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French Pages [274]
LA
PHILOSOPHIE MYSTIQUE EN FRANGE A LA FIN DU XVIII e SIÈCLE
SAINT-MARTIN ET SON MAITRE M4RTINE7.
FRANCK
Ad. Membre de
PASQUALIS
professeur au Collège de France
l'Institut,'
PARIS GERMER BAILLIÈRE, LIBRAIR E - ÉDITEUR Rue de l'Ecole-ile-Médecinc, 17
New-York
Londres Ujpp. Baillitre, 2t'J, RegeDt street.
Baillière
brolliers,
110, BroaJw.i».
|
MADHID,
l.ill.l \-l
uni
iie,
l'LAZ»
|i>i
PRINCIPE AI.FONSO, 16,
1866 Tons
droits réservés.
BIBLIOTHÈQUE
DE PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE
LA
PHILOSOPHIE MYSTIQUE EN FRANCE A
LA FL\ DU XVIII
SIÈCLE
e
SAINT- MARTIN ET SON M AIT RE M.4RTINEZ PASQUALIS
FRANCK
Ai». Membre
'le
l'Institut,
professeur au Collège de France.
PALUS GERMEK BAILL1ÈRE, LIBRAIRE-ÉDITEUR hue de l'Ecole-de-Méilecine, 17,
Londres Uipp.
Bjilliere,
MADRID,
C.
Ut,
New-York
Kegeut jtreet.
BAILLT-BAU.LIF.KE,
Bailliere
biotliers,
440, Broadwaj.
PLAZA UEL PRINCIPE ALKONSO, 16.
18CG
LA
PHILOSOPHIE MYSTIQUE EN FRANCE AU
XVIII
SIÈCLE
e
CHAPITRE PREMIER Du mysticisme en général. religion.
— Martinez
— De
y a peu d'écrivains,
Il
ses
rapports avec la philosophie et
et surtout d'écrivains mysti-
ques, qui aient moins de droits que Saint-Martin à ce
de Philosophe inconnu dont ses ouvrages. Si obscures
il
moins pour ses contemporains) vant, devenir citer,
un
se plaisait à signer tous
,
il
les
l'étaient pas
a vues, de son vi-
objet de graves méditations, et lui sus-
en France, en Allemagne, en Suisse, des disciples
Au moment où éclatait nom était si célèbre et si
pleins de ferveur. française, son l'\-
nom
que soient pour nous ses doc-
nous pouvons affirmer qu'elles ne
trines (et
la
Pasqualis, son origine, sa vie et sa doctrine.
i.v.
r !
AU.
i
constituante, en
1791,
le
la
Révolution
respecté, que
présentait avec
DU MYSTICISME EN GÉNÉRAL.
2
Sieyès, Condorcet, Bernardin de Saint-Pierre etBerquin,
comme un
hommes parmi
des
lesquels devait être choisi
précepteur du jeune dauphin.
le
sonne dans
On
les plus élégants salons
se disputait sa per;
ceux qui ne pou-
vaient le lire étaient jaloux de l'entendre, et le charme
de sa conversation
effaçait
pour
lui toutes les distances.
a vécu dans la familiarité de la duchesse de Bourbon,
Il
de la maréchale de Noailles, de
la
marquise de Coislin,
du duc de Bichelieu, du duc de Bouillon, du duc de
Lauzun litzin,
il
;
était l'hôte et le
commensal du prince de Ga-
de lord Hereford, du cardinal de Bernis
;
a connu
il
le chevalier de Boufflers, le duc d'Orléans, devenu plus
lard
Philippe-Égalité, Bailly, Lalande,
Saint-Pierre.
Il
mille personnes,
une discussion
brillante contre Garât,
l'ancien ministre de la Convention, d'
analyse
de]
Bernardin de
a soutenu, dans une assemblée de deux
l'entendement dans
nommé
professeur
les écoles normales.
Iprès s'être attiré, dans sa jeunesse, les sarcasmes de Voltaire,
il
n'a
pu
éviter, sur la lin
de sa vie, ceux de
Chateaubriand, qu'il a aimé et admiré. Enfin c'est dans ses écrits, et principalement clans ses écrits politiques, 7
il
;
la
d'être
dit ce qu'il croit et ce qu'il sent, laissant
à ses sentiments
de se concilier comme
le soin
peuvent
ils
avec ses doctrines. C'est, sans aucun doute, dans sa maturité qu'il a écrit ces lignes
femme
«
:
L'homme
est l'esprit
de l'homme
la
femme
«
Si
Dieu pouvait avoir une mesure dans son amour,
»
devrait aimer la
»
nous, nous ne pouvons nous dispenser de
»
de l'estimer plus que nous-mêmes
»
plus corrompue est plus facile à ramener qu'un
»
qui n'aurait
fait
»
du cœur de
la
»
que
»
le
et la
femme
même
femme
de se corrompre de le
1)
(2)
citer,
mais
;
il
il
est
le
loin,
la chérir et
femme
la
la
homme
mal. Le fond
moins vigoureux moins susceptible
grande corruption
dernier
femmes. Un peu plus
nous venons de
car
;
est peut-être
la
(2). »
plus que l'homme. Quant à
qu'un pas dans
cœur de l'homme
n'avons pas encore les
est l'âme
de
—
»
(3)
.
»
Nous
mot de Saint-Martin sur dans ce
même
écrit
que
son ton s'élè\e jusqu'à l'hymne.
Portrait historique, n° 408.
Pensées tirées d'un manuscrit,
'3) 76td-, p.
AU.
Œuvres posthumes,
t.
er I
,
260-261.
FRANCK.
3
p. 210.
Vie
38
de saInt-makîin.
»
Les femmes, par leur constitution, par leur douceur,
»
démontrent bien qu'elles étaient destinées à une œuvre
»
de miséricorde. Elles ne sont,
»
ni ministres
»
blent n'exister
que pour
»
suprême, dont
le prêtre est
»
que pour adoucir
»
la justice sur les coupables, et
»
plaies
»
L'homme
que
de
la justice, ni
les
lléchir la
;
mais
sem-
elles
clémence de
l'Être
censé prononcer les arrêts
;
rigueur des sentences portées par
la
que pour panser
les
guerriers se font dans les combats.
que l'ange exterminateur de
parait n'être
femme en
est l'ange de paix. Qu'elle
»
Divinité; la
»
plaigne pas de son sort. divine.
ne se
Les facultés divines doivent se
»
belle faculté
diviser ici-bas
»
ne forment qu'une unité parfaite
il
la
Elle est le type de la plus
»
;
est vrai, ni prêtres,
il
guerriers
n'y a que la Divinité et
même
où
elles
une harmonie où
»
toutes les voix vivantes et mélodieuses ne se font ja-
»
mais entendre que pour former l'ensemble du plus
»
mélodieux des concerts Lorsqu'un homme,
spiritualité, parle ainsi difficile
(1). »
fit-il
profession de la plus haute
des femmes en général,
de croire qu'il n'ait point
quelques souvenirs particuliers,
si
l'esprit
ce n'est
une pensée unique, par une image adorée de dissimuler sous un
nom
collectif!
En
il
même
M. Mat ter a eu l'heureuse idée de reproduire
rt
Œuvres posthumes, p. 282. Ouuage cité, ch. vin, \\ 87.
par
qu'il s'efforce effet,
dans un
passage resté inédit de son Portrait historique, et
(2)
est
occupé par
(2)
,
que
Saint-
.
VIE
!>H
SAINT-MAlVl'LV
;}9
Martin nous apprend que, vers 1778, pendant à Toulouse, son
cœur
s'est
engagé deux
de concevoir des projets de mariage. Mais
pour
les affections tendres,
ne
il
l'était
qu'il était
au point
fois
s'il
était
point pour le
mariage ni pour quelque autre établissement, quel fût.
Il
né
ne se sentait propre qu'à une seule chose
qu'il
et n'a
jamais songé à se faire un autre revenu que des rentes
en âmes. Puis l'homme qui reste libre n'a à résoudre, dit-il (1)
,
que
le
problème de sa propre personne
celui
;
qui se marie a un double problème à résoudre. Ce qui est vrai aussi, c'est
que son âme,
qu'à la surface; autrement «
Je sens au fond de
«
je suis d'un
la
mon
pays où
il
il
être
alors, n'était atteinte
n'aurait pas écrit
une voix qui me
n'y a point de femmes.
Il
qu'il n'appelle
eut
qu'il
de près de cinquante ans, pour une
personne qui revient fréquemment dans ses
rissime B.
:
que
dit »
preuve du contraire dans l'attachement singulier
ressentit, à l'âge
(2)
jamais autrement que
ma
écrits, et
B...,
ma
ché-
.
M. Matter
établit victorieusement,
commune, que
cette désignation
contre l'opinion
ne s'applique pas à
la
duchesse de Bourbon, princesse excellente, mais d'une
médiocre intelligence, plus superstitieuse encore que religieuse, plus
occupée de pratiques magnétiques
et
som-
nambnliques que de mysticisme, à laquelle Saint-Martin était
sincèrement dévoué et dont
(1) Portrait hisloraïuey n" 195. (2) lbid., n°
468.
il
possédait toute
la
M
VIE
40
SAINT-MARTIN.
pu exercer sur
confiance, mais qui n'a jamais
Un de
ascendant.
la
pente qui l'entraînait du côté
de Mesmer et de Puységur, pour merveilleux grossier qui couronne térialisme
du
xvm
e
aucun
uniquement pour
ses livres a été écrit
pour l'arracher à
elle,
lui
siècle. Voici
la si
détourner de ce
dignement
au reste
ma-
le
le portrait qu'il
fait dans sa correspondance avec Kirchberger ; on y trouvera la confirmation de tout ce que nous venons de
en
dire. «
»
Vous avez
raison, monsieur, d'avoir très-bonne opi-
nion de l'hôtesse que je viens de quitter.
On ne
»
pas porter plus loin les vertus de la piété et
»
tout ce qui est bien
»
pour une personne de son rang. Malgré
»
notre ami
»
esprit, surtout à cause
;
c'est
Bœhm, une
de
cela, j'ai cru
nourriture trop forte pour son
du penchant
merveilleux de l'ordre inférieur,
qu'elle a
tel
bules et les prophètes du jour. Aussi je
»
dans sa mesure, après avoir
»
mon
»
peu en vue,
»
vrées au
devoir pour l'avertir
;
fait
tout ce
car YEcce
pour tout
que les somnam-
le
»
même
le désir
vraiment un modèle, surtout
»
ainsi
peut
l'ai
laissée
que j'ai cru de
homo
l'a
eue un
que quelques autres personnes
entraînement
li-
(1). »
Mais Saint-Martin a rencontré sur son chemin une autre
femme dont
nom commence par la même lettre, son esprit, comme sur son cœur, sur
le
et qui a exercé sur
comme sur ses sentiments, la plus décisive inC'est madame Charlotte de Bœcklin. Issue d'une
ses idées fluence.
(1) Lettre XI, p.
41 de l'édition Schauer et Chuquet.
VIE OK SAINT-MARTIN.
41
noble famille de l'Alsace, elle vivait à Strasbourg, séparée de son mari, au
moment où
Saint-Martin y arriva,
vers l'année 1788. Protestante convertie au catholicisme
par des considérations de famille, pas d'autre
comme on
foi
que
le
elle n'avait
un peu
christianisme
en réalité
flottant, ou,
dit aujourd'hui, le christianisme libre, qui se
confond volontiers avec
le
mysticisme. C'est
elle,
avec
le
concours de son compatriote, Rodolphe Salzmann, qui connaître à Saint-Martin les écrits de Jacob
fit
lui
aida plus tard à les traduire.
inclinait alors
direction
ciple exalté
et
Le philosophe inconnu
vers Swedenborg,
du chevalier de
Bœhm,
il
s'abandonnait à la
Silferhielm, le neveu et le dis-
du voyant suédois;
c'est
même
de ce cou-
un de
rant d'idées que sortit, au moins en partie,
ouvrages, celui qui est intitulé Le nouvel
ses
homme. On
peut donc se figurer ce qu'il dut éprouver de reconnaissance pour celle qui
pour
le tirait
ouvrir les portes de la vraie sagesse, pour
lui
conduire aux pieds du est
pour
la terre
croit
de ce mysticisme subalterne
lui la
maître suprême;
plus grande lumière qui
après celui qui est la lumière
pas digne,
lui,
de dénouer
les
car
paru sur
ait
même
le
Bœhm
;
il
ne se
cordons de ses sou-
liers.
Avec une femme prit,
belle encore, distinguée par son es-
autant que par sa grâce extérieure, faisant
d'un messager céleste qui vient apporter la
reconnaissance, dans une
la
âme comme
l'office
parole de vie,
celle
de Saint-
Martin, se changea bientôt en un sentiment plus pas-
sionné et plus tendre.
Madame de Bœcklin,
à ce que
VIE
42
nous assure M.
DE SAINT-MARTIN.
Mattel', avait alors
déplus elle était grand' mère l'ai
déjà dit,
avait, le
même
quarante-huit ans,
Saint-Martin,
(1).
et
comme je
âge. Mais qu'importe?
y a
Il
des natures qui restent toujours jeunes, parce qu'elles voient les choses et les visible. Il
hommes
à la lueur d'un idéal in-
y a un amour qui ne craint point
du temps, parce qu'il vient d'une source que
madame
de Bœcklin.
l'amitié le
ne produit pas
même langage.
les
Après
temps ne
Etait-ce bien de l'amour
Tout ce qu'on peut
qu'elle lui inspira?
le
ravages
que Saint-Martin éprouva
saurait tarir. Tel était celui
pour
les
mêmes
trois
bourg auprès de son amie,
dire, c'est
effets et
ans de résidence h Stras-
quand
et
il
réussit enfin,
après bien des obstacles, à habiter avec elle la
maison, la
il
est obligé
de
la quitter,
même
rappelé qu'il est par
maladie de son père. Or voici dans quels termes
plaint de cette cruelle nécessité »
paradis pour aller soigner
du
me fit
:
mon
fallut quitter
« Il
mon là
retourner de Lunéville à Strasbourg,
fuite
»
où je passai encore quinze jours avec
»
fallut en venir à la séparation. Je
il
se
il
La bagarre de
père.
»
roi
que
ne parle pas
ma
mon amie; mais me recommandais
»
au magnifique Dieu de
»
boire cette coupe; mais je lus clairement que, quoique
»
ce sacrifice fût horrible,
»
versant un torrent de larmes
fois, et
(t)
2
au moment
Saint-Martin,
le
il
vie pour être dispensé de
le fallait faire, et je le fis (2). »
Ce
n'est pas
en
une
décisif, qu'il arrive à Saint-Martin
Philosophe'inconnu, etc.. p. 164.
Portrait historique, partie inédite citée par M. Maller, p. 163.
\IK
DE SAINT-MARTIN.
d'exhaler ainsi sa douleur;
il
48
y revient à plusieurs re-
prises et à différents intervalles.
par
i J'ai
monde,
le
écrit-il
(1),
une amie comme
o
n'y en a point. Je ne connais qu'elle avec qui
»
âme
')
il
mon
puisse s'épancher tout à son aise et s'entretenir
des grands objets qui l'occupent, parce que je ne con-
»
nais qu'elle qui se soit placée à la
»
que
pour
l'on soit
auprès
»
ferais
»
constances.
d'elle,
Mon
mesure où
Malgré
ni' être utile.
je désire
les fruits
nous sommes séparés par
que je
les cir-
Dieu, qui connaissez les besoins que
» j'ai d'elle, faites-lui
parvenir
mes pesées
»
parvenir les siennes, et abrégez,
»
temps de notre séparation.
s'il
et faites-moi
est possible, le
»
Ce ne sont pas seulement des pensées qu'échangeait ce couple mystique lorsqu'il se trouvait réuni.
De temps
à autre quelques tendres paroles venaient se glisser au travers des plus sublimes entretiens; mais elles ont
accent particulier, qu'on chercherait vainement
un
ailleurs.
Saint-Martin nous en donne une idée dans un passage
de ses mémoires qui se rapporte évidemment à ses relations avec
madame de
grand cas
me
Bœcklin.
«
Une personne dont
disait quelquefois
fais
»
étaient doublés d'âme. Je lui disais, moi,
»
était
»
mon charme Ce
(1)
doublée de bon Dieu, et que c'est et
mon
Portrait historique, n" 103.
(2) Ibid., n°
760.
que son âme
là ce qui faisait
entraînement auprès d'elle
n'est qu'après avoir parcouru
je
que mes yeux
»
une grande
(2)
.
»
partie
VIE DE SAINT-MARTIN.
44
de
France
et
de l'Europe, que Saint-Martin s'arrêta
la capitale
de l'Alsace. Toulouse, Versailles, Lyon
la
dans
furent successivement le théâtre de son apostolat
;
car,
tout en écrivant qu'il ne voulait d'autres prosélytes que
lui-même pour
(1),
lui les
n'était
il
ne pouvait tenir en place ni garder
pensées dont son
pas en vain que Dieu
âme
donné dispense
lui avait
pour venir habiter ce monde, auquel et qui n'était pas, disait-il (2),
du
restait étranger,
il
même
âge que
S'il
n'avait pas reçu la puissance de le convertir,
lait
du moins
lui faire
sur ses ruines; 11
visita
le trafic
du
prêtre et par l'haleine de l'imposture, comme celle que
nous venons de voir s'éclipser avec
» l'avaient
déshonorée
(3)
.
les ministres qui
»
Saint-Martin n'avait donc aucune raison d'être hostile (1) Corresp. inéd. t lettre (2)
Ibid., lettre
(3)
Lettre à
LV,
p.
150.
LXXII, p. 199.
un ami sur
la
révolution française.
SUITE DE
à la Révolution;
U
VIE DE SAINT-MARTIN.
en
et,
effet,
il
57
mérite plutôt d'être
compté au nombre de ses amis. On vient de s'assurer par
le
dernier passage que
qui n'est pas un
j'ai cité, et
des plus énergiques de ce genre, qu'il en partageait toutes les rancunes contre l'Église.
Il
n'est pas plus in-
dulgent pour la noblesse, quoiqu'il en fasse partie et qu'il ait
passé presque toute sa vie avec ses plus émi-
nents représentants. Nous lisons dans ses Mémoires a
L'objet
du
fléau
que
(1)
tomber sur
la révolution fait
:
les
»
nobles, est de purger ceux qui peuvent l'être des in—
»
fluences d'orgueil
que ce
communi-
avait
titre leur
»
quées, et de les rendre plus nets et plus présentables
»
lorsqu'ils paraîtront
Ailleurs (2)
mais
il
il
dans
ne juge pas moins sévèrement
que
je
son nom.
«
la
j>
multitude et
Dieu a voulu,
visse tout sur la terre.
»
dit-il (3),
»
vu longtemps l'abus de
»
la vérité.
s'exprime avec encore plus de dureté,
ceux qui gouvernent en
» fallait
de
les régions
la puissance des
J'y avais
grands
il
;
bien que j'y visse ensuite l'abus de la puissance
des petits.
»
La Révolution, pour maire; et l'Empire,
il
s'il
lui,
ne s'arrête pas au 18 bru-
ne l'aurait pas crue
même
avait vécu assez longtemps
terminée par
pour voir
le
Consulat remplacé parce nouveau régime. Voici ce qu'il écrit «
au lendemain de
la
signature de la paix d'Amiens
:
Cette pacification externe et cet ordre apparent, pro(1) Portrait historique, n°
(2) Ibid., n°
536.
Ibid., n"
973.
(3)
965.
SUITE DE LA VIE DE S.-UNl-MAHilN.
58
de
ne sont pas
»
duit par
»
où
»
nous conduire,
»
concouru à cette œuvre se tromperont
»
arrivés. Je les regarde,
»
tillons
»
l'effet
la Révolution,
Providence
la
qui ont
eu
ait
agents et les instruments qui ont
et les
au contraire,
leur poste
fait
le ternie
exclusivement l'intention de
postillons de province
;
il
;
mais
se croient
s'ils
comme
des pos-
ne sont que des
ils
en faudra d'autres pour nous
au but du voyage, qui est de nous
»
faire arriver
»
entrer dans la capitale de la vérité
(1)
faire
Que nous
»
.
entrions jamais dans la capitale de la vérité et que nous
sachions
même
où
elle est située, cela est
problématique; mais
il
extrêmement
n'en reste pas moins à Saint-
Martin le mérite d'avoir compris que la compression des esprits n'en est pas l'apaisement, et
momentanée imposée par pasencore
gloire, n'est il
la
lassitude, autorisée par la
la
la plus vive
personne du premier Consul.
«
comme un
»
dence par rapport à notre nation
En
s'
Au reste,
la conciliation et la paix.
témoigne à plusieurs reprises
pour
qu'une abdication
Il
admiration
regarde
le
instrument temporel des plans de
la
Provi-
(2). »
inclinant devant le principe et en partageant à
bien des égards les passions de la Révolution française,
un devoir d'en accepter
Saint-Martin se
fait
et les charges.
De quel danger
pour lui? Ne nous n'a rien de
a-t-il
commun
Ma.,
n° 1000.
épreuves
peut-elle d'ailleurs être
pas déjà appris que sa destinée
avec celle de ce monde,
(1) Portrait historique, n°
(2)
les
1024.
et
qu'au*
.
si III.
IM.
59
LA VIE DE SAiNT-MARTiN.
une des tribulations réservées à celui-ci ne saurait Ôndre (I)?
La paix passe par moi,
«
l'at-
à son ami
écrit-il
Ivirchberger, et je la trouve partout à coté de
moi
(2)
.
»
en a eu, en mainte occasion, des preuves irrécusables,
[
pendant
Liitotit
la
journée du JO août
nfermé dans Paris, )ur sans rer le u'il
éprouver
n'a cessé de le traverser tout le
il
plus légère crainte, sans rencon-
moindre obstacle. Cela
le
frappe d'autant plus, ;
il
lui
n'a par
quand
l'esprit, transporté
aucune idée du
péril
dans ?
lui-même
donner ce
courage des sens. Mais qu'importe
aires, n'a
était alors
il
la
ucune force physique qui puisse
sns
car
et
n'y est absolument pour rien
elle le
:
les
le
qu'il ap-
courage des
espaces imagi-
Veut-on savoir de quoi
occupait Saint-Martin dès le lendemain de cette catas•ophe
du 10 août, qui venait de plonger
Europe dans
la stupéfaction?
orrespondant de Berne sa
Devenu
libre,
•ourg, près
il
T
France
Bœhm
(S)
au commencement de 1793, par la mort tantôt à Petit*
de son amie la duchesse de Bourbon, ou
à Paris,
il
comme on
disait
emple, devant la prison de ce
même
jugé digne d'être
quand parut,
le
l'avait
Portrait historique, n° 763.
,2)
Corresp. inéd., lettre LX, p. 167.
(3)
Ibid., lettre VI, p.
24.
du
enfant royal dont
27 germinal de
(1)
la
dans ce temps-là.
venait de monter sa garde à la porte
Assemblée constituante epteur,
et
de la lumière cachée dans
résidait tantôt à Paris,
itoyenne Bourbon, était
la
s'entretenait, avec son
6 éléments et de la xlvii épître de
e son père,
I
,
11
l'an h,
le
pré-
un dé-
8L1TE DE LA VIE DE SAINT-MARTIN.
60
cret de la Convention qui interdisait aux nobles le séjour
de
la capitale. Saint-Martin, obéissant
retourna dans sa
où
ville natale,
pect de ses concitoyens adoucirent son
dons patriotiques,
côté, soit par des
sans murmurer,
la confiance et le resexil.
soit
Lui, de son
par des services
personnels, s'efforça, en toute circonstance, de prouver
son attachement à la cause de la Révolution.
«
On
doit
»
s'estimer heureux, écrit-il,
»
trouve pour quelque chose dans ce grand mouvement,
»
surtout quand
»
de
les tuer.
Nommé
ne
il
toutes les fois qu'on se
de juger
s'agit ni
humains,
les
ni
»
commissaire pour
des livres nationaux,
la confection
du catalogue
trouve dans l'accomplissement
il
de cette tâche une jouissance inattendue pour son esprit c'est celle
que
lui a
procurée
la
;
découverte d'une légende
de couvent, parfaitement ignorée hors de l'enceinte où elle prit
naissance
Saint-Sacrement.
:
La
vie
de
la
sœur Marguerite
nous rentrons dans
Ici
di>
les excès d'ima-
gination dont nous avons déjà eu
un exemple à
de
la vie
d'une pauvre carmélite
du
xvii
c
de Gichtel.
siècle,
Il
s'agit
dont les perfections,
l'occasior
les tortures et les
souffrances surhumaines seraient une nouvelle confirmation des principes
du mysticisme, ou, pour mieux
des principes de Bœhni
et
dire
de Martinez. Inférieure
;
d'autres pour la science et la puissance, elle s'est élevéi aussi haut que notre nature le permet, »
la régénération et
(1)
«
dans l'ordre
des vertus de l'amour
Co))esp. inédite, lettre LUI, p. 143.
(1).
>
d
(3)
tout simplement V ennemi.
ajoute-t-il,
que cette idée
«
Je vous avoue,
est consolante
pour moi,
et
quand je ne détournerais qu'une goutte du poison que cet ennemi cherchera à jeter sur la racine même de cet (i)
Correspond, inédite, p. 166.
(2) Ibid., p. (3)
167.
Portrait historique, n° 505
:
« 11
est
certain
que
j'ai
toujours
»
appris quelque chose de grand à la suite de quelque grand écart, sur-
»
tout la bêtise
de l'ennemi
et
l'amour du Père.
»
SUITE DE LA VIE DE SAINT-MARTIN.
64
mon
pays,
reculer et je m'honore
même
»
arbre, qui doit couvrir de son
»
je
»
alors d'un pareil emploi.
me croirais coupable de
Et
»
ombre
comment
ne pas en être fier? Cet emploi
exemple dans
l'histoire
tout
ferait-il
pour
paraît être sans
lui
des peuples; non pas que les
peuples soient restés jusqu'aujourd'hui absolument dé-
pourvus d'instituteurs, mais parce eu un
tel
que
lui, «
qu'ils n'en ont jamais
vu le caractère extérieur et intérieur
qui fait tout son être », ou pour parler clairement,
))
parce qu'il est d'une nature plus exquise que celle de ce
monde. C'est
que dans
ainsi
milité et l'extrême
le
mysticisme l'extrême hu-
présomption se rencontrent presque
Le mystique
toujours l'une à côté de l'autre.
devant Dieu, mais
il
s'abaisse
se place sans scrupule au-dessus
des hommes.
Les écoles normales ne s'ouvrirent qu'à
la fin
de jan-
vier 1795. Saint-Martin n'est pas content de leur début et
il
prévoit, avec
beaucoup de sagacité, qu'elles ne du-
reront pas longtemps. Maîtres et disciples lui sont égale-
ment
suspects.
mundi, »
«
Il
ne reconnaît en eux que
et je vois bien, ajoute-t-il, qui est celui qui se
cache sous ce manteau
dans un mois,
il
(1).
Puis c'est beaucoup
»
peut parler cinq ou
devant deux mille personnes à qui refaire les oreilles.
il
six
lui
minutes, et cela
procura
le
pour parler exactement, l'unique succès
Corresp. inéd., lettre LXIV,
p.
174.
si,
faudrait auparavant
Cependant, cette institution,
juge avec tant de sévérité,
(1)
le spiritus
qu'il
plus grand ou, qu'il ait
eu de
SUITE DE LA VIE DE SAINT- MARTIN. sa vie. Je rapporterai plus loin, avec
65
un peu plus de pré-
cision qu'on ne l'a fait jusqu'à présent, sa discussion avec
Garât. Je
me
bornerai à dire
ici
que
c'est
à
lui
que re-
vient l'honneur d'avoir, le premier en France, ébranlé
dans
humilié par un échec public
les esprits et
s\stème de
la sensation transformée.
le triste
Aussi ne peut-on
pas l'accuser d'exagérer son importance, lorsqu'il écrit à son ami de Berne »
:
«
une pierre dans
J'ai jeté
le front
d'un des Goliaths de notre école normale, en pleine aset les rieurs n'ont
»
semblée,
»
fesseur qu'il est. C'est
règne de
»
défendre
»
récompense que
le
pas été pour
la vérité
celle
lui, tout
pro-
un devoir que j'ai rempli pour de
;
ma
je n'attends pas d'autre
conscience
cependant remarquer, pour être juste,
(1).
»
Il
qu'il n'est
faut
pas le
seul qui, dans cette occasion, ait élevé la voix contre la
doctrine régnante. Nous voyons, dans les séances des écoles
dans
normales recueillies par
la
même
séance où
tôse de l'an
m, un
défendit la
méthode
dire
il
les
sténographes, que,
prit la parole, celle
du 9 ven-
de ses condisciples, appelé Teyssèdre,
une des sources
et la doctrine les
de Descartes, c'est-à-
plus fécondes du spiritualisme
moderne. Ce même Teyssèdre attaque
la toute-puissance
que Garât, à l'exemple de son maître Condilla,: accordait
aux signes sur les idées. C'était
la
question à laquelle
s'attacha principalement Saint-Martin et sur laquelle revint, en
des sciences morales et politiques, lîn autre, du
(1;
il
1796, dans un mémoire adressé à l'Académie
Corresp. inédite, lettre LX.VI, p. 181.
nom
de
,
BOÎTE DE
66
I
\
VIE DE SAINT-MARTIN.
Duhamel, élève des objections pleines de force sens contre la fameuse hypothèse de
l'
et
de bon
homme-statue.
Mais Saint-Martin eut les honneurs de la journée.
Son pronostic sur se vérifier
En
;
les quittant,
normales ne tarda pas à
les écoles
ne vécurent pas au delà de
elles
il
songeait
un
trois mois.
instant à devenir profes-
seur d'histoire à l'école centrale de Tours
;
mais
il
s'aper-
çut bien vite que ces fonctions n'étaient pas faites pour lui. L'histoire et la
nature, c'est-à-dire l'action et la vie,
sont une protestation permanente contre les principes
du
mysticisme, et ce n'est qu'en les réduisant à une ombre vaine, à une figure, à
un symbole, que ces principes ont
quelquefois essayé de les dominer.
Nommé membre
de
l'assemblée électorale de son département, Saint-Martin,
grâce à l'éclat qu'il venait d'ajouter à sa renommée, aurait
pu comme un autre
Mais
il
comprit que
se pousser vers la vie publique.
la politique active lui
core moins que l'enseignement.
Il
entier dans les travaux de la pensée.
à un ami
convenait en-
se renferma donc tout Il
publia sa Lettre
sur la révolution française, bientôt suivie de
Y Éclair sur l'association humaine doctrine sur l'ordre social.
Il
(1),
où
il
complète sa
prend part à deux concours
de l'Académie des sciences morales
et politiques
tout en raillant les académies dans son étrange
(1) Publié par
M. Schauer, avec
le
(2)
poëme
Traité des nombres, in-8°, Paris,
4861. (2) L'un,
comme
sur cette question u
der
la
:
je l'ai dit, sur les signes, en «
1796, l'autre en 1797,
Quelles sont les institutions les plus propres à fon-
morale d'un peuple
? »
*U[TE DE LA VIE DE SAINT-MARTIN
du Crocodile
en se présentant devant elles dans
d'un juge plutôt que d'un justiciable.
L'attitude
résumer ses idées
force de
et
(2)
et le
De
:
l'esprit des
Ministère de ï homme-esprit
même temps, il traduisait
s'ef-
Il
de les revêtir de leur forme
dans deux derniers ouvrages
définitive
choses
(1), et
67
En
(3).
en français plusieurs œuvres de
lïœhni (h), quoiqu'il soit extrêmement douteux qu'il les ait
jamais comprises, et
il
continuait sa correspondance
avec Rirchberger, resté pour lui jusqu'à l'ami le plus tendre et le plus dévoué.
Il le
la.
fin
de sa vie
perdit en
\
799,
sans l'avoir jamais vu autrement qu'en peinture; car les
deux amis échangèrent leurs portraits, n'ayant pu,
comme
ils
l'auraient voulu, échanger leurs bourses et se
soutenir réciproquement dans les circonstances difficiles
eurent à traverser.
qu'ils
Nous ne voyons pas que Saint-Martin
ait
pleuré sur sa
mort, ni sur celle d'aucune autre personne qui lui fût chère.
ment,
Il
a toujours regardé la mort
et
il
comme un
condamnait cette expression
:
parce qu'il n'y en a qu'une, précisément celle-là. «
moins sur
les
morts que sur les vivants,
(1)
In-8°, Paris, an vu (1799).
(2)
Deux
(3)
In-8°, Paris, an xi.
(4)
V Aurore
vol. in-8°, Paris,
avance-
Vautre «
rie,
C'est
dit-il
an vin (1801).
û naissante, ou la Racine de la philosophie, in-8 ,
les Trois principes de Pessence divine, deux volumes in-8°, 1802; triple vie
de l'homme, in-8°,
1800
De
1809; Quarante questions sur l'âme,
duction revue et éditée par Gilbert. Paris, 1807. (5)
(5),
Portrait historiq hp, n° 82f>.
;
la
tra-
^SUITE DE LA VIE DE SAINT-MARTIN.
68 »
qu'il faudrait
nous
Comment
affliger.
»
rait-il
»
tinuelle
affliction est d'être en vie
»
monde?
»
de »
la
le
sage
s'afflige-
sur les morts, tandis que sa journalière etcon-
On
ne peut pas
Rochefoucault
pour supporter
lui
ou dans ce bas
appliquer cette maxime
« On a toujours assez de courage maux d* autrui » car il mettait son
:
les
;
principe en pratique sur lui-même.
n'a jamais cessé de
11
placer dans sa dernière heure le plus ardent de ses désirs et la plus fait
dans
douce de ses espérances
la vieillesse est salué
non pas vers
la délivrance,
(I)
.
Chaque pas
qu'il
comme un acheminement,
mais vers
le
couronnement
des joies qui l'ont toujours accompagné dans ce monde (2).
La seule maladie que
l'âge lui ait apportée, c'est celle
de l'homme
qu'il appelle le spleen
bien différent de celui des Anglais.
;
mais ce spleen «
Car, dit-il, celui
»
des Anglais les rend noirs et tristes, et
»
rend intérieurement
»
rose
»
(3).
et
poétique
:
«
mien
le
Quand
me
extérieurement tout couleur de
Je veux citer encore ces lignes où
idée est exprimée sous
est
une forme plus grave
je vois les
la
même
et plus
admirations du grand
»
nombre pour
»
reux, je rentre bientôt dans la classe des vieillards
les
beautés de
la
nature et les
sites
heu-
»
d'Israël qui, en voyant le
nouveau temple, pleuraient
»
sur la beauté de l'ancien
(/i).
(1)
Portrait historique, n° 1050.
(2) Ibid., n"
1092.
(3) Ibid., n°
1105.
(4) Ibid., n°
1106.
»
C'est
ici
que Saint-
SUITE DE LA VIE DE SAINT-MARTIN;
pu
Martin et Rousseau auraient
que
la
beauté de
G9
se comprendre, parce
nature n'est pas diminuée par cette
la
mélancolique comparaison. La nature est d'autant plus belle qu'elle élève
davantage nos pensées
nos senti-
et
ments. Cette vie donnée tout entière à l'esprit et cette jouis-
sance anticipée du ciel ne le rendaient pas indifférent aux peines matérielles de ses semblables. trailles
En et
humaines chez cet
voici il
une preuve.
pas riche,
n'était
Il
Il
aimait beaucoup le spectacle.
y avait des en-
monde
exilé d'un
Il
supérieur.
comme on sait,
l'aimait à
un
tel
point que, lorsqu'il se dirigeait vers le théâtre, l'idée de la
jouissance qui l'attendait lui donnait des transports.
Mais chemin faisant,
il
se disait
«
:
sir
»
de la vertu.
»
teindre la réalité de cette
»
bonne action au
»
présentation fugitive.
Eh
bien
lieu
même somme, je puis at-
avec la
!
de
image
il
malheureux de sa connaissance
et
»
son billet de parterre. Jamais
ment d'une nouvelle cher de croire que
bien par le
lui,
je
peux
il
faire
une
dans une re-
montait chez quelque
y
laissait la
n'a
valeur de
manqué à
ce vire-
espèce. Aussi ne peut-on s'empê-
lui, si
se calomnie lorsqu'il
mieux que
;
la voir retracée
Puis,
orgueilleux a d'autres égards, soutient
que Rousseau
valait
sous prétexte que Rousseau tendait au
cœur
et lui
par l'esprit
Saint-Martin, ne se sépare point du
(1)
le plai-
d'admirer une simple image ou plutôt une ombre
»
il
Je vais payer
Portrait historique, n° 423.
(1). L'esprit,
cœur
et,
en
chez
même
70
1TE DE
31
temps
U
VII DE SAINT-MARTIN.
donne quelque chose de sa
qu'il lui
emprunte sa grâce
et
moment semblable
me
lui
k elle-même. Dans l'été de l'an-
née 1803, Saint-Martin sentit sa pour
il
demeura jusqu'au der-
Cette douce et aimable nature nier
finesse,
son indulgence.
approcher,
fin
Il
eut,
servir de ses expressions (1), quelques avertis-
sements d'un ennemi physique qui, selon toute apparence, devait l'emporter,
père.
Il
année,
il
mourut à Aunay, dans
de son ami, mort,
la
(2)
,
et
nelle et
dans
d'un de ses ou-
rendait grâce au ciel de lui avoir accordé
recommanda à la
Quelques instants avant d'expirer,
ses amis de vivre dans l'union frater-
confiance en Dieu.
Il
ne se
illusion sur l'influence qu'il avait exercée
u
)
)
»
:
faisait
aucune
de son vivant,
place qu'il avait tenue parmi ses contemporains,
la
et sur la gloire qui allait entourer son sait
même
maison de campagne
lui avait fourni le sujet il
cette dernière faveur.
sur
la
sénateur Lenoir-Laroche. La veille de sa
le
nombres, qui
il
emporté son
avait
il
s'entretenait avec M. de Rossel sur la vertu des
il
vrages
comme
ne se trompait point. Le 23 octobre de
«
Ce
n'est point à l'audience
nom. Mais
que
il
di-
les défenseurs
officieux reçoivent le salaire des causes qu'ils plaident, c'est
est
hors de l'audience et après qu'elle est finie. Telle
mon
histoire et telle est aussi
n'être pas
payé dans ce bas monde
(1) Portrait historique, n° (2)
résignation de
(3). »
1132.
Des nombres, œuvre posthume, autog-raphiée en 1843, par
de M. Léon Chauvin. Une édition de ce livre en 1861, Paris, in-8°. (3)
ma
Portrait historique, n n 1009.
a été
les soins
publiée par M. Schauer
CHAPITRE Doctrine philosophique de
mique contre
les savants
—
Saint-Martin.
—
Sa discussion avec Garât.
du
IV Ses
Sa théorie sur
xvm e
siècle.
premiers ouvrages.
le
— Sa
langage.
— Sa
—
polé-
polémique contre
les
prêtres et les théologiens.
Ce
qu'il y a
de plus original clans
les
œuvres de Saint-
Martin c'est lui-même, je veux dire l'empreinte qu'il y a laissée
de son caractère, de son tour d'esprit, de ses sen-
timents, de sa vie. Cependant, sa doctrine, ses idées
philosophiques et religieuses, quoique empruntées en
grande partie aux maîtres qu'il
s'est
donnés successive-
ment, ne sont pas non plus dépourvues d'intérêt et de valeur. Elles
nous présentent
forme particulière, à tale,
dogmatique
tionnelle et
la fois
le
mysticisme sous une
métaphysique
et sentimen-
et rêveuse, satirique et inspirée» tradi-
indépendante, on pourrait presque dire ré-
volutionnaire, qui a
fait,
qui
fait
encore de Saint-Martin
un maître, un hiérophante, un chef de secte, quand n'est le plus
il
souvent que l'écho d'autres voix plus puis-
sautes que la sienne.
Mais pour être en état de se faire une idée exacte de la
pensée qui se développe à travers tous ses écrits et de
l'esprit
général qui les domine,
rer Saint-Martin
il
faut d'abord considé-
dans ses rapports avec
la
philosophie
DISCUSSION DE SAINT-MAKT1N AVEC GAKAT.
72
de son temps
car tout en partageant,
;
pu nous en convaincre par
comme nous
avons
ses lettres et ses confidences,
quelques-unes des illusions, quelques-uns des préjugés
xvm
du
e
siècle et jusqu'à ses passions, c'est pourtant
l'aversion qu'inspiraient à sa nature délicate les opinions les plus accréditées
l'extrémité opposée s'est efforcé
les
;
ce sont les raisons par lesquelles
de les combattre qui sont devenues
il
comme
premières assises de son propre système.
Il
si
à cette époque, qui l'ont poussée vers
entra en lice par
Des erreurs
le livre
xvm
c
la philosophie
du
ment contre
matérialisme et
dans
le
siècle en général,
âmes toute croyance
les
nous
Des erreurs
»
ment
»
gné de
»
pris naissance
»
catastrophes de la nature.
et
et
de la
Saint-Martin
(2) qu'il
ne
la
il
vérité,
de déraciner
C'est à Lyon,
j'ai écrit le livre
par désœuvreJe fus indi-
les religions n'avaient
frayeur occasionnée par les
Malgré
»
s'est
la déclaration
appuyé dans
sur les Principes naturels dont nesse,
que
l'ai écrit
dans Boulanger que
que dans
,
«
les philosophes.
par colère contre
lire
(1)
Je
vérité.
de la
mais unique-
le parti pris
religieuse.
lui-même
» »
dit l'auteur
et
un manifeste, non contre
maltraité par Voltaire. C'était
il
cet écrit
de
que
a été nourri dans sa jeu-
n'est pas difficile d'y reconnaître la théorie
tiqueou plutôt kabbalistique de l'émanation
et
mys-
du Verbe,
sur laquelle reposait renseignement de Martinez Pasqualis.
Le mysticisme
et la
loges contre un adversaire
(1)
Porlra il historique, n° 105.
(2)
Md.,
n° 319.
kabbale évoqués du sein des tel
que l'auteur de Vanti-
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT.
comme un
quité dévoilée, c'est
dialogue entre deux per-
sonnages qui ne parleraient pas raient hors d'état de se
7:;
même
la
langue
et se-
comprendre.
Saint-Martin fut mieux inspiré et rencontra un adver-
de
saire plus cligne
lui, le
jour où
osa, de vive voix,
il
devant une assemblée de deux mille personnes, s'atta-
quer à Garât à propos de la nature du langage. Ses objec-
réponse n'étaient pas seulement, pour
tions restées sans
me
image qui
servir d'une
chère
lui est
(1),
une pierre
lancée dans le front d'un des Goliaths de la science con-
temporaine, elles allaient au delà du professeur d'analyse
d'entendement humain aux écoles normales,
elles attei-
gnaient au cœur la philosophie de Locke et de Condillac. Déjà,
comme on
peut s'en assurer par le compte rendu
des séances des écoles normales tré d'autres
(2)
,
Garât avait rencon-
contradicteurs. L'un d'eux, dans une lettre
anonyme, comme
il
est d'habitude encore aujourd'hui
d'en adresser aux professeurs de la faculté des lettres et
du collège de France,
fait cette
de nos idées,
il
est impossible
s'il
trait-il rait-il
(1)
âme
en est ainsi, comment ce
distincte
même
du corps.
système admet-
l'immortalité de l'âme? Quelle sanction laisseà la morale?
Voir,
dans
dance inedile
et
chapitre précédent^ un passage de
le
Le Crocodile,
\>.
147, où
la
la
Correspon-
même image
est repro-
duite. (2J
le
l'unique origine
de comprendre une exis-
tence purement spirituelle, une
Or,
remarque que, dans
comme
système qui considère les sens
Tome AU.
111, p.
5 et suivantes.
FRANCK.
5
bISCUSSION DE HAlYl-MA!ill.\ AVEC GARAT,
74
Un un
autre du
nom de Teyssèdre
terrain plus délicat et plus
porta la discussion sur
purement philosophique.
Interprète fidèle de la doctrine de Condillac, Carat, dans
son discours d'ouverture, avait soutenu que les langues n'étaient pas
pour
les
moins nécessaires pour former nos idées que
exprimer, et que l'homme pense par cela seul
qu'il est capable fixer
de parler, la parole ayant pour
effet
dans notre esprit des sensations, qui sans
s'échapperaient de
de
elle
toute part et ne tarderaient pas à
s'évanouir. Teyssèdre lui oppose cette observation judi-
cieuse que les langues n'ont pas la vertu de créer, mais
seulement de décomposer ou d'analyser
la
pensée
et d'en
noter tous les éléments après les avoir séparés les uns
des autres, après avoir
fait sortir
d'un tout concret plu-
sieurs idées abstraites, dont chacune est désignée par un
signe particulier. Or, on n'analyse, on ne décompose,
on n'enregistre que ce qui existe déjà; donc est antérieure à la parole et à toute espèce
la
pensée
de langage
artificiel. Il
n'est pas sans intérêt de savoir
comment Garât
a
tenu tète à ces deux premiers adversaires. Contre l'auteur de la lettre
anonyme
il
cherche à démontrer que
l'immortalité de l'âme ne suppose pas, nécessairement,
que l'âme
soit
d'une autre nature eue
a des philosophes et
même
le
corps
;
qu'il
y
des Pères de l'Église qui ont
cru l'âme à la fois matérielle et immortelle, et que cette parfaitement par l'idée que l'expé-
croyance se
justifie
rience nous
donne de
la
matière. Nous voyons, en
effet,
q\\o les formes seules de la matière sont changeantes et
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT.
75
mais que ses éléments constitutifs, que
fugitives,
atomes dont
elle est
indestructibles.
composée demeurent invariables
Du moins nous
les
et
impossible de nous
est-il
assurer qu'il en soit autrement. Si l'immense auditoire des écoles normales s'est contenté de ce raisonnement, il
faut convenir qu'en l'an
on
divisible,
m
de
n'était pas difficile
future. Garât
République une
la
en matière de
foi
et in-
à la vie
ne se montre pas moins étranger aux vrais
principes de la morale qu'à ceux de la métaphysique, lorsqu'il soutient
observation ter
;
que
la
morale est une science de pure
qu'on la voit en quelque sorte se manifes-
d'elle-même dans
blissent entre les
mutuelles qui s'éta-
les relations
hommes
;
qu'elle apporte avec elle sa
sanction, aussi facile à constater par l'expérience, aussi
évidente à nos sens que ses lois
;
que partout
malheur naître du mal
«
nous
bonheur du
»
verrons
le
»
bien.
Cela était hardi à dire au lendemain des jours
de
la
A
»
et le
Terreur. l'objection tirée
créer la pensée, position,
que
il
de l'impuissance du langage puni
se contente de répondre par cette pro-
œuvres de Guillaume
l'on croirait tirée des
Ockam ou de Hobbes, encore plus que de lac
:
«
celles de Condil-
Penser, c'est compter, c'est calculer des sensations
ce calcul se
»
et
»
comme
fait,
dans tous
en arithmétique
les genres, »
(1)*
;
avec des signes
Comment
s'étonner
après cela que Garât, tout en reconnaissant en lui un
homme (1)
de génie qui a beaucoup
Séances des écoles normales, elc,
t.
fait
Il,
pour
le
progrès des
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT.
70
sciences, et qui a contribué à l'avancement de la langue française, refuse à Descartes
sous prétexte qu'il n'a rien
tendement?
«
A
nom
le
fait
de philosophe,
pour l'analyse de où
l'instant, dit-il,
l'on
l'en-
adopte l'hypo-
»
thèse des idées innées, on doit renoncer à connaître
»
l'esprit
Un
humain.
»
Duhamel et que Garât
troisième antagoniste appelé
n'a pas mieux réfuté que les précédents, attaqua la phi-
losophie de Condillac dans ce qui lui était le plus cher,
non-seulement dans ses conclusions, mais dans sa méthode, dans l'hypothèse de
avec beaucoup cation et
même
homme-statue. années avant
avant la composition des
du physique
ports
l'
de force, bien des
et
du moral, que
établit
Il
la publi-
Nouveaux rap-
cette
manière de
procéder n'a rien d'analytique, mais qu'elle est précisé-
ment
de l'analyse.
le contraire
Il
annonça en quelque
sorte les Leçons de philosophie de Laroiniguière en
trant que la sensation, passive, involontaire,
comme
elle l'est,
une à une
ne peut pas être
la
ment,
la
les opérations diverses et les facultés
La discussion en
la
réminiscence
la parole.
sur trois points 1°
(1)
mêmes
le
juge-
(i).
était là et l'autorité
déjà passablement ébranlée,
manda
fugitive-
source d'où sortent
de l'intelligence, l'attention, la comparation,
mémoire,
mon-
du maître
était
quand Saint-Martin de-
Ses objections portent successivement
:
Tout en prenant pour devise de son discours d'ouSéance des écoles normales,
etc., t. III, p.
48-60.
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC CARAT.
Bacon qui proclame à
verture une parole de
l'harmonie
77
du
et la distinction
vrai et
du bien
la
(1),
fois
Garât
ne s'occupe que d'une seule faculté de l'homme, à savoir, l'intelligence,
qu'il
fait, la
pourrait être admise,
que
dériver tout entière d'un seul
fait
même que
sensation. Mais alors
du
la faculté
nous expliquer
l'intelligence
vrai, et
l'idée
bien, le sentiment
du
il
origine
cette
ne serait toujours
en faudrait une autre pour
bien, car
évidemment
l'idée
du
du bien, ne sauraient prendre leur
source dans la sensation, qui leur est étrangère et sou-
de l'âme, par
vent opposée. Cette seconde puissance laquelle nous discernons le bien
du mal
qui nous
et
porte à aimer l'un et h haïr l'autre, c'est le sens moral,
complètement
distinct
nous discernons
2° S'il est vrai,
de Condillac
et
du sens
le vrai
du
comme
intellectuel, par lequel
faux.
Garât
le
prétend à l'exemple
de quelques autres philosophes, que
parole soit indispensable non-seulement à la
mais à
cation,
donc ces lisés
de
la formation
mêmes
la
communi-
de nos pensées, pourquoi
philosophes se montrent-ils
fameuse phrase de Rousseau
:
Entre
»
signes appelés naturels
les
abîme. Ceux-ci n'ont pu servir de
scanda-
si
«La parole me
parait nécessaire à l'institution de la parole.
langage parlé et
la
modèle à
il
le
y a un
celui-là.
Or, puisque nous voyons que, dans l'ordre intellectuel
comme dans (1)
«
l'ordre
physique, toute chose a un coni-
Etenim illuminationis puritas
»
runt, simul corruerunt,
»
sympalhia quam
illa
neque datur
veri el boni.
»
et arbitrii libertas in universitate
simul
incepe-
rerum tam intima
'De augm. scientiarum.)
.
WEG GARAT.
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN
78
mencement, toute chose
germe qui
est sortie d'un
n'est
pas l'œuvre de l'homme, pourquoi les langues seraientelles exceptées
de cette
universelle
loi
mêmes de
?
»
sont les expressions
»
beau de nos privilèges
»
active, serait-il le seul qui fût le fruit
(se
Saint-Martin) le plus
de
celui
,
Pourquoi
«
parole vive
la
et
de notre puis-
»
sance créatrice, tandis que pour tous les autres avan-
»
tages qui lui sont inférieurs, nous serions subordonnés
)>
à un germe et condamnés à attendre la fécondation
A
en croire
»
sible
de savoir
»
pense ou ne pense pas.
3°
la parole »
du maître
et « inutile
doublement contestable.
»
de chercher
?»
impos-
« il serait
matière
si la
Or, cette proposition est
y a au monde une question
S'il
qui nous intéresse, c'est précisément celle-ci, c'est de savoir
si
nous sommes
une âme ou
si
ou matière,
?
du corps. Cette question
êtres qui appartiennent à la nature
ture,
est-elle
l'homme
est susceptible de perfectionnement et
les diriger
et
de
qu'il
et les
physique ou animale
développe ses facultés parce
il
nous avons
Non, car nous voyons clairement
n'y a point d'assimilation possible entre
L'homme
si
toute notre existence se réduit aux pro-
priétés et aux fonctions
donc insoluble
esprit
de cul-
qu'il est capable
de
c'est-à-dire parce qu'il
les conduire,
pense. Si les êtres inférieurs à lui, les êtres matériels
quand dans la
ils
le
sont abandonnés à eux-mêmes, restent toujours
même
état, c'est qu'ils n'ont
pensée. D'un autre côté,
s'il
pas reçu
est vrai
que
soient l'instrument nécessaire de la pensée, et
que l'homme qui en
soit
pourvu,
il
le
les
don de
langues s'il
n'y a
faut en conclure
que
.
de tous n'y a
les êtres qui vivent
que
lui
qui pense
»
pour
»
strument avec lequel
!,es
faire
W
GARAT.
79
surface de la terre,
il
SSIOM DE SAINT MARTIN
lilM.l
«
:
un don à un il
sur
la
car
la
EC
nature est trop sage
être et lui refuser le seul in*
puisse le mettre en œuvre
aucun
tort
font
à ce raisonnement. Ces signes restant uni-
formes et invariables,
expriment
(1) »
animaux ne
signes naturels dont se servent les
comme les
les sensations et les
contraire, la
preuve
espèces
mêmes
besoins, nous
irrécusable
que
dont
offrent,
ils
au
animaux ne
les
pensent point. L'existence d'un sens moral, supérieur, non-seulement à la sensation, mais h la raison
même,
l'existence de la
pensée
comme
parole
elle-même
ginale,
que l'homme n'a pas inventée à
faculté distincte de
comme une
parole et de la
la
faculté primitive, plaisir
ori-
enfin
;
l'incompatibilité radicale de la matière et de la pensée
par suite,
et,
la distinction
de l'âme
sont les trois points essentiels
et
du corps
que Saint-Martin
;
tels
s'est pro-
posé de défendre contre la philosophie de Condillac,
publiquement enseignée au
nom
de
l'État,
à ceux qui
allaient recevoir la mission d'instruire la jeunesse. Il
ne paraît pas que Garât se soit défendu d'abord
avec beaucoup de succès, puisqu'il a
proche d'avoir, clans
le
pu mériter
compte rendu de
ces débats eurent lieu, substitué
la
une réponse
le re-
séance où tout à
fait
nouvelle à celle qui avait été le fruit de l'improvisation, C'est ce qui autorisa Saint-Martin,
1
Séances des écoles normales,
etc.,
t.
dans une
111, p.
14.
lettre adres-
DISCUSSION DK SAINT-MARTIN AVEC GARAT.
80
sée à Garât et publiée clans les Séances des écoles nor-
males
à reproduire ses objections avec des considé-
(1),
rations plus étendues. Peut-être n'était-il pas fâché d'un
incident qui lui donnait le droit de présenter avec en-
semble, avec méthode, autant cpie la méthode pouvait entrer dans son esprit,
des idées que leur isolement
rendait difficiles à saisir,
forme, ont été, clans
d'une critique assez
phrase
Je
fine.
oppose h
qu'il
sous cette première
et cpii,
réponse écrite de Garât, l'objet
la
la
me bornerai
à en citer cette
sentence de Rousseau
»
seau voulait découvrir
les
«
:
cherchées dans son embouchure, ce qui n'é-
les a
»
et
»
tait
»
de croire,
»
n'étaient pas sur la terre, mais clans le ciel (2).
il
La écrits
pas
le
lettre
moyen de
»
les trouver,
comme on l'a cru
mais
c'était le
des sources du
moyen
Nil, qu'elles »
dont nous venons de parler, un des meilleurs
de Saint-Martin, a été elle-même complétée
expliquée par la
Rous-
sources d'un grand fleuve,
le
mémoire qui devait
question de la troisième classe de l'institut
:
«
Quelle
est l'influence des signes sur la formation des idées ?
et qui est
devenu un peu plus tard
chant du Crocodile
(3).
et
servir de réponse à
»
le soixante- dixième
Ces deux ouvrages réunis ne
laissent rien à désirer sur la signification
et
la
portée
des trois propositions dont Saint-Martin voulait se servir
(1)
Tome
III, p.
(2) Jbid., p.
Cl-159.
40.
Le Crocodile, ou la guerre du bien et du mal arrivée sous le règne poème épico-magique en cent deux chants, 1 vol. in-8° mêlé de prose et de vers, an vu de la république. (3)
de Louis XV,
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT.
comme
Ht
d'autant de leviers pour renverser la philosophie
régnante.
A vrai
à deux, puisque tière et
de
la
clin la
1
,
ces trois propositions se réduisent
troisième, l'incompatibilité de la
ma-
pensée, est une conséquence nécessaire
des deux autres.
Le sens moral dont
comme on
pas,
il
pourrait
a été question plus haut, ce n'est le
une
croire,
faculté particulière, le
même nom, le
même
de notre être,
semblable à celle que reconnaissait, sous philosophe ilutchison à.
la fois
dit
;
c'est le
fond
sensible et intelligent, sensible
Saint-Martin
;
c'est la
et
non sensit/f,
source profonde d'où jaillissent
à la fois nos idées et nos sentiments, mais d'abord nos
sentiments, et le sentiment religieux aussi bien que le
sentiment moral,
du bien;
c'est
la
le
sentiment du divin autant que celui
racine de notre existence spirituelle,
dont l'intelligence proprement n'est
qu'une simple ramification
dite ;
ou
c'est,
l'entendement
en un mot, l'âme
elle-même, naturellement douée d'une puissance affective et intellectuelle,
d'une faculté de sentir et de com-
prendre qui cherche son objet infiniment au-dessus ou au delà de
la
nature extérieure, et qui cependant ne
peut entrer en exercice, qui ne
se
manifeste par des
sentiments et par des idées déterminées qu'à
la
faveur
d'une excitation venue du dehors. C'est ainsi trine
que Saint-Martin, en repoussant
la
doc-
que non-seulement nos idées, mais nos sentiments
et notre volonté
ne sont que des impressions reçues par
nos sens, échappe aux difficultés du système des idées innées et laisse
ci
la sensation le privilège d'exciter,
de
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT.
82
de provoquer en quelque sorte
réveiller,
plus essentielles de noire
dans cette phrase où l'on reconnaîtra en cachet particulier de son style
pas une table rase,
»
n'est
»
une table rasée, dont
»
n'attendent que la
»
mer
(1)
les facultés les
âme. Son opinion se résume
«
:
comme
les
l'a dit
le
l'homme
Locke, mais
restent encore et
racines
réaction
même temps
L'esprit de
convenable
pour ger-
»
.
Cette manière de concevoir l'esprit
humain
a conduit
Saint-Martin à une théorie du langage qui diffère
com-
plètement de celle de Conclillac sans ressembler pourtant à celle de de Bonald, avec laquelle on l'a souvent
confondue. De Bonald, plus rapproché qu'on ne pense, et surtout
qu'il
ne s'en doute lui-même, de l'auteur du
Traité des sensations, ne comprend pas que la pensée,
quand on
la distingue
sentation des objets à
de
la perception et
un degré quelconque sans
que
la
de la repré-
purement matériels, puisse la parole
;
d'où
parole ne peut avoir été inventée parles
car elle l'aurait été parle
moyeu de
la pensée,
il
il
l'esprit
humain
d'institution
l'a
créée.
humaine,
il
la parole
Or,
résulte
hommes; par con-
faudrait supposer qu'elle existait déjà
séquent
exister
quand
n'étant
pas
faut bien admettre, selon l'au-
teur de la Législation primitive qu'elle est une révéla,
tion divine et
même
a enseigné à nos
langue qui
(1)
surnaturelle, c'est-à-dire que Dieu
ait été
parlée sur la terre
Le Crocodile, chant
lui-
premiers parents la première
i.xx. p.
284,
et
d'où sont sorties
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT.
toutes les autres (1)
.
Ce
même
83
raisonnement, de Bonald
l'applique avec mie confiance imperturbable à l'origine
de
l'écriture.
La décomposition des sons,
»
»
l'écriture sont
o
n'a
une seule
pu précéder
l'autre,
poser les sons sans les
par
»
les lettres
,
chose
dit-il (2), et ;
donc l'une
puisqu'on ne pouvait décom-
nommer,
les caractères
ni
les
nommer que
qui les distinguent.
»
donc pas moins nécessaire à l'invention
L'écriture n'est
do l'écriture
ou
même
et
que
la parole à l'invention de la parole.
Dieu a donc révélé à l'homme d'une manière surnaturelle le
premier alphabet,
comme
il
lui a
révélé la pre-
mière langue. On croirait que de Bonald a voulu s'approprier l'argument par lequel certains rabbins se flattaient
démontrer que Dieu lui-même a fabriqué ou créé
de
du néant
la
première paire de
disaient ces docteurs, ne
de
même
instrument
cet
l'homme la
s'en est servi,
il
tenailles.
Des
tenailles,
peuvent être construites qu'avec
donc
;
a
dû
la
,
le tenir
première
fois
que
d'une grâce spéciale
toute-puissance divine.
Rien de pareil dans l'opinion de Saint-Martin.
Il
ne
regarde point la parole, au moins dans la totalité de ses éléments,
comme une pure convention qui n'aurait pu hommes que par le concours des plus
s'établir entre les
heureux hasards
et
d'une longue suite de siècles; mais
ne croit pas non plus nécessaire,
il
le
il
déclare expressé-
ment, de l'expliquer par un miracle ou une révélation extraordinaire. (i)
Il la
considère
Recherches philosophiques,
(2) lbid., ch.
III,
t. I,
comme une p.
100
propriété na-
et suivantes.
84
DISCUSSION DR SAINT-MARTIN AVEC GARAT.
turelle à
l'homme ou comme un langage
trouvons en nous
le secret
natif,
dont nous
sans l'avoir appris, et dont
nous sommes forcés de nous servir par cela seul que nous sommes des êtres pensants. En d'êtres a reçu de la nature Il
y a
la
langue des êtres
effet,
chaque espèce
une langue qui
lui est propre.
sensitifs, c'est-à-dire
maux, qui varie suivant leur organisation. des être matériels »
et
inanimés
car
;
«
Il
des ani-
y a la langue
tout ce qui est ex-
terne dans les êtres, nous pouvons le regarder
»
étant le signe et
»
ternes (1).
l'homme en
»
l'indice
de leurs propriétés in-
L'être moral et intellectuel, c'est-à-dire
doué du sens moral, l'homme
tant qu'il est
en tant qu'il a
comme
d'aimer et de penser,
la faculté
donc seul exception à cette loi universelle
?
Non,
ferait-il
lui aussi
a été pourvu d'un langage qui lui est propre, aussi ancien
que son existence, qui répond exactement à son
sence spirituelle
;
et ce
Mais parce que la parole a paru sur la terre en
temps que
la
es-
langage est la parole.
nature humaine,
il
même
n'en faudrait pas con-
clure qu'elle a atteint dès le premier jour à la dernière limite de la perfection. Elle a suivi la
revêtu successivement
les
même marche
et
mêmes caractères que la pen-
sée. Or, la pensée est d'abord obscure et confuse,
con-
fondue non-seulement avec nos affections morales, mais avec nos impressions sensibles. existence,
si
différents les
Lettre
au
citoyen
(1) t.
m,
p.
m.
Garai,
Ces modes de notre
uns des autres, sont d'abord,
clans les
Séances des écoles normales,
DISCUSSION OK SAINT-MARTIN AVEC CARAT.
me
pour
85
servir d'une image de Saint-Martin, enveloppés
et scellés
sous
môme cachet connue l'alliage et même creuset (1). Peu à peu
le
sont enfermés dans le
sentiments se dégagent de nos sensations
l'or
nos
nos idées de
et
nos sentiments. C'est le travail actif de l'âme sur elle-
même
qui donne ce résultat, et le travail de l'âme,
nifesté par tion, la
une
ma-
suite d'opérations qui s'appellent l'atten-
comparaison,
le
jugement,
réflexion, la délibération, a
même
Mais la parole, en
le
raisonnement,
pour instrument
temps qu'elle en
la
la parole.
est l'instru-
ment, est aussi, sous un certain rapport, un produit de ces opérations, puisqu'elle leur doit
un degré de plus en
plus élevé de précision et de clarté.
Aussi rien de plus insoutenable, selon Saint- Martin,
que
la
prétention de Condillac et de presque tous les
philosophes du fection et
du langage
de nous
sition
xvm
offrir,
e
siècle
afin
de vouloir corriger l'imper-
d'amener
la perfection
comme un modèle
de toutes nos connaissances,
des idées,
à suivre dans l'expo-
la
langue des calculs.
L'imperfection du langage tient à l'obscurité de la pensée, à l'état
d'enveloppement où se trouvent d'abord
toutes nos facultés et à cette loi de notre nature qui veut
que l'imagination réflexion.
pose
cà
et le
sentiment précèdent en nous
Quant aux mathématiques, dont on nous pro-
tout
propos l'imitation, l'autorité incontestée
qu'elles exercent sur notre esprit tient priétés particulières
(t)
la
Le Crocodile,
p.
moins aux pro-
de leurs signes qu'à
288-280.
la
nature des
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT.
86
vérités qu'elles enseignent. Les signes qui sont à l'usage
de ces sciences sont l'expression des
lois
mêmes de
la
nature que l'homme n'a point faites et qui s'imposent à son esprit avec une
telle
évidence, qu'elles ne laissent
point de place aux objections et au doute. Ces signes,
ramenés à leur point de départ ments invariables, ce sont
et réduits
les figures
leurs élé-
de géométrie tou-
jours prêtes à ramener l'esprit à la vérité
de s'en écarter.
ta
s'il
était tenté
n'en est pas ainsi des autres sciences,
Il
surtout des sciences morales et religieuses, dont la parole est le seul
moyen
d'expression
l'Écriture. Est-ce à dire
dite ?
Non,
elles ont
que
et,
à défaut de la parole,
la certitude leur soit inter-
au dedans de nous, dans les principes
qui émanent du sens moral, dans les idées premières et
dans
que
axiomes de
les
celle des
raison
,
la raison,
une base aussi inébranlable
connaissances dites exactes
et,
à plus forte
que celle des sciences physiques. Elles ont aussi
leurs preuves particulières qui, pour n'être point sensibles à l'œil, n'en restent l'esprit
;
car, ainsi
beaucoup de sens, »
pas moins irrécusables pour
que Saint-Martin «
nionstration qui lui est propre (1).
Tout en admettant
le
remarque avec
chaque science a son genre de dé-
la perfectibilité
Martin ne pense pas qu'elle contraire, qu'arrivées à
un
»
de
la parole, Saint-
soit indéfinie.
Il
croit
au
certain point les langues ne
peuvent plus que décliner, se corrompre
et se dessécher.
C'est lorsqu'elles substituent les abstractions et les dé-
(1)
Le Crocodile, chant lxx.
p.
339,
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC CARAT.
constructions régulières et invariables aux
finitions, les
impressions directes que les choses font sur nous
aux tournures libres
vi\ es images,
l'expression.
87
Comme
c'est
et
aux
et
animées qui en sont
justement ce qui
fait la diffé-
rence des langues anciennes et des langues modernes, n'hésite pas à
donner
un sentiment
dans
la
il
Il
y profond du génie de l'antiquité
1
a
préférence aux premières.
la
vrai et
manière dont Saint-Martin nous rend compte de
sa prédilection.
«
Les langues primitives,
dit-il
(1),
étaient plus près que les nôtres de la véritable origine
des langues, qui est autre
que
celle
que
les
docteurs nous
ont enseignée en ne la puisant que dans la nature brute des sauvages. Par cette raison ces langues primitives étaient plus
dans
de participer à toutes les pro-
le cas
priétés de leur source, et
de pourvoir ensuite à tous
les
besoins de notre esprit. Elles étaient plutôt des langues d'action et d'affection elles étaient
que des langues de méditation;
plus parlées qu'écrites, et par cette vivante
activité elles avaient
une force
et
une supériorité qui ap-
partiendra toujours à la parole par préférence à l'écriture
;
parce que, par ce moyen, elles devaient faire sortir
d'elles-mêmes une chaleur et une vie que nos froides spéculations ne savent plus exprimer de nos esprits
ni
nos langues, et que nous cherchons à remplacer par luxe de notre style.
de le
»
Mais quelle que soit
la
supériorité des langues an-
ciennes sur les langues modernes, cela n'empêche pas les
(1)
Le Crocodile, chant lxx, p. 346,
DISCUSSION DR SAINT-MARTIN AVEC CARAT.
88
comme
unes
les autres d'être
Or,
diverses.
comment
essentielle de
l'unité
très-nombreuses
concilier cette
diversité
nature humaine?
la
langues venant se résoudre finalement dans la parole n'étant
moyen
et très-
avec
Toutes
les
la parole, et
pas une invention de l'homme, mais un
d'expression que la nature elle-même nous en-
seigne, qui dérive spontanément et nécessairement de
nos facultés intellectuelles
que
le
et
morales, ne semble-t-il pas
genre humain tout entier
d'abord qu'une seule et
même
n'ait
dû connaître
langue? Cette unité de
!
langage, que de Bonald prenait à la lettre et qu'il faisait consister dans
un idiome
privilégié de création surnatu;
relie,
Saint-Martin la reconnaît dans les lois générales
dominent toutes
cpii
langues et qui, par cela
les
précèdent dans l'esprit humain.
les
Il
la
même,
reconnaît aussi
dans ces idées premières et ces premières affections dont chacune, pour Martin,
«
me servir
choisit
et
des expressions
mêmes de
Saint-
crée son messager », c'est-à-dire
dont chacune, sous l'empire d'un instinct s'adapte au signe qui lui convient
communiquer au dehors, l'enregistrer en nous.
À
soit
le
pour
mieux,
la
infaillible,
soit
pour
la
conserver ou pour
ces signes originels ou natifs,
qui finissent par faire corps avec la pensée dont
ils
sont pourtant que les archives, viennent peu à peu
ne
s'en
ajouter d'autres qui répondent à des besoins particuliers et
à
la diversité
des circonstances au milieu desquelles,
sous l'influence desquelles, se développent nos facultés.
De
là la nécessité
sortes de signes
:
de distinguer dans
les signes fixes
et
les
langues deux
les signes
conven-
.
DISCUSSION DE SAINT MARTIN AVEC GARAT. tionnels; les premiers, relativement :
en petit nombre,
qu'on trouve, on du moins qu'on pourrait, avec de meilleurs principes sur la constitution
partout;
les
propre de la •
89
qui
seconds,
du langage, retrouver
déterminent
caractère
le
langue de chaque pays, de chaque nation,
de chaque branche des connaissances humaines
(1)
Qu'on ôte à cette théorie ce que l'esprit de système et peut-être aussi l'ardeur de la polémique lui donne de trop absolu, on ne la trouvera pas trop éloignée de celle
qui est accréditée aujourd'hui par les travaux les plus récents de la philologie comparée.
munes,
cet
organisme
commun
Ces racines com-
qu'on a découverts dans
une multitude de langues autrefois considérées
comme
radicalement distinctes, et maintenant rapportées à deux familles, la famille
indo-européenne et
la famille
tique; ce sont les signes fixes de Saint-Martin,
savants modernes font remonter,
du genre humain la vie.
Les
et jaillir
comme
lui,
sémi-
que nos
au berceau
spontanément des sources de
flexions, les combinaisons, les modifications
de toute espèce que' nous présentent ces éléments primitifs et
d'une
qui déterminent la diversité des idiomes sortis
même
souche, c'est ce qu'il appelle les signes con-
ventionnels, sans les regarder cependant traires. Elles
ne sont, en
partie variable, et
1
comme
peut parler ainsi,
l'on
arbi-
dans sa pensée, que
la
la partie
dont
les
radicaux et les formes géné-
nous représentent
la
charpente osseuse. Ce u'est
fluide des langues,
rales
si
effet,
Le Crocodile, p. 321-358,
et la
Lettre à Garât, p.
13G-I4fi.
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC, GARAT.
90
pas un médiocre honneur pour Saint-Martin, d'avoir, sans autre secours que l'observation philosophique, de-
vancé d'un demi-siècle
les
découvertes les plus accrédi-
tées de l'érudition contemporaine.
Ces idées sur
la
formation de la parole et sur la nature
de la pensée, Saint-Martin les tourne
comme une arme
de guerre, non-seulement contre
philosophie, mais
la
contre la science de son temps, pénétrée tout entière du
même
esprit et
guidée par
les
mêmes
Ce ne
principes.
sont plus les métaphysiciens de l'école de Locke et de Gondillac, ce sont en général les savants
qui sont mis en cause
et
du
xvin'' siècle,
tournés en ridicule dans
le
Crocodile. Dans cette composition étrange, formée de
prose et de vers, à la
fois
allégorique et satirique, où ne
figurent que des êtres imaginaires avec quelques person-
nages réels cachés sous des noms supposés, ce serait
une a
tentative superflue de chercher le sens
donné à chacune de ses paroles
;
mais
il
que l'auteur
est impossible
d'y méconnaître l'intention de bafouer l'Académie des sciences flattent
et les
sciences elles-mêmes,
quand
dans leur orgueil de comprendre
la
elles
se
nature sans
avoir besoin de s'élever au-dessus d'elle. Voici, en effet,
comment s'exprime un des personnages ont
le
allégoriques qui
privilège d'être les interprètes de sa pensée
:
«
Du
humaine en
»
torrent de prestiges a inondé l'intelligence
)>
général, et celle des Parisiens en particulier, parce que
»
leur ville, qui renferme des savants et des docteurs de
»
tout genre, en possède bien peu qui tournent leur
»
pensée vers
la
recherche des véritables connaissances,
DISCUSSION .»
»
et
l>K
SAINT-MARTIN AVEC GARAT.
91
encore moins qui marchent vers les véritables con-
naissances avec un véritable esprit. La plupart d'entre
eux ne s'attachent qu'à disséquer l'écorce delà nature, »
et
les
molécules,
tentent en insensés la conquête de tout ce qui entre
dans »
nombrer toutes
à en mesurer, peser et
la
comme
composition de l'univers,
était possible
savants,
si
à la manière dont
célèbres et
si
cela leur
s'y prennent.
ils
Ces
bruyants, ne savent seulement
si
temps
»
pas que l'univers ou
»
l'indivisible et universelle éternité
»
la
»
priétés et de ses merveilles, qui doivent journellement
»
de son principe, mais qu'ils ne s'empareront jamais du
»
secret de son existence (1)
se
contempler et l'admirer par
est l'image réduite ;
qu'ils
soit
une représentation
»
.
n'ait jamais bien
prend soin de nous l'apprendre
(2)
compris,
turelles,
la
physique proprement dite
qu'à l'abus qu'on a
surtout au
xvnf
siècle,
fait
comme
que l'homme pût
,
s'occuper un instant des choses de la matière,
moins à
de
peuvent bien
spectacle de ses pro-
le
monde
succéder pour que ce
Cependant, quoiqu'il il
le
et
il
en veut
aux sciences na-
de ces connaissances,
pour se passer de Dieu. Aussi
ses railleries sont-elles dirigées particulièrement contre
ces hypothèses ambitieuses qui avaient
quer l'origine du
monde
animés qu'inanimés, par
la
seule puissance des élé-
ments, par les seules propriétés de (1)
Chant xv,
p. .53.
(2) Portrait historique, n° '3
Voyez surtout
les
pour but d'expli-
formation des êtres, tant
et la
1085.
chants xx-xxxvi.
la
matière brute
(8).
DISCUSSION DE SAINT -MARTIN AVEC GARAT.
92
Buffon
n'y est pas
Puisque
plus
amené à
j'ai été
ménagé que tous
les autres.
ne puis
citer le Crocodile, je
remarquer que
trouve la confir-
m' empêcher de faire mation de mes conjectures sur Martinez Pasqualis. Marj'y
évidemment le nom véritable que nous
tinez Pasqualis est
cache celui d'Éléazar,
comme madame Jof, née en Norvège
en 17/13, c'est-à-dire dans l'année où Swedenborg eut sa
première vision, nous représente velle et
Jérusalem. Tout ce que
la doctrine
dit Éléazar
de
Xou-
la
de sa personne
de ses opinions s'applique exactement au premier
maître de Saint-Martin. Né en Espagne de parents Israélites,
il
s'est réfugié
gueurs de ses pères,
en France pour échapper aux
ri-
Élevé avec soin dans la
de
l'inquisition. il
n'a jamais changé de religion, tout en con-
sidérant le christianisme
time de la
loi
comme un développement
promulguée sur
le
mont
Livres saints,
il
en a ajouté une autre qui
source plus abondante et plus pure. )>
de l'étude de l'homme,
»
clartés vives et
»
la
»
et qui lui seraient ouvertes
«
légi-
Sinaï et de la pa-
role des prophètes. Mais à la lumière qui brille
»
foi
dans
jaillit
Nourri,
les
d'une
dit-il
(1)
,
cru apercevoir en lui des
j'ai
lumineuses sur ses rapports avec toute
nature et sur toutes les merveilles qu'elle renferme,
clef qui lui est
donnée avec
s'il
ne
laissait
la vie.
»
pas égarer
Au moyen
la
de ce
talisman, aujourd'hui perdu pour l'immense majorité
des
hommes
et
mis de retrouver,
1
qu'une grâce particulière il
a
lui
a per-
pu s'assurer des prétendues vé-
Le Crocodile, chant win, p. 87.
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GÉRÂT. ,(«> (|ui
font
la
base
du
Traité de la réintégration*
comme
ajoutez qu'Eléazar a,
Martinez-Pascpialis, la
détention d'être en rapport avec
monde supérieur
le
lont celui-ci n'est (pie l'image visible, et
uèinede tous spéculatif
les êtres, la
non-seulement par
le
le
principe
commerce
pensée, mais par ces communications
l'abbé Fournie et laissé
Unis l'esprit de Saint-Martin.
si
fortement
une impression ineffaçable
Du
reste,
dans son opinion,
puissance extraordinaire n'a rien de surnaturel
:ette
lie est, .Hait
avec
par ces vertus actives qui ont agi
•éelles,
air
de
93
au contraire, un retour à
avant sa déchéance
'acuités
endormies
;
la
elle n'est
nature
que
et la restauration
yrigincls avec la cause première
;
;
telle qu'elle
le réveil
de nos
de nos rapports
rapports qui n'ont ja-
mais été interrompus, quoiqu'ils soient restés cachés dans le
fond
le
plus reculé de notre être
(1)
.
Cette manière
de voir s'accorde parfaitement avec le fond kabbalistique
des enseignements de Martinez.
On
n'aura maintenant aucune peine à comprendre
comment Saint-Martin, en attaquant dans cipes,
plus chères, la philosophie et la science était
cependant
a\ ec elle
l'Eglise catholique.
du
et
particulièrement contre
La première,
la véritable révélation,
selon lui, c'est celleque nous trouvons en
(i)
la voix
nous-mêmes,
du sens moral, dans ces idées
Le Croccdile,
p. 8(5.
6
xviil siècle,
contre la religion, ou du moins,
contre les églises établies,
dans
leurs prin-
dans leurs méthodes, dans leurs hypothèses les
et ces affec-
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC CARAT.
94
lions premières dont les sens sont incapables de nous i
wpliquer l'origine et qui nous transportent au delà du
monde
visible,
dans ce sentiment indestructible d'amour
et d'admiration qui nous
élève jusqu'à
notre existence et de notre pensée. lation
il
A côté
la
source de
de cette révé-
y en a une autre, non moins ancienne, celle que
renferme l'œuvre de la création ou nature; car,
la nature entière,
«
»
peut se considérer
»
continuelle,
comme
grand
le
de
livre
Saint-Martin
dit
la
(1),
étant dans une révélation
active et effective.
Mais
»
la voix
de
la
nature est moins claire et s'adresse à nous moins direc-
tement que
du sens moral. Elle
celle
pas une
n'offre
image aussi expressive que nous-mêmes des
même
ou, pour parler la
attributs,
langue que Saint-Martin, des
vertus de son divin auteur. Si nous la comprenons, cela n'est pas toujours facile à cause
du bien
et
qui se mêlent dans son sein, c'est moins par
que
sa propre puissance »
>
«
par
la
et
du mal
l'effet
de
sublime dignité de
notre être qui nous appelle à planer sur l'universalité
des choses
(2)
d'avoir analysé
.
»
Voilà pourquoi
il
y a danger, avant
l'homme, de s'appuyer sur
pour parler de Dieu. Saint-Martin
fait cette
la
nature
réflexion,
qui n'aurait pas été désavouée par l'auteur de la Critique de la raison pure, que les preuves de l'existence
de Dieu qui ont été tirées par les philosophes du spectacle de la
1)
(2)
nature, n'ont pas plus de solidité
Lettre à Garât, p. il 9.
Le Crocodile,
p. 85.
que
les
bISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC CAIïAï.
arguments contraires
Bière intérieure de notre
La conséquence qui
;•>
réalité
âme,
la
il
n'y a que la lu-
lumière du sens moral,
nous mette en communication avec l'ordre divin.
lui
o
En
(1).
95
sort de là
est facile
à prévoir.
Le sens moral étant antérieur à tous les livres et à toutes les traditions, c'est au sens moral jouissant de
suprême de ce qui con-
i>
tous ses droits à être le juge
te
cerne la chose religieuse, puisque c'est lui qu'elle est
,)
censée avoir principalement pour objet
«
»
»
j»
»
il
n'y
un témoin non suspect, non-
seulement pour attester
si
une source '>
enfin,
;
a (pie lui qui puisse être
réelle
cette
chose religieuse a
ou non, mais pour discerner dans
tous les livres et dans toutes les traditions qui traitent
de cette chose religieuse, ce qu'elle tient de sa base originelle et les scories qu'elle a
cours
(2).
ramassées dans son
»
D'où vient donc
le
respect profond que Saint-Martin
(témoigne en toute circonstance et qu'il
de sa vie pour
n'a cessé d'é-
Ecritures?
prouver jusqu'à
la
Qu" est-ce qui
porté à dire que nous ne pouvions avoir
l'a
fin
les
Quelque confiance dans nos doctrines qu'autant que nous avions mis notre esprit en pension dans les Écritures (saintes (3)?
Comment en
est-il
venu à se persuader que
nous arrivait de perdre tout à coup
s'il
jplus
les
ouvrages des
grands écrivains tant anciens que modernes, des
écrivains ecclésiastiques aussi bien
Garât,?. 93,
(1)
Lettre à
(2)
76JJ.,p. 94.
(3
Portrait historique, n" 819.
que de? auteurs pro-
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC GARAT,
96
nous pourrions facilement nous consoler de ce
fanes,
malheur en conservant les
les
Livres saints (1)? C'est que
Livres saints et particulièrement la
qu'anime
livres
prophétique
l'esprit
,
partie de ces
sont pour
lui
l'expression la plus vraie et la plus pure de l'état où se
trouve notre sens moral.
àme quand Ils
cède aux inspirations du
elle
ne sont pas
cun de nous
;
mais
cœur
le
éclairer l'esprit de cha-
et
nous en présentent
ils
traduction
la
plus éloquente et la plus fidèle. Ce qui
la
car
descend directement de
celle-là est toute intérieure et
Dieu pour échauffer
même;
la révélation
leur su-
fait
périorité sur tous les autres livres, ce qui fait qu'on ne
se lasse point de les méditer et de les relire, c'est que )
Voyez principalement sa Lettre à Garai, p. 9j 100
57
et 87.
posthumes,
La lettre de
t.
I,
p.
Œuvres posthumes,
t.
I,
hO'ôhOb. ;
el
Le Cro-
la
révolution française et le ministère de
p.
307.
l'homme-esprit. (4)
el
87.
(2)
codile, p.
les
.
SAINT-MARTIN AVEC GARAT.
DISCI SSION 1>K »
philosophes qui engendrent
les
—
Je ne puis,
«
dit-il ailleurs (1),
»
d'hommes sans que
»
douleur, tant
néant et
le
99
la
»
penser à cette classe
nies entrailles ne soient percées de
me pa-
suites de leur négligence
les
mort.
pour eux,
pour
peu-
»
raissent effrayantes, soit
»
pies qui attendaient d'eux leur soutien et la guérison
»
de leurs maux.
A
de sa
la fin
soit
les
»
vie,
dans
les
derniers écrits sortis de
sa plume, on le voit incliner vers des sentiments plus
indulgents et plus dignes de la douceur naturelle de
son âme.
Il
négligences et les impru-
se reproche les
dences qu'il a commises dans ses premiers jugements 11
('2)
parle avec respect du célibat ecclésiastique, de la con-
fession auriculaire,
tutions
de
la
du catholicisme
plupart des fêtes et des
(3).
insti-
Mais c'est une étrange
illu-
sion d'en conclure qu'il ait songé à rentrer dans cette
Église qu'il appelle quelque part
le
(l\)
Séminaire du
christianisme, et sur laquelle, jusque dans ses
d'attendrissement et de retour,
il
avec la plus grande liberté
Tous
(1)
Le Crocodile,
(2)
Portrait historique, n° 1116.
(3)
Ibid., p.
i
(5)
p.
(5).
moments
continue à s'exprimer ses ouvrages, sans
57.
270, 284, 287.
Ministère de V homme-esprit, p. 37
1
.
Voyez particulièrement OEuvres posthumes,
t,
I,
p.
270, n°
IIP..
«
Respectons
»
vertus de ce qu'ils font, mais n'attendons pas d'eux de vastes instruc-
» tions
et
les fonctions
des prêtres et tâchons de nous approprier les
ne nous reposons pas sur leur science
»
que toute
»
serait pas indestructible. »
la
religion est écrite sur
l'homme,
et
;
enfin n'oublions
que sans cela
elle
pas
ne
100
DISCUSSION DE SAINT-MARTIN AVEC OARAT.
en excepter un seul
;
toute sa correspondance, les sen-
timents presque d'idolâtrie qu'il professe jusqu'à sa dernière heure pour Jacques
détracteurs de l'Église
prononcées à son
lit
dans leur ensemble testent
contre
Bœhm, un
des plus fanatiques
catholique; les paroles qu'il a
de mort enfin toutes ses idées prises ;
et leur
développement successif, pro-
cette supposition.
preuves surabondantes dans
On
la suite
en trouvera des
de ce
travail.
CHAPITRE V Doctrine politique de Saint-Martin.
— Sa polémique contre souveraineté du peuple. — société.
— Son
J.
.T.
Lettre sur la
qu'elle
a
de
commun
Jo?eph de Maistre. à celui
En ciait
opinion sur l'origine de
la
française.
avec les Considérations sur la France,
— Système théocralique de Saint-Martin
de
comparé
de Joseph de Maistre.
comme
politique
en religion, Saint-Martin s'asso-
à quelques-uns des préjugés de ses contemporains
et applaudissait
à leur
œuvre de destruction, tout en
condamnant leurs principes. Quelle
sans contestation, à la fin la
du
xvm
période révolutionnaire
seau enseigne dans
le
en
était,
effet, la
en France, presque
philosophie politique qui régnait
dant
la
— Répudiation de — Ce Révolution
Rousseau.
e
siècle, surtout
? C'était celle
pen-
que Rous-
Contrat social, après en avoir
posé les prémisses dans le Discours sur l'inégalité des conditions, et qui, réduite à ses éléments les plus essentiels,
peut se résumer sans peine dans les
tions suivantes
:
1°
pour être heureux nocence
et
à son
voix de la nature cielle
l'homme
est naturellement
aussi n'a-t-il rien
;
bonheur ;
2
U
trois proposi-
tant
bon
manqué
qu'il n'a
c'est la société,
et créé
à son in-
écouté que la
création artifi-
de sa volonté, œuvre de pure convention, qui
rendu malheureux et qui
l'a
corrompu, en
lui
l'a
enlevant G.
DOCTRINE POLITIQUE DE SAINT-MARTIN.
102
avantages de
les
du contrat d'où
l'état
de nature, sans
elle tire
son origine
étant pour lui perdu sans retour,
;
lui
accorder ceux
3° l'état
de nature
moins
faut au
il
lui
rendre la jouissance des biens de la société en rétablissant le pacte primitif, qui n'est pas autre chose que la
souveraineté du peuple, ou la volonté générale substi-
tuée à toutes les volontés particulières. Or, aucune de ces propositions ne pouvait se concilier avec les opinions
personnelles de Saint-Martin et les articles les plus importants de sa Il
foi tant religieuse
l'homme
et sa félicité
de la nature,
lui
âme, au dogme de les
que philosophique.
se gardait bien d'admettre la bonté originelle de
preuves tout à
sous l'empire des
lois
actuelles
qui croyait, de toute la force de son la chute,
dont
dans
la fois
il
s'efforce
la tradition
de montrer et clans la
conscience; dans les désordres de l'univers et ceux de la société.
L'homme, selon
lui,
est
un
esprit
tombé de
l'ordre divin dans l'ordre naturel et qui tend à remonter
à son premier état
(1).
Une
seule des inquiétudes de
l'âme humaine établit plus sûrement cette vérité, que
le
contraire ne peut l'être par les assertions et les balbu-
tiements des philosophes
(2).
Comment
trement que par une abberration
et
expliquer au-
un renversement de
l'ordre primitif l'inégalité choquante qui existe chez les
hommes
et cette iniquité prolongée en vertu
parmi des êtres issus de
la
même
de laquelle,
origine et composés
(1)
Éclair sur l'association humaine, édition Schauer, p. 16.
(2)
Lettre sur la Révolution française, p. 22.
DOCTRINE POLITIQUE DE SAINT-MARTIN.
de
la
même essence,
les
uns jouissent de tous
autres n'en ont aucun
tandis
que
même
a gardé les traces de cette
il
n'est plus
d'être >>
les
que notre prison
(1) ?
L'univers lui-
tombeau, au
et notre
car lieu
La déso-
«
(2).
nous accable a pénétré jusqu'à de vie
les droits,
immense calamité,
pour nous une demeure de gloire
lation qui
103
lui, et
il
lui
de force pour la ressentir. L'uni-
»
reste assez
»
vers est sur son
»
veines et ne cesse de gêner et de tourmenter le prin-
»
cipe de sa vie. C'est à nous à lui porter des paroles de
»
consolation qui puissent l'engager à
»
maux. C'est à nous à
»
délivrance et de l'alliance que l'éternelle sagesse vient
»
faire
et
lit
de douleur, parce que depuis
la
chute, une substance étrangère est entrée dans ses
avec
lui (3)
.
lui
annoncer
la
supporter ses
promesse de sa
»
L'état de nature, tel
que Rousseau l'a imaginé, n'ayant
jamais existé, on ne saurait concevoir que la société été
ait
fondée parla seule volonté de l'homme, ou qu'elle
soit
une œuvre de convention. Comment en
ainsi ?
celui loin
qu'on nous présente sous d'avoir
le
donné naissance à
nom
de culture très-avancé.
(1)
De
(2)
Ministère de
l'essence des choses,
lbid., p. 56.
l'
demande un
Il
accord dans les volontés,
t.
si
un développement
I,
p. 47.
homme-esprit, p. 97.
à
de contrat social
la société,
la
déjà établie depuis longtemps et parvenue à
(3)
serait-il
Une œuvre de convention, un pacte semblable
suppose
un degré
merveilleux si
rare dans
DOCTRINE POLITIQUE DE SAINT-MARTIN.
104
les idées et
dans
les sentiments,
que
un monument
si
de cette espèce avait pu être fondé, n'importe à quelle époque,
serait impossible,
il
malgré
qu'il n'eût laissé sur la terre
tence
ravages du temps,
aucune trace de son exis-
(1).
Ce
n'est
donc pas un acte de
a créé la société. Serait-ce, le
les
la volonté
comme
humaine qui
pensé Helvetius,
l'a
sentiment du besoin, la prévoyance du lendemain,
le
désir de placer sous la protection publique les provisions
amassées pour notre subsistance core moins
?
Cette cause est en-
acceptable que la précédente; car on n'a
jamais trouvé un peuple
ni
un gouvernement assez
gradé pour borner son ambition
faction des besoins de la nature animale
qui n'ait été plus occupé des soins
de sa gloire
cpie
gardé peut
le
reconquérir.
Au
Il
lui
;
n'y en a pas
et
de son
milieu de sa chute, l'homme a
ôter l'envie de
lui
la
peut, sous l'empire de l'ignorance et des
passions, s'écarter par
vant
il
souvenir de sa splendeur perdue, et rien ne arracher l'espérance ni
lui
;
de son honneur ou
de la conservation de sa vie
bien-être matériel.
dé-
et ses efforts à la satis-
jamais
il
moments du but
ne cesse de
le
qui est placé de-
poursuivre.
«
C'est
en appuyant sa pensée d'une
»
ainsi, dit Saint-Martin,
»
ingénieuse
»
tombé dans un précipice commence à gravir sur quatre
»
pattes
»
marchait droit sur ses deux pieds
(1)
comparaison, c'est ainsi
comme
les
qu'un
homme
animaux, tandis qu'auparavant
comme
il
les autres
Éclair sur l'association humaine, édition Scliauer, p. G.
DOCTRINE POLITIQUE DE SAINT-MARTIN.
hommes
»
se propose n'en
qu'il
»
11
fait
pour se relever,
pas moins évident
est
même
tombe
quoiqu'il se traîne, quoiqu'il
et
;
à chaque tentative qu'il
o
105
but
le
(1). »
y a pourtant des créatures humaines et des races
entières tellement abaissées,
que toutes
les facultés
de
l'âme semblent chez elles vaincues et enchaînées par les appétits
du corps ou engourdies par
éternelle enfance. Telles sont, par
ne connaissent pas
le
sentiment de
Comme Rousseau lui-même redemander
vendu
ont
besoin
le soir
le
prévoyance.
la
remarqué
l'a
en pleurant leur
lit
,
elles
vont
de coton qu'elles
matin, ne se doutant pas qu'elles en auront
quand
qu'elles
exemple, les peupla-
du nouveau monde. Mais ces races déshé-
des sauvages ritées
sommeil d'une
le
la
nuit
sera revenue. C'est ce qui
fait
ne songent point à faire des provisions pour
lendemain, qu' elles restent étrangères à dividuelle et se passent cessaire (2)
de
la
le
propriété in-
la protection qui lui est
né-
Aussi n'ont-elles jamais pu former que des
.
associations guerrières pour la défense de leur vie contre les
attaques de leurs voisins. L'idée
ciation civile et politique,
ne
s'est point
si
humble
même
d'une asso-
qu'elle puisse être,
présentée à leur esprit, et quand les Euro-
péens les ont rencontrées, elles ont mieux aimé périr
que de se plier à leurs
lois et
d'accepter les dons de
leur civilisation.
Ce qui a trompé
les publicistes,
(1)
Éclair sur l'association humaine,
(2)
Ibid
,
p,
4 et
7.
p.
soit qu'ils
appar-
10, édition Scli uer.
DOCTRINE POLITIQUE DE SAINT-MARTIN.
106
tiennent à l'école de Rousseau ou à celle d'Helvetius,
sur l'origine de la société, c'est d'avoir ture de l'homme
et l'altération
conséquent
atteinte, par
les
méconnu
profonde dont
la
na-
elle a été
deux influences contraires
qui se disputent dans son sein et la dominent tour tour.
Les uns n'y ont aperçu que
stincts
de
la brute, oubliant
à
les appétits et les in-
entièrement ou n'ayant ja-
mais su que l'homme est aussi une intelligence, un esprit,
un
dont
social.
les facultés et les besoins jouent
dans
rôle
la
dû
le
nécessairement
développement de l'ordre
Les autres, en reconnaissant ces facultés supé-
rieures, ne les
non
formation et
comprennent que corrompues
telles qu'elles sont
dans
être
l'origine.
en elles-mêmes ou qu'elles ont
De
là vient
«
qu'ils n'ont écrit
»
qu'avec des idées dans une matière où
»
n'écrire qu'avec des sanglots (!) ».
Non,
la
et viciées,
ils
auraient dû
société n'est pas née de l'instinct de notre
conservation physique ou de l'accord réfléchi des volontés
;
elle
maine,
a ses racines dans les profondeurs de l'âme hu-
elle
a ses lois écrites d'avance dans notre essence
spirituelle, elle est aussi
avoir pour auteur
ancienne que l'homme et ne peut
que Dieu lui-même.
G' est. une vérité
dont nous pouvons nous convaincre en quelque sorte par l'expérience, en observant de quelle manière s'engen-
drent et se conservent les sociétés particulières, c'est-àdire les peuples, qui ne sont que des débris de la société universelle.
(1)
Or,
les
peuples et
les
gouvernements
Eclair sur l'association humaine. Introduction.
se
DOCTRINE POLITIQUE DE SAINT-MARTIN.
forment d'eux-mêmes avec
le
!/
concours du temps
et à la
laveur de circonstances donl l'homme est l'occasion plulot (|ue la
Les
lois
cause, qu'il laisse faire plutôt qu'il ne lus
qui se développent avec eux. leurs
lois
fait.
fonda-
mentales et constitutives, ne sont pas non plus l'œuvre de
la
des
de
volonté
lois
qui en la
sagesse humaines; elles dérivent
la
supérieures de l'éternelle justice; elles sortent
nature
la
de
et
l'ait
la
môme
des choses, et c'est précisément ce
majesté et
la force.
La nature des choses,
nature de l'homme, voilà ce qui échappe constamment
aux publicistes et aux philosophes du que, au lieu de l'observer,
On
est étonné
ils
xvm°
siècle,
parce
ont voulu la composer
(1).
de rencontrer, au milieu des rêves du
nnsticisme, une conscience aussi exacte des
faits,
un
(sentiment aussi juste et aussi profond de l'histoire. Mais il
faut considérer
que
c'est à l'exaltation
que Saint-Martin
esprit
est
même
de son
en grande partie redevable
de ces qualités; car, en l'élevant au-dessus des hypothèses et des systèmes les plus accrédités de son temps, elle l'a
préservé de l'aveuglement général, et lui a per-
mis, grâce à la finesse naturelle de son jugement, de
devancer sur plus d'un point siècle.
la
philosophie de son
Malheureusement ces aperçus,
d'ailleurs assez
rares dans ses écrits, sont tellement enveloppés de et
nuages
enchevêtrés de chimères, que ce n'est pas sans effort
qu'on réussit à
Des
(i)
trois
Lettre
les
découvrir.
propositions qui nous représentent la sub-
à un ami sur
lu
Révolution française, p. 20 et 21.
DOCTRINE POLITIQUE DE SAINT-MARTIN.
108
stance du système de Piousseau, en voilà déjà deux com-
plètement écartées par Saint-Martin
;
il
ne
lui était
pas
possible de traiter la troisième avec plus d'indulgence.
La souveraineté du peuple dans l'hypothèse qui Or, puisque
le
conséquence? Puis,
la
Providence, au
la
contenue implicitement
principe a été convaincu de fausseté,
comment conserver que
est
dériver la société d'un contrat.
fait
hommes
moyen des
lois
s'il
est vrai
qui découlent de
dans
la
formation des peuples, pourquoi n'exercerait-elle pas
la
nature des
la
môme
influence sur leur législation et leurs gouverne-
ments?
«
Martin
»
et des choses, intervient
La souveraineté des peuples, nous (1)
,
est leur impuissance.
»
dit Saint-
C'est-à-dire qu'elle
consiste à laisser faire la Providence, qui place à leur
rang
les nations et les individus,
en
les appelant,
chacun
suivant ses facultés, ses talents et ses forces, à concourir
à l'accomplissement de ses desseins. Qu'un
homme
s'élève au milieu de ses semblables avec des facultés su-
périeures, avec le génie et les vertus qui le rendent digne
du commandement
et la
volonté qui en est inséparable,
personne ne l'empêchera d'arriver au rang qui tient; la résistance qu'on
de Il
telles souffrances,
en est de
les
qu'on sera obligé d'y renoncer
(2).
même des
peuples considérés dans leur exis-
De
tout temps, dit Saint-Martin (3),
tence collective. »
lui appar-
voudra lui opposer engendrera
«
peuples servent alternativement de moyens à
(1)
Eclair sur l'association humaine, p. 20.
(2)
Lettre sur la Révolution française, p. 30.
:,3)
Ibid., p. 20.
l'ac-
.
DE SAINT-MARTIN.
OPINION
109
»
complisseinent du grand œuvre de la Providence, se-
»
Ion leurs crimes
vidence, d'après aussi évidente
comme
lui,
règne dans
que dans
ministres, et les
selon leurs vertus.
la
gouvernements sont
d'une manière
les ministres
communique
a rempli la nature entière.
Que
triompher indirectement par car
;
ils
les
des
dont
l'esprit
peuples essayent
les
de résister à cette impulsion mystérieuse,
ront sur leurs têtes
La Pro-
nature; les peuples sont ses
peuples, parce que Dieu leur il
l'histoire
»
la feront
ils
calamités qu'ils attire-
démontreront
même
par
leurs crimes les lois de la sagesse et de la justice divines. «
L'histoire des nations, dit Saint-Martin avec
une rare
»
énergie d'expression, est une sorte de tissu vivant et
»
mobile où se tamise, sans interruption, l'irréfragable éternelle justice
» et
Mais en ruinant
»
(1)
souveraineté du peuple, telle qu'on
la
l'entend généralement, cette doctrine n'a-t-elle pas pour
de nous montrer
effet
liberté? fait
Quel rôle
comme impossible
reste-t-il
à l'homme,
l'existence si c'est
de
la
Dieu qui
tout? Saint-Martin ne se dissimule pas la difficulté;
seulement
il
croit pouvoir la résoudre
par un moyen qu'il
appelle lui-même une sainte hardiesse. C'est tion qu'il établit entre la fatalité
servile
imaginée par
de l'amour
la distinc-
et la fatalité
les poètes et les philosophes.
Dieu,
dans son amour inépuisable pour ses créatures, a décidé
que ses desseins, complis. Mais
1;
cpioi qu'elles
comme
il
puissent faire, seront ac-
serait indigne
de
lui
d'épancher
Lettre sur la révolution française, p. 65 et 66.
AD. FRANCK.
7
.
SUR LA SOUVERAINETÉ DU PEUPLE.
HO
avec lui aucune sa grâce sur des êtres qui n'auraient liberté, ne pouranalogie, et qui, privés absolument de
raient ni le
comprendre
ni l'aimer,
il
a laissé à l'homme
pouvoir de répondre ou de résister à ses avances (1) célèbre Fata C'est la traduction mystique de ce mot
le
:
après volcntem dncunt,nolentem trahunt. Elle consiste, l'individu et avoir banni le libre arbitre des actions de œuvres de la société, à lui laisser pour dernier refuge
des
le sentiment.
appartient Saint-Martin oublie que le sentiment nous
que si la encore moins que l'action et la volonté, et véritablement a liberté humaine n'a pas d'autre asile, elle cessé d'exister.
Saint-Martin
fait
valoir
encore d'autres arguments
Ce qu'on contre le principe de la souveraineté du peuple. de règne le c'est peuple, entend par la souveraineté du la volonté générale.
se former dans
Mais une volonté générale peut-elle
une société corrompue comme
la nôtre,
les opinions, divisée par l'intérêt, par les passions, par
par mille autres causes?
A
la place
de
volonté géné-
la
des volontés partirale, nous ne rencontrons donc que forte, non la culières qui se combattent, et dont la plus préciséplus juste, l'emporte sur les autres. Telle est
ment
celle
de cette portion de la nation,
qu'elle puisse être, à laquelle on le
nom
de peuple.
lonté, pas
A
même une
si
|
nombreuse j
donne particulièrement;
vrai dire, le peuple n'a pas de vo-
volonté particulière
révolution française, p. 8 et 9. (1) Lettre sur la
;
il
n'a que des
.
OPINION DE SAINT-MARTIN.
passions, à l'aide desquelles d'autres
111
que
lui
duisent à leur gré et le ploient à leur dessein.
le
On
con-
n'a ja-
mais écrit contre la souveraineté delà multitude rien de plus ironique et de plus dédaigneux que ces lignes
Qui ne
«
sait
:
que ce qu'on appelle peuple doit se consi-
comme
»
dérer partout
»
pour tous ceux qui voudront s'en
»
quel sens?
Il
l'instrument le plus maniable servir, n'importe
dans
leur est aussi facile de le mouvoir pour
mal que pour
»
faire le
»
parer à un aiguillon clans la main du pâtre, qui l'eniploie à son gré
»
et qui,
|»
avec ce
faire le bien, et l'on
pour conduire son bétail où
même
instrument,
mène
bœuf au pâturage, au labourage ou à
»
rie »
lui plaît,
la
bouche-
(1)
D'ailleurs, la souveraineté
ne
il
à sa volonté le
»
jet
peutlecom-
s'est
du peuple ne
jamais exercée directement;
s'exerce pas
elle
passe à des
délégués, des mandataires, des représentants, qui gou-
vernent et font les lois au tiennent
du
nom
de
la nation, et qui
suffrage de leurs concitoyens leurs titres et
leurs pouvoirs.
Or, le régime représentatif ne donne pas moins d'objections que le principe dont il est la xmséquence et l'application nécessaire. D'abord il est
brise à
liffîcile
de comprendre que
qu'elle n'est
pas dans
lans les représentants
le
la
peuple lui-même, puisse exister
du peuple. On ne comprend pas
lavantage que la souveraineté, :hez les
(1)
hommes,
volonté générale, puis-
si elle
si elle
existe
quelque part
réside véritablement dans la na-
Éclair sur l'association humaine, édition Schauer, p. 28.
SUR LA SOUVERAINETÉ DU PEUPLE,
112
ou représentée.
tion tout entière, puisse être déléguée
Saint-Martin pense,
comme Rousseau, que
souve-
la
raineté ne peut être représentée, par la raison qu'elle ne
peut être aliénée,
et
que dès
donne des représentants, il
il
qu'un peuple se
l'instant
cesse d'être libre (1). Mais
a soin d'ajouter que la souveraineté n'est pas
but de la nature humaine
;
ne peuvent en revendiquer ni les uns ni les autres,
montrer par générale.
l'histoire,
un
attri-
ni les peuples ni les individus
parce que
les prérogatives,
comme
ne sont
La volonté générale
prend soin de
il
les
organes de
le
dé-
la volonté
pas seulement supé-
n'est
rieure, elle est antérieure à toutes les volontés particulières, et
n'y en a pas d'autre à laquelle puisse s'appli-
il
quer cette définition que »
la
volonté divine,
«
la volonté
universelle de l'éternelle sagesse qui embrasse tout
On
» (2).
verra tout à l'heure quelles sont les règles de gou-
vernement
et
de législation que Saint- Martin a
fait
dé-
couler de cette idée mystique de la souveraineté. Maie
auparavant
il
n'est pas sans intérêt de
contradicteur de Rousseau était en
remarquer que
même temps
ce
le pluf
passionné de ses admirateurs, et que cet ennemi mépri sant de la démocratie, après avoir salué la révolutioi française avec des transports d'enthousiasme, a écrit
ei
son honneur non pas une apologie, mais un hymne.
Rousseau, avec lequel d'ailleurs
il
se trouve de
breuses ressemblances (3), est pour (1)
Eclair sur l'association humaine,
(2) lbid., p. 25.
(3)
Portraits historiques, n° 60.
p.
34.
lui
plus
nom qu'u
OPINION DE SAINT-MARTIN SUR ROUSSEAU.
grand écrivain, plus qu'un garde
comme un envoyé du
de l'ordre sensible,
»
maine
la
de génie;
comme un
ciel, «
prophète
plus vive clarté. Mieux que personne
le
il
mais, n'en connaissant ni
:
remède, faute d'avoir été
supérieure,
le re-
il
qui a répandu sur la nature hu-
»
signalé les difformités
gine ni
homme
113
initié à
en a l'ori-
une science
n'a tiré aucune conclusion utile des véri-
il
môme
tés qu'il a aperçues, et
des paradoxes.
«
il
les a
Son âme délicieuse
compromises par et divine a
frémi
»
d'indignation en envisageant les abominations où
»
vu que l'homme
» arrivés, »
civil et
sans observer
partis dès l'origine
le
vicieux,
persuader qu'un état négatif
»
nous puissions tendre,
»
nous puissions arriver
»
doué de
» le
a
le
ils
étaient
sauvage moins
a employé toute son éloquence pour nous
»
»
il
il
politique étaient
point faux d'où
trouvant
et,
;
l'homme
si
était le seul
terme auquel
et la seule perfection à laquelle (1).
grands dons,
— Si
dit-il
cet
homme
rare et
ailleurs (2), avait
eu
bonheur de tomber en des mains éclairées, quel
» fruit n'aurait-il
pas produit? Ses ouvrages sont d'une
profonde, qu'on ne peut trop admirer
»
philosophie
»
la force
»
dans une carrière où Voltaire n'a seulement pas mis
»
pied.
»
des parfaitement sonores, et ilenatiré des sons qui ont
»
droit de surprendre les plus instruits. »
Il
si
de son génie;
il
a été seul infiniment loin le
a frappé sur de véritables bases, sur des cor-
(1)
Lettre sur la révolution française, p. 34.
(2)
Œuvres posthumes,
t.
II,
p.
327
et
328.
LETTRE SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
114
Trouvant avec Rousseau que
du
existait jusqu'à la fin
xvm
e
la société,
telle qu'elle
siècle, était
radicalement
pervertie, qu'il n'y avait plus rien clans ses institutions,
dans ses mœurs, dans son esprit
même
qui ne fût en
opposition avec la raison et avec la justice, avec les et les besoins véritables
en
même temps que
dans un
tel état
de corruption,
n'avait rien à attendre de la sagesse
ne
fallait rien
moins pour
volution avec respect,
humaine pour
la régénérer,
qu'une intervention extraordinaire de n'est pas étonnant
lois
de notre nature, mais convaincu
que Saint-Martin
la
comme un événement
et qu'il
la sauver,
Providence,
ait accueilli la
un mélange de bonheur
elle
et
il
Ré-
de religieux
comme une comme une œuvre
surnaturel,
grâce et un châtiment tout ensemble,
d'expiation et de rédemption. C'est pour cela qu'elle
comme un sermon en action destiné comme une miniature du jugement dernier, tantôt « comme une leçon qu'on lui apparaît, tantôt
à édifier
le
genre humain, tantôt
»
nous donne pour nous apprendre à mieux dire notre
»
Pater que nous ne le faisons communément
même
idée le poursuit
tous ses ouvrages.
comme une
Mais nulle part
autant de force, nulle part
il
ne
la
»
(1).
La
obsession à travers il
n'y insiste avec
développe avec au-
que dans sa Lettre q révolution française (2). Ce remarquable
tant d'originalité et d'abondance
un ami sur
la
(1)
Œuvres posthumes,
(2)
En
t.
voici le titre exact
:
I,
p.
405-406.
« Lettre
tiques, philosophiques et religieuses
l'an III (1795),
80 pages in-8°.
à un ami, ou Considérations poli-
sur la révolution française. Paris,
LETTRE SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE. écrit est d'autant plus cligne
de nous arrêter quelques
instants, qu'il a été certainement le
inspirée, en traitant
le
118
même
sujet,
modèle dont
s'est
l'imagination ar-
dente de l'auteur des Considérations sur la France.
Dès foi.
début l'auteur nous expose sa profession de
le
croit voir, dit-il, la
Il
chaque pas que fait
fait la
éclater à nos
Providence se manifester à
Révolution, car à chaque pas elle
yeux de nouveaux prodiges. Rien de
ce qui lui appartient ne s'explique par des causes naturelles
;
aucune force humaine ne pouvait produire
les
merveilleux, féeriques, dont elle nous donne le
faits
spectacle
;
aucune pensée humaine, avant de
vus accomplis, ne pouvait les concevoir. Aussi
mis de dire que la main cachée qui a dirigé serait seule capable d'en écrire l'histoire.
la
Il
les avoir
est-il
per-
Révolution
faut être in-
sensé ou de mauvaise foi pour n'y pas voir, écrite en traits
de feu, l'exécution d'un décret de la sagesse éter-
nelle, et
ne pas s'écrier en sa présence,
comme
giciens d'Egypte devant les miracles de Moïse » le
doigt de Dieu
La Révolution
!
:
les « Ici
maest
»
n'est pas
seulement un événement
surnaturel, dans ce sens qu'elle échappe à la volonté et
à la puissance de l'homme; elle est aussi un événement
donné le nom de commencé par un
universel, et c'est à tort qu'on lui a
Révolution française; car
grand État
si elle
a
comme la France, c'est pour écraser
les
enne-
mis qui ont entouré son berceau et s'étendre ensuite, avec l'énergie que donne la lutte et avec la victoire, à
le
prestige de
tous les autres peuples. Elle est la révolu-
LETTRE SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAIRE.
116
tion
du genre humain,
dans sa cause
et
et elle
dans ses
image du jugement
ne peut être mieux définie
effets
dernier.
que
A
si
on l'appelle une
voir ce
monarque,
le
plus puissant de l'Europe, renversé en quelques jours
de son trône et son trône précipité après
lui
;
à voir ces
grands, ces premiers ordres du royaume, s'enfuir avec terreur, poussés par
une main
invisible, et tous ces op-
primés reprendre en un instant perdus depuis des
puissances de
bons
et les
la terre et
la
la
Irom-
que
s'est fait entendre,
les
des cieux sont ébranlées, que
méchants vont tout
récompense? C'est
humains
les droits qu'ils avaient
ne dirait-on pas que
jugement dernier
pette du
les
siècles,
à
l'heure recevoir leur
convulsion de tous les pouvoirs
se débattant, avant d'expirer, contre
une
force
mystérieuse qu'ils n'ont point soupçonnée et qui va
ré-
gner à leur place. Mais pourquoi cette crise terrible
Dieu lui
l'a-t-il
infligée à l'humanité ?
apporter en compensation des
?
Dans quel but
Quels biens doit-elle
maux
qu'elle lui fait
souffrir? Selon Saint-Martin, la Providence, en déchaî-
nant
la
Révolution, a eu pour dessein deréveiller-l'homme
d'un sommeil de mort qui étouffait ses plus nobles facultés, le
de
le
rappeler à
lui
par
l'effroi et la
régénérer par l'intermédiaire de
nérer la société elle-même par
la
douleur, de
la société, et
de régé-
destruction des abus
contenus clans son sein, par l'anéantissement des pouvoirs qui ont été les instruments de sa corruption. La
Révolution fera
l'office
d'une opération de chirurgie pra-
tiquée par une main savante pour extirper
du corps
so-
Ht
LETTRE SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE. cial
les
corps étrangers qui
ont inoculé tous ses
lui
vices.
Ces corps étrangers dont l'extraction est devenue nécessaire, ces pouvoirs
mander
le rôle
même.
:
de
faire dis-
l'Eglise et la royauté.
comme
pas la noblesse,
semblent
le
de-
oppressif qu'elle a joué dans l'histoire et
les privilèges iniques
temps avant
qu'il s'agit
nombre de deux
paraître, sont au Si l'on n'y joint
usurpés
89
dont
elle avait joui, c'est
n'était plus
elle
que long-
que l'ombre d'elle-
Saint-Martin, sur ce point, tient presque
le
même
langage que M. de Tocqueville dans Y Ancien régime et la Révolution.
«
La noblesse,
dit-il
(1), cette
excrois-
»
sance monstrueuse parmi des individus égaux parleur
»
nature, ayant déjà été abaissée en France par quel-
»
ques monarques
»
à perdre, pour ainsi dire, que de vains
» titres
l'Église fruits
et
imaginaires. et
de
par leurs ministres, n'avait plus
»
Il
n'en était pas de
royauté.
la
noms
et des
même
de
Restées en possession des
de leurs usurpations et de leurs droits men-
songers jusqu'à l'heure de leur chute, elles devaient être frappées sans
conduit
pitié
par
la
main vengeresse qui
a
Révolution.
la
Laquelle des deux a été la plus coupable? SaintMartin,
comme
si
Dieu
n'hésite pas à déclarer
en
que
une des sources
(1) Lettre
les
mis dans sa confidence,
c'est l'Église.
cause première des
elle la
société et
l'avait
maux
Il
reconnaît
qui ont désolé la
plus fécondes de ses vices.
sur la révolutlion française, p. 13. 7.
LETTRE SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
118
A
faveur de l'autorité qu'elle s'est arrogée, elle a
la
corrompu
par
les rois, et
corrompu
les rois elle a
les
peuples. Pourvu qu'on donnât satisfaction à sa cupidité et à son orgueil, sa consécration les
abus du despotisme. Telle a
sa conduite envers les
était assurée à tous
été,
hommes. A
dans tous
les
temps,
l'égard de Dieu elle a
été plus criminelle encore, car son ambition ne tendait
à rien moins qu'à se substituer à
lui.
Selon toutes les
«
»
écritures, dit Saint-Martin (1), et plus encore selon
»
le livre indélébile écrit
»
Providence voudrait être
»
parce qu'elle sait qu'ils ne peuvent être heureux qu'a-
dans
le
cœur de l'homme,
le seul
la
Dieu des peuples,
voulu lui-même être pour eux
rt
vec
»
cette Providence.
»
pre règne tout en parlant de ce Dieu, dont souvent
»
ne savait pas
elle
et le clergé a
:
Il
même
n'a cherché qu'à établir son pro-
défendre l'existence.
»
il
Jusque-là
Saint-Martin ne se distingue pas des philosophes qui sont l'objet habituel de ses railleries et de ses dédains;
mais on retrouvera dans
les lignes suivantes le
mystique
spéculatif qui, dans son enthousiasme chimérique, croit
hâter
règne de Dieu en supprimant
le
autels et le culte extérieur.
clergé
»
temple bâti par
)
la
»
sentence significative, matériels
»
idole (1)
lui
dont
il
il
s'est
les
(au
Sans temples
et,
malgré cette
a couvert la terre de temples fait
partout
la
principale
ni autels, le ministère sacré,
Lettre sur la révolution française, p. 14.
(2) Ibid.
avait été dit
main des hommes;
»
(*2). »
« Il
temples,
ne resterait pas pierre sur pierre du
»
qu'il
les
LETTRE SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
119
prêtre lui-même n'est-il pas de trop? Saint-Martin ne
le
parait pas éloigné d'accepter cette
conséquence lorsque,
dans un langage indigne de sa belle âme, avec des expressions empruntées aux plus vulgaires passions de la
démagogie,
il
reproche aux membres du clergé catho-
lique de garder pour eux le droit d'interpréter les livres saints, d'en faire les
un tarif d'exactions sur
la foi et d'être
accapareurs des subsistances de rame.
»
rait concevoir,
a-t-il soin
«
On
ne sau-
d'ajouter, qu'il y ait aux
»
yeux de Dieu un plus grand crime, parce que Dieu
»
veut alimenter lui-même les âmes des
»
l'abondance qui
»
ainsi dire,
en
est
ainsi,
abrégé
:
»
S'il
d'accusation que Saint-Martin a
l'Église
pouvait
être
singulièrement
son seul tort c'était d'exister.
La royauté, selon qu'elle s'est
bornée
lui,
le
a été inoins criminelle, puis-
plus souvent à suivre l'impulsion
qu'elle recevait de l'Église, et à
commettre des excès
de pouvoir qu'elle savait d'avance justifiés au ciel.
avec
propre et qu'elles soient, pour-
rassasiées par sa plénitude.
l'acte
contre
dressé
lui est
comme
hommes
Cependant
elle
nom du
a mérité, elle aussi, un châtiment
exemplaire. Tous les monarques de la terre ont dû expier,
par la chute du plus grand d'entre eux, un orgueil
qui leur est
commun
toute
une nation
» dis
que
»
;
l'orgueil qui leur a
est concentrée
c'est à tous les
hommes
d'un État à s'oublier,
pour se dévouer et ne se voir que dans
(1)
persuadé que
dans un homme, «tan-
Lettre sur la révolution française, p. 16.
la nation » (1).
.
LETTRE SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
120
Les ennemis de l'Église
et les
ennemis de
monar-
la
chie se figurent que tout sera fini quand ils seront parvenus à détruire ces deux puissances. Ils ne se doutent
pas, dans leur aveuglement,
que leurs coups portent
plus loin, et que la Providence se sert d'eux pour abolir sur la terre, par
le
bras
même
de l'homme,
de la vaine puissance de l'homme.
»
«
le
règne
Aussi la Révolu-
proprement parler, une guerre divine,
tion est-elle, à
une guerre de
»
religion, et
dans
ligion qui ait éclaté
même le
la seule
guerre de re-
monde depuis
que
celle
les
Hébreux ont soutenue contre
le
paganisme pendant
toute la durée de leur existence
(1).
En
effet, les
guerres
de l'islamisme ne nous offrent pas plus qu'une esquisse elles se bornaient à détruire et
ne
Les guerres des croisades et de
la
de guerre religieuse bâtissaient point.
:
Ligue, celles qui naquirent de la réforme et du schisme n'étaient
d'Angleterre, elles
que des guerres d'hypocrisie
ne détruisaient ni ne bâtissaient.
«
Au
lieu
que
:
la
»
guerre actuelle, toute matérielle et humaine qu'elle
o
puisse paraître aux yeux ordinaires, ne se borne point
»
à des démolitions, et elle ne fait pas un pas qu'elle ne
»
bâtisse
Mais
ici
»
(2)
nous touchons à
la doctrine politique
Comment
la
la partie la plus
épineuse de
de Saint-Martin.
Révolution est-elle une œuvre d'édifica-
tion et qu'est-ce
qu'elle
est
en train de
construire?
Quelle forme de gouvernement, quel système de légis(1)
Lettre sur la révolution française, p. 18 et 19.
(2)
Ibid., ibid,
THÉOCRATIE DE SAINT-MARTIN. lation verrons-nous
121
des ruines qu'elle a faites?
sortir
A
quels signes reconnaîtrons-nous ce règne de la Provi-
hommes
dence qui va bientôt succéder à celui des quels organes
sera-t-il
?
Par
accompli? C'est à cette question,
déjà traitée en partie dans la Lettre sur la révolution
française,
que répond particulièrement Y Eclair sur
l'association
humaine
(1).
Le gouvernement de Dieu, ou
que
celui
hommes
les
prétendent occuper h sa place par procuration, s'appelle la théocratie,
et c'est
Saint-Martin désigne
le
aussi le
régime
nom
sous lequel
dont
qu'il préfère, et
il
prédit l'avènement, non-seulement pour la France, mais
pour
le
monde
entier.
«J'ai avancé,
dit-il,
dans
ma
»
Lettre (la Lettre sur la Pvévolution) qu'il n'y avait de
»
vrai
gouvernement que
le
gouvernement théocratique
authentiquement, et je ne
;
aucun
»
je le répète ici
»
doute que ce serait à ce terme
»
tous ceux qui chercheraient de bonne foi et de sang-
»
froid à scruter ces vastes
»
ment du premier
» lait »
que
remèdes
» tinssent
car l'égare-
et la guérison qu'il
que Dieu qui connai.-ae
l'homme dans ces sentiers;
»
même
»
et
et
;
Paris, an
il
n'y a
l'homme qui de
V (1797).
Éclair sur l'association humaine,
p.
16,
édit.
lui-
un imposteur
» (2).
Une brochure in-8°
fal-
puisse diriger l'esprit de
et
s'en arrogerait le privilège serait
un ignorant
il
pouvait attendre,
en
également de cet ordre sublime. Or,
»
(2)
;
l'ordre divin,
douleurs qui en résultent, les
»
(i)
fais
se réduiraient
profondeurs
homme tenant à
la punition, les
que
final
Schauer.
THÉOCRATIE DE SAINT-MARTIN.
122 Il
va de soi que
celles qui ont existé
encore. Elle ne repose pas, biblique, sur
un
de Saint-Martin ne res-
la théocratie
semble à aucune de
comme
texte sacré, sur
servée dans un livre
;
ni
celle
une
comme
ou qui existent
loi
celle
de l'antiquité
immuable condu moyen âge
chrétien, sur l'autorité d'un souverain pontife, chef infaillible
de l'Église, et sur l'Eglise, arbitre suprême des
Etats. Non, l'auteur de Y Éclair sur
maine n'admet, comme
il
qu'une théocratie naturelle
le
l
association hu-
déclare expressément,
et spirituelle
dire qui n'a été ni fondée ni organisée de
(1), c'est-à-
main d'homme,
qui n'est renfermée clans aucune constitution régulière,
ne s'exerce sous aucune forme déterminée
et n'a
pour
base que ce fatalisme mystique dont nous avons parlé
précédemment. Un saisir
dans
théorie.
la
tel
gouvernement
pratique et non moins
est bien difficile à
difficile à définir
Cependant Saint- Martin a essayé de
en
faire l'un
et l'autre. 11
nous montre d'abord l'homme
sa chute, ou
du moins
tel qu'il
tel qu'il était
avant
aurait été sans elle, pé-
nétré tout entier de l'esprit de son créateur, avec
quel
il
serait resté étroitement uni, et par ce
prit, esprit
de sagesse
et
même
d'amour, animé du plus tendre
dévouement à l'égard de ses semblables. La dans
société,
cet état primitif, le plus parfait de tous, parce qu'il
est le plus
rapproché de notre origine, aurait formé une
république divine, un peuple de frères, où la vertu
(1)
le-
es-
Lettre sur la Révolution, p. 75.
et
THÉOCRATIE DE SAINT-MARTIN. la
123
piété auraient term lieu de lois et qui n'aurait pas
connu d'autre maître que Par
la suite
des hommes,
Providence.
la
des temps et l'accroissement du nombre il
aurait
pu arriver que
admirable fût légèrement troublée seule,
que
les
cette
que
et
harmonie
la vertu toute
sentiments de la piété et de la fraternité
ne fussent plus suffisants pour relier entre eux tous
membres du corps
social
;
alors la vertu aurait appelé
à son secours la justice, c'est-à-dire droit,
du
la loi,
interprète
du
droit éternel tel qu'il est écrit dans la con-
l'homme de bien
science de
à
les
la fraternité originelle,
;
et à la
république divine,
aurait succédé la société civile-
Mais dans cette société civile
naturelle,
c'est-à-dire
idéale, les lois, bien différentes de ce qu'elles sont au-
jourd'hui, auraient eu le caractère d'un enseignement
plus que d'un
langage de
la
commandement;
elles auraient parlé le
persuasion, non celui de la rigueur; elles
auraient indiqué ce qu'il faut faire pour être heureux et vivre en paix avec ses semblables, elles n'auraient pas
eu besoin de l'exiger par la contrainte. Si pourtant ces conseils étaient restés stériles pour quel-
ques-uns
;
si
ces lois
sieurs fois violées,
si
douces et
si
sages avaient été plu-
on aurait reconnu
la nécessité
d'une
répression matérielle pour ceux qui oseraient les enfrein-
dre dans l'avenir, et aux lois civiles seraient venues se joindre les lois pénales. Le pouvoir de punir la violation
des lois civiles, c'est-à-dire des lois de la justice, n'est
pas autre chose, d'ailleurs, que la justice elle-même. C'est le droit de
légitime défense étendu de
l'homme
THÉOCRATIE DE SAINT-MARTIN.
124
physique à l'homme moral,
et
de l'individu à
la société,
ou, pour nous servir des termes que Saint-Martin affectionne, de X homme
animal à X homme
esprit.
Mais
la
naissance des lois pénales ne peut se concevoir sans une autre institution, celle d'une force publique d'où elles tirent leur efficacité et à laquelle la société doit sa con-
servation; celle d'un pouvoir répressif et coercitif qui doit s'exercer à la fois social
;
au dedans
et
en dehors du corps
au dedans contre ses membres rebelles
dehors contre
les
et
en
attaques des sociétés étrangères,
s'il
même temps. Grâce à l'existence même association qui n'avait tout à
en existe plusieurs en
de ce pouvoir,
la
l'heure qu'un caractère
purement
civil,
devient une so-
ciété politique.
À
vrai dire, ces trois sociétés n'en
seule, elles ter
forment
qu'une
n'ont jamais pu et ne pourront jamais exis-
séparément
;
car elles répondent à autant de prin-
cipes dont l'union indissoluble et le développement si-
multané constituent
mour, ici les
la
nature humaine, à savoir
la justice et la force, ou,
:
l'a-
pour employer encore
expressions de Saint-Martin, les vertus naturelles,
les facultés judiciaires, les forces coercitives et répres-
sives (1).
L'essence,
le
but, la condition
cette société unique, type
maine, c'est que la force y
suprême de
complet de l'association husoit
au service de
la loi,
en
supposant que
la loi soit l'expression
que
à son tour, ait sa meilleure et plus so-
la justice,
(1) Lettre
sur la liévolulion, p. 25 et 29.
de
la justice; c'est
THÉOCRATIE DE SAINT MARTIN. lide garantie
dans
et
dans
la piété
la vertu, c'est-à-dire
125
dans
moralité
but idéal proposé à
Cette société n'est-elle qu'un
l'homme dans l'avenir? ou
a-t-elle déjà existé
temps voisin de sa naissance? Saint-Martin ces
la
des individus.
dans un entre
flotte
deux opinions, sans oser se prononcer.
Il
parait
soutenir la première dans sa Lettre sur la Révolution !
il
semble pencher vers
ciation est
humaine
(1).
la
Mais, avec l'une ou avec l'autre,
pleinement convaincu que
qu'elle doit être, et
ne pense. Ne
Mais dire quel sera
;
et,
il
un jour ce
moins éloigné qu'on
est
pas nettoyer
porter le bon grain (2)
généraux
la société sera
que ce jour
fallait-il
;
seconde clans l' Éclair sur ï'asso-
l'aire
avant d'y ap-
?
l'esprit,
quels seront les principes
en quelque sorte, métaphysiques, quelles
seront les vertus et les n'est pas encore
mœurs de
la société nouvelle, ce
nous apprendre sous quelle forme
elle
sera gouvernée, qui exercera dans son sein les attributions,
nous n'osons pas dire de
qu'elle est tout entière la
puissance publique.
cette question
la
souveraineté, puis-
mains de Dieu, mais de
dans
les
De
peu d'importance que
si
pour unthéosophe,
dant pour l'immense majorité des
elle
hommes.
ment Saint-Martin a essayé delà résoudre
La forme de gouvernement
(1)
Voy. particulièrement p. 23 et 24
(2) LeAlre
sur la Révolution,
p. 78.
Voici
com-
:
est indifférente,
moins ne doit être considérée que
soit
en a une cepen-
comme un
ou du
objet se-
THÉOCRATIE DE SAINT-MARTIN.
126
conduire.
Le gouvernement
«
n'est
que
que
la partie exté-
»
rieuredu corps
»
dérée dans son objet et dans ses divers caractères,
social, tandis
l'association, consi-
Quelque forme que
en.
peuples em-
»
est la substance.
»
ploient pour leur gouvernement, le fond de leur as-
»
sociation doit
même
rester le
les
avoir toujours
et
le
»
même
»
la
»
considérée dans son but moral, en est la substance et
point de vue
Si le
forme extérieure du corps
ce serait de la nature
gouvernement
que
n'est
social, et si l'association,
même
de cette associa
»
le fond,
»
tion
»
comme
»
ment de
»
non plus être surpris de voir changer
»
ment selon
que l'on devrait attendre le patron de sa forme, forme
la la
»
même que
»
vêtu de la
d'un
arbre
dérive
nature de son germe.
les
Il
essentielle-
ne faudrait pas le
gouverne-
âges et les besoins de l'association, de
nous ne voyons point l'homme
même
fait
être
manière que dans son enfance»
(1).
Ces idées, exprimées à une époque de fanatisme
ré-
volutionnaire, font honneur au bon sens de Saint-Martin, et
ne seraient certainement pas désavouées par
la
phi-
losophie politique de notre temps; mais le fanatisme religieux, sous le
nom
de théocratie, prend bien vite sa
revanche.
Malgré son impartialité ou,
si l'on
veut, son indiffé-
rence pour les diverses formes de gouvernement, SaintMartin, faisant une concession aux idées démocratiques
de son temps, veut bien admettre que
(1)
Lettre sur la Révolution, p. 51 et 52.
les autorités, et
THfiOGRATlK DE SAINT-MARTIN.
127
particulièrement les assemblées issues du suffrage universel au
nom de
parfaitement
souveraineté du peuple, suffisent
la
de
l'État, c'est-à-dire
aux questions d'administration,
de police et de finances
ment
dite,
;
mais pour
pour ce qui touche à
la législation et
ménage
appelle les affaires de
à ce qu'il
propre-
la politique
la partie essentielle
du gouvernement,
il
de
faut, selon lui, des
hommes
pré-
destinés qui, pleins de son esprit, les exercent en
son
pouvoirs émanés de Dieu lui-même et des
nom de
et à sa gloire,
la société,
«
pour l'avancement moral
N'est-ce pas,
dit-il (1),
le
et spirituel
père de
fa-
»
mille qui choisit les gouvernantes et les instituteurs
»
de ses enfants, ainsi que les fermiers et les laboureurs
i
de ses terres? Et sont-ce jamais
»
institutrices, les fermiers et les
»
sissent le père de famille
les
gouvernantes,
? »
Sans une délégation d'en haut, aucune
ne peut
loi
s'expliquer; car toute loi réclamant une sanction ou
châtiment, toute
loi,
pour parler
la
trat social.
On
comme un
imposqu'elle
des articles du con-
du moins pour
soi
;
loi,
on n'accepte pas
et cela suffit
tout caractère obligatoire. D'ailleurs, ce qu'elles devraient être;
(1)
est
ne s'engage point par contrat à se laisser
punir; on accepte bien la tion,
il
résultat d'une convention,
puisse être considérée
un
langue de Saint-
Martin, devant porter sa mulcte avec elle, sible qu'elle soit le
les
laboureurs qui choi-
si,
la
puni-
pour ôter à
la loi
si les lois
étaient
rédigées sous l'inspiration
Éclair sur l'association humaine p. 33. ,
THÉOCRATIE DE SAINT-MARTIN.
428
de
la
sagesse divine par une autorité digne de
que l'expression de
d'interprète, elles n'étaient
des choses, tion pénale
il
;
lui servir
serait inutile d'y ajouter
elles porteraient
la nature
aucune
disposi-
en elles-mêmes leur sancpar
tion, et celui qui les violerait serait assez châtié
conséquences inévitables de sa faute
(1).
Parmi
les
les
peines qui sont aujourd'hui infligées aux coupables,
il
en est une surtout qui disparaîtrait dans ces conditions, parce qu'elle est inique en soi et radicalement impuis-
La peine de mort, selon Saint-Martin,
sante.
en
soi,
parce qu'une des premières règles de
est inique la justice
pénale, c'est qu'il n'est pas permis d'ôter à un criminel ce qu'il serait impossible de lui rendre, fiter
de
de mort
la punition et à rentrer est,
dans
s'il
venait à pro-
l'ordre.
La peine
de plus, radicalement impuissante, «parce
une punition, mais une des-
»
que cette peine
»
truction qui devient inutile au coupable et qui n'est
»
guère plus profitable aux méchants qui en sont
»
moins
»
nition qui n'effraye
»
rarement l'homme moral.
drait la
(2). »
—
n'est plus
«
Tuer,
dit-il ailleurs (3), est
que l'homme de matière
mieux ressusciter
et
»
Au
lieu
et
de tuer,
les té-
une pu-
amende il
vau-
environner les coupables de
lumière de leurs crimes.
Mais comment les reconnaîtrons-nous ces êtres privilégiés, ces représentants de la Providence, ou,
(1) Éclair p.
sur l'association humaine,
p.
36
;
63
et 64.
(2)
Éclair sur l'association humaine, p. 37.
(3)
Lettre sur la Révolution, p. 64.
comme
Lettre sur la Révolution,
THÉOCRATIE DE SAINT-MARTIN.
129
Saint-Martin les appelle encore, ces commissaires divins (\), qui sont appelés à régénérer la société en re-
nouvelant les
à conduire les peuples vers l'ac-
lois, et
On
complissement de leurs destinées?
les reconnaîtra
à plusieurs signes que l'auteur de la Lettre sur la ré-
volution française prend soin de nous indiquer. D'abord,
quoique semblables, par leur nature, aux autres hom1
mes
(car
il
ne s'agit pas de s'élever au-dessus de
ture humaine, mais d'y entrer, au contraire),
ils
na-
la
se dis-
tingueront d'eux par la supériorité de leurs facultés et
Le spectacle de
de leurs lumières.
l'iniquité
l'anarchie les fera souffrir davantage, et :
à un plus haut degré tice.
Ensuite,
ils
le
auront une
foi
inébranlable dans leur ils
leur énergie à la faire accepter au
Enfin,
les
éprouveront
besoin de l'ordre et de la jus-
autorité ou dans leur mission, et
même.
ils
de
et
emploieront toute
nom
peuples, croyant
de
la justice
croyant voir
en
eux leurs libérateurs, se soumettront volontairement à leur empire, courront au-devant d'eux j>
ou par leurs désirs,
»
et
«
par leurs votes
s'abandonneront à leur vo-
lonté et à leur sagesse, persuadés qu'elles attireront sur
eux
les
dons de
C'est dans cet
Saint-Martin
la
bonté et de
abandon ou
fait
sagesse divines
("2).
cet acte d'abdication
que
la
précisément consister l'exercice de
souveraineté du peuple telle qu'il la comprend.
conséquent, la souveraineté du peuple, c'est pour
même
la
Par lui la
chose que la dictature, pourvu qu'elle soitaccep-
(1) Lettre
sur la Révolution,
(2) /6td., p.
60
p.
60.
et 61. Voy. aussi p. 30.
CONSIDÉRATIONS SUR LA FRANCE.
130
tée volontairement, sinon consacrée après
coup par
le
suffrage universel. Et c'est dans cette forme irrégulière
du pouvoir absolu
de
qu'il trouve aussi la réalisation
la
vraie théocratie.
C'est le fatalisme qu'il fallait dire; car, avec de tels
principes,
il
ne
reste,
comme nous
l'avons déjà remar-
qué, aucune place à la liberté humaine, ni à celle des peuples, nia celle des individus. Les peuples sont livrés et les dictateurs sont
sans défense à leurs dictateurs,
des instruments dans la main de Dieu. Le pouvoir absolu,
dans ce système, n'apporte pas
compensation de quoi donc,
si
gouverne,
a-t-il
lui la
Pour-
les
peuples
ne se-
les rois héréditaires
pas aussi bien dans sa main que
Pourquoi leur
avec
la stabilité.
Dieu seul qui règne sur
c'est
et lui seul qui les raient-ils
de
la régularité et
même
les dictateurs?
permis d'abuser à ce point de leur
autorité, qu'il a fallu les renverser et renouveler la société
elle-même
?
Mais, au lieu de discuter cette étrange
politique, nous aimons mieux montrer tiré
le parti
qu'en a
Joseph de Maistre, en empruntant à Saint-Martin
la
plupart de ses jugements et de ses principes.
Qu'on ouvre
Considérations sur la France
les
verra, dès les premières lignes,
appréciée exactement de la Lettre de Saint-Martin
;
que
même
la
manière que dans
et à la similitude
de
la
(1)
Publiées pour
la
première
Lettre de Saint-Martin.
portant la date de 1834.
fois à
la
pensée
vient se joindre quelquefois celle de l'expression.
la
on
(1),
Révolution y est
«
Ja-
Lausanne en 1796, un an après
Nous avons sous
les
yeux
l'édition
de Lyon,
CONSIDÉRATIONS su; LA FRANCE
mais
des Considérations
la Divinité, dit l'auteur
ne s'était montrée d'une manière
événement humain.
!
:omme ,1
i
)
» 11
pense que, devant noire, qui opère
la
si
(1),
dans aucun
claire
prononce à chaque instant,
noms de miracle
Saint-Martin, les
131
et
paix et la royauté,
de magie. la
«
magie.
comme Saint-Martin, comme
dans ce moment, disparaîtrait
un brouillard devant
le soleil. »
ions l'avons fait remarquer, aperçoit dans la Révolution
ane expiation en int.
De
même )
o
o
»
idée
:
Toutes
«
les
mains du pouvoir révo-
lutionnaire; et ce monstre de puissance, ivre de sang et
de succès, phénomène épouvantable qu'on n'avait
jamais vu et que, sans doute, on ne reverra jamais, était
»
les
tout à la fois
Français et
On
le
un châtiment épouvantable pour
seul
moyen de sauver
la
France
se rappelle que, selon Saint-Martin,
la
» (2).
première
plus grande part de ces rigueurs devait atteindre
et la
clergé, parce que, au lieu de rester l'exemple de tou-
tes les vertus,
il
avait
donné
Telle est aussi l'opinion de i»
qu'un instrument de sa-
les vies, toutes les richesses, tous
pouvoirs étaient dans
les
»
le
même temps
Maistre, dans les lignes qui suivent, exprime la
saurait nier, dit-il (3),
»
d'être régénéré
»
les
;
et,
le signal
le
Ch.
(2)
Ibid.,p. 22.
(3)
Ibid., p.
i,
p. 9.
26.
«
On
ne
sacerdoce n'eût besoin
quoique je sois fort loin d'adopter le clergé,
pas moins incontestable que
(1)
décadence.
la
Joseph de Maistre.
que
déclamations vulgaires sur
» raît
de
il
ne
me
les richesses, le
paluxe
CONSIDÉRATIONS SUR LA FRANCE.
132
pente générale des esprits vers
»
et la
»
avaient
»
sible
»
au
»
précédèrent immédiatement
»
était
»
place qu'il avait
fuit
souvent de trouver sous
lieu
relâchement
le
décliner ce grand corps: qu'il était posle
camail un chevalier
d'un apôtre; et qu'enfin, dans les temps qui la
Révolution,
le clergé
descendu, à peu près autant que l'armée, de
Quand on
occupée dans l'opinion générale.
a lu, dans la Lettre à un
ami sur
la
»
la ré-
volution française, et dans Y Eclair sur l'association
humaine, que l'homme, depuis sa chute, a perdu faculté législative et se
donner carrière que dans
gouvernement des
;
les
sphères inférieures du
qu'on ne crée pas à coups de majorité
capables de durée
lois
la
que sa sagesse politique ne peut
à volonté sa constitution
;
qu'un peuple ne change pas qu'il
;
ne se donne pas et
n'exerce pas par lui-même la souveraineté, on croit re-
comme un écho
trouver
de ces paroles dans plusieurs
passages des Considérations sur la France )>
c
«
:
Nulle
grande institution ne résulte d'une délibération. Jamais
il
»
—
n'exista de nation libre qui n'eût dans sa
germes de
»
constitution naturelle des
»
ciens qu'elle, et jamais nation ne tenta efficacement
développer, par ses
lois
liberté aussi an-
fondamentales
écrites,
a
cle
»
d'autres droits que ceux qui existaient dans sa consti-
»
tution
»
dans
»
telle est
»
peut, sans doute, planter
»
le
naturelle.
la
»
—
«
L'homme peut
sphère de son activité, mais sa
loi,
au physique
comme
il
tout modifier
ne crée rien
:
au moral. L'homme
un pépin, élever un
arbre,
perfectionner par la greffe et le tailler en cent ma-
CONSIDÉRATIONS SUD LA FRANCE.
mais jamais
ne
»
nières
»
pouvoir de faire un arbre.
;
il
avait celui de faire
d qu'il
s'est
133
figuré qu'il avait le
Comment
imaginé
s'est-il
une constitution (4)?
»
On
ne peut s'empêcher de remarquer que la comparaison
môme dont se sert de Maistre a été employée, la même occasion, par Saint-Martin. A l'exemple de Saint-Martin, de Maistre admet certains cas,
pour réformer
la
Providence, dont les œuvres
la
mission
:
parle, et
« Il
il
sairement «rois ou
homme
mêmes
Seulement de
hommes
éminemment nobles
suscité par
font reconnaître
se fait obéir. »
Maistre a soin d'ajouter que dp tels
dans
fonder subitement
les lois et
une constitution, l'intervention d'un
dans
»
sont néces-
(2).
Enfin, les deux écrivains se rencontrent encore dans
comme
pensée, que Dieu règne dans l'histoire
cette
dans
la nature, qu'il est le
premier moteur,
le
premier
instigateur de toutes les institutions, de tous les pouvoirs qui ont quelque tions destinées tout
châtier,
quand
ils
s'écartent de leur but. C'est ce que
l'auteur des Soirées y>
durée, et des grandes révolu-
à la fois à les régénérer et à les
de Saint-Pétersbourg appelle
gouvernement temporel de
la
Providence.
»
Pour
le
«
lui
aussi les dépositaires de la puissance publique sont dirigés,
mais
(1) «
dans tous leurs actes, par une cause surhumaine
il
Considérations sur la France, ch.
ce chapitre dit tout
:
De
vi,
p.
81-91.
Le
titre seul
Ibid., p. 85.
AD. FRANCK.
de
l'influence divine dans les constitutions poli-
tiques. » (2)
;
soutient que les rois seuls, les rois héréditaires,
8
CONSIDÉRATIONS SUR LA FRANCE.
134
sont les ministres de la sagesse de Dieu
;
tandis que les
auteurs de révolution et les magistrats populaires ne sont que les instruments de sa vengeance placés dans les
mains du prince des ténèbres
(1).
Lui aussi,
il
fait
reposer la société sur les fondements de la théocratie
mais
la théocratie,
telle qu'il la
comprend,
;
n'est pas
cette puissance invisible, insaisissable, indéfinie, dont s'est épris a,
l'âme tendre et rêveuse de Saint-Martin
pendant plusieurs
siècles,
nations et sur les rois esprit; elle a
;
elle
a
;
régné effectivement sur
un corps
un représentant
elle
les
aussi bien qu'un
visible, qui s'appelle le
Pape.
(1)
«
Il
la distingue
y a dans la Révolution française un caractère salanique qui
de tout ce qu'on a vu.
cliap. v, p, 07.)
»
{Considérations sur
la
France,
CHAPITRE
VI
— Théosophie. — Saint-Martin — Idées de Saint-Martin sur nature — Sur — Sur nature de l'homme. — Doctrine de
Doclrinc religieuse de Saint-Martin. point panthéiste.
n'est
divine.
la
l'origine des êtres.
la
la
chute de l'homme.
Tant que Saint-Martin se borne à discuter avec ses contemporains, philosophes, savants ou publicistes, n'est
lui-même qu'un philosophe
;
car
il
comprend
il
qu'il
n'y a que la raison qui soit admise à réfuter les erreurs
de
la raison
tient
que ce n'est qu'à l'observation
;
qu'il appar-
de détrôner l'hypothèse. Bons ou mauvais, ses
arguments sont toujours construits en vue de ce double effet et
ne supposent pas une autre lumière que celle
de l'évidence naturelle; mais dès que, sortant de la discussion,
il
s'abandonne à
l'esprit qui le remplit et
ex-
pose avec suite ses propres idées, alors on ne reconnaît plus en lui qu'un initié, un révélateur de mystères, l'interprète d'une science plus qu'humaine, puisque
n'en est que
le
réceptacle, tandis que Dieu, par
l'homme une com-
munication immédiate, par une révélation permanente, en est tout à
la
fois l'objet et la
losophe disparaît devant
le
source
théosophe.
;
le
phi-
titre,
déjà
alors
Ce
très-usité avant lui dans les cercles mystiques de l'Alle-
magne, Saint-Martin semble
le
revendiquer lui-même
SAINT-MARTIN N'EST PAS PANTHÉISTE.
136
quand
écrit (1)
il
que ce
que
c'est là
On
pour
n'est pas assez
spiritualiste, qu'il désire
lui d'être
qu'on l'appelle diviniste, et
son véritable nom.
a dit que les théosophes étaient les gnostiques des
temps modernes
mesure
Cela est vrai dans une certaine
(2).
car les uns et les autres font
:
sens intérieur ou de
le
l'interprétation
même
abus du
allégorique
des
Écritures. Les uns et les autres, effaçant toute distinction entre la philosophie et la religion, s'efforcent d'ab-
sorber
christianisme dans un système préconçu de
le
métaphysique, et produisent leurs idées métaphysiques sous les expressions sacramentelles du
Les uns et
quand
les autres,
peut leur être
il
dogme
chrétien.
sans renoncer au raisonnement utile,
appellent à leur secours
tous les procédés du mysticisme, non-seulement l'expérience intérieure ou le sentiment personnel de la pré-
sence divine, mais les nombres, les symboles, et jus-
qu'aux apparitions ou personnifications matérielles des
On
idées.
Sophia.
se rappelle les
ment pour écrit à
ans
il
amours du général Gichtel avec
Saint-Martin lui-même, malgré son
ce qu'il appelle \es?nanifestations sensibles,
son ami Rirchberger (3) que depuis dix-huit connaît sensiblement la Couronne, c'est-à-dire
un des attributs de Dieu, une des sephiroth de bale, et que,
même (1)
(2)
(3)
éloigne-
manière
depuis vingt-cinq ans, la voix
Portrait historique,
de
il
la colère et la voix
n°576.
M. Moreau ; le Philosophe inconnu, Correspondance inédite, p. 213.
p,
148.
la
kab-
connaît de la
de l'amour,
SAINT-MARTIN N'EST PAS PANTHÉISTE.
137
quoiqu'il n'y ait que peu de mois qu'il les distingue l'une de l'autre (1). Mais la ressemblance qu'on veut établir entre les
deux écoles cesse d'exister dès qu'on
passe de la forme et des moyens de démonstration au
fond des choses. ser, et
Il
souverainement injuste d'accu-
est
comme on l'a fait, de panthéisme ou de manichéisme, moment de l'un et l'autre à la fois (2), toutes les
par
doctrines comprises depuis environ deux siècles sons
nom de
théosophie.
théosophie
commence
le
et
que à des systèmes bien
Bœhm
ceux de pirent,
et
serait difficile de
Il
où
elle finit
différents,
son
;
dire
nom
où
la
s'appli-
dont quelques-uns,
de Saint-Martin tout d'abord, res-
quoique sous une forme indépendante,
la
plus
tendre piété pour la religion chrétienne, et proclament sous toutes les formes la personnalité divine et la personnalité humaine.
Nous ne connaissons jusqu'à présent de Saint-Martin que
cette
partie de
ses opinions
quelque façon de rempart contre phiques
et politiques
qui
de son temps
formation de la parole et de
la
lui
:
sa théorie de la
pensée et celle de
sance et du gouvernement de la société.
nant temps que nous pénétrions dans trine, en la
servait en
préjugés philoso-
les
le
11
la nais-
est mainte-
cœur de
sa doc-
nous rendant compte de ses idées sur l'origine,
nature et les mutuels rapports des êtres en général
ou des principes sur lesquels repose son système méta-
(1)
Correspondance
(2)
Voy. M. Moreau,
inédite, p. p.
184.
213.
SAINT-MARTIN N'EST PAS PANTHÉISTE.
138
physique
et religieux.
que
En
vain le mystique allemand
pensées de Saint-Martin sont
Baader
a-t-il écrit
comme
de belles fleurs qui
les
côté des autres, sur la surface de offrir
unes à
flottent sans lien, les
l'eau (I)
sans nous
;
précisément l'enchaînementrigoureux de X Ethique
de Spinosa ou de certains systèmes philosophiques de l'Allemagne, elles se suivent avec assez d'ordre et se
répondent avec assez d'harmonie pour qu'on puisse regarder
comme
des parties indispensables d'un
les
même
tout.
Une première remarque qu'on
est conduit à faire
lorsqu'on étudie les livres de Saint-Martin, c'est que tous ou
presque tous nous représentent
l'homme, l'âme ramenée à son essence importations étrangères, et la source la plus
comme
pure de
tions, n'y sont considérées
les
Les enseignements
écritures,
les tradi-
si
l'on voulait se ser-
du langage philosophique de nos jours, que, pour
découvrir les véritables principes de
par suite, de
mencer par soit
nature
la
réellement
le voit
(1)
le
la
connaissance
des choses,
il
il
faut ?
et,
com-
Que
ce
sens qu'il faut attacher aux paroles est impossible d'en douter,
se proposer
Voy.
même
chercher dans la conscience
les
de Saint-Martin,
le
dégagée des
que comme un écho de notre
propre pensée. N'est-ce pas dire, vir
de
l'image la plus fidèle
la vérité.
que nous recevons du dehors,
et
l'esprit
pour modèle
François de Baader
et
la
quand on
méthode de Des-
Louis-Claude de Saint-Martin, par
baron Frédéric d'Osten-Sacken, in-8°; Leipzig,
1860.
SAINT-MARTIN N'EST PAS PANTHÉISTE. cartes.
11
veut, à ce qu'il nous assure, être le Descartes
la spiritualité. Si
de
Descartes nous a enseigné l'usage
de l'algèbre appliquée à la géométrie,
compatriote de ce philosophe,
lui, le
de l'homme dans
tirer »
comme
il
nous montrera,
tout.
» Il
se servira
de l'homme-
d'un instrument d'analyse universel
L'homme,
»
sacrée, suspendue au milieu des ténèbres est
u II
dit-il ailleurs (2),
comme
est
la plus vaste
pensée intérieure divine
»
même.
»
témoin universel de l'universelle vérité.
non
ait laissée sortir
hors d'elle-
envoyé pour être
est le seul être qui soit
»
le
C'est lui et
nature qu'y faut interroger sur l'essence et les
la
du Créateur
plans
du temps.»
manifestation que la
»
Il
(1).
comme une lampe
«
—
qu'on peut
le parti
cette espèce de géométrie vive
«
embrasse
et divine qui
esprit
139
(3).
Ces déclarations nous font com-
prendre l'aversion que Saint-Marlîn n'a jamais cessé de
montrer pour
les opérations
théurgiques et son éloigne-
ment, manifesté à plusieurs reprises, pour les visions de Swedenborg (h). Si la
connaissance de nous-mêmes est pour nous
plus sûr
moyen de connaître Dieu, ou
comme un
si
le
notre esprit est
miroir dans lequel se réfléchit son image,
on peut être certain que les attributs les plus essentiels
»
(I)
Ministère de ï homme-esprit, préface, p. xiv.
'2)
L'homme de
(3)
Ecce homo,
(II)
«
me
17
et suiv.
crois obligé
de dire à ceux qui
peut avancer infiniment dans
» et
»
Je
désir, p. 108. p.
même
atteindre
la
carrière des
à un rang élevé
parmi
me
liront
que l'homme
œuvres vives
les
spirituelles
ouvriers du Seigneur,
sans voir des esprits. » (Ministère de l'homme-esprit, p. 43.)
NATURE
IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA
140
DIVINE.
de notre nature, précisément ceux qui font de nous un
un
être libre,
esprit vivant,
une personne, ne feront pas
En
défaut dans la nature divine.
effet,
la meilleure, la
seule preuve de l'existence de Dieu selon Saint-Martin, celle qui
c'est
du sentiment de l'admiration
résulte
et de l'amour, du besoin permanent, universel, irrésis-
d'admirer et d'adorer, qui existe au fond de toute
tible
âme humaine. Ce
besoin, d'où viendrait-il
s'il
n'existait
au-dessus de nous une source éternelle, infinie, d'admiration et d'amour, c'est-à-dire
un être dont
les perfec-
tions répondent au doux tribut qui, des profondeurs de
monte spontanément vers lui? Or,
notre conscience,
l'adoration et l'amour,
quand on
les considère, soit
dans
celui qui les inspire, soit dans celui qui les éprouve, ne
On
n'aime pas
et
l'on n'admire pas, on n'est ni aimable ni adorable,
si
peuvent se concevoir sans
l'on ne réunit la liberté
pas
la liberté.
les attributs
d'un être
libre.
Voilà donc
même temps que
de Dieu démontrée en
son
existence, et l'une et l'autre se découvrent à nos regards,
non comme
comme un
les
fait
avec les yeux de
Ce
n'est pas
conclusions d'un raisonnement, mais
irrécusable, dès
que nous avons aperçu, propre existence.
l'esprit, notre
une
mais cinq,
fois,
preuve de l'existence de Dieu.
chacun de ses principaux rât,
dans sa Lettre sur
six fois,
de ses lecteurs
Martin appelle l'attention
écrits
la
ïl :
la
que
Saint-
sur cette
développe dans
dans sa Lettre à Ga-
révolution
française,
clans
YEcce homo, dans Y Esprit des
choses, dans le Ministèrt
de i'homme-esprit ,
il
et
jamais
ne manque d'appuyei
IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DIVINE.
avec force sur la liberté divine. Le
nom
sous lequel
désigne habituellement la Divinité est celui de
—
141
a
il
cause
L'Éternel, dit-il clans un
»
active et intelligente.
»
de ses plus beaux livres (1), l'Éternel adonné à l'homme
»
«
pouvoir sublime de créer en
» le
soi la vertu,
parce que
que chacune de ses productions
»
l'Éternel a voulu
»
testât qu'il est le créateur.
L'homme
»
at-
vertueux, cause
volontaire de ses actions et créant en quelque sorte en
lui-même, avec la conscience de son pouvoir, non-seulement ses actions, mais la volonté ce pas le type le plus accompli liberté
même du bien,
qu'on puisse
offrir
n'est-
de la
de Dieu? Ajoutons que Saint Martin, dans une
démonstration qu'il essaye de donner de la Trinité, se garde bien d'établir,
comme
les
gnostiques et les phi-
losophes d'Alexandrie, un certain ordre de succession entre les trois personnes divines, mais
unies dans
une essence
et
il
nous
les
montre
dans une œuvre indivisible.
Dieu, selon lui, qui est la source de toute pensée, ne
peut être étranger à la contemplation de lui-même
;
il
ne peut se contempler sans s'aimer; son amour, éternel
comme nelle
génération
publié
der
sa substance, ne peut se concevoir sans une éter-
comme
(1)
Enfin, dans son dernier ouvrage celui qu'on peut regar-
son testament philosophique et religieux,
nous représente la terre et
(2)
(2).
deux ans avant sa mort,
le
il
Verbe descendant volontairement sur
revêtant par
un
L'homme de désir, p. 68. De 1'espril des choses, t. \,
acte
p. 32.
d'amour tous
les attri-
IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DIVINE,
142
buts de la nature humaine, afin de relever et de régénérer
l'
humanité déchue. Jamais Saint-Martin n'a
varié
sur ce point capital.
D'où vient donc
souvent accusé de pan-
qu'il a été si
1
théisme, c'est-à-dire d'un système absolument incompatible avec la liberté, soit en Dieu, soit dans
l'homme?
Cela tient à ce que, trop fidèle au souvenir de son pre-
mier maître, Martinez Pasqualis, cilier le
ensemble
il
s'est flatté
de con-
de l'émanation,
la liberté divine et l'idée
principe du christianisme et celui de la kabbale. Tout
en se servant quelquefois du mot créer et du
nom
de
créateur consacrés par l'exemple de l'Écriture sainte, Saint-Martin, lorsqu'il explique la formation des
quand
parle de la naissance de
il
l'homme
et
êtres,,
de l'univers,
manque rarement de dire qu'ils sont émanés de Dieu., En voici quelques exemples choisis à dessein dans plusieurs de ses
œuvres
«
:
Le principe suprême, source
»
de toutes
»
pensée dans l'homme,
»
les
»
nécessaire à tous les êtres,
»
tions
œuvres
,
puissances, soit de celles qui vivifient soit
visibles de la nature matérielle
(1)
»
—
il
leur
Tableau naturel des rapports,
le
les-
principe de;
donne par
là
un
»
(1).
143
Tu
procédais de
lui, lu étais
de sa pensée, tu étais un Dieu pensé, un
Dieu voulu, un Dieu parlé, tu n'étais rien tant qu'il
|)
ne laissait pas sortir de
j)
sa parole
)
(2). »
—
sans aucun doute
)
prime de cette façon,
:omme .ache
le
pensée, sa volonté et
un
être réel et qui tient
es
(3). »
ce
Matter, parce que sa
VI.
lui sa
rang
le
émanées
les réalités
>
Tu
«
le
distingué parmi
plus
Quand
Saint-Martin s'ex-
n'est pas,
plume a
comme
l'affirme
trahi sa pensée, ni,
suppose M. d'Osten-Sackem parce
qu'il n'at-
aux mots émaner, émanation, aucun sens
défini,
î'est
parce qu'il repousse absolument l'idée de la créa-
;ion
ex nihilo, et qu'il ne peut pas comprendre, Dieu
Haut l'unique principe de l'existence, que tous les êtres îe
soient pas formés de la substance divine. Voici,
au reste, quelques fragments
es plus importants, qui >njet. I
On
)
|i>
>
|
'
de ses écrits
ne pourra pas nous reprocher d'abuser des
Citations; car
en pareille matière, ce sont les meilleures
[breuves qu'on puisse fournir. ,
tirés
ne permettent aucun doute à ce
Martin dans
le
«L'éternité, dit Saint-
Ministère de V homme-esprit
(h), l'é-
comme
étant le
ternité ou ce qui est doit se regarder
fond de toutes choses. Les êtres ne sont que les cadres, les
(2)
Œuvres posthumes, t. I, p. 244-245. Le nouvel homme, p. 127.
(S)
Ibid., p.
(4)
P. 84.
(1)
14
t.
comme
vases ou les enveloppes actives où cette
IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DIVINE.
144 »
essence vive et vraie vient se renfermer, pour se raa-
parleur moyen.
» nifester
»
Cette assimilation des êtres
des vases qui contiennent et qui trans-
particuliers à
mettent la substance éternelle, est une idée kabbalistique, qui ne peut avoir été suggérée
même
Pasqualis. Nous retrouvons le
que par Martinez
esprit et le
même
langage dans un passage non moins remarquable du
Nouvel homme. Après avoir essayé de montrer que le dernier résultat de la régénération du monde est d'effacer
temps
le
aujourd'hui,
appelle
prenne
de faire disparaître cette image qu'on
et
nom
le
afin
que tout ce qui
existe re-
universel de Y Ancien des jours, l'auteur
mystique continue en ces termes
(1)
:
«Car
c'est ce
»
nom que
»
tion matérielle; et c'est ce
»
à porter, de nouveau lorsque l'œuvre sera accomplie,
toutes choses ont porté avant la corporisa-
»
afin
que
»
lois
subdivises,
même nom
l'unité soit toute en tout,
comme
celles
qui
qu'elles tendent
non plus par des constituent, gou-
»
vernent, engendrent et détruisent la nature, mais par
»
une plénitude d'action qui se développe sans cesse,
»
et
»
résistances.
sans l'affligeant accident des contractions et des
Pour qui il
n'y pas
s'est
la
accoutumé à
un mot dans ces
tion précise.
nent
»
la
langue de Saint-Martin,
lignes qui n'ait
V Ancien des jours,
les kabbalistes à la
c'est le
une
don-
subslance divine sous sa forme
plus élevée ou à la première des séphiroth.
(1) P. 68.
significa-
nom que
Dire que
IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DIVINE.
ce
nom
dans l'origine porté par toutes choses
était
que toutes
145
le
reprendront à la
et
des temps, c'est ad-
fin
mettre que tous les êtres sont sortis du sein de Dieu et
que tous doivent y rentrer. C'est la même idée que nous trouvons exprimée ailleurs (1), sous une autre forme, lorsque, à la place de la fameuse proposition de Male-
branche, «nous voyons tout en Dieu drait qu'on lût êtres
:
«
»
Saint-Martin vou-
nous voyons Dieu dans
tout.
que nous apercevons aujourd'hui dans
Si les
»
la nature,
sous les attributs de la matière, ont déjà existé avant leur corporisation,
il
est évident
qu'une forme inférieure, et
que
comme
les
corps ne sont
Saint-Martin
le dit
expressément, qu'une contraction de la substance universelle. lité
qui
elle
En
lui
effet, la
matière, selon
appartienne en propre
lui, n'a et,
aucune qua-
par conséquent,
ne forme point une existence distincte;
elle n'est
qu'une image ou une apparence sensible, produite par des puissances que nos sens ne peuvent saisir et qui
émanent à leur tour d'une puissance plus générale, d'un esprit doué de vertus supérieures.
«
Si les doctes
»
anciens et modernes,
»
Aristote, jusqu'aux
»
su faire attention que la matière n'est qu'une repré-
»
sentation et une
»
se seraient pas tant tourmentés ni tant égarés
»
vouloir nous dire ce qu'elle était. Elle est cornue le
Newton
Ibid., p. 82.
AD.
FRANCK.
et
aux Spinoza, avaient
image de ce qui
(1) Ministère de V homme-esprit, (2)
depuis les Platon, les
dit-il (*2),
p.
402.
n'est pas elle, ils
ne
pour
IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DIVINE.
Ii6
faut absolument
»
portrait d'une personne absente;
»
connaître le modèle pour pouvoir s'assurer de la res-
»
semblance.
il
»
Ce n'est pas seulement de son premier maître que SaintMartin tient cette doctrine; a été
comme
Bœlim. Mais stituer,
il
y a été poussé aussi,
il
en
enivré par la lecture des écrits de Jacob le
théosophe allemand
ou pour mieux
lui
a appris à sub-
langage de
dire, à ajouter le
l'alchimie à celui de la kabbale.
Il
donne le nom de tein-
ture divine à ce que Martinez Pasqualis appelait Y An-
nombreux
cien des jours (1), et aux esprits déjà assez et assez variés
du
sel,
du panthéon
du soufre
formes de
nature,
la
oriental,
du mercure,
et
et les
il
joint les esprits
les sept
puissances ou
substances spiritueitses,
agents intermédiaires entre les substances spirituelles, c'est-à-dire les forces intelligentes, et la matière propre-
ment
dite (2).
Par quels
artifices
de combinaison, à
faveur de
la
quelles illusions de l'imagination ou du sentiment,
le
principe de l'émancipation a-t-il pu subsister, dans un et aussi
esprit aussi élevé
avec bilité
les idées
religieux
que Saint-Martin,
de liberté, de providence, de responsa-
morale, d'amour, de sacrifice, de chute, de réha-
bilitation?
La réponse à
cette question,
(1)
Ministère de Vhomme-esprit, p. 432.
(2)
«
Ce n'est point
» de son action, ou
si
la
matière qui est divisible à
l'on veut, les
» peut appeler l'esprit
l'honmie-esprit, p. 79).
de
la
nous allons
l'infini
?
la
c'est la base
puissances spiritueuses de ce qu'on
matière ou l'esprit astral
»
(Ministère de
IDÉES DE SAINT-MARTIN SIR LA NATURE DIVINE.
147
demander à Saint-Martin lui-même en rassemblant
et
en rapprochant les uns des autres tous les éléments de
son système.
Nous savons déjà ce qu'est pour quand on essaye de
la considérer, à part
dans son essence indivisible
pour
un
est
lui,
lui la
esprit,
et
nature divine,
de
la création,
incommunicable. Dieu,
une intelligence vivante
(1),
source et modèle de la nôtre; par conséquent, la con-
manque
science ne lui
quels
il
pas.
Des
trois attributs
comme
le
première raison des choses,
la
nous est impossible de
premier principe
la
et
sans les-
le
concevoir
puissance, l'intelligence et l'amour,
n'y en a pas un
il
qui soit plus ancien ou plus récent que les autres;
en a pas un dont successives
;
les
mais
il
n'y
deux autres soient des émanations
les trois ont existé et existeront si-
multanément de toute
éternité. Voilà ce
appelle les essences intégrales (2)
,
que Saint-Martin
c'est-à-dire
que dans
leur union Dieu se possède tout entier sans diminution ni accroissement. Et cependant,
comme
ces attributs
divins, sous peine de ne pas être, sont toujours en action,
on peut dire que Dieu se crée lui-même éternelle-
ment, en exerçant sur lui-même sa pensée^ sa puissance et
son amour, ou que la conscience divine est
et le
témoin d'une génération éternelle
théâtre
(3).
Mais Dieu ne pouvait renfermer son amour le
le
infini
dans
sanctuaire impénétrable de son unité, ni borner sa (1)
Ecce homo.
(2)
De
l'esprit des choses.
(3) Id., ibid.; Ministère
de l'lwmme-csprit,p.
(58.
IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR L'ORIGINE DES ÊTRES.
148
toute-puissance à l'œuvre de sa propre génération
donc produit d'autres
êtres,
il
;
il
a
a donc mis au jour l'œuvre
de la création, qui, semblable à une succession de miroirs
ou d'images,
contempler
lui
renvoie à
l'infini et lui
permet de
sublimes de sa propre existence.
les traits
«
On
»
amour, n'a dû, en se produisant à lui-même ces ima-
»
ges,
sent, ajoute Saint-Martin,
les
extraire
que
même
»
quoique, par cela
distinctes, elles n'aient point le
»
les essences intégrales
»
être susceptibles d'être
»
des propriétés de leur source et
»
fruits
En
principe qui est
que des essences de son amour,
»
(1). »
le
;
qu'elles en sont extraites et
même
caractère que
mais on sent qu'elles devaient
imprégnées continuellement lui
en représenter les
d'autres termes, les êtres créés, de
même que les attributs dont nous parlions tout à l'heure, de même que les personnes de la Trinité, sont formés de l'essence divine. Seulement, au lieu de nous représenter cette essence
que des
dans ses proportions
extraits
infinies, ils n'en sont
de plus en plus réduits, mais toujours
susceptibles, par une
communication nouvelle avec leur
principe, d'un accroissement de fécondité et d'énergie. C'est ainsi que Saint-Martin s'efforce de mettre d'ac-
cord
le
principe de l'unité de substance avec la diversité
des êtres et la distinction essentielle de l'univers et de Dieu. Mais
comment concevoir que des
extraits de la
substance divine cessent de faire partie de cette substance? D'un autre côté, l'on ajoute que la création,
(I)
De
l'esprit des choses, p.
33
et
3i
IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR L'ORIGINE DES ÊTRES.
149
quoiqu'elle suppose nécessairement et apporte avec elle l'idée
du temps,
doit être considérée
comme un comComment
mentaire et une continuation de l'éternité (1). la continuation
de l'éternité peut-elle se
présenter à
comme une chose différente de même? Empruntée à Bœhm, qui lui-même,
notre esprit
l'atteste à
chaque instant son langage,
les
ainsi
que
la devait
grande partie aux inspirations de l'alchimie,
du théosophe français présente donc
l'éternité
en
la doctrine
mêmes inconvé-
nients que celle de l'émanation acceptée dans toute sa
rigueur et n'est pas moins création
Au dé
comme on
reste,
une
difficile
à comprendre que la
l'entend généralement.
fois
qu'on a franchi ce sombre passage,
la solitude divine à la
naissance des êtres, dans le-
quel bien d'autres se sont perdus et se perdront encore,
on voit
même fait la
succéder et s'enchaîner de la
les existences se
manière que dans
les
systèmes dont l'émanation
base commune. Elles nous offrent toutes ensemble
une atténuation graduelle de elles sont sorties
esprit, elles
;
et
comme
la
substance divine d'où
cette substance est
ne sauraient être d'une autre nature.
Il
pur n'y
a donc dans la création entière, au moins telle qu'elle a existé d'abord,
que des
esprits,
véritables miroirs,
roirs vivants et actifs, qui se renvoient les
tres l'image
du créateur de plus en plus
mi-
uns aux aueffacée ou de
plus en plus brillante, selon qu'on descend du premier
au dernier ou qu'on remonte du dernier au premier (1) Ministère
(2)
De
de l'homme-esprit, p. 84,
l'esprit des choses, p.
35
et
150.
§ 2.
('!).
IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR L'ORIGINE DES ÊTRES.
150
Dans
cette chaîne universelle
on distingue quatre an-
neaux principaux, qui se suivent dans l'ordre que
lame de l'homme, que
1°
voici
nomme
Saint-Martin
aussi
quelquefois la racine ou la base de notre être; 2° telligence de
l'homme, ou
l'esprit
nature, ou l'esprit de l'univers
De
matière.
proprement U° les
;
:
l'in-
dit; 3° la
éléments ou
la
quatre mondes reconnus par Saint-
là les
Martin, à l'exemple, sans doute, de sqn maître Pasqualis,
fidèle
monde monde
lui-même aux traditions de
divin, formé par les spirituel,
formé par
le
kabbale
monde
le
:
essences intégrales;
le
réunion de l'âme et de
que des existences semblables à
l'intelligence, ainsi
de l'homme;
la
la
celles
naturel, représenté par la na-
ture elle-même, ou cette force sensible et intelligente qui, selon Saint-Martin,
pour en entretenir c'est ce
que
les
le
est
répandue dans l'univers
mouvement,
la vie et
l'harmonie
philosophes d'Alexandrie, peu connus
de Saint-Martin et de ses maîtres, désignent sous
nom
d'
:
àme du'monde.
sont compris dans le à proprement parler,
le
Enfin, la matière, les éléments
monde physique ou
astral, qui,
un monde, mais une
n'est pas
ombre, un fantôme, un accident,
le
résidu d'une décom-
position produite, par la faute de l'homme, dans la na-
ture primitive (1). « »
L'âme humaine,
divin universel (1)
p.
»
,
dit Saint-Martin (2), est
et
cependant
Ministère de l'homme-esprit, p. 29
il
;
De
un
extrait
ne la fait consister l'esprit des choses,
206
et suiv.
(2)
Ministère de l'homme-esprit, p. 413, § 3.
t.
I,
IDÉES
SAINT-MARTIN SUR L'ORIGINE DES ÊTRES.
Pi;
que dans une seule faculté, se confond
pour
dans son esprit avec
lui, c'est le
fond
même
Mais
le désir.
comme nous
et,
151
qui à son tour
la volonté,
le désir,
le disions
plus haut, la racine de notre être. C'est par le désir que
Dieu est tout d'abord entré en nous puissance de retourner en
la
la similitude
;
car le désir étant
de leurs natures, éprouvent
d'être unies, est nécessairement en
l'homme. Le désir de l'homme, tant
corrompu,
que nous avons
c'est le
le
deux existences qui, à cause
résultat de la séparation de
de
lui
et
développement
pas été
qu'il n'a
même
besoin
le
comme dans
Dieu
des propriétés
divines qui sont en nous, et le désir de Dieu, c'est la
communication de ces propriétés,
c'est l'infiltration
cette sève merveilleuse sans laquelle la nature
retombe sur elle-même aride
et desséchée. Voilà
de
humaine pourquoi
Saint-Martin définit l'homme un désir de Dieu (1) et
comme
nous montre,
la
nous puissions aspirer, la
plus haute dignité à laquelle
celle
d'homme de
peinture de cet état qu'il a consacré
ses ouvrages (2), celui
où
désir. C'est à
le
plus beau de
sentiment mystique sous
le
forme d'hymnes, de méditations, de prières, éclate avec
une éloquence naturelle, pleine de grâce Si
l'homme, quand on
nous apparaît sente par
(2)
le
de simplité.
considère dans son âme,
désir de Dieu,
il
nous repré-
son intelligence une pensée de Dieu
l'intelligence
(1)
comme un
et
ne vient qu'après
le désir,
De l'esprit des choses, t. H, p. 89. L'homme de désir, Lyon, 1700, un
vol. in-8°.
;
mais
parce qu'il faut
IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DE L'HOMME.
152
que l'homme
existe avant de penser
;
parce que
l'intelli-
gence n'est qu'une manifestation ou un épanouissement de l'âme, ou ce qui est parce que
tin,
du lit
De
désir (1).
môme
la
l'idée n'est
que
là ces paroles
chose pour Saint-Mar-
le
signe et l'expression
presque sibyllines qu'on
au début du Ministère de F homme-esprit
(2)
:
«
La
»
porte par où Dieu sort de lui-même est la porte par où
»
il
»
humaine
entre dans l'âme humaine.
La porte par où l'âme
sort d'elle-même est la porte
par où
elle
»
entre dans l'intelligence.» Saint-Martin a consacré un
»
livre entier (3) à la
tion »
«
:
démonstration de cette proposi-
L'âme de l'homme
est
une pensée du Dieu des
êtres », et l'on en a conclu que, à l'exemple des gnos-
tiques, des philosophes de l'école d'Alexandrie et des
mystiques
plus exagérés,
les
humaine dans mière que
la
il
avait absorbé la nature
nature divine, ne considérant
comme une
la
pre-
manifestation passive de la se-
conde. C'est une accusation contre laquelle Saint-Martin
semble avoir pris soin
l'homme
est
de protester d'avance. Oui,
une pensée de Dieu, mais une pensée
active (h), c'est-à-dire qui est capable d'agir par elle-
même, de elle est
un
se réunir à la source dont elle
nous, sous tincte,
(1)
émane, dont
comme le désir qui se transforme en nom de volonté, en une puissance dis-
extrait, le
instrument de notre perfectionnement
Le Crocodile,
p.
346
et suiv.
(2) P. 50. (3)
Le nouvel homme, in-8°,
(4)
Ecce homo,
p.
17
et
18.
Paris, an IV (1796).
et
de notre
IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DE L'HOMME.
153
déchéance. La puissance libre de notre être (c'est l'expression qu'emploie Saint-Martin) étant fragile de sa nature, ce n'est qu'à elle qu'il faut nous en prendre de
nos illusions et de nos fautes (1). »
dit-il ailleurs (2),
»
Seigneur,
il
«
Ce
n'est point assez,
de ne pas douter de
la
puissance du
faut encore ne pas douter de la tienne.
donné une, puisqu'il
donné un nom
»
Car
»
et
»
laisse
»
Dieu, puisqu'il a voulu te laisser quelque chose à
»
faire. »
il
il
t'en a
t'a
ne demande pas mieux que tu t'en serves. Ne
donc point l'œuvre entière à
la
charge de ton
Enfin l'homme, selon Saint-Martin, n'est pas
seulement un désir ou une volonté de Dieu, une pensée de Dieu
et,
comme
il
l'appelle aussi quelquefois,
parole de Dieu, une parole active dans sa mesure
Dieu dans
de
les proportions
l'infini
(3)
;
il
une
comme à pro-
est,
prement parler, non pas Dieu, mais un Dieu, un Dieu engendré par
la
pensée
et la parole éternelle,
pensé, un Dieu parlé, un Dieu opéré créé et le Dieu créant
il
(II).
un Dieu
Entre
le
Dieu
y a un rapport de similitude,
d'attraction mutuelle et de coopération, jamais d'iden-
Les paroles suivantes nous en fourniront
tité.
une
preuve irrécusable.
Homme, homme, où
«
»
trouver une destinée qui sur-
passe la tienne, puisque tu es appelé à fraterniser Ecce homo,
(1)
(3)
dans
ta
mesure comme Dieu
(Ministère de (4)
p. 3G.
L'homme de désir, p. 15. « El loi, homme, tu es destiné
(2)
l'
homme-esprit,
Le premier homme,
à être éternellement parole active
est éternellement actif dans l'universalité. »
p.
p.
455.)
29. 9.
IDÉES DE SAINT-MARTIN SUR LA NATURE DE L'HOMME.
154 »
avec ton Dieu et à travailler de concert avec
»
dresse), alors
»
cesserai d'être
»
connaîtrons mutuellement pour esprits, et tu ne crain-
»
dras plus de
»
mercer avec moi
lui (1)
?»
Alors (c'est à Dieu que cette invocation s'a-
«
devenu
t'
un étranger pour
toi
tu es esprit, je ;
nous nous
approcher de moi, de frayer
dans
et
re-
de com-
(2). »
De môme que Dieu se réfléchit
comme
esprit,
se réfléchit
la nature;
dans l'homme, l'homme
car
il
ne faut pas oublier
que, dans les idées de Saint-Martin, la nature est autre
chose que la matière. La nature est un esprit, l'esprit
de l'univers, dont corps.
La nature
leur, tandis
que
la
matière et les éléments sont
est sensible, capable la
matière ne sent rien. La nature n'est
pas seulement active, vivante et sensible source de toute activité, de toute lité
dans
la création (3).
Sur
vie,
elle est la
;
de toute sensibi-
la nature ainsi
l'homme régnait d'abord en souverain
elle
;
comprise était son
miroir et son apanage tant qu'il est resté lui-même
miroir et l'apanage de Dieu. La puissance qu'il lui sait subir et les vertus qu'il elle les lui rendait
pour
lui
visible
qu'il exerçait sur elle et sur l'univers
est
le
fai-
développait dans son sein,
en formes et en couleurs,
donner un témoignage
L'homme
le
de peine et de dou-
de
la
comme
domination
(/i).
tombé de ce rang sublime, comme
(1)
Vhomme
(2)
Ministère de l'homme-esprit,
(3)
Ministère de V homme-esprit, ch.
(à)
De
l'at-
de désir, p. 15.
l'esprit des choses, p.
37.
p.
45':. er 1
;
De
l'esprit des choses, p. 37.
DOCTRINE DE LA CHUTE,
souvenirs qui
testent à la fois les
lui
155
sont restés de sa
première splendeur et l'abjection de sa condition présente, l'immensité de ses désirs et les bornes étroites
de sa puissance, sa soif insatiable de vérité et son invincible ignorance,
même lui
les passions qui
l'arment contre
lui-
et contre ses semblables, la lutte qui existe entre
et
les
éléments ou
chute de l'homme,
dogme
c'est
;
un
les forces
de
la
pour Saint-Martin,
nature.
La
n'est pas
un
démontré par l'observation
fait
et
qui ne réclame, pour se faire reconnaître, que la seule autorité de l'évidence.
Les hommes pourraient-ils nier
«
dégradation de leur espèce quand
voient qu'ils
»
la
»
ne peuvent exister, vivre, agir, penser, qu'en com-
»
battant une résistance
»
de
?
ils
Notre sang a à se défendre
des éléments; notre esprit, de celle
la résistance
»
du
cloute et des ténèbres
»
de
celle des faux l'inertie
de l'ignorance; notre cœur,
penchants; tout notre corps, de celle
Non, l'homme n'est pas dans
me-
»
de
»
sures qui lui seraient propres
»
une altération. Ce n'est pas parce que cette proposi-
»
tion est
»
pas parce que cette idée est répandue chez tous les
»
peuples; c'est parce que l'homme cherche partout un
»
lieu
»
conquérir toutes les sciences, et jusqu'à celle del'in-
»
fini,
»
mieux
dans
les livres
que
;
il
est
les
évidemment dans
je dis cela
de
lui
de repos pour son esprit; c'est parce
;
ce n'est
qu'il
veut
quoiqu'elle lui échappe sans cesse, et qu'il aime la défigurer et
l'accommoder à ses ténébreuses
»
conceptions que de se passer d'elle; c'est parce que,
»
pendant son existence passagère sur cette
terre,
il
DOCTIUNE DE LA CHUTE.
156
comme comme une
»
semble n'être au milieu de ses semblables que
w
un
»
brebis au milieu des lions voraces
au milieu des brebis ou
lion vorace
c'est
;
parce que
»
parmi ce grand nombre d'hommes, à peine en
»
un qui
»
victime ou
le
bourreau de son frère
Ce tableau, quoiqu'un peu chargé que pas d'éloquence de
s'agit
est-il
pour autre chose que pour être
se réveille
;
mais
il
(1).
peut-être, ne
man-
quand
faut être hardi,
la corruption originelle
la
»
il
du genre humain, pour
substituer le témoignage de la raison et de l'expérience
à l'empire de la tradition et à l'autorité du dogme. En
admettant tous
les faits
qu'on vient d'énumérer et en
ramenant à des proportions plus exactes,
possible d'en faire sortir une autre conclusion
exemple, elle
la thèse
les
pas
n'est-il
Par
?
de la perfectibilité ne s'en prévaudrait-
pas aussi bien que celle de la déchéance
Martin, qui voit partout la résistance, ne
?
Saint-
comprend pas
qu'on puisse en opposer une à la force de ses argu-
ments,
et
il
ne craint pas d'écrire
ganisé pour ne pas s'y rendre
mant
la
qu'il faut être désor-
(2).
Au
de l'ordre naturel,
il
lui ôte
ce qu'elle a de plus mysté-
rieux et de plus terrible aux yeux de la
malheur
et
(1)
Ministère de V homme-esprit, p. 13 et 14.
(2)
«
Ne retraçons
point
ici
l'esprit
Il
toutes les démonstrations
humain
nier celte dégradation. » (Ecce (3)
foi.
non pas un crime. Nous avons,
» de la dégradation de »
reste, en affir-
corruption de notre race par des raisons tirées
;
homo,
Ministère de ï homme-esprit, p. 24.
il
faut être
p. 33.)
en
fait
dit-il
déjà
un
(3),
données
désorganisé pour
DOCTRINE DE LA CHUTE.
157
»
des regrets au sujet de notre
»
mais nous n'avons point de remords sur
»
mitive, parce
»
nous sommes privés, mais nous ne sommes pas punis
»
comme
le
triste situation ici-bas, la faute pri-
que nous n'en sommes point coupables;
coupable même.
Semblables aux enfants
»
d'un illustre criminel, nous partageons la disgrâce de notre père, nous subissons, au moins pour un temps, les
conséquences de sa chute sans avoir participé à sa
faute.
Quelle est donc cette faute
une
suite
innombrable
Qu'est-ce qui a
pu
humain dans une
si
de
cruellement expiée par
générations
innocentes?
entraîner au mal le père
situation
où
il
n'avait pas
du genre
même
pour
excuse,
comme dans
le
du
défendu?
l'imagination pure, une sorte de
fruit
Ici
roman antédiluvien la
Paradis terrestre,
la tentation
vient se mêler aux spéculations de
métaphysique. Le premier péché du premier
ce n'est pas l'orgueil,
comme on
c'est la légèreté, c'est la faiblesse.
deur du monde la créature
où
visible,
homme,
pense généralement,
le
Éblouie par la splen-
elle était
destinée à régner,
humaine, à peine appelée à
l'existence,
blie les perfections ineffables de la nature divine
ou-
dans
la
contemplation des merveilles de l'univers, qui n'en sont
que l'ombre effacée
(1). L'orgueil
ne vint que plus tard,
sous les instigations d'une puissance tombée avant
par
même
lui,
descendue plus bas.
tombée de plus haut
et
Le démon, dans
mysticisme panthéiste de l'Orient,
(1)
De
le
l'esprit des choses,
t.
I,
là
p.
5G
et 57.
DOCTRINE DE
158
dans
le
gnosticisme et dans
CHl'TE.
I.A
la
kabbale, n'est pas autre
chose que la personnification d'une idée;
c'est-à-dire la matière,
Jacob
Bœhm
représente
de l'existence, ou Yécorce de la créa-
la dernière limite tion,
il
semble
le
unique source du mal.
concevoir
comme
principe de
le
toute délimitation et de toute distinction entre les êtres,
comme
le
personnel.
type de l'individualité et de tout sentiment n'est guère possible, en effet, de découvrir
Il
un autre sens dans sophe allemand »
lui tout se
:
«
notre
un
du théo-
Le diable est le sel de la nature, sans
changerait bien vite en une fade bouillie.»
Pour Saint-Martin, réelle,
cette étrange proposition
le
démon
paraît être
une existence
esprit malfaisant sans cesse occupé à assiéger
âme pour y
faire entrer l'orgueil qui le dévore,
les germes de toute erreur, pour y développer tous les instincts pervers, et dont nous nous dé-
pour y semer
fions d'autant
moins, que son premier
artifice consiste
à nous persuader qu'il n'existe pas. D'où vient cet implacable ennemi
de Dieu et du genre humain, h qui
Saint-Martin adresse par
apostrophes
l'homme avant sa
comme
moments de
Pourquoi,
(1)?
révolte,
ayant
comme
il
Ibid., p.
134.
la
génération des
Dieu
et
l'assure
('2),
s'emparer de
cherche constamment à s'emparer
(1) Voy. particulièrement, Ministère (2)
supérieur à
comme Saint-Martin nous
e3t d'avoir voulu se substituer à
sa pensée,
de
foudroyantes
pas été compris
n'a-t-il
clans le plan général
lui
êtres? Son crime,
si
été
de V homme-esprit,
p.
184.
DOf.TRÏNE DE LA
de
la nôtre.
«
L'ange rebelle,
159
f.Hl 'TE.
dit-il
égaré en
s'est
(1),
»
montant, l'homme en descendant. Le premier a voulu
»
usurper un bien qu'on ne
)>
s'est laissé aller à
Mais comment, lettre
un
puisque
morte sans
la
le
second
le bien. »
n'est
qu'une
comment com-
l'esprit,
folle tentative
;
pas
révélation
la
lumière de
prendre qu'une aussi
donnait pas
lui
attrait qui n'était
pu séduire
ait
l'in-
telligence la plus accomplie après l'intelligence divine et sa plus fidèle
image
Saint-Martin, comme
?
est facile de
il
le
concevoir, est
moins soucieux de se rendre compte de la nature et de l'origine
quer
la
du démon, que de
se servir
de
pour expli-
lui
chute de l'homme. C'est donc lui qui a achevé
par l'orgueil
la
commencée
ruine de notre premier père
par sa propre faiblesse. Voici quelles en furent les conséquences.
L'homme, dans son lui-môme
comme
état d'innocence,
se
suffisait
appartiennent à sa nature étaient renfermées en
d'une manière indivisible s'engendrer lui-même par divin modèle.
Il
à
son Créateur; toutes les facultés qui
était,
il
;
la seule
pour
me
contemplation de son
servir d'une expression
de Saint-Martin, un hermaphrodite spirituel lui valut d'être divisé
lui
pouvait se reproduire ou
(2).
Sa faute
en deux moitiés qui se distinguent,
non-seulement par leur enveloppe extérieure, mais par
(1)
De
l'esprit des choses,
t.
(2)
De
l'esprit des choses,
p.
48.
II, p.
C5.
Il
est curieux
de voir Saint-Martin
chercher les preuves de cet hermaphrodisme primitif dans tion
physique des deux sexes.
la
conforma-
DOCTRINE DE LA CHUTE.
160 les dispositions
dont
prit, et
dans
le
de leur âme, par
la faiblesse
les
dons de leur es-
ne peut trouver de remède que
mariage, parce que
le
mariage, ramené a sa
véritable destination, a pour but de rediviniser la na-
ture les
humaine en réunissant
deux
les facultés réparties entre
sexes, l'intelligence et l'admiration étant sur-
tout le partage de l'homme, l'adoration et l'amour celui
de
femme (1). L'homme dans son la
état d'innocence
ne trouvait au-
tour de lui et à la place du corps dans lequel
gémit
il
actuellement, que des formes harmonieuses en rapport
avec sa propre pensée
et
des forces vives toujours prêtes
à lui obéir. La force et la résistance, ces deux principes actifs,
dont la réunion a donné naissance à tous
êtres finis tant matériels
que
dont
spirituels, et
accompli repose dans la nature divine; %
le
la force
les
type
ou
puissance d'expansion, d'où émanent les formes et
la
les
propriétés des choses, la résistance ou la puissance de
concentration, qui constitue leur substance, se trouvaient toujours en équilibre parfait, aussi bien dans le
monde la
extérieur que dans la conscience humaine. Après
première faute,
cet
équilibre a été
brusquement
rompu. La force ayant diminué, parce que l'homme, depuis qu'il
s'était
séparé de Dieu, cessait de la puiser
à sa source, la résistance a eu partout l'avantage, et sa supériorité a eu pour eilet l'altération, on pourrait dire
l'épaississement, la concrétion simultanée de notre àme,
(1)
Ministère de V homme-esprit, p. 25.
DOCTRINE DE LA CHUTE.
monde physique
de notre corps et de la substance du
en général ciel
(1).
ICI
Notre âme, cessant de rayonner vers
le
renouveler à chaque instant tout son être,
et d'y
s'est affaissée
en quelque sorte sur elle-même, en proie
à toutes les contradictions, à tous les désordres intérieurs
que nous avons déjà signalés. Sa maladie peut
comparer
à
une transpiration arrêtée
ayant perdu son ginelle, et la
('2).
se
Notre corps
élasticité, sa souplesse, sa vitalité ori-
échappant pour
ainsi dire,
par son poids à
puissance de notre volonté, est devenu pour
nous
une chaîne, une prison, quelquefois un maître, après avoir été notre docile esclave.
éléments dont
dans
la
il
est
en a été de
Il
formé et de
des
composition des autres corps. Voyez, par exem-
ple, ce globe qui sert
notre corps à notre
comme
de prison à notre corps,
âme
;
pénitence,
lieu d'exil et de
dans
comment ne pas
les substances cristallisées qu'il
de toute part,
la
comme
ce globe qui nous a été assigné
reconnaître, dans les masses rocheuses dont rissé et
même
la matière qui entre
il
est
nous
héoffre
preuve irrécusable d'un cataclysme
d'une soudaine et universelle désorganisa-
éloigné, tion?
L'homme, dans son innocence ou plutôt dans sa gloire, était le véritable centre du monde après Dieu. La source de toutes
les vertus et
de toutes
inonde est animé se trouvait en (1)
De
esprit, ch. (2)
l'esprit des choses,
t.
I,
p.
les lui.
puissances dont
le
Cette merveilleuse
140-145; Ministère de l'homme-
i.
Ministère de l'humme-esprit, p. 299.
DOCTRINE DE LA CHUTE.
162
horloge qu'on appelle la Création,
pouvait à son gré en régler
mençant par chargé,
la terre
il
en tenait
la clef et
mouvements. En com-
les
l'œuvre modératrice dont
était
il
devait l'étendre successivement à tous les
il
astres et la faire rayonner dans l'immensité
Après sa faute, cette puissance
comme
qui devait être
le
du
ciel (1).
La
s'est arrêtée.
terre
premier degré de son trône,
la
première étape de sa marche triomphale à travers l'immensité, est devenue pour lui un lieu d'expiation. Alors
où
de dire que
est l'orgueil
malgré sa petitesse corps célestes gloire de ce
la terre seule est habitée
et l'humilité
de son rang parmi
que leur cachot
est la seule
pée par eux? Peut- on supposer que soit bien
fière
les
A-t-on jamais vu des condamnés tirer
?
de posséder de
» dit Saint-Martin (2),
comme
tels
demeure occu-
la terre
hôtes
si les
?
elle-même
Ce
«
serait,
cachots de Bicêtre
»
se glorifiaient d'être le repaire de tous les bandits
»
la société.
»
Puis,
comme
il
en
fait
la
remarque
une prison n'est pas ordinairement
de
ail-
leurs
(3)
ou
chef-lieu d'un pays. Notre chute a encore produit
le
un autre
,
effet
hors de nous
du monde. L'axe de est
;
elle
a dérangé
le
le
centre
système
l'écliptique s'est incliné et la terre
descendue.
Ce c'est
n'est la
donc pas seulement l'homme,
c'est l'univers,
nature qui souffre de la faute originelle
puisque l'univers est animé, puisque (1)
De
(2)
lbid., p.
(3)
Ministère de
l'esprit des choses,
t. I,
p.
213-225.
215. l'
homme-esprit,
p.
123,
la
;
et
nature est yi-
163
DOCTRINE DE l\ CHUTE.
vante et sensible, cette souffrance n'est pas une métaphore, mais une réalité. La nature étant privée de la pa-
prend en son nom pour exprimer ses plaintes et pour conjurer l'homme d'y mettre un terme. se couchant tous les soirs Il nous représente le soleil role, Saint-Martin la
dans les larmes lumière et la »
et
(1). Il
et
soupirant en vain après la véritable
nous montre l'univers sur son
nature en deuil
«
(2),
Toute
qu'une douleur concentrée par nous,
elle
lit
Tombée avec nous que par les mêmes
(3), »
ne se relèvera
moyens auxquels nous devrons notre propre mal, tout à la
fait pareil
au nôtre, c'est
matière et l'engourdissement
tés, ses forces,
ou
comme
de mort
la nature, dit-il, n'est
la
Son
salut.
compression de Ses proprié-
qui la suit.
on les appelle plus générale-
ment dans la langue da mysticisme, ses vertus ont été mises sous le séquestre comme le sont ordinairement d'un condamné
les biens
qui agit et
marche sous
est véritablement
(4). le
Semblable
cà
un
poids d'un cauchemar,
elle
plongée dans un sommeil somnamhu-
lique, et cet état se
communique à notre âme quand
nous ne prenons pas soin delà tenir éveillée par sée et l'effort
homme
de sa régénération.
De
là le
la
pen-
somnambu-
de lisme magnétique dont Saint-Martin se garde bien contester l'existence, mais qu'il considère
comme un état
dangereux où l'àme, renonçant à se gouverner
(1)
Ministère de l'homme-esprit, p. 56.
(2)
Ibid., p.
75
(3)
Ibid., p.
299.
(Il)
De
et 76.
Vesprit des choses,
t.
I,
p.
138,
elle-
DOCTRINE DE LA CHUTE.
104
même, s'abandonne, jusque
clans sa racine, à des puis-
sances étrangères.
Mais tages. et
somnambulisme de la nature a aussi
ses avan-
contient les facultés malfaisantes de
l'homme
le Il
empêche
l'explosion de
remarque, en
effet,
nous vivons près
ses instincts pervers.
On
que cette nature déchue, quand
d'elle
ou dans son
sein, a le privilège
de calmer nos passions, d'endormir nos désirs et de
ramener
l'ordre, la clarté, la sérénité
troublés.
Au
dans nos esprits
contraire, plus nous nous éloignons d'elle,
plus nous restons entassés les uns sur les autres dans
l'atmosphère infecte des grandes
villes,
plus nous su-
bissons l'influence du vice et du crime, plus nous
La
accessibles à toute fermentation impure.
sommes matière,
qui nous représente à son dernier terme l'assoupisse-
ment des
forces vives de l'univers, notre propre corps,
qui est une forme ou une portion de la matière, peu-
vent donc être considérés
devant
Sans
le
comme une
barrière dressée
mal ou comme un absorbant de
la lenteur
que nos organes
et les
l'iniquité (1).
moyens naturels
d'exécution opposent à la fougue de nos passions criminelles, la perversité
bornes. Le
même
humaine ne connaîtrait pas de
service
que notre corps rend à
dividu, la terre le rend au genre humain.
«
La
l'in-
terre,
selon l'expression de Saint-Martin, est notre grande piscine (2)
;
»
car,
pendant qu'elle absorbe toutes nos
(1)
De
(2)
Œuvres posthumes,
l'esprit des choses, t.
t.
I,
J,
p.
p.
132-135.
221.
DOCTRINE DE LA CHUTE.
commence
souillures, elle
165
à nous rapprocher de notre
Cela revient à dire que, fatigués des
première pureté.
crimes et des misères de ce monde, nous élevons nécessairement nos regards vers une sphère plus haute et plus pure. C'est ainsi que la nature tout entière, ou la
matière en général, a la puissance de contenir iniquité, celle de l'esprit tentateur, celle sonnifié (1).
La
impuissance ne
dans ses œuvres
La nature,
du mal
limite sont-ils
et le
la
grande
du mal per-
témoignage de son
pas contenus avec son châtiment
mêmes ?
ainsi
que l'âme humaine,
n'est
cependant
pas altérée à ce point qu'elle n'ait gardé des traces de sa première grandeur, et que les vertus qu'elle recèle
dans son sein, que
plan divin qu'elle accomplissait
le
par ses œuvres, ne se manifestent encore aujourd'hui,
comme
à travers un voile, dans la variété infinie de ses
phénomènes. C'est ce rayonnement du monde idéal du monde sible,
spirituel, sous les
compensation
l'illusion
et le
nos ténèbres et nous
chérie, et que,
» elle »
c'est-à-dire
exil.
«
fait
Si
supporter avec patience
vous
pour adoucir
étiez loin
les
le
d'une amante
rigueurs de l'absence,
vous envoyât son image, n'auriez-vous pas au
moins par
(1)
lui le contraire,
remède du somnambulisme. C'est
adorée, la vision enchanteresse qui illumine
poids de notre »
formes de l'univers sen-
que Saint-Martin désigne du nom de magisme.
Le magisme est donc pour la
et
De
là
quelque consolation d'être privé de
l'esprit des choses, t.
',
n.
134.
la
DOCTRINE DE LA CHUTE.
166 »
vue du modèle
C'est ainsi
?
que
la vérité s'était coil-
»
duite par rapport à nous. Après nous être séparés
»
d'elle, elle avait
»
travailler à sa représentation et
chargé
les
puissances physiques de
de nous
la
mettre
»
sous les yeux pour que notre privation eût moins d'a-
»
mertume (1). » Longtemps avant
Saint-Martin, Platon avait dit que
ne sont qu'une copie et une ombre
les choses visibles
effacée des idées éternelles
;
mais ce
pas avec
n'était
cet accent passionné et ces élans de tendresse
mêmes conséquences par
avait pas tiré les l'origine
du mal
et à l'action
de
il
n'en
nature sur l'homme.
la
C'est qu'entre Platon et Saint-Martin
il
tance de l'idéalisme au mysticisme. La éclate entre les
;
rapport à
y a toute
même
la dis-
différence
deux philosophes dans l'application
qu'ils font de leur principe. Tandis
pas des limites de
la raison et
que Platon ne
sort
de l'observation, Saint-
Martin se laisse bientôt entraîner à un symbolisme arbitraire.
11
cherche à découvrir un sens mystérieux,
une intention providentielle, un enseignement dans chacune des productions de
cune des œuvres de
Nous ne
le
l'art et
dans
les
divin
dans cha-
la nature,
usages de
la société.
suivrons pas dans cette voie. Nous aimons
mieux rentrer dans
le
courant général de ses idées,
et,
après avoir exposé ses opinions sur la chute, faire connaître sa ihéorie de la réhabilitation.
Ce sera
l'objet
du chapitre suivant.
(1)
L'homme de
désir, p.
306
-,
Œuvres posthumes,
t.
I,
p.
225.
CHAPITRE Doctrine de
la réhabilitation,
de notre exil sur
la terre.
— Raison — du Réparateur. — Incarna— Marche ascendante de — La — La mort. — — Réconciliation de Satan avec béatitude suprême. — Conclu-
— Action — But de
réparatrice du temps.
—
Vertu purificatrice du sang. tion
Vil
l'institution
des sacrifices.
Sacrifice
spirituelle et incarnation matérielle.
L'enfer.
l'àme vers sa régénération spirituelle.
métempsycose. Dieu.
— Expiation
— Destruction de
la
L'homme, après sa et sous
le
finale.
nature et
faute, serait resté dans l'abîme
joug de celui qui
l'avait
perdu,
si la
sance qui l'avait créé n'était intervenue pour
le
puis-
sauver;
car sa chute consistait précisément dans une telle altération de sa nature et de celle de l'univers, qu'elle devait à
jamais
le
séparer de son principe. Mais la grâce
divine, en lui offrant les
moyens de
se
relever devait
nécessairement les accommoder à sa nouvelle condition les choisir
et
faillance, lui
dont
parmi
parmi il
était
mêmes de dégradés comme lui
les résultats
les objets
entouré clans sa prison.
«
sa et
dépar
C'est ainsi
qu'un coupable dans son bannissement essaye,
soit
par
des emblèmes naturels, soit par d'autres fruits de son industrie, de faire parvenir jusqu'auprès de ceux dont il
dépend des indices de son amendement
et
du désir
ACTION RÉPARATRICE DU TEMPS.
168
ardent qu'il éprouve de rentrer en grâce et de revenir
dans sa patrie
»
(1)
Le premier de ces instruments de salut qui se présentent dans notre détresse, c'est le temps. Le temps,
qui n'existait pas avant que l'homme se fût éloigné de son Créateur
;
temps, condition suprême de cette na-
le
sommes plongés
ture corrompue où nous
compagnement nécessaire de
;
le
temps, ac-
génération et de la mort,
la
est aussi la source de notre réhabilitation, puisque, si
nous n'avions pas
temps pour nous
le
déchéance serait éternelle. par lequel
l'acte
la
relever, notre
peut être considéré
Il
comme
puissance divine s'incline vers nous,
semblable à une mère de famille qui se baisse vers son
quand
enfant, pour le relever
est
il
tombé
Saint-
(2).
Martin est inépuisable dans les comparaisons dont sert
pour
larme de
définir
temps
le
l'éternité »
,
tantôt
:
nité exhale ou laisse transpirer son
vre exilé «
;
il
parce que c'est par
l'appelle lui
que
amour pour
se
il
«une
l'Eterle
pau-
comme comme une éter-
tantôt son imagination le lui représente
l'hiver de l'éternité
nité desséchée,
»
,
c'est-à-dire
refroidie,
à laquelle
il
ne reste plus
rayon de chaleur et de lumière; tantôt
qu'un
faible
y voit
un supplément ajouté à
la création
pour
il
une
faire
place à la restauration de l'homme, après que Y Ennemi
eût pris possession de l'univers fait
(1)
à son tour
De
(2) Id.
l'effet
ibid., p.
i
et 2
et ce
supplément
lui
d'une allonge ajoutée à une table
l'esprit des choses, ,
;
t.
II,
p.
185.
ACTION RÉPARATRICE DU TEMPS.
un hôte bien-aimé
déjà envahie pour recevoir fin,
on nous permettra de
qui ne
169
(1).
cède point en hardiesse aux précédentes.
le
«Une des
plus majestueuses et des
l'homme puisse concevoir,
idées que
plus consolantes c'est
que
le
temps
le
temps
ne peut être que la monnaie de l'éternité. Oui, n'est
que
et c'est là ce qui doit
l'éternité subdivisée,
donner à l'homme tant de pérance.
En-
une dernière image,
citer
En
effet,
ne plus posséder
joie, tant
comment nous
de courage
en nous en donnant la
l'éternité, si,
monnaie, on nous a donné de quoi l'acheter
Dans ces métaphores ingénieuses, où de tendresse que de
et d'es-
plaindrions- nous de
(2).
»
se révèle autant
on a cru reconnaître une
subtilité,
idée panthéiste. Elles renferment, au contraire, la glorification
de la liberté humaine et de
vine. Elles signifient,
soin de le
comme
nous l'apprendre, que
moyen de
Providence di-
la
Saint-Martin lui-môme a le
temps
offre
à l'homme
se racheter par la lutte et par la souffrance,
car la souffrance est la
loi
du temps.
C'est toujours
au prix d'un combat intérieur et de la douleur qui l'accompagne que les affections misérables de ce monde sont remplacées dans notre
âme
les
unes par
les autres,
jusqu'à ce qu'on arrive à l'affection vive et unique dont
Dieu
est à la fois l'auteur et l'objet.
pas autre chose que cet ordre
Or,
le
même, que
temps
n'est
cette suite de
nos affections changeantes qui a pour ternie et pour but
(1)
De
l'esprit des choses,
(2) Jd., ibid., p.
t.
II, p.
6-14.
33.
AD. FRANCK.
10
ACTION RÉPARATRICE DU TEMPS.
170
l'amour divin. Dès que l'âme est arrivée
même dans
là, elle
échappe
pendant cette vie à l'empire du temps
et entre
ou pour parler plus exactement,
l'éternité,
qui entre en
l'éternité
elle,
c'est
qui s'infitre en sa sub-
stance (1).
On
voit,
le
c'est
presque
la dialectique
de Platon
transportée des idées au sentiment. C'est que dans la
pensée de Saint-Martin,
comme nous
l'idée,
l'avons
déjà observé (2), n'est que le signe intérieur ou l'ex-
pression du sentiment.
Le sentiment
on vient de l'appeler tout à l'heure,
seul,
hommes ne
Tout
«
fection, dit Saint-Martin (3), et ce qui n'est
Les
comme
l'affection, voilà ce
qui constitue le fond de notre existence.
est nul...
ou
est af-
pas affection
se tourmentent, ne se pour-
suivent, ne se battent que pour des affections, tandis
pour des opinions.
qu'ils croient se battre
»
Mais les choses ne se passent pas toujours
nous venons de
Au
le dire.
lieu
de se dégager succes-
sivement des liens de la corruption par l'amour,
il
arrive souvent à
comme
l'homme de
la
puissance de
s'obstiner dans
sa misère et de se complaire dans sa honte; Alors
ramené malgré encore
le
lui
par
la force
de
il
la justice, et
temps qui devient l'instrument de son
est
c'est
salut.
Le mal, en se développant et en portant peu à peu tous ses fruits, arrive nécessairement à
peut plus subsister, où (1)
De
(2)
Voyez
(3)
De
l'esprit des choses, le chapitre
il
t.
s'anéantit
II,
p.
10-12.
précédent, p. 152.
l'esprit des choses,
t.
il.
un degré ou lui-même pour
il
ne
faire
RAISON DE NOTRE EXIL
place au retour du bien,
Saint-Martin dit-il (l),
('/est
SIT,
en cela précisément que
consister la justice divine,
fait
par cette
môme
a l'extrême l'action perverse, parce
que par
là elle
peut manquer de se briser et de se détruire.
Le temps n'a pas seulement pour
effet
les
laisse porter
Dieu
il
« C'est,
du temps que toutes
loi
justices divines s'accomplissent, car
l'homme,
171
LA TERRE.
ne
»
de régénérer
contribue également à la régénération de
l'univers, car
il
ne peut passer sur cette matière débile
sans l'user et la limer en quelque sorte. Or, en l'usant, il
livre
passage à
la
splendeur éternelle qui ne demande
qu'à se substituer à nos ténèbres
Pour remonter vers
(2).
séjour de l'éternité, ce n'était
le
pas assez pour l'homme d'être aidé par fallait
aussi
création,
comment
comment
pourrait-
ennemi à nature
:
car,
il
lui
sup-
dans l'immensité de
la
un instant de repos?
trouverait-il il
se soustraire
qui, par sa faute, ?
temps;
un point d'appui dans l'espace
posez-le sans habitation fixe
la
le
aux poursuites de son
a livré l'empire de toute
il
Telle était précisément la situation de notre
premier père immédiatement après sa chute. Semblable à
un enfant tombé dans un abîme, non-seulement
manquait de secours, mais n'avait pas ses propres facultés (3)
.
Dieu
marque insigne de sa grâce en où
il
lui
(1)
De
(2)
Id., ibid., p. 26.
(3)
Ministère de l'homme-esprit, p. 218.
t.
II, p.
24.
il
de
accorda donc une
le recueillant
venait de se soustraire à son l'esprit des choses,
même l'usage
au moment
amour pour
se lancer
RAISON DE NOTRE EXIL SUR LA TERRE.
172
dans un précipice sans fond,
pour
C'est ainsi
abri.
que
et
en
lui
donnant
la terre
même temps comme le temps, en
la terre,
qu'elle est notre prison, est devenue,
l'instrument de notre délivrance.
Au
quand l'homme
reste,
fut
pour
la
mis en possession de notre globe, son incomparablement inférieur à restait
première sort,
fois
quoique
celui qu'il avait perdu,
encore bien digne d'envie.
Saint-Martin
,
qui
avait probablement sur ce sujet des lumières particulières,
nous assure que par
le
intervenu pour sa délivrance,
fait il
seul que Dieu était
était lavé
de
la souillure
du péché. En outre, «l'enveloppe corporelle dontonl'avait revêtu
était l'extrait
pur de toutes
les
substances les
plus vives de la nature, laquelle n'avait point encore subi les catastrophes secondaires qui lui sont arrivées
depuis (1).
j>
Évidemment,
c'est à l'état d'innocence
du
Paradis terrestre que l'écrivain mystique veut faire al-
mais
change tout à
lusion
ici,
donne
l'Ecriture, puisqu'il représente
il
fait le
caractère que lui
pour
lui,
non
la
première, mais la troisième période de l'existence de
l'homme
et ce
qu'on peut appeler l'innocence après
la
faute.
Une
loi
donnée à Adam, aussi parfaite que sa
fut
condition, aussi étendue
enseignait les
perdue, et
(1)
moyens de recouvrer sûrement
elle
l'universalité
que son pouvoir; car
elle lui
la félicité
embrassait toute la terre, c'est-à-dire
de ses descendants.
Ministère de l'homme-esprit, p. 257.
Au
contraire, la loi
BUT DE L'INSTITUTION DES SACRIFICES. qui
remplacée dans
l'a
17:5
suite des temps,
la
la loi
du
Sinaï n'était faite que pour un seul peuple, un peuple choisi,
il
est vrai, et destiné à servir de
modèle au reste
du genre humain. Cette la
supérieure, universelle, pure émanation de
loi
grâce divine, par un aveuglement absolument inex-
plicable, surtout après
ne l'observa pas, ni entière qui leur est
une première expiation,
lui, ni
sa postérité.
donnée pour
déraciner les ronces et les épines
pour
l'avoir
fléau
que
du déluge la
(1). »
douceur, car
de nouveau de tous
les
elle
hommes La
dont
la terre est à
la
lui
ouvrir la voie du salut,
lui
:
loi
c'est la loi
les
Elohim, dans un
jugée indigne d'émaner de Moïse,
la loi lévitique,
base est l'institution des sacrifices
Comment
mieux
peine repeuplée que
C'est alors que Dieu, pour sauver
du globe, une nouvelle
la
Seigneur retire
devient le théâtre de tous les vices et
crimes.
directement de
pour en
et qu'il verse le terrible
promulguer par ses serviteurs,
coin
le
et
au contraire,
sévérité ne réussit pas
l'humanité ou du moins pour fait
et c'est,
;
Adam
C'est la terre
la cultiver
remplie d'iniquités, que
son esprit de dessus les
«
(2).
les sacrifices sanglants peuvent-ils servir
régénération de l'âme humaine
?
à
Voilà ce que Saint-
Martin va essayer de nous faire comprendre par une théorie qui lui appartient tout entière,
la
qui est peut-
(1)
Ministère de l'homme-esprit, p. 257.
(2)
Saint-Martin reconnaît que les sacrifices avaient été en usage sur
terre depuis
Adam; mais
la loi
de Moïse en a
fait
une obligation, une
institution publique.
10.
BUT DE L'INSTITITION DES SACRIFICES.
174
être la
système
partie la plus curieuse de son
commande
et qui
d'autant plus l'attention, qu'elle n'a pas été
perdue pour l'auteur des Soirées de Saint-Péters^ bourg.
Le sang, dans
l'opinion de Saint-Martin, est le prin-
cipe et le siège de toute impureté, sans doute
que, selon
la définition
et le siège
de
de
la
Genèse,
la vie matérielle,
il
est le principe
par laquelle, depuis
première faute, notre âme est enchaînée à
Le sang
lui paraît être le
de
priétés
la
tombeau de toutes
de l'homme
l'esprit
parce
la
matière. les
pro-
des facultés les
et
plus actives des autres êtres. C'est lui qui les empêche
de correspondre avec nous, de nous de symboles
actifs
offrir
de l'amour et de
la
comme
autant
pensée de Dieu,
de réfléchir dans notre intelligence l'harmonie et beauté de l'univers, divine
(1).
qu'il est
tel qu'il existe
D'un autre côté,
le
la
dans l'intelligence
sang, en
même temps
un obstacle au développement de notre puis-
sance, est l'organe de la puissance de notre ennemi. C'est là qu'il concentre tous ses efforts, parce
dans
là,
le
pour notre châtiment, de
que
c'est
sépulcre de servitudes qui a été construit qu'il a trouvé
un repaire digne
lui (2).
La conséquence de que
l'effusion
du sang
vir des expressions
cette proposition étrange, est salutaire,
de Joseph de Maistre, que
(i)
Do
(2)
Ministère de V homme-esprit, p. 207.
l'esprit des choses,
t.
II,
p.
185-186.
c'est
ou pour nous serle
sang
VERTU PURIFICATRICE RU SANG.
répandu a une verlu avant
la
Bien
purificatrice.
publication du
Imité des
175
des armées
Sacrifices et dçs Soi-
rées de Saint-Pétersbourg, Saint- Martin écrivait «
On
a souvent
térieur,
reconnu
l'utilité
comme tirant au
du sang appliqué
dehors toute
contraire, pris à l'intérieur,
il
à.
(1)
corruption.
la
augmente encore
:
l'ex-
Au
cette
corruption. Ceci nous explique combien, depuis la grande
maladie du genre humain, l'effusion du sang était né-
—
cessaire. » rière et la
«
Le sang, depuis
prison de l'homme,
le
crime, était la bar-
du sang
et l'effusion
était
nécessaire ponrlui rendreprogressivementlaliberté» (2).
comment
Voilà
remontent à l'origine du
les sacrifices
genre humain, comment
ils
ques religieuses de tous
les peuples,
sont entrés dans les prati-
été prescrits avec tant de soin et en
si
comment
ils
ont
grand nombre au
peuple de Dieu.
Le sang répandu dans double
effet
puissance
les
sacrifices produisait
en attirant au dehors, sans doute par
:
des
affinités
électives,
l'action
qui est attachée à notre propre sang,
une partie de notre
la
malfaisante
nous rendait
il
liberté perdue, et
un
il
servait à la
confusion de notre ennemi en lui renvoyant, avec la
matière qui en est pris plaisir à
cet et
exemple que
que (1)
l'esprit
le
véhicule, les souillures qu'il avait
provoquer en nous le
rêve a sa logique
Œuvres posthumes, Ibid., p.
.
Nous voyons par
comme la pensée, la même suite
de l'homme peut mettre t.
I, p.
316.
(2) Ministère de l'homme-esprit, p. (3)
(3)
211.
269.
VERTU PURIFICATRICE DU SANG.
176
même
et la
persévérance à la poursuite d'une chimère
qu'à la recherche d'une vérité.
Au moins Saint-Martin se contentera-t-il du sang des ? Comment le pourrions-nous espérer, puis-
animaux
qu'il place, le
avant tout,
le
principe de la corruption dans
sang de la race humaine
?
Il
justifie
donc toutes
exécutions dont la Bible nous offre à chaque page
monotone
récit
:
le
d'Àchab par Samuel, fils,
supplice
d'Àchan,
les le
meurtre
le
de Saùlet de ses
la proscription
l'extermination en masse des anciens habitants de
femmes
la Palestine, sans exception des vieillards, des
et des enfants à la
mamelle.
ces cruautés accomplies au
A ceux nom du
qui s'indignent de ciel,
répond que
il
leur esprit est fermé aux vérités profondes,
sont du
nombre de ceux
«
pour qui
tandis que Dieu ne compte que les
Ce
n'est pas
nité entière
seulement au peuple
le
matériel est tout,
âmes
(1). »
âmes par
le
à l'huma-
juif, c'est
que Saint-Martin applique cette
livrance des
et qu'ils
loi
de
la dé-
sang répandu. Nous n'avons,
selon lui, qu'à ouvrir les yeux pour en voir à chaque instant les effets terribles
:
ce sont les guerres, les ré-
volutions, les fléaux de toute espèce, les catastrophes
de
la
société et de la nature. Mais quoi
l'impie, l'innocent etle coupable sont-ils
pés dans un seul anathème tinguer
comme
les enfants
(1)
?
Dieu
!
le juste et
donc envelop-
a-t-il cessé
de dis-
autrefois les enfants de son peuple et
del'Amaléciteoude l'Égyptien? Oui, répond
Ministère de V homme-esprit, p. 214.
VERTU PURIFICATRICE DU SANG.
177
Saint-Martin. «Les victimes innocentes entrent dans
plan de l'économie divine qui sel
pur
et conservateur, afin
les
de préserver par
là
(1). »
On
si
système de Joseph de Maistre. Mais
le
le
tom-
reconnaîtra facilement dans ces mots
principe de la réversibilité, qui joue un
dans
de l'en-
de la dissolution totale les victimes
tière corruption et
coupables avec lesquelles elles descendent dans
beau
le
comme un
emploie,
le
grand rôle
là
il
est à sa
place, tandis qu'il ne peut être qu'un objet de surprise
dans
les
pages attendries où
l'on appelle le
larme de l'Éternité, l'homme,
de
la terre (2),
nous montre Dieu lui-même pleurant en nous,
et qui afin
la prière
temps une
de nous relever par sa propre douleur
Le principe de
la réversibilité n'en est
(3).
pas moins une
conséquence nécessaire de celui qui reconnaît dans quel qu'il
sang,
une puissance de rédemption.
soit,
Cependant Saint-Martin
les sépare, laissant subsister le
premier aussi longtemps que dant
le
dernier
le
genre humain
comme purement
et regar-
A
temporaire.
mesure
que l'homme se rapproche de Dieu, à mesure avance vers l'époque prédestinée pour de la terre et du
ciel,
il
glants abaissés par les spirituels,
(1) p.
De
devant
le
nous montre
la réconciliation
les sacrifices
prophètes, devant
la charité, la justice,
l'esprit des choses, t. II, p. 180-,
qu'il
san-
les sacrifices la contrition,
Ministère de ï homme-esprit,
214. (2)
«
la fierté
(3)
Tâchons de ne jamais oublier que l'homme a été de
la terre. »
fait
(Ministère de V homme-esprit, p. 80.)
Le nouvel homme,
p. 70.
pour être
SACRIFICE DU RÉPARATEUR.
178
jusqu'à ce qu'ils soient complètement abolis
la prière,
par un sacrifice suprême, celui qui a été consommé sur le
Pourquoi celui-ci
Golgotha.
a-t-il
été le dernier?
parce qu'il rendait inutiles tous les autres, qui n'ont eu
pour but que de l'annoncer
que
qu'il n'y a
l'homme de
délivrer
et
de
le
que
la prison
le
sang forme autour
de lui; parce que, libre et volontaire, croix n'a pas seulement affranchi
nes matérielles, chi son
comme
lui
il
a enseigné
par l'immolation de son être physique a appris
a
qu'il lui fallait voler à la
domaines
On la Il
voit
dit
hommes il
dit
la
il
a affran-
à l'affranchir
animal
il
;
lui
mort comme à une
du rang des criminels
de?
et
»
que
les idées
de Saint-Martin sur l'œuvre de
rédemption ne sont pas tout à ne
et
de
ses chaî-
possession de ses propres
lui assurait la
et le faisait sortir
esclaves (1).
le sacrifice
l'homme de
sang des animaux,
le
âme, ou plutôt,
conquête qui
préparer, parce
de son propre sang qui puisse
l'effusion
pas que, par
la
fait celles
de l'Eglise.
mort de Jésus-Christ,
aient cessé d'être coupables
du péché
les
originel
que Jésus-Christ leur a donné l'exemple de
;
l'af-
franchissement spirituel par l'immolation volontaire, et que, par la vertu de son sang répandu sur la croix,
diminué veines
la
(2).
résistance de celui qui coule
En un mot,
il
il
a
dans leurs
ne s'agit point pour lui de
pardon, mais de délivrance, de péché effacé, maisd'ob(1)
Ministère de Vhomme-esprit, p. 270-271.
(2)
« L'effusion volontaire de son sang,
auquel nul sang sur
la terre
ne sauriit se comparer, pouvait seule opérer l'entière transposition des
SACRIFICE Dl RÉPARATEUR. stacle vaincu.
11
179
ne s'écarte pas moins de
générale dans la doctrine
qu'il
la tradition
expose sur l'incarna-
tion.
Le Verbe,
comme
Réparateur,
le
il
se plaît à l'appe-
ler habituellement, a revêtu les attributs de la nature
humaine sous deux formes l'autre visible, ou,
Saint-Martin,
il
spirituelle
différentes, l'une invisible et
me
servir des expressions de
a eu deux homifications séparées l'une
de l'autre par un et
pour
immense
l'homification
intervalle
l'homification
:
vulgairement
corporelle,
appelée X incarnation. Aussitôt que son la
mère de
fils
est blessé,
famille ne connaît plus de repos et elle ras-
semble toutes ses forces pour voler à son secours. C'est ainsi
que l'amour divin
conduit envers nous.
s'est
peine l'homme était-il tombé,
voulant s'unir à lui pour
le
À
que l'amour de Dieu,
redresser et le guérir, s'est
revêtu de la forme invisible, celle qui représente son
àme dans dans
le
sa primitive perfection, et est devenu
sens spirituel
(1).
acte de notre salut, consistant
dans l'union de l'amour
divin avec l'ancienne, la première, la véritable
l'homme,
il
a suffi
Saint -Martin
et
que
le
n'est
mais l'amour, se contemplât dans la
Vierge éternelle
(I)
p.
l'
homme-esprit,
De
275.
p.
pas la
l'intelligence,
Sophie céleste,
éternelle conservatrice
,
subslances étrangères qui nageaient dans tère de
image de
Verbe, qui, dans les idées de
Bœhm,
de
homme
Pour accomplir ce premier
le
sang de l'homme.
du mo»
{Minis-
275.)
l'esprit des choses,
t.
II, p.
188
>
Ministère de l'hommc-e^prit,
SACRIFICE DU RÉPARATEUR.
180
dèle de tous les êtres empreints dans sa substance (1).
Quelle est au juste
la
nature de ce personnage divin
que nous avons rencontré, jouant un humain, dans
du général Gichtel
la vie
n'est
que
(2)
qu'on pourra trouver une réponse quelque peu
comme
phia,
la raison
La Sophie
So~
la Trinité
;
elle n'est point l'esprit
de Dieu, laquelle se confond nécessairement
avec Dieu lui-même
que
la
vapeur ou
conservatrice
point la lumière primi-
elle n'est
;
de l'immensité divine;
tive qui éclaire les merveilles elle n'est
céleste, la
on l'appelle ordinairement, n'est point
une des personnes de
« la
Ce
correspondance de Saint-Martin avec Kirchber-
satisfaisante à cette question.
ou
?
la
dans ger
rôle passablement
le reflet
de toutes
les
de cette lumière,
formes des esprits,
s
comme
»
matérielles; elle habite toujours avec Dieu, et
»
nous
»
Dieu nous possède, puisqu'ils sont inséparables dans
»
leur union,
la
l'air est le
conservateur de toutes les formes
possédons, ou plutôt quand
quoique distincts
Selon toute apparence,
il
elle
quand
nous possède,
clans leur caractère».
s'agit ici
de la pensée de Dieu
distinguée de la raison, de son Verbe, et conçue
comme
une essence à part, semblable aux Éons du gnosticisme. Cette manière de comprendre ou de substantialiser les divers attributs
de
la
nature divine, ne doit pas
trop nous étonner; elle est très-fréquente dans le
mys-
ticisme et tient pour ainsi dire le milieu entre les per-
(1)
Ministère de V homme-esprit, p. 275.
(2)
Pjge 36 de
l'édition Schauer.
.
DOUBLE INCARNATION.
181
sonnifications poétiques de la mythologie et les idées abstraites de la métaphysique. Quoi qu'il eu soit,
phia
dans
a,
profondeurs du
les
ciel,
un
rôle
So-
analogue à
celui qui attendait Marie sur la terre. C'est dans son sein virginal que le Réparateur a revêtu la
maine ou que
s'est
forme huaccomplie son homifîcation spiri-
tuelle.
L'homification matérielle n'est rien que
ment de
le
complé-
cette union céleste (1). Aussi, l'a-t-elle suivie
après un long intervalle, et elle n'a été achevée que lorsque le Réparateur eut descendu un à un tous les degrés de notre prison. Il a fallu qu'il s'unît successive-
ment au principe de de
la matière,
la nature, à celui
de
la vie, à celui
et enfin qu'il devînt chair
dans le sein d'une vierge formée de chair et de sang. C'est à cette condition seulement qu'il a pu nous délivrer de toutes nos servitudes et de toutes nos misères, puisque nous
sommes de
les esclaves tout à la fois
la matière,
de
la vie et
de
la
de la chair et du sang,
nature
(2)
Le Réparateur ne nous a pas donné directement la liberté il nous a seulement appris, par sa parole et par ;
son exemple, à quel prix nous la pourrons reconquérir. Il nous a montré, par l'immolation de lui-même,
qu'en
immolant en nous l'homme matériel redeviendrons, il
n'est pas
comme
autrefois,
et charnel,
esprit et vie.
venu nous sauver malgré nous
(1)
De
(2)
Ministère de l'homme-esprit, p. 276.
l'esprit des choses, t. II, p.
AD. FRANCK.
et sans
188.
H
nous Enfin,
nous
;
DOUBLE INCARNATION.
182
nous a seulement ouvert
il
primant
les obstacles qui
le
chemin du salut en sup-
l'encombraient et en purifiant
en quelque sorte, par la vertu de son sang, l'atmos-
phère corrompue qui
de
comme
la nature,
formée autour de nous à
s'était
On
suite de notre dégradation.
dirait
que
celle
la
une transmutation alchimistes cher-
les
chaient à opérer dans les métaux.
Le résultat de cette œuvre,
c'est d'avoir placé
l'homme
tellement près de la félicité éternelle, qu'il n'a en quel-
que façon qu'à
La
»
lement à briser
!>
la porte
lui ouvrir
a
pour
la posséder.
vie divine, dit Saint-Martin (1), cherche continuelles portes
de nos ténèbres et à entrer
en nous pour apporter des plans de restauration. Elle
»
y vient en frémissant, en pleurant, en nous suppliant, pour ainsi dire, de vouloir bien concourir avec elle
»
dans cette grande œuvre,
»
»
Non-seulement
la mission
et la vie de Jésus-Christ peuvent se renouveler en nous,
mais chacun de nous, pourvu que sa régénération complète et qu'elle embrasse tous être,
peut
faire
les
soit
éléments de son
de plus grandes choses que
Répara-
le
teur lui-même, « parce que le Réparateur n'a fait que
germes de l'œuvre
»
semer
»
peut entrer en moisson
les
(2).
et
que
»
On
le
nouvel
homme même
retrouve la
pensée, avec une notable restriction, dans le Portrait historique (3) t>
:
«
Jésus-Christ disait à ses apôtres qu'ils
pouvaient faire les
(1)
De
(2)
Le nouvel homme,
(3)
N° 1123.
mêmes œuvres que
l'esprit des choses,
p.
t.
Il,
197.
p.
168.
lui
et
même
MARCHE ASCENDANTE DE L'AME VEHS SA KEGËNÉKATION.
183
»
de plus grandes. Ce n'était pas leur dire que tous
»
dons pouvaient appartenir à chacun d'eux, puisque
»
nous voyons, selon saint Paul, que
»
partage ses dons entre les différents hommes.
»
chaque
homme
,
le
même
les
esprit
Mais
depuis la venue de Jésus- Christ,
»
peut, dans le don qui lui est propre, aller plus loin
»
que
le Christ. »
Cependant, aussi longtemps que nous vivrons sur
nous serons soumis à
terre,
dire à la souffrance,
mise à
la
homme
est
et
la
loi
du temps,
la
c'est-à-
notre réintégration, quoique
portée de nos forces,
venu nous en tracer
depuis que Dieu le
fait
vivant modèle, ne
peut être accomplie que par une série de combats et de sacrifices.
Ces
sacrifices, les seuls qui puissent subsister
encore, se ramènent tous à un acte d'immolation intérieure par lequel on s'élève de l'ordre naturel à l'ordre spirituel, Il
faut
esprit
de l'ordre spirituel à l'ordre divin.
que nous commencions par dégager notre
du joug de
la
matière ou nos facultés spirituelles
de nos sens extérieurs, en reconnaissant
le
Seigneur
et
en nous soumettant à ses commandements, c'est-à-dire
en donnant pour règle à notre vie
Dieu et du devoir. Tel est
auquel répond, dans Il
et
le
les saintes notions
premier degré de
l'histoire, l'âge
faut ensuite que,
de
de
l'esprit,
la loi.
non contents de connaître Dieu
de l'adorer, nous nous sentions
comme
soulevés au-
dessus de nous par son souffle vivifiant et entraînés par son amour à publier partout son
nom
et sa gloire, aussi
impatients des ténèbres qui enveloppent une partie de
MARCHE ASCENDANTE DE L'AME VERS SA RÉGÉNÉRATION.
184
nos semblables que nous
serions de celles qui nous
le
envelopperaient nous-mêmes.
réunion de
la
Cet
formé par
état,
la
charité et de l'inspiration, de l'action di-
vine et de la liberté humaine, est le second degré ou le
second âge de
l'esprit,
auquel répond, dans
l'histoire,
l'époque de la prophétie.
A
ce second cage
en succédera un troisième
nous proposant de suivre, non-seulement prit,
mais
la loi
dèle Jésus-Christ crifice volontaire
où, l'es-
mort sur
nous ferons
la croix,
le sa-
de tout notre être terrestre et mortel,
de victime expiatoire aux autres
(1).
C'est à ces trois états successifs
que Saint-Martin
thumes
,
de
du Réparateur, où prenant pour mo-
voudrons servir
et
hommes
la loi
de l'âme régénérée
dans ses
fait allusion
(2), lorsqu'il parle des
dons de
Œuvres pos-
l'esprit pur,
des
l'esprit saint et de ceux du Verbe. Mais il y en a un quatrième encore plus élevé, qu'il appelle la
dons de
sainteté
suprême
(3), et
qui consiste, après avoir sacrifié
intérieurement notre être terrestre et mortel, à ler aussi notre être spirituel, c'est-à-dire le
de notre personnalité, notre
comme
il
tre toutes
me (1)
écrit
nos facultés dans
servir encore
la
notre sebstheit, (h), afin
main de Dieu, ou, pom-
[).
289-296.
262.
(3)
Id. ; ibid.
(4)
Correspondance
de met-
d'une de ses expressions, afin que
Ministère de l'homme-esprit,
(2) T. I, p.
ich/teit,
au baron de Liebisdorf
immo-
sentiment
inédite, édition
Schauer, p. 97.
MARCHE ASCENDANTE DE L'AME VERS SA REGENERATION.
injectée, toute saturée de la
notre volonté soit tout
L'immolation de notre moi avec
teinture divine (1).
l'espérance
môme
de
retrouver au sein de Dieu,
le
quand
ne serait pas dans l'essence du mysticisme,
elle
comme une
devait être enseignée par Saint-Martin
séquence nécessaire de sa doctrine de l'incarnation
même que
de
183
Christ,
le
concar,
;
avant de descendre dans un
corps pareil au nôtre, s'était revêtu de notre forme spi-
de
rituelle,
et
même l'homme
remonter par
nelle,
qui veut imiter son œuvre
qu'il a tracé
dans
la vie éter-
ne doit pas seulement faire l'abandon de sa per-
sonne physique, personne vine.
chemin
le
il
faut qu'il s'efforce
spirituelle et
morale dans
d'incorporer sa
la personnalité di-
Tant que cette condition n'est pas remplie,
la
réintégration n'a pas eu lieu.
Saint-Martin insiste avec force sur la nécessité
,
il
décrit avec complaisance la nature et les effets de cette
dernière transformation de notre être.
que
la
Divinité nous
traverse
« Il faut,
tout
dit-
entière
»
il
»
pour qu'intérieurement
»
sions remplir les plans originels de notre principe. »
—
(2)
« Si
,
et
extérieurement nous puis-
tu voulais t'observer (c'est à
l'homme de
désir
»
que ces paroles s'adressent),
»
avec attention, tu sentirais tous les principes divins
*
de l'éternelle essence délibérer et agir en
x»
selon leur vertu et leur caractère;
si
{[)
Ministère de V homme-esprit, p. 432.
'2)
Le nouvel homme,
p.
29.
tu
voulais t'observer
toi,
chacun
tu sentirais qu'il
MARCHE ASCENDANTE DE L'AME VERS SA RÉGÉNÉRATION.
186
de t'unir à ces suprêmes puissances, de
»
est possible
»
devenir un avec
»
ture active de leur agent
»
multiplications continuer et s'étendre journellement
elles,
d'être transformé
dans
na-
la
tu sentirais ces divines
parce que l'impression que les principes de
»
en
»
vie auraient transmise sur ton être les attirerait
»
plus en plus, et qu'à la
»
tablement que
»
t'auraient assimilé à eux (1).
toi,
Quand Dieu
s'attirer
est ainsi
ne feraient plus véri-
fin ils
eux-mêmes en
puisqu'ils
toi,
»
descendu en nous
et s'est assi-
milé une à une toutes nos facultés, nous en avertis par
de
un signe particulier
sommes
sa présence se mani-
;
par une sensibilisation spirituelle, c'est-à-dire
feste
par un sentiment intérieur qui nous avertit que nous
avons cessé de nous appartenir et de vouloir, de penser, d'être » elle »
par nous-mêmes.
«
Alors la langue se
ne peut plus rien dire, et
tait,
n'est pas nécessaire
il
lui-même en nous,
qu'elle parle, puisque l'être agit
avec une mesure, une sa-
»
pour nous,
»
gesse et une force dont toutes les langues humaines
»
ne seraient pas capables
a
sentiment,
donc jamais il
et qu'il le fait
il
nous semble
liberté ne
cation
y a
sacrifiée
»
(2).
conscience
;
la
Mais tant qu'il y conscience n'est
par Saint-Martin,
qu'il sacrifie la
liberté.
même quand Au
reste, la
nous est enlevée que par un acte d'abdi-
accompli par
elle
dans un transport d'amour,
(1)
Le nouvel homme,
(2)
Ministère de l'homme-esprit, p. 427.
p.
45.
LA MORT.
187
une façon d'affirmer son existence.
ce qui est encore
La personne humaine, selon
les idées
tin,
non-seulement subsiste dans tout
vie,
quelque
effort qu'elle
mais encore
elle
le
de Saint-Marcours de cette
puisse faire pour s'immoler,
trouve sur son chemin des obstacles,
des ennemis, qui la forcent à combattre sans relâche et qui rendent impossible pour elle
Dieu. Voilà pourquoi
il
repos au sein de
le
pense que
la victoire, la réinté-
gration complète, l'union vainement poursuivie ici-bas,
ne nous sera accordée que de l'autre côté du tombeau. «
Non,
dit-il (1), la
dans
mort
temple de
n'est plus
pour nous que
Le combat a com-
i
trée
»
mencé dès
y
remportée
»
de
»
c'est
»
compter pour quelque chose, attendu
*
bonheur de goûter
la
le
le ;
la
chute
;
la victoire a été
nous n'avons plus à recevoir de
mort que
qu'il
cité
:
«,
Le sage qui
»
sera convaincu que ce monde-ci n'est que
»
traduction
invisible ne
se
comme une
pourra que se ré-
mo-
s'affliger
quand
il
texte,
parce que c'est une
au
» vérité »
le
ment de s'approcher du
» jouir »
a eu
!
la
un autre passage qui
la vie. » Voici
du monde
main
permis de ne plus
qu'il est seul
moins digne d'être
la
La mort
palme du triomphe
la
au vrai sage
n'est pas
la victoire.
moment de
l'en-
lieu
de
devrait être bénie
De
le
générale que les textes sont préférables aux
traductions (2).
(1)
verra venir
»
La
comme une
l'esprit des choses,
(2) Iâ.. ibid.,p. 50.
seule connaissance de la mort
t.
II,
p.
48.
des marques de notre
188
LA MORT.
supériorité et attend.
par
»
comme un gage
la raison qu'ils
Enfin, voici en partie
où
de
la destinée qui
Les animaux ne connaissent point
«
ne connaissent point
nous mort,
la
la vie (1)
un chapitre de F Homme de
.
»
désir,
de cette vie supérieure, qui doit sortir pour nous du sein de la mort, est peinte dans un langage de la soif
la plus
pénétrante éloquence. J'éprouve d'autant m'oins
de scrupule à
le reproduire que, le sentiment et l'imagination ne tenant pas une moindre place que le rai-
sonnement dans
le
système de Saint-Martin, on
lui fait
toujours tort quand on sépare sa pensée de l'expression particulière dont
il
l'a
revêtue.
Dieu suprême, pourquoi laisses-tu plus longtemps dans cette terre fangeuse celui qui t'aime, qui «
»
cherche, et dont l'âme a goûté ta vie
» te
»
Mes mains
s'élèvent vers toi
»
me
»
gonfle de ton feu
»
mon »
tends les tiennes; ;
il
il
;
il
me
?
semble que tu
semble que mon cœur se
semble que tout ce qui
être ne fait plus
est
dans
qu'un avec toi-même.
Je parcours dans ton esprit toutes ces régions saintes
»
où
»
dent un éclat éblouissant, en
»
remplissent l'âme de »
œuvres de
les
Hélas
!
le soleil
ta sagesse et
de ta puissance répan-
même temps
me surprend une vapeur ;
»
en enflammant l'horizon, annonce au
»
nacle de la lumière.
» die
(1)
;
il
De
qu'elles
félicités.
Il
t.
de feu,
ce taber-
vient animer la nature engonr-
vient éclairer les yeux de
l'esprit des choses,
monde
II, p.
50.
mon
corps et m'offrir
-
LA MORT.
tous
spectacle de
» le
189
objets qui m'environnent.
les
Arrête, tu ne m'apportes pas un bien réel,
»
si
mon
»
viens pas ouvrir encore plus les yeux de
»
Arrête, puisqu'au contraire tu viens les fermer.
Tu
»
ma
beautés immortelles que
»
pler.
»
qu'un
»
courber les nations sous leur jong de
Tu
me
vas
pensée vient de conte rn-
le soleil
presque
éternel dont tu n'es
éteint.
vont se lever les puissances du monde pour
toi
rappeler à la
loi
douce de
du Réparateur, à qui de
le
de
sage, selon la
loi
pensées soient permises
telles
puisse saluer son dernier jour
et qui
au
lieu
fer,
la vérité (1). »
l'homme de désir ou
n'y a que
Il
cacher
reflet pâle et
Avec
» les
esprit.
vas ne m'offrir que des images mortelles de ces
»
»
tu ne
comme
l'aurore de
âmes vulgaires pour qui
la
lumière éternelle. Mais
le
Christ est venu en vain, qui ont passé dans le vide
et
dans
pour
les
les
ténèbres
ils ? Ils
séjour qu'ils ont
les
fait ici-bas,
nom que leur donne hommes du torrent, que
appeler du
nations et
les
le
les
ou,
Saint-Martin,
deviendront
seront abandonnés, par une conséquence néces-
saire de leur
aveuglement, à
la
puissance qui prend la
place de Dieu, toutes les fois que nous nous séparons
de
lui
est
;
car
l'homme ne peut pas
un fonctionnaire dans
service de Dieu,
Servir le
il
être sa propre fin,
l'univers.
entre au service du
démon
démon, tomber au pouvoir de
(1)
L'homme de
(2)
Ministère de l'homme-esprit,
désir, p.
282
et
(*2).
l'esprit
283. \>.
il
Lorsqu'il quitte le
164. 11.
du
.
L'ENFER.
190
mal, c'est tout à
fois le
la
ceux qui se détournent de
ment
crime
la loi divine
Saint- Martin, et cet enfer, qui
rentes
c'est, à
;
propre-
commence dès ce monde,
successivement sous
trois
formes diffé-
:
D'abord l'âme, partagée entre l'esprit
le
bien et le mal, entre
d'en-haut et l'esprit des ténèbres, ressemble à
un rivage battu par
les flots.
nent successivement
Toutes
n'échappe point toujours
une épreuve
les
auquel
et qui
angoisses vien-
traversent sans s'y
l'assaillir et la
l'enfer passif,
arrêter. C'est
A
châtiment de
parler, leur enfer, le seul qui soit reconnu par
se présente
lui
et le
le
sage lui-même
devient souvent pour
salutaire.
l'angoisse succède l'illusion, l'illusion sans
remède
et sans espérance, qui nous conduit jusqu'au tombeau,
occupés de terrestres projets, oubliant que térielle
a une
fin
et la
premier degré de l'enfer
A
l'illusion
la vie
ma-
mort un lendemain. C'est
le
actif.
succède l'iniquité,
la
pratique du mal
avec l'amour, avec la volonté du mal, sans interruption, sans surprise, sans remords.
de l'enfer actif perversité
et
humaine
le
C'est le
deuxième degré
dernier que puisse atteindre la
(1)
Pour ces pécheurs endurcis, comme pour la vie à venir
ne sera que
ment de
la vie présente.
près de
le
(1)
la
continuation et
Les justes
et
les justes, le
complé-
ceux qui étaient
devenir approcheront de plus en plus du
Ministère de V homme-esprit, p. 175-178.
F/ENFER.
191
foyer de l'amour et de l'intelligence, jusqu'à ce qu'ils
puissent s'unir à lui plus étroitement.
Ils
comme
seront
suspendus au triangle universel qui s'étend depuis premier être jusqu'à
la nature,
le
par chacun de
et qui,
ces trois côtés, les attirera dans son sein. Les pécheurs,
au contraire, retenus, malgré corps, sous
la
domination qui
la dissolution
les a
sans avoir la puissance ni
la terre,
de leurs
perdus, enlevés à
même
désir de
le
s'élever vers le ciel, auront à souffrir toutes les angoisses qu'engendre naturellement
une
telle
Les uns et les autres d'ailleurs, jusqu'au
suprême dont nous parlerons
crise
leurs traits
forme
distinctifs
par leurs qualités et leurs vertus, difformité
«
bientôt, garderont
félicité
par
les derniers
les
Là
pour
trouve,
se
les
élus,
qui nous est fermée ici-bas
Car, dit Saint-Martin,
si
les
:
belles âmes pouvaient
s'apercevoir, elles fondraient de joie (2).
rait
premiers
que leur auront imprimées leurs
iniquités et leurs vices.
une source de
la
malgré l'absence de toute
et,
visible, se reconnaîtront entre eux, les
marques de
»
situation (1).
moment de
»
Qui ose-
encore, après cela, lui reprocher d'avoir nié l'im-
mortalité personnelle de l'âme
humaine
Nous venons de parler des justes
et
?
des pervers, des
fonctionnaires de Dieu et des fonctionnaires de Satan
;
entre ces deux extrêmes n'y a-t-il donc point de milieu ?
N'y
a-t-il
pas des
(1) Ministère
posthumes, (2)
De
t.
de
I, p.
hommes
qui ne font, en quelque sorte,
l'homme- esprit,
p.
287-288, 296-297
324-325.
l'esprit des choses, t.
H,
p.
50-55.
;
OEuvres
LA MÉTEMPSYCOSE.
192
ou qui ne vivent qu'à
qu'effleurer la vie,
sans attachement pour
le
surface,
la
bien ni pour le mal, incapables
de grands vices et de grandes vertus, de grandes joies de grandes peines? Quel sort est réservé à ceux-là?
et
Pour à
les
hommes de
la nécessité
de
métempsycose.
la
même
avoir vécu. Avant ils
cette catégorie, Saint-Martin croit
meurent sans
Ils
de descendre dans
n'ont été que des ombres.
«
tombe,
la
Aussi faudra-t-il que la
hommes-là recommence
auront
»
vie de ces
»
quitté cette région visible et apparente
»
n'auront pas vécu pendant le temps qu'ils l'auront
»
traversée, et c'est ce prolongement de temps qui fera
»
leur supplice (1). Ici
il
nous est
lorsqu'ils ,
puisqu'ils
»
facile
de reconnaître une
fois
de plus
l'influence de Martinez et de la kabbale, car la transmi-
gration, dans les livres kabbalistiques
,
n'a pas d'autre
but que de fournir aux âmes restées incomplètes les
moyens d'acquérir mûrir pour
le
les vertus qui
pondance inédite
(2),
manquent
complètement
s'il
même
qu'il la répu-
n'imaginait d'en faire une nou-
qui, après avoir déjà vécu, reviennent dans ce
pour suppléer à ce qui leur manque
(1)
âmes
d'élite
XXXVIII,
p.
113,
;
monde
ce sont, au con-
que Dieu a chargées autrefois
Portrait historique, n° 404.
(2) Lettre
de
Ce ne sont plus des âmes vulgaires
velle application.
traire, les
et
que Saint-Martin n'accepte cette
doctrine qu'avec répugnance, et dierait
leur
Mais nous voyons, dans sa corres-
ciel.
édit.
Schauer.
EXPIATION FINALE.
103
d'une grande mission, celles d'Élie, d'Enoch, de Moïse, qui, à certaines époques, apparaissent de
nous,
«
nouveau parmi
pour concourir sensiblement à l'avancement du
»
grand œuvre, parce que
»
canaux
le
bien coule toujours par les
qu'il s'est choisis. » Toutefois,
il
n'insiste pas
mé-
sur cette opinion et se contente d'affirmer que la
tempsycose, en général, ne peut se concilier avec aucun des principes de être
la
comptée parmi
théorie spirituelle divine, et doit les opinions suspectes
que nous de-
vons à l'influence des puissances subalternes.
Au
reste,
pourquoi Saint-Martin
aurait-il
métempsycose, puisque
la vie future
séparée du corps
qu'il
telle
gardé
elle-même,
la
la vie
concevait après la vie
la
présente, n'est, dans son système, qu'une épreuve transitoire,
qu'une simple
amené par une cette idée,
initiation
révolution
à un état supérieur,
suprême de l'univers? Voici
exprimée d'une façon très-ingénieuse dans
»
Œuvres posthumes (1) c La mort ne doit se regarder que comme un relais dans notre voyage. Nous
»
arrivons à ce relais avec des chevaux fatigués et usés,
»
et
»
en état de nous conduire plus loin. Mais aussi
»
payer tout ce qu'on doit pour
ses
» et, »
:
nous y venons pour en prendre qui soient
jusqu'à ce que
les
la
frais et il
course qui est
faut
faite,
comptes soient soldés, on ne
vous met point en route pour
la
course suivante.
»
Oui, tous les comptes seront soldés, et les voyageurs, se remettant en route,
(1)
Tome
I,
p.
286.
arriveront,
quels qu'ils soient,
,
EXPIATION FINALE.
194
au terme
à la consommation des siè-
final, c'est-à-dire
cles, à la fin
du monde, à
la destruction
du mal, à
la
réintégration de tous les êtres au sein de Dieu. D'abord la
matière disparaîtra nécessairement, usée par
le
temps,
transfigurée, raréfiée, en quelque sorte, par la régénération croissante de la nature
propre fécondité. En
effet
qu'un épaississement de ses,
la
humaine, épuisée par sa
puisque
,
la
matière n'est
substance première des cho-
produit par la chute de l'homme, à mesure que
celui-ci,
marchant sur
du Réparateur, re-
les traces
montera vers son premier
perdra de son in-
état, elle
tensité et la force se substituera,
rompu
résistance. L'équilibre étant
dans son
sein, à la
entre les deux prin-
cipes dont elle est formée, l'univers s'écroulera, et ses
débris
mêmes
disparaîtront, dévorés par le feu. Saint-
démontrer physiquement cette
Martin croit pouvoir
future destruction de la matière par la conflagration
générale du monde.
simple feu élémentaire ré-
« Si le
un corps à une
»
duit
»
comment ne pas
»
duire encore davantage,
»
corps général de la nature
»
par un autre,
»
doit pas
»
matériel soit anéanti.
»
sières dont
(1)
De
esprit, p.
rester
il
voir
il
faut,
petite portion de cendres le feu
si
supérieur pourra ré-
puisqu'il est plus actif, le ?
(1) »
Par un moyen ou
l'œuvre du Réparateur ne
une œuvre inachevée, que l'univers
Aux images
périssables et gros-
est l'assemblage devront être substituées
l'esprit des choses,
463.
si
que
t.
I, p.
130-131
;
Ministère de l'homme-
RÉCONCILIATION DE SATAN.
formes éternelles, les seules qui se puissent
» les »
195 offrir
à la contemplation divine, parce qu'elles n'appartien-
» lient ni
à l'espace ni au temps (1).
La matière une
»
détruite, plus de
fois
démon
car où
;
demeurerait-il? L'enfer, c'est sa domination, c'est-àdire lui-même, et
ment que
s'il
ne de neure plus nulle part, com-
pourrait-il exercer son
le
mal peut être réparé,
cipe d'où
il
émane,
un principe éternel,
empire il
dans lequel
et
comme
D'ailleurs, puis-
?
que
est évident
l'ont
il
le
prin-
réside, n'est pas
cru les Manichéens
(2).
n'y a pas deux principes, dit expressément Saint-
a II »
Martin, car on ne peut presque pas dire qu'il y
ait
»
deux pensées, puisque, en comparaison de
»
bonne, l'autre n'est qu'une sorte d'étranglement et
»
de raccourcissement opéré par
»
espèce de pensée (3).» Par conséquent, l'esprit rebelle
la
volonté sur la
entrer dans l'harmonie universelle. Dieu, d'autre existence que de pardonner,
dès
le
même
des temps, se dépouiller de son orgueil et
doit, à la fin
*>
pensée
la
commencement,
les trésors
tenait qu'à lui d'y puiser
[k).
Il
«
» lui
qui n'a pas
avait ouvert,
de sa grâce,
est étrange
et
il
ne
que Saint-
Martin, avec de telles croyances, ait été accusé de mani-
chéisme.
On
se rappelle que le fond de ces croyances
est dansle traité de Martinez Pasqualis, qui, l'avait pris
(1)
De
dans
les traditions de sa race.
l'esprit des choses,
t.
I,
p. 137.
(2) Ministère de l'homme-esprit, p.
(3)
De V esprit
(4)
Id.,ibid., p. 15.
des choses,
t. II,
278.
p. 13.
lui-même,
RÉCONCILIATION DE SATAN.
196
La réintégration du démon emporte avec
âmes humaines,
toute nécessité, celle des
pu
être leur conduite sur la terre;
comblé par
car l'intervalle qui
de l'un et
la félicité anticipée
ves successives des autres. C'est ce résultat justifie,
aux yeux de Saint-Martin,
les
les
le
dépourvue de raison
de mort,
«
et
,
la peine
temporelles, soit humaines, ne
»
soit spirituelles, soit
tendent qu'à réveiller en nous une affection.
tous, tant
que nous sommes la
uns avec
le
les autres,
et tant
par
le lien
Nous
nous nous re-
de Dieu, unis avec
sein
»
que nous serons au
universelle,
dissolution
trouverons dans
sem-
les justices, dit-il (1), soit divines,
»
moment de
lui
par conséquent inique.
que nous l'avons vu répudier
Toutes
qui
coupable, qui
ne donne pas un autre cours à ses sentiments,
C'est pour cela
épreu-
môme
châtiments d'une
autre vie. Une peine qui ne relève pas
ble
de
l'homme de désir des hommes du torrent a
séparait été
elle,
qu'elle qu'ait
lui
et les
de l'amour. Cette réu-
nion ne paraît pas, dans la pensée de Saint-Martin,
nous enlever
la
conscience
;
car
il
fait la
remarque que
notre existence est toute dans l'affection, non dans le
temps
et
dans
le lieu
où
elle
semble s'écouler. Pourquoi,
dès lors, l'affection qui nous est réservée dans l'avenir, et qui, à
mesure que nous avançons, s'étend de plus
en plus dans nos âmes, ne pourrait-elle pas être conçue sans temps et sans lieu,
(i)
De
l'esprit des choses, p.
(2) Id. ibid., p. 50.
comme
10.
celle
de Dieu
et
comme
MONDE.
FIN DU
Dieu lui-même? »
Nous serons, ajoute Saint-Martin,
»
comme
toujours et partout
part
Nous serons
«
:
La
lui (I)
»
;
il
ne dit nulle
lui. »
du monde,
fin
197
telle qu'il
l'entend, n'est donc
point la séparation éternelle des justes et des réprou-
vés
est,
elle
;
au contraire, l'éternelle
et l'universelle
réconciliation, l'éternelle et l'universelle rédemption, la fin
ment sur
de
règne de l'amour, non-seule-
le
triomphe du bien sur
le
la
la justice et
matière,
l'abolition
mais
mal, de l'intelligence
du mal. Aussi avec quels accents
avec quels cris de jubilation «
le
destruction de la matière et
la
d'allégresse,
saluée d'avance
elle est
Réjouissez -vous, régions sacrées,
!
voici les saints
»
cantiques qui se préparent. Voici les harpes pures
»
qui s'avancent
;
réjouissez-vous,
»
vont commencer
»
temps que vous ne
;
réjouissez-vous
,
il
y a
avez entendus
les
»
choisi vous est enfin rendu,
»
chants de la jubilation
»
puissent retenir sa voix
il
;
hymnes
les
;
!
si
divins
long-
Le chantre
l'homme va entonner
les
n'y a plus d'obstacles qui il
vient de dissoudre,
de
»
démolir et d'embraser tout ce qui servait d'obstacle
»
à
»
Amen
sa
prière.
Dieu de paix
,
sois
béni
à
jamais
!
(1). »
Telles sont, dans leur ensemble et sous la forme dont
lui-même
les a revêtues,
accompagnées des expressions
qui lui sont les plus chères, les idées que Saint-Martin
nous présente
(1)
comme
le
degré
le
plus élevé de la révé-
Ministère de i'homme- esprit, p. 363-304.
CONCLUSION.
198 lation et
de
forment moins un système
la science. Elles
qu'un poëme, une sorte d'épopée divine en qui auraient pour titres
:
Aussi n'est-il guère possible d'en faire la
tégration.
matière d'une discussion
sentiment et
mot trop
le
rêve,
car on ne discute pas avec
;
ou
,
si
nom
convaincu qu'il
bien
était
un rôle considérable dans
sophie, lui qui prenait le
de
l'histoire
raison et
du bon sens
de son temps,
le
la philo-
de philosophe inconnu.
armes de
Et, en effet, n'a-t-il pas combattu avec les
de
sensualisme,
la société ? N'est-il point le créateur
matérialisme
le
de cette théorie
les
plus récentes
observations sur l'origine des langues, et qui,
mutilée et défigurée, a
nom
la
chimères de Rousseau sur l'origine
les
du langage que semblent confirmer
le
le
l'on trouvait ce dernier
sévère, avec des intuitions toutes personnelles.
Cependant Saint- Martin jouait
trois chants,
X émanation, \âchnte,\cL réin-
fait
de M. de Bonald?
une
même
brillante fortune sous
si
N'a-t-il
pas
fait
dépendre
la
connaissance de Dieu de la connaissance préalable de
l'homme, conformément à une règle de méthode encore suivie aujourd'hui; et cette connaissance de
ne
l'a-t-il
elle était
l'homme,
pas, le premier, relevée de l'abaissement où
tombée dans
sans doute
;
mais
les écoles
du
xvm
la philosophie n'était
e
siècle? Oui,
pour
lui
qu'une
introduction à des spéculations très-peu philosophiques, et »
un moyen d'établir sa propre insuffisance. «Ma tâche dans ce monde a
(1)
été, dit-il (1),
Portraits historiques, n° 1135.
de conduire l'esprit
CONCLUSION.
199
»
de l'homme, par une voie naturelle, aux choses sur*
»
naturelles.
comme
pas,
»
Or
ces choses surnaturelles, ce ne sont
on pourrait
choses de
le croire, les
mais des façons toutes particulières de et
de
les sentir,
les
ou l'expérience personnelle,
tions personnelles,
pour ne pas dire
la foi,
comprendre
les rêves
les intui-
de l'ima-
gination, substituées à la raison et à la tradition dans le
commerce de l'âme avec Dieu.
C'est ainsi, par
que Saint-Martin a cru reconnaître
ple,
médiate de Dieu dans
les
événements de
française. C'est ainsi qu'il a aperçu
facultés de
l'homme
la
exem-
présence imla révolution
dans chacune des
les traces vivantes
de sa déchéance.
C'est ainsi qu'il a découvert cette alchimie théologique
qui
lui
montre
le
sang répandu
comme un
réactif à l'aide
matière est précipitée dans les bas-fonds et
duquel
la
l'esprit
rendu à sa
liberté. C'est
mie que de Maistre a
fait
du
sein de cette alchi-
sortir l'apothéose
du bour-
reau, la justification de l'inquisition et l'apologie de la
guerre.
On comprend,
après cela, que
le
fond de sa doctrine
n'appartienne pas plus à la religion qu'à la philosophie. Il
croyait
fruit à
fermement
être chrétien et travailler avec
l'avancement, au triomphe, à la gloire du chris-
tianisme. Mais le christianisme, pour lui, n'était pas
une religion
ment, »
« le
c'était,
terme
gions (1),
(1)
;
»
comme
et le lieu
il
l'a
déclaré expressé-
de repos de toutes les
reli-
c'est-à-dire ce degré de perfection où les
Ministère de l'homme-esprit, p. 370.
CONCLUSION.
200
même
pratiques et les formes extérieures, et
mes
définis,
nous sont
un peu plus
inutiles. «
que
loin, n'est
»
il
»
Christ dans sa plénitude.
j>
les
dog-
Le christianisme,
l'esprit
même
dit-
de Jésus-
nous montre Dieu à
11
découvert au sein de notre être, sans
secours des
le
»
formes et des formules. Le christianisme n'a point de
»
mystères, et ce
nom même
»
par essence,
christianisme est l'évidence et l'uni-
»
verselle clarté (1).
le
»
Le
lui répugnerait,
titre
de religion
au contraire, appartenir au catholicisme,
puisque,
lui semblait, «
parce qu'il
d'épreuve et de travail pour arriver au
»
est la voie
)>
christianisme, parce qu'il est la région des règles et
»
de
»
tianisme.
parce qu'il est
la discipline, »
séminaire du chris-
le
Aussi, quand l'approche de la mort a ré-
pour
veillé sa tendresse
l'Église qui lui a
donné
la foi
la
de son enfance, pour
première connaissance de
Dieu, a-t-il pu dire, sans abandonner une seule de ses convictions, que le catholicisme est la meilleure des religions, et Il
même
qu'elle est la religion véritable (2).
se croyait éclairé par
du catholicisme
et
une lumière plus pure que
celle
de toute religion, quelle qu'elle puisse
être.
Ni philosophe, ni théologien, Saint-Martin n'est pas
suffisamment caractérisé quand on tique.
Il
l'a
appelé un mys-
y a bien des genres de mysticisme, presque
autant que de systèmes de philosophie et de théologie.
'^1)
Ministère de l'homme-esprit, p. 370-371.
(2)
OEuvres posthumes,
t,
I,
p.
213.
201
CONCLUSION.
Celui qu'adopta Saint-Martin venait, en droite ligne, de
de
l'Orient, descendait
chemin
la
kabbale, recueillant sur son
je ne sais quels débris de platonisme alexandrin,
de gnosticisme, d'alchimie et de théurgie.
A.u milieu
de
ce foyer de fermentation, d'où sortaient les plus étranges
hallucinations de l'esprit et des sens, Saint-Martin a su
garder une modération relative. Ainsi, tout en écrivant
un il
traité
sur la signification symbolique des nombres,
a protesté contre les révélations directes
que leur
attribuaient ses devanciers et quelques-uns de ses con-
temporains. le
Il
expliquait l'origine de tous les êtres par
principe de l'émanation, et croyait, avec la
foi la
plus
ardente, en un Dieu libre et personnel, principe de justice et
d'amour, avec lequel nous communiquons par la
pensée et par la prière respiration de l'âme. être
un désir de Dieu,
;
il
ligence avec le désir de
qui est pour lui la
la prière,
appelait la substance de notre
Il
confondait
l'homme,
la
et
volonté et
il
l'intel-
n'a pas cessé de
défendre, contre ceux qui les nient, l'existence et les
de
droits
la terre
à
la liberté.
qu'il y a entre le ciel et
des intelligences semblables
l'homme
,
avec
communication, évocations de
pèce
Persuadé
(1).
il
lesquelles nous
(1)
il
pouvons entrer en
et les visions
les instants
mêmes où
mystique semble atteindre chez
quand
mais supérieures
a écrit tout un chapitre contre les
Swedenborg
Dans
,
lui les
de toute es-
l'enthousiasme
dernières limites,
décrit les ravissements de l'âme arrivée à la
Le chapitre 184 de l'Homme de désir.
CONCLUSION.
202
de ses épreuves et reçue dans
fin
le
sein de l'éternité,
il
n'oublie pas les droits de la conscience. Fénelon aurait
pu recevoir de ment,
comme
des leçons de prudence.
lui
en avait l'ambition,
il
spiritualité, c'est-à-dire le
le
Il
germanique,
le
est resté
pu
sacrifices qu'il a
faire à l'esprit oriental et à l'esprit
premier représenté par Martinez Pas-
et fera toujours son plus
un et
il
est resté
la
un écrivain
Bœhm.
grand
titre
Mais, ce qui
aux yeux de
lui-même, une âme aimante
trempe délicate
esprit d'une
souvent
et des illusions
de son pays, en dépit des
qualis, le second par Jacob
térité,
a été vrai-
défenseur de la conscience
humaine au milieu des entraînements
du mysticisme.
Il
Descartes de la
et forte,
profondeur n'excluent pas
même
fait
pos-
et tendre,
où l'élévation
la finesse
original, dont la grâce naturelle a le
charmer ceux-là
la
;
enfin,
don de
qu'elle ne persuade point,
et
dont l'imagination ingénieuse donne un corps à toutes les pensées.
De
ses ouvrages s'exhale
de candeur
et
d'amour qui
l'oubli.
suffit
comme un parfum
pour les sauver de
i
APPENDICE Le travail qu'on vient de Matter,
déjà imprime quand M. le pasteur
lire était
de l'historien du Gnosticisme
fils
bien voulu mettre à
ma
disposition les
de l'École d'Alexandrie, a
et
deux
petits
volumes manuscrits de
Marliuez Pasqualis et m'autoriser à m'en servir dans la mesure que je jugerais convenable. Je profite de cet acte
ma reconnaissance, les vingt-six
premiers
donner une idée de laquelle
il
pour reproduire feuillets
la
de
libéralité,
objet de toute
avec une scrupuleuse exactitude,
ici,
du Traité de Martinez
;
ils
pensée générale de l'auteur et de
suffiront la
pour
forme sous
se plaisait à la développer. Ces vingt-six feuillets, en l'absence
de toute division matérielle, m'ont semblé d'ailleurs composer un chapitre distinct, et
peuvent être considérés
comme une
introduction à tout
l'ouvrage.
TRAITÉ SUR LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES DANS LEURS PREMIÈRES PROPRIÉTÉS, VERTUS ET PUISSANCES SPIRITUELLES ET DIVINES,
Par
MARTINEZ DE PASQUAL1TZ
(1).
Première Partie.
Avant
le
temps, Dieu émana des êtres spirituels par
sa propre gloire dans son immensité divine. Ces êtres
avaient à exercer
(1)
Soit par
c'est ainsi les
yeux.
un
culte
que
une erreur du copiste,
que ce nom
est écrit
dans
soit
le
la Divinité leur avait
par
la
volonté de l'auteur,
manuscrit que nous avons sous
j
TRAITÉ
204
par des
fixé
des préceptes et des commandements!
lois,
éternels. Ils étaient
donc
du Créateur,!
libres et distincts
et l'on ne peut leur refuser le libre arbitre avec lequel
ont été émanés, sans détruire en eux la faculté, la
ils
propriété, la vertu spirituelle et personnelle qui leur étaient nécessaires
bornes où
ils
pour opérer avec précision dans
les
devaient exercer leur puissance. C'étaient
positivement dans ces bornes où ces spirituels devaient rendre le culte
premiers
pour lequel
ils
êtres
avaient
été émanés. Ces premiers êtres ne peuvent nier ni igno\
rer les conventions
que
en leur donnant des
déments, puisque
le
lois,
Créateur avait faites avec eux
:
des préceptes, des comman-.
c'était sur ces
conventions seules qu'éj
fondée leur émanation.
tait
On demandera
ce qu'étaient ces premiers êtres avant
leur émanation divine, taient pas.
Ils
ou
existaient
s'ils
mais sans distinction d'action, de pensée
ment par
particulier;
ils
la seule volonté
nait, et
l'être
dans lequel tout
était ;
mû,
ce qui véritablement
cependant cette existence
tue l'immensité de la puissance divine
inné
(1)
père et
(1)
Il
en
lui
le
d'entende-
supérieur qui les conte-
en Dieu est d'une nécessité absolue; c'est
le
et
ne pouvaient agir ni sentir que
de
ne peut pas se dire exister
pas
n'exis-
s'ils
existaient dans le sein de la Divinité,
;
elle
qui consti-
Dieu ne
maître de toutes les choses,
s'il
serait
n'avait
une source inépuisable d'êtres qu'il émane
faut se rappeler
que Marlinez ne connaissait qu'imparfaitement
notre langue, et prendre sou
parti des
qu'on rencontre dans son Traité.
incorrections de toute espèce
'
SUR LA RÉINTÉGRATION
par la pure volonté et quand
1>EN
(Test par cette
plaît.
il
multitude infinie d'émanations et d'êtres hors de lui-même, qu'il porte
ouvrages celui de
la
le
nom
205
ÊTJIES.
spirituels
,
de créateur, et ses
création divine, spirituelle et ani-
male, spirituelle-temporelle.
Les premiers esprits émanés du sein de
la Divinité
étaient distingués entre eux par leurs vertus, leurs puis-
sances et leur nom;
ils
occupaient l'immense circonfé-
rence divine appelée vulgairement domination, et qui
porte son nombre denaire, selon la figure suivante ©,
que tout esprit supérieur 10
et c'est là
;
majeur 8;
infé-
rieur et mineur h, devaient agir et opérer pour la plus
grande gloire du Créateur. Leur démonstration ou leur
nombre prouve que leur émanation la
vient réellement de
noms de
quatriple essence divine) les
classes d'esprits étaient plus forts
ces quatre
que ceux que nous
donnons vulgairement aux Cliérubins, Séraphins, Archanges
et
Anges, qui n'ont été émancipés que depuis.
Déplus, ces quatre premiers principes d'êtres spirituels avaient en eux, la
comme nous
l'avons dit, une partie de
domination divine, une puissance supérieure
jeure, inférieure et mineure, par laquelle
ils
,
ma-
connais-
saient tout' ce qui pouvait exister ou être renfermé. dans les êtres
spirituels qui n'étaient pas encore sortis
sien de la Divinité.
Comment,
du
dira-t-on, pouvaient-ils
avoir connaissance des choses qui n'existaient pas en-
core distinctement et hors
du
sein
du Créateur? Parce
que ces premiers chefs émanés au premier cercle, mystérieusement cercle denaire AD. FRANCK.
,
nommé
lisaient clairement et 12
TMITÉ
206
avec certitude ce qui se passait dans
que tout ce qui
était
la Divinité, ainsi
contenu en elle-même
(1).
ue doit point y avoir de doute sur ce que je dis
Il
ici,
étant bien convaincu qu'il n'appartient qu'à l'esprit
de
lire,
de voir, de concevoir
l'esprit.
Ces premiers
chefs avaient une connaissance parfaite de toute action divine, puisqu'ils n'avaient été
émanés du
sein
du Créa-
teur que pour être moins face à face de toutes les opérations divines de la manifestation de sa gloire. Ces
divins ont-ils
chefs spirituels état
de vertu
tion? Oui,
et
ils
puissance divines après leur prévarica-
conservé par l'immutabilité des dé-
l'ont
crets de l'Éternel, car les vertus et
si le
Créateur avait retiré toutes
puissances qu'il a mises réversibles sur les
premiers esprits,
il
bonne ou mauvaise,
n'y aurait plus eu d'action de vie ni
aucune manifestation de
gloire,
de puissance divine sur ces esprits préva-
de justice
et
ricateurs.
On me
voir
conservé leur premier
dira que le Créateur devait bien pré-
que ces premiers
esprits
contre les lois, préceptes et
émanés prévariqueraient
commandements
qu'il leur
avait donnés, et qu'alors c'était à lui de les contenir
dans
la justice.
Je répondrai à cela que, quand
même
le
Créateur
aurait prévu l'orgueilleuse ambition de ces esprits,
ne pouvait d'aucune façon contenir (1) La
et arrêter leurs
grammaire exigerait en eux-mêmes ; mais, dans
Martinez, les premiers principes émanés du sein de
fondent absolument avec à la kabbale.
la Divinité
même.
la
la
il
pen-
pensée de
Divinité se con-
Cela est strictement conforme
DE LA RÉINTÉGRATION DES ETRES.
207
sées criminelles, sans les priver de leur action particulière et
innée en eux, ayant été émanés pour agir selon
leur volonté et le
plan que
le
comme cause
seconde ou spirituelle selon
Créateur leur avait tracé. Le Créateur ne
prend aucune part aux causes secondes,
spirituelles,
bonnes ou mauvaises, ayant lui-même appuyé tout être spirituel sur des lois
fondé
et
immuables par ce moyen, ;
tout être spirituel est libre d'agir selon sa volonté et sa
détermination particulière ainsi que
le
Créateur
l'a dit
lui-même à sa créature, et nous en voyons tous les jours la
confirmation sous nos yeux. Si l'on
demande quel
de ces esprits, pour que loi
le
Créateur
ait
usé de force de
divine contre eux, je répondrai que ces esprits n'é-
taient et
est le genre de prévarication
émanés que pour agir comme causes secondes,
nullement pour exercer leur puissance sur
premières ou l'action n'étaient
même
de la Divinité
que des agents secondaires,
ils
que de leur puissance, vertu
être jaloux
;
les
causes
puisqu'ils
ne devaient
et opérations
secondes, et non point s'occuper à prévenir la pensée
du Créateur dans toutes
ses opérations divines, tant
passées que présentes et futures. Leur crime fut pre-
mièrement d'avoir voulu condamner dans ses opérations de création voulu borner opérations
;
la
;
l'éternité divine
secondement, d'avoir
toute-puissance divine clans ces
rituelle jusqu'à vouloir être créateurs des
sièmes
et
mêmes
troisièmement, d'avoir porté leur pensée spi
-
causes troi-
quatrièmes qu'ils savaient être innées dans
la
toute-puissance du Créateur, que nous appelons qua-
TRAITÉ
208
Comment
triple essence divine.
pouvaient-ils
divine? C'est en voulant donner à l'Eternel
l'éternité
une émanation égale à
la leur, ne
regardant
que comme un être semblable à eux, quence
condamner
le
Créateur
et qu'en consé-
devait naître d'eux des créatures spirituelles
il
qui dépendraient immédiatement d'eux-mêmes, qu'ils
dépendaient de celui qui
les avait
ce que nous appelons le principe du
mal
émanés. Voilà spirituel, étant
que toute mauvaise volonté conçue par
certain
est toujours criminelle devant le Créateur,
même
l'esprit
ne
la
réaliserait pas
ainsi
l'esprit
quand bien
en action effective.
C'est en punition de cette simple volonté criminelle les esprits ont été précipités
que
par la seule puissance du
Créateur dans des lieux de sujétion, de privation et de misère impure, et contraire à leur être spirituel, qui était
pur
et
simple par leur émanation, ce qui va être
expliqué.
Ces premiers esprits ayant conçu leur pensée criminelle, le Créateur
force de loi sur son immutabilité
fit
en créant cet univers physique, en l'apparence de forme matérielle,
pour être
le lieu fixe
où ces esprits per-
vers avaient à agir, à exercer en privation toute leur malice.
11
ne faut point, clans cette création matérielle,
comprendre l'homme ou
le
mineur qui
est aujourd'hui
au centre de la surface terrestre, parce que l'homme ne devait faire usage d'aucune forme de cette matière apparente, n'ayant été
émané
et
émancipé par
teur que pour dominer sur tous
émancipés avant
lui.
les
L'univers ne fut
êtres
le
Créa-
émanés
et
émané qu'après
SUR LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES.
que
209
cet Univers fut formé par la toute-puissance divine
pour être
l'asile
des premiers esprits pervers et
la
borne
de leurs opérations mauvaises, qui ne prévaudront ja-
mais contre
les lois d'ordre
à sa création universelle.
Il
que
Créateur a données
le
mêmes
avait les
vertus et
puissances que les premiers esprits, et quoi qu'il ne fût
émané qu'après eux, aîné, par son état
il
de gloire
du Créateur.
qu'il reçut
devint leur supérieur et leur
Il
et la force
nécessité de la création universelle
plus
l'utilité et la
rituelle, ainsi
que
du gouvernement
connaissait parfaitement la il
;
connaissait de
sainteté de sa propre émanation spila
forme glorieuse dont
pour agir dans toutes ses volontés sur porelles, actives et passives; c'était
il
était revêtu,
les
formes cor-
dans cet état
qu'il
devait manifester toute sa puissance pour la plus grande gloire
du Créateur en
face de la création universelle,
générale et particulière.
Nous distinguons le faire
ici
l'univers en trois parties, pour
concevoir à nos émules avec toutes ses facultés
d'action spirituelle
:
1°
Yunivers, qui est une circonfé-
rence dans laquelle sont contenus ticulier
;
2° la terre,
émanent tous particulier
;
le
général et
la partie générale
le
par-
de laquelle
éléments nécessaires à substantiel-
et 3° le particulier, qui est
les habitants
division
les
ou
le
composé de tous
des corps célestes et terrestres. Voilà la
que nous ferons de
la création universelle,
que nos émules puissent connaître tinction et connaissance
et
pour
opérer avec dis-
de cause dans chacune de ces
trois parties. 12.
.
TRAITÉ
210
Adam, dans son premier table
émule du Créateur.
état
Gomme
découvert les pensées et les Créateur lui
fit
de gloire, était le véri-
animaux actifs
exécuta ce que
le
une
partie
du
il
lui avait dit
lisait
à
Le
Commande obéiront. Adam
tout
il
;
il
:
vit
par là que
apprit à connaître avec
composant l'univers;
que nous nommons
partie est ce
il
divines.
lui dit
et passifs, et ils
Créateur
sa puissance était grande, et certitude
esprit,
concevoir les trois principes qui compo-
saient l'univers, et pour cet effet
à tous les
pur
opérations
le
particulier,
cette
com-
depuis la surface posé de tout être actif et passif habitant céleste appelé terrestre et son centre jusqu'au centre
mystérieusement
ciel
de Saturne.
créature Après cette opération, le Créateur dit à sa Ce obéira. t* elle Commande au général ou à la terre, :
que
fit
Adam
;
il
vit
par
là
que sa puissance
était
grande,
tout composant et il connut avec certitude le second Créateur dit à l'univers. Après ces deux opérations, le Commande à tout l'univers créé, et tous sa créature exécuta encore la parole ses habitants t' obéiront. Adam qu'il apde l'Éternel, et ce fut par ces trois opérations :
prit à connaître la création universelle.
au ayant ainsi opéré et manifesté sa volonté Œhemmei auguste gré du Créateur, reçut de lui le nom devait sortir de Dieu de la terre universelle, parce qu'il
Adam
lui Il
une
postérité de Dieu et
non une postérité charnelle.
opération faut observer qu'à la première
la loi
;
sième,
à la deuxième, ïe
il
Adam
reçut
reçut le précepte, et à la troi-
commandement. Par
ces trois sortes d'opéra-
211
SUR LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES. lions
quelles force
devons
nous
voir
clairement non - seulement
étaient les bornes de la puissance
que
le
,
vertu et
Créateur avait données à sa créature, mais
esprits encore celles qu'il avait prescrites aux premiers
pervers.
Le Créateur ayant vu sa créature vertu, force
et
puissance innées
en
satisfaite elle,
et
de la
par
les-
quelles elle pouvait agira sa volonté, l'abandonna à son arbitre, l'ayant émancipée d'une manière dis-
libre
tincte de son
que sa
immensité divine avec cette
liberté, afin
créature eût la jouissance particulière et per-
impassive, sonnelle présente et future pour une éternité la volonté selon conduisît pourvu toutefois qu'elle se rédu Créateur. Adam, étant livré à son libre arbitre, par ces trois fléebit sur la grande puissance manifestée
premières opérations
;
il
étant presque aussi grand
envisagea son travail
que
celui
comme
du Créateur
;
mais
ces trois ne pouvant de son chef approfondir parfaitement premières opérations ni celles du Créateur, le trouble commença à s'emparer de lui aussi bien que de ses réflexions sur la toute-puissance divine,
pouvait
lire
qu'avec le
qu'il lui avait été
dans laquelle
il
ne
consentement du Créateur, selon
enseigné par les ordres que
le
Créa-
ses pouvoirs teur lui avait donnés lui-même d'exercer le laisser sur tout ce qui était à sa domination avant de
libre de ses volontés. la
pensée
qu'il
Ces réflexions d'Adam,
avait eue de
lire
ainsi
dans la puissance
que di-
connues des vine, ne tardèrent pas d'un instant d'être premiers esprits pervers, que nous nommons mauvais
TRAITfi
212
démons, puisque, dès qu'on sutcette pensée, un des cipaux esprits pervers apparut à rente de corps de gloire, et lui dit
:
Que
la
Ne
t'a-t-il
prin-
forme appa-
étant approché d'Adam,
pas égalé à
lui
il
du tout-puis-
désires-tu connaître de plus
sant Créateur? la
s'
sous
lui
par
la vertu et
toute-puissance qu'il a mises en toi? Agis selon ta
volonté, innée en
sur
soit
toi, et
la divinité, soit
qui est soumise à ton
pour lors que
opère en qualité d'être
libre,
sur toute la création universelle,
commandement;
tu te convaincras
ne diffère en rien de
ta toute-puissance
du Créateur. Tu apprendras à connaître que
celle
tu
non-seulement créateur de puissance particulière,
es
mais encore créateur
(1), ainsi
qu'il
devait naître de toi une postérité
fa
été dit, qu'il
de Dieu. C'est du
Créateur que je tiens toutes ces choses, et c'est par lui et
A
pour son nom que je
te parle.
ce discours de l'esprit démoniaque,
Adam
comme dans
l'inaction et sentit naître en lui
violent, d'où
il
que et
l'esprit
tomba dans
malin
lui
l'extase. C'est
resta
un trouble
dans cet
état
insinua sa puissance démoniaque,
Adam, revenu de son
extase spirituelle animale, mais
ayant retenu une impression mauvaise du démon, résolut d'opérer la science la science divine
que
le
démoniaque préférablement à
Créateur
assujettir tout être inférieur à lui
lui avait ;
il
donnée pour
rejeta entièrement
sa propre pensée spirituelle divine pour ne faire usage
que de
(1)
^ens
:
Il
celle
y a
que
l'esprit
malin
évidemment une lacune
lui avait
ici.
créateur de puissance universelle.
Il
suggérée.
Adam
faudrait pour compléter le
213
SUR LA REINTEfiRATION DES ÊTRES.
opéra donc
la
pensée démoniaque en faisant une qua-
trième opération, dans laquelle roles puissantes
pour ses
trois
que
le
il
Créateur
transmises
lui avait
premières opérations, quoiqu'il eût entiè-
rejeté le cérémonial de ces
rement
usa de toutes les pa-
mêmes
opérations.
usage par préférence du cérémonial qoe
fit
Il
démon
le
avait enseigné, ainsi que du plan qu'il en avait reçu
lui
pour attaquer l'immutabilité du Créateur.
Adam
répéta
ce que les premiers esprits pervers avaient résolu d'opérer pour devenir créateurs au préjudice des lois que
pour leur servir de bornes
l'Éternel leur avait prescrites
dans leurs opérations spirituelles divines. Les premiers esprits ne devaient rien concevoir ni entendre en matière de création, n'étant que créatures de puissance Adam ne devait pas plus aspirer qu'eux à cette ambition de ;
création d'êtres spirituels qui lui fut suggérée par le
démon.
Nous avons vu qu'à peine ces démons ou
esprits per-
vers eurent conçu d'opérer leur volonté démoniaque, semblable à celle qu'avait opérée le Créateur, ils furent
ténèbres pour une du-
précipités dans des lieux de
Créateur.
que
la volonté
immense de temps par
rée
le
immuable du
Cette chute et ce châtiment nous prouvent
Créateur ne saurait ignorer la pensée et
la
vo-
de sa créature; cette pensée et cette volonté, bonnes ou mauvaises, vont se faire entendre directement lonté
au Créateur, qui
donc le
tort
les reçoit
de dire que
prétexte que tout
le
ou
les rejette
;
on aurait
mal- vient du Créateur, sous
émane de
lui
;
du Créateur
est sorti
TRAITÉ
214
tout être spirituel, bon, saint et parfait; n'est et
ne peut être émané de
mande d'où
est
donc émané
le
lui
qu'au Créateur et non à
mauvaises sont enfantées par les
à
mais que
;
la création
;
la créature
l'esprit
pensées bonnes sont enfantées par
l'homme à
rejeter les
unes
selon son libre arbitre, qui lui
l'on de-
mal, je dirai que
est enfanté par l'esprit et non créé tient
aucun mal
;
mal
pensées
les
mauvais, l'esprit
le
n'apparr
comme
bon
;
c'est,
et à recevoir les autres,
donne
droit de prétendre
aux récompenses de ses bonnes œuvres, mais qui peut aussi le faire rester, pour
un temps
infini,
dans
la pri-
vation de son droit spirituel.
Je parlerai plus amplement de cette miséricorde
tjl
vine dans un autre endroit, je reviendrai encore à l'en-
fantement du mal occasionné par
de
l'esprit, et je dirai
l'esprit n'étant
que
la
que
le
la
mauvais enfantement de
mauvaise pensée,
rituellement mauvais intellect, de
tement de
la
bonne pensée
est appelée spi-
même
est appelé
C'est par ces sortes d'intellects
que
mauvais se communiquent à l'homme
une impression quelconque, selon arbitre pour rejeter
mauvaise volonté
ou admettre
que
bon
intellect.
les esprits
bons
et
et lui font retenir
qu'il use
le
l'enfan-
de son
mauvais ou
le
libre
bon,
à sa volonté.
Nous nommons mauvaise des spirituels.
intellect cette insinuation
bonne ou
esprits, parce qu'ils agissent sur des êtres
Les esprits pervers sont assujettis aux mi-
neurs ayant dégénéré de leur puissance supérieure par leur prévarication
;
les
bons esprits sont également os-
SIR LA RÉINTÉGRATION DÉS ÊTRES. sujettis à
l'homme par
lui dit
:
est
Cette puissance universelle de
annoncée par
J'ai tout créé
pour être obéi, la sujétion
où
pour
du Créateur, qui
la parole toi,
tu n'as qu'à
commander
Il
n'y a donc nulle distinction à faire de
le
mineur
celle
où
se fût
maintenu dans son
il
puissance quaternaire qu'il
la
reçoit à son émanation.
l'homme
215
tient
tient les esprits
mauvais.
esprits
les
état de gloire,
bons d'avec Si
il
l'homme
aurait servi
de bon et de véritable intellect aux mauvais démons, ainsi
qu'eux-mêmes ont
aux premiers mineurs sentir
fait sentir
leur mauvais intellect
et qu'ils le font
journellement res-
parmi nous. Parla puissance de commandement,
l'homme pouvait encore plus tion en leur refusant toute
les resserrer
dans la priva-
communication avec
lui,
ce
qui nous est figuré par l'inégalité des cinq doigts de la
main, dont
le
doigt
médium
prit bon, l'index l'intellect
figure l'âme, le
bon
;
les
pouce
l'es-
deux autres doigts
figurent également l'esprit et l'intellect démoniaques.
Nous comprendrons aisément par
l'homme aspect
n'avait été
du mauvais démon, pour
le
figure
cette
émané que pour
que
être toujours en
contenir et le
com-
La puissance de l'homme était bien supérieure à celle du démon, puisque cet homme joignait à sa science celle de son compagnon et de son intellect, et
battre.
que, par ce moyen, spirituelles
il
pouvait opposer trois puissances
bonnes contre deux
faibles puissances dé-
moniaques, ce qui aurait totalement subjugué fesseurs
du mal
et
par conséquent détruit
le
les
pro-
mal même.
L'on peut voir par tout ce que je viens de dire que
l'ori-
1
IKAITE
216
gine du mal n'est venue d'aucune autre cause que de
mauvaise pensée, suivie de
émané du Créateur la possibilité Il
mauvaise de
la volonté
non pas que
prit contre les lois divines, et
l'esprit
soit directement le mal,
du mal
l'es^
même
parce quei
n'a jamais existé dans le Créateur.
ne naît uniquement que de
lonté de ses créatures
;
la seule disposition et vo-j
ceux qui parlent différemment
ne parlent pas avec connaissance des choses possibles: et impossibles à la Divinité.
Lorsque
sa créature, on lui donne le
nom
le
Créateur châtie!
de juste et non celui
d'auteur du fléau qu'il lance pour préserver sa créature*
du châtiment
infini.
J'entrerai maintenant' dans l'explication de la préva-,
du premier homme. Cette prévarication
rication
répétition de celle des esprits pervers
nés; quoiqu'elle parte de elle
la
,
est
une
premiers éma-i
propre volonté d'Adam,
ne vient point immédiatement de sa pensée; cette
pensée lui ayant été suggérée par cateurs
;
mais
la prévarication
ii
les esprits prévari-
du premier homme
est
t
plus considérable que celle des premiers esprits, en ce
que non-seulement
Adam
a retenu une impression du j
conseil des
démons, en faveur desquels
une volonté mauvaise, mais encore tre en
usage toute sa vertu
le Créateur,
et
il
il
a contracté
s'est porté à
met-
l
puissance divines contre
en opérant au gré des démons et de sa pro-
pre volonté un acte de création
;
ce que les esprits per-
vers n'avaient pas eu le temps de faire, leur pensée et
9
leur volonté mauvaise ayant été tuée par le Créateur,
I
qui arrêta aussitôt et prévint l'acte de l'opération de
I
SDK LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES. cette volonté.
On demandera peut-être
teur n'a pas agi contre la mauvaise ration unique
du premier homme,
217
pourquoi
le
Créa-
volonté et l'opé-
ainsi qu'il l'avait fait
contre celle des esprits pervers. Je répondrai à cela que
l'homme étant l'instrument préposé par le Créateur pour la punition
des premiers esprits, reçut des
lois
d'ordre
en conséquence. Le Créateur laissa subsister ces
lois
d'ordre qu'il avait données à l'homme, ainsi que celles
qui étaient innées dans l'esprit mauvais, afin que ces
deux êtres opérassent conformément à leur pensée leur volonté particulière.
muable dans
et à
Le Créateur étant un être im-
ses décrets et dans ses
dons
spirituels,
comme aussi dans ce qu'il promet et ce qu'il refuse, de même que dans les peines et récompenses qu'il envoie à sa créature selon qu'elle le mérite, ne pouvait, sans
manquer à son immutabilité, des
lois
arrêter la force et l'action
d'ordre que l'esprit mauvais et l'esprit mineur
ou l'homme avaient eues.
Il
laissa agir librement les
deux êtres émanés, n'étant point en
lui
de
lire
dans
les
causes secondes, temporelles, ni d'en empêcher l'action, sans déroger à sa propre existence d'Être nécessaire à sa puissance divine. Si le Créateur prenait quelque part
aux causes secondes,
il
faudrait de toute nécessité qu'il
communiquât lui-même, non-seulement la pensée, mais encore la volonté, bonne ou mauvaise, à sa créature,
ou !
qu'il la fit
communiquer par
ses agents spirituels,
qui émaneraient immédiatement de lui, ce qui reviendrait
exactement au même. Si
on aurait raison de dire que AD. FRANCK.
le
le
créateur agissait ainsi,
bien et le mal viennent 13
TRAITÉ
218
même que
de Dieu, de
le
pur
et l'impur.
rions plus alors nous considérer
comme
Nous ne pour-
des êtres libres
à un culte divin de notre propre volonté. Ren-
et sujets
dons toute
la justice qui est
due au Créateur, en restant
plus que convaincus qu'il n'a jamais existé en qu'il n'y et
que
peut
peut jamais exister
de
c'est
de
que
s'il
la vérité
avait été à la possibilité
d'arrêter l'action de causes secondes porelles,
combât à
l'insinuation
des
de
mal
le
liberté. [ce
que
du Créateur
spirituelles-tem-
n'aurait pas permis que son
il
que
l'esprit
d'une entière
Ce qui prouve démonstrativement je dis, c'est
et
moindre soupçon de mal,
le
la seule volonté
l'esprit étant revêtu
sortir,
lui,
démons,
mineur suc-
l'ayant
émané
expressément pour être l'instrument particulier de
la
mêmes démons.
Je
manifestation de sa gloire contre ces ferai
encore une petite comparaison à ce sujet, quoiqu'il
n'y en ait point à faire. Je vous dirai donc que
envoyiez un second
nemis, et qu'il fût en votre pouvoir de pher, pourriez-vous
vous-même?
Si,
le laisser
le
le
faire
triom-
au contraire, votre député va au combat lois
d'ordre que vous
aurez données, et qu'il revienne triomphant, vous
récompenserez de tout votre pouvoir,
fidèle il
vous
succomber sans succomber
en observant de point en point les lui
si
moi-même pour combattre vos en-
à vos ordres. Mais
si,
s'
comme un ami
étant écarté de vos lois*
vient à succomber, vous le punirez, parce qu'il avait
la force
en main. Cependant, ce député étant vaincu,
l'êtes-vous
également? Non
;
il
n'y a donc que lui de
blâmable et sur lequel doit tomber toute votre indigna-
SUR LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES. tion
comme
'219
étant faussaire et parjure; aussi vous l'au-
De
rez en opprobre.
plus,
si
votre député, ayant reçu
vos ordres pour aller combattre vos ennemis, au lieu de
de
les attaquer et
les terrasser, se joignait à eux, et
que
tous ensemble vinssent vous livrer bataille, et cherchassent par ce
moyen
qu'ils le sont
député
?
Vous
à vous rendre sujet à eux, au lieu
de vous, comment considéreriez-vousce le regarderiez
comme un
traître, et
vous
vous tiendriez plus fort que jamais sur vos gardes contre lui.
tion
cela
Eh bien, voilà positivement quelle est la du premier homme envers le Créateur 5
que l'ange du Seigneur
porté dans les Écritures
connaissance
du
dit,
prévaricac'est
pour
selon qu'il est rap-
Chassons d'ici? homme qui eut
:
bien et
du mal,
car
il
pourrait nous
troubler dans nos fonctions toutes spirituelles, et pre-
nons garde qu'il ne touche l'arbre de vive par ce
moyen à jamais,
(L'arbre de vie n'est autre
chose que l'esprit du Créateur, que injustement avec ses signifie
:
alliés.)
vie, et qu'il ne
le
mineur attaqua
Qu'il ne vive à jamais,
Qu'il ne vive éternellement
comme
miers esprits démoniaques, dans une vertu
sance maudites. Sans cette punition, n'eût point
fait
il
était
devenu
ion spirituelle,
mômes
il
et
il
pre-
une puis-
premier
pénitence de son crime,
obtenu sa réconciliation, et serait resté
le
les
homme
n'eût point
n'aurait point eu sa postérité,
mineur des mineurs démoniaques, dont le sujet, il
au
lieu que,
par sa réconcilia-
a été remis par le Créateur dans les
vertus et puissances qu'il avait auparavant con-
tre les infidèles
de
la loi divine. C'est
par cette récon-
l'KAlTÈ
220 qu'il a
ciliation
obtenu une seconde
pour et contre tout être créé
;
pouvoirs
fois les
c'est à lui d'en user
avec
sagesse et modération, et de ne plus employer son libre
ennemis du Créateur, de peur de
arbitre au gré des
devenir à jamais l'arbre de vie
Revenons à naissiez le qu'il
d'Adam.
qu'il a
Si vous con-
genre de prévarication d'Adam, et
le fruit
comme
injuste
en reçut, vous ne regarderiez plus
la peine
fin
du mal.
la prévarication
que
le
Créateur a mise sur nous en naissant, et
rendue réversible sur notre postérité jusqu'à
des siècles.
Adam
créature quelconque universelle
,
;
fut
émané
générale et particulière
la
dernier de toute
au centre de
fut placé
il
le
était
il
;
la création
revêtu
d'une puissance supérieure à celle de tout être émané, relativement à l'emploi auquel les
anges
mêmes
le
Créateur
un
ses pouvoirs. C'est en réfléchissant sur rieux,
le destinait
qu'Adam conçut
et
état si glo-
opéra sa mauvaise volonté,
au centre de sa première couche glorieuse
nomme
;
étaient soumis à sa grande vertu et à
vulgairement Paradis terrestre
,
,
et
que
l'on
que nous
appelons mystérieusement terre élevée au-dessus de tout sens. Cet
emplacement
la sagesse,
nom
de Mor-ia, où
depuis.
est ainsi
nommé
par
les
amis de
parce que ce fut dans ce lieu connu sous le
le
temple de Salomon a été construit j
La construction de ce temple
l'émanation du premier
homme
on n'a qu'à observer que
le
;
figurait réellement
pour s'en convaincre,
temple de Salomon fut
construit sans le secours d'outils composés de métaux
ce qui faisait voir à tous les
hommes que
le
;
Créateur
\
SUR LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES.
homme
avait formé le premier
sans
le
221
secours d'aucune
opération physique matérielle. Cette couche spirituelle dans
plaça son premier mineur,
conférence
;
au premier avait
par les six cercles
homme
employées pour
versel et particulier. çait à
les
laquelle
',
joint
l'homme la jonction que
aux
l'esprit
six autres,
que
le
qu'il
annon-
du Créateur faisait
avec lui pour être sa force et son appui les précautions puissantes
cir-
de son temple uni-
la création 1
une
Créateur représentait
le
immenses pensées
six
Le7
créateur
le
fut figuré par 6 et
;
mais malgré
Créateur emploie pour
prévenir et soutenir l'homme contre ses ennemis, cet
homme
ne laissa pas d'agir selon sa propre volonté
par laquelle
il
se
détermina à opérer une œuvre im-
pure.
Adam
avait en lui
déforme
spirituelle,
un acte de création, de c'est-à-dire
postérité,
de forme glorieuse,
semblable à celle qu'il avait avant sa prévarication; forme impassive et d'une nature supérieure à celle de toutes
formes élémentaires.
Adam
ces sortes de créations
;
aurait eu toute la gloire de
la
volonté
du premier homme
ayant été celle du Créateur, à peine la pensée de l'homme aurait opéré, que la pensée spirituelle divine aurait éga-
lement agi en remplissant immédiatement l'opération
du mineur par un
Dieu et l'homme n'auraient
le fruit
être aussi parfait fait
vu renaître avec une grande
qu'il aurait été
réellement
le
de lui.
tous les deux qu'une
seule opération, et c'était dans ce grand centre se serait
que
qu'Adam
satisfaction, puis-
créateur d'une postérité de
TRAITÉ
222
Dieu
mais
;
premier
loin
homme
d'accomplir les desseins du Créateur,
le
se laissa séduire par les insinuations
de
ses ennemis, et par le faux plan d'opération apparente
démoniaques
divine, qu'ils lui tracèrent. Ces esprits
disaient
:
«
Adam,
lui
tu as inné en toi le verbe de création
en tous genres tu es possesseur de toutes valeurs, poids, ;
nombres, mesures; pourquoi n'opères-tu pas
la puissance
de création divine, qui est innée en toi? Nous n'ignorons pas que tout être créé ne te soit soumis
:
opère donc des
créatures, puisque tu es créateur; opère devant ceux
qui sont hors de
toi
;
ils
rendront tous justice à
la gloire
qui t'est due.
Adam
,
rempli d'orgueil
,
circonférences
traça six
en similitude de celle du Créateur, c'est-à-dire qu'il opéra les six actes de pensées spirituelles qu'il avait
en son pouvoir pour coopérer à sa volonté de créaexécuta physiquement et en présence de
tion.
Il
prit
séducteur
attendu à avoir nel;
mais
lorsqu'au
de
il
sa le
fut
lieu
la
opération
succès que
forme
forme de matière au
il
lieu
ne créa,
après son opération
?
inique qui en était résulté, et
Il
lui et sa postérité,
en
démon,
ne retira
effet,
il
Que
réfléchit
et
tout
qu'une
devint donc sur le
vit qu'il avait
création de sa propre prison, qui
ment,
le
il
,
d'en créer une pure et glo-
rieuse, tel qu'il était en son pouvoir.
Adam
que
glorieuse
forme ténébreuse
qu'une
sienne;
s'était
il
;
Créateur éter-
le
très- surpris, ainsi
d'une
son opération
opposée à
criminelle
même
l'es-
fruit
opéré
la
le resserrait étroite-
dans des bornes ténébreuses,
SUR LA RÉINTÉGRATION DES ÊTRES. et
dans
la
2fc3
privation spirituelle divine, jusqu'à la
chose que
siècles. Cette privation n'était autre
le
gement de forme glorieuse en forme matérielle sive.
La forme corporelle qu'Adam créa
des
fin
chan-
et pas-
n'était point
réellement la sienne, mais c'en était une semblable à
me demandera peut-être si la forme dans laquelle Adam fut placé par le
corporelle glorieuse
Créateur, était sem-
blable à celle que nous avons à présent
?
Je répondrai
hommes,
qu'elle ne différait en rien de celle qu'ont les
aujourd'hui
mière
On
devait prendre après sa prévarication.
celle qu'il
était
;
tout ce qui les distingue, c'est
pure
et
inaltérable, au
lieu
nous avons présentement est passive
que
que
la pre-
celle
et sujette
que à la
corruption. C'est pour s'être souillé par une création si
impure que
le
Créateur
dira-t-on, à quel usage a
de matière de
contre l'homme. Mais
Adam
cette
forme
qu'il avait créée? Elle lui a servi à faire naître
une postérité d'hommes, en ce que
lui
homme, Adam, par rielle,
s'irrita
donc servi à
premier
le
sa création de forme passive maté-
a dégradé sa propre forme impassive, de laquelle
devaient émaner des formes glorieuses
comme la sienne,
pour servir de demeure aux mineurs spirituels que
le
Créateur y avait envoyés. Cette postérité de Dieu aurait \
été sans bornes et sans fin
;
l'opération spirituelle
premier mineur aurait été celle du Créateur [•
!
;
du
ces deux
volontés de création n'auraient été qu'une en deux substances. Mais pourquoi le Créateur a-t-il laissé subsister le fruit
provenu de
quoi ne
l'
a-t-il
la prévarication
d'Adam,
pas anéanti lorsqu'il a maudit
le
et pour-
premier
TRAITÉ
22k
homme
et toute la terre ?
Le Créateur
laissa subsister
l'ouvrage impur du mineur qui fut molesté de génération en génération, pour un
toujours devant
les
yeux l'horreur de son crime. Le
Créateur n'a pas permis que s'effaçât
de dessous
temps immémorial, ayant
le
les cieux
,
crime du premier afin
homme
que sa postérité ne
pût prétendre cause d'ignorance de sa prévarication, et qu'elle apprît par là
endure
que
les peines et les
endurera jusqu'à
et qu'elle
misères qu'elle
la fin
des siècles,
ne viennent point du Créateur, mais de notre premier
me mot matière impure que parce qu'Adam
père, créateur de matière impure et passive. Je ne sers
ici
de ce
a opéré cette forme contre la volonté
demandait encore comment
Si l'on
gement de
la
de matière, et
s'est fait le
chan-
forme glorieuse d'Adam dans une forme si le
forme de matière tion, je
du Créateur.
Créateur donna lui-même à
qu'il prit aussitôt
Adam
la
après sa prévarica-
répondrai qu'à peine eut-il accompli sa volonté
criminelle,
que le Créateur, par sa toute-puissance, trans-
forma aussitôt
la
forme glorieuse du premier
homme
en une forme de matière passive semblable à celle qui était
provenue de son opération criminelle. Le Créateur
transforma cette forme glorieuse en précipitant l'homme
dans
les
abîmes de
de sa prévarication. la terre,
comme
son crime
il
la terre,
d'où
L'homme
le reste
il
avait sorti le finit
vint ensuite habiter sur
des animaux, au lieu qu'avant
régnait sur cette
même terre comme homme-
Dieu, et sans être confondu avec elle ni avec ses habitants,
SUR LA RÉINTÉGRATION
Ce
événements
fut après ces
connut encore plus fortement 11
alla aussitôt
voqua
dans
les
;
il
gémissements
ainsi le Créateur divin
terribles
et
Dieu fort
qu'Adam
demanda
le
dans
les
;
pardon
larmes,
il
in-
:
;
père vivifiant
Dieu des Dieux, des deux
et très- fort
re-
s'enfonça dans sa retraite, et
Père de charité, de miséricorde vie éternelle, père,
terre;
225
ÊTRES;
grandeur de son crime.
gémir de sa faute
de son offense au Créateur et là,
la
DliS
et
et
de
de la
Dieu de justice, de peine
et
de récompense ; éternel, tout-puissant; Dieu vengeur
et
rémunérateur; Dieu de paix
passion charitable
;
Dieu des
Dieu fort du Sabbat être créé ;
;
Dieu éternel
lestes et terrestres ;
de clémence, de com-
et
esprits bons et
et tout-puissant des régions cé-
Dieu invincible existant nécessai-
rement sans principe ni fin; Dieu de peux faction
;
Dieu de toute domination
tout cire créé;
mauvais,
Dieu de réconciliation de tout
et
de satis-
et puissance,
de
Dieu qui punit et qui récompense quand
Dieu quatriplement
fort, des révolutions
il
lui plaît
et
des armées célestes et terrestres de cet univers ; Dieu
;
magnifique de toute contemplation, des êtres créés
et
des récompenses inaltérables ; Dieu père de miséricorde
sans bornes en faveur de sa faible créature, celui qui/