usurpations et de leurs droits men-

songers jusqu'à l'heure de leur chute, elles devaient être frappées sans

conduit

pitié

par

la

main vengeresse qui

a

Révolution.

la

Laquelle des deux a été la plus coupable? SaintMartin,

comme

si

Dieu

n'hésite pas à déclarer

en

que

une des sources

(1) Lettre

les

mis dans sa confidence,

c'est l'Église.

cause première des

elle la

société et

l'avait

maux

Il

reconnaît

qui ont désolé la

plus fécondes de ses vices.

sur la révolutlion française, p. 13. 7.

LETTRE SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

118

A

faveur de l'autorité qu'elle s'est arrogée, elle a

la

corrompu

par

les rois, et

corrompu

les rois elle a

les

peuples. Pourvu qu'on donnât satisfaction à sa cupidité et à son orgueil, sa consécration les

abus du despotisme. Telle a

sa conduite envers les

était assurée à tous

été,

hommes. A

dans tous

les

temps,

l'égard de Dieu elle a

été plus criminelle encore, car son ambition ne tendait

à rien moins qu'à se substituer à

lui.

Selon toutes les

«

»

écritures, dit Saint-Martin (1), et plus encore selon

»

le livre indélébile écrit

»

Providence voudrait être

»

parce qu'elle sait qu'ils ne peuvent être heureux qu'a-

dans

le

cœur de l'homme,

le seul

la

Dieu des peuples,

voulu lui-même être pour eux

rt

vec

»

cette Providence.

»

pre règne tout en parlant de ce Dieu, dont souvent

»

ne savait pas

elle

et le clergé a

:

Il

même

n'a cherché qu'à établir son pro-

défendre l'existence.

»

il

Jusque-là

Saint-Martin ne se distingue pas des philosophes qui sont l'objet habituel de ses railleries et de ses dédains;

mais on retrouvera dans

les lignes suivantes le

mystique

spéculatif qui, dans son enthousiasme chimérique, croit

hâter

règne de Dieu en supprimant

le

autels et le culte extérieur.

clergé

»

temple bâti par

)

la

»

sentence significative, matériels

»

idole (1)

lui

dont

il

il

s'est

les

(au

Sans temples

et,

malgré cette

a couvert la terre de temples fait

partout

la

principale

ni autels, le ministère sacré,

Lettre sur la révolution française, p. 14.

(2) Ibid.

avait été dit

main des hommes;

»

(*2). »

« Il

temples,

ne resterait pas pierre sur pierre du

»

qu'il

les

LETTRE SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

119

prêtre lui-même n'est-il pas de trop? Saint-Martin ne

le

parait pas éloigné d'accepter cette

conséquence lorsque,

dans un langage indigne de sa belle âme, avec des expressions empruntées aux plus vulgaires passions de la

démagogie,

il

reproche aux membres du clergé catho-

lique de garder pour eux le droit d'interpréter les livres saints, d'en faire les

un tarif d'exactions sur

la foi et d'être

accapareurs des subsistances de rame.

»

rait concevoir,

a-t-il soin

«

On

ne sau-

d'ajouter, qu'il y ait aux

»

yeux de Dieu un plus grand crime, parce que Dieu

»

veut alimenter lui-même les âmes des

»

l'abondance qui

»

ainsi dire,

en

est

ainsi,

abrégé

:

»

S'il

d'accusation que Saint-Martin a

l'Église

pouvait

être

singulièrement

son seul tort c'était d'exister.

La royauté, selon qu'elle s'est

bornée

lui,

le

a été inoins criminelle, puis-

plus souvent à suivre l'impulsion

qu'elle recevait de l'Église, et à

commettre des excès

de pouvoir qu'elle savait d'avance justifiés au ciel.

avec

propre et qu'elles soient, pour-

rassasiées par sa plénitude.

l'acte

contre

dressé

lui est

comme

hommes

Cependant

elle

nom du

a mérité, elle aussi, un châtiment

exemplaire. Tous les monarques de la terre ont dû expier,

par la chute du plus grand d'entre eux, un orgueil

qui leur est

commun

toute

une nation

» dis

que

»

;

l'orgueil qui leur a

est concentrée

c'est à tous les

hommes

d'un État à s'oublier,

pour se dévouer et ne se voir que dans

(1)

persuadé que

dans un homme, «tan-

Lettre sur la révolution française, p. 16.

la nation » (1).

.

LETTRE SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

120

Les ennemis de l'Église

et les

ennemis de

monar-

la

chie se figurent que tout sera fini quand ils seront parvenus à détruire ces deux puissances. Ils ne se doutent

pas, dans leur aveuglement,

que leurs coups portent

plus loin, et que la Providence se sert d'eux pour abolir sur la terre, par

le

bras

même

de l'homme,

de la vaine puissance de l'homme.

»

«

le

règne

Aussi la Révolu-

proprement parler, une guerre divine,

tion est-elle, à

une guerre de

»

religion, et

dans

ligion qui ait éclaté

même le

la seule

guerre de re-

monde depuis

que

celle

les

Hébreux ont soutenue contre

le

paganisme pendant

toute la durée de leur existence

(1).

En

effet, les

guerres

de l'islamisme ne nous offrent pas plus qu'une esquisse elles se bornaient à détruire et

ne

Les guerres des croisades et de

la

de guerre religieuse bâtissaient point.

:

Ligue, celles qui naquirent de la réforme et du schisme n'étaient

d'Angleterre, elles

que des guerres d'hypocrisie

ne détruisaient ni ne bâtissaient.

«

Au

lieu

que

:

la

»

guerre actuelle, toute matérielle et humaine qu'elle

o

puisse paraître aux yeux ordinaires, ne se borne point

»

à des démolitions, et elle ne fait pas un pas qu'elle ne

»

bâtisse

Mais

ici

»

(2)

nous touchons à

la doctrine politique

Comment

la

la partie la plus

épineuse de

de Saint-Martin.

Révolution est-elle une œuvre d'édifica-

tion et qu'est-ce

qu'elle

est

en train de

construire?

Quelle forme de gouvernement, quel système de légis(1)

Lettre sur la révolution française, p. 18 et 19.

(2)

Ibid., ibid,

THÉOCRATIE DE SAINT-MARTIN. lation verrons-nous

121

des ruines qu'elle a faites?

sortir

A

quels signes reconnaîtrons-nous ce règne de la Provi-

hommes

dence qui va bientôt succéder à celui des quels organes

sera-t-il

?

Par

accompli? C'est à cette question,

déjà traitée en partie dans la Lettre sur la révolution

française,

que répond particulièrement Y Eclair sur

l'association

humaine

(1).

Le gouvernement de Dieu, ou

que

celui

hommes

les

prétendent occuper h sa place par procuration, s'appelle la théocratie,

et c'est

Saint-Martin désigne

le

aussi le

régime

nom

sous lequel

dont

qu'il préfère, et

il

prédit l'avènement, non-seulement pour la France, mais

pour

le

monde

entier.

«J'ai avancé,

dit-il,

dans

ma

»

Lettre (la Lettre sur la Pvévolution) qu'il n'y avait de

»

vrai

gouvernement que

le

gouvernement théocratique

authentiquement, et je ne

;

aucun

»

je le répète ici

»

doute que ce serait à ce terme

»

tous ceux qui chercheraient de bonne foi et de sang-

»

froid à scruter ces vastes

»

ment du premier

» lait »

que

remèdes

» tinssent

car l'égare-

et la guérison qu'il

que Dieu qui connai.-ae

l'homme dans ces sentiers;

»

même

»

et

et

;

Paris, an

il

n'y a

l'homme qui de

V (1797).

Éclair sur l'association humaine,

p.

16,

édit.

lui-

un imposteur

» (2).

Une brochure in-8°

fal-

puisse diriger l'esprit de

et

s'en arrogerait le privilège serait

un ignorant

il

pouvait attendre,

en

également de cet ordre sublime. Or,

»

(2)

;

l'ordre divin,

douleurs qui en résultent, les

»

(i)

fais

se réduiraient

profondeurs

homme tenant à

la punition, les

que

final

Schauer.

THÉOCRATIE DE SAINT-MARTIN.

122 Il

va de soi que

celles qui ont existé

encore. Elle ne repose pas, biblique, sur

un

de Saint-Martin ne res-

la théocratie

semble à aucune de

comme

texte sacré, sur

servée dans un livre

;

ni

celle

une

comme

ou qui existent

loi

celle

de l'antiquité

immuable condu moyen âge

chrétien, sur l'autorité d'un souverain pontife, chef infaillible

de l'Église, et sur l'Eglise, arbitre suprême des

Etats. Non, l'auteur de Y Éclair sur

maine n'admet, comme

il

qu'une théocratie naturelle

le

l

association hu-

déclare expressément,

et spirituelle

dire qui n'a été ni fondée ni organisée de

(1), c'est-à-

main d'homme,

qui n'est renfermée clans aucune constitution régulière,

ne s'exerce sous aucune forme déterminée

et n'a

pour

base que ce fatalisme mystique dont nous avons parlé

précédemment. Un saisir

dans

théorie.

la

tel

gouvernement

pratique et non moins

est bien difficile à

difficile à définir

Cependant Saint- Martin a essayé de

en

faire l'un

et l'autre. 11

nous montre d'abord l'homme

sa chute, ou

du moins

tel qu'il

tel qu'il était

avant

aurait été sans elle, pé-

nétré tout entier de l'esprit de son créateur, avec

quel

il

serait resté étroitement uni, et par ce

prit, esprit

de sagesse

et

même

d'amour, animé du plus tendre

dévouement à l'égard de ses semblables. La dans

société,

cet état primitif, le plus parfait de tous, parce qu'il

est le plus

rapproché de notre origine, aurait formé une

république divine, un peuple de frères, où la vertu

(1)

le-

es-

Lettre sur la Révolution, p. 75.

et

THÉOCRATIE DE SAINT-MARTIN. la

123

piété auraient term lieu de lois et qui n'aurait pas

connu d'autre maître que Par

la suite

des hommes,

Providence.

la

des temps et l'accroissement du nombre il

aurait

pu arriver que

admirable fût légèrement troublée seule,

que

les

cette

que

et

harmonie

la vertu toute

sentiments de la piété et de la fraternité

ne fussent plus suffisants pour relier entre eux tous

membres du corps

social

;

alors la vertu aurait appelé

à son secours la justice, c'est-à-dire droit,

du

la loi,

interprète

du

droit éternel tel qu'il est écrit dans la con-

l'homme de bien

science de

à

les

la fraternité originelle,

;

et à la

république divine,

aurait succédé la société civile-

Mais dans cette société civile

naturelle,

c'est-à-dire

idéale, les lois, bien différentes de ce qu'elles sont au-

jourd'hui, auraient eu le caractère d'un enseignement

plus que d'un

langage de

la

commandement;

elles auraient parlé le

persuasion, non celui de la rigueur; elles

auraient indiqué ce qu'il faut faire pour être heureux et vivre en paix avec ses semblables, elles n'auraient pas

eu besoin de l'exiger par la contrainte. Si pourtant ces conseils étaient restés stériles pour quel-

ques-uns

;

si

ces lois

sieurs fois violées,

si

douces et

si

sages avaient été plu-

on aurait reconnu

la nécessité

d'une

répression matérielle pour ceux qui oseraient les enfrein-

dre dans l'avenir, et aux lois civiles seraient venues se joindre les lois pénales. Le pouvoir de punir la violation

des lois civiles, c'est-à-dire des lois de la justice, n'est

pas autre chose, d'ailleurs, que la justice elle-même. C'est le droit de

légitime défense étendu de

l'homme

THÉOCRATIE DE SAINT-MARTIN.

124

physique à l'homme moral,

et

de l'individu à

la société,

ou, pour nous servir des termes que Saint-Martin affectionne, de X homme

animal à X homme

esprit.

Mais

la

naissance des lois pénales ne peut se concevoir sans une autre institution, celle d'une force publique d'où elles tirent leur efficacité et à laquelle la société doit sa con-

servation; celle d'un pouvoir répressif et coercitif qui doit s'exercer à la fois social

;

au dedans

et

en dehors du corps

au dedans contre ses membres rebelles

dehors contre

les

et

en

attaques des sociétés étrangères,

s'il

même temps. Grâce à l'existence même association qui n'avait tout à

en existe plusieurs en

de ce pouvoir,

la

l'heure qu'un caractère

purement

civil,

devient une so-

ciété politique.

À

vrai dire, ces trois sociétés n'en

seule, elles ter

forment

qu'une

n'ont jamais pu et ne pourront jamais exis-

séparément

;

car elles répondent à autant de prin-

cipes dont l'union indissoluble et le développement si-

multané constituent

mour, ici les

la

nature humaine, à savoir

la justice et la force, ou,

:

l'a-

pour employer encore

expressions de Saint-Martin, les vertus naturelles,

les facultés judiciaires, les forces coercitives et répres-

sives (1).

L'essence,

le

but, la condition

cette société unique, type

maine, c'est que la force y

suprême de

complet de l'association husoit

au service de

la loi,

en

supposant que

la loi soit l'expression

que

à son tour, ait sa meilleure et plus so-

la justice,

(1) Lettre

sur la liévolulion, p. 25 et 29.

de

la justice; c'est

THÉOCRATIE DE SAINT MARTIN. lide garantie

dans

et

dans

la piété

la vertu, c'est-à-dire

125

dans

moralité

but idéal proposé à

Cette société n'est-elle qu'un

l'homme dans l'avenir? ou

a-t-elle déjà existé

temps voisin de sa naissance? Saint-Martin ces

la

des individus.

dans un entre

flotte

deux opinions, sans oser se prononcer.

Il

parait

soutenir la première dans sa Lettre sur la Révolution !

il

semble pencher vers

ciation est

humaine

(1).

la

Mais, avec l'une ou avec l'autre,

pleinement convaincu que

qu'elle doit être, et

ne pense. Ne

Mais dire quel sera

;

et,

il

un jour ce

moins éloigné qu'on

est

pas nettoyer

porter le bon grain (2)

généraux

la société sera

que ce jour

fallait-il

;

seconde clans l' Éclair sur ï'asso-

l'aire

avant d'y ap-

?

l'esprit,

quels seront les principes

en quelque sorte, métaphysiques, quelles

seront les vertus et les n'est pas encore

mœurs de

la société nouvelle, ce

nous apprendre sous quelle forme

elle

sera gouvernée, qui exercera dans son sein les attributions,

nous n'osons pas dire de

qu'elle est tout entière la

puissance publique.

cette question

la

souveraineté, puis-

mains de Dieu, mais de

dans

les

De

peu d'importance que

si

pour unthéosophe,

dant pour l'immense majorité des

elle

hommes.

ment Saint-Martin a essayé delà résoudre

La forme de gouvernement

(1)

Voy. particulièrement p. 23 et 24

(2) LeAlre

sur la Révolution,

p. 78.

Voici

com-

:

est indifférente,

moins ne doit être considérée que

soit

en a une cepen-

comme un

ou du

objet se-

THÉOCRATIE DE SAINT-MARTIN.

126

conduire.

Le gouvernement

«

n'est

que

que

la partie exté-

»

rieuredu corps

»

dérée dans son objet et dans ses divers caractères,

social, tandis

l'association, consi-

Quelque forme que

en.

peuples em-

»

est la substance.

»

ploient pour leur gouvernement, le fond de leur as-

»

sociation doit

même

rester le

les

avoir toujours

et

le

»

même

»

la

»

considérée dans son but moral, en est la substance et

point de vue

Si le

forme extérieure du corps

ce serait de la nature

gouvernement

que

n'est

social, et si l'association,

même

de cette associa

»

le fond,

»

tion

»

comme

»

ment de

»

non plus être surpris de voir changer

»

ment selon

que l'on devrait attendre le patron de sa forme, forme

la la

»

même que

»

vêtu de la

d'un

arbre

dérive

nature de son germe.

les

Il

essentielle-

ne faudrait pas le

gouverne-

âges et les besoins de l'association, de

nous ne voyons point l'homme

même

fait

être

manière que dans son enfance»

(1).

Ces idées, exprimées à une époque de fanatisme

ré-

volutionnaire, font honneur au bon sens de Saint-Martin, et

ne seraient certainement pas désavouées par

la

phi-

losophie politique de notre temps; mais le fanatisme religieux, sous le

nom

de théocratie, prend bien vite sa

revanche.

Malgré son impartialité ou,

si l'on

veut, son indiffé-

rence pour les diverses formes de gouvernement, SaintMartin, faisant une concession aux idées démocratiques

de son temps, veut bien admettre que

(1)

Lettre sur la Révolution, p. 51 et 52.

les autorités, et

THfiOGRATlK DE SAINT-MARTIN.

127

particulièrement les assemblées issues du suffrage universel au

nom de

parfaitement

souveraineté du peuple, suffisent

la

de

l'État, c'est-à-dire

aux questions d'administration,

de police et de finances

ment

dite,

;

mais pour

pour ce qui touche à

la législation et

ménage

appelle les affaires de

à ce qu'il

propre-

la politique

la partie essentielle

du gouvernement,

il

de

faut, selon lui, des

hommes

pré-

destinés qui, pleins de son esprit, les exercent en

son

pouvoirs émanés de Dieu lui-même et des

nom de

et à sa gloire,

la société,

«

pour l'avancement moral

N'est-ce pas,

dit-il (1),

le

et spirituel

père de

fa-

»

mille qui choisit les gouvernantes et les instituteurs

»

de ses enfants, ainsi que les fermiers et les laboureurs

i

de ses terres? Et sont-ce jamais

»

institutrices, les fermiers et les

»

sissent le père de famille

les

gouvernantes,

? »

Sans une délégation d'en haut, aucune

ne peut

loi

s'expliquer; car toute loi réclamant une sanction ou

châtiment, toute

loi,

pour parler

la

trat social.

On

comme un

imposqu'elle

des articles du con-

du moins pour

soi

;

loi,

on n'accepte pas

et cela suffit

tout caractère obligatoire. D'ailleurs, ce qu'elles devraient être;

(1)

est

ne s'engage point par contrat à se laisser

punir; on accepte bien la tion,

il

résultat d'une convention,

puisse être considérée

un

langue de Saint-

Martin, devant porter sa mulcte avec elle, sible qu'elle soit le

les

laboureurs qui choi-

si,

la

puni-

pour ôter à

la loi

si les lois

étaient

rédigées sous l'inspiration

Éclair sur l'association humaine p. 33. ,

THÉOCRATIE DE SAINT-MARTIN.

428

de

la

sagesse divine par une autorité digne de

que l'expression de

d'interprète, elles n'étaient

des choses, tion pénale

il

;

lui servir

serait inutile d'y ajouter

elles porteraient

la nature

aucune

disposi-

en elles-mêmes leur sancpar

tion, et celui qui les violerait serait assez châtié

conséquences inévitables de sa faute

(1).

Parmi

les

les

peines qui sont aujourd'hui infligées aux coupables,

il

en est une surtout qui disparaîtrait dans ces conditions, parce qu'elle est inique en soi et radicalement impuis-

La peine de mort, selon Saint-Martin,

sante.

en

soi,

parce qu'une des premières règles de

est inique la justice

pénale, c'est qu'il n'est pas permis d'ôter à un criminel ce qu'il serait impossible de lui rendre, fiter

de

de mort

la punition et à rentrer est,

dans

s'il

venait à pro-

l'ordre.

La peine

de plus, radicalement impuissante, «parce

une punition, mais une des-

»

que cette peine

»

truction qui devient inutile au coupable et qui n'est

»

guère plus profitable aux méchants qui en sont

»

moins

»

nition qui n'effraye

»

rarement l'homme moral.

drait la

(2). »



n'est plus

«

Tuer,

dit-il ailleurs (3), est

que l'homme de matière

mieux ressusciter

et

»

Au

lieu

et

de tuer,

les té-

une pu-

amende il

vau-

environner les coupables de

lumière de leurs crimes.

Mais comment les reconnaîtrons-nous ces êtres privilégiés, ces représentants de la Providence, ou,

(1) Éclair p.

sur l'association humaine,

p.

36

;

63

et 64.

(2)

Éclair sur l'association humaine, p. 37.

(3)

Lettre sur la Révolution, p. 64.

comme

Lettre sur la Révolution,

THÉOCRATIE DE SAINT-MARTIN.

129

Saint-Martin les appelle encore, ces commissaires divins (\), qui sont appelés à régénérer la société en re-

nouvelant les

à conduire les peuples vers l'ac-

lois, et

On

complissement de leurs destinées?

les reconnaîtra

à plusieurs signes que l'auteur de la Lettre sur la ré-

volution française prend soin de nous indiquer. D'abord,

quoique semblables, par leur nature, aux autres hom1

mes

(car

il

ne s'agit pas de s'élever au-dessus de

ture humaine, mais d'y entrer, au contraire),

ils

na-

la

se dis-

tingueront d'eux par la supériorité de leurs facultés et

Le spectacle de

de leurs lumières.

l'iniquité

l'anarchie les fera souffrir davantage, et :

à un plus haut degré tice.

Ensuite,

ils

le

auront une

foi

inébranlable dans leur ils

leur énergie à la faire accepter au

Enfin,

les

éprouveront

besoin de l'ordre et de la jus-

autorité ou dans leur mission, et

même.

ils

de

et

emploieront toute

nom

peuples, croyant

de

la justice

croyant voir

en

eux leurs libérateurs, se soumettront volontairement à leur empire, courront au-devant d'eux j>

ou par leurs désirs,

»

et

«

par leurs votes

s'abandonneront à leur vo-

lonté et à leur sagesse, persuadés qu'elles attireront sur

eux

les

dons de

C'est dans cet

Saint-Martin

la

bonté et de

abandon ou

fait

sagesse divines

("2).

cet acte d'abdication

que

la

précisément consister l'exercice de

souveraineté du peuple telle qu'il la comprend.

conséquent, la souveraineté du peuple, c'est pour

même

la

Par lui la

chose que la dictature, pourvu qu'elle soitaccep-

(1) Lettre

sur la Révolution,

(2) /6td., p.

60

p.

60.

et 61. Voy. aussi p. 30.

CONSIDÉRATIONS SUR LA FRANCE.

130

tée volontairement, sinon consacrée après

coup par

le

suffrage universel. Et c'est dans cette forme irrégulière

du pouvoir absolu

de

qu'il trouve aussi la réalisation

la

vraie théocratie.

C'est le fatalisme qu'il fallait dire; car, avec de tels

principes,

il

ne

reste,

comme nous

l'avons déjà remar-

qué, aucune place à la liberté humaine, ni à celle des peuples, nia celle des individus. Les peuples sont livrés et les dictateurs sont

sans défense à leurs dictateurs,

des instruments dans la main de Dieu. Le pouvoir absolu,

dans ce système, n'apporte pas

compensation de quoi donc,

si

gouverne,

a-t-il

lui la

Pour-

les

peuples

ne se-

les rois héréditaires

pas aussi bien dans sa main que

Pourquoi leur

avec

la stabilité.

Dieu seul qui règne sur

c'est

et lui seul qui les raient-ils

de

la régularité et

même

les dictateurs?

permis d'abuser à ce point de leur

autorité, qu'il a fallu les renverser et renouveler la société

elle-même

?

Mais, au lieu de discuter cette étrange

politique, nous aimons mieux montrer tiré

le parti

qu'en a

Joseph de Maistre, en empruntant à Saint-Martin

la

plupart de ses jugements et de ses principes.

Qu'on ouvre

Considérations sur la France

les

verra, dès les premières lignes,

appréciée exactement de la Lettre de Saint-Martin

;

que

même

la

manière que dans

et à la similitude

de

la

(1)

Publiées pour

la

première

Lettre de Saint-Martin.

portant la date de 1834.

fois à

la

pensée

vient se joindre quelquefois celle de l'expression.

la

on

(1),

Révolution y est

«

Ja-

Lausanne en 1796, un an après

Nous avons sous

les

yeux

l'édition

de Lyon,

CONSIDÉRATIONS su; LA FRANCE

mais

des Considérations

la Divinité, dit l'auteur

ne s'était montrée d'une manière

événement humain.

!

:omme ,1

i

)

» 11

pense que, devant noire, qui opère

la

si

(1),

dans aucun

claire

prononce à chaque instant,

noms de miracle

Saint-Martin, les

131

et

paix et la royauté,

de magie. la

«

magie.

comme Saint-Martin, comme

dans ce moment, disparaîtrait

un brouillard devant

le soleil. »

ions l'avons fait remarquer, aperçoit dans la Révolution

ane expiation en int.

De

même )

o

o

»

idée

:

Toutes

«

les

mains du pouvoir révo-

lutionnaire; et ce monstre de puissance, ivre de sang et

de succès, phénomène épouvantable qu'on n'avait

jamais vu et que, sans doute, on ne reverra jamais, était

»

les

tout à la fois

Français et

On

le

un châtiment épouvantable pour

seul

moyen de sauver

la

France

se rappelle que, selon Saint-Martin,

la

» (2).

première

plus grande part de ces rigueurs devait atteindre

et la

clergé, parce que, au lieu de rester l'exemple de tou-

tes les vertus,

il

avait

donné

Telle est aussi l'opinion de i»

qu'un instrument de sa-

les vies, toutes les richesses, tous

pouvoirs étaient dans

les

»

le

même temps

Maistre, dans les lignes qui suivent, exprime la

saurait nier, dit-il (3),

»

d'être régénéré

»

les

;

et,

le signal

le

Ch.

(2)

Ibid.,p. 22.

(3)

Ibid., p.

i,

p. 9.

26.

«

On

ne

sacerdoce n'eût besoin

quoique je sois fort loin d'adopter le clergé,

pas moins incontestable que

(1)

décadence.

la

Joseph de Maistre.

que

déclamations vulgaires sur

» raît

de

il

ne

me

les richesses, le

paluxe

CONSIDÉRATIONS SUR LA FRANCE.

132

pente générale des esprits vers

»

et la

»

avaient

»

sible

»

au

»

précédèrent immédiatement

»

était

»

place qu'il avait

fuit

souvent de trouver sous

lieu

relâchement

le

décliner ce grand corps: qu'il était posle

camail un chevalier

d'un apôtre; et qu'enfin, dans les temps qui la

Révolution,

le clergé

descendu, à peu près autant que l'armée, de

Quand on

occupée dans l'opinion générale.

a lu, dans la Lettre à un

ami sur

la

»

la ré-

volution française, et dans Y Eclair sur l'association

humaine, que l'homme, depuis sa chute, a perdu faculté législative et se

donner carrière que dans

gouvernement des

;

les

sphères inférieures du

qu'on ne crée pas à coups de majorité

capables de durée

lois

la

que sa sagesse politique ne peut

à volonté sa constitution

;

qu'un peuple ne change pas qu'il

;

ne se donne pas et

n'exerce pas par lui-même la souveraineté, on croit re-

comme un écho

trouver

de ces paroles dans plusieurs

passages des Considérations sur la France )>

c

«

:

Nulle

grande institution ne résulte d'une délibération. Jamais

il

»



n'exista de nation libre qui n'eût dans sa

germes de

»

constitution naturelle des

»

ciens qu'elle, et jamais nation ne tenta efficacement

développer, par ses

lois

liberté aussi an-

fondamentales

écrites,

a

cle

»

d'autres droits que ceux qui existaient dans sa consti-

»

tution

»

dans

»

telle est

»

peut, sans doute, planter

»

le

naturelle.

la

»



«

L'homme peut

sphère de son activité, mais sa

loi,

au physique

comme

il

tout modifier

ne crée rien

:

au moral. L'homme

un pépin, élever un

arbre,

perfectionner par la greffe et le tailler en cent ma-

CONSIDÉRATIONS SUD LA FRANCE.

mais jamais

ne

»

nières

»

pouvoir de faire un arbre.

;

il

avait celui de faire

d qu'il

s'est

133

figuré qu'il avait le

Comment

imaginé

s'est-il

une constitution (4)?

»

On

ne peut s'empêcher de remarquer que la comparaison

môme dont se sert de Maistre a été employée, la même occasion, par Saint-Martin. A l'exemple de Saint-Martin, de Maistre admet certains cas,

pour réformer

la

Providence, dont les œuvres

la

mission

:

parle, et

« Il

il

sairement «rois ou

homme

mêmes

Seulement de

hommes

éminemment nobles

suscité par

font reconnaître

se fait obéir. »

Maistre a soin d'ajouter que dp tels

dans

fonder subitement

les lois et

une constitution, l'intervention d'un

dans

»

sont néces-

(2).

Enfin, les deux écrivains se rencontrent encore dans

comme

pensée, que Dieu règne dans l'histoire

cette

dans

la nature, qu'il est le

premier moteur,

le

premier

instigateur de toutes les institutions, de tous les pouvoirs qui ont quelque tions destinées tout

châtier,

quand

ils

s'écartent de leur but. C'est ce que

l'auteur des Soirées y>

durée, et des grandes révolu-

à la fois à les régénérer et à les

de Saint-Pétersbourg appelle

gouvernement temporel de

la

Providence.

»

Pour

le

«

lui

aussi les dépositaires de la puissance publique sont dirigés,

mais

(1) «

dans tous leurs actes, par une cause surhumaine

il

Considérations sur la France, ch.

ce chapitre dit tout

:

De

vi,

p.

81-91.

Le

titre seul

Ibid., p. 85.

AD. FRANCK.

de

l'influence divine dans les constitutions poli-

tiques. » (2)

;

soutient que les rois seuls, les rois héréditaires,

8

CONSIDÉRATIONS SUR LA FRANCE.

134

sont les ministres de la sagesse de Dieu

;

tandis que les

auteurs de révolution et les magistrats populaires ne sont que les instruments de sa vengeance placés dans les

mains du prince des ténèbres

(1).

Lui aussi,

il

fait

reposer la société sur les fondements de la théocratie

mais

la théocratie,

telle qu'il la

comprend,

;

n'est pas

cette puissance invisible, insaisissable, indéfinie, dont s'est épris a,

l'âme tendre et rêveuse de Saint-Martin

pendant plusieurs

siècles,

nations et sur les rois esprit; elle a

;

elle

a

;

régné effectivement sur

un corps

un représentant

elle

les

aussi bien qu'un

visible, qui s'appelle le

Pape.

(1)

«

Il

la distingue

y a dans la Révolution française un caractère salanique qui

de tout ce qu'on a vu.

cliap. v, p, 07.)

»

{Considérations sur

la

France,

CHAPITRE

VI

— Théosophie. — Saint-Martin — Idées de Saint-Martin sur nature — Sur — Sur nature de l'homme. — Doctrine de

Doclrinc religieuse de Saint-Martin. point panthéiste.

n'est

divine.

la

l'origine des êtres.

la

la

chute de l'homme.

Tant que Saint-Martin se borne à discuter avec ses contemporains, philosophes, savants ou publicistes, n'est

lui-même qu'un philosophe

;

car

il

comprend

il

qu'il

n'y a que la raison qui soit admise à réfuter les erreurs

de

la raison

tient

que ce n'est qu'à l'observation

;

qu'il appar-

de détrôner l'hypothèse. Bons ou mauvais, ses

arguments sont toujours construits en vue de ce double effet et

ne supposent pas une autre lumière que celle

de l'évidence naturelle; mais dès que, sortant de la discussion,

il

s'abandonne à

l'esprit qui le remplit et

ex-

pose avec suite ses propres idées, alors on ne reconnaît plus en lui qu'un initié, un révélateur de mystères, l'interprète d'une science plus qu'humaine, puisque

n'en est que

le

réceptacle, tandis que Dieu, par

l'homme une com-

munication immédiate, par une révélation permanente, en est tout à

la

fois l'objet et la

losophe disparaît devant

le

source

théosophe.

;

le

phi-

titre,

déjà

alors

Ce

très-usité avant lui dans les cercles mystiques de l'Alle-

magne, Saint-Martin semble

le

revendiquer lui-même

SAINT-MARTIN N'EST PAS PANTHÉISTE.

136

quand

écrit (1)

il

que ce

que

c'est là

On

pour

n'est pas assez

spiritualiste, qu'il désire

lui d'être

qu'on l'appelle diviniste, et

son véritable nom.

a dit que les théosophes étaient les gnostiques des

temps modernes

mesure

Cela est vrai dans une certaine

(2).

car les uns et les autres font

:

sens intérieur ou de

le

l'interprétation

même

abus du

allégorique

des

Écritures. Les uns et les autres, effaçant toute distinction entre la philosophie et la religion, s'efforcent d'ab-

sorber

christianisme dans un système préconçu de

le

métaphysique, et produisent leurs idées métaphysiques sous les expressions sacramentelles du

Les uns et

quand

les autres,

peut leur être

il

dogme

chrétien.

sans renoncer au raisonnement utile,

appellent à leur secours

tous les procédés du mysticisme, non-seulement l'expérience intérieure ou le sentiment personnel de la pré-

sence divine, mais les nombres, les symboles, et jus-

qu'aux apparitions ou personnifications matérielles des

On

idées.

Sophia.

se rappelle les

ment pour écrit à

ans

il

amours du général Gichtel avec

Saint-Martin lui-même, malgré son

ce qu'il appelle \es?nanifestations sensibles,

son ami Rirchberger (3) que depuis dix-huit connaît sensiblement la Couronne, c'est-à-dire

un des attributs de Dieu, une des sephiroth de bale, et que,

même (1)

(2)

(3)

éloigne-

manière

depuis vingt-cinq ans, la voix

Portrait historique,

de

il

la colère et la voix

n°576.

M. Moreau ; le Philosophe inconnu, Correspondance inédite, p. 213.

p,

148.

la

kab-

connaît de la

de l'amour,

SAINT-MARTIN N'EST PAS PANTHÉISTE.

137

quoiqu'il n'y ait que peu de mois qu'il les distingue l'une de l'autre (1). Mais la ressemblance qu'on veut établir entre les

deux écoles cesse d'exister dès qu'on

passe de la forme et des moyens de démonstration au

fond des choses. ser, et

Il

souverainement injuste d'accu-

est

comme on l'a fait, de panthéisme ou de manichéisme, moment de l'un et l'autre à la fois (2), toutes les

par

doctrines comprises depuis environ deux siècles sons

nom de

théosophie.

théosophie

commence

le

et

que à des systèmes bien

Bœhm

ceux de pirent,

et

serait difficile de

Il



elle finit

différents,

son

;

dire

nom



la

s'appli-

dont quelques-uns,

de Saint-Martin tout d'abord, res-

quoique sous une forme indépendante,

la

plus

tendre piété pour la religion chrétienne, et proclament sous toutes les formes la personnalité divine et la personnalité humaine.

Nous ne connaissons jusqu'à présent de Saint-Martin que

cette

partie de

ses opinions

quelque façon de rempart contre phiques

et politiques

qui

de son temps

formation de la parole et de

la

lui

:

sa théorie de la

pensée et celle de

sance et du gouvernement de la société.

nant temps que nous pénétrions dans trine, en la

servait en

préjugés philoso-

les

le

11

la nais-

est mainte-

cœur de

sa doc-

nous rendant compte de ses idées sur l'origine,

nature et les mutuels rapports des êtres en général

ou des principes sur lesquels repose son système méta-

(1)

Correspondance

(2)

Voy. M. Moreau,

inédite, p. p.

184.

213.

SAINT-MARTIN N'EST PAS PANTHÉISTE.

138

physique

et religieux.

que

En

vain le mystique allemand

pensées de Saint-Martin sont

Baader

a-t-il écrit

comme

de belles fleurs qui

les

côté des autres, sur la surface de offrir

unes à

flottent sans lien, les

l'eau (I)

sans nous

;

précisément l'enchaînementrigoureux de X Ethique

de Spinosa ou de certains systèmes philosophiques de l'Allemagne, elles se suivent avec assez d'ordre et se

répondent avec assez d'harmonie pour qu'on puisse regarder

comme

des parties indispensables d'un

les

même

tout.

Une première remarque qu'on

est conduit à faire

lorsqu'on étudie les livres de Saint-Martin, c'est que tous ou

presque tous nous représentent

l'homme, l'âme ramenée à son essence importations étrangères, et la source la plus

comme

pure de

tions, n'y sont considérées

les

Les enseignements

écritures,

les tradi-

si

l'on voulait se ser-

du langage philosophique de nos jours, que, pour

découvrir les véritables principes de

par suite, de

mencer par soit

nature

la

réellement

le voit

(1)

le

la

connaissance

des choses,

il

il

faut ?

et,

com-

Que

ce

sens qu'il faut attacher aux paroles est impossible d'en douter,

se proposer

Voy.

même

chercher dans la conscience

les

de Saint-Martin,

le

dégagée des

que comme un écho de notre

propre pensée. N'est-ce pas dire, vir

de

l'image la plus fidèle

la vérité.

que nous recevons du dehors,

et

l'esprit

pour modèle

François de Baader

et

la

quand on

méthode de Des-

Louis-Claude de Saint-Martin, par

baron Frédéric d'Osten-Sacken, in-8°; Leipzig,

1860.

SAINT-MARTIN N'EST PAS PANTHÉISTE. cartes.

11

veut, à ce qu'il nous assure, être le Descartes

la spiritualité. Si

de

Descartes nous a enseigné l'usage

de l'algèbre appliquée à la géométrie,

compatriote de ce philosophe,

lui, le

de l'homme dans

tirer »

comme

il

nous montrera,

tout.

» Il

se servira

de l'homme-

d'un instrument d'analyse universel

L'homme,

»

sacrée, suspendue au milieu des ténèbres est

u II

dit-il ailleurs (2),

comme

est

la plus vaste

pensée intérieure divine

»

même.

»

témoin universel de l'universelle vérité.

non

ait laissée sortir

hors d'elle-

envoyé pour être

est le seul être qui soit

»

le

C'est lui et

nature qu'y faut interroger sur l'essence et les

la

du Créateur

plans

du temps.»

manifestation que la

»

Il

(1).

comme une lampe

«



qu'on peut

le parti

cette espèce de géométrie vive

«

embrasse

et divine qui

esprit

139

(3).

Ces déclarations nous font com-

prendre l'aversion que Saint-Marlîn n'a jamais cessé de

montrer pour

les opérations

théurgiques et son éloigne-

ment, manifesté à plusieurs reprises, pour les visions de Swedenborg (h). Si la

connaissance de nous-mêmes est pour nous

plus sûr

moyen de connaître Dieu, ou

comme un

si

le

notre esprit est

miroir dans lequel se réfléchit son image,

on peut être certain que les attributs les plus essentiels

»

(I)

Ministère de ï homme-esprit, préface, p. xiv.

'2)

L'homme de

(3)

Ecce homo,

(II)

«

me

17

et suiv.

crois obligé

de dire à ceux qui

peut avancer infiniment dans

» et

»

Je

désir, p. 108. p.

même

atteindre

la

carrière des

à un rang élevé

parmi

me

liront

que l'homme

œuvres vives

les

spirituelles

ouvriers du Seigneur,

sans voir des esprits. » (Ministère de l'homme-esprit, p. 43.)

NATURE

IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA

140

DIVINE.

de notre nature, précisément ceux qui font de nous un

un

être libre,

esprit vivant,

une personne, ne feront pas

En

défaut dans la nature divine.

effet,

la meilleure, la

seule preuve de l'existence de Dieu selon Saint-Martin, celle qui

c'est

du sentiment de l'admiration

résulte

et de l'amour, du besoin permanent, universel, irrésis-

d'admirer et d'adorer, qui existe au fond de toute

tible

âme humaine. Ce

besoin, d'où viendrait-il

s'il

n'existait

au-dessus de nous une source éternelle, infinie, d'admiration et d'amour, c'est-à-dire

un être dont

les perfec-

tions répondent au doux tribut qui, des profondeurs de

monte spontanément vers lui? Or,

notre conscience,

l'adoration et l'amour,

quand on

les considère, soit

dans

celui qui les inspire, soit dans celui qui les éprouve, ne

On

n'aime pas

et

l'on n'admire pas, on n'est ni aimable ni adorable,

si

peuvent se concevoir sans

l'on ne réunit la liberté

pas

la liberté.

les attributs

d'un être

libre.

Voilà donc

même temps que

de Dieu démontrée en

son

existence, et l'une et l'autre se découvrent à nos regards,

non comme

comme un

les

fait

avec les yeux de

Ce

n'est pas

conclusions d'un raisonnement, mais

irrécusable, dès

que nous avons aperçu, propre existence.

l'esprit, notre

une

mais cinq,

fois,

preuve de l'existence de Dieu.

chacun de ses principaux rât,

dans sa Lettre sur

six fois,

de ses lecteurs

Martin appelle l'attention

écrits

la

ïl :

la

que

Saint-

sur cette

développe dans

dans sa Lettre à Ga-

révolution

française,

clans

YEcce homo, dans Y Esprit des

choses, dans le Ministèrt

de i'homme-esprit ,

il

et

jamais

ne manque d'appuyei

IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DIVINE.

avec force sur la liberté divine. Le

nom

sous lequel

désigne habituellement la Divinité est celui de



141

a

il

cause

L'Éternel, dit-il clans un

»

active et intelligente.

»

de ses plus beaux livres (1), l'Éternel adonné à l'homme

»

«

pouvoir sublime de créer en

» le

soi la vertu,

parce que

que chacune de ses productions

»

l'Éternel a voulu

»

testât qu'il est le créateur.

L'homme

»

at-

vertueux, cause

volontaire de ses actions et créant en quelque sorte en

lui-même, avec la conscience de son pouvoir, non-seulement ses actions, mais la volonté ce pas le type le plus accompli liberté

même du bien,

qu'on puisse

offrir

n'est-

de la

de Dieu? Ajoutons que Saint Martin, dans une

démonstration qu'il essaye de donner de la Trinité, se garde bien d'établir,

comme

les

gnostiques et les phi-

losophes d'Alexandrie, un certain ordre de succession entre les trois personnes divines, mais

unies dans

une essence

et

il

nous

les

montre

dans une œuvre indivisible.

Dieu, selon lui, qui est la source de toute pensée, ne

peut être étranger à la contemplation de lui-même

;

il

ne peut se contempler sans s'aimer; son amour, éternel

comme nelle

génération

publié

der

sa substance, ne peut se concevoir sans une éter-

comme

(1)

Enfin, dans son dernier ouvrage celui qu'on peut regar-

son testament philosophique et religieux,

nous représente la terre et

(2)

(2).

deux ans avant sa mort,

le

il

Verbe descendant volontairement sur

revêtant par

un

L'homme de désir, p. 68. De 1'espril des choses, t. \,

acte

p. 32.

d'amour tous

les attri-

IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DIVINE,

142

buts de la nature humaine, afin de relever et de régénérer

l'

humanité déchue. Jamais Saint-Martin n'a

varié

sur ce point capital.

D'où vient donc

souvent accusé de pan-

qu'il a été si

1

théisme, c'est-à-dire d'un système absolument incompatible avec la liberté, soit en Dieu, soit dans

l'homme?

Cela tient à ce que, trop fidèle au souvenir de son pre-

mier maître, Martinez Pasqualis, cilier le

ensemble

il

s'est flatté

de con-

de l'émanation,

la liberté divine et l'idée

principe du christianisme et celui de la kabbale. Tout

en se servant quelquefois du mot créer et du

nom

de

créateur consacrés par l'exemple de l'Écriture sainte, Saint-Martin, lorsqu'il explique la formation des

quand

parle de la naissance de

il

l'homme

et

êtres,,

de l'univers,

manque rarement de dire qu'ils sont émanés de Dieu., En voici quelques exemples choisis à dessein dans plusieurs de ses

œuvres

«

:

Le principe suprême, source

»

de toutes

»

pensée dans l'homme,

»

les

»

nécessaire à tous les êtres,

»

tions

œuvres

,

puissances, soit de celles qui vivifient soit

visibles de la nature matérielle

(1)

»



il

leur

Tableau naturel des rapports,

le

les-

principe de;

donne par



un


»

(1).

143

Tu

procédais de

lui, lu étais

de sa pensée, tu étais un Dieu pensé, un

Dieu voulu, un Dieu parlé, tu n'étais rien tant qu'il

|)

ne laissait pas sortir de

j)

sa parole

)

(2). »



sans aucun doute

)

prime de cette façon,

:omme .ache

le

pensée, sa volonté et

un

être réel et qui tient

es

(3). »

ce

Matter, parce que sa

VI.

lui sa

rang

le

émanées

les réalités

>

Tu

«

le

distingué parmi

plus

Quand

Saint-Martin s'ex-

n'est pas,

plume a

comme

l'affirme

trahi sa pensée, ni,

suppose M. d'Osten-Sackem parce

qu'il n'at-

aux mots émaner, émanation, aucun sens

défini,

î'est

parce qu'il repousse absolument l'idée de la créa-

;ion

ex nihilo, et qu'il ne peut pas comprendre, Dieu

Haut l'unique principe de l'existence, que tous les êtres îe

soient pas formés de la substance divine. Voici,

au reste, quelques fragments

es plus importants, qui >njet. I

On

)

|i>

>

|

'

de ses écrits

ne pourra pas nous reprocher d'abuser des

Citations; car

en pareille matière, ce sont les meilleures

[breuves qu'on puisse fournir. ,

tirés

ne permettent aucun doute à ce

Martin dans

le

«L'éternité, dit Saint-

Ministère de V homme-esprit

(h), l'é-

comme

étant le

ternité ou ce qui est doit se regarder

fond de toutes choses. Les êtres ne sont que les cadres, les

(2)

Œuvres posthumes, t. I, p. 244-245. Le nouvel homme, p. 127.

(S)

Ibid., p.

(4)

P. 84.

(1)

14

t.

comme

vases ou les enveloppes actives où cette

IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DIVINE.

144 »

essence vive et vraie vient se renfermer, pour se raa-

parleur moyen.

» nifester

»

Cette assimilation des êtres

des vases qui contiennent et qui trans-

particuliers à

mettent la substance éternelle, est une idée kabbalistique, qui ne peut avoir été suggérée

même

Pasqualis. Nous retrouvons le

que par Martinez

esprit et le

même

langage dans un passage non moins remarquable du

Nouvel homme. Après avoir essayé de montrer que le dernier résultat de la régénération du monde est d'effacer

temps

le

aujourd'hui,

appelle

prenne

de faire disparaître cette image qu'on

et

nom

le

afin

que tout ce qui

existe re-

universel de Y Ancien des jours, l'auteur

mystique continue en ces termes

(1)

:

«Car

c'est ce

»

nom que

»

tion matérielle; et c'est ce

»

à porter, de nouveau lorsque l'œuvre sera accomplie,

toutes choses ont porté avant la corporisa-

»

afin

que

»

lois

subdivises,

même nom

l'unité soit toute en tout,

comme

celles

qui

qu'elles tendent

non plus par des constituent, gou-

»

vernent, engendrent et détruisent la nature, mais par

»

une plénitude d'action qui se développe sans cesse,

»

et

»

résistances.

sans l'affligeant accident des contractions et des

Pour qui il

n'y pas

s'est

la

accoutumé à

un mot dans ces

tion précise.

nent

»

la

langue de Saint-Martin,

lignes qui n'ait

V Ancien des jours,

les kabbalistes à la

c'est le

une

don-

subslance divine sous sa forme

plus élevée ou à la première des séphiroth.

(1) P. 68.

significa-

nom que

Dire que

IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DIVINE.

ce

nom

dans l'origine porté par toutes choses

était

que toutes

145

le

reprendront à la

et

des temps, c'est ad-

fin

mettre que tous les êtres sont sortis du sein de Dieu et

que tous doivent y rentrer. C'est la même idée que nous trouvons exprimée ailleurs (1), sous une autre forme, lorsque, à la place de la fameuse proposition de Male-

branche, «nous voyons tout en Dieu drait qu'on lût êtres

:

«

»

Saint-Martin vou-

nous voyons Dieu dans

tout.

que nous apercevons aujourd'hui dans

Si les

»

la nature,

sous les attributs de la matière, ont déjà existé avant leur corporisation,

il

est évident

qu'une forme inférieure, et

que

comme

les

corps ne sont

Saint-Martin

le dit

expressément, qu'une contraction de la substance universelle. lité

qui

elle

En

lui

effet, la

matière, selon

appartienne en propre

lui, n'a et,

aucune qua-

par conséquent,

ne forme point une existence distincte;

elle n'est

qu'une image ou une apparence sensible, produite par des puissances que nos sens ne peuvent saisir et qui

émanent à leur tour d'une puissance plus générale, d'un esprit doué de vertus supérieures.

«

Si les doctes

»

anciens et modernes,

»

Aristote, jusqu'aux

»

su faire attention que la matière n'est qu'une repré-

»

sentation et une

»

se seraient pas tant tourmentés ni tant égarés

»

vouloir nous dire ce qu'elle était. Elle est cornue le

Newton

Ibid., p. 82.

AD.

FRANCK.

et

aux Spinoza, avaient

image de ce qui

(1) Ministère de V homme-esprit, (2)

depuis les Platon, les

dit-il (*2),

p.

402.

n'est pas elle, ils

ne

pour

IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DIVINE.

Ii6

faut absolument

»

portrait d'une personne absente;

»

connaître le modèle pour pouvoir s'assurer de la res-

»

semblance.

il

»

Ce n'est pas seulement de son premier maître que SaintMartin tient cette doctrine; a été

comme

Bœlim. Mais stituer,

il

y a été poussé aussi,

il

en

enivré par la lecture des écrits de Jacob le

théosophe allemand

ou pour mieux

lui

a appris à sub-

langage de

dire, à ajouter le

l'alchimie à celui de la kabbale.

Il

donne le nom de tein-

ture divine à ce que Martinez Pasqualis appelait Y An-

nombreux

cien des jours (1), et aux esprits déjà assez et assez variés

du

sel,

du panthéon

du soufre

formes de

nature,

la

oriental,

du mercure,

et

et les

il

joint les esprits

les sept

puissances ou

substances spiritueitses,

agents intermédiaires entre les substances spirituelles, c'est-à-dire les forces intelligentes, et la matière propre-

ment

dite (2).

Par quels

artifices

de combinaison, à

faveur de

la

quelles illusions de l'imagination ou du sentiment,

le

principe de l'émancipation a-t-il pu subsister, dans un et aussi

esprit aussi élevé

avec bilité

les idées

religieux

que Saint-Martin,

de liberté, de providence, de responsa-

morale, d'amour, de sacrifice, de chute, de réha-

bilitation?

La réponse à

cette question,

(1)

Ministère de Vhomme-esprit, p. 432.

(2)

«

Ce n'est point

» de son action, ou

si

la

matière qui est divisible à

l'on veut, les

» peut appeler l'esprit

l'honmie-esprit, p. 79).

de

la

nous allons

l'infini

?

la

c'est la base

puissances spiritueuses de ce qu'on

matière ou l'esprit astral

»

(Ministère de

IDÉES DE SAINT-MARTIN SIR LA NATURE DIVINE.

147

demander à Saint-Martin lui-même en rassemblant

et

en rapprochant les uns des autres tous les éléments de

son système.

Nous savons déjà ce qu'est pour quand on essaye de

la considérer, à part

dans son essence indivisible

pour

un

est

lui,

lui la

esprit,

et

nature divine,

de

la création,

incommunicable. Dieu,

une intelligence vivante

(1),

source et modèle de la nôtre; par conséquent, la con-

manque

science ne lui

quels

il

pas.

Des

trois attributs

comme

le

première raison des choses,

la

nous est impossible de

premier principe

la

et

sans les-

le

concevoir

puissance, l'intelligence et l'amour,

n'y en a pas un

il

qui soit plus ancien ou plus récent que les autres;

en a pas un dont successives

;

les

mais

il

n'y

deux autres soient des émanations

les trois ont existé et existeront si-

multanément de toute

éternité. Voilà ce

appelle les essences intégrales (2)

,

que Saint-Martin

c'est-à-dire

que dans

leur union Dieu se possède tout entier sans diminution ni accroissement. Et cependant,

comme

ces attributs

divins, sous peine de ne pas être, sont toujours en action,

on peut dire que Dieu se crée lui-même éternelle-

ment, en exerçant sur lui-même sa pensée^ sa puissance et

son amour, ou que la conscience divine est

et le

témoin d'une génération éternelle

théâtre

(3).

Mais Dieu ne pouvait renfermer son amour le

le

infini

dans

sanctuaire impénétrable de son unité, ni borner sa (1)

Ecce homo.

(2)

De

l'esprit des choses.

(3) Id., ibid.; Ministère

de l'lwmme-csprit,p.

(58.

IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR L'ORIGINE DES ÊTRES.

148

toute-puissance à l'œuvre de sa propre génération

donc produit d'autres

êtres,

il

;

il

a

a donc mis au jour l'œuvre

de la création, qui, semblable à une succession de miroirs

ou d'images,

contempler

lui

renvoie à

l'infini et lui

permet de

sublimes de sa propre existence.

les traits

«

On

»

amour, n'a dû, en se produisant à lui-même ces ima-

»

ges,

sent, ajoute Saint-Martin,

les

extraire

que

même

»

quoique, par cela

distinctes, elles n'aient point le

»

les essences intégrales

»

être susceptibles d'être

»

des propriétés de leur source et

»

fruits

En

principe qui est

que des essences de son amour,

»

(1). »

le

;

qu'elles en sont extraites et

même

caractère que

mais on sent qu'elles devaient

imprégnées continuellement lui

en représenter les

d'autres termes, les êtres créés, de

même que les attributs dont nous parlions tout à l'heure, de même que les personnes de la Trinité, sont formés de l'essence divine. Seulement, au lieu de nous représenter cette essence

que des

dans ses proportions

extraits

infinies, ils n'en sont

de plus en plus réduits, mais toujours

susceptibles, par une

communication nouvelle avec leur

principe, d'un accroissement de fécondité et d'énergie. C'est ainsi que Saint-Martin s'efforce de mettre d'ac-

cord

le

principe de l'unité de substance avec la diversité

des êtres et la distinction essentielle de l'univers et de Dieu. Mais

comment concevoir que des

extraits de la

substance divine cessent de faire partie de cette substance? D'un autre côté, l'on ajoute que la création,

(I)

De

l'esprit des choses, p.

33

et

3i

IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR L'ORIGINE DES ÊTRES.

149

quoiqu'elle suppose nécessairement et apporte avec elle l'idée

du temps,

doit être considérée

comme un comComment

mentaire et une continuation de l'éternité (1). la continuation

de l'éternité peut-elle se

présenter à

comme une chose différente de même? Empruntée à Bœhm, qui lui-même,

notre esprit

l'atteste à

chaque instant son langage,

les

ainsi

que

la devait

grande partie aux inspirations de l'alchimie,

du théosophe français présente donc

l'éternité

en

la doctrine

mêmes inconvé-

nients que celle de l'émanation acceptée dans toute sa

rigueur et n'est pas moins création

Au dé

comme on

reste,

une

difficile

à comprendre que la

l'entend généralement.

fois

qu'on a franchi ce sombre passage,

la solitude divine à la

naissance des êtres, dans le-

quel bien d'autres se sont perdus et se perdront encore,

on voit

même fait la

succéder et s'enchaîner de la

les existences se

manière que dans

les

systèmes dont l'émanation

base commune. Elles nous offrent toutes ensemble

une atténuation graduelle de elles sont sorties

esprit, elles

;

et

comme

la

substance divine d'où

cette substance est

ne sauraient être d'une autre nature.

Il

pur n'y

a donc dans la création entière, au moins telle qu'elle a existé d'abord,

que des

esprits,

véritables miroirs,

roirs vivants et actifs, qui se renvoient les

tres l'image

du créateur de plus en plus

mi-

uns aux aueffacée ou de

plus en plus brillante, selon qu'on descend du premier

au dernier ou qu'on remonte du dernier au premier (1) Ministère

(2)

De

de l'homme-esprit, p. 84,

l'esprit des choses, p.

35

et

150.

§ 2.

('!).

IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR L'ORIGINE DES ÊTRES.

150

Dans

cette chaîne universelle

on distingue quatre an-

neaux principaux, qui se suivent dans l'ordre que

lame de l'homme, que



voici

nomme

Saint-Martin

aussi

quelquefois la racine ou la base de notre être; 2° telligence de

l'homme, ou

l'esprit

nature, ou l'esprit de l'univers

De

matière.

proprement U° les

;

:

l'in-

dit; 3° la

éléments ou

la

quatre mondes reconnus par Saint-

là les

Martin, à l'exemple, sans doute, de sqn maître Pasqualis,

fidèle

monde monde

lui-même aux traditions de

divin, formé par les spirituel,

formé par

le

kabbale

monde

le

:

essences intégrales;

le

réunion de l'âme et de

que des existences semblables à

l'intelligence, ainsi

de l'homme;

la

la

celles

naturel, représenté par la na-

ture elle-même, ou cette force sensible et intelligente qui, selon Saint-Martin,

pour en entretenir c'est ce

que

les

le

est

répandue dans l'univers

mouvement,

la vie et

l'harmonie

philosophes d'Alexandrie, peu connus

de Saint-Martin et de ses maîtres, désignent sous

nom

d'

:

àme du'monde.

sont compris dans le à proprement parler,

le

Enfin, la matière, les éléments

monde physique ou

astral, qui,

un monde, mais une

n'est pas

ombre, un fantôme, un accident,

le

résidu d'une décom-

position produite, par la faute de l'homme, dans la na-

ture primitive (1). « »

L'âme humaine,

divin universel (1)

p.

»

,

dit Saint-Martin (2), est

et

cependant

Ministère de l'homme-esprit, p. 29

il

;

De

un

extrait

ne la fait consister l'esprit des choses,

206

et suiv.

(2)

Ministère de l'homme-esprit, p. 413, § 3.

t.

I,

IDÉES

SAINT-MARTIN SUR L'ORIGINE DES ÊTRES.

Pi;

que dans une seule faculté, se confond

pour

dans son esprit avec

lui, c'est le

fond

même

Mais

le désir.

comme nous

et,

151

qui à son tour

la volonté,

le désir,

le disions

plus haut, la racine de notre être. C'est par le désir que

Dieu est tout d'abord entré en nous puissance de retourner en

la

la similitude

;

car le désir étant

de leurs natures, éprouvent

d'être unies, est nécessairement en

l'homme. Le désir de l'homme, tant

corrompu,

que nous avons

c'est le

le

deux existences qui, à cause

résultat de la séparation de

de

lui

et

développement

pas été

qu'il n'a

même

besoin

le

comme dans

Dieu

des propriétés

divines qui sont en nous, et le désir de Dieu, c'est la

communication de ces propriétés,

c'est l'infiltration

cette sève merveilleuse sans laquelle la nature

retombe sur elle-même aride

et desséchée. Voilà

de

humaine pourquoi

Saint-Martin définit l'homme un désir de Dieu (1) et

comme

nous montre,

la

nous puissions aspirer, la

plus haute dignité à laquelle

celle

d'homme de

peinture de cet état qu'il a consacré

ses ouvrages (2), celui



désir. C'est à

le

plus beau de

sentiment mystique sous

le

forme d'hymnes, de méditations, de prières, éclate avec

une éloquence naturelle, pleine de grâce Si

l'homme, quand on

nous apparaît sente par

(2)

le

de simplité.

considère dans son âme,

désir de Dieu,

il

nous repré-

son intelligence une pensée de Dieu

l'intelligence

(1)

comme un

et

ne vient qu'après

le désir,

De l'esprit des choses, t. H, p. 89. L'homme de désir, Lyon, 1700, un

vol. in-8°.

;

mais

parce qu'il faut

IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DE L'HOMME.

152

que l'homme

existe avant de penser

;

parce que

l'intelli-

gence n'est qu'une manifestation ou un épanouissement de l'âme, ou ce qui est parce que

tin,

du lit

De

désir (1).

môme

la

l'idée n'est

que

là ces paroles

chose pour Saint-Mar-

le

signe et l'expression

presque sibyllines qu'on

au début du Ministère de F homme-esprit

(2)

:

«

La

»

porte par où Dieu sort de lui-même est la porte par où

»

il

»

humaine

entre dans l'âme humaine.

La porte par où l'âme

sort d'elle-même est la porte

par où

elle

»

entre dans l'intelligence.» Saint-Martin a consacré un

»

livre entier (3) à la

tion »

«

:

démonstration de cette proposi-

L'âme de l'homme

est

une pensée du Dieu des

êtres », et l'on en a conclu que, à l'exemple des gnos-

tiques, des philosophes de l'école d'Alexandrie et des

mystiques

plus exagérés,

les

humaine dans mière que

la

il

avait absorbé la nature

nature divine, ne considérant

comme une

la

pre-

manifestation passive de la se-

conde. C'est une accusation contre laquelle Saint-Martin

semble avoir pris soin

l'homme

est

de protester d'avance. Oui,

une pensée de Dieu, mais une pensée

active (h), c'est-à-dire qui est capable d'agir par elle-

même, de elle est

un

se réunir à la source dont elle

nous, sous tincte,

(1)

émane, dont

comme le désir qui se transforme en nom de volonté, en une puissance dis-

extrait, le

instrument de notre perfectionnement

Le Crocodile,

p.

346

et suiv.

(2) P. 50. (3)

Le nouvel homme, in-8°,

(4)

Ecce homo,

p.

17

et

18.

Paris, an IV (1796).

et

de notre

IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DE L'HOMME.

153

déchéance. La puissance libre de notre être (c'est l'expression qu'emploie Saint-Martin) étant fragile de sa nature, ce n'est qu'à elle qu'il faut nous en prendre de

nos illusions et de nos fautes (1). »

dit-il ailleurs (2),

»

Seigneur,

il

«

Ce

n'est point assez,

de ne pas douter de

la

puissance du

faut encore ne pas douter de la tienne.

donné une, puisqu'il

donné un nom

»

Car

»

et

»

laisse

»

Dieu, puisqu'il a voulu te laisser quelque chose à

»

faire. »

il

il

t'en a

t'a

ne demande pas mieux que tu t'en serves. Ne

donc point l'œuvre entière à

la

charge de ton

Enfin l'homme, selon Saint-Martin, n'est pas

seulement un désir ou une volonté de Dieu, une pensée de Dieu

et,

comme

il

l'appelle aussi quelquefois,

parole de Dieu, une parole active dans sa mesure

Dieu dans

de

les proportions

l'infini

(3)

;

il

une

comme à pro-

est,

prement parler, non pas Dieu, mais un Dieu, un Dieu engendré par

la

pensée

et la parole éternelle,

pensé, un Dieu parlé, un Dieu opéré créé et le Dieu créant

il

(II).

un Dieu

Entre

le

Dieu

y a un rapport de similitude,

d'attraction mutuelle et de coopération, jamais d'iden-

Les paroles suivantes nous en fourniront

tité.

une

preuve irrécusable.

Homme, homme, où

«

»

trouver une destinée qui sur-

passe la tienne, puisque tu es appelé à fraterniser Ecce homo,

(1)

(3)

dans

ta

mesure comme Dieu

(Ministère de (4)

p. 3G.

L'homme de désir, p. 15. « El loi, homme, tu es destiné

(2)

l'

homme-esprit,

Le premier homme,

à être éternellement parole active

est éternellement actif dans l'universalité. »

p.

p.

455.)

29. 9.

IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DE L'HOMME.

154 »

avec ton Dieu et à travailler de concert avec

»

dresse), alors

»

cesserai d'être

»

connaîtrons mutuellement pour esprits, et tu ne crain-

»

dras plus de

»

mercer avec moi

lui (1)



Alors (c'est à Dieu que cette invocation s'a-

«

devenu

t'

un étranger pour

toi

tu es esprit, je ;

nous nous

approcher de moi, de frayer

dans

et

re-

de com-

(2). »

De môme que Dieu se réfléchit

comme

esprit,

se réfléchit

la nature;

dans l'homme, l'homme

car

il

ne faut pas oublier

que, dans les idées de Saint-Martin, la nature est autre

chose que la matière. La nature est un esprit, l'esprit

de l'univers, dont corps.

La nature

leur, tandis

que

la

matière et les éléments sont

est sensible, capable la

matière ne sent rien. La nature n'est

pas seulement active, vivante et sensible source de toute activité, de toute lité

dans

la création (3).

Sur

vie,

elle est la

;

de toute sensibi-

la nature ainsi

l'homme régnait d'abord en souverain

elle

;

comprise était son

miroir et son apanage tant qu'il est resté lui-même

miroir et l'apanage de Dieu. La puissance qu'il lui sait subir et les vertus qu'il elle les lui rendait

pour

lui

visible

qu'il exerçait sur elle et sur l'univers

est

le

fai-

développait dans son sein,

en formes et en couleurs,

donner un témoignage

L'homme

le

de peine et de dou-

de

la

comme

domination

(/i).

tombé de ce rang sublime, comme

(1)

Vhomme

(2)

Ministère de l'homme-esprit,

(3)

Ministère de V homme-esprit, ch.

(à)

De

l'at-

de désir, p. 15.

l'esprit des choses, p.

37.

p.

45':. er 1

;

De

l'esprit des choses, p. 37.

DOCTRINE DE LA CHUTE,

souvenirs qui

testent à la fois les

lui

155

sont restés de sa

première splendeur et l'abjection de sa condition présente, l'immensité de ses désirs et les bornes étroites

de sa puissance, sa soif insatiable de vérité et son invincible ignorance,

même lui

les passions qui

l'arment contre

lui-

et contre ses semblables, la lutte qui existe entre

et

les

éléments ou

chute de l'homme,

dogme

c'est

;

un

les forces

de

la

pour Saint-Martin,

nature.

La

n'est pas

un

démontré par l'observation

fait

et

qui ne réclame, pour se faire reconnaître, que la seule autorité de l'évidence.

Les hommes pourraient-ils nier

«

dégradation de leur espèce quand

voient qu'ils

»

la

»

ne peuvent exister, vivre, agir, penser, qu'en com-

»

battant une résistance

»

de

?

ils

Notre sang a à se défendre

des éléments; notre esprit, de celle

la résistance

»

du

cloute et des ténèbres

»

de

celle des faux l'inertie

de l'ignorance; notre cœur,

penchants; tout notre corps, de celle

Non, l'homme n'est pas dans

me-

»

de

»

sures qui lui seraient propres

»

une altération. Ce n'est pas parce que cette proposi-

»

tion est

»

pas parce que cette idée est répandue chez tous les

»

peuples; c'est parce que l'homme cherche partout un

»

lieu

»

conquérir toutes les sciences, et jusqu'à celle del'in-

»

fini,

»

mieux

dans

les livres

que

;

il

est

les

évidemment dans

je dis cela

de

lui

de repos pour son esprit; c'est parce

;

ce n'est

qu'il

veut

quoiqu'elle lui échappe sans cesse, et qu'il aime la défigurer et

l'accommoder à ses ténébreuses

»

conceptions que de se passer d'elle; c'est parce que,

»

pendant son existence passagère sur cette

terre,

il

DOCTIUNE DE LA CHUTE.

156

comme comme une

»

semble n'être au milieu de ses semblables que

w

un

»

brebis au milieu des lions voraces

au milieu des brebis ou

lion vorace

c'est

;

parce que

»

parmi ce grand nombre d'hommes, à peine en

»

un qui

»

victime ou

le

bourreau de son frère

Ce tableau, quoiqu'un peu chargé que pas d'éloquence de

s'agit

est-il

pour autre chose que pour être

se réveille

;

mais

il

(1).

peut-être, ne

man-

quand

faut être hardi,

la corruption originelle

la

»

il

du genre humain, pour

substituer le témoignage de la raison et de l'expérience

à l'empire de la tradition et à l'autorité du dogme. En

admettant tous

les faits

qu'on vient d'énumérer et en

ramenant à des proportions plus exactes,

possible d'en faire sortir une autre conclusion

exemple, elle

la thèse

les

pas

n'est-il

Par

?

de la perfectibilité ne s'en prévaudrait-

pas aussi bien que celle de la déchéance

Martin, qui voit partout la résistance, ne

?

Saint-

comprend pas

qu'on puisse en opposer une à la force de ses argu-

ments,

et

il

ne craint pas d'écrire

ganisé pour ne pas s'y rendre

mant

la

qu'il faut être désor-

(2).

Au

de l'ordre naturel,

il

lui ôte

ce qu'elle a de plus mysté-

rieux et de plus terrible aux yeux de la

malheur

et

(1)

Ministère de V homme-esprit, p. 13 et 14.

(2)

«

Ne retraçons

point

ici

l'esprit

Il

toutes les démonstrations

humain

nier celte dégradation. » (Ecce (3)

foi.

non pas un crime. Nous avons,

» de la dégradation de »

reste, en affir-

corruption de notre race par des raisons tirées

;

homo,

Ministère de ï homme-esprit, p. 24.

il

faut être

p. 33.)

en

fait

dit-il

déjà

un

(3),

données

désorganisé pour

DOCTRINE DE LA CHUTE.

157

»

des regrets au sujet de notre

»

mais nous n'avons point de remords sur

»

mitive, parce

»

nous sommes privés, mais nous ne sommes pas punis

»

comme

le

triste situation ici-bas, la faute pri-

que nous n'en sommes point coupables;

coupable même.

Semblables aux enfants

»

d'un illustre criminel, nous partageons la disgrâce de notre père, nous subissons, au moins pour un temps, les

conséquences de sa chute sans avoir participé à sa

faute.

Quelle est donc cette faute

une

suite

innombrable

Qu'est-ce qui a

pu

humain dans une

si

de

cruellement expiée par

générations

innocentes?

entraîner au mal le père

situation



il

n'avait pas

du genre

même

pour

excuse,

comme dans

le

du

défendu?

l'imagination pure, une sorte de

fruit

Ici

roman antédiluvien la

Paradis terrestre,

la tentation

vient se mêler aux spéculations de

métaphysique. Le premier péché du premier

ce n'est pas l'orgueil,

comme on

c'est la légèreté, c'est la faiblesse.

deur du monde la créature



visible,

homme,

pense généralement,

le

Éblouie par la splen-

elle était

destinée à régner,

humaine, à peine appelée à

l'existence,

blie les perfections ineffables de la nature divine

ou-

dans

la

contemplation des merveilles de l'univers, qui n'en sont

que l'ombre effacée

(1). L'orgueil

ne vint que plus tard,

sous les instigations d'une puissance tombée avant

par

même

lui,

descendue plus bas.

tombée de plus haut

et

Le démon, dans

mysticisme panthéiste de l'Orient,

(1)

De

le

l'esprit des choses,

t.

I,



p.

5G

et 57.

DOCTRINE DE

158

dans

le

gnosticisme et dans

CHl'TE.

I.A

la

kabbale, n'est pas autre

chose que la personnification d'une idée;

c'est-à-dire la matière,

Jacob

Bœhm

représente

de l'existence, ou Yécorce de la créa-

la dernière limite tion,

il

semble

le

unique source du mal.

concevoir

comme

principe de

le

toute délimitation et de toute distinction entre les êtres,

comme

le

personnel.

type de l'individualité et de tout sentiment n'est guère possible, en effet, de découvrir

Il

un autre sens dans sophe allemand »

lui tout se

:

«

notre

un

du théo-

Le diable est le sel de la nature, sans

changerait bien vite en une fade bouillie.»

Pour Saint-Martin, réelle,

cette étrange proposition

le

démon

paraît être

une existence

esprit malfaisant sans cesse occupé à assiéger

âme pour y

faire entrer l'orgueil qui le dévore,

les germes de toute erreur, pour y développer tous les instincts pervers, et dont nous nous dé-

pour y semer

fions d'autant

moins, que son premier

artifice consiste

à nous persuader qu'il n'existe pas. D'où vient cet implacable ennemi

de Dieu et du genre humain, h qui

Saint-Martin adresse par

apostrophes

l'homme avant sa

comme

moments de

Pourquoi,

(1)?

révolte,

ayant

comme

il

Ibid., p.

134.

la

génération des

Dieu

et

l'assure

('2),

s'emparer de

cherche constamment à s'emparer

(1) Voy. particulièrement, Ministère (2)

supérieur à

comme Saint-Martin nous

e3t d'avoir voulu se substituer à

sa pensée,

de

foudroyantes

pas été compris

n'a-t-il

clans le plan général

lui

êtres? Son crime,

si

été

de V homme-esprit,

p.

184.

DOf.TRÏNE DE LA

de

la nôtre.

«

L'ange rebelle,

159

f.Hl 'TE.

dit-il

égaré en

s'est

(1),

»

montant, l'homme en descendant. Le premier a voulu

»

usurper un bien qu'on ne

)>

s'est laissé aller à

Mais comment, lettre

un

puisque

morte sans

la

le

second

le bien. »

n'est

qu'une

comment com-

l'esprit,

folle tentative

;

pas

révélation

la

lumière de

prendre qu'une aussi

donnait pas

lui

attrait qui n'était

pu séduire

ait

l'in-

telligence la plus accomplie après l'intelligence divine et sa plus fidèle

image

Saint-Martin, comme

?

est facile de

il

le

concevoir, est

moins soucieux de se rendre compte de la nature et de l'origine

quer

la

du démon, que de

se servir

de

pour expli-

lui

chute de l'homme. C'est donc lui qui a achevé

par l'orgueil

la

commencée

ruine de notre premier père

par sa propre faiblesse. Voici quelles en furent les conséquences.

L'homme, dans son lui-môme

comme

état d'innocence,

se

suffisait

appartiennent à sa nature étaient renfermées en

d'une manière indivisible s'engendrer lui-même par divin modèle.

Il

à

son Créateur; toutes les facultés qui

était,

il

;

la seule

pour

me

contemplation de son

servir d'une expression

de Saint-Martin, un hermaphrodite spirituel lui valut d'être divisé

lui

pouvait se reproduire ou

(2).

Sa faute

en deux moitiés qui se distinguent,

non-seulement par leur enveloppe extérieure, mais par

(1)

De

l'esprit des choses,

t.

(2)

De

l'esprit des choses,

p.

48.

II, p.

C5.

Il

est curieux

de voir Saint-Martin

chercher les preuves de cet hermaphrodisme primitif dans tion

physique des deux sexes.

la

conforma-

DOCTRINE DE LA CHUTE.

160 les dispositions

dont

prit, et

dans

le

de leur âme, par

la faiblesse

les

dons de leur es-

ne peut trouver de remède que

mariage, parce que

le

mariage, ramené a sa

véritable destination, a pour but de rediviniser la na-

ture les

humaine en réunissant

deux

les facultés réparties entre

sexes, l'intelligence et l'admiration étant sur-

tout le partage de l'homme, l'adoration et l'amour celui

de

femme (1). L'homme dans son la

état d'innocence

ne trouvait au-

tour de lui et à la place du corps dans lequel

gémit

il

actuellement, que des formes harmonieuses en rapport

avec sa propre pensée

et

des forces vives toujours prêtes

à lui obéir. La force et la résistance, ces deux principes actifs,

dont la réunion a donné naissance à tous

êtres finis tant matériels

que

dont

spirituels, et

accompli repose dans la nature divine; %

le

la force

les

type

ou

puissance d'expansion, d'où émanent les formes et

la

les

propriétés des choses, la résistance ou la puissance de

concentration, qui constitue leur substance, se trouvaient toujours en équilibre parfait, aussi bien dans le

monde la

extérieur que dans la conscience humaine. Après

première faute,

cet

équilibre a été

brusquement

rompu. La force ayant diminué, parce que l'homme, depuis qu'il

s'était

séparé de Dieu, cessait de la puiser

à sa source, la résistance a eu partout l'avantage, et sa supériorité a eu pour eilet l'altération, on pourrait dire

l'épaississement, la concrétion simultanée de notre àme,

(1)

Ministère de V homme-esprit, p. 25.

DOCTRINE DE LA CHUTE.

monde physique

de notre corps et de la substance du

en général ciel

(1).

ICI

Notre âme, cessant de rayonner vers

le

renouveler à chaque instant tout son être,

et d'y

s'est affaissée

en quelque sorte sur elle-même, en proie

à toutes les contradictions, à tous les désordres intérieurs

que nous avons déjà signalés. Sa maladie peut

comparer

à

une transpiration arrêtée

ayant perdu son ginelle, et la

('2).

se

Notre corps

élasticité, sa souplesse, sa vitalité ori-

échappant pour

ainsi dire,

par son poids à

puissance de notre volonté, est devenu pour

nous

une chaîne, une prison, quelquefois un maître, après avoir été notre docile esclave.

éléments dont

dans

la

il

est

en a été de

Il

formé et de

des

composition des autres corps. Voyez, par exem-

ple, ce globe qui sert

notre corps à notre

comme

de prison à notre corps,

âme

;

pénitence,

lieu d'exil et de

dans

comment ne pas

les substances cristallisées qu'il

de toute part,

la

comme

ce globe qui nous a été assigné

reconnaître, dans les masses rocheuses dont rissé et

même

la matière qui entre

il

est

nous

héoffre

preuve irrécusable d'un cataclysme

d'une soudaine et universelle désorganisa-

éloigné, tion?

L'homme, dans son innocence ou plutôt dans sa gloire, était le véritable centre du monde après Dieu. La source de toutes

les vertus et

de toutes

inonde est animé se trouvait en (1)

De

esprit, ch. (2)

l'esprit des choses,

t.

I,

p.

les lui.

puissances dont

le

Cette merveilleuse

140-145; Ministère de l'homme-

i.

Ministère de l'humme-esprit, p. 299.

DOCTRINE DE LA CHUTE.

162

horloge qu'on appelle la Création,

pouvait à son gré en régler

mençant par chargé,

la terre

il

en tenait

la clef et

mouvements. En com-

les

l'œuvre modératrice dont

était

il

devait l'étendre successivement à tous les

il

astres et la faire rayonner dans l'immensité

Après sa faute, cette puissance

comme

qui devait être

le

du

ciel (1).

La

s'est arrêtée.

terre

premier degré de son trône,

la

première étape de sa marche triomphale à travers l'immensité, est devenue pour lui un lieu d'expiation. Alors



de dire que

est l'orgueil

malgré sa petitesse corps célestes gloire de ce

la terre seule est habitée

et l'humilité

de son rang parmi

que leur cachot

est la seule

pée par eux? Peut- on supposer que soit bien

fière

les

A-t-on jamais vu des condamnés tirer

?

de posséder de

» dit Saint-Martin (2),

comme

tels

demeure occu-

la terre

hôtes

si les

?

elle-même

Ce

«

serait,

cachots de Bicêtre

»

se glorifiaient d'être le repaire de tous les bandits

»

la société.

»

Puis,

comme

il

en

fait

la

remarque

une prison n'est pas ordinairement

de

ail-

leurs

(3)

ou

chef-lieu d'un pays. Notre chute a encore produit

le

un autre

,

effet

hors de nous

du monde. L'axe de est

;

elle

a dérangé

le

le

centre

système

l'écliptique s'est incliné et la terre

descendue.

Ce c'est

n'est la

donc pas seulement l'homme,

c'est l'univers,

nature qui souffre de la faute originelle

puisque l'univers est animé, puisque (1)

De

(2)

lbid., p.

(3)

Ministère de

l'esprit des choses,

t. I,

p.

213-225.

215. l'

homme-esprit,

p.

123,

la

;

et

nature est yi-

163

DOCTRINE DE l\ CHUTE.

vante et sensible, cette souffrance n'est pas une métaphore, mais une réalité. La nature étant privée de la pa-

prend en son nom pour exprimer ses plaintes et pour conjurer l'homme d'y mettre un terme. se couchant tous les soirs Il nous représente le soleil role, Saint-Martin la

dans les larmes lumière et la »

et

(1). Il

et

soupirant en vain après la véritable

nous montre l'univers sur son

nature en deuil

«

(2),

Toute

qu'une douleur concentrée par nous,

elle

lit

Tombée avec nous que par les mêmes

(3), »

ne se relèvera

moyens auxquels nous devrons notre propre mal, tout à la

fait pareil

au nôtre, c'est

matière et l'engourdissement

tés, ses forces,

ou

comme

de mort

la nature, dit-il, n'est

la

Son

salut.

compression de Ses proprié-

qui la suit.

on les appelle plus générale-

ment dans la langue da mysticisme, ses vertus ont été mises sous le séquestre comme le sont ordinairement d'un condamné

les biens

qui agit et

marche sous

est véritablement

(4). le

Semblable



un

poids d'un cauchemar,

elle

plongée dans un sommeil somnamhu-

lique, et cet état se

communique à notre âme quand

nous ne prenons pas soin delà tenir éveillée par sée et l'effort

homme

de sa régénération.

De

là le

la

pen-

somnambu-

de lisme magnétique dont Saint-Martin se garde bien contester l'existence, mais qu'il considère

comme un état

dangereux où l'àme, renonçant à se gouverner

(1)

Ministère de l'homme-esprit, p. 56.

(2)

Ibid., p.

75

(3)

Ibid., p.

299.

(Il)

De

et 76.

Vesprit des choses,

t.

I,

p.

138,

elle-

DOCTRINE DE LA CHUTE.

104

même, s'abandonne, jusque

clans sa racine, à des puis-

sances étrangères.

Mais tages. et

somnambulisme de la nature a aussi

ses avan-

contient les facultés malfaisantes de

l'homme

le Il

empêche

l'explosion de

remarque, en

effet,

nous vivons près

ses instincts pervers.

On

que cette nature déchue, quand

d'elle

ou dans son

sein, a le privilège

de calmer nos passions, d'endormir nos désirs et de

ramener

l'ordre, la clarté, la sérénité

troublés.

Au

dans nos esprits

contraire, plus nous nous éloignons d'elle,

plus nous restons entassés les uns sur les autres dans

l'atmosphère infecte des grandes

villes,

plus nous su-

bissons l'influence du vice et du crime, plus nous

La

accessibles à toute fermentation impure.

sommes matière,

qui nous représente à son dernier terme l'assoupisse-

ment des

forces vives de l'univers, notre propre corps,

qui est une forme ou une portion de la matière, peu-

vent donc être considérés

devant

Sans

le

comme une

barrière dressée

mal ou comme un absorbant de

la lenteur

que nos organes

et les

l'iniquité (1).

moyens naturels

d'exécution opposent à la fougue de nos passions criminelles, la perversité

bornes. Le

même

humaine ne connaîtrait pas de

service

que notre corps rend à

dividu, la terre le rend au genre humain.

«

La

l'in-

terre,

selon l'expression de Saint-Martin, est notre grande piscine (2)

;

»

car,

pendant qu'elle absorbe toutes nos

(1)

De

(2)

Œuvres posthumes,

l'esprit des choses, t.

t.

I,

J,

p.

p.

132-135.

221.

DOCTRINE DE LA CHUTE.

commence

souillures, elle

165

à nous rapprocher de notre

Cela revient à dire que, fatigués des

première pureté.

crimes et des misères de ce monde, nous élevons nécessairement nos regards vers une sphère plus haute et plus pure. C'est ainsi que la nature tout entière, ou la

matière en général, a la puissance de contenir iniquité, celle de l'esprit tentateur, celle sonnifié (1).

La

impuissance ne

dans ses œuvres

La nature,

du mal

limite sont-ils

et le

la

grande

du mal per-

témoignage de son

pas contenus avec son châtiment

mêmes ?

ainsi

que l'âme humaine,

n'est

cependant

pas altérée à ce point qu'elle n'ait gardé des traces de sa première grandeur, et que les vertus qu'elle recèle

dans son sein, que

plan divin qu'elle accomplissait

le

par ses œuvres, ne se manifestent encore aujourd'hui,

comme

à travers un voile, dans la variété infinie de ses

phénomènes. C'est ce rayonnement du monde idéal du monde sible,

spirituel, sous les

compensation

l'illusion

et le

nos ténèbres et nous

chérie, et que,

» elle »

c'est-à-dire

exil.

«

fait

Si

supporter avec patience

vous

pour adoucir

étiez loin

les

le

d'une amante

rigueurs de l'absence,

vous envoyât son image, n'auriez-vous pas au

moins par

(1)

lui le contraire,

remède du somnambulisme. C'est

adorée, la vision enchanteresse qui illumine

poids de notre »

formes de l'univers sen-

que Saint-Martin désigne du nom de magisme.

Le magisme est donc pour la

et

De



quelque consolation d'être privé de

l'esprit des choses, t.

',

n.

134.

la

DOCTRINE DE LA CHUTE.

166 »

vue du modèle

C'est ainsi

?

que

la vérité s'était coil-

»

duite par rapport à nous. Après nous être séparés

»

d'elle, elle avait

»

travailler à sa représentation et

chargé

les

puissances physiques de

de nous

la

mettre

»

sous les yeux pour que notre privation eût moins d'a-

»

mertume (1). » Longtemps avant

Saint-Martin, Platon avait dit que

ne sont qu'une copie et une ombre

les choses visibles

effacée des idées éternelles

;

mais ce

pas avec

n'était

cet accent passionné et ces élans de tendresse

mêmes conséquences par

avait pas tiré les l'origine

du mal

et à l'action

de

il

n'en

nature sur l'homme.

la

C'est qu'entre Platon et Saint-Martin

il

tance de l'idéalisme au mysticisme. La éclate entre les

;

rapport à

y a toute

même

la dis-

différence

deux philosophes dans l'application

qu'ils font de leur principe. Tandis

pas des limites de

la raison et

que Platon ne

sort

de l'observation, Saint-

Martin se laisse bientôt entraîner à un symbolisme arbitraire.

11

cherche à découvrir un sens mystérieux,

une intention providentielle, un enseignement dans chacune des productions de

cune des œuvres de

Nous ne

le

l'art et

dans

les

divin

dans cha-

la nature,

usages de

la société.

suivrons pas dans cette voie. Nous aimons

mieux rentrer dans

le

courant général de ses idées,

et,

après avoir exposé ses opinions sur la chute, faire connaître sa ihéorie de la réhabilitation.

Ce sera

l'objet

du chapitre suivant.

(1)

L'homme de

désir, p.

306

-,

Œuvres posthumes,

t.

I,

p.

225.

CHAPITRE Doctrine de

la réhabilitation,

de notre exil sur

la terre.

— Raison — du Réparateur. — Incarna— Marche ascendante de — La — La mort. — — Réconciliation de Satan avec béatitude suprême. — Conclu-

— Action — But de

réparatrice du temps.



Vertu purificatrice du sang. tion

Vil

l'institution

des sacrifices.

Sacrifice

spirituelle et incarnation matérielle.

L'enfer.

l'àme vers sa régénération spirituelle.

métempsycose. Dieu.

— Expiation

— Destruction de

la

L'homme, après sa et sous

le

finale.

nature et

faute, serait resté dans l'abîme

joug de celui qui

l'avait

perdu,

si la

sance qui l'avait créé n'était intervenue pour

le

puis-

sauver;

car sa chute consistait précisément dans une telle altération de sa nature et de celle de l'univers, qu'elle devait à

jamais

le

séparer de son principe. Mais la grâce

divine, en lui offrant les

moyens de

se

relever devait

nécessairement les accommoder à sa nouvelle condition les choisir

et

faillance, lui

dont

parmi

parmi il

était

mêmes de dégradés comme lui

les résultats

les objets

entouré clans sa prison.

«

sa et

dépar

C'est ainsi

qu'un coupable dans son bannissement essaye,

soit

par

des emblèmes naturels, soit par d'autres fruits de son industrie, de faire parvenir jusqu'auprès de ceux dont il

dépend des indices de son amendement

et

du désir

ACTION RÉPARATRICE DU TEMPS.

168

ardent qu'il éprouve de rentrer en grâce et de revenir

dans sa patrie

»

(1)

Le premier de ces instruments de salut qui se présentent dans notre détresse, c'est le temps. Le temps,

qui n'existait pas avant que l'homme se fût éloigné de son Créateur

;

temps, condition suprême de cette na-

le

sommes plongés

ture corrompue où nous

compagnement nécessaire de

;

le

temps, ac-

génération et de la mort,

la

est aussi la source de notre réhabilitation, puisque, si

nous n'avions pas

temps pour nous

le

déchéance serait éternelle. par lequel

l'acte

la

relever, notre

peut être considéré

Il

comme

puissance divine s'incline vers nous,

semblable à une mère de famille qui se baisse vers son

quand

enfant, pour le relever

est

il

tombé

Saint-

(2).

Martin est inépuisable dans les comparaisons dont sert

pour

larme de

définir

temps

le

l'éternité »

,

tantôt

:

nité exhale ou laisse transpirer son

vre exilé «

;

il

parce que c'est par

l'appelle lui

que

amour pour

se

il

«une

l'Eterle

pau-

comme comme une éter-

tantôt son imagination le lui représente

l'hiver de l'éternité

nité desséchée,

»

,

c'est-à-dire

refroidie,

à laquelle

il

ne reste plus

rayon de chaleur et de lumière; tantôt

qu'un

faible

y voit

un supplément ajouté à

la création

pour

il

une

faire

place à la restauration de l'homme, après que Y Ennemi

eût pris possession de l'univers fait

(1)

à son tour

De

(2) Id.

l'effet

ibid., p.

i

et 2

et ce

supplément

lui

d'une allonge ajoutée à une table

l'esprit des choses, ,

;

t.

II,

p.

185.

ACTION RÉPARATRICE DU TEMPS.

un hôte bien-aimé

déjà envahie pour recevoir fin,

on nous permettra de

qui ne

169

(1).

cède point en hardiesse aux précédentes.

le

«Une des

plus majestueuses et des

l'homme puisse concevoir,

idées que

plus consolantes c'est

que

le

temps

le

temps

ne peut être que la monnaie de l'éternité. Oui, n'est

que

et c'est là ce qui doit

l'éternité subdivisée,

donner à l'homme tant de pérance.

En-

une dernière image,

citer

En

effet,

ne plus posséder

joie, tant

comment nous

de courage

en nous en donnant la

l'éternité, si,

monnaie, on nous a donné de quoi l'acheter

Dans ces métaphores ingénieuses, où de tendresse que de

et d'es-

plaindrions- nous de

(2).

»

se révèle autant

on a cru reconnaître une

subtilité,

idée panthéiste. Elles renferment, au contraire, la glorification

de la liberté humaine et de

vine. Elles signifient,

soin de le

comme

nous l'apprendre, que

moyen de

Providence di-

la

Saint-Martin lui-môme a le

temps

offre

à l'homme

se racheter par la lutte et par la souffrance,

car la souffrance est la

loi

du temps.

C'est toujours

au prix d'un combat intérieur et de la douleur qui l'accompagne que les affections misérables de ce monde sont remplacées dans notre

âme

les

unes par

les autres,

jusqu'à ce qu'on arrive à l'affection vive et unique dont

Dieu

est à la fois l'auteur et l'objet.

pas autre chose que cet ordre

Or,

le

même, que

temps

n'est

cette suite de

nos affections changeantes qui a pour ternie et pour but

(1)

De

l'esprit des choses,

(2) Jd., ibid., p.

t.

II, p.

6-14.

33.

AD. FRANCK.

10

ACTION RÉPARATRICE DU TEMPS.

170

l'amour divin. Dès que l'âme est arrivée

même dans

là, elle

échappe

pendant cette vie à l'empire du temps

et entre

ou pour parler plus exactement,

l'éternité,

qui entre en

l'éternité

elle,

c'est

qui s'infitre en sa sub-

stance (1).

On

voit,

le

c'est

presque

la dialectique

de Platon

transportée des idées au sentiment. C'est que dans la

pensée de Saint-Martin,

comme nous

l'idée,

l'avons

déjà observé (2), n'est que le signe intérieur ou l'ex-

pression du sentiment.

Le sentiment

on vient de l'appeler tout à l'heure,

seul,

hommes ne

Tout

«

fection, dit Saint-Martin (3), et ce qui n'est

Les

comme

l'affection, voilà ce

qui constitue le fond de notre existence.

est nul...

ou

est af-

pas affection

se tourmentent, ne se pour-

suivent, ne se battent que pour des affections, tandis

pour des opinions.

qu'ils croient se battre

»

Mais les choses ne se passent pas toujours

nous venons de

Au

le dire.

lieu

de se dégager succes-

sivement des liens de la corruption par l'amour,

il

arrive souvent à

comme

l'homme de

la

puissance de

s'obstiner dans

sa misère et de se complaire dans sa honte; Alors

ramené malgré encore

le

lui

par

la force

de

il

la justice, et

temps qui devient l'instrument de son

est

c'est

salut.

Le mal, en se développant et en portant peu à peu tous ses fruits, arrive nécessairement à

peut plus subsister, où (1)

De

(2)

Voyez

(3)

De

l'esprit des choses, le chapitre

il

t.

s'anéantit

II,

p.

10-12.

précédent, p. 152.

l'esprit des choses,

t.

il.

un degré ou lui-même pour

il

ne

faire

RAISON DE NOTRE EXIL

place au retour du bien,

Saint-Martin dit-il (l),

('/est

SIT,

en cela précisément que

consister la justice divine,

fait

par cette

môme

a l'extrême l'action perverse, parce

que par

là elle

peut manquer de se briser et de se détruire.

Le temps n'a pas seulement pour

effet

les

laisse porter

Dieu

il

« C'est,

du temps que toutes

loi

justices divines s'accomplissent, car

l'homme,

171

LA TERRE.

ne

»

de régénérer

contribue également à la régénération de

l'univers, car

il

ne peut passer sur cette matière débile

sans l'user et la limer en quelque sorte. Or, en l'usant, il

livre

passage à

la

splendeur éternelle qui ne demande

qu'à se substituer à nos ténèbres

Pour remonter vers

(2).

séjour de l'éternité, ce n'était

le

pas assez pour l'homme d'être aidé par fallait

aussi

création,

comment

comment

pourrait-

ennemi à nature

:

car,

il

lui

sup-

dans l'immensité de

la

un instant de repos?

trouverait-il il

se soustraire

qui, par sa faute, ?

temps;

un point d'appui dans l'espace

posez-le sans habitation fixe

la

le

aux poursuites de son

a livré l'empire de toute

il

Telle était précisément la situation de notre

premier père immédiatement après sa chute. Semblable à

un enfant tombé dans un abîme, non-seulement

manquait de secours, mais n'avait pas ses propres facultés (3)

.

Dieu

marque insigne de sa grâce en où

il

lui

(1)

De

(2)

Id., ibid., p. 26.

(3)

Ministère de l'homme-esprit, p. 218.

t.

II, p.

24.

il

de

accorda donc une

le recueillant

venait de se soustraire à son l'esprit des choses,

même l'usage

au moment

amour pour

se lancer

RAISON DE NOTRE EXIL SUR LA TERRE.

172

dans un précipice sans fond,

pour

C'est ainsi

abri.

que

et

en

lui

donnant

la terre

même temps comme le temps, en

la terre,

qu'elle est notre prison, est devenue,

l'instrument de notre délivrance.

Au

quand l'homme

reste,

fut

pour

la

mis en possession de notre globe, son incomparablement inférieur à restait

première sort,

fois

quoique

celui qu'il avait perdu,

encore bien digne d'envie.

Saint-Martin

,

qui

avait probablement sur ce sujet des lumières particulières,

nous assure que par

le

intervenu pour sa délivrance,

fait il

seul que Dieu était

était lavé

de

la souillure

du péché. En outre, «l'enveloppe corporelle dontonl'avait revêtu

était l'extrait

pur de toutes

les

substances les

plus vives de la nature, laquelle n'avait point encore subi les catastrophes secondaires qui lui sont arrivées

depuis (1).

j>

Évidemment,

c'est à l'état d'innocence

du

Paradis terrestre que l'écrivain mystique veut faire al-

mais

change tout à

lusion

ici,

donne

l'Ecriture, puisqu'il représente

il

fait le

caractère que lui

pour

lui,

non

la

première, mais la troisième période de l'existence de

l'homme

et ce

qu'on peut appeler l'innocence après

la

faute.

Une

loi

donnée à Adam, aussi parfaite que sa

fut

condition, aussi étendue

enseignait les

perdue, et

(1)

moyens de recouvrer sûrement

elle

l'universalité

que son pouvoir; car

elle lui

la félicité

embrassait toute la terre, c'est-à-dire

de ses descendants.

Ministère de l'homme-esprit, p. 257.

Au

contraire, la loi

BUT DE L'INSTITUTION DES SACRIFICES. qui

remplacée dans

l'a

17:5

suite des temps,

la

la loi

du

Sinaï n'était faite que pour un seul peuple, un peuple choisi,

il

est vrai, et destiné à servir de

modèle au reste

du genre humain. Cette la

supérieure, universelle, pure émanation de

loi

grâce divine, par un aveuglement absolument inex-

plicable, surtout après

ne l'observa pas, ni entière qui leur est

une première expiation,

lui, ni

sa postérité.

donnée pour

déraciner les ronces et les épines

pour

l'avoir

fléau

que

du déluge la

(1). »

douceur, car

de nouveau de tous

les

elle

hommes La

dont

la terre est à

la

lui

ouvrir la voie du salut,

lui

:

loi

c'est la loi

les

Elohim, dans un

jugée indigne d'émaner de Moïse,

la loi lévitique,

base est l'institution des sacrifices

Comment

mieux

peine repeuplée que

C'est alors que Dieu, pour sauver

du globe, une nouvelle

la

Seigneur retire

devient le théâtre de tous les vices et

crimes.

directement de

pour en

et qu'il verse le terrible

promulguer par ses serviteurs,

coin

le

et

au contraire,

sévérité ne réussit pas

l'humanité ou du moins pour fait

et c'est,

;

Adam

C'est la terre

la cultiver

remplie d'iniquités, que

son esprit de dessus les

«

(2).

les sacrifices sanglants peuvent-ils servir

régénération de l'âme humaine

?

à

Voilà ce que Saint-

Martin va essayer de nous faire comprendre par une théorie qui lui appartient tout entière,

la

qui est peut-

(1)

Ministère de l'homme-esprit, p. 257.

(2)

Saint-Martin reconnaît que les sacrifices avaient été en usage sur

terre depuis

Adam; mais

la loi

de Moïse en a

fait

une obligation, une

institution publique.

10.

BUT DE L'INSTITITION DES SACRIFICES.

174

être la

système

partie la plus curieuse de son

commande

et qui

d'autant plus l'attention, qu'elle n'a pas été

perdue pour l'auteur des Soirées de Saint-Péters^ bourg.

Le sang, dans

l'opinion de Saint-Martin, est le prin-

cipe et le siège de toute impureté, sans doute

que, selon

la définition

et le siège

de

de

la

Genèse,

la vie matérielle,

il

est le principe

par laquelle, depuis

première faute, notre âme est enchaînée à

Le sang

lui paraît être le

de

priétés

la

tombeau de toutes

de l'homme

l'esprit

parce

la

matière. les

pro-

des facultés les

et

plus actives des autres êtres. C'est lui qui les empêche

de correspondre avec nous, de nous de symboles

actifs

offrir

de l'amour et de

la

comme

autant

pensée de Dieu,

de réfléchir dans notre intelligence l'harmonie et beauté de l'univers, divine

(1).

qu'il est

tel qu'il existe

D'un autre côté,

le

la

dans l'intelligence

sang, en

même temps

un obstacle au développement de notre puis-

sance, est l'organe de la puissance de notre ennemi. C'est là qu'il concentre tous ses efforts, parce

dans

là,

le

pour notre châtiment, de

que

c'est

sépulcre de servitudes qui a été construit qu'il a trouvé

un repaire digne

lui (2).

La conséquence de que

l'effusion

du sang

vir des expressions

cette proposition étrange, est salutaire,

de Joseph de Maistre, que

(i)

Do

(2)

Ministère de V homme-esprit, p. 207.

l'esprit des choses,

t.

II,

p.

185-186.

c'est

ou pour nous serle

sang

VERTU PURIFICATRICE RU SANG.

répandu a une verlu avant

la

Bien

purificatrice.

publication du

Imité des

175

des armées

Sacrifices et dçs Soi-

rées de Saint-Pétersbourg, Saint- Martin écrivait «

On

a souvent

térieur,

reconnu

l'utilité

comme tirant au

du sang appliqué

dehors toute

contraire, pris à l'intérieur,

il

à.

(1)

corruption.

la

augmente encore

:

l'ex-

Au

cette

corruption. Ceci nous explique combien, depuis la grande

maladie du genre humain, l'effusion du sang était né-



cessaire. » rière et la

«

Le sang, depuis

prison de l'homme,

le

crime, était la bar-

du sang

et l'effusion

était

nécessaire ponrlui rendreprogressivementlaliberté» (2).

comment

Voilà

remontent à l'origine du

les sacrifices

genre humain, comment

ils

ques religieuses de tous

les peuples,

sont entrés dans les prati-

été prescrits avec tant de soin et en

si

comment

ils

ont

grand nombre au

peuple de Dieu.

Le sang répandu dans double

effet

puissance

les

sacrifices produisait

en attirant au dehors, sans doute par

:

des

affinités

électives,

l'action

qui est attachée à notre propre sang,

une partie de notre

la

malfaisante

nous rendait

il

liberté perdue, et

un

il

servait à la

confusion de notre ennemi en lui renvoyant, avec la

matière qui en est pris plaisir à

cet et

exemple que

que (1)

l'esprit

le

véhicule, les souillures qu'il avait

provoquer en nous le

rêve a sa logique

Œuvres posthumes, Ibid., p.

.

Nous voyons par

comme la pensée, la même suite

de l'homme peut mettre t.

I, p.

316.

(2) Ministère de l'homme-esprit, p. (3)

(3)

211.

269.

VERTU PURIFICATRICE DU SANG.

176

même

et la

persévérance à la poursuite d'une chimère

qu'à la recherche d'une vérité.

Au moins Saint-Martin se contentera-t-il du sang des ? Comment le pourrions-nous espérer, puis-

animaux

qu'il place, le

avant tout,

le

principe de la corruption dans

sang de la race humaine

?

Il

justifie

donc toutes

exécutions dont la Bible nous offre à chaque page

monotone

récit

:

le

d'Àchab par Samuel, fils,

supplice

d'Àchan,

les le

meurtre

le

de Saùlet de ses

la proscription

l'extermination en masse des anciens habitants de

femmes

la Palestine, sans exception des vieillards, des

et des enfants à la

mamelle.

ces cruautés accomplies au

A ceux nom du

qui s'indignent de ciel,

répond que

il

leur esprit est fermé aux vérités profondes,

sont du

nombre de ceux

«

pour qui

tandis que Dieu ne compte que les

Ce

n'est pas

nité entière

seulement au peuple

le

matériel est tout,

âmes

(1). »

âmes par

le

à l'huma-

juif, c'est

que Saint-Martin applique cette

livrance des

et qu'ils

loi

de

la dé-

sang répandu. Nous n'avons,

selon lui, qu'à ouvrir les yeux pour en voir à chaque instant les effets terribles

:

ce sont les guerres, les ré-

volutions, les fléaux de toute espèce, les catastrophes

de

la

société et de la nature. Mais quoi

l'impie, l'innocent etle coupable sont-ils

pés dans un seul anathème tinguer

comme

les enfants

(1)

?

Dieu

!

le juste et

donc envelop-

a-t-il cessé

de dis-

autrefois les enfants de son peuple et

del'Amaléciteoude l'Égyptien? Oui, répond

Ministère de V homme-esprit, p. 214.

VERTU PURIFICATRICE DU SANG.

177

Saint-Martin. «Les victimes innocentes entrent dans

plan de l'économie divine qui sel

pur

et conservateur, afin

les

de préserver par



(1). »

On

si

système de Joseph de Maistre. Mais

le

le

tom-

reconnaîtra facilement dans ces mots

principe de la réversibilité, qui joue un

dans

de l'en-

de la dissolution totale les victimes

tière corruption et

coupables avec lesquelles elles descendent dans

beau

le

comme un

emploie,

le

grand rôle



il

est à sa

place, tandis qu'il ne peut être qu'un objet de surprise

dans

les

pages attendries où

l'on appelle le

larme de l'Éternité, l'homme,

de

la terre (2),

nous montre Dieu lui-même pleurant en nous,

et qui afin

la prière

temps une

de nous relever par sa propre douleur

Le principe de

la réversibilité n'en est

(3).

pas moins une

conséquence nécessaire de celui qui reconnaît dans quel qu'il

sang,

une puissance de rédemption.

soit,

Cependant Saint-Martin

les sépare, laissant subsister le

premier aussi longtemps que dant

le

dernier

le

genre humain

comme purement

et regar-

A

temporaire.

mesure

que l'homme se rapproche de Dieu, à mesure avance vers l'époque prédestinée pour de la terre et du

ciel,

il

glants abaissés par les spirituels,

(1) p.

De

devant

le

nous montre

la réconciliation

les sacrifices

prophètes, devant

la charité, la justice,

l'esprit des choses, t. II, p. 180-,

qu'il

san-

les sacrifices la contrition,

Ministère de ï homme-esprit,

214. (2)

«

la fierté

(3)

Tâchons de ne jamais oublier que l'homme a été de

la terre. »

fait

(Ministère de V homme-esprit, p. 80.)

Le nouvel homme,

p. 70.

pour être

SACRIFICE DU RÉPARATEUR.

178

jusqu'à ce qu'ils soient complètement abolis

la prière,

par un sacrifice suprême, celui qui a été consommé sur le

Pourquoi celui-ci

Golgotha.

a-t-il

été le dernier?

parce qu'il rendait inutiles tous les autres, qui n'ont eu

pour but que de l'annoncer

que

qu'il n'y a

l'homme de

délivrer

et

de

le

que

la prison

le

sang forme autour

de lui; parce que, libre et volontaire, croix n'a pas seulement affranchi

nes matérielles, chi son

comme

lui

il

a enseigné

par l'immolation de son être physique a appris

a

qu'il lui fallait voler à la

domaines

On la Il

voit

dit

hommes il

dit

la

il

a affran-

à l'affranchir

animal

il

;

lui

mort comme à une

du rang des criminels

de?

et

»

que

les idées

de Saint-Martin sur l'œuvre de

rédemption ne sont pas tout à ne

et

de

ses chaî-

possession de ses propres

lui assurait la

et le faisait sortir

esclaves (1).

le sacrifice

l'homme de

sang des animaux,

le

âme, ou plutôt,

conquête qui

préparer, parce

de son propre sang qui puisse

l'effusion

pas que, par

la

fait celles

de l'Eglise.

mort de Jésus-Christ,

aient cessé d'être coupables

du péché

les

originel

que Jésus-Christ leur a donné l'exemple de

;

l'af-

franchissement spirituel par l'immolation volontaire, et que, par la vertu de son sang répandu sur la croix,

diminué veines

la

(2).

résistance de celui qui coule

En un mot,

il

il

a

dans leurs

ne s'agit point pour lui de

pardon, mais de délivrance, de péché effacé, maisd'ob(1)

Ministère de Vhomme-esprit, p. 270-271.

(2)

« L'effusion volontaire de son sang,

auquel nul sang sur

la terre

ne sauriit se comparer, pouvait seule opérer l'entière transposition des

SACRIFICE Dl RÉPARATEUR. stacle vaincu.

11

179

ne s'écarte pas moins de

générale dans la doctrine

qu'il

la tradition

expose sur l'incarna-

tion.

Le Verbe,

comme

Réparateur,

le

il

se plaît à l'appe-

ler habituellement, a revêtu les attributs de la nature

humaine sous deux formes l'autre visible, ou,

Saint-Martin,

il

spirituelle

différentes, l'une invisible et

me

servir des expressions de

a eu deux homifications séparées l'une

de l'autre par un et

pour

immense

l'homification

intervalle

l'homification

:

vulgairement

corporelle,

appelée X incarnation. Aussitôt que son la

mère de

fils

est blessé,

famille ne connaît plus de repos et elle ras-

semble toutes ses forces pour voler à son secours. C'est ainsi

que l'amour divin

conduit envers nous.

s'est

peine l'homme était-il tombé,

voulant s'unir à lui pour

le

À

que l'amour de Dieu,

redresser et le guérir, s'est

revêtu de la forme invisible, celle qui représente son

àme dans dans

le

sa primitive perfection, et est devenu

sens spirituel

(1).

acte de notre salut, consistant

dans l'union de l'amour

divin avec l'ancienne, la première, la véritable

l'homme,

il

a suffi

Saint -Martin

et

que

le

n'est

mais l'amour, se contemplât dans la

Vierge éternelle

(I)

p.

l'

homme-esprit,

De

275.

p.

pas la

l'intelligence,

Sophie céleste,

éternelle conservatrice

,

subslances étrangères qui nageaient dans tère de

image de

Verbe, qui, dans les idées de

Bœhm,

de

homme

Pour accomplir ce premier

le

sang de l'homme.

du mo»

{Minis-

275.)

l'esprit des choses,

t.

II, p.

188

>

Ministère de l'hommc-e^prit,

SACRIFICE DU RÉPARATEUR.

180

dèle de tous les êtres empreints dans sa substance (1).

Quelle est au juste

la

nature de ce personnage divin

que nous avons rencontré, jouant un humain, dans

du général Gichtel

la vie

n'est

que

(2)

qu'on pourra trouver une réponse quelque peu

comme

phia,

la raison

La Sophie

So~

la Trinité

;

elle n'est point l'esprit

de Dieu, laquelle se confond nécessairement

avec Dieu lui-même

que

la

vapeur ou

conservatrice

point la lumière primi-

elle n'est

;

de l'immensité divine;

tive qui éclaire les merveilles elle n'est

céleste, la

on l'appelle ordinairement, n'est point

une des personnes de

« la

Ce

correspondance de Saint-Martin avec Kirchber-

satisfaisante à cette question.

ou

?

la

dans ger

rôle passablement

le reflet

de toutes

les

de cette lumière,

formes des esprits,

s

comme

»

matérielles; elle habite toujours avec Dieu, et

»

nous

»

Dieu nous possède, puisqu'ils sont inséparables dans

»

leur union,

la

l'air est le

conservateur de toutes les formes

possédons, ou plutôt quand

quoique distincts

Selon toute apparence,

il

elle

quand

nous possède,

clans leur caractère».

s'agit ici

de la pensée de Dieu

distinguée de la raison, de son Verbe, et conçue

comme

une essence à part, semblable aux Éons du gnosticisme. Cette manière de comprendre ou de substantialiser les divers attributs

de

la

nature divine, ne doit pas

trop nous étonner; elle est très-fréquente dans le

mys-

ticisme et tient pour ainsi dire le milieu entre les per-

(1)

Ministère de V homme-esprit, p. 275.

(2)

Pjge 36 de

l'édition Schauer.

.

DOUBLE INCARNATION.

181

sonnifications poétiques de la mythologie et les idées abstraites de la métaphysique. Quoi qu'il eu soit,

phia

dans

a,

profondeurs du

les

ciel,

un

rôle

So-

analogue à

celui qui attendait Marie sur la terre. C'est dans son sein virginal que le Réparateur a revêtu la

maine ou que

s'est

forme huaccomplie son homifîcation spiri-

tuelle.

L'homification matérielle n'est rien que

ment de

le

complé-

cette union céleste (1). Aussi, l'a-t-elle suivie

après un long intervalle, et elle n'a été achevée que lorsque le Réparateur eut descendu un à un tous les degrés de notre prison. Il a fallu qu'il s'unît successive-

ment au principe de de

la matière,

la nature, à celui

de

la vie, à celui

et enfin qu'il devînt chair

dans le sein d'une vierge formée de chair et de sang. C'est à cette condition seulement qu'il a pu nous délivrer de toutes nos servitudes et de toutes nos misères, puisque nous

sommes de

les esclaves tout à la fois

la matière,

de

la vie et

de

la

de la chair et du sang,

nature

(2)

Le Réparateur ne nous a pas donné directement la liberté il nous a seulement appris, par sa parole et par ;

son exemple, à quel prix nous la pourrons reconquérir. Il nous a montré, par l'immolation de lui-même,

qu'en

immolant en nous l'homme matériel redeviendrons, il

n'est pas

comme

autrefois,

et charnel,

esprit et vie.

venu nous sauver malgré nous

(1)

De

(2)

Ministère de l'homme-esprit, p. 276.

l'esprit des choses, t. II, p.

AD. FRANCK.

et sans

188.

H

nous Enfin,

nous

;

DOUBLE INCARNATION.

182

nous a seulement ouvert

il

primant

les obstacles qui

le

chemin du salut en sup-

l'encombraient et en purifiant

en quelque sorte, par la vertu de son sang, l'atmos-

phère corrompue qui

de

comme

la nature,

formée autour de nous à

s'était

On

suite de notre dégradation.

dirait

que

celle

la

une transmutation alchimistes cher-

les

chaient à opérer dans les métaux.

Le résultat de cette œuvre,

c'est d'avoir placé

l'homme

tellement près de la félicité éternelle, qu'il n'a en quel-

que façon qu'à

La

»

lement à briser

!>

la porte

lui ouvrir

a

pour

la posséder.

vie divine, dit Saint-Martin (1), cherche continuelles portes

de nos ténèbres et à entrer

en nous pour apporter des plans de restauration. Elle

»

y vient en frémissant, en pleurant, en nous suppliant, pour ainsi dire, de vouloir bien concourir avec elle

»

dans cette grande œuvre,

»

»

Non-seulement

la mission

et la vie de Jésus-Christ peuvent se renouveler en nous,

mais chacun de nous, pourvu que sa régénération complète et qu'elle embrasse tous être,

peut

faire

les

soit

éléments de son

de plus grandes choses que

Répara-

le

teur lui-même, « parce que le Réparateur n'a fait que

germes de l'œuvre

»

semer

»

peut entrer en moisson

les

(2).

et

que

»

On

le

nouvel

homme même

retrouve la

pensée, avec une notable restriction, dans le Portrait historique (3) t>

:

«

Jésus-Christ disait à ses apôtres qu'ils

pouvaient faire les

(1)

De

(2)

Le nouvel homme,

(3)

N° 1123.

mêmes œuvres que

l'esprit des choses,

p.

t.

Il,

197.

p.

168.

lui

et

même

MARCHE ASCENDANTE DE L'AME VEHS SA KEGËNÉKATION.

183

»

de plus grandes. Ce n'était pas leur dire que tous

»

dons pouvaient appartenir à chacun d'eux, puisque

»

nous voyons, selon saint Paul, que

»

partage ses dons entre les différents hommes.

»

chaque

homme

,

le

même

les

esprit

Mais

depuis la venue de Jésus- Christ,

»

peut, dans le don qui lui est propre, aller plus loin

»

que

le Christ. »

Cependant, aussi longtemps que nous vivrons sur

nous serons soumis à

terre,

dire à la souffrance,

mise à

la

homme

est

et

la

loi

du temps,

la

c'est-à-

notre réintégration, quoique

portée de nos forces,

venu nous en tracer

depuis que Dieu le

fait

vivant modèle, ne

peut être accomplie que par une série de combats et de sacrifices.

Ces

sacrifices, les seuls qui puissent subsister

encore, se ramènent tous à un acte d'immolation intérieure par lequel on s'élève de l'ordre naturel à l'ordre spirituel, Il

faut

esprit

de l'ordre spirituel à l'ordre divin.

que nous commencions par dégager notre

du joug de

la

matière ou nos facultés spirituelles

de nos sens extérieurs, en reconnaissant

le

Seigneur

et

en nous soumettant à ses commandements, c'est-à-dire

en donnant pour règle à notre vie

Dieu et du devoir. Tel est

auquel répond, dans Il

et

le

les saintes notions

premier degré de

l'histoire, l'âge

faut ensuite que,

de

de

l'esprit,

la loi.

non contents de connaître Dieu

de l'adorer, nous nous sentions

comme

soulevés au-

dessus de nous par son souffle vivifiant et entraînés par son amour à publier partout son

nom

et sa gloire, aussi

impatients des ténèbres qui enveloppent une partie de

MARCHE ASCENDANTE DE L'AME VERS SA RÉGÉNÉRATION.

184

nos semblables que nous

serions de celles qui nous

le

envelopperaient nous-mêmes.

réunion de

la

Cet

formé par

état,

la

charité et de l'inspiration, de l'action di-

vine et de la liberté humaine, est le second degré ou le

second âge de

l'esprit,

auquel répond, dans

l'histoire,

l'époque de la prophétie.

A

ce second cage

en succédera un troisième

nous proposant de suivre, non-seulement prit,

mais

la loi

dèle Jésus-Christ crifice volontaire

où, l'es-

mort sur

nous ferons

la croix,

le sa-

de tout notre être terrestre et mortel,

de victime expiatoire aux autres

(1).

C'est à ces trois états successifs

que Saint-Martin

thumes

,

de

du Réparateur, où prenant pour mo-

voudrons servir

et

hommes

la loi

de l'âme régénérée

dans ses

fait allusion

(2), lorsqu'il parle des

dons de

Œuvres pos-

l'esprit pur,

des

l'esprit saint et de ceux du Verbe. Mais il y en a un quatrième encore plus élevé, qu'il appelle la

dons de

sainteté

suprême

(3), et

qui consiste, après avoir sacrifié

intérieurement notre être terrestre et mortel, à ler aussi notre être spirituel, c'est-à-dire le

de notre personnalité, notre

comme

il

tre toutes

me (1)

écrit

nos facultés dans

servir encore

la

notre sebstheit, (h), afin

main de Dieu, ou, pom-

[).

289-296.

262.

(3)

Id. ; ibid.

(4)

Correspondance

de met-

d'une de ses expressions, afin que

Ministère de l'homme-esprit,

(2) T. I, p.

ich/teit,

au baron de Liebisdorf

immo-

sentiment

inédite, édition

Schauer, p. 97.

MARCHE ASCENDANTE DE L'AME VERS SA REGENERATION.

injectée, toute saturée de la

notre volonté soit tout

L'immolation de notre moi avec

teinture divine (1).

l'espérance

môme

de

retrouver au sein de Dieu,

le

quand

ne serait pas dans l'essence du mysticisme,

elle

comme une

devait être enseignée par Saint-Martin

séquence nécessaire de sa doctrine de l'incarnation

même que

de

183

Christ,

le

concar,

;

avant de descendre dans un

corps pareil au nôtre, s'était revêtu de notre forme spi-

de

rituelle,

et

même l'homme

remonter par

nelle,

qui veut imiter son œuvre

qu'il a tracé

dans

la vie éter-

ne doit pas seulement faire l'abandon de sa per-

sonne physique, personne vine.

chemin

le

il

faut qu'il s'efforce

spirituelle et

morale dans

d'incorporer sa

la personnalité di-

Tant que cette condition n'est pas remplie,

la

réintégration n'a pas eu lieu.

Saint-Martin insiste avec force sur la nécessité

,

il

décrit avec complaisance la nature et les effets de cette

dernière transformation de notre être.

que

la

Divinité nous

traverse

« Il faut,

tout

dit-

entière

»

il

»

pour qu'intérieurement

»

sions remplir les plans originels de notre principe. »



(2)

« Si

,

et

extérieurement nous puis-

tu voulais t'observer (c'est à

l'homme de

désir

»

que ces paroles s'adressent),

»

avec attention, tu sentirais tous les principes divins

*

de l'éternelle essence délibérer et agir en



selon leur vertu et leur caractère;

si

{[)

Ministère de V homme-esprit, p. 432.

'2)

Le nouvel homme,

p.

29.

tu

voulais t'observer

toi,

chacun

tu sentirais qu'il

MARCHE ASCENDANTE DE L'AME VERS SA RÉGÉNÉRATION.

186

de t'unir à ces suprêmes puissances, de

»

est possible

»

devenir un avec

»

ture active de leur agent

»

multiplications continuer et s'étendre journellement

elles,

d'être transformé

dans

na-

la

tu sentirais ces divines

parce que l'impression que les principes de

»

en

»

vie auraient transmise sur ton être les attirerait

»

plus en plus, et qu'à la

»

tablement que

»

t'auraient assimilé à eux (1).

toi,

Quand Dieu

s'attirer

est ainsi

ne feraient plus véri-

fin ils

eux-mêmes en

puisqu'ils

toi,

»

descendu en nous

et s'est assi-

milé une à une toutes nos facultés, nous en avertis par

de

un signe particulier

sommes

sa présence se mani-

;

par une sensibilisation spirituelle, c'est-à-dire

feste

par un sentiment intérieur qui nous avertit que nous

avons cessé de nous appartenir et de vouloir, de penser, d'être » elle »

par nous-mêmes.

«

Alors la langue se

ne peut plus rien dire, et

tait,

n'est pas nécessaire

il

lui-même en nous,

qu'elle parle, puisque l'être agit

avec une mesure, une sa-

»

pour nous,

»

gesse et une force dont toutes les langues humaines

»

ne seraient pas capables

a

sentiment,

donc jamais il

et qu'il le fait

il

nous semble

liberté ne

cation

y a

sacrifiée

»

(2).

conscience

;

la

Mais tant qu'il y conscience n'est

par Saint-Martin,

qu'il sacrifie la

liberté.

même quand Au

reste, la

nous est enlevée que par un acte d'abdi-

accompli par

elle

dans un transport d'amour,

(1)

Le nouvel homme,

(2)

Ministère de l'homme-esprit, p. 427.

p.

45.

LA MORT.

187

une façon d'affirmer son existence.

ce qui est encore

La personne humaine, selon

les idées

tin,

non-seulement subsiste dans tout

vie,

quelque

effort qu'elle

mais encore

elle

le

de Saint-Marcours de cette

puisse faire pour s'immoler,

trouve sur son chemin des obstacles,

des ennemis, qui la forcent à combattre sans relâche et qui rendent impossible pour elle

Dieu. Voilà pourquoi

il

repos au sein de

le

pense que

la victoire, la réinté-

gration complète, l'union vainement poursuivie ici-bas,

ne nous sera accordée que de l'autre côté du tombeau. «

Non,

dit-il (1), la

dans

mort

temple de

n'est plus

pour nous que

Le combat a com-

i

trée

»

mencé dès

y

remportée

»

de

»

c'est

»

compter pour quelque chose, attendu

*

bonheur de goûter

la

le

le ;

la

chute

;

la victoire a été

nous n'avons plus à recevoir de

mort que

qu'il

cité

:

«,

Le sage qui

»

sera convaincu que ce monde-ci n'est que

»

traduction

invisible ne

se

comme une

pourra que se ré-

mo-

s'affliger

quand

il

texte,

parce que c'est une

au

» vérité »

le

ment de s'approcher du

» jouir »

a eu

!

la

un autre passage qui

la vie. » Voici

du monde

main

permis de ne plus

qu'il est seul

moins digne d'être

la

La mort

palme du triomphe

la

au vrai sage

n'est pas

la victoire.

moment de

l'en-

lieu

de

devrait être bénie

De

le

générale que les textes sont préférables aux

traductions (2).

(1)

verra venir

»

La

comme une

l'esprit des choses,

(2) Iâ.. ibid.,p. 50.

seule connaissance de la mort

t.

II,

p.

48.

des marques de notre

188

LA MORT.

supériorité et attend.

par

»

comme un gage

la raison qu'ils

Enfin, voici en partie



de

la destinée qui

Les animaux ne connaissent point

«

ne connaissent point

nous mort,

la

la vie (1)

un chapitre de F Homme de

.

»

désir,

de cette vie supérieure, qui doit sortir pour nous du sein de la mort, est peinte dans un langage de la soif

la plus

pénétrante éloquence. J'éprouve d'autant m'oins

de scrupule à

le reproduire que, le sentiment et l'imagination ne tenant pas une moindre place que le rai-

sonnement dans

le

système de Saint-Martin, on

lui fait

toujours tort quand on sépare sa pensée de l'expression particulière dont

il

l'a

revêtue.

Dieu suprême, pourquoi laisses-tu plus longtemps dans cette terre fangeuse celui qui t'aime, qui «

»

cherche, et dont l'âme a goûté ta vie

» te

»

Mes mains

s'élèvent vers toi

»

me

»

gonfle de ton feu

»

mon »

tends les tiennes; ;

il

il

;

il

me

?

semble que tu

semble que mon cœur se

semble que tout ce qui

être ne fait plus

est

dans

qu'un avec toi-même.

Je parcours dans ton esprit toutes ces régions saintes

»



»

dent un éclat éblouissant, en

»

remplissent l'âme de »

œuvres de

les

Hélas

!

le soleil

ta sagesse et

de ta puissance répan-

même temps

me surprend une vapeur ;

»

en enflammant l'horizon, annonce au

»

nacle de la lumière.

» die

(1)

;

il

De

qu'elles

félicités.

Il

t.

de feu,

ce taber-

vient animer la nature engonr-

vient éclairer les yeux de

l'esprit des choses,

monde

II, p.

50.

mon

corps et m'offrir

-

LA MORT.

tous

spectacle de

» le

189

objets qui m'environnent.

les

Arrête, tu ne m'apportes pas un bien réel,

»

si

mon

»

viens pas ouvrir encore plus les yeux de

»

Arrête, puisqu'au contraire tu viens les fermer.

Tu

»

ma

beautés immortelles que

»

pler.

»

qu'un

»

courber les nations sous leur jong de

Tu

me

vas

pensée vient de conte rn-

le soleil

presque

éternel dont tu n'es

éteint.

vont se lever les puissances du monde pour

toi

rappeler à la

loi

douce de

du Réparateur, à qui de

le

de

sage, selon la

loi

pensées soient permises

telles

puisse saluer son dernier jour

et qui

au

lieu

fer,

la vérité (1). »

l'homme de désir ou

n'y a que

Il

cacher

reflet pâle et

Avec

» les

esprit.

vas ne m'offrir que des images mortelles de ces

»

»

tu ne

comme

l'aurore de

âmes vulgaires pour qui

la

lumière éternelle. Mais

le

Christ est venu en vain, qui ont passé dans le vide

et

dans

pour

les

les

ténèbres

ils ? Ils

séjour qu'ils ont

les

fait ici-bas,

nom que leur donne hommes du torrent, que

appeler du

nations et

les

le

les

ou,

Saint-Martin,

deviendront

seront abandonnés, par une conséquence néces-

saire de leur

aveuglement, à

la

puissance qui prend la

place de Dieu, toutes les fois que nous nous séparons

de

lui

est

;

car

l'homme ne peut pas

un fonctionnaire dans

service de Dieu,

Servir le

il

être sa propre fin,

l'univers.

entre au service du

démon

démon, tomber au pouvoir de

(1)

L'homme de

(2)

Ministère de l'homme-esprit,

désir, p.

282

et

(*2).

l'esprit

283. \>.

il

Lorsqu'il quitte le

164. 11.

du

.

L'ENFER.

190

mal, c'est tout à

fois le

la

ceux qui se détournent de

ment

crime

la loi divine

Saint- Martin, et cet enfer, qui

rentes

c'est, à

;

propre-

commence dès ce monde,

successivement sous

trois

formes diffé-

:

D'abord l'âme, partagée entre l'esprit

le

bien et le mal, entre

d'en-haut et l'esprit des ténèbres, ressemble à

un rivage battu par

les flots.

nent successivement

Toutes

n'échappe point toujours

une épreuve

les

auquel

et qui

angoisses vien-

traversent sans s'y

l'assaillir et la

l'enfer passif,

arrêter. C'est

A

châtiment de

parler, leur enfer, le seul qui soit reconnu par

se présente

lui

et le

le

sage lui-même

devient souvent pour

salutaire.

l'angoisse succède l'illusion, l'illusion sans

remède

et sans espérance, qui nous conduit jusqu'au tombeau,

occupés de terrestres projets, oubliant que térielle

a une

fin

et la

premier degré de l'enfer

A

l'illusion

la vie

ma-

mort un lendemain. C'est

le

actif.

succède l'iniquité,

la

pratique du mal

avec l'amour, avec la volonté du mal, sans interruption, sans surprise, sans remords.

de l'enfer actif perversité

et

humaine

le

C'est le

deuxième degré

dernier que puisse atteindre la

(1)

Pour ces pécheurs endurcis, comme pour la vie à venir

ne sera que

ment de

la vie présente.

près de

le

(1)

la

continuation et

Les justes

et

les justes, le

complé-

ceux qui étaient

devenir approcheront de plus en plus du

Ministère de V homme-esprit, p. 175-178.

F/ENFER.

191

foyer de l'amour et de l'intelligence, jusqu'à ce qu'ils

puissent s'unir à lui plus étroitement.

Ils

comme

seront

suspendus au triangle universel qui s'étend depuis premier être jusqu'à

la nature,

le

par chacun de

et qui,

ces trois côtés, les attirera dans son sein. Les pécheurs,

au contraire, retenus, malgré corps, sous

la

domination qui

la dissolution

les a

sans avoir la puissance ni

la terre,

de leurs

perdus, enlevés à

même

désir de

le

s'élever vers le ciel, auront à souffrir toutes les angoisses qu'engendre naturellement

une

telle

Les uns et les autres d'ailleurs, jusqu'au

suprême dont nous parlerons

crise

leurs traits

forme

distinctifs

par leurs qualités et leurs vertus, difformité

«

bientôt, garderont

félicité

par

les derniers

les



pour

trouve,

se

les

élus,

qui nous est fermée ici-bas

Car, dit Saint-Martin,

si

les

:

belles âmes pouvaient

s'apercevoir, elles fondraient de joie (2).

rait

premiers

que leur auront imprimées leurs

iniquités et leurs vices.

une source de

la

malgré l'absence de toute

et,

visible, se reconnaîtront entre eux, les

marques de

»

situation (1).

moment de

»

Qui ose-

encore, après cela, lui reprocher d'avoir nié l'im-

mortalité personnelle de l'âme

humaine

Nous venons de parler des justes

et

?

des pervers, des

fonctionnaires de Dieu et des fonctionnaires de Satan

;

entre ces deux extrêmes n'y a-t-il donc point de milieu ?

N'y

a-t-il

pas des

(1) Ministère

posthumes, (2)

De

t.

de

I, p.

hommes

qui ne font, en quelque sorte,

l'homme- esprit,

p.

287-288, 296-297

324-325.

l'esprit des choses, t.

H,

p.

50-55.

;

OEuvres

LA MÉTEMPSYCOSE.

192

ou qui ne vivent qu'à

qu'effleurer la vie,

sans attachement pour

le

surface,

la

bien ni pour le mal, incapables

de grands vices et de grandes vertus, de grandes joies de grandes peines? Quel sort est réservé à ceux-là?

et

Pour à

les

hommes de

la nécessité

de

métempsycose.

la

même

avoir vécu. Avant ils

cette catégorie, Saint-Martin croit

meurent sans

Ils

de descendre dans

n'ont été que des ombres.

«

tombe,

la

Aussi faudra-t-il que la

hommes-là recommence

auront

»

vie de ces

»

quitté cette région visible et apparente

»

n'auront pas vécu pendant le temps qu'ils l'auront

»

traversée, et c'est ce prolongement de temps qui fera

»

leur supplice (1). Ici

il

nous est

lorsqu'ils ,

puisqu'ils

»

facile

de reconnaître une

fois

de plus

l'influence de Martinez et de la kabbale, car la transmi-

gration, dans les livres kabbalistiques

,

n'a pas d'autre

but que de fournir aux âmes restées incomplètes les

moyens d'acquérir mûrir pour

le

les vertus qui

pondance inédite

(2),

manquent

complètement

s'il

même

qu'il la répu-

n'imaginait d'en faire une nou-

qui, après avoir déjà vécu, reviennent dans ce

pour suppléer à ce qui leur manque

(1)

âmes

d'élite

XXXVIII,

p.

113,

;

monde

ce sont, au con-

que Dieu a chargées autrefois

Portrait historique, n° 404.

(2) Lettre

de

Ce ne sont plus des âmes vulgaires

velle application.

traire, les

et

que Saint-Martin n'accepte cette

doctrine qu'avec répugnance, et dierait

leur

Mais nous voyons, dans sa corres-

ciel.

édit.

Schauer.

EXPIATION FINALE.

103

d'une grande mission, celles d'Élie, d'Enoch, de Moïse, qui, à certaines époques, apparaissent de

nous,

«

nouveau parmi

pour concourir sensiblement à l'avancement du

»

grand œuvre, parce que

»

canaux

le

bien coule toujours par les

qu'il s'est choisis. » Toutefois,

il

n'insiste pas

mé-

sur cette opinion et se contente d'affirmer que la

tempsycose, en général, ne peut se concilier avec aucun des principes de être

la

comptée parmi

théorie spirituelle divine, et doit les opinions suspectes

que nous de-

vons à l'influence des puissances subalternes.

Au

reste,

pourquoi Saint-Martin

aurait-il

métempsycose, puisque

la vie future

séparée du corps

qu'il

telle

gardé

elle-même,

la

la vie

concevait après la vie

la

présente, n'est, dans son système, qu'une épreuve transitoire,

qu'une simple

amené par une cette idée,

initiation

révolution

à un état supérieur,

suprême de l'univers? Voici

exprimée d'une façon très-ingénieuse dans

»

Œuvres posthumes (1) c La mort ne doit se regarder que comme un relais dans notre voyage. Nous

»

arrivons à ce relais avec des chevaux fatigués et usés,

»

et

»

en état de nous conduire plus loin. Mais aussi

»

payer tout ce qu'on doit pour

ses

» et, »

:

nous y venons pour en prendre qui soient

jusqu'à ce que

les

la

frais et il

course qui est

faut

faite,

comptes soient soldés, on ne

vous met point en route pour

la

course suivante.

»

Oui, tous les comptes seront soldés, et les voyageurs, se remettant en route,

(1)

Tome

I,

p.

286.

arriveront,

quels qu'ils soient,

,

EXPIATION FINALE.

194

au terme

à la consommation des siè-

final, c'est-à-dire

cles, à la fin

du monde, à

la destruction

du mal, à

la

réintégration de tous les êtres au sein de Dieu. D'abord la

matière disparaîtra nécessairement, usée par

le

temps,

transfigurée, raréfiée, en quelque sorte, par la régénération croissante de la nature

propre fécondité. En

effet

qu'un épaississement de ses,

la

humaine, épuisée par sa

puisque

,

la

matière n'est

substance première des cho-

produit par la chute de l'homme, à mesure que

celui-ci,

marchant sur

du Réparateur, re-

les traces

montera vers son premier

perdra de son in-

état, elle

tensité et la force se substituera,

rompu

résistance. L'équilibre étant

dans son

sein, à la

entre les deux prin-

cipes dont elle est formée, l'univers s'écroulera, et ses

débris

mêmes

disparaîtront, dévorés par le feu. Saint-

démontrer physiquement cette

Martin croit pouvoir

future destruction de la matière par la conflagration

générale du monde.

simple feu élémentaire ré-

« Si le

un corps à une

»

duit

»

comment ne pas

»

duire encore davantage,

»

corps général de la nature

»

par un autre,

»

doit pas

»

matériel soit anéanti.

»

sières dont

(1)

De

esprit, p.

rester

il

voir

il

faut,

petite portion de cendres le feu

si

supérieur pourra ré-

puisqu'il est plus actif, le ?

(1) »

Par un moyen ou

l'œuvre du Réparateur ne

une œuvre inachevée, que l'univers

Aux images

périssables et gros-

est l'assemblage devront être substituées

l'esprit des choses,

463.

si

que

t.

I, p.

130-131

;

Ministère de l'homme-

RÉCONCILIATION DE SATAN.

formes éternelles, les seules qui se puissent

» les »

195 offrir

à la contemplation divine, parce qu'elles n'appartien-

» lient ni

à l'espace ni au temps (1).

La matière une

»

détruite, plus de

fois

démon

car où

;

demeurerait-il? L'enfer, c'est sa domination, c'est-àdire lui-même, et

ment que

s'il

ne de neure plus nulle part, com-

pourrait-il exercer son

le

mal peut être réparé,

cipe d'où

il

émane,

un principe éternel,

empire il

dans lequel

et

comme

D'ailleurs, puis-

?

que

est évident

l'ont

il

le

prin-

réside, n'est pas

cru les Manichéens

(2).

n'y a pas deux principes, dit expressément Saint-

a II »

Martin, car on ne peut presque pas dire qu'il y

ait

»

deux pensées, puisque, en comparaison de

»

bonne, l'autre n'est qu'une sorte d'étranglement et

»

de raccourcissement opéré par

»

espèce de pensée (3).» Par conséquent, l'esprit rebelle

la

volonté sur la

entrer dans l'harmonie universelle. Dieu, d'autre existence que de pardonner,

dès

le

même

des temps, se dépouiller de son orgueil et

doit, à la fin

*>

pensée

la

commencement,

les trésors

tenait qu'à lui d'y puiser

[k).

Il

«

» lui

qui n'a pas

avait ouvert,

de sa grâce,

est étrange

et

il

ne

que Saint-

Martin, avec de telles croyances, ait été accusé de mani-

chéisme.

On

se rappelle que le fond de ces croyances

est dansle traité de Martinez Pasqualis, qui, l'avait pris

(1)

De

dans

les traditions de sa race.

l'esprit des choses,

t.

I,

p. 137.

(2) Ministère de l'homme-esprit, p.

(3)

De V esprit

(4)

Id.,ibid., p. 15.

des choses,

t. II,

278.

p. 13.

lui-même,

RÉCONCILIATION DE SATAN.

196

La réintégration du démon emporte avec

âmes humaines,

toute nécessité, celle des

pu

être leur conduite sur la terre;

comblé par

car l'intervalle qui

de l'un et

la félicité anticipée

ves successives des autres. C'est ce résultat justifie,

aux yeux de Saint-Martin,

les

les

le

dépourvue de raison

de mort,

«

et

,

la peine

temporelles, soit humaines, ne

»

soit spirituelles, soit

tendent qu'à réveiller en nous une affection.

tous, tant

que nous sommes la

uns avec

le

les autres,

et tant

par

le lien

Nous

nous nous re-

de Dieu, unis avec

sein

»

que nous serons au

universelle,

dissolution

trouverons dans

sem-

les justices, dit-il (1), soit divines,

»

moment de

lui

par conséquent inique.

que nous l'avons vu répudier

Toutes

qui

coupable, qui

ne donne pas un autre cours à ses sentiments,

C'est pour cela

épreu-

môme

châtiments d'une

autre vie. Une peine qui ne relève pas

ble

de

l'homme de désir des hommes du torrent a

séparait été

elle,

qu'elle qu'ait

lui

et les

de l'amour. Cette réu-

nion ne paraît pas, dans la pensée de Saint-Martin,

nous enlever

la

conscience

;

car

il

fait la

remarque que

notre existence est toute dans l'affection, non dans le

temps

et

dans

le lieu



elle

semble s'écouler. Pourquoi,

dès lors, l'affection qui nous est réservée dans l'avenir, et qui, à

mesure que nous avançons, s'étend de plus

en plus dans nos âmes, ne pourrait-elle pas être conçue sans temps et sans lieu,

(i)

De

l'esprit des choses, p.

(2) Id. ibid., p. 50.

comme

10.

celle

de Dieu

et

comme

MONDE.

FIN DU

Dieu lui-même? »

Nous serons, ajoute Saint-Martin,

»

comme

toujours et partout

part

Nous serons

«

:

La

lui (I)

»

;

il

ne dit nulle

lui. »

du monde,

fin

197

telle qu'il

l'entend, n'est donc

point la séparation éternelle des justes et des réprou-

vés

est,

elle

;

au contraire, l'éternelle

et l'universelle

réconciliation, l'éternelle et l'universelle rédemption, la fin

ment sur

de

règne de l'amour, non-seule-

le

triomphe du bien sur

le

la

la justice et

matière,

l'abolition

mais

mal, de l'intelligence

du mal. Aussi avec quels accents

avec quels cris de jubilation «

le

destruction de la matière et

la

d'allégresse,

saluée d'avance

elle est

Réjouissez -vous, régions sacrées,

!

voici les saints

»

cantiques qui se préparent. Voici les harpes pures

»

qui s'avancent

;

réjouissez-vous,

»

vont commencer

»

temps que vous ne

;

réjouissez-vous

,

il

y a

avez entendus

les

»

choisi vous est enfin rendu,

»

chants de la jubilation

»

puissent retenir sa voix

il

;

hymnes

les

;

!

si

divins

long-

Le chantre

l'homme va entonner

les

n'y a plus d'obstacles qui il

vient de dissoudre,

de

»

démolir et d'embraser tout ce qui servait d'obstacle

»

à

»

Amen

sa

prière.

Dieu de paix

,

sois

béni

à

jamais

!

(1). »

Telles sont, dans leur ensemble et sous la forme dont

lui-même

les a revêtues,

accompagnées des expressions

qui lui sont les plus chères, les idées que Saint-Martin

nous présente

(1)

comme

le

degré

le

plus élevé de la révé-

Ministère de i'homme- esprit, p. 363-304.

CONCLUSION.

198 lation et

de

forment moins un système

la science. Elles

qu'un poëme, une sorte d'épopée divine en qui auraient pour titres

:

Aussi n'est-il guère possible d'en faire la

tégration.

matière d'une discussion

sentiment et

mot trop

le

rêve,

car on ne discute pas avec

;

ou

,

si

nom

convaincu qu'il

bien

était

un rôle considérable dans

sophie, lui qui prenait le

de

l'histoire

raison et

du bon sens

de son temps,

le

la philo-

de philosophe inconnu.

armes de

Et, en effet, n'a-t-il pas combattu avec les

de

sensualisme,

la société ? N'est-il point le créateur

matérialisme

le

de cette théorie

les

plus récentes

observations sur l'origine des langues, et qui,

mutilée et défigurée, a

nom

la

chimères de Rousseau sur l'origine

les

du langage que semblent confirmer

le

le

l'on trouvait ce dernier

sévère, avec des intuitions toutes personnelles.

Cependant Saint- Martin jouait

trois chants,

X émanation, \âchnte,\cL réin-

fait

de M. de Bonald?

une

même

brillante fortune sous

si

N'a-t-il

pas

fait

dépendre

la

connaissance de Dieu de la connaissance préalable de

l'homme, conformément à une règle de méthode encore suivie aujourd'hui; et cette connaissance de

ne

l'a-t-il

elle était

l'homme,

pas, le premier, relevée de l'abaissement où

tombée dans

sans doute

;

mais

les écoles

du

xvm

la philosophie n'était

e

siècle? Oui,

pour

lui

qu'une

introduction à des spéculations très-peu philosophiques, et »

un moyen d'établir sa propre insuffisance. «Ma tâche dans ce monde a

(1)

été, dit-il (1),

Portraits historiques, n° 1135.

de conduire l'esprit

CONCLUSION.

199

»

de l'homme, par une voie naturelle, aux choses sur*

»

naturelles.

comme

pas,

»

Or

ces choses surnaturelles, ce ne sont

on pourrait

choses de

le croire, les

mais des façons toutes particulières de et

de

les sentir,

les

ou l'expérience personnelle,

tions personnelles,

pour ne pas dire

la foi,

comprendre

les rêves

les intui-

de l'ima-

gination, substituées à la raison et à la tradition dans le

commerce de l'âme avec Dieu.

C'est ainsi, par

que Saint-Martin a cru reconnaître

ple,

médiate de Dieu dans

les

événements de

française. C'est ainsi qu'il a aperçu

facultés de

l'homme

la

exem-

présence imla révolution

dans chacune des

les traces vivantes

de sa déchéance.

C'est ainsi qu'il a découvert cette alchimie théologique

qui

lui

montre

le

sang répandu

comme un

réactif à l'aide

matière est précipitée dans les bas-fonds et

duquel

la

l'esprit

rendu à sa

liberté. C'est

mie que de Maistre a

fait

du

sein de cette alchi-

sortir l'apothéose

du bour-

reau, la justification de l'inquisition et l'apologie de la

guerre.

On comprend,

après cela, que

le

fond de sa doctrine

n'appartienne pas plus à la religion qu'à la philosophie. Il

croyait

fruit à

fermement

être chrétien et travailler avec

l'avancement, au triomphe, à la gloire du chris-

tianisme. Mais le christianisme, pour lui, n'était pas

une religion

ment, »

« le

c'était,

terme

gions (1),

(1)

;

»

comme

et le lieu

il

l'a

déclaré expressé-

de repos de toutes les

reli-

c'est-à-dire ce degré de perfection où les

Ministère de l'homme-esprit, p. 370.

CONCLUSION.

200

même

pratiques et les formes extérieures, et

mes

définis,

nous sont

un peu plus

inutiles. «

que

loin, n'est

»

il

»

Christ dans sa plénitude.

j>

les

dog-

Le christianisme,

l'esprit

même

dit-

de Jésus-

nous montre Dieu à

11

découvert au sein de notre être, sans

secours des

le

»

formes et des formules. Le christianisme n'a point de

»

mystères, et ce

nom même

»

par essence,

christianisme est l'évidence et l'uni-

»

verselle clarté (1).

le

»

Le

lui répugnerait,

titre

de religion

au contraire, appartenir au catholicisme,

puisque,

lui semblait, «

parce qu'il

d'épreuve et de travail pour arriver au

»

est la voie

)>

christianisme, parce qu'il est la région des règles et

»

de

»

tianisme.

parce qu'il est

la discipline, »

séminaire du chris-

le

Aussi, quand l'approche de la mort a ré-

pour

veillé sa tendresse

l'Église qui lui a

donné

la foi

la

de son enfance, pour

première connaissance de

Dieu, a-t-il pu dire, sans abandonner une seule de ses convictions, que le catholicisme est la meilleure des religions, et Il

même

qu'elle est la religion véritable (2).

se croyait éclairé par

du catholicisme

et

une lumière plus pure que

celle

de toute religion, quelle qu'elle puisse

être.

Ni philosophe, ni théologien, Saint-Martin n'est pas

suffisamment caractérisé quand on tique.

Il

l'a

appelé un mys-

y a bien des genres de mysticisme, presque

autant que de systèmes de philosophie et de théologie.

'^1)

Ministère de l'homme-esprit, p. 370-371.

(2)

OEuvres posthumes,

t,

I,

p.

213.

201

CONCLUSION.

Celui qu'adopta Saint-Martin venait, en droite ligne, de

de

l'Orient, descendait

chemin

la

kabbale, recueillant sur son

je ne sais quels débris de platonisme alexandrin,

de gnosticisme, d'alchimie et de théurgie.

A.u milieu

de

ce foyer de fermentation, d'où sortaient les plus étranges

hallucinations de l'esprit et des sens, Saint-Martin a su

garder une modération relative. Ainsi, tout en écrivant

un il

traité

sur la signification symbolique des nombres,

a protesté contre les révélations directes

que leur

attribuaient ses devanciers et quelques-uns de ses con-

temporains. le

Il

expliquait l'origine de tous les êtres par

principe de l'émanation, et croyait, avec la

foi la

plus

ardente, en un Dieu libre et personnel, principe de justice et

d'amour, avec lequel nous communiquons par la

pensée et par la prière respiration de l'âme. être

un désir de Dieu,

;

il

ligence avec le désir de

qui est pour lui la

la prière,

appelait la substance de notre

Il

confondait

l'homme,

la

et

volonté et

il

l'intel-

n'a pas cessé de

défendre, contre ceux qui les nient, l'existence et les

de

droits

la terre

à

la liberté.

qu'il y a entre le ciel et

des intelligences semblables

l'homme

,

avec

communication, évocations de

pèce

Persuadé

(1).

il

lesquelles nous

(1)

il

pouvons entrer en

et les visions

les instants

mêmes où

mystique semble atteindre chez

quand

mais supérieures

a écrit tout un chapitre contre les

Swedenborg

Dans

,

lui les

de toute es-

l'enthousiasme

dernières limites,

décrit les ravissements de l'âme arrivée à la

Le chapitre 184 de l'Homme de désir.

CONCLUSION.

202

de ses épreuves et reçue dans

fin

le

sein de l'éternité,

il

n'oublie pas les droits de la conscience. Fénelon aurait

pu recevoir de ment,

comme

des leçons de prudence.

lui

en avait l'ambition,

il

spiritualité, c'est-à-dire le

le

Il

germanique,

le

est resté

pu

sacrifices qu'il a

faire à l'esprit oriental et à l'esprit

premier représenté par Martinez Pas-

et fera toujours son plus

un et

il

est resté

la

un écrivain

Bœhm.

grand

titre

Mais, ce qui

aux yeux de

lui-même, une âme aimante

trempe délicate

esprit d'une

souvent

et des illusions

de son pays, en dépit des

qualis, le second par Jacob

térité,

a été vrai-

défenseur de la conscience

humaine au milieu des entraînements

du mysticisme.

Il

Descartes de la

et forte,

profondeur n'excluent pas

même

fait

pos-

et tendre,

où l'élévation

la finesse

original, dont la grâce naturelle a le

charmer ceux-là

la

;

enfin,

don de

qu'elle ne persuade point,

et

dont l'imagination ingénieuse donne un corps à toutes les pensées.

De

ses ouvrages s'exhale

de candeur

et

d'amour qui

l'oubli.

suffit

comme un parfum

pour les sauver de

i

APPENDICE Le travail qu'on vient de Matter,

déjà imprime quand M. le pasteur

lire était

de l'historien du Gnosticisme

fils

bien voulu mettre à

ma

disposition les

de l'École d'Alexandrie, a

et

deux

petits

volumes manuscrits de

Marliuez Pasqualis et m'autoriser à m'en servir dans la mesure que je jugerais convenable. Je profite de cet acte

ma reconnaissance, les vingt-six

premiers

donner une idée de laquelle

il

pour reproduire feuillets

la

de

libéralité,

objet de toute

avec une scrupuleuse exactitude,

ici,

du Traité de Martinez

;

ils

pensée générale de l'auteur et de

suffiront la

pour

forme sous

se plaisait à la développer. Ces vingt-six feuillets, en l'absence

de toute division matérielle, m'ont semblé d'ailleurs composer un chapitre distinct, et

peuvent être considérés

comme une

introduction à tout

l'ouvrage.

TRAITÉ SUR LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES DANS LEURS PREMIÈRES PROPRIÉTÉS, VERTUS ET PUISSANCES SPIRITUELLES ET DIVINES,

Par

MARTINEZ DE PASQUAL1TZ

(1).

Première Partie.

Avant

le

temps, Dieu émana des êtres spirituels par

sa propre gloire dans son immensité divine. Ces êtres

avaient à exercer

(1)

Soit par

c'est ainsi les

yeux.

un

culte

que

une erreur du copiste,

que ce nom

est écrit

dans

soit

le

la Divinité leur avait

par

la

volonté de l'auteur,

manuscrit que nous avons sous

j

TRAITÉ

204

par des

fixé

des préceptes et des commandements!

lois,

éternels. Ils étaient

donc

du Créateur,!

libres et distincts

et l'on ne peut leur refuser le libre arbitre avec lequel

ont été émanés, sans détruire en eux la faculté, la

ils

propriété, la vertu spirituelle et personnelle qui leur étaient nécessaires

bornes où

ils

pour opérer avec précision dans

les

devaient exercer leur puissance. C'étaient

positivement dans ces bornes où ces spirituels devaient rendre le culte

premiers

pour lequel

ils

êtres

avaient

été émanés. Ces premiers êtres ne peuvent nier ni igno\

rer les conventions

que

en leur donnant des

déments, puisque

le

lois,

Créateur avait faites avec eux

:

des préceptes, des comman-.

c'était sur ces

conventions seules qu'éj

fondée leur émanation.

tait

On demandera

ce qu'étaient ces premiers êtres avant

leur émanation divine, taient pas.

Ils

ou

existaient

s'ils

mais sans distinction d'action, de pensée

ment par

particulier;

ils

la seule volonté

nait, et

l'être

dans lequel tout

était ;

mû,

ce qui véritablement

cependant cette existence

tue l'immensité de la puissance divine

inné

(1)

père et

(1)

Il

en

lui

le

d'entende-

supérieur qui les conte-

en Dieu est d'une nécessité absolue; c'est

le

et

ne pouvaient agir ni sentir que

de

ne peut pas se dire exister

pas

n'exis-

s'ils

existaient dans le sein de la Divinité,

;

elle

qui consti-

Dieu ne

maître de toutes les choses,

s'il

serait

n'avait

une source inépuisable d'êtres qu'il émane

faut se rappeler

que Marlinez ne connaissait qu'imparfaitement

notre langue, et prendre sou

parti des

qu'on rencontre dans son Traité.

incorrections de toute espèce

'

SUR LA RÉINTÉGRATION

par la pure volonté et quand

1>EN

(Test par cette

plaît.

il

multitude infinie d'émanations et d'êtres hors de lui-même, qu'il porte

ouvrages celui de

la

le

nom

205

ÊTJIES.

spirituels

,

de créateur, et ses

création divine, spirituelle et ani-

male, spirituelle-temporelle.

Les premiers esprits émanés du sein de

la Divinité

étaient distingués entre eux par leurs vertus, leurs puis-

sances et leur nom;

ils

occupaient l'immense circonfé-

rence divine appelée vulgairement domination, et qui

porte son nombre denaire, selon la figure suivante ©,

que tout esprit supérieur 10

et c'est là

;

majeur 8;

infé-

rieur et mineur h, devaient agir et opérer pour la plus

grande gloire du Créateur. Leur démonstration ou leur

nombre prouve que leur émanation la

vient réellement de

noms de

quatriple essence divine) les

classes d'esprits étaient plus forts

ces quatre

que ceux que nous

donnons vulgairement aux Cliérubins, Séraphins, Archanges

et

Anges, qui n'ont été émancipés que depuis.

Déplus, ces quatre premiers principes d'êtres spirituels avaient en eux, la

comme nous

l'avons dit, une partie de

domination divine, une puissance supérieure

jeure, inférieure et mineure, par laquelle

ils

,

ma-

connais-

saient tout' ce qui pouvait exister ou être renfermé. dans les êtres

spirituels qui n'étaient pas encore sortis

sien de la Divinité.

Comment,

du

dira-t-on, pouvaient-ils

avoir connaissance des choses qui n'existaient pas en-

core distinctement et hors

du

sein

du Créateur? Parce

que ces premiers chefs émanés au premier cercle, mystérieusement cercle denaire AD. FRANCK.

,

nommé

lisaient clairement et 12

TMITÉ

206

avec certitude ce qui se passait dans

que tout ce qui

était

la Divinité, ainsi

contenu en elle-même

(1).

ue doit point y avoir de doute sur ce que je dis

Il

ici,

étant bien convaincu qu'il n'appartient qu'à l'esprit

de

lire,

de voir, de concevoir

l'esprit.

Ces premiers

chefs avaient une connaissance parfaite de toute action divine, puisqu'ils n'avaient été

émanés du

sein

du Créa-

teur que pour être moins face à face de toutes les opérations divines de la manifestation de sa gloire. Ces

divins ont-ils

chefs spirituels état

de vertu

tion? Oui,

et

ils

puissance divines après leur prévarica-

conservé par l'immutabilité des dé-

l'ont

crets de l'Éternel, car les vertus et

si le

Créateur avait retiré toutes

puissances qu'il a mises réversibles sur les

premiers esprits,

il

bonne ou mauvaise,

n'y aurait plus eu d'action de vie ni

aucune manifestation de

gloire,

de puissance divine sur ces esprits préva-

de justice

et

ricateurs.

On me

voir

conservé leur premier

dira que le Créateur devait bien pré-

que ces premiers

esprits

contre les lois, préceptes et

émanés prévariqueraient

commandements

qu'il leur

avait donnés, et qu'alors c'était à lui de les contenir

dans

la justice.

Je répondrai à cela que, quand

même

le

Créateur

aurait prévu l'orgueilleuse ambition de ces esprits,

ne pouvait d'aucune façon contenir (1) La

et arrêter leurs

grammaire exigerait en eux-mêmes ; mais, dans

Martinez, les premiers principes émanés du sein de

fondent absolument avec à la kabbale.

la Divinité

même.

la

la

il

pen-

pensée de

Divinité se con-

Cela est strictement conforme

DE LA RÉINTÉGRATION DES ETRES.

207

sées criminelles, sans les priver de leur action particulière et

innée en eux, ayant été émanés pour agir selon

leur volonté et le

plan que

le

comme cause

seconde ou spirituelle selon

Créateur leur avait tracé. Le Créateur ne

prend aucune part aux causes secondes,

spirituelles,

bonnes ou mauvaises, ayant lui-même appuyé tout être spirituel sur des lois

fondé

et

immuables par ce moyen, ;

tout être spirituel est libre d'agir selon sa volonté et sa

détermination particulière ainsi que

le

Créateur

l'a dit

lui-même à sa créature, et nous en voyons tous les jours la

confirmation sous nos yeux. Si l'on

demande quel

de ces esprits, pour que loi

le

Créateur

ait

usé de force de

divine contre eux, je répondrai que ces esprits n'é-

taient et

est le genre de prévarication

émanés que pour agir comme causes secondes,

nullement pour exercer leur puissance sur

premières ou l'action n'étaient

même

de la Divinité

que des agents secondaires,

ils

que de leur puissance, vertu

être jaloux

;

les

causes

puisqu'ils

ne devaient

et opérations

secondes, et non point s'occuper à prévenir la pensée

du Créateur dans toutes

ses opérations divines, tant

passées que présentes et futures. Leur crime fut pre-

mièrement d'avoir voulu condamner dans ses opérations de création voulu borner opérations

;

la

;

l'éternité divine

secondement, d'avoir

toute-puissance divine clans ces

rituelle jusqu'à vouloir être créateurs des

sièmes

et

mêmes

troisièmement, d'avoir porté leur pensée spi

-

causes troi-

quatrièmes qu'ils savaient être innées dans

la

toute-puissance du Créateur, que nous appelons qua-

TRAITÉ

208

Comment

triple essence divine.

pouvaient-ils

divine? C'est en voulant donner à l'Eternel

l'éternité

une émanation égale à

la leur, ne

regardant

que comme un être semblable à eux, quence

condamner

le

Créateur

et qu'en consé-

devait naître d'eux des créatures spirituelles

il

qui dépendraient immédiatement d'eux-mêmes, qu'ils

dépendaient de celui qui

les avait

ce que nous appelons le principe du

mal

émanés. Voilà spirituel, étant

que toute mauvaise volonté conçue par

certain

est toujours criminelle devant le Créateur,

même

l'esprit

ne

la

réaliserait pas

ainsi

l'esprit

quand bien

en action effective.

C'est en punition de cette simple volonté criminelle les esprits ont été précipités

que

par la seule puissance du

Créateur dans des lieux de sujétion, de privation et de misère impure, et contraire à leur être spirituel, qui était

pur

et

simple par leur émanation, ce qui va être

expliqué.

Ces premiers esprits ayant conçu leur pensée criminelle, le Créateur

force de loi sur son immutabilité

fit

en créant cet univers physique, en l'apparence de forme matérielle,

pour être

le lieu fixe

où ces esprits per-

vers avaient à agir, à exercer en privation toute leur malice.

11

ne faut point, clans cette création matérielle,

comprendre l'homme ou

le

mineur qui

est aujourd'hui

au centre de la surface terrestre, parce que l'homme ne devait faire usage d'aucune forme de cette matière apparente, n'ayant été

émané

et

émancipé par

teur que pour dominer sur tous

émancipés avant

lui.

les

L'univers ne fut

êtres

le

Créa-

émanés

et

émané qu'après

SUR LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES.

que

209

cet Univers fut formé par la toute-puissance divine

pour être

l'asile

des premiers esprits pervers et

la

borne

de leurs opérations mauvaises, qui ne prévaudront ja-

mais contre

les lois d'ordre

à sa création universelle.

Il

que

Créateur a données

le

mêmes

avait les

vertus et

puissances que les premiers esprits, et quoi qu'il ne fût

émané qu'après eux, aîné, par son état

il

de gloire

du Créateur.

qu'il reçut

devint leur supérieur et leur

Il

et la force

nécessité de la création universelle

plus

l'utilité et la

rituelle, ainsi

que

du gouvernement

connaissait parfaitement la il

;

connaissait de

sainteté de sa propre émanation spila

forme glorieuse dont

pour agir dans toutes ses volontés sur porelles, actives et passives; c'était

il

était revêtu,

les

formes cor-

dans cet état

qu'il

devait manifester toute sa puissance pour la plus grande gloire

du Créateur en

face de la création universelle,

générale et particulière.

Nous distinguons le faire

ici

l'univers en trois parties, pour

concevoir à nos émules avec toutes ses facultés

d'action spirituelle

:



Yunivers, qui est une circonfé-

rence dans laquelle sont contenus ticulier

;

2° la terre,

émanent tous particulier

;

le

général et

la partie générale

le

par-

de laquelle

éléments nécessaires à substantiel-

et 3° le particulier, qui est

les habitants

division

les

ou

le

composé de tous

des corps célestes et terrestres. Voilà la

que nous ferons de

la création universelle,

que nos émules puissent connaître tinction et connaissance

et

pour

opérer avec dis-

de cause dans chacune de ces

trois parties. 12.

.

TRAITÉ

210

Adam, dans son premier table

émule du Créateur.

état

Gomme

découvert les pensées et les Créateur lui

fit

de gloire, était le véri-

animaux actifs

exécuta ce que

le

une

partie

du

il

lui avait dit

lisait

à

Le

Commande obéiront. Adam

tout

il

;

il

:

vit

par là que

apprit à connaître avec

composant l'univers;

que nous nommons

partie est ce

il

divines.

lui dit

et passifs, et ils

Créateur

sa puissance était grande, et certitude

esprit,

concevoir les trois principes qui compo-

saient l'univers, et pour cet effet

à tous les

pur

opérations

le

particulier,

cette

com-

depuis la surface posé de tout être actif et passif habitant céleste appelé terrestre et son centre jusqu'au centre

mystérieusement

ciel

de Saturne.

créature Après cette opération, le Créateur dit à sa Ce obéira. t* elle Commande au général ou à la terre, :

que

fit

Adam

;

il

vit

par



que sa puissance

était

grande,

tout composant et il connut avec certitude le second Créateur dit à l'univers. Après ces deux opérations, le Commande à tout l'univers créé, et tous sa créature exécuta encore la parole ses habitants t' obéiront. Adam qu'il apde l'Éternel, et ce fut par ces trois opérations :

prit à connaître la création universelle.

au ayant ainsi opéré et manifesté sa volonté Œhemmei auguste gré du Créateur, reçut de lui le nom devait sortir de Dieu de la terre universelle, parce qu'il

Adam

lui Il

une

postérité de Dieu et

non une postérité charnelle.

opération faut observer qu'à la première

la loi

;

sième,

à la deuxième, ïe

il

Adam

reçut

reçut le précepte, et à la troi-

commandement. Par

ces trois sortes d'opéra-

211

SUR LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES. lions

quelles force

devons

nous

voir

clairement non - seulement

étaient les bornes de la puissance

que

le

,

vertu et

Créateur avait données à sa créature, mais

esprits encore celles qu'il avait prescrites aux premiers

pervers.

Le Créateur ayant vu sa créature vertu, force

et

puissance innées

en

satisfaite elle,

et

de la

par

les-

quelles elle pouvait agira sa volonté, l'abandonna à son arbitre, l'ayant émancipée d'une manière dis-

libre

tincte de son

que sa

immensité divine avec cette

liberté, afin

créature eût la jouissance particulière et per-

impassive, sonnelle présente et future pour une éternité la volonté selon conduisît pourvu toutefois qu'elle se rédu Créateur. Adam, étant livré à son libre arbitre, par ces trois fléebit sur la grande puissance manifestée

premières opérations

;

il

étant presque aussi grand

envisagea son travail

que

celui

comme

du Créateur

;

mais

ces trois ne pouvant de son chef approfondir parfaitement premières opérations ni celles du Créateur, le trouble commença à s'emparer de lui aussi bien que de ses réflexions sur la toute-puissance divine,

pouvait

lire

qu'avec le

qu'il lui avait été

dans laquelle

il

ne

consentement du Créateur, selon

enseigné par les ordres que

le

Créa-

ses pouvoirs teur lui avait donnés lui-même d'exercer le laisser sur tout ce qui était à sa domination avant de

libre de ses volontés. la

pensée

qu'il

Ces réflexions d'Adam,

avait eue de

lire

ainsi

dans la puissance

que di-

connues des vine, ne tardèrent pas d'un instant d'être premiers esprits pervers, que nous nommons mauvais

TRAITfi

212

démons, puisque, dès qu'on sutcette pensée, un des cipaux esprits pervers apparut à rente de corps de gloire, et lui dit

:

Que

la

Ne

t'a-t-il

prin-

forme appa-

étant approché d'Adam,

pas égalé à

lui

il

du tout-puis-

désires-tu connaître de plus

sant Créateur? la

s'

sous

lui

par

la vertu et

toute-puissance qu'il a mises en toi? Agis selon ta

volonté, innée en

sur

soit

toi, et

la divinité, soit

qui est soumise à ton

pour lors que

opère en qualité d'être

libre,

sur toute la création universelle,

commandement;

tu te convaincras

ne diffère en rien de

ta toute-puissance

du Créateur. Tu apprendras à connaître que

celle

tu

non-seulement créateur de puissance particulière,

es

mais encore créateur

(1), ainsi

qu'il

devait naître de toi une postérité

fa

été dit, qu'il

de Dieu. C'est du

Créateur que je tiens toutes ces choses, et c'est par lui et

A

pour son nom que je

te parle.

ce discours de l'esprit démoniaque,

Adam

comme dans

l'inaction et sentit naître en lui

violent, d'où

il

que et

l'esprit

tomba dans

malin

lui

l'extase. C'est

resta

un trouble

dans cet

état

insinua sa puissance démoniaque,

Adam, revenu de son

extase spirituelle animale, mais

ayant retenu une impression mauvaise du démon, résolut d'opérer la science la science divine

que

le

démoniaque préférablement à

Créateur

assujettir tout être inférieur à lui

lui avait ;

il

donnée pour

rejeta entièrement

sa propre pensée spirituelle divine pour ne faire usage

que de

(1)

^ens

:

Il

celle

y a

que

l'esprit

malin

évidemment une lacune

lui avait

ici.

créateur de puissance universelle.

Il

suggérée.

Adam

faudrait pour compléter le

213

SUR LA REINTEfiRATION DES ÊTRES.

opéra donc

la

pensée démoniaque en faisant une qua-

trième opération, dans laquelle roles puissantes

pour ses

trois

que

le

il

Créateur

transmises

lui avait

premières opérations, quoiqu'il eût entiè-

rejeté le cérémonial de ces

rement

usa de toutes les pa-

mêmes

opérations.

usage par préférence du cérémonial qoe

fit

Il

démon

le

avait enseigné, ainsi que du plan qu'il en avait reçu

lui

pour attaquer l'immutabilité du Créateur.

Adam

répéta

ce que les premiers esprits pervers avaient résolu d'opérer pour devenir créateurs au préjudice des lois que

pour leur servir de bornes

l'Éternel leur avait prescrites

dans leurs opérations spirituelles divines. Les premiers esprits ne devaient rien concevoir ni entendre en matière de création, n'étant que créatures de puissance Adam ne devait pas plus aspirer qu'eux à cette ambition de ;

création d'êtres spirituels qui lui fut suggérée par le

démon.

Nous avons vu qu'à peine ces démons ou

esprits per-

vers eurent conçu d'opérer leur volonté démoniaque, semblable à celle qu'avait opérée le Créateur, ils furent

ténèbres pour une du-

précipités dans des lieux de

Créateur.

que

la volonté

immense de temps par

rée

le

immuable du

Cette chute et ce châtiment nous prouvent

Créateur ne saurait ignorer la pensée et

la

vo-

de sa créature; cette pensée et cette volonté, bonnes ou mauvaises, vont se faire entendre directement lonté

au Créateur, qui

donc le

tort

les reçoit

de dire que

prétexte que tout

le

ou

les rejette

;

on aurait

mal- vient du Créateur, sous

émane de

lui

;

du Créateur

est sorti

TRAITÉ

214

tout être spirituel, bon, saint et parfait; n'est et

ne peut être émané de

mande d'où

est

donc émané

le

lui

qu'au Créateur et non à

mauvaises sont enfantées par les

à

mais que

;

la création

;

la créature

l'esprit

pensées bonnes sont enfantées par

l'homme à

rejeter les

unes

selon son libre arbitre, qui lui

l'on de-

mal, je dirai que

est enfanté par l'esprit et non créé tient

aucun mal

;

mal

pensées

les

mauvais, l'esprit

le

n'apparr

comme

bon

;

c'est,

et à recevoir les autres,

donne

droit de prétendre

aux récompenses de ses bonnes œuvres, mais qui peut aussi le faire rester, pour

un temps

infini,

dans

la pri-

vation de son droit spirituel.

Je parlerai plus amplement de cette miséricorde

tjl

vine dans un autre endroit, je reviendrai encore à l'en-

fantement du mal occasionné par

de

l'esprit, et je dirai

l'esprit n'étant

que

la

que

le

la

mauvais enfantement de

mauvaise pensée,

rituellement mauvais intellect, de

tement de

la

bonne pensée

est appelée spi-

même

est appelé

C'est par ces sortes d'intellects

que

mauvais se communiquent à l'homme

une impression quelconque, selon arbitre pour rejeter

mauvaise volonté

ou admettre

que

bon

intellect.

les esprits

bons

et

et lui font retenir

qu'il use

le

l'enfan-

de son

mauvais ou

le

libre

bon,

à sa volonté.

Nous nommons mauvaise des spirituels.

intellect cette insinuation

bonne ou

esprits, parce qu'ils agissent sur des êtres

Les esprits pervers sont assujettis aux mi-

neurs ayant dégénéré de leur puissance supérieure par leur prévarication

;

les

bons esprits sont également os-

SIR LA RÉINTÉGRATION DÉS ÊTRES. sujettis à

l'homme par

lui dit

:

est

Cette puissance universelle de

annoncée par

J'ai tout créé

pour être obéi, la sujétion



pour

du Créateur, qui

la parole toi,

tu n'as qu'à

commander

Il

n'y a donc nulle distinction à faire de

le

mineur

celle



se fût

maintenu dans son

il

puissance quaternaire qu'il

la

reçoit à son émanation.

l'homme

215

tient

tient les esprits

mauvais.

esprits

les

état de gloire,

bons d'avec Si

il

l'homme

aurait servi

de bon et de véritable intellect aux mauvais démons, ainsi

qu'eux-mêmes ont

aux premiers mineurs sentir

fait sentir

leur mauvais intellect

et qu'ils le font

journellement res-

parmi nous. Parla puissance de commandement,

l'homme pouvait encore plus tion en leur refusant toute

les resserrer

dans la priva-

communication avec

lui,

ce

qui nous est figuré par l'inégalité des cinq doigts de la

main, dont

le

doigt

médium

prit bon, l'index l'intellect

figure l'âme, le

bon

;

les

pouce

l'es-

deux autres doigts

figurent également l'esprit et l'intellect démoniaques.

Nous comprendrons aisément par

l'homme aspect

n'avait été

du mauvais démon, pour

le

figure

cette

émané que pour

que

être toujours en

contenir et le

com-

La puissance de l'homme était bien supérieure à celle du démon, puisque cet homme joignait à sa science celle de son compagnon et de son intellect, et

battre.

que, par ce moyen, spirituelles

il

pouvait opposer trois puissances

bonnes contre deux

faibles puissances dé-

moniaques, ce qui aurait totalement subjugué fesseurs

du mal

et

par conséquent détruit

le

les

pro-

mal même.

L'on peut voir par tout ce que je viens de dire que

l'ori-

1

IKAITE

216

gine du mal n'est venue d'aucune autre cause que de

mauvaise pensée, suivie de

émané du Créateur la possibilité Il

mauvaise de

la volonté

non pas que

prit contre les lois divines, et

l'esprit

soit directement le mal,

du mal

l'es^

même

parce quei

n'a jamais existé dans le Créateur.

ne naît uniquement que de

lonté de ses créatures

;

la seule disposition et vo-j

ceux qui parlent différemment

ne parlent pas avec connaissance des choses possibles: et impossibles à la Divinité.

Lorsque

sa créature, on lui donne le

nom

le

Créateur châtie!

de juste et non celui

d'auteur du fléau qu'il lance pour préserver sa créature*

du châtiment

infini.

J'entrerai maintenant' dans l'explication de la préva-,

du premier homme. Cette prévarication

rication

répétition de celle des esprits pervers

nés; quoiqu'elle parte de elle

la

,

est

une

premiers éma-i

propre volonté d'Adam,

ne vient point immédiatement de sa pensée; cette

pensée lui ayant été suggérée par cateurs

;

mais

la prévarication

ii

les esprits prévari-

du premier homme

est

t

plus considérable que celle des premiers esprits, en ce

que non-seulement

Adam

a retenu une impression du j

conseil des

démons, en faveur desquels

une volonté mauvaise, mais encore tre en

usage toute sa vertu

le Créateur,

et

il

il

a contracté

s'est porté à

met-

l

puissance divines contre

en opérant au gré des démons et de sa pro-

pre volonté un acte de création

;

ce que les esprits per-

vers n'avaient pas eu le temps de faire, leur pensée et

9

leur volonté mauvaise ayant été tuée par le Créateur,

I

qui arrêta aussitôt et prévint l'acte de l'opération de

I

SDK LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES. cette volonté.

On demandera peut-être

teur n'a pas agi contre la mauvaise ration unique

du premier homme,

217

pourquoi

le

Créa-

volonté et l'opé-

ainsi qu'il l'avait fait

contre celle des esprits pervers. Je répondrai à cela que

l'homme étant l'instrument préposé par le Créateur pour la punition

des premiers esprits, reçut des

lois

d'ordre

en conséquence. Le Créateur laissa subsister ces

lois

d'ordre qu'il avait données à l'homme, ainsi que celles

qui étaient innées dans l'esprit mauvais, afin que ces

deux êtres opérassent conformément à leur pensée leur volonté particulière.

muable dans

et à

Le Créateur étant un être im-

ses décrets et dans ses

dons

spirituels,

comme aussi dans ce qu'il promet et ce qu'il refuse, de même que dans les peines et récompenses qu'il envoie à sa créature selon qu'elle le mérite, ne pouvait, sans

manquer à son immutabilité, des

lois

arrêter la force et l'action

d'ordre que l'esprit mauvais et l'esprit mineur

ou l'homme avaient eues.

Il

laissa agir librement les

deux êtres émanés, n'étant point en

lui

de

lire

dans

les

causes secondes, temporelles, ni d'en empêcher l'action, sans déroger à sa propre existence d'Être nécessaire à sa puissance divine. Si le Créateur prenait quelque part

aux causes secondes,

il

faudrait de toute nécessité qu'il

communiquât lui-même, non-seulement la pensée, mais encore la volonté, bonne ou mauvaise, à sa créature,

ou !

qu'il la fit

communiquer par

ses agents spirituels,

qui émaneraient immédiatement de lui, ce qui reviendrait

exactement au même. Si

on aurait raison de dire que AD. FRANCK.

le

le

créateur agissait ainsi,

bien et le mal viennent 13

TRAITÉ

218

même que

de Dieu, de

le

pur

et l'impur.

rions plus alors nous considérer

comme

Nous ne pour-

des êtres libres

à un culte divin de notre propre volonté. Ren-

et sujets

dons toute

la justice qui est

due au Créateur, en restant

plus que convaincus qu'il n'a jamais existé en qu'il n'y et

que

peut

peut jamais exister

de

c'est

de

que

s'il

la vérité

avait été à la possibilité

d'arrêter l'action de causes secondes porelles,

combât à

l'insinuation

des

de

mal

le

liberté. [ce

que

du Créateur

spirituelles-tem-

n'aurait pas permis que son

il

que

l'esprit

d'une entière

Ce qui prouve démonstrativement je dis, c'est

et

moindre soupçon de mal,

le

la seule volonté

l'esprit étant revêtu

sortir,

lui,

démons,

mineur suc-

l'ayant

émané

expressément pour être l'instrument particulier de

la

mêmes démons.

Je

manifestation de sa gloire contre ces ferai

encore une petite comparaison à ce sujet, quoiqu'il

n'y en ait point à faire. Je vous dirai donc que

envoyiez un second

nemis, et qu'il fût en votre pouvoir de pher, pourriez-vous

vous-même?

Si,

le laisser

le

le

faire

triom-

au contraire, votre député va au combat lois

d'ordre que vous

aurez données, et qu'il revienne triomphant, vous

récompenserez de tout votre pouvoir,

fidèle il

vous

succomber sans succomber

en observant de point en point les lui

si

moi-même pour combattre vos en-

à vos ordres. Mais

si,

s'

comme un ami

étant écarté de vos lois*

vient à succomber, vous le punirez, parce qu'il avait

la force

en main. Cependant, ce député étant vaincu,

l'êtes-vous

également? Non

;

il

n'y a donc que lui de

blâmable et sur lequel doit tomber toute votre indigna-

SUR LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES. tion

comme

'219

étant faussaire et parjure; aussi vous l'au-

De

rez en opprobre.

plus,

si

votre député, ayant reçu

vos ordres pour aller combattre vos ennemis, au lieu de

de

les attaquer et

les terrasser, se joignait à eux, et

que

tous ensemble vinssent vous livrer bataille, et cherchassent par ce

moyen

qu'ils le sont

député

?

Vous

à vous rendre sujet à eux, au lieu

de vous, comment considéreriez-vousce le regarderiez

comme un

traître, et

vous

vous tiendriez plus fort que jamais sur vos gardes contre lui.

tion

cela

Eh bien, voilà positivement quelle est la du premier homme envers le Créateur 5

que l'ange du Seigneur

porté dans les Écritures

connaissance

du

dit,

prévaricac'est

pour

selon qu'il est rap-

Chassons d'ici? homme qui eut

:

bien et

du mal,

car

il

pourrait nous

troubler dans nos fonctions toutes spirituelles, et pre-

nons garde qu'il ne touche l'arbre de vive par ce

moyen à jamais,

(L'arbre de vie n'est autre

chose que l'esprit du Créateur, que injustement avec ses signifie

:

alliés.)

vie, et qu'il ne

le

mineur attaqua

Qu'il ne vive à jamais,

Qu'il ne vive éternellement

comme

miers esprits démoniaques, dans une vertu

sance maudites. Sans cette punition, n'eût point

fait

il

était

devenu

ion spirituelle,

mômes

il

et

il

pre-

une puis-

premier

pénitence de son crime,

obtenu sa réconciliation, et serait resté

le

les

homme

n'eût point

n'aurait point eu sa postérité,

mineur des mineurs démoniaques, dont le sujet, il

au

lieu que,

par sa réconcilia-

a été remis par le Créateur dans les

vertus et puissances qu'il avait auparavant con-

tre les infidèles

de

la loi divine. C'est

par cette récon-

l'KAlTÈ

220 qu'il a

ciliation

obtenu une seconde

pour et contre tout être créé

;

pouvoirs

fois les

c'est à lui d'en user

avec

sagesse et modération, et de ne plus employer son libre

ennemis du Créateur, de peur de

arbitre au gré des

devenir à jamais l'arbre de vie

Revenons à naissiez le qu'il

d'Adam.

qu'il a

Si vous con-

genre de prévarication d'Adam, et

le fruit

comme

injuste

en reçut, vous ne regarderiez plus

la peine

fin

du mal.

la prévarication

que

le

Créateur a mise sur nous en naissant, et

rendue réversible sur notre postérité jusqu'à

des siècles.

Adam

créature quelconque universelle

,

;

fut

émané

générale et particulière

la

dernier de toute

au centre de

fut placé

il

le

était

il

;

la création

revêtu

d'une puissance supérieure à celle de tout être émané, relativement à l'emploi auquel les

anges

mêmes

le

Créateur

un

ses pouvoirs. C'est en réfléchissant sur rieux,

le destinait

qu'Adam conçut

et

état si glo-

opéra sa mauvaise volonté,

au centre de sa première couche glorieuse

nomme

;

étaient soumis à sa grande vertu et à

vulgairement Paradis terrestre

,

,

et

que

l'on

que nous

appelons mystérieusement terre élevée au-dessus de tout sens. Cet

emplacement

la sagesse,

nom

de Mor-ia, où

depuis.

est ainsi

nommé

par

les

amis de

parce que ce fut dans ce lieu connu sous le

le

temple de Salomon a été construit j

La construction de ce temple

l'émanation du premier

homme

on n'a qu'à observer que

le

;

figurait réellement

pour s'en convaincre,

temple de Salomon fut

construit sans le secours d'outils composés de métaux

ce qui faisait voir à tous les

hommes que

le

;

Créateur

\

SUR LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES.

homme

avait formé le premier

sans

le

221

secours d'aucune

opération physique matérielle. Cette couche spirituelle dans

plaça son premier mineur,

conférence

;

au premier avait

par les six cercles

homme

employées pour

versel et particulier. çait à

les

laquelle

',

joint

l'homme la jonction que

aux

l'esprit

six autres,

que

le

qu'il

annon-

du Créateur faisait

avec lui pour être sa force et son appui les précautions puissantes

cir-

de son temple uni-

la création 1

une

Créateur représentait

le

immenses pensées

six

Le7

créateur

le

fut figuré par 6 et

;

mais malgré

Créateur emploie pour

prévenir et soutenir l'homme contre ses ennemis, cet

homme

ne laissa pas d'agir selon sa propre volonté

par laquelle

il

se

détermina à opérer une œuvre im-

pure.

Adam

avait en lui

déforme

spirituelle,

un acte de création, de c'est-à-dire

postérité,

de forme glorieuse,

semblable à celle qu'il avait avant sa prévarication; forme impassive et d'une nature supérieure à celle de toutes

formes élémentaires.

Adam

ces sortes de créations

;

aurait eu toute la gloire de

la

volonté

du premier homme

ayant été celle du Créateur, à peine la pensée de l'homme aurait opéré, que la pensée spirituelle divine aurait éga-

lement agi en remplissant immédiatement l'opération

du mineur par un

Dieu et l'homme n'auraient

le fruit

être aussi parfait fait

vu renaître avec une grande

qu'il aurait été

réellement

le

de lui.

tous les deux qu'une

seule opération, et c'était dans ce grand centre se serait

que

qu'Adam

satisfaction, puis-

créateur d'une postérité de

TRAITÉ

222

Dieu

mais

;

premier

loin

homme

d'accomplir les desseins du Créateur,

le

se laissa séduire par les insinuations

de

ses ennemis, et par le faux plan d'opération apparente

démoniaques

divine, qu'ils lui tracèrent. Ces esprits

disaient

:

«

Adam,

lui

tu as inné en toi le verbe de création

en tous genres tu es possesseur de toutes valeurs, poids, ;

nombres, mesures; pourquoi n'opères-tu pas

la puissance

de création divine, qui est innée en toi? Nous n'ignorons pas que tout être créé ne te soit soumis

:

opère donc des

créatures, puisque tu es créateur; opère devant ceux

qui sont hors de

toi

;

ils

rendront tous justice à

la gloire

qui t'est due.

Adam

,

rempli d'orgueil

,

circonférences

traça six

en similitude de celle du Créateur, c'est-à-dire qu'il opéra les six actes de pensées spirituelles qu'il avait

en son pouvoir pour coopérer à sa volonté de créaexécuta physiquement et en présence de

tion.

Il

prit

séducteur

attendu à avoir nel;

mais

lorsqu'au

de

il

sa le

fut

lieu

la

opération

succès que

forme

forme de matière au

il

lieu

ne créa,

après son opération

?

inique qui en était résulté, et

Il

lui et sa postérité,

en

démon,

ne retira

effet,

il

Que

réfléchit

et

tout

qu'une

devint donc sur le

vit qu'il avait

création de sa propre prison, qui

ment,

le

il

,

d'en créer une pure et glo-

rieuse, tel qu'il était en son pouvoir.

Adam

que

glorieuse

forme ténébreuse

qu'une

sienne;

s'était

il

;

Créateur éter-

le

très- surpris, ainsi

d'une

son opération

opposée à

criminelle

même

l'es-

fruit

opéré

la

le resserrait étroite-

dans des bornes ténébreuses,

SUR LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES. et

dans

la

2fc3

privation spirituelle divine, jusqu'à la

chose que

siècles. Cette privation n'était autre

le

gement de forme glorieuse en forme matérielle sive.

La forme corporelle qu'Adam créa

des

fin

chan-

et pas-

n'était point

réellement la sienne, mais c'en était une semblable à

me demandera peut-être si la forme dans laquelle Adam fut placé par le

corporelle glorieuse

Créateur, était sem-

blable à celle que nous avons à présent

?

Je répondrai

hommes,

qu'elle ne différait en rien de celle qu'ont les

aujourd'hui

mière

On

devait prendre après sa prévarication.

celle qu'il

était

;

tout ce qui les distingue, c'est

pure

et

inaltérable, au

lieu

nous avons présentement est passive

que

que

la pre-

celle

et sujette

que à la

corruption. C'est pour s'être souillé par une création si

impure que

le

Créateur

dira-t-on, à quel usage a

de matière de

contre l'homme. Mais

Adam

cette

forme

qu'il avait créée? Elle lui a servi à faire naître

une postérité d'hommes, en ce que

lui

homme, Adam, par rielle,

s'irrita

donc servi à

premier

le

sa création de forme passive maté-

a dégradé sa propre forme impassive, de laquelle

devaient émaner des formes glorieuses

comme la sienne,

pour servir de demeure aux mineurs spirituels que

le

Créateur y avait envoyés. Cette postérité de Dieu aurait \

été sans bornes et sans fin

;

l'opération spirituelle

premier mineur aurait été celle du Créateur [•

!

;

du

ces deux

volontés de création n'auraient été qu'une en deux substances. Mais pourquoi le Créateur a-t-il laissé subsister le fruit

provenu de

quoi ne

l'

a-t-il

la prévarication

d'Adam,

pas anéanti lorsqu'il a maudit

le

et pour-

premier

TRAITÉ

22k

homme

et toute la terre ?

Le Créateur

laissa subsister

l'ouvrage impur du mineur qui fut molesté de génération en génération, pour un

toujours devant

les

yeux l'horreur de son crime. Le

Créateur n'a pas permis que s'effaçât

de dessous

temps immémorial, ayant

le

les cieux

,

crime du premier afin

homme

que sa postérité ne

pût prétendre cause d'ignorance de sa prévarication, et qu'elle apprît par là

endure

que

les peines et les

endurera jusqu'à

et qu'elle

misères qu'elle

la fin

des siècles,

ne viennent point du Créateur, mais de notre premier

me mot matière impure que parce qu'Adam

père, créateur de matière impure et passive. Je ne sers

ici

de ce

a opéré cette forme contre la volonté

demandait encore comment

Si l'on

gement de

la

de matière, et

s'est fait le

chan-

forme glorieuse d'Adam dans une forme si le

forme de matière tion, je

du Créateur.

Créateur donna lui-même à

qu'il prit aussitôt

Adam

la

après sa prévarica-

répondrai qu'à peine eut-il accompli sa volonté

criminelle,

que le Créateur, par sa toute-puissance, trans-

forma aussitôt

la

forme glorieuse du premier

homme

en une forme de matière passive semblable à celle qui était

provenue de son opération criminelle. Le Créateur

transforma cette forme glorieuse en précipitant l'homme

dans

les

abîmes de

de sa prévarication. la terre,

comme

son crime

il

la terre,

d'où

L'homme

le reste

il

avait sorti le finit

vint ensuite habiter sur

des animaux, au lieu qu'avant

régnait sur cette

même terre comme homme-

Dieu, et sans être confondu avec elle ni avec ses habitants,

SUR LA RÉINTÉGRATION

Ce

événements

fut après ces

connut encore plus fortement 11

alla aussitôt

voqua

dans

les

;

il

gémissements

ainsi le Créateur divin

terribles

et

Dieu fort

qu'Adam

demanda

le

dans

les

;

pardon

larmes,

il

in-

:

;

père vivifiant

Dieu des Dieux, des deux

et très- fort

re-

s'enfonça dans sa retraite, et

Père de charité, de miséricorde vie éternelle, père,

terre;

225

ÊTRES;

grandeur de son crime.

gémir de sa faute

de son offense au Créateur et là,

la

DliS

et

et

de

de la

Dieu de justice, de peine

et

de récompense ; éternel, tout-puissant; Dieu vengeur

et

rémunérateur; Dieu de paix

passion charitable

;

Dieu des

Dieu fort du Sabbat être créé ;

;

Dieu éternel

lestes et terrestres ;

de clémence, de com-

et

esprits bons et

et tout-puissant des régions cé-

Dieu invincible existant nécessai-

rement sans principe ni fin; Dieu de peux faction

;

Dieu de toute domination

tout cire créé;

mauvais,

Dieu de réconciliation de tout

et

de satis-

et puissance,

de

Dieu qui punit et qui récompense quand

Dieu quatriplement

fort, des révolutions

il

lui plaît

et

des armées célestes et terrestres de cet univers ; Dieu

;

magnifique de toute contemplation, des êtres créés

et

des récompenses inaltérables ; Dieu père de miséricorde

sans bornes en faveur de sa faible créature, celui qui/