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Italian, French Pages [607] Year 1984
DA ROMA ALLA TERZA ROMA DOCUMENTI E STUDI
STUDI - II
21 APRILE
LA NOZIONE DI «ROMANO» TRA CITTADINANZA E UNIVERSALITÀ
EDIZIONI
SCIENTIFICHE
ITALIANE
1982
DA
ROMA
ALLA
DOCUMENTI
TERZA
ROMA
E STUDI
Collezione diretta da PIERANGELO CATALANO e PAOLO SINISCALCO
Questo volume à pubblicato con il contributo del Consiglio Nazionale delle Ricerche (Comitato per le Scienze giuridiche e politiche)
DA ROMA ALLA TERZA ROMA DOCUMENTI E STUDI
STUDI
LA
- II
21 APRILE
1982
NOZIONE DI «ROMANO » TRA CITTADINANZA E UNIVERSALITÀ
io EDIZIONI SCIENTIFICHE ITALIANE
(©
1984 by Edizioni Scientifiche Italiane spa. 80121
Napoli, via Chiatamone,
7
προσελθὼν δὲ ὁ χιλίαρχος εἶπεν αὐτῷ" λέγε μοι, σὺ Ρωμαῖος el; ὁ δὲ ἔφη ναί. ἀπεχρίθη δὲ ὁ χιλίαρχος: ἐγὼ πολλοῦ χεφαλαίου τὴν πολιτείαν ταύτην ἐχτησάμην. è δὲ Παῦλος ἔφη ἐγὼ δὲ καὶ
γεγέννημαι. (Atti degli Apostoli,
22, 27-28)
PREMESSA
Il II volume di Studi "Da Roma alla Terza Roma"
raccoglie gli Atti
del II Seminario internazionale di studi storici, organizzato in occasione del MMDCCXXXV
Natale
dell'Urbe,
nel
quadro
della
ricerca
d'ateneo
sugli
"aspetti storico-religiosi e giuridici dell'idea di Roma" promossa dall'Università degli Studi di Roma 'La Sapienza'. La parola Romanus (con i suoi equivalenti nelle lingue greca, slave, germaniche e neolatine) segna l'itinerario giuridico e religioso degli uomini che banno avuto come centri ideali Roma, Costantinopoli Nuova Roma e Mosca Terza Roma. La cittadinanza dei Quiriti, civitas augescens (cfr. Digesta Iustiniani 1,2,2; 7; 28), crescente sino a identificarsi con una collettività ecume-
nica, ba trovato cosí un duttile strumento linguistico per qualificare le persone e lo spazio.
Civis ba assunto un carattere universale a partire dalla costituzione del 212 d.C. di Antonino Magno e definitivamente con Giustiniano I, il quale eliminò la nozione stessa di peregrinus. Parallelamente si è plasmata nelle fonti giuridiche (da Diocleziano a Giustiniano I) la nozione di ius Romanum, visto
come universale "sistema del buono e dell'equo". Anche i Giudei poterono vivere secondo lo ius Romanum
Romani
(Codex Iustinianus 1,9,8)
ed essere quindi
(cfr. Interpretatio ad Codicem Theodosianum 2,1,10).
L'universalità civile di Roma si interseca, anche cost, con quella religiosa cristiana, con cui pur non si identifica. Grazie alla singolarissima riconosciuta
capacità di assimilazione degli schiavi e degli stranieri, l'universalità romana resta quale è stata vista sino ad oggi (da nemici e da amici: Filippo V di Macedonia, Elio Aristide, Ippolito ... il partito nazista, Senghor) e quale è
sin dai “tempi romulei": per dir cos, l'anti-razza. In questa civitas amplianda (Codex Iustinianus 7,15,2) che wnisce gli uomini contro ogni esclusivismo etnico, abbiamo assunto come emblematica la posizione di Paolo: « Il tribuno si recò da Paolo e gli domandò: ‘Dimmi,
tu sei cittadino romano?'. Rispose: ‘si’. Replicò il tribuno: ‘Io questa cittadinanza l'ho acquistata a caro prezzo’. Paolo disse: ‘Io, invece, lo sono di nascita’ » (Atti degli Apostoli 22,27-28).
VII
UNIVERSITA
“ASPETTI
DEGLI STUDI DI ROMA
‘ LA SAPIENZA "
RICERCA D'ATENEO STORICO-RELIGIOSI E GIURIDICI DELL’IDEA
DI ROMA"
ATTI DEL
II SEMINARIO INTERNAZIONALE DI STUDI “ DA ROMA ALLA TERZA ROMA " 21-23 APRILE
1982
STORICI
DOCUMENT
D'INTRODUCTION II
Le Premier Séminaire international d'Etudes Historiques « De Rome à la Troisième Rome» organisé au mois d'avril 1981, dans le cadre d'une «ricerca di ateneo » de l'Université de Rome, s'est terminé par un ample débat qui a confirmé les grandes lignes de la recherche et permis de relever les nombreux points qui doivent étre étudiés d'une facon plus approfondie. Parmi ces points, on a souligné notamment la notion (ou plutót les notions) de «romain » dans
les cultures, tout à fait différentes les unes
des autres, inté-
ressées à la tradition institutionnelle qui va de Rome jusqu'à la Seconde Rome et à la Troisième Rome. On a demandé d'éviter l'identification, implicitement ethnocentrique, de l'Empire Romain au seul Empire d'Occident et de refuser l'emploi moderne, artificiel et contraire aux sources, du terme « byzantin » pour indiquer les réalités (romaines et grecques à la fois) de la politeia ton Romaion en Orient. La validité du « Document d'introduction » et de la « Liste des thèmes » étant confirmée, le Second Séminaire sera consacré à un approfondissement des notions de « romain » sous les différents aspects institutionnels et idéologiques. La « Liste des
thèmes » du
Premier
Séminaire
(concernant
Rome,
la Seconde
Rome
et la
Troisi&me Rome) constitue donc un premier schéma organique, avec les références spatio-temporelles: la future recherche devra se développer autour de ce schéma, en particulier sur les notions de « romain » chez les différents peuples. Il faudra préciser, par des recherches philologiques approfondies, les significations prises par le mot Romanus (et ses équivalents dans les langues grecque, slaves, germaniques et néo-latines) des points de vue juridique et historico-religieux. On étudiera comment le caractère de « romain » est attribué à des Empires « universels », aussi bien en Occident qu'en Orient, par rapport aux théories de la renovatio et de la translatio de l’Empire. On étudiera comment le terme « romain » est employé pour indiquer ceux qui appartiennent à ces communautés « universelles », en les opposant, avec une cohérence quelquefois incertaine, aux étrangers. Le devenir des mots et des concepts, à travers les contradictions entre les réalités locales et les aspirations universelles, sera examiné par rapport à l'Empire Romain en Occident (et au Saint Empire Romain) et à l'Empire Romain en Orient. On
considérera aussi les changements
révolutionnaires
de ce qui a été appelé la
« romanité ressuscitée » des Jacobins et de Napoléon (en se référant particulièrement aux Déclarations des droits et à la Codification) ainsi que les développements dans le Sud-Est européen, en Russie et dans les cultures slaves en général, jusqu'au XIXe siècle. La division des travaux en deux parties, l'Occident et l'Orient, constitue un
schéma provisoire de recherche répondant à une perspective spatiale qui n'oublie ni l'unité juridico-religieuse de l'Empire ni la triplicité du développement institutionnel de l’idée de Rome. ΧΙ
LISTE DES THEMES I.
DE LA RECHERCHE *
RoME
. Augustum augurium, auspicium perpetuitatis Aeternitas Romae, aeternitas populi Romani, aeternitas imperii Les origines de l'idée de « renovatio » . Les conceptions chrétiennes de l'histoire et les nouvelles interprétations
de
l'aeternitas
. La continuité de l'Empire (en Occident) après 476 . Noël 800:
l'Eglise et l'Empire
Les conceptions médiévales de la « renovatio imperii» et les théories de la « translatio imperii a Graecis ad Germanos » . Le Saint Empire Romain et les particularismes européens (royaumes, communes, etc.)
. Le Saint Empire
Romain
vis-à.vis de l'Empire Romain
d'Orient et l'Orient
musulman
. Charles V et l’Empire en Amérique . Les Habsbourg-Lorraine et la renonciation à l'Empire (1806) . Napoléon: la continuité romaine de l'Empire révolutionnaire Supplément. Les révolutionnaires et les républiques en Europe et en Amérique: . « Modele romain » et Jacobinisme
. Les « exemples de Rome » et les républiques américaines (Simón Bolívar, José Gaspar de Francia, etc.)
. La République Romaine de 1849 SECONDE
RoME
. La fondation de Constantinople:
rites paiens et chrétiens
« Nouvelle Rome » et « Seconde Rome »; renovatio et translatio
Justinien et le Corpus iuris civilis. Universalité et éternité de l'Empire Les idées de Rome et de la Seconde Rome
de la renaissance à 1204
Les idées de Rome et de la Seconde Rome de l'Empire latin jusqu'en 1453 Supplément. Continuité et révolution en Asie et en Europe: Les idées de Rome et de la Seconde Rome chez les Grecs aprés 1453 . Les Principautés Roumaines vis-à-vis des idées de Rome et de la Seconde Rome 8a. Les idées de Rome
et de la Seconde Rome chex les Bulgares 8b. Les idées de Rome et de la Seconde Rome chez les Serbes 9. La conception de Rome et de Constantinople chez les Arabes 10. L'Empire Ottoman vis-à-vis de Rome et Constantinople
III. TROISIÈME ROME ΟΝ
La vision de Rome et de Constantinople chez les Russes jusqu'en 1453 Le théorie de la Troisième Rome:
Le droit romain oriental en Russie Le modèle impérial romain et le pouvoir des Tsars Le devenir de la théorie de la Troisième * La liste a été fixée en 1981.
XII
sources, institutions, symboles
Rome
du XVII° au XIX* siècle
ORDINE
DEI LAVORI
DEL
SEMINARIO
I lavori sono stati svolti in Campidoglio. La «seduta preliminare » si à tenuta nella Sala delle Commissioni, la «seduta inaugurale » nella Sala della Protomoteca, le altre nella Sala piccola della Protomoteca.
mercoledi 21 aprile, ore 9 SEDUTA
PRELIMINARE
Interventi di PIERANGELO CATALANO e PAOLO SINISCALCO, coordinatori della Ricerca d'ateneo su i "Aspetti storico-religiosi e gl giuridici dell'idea di Roma: ASpe tradizione e rivoluzioni”. Comunicazioni
HÉLÈNE AHRWEILER « Citoyens et étrangers à Byzance » * JOHANNES
IRMSCHER
« Les Grecs et l’idée de Rome après 1453 » *
GEORGE NEDUNGATT «I Romani visti dall'esterno dei confini orientali dell'Impero. Osservazioni per un programma di ricerca »
mercoledi 21 aprile, ore 17 SEDUTA
INAUGURALE
Saluto del rappresentante del Comune di Roma, cons. LUIGI ARATA, sore agli Affari Generali e Avvocatura.
asses-
* Sono contrassegnate con asterisco le relazioni e comunicazioni riprodotte, in forma non definitiva, nei fascicoli Da Roma alla Terza Roma. II Seminario internazionale di studi storici, 21-23 aprile 1982, "La nozione di ‘romano’ tra cittadinanza e universalità”. Relazioni e Comunicazioni, I-II, Roma (Università degli Studi di Roma ‘La Sapienza"), distribuiti ai partecipanti, rispettivamente, nei Seminari del 1982 e del 1983. XIII
Saluto di GrusEPPE BRANCA, direttore dell'Istituto di Diritto romano e diritti dell'Oriente mediterraneo dell'Università di Roma 'La Sapienza'. Discorso di JOHANNES
IRMSCHER,
presidente del Comitato
promotore
dei
Seminari internazionali di studi storici "Da Roma alla Terza Roma”. Relazioni introduttive !. JEAN
GAUDEMET
« Citoyens romains et étrangers du V* au IX* siècle » * ANTONIO CARILE
« Continuità dell'Impero romano a Costantinopoli e 'Romania' (330-1453) » * VASILKA
TÁPKOVA-ZAIMOVA
« Le terme "Romains"
dans le monde
slave » *
giovedì 22 aprile, ore 9 OCCIDENTE:
LA NOZIONE
DI 'ROMANO'
NEL SACRO
ROMANO
IMPERO
Intervento introduttivo di PaoLo BREZZI, vicepresidente dell'Istituto di Studi Romani Comunicazioni NoTKER
HAMMERSTEIN
« La nozione di ‘romano’ nel Sacro Romano Impero dalla fine del XVI al 1806 »
secolo
KARL O. FREIHERR VON ARETIN « Il problema della Renovatio Imperii Romanorum. Pretese universali e realtà costituzionale del Sacro Romano Impero dal XVI al XVIII secolo » * WILHELM BRAUNEDER « Civitas et cives Sancti Romani Imperii » * LuiG1
PROSDOCIMI
« Roma communis patria » PIERO BELLINI « Bellum romanum » 1 La relazione di Dionvsios
A. ZakvruiNos
Pertusi) (*) è stata distribuita ai partecipanti
("Exposé"
à la mémoire
d'Agostino
in assenza dell'autore. La relazione di Jaro-
SLAV N. Stapov e NINA V. SINICYNA (*) è pervenuta successivamente alla chiusura dei lavori del Seminario (v. infra, pp. 481 ss.). XIV
giovedì 22 aprile, ore 16 ORIENTE:
IMPERO
ROMANO
E 'ROMANIA'
Comunicazioni
FRANCESCO SITZIA « Romanità dell’Impero:
ius civile e ius gentium » *
Fausto GORIA « Romani e questione della cittadinanza nelle Novelle di Giustiniano » François
PASCHOUD
« Romains et Barbares au début du V* siècle après J.-C. (Le témoignage d'Eunape et de Zosime) » *
TiLEMACHOS C. LouNcHIS « Le programme politique des citoyens de l'Empire d'Orient après 476: répétition générale » * SALVATORE
une
IMPELLIZZERI
« Romani, Latini e Barbari nell’ideologia di Anna Comnena » Maria MANTOUVALOU « Romiosyni et romanité. Constantinople » Dimirris NASTASE « Roumains Romains
La signification
de ‘romain’
apres
la chute
de
et Grecs Romains » *
venerdì 23 aprile, ore 9 ORIENTE: LA NOZIONE DI ‘ROMANO’ PRESSO I POPOLI SLAVI ED I ROMENI. ALTRE PROSPETTIVE
Intervento introduttivo di Mario CAPALDO, dell'Università di Salerno Comunicazioni *
VALENTIN AL. GEORGESCU « Le terme de ‘Romanus’ et ses équivalents et dérivés dans l'histoire du peuple roumain » * JAN KRAJCAR
« L'espressione i do samogo
Rima (‘fino a Roma
stessa") nei testi russi
medievali » 2 Hanno successivamente inviato comunicazioni scritte CESARE ALZATI, KHALIL SAMIR e Giovanni MaNiscALCO BasiLE (*) (v. infra, pp. 437 ss.; 4615s.; 523ss.). La comuni.
cazione di WLADIMIR VODOFF e MATE: CAZACU
(*) è stata distribuita ai partecipanti in
assenza degli autori (v. infra, pp. 505 ss.). XV
ITALA Pia SBRIZIOLO « Rimskii - romeiskii nelle "Epistole" dello starec Filofej di Pskov: di interpretazione » * WLADIMIR
ΝΌΡΟΕΕ - MATEI
« Les notions de ‘Rome’
ipotesi
CAZACU
et de ‘Romain’
chez les Russes.
Projet
de re-
cherche » *
MICHEL VAN ESBROBCK « Rome l'ancienne et Constantinople vues de l’Arménie » *
venerdi 23 aprile, ore 16 DALLA
OCCIDENTE: IL MODELLO ROMANO RIVOLUZIONE FRANCESE AL CODICE NAPOLEONE
Intervento introduttivo
di SANDRO
SCHIPANI,
dell'Università
di Sassari
Comunicazioni
CLAUDE NICOLET « Citoyenneté romaine et française à la Révolution » Hans PETER BENoEHR « Citoyens et étrangers dans le Code Napoléon » JEAN TurARD
« Napoléon:
la continuité romaine » *
PauL M. MARTIN « Esclaves ou citoyens? La référence à Rome dans le statut des esclaves noirs avant et sous la Révolution française » * JAN THOMAS
« Savigny, le Code Napoléon et l'universalisme du modèle romain »
ore
19
Presentazione del libro di ArtILIO Mastino
sulle "titolature di Caracalla" ?
Discussione generale e conclusione dei lavori 3 La presentazione del volume (A. Mastino, Le titolature di Caracalla e Geta attraverso le iscrizioni. Indici (Studi di storia antica, Collana diretta da G. Susini, 5] Bologna 1981) ἃ stata fatta da PIERANGELO CATALANO. XVI
SEDUTA
PAOLO
PRELIMINARE
SINISCALCO
1. Il Seminario che prende avvio oggi, il secondo della serie, nasce da un tema e da un'ipotesi: il tema ἃ quello dell'idea di Roma, indagata nei suoi aspetti storico-religiosi e nei suoi aspetti giuridici. L'ipotesi intende verificare se quell'idea, venuta a contatto prima con i Greci
(Seconda Roma), poi con
gli Slavi (Terza Roma) — ma altre aree culturali e geografiche possono essere considerate —, abbia avuto in pari tempo effetti innovatori ed effetti conformi alla tradizione. La ricerca, che ha avuto un suo primo punto culminante nella riunione dell'aprile 1981, si pone entro la prospettiva di un incontro di culture e tende — evidentemente nei limiti di carattere storiografico che le sono propri — a rispondere a una delle esigenze acutamente sentite dalla società contemporanea: quella di ritrovare l'autenticità delle proprie origini, il che da una parte puó contribuire a superare particolarismi etnici e divisioni verificatisi durante il corso di storie effettivamente diverse, dall'altra significa non smarrire la propria identità, in un tempo che in misura crescente pare richiedere per la convivenza dell'umanità stessa un dialogo più intenso e genuino tra le grandi civiltà dell'intera ecumene. 2. I nostri Seminari di studi storici sono stati concepiti come punti d'incontro di specialisti di varie discipline, provenienti da aree culturali diverse. Si sono sollecitate interdisciplinarietà e convergenze culturali, concentrando l’attenzione su campi geografici e ideologici, nei quali, attraverso una tradizione storiografica e una dottrina giuridica, si è resa viva nella storia l’idea di Roma. I lavori del Seminario del 1981 hanno contribuito ad illuminare, più o meno latamente, tre ambiti: 1) un buon numero di relazioni, essendosi prefissa una riflessione e una discussione sulle principali prospettive storiografiche, ha avuto un carattere di bibliografia critica; 2) tale analisi ha consen-
tito nello stesso tempo di condurte una prima ricognizione tematica concernente il grande tema delle “Tre Rome”, principalmente lungo le vie tracXVII
ciate dalla «lista dei temi », individuati in precedenza; 3) infine, in special modo le comunicazioni molto hanno giovato all'approfondimento dei singoli argomenti.
Nonostante la gamma assai vasta di specializzazioni scientifiche e l'ampio arco di opzioni ideologiche, & un dato che non sono state sollevate dai partecipanti al I Seminario obiezioni di fondo riguardanti l'itinerario della ricerca. Sono state proposte utili integrazioni, soprattutto da specialisti in discipline quali la Storia delle istituzioni e il Diritto canonico; e certo altre integrazioni potrebbero essere aggiunte proficuamente. Dall'insieme dei contributi é apparsa l'importanza che hanno gli aspetti storico-religiosi per la giusta comprensione del tema. 3. Tra i punti posti in luce, uno in particolare ἃ emerso in tutto il suo rilievo: la nozione, o meglio, le nozioni di Romanus — e dei termini che a Roma e a Romanus si connettono — nelle culture che in qualche modo si sono ispirate alla tradizione civile e istituzionale, la quale, partendo dall’Urbs antica giunge alla Seconda e alla Terza Roma. Cosf è nato l'argomento intorno a cui si misurerà il Seminario che si apre oggi. Si è ritenuto opportuno, per un solido fondamento delle successive ricerche, proporre uno studio di carattere filologico e linguistico intorno a un vocabolo, Romanus, e ai suoi corrispondenti in lingua greca e nelle lingue slave, germaniche e neo-latine, convinti che — per parafrasare N. Tommaseo (cf. Nuovo
Dizionario
dei Sinonimi della lingua italiana, 4* ed., Milano
1858,
p. XLVI) — le radici delle parole, profondamente cercate, possono dare le cagioni e le ragioni delle civiltà passate e presenti, i presagi delle future. 4. In questo pur breve intervento, da parte mia, non tralascerò di affrontare la questione sul tappeto, anche se in rapporto a un segmento storico molto limitato. Infatti per misurare ‘sul campo’ i caratteri del termine Romanus ho scelto pochi autori e poche opere latino-cristiane, appartenenti a un’area e ad un periodo (dei quali più assiduamente mi occupo) che, a mio giudizio, hanno un notevole valore per capire il permanere della tradizione e il farsi delle ‘rivoluzioni’ nel Tardo Antico e che, d'altra parte, non sembrano aver attirato a sufficienza lo sguardo dei critici: mi riferisco alla prima metà del V secolo d.Cr. in Occidente. Tre fatti emergenti, tra i molti che potrebbero essere ricordati, segnano quel tempo:
la divisione dell'Impero, dopo la morte di Teodosio I, in due
parti destinate a non ritrovare più l’unità reale, se non in forme caduche e per brevi momenti; la presenza sempre più sconvolgente dei barbari fin nel cuore della respublica (basti pensare al sacco di Roma del 410 e all’ondata di emozioni e di riflessioni che provoca, o all’incontro di Leone I con Attila);
il posto rilevante che la Chiesa assume là dove il potere statale si indebolisce. A modo suo, la lingua, da strumento sociale sensibile e delicato quale è, registra e riflette il travaglio di quel mondo, in modo forse più evidente nella pars Occidentis, che subisce le conseguenze piá traumatiche di quegli eventi. XVIII
Inoltre la lingua e, nel caso specifico, il termine Romanus conferma la validità di due criteri storiografici che, a mio credere, sono metodologicamente importanti per lo studio del periodo. Il primo riguarda la necessità di non disgiungere l'analisi della storia imperiale romana da quella del cristianesimo. Il secondo concerne la necessità di considerare quel tempo non in base ai canoni delle età precedenti, ma in se stesso, non appendice di una fase storica ormai prossima alla sua morte, ma 'altra antichità', da osservare nei suoi ele-
menti positivi e negativi, nelle sue virtualità e nei suoi limiti. Principalmente due gli autori su cui mi soffermeró: Orosio, con le sue
Historiae adversus paganos, e Salviano di Marsiglia, con il De gubernatione Dei.
5. In Orosio che scrive la sua opera tra il 416 e il 417, il termine Romanus ricorre spessissimo. Con frequenza, in qualità di aggettivo, esso designa caratteri (virtus, fides, moderatio, amicitia R.), realtà e istituzioni militari, civili, amministrative o giuridiche (wmziles, exercitus R., duces, cives, iudices R., le-
ges R., iura R., populus, senatus populosque R., e ancora: regnum, imperium R., status R. imperii, R. respublica) ed eventi propri di Roma antica. Ripetutamente si trova pure l'uso del medesimo vocabolo come aggettivo sostantivato, tanto che non mette conto di darne un'esemplificazione se non per rilevare che in molti casi, mediante un tale modo, si contrappongono o si differenziano i Romani da altri popoli o da altre genti. Insomma in Orosio Romanus ha 11 senso che aveva mantenuto lungo i secoli precedenti in ambiente pagano e, generalmente, anche tra i cristiani. Non è forse un caso che egli riprenda, sia pure con qualche disagio, un termine quale Romania (cf. Hist. III,20,11; VII,43,5), già adoperato in ambiente cristiano greco (Atanasio, Hist. Ar. 35; Epifanio, Haer. 69,2) e latino
(Girolamo, etc.). Con tale parola Orosio comprende il mondo romano, inteso come universo in cui coesistono felicemente tradizione e virtá romane accanto alla religione cristiana; ma a caratterizzarlo sembra essere in maniera speciale il primo dei due elementi, non foss'altro perché pure i Goti, di cui va parlando, sono in parte almeno cristiani, di confessione ariana, e perché il cristianesimo, come aveva ricordato altrove (cf. Hist. 1,16,4), ἃ reli-
gione che congiunge negli stessi sentimenti di lealtà tutti i popoli. Nel medesimo significato Romania ἃ usato qualche decennio dopo da Possidio (cf. Vita August. 28,4). Un passo illustra il pensiero orosiano al proposito, in una forma anche linguisticamente perspicua: parlando della sua venuta in Africa, lo scrittore osserva che vi giunge « ad Christianos et Romanos Romanus et Christianus ». « Inter Romanos,
ut dixi, Romanus, inter Christianos Chri-
stianus, inter bomines bomo legibus imploro rempublicam, religione conscientiam, communione naturam » (Hist. V,2,3 e 6). Per lui dunque, cristianesimo e Romania sono due realtà e due concetti connessi, i quali tuttavia non si idenuficano.
6. Con Salviano di Marsiglia, che compone il De gubernatione Dei dopo il 440, il nostro scenario appare mutato. In primo luogo nella grande maggioXIX
ranza dei casi i Romani (ο il populus Romanus o la plebs Romana) sono di frequente confrontati e contrapposti ai barbari. Né la cosa stupisce. E nota la tesi dell'autore, secondo la quale i barbari sono moralmente superiori ai Romani.
Nella nostra prospettiva desta invece non poco interesse l'identificazione fatta tra i Romani e i cristiani-cattolici. Ancora dopo il sacco di Roma i pagani accusano i credenti come fossero causa della sciagura abbattutasi; ora i fedeli stessi, di fronte alla rovina incombente dell'Impero occidentale, dubitano
della mette fatti mus...
provvidenza divina. E Salviano risponde con la sua opera: «Dio perche soffriamo questi mali, perché meritiamo di soffrirli. Badiamo inalle turpitudini, alle infamie, ai crimini del popolo Romano (respiciaad scelera... Romanae plebis) e comprenderemo se possiamo meritare
la protezione, vivendo in una tale impurità » (IV,12,54). Dinanzi allo scon-
certo di chi non tollera d'essere posto al di sotto di genti ignote, lo scrittore antico osserva che per quanto riguarda la legge divina i barbari — essendo pagani o eretici — sono certo inferiori ai Romani, ma non altrettanto accade per la vita e i costumi; e aggiunge, non pretendendo di applicare il suo severo giudizio alla totalità del popolo Romano (de omni penitus Romani populi universitate), ch'egli non include tutti i religiosi e qualche laico che loro assomiglia per l'onestà delle azioni (cf. IV,13,60 s.). Nessun dubbio quindi che i Romani coincidano con i cristiani-cattolici, come del resto confermano
molti altri passi che sarebbe facile recare. 7. Pertanto da Orosio a Salviano il significato di Romanus muta notevolmente. Rilevato il qual fatto, occorrerebbe da una parte ampliare la ricerca, analizzando opere di altri autori del medesimo periodo, dall'altra indagare le probabili ragioni di una svolta di tanto peso sul piano storico-religioso. In questa sede non è possibile fare né l'una cosa né l'altra. Basti averle indicate, senza però esimersi dall’accennare ad un altro personaggio che irrompe sulla scena dal 440: Leone Magno. Particolarmente nei Sermones, egli infatti molto contribuisce
a rinnovare la concezione di Roma,
elaborando
e trasmettendo
dati di una tradizione antica. Anche se limitata, questa semplice traccia mi pare confermi, ‘per campione’, l'interesse di questo Seminario.
sia pure
PIERANGELO CATALANO
1. Pour les juristes la réflexion du Séminaire de 1981 devait avoir des points de repère bien précis: la fondation de Rome; la fondation de Constantinople; le canon 3 du Concile œcuménique de 381, où il a été déclaré que
Constantinople est la "nouvelle Rome”; et par conséquent la constitution Deo auctore, où l'empereur Justinien, en donnant unité au système juridique ro-
main, a précisé la signification du mot "Rome", par lequel on entend les deux villes, l'ancienne et la nouvelle: « Romam autem intellegendum est non solum veterem, sed etiam regiam nostram, quae deo propitio cum melioribus condita est auguriis » (dans d'autres constitutions Justinien parle de utraque Roma: v. Nov. 79,2; 81,1).
Cette voie idéale est marquée plus loin, pour le juriste, par la Charte constitutive (Gramota uloZennaja) du Patriarcat de Moscou (1589), qui sanctionne
— pour ainsi dire — l'idée de la Troisième Rome. Cette Gramota, ainsi que la traduction russe de la Lettre synodale de Constantinople (1590), a été incluse,
comme
on
le sait, dans
la partie
introductive
du
nomocanon
dit
Korméaja kniga. Les réflexions de l’an dernier ont impliqué un débat sur des concepts juridico-religieux fondamentaux pour l'unité et la triplicité du développement institutionnel de l'idée de Rome. Par exemple, ae/ermitas, imperium, translatio.
Au cours de ce débat on a mis en évidence la régle méthodologique qui interdit de superposer aux données historiques des concepts propres à l'époque contemporaine (par ex. "état"; "byzantin") et surtout on a pu dé celer deux objectifs intermédiaires (instruments) de la recherche: 4) un recueil
de documents concernant le développement institutionnel de Rome à la Troisième Rome; δ) une ébauche de lexique des termes clés. En ce qui concerne le recueil de documents nous avons en cours une colla-
boration récente avec les collégues de l'Institut de l'Histoire de l'URSS de l'Académie des Sciences de l'URSS pour la publication d'un volume de textes en édition critique (avec traduction italienne); ces documents se rapportent à ce que l'on peut appeler, comme l'a suggéré M. PaSuto, "l'idée de Rome à
Moscou". Quant à la perspective d'une 'ébauche de lexique' des termes clés (je rappelle la proposition de Mme Ahrweiler), depuis la conclusion du précédent Séminaire, l'attention a été axée sur le terme Romanus
(avec ses équivalents
dans les langues grecque, slaves, germaniques et néolatines). L'approfondissement philologique rigoureux des différentes significations est l'exigence prioritaire du point de vue juridique et historico-religieux. Comme nous l'avons dejà écrit dans le "Document d'introduction II”, il faudra examiner au cours de ce deuxième Séminaire comment le caractère de
"romain" a-t-il été attribué à des empires “universels” en Occident et en Orient, par rapport aussi aux théories de la renovatio et de la translatio de l'empire. Il faudra également étudier comment le terme "romain" est emXXI
ployé pour indiquer ceux qui appartiennent à ces communautés “universelles”, en les opposant, avec une cohérence parfois incertaine, aux étrangers. 2. Nous savons que dès la naissance de l'Urbs le mot Romanus n'indique pas l'appartenance à une ethnie. Pour la légende de fondation du 21 avril la citoyenneté quiritaire est dirais-je l'anti-race: elle implique la volonté politique qui fait d'un homme un quirite, c'est-à-dire le rend partie du populus Romanus Quirites. Et méme les esclaves pouvaient devenir romains, comme le soulignait, par exemple, Philippe V de Macédoine.
Le mot Romanus signifie faire partie d'une citoyenneté 'volontariste', ouverte et dynamique. Une citoyenneté dont Saint Paul fut chrétiennement orgueilleux. Une citoyenneté qu'un empereur africain voulut rendre identifiable, sauf exceptions, avec l’universalité, méme si ce n'était que dans le cercle de l'orbis Romanus.
Citoyenneté qui, à travers la fondation de Constantinople, la nouvelle Rome, tend à s'identifier avec l'orthodoxie chrétienne, dépassant ainsi — dans un certain sens — le cercle de l'orbis Romanus. (M. Dagron a écrit avec efficacité, bien que rapidement: « Dans la nouvelle définition du citoyen, le christianisme et l'orthodoxie jouent par rapport à Constantinople le méme rôle que la constitutio Antoniniana par rapport à Rome ». Mais il faut rappeler aussi et souligner que les Paiens restaient Romani, les Juifs pouvaient également vivre selon le ius Romanum et donc être Romani
[cfr. C. 1, 9, 8; Interpr. ad CTb. 2, 1, 10]).
Etre Romanus ne signifie pas appartenir à une "nation" ni méme à un "état". L'imperium Romanum n'a jamais été un "état". En 1393, le patriarche de Constantinople Antoine IV rappelait au grand ῥήξ de Moscou et de toute la Russie, Basile I*, quelle était la position juridico-religieuse de l'empereur: « βασιλεὺς xol αὐτοχράτωρ τῶν Ῥωμαίων, πάντων δηλαδὴ τῶν χριστιανῶν ».
Ces concepts resteront à la base de ce qui, presque plus d'un siècle et demi après le passage de la Seconde Rome aux mains des Turcs, sera une cer-
taine reconnaissance constantinopolitaine de la théorie de la Troisième Rome (dans la Gramota ulotennaja de 1589 on parlera de « synode de notre grand empire russe et grec »).
3. Rapporté à íus, l'adjectif Romanus suit un processus d'universalisation parallèle à celui de la citoyenneté. Au début le ius Romanum est le ius créé et imposé par le peuple romain. L'expression est employée, par exemple, chez Livius pour les XII Tables, chez Tacite pour marquer une opposition au roi. Tandis que l'expression propre aux juristes classiques est iura populi Romani. Le ius est donc rattaché, de toute facon, à la citoyenneté en voie d'expansion. Par contre, chez Justinien ius Romanum a pris désormais une signification juridique universelle précise (évidente, par exemple, dans les constitutions Deo auctore et Tanta). Le ius Romanum comprend aussi le ius naturale et XXII
le ius gentium selon une interprétation des Digesta qui se développera aussi à l’âge moderne (v. Donellus), à mon avis exactement. Cet iter conceptuel qui va de la citoyenneté à l'universalité n'a pas été parcouru sans contradictions. Pensons à l'utilisation d'une notion de ius Ro-
manum dans les constitutions de Théodose I* pour définir la position des hérétiques et des apostats, nouveaux "étrangers à Rome", comme l'a écrit J. Gaudemet. 4. En Occident l'universalisme de "romain" se heurtera avec le particularisme d''"étatique" et de "national"; parallèlement, notion et réalité du Saint Empire Romain se heurteront avec notion et réalité des états. De ces contrastes nous avons, peu avant la renonciation des Habsbourg à
l'Empire, une formulation philosophique trés intéressante dans la Deutsche Verfassung de Hegel. Cependant
l'état bourgeois,
en
ce qui
concerne
toyens et étrangers, semble encore dériver —
les rapports
entre
ci-
de fagon différente — du ius
Quiritium (dans le Code Napoléon) et du ius gentium (dans le "droit romain
actuel" de le notes de Freitas. Ce que oublier que l'imperium
Savigny). C'est l'interprétation historique que nous trouvons dans l’Esboço du Code civil du grand romaniste brésilien Teixeira de nous demandons aux historiographes de l'Occident c'est de ne pas ni le populus Romanus Quirites, ni l'imperium populi Romani, ni Romanum n'ont jamais été des "états"!
5. En Orient la notion de "romain" constitue un lien durable de continuité gráce à Constantinople, qui est, selon la pensée de son fondateur, comme on l'a dit, "symbole d'union" entre Orient et Occident. Les Grecs, les Latins,
tous les populi de l'orbis romain sont Romaioi. La continuité romaine peut étre considérée à différents niveaux: a) terminologique; 5) conceptuel; c) normatif; d) institutionnel. Je voudrais proposer quelques
exemples.
Le terme Romani
(Romaïoi)
assure une continuité
ter-
minologique, conceptuelle (il s'agit de notion "politique" et non "ethnique", normative (le status de citoyens) et institutionnelle (implique un ensemble muable de rapports du peuple avec la divinité, avec l'empereur, avec les non-romains, etc...). Dans les cas de civitas, populus, senatus, le passage à la langue grecque ne permet pas une continuité terminologique, mais les continuités
conceptuelles, normatives et institutionnelles durent. Et enfin, dans d'autres cas (par exemple urbs, orbis terrarum) il y a un changement conceptuel dans le passage au grec, mais la continuité normative et institutionnelle demeure évidente. Nous devons retrouver cette unité d'Orient et Occident qui est donnée par la continuité des termes (la terminologie comme "premiére dogmatique juridique"!), ou bien seulement de concepts, normes, institutions "romaines"
dans les langues grecque et latine.
Ce que nous demandons aux historiographes de l'Orient est (simplement!) XXIII
qu'ils s'en tiennent à l'usage des sources grecques en ce qui concerne “Cons-
tantinople" et “romains”; et qu'ils ne se laissent pas emporter par l'emploi moderne facile (substantiellement anti-oriental et par conséquent anti-romain pour utrague Roma) du terme “byzantin”. Il suffira d’être fidèle à la donnée philologique de la langue grecque pour critiquer cette barriére culturelle de ""Westeuropeanism" qui s'est créée entre Orient et Occident dans les recherches (et non seulement dans les recherches).
Peut-étre que l'emploi rigoureux et incommode du moyen philologique de la part des historiographes et des juristes servira également à comprendre
la vision slave du rapport entre les notions de “romain”,
"grec", "latin" jus-
qu'à la Troisième Rome. 6. Afin de ne pas étre accusé de mener une guerre pour un fétiche philologique, je termine par une citation de Antonio Gramsci qui utilise ... le terme "byzantin": « La rinascita del diritto romano, cio& della codificazione bizantina del metodo romano di risolvere le questioni di diritto, coincide con l'affiorare di un gruppo sociale che vuole una legislazione permanente, superiore agli arbitri dei magistrati
(movimento
che culmina nel costituzionalismo) ».
De cette réflexion d'un révolutionnaire sur la tradition romaine peuvent résulter plusieurs suggestions pour notre recherche et, peut-étre, en particulier pour les réunions qui auront lieu ces jours-ci: sur l’œuvre de Justinien et sur celle de Napoléon, sur les codes et les constitutions.
Nella "seduta preliminare" banno presentato comunicazioni HÉLENE AHRWEILER, direttore del Centro di ricerche storiche e giuridiche dell'Università di Parigi I-Sorbona e JOHANNES IRMSCHER, dell’Accademia delle Scienze della Repubblica Democratica Tedesca (v. infra pp. 343 ss.; 385 ss.). GroncE NEDUNGATT, decano della Facoltà di Diritto canonico orientale del Pontificio Istituto Orientale, ba pronunciato un discorso, formulando al-
cune "osservazioni per un programma di ricerca”.
XXIV
GEORGE NEDUNGATT
I ROMANI VISTI DALL'ESTERNO DEI CONFINI ORIENTALI DELL'IMPERO
1. Ogni ricerca e ogni discussione deve proporsi uno scopo chiaro e muoversi entro un determinato
ambito,
se non
vuole
rischiare la mancanza
di
incisività e di frutto concreto. Proprio per non incorrere in tali pericoli gli organizzatori del Seminario si sono dati pena di guidare il corso all'interno di precise competenze specialistiche, con scopi ben determinati e con apertura a suggerimenti concretamente suscettibili di fare avanzare le nostre conoscenze. Tuttavia, uno degli organizzatori, il prof. Pierangelo Catalano, ha insistito perché vi proponessi come riflessione l'importanza di allargare il campo della ricerca al di fuori dei confini orientali dell'impero romano. E io che non sono uno specialista di Roma, né prima, né seconda, né terza
— vengo di fatto da oltre i confini orientali dell'impero romano e mi occupo di diritto canonico orientale — avrei preferito partecipare a questo Seminario in qualità di osservatore, rimanendo a rispettosa distanza, senza entrare nella discussione. Invece, il prof. Catalano ha insistito, col dire che gli ospiti sono bene accetti e che quelli di dentro sono curiosi di sentire cosa ne pensino gli esterni. Infatti, essendo nato e avendo ricevuto la formazione in India, sono un esterno, un owfsider, rispetto al mondo romano, all'impero di Roma e alla
cultura romana. Neppure il rito cattolico romano ἃ il mio rito, appartenendo io alla Chiesa siromalabarese che da tempi antichissimi era in comunione con la Chiesa Caldea, avente la sua sede patriarcale nell'impero persiano. Vengo dunque in qualità di esterno, di outsider, a proporvi, nell'interesse della completezza interdisciplinare, di studiare in che modo coloro che stanno al di là delle frontiere orientali dell'impero di Roma, abbiano visto Roma e i Romani,
Questa proposta sarebbe irreale e inutile solo per chi facesse ingenuamente coincidere l'impero romano con il mondo abitato o con il mondo civile,
cioè per chi prendesse troppo sul serio acclamazioni del tipo Roma, orbis domina;
Roma, domina rerum;
Roma,
caput mundi, ubi consules et impera-
tores morabantur ad gubernandum orbem! Ma coloro che hanno aggiornato con la scienza storica e geografica i loro XXV
antichi "Peripli" possono rendersi conto della perplessità di un outsider, della Cina o dell'India, che si domandi spontaneamente se l'orbe dei Romani
è ancora un orbe o non è piuttosto una semplice fetta dell'orbe, cosí come la fetta di una mela non è tutta la mela. L'outsider terrebbe giustamente gli occhi oltre che sulla fetta su tutto il resto della mela. « Cunctus ob Italiam ter. rarum clauditur orbis? » si domandava Virgilio (Aer. I, 233). Cunctus ob Ro-
mam terrarum clauditur orbis? Completiamo l'orbe, il circolo degli antichi, guardando non solo al capu? ma anche al corpus, seppure il corpus si fosse reso conto che il caput era proprio Roma. 2. Infatti quel corpus non può non avere interesse per Roma, dal momento che Roma ha avuto a che fare direttamente o indirettamente con esso. In realtà quel resto contiene paesi e culture come la Cina e l'India che non possono essere ignorate in uno studio interdisciplinare. E benché la Roma classica non avesse contatti diretti importanti con la Cina, tuttavia nel primo secolo dell'era cristiana la seta cinese raggiungeva l'impero romano attraverso i porti indiani. I Cinesi erano Seres (Xfjpec) per la Roma
in cui era di moda
la vestis serica o di seta (Plin., Nat. bist. 21,8,11). Semmai
mancano
testimonianze contemporanee cinesi su Roma.
La Cina potrebbe comunque costituire un punto interrogativo mo credere a uno dei molti che hanno esercitato il dono profetico di Roma, pro o contra, per assicurarne la fortuna o per annunciarne Dopo la caduta della seconda Roma, Filoteo di Pskov si inseriva tradizione profetica, scrivendo a Vasili III: « La Terza Roma sta non ve ne sarà una quarta! ».
se dobbiasui destini la rovina. in quella in piedi e
Napoleone invece, che aveva le sue idee 'rivoluzionarie' su Roma, avrebbe
profetizzato:
« La Cina & un gigante addormentato, al cui risveglio tutto il
mondo si metterà a tremare ». Questo detto di forma esatta e di vago con-
tenuto, come si addice alle profezie, potrebbe interpretarsi come una risposta alla domanda se ci sarà una quarta Roma. Se poi con ció Napoleone avesse di mira la caduta della Terza Roma, non è temerario domandarselo. Il genio di Napoleone non poteva non guardare oltre, soprattutto quando i suoi sogni sulla Terza Roma erano, per cosí dire, talmente personali. In questa sede non ci interessa tanto la sua profezia, quanto quel suo sguardo rivolto all'Oriente. Ce ne viene un suggerimento a guardare anche noi oltre, al di là, soprattutto se vogliamo muoverci davvero nella interdisciplinarità.
3. Con l'India, Roma ha avuto diretti rapporti, di cui vorremmo dire dopo aver accennato ad alcuni altri paesi ai confini orientali dell'impero. E prima di ogni altro bisogna ricordare la Persia, con cui Roma venne spesso in conflitto. Quando i Romani, nel 163, conquistarono Seleucia sul Tigri, da 300.000 a 400.000 Persiani rimasero uccisi. Fortes fortuna iuvat sí, ma non sempre,
come i due imperatori Giuliano e Gioviano sperimentarono a proprie spese nella lotta contro i Persiani, due secoli piá tardi.
Se i Romani erano convinti della propria missione universale, ebbene, doXXVI
vettero cozzare duramente contro la resistenza persiana che aveva evidentemente un particolare modo di guardare Roma. Fra le due superpotenze di allora l'Armenia, piccola nazione, cercava disperatamente di sopravvivere. Come la Polonia all'epoca moderna, l’Armenia fu piá volte presa e smembrata, a ovest dall'aquila di Roma e a est dai Parti, quindi dai Persiani. Soltanto per istinto di conservazione gli Arsacidi mostrarono da una parte simpatia per i Parti e dall'altra professarono obbedienza ai Romani. Per un certo tempo, sotto Traiano, Roma
proclamò l’an-
nessione dell'Armenia. L'Armenia cristiana fu invasa e perseguitata dai Sassanidi. Nel 387 ci fu la spartizione del territorio armeno tra l'impero romano e la Persia e questo duró fino alla conquista islamica nel 653. L'Armenia fu la prima nazione che adottasse il Cristianesimo come religione ufficiale. All'epoca delle Crociate, per conservare la sua identità cristiana e la sua prepotente coscienza nazionale, l’Armenia
si alleò con
i Latini. Tuttavia
molto
del suo
patrimonio religioso venne dalla Seconda Roma. Quale fu dunque l'idea che gli Armeni si facevano di Roma? Una prima risposta sarà data da Michel van Esbroeck, in una comunicazione
a questo
Seminario. L'Iberia, la moderna Georgia, non fu mai inclusa nel territorio dell'impero, benché i Romani abbiano talvolta considerato gli Iberi clientes. Il papa Gregorio Magno e il catholicos di Georgia hanno scambiato lettere circa l'atteggiamento da prendere nei confronti dei Nestoriani. Potrà essere utile riflettere su come i Georgiani abbiano guardato i Ro-
mani. Anche su cid van Esbroeck ci potrebbe riferire. Vengono poi gli Arabi, che erano rimasti culturalmente e politicamente quasi del tutto oufsiders rispetto al mondo romano, a parte l'annessione della Nabatea come provincia dell'impero. Augusto infranse il monopolio che gli Arabi meridionali dello Yemen avevano esercitato sul commercio marittimo tra l’India e l'Egitto romano. Il rapporto politico tra Romani e Arabi era di conflitto, specialmente dopo il sorgere dell'Islam quale nuova potenza. I Bizantini, comprendendo tra loro anche uno degli uomini più dotti di tutti i tempi, Fozio, divennero in qualche modo debitori degli Arabi quanto alla cultura, perché gli Arabi trasmisero ai Bizantini il patrimonio classico greco che avevano riesumato e assimilato, seguendo in ciò l'esempio dei loro fratelli semiti, i Cristiani siriaci. I Bizantini sono designati nel mondo arabo con la voce ar-Räm che nel Vicino Oriente designa in particolare gli Arabi cristiani di rito greco. Mentre i Romani e i Greci del periodo classico sono chiamati in arabo rispettivamente ar-Rämän e al-Yünän. Quest'uso terminologico della parte per il tutto (al-Yiinén designava originariamente gli Yonici) si conserva anche in India nel sanscrito e nelle lingue dravidiche, come diremo. Gli arabisti potrebbero dire di pit sulla nozione o sulle nozioni di “Romano” nel mondo arabo. 4. Veniamo
infine all’India. Diversamente
dalla Cina, l’India era aperta
alle relazioni diplomatiche con i Greci e con i Romani. La Roma imperiale XXVII
ebbe anche intensi rapporti commerciali con l'India. Sarebbe quindi affascinante studiare cosa pensassero gli Indiani dei Romani. Mancano purtroppo del tutto opere storiche contemporanee indiane — l’India è detta giustamente avere una grande cultura priva di senso storico. Ci sono tuttavia opere letterarie che parlano dei Romani. Cominciamo con il contesto. Molto prima che Roma divenisse un impero, dopo la spedizione di Alessandro Magno, che non riportava dall'India molto pit del nome ("India" viene da Sindbu, odierno Pakistan attorno al fiume Indus: designazione quindi occidentale, parte per tutto, estendendo Sindbu al resto del paese — l'India si chiama invece Bharat, con la designazione indigena), la dinastia Maurya aveva, tra il secolo IV e il III av. Cr., uni-
ficato in un vasto impero il subcontinente indiano. Tale impero comprendeva anche il Pakistan e Afghanistan, ma lasciava fuori il triangolo dravidico meridionale e l'estremità nordorientale. I re Maurya e i re Seleucidi avevano tra loro scambi diplomatici, come riferisce nella sua cronaca Megestene, ambasciatore di Nikatore I, residente presso la corte Maurya, nella capitale Pata-
liputra, l'attuale Patna. As6ka (273-232 av.Cr.), il più grande dei Maurya, è detto il Costantino indiano per la parte importante da lui esercitata nella diffusione del Buddismo. Si tratta però di personaggi assai diversi. A$ôka mandò ambasciate con intenti missionari ai re ellenistici e nel Ceylon (Sri Lanka), donde poi il Buddismo si diffuse verso l'Estremo Oriente. Aióka stesso si era convertito al Buddismo dopo la sanguinosa vittoria sul re Kalinga, nel corso della quale erano stati catturati 150.000 prigionieri, 100.000 persone erano state uccise; e altre centinaia di migliaia di vite perdute. A$üka si chiese cosa avesse guadagnato con la perdita di tante vite umane. Qual era il valore della vita? Trovò la risposta nel Buddismo che abbracciò diventando re monaco. Da allora si mise a praticare e a diffondere la ahimsa o non violenza e rispetto per ogni vita. Non volle tuttavia imporre a nessuno la « religione »
o märga (via). « Fate agli altri come vorreste si facesse con voi » fu la regola aurea che insegnò ai soldati e ai dharmamahämätra (« promotori di rettitudine ») che A$óka inviò come i suoi agenti o ispettori. Una delle sue massime
suona
cosí:
« Ogni
gruppo
umano
merita
rispetto
per
una
ragione
o per l'altra; se tu lo rispetti, elevi il tuo stesso gruppo e nello stesso tempo fa del bene agli altri gruppi ». Tra la Roma imperiale e l'India ci furono relazioni diplomatiche. Dione Cassio (54, 9) riferisce di messi indiani ricevuti da Cesare Augusto. Nell'epoca
di Augusto non meno di 120 navi salpavano annualmente dai porti di Egitto per caricare in India pepe e altre spezie, profumi, pietre preziose, perle, avorio e seta cinese. I Romani esportavano in India principalmente tessuti, corali lavorati, vetrerie, topazio, rame e vino. Diremo del successo del vino
romano in India, dopo una parola del pepe indiano. Fino a circa 300 anni fa tutto il pepe del mondo proveniva dall'India e ai tempi dell'impero romano quasi esclusivamente
dal Malabar
(l'attuale Kerala,
mia
terra natale). Anti-
camente, per conservare la carne, soprattutto in inverno per lungo tempo, la si trattava col pepe oltre che con il sale. Ecco perché c'era tanta domanda per il pepe. Il pepe era stimato a tal punto che Costantino fece al Papa un dono XXVIII
imperiale di pepe. Nel 408, quando Alarico avanzd le sue condizioni per ἴοgliere l'assedio a Roma, chiese la pronta consegna di 14 quintali di pepe. Speciali magazzini detti borrea piperataria erano stati eretti a Roma verso il 192 lungo la Via Sacra, per depositarvi il pepe. Nel Sud dell'India gli archeologi hanno trovato molte monete con cui i Romani pagavano i carichi di pepe. Parecchie migliaia di pezzi d'oro e d'argento sono stati infatti ritrovati sulla costa del Malabar e nella località di Arikkamedu nel Tamil Nadu. Sono so-
prattutto dell'epoca di Augusto, di Tiberio e di Claudio. Plinio era preoccupato di quel dispendio di valuta romana e fustigava i Romani per il loro immoderato appetito di pepe, mentre il miglior condimento è la fame (Nat.
bist. 12,14,29). Le merci importate dall'India erano
vendute al centuplo (ibid. 6,26,101; circa il prezzo del pepe cfr. ibid. 12,14,28). Qual era l'atteggiamento degli Indiani verso i Romani? I poeti tamulici dell'epoca menzionano il commercio del pepe con l'Occidente. In Ahanänäru, opera tra il primo e il secondo secolo dell'era cristiana, si legge: « Gli Yavana sono venuti su grandi navi cariche d'oro e sono tornati indietro con il pepe ». Da notare che la parola per designare i Romani è Y avana, parola originariamente usata per indicare i Greci (Yonici). Il commercio romano era conside-
rato come la continuazione del precedente commercio dei Tolomei di Egitto. Riferimenti agli Yavana si possono trovare anche in Purandniru e in altre opere dell'epoca di Sangam. Il vino portato dai Romani era bene accolto dai poeti, che non erano tutti asceti. Essi cantano le lodi del ‘rinfrescante e fragrante vino portato dagli Yavana nelle loro belle navi" e del bere spensierato delle corti indiane. Con il vino s'accompagnano il canto e le donne. Il famoso Periplo del Mare Eritreo ricorda infatti l'importazione di ragazzi cantori e di belle fanciulle per i ginecei dei ragia. Un poema tamulico dell’epoca menziona pure soldati e mercenari
yavana al servizio di Chéra, re del Kerala e osserva come
i loro
cipigli feroci incutano terrore al solo guardarli. A Muziris (Cranganore), capitale dei re Chera, situata alla foce del fiume Periyar, stazionavano due coorti romane a guardia dei depositi di mercanzie. Anche la religione romana era benvenuta sul suolo indiano. Nella stessa Muziris c'era un tempio ad Augusto accanto a delle vihära buddiste e a delle chaitya giaine. I Romani hanno lasciato tracce nella lingua sanscrita dove si incontrano le parole yavana e romaka. Nel codice di Manu (Manusmrti) e nel Mababbarata i Greci sono designati con la parola yavana. Più tardi la stessa parola servi per designare i Romani e gli Arabi. Mentre gli Arabi usano la stessa parola arabizzata d-yänän per designare i Greci. Nel tardo sanscrito, yavana può indicare anche gli Europei in genere. Può anche designare qualunque straniero o barbaro. Il sanscrito ha pure la parola Roma con cui vuole significare la città di Roma in Sidbantafiromani; e ha la parola Romaka per indicare i Romani o i popoli dell’impero romano come per esempio in Brihat Sambita di Varáhamihita. La città di Roma è pure designata con parole composte come Romapattana e Romapura. Anche l'impero romano è designato da Aryabhata con la parola composta Romavisaya. Con la pretesa franca di succedere all'impero romano la parola paranki, XXIX
usata dagli stessi Arabi ferangi, entrò nell'uso in India. Cosí in Tamil e in
Malayalam
essa acquista gradualmente
una vasta gamma
di significati;
i
Franchi sono gli Europei in genere, sía Portoghesi, sia Spagnoli, sia Italiani. Franco é il Cristiano di rito occidentale. Finalmente, in senso peggiorativo, il franco ἃ sinonimo di barbaro. Quest'ultima accezione sembra indotta dalle controversie e dalla scissione tra Cristiani latini o di rito romano e la locale comunità cristiana autoctona di rito siro orientale. Tutto cid che ἃ occidentale & quindi paranki. In Tamil parankipäsänam indica il sublimato di mercurio che gli Spagnoli portavano da Monserrato. I Portoghesi importarono dal Brasile l’acagiü che è detto in Malayalam &afu oppure parankiyanti, cioè la noce dei Franchi.
Cosf pure il parankisampräni è l'incenso portato dai portoghesi. Il parankippunnu o semplicemente paranki ἃ la malattia venerea della sifilide. Perció incontriamo tre parole, yavama, romaka e paranki corrispondenti alle tre fasi evolutive del mondo romano: greco, romano propriamente detto, franco o cristiano occidentale.
Ma soltanto uno studio approfondito pud scoprire cosa pensassero gli Indiani dei Romani che frequentavano le loro coste con intenti commerciali, mentre sembravano mancare di interesse per la filosofia indiana, lo yoga, la mistica dell'India. 5. Prima di concludere devo dire qualche cosa di una Chiesa che crebbe e
fior{ oltre le frontiere orientali dell'impero romano, cioè della Cristianità siriaca orientale o della Chiesa di Persia. Situata fuori dal contesto romano, come può guardare questa Chiesa alla dialettica delle tre Rome? Questo problema potrebbe costituire il soggetto di uno studio affascinante, se non altro per il vantaggio che offre una prospettiva distaccata. E potrebbe risultarne che gli epigoni delle tre Rome riescano a relativizzare la loro rispettiva posizione, invece di farne un ostacolo insormontabile per una visione pit larga e perciò ecumenica. Ci limitiamo ad abbozzare appena il problema, prendendo lo spunto da Afrahat, il primo Padre della Chiesa siriaca. È il meno grecoromano di tutti i Padri della Chiesa e questa qualifica gli dà appunto una particolare importanza.
I suoi scritti, 23
Trattati
o Dimostrazioni,
composti
in siriaco
tra
il 337 e il 345, contengono una teologia cattolica e ortodossa insieme, ma diversamente inculturata. Afrahat ha un suo personale concetto dei Romani. Seguendo una tradizione rabbinica (Targum Jonathan, Is. 34. 9) Afrahat identifica i Romani, forse solo teologicamente piuttosto che storicamente (la cosa andrebbe studiata pi da vicino) con i figli di Esaù. Questa identificazione si trova successivamente presso autori arabi. Nel suo quinto trattato Delle guerre o sulla storia e sui destini dei vari imperi, Afrahat riflette sulla attualità delle guerre tra la Persia e Roma. Sapore II stava infatti preparando un’offensiva verso Occidente. Afrahat non nasconde le sue simpatie per i Romani ai quali Gesù Cristo ha affidato il suo regno (*). Senza nominarlo (*) Vedi Addendum, p. xxx11. XXX
esplicitamente Afrahat riconosce in Costantino il Grande una saggia guida preposta ai Romani da Gest Cristo stesso. Costantino non è il re; non c’è re sui Cristiani se non Gesû Cristo Re. « Venendo nel mondo ha affidato il regno ai Romani, che sono chiamati figli di Esaá. E i figli di Esaá conservano il regno per colui che lo ha affidato a loro» (Delle guerre 22 = PS I, 229-231).
Per Afrahat i Romani sono soltanto coloro cui il regno è stato affidato fino alla seconda venuta del Cristo. Non sono padroni del regno, che appartiene a Cristo. Ma il Cristo non lo ritirerà dalle loro mani come ha fatto con altri popoli in precedenza. Infatti, Colui che lo ha loro affidato, li sta aiutando. Ciò non avviene grazie alla loro potenza, ma perché Gesá stesso fu contato tra loro nel censimento. Egli è dunque dalla loro parte. Essi portano le sue armi (riferimento velato alla croce) in cui risiede tutta la potenza del
Regno. Perciò essi non ne saranno mai spodestati. Tuttavia questa assoluta sicurezza di Afrahat è attenuata in seguito da un condizionale. Prima di con-
cludere il trattato Afrahat aggiunge, come riflessione ulteriore: « Amico, quanto ho scritto più sopra, non lo riferisco come rivelazione che io abbia ricevuto... Se le forze armate [di Sapore II che sta preparando l’offensiva contro i Romani] usciranno vittoriose sarà (per noi) un divino castigo. Se invece saranno
sconfitte sarà per loro una giusta condanna, In ogni modo, ricorda che la Bestia [l'impero persiano] dovrà essere macellata a suo tempo. Ma tu, fratello, ricordati di implorare misericordia in quei giorni affinché ci sia pace sul popolo di Dio» (ibid., 237, 10-20). Come
cristiano Afrahat
si è completamente
identificato con
i Romani,
benché conosca Romani, quali Diocleziano, che hanno perseguitato «i fratelli di Occidente e hanno scatenato nel loro regno grandi tribolazioni su tutta la Chiesa di Dio » (Della persecuzione n. 22. 998, 23-25). Parlando del regno
affidato ai Romani, Afrahat non pensa alla Roma aeterna ma ai Romani. Egli non nomina mai esplicitamente Roma. Il regno dato un tempo ai figli di Giacobbe è stato trasferito ai figli di Esaá (PS I, 235,1). Segno di questo tra-
sferimento di poteri è la distruzione di Gerusalemme ad opera dei Romani. Qui la parola usata è rbiimoyo (941, 27). Afrahat usa questo nome proprio soltanto tre volte. La prima in questo passo. La seconda identificando i Romani con i figli di Esaá (229, 27). La terza volta in un contesto puramente filologico (1044, 18). L'accento esclusivo sui Romani, piuttosto che su Roma,
ci ricorda l'analogo atteggiamento di Agostino: « Forte Roma non perit, si Romani non pereunt. Non enim peribunt si Dominum laudabunt; peribunt si blasphemabunt. Roma enim quid est nisi Romani? » (Serm. 33. Ex addit. a Sirm.
ante finem tom.
10).
Afrahat è significativo esempio di un uomo il cui Cristianesimo trascende ogni barriera politica. Da oltre le frontiere orientali dell'impero romano Afrahat è in comunione con tutti, Né lui, né il suo più giovane contemporaneo
S. Efrem,
massimo
luminare
e Padre
comune
della
Chiesa
siriaca, XXXI
fanno mai menzione di Roma come della sede di Pietro. 1 problemi del primato e della precedenza della sede romana non si trovano affatto nei loro scritti. E il loro silenzio in proposito non è un silenzio semplicemente negativo, ma è positivo, non mancando loro le occasioni in cui avrebbe potuto presentarsi l'istanza dell'appello all'Occidente per risolvere controversie ecclesiali. Non possiamo in questa sede approfondire di più tale argomento. Vogliamo solo indicare questa fruttuosa pista di ricerca. Forse, un primato tipologico, del quale questi primi Padri siriaci sembrano aver avuto chiara intuizione, potrebbe rivelarsi una concezione diversa dal primato di giurisdizione e di onore, trascendendo quelle due concezioni senza escluderle. In tal caso il rendersene conto costituirebbe un passo avanti verso una sintesi al di là delle frontiere.
Addendum I termini adoperati da Afrahat vanno intesi nel contesto del suo discorso,
che è teologico e non storico. Egli stesso definisce il trattato Delle guerre come
«commento
alla profezia
di Daniele
sui regni
(malkwatba) » (PS
I,
1041, 8-9). La parola malkwath può essere tradotta sia con "regni" sia con
"imperi", cosí come malké può indicare sia il "re" sia l’ "imperatore". Il concetto di imperatore è espresso peraltro, talvolta, in maniera pi spiccata con malek malke (ibid. 792, 20), cioè "re dei re", applicato anche implicitamente a Gesû Cristo Re (malké mibä), cui è dovuta l'adorazione regia (ibid. 804, 5) e che sarà re "in saecula saeculorum” (ibid. 232, 26).
XXXII
ELENCO
DEI COLLABORATORI
Hanno contribuito ai lavori del II Seminario internazionale di studi storici
« Da Roma
alla Terza Roma », con relazioni e comunicazioni che qui pubblichiamo: HELENE AHRWEILER, Università di Parigi I - Sorbona CESARE ALZATI, Università di Pisa KARL O. FREIHERR VON ARETIN, Istituto per la Storia Europea, Magonza PIERO BELLINI, Università di Roma 'La Sapienza' HANS-PETER BENOEHR, Università di Vienna WILHELM BRAUNEDER, Università di Vienna PAOLO BREZZI, Università di Roma 'La Sapienza'
ANTONIO
CARILE, Università di Bologna
MATEI CAZACU, Centro Nazionale della Ricerca Scientifica, Parigi MICHEL VAN ESBROECK, Pontificio Istituto Orientale, Roma
JEAN GAUDEMET,
Università di Parigi II
VALENTIN AL. GEORGESCU, Accademia FAUSTO GORIA, Università di Torino
delle Scienze Sociali e Politiche di Romania
NOTKER HAMMERSTEIN, Università di Francoforte SALVATORE IMPELLIZZERI, Università di Palermo JOHANNES IRMSCHER, Accademia delle Scienze della Repubblica Democratica Tedesca JAN KRAJCAR, Pontificio Istituto Orientale, Roma
TILEMACHOS C. LOUNGHIS, Fondazione Nazionale della Ricerca Scientifica, Atene GIOVANNI MANISCALCO BASILE, Università di Palermo PAUL M. MARTIN, Università d'Orléans DIMITRIS NASTASE, Fondazione Nazionale della Ricerca Scientifica, GEORGE NEDUNGATT, Pontificio Istituto Orientale, Roma
Atene
CLAUDE NICOLET, Università di Parigi I - Sorbona FRANÇOIS PASCHOUD, Università di Ginevra LUIGI PROSDOCIMI, Università Cattolica del Sacro Cuore, Milano KHALIL SAMIR, Pontificio Istituto Orientale, Roma ITALA PIA SBRIZIOLO, Istituto Universitario Orientale di Napoli
SANDRO NINA
VASILKA JEAN
SCHIPANI,
V. SINICYNA,
Università di Sassari Accademia
TAPKOVA-ZAIMOVA,
TULARD,
EPHE.Sorbona,
delle Scienze dell'URSS
Accademia delle Scienze di Bulgaria Parigi
DIONYSIOS ZAKYTHINOS, Università di Atene JAROSLAV N. SCAPOV, Accademia delle Scienze dell'URSS
La redazione del volume ὁ stata curata dalla dottoressa BARBARA
MENGOZZI. XXXIII
Avvertenza redazionale
Gli scritti vengono pubblicati seguendo, grosso modo, l'ordine sistematico della « Liste des thèmes » (v. p. xt1), invece che quello cronologico dei lavori.
I testi sono stati generalmente riveduti dagli autori dopo lo svolgimento del Seminario.
SEDUTA
INAUGURALE (*)
GIUSEPPE BRANCA
Signori congressisti, l'argomento a cui & dedicato il vostro convegno ἃ importante, non solo di per se stesso, ma anche e soprattutto perché si discute in Italia. Da noi questo ed altri riguardanti l'antico mondo romano sono temi che scottano per una doppia catena di motivi. C'è il rischio della retorica. È un pericolo che viene dalla tradizione risorgimentale dove l'elmo di Scipio era ricordato ed esaltato, cosí come ogni episodio della storia o della leggenda, ai fini delle rivolte e delle guerre di indipendenza. Roma era il 'faro', a cui si ispiravano i liberali del primo Ottocento, perché illuminasse 'il cammino del nostro risorgimento'. Lo scopo pratico impediva l'esercizio d'un sano spirito critico, anzi portava a calorose reazioni quando la scienza straniera, soprattutto tedesca, anche un po' esagerando, metteva in dubbio e corrodeva l'attendibilità di antiche testimonianze. Poi ci furono gli anni del fascismo e, mentre nel risorgimento si guardava soprattutto alla repubblica, durante il ventennio ci si mise a esaltare l'impero che, dopo la guerra italo-etiopica, tornava sui 'colli fatali di Roma'. Anche se non fu cancellata l'acribia dei nostri storici di fine Ottocento e del primo Novecento,
tuttavia
l'esaltazione
dell'antico
regime,
autoritario
e solenne,
raggiunse, anche presso qualche ambiente scientifico, il massimo della sua intensità. Da noi chi non si sia reso conto di queste realtà e tutti i nostalgici, anche se studiosi seri ed onesti, potrebbero in parte ricadere quanto meno nell'esagerazione dell'entusiasmo. In Italia c'è però l'altro pericolo: che il giudizio sul mondo e sulla società (5) Il 21 aprile 1982 pomeriggio, in Campidoglio, nella sala della Protomoteca, ha preso la parola a nome del Comune di Roma Luci ARATA, Assessore per gli Affari generali e Avvocatura; egli ha annunciato l'intenzione dell'Amministrazione comunale di istituzionalizzare l'efettuazione del Seminario internazionale di studi storici « Da Roma alla Terza Roma » in
occasione degli anniversari della Fondazione dell'Urbe. La corrispondente proposta di deliberazione ἃ stata approvata all'unanimità dal Consiglio comunale il giorno 22 settembre 1983 (N.d.r.).
di Roma antica e sulla loro influenza nei secoli posteriori fino al nascere degli stati assoluti possa essere capovolto: l'antifascismo, che domina molta parte della nostra cultura, e il repubblicanesimo e la democraticità possono indurci a valutazioni negative su Roma e sulla sua civiltà: specie su Roma imperiale, con strascichi negativi anche rispetto a Roma repubblicana ma imperialista. Conseguenze? Questo convegno doveva essere organizzato in Italia perché Roma è stata, prima di ogni altra cosa, Italia e perché qui ἃ nata la repubblica romana e qui in ultima istanza & nato anche l'impero romano. Ma il convegno non poteva non essere, come è, internazionale. Non poteva non esserlo perché
proprio la partecipazione di studiosi stranieri, lontani dalle nostre passioni e dalla nostra cultura, ci può liberare dal pericolo della retorica o della condanna precipitosa. A loro noi diamo il più cordiale benvenuto.
JOHANNES
IRMSCHER
Au nom du Comité promoteur, j'ai l'honneur d'ouvrir, en cet endroit so-
lennel, dans le cadre de la "recherche d'Athénée", la séance inaugurale du second Séminaire international d'études historiques qui se place sous le théme général « De Rome à la Troisi&me Rome ». Aprés une période de réflexions préliminaires au cours desquelles M. Pierangelo Catalano déployait de nombreuses activités, le Comité promoteur se constituait en 1980 à Rome. Aux travaux assistaient des spécialistes venus de plusieurs pays et appartenant à différentes disciplines; car le travail international et interdisciplinaire s'impose pour dominer la matière à laquelle nous consacrons notre Séminaire international d'études historiques. Notre réunion de l’année dernière que je qualifierais de première réussite, s'était proposé de dégager la problématique qui nous intéresse, et de mettre en lumiére ses valeurs scientifiques. Nous nous penchons sur l'idée de Rome qui émanait de la Ville Eternelle sur le Tibre dont nous continuons, cette année encore, à goûter l'hospitalité avenante. Notre attention, notre intérét se portent alors sur la Nouvelle ou Deuxiéme Rome, la métropole sur le Bosphore que l'empereur Constantin avait fondée en 330, sans caresser pour autant l'idée qu'elle allait s'ériger bientôt en rivale de la Vieille Rome. Et finalement, en dépassant la chute de Constantinople,
nous tournons les regards vers la Russie où, aux XV* et XVI* siècles, une volumineuse littérature propageait l'élévation de Moscou au rang de Troisième Rome. Au déclin du Moyen Age cependant, l'idée de Rome n'était pas disparue ... au contraire! Elle continuait à avoir son impact, à exercer une action progressiste au sein des mouvements révolutionnaires des XVIII* et XIX° siècles qui débouchaient sur la cristallisation de l'Europe bourgeoise et, dans son sillage, sur la formation des Etats indépendants des Amériques 2
du Nord, centrale, et du Sud. Nous avons pris cet "Exemple de Rome" pour animer notre discussion. Les acquis que le Séminaire de l’année passée nous a valus, vont nous servir dans notre intention de progresser. Les grandes lignes et les tâches en suspens étant dégagées et arrêtées, il s’agit maintenant de réunir et de mettre en parallèle les détails, ainsi que de parvenir à des résultats approfondis, en vue, dans la mesure du possible, d'en dégager des généralités tendancielles. Nous prenons nos efforts pour une vocation scientifique autant que politique. Pour un problème d'urgence. Car à l'heure où se fait sentir le danger d'une conflagration mondiale qui exterminerait notre civilisation européenne, toutes les recherches en matiére de sciences historiques se doivent, et ceci impérativement, de faire la lumière sur le devenir et la nature de notre monde actuel et supérieur et, en conséquence, de contribuer au rapprochement durable des peuples, à la compréhension de leurs physionomies historiques, à la chance qui leur sera offerte de coexister. C'est ainsi que nous servirons la noble cause de la paix; c'est ainsi que nous rendons service à nous-mêmes. Plus valable que jamais est la maxime qui dit: Inter arma silent Musae. Il n'y a qu'un monde orienté vers la détente, la compréhension et le désarmement, qui permettra d'entreprendre et de poursuivre les recherches prospéres en matiére de sciences historiques. De nouveau, notre Séminaire international d'études historiques bénéficie du soutien généreux et du concours désintéressé des autorités et organismes italiens. Je considére comme un honneur particulier l'autorisation qui nous permet de tenir, dans cette salle magnifique du Capitole, non seulement notre séance inaugurale, mais aussi nos séances de travail. J'en remercie dûment et en public. Au nom du Comité, j'ai l'honneur de remercier les autorités de la Ville de Rome d'avoir bien voulu nous offrir, pour les futurs 21 avril, de patronner de façon permanente nos Séminaires « De Rome à la Troisième Rome ». Les
conditions internes et extérieures sont alors réunies pour la bonne réussite de notre Séminaire.
JEAN GAUDEMET, dell'Università di Parigi II, ANTONIO CARILE, dell'Università di Bologna, VAsiLKA TXPkova-Zarmova, dell’Accademia delle Scienze di Bulgaria, banno svolto le relazioni introduttive (v. infra, pp. 7 ss.;
247 ss.; 449 ss.). La relazione di JARoSLAv N. Scapov, dell’Accademia delle Scienze dell'URSS, è pervenuta successivamente (v. infra, pp. 481 ss.).
ROMA
JEAN GAUDEMET
LES ROMAINS
ET LES “AUTRES”
Introduction
Traiter des ‘citoyens romains” et des ‘étrangers’ dans le haut Moyen Age c'est une fois de plus rencontrer le probléme de ‘l’autre’. Chacun se définit non seulement par ses qualités propres — mais, et parfois plus encore, en marquant les différences, voire les oppositions. Dans la période que nous
envisagerons ici — et bien des périodes de l’histoire en offriraient d’autres exemples — cette opposition première devient peu à peu rencontre, échange, compénétration pour aboutir à une autre société. Notre cadre géographique se limite en effet à la Pars Occidentalis de l'Empire et nos limites chronologiques nous conduiront des règnes conjoints de Théodose II (408-450) et Valentinien III (423-455) à celui de Charlema-
gne et de ses premiers successeurs, qui donnent à l'Empire un nouveau visage. Quant au théme méme de notre enquéte, il peut étre envisagé sous trois aspects:
l'un, juridique et technique, concernant le statut des personnes;
le
second, social, puisqu'il s'agit, en fait, de la rencontre de deux groupes de population;
enfin cette étude exige une réflexion sur des attitudes mentales
à l'égard de concepts comme ceux de civis romanus ou de barbarus, de Francus, de Romanitas ou d'Imperium. Si notre étude rejoint l'histoire des concepts, elle fait aussi apparaître le poids de certaines contraintes. Les unes sont d'ordre politico-militaire: histoire des états et de leurs vicissitudes, conquétes, invasions. L'étranger dans Rome à l'époque d'Hadrien n'est pas dans la situation des Wisigoths d'Alaric en 410 ou des Vandales de Genséric en 455. Contraintes démographiques, en second lieu: selon leur importance numérique les groupes en présence sont
plus ou moins bien placés pour s'imposer. Contraintes sociales enfin, celles de la langue, du style de vie et des usages sociaux, poids des traditions. Autant de données qui poussent au cloisonnement, voire à l'opposition. A ces données qui tendent à la séparation s'en opposent d'autres, favorables au rapprochement, et, à la limite, à une fusion. En premier lieu le prestige de Rome, souvenir glorieux auquel les uns se rattachent avec ferveur; aspiration à un monde policé et cultivé pour d'autres. D'une façon plus profonde, bien que plus tardive, mais d'une importance primordiale pour l'avenir 7
de l'Histoire de l'Europe:
l'extension du Christianisme à la presque totalité
de la population, réunissant les ‘Romains’ de vieille souche et les éléments allogénes (les Barbares) dans ce "peuple de Dieu" qui, comme le prophétisait l'Ecriture, ne connaît ni libres ni esclaves, ni diversité de nations.
L'union se réalise dans la communauté de foi, mais aussi et d'une façon plus sensible et plus concrète, dans le méme encadrement par des rites liturgiques et la méme soumission à l'autorité épiscopale. Ce sont ces aspects divers, ces forces contraires et les équilibres auxquels elles aboutissent qu'il nous faut évoquer. Nous le ferons en adoptant un plan historique et en envisageant successivement: ‘un équilibre fragile” aux derniers siècles de l'Empire en Occident, puis ‘une culture qui survit à l’Empire’ avec l'instauration sur le vieux sol impérial des jeunes monarchies germaniques.
I. Un équilibre fragile A. Citoyens
1.
Ambiguité de la citoyenneté au Bas-Empire
On n'a pas à rappeler ici ce qu'est la citoyenneté romaine à l'époque classique !. On retiendra seulement les liens entre civitas et libertas et le caractère à la fois personnel et juridique de la civitas. Elle est avant tout société de personnes unies par un lien de droit ?. Et, si la cité romaine παῖς à Rome, elle n'est pas tributaire d'une attache territoriale. Trés vite la citoyenneté dépassa les limites de l'urbs. Sous l'Empire, avant méme la généralisation de la citoyenneté par Caracalla, on rencontre des citoyens romains à travers tout le terri-
toire soumis à la maitrise de Rome. D'autre part, et sur ce point les historiens ont ces dernières années corrigé les vues un peu simplistes des juristes, la citoyenneté connaît des degrés selon les prérogatives plus ou moins étendues accordées à ses bénéficiaires. Déjà durant la guerre contre Véies, Rome s'était liée avec des villes d'Etrurie maritime, dont Caere, et dés 386 avait été négociée une civitas sine suf-
fragio que Rome utilisera largement par la suite. Au début de l'Empire coexistent la civitas optimo iure des Romains, des
Italiens, des citoyens des colonies romaines * et une citoyenneté sans ius bo! A.N. SHERWIN-WHITE,
Tbe Roman
Citizenship, Oxford
1939;
F. DE
ViSSCHER,
"Ius Quiritium, civitas romana et nationalité moderne", Studi Paoli, Firenze 1955, pp. 239-251 (= Et. de droit romain XII, Milano 1966, pp. 99-116); A.N. SHERWIN-WHITE,
“Τῆς Roman Citizenship", Aufstieg und Niedergang der Rômischen Welt, I, 2, Berlin 1972, pp. 23-58; W. SzsroN, "La citoyenneté romaine", XIII Congr. Intern. sc. bist. Moscou
1970, Moskva 1973, I, fasc. 3, pp. 31-52.
2 Cicéron, De rep. I, 49: «quid est civitas, nisi iuris societas ». 3 M. Sorni, I rapporti romano-ceriti e l'origine della civitas sine suffragio, Roma 1960; M.
HuMsrRT,
Municipium
et civitas sine
suffragio,
Roma
1978.
4 En Gaule (avant 14 ap. J.-C.): Narbonne, Arles, Béziers, Orange, Valence, Fréjus.
norum, celle des notables des villes provinciales de droit latin, qui, par la gestion de magistratures locales, sont devenus citoyens, mais aussi celle des habitants des cités fédérées, libres ou stipendiaires qui ont obtenu la citoyenneté 5. Ces quelques remarques suffisent à montrer que méme sous le Haut-Empire
la notion de citoyenneté romaine n'est pas liée au territoire de Rome‘. Elle a une vocation universelle (que réalise l'Edit de Caracalla) et les prérogatives juridiques qu'elle confère sont susceptibles de certaines nuances. Mais surtout,
la citoyenneté romaine, parce qu'elle était participation à une communauté par un méme statut juridique, mais aussi par la participation à une méme vie
sociale, et non pas simple privilége des habitants de Rome, a pu se transformer d'une citoyenneté des habitants de l'Urbs en une citoyenneté des habitants de l'Empire. C'est dire qu'elle a su se modeler sur l'extension du territoire, s'adapter
à la conquête ?. Α l'époque qui nous occupe ici (V* s.) la citoyenneté romaine est la condition juridique de la trés grande majorité des habitants de l'Empire. Mais par cette généralisation méme, la qualité de civis a perdu beaucoup de sa valeur. Au point de vue affectif, elle n'est plus le titre prestigieux du peuple dominant. Les provinciaux, vaincus d'hier, y ont globalement accédé. Au point de vue de son intérét pratique et de sa valeur juridique la dévalorisation n'est pas moindre: les dfbits politiques du citoyen sont sans objet dans un régime de toute-puissance impériale (plus de ius suffragii ni de provocatio ad populum et un ius bonorum très théorique pour des millions d'individus). L'honneur prestigieux de servir dans les légions ne compte pas pour une population qui laisse l'armée se 'barbariser' (cf. infra). Restent les droits civils:
conubium, commercium, droit d'agir en justice, si communs qu'ils comptent peu. Il est d'ailleurs remarquable que le terme de civis ne se rencontre guère dans les constitutions du Bas-Empire, alors que civis romanus est fréquent chez les juristes du début du III° s. (Papinien, Paul, Ulpien*) souvent d'ailleurs
dans l'exposé de régles juridiques 'classiques', concernant sociales déjà quelque peu dépassées ou en voie de l'étre.
des
situations
5 En ce sens CHASTAGNOL, "Les modes d’accès au Sénat romain au début de l'Empire:
remarques à propos de la table claudienne de Lyon", Bull. Soc. Nat. des Antiquaires, (1971), pp. 287-295 qui tire argument de la mesure prise par Auguste peu avant sa mort concédant
à des Gaulois de Narbonnaise, qui étaient citoyens, le ius bonorum. 6 En ce sens F. DE VissCHER, cité infra n. 7.
7 D'oà le célébre probléme de la "double citoyenneté" avec ses incidences juridiques que nous n'avons pas à rappeler ici. Cf. V. Arancio-RuIz, "Sul problema della doppia cittadinanza nella Repubblica e nell'Impero romano", Scritti Carnelutti IV (Padova 1950), pp. 55-77; E. SCHÔNBAUER, "Die Doppelbürgerschaft im rómischen Reiche", Anz. ôsterr. Ak. Wiss., phil. bist. KI, 1949, Nr. 17, pp. 343-369; Ip., "Untersuchungen über die Rechtsentwicklung in der Kaiserzeit", Tbe Journal of Juristic Papirology 7/8 (1953-1954), pp. 107148; E. Weiss, "Ein Beitrag zur Frage nach dem Doppelbürgerrecht bei Griechen und Rómern", The Journal of Juristic Papirology 7/8 (1953-1954), pp. 71-82; F. DE VISSCHER,
"La dualité des droits de cité et la *mutatio civitatis' ", Studi De Francisci, I, Milano 1956, pp. 39-62. * Vocabularium Iurisprudentiae Romanae, I, coll. 752ss. (v. "Civis").
Curieusement le mot civis, parfois même civis Romanus se trouve 8 fois
dans les Interpretationes du Code Théodosien, alors qu'il ne figure pas dans le texte de la constitution commentée qui préfère l'expression de civitas romana ?. Si l'on admet, avec une opinion répandue, que ces Interpretationes ont été composées à la fin du V* siècle, et peut être en Gaule ^, on serait très tenté d'en conclure que la Gaule de cette époque accordait encore à la citoyenneté romaine une importance que n'y attachait plus la chancellerie impériale dès le IV* siècle". On retrouvera plus loin l'intérêt d'une telle constatation et on aura alors à tenter de l'expliquer ?. Plutôt que de cives, les constitutions post-classiques parlent de populus (constitutions ad populum), de l'Italie ou de provinciales? ou encore désignent nommément les habitants d'une région (Lusitaniens, Africains, Syriens, etc.). Terminologie vague, qui répond à l'universalité de l'Empire ou à des zones géographiques, mais sens portée juridique. Ce qui confirme la médiocre valeur juridique de la notion de citoyenneté aux IV* et V° siècles. Politiquement d'ailleurs les habitants de l'Empire, sauf peut-étre dans la vie mu-
nicipale *, sont moins des 'citoyens' participant à la vie de la cité, que des sujets. Subiecti, subditi, ὑπήχοοι se retrouvent fréquemment dans la langue littéraire des IV* et V* s. Julien utilise ὑπήχοος dans ses lettres, alors 9 Interp.
de CTb.
2, 22,
1 (320):
si quis civis Romanus
libertus
Latinus
libertus
fuerit effectus (dans la constitution: si is qui dignitate romanae civitatis amissa. Latinus fuerit. effectus) et plus loin fios quos civis Romanus generavit (rien de pareil dans la constitution); 4, 7, 1 (321): cives esse Romanos, par l'affranchissement im ecclesia (civitas Romana, dans la constitution) et plus loin civibus Romanis (rien de tel dans la constitution); 1, 16, 11 (369): querellam civium (la constitution n'a pas civium); 1, 29, 6 (Valentinien II, 387): consensus civium, pour l'élection du defensor civitatis (quod decretis elegerint civitates, dans la constitution); 1, 34, 3 (Théodose II, 423): civium electio-
nes (pas de mention de cives dans la constitution). Pour l'Interpretatio de CTb. 4, 12, 2: testibus civibus Romanis, on n'a pas le texte de la constitution ainsi ‘interprétée’. Seule une constitution de 326 (CTh. 9, 24, 1) fait état du civis Romanus dans une
forme
analogue
à celle que
l'on
trouve
fiat Romanus. 10 Cf. J. GAUDEMET, La formation IV* et V* s. (2° ed., Paris 1979), p. 103.
dans du
l'Imterpretatio:
droit
séculier
si Latinus
et du
droit
de
fuerit,
civis
l'Eglise
aux
! Le ‘glissement’ de civitas à civis dans ces textes semble si naturel qu'il traduit sans doute des habitudes de langage. 1 CL.
DuPont,
("Sujets et citoyens sous le Bas-Empire
Romain",
Revue
internatio-
nale des droits de l'antiquité, 20 [1973], p. 326, n. 4)
fait observer que πολίται est assez
fréquent
que
dans
les œuvres
littéraires
de Julien,
alors
civis
ne
figure
pas
dans
les
constitutions de sa chancellerie qui nous sont parvenues. 13 C'est ainsi que dans la constitution de Valentinien interdisant les mariages entre romains et barbares (CT5. 3, 14, 1 370/373 cf. infra) la chancellerie impériale use du mot provinciales et curieusement c'est l'Inferpretatio qui, à deux reprises, y substitue Romani (Romanac).
14 Ce qui expliquerait pour partie le maintien du terme dans la Gaule de la fin du V* s. Mais on verra plus loin une autre raison de cette persistance, et peut-être raison plus décisive, l'opposition aux nouvesux occupants venus avec les Invasions.
10
une
que les constitutions impériales n'employent guère ce vocabulaire avant le VI° 5. ". Dans les Novelles post-théodosiennes, subiecti, subditi sont utilisés dans les préambules ou les phrases finales dont l'objet est moins de formuler la règle que de la justifier, souvent dans un style ‘littéraire’ quelque peu ampoulé. Ces morceaux de bravoure n'ont pas été conservés par les compilateurs des deux codes et l'on peut par conséquent se demander si des constitutions du V* s., dont nous n'avons aujourd'hui que le dispositif, n'accueillaient-pas ce vocabulaire dans leur préambule?
2. Un vocabulaire nouveau: ‘incolatus’, 'origo', 'patria' Trop vulgarisée pour garder grand prestige, la citoyenneté est concurrencéc par d’autres notions que l'époque classique n'avait pas ignorées, mais qui, depuis le III* s., ont pris plus d'importance. Moins 'juridiques', encore qu'elles ne soient pas sans importance pour les juristes, elles font appel à des données spatiales (de résidence: domicilium, incolatus) ou d'origine (origo), mais aussi à des réactions affectives: patria. Si ce vocabulaire n'est pas nouveau (Cicéron l'utilisait déjà), il prend désormais plus d'importance, car c'est à lui que se réfère l'administration pour déterminer l'obligation aux charges (m24nera). Leur poids, le désir corrélatif de s'y soustraire, les contraintes du pouvoir donnent à ces notions une singuliére importance. On ne saurait dire cependant qu'elle soient parfaitement définies ', A l'époque classique l'incola se distinguait des citoyens d'un municipe par ce qu'il n'était rattaché à ce municipe que par sa résidence ". Considéré comme un demi-étranger, il n'était pas admis, sauf concession spéciale, aux bonores, alors qu'il était tenu des munera comme les citoyens, Il pouvait cependant participer dans les assemblées municipales à l'élection des magistrats locaux *. Mais au Bas-Empire, lorsque les bonores furent devenus surtout des munera, incolae et cives sont
astreints aux mêmes charges ! et la distinction entre originarii et incolae perd toute portée
pratique.
Si l'incolatus repose sur la résidence, l'origo se réfère au lieu d'origine. 15 X.S. THURMAN
(“The application of ‘subjects’ to Roman citizens in the imperial
Laws of the later roman Empire", Klio, 52 [1970], pp. 454-463) ne le signale qu'à partir
du VI° siècle et en montre p. 326,
n. 6) en
rappelle
la fréquence l'emploi
dans
chez Justinien. Mais des
Novelles
450, 458, 468. 36 Visconti, "Note preliminari sull''origo' nelle lisse I, Milano 1940, pp. 87-106; D. Nónn, "Origo", 31 (1963), pp. 525-600; U. ZirtLETTI, "Incolato", "Torino 1962, pp. 541 s. 1 Cf. Pomponius D. 50, 16, 239, 2. 18 Lex Malacitana, ch. 53. 19 Une constitution de Julien (CTh.12, 1, 52; 3 ne sont astreints aux charges incolatus iure que s'ils
Cr.
DUPONT
post-théodosiennes
de
(op.
cit.
438,
439,
fonti imperiali romane”, Studi CaTijdschrift voor Rechtsgeschiedenis Novissimo Digesto Italiano, VIII,
Sept. 362) précise que les incolae habitent dans la ville, non s'ils y
possèdent seulement quelques biens fonciers. Sur les douze constitutions qui au CTP. mentionnent les incolae (ou l'incolatus) sept sont au L.12 T.1 consacré aux décurions et
à leurs charges. C'est dire quel est le domaine de l'incolatus.
11
La notion, connue déjà à l'époque d'Hadrien (CJ. 10, 40, 7, pr. et D. 50, 1, 37, pr.), prend
de
l'importance
chez
les juristes de l'époque
des
Sévères,
lorsqu'il traitent des szunera. Mais c'est au Bas-Empire que les références à l’origo se multiplient ?. L'origo est prise en considération lorsqu'il s'agit des intéréts financiers des cités. Elle concerne donc le droit municipal plus que le droit fiscal de l'Etat romain. L'origo est en principe déterminée par la naissance. L'enfant a pour origo celle de son père *. Incolatus et origo ont donc au Bas-Empire une grande importance pour déterminer l'obligation aux charges municipales. Dans l'immense masse des 'citoyens' qui constituent l'essentiel de la population de l'Empire, ces notions déterminent des groupes mineurs, d'intérét municipal, en fonction de la τέsidence (incolatus - domicilium) ou de l'origine (origo). Ainsi se maintiennent, par le biais de la fiscalité, les cellules locales (municipales) dans le trop vaste
monde des citoyens. Mais la fiscalité n'est pas seule affective. Et c'est ici qu'intervient pas création du Bas-Empire. A la deux patries: sa citée d'origine et gnait la double citoyenneté, parce trée' sur Rome.
en cause. L'attache au 'pays' est d'abord le concept de patria. Lui non plus n'est fin de la République, Cicéron distinguait Rome ?. Pour lui la double patrie rejoique la civitas romana restait encore 'cen-
Mais, progressivement,
Rome
ne sera plus une cité comme
les autres. Elle devient le monde, la patria communis ?. Pline l'Ancien fait de l'Italie la patrie de « tous les peuples du monde » ^. C'est aprés l'Edit de Caracalla que Rome est de plus en plus souvent qualifiée patria communis. L'expression, qui traduit une donnée évidente de civilisation — au moins pour la civilisation urbaine, la seule que retiennent alors les élites intellectuelles — répond en effet désormais à une réalité juridique: la généralisation du ius civitatis romanae. Aussi les juristes tardifs s'emparent-ils de patria communis ^. Mais la patrie est aussi, et d'abord, le lieu d'origine et, dans ce sens, elle rejoint l’origo *. Dès le début du III° siècle, la chancellerie impériale utilise cette notion pour déterminer l'obligation aux bhonores 7. Dans les constitu2 Très nombreuses
références au CTh.;
plus rares au CJ.
2 Celle de sa mère, en vertu de privilèges concédés à certaines villes cf. Ulpien D.50, 1, 1, 2: l'enfant né de deux Campaniens ou d'un père Campanien est Campanien. Mais l'enfant né d'une mère originaire de Delphes
a l'origo de sa mère.
2 KRATTINGER, Begriff des Vaterlandes im Republikanischen Rom, Diss., Zürich 1944. 23 Le terme est déjà dans de leg. II, 5: « unam naturae alteram civitatis ... alteram loci ... alteram iuris». Sur l'origine hellénistique de ces fopoi cf. NORR, op. cit. pp. 553-555.
% H.N. 55 Par
III, 3, 39. exemple
Callistrate D. 48, 22,
18;
Modestin
D. 27,
1, 6, 11
qui
oppose
la
notion de χοινῆς ...πατρίξος τῆς βασιλευούσης à la ἰδίᾳ παπριδί, cf. CTD. 6, 2, 25 (Valentinien III, 426).
7$ Ulpien (D. 50, 1, 6 pr.) à propos de l'origo parle de la patria ex qua oriendus est; cf. aussi D. 50, 1, 10; D. 48, 22, 7, 11; 50, 1, 27 où Ulpien distingue dormicilium et patria. © Callistrate cite un rescrit de Septime Sévère D. 50, 4, 14, 4.
12
tions du Bas-Empire, les références à la patria se multiplient *. Celle-ci n'est pas envisagée seulement dans le cadre local des obligations aux charges municipales. C'est aussi, dans son sens affectif, la grande patrie de l'Empire qu'il faut défendre contre les périls extérieurs ?. Cette double acception, locale * et universelle, du terme de patria témoigne du passage, qui pour nous ici est du plus grand intérét, du cadre étroit de la cité, avec son petit groupe de citoyens, se distinguant de ceux de la ville voisine et parfois s'opposant à eux, au vaste monde de "οἰκουμένη où l'im-
mense masse des 'Romains' de toute origine n'a en face d'elle, hors les Parthes, que des ‘hordes barbares’. On peut alors se demander “où est le Romain"? Est-ce l'orgueilleux familier de la Ville éternelle, ou le citoyen de l'Empire qui, parce que civis, use du droit romain; voire, quels que soient son origine et son statut, celui qui se veut et se sent romain? De l'institutionnel et du juridique, qui n'ont plus grand sens, on glisse vers une donnée à la fois culturelle et affective. Plus que par son statut, le Romain se définit comme le membre d'une com-
munauté universelle, porteuse de certaines valeurs de civilisation. Transformations d'étranger.
qui
ne
pouvaient
étre
sans
influence
sur
la notion
B. Etrangers l.
Peregrini
Si les données géographiques, politiques, juridiques de la citoyenneté se sont profondément modifiées à partir du III* si&cle qu'en est-il advenu des étrangers?
Comme pour la citoyenneté, la question doit étre envisagée à deux points de vue: celui, théorique, du juriste; celui des réalités politico-sociales. Cellesci sans doute comptent davantage. Mais les juristes pardonneront à un juriste de ne pas négliger le droit. Nous commencerons par lui, en nous demandant ce qu'il est advenu au Bas-Empire de la notion de peregrinus, terme qui désignait en droit classique,
l'étranger à la cité ou à l'Empire. Le mot n'a pas disparu des sources juridiques. Pour certaines, il s'agit simplement de la reproduction de textes de jurisconsultes classiques, et l'on 2 Au Code Théodosien, le mot figure dans 64 constitutions. Mais 47 de ces men tions sont au Titre de decurionibus (12, 1), où il est essentiellement question des charges municipales. 5 CTb. 7, 13, 16 (Honorius, 17 avril 406): Contra hostiles impetus l'empereur fait
appel à l'amor patriae. À la fin de 405 les Goths de Radagaise ont franchi les Alpes. Ils pillent l'Italie du Nord jusqu'à ce que Stilicon les batte près de Florence (23 août 406) et fasse exécuter leur chef. Autre constitution aux provinciaux du 19 avril 406 (ibid. 17)
les appelant aux armes amore pacis et patriae. 3 Celleci ne disparaît pas au Bas-Empire. En 364 Valentinien I" promet de donner aux vétérans quam volunt patriam, c'est à dire des terres où ils pourront s'établir (CTb. 7, 20, 8).
13
peut alors parler de survivance sans grande portée ”. Ou bien il s'agit d'une fidélité doctrinale un peu scolaire à Gaius ©. Témoignages peu concluants donc, puisqu'ils restent tributaires du passé. Cette fidélité même n'est-elle pas, dans quelques cas au moins, dictée par l'intérêt pratique que présente encore la notion juridique de pérégrin au IV* siècle? Peregrinus figure dans des constitutions de CTh., sans toujours avoir, semble-t-il, un sens technique précis *; le mot disparait dans la version que le Code de Justinien donnera de ces constitutions, Là où l'on peut encore lui donner une signification précise, il désigne non l'étranger à l'Empire (par opposition au civis romanus), mais l'étranger à une cité, parce qu'il relève d'une autre cité ou d'une autre province *. On retrouve ici les équivoques de la citoyenneté ou de la patrie: appartenance à l'Empire ou attache locale, Les pérégrins du CT. sont ceux qui appartiennent à d'autres régions de l'Empire, non des étrangers à l'Empire. Le terme reparaît, plus tardivement, dans les Interpretationes 9, mais avec un sens encore plus vague. Peregrinus doit alors étre rapproché de perigrinari * ou perigrinatio ". Il s'agit de personnes qui voyagent, qui sont absentes de leur lieu de séjour habituel, ‘étrangères’ en quelque façon à celui où elles se trouvent
temporairement.
C'est dans cette acception 'sociale' et non plus juridique qu'il faut entendre l’ “expulsion des pérégrins" de Rome par Symmaque, préfet de la Ville (383-385), lorsque il cherchait à parer à la disette devant l'insuffisance des approvisionnements *. Ces témoignages, auxquels on pourrait en ajouter beaucoup d'autres, montrent que le concept juridique de pérégrin, tel qu'il s'était élaboré dans la cité quiritaire et qu'il avait persisté chez les juristes classiques à perdu sa valeur. Le pérégrin devient le voyageur, l'absent ou le résident occasionnel, attendant d’être le pélerin. Il est remarquable que ce soit à propos des discriminations religieuses que le mot retrouve quelque valeur. 31 Par exemple dans FV. 47 a (texte de Paul); Collatio IV, 5, 1 (Papinien); Fragm. Dositb.
12.
X Ep. Ulp. 5, 4; 5, 8; 7, 4; 10, 3; 19, 4; 20, 14; 22, 2; Gaius Augustod. 4; 6; 19; IV, 98;
103; Epitome
33 CTb. 4, 6, 3 (336) (texte qui serait interpolé selon GrapENwITZ, sianus", Studia et documenta
I, 1;
Gai I, 6 $1.
bistoriae et iuris
37, 1 (364); 8, 1, 9, 1 (365); 9, 1, 10 (373);
2 [1936], pp.
12-14);
12, 1, 161 (399);
"Zum Theodo-
9, 16, 5 (357);
6,
16, 5, 36, pr. (399);
1, 34, 1 (400); 16, 2, 37 (404); 13, 11, 13 et 14, 2, 4 (412). 3 En ce sens, KUBLER, "Peregrinus", RE, XIX, 1 (1937), col. 655.
35 Interp. {=
revenir de 3 Interp. 3 Interp. Sententiae, cf.
Cod.
Greg. 5, 8, 10;
Interp.
CTb.
4, 22,
voyage). CTb. 2, 27, 1; 4, 22, 1. Sent. Pauli, 1, 7, 2; 2, 15, 1 (peregrinatio 2, 23, 1).
Y:
«de
était déjà
peregrinis. dans
redierit »
le texte
des
3$ Symmaque, Ep. III, 7 (MGH, AA VI, 1, p. 44). Ambroise (de off. III, 44, 52) déplore cette mesure en faisant valoir que d'autres préfets de la Ville ont préféré faire financer par les ciches un approvisionnement suffisant. Sur cette question cf. S. MazzaRINO, Aspetti sociali del IV secolo, Roma 1956, pp. 236, 244; società nell'Italia annonaria, Milano 1961, pp. 120, 138-139.
14
L. RuccinI,
Economia
e
2.
Hérétiques et apostats
On ne saurait faire ici l'étude détaillée de la très abondante législation qui, au IV* et au V° siècles, favorise le christianisme romain, frappe de restrictions toujours plus graves le libre exercice du culte paien, relègue le judaisme dans une situation inférieure, poursuit avec constance et rigueur hérétiques et apostats ?. Seules nous intéressent les mesures qui frappent des citoyens et les excluent de la communauté romaine en raison de leurs convictions religieuses.
Tel ne fut pas le sort des paiens, encore nombreux et puissants et que protége leur fidélité au culte traditionnel. Les Juifs, de leur cóté, relativement peu nombreux, avaient toujours bénéficié de la protection de la législation romaine *. Celle du Bas-Empire s'oppose simplement au prosélytisme *. Les conversions sont parfois punies de la peine capitale; le mari juif s'expose à la mort en cas de mariage mixte *. L'esclave chrétien est protégé contre son maître juif 9. Mais si l'on ne peut parler de persécution légale, il existe à l'égard du Juif une certaine antipathie populaire traditionnelle *. Le Juif est considéré comme un étranger. Au IV° siècle apparaîtra un anti-sémitisme chrétien,
populaire lui aussi, qui fortifie cette tendance 5 et inspire des mesures législatives anti-juives *. Augustin, au contraire, réclame la charité pour un peuple malheureux et le respect du culte de ceux qui, en un certain sens, sont
des témoins du Christ “.
.
C'est aux déviations de la loi chrétienne que les empereurs ont réservé leurs rigueurs. Le statut de l'hérésie et de l'apostasie introduit une faille dans 5 CTb. 16, 5 à 11, environ 150 lois; CJ. I, 1 et 5-11, environ 50 lois, auxquelles il faudrait ajouter les mesures qui ne sont signalées que par les historiens ou les auteurs chrétiens. La législetion contre les hérétiques est particulièrement abondante. LONING (Geschichte des deutschen Kirchenrechts, I, Das Kircbenrecbt in Gallien von Constantin bis Cblodovecb, Strasbourg 1878, p. 97) dénombre au CT. 16 lois de Théodose I", 3 de Valentinien II, 21 d'Honorius, 12 d’Arcadius, 12 de Théodose II et 3 de Va. lentinien III, plus une Novelle de Théodose, soit 68 lois en 57 ans. Cf. K.L. NoetH-
LICHS, Die gesetzgeberischen Massnabmen der christlichen Kaiser des vierten Jabrbunderts gegen Häretiker, Heiden und Juden, Kóln 1971. *9 Cf. A. M. RaseLto,
“The
legal conditions of the Jews
in Roman
Empire", Auf-
stieg und Niedergang der rômischen Welt 1I, 13 (1980), pp. 662-762; M. Grant, The Jews in tbe roman world, London 1973; CL. Aziza, “Juifs et judaïsme dans le monde romain,
état
des
recherches
(1976-1980)",
Rev.
ét. latines,
59
(1982),
pp.
44-52.
Déjà
César avait exclut les synagogues de sa législation hostile aux groupements. 4 CTb. 16, 8, 1 (315); 16, 8, 7 (Constance) et 16, 7, 3 (Gratien); Nov. Théod. 3. € CTb. 16, 8, 6 (329); 5, 7, 2 et 9, 7, 5 (Théodose). 4 CTb. 16, 9, 1 (335); 2 (339); 4 (417); cf. M. SIMON, Verus Israël. Etude sur les relations entre Chrétiens et Juifs dans l'Empire romain (135-425) (Bib. éc. fr. Ath. et Rome, 166), Paris 1948, pp. 337-340. 4 C. Lévy, “L'antijudaïsme paien", in De l'antisémitisme antique à l'antisémitisme contemporain, Lille 1979, pp. 51-86. 45 M. Simon, op. cit., pp. 246-263. 4 Cf. également l'influence de st. Ambroise sur Théodose IT, et de st. Jean Chrysostome sur Arcadius (CT. 2, 1, 10; 398 et 12, 1, 165; 399), M. Simon, op. cit., pp. 264-269. *! G. CoMsBEs, La doctrine politique de saint Augustin (Th. Lettres, Bordeaux 1927), pp. 350-352.
15
l'égalité civique et opère une nouvelle summa divisio personarum *. Cette législation commence avec Constantin. Mais elle est alors assez anodine. Ceux qui ne se rallient pas à l'orthodoxie romaine ne sont pas frappés d'incapacité. On leur refuse simplement les priviléges accordés aux catholiques 9. Constance, puis Valens en Orient, se montreront
au contraire favorables
aux ariens. Cette législation pro-arienne n'est pas connue, car le CT. et le CJ., œuvres d'adeptes du catholicisme romain, la laissérent à l'écart. Il en est de méme pour celle du paien Julien, qui voulut d'abord pratiquer une égale tolérance de tous les cultes mais qui, dans les derniers mois
de
règne, édicta des mesures défavorables aux chrétiens ”, Valentinien souhaitait rester neutre à l'égard de questions qu'il ne considérait pas comme de son ressort?', Mais, dés son règne, apparaissent des mesures pénales contre les hérétiques. Seules toutefois sont rigoureuses celles qui frappent les Manichéens 2. Ce n'était là que continuer une tradition remontant à Dioclétien, contre une secte tenue pour particuliérement dange-
reuse pour l'Etat 9. Mais aprés que Gratien et Théodose eurent imposé le catholicisme romain à tous les habitants de l'Empire %, les hérétiques furent durement frappés. Si Valentinien II, ou plutôt sa mère, la régente Justine, se montrèrent favorables aux ariens ?, les protestations d'Ambroise et l’action de Théo-
dose lui firent abandonner cette attitude et soutenir l'orthodoxie romaine, aprés la mort de Justine *. C'est la législation de Théodose qui sera la plus abondante et la plus dure pour l'hérésie ”. L'activité législative restera intense au début du V* siècle *. # B. Bionpi, Il diritto romano cristiano, 1, Milano 1952, p. 259. # B. Bionpi, op. cit., pp. 263-266 et 268-269. 50 Si certaines se retrouvent au CT b. ou au CJ., comme l'interdiction faite aux chrétiens d’enseigner (CTh. 13, 3, 5 = CJ. 10, 53, 7; 17 juin 362) ou les entraves mises aux cérémonies funèbres pendant la journée (CT. 9, 7, 5; 12 février 363), c'est que ces textes ne visent pas les chrétiens i» terminis. Mais la correspondance de Julien en éclaire le
sens (Ep. 61 pour le premier et Ep. 136 pour le second). Ammien, XXII, 10, 7 et XXV, 4, 20; Socrate (H. E., III, 13, 1), Rufin (H. E., X, 33) en montrent également la portée réelle. Sì Amm., XXX, 9, 5; Sozom., H. E., VI, 7, 2; cf. l'allusion à ce principe de tolérance
dans CT»., 9, 16, 9 (371). 52 CTb. 16, 5, 3; 372. 55 Collatio, XV, 3; cf. E. H. KApEN, “Die Edikte gegen tian bis Justinian", Festschrift Lewald, Bále 1953, pp. 55-68.
5. CTh.
16, 5, 5 et 4 (3 août
(28 février 380) pour Théodose. 55 Par ex. CTb. 16, 1, 4 (386); 5$ CTb. 16, 5, 15 et 16 (388). Sì CTb. 16, 5, 17 (389) contre reprise par Arcadius, en 395, bt, 5, 18 (389) contre les Manichéens 19 (389) et 16, 4, 3 (392). 55 CTb. 16, 5, 35-66 et CJ. 1, (405, Honorius); cf. E. DemouceoT,
379 et 22 avril 380)
von Diokle-
pour
et 16, 1, 2
Gratien,
cf. B. Bronpi, op. cit., I, pp. 314 ss. les Eunoméens (législation révoquée en 394, b.t., 23; 25; abrogée à nouveau en 397, b.i, 27); CTb. 16, (cf. A.f., 20); contre toutes les hérésies, CI b. 16, 5, 5, 4-12; CTb. 16, 4, 6 (404, Arcadius) et 16, 11, 2 "Sur les lois du 15 nov. 407", Revue historique de
droit frangais et étranger, 28 (1950), pp. 403-412.
16
die Manichäer
Au cours du siècle, les grandes décisions dogmatiques seront suivies de constitutions qui les confirmeront *. En méme temps, plusieurs constitutions s'attaquent aux apostats Ÿ, Sans prétendre analyser ici le détail de ces trop abondantes mesures, on
en retiendra seulement
l'inspiration et les effets, où s’affirme nettement
la volonté de mettre les hérétiques et les apostats à l'écart de la communauté
romaine, 4) Ces mesures ne sont pas inspirées par le seul souci religieux de sauvegarder l'authenticité d'un dogme. Leur but est aussi politique. L'hérésie et l'apostasie, qui introduisent la diversité dans une foi devenue officielle, engendrent des troubles sociaux et mettent en question l'unité morale de l'Empire. C'est pourquoi les empereurs se montrent plus sévères à leur endroit qu'à l'égard du paganisme, qui continue une tradition, ou du judaisme, trop peu important pour étre une occasion de rupture. C'est parce que leur déviation religieuse en fait des étrangers à la communauté qui pratique la nouvelle religion d'Etat, qu'hérétiques et apostats sont frappés de peines qui les réduisent au rang d'étrangers. b) En dehors des mesures qui ont pour objet de gêner ou de paralyser l'exercice du
culte
(confiscation des églises, interdiction d'en construire
de
nouvelles ou d'utiliser les maisons privées, interdiction du culte public ou privé, etc. 9) ou encore d'empêcher le prosélytisme (interdiction des discussions
publiques ©, destruction des écrits hérétiques 9), les peines qui frappent les hérétiques sont conformes aux sanctions romaines traditionnelles à l'égard de citoyens indignes. Comme autrefois dans un tout autre domaine la législation caducaire d’Auguste, elles comportent la privation de droits politiques ou civils, qui font des hérétiques, étrangers par leur foi, des étrangers dans leur propre patrie.
Cette politique apparait avec Théodose I*. C'est en effet la conséquence logique du principe posé dans l'Edit de Thessalonique. Et ses successeurs la poursuivront. L'hérétique ne peut plus servir dans l'administration (scrinia, palatini, agentes in rebus).
Mais il reste soumis à la curie, comme
à une peine ©.
59 CTb. 16, 5, 66 (435) prescrit la destruction des livres de Nestorius aprés sa condamnation par le concile d'Ephése (431); cf. CJ. 1, 1, 3 (448). La requête de saint Léon contre les Manichéens aboutit à la Novelle 18 de Valentinien III (445); cf. W. ENSSLIN, “Valentinians III. Nov. XVII und XVIII von 445", Zeitschrift der Savigny Stiftung für Rechtsgeschichte-RA 57 (1937), pp. 367-378. Le concile de Chalcédoine sera suivi d'édits impériaux (MANSI, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, VII, coll. 475, 477,
498, 502, cf. HAENEL, Corpus legum, pp. 255 ss.). 6 CTb. 61 CTh.
16, 7, 1 (381); 4 et 5 (391); 6 (396); 7 (426); CJ. 1, 7, 6 (455). 16, 5, 6; 11; 12; 15; 20; 26; 29; 34; 51; etc.
€ (ΤΡ.
16, 4, 2 (388); CJ. 1, 1, 4 (452).
6 CTb.
16, 5, 34
et 66;
CJ.
1, 5, 8, 10.
6 Théodose, à qui Arcadius se réfère dans CTb. 16, 5, 29 (395); cf. b.t., 42 (408, Honorius);
€ CTb.
58
(415,
Théodose
II) et
65
(428,
Théodose
II).
16, 5, 48 (410, Théodose II).
17
Par contre, il est exclu de l'armée 5, du témoignage ©, de la factio testamenti active 5, du droit de recevoir par succession, méme ab intestat 9. Honorius ira plus loin. En
407, contre
les Manichéens
et les Priscillianistes ?, en 414,
contre les Donatistes "!, il édicte une interdiction de toute transaction économique:
« "on donandi, non emendi, non vendendi, non postremo contrabendi ».
A partir de Théodose, des incapacités analogues frappent les apostats ?': interdiction de tester, de recueillir ab intestato ou par testament, défense de
témoigner ?. Qu'il s'agisse d'une mise à l'écart du droit romain, les textes le disent formellement.
En
381, Théodose
proclame:
« vivendi iure romano
protinus eripimus facultatem » ", et deux ans plus tard il répète:
omnem
« omnem..
testamenti condendi interdicimus potestatem, ut sint absque iure romano » ?. Quand Arcadius revient, en 399, sur les mesures prises en 395 contre les
Eunoméens, il supprime la poena adimendae testamenti [actionis peregrinorumque mutandae conditionis *, Dans la pensée des rédacteurs de ces textes, celui qui s'est rendu étranger par sa foi, doit étre privé du droit romain et devenir un étranger à Rome. Il est en tout cas remarquable que peregrinus disparaît dans la version que le code de Justinien donnera de ces constitutions. 3.
Les Barbares
C'est donc dans d'autres directions qu'il faut rechercher l'étranger pour déterminer ce qu'il est, quelles sont sa place sociale et sa condition juridique. Plus que le pérégrin falot, c'est le robuste Barbare qu'il faut alors prendre en compte. Si déplaisant, et si faux à certains égards, que soit le terme, on
ne peut l'écarter. C'est celui en effet dont usent les Romains, héritiers directs en cela des Grecs qui ont forgé le mot 7. 66 Ibid. 61 CTb. 16, 7, 4 = 11, 39, 11 (391, Théodose I"). 6 CTb. 16, 5, 7 (381, Théodose) et 18 (389, Valentinien II), contre les Manichéens; b.t., 17 (389, Théodose) contre les Eunoméens. La prohibition sera rapportée en 394, sous l'influence d'Eutrope, favorable aux hérétiques (5.4, 23); rétablie par Arcadius
(b.t, 25; 395), elle disparait à nouveau aprés la mort du préfet du prétoire Rufin (h.t., 36; 399). Au contraire en Occident, Honorius étend l'interdiction aux Manichéens, Donatistes,
Priscillianistes (5.4, 40, 5;
407)
—
cf. l'allusion
de
saint
Augustin,
Contra
Epist. Parmen., I, 12, 19 (PL XLIII, c. 48) — et son exemple sera suivi par Théodose II (5b.t., 49; 410; 58; 415 et 65, $ 3; 428). 9 (ΤΡ. 16, 5, 7 (381); 17 (389); etc. T? CTb. 16, 5, 40, $ 4. 71 CTb. 16, 5, 54, pr. © CTb. 16, 7, 1 (381), privation de la factio testamenti active. 73 CTb. 16, 7, 2 (383, Théodose) et 3 (383, Gratien); cf. 5.£., 4 (391, Théodose). Ces mesures seront renouvelées par Árcadius (5.£., 6, 396) et par Valentinien III (5.7., 7, $ 1; 426).
^ CTb. 75 CT5.
16, 5, 7. 16, 7, 2.
76 CTb. ΤΊ Pour
16, 5, 36, pr. le vocabulaire tardif, cf. L. van ACKER,
"'Barbarus'
und
im Mittelalter", Archiv für Kulturgeschichte, 47 (1965), pp. 125-140.
18
seine Ableitungen
Son emploi à Rome est ancien. Il s'applique d'abord à tous les peuples
étrangers, à l'exception des Grecs δ, Plaute qualifiait Naevius, un latin, de Barbare ”. Le terme en vint à désigner ceux qui vivaient hors des frontières de l'Empire; pour l'Occident, avant tout les Germains. Mais, à Rome,
graphique
la notion de Barbare repose moins
(extérieur
à
l'Empire)
ou
raciale
sur une donnée géo-
(Germains,
Celtes,
Pictes,
Scots, etc.) que sur des considérations culturelles. Rome, en effet, ne saurait
dresser des barriéres raciales, car elle fut toujours préte à accueillir et à incorporer l'ennemi et le vaincu de la veille. Bien avant l'Edit de Caracalla,
ses rois légendaires ne furent-ils pas le plus souvent des ‘étrangers’? Le Barbare s'oppose au ‘civilisé”, d'abord parce qu'il ne vit pas dans un régime de civitas. La différence de structure socio-politique se prolonge (mais avec le méme
vocabulaire:
civilis) dans une différence de culture, ou
plus exactement se caractérise, aux yeux des Romains, par l'absence de culture. D'un
cóté la ferocitas, la saevitia, mais aussi la simplicitas et la rusticitas.
De l'autre, l’bumanitas, la suavitas, la civilitas 9. Ce qui caractérise le Barbare, plus que son origine ou son statut (dont nos textes ne se soucient guére), ce sont ses vétements
(ou sa nudité), son
inaptitude à la vie citadine “ et à une production destinée au commerce, la modestie de ses besoins, mais aussi son incapacité de raisonner ‘logiquement’, son ignorance ou son mépris du droit, le primat de la force et les superstitions qui lui tiennent lieu de religion. Ramenant
tout
à eux-mémes,
les
Romains
brossent
ainsi
un
tableau
oü fausses interprétations et a priori abondent. Comme le feront encore les explorateurs des XVIII* et XIX* s., décrivant les 'sauvages'. Mais ce qui importe ici c'est la représentation que les Romains se faisaient des ‘autres’. Or, à partir du IV* s., ces ‘autres’ ne sont pas toujours en dehors de
l'Empire. Il faut en effet distinguer les Barbares qui se sont infiltrés dans les cadres romains et ceux qui, restés au dehors, frappent de plus en plus durement aux portes et peu à peu pénètrent, s'installent, s'imposent. On ne saurait ici envisager dans toute sa complexité la question des rapports entre Rome et les Barbares au crépuscule de l'Empire d'Occident 9.
Il suffira de marquer les traits essentiels de leur situation. De la présence barbare dans les services romains il n’est-pas de meilleur exemple que la ‘barbarisation’ de l'armée au IV* siècle. Celle-ci a été trop souvent décrite 75 Les Hellénes, méme ‘étrangers’, ne seront jamais considérés comme des Barbares, car Rome sait trop ce qu'elle leur doit. Lorsque Juvénal dénonce les Graeculi, ce sont les Orientaux
(Syriens, Egyptiens, etc) non
les Grecs
qu'il vise.
7 Miles gloriosus 211; cf. Festus p. 32, 14 L. ® Cf. sur ce point les analyses de P. M. Arcari, Idee e sentimenti politici dell'alto
medioevo (Pubbl. della Facoltà di giurispr. di Cagliari), Milano 1968, pp. 61.130 et de Y. A. Dauce, Le Barbare: recherches sur la conception romaine de la barbarie et de la civilisation
(Coll. Latomus
176), Bruxelles
1981.
*1 Cassiodore, Exp. in Ps. CXIII, Vers. 1 (PL LXX, col. 811): « Barbarus autem a barba et rure dictus est, quod nunquam in urbe vixerit ». & Voir W. Gorrart, Barbarians and Romans. The techniques of accomodations, Princeton
1981.
19
pour qu'il y ait lieu d'insister. Ce sont des Francs foederati qui tentent de protéger la Gaule contre les hordes de Radagaise en 406. Déjà amorcée par Théodose I°", la politique ‘philo-barbare’ connaît son apogée en Occident au début du V* s. avec Stilicon 9. D'autre part, et Stilicon en est l'un des plus illustres exemples, des chefs barbares sont investis de hautes fonctions. Aux dires d'Ammien Marcellin (XXI, 10) Julien aurait reproché à Constantin d'avoir "le premier de tous" élevé des Barbares jusqu'aux honneurs du consulat; mais l'historien ajoute aussitót que Julien en fit autant, et pour des candidats de moindre mérite! Les élites romaines n'apprécieront guére cette dépossession au profit d'hommes qu'elles persistent à tenir pour inférieurs. Certains n'hésiteront pas à briguer l'Empire: Magnence, fils d'un breton et d'une franque, se fait acclamer empereur par l'armée à Autun (18 Janvier 350) et dépossède Constant. D'autres interviennent dans les successions impériales toujours délicates. Dagalaifus, dont Julien avait fait un comes domesticorum, puis son magister equitum, aurait mis en garde Valentinien, qui voulait associer son frére à l'Empire. Le franc Mérobaude, maître de la milice de Valentinien I°", assure le trône au fils de celui-ci en 375. Deux ans plus tard, il gère le consulat avec Gratien. Il ne servirait à rien de multiplier des exemples bien connus. La pénétration des Germains dans l'armée, dans l'administration et aux plus hauts postes du gouvernement * témoigne sans doute d'une démission des élites ‘romaines’, mais aussi d'une acceptation de ces 'étrangers' et d'une certaine osmose. A côté de cette infiltration, l'établissement des Barbares dans l'Empire 5. Il s'agit alors d'installation de groupes plus ou moins nombreux, plus ou moins
agressifs, qui cherchent,
en franchissant
le Danube
et le Rhin,
des
terres où s'établir et vivre moins mal, mais qui ne se privent pas de piller et de s’approprier les richesses d'un pays de vieille civilisation *. On sait les formes diverses de cet établissement. Régime de l’hospitalitas pour les Burgondes et les Wisigoths, qui s'installent sur les domaines des Gallo-romains, obtenant, en contre-partie du service militaire qu'ils fournis83 Cf. S. Mazzarino,
Stilicone, Roma
1942.
9 M. Waas, Germanen im rômischen Dienst. (im 4. Jb. n. Cbr.), 2. durchgesehene Auflage, Bonn 1971. 85 Parmi les études récentes, on citera G. WirTH, "Zur Frage der foederierten Staaten in der späteren róm. Kaiserzeit", Historia 16 (1967), pp. 231-251; H. J. DIESNER, Geschichte des Vandalenreiches, Stuttgart 1966; E. A. THoMPsoN, The Gotbs in Spain,
Oxford
1969 et diverses contributions dans les Actes du Colloque, La fime dell’Impero
romano d'Occidente, (Istit. di Studi romani), Roma 1978. 86 Le V* siécle voit s'opérer la grande mutation qu'ouvre l'invasion de 406 en Gaule
et en Italie. En 413 Honorius tolére l'installation des Burgondes sur la rive gauche du Rhin dans la région de Mayence. En 418 les Wisigoths sont établis en Aquitaine. En 429, les Vandales passent en Afrique et le traité de 442 avec Valentinien III confirme leur installation. En 462 Théodoric II prend Narbonne et Euric (466-485) achève l'oc-
cupation de l’Aquitaine; Burgondes (475) et Francs (481) se partagent le reste de la Gaule. En 490-491 les victoires de Théodoric sur Odoacre le rendent maitre de l'Italie. Il fera son entrée à Rome en 500. Depuis 476 il n'y a plus d'Empereur en Occident.
20
sent *, la jouissance de la moitié (lex Burgundionum tiers (lex Wisigoth. 10, 1, 8) du domaine”.
54, 1 et 2) ou des deux
Les statuts des Barbares sont variés et difficiles à préciser car les textes juridiques sont insuffisants. Aussi les incertitudes et les divergences restent nombreuses dans la doctrine moderne 9. a) Le statut le plus défavorable paraît être s'agit en général de vaincus, transférés de force et en Gaule, en Italie”, en Orient”. Peut-être faut-il populations qui ont demandé la protection de Rome
celui des dedirici. Il établis comme colons* également y ranger des dans une sorte de clien-
tèle internationale”. Mis au service des provinciaux, ils assurent abandonnées *. Imitant l'exemple de Maximien Chlore les utilise à « faire reverdir les champs Tricasses, Lingons”. Ou bien ils fournissent
la remise en culture de terres et de Dioclétien, Constance » des Ambiens, Bellovaques, la main-d'oeuvre nécessaire à
reconstruire les villes %, 8 Le régime de ‘l'hospitalité’ transpose au profit des Barbares un système utilisé au Bas-Empire pour assurer la subsistance des soldats romains. Burgondes et Wisigoths, plus tard
Vandales
en
Afrique,
sont
considérés,
en
raison
de
leur
incorporation
dans
les
armées romaines, comme des soldats et à ce titre campent chez l'habitant. Chaque soldat est installé chez un propriétaire. L'unité de partage est colon. Dans les grandes propriétés, qui comptent plusieurs
l'ager, petite exploitation de unités de ce type, il est pos-
sible d'installer plusieurs occupants. Le partage, d'abord opéré en simple jouissance, finit par laisser l'"hóte" maître de son lot, qu'il peut aliéner et transmettre à cause de mort. En Italie, les Ostrogoths procéderont également à un partage en jouissance d'abord puis en propriété. Mais le seul grand propriétaire fut le roi qui s'appropria non seulement une part des domaines privés mais tous les domaines impériaux d'Italie.
8 Le Code d'Euric à la fin du V* siècle porte la trace des difficultés que cette occupation soulevait. Il envisage à ce propos des procès entre Romains et Goths (C.E. 312); sur ce texte E. Levy, "Zum Kapitel 312 des Codex Euricianus", Symbolae Taubenschlag II,
1957
(Eos
48,2),
pp.
367-374
(=
In,
Gesamm.
Scbriften
I,
Kôln-Graz
1963,
pp. 258-265). # L'étude ancienne de E. LÉoTARD, Essai sur la condition des Barbares établis dans l'empire romain au IV* siècle (Th. Lettres, Paris, 1873), n'a pas encore été remplacée.
99 Sur le colonat, cf. P. CorriNET, "Le colonat, dans l'empire romain", in Recueil J. Bodin, Bruxelles 1937, pp. 85-102; SAUMAGNE, “Du róle de l'origo et du census dans la formation du colonat romain", Byzantion, 12 (1937), pp. 487-581, auquel se rapporte F. L. GaNsHOF, "Le statut personnel du colon du Bas-Empire", L'Antiquité classique, 14 (1945), pp. 261-279; PALLASSE, Orient et Occident à propos du colonat romain au
Bas-Empire, Paris 1950; A. SANTILLI, "Appunti
sull'origine del colonato”, Studi Senesi,
27 (1975), pp. 139-194; K.P. JoHne, 1. KòHN, V. WeBER, Die Kolonen in den westl. Provinzen, 1983. 91 En particulier des Sarmates et des Suéves sous Constance.
92 CTb. 5, 6, 3 (409, Théodose
in Italien und
II).
93 B. ῬΆΚΑΡΙΒΙ, “Deditio in fidem", Studi Solmi, I (Milano 1940-41), pp. 292 ss. % Cf. dans le panégyrique pour Constance de 297, ch. 9, le tableau des files de
Barbares prisonniers:
«captiva agmina Barbarorum... provincialibus vestris (en Gaule) ad
obsequium distributos, donec ad destinatos sibi cultus solitudinum ducerentur ». Ct. Àmmien, XXVIII, 5, 15, pour les Alamans dans la vallée du Pô, en 370. 95 « Barbaro cultore revirescit » (Paneg. de 297, ch. 21). 96 La cité des Eduens est réédifiée par des artisans venus de Bretagne: «ex bac
21
Mais ils peuvent aussi être appelés aux armes. C'est pour eux un honneur
dont ils sont fiers”. A l'obligation militaire, s'ajoute l'obligation fiscale *. Les terres incultes qui leur sont affectées sont d'abord celles de l'empereur ou du fisc, qui les premiers profitent de cet apport de bras. Les particuliers peuvent dans des libelli faire des demandes d'attribution de cette
main-d'œuvre complémentaire ?. Ouvriers
agricoles,
artisans,
exploitants
de
terres
abandonnées,
parfois
soldats, leur statut juridique est incertain. Déditices, ils sont en principe pérégrins ©. Toutefois, Zosime (I, 71) dit qu'ils vivent selon les lois romaines et le Panégyrique de 297 pour Constance (ch. 9) les montre vendant les
produits de leur travail pour le compte de leur maître romain "1. b) A côté, les foederati V, La notion est ancienne. Elle était déjà con-
nue de César. Au 1° siècle, les Bataves sont des fédérés. Plus tard, Gallien conclut un foedus avec les Marcomans. C'est également un statut trés répandu. Il s'applique à des nomades du désert de Syrie, à des Berbères, à des Germains du Danube et du Rhin, aux Sarmates (foedus de Constantin), aux Saliens des Pays-Bas (foedus de Julien), aux Goths (foedus de Constan-
tin5, de Valens '*, de Théodose I°!) etc. statut le plus important. Au V* siècle, devant mains, il fait place à un régime nouveau, la C'est ainsi qu'Honorius abandonne aux Goths
C'était donc probablement le les exigences accrues des Gerconcession de régions entières. des territoires en Gaule et en
Espagne, qui d'ailleurs étaient déjà perdus pour Rome. Le statut de fédérés évolue vers celui de l'hospitalité. La condition juridique des fédérés est mal connue. Les clauses des foedera ne nous ont pas été conservées et les textes juridiques ou littéraires sont trés insuffisants. Il est d'ailleurs probable que des différences de détail résultaient assez fréquemment des clauses des traités. On sait toutefois que l'obligation essentielle était celle du service militaire. Elle était précisée et parfois limitée par le foedus. Les fédérés obtenaient en particulier de ne pas aller combattre au loin. C'est ainsi que les Britannicae facultate victoriae » (Paneg. de 297, ch. 21). Il s'agit donc d'ouvriers bretons,
transférés par le vainqueur. Ce sont les artifices transmarinos, dont parle Euméne son discours pour la restauration des écoles d'Autun
au printemps
de 298
dans
(ch. 4).
9! «et servire se militae nomine gratulatus » (Paneg. de 297, ch. 9). % Ammien,
XVII,
13, 3; «Tributum
annuum
delectumque
validae juventutis et ser-
vitium spoponderunt ». Cette promesse faite sous l'empire de la peur évoque une deditio. 9 CTb.
5, 6, 3; 409, Théodose
II pour des Scyres en Asie,
10 En ce sens, LÉOTARD, op. cit., pp. 62-64. 101 «et frequentat nundinas meas pecore venali et cultor barbarus laxat. annonam ». 1? HuMBERT, "Foedus" in DAREMBERG et SacLio, Dict. des Antiquités grecques et romaines, II, 2, pp. 1210-1214; E. DEMoucEor, "Modalités d'établissement des fédérés barbares
de
Gratien
et de Théodose",
Mél.
rapprochés des déditices par Honorius, CTh. service: quos militia armata detentat. 18 Jornandes, de reb. Gotb., c. 7.
104. Ammien, XXXI, 4. X5 Jornandes, op. cit., c. 9.
22
Seston,
Paris,
1974,
pp.
143-160.
Ils
7, 13, 16 (406), car tous deux doivent
sont
le
Hérules et les Bataves refusèrent à Constance de le servir contre les Perses %. On pouvait au contraire déplacer déditices et /eeti!”. Les fédérés constituaient des corps spéciaux, En contre-partie du service militaire, les fédérés ont droit à l'annone, au logement chez les particuliers (»etatum !'*), à l'immunité fiscale du soldat,
alors que les déditices doivent l'impót.
Ils restent distincts mais égaux des Romains. A la différence des déditices, ce ne sont pas des δοῦλοι ?, On a conjecturé, mais sans en donner les preuves, qu'ils conservaient leur langue, leurs coutumes, leurs tribunaux (les chefs
de tribu), sous réserve de la juridiction disciplinaire militaire romaine !'?. Mais il est probable qu'en tant qu'alliés, ils bénéficiaient dans le foedus de concessions assez larges du conubium et du commercium. Le probléme le plus délicat est celui des mariages mixtes. C'est aussi l'un des plus importants, car ces unions étaient un élément essentiel pour la fusion des peuples. Une constitution de Valentinien I" !!, des environs de 370, adressée à Théodose, magister equitum, qui combattait alors les Alamans
en Rhétie '? paraît les prohiber sous les peines les plus graves. Aucun provincial ne peut épouser une barbare. Aucune provinciale ne peut épouser un gentilis et cela sous peine de mort. Une
lettre de direction de saint Ambroise
à Vigile, évêque
de Trente,
écrite vers 385! déconseille également le mariage avec des alienigenae. Le mot vise ici la différence de race, car un peu plus loin Ambroise déconseille
d'épouser une femme de religion différente "^. Mais en de mariages ont à la fois Certains Théodose
fait des inscriptions du Taunus !5 montrent la fréquence relative entre vétérans et femmes gauloises ou germaines. Les enfants le titre de citoyen romain et l'appartenance à la tribu germanique. mariages sont d'ailleurs fameux. Le goth Fravitta obtient de
le droit
d'épouser
une
romaine.
Stilicon,
demi-barbare,
épouse
la nièce de Théodose. La sœur d'Honorius, Placidia, épouse Ataulf puis Wallia. Il n'y a pas que ces unions qu'excuseraient des considérations politiques. 106 Ammien, XX, c. 4, 1-5. 107 Ibid, c. 8, 13. 18 CTb. 7, 8. 109 Parapisi, "L'amicitia internazionale nell’alto medio evo", Scritti Ferrini, II (Milano 1947), p. 208. Procope (Bell. Vand. 1, 11) dit à leur propos: «dà2' ἐπὶ τῇ ἴσῃ καὶ τῇ ὁμοίᾳ ἐς τὴν πολιτείαν ἀφίχοιντο» et il ajoute:
« ὅσοι οὐχ ἐπὶ τὸ δοῦλοι εἶναι».
110 LÉoTARD, op. cit., pp. 97-98. IN CTb.
3, 14,
1:
«Nulli
provincialium,
cuiuscumque
ordinis
aut loci fuerit,
cum
barbara sit uxore coniugium, nec ulli gentilium provincialis femina copuletur. Quod si quae inter provinciales atque gentiles adfinitates ex buiusmodi nubtiis extiterint, quod in bis suspectum vel noxium detegitur, capitaliter expietur ». 12 Ammien, XXVIII, 5, sur la date de cette constitution, cf. A. PIGANIOL, L'Empire cbrétien, Paris 1947, p. 173, n. 25.
13 PALANQUE,
Saint Ambroise
et l'empire romain
(Thèse de Lettres, Paris
1933),
p. 511; texte dans la Patrologie Latine, XVI, col. 982, Ep. XIX, 2, 7, 34.
14 Cf. PALANQUE, op. cit., p. 139, n. 2. 15 Citées par LÉOTARD, op. cit., pp. 89-90.
23
Prudence
parle des mariages mixtes comme d’un fait courant au début
du V* siècle. Cassiodore ! en 523-526
rappelle des faits anciens concernant
les régions danubiennes. Comment concilier la défense légale et ces pratiques contraires? Godefroy, en commentant cette loi, pensait qu'il s'agissait d'une défense de peu de durée. Mais le texte figure au CTh., au Bréviaire d'Alaric. Il a fait l'objet d'une Interpretatio. Ce n'est donc pas un texte mineur, de circonstance.
On a fait observer que le texte ne concernait in terminis que les Gentiles, catégorie particulière des Barbares!* La chose est partiellement exacte. Gentilis figure deux fois dans le texte et on le retrouve dans le titre du CTb.
3, 14, de nubtiis gentilium.
Mais
la constitution
parle aussi de Bar-
bara de façon générale et l'Interpretatio l'entend comme concernant tous les Barbares !?, C'était donc le sens que l'on donnait à cette constitution, en Gaule, au milieu du V* siècle et c'est celui que lui donnera la loi romaine des Wisigoths. On doit donc admettre qu'il s'agit d'une disposition de principe prohibant l'union avec tout Barbare !?, qui restera en vigueur jusqu'à la fin de l'Empire. Si elle connut de nombreuses exceptions, c'est que sans doute les concessions de conubium furent facilement obtenues. c) La condition des /aeti est plus incertaine encore. Peu de textes, trois ou quatre au Code théodosien, d’où des controverses sur le sens du terme et le statut des /aeti "1, Certains
auteurs,
comme
Schónfeld,
supposent
qu'ils
n'existaient
qu'en
Gaule et qu'ailleurs on les appelait inquilini. Mais une constitution du. (ΤΡ. 13, 11, 10, à Messala, préfet du prétoire d'Italie (alors que le préfet du prétoire des Gaules est Flavius Vicentius) parle de terrae laeticae. Ils apparaissent à la fin du III* siècle. Le panégyrique d'un auteur inconnu pour Constance en 297 (ch. 21) dit que l'empereur Maximien les employa
à la culture
des
terres en friches
des Nerviens
(Hainaut)
et des
Trévires. Peut-être s'agit-il de prisonniers barbares libérés 2, 116 Contra Symmach,
L. II, v. 616-618:
« unc
per genialia fulcra | Externi ad
ius conubii: nam sanguine mixto / Texitur alternis ex gentibus 1 Variae, V, 14 (éd. MoMMsEN, MGH, AA XII, p. 151). 118 LÉoTAnD, op. cit., p. 90.
19 « barbaram.
cuiuslibet
gentis».
catégorie particulière de barbare,
Si gentilis
il est évident
que
désignait,
una propago ».
dans
la constitution,
l'auteur de l’Interpretatio
une
ne l'a pas
entendu en ce sens. Gentilis devient gens. Il s'agit alors des diverses peuplades barbares. 120 En ce sens, Mazzarino, Silicone, cit, p. 185, n. 4 et A. PicanioL, L'Empire chrétien, Paris 1947, p. 173. Vt LÉCRIVAIN, "Laeti", in DAREMBERG et SagLIO, Diction. des Antig., III, 2, pp. 905906; LÉOTARD, op. cit., pp. 103 ss.; SCHÔNFELD, "Laeti", RE, XII, 1 (1924), coll. 446 ss.; E. Demouceor, "Laeti et gentiles dans la Gaule du IV* siècle”, Colloque d'histoire sociale 1970, Paris 1972, pp. 101-112. 12 «arva iacentia Laetus postliminio restitutus et receptus in leges Francus excoluit ».
Dans la Collection des Universités de France (1949), M. GALLETIER
traduit postliminio
restitutus par "rétablis dans leurs pays". L'allusion à une restitutio due au postliminium
24
Ils fournissent des troupes et constituent des corps spéciaux que la Notitia Dignitatum met au dernier rang de l'armée. Dépendant du magister militum praesentalis a parte peditum, ils sont sous les ordres d'un praefectus (Notitia Dignitatum) ou d'un praepositus (CTb. 7, 20, 10; 369, Valentinien 15). La Notitia Dignitatum 18. fait connaître les peuples qui fournissent les laeti, Bataves, Francs, Suèves, Teutoniciani (auxquels
il faut ajouter les
Alamans "*), et leurs lieux d'établissement. L'obligation au service les rapproche des déditices. Mais ils en sont distincts '5, Peut-être leur condition est-elle supérieure, car ils sont en principe volontaires. Elle est en tous cas inférieure à celle des fédérés. C'est d’ailleurs un élément peu sûr. En 357, ils menacent Lyon et pillent les environs. Ammien Marcellin dit d'eux: « Laeti Barbari ad tempestiva furta solertes » "5 et Honorius signale parmi eux des déserteurs !?. d) Comme
les
Laeti,
les
Gentiles
(ou
Gentes)
sont
à la
fois
des
cultivateurs et des soldats "*. Ils obtiennent des concessions de terres vacantes
aux frontières contre service militaire et à charge d'entretien du limes !?. Ils sont signalés dès le milieu du IV* siècle '?, Les constitutions d'Hono-
rius s'y réfèrent à plusieurs reprises ?!. Comme les /aeti encore, ils ont des praefecti !*, qui exercent la juridiction ferait songer à d'anciens prisonniers romains. Mais les laeti sont des Barbares. Postliminio restitutus, signifierait-il chez un rhéteur tardif peut-être peu au fait du droit, “prisonnier
libéré"? 13 Notitia Dign.
Occ., XLII,
33-44 (éd. Seeck, Berlin
1876, pp. 216-217).
14 CTh., 7, 20, 12; 400. 15 Amm., XX, 8, 13: «...ef miscendos Gentilibus atque Scutariis adulescentes Laetos quosdam, cis Rbenum editam barbarorum progeniem, vel certe ex dediticiis qui ad nostra desciscunt ».
V6 XVI, 11, 4. 17 CTb., 7, 20, 4, pr.; 400. 128 D'après A. PIGANIOL, op. cit., p. 328, le terme sert à désigner les déditices. 15 CTb. 7, 15, 1; 409.
10 CTb. 3, 14, 1; 370, concernant la Rhétie. Il est donc difficile de croire à une création de Stilicon, comme le fait S. Mazzarino (Stilicone, cit., p. 180). Cf. encore Ammien, XX, 8, 13 (gentes, pour l'année 360); XIV, 7, 9; (gentiles, pour l'année 353); XV, 5, 6 (pour 355); XVI, 4, 1 (pour 356); XX, 2, 5 (pour 360), etc. 131 CTh. 13, 11, 10 (399) à Messala, préfet du prétoire d'Italie: «..quoniam ex
multis gentibus sequentes romanam felicitatem se ad nostrum imperium contulerunt quibus terrae laeticae administrandae sunt...» Le texte signale des occupations abusives par les barbares et les fait révoquer par un inspector idoneus, car l'occupation des terres doit résulter d'une adnotatio imperiale. On peut se demander s'il s'agit ici de gentiles, au sens technique du terme ou de laeti puisqu'il est question d'attribution de ferrae laeticae. En tous cas, la procédure de demandes d'attribution de terres, selon certaines normes, par
décision du prince, et qui sont révoquées si elles paraissent abusives, ne peut concerner l'établissement forcé de prisonniers. Cf. également CTh. 11, 30, 62; 405, au proconsul d'Afrique, à propos de la juridiction sur les gentiles; cf. 7, 15, 1; 409, au vicaire d'Afrique, parlant d'une concession de terre aux gentiles, antiquorum bumana ... provisione. 12 Claudien cite un praefectus de la gens alana (de bello Gotb., 583)
Dign. Occ., XXXIV, 24 un tribunus de la gens des Marcomans
et la Notitia
(éd. Seeck, p. 196).
25
à leur égard et appliquent probablement leurs coutumes propres. Une pro-
vocatio, recours distinct de l'appel, peut être adressée contre ces sentences au proconsul). I] est donc probable que ces gentiles restaient des étrangers.
Mais s'ils ont avec les /aeti certains traits communs, ils ne se confondent pas avec eux, La Notitia Dignitatum consacre des mentions distinctes à leurs praefecti. Ce ne sont pas seulement des Germains, mais aussi des Sarmates,
des Suèves, des Taifales. On ne les rencontre pas qu'en Gaule, mais en Italie
(où il y avait peut-être des laeti) et en Afrique !*. Par contre, la Notitia Dignitatum n'en signale pas en Orient, où les Bucellari de Galatie étaient peut-être dans une situation analogue. Tandis que les /aeti sont attestés dès la fin du III* siècle, les gentiles n'apparaissent qu'au milieu du IV*. Enfin ils semblent inférieurs aux laeti, car la Notitia Dignitatum les cite aprés eux '5. Avec les ‘Invasions’ du V* siècle, des groupes plus nombreux pénètrent dans l'Empire 5, Mais si la rupture du limes, les dévastations, les pillages, les violences
ont profondément
marqué
les élites ‘romaines’ !7, les effectifs
des envahisseurs furent toujours assez faibles et l'avantage démographique
reste à l'élément 'romain'. Que deviennent dans ce monde bouleversé, en quéte de nouveaux équilibres, les notions de Romains et d'étrangers? La citoyenneté au sens républicain, ou méme impérial, n'a plus de sens, puisque l'Etat romain a disparu
en Occident. Mais
'la Romanité', autrement entendue,
persiste. C'est ce
qu'il nous faut maintenant envisager.
II. Une Culture qui survit à l'Empire On vient de rappeler les aspects militaires, politiques et juridiques pénétration des Barbares, étrangers dans l'Empire. Comment furent-ils et quelle fut, aprés les violences de l'invasion l'attitude des nouveaux pants? Deux données essentielles qu'il faut tenter de préciser, avant chercher comment, malgré la fusion, la Romanité n'a pas disparu. 133 CTb.
de la reçus occude re-
11, 30, 62; 405.
13 Supra, n. 131. 35 Mazzarino, Silicone, cit., p. 186, n. 2. (ΤΡ. 7, 20, 12 (400) aurait le même ordre:
«laetus alamanus, Sarmata, vagus vel filius veterani» si Sarmata désignait les Sarmatae gentiles de Not. Dign. Occ., XLII, 6, 63 et 64-70. 16 Un «bureau des étrangers» (scrinium barbarorum),
relevant
du
magister
ciorum est signalé par des constitutions orientales du milieu du V* siècle (Nov.
offi-
Théod.
21, 2; 17 avril 441 et CJ. 7, 20, 5 de Léon [457-470] au magister officiorum Patrus). Sur un scrinium Barbaricariorum dans la Notitia Dignitatum cf. les réserves de W. SINNIGEN, “Barbaricarii, Barbari and the Notitia Dignitatum", Latomus 22 (1963), pp. 806-815. 1? La défaite d'Andrinople (378) et le siège de Constantinople par Alaric (395)
pour l'Orient, l'invasion de la Gaule en 406, le pillage de Rome
en aoüt 410 par les
Goths d'Alaric, puis en juin 455 par les Vandales, aprés l'assassinat de Valentinien
modifiérent bien des attitudes à l'égard des Barbares.
26
III,
1.
Attitude des ‘Romains’ vis à vis des nouveaux venus 9?! À part de trés rares témoignages,
elle n'est connue
que
par les écrits
des milieux intellectuels, souvent liés à l'aristocratie, romaine ou locale, et de plus en plus largement marqués par le Christianisme. L'image qu'ils nous livrent est donc partielle, voire partiale. Les controverses religieuses, où s'affrontent chrétiens et paiens, les perspectives apologétiques des premiers, l'idéalisation du passé par les seconds compliquent encore les choses et parfois s'opposent à une appréciation réaliste de la situation. Cette intrusion de la dimension religieuse est fondamentale. Elle conditionne de plus en plus
profondément la réflexion politique, préparant le glissement de la Romania '? vers la Christianitas. On ne saurait d'ailleurs considérer comme un groupe homogène l'ensemble de ces étrangers, méme en ne retenant que les tribus germaniques, Seuls ceux qui se sont établis dans l'Empire, pacifiquement ou par les armes, sont connus des ‘Romains’. Pour les autres, restés en Germanie, on y voit des sauvages farouches, jugement de valeur a priori, dicté par l'ignorance et le sentiment bien ancré de la supériorité romaine. Sentiment que fortifie une certaine conception de l'ordre politico-social, plaçant la forme civique (polis grecque ou civitas de type latin) bien au-dessus de
la tribu (matio), horde
tenue pour inorganisée. Les deux groupes sont fort différents. Si les peuples établis sur le sol de l'Empire, Wisigoths, Burgondes, Ostrogoths, Lombards subissent fortement l'influence romaine, sans pour autant renoncer à leurs usages et à leurs modes de vie, les tribus demeurées en Germanie, Alamans, Bavarois, Saxons, Thuringiens sont beaucoup moins touchées. C'est plus tardivement, 138 Ici encore la littérature est considérable et on ne saurait en donner la bibliographie. E. DEMoucEor (‘“L'idéalisation de Rome face aux Barbares", Rev. ét. anciennes,
70 [1968], pp. 392-408) présente ses réflexions devant trois livres: A. N. SHERWIN-WHITE, Racial Prejudice in Imperial Rome (Cambridge Univ. Press 1967) qui décrit les opinions romaines sur les Germains de César à Tacite; F. PascHoup, Roma
aeterna. Etudes sur le
patriotisme romain dans l'Occident latin à l'époque des grandes invasions (Roma 1967) qui envisage la période allant de la défaite d'Andrinople (378) au pontificat de saint Léon (440-461);
1. Vocr, Kulturwelt
und Barbaren
(Ak. der Wiss. u. der Literatur in Mainz,
Wiesbaden 1967), recherchant ce que représente le "Barbare" pour les Romains des IV*-V* s. Cf. aussi M. FUHRMANN, "Die Romidee der Spätantike”, Historische Zeitschrift, 207 (1968), pp. 529-561;
Y. A. Dauce,
Le Barbare cit. Sur le vocabulaire politique
(im
perium. romanum, regnum Christianorum, etc.) on consultera les analyses des œuvres littéraires de Cicéron à Jordanés faites par W. SUERBAUM, Vom Antiken zum frübmittelalterlichen Staatsbegrif (2° éd. Münster 1970). 19 Le mot apparaît vers 330. Athanase et Ammien l'utilisent; cf. 1. ZEILLER, “L'apparition du mot ‘Romania’ chez les écrivains latins", Rev. ét. latines, 7 (1929), pp. 194-198;
E. FEHRLE, "Romania bei Ammianus
Marcellinus", Philologische
Wochenschrift,
45 (1925), coll. 381-382 et pour l'emploi du mot par Orose SUERBAUM, op. cif., p. 224, n. 10.
19 Etablis dans des régions moins profondément romanisées, les Francs sont, en ce domaine, un peu en retrait. Sidoine Apollinaire (v. 475) écrivant au comte Arbogast signale que le latin n'est plus guère connu en Belgique. A Trèves il a mieux survécu que le droit
romain.
27
par l'évangélisation et l'incorporation à l'Empire carolingien qu'elles prendront contact avec un monde romain déjà bien transformé. Dans les iles, Angles et Jutes, pour d'autres raisons, restent également à l'écart des influences romaines. L'invasion y a fait disparaître beaucoup de l'apport impérial et l'éloignement ne permet guère de recréer des liens. L'invasion des modes barbares est dénoncée par Honorius. À trois reprises, s'adressant au peuple (CTh. 14, 10, 2; 397) et à son préfet de la Ville (CT.
b.t. 3 et 4; 399 et 416), il interdit le port de chaussures parthes
ou de pantalons, ainsi que les cheveux longs. La peine dont sont menacés les contrevenants est sévère: l’exil perpétuel et la confiscation des biens “!. Plus significatifs que l'engouement d'une mode, plus graves par leurs conséquences,
les
mariages
entre
romains
(ou
romaines)
objecte la constitution de Valentinien I* à Théodose !9. sang romain », disait de ce texte A. Piganiol 9. Elle fut d'effet. Lorsqu'en 402 ou 403 Prudence chante dans le cette « descendance unique que tissent les sangs mélés
et
barbares.
On
« Ultime défense du en tous cas de peu Contra Symmachum de peuples divers »
(II, 117-118), il est difficile de ne pas voir dans ces peuples
(gentes) aussi
bien des Germains que divers provinciaux #. Plus tard Cassiodore évoquera ces « anciens barbares qui se sont associés par le pacte nuptial à des femmes romaines » '5. Les exemples d'unions de ce genre ne manquent pas chez les Grands. De curieux ‘échanges’ s'opérent, où le prestige de Rome semble ne pas compter. On a pu signaler des cas de 'Romains' passant aux Barbares pour se soustraire au poids des impôts !*. Autant de signes qui témoignent qu'à tous les niveaux de la société des contacts entre les anciens occupants de l'Empire et les nouveaux venus se sont instaurés. Dire leur fréquence et leur ‘volume’ est impossible. Mais les questions que pose la présence barbare sont assez graves pour retenir l'attention des 'intellectuels', souvent hommes d'Eglise, et pour les amener à exprimer leur sentiment à l'égard d''étrangers' devenus leurs voisins quotidiens 7. Ce fut tout d'abord un jugement sévére, assorti d'une grande confiance 14 J.L. Murca, Le moda barbara en la decadencia romana del siglo IV, Pamplona 1973.
182 CTh.
3, 14, 1 (370 ou 373). Sur la situation de Théodose,
le futur empereur
cf. Amm. Marc. 28, 5. 18 L'Empire chrétien, 2 éd., Paris 1972, p. 193. 14 Avec la belle inconscience de l'orgueil romain, Prudence attribue cette fusion, dont il se rejouit, « aux immenses succès et aux triomphes de l'Empire romain »! M5 Varige V, 14. M6 S. Mazzarino, Aspetti sociali, cit., pp. 32-33. Salvien (de gubern. Dei, V, 5, 21) signale des Romains qui, passant outre à l'«odeur fétide des corps et des vétements
barbares. émigrent chez les Goths, ou chez les Bagaudes bares»
parce
qu'ils
«aiment
mieux
vivre
libres,
sous
un
(sic) ou chez les autres Baresclavage
apparent,
qu'étre
esclaves sous une apparence de liberté ». La part de la rhétorique et le parti pris sont évidents, mais ils se greffent sur des données de fait.
147 On consultera toujours P. CourcELLE, Histoire littéraire des Grandes germaniques,
28
Paris
1948.
Invasions
dans la supériorité romaine et les vertus de l'évangélisation. Pour Ambroise ou Prudence, les Barbares sont des pérégrins et des ennemis (Postes). Avant
tout parce qu'ils sont paiens, mais aussi par leur absence de culture, leur ‘sauvagerie’ '*, Par un mauvais jeu de mot, Ambroise assimile Goth et Gog, le chef des impies, dénoncé par Ezéchiel (38-39) et l'Apocalypse (20, 8). Mais,
pour l’évêque de Milan comme pour le poète, le furor barbaricus sera contenu au delà des fleuves et des montagnes par la puissance d'une Rome que régénère le Christ et que protègent les Apótres, Pierre et Paul. Même hostilité chez les auteurs paiens. Ammien Marcellin, qui écrit aprés le désastre
d'Andrinople, rejette le mythe du "bon barbare". Il ne cache pas sa haine des Germains, pillards et incendiaires, et dénonce moins le peu de valeur des contingents barbares que la germanisation des cadres de l'armée. Hostiles aux Barbares également en cette fin du IV* s. les récits de l'Histoire Auguste. Végèce critique la politique ‘barbarophile’ de Théodose et souhaite que les armées
romaines
comptent
plus
de
citoyens
et
moins
d'étrangers.
Méme
mépris et mémes craintes chez Pacatus, panégyriste de Théodose ou chez Claudien: les Barbares sont des pillards qu'il faut soumettre à la puissance romaine. Si Claudien croit que l'on pourra ensuite les utiliser, Pacatus se refuse à leur confier la défense de l'Empire. L'invasion de 406, le sac de Rome par les Goths d'Alaric en 410 ne permettent plus aux élites intellectuelles de faire confiance à la barriére du Rhin et des Alpes, ni de clamer la supériorité romaine '?. Loin d'accepter les
nouveaux occupants et peut-être pour les avoir vus à l'œuvre, païens et chrétiens s'accordent pour dénoncer ceux qui mettent en péril la civilisation romaine. Ainsi du gaulois paien Rutilius Namatianus qui, en 417, regagne sa patrie dévastée '? et s'en prend à la fois aux Germains, aux Juifs et aux Chrétiens. “Patriote romain", saint Jérôme ne peut cacher sa peine et sa colère devant le sac de Rome. Mais ses réactions affectives sont corrigées par son eschatologie chrétienne. La société romaine, qu'attaquent les Barbares, était minée par son immoralité. L'Empire romain est bien ce quatrième Empire, condamné par les prophètes. Les Barbares sont les agents de la vengeance divine. Certains d'ailleurs passent à la vraie foi, annonce d'un monde nouveau, On trouverait chez Áugustin des réflexions du méme ordre, qui rompent avec le patriotisme romain d'Ambroise. 410 fut un chátiment divin pour ramener les Chrétiens au vrai Dieu. Le mythe de l'éternité de Rome est aban-
donné P', Rome est un Etat qui paie son péché majeur, la libido dominandi. Mais cette Rome terrestre peut étre régénérée par l'Eglise. De leur cóté, les 14 Dans le Contra Symmachum, aprés avoir constaté que « Romains, Daces, Sarmates, Vandales, Huns, Gétules, Garamantes, Alamans, Saxons, Galaulas foulent tous le méme sol et que le ciel est le méme pour tous», Prudence écrit (II, 816-817): «sed tantum distant Romana et Barbara, quantum/quadrupes abiuncta est bipedi, vel muta loquenti ». 19 Sur les réactions au sac de Rome cf. les textes traduits par A. PIGANIOL dans Le sac de Rome, Paris 1964 (Coll. Le mémorial des siécles). 19 De reditu suo, 9-54»
151 Cf. PASCHOUD, op. cit., pp. 242, 270, etc.
29
Barbares sont appelés à devenir chrétiens. Ainsi se profile une société nouvelle, oü les héritiers, souvent indignes, d'une vieille civilisation fusionnent dans une
foi commune '? avec les tribus étrangères arrachées à leur barbarie. Régénération
des
Romains,
éducation
des
Barbares,
tel
sera
l'apport
terrestre
du
Christianisme. Le prétre espagnol Orose, qui compose à Hippone vers 416-417 une "Histoire universelle", distingue mauvais et bons Barbares. Parmi les premiers, ‘le traître’ Stilicon ou les généraux germains. Mais on peut éduquer les Wisigoths d'Athaulf, en leur apportant la paix, la culture et surtout la foi du Christ 9. Quelques vingt ans plus tard, le prêtre marseillais Salvien (de gubernatione Dei, vers 440) va plus loin. Dénonçant les vices des Romains, il idéalise leurs adversaires, excuse leurs fautes par l'ignorance du vrai Dieu, et justifie leur victoire. S'ils ont vaincu Rome, c'est qu'ils étaient
moins coupables. La où ils sont devenus maîtres, la moralité renaît *. Contemporain de Salvien, mais de famille aristocratique, Sidoine Apollinaire (431/432-487/489), grand propriétaire d'Auvergne, gendre de l'éphémére empereur Ávitus, préfet de Rome avant de devenir évéque de Clermont, marque au contraire une grande fidélité à la culture romaine. Pour lui les Barbares, contre qui il eut à lutter, restent innacceptables. Il dénonce ces "hordes chevelues", les Burgondes aux cheveux parfumés de beurre rance, une cuisine qui pue l'ail et l'oignon '5. Mais surtout il s'éléve contre leur cruauté et leur ignorance. Ce sont les marins saxons qui « au moment du départ tuent un sur dix de leurs prisonniers. en vertu d'un rite... dà à la superstition » 55, Comment, pour les rendre tolérables, initier ces sauvages à la culture romaine? Quelques années plus tót, dans une Italie tout aussi menacée, avec moins
d'outrance et plus de sens politique, le pape saint Léon (440-461), profondément romain, marque les liens entre l'Eglise et l'Empire. S'il a vu les Huns
d'Attila
(452)
et les Vandales
de Genséric
(456),
il ne parle guère
des Barbares, plus préoccupé d'établir dans un nouvel équilibre les relations entre Eglise et Etat qui esquissent les premières ébauches de la Christianitas 1. Ainsi, avec bien des nuances qu'expliquent les situations locales et la diversité des caractéres, les écrivains chrétiens 1? La conversion
au
Christianisme
se rejoignent
est compliquée
par
dans une com-
la diffusion
de
l'arianisme.
Goths et Vandales sont ariens, ce qui aux yeux des catholiques aggrave leur condition ‘barbare’. 15 A. LippoLp, Rom und die Barbaren in der Beurteilung des Orosius, Diss., Erlangen 1952.
‘
14 De gub. Dei VI, 8, 39, à propos des villes romaines des Gaules et des Espagnes passées 155 156 Collect.
sous leur autorité. Carmen XII. Ep. VIII, 6, 15 (469, selon A. LOYEN, des Univ. de France, III, p. 216).
dans
son édition de Sidoine
Apollinaire,
157 Position analogue d'un secrétaire de Léon, Prosper Tiro dans son Carmen de ingratis (v. 430) lorsqu'il prône une alliance entre l'Etat et l'Eglise contre les palens (barbares) et les hérétiques
30
(ennemis
de l'intérieur).
mune philosophie de l'Histoire, qui garde trés présent le souvenir du temps où Rome seule comptait. Mais pour eux la page est tournée. Un monde s'est écroulé. Un autre voit le jour.
2. Attitudes des Barbares à l'égard de Rome. On a dit comment, dés le IV* s., à des échelons divers, du simple auxiliaire
de l'armée au gouvernement de l'Empire, les Barbares se sont infiltrés dans la société et l'Etat. La ruine de l'Empire en Occident, l'instauration des royaumes nouveaux modifient les données du probléme. Burgondes ou Francs ne sont pas ‘étrangers’ dans leurs royaumes et les vieilles populations locales ont du accepter les nouveaux maîtres. Ce n'est donc pas sur le terrain politique que peut se poursuivre le
dialogue du Romain et de l'étranger '*, mais dans l'instauration d'un nouveau droit et dans les réalités de la vie quotidienne. C'est à ce double point de vue qu'il faut examiner l'attitude des nouveaux maítres.
4) Sans s'engager dans l'épineux débat de "la personnalité des lois" dans
les
nouveaux
royaumes ”,
on
constatera
l'existence,
au
moins
dans
certains d'entre eux, de deux législations parallèles: loi wisigothique et loi romaine des Wisigoths, loi burgonde et loi romaine des Burgondes. Dans ces
deux royaumes, la dualité des législations reconnaissait officiellement la dualité des statuts juridiques de deux groupes de population
soumis
à une seule
maîtrise politique. Ainsi le ‘romain’ persistait sous un roi germanique !*. 158 Sans doute les premiers rois des nouveaux royaumes n'ont pas voulu rompre avec l'Empire. Théodoric, proclamé roi en Italie par les Goths, sollicite une reconnaissance d’Anastase, et Clovis reçoit de cet empereur le diplôme de consul. Mais de tels gestes ne peuvent masquer les réalités politiques et d'ailleurs ils ne se répéteront pas. 19 La territorialité du droit chez les Wisigoths a été défendue par A. GARCIA GALLO, "Nacionalidad y territorialidad del derecho en la epoca visigoda", Amuario de Historia del Derecbo Español, 13 (1936-1941), pp. 168-264. Opinion plus nuancée d'A. p'Oss, "La
territorialidad
del derecho
de los visigodos",
Studi sull'alto
medioevo
111, Spoleto
1956, p. 367 ss. P. D. Kinc, "The alleged territoriality of visigothic law”, Authority and Power. Studies on medieval law and government presented to W. Ullmann, Cambridge 1980, sur la territorialité du Code
de Chindaswind
(642-644).
160 L'édit de Théodoric va plus loin puisqu'applicable aux Goths et aux Romains, il ne prétend étre qu'une compilation de droit romain. On sait les débats sur la paternité de l'Edit. L'attribution ancienne à Théodoric le Grand roi Ostrogoth a été contestée par VISMARA qui l'attribue à Théodoric II (453-466), roi des Wisigoths ("Romani e Goti di fronte al diritto nel regno ostrogotico", Settim. Spoleto III, 1956, pp. 409 ss.); Rasi ("Sulla paternità del c.d. Edictum Theodorici regis", Archivio giuridico 'F. Serafini", 145 [1953], pp. 105 ss.) rejetait également l'attribution au roi ostrogoth et A. p'Ors (Εἰ código de Eurico,
Rome-Madrid
1960, p. 8) le tient pour un édit romain,
probablement
du préfet du prétoire des Gaules, vers 460 pour remplacer le code d'Euric; cf. P. D. Κινο, Law and Society in tbe visigothic Kingdom, Cambridge US. 1972; G. AstuTI, "Note sull'origine e attribuzione dell'Edictum Theodorici regis", Studi Volterra, V, Milano 1971, pp. 647-686.
31
b) D'autre part, même dans les lois faites pour les populations d'origine germanique, l'influence romaine est considérable. Tout d'abord par la langue dans laquelle ces lois furent rédigées et qui est le latin. Latin adultéré et fautif, sans doute, mais qui témoigne d'un désir d'accéder au niveau culturel des vaincus de la veille, Ce que révèle la forme est confirmé par le
fond. Inégalement, beaucoup plus chez les Wisigoths que chez les Francs, chez les Lombards que chez les Bavarois, ces lois empruntent au vocabulaire et aux régles du droit romain. Sans doute font-elles aussi place à de vieilles traditions et, surtout, elles répondent aux besoins d'une société qui n'est plus la société romaine. Mais les Germains ont pleinement reconnu la supériorité technique du droit romain et l'ont utilisée. Lois romano-germaniques, droit romain dans la législation pour les nouveaux venus sont des signes importants de leur volonté de s'intégrer à la culture romaine. c) Ce qu'atteste le droit est confirmé par certains traits de la vie sociale. Dans la langue écrite le latin l'emporte sur les idiomes germaniques. Tous les écrits de l'époque, administratifs ou littéraires, religieux ou civils, sont
en latin et c'est l'héritage de la pensée latine non les traditions germaniques que recueillent les scriptoria du VI° au IX* s. 16, Travail des seuls clercs, il est vrai, et ceci conduit
à une autre remarque.
L'Eglise du haut Moyen Age “vit selon la loi romaine" €, Lorsque Nicolas I“, dans son célèbre rescrit aux Bulgares en 866, affirme le caractère con-
sensuel du mariage, il le dit "suffisant secundum leges" marquant par là que, dans ce domaine important, c'est le droit romain qui reste loi de l'Eglise. On pourrait donner bien d'autres exemples de cette fidélité.
3.
La fusion sociale.
L'onomastique témoigne d'une progressive fusion et du prestige dont jouissent les vainqueurs. Dans une méme famille voisinent noms romains et germaniques, Dès le VI* siècle, des Gallo-romains cédent à la mode, en adoptant des noms germaniques. Au delà de ces signes, il serait important d'atteindre les réalités sociales, Malheureusement ici notre information est courte. La vie des petites gens est presque inconnue . I] faudrait d'autre part distinguer selon les régions:
l'Italie, où tout naturellement
161 Cf, sur cet aspect P. RICHÉ, Education et culture dans l'Occident barbare, VI-VIIT siècles, 3* éd., Paris 1973.
162 L'adage figure déjà dans la loi ripuaire (61, 1). C. G. Fünsr, ("Ecclesia vivit lege romana", Zeitschrift der Savigny Stiftung für Rechtsgeschichte-KA, 61 [1975], pp. 17-36) étudie les manifestations de ce principe à propos de l'organisation des circonscriptions ecclésiastiques, du consentement matrimonial, de la procédure et de la personnalité des lois. 16 La vie de saint Lupicin montre le peuple exultant devant l'arrestation du noble gallo-romain qui avait livré Narbonne aux Goths (cité par M. B. BRuGUIÈRE, Littérature et droit, cit., p. 206). Mais que vaut ce témoignage isolé et quelque peu suspect?
32
la tradition romaine reste puissante; le sud de la Gaule qui avait été profondément romanisé; les pays au nord de la Loire, beaucoup moins marqués par Rome; plus loin encore Belgique, Germanie, îles anglo-saxonnes.
L'évolution de la noblesse de Gaule, étudiée naguère par Stroheker '*, offre un bon exemple d'une fusion progressive. Profondément attachée à Rome au V* s., occupant parfois de hauts postes dans l'Empire à son déclin 5, vivant dans le souvenir du passé romain plus qu'attentive aux bouleversements de son temps, acquise de bonne heure à l'évangélisation chrétienne, cette noblesse évolue peu à peu d'une classe sénatoriale romaine vers une aristocratie terrienne gauloise. Progressivement elle se met au service
des Mérovingiens, fournissant des fonctionnaires du palais, des ducs, des comtes, mais aussi des évêques 5, des abbés, fondateurs de monastère "7. Par ces hautes fonctions, civiles et religieuses, elle se trouve engagée dans la vie du pays et, dans une certaine mesure, tend à la diriger. Ainsi s'opére une fusion, où la tradition romaine, qui représente un passé révolu, céde devant les forces jeunes des nouveaux occupants. Vers la fin du VI° et le début du VII siècle la culture romaine tend à disparaître. Déclin inégal selon les régions. Plus marqués par Rome, le Midi et le sillon Saóne-Rhóne résistent davantage et plus longtemps. Mais la décadence est nette. On n'en retiendra comme signe que la médiocrité de la chronique du Pseudo-Frédégaire, dans la Bourgogne de la première moitié du VII* siècle, ou le déplorable latin des conciles gaulois de cette époque. Les 'sénateurs' perdent le contact avec la culture classique. Certaines vieilles familles s'éteignent, en partie par l'entrée dans les ordres des plus prestigieux de leurs membres !*. Quelques rares mentions de senatores romani, souvent suspectes, se rencontrent
encore
au VII*
siècle, Didier, évêque de Cahors
et son frère Syagrius, comte d'Albi, figurent parmi les derniers de l'aristocratie gallo-romaine. Aux VII*VIII* s. se forme aristocratie, appuyée sur une richesse fonciére qu'elle doit aux princes et à ses usurpations (souvent sur les biens d'Eglise).
(630-650),
représentants une nouvelle libéralités des C'est elle qui
fournit les conseillers des rois, les cadres de l'administration, l'élite du clergé,
sans qu'une distinction reste possible entre les deux composantes de la société mérovingienne. Dans de telles conditions le qualificatif de ‘Franc’ n'a plus au IX* siècle aucune signification d'appartenance ethnique. Le ‘Franc’ est un homme libre par opposition au servus 9. L'Italie lombarde fournirait 14 K.I. SrRoHEKER, Der senatorische Adel im spátantiken Gallien, Tübingen 165 Avitus, originaire d'Auvergne
1948.
et dont la famille a fourni de hauts fonctionnaires
à l'Empire à la fin du IV* et au début du V* s., est proclamé empereur par ses troupes prés d'Arles en 455 avec le soutien de Théodoric paulois.
16 M.
HEINZELMANN,
Bischofsherrschaft
Fübrungerschichten vom IV. bis zum VII. 167 STROHEKER, op. cit., pp. 119-123. 168 Cf. STROHEKER, op. cit., p. 135.
in
et l'appui
Gallien.
]bt., München
d'une
Zur
assemblée
de nobles
Kontinuität
rômischer
1976.
19 Cf. F. THIBAULT, "La condition des personnes en France du IX* s. au mouvement communal", Rev. historique de droit français et étranger, 14 (1933), pp. 707-708.
33
l'exemple d'une transformation analogue !”, Alors que les Ostrogoths avaient cherché à s’intégrer au monde romain, la conquête lombarde opère ce que
l'on a pu appeler "la révolution barbare” "', La classe dominante italienne disparaît. Au VII* s. c'est ‘le silence” sur les Italiens; les épitaphes ne font état que de Lombards. Seuls leurs mariages sont connus. C'est dans la survie des particularismes municipaux que les vaincus cherchent un refuge. Ainsi, le plus souvent, la fusion tourne au profit des envahisseurs. Ils ont, par la force, occupé le terrain et se sont assurés le pouvoir politique. Mais s'ils sont de plus en plus les maítres d'un sol dont ils tirent leur richesse, s'ils détiennent le pouvoir et le contróle de l'administration, leur puissance économique et politique, leur primauté sociale n'ont pas réduits à néant la *Romanité'. Le dualisme du Romain et de l'étranger, transposé sur une terre oü l'étranger est maître, prend, par la force des choses, un aspect nouveau. Il ne s'agit plus de l'affrontement
entre
les Romains
et ‘les autres’, mais
du maintien d'une culture et d'un idéal, venus de Rome et soutenus par son souvenir, dans une société où trop souvent dominent la violence et la grossièreté.
4.
Persistance de valeurs romaines
Le droit ici encore fournit un témoignage précieux. Il offre en effet la preuve
irréfutable de survivances
romaines,
mais
invite en même
temps
à
en mesurer l'exacte portée. A la suite de l'éphémére reconquéte justinienne, le droit romain avait été réintroduit en Italie par la Pragmatique Sanction pro petitione Vigilii (554). Le droit de Justinien devait ainsi supplanter celui du Code Théodosien aussi bien que l'Edit de Théodoric. En fait, ni les écoles ni la pratique ne se plièrent à cette nouveauté et bientôt la conquête lombarde porte un coup grave au droit romain, Mais on a montré combien était exagérée l'idée d'une ruine totale de la tradition juridique romaine par les Lombards !?. C'est ainsi que le prologue de l'Edit de Rotharis (643) reproduit le début de la Novelle 7. En Espagne, où l'élément wisigothique était minoritaire et où l'occupant ne refusait pas tout apport romain, le droit romain conserve une place de choix !?, Son influence est sensible sur le Code de Leovigilde
méme
(568-586)
et
au milieu du VII* s. sur le Liber Judiciorum de Receswinde (654).
10 P.M.
Arcari,
Idee e sentimenti
T! P.M.
ARCARI,
op.
politici dell'alto medioevo,
cit., pp.
261-274.
cit., p. 261.
I7 Cf. par exemple B. ῬΑΆΛΌΙΒΙ, Storia del diritto italiano, Le fonti nel Basso Impero e nell'epoca romano-barbarica, Lezioni, Napoli 1951, pp. 287-289. moria
13 Cf. A. p'Ons, "Ius Europaeum?", L'Europa di Paolo Koschaker, I, Milano 1954, p. 450,
Meréa et d’A. García-Gallo.
34
e il diritto romano, Studi in men. 2, invoquant les travaux de P.
En Gaule 15 le testament de type romain est employé presque jusqu'au milieu du VIII* siècle, A la fin du X°, une donation marseillaise invoque l'autorité de la “loi romaine" "5, Les formules de Tours et d'Angers se referent à la loi romaine. En Provence, Foucher se marie en 909 iuxta legem meam romanam '", Des actes du Viennois de la première
moitié du X* siècle, re-
latifs au mariage, font aussi référence à la “loi romaine" "*, C'est encore à elle que se référe une charte d'aliénation de la liberté '?. On ne multipliera pas de semblables exemples. Certains lettrés, parmi les hommes d'Eglise, se flattent d'ailleurs d'étre bons connaisseurs du droit romain (essentiellement le
droit du Code Théodosien) et d'en faire application ‘*. Et l'on ne peut oublier la place qu'Isidore de Séville donne à la tradition juridique romaine dans ses "Etymologies" !!!, Que valent ces références ou ces prétentions? Il serait facile de montrer que, s'ils invoquent le droit romain, formulaires et chartes le connaissent mal et ne l'appliquent guére. Les usages germaniques le plus souvent l'emportent !? Dans le domaine culturel les choses ne sont pas moins complexes '*.. Jl faut distinguer selon les pays et les époques et, méme à l'intérieur des groupes dirigeants, les seuls qui puissent accéder à une certaine culture, selon les personnes. Les rois burgondes ou wisigoths n'en sont guére soucieux, alors que Théodoric, élevé à Constantinople, fait figure de mécène. Ses successeurs en Italie se montreront au contraire hostiles à la culture romaine. En Gaule, Chilpéric est un 'lettré' !#, L'aristocratie barbare refuse le plus souvent les usages romains. Ses
T^ Nous ne rappelons ici que quelques exemples significatifs. Nous avons autrefois recherché les "Survivances romaines dans le droit de la monarchie franque du Vème au Xème siècle” (Tijdschrift voor Recbtsgeschiedenis, 23 [1955], pp. 149-206, reproduit dans La formation du droit canonique médiéval, London 1980). 175 Testament de l'abbé Virey de Flavigny (premier quart du VIII‘ s.) et testament d'Abbon (739). 176 Donation de Guillaume, comte de Provence à son fils (Gufrarp, Cart. de St. Victor de Marseille, II 509) en 979.
17 Chartes de Cluny I, n. 105: « Ego Fulcherius... desponso micbi iuxta legem meam romanam ». 178 Ibid., n. 229 (922); 439 (955); 686 (946). 19 Ibid.
n. 30:
«..in
potestate
Alariado...
ad
integrum
estatum
lege romana se tradidit ». La suite du texte explicite cette référence:
suum
secundum
«quod
insertum
est "quod omo bene ingenuus estatum suum meliorare et pegiorare potes" », ce qui est une citation de Sent. Pauli II, 18, 1, texte qui figurait dans la loi romaine des Wisigoths. 180 Exemples pour les VI-X siècles dans WRETSCHKO, "De usu Breviarii", dans le
T. I, 1 de l'édition du Code Théodosien de Mommsen (Berlin 1905), pp. CCCXIX-CCCXXI. 181 Cf, pour certains aspects, notre étude "La doctrine des sources du droit dans le Décret de Gratien", Rev. de droit canonique, 1 (1950), pp. 14-20 (= La formation du droit canonique médiéval, London 1980). 12 Nous nous permettons de renvoyer pour des exemples à notre étude citée supra, n. 174. 18 P. RicHÉ, Education et culture (cité supra n. 161).
14 P, RicHÉ, op. cit., pp. 267-269.
35
enfants reçoivent une éducation militaire et ne fréquentent guère les écoles romaines. Exemples que suit pour partie la jeunesse ‘romaine’. Là où persiste un souci culturel, il est affaire de petits groupes de lettrés. Dans la Gaule
franque quelques familles 'sénatoriales' maintiennent la tradition romaine en plein VII* siècle. Mais, méme dans la Gaule au Sud de la Loire, plus romanisée, la culture classique s'appauvrit peu à peu faute d'élément nouveau. Elle disparait vers le milieu du VII* s., alors qu'elle persiste mieux, soutenue par un clergé de meilleure qualité dans l'Eglise wisigothique. Dans quelques foyers monastiques cependant se prépare un renouveau, une nouvelle culture, chrétienne
avant
tout,
mais
qui,
à cóté
de la Bible,
se nourrit
des
souvenirs romains. Ses premiers foyers sont dans les chrétientés celtiques insulaires. De là, vers la fin du VII* siècle, bénéficiant d'une certaine stabilité politique, elle gagne le continent. Ce sont des centres religieux, monastéres bénédictins et fondations colombaniennes qui, en Gaule et dans la Germanie rhénane, suscitent un renouveau littéraire et artistique où le latin et les grands thémes politiques, religieux, littéraires témoignent de la survie romaine.
Conclusion
Arrivés à ce stade de ce trop long rapport et pour conclure notre enquête
tentons de dégager les traits essentiels des relations entre 'citoyen romain' et ‘étranger’, lorsque s'affirme l'empire carolingien. L'opposition du civis et du Barbare s'est évanouie dans la fusion d'une cohabitation imposée. Mais le mot de Romanus persiste. Il est revendiqué avec quelque fierté, aussi bien dans des textes littéraires que dans des actes juridiques, tandis que d'autres esprits, marqués par l'orgueil conquérant, y verraient plutôt une insulte, ‘Romain’ évoquant le manque de courage guerrier et la déchéance d’une vie de plaisir. On ne saurait donc dire que le dualisme ait totalement disparu. Son souvenir au moins subsiste. Pour les raisons indiquées plus haut, le clivage est d’un autre ordre. L'héritage romain a été avant tout conservé par des gens d'Eglise, qui l'ont utilisé, Non pas tant d'ailleurs au profit d'une autorité de l'évéque de Rome Car, si sa Primauté est reconnue, elle ne se traduit que rarement par des
actes d'un pouvoir hiérarchique 5, C'est l'Eglise toute entière qui est "sous la loi romaine" et veut se rattacher à l'Empire romain. Certes celui-ci a disparu en Occident et Constantinople est trop loin et vit trop différemment.
155 En 816 le sacre de Louis par Etienne IV marque la place décisive de la papauté dans l'Empire. Dans la seconde moitié du IX* siécle, avec Jean VIII (872-882), la papauté veut faire de l'Empire sa chose et de Rome sa capitale. En 875, Charles le Chauve est "fait empereur" par le pape (cf. Forz, L'Idée d'Empire en Occident du V* au XIV* s., Paris 1953, pp. 35-43).
36
La restauration impériale carolingienne affirme avec éclat que l'Occident n'a pas besoin de Constantinople !%. Marqué par l'Eglise, relevé par les Carolingiens, l'héritage de Rome dans le monde occidental conduit à opposer ceux qui vivent à l'intérieur de lEmpire, nourris de la foi chrétienne, se voulant les héritiers de Rome, et ceux du dehors, étrangers et paiens, hommes sans culture et sans organisation politique. Glissement de l'Empire vers la Chrétienté !”, avec des contours géographiques communs; rajeunissement de la culture romaine par la foi chrétienne; forme nouvelle de civilisation sans doute, mais oü persiste l'idée d'une civilitas, qui implique organisation politique (πόλις = civitas), mœurs 'civilisées', culture d'inspiration classique. S'il n'est plus guère de mise de parler de civis romanus, par bien des traits persiste une civilisation romaine.
186 Sur cette restauration cf. FoLz, op. cit., qui souligne le souci de Charlemagne
de
ne pas offenser l'empereur de Constantinople en ne mettant pas en question son titre de βασιλεὺς τῶν Ῥωμαίων (pp. 33-34). 1? Dont
on ἃ pu
dire
qu'il
s'agissait
moins
d'un
territoire
que
d'une
"mystique"
(DELARUELLE, "Charlemagne et l'Eglise", Rev. d'bist. de l'Eglise de France, 39 [1953], p. 196).
37
PAOLO BREZZI
LA 'ROMANITÀ'
DEL
SACRO
ROMANO
1. Per intendere la 'romanità' del Sacro Romano
IMPERO
Impero
medioevale
dobbiamo partire da una constatazione molto semplice ma troppo spesso dimenticata: gli uomini del Medio Evo hanno sempre ignorato una 'caduta' dell'Impero antico, non hanno mai creduto ad una sua 'decadenza'. Non solo
la nota data dell'anno 476 non diceva loro nulla — ed anche per noi oggi significa storiche ficative. esercizio
ben poco, né è più presa come una spartizione tra due epoche — ma non ve ne era un'altra che segnasse cesure profonde e signiVi potevano essere ovviamente vacanze di titolari, interruzioni di del potere, ma questo à un fatto normale in qualsiasi istituzione
e luogo e non può assurgere a momento
storico decisivo. Quando
Odoacre
depose Romolo Augustolo dichiarò all'imperatore d'Oriente che “bastava un solo sovrano all'Impero”, ossia non mise in dubbio l'esistenza di quest’ultimo né intese spezzare alcunché; la grande riconquista occidentale compiuta
da Giustiniano qualche decennio appresso parve una riconferma della continuità imperiale, o, se cosî vogliamo dire, della chiusura di una parentesi di vacanza, e fu una riconferma della vitalità ed unicità dell'Impero romano, che solo noi oggi — conoscendo quello che avvenne in séguito — chiamiamo antico e riteniamo differente dal successivo.
I diversi reguli barbarici stanziati nell'Europa occidentale non mostrarono interesse per quel problema; sussistevano rapporti economici e magari diplomatici con l'Oriente, ma la vitalità di quegli Stati era troppo circoscritta e di modesta levatura giuridica per far sentire con urgenza e impegno la questione imperiale e romana. Vi fu solo Teodorico, re degli Ostrogoti
residenti in Italia, che, sia per ragioni di coabitazione sia per pi acuita coscienza politica, avverti il valore dell'idea di Roma, si occupò di restaurare la città, cercò l'intesa con l’altera pars, ma, come
e male, e la vagheggiata divisione di compiti programmi
è ben noto,
tra romani
fini presto
e goti crollò, i
(un po’ utopistici) di un Boezio o di un Cassiodoro si rivelarono
inadeguati di fronte ad una situazione che diveniva sempre piá tragica. 2. Forse
il momento
decisivo
per
un
‘tournant’
ideologico-politico
si
ebbe durante il secolo VII, al quale giustamente il Centro dell'Alto Medio 39
Evo di Spoleto dedicó una Settimana di studi, che servi ad illustrare quella 'cerniera' storica durante la quale andó delineandosi il nuovo volto del. l'Occidente europeo; la Roma sacra o papale divenne il punto d'incontro di
tutte le forze emergenti, la stella orientatrice dei popoli che si affacciavano sulla soglia della storia. Vi fu, come ? stato detto, un "grande concepimento di civiltà", che serví sia a vincere l'isolamento in cui le forze barbariche tradizionalistiche volevano mantenere le loro genti disprezzando gli "imbelli" romani, sia, all'estremo opposto, a sconfessare i conservatori qui-
ritari che non comprendevano la fecondità di un'apertura verso vati. In definitiva, essendosi fatta strada una concezione politica una vittoria della cultura e civiltà di Roma nella continuità nelle trasformazioni che la realtà imponeva. Quello che avvenne in séguito non & che l'applicazione di cipi; intorno
agli anni 730 cessarono
i nuovi arripiá civile, fu di un'idea e questi prin-
i pontefici di origine greca o siriana,
venne una nuova dinastia in Gallia, tra i Longobardi apparvero sovrani arditi e decisi, quindi vi furono scontri, mutamenti violenti di titolari, e tanti altri
episodi ben noti, ma alla fine si arrivò — come tutti sanno — alla renovatio dell'Impero nella notte del Natale dell'anno 800: un titolare del regno Franco, Carlo detto per antonomasia "magno", ricevette la corona da un papa, Leone III, tra le acclamazioni già programmate del popolo romano che inneggiò al novello Augusto. Ho detto “rinnovazione” dell'Impero, ma va chiarito che nessuno pensò che si trattasse di risuscitare un morto, al piá si spiegò che era una franslatio del titolo dai Greci ai Franchi, dall'Oriente all'Occidente, come era già passato da questo secondo al primo al tempo della fondazione di Costantinopoli. Romanità
indiscussa, dunque, allora e in tutti i secoli successivi, nondi-
meno Carlo e i suoi successori — tolte alcune eccezioni (Ottone III soprattutto) — ebbero ben poco di romano nel costume e nella concezione del potere ed anche nella residenza (i candidati venivano a prendere la corona in città, davano qualche disposizione, inviavano i loro messi per difendere i pontefici se era il caso, ma le strutture statali si basavano su ben altre nozioni politiche). Forse fu proprio questa ambiguità di fondo ad indebolire l'istituzione imperiale nel Medio Evo: un grande ideale, un forte richiamo storico, un'ammirazione del luogo sino a farne quasi un qualcosa di magico, una sincera coscienza del proprio compito e degli obblighi annessivi, però nessuna o scarsa consistenza delle strutture essenziali per adempiere la funzione spettante al titolare, quasi una congenita incapacità di capire e di farsi capire dagli abitanti, una dualità con l’altra grande autorità veramente romana, ossia il papato, che aveva radici locali e agganci familiari e patrimoniali, anche se era quasi di continuo insidiata da avversari e degradata dalla pessima condotta personale di molti esponenti della carica. La ‘romanità’ ebbe, nel corso dei vari secoli medioevali, molteplici acce-
zioni: la "Roma sacra" dei martiri e della Santa Sede (con tutti gli uffici direzionali via via sempre più efficienti) che attirava i pellegrini (o ‘‘romei’”’); la Urbs regia, ossia imperiale, con le sue rovine maestose, le leggende e — cosa quanto mai sintomatica — l’esercizio del diritto romano classico 40
in molte cause discusse colà, anche se attore e convenuto fossero seguaci di
altre leggi; infine la città "dei romani di Roma" per dirla con formule attuali, quei cittadini — pochi, rissosi, poveri — che vantavano il diritto ereditario di disporre delle corone, cercavano uno spazio autonomo tra i due poteri universali agenti in Roma; essi restaurarono il Senato nel 1143 (renovatio Senatus), un gesto affine all'origine e sviluppo di tanti altri Comuni cittadini italiani in quel tempo — anzi, anche assai prima — ma ovviamente per Roma 1] fatto acquista ben altro significato, prende un nome classico per indicare il modesto consiglio municipale e vengono avanzate subito richieste, sia al papa sia all'imperatore, di poter fruire di esazione di tasse, di giurisdizione, di attività economiche, ecc.
E superfluo avvertire che queste tre linee di volta in volta s'intrecciarono o si diversificarono creando alleanze od antagonismi, dando luogo anche a composizioni letterarie non spregevoli ed a dichiarazioni altisonanti che ben presto si svuotavano di contenuto reale; rimane nondimeno il fatto indubbio di una presenza effettiva di 'romanità' (si pensi finanche alle medaglie o bolle auree raffiguranti simbolicamente la città con i suoi edifici più tipici e con motti solenni: Roma aurea, eterna, nobile, ecc.), che aveva le radici nell'antichità, si era modificata in séguito ma senza fratture o deformazioni radicali,
continuava a vivere ed agire adeguandosi ai tempi ed alle circostanze senza curarsi delle accuse
(talora sferzanti,
sanguinose)
che le erano
mosse
dagli
"stranieri", scandalizzati dell'affarismo, corruzione, malcostume imperanti tra laici ed ecclesiastici, nobili e popolo.
3. In questo rapido e sommario excursus della ‘romanità’ imperiale nel Medio Evo rimangono ancora due momenti da evidenziare: il governo degli Svevi e il pontificato di Bonifacio VIII. Pur nella profonda diversità che li distingue, i due Federico Hohenstaufen si rifecero all'idea di Roma, usarono
il diritto romano per rivendicare i loro diritti (i giuristi di Bologna!), cercarono in varie occasioni di imporre direttamente la loro sovranità sulla città — che tuttavia non si dimostrò mai troppo amica di governatori cosî severi — e, quando faceva loro comodo, ne esaltarono le antiche glorie promettendo di farle rivivere. Fu soprattutto il secondo Federico a dare l’impressione di volere essere l'autocrator di tipo classico con le sue Constitutiones, la curia maxima, l'invio del carroccio milanese perché fosse esposto in Campidoglio (esiste tuttora la superba iscrizione laudativa); ma tutto finf malamente e il "Manifesto" che suo figlio Manfredi diresse ai cittadini sa troppo di esercitazione letteraria e rimase, infatti, senza alcun riflesso positivo.
Fu invece un papa, di famiglia della Campagna romana, grande giurista, Benedetto Caetani, a presentarsi una volta in pubblico rivestito delle insegne imperiali ed a proclamare: «ego sum papa, ego sum imperator ». Al di là dell'episodio — che potrebbe anche essere stato inventato — rimane il fatto che non solo Bonifacio ma già parecchi suoi predecessori (i cosiddetti "teocratici") rivendicarono per sé il diritto di disporre delle corone (e, nella fattispecie, di quella imperiale, che era la più legata alla Santa Sede) adducendo
41
anche falsi documenti (la famosa donatio Constantini ed altri testi apocrifi), rifacendosi ognora alla storia, all'idea, al "mito" di Roma una ed eterna. Tutto questo processo ideologico confluf, come & ben noto, in Dante Alighieri, che nella sua Monarchia diede all'Impero romano e al popolo di quella città il posto d'onore, un compito storico altissimo (anche se ormai era una posizione anacronistica quella del Sommo Poeta); ma per restare strettamente al nostro argomento, nella delineazione del "volo dell'Aquila (imperiale romana)"
contenuta nel canto VI del Paradiso (Giustiniano) non
c'é il minimo segno di una rottura di continuità tra il primo e il secondo Impero, tra un ante e un post "caduta di Roma”, tra Antichità e Medioevo. Il crollo sarebbe avvenuto quando la Chiesa romana vide respinti i suoi titoli (una, cattolica") da parte dei riformatori evangelici e quando l'Impero divenne ("de facto" non "de iure") press'a poco uno Stato tra gli altri in Europa. La "santa romana repubblica" medioevale — continuazione ideale, pur con le innovazioni sopraggiunte, del passato — finf, ma la romanità antica "rinacque" librandosi nei cieli beati delle lettere, dell'arte, della cultura filosofica e scientifica,
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LUIGI PROSDOCIMI
ROMA COMMUNIS PATRIA NELLA TRADIZIONE GIURIDICA DELLA CRISTIANITÀ MEDIEVALE 1. La tradizione di Roma,
*provvidenzialità' accompagna
e la coscienza della sua ‘predestinazione’ o
tutta la storia dell'Occidente e non solo di
esso, e questi Seminari internazionali “Da Roma alla Terza Roma" ce ne stanno
dando — se mai ce n'era bisogno — profondite
una documentata conferma, con le ap-
e sistematiche analisi rivolte un po' in tutte le direzioni, sia di
luogo che di tempo, e sotto i profili dottrinali e istituzionali piá diversi. In questo quadro i titoli encomiastici che sono stati attribuiti a Roma, a partire dal periodo classico e fino ai secoli medievali e rinascimentali, appaiono particolarmente carichi di significato, andando quasi sempre al di là nella loro 'fecondità' e nelle loro conseguenze storiche, di una possibile retorica che si può talvolta cogliere al loro sorgere. C'è infatti nel ‘mito’ di Roma caput mundi e "città eterna”, nella sua tradizione come nella vicenda dei titoli che sono stati ad essa via via attribuiti, una carica di significato che ha sempre attratto e sgomentato la coscienza comune dei posteri, cosf come la riflessione dotta e lo stesso pensiero storiografico. Né qui è il caso di affondare nel grande mare di questi studi. Per quanto riguarda il periodo tardo-antico e medievale ricorderò, per fare solo alcuni nomi, anche se tra i pit significativi, gli studi di Arturo Graf, di Fedor Schneider, dello Schramm, e da ultimo, anche per il periodo classico, quello di Lidia Storoni Mazzolani. Le loro importanti ricerche possono servire di punto di partenza a chi voglia addentrarsi in queste affascinanti tematiche !. Per parte mia, in questo mio breve contributo, vorrei solo prendere rapidamente in considerazione uno dei ‘titoli’ che Roma vide attribuirsi, quello 1 A, Grar, Roma nella memoria e nelle immaginazioni del Medio Evo, 2 voll., Torino 1882-83; F. Scunemer, Rom und Romgedanke im Mittelalter, München 1925 (e rist. anast., Koln u. Graz 1959); P. E. ScHuraMM, Kaiser, Rom und Renovatio, 2 voll., Leipzig u. Berlin
1929;
L. Sroroni
MazzoLANI,
L'idea
di città nel
mondo
romano,
Milano
e
Napoli 1967. Il volume di L. SALERNO, Roma communis patria ("Roma cristiana”, 14), Bologna 1968, non presenta, per i suci intenti e per il suo carattere divulgativo, alcun interesse ai fini di quanto stiamo per dire.
43
di communis patria, titolo ricordato solo di sfuggita, e senza alcun ripensamento specifico, dagli autori sopra citati. Né è mia pretesa risalire in modo approfondito e sistematico alla sua origine, certamente antica, come piá oltre diró, ma piuttosto vederne la sua 'utilizzazione', ossia la sua vistosa messa a profitto, nel quadro delle dottrine e delle istituzioni che caratterizzano l'Europa medievale. I secoli a cui piá in particolare si riferisce quanto sto per dire sono essenzialmente quelli culminanti del medioevo stesso, e cioè dal XII al XIV o poco pit oltre, quelli cioè che vedono la rinascita del diritto romano-giustinianeo a Bologna e negli altri Studia, figli dell’ Alma Mater; secoli che vedono anche la definitiva sistemazione delle fonti canoniche, da Ivo di Char-
tres a Graziano, e subito dopo la grande produzione pontificia delle decretali, e la concomitante elaborazione dottrinale dell'uno e dell'altro diritto ad
opera dei glossatori
e commentatori
civilisti, dei decretisti
Quell'età cioè che si ἃ ormai soliti chiamare —
e decretalisti.
secondo una felice denomi-
nazione introdotta dal compianto maestro di alcuni di noi qui presenti, il prof. Gabriel Le Bras — l'età dei "droits savants”. "Droits savants" che non rappresentano tuttavia la creazione e il frutto di un movimento
di idee solo erudito e circoscritto alle Università,
ma
la
realizzazione piuttosto di un disegno globale e intensamente perseguito di ordine, bizantinamente diremmo di faxis, di tutta la società medievale del. l'Occidente, la quale trova cosí una sua sistemazione definitiva, anche se dinamicamente in evoluzione. 2. Dal punto di vista normativo questa sistemazione trova la sua nota caratterizzante nella verticalità dello ius divinum e nella sottomissione ad esso dello ius bumanum; ‘diritto umano' che si articola a sua volta gerarchicamente a vari livelli, a cominciare dai ‘due diritti’ testé citati, il canonico e il civile, aventi valore e vigore potenzialmente universale, per arrivare ai diritti dei numerosi ordinamenti particolari e locali che si subordinano e si coordinano in varietà di gradazioni applicative assai complesse e varie nel tempo e nei luoghi. Nel delineare questo grandioso ed estremamente articolato sistema, ciò che mi sembra non debba essere assolutamente dimenticato è questo carattere di verticalità o, se cosí si preferisce, di apertura verso l'alto (e Gabriel
Le Bras direbbe anche verso l’Al di Là), senza di che il sistema apparirebbe quasi schiacciato, privo cioè della sua cuspide essenziale, come una cattedrale gotica che fosse priva dei suoi fastigi verticalizzanti. Ma forse l’immagine della gotica cattedrale non è abbastanza eloquente e pienamente calzante, in quanto — a mio avviso — lo ius divinum, quello che Graziano nel prologo al suo Decretum compendia nella duplice fonte rivelata della legge mosaica e di quella evangelica (« quod in lege et evangelio continetur »), questo ius divinum — dicevo — è, più che cuspide, elemento portante e forza traente verso l’alto di tutto il sistema. Quando dunque si dà — come si è autorevolmente e felicemente dato — a questo complesso normativo che caratterizza la societas christiana dell’Oc-
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cidente, e cioè la Cristianità medievale, il nome di "sistema del diritto comune", occorre non escludere tale dimensione verticale che trascende il diritto umano positivo, legittimandolo anche a livello appunto di ius commune. Se poi guardiamo a quest'ultimo, come tale, vi ritroviamo quell'articolazione bimembre, già sopra ricordata, dei ‘due diritti’ distinti, ma concordi: le norme per il bene terreno della società, racchiuse nel Corpus iuris civilis, e quelle per la salus animarum, racchiuse nel Corpus iuris canonici,
o —
in altra, e pur
essa legittima, rispettiva competenza — le norme relative al ceto laicale e ai suoi megotia, nel diritto civile, e quelle relative al ceto clericale, ai suoi munera
e ai suoi officia, nel diritto canonico. Sappiamo anche che il nesso tra i due diritti, e le rispettive sfere di competenza, veniva indicato, nella sua stretta connessione dottrinale e operativa, col termine estremamente significativo di utrumque ius, l'uno e l'altro diritto ?. 3. Ma a noi qui interessa soffermarci brevemente sull’altra denominazione comprensiva delle due sfere normative, e cioè quella di ius commune, ove que-
sto ‘commune’ non può non riferirsi all'intero complesso di quell'unico ordinamento
della società dell'Occidente, nel suo momento
culminante, che è la
‘Cristianità’, quella Christianitas che già nella seconda metà del secolo IX il Papa Giovanni VIII aveva chiaramente individuato, usando per indicarla appunto tale termine, nella società cristiana dell'Occidente, fedele a Roma e fatta oggetto di incursioni islamiche che ne minacciavano la stessa sopravvi-
venza . Papa Giovanni
VIII era stato anche, come & ben noto, il pontefice che
aveva più di ogni altro esaltato la funzione di Roma come « civitas sacerdotalis et regia, per sacram beati Petri sedem », affermando che la « Romana ecclesia » è « magistra gentium », e altresí « ceterarum
[ecclesiarum]
magi-
stra »; e che in una lettera diretta a Carlo il Calvo, gli aveva ricordato che la Chiesa romana era la fonte «a qua non solum regnandi, sed et in Dominum verum credendi exordium percepistis », sicché essa «omnium gentium retinet. principatum », e ad essa « totius mundi, quasi ad unam matrem et unum caput, conveniunt nationes » *. Non vogliamo qui affrontare criticamente queste affermazioni e rivendicazioni
che, ad una osservazione
storica
globale,
voglio
dire di Oriente
e
Occidente insieme, hanno spesso del paradossale. Ci basti qui sottolineare 2 Il rinvio agli studi di Francesco CaLasso, e specialmente a Medio Evo del diritto, L Le fonti, Milano 1954, non pud qui mancare; anche se questo felice tentativo di interpretazione globale della storia giuridica europea non manca di valorosi 'precursori' e di continuatori che qui è impossibile ricordare. Per i nessi ius divinum - ius commune e 'diritto comune' - 'Cristianità', rinvio, per il momento, al mio breve studio: "Cristianità occidentale e diritto comune”,
in I/ diritto comune e la tradizione giuridica europea
(Atti del Convegno in onore di G. Ermini, Perugia 1976), Perugia 1980, pp. 313 ss. 3 Sempre valido e fondamentale su questo punto, e sull'individuazione del nuovo significato del termine Christianitas in Giovanni VIII, è lo studio di J. RupP, L'idée de Chrétienté dans la pensée pontificale des origines à Innocent III, Paris 1939. 4 Per questi testi cf. RupP, L'idée, cit, pp. 45 5.
45
che il processo di totale 'utilizzazione' della romanità in esclusivo ambito occidentale, utilizzazione che darà i suoi frutti tra il secolo XI e il XII, con la riforma gregoriana, e la successiva rinascita giuridica e culturale che ne conseguí, trova in tali estreme affermazioni papali del secolo IX il suo fondamento e la sua premessa. Roma ci appare ormai acquisita, in tutta la sua complessa tradizione, al mondo cristiano dell'Occidente, e pienamente 'reincarnata' nel papato, tanto che alla fine del secolo XI Ivo di Chartres non esiterà a ricondurre anche la validità del diritto romano (siamo nel momento in cui l'antico diritto giu-
stinianeo sta ritornando alla luce del sole, affiancando il diritto canonico nel binomio di cui si & detto), non esiterà — dicevo — a ricondurne la validità
all'autorità della Chiesa romana *. 4. Ed eccoci allora, e finalmente, αἱ punto essenziale del nostro discorso: Roma ritorna ad essere — semmai ha cessato di esserlo nei secoli precedenti — communis patria, patria comune di quei nuovi cives romani che sono tutti i cristiani, a qualsiasi popolo o nazione appartengano; cives romani in
quanto appunto cristiani $. I civilisti del secolo XII e dei secoli seguenti troveranno nel riscoperto Digesto
giustinianeo passi appunto
come
questo:
« Roma
communis
nostra
patria est », un frammento attribuito al discepolo di Ulpiano, Modestino (Dig. 50,1,33) 5; o affermazioni dello stesso tenore, anche se fatte incidentalmente, come quella contenuta in un testo di Callistrato (pure del secolo III), a pro-
posito del civis esiliato dalla sua città: « Relegatus morari non potest mae, etsi id sententia comprebensum non est, quia communis tria
est,...»
Ropa-
(Dig. 48,222,18[19]). Questi passi i glossatori e i commen-
tatori medievali, andranno applicando al loro mondo nuovo, che comprende potenzialmente l'intera società dell'Occidente. Qui non é ovviamente possibile seguire la catena di trasmissione di giurista in giurista di tali testi, e le osservazioni e applicazioni che la dottrina 5 Carasso, Medio Evo del diritto, cit., p. 232. Viene qui opportuno, mi sembra, citare due versi che Ildeberto di Lavardin (1056-1133), pochi anni pi tardi, mette in bocca alla Roma cristiana, la quale così si confronta con quella pagana: «Vix scio que fuerim, vix Rome Roma recordor [...] Plus aquilis vexilla crucis, plus Cesare Petrus» (ILDEBERTI CENOM. Ep., Carmina minora, rec. A. Brian Scott, Leipzig 1969, carm. 38: De Roma, p. 26, vv. 7 e 11). $ Ricorderó solo, a questo nei Comment. ad Dig. 49, 15,
proposito, l'affermazione di BARTOLO DA SASSOFERRATO, 14, $ 6: «Quasi omnes gentes quae oboediunt sanctae
matri Ecclesiae, sunt de populo romano ». 7 Un altro testo greco di Modestino sta in Dig. 27, 1, 6, $ 11, testo che, riferito nella versione latina medievale, suona: «...in regia urbe, quae et babetur et est communis
patria».
In
questo
caso
Roma,
communis
patria,
viene
messe
in
rapporto
dialettico colla patria particolare («im propria patria »), e questa contrapposizione ricorda assai da vicino l'analogo rapporto tra ius commune e ius proprium di Dig. 1, 1, 9 (il famoso frammento di Gaio, Omrmes populi), testo sul quale i giuristi medievali hanno molto meditato, trovandovi uno degli spunti pivi fecondi nel dar veste dottrinale al sistema del ‘diritto comune’ della nuova Europa.
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civilistica medievale e posteriore cercherà di trarne. Un'analisi del genere potrà del resto essere fatta con profitto in altra sede, partendo dai civilisti per arrivare anche alle eventuali ripercussioni di tutto ciò sui canonisti, e dovrebbe rivelare interessanti sfumature di sensibilità dei singoli dottori, oltre che sviluppi e maturazioni nel comune sentire di quei secoli che vivono in modo particolarmente intenso il problema della Cristianità medievale *. Per ora credo che, ai fini di questi nostri incontri, sia sufficiente aver cercato di collegare quel communis patria, detto di Roma, simbolo e centro della rinnovata società medievale dell’Occidente, a quello ius commune che pure partiva dalla Roma
"civitas sacerdotalis et regia", trovando in essa il suo fondamento e la sua legittimazione. 5. Mi resta, prima di concludere, di accennare, quasi a mo’ di postilla, a due spunti d’indagine che potrebbero rientrare nel tema che ho voluto fin qui affrontare. Il primo consisterebbe nell’opportunità di esplorare le fonti letterarie romane per vedere quali testi esse ci possono offrire a proposito della presenza, e dell’uso che in essi viene eventualmente fatto, dell'espressione com-
munis patria. Abbiamo sentito alcuni accenni a questo proposito nella bella relazione di Jean Gaudemet [in questo volume, supra, pp. 7 ss.]; io vorrei qui segnalare, come particolarmente feconde e quindi degne di un'indagine attenta le "Storie" di Tito Livio, ove — da una preliminare e sommaria esplorazione da me fatta, consultando le '"Concordanze" elaborate dal Packard" —
ho potuto trovare almeno cinque passi che usano la terminologia di commumis patria, applicandola però non solo a Roma, come ad esempio nel passo: « pro communi iam patria Romam esse », ma anche, e quasi preferibilmente, a singoli altri aggregati sociali, come i Campani e i Macedoni, e una volta addirittura a popoli in conflitto con Roma: « communem patriam defendi ab impetu Romanorum ». Ove ben si vede che l'uso del termine communis patría & ancora ben lungi dall'essere connesso in esclusiva con aperture tendenzialmente universalizzanti, come appunto quelle della Roma imperiale dei secoli successivi, e ancor più con la Roma cristiana e medievale. La seconda brevissima osservazione si riferisce, quasi a contrario rispetto * Mi limito qui a citare, dopo quanto sopra si ἃ detto sulla preminenza della Roma pontificia nel mondo medievale, l’interessante affermazione del ‘magnus practicus' ALBERICO DA Rosate (c. 1290-1360) in Secunda super Dig. novo Comment., Lugduni 1545,
f. 222", ad 1. Roma
papa
cum
curia
sua
(Dig. 50,
1, 33),
(Avignone = Roma!)
$ 6:
«Roma
affermazione
est ubicunque
abilmente
sedet dominus
appoggiata
al testo
di san Gerolamo riportato nel Decretum Gratiani, dist. 93, c. 24. Quanto ai successivi giuristi della ‘culta giurisprudenza', come Andrea Alciato, essi si preoccuparono piuttosto
di ricollegare il tema ai vari popoli, calla del 212 l’Alciato: Quid punctiones libri
alla vicenda del graduale
conferimento
della cittadinanza
romana
dai Latini ai Galli e agli Ispani, fino alla famosa costituzione di Carad.C. Si veda, a questo proposito, la dotta dissertazione appunto del. sit quod vulgo dicitur, Romam esse communem patriam, etc., in: Dis. quatuor, lib. II, c. 21 (Opera, t. VI, Tractatus, etc., Lugduni 1560, f. 65.
9 D. W. Packarp, A Concordance to Livy, voll. 3, Cambridge Mass. 1968, alle voci: "Communis (patria)" e "patria",
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al tema qui affrontato, ad un momento interessante dell'incipiente età moderna, e all'uso del termine 'barbaro', che ieri abbiamo sentito evocare da
vari relatori, e in particolare nella relazione sul problema della 'cittadinanza' dal V al IX secolo dell'illustre collega e amico Jean Gaudemet. Egli ci ha mostrato il procedere nei secoli tardo-antichi e alto-medievali dei termini contrapposti di civis e di barbarus, mentre ci ha mostrato il passaggio dalla cittadinanza romana (civitas) ad una civilitas, romana e cristiana ad un tempo,
da interpretarsi ormai in senso di 'civiltà'. E qui il pensiero corre al ripetuto
richiamo che Dante fa appunto alla bumana civilitas ὃ, Bene, la mia postilla vuole solo qui ricordare che la contrapposizione tra mondo civile e barbari si ripresenterà all'inizio ormai dell'età moderna, e cioè al momento della scoperta del Nuovo Mondo e della conquista e colonizzazione di esso da parte della Spagna. Basti qui citare il titolo del trattato che il domenicano Francisco da Vitoria, teologo e giurista ben noto di Salamanca, ebbe a scrivere nella prima metà del '500, trattato nel quale egli affronta lo scabroso e dibattuto argomento dei tituli validi o meno nella legittimazione di tale ‘conquista’. Eccone il titolo: De Indis, sive de iure belli Hispanorum in Barbaros, ove evidentemente gli spagnuoli sono i cives o, se si vuole, gli uomini ‘civili’ della societas christiana, mentre i poveri Indios, non invasori,
ma invasi, e sottomessi quasi come ‘pertinenze’ del territorio conquistato, sono i novelli barbari ". Anche se il termine di ‘barbaro’, usato a questo proposito dal Vitoria, può essere benevolmente visto come un semplice rivestimento umanistico della realtà del suo tempo, rivestimento a cui non è il caso di dare eccessivo ri-
lievo, resta comunque che da tale intitolazione del suo trattato si può dedurre una riprova, da aggiungere ad altre, e non poche, che la coscienza cristiana del secolo XVI si portava ancora addosso alcune ‘eredità’ negative e limitative, rispetto a quell’apertura universale che pure i termini di romanus e di christianus, e la definizione stessa di Roma communis patria, avrebbero di per sé dovuto far superare in virtü del loro stesso intrinseco contenuto ideale. Ma la storia è fatta anche di queste, e di ben altre, pesantezze!
10 Monarchia, 1, 2, 8: « universalis civilitas bumani generis »; 1, 3, 1: «tota bumana
civilitas »; Convivio, 4, 4, 1: «la humana civilitade »; etc. cf. F. KERN, Humana Civilitas. Eine
Dante-Untersucbung,
Leipzig
1913
(e rist. anast., Aalen
1970).
! F, pe Vicronia, De Indis recenter inventis et de iure belli Hispanorum in Barbaros relectiones, a cura di W. Schátzel, Tübingen 1952.
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PIERO BELLINI
SULLA
BELLUM ROMANUM FONDAZIONE CANONISTICA DELLA IN TERRA SANTA
CROCIATA
1. Il problema della guerra in seno alla ‘respublica gentium cbristianarum': illiceità della guerra mossa ‘contra autboritatem iuris’. — Quando portiamo la nostra riflessione sul tema della guerra, visto in rapporto a quell’insigne esperimento della Europa neo-latina della declinante età di mezzo che fu rappresentato dalla ‘Repubblica cristiana’, non possiamo guardare all'argomento con i criteri che ci sono suggeriti dalla prassi internazionalistica di oggi. Questa — lo sappiamo — accredita la guerra di una duplice funzione. Le assegna in primo luogo un compito giuridico. La considera nel ruolo tradizionale di strumento di autotutela, a cui lo Stato si vede costretto
ad affidare la difesa di una propria posizione soggettiva (giuridicamente sanzionata)
che
sia offesa
o minacciata
dal comportamento
illecito
di un
altro.
Ma — insieme — l’odierna realtà internazionale non ricusa di riconoscere alla guerra anche un compito politico. Consente agli Stati di ricorrere alla forza, non più per far valere una legittima pretesa soggettiva, fondata sull'ordine vigente, ma proprio per imporre agli altri Stati un qualche cambiamento di questo assetto giuridico oggettivo. E in ciò traspare lo stadio di sviluppo della presente società internazionale: fatta di un disorganico aggregato di ‘enti sovrani’, ciascuno portatore di proprie istanze parcellari potenzialmente esclusivistiche, Invece — alla stregua dei princfpi che reggevano la realtà giuridica (pi armonicamente articolata) della respublica gentium christianarum — solo la prima di queste due funzioni poteva reclamare una propria legittimità (ratione rei, come allora si diceva, o propter rem) nell’orbita formale della ecumene cristiana occidentale. Questa — proprio perché disposta in forme di aggregazione più ordinate — era fondata in tal maniera, nei suoi cardini formali, da disconoscere la liceità (non soltanto morale ma giuridica) di un qualunque bellum offensivum o aggressivum fra Principi fedeli. Era la stessa rappresentazione ideale di un superius regimen christianuna (cosí fatto da trascendere, nei modi di una quaedam respublica bominum sub Deo, le aree giurisdizionali dei singoli Potentati positivi, e da ricom49
prenderle in se stesso) che non poteva non essere di freno alla violenza bellica: relegando il suo esercizio nel novero dei comportamenti anomali, da dover giustificare — caso per caso — mediante una apposita discolpa (etica e giuridica) debitamente motivata. Quel postulato pubblicistico veniva a far da ostacolo alla ammissibilità d'una qualunque guerra inter christianos (inter catbolicos) che non si restringesse a una ragione di-
fensiva o recuperatoria o punitiva, da far valere contro un trasgressore del. l'ordine vigente; sí invece oltrepassasse detto limite, e trasmodasse nel proposito di imporre agli altri con la forza la propria volontà imperativa, scac-
ciando gli avversari dalle posizioni già acquisite awthoritate iuris!. À piena legittimazione della guerra non si poteva prescindere dal fatto
che l'antagonista (colui qui bello pulsatur, o qui bello fatigatur) fosse nel torto, o facesse presumere di esserlo: e quindi meritasse di subire la violenza
bellica. Giusto (sinanche doveroso) muover guerra pro defensione tam sua quam patriae seu legum paternarum; pro pace iustitia tuenda; pro oppressorum. Lecito farlo propter res repetendas quae vi ablatae executione iuris, Ammesso — con le dovute precauzioni — anche ad iniurias ulciscendas. Ingiusto, invece, e illecito, prendere le
defensione sunt; pro combattere armi al di
fuori di codeste ipotesi ?. E si trattava di una solida proposizione di principio. La quale (anche se 1 Cosf già Rurino, ai primi passi della speculazione canonistica: «Iustum bellum dicitur propter indicentem, propter belligerantem et propter eum qui bello pulsatur. Propter indicentem, ut ille qui bellum indicit vel permittit buius rei indulgendae ordinariam babeat potestatem. Propter belligerantem, ut ille qui bellum gerit et bono zelo boc faciat et talis persona sit quam bellare non dedeceat. Propter eum qui bello fatigatur, ut scilicet mereatur bello lacerari, vel, si non meretur, iustis tamen praesumptionibus mereri pute. fur », Summa decretorum, in qu. 2, Ca. 23, ed. Singer p. 362. Drastica la conclusione di RuriNo: «...ubi aliquid borum trium defuerit, absolute iustum bellum esse non potest ».
In questa sede — anche in ragione dei piá puntuali scopi della indagine — ci terremo in special modo agli insegnamenti della scienza canonistica. La quale — d'altra parte — mostra d'essere sensibile al problema in maggior misura della contemporanea civilistica. Ció (si direbbe)
non
soltanto a causa
della stretta
interdipendenza che
si dà
in materia fra motivi etici e giuridici; ma anche (forse soprattutto) per via della singolare idoneità del fatto bellico ad incidere negativamente sulle strutture formali della Respublica cbristiana, le quali — per il loro stesso fondamentale di peculiare interesse canonistico.
teo-centrismo —
si presentano
2 Diverse le formole impiegate (quelle riferite appaiono fra le più comuni). Fermo però il punto che lecita è la guerra solo le volte che si fondi su un giusto titolo giuridico; e solo nei confronti della parte che un titolo siffatto possa invocare a suo vantaggio.
È lecita la guerra si fiat authoritate iuris: cioè ubicumque a iure conceditur, e quoad illum cui ius concedit. Altrimenti si ha un bellum temerarium: tale « quoad illos qui boc faciunt contra authoritatem iuris ». E lo è anche le volte che il soggetto passivo della azione bellica, legittimamente perseguito per qualche sua mancanza, nonché porsi in regola, risolva di contrastare con le armi la pretesa giuridica dell'altro: «... mam et qui defendit se contra autboritatem iuris temerarie se defendit: sapienter autem jaceret. si corrigeret vilam suam ». Citt. dall'OsTIENSE, Summa Aurea, in tit. de treuga et pace, $ quid sit iustum bellum,
n. 4, ed. Giunta, 1537, f. 58 v-b; e Lectura in cap. pro bumani (di Innocenzo IV), in VI, de bomicid.
volunt. vel casuali, n. 34, ed. Venetiis, 1581, f. 29 v-a. (La canonistica suole
usare ‘autboritas’ a preferenza di ‘auctoritas’).
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passibile di larghe forzature: non fosse che per la consueta vocazione della scienza paludata di ogni tempo a provvedere di argomenti l’ambizione dei potenti) veniva tenacemente ribadita come un punto fermo della costruzione giuridica del tempo. E anche se spesso disattesa (ce lo attestano innumerevoli doglianze, d'una pubblicistica peraltro non sempre spassionata) essa esprimeva un canone di fondo del regimen christianum: con cui ci si doveva comunque confrontare. Rispecchiava una somma ragione ordinativa: sancita da quel diritto naturale — inteso nel contesto pubblicistico di allora come un ramo del ius divinum — che vincola dall'alto tutti quanti i Potentati della terra:
inclusi quelli che amano atteggiarsi a Principati legibus soluti. 2. Altri limiti alla liceità della guerra derivanti dalle strutture formali della ‘civitas christiana. — Già valeva questa ragione discretiva a porre un primo limite, di non trascurabile portata, all'ambito di azione della guerra lecita. E dalla pubblicistica del tempo (segnatamente aperta a questa problematica) si cercava come promuovere il rispetto della regola: per mezzo soprattutto della individuazione e della messa a punto di tutta una serie di sanzioni a carico del soggetto trasgressore. Il »ovens bellum iniustum veniva collocato in una posizione soggettiva deteriore, a paragone della controparte che invece si battesse iure: per far valere una propria legittima pretesa *. Ma va subito soggiunto come anche al di qua di detto limite, nella stessa ipotesi cioè di un bellum licitum propter rem, altri criteri intervenissero — pur essi radicati nella struttura del sistema — a delimitare ulteriormente la ammissibilità del ricorso al gladius bellicus fra Principi cristiani. Qui non tanto c'importa soffermarci sulle limitazioni d'ordine morale. Le quali (in mancanza d'una più energica condanna ecclesiastica della guerra)
non facevano in effetti che affiancarsi alla qualificazione di illiceità giuridica propter rem: completandola con la semplice istanza interioristica di una recta intentio bellandi nell’animo di quanti avessero parte nel conflitto. Ci si contentava di richiedere che quelli che indicono la guerra, e quelli che 3 E estranea all'ordine giuridico della Respublica gentium. cbristianarum la regola internazionalistica di oggi, per cui — proprio in ragione della intervenuta obsolescenza del discrimine bellum iustum-bellum iniustum — lo status belli (qualunque status belli) comporta
di per sé una paritarietà di trattamento
giuridico per
tutti i contendenti.
Di-
verso discorso si faceva in quel pi antico sistema pubblicistico. Se l'uno si batte giustamente
(si diceva) l'altro non può non essere nel torto.
Di qui — fra l'altro — una sorte giuridica diversa degli acquisti bellici: «... ubi inter christianos iustum est bellum ex parte una, ex altera vero parte iniustum, is qui iuste pugnat omnia occupata sua jacit … bi qui iniustum bellum fecerunt. universa restituere compelluntur »: OsTIENSE, Lectura in cap. 13 excommunicamus, X, de baereticis, 5, 7, n. 14, £. 39 r-b. Scatta il richiamo alla lex bostes, de captivis: «... tales ergo latruncoli sunt, et ad restitutionem: tenentur omnium
ablatorum »; anzi a questa
listica se ne aggiunge un'altra più propriamente etica:
ragione civi-
«... quia non dimitlitur peccatum
nisi restituatur ablatum », OSTIENSE, Lectura in cap. pro bumani, cit., n. 33. Detto altri-
menti — quando ci battiamo contro avversari ingiusti (i quali proprie hostes non sunt) — si determina questa situazione anomala, diciamo claudicante: «... quod de suo ad nos pervenit nostrum fit de facto », ibid., n. 34.
iure,
quod
autem
de
nostro
ad ipsos pervenit
ipsorum
fit de
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debbono combatterla, lo facciano con buono zelo: «... non cupiditate aut crudelitate, sed pacis studio ... ut mali coberceantur et boni subleventur » *. Nemmeno c'interessano i richiami — un po' generici — che solevano esser
fatti ai vincoli di solidarietà (di naturale colleganza) che debbono correre fra gli uomini. Da cui la illiceità (propter causam) di tutti quei conflitti che potrebbero essere evitati con più comprensiva avvedutezza: « μέ si propter
voluntatem et non propter necessitatem pugnatur ». Piuttosto —
ai nostri scopi sistematici —
importano i fattori delimita-
tivi del bellum inter christianos, di questa ‘guerra interna’, già riprovevole per sé, che possona esser fatti risalire allo stesso assetto costituzionale generale della veneranda respublica gentium christianarum. È in essi che si esprimono nella maniera più evidente le peculiarità formali di questo singolare esperimento pubblicistico. Fatt'é che alla già indicata istanza di rispetto dell'ordine giuridico oggettivo, eretta a fondamento sostanziale delle singole pretese commesse al patrocinio della azione bellica, si mostra congiunta — nel sistema — una concomitante ragione di rispetto di certi criteri strumentali: direttamente rapportati ai modi e ai gradi della istituzionaliz-
zazione del potere nell'orbita della civitas christiana. Alla figura di una guerra illecita,
diciamo
#aterialiter
perché
condotta
contra
autboritatem
iuris,
si
aggiunge — in questa logica — l’altra figura di una guerra invece illecita formaliter: quella che — pur incardinata su una giusta causa di diritto sostantivo —
venga però mossa senza aver riguardo a certe competenze, e a
certe procedure *. 4 Dinanzi
alle
vibranti
contestazioni
scritturali
del
gladius
sanguinis,
la
scienza
canonistica e teologica dimostra di far proprio — senza riserve di rilievo — il pensiero agostiniano che riduce la mansuetudine evangelica a un semplice fatto spirituale: facendola consistere non nella ostentatio corporis
(in una
qualche operosità concreta)
sí piut-
tosto nella praeparatio cordis: in un intimo stato di coscienza. Si può essere benéfici ex animo anche se si ἃ duri ex corpore. Si pud essere pacifici — se ci si batte per la pace — anche guerreggiando: «esto ergo bellando pacificus! ». Da cui il concetto che sfida il canone di non contraddizione di un bellum pacatum: di una guerra che insieme è opera di pace:
« Apud
veros Dei cultores etiam ipsa bella sunt pacata, quae
non
cupi-
ditate aut crudelitate, sed pacis studio geruntur ...», cap. 6 apud, Ca. 23, qu. 2. Graziano attribuisce il passo ad Agostino. 5 Glossa ordinaria in princ. qu. 2, Ca. 23. E questo il cosiddetto bellum voluntarium, illecito benché d'uso corrente: «... quo scilicet. principes nostri temporis saeculares utuntur frequentius, et est iniustum », OSTIENSE, Lectura, in cap. pro bumani, de bomicidio, cit., n. 34.
Ci si riportava —
rivedendola in un'ottica cristiana —
è invocata in un notissimo frammento
alla cogmatio quaedam
che
(D. 1, 1, 3) del giureconsulto Fiorentino. E questo
principio di equità naturale («...cum inter nos cognationem quandam
natura constituit,
consequens est bominem bomini insidiari nefas esse ») lo si vedeva confermato e rafforzato dal precetto cristiano dell'amore. « Hoc ius cognationis — si spiegava — et natu-
rale est et firmatum ex praecepto Domini dicentis 'dilige proximum
sicut teipsum' ». E
lo si vedeva come un canone sottratto alla disponibilità giuridica degli uomini: «... boc ius per pactum renunciari non potest … etiam si ad invicem consentiant ... nam civilis
ratio naturalia dirimere non potest », OSTIENSE, Lectura, in cap. pro bumani, de bormicidio, cit., s.v. diffidatur, n. 32.
$ Prescindo in questa sede da tutta Ja tematica (trattata peraltro con ritardo dalla
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3. Incidenza su questa problematica delle energie unitarie della ‘civitas christiana’. — E invero, quando si affronta un tema come il nostro, non si può dimenticare che il regimen christianum dell'epoca intermedia si presenta in effetti conformato, nella generalità dei suoi momenti, a un modulo ideologico di superiore coesione societaria. Esso si impronta al canone ideale
dela
unità
politica
e religiosa
del
mondo
cattolico
europeo: quale ? postulata dalla partecipazione delle nazioni d'Occidente, in capite et in membris, a un comune patrimonio di grandezze trascendenti, di promanazione divina, superiormente vincolanti; e quale si concreta nel fatto della fondamentale coincidenza della società chiesastica, congregata dalla fede e dalla disciplina spirituale, con la società politica ordinata sotto Principi cattolici.
Sta a dire che al ‘monismo ideologico’ della Repubblica cristiana, fatto d'una sostanziale consonanza di valori, tutti armonicamente riducibili a un medesimo codice assiologico, veniva a corrispondere un 'monismo anche giuridico'. Il quale (garantito al vertice dalla decretazione dell'Essere Supremo: di quell'Ente personale trascendente a cui l'e£bos collettivo riconosceva, con pienezza di partecipazione numinosa, il ruolo egemone di caput unum del corpus
cbristianorum:
Deus
est
verus
et summus
Imperator)
si svolgeva
— per quamdam proportionem — nella somma degli ordinamenti giuridici terreni, umani, coesistenti e operanti l'uno accanto all’altro nel vivo della compagine
comunitaria.
Ordinamenti
—
tutti quanti
—
integrantisi
a vi-
cenda: come componenti, distinte ma fra loro coordinate, di un piá vasto sistema complessivo, tenuto appunto assieme dalla suprema delibera di Dio”. E a tutti è noto come questo anelito unitario —
spiegantesi per gradi —
trovasse la prima sanzione positiva, nella avvenuta saldatura storica delle due grandi istituzioni totalizzanti della civiltà neo-latina: chiamate a fare da columina
ala Repubblica
cristiana. Parlo naturalmente
dell'Impero,
sacro e
romano: massimo strumento di aggregazione civile delle nazioni occidentali. E parlo della Chiesa, romana anch'essa: mallevadrice e insieme beneficiaria
dell'ordine imperiale; unificatrice spirituale della intera cattolicità, Si trattava
(superfluo
rammentarlo)
di un
assetto societario
assai
man-
scienza canonistica, e con animo pi incline — si direbbe — a contenere l'ambito di appli cazione
e l’efficacia
dell'istituto, che
non
a favorirne
gli sviluppi
e a potenziarli)
della
cosiddetta treuga Dei. La quale, nella sua azione più immediata, era diretta a porre dei limiti di tempo alla conduzione delle operazioni militari fra Principi cristiani: senza però perdere
di vista
(e questo
fatto accentua
la ‘stranezza’
di un
atteggiamento
canonistico
tanto poco aperto) l’obiettivo più avanzato d'una stabile pace interna fra di essi, anche in ragione d'una loro associazione nel doveroso impegno di combattere insieme l'Infedele, nemico comune della Cristianità tutta quanta. 7 «Sciendum est omnibus fidelibus quia universalis ecclesia corpus Christi, et eius caput idem est Christus, et in ea duae principaliter extant eximiae personae, sacerdotalis videlicet et regalis », Giona pi ORLÉANS, De institutione regia, c. 1, PL, t. 11, col. 998. Nel sistema proposizioni come questa — e le citazioni si potrebbero moltiplicare all'infinito — non si atteggiano a semplici immagini retoriche. Esse sono tutte riferite ad una ecclesia ormai comprensiva della civitas.
53
chevole: lontano — nei fatti — dal raggiungere quella unitarietà di operazione a cui preludevano i principi. Ma esso — come che fosse articolato nel suo interno, e quali punti di attrito presentasse e quali carenze funzionali —
seguitava nondimeno a ambire a un più elevato principio di coesione *. E quindi si trattava di un sistema che — ancorché composito — non poteva guardare che con occhio di sfavore a tutti quei fenomeni, come la guerra, per l'appunto, o la seditio; o come, in spiritualibus, lo scisma e l'eresia, che fossero capaci di creare degli stati di tensione o di rottura entro la compagine sociale. Erano proprio le strutture giuridiche portanti della respublica gentium cbristianarum che non potevano permettere che — anche se fondata su una valida ragione di diritto sostantivo — la mera 'auto-tutela soggettiva’, condotta nei modi della guerra, assorgesse (non solo de iure ma de facto) a strumento ordinario di realizzazione coercitiva di tutte le pretese personali che ogni singolo Signore lamentasse violate o minacciate da un contro-interessato.
La logica intrinseca al sistema postulava che il legittimo ricorso alla violenza bellica non potesse concernere de iure se non un ristretto numero di controversie pubblicistiche. E proprio in questo contesto sistematico trovava diretta spiegazione tutta una serie di ulteriori moderamina, addotti a contenimento dell’uso delle armi fra i Signori della Cristianità. 4. Illiceità della guerra mossa ‘sine autboritate principis. — In questa prospettiva (con speciale inerenza, si direbbe, al momento iniziale della indizione della guerra) appare anzitutto presentata, come prima e imprescindibile ragione di liceità formale della intrapresa militare, una superiore istanza di
rispetto della ‘autorità del Principe’. « Iustum est bellum (si diceva) quod ex edicto geritur »; « nullus ergo bellare potest sine authoritate principis ». E si citavano in proposito tutta una catena di principi di diritto pubblico romano:
«mec licet movere nec portare arma inscio principe »; « et genera-
liter probibitum est ne quis sibi ius dicat »; per richiamarsi in ultimo alla avita lex iulia maiestatis: « ... nam et qui iniussu, id est sine iussu principis, bellum gerit, tenetur lege iulia maiestatis »?. 5 Certo l’autorità apostolica — nella sua montante egemonia — si dimostrava ben capace di dar concretezza di attuazione al proprio principato spirituale, cosi da imprimere ai singoli interventi prelatizi un grado di incidenza sociale marcatissimo. E quantunque si trattasse di puri poteri religiosi, chiamati per sé a operare im spiritualibus, era pur vero che il relativo espletamento riusciva però tale (indirecte et per consequentiam, secondo la formola tecnica del tempo)
da produrre effetti pratici di incalcolabile portata anche in
rapporto ai femporalia: in relazione agli stessi conflitti militari. Carente invece si mostrava — in una misura preoccupante — l'autorità imperiale: mai accettata senza fierissimi contrasti, e di continuo contraddetta; né mai riuscita a importe il suo primato oltre
certi limiti. Eppure questa stessa ‘idea imperiale’ — con tutte le sue manchevolezze — dava comunque vita a un fermo postulato pubblicistico (‘costituzionale’ o ‘sovranazionale’): il quale restava pur sempre un che di impreteribile nella esperienza giuridica del tempo. Restava un ‘principio di diritto’, col quale bisognava — bene o male — far i conti.
3 Ostiense, cit., n. 4.
54
Summa
Aurea,
in tit. de treuga et pace,
$ quid sit iustum
bellum,
Che era richiamarsi a vecchie formole, legate a schemi di governo ormai desueti in molta parte. Ma era rendere anche omaggio al nuovo ‘unitarismo ideale’ del regimen christianum. Ciò che si voleva è che i soggetti (e non parlo delle semplici personae subditae ac privatae, ma degli stessi potentati politici
emergenti) non movessero alla tutela delle proprie ragioni personali di loro piena iniziativa: authoritate seu temeritate propria; sí invece lo facessero nel rispetto delle peculiari prerogative pubblicistiche (‘giurisdizionali’) delle au-
torità sovra-ordinate !°. In questa logica la figura della guerra inter catbolicos prende
a deli-
nearsi in forma autonoma, come strumento funzionalmente definito, solo nella
ipotesi per un periore' propria (questa
che una publica persona — per propria collocazione nel sistema, o semplice fatto occasionale — si trovi a non avere un qualche ‘sua cui rivolgersi: capace di dare concretezza alla potestà eminente di competenza, e disposto a farlo, È legittimato il soggetto a ‘far da sé” la regola) quando non gli sia dato di poter disporre di una simile assi-
stenza:
« ... ubicumque per alium rem suam recuperare vel ius suum persequi
non potest ». Soltanto in questo caso gli è lecito « arma movere et bellum indicere ad recuperanda sua ». E in questa stessa ipotesi (torna a affiorare il solito motivo) detta liceità rimane tuttavia condizionata alla autorizzazione formale del legitimus superior: « … si principem supra se babet, eius authoritate boc faciat et non aliter » "1, Insomma puó ricorrere alle armi «etiam sine autboritate superioris » solo quegli che un superiore non ce lo ha: « … si ipse non babeat ». Altrimenti il suo operato sarebbe temerario, percid illecito: « ... ubi superiorem babet nullatenus debet boc auctoritate seu temeritate sua attentare » ". 10 Sj comprende non
senza sforzo come
porsi in primo luogo nei confronti
una preoccupazione del Princeps
di tal genere
inteso in senso
non
potesse
stretto e proprio:
concepito come vertice formale del sistema, garante della unità formale del sistema. Quel Principe che — a voler essere precisi —
non poteva essere che uno:
un supremus antistes
(e qui si stagliava, is temporalibus, la figura dell'Imperatore dei Romani: dominus et monarcha totius mundi) preposto a tutti gli uomini. Solo che — in un sistema giuridico composito come
quello della Europa
medievale —
la cosa presentava
pi
vaste prospet-
tive. Coinvolgeva anche quegli altri rapporti di soggezione politica (alquanto frammentati) che si davano nel vivo della esperienza giuridica del tempo. Si voleva difatti rispettata la potestà eminente di ogni legitimus superior, qualunque ordine gerarchico costui occu-
passe. Che della civitas normale che τ Citt.
era istanza di non trascurabile rilievo in un contesto formale come quello christiana, fondato su una complessa stratificazione di poteri: nel quale era a un qualche legitimus superior sottostesse la generalità dei potentati politici. da Innocenzo IV (SinisaLbo DE’ FiescHI), Apparatus, in cap. 12 olim
causam, X, de restitutione spoliatorum, 2, 13, n. 18, ed. Venetiis, 1575, f. 96 r-b.
12 Citt. dall'OsriENSE, Lectura, in cap. olim. causam, de rest. spol, cit., nn. 17 e 18, f. 52v-b e f. 53 ra. Ci si seguitava a rifare — in tutto questo — a una remota impostazione agostiniana, ripresa dal pensiero canonistico e teologico. La quale circoscrive il divieto evangelico di metter mano al gladius sanguinis al solo caso di colui « qui mulla superiore ac legitima potestate vel iubente vel consentiente in sanguinem alicuius. armatur ». Il passo (dal Contra Faustum. Manichaeum) è riportato da GRAZIANO nel cap. 36 ille, Ca. 23, q. 4; e fra i teologi è ricordato — ad esempio — da Tommaso, Summa theologica, 2.2ae, qu. 40,
55
5. Illiceità della guerra mossa ‘sine autboritate iudicis’. — Ma nella pubblicistica del tempo (e il punto merita attenzione) questa istanza formale, del rispetto delle autorità sovra-ordinate, parrebbe sottostare ad un processo di più attenta determinazione tecnica: vèlto, si direbbe, a un miglior inquadramento del fenomeno guerresco all’interno del regimen christianum. Detta istanza parrebbe prendere un senso operativo più chiaramente definito: in ragione d'una pit diretta connessione della guerra alla funzione giudiziale,qual & ordinata alla risoluzione autoritativa delle controversie fra subiecti legum. 'Tanto che — in questa angolazione — il legitimus superior finisce con l'assumere l'aspetto piá puntuale di un superior iudex. Già in linea generale (va notato) si adducevano ragioni che tendevano proprio a ricondurre l'intervento autoritativo del Principe a una superiore esigenza di tutela dell'ordine vigente. « Et boc videtur iustum (si diceva del divieto della guerra mossa sine iussu principis) quia nulli licet iura temperare sine autboritate conditoris iurium » δ. Che era un riferirsi al Principe (conditor iurium) proprio come a fattore costitutivo dell'ordinamento: fonte di quella ordinazione giuridica che — a norma dei princfpi — si assumeva che la guerra non volesse appunto modificare, né men ancora sovvertire; bensí attuare nelle forme di una femperatio iurium. Ma nel pensiero dei suoi interpreti codesta preoccupazione pubblicistica parrebbe proprio volgersi nel senso di richiedere il concorso di una pit specifica authoritas iudicis, direttamente rapportata — in chiave strumentale — alla iuris authoritas della quale si è parlato: «... nulli enim licet arma sumere ad alium impugnandum sine autboritate iuris vel iudicis: alias poenam babet cum intelligatur violentia inferri » **. La guerra ne resta ricondotta alla misura d'ultimo mezzo
di coazione
a
cui ricorrere: di estremo rimedio praticabile, le volte che sia stato invocato inutilmente — o sia rimasto senza effetto — ogni altro procedimento autoritativo di attuazione coercitiva. Quando si possa adire un competente giudice (un suus iudex) è a lui che bisogna indirizzarsi. Se ciò non sia possibile (se questo ufficiale manchi, oppure se rifiuti di decidere) ci sarà pur un altro
art. 1. Dice l'OSTIENSE sulla stessa falsariga:
« … εἰ in summa
accipit. gladium
in cap. pro bumani,
gladio est feriendus », Lectura,
qui auctoritate propria cit., n. 34.
B Innocenzo, Apparatus, in cap. olim causam, cit. n. 8. Prosegue SINIBALDO: iure autem
continetur quod
14 OsTIENSE,
Summa
etiam
Aurea,
suam
possessionem
in tit. de treuga
nullus occupare
et pace,
«... im
possit ».
$ quid sit iustum.
bellum,
cit., n. 4. Nessun dubbio che una specificazione di tal genere seguisse anzitutto alla tendenza (distintiva della cultura giuridica del tempo) a porre l'equazione iudex-rex: giacché della funzione di ius dicere si faceva il compito proprio e tipico del Re: «cuius proprium
officium est facere iudicium
et iustitiam ». Ma
è ragionevole supporre
che
la cosa
ri-
spondesse anche al disegno di accentuare la riconduzione della guerra proprio fra gli strumenti di realizzazione del diritto, direttamente o indirettamente
riportabili alla competenza del princeps-iudex:
«... et breviter qui authoritate sui iudicis
recte interveniente accipit gladium, sive iubentis sive consentientis, iustum est », OSTIENSE,
Summa Aurea, cit., n. 3.
56
giudice disposto ἃ sostituirlo: « ... quia unus iudex supplet defectus alterius »; o una qualche altra più alta autorità cui far appello: «si quis non babet copiam iudicis recurrat ad principem » ?. Solo se queste strade non siano percorribili de iure o de facto diventa legittimo ricorrere alla guerra. À ragionare in questo modo veniva spontaneo richiamarsi alla figura pro cessuale della contumacia: del pertinace rifiuto del reus (del soggetto comun que vincolato: obnoxius) a riconoscere e onorare il proprio impegno. Se ne faceva senza meno la condizione-limite del bellum iustum formaliter. « Causa
autem bellandi — si diceva — una sola est legitima: scilicet contumacia iniuste resistentis ». E in un simile contesto — di stampo diciamo cosí processualistico — ci si premurava di soggiungere: « ... tunc demum iuste bellatur cum aliter ab eo qui obnoxius est iustitia baberi non potest » '*. 6. Definizione
dell'ambito
di possibile azione
della guerra im seno
alla
respublica gentium christianarum’. — S'intende che (a voler far applicazione ai massimi livelli delle considerazioni dianzi svolte) ne sarebbe derivata una
contrazione specialmente drastica dell'area di operatività del bellum verum in seno alla ecumene cristiana occidentale in quanto sottoposta al potere egemone dell'Imperatore dei Romani. Questi, proprio perché raffigurato, da quella che veniva prospettata come la più scrupolosa rappresentazione de iure dell’ordinamento generale della civitas christiana, come il vero e solo ‘Principe' preposto a tutti gli altri potentati, avrebbe dovuto essere — a rigore — l’unico fattore a cui spettasse il legittimo potere di indire o di permettere qualunque genere di guerra. A lui soltanto poteva competere di decretare il bellum publicum
(quello considerato tale dalle fonti romanistiche)
che vede
protagonista il populus romanus. Di qui l’immediata conseguenza della illiceità formale d’una gran parte dei conflitti armati che costellavano ogni giorno ({ofa die) la vita della civitas
christiana: «... lex autem asserit quod bi quibus populus romanus bellum inducit vel ipsi populo romano bostes proprie dicuntur, ceteri latruncoli ... 15 Citt. dall'OSTIENSE, Summa
Aurea, in tit. de treuga et pace, $ quid sit iustum
bellum, cit., n. 4.
16 Guino DA Baisio, Rosarium, in cap. 1 iustum est bellum, Ca. 23, qu. 2, in princ., ed. Venetiis,
1585, f. 303 r.a.
Non solo: ma — messo il problema in questi termini — non era possibile prescindere da un ulteriore sforzo tecnico diretto proprio a segnare in modo chiaro la linea concettuale che divide la guerra in senso proprio (il cosiddetto bellum verum: quello quod vere et proprie bellum dicitur) da una serie di altri casi di intervento militare, che invece non sono riportabili se non a un bellum improprie dictum, in quanto strumenti recupetatori e repressivi più vicini ad atti di ‘giurisdizione’ o di ‘giustizia’. Tali appunto
i casi
in cui la guerra si fa surrogato d'una azione non altrimenti esperibile in forme giudiziali. «Omnibus
est licitum movere
bellum
Ma poi ci si affrettava a precisare:
pro sua et rerum
suarum
defensione »:
si diceva.
«... mec dicitur proprie bellum sed defensio », INNo-
CENZO, Apparatus, in cap. olim causam, cit. n. 8. Tali ancora i casi in cui un legifimus superior (un superior iudex) interviene a restaurare con le armi, « contra inoboedientes subditos », l'ordine sociale. « His casibus (mette sempre in luce SINIBALDO) mon proprie dicitur fieri bellum, sed melius executio iurisdictionis vel iustitiae », ibid.
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unde videtur quod bellum quod tota die exercent principes nostri temporis est iniustum »", Ma la realtà viva delle cose, quale si esprimeva nella esperienza quotidiana, imponeva una soluzione parecchio meno rigida. Era difatti inevitabile che (a parte ogni residua esaltazione del ruolo egemone di Cesare: espressione di quella summa potestas nullis circumclusa limitibus che si seguitava a riconoscergli in termini formali) ci si aprisse verso la rude concretezza —
alquanto dissonante —
del fenomeno
sociale;
e si cercasse come legitti-
marla in qualche modo. E questa preoccupazione culturale di non staccarsi
dalla realtà (da una realtà segnata da un crescente frazionamento societario: dalla presenza operativa di entità politiche in effetti autonome, in continuo conflitto fra di loro) spingeva al riconoscimento di un potere di indire la guerra, o di permetterla, anche a quei grandi Signori temporali che negassero all'Impero (o alla auctoritas imperandi di un qualunque altro Superiore) la propria voluntas obsequendi. C'erano almeno da coprire i casi più importanti: quelli che non potevano essere ignorati, non fosse che per la potentia facti dei protagonisti; e nemmeno potevano essere sviliti ad episodi di mero latrocinio. In questa direzione la più autorevole dottrina finiva col piegarsi allo status rei. E quando si trattava di spiegare la locuzione awthoritate principis, essa finiva con l’ammettere la nuova situazione: «nomine principis intellige pa-
pam, imperatorem, regem, dominum liberum superiorem non babentem » !*. Cosí la potestà di muover guerra sua propria autboritate (non più ri-
stretta all’Imperatore dei Romani e al Papa: soli supremi antistites della Repubblica cristiana) risultava estesa a una pluralità — sebbene esigua — di publicae personae di rango più elevato: ai Principi minori (e alle stesse civitates sibi principes) che al di sopra di sé non ammettevano un legitimus superior: un superior iudex in temporalibus. Ad essi non ci si restringeva a riconoscere la iurisdictio temporalis e il merum
buiva la stessa auctoritas indicendi bellum: indicendi bellum”.
imperium;
ma gli si attri-
la iurisdictio o il privilegium
7. Il problema della guerra nei rapporti esterni alla 'respublica gentium christianarum'. — Questo non è il momento di stare a soffermarci sui molteplici aspetti d'una cosí ricca problematica: la quale si presenta con caratteri di U Ostiense,
Summa
Aurea, in tit. de treuga et pace, $ quid sit iustum
bellum,
cit. n. 4.
15 Cosf — al tramonto della grande stagione canonistica — la Summa BARTOLOMEO FuMt, verbum bellum, n. 1, ed. Lugduni, 1566, p. 47.
Armilla di
9 E in armonia con i caratteri formali (di assolutezza) che rivendicavano a se stessi,
si ammetteva che quei medesimi Potentati nemmeno abbisognassero d'una specifica autorizzazione legale positiva. Ognuno di essi (proprio in quanto superiorem non recognoscens, e proprio in quanto /egibus solutus) ben poteva decidere da sé:
«... sine autbo-
ritate bominis cui non subest, et sine autboritate iuris quo non astringitur ». Cosí — sulle tracce di Innocenzo — il Cardinale OSsTIENSE, Lectura, in cap. olim causam, cit. n. 18, f. 52 v-b.
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singolare complessità. Ci sarebbe quanto meno da chiarire la linea discretiva, di percezione non agevole, fra la vera e propria 'guerra' (il bellum proprie dictum: in cui «res occupatae sunt occupantium, et liberi bomines capti funt servi ») e le forme di intervento militare invece riportabili a una pit
dimessa executio iurisdictionis vel iustitiae. In questa sede — in relazione al tema di nostro piá specifico interesse — ci preme piuttosto far notare come il sistema pubblicistico, sin qui tratteggiato a grandi linee, fosse in
effetti strumentale alle 'esigenze strutturali interne’ (diciamo cosf ‘non esportabili”) della ecumene cristiana d'Occidente. Commisurato ai moduli di vita di una società omogenea (ideologicamente e religiosamente tale), quel sistema — con tutte le sue regole e i suoi limiti — non poteva ambire a estendersi a una diversa realtà sociale, improntata ad altre formole assiologiche. Va anzi rilevato come proprio i ca-
noni ideali, di ispirazione religiosa, che militavano a sfavore dell'uso delle armi fra Principi cristiani, nel seno della civitas christiana, fossero poi tali da promuovere una comune azione armata di quegli stessi Principi verso l'ester-
no: oltre i confini della cattolicità politicamente organizzata. Fatt'é che detto sistema pubblicistico voleva corrispondere a una istanza di sodalitas specifica, finalizzata in termini ideologici: ordinata in ragione di un progetto di coesistenza, per quanto possibile pacifica, e di fattiva cooperazione fra le gentes (appunto consociate da una comunanza di fides, e di civilitas) che formavano la respublica christiana. Esso voleva secondare un vivo rapporto di concordia fra di loro. Voleva dar corpo a quella pax che — vista come appetito naturale dell'uomo, e come prima condizione perché fra una pluralità di uomini possa stringersi una qualunque aggregazione — ascende a un pit alto significato religioso (si fa pax christiana) quando si attua secundum dilectionem Dei et proximi: quando è raggiunta nella Fede; nella pienezza della sudditanza a Dio. Fermo tutto questo, le cose cambiavano di aspetto quelle volte che non c'era più tanto da difendere l'intima coesione del populus fidelis (peraltro Cosí spesso e cosí duramente contraddetta), ma c'era piuttosto da proteggere il regimen christianum da minacce o da attentati provenienti dal di fuori. Allora il giudizio sulla guerra subiva — nella nostra pubblicistica — come un brusco ribaltamento di visuale: in nome (lo dicevo) della medesima istanza
associativa
che
si assumeva
presiedesse
alla communio
di Dio. Essa (la guerra) non era più guardata come proibito, di norma; o tollerato come entro limiti ristretti. Era promossa —
del
popolo
un ‘fatto negativo’:
ratio extrema; comunque consentito invece — a ‘fatto positivo’, addirit-
tura ‘meritorio’: in ciò che veniva a rinnovare l'assetto aggregativo del popolo cristiano, e a rinsaldarlo, nell’atto stesso nel quale ne esprimeva con cosf energica efficacia la unità e la identità verso l'esterno ?. 2 Anzi era proprio la presenza incombente di un nemico esterno, di un dostis sub ipsis moenibus, capace di esporre a rischio nella medesima
misura tutte le sparse membra
del corpus christianorum, che agiva da fattore potentissimo (direi provvidenziale) di riunificazione, di riaccorpamento, di questo organismo societario. Tanto che le autorità cri-
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Come ignorare d'altra parte che — accanto all'universalismo dell'Impero
sacro e romano — altri se ne davano nella esperienza giuridica del tempo, parimenti totalizzanti? e che — se con alcuni fra di essi poteva ben essere avviato un qualche regime di tolleranza — con altri non poteva esserci invece che un rapporto di tenace ostilità? Basta guardarsi attorno — si diceva — per cogliere lo stato delle cose, nei suoi variformi aspetti. Vi sono bensí i Greci: « ... qui non credunt Imperatorem
Romanorum
esse dominum
universalem,
sed dicunt Imperatorem
Constantinopolitanum esse dominum totius mundi ». Ma l'Imperatore di Costantinopoli, con tutte le sue insopportabili pretese, resta pur sempre un Principe cristiano: col quale — all'occorrenza — può ben essere annodato un patto d'amicizia, anzi di confederazione, nella lotta contro i Principi infedeli. Ci son anche i Tartari, col loro Grantchan: lui pure Signore universale. Con essi — distanti come sono — è possibile un rapporto di pacifico interscambio: «... quidam sunt cum quibus babemus pacem, ut Tartari, nam mercatores nostri vadunt ad illos, et illi ad nostros ». E vi son altri popoli, ancor più lontani: «...cum quibus non babemus nec pacem nec guerram,
nec aliquid facere ». Troppo lontani — vale a dire — perché si possa intessere con essi (ut cum illis de India) una qualunque relazione ”. Ma ci sono anche i Saraceni, giusto ai margini della Cristianità. I quali son proprio
tormentati da un espansionismo
religioso senza freni, di segno
anti-cristiano. Con essi non può correre, non dico un rapporto amicale di alleanza o di collaborazione (che sarebbe un impium foedus), ma una qualunque relazione men che avversa. Con i potentati musulmani in quanto tali, legati alla politica dell'Islam, non può esservi che uno stato di guerra permanente: specie con quelli « qui christianos persequuntur, et ex urbibus et
stiane (quelle che più tenevano a un tale risultato) potevano esserne tratte a tener desta e ad acuire, piuttosto che attenuare, la inquietudine sociale per questo ‘pericolo comune’: a cui far fronte — tutti uniti — in nomine Christi. Potevano esserne invogliate a creare delle occasioni di conflitto, e a coltivarle, in luogo di sfuggire il casus belli.
2 Citt. da BARTOLO DI SASSOFERRATO, In secundam ff. novi partem, in legem bostes, de captivis et postliminio D. 49, 15, 24, n. 8, ed. Venetiis, 1585, f. 20 v-b. Premesso
che due sono i generi di popoli che abitano il mondo
(« vos debetis scire
quod duo sunt genera gentium principaliter: primo populus Romanus, secundo populi extranei », ibid., n. 2); e analizzata attentamente la nozione di popolo romano (nn. 3-7), Bartolo prosegue: «... secundo dixi quod alii populi sunt extranei proprie, quia non fatentur Imperatorem Romanorum esse dominum universalem, ut Graeci, qui non credunt Imperatorem Romanorum esse dominum universalem, sed dicunt Imperatorem Constantinopolitanum esse dominum totius mundi; item Tartari, qui dicunt Grantcban esse dominum universalem; et Saraceni, qui dicunt dominum eorum esse dominum totius mundi;
item in Iudacis. Verum inter istos est differentia: nam quidam ex istis sunt nobis foederati, ut erant. Graeci. nobis foederati contra Turcas; quidam sunt cum quibus babemus pacem, ut Tartari, nam mercatores nostri vadunt ad illos, et illi ad nostros; quidam cum quibus non babemus pacem nec guerram, nec aliquid facere, ut cum illis de India; quidam sunt cum quibus babemus guerram. indictam, ut cum Saracenis et bodie cum Turcis ». E — come a tagliar corto a ulteriori discussioni — conclude bruscamente, alla maniera
dell'Apostolo:
60
«sed modicum ad nos de illis qui foris sunt », ibid., n. 8.
propriis sedibus pellunt » *. E sono soprattutto da combattere i Principati che detengono la stessa Terra Santa: culla della cristianità; sede del buon Annuncio; teatro del Sacrificio della Croce. Contro di questi l'atteggiamento del popolo cristiano non può essere che d'intransigente ostilità ?. 8. Giustificazione giuridica canonica della Crociata in Terra Santa. — La scienza giuridica del tempo (e in primis la scienza canonistica: la più sensibile al problema) parrebbe essersi a lungo contentata della constatazione pura e semplice dei motivi politici e ideali che militavano a sostegno di questa guerra unitaria esterna (contra inimicos fidei) del popolo cristiano: tendesse essa a respingere le incursioni dei Gentili, o anche a ricacciarli dai loro stessi territori. In specie essa fa a lungo mostra di appagarsi della fondazione religiosa, fideistica, della Crociata in Terra Santa: di questo segotium Crucis (negotium Crucifixi) in quo causa Christi specialiter agitur.
E mostra di non
darsi carico delle ragioni di perplessità che potevano pur essere avanzate nei confronti d'una siffatta impresa: a volerla giudicare in piá rigorosi termini giuridici, in ragione di quei sommi princípi di diritto (universali in assoluto)
che trascendono le limitate esperienze giuridiche terrene *. 2 Can.
11 dispar, Ca. 23, qu. 8, di Alessandro
II. Dal canone
(che, riferendosi alla
Crociata contro i Mori di Spagna, fa salva la posizione degli Ebrei, che son quelli che ubique servire parati sunt) la dottrina moderata ricava la illazione «quod si sarraceni non persequuntur christianos non possumus impetere eos», gl. ordinaria di Giovanni ibid., s.v. persecuuntur. Ma la dottrina prevalente si orienterà nel senso di ravvisare in
ogni caso una perseguibilità dei Saraceni. Si veda — per un esempio di grande autorità — la tesi di Oldrado da Ponte: il quale arriverà a negare che si possa comunque credere ai Gentili che vogliano starsene in pace a casa loro:
cumque
ipsi opportunitatem
«... quia verisimile est quod quando-
babebunt, oppugnabunt
et persequentur
christianos
et ec-
clesiam ». Ciò risponde — assicura Oldrado — al loro stesso genio nazionale: «... nam baec videntur eis naturaliter inesse ... nam ipsi pugnant contra omnes et omnes pugnant contra eos », Consilia, Cons. n. 72, ed. Lugduni, 1550, f. 25 ν.
2 A commento del celebre cap. syaiores, de baptismo, d'Innocenzo III, del 1201, SiNIBALDO (richiamando una precedente glossa di B.) ci fornisce questo quadro problematico d'insieme: «..ex bis ergo apparet saracenis ut fiant cbristiani bellum indicendum non esse. Si tamen
terras christianorum
invasissent vel occupatas tenerent. vel cbristianos
bostiliter impugnarent, tunc tam per ecclesiam quam a principe cuiusque subditis damna vel iniuriae inferuntur potest ei iustum. bellum indici: 23, Sed si saraceni tributum consuetum denegant reddere principi christiano princeps eis iustum bellum indicit, non tamen per ecclesiam id fieri debet, christianorum suis sordibus foedant, nec ipsorum cenis qui terram sanctam detinent vel impugnant, libet principem christianum potest bellum indici, im personam nostri Salvatoris committitur: C. de
terrae cui vel qu. 8, dispar. et si tunc ille si nec terram
personas impugnant. Illis tamen saranon solum per ecclesiam sed per quemquia in omnium fertur iniuriam quod haereticis, Manichaeos. Qui vero vere
poenitentes sunt, si occubuerunt in talibus bellis, praeter quam in illo quod est pro tri. buto negato, ad patriam evolant: 23, qu. 8, omni. B. », Apparatus, in cap. 3 maiores, X, de baptismo, 5, 42, cit., n. 5, ed. cit., f. 187 v-b.
2 Alle volte ci si accontentava
di ripetere —
sulle tracce di AGOSTINO:
cap. 41
non invenitur, Ca. 23, qu. 4 — che, se c'era stato un tempo in cui i cristiani avevano dovuto soffrire pro impiis, adesso il rapporto andava ribaltato: ed eran gli empi che dovevano patire pro christianis. Da cui il candido commento della glossa: «unc temporis
persequebantur
impii christianos,
modo
econverso
fit», ibid., super
verbo
patiebantur.
61
Non c'era — s'intende — da discutere del fatto interioristico della recta intentio bellandi: la quale poteva ben essere presunta in uomini che (lasciatosi alle spalle tutto un mondo di affetti e di interessi) votavano i loro patimenti alla Gloria del Signore. Magnanimo il fine che li guida; pietose le loro armi. Non si poteva invocare a miglior titolo l'antica sentenza di Gerolamo: « non est crudelitas pro Deo crimina punire, sed pietas » 5. E non Si dava peso, a quanto pare, al fatto che, talvolta, altri (non ugualmente nobili) potessero essere gli intenti personali di questi Soldati della Fede, Neppure poteva nascere questione sul valore della causa bellandi, vista nella sua oggettività. Si trattava di combattere « pro veritate fidei et salva-
tione patriae, ac defensione cbristianorum » *. Si trattava di estendere il Regno di Dio in terra: di « dilatare rempublicam in qua Deum coli conspicimus » 7, C'era anzi da insistere in questa opera espansiva (parallela al compito evangelico di propagazione della fede: euntes ergo docete omnes gentes) sino a diffondere ovunque il nomen Christi: « ... quatenus Christi nomen per subditas gentes circumquaque discurreret » ®. Il bellare — in casi di tal fatta — ἃ cosa comandata da Dio stesso: fas est. Esso diventa un che di ‘positivo’, degno di remunerazione spirituale: «...et bomestum et meritorium » 9. Invece cid che non poteva essere ignorato era il 'carattere offensivo' di questo genere di impresa. La quale non vedeva il popolo cristiano custodire i suoi confini. Lo vedeva invece spingersi oltre mare, per togliere ai Principi infedeli delle terre che essi possedevano da secoli. Terre — per giunta — che, anche in passato, mai erano state sottoposte al dominio giuridico diretto dell'Imperatore d'Occidente. E questo era un aspetto del problema a cui la
scienza del diritto non poteva non essere sensibile. E innanzi alle oggettive difficoltà dell'argomento («sed nunquid est licitum invadere terram quam infideles occupant? ») toccava specialmente ai canonisti sgombrare il campo
da ogni ragione di ansietà 9. Elaborati in rapporto a eretici e scismatici, questi princípi potevano essere invocati anche in rapporto agli infedeli. Frequente d'altro canto l'operazione inversa: di estensione alla lotta contro i nemici interni alla cattolicità di criteri formatisi in fatto di difesa dai nemici esterni,
23 Cap. 13 legi, Ca. 23, qu. 8. Si veda anche il cap. 48 sicut, Ca. 23, qu. 4 (rubrica: Ecclesiasticae religionis inimici etiam bellis sunt coercendi). E questo un dovere del cristiano: « Quisquis christianus iniquum non persequitur. Christi est inimicus», cap. 52 quisquis, Ca. 25, qu. 4, da Agostino.
?$ T! 2 PB
Cap. 8 Cap. 49 Cap. 49 «..sed
omni timore, si non, Ca. si non, Ca. bellare est
Ca. 25, qu. 8, di Leone IV. 25, qu. 4, di Gregorio Magno. 23, qu. 4, cit. quandoque et bonestum et meritorium »:
cosf
TOMMASO,
Summa theologica, 2.2ae, qu. 40, art. 2, n. 4, sulla base del can. omni fimore, cit.: «..novit enim omnipotens, si quilibet vestrum morietur, quod pro veritate fidei et sal-
vatione patriae ac defensione cbristianorum mortuus est: et ideo ab eo proemium coeleste consequetur ». (Si veda anche il can. 46 omni vestrum, Ca. 23, qu. 5).
3 Nessun
dubbio —
scrive ad esempio
SINIBALDO
—
che sia lecito 'difendere' la
terra santa: « boc non est dubium quod licet papae fidelibus suadere et indulgentias dare ut terram sanctam et fideles babitantes in ea defendant ». Ci si deve chiedere piuttosto
62
Eppure
non
si pud
stiche del tema —
far a meno
di notare come
le teorizzazioni canoni-
quelle organicamente costruite —
si rivelino in realtà
tutt'altro che precoci. Dinanzi alla res gesta (mai posta seriamente in discussione nei suoi titoli di legittimità) la s
ione canonistica interviene, in
maniera approfondita, solo nei decenni di centro del Duecento:
quando la
guerra sancta si mostra già avviata su una china involutiva, E si direbbe (va soggiunto) che scopo di questa applicazione intellettiva non sia solo, e non sia tanto, di dare alla Crociata una fondazione giuridica corretta, e convincente;
sí piuttosto di cogliere
la favorevole
occasione, e ricavare —
da
questa singolare vicenda del popolo di Dio — quante piá ragioni a conforto delle pretese egemoniche del Vescovo di Roma. C'era da fondarsi sul ruolo protagonistico del Papa in questo segotium terrae sanctae a ulteriore sostegno di un pit vasto progetto di riproposizione della civitas christiana in chiave ierocratica. Mai come nel caso della guerra all'infedele, della contentio populi Romani contra Sarracenos, il Papa era riuscito ad atteggiarsi, con pit tangibile evidenza, a caput unum del popolo cristiano, erede e continuatore del popolo romano. Mai come allora era rifulsa in universo la sua pienezza di poteri. 9. Giustificazione del 'negotium terrae sanctae: la tesi di Innocenzo. — Questa preoccupazione ierocratizzante già traspare dalla prima delle costruzioni canonistiche in materia, forse la più insigne: quella elaborata (multum exquisite":
l’espressione è del Panormitano)
da Sinibaldo de’ Fieschi, Papa
Innocenzo IV: costantemente ripetuta e rimeditata dalla dottrina successiva, anche civilistica. La tesi — in effetti — dà proprio a vedere di far leva su una pregnantissima accezione della plenitudo potestatis di pregorativa del Pontefice,
visto non
solo
come
indiscusso
Capo
della
Chiesa
cattolica
ro-
mana, ma come Signore eminente di tutto il popolo cristiano, anzi di tutto il mondo: « universalis monarcba totius populi christiani, et de iure totius mundi ». Da cui l'esaltazione della missione santificatrice e disciplinare del Pontefice medesimo, capace — all’occorrenza — di spiegare il proprio effetto riguardo agli stessi Principi infedeli. Innocenzo [il quale (lo si noti) scrive prima del ricupero tomistico della filosofia aristotelica] non ricusa im thesi di riconoscere la legittimità del potere temporale dei Principi infedeli. « Dominia possessiones et iurisdictiones (come dire ogni varietà di signoria, pubblica e privata) licite sine peccato possunt esse apud infideles ». Anzi la cosa — egli sostiene — corrisponde agli stessi disegni del Signore: il quale (creator omnium) presiede a ogni rapporto di dominio. È Dio che — se all’inizio ha voluto espletare di persona ogni potere sulla terra — ha poi deciso di lasciare agli uomini, a tutti gli uomini, queste incombenze di governo: agli uomini (si noti) non in quanto se sia lecito, quindi consentito, ‘invadere’ una qualche terra posseduta da Principi infedeli: «... sed nunquid est licitum invadere terram, quam infideles possident vel quae est sua? », Apparatus, in cap. 8 quod super bis, X, de voto et voti redemptione, 3, 34, cit., n. 1, s. vers. pro defensione, ed. f. 176 v.a.
63
fedeli, ma in quanto esseri dotati di ragione. Egli l'ha fatto «non tantum pro fidelibus sed pro rationabili creatura » , Di qui una conclusione segnatamente moderata: « ... δὲ propter boc dicimus quod non licet papae, vel fidelibus, auferre sua sive dominia sive iurisdictiones infidelibus, quia sine peccato possident » ?.
Solo che — nell'atto medesimo in cui mostra di aprirsi a queste proposizioni di principio, ben 'laiche' per i tempi — lo stesso Sinibaldo viene a porre le premesse di un discorso di tutt'altro genere: tale proprio da tornare a esporre gli infedeli (quei Gentili appena accreditati del legittimo esercizio del potere politico im suis terris) ala immediata prospettiva di poter essere lo stesso spogliati con la forza d'ogni loro titolo giuridico. Il quale — lecito in se stesso: per se — torna a essere illecito per accidens. Torna a esserlo ratione peccati, ratione delicti:
ma non a causa (lo si noti)
di una colpa diciamo cosí 'episodica', legata a questo o quell'evento personale in sé concluso; sí piuttosto a causa d'una sorta di colpa permanente, intrinsecamente riferita al fatto stesso di non credere nel Verbo incarnato, anzi di rifiutarlo e contrastarlo. Da un lato Sinibaldo tiene a ribadire con fermezza il supremo valore etico e giuridico della legge divina trascendente: la quale — nelle sue componenti
nauralistiche
—
si indirizza
agli
stessi
infedeli
(“velint,
nolint")
come a tutte le creature razionali. Dall’altro — a complemento formale del sistema — si prevale d'una accezione singolarmente piena della Vicaría celeste del Vescovo di Roma: cosí totalizzante da giungere a investire il Papa ("de iure licet non de facto") d'una generale potestà giuridica su tutti gli uomini, compresi i Principi infedeli. Tanto da poterli giudicare, e da poterli anche punire, qualora appunto contravvengano alla legge divina trascendente: «... εὐ bene tamen credimus quod papa, qui est vicarius Jesu Christi, potestatem babet non tam super christianos, sed etiam super omnes infideles … unde per potestatem quam babet papa, credo quod gentilis, qui non babet legem nisi naturae, si contra legem naturae facit, potest licite puniri per
papam » *. 31 A] dubbio che si pone (vedi la nota precedente) in relazione alla liceità della guerra offensiva contro i Saraceni di Terra Santa, SINIBALDO dà una risposta articolata. La quale
— in primo limine — si attesta su posizioni di lodevole moderatezza. Questi i passaggi principali del ragionamento di INNOCENZO: « ... εἰ mos respondemus quod in veritate domini est terra et plenitudo eius, orbis terrarum et universi qui babitant in ea: ipse nam est creator omnium; idem ipse Deus baec omnia fecerat ... et fuerunt a principio cuiuscumque
qui occupavit, quia in nullis bonis erant nisi Deo:
et ideo
licebat cuilibet occupare quod occupatum non erat, sed ab aliis occupatum occupare non licebat ... sed quando ceperit nescio, nisi forte, quod Deus dedit aliquem vel aliquos qui facerent iustitiam super delinquentes ... sic dominia possessiones et iurisdictiones licite sine peccato
possunt esse apud
infideles:
baec enim
non
tantum
pro
fidelibus,
sed
pro
omni rationabili creatura facta sunt ...», Apparatus, loc. cit., nn. 1-3. 32 Innocenzo,
Apparatus, loc. cit., n. 3.
3 INNOCENZO, Apparatus, loc. cit., nn. 3 e 4. Presupposto del discorso di Innocenzo & che la potestà regale del Cristo sia stata opportunamente trasferita al Suo Vicario in terra:
64
«... non videretur [Cbristus] diligens paterfamilias nisi vicario suo, quem
in terra
E Sinibaldo (nel presupposto, discutibile, che la fede in un ‘Dio uno’ sia un
che di pertinente alla economia della naturalità: « ... naturale nam est unum et solum
Deum
creatorem
colere
et non
creaturas ») non
mostra
di aver
dubbi che una trasgressione di diritto naturale, ad essi addebitabile, sia pro-
prio costituita dalla ‘idolatria’ degli infedeli. È quanto dire che costoro (Sinibaldo, come un po’ tutta la cultura ecclesiastica del tempo, rivela della fede islamica una nozione non proprio cristallina) diventano indegni di qualunque autorità giusto per colpa delle loro connotazioni fideistiche specifiche. Starà quindi alla Chiesa di esercitare sui Gentili la correlativa potestà disciplinare,
e quando necessario repressiva: alla Chiesa cattolica romana, prima interprete e prima custode ed attuatrice della legge di Dio *. Essa (la Chiesa) non può certo ripromettersi di costringere gli infedeli a convertirsi: per ragioni d'ordine pratico (memo invitus credere potest") prima ancora che d'ordine ideale: ‘coacta servitia Deo non placent". Ma l'autorità correttiva della Chiesa ben può costringere i Gentili a tener un buon comportamento. E quindi può vietargli di recar molestia o scandalo ai cristiani; e può ordinargli di non ostacolare la missione salvifica della Chiesa,
semmai di secondarla. E gli infedeli, come possono ubbidire al precetto del Pontefice, cosí possono resistergli. Nel qual caso il comando della Chiesa potrà esser fatto valere con i mezzi pit adeguati: compresi gli strumenti della
realizzazione coercitiva 5. In ultimo la Chiesa potrà arrivare a muover guerra di propria autorità, valendosi — cosí come le spetta a norma dei princípi — dell'apporto del
braccio
secolare:
[infideles]
«...in
compellendi
omnibus sunt
praedictis
bracbio
dimittebat, plenam potestatem super omnes infideles oves sunt Christi per creationem,
saeculari,
casibus ... si non et indicendum
oboediant est
bellum
dimisisset ... omnes autem tam fideles quam licet non sint de ovili ecclesiae, et sic per
praedicta apparet quod papa super omnes babet iurisdictionem et potestatem, de iure licet non de facto ...», Apparatus, loc. cit., n. 4.
# Non mancano i soliti richiami alle vendette sui popoli idolatri del Dio del Vecchio Patto: «...cum autem Dei iudicia sint nobis exemplaria, non video quare papa, qui est vicarius Christi, boc non possit, et etiam debeat, dummodo facultas adsit », Apparatus, loc. cit., n. 4. 35 Contro tutti gli infedeli, dovunque essi si trovino, « potest papa iuste facere praeceptum et constitutionem, quod non molestent christianos iniuste, qui subsunt eorum iurisdictioni; imo quod plus est potest eos eximere a iurisdictione eorum et dominio in totum ». E ancora:
«...imo, si male tractarent cbristianos, posset [papa]
eos privare per
sententiam iurisdictione et dominio quod super eos habent», Apparatus, loc. cit., n. 7, £. 177 ra. (Il suggerimento di INNoCENZO è comunque alla prudenza: «amen magna causa debet esse, quod ad boc veniat … etc. », ibid.). Questa la conclusione, che riecheggia il compito apostolico della evangelizzazione universale: « ... item, licet non debeant infideles
cogi ad fidem, quia omnes libero arbitrio relinquendi sunt, et sola Dei gratia in bac vocatione valeat ... tamen mandare potest papa infidelibus quod admittant praedicatores evangelii im terris suae. iurisdictionis, nam
cum
omnis creatura rationabilis facta sit ad Deum
laudandum ... si ipsi probibent praedicatores praedicare peccant, et ideo puniendi sunt. In omnibus autem praedictis casibus, et in aliis ubi licet papae eis aliquid mandare, si non oboediant compellendi sunt brachio saeculari, et indicendum est bellum contra eos per papam et non per alios, ubi quis de iure suo contendit », Apparatus, loc. cit., nn. 8 e 9.
65
contra eos per papam ». Sarà compito proprio del Pontefice « facere indulgentias illis qui vadunt ad occupandam terram sanctam, licet eam possideant Sarraceni; et etiam indicere bellum et dare indulgentias illis qui occupant terram
sanctam, quam tales illicite possident » *. Ecco pertanto profilarsi la figura della 'guerra santa': il cui carattere aggressivo risulta in effetti compensato (secondo questo modo d'intendere le cose) dalla motivazione religiosa che guida il megotium crucis. Viene in gioco una istanza repressiva delle abnormi deviazioni fideistiche di questi nemici del Cristo e della Chiesa. Ma vien anche in campo una istanza (positiva) di reincorporazione della terra santa in quella parte del mondo in qua Deum coli conspicimus. E tutto questo — si diceva — è ben fondato (boc totum est ex causa): « ..nam iuste movetur papa, si intendit terram sanctam, quae consecrata est nativitate et habitatione et morte Jesu Cbristi, et in qua non colitur Cbristus sed Macbometus, revocare ut incolatur
a Christianis » 7, 10. Giustificazione del 'negotium terrae sanctae': la tesi dell'Ostiense. — Piá reciso il pensiero dell'Ostiense. Questi già integra e corregge in qualche tratto — intanto che lo allega — il dettato di Innocenzo: a cui attribuisce un più denso spessore ierocratico. Ma poi, dopo aver ampiamente riferito gli insegnamenti del Maestro, sempre elogiato con affetto, enuncia una sentenza che tronca alle radici la tesi di Innocenzo. Egli — con toni di radicalismo agostiniano — non esita a denunciare a piene lettere la totale incapacità giuridica e morale dei Principi infedeli a farsi portatori d'una qualunque ragione di dominio, pubblico o privato, « Mibi tamen videtur quod in adventu Christi omnis bonor, et omnis principatus, et omne dominium, et omnis iurisdictio ... omni infideli subtracta fuerit et ad fideles translata ».
E ciò è accaduto « de iure et ex iusta causa »; e per decreto di Colui « qui supremam manum babet, nec errare potest ». E infatti è il Cristo (Dio stesso,
fattosi carne nella storia) che nella Sua persona ha concentrato Regno e Sacerdozio: e poi questo duplice potere lo ha affidato — per sempre — alla Cattedra di Pietro: « ... buius autem regni et sacerdotii principatum perpetuum commisit filius Dei Petro et successoribus eius »*. Codesto teocratismo di impianto cristo-centrico (capace di penetranti ap-
plicazioni già all’interno del regimen christianum) non può — verso l'esterno — non imporre una soluzione radicalmente integralistica. Certo possono esser sopportati quei Gentili qui dominium ecclesiae recognoscunt: quelli cioè che accettano la egemonia del Cristo nei suoi primi corollari. Costoro posson esser ‘tollerati’ dalla Chiesa; e in forza di questa permissività ecclesiastica, di questo privilegium, possono valersi di titoli di dominio, privati e pubblici, anche su sudditi cristiani: « ... tales enim possunt babere
possessiones
et colonos
christianos
et etiam
iurisdictionem
% Innocenzo, Apparatus, loc. cit., n. 9, f. 177 ca; e n. 7, f. 176 v-b. 7! Innocenzo, Apparatus, loc. cit., n. 7. 3 OsTIENSE, Lectura, in cap. quod super bis, de voto, cit., n. 26, f. 128 v-b.
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ex
tolerantia ecclesiae » 9. Ma nei confronti di quegli altri « qui nec potestatem ecclesiae romanae, nec dominium
recognoscunt, nec ei oboediunt », nei con-
fronti di costoro non pud esser spesa alcuna tolleranza. Non resta che prender atto di quella loro pertinace protervia: giudicandoli pertanto « imdigmos regno, principatu, iurisdictione et omni dominio », E quelli che non si peritano di tener occupata la stessa Terra Santa (ma la questione veniva a riproporsi per qualunque altro territorio della Cristianità) vanno assaliti senza
remore e spossessati con la forza, “authoritate ecclesiae": potere che è proprio della Chiesa in quanto Chiesa *.
in grazia di un
Sta a dire che questa ratio ecclesiae, vista in una dimensione cosí ampia da coprire gli stessi potentati non cristiani, vien qui a prendere un deciso sopravvento su ogni residua ratio imperii. Acquista una completa autonomia: non piá ricollegabile a un previo ius Imperii (per giunta non figurabile in Oriente alla stessa maniera che nei territori occidentali) ma direttamente e propriamente riferita alla "Regalità del Cristo": che è titolo tutto e soltanto spirituale; tutto e soltanto incardinato nella economia della ecclesialità. Logico allora che la guerra all'infedele (questa guerra di tutto il populus
christianus, il quale raccoglie il retaggio storico del populus romanus e lo sublima nel nome del Redentore) resti riportata con ogni immediatezza a un
autonomo potere del Vescovo di Roma. Talché la predicazione della Croce non può avvenire se praedicari non potest esser indetto che dal ilius qui supremam
non per nisi de Papa: « manum
esplicito permesso pontificio: « ...crux tamen papae licentia speciali ». E il bellum non pud ... planum est quod auctoritate hoc fieri possit habet in ecclesia... et qui est vicarius Cru-
cifixi » *. 3 OSTIENSE, Lectura, loc. cit., n. 27. In questi casi può essere invocato il ‘canone petrino’ sul dovere di ubbidienza
anche ai Signori molesti:
«... et in talibus, scilicet ab
ecclesia toleratis, dicimus habere locum illud apostoli Petri ... etc. ... et omnes consimiles autboritates », ibid., n. 28.
© «.. alios autem infideles, qui nec potestatem ecclesiae romanae nec dominium recognoscunt nec ei oboediunt, indignos regno, principatu, iurisdictione, et omni dominio iudicamus; et eos qui terram sanctam, vel alias partes quas cbristiani acquisiverunt, occupant vel occupata detinent, autboritate ecclesiae debere impugnari », Lectura, loc. cit., n. 28. E ancora: «... alios autem infideles in pace degentes et etiam illos quos servos tenemus, non per bellum, non per violentiam aliquam, sed tantum per praedicationem dicimus converti debere; et si praedicatores non admittant ipsos posse compelli per papam », ibid., con riferimento al pensiero di Innocenzo. E anche l'OSTIENSE — sempre sulla traccia del Maestro — raccomanda la prudenza: «... sed et ubi christiani sub dominio infidelium babitant, quibus nec resistere possunt, necesse est quod patientiam babeant et de facto ipsorum dominium
*1 n. 15, potest proprie
recognoscant », ibid.
Citt. dall'OsrreNsE, Lectura, in cap. 13 excommunicamus, X, de baereticis, 5, 7, s.v. accinxerint, f. 39 r-b (Enrico allega tre ragioni: «... prima est quia nemo crucis receptae vinculum solvi nisi papa ... secunda quia ad solum papam pertinet et principaliter de fide respondere … tertia est quantitas indulgentiae de qua
sequitur, quam
nullus potest facere nisi papa»);
e Summa
Aurea, in tit. de voto et voti
redemptione, $ in quo casu et a quo crux debeat praedicari, n. 19, f. 176 v-a. Preoccupazione dell'OSTIENSE è anche di instaurare un parallelo fra la crux fransmarina, proclamata contro gli infedeli in Terra Santa, e la crux cismarina indetta contro eretici e scisma-
tici nel seno stesso della Cristianità.
67
Logico ancora che questa Crociata in Terra Santa — residuo carattere
aggressivo
o meramente
punitivo —
nel perdere ogni
veda
invece esaltato
a tutta voce ('enfatizzato') il suo carattere ricuperatorio e riparatorio: non solo dal lato territoriale e politico, ma anche e soprattutto dal lato religioso. Tant'è che — in questa prospettiva —
la crux transmarina diventa l'esercizio
di un officium: il compimento (non ricusabile dai beneficiari del Sacrificio della Croce) di un sommo dovere etico e giuridico — spirituale — che impegna tutto il popolo cristiano ad onorare la Regalità del suo Signore celeste, e a renderla operante nella storia. 11. I! 'bellum romanum'. — Messo il problema in questi termini, resta spiegato il senso d'una ulteriore conclusione (che poi ἃ il dato dottorale donde hanno preso spunto le presenti osservazioni) a cui perviene il Cardinale Ostiense. Questi — proprio perché intento a celebrare la guerra all'infedele qual espressione universale di quel populus christianus che nella sua unità spirituale riproduce l’unità politica del populus romanus — è tratto a scorgere in questo genere di impresa come una reviviscenza del passato: quando era il popolo romano — nella sua entità politica globale — che si cimentava con le armi contro genti estranee. In detta guerra all'infedele — che egli tout-court chiama ‘romana’ — Enrico ravvisa riproposto (in forme ragguagliate ai tempi: accomodate alle nuove esigenze del regimen christianum, quale sistema fideistico e ierocratizzante: teo-centrico e ecclesio-centrico) l’antico bellum populi romani: bellum in bostes populi romani. Cosí
nella Summa
Aurea
della metà
del Duecento,
e nella
Lectura
in
Decretales stesa nei due decenni successivi, Enrico pone al primo posto — nella classificazione delle guerre — proprio il bellum romanum: quello
che muove appunto agli infedeli la Christianitas-Romanitas nella sua interezza, o in questa o quella gente che ne assume (diciamo) il patrocinio: « Ad doctrinam autem buius materiae nota quod septem sunt bella: primum potest dici 'romanum', quod faciunt fideles impugnando infideles » ©. L'Ostiense non ignora la tradizione romanistica. Anzi egli mostra proprio di guardare alle fonti civilistiche sul bellum, volgendole ai suoi scopi. Si richiama in forma esplicita alle due leges bostes, de captivis e de verborum significatione (« Hostes sunt quibus bellum publice populus romanus decrevit, 4 Lectura, in cap. pro bumani, de bomicidio, cit., n. 34. Aggiunge Enrico: « … et boc est iustum, ut infra de haereticis, excommunicamus, 2; et dicitur romanum quia Roma
est caput fidei: 24, qu. 1, haec fides, et cap. quoniam; infra de summa Trinitate, ca. fi. $ pen.; C. de summa Trinitate, lex ult.; et sic potest intelligi ff. de captivis et postliminio, hostes; ff. de verborum significatione, hostes ». Nella Summa, di molti anni precedente, il pensiero dell'OsriENsE è già puntuale: «.. sed ut aliquam doctrinam babeas de bac materia notabis quod multiplex est bellum: unum quod est inter fideles et infideles, et boc iustum est respectu fidelium, infra de haereticis, excommunicamus », in tit. de treuga et pace, $ quid sit iustum bellum, cit., n. 4, f. 59 r-a. É poco appresso (f. 59 rb): «... μὲ autem in summa praedicta recollegamus aliud potest dici bellum romanum puta quod
est inter fideles et infideles, et boc iustum ... boc autem voco romanum quia Roma est caput fidei et mater: 25, qu. 1, is ita; C. de summa Trinitate, lex fin.; 24, qu. 1, haec est fides, ef c. quoniam; infra de beereticis, ad abolendam ».
68
vel ipsi populo romano »; « Hostes bi sunt qui nobis aut quibus nos publice bellum decrevimus »), che sono i testi su cui si fonda la figura del bellum
publicum, inteso appunto come bellum populi romani: «...et sic potest intelligi f. de captivis et postliminio, hostes, f. de verborum significatione, hostes » 9. Per cui il nuovo bellum romanum, di cui Enrico si fa teorizzatore, dovrebbe corrispondere in sostanza al bellum inter populum romanum et sarracenos di cui parla la scienza civilistica. Eppure questo bisogno di stringere un legame con le esperienze cultu rali del passato (che si direbbe tener dietro a una intuizione più ideologica che tecnica) non toglie la sostanziale novità dell’insegnamento dell’Ostiense: la quale — torno a dirlo — appare proprio di fondamentale ispirazione iero-
cratica, lontana dallo spirito politico dei vecchi principi pubblicistici. Enrico spiega cosí la sua opinione: «... boc autem [bellum] voco romanum, quia Roma est caput fidei et mater » “. Con questo dà a vedere — in modo manifesto — di voler giusto riferirsi alla nuova dimensione spirituale del populus romanus. Tanto che cerca conforto alla sua tesi richiamandosi a quei testi normativi che magnificano appunto la perpetuità e la fermezza e la autenticità della Chiesa che fa capo alla alma urbs Roma; che esaltano il primato della santa romana Chiesa: «..4quae, disponente Domino, cunctorum fidelium
mater est et magistra » 55. Insomma quella che viene in primo piano è la ‘Roma nuova’: la ‘Roma cristiana’, Sedes Petri, erede della ‘Roma romana’, ma forte allo stesso tempo di titoli suoi propri, e più elevati, di legittimazione spirituale. È questa nuova Roma che si pone al vertice del nuovo populus romanus, qual appunto si ripropone nobilitato nel populus christianus. ‘Roma’ — in questo contesto culturale — non è tanto vista come urbs per excellentiam, come communis patria, nostra civitas: « … quia quilibet de Imperio est ibi civis, e quilibet potest ibi conveniri ». SÍ piuttosto è vista come sedes divinitus decreta di quella
Chiesa egemone « quae omnium caput est domina et magistra, et ideo merito matrix per excellentiam dici potest » *. E proprio questa diversa prospettiva (il fatto di far centro, non più su di una
grande
idea politica, sî invece
su un valore
religioso esclusivistico)
spiega la superiore rigidezza rispetto alla tradizione civilistica (direi il superiore integralismo) della soluzione dell’Ostiense: partecipe — peraltro — dello spirito di spinta intolleranza, ideologica e giuridica, che intride un po’ 4 OSTIENSE, Lectura, in cap. pro bumani, cit., n. 34. # OSTIENSE,
Summa
Aurea, loc. cit., n. 4.
4 Cap. 2 damnamus, X, de summa Trinitate, 1, 1, $ 3. 46 OsTIENSE,
Lecíura,
in cap.
22
venerabili,
X, de
verborum
significatione,
5, 40,
n. 2, f. 127 va. Una enunciazione ufficiale, specialmente solenne, di questi principi, sí avrà nella decretale fundamenta di Papa Nicola III, del 1278, emanata nel pieno della lotta contro gli eredi di Federico II. Vi si parla di Pietro e Paolo « qui illam [urbem] in banc gloriam provexerunt, ut sit gens sancta, populus electus, civitas sacerdotalis et regia, per sacram beati Petri sedem caput totius orbis effecta», cap. 17, in VI, de electione et electi potestate, 1, 6.
69
tutte le costruzioni canonistiche in proposito. In queste (proprio perché impiantate sulla contrapposizione radicale d'una verità salvifica a un errore mortifero) si sperde ogni residuo senso di superstite colleganza inter-umana — di condicio aequitatis — che il pensiero antico seguitava a riconoscere nello stesso rapporto bellico: tutte le volte che la guerra concernesse un iustus et legitimus bostis, « contra quem
et totum ius fetiale et multa sunt
iura communia » *
Ne resta ricusata la 'paritarietà di trattamento' fra i due belligeranti, che distingue il bellum publicum delle due leges bostes: per le quali, se publicum è il bellum che il popolo romano muove a un hostis, è anche publicum il bellum che questo hostis muove al popolo romano. Nel nuovo ordine ideale lesclusivismo del sistema risulta accentuato, e come esasperato, dal nuovo coefficiente fideistico che intride la politia europea. Giusta ἃ solo la guerra che il popolo cristiano muove all'infedele: il bellum indictum a populo romano. Ingiusta — sempre ingiusta: con tutte le conseguenze che ne seguono — la guerra che l'infedele muove al popolo cristiano: il bellum indictum populo romano. E una simile iniustitia (per le stesse ragioni che la segnano) non può non
marchiare lo stesso bellum defensivum col quale gli infedeli presumano di poter resistere al bellum romanum offensivum. Mai come in ipotesi del genere si puó dire a miglior titolo che colui che si difende viene in effetti a contrastare alla giustizia, opponendole la sua pertinace contumacia: « ... ἐξ qui gladio utitur iuste facit, et per consequens is qui defendit se temerarie se defendit ». Mai come in detti casi si può aggiungere che il bellum patiens — in luogo di incaponirsi nella colpa — meglio farebbe a ravvedersi: « ... sapienter enim faceret si se emendaret, et corrigeret vitam suam » *
12. Conclusioni, — E un fatto che la glossa dell'Ostiense non ebbe gran fortuna nella dottrina successiva. Anzi (se si eccettua qualche caso: quello, ad esempio, dell'Arcidiacono Bolognese, autore del Rosarium ai tempi di Papa Bonifacio) Ü essa appare pressoché dimenticata: da una scienza che pur usava riprodurre con larghezza gli insegnamenti del passato. Laddove grandi lodi son sempre tributate alla opinione di Innocenzo. Cosf che un 4 Celebre il passo ciceroniano del De officiis: « Regulus vero non debuit condiciones pactionesque bellicas et hostiles perturbare periurio. Cum iusto enim et legitimo boste res gerebatur, adversus quem et totum ius fetiale et multa sunt iura communia », 3, 29, 108.
45 Ostiense,
Summa
Aurea, in tit. de treuga et pace, $ quid sit iustum
bellum,
cit., n. 4.
# Guino pa Barsto, Rosarium, in cap. 2 si de rebus, Ca. 23, qu. 7, f£. 315 v-b. Quivi ricordata [s.v. regnabant, f. 315 v-a] una opinione di Lorenzo IsPANo, della generazione di Innocenzo III, che fa come da passaggio fra le prime delibazioni canonistiche del problema e le ampie costruzioni di Sinibaldo e Enrico: «...sed tu dic secundum Lau. contrarium, scilicet quod non debet ecclesia iudaeos rebus propriis privare; sed saracenos possumus in boc ideo quod tenent loca nostra: nam totus mundus fuit sub Christo ... sed tamen, ubi saraceni vellent restituere nobis loca nostra, non deberemus eos interficere sicut
nec iudaeos, secundum Lau.; item pone quod ipsi possident ea loca quae nunquam fuerunt nostra, et velint esse in pace: dicit. Lau. quod non debemus eos impugnare ...».
70
Bartolo — quanto alla guerra agli infedeli — crede di potersi restringere a un semplice rinvio alla glossa del Papa-canonista: « ... qualiter autem et quo iure indicatur bellum contra sarracenos, dic per Innocentium,
extra, de voto
cap. quod super his » 9. Ma aver ricordato in questa sede le scarne proposizioni dell'Ostiense conserva — ci sembra — un suo valore, per la carica ideologica che appare accompagnarle. La quale à cosí fatta da fissare — proprio nella identificazione del populus cbristianus col populus romanus, e proprio nella esaltazione del ruolo diciamo 'esponenziale' del Vescovo di Roma — i cardini ideali della intera costruzione curialistica dello Imperium Christi. Componente impreteribile — codesta — della realtà non solo religiosa ma politica e giuridica
(costituzionale) del mondo cristiano medievale d'occidente:
il quale —
ad
onta di innumerevoli contrasti — tuttavia ravvisa nel primato di Roma (della
Roma cristiana: Sedes Petri) il suo piá alto fattore aggregativo.
* BartoLo DA SASSOFERRATO, Im secundam captivis, cit., n. 16 in fine, f. 20 v.b.
ff. novi partem,
in legem
bostes, de
71
KARL OTMAR
FREIHERR VON ARETIN
IL PROBLEMA DELLA RENOVATIO IMPERII ROMANORUM. PRETESE UNIVERSALI E REALTÀ COSTITUZIONALE DEL SACRO ROMANO IMPERO DAL XVI AL XVIII SECOLO
1.
Introduzione
La renovatio imperii Romanorum si rifaceva alle profezie di Daniele sui quattro imperi terreni, dei quali l'ultimo sarebbe durato fino alla fine dei tempi. Secondo questa tradizione, nell'incoronare Carlo Magno il papa Leone III avrebbe trasmesso l'Impero romano ai carolingi. Áttraverso una legge emanata da Ottone il Grande, il diritto romano era poi stato introdotto nei territori governati dagli imperatori tedeschi. In questa sede non è necessario esaminare anche il problema dell'Impero romano-orientale con le sue diverse varianti. Per il nostro tema ? importante tenere presente che fino all'inizio del XVI secolo erano considerati come indiscussi tre dati di fatto: 4) gli imperatori romani del Sacro Romano Impero della nazione germanica sono i diretti e legittimi prosecutori della tradizione imperiale della Roma antica; in particolare essi sono portatori della tradizione giuridica romana;
b) i papi romani hanno trasmesso l'Impero agli imperatori romani. La translatio imperii ed il papato erano quindi considerati indissolubilmente legati; c) l'Impero romano era strettamente connesso con il dominio imperiale in Italia, che venne mantenuto nell'Italia centrale e settentrionale sotto forma di sovranità feudale fino al 1806.
A cavallo tra il XV e il XVI imperii entrò in crisi per svariate all’interno del territorio imperiale stituzionali, che non includevano Aurea del 1356 l'elezione del re
secolo la teoria che enunciava la renovatio ragioni. In primo luogo, in questo periodo tedesco vennero avviate delle riforme col’Italia imperiale. Dopo che nella Bulla tedesco era stata resa del tutto indipen-
dente rispetto all’influsso del papa, l'incoronazione dell'imperatore divenne un fatto vieppiá formale, finché nel 1508 l’imperatore Massimiliano assunse 73
il titolo di "imperatore romano eletto" senza incoronazione, un'innovazione che venne realizzata con l'assenso del papa. L'evoluzione costituzionale dell'Impero provocó insomma un allentamento dei rapporti tra carattere romano del potere imperiale e Impero. Il secondo elemento di crisi & rappresentato dal fatto che nel corso della prima metà del XVI secolo l'idea dell'Impero universale romano godette di un nuovo vigore, rispecchiato dalla concezione imperiale di Carlo V. Infine, in netto contrasto con questa ripresa dell'idea imperiale sta la posizione di Martin Lutero, che si distaccó da Roma. Nello scontro tra Riforma e potere imperiale dovette modificarsi radicalmente anche il carattere dell'Impero romano.
L'evoluzione costituzionale interna di quest'ultimo pud essere tralasciata in questa sede, ma entrambe le altre componenti ora ricordate hanno svolto fino al 1806 un ruolo importante nello scontro imperniato sul carattere romano dell'Impero e del potete imperiale. Strettamente legata alla Riforma era l'ascesa dei signori territoriali tedeschi, i quali erano usciti vincitori da quella temperie, a partire dalla quale il concetto stesso di Impero dovette subire una trasformazione radicale. Ormai era divenuto ineluttabile il conflitto tra l'Impero, inteso come istituto universale e sovranazionale, come corpus mysticum, e l'Impero, invece, in quanto regno tedesco. L'imperatore Massimiliano I con la sua politica estera di cosí ampio respiro aveva messo in luce il contrasto tra il suo ruolo imperiale come signore del mondo ed il ruolo di re tedesco. La sua politica imperiale era infatti completamente fallita sia all'interno che all'esterno. Nel movimento per la riforma dell'Impero, i principi territoriali tedeschi avevano manifestato le proprie perplessità nei confronti della politica estera dell’imperatore, improntata com'era in senso dinastico. I principi riuscirono comunque a realizzare delle nuove strutture costituzionali per l'Impero, sottoponendo l'imperatore alla volontà della dieta. l.
L'idea imperiale di Carlo V
Lo scontro tra imperatore e ceti dovette riaccendersi allorché alla dignità imperiale venne eletto Carlo V, il quale disponeva non solo dei mezzi di potere, ma
anche della volontà
limperatore, In questo volontà prima di essere prio potere, per riuscire potrebbero innescare del
per rilanciare la missione universale del.
senso egli espresse con molta chiarezza la propria eletto !: « L'imperatore ha bisogno di tutto il proad imporsi sia contro i principi cristiani, i quali disordine all'interno della cristianità, che contro i
nemici della fede cattolica e contro gli infedeli ». In questo consisteva il suo programma di dimensioni universali, di fronte al quale non esisteva peró un Impero che pensasse più in termini universali — ma questa contraddizione non venne espressa chiaramente. 1 Cfr. la lettera di Carlo V alla zia Margherita del 5 marzo 1519 c la sua istruzione a Beaurain.
Cfr. K. BranpI,
Kaiser
Karl
V, Werden
und Schicksal
einer Persónlicbkeit
und eines Weltreichs, 2* ed., München 1938, pp. 92 s. Cfr. inoltre P. Rassow, Die poli. tische Welt Karls V, München 1942, pp. 223.
74
L'opposizione dei ceti αἱ programma imperiale ebbe un primo successo, allorché nel 1519 per la prima volta venne imposta al sovrano la capitolazione elettorale. Infatti, negli accordi negoziati a Francoforte fra i principi elettori ed i consiglieri asburgici ai primi riuscí di acquisire un diritto di partecipare al governo dell'Impero ed alla definizione della sua politica
estera. Carlo V giurò a sua volta di non introdurre in Germania alcun esercito straniero. In tal modo i principi elettori si erano assicurati contro l'inge renza esterna degli spagnoli. Ma con questa capitolezione imperiale era stato fatto anche un altro importante passo avanti sulla strada di una monarchia tedesca controllata dai ceti. À loro volta, l'imperatore
ed i suoi consiglieri riconoscevano,
infatti,
che la capitolazione era una tappa ineliminabile sulla strada della corona imperiale, Non & pensabile peró che il sovrano si proponesse seriamente di voler rispettare fedelmente i dettati dell'accordo elettorale?. Carlo V si
considerava infatti come il vertice di quel "Sacro Impero”, la cui essenza non è determinata da una nazione, ma dalla religione *. L’Impero era stato modellato a partire da Costantino e dotato di tutti quei poteri e diritti di governo che erano tramandati fin dall'epoca dell'imperatore romano. Queste concezioni di Carlo V risentivano chiaramente dell'influenza del suo consigliere, Gattinara. Subito dopo aver ricevuto la notizia dell'avvenuta elezione il 12 luglio 1519, questi aveva scritto al suo signore: « Sire, poiché Dio vi ha dato la straordinaria grazia di elevarvi al di sopra di tutti i re e principi della cristianità, dotandovi di un potere quale finora lo ha posseduto solo il vostro predecessore Carlo Magno, per questo voi siete avviato sulla strada della monarchia mondiale e state per raccogliere tutto il popolo cristiano sotto un’unica autorità » ‘. Gattinara influenzò Carlo V fino alla morte, avvenuta nel 1530, sugge rendogli l'idea della costituzione di una monarchia universale. L'idea imperiale del sovrano andó assumendo cosí una connotazione universalistica. Dal punto di vista di questi piani, la costituzione imperiale che era stata delineata sia dal movimento per la riforma dell'Impero sia dalla capitolazione elettorale di Carlo V, rappresentava un ostacolo oggettivo — un dato di fatto, questo, che ἃ dimostrato da tutta l'opera di governo dell'imperatore. AI culmine del suo potere Carlo V offrf perciò ai principi un'alleanza, che Fritz Hartung ha correttamente commentato cosí: « L'alleanza avrebbe fatto sí che l’Impero rimanesse tale senza essere danneggiato da quegli elementi nocivi che erano insiti nella sua stessa costituzione » 5.
L'idea imperiale di Carlo V si staccò quindi dalla forma concreta che 2 Cfr. J. ENGEL, "Von der spätmittelalterlichen respublica christiana zum Mächteeuropa der Neuzeit", Handbuch der europ. Geschichte, III, Stuttgart 1971, pp. 11438. 3 S. Skazwet, Reich und Reformation, Berlin 1967, p. 9. 4 Citato
secondo
K.
Banni,
Kaiser
lichkeit und eines Weltreichs, München SF.
Hartune,
Karl
V.
und
die
Karl
V,
Werden
und
Schicksal
einer
Persün-
1937, p. 96. deutschen
Reichsstände
von
1546-55,
ristampa
Tübingen 1971, p. 176. Cfr. anche art. "Bund" in Geschichtliche Grundbegriffe, a cura di W. Conze-R. KoseLtEck, I, Stuttgart 1972, p. 610.
75
il Sacro Romano
Impero aveva assunto nella sua fase germanica, divenendo
un'istituzione modellata sulle idee del sovrano: « L'Impero di Carlo V era il conglomerato di stati e di signorie trasmessigli per via ereditaria in Borgogna, Spagna ed Austria, ma estesi anche all'Italia, all'Africa ed al nuovo Impero situato al di là dell'oceano. L'idea di Impero era invece ancora quella medievale, che riguardava il compito di guida della cristianità a fianco del papato » ‘. Da questo punto di vista aveva ragione Lutero, quando nella lettera di dedica del 1530 alla sua traduzione del profeta Daniele definiva l’Impero
romano come « una torcia, o una luce, che si stia per spegnere e che dia quindi un'ultima fiammata tanto poderosa da far pensare che stia appena accendendosi, nel mentre invece si spegne definitivamente »". Si spiega quindi anche per quali ragioni l’idea imperiale di Carlo V non abbia influenzato direttamente il concetto di Impero che predominò nel corso del XVI secolo. Ma allo stesso modo si spiega il fatto che Carlo V mantenne in vigore l'incoronazione imperiale da parte del papa. Addirittura, per un certo periodo egli concepf l'idea di governare il suo Impero da Roma. Ancora, questo spiega le ragioni che lo spinsero a farsi incoronare dal papa con la corona di ferro come re d'Italia tre giorni prima dell'incoronazione imperiale — una procedura che finora era stata seguita solo dall'imperatore
Sigismondo. 2.
L'idea dell'Impero in Lutero La concezione
che
Lutero
aveva
dell'Impero
è passata
attraverso
varie
fasi evolutive, Da un lato egli ha negato che l'imperatore fosse il vertice mondano della cristianità; dall'altro, anche per lui l'Impero non era altro che
lImpero romano. Il problema principale che qui veniva alla luce era la translatio imperii per mezzo del papa a favore di Carlo Magno. Parallelamente, l'Impero era per Lutero, soprattutto nelle sue riflessioni successive al 1530, il Regnum Germanicum, quale si era sviluppato nei suoi organi costituzionali. Lutero inserf la teoria della franslatio imperii, da lui stesso accettata, all'interno della sua propaganda antipapale. L'Impero romano antico sarebbe stato distrutto dai Goti e dai Turchi* poiché gli imperatori bizantini non intendevano sottomettersi al papa, questi avrebbe tolto loro l’Impero romano concedendolo ai tedeschi, « affinché costoro assumessero il potere dell'Impero
romano e lo detenessero ereditariamente nelle loro mani »?. Secondo Lutero, con 6 P.
questa Rassow,
manovra “Reich
München 1942, p. 39. 7 Weimarer
Ausgabe
und
il papa
intendeva
Reichsidee
(= WA),
Deutsche
Karls
«sottomettere
V.",
Die
politische
Bibel, vol. XI, 2, p. 380.
a sé tutto Welt
Karls
il V.,
.
8 Cfr. W. GüwrER, Martin Lutbers Vorstellung von der Reichsverfassung, Münster 1976, pp. 40 ss.
9 An den christlichen Adel, WA, vol. VI, pp. 4625.
76
nostro potere, la libertà, il corpo e l'anima, e sottomettere, se Dio non lo avesse impedito, attraverso di noi tutto il mondo ». Attraverso questa fraudolenta concessione del titolo sarebbe sorto presso i tedeschi un nuovo Impero
romano.
Lutero evitó di affrontare la questione se tale trasmissione
dovesse essere annullata in quanto si fondava su di un errore, sostenendo che tale nuova fondazione doveva essere considerata come una parte di un più ampio piano divino. « Perciò è chiaro che Dio si è servito della cattiveria del papa per concedere alla nazione tedesca un tale Impero e per creare un nuovo Impero al posto di quello decaduto. » Da questa argomentazione
Lutero dedusse per i tedeschi l'obbligo di liberarsi della schiavitü papale e di completare l'Impero appena fondato. Nel suo scritto Wider das Papsttum zu Rom 1545, Lutero negò invece la validità della #ranslatio considerandola un evento meramente esteriore. In l'incoronazione a Roma, si sarebbe accordato
vom Teufel gestiftet del imperii da parte del papa, realtà, Carlo Magno, dopo con l’imperatore romano
d'Oriente. « L'Impero romano dei tedeschi si fondava di fatto sul predominio politico di Carlo ad Occidente e, di diritto, su di un accordo di divisione con la Roma d’Oriente. L’acclamazione papale svolgeva perciò il ruolo
di una meta spinta esteriore. »!! Per il futuro era importante che Lutero mantenesse salda la sua convinzione del carattere sovranazionale dell’Impero, che anche ai suoi occhi era qualcosa di più che un regrum tedesco. Anche Lutero vedeva l’Impero alla luce della profezia di Daniele, come l’ultimo grande Impero della storia. Ciò nonostante, i tedeschi erano costretti a dividere l’Impero romano con i Turchi — come Lutero scriveva soprattutto nel 1529 nella Heerpredigt wider die Türken. In questo scritto egli giustificava il carattere romano dell’Impero ottomano, che egli definiva come il piccolo corno che cresce sulla fronte del mostro a dieci corni, che è il grande Impero
romano. Lutero si è occupato del problema concreto dell'Impero nella sua forma tradizionale di regmum tedesco solo dopo la dieta di Augusta, allorché divenne palese il pericolo di un’impresa militare da parte di Carlo V contro i protestanti. Se fino a quel momento il riformatore aveva negato la validità di qualsiasi diritto di resistenza contro l’imperatore, i consiglieri giuridici
dell’elettore sassone gli insegnarono a Torgau alla fine dell’ottobre 1530, che Carlo era a tal punto legato dalle leggi fondamentali dell’Impero ed in particolare dalla capitolazione elettorale, che senza dubbio esisteva un diritto di resistenza nei suoi confronti, nel caso in cui ledesse dei diritti costituzionali 12, Negli anni successivi Lutero si avvicinò a queste posizioni, il cui esponente più radicale era Filippo di Assia. In seguito la sua concezione dell’Impero e della sua costituzione subi delle oscillazioni, mantenendosi però ferma al principio che qualora l’imperatore avesse trasgredito la capitolazione elettorale gli si sarebbe potuto op10 [bid., p. 465. LU W. Günrer, Martin Lutbers Vorstellung, cit., p. 47. 2 WA, vol. XXX, 2, pp. 1765.
77
porre resistenza. La persistente ostilità che Lutero in persona incontrò da parte dell'Impero (il bando cui venne sottoposto, ecc...) lo spinse dalla parte dei signori territoriali. Da questa situazione personale era naturalmente influenzata anche la sua visione dell'Impero. Nel discorso conviviale del 7 febbraio 1539 egli pone i principi elettori accanto all'imperatore; tutti eserciterebbero insieme il potere: « Secundo caesar non est monarcha in Germania ..., sed electores septemviri sunt simul politica membra cum caesare et sunt membra caesaris ... Ibi septemviri sunt cum caesare aequali potentia, esto non aequali dignitate » Ÿ 3.
L'Impero nella visione di Filippo d'Assia e dei riformatori urbani
Filippo d'Assia interpretò nel modo piá radicale la trasformazione intervenuta nella costituzione dell'Impero ad opera della capitolazione elettorale di Carlo V, Nella sua lettera del 21 ottobre
1530
indirizzata a Lutero,
in
quel momento a Torgau, egli espone compiutamente le sue opinioni sull'Impero *. L'imperatore non deteneva alcun potere di disposizione sui principi tedeschi; grazie alla capitolazione elettorale, costoro potevano invece controllare l'operato dell'imperatore. Qualora quest'ultimo avesse trasgredito alle disposizioni capitolari, egli sarebbe stato bollato come distruttore della pace ed avrebbe perció perso il suo ufficio, « in quanto egli non ἃ un imperatore ereditario, ma elettivo ». L'Impero appare in questa visione come una federazione dei principi autonomi su base cetuale, al cui vertice si col-
loca limperatore in quanto curatore delle questioni di rilievo comune allinterno della federazione, secondo il dettato della capitolazione elettorale. Secondo Filippo d'Assia l'Impero era un'aristocrazia e non poteva essere equiparato in alcun modo all'Impero romano. Se Lutero si era progressivamente avvicinato alle concezioni dei suoi protettori, i teologi e giuristi delle grandi città imperiali nella Germania meridionale, come Lazarus Spengler a Norimberga e Johann Brenz di Schwäbisch Hall, si mantennero invece aderenti alle posizioni espresse da Lutero in anni precedenti, posizioni secondo le quali i ceti erano sottomessi all'imperatore, a meno che gli elettori non intendessero deporlo. I riformatori
svizzeri, Zwingli
e Calvino,
avevano
invece
un
rapporto
assai più distaccato con l'Impero. Essi cercavano di realizzare nella comunità politica la comunità cristiana originaria. Per Calvino non solo lo Stato era stato istituito da Dio
stesso, ma
esso diveniva
necessariamente
una
teo-
crazia; nel suo pensiero non trovava quindi alcun posto l'idea della sovranità universale, Al massimo questi pensatori potevano concepire l'imperatore
come un primus inter pares e ritenere che l'Impero non rappresentasse un problema. Questa collocazione di campo divenne concreta all'interno della pace reB WA, Tischreden, vol. IV, nr. 4342, pp. 236 s. 4 WA, Briefe, vol. V, nr. 1737, pp. 653s.; cfr. H. GRUNDMANN, von Hessen auf dem Augsburger Reichstag, Góttingen 1959, pp. 36 s.
78
Landgraf Philipp
ligiosa di Augusta, siglata nel 1555, nella quale i seguaci della confessione augustana vennero equiparati dal punto di vista del diritto imperiale ai fautori della vecchia teoria. Era escluso invece un riconoscimento dei Riformati. Questa evoluzione suscitò da un lato la disponibilità da parte dei Lute-
rani ad affrontare in senso positivo l'idea di Impero, dall'altro i Riformati vennero esclusi ancor piá decisamente dall'Impero e ne uscí rafforzata la loro opposizione a questo in quanto organismo sovranazionale, che proseguisse la
tradizione dell'Impero romano antico. La pace religiosa di Augusta rappresenta il primo di una serie di compromessi stipulati per mantenere l'unità dell'Impero e per conservarlo come istituzione statale complessiva per tutti i tedeschi. In altre parole, l'Impero era ormai divenuto un organismo politico. Contro i tentativi di Carlo V di risolvere con la forza i problemi conseguenti alla Riforma, nel mondo luterano prese forma la dottrina dell'Impero
inteso in quanto aristocrazia di principi — senza peraltro che questa conce zione avesse una qualche base teorica sicura. In questa fase, quindi, l'idea
universale dell'imperatore e dell'Impero e la visione dell'Impero come aristocrazia di signori territoriali convissero parallelamente e senza influenzarsi vicendevolmente.
4.
La discussione su imperatore e Impero fino alla pace di Vestfalia
La visione dell'Impero come federazione di principi, quale era stato concepito da Filippo d'Assia ed accolto dallo stesso Lutero alla fine della sua vita, si era andata formando come conseguenza della continua minaccia latente per la pace interna, che era seguita alla dieta di Augusta del 1530. Accanto a questa, però, rimase in vigore anche nel pensiero di Lutero l'idea di un Impero fondato su tradizioni romane e basato sulla profezia di Daniele sui grandi imperi, le cui forme concrete erano però lasciate naturalmente nel vago. La pace religiosa di Augusta riusci a realizzare una certa attenuazione delle tensioni, in quanto consenti di spazzare via una volta per tutte la minaccia di un intervento imperiale nei confronti dei principi territoriali protestanti. Da quel momento in poi la confessione religiosa predominante nellImpero non era più stabilita dal vicario della chiesa, cioè dall'imperatore, ma dai singoli principi territoriali ἰδ, Per quasi quarant'anni la pace di Augusta congelò la discussione sull'es15 Rispetto al problema della pace religiosa cfr. la recente sintesi di H. DUCHHARDT, Protestantisches Kaisertum und Altes Reich. Die Diskussion über die Konfession des Kaisers in Politik, Publizistik und Staatsrecht (Veróffentlich. des Inst. f. Europ. Gesch. Mainz, vol. 87) Wiesbaden 1977, pp. 43 ss. e la bibliografia ivi indicata.
16 H. TicHLE, "Der Augsburger Religionsfriede. Neue Ordnung oder Kampfpause?", Zeitschrift des bistorischen Vereins für Scbwaben, 61 (1955), pp. 332 ss. sostiene la tesi secondo
la quale
con
il riconoscimento
di due confessioni
religiose in seguito
alla pace
di Augusta l'Impero nella sua accezione medioevale sarebbe andato distrutto.
79
senza dell’Impero e sulla questione, ad essa direttamente collegata, dei diritti dell'imperatore. In particolare, non si prese coscienza del fatto che il
fallimento dell'idea imperiale di Carlo V aveva rappresentato nello stesso tempo la messa in discussione dell'idea medievale di Impero ". Una simile trascuratezza pud essere forse ricollegata al fatto che sia Ferdinando che Massimiliano II si preoccuparono per quanto possibile di evitare tutto ció che
avrebbe
potuto
far
riaccendere
la
discussione.
Correttamente,
Heinz
Duchhardt ha fatto notare che anche dopo il 1555 continuava ad essere viva la speranza di poter riunificare le confessioni. Queste speranze svanirono poi definitivamente allorché, dopo la conclusione del concilio di Trento, la pace
religiosa venne ancora una volta sancita ufficialmente nel 1566 *, A questa svolta si ricollegano le prese di posizione di imperiali, quali il consigliere imperiale Lazarus a latere del Reichskammergericht Simon Schard. XVI secolo costoro continuatono a mantenere
membri dei nuovi organismi von Schwendi ? o il giudice Anche nella seconda metà del ingenuamente l'idea dell'Im-
pero come successore dell'Impero romano ?. Un mutamento intervenne per la prima volta con Jean Bodin, i cui Six
livres de la république, pubblicati nel 1576, dettero l'avvio alla discussione su chi deteneva "la sovranità nell'Impero”. Bodin negò che l’imperatore o i principi tedeschi fossero sovrani e definf invece il corpo dei ceti imperiali nel suo insieme come il vero detentore della sovranità all'interno dell'Impero. In tal modo veniva portato un attacco di fondo contro la preminenza dell’imperatore, anche se in un primo tempo la discussione non riguardava solo il suo ruolo, ma anche quello dei principi imperiali. In questo dibattito, che per quasi una generazione monopolizzò la discussione giuridica sull’essenza dell'Impero, si evidenziano molto chiaramente le posizioni fondate su differenze confessionali. Infatti, mentre i cattolici non presero praticamente parte alla discussione, i luterani sostennero invece la visione tradizionale dell'Impero, per cui si ebbe una situazione invero paradossale, cosf riassunta da Martin Heckel: « Mentre l'imperatore andava perdendo sempre più d'importanza, in quanto costretto a combattere nei suoi possedimenti ereditari contro dei movimenti protestanti ed a cedere la guida della Controriforma
17 A radicali,
conclusioni era
al sovrano
analoghe
già giunto
bavarese,
a quelle
F. HARTUNG,
che
i giuristi evangelici
di Thule,
anche
in Karl
V.
und
se espresse die
lo esaltavano
in termini
deutschen
meno
Reichsstände,
cit., p. 167, riscontrava che all'imperatore fossero rimasti dopo il 1555 solo diritti onorifici. 18 Cfr. H. DucHHARDT, Protestantisches Kaisertum cit, pp. 45 ss. 19 Cfr. Lazarus VON SCHWENDI, Denkschrift über die politische Lage des deutschen Reiches von 1574, a cura di E. v. FRAUENHOLZ (Münchner Histor. Abh., collana 2 vol. 10), München 1939.
2 De Jurisdictione auctoritate et praeeminentia deque juribus regni et imperii variorum autorum Basel 1566 (Paris 1576).
2 E, DickMANN,
Der
Westfälische
Frieden,
Imperialis ac potestate ecclesiastica
qui ante baec tempora vixerunt, scripta,
Münster
1959,
pp.
127ss.,
riassume
le cause per le quali la trattazione di Bodin, compiuta tenendo presente il modello francese,
non riuscisse a cogliere la particolarità del fenomeno
80
"Impero".
invece come capo della Chiesa e cercavano, con zelo inaspettato, di rafforzarne la cattolicità e l'unzione sacrale » 2. I calvinisti, la cui confessione continuò a non essere riconosciuta all'interno dell'Impero, si dimostrarono i più di. sposti a giudicare con la massima freddezza l'essenza dell'Impero
sulla base
dei dati di fatto. L'esame dettagliato della discussione svoltasi fra i teorici del diritto pubblico fino al 1648 sarebbe improprio in questa sede. Ci limitiamo ad indicare sommariamente i tre gruppi, che vi si formarono: a) i cattolici, che continuarono
imperii;
b) i luterani,
che
difesero
a difendere
anch'essi
la teoria della
questa
teoria
—
basti
#ranslatio citare
i
nomi di Gottfried Antonius, Dietrich Reinkingk e Giovanni Linneo, in quanto i pi rappresentativi. Tuttavia questi pensatori introdussero una limitazione decisiva, secondo cui nella pace religiosa di Augusta l'imperatore aveva ceduto ai ceti imperiali il regnum ecclesiasticum; ne conseguiva che nelle questioni religiose egli doveva mantenere la più rigida neutralità. Inoltre, i giuristi di parte luterana respinsero ogni legame con il papato romano; c) i calvinisti, che nel dibattito assunsero le posizioni pi libere. Già Althusius aveva sostenuto che il titolo di imperatore romano non era che un appellativo formale. Domenico Arumaeus radicalizzò ulteriormente questa posizione; fondandosi su raccolte di materiali giuridici relativi al diritto pubblico tedesco, egli spiegò il diritto pubblico imperiale a partire da fonti tedesche e non più romane. Un allievo di Arumaeus, Bogislaw Philipp von Chemnitz, cancellò tutte le riflessioni suddette con la sua opera Dissertatio de ratione status imperio nostro Romano Germanico, apparsa nel 1646 ?, e pubblicata sotto lo pseudonimo di Hippolithus a Lapide. In questo scritto, caratterizzato da un'aspra nota polemica nei confronti della casa d'Asburgo, egli sostenne fermamente la tesi che l'Impero non era altro che una repubblica di principi. Indubbiamente, la sua analisi mostra notevoli lacune e rispecchia chiaramente il punto di vista della Svezia, paese nel quale in seguito Chemnitz sarebbe divenuto storiografo di corte, Per la sua irrefrenabile vena polemica l’opera ha suscitato un interesse enorme, influenzando una serie di scritti posteriori;
tuttavia
tra i contemporanei il libro di Chemnitz suscitò piuttosto un moto di rigetto che non l’inclinazione ad imitarlo. La sua analisi, insomma, non ha influenzato
granché l’immagine dell'Impero; ma da questo punto di vista ha avuto molto più successo il versatile storico e medico Hermann Conring. Con il suo 2 A. HECKEL,
schlands
"Staat und
in der ersten
Hälfte
Kirche nach den Lehren
des
17. Jahrhunderts",
für Rechtsgeschichte-KA, 73 (1956), pp. 2 Dissertatio de ratione. status in
144 s. imperio
nostro
der evangelischen
Zeitschrift
der
Juristen Deut-
Savigny-Stiftung
Romano-Germanico
(sl.
1640).
Su Hippolithus a Lapide cfr. R. Hox, "a Lapide", Staatsdenker des 17. und 18. Jabrbunderts, Reichspublizistik, Politik, Naturrecht, a cura di M. Srozzeis, Frankfurt/Main
1977,
pp. 118-127 e la bibliografia riportatavi.
81
scritto del 1643 De origine juris Germanici egli riusci infatti a dimostrare che la trasposizione sul suolo tedesco del corpus iuris civilis a seguito della
translatio imperii era una leggenda, allo stesso modo che la convinzione che il corpus fosse stato nuovamente rimesso in vigore nel Impero per mezzo di un atto legislativo imperiale *. Questa ha completato nel dettaglio la visione calvinista dell’Impero, ebbe conseguenze dirette. Tuttavia, da questo momento in
Sacro Romano dimostrazione anche se non poi la visione
cattolica dell'Impero venne a trovarsi oberata dalla pecca dell'infondatezza. 5. La secolarizzazione dell'idea imperiale dopo il 1648 La trasformazione intervenuta all'interno della scienza del diritto pubblico nei quasi cento anni intercorsi fra la pace di Augusta
e quella di
Vestfalia in merito al problema della definizione dell'Impero, ha fatto sí che quest'ultimo venisse decisamente ridimensionato 5. In fondo, perd, la teoria non faceva che rispecchiare un mutamento politico verificatosi già a partire dalla pace religiosa di Augusta. L'idea dell'Impero come un'entità posta al di sopra dei regni nazionali e collocata in una linea di continuità con l'Impero romano cedette il passo di fronte ad una visione molto piü realistica, Cosí venne
introdotta,
limitativamente, la definizione dell'Impero
come "della nazione tedesca”. Dopo la pace di Vestfalia la posizione dell’Impero e dell’imperatore si modificò radicalmente. Se finora non era stato messo in discussione il carattere universale del titolo imperiale e quindi neppure la concezione teorica dell’imperatore come superiore rispetto agli altri sovrani — per quanto scarsi fossero i riflessi che tali concezioni avevano nella pratica — da quel momento in poi la Francia e la Svezia divennero garanti della costituzione imperiale. Nella pace di Vestfalia vennero suggerite delle possibili alternative giuspubblicistiche per il futuro dell'Impero; da un lato esso poteva evolversi verso uno stato federale attraverso il rafforzamento della sovranità territoriale dei ceti più forti; dall'altro l'Impero poteva mantenere l'originario carattere gerarchico e l’articolazione in elettori, principi, conti, prelati, cavalieri e città. Nel primo caso i ceti imperiali più forti si sarebbero consolidati a spese dei piá deboli. Dato che l’influenza politica dell'imperatore si fondava sull’alleanza con i ceti imperiali minori, egli propendeva naturalmente verso una soluzione che accentuasse le differenziazioni gerarchiche. % Cfr. E. Worr, "Idee und Wirklichkeit des Reiches im deutschen Rechtsdenken des 16. und 17. Jahrhunderts", Reich und Recht in der deutschen Philosophie, a cura di K. Larenz, I, Stuttgart/Berlin 1943, pp. 70s.; 110 85. Su Conring cfr. anche D. WirLOWEIT, “Hermann Conring”, Staatsdenker des 17. und 18. Jabrbunderts cit., pp. 129-147 e la bibliografia riportatavi. 25 A. WANDRUSZKA, Reichspatriotismus und Reicbspolitik zur Zeit des Prager Friedens von 1635, 1955, p. 52, sottolinea a ragione che Reinkingk e Chemnitz non vedevano l'Impero
cosí
come
esso
era,
ma
come,
a parer
loro,
scritti contengono quindi anche un programma politico.
82
avrebbe
dovuto
essere.
I loro
Ancora una volta, dallo scontro usci vincente l’imperatore, il quale riuscf a mantenere le preesistenti strutture gerarchiche. Parallela ed analoga alla tendenza al rafforzamento politico della struttura gerarchica imperiale era,
nella seconda metà del XVII secolo, una tendenza predominante nella pubblicistica imperiale. La discussione sul carattere dell'Impero aveva invece un altro aspetto, più accademico. Uno dei poteri che erano rimasti nelle mani dell’imperatore riguardava la concessione dei privilegi alle università. Egli poteva cioè pretendere che nelle università venisse insegnato unicamente il diritto imperiale. Cosí, entrambe le nuove università privilegiate dall'imperatore, Halle nel 1693 e Gottinga nel 1737, divennero due culle del diritto imperiale ?*. Ció nonostante, sono stati due estranei al mondo accademico, e precisamente Pufendorff e Leibniz, a ravvivare nel modo piá fruttuoso nel corso
della seconda metà del XVII
secolo il dibattito sulle strutture imperiali.
Prendendo le mosse da una descrizione della situazione attuale della costituzione imperiale, Pufendorff pose fine a tutti i tentativi di ordinare l'Impero all'interno delle categorie aristoteliche. Questo era l'obiettivo che egli si proponeva nella cosí spesso citata, ma altrettanto poco compresa, descrizione del carattere mostruoso dell'Umpero, un'immagine che lo stesso Pufendorff, peraltro, attenuó notevolmente nella seconda edizione del suo De statu imperii, scritto con lo pseudonimo di Monzambano, edizione da lui
stesso riveduta personalmente 7. Questa visione dell'Impero di Pufendorff, dedotta cosí direttamente dalla realtà, corrispondeva a quella secolarizzazione dell'idea di Impero che si era verificata dopo il 1648. Pufendorff respinse sia la tesi dei teorici medievali che l'interpretazione luterana dell’Impero
inteso come
aristocrazia, interpre-
tazione fatta propria fra gli altri da Reinkingk. Pufendorff era convinto che qualsiasi modifica costituzionale avrebbe messo in pericolo la pace, cosi faticosamente raggiunta, e sostenne perciò l'esigenza di conservare l'esistente 2. In tal modo egli ha contribuito a fondare le basi per una considerazione più realistica dell’Impero. I punti di partenza dell’analisi di Leibniz erano simili; anche lui era con-
vinto della necessità di difendere la pace ?. Ma a differenza di Pufendorff egli continuò a sostenere che l’Impero aveva un carattere peculiare, sovranazionale 9, Leibniz era però ben consapevole del fatto che nulla più giustificava % Tale circostanza viene evidenziata soprattutto da R. MontANUS, Zum Problem der Reichskontinuität im üffentlichen Bewusstsein im Jabrbundert nach dem West{älischen Frieden, Diss. in filosofia, Bonn
1957, pp. 41 ss.
© Severini DE MONZAMBANO VERONENSIS De statu Imperii Germanici ad Laetium Fratrem. Dominum Trezolani liber, Verona 1664. Cfr. E. Worr, "Idee und Wirklichkeit des Reiches" cit., pp. 125 5. 2 Cfr. E. Worr, "Idee und Wirklichkeit des Reiches", cit., p. 132. 5 Cfr. P. WiEDEBURG, Der junge Leibniz, Das Reich und Europa, parte I, Mainz Wiesbaden
1962, p. 13.
3 Sulla concezione dell'Impero di Leibniz cfr. E. Worr, des Reiches" cit., pp. 134-168.
"Idee
und
Wirklichkeit
83
la collocazione suprema dell'imperatore e che questa non poteva essere fondata sulla base della tradizione della translatio imperii. Nell'idea che questo pensatore aveva dell'Impero si coniugavano la preoc cupazione che la Germania, persistendo nella sua debolezza, potesse divenire anche in futuro il principale teatro di guerra tra le potenze europee e la convinzione che la peculiare collocazione del popolo tedesco nel centro del continente determinasse il particolare ruolo di arbitro europeo che un Impero rinforzato internamente avrebbe dovuto assumersi. Spunti per una simile interpretazione erano peraltro già affiorati in Hugo Grotius e nella sua idea di un’unità spirituale del mondo occidentale, ed erano presenti anche nellinterpretazione della pace di Vestfalia come parte di un ordine europeo di pace, interpretazione enunciata in particolare attorno alla metà del XVIII secolo da Jean-Jacques Rousseau “. Al lato pratico questa impostazione universalistica di Leibniz non ebbe una diffusione molto ampia. Tuttavia, alcuni tratti della sua analisi, espressa in quel Tractatus de jure suprematus ac legationis principum Germaniae da lui pubblicato con lo pseudonimo di Caesarinus-Fuerstenerius, potevano essere interpretati anche come elementi di una
concezione federalistica dell'Impero *, Lo stesso Leibniz ha però più volte respinto questa lettura, Parallelamente alle vicende politiche del tempo, anche la discussione a livello del diritto imperiale si sviluppò in due direzioni: una considerava l'Impero come un'entità corporativa, l’altra sottolineava invece gli aspetti federativi, propendendo quindi per una soluzione federalistica. Su questo sfondo è andata prendendo corpo l’idea dell’essenza corporativa dell'Impero, un'idea che si rifaceva al confronto fra Impero e corpo umano,
quale era stato delineato da Linneo.
Questa
interpretazione è stata
sviluppata soprattutto da Hiob Ludolf e da Martin Schmeizel, oltreché dallo storico di Lipsia Johann Jacob Mascov *. La teoria corporativa presupponeva
l'esistenza di un organismo politico funzionale e di una comunanza di interessi fra ceti imperiali ed imperatore *. Essa continuò a sostenere il carattere statuale dell'Impero non riconoscendolo invece ai principati spirituali e mondani. I fautori di questa interpretazione si rifacevano per molti versi a Linneo, a Pufendorff e soprattutto a Chemnitz. 31 Rimando qui alla nota citazione dal Contrat social, nella quale Rousseau nel 1762 indica l'Impero come il centro di un ordinamento di pace in Europa. RAUMER, Ewiger Friede, Freiburg/Miinchen 1953, pp. 351s.
2 Amsterdam
1677.
In ogni caso A. RANDELZHOFER,
Cfr. KURT
Vólkerrecbtliche Aspekte
von
des
Heiligen Romischen Reichs nach 1648, Berlin 1967, semplifica eccessivamente il problema quando sostiene che Leibniz avrebbe definito l’Impero una confederazione di stati se tale concetto fosse allora già esistito. 3 H. LupoLPH, Allgemeine Schaubübne der Welt oder Beschreibung der vornebmsten Weltgeschichte, 4 volumi, Frankfurt/Main 1699-1701. M. ScHMEIZEL, Abriss zur vollstánd-
igen Reicbsbistorie, Jena 1728. J.J. Mascov, Abriss zu einer vollstándigen Historie des Rómiscb-Teutschben Reiches bis auf die gegenwirtige Zeit, Leipzig 1722. % Cfr. P. von zur MUHLEN, "Die Reichstheorien in der deutschen Historiographie des frühen 18. Jahrhunderts", Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte-GA, 89 (1972), p. 131.
84
Nella realtà politica questa rivalutazione della sovranità feudale venne messa in atto soprattutto da parte di Giuseppe I e di Carlo VIS. Certo, entrambi dovettero ritirare, con la pace di Baden del 1714, il bando emesso contro i due principi elettori della dinastia dei Wittelsbach, Massimiliano Emanuele di Baviera e Giuseppe Clemente di Colonia. In Italia, peró, il bando imperiale continuò a colpire i duchi di Mantova, Mirandola ed altri territori minori, Nella penisola italiana, in effetti, si assiste in questa fase ad un rinnovato intensificarsi del governo feudale da parte dell'imperatore *. A Vienna, attorno alla metà del XVIII secolo, ritornó in auge la definizione di "Sacro
Romano Impero della nazione tedesca ed italiana". E ovvio che l'interpretazione dell'Impero come unione corporativa, in quanto negava il carattere statuale dei ceti imperiali non poteva non incontrare degli oppositori. Per di più in quella fase i tre elettori protestanti: Brandeburgo, Sassonia (Polonia) e Hannover (Inghilterra) erano assurti al rango di sovrani europei. La concezione federalistica « partiva dal presupposto che l’Impero non
fosse
altro che una
riali, i quali nel passato avevano
federazione
di signori
rinunciato volontariamente
territo-
ad alcuni dei
propri diritti a vantaggio della comunità » ”. È interessante notare che i fautori di questa teoria, alludendo esplicitamente alla renovatio imperii, si ricollegassero all'epoca germanica pre-romana. Autori quali Johann Ulrich Pregitzer, Burckhardt Gotthelf Struve e Johann David Kohler vedevano nella pace di Vestfalia la conferma di diritti già preesistenti. « A tutti i ceti dell'Impero vennero confermati gli antichi diritti e libertà, sia dal punto di vista del potere spirituale che di quello mondano. » * Conseguentemente,
venne
criticata
la politica
di
imperatori
forti quali Ottone III e Carlo V, ai quali si addebitava la colpa di aver cercato di imporre all’Impero una forma statale che gli era estranea. I ceti imperiali, che questi autori consideravano co-reggenti, potevano arrogarsi dignità
e diritti imperiali.
L'insieme
dei ceti, raccolti nella Dieta
imperiale,
era posto al di sopra dell'imperatore, che veniva considerato solo l'ammini-
3$ E. FEINE, "Die Verfassungsentwicklung des Heiligen Rómischen Reiches seit dem Westfälischen Frieden", Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte-GA, 52, 1932, p. 79 ha messo in luce per primo tale circostanza, osservata anche da altri autori. 35 Cfr. K.O. von ARETIN, “Die Lehensordnungen in Italien im 16. und 17. Jahrhundert und ihre Auswirkungen auf die europäische Politik. Ein Beitrag zur Geschichte des europäischen Spütfeudalismus", Politische Ordnungen und soziale Krifte im Alten Reich,
a cura di H.
WEBER,
Wiesbaden
1980, pp.
80s.
Sul significato dell'ordinamento
dei feudi dell'Impero cfr. R. FRH. v. SCHÔNBERG, Das Recht der Reicbsleben im 18. Jabrbundert, Heidelberg-Karlsruhe 1977, pp. 207-220. 3 P. von zur MiHLEN, "Die Reichstheorien" cit., p. 133, che comunque usa in tale contesto il concetto fuorviante di "teoria costituzionale degli stati dell’Impero”.
Nel
concetto
di "stati dell’Impero”
è presente a parer nostro
almeno
un abbozzo
di
statualità. Il concetto si inserisce quindi nell'ambito della concezione imperiale corporativa.
3 J. D. KÔHLER, Kurtz gefafte und gründliche Teutsche Reicbsbistorie vom Anfang des Teutscben Reiches mit Ludewig dem Teutschen bis auf den Baaden'schen Frieden, Nürnberg 1736, p. 567.
85
stratore stica si In né del respinto
degli interessi imperiali ?. Tra i fautori di questa concezione federalideve annoverare anche Johann Jacob Schmauss *. questi scritti non si teneva peró in alcun conto né di Federico II dualismo austro-prussiano. Correttamente Johann Jacob Moser ha tali speculazioni
astratte,
scrivendo:
« Costoro
si sono
inventate
determinate idee e costruzioni statali nella loro testa, stravolgendo la storia a loro piacimento, ed hanno edificato l'intero diritto pubblico su di una base cosí incerta ». Nello scritto di Moser, Von Teutschland und dessen Staatsverfassung überbaupt, troviamo una frase che tronca radicalmente tutte le discussioni sul carattere dell'Impero: « La Germania viene governata in tedesco, e precisamente nel senso che non esistono parole o modelli di governo di altri stati che permettono di comprendere il nostro sistema di governo » “. L'Allgemeines Lexikon der Kunst und Wissenschaft di Jablonski (1721) spiegava l'Impero romano della nazione tedesca secondo le parole che ne componevano la definizione, come segue: impero, « perché per dimensione e potere non è inferiore a nessuno dei più grandi regni », romano « poiché il governo della città di Roma ἃ stato a lungo nelle mani dei sovrani tedeschi, i quali non hanno ancora formalmente rinunciato a tale potere »; infine tedesco, « perché comprende l'antica Germania con le sue popola-
zioni ». Questa definizione & stata testualmente ripresa dall'Universallexikon di Zedler, con un'unica aggiunta ©. Secondo l'autore è curioso che esso venga definito "sacro", un termine che
risalirebbe a Corrado
I o a Federico
I.
« Secondo altri autori tale definizione è del tutto inesistente. » Zedler spiega poi lungamente la radice della parola "sacro", che a suo parere deve essere fatta risalire alle pretese del papato nei confronti dell'Impero *. Queste spiegazioni contenute nei lessici del XVIII secolo sono di per sé molto significative. In esse non è rimasto nulla della translatio imperii Ro-
manorum, se non la banale affermazione che l’aggettivo “romano” deriva all’Impero dal fatto che i sovrani tedeschi non hanno ancora rinunciato a tale titolo. Un passo avanti venne compiuto dal giurista di Gottinga Stephan Pütter. Al pari di Moser questi descrive l’Impero nella sua situazione presente, senza interessarsi in alcun modo dell'idea medievale di un Impero romano universale, Tale concezione è a suo parere del tutto astratta « tanto da non richiedere neppure di dover essere respinta, ed è persino difficile pensare come una simile idea possa essere sorta e quali conseguenze incalcolabili essa abbia avuto » *. 9 Cfr. P. von zur MUHLen, “Die Reichstheorien" cit., pp. 138 s. 4 JoHnann Jaco ScuMauss, Kurtzer Begriff der Reichshistorie im einer accuraten chronologischen Ordnung von den ältesten Zeiten bis auf die gegenwürtige, aus den bewäbrtesten Skribenten, Leipzig 1744. 4 Stuttgart 1766, cap. 27 $ 4, pp. 547 5. 4 JoHANN ZEDLER, Grofes vollständiges Universallexikon, XXXI, Leipzig 1742, p. 7. 4 Il lessico universale di Zedler era diffuso anche nel mondo cattolico. Tale circostanza viene comprovata, tra l'altro, dalla presenza di piá esemplari di detto lessico in quasi tutte le biblioteche claustrali dell'Alta e Bassa Baviera. # Litteratur des Teutschen Staatsrechts, parte I, Góttingen 1776, p. 35.
86
Nel Repertorium des teutschen Staats- und Lebensrechts, scritto in quello stesso periodo, Heinrich Godfried Scheidemantel riteneva che la definizione
di "romano", apposta al Sacro Romano Impero derivasse da « erronee concezioni, che erano state diffuse nei secoli precedenti, sulla dignità imperiale e sull'Impero dell'antica Roma » $.
Quindi, l'apposizione di "romano" era ormai divenuta in quella fase un fatto meramente formale, il che fra l'altro suscitó l'opposizione da parte dei protestanti. Costoro accettavano l'aggettivo solo nella misura in cui esso garantiva il carattere di onorabilità dell'imperatore e dell'Impero, e la loro collocazione ad un rango superiore rispetto a tutti gli altri regni. La definizione tradizionale venne mantenuta ovviamente nel cerimoniale di corte, tanto che nel 1747 si diede una risposta seccata alla nota della zarina di Russia, che aveva parlato di "imperatore tedesco”. Nel 1782 l'imperatore Giuseppe II fece visita alla zarina Caterina la Grande in Crimea; venne stipulato in quell'occasione un accordo segreto nel quale la sovrana prometteva all'imperatore il suo aiuto per realizzare i piani da lui accarez-
zati in Germania, e viceversa questi assicurava l'appoggio alla Russia nella sua lotta contro l'Impero turco. Durante il banchetto conclusivo lo spumante di Crimea scorreva a fiotti. Nel brindisi, l'imperatrice russa, un poco eccitata, promise a Giuseppe che gli avrebbe riconquistato la sua capitale, Roma. Dapprima l’imperatore accolse la promessa come uno scherzo, Ma il giorno seguente egli dovette faticare non poco per spiegare alla zarina che egli non aveva assolutamente nulla in contrario a che ella riconquistasse la propria “Roma”, ossia Costantinopoli. Lui, da parte sua, come imperatore romano, non poteva invece fare assolutamente nulla con Roma, per cui la dovette
invitare a rinunciare ad un'idea del genere ‘.
4 Vol. IV, Leipzig 1795, p. 411. 4. Cfr. H. G. SCHEIDEMANTEL, Repertorium des deutschen Staats- und Lebensrechts IV, Leipzig 1795, p. 411. 4 "Relazione" di Romanzoff 3/14.5.1782, Archivio del Ministero per gli Affari Esteri dell'URSS, Mosca, Ambasciata di Francoforte, Fascicolo 3.
87
NOTKER
HAMMERSTEIN
NUM IMPERIUM HOC NOSTRUM ROMANUM RECTE DICI ETIAMNUM POSSIT? LA DOCTRINE
DES
CHRONIQUEURS
D'EMPIRE,
DES
‘‘REICHS-PUBLICISTEN”
1. Au XVII* siècle commence la doctrine du Jus Publicum Romano-Germanicum, de droit public, de chronique d'empire. L'élaboration et le déman-
tèlement de ces doctrines juridico-politiques appartiennent à la pré-histoire de la guerre de Trente Ans qui entraîna l'Empire dans les violents conflits d'orthodoxie qui faisaient rage en Europe occidentale. Néanmoins, la chronique d'Empite ne reprit que partiellement les suggestions et formulations qui ici, à l'ouest, avaient été développées bien avant, de maniére plus énergique et plus 'politique'. C'est plutót en se démarquant — des théories de Bodin par exemple, et tout particuliérement de son analyse de la forme de pouvoir de l'Empire — ou de celles de Machiavel et de Hobbes, ainsi que des monarchomaques, que ces théoriciens du droit public d'empire recherchèrent une composante fonciérement 'impériale' et insistérent avant tout sur la spécificité, l'incomparabilité pour ainsi dire de l'Empire aux autres états européens !. Il était à la fois caractéristique et important que cette discussion fût d'abord menée dans les universités, que cette doctrine se considérát comme une discipline universitaire et qu'elle füt le plus souvent formulée puis appliquée par des professeurs. Mais ce n'est pas le fait qu'un aspect théorique
et abstrait lui füt propre qui est décisif. Il l'était bien moins qu'on aurait pu être en droit de s'y attendre. D'autres points jouent ici un rôle plus important: il en a résulté un souci de 'scientification' et d'intégration aux disciplines universitaires savantes; ainsi s'explique aussi que le Jus Publicum al-
! Pour simplifier je renvoie à mon article: "Jus Publicum Diritto e Potere nella Storiae Europea. Atti del IV Congresso Italiana
di Storia
del
Diritto,
Firenze
1982;
il contient
de
Romano-Germanicum”, Internazionale, Società
nombreuses
preuves
ainsi
qu'une bibliographie. En ce qui concerne l'arriére-plan général cf. pour la bibliographie et l'analyse succincte H. Lurz, Reformation und Gegenreformation (Oldenbourg Grundriss der Geschichte, 10), München/Wien 1979.
89
lemand se soit considéré comme étant plus juridique que politique. Cela se
fit certes encore moins sentir au départ que par la suite, au cours de l'évolution. Mais dans ce que nous venons d'exposer, une autre particularité des rapports existant au sein de l'Empire apparaît. Les universités gardèrent ici un rang nettement plus élevé qu'en Europe du Sud ou de l'Ouest. Elles réussirent à maintenir toute leur importance et leur grande influence méme au cours du XVII siècle, alors qu'elles paraissaient s'effondrer tout autant que les autres universités européennes ?. Des études à l'une de ces nombreuses universités permettaient toujours de faire carriére: elles étaient souvent considérées comme la condition de toute activité publique, reconnue. Et ce n'est que par hasard que ces établissements, anéantis en apparence, purent amorcer une
vigoureuse reprise à la fin du siècle ?. La raison en est explicite. L'absence d'une capitale, d'une cour dirigeant et décidant seule — l'Empire en possédait de nombreuses, fort importantes sur le plan régional — et le manque d'un public correspondant contribuèrent à faire de l'université le lieu de la nécessaire élaboration du style, de la
discussion, du contróle intellectuel et d'un débat fécond. Sur ce point, le résultat resta souvent à la mesure du particularisme des petits états, se cantonna pour ainsi dire dans le domaine de l'état territorial, mais de par leu: portée, c'est-à-dire par le fait que finalement c'est l'Empire tout entier qui fut touché, les universités garantirent une propagation générale de la chose publique remplaçant ainsi en partie capitale, cour et salon*. Il est évident que cela se répercuta à nouveau sur les doctrines universitaires elles-mémes et à plus forte raison sur le Jus Publicum en tant qu'explication des rapports publics existant dans cet Empire. Mais ce point n'entre pas dans le cadre de notre exposé. En simplifiant beaucoup, on pourrait dire que le Jus Publicum
Romano-Germanicum se considéra une discipline autonome à partir du moment où il pensa découvrir des matières juridiques propres et plus spécifiques qui n'étaient pas contenues dans le Corpus Juris et n'avaient donc pu
étre suffisamment réglées et expliquées, mais qui néanmoins étaient d'importance pour la vie dans l'Empire. Si l'on avait jusqu'alors traité le domaine public avec le Jus commune, cela n'était plus possible dans l'effervescence et le bouillonnement de la discussion. Cela résultait également de l’affinement de la méthode historico-philosophique, de l'héritage humaniste qui 2 Cf. entre autres N. HAMMERSTEIN, "Universititen des Heiligen Rómischen Reiches Deutscher
Nation
als Ort
der
Philosophie
des
Barock",
Studia
Leibnitiana
13
(1981),
fasc. 2, pp. 242 ss.; ainsi que R. J. W. Evans, German Universities after tbe Thirty Years War. History of Universities, I, Avebury 1981, pp. 169 55., dont je ne reprends pas, bien sur, l'analyse; P. BAUMGART, "Universititen im konfessionellen Zeitalter: Würzburg und Helmstedt", in P. BauMGART - N. HAMMERSTEIN, Beitráge zu Problemen deutschen Universitátsgründungen der früben Neuzeit (Wolfenbiitteler Forschungen, 4) Nendeln 1978, pp. 191 ss.
3 N. HAMMERSTEIN, "Die Universitätsgründungen im Zeichen der Aufklürung", P. BAUMGART -N. HAMMERSTEIN, op. cit., pp. 2635s. 4 J'espère pouvoir exposer ceci, sous peu, dans une étude plus détaillée.
90
in
servait de postulat méthodologique à la Réforme. Cependant, les débats et les besoins politico-pratiques qui se manifestérent avec plus de virulence à la fin du siècle, furent plus décisifs. Il y avait eu bien sûr, dès avant la naissance du Jus Publicum RomanoGermanicum une réponse à la question du caractére de l'Empire, de son nom, de ses fonctions, de ses droits et devoirs etc... Dans cette mesure, il existait déjà une opinion bien établie sur ces différents points, qui pouvait tout au plus diverger selon l'appartenance confessionnelle. On me permettra d’esquisser en peu de mots cette situation précédente dont partirent les premiers chroniqueurs d'Empire eux-mémes. 2. La désignation de Saint Empire Romain-Germanique fit son apparition au XV° siècle et fut de plus en plus employée à partir de 1500. Il ne s'agissait pas là d'un abandon de la conception moyenágeuse d'un Saint Empire Romain remarquable mais d'un prolongement de cette idée à l'aide d'une formulation plus précise. En ce qui concerne le caractère romain de cet Empire, ce que l'on serait tenté de nommer des difficultés devaient bientót sur-
gir avec le début du siècle suivant. La nouvelle physionomie de Rome et de son chef supréme — l'état ecclésiastique et la papauté de la Renaissance —, l'humanisme qui provoquait des élans nationaux, l'élection de l'empereur en
vain attendue, et finalement mise en place par l'empereur lui-méme, Maximilien I**, et qui ne se répéta qu'une seule fois, à Bologne, sous la forte pression de l'empereur Charles V, détachant ainsi pratiquement le titre d'empereur d'une élection devant s'accomplir à Rome — et enfin la Réforme, évé-
nement fonciérement hostile à Rome: tout cela s'opposait en fait au "Romain" du titre de l'Empire 7. En dépit de tous ces points, l'Empire persista à se vouloir saint et romain. Toutefois, un nouveau fondement et une nouvelle interprétation étaient
nécessaires. Ce n'est pas par hasard que l'on discuta à cette époque de la Translatio Imperii avec insistance et sous de multiples aspects *. Tant les huSR. PFEIFFER, A History of Classical Scbolarsbip from 1300-1850, Oxford 1950, passim; N. HAMMERSTEIN, "Bildungsgeschichtliche Traditionszusammenhänge zwischen Mittelalter und früher Neuzeit", Der Übergang zur Neuzeit und Wirkung von Traditionen, Góttingen 1978, pp. 32 ss. 6 K. ZEUMER, “Heiliges Rómisches Reich Deutscher Nation", in In, Quellen und Studien zur deutschen Verfassungsgeschichte des Deutschen Reiches in Mittelalter und Neuzeit, IV/2, Weimar
1910.
ΤΊ, von RANKE, Die rómischen Päpste in den letzten vier Jabrbunderten (nombreuses éditions); P. JoAcHIMSEN, Die Reformation als Epoche der deutschen Geschichte, München
1951;
H.
WiesrLeckEr,
"Maximilians
I.
Kaiserproklamation
zu
Trient”,
Osterreich und Europa, Festschrift für Hugo Hantsch, Wien 1965, pp. 15 ss.; S. SKALWEIT, Reicb
und Reformation,
Berlin
1967.
8 W. Goez, Translatio. imperii. Ein Beitrag zur Geschichte des Geschichtsdenkens und der politischen Theorie im Mittelalter und in der früben Neuzeit, Tübingen 1958, en particulier pp. 237 ss.; cf. également H. DucHanpr, "Et Germani eligunt et Germanus eligendus.
Die
Zulassung
ausländischer
Fürsten
zum
Kaiseramt
im
Jus
Publicum
des
17./18. Jahrhunderts", Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte - G.A., 97, (1980), pp. 232 ss.
91
manistes que les protestants tenaient à cette interprétation plus ancienne de la vision de Daniel; Melanchthon, dans la Chronique de Carion, ainsi que Jean Philippson (Sleidanus) dans son livre De quattuor summis imperiis — le livre scolaire protestant d'histoire — imposèrent cette conception aux nouveaux croyants de l'Empire ?. Il ne s'agissait certes pas de l'interprétation catholique, de celle de la curie — telle qu'elle réapparaitra ensuite chez Bellarmin ou Baronius et selon laquelle le róle primordial d'intermédiaire de la transmission de l'Empire revenait au pape — mais d'une interprétation qui chargeait le pape, tout au plus en tant qu'administrateur du peuple romain, voire Charlemagne, en tant que guerrier couronné de succès, de cette translation. Finalement, il était bien établi que — comme l'avait jadis formulé Melanchton: «les projets et les querelles des hommes ne suffisent pas à fonder et à maintenir des royaumes, mais que c'est avec raison que Daniel avait dit:
Deus transfert et stabilit regna » "^. En ce sens, les humanistes allemands et les réformateurs avaient un cóté globalement traditionaliste, l'ancienne conception de l'empereur et de l'Empire survivait, méme si elle avait subi certaines modifications. On en resta à lidée qu'exprime la désignation Saint Empire "Romain", et c'est de cette méme idée que partirent les premiers chroniqueurs d'empire. Nous allons montrer la façon dont ceux-ci expliquaient le terme “Romain”, les diverses déductions et les évolutions possibles. Toutefois, afin de ne pas fatiguer mon public, je procéderai pour ce tour d'horizon de manière sélective et ne donnerai que des exemples ponctuels. Je laisserai également
de côté la violente discussion
sur les formae
im.
perii qui éclata au cours de la guerre de Trente Ans. Je traiterai de la discussion juridique universitaire mais non des célèbres pamphlets polémiques d’un Hippolithus a Lapide, d'un Monzambano et d'un Caesarinus Fürstenerius, pour ne citer que les plus importants. En ce qui concerne notre probléme, ils n'aboutirent pas à des résultats fondamentalement différents de ceux des chroniqueurs universitaires. Leur argumentation et leur valeur littéraire toutefois étaient d'un autre niveau, plus élevé. En outre, la question du titre de l'Empire était pour ces auteurs — Philippe Bogislaw von Chemnitz, Samuel Pufendorf et Gottfried Wilhelm Leibniz — plutôt secondaire, de peu d’int& rét, voire insignifiante, ce qui justifie que nous ne la traitions pas, L'objet de leurs recherches était la constitution de l'Empire, la souveraineté de l'empereur et des princes, la Rafio Status de cette communauté, et non ses tradi-
tions! !! ? Outre Goez voir aussi E. CL.
ScHERER,
Geschichte
und Kirchengeschichte an den
deutschen Universitäten, Freiburg 1927; E. MENKE-GLÜCKERT, Die Geschichtsschreibung der Reformation und Gegenreformation, Osterwiek 1912. 10 Cité d’après GoEz, op. cit., p. 277. !! Sur ce point cf. les exposés avec de nombreuses explications bibliographiques de R. Hoke, N. HAMMERSTEIN, H. P. SCHNEIDER, in M. Srozceis (Hrsg.), Staatsdenker im 17. und 18. Jabrbundert, Frankfurt a.M. 1977, ainsi que N. HAMMERSTEIN, "Leibniz und das Heilige Rómische Reich Deutscher Nation", Nassauische Annalen, 85 (1974), pp. 87 ss.
92
On peut également justifier — du moins je l'espère — notre discrétion en ce qui concerne les circonstances et les conditions politiques et concrétes de cette chronique d'empire et de sa conception du caractère romain de l'Empire. À ce sujet, on pourra facilement consulter d'autres publications, notre question n'étant dans ce contexte que peu pratique et méme fort partielle. 3. Tournons-nous maintenant vers les chroniqueurs d'empire. Le traité de Tobias Paurmeister De jurisdictione Imperii Romani de 1608, ainsi que la dite Donauwôrthsche Information de 1609 comptent au nombre des chroniques les plus anciennes et à juste titre les plus citées. Toutefois, elles n'apportent rien à notre problématique, dans la mesure où elles se rattachent dès le départ à d'autres questions concernant les prérogatives impériales et où elles furent immédiatement l'objet de violents débats ©. En outre, la désignation de l'Empire n'était pas contestée et ne motivait donc pas de longues discussions. La formulation de Melanchthon pouvait subsister, elle suffisait à des fondements généraux et un peu vagues, tels ceux que le professeur greifswaldois Stephan, qui n'était pas une personnalité particulièrement brillante, livra encore en 1624 dans ses Discursus Academici: « At hodie nominamus Imperatorem qui summam rerum potitur in Imperio Romano: Qui etiam vere dicitur Princeps ... Ita dictus, quasi primus capiens et quod Imperium Romanum a nullo alio quam Deo immediate teneat: Id ipsum testatur sublimi illa phrasi, qua utitur, wir von Gottes Gnaden ... » "3.
Une discussion plus actuelle sur la question de savoir si l'Empire portait à juste titre, et pourquoi, le complément "romain" s'instaura tout naturellement là où l'on traita de manière plus systématique d'une autonomie du Jus Publicum, là où les titres: de jurisdictione des pandectes ou de regalibus du droit féodal ne devaient pas étre dés le départ le lieu et le critére d'un droit public. En effet, si le Jus Publicum voulait devenir une discipline autonome qui ne fût plus traitée dans le cadre du Jus Commune, il fallait aussi prendre en considération la constitution et le fondement de l'ordre juridique de l'Empire dans leur ensemble, parallèlement aux autres questions qui conservaient toute leur importance. C'est ici que se posait souvent la question:
mum impe-
rium boc nostrum Romanum recte dici etiamnum possit? comme la formulait Arumaeus *. En s'appuyant sur Bodin, Thuanus et Sleidanus, il expose les 12 Sur ce point les indications in N. HAMMERSTEIN,
"Jus Publicum
Romano-Germa-
nicum", cit. Ceci reste valable pour JoH. Sr. PÜTTER, Litteratur des Teutschen Staatsrecbts, 4 Theile, Gôttingen, 1776 suiv. (Repr. Frankfurt a.M. 1966) l'un des premiers chroniqueurs appelé Quirinus Cubach. La Lifferatur de Pütter reste parmi les ouvrages de référence quant au Jus Publicum Romano-Germanicum. B M. SrEPHAN, Discursus academici ex Jure Publico, Rostock 1624 (Disc. VI, 25). Sur les chroniqueurs d'Empire cités voir aussi les indications in CH. J. JÓcHEn, Allgemeines
Gelebrten-Lexikon, ADELUNG,
5
t,
4 Bde.,
Leipzig/Bremen
Leipzig/Bremen
1784-1816
1750-51 (Reprint
suite
et complément
Hildesheim
de
J. Cu.
1960-61).
14 D. ARUMAEUS, Discursus Academici de Jure Publico, Jena 1616, Disc. II, pp. 17 ss.
93
différents points de vue, les reprises ou le caractère de l'Empire. Il fait aussi appel à Alciat, à Beroaldus, Zoannetto, Aventin, Nikolaus Everhard et autres pour prouver d'une part que l'Empire est le successeur légal de l'Empire Romain et d'autre part que la vision de Daniel a une certaine légitimité méme si le nouvel Empire n'administre qu'un modeste reliquat de l'ancien Empire Romain. Sur ce point, il fallait admettre que: « sed in parte ea, quae restat, totum Imperium est, adeoque ubicumque Imperator est, id viget perduratque... ». Il renvoie en outre à la constatation d'Aventin, à laquelle beaucoup
d'autres se référeront par la suite: « curiam ibi esse, ubi Princeps est et ubicumque Romanus Pontifex est, ibi esse Romam, ubi Helena, ibi Trojam » ®. Le fait que l'empereur porte les insignes de l'ancienne Rome et en particulier, l'aigle, illustre clairement selon Arumaeus qu'il est l'ayant cause légitime: «i/a etiam insignia adinventa sunt ad cognoscendas familias et successiones veras... ». Il importerait moins de déterminer le lieu et le moment de la translation, que de reconnaitre la chose méme dans toute son impor-
tance qualitative. Le caractère "romain" dans l'Empire serait «sicut anima in corpore ».
Son dernier argument est que les personnes nées ou Italie ne seraient pas les seules à posséder la qualité de juris dispositionem omnes Imperio Romano subjecti in manorum adscribendi sunt »; d'où Arumaeus conclut:
vivant à Rome ou en romain: « ... sed juxta numerum civium Ro« Quia Germani sub-
sunt Imperio et cives Romani sunt » 6. Méme si Arumaeus — le premier chroniqueur ayant vraiment fait école — n'atteignit pas une importance canonique, il avait pourtant posé, pour la période qui allait suivre, les bases durables à partir desquelles on pourrait argumenter. Les auteurs qu'il avait repris, réfutés ou cités continuérent de former le fond dont on devait partir et qu’il fallait collationner. Indépendamment de la position face à l'empereur et à l'Empire, indépendamment de l'appartenance confessionnelle, cette interprétation resta en gros l'opinion de la plupart des auteurs anciens. 4. Le fait qu'on reconnut au Jus Publicum une importance propre, une autonomie, ne joua tout d'abord aucun róle déterminant ". On en resta à l'interprétation habituelle. C'est ainsi que Daniel Otto qui rédigea l'un des premiers traités sur le Jus Publicum n'a pas porté un jugement différent de
ceux de Reinkingk, Lampadius, Krembergk, Zoannetto, Becker! ou BrautI5 Ibid., Disc. II, p. 21. 16 Ibid., Disc. II, p. 24. 17 En ce qui concerne l'autonomie du Jus Publicum voir aussi en général N. HamMERSTEIN, Jus und Historie, Güttingen 1972, passim. 18 En ce qui concerne Daniel Otto cf. Jon. Sr. PUTTER, Litteratur, cit.; R. STINTZINGE. LaNosBERG, Geschichte der deutschen Rechtswissenschaft, 3 t. in 4, München/Leipzig 1880 suiv. (Reprint Aalen 1957): c'est ici que l'on trouvera des indications sur les données suivantes, Dans sa Dissertatio Juridico-Politica de ]ure Publico Imperii Romani metbodice
conscripta D. Orro écrit: « Neque enim spectandum est, quid Romae fiat, sed quid fieri debeat. Nec Romanum Imperium includitur aut circumscribitur loco, multo minus in
94
lacht — du moins dans les questions fondamentales. C'est précisément le petit manuel de droit public de Brautlacht — qu'on utilisa longtemps et volontiers —
qui a résumé cette interprétation de manière concise, en s'appuyant
sur l’aristotélisme de son époque ?*: « Efficiens, sive à qua imperium nostrum est constitutum, est vel principalis vel minus principalis. Principalis Imperii causa est Deus, minus principalis sunt Romani et postea ad quos translatum Germani, qui imperii hujus dignitatem virtute sua sunt demeriti. Cum Imperia sine territorio subsistere non possint, per materiam Romano Germanicum territorium in quo cum primitus Romani tum postmodum et hodie Germani dominati, nuncupo » 2,
Il est compréhensible qu'on y trouve, quant au “titre juridique" de l'Empire, reconnu par tous comme Empire Romain, certaines différences dans la déduction et la mise en relief qui concernent le processus de la Translatio Imperii elle-méme. Le couronnement de l'empereur Charlemagne apparut souvent comme l'acte décisif, des difficultés ayant toutefois pu survenir quant persona unius vel plurium. imperium, sed in universo orbe consistit, sicuti anima in corpore [...]. Concludo igitur, Imperium nostrum recte etiamnum dici Romanum, vel si mavis Romano-Germanicum. Romanum ratione originis; Germanicum ratione subjecti
recipientis: quia a Romanis in Germanos fuit translatum ». (J'ai utilisé l'édition de Wittenberg de 1658, p. 105). T. REINKINGK, De regimine seculari et ecclesiastico, 3' éd. Marburg 1641: «Imperium Romano-Germanicum esse quartam. illam monarcbiam, cui perennem at cum aevo duraturam felicitatem divina ominantur oracula» (p. 25); dans ce contexte il nomme
Daniel, Besold, D. Gerhard, Melanchthon. J. LAMPADIUS,
Tractatus
de Constitutione Sacri Romani Imperii, Lugduni 1634, partic. pp. 85 ss. CHR. KREMBERGK, Dissertatio Juridico-Politica de Praesenti Romano-Germanici Imperii Statu Monarcbico, Wittenberg 1622: « Translatio tamen illa Romani Imp. ad Germanos non Papae, ut male affirmat | Bellarminus, eiusque assectae, est adscribenda, sed acquisitionis ac victoriae jure, partim S.P.Q. Rom. voluntate, electione et sufragio, imo pacto irrevocabili, quod Nicephorus Imperator Orientalis, eiusque successor. Michael cum Carolo M. inire, ad
Germanos Imperium boc quartum illud et ultimum Num status Imperii nostri renvoie également à Bodin.
translatum fuit [...] Cum igitur Imperium boc nostrum sit regnum, Politici non parvam bic trabunt contentionis servam: Rom. Germ. sit verus Monarchicus?...» Dans ce contexte il Chez F. ZoauuETTO, De Romano Imperio ac eius jurisdictione...,
Ingolstadt 1559 — un des premiers chroniqueurs catholiques on peut lire: « Hodie autem Romanum dumtaxat non Germanicum sit imperium; idque im universo orbe ita conti.
nentur, ut anima in corpore», Chez W. Becker, Synopsis Juris Publici Sacri Imperii Romano-Germanici, Kóln 1654 — de méme l'un des premiers compendiums catholiques on peut lire: « Aftamen in eo non parva est Imperii nostri praerogativa, quod sit omnium
fere judicio, quarta illa Monarcbia de qua Danielis loquitur vaticinium, cui perennem et cum aevo duraturam foelicitatem divina ominantur miracula... Nec ideo quoque Imperium Romanum esse desiit, quod Italia, Gallia aliisque regionibus avulsis, id diminutum sit: cum Imperium in partibus adbuc conservatis totum persistat: adeoque ut ubi Imperator est, ibi quoque Romanum censeatur esse Imperium ». 19 En ce qui concerne l'aristotélisme — protestant — du XVII* siècle cf. entre autres H. DreITzEL,
Protestantischer Aristotelismus und absolutistischer Staat, Wiesbaden
1970.
Avec bibliographie supplémentaire; également N. HAMMERSTEIN, “Universitäten des Heiligen Rómischen Reichs", cit. 2 G. BRAUTLACHT, Epitome Juris Prudentiae Publicae universae eiusdem Metbodum, Gotha 1661, Livre I, Chap. 1, 7.
95
aux droits d'intervention Mais l'époque introduite celle où s'établit un lien tains pensaient également cipio
autem
imperatores
du pape et aux droits légitimes qui en découlaient. par Otton le Grand fut souvent considérée comme durable entre le Romanus et le Germanicum. Cerque — comme l'a formulé Lampadius: «In prinsuccessione
imperium
nacti
ad
Ottonem
tertium
Saxonem usque nunquam interruptam... » Ἄς Joh. Limnaeus réunit dans son compendium toutes ces réflexions et ces discussions en une synthèse provisoire mais néanmoins classique 2. C'est avec une connaissance large et profonde de la littérature et des traditions des doctrines juridiques qu'il confronta les divers arguments pour proposer finalement son opinion — qui d'ailleurs correspondait en gros à celle qui prévalait alors dans l'Empire — comme étant l'interprétation valable. Il eut un grand succés, comme le prouvent les nombreuses éditions et le nom honorifique de "Patriarch und Erzvater, ingleichen oraculum in iure publico” qu'on lui attribua. Je ne peux et n'ai nul besoin de m'étendre sur ce savant exposé polyhistorique. I! nous suffira d'en mentionner les conclusions déterminantes. C'est ainsi que Limnaeus constate tout d'abord: « Roma etiam duplex est, una, quae immobilis, antiqua:
... (ita eam appello,
ubi primum hoc nomen coepit) altera mobilis, recentior, ibi consistens, ubi Imperator est; … vel quae alio respectu ad dignitatem immobilis primae ac.
cedit » À,
Dans cette mesure, on pourrait méme en conclure que l'Imperium Romanum pourrait bien exister sans la ville de Rome. L'empereur romain serait alors celui qui protégerait Rome et aurait ainsi hérité de la mission qui incombait aux titulaires d'origine de la charge. Les dimensions et les limites de sa souveraineté seraient au plus d'une importance secondaire. L'Empire
serait en tout cas le successeur légitime de l'Empire Romain:
« Imperium Romanum postquam in Germanos translatum nec nomen nec essentiam mutavit, accidentia alia utut maxime
exuerit ». Cette translation au-
rait été effectuée sous Charlemagne qui, tant pour des raisons tenant à la foi que pour protéger le pape, aurait chassé les Lombards et sous «applausu populi Romani belli et transactionis jure Imperium optinuisse(t) ». Il se serait donc agi d'un acte juridique spécifique, autonome — et aussi parfaitement légitime —, les papes ne pouvant en aucune façon faire valoir des exigences particulières. De plus, il serait certain que Charlemagne était allemand. L'opinion selon laquelle l'Empire serait allé tout d'abord à la France par l'intermédiaire de Charlemagne pour passer de là à l'Allemagne par l'intermédiaire de Bérengar, serait érronée. En outre, l'accord de la Rome d'Orient 21 LAMPADIUS, 0p. cit., p. 87. 2 Jon. LiMNAEUS, Jus Publicum
Imperii Romano-Germanici;
burg 1699. 3 Voir Jon. Sr. PürrEn, Literatur, cit., I, pp. 198 ss. 2% Jon. LIMNAEUS, op. cit., Livre I, Chap. 4, 16.
96
édition utilisée:
Straf-
n'aurait pas été nécessaire (même si celui-ci fut effectivement donné) puisque les habitants de Rome étaient seuls compétents. « Licet vero haec Caroli electio personalis primum fueret, attamen parentis fortuna eam successoribus reddidit perpetuam atque realem. Hoc est quod alii dicunt, Imperium Romanum et active et passive in Germanos translatum. Scilicet ex Imperio Romano et Germanorum Regno una constituta est species ... unde qui Rex Germanorum esset simul etiam Imperator diceretur ... Germanis tamen Imperatorem eligendi jus atque licentia esset. » 25
Par cette doctrine Limnaeus a réuni les arguments et les conceptions qui firent autorité du début de la chronique jusqu'au milieu du siécle et en a fait pour ainsi dire un canon
pour un certain temps. Cette interprétation resta
plus ou moins en vigueur jusque tard dans le XVII* si&cle et méme occasionnellement jusqu'au XVIII* siècle. La théorie de la translation constituait toujours l’arrière-plan, mais elle pálit de plus en plus au profit de la discussion sur les conséquences et les droits juridiques qui en résultaient. C'est ainsi que le probléme se déplaga: il s'éloigna des implications théologiques et mit les implications politiques au premier plan. C'est Hermann Conring qui suivit cette voie de la façon la plus radicale ?*. Il est caractéristique que sa recherche partít d'une problématique théologique pour aboutir ensuite trés rapidement à l'aspect historico-politique. C'est la théologie de Calixte de Helmstedt — exception dans le luthéranisme du XVII* siécle, tout comme cette université dans son ensemble, et trés proche des opinions néostoiciennes de l'école hollandaise de Lipse — qui donna l'impulsion à Conring ?. Μ par la nécessité de repousser l'extension de la Contre-Réforme papale, et de reconnaitre d'abord à l'Empire — à l'Empire protestant — une importance propre, il chercha en utilisant le procédé de la preuve historique — spécialité de Helmstedt à cette époque — à montrer
la naissance de cette "Lotharische Legende", comme il l'appelait ?. Il se rendit compte que la nouvelle théorie de la translation renvoyait à Melanchthon, qu'une adaptation consciente de ladite "quatriéme monarchie" n'avait jamais été tentée et que l'idée elle-méme ne pouvait résister à un examen de la raison. C'est pourquoi ni les Romains, ni à plus forte raison le pape ne pouvaient faire valoir aucun droit dans ou sur l'Empire. En revanche, celui-ci aurait acquis des territoires italiens à la suite de guerres et de conquêtes, mais il aurait toujours conservé son caractère propre. Il serait justement un état autonome qui n'aurait rien à voir avec Rome, 75 Ibid., Livre I, Chap. 5, 16-17. % En
ce
qui
concerne
Conring
cf. M.
lin 1983. 7 En ce qui concerne ces événements
Srotteis
(Hrsg),
Hermann
Conring,
Ber-
cf. les travaux de J. Wallmann et I. Mager
in M. SrorLErs (Hrsg.), Conring, cit. Fondamentaux en ce qui concerne le nouveau stoïcisme
les articles de G. Oestreich, maintenant in G. OESTREICH, Geist und Gestalt des frübmodernen Staates, Berlin 1968. 75 Voir aussi les travaux de Stolleis, Hammerstein, D. Willoweit et H. Becker in M. SroLLeIs
(Hrsg.), Conring, cit.
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et dans lequel surtout le droit romain n'aurait aucune valeur dans le domaine des affaires de l'état. De plus, l'empereur ne serait pas la source du droit dans l'Empire, mais origo, status et Herkommen (l'origine) de la communauté détermineraient son ordre juridique ?. Et c'est ce dernier qui intéressait Conring au premier chef. N'oublions pas en effet qu'il écrivit vers 1640 et qu'il fut directement concerné par la guerre de Trente Ans. Ce à quoi il aspirait, comme bon nombre de ses contemporains, c'était une réglementation raisonnable, pacifique et légitimante de la communauté, et en aucun cas des édits impériaux.
Le complément
au titre de l'Empire "Romain"
résulte selon Conring
d'un mélange de suffisance théologique, de croyance moyenágeuse, de fausse tradition et de grande opiniâtreté. Cela ne voulait pas dire pour autant que c'était nuisible ou mauvais. Il s'agirait bien plus de se rendre compte que les anciens n'avaient pu aboutir à d'autres conclusions et qu'on pouvait donc les reprende en toute tranquillité. Conring avait ainsi exposé les faits de manière tout à fait concise et probante; il avait en particulier réfuté les arguments de Baronius, de Bodin et de tous les partisans de la cutie ainsi que ceux de tous les écrivailleurs absolutistes 9. Certes, ses résultats ne passérent pas tout de suite au fonds commun de la chronique; en d'autres termes: ses déductions, sa méthode et ses conclusions ne furent pas reprises immédiatement. Néanmoins, elles n'étaient pas aussi singuliéres qu'on l'a parfois supposé. Tout au moins l'approche méthodologique était fort courante, comme suite de l'historiographie de la Contre-Réforme et du lipsianisme et aussi en tant que condition essentielle
du renforcement du Jus Publicum. Il n'est guère un auteur qui ne se frottát à Baronius, Thuanus et Bodin. Il s'agissait toujours de faire échec aux prétentions du pape sur l'empereur et sur l'Empire ainsi qu'à la contestation possible de la légitimité de ce titre, ou bien tout simplement de prouver la
J.
# L'édition la plus pratique des œuvres capitales de Conring est celle en 7 tomes de W. Gorsez (Hrsg.), Hermann Conring, Opera, Braunschweig 1730 (Repr. Aalen 1970);
entre
autres
De
finibus
Imperii
Germanici;
De
Imperatore
Romano-Germanico,
t.
I.
39 Cf. H. Conrinc, De Germanorum Imperio Romano, 1643, in J. W. Gorsez (Hrsg.), Hermann Conring, cit, I, pp. 27ss.: «Exiguam tantum Italiae portionem Imperii Romani nomine usque ad Ottonem. Magnum venisse, et tametsi. illud Imperium juris Francici sit factum aetate Caroli Magni, tamen neque tunc, nec omni post tempore, vel omne Francorum regnum, vel ejus aliquam portionem et nominatim neque Germaniam,
neque ltaliam illius Romani Imperii partes babitas esse, perspicuum jam fecimus: consequens
est, uti nunc inquiramus,
an mutata
Ottonem atque successores est derivatum. prius, quid
rantur,
quae
Ottoni et successoribus cum
disserit Boeclerus
baec sint, postquam
Imperatorium
nomen
in
Quod ipsum accuratius fiet, ubi exposuerimus Imperatorio
in Ottone
I, pag.
illo titulo sit collatum
292
et seqq.
Et
[...] Confe
quidem
Ottonem
consequutum tandem esse Caesareum nomen, non minus est certum, atque idem illud obtigisse Carolo Magno. Neque multum dubitaverim iis accedere, qui omne illud iterum auctoritate et Pontificis et populi Romani gestum arbitrantur. [...] Neque tum nulla amplius erat Senatus populique Romani auctoritas [...] Ceterum summum Imperium Urbis
Romae Ottoni concessum esse manifestum: facit. ipsum Imperatorium nomen, quod illa tempestate utique dominium urbis significabat. Confirmat idem juramentum fidelitatis, quo sese Ottoni obstrinxerunt Romani cives, et quidem tribus vicibus» (p. 73).
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non-validité de certaines opinions comme celle — dans ce cas du jésuite Salmeron — selon laquelle ledit Empire Romain ne serait qu’un pâle reflet de l'ancien, « et per multos annos defecerunt Imperatores Romani »?. A ce sujet, Benedict Carpzov qui cite bien d'autres auteurs encore, écrivit dans le chapitre "Nihilo minus Imperium Germanorum etiamnum hodie est Imperium Romanum": « Nibilominus Imperatores nostri eadem babent insignia quae
veterum
Imperatorum
Romanorum
fuerunt
peratores in mandatis et literis suis sese Romanorum
... Quin
et ipsi Im-
Imperatores. appelli-
tant... » *, Même si la vision de Daniel n'avait rien à voir avec cela, selon Carpzov, la conclusion d'Aventin restait valable: « Curiam ibi esse ubi Princeps est et ubicunque, Romanus Imperator, ibi Romam, ubi Helena, ibi
Trojam » ?. 5. A l'époque oü Conring rédigeait ses ceuvres fécondes, le chroniqueur de Giessen/Marbourg Sinold dénommé Schütz écrivait: « Objectum | juris nostri publici est Imperium Romanum quod est una ὁ quatuor à Propheta praedictis Monarcbiis » *. Une translation valide sur le plan juridique aurait ainsi eu lieu, l'Empire ne serait donc pas une nouvelle création, il utiliserait les mémes insignes que la Rome antique et ce n'est pas par hasard qu'il se
nommerait "romain" comme l'empereur lui-même. Une chronique 5 très répandue à cette époque et lue pendant longtemps encore — elle se proposait, de méme que Monzambano ou Hippolithus a Lapide, de donner des conseils politiques en vue d'une meilleure constitution de l'Empire — fournit, en ce qui concerne notre probléme, des arguments quelque peu différents. « Le Saint Empire Romain Germanique qui, vu son origine et quelques reliques peu nombreuses qui existaient encore alors, fut nommé et est encore nommé à juste titre "Romain", puisqu'il s'agit de la quatri&me monarchie, a subi de temps à autre des changements et des modifications ainsi que d'autres gouvernements du monde, que l'on pourrait fort bien comparer à l'évolution des âges de l'homme [..] On l'appelle Empire Romain parce que la conception de la quatrième monarchie romaine — qui selon la prophétie doit persister jusqu'à la fin des temps — a été considérée partout comme un fait connu, bien qu'il soit difficile de dire exactement pourquoi (c'est-à-dire si ce titre s'est imposé per translationem Imperii ad Germanos, ou d'autre façon). L'avis 31 Cité aussi d'après B. CanPZOv, Commentarius capitulationem imperatoriam...,
in legem regiam. Germanorum
sive
1640, p. 72.
X Ibid. p. 73. Il constata également: «Imperium Romanum aut prophetia Danielis falsa erit ».
itaque boc praesens, aut adbuc
3 Ibid., p. 75.
% J. Sinon, cogn. Scuürz, Collegium publicum de statu rei romanae, Marburg 1640, p. 26 (2° éd. GieBen 1653). 35 Il s'agit du livre de R. HEIDENS paru pour la première fois à Francfort/Main en 1663 sous le titre: Grundfeste des Heiligen Rómiscben Reiches Teutscher Nation aus dem 8. Artikel des Osnabriickischen Friedensschlusses vorgestellt und in Druck. gegeben durch Eitel Friedrich von Herden (utilisé dans l'édition de 1706). Pour Heiden voir aussi
entre autres Jon. Sr. PÜTTER, Litteratur cit., I, p. 231; CH. J. JÓcHER, op. cit.
99
général est que c’est Charlemagne qui a apporté aux Allemands le nom et le titre de l'Empire Romain et les écrits que Bellarminus et Flatius Illyricus ont échangés à ce sujet sont bien connus, de méme que les Notas de Franciscus Junius et l'excellent livret de Arsinaeus [..] Toutefois, toutes les objections
n'ayant pas été repoussées, Conring a expliqué dans son admirable traité De Germanorum Imperio Romano que Charlemagne n'avait rien reçu d'autre, en prenant à Rome le titre d'empereur, que les pouvoirs sur la ville de Rome et le patrimoine de Saint Pierre qui avait été reconnu à l'Allemagne sous Otton le
Grand et lui avait été attribué par la suite. Donc, que Rome n'avait jamais eu aucun pouvoir sur l'Állemagne mais que le titre d'Empire Romain était resté aux Allemands,
1000 ans après la naissance du Christ, par droit coutumier, en
raison de l'ancien privilège de la ville de Rome [...]. Mais notre propos est en fait la désignation de l'Empire Romain qu'on a qualifié par la suite de SaintEmpire Romain Germanique et la façon dont auparavant les empereurs ne portaient souvent que le titre d'I»peratores Romani; Maximilien I notamment
s'est aussi nommé Regem Germaniae ou Germanorum, ce qu'on a gardé comme habitude aujourd'hui encore. L'Empire allemand n'a donc pas conservé jusqu'à maintenant le titre incomparablement célébre d'empereur romain et d'Empire romain sans la volonté de Dieu. De plus, bien que ceux qui voulurent diffamer soit le mot
Saint, soit le titre Romain
fussent nombreux,
tous les potentats
chrétiens étaient cependant d'avis de reconnaitre par ce titre la souveraineté de nos empereurs et de notre Empire, de méme que le mot Empire a été conservé et défendu à juste titre, puisque depuis toujours les Romains employaient plutôt le mot Empire que le mot Royaume — ou tout autre — pour désigner leur état, à l'exception des feudataires non-latins qui employaient souvent le mot Royaume pour Empire; le mot Empire conserve donc son excellence, non pas certes en raison de son interprétation trés récente et quelque peu mal fondée,
à savoir combien de Regna ad Imperium, combien de Ducatus ad Regnum etc. sont nécessaires, mais
au contraire, en raison
de l'habitude
dans
la manière
d'écrire et de parler romaine que nous avons mentionnée plus haut. »
6. Le chroniqueur strasbourgeois adepte de Lipse, Johann Heinrich Boecler se rapproche davantage de Conring qu'il reprend dans de nombreux passages et qu'il réfère en grande partie. Selon lui, l'Empire se nomme à
juste
titre Romain, méme s'il n'y a pas eu translation. Car l'évolution historique aurait favorisé cette idée tout simplement en raison d'une erreur compréhensible. C'est de là qu'elle tiendrait sa tradition, son importance et aussi sa justification *. Cette théorie suscita un intérêt croissant, remplaça l'ancienne et mena éga-
lement à d'autres interprétations. C'est surtout au cours des trois dernières décennies du XVIII* siècle, alors que la chronique prenait une importance accrue dans les universités protestantes, que l'on aboutit à de nouveaux schémas
explicatifs sur lesquels la célébre école de Halle put s'appuyer. Rhetz, Cocceji, % Jon. H. BoEcLER, Sacrum Romanum Imperium, StraBburg 1663, et Notitia Sacri Romani Imperii, StrafBburg 1681, en particulier livre I, chap. IV, "De Nominibus Sacri Romani Imperii”. Il était également d'avis: « Ab Ottone Magno sive primo novum et maxime illustre est, quo
100
ad Germanos.
pertinet.
Romani
Imperii
gloria...»
(Notitia
cit., p. 20).
Schilter, Rechenberg, Pfeffinger sont de grands noms, sans qu'ils soient les seuls ". Leur mode d'argumentation apparaît certes moins tourné vers l’histoire que ce n'était le cas jusqu'alors. Les travaux préliminaires existants permettaient apparemment une méthode plus formellement juridique. Les réfé. rences à Limnaeus, Conring, Boecler et autres ajoutérent alors aux arguments juridiques les preuves historiques. Pfeffinger qui, à l'aide du manuel de Vitriarius, réunit d'une façon relativement peu originale les principales chroniques, fit preuve d'un certain traditionalisme. Son "Compendium" reste volumineux et grossier. Il s'efforga de rassembler toutes les preuves d'un fait — et aussi du nótre — laissant à peine une opinion de côté. Ce fut, entre parenthèses, l'une des raisons pour lesquelles on l’utilisa si longtemps et si volontiers. Il constituait un compendium de toutes les interprétations antérieures. Mais revenons à notre ques-
tion: en ce qui concerne "l'Empire Romain", Pfeffinger opta pour le fait que le titre avait uniquement été choisi du fait des conquétes et qu'il avait donc été conservé avec raison *. En revanche, Schilter vit dans la fondation de l'Empire par Charlemagne — empire issu à l'origine de trois royaumes qui certes se séparérent par la suite sur des points importants — l'événement décisif. Dans cette mesure, c'est à l'interprétation la plus ancienne qu'il resta attaché. Toutefois, il attribuait le caractére "Romain" du titre plus à une idée plutót générale et universelle (Titulus universalis) qu'aux données réelles 9.
Cocceji, le maître de Johann Peter von Ludewig pour les questions importantes résolut quant à lui notre problème de la manière suivante: « Universitas Germanici Imperii duo continet: 1) Ipsum Germaniae regnum proprià regni formá constans. 2) Jus et Imperium huic regno per Galliam, Italiam, Imperium Occidentis et c. quaesitum ».
Selon lui, le fait de savoir si l'on tentait toujours de le réaliser sérieusement était douteux, mais non — gráce à Charlemagne et à Otton le Grand — l'habilitation à porter le titre d'Imperium Romano Germanicum *. Auparavant, Rhetz, dans son compendium, avait lui aussi conféré à ce titre une valeur particuliére et distinctive. « Nomen Regis Romanorum non solum dignitas est sed officii et administrationis ». La "Potestas" de son tenant serait donc "legitima et temperata" et en aucun cas usurpatoire *. Pour lui, 37 Voir aussi Jon. Sr. PUTTER, Literatur, cit.; CH. J. JÔCHER, op. cit.; R. STINTZINGE. LANDSBERG,
op. cit.
35 Jon. F. PFEFFINGER, Vitriarius Illustratus seu Institutiones Juris Publici Romani Germanici, Gotha 1698, I, pp. 56 ss. 9 Jon. ScunTER, Institutiones Juris Publici Romani Germanici, Strafiburg 1696 cf. en particulier Livre I, Titre II, Chap. IV, pp. 10 ss. © H. Cocceyi, Juris Publici Prudentia compendio exbibita, Frankfurt/Oder 1695, chap. VII, $ 4; cf. aussi chap. VI, en particulier $$ 15 ss. 41 Jon. F. Ruerz, Institutiones Juris Publici Germanici Romani, Frankfurt/Oder 1683, Livre
I, Titre III, $ 6. Auparavant:
« Rex Romanorum
vocatur. intuitu. primatus
101
il était établi que le tenant de ce titre était avec raison l'empereur allemand, . fait qui remontait à Otton I”.
Le beau-fils de Jacob Thomasius —
parallèlement beau-frère de Chri-
stian Thomasius — Adam Rechenberg résuma de maniére concise les interprétations de ces chroniqueurs post-conringiens et pré-halliens 9. Bien qu'il ne füt pas juriste — il eut, aprés avoir longtemps exercé à la Faculté des Arts de Leipzig, une charge de professeur titulaire de théologie — il s'était aussi occupé à l'occasion de questions concernant les chroniques d'empire dans le cadre de la Philosophia Practica. Il décrit succinctement le titre et le caractère de l'Empire de la façon suivante: « Sacrum dicitur ratione speciali, vel quia in Romano olim imperio fides Christiana recepta fuit; vel quia Imperator caput orbis Christiani et defensor Ecclesiae ac fidei catholicae audit. Deinde Romanum quia post Carolum M. imperator Otto M. sibi et successoribus suis in regno Germanico jus et imperium in urbem Roman quaesivit perpetuum. Tandem Germanicum appellatur, quod penes Germanos inde a Caroli M. aetate fuerit ... vel quod Imperii huius Territorium principale sit Germania » 9.
Conring, Limnaeus, Cocceji, Boecler, ceux qui entretemps faisaient justement autorité, lui servaient de garants ^. urbis et Imperii Romani et vi conventionis inter Romanum populum et Pontificem et Ottonem M. intuitu Regni Germaniae ut qui Rex Germaniae a Germanis eligitur bodie ab electoribus, illi statim sit Rex Romanorum et gaudeat ]uribus Caesaris et Imperatoris. Non
itaque Rex
Romanorum
idem
erit Rex
Italiae,
nam
Regnum
Italiae nec antea
nec
bodie jure electiones pertinet ad Germanos... ». 42 Indications et bibliographie in: N. HAMMERSTEIN, Jus und Historie, cit.; U. OBRECHT porta d'ailleurs un jugement analogue dans De unitate rei publicae im Sacro Romano Imperio, Diss. XIV, 1676, collecta, Strafiburg 1729, pp. 283 ss.
in
Opuscula
rariora
academica
in
unum
4 A. RECHENBERG, Lineamenta Philosophiae civilis cum Diss. de Imperii Regimento, 2* €d., Leipzig 1696, Livre III, Chap. II, $ 2, p. 199.
Sacri
volumen
Romani
4 G. ScHWEDER, Introductio in Jus Publicum Imperii Romano-Germanici novissimum,
Tübingen 1681 (utilisé dans l'édition de 1701) porte le jugement suivant: « Ex institutà autem illà divisione Imperii, separatimque constitutis à Germania, ex propriis suis Ordinibus, Comitiis, clarè iterum patescit Regni Germanici (quod tamen tum adbuc Orientale Francorum Regnum dictum) à Romano Imperio distinctio, quae etiam usque ad Ottonem I. mansit, nec usque εὸ Germania vel vulgó Imperii Romani pars est babita. Seculo verd X. Ottonis I. auspiciis quidem Caesarea dignitas, (quá Caroli posteri per injuriam exciderant),
et
Italici
regni
possessio
aeterno
et
nullo
unquam
divortio
solvendo
vinculo
cum Germania rursus juncta est, (ita, ut à Germanis electus in Germaniae Regem, ab Italis sive Longobardis quoque pro Rege et à Pontifice, Urbe ac suburbicariis Provinciis pro Imperatore protinus coli deberet, nulla licet auctoritate Pontificis accedente: Quod etiam pactis inter Ottonem III. Imperatorem. bujusque consanguineum Gregorium V. Papam initis dein confirmatum adeoque Germanicis Regibus perpetuum jus ad Impe ratoriam Dignitatem quaesitum; nibilo tamen minus mansit. inter haec distinctio et sua Germanis libertas, jusque Rempubl. suam sine Populi Neque ex eo, quod jam multis seculis Germania Sacri
Romani consensu administrandi; IMPERI: ROMANI nomine audiat,
sequius quid, vel eam idem numero illud Romanorum Imperium esse, colligi debet aut potest. Pervulgare enim est pluribus consociatis Rebuspubl. ab una aliqua sociarum omni-
102
7. Avec l'essor du Jus Publicum Romano-Germanicum, en tant que disci-
pline juridique importante et moderne, qui eut lieu à Halle et qui prit sa forme exemplaire, plus tard, à Güttingen, cette génération moyenne de la chronique d'Empire ne devint certes pas insignifiante ou anachronique, mais pourtant moins dominante. Cela tenait principalement au fait que la problématique de la nouvelle chronique s'était modifiée et qu'elle considérait d'autres problèmes comme plus importants 8. C'était au fond l'expression d'une modification de la situation politico-historique. Le mélange de théologie et de politique propre à la Contre-Réforme avait été dissous, la première place que la Faculté de Droit avait conquis au sein des universités réformées n'était que l'indice purement extérieur de ce changement. La mondialisation des sciences fit paraître la position polémique anti-papale, anti-romaine et aussi antiimpériale des anciens, inintéressante, dépassée et quasiment sans raison d’être. Au premier plan de la réflexion se trouvaient maintenant l'ordre juridique séculier de l'Empire, celui des territoires, des classes etc., le repoussement des prétentions hégémoniques françaises, l'absolutisme français et enfin la protection et la consolidation du patriotisme d'Empire qui se développait alors avec vigueur. Le problème des implications du titre de l'Empire passa tout naturellement à l'arriére-plan. Pour les jeunes chroniqueurs, ce que la génération moyenne avait déjà prouvé restait valable, à savoir que la désignation de
l'Empire en tant que "Romain" était justifiée et qu'elle n'avait rien d'usurpatoire. Toutefois, le fait de renforcer la position de l'empereur et par là-méme de l'Empire et de la rendre plus rayonnante, paraissait plus important que la constatation ou plutôt la défense de ce droit. En effet, la montée de la Maison impériale, parallèlement au refoulement des Turcs puis de la politique des Français à l'est, l'importance croissante de la juridiction impériale — et avant tout celle du conseil aulique — suscitèrent à cette époque un fort patriotisme d'empire qui fut compris, exprimé et fondé comme étant le complément harmonieux des divers patriotismes territoriaux “. La liberté allemande et le respect du droit et de l'origine étaient consi dérés comme les caractéristiques de cette remarquable communauté. La conbus commune nomen indere. Ita quippe olim Acbaeorum Resp. omnibus foederatis nomen dedit et Urbs Romana omnibus sociis, bodieque Helvetii foederati omnes ab uno pago vulgò Suizeri, ut Belgico-Germani Hollandi nuncupantur. Com ergò borum ad exemplum Imperii Romani nomen sociis simul Rebuspubl. inditum, non sequius quid inde colli. gendum
est. Crediderunt majores nostri Imperium
Urbis Romae, quód verè est Romanum,
dignitate praecellere Regnum Germaniae et Longobardiae, utut nullius amspliùs potentiae. Itaque cum tres illae Respubl. aeterno. foedere. coaluissent, ab ed, opinione erat augustior,
devolutum
est nomen
in totum
Corpus,
non
tàm
decreto, quàm vulgi consuetudine, quam tamen post annum Christi MC.»
publico
esset quae etiam
([suite] chap.
IV, p. 72).
45 Très complet sur ce point N. HAMMERSTEIN, Jus und Historie, cit., passim. 46 Sur ces questions cf. également F. MATSCHE, Die Kunst im Dienste der Staatsidee Kaisers Karls VI., 2 t., Berlin/New York 1981, ainsi que l'interprétation plus ancienne de O. RepLICH, Das Werden einer Grossmacbt, Brünn/München/Wien 1942.
103
ception “harmonieuse” de l'Empire de Leibniz, qui avait espéré pouvoir surmonter les faiblesses par une coopération équilibrée de l'empereur et des ordres de l’Empire, l'emporta dans ces nouvelles chroniques sur les idées d'Hippolithus a Lapide et de Pufendorf. Cette profonde conviction de la supériorité et de la qualité d'élu de l'Empire devait d'ailleurs à quelques exceptions prés, animer la chronique jusqu'à la fin de l'Empire, indépendamment de l'évolution de celui-ci, qui ne se fit pas sans heurts, et méme sous le signe du dualisme naissant entre la Prusse et l'Autriche pendant la seconde moitié du XVIII* si&cle. Tous les chroniqueurs d'Empire de l'époque étaient plus ou moins convaincus que seule la coexistence dans l'Empire tout entier pou-
vait garantir la paix, le droit et la liberté, et que c'est de là que naîtraient force et vigueur et que pourrait s'étendre sur l'ensemble de l'Europe une influence salvatrice. De Schmauss à Pütter et Hugo, de Ickstatt au Baron de Martini en passant par Schrótter, de Friedrich Carl von Moser * à Justus Moser * — tous ces chroniqueurs ne divergeaient guère dans cette conviction profonde; certains observateurs étrangers, comme Voltaire ou Rousseau
le confirmèrent également à leur manière ?. Il est caractéristique que ce n'est qu'à la suite de la Terreur et des guerres de coalition qu'une modification se fit sentir, lorsque une nouvelle idée politique pénétra également la réflexion sur le Droit public allemand. On citera ici Hegel et Fichte; il va de soi que la chronique d'Empire ne survécut pas à cette époque, tout au moins pas en tant que discipline juridique. Mais en tant que méthode, en tant que point de départ méthodologique d'autres Sciences et matiéres, elle continua à exercer son influence bien au-delà de cette époque ?, Mais revenons à notre problématique proprement dite, à Halle. 8. Au cours des discussions fécondes entre Gundling et Ludewig on assujettit la chronique aux hypothèses fondamentales que nous avons déjà esquissées *, En ce qui concerne le caractére "Romain" du titre, on ne chercha méme aucune explication définitive. La discussion — qui était maintenant purement historique, l'histoire devant être toutefois partie intégrante du Jus Publicum — s'attacha davantage aux conséquences et à la signification de cette désignation. Pour Gundling, qui dans une large mesure devait faire # Sur ce point N. HAMMERSTEIN, Jus und Historie, cit., ainsi que In., Aufklarung und katboliscbes Reich, Berlin
1977, passim.
4 N. HAMMERSTEIN, "Das politische Denken Friedrich Carl von Mosers", Historische Zeitschrift 212 (1971), pp. 316ss. Passant à côté de la question U. R. BEcuER, Politische Gesellschaft. Studien zur Genese bürgerlicher Offentlicbkeit in Deutschland, Güttingen 1978. # C. AntTONI, Der Kampf wider die Vernunft, Stuttgart 1951, pp. 102 ss. 5 Cf. également ici: J. G. GagLiARDO, Reich und Nation. Tbe Holy Roman Empire as ldea
and
Reality
1763-1806,
Bloomington/London
1980.
5! C£, N. HAMMERSTEIN, "Der Anteil des 18. Jahrhunderts an der Ausbildung der historischen Schulen des 19. Jahrhunderts", in K. HAMMER-J. Voss (Hrsg.), Historische Forschung im 18. Jabrbundert (Pariser historische Studien 13), Bonn 1976, pp. 432 ss. 52 Cf. en général N. HAMMERSTEIN,
104
Jus
und
Historie, cit., passim.
école, l’Empire contemporain remontait dans sa forme et dans son essence au règne d'Otton le Grand. C'est à cette époque qu'avait eu lieu la reprise du caractére romain en tant qu'idée et méme en tant que nom, bien que le « Rómiscbe alte Kaysertbum ... diu erat extinctum ». La domination momentanée sur l'« Exarcbat, le Ducatum Romanum et quinque urbes » aurait d'autre part justifié cette reprise équivoque, et ce titre s'étant depuis lors main-
tenu dans l'Empire avec quelques interruptions, il fallait donc le conserver. « Der eintzige Titul, Rómischer
Kaiser machet, dass wir den Rang
vor allen
übrigen Kónigen praetendiren ... Das eintzige Kayserthum von Rom giebt uns die Praerogatio:
drum
besorgt eben
Maximilianus
I, Carolus
VIII
Kônig
in
Frankreich móchte das Rómische Kayserthum wegschnappen und sich dadurch über ihn setzen, daher kam auch in selbiger Zeit in Oppositionem, in odium et contradictionem Gallorum bey uns der Titul auf: das heilig Rómische Reich Teutscher Nation, Daher sind diejenigen absurd, so meynen ... es wären verba inania ... Wegen unseres Teutschen Wesens hatten wir keinen Rang zu prátendiren, da ist Frankreich stärcker. » 95
so gut als wir und vielleicht noch müchtiger und
3 N. Hier. GUNDLING, Discurs über dessen. Reicbs-Historie, Frankfurt a M./Leipzig 1732, pp. 346; 398. [« Le seul titre d'Empereur Romain fait que nous prétendons à un rang supérieur à celui de tous les autres rois ... Le seul Empire de Rome nous donne des prérogatives. C'est pourquoi Maximilien I“ redoutait que Charles VIII, roi de France ne lui enlevàt l'Empire Romain et se plaçât ainsi au-dessus de lui, er c'est pourquoi aussi le titre Saint Empire Romain Germanique apparut chez nous à cette époque in oppositionem, in
odium et contradictionem Gallorum. Ceux qui prétendent qu'il s'agit là de verba inania sont donc des insensées... Notre nature allemande ne légitime aucunement la prétention à un rang, en ce point la France nous vaut bien, elle est peut-être même plus forte et plus puissante. »] L'élève de Thomasius Gottlieb Gerhard TITIUS porte ici un jugement trés analogue dans son Specimen Juris Publici Romano-Germanici, Leipzig 1698 (utilisé dans l'édition de 1712): «Sed de appellatione generali ac solenni seu curiali jam videndum. Dicitur igitur solenni elogio, Sacrum Romanum imperium e/: Imperium Romanum Teutonicae Nationis das Rômische Reich Teutscher Nation, seu quod eodem recidit; Imperium
Romano-Germanicum
[..] Rempublicam autem Germanorum,
ob jus in reliquias imperii
Romani quaesitum, nomen imperii Romani mereri, cerium omnino, ac contra ineptas Blondelli criminationes solide a BoECLERO ostensum dl. sed cur iste titulus generaliter omne id notet, quicquid regimine germanico comprebenditur, id praesentis est disquitionis. Esse illum titulum. sensus istius amplioris capacem, nemo negaverit, qui intelligit, quod omnis verborum valor ab impositione dependeat, binc mec insubidum est, nec exemplo caret, ut verba, restrictius bactenus significantia generaliori sensu deinceps donentur, add. CoNRING, de G.]R. c. 12. $. 16. [...] Illa cum tacito usui, et vulgi quidem, ut creditur, originem debeat, non aliam ob causam [acta videtur, quam ad amatum loquendi compendium, cum enim elogium imperii et Imperatores Romani inier caetera, primo loco occur. reret, compendium loquendi facturi, primo illo titulo omnem Germanorum Rempublicam
significarunt. Sed postquam semel appellatio illa invaluerat, ne fortuito sed optimo consilio id factum.
crederetur,
ad
eam.
retinendam.
et approbandam
rationes.
memoratae | forsitan
impulerunt. Sed in boc summa rei non vertitur. Illud certum, elogium imperii Romani, Germaniae reliquisque regnis non [uisse tributum ideo, quod, velut et urbi Romae fuerint subjecta [...1 Titulus specialis procul nec generali omnis utilitas neganda, nam existimatio quam babet et suis alias rationibus nititur, videtur magis firmata,
provinciae, imperio Romano dubio Germaniae utilis est, Germania quae aliis regnis postquam elogium illud in
universum | Reipublicae
(Livre
Germaniae
corpus
fuit
diffusum »
I, suite
Chap.
IX,
Pp. 166 ss.).
105
Le terme "Romain" désigne donc tout d'abord la dignité, la considération dont jouit l'Empire par rapport à tous les autres états, quel que soit le rapport de forces politiques existant. De méme que le terme "Saint", il est synonyme de l'idée de justice, de paix, de maintien du droit, de sécurité et de liberté dans une espéce de statu quo. Car changement politique et extension du pouvoir sont des vocables ou plutót des idées qui restérent étrangers à ces chroniqueurs, ce qui explique qu'ils eurent généralement par la suite de grandes difficultés avec les procédés brandebourgeois-prussiens. Ces explications et des explications apparentées caractérisent désormais les remarques généralement bréves concernant le nom de l'Empire. Certes, la vieille discussion sur la déduction historique appropriée n'en était pas close pour autant. Elle ne fit que se déplacer pour aller là où, de l'avis des chroniqueurs,
elle était à sa place, à savoir dans les traités historiques plus spécialisés dans ladite histoire de l'Empire *. Ceux-ci avaient bien les chroniqueurs — et bientôt les auxiliaires scientifiques requis, les historiens d'Empire — pour auteurs, mais ils ne faisaient, pour ainsi dire, qu'escorter les exposés sur le Jus Publicum. Les traités historiques fondés tournant autour des questions de droits publics se multiplièrent. Il y eut toujours quelqu'un pour aller rechercher la vieille théorie de la translation — c'est chez Jacob Schmauss 9 que cela surprend le plus — de sorte que même * N.
au XVIII siècle, elle se trouva toujours confirmée ou infir-
HAMMERSTEIN,
"Die
Reichs-Historie",
in
G.
IccERS,
Die bistorische Forschung im 18. Jabrbundert, Güttingen 1984. 55 J. J. ScuMauss, Historisches Jus Publicum des Teutschen der
vornebmsten
Materien
der
Reicbs-Historie,
welche
zur
entre
autres
(Hrsg.),
Reichs, oder Auszug
Erkenntnüf
der
Staats-
verfassung unseres Teutschen Reichs, von den áltesten Zeiten bis auf die beutige dienen, 2° éd. Gôttingen 1754 (pp. 8-9): « Nachdem zuerst der Major Domus, Carolus Martellus, hernach sein Sohn Pippinus, und dieses sein Sohn Carolus M. die Patriciat Würde und darduch die Jurisdiction in Rom und die Gewalt, den Papst und alle Bischôffe in Italien zu investieren, erhalten, so hat der Letztere endlich auch die Kayser- Würde, mit der in Sonderheit die Herrschaft über die Stadt Rom verknüpft war, erneuret, und sich und seiner Familie mit nachmahliger Einwilligung der Griechischen Kayser zugecignet,
zugleich aber auch dem Papst die Schenkungen der Patrimonii Petri, das Exarchats und noch
anderer Herrschaften
in Italien bestätiget.
holet worden ». [« Après que fils Pépin et le fils de celui-ci méme la juridiction de Rome le dernier nommé renouvela particulier le pouvoir sur la
famille cette dignité aprés consentement
également
Die hernach
von
Ludovico
Pio wieder.
tout d'abord le "Major Domus" Charles Martel, puis son Charlemagne eurent reçu la dignité de patrice, et par là et le droit d'investir le pape et tous les évêques d'Italie, finalement la dignité d'Empereur à laquelle était lié en ville de Rome et s'octroya aussi à lui-méme et à sa ultérieur des empereurs
au pape les donations du Patrimonium
italiennes, ce qui fut ensuite réitéré par Louis
grecs;
mais il confirma
Petri de l'exarchat et d'autres terres
le Pieux »);
(pp. 69-70):
«Es
hat zwar
Rudolfus Habspurgis etliche Mahl vorgehabt, den Rómerzug wegen der Kayser-Würde vorzunehmen, und dieserwegen Gfftere Vergleiche, Eydschwüre und Bestáttigungen der von den vorigen Kayser dem Rómischen Stuhl gethanen Schenckungen, die auch von allen Reichs-Stinden bekräfftiget worden sind, eingegangen. Er hat aber wegen vieler Päpstlichen Einwendungen,
sowenig als seine beyde náchste Nachfolger, dazu gelangen kónnen
...
Carolus IV. ist eben auf die Art wie Henricus VII. zu Rom gecrónet worden, und hat in seinem Schenckungs-Brief unter andern in Sonderheit versprochen, da8 er auch an
106
mée. Les plus typiques sont les exposés qui recherchent un compromis entre toutes ces théories, qui font étalage de leur science et rapprochent même, en une sorte de schéma explicatif des débuts de l’histoire, ce qui ne peut être rassemblé. C'est ainsi par exemple qu'en 1715, le syndic paysan de Lüneburg écrivit dans la deuxième partie de son Teutscher Reichs-Staat oder ausfübrliche Beschreibung des H. Rômischen Reichs Teutscher Nation...: « Un empereur romain germanique sera nommé empereur romain, par le fait que le roi germanique Otton Ie, dit le Grand, a conquis l'Italie par la guerre (de sorte que cette translation de l'Empire Romain aux Germains ne résulte pas de la volonté et de la grâce pontificale, mais du jus belli et de la victoire obtenue pas Otton
I), par le fait que Bérengar,
... avait été envoyé comme
prisonnier en Allemagne et que le pape avec la ville de Rome, dont les habitants et la plus grande partie de l'Italie s'étaient soumis à Otton en le reconnaissant comme
leur souverain,
avait aussi trouvé un arrangement
avec lui, de sorte
que maintenant et désormais jusqu'à la fin des temps, celui qui deviendrait roi germanique, soit par succession héréditaire, soit par élection, eo ipso et en vertu de la succession germanique ou de l'élection serait empereur romain ou s'appellerait ainsi et devrait donc étre respecté par le pape, les Romains et les autres Italiens ... De sorte que le titre d'empereur romain et le droit qui en résulte dans la chrétienté ne pouvaient procéder de l'époque de Charlemagne [..]. Cette domination sur Rome et sur le pape s'était poursuivie pendant un certain temps jusqu'à ce que les papes se soient libérés du pouvoir impérial et que de nombreuses villes et provinces d'Italie aient acheté à divers empereurs leur liberté actuelle pour de l'argent. Après donc que ... les papes et les Romains, ainsi que la majeure partie de l'Italie se sont délivrés du pouvoir et de la suprématie impériaux, la question suivante se pose: le titre d'empereur romain, sous cette forme, peut-il aussi être attribué à un roi alle-
mand?
Personne n'en doute, hormis quelques petits malins français et ceux
qui refusent à la Maison d'Autriche cette dignité supréme, dont Blondellus. Bien qu'il ne soit pas insensé au point de vouloir refuser le titre impérial à
l'empereur, gouverneur supréme, non seulement d'Allemagne, mais aussi dans une certaine mesure de toute l'Europe, et que seul le terme "Romain" ne lui
seinem Crônungs-Tag, ohne ErlaubnüS des Papstes nicht einmahl über Nacht in der Stadt Rom bleiben wolle. Es ist dabey nicht zu vergessen, daf die Päpste zu Avignon etliche Mahl im Sinn gehabt haben, das Kayserthum an Franckreich zu bringen, eadem sutoritate qua translatum est Imperium a Graecis ad Francos ». [« Rudolf de Habsbourg eut certes maintes fois l'intention d'entreprendre la marche vers Rome pour obtenir la dignité d'empereur — et de nombreux compromis, serments sur l'honneur et confirmation
des donations faites au Saint-Siège par les empereurs
précédents et confirmés par tous
les ordres de l'Empire furent faits — Mais il ne put, pas plus que ses deux successeurs, y parvenir, en raison de nombreuses objections pontificales … Charles IV fut couronné à Rome de la même façon que Henri VII et dans son acte de donation il s'engagea entre autres à ne pas rester, lors de son couronnement une seule nuit dans la ville de Rome sans autorisation pontificale. Il ne faut toutefois pas oublier que les papes d'Avignon eurent maintes fois l'idée de remettre l'Empire à la France, eadem autoritate...
Francos.»] En ce qui concerne Schmauss, cf. N. HAMMERSTEIN,
Jus und Historie, cit.
p. 343.
107
convienne pas, du fait que selon lui, un empereur allemand n’a plus aucun pouvoir, aucune autorité et aucune puissance sur Rome. Mais indépendamment de tout cela, ce titre ne revient pas, aujourd'hui encore, au souverain allemand
par le seul fait qu'il reste encore en Italie beaucoup de beaux fiefs, mais aussi parce que le souverain allemand et la monarchie allemande ne se sont jamais départis de leurs prétentions sur Rome et que le pape et les Romains n'ont en aucune façon refusé à l'empereur le titre même
d'empereur romain. Que
l’ar-
gument suivant et ses conséquences, à savoir qu'un potentat qui ne posséderait plus telle ou telle terre parce qu'on la lui aurait arrachée soit par ruse, soit par violence, en un mot injusto titulo, et confisquée, n'aurait plus le droit d'en porter le nom, que cet argument donc ne serait pas très solide, puisque vu sous cet angle, le roi de France lui-méme ne pourrait en aucun cas se nommer
roi
de Navarre ».
Sur la question de savoir si l'Empire allemand pouvait étre considéré comme la quatrième monarchie, Bilderbeck s'exprime en ce sens: qu'il est clair depuis Conring qu'on avait commis une erreur sur ce point. Néanmoins l'Empire compterait au nombre des plus remarquables, quant à son image et à son importance *. L'argument reste donc en suspens. D'autres chroniqueurs d'Empire s'efforcérent ensuite d'affiner ces déclarations obscures qui allaient dans le sens d'un refus catégorique de toute immixtion de la translation; il est par exemple caractéristique qu'un homme comme Zschackwitz ait pensé qu'il y avait des ambiguités méme chez Conring et qu'elles continuaient à se faire sentir. Dans un traité qu'il rédigea sur ce sujet, il essaya d'éclaircir ce probléme et de démontrer définitivement l'absurdité de la théorie de la translation”.
H.
56 CHR. L. BItpERBEACE, Teutscher Reicbs-Staat oder ausfübrliche Beschreibung des Rómiscben Reichs Teutscber Nation nach dessen Ursprung, Alter und jetziger
Bescbaffenbeit..., Leipzig
1715, pp. 62 ss.
9 Jon. Enr. ZscHackwirZ, Einleitung zu denen vornebmsten Rechtsansprüchen derer gecrônten hoben Háupter.. in Europa, Frankfurt a.M./Leipzig 1733: (p. 8) «Es wird noch bis diese Stunde von vielen geglaubet, ob sey das Teutsche Reich eine Fortsetzung des vormaligen Rómischen, welch vorgeben unter andern Gelehrten det Herr Conring da so ganz offenbarlich nicht hat behaupten wollen, indem er solches vielmehr mit allerley Umstünden zu verdecken gesuchet. Wenn man aber alles und jedes, was er dieserbalben hin und wieder vorbringet, genau ansiehet, so ist seine Meynung in der
Tat keine andere als eben diese gewesen. Diese Sache ist so wichtig, dafi sie allerdings verdienet, aus dem Grunde
auf und untersucht zu werden ». [« Nombreux
sont ceux qui
croient aujourd'hui encore que l'Empire Allemand est le prolongement de l'ancien Empire Romain. ce que Monsieur Conring, entre autres savants, n'a pas voulu affirmer de manière aussi catégorique mais qu'il a plutôt cherché à cacher par toutes sortes de moyens. Mais si l'on regarde
de près ce qu'il a dit ici et là à ce sujet, on s'aperçoit qu'il rejoint en
fait cette opinion. La chose est si importante qu'elle mérite d'être examinée a fond. »] Suit un long développement historique détaillé. Dans sa Kurtz gefaften Nacbricbt von dem
wabren
und
eigentlichen.
Ursprung
des
gegenwärtigen
Politischen
Zustandes
des
Teutschen Reiches... nebst einem Anbang warum das Teutsche Reich vor anderen Staaten in Europa den Vorzug babe, Leipzig und Frankfurt aM. 1748, Zschackwitz écrit: (pp. 310 ss.) «nun hat man bereits vorhero gar umständlich gewiesen, daf 1. der Titul Imperator Augustus Romanorum bey dem Carolo M. weiter nichts, als eine Würde
108
Ces travaux firent ressortir de plus en plus nettement le fait historique. Un élève du premier historien célèbre de l’Empire et par la suite professeur à Góttingen, Johann David Kóhler, Franz Dominicus Häberlin alla très loin. Il prouva de manière catégorique que la désignation "Romain" en liaison avec l'Empire n'était apparue que relativement tard, au XIII* siècle. Il développa ce point de vue à l'aide d'un appareil des plus savants et avec la plus grande minutie historique *. Mais il n'est ni nécessaire ni possible de le référer ici in extenso.
9. Le fait que jusqu'au champion de la chronique allemande, Stephan Pütter, personne n'ait abandonné l'idée que le titre était légitime et devait étre conservé, indépendamment de toute objection historique, juridique et politique, de toute révélation ou contre-argument me parait décisif. L'analyse, les preuves se modifiérent certes quelque peu, elles devinrent plus formalistes, en partie plus distanciées et plus ‘éclairées’, mais en ce qui concerne le fond, la désignation ne fut jamais contestée; comme explication, on invoqua en parangezeiget habe; daff 2. diese Würde nur ein personalissimum gewesen, nämlich daf die nur eintzig und allein dem Carolum M. und dessen Haus angegangen; gleichwohl aber und als die Püpste anfingen, denen groBen Herren ein Blendwerck vorzumachen, als ob sie diejenigen wären, die Weltliche Hoheiten und Ehren austheilen kónnten, so bilde ten sich auch die Nachkommen des Caroli M. ein, es beruhe bey dem Rómischen Bischoff,
wer
er den Titul
Bleichwohl
selber
Imperator nicht
Romanorum
verstunden,
was
und
Augustus
dieser Titul
beylegen
eigentlich
wolle,
heife?,
und
wie
den
sie
alles dieses
vorgedachtermaBen, gar gründlich gezeiget worden. Als nachher der Frünckische Teutsche Staat zerfallen war, und die Teutschen ihren Staat wieder anrichteten, liefen dessen Kônige von Ottonem I. an, samt allen nachherigen von dem Rümischen Bischoffe sich ebenfalls bereden, er kónne ihnen den Titul und Wiirde eines Imperatoris Roman. Augusti oder wie man es itzo nennet, Rómischen Kaysers, beylegen, bey welchen Umstánden es auch bis hieher insoweit geblieben, obgleich vor das Teutsche Reich besser wire, wann es seinen Kayser Teutschen Kayser nennete ». [On a suffisamment prouvé que premièrement chez Charlemagne le titre de l'Imperator Augustus Romanorum ne désignait rien d'autre qu'une dignité et que deuxièmement cette dignité était un personalissimum, à savoir qu'elle ne concernait que Charlemagne seul et sa Maison; mais néanmoins, lorsque les papes commencèrent à duper ces grands seigneurs comme s'ils étaient ceux qui avaient le pouvoir de distribuer dignités temporelles et honneurs, les successeurs de Charlemagne s'imaginerent alors qu'il était du ressort de l'evéque romain de choisir celui auquel il accorderait le titre d'Imperator Romanorum et d'Augustus, bien
qu'eux-méme ne comprirent pas la signification réelle de ce titre, ainsi qu'on l'à bien montré. Lorsque par la suite l'état allemand de Franconie fut démantelé et que les Allemands reconstruisirent
leur état, les rois, à partir d'Otton
I" et tous les suivants
se laissèrent
convaincre par l'évéque romain, qu'il pouvait leur conférer le titre et la dignité d'Imperator Romanorum Augustus, ou plutôt comme on dit maintenant d’Empereur Romain, quelles que soient les circonstances pour lesquelles ce titre s'est maintenu
en ces termes
jusqu'à présent et bien qu'il eüt été préférable empereur Empereur Allemand. »]
d'appeler
Rex
pour
l'Empire
5$ F.D. HABERLIN, "Diplomatische Untersuchung von Romanorum..", in In, K/eime Schriften vermischten
allemand
son
dem Ursprunge des Titels: Inhalts aus der Geschichte
und dem Teutschen Staatsrechts, I, Helmstedt 1774, pp. 53ss. H. von BÜNAU expliqua également ce phénomène de manière analogue dans son très estimé Tewrschen Kayser- und Reicbs-Historie, Leipzig 1732, pp. 540 ss.
109
tie des raisons tout à fait extérieures; un chroniqueur peu connu nous en fournit un exemple typique: « Imperium Romano-Germanicum est Collegium Illustrissimum ex Imperatore tamquam summo capite et statibus Imperii immediate conflatum. Dicitur Romanum, quia a Julio Caesare usque ad hodiernum gloriosissime regnantem Imperatorem continua series duci potest; sufficiat — ajoute-t-il en pensant à l'Empire — hic a Carolo M. seriem recensere » *.
Certes, les chroniqueurs célèbres — Moser père et fils, Maskov, Schmauss,
Gebauer, et dans la sphére catholique Ickstatt, Schrótter, Pock ont porté un jugement plus différencié, mais ont en fait vu la chose de manière identique ©. L'une des explications de Pütter — qu'il nous livre dans son “Intro9 P.K.
MoNATH,
Introductio
ad Cognitionem
Status
Publici
Universalis
... maxime
Sacri Romano Germanici Imperii, Nürnberg 1723, p. 57. 40 ['explication succincte et précise de Mascov est particulièrement intéressante, ainsi que l'interprétation positiviste de J. J. Moser que nous ne mentionnerons que brièvement
puisqu'elle atteint la dimension habituelle. Tout d'abord J.J. Mascov, Principia Juris Publici Imperii Romano Germanici, Leipzig 1738, Livre III, Chap. IV, pp. 241 ss.: « $ III. Ipsius autem Principis appellatio constat titulo Imperatoris, Caesaris, Augusti, et qui deinde accessit, Regis Romanorum. Imperatoris vocabulum apud Romanos tempore R. P. denotabat summam praefecturam militarem. Deinde autem lulio Caesari, post eversum Statum Urbis, tributum est, ut Imperatoris. titulo, nova et ampliore significatione perpetuo uteretur: idque et Caesari Octaviano, qui primus Augustus appellatus fuit, datum. Coepit itaque Principatus Romani titulus esse, quod modestior videretur regali. Augusti nomen accessisset, omni iam bumano fastigio sublimior babitus est. vocabulum cognomen familiae, de gente Iulia primum fuit, stirpis, non cium. 1) Extincta Caesarum. domo, Successores tamen reverentia illius
Sed mox, ubi $ IV. Caesaris potentiae indiretinuerunt et
filiis tribuerunt, aut quos alios in spem imperii adsciscerent. Denique promiscuo usu ipsum Imperiale fastigium notare coepit, fateturque Imperator lustinianus non alio se titulo magis, quam Caesaris, gloriari. 2) Ab eadem voce, qualem Graeci proferre solebant, Germanicum Imperatoris nomen ortum est. $ V. Imperatoris nomen in Occidente iterum instauravit Carolus M. idque etiam Imperatores Graeci ipsi tribuerunt. $ VI. Eiusque successoribus frustra interdum ab aula Byzantina lis de eo mota fuit. $ VII. Et Carolus M.
Ludovico,
Ludovicus
Lotbario
eundem
titulum
tribuerunt,
non
requisita
ante Ponti-
ficis Romani auctoritate. Otto M. quoque filium cognominem Collegam Imperii adscivit, ac Romae coronari curavit. $ VIII. Deinde obtinuit, ut Principes in Germania electi, atque coronati, quanquam revera Imperii potestatem omnem baberent, Regis Romanorum titulo contenti agerent: Imperatoris demum adsciscerent, ex quo Romae coronati essent. Eadem erat imperandi auctoritas, sed in titulis et bonorum solennibus diversa. $ IX. Maximilia. nus I. A. 1508, cum succinctus ad expeditionem. Romanam, transitu a Venetis probibe-
retur, Tridenti nomen electi Imperatoris sumsit; quod consilium et Julius II. Papa tum probavit. $ X. Ab eo itaque tempore titulus Romanorum Regis manet Principibus, ad spem successionis, vivo Imperatore, electi Imperatores autem ipsi ante coronationem Germanicam quidem Regis Romanorum titulo adbuc utuntur: Post illam vero, susceptis regni gubernaculis, statim. imperatores. vocantur ». J.J. Moser, Teutsches Staat-Recbt, Dritter Theil, Frankfurt und Leipzig 1740: (pp. 4 55.) « Der Kayser führet also forderist im Teutschen den Titul: Kayser und bekommet solchen im Teutschen auch von allen andern Potentaten ohne Widerrede. Der Ursprung dises Worts ist ohne Zweifel von dem Lateinischen Caesar … herzuleiten.. Im Lateinischen bedienet man sich anstatt des Wortes Kayser des Tituls: Imperator. Dieses heifet dem Buchstaben nach eigentlich ein Gebieter oder Befehlshaber, bedeutete auch bey denen Rómern, die in erstlich zu
110
duction au droit public allemand" éclairera cette dernière étape de la discussion de la chronique. Je cite d'aprés l'édition allemande: « De que reur sait,
méme, l'Empire romain est lié à l'Empire germanique d'une telle manière celui qui est élu roi d'Allemagne reçoit en méme temps la dignité d'emperomain. Cette caractéristique de notre empereur remonte, comme chacun aux anciens empereurs de la Rome antique ... ».
Charlemagne et Otton auraient indirectement et sans translation renouvelé cet état de fait. « Cependant, la suprématie de l'empereur sur la ville de Rome et son territoire ainsi que bien d'autres droits qui découlaient auparavant du pouvoir sur le einem
Curia]
Titul
gemacht
haben,
anfangs
einen
commandirenden
General;
jedoch
durffte sich dessen nicht ein jeder commandirender General anmafBen.. Als aber der Carolingische Stamm in Deutschland abgegangen war und die Teutschen anfiengen Küónige ihres Mittels zu wählen, auch hierzu Conradum aus einem Herzog von Francken zu ihrem Kónig erkieseten, so wurde selbiger nur Konig benennet, indeme die Teutschen der Zeit noch kein Recht zur Kayser-Würde hatten [..] Unter Heinrich I. Nachfolgetn am Regiment aber wurde die Kayser-Würde und Titul auf ewig an Teutschland ver. knüpfet, … ob nun wohl die Griechischen Kayser von denen Teutschen zu Zeiten über diesen Titul Quaestionem Status moviret, so haben doch diese sich beständig darbey mainteniret... Seithero führen die Teutschen Kónige den Titul, Imperator und Kayser, in Ruhe, und werden von allen Potenzien in und ausser Europa ohne Anstand damit beehret, ... Kayser Maximilian I. war der Erste, so den Kayserlichen Titul annahme, ohne von dem
Papst gecrónt zu seyn... ». [« L'empereur porte donc en allemand avant tout le
titre de "Kayser" (empereur) et tous les autres potentats le momment aussi sans difficulté. L'origine de ce mot est sans aucun doute le mot latin “Caesar”; en latin on utilise le titre "Imperator" au lieu du terme "Kayser". Celuici signifie littéralement "seigneur" ou "commandant" mais chez les Romains qui les premiers en firent un titre de curie, il signifiait également "géneral commandant". Toutefois n'importe quel général ne pouvait se
réclamer
de
ce
titre..
Mais
lorsque
la
dynastie
carolingienne
se
fut
éteinte
en
Allemagne et que les Allemands commencèrent à élire eux-mêmes des rois, lorsqu'ils élevèrent par exemple Conrad, de duc de Franconie, à la dignité de roi, on le nomma simplement
roi
puisqu'à
cette
époque
les
Allemands
n'avaient
pas
encore
le droit
porter la dignité d'empereur. Mais sous le gouvernement des successeurs d'Henri dignité et le titre d'empereur furent octroyés pour toujours à PÁllemagne
de
I", la
... et bien que
les empereurs grecs n'aient pas été d'accord avec les Allemands en ce qui concerne ce titre, ceux-ci s'y tinrent. Depuis, les rois allemands portent tranquillement le titre d'"Imperator" et de "Kayser" et toutes les puissances à l'intérieur et à l'extérieur de l'Europe les honorent sans difficultés de ce titre. Maximilien I* fut le premier à prendre le titre impérial sans être couronné par le pape..»] Le pape se serait vu obligé, en raison de difficultés de politique extérieure, de reconnaître à Maximilien la légitimité de
ce titre. « Die folgende Kaysere insgesamt bif jetzo haben sich sogleich nach ihrer Wahl Rómische Kônige: und alsbalden nach ihrer Teutschen Crónung: erwählte Rómische Kaysere geschrieben, ohne bey dem Papst deswegen anzufragen, oder sich darum zu bekümmerer,
diser
sogar
[« Tous
aprés sans
les
wie
er es ansehe
aufnehme,
wiewohl
seze, daf er vilmehr
empereurs
se sont
suivants
leur élection, εἰ Empereur en
und
sich nich darwider
appeler
au
pape
alors
Romain
ni se soucier
et jusqu'à
Elu sprés de
son
wir
avis
unten
ihnen
hóren
selbsten
présent
nommés
leur couronnement et de
sa
werden,
daf
also zuschreibe. »
réaction,
Roi
Romain
en Allemagne, ce à quoi
l'on
nous répliquera que ce dernier ne s'y opposa méme pas et qu'au contraire il les approuva. »]
111
monde, pouvoir De tout Empire empires
et des droits d'avouerie sur l'Eglise romaine, en tant que second visible, qui en résultaient ... ont déjà cessé d'exister depuis longtemps. cela, il ne reste plus que le titre et la dignité ... la désignation du Saint et le rang qu'il occupe devant toutes les autres tétes couronnées et d'Europe. » ‘!
On en restait donc plus ou moins au schéma explicatif de Halle. 61 Jon. Sr. PürrER, Anleitung zum Teutschen Staats-Recht, aus dem Lateinischen übersetzt, chap. II, $ 21, pp. 34 ss. Dans son Historische Entwicklung der beutigen Staatsverfassung
des Teutschen
Reichs, Gottingen
1786, on peut lire:
(pp.
116 55.) «So
hatte
freilich Otto die Ehre, auf ühnliche Art wie ehedem Karl d. Gr. gethan hatte, sowohl die Rómische Kayserwürde als die Longobardische Krone auf sich und sein Haus zu bringen; ohne daf man doch noch zur Zeit sagen konnte, daG eine Real Verbindung zwischen Italien und Teutschland damit auch bestündig eingegangen würe. Nur darin ging Otto noch einen Schritt weiter, als Carl d. Gr. gethan hatte, da er mit Weglassung seiner
übrigen
Titel zuletzt
sich nur
Rômischer
Kaiser
schricb.
Das
gab
wenigstens
in
der Folge Anla8, daf man anfieng zu glauben, das Reich, das cin Rómischer Kayser beherrschte, sey selbst das Rómische Reich. Ohne zu unterscheiden, was ein Kaiser als Beherrscher der Stadt Rom und der Lombardey, und was er eigentlich als Oberhaupt des Teutschen Reichs zu sagen habe; [..] Otto und seine Nachfolger glaubten jetzt ohne Unterschied auf sich anwenden zu kónnen, was chedem nicht nur Carl d. Gr. sondern auch sonst irgend jemals einer der alten Rómischen Kaiser für Vorzüge gehabt haben móchte [..] Schon die Ottonen scheinen geglaubt zu haben, daf sie als Rómische Kaiser eine gewisse Oberherrschaft sowohl über auswärtige Künige als über Teutsche Fürsten ausüben kónnen. Bald kam noch der Gedanke
als eine
kirchliche
Gesellschaft
also auf gleiche Art auch
betrachtet,
alle Christliche
ein Volker
hinzu, daf die ganze Christenheit,
sichtbares und
geistliches
Staaten
Oberhaupt
ein weltliches
habe;
Oberhaupt
haben kónnten; wozu wegen des Schutzes, den die Rómische Kirche vom Rémischen Kaiser zu erwarten habe, niemand näher als dieser würe. Bald verband man endlich noch überdies damit eine Deutung des Propheten
Daniels von vier Kónigreichen, wovon
das Letztere alle anderen zermalmen und zerstôhren, für sich aber ewig bleiben würde ». [«Otton eut ainsi l'honneur, comme l'avait fait jadis Charlemagne, d'apporter à lui méme et à sa Maisou à la fois la dignité d'Empereur Romain et la couronne de Lombardie, sens que l'on püt toutefois prétendre qu'une réelle liaison en aurait été
établie de manière durable entre l'Italie et l'Allemagne. Mais Otton alla encore plus loin que Charlemagne dans le sens où, délaissant ses autres titres, il finit par ne plus s'intituler qu'Empereur Romain. C'est ainsi que, tout au moins par la suite, on commença à penser que l'empire sur lequel régnait un Empereur Romain était lui-même l’Empire Romain, sans faire la distinction entre ce qu’un empereur a à dire en tant
que maître de la ville de Rome et de la Lombardie et ce qu'il a à dire en tant que souverain de l'Empire Allemand; ...Otton et ses successeurs crurent alors pouvoir jouir eux-mêmes indifféremment de tout ce que jadis, non seulement Charlemagne mais aussi tout Empereur Romain avaient pu avoir comme privilèges. Les Ottons semblent déjà avoir cru qu'ils pourraient en tant qu'Empereurs Romains exercer une certaine souveraineté tant sur les rois étrangers que sur les princes allemands. ἃ cela s'ajouta bientót l'idée que toute la chrétienté, en tant que société religieuse, avait un chef spirituel visible, que donc, de la méme
maniére,
tous les peuples et états chrétiens pourraient
aussi avoir un
chef temporel, c'est pourquoi, en raison de la protection que l'Eglise Romaine était en droit d'attendre de l'Empereur Romain, personne n'était mieux qualifié que celui-là méme. Enfin on y rattacha bientôt une interprétation de la vision du prophète Daniel des
quatre
royaumes,
dont
le dernier
écraserait
quant à lui à exister jusqu'à la fin des temps. »]
112
et détruirait
les autres
et continuerait
10. L'Empire catholique adopta également cette conception dans la deuxième moitié du XVIII* siècle, après les réformes locales réalisées selon l'exemple protestant. Il va de soi que là la conception de l’empereur était restée
par tradition plus étroitement liée au "Saint" et au "Romain" et qu'elle ne fut jamais autant contestée qu'à l'extérieur des territoires catholiques 9. Mais elle prit alors une nouvelle orientation. L'élément "Romain" y témoignait moins de l'étroite liaison avec l'autre pouvoir, au second pouvoir universaliste. Celleci se maintenait certes au plan religieux, mais non en ce qui concerne
les prétentions temporelles de l'Empire ou des états religieux. Sur ce point,
c'ést désormais le prince qui seul avait la parole — et c'est ce qu'enseignàrent les chroniqueurs —, celui-ci pouvait et devait le faire en raison des connaissances développées dans la chronique protestante comme une doctrine
de droit naturel. Dans la sphére catholique, le terme "Romain" désignait également la fonction qu'exergait l'empereur d'avoué légitime de l'église, mais qu'il exerçait au-dessus d'elle, puisqu'elle n'avait aucun pouvoir de commandement "in mundo”. Les juristes catholiques et les historiens d'Empire se contentérent en général d'une adaptation des doctrines protestantes. Ils n'eurent aucun besoin de rédiger en propre de volumineux compendiums. Ils existaient déjà, on n'avait qu'à les reprendre, Ce processus aboutit d’ailleurs — ceci dit entre parenthèses — non seulement à un rapprochement inédit depuis la Réforme des deux parties de l’Empire sur le plan spirituel, mais aussi à un langage commun, à une compréhension sensiblement analogue des nécessités et des besoins de toute activité au sein de l'état. On les considéra avant tout — par-delà les confessions — commes des tâches temporelles. Le point de départ méthodologique de ces sciences ne fut pas, lui non plus, sans se modifier sous l'influence de ces doctrines, de sorte qu'aprés l'effondrement de l’ancien Empire ces traits communs
rendirent possible, au début du XIX° siècle, une compréhen-
sion mutuelle. Si l'on tente en conclusion de caractériser en quelques phrases la signification du terme "Romain" pour les chroniqueurs d'Empire, ainsi que les modifications auxquelles les diverses interprétations furent soumises de la
fin du XVI: siècle au début du XIX° siècle, on pourrait dire que les premiers défenseurs du Jus Publicum Romano Germanicum partirent de la Translatio Imperii dont Melanchthon avait fait un canon, comme d’une chose allant de soi. Ils durent toutefois étayer eux-mêmes la chose et se heurtèrent en particulier au scepticisme français quant à la légitimité de cette translation. Dans la mesure où l’Empire fut impliqué au cours de la guerre de Trente Ans, d'une manière toujours plus directe, dans les débats et conflits de la Contre-Réforme, et où la coexistence relativement pacifique et stable des différents territoires et confessions qui avait été obtenue par la € Cf. entre autres A. ConETH, Pietas Austriaca. Ursprung und Entwicklung barocker Frómmigkeit in Osterreich, Wien 19822; F. MATSCHE, Die Kunst im Dienste der Staatsidee Kaiser Karls VI., 2 t., Berlin/New York
1981.
113
Paix d'Augsbourg cessa de régner, les arguments concernant notre problé matique se modifièrent inévitablement. Il s'agissait de réfuter les prétentions catholiques de la Contre-Réforme, telles qu'elles avaient été formulées par Bellarmin et Baronius par exemple, c'est-à-dire de barrer définitivement la route à toute interprétation du pape et de la curie, et il s'agissait également de se garder contre les nouvelles ambitions absolutistes de l'empereur, — dangereuses pour les protestants, — et de les combattre avec efficacité.
.
Par la réfutation de la Traslatio Imperii, les chroniqueurs réussirent en un point: par le débat sur la Forma Imperii — qui n'a pas été traité dans
cet exposé — Hippolithus a Lapide, Pufendorf, Leibniz et à leur tour les chroniqueurs repoussérent sur le plan théorique les aspirations absolutistes de l'empereur. L'Empire paraissait "Romain" par le fait qu'il était considéré à juste titre comme la figure la plus universaliste de tous les états européens et que la couronne impériale romaine avait été conquise par son propre chef. A la fin du XVII" siècle, au cours du développement historique des efforts vers un fondement approprié du Jus Publicum et parallèlement è l'apaisement des conflits polémiques de confessions, l'argumentation s'objec-
tiva. L'élément "Romain" apparut comme le composant légitime du titre de l'Empire en raison de causes historiques réelles, méme si elles avaient été mal comprises à leur époque. C'est par ce titre, légitimé par sa propre tradition, que la communauté la plus digne, la meilleure sur le plan de l'idée, celle qui correspondait le mieux au vieil ordre juridique initial, le Saint Empire Romain Germanique se faisait donc reconnaître au mieux. En dépit de tous les changements apportés aux diverses explications, cette vue des choses resta la conviction de base et le fonds commun de la chronique jusqu'à la fin du vieil Empire. Le titre de l'Empire apparut comme espérance, comme mission, mais aussi comme la preuve que cet Empire détenait l'ordre le meilleur, puisque le plus juste, le plus libre et le plus respectable, qui — s'il était appliqué — devrait étre aussi exemplaire et bienfaisant pour le monde qu'en son temps celui de Rome pour tout l'Empire romain.
114
WILHELM
BRAUNEDER
CIVITAS ET CIVIS SANCTI ROMANI IMPERII (ETAT ET CITOYEN DU SAINT EMPIRE)
1.
Etat - Nationdlité La
nationalité
(nazionalità;
s/atus civitatis)
est l'attribution
directe
de
personnes à un Etat donné (stato; civitas) '. Elle suppose alors l'existence de L'Etat moderne ?. Seul celui-ci attribue, en raison du monopole de son pouvoir de souveraineté (imperium), aux personnes, en vertu de leur origine (ius sanguinis) ou en vertu du lieu de naissance (ius soli), une position juridique qui seule, tout en leur imposant des devoirs, leur permet de participer à la vie politique de l'Etat (status civitatis surtout en tant que status activus) et leur confère ainsi la qualité de citoyen
(cittadino, civis). Cette
situation
juridique égale pour tous les citoyens suppose l'ordre étatique ou y aboutit ?. L'ensemble des citoyens forme, en tant que peuple, un élément de l'Etat à côté de deux autres“: le territoire et la souveraineté. Ainsi que chaque Etat veille à sa souveraineté particuliére et qu'un territoire défini lui est décerné, il en est de méme de son peuple particulier. Comme la nationalité crée, moyennant ses droits et devoirs particuliers, des relations de fidélité envers l'Etat, elle est marquée par la qualité d'exclusivité: à chaque Etat ses citoyens, à chaque citoyen son Etat seulement. La double nationalité constitue
l'exception 5. ABRÉVIATIONS: Abs. = Absatz (alinéa): Art. = Artikel (article); BGBl = Bundesgesetzblatt (Le journal officiel fédéral pour l'Autriche); JGS = Justizgesetzsammlung (Collection des lois concernant le justice, Vienne 1780-1848); RGB! = Reichsgesetzblatt (Le journal pour l'Empire); ZRG/GA = Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte/ Germanistiscbe Abteilung, Weimar. 1 H. Ketsen, Allgemeine Staatslebre, Berlin 1925, p. 159. 2 R. GRAWERT, Staat und Staatsangebürigkeit, Berlin 1973, p. 21. 3 GRAWERT,
0p. cif. (n. 2), pp. 212s.
4 TH. FLEINER-GERSTER, Allgemeine Staatslebre, Berlin-Heidelberg-New York 1980, p. 122; I. SEIDL-HOHENVELDERN, Vólkerrecbt, dème éd., Cologne-Berlin-Bonn-Munich 1980, p. 139; F. ERMACORA, Grundriss einer allgemeinen Staatslebre, Berlin 1979, pp. 262 s.; KELSEN,
op. cit. (n. 1), p. 96.
5 GRAWERT, op. cit. (n. 2), pp. 236 ss.
115
Cette image simple de l'identité exclusive de citoyen (civis) — nationalité (status civitatis) — Etat (civitas) n'est valable sans réserve que pour l'Etat unitaire avec sa souveraineté simple, non divisée. En ce qui concerne la situation dans l'Etat féodal, cette image doit déjà étre modifiée: le citoyen n'est pas soumis à une seule, mais à une double souveraineté: à celle d'un Etat particulier (province, canton) et à celle de l'Etat fédéral, donc il y a deux appartenances ‘. Elles ne sont que le cas normal et varient d'un Etat fédéral à l’autre”. Si l'on ajoute à ces appartenances celle à une commu-
ne donnée (par ex. "droit au domicile" en Autriche jusqu'en
1938)", on
peut se rendre compte qu'un pluralisme d'autorités conditionne encore dans un Etat moderne un pluralisme juridique d'appartenances, qu'une constitution moderne de l'Etat fédéral détermine exactement. 2.
"Status civitatis Sancti Romani Imperii?" (La "nationalité" du Saint Empire)
En ce qui concerne la nationalité (status civitatis), deux différences essentielles existent
(à côté de beaucoup
d'autres)
entre le Saint Empire
et
l'Etat moderne: d'un côté, le Saint Empire est caractérisé par un pluralisme d'autorités multiples dépassant de loin celui d'un Etat moderne et n'étant point déterminé; de l'autre côté, ce qui se trouve en rapport avec cela, sa société structurée en états se reflète dans la structure par états de ses autorités ?.
A la base, des fonctions publiques — autonomes — sont sauvegardées par diverses seigneuries et souverainetés municipales et juridictionnelles. Normalement elles sont soumises à la souveraineté d'un territoire, celui-ci étant seul
soumis directement à l'Empire. Quelques villages impériaux seulement et sur-
tout les villes impériales sont “immédiats”, de méme que la noblesse avec leurs terres. Les “Cercles impériaux" comprenant plusieurs territoires, sans pour autant réussir à s'imposer partout, exercent des fonctions publiques. Une appar-
tenance particuliére dépassant toute autre est créée en plus par le droit féodal. D'autres appartenances concernent l'état ecclésiastique, en particulier le clergé catholique avec, finalement, son engagement envers Rome !. Pour un universitaire, par ex. un docteur en droit, son "Alma Mater" reste compé6 KELSEN, op. cif. (n. 1), p. 214; GRAWERT, op. cit. (n. 2), pp. 209s. 7 Par exemple l'Allemagne: "Reichs- und Staatsangehórigkeitsgesetz" du 22. Juli 1913 (RGBI, p. 583) $$ 1, 33; "Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland" du 23. Mai 1949 (BGBI, p. 1) Art. 73 Z. 2, Art. 74 Z. 8; cf. A. N. Maxarov, Deutsches Staatsangehòrigkeitsrecht
Kommentar,
2ème
éd.,
Francfort/Main-Berlin
1971,
pp.
40s;
137; 235ss. L'Autriche: Constitution 1920/1929 (BGBl, 1/1930), Art. 6 Abs. 2; "Staatsbürgerschaftsgesetz" 1965 (BGBl, 250) $ 1; R. WaLTER-H. Mayer, Grundriss des üsterreichischen Bundesverfassungsrechts, 4ème éd, Vienne 1982, p. 63. 8 Constitution 1920/1929, Art. 6, Abs. 1; Constitution 1934 (BGBI., 1934/II/1), Art.
15. 3 GRAWERT,
op. cit. (n. 2), pp. 26ss.;
30s.;
37; O. BRUNNER,
Land und Herrschaft,
Darmstadt 1981, pp. 395 ss.; H. Conran, Deutsche Rechtsgeschichte I, 2ème &d., Karlsruhe 1962, pp. 296 ss.
10 CoNRAD, op. cit. (n. 9), II, 1966, pp. 179 ss.
116
tente jusqu'aprés sa mort: c'est elle qui engage la procédure de règlement de succession après sa mort " Dans ce pluralisme d'autorités, la population est englobée conformément à son appartenance à un Etat, non pas de la méme facon schématique, mais, au contraire, d'une façon très différente !2. A la base de la souveraineté seigneuriale on rencontre le paysan, mais aussi le citoyen d'une ville seigneuriale. Au Tyrol par ex., les paysans possèdent aussi le droit de vote à la diète provinciale?. Les citoyens d'une ville impériale possèdent beaucoup plus de libertés que ceux de la Résidence de Vienne, quelques villes impériales possèdent elles-mêmes des territoires assujettis. Au
statut (status) très différent
de classes sociales presque identiques correspond la souveraineté souvent très différente du titulaire. Surtout, au prince régnant ne s'oppose pas d'Etat homogène en ce qui concerne les sujets, sur lequel il aurait des droits simi-
laires *. Ses droits extrémement différents ne s'imposent qu'aux sujets de son territoire privé, sinon ils prennent fin là où commencent les droits des sei-
gneurs ruraux et citadins, ou ceux des provinces P. Dans
les
temps
modernes,
de
toutes
les souverainetés,
c'est
celle
des
provinces qui acquiert peu à peu la plus grande importance . Quand, au XVI° siècle, presque toute sorte de souveraineté, en particulier celle de l'Empire et des provinces, s'est accrue sous le signe de l'aide à "l'intérét commun" (bonum commune, res publica) grâce à la sauvegarde de vastes intérêts publics
sous le nom de “Polizzey” (politeia), ainsi qu'à une activité administrative croissante assurée par des autorités et à une législation approfondie, ce développement consolide surtout la situation des provinces". Cependant en 1552, le réglement de police des provinces de la Basse-Autriche s'applique d'une façon très différenciée; on lit dans la préface: « unseren Geistliche und Weltlichen, Prelaten, Graven, Freyen, Herrn, Rittern, Knechten, Hauptlewten, Verwesern, Vizedomben, Vógten, Pflegern, Verwaltern, Ambleuten, Bur-
germaistern, Richtern, Rüten, Burgern, Gemainden und sonst allen andern Unsern Unterthanen... » («à notre clergé et à la noblesse séculière, aux prélats, comtes, libres, seigneurs, chevaliers, serfs, capitaines, vicaires, vidames, baillis, administrateurs, tenanciers, officiers, maires, juges, conseillers, ci-
toyens, aux communes et à tous les autres sujets... ») *. Ce réglement ne s'adresse pas tout simplement aux sujets et aux habitants. L'idée, dans ce cas, d'un statut de citoyen autrichien est encore inimaginable. Cette idée ne 1 W.
BRAUNEDER,
Osferreichische
Verfassungsgeschichte,
3ème
éd.,
Vienne
1983,
pp. 48 s. 12 GRAWERT, op. cit. (n. 2), pp. 26 55.; 30s.; 37; BRUNNER, op. cit. (n. 9). 13 BRAUNEDER, op. cit. (n. 11), pp. 35s; H. Mrrrgis-H. LresericH, Deutsche
Recbtsgescbicbte, 16ème éd., Munich 1981, p. 340. 14 BRAUNEDER, op. cit. (n. 11), pp. 31s. 15 BRAUNEDER, op. cif. (n. 11), pp. 39s.; GRAWERT,
op. cit. (n. 2), pp. 39; 54s.
16 MrrTEIS-LiEBERICH, op. cit. (n. 13), p. 343. 17 BRAUNEDER, op. cit. (n. 11), p. 59.
18 Cf. W. BRAUNEDER, "Der soziale und rechtliche Gehalt der ósterreichischen Polizeiordnungen des 16. Jahrhunderts", Zeitschrift für Historische Forschung 3 (1976), pp. 205 ss.
117
s'annonce qu'en 1786, dans les lettres patentes réglant la succession de Joseph II qui distingue "les habitants. de ces Etats patrimoniaux”, des
"sujets d'autres Etats" (par ex. de la Hongrie) et des "étrangers" ?. Ce n'est que l'ABGB (le Code civil général) de 1811 qui parle expressément de "citoyen" ?. Les lois du Saint Empire s'adressent, comme le réglement de police de 1577, également à « chaque prince électeur, prince, homme d'église ou laïque, prélat, comte, homme libre, seigneurs, chevaliers, serfs, capitaines de province, maréchaux de province, capitaines, maires de village et maires, juges, conseillers, citoyens, aux communes et à tous les autres de nos sujets et aux
sujets de l'Empire... » 4, Compte tenu des faits que la notion de nationalité est apparue trés tard — aprés la dissolution du Saint Empire en 1806 — d'un cóté et de l'autre côté que les provinces de l'Empire ont « dédoublé l'Empire en route vers l'Etat » que « l'Empire a perdu la course à la conquête de l'Etat » (Mitteis) 2, il est surprenant que la Constitutio Criminalis Carolina de 1532 ne s'adresse pas avec autant de détours aux diverses autorités comme le fait le réglement de police de 1577, mais tout simplement aux "sujets de l'Empire" ?. Y avaitil donc une idée d'un civis Sancti Romani Imperii ("citoyen du Saint Empire")?
3.
L'appartenance juridique à l'Empire
A) Appartenance immédiate Le rapport direct entre le citoyen et l'Etat est une qualité essentielle
de la nationalité moderne *: participation directe à la formation de la volonté de l'Etat, protection directe assurée par les droits fondamentaux l'Etat et l'application des droits par les tribunaux publics etc.
de
a) Les “immédiats”. Le statut de nationalité (status civitatis Sancti Romani Imperii) dans ce sens ne peut étre attribué qu'à une partie de la po19 ‘’Josephinisches Erbfolgepatent" 1786 (JGS 548/1786) $ 2; cf. aussi Allgemeines Biirgerliches Gesetzbucb (par l'Empereur Joseph II) 1786 (JGS 591/1786) II, $ 3. 2 Allgemeines bürgerliches Gesetzbucb für die gesammten Deutschen Erblánder der Oesterreichischen Monarchie (Code civil autrichien) 1811 (JGS 946/1811) Introduction, $ 4, $$ 28ss.; F. v. ZEILLER, Commentar über das allgemeine bürgerliche Gesetzbuch für die gesammten Deutschen Erbländer der Osterreichischen Monarchie I, Vienne-Trieste 1811, pp. 42; 133 ss. 72 W. Kunrez-G.K.
SCHMELZEISEN-H.
recbtsgescbicbte Deutschlands 11/1, Weimar 2 MrrrEIS-LiEBERICH,
ΤΉΙΕΜΕ,
Quellen
zur
Neueren
Privat.
1968, p. 57.
op. cit, (n. 13), p. 242.
3 A. KAUFMANN, Die Peinliche Gerichtsordnung Kaiser Karls V. von 1532 (Carolina), 4ème éd., Stuttgart 1975, p. 28 (Préface); E. SCHMIDT, Einfübrung in die Geschichte der deutschen Strafrechtspflege, 2ème &d., Gôttingen 1965, p. 132. % GRAWERT, 0p. cit. (n. 2), pp. 216ss.
118
pulation de l'Empire, qui est directement soumise au pouvoir impérial 5. La conception
juridique de cette époque
restreint encore beaucoup
plus:
pour
Dietrich Reinkingk l'Empire n'est qu'un corps formé par l'empereur et les états de l’Empire *; Johannes Limnäus” considère seulement les états de
l'Empire ? comme
sujets de l'Empire (de l'empereur) 9. Les états cepen-
dant ne constituent qu'une part des immédiats 9, c'est-à-dire de ceux qui ont
la qualité de citoyen. Tous les "immédiats" profitent, depuis 1555, directement de la reconnaissance des deux confessions presque comme
des droits
fondamentaux ‘! et ils peuvent déjà s'adresser, dans un procès, en première instance à des tribunaux impériaux ?. Mais ce sont seulement les états qui participent directement au processus de la formation de la volonté politique, sur le plan impérial, parce qu'ils ont siège et vote à la Diète ("Reichstag"). En 1521 ? ce sont: 7 princes électeurs, dont 3 archevéques en tant que "princes de l'Eglise", 46 évéques et 83 prélats (abbés et abbesses, prieurs, baillis
de l'Ordre Teutonique), 24 princes régnants en tant que "princes séculiers" ainsi que 145 vote et siège à ecclésiastiques rhénans (avec
comtes et seigneurs, enfin 85 villes impériales. En la Diéte de l'Empire, outre les 8 princes électeurs, (chacun avec une “voix virile"), 23 prélats souabes et deux “voix curiates"), 59 princes séculiers (chacun
“voix virile"), 25 comtes vetteraviens, 24 comtes souabes,
et 33 comtes
westphaliens
(avec quatre
"voix
1792 ont 35 princes 19 prélats avec une
17 comtes francs
curiates"),
51
villes im-
périales. Cette énumération doit surtout montrer que l'appartenance immédiate à l'Empire a été soumise à des inconstances dues aux circonstances politiques, Un grand nombre de dynasties princières ne se sont pas éteintes, des villes et villages n'ont pas été dévastés, mais ils ont perdu leur appartenance immédiate à l’Empire a cause de la soumission à la souveraineté d’un prince régnant.
Les immédiats étaient donc loin de former un "état homogène de citoyens 5 H. RóssLER-G. 1958, pp. 1041 s.
und
Franz,
Sachbwórterbucb
zur
deutschen
Geschichte,
II, Munich
2% CH. Linx, “Dietrich Reinkingk", in M. SroLLeIs (Hrsg), Staatsdenker im 17. 18. Jabrbundert, Francfort/Main 1977, p. 87; W. Wacner, Das Staatsrecht des
Heiligen Rômischen Reiches Deutscher Nation, Karlsruhe 1968, pp. 50 ($ 30); 85 ($ 145).
7 R. Hoxz, Die Reichsstaatsrechtslebre des Jobannes Limnaeus, Aalen 1968, pp. 94 s. 5 Cf. H. Conran, Recbt und Verfassung des Reiches in der Zeit Maria Tberesias, Cologne-Opladen 1964, pp. 476 ss. 2 p. Rassow, Forschungen zur Reicbs-Idee im 16. und 17. Jabrbundert, CologneOpladen 1955, p. 76. 3 RÓsSLER-FRANZ,
op. cit. (n. 25), p. 1027.
31 CoNRAD, op. cit. (n. 9), II, pp. 174 ss. 2 W. SELLERT, Über die Zuitándigkeitsabgrenzung von Reicbsbofrat und Reichskammergericht, Aslen 1965, pp. 46ss.; O. v. GSCHLIESSER, Der Reichshofrat, Vienne 1942, pp. 29;
35ss.;
CoNRAD,
op. cit. (n. 9), IT, pp.
1645ss.;
WAGNER,
op. cit. (n. 25),
pp. 54s. ($$ 47 ss.). 93 G. OEsTREICH, Verfassungsgeschichte vom Ende des Mittelalters bis zum Ende des alten Reiches, 3ème éd. 1980, in GEBHARDT, Handbuch der deutschen Geschichte,
9ème éd., Munich 1980, pp. 137 ss.
119
immédiats”. Les contemporains faisaient une distinction parmi les immédiats
entre les "états de l'Empire" ("Reichs-Stünde", ordines imperii, status imperii) *, en tant que personnes ayant droit de vote à la Diète, les "membres de l'Empire" ("Reichs-Glieder", sembra imperii) 9 et les "citoyens de l'Em-
pire" (cives imperii) *; les "membres de l'Empire" participant tout au plus à une voix curiate, les "citoyens de l'Empire" n'ayant aucun droit de vote, mais n'étant pas soumis non plus à aucune souveraineté provinciale. Ces différenciations soulignent que l'immédiat a été au moins considéré comme "citoyen de l'Empire" (civis imperii); lactif sur le plan politique grâce à son appartenance à la Diète de l'Empire est considéré comme status imperii. Seul le status imperii permet la cogestion politique comme le permet aujourd'hui la nationalité (status civitatis). Des différences ont existé aussi entre les états de l'Empire (status imr perii)": les princes électeurs jouissaient de droits régaliens et à la Diète de
l'Empire ils étaient assis autour de l'Empereur, en face des autres états de l'Empire *. Leurs 7 (plus tard: 8, aprés 1803: 10) membres avaient autant de poids que les 300 (plus tard 230) membres environ du collége princier oà (en
1792)
94
membres
ayant
chacun
une
voix
("Virilstimme")
font
face
à 141 membres ayant au total 6 voix (Kuriatstimmen") ?. Ainsi la participation à la formation de la volonté politique gráce à l'état d'Empire (status imperii) était d'une importance différenciée. b) Les magistrats de l'Empire. Les officiers des autorités de l'Empire sont rattachés d'une maniére particuliére à l'Empire *. Surtout les membres de la Cour supréme et du Conseil aulique ainsi que leurs familles (y compris les domestiques)
étaient soumis
à la juridiction de ces tribunaux.
Les
offi-
ciers de la Chancellerie de l'Empire, tout particuliérement le Vice-chancelier de l'Empire, les membres du Conseil aulique (président, vice-président, conseillers) ainsi que les juges et les présidents de la Cour supréme étaient nommés par l'Empereur; ils avaient, avec les assesseurs, prété serment à l'Em-
pereur et à l'Empire. c) Les membres de l'armée de l'Empire. Les soldats et d'autres membres de l'armée impériale se sont trouvés aussi dans une relation particuliére avec 3 J. HÜsNER, Sraats., Zeitungs- und Conversationslexikon, Regensburg 35 HÜBNER,
op.
cit.
(n.
34),
p.
899;
H.H.
HorMANN,
Quellen
zum
1759, p. 902. Verfassungs-
organismus des beiligen rümischen Reiches deutscher Nation 1495-1815, Darmstadt p. XVII; WAGNER, op. cit. (n. 25), pp. 74ss. ($$ 116 ss.). 36 HÜBNER,
1976,
op. cit. (n. 34), p. 901.
3! CoNRAD, op. cit. (n. 9), II, pp. 94ss.; H. WENKEBACH, Bestrebungen zur Erbaltung der Einbeit des Heiligen Rómiscben Reiches, Aalen 1970, pp. 12ss.; WAGNER, op. cit. (n. 25), p. 46 ($ 19). 3 R. AULINGER, Das Bild des Reicbstages im 16. Jabrbundert, Munich 1980, p. 205, fig. 26. 99 OESTREICH,
op. cit. (n. 33), pp.
151ss.;
HoFMANN,
op.
cit. (n. 35), pp.
359 ss.
© CoNRAD, op. cit. (n. 9), II, p. 164; SELLERT, op. cit. (n. 32), p. 46; H. HarTENHAUER, Geschichte des Beamtentums, Cologne 1980, pp. 49 ss.
120
l'Empire *. Certes, l'Empire ne recruta pas lui-même mais les cercles de l'Empire ont envoyé des contingents en faisant appel aux états de l'Empire. L'armée formée de cette façon était l'armée de l'Empire et non pas celle des états respectifs et non plus seulement celle de l'Empereur. Bien sûr, à cóté de l'armée de l'Empire se sont battues des troupes impériales qu'il avait recrutées en sa qualité de prince régnant dans ses Etats patrimoniaux, ainsi que celles des états de l'Empire * Un ou plusieurs feld-maréchaux nommés par l'Empereur et la Diéte avaient le commandement supérieur de l'armée de l'Empire; ils avaient été mis, en tant que chefs, à la tête de divers généraux, mais ils étaient également soumis au Conseil de guerre. Un droit de guerre particulier était en vigueur dans l'armée de l'Empire. d)
L'immédiateté
territoriale.
Les
connexions
avec
l'Empire
décrites
jusqu'à maintenant sont toutes de nature personnelle: sont assujetties à l'Empire les personnes dont l'appartenance à l'Empire est basée sur une condition juridique spéciale et personnelle. Une attribution territoriale immédiate à l'Empire dans le sens d'une province d'Empire n'existait pas. Les villes et les villages impériaux ainsi que les terres de la noblesse immédiate constituaient une certaine exception. Les villes impériales " (les liberae Imperii civitates) étaient soumises à l'Empire en tant que villes impériales. Le seigneur de ces villes était l'Empereur auquel elles rendaient hommage; ainsi, il pouvait leur demander des services spéciaux. C'est la ville qui jouissait de l'immédiateté dans le sens juridique en tant que personne morale, mais non chaque citoyen ou habitant en particulier *. C'est la ville qui exercait la souveraineté comme un prince régnant. Cette souveraineté de la ville s'étendait en tout cas sur le territoire urbain, mais aussi souvent sur les domaines de ses sujets (par ex. Nuremberg sur Altdorf). Des villes impériales possédant un grand territoire ne se distinguaient guére des petites principautés: le territoire de la ville libre d'Ulm était presque aussi grand que celui de l'archevéché de Passau. Le fait que les villes impériales exerçaient la souveraineté montre que ces régions n'étaient pas un territoire impérial malgré la liberté dont elles jouissaient. Les droits de l'Empereur sur les villes impériales sont seulement quelques droits d'intervention (souvent contestés) fondés sur son pouvoir de souverain sur les villes et non pas partie d'un pouvoir impérial général. En ce qui concerne la noblesse impériale 5, c'est également plutôt le lien personnel et immédiat avec l'Empire qui se trouve au premier plan: le che41 CoNRAD, 42 CONRAD,
op. cit. (n. 9), II, pp. 129 5.; WENKEBACH, op. cit. (n. 9), II, p. 36.
op.
cit.
(n. 37), pp.
52s.
9 K.O. v. ARETIN, Heiliges Rómiscbes Reich 1776-1806, I, Wiesbaden 1967, pp. 90 ss.; OESTREICH, op. cit. (n. 33), pp. 120 ss.; CONRAD, op. cit. (n. 9), II, pp. 193 ss.; F. zu Savu-WirTGENSTEIN, Reichsstädte, Munich 1965, pp. 15 ss. # MirrEIS-LIEBERICH, op. cit. (n. 13), p. 262. *5 OzsTREICH, op. cit. (n. 33), pp. 34s.; CONRAD, op. cit. (n. 9), II, pp. 202ss.; ARETIN,
op. cit. (n. 43), pp. 68ss.;
HOFMANN,
op. cit. (n. 35), p. 364.
121
valier garde l'immédiateté personnelle malgré la perte de ses terres impériales, de sorte qu'il y avait une noblesse immédiate sans terres impériales (nommée "'personnalistes") . B) Immédiateté - appartenance à une province Toute appartenance immédiate à l'Empire est toujours en concurrence avec l'appartenance à d'autres choses publiques, surtout à la province *. En méme
temps on remarque qu'une appartenance seulement vague à une autre
chose publique ne correspond pas du tout à une étroite appartenance à l'Empire ou l'inverse; l'intensité de l'appartenance n'est pas inversement propor-
tionnelle, mais proportionnelle. L'état d'Empire (‘’Reichsstand’’) avec son status imperii est tout d'abord prince régnant; le représentant d'une ville impériale est lié surtout avec celle-ci: ils sont tous organes impériaux puisqu'ils sont également organes d'une autre institution publique (par ex. le duc de Bavière est de cette manière prince électeur, l'archiduc d'Autriche prince de l'Empire). Cette double appartenance, dont l'une ne restreint point l'autre, n'est pas un paradoxe. C'est surtout la possession de la souveraineté sur une province qui est condition pour l'état d'Empire. Le paradoxe résulte plutót du contraire: de moins de support par une propre souveraineté immédiate, de moins de consolidation dans l'Empire. Ainsi la qualité d'état d'Empire des villes impériales était longtemps contestée, la noblesse immédiate ne pouvait pas l'acquérir dans la méme mesure que les princes de l'Empire. Faute d'un lien étroit avec une chose publique solide, juste ces membres de l'Empire (membra imperii) se voyaient renvoyés à l'existence de l'Empire: contrairement à l'état d'Empire (status imperii), le citoyen (civis imperii) ne se distingue pas par son pouvoir politique mais par sa faiblesse politique *. C) L'appartenance médiate à l'Empire Non seulement les immédiats sont considérés comme “sujets de l'Empire" comme le montre clairement la Constitutio Criminalis Carolina de 1532 *: elle devrait avoir effet dans l'Empire entier; le cas échéant, seulement effet subsidiaire aprés le droit de province. Sa validité ne se restreint donc pas sur les immédiats, mais là où la province manquait de dispositions légales 46 CONRAD,
4 H.E. dem
op. cit. (n. 9), II, p. 203.
Fee,
"Zur Verfassungsentwicklung
des Heiligen Rómischen
Reiches
seit
Reich
bis
Westfälischen Frieden", ZRG/GA, 52 (1932), pp. 116; 118 ss. * H. v. SrBik, Deutsche Einbeit, Idee und Wirklichkeit vom Heiligen
Kóniggratz, I, Munich schaft
um
ibre
1935, pp. 128 s.; H.
Selbständigkeit
(1790-1815),
Μῦν μα, Der letzte Kampf der Reichsritter. Berlin
1910,
pp.
34s.
FEINE,
op.
cit.
(n. 47), p. 102; ARETIN, op. cit. (n. 43), pp. 69 s.; HoFMANN, op. cit. (n. 35), pp. XVII; XXVIII s.; H. RéssLer, Napoleons Griff nach der Karlskrone, Munich * Cf. n. 23.
122
1957, pp. 655.
appropriées
elle pouvait
également
avoir
validité pour des médiats,
pour
les "Landsassen" (petits propriétaires) comme par ex. à Salzbourg. Les ‘“Landsassen”’ sont donc aussi “sujets de l'Empire", bien sûr dans une mesure qui n'est pas seulement déterminée par le droit de l'Empire, mais
essentiellement par le droit provincial 9. En effet, le "Landsasse" d'une province sans privilegium de non appellando est libre de s'adresser aux tribunaux
impériaux en tant qu'instance de recours? Il peut également recourir en appel à un tribunal impérial en cas de déni de jugement Y. Cette "sujétion médiate à l'Empire" des "Landsassen'"? s'efface visiblement à côté de la "sujétion à la province". La notion moderne de "nationalité" prend ici son origine comme
le prouve l'exemple esquissé (ci-dessus $ 2) des terres des
Habsbourg. 4. La conscience de l'Empire Quand l'Empire commença à s'écrouler, Schiller, en se référant à l'époque de la guerre de 30 ans, le décrit comme suit: « Et l'Empire romain, que Dieu ait pitié! Il devrait maintenant s'appeler pauvreté romaine » *. Et Voltaire se moqua de l'Empire qui, à son avis, n'était « ni saint, ni romain, ni Empire » *. Quand en 1806 la II° confédération du Rhin fut créée contre l'Empire, Goethe dit, en apprenant cette nouvelle, que ce n'est pas à elle qu'il portait intérêt, mais à un entretien entre les cochers *. Il accepta tranquillement la perte de l'Empire: voici les hommes se lamenter sur « un entier... qui devrait étre perdu », mais « personne ne l'avait jamais vu en Allemagne » ”. En 1813, Gentz a pu relater à Metternich que «le désir de rendre hommage à l'Empereur d'Autriche en tant qu'Empereur d'Allemagne se manifesterait trés fort (en Allemagne du Sud)...» *,
Face à la double appartenance à l'Empire et à la province la question se pose de connaitre la signification de la premiére, non pas tellement en tant que formule juridique, mais en tant que réalité sociale. Ici on ne peut point étudier à fond la question de connaître l'importance Ὁ GrAWERT, op. cit. (n. 2), p. 39. 51 Conza, op. cit. (n. 9), II, p. 164; OESTREICH, op. cit. (n. 33), p. 62; GRAWERT, Op. cit. (n. 2), p. 39.
3 CoNRAD, op. cit. (n. 9), II, p. 164; SELLERT, op. cit. (n. 32), p. 40. 3 GRAWERT, op. cit. (n. 2), p. 39. % F. ScuiLLER,
Wallensteins Lager, VIII* scène.
55 H. TIEDEMANN, Der deutsche Kaisergedanke vor und nach dem Wiener Kongref, Breslau 1932, p. 11. 56 F. KRENNBAUER, Goethe und der Staat, Vienne 1949, p. 79, n. 217; W. MOMMSEN, "Zur Bedeutung des Reichsgedankes", Historische Zeitschrift 174 (1952), p. 338; TIEDEMANN, op. cit. (n. 55), p. 28; ROSSLER, op. cit. (n. 48), p. 66. 5 MoMMSEN, op. cit. (n. 56), p. 388. Mais cf. par Goethe plusieurs des scènes concernant l'empire, pat ex.: Goetz von Berlicbingen, Faust I (le caveau d'Auerbach), Faust Il; TIEDEMANN, op. cit. (n. 55), p. 15. 55 F.C. WrrriCHEN-E. SALZER, Briefe von und an Friedrich von Gentz, IIl/1, Munich 1913, p. 197; TIEDEMANN, op. cit. (n. 55), pp. 72 8.
123
subjective de l'appartenance à l'Empire, c'est-à-dire de la conscience de l'Empire, ni d’y répondre. Quelques exemples doivent démontrer des possibilités. A) Les Empereurs Du fait que, surtout depuis Charles V on s’efforça d'obtenir la couronne
impériale moyennant des dépenses énormes ?, on peut déduire un intérét dynastique pour l'Empire et pour ses possibilités. Sous le signe de la formation de la monarchie moderne, le titre d'Empereur est devenu indispensable aux Habsbourg allemands comme symbole unitaire et unifiant de leur régne * qui autrement aurait été morcelé en un nombre incalculable de titres de souverain. Quand, à la suite de l'arrét de la députation de l'Empire
(1803), il
fut possible que le successeur de Frangois II ne soit plus de la maison de Habsbourg-Lothringen, celui-ci prit le titre héréditaire d'Empereur d'Autriche 5. Mise à part cette fonction d'agrafe de l'Empire € la fonction impériale procura de nombreux avantages politiques à ceux qui l'assumaient (par ex. fief vacant) 9. À côté de cette politique dynastique, la tradition d'une politique impériale et universelle se maintient“. Elle s'exprime le plus nettement chez Charles V, en raison de son éducation supranationale et de son caractère $,
dans une situation historique particuliére: cette tradition influencera encore la décision de Maximilien,
frère de l'Empereur
d'Autriche,
Frangois-Joseph,
d'accepter la couronne impériale du Mexique ©. Ce n'est qu'avec l'Empereur Joseph II que l'intérét des Empereurs pour l'Empire s'efface devant celui pour l'Etat dynastique autrichien”: il assumait les investitures non plus en robe espagnole, mais en uniforme des hussards hongrois #. Jusqu'alors les Empereurs se montrent très attachés et engagés envers lui et ils en déduisent leurs droits, en partie aussi dans l'intérét de l'Empire. 9 G.
KLEINHEYER,
Die
kaiserlichen
Wablkapitulationen,
Karlsruhe
1968,
p.
28;
W. BRAUNEDER, "Die Korruption als historisches Phánomen", in CH. BRÜNNER, Korruption und Kontrolle, Vienne-Cologne-Graz 1981, p. 81. © SRBIK, op. cit. (n. 48), p. 65; FEINE, op. cit. (n. 47), pp. 69 ss.
$! E.R. HuBer, Deutsche Verfassungsgeschichte seit 1789, I, reprint 2ème éd. Stuttgart-Berlin-Cologne-Mayence 1975, pp. 62 ss.; BRAUNEDER, op. cit. (n. 11), pp. 91; 107. € FEINE, op. cit. (n. 47), p. 77. 6 CONRAD, op. cit. (n. 9), II, pp. 67;
182 ss.
4 SRBIK, op. cit. (n. 48), pp. 50 5.; K.G. HucELMANN, “Die Gestalt des Reiches in Idee und Wirklichkeit im Wandel der deutschen Geschichte”, Zeitschrift für üffentli. ches Recht
16 (1936), p. 442.
€ W. KÔHLEr, “Die deutsche Kaiseridee am Anfang des 16. Jahrhunderts", Historische Zeitschrift
(n. 29), pp. 7;
149
13;
(1934), pp. 52s.;
SBRIK, op. cit. (n. 48), p. 41;
Rassow,
op. cit.
In, Karl V., Der letzte Kaiser des Mittelalters, Góttingen-Berlin-
Francfort/Main 1957, pp. 17 s.; In., Die Kaiseridee Karls V., Berlin 1932, p. 22. € SRBIK, op. cit. (n. 48), p. 66; J. Hastip, Maximilian Kaiser von Mexiko, nich
1972.
67 FEINE, 68 FEINE,
124
op. cit. (n. 47), p. 85; RÔSSLER, op. cit. (n. 48), p. 83. op. cit. (n. 47), p. 75; SRBIK, op. cit. (n. 48), p. 118.
Mu-
Après que l'Empereur Léopold I° 9 s'est préoccupé des intérêts politiques de l'Empire ?, les Empereurs Joseph I° et Charles VI surtout se sont souvenus de leurs droits impériaux sur les états de l'Empire et sur l'Eglise ainsi que de leurs droits en Italie. Tandis que pour Joseph I* les intéréts de l'Empire prévalent ?, Charles VI s'occupait presque exclusivement de la Maison d'Autriche ?. Malgré tout, la couronne impériale de l'Empire romain germanique ornait le couvent de Klosterneubourg ?, son "Escorial autrichien", et enfin son sarcophage dans la Kapuzinergruft. Sous le règne de Marie-Thérèse, la couronne dynastique des Habsbourg ornait déjà le Château de Schônbrunn ^. B) Magistrats et officiers de l'Empire Naturellement les dirigeants des institutions, les magistrats, les fonctionnaires, étaient liés d'une façon particulière à l'Empire, puisqu'ils veillaient aux tâches de celui-ci et en représentaient les intérêts. Par conséquent la Cour suprême et le Conseil de la Cour devaient juger formellement et conformément aux droits généraux de l'Empire 5; le Conseil de la Cour en tant que magistrat était considéré tout simplement comme ‘ministère de l'Empereur" *. Dans une relation étroite et semblable avec l'Empereur, et surtout aussi avec le Conseil de la Cour, se trouvait la Chancellerie de l'Empire 7. A la téte du Conseil de la Cour ainsi que de la Chancellerie se trouvait le Vicechancelier qui, en quelque sorte comme ‘seul ministre de l'Empire" *, pouvait donner des impulsions plus importantes, comme par ex. Friedrich Schónborn. Par son activité qui durait 25 ans, en tant que Vice-chancelier de l'Empire (1702-1732) Ὁ il a rendu 9 R. Lorenz,
Türkenjabr
des
1683, Vienne
services particuliers
à la conscience
1933, pp. 23; 89.
© FEINE, op. cit. (n. 47), p. 79.
71 Cu. W. Incrao, Josef I., Graz-Vienne-Cologne 1982, pp. 48 55.; 112 ss.; mais pas une monarchie universelle comme l'Empire de Charles V.: ibid., p. 233; FEINE, op. cit. (n. 47), pp. 80 ss. 72 SrBIK, op. cit. (n. 48), p. 78.
73 H. SEDLMAYR, "Die politische Bedeutung des deutschen Barocks", Gesamtdeutschbe Vergangenbeit, Festgabe für H. Ritter v. Srbik, Munich 1938, p. 136; In., Johann Bernhard Fischer von Erlach, Vienne-Munich 1976, p. 208; W. BRAUNFELS, Die Kunst im Heiligen Rômischen
Reich Deutscher Nation
I, Munich
1979, p. 81.
74 SRBIK, op. cit. (n. 48), p. 111. 75 "Reichskammergerichtsordnung" 1495, $ 3; G. WEsENBERG - G. WESENER, Neuere deutsche Privatrechtsgeschichte, 5ème éd., Lahr 1976, p. 80; H. ScHLosser, Grundzüge der Neueren Privatrechtsgeschichte, 4ème éd., Heidelberg-Karlsruhe 1982, p. 36. 76 WAGNER, op. cit. (n. 25), p. 49) ($ 29); CONRAD, op. cit. (n. 9), II, p. 82; MirreisLrEBERICH,
op.
Maximilian
1, Kaiser an der Zeitwende,
cit. (n.
13), p. 319;
GSCHLIESSER,
op. cit.
(n. 32), p. 7;
Góttingen-Zurich-Francfort/Main
R. BUCHNER,
1970,
p. 67.
ΤΙ PEINE, op. cit. (n. 47), p. 78.
7$ OESTREICH, op. cit. (n. 33), p. 61. 7 I. Boc, Der Reichsmerkantilismus, Stuttgart 1959, p. 37; FEINE, op. cit. (n. 47), pp. 66, 80; E. EickHorr, Venedig, Wien und die Osmanen, Munich 1970, p. 183; BRAUNFELS,
Reich
op. cit. (n. 73), III, 1981, p. 347;
und Europa,
I, Wiesbaden
1962,
p. 70;
P. WixpEBUnG,
HoFMann,
Der junge
Leibniz,
Das
op. cit. (n. 35), p. XXXI.
125
de l'Empire. La même chose est valable pour ses homologues Kinigsegg et Windischgrätz 9. Des difficultés extérieures augmentent particulièrement la conscience de
l'Empire":
la défense contre la France ®, surtout celle contre les Turcs et
par la suite l’offensive allant au-delà des frontières hongroises. A l'Ouest, l'organisation militaire des cercles de l'Empire parmi d'autres organisations fait ses preuves,
au Sud-est, les contingents
des cercles, la vraie armée
de
l'Empire, se fondent avec les troupes des Etats patrimoniaux de l'Empereur en formant une armée uniforme *. Dans les armées, qui, en 1683, ont libéré Vienne et, en 1686, conquis Ofen, malgré des contingents différents — troupes des cercles, Bavarois, Brandenbourgeois, Impériaux etc. — l'idée que ce sont la Bavière *, le Brandenbourg, l'Empereur etc. qui guerroient en tant qu'alliés, ne prédomine pas du tout, mais c'est l'Empire qui se bat contre les Turcs 5. L'origine des généraux ou des présidents du Conseil de guerre impérial — le comte Raimondo Montecuccoli 5, le duc Carl de Lothringen, le margrave Hermann de Baden, le prince Eugène de Savoie ” —
s'efface devant leur fonction
de commandant de l'Empereur et de l'Empire *. Après que l'idée d'une croisade universelle et européenne, reprise dans des projets condamnés toujours à l'échec depuis Maximilien I°, s'est revélée comme étant une erreur", le succés contre les Turcs trouve un écho dans un nouvel universalisme orienté vers la conscience de l'Empire ”. Il ne dépasse pas seulement temporairement le particularisme allemand, mais se développe sur le plan européen. Les refléxions de l'Empire de repousser les frontiéres de l'Empire per portam Trajanam ou jusqu'à Constantinople en sont caractéristiques": on ne peut pas nier une sorte de renovatio imperii. C'est encore plus visible dans le Nord de l'Italie: les victoires remportées ici, sont utiles au prince Eugéne de Savoie pour restaurer les droits impériaux en Italie au sens de la conscience de l'Empire ?, Dans cet universalisme les projets du prince Eugéne peuvent s'unir sans peine avec l'idée de l'équilibre politique européen, de facon que l'idée naissante d'un Etat autrichien des Habsbourg soit compatible avec
l'idée de l'Empire ?. 99 Bos, op. cit. (n. 79), pp. 36s. 81 SRBIK, op. cit. (n. 48), p. 69; INGRAO, op. cit. (n. 71), pp. 48s.; HOFMANN, op. cit. (n. 35), pp. 226 s. 8 INGRAO, op. cit. (n. (n. 79), pp. 4; 205.
71),
pp.
48s.;
plus
net
par
Leibniz:
WIEDEBURG,
op.
cit.
85 Lorenz, op. cit. (n. 69), p. 313. # O. RepLICH, Weltmacbt des Barock, 4ème éd., Vienne 1961, p. 241; V. v. RENNER, Wien im Jabre 1683, Vienne 1883, pp. 379 ss.; 418 5. 55 LoRENZ, op. cit. (n. 69), p. 312.
56 Raimund Montecuccoli-Historische Gedácbtnisausstellung (Katalog), Hafnerbach 1980. *' M. BRAUBACH, Prinz Eugen von Savoyen, III, Vienne 1964, p. 310 88 oRENZ, T op. cit. (n. 69), pp. 190 ss. 9 Lorenz,
op. cit. (n. 69), pp.
11; 312.
9? Lorenz, op. cit. (n. 69), pp. 312; SBRIK, op. cit. (n. 48), p. 76. 91 LoRENZ, op. cit. (n. 69), p. 366. 9 Boc, op. cit. (n. 79), p. 35.
95 Boc, op. cit. (n. 79), p. 38, n. 146. 126
La conscience de l'Empire ne se restreint pas seulement aux titulaires des fonctions de l'Empire. Dans la défense contre les Turcs, à la frontière de l'est de la Styrie, on se rend absolument compte qu'il ne s'agit pas seulement de protéger la frontiére styrienne, mais également "la clóture de la Cour de l'Empire" *, Malgré son attachement au Tyrol et les relations étroites de la Cour tyrolienne avec le nord de l'Italie, le Chancelier tyrolien Wilhelm Biener considère le Tyrol comme “la citadelle de l'Empire romain" (1640) 5. Les Chanceliers autrichiens Hocker et Stratmann s'occupent des projets ré. formateurs de l'Empire, le Chancelier de Bohême et pro-autrichien Wratislav
croit l'appui de l'Empire essentiel * . C) Les babitants des villes impériales Bien que la fonction du conseil municipal ou du magistrat médiatise les citoyens des villes impériales, ceux-ci conservent dans la plupart d'entre elles la conscience « de ne pas étre des sujets du magistrat, mais de l'Empereur et de l'Empire » (v. Aretin) 7. C'est avant tout leur influence sur la composition du magistrat municipal qui y contribua (fait complétement contradictoire à la constitution des territoires séculiers et ecclésiastiques) et finalement le fait qu'en particulier le Conseil aulique de l'Empire se servait de plus en plus de son droit d'intervention dans l'administration municipale *. La conscience d'immédiateté était en méme temps une conscience spécifique de liberté par laquelle le citoyen d'une ville impériale se distinguait d'un sujet provincial et aussi du citoyen d'une ville provinciale. Ainsi, non seulement au début des temps modernes, mais aussi aprés le détachement de la Confédération helvétique de l'Empire en 1648, les villes suisses se sont rendues compte de leur immédiateté et la soulignent en tant que symbole de liberté. Certes, déjà en 1654, Zurich a rayé la mention de l'Empire dans la constitution municipale que, chaque année, les citoyens s'engageaient par serment à observer; d'autres villes l'ont fait beaucoup plus tard, Schaffhausen par ex. en 1714”. L'aigle impériale ou, comme c'est le cas à Berne, la couronne royale allemande, sont restées le symbole des villes suisses jusqu'à nos jours. Vienne n'était pas une ville impériale dans le sens juridique, mais quand méme une ville de l'Empire , Elle doit cette autorité qui est reconnue et qui lui est accordée partout, à la résidence impériale, au Conseil aulique qui y gouverne ainsi qu'à la Chancellerie de l'Empire d'un cóté, à sa situation géographique de l'autre côté. Sous le règne de l'Empereur Léopold I°, un livre % SzBIK, op. cit. (n. 48), p. 69; W. 16. Jabrbundert, Munich 1978, p. 105. 95 Sanik, op. cit. (n. 48), p. 83.
ScHuLzE,
Reich und Türkengefabr
im späten
% Boc, op. cit. (n. 79), pp. 365.
9! % 9 19
ARETIN, op. ARETIN, op. H.C. Pevez, ozENZ, T op.
cit. (n. 43), p. 94. cit. (n. 43), p. 94. Verfassungsgeschichte der alten. Schweiz, Zurich 1978, p. 79. cit. (n. 69), p. 25.
127
intitulé Ebren-Ruff Teutschlands ("La gloire de l'Allemagne") commence par la description de Vienne, puisque « c'est là que le plus grand souverain et maître du monde a sa résidence »: son auteur est le professeur d'histoire du futur Empereur Joseph I°! En 1690 un mémoire du sénat de Hambourg appelle celle-ci, Strasbourg et Vienne, les piliers de l'Empire '®. Ce n'est pas seulement l'Empereur, la Cour, les autorités impériales, les fétes de la haute noblesse et les éléments étrangers qui rappellent l'Empire à la population de Vienne, mais temporairement et surtout la menace turque. Les attaques turques contre Vienne, surtout en 1529 et 1683, ne sont pas
dirigées contre n'importe quelle ville. En réalité Vienne était une forteresse entretenue par les états de l'Empire, au sens figuré Vienne était pour les Turcs la "pomme d'or" (Kizil Elma) 9 tellement désirée, c'est-à-dire comme
Rome et auparavant Constantinople le centre spirituel de la chrétienté. A cóté de ce souvenir inquiétant de leur attachement à l'Empire, la population de Vienne se voyait à l'époque baroque agréablement entourée de la gloire impériale (voir infra, D).
D) Les architectes de l'Empire Encouragée ou mieux réveillée par les victoires remportées sur les Turcs, la conscience de l'Empire s'exprime avec beaucoup d'effet jusque dans l'architecture baroque de Vienne "*, Les œuvres architecturales de Johan Bernhard Fischer von Erlach surtout traitent « la définition de l'Empire et sa fonction dans l'ordre mondial » '9. Le premier plan du château de Schónbrunn, dont l'exécution est divergente et plus simple, est considéré comme la « première représentation architecturale adéquate de l'Empire des temps modernes » "%, L'église de St. Charles représente consciemment un programme impérial conçu par l'historiographe de la Cour, Carl Gustav Heraeus!”: elle doit être
l'"église de l'Empereur".
A ces fins, on a déployé toute la richesse des
symboles et de l’iconologie de l'Empereur 155, La bibliothèque de la lement a représenté l'Empereur comme dieu des muses 9. Toutes architecturales, voire le plan de Schónbrunn, ont recouru à la architecturale et aux éléments des Romains !!°: ainsi toutes les trois
Cour finales œuvres conception rappellent
101 J.J. WAGNER v. WAGENFELS, Ebren-Ruff Teutschlands, 1691: cf. LoRENZ, op. cit. (n. 69), p. 25; INGRAO, op. cit. (n. 71), p. 49. 12 LORENZ, op. cit. (n. 69), p. 26.
18 R.F. KREUTEL, Osmanische Geschichtsschreiber, II, Im Reich des goldenen Apfels, Graz-Vienne-Cologne 1957, pp. 9ss.; 76s.; 123s.; In., Kara Mustafa vor Wien, 2ème éd., Graz-Vienne-Cologne 1960, p. 171, n. 8; EICKHOFF, op. cit. (n. 79), pp. 245; 362. 19 BRAUNFELS, 15 BRAUNFELS,
op cit. (n. 73). op. cit. (n. 73), p. 74.
1% SEDLMAYR,
Fischer
(n. 73), 107 108 10 110
128
pp. 75 ss. BRAUNFELS, op. cit. SEDLMAYR, Fischer BRAUNFELS, op. cit. BRAUNFELS, 0p. cit.
v.
Erlach,
cit.
(n.
(n. 73), pp. 76s. v. Erlacb, cit. (n. 73), (n. 73), p. 77. (n. 73), pp. 75ss.
73),
pp.
p.
162.
52ss.;
BRAUNFELS,
op.
cit.
les colonnes de Trajan et de Marc Aurèle, l'église de St. Charles les temples de la Paix de Jupiter !!; à la bibliothèque de la Cour, l'Empereur est représenté comme imperator romain.
Suivant la tradition romaine l'architecte italien Domenico Martinelli de Lucca, trés recherché dans la Vienne baroque, s'est « appelé orgueilleusement civis romanus ayant des dons artistiques » !!?. Dans l'architecture destinée à l'Empereur et briévement décrite ci-dessus, lantiquité romaine se voit déjà en concurrence avec d'autres traditions et lentement remplacée par celles-ci. Ainsi l'emploi de 2 colonnes à la façon de Trajan est une tradition remontant à l'Empereur Charles V: en tant que colonnes
d'Hercule
(Gibraltar),
elles symbolisent
la domination
du
monde
au-delà de celles-ci jusqu'en Amérique au début des temps modernes !?. La lice prédominant sur le plan de Schónbrunn a son origine dans la tradition allemande !, les symboles impériaux de l'église de St. Charles ne sont pas seulement des « allusions à Auguste et Trajan », mais aussi « au temple de Salomon, à la Cathédrale de St. Pierre et à la Hagia Sophia, à l'Empire de Charlemagne et à celui de Charles V » '5; à la bibliothèque de la Cour, l'Empereur n'est pas seulement
représenté comme
Imperator
Romanorum
mais aussi comme
Hercules musarum, la construction ne reprend pas la tradition de Rome, mais la tradition d'Athénes "6, Une autre manifestation architecturale de l'idée de l'Empire, la colonne en mémoire de la peste sur le Graben à Vienne, ne laisse reconnaitre aucun rapport avec l'antiquité romaine: ici, les symboles impériaux s'unissent dans les armes et dans leur disposition, avec la représentation en partie allégorique de la Foi et de la Piété en créant un programme iconologique tout à fait
nouveau !"", Mais aussi les plans des nouvelles constructions de la Hofburg dessinés par Johann Emanuel Fischer von Erlach ne reprennent plus les symboles romains 5: les doubles colonnes rappellent seulement le style Charles V, l'architecture de la partie où se trouve la Chancellerie de l'Empire représente le "systéme intérieur du Saint Empire" des temps modernes. En ce qui concerne la magnifique architecture sacrale et, avant tout, les grands monastéres, presque rien n'indique la Rome paienne: l'Eglise romaine et la dynastie des Habsbourg fournissent les motifs caractéristiques !*.
Wl 12 op. cit. 13 pp. 53;
SepLMAYR, Fischer v. Erlacb, cit. (n. 73), p. 181. P, HeNwINGS, Das barocke Wien, II, Vienne-Munich 1965, p. 35; BRAUNFELS, (n. 73), pp. 52; 54; 286; 361. BrAUNFELS, op. cit. (n. 73), p. 75; SEDLMAYR, Fischer v. Erlacb, cit. (n. 73), 179.
14 BRAUNFELS, op. cit. (n. 73), p. 75. 115 116 17 118 19
SEDLMAYR, Fischer v. Erlacb, cit. (n. 73), p. 181. BRAUNFELS, op. cit. (n. 73), p. 77; SEDLMAYR, Fischer v. Erlacb, cit. (n. 73), p. 181. BRAUNFELS, op. cil. (n. 73), p. 74. SEDLMAYR, Fischer v. Erlacb, cit. (n. 73), pp. 205 5. BRAUNFELS, op. cit. (n. 73), pp. 79 s.
129
E) Les mercantilistes
L'Empire n'offre pas seulement un point de repère pour la conscience de l'Empire, mais apparaît aussi comme espace de vie actuel et digne d'amélioration, comme chantier d'expérimentations économiques dans le sens d'un
"mercantilisme impérial” 1°. Ce qui est étonnant puisque l'on devrait supposer que le mercantilisme en tant que ‘système d'une politique de pouvoir" ! s'unit seulement avec le pouvoir, c'est-à-dire avec la principauté gagnant d'importance et non pas avec l'Empire. Malgré cette circonstance et malgré les nombreuses frontières douanières à travers l'Empire qui en résultent, les notions de "patrie allemande", c'està-dire l'Empire, et de “commerce allemand" lues chez Johann Joachim Becher,
sont identiques !2, Pufendorf et méme Hórnigk, fanatique de l'Autriche 13, ne voient l'Empire que comme un territoire économique unitaire au développement duquel les Etats patrimoniaux de l'Empereur devraient servir d'exemples. Becher,
Krafft et Leibniz !* ont l'intention de faire de l'Empire un Etat exportateur dont l'économie est basée sur la manufacture 5. L'homme politique et auteur d'histoire politique, Justus Móser, "a German patriot" (un patriote allemand) 5, a recommandé à la bourgeoisie ascendante du XVIII* siècle de se servir de la Constitution de l'Empire pour l'unification politique et économique de l'Empire.
F) Les publicistes de l'Empire - les juristes Les mercantilistes de l'Empire partent de l'idée que l'Empire est un Etat et devrait en tant que tel étre une unité économique, et pourrait étre comparé à la France. Cette conception remonte à la science du "droit public de l'Empire" et aux publicistes qui la défendent '?. Malgré leurs positions différentes, la valeur qu'ils lui attribuent et malgré leur connaissance de la faiblesse du pouvoir impérial ils considérent l'Empire juridiquement et politiquement comme un Etat et non seulement comme une
confédération. Pour Leibniz l'Empire est méme en 1697 "bien rangé” ‘#, ce qui semble contredire Pufendorf avec son opinion que l'Empire ressemble à 12 Boc, op. cit. (n. 79). 121 Boc, op. cit. (n. 79), p. 16.
12 Boc, op. cit. (n. 79), p. 17. 13 Pu. W. v. HónNIGK, Osterreich über alles, wann es nur will, Vienne 1684. 14 W,
ScHÜssLER,
Vom
Reich
und
der
Reicbsidee
in
der
deutschen
Geschichte,
Leipzig 1942, p. 28. U5 Boc, op. cit. (n. 79), p. 18.
1% W.F. SHELDON, The Intellectual Development of ]ustus Moser: a German Patriot, Osnaubrück 1970, p. 112. 17 SroLLEIS, op. cit. (n. 26); CoNRAD, 13 Boc, op. cit. (n. 79), p. 27.
130
op.
cit.
(n. 9),
II, pp.
The Growth
113 ss.
of
un monstre (monstro simile) 5, Pufendorf veut pourtant dans cette description montrer seulement que l'on ne sait pas dans quelle forme de gouvernement il faut classer l'Empire. Il n'a utilisé cette description que dans la première
édition de son De statu imperii Germanici 9: il a dès lors écarté le soupçon d'une évaluation négative. Ce n'est pas ici qu'il faut mentionner chaque groupe de publicistes de l'Empire. Au lieu de faire cela, prenons Pütter comme exemple “!, un des derniers publicistes, qui a survécu de quelques années à la fin de l'Empire. Bien qu'il ait été complétement conscient que la souveraineté impériale était de fait et juridiquement extrémement faible 132, i] considérait l'Empire comme une réalité politique et juridique, vraiment comme un Etat qui se compose, en tant que confédération, d'autres Etats #. Il faut encore ajouter que les publicistes ne considérent pas seulement l'Empire, comme si qa allait de soi, comme un Etat, mais que certains d'entre eux — surtout Reinkingk — accordent le pouvoir suprême de l'Empire à l'Empereur 9^. Il faut retenir aussi que les publicistes de l'Empire n'ont pas du tout développé leur conscience de l'Empire au service de l'Empereur ou de l'Empire. S'ils étaient au service
public, ils servaient alors un prince régnant ("Landesfürst") '5. Avec la formation par l'étude du droit romain général, qui était appliqué de façon très différente comme droit général de l'Empire ("des Reiches gemeines Recht"), c'est-à-dire comme droit général subsidiaire de l'Empire, un minimum de conscience de l'Empire a été inculqué à chaque juriste 335, Surmonter le droit romain général par une codification pour chaque province est donc nécessairement un aspect de la suppression de l'idée de la souveraineté impériale par l'idée de la souveraineté provinciale ?, En tout cas, l'existence du droit romain général a rendu possible l'existence des juristes de
l'Empire,
échangeables
entre
les
territoires
et
sans
lien exclusif
avec
ceux-ci. Goethe, étudiant à Leipzig et ayant obtenu sa licence en droit à Strasbourg,
a pu
exercer
à Francfort
sur
le Main,
à Wetzlar
et enfin
à
Weimar 15, V9 S. PurENDORP, Die Stuttgart 1976, VI/$ 9.
19 N. HAMMERSTEIN, F. SaLomon,
Severinus
Verfassung
"Samuel
des
deutschen
Pufendorf",
de Monzambano.
De
Reiches
in STOLLEIS,
Statu
Imperii
(trad.
par
H.
Denzer),
op. cit. (n. 26), p. 191; Germanici,
in K.
ZEUMER,
Quellen und Studien zur Verfassungsgeschichte des Deutschen Reiches in Mittelalter und Neuzeit,
III/4,
Weimar
1910,
p.
126.
Bt Ὁ, Scute, Jobann Stephan Piitters Reicbsbegriff, Góttingen 12 SCHLIE, op. cit. (n. 131), pp. 36 ss.
1961.
13 SCHLIE, op. cit. (n. 131), pp. 41 ss.
14 CH, Link, “Dietrich Reinkingk", in SroLLEIS (Hrsg.), op. cit. (n. 26), p. 83. 135 Par ex. Althusius (STOLLEIS, op. cit. [n. 26], p. 49), Reinkingk (ibid., p. 98), Limnaeus
(ibid., p.
116), Leibniz
(ibid., pp. 224s.);
SHELDON,
op.
cit. (n.
126), p. 24.
136 ScHLOSSER, op. cit. (n. 75), p. 35. 17 H. LeNTzE, "Naturrecht und Historische Schule in der Gsterreichischen Rechtswissenschaft", Wissenschaft und Weltbild 23 (1970), pp. 39s; SCHLOSSER, op. cit. (n. 75), p. 62. 138 KRENNBAUER, op. cil. (n. 56), pp. 1288.
131
5.
Imperium
Romanum
- Imperium
Germanicum
Idéologiquement le Saint Empire du Moyen Age s’appuyait essentiellement sur l'idée de son identité avec l'Empire romain de l'antiquité . Au XVI* siécle encore, les Empereurs légitimaient la législation avec le renvoi sur leur “prédécesseur Justinien" * et Charles V était encore pénétré par l'idée d'un Empire universel régnant au Moyen Age “i. Cependant, au XVI* siècle déjà le parallélisme (entre le Saint Empire et
l'Eglise romaine) '? a été rompu
avec la reconnaissance
de la Réforme.
Après l'aversion des humanistes contre Rome !9, Conring a détruit la théorie et l'idée de la translation de l'Empire (translatio imperii) 4. Presque en méme temps, l'Empire s'est vu politiquement restreint à ses territoires allemands: l'inclinata nacio Germanica devient, de plus en plus, du sacrum imperium, et celui-ci se lie de façon inséparable avec la "nation allemande”. Vers la fin du XVII° siècle l'Empire n'est pas pour le peuple un Empire romain, mais un "Empire germanique": dans une piéce de théátre, à l'occasion de la libération de Vienne de la menace turque, Léopold I° est présenté aux spectateurs comme "Leo de l’Empire germanique”, comme porteur de la "couronne
du monde
allemand”.
Sa représentation comme
Imperator
Romanorum
triomphant, vétu d'une toge et portant une couronne de lauriers, sur un char *, est déjà une exception. A l'époque du style baroque, les éléments de l'antiquité romaine s’effaçaient peu à peu. L'antiquité romaine est seulement en partie source de l'iconographie de l'Empereur Charles V, surtout en ce qui concerne la royauté universelle de droit divin des temps modernes et la Pietas Austriaca ("piété autrichienne”) des Habsbourg '*. Les publicistes n’écrivaient plus sur un Imperium Romanum, mais sur l'Imperium Romanum Germanicum ("Empire romain germanique”). Pour Pütter!? par 19 CONRAD, op. cit. (n. 9), p. 233; PUFENDORF, op. cit. (n. 129), I/$ 14. 19. Institutum Ferdinandi I. (1526), préface: cf. W. BRAUNEDER, "Zur Gesetzgebungsgeschichte der niederósterreichischen Lünder", Festschrift f. H. Demelius, Vienne 1973,
P. 7; H. v. Weser, “Die peinliche Halsgerichtsordnung Kaiser Karls V.", ZRG/GA, (1960), p. 293. 141 KÔHLER, 142 KÔHLER,
op. cit. (n. 65), 53; Rassow, op. cit. (n. 65), p. 54.
Kaiseridee,
cit. (n. 65),
pp.
165;
77 171.
14 SCHÜSSLER, op. cit. (n. 124), p. 45. 14 D, WirLowerr, "Hermann Conring”, in SroLLEIs (Hrsg.), op. cit., n. 26, p. 142; SRBIK,
op.
cit.
(n.
48),
pp.
61s.;
F.
WiEACKEm,
Privatrechtsgeschichte
der
Neuzeit,
2ème éd., Gôttingen 1967, p. 206. M5 U. NoNN, "Heiliges rómisches Reich deutscher Nation", Zeitschrift für bistorische Forschung
16 Jugend D. 27, M? M8 York
9 (1982), p. 142.
Die befreyte Vindobonae ... von der in dem Gymnasio xu Halle studirenden .. auffgefübret, Halle 1684 (Dresden, Sächs. Landesbibliothek, Hist. Germ. 6). Une peinture à fresque dans un palais situé à Prague/Kleipseite. F, MATSCHE, Die Kunst im Dienste der Staatsidee Karls VI., I-II, Berlin-New 1981.
19 Cf. les titres de leurs œuvres: 19 SCHLIE,
132
op. cit. (n. 131), pp.
STOLLEIS, 14s.
op. cit. (n. 26).
ex., l’idée de l'Empire reur;
que
l'on a eue
il n'y a pas eu de franslatio
au Moyen
Age
n'est
("translation"), mais une
qu'une
er-
renovatio
im-
perii (renaissance de l'Empire"). Le Saint Empire n'est un Empire romain que dans ce sens. L'Empire se débarrasse pourtant seulement lentement du “Romain” !. Ce complément n'exprime pas seulement une tradition, mais tient compte également de l'idée universelle à cóté de l'idée nationale. Ainsi lidée de l'Empire pouvait temporairement déployer son rayonnement à travers les frontiéres allemandes: surtout au XVII* siécle, les contemporains
ont lié la Hongrie des Habsbourg à l'Empire !?; au XVII* et au XVIII siècles, on a pensé que l'Empire étendrait ses frontiéres jusqu'à la Mer Noire et à la Mer Blanche (Egée) '*; que des princes d'Eglise serbes voteraient et siège-
raient à la Diète *, Au XVIII: siècle, dans les cours que l'on faisait aux princes héréditaires l'Empire était devenu un Empire germanique . Il y est question de l'Allemagne et du droit pénal allemand. L'étranger suit également cette tendance: la Paix de Presbourg conclue en 1805 par ex. ne connaît pas "d'Empire romain", mais une "Confédération germanique”, pas d' "Empereur romain", mais un "Empereur d'Allemagne" '!, l'acte de la Confédération du Rhin un "Empire germanique” '* et la curie ne parle pas de l’imperium Romanum, mais de l'imperium Germanicum '?. Seulement en s'exprimant dans le "style des Chancelleries allemandes" on se sert de la formule “Heiliges Rómisches Reich Deutscher Nation" (Saint Empire
romain germanique)'9:
«on
appelle l'Empire
romain
par égard pour la
dignité impériale qui est restée, depuis Otton I°, liée à la Nation allemande ». Ainsi l'"Empereur romain", dont la fonction est d'abord consi. dérée comme universelle, devient surtout au XVIII* siécle l'Empereur national allemand '! — et c'est justement pour cette raison que l'on a pu appeler “Empereur” le tsar russe et le sultan ottoman, et l’ “Empereur romain" n'a entravé, en 1804, ni le titre d'Empereur des Français ni celui d'Empereur d'Autriche. De la conscience de l'Empire s'est formée, aux temps modernes, la conscience de l'appartenance à la nation allemande, comprenant
beaucoup plus que les “immédiats”. 151 WIEDEBURG, op. cit. (n. 79), p. 14. 12 F, VALJAVEC, Geschichte der deutschen
II, Munich
Kulturbeziebungen
zu
Südost-europa,
1955, pp. 165 ss.
13 SCHÜsSLER,
op. cit. (n. 124), p. 29.
154 SCHÜSSLER, op. cit. (n. 124), p. 29. 155 H.
Coran,
op.
cit.
(n. 28), p. 418
(cf. le titre:
“Von
dem
Deutschen
Reich
überhaupt, dessen Benennung, Einteilung, Zugehórungen und Ansprüchen"); WAGNER, op. cit. (n. 25), pp. 49 ($ 27); 76 ($ 122). 56 H. WorreNsBERGER, Napoleonische Friedensvertráge, Berne 1946, p. 35. 157 WoLFENSBERGER,
op. cit. (n. 156), pp. 34 ss.
18 E.R. Huser, Dokumente zur Berlin-Cologne-Mayence 1978, pp. 28 ss.
deutschen
19 TIEDEMANN, op. cit. (n. 55), p. 21. 160 CONRAD, op. cit. (n. 28), p. 419 (7, p. 44
($
$ 1);
Verfassungsgeschichte,
Y,
cf. aussi
cit.
WAGNER,
op.
Stuttgart (n. 25),
13).
161 HUGELMANN,
op. cit. (n. 64), p. 443.
133
SANDRO SCHIPANI
IL 'MODELLO' ROMANO DEL CODE NAPOLEON: PROBLEMI DEL DIRITTO DELLE PERSONE
Il progetto della ricerca, nello svolgimento del quale si colloca questo II Seminario, e che fu esposto l'anno scorso, prevedeva che « nella prospettiva di un incontro tra le culture, ci si riferirà alla fondazione di Roma, concepita
sin dall'origine
come
fusione,
in spazio e tempi
certi,
di etnie
diverse »!, Esso poneva cosí, implicitamente, ma immediatamente, al centro dell'attenzione il tema civis/Romanus di quest'anno che di tale "fusione" coglie uno strumento giuridico. Per quanto specificamente interessa questa seduta, il programma citato
aggiungeva (e mi permetto di richiamarlo): fondazione di Roma
« nell'arco storico che va dalla
ai nostri giorni, si sono scelte due fasi, che sembrano
meglio evidenziare la dinamica fattuale e stimolare la riflessione teorica: la fase iniziale, per cosí dire costitutiva, e quella delle grandi rivoluzioni [...] La fase rivoluzionaria, che comincia con la caduta della seconda Roma e con le scoperte geografiche, sembra culminare a sua volta, nelle codificazioni: tra il 1804 (Code Napoléon) e il 1917 (Cédigo Civil del Brasile) [...] Il Code Napoléon, fattore di diffusione mondiale di un diritto derivato dalle Pandectae
di Giustiniano (ricordiamo l’opera del Pothier) è anche lo strumento rivoluzionario che definisce la scomparsa della formazione sociale feudale ». Il Code Napoléon, che salda regole di comportamento (e rispettivi valori) del vivere sociale antiche, obbiettivi rivoluzionari, domande moderne, veniva
cosi proposto alla nostra attenzione. In questo mio apertura, desidero offrire soltanto alcuni punti di storiografia giuridica, che concernono il tema, che relazioni previste; sono punti aperti, problematici, mente contraddittori.
brevissimo intervento di riferimento, latenti nella verrà approfondito nelle per lo meno apparente
1 Cfr. [P. CarALANO - P. SiniscaLco], Aspetti storico-religiosi e giuridici dell'idea di Roma: tradizione e rivoluzioni. Progetto di ricerca d'Ateneo, Università degli Studi di Roma
1981, ora in Roma,
Costantimopoli,
Mosca
(Da Roma
alla Terza
Roma,
Studi
I),
Napoli 1983, pp. 559 s.; 564.
135
1. Desidero, in primo luogo, richiamare una osservazione del Koschaker, la cui opera, Europa und das rômische Recbt?, resta sempre uno dei luoghi pit significativi di riflessione sul valore costitutivo dell'idea politica di Roma, della prima Roma, nella storia europea. Il Koschaker, dopo aver riconosciuto i meriti intrinseci del Code Napoléon, ed aver celebrato Napoleone « fra i legislatori della storia universale »,
che può essere « collocato a diffusione del Code al « fatto e qualifica quello cosí creato cui vede inclusi tutti i Paesi
fianco dell'Imperatore Giustiniano », collega la di essere (stato) il codice dell’Impero francese » da Napoleone come « impero "giuridico" », in ove il Code fu recepito o conservato o ripri-
stinato, anche indipendentemente da vincoli politico-giuridici con la Francia ?. Questo riferimento all'Impero, queste semplici parole, usate forse in modo un po’ traslato e non riferite dall'A. al modello romano, credo che però siano ugualmente interessanti nel quadro dei lavori di questo Seminario (ed ho presente anche in particolare la seduta di ieri, sul Sacro Romano
Impero, e il ricco significato della nozione di ‘impero’) *. Esso, infatti, ha un valore particolarmente intenso per una possibile interpretazione del Code Napoléon non come legge di uno Stato nazionale moderno che viene consoli
dando la sua struttura 5, quanto piuttosto come stabilizzazione costitutiva * del diritto di una comunità giuridica di dimensione sovrannazionale, universale. Esso, cioè, coglie una realtà diversa da quella entro la quale lo statuallegalismo dell’ "Ecole de l’exégèse” ha cercato di ridurre il Code”, e che
potrebbe essere carica di implicazioni in relazione al modo di concepire e individuare le persone, destinatarie delle norme; lo spazio, o il territorio, ove
le norme valgono; le nazioni, che articolano il rapporto fra governanti e governati. Il modello dello ‘Stato moderno’ non sarebbe l'unico modello da tenere 2 P. KosCHAKER, Europa und das ròmische Recht, 3 ed., München (trad. it. di A. Biscarpi, Firenze 1962), 3 P. KoscHaker, Europa, cit., p. 236. 4 Cfr. per tutti i contributi pubblicati
nel vol. 31 dei “Recueils
ἃ. Berlin
1958
de la Société Jean
Bodin", su Les Grandes Empires, Bruxelles 1973; M. Cartier, "Imperii", Enciclopedia, VII, Torino 1979, pp. 145ss.; P. CATALANO, "Introduzione ai lavori: a proposito della nozione di Impero Romano”, Studi Sassaresi, III serie, 8 (1980-81), pp. 7 ss. 5 Incisivamente H. Coinc, "Allgemeine Züge der privatrechtlichen Gesetzgebung im 19. Jahrhundert", Handbuch der Quellen u. Literatur der neueren eurroäischen Privatrechtsgeschichte, III, 1, Miinchen 1982, p. 6, constata in linea del tutto generale, per le codificazioni del XIX secolo, che «die nationale Kodifikation konnte so zu einem Attribut des Nationalstaates, wie Flagge und Nationalhymne, werden ».
6 Sulla problematica della nozione di codice in generale, cfr. J. VANDERLINDEN, Le concept de code en Europe occidentale du XIII au XIX siécle. Essai de définition, Bruxelles 1967; G. TARELLO, Storia della cultura giuridica moderna. I. Assolutismo e codi. ficazione del diritto, Bologna 1976, pp. 18 ss.; H. CotNc, op. cit., pp. 4 ss., ma soprattutto A. GUZMAN, La fijación del derecho. Contribución al estudio de su concepto y de sus clases y condiciones, Valparaíso de Chile 1977, che ha proposto stimolanti osservazioni per un ripensamento della materia, che appare necessario.
? Sulla scuola dell’esegesi, cfr. M. CATTANEO, Illuminismo e legislazione, Milano 1966, pp. 143 ss., che ne sottolinea «il culto del testo della legge », «la ricerca della volontà del legislatore », « il carattere statalistico della dottrina », e vede
“positivismo giuridico” francese.
136
in essa la nascita del
presente in relazione all'efficacia costitutiva di diritto, alla validità del Code
Napoléon, codice dell'Imperatore *. 2. In secondo luogo, ritengo importante sottolineare una affermazione relativa alla vicenda italiana di adozione del Code. È stato rilevato infatti dal Chironi, nel Livre du Centenaire, che nel contenuto del Code Napoléon gli italiani potevano riconoscere « leur propre droit » fondato sulle « lois romaines » e vedere ricostituirsi una unità latina col diritto, nel « triomphe de la tradition romaine » °.
Questa osservazione è stata ripresa anche più recentemente, dall'Astuti "9, e da ultimo messa puntualmente a fuoco dal Ghisalberti che, nella « aderenza alle categorie romanistiche », ha indicato la ragione della facilità con la quale l'imperatore poté imporre l'introduzione del Code nel nostro Paese ed esso poté poi sostanzialmente permanere !. Essa costituisce una interpretazione radicata P, e, ritengo, probabilmente valida anche per l'adozione, più o meno fedele, di esso in altri Paesi”.
Tale "aderenza" era maturata nel rifiuto di quel « pregiudizio antiromanistico », proprio di alcuni filoni dell'Illuminismo, nel « recupero della tradizione giuridica francese », e nella « sua fusione con le più rilevanti statuizioni legislative della rivoluzione in modo che la disciplina di queste rientrasse nelle insuperabili categorie romanistiche, nelle quali erano anche fatte confluire le
norme derivanti dall'antico droit coutumier » ^^. 8 È noto che il Code civil des Français fu denominato Code Napoléon in seguito alla legge 3/9/1807, denominazione che fu eliminata nel 1816 e ripristinata con decreto
del 27/3/1855. Il mio riferimento qui, per altro, & legato a prospettive ideologiche ed istituzionali d'insieme, i cui tempi sono anche in parte differenti. 9 GP.
CuimoNt,
"Le
code
civil
et
son
influence
en
Italie",
Le
Code
Civil.
codici
degli
1804-1904. Livre du centenaire, II, Paris 1904 (rist. Frankfurt 1969, p. 765). 10 G.
Αξτυτι,
“Il
‘Code
Napoléon’
in
Italia
e
la sua
influenza
sui
Stati italiani successori", Annali di Storia del Diritto, 14-17 (1970-1973), pp. 1ss. 1! C, GHISALBERTI, Unità nazionale e unificazione giuridica in Italia. La codificazione del diritto nel risorgimento, Napoli 1979, p. 138. V Le basi di questa interpretazione si ritrovano, come argomenti a favore del Codice
Napoleone,
nelle
stesse
dichiarazioni
degli
attori
del
processo
di
adozione
del
Code. Cosí, ad es., nel Regno delle due Sicilie, il Ministro della Giustizia Donato De Tommasi
osservava,
nel
1814,
a favore
del
Codice
Napoleone,
che
esso
non
era
altro
che
«un miglior ordine dato ai principi della Giurisprudenza Romana »; nel Ducato di Parma e Piacenza,
la
Commissione
legislativa,
nella
Lettera
di
Motivazione
del
15/12/1815,
osservava che « il nuovo codice è tratto per la massima parte dai libri del Gius romano »; cfr. F. RanIERI, "Kodification und Gesetzgebung des allgemeinen Privatrechts. Italien", Handbucb,
cit., III, 1, pp. 237;
257
(ivi anche altri es. e lett.).
13 Cfr. Le Code Civil. Livre du centenaire, cit., pp. 587 ss.; Handbucb der Quellen, III, 1 e 2 cit., passim. Ma si consideri anche, a prescindere dall'influenza dei progetti di esso sul codice della Luisiana del 1808, la sostanziale adozione del Code ad Haiti (1825); a Oaxaca, nel Messico (1828); e soprattutto quella in Bolivia (1831) per iniziativa del
generale bolivariano À. de Santa Cruz y Calahumana, sulla linea delle concezioni S. Bolívar, che già nel 1828 suggeriva tale adozione per la Colombia. M Cfr. C. GHISALBERTI, Unità nazionale, cit., pp. 117 s. Ometto,
in questa
sede,
di esaminare
la prospettiva
interpretativa
secondo
di
cui
la
diffusione del Code Napoléon avrebbe significato « in einer grossen Reihe von Materien
137
Essa era opera di giuristi come Portalis, Tronchet, Locré, Dard, e la troviamo chiaramente indicata, come è noto, nel “Discours préliminaire” del Portalis, in cui questi da un lato dichiara di aver « respecté, dans les lois publiées par nos assemblées nationales sur les matiéres civiles, toutes celles qui sont liées aux grands changements operés dans l'ordre politique », ma d'altro
lato di aver realizzato una « transaction entre le droit écrit et les coutumes », e precisa che « le droit écrit, qui se compose de lois romaines, a civilisé l'Eutope » e costituisce « les lois qui ont merité d’être appelées la raison écrite » 5, con un riferimento alla ratio scripta, che ha uno spessore per la storia del diritto romano che non sfugge a nessuno e, ben al di là della polemica immediata
che il Portalis sta svolgendo nei confronti di quanti "ignorent" il diritto romano, raccoglie e unifica echi e dottrine che dal diritto comune pervengono alle posizioni più attente della Scuola del Diritto Naturale 5. Ma altresí con un riferimento a quel diritto (romano comune) europeo, per cui ogni popolo poteva poi riconoscere nel Code il suo proprio diritto. La conformità al diritto romano veniva altresí alimentata dalle edizioni
del Codice stesso, con il "confronto delle leggi romane", secondo una notissima edizione "ad uso delle Università e dei Licei del Regno d'Italia" "; dalla
riforma degli studi !; dai libri di testo (penso in questo momento a quello del Dupin) ^. den Sieg des germanischen Elementes in der Rechtsbildung parole di H. ZoEPPL, "Über das germanische Element im À deutsches Recht u. deutsche Rechtswissenschaft, 5 [1841], storiografica sottolineata, dopo la fondazione dell’Impero SonM,
Fränkisches
Recht
und
rômisches
Recht.
über das rómische » (sono Code Napoléon", Zeitschrift p. 117) e secondo una linea tedesco nel 1871, da R.
Prolegomena
zur
deutschen
Rechtsge-
schichte, Weimar 1880. Sul punto è sempre da vedere S. Riccosono, "Nichilismo criticostorico nel campo del diritto romano e medievale", Annuario dell'Università di Palermo, 1929-30, ed invece la riproposizione della tesi da parte di H. MITTEIS, "Die germanischen
Grundlagen
des
franzósischen
Rechts",
Zeitschrift
d.
Savigny-Stiftung
für
schichte, Germ. Abt., 63 (1943), pp. 137 ss.; e le osservazioni di P. KOSCHAKER, cit., pp. 241 ss.
RechtsgeEuropa,
15 “Discours préliminaire prononcé lors de la présentation du Projet de la Commission du Gouvernement", in P. A. FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du Code Civil, Paris 1827 (rist. Osnabrück 1968), I pp. 463 ss. particolarmente pp. 480 ss.
16 La un luogo "L'ancien étranger, et Berry
ratio scripta, e specificamente la "raison escripte" aveva proprio in Francia privilegiato della sua storia, dove l'espressione si incontra, secondo E. CHÉNON, coutumier du pays de Berri", Nouvelle revue bistorique de droit français et 29 (1905), pp. 581-612, per la prima volta nell'Ancienne Coutume de Bourges (sec. XIV), art. 158. Sul punto cfr. F. Carasso, Medio Evo del diritto. I.
Le fonti, Milano
V Codice Milano,
1954, pp. 613 s.
Civile di Napoleone
il grande col confronto delle leggi romane,
5 voll,
1809-1811.
18 Cfr. legge 22 ventoso
dell'anno
XII
e connesso
decreto. del 4 complementare.
19 J.J. Dupin, Recitationes in Elementa juris civilis secundum ordinem Institutionum
]. G. Heineccii, 2 voll, Paris 1810 con motae et observationes quibus textus explanatur, vel emendatur, vel illustratur, quibusque sedula ac perpetua Romanarum et Gallicarum legum collectio continetur, la cui redazione l’A. ci presenta nel modo seguente: « institutis a me,
tribus
ab
binc annis,
privatis
quibusdam
de ]ure
Romano
lectionibus,
Heineccii
Recitationes ita domi tractaveram, ut cum Napoleonis Codice, cuius ad normam lectiones
138
Considero allora utile vagliare la relazione fra la prima osservazione ("impero giuridico") e la seconda (“aderenza” al diritto romano): potrebbe essere stata questa aderenza al diritto romano a far sí che il Code Civil des
Français potesse essere sia dell'Imperatore Napoleone sia "proprio" a molte nazioni. Anche questo potrebbe avere dei riflessi sull'esame delle categorie che qui ci interessano.
3. Questo 'modello' romano del Code Napoléon va perd certo chiarito. L'Arnaud, nel suo noto libro che certo costituisce la piá approfondita
indagine degli ultimi quindici anni su Les origines doctrinales du code civil français ?, dedica un'analisi, sia pure non approfondita come le altre parti, ale «transformations de la substance du droit ». Egli prende in esame gli
artt, 544 sulla proprietà e 1134 sul contratto ?'. Su una linea metodologica aperta già da altri studi, ma in contrasto con le posizioni dominanti relative alle basi romanistiche del Code 2, egli sostiene in modo assai interessante che le due nozioni, di proprietà e di autonomia contrattuale, che sono certo due pilastri del sistema di esso, quale compreso dalla posteriore dottrina francese del diritto privato, non avrebbero origine nel diritto romano, ma avrebbero piuttosto origine "moderna". Il Villey, nella presentazione dell'opera dell'Arnaud, sottolinea l'importanza di queste affermazioni perché: « démontrer la origine récente des conceptions du Code Civil, mettre à nu leurs causes historiques, c'ést déja prendre conscience de leur essentielle fragilité » 3. Io non entro nel merito di queste tesi, né delle intenzioni che le ispirano. Mi sembra perd da notare che l'Arnaud non prende in esame, da questo punto di vista, il « titulaire du droit (la personne) », per il quale, in modo
forse un po' frettoloso, dichiara che « n'interesse le droit que dans la mesure oü il est nécessaire d'établir la capacité de chacun à exercer les droits subjectifs inhérants à la personne humaine », ed appoggia tale sua impostazione anche sulla osservazione della brevità del primo libro del Code rispetto agli
altri due (509 articoli su 2281: meno di un quarto) *, Questa affermazione, che tocca il nostro tema, certamente mi lascia perplesso perché il Code Napoléon & legato in modo stretto alla Rivoluzione e
ne stabilizza alcune conquiste *. quaelibet referendae sunt, sedulo conferrem: ex qua elucubratione orta est magna annota tionum copia quas ter per ternos per annos attente revisas, ipsi Heineccio apposui ».
3 A.J. ARNAUD, Les origines doctrinales du Code Civil français, Paris 1969; cfr. anche, dello stesso, Essai d'analyse structurale du Code Civil français. La règle du jeu dans la paix bourgeoise, Paris, 1973.
71 A-J. ArnauD, Les origines, cit., pp. 179ss.; 197 ss. 2 Arnaud fa espresso riferimento agli studi di J. Macqueron, ma certo molti potrebbero essere aggiunti, a cominciare dai primi commenti del Code e dagli studi romanistici ad esso contemporanei, già sopra menzionati. 3 A-J. ARNAUD, Les origines, cit., VI. ?* A.-T. ARNAUD, Les origines, cit., pp. 171 ss. 25 Il rapporto fra Rivoluzione e Code civil ἃ sempre oggetto di contrastanti conclu-
139
È la « abolition du régime féodal » con l’affermazione che « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » (sarei in dubbio sull'opportunità di usare l'espressione ‘unificazione del soggetto di diritto’ che forse è impropria per il Code — cfr. infra — e preferisco le citate espressioni del decreto 4-11/8/1789 e della Déclaration del 26/8/1789) che fonda la linea di demarcazione fra il Code del 1804, di cui caratterizza il libro primo "Les personnes", e l'ALR prussiano del 1794. Essa si & espressa in quelle "leggi delle
nostre assemblee nazionali", in quei "grandi cambiamenti nell'ordine poli tico" il cui accoglimento, dichiarato dal Portalis (come sopra ricordato), mi sembra svolga un ruolo centrale. E di centrale importanza sono le categorie attraverso cui questo
risultato viene
tecnicamente
elaborato;
le loro
radici,
la loro consistenza dommatica precisa; la riemersione sull'orizzonte dell'attualità di prospettive magari in altre età elaborate e poi accantonate, ma non
estinte. 4. Fra gli obiettivi della Scuola del Diritto Naturale, quello della sem-
plificazione del diritto implicava anche la necessità di economia degli enunciati normativi *. À questo scopo era stata approfondita l'analisi degli enunciati normativi stessi, del loro oggetto, nonché soprattutto della esigenza di 'unificazione del soggetto di diritto', in quanto appariva evidente che se i soggetti sono molti e diversi, gli enunciati sono assai numerosi dovendo regolare la condizione e attività di ciascuna classe di soggetti, nonché le situazioni e attività in cui intervengono soggetti di classi diverse. Questa esigenza poteva essere soddisfatta con una pura razionalizzazione del diritto esistente a prezzo di una sua più accentuata separazione dalla società; oppure essa era profondamente rivoluzionaria, perché si trattava di eliminare o ridurre la rilevanza giuridica e sociale dei collegamenti fra individui e gruppi sociali di appartenenza, unificandoli tendenzialmente appunto in una unica classe, e in questo caso non poteva non comportare un mutamento profondo, a livello ideologico e strutturale. Il modo in cui « nell'ordinamento del diritto privato del XVIII e del principio del XIX secolo l'uomo come individuo si sia allontanato dai limiti
della comunità
professionale, che essenzialmente determinano la sua posi-
zione giuridica nel diritto privato, per diventare con ció persona giuridica, soggetto di diritto in genere » è stato esaminato dal Conrad”. Egli, raccogliendo anche i risultati di studi del Coing 7, prende in esame i codici c.d. sioni: cfr. da ultimo D. Grimm, "Die verfassungsrechtlichen Grundlagen der Privatrechtsgesetzgebung", Handbuch, cit., III, 1, pp. 31 ss.
2% Cfr. G. TARELLO, Storia, cit., pp. 35s. 7 H. Conrap, "Individuo e comunità nel diritto privato del XVIII e del principio del XIX secolo", Nuova Rivista di Diritto Commerciale, 9 (1956), P. 1, pp. 31 55.
2 Cfr. H. Corse, “Der Rechtsbegriff der menschlichen Person und die Theorien der Menschenrechte" (1950), ripubblicato in Zur Geschichte des Privatrechtsystems, Frankfurt/ M. 1962, 56 ss. In estrema sintesi: questo A. assume come presupposto che la nozione romana di persona non avesse valore tecnico, per porre in luce che un tale valore essa verrebbe
ad avere solo a partire dal sec. XVI
140
«im Rahmen der romanistischen Rechtstradition »:
giusnaturalistici e li valuta dal punto di vista del grado di realizzazione in
essi dell'unico 'soggetto di diritto' civile, ossia della 'capacità giuridica civile generale’, e nota, giustamente, che non è il Code Napoléon,
ma è l'ABGB
austriaco del 1811 che in massimo grado fissa tale concezione al $ 16 ove dice: « Jeder Mensch hat angeborene, schon durch die Vernunft einleuchtende
Rechte,
und
ist daher
als eine
Person
zu betrachten », e al $ 33:
« Den Fremden kommen überhaupt gleiche bürgerliche Rechte und Verbindlichkeiten mit den Eingeborenen zu » ?. A proposito del Code Napoléon, egli infatti ritiene che esso «è, sí, arrivato, sotto l'influsso dei diritti dell'uomo
e del cittadino proclamati nel 1789, ad una capacità giuridica uguale dei francesi, ma non ad una capacità giuridica uguale per tutti gli uomini »; egli vede in ció « una ricaduta nei principi dell'Ancien Régime » *. Con parallela osservazione, & nel $ 16 dell'ABGB che l'Orestano vede «una fra le espressioni piá tipiche » della concezione venutasi a creare in età ‘moderna’, « eminentemente soggettivistica del diritto, per cui il sistema
giuridico fu concepito e articolato intorno a una figura nuova, il subiectum juris », « espressione intesa come
l’essere pensante
e agente
a cui i diritti
soggettivi sarebbero appartenuti quali altrettanti predicati necessari alla sua esistenza » ?!, Le ricerche del Coing, del Conrad, dell'Orestano concorrono cioè nel porre in luce l'origine ‘moderna’ della categoria dommatica del ‘soggetto di diritto’, correlato alla ‘capacità giuridica’; il suo maturare nella filosofia giuridica tedesca del XVIII secolo, dopo le prime affermazioni degli umanisti. 5. Le parole, le categorie dommatiche che incontriamo nel Code sono, come è facile riscontrare, e per citare solo le prime, le "personnes", ogni “Français”, "l'étranger", la qualità di "citoyen", “la nation”, "le territoire”. "n
E
intorno
“|
al primo
termine
che
si struttura
una
costruzione
unitaria,
con
le sue divisioni in rapporto all'''exercice des droits civiles" (artt. 7 ss.), o ale “lois concernant l'état et la capacité des personnes" (art. 3 co. 3), e,
diversamente, alle “lois de police et de sureté” (art, 3 co. 1), per le quali, in modi diversi, viene in considerazione la nazione e il territorio ?. « Donellus ... bezeichnet (Commentaria de Jure civili II, 9) den Status als ius personae und als causa der persona im Rechtssinne, Nur kraft des Status ist man persona. Damit nimmt der Begriff persona ein tecnisch-juristische Bedeutung an» (p. 63). Nel sec. XVII poi,
sarebbe spettato a Chr. Wolf giungere a precisare: spectatur tamquam
Nat. et Gent,
« "homo persona moralis est, quatenus
subjectum certarum obligationum
1750, $ 96)
atque iurium certorum"
[...] Wolf hat also die allgemeine
entscheidende Kriterium erkannt, das den Menschen
(Inst. Juris
Rechtsfähigkeit
zur Rechtspersonen
als das
macht » (p. 65).
La filosofia di Kant darebbe poi un nuovo impulso a queste impostazioni
(pp. 67 ss.).
® H. Conan, "Individuo e comunità", cit., pp. 40 ss. 3 H. Conran, "Individuo e comunità", cit., p. 49. 31 R, OnzsrANO, Il ‘problema delle persone giuridiche’ in diritto romano,
1, Torino
1968, p. 17 e n. 28 (rist. parziale in In., Azione. Diritti soggettivi. Persone giuridiche, Bologna 1978, ove cfr. p. 204). 32 Cfr. l'epigrafe del libro I e gli artt. 1; 3 co. 1 e 3; 7; 8; 11 ecc. Sulla posizione dello
"straniero"
in
particolare,
cfr.
J.
PoxrEMEs,
"L'étranger
dans
le
droit
de
la
141
In relazione alla ‘persona’ — alla considerazione primaria da parte dell'ordinamento dell'uomo come tale, per la sua esistente individualità umana —, si compone cioè una griglia di qualifiche personali e di definizioni spaziali che ancora pare la dividano, ed essa, per converso, costituisce la categoria unificante, posta all'apice di una ancora parzialmente differenziata rilevanza giuridica della pluralità di condizioni in cui gli uomini concreti vivono, operano nella società, fanno la storia. Questa categoria, e le altre che articolano il campo
semantico e norma-
tivo in esame, che sono state strumento attraverso cui il superamento del sistema feudale e la tensione ugualitaria si realizzano, e nel contempo ancora restano imperfetti, sono radicate, od hanno punti di riferimento di preciso confronto nella 'fase costitutiva' del sistema giuridico romanista e nello stesso tempo vediamo che assumono un intenso collegamento con problemi della storia ‘moderna’. 6. Il problema per noi allora è forse quello delle diverse e magari, a volte,
composite e giustapposte radici, consistenza e dinamica delle diverse categorie e soluzioni normative, della loro idoneità ad interpretare istanze e movimenti profondi della società, e tradurli nell’ordinamento, all’interno del suo concreto storico costituirsi, grazie proprio anche al loro specifico, originale, contenuto.
Si tratta forse di svolgere una ‘rilettura’ che, per lo meno a livello di impostazione, non assuma la soluzione del Code Napoléon come un punto inter-
medio e incompleto sulla linea della elaborazione del 'soggetto'/'capacità'; consideri le diverse categorie non solo in relazione al diritto privato;
valuti la
eventuale pluralità di modelli concorrenti, e in particolare valuti l'incidenza specifica del modello romano antico, che invece risulta forse in parte reso ‘estraneo’ dal mondo concettuale ‘moderno’. Mi
sembra,
in questa
prospettiva,
interessante
integrare
le osservazioni
già sopra menzionate, con quella del Wieacker, secondo cui la “Vereinheitlichung" e la "Verallgemeinerung", che permeano i codici giusnaturalistici, nel Code francese non derivano, come nei codici tedeschi, da “beharrendem Sy-
stemwillen", ma dal "revolutionárem Wollen" della "egalitàre Nation" ®. Sono
forse
queste prospettive
di indagine
che suscitano
attenzione
a
Révolution française”, in L'étranger (Recueils Soc. J. Bodin, 10), Bruxelles 1958, pp. 533 ss.; G. LEPOINTE, "Le statut des étrangers dans la France du XIX* siècle”, in L'étranger cit.,
pp. 553 ss.; J. Maury-P. LEGARDE, "Etranger", Enc. Dalloz. Répertoire de Droit Civil, II ed., IV, Paris 1972, particolarmente nn. 39-59 sul significato di “droits civils" nell’art. 11 come
“droits privés”, o come
opposto
di “droits naturels”, o come “droits privés refusés
aux étrangers par la loi”. Sul problema dell'abolizione della schiavità, per un sintetico accenno, cfr. D. Grimm, “Die verfassungsrechtlichen Grundlagen der Privatrechtsgesetzgebung", Handbucb, cit., III, 1, pp. 27 s. 3 F. WIEACKEA, Privatrechtsgeschichte der Neuzeit unter besonderer Berücksicbtigung der deutschen Entwicklung, II ed., Góttingen 1967, pp. 343 s., che altresi coglie acutamente come questa «egalitäre Nation», nel suo concreto "antifeudalesimo", col suo "centralismo", «hat die allgemeine, übernational werbende Fassung des Gesetzbuch ermiiglicht, auf der sein Siegeszug durch die Welt des 19. Jhs. beruht ».
142
molteplici profili ^, delle quali non mi nascondo i motivi di dubbio, ma che forse possono
portare
frutti
in un
momento
in cui siamo
particolarmente
sensibili ai limiti delle affermazioni astratte, di principio, statiche, ma anche a quelli dell'assenza di esse; e riflettiamo sulla incisività della ‘moderna’ "rea-
lizzazione dell'uguaglianza attraverso l'uniforme considerazione normativa”, ma anche sulla proposta della realizzazione di essa attraverso la differenziata considerazione normativa Ÿ. In un momento in cui siamo resi particolarmente
avvertiti del rischio che « il malinteso uso del mezzo giuridico, che la tecnica tradizionale ha creato per l'uomo, ... [faccia] perdere la coscienza che il diritto ha la radice nell’uomo », e lo schema giuridico a lui deve offrire la
forza della propria "coerenza" *, e sappiamo che questo rischio tocca anche proprio talune delle categorie ricordate ”.
# Vorrei ricordare che il già citato progetto della ricerca, in modo articolato, precisa che «l’età moderna è caratterizzata, sul piano ideologico, in Occidente dal Rinascimento [...] sul piano ‘strutturale’ dal progressivo superamento della formazione sociale feudale. Evoluzioni o rivoluzioni? O forse tradizioni per la rivoluzione? Il tema diventa concettualmente più preciso tenendo conto delle attuali discussioni sulle categorie di ‘rivoluzione politica’ e ‘rivoluzione sociale’ ». E inoltre aggiunge: « si possono individuare due piani disciplinari dell'indagine: quello dei modelli istituzionali e quello dei valori civili e religiosi. Per l'Occidente [..] dal modello costituzionale romano del IV libro del Contrat Social alla ‘romanità risorta’ dei Giacobini (l'espressione è di Karl Marx), al Code Napoléon. [..] Nelle vicende dell'Europa Occidentale si possono cogliere due aspetti concettuali del tema in oggetto, di essenziale importanza: quello delle idee politiche (e progetti costituzionali) e quello delle regole di comportamento (e rispettivi valori) del vivere sociale » (ora in Roma, Costantinopoli, Mosca, cit., pp. 562-563). 35 Cfr. per questa problematica per tutti N. IRTI, L'età della decodificazione, Milano 1979, e S. ScHIPANI, "Sull'insegnamento delle ‘Istituzioni’ ", I! modello formazione del giurista, Milano 1981, pp. 179 ss.
di Gaio
nella
36 G. Grosso, Tradizione e misura umana del diritto, Milano 1976, pp. 95; 233 e passim. 37 Sulla persona, cfr. ad es. P. CATALANO, “Il populus Romanus e il problema delle persone giuridiche", comunicazione presentata al Colloquio su "La persona giuridica in diritto romano e canonico” organizzato dall’Istituto Utriusque Juris della Pontificia università lateranense (24-26 aprile 1980), pubblicata in Rassegna di diritto civile, 4 (1983)
pp. 491 ss., con il titolo “Alle radici del problema delle persone giuridiche”.
143
CLAUDE NICOLET
CITOYENNETE FRANÇAISE ET CITOYENNETE ESSAI DE MISE EN PERSPECTIVE
ROMAINE:
L’Antiquité grecque et romaine est si évidemment présente dans l'imagerie révolutionnaire et impériale que nous avons certainement tendance à lui attribuer le rôle d'un modèle conscient, sinon méme d'un point d'origine objectif, pour un trés grand nombre d'idées, et méme d'institutions. Les Frangais de la République et de la Grande Nation seraient en somme des Grecs et des Romains ressuscités, ceux qui auraient réveillé ce “monde mort” dont parlait Saint-Just, précisément à propos de Rome! Tout n'est certes pas faux ni arbitraire dans cette idée reçue, La lecture de la littérature politique — discours, pamphlets, ouvrages théoriques — d'époque révolutionnaire montre que les allusions ou les références à l'antique étaient un peu plus qu'une mode: au plan idéologique ou culturel, que ce soit pour s'y identifier ou s'en démarquer, on pense à Sparte, à Athénes et à Rome de façon
insistante
et continue.
On
sait d'autre
part
combien,
dans
le décor
presque théátral au milieu duquel se déroule symboliquement la grande aventure morale et politique de la Révolution et plus tard de l'Empire, les mots, les noms propres, les attitudes, les métaphores, jusqu'aux costumes, aux titres, au mobilier, tendent à créer cette impression: de Saint-Just (mais pas tellement de Robespierre) à Babeuf, de Marat et David à Bonaparte, en somme, on "se drape à l'antique". Le fait est patent, et, dans certains de ses aspects, assez bien étudié?. Et, somme
toute, il n'a rien d'étonnant,
parce-
qu'il ne fait que prolonger une tendance fortement accentuée depuis au moins un demi-siècle:
car le XVIIIème siècle, si "moderne" à coup sûr, a aimé, lui
1 Saint-Just, “Rapport sur... Danton” (Archives Parlementaires, LXXXVII, p. 638, 11 Germinal an II): «le monde est vide depuis les Romains, et leur mémoire le remplit
et prophétise encore la liberté ». 2 On trouvera une ample bibliographie sur le sujet dans M. RASKOLNIKOFF, "L'adoration des Romains sous la Révolution française et la réaction de Volney et des idéologues", Roma, Costantinopoli, Mosca (Da Roma alla Terza Roma, Studi I), Napoli 1983, pp. 199-213.
145
aussi, l'antique. S'il ne redécouvre que sur le tard, avec Winckelmann et les fouilles des Bourbons à Herculanum, une antiquité esthétique sentie
comme une réaction contre le baroque et le rococo, la réflexion philosophique et politique avait, depuis le début du siècle au moins, puisé une grande partie de son inspiration — comme repoussoir ou comme modèle — dans une antiquité que la culture et l'éducation rendaient (illusoirement bien sûr) présente à tous. « La tête farcie de grec et de latin » dira Desmoulins « nous étions des républicains de collège » ἡ, Mais, plus sérieusement, il suffit de voir le rôle presque déséquilibré que joue, dans l’œuvre théorique d’un Montesquieu — qui étudie pourtant l'ensemble des législations — tout ce qui touche à Rome, son histoire et son droit, pour comprendre qu'il y avait là comme un entrainement irrésistible: les Considérations sur les causes de la Grandeur des Romains et de leur décadence ne sont, comme on sait, qu'un chapitre démesurément grossi de l'Esprit des Lois. Mais on pourrait dire la méme chose des six chapitres du livre IV du Contrat Social consacrés à l'analyse de la constitution romaine, qui représentent 1696 de l'ouvrage et qui sont apparus (à tort sans doute) à certains savants, dont Vaughan, comme du pur remplissage *. Et on pourtait faire encore la méme remarque à propos
de l’œuvre de Mably 5, chez qui l'intérêt pour l'antiquité n'a cessé de s'accentuer (bien qu'il se soit fortement intéressé à l'expérience américaine à la fin de sa vie). Quant à la présence et au róle réel de la philosophie antique et du droit romain (que je distingue dés maintenant) chez les juristes du Droit Naturel‘, Pufendorf en particulier, ils sont non moins évidents. Les révolutionnaires français ne faisaient somme siécle.
toute qu'obéir à l'esprit de leur
3 C. DEsMOULINS, Fragments d'une bistoire secrète de la Révolution (1793), dans Œuvres, éd. J. Claretie, I, Paris 1874, p. 309; A. Autazp, Histoire politique de la Révolution Française, Paris 1901, p. 5. * C. E. VAUGHAN, The political writings of Jean-Jacques Rousseau, II, Cambridge 1915, p. 109, n. 1 (cité et approuvé par R. DERATHÉ, Oeuvres complètes de ]. ]. Rousseau, éd.
Pléiade,
IIT,
Paris
1964,
p.
1495);
sur
Rousseau
et Rome,
bonnes
remarques
de
ΚΕ. DERATHÉ, J.-J. Rousseau et la science politique de son temps, 2. éd., Paris 1974, pp. 275-76; J. Cousin, “J.-J. Rousseau intepréte des institutions romaines dans le Contrat Social", Etudes sur le Contrat Social de J.-J]. Rousseau (Actes des journées d'études
tenues
à Dijon
les 3, 4, 5 et 6 mai
1962),
Paris
1964,
pp.
13-34
(trés
mé.
diocre); D. Lepuc-FavETTE, J].]. Rousseau et le mythe de l'Antiquité, Paris 1974 (un peu partial); P. Anpriver, “J.-J. Rousseau: quelques aperçus de son discours politique sur l'antiquité romaine", Studies on Voltaire, 151 (1976), pp. 131-148; R. A. LgicH, “J.-J. Rousseau and the myth of Antiquity in the Eighteenth Century", in (R. R. Bolgar, éd), Classical Influences on Western Tbougbt A. D. 1650-1870, Cambridge 1979, pp. 155-168; et surtout P. CATALANO, Tribunato e resistenza, Turin 1971.
5 Son Parallèle des Romains et des Français, Paris 1740, (tout à la gloire de Charlemagne et des Rois), est modifié par lui dix ans plus tard (Observations sur les Romains, Genève 1751), dans un sens plus "républicain". $ Je n'ignore pas que Grotius, Pufendorf, Barbeyrac critiquaient certaines distinctions
ou définitions du droit qu'ils trouvaient chez les juristes romains: mais cela méme prouve que le Corpus Juris Civilis était la toile de fond de leurs doctrines. Cf. R. DeRATHÉ, J..]. Rousseau
146
et la science politique, cit., pp. 386-393.
Cependant la question, dès qu'on y songe un peu, est à la fois beaucoup plus difficile et beaucoup plus importante qu'on ne croit. Il faut aller au-delà des inventaires descriptifs dans l’œuvre ou les discours d'individus un peu arbitrairement choisis, à la manière de celui — utile au demeurant — qu'a fait jadis Parker. Ni la mode, ni même une imprégnation de type scolaire ne peuvent tout expliquer. Quand on considère l'ensemble de l'évolution intellectuelle et politique du XVIII*"* siècle, en Europe et méme en Amérique, on s'apercoit que la référence raisonnée à une antiquité (ou plutót à des antiquités distinctes) est presque partout présente: chez les savants et les érudits, lesquels ne sont pas hors de leur temps, mais aussi chez les politiques et méme (ce qui n'est sans doute pas le moins important) chez les fondateurs de la science économique et de ce qui sera plus tard la science de l'homme ΄, Et, pour tous ces hommes, il ne s'agit naturellement plus de mode, d'attitude, ou de décor: il s'agit de se situer trés sérieusement — en rupture ou en continuité, d’ailleurs — par rapport à un moment tormidable de l’histoire humaine, considéré avec raison comme l'une des deux matrices de l'Europe moderne, l'autre étant naturellement la religion judéo-chrétienne. L'importance intellectuelle et idéologique de l'enjeu justifie dés lors une série d'enquétes précises, diverses, coordonnées —
avec
tant
de
savoir
et d'imagination,
comme
depuis
celle que nous propose
longtemps,
la rétiexion
de
P. Catalano.
Celie dont je présente ici les résultats tout provisoires s'est volontairement limitée à un probléme précis. Le voici: lorsque les Français ont tait entrer dans leurs Liéclarations des Droits, dans leurs Constitutions, entin dans
leurs Codes (ou projets de Code), les notions et les détinitions qui concernent la citoyenneté et, d'une façon pius générale, le statut des personnes, l'état civil, pouvons-nous déceler des rétérences, explicites ou non, à la citoyenneté
romaine? Et, dans tous les cas, quelles sont les ressemblances et les différences entre les deux séries d’instituttons? Il faut d'ailleurs diviser la question. C'est pourquoi j'étudierai successivement d'abord le probième le plus général, celui de la définition méme de français, je veux dire les critères qui déterminaient l'appartenance à la communauté nationale. Ensuite, le problème du statut et de la définition du citoyen, plus spécialement congu comme le titulaire des droits politiques. En méme temps la manière dont les projets de Code, enfin le Code civil lui-méme, définissaient et décrivaient la condition de ce citoyen ou "national" en tant qu'il est sujet de droits. Enfin, à tous ces égards, et aprés avoir rapidement tenté de distinguer les diverses réponses données,
selon les moments
et les circonstances,
à ces questions,
j'essaierai d'apprécier la distance à Rome, les continuités ou les ruptures avec ce que nous savons des réalités romaines.
7 Par exemple
A. Fergusson
et l'école écossaise. On
attend là-dessus les travaux
de
M. Raskolnikoff. Cf. provisoirement mes remarques dans L'idée républicaine en France. Essai d'bistoire critique, Paris 1982, pp, 479-480.
147
I. La citoyenneté française
1.
Français et étrangers: de la naturalité à la nationalité. À) L'Ancien
Régime.
Sous l'Ancien Régime, et du point de vue juridique, la question du fondement de la "nationalité" ne se posait pas formellement *. Il y avait d'une part des “français”, c'est-à-dire (comme on le voit par exemple à l'Université de Paris) les membres d'une "nation", une communauté de race et, éventuellement, de langue, qui se trouvent en outre étre les sujets du Roi de France. Mais le Roi de France avait bien d'autres sujets que des “français”: d'abord, d'autres nationaux, habitants de provinces qui étaient d'anciens états indépendants, en Bretagne, Navarre, ou sur les marches de l'Est, et qui étaient seulement rattachés, par un lien personnel, à la couronne de France, D'autre part, des étrangers qui, reçus en France, et pourvus de "lettres de naturalité" par le Roi, jouissaient des mémes droits, (d'ailleurs fort divers, comme on
sait), que les autres sujets du Roi. Cependant les fondements juridiques de cette appartenance à une communauté de "francais" sont doubles, et le gouvernement royal ne tranchait pas nettement entre les deux. Du lointain passé féodal, qui rattachait si fortement le statut des hommes à celui de la terre (c'est ce qu'on appelait le jus soli), venait la doctrine selon laquelle c'est la naissance et la résidence dans le Royaume qui créent les liens de sujétion envers le Roi: les étrangers méme risquent ainsi d'y étre soumis (et le "droit d'aubaine", dont des vestiges subsisteront jusqu'à la Révolution, et qui blesse la raison et l'équité, en est la preuve). Mais d'autre part, la rédécouverte limitée du droit romain, conduisait aussi à lier la qualité de frangais
à la
naissance et à la filiation (jus sanguinis). L'opinion, par exemple, est toujours
très consciente du fait qu'un nombre important de "vrais français”, descendants d'anciens et fidèles sujets du Roi, ont été obligés de cesser d’être des "regnicoles" et résident à l'étranger: ce sont les protestants du Refuge. Enfin, indépendamment
du droit du sol et du droit du sang (de la terre et
de l'hérédité), le pouvoir royal (comme jadis la cité antique et l'Empire romain) pouvait appeler à lui des étrangers: il dispensait alors des "lettres de naturalité". Pourtant le service de l'Etat reste encore très largement le service personnel du Roi, et par là même distingué de la qualité de français. Jusqu'à la veille de la Révolution, des étrangers (comme Necker, genevois) peuvent être ministres (Necker, cependant, ne siège pas au Conseil). Enfin, la qualité de “français” ou "sujet du Roi”, est-il besoin de le rappeler, n'a aucun contenu en ce qui concerne les droits politiques, puisque ces derniers, dans un régime qui se dit "absolu", sont absolument nuls. Elle n'a * L'étude
essentielle
est
toujours
celle
de
M.
VANEL,
Evolution
bistorique
de
la
notion de français d'origine du XVI* s. au Code Civil, Thèse Droit, Paris 1945, dont je m'inspire librement, et qui discute la bibliographie antérieure.
148
d’ailleurs plus guère de contenu “civil” (je reviendrai sur cette importante distinction), puisque ce qui règne en maître dans le royaume de France, malgré les efforts continus de la monarchie vers une certaine unité, c'est ce
“chaos
juridique”
dont parlait Voltaire, cette infinie diversité de statuts
provinciaux, locaux et surtout personnels, fondés sur le “privilège”, les "franchises", c’est-à-dire par définition l'inégalité. En fin de compte, rien, dans le droit privé ou public de l’Ancien Régime, ne permettait de donner une définition simple et précise de la qualité de Français; tout, au contraire,
aurait dû pousser peuples, groupes sociaux et individus à l’atomisation, au particularisme, à l'éclatement. Le seul lien, en fait, résidait dans la personne du Roi et dans la fidélité qu'on lui devait. Mais, si tel était le droit à la fin de l'Ancien Régime, la réalité sociale, politique et morale était, comme on sait, bien différente, et c'est elle qui va
déterminer le changement considérable qui se manifeste dés les premiers instants de la Révolution, préparé en fait de longue date. Car cette situation écartelée paraîssait justement intenable à l'esprit du temps. La Nation — au sens
moderne
et
révolutionnaire du
mot
—
était
en
réalité
née
depuis
longtemps?. L'opinion savante et éclairée, habituée de plus en plus à réféchir sur les fondements de la société et des Etats, finit par reconnaître la force du lien liant les hommes qui composent des Etats, des "Républiques" ou, comme on commence à dire de divers côtés, des “Cités”. L'idéologie du double contrat — le contrat "social" et le contrat "politique", bien évidemment liés l'un à l'autre, mais à distinguer pourtant — d'origine protestante, a peu à peu pénétré chez les juristes, les philosophes et bientót dans l'opinion presque tout entiére, ruinant presque entiérement la conception
patrimoniale, personnelle et féodale de "fidélité" à la personne du Roi pour lui donner d'autres fondements — la volonté individuelle et collective — ou méme se substituer carrément à elle. Dès lors se revalorise la vieille notion de citoyen, qui avait subsisté dans bien des communautés restreintes pourvues de franchises — mais qui retrouve, peu à peu, une valeur universelle. Pufendorf 9, sans l'inventer, avait popularisé le binôme "homme et citoyen", chacun pourvu de droits subjectifs naturels, mais le second en outre membre d'une collectivité politique habilitée à faire et à sanctionner la loi, y compris la loi civile ou privée. Chacun sait que le mot citoyen ! est couramment employé dés la fin de l'Ancien Régime pour désigner tout simplement chaque habitant du royaume, sujet du Roi, membre d'une collectivité. Mais à cet égard je voudrais faire sans tarder quelques remarques que faisait déjà Rousseau. D'une part, le mot a une valeur nettement lauda9 J. GopecHor, Les institutions de la France sous la Révolution et l'Emptre, Paris 1968, pp. 16-26. 10 S, PUFENDORF, Les devoirs de l’homme et du citoien, tels qu'ils lui sont prescrits par la loi naturelle, traduits du latin de feu Mr. le baron de Pufendorf, par Jean Bar-
beyrac … avec quelques notes du traducteur, Amsterdam 1707; Mably publiera en 1758 un Des droits et des devoirs du citoyen, bien différent, car élargi du domaine du droit naturel à celui de la politique. ll Cf, mes remarques
dans L'idée républicaine en France, cit., pp. 329-333.
149
tive, dont la connotation morale est marquée par tous les observateurs: citoyen veut dire “bon citoyen”, amant de sa patrie, dévoué au bien public. Il veut dire aussi "concitoyen", marquant fortement la solidarité volontaire (comme en latin, d'ailleurs). De telles connotations apparaissent trés nettement dans des textes immédiatement pré-révolutionnaires, comme telle exhortation aux Trois ordres du Languedoc ?, ou surtout dans le fameux Qu'est-ce que le Tiers Etat de Sieyès ? (ch. II). Mais on les trouverait déjà chez d'Argenson. Or, il est trés notable et piquant de voir Rousseau protester fortement contre ce qu’il appelle le contresens habituel des Français, pour ce qui est de l'usage général du mot, et contre celui que faisait particulièrement Bodin à propos des citoyens de Genève: « A l'instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d'association produit un corps moral et collectif composé d'autant de membres que l'assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté. Cette personne publique qui se fotme ainsi par l'union de toutes les autres prenoit autrefois le nom de Cité, et prend mainte-
nant celui de Républigue ou de corps politique, lequel est appellé par ses membres Etat quand il est passif, Souverain quand il est actif, Puissance en le comparant à ses semblables. A l'égard des associés 115 prennent collectivement le nom de peuple, et s'appellent en particulier Cifoyens comme participans à l'autorité
souveraine,
et Sujets
comme
soumis
aux
loix
de
l'Etat.
Mais
ces
termes se confondent souvent et se prennent l'un pour l'autre; il suffit de les savoir distinguer quand ils sont employés dans toute leur précision » (Contrat Social, 1, 6). Rousseau ajoute la note suivante: « Le vrai sens de ce mot s'est presque entièrement effacé chez les modernes; la plupart prennent une ville pour une Cité et un bourgeois pour un Citoyen. 115 ne savent pas que les maisons font la ville mais que les Citoyens font la Cité. Cette méme erreur coûta cher autrefois aux Carthaginois. Je n'ai pas lû que le titre de Cives ait jamais été donné aux sujets d'aucun Prince, pas méme anciennement
aux
Macédoniens,
ni de
nos
jours
aux
Anglois,
quoique
plus
prés de la liberté que tous les autres. Les seuls Frangois prennent tout familièrement ce nom de Cifoyens, parce qu'ils n'en ont aucune véritable idée, 12 Exhortation ancien Avocat
pressante aux trois ordres de la Province de Languedoc
general
au Parlement
de G.
(1788):
par M.S.,
« Dites moi, citoyens du Languedoc,
dites-moi ce que vous prétendez-être? Vous croyez-vous citoyens? Réveillez-vous donc et devenez libres, sous l'égide des lois que tient la main seule de votre Roi... Dites seulement: nous
sommes
BE,
hommes
et citovens » (Moniteur,
I, Intr. p. 590).
Srgvks, Qu'est-ce que le Tiers Etat? (s]. 1789), ch. II:
«on
n'est pas libre
par des privilèges, mais par les droits du citoyen, qui appartiennent à tous [..]; la Nation alors épurée pourra se consoler, je pense, d'étre réduite à ne plus se croire
composée
que des descendants des Gaulois et des Romains.
En
vérité, si l'on tient à
vouloir distinguer naissance et naissance, ne pourrait-on pas révéler à ces pauvres citoyens
que celle qu'on
tire des Gaulois et des Romains
vaut au moins
autant que celle qui
viendrait des Sicambres, des Welches, et autres sauvages sortis des bois et des étangs de
l'ancienne Germanie » (il s'agit ici d'une vive réfutation des théories racistes de Boulainvilliers sur la noblesse).
150
comme on peut le voir dans leurs Dictionnaires, sans quoi ils tomberaient en l'usurpant dans le crime de Léze-Majesté: ce nom chez eux exprime une vertu et non pas un droit. Quand Bodin a voulu parler de nos Citoyens et Bourgeois, il a fait une lourde bévüe en prenant les uns pour les autres. M. d'Alembert ne s'y est pas trompé, et a bien distingué dans son article Genève les quatre ordres d'hommes (même cinq en y comptant les simples étrangers) qui sont dans nótre ville, et dont deux seulement composent la République. Nul autre auteur Francois, que je sache, n'a compris le vrai sens du mot Ci/oyen » (ibid.,
note).
Nous en reparlerons. B) La Révolution et l'Empire. Les solutions diverses et successives qui furent de 1789 à 1804, en ce qui concerne la conception
avancées et adoptées, et la définition de la
nationalité française ont été fort bien étudiées, par M. Vanel entre autres “ Elles faisaient d'ailleurs l'objet de mises au point excellentes chez les publicistes et les privatistes français du XIXème siècle, comme par exemple Laferriére et Serrigny. Ecartons d'abord une premiére source possible de confusion sur laquelle nous reviendrons et qui tient uniquement à des faits de langue: aussi bien au cours des discussions parlementaires que dans les textes eux-mémes
(lois ou constitutions),
le mot citoyen
est alter-
nativement ou parfois méme conjointement employé pour définir en somme les frangais, c'est-à-dire tous ceux, quels qu'ils soient, qui jouissent de la nationalité française, et d'autre part les "citoyens", c'est-à-dire ceux qui, je ne dis pas possèdent, mais ont la capacité d'exercer les droits politiques. La Constitution de 1791 (intégrant la Déclaration de 89) parle, d'un cóté, de tous les citoyens, c'est-à-dire bien évidemment tous les nationaux,
en tant par exemple
qu'ils sont "égaux
devant
la loi"
(Déclaration,
art. 6), et de l'autre, des citoyens "actifs", c'est-à-dire de ceux qui peuvent exercer les droits politiques, mais dont la définition n'intervient qu'à l'art. 2 de la Constitution. En revanche, au Titre II, art. 2, la définition des "citoyens français” est bien celle qui les oppose aux étrangers, c'est-à-dire celle
qui définit des nationaux 5. Ces flottements du langage (entre les mots de francais, citoyen tout court, citoyen actif) ont subsisté méme dans les constiM M. VANEL, op. cit., Deuxième partie, pp. 90ss. Parmi les ouvrages antérieurs, toujours très utile M. F. LAFERRIÈRE, Histoire du droit français, II, Paris 1838, pp. 109-150; 313-320; 504-566; voir aussi J. GonECHOT, Les institutions, cit. pp. 48-49; 76; 413; 460-61; 567; D. SERRIGNY, Traité du droit public des Français, I, Paris 1846, pp. 131-260. Les opinions de Serrigny, libéral orléaniste, sont intéressantes pour notre propos quand on sait qu'il était aussi un romaniste qui publia en 1862 un Droit public et administratif romain qui, à cette époque, sentait le fagot par son antibonapartisme et son anticléricalisme. 15 Décl. du 26 août 1789, art. 6: « (La loi) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, ..»; Const. du 3 sept. 1791, Titre II, art. 2: « Sont citoyens français: — ceux qui sont nés en France d'un père francais... »; Titre III, Sect. II, art. 2: « Pour étre citoyen actif, il faut,
151
tutions républicaines de 1793, comme l'a bien marqué par exemple, au cours de la discussion du projet de Constitution girondin, Lanjuinais, dans une longue et très pertinente intervention *. Il note bien, dans cette intéressante "méditation sur le droit de cité", les deux sens, souvent confondus, du mot citoyen, Dans un sens rigoureux, il ne peut s'agir que de ceux qui sont admis à exercer les droits politiques, en un mot, des membres du souverain (c'est
là une définition désormais admise: Lanjuinais n'est certes pas rousseauiste pour autant). Mais dans l'usage, « on applique cette expression à tous ceux qui sont du corps social», c'est-à-dire à tous ceux qui jouissent des droits civils. Et Lanjuinais relève cette faute aussi bien dans le projet de Déclaration que dans le projet de Constitution dont la Convention est saisie en avril 1793. Nous reparlerons de ces questions. Considérons donc simplement, pour l'instant, les décisions qui furent prises durant la période révolutionnaire, en ce qui concerne ce que nous appellerons la nationalité (quel que soit le mot que les contemporains aient utilisé). Sans entrer dans les détails, on peut noter, avec M. Vanel, plusieurs points. Ce qui fait le frangais, depuis 1789, c'est d'abord la naissance et la résidence sur un territoire, lequel sera méme, comme on sait, précisément défini par une Constitution, celle de 1795. Sans doute, la notion en quelque sorte raciale de français d'origine ne disparaît pas tout à fait, puisque les fils de français, sous certaines réserves, gardent une vocation à être français, mais,
comme on le voit à diverses occasions, l'obligation de résidence, pour ceux-là comme pour les étrangers ou fils d'étrangers, devient de plus en plus prégnante. S'il est bien entendu que tous ces frangais seront égaux devant la loi et porteurs de droits subjectifs, et s'il n'est pas question de retenir de force des citoyens à l'intérieur des frontiéres, il est remarquable cependant que dans les constitutions de 1793 comme dans celle de 1795 la résidence prolongée à l'étranger produit une présomption de renonciation à la qualité de frangais et que la récupération de la nationalité est soumise à des conditions relativement exigeantes. En d'autres termes, alors que la constitution de 1791 était, de ce point de vue, extrémement libérale, tant pour les étrangers que pour les frangais, on assiste, contrairement
à ce qu'on
attendrait,
à une fermeture de plus en plus nette dans les deux sens. Cette évolution est certainement
due à des causes circonstancielles et strictement
politiques:
à
la confiance pacifique des débuts de la Révolution, succèdent les crises militaires et les guerres civiles des années 93-97. Alors que des étrangers célèbres avaient été comptés comme des français et avaient méme pu être élus à la Convention ou employés dans les fonctions publiques, la crainte obsidionale des coalitions extérieures, l'obsession des "agents de l'étranger", le ressentiment contre les émigrés d'autre part, expliquent des faits comme le décret du 26 aoüt
1792, ou l'expulsion des étrangers
de la Convention
le 25 dé-
cembre 1793. De nationale, la Révolution se fait nationaliste. Le principe de
territorialité s’allie donc à celui de qualification politique (au sens idéologique du terme cette fois), pour marquer une opposition tranchée et pres16 Archives Parlementaires, LXIII, pp. 561-567.
152
que absolue entre les français et les autres; mais, dans “les autres”, sont comptés aussi des adversaires politiques du régime (les émigrés, les ennemis de l'intérieur). C'est le passage à la limite du principe de la volonté, sur lequel Rousseau avait fondé la participation au pacte social et politique. Passage à la limite qui figure déjà chez Rousseau sous la forme de la fameuse profession de foi civile. La période la plus ardente de la Révolution marque à coup sür, de ce point de vue, un raidissement, un abandon certain des tendances presque universalistes, en tout cas trés généreuses, de 1789. La seule conception entiérement différente qui s'exprime à cet égard, durant cette période, n'a guère de succès. Elle n'en est pas moins intéressante, malgré la personnalité ambigué de son auteur et la forme bizarre dans laquelle il l'exprime: il s'agit des idées défendues en février, et surtout le 24 avril 1793, par Anacharsis Clootz. Personnage à coup sür isolé, quoique célébre, qui n'est absolument pas représentatif de l'état d'esprit dominant. Mais il n'en
est pas moins remarquable qu'il ait opposé très fortement, comme on sait, la notion de genre humain à celle de nation, qu'il ait préché pour une citoyenneté universelle, qu'il ait dénoncé la souveraineté nationale (borresco referens!)
et qu'il ait montré avec une logique d'illuminé que les limites de l'idéologie qui fut à la base de la Révolution (celle des droits sujectifs de l'homme et de l'égalité) doivent étre étendues à l'universel, ce qui débouche à la fois, dans une anticipation frappante du Comtisme, sur la négation de Dieu, le culte de l'humanité, appelée par lui l'Etre suprême, et le rejet de la souveraineté nationale". Mais pour lui, dans un premier temps, cette marche vers l'unité devait passer par la réunion volontaire aussi étendue que possible des autres peuples à l'ensemble francais.
Passée la période révolutionnaire, le Code Civil va enfin fixer une doctrine de la nationalité qui, dans ses principes fondamentaux, ne sera modifiée que vers la fin du XIX*r* s., lorsque la conquête coloniale, puis le resserrement des engagements internationaux viendront changer presque du tout au tout la nature des problèmes. Il abandonne ! toute tendance utopique vers l'universalisme rêvé par Clootz, et reconnaît fondamentalement la distinction entre nationaux 17 Intervention
de Clootz à la Convention
le 5 février
368-369, à propos de la pétition des habitants de Schambourg);
1793
(Moniteur,
XV,
pp.
le 24 avril 1793 (Moniteur,
XVI, pp. 251-255, "Bases constitutionnelles de la République du genre humain"). Sur Clootz, dont la pensée est plus cohérente et plus originale qu'on ne dit (avec des anticipations frappantes d'Auguste Comte), voir A. SoBoUL, "Anacharsis Clootz, l'orateur du genre humain", Annales historiques de la Révolution Française, 1980, pp. 29-56 (article reproduit
comme
préface
à la réimpression
des Oeuvres,
Paris
1980).
Il faudrait
citer
tout le texte de cette "Constitution" (résumé d'ailleurs au Moniteur). « Les dénominations de Français et d'universel vont devenir synonymes, à plus juste titre que les noms de chrétien et de catholique ». Ailleurs: «j'ai dit et je répète que le genre humain est Dieu ». Le genre humain est formellement appelé “l'Etre suprême” (p. 251, col. 2). «Qui conque a la débilité de croire en Dieu ne saurait avoir la sagacité de connaitre le genre
humain,
le souverain
unique
[..]
je demande
la suspension
du
nom
Français,
à
l'instar de ceux de Bourguignon, de Normand... ». 18 PortaLIs, "Titre Préliminaire", Exposé des motifs (éd. Huyghe, I, Bruxelles 1805, pp. 26-27).
153
et étrangers. Il admet pleinement le passage de l'une à l'autre de ces caté-
gories — mais sous la réserve d'une manifestation expresse de volonté !: les étrangers résidant ou nés en France peuvent devenir Français, mais à condition de le demander expressément. Il faut pourtant aussi mentionner quelques principes trés généraux, issus d'une longue tradition du droit naturel, comme par exemple la disposition (toujours valable en France comme dans tous les pays civilisés) selon laquelle « l'étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités et la nation à laquelle cet étranger appartiendra » (C.C., art. 11). Notons cependant que cette formulation n'est que l'aboutissement (dà à la multiplication des conventions bilatérales d'établissement) d'un point de départ assez différent: l'étranger, dans la rédaction primitive (non adoptée) jouissait « de tous les avantages du droit naturel, du droit des gens et du droit civil proprement dit » (Livre Préliminaire, non adopté, I, ch. II, art. 5). Mais cette rédaction, comme le remarquait la Cour de Cassation, était défectueuse, « car il ne faut pas, comme l'ont fait les auteurs du Code Civil,
suivant en cela le droit romain, désigner le droit des gens comme un des éléments du droit civil». Tout compte fait, la doctrine française moderne, en ce qui concerne la définition de ce que nous appellerons la nationalité, a fini par se fixer, comme l'a bien dit M. Vanel, sur une sage position d'équilibre entre la vieille notion de jus sanguinis héritée, à travers une très longue histoire, du droit romain, et quelques éléments du jus soli (par l'importance accordée à la résidence pour l'acquisition de la qualité de Français). Dans le monde stabilisé de l'Europe post-napoléonienne, d'ailleurs, à
l'apogée de l'équilibre européen, ces questions n'avaient point de caractère dramatique. Mais il faut noter que, sur cet arrière-plan de conceptions juridiques assez strictes, se développent également des idéologies et des pratiques qui reposent sur d'autres principes. L'Ancien Régime hésitait entre le jus sanguinis et le jus soli; la France post-révolutionnaire avalise la notion de contrat et, dans la pratique, défend en général une notion très fortement consensuelle de la nationalité ?. Pour les Républicains, le "pacte fondamental" du consentement des Français à être Français, c'est la fête de la Fédération 2. Les annexions de territoires ne sont justifiées que si les peuples se sont prononcés. C'est pourquoi l'on renonce assez bien à celles décidées unilaté-
ralement par Napoléon. Mais son neveu retiendra la leçon, et seul le plé-
biscite rendra parfaitement 19 Livre complet
Préliminaire
(non
légitime retenu),
aux yeux de tous (et avec raison)
I, ch. III, Sect.
des travaux préparatoires du Code
Civil, II, Paris
1er, art. 13 (FENET,
Recueil
1836, p. 10).
Ὁ Cf. mes remarques dans L'idée républicaine en France, cit., pp. 400 ss. Bien que non retenue dans les textes constitutionnels, il y a accord implicite sur la définition de Sievès, Reconnaissance et exposition raisonnée des droits de l'homme et du citoyen, p.
11:
«La
Nation
est l'ensemble
des
associés
tous
gouvernés,
tous
soumis
à la loi,
ouvrage de leur volonté, tous égaux en droits et libres dans leur communication et leurs engagements
respectifs ».
A Cf. par exemple
E. CHAMPION,
L'esprit de la Révolution française, Paris
p. 359 (voir mes remarques dans L'idée républicaine en France, cit., p. 369).
154
1887,
le rattachement de la Savoie et de Nice en 1860,
Inversement, le scandale
ressenti unanimement par tous les secteurs de l'opinion française en 1871 lors de l’annexion de l’Alsace-Lorraine par les Allemands prouve que cette conception contractuelle et consensuelle de la "patrie" française, si clairement exprimée par Renan, avait très largement triomphé 2. Elle implique une
séparation sémantique et idéologique assez forte entre la "race", le “biologique", et la nationalité (malgré l'étymologie): on ne naît pas seulement français, on peut le devenir si on le veut, à titre individuel et collectif, et naturellement sans la moindre acception (en principe) de "race" ou de religion ?. A la condition toutefois, par cette libre adhésion, d'accepter la loi civile francaise. Ce dernier point soulévera, on le sait, de sérieuses diffi-
cultés en Algérie dés l'époque du Second Empire, ce qui peut étre interprété de diverses façons. Il n'en reste pas moins qu'en gros la France du XIXème s., surtout sous les Républiques, fut plutót libérale dans l'acceptation des étrangers et la concession de la nationalité française; trop libérale aux yeux, précisément, d'une réaction "nationaliste", aux tendances racistes, qui se développa à la fin du XIXème s, et triompha provisoirement en 1940. Ce libéralisme
(si on le considére à ses plus beaux moments) peut en apparence rappeler certaines caractéristiques de la civitas Romana, elle aussi indifférente à la race et à la religion, elle aussi consensuelle, puisqu'il faut (en général) la demander pour l'obtenir. Mais nous verrons tout à l'heure que de telles similitudes sont limitées et, tout compte fait, superficielles.
2.
Droit civils et droits politiques.
Plus important peut-étre pour l'histoire politique de la citoyenneté le probléme que j'ai déjà évoqué des rapports entre droits civils et droits politiques. C'est là un domaine où les innovations de l'époque révolutionnaire sont bien entendu essentielles et spectaculaires, pour la trés bonne raison que les droits politiques étaient inexistants sous l'Ancien Régime. A peine s'est-il agi, dés juin 1789, de rédiger une Constitution, que s'est posé dans toute son ampleur le probléme de leur définition, de leur possession et de leur exercice. Un mot d'abord sur cette distinction méme entre droits civils et droits politiques: nous la trouvons exprimée de facon fort claire et pertinente dés les débuts de la Révolution, lors des débats constitutionnels de 1789-91, Z RENAN, Nouvelle Lettre à M. Strauss, Paris 1871, où se trouve la fameuse formule: «la volonté qu'ont les différentes provinces d'un Etat de vivre ensemble ». 5. La négation formelle de toute distinction de naissance et le rejet de toute obédience religieuse qui se voudrait extérieure au consensus implicite qu'exige la citoyenneté française sont trés clairement indiqués dans l’art. 6 du Titre II de la Const. de 1791: «La
qualité
de
citoyen
français
se perd:
1°) par
la
naturalisation
en
pays
2°) par la condamnation aux peines qui emportent la dégradation civique, condamné n'est pas réhabilité; 3°) par un jugement de contumace, tant que n'est pas anéanti; 4°) par l'affliation à tout ordre de chevalerie étranger corporation étrangére qui supposerait, soit des preuves de noblesse, soit des de naissance, ou qui exigerait des vœux religieux» (repris dans l'art. 12 du la Const. de l'An IIT).
étranger;
tant que le le jugement ou à toute distinctions Titre II de
155
et bien entendu par exemple chez Sieyès. Plus tard les publicistes libéraux comme Benjamin Constant en feront le fondement même de leur doctrine, symétrique de la fameuse distinction entre la liberté des anciens et celle des modernes, Chateaubriand la définira encore en 1833 dans une page éblouissante #. Sans doute le vocabulaire peut hésiter: doit-on distinguer strictement ordre social et ordre civil, ordre ou droit public et droit politique (comme le veut par exemple un juriste orléaniste, Serrigny ? réservant l'expression droit politique au domaine étroit de l'organisation des pouvoirs)? Néanmoins la dichotomie entre tout ce qui touche aux rapports privés des hommes entre eux, à leurs rapports individuels avec la collectivité d'une part — et, d'autre part, leur participation aux actes politiques, est véritablement une notion commune et admise presque par tous. Les seules variations, historiquement importantes, ne porteront que
sur les conditions, les seuils de participation à l'exercice des droits politiques: ces derniers, comme le dira admirablement le Code (art. 7) sont du domaine des lois constitutionnelles et électorales — alors que les lois civiles sont, si l'on ose dire avec Chateaubriand, de droit naturel (bien que formellement
du domaine du législatif). Consensus quasi-universel, ai-je dit. A deux exceptions de marque prés, je crois: d'une part, bien sür, les partisans (extrémement rares) de l'absolutisme de droit divin qui, à la limite, nient tout droit politique; et, de l'autre (on le dit moins souvent), Rousseau qui ne
pense pas qu'on puisse vraiment distinguer les deux choses, puisque pour lui tout citoyen (c'est-à-dire tout homme, du moins dans le cadre de la cité)
est à la fois sujet d'un droit et auteur et garant de ce droit”. Mais c'est précisément le caractère génialement théorique de cette démonstration de Rousseau (souvent peu comprise) qui a occasionné tant de débats, de variations et d'hésitations dans la période qui nous occupe. Cette distinction est donc directement liée à la définition de la citoyenneté. De quoi s'agitil en effet? Essentiellement de deux choses fort simples: les qualifications requises d'une part pour l'accés aux emplois publics et aux fonctions politiques, d'autre part pour la participation au souverain, c'est-à-dire le droit de suffrage. On sait en gros comment fut traitée la question: en 1789 et 1791,
la majorité
de
l'Assemblée
(et sans
doute
de l'opinion)
accepte
la
distinction que Sieyés impose entre ce qu'il appelle les citoyens "actifs" et les 2 B. CONSTANT, De la liberté chez les modernes. Ecrits politiques (M. Gauchet, éd.), Paris 1980, pp. 494-495.
75 CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, IV* Partie, livre II, 6 (= Ed. Levaillant, IV, p. 93): «je ne pus jamais lui faire comprendre la différence qui existe entre l'ordre social et l'ordre politique; je me soumettais, dis-je, au premier parce qu'il est de droit naturel; j'obéissais aux lois civiles, militaires et financiéres, aux lois de police et
d'ordre émanát peuple %
public; mais je ne devais obéissance au droit politique qu'autant que ce droit de l'autorité royale consacrée par les siècles, ou dérivát de la souveraineté du ». D. SERRIGNY, Droit public des Français, cit., I, pp. 132-133.
T! Contrat Social Y, 6: «(Les associés) prennent collectivement le nom de peuple, et s'appellent en particulier citoyens comme participans à l'autorité souveraine, et sujets comme soumis aux lois de l'Etat ».
156
citoyens
"passifs".
Elle repose sur un certain nombre
de conditions,
pas
exclusivement censitaires d'ailleurs (Const. de 1791, Titre III, Sect. II, art. 2), mais aussi de nationalité (précisément), d'áge, de domicile, de “condition” (n'étre pas domestique), de capacité militaire (étre inscrit sur le róle de la
garde nationale), enfin politiques ou morales, puisqu'il faut avoir prété le serment civique #. Le suffrage "universel" (pour les mâles adultes de 25 ans, en fait) ne fut introduit qu'en aoüt 1792, pour les élections à la Convention, et consetvé dans tous les projets de Constitution de 1793”. Les clauses censitaires (ou les incapacités de condition), ainsi que le serment civique furent abolies. En 1795, en revanche, les trois restrictions principales sont réintroduites: obligation de s'inscrire sur le registre civique, de payer une contribution directe quelconque; sont de nouveau exclus les domestiques, mais admis en revanche, sans condition censitaire, les anciens soldats *. La Constitution de l'an VIII enfin rétablit le suffrage universel (mais, comme on sait,
pratiquement vidé de tout contenu). J'ai déjà parlé des incertitudes sémantiques
que
ces
restrictions
à la participation
politique
occasionnaient:
le
2 « Art. 2. Pour être citoyen actif, il faut: — être né ou devenu Français; — être âgé de vingt-cinq ans accomplis, — être domicilié dans la ville ou dans le canton depuis le temps
déterminé
contribution
directe
par
la loi;
au
moins
—
payer,
égale
dans
un
lieu
à la valeur
de
quelconque
du
Royaume,
trois journées
de
travail,
une
et en
représenter la quittance; — n' être pas dans un état de domesticité, c'est-à-dire de serviteur
à gages; — être inscrit dans la municipalité de son domicile au rôle des gardes natio nales;
—
avoir prété le serment
(art. 7) étaient encore citoyens
civique ». Les
plus restrictives. Mais
actifs pouvaient
être nommés
5 Const. de 1793: « Art. 4. Tout accomplis; [..] est admis à l'exercice des droits de citoyen se perd, ...». Le titre II, art. 1er: "Tout homme ágé
conditions
en
revanche
censitaires
pour
étre électeur
(Sect. III, art. 3) tous les
représentants.
homme né et domicilié en France, agé de 21 ans des droits de citoyen français. Art. 5. L'exercice projet de Constitution girondine précisait dans son de 21 ans accomplis et qui se sera fait inscrire
sur le registre civique d'une assemblée primaire, et qui aura résidé depuis, pendant unc année sans interruption, sur le territoire francais, est citoyen de la République» (et
l'art. 3 lui donne le droit de suffrage à seule condition d'une résidence de 3 mois dans une portion du
territoire).
3 Const. de l'An III, Titre II: «Art. 8. Tout homme né et résidant en France, qui, âgé de vingt et un ans accomplis, s'est fait inscrire sur le registre civique de son canton, qui a demeuré depuis pendant une année sur le territoire de la République, et qui paie
une
contribution
directe, fonciére
ou
personnelle,
est citoyen
frangais.
Art.
9.
Sont citoyens, sans aucune condition de contribution, les Français qui auront fait une ou plusieurs campagnes pour l'établissement de la République. Art. 10. L'étranger, devient citoyen français, lorsque aprés avoir atteint l’âge de vingt-un ans accomplis, et avoir déclaré l'intention de se fixer en France, il y a résidé pendant sept années consécutives,
pourvu qu'il y paie une contribution directe, et qu'en outre il y possède une propriété foncière, ou un établissement d'agriculture ou de commerce, ou qu'il y ait épousé une femme
française.
Art.
11. Les citoyens français
peuvent
seuls voter dans les assemblées
primaires, et être appelés aux fonctions établies par la constitution. Art. 12. L'exercice des droits de citoyen se perd, — 1°) par la naturalisation en pays étranger; — 2) par l’affiliation à toute corporation étrangère qui supposerait des distinctions de naissance, ou qui exigerait des vœux de religion; — 3°) par l'acceptation de fonctions ou de pensions
Offertes par un gouvernement étranger; 4?) par la condamnation
à des peines afflictives
ou infamantes, jusqu'à réhabilitation ».
157
même texte pouvait parfois désigner sous le même terme de citoyen (sans appliquer la commode mais péjorative distinction due à Sieyès) le simple "francais" bénéficiaire des "droit civils", du vrai "citoyen" exerçant la plé nitude des droits politiques. Néanmoins personne ne pouvait s'y tromper, bien que dans certains domaines un contentieux important ait pu surgir. Mais si l'on s'en tenait à ces rappels sommaires et approximatifs on risquerait de commettre de graves erreurs d'appréciation. Il faut en réalité lire de très près les textes et le compte-rendu des débats pour connaître les arguments invoqués, et pour comprendre que les variations de la loi constitution-
nelle dissimulent en réalité l'accord sur quelques principes qui servent de fondement implicite à la France moderne. Il faut noter d'abord que les modérés, partisans de qualifications restrictives du droit de vote ou d'éligibilité (et quelles que soient, bien entendu, leurs arrières-pensées conservatrices), protestaient (et certains avec bonne foi) que ces restrictions à l'exercice, à la jouissance effective d'un droit ne mettaient nullement en cause le prin-
cipe de l'égalité, puisqu'elles n'étaient attachées qu'à des circonstances indépendantes de la naissance et par là-méme relatives et passagéres. Rien n'est plus significatif à cet égard que la réponse à Brissot (exprimant le point de vue de la majorité de l'Assemblée) insérée au Moniteur du 20 mai 1791: «Il est aussi évident que le jour que la France a maintenant des citoyens passifs ou sujets. Cette assertion de l'auteur du Patriote français, page 514, répétée jusqu'à la satiété par une foule d'écrivains et de déclamateurs, ne doit pas rester plus longtemps sans réponse. Elle calomnie l'Assemblée nationale; elle outrage la constitution; elle avilit la majorité du peuple, et conséquemment le provoque au mépris et à la haine de la loi. La France est libre; donc personne n'y est sujet; donc cette dénomination flétrissante n'appartient à aucun de ses citoyens. Un homme né sujet est celui qui est condamné par le gouvernement de son pays à vivre et mourir assujetti à une volonté qui lui est étrangère, sans
pouvoir, par aucun moyen légal, sortir de cette condition avilissante. Ce vice existe dans tous les gouvernements qui ont admis la division de l'espèce humaine en plusieurs classes; mais il n'est pas vrai que cette institution barbare déshonore la constitution française: tous les hommes y sont égaux en droits politiques; et quoique l'exercice du droit de citoyen dépende de quelques conditions, le droit en lui-méme et l'aptitude à l'exercer n'en existent pas moins dans tous les citoyens, sans exception. Le droit de propriété existe dans un mineur; la loi n'en suspend que l'exercice. Il en est de même du droit d'activité pour les citoyens qui ne sont pas portés au rôle des contributions pour trois journées de travail. Il y a une grande erreur à confondre ainsi le droit avec les conditions requises pour l'exercer; une incapacité relative et passagère,
avec
l'inhabileté
absolue
et permanente;
l'inactivité
momentanée
d'un citoyen, qui peut aisément la faire totalement cesser, avec un assujettissement dont il ne pourrait étre délivré que par l'emploi de la force; enfin la simple suspension d'exercice d'un droit politique, avec la violation du droit des hommes. Il n'y a pas de citoyen frangais que quelques années de travail et d'économie ne puissent rendre habile à remplir toutes les fonctions publiques, au lieu que, dans les pays où l'espèce humaine est classée, tout individu est condamné à rester dans la classe où le sort de la naissance l'a fait tomber ».
158
Mais la même
argumentation —
appliquée cette fois pourtant à ce que
nous appelons le "suffrage universel" — se retrouve en avril 1793 dans la bouche du Girondin Lanjuinais, qui, dans un exposé d'une belle ampleur, montre, avec de précieuses remarques sémantiques dont j'ai déjà parlé, que toute constitution, méme la plus démocratique, implique certaines restrictions physiques ou naturelles à l'exercice de "droits" politiques *.
On peut d'ailleurs discuter (Rousseau l'avait fait, et les publicistes le font encore)
pour savoir si certains "droits", comme
le droit de vote, ne
sont pas déjà des "fonctions", pour lesquelles il est tout à fait légitime et
justifié d'exiger certaines qualifications. La question est essentielle —
car
d'un cóté elle touche aux principes (mais sur quoi les fonder?) du droit naturel, à l'égalité surtout; mais de l'autre, elle pose le probléme de la liberté et de la volonté, donc des Lumières et de l'éducation, Or (comme j'ai essayé de le montrer ailleurs) toute l'idéologie républicaine française a tourné, au XIX*** s., autour de la contradiction entre ces deux principes. Concrètement,
cela signifie par exemple qu'on se demande si l'on doit exiger des électeurs 3 Archives Parlementaires, LXIII, p. 562, 29 avril 1793: « Qu'est-ce qu'un citoyen français? Un écrivain qui nous a paru plus exalté que judicieux, et moins profond penseur que hardi néologue, répond par cette phrase brillante: “Sont citoyens français tous ceux qui respirent sur le sol de la République, et qui sont irréprochables”. Une courte analyse du mot citoyen va nous dire ce qu'il faut penser de cette règle, et combien elle est inexacte et insuffisante, méme dans le systéme d'égalité qui va faire Ia gloire et le bonheur de notre patrie. L'idée générale que réveille le mot de citoyen, est celle de membre de la cité, de la société civile, de la nation. Dans un sens tigoureux, il signifie seulement ceux qui sont admis à exercer les droits politiques, à voter dans les assemblées du peuple, ceux qui peuvent élire et être élus aux emplois publics; en un mot, les membres
du
souverain.
Ainsi,
les
enfants,
les
insensés,
les
mineurs,
les
femmes,
les
condamnés a une peine afflictive ou infamante jusqu'à leur réhabilitation, ne seraient pas des citoyens. Mais, dans l'usage on applique cette expression à tous ceux qui sont du corps social, c'est-à-dire, qui ne sont ni étrangers ni morts civilement, soit qu'ils aient ou non des droits politiques; enfin, à tous ceux qui jouissent de la plénitude des droits civils,
dont la personne et les biens sont gouvernés en tout par les lois générales du pays. Voilà les citoyens dans le langage le plus ordinaire. Les publicistes, et meme les législateurs, confondent souvent ces deux significations trés
différentes;
et de
là l'obscurité,
l'incohérence
apparente
de
certaines
propositions.
Vous retrouvez cette confusion presque partout; elle existe jusque dans la Constitution de 1791; on pourrait méme dire jusque dans la projet du comité de 1793. Citoyen désigne dans plusieurs articles de la déclaration des droits de ce projet, tout individu, quel que soit son áge, et soit qu'il jouisse ou non des droits politiques; cependant vous y trouvez,
sous le titre II que nous examinons, qu'il faut être âgé de 21 ans pour être citoyen de la République, et ensuite à quelles conditions le citoyen français peut jouir du droit de suffrage. La même faute se retrouve dans la déclaration des droits que vous avez décrétée. J'en conclus que la dénomination
de citoyen actif, inventée par Sieyès, serait encore
utile, méme aujourd'hui; elle répandrait de la clarté dans notre langage constitutionnel. Il faut bien se rappeler que ce mot actif ne s'appliquait pas à la seule distinction de fortune; il exprime trés bien la réunion de certaines conditions que la raison éternelle prescrit, ou que la volonté générale ne peut pas s'empécher de fixer, et dont dépend le droit de suffrage dans une assemblée politique ». 32 Cf. par exemple L. Ducurr, Traité de Droit Constitutionnel, II, 3. éd., Paris 1928, pp. 638 ss.; 712;
768.
159
certaines capacités intellectuelles. Et il n'est pas indifférent que l'Idéologue Daunou ait introduit dans la constitution de 1795 l'article 16: « Les jeunes gens ne peuvent étre inscrits sur le registre civique s'ils ne prouvent
savent lire et écrire et exercer une profession
qu'ils
mécanique » *. Le suffrage
universel pour tous (méme les ignorants) fut établi, sans retour, en France,
en 1848. La III*Me République en fit bien entendu la base de son credo. Pourtant, je note incidemment que toute une lignée de républicains (certains positivistes, mais aussi Jean Macé, le fondateur de la Ligue de l'Enseignement) posaient encore publiquement la question (en effet légitime et intéressante) en 1882... Ces discussions sont passionnantes pour l'histoire du droit public français. Elles ne font cependant que cacher de façon injuste et arbitraire des principes fondamentaux qui, introduits dès 1789 ou 1793, n'ont depuis jamais été remis en cause et constituent le fonds commun du droit public français. D'abord, le peuple souverain défini comme “l’universalité des citoyens français”
(art. 7 de la Const.
de
1793);
la loi conçue
comme
l’ex-
pression de la volonté générale (art. 6 de la Décl. de 1789). L'égalité de tous devant la loi, l'admissibilité de tous aux emplois public (sous réserve de qualifications définies par la loi). Plus profondément encore, le respect du droit écrit, le refus du "pouvoir des juges" (comme d'ailleurs du recours par le juge au pouvoir législatif pour trancher un cas de justice) 5, bref la souveraineté de la loi, réglent, bien plus profondément et durablement que les constitutions politiques, les rapports des frangais entre eux et détermi-
nent le contenu vécu de leur "citoyenneté". En ce sens, en effet, le Code Civil,
synthése
décantée
des
changements
intervenus
entre
1789
et
1800,
mais plongeant de lointaines racines chez les juristes et dans la législation de l'Ancien Régime, tout en affectant de ne traiter en rien des droits "politiques", a assuré pourtant, tout au long du XIX*"* siècle, par l’affirmation de ces principes, et l'adhésion qu'il recueillait, une sorte de garantie minimale, de "code des rapports civils" qui avait bien une signification politique et marquait les bornes qu'aucun pouvoir politique ne devait oser franchir. Les entorses légales aux principes que je viens d'énumérer ont été, en effet, fort rares et 33 La question avait été posée en 1793 lors des débats constitutionnels (rapport de Lanjuinais, Archives Parlementaires, LXIII, p. 566). Pour les justifications de la rédaction proposée par Daunou en 1795 cf. Moniteur, XXV, p. 224 (Creuzé-Latouche),
et surtout pp. 243-248; la fin de l'article 16 précisait d'ailleurs: d'exécution qu'à compter de l'an XII de la République ». * “Dialoque entre Jean Macé et Gambetta
εἰ plaidoyers
politiques
de M.
35 Les pages lumineuses cit, I, pp. 472-474) fondent
françaises.
Sur les influences
Gambetta,
11
«cet
article
n'aura
le 21 avril 1881", (J. REINACH, Discours
voll,
Paris
1880-1885,
cf. IX, p. 200).
de Portalis dans le Discours Préliminaire (FENET, Recueil, encore, pour une très grande part, les pratiques judiciaires
prédominantes
(beaucoup
plus modernes
qu'on
ne croit,
c'est-à-dire venues des juristes de l'Ancien Régime et du Droit Naturel), cf. la bonne mise au point d’A.-J. ARNAUD, Les origines doctrinales du Code Civil français, Paris 1969,
qui montre que l'influence de l'antiquité, si elle existe, est plus celle de la philosophie stoicienne que du droit positif romain, et qui insiste sur les emprunts à Domat, à Pufendorf, etc.
160
formels à Pothier,
de peu de durée dans le droit français contemporain. L'égalité devant la loi, par exemple, n'a été violée que par l'institution des majorats (et, bien entendu, les odieuses "lois raciales" de Vichy). En fin de compte, la citoyenneté francaise d'aprés la Révolution est fondamentalement consensuelle: pour limmense majorité des francais de naissance, le "contrat" qui la sous-tend est bien entendu implicite; mais ses régles d'acquisition montrent qu'elle n'est en rien une grâce ni un privilège. D'ailleurs — sauf par la conquête coloniale — elle ne s'impose pas, mais elle ne se refuse pas non plus trés durement. Une fois acquise ou possédée, elle implique une égalité quasi
absolue de condition juridique entre tous les citoyens. Cette égalité, malgré les apparences, et les restrictions imposées au droit de vote et à l'éligibilité durant les régimes censitaires (1795-1798,
maine
1814-1848), s'étend méme
des droits politiques, car ces restrictions
ne dépendent
pas
au do-
de la
naissance, mais de l'absence ou de la présence de qualifications que chacun, en droit, a la possibilité d'acquérir: elles sont purement circonstancielles, La citoyenneté française est donc une qualité juridique abstraite qui s'applique potentiellement à tout
frangais (sauf, bien entendu, à certains condamnés);
elle ne définit en rien un statut social. Elle est méme, sous cette forme moderne, consubstantielle à une société civile, à une idéologie qui nient trés fortement la notion méme de statut social, C'est pourquoi la doctrine répu-
blicaine française classique — qui développe logiquement et pleinement la conception des droits de l'homme et du citoyen — a répugné si longtemps à admettre la notion de classes sociales, tenues à la fois pour inexistantes et funestes, contraires à la fois au droit et au fait. Comme
Gambetta, la citoyenneté républicaine est créatrice
disait à peu près
d'égalité.
II. Citoyenneté romaine et citoyenneté française 1. La Révolution frangaise Ce rappel des bases du consensus civique français nous ramène à la question
initiale. Quand la France devient "République" ou méme "Empire" et les français "citoyens", quand nous pensons au décor, aux postures, au vocabulaire "à l'antique" de l'époque révolutionnaire et impériale, les correspondances
(ou
méme
les emprunts)
de vocabulaire
nous
autorisent
en effet à
nous poser des questions familières aux historiens comme aux archéologues: s'agit-il d'abord de ressemblances superficielles et fortuites, d'un simple habillage d'expression? Si les analogies sont plus profondes, s'agit-il d'une influence directe (par quel canal?), ou d'un phénoméne spontané de convergence — à quinze siècles de distance? Ces questions (essentielles pour l’his-
toire de Rome comme pour celle de l'Europe moderne) sont infiniment complexes * et je ne prétends certes pas ici en faire l'inventaire complet, encore % Le vocabulaire méme ordinairement utilisé par les historiens risquerait d'être trompeur — si le lecteur ne sentait pas qu'il n’est le plus souvent qu'une convention
161
moins leur donner une réponse définitive. Interrogeons-nous ensemble, bona fide. Ma première enquête, je l'ai dit, sera de type philologique. Les textes, en effet, ne manquent pas. Les parlementaires, auteurs des diverses déclarations ou Constitutions, les juristes (ou législateurs) auteurs des projets, rapports ou "discours" ayant accompagné les étapes de la codification ont abondamment parlé (et nous avons au moins la trame détaillée de leurs discours) et
écrit. D'innombrables publicistes ont imprimé leur opinion. Je n'ai certes pas tout lu. Mais d'un dépouillement des discours parlementaires (et de beau-
coup de discours aux clubs ou d'ouvrages d'orateurs connus), quelques indices ressortent, à mon avis. Il me parait que, au moins dans les débats qui ont porté de maniére précise et limitative sur les articles concernant la citoyenneté des déclarations, des constitutions, des codes, les références aux précédents romains ou, en général, antiques, sont relativement rares, et
méme, dans la mesure où elles existent, négatives. Je veux dire que le paradigme romain (ou antique en général) est formellement prendrai que quelques cas: pour Clootz, par exemple:
repoussé,
Je ne
«le peuple romain s'étudiait à perpétuer l'esclavage de l'Univers: le peuple français va s'occuper des moyens de perpétuer la liberté universelle » 57,
Mais je trouve presque la méme remarque de la discussion de la Constitution de l'an III:
chez Creuzé-Latouche,
lors
« Il ne faut pas que les Français soient des Spartiates...; ils ne seront point des Juifs, qu'un tas de rites superstitieux devait séparer pour des siècles de toutes les autres nations par une haine mutuelle. Ils ne seront point des Romains destinés à désoler, à ravager, à engloutir l'Univers, et à le concentrer
pour eux dans une seule capitale » #.
Mais ce ne sont pas des cas isolés. Je prends presque au hasard: Robespierre, le 10 mai 1793, dans un passage qu'on pourrait croire simplement métaphorique, s'écrie: « je hais autant que les patriciens eux-mémes, et je méprise beaucoup plus, ces tribuns ambitieux, ces vils mandataires du peuple qui vendent aux grands de Rome leurs discours et leurs silences. » *.
Mais il répond en fait à une proposition constitutionnelle précise et on peut
citer en sens inverse
commode.
(avec
Parker)
des
textes
comme
ceux de Lavi-
Qu'est-ce qu'une institution "qui évolue" ou “qui se survit”, εἰς.
Il ne faut
pas préter à qui emploie un tel langage un organicisme naif. Néanmoins il est nécessaire (au
moins
"en
laboratoire")
de
soumettre
de
telles
remarques dans “Histoire de l'antiquité classique l'Association G. Budé, juin 1975, pp. 231-258.
expressions
et
Science
à la critique.
Politique",
Cf. mes
Bulletin
7 Moniteur, XVI, p. 251.
38 Moniteur, XXV, p. 224. % Moniteur, XVI, p. 358.
162
΄
de
comterie, qui préconisait l'adoption du tribunat, ou de Rabaud Saint Etienne sur la censure — sans oublier Le tribun du peuple de Babeuf. Il est vrai. sans doute, que, sur le point précis qui nous occupe, le serment civique et
linscription sur les registres civiques (exigés, on l'a vu, de 1791 à 1795 pour l'obtention de la qualité de citoyens "actifs" ou de plein droit) sont clairement un emprunt à l'antiquité. L'inscription, en particulier, fut réclamée à la fois par Sieyès et Mirabeau. Mais lorsque ce dernier la défend éloquemment, c'est en invoquant, à très juste titre, l'exemple d'Athènes: «les Athéniens en particulier, qui avaient si bien connu tout le parti qu'on peut tirer des forces morales de l’homme, avaient réglé par une loi que les jeunes gens, après un service militaire de deux années, étaient inscrits à l'âge de vingt ans sur le rôle des citoyens » ®0. Inversement, lorsque Mailhe, en 1795, parlant de l'accueil des étrangers,
préconise une législation restrictive, il ne cite Rome thése (ce qui nous semble pour le moins discutable):
que pour appuyer
sa
« pourquoi seriez-vous moins difficiles que les Romains, chez lesquels le droit de citoyen fut l'objet de l'ambition des rois les plus puissants? » *!,
En fait, il suffit de consulter l'isdex du Moniteur pour constater que — contrairement à une impression — les références à Rome et à l'Antiquité sont infiniment moins nombreuses — je ne dis pas moins importantes ou signifiantes — que celles aux réalités contemporaines. Je me limiterai toujours aux séances où l'on a discuté les articles précis concernant la citoyenneté: on voit que la référence la plus fréquente est tout simplement
à l'Amérique, suivie par Genève et “la Suisse", puis la Hollande ou, sporadiquement, Génes ou Venise. Il est bien évident qu'une
telle réponse
est partielle et partiale:
un
quantitativisme aussi sommaire ne peut rendre compte de l'influence réelle de l’héritage antique — culturel, littéraire, politique, idéologique —
sur un
phénoméne aussi complexe que la Révolution. Quel poids réel attribuer, par exemple, à un point de détail, connu aujourd'hui des seuls érudits:
la tra-
duction française, en 1791, par un parlementaire de Montauban, d'une dissertation de Spelman, le traducteur anglais de Denys, sur le livre VI
de
Polybe,
de
suivi
d'une
comparaison
entre
la Constitution
romaine,
celle
l'Angleterre et celle de 1791? 9 Et si l'on pense aux influences majeures — Rousseau ct Saint-Just, Mably et Marat par exemple, sans parler de © Moniteur, II, p. 102. *1 Moniteur, XXV, p. 223.
4 Le fait intéresse les philologues parce que l'édition portante. Mais c'est en méme temps un témoignage sur un historiens, le "polybianisme" dans les pays anglo-saxons au France: alors — en l'absence de tout renseignement sur ce petit livre —
que conclure? On
attend
Spelman de Denys est phénoméne qui intéresse XVIIIème s. Rien de tel le tirage et la diffusion
imles en de
sur ce sujet les travaux de M. Raskolnikoff.
165
Billaud-Varenne et Robespierre —
il faudrait peser à une tout autre balance
le poids respectif des lectures de collège, des méditations
théoriques sur
les grands textes, ou tout simplement, l'homologie des situations. En fait, si l'on s'en tient toujours au dépouillement des débats parlementaires, l'allusion la plus claire et la plus officielle à Rome, à sa politique et à son destin apparaît fort tard: en février 1798, dans des circonstances très particulières, lors de l'entrée des troupes françaises à Rome et de l'établissement de la République Romaine. La lettre du général Berthier aux Directeurs, reproduisant également le discours prononcé par lui le 27 Pluviose an VI, est un beau morceau de pathos historique qui privilégie naturellement “les beaux temps de Rome", c'est-à-dire l'époque républicaine, et s'accompagne de l'appel obligé aux "Manes de Caton, de Pompée, de Brutus, de Cicéron" (Moniteur, XIX, p. 165): l'Empire n'est pas loin. Alors, la citoyenneté romaine? Sommes-nous tous vraiment des citoyens romains? 9 Cette affirmation d'un auteur contemporain est pour le moins hasardée. Et, de toute maniére, elle ne peut étre entendue que dans son contexte précis, et cum grano salis. 2.
Rome antique.
Il n'est pas question, bien sûr, de faire ici l’histoire, méme à grands traits, de la notion romaine de civitas et de l'évolution de son contenu: elle est d’ailleurs, grâce à des travaux récents et à des découvertes de nouveaux documents, relativement bien connue *. Insistons d'abord sur cette notion d'évolution: nous risquons — comme les hommes de la Révolution — de commettre la grave erreur de perspective qui consiste à écraser, à niveler une réalité qui a duré sur presque un millénaire. Il va de soi que la civitas Romana ne peut représenter la méme chose, par exemple, au temps de Polybe, au moment de la Guerre Sociale 5, sous Auguste, et dans les textes de droit des II*me et III*"* s, ap. J.C., compilés d'ailleurs à l'époque byzantine. Il faut tenir compte de l’histoire, des changements de dimension et peut-être 9 C. NicoLET, Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, 2. éd., Paris 1979, p. 528. * A.N. SHERWIN-WHITE, Tbe Roman citizensbip, 2. éd., Oxford 1973, reste la plus commode synthèse, avec le grand rapport de W. SEsTON, "La citoyenneté romaine", XIII Congrès International des Sciences historiques (Moscou 16-23 octobre 1970), Moscou 1973, I, 3, pp. 31-52 (= Ip., Scripta Varia, Collection de l'Ecole Française de Rome, 43, 1980,
pp. 3-18). Je fais bien entendu allusion aux divers commentaires qu'a suscités la publication de la Table de Banasa (cf. W. Seston, "Un dossier de la chancellerie romaine: la Tabula Banasitana. Etude de diplomatique", Comptes Rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 1971, pp. 468-490), en particulier le réexamen du papyrus de Giessen
(Constitutio antoniniana;
Les lois des Romains Camerino,
12], Napoli
cf. la notice excellente
[Pubblicazioni della Facoltà 1977,
pp.
de J. MopRzEJEwskr,
di Giurisprudenza
dans
dell'Università di
478-485).
5 Pour ce moment historique essentiel, W. SESTON, "La lex Julia de 90 av. J.-C. et l'intégration des Italiens dans la citoyenneté romaine", Comptes Rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 1978, pp. 529-542 (= In., Scripta Varia, cit., pp. 19-32).
164
de signe. Faire le bilan rapide de ces évolutions et de ces changements est le préalable nécessaire à toute comparaison légitime avec le cas français. Premier point, assez significatif en soi: le droit Romain n’a jamais ressenti la nécessité, à aucun moment de son histoire, de donner de la citoyen-
neté une définition globale, cohérente, "codifiée". Et pour cause, comme on verra: lorsqu'on se met à projeter ou ὃ rédiger des "Codes" à Rome (sous forme de Codices, ou d'Institutiones), il y a beau temps que le monde est unifié et qu'on n'a plus à distinguer le Romain du véritable étranger. Non qu'il ne soit nécessaire alors de définir des conditions d'accés à la citoyenneté, au contraire: mais alors la citoyenneté a cessé d'étre liée en soi à l'idée de “Romain” d'origine: elle a changé de signe ‘. Sans doute, dès l'origine (ou du moins dés la République moyenne et tardive) la citoyenneté est-elle, dans beaucoup de ses aspects, réglée par le droit; on plaide sur des litiges soulevés par les conditions mises à son acquisition ou à sa perte. Mais toujours sur des cas particuliers — et nous n'avons jamais eu, à notre connaissance, de réglementation globale comme celles qui sont attestées à Athènes en 452/51 ou en 419 av. J.-C. (pour une révision des listes en vue d'une distribution) *. Nous connaissons en revanche — dans des circonstan-
ces d'ailleurs comparables — des mesures de circonstances accordant la citoyenneté à tel groupe ou tel individu, quelquefois (trés rarement) comme conséquence automatique d'une condition préalable, le plus souvent comme manifestation de la volonté du peuple romain ou des ses magistrats. De méme que nous n'avons jamais eu de "constitution" à Rome, tout ce qui concerne la citoyenneté est le résultat d'une sédimentation séculaire — et demeure réglé aussi souvent par la coutume que par des textes écrits. Il est certain qu'à l'origine 5, et encore au temps des Guerres Puniques, la citoyenneté (cívitas, ius civitatis)
à Rome
n'est pas trés différente de la
πολιτεία de la plupart des cités grecques (ou sémites): c'est l'ensemble des droits et des charges que possédent en commun les "citoyens". C'est l'aspect abstrait du populus, défini comme la communauté, la collectivité extensive des citoyens. Et Rome n'est — au départ — qu'une “cité”, parmi d'autres: comme
toute cité elle admet et reconnaît l'existence d'autres cités, elles-aussi
pourvues de droits. Mais si, vers l'extérieur, elle admet au départ ses limites, elle n'en connait pour ainsi dire pas vers lintérieur. Je veux dire qu'elle est tout simplement assimilable à la collectivité des citoyens, qui s'appelle le 46 Un seul exemple significatif. Au Iléme s. ap. J-C., les manuels de droit ne définissent le citoyen que par rapport à l'esclavage, à l'affranchi (et à cette catégorie inférieure d'affranchis que sont les déditices — qui ne sont cependant pas ceux visés par la constitutio antoniniana)
(Gaius,
I, 12-35):
c'est un statut social, comme
on verra.
# Aristote, Atben. Pol. 26, 4; 42, 1; Plutarque, Per. 37; Philochoros, fgt. 119 J. Cf. C. Hicnerr, À History of the Atbenian Constitution to the end of the fifth century B.C., Oxford 1952, pp. 334 ss.; et M. J. OSBoRNE, Naturalisation in Athens, Rome 1981. 48 Je laisse de côté
le problème
très controversé
de l'unité
(ou
non)
du
droit
de
cité au temps des conflits entre plàbe et patriciat. Dans la terminologie romaine connue de nous (comme le dit déjà MoMMsrN, Droit public romain, Paris 1889, VI, 1, p. 3) les plébéiens sont toujours considérés comme des cíves. Certains, cependant, le nient.
165
populus. Le populus, c'est tout simplement la totalité des cives, en tant qu'ils agissent collectivement. Et le mot civitas désigne la condition globale, le statut de ces cives. À part les Dieux, rien n'est au-dessus d'elle — sinon,
assez tard et pour certains esprits, les vagues obligations du "droit naturel" (confondu par les Romains avec le "droit des gens"), de la morale, de la
piété, de l'amour du genre humain *. Dès lors on voit que la cité ne peut étre que souveraine, c'est-à-dire libre. Mais cette "souveraineté" (celle d'un Etat) ne s'exerce pas sur les citoyens Ὁ comme
sur des sujets, puisque
ce
"souverain" n'est qu'un étre collectif composé des citoyens. Ce sont au contraire les citoyens qui l'exercent. Tout citoyen est à la fois sujet et souverain,
selon le point de vue, parce que la cité est une communauté d'hommes libres. Mais la cité n'est pas au-dessus des citoyens. D'où — schématiquement — deux conséquences. D'abord cette citoyenneté (comme celle de la plupart des cités grecques, sauf conventions parti-
culières) est
exclusive‘,
C'est-à-dire qu'on ne peut, en principe, être
citoyen de deux ou plusieurs cités. En principe toujours, il faut choisir. En pratique, certes, la vie internationale, en Méditerranée, avait vu apparaître un certain nombre de procédures qui permettaient à certains individus ou à certaines collectivités de participer (effectivement ou, le plus souvent, à titre
potentiel ou honorifique) à plusieurs citoyennetés. Ce fut aussi le cas de Rome -— mais dans des conditions très spéciales et, si j'ose dire, à sens unique. Retenons pour l'instant plutót l'exclusivité de la cité romaine. Deuxiéme conséquence: l'équilibre, le bon fonctionnement, la durée d'une organisation politique du type de la cité romaine exigent que soit réalisée du moins approximativement une certaine égalité des droits entre les citoyens. C'est là une exigence qui a été fort bien exprimée sous forme théorique et philosophique au I* s. av. J.-C. par Cicéron 2, Egalité au plan juridique d'abord, devant la loi, et d'abord la loi civile (que les Romains appelleraient
plutót la loi privée). Egalité "politique" ensuite —
c'est-à-dire devant ce
que les modernes appelleraient la "fonction" législative ou exécutive —
ce
9 La hiérarchie stoicienne des devoirs qui, au-dessus des liens de la famille et de la cité, met ceux de l'espèce (le genre humain), est d'abord une idée morale et philosophique
(Cic. De off. III, 28); elle finit par passer dans les définitions du ius gentium
par rapport
au ius civile (Gaius, I, 1; Just, Inst. I, 2, 1, etc). Cf. C. Nicorer,
Le
métier de citoyen, cit., pp. 508-509.
359. Cette conception (réaliste et empirique, au contraire de la conception sophistiquée de
la
Nation
chez
les
Constituants
français)
exclut,
entre
autres,
toute
notion
de
"représentation" politique. Personne ne peut "vouloir" pour le peuple romain. 3! Cic, Pro Balbo, 28-30; Pro Caec. 100. 9 Cic., De Rep. I, 49: « si enim pecunias aequari non placet, si ingenia omnium paria esse non possunt, jura certe paria debent esse eorum inter se, qui sunt cives in eadem republica. Quid est enim civitas, nisi iuris societas? »; De Off. III, 21-33. J'ai longuement essayé d'expliquer l'application à Rome de la doctrine grecque de l'égalité géométrique dans Le métier de citoyen, cit., pp. 77-85 (Denys d'Halicarnasse, IV, 19-21); cf. aussi C. NicoteT, "L'idéologie du système centuriate et l'influence de la philosophie politique grecque", dans La Filosofia greca e il diritto romano (Accad. dei Lincei, Quad. N. 221), Roma 1976, pp. 111-137; et Ipn., Tributum, Bonn 1976, pp. 1-16.
166
que les anciens, beaucoup
plus concrets, appelaient les "charges"
et les
"avantages" de la vie en commun. La
citoyenneté
romaine
présentait-elle
ces caractéres?
Si l'on
se place
vers la fin de l'époque républicaine, on peut, je crois, répondre par l'affirmative, avec cependant de prudentes réserves. L'égalité de tous les citoyens romains devant la "loi civile" (en gros, le droit privé ou le droit criminel) est chose à peu prés acquise non pas exactement depuis les XII Tables (450 av. J.-C.), malgré l'expression fameuse et énigmatique de Tacite “finis aequi iuris" (Ann. III, 27) 9, mais à la fin du IV s, ou au début du III**e, quand s'effacent (sans jamais complètement disparaître) les derniers privilèges des patriciens. En gros on peut dire que les privilèges juridiques en matière privée civile ou criminelle attachés à la naissance (sinon à la fonction) disparaissent vers cette date, entre les citoyens bien sûr. Prétendre en revanche qu'existait à cette époque une égalité de droit politique peut sembler paradoxal: on objecte en général à cette prétention l'existence d'une "constitution censitaire", qui, entre autres objets, affecte le droit de suffrage et l'accés aux magistratures et au Sénat. Je le reconnais d'autant plus volontiers que j'ai insisté récemment sur ce dernier point. Mais les Romains faisaient, pour justifier ce systéme, à peu prés les mémes raisonnements que les Constituants de 1791: les discriminations censitaires sont variables comme la fortune, elles ne font donc, à la rigueur, que restreindre l'exercice de droits reconnus virtuellement à tous. Mieux encore: le système
compliqué des "classes" est tel que "personne n'est complétement privé du droit de suffrage" (et c'est exact à la lettre): il est simplement improbable qu'on ait à faire voter les derniers inscrits, ceux qui ne possèdent rien. En fait le système est conçu pour assurer en principe cet équilibre harmonieux des charges et des avantages de tous que la science politique ancienne appe-
lait "l'égalité géométrique" ou “proportionnelle” *. Et de fait, si l'on s'en tient à une certaine image qui nous est parvenue — à
travers Polybe, Ci-
céron, Tite-Live ou Plutarque — de la vie civique et de la vie politique romaines de la République, nous sommes dans un climat assez proche, semblet-il, de la Cité du Contrat Social 5, et cette image, comme on verra, explique bien des illusions et des malentendus. S Cette brève formule s'oppose en effet à la tradition, qui non seulement distinguait des dix premières Tables les deux dernières, imiquissimae (Cic., De Rep. II, 63, etc.), mais encore oppose l'assiduus au proletarius, pour le rôle de vindex; V, 8, qui distingue laffranchi de l'ingénu pour le droit testamentaire, etc. On l'explique en général par la négligence ou la rapidité de Tacite. 5. Cf. ci-dessus, n. 52. 55 Ce n'est pas un hasard (cf. ci-dessus, p. 146), si Rousseau consacre tant de place à l'analyse de la constitution "servienne". Ce "démocrate" approuvait et défendait d'ailleurs la constitution de Genéve, avec sa distinction entre les "habitants", les "bourgeois" et les "citoyens". Pour les éloges mesurés de la constitution servienne, Contrat Social IV, 4,
pp. 448-449 éd. Pléiade: «il fallait avoir des foyers pour obtenir le droit de les défendre, et de ces innombrables troupes de gueux dont brillent aujourd'hui les armées des Rois, il n'y en a pas un, peutétre, qui n'eüt été chassé avec dédain d'une cohorte romaine, quand les soldats étaient les défenseurs de la liberté », etc. Je compte revenir ailleurs sur ce sujet.
167
Non qu’elle soit entièrement fausse, Mais nous ne devons pas oublier les réalités sociales ni certaines données de base des civilisations antiques. Si la cité, démocratique ou modérément aristocratique, peut apparaître comme
un
petit monde clos où joue pleinement cette adéquation de la collectivité extensive de "citoyens" libres et souverains avec leur Etat dans l'égalité géomé trique, rappelons-nous plusieurs faits. D'abord, les "citoyens" ne sont qu'une minorité dans la totalité des habitants d'une cité, soumis à ses lois ou à sa
domination *. I] y a en premier lieu des esclaves, et d'anciens esclaves: les premiers sont presque totalement dépourvus de droits (quelle que soit la variété de leurs
conditions
matérielles
et sociales);
les seconds
(affranchis)
sont rarement citoyens "de plein droit". Il y a aussi des "étrangers" domiciliés, en fait éléments stables d'une population; il y a enfin — et c'est le cas de Rome
à partir de la fin du IV*"*
s, jusque vers 89-50
av. J.-C. —
des étrangers agrégés ou "annexés", des sujets ou demi-sujets qui, méme lorsqu'ils sont faits citoyens, ne le sont pas toujours opfimo iure. L'esclavage et ses conséquences d'un cóté, le phénoméne de conquéte de l'autre, occasionnent donc à l'intérieur d'un "Etat" l'existence de toute une série de statuts collectifs ou individuels qui, de toute maniere, limitent considérablement la portée de la citoyenneté relativement unitaire et égalitaire que nous avons évoquée. Mais il y a plus: égalitaire en théorie, presque égalitaire en droit, la civitas romana tardo-républicaine recouvre en fait une société "aristocratique”, "segmentarisée" (comme diraient les ethnologues), une société d'ordres
où chaque individu est porteur d'un statut (ius, condicio) qu'il doit en principe à sa fonction (ou à la vocation qu'on lui reconnait à certaines fonctions), mais qu'il doit en fait, le plus souvent, à sa naissance: l'héréditaire, le génétique affleurent constamment et concurrencent toujours les aspi-
rations vers un droit subjectif ?'. Or, l'évolution postérieure du droit romain et du contenu de la citoyenneté romaine ne va faire que développer ces deux tendances, l'éloignant toujours plus du modéle "civique", "républicain" (plutarquéen si l'on veut). D'abord, s'agrandissant sans cesse hors de l'horizon raisonnable et borné d'une cité "démocratique" (je veux dire: oà le peuple gouverne directement), Rome finit, comme on sait, par conquérir le monde, ou du moins, par le croire.
Cela signifie d'abord un changement considérable de la notion d'
étranger.
56 Les hommes du XVIIIème siècle n'avaient pas attendu Marx pour voir dans l'esclavagisme un trait fondamental (et déplorable) des sociétés antiques: je citerai seulement VorNEY, Leçons d'histoire, (éd. Gaulmier), Paris 1980, p. 141; cf. M. RaskoLNIKOFF, "Volney et les Idéologues: le refus de Rome", Revue Historique, 267 (1982), pp. 357-373.
5! Avec d'autres, j'ai, depuis longtemps, insisté sur ce point, empruntant certains termes ("segmentaires") à des sociologues, ou des ethnologues, d'autres (société "holiste", etc.) à des indianistes (comme L. Dumont, Homo bierarchicus, Paris 1966; Homo aequalis, Paris 1977). Je renvoie seulement à mes plus récentes mises au point: "Les
classes
dirigeantes
romaines
sous
la République",
Annales
ESC,
1977,
pp.
726-755;
Les structures de l'Italie romaine, 2. ed., Paris 1979, pp. 185-235; et enfin l'ouvrage collectif sous presse (C. Nicolet, éd.), Des ordres à Rome, Presses de la Sorbonne, Paris 1984.
168
Car, à la limite, il n'y a plus pour elle d'étranger extérieur, si j'ose dire; il n'y a d'étranger qu'à l'intérieur de l'Empire, d'une zone sur laquelle, en principe, les Romains, en tant que tels, exercent "un pouvoir", "une hégémonie", sont des "dirigeants" *, Dès lors, on peut dire (en allant très vite)
que dans une plus,
la hiérarchie des statuts leurs rapports avec Rome valeur en quelque sorte une série de situations
particuliers qui avaient défini des collectivités tout au long de la conquéte va cesser d'avoir internationale et définira en fait, de plus en fiscales et juridiques particulières, Dans cette
hiérarchie, la civitas Romana (condition juridique et sociale commune à tous ceux qui sont, d'un bout à l'autre du monde, cives Romani)
ne définit plus
la "nation" Rome, la cité (au sens d'Etat): elle définit un statut juridique et social privilégié ”. Or, le fait nouveau (et unique dans toute l'histoire des cités antiques) c'est que cette citoyenneté cesse d'étre exclusive (le tournant principal étant la Guerre Sociale de 91-88 av. J.-C.), que des étrangers la réclament, qu'on l'octroie en fin de compte libéralement (quelles qu'en soient les raisons). La fin du processus étant, comme on sait, la constitutio antoniniana de 212/214 ap. J.-C.: il n'y a plus alors, si l'on met à part les esclaves et les déditices, que des citoyens dans l'Empire 9. Mais ne nous y trompons pas: ce n'est pas là je ne sais quelle anticipation des rêves d'Anacharsis Clootz. D'abord parce qu'à cette date, loin d'étre restée exclusive des autres citoyennetés ou statuts, la civitas Romana leur est devenue seulement superposable (puisque les "droits", entendons surtout les charges, des statuts locaux antérieurs ne sont pas supprimés). Si cela est possible, c'est qu'elle se situe à un autre niveau. On le savait déjà au temps de Cicéron: la citoyen-
neté romaine est compatible avec celle d'une cité "alliée" située à l'intérieur de l'Empire (Gadès en l'occurrence), parce qu'elle est "plus grande”, c'est-à-dire à la fois plus vaste, et située, si j'ose dire, à un niveau supérieur. En bref, elle l'emporte toujours en cas de conflit juridique; et elle a ses principales applications dans une sphére de souveraineté "supérieure" à celle d'une cité alliée — la sphère des lois, des commandements, des armées, des intérêts "supérieurs" de Rome. Quand Rome sera devenue le monde, que signifiera une telle conception? Que la sphère de la "cité romaine" se confond 55 Sur le sens de la citoyenneté romaine pour les anciens "sujets" du Ilème ap. J.-C. un des textes (officieux) les plus significatifs demeure Aelius Aristide, El; Ῥωμὴν, 59-61 (voir essentiellement J. H. OLIVER, The Ruling Power. A study of tbe Roman Empire in the second century after Christ through the Roman Oration of Aelius Aristides (Transactions of the American Philosophical Society 43), Philad. 1953, pp. 900 et 919. 9 Cette évolution
institutionnelle
et sémantique
n'est pas réservée, comme
on
sait,
aux termes civis Romanus: on note la méme pour la condition de Latinus et de dediticius (Gaius I, 12). On sait méme, depuis peu, qu'i] existait un "droit italique" qui pouvait être conféré à un individu (et non seulement à une collectivité): J. TRIANTAPHYLLOPOULOS,
“Jus italicum personnel”, Iure, 14 (1963), p. 108. 60 Cf. ci-dessus, n. 44.
61 Cette conception, défendue et illustrée par Cicéron (ce qui prouve qu'elle était au moins défendable, sinon parfaitement admise) rejoint la notion de »rajestas populi Romani: Cicéron, Pro Balbo, 22; 35; De Legibus, II, 5 (NicorET, Le métier de citoyen, cit., pp. 65-68).
169
pratiquement avec ce que nous appelons le gouvernement. Tous les citoyens ne seront pas légionnaires, officiers, procurateurs, gouverneurs: mais il faut être citoyen pour être tout cela. Mais à mesure qu'elle peut s'étendre (en changeant fortement de signication, on le voit), la citoyenneté se modifie encore autrement. D'abord, avec l'Empire (entre 4 et 19 ap. J.-C.) elle finit par étre légalement vidée de tout
contenu politique direct: les "comices" qui se déroulaient à Rome méme pour le vote de quelques (trés rares) lois et l'élection des magistrats cessent d'étre
convoqués 9, Le citoyen romain cesse d’être un électeur (à Rome du moins). 'Le pouvoir, quoiqu'on en dise, a changé de nature; ses enjeux, ses jeux et ses secrets tendent de plus en plus à se circonscrire dans les cercles étroits de la Curie et du Palais — sauf en de rares occasions oü il s'exhibe pour quéter l'adhésion: mais cela n'a plus aucun rapport avec l'exercice, méme limité, de la souveraineté, qu'avait connu la République 9. Droit politique et droits civils sont à nouveau séparés, puisque seule la couche tout à fait supérieure de la citoyenneté, qui fournit les cadres de l'Empire, a désormais accés non d'ailleurs à la vraie décision politique (monopole de l'Empereur et de ses bureaux), mais à son exécution, à la haute administra-
tion. Or, en méme temps, une autre révolution s'accomplit. Le principe de l'hérédité des statuts, inégalitaire par excellence, est réintroduit (pour la prémière fois depuis trois siècles) par la législation augustéenne 4 en faveur ou au détriment (peu importe) des "ordres" supérieurs (ordre sénatorial et ordre équestre). Non seulement dans la sphére du droit politique, mais dans le droit privé et pénal lui-m&me (questions matrimoniales, testamentaires, exercice de certains métiers, délits de mœurs, etc.). Le ius Quiritium, qu'on avait pu croire un bloc unitaire, se diversifie, et on voit dés cette époque
s'y amorcer une distinction juridique et
civile
entre des “privilégiés”
(les membres des "ordres") et des "roturiers" (les bumiliores). Cette tendance triomphera non seulement dans la sphère du droit public — déterminant de plus en plus, par exemple, la condition fiscale de chacun — mais
dans le droit pénal, pour culminer au III*m* siècle dans l'extraordinaire inégalité des procédures et des peines qui s'appliquent, comme on le voit par les Sententiae réunies sous le nom de Paul, aux hosestiores et aux bumiliores $. Le droit privé lui-même connaît la même évolution, dans la mesure mant
& Impossible de citer ici la littérature immense consacrée à la Tabula Hebana, (confiret précisant Tac, Ann. I, 15); cf. W. SESTON, dans Les Lois des Romains, cit,
pp. 172-175; F. pe Martino, Storia della Costituzione romana, IV, 2* éd. Napoli
1974,
pp. 577-616.
9 C. ΝΊΟΟΙΕΤ, Les structures de l'Italie romaine, cit, pp. 448-451; et par exemple Z. Yaverz, Plebs and Princeps, Oxford 1969. % En dernier lieu C. NicorET, "Augustus, government and the possessing classes”, dans Caesar Augustus (Syme Colloquium) à par., Oxford 1984. € G. Carpascia, “L'apparition dans le droit des classes d''bomestiores' et d' 'bumiliores' ", Revue bistorique de droit français et étranger, 28 (1950), pp. 305-37; 461.85; In, "La distinction entre 'bomestiores' et 'bumiliores' et le droit matrimonial", Studi Albertario, II, Milano 1953, p. 665; P. GARNSEY, Social status and legal privilege in tbe Roman Empire, Oxford 1970.
170
par exemple où apparaît l'hérédité obligatoire de certaines professions, et donc des obligations et privilèges qui y sont attachés. Il est donc bien vrai, comme j'ai dit, que la citoyenneté tout entière apparaît, sous l'Empire, comme un statut supérieur, une véritable qualification sociale suffisamment attractive
pour être revendiquée. Mais à mesure qu'en effet le centre du pouvoir l'accorde à des catégories de plus en plus larges et nombreuses, des clivages et des
distinctions nouveaux (à coup sür un peu différents de ceux qu'ils remplaçaient) s'introduisent en elle. Elle cesse d’être unitaire et égalitaire.
3.
Comparaison.
Comparaison n'est pas raison. Pourtant il me semble que ces rappels historiques doivent nous conduire à répondre plutót négativement à notre question initiale. Dans sa pratique multiséculaire, et surtout à son point d'arrivée (disons telle qu'elle ressort du Corpus Juris Civilis) la citoyenneté romaine$ a bien peu de points communs avec la citoyenneté frangaise définie à partir de Ja Révolution sur la base infrangible de la Déclaration des Droits, de la souveraineté du peuple, du suffrage universel, de l'égalité de tous devant
la loi (civile ou politique). La citoyenneté française post-révolutionnaire, on l'a vu, est essentiellement contractuelle et consensuelle: maine, méme à l'époque oü elle coexistait avec d'autres, aussi nettement; elle cesse de l'être lorsque l'Empire a clos La citoyenneté frangaise, une fois acquise ou possédée,
la citoyenneté rone l'a jamais été. et unifié le monde. est juridiquement
égalitaire, et ce principe n'est pas méme affecté par l'existence, à certaines époques, de constitutions censitaires. La citoyenneté romaine, en apparence,
présente le méme caractére tant qu'elle a une dimension politique, vers la
fin de la République. Mais d'une part elle le perd lorsqu'elle perd cette dimension. D'autre part, elle ne concerne jamais qu'une minorité de la lation, puisqu'elle s'insére dans une société non seulement esclavagiste, encore "segmentaire" et pour tout dire aristocratique. À toute époque la citoyenneté romaine a toujours eu à quelque degré le caractère
popumais donc d'un
statut
quand
social. Mais
ce caractére devient
prédominant
sous
l'Empire,
elle règle en fait l’accès des individus et des collectivités à des privilèges judiciaires et fiscaux. Au méme moment d'ailleurs (au fur et à mesure qu'elle
s'étend à l'ensemble de la population libre), par une compensation naturelle, elle cesse d'étre unitaire: elle décrit, aux yeux du droit public comme du droit privé, des statuts divers —
l'un plus privilégié, l'autre moins, ce qui
accentue encore son caractére de qualification sociale. La citoyenneté française, en revanche, a été définie comme unitaire dès 1789, conformément à
l'idéologie des Lumiéres. Et ce trait n'a cessé par la suite de s'accentuer. Les différences l'emportent donc, à mon
avis, sur les similitudes;
et, tout
€ Comme avec la notion moderne de nationalité: je suis sur ce point d'accord avec F. pg Visscukm, "Jus Quiritium, civitas romana et nationalité moderne", Etudes de Droit Romain, III, pp. 99-116 (= Studi Paoli, Firenze 1953, pp. 239-251).
171
bien pesé, je ne pense pas que ce soit dans les précédents romains que les
Constituants et les législateurs français sont allés chercher leur inspiration ou leurs modèles. Leur attitude réelle et commune l'explique d'ailleurs assez bien: s'ils sont tous — juristes ou non — nourris, d'une certaine manière, du droit ou du souvenir de Rome, il sont tous aussi des hommes des Lu-
miéres, pénétrés de la vérité du Droit Naturel (et subjectif) et de l'empire de la Raison: il suffit de se rappeler que lorsque Portalis et Bigot de Préameneu, tout en abolissant solennellement le Droit Romain en France,
lui rendent hommage comme à la principale de leur source, ils le font en distinguant
soigneusement
ce qui,
en
lui,
représente
«la
Raison
écrite »,
« d'avec les rescrits des empereurs, espéce de législation mendiée, accordée au crédit ou à l'importunité, et fabriquée dans les cours de tant de monstres » '. A d'autres égards cependant la présence de Rome dans l'univers mental des Français du temps peut à bon droit être évaluée différemment, car la Rome républicaine, par l'entraíinement de la sémantique, est bien entendu survalorisée par la philosophie des Lumiéres (Rousseau et Mably) et par la politique révolutionnaire. Encore faut-il distinguer: Rousseau fait l'éloge, moins inattendu qu'on ne croit, du systéme censitaire de Servius Tullius. Ceux qui manifesteront, métaphoriquement au moins, le plus de sympathie pour cette Rome idéalisée sont les Jacobins et les Montagnards de la brève
période 1793-94:
encore retiennent-ils plus l'image d'institutions comme la
Dictature, la Censure, le Tribunat, que le statut réel du citoyen à l'époque
républicaine. Un peu plus tard, c'est l'image des tribuns populaires partisans de la "loi agraire" qu'exalte Babeuf: mais c'est un isolé, et ce n'était en tout cas pas l'opinion du Comité de l'an III. Tout au plus, lorsqu'il est fugitivement question, au moment de la rédaction hátive de la Constitution de 1793, d'une amorce de démocratie directe, évoque-t-on les comices romains, en insistant sur le nombre important de leur participants — ce qui vient directement de Rousseau et se trouvera encore chez Ledru-Rollin en 1849-1851.
Mais le plus remarquable, tout compte fait, est bien plutót ce qu'il faut appeler avec M. Raskolnikoff le "refus de Rome". Ce refus est aussi bien le fait de libéraux comme Madame de Staël et surtout Benjamin Constant, qui lui donnera une forme parfaite dans sa fameuse conférence De la liberté des Anciens... de 1819, que des républicains modérés, en particulier les auteurs de la constitution de 1795, comme
Daunou
et son ami Volney. Or ce
refus provient d'abord d'un excellent jugement historique: les républiques "populaires" de l'Antiquité sont, en fait, des aristocraties, parce qu'elles reposent sur l'esclavage, c'est-à-dire sur la plus radicale négation de l'égalité civile et des droits naturels. Il a aussi un aspect corollaire: la liberté des anciens est une liberté active, de "participation", d'exercice de tous les ins-
tants du pouvoir direct. Elle est donc incompatible d'une part avec l'individualisme, les libertés individuelles modernes (qui impliquent entre autre la 9 Discours
172
Préliminaire
(FENET,
Recueil
cit., I, p. 480).
libre disposition de leur temps par les individus), de l’autre avec les activités économiques et scientifiques qui sont heureusement le propre de la modernité. La liberté moderne, fondée sur les Lumières, l'industrie, le commerce,
implique la représentation. Les anciens Grecs et Romains n'ont pas eu la liberté parfaite. L'homme moderne doit se débarrasser de leur image contraignante comme il s'est débarrassé du Dieu des Juifs et des Chrétiens. Pourtant, d'un autre côté, la filiation des Républicains français (dont la doctrine se noue tout entiére pendant les années révolutionnaires) à l'égard de Rome et de son droit n'est pas une illusion. La doctrine, comme le droit positif d'Ancien Régime, n'avaient certes pas accepté sans résistances le droit romain: mais il est symbolique qu'à l'inverse des Allemands (jusqu'à l'Ecole Historique exclue), qui le recevaient ratione imperii, les Français ne l'aient jamais admis que imperio rationis 9. C'était reconnaître à coup sûr que,
malgré toutes les restrictions évoquées plus haut, il y avait dans la séculaire sédimentation du ixs civile une marche lente mais irrésistible vers le triomphe de la Raison par l'Unité, La citoyenneté romaine n'a jamais été, méme après
212, la citoyenneté de l'Humanité qu'avait révée Anacharsis Clootz:
elle
restait un statut personnel, et d'ailleurs inégalitaire. Il n'empéche: elle pouvait rendre compte assez bien, pénétrée qu'elle était de philosophie grecque et, plus tard, de christianisme, d'une vision de l'homme qui n'était pas trés éloignée de celle, parfaitement universelle celle-là, des Lumières. Rousseau pensait à la fois que la Démocratie n'existe pas, qu'elle suppose "un peuple
de Dieux", que les démocraties antiques étaient aristocratiques et d'ailleurs se nourrissaient de l'esclavage. Il n'empéche que le Contrat Social, ce livre
“abstrait” et quasiment fictif, consacre le sixième de ses pages à l'exposé de la "police des Romains": malgré l'opinion de Vaughan, je ne crois pas que ce soit par hasard. Constant et bien d'autres ont cru que le Contrat décrivait
prophétiquement la Terreur:
il décrit bien plutót la République "opportu-
niste" et scolaire de Jules Ferry. Et c'est en effet, je crois, l'originalité des Républicains Frangais, si modernes qu'ils se soient voulus et qu'ils aient été, en fait, dans l'Europe du XIXème siècle, d'avoir toujours, plus que d'autres, dans leur esprit cartésien et universaliste, caressé le réve inavoué d'étre, peutétre, une quatriéme Rome.
6 La codification en Europe l'Université octobre
formule est relevée par K. SOJKA-ZIELINSKA, "Le Droit romain et l'idée de du droit privé au siècle des Lumières”, dans Le Droit Romain et sa réception (Actes du colloque organisé par la Faculté de Droit et d'Administration de de Varsovie en collaboration avec l'Accademia Nazionale dei Lincei le 8-10
1973), Varsovie
1978, pp. 181-194.
173
HANS-PETER BENOEHR
LE CITOYEN ET L'ÉTRANGER EN DROIT ROMAIN ET DROIT FRANÇAIS Les premières dispositions, de portée générale, concernant la citoyenneté sont renfermées dans les Constitutions
françaises et dans le Code civil (les
dispositions les plus importantes seront reproduites dans la troisième partie de cet exposé). Ayant influencé les législations de presque tous les pays européens !, elles méritent d'être réexaminées par le ressortissant venant d'un de ces pays bénéficiaires. L'examen des textes en question sera à la fois historique et juridique ?. L'étude doit être historique parce que les dispositions résultent de la célèbre ‘transaction’ entre le droit romain et l'ancien
droit français. En méme temps, notre recherche peut se limiter à l'aspect juridique, en espérant que les autres cótés du probléme seront traités par des philosophes, linguistes, sociologues et politologues convoqués à ce Séminaire international.
Qui est donc le "citoyen" visé par le Séminaire sur "la notion de ‘Romain’ entre la citoyenneté et l'universalité"? On pense aussitôt au citoyen qui vit en communauté à un endroit qui est caractérisé par le temple et le marché, par les fortifications et le hall de délibération. Nous voyons l'homme qui s'adonne aux cultes, à la production et au commerce, à la
défense de sa famille et de ses biens, à la juridiction et à la législation *. C'est l'homme qui y participe activement et en assume aussi les charges. De ces faits, il se distingue des étrangers, des esclaves et de tous les autres qui sont dans le pouvoir d'un chef de famille. C'est ainsi que le civis Romanus est caractérisé par son status civitatis, libertatis et familiae. 1 H. Ἡβοκεκ, S/aatsangebórigkeit im Code Napoléon als europäisches Recht, Hamburg 1980. 2 Locré, Législation civile, commerciale et criminelle, ou Commentaire et complément
des Codes français, 16 tomes, édition Bruxelles 1836 à 1838. C'est notamment le tome I" qui fournit la base de notre recherche. 3 PogrALIS, "Discours préliminaire", in LocRÉ, Législation cit., I, pp. 162 ss.; v. aussi
infra, pp. 176; 188. 4 FusrEL DE CouLances, La cité antique, 25° éd., Paris 1919. Des descriptions plus nuancées et moins idylliques, in: Recueils de la Société Jean Bodin XXII à XXVII, Gouvernés et Gouvernants, Bruxelles
1969 et ss.
175
Nous nous proposons de relever le lien historique entre le civis Romanus et le citoyen français vivant deux mille ans plus tard. L'existence de tels liens est rendue probable par les paroles prononcées par Portalis dans son
Discours préliminaire du projet du Code civil: « Le droit écrit, qui se compose des lois romaines, a civilisé l'Europe. La découverte que nos aïeux firent de la compilation de Justinien, fut pour eux une sorte de révélation ... Dans le nombre de nos coutumes ... il en est aussi qui font honneur à la sagesse de nos péres, qui ont formé le caractére national, et qui sont dignes
des meilleurs temps ... Nous avons fait, s'il est permis de s'exprimer ainsi, une transaction entre le droit écrit et les coutumes, toutes les fois qu'il nous a été possible de concilier leurs dispositions, ou de les modifier les unes par les autres, sans rompre l'unité du système, et sans choquer l'esprit général » 5. En suivant le plan dessiné par Portalis, nous allons étudier, dans la premiére partie de notre exposé, le droit romain, dans la deuxiéme, l'ancien
droit français, et dans la troisième, le résultat de cette 'transaction', à savoir la Constitution de 1791 concernant le "citoyen" et le Code civil de 1804 regardant le "Francais". Le résultat de cette ‘transaction’ se manifeste dans la Constitution de 1791 et dans le Code de 1804 pour la première fois; pour ce motif nous avons étudié, de manière assez détaillée, ces deux législations,
sans alourdir notre discours des développements ultérieurs.
I. Le droit romain
Les légistes du moyen-âge, Domat au 17*"*, Pothier au 18*"* siècle ‘, les Constituants, puis les rédacteurs du Code, la doctrine et la jurisprudence du
19ème siècle se réfèrent constamment
au droit romain, à un droit
romain compris conformément aux conceptions de leur temps et assez différent de l'idée moderne du droit romain classique. Le droit romain pouvait ainsi livrer les modéles
pour l'attribution ($
1), la perte ($ 2) et la signi-
fication ($ 3) de la qualité de citoyen français ou d'étranger '. 5 PortaLIs,
"Discours
préliminaire",
in Locré,
Législation
cit,
I, pp.
162 5.;
v.
aussi infra, p. 188. 6 J. DoMar, Les Loix civiles dans leur ordre naturel, le droit public, et legum delectus, 2 tomes, nouvelle édition, Paris, 1777; R.-J. Pormer, Oeuvres, 3 volumes, édition Paris 1830, notamment “Traité des Personnes", in Oeuvres I, pp. 15s.
7 J. Gitissen, "Le statut des étrangers à la lumière de l'histoire comparative", Recueils de la Société Jean Bodin, vol. IX, L'étranger 1, Bruxelles 1958, pp. 5ss.; F. DE VissCHER, "La condition des pérégrins à Rome, jusqu'à la Constitution Antonine de l'an 212", Recueils cit., pp. 195ss.; P. CATALANO, Linee del sistema sovrannazionale romano, I, Torino 1965; Ip., Populus Romanus Quirites, Torino 1974; J. GAUDEMET, Institutions de l'Antiquité, Paris 1967; M. Kaser, Das rômische Privatrecht, 2* éd., 2 Abschnitte, München 1971 et 1975; CL. NicoLET, Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, Paris 1976; R. ViLLERS, Rome et le droit privé, Paris 1977; O. CanMET, Etude
critique de la distinction entre la condition des étrangers et les conflits de lois, Thèse, Paris
176
I, 1977, p. 180, n. 1:
«La
tradition
historique est ici continue ».
1.
L'attribution de la qualité de citoyen A)
Le status civitatis était lié uniquement
à la filiation, sans
"aucune
référence à une donnée territoriale" *. Durant le haut moyen-áge, cette règle se confondait vraisemblablement avec celle de la personnalité des lois des
peuples germaniques ἢ. Effacé ensuite par le principe de la territorialité, le principe du ius sanguinis est de nouveau reconnu vers la fin de la monarchie !°. Pothier explique que les Romains « regardaient comme citoyens, ainsi que dans notre droit francois, tous ceux qui étaient nés de citoyens, quoiqu'ils ne fussent pas nés à Rome, ni méme dans l'étendue de l'Empire romain: c'est ce que remarque Cujas » !!, La
méme
maxime,
avec
certaines
modifications,
trouve
son
expression
dans la Constitution de 1791. Comme « maxime nationale de tous les temps », elle est encore énoncée dans l'article 10 du Code civil". B) A Rome, le conubium
ou le commercium,
la simple civitas sine suf-
fragio ou bien la civitas optimo iure pouvaient étre accordés à un étranger. La concession de tels droits devint de plus en plus fréquente jusqu'à la constitutio Antoniniana de Caracalla en 212 après J.-C., qui conférait le droit de
cité à la presque totalité des habitants libres de l'Empire ". En France, les seigneurs, plus tard le roi seul, pouvaient accorder des “lettres de naturalité”. La Constitution de 1791 précise, premièrement, sous quelles conditions «ceux qui, nés hors du Royaume de parents étrangers », 5 GAUDEMET,
op.
cit., n° 246,
d'un père citoyen au moment matrimonium
…
p.
360:
«Est
de la conception
il suit la condition
de
sa mère
Das rômische Privatrecht cit., I, pp. 32; 279; 9 BrissAUD,
Cours
d'bistoire
du
droit
citoyen
l'enfant
né
en
justes
noces
... Si l'enfant n'est pas né d'un iustum au
moment
ViLLERS, français,
de
la naissance».
KasEm,
p. 33. I,
pp.
56ss;
150ss.,
cité
par
M. VANEL, Evolution historique de la notion de Français d'origine, du XVI* siècle au Code civil, Thèse, Paris 1945, pp. 17 ss.; K. NEUMEYER, Die gemeinrechtliche Entwicklung des internationalen
Privat.
und Strafrechts
bis Bartolus,
2 Stücke,
1901
et 1916
(Réim-
pression Berlin 1969); F.-L. GANsHor, "L'étranger dans la monarchie franque", Recueils de
la
Société
Jean
Bodin,
X,
L'étranger
II,
Bruxelles
1958,
pp.
19ss.;
v.
aussi
la
conférence de M. K. F. WERNER, Personnalité ou territorialité de la loi - un vieux problème de l'histoire des royaumes
barbares
en Occident,
Paris
1982.
10 M. VANEL, op. cit., pp. 49 ss., situe «croissance et triomphe du ius sanguinis » à la fin du
16*me siècle, marqués par l'arrêt de l'Anglese du Parlement de Paris, en 1576.
ll PorHier, "Traité des Personnes" cit., titre II, sect. Iére, p. 6: «Des enfants nés dans un pays étranger, d'un père françois ... sont aussi Francois» — le Projet et le Code utiliseront presque les mémes paroles —; vient ensuite, p. 7, le passage cité dans le texte. 12 Const. 1791, Titre II, art. 2; les Constitutions ultérieures ne connaîtront plus le ius sanguinis, selon M. VANEL, op. cit., p. 91. Cfr. Projet de Code civil de l'an VIII, Livre I”, titre I”, ch. I", art. II; SIMÉON, "Rapport", in Locré, Législation, cit.
p. 431. 13 GAUDEMET,
op.
cit., n°
194,
p. 278;
n° 246,
p. 361;
n°
375s.,
pp.
526ss.;
Kaser, Das ròmische Privatrecht cit., I, pp. 32; 215 ss.; 282; NICOLET, op. cit., pp. 31 ss.;
Viens,
Rome cit., pp. 33; 205 ss.
177
deviennent citoyens, et elle réserve, deuxièmement,
au « Pouvoir législatif »
le droit de « donner à un étranger un acte de naturalisation » !*. 2.
La perte de la qualité de citoyen
A) Le status civitatis se perd, aussi bien naturalisation dans un pays étranger ". B) Le méme
effet est attaché,
à Rome qu'en France, par la
à Rome, à des condamnations
pour crime
d'Etat, pour meurtre ou pour d'autres crimes importants. L'effet, désigné comme capitis deminutio, était équivalent à la mort naturelle: civili ratione capitis deminutio morti coaequatur ἰδ. En ce qui concerne l'ancien droit français, Pothier nous informe que « la mort civile » était la « suite d'une condamnation » à mort, aux galères
à perpétuité ou au bannissement à perpétuité et hors du royaume. La constitution de 1791 prévoit que «la qualité de citoyen français se perd ... par la condamnation aux peines qui comportent la dégradation civique ». Conformément «aux ordonnances et à la jurisprudence ancienne », les Codes civil et pénal menacent certains crimes de la mort civile. Le condamné perdra ainsi sa propriété, il ne pourra plus disposer de ses biens, et son mariage sera dissous, pour ne nommer que les effets les plus saillants "". 3.
La signification de la qualité de citoyen ou d'étranger
Quels sont les droits et devoirs du citoyen et de l'étranger? Les réponses ne varient guère avec les différentes époques de l'histoire. Les solutions dépendent plutót des grandes divisions en droit public, droit civil et droit des gens. A) La première grande séparation, celle en droit public et droit privé, est déjà tracée par Ulpien: « Publicum ius est quod ad statum rei Romanae spectat, privatum quod ad singulorum utilitatem » ἴδ, Bodin fait la distinction entre le civis qui est citoyen de la République 14 Const. 1791, Titre II, art. 3 et 4. VANEL, op. cit., p. 20. 15 Const. 1791, Titre II, art. 6, n° 1; C. civ., art. 17 n° 1. Porurem, "Traité des Personnes" cit, Titre II, sect. IV, p. 10; BouLay, "Exposé de motifs", in Locré, Législation cit, I, pp. 426ss.; TREILHARD, "Exposé de motifs", in Locmé, Législation cit., I, pp. 468 ss.; GAUDEMET, op. cit., n° 248, p. 364; Kaser, Das rômische Privatrecbt cit., I, pp. 280 ss.
MET,
16 Gai. 3, 153. TH. MoMMSEN, Rómiscbes Strafrecht, Leipzig 1899, p. 957; GAUDEop. cit., n° 248, p. 365; KASER, Das rômische Privatrecht cit., I, pp. 2805s.;
ViLLERS, Rome
cit., pp. 33; 238 ss.
U Const. 1791, Titre II, art. 6, n° 2 et 3; C. civ., art. 22s.; Code pénal art. 18. PoTHIER, "Traité des Personnes" cit., III, sect. II, p. 13; BouLay, "Exposé de motifs", in Locré, Législation cit., I, pp. 427ss.; Truessé, "Rapport", ibid. I, pp. 440ss.; TREILHARD, "Exposé de motifs", ibid., I, pp. 469 ss.; GARY, "Discours", ibid., I, pp. 477 s. 18 Ulp., Dig.
178
1, 1, 1, 2.
et le civis urbanus, membre ou habitant d’une ville; c'est le droit public qui
déterminera les rapports entre le civis et la République à laquelle il doit toute obéissance P, Rousseau qualifie de citoyen celui qui est membre de la "per-
sonne publique", de la "République", de l'"Etat" ?. Le méme terme est employé par les Constitutions. Les droits politiques « sont réglés et assignés par la Constitution; ils forment le droit de cité que les Romains appelaient ius civitatis; ils composent la liberté publique et constituent le citoyen, en prenant ce mot dans son acception stricte et rigoureuse », selon l'orateur du gouvernement ?!. A Rome, les droits politiques sont réservés aux citoyens romains, Il comportent, avant tout, le ius suffragii, le ius bonorum (éligibilité) et le pri-
vilége de servir dans les légions. La méme exclusivité sera exercée en France. Le gouvernement, la justice et la législation y restent interdits aux étrangers. Au "droit politique" en ce sens, les rédacteurs du Code vont opposer deux autres "espéces de droits" ?. B) En 1801, lors des travaux législatifs, Siméon cite presque textuellement l'explication du juriste Gaius, explication conservée dans le Digeste par lempereur Justinien: « Tous les peuples qui sont régis par des lois et des coutumes font usage d'un droit qui est en partie leur propre droit, en partie un droit qui est commun à tous les hommes ... » (Dig. 1,1,9) *. D'un cóté, il s'agit du «droit civil, qui est le droit propre à chaque nation et qui la distingue des autres », c'est le droit « appelé plus particulièrement par les Romains ius Quiritium », et qui «ne doit point se communiquer aux autres nations ». De l'autre côté, se trouve «le droit naturel ou général, qui se trouve chez toutes les nations », qui déploie ses effets « à l'étranger comme au citoyen », et pour lequel « il suffit d’être homme » 2. « L'ancienne distinction des droits civils et des gens, apparue sous l'empire de l'ancien droit », est encore reprise au 19*"* siècle pour l'interprétation de l'article 11 du Code civil, article clef en notre matière *. 19 J. Bonn, Les six livres de la République, €d. Paris 1583 (réimpress. Aalen
1961),
L I, ch. VI. 2 J.J. Rousseau, Du contrat social ou principes du droit politique, éd. Classiques Garnier, Paris s.d., pp. 235 ss.; livre I*, ch. VI, pp. 244ss. Rousseau reproche à Bodin d'avoir «fait une lourde bévue », en prenant les «citoyens» pour les « bourgeois ». V. cependant J. BopiN, Les six livres de la République, cit., 1. I, ch. VI, pp. 68ss.; M. RiepeL, "Bürger, Staatsbürger, Bürgertum", Geschichtliche Grundbegriffe, Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, Herausgegeben von O. BRUNNER, W. Conze, R. KoseLLEck, I, Stuttgart 1972, pp. 672 55.; 678. 71 C. civ. art. 7; cfr. déjà Livre I", titre I", art. I* Projet de l'an VIII. DererMON, "Conseil d'Etat", in Locri, Législation cit., I, p. 364; BouLay, "Exposé de motifs", ibid., I, p. 422. 72 CATALANO, Linee cit., p. 132; GAUDEMET, op. cit., n° 247, p. 363; NICOLET, op. cit., passim; VILLERS, Rome cit., p. 32. 3 Gary, "Discours", in Locré, Législation cit., I, pp. 472 ss. % Cfr. Gaius, Inst. 1, 1; Justin, Inst. 1, 2, 1. 3 BouLay, "Exposé de motifs”, in Locré, Législation cit., I, pp. 422ss.; GARY, “Discours”, ibid., I, pp. 472 ss. 36 V. infra, pp. 184 ss.
179
Les débuts du ius civile ou ius Quiritium nous sont inconnus. Il nous parait vraisemblable que le droit romain, dans une premiére période, fut destiné à régler les problèmes entre les chefs de famille romains. Dans cette hypothèse, le droit n'avait rien à prévoir pour les étrangers, Nous ignorons si un étranger était considéré comme
d'homme
ennemi, hostis, s'il gardait son statut
libre, ou si encore il pouvait se soumettre à la protection d'un
Romain ?. Dans une période archaïque qui est déjà plus proche de la nôtre, la religion, la défense et l'égoisme du groupe faisaient interdire le mariage avec une personne en dehors de la collectivité; et sans comubium, il n'y avait pas de matrimonium iustum. Pour les mémes motifs, les étrangers devaient s'abstenir de recueillir des héritages à Rome. Ils ne pouvaient non plus s'obliger valablement, car l'usage des formules sacrées, telle la sponsio,
leur était interdit. Exclus de la mancipatio, ils n'avaient pas accès à l'acquisition de biens importants. La procédure par legis actio leur était aussi interdite 2. Encore en droit romain classique, le droit de famille, la testamenti factio, la mancipatio, in iure cessio et usucapio étaient réservés aux citoyens romains.
Gaius explique dans le texte cité ci-devant: « Mais le droit que chaque peuple se donne à lui-même, c'est le droit propre de sa cité et est appelé ius civile, pour ainsi dire le droit propre de sa civitas ... » ? Au moyen áge, le dualisme du droit civil et du droit des gens détermine si l'acte juridique accompli par un étranger est nul ou s'il est valable. Les actes relevants du droit civil sont frappés de nullité, les autres sont retenus valables. Le droit romain fournit ainsi les notions pour saisir, avec précision, une situation sociale préexistante. En revanche, il n'est pas vraisemblable que le droit romain ait produit la mauvaise situation des étrangers au moyen áge. On observe, en ce contexte, que bon nombre de régles concernant l'étranger appartiennent au droit féodal et que la position de l'étranger est souvent plus favorable dans les pays de droit écrit, régis par le droit romain, que dans les pays de droit coutumier *. Pothier constate que «les étrangers jouissent de tout ce qui est du droit des gens », mais qu'ils n'ont pas part à 2 F. De VISSCHER, op. cit., pp. 195 ss.; CATALANO, Linee cit., pp. 51 ss.; GAUDEMET, op. cit., n° 194, p. 278;
KASER,
Das rômische
Privatrecht
cit., I, pp. 35 ss.; pp. 281 55.
25 CATALANO, Linee cit., pp. 51 ss; GAUDEMET, op. cit., n° 247, p. 365; n° 377, p. 532; P. Ourrac et J. DE MALAFOSSE, Histoire du droit privé, III Le droit familial, Paris 1968, pp.
167 ss.;
214ss.; p. 45;
402;
309 ss.; Kaser,
414;
ViLLERS,
419;
Rome
Das
682ss.; cit., pp.
5 Gaius Dig. 1, 1, 9. Les directement notre sujet.
rômische
In, 33;
Privatrecht
Das 212;
autres
rómiscbe
cit., I, pp.
35;
75;
Zivilprozessrecht,
136;
2015ss.;
München
1966,
468.
significations
de
ius civile
ne concernent
pas
3 FoLain-Le Bras, Un projet d'Ordonnance du chancelier Daguesseau, Thèse, Paris 1941, cité par CARMET, Etude cit., pp. 110; 144 55.; M. BouLET-SAUTEL, "L'aubain dans la France coutumiére du moyen âge”, Recueils de la Société Jean Bodin X, L'étranger II, Bruxelles 1958, pp. 65ss.; R. ViLLers, "La condition des étrangers en France dans
les trois derniers siècles de la monarchie”, Recueils cit., pp. 139 ss.; CARMET, Etude ait, pp. 113 ss.; 117 ss.; 133 ss.
180
« ce qui est du droit civil » ". En 1801 encore, l'orateur du gouvernement veut rappeler que « les Romains, que l'on ne peut s'empécher de citer quand il s'agit de législation, avaient, à l'égard des étrangers, un systéme totalement
exclusif » ἢ, C) En réalité, le système
romain n'était nullement "exclusif" envers les
étrangers, On se souvient qu'un nombre toujours grandissant d'étrangers fut doté du droit de cité ". Le droit romain reconnaît aussi les mariages, les autres actes entre vifs et les successions entre
étrangers,
sans toutefois les
considérer comme actes valables au sens du ius Quiritium. L'ouverture vers les systémes juridiques étrangers est également confirmée par la légende selon laquelle une commission se serait rendue en Gréce pour étudier les lois de Solon avant d'établir les Douze Tables. La méme ouverture est favorisée par l'introduction d'institutions juridiques étrangères, notamment pour le commerce, les banques et les transports maritimes *. Vers la fin des guerres puniques, l'expansion militaire et l'essor économique rendent les contacts avec les étrangers si forts qu'ils nécessitent la création d'une magistrature spéciale, celle du praetor peregrinus. Les étrangers sont admis à utiliser certaines institutions romaines sans aucune modification, notament le mutuum pour le prét d'argent. D'autres contrats sont adaptés aux nouveaux besoins. La stipulatio, qui est la promesse d'une prestation quelconque, est modifiée dans ce but. Le mot spondere, réservé aux Romains, y est remplacé par des verbes comme promittere, qui peuvent valablement être employés par tout le monde. Les formules du ius civile sont modifiées par la fiction si civis esset. De cette manière, le préteur protége les biens des étrangers par des actions en dommages-intéréts. A la méme époque, il accorde des actions pour des affaires qui, d'aprés l'ancien droit civil, n'avaient pas d'effet juridique. Il reconnaît que la simple traditio peut
transférer
la propriété
et qu'une
convention
peut
suffire
à créer
un
droit de gage sans le formalisme de la mancipatio-fiducia. L'étape la plus importante fut la reconnaissance des contrats consensuels, de la emptio-
venditio, de la locatio-conductio, du mandat et de la société *. L'ensemble du droit qui est accessible aux étrangers et aux Romains sans 31 PoTHIER,
"Traité
des
Personnes"
cit,
titre
II, sect.
II, p. 8; v. aussi DOMAT,
Loix civiles cit., "Traité des loix", ch. XI, $ XLIV, p. XXXIII, note r. 2 BouLay, "Exposé de motifs” in LocmÉ, Législation cit., I, p. 424; v. aussi RoEpERER, "Rapport au Conseil d'Etat", ibid., I, p. 382; Simfon, "Rapport", ibid., I, p. 434; CARMET, Etude cit., p. 105. 3 V. supra, p. 177 (avec n. 13). # Kaser, Das rômische Privatrecbt cit., I, pp. 178 ss.; 215; 281; 402; 545; 674; 682. 35 DE VISSCHER, op. cit., pp. 198ss.; POLAY, Differenzierungen der Gesellschaftsformen in Rom, Budapest 1964, pp. 240 ss.; GAUDEMET, op. cit., n° 236, pp. 346 ss.; n° 377, p. 532; P. Ourziac et J. DE MALAFOSSE, op. cit., II Les Biens, Paris 1971, n° 152, p. 282; Kaser, Das rómische Privatrecht cit., I, pp. 36; 171; 177; 201s.; 281; 402; 416; 545; In., Das ròmische Zivilprozessrecht, pp. 124 ς5.; ViLLers, Rome cit., pp. 11; 34; 96; 143; 155; F. Sturm, “Comment l'Ántiquité réglait-elle ses conflits de lois", Journal du Droit international, 106 (1979), pp. 259 ss.
181
aucune discrimination est nommé ius gentium par Cicéron *. La même notion
a fait son entrée dans le Digeste: « Mais ce que la saturalis ratio a introduit chez tous les hommes, ceci est observé presque chez tous et appelé ius gentium, c'est pour ainsi dire le droit dont font usage tous les peuples » —
pour citer une dernière fois le juriste Gaius P. Le dualisme du droit des gens et du droit civil, conservé dans le Corpus Juris de Justinien I°, est transmis aux glossateurs italiens et aux légistes français. Cujas et Doneau perpétuent la doctrine. Domat se réfère au texte de Gaius que nous venons de citer, Pothier connait la méme division. Arrivée à ce point, la tradition romaniste se confond avec le passé féodal et il convient de donner un aperçu de l'ancien droit français ?*.
II. L'ancien droit français Nous avons déjà remarqué que l'ancien droit frangais a, lui aussi, contribué à former les régles modernes sur l'attribution ($ 1), la perte ($ 2)
et la signification ($ 3) des qualités de citoyen français ou d'étranger *. l. L'attribution de la qualité de citoyen La règle du ius soli, ancrée en France avant le nouvel essor du principe de la filiation, s'appuie sur l'idée féodale d'allégeance, déterminée par la naissance sur le sol. « Les citoyens, les vrais et naturels François », selon la 36 Cic., de off. 3, 17, 69: «itaque maiores aliud ius gentium aliud ius civile esse voluerunt; quod enim civile non idem continuo gentium, quod autem gentium, idem civile esse voluerunt »; de bar. resp., 14, 32.
7 Dig. comprend
1, 1, 9; v. supra n. 24 et 29. Que la même l'ensemble
des
institutions
qui
se
trouvent
expression du droit des gens
partout
dans
le
monde
humain
et dans la nature, comme le mariage ou l'éducation des enfants (ius naturale selon Ulp. Dig. 1, 1, 1, 3; Just. Inst. 1, 2 pr), ou que le méme terme signifie encore le droit international public, est d'une importance moindre dans notre contexte. Kaser, Das ròmische Privatrecht cit., I, pp. 177 ss.; 202s.; 204 n. 15. 35 V. supra n. 30 à 32. 9 Principaux ouvrages consultés pour cette époque: M. VANEL, Evolution historique de la notion
de
Français
d'origine,
du
XVI*
siècle
au
Code
civil, Thèse,
Paris
1945;
Recueils de la Société Jean Bodin, vol. IX et X, L'étranger, Ire et Ile Partie, Bruxelles 1958, spécialement les contributions de J. GrLissEN ("Le statut des étrangers à la lumière de l'histoire comparative", I, pp. 5ss.; "Le statut des étrangers en Belgique du XIII au XX* siècle”, II, pp. 231 ss.); F-L. GaNsHor
("L'étranger dans la monarchie
franque”,
II, pp. 5 ss.); M. BourET-SAuTEL (" L'aubain dans la France coutumière du moyen âge”, II, pp. 65 ss.); R. ViLLERS ("La condition des étrangers en France dans les trois derniers siècles de la monarchie”, II, pp. 139 ss.); R. FEENSTRA et H. KLOMPMAKER ("Le statut
des étrangers aux Pays-Bas", II, pp. 333 ss.); J. PoRTEMER ("L'étranger dans le droit de la Révolution française”, II, pp. 533 ss.); et G. LEPOINTE
("Le statut des étrangers dans
la France du XIX* siècle”, II, pp. 553 ss.); O. CARMET, Etude critique de la distinction entre la condition des étrangers et les conflits de lois, Thèse,
182
Paris
I, 1977.
définition de Pothier, « sont ceux qui sont nés dans l'étendue de la domi. nation francoise », et on « ne considère pas s'ils sont nés de parents françois ou de parents étrangers ». Celui qui est né en dehors de la seigneurie et, depuis le 14ème siècle, en dehors du Royaume, «est appelé aubain ou bien estranger » *. Les Constitutions, à partir de celle de 1791, adoptent le ius soli avec peu de modifications. La méme maxime avait été consacrée par le Projet du Code civil de l'an VIII, mais omise dans le projet présenté au Conseil d'Etat. Napoléon lui avait donné une forme absolue en proposant: « Tout individu né en France est Frangais ». Mais parce qu'elle « se ressent
de la féodalité », cette régle est sévérement critiquée devant le Tribunat. En tenant compte des observations faites au Tribunat, les rédacteurs posent, dans l'article 9 du Code civil, encore d'autres conditions à cóté de la seule naissance sur le sol français, pour devenir Français *'. La monarchie devait déjà répondre à la question si le descendant d’un Français expatrié peut recouvrer la nationalité française. En 1576, Henri III
accorde ce droit dans son Edit sur la pacification des troubles du royaume, les protestants, les religionnaires fugitifs etc. Une règle analogue est prévue
par la Constitution de 1791 et généralisée par l’article 10 du Code civil *. « Il n'y a que la naissance ou la grâce du Prince qui puisse faire des
Francais ». En 1791, c'est le Pouvoir législatif qui peut « donner à un étranger un acte de naturalisation » *. Les Constitutions imposent dans plusieurs cas le « serment civique ». Le modèle de ce serment peut avoir été le serment prêté au moyen âge par les bourgeois d’une ville ou par les sujets d’un seigneur. Pothier mentionne aussi le « serment de fidélité» que les religionnaires fugitifs sont tenus de prêter au roi lorsqu'ils retournent en France“. © Domar, Loix civiles cit., II, "Droit public", livre I, titre VI, sect. IV, $ V, p. 68 (« Les enfants des Etrangers qui naissent dans un Etat où leur père étoit étranger, se trouvant originaires de cet Etat, ils en naissent sujets... »); BACQUET, Aubaine, c. I, n° 2, cité par VANEL, op. cit., p. 23 (« naiz dedans le royaume »); BACQUET, Œuvres, 2 voll., Lyon 1744, I, ch. III, n° 1, cité par CARMET, Etude cit., p. 116 n. 1; PorHiEn, "Traité des Personnes" cit, titre II, sect. Iére, pp. 6 et 7; VANEL, op. cit., pp. 17ss.; 37 ss. (« Croissance et triomphe du ius soli »); 70 ss.; v. cependant, infra n. 66, la thèse principale de Mme VANEL: «réunion du sol et du sang ». 41 Const. 1791, Titre II, art. 2; (« Ceux qui, nés en France d'un père étranger, ont fixé leur résidence dans le Royaume»); C. civ., art. 9; Projet de l'an VIII, livre I°, ch. II, art. VII (« L'enfant né en France, d'un étranger, est Français, tant qu'il n'a pas abdiqué cette qualité en majorité »). NAPOLÉON, "Conseil d'Etat", in Locré, Législation cit., I, p. 349; SiMÉoN, "Rapport", ibid., p. 436; v. aussi la “Notice historique" de Locré, ibid., p. 51. VANEL, op. cit., pp. 91ss., affirme que, depuis 1792, seul le ius soli est admis par les textes constitutionnels. 4 Const. 1791, Titre II, art. 2 («descendant ... d'un Français ou d'une Française expatriés pour cause de religion..»); C. civ., art. 10; Décret du 9 décembre 1790. PorurR, "Traité des Personnes" cit., Titre II, sect. IV, p. 10; VANEL, of. cit., pp. 51 ss. 4 Const. 1791, Titre II, art. 4. VANEL, op. cit., pp. 20 55., avec la citation de DAGUESSEAU.
44 Const. 1791, sect. IV, p. 10.
Titre
II, art. 5. PorHrER,
"Traité
des Personnes"
cit, Titre
II,
183
2. La perte de la qualité de citoyen Outre la mort civile et la naturalisation en pays étranger dont il a été question dans la première partie de l'exposé, Loisel, Pothier et le Code civil connaissent l'établissement à l'étranger « sans esprit de retour », comme une
des causes de la perte de la qualité de Français 5. 3.
La signification de la qualité de citoyen ou d'étranger A) Sous la monarchie franque, l'étranger n'était probablement
pas con-
sidéré comme serf ou esclave. Mais, sans protection, il risquait d'étre vendu en esclavage ou méme d’être tué. Un édit mérovingien semble l'avoir placé sous protection royale, une règle rappelée, plus tard, par Charlemagne. Depuis le 13ème siècle, la coutume se répand que l'étranger tombe en servitude après le délai d'an et jour. Au moyen âge, l'étranger est appelé aubain, venant d'un autre ban, dlibi natus *. A l'aide des catégories du droit romain, les aubains furent exclus du ius civile et admis seulement aux actes du ius gentium. Le Projet du Code civil de l'an VIII tente de surmonter l'ancienne distinction et dispose dans son titre I", article V: « Les étrangers jouissent en France de tous les avantages du droit naturel, du droit des gens et du droit civil proprement dit, sauf les modifications établies par les lois politiques qui les concernent ». Mais la
rédaction définitive du Code reprend la séparation entre Français et étrangers, entre ius civile et ius gentium *'. B) L'orateur du Tribunat attribue au ius civile les successions (a), les mariages (5), les tutelles (c), la puissance paternelle (4), et généralement tous
les rapports entre les personnes
(e).
Examinons
ce catalogue
en détail:
4) La plus importante parmi les restrictions est celle des successions. Au 13ème siècle, les seigneurs commencent à recueillir les biens de ceux qui, nés en dehors de la seigneurie, y ont trouvé la mort sans laisser d'héritiers. Trois siécles plus tard, les seigneurs étendent leur droit si les étrangers y sont décédés en laissant des héritiers autres que des descendants. Par la suite, les seigneurs s'approprient les héritages méme s'il y a des héritiers, exception faite seulement pour les enfants légitimes nés sur le territoire. 45 C. civ., art. 17. PorHrer, "Traité des Personnes" cit., Titre II, sect. IV, p. 10; VANEL,
op.
cit,
pp.
49ss.;
77ss.
On
pense
aussitôt
dépendent, selon Gaius (Imst. 2, 68), la qualité propriété de son maître.
à
d'animal
cet
animus
domestique
revertendi
et le droit
dont
de
4 DoMar, Loix civiles cit., II, "Droit public", livre I", titre VI, sect. IV, pp. 67 ss.;
ROEDERER, "Rapport rédigé pour le Conseil d'Etat", in Locré, Législation cit., I, p. 381; GaNsHor, "L'étranger" cit., pp. 5ss.; BOULET-SAUTEL, "L'aubain" cit., pp. 82 ss. 47 C. civ., art. 8 et 11. V. infra, pp. 192 5. 55 Gary, "Discours", in Locré, Législation cit., I, p. 473.
184
Au 16*me siècle, les étrangers se voient aussi privés du droit de recueillir eux-mémes des héritages. En 500 ans, l'incapacité successorale des étrangers
est devenue absolue: « L'aubain vit libre et meurt esclave », dit Pothier qui, pourtant, trouve le sort de l'aubain déjà moins lourd que dans le passé. La situation des étrangers était devenue souvent plus favorable gráce à certaines traditions locales, gráce à des priviléges royaux — car depuis le 14ème siècle, les rois s'étaient substitués aux seigneurs pour exercer le droit d'aubaine — et gráce aussi à des traités internationaux. En 1780, le produit du droit d'aubaine est devenue si insignifiant que Necker peut en proposer
la suppression 9. Domat déduit de l'ordre naturel la compétence de l'Etat à légiférer sur les successions des étrangers. Les codificateurs situent l'origine du droit d'aubaine dans l'ancien droit frangais et fondent l'incapacité successorale sur le droit romain, en disant que /estamenti factio iuris civilis est. Les discussions au Conseil d'Etat et les discours parlementaires concernant les étrangers convergent régulièrement vers le probléme des successions *. Les orateurs qui avaient à présenter les projets concernant le droit de succession se bornent à citer l'article 11 du Code civil, sans entrer dans la discussion des
articles 726 et 912 du Code civil”. Un commentateur pourra méme pré tendre, plus tatd, « que les rédacteurs du Code, en écrivant l'article 11, ont
songé surtout à une de ses applications, celle qui concerne le droit de succéder ... D'oü l'article 11, en réalité, ne fut pas autre chose qu'un préambule des articles 726 et 912 » 9. L'article 726 n'admet un étranger aux succes-
sions en France que dans la mesure de la réciprocité internationale. L'arti# MERLIN,
Répertoire
universel
et raisonné
de jurisprudence,
18 voll., Paris
1827,
I, V. "Aubaine" III, p. 577, cité par CARMET, Etude cit., pp. 107; 111; 116, définit comme
aubaine
étranger
qui
«le
meurt
droit dans
en
vertu
ses Etats
duquel
le souverain
sans y être
recueille
la succession
naturalisé ». ROEDERER
livre
au
d'un
Conseil
d'Etat un rapport sur la question, reproduit in Locré, Législation cit., I, pp. 381 ss. C'est surtout dans le contexte des successions que les qualités de Français et d'étranger sont décrites par DOMAT, Loix civiles cit., I, Seconde partie, livre I", titre I", sect. II, $ IX, p. 517; sect. IV, $ III, p. 533; sect. XIII, $ II, p. 551; livre III, titre I”, sect. II, $12, p. 626;
sect. II, $ 16, p. 627;
DoMar,
tome
II, "Droit public", livre I”,
titre VI, sect. Iére, p. 59, et sect. IV, p. 67. Domat range les successions des étrangers, avec
celles
des
bátards,
celles
à défaut
d'héritier
et
avec
les
confiscations,
parmi
les
revenus du Souverain, au méme rang que les impôts et les revenus de ses biens immobiliers. Dans la méme direction va POTHIER, "Traité des Personnes" cit., titre II, pp. 6 ss.; In, "Traité des successions”, ch. I", sect. Ière, $ 1, pp. 199ss.; sect. II, art. II, $ 1, p. 201. % DoMar, Loix civiles cit., I, Seconde Partie, Préface $ XIII, p. 504; BACQUET, op. cit., ch. XVII, XXVI, XXX, cité par CARMET, Etude cit., p. 131; POTHIER, "Traité des Personnes", titre II, sect. II, n° 6, p. 8; CHasor, "Rapport au Tribunat" in Locré, Législation cit, V, p. 107; ViLLERS, "La condition des étrangers", cit, pp. 142 55. 5! Locré, Législation cit, I, pp. 350s.; 359s.; 381 5.; 417; 4245. 433; 454; 467 s.; 473. 32 CHaBoT, "Rapport", in LocRÉ, Législation cit., V, p. 107; SIMÉoN, "Discours", ibid., p. 133; BicoT-PREAMENEU, "Exposé de motifs", ibid., p. 315; JAUBERT, "Rapport", ibid., p. 346. S CH. BEUDANT, Cours de droit civil francais, I, Paris 1896, n° 86, p. 146.
185
cle 912 du Code interdit non seulement les dispositions pour cause de mort, mais aussi — par différence à l'ancien droit français — les donations entre vifs en faveur des étrangers. En revanche, le Code civil ne refuse plus expressément aux étrangers la faculté de tester. b) La du droit civil riage. Il est matrimonium
deuxième institution qui, d’après l'orateur du Tribunat, et qui, par conséquent, est interdite aux étrangers, serait vrai que le droit romain réserve le comubium et le au civis Romanus. Le moyen âge connaît le formariage,
relève le maiustum l'inter-
diction aux aubains de « se marier à personne autre que de leur condition »,
à moins d'avoir obtenu le « congé du roi ». Mais ces interdictions disparaissent au 15*7* siècle et ne sont pas reprises dans le Code civil *. c) Selon
l'interprétation donnée
par la doctrine et la jurisprudence
aux articles 427 à 432 du Code civil, l'étranger ne peut exercer les fonctions de tuteur ?. d) La puissance paternelle d'un étranger, probablement hors de doute
dans l'ancien droit, n'est pas reconnue au 19*7* siècle *, e) Les autres « rapports entre les personnes », auxquels Tribunat fait allusion, comprendront l'adoption, l'usufruit légal et du père, l’hypothèque légale accordée à l'interdit, au mineur et mariée, ainsi que le domicile légal. Tous ces droits seront étrangers par les tribunaux. Le refus, sans base formelle dans fondé sur le droit pré-révolutionnaire ou, plus souvent, sur la
l'orateur du de l'enfant à la femme refusés aux la loi, était qualification
de l'institution comme relevant du ius civile”. f) Au moyen âge, certaines villes et châtellenies, surtout en Belgique actuelle, interdisaient aux étrangers toute acquisition d'immeubles. D'autres
villes réclamaient un droit d'issue chaque fois qu'un bien passait aux mains d'un étranger. À certains endroits, les étrangers ne pouvaient se prévaloir de l'usucapion, comme aux temps des Douze Tables à Rome. Mais aucune de 5 BourET-SAUTEL, gers"
cit., p.
143.
On
"L'aubain" discute
cit, pp. 75ss.;
encore
en
1540,
ViLLERS,
"La
si le mariage
condition
avec
une
des étran-
étrangère
est
"un mariege moins légitime", selon VANEL, op. cit., p. 30. L'arrét du Bail du Parlement de Paris, rendu le 26 juin
1634, reconnaît valable le mariage entre Français et étrangers,
VANEL, op. cit, p. 58. Encore en 1805, le Conseil d'Etat doit résoudre le probléme «si un étranger prisonnier de guerre en France peut y contracter mariage ». Le Conseil d'Etat est «d'avis: Que les mariages ... doivent produire les effets civils quant à l'état de la femme et des enfants; mais que les conventions matrimoniales, en tout ce qui touche
la successibilité, ne produisent d'effet en leur faveur» si l'Etat étranger n'accorde pas la réciprocité: Locré, Législation cit., I, p. 484. 55 BEUDANT, op. cit., n° 48, p. 93; n° 82,
p.
138;
Viens,
"La
condition
des
"La
condition
des
étrangers" cit., p. 143; CARMET, Efude cit., pp. 90, 149, 155. % CanMET, Etude cit, pp. 91; étrangers" cit., p. 143. 9 Gary, "Discours", in Locré,
147;
156;
Législation
cependant cit., I, pp.
ViLLERS, 472ss.;
BEUDANT,
op.
cit.,
n° 87, pp. 147ss.; VILLERS, "La condition des étrangers" cit., p. 143; GILISSEN, "Le statut des étrangers en Belgique" cit., p. 324; CARMET, Efude cit., pp. 91; 145; 154 ss.
186
ces restrictions
ne se retrouve
dans
le Code.
Au
contraire:
le Code
civil
permet aux étrangers de posséder des immeubles en France *. £) Depuis le moyen âge jusqu'à l'article 16 du Code civil, l'étranger, s'il est demandeur dans un procès, doit fournir une garantie spéciale, la
cautio iudicatum solvi. I] n'a pas droit au bénéfice de cession. La contrainte par corps est exercée contre lui avec plus de rigueur qu'envers un Français ?. b) Enfin, les droits politiques constituent toujours la prérogative des seuls Français. Aux droits politiques sont assimilés les facultés d'enseigner, d'étre avocat ou d'étre témoin dans certains actes, mais aussi des fonctions
ecclésiastiques 9. Malgré l'énumération des actes, institutions ou rapports juridiques qui sont réservés aux Frangais, le bilan de ce qui est permis aux étrangers en droit privé français est largement positif. Avant tout, ils ont accès aux contrats qui sont nécessaires pour la production et les transports, pour le commerce et la gestion des affaires, pour donner et chercher du travail. Ils peuvent valablement conclure les contrats fondés sur et régis par la Zora fides *. Ils ont droit d'acheter, vendre et posséder des biens immobiliers 9. Somme toute, le domaine du droit des gens, domaine où les étrangers ont les mémes droits et devoirs que les Frangais, est assez vaste avant et aprés 1804 et s'est encore élargi depuis.
55 C. civ., art. 3 et 16. PorHIER, "Traité des Personnes" cit., titre II, sect. II, n° 6,
P. 9; In, Œuvres, III, "Traité de la prescription qui résulte de la possession", Ière partie, ch. I", art. II, n° 20, p. 1255; BEUDANT, op. cit., I, n° 85, p. 142; VILLERS, “La condition" cit., p. 143; GiLISSEN, "Le statut des étrangers" cit., pp. 283 s.; 289 ss.; CARMET, Etude cit., p. 150. BouLay, "Exposé de motifs", in Locri, Législation cit., I, p. 426, fait savoir «que l'étranger peut posséder des immeubles en France sans méme y résider; car acheter et vendre sont des contrats qui, d’après l'usage ordinaire, appartiennent plus encore au droit des gens qu'au droit civil». 59 C. civ., art. 16 et 1268; C. de procéd. civile, art. 166, 423, 905. BouraY, "Exposé
de motifs", in Locré, Législation cit., I, p. 426; Gary, "Discours", ibid., I, p. 476; BEUDANT, op. cit., I, n° 80, p. 136; ViLLERS, "La condition" cit., p. 145; GiLISSEN, "Le statut des étrangers" cit., pp. 294 ss.; CARMET, Etude cit., pp. 95; 167. (Ὁ Les ordonnances de 1386, de 1433 et de Blois, citées par DOMAT, Loix civiles cit., I, Livre préliminaire, titre IT, sect. II, $ XI, p. 21; PorHiER, "Traité des Personnes" cit., titre II, sect. II, pp. 7 ss.; BEUDANT, op. cit., I, pp. 83, 91, 137, 147; ViLLERS, "La condition" cit., p. 144; GiLISSEN, "Le statut des étrangers" cit, p. 257; en outre v. supra
n. 22.
61 VirLLERS, "La condition" cit, pp. 142ss. Le développement des restrictions, obligations et droits des étrangers après l'entrée en vigueur du Code civil de 1804 dépasse rait le cadre de notre Séminaire, v. G. LEPOINTE, "Le statut des étrangers dans la France
du XIX* siècle”, Recueils de la Société Jean Bodin X, L'étranger II, Bruxelles 1958, pp. 553 ss.; J. HÉMARD, "Le statut des étrangers en France au XX* siècle”, Recueils cit., pp. 575 ss.; CARMET, Etude cit., pass.; H. BATIFFOL et P. LacARDE, Droit international privé, I, 7è éd., Paris 1981, n" 159s., pp. 168 ss. Enfin, il ne faut pas passer sous silence que déjà la loi du 14 juillet 1819 supprime la prohibition des art. 726 et 912 et admet, sous certaines € V, supra n. 58.
conditions,
l'étranger
à la succession.
187
JII. La Constitution de 1791
et le Code civil (avec choix de texte)
Les Constitutions et les Codes résultent certainement de divers facteurs politiques. Ces facteurs, toujours présents, sont devenus particulièrement puissants depuis 1789. Ils sont aussi à l'origine de la tension entre citoyenneté et universalité, tension ressentie dans le thème général de notre Séminaire. Les considérations politiques concernant les dispositions sur le Frangais et l'étranger mériteraient une étude plus approfondie 9. Toujours est-il que le droit romain et l'ancien droit français, décrits dans les parties principales (I*r* et II) de notre contribution, forment la base des règles mo-
dernes *. « On raisonne trop souvent comme si le genre humain finissait et commengait à chaque instant », dit Portalis dans son Discours préliminaire 8, «sans aucune sorte de communication entre une génération et celle qui la remplace, Les générations, en se succédant, se mélent, s'entrelacent et se con-
fondent. Un législateur isolerait ses institutions de tout ce qui peut les naturaliser sur la terre, s'il n'observait avec soin les rapports naturels qui lient toujours, plus ou moins, le présent au passé, et l'avenir au présent, et qui font qu'un peuple, à moins qu'il ne soit exterminé, ou qu'il ne tombe dans une dégradation pire que l'anéantissement, ne cesse jamais, jusqu'à un
certain point, de se ressembler à lui-même ... ». Les rapports naturels qui lient le présent au passé, dont parle Portalis, touchent aussi bien l'attribution ($ 1) et la perte ($ 2) que la signification ($
3)
de
la qualité
de
citoyen
ou
d'étranger.
« L'état
des
citoyens » est
déterminé par le titre II de la Constitution de 1791. Car «toute société doit fixer les caractéres auxquels elle peut reconnaitre ses membres », comme il fut dit lors de la discussion dans l'Assemblée Constituante. La qualité de “Français” est définie par le titre If, chapitre II du Code civil de 1804. Les régles sont en grande partie identiques dans la Constitution et dans le Code, bien que l'antiquité ait légué au système moderne la sépa-
9 La base constitutionnelle du droit privé est analysée par D. Grimm, "Die verfassungsrechtlichen Grundlagen der Privatrechtsgesetzgebung", Handbuch der Quellen und Literatur der neueren europäischen Privatrechtsgeschichte, 3. Band, 1. Teilband, Einführung etc, herausgegeben von H. Coing, München 1982, pp. 1758. Les "Considérations politiques concernant les dispositions sur le Français et l'Etranger dans la Constitution de 1791 et le Code civil" font l'objet de notre contribution au colloque sur "Diritto Romano, Rivoluzione Giacobina, Codici Napoleonici" tenu à Sassari, les 26 et 27 avril 1982.
* N'oublions moderne:
W.
pas que
OncLIN,
"Le
le droit
canon
aussi
statut des étrangers
appartient dans
aux
la doctrine
fondements canonique
du
droit
médiévale”,
Recueils de la Société Jean Bodin, vol. X, L'étranger, Il‘ partie, Bruxelles 1958, pp. 37 ss.; M. GnicNAscHI, "La définition du civis dans la Scolastique", Recueils cit., XXIV, Gowvernés et gouvernants III, Bruxelles 1966, pp. 71ss. $ PortaLISs,
“Discours
préliminaire",
in Locré,
Législation
cit., I, p. 163;
v. aussi
supra pp. 175s.; W. WILHELM, “Portalis et Savigny. Aspects de la restauration”, Aspekte europäischer Rechtsgeschichte, Festgabe für H. Coing zum 70. Geburtstag, Frankfurt 1982, pp. 445 ss.
188
tion entre le droit public, qui concerne le “citoyen”, et le droit privé, qui se réfère au “Français”. Le Code civil formule expressément cette séparation: C. civ. art. 7: « L'exercice des droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s'acquiert et ne se conserve que conformément à la loi constitutionnelle ».
1.
L'attribution de la qualité de citoyen et de Français
Le status civitatis se détermine soit selon le ius sanguinis du droit romain et la personnalité des lois du moyen áge, soit conformément au ius soli de l'ancien droit français. Nous avons décrit les deux principes dans la première et la deuxi&me partie de notre contribution. La Constitution de 1791 et le Code civil de 1804 réunissent les deux développements *, donnent un cadre juridique à la naturalisation et instituent le serment civique. Il s'agit principalement des sept modalités suivantes:
A) Le premier cas du catalogue, établi par l'article 2 du titre II de la Constitution de 1791, est celui des personnes « nées en France d'un père français ». Le deuxième cas, également réglé par l'article 2, consacre le ius soli, renforcé par le fait de résidence continue. Le froisième cas, expression du ius sanguinis, prévoit la réintégration de ceux qui sont «nés en pays étranger d'un père français ». En quatrième lieu, la Constitution offre la réintégration aux descendants de parents qui avaient été « expatriés pour cause
de religion »: Constitution du 3 septembre 1791 Titre II, art. 2: « Sont citoyens français: - Ceux qui sont nés en France d'un père français; - Ceux qui, nés en France d'un père étranger, ont fixé leur résidence dans le Royaume; - Ceux qui, nés en pays étranger d'un père français, sont venus s'établir en France et ont prété le serment civique; - Enfin ceux qui, nés en pays étranger, et descendant, à quelque degré que ce soit, d'un Français ou d'une Française expatriés pour cause de religion, viennent demeurer en France et prétent le serment civique ».
Les cinquième et sixième cas sont ceux de la naturalisation: Titre II, art. 3: « Ceux qui, nés hors du Royaume de parents étrangers, résident en France, deviennent citoyens frangais aprés cing ans de domicile continu 56 Const. 1791, art. I". GILISSEN, certaine coexistence souveraine, le ius
Titre II, art. 2; Projet du Code civil de l'an VIII, Livre I*, ch. I", "Le statut des étrangers en Belgique" cit, p. 246, envisage une des deux principes: le ius soli pour la principauté ou la puissance sanguinis pour l'appartenance à une ville ou châtellenie. VANEL,
op. cit., pp. 25ss., affirme que, français formait le citoyen» (p.
déjà au moyen âge, «la réunion du sol et du sang 29). BATIFFOL-LAGARDE, op. cit., n° 91, p. 96, tirent
du droit comparé l'enseignement « que la grande majorité des Etats conjugent, selon des modalités variées, les deux principes ».
189
dans le Royaume, s'ils ont, en outre, acquis des immeubles ou épousé une Française, ou formé un établissement d'agriculture ou de commerce, et s'ils
ont prêté le serment civique ». Titre II, art. 4: «Le pouvoir législatif pourra, pour des considérations importantes, donner à un étranger un acte de naturalisation, sans autres conditions que de fixer son domicile en France et d'y prêter le serment civique ».
Le serment civique, prévu dans les articles précédents, est aussi formulé par la Constitution: Titre II, art. 5: « Le serment civique est: Je jure d'être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir à la Constitution du Royaume, décrétée par l'Assemblée nationale constituante aux années 1789, 1790 et 1791 ».
B) Ces régles constitutionnelles furent largement suivies par le Code civil: Art. 9: «Tout individu né en France d'un étranger, pourra, dans l'année qui suivra l'époque de sa majorité, réclamer la qualité de Français; pourvu que dans le cas où il résiderait en France, il déclare que son intention est d'y fixer son domicile, et que, dans le cas oü il résiderait en pays étranger, il fasse sa soumission de fixer en France son domicile, et qu'il l’y établisse dans l'année, à compter de l'acte de soumission ». Art. 10: « Tout enfant né d'un Français en pays étranger, est Français. Tout enfant, né en pays étranger, d'un Français qui aurait perdu la qualité de Français, pourra toujours recouvrer cette qualité, en remplissant les formalités prescrites par l'article 9 ».
Le Code renferme comme septième cas celui de l'étrangére qui devient Française par mariage: Art.
12:
« L'étrangère
qui aura épousé
un Français suivra la condition
de
son mari ».
Nous y trouvons encore deux dispositions spéciales: Art. 13: «L'étranger qui aura été admis par l'autorisation de l'Empereur à établir son domicile en France, y jouira de tous les droit civils, tant qu'il continuera d'y résider ». Art. 18: « Le Français qui aura perdu sa qualité de Français, pourra toujours la recouvrer, en rentrant en France, avec l'autorisation de l'Empereur,
et en
déclarant qu'il veut s'y fixer, et qu'il renonce à toute distinction contraire à la loi française ».
190
2.
La perte de la qualité de citoyen et de Français A) La Constitution de 1791 énumére quatre causes de perte de la natio-
nalité: la naturalisation à l'étranger, la mort civile, certains jugements en absence et l’affiliation à des ordres ou corporations à l'étranger qui demandent la naissance aristocratique ou des voeux religieux: Constitution du 3 septembre 1791 Titre II, art. 6: « La qualité de citoyen francais se perd: 1. par la naturalisation en pays étranger; 2. par la condamnation aux peines qui emportent la dégradation civique, tant que le condamné n'est pas réhabilité; 3. par un jugement de contumace, tant que le jugement n'est pas anéanti; 4, par l'affliation à tout ordre de chevalerie étranger ou à toute corporation étrangère qui supposerait, soit des preuves de noblesse, soit des distinctions de naissance, ou qui exigerait des vœux religieux ».
B) Le Code civil de 1804, conformément à la Constitution de 1791, énumère comme causes de perte de la qualité de Français: la naturalisation (art.
17), la mort
civile
(art. 22), certaines
condamnations
par contumace
(art. 27) et l'affiliation à une corporation militaire étrangère (art. 21). Notons cependant, parmi les modifications apportées par le Code, les fonctions publiques conférées par un autre gouvernement et l'établissement définitif à l'étranger: Art. 17: «La qualité de Frangais se perdra, 1. par la naturalisation acquise en pays étranger; 2. par l'acceptation, non autorisée par l'Empereur, de fonctions publiques conférées par un gouvernement étranger; 3. enfin, par tout établisse ment fait en pays étranger, sans esprit de retour. - Les établissements de commerce ne pourront jamais être considérés comme ayant été faits sans esprit de retour ».
L’affiliation à une corporation étrangère n'est pas incompatible avec la qualité de Français, si elle suppose des distinctions de naissance ou des vœux religieux (Constitution de 1791), mais seulement si elle représente une corporation militaire. Mais aussi tout autre service militaire pour une puissance
étrangère fait désormais perdre la qualité de Français: Art. 21: «Le Français qui, sans autorisation de l'Empereur, prendrait du service militaire chez l'étranger, ou s'affilierait à une corporation militaire étrangère, perdra sa qualité de Français. - Il ne pourra rentrer en France qu'avec la permission de l'Empereur, et recouvrer la qualité de Français qu'en
remplissant les conditions imposées à l'étranger pour devenir citoyen; le tout sans préjudice des peines prononcées par la loi criminelle contre les Français qui ont porté ou porteront les armes contre leur patrie ». 191
Le Code ordonne encore la perte de la qualité du mariage avec un étranger:
de Française comme effet
Art. 19: « Une femme française qui épousera un étranger, suivra la condition de son mari. - Si elle devient veuve, elle recouvrera la qualité de Française,
pourvu
qu'elle réside en France, ou qu'elle y rentre avec l'autorisation de
l'Émpereur,
et en déclarant
qu'elle veut
s'y fixer».
Finalement, le Code confirme les régles de la Constitution sur la mort civile: Art. 22: « Les condamnations à des peines dont l'effet est de priver celui qui est condamné, de toute participation aux droits ci-aprés exprimés, emporteront la mort civile ». Art. 23:
«La condamnation
à la mort naturelle emportera la mort civile ».
Art. 27: «Les condamnations par contumace n'emporteront la mort civile qu'aprés les cinq années qui suivront l'exécution du jugement par effigie, et pendant
3.
lesquelles le condamné
peut se représenter ».
La signification de la qualité de citoyen et de Français ou d'étranger
A) La Constitution de 1791 ressortissants des autres pays:
abolit la plupart des barrières contre
les
Constitution du 3 septembre 1791 Titre VI ‘Des rapports de la Nation Française avec les Nations étrangères”. « La Nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquétes, et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple.
- La Constitution
n'admet
point
de droit d'aubaine.
- Les étrangers
établis ou non en France succédent à leurs parents étrangers ou Frangais. - Ils peuvent
contracter,
disposer, de même par les lois. - Les lois criminelles et arrêtées avec les dustrie, leur culte
acquérir
et
recevoir
des
biens
situés
en
France,
que tout citoyen français, par tous les moyens
et en
autorisés
étrangers qui se trouvent en France sont soumis aux mémes de police que les citoyens français, sauf les conventions Puissances étrangères; leur personne, leurs biens, leur insont également protégés par la loi ».
Dans la méme direction va encore le Projet de l'an VIII du Code.
B) En revanche, le Code civil de 1804 semble réserver la jouissance de la totalité des droits civils aux seuls Français: Code civil de 1804 Art. 8:
192
« Tout Français jouira des droits civils ».
En effet, un commentateur bien connu du Code, Demolombe, veut exclure les étrangers de tout le droit privé, à l'exception des dispositions spéciales établies en leur faveur. Le Code parait soumettre toute activité juridique des étrangers à la condition de la réciprocité internationale *': Art. 11:
«L'étranger jouira en France des mémes droits civils que ceux qui
sont ou seront accordés
aux Frangais
par les traités de la nation à laquelle
cet étranger appartiendra ».
Ces régles de portée générale
sont
spécialement
appliquées
en
droit des
successions: Art. 726: «Un étranger n'est admis à succéder aux biens que son parent, étranger ou Français, possède dans le territoire de l'Empire, que dans le cas et de la manière dont un Français succède à son parent possédant des biens dans le pays de cet étranger, conformément aux dispositions de l'article 11, au titre de la jouissance et de la privation des droits civils ». Art. 912: « On ne pourra disposer au profit d'un étranger, que dans le cas où cet étranger pourrait disposer au profit d'un Français ».
La vraie signification de ces dispositions nous est seulement révélée par l'histoire. Nous savons maintenant que les rédacteurs du Code civil étaient attachés, au moins en ce point, à la tradition du droit romain et de l'ancien droit français. Selon cette tradition, le droit civil, mentionné dans les articles 8 et 11 du Code, constitue seulement une partie du droit privé. Cette partie, relativement restreinte, comprend essentiellement le droit de famille et le droit des successions, L'interdiction des étrangers se limite à cette petite partie. Le reste du droit privé reléve du droit des gens, est assez vaste et reste accessible aux étrangers et aux Frangais sans aucune discrimination.
Nous nous apercevons ainsi que la teneur des articles 8 et 11 du Code civil peut paraítre beaucoup plus large et que, par conséquent, la restriction imposée aux étrangers semble étre plus forte que la portée voulue par les rédacteurs. Tout cela montre que les Constituants de 1791 et les rédacteurs de 1804 placent au centre de leur préoccupation l'homme libre, citoyen et pére de famille *, et qu'ils se réfèrent à juste titre au civis Romanus 9.
61 Cité d'après CARMET, Efude cit, p. 86. "Les trois interprétations successives" de l'article 11 du Code civil et la “position de la jurisprudence" sont exposées par BATIFFOL-LAGARDE, op. cit., n"
172s., pp. 1905s.
4 GAUDEMET, op. cit., n° 245, p. 358: «Rome maintint toujours un lien étroit entre le droit de cité et 14 liberté ». 9 NICOLET, op. cif., p. 528: «Nous sommes tous des citoyens romains ». Mais des doutes exprimés par le méme savant à l'occasion du présent Séminaire.
193
PAUL M. MARTIN
ESCLAVES OU CITOYENS? LA REFERENCE A ROME DANS LE DEBAT SUR LES ESCLAVES NOIRS AVANT ET PENDANT LA REVOLUTION FRANCAISE
1. La fascination exercée par certains mots empêche de voir que la largeur
de leur champ sémantique engendre parfois une certaine ambiguité dans leur emploi. Le mot "liberté" est de ceux-là. Avec des interférences quasi permanentes, il signifie soit indépendance nationale et s'oppose à domination ou occupation étrangère, soit indépendance personnelle et s'oppose à esclavage ou servitude, soit plein exercice des droits civiques et s'oppose alors à toutes
les formes de “monarchie” incontrólée, au sens étymologique du terme, c'està-dire au despotisme, à la tyrannie. Cette largeur du champ sémantique du
mot "liberté" et les interférences entre ses différentes acceptions sont un héritage de la pensée politique romaine: à Rome, de méme, libertas s'opposait à la fois à dominatio, à servitus et à regnum !. L'interférence entre la première acception et la troisième fut génératrice d'un malentendu analogue entre Grecs et Romains, comme entre Révolution française et peuples ‘libérés’
par elle ou 'Républiques-sceurs' ?. 2. Le présent
sujet illustre un autre cas d'interférence,
mais entre la
seconde acception et la troisième, encore qu'à Haiti du moins il ait débouché sur la première. A vrai dire, une telle interférence existait déjà à Rome, illustrée, par exemple, par le bonnet d'affranchi dont les césaricides ornèrent
leurs monnaies après les Ides de Mars, et qui fait régulièrement alterner la légende EID. MAR. avec ce bonnet ou avec la tête casquée de Libertas ?, ou 1 Cf. J. HgLLEGOUARC'H,
Le vocabulaire latin des relations et des partis politiques
sous la République, 2° éd., Paris
1972, pp. 543;
559-565.
? Cf. P.M. MaxriN, "La République contre les rois — Etude comparée d'un thème d'idéologie et de propagande dans la Rome républicaine et sous la Révolution ise", communication présentée au I" Séminaire international d'études historiques *De Rome à la Troisi&me Rome", Rome 21-23 avril 1981, publiée in Roma, Costantinopoli, Mosca (Da Roma alla Terza Roma, Studi I), Naples 1983. 3 Cf. M.H. Crawrorp, Roman Republican Coinage, Cambridge 1974, ill. n° 501/1; E. A. SvpeNHAM, Tbe Coinage of the Roman Republic, Londres 1952, n° 1301; ΗΑ
195
— autre exemple — par le passage où Tite-Live évoque, ἃ l'orée de l'ère républicaine, l'époque où populum Romanum servientem, cum sub regibus esset *. Cette interférence avait pour conséquence qu'au couple antithétique liber-servus? (ou libertas-servitus) répondait terme à terme un autre couple antithétique civis-servus (ou civitas-servitus), puisque, pour un Romain,
seul
le civis Romanus possédait pleinement l'exercice de la liberté et des droits civiques, dont, à l'opposé, l'esclave était totalement dépourvu. Le vocabulaire politique frangais, dans la période pré-révolutionnaire et révolutionnaire, va hériter à la fois de cette interférence et de cette double opposition. Refusant la qualité de "sujet" du roi — dont la racine se retrouve
dans "sujétion" et implique un état d'infériorité ou de dépendance assimilée bientót dans la polémique verbale à un état d' "esclavage" sous la "tyrannie" du "despote" —, les cahiers de doléances portent, de manière courante, la revendication à l'appellation de "citoyen" et aux droits afférents‘. On n'en finirait plus d'aligner des exemples de cette opposition entre l'état de "servitude" oü se plaignent d'étre les auteurs des cahiers de doléances et la revendication connexe à la liberté et à l'appellation de citoyen. Par
exemple,
les
artisans
de
Pont-L'Abbé
en
ont
assez,
disent-ils,
d'étre
« menés comme des esclaves par les nobles et MM du haut clergé » et ils demandent « qu'il n'y ait plus d'esclaves en Bretagne... et que chacun soit
libre... », en affirmant leur qualité d'« honnêtes citoyens »?. Plus générale ment, dans ces cahiers, il y a quasi-unanimité entre les Ordres pour n'étre plus sujets, mais citoyens*. Entrent dans cette quasi-unanimité les colons blancs des Amériques. Où croit-on que fut affiché, le 23.1.1769, un placard qui, appelant à la révolte contre le gouverneur, commengait par « Vive la
Liberté » pour s'achever par « Signé: Les colons bons citoyens. Collationné: la Liberté »? A Port-Au-Prince?. Et, toujours à Saint-Domingue, en 1781, on stigmatisait les abus d'un gouverneur sous lequel «la liberté civile et personnelle étaient sans cesse en danger » ?. Aussi bien, aux colons blancs, « les premiers développements de la Révolution française apparurent-ils comGRUBER, Coins of tbe Roman
Republic in the British Museum,
2° éd. 1970, 479, n. 1;
II, p. 480, 111; pl. III, n° 17; cf. H. MarriNcLY, "Eid. Mar.", L'antiquité classique 17 (1948), pp. 445-451; H. A. CAHN, "L'aureus de Brutus avec EID. MAR.", Congrès intern.
numism. Paris 1953, Actes YI, Paris 1957, p. 215; P. Jar, La guerre civile à Rome..., Paris 1963, p. 194; H. ZEHNACKER, Moneta. Recherches sur l'organisation et l'art des émissions monétaires de la République romaine (289-31 av. J.-C.), Rome 1973, p. 619; R. Mac MurLEN, Enemies of the Roman Order, 2" éd., Cambridge (Mass.) 1975, p. 1. * Liv., II, 12, 2. 5 Gaius, I, 9.
6 Ce n'est pas un hasard si la fameuse Déclaration des Droits de l'Homme ajoute à son titre e£ du Citoyen et si l'appellation de "citoyen" deviendra la règle dans les salutations républicaines. ? Cabier de doléances des Sénécbaussées de Quimper et de Concarneau, art. 9 & 15, 13 avril 1789.
8 Cf. H. MÉTHIVIER, L'Ancien Régime, 2* éd. Paris 1964, p. 123. 9 Archives Nationales Col. F 3, Coll. Moreau de Saint-Méry 169.
10 Archives Nationales Col. C 9 A, rec. 151, Extrait des registres du Conseil du Cap.
196
me une occasion inespérée, avec l'affaiblissement monarchique, d'éliminer le
"despotisme ministériel" » !! — ce despotisme dont Brissot lui-même, fondateur en France de la Société des Amis des Noirs, admettra la réalité quand il assurera « MM les Planteurs qu'ils trouveront dans tous les politiques des défenseurs quand il sera nécessaire de délivrer les colonies de la servitude sous laquelle elles gémissent » ". On le voit, l'interférence entre indépendance des colonies à l'égard de la métropole et libération de l'oppression monarchique emprunte son vocabulaire à l'opposition entre citoyen — ou homme libre — et esclave. Venant d'un pouvoir blanc esclavagiste, cette confusion pourrait paraître cocasse, si elle n'avait pas abouti au bain de sang où plongea Saint-Domingue. Elle est en tout cas révélatrice du malaise ressenti par la
pensée révolutionnaire française à l'égard du problème posé par les esclaves noirs des colonies françaises d'Amérique. Ce malaise, quelques mois avant la grande révolte d'Haiti, Robespierre sera le seul à oser l'exprimer clairement devant la Constituante, où était présenté, le 12 mai 1791, un projet de loi sur l'"état des esclaves": « Dès le moment, dit-il, où, dans un de
vos décrets, vous aurez prononcé le mot:
esclaves, vous aurez prononcé et
votre déshonneur et le renversement de votre Constitution ... » P. Sensible à l'argument qu'une Révolution mue par l'idée de liberté ne pouvait utiliser
le mot "esclaves", la Constituante le remplaga ... par l'expression "non libres”! Cela ne signifie pas seulement qu'elle n'entendait pas mettre en cause l'institution esclavagiste aux colonies; cela signifie aussi que, dans la pensée révolutionnaite
frangaise,
comme
en
droit
romain,
les notions
de
citoyenneté-
civitas et de liberté-libertas ont tendance à se recouvrir, Dès lors, comme les Noirs ne pouvaient plus étre appelés "esclaves", mais qu'ils n'en étaient pas pour autant "citoyens", leur statut ne pouvait étre défini que négative-
ment, par l'expression "non libres", qui les oppose à la catégorie des hommes libres, laquelle englobe à la fois les affranchis ou "citoyens passifs” — liberti ou cives imminuto jure à Rome — et celle des "citoyens actifs" — cives optimo jure
à Rome —.
3. Le probléme est que cette assimilation juridico-idéologique, héritée de Rome, entre liberté et citoyenneté — pleine ou limitée — d'une part, et liberté et libération de la servitude d'autre part — laquelle, pour étre sommaire, n'en est pas moins exacte dans l'ensemble —, a eu pour conséquence une assimilation qui, elle, est beaucoup plus contestable: celle de l'esclave moderne avec l'esclave romain. En effet, non seulement « l'intérêt moderne envers l'esclavage antique est issu de l'idée de liberté au XVIII° siècle » ^, τ: C, Fnosrin, Les révoltes blanches à Saint-Domingue aux XVII* et XVIII* siècles (Haiti avant 1789), Paris 1975, p. 381. 12 Brissor, Note sur l'Admission des Planteurs à l'Assemblée Constituante, 1789. 13 RoBESPIERRE, Discours à l'Assemblée Constituante, 12 Mai 1791, “Sur la condition des hommes de couleur libres". 14 M. T. FINLEY, Esclavage antique et idéologie moderne (trad. française), Paris 1981, pp. 14 ss.
197
mais la réflexion philosophique du siècle des Lumières et la pensée révolutionnaire française, qui, sur ce point, sont dans le prolongement l’une de l’autre par leur pétition de principe abolitionniste, partent d'une assimilation du système esclavagiste colonial à l'institution antique de l'esclavage. Le point d'aboutissement de cette assimilation sera, en 1847, un an avant la proclamation de l'abolition définitive de l'esclavage, la parution de l'ouvrage de Henri Wallon, L'Histoire de l'Esclavage dans l'Antiquité, qui s'ouvre par un long chapitre introductif sur "L'esclavage dans les colonies", destiné, selon
l'auteur, à "ramener", à "fixer" les esprits sur la "question coloniale." Ni Adam Smith, ni John Millar, ni les philosophes frangais, à commencer par Montesquieu, n'établissement de distinction fondamentale, autre — pour ce
dernier seulement — que par un juridisme formel, entre esclavage antique et esclavage moderne. Cela vient de ce que leur approche des faits n'était pas proprement historique, mais typologique et paradigmatique. La pensée philosophique du XVIII* siècle demandait à l'Antiquité des modèles politiques ou des références sociologiques 5, comme, consécutivement, selon le mot de Marx au début de son "Dix-huit Brumaire", la Révolution française « s'est drapée alternativement dans les habits de la République romaine et de l'Empire romain ». Et il est vrai que, d'un strict point de vue juridique, il n'y a pas de différence fondamentale entre l'esclave moderne et l'esclave antique. Les définitions des juristes anciens: “être dépourvu de personnalité” !5, res, c'est-à-
dire "objet, et non sujet du droit" !", ne s'appartenant pas, dépourvu de libertas, sont applicables à l'esclave moderne. A deux nuances près, qui sont de taille: l'esclave, à Rome, n'est pas dépourvu de toute garantie civile et surtout il n'y a pas, à Rome, de fatalité génétique de l'esclavage. La première différence vient de ce que, sous les effets conjugués du législateur et de l'évolution des mœurs, la condition juridique et sociale de l’esclave a évolué au cours de l'histoire de Rome. Mais cette évolution n'a été possible que parce que la pleine qualité d'homme de l'esclave ne faisait de doute pour personne et était reconnue par le droit. Par voie de conséquence, l'esclave pouvait, par exemple, représenter son maître, agir domini
nomine, être détenteur d'une propriété de son maître et méme avoir un droit de propriété, ne serait-ce que sur son pécule ?. Ses liens de dépendance envers le maítre ne sont pas régis par le seul droit de propriété; dans une certaine mesure, faisant partie de la familia, l'esclave est lié à son maître 15 Cf. FINLEY, op. cit., pp. 24 ss. 15 Inst., I, 16, 4; Dig., IV, 5, 3, 1; cf. C. Nicouer, Rome et la conquête du monde méditerranéen,
1. Les structures de l'Italie romaine, Paris
1977, p. 207.
17 Ulpien, Reg., 19; Gaius, II, 13; cf. Nicorzr, ibid. 18 Dig.,
I, 5, 2;
IV,
de droit romain, 7° éd. pp. 52 ss.; O. RoBLEDA, 19 Gaius, I, 52; cf. Antiquity, Amer. Philos. 2 Dig., XV,
198
5, 11;
cf. Nicoer,
ibid.;
P.F.
Girarp,
Manuel
élémentaire
1924, pp. 100-102; M. VirLLEv, Le droit romain, Paris 1972, I! diritto degli schiavi nell'antica Roma, Roma 1976. W.L. WESTERMANN, The slave system of Greek and Roman Soc., Philadelphie 1955, p. 83.
1, 5 et 6; cf. NICOLET,
Italie romaine, cit., pp. 215 ss.
par des liens qui ne sont pas étrangers à ceux de la parenté ?!. Assurément, jusqu'à la lex Cornelia de sicariis 2, subsista le droit de vie et de mort du maître sur l’esclave — comme, longtemps, celui du paterfamilias sur ses enfants —. Mais rappelons que Claude étendit au droit romain la disposition du droit grec qui réputait libre l’esclave abandonné par son maître ou non entretenu par lui et qu’Antonin interdit aux citoyens de « sévir outre mesure et sans motif contre les esclaves » ?, méme si la justification de cette mesure était juridique, «en vertu du méme principe (qui) interdit au prodigue l'administration de ses biens » *. Finalement, le droit romain, ou du moins certains juristes, en vinrent à déclarer l'esclavage institution "contraire à la nature", méme s'il n'est pas question de s'en passer *. Paradoxalement, si on a pu en arriver à Rome à une telle affirmation —
contraire à la théorie aristotélicienne de l'esclave par nature, qui souffre
d’ailleurs des nuances —, c'est parce que, contrairement à Aristote , le droit romain considérait l'esclavage comme une conséquence naturelle du jus gentium, c'est-à-dire essentiellement de la guerre ?. Assurément, la guerre
ne fut pas la seule source de l'esclavage à Rome”, méme si la conquête déversa sur le marché de Rome des milliers de prisonniers réduits en esclavage, et la pratique courante de l'échange ou du rachat des prisonniers venait tempérer l'application brutale de la réduction en servitude des prisonniers de guerre. Mais, justement, le caractère dans une certaine mesure ‘précaire’ de cette réduction en servitude rendait a priori peu crédible aux yeux des Romains la théorie de l’ "esclave par nature". Les termes mêmes qui désignent le plus couramment l'esclave ou l'esclavage en latin — captivus, mancipium, servus — se réfèrent, pour les deux premiers, à la guerre et au commerce ?, et, pour le dernier — d'origine étrusque, semble-t-il —, définit l'esclave non
comme une "chose", mais comme un "étranger sans loi" 9. Au reste, comment 21 Cf, J. MAURIN, "Remarques sur la notion de 'puer' à l'époque classique", Bulletin de l'Association G. Budé 1975, pp. 221-230. 2 Suet., Claud., 25; Hist. Aug, Hadr., 17; Dig., XLVIII, 8, 2 1; Gaius, I, 53; cf. NicoLET, Italie romaine cit., p. 224. 3 Gaius, ibid.
24 Id., ibid. ?5 Dig., I, 1, 4; 5, 4; Iust., I, 2, 2; 3, 2; cf. VILLEY, op. cit., p. 57. 36 Arist., Pol., I, 5, 1254 b 16ss.; 6, 1255 a 21s.; cf. R. Waiz, Politique d'Aristote, Paris 1966, pp. 65 ss. T! Voir n. 25; A. MicHzL, La philosophie politique à Rome d'Auguste à MarcAurèle, Paris 1969, p. 345, assimilant droit des gens « Gaius reprend ici la célèbre tradition d'Aristote ».
2% Les autres commerce — et la BaLspoN, Romans Slaves, Cambridge 5 Cf, NicoLET,
et droit naturel,
en conclut
que
étant la piraterie — activité intermédiaire entre la guerre et le reproduction; cf. NicoLer, Italie romaine, cit., pp. 209 ss.; J. P. V. D. and Aliens, Londres 1979, pp. 77-81; K. Hopkins, Congüerors and 1978, pp. 108 ss. Italie romaine, cit., p. 207.
9 Cf. H. Lévv-BzuHL, Théorie de l'esclavage. Quelques problèmes de très ancien droit romain, Paris 1934, pp. 15-33; E. BENVENISTE, "Liber et liberi", Rev. ét. latines 14 (1936), pp. 51-58; In., "Le nom de l’esclave à Rome", Rev. ét. latines 10 (1932), p. 429; In., Le vocabulaire des institutions indo-européennes, I, Paris 1969, pp. 355-362.
199
un peuple qui revendiquait pour fondateurs des esclaves en rupture de ban venus se réfugier dans l’Asylum romuléen et qui soutenait l'origine servile de son sixième roi pouvait-il ne pas s'interroger sur la théorie de l’ "esclave par nature", s'il était vrai, comme ils le croyaient, que Servius Tullius libertatem
stabiliverat? * On peut discuter du nombre et de la facilité des affranchissement à Rome ?. On ne peut nier que, juridiquement, et sans doute dans une large mesure pratiquement, l'affranchissement était chose simple et banale, et que les liberti, même ‘parqués’ dans un ordo spécifique, jouissaient pourtant de
tous les droits civils des citoyens. Cette aisance avec laquelle l'esclave d'hier —
ou le fils de pérégrin —
pouvaient devenir cives, avec tous les droits
civils et, en principe, politiques ?, stupéfiait les Grecs ^, qui n'accordaient à leurs affranchis qu'un statut semblable ou analogue à celui des "étrangers résidents", des métèques . Comment, dés lors, s'étonner qu'à la suite de Chrysippe, Cicéron, puis Sénèque aient considéré l'esclave comme un perpetuus mercenarius, avec lequel le maître était lié par un contrat moral qui plaçait leurs rapports dans le chapitre de la justice? * Plus que l'affirmation répétée que les esclaves sont des hommes — qui n'avait en soi rien de nouveau —, est importante, pour l'évolution de la pensée romaine, la conséquence qui en est tirée: à savoir
qu’il faut les traiter
humainement”.
Philanthropie et évergétisme
grecs — ou plutót hellénistiques — trouvent dans la pensée stoicienne romaine un écho d'autant plus amplifié que les Romains savaient bien — et disaient — que, si l'on faisait le compte de ceux d'entre eux dont les ancétres étaient ingenui, on en trouverait bien peu!
À la suite de Platon, Sénèque
répète à l'infini: « Nous avons tous — ou presque — des ancêtres esclaves; dés lors, la condition actuelle de l'esclave, de l'homme libre ou du chevalier n'est qu'une condition sociale et cette condition n'est elle-méme que le fruit du hasard » *. Ne sous-estimons pas l'influence de ces professions de foi philosophiques: elles conduisirent, sous Néron, le sénat à refuser de sanction51 Acc., F. Praet., 40 R2.
32 Bonne position du problème dans NicoLer, Italie romaine, cit., pp. 218 ss. 33 Cf. NIiCOLET, Italie romaine, cit., pp. 219 ss.; 334 ss.; In., Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, Paris 1976, pp. 34ss.; 39; FINLEY, op. cit., pp. 129 ss.; BALSDON, op. cit., pp. 82-96;
Hopkins,
op. cit., pp. 115 ss.
3 Cf. Denys d'Halicarnasse, IV, 22; Appien, Bellum civile, II, 120; W. DiTTENBERGER, Sylloge Inscriptionum Graecarum, 3° ed., n° 543. 35 Cf. P. GAUTHIER, " 'Générosité' romaine et ‘avarice’ grecque", Mélanges Seston, Paris 1974, pp. 207-216, qui a tendance à minimiser la différence d’usages entre Grecs et Romains.
36 Cic., Off., I, 41; III, 89; Sen., Clem, I, 18, 1; Bex., III, 22, 1; cf. P. GrIMAL, Sénéque, ou la conscience de l'Empire, Paris 1979, pp. 181; 305; 438. 53 Cf, par ex., Sen, Ep., 47; Ira, VII, 32; III, 33s.; Vita beata,
24,
2;
Stat,
Sélv., II, 6; cf. J. M. Anpré, "L'esclavage sous Neron: statut juridique et condition réelle", Neronia 1977, Clermont-Ferrand 1982, pp. 13-22. 38 Cf.
Plat,
Theaet.,
174e-175a;
Sen.,
Ben.,
III,
28,
3;
Ep,
31,
11;
44,
3ss;
J. C. DuwoNT, "Guerre, paix et servitude dans les Captifs”, Latomus, 33 (1974), pp. 505-522.
200
ner les affranchis ingrats envers leurs patrons par la perte de leur liberté: de la liberté, on ne saurait régresser à la servitude et trop de capitaines et de magistrats romains venaient de l'ordo libertinus, à une ou plusieurs générations antérieures, pour que la condition d'affranchi püt être méprisée ou
rendue précaire ?. On saisit là un exemple privilégié d'influence directe des idées philosophiques sur l'évolution du droit. Prenons garde de ne pas induire, de l'ironie de Pétrone ou de la hargne de Tacite à l'égard des affranchis, à un état d'esprit général des Romains, quand tout indique que leur attitude était autre.
Cette relative “perméabilité” de l'esclavage à la citoyenneté romaine — estimée à un sur dix des esclaves ruraux, et à un sur trois des esclaves urbains,
au bout de trente ans * — n'avait pas seulement des conséquences politiques, philosophiques et juridiques sur la composition du populus romain; elle avait aussi des conséquences économiques et sociales. Au plus fort de l'expansion romaine (II-I* s. av. J.-C.), le prix moyen de l'esclave continua d'imposer un investissement financier non négligeable; en outre, la population servile, à cette époque, peut étre située dans une 'fourchette', oscillant entre 30 et 70% du corps social, ce qui signifie que, dans la période où le marché des esclaves fut le plus approvisionné, il y avait, soit un homme libre pour deux esclaves, soit deux hommes libres pour un esclave. 4. Par suite, la société romaine ne fut jamais, en dépit de quelques révoltes serviles survenues justement dans cette période, le "baril de poudre" * qu'étaient les colonies françaises des Iles au XVIIT* siècle. A la veille de la Révolution, il s'y trouvait, pour un homme libre, neuf esclaves! Encore, permi les hommes libres, faut-il compter, outre les Blancs, grands ou petits, les nègres et mulátres affranchis *. La seconde différence entre l'esclavage antique et l'esclavage moderne tient dans la facilité relative avec laquelle l'esclave antique, du moins à Rome,
pouvait étre affranchi, Une telle facilité ne se retrouve que dans les colonies espagnoles, qui, à la veille de la Révolution française, comptaient plus d'affranchis que d’esclaves, A la méme époque, on trouvait dans les colonies françaises un affranchi pour vingt esclaves. Ne parlons pas des colonies anglaises, où la proportion tombait à un pour soixante-cinq! La troisième différence consiste dans la véritable “métamorphose”9 juri-
9 4. # lettre 9
"Tac, Asn., XIII, 26ss.; cf. GRIMAL, op. cit., pp. 1815s. Ap. DUMONT, op. cit.; cf. NICOLET, Italie romaine, cit., p. 211. L'expression est du marquis de Rouvray (Archives Nationales, Col. C 9 b, carton 33, du 25.12.1785). Elle est reprise par R. CORNEVIN, Haiti, Paris 1982, p. 39. D'après les travaux de G. DEBIEN, sur une population totale d'environ 750000
habitants, il y avait à peu près: 650000 esclaves (86%), nègres ou mulâtres affranchis (4,4%). Cf. M. Devèze, Caraïbes de 1492 à 1789, Paris 1977, p. 282.
65000 blancs (8,6%) et 33000 Antilles, Guyane, la mer des
4 Le mot est de E. Levy, "Libertas und Civitas", Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Recbtsgeschichte-RA 78 (1961), pp. 142-172; cf. FiNLEY, op. cit., pp. 129 ss.
201
dique et sociale que connaît l'esclave romain une fois affranchi. Du jour au lendemain, l’objet du droit devenait sujet du droit; de res, il devenait civis,
et pas n'importe quel civis: civis Romanus, c'est-à-dire quelqu'un possédant, méme minimo jure, une qualité de libertas supérieure, par définition, à celle de l’indigène des provinces, à celle de l'allié de Rome et à celle de l'étranger libre *. Mais n'était-il pas objet de mépris de la part des ingenui? Assurément, il n'est pas difficile de trouver, chez Juvénal, Pétrone ou Tacite, des moqueries contre les affranchis: graeculi, “orientaux”, juifs, asiates, égyptiens 5... et, chez Horace, des réminiscences cuisantes de ces plaisanteries dont il fut victime enfant 5; mais qu'un Cicéron ait pu étre lui-méme traité de peregrinus ou de Romulus d'Arpinum "* donne la relativité de ces moqueries, que les Modernes ont un peu facilement tendance à interpréter, non sans anachronisme,
en terme de ‘racisme’. Et voilà en effet le grand mot lâché! Car, si l'on peut encore trouver d'autres différences — ne serait-ce que de traitement — entre esclave romain et esclave colonial, la principale différence réside dans le fait que, dans l'ensemble, « l'esclavage antique méditerranéen avait été un esclavage de blancs » * les Noirs esclaves étant restés, à l'exception des Nubiens dans l'Egypte pharaonique,
rares dans le personnel
servile.
Au
contraire, avec le développe-
ment, par les Arabes d'abord, par les Européens ensuite, de la traite des Noirs, la psychologie esclavagiste va identifier les termes de Noir, ou de Nègre, et d'esclave. Par la couleur de sa peau, par son aspect physique radicalement différents de ceux de l'homme blanc, voire de l'Indien, le Noir va porter, si l'on peut dire, l'esclavage sur son visage. Áu contraire, qu'une décision du sénat romain, restée d'ailleurs sans lendemain, ait exigé des esclaves qu'ils se distinguassent des hommes libres par leurs vêtements ? montre à l'évidence qu'en général, rien, ni dans la tenue, ni dans l'aspect physique, ne distinguait à Rome l'esclave de l'homme libre. Les conséquences de cette confusion entre race noire et condition servile
sont immenses. Non seulement l'esclave est immédiatement reconnu comme tel par son aspect physique, mais, méme affranchis, les Négres, contrairement à l’affranchi romain qui se fondait rapidement dans le melting pot de l'Empire, « conservaient un signe extérieur de leurs origines serviles dans la cou# Cf. and early Freibeit in 1884-1887, Liberalitas.
C. WirszuBSsKI, Libertas, as a political Idea at Rome during tbe late Republic Principate, Cambridge 1950, pp. 3-5; J. BLEICKEN, Staatliche Ordnung und der róm. Republik, Frankfort 1972; T. Mommsen, Róm. Staatsrecbt, Berlin III, pp. 65 ss.; HELLEGOUARC'H, op. cit., p. 565; A.U. SryLow, Libertas und Untersuchungen zur innenpolitischen Propaganda der Rümer, Thèse, Munich
1970, p. 18.
55 Ces textes ont été recensés par A.N. Durr, Freedmen in tbe Early Roman Empire, réimpr. Cambridge 1958. # C. HicHET, "Libertino patre natus", American Journal of Pbilology 94 (1973), pp. 268-281.
4 Cic., Att., I, 16, 30; Fam., VII, 24; Syl., 218s.; 25ss.; 48; Vat., 23; Sest., 109; 123; dom., 75; 94;
cf. Plut., Cic., 23, 2.
4 T. MEvER, Les Européens et les autres, de Cortès à Washington, Paris 1975, p. 206. 9 Sen., Clem., I, 24, 1.
202
leur de leur peau, même après de nombreuses générations, ce qui entraînait pour eux des conséquences négatives fort sérieuses sur les plans économique, social, politique et psychologique » . La seule exception relative est constituée par les colonies espagnoles, où le brassage des races allait de pair avec l’affranchissement libéral. Ce n'est pas un hasard si l'un des ouvrages fondamentaux sur les affranchis du Nouveau Monde s'intitule Neitber Slave nor
Free, et un autre Slaves without Masters". Alors que l'affranchi romain, grâce à son patronus, était intégré à la société des hommes
affranchi restait un 'marginal' Du
libres, le nègre
Blanc, il était inutile de préciser qu'il
était libre; du Noir, s'il était affranchi, il fallait préciser: “Nègre libre" ou "homme de couleur libre". Cette derniére expression, utilisée par Robespierre pour désigner l'ensemble des anciens esclaves affranchis ?, s'appliquait en propre aux produits plus ou moins mélés issus du croisement d'un Blanc et d'une Noire (l'inverse étant inimaginable). Ceux-ci formaient d'ailleurs la grande majorité des affranchis, comme si la part blanche de leur ascendance
les rendait plus aptes à la liberté. Mais, corrélativement, le fait que leur condition ait été, au départ, celle d'esclaves, bien que fils de leurs maîtres
— alors que la chose était rare dans l'Antiquité —, montre que leur origine noire les classait a priori dans la catégorie servile. Il vaut la peine de souligner les soigneuses distinctions établies entre les différents degrés de négritude, où, méme très minoritaire, la part de ‘sang noir’ demeurait le signe visible de la servitude. Les voici, énoncées par Victor Hugo dans Bug-Jargal : « M. Moreau de Saint-Méry *... a classé dans des espèces génétiques les différentes teintes que présentent les mélanges de la population de couleur. Il suppose que l'homme forme un tout de cent-vingt-huit parties, blanches chez les blancs, noires chez les noirs... D'après ce système, tout homme qui n'a point huit parties de blanc est réputé noir ... Marchant de cette couleur vers le blanc, on distingue neuf souches principales: ... le sacatra, le griffe, le marabout, le mulátre, le quarteron, le métis, le mameluco, le quarteronné,
le sang-mélé ». On caste
inférieure
ne s'étonnera que le "préjugé"
l'homme
de couleur
libre
qui,
aux
ait maintenu Antilles
dans une
françaises,
se
voyait interdire l'accés de nombreuses charges ou métiers, ou en était découragé: professions libérales, officier de milice, etc., tandis que l'affranchi romain, s'il ne pouvait devenir magistrat ni chevalier — encore peut-on trouver des exceptions à la règle —, n'avait aucune restriction quant à l'exercice d'un métier. 39 FiNLey, op. cit., p. 129. St D. W. CoueN & J.P. GREENE éd., Neither Slave nor Free: Tbe Freedman οἱ African Descent in tbe Slave Societies of tbe New World, Baltimore-Londres 1972; I. BERLIN, Slaves without Masters: tbe Free Negro in tbe Antebellum South, NewYork
1974.
2 Cf. supra n. 15. 53 V. Huco, Bug-Jargal, chap. IV, n. 2. 55 Auteur esclavagiste d'une Description
topographique,
civile,
politique
et bisto-
rique de la partie française de l'ile de Saint-Domingue, Philadelphie 1796, rééd. 1958.
203
5. Contrairement à ce qu’on dit couramment, il nous semble que le système esclavagiste moderne repose moins sur un sentiment de supériorité de la race blanche que sur la conviction que la race noire était faite pour l'esclavage. «Ce fut, paradoxalement, l'admirable croisade de Las Casas en faveur des Indiens qui fournit le prétexte humanitaire nécessaire. Importer des Noirs pour préserver les Indiens!... Pour protéger ses Indiens, Las Casas admettait la possibilité d'importer, puisqu'ils existaient, des escla-
ves noirs » δ. Or l'idée que des hommes puissent naturellement être voués à l'esclavage permet — l'aspect racial en plus —
à la pensée esclavagiste mo-
derne de rencontrer des théories antiques sur l'esclavage, et de s'en nourrir.
La théorie aristotélicienne de l'esclavage naturel, si elle n'avait pas de contenu racial, se fondait néanmoins expressément sur des critères psychiques et physiques pour reconnaítre, parmi les hommes, celui qui était esclave par nature: « Est en effet esclave par nature celui qui est apte à étre la chose d'un autre (et c'est pourquoi il l'est en effet), et qui a en partage la raison dans la mesure seulement où elle est impliquée dans la sensation, mais sans la posséder pleinement... Assurément, la nature tend à faire des corps d'esclaves différents de ceux des hommes libres. accordant aux uns la vigueur requise pour les gros travaux, et donnant aux autres la station droite et les rendant impropres aux besognes de ce genre, mais utilement adaptés à la vie de citoyen » *. Cette théorie, dont Aristote lui-même reconnait
qu'elle
ne
saurait
étre absolue,
constitue
la base
de
la théorie
esclavagiste des Planteurs: par leur robustesse naturelle, par leur adaptation aux climats chauds, par leur aptitude à se soumettre et à s'accommoder gaiement de leur condition servile, les Noirs constituent des ‘instruments humains”
parfaits pour l'exploitation des terres tropicales du Nouveau Monde. Si cette théorie est si souvent dénoncée par les philosophes, par l'abbé Raynal et,
d'une maniére générale, par les anti-esclavagistes, c'est parce qu'elle constituait l'argument de base économico-philosophique des colons ?', Etait-elle totalement étrangére aux Romains? Du point de vue physique, assurément; du point de vue moral, c'est autre chose. On peut trouver en effet des textes latins qui semblent indiquer qu'aux yeux des Romains, il y avait des peuples qui, sinon ethniquement *, du moins historiquement, semblaient 'nés pour l'esclavage': Juifs, Syriens, Phrygiens, Cariens, Lydiens, Mysiens, Mèdes, Cappadociens ?, — disons, en général, peuples asiatiques 9. 55 MEYER,
op. cit., p. 206.
56. Arist., Pol., I, 5, 1254 b 16ss. (c'est nous qui soulignons); cf. 1254 a 18. S Cf. H. DeEscHAMPs, Histoire de la Traite des Noirs de l'Antiquité à nos jours, Paris
1971, pp.
164-168.
5 Nous sommes sur ce point en désaccord 59 Cic, Prov. cons. 10; Flacc., 65; red. ad Ep. Mitbr., 1; Liv., XXXV, 49, 8; XXXVI, 17, 5; XIII, 34, 3. Plutôt que “barbares”, comme le pense La
distinction
est
bien,
différence de "nature"
204
comme
il le
dit,
avec FiNLEY, op. cit. p. 160. sen., 14; Phil., VI, 19; X, 20; Sall, XXXVII, 54, 24; Tac., ÁAn»., II, 4, 2; NicorrT,
"culturelle",
que de "degré" de culture.
Italie romaine mais
elle
est
cit, p. 208. plus
dans
une
Mais il faut linterférence Coclès traite les Etrusques
prendre garde de ne pas tomber à notre tour victimes de entre liberté personnelle et liberté civile. Lorsque Horatius les Etrusques de servitia regum superborum, veut-il dire que sont une race d'esclaves 'par nature'? Evidemment non! Ce
qu'il stigmatise, c'est leur soumission
politique à l'institution royale f.
Et c'est cette méme soumission politique à l'autorité d'un roi ou à la férule de l'étranger — y compris d'ailleurs celle de Rome — que stigmatisent la plupart des textes évoqués à l'appui du ‘racisme’ romain. Confrontés, lors de la conquéte, à une humanité soumise à des rois ou à des dominations étrangères, les Romains en ont fini par conclure qu'eux seuls étaient vraiment animés par la passion de la libertas, qu'eux seuls la possédaient pleinement, et donc qu'eux seuls en étaient vraiment dignes, puisqu'eux seuls ne pouvaient supporter la domination, dont les autres peuples s’accommodaient fort bien et qui, au fond, était souhaitable pour eux — surtout si cette domination était romaine! —; ils appliquérent ce raisonnement aux Grecs eux-mémes, pourtant inventeurs de la liberté, mais devenus incapables de la
gérer 9, Cette affirmation de la prédisposition naturelle de nombreux peuples à la servitude politique si l'on veut — puisqu'elle résulte relle ni ethnique. Elle justifie la — si l'on peut employer ce terme y ait parfois un certain flou dans
est, on le voit, idéologique, historique de la conquête —; elle n'est pas cultuconquête romaine, l'impérialisme romain —, non l'institution de l'esclavage. Qu'il la pensée et dans l'expression, nous l'ad-
mettons cependant volontiers, comme l'indice de cette interférence entre les
différentes acceptions du mot "liberté", C'est donc à Aristote, et à la pensée grecque, que les colons empruntaient la justification philosophique du 'préjugé', non à la pensée romaine. Ce qu'ils ont en revanche emprunté à Rome, c'est la justification de l'esclavage par le droit des gens: les Noirs achetés comme esclaves sont, disent-ils, des prisonniers de guerre faits par leurs propres fréres de race, ou des criminels de droit commun. A cette donnée de fait, s'ajoute souvent une considération ‘humanitaire’: s'il n'était pas acheté par les Blancs, « ce serait une cruauté pour l'Africain lui-méme,... que l'on sauve ainsi du massacre ou d'une servitude pire dans son propre pays »$. A cet argument, les philosophes avaient beau jeu de répliquer que ce sont les Européens qui, « avec un art infernal, sèment et entretiennent la division parmi ces peuples qui leur vendent des prisonniers de guerre » *. Cela n'empéchait point Linguet, dans sa Théorie des lois civiles, Paris 1767, de fonder l'esclavage sur le droit des gens, en se référant expressément aux juristes romains. Il n'est pas
improbable que le cri d'indignation qui conclut la description horrible faite par Voltaire de la condition
des esclaves dans
son Essai sur les Mœurs,
61 Liv., II, 10, 8; cf. II, 15, 3. € Cf. supra n. 2.
8 BoswELL, cité par DEVÈZE, op. cit., p. 372. € SAINT-LAMBERT, cité par DESCHAMPS, op. cif., p. 166; cf. p. 168.
205
écrit quelques années après, en 1772: « Après cela, nous osons parler du droit
des gens! », constitue une réplique à la théorie du juriste Linguet. La justification de l'esclavage par le droit divin, telle que la développe en 1764 le théologien Bellon de Saint-Quentin dans sa Dissertation sur la Traite des Négres, ne nous intéresserait pas ici si, en considérant l'esclavage comme une punition divine, ou comme une conséquence institutionnelle du péché originel, il ne reprenait peu ou prou les arguments avancés par les premiers Péres de l'Eglise pour, non pas justifier, mais expliquer théologiquement l'existence contemporaine de l'institution servile. À cet argument,
non seulement Voltaire répliquait dans Candide, dés 1759 — ce qui montre que l'argument était couramment utilisé avant d'étre mis en forme par SaintQuentin — que, «si nous sommes tous enfants d'Adam, blancs ou noirs... on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible » 5,
mais encore J. Millar apportait —
ouvrant ainsi un long débat —
une
pierre anti-cléricale, en jugeant nulle l'influence du christianisme dans la disparition de l'esclavage antique . Paradoxalement, cette thèse confortait
les esclavagistes: si la Rome chrétienne antique ne contestait pas la validité de cette institution,
celle-ci
n'était donc
pas, dans
son
principe,
contraire
aux principes du christianisme ‘?. Mais le principal apport de Rome à l'esclavagisme réside dans l'adapta-
tion qui fut faite du droit romain aux formes modernes de l'esclavage. La tradition du droit romain — rappelons-le — n'avait jamais été interrompue depuis l'Antiquité, gráce aux codes germaniques d'abord, puis à la faveur du renouveau pour son étude à la fin du Moyen-Age. Aussi textes antiques et commentaires
modernes —
à commencer,
en France, par celui du grand
juriste J. Cujas — ne manquaient-ils pas lorsque Colbert, s'inspirant très directement du droit romain, écrivit et promulgua, en 1685, le Code Noir”. L'esclave y est défini comme un "bien mobilier", sans personnalité juridique; il ne peut pas témoigner en justice, peut être vendu quasiment sans restriction — sauf quelques dispositions particuliéres en cas de saisie de la plan-
tation —, et sa fuite — le "marronage" — est plus durement sanctionnée, notamment
par des mutilations,
que dans
le droit romain.
En
outre,
si le
Code Noir reprenait quelques dispositions du droit romain relatifs à l'obligation faite au maître de traiter convenablement ses esclaves, autorisés dans
le cas contraire à se plaindre — autorités
(art. 22,
23
mais en avaient-ils les moyens?
et 42), il aggravait
en
revanche
—
aux
sa condition,
par
rapport à celle de l'esclave romain, sur deux points essentiels: ne pouvait ni représenter son maître ni posséder en propre
1) l'esclave aucun bien
$5 VovrAIRE, Candide, ou De l'Optimisme, chap. 19. € J. Mira, Observations concerning tbe distinctions of Ranks in Society, Dublin 1771 (trad. française: Observations sur les commencements de la Société, Amsterdam 1773). 67 Cet argument sera encore puissamment développé dans l'ouvrage de A. T. BLEDSOE, An
Essay on Liberty and Slavery, 1856, réimpr. Frecport-New York 1971, pp. 138-225. ® Cf. R.P. JaMESON, Montesquieu et l'esclavage, Paris 1911, réimpr. New York
1941, pp. 82-103; C. A. JULIEN, Les Français en Amérique, de 1713 à 1789, Paris 1977, pp.
206
128 ss.; DEVÈZE,
op. cit., pp. 190ss.;
FINLEY, op. cit., p. 23.
— donc aucun pécule, ce qui faisait disparaître ipso rante d'affranchissement —; 2) l'esclave ne pouvait vingt ans de servitude sans marronage aucun ou s’il (art. 56), ce qui supprimait totalement toute forme ment. Pis encore:
facto cette forme couêtre affranchi qu'après héritait de son maître publique d'affranchisse-
à partir de 1713, l'affranchissement privé — le seul encore
possible — sera soumis à l'autorisation écrite du Gouverneur ou de l'Intendant de la colonie 9. Ces limitations considérables apportées à l'affranchissement, par rapport au droit romain, s'expliquent évidemment par le 'préjugé de couleur' et expliquent le petit nombre de noirs libres et la condition inférieure oü ils sont maintenus par rapport aux blancs, méme si, à leur tour, la loi les autorise à posséder des esclaves ?. Peu à peu pourtant, la condition de ces noirs libres devint meilleure que celle des petits blancs, en général descendants des "engagés", appelés aussi
"trente-six mois", parce qu'ils s'engageaient, à leur départ d'Europe, à servir les colons pendant trois ans consécutifs ". Ces "engagés" ressuscitèrent littéralement, en plein XVII* siècle, l'esclavage volontaire romain, par lequel un homme libre pouvait devenir gladiateur 2, se vendre et être vendu (awctoratio
et addictio).
Leur
condition
était
tout
à fait
semblable
à celle
de
l'esclave noir, sinon qu'elle était temporaire et, à l'issue de l'engagement, rémunérée par une prime et par le droit théorique de rentrer en France; mais
cette disposition
se retournait
en fait contre eux, car leurs
maîtres,
soucieux de rentabiliser et d'exploiter à fond les engagés, les traitaient plus durement que les esclaves noirs, qu'on avait souvent intérét à faire durer. Les plaintes, qui parsèment les textes antiques, sur la dureté de traitement infligé aux esclaves pour dettes sont, pour la méme raison, tout à fait vraisemblables. En revanche, peut-étre n'a-t-on pas assez souligné que les ordonnances du 3 décembre 1784 et du 23 décembre 1785, qui, en droit du moins, renforçaient
considérablement
la protection
des
esclaves
contre
l'arbitraire
des maîtres et des gérants, frappant ceux-ci d'amendes, d'infamie et menaçant méme de leur retirer la possession de leurs esclaves, voire de les condamner à mort s'ils les accablaient de mauvais traitements injustifiés, s'ils les mutilaient ou s'ils les faisaient périr délibérément ? s'inspiraient, elles aussi, mais
en sens inverse, très directement des dispositions romaines du jus servorum "^. Et il est tout à fait révélateur de la force et de l'importance des juristes aux € Archives Nouvelles Colonies, 8 A 18. ® Cf, E. Havor, "Les gens de couleur libres du Fort Royal (1679-1823)", Revue d'Histoire d'Outre-Mer 56 (1969), pp. 1-32. 71 Cf. G. DEBIEN, La société coloniale aux XVII* et XVIII* siècles, I. Les Engagés pour les Antilles 1634-1715, Paris 1952; Ip., Les petits blancs des Iles, 1959 et 1967; DEVEZE,
op. cit., pp. 184 ss.
7? Inscriptiones Latinae Liberae Rei Publicae, par A. Decrassi,
II, Florence 1963,
n. 662.
73 Titre 6, art. 2 & 50 M, G 1). 14 Cf. Gaius, I, 52.
3 de l'ordonnance
du 23.12.1785
(Archives
Nationales,
Col.
207
colonies ? que la réplique de ces “magistrats-colons” ait été: « En substance, cet édit porte atteinte aux droits de la propriété et met le poignard dans la main des esclaves » *, Le premier argument se réfère expressément à la conception, commune au droit romain et au Code Noir, de l’esclave-res, “bien meuble". Le second exprime
la crainte de la subversion,
de la révolte des esclaves,
— crainte réelle, bien qu'aucun mouvement d'envergure n'ait encore eu lieu aux colonies. Or une telle crainte, sauf au moment des grandes révoltes serviles des II° et I” siècles av. 7.6. 7, est généralement absente de la mentalité romaine, probablement parce que — nous l'avons vu — le rapport numérique entre hommes libres et esclaves n'était pas aussi écrasant que dans les colonies modernes, et parce que, en partie gráce aux relatives facilités d'affranchissement et par l'absence de stigmates génétiques de la condition servile, « la grande majorité des esclaves de l'Antiquité
s'accommodérent
tant bien que
mal de leur condition, que ce soit passivement... ou positivement, ou, peut-
être le plus souvent, par un mélange de ces deux attitudes » ". Il n'en était pas de méme
dans
les colonies
contre la métropole
avait donné
frangaises,
l'occasion
oü la révolte
blanche
au "parti colon"
de
1769
de souligner
la nécessité de maintenir méme les gens de couleur libres dans une caste inférieure, car « toute distinction (pour eux) serait le signal de la désobéissance des esclaves qui perdraient aussitót le respect qu'ils ont pour le nom de Blanc... » ”. Si bien que, malgré le plaidoyer — bien écouté — du mulátre Raimond à la cour de Louis XVI en 1785, les timides essais, encouragés par l'Etat métropolitain, vers une plus grande facilité d'affranchissement n'aboutirent à une modification sensible ni du nombre des affranchis, ni de la condition respective des esclaves et des "Libres" à la veille de la Révolution française δ΄, 75 Cf. FROSTIN, op. cit., p. 355. % Cité par G. DEBIEN, “Soucis d'un officier colonial (St-Domingue), 1784-5", Revue d'Histoire de l'Amérique française (1964), p. 270; cf. In., Les esclaves aux Antilles françaises, (XVII*-XVIII* pp. 371 ss.; 405 ss.
siècles),
Fort-de-France
1974,
pp.
485ss.;
FROSTIN,
op.
cit.
T Encore est-ce le plus souvent moins le péril servile en lui-même qui est craint que l'utilisation militaire des esclaves par les agitateurs politiques: cf., in Actes du colloque sur l'esclavage, Nieborów 2-6.XII.1975, Warszawa 1979, la communication de F. Favory, pp. 125-170; F. Favory, "Clodius et le péril servile: fonction du thème servile dans le discours polémique cicéronien", Index - Quaderni camerti di studi romanistici 8 (1978-79), pp. 173-205; L. Havas, "Le mouvement de Catilina et les esclaves", Acta classica Universitatis scientiarum | Debreceniensis 10-11 (1974-75), pp. 21-29; E.S. GRUEN, The Last Generation of the Roman Republic, Berkeley-Los Angeles 1974, pp. 428 ss.; E. M. SrAERMAN, Die Blütezeit der Sklavenwirtschaft in der
rom. Republik, Wiesbaden 1969, pp. 244 ss.; N. ROULAND, Les esclaves en temps de guerre, Bruxelles 1973, II* Partie. 18 FINLEY, op. cit., p. 155.
7? Moreau DE SAINT-MÉRY, op. cit. (n. 54), IV, p. 811; cf. FROSTIN, op. cit., p. 308; DEVÈZE,
op. cit., p. 293.
9 Cf. V. J. TARRADE, "L'administration coloniale en France à la fin de l'Ancien Régime: Projets de réforme", Rev. bistorique 229 (1963), p. 103. *! Cf. G. DEBIEN, Esclaves aux Antilles, cit., pp. 492 ss.
208
6. En face, où se recrutaient, et sur quels arguments se fondaient, dans le demi-siècle qui précéda la Révolution, les anti-esclavagistes, ou les abolitionnistes?
Il paraît évident de répondre: chez les philosophes, et avec des arguments humanitaires. En fait, les choses ne sont pas si simples, d'une part parce que la condamnation de l'esclavage dans la pensée des Lumières n'est pas aussi générale ni aussi nette qu'on pourrait le croire 9, d'autre part parce que, de ce bord aussi, la référence à Rome n'est pas absente du débat. A la fois juriste et philosophe, Montesquieu constitue de ce double point de vue un cas particuliérement intéressant. L'ambiguité de son attitude à l'égard de l'esclavage a été maintes fois soulignée 9. Ce qu'on a moins vu, c'est que cette ambiguité — du moins en partie — provient de ce que, juriste, économiste et philosophe de l'histoire, il était tiraillé entre, d'une part, les sentiments humanitaires de son temps et, d'autre part, la cohérence
rationnelle des théories antiques sur l'esclavage, où les esclavagistes puisaient sources et arguments, et des justifications économiques et ‘physiocratiques’ avancées par ces mémes esclavagistes. Ce n'est pas un hasard si le terme latin de colonie fut donné aux établissements du Nouveau Monde. Certes, on n'en finirait pas d'établir la liste des différences entre colonies romaines et colonies modernes, mais elles ont en commun un trait fondamental: de méme que les colonies romaines étaient « des morceaux de Rome hors du territoire romain » *, à l'inverse des colonies
grecques qui, méme quand elles conservaient des liens privilégiés et parfois
fort étroits avec leur métropole,
"s'appartenaient"
politique indépendante, de méme,
les colonies
et vivaient une vie
modernes
la dépendance étroite de la métropole européenne
demeuraient
sous
et furent conçues, dès le
XVII' siècle au moins, comme des colonies de peuplement *. Si bien que ce qu'on appelle improprement 1' 'anticolonialisme' de Montesquieu n'est en
fait que la condamnation de ces colonies de peuplement, fondée sur deux raisons: 1) l'affreux exemple espagnol" montre qu'elles conduisent au génocide des populations indigènes *; 2) en vertu de la théorie des climats —
d'où la pensée aristotélicienne n'est d'ailleurs pas absente —,
les colons
blancs ne peuvent que végéter et dépérir dans ces climats auxquels ils ne
U Cf. D.B. Davis, The problem of Slavery in Western Culture, Ithaca. 1966, chap. 13-14; JAMESON, op. cit; E.D. SEEBER, Anti-Slavery Opinion during tbe Second Half of tbe Eigbteentb Century, Baltimore 1937; M. Ducuzr, Anthropologie et histoire au Siècle des Lumières, Paris 1971, pp. 137-193. 8 Cf. JAMESON, op. cit.; FINLEY, op. cit., p. 25; M. Craton, J. WaLvin, D. WrIGHT, Slavery, Abolition and Emancipation. Black Slaves and tbe British Empire, Londres. New-York 1976, pp. 196 ss. % NiCOLET,
Métier de citoyen, cit., p. 84.
#5 Gell, XVI, 13. *6 Cf. DEVÈZE, op. cit., pp. 177; 189; #7 Sur l’anti-hispanisme de Montesquieu, Littéraire, 9 aoüt
cf. l'article
de
P.
Maumiac,
in Figaro
1959.
5 Cf, par ex., MONTESQUIEU, Mes Pensées, 207 (1573).
209
sont pas adaptés ". Ce second argument, écologico-démographique, reprend une vieille thèse née au XVII* siècle, passablement fausse d'ailleurs, qu'illustra au XVIII* siècle Boulainvilliers 9. On voit que dans cette condamnation il n'est pas question du probléme de l'esclavage; Montesquieu n'est méme pas hostile aux colonies, il défend une conception qu'on pourrait appeler phénicienne: celle de colonies conçues comme des comptoirs commerciaux. Aussi ne saurait-on s'étonner d'entendre Montesquieu vanter « nos colonies des îles Antilles... admirables (qui) ont des objets de commerce que nous n'avons ni ne pouvons avoir ». Et de poursuivre: « Enfin la navigation d'Afrique devint nécessaire; elle fournissait des hommes pour le travail des
mines et des terres de l'Amérique » ?. Peupler les colonies de blancs, non; de noirs, pourquoi pas? Cette justification de l'esclavage et de la traite par les nécessités du commerce n'est pas propre
à Montesquieu et elle se fonde
sur la réalité économique d'une balance maintenue favorable gráce aux apports de la traite et des produits coloniaux ?, Aussi bien certains physiocrates, à l'appui de la thèse anti-esclavagiste, tentèrent-ils, au XVIII* siècle, suivis par certains philosophes, comme Voltaire, de nier cette prospérité venue des colonies, avec des analyses d'une extrême faiblesse ?. En bon économiste, Montesquieu ne donne pas dans le panneau et, adaptant à sa
théorie des climats le vieux principe aristotélicien de l'esclave « adapté physiquement au travail », il reconnait que «si l'esclavage est contre la nature, ... dans certains pays, il est fondé sur la raison naturelle », notamment
dans les colonies, où « la chaleur énerve les corps » et où seuls les Africains
sont adaptés à de tels climats *. Cela ne l'empéche pas, dans
le méme
livre de l’Esprit des Lois, de
stigmatiser avec une ironie féroce traite des noirs et esclavage et, renvoyant
aux esclavagistes leur argument, de souligner combien l'accumulation d'esclaves aux colonies peut étre dangereuse. Toujours au livre XV, la condamnation se fonde enfin sur un dernier argument: l'esclavage ne corrompt pas seulement l'esclave, mais aussi le maître. Souvent repris aprés Montesquieu, cet argument apparait pour la première fois chez lui dans ses réflexions sur Rome,
où la généralisation du travail servile est dénoncée comme
l'une des
causes de la décadence morale de l'Empire romain *. Il y a donc chez Montesquieu une condamnation théorique de l'esclavage, la reconnaissance de son caractére "contre nature", mais cette condamnation est "avec sursis" *, tout comme les juristes romains, en méme temps qu'ils déclaraient l'esclavage anti-naturel, ne remettaient pas en cause son existence. 99 Cf, par ex., MONTESQUIEU, 9) BoULAINVILLIERS,
Lettres Persanes, CXXI.
Intérêts de la France mal entendus dans les branches de l'agri-
culture, de la population, des finances, du commerce, de la marine, de l'industrie, 1754. 91 Esprit des Lois, XXI, 21.
9? Cf. DESCHAMPS, op. cit., pp. 312 ss. 9 Cf.
BoULAINVILLIERS;
F. QUESNAY,
Tableau
économique,
9* Esprit des Lois, XV. 95 Considérations sur la grandeur..., notamment chap. III. 96 DESCHAMPS,
210
op. cit., p. 164.
1758.
Aussi bien dans sa condamnation que dans son sursis accordé à une institution jugée nécessaire aux colonies, Montesquieu garde présents à l'esprit le droit et les institutions romaines. Cependant, une fois reconnues toutes les nuances de sa réflexion sur l'esclavage, restent ces deux déclarations qui, en quelques lignes, passent du
droit à l'idéologie:
«Les Romains admettaient trois manières d'établir la
servitude, toutes aussi injustes les unes que les autres » et « La guerre de Spartacus était la plus légitime qui ait jamais été entreprise » 7. Ces lignes, écrites à l'époque des Lettres Persanes portent en germe la radicalisation de son opposition à l'esclavage, sensible à la fin de sa vie dans le chap. 9 du l. XV de l’Esprit des Lois, rajouté dans l'édition posthume de 1757. Si donc la référence à Rome, dans la pensée de Montesquieu, semble bien avoir joué quelque róle dans le caractére nuancé de son jugement sur l'esclavage,
il est notable,
à l'inverse,
que
les philosophes
les plus
violemment
anti-esclavagistes, de Jaucourt, d'Holbach, Diderot, ne font presque jamais référence à l'Antiquité, ne serait-ce que pour condamner l'esclavage antique;
seu] l'esclavage moderne les intéresse, Voltaire fait parfois exception, mais c'est que lui aussi s'essaie à être philosophe
de l'histoire;
or, de manière
révélatrice, sa position sur l'esclavage, pour étre négative, n'en est pas moins elle aussi ambigue. Les autres, faisant référence plutôt à l'homme abstrait de Descartes qu'à l'homme inséré dans la géographie et dans l'histoire, n'avaient pas besoin d'aller jusqu'à Rome pour trouver exemples et arguments dans leur croisade contre l'esclavage. 7. Le débat va rebondir avec la Révolution française, Avec le décalage dû aux transmissions des nouvelles par voie maritime, les événements de l'été 1789 marquérent, dans les colonies frangaises du Nouveau
Monde,
un tour-
nant considérable. Les esprits ‘éclairés’ ne manquaient pas parmi les colons blancs, dont la plupart étaient allés faire leurs études en France et, dés que les nouvelles du grand mouvement qui s'amorgait parvinrent aux colonies, on
s'y mit à "singer la France" *. Les colons en profitérent pour reprendre vigoureusement leur vieille revendication de liberté, comprise au sens d'indépendance à l'égard de la métropole; au nom de celle-ci, de nombreux troubles et soulévements, menés par les blancs des Antilles, avaient agité les colonies au XVIII: siècle, bientôt renforcés par l'exemple américain, méme si celui-ci génait l'anglophilie largement répandue chez les colons français ?. Cette revendication rejoignait toute une remise en cause des colonies, qui se développait en Europe depuis 1750 et qui, se fondant sur des arguments démographiques et économiques plus que moraux, concluaient à la nécessité politique, inéluctable à plus ou moins brève échéance, de couper le cordon
N Mes Pensées,
95 Expression 99 Sur
cette
174 (1935).
d'un colon, citée par FROSTIN, revendication,
l'ouvrage
op. cit., p. 378.
fondamental
est
celui
de
FRosTIN,
qui
a in-
tégré les travaux de G. DEBIEN et de J. TkAMOND (cf. sa bibliographie, p. 26 ss.).
211
ombilical
entre
l'Europe
et
ses
colonies ®.
Aussi
temps, ils purent espérer avoir gain de cause:
bien,
dans
méme
article:
de l'ancien
premier
Brissot, l' "Ami des Noirs",
ne souhaitait-il pas, en octobre 1789, voir le gouvernement
principes despotiques
un
« abandonner les
régime »? Ne proclamait-il pas, dans
« Il est dans la nature des choses que l'Amérique,
le
libre, de-
vienne la protectrice de toutes les iles à sucre, qui sont dans son voisinage;... les Américains, libres, leur rendront la liberté politique... Qui doute qu'alors ils ne secouent le joug de l'habitude pour devenir libres? Nos Planteurs... seraient bien vils, s'ils n'avaient pas (de pareils sentiments);... car l'homme doit tendre constamment vers la liberté »? !" Mais ils durent bien vite déchanter quand fut proclamée la République "une et indivisible": il ne pouvait étre question d'abandonner la moindre parcelle du territoire national — d'autant moins qu'en l'occurrence c'eüt été en faire cadeau aux Anglais! De Brissot à Saint-Just et à Barrére, tous les révolutionnaires frangais tombérent d'accord sur ce point, y compris Robespierre, qu'on a voulu parfois présenter comme un ‘anti-colonialiste’ sur la foi de son fameux « Périssent les colonies... » , soigneusement, pour l'occasion, détaché de son contexte ''*. Dès lors, la Révolution se retrouvait avec, sur les bras, le problème des Noirs des colonies. Car, dans le mouvement qui commença en 1789, chacun, aux colonies, crut y trouver son compte, Non seulement les Planteurs, mais
aussi les petits blancs qui, abhorrant les Planteurs autant qu'ils méprisaient les nègres, se sentiront les frères des sans-culottes parisiens — en vérité, socialement, ils l'étaient — et, par les désordres qu'ils provoquérent, con-
tribuèrent à faire sombrer Saint-Domingue dans le chaos insurrectionnel !* Les
Noirs
aussi,
bientót,
vont
revendiquer
une
liberté
qui,
pour
eux,
ne
signifiait ni indépendance du territoire, ni libération sociale, mais arrachement des chaînes de l'esclavage. Aux colonies, durant la période révolutionnaire,
l'interférence entre les différentes acceptions du mot liberté fut à son comble et, à Haiti du moins, elles finirent par se confondre. Pour mieux comprendre à quel point le probléme des droits civiques des Noirs — au-delà des intéréts politique, économique, stratégique, etc. qu'avait le gouvernement révolutionnaire de conserver à la France ses colonies — embarrassait les révolutionnaires frangais, il convient de rappeler les deux premiers articles de la fameuse Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen — le rapprochement des deux termes est significatif —, faite le 18 aoüt 1789:
Art. 1: « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits;
les distinctions sociales ne peuvent étre fondées que sur l'utilité commune ». 10 Bon résumé de la question dans MEYER, op. cit., pp. 303 ss. 101 Buissor,
Le Patriote français,
84, 31
octobre
1789.
10 RoBESPIERRE, Discours à la Constituante, 12 mai 1791. 10 Cf. les jugements trés nuancés de MEYER, op. cit. p. 307 "Colonialisme
et
anticolonialisne
au
temps
de
Robespierre",
La
et de J. BrUHAT, Pensée
100
(nov.
déc. 1961), pp. 43-56. 1% Cf. Mc INrosH & WEBER, Une correspondance familiale au temps des troubles de St-Domingue (1791-1796), Larose 1959.
212
Art. 2: « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme; ces droits sont la liberté, la propriété, la süreté et la résistance à l'oppression ». Prudemment, le juriste romain, en affirmant la liberté de droit de tous les hommes — mais non leur égalité, notion étrangére à l'esprit romain —, mettait l'imparfait: «iure naturali omnes liberi nascerentur » . L'esclavage pouvait ainsi trouver, juridiquement, sa justification première dans l'évolution de l'homme et de ses institutions. Dès lors que 1789 officialisait au présent cette idée couramment répandue depuis un demisiècle au moins, il ne pouvait plus y avoir de base juridique à l'institution esclavagiste... à moins de la considérer comme une “distinction sociale... fondée sur l'utilité commune". En outre, en affirmant, dans la lignée du droit romain "5 — mais en allant plus loin que lui —, que la propriété et la süreté étaient "des droits naturels et imprescriptibles", et, dans la ligne
de la philosophie politique transmise des Grecs aux Romains", du citoyen — étendu à tout homme — à la l'oppression, la Révolution donnait aux deux blancs et esclaves noirs, des armes redoutables, l'usage, juridique ou sanglant. Sous la double pression contradictoire des dans le club Massiac 5, et de la Société des
le droit
liberté et à la résistance à parties en présence: colons dont ils allaient bientót faire Planteurs, regroupés bientót Amis des Noirs, fondée en
1788, les choses vont évoluer, mais avec une extréme lenteur. D'abord, dans
la plus complète illégalité, les Planteurs vont désigner des délégués aux Etats Généraux, malgré l'interdiction du Ministre, et sur la base de la popu-
lation totale des colonies, blancs et noirs —
pour une fois — confondus.
Dans sa "Note sur l'Admission des Planteurs” 9, Brissot, tout en faisant droit à leur requéte d'étre représentés, dénoncera la surreprésentation des Planteurs, obtenue par la fiction consistant à « élever les Africains... au niveau d'hommes libres... pour un moment ». Le 4 juillet 1789, l'Assemblée accepta le principe de la représentation des Planteurs, mais exigera que celle-ci ne se fonde que sur la population blanche des colonies, excluant donc toute représentation des Noirs. L'injonction de Brissot, demandant aux Planteurs, s'ils prétendaient représenter aussi les Noirs, de « reconnaitre publiquement: que tous les hommes sont nés libres et égaux en droits, que les Noirs sont les fréres des Blancs; qu'ils ont les mémes droits », était évidemment un vœu pieux. ou une manifestation d'ironie. Plus intéressant est le soin avec lequel Brissot soulignait, dans cette méme "Note", que, « pour leur (aux 18 Ulpien, D. I, 1, 4; cf. Inst. T, 2, 2.
1% Depuis la familia pecuniaque de la Loi des XII Tables jusqu'à la piena in re potestas du Code Justinien. 107 Arist., Pol., II, 7, 1267a 12 ss.; Polyb. II 56, 15; Cic., Leg., III, 6; 17; 19; 27. 18 Cf, G. DEBIEN,
Massiac,
Paris
(1780-90)",
Rev.
1953; Hist.
Les
In.
colons
"Gens
Amér.
de St-Domingue
de couleur
française,
19 Reproduite in J. GopEcHOT, pp. 148-155.
et la Révolution.
libres
4 (1950),
pp.
et colons
devant
Essai
sur le club
la Constituante
211-222.
La Pensée révolutionnaire
(1780-1799), Paris 1964,
213
Noirs) restituer ces droits », il faudrait « concilier toutefois cette restitution,
et avec la propriété des Planteurs, et avec les ménagements qu'ordonne la débilité physique et mentale, aggravée chez les Noirs par une tyrannie de trois
siècles », Plus
loin, il reviendra
sur ce souci
de «ne
pas
leur
(aux
Planteurs) faire perdre leur propriété » et, si l'on en vient à « restituer graduellement leurs droits aux Noirs », de « diriger, avec toute la prudence possible, cette grande opération ». Bientót, devant les attaques dont était l'objet, de la part du club Massiac, la Société des Amis des Noirs, soupçonnée
d'étre la "courroie de transmission" de la Société anglaise et d'étre d'intelligence avec l'Anglais pour fomenter des troubles aux colonies, Brissot, s'in-
surgeant contre la calomnie selon laquelle «l'objet de la Société est de détruire tout d'un coup l'esclavage, ce qui ruinerait les colonies », précise
que ses amis et lui « ne demandent que l'abolition de la Traite des Noirs, parce qu'il en résultera les leurs. Non seulement ce moment l'abolition de sée. Les Noirs ne sont pas
infailliblement que les Planteurs... traiteront mieux la Société des Amis des Noirs ne sollicite point en l'esclavage, mais elle serait affligée qu'elle füt propoencore mûrs pour la liberté; il faut les y préparer » !!°.
En somme, fondamentalement, la position de Brissot n'est pas différente
de celle de Montesquieu: condamnation de l'esclavage, avec sursis. La différence se situe dans l'appréciation de ce sursis, justifié chez Montesquieu par des raisons économiques, imposé pour Brissot par le nécessaire et long ap-
prentissage de la liberté; notons cependant que cette position se fonde sur une conception de la liberté, "régne de la vertu" et le plus exigeant des régimes, qui est justement celle de Montesquieu, Mais, au-delà de Montesquieu — qui s'en est inspiré —, cette idée que la liberté "se mérite", s'apprend, doit étre octroyée prudemment et par degrés, et que l'affranchissement de l'esclave ne doit pas léser le maître, cette idée est spécifiquement romaine. Álors que, pour les Grecs, la liberté ne se divise pas, qu'elle est un
tout
absolu,
qui
ne souffre
ni remise
ni limitation,
à Rome,
toute
la
panoplie hiérarchique du droit de cité, avec ses multiples degrés collectifs ou individuels — civitas sine suffragio, imminuto jure, de droit latin, etc. —
aboutissant à la civitas optimo jure, reléve de la conception
d'une liberté
"débitée en tranches" dont on possède plus ou moins de parts et qui exige une maturation progressive de qui veut en étre digne. Sous l'angle de la liberté politique, cette conception est magnifiquement exprimée au début du I. II de Tite-Live: « … il est incontestable que... Brutus... aurait fait le malheur de Rome en se passionnant prématurément pour la liberté et en arrachant le pouvoir à l'un des rois précédents... Cet Etat encore dans l'enfance eût été anéanti par la discorde. Mais, dans la tiède atmosphère d'un pouvoir calme et modéré, il puisa assez de sève pour pouvoir produire dans toute la maturité de sa force les heureux fruits de la liberté » !!!. Le 8 mars 1790, un grand débat agita l'Assemblée Nationale sur le statut des colonies. Ni la traite — que Mirabeau voulait faire abolir par une motion 110 Bnrssor, Le Patriote francais, 24, 24 août 1789. 11 Liv., II, 1, 3-6 (trad. G. BArLrgr, Belles-Lettres, Paris
214
1962).
qu'il ne put déposer "2, ni le régime de l'Exclusif ne furent remis en cause. Aux revendications des Amis des Noirs et des hommes de couleur libres,
l'Assemblée accorda seulement que les "Libres" participassent aux assemblées primaires et, le 28 mars, qu'ils pussent occuper dans l'administration des postes en fonction de leurs capacités. C'était la stricte application de l'art. 6 de la Déclaration à des hommes libres jusqu'alors cantonnés dans des métiers subalternes, essentiellement artisanaux. Le décret du 8 mars affirmait bien que les colonies étaient partie intégrante du territoire français, mais la nouvelle Constitution du Royaume ne s'appliquait pas à elles, car elle comportait « des lois qui pourraient être incompatibles avec leurs convenances locales et particulières » ! — manière pudique de désigner l'esclavage et la traite. Les grands Blancs exultent !“. Cependant, par prudence, et comme ce décret, si timoré füt-il, avait provoqué à Saint-Domingue des troubles chez les "Libres", menés par deux mulátres, Ogé et Chavannes, «le club Massiac avait demandé aux chambres de commerce des ports de l'Ouest d'interdire le retour aux colonies des hommes de couleur susceptibles... d'y introduire les germes de subversion... » !5. Approuvant cette mesure, un négociant bordelais, Bapst, était d'avis d'aller au-delà et de « démontrer de suite (sic) à l'Assemblée
Nationale les inconvénients
qui pour-
raient résulter de l'affranchissement des nègres.. Les idées générales sur la liberté de l'homme ne peuvent s'étendre sur eux sans le plus grand danger... »; le temps presse, dit-il, car les députés « pourraient bien ne pas apercevoir tous les maux que la liberté des négres occasionnerait et, séduits par l'idée
du bien, occasionnerait (sic) beaucoup de mal » 5, Si la crainte de la subversion s'aggrave de mois en mois aux colonies, toute atteinte au "préjugé" comme au "droit de propriété du maître sur l'esclave" "7 obsède tellement les Blancs que l'Assemblée générale de Saint-Marc, par ses décrets du 24 avril et du 25 mai
1790, interdit tout affranchissement à l'avenir et refuse
la qualité de citoyen actif à quiconque épouserait une femme de couleur "δ, Cet apartbeid est sans précédent dans une colonie frangaise:
si les mariages
interraciaux n'y étaient pas bien vus, ils n'avaient jamais été pénalisés. En réplique, la fureur des "Libres" se déchaîna et leurs bandes armées commencèrent à battre les quartiers. C'est dans cette atmosphère tendue que tomba le décret de la Constituante du 15 mai 1791 accordant les droits de citoyens actifs « aux gens de couleur nés de père et de mère libres », ce qui représentait. environ 5% de l’ef-
12 Bibl,
Arbaud
(Aix-en-Prov.),
Fonds
Mirabeau,
dossier
102.
13 Cf. H. BLET, Histoire de la Colonisation française, Grenoble 1964, II, p. 11. 14 Cf. P. Leon, Les Doile et les Raby..., Paris 1963, pp. 138 ss.; F. THÉSÉE, Marchands dauphinois et colons de St-Domingue..., Paris 1972, p. 126. US THÉSÉE, op. cit., p. 127. H6 Archives Départementales, Gironde, 7 B 1999, Bordeaux, 15 septembre 1790. 17 Cf. GARRAN-COULON, Rapport sur les troubles de St-Domingue..., Paris, An VAn VII, t. 2, pp. 2627. 15 Cf. FROSTIN, op. cit., p. 381.
215
fectif "5. Encore ceux-ci ne pourraient-ils siéger que dans les Assemblées coloniales, non en métropole. L'institution de l'esclavage restait inchangée, le droit de propriété respecté et l'on pouvait se rassurer, comme Bapst, en considérant « dans le parti que prend l'Assemblée Nationale celui qui admet
le moins de gens de couleur au titre de citoyen » '?. Ce point de vue strictement juridique méconnaissait la tension qui régnait dans les Iles. Un Blanc de Saint-Domingue, à cette date, analyse ainsi la situation: « Tous les gens de couleur que cette loi excepterait de l'activité — et ils seraient en très grand nombre — ne manqueraient pas de hair et de faire la guerre aux autres... (De plus), de vingt-cinq blancs des colonies, à peine s'il s'en trouve huit à dix de citoyens actifs...» , On voit où le bát blesse: ce ne sont pas seulement les "Libres" de couleur exceptés par la loi qui sont exaspérés; ce sont aussi les petits blancs, citoyens passifs, qui ne supportent pas plus que les Planteurs — encore moins peut-étre — l'idée de voir des Noirs siéger dans des Assemblées d’où ils seraient eux-mêmes exclus, car, libre ou non, un nègre reste un nègre, et la seule supériorité des petits blancs sur les nàgres libres réside dans la couleur de leur peau. Déjà effrayés par l'agitation des "Libres", les petits blancs vont désormais faire cause commune avec les grands Blancs, et sceller ainsi leur destin. Aux colonies, le clivage n'était ni social ni politique, il était racial, et on le verra bien lorsque les mulátres, dont certains possédaient des esclaves, après avoir un moment résisté aux côtés des blancs contre les esclaves en rebellion, finiront par s'unir avec les négres révoltés contre tous les blancs. On ne peut dire, dans ces conditions, que ce décret n'eut "guére d'im-
portance" aux colonies l2, alors qu'il mit le feu aux poudres, en exaspérant les rancœurs des "Libres" et le désespoir des esclaves. Le décret qui, là-bas, eut peu d'importance, c'est celui du 24 septembre 1791, par lequel, malgré les efforts de Robespierre 135, les assemblées coloniales étaient déclarées seules habilitées à élaborer les lois sur l'état des personnes "non libres" et sur l'état politique des hommes de couleur libres, avec, en faible compensation, l'octroi des droits politiques aux hommes de couleur, libres ou esclaves, venant ou se trouvant en métropole. Car, à cette date, le grand soulévement des noirs de Saint-Domingue avait commencé depuis un mois. La seule conséquence de ce décret fut de rejeter définitivement les "Libres" du côté des esclaves rebelles !*. 119 Cf. Leon, op. cit., p. 139; CORNEVIN, op. cit., p. 141; THÉSÉE, op. cit., p. 148. 12 Archives Départementales, Gironde, 7 B 2000, Bordeaux, 21 mai 1791. 121 Archives Départementales, Isère, II E 380/4 (Hugues à Dolle & Frères, Les Vazes, 24 août
1791).
12 CORNEVIN, op. cit., p. 41. Contra, par ex., le témoignage d'E. Camus (Fort-deFrance, ler nov. 1791 - dossier n° 7) reproduit par F. Giron, Une fortune coloniale sous l'Ancien Régime..., Paris 1970, pp. 190 ss. 13 Cf. supra n. 13. 12 Alors qu'au début du soulèvement des esclaves, ils s'étaient rapprochés des Blancs, contrairement à ce qu'affirme CoRNEvIN, op. cit., p. 43; cf. BLET, op. cit., p. 20. Ce qui est vrai, c'est que certains colons, devant l'ampleur de la révolte, continuérent à préconiser
de mettre
de cóté
LEON, op. cit., pp.
216
le "préjugé" 145ss.
et à próner
l'union
de
tous
les hommes
libres;
cf.
8. La formidable insurrection des esclaves de Saint-Domingue, qui commença le 22 août 1791 pour s'achever, après treize années d'horreur, par l'indépendance de la République noire d'Haïti, fut un "sous-produit" de la Révolution française ©, à partir du moins de l'entrée en scène de Toussaint-
Louverture, qui se réclamait des principes de 1789. Mais, au départ, c'était une simple révolte d'esclaves pour se libérer des chaines de la servitude. Quand Boukman, esclave marron et prétre vaudou,
donna, dans la nuit du 14 aoüt révolte en chantant: « Coutez « Ecoutez la liberté qui parle des idéologues révolutionnaires ration de l'esclavage. La preuve doxale,
la révolte
contre
1791, le premier signal avant-coureur de la la liberté qui nous cœur à nous tous» = à notre cour » 5, ce n'était pas la liberté qu'il appelait de ses vœux, c'était la libéen est que, de maniére apparemment para-
les maîtres
s'accompagnait,
au
départ,
de l’affir-
mation, de la part des esclaves révoltés, de leur fidélité royaliste. Déjà, en
1790, pour mettre à la raison les "Pompons rouges", c'est-à-dire les Planteurs en rupture avec l'autorité métropolitaine, le gouverneur de l'ile avait dû faire appel à l'aide des “Pompons blancs", essentiellement composés de mulátres fidéles à l'autorité royale. De méme,
en septembre
1792, Biassou,
l'un des chefs des esclaves révoltés, écrivait: « Si cette Révolution est faite par nous, c'est pour soutenir les droits du Roi notre maître » '?, Devant ces troupes sans uniforme arborant la cocarde blanche, on ne peut pas ne pas penser aux insurgés vendéens; et, dans une certaine mesure, le caractére catholique en moins, les deux insurrections ne sont pas sans rapport, qui dressent contre un pouvoir parisien confortant
les intérêts "bour-
geois" locaux — au sens marxiste du terme — des populations qui voyaient dans l'institution royale leur ultime garantie, si faible füt-elle. Comme le note avec acuité le conventionnel Garran-Coulon: « Les nègres ne connaissaient que le gouvernement royal qui était encore celui de la France: ce gouvernement les protégeaient (sic) peu dans la colonie; mais sa protection, toute faible qu'elle fût, était la seule à laquelle ils pussent recourir contre
la tyrannie de leurs maîtres » *. Les esclaves ne pouvaient en effet totalement ignorer que les récentes améliorations juridiques apportées à leur condition — méme si elles étaient restées le plus souvent trés formelles — émanaient de l'autorité royale et s'étaient heurtées à la hargne des Planteurs et à leur mauvaise volonté pour leur application. Devant la menace de voir US L'expression est de FINLEY, op. cit., p. 154. Sur cette insurrection, outre CORNEVIN,
voir: C. L. R. James, The Black Jacobins; Toussaint L'Ouverture and the San-Domingo Revolution, 2 éd., New-York 1963 (trad. frç.se, Paris 1949); R. KorncoLp, Citizen Toussaint, Boston 1944; Colonel A. NEMouns, Histoire militaire de la guerre d'Indépendance de Saint-Domingue, I-II, Nancy-Paris-Strasbourg 1925-1928; R. TampoN, Toussaint Louverture, le Napoléon noir, Paris 1951; A. CÉsAIRE, Toussaint Louverture, la Révolution française et le problème
social, Paris 1960;
In., Toussaint
Louverture, la Révolution
et le problème colonial, Paris 1962; R. DonsINviiLe, Toussaint Louverture, Paris 1965; P. PLUCHON, Toussaint Louverture: de l'esclavage au pouvoir, Paris 1980. 1% Trad. par J. FoUCHARD, Les marrons de la liberté, Paris 1972, p. 529. 17 Lettre au curé de Dondon, citée par CORNEVIN, op. cit., p. 45. 128 GARRAN-COULON, op. cit., t. 2, p. 209; cf. p. 195.
217
le pouvoir blanc colonial ne plus être contrôlé par l'autorité royale, les esclaves ne pouvaient que réaffirmer leur loyalisme à l'égard du roi. Leur attitude est assez comparable à celle de la plèbe romaine face au pouvoir patricien au tout début de la République romaine: les sympathies de celle-ci, devant une Révolution qui les ‘marginalisait’ de plus en plus, allaient vers le roi Tarquin exilé et le pouvoir patricien n'exerga sans frein sa volonté de puissance que lorsque le roi déchu fut mort !?. Cette naive confiance dans l'autorité du roi pour les protéger contre leurs maîtres et contre une Assemblée Nationale qui, à leurs yeux, épousait si ouvertement la cause des Blancs, ne pouvait qu'être confortée par des déclarations officielles comme celle faite par Sonthonax, commissaire à la deuxième commission civile — la première avait échoué lamentablement — arrivée en septembre 1792 avec une armée de six mille hommes: « Nous ne reconnaissons désormais que deux classes d'hommes dans la colonie de Saint. Domingue: les libres sans aucune distinction de couleur? et les esclaves. Nous déclarons que l'esclavage est nécessaire à la culture et à la prospérité des colonies »; il n'est pas question « de toucher à cet égard aux prérogatives des colons » ?!, Contre les rebelles, les mesures envisagées sont... très exactement celles prévues par le Code Noir pour les esclaves marrons.
Remplacez les mots "colonies" et "colons" par "Empire" et "Romains", et l'on aura un discours qu'aurait pu tenir, dix-huit siècles plus tôt, Crassus engagé dans la grande guerre servile contre Spartacus. Le rapprochement peut paraître superficiel. Peut-être l'est-il moins qu'il n'y paraît. On ne peut qu'étre frappé par le fait que, contre une Révolution qui — du moins aux colonies — était aussi oligarchique que la République romaine, comme la plébe romaine qui gardait de la sympathie pour les Tarquins, la révolte servile de Saint-Domingue ait d'abord spontanément cherché protection auprès de l'autorité royale; de maniére analogue, les grandes révoltes serviles du II° siècle av. J.-C. avaient secrété une idéologie à la fois égalitaire et monarchiste, qui combinait la conception, issue de l'expérience ou de la légende d'Alexandre le Grand, du roi régnant sur un empire multiracial 3, avec une mystique du Roi-Soleil dispensateur de Justice, alimentée par un courant
du stoicisme !*. Même si l'on met à part la révolte d'Aristonicos de Per19 Liv,
II,
1, 11;
5, 2;
L'Idée de Royauté ἃ Rome,
9, 5ss.;
18, 8; 21, 6; D.H,,
I, Clermont-Ferrand,
V, 70;
cf. P.M. MARTIN,
1982, pp. 307 ss.
1% En application du décret du 24 mars 1792. Bi Cité in CORNEVIN, op. cit., p. 45.
12 W.W. Tarn, "Alexander the Great and the Unity of Mankind", Proceedings of the British Academy 19 (1933), pp. 123-166; C. Mossé, “Les utopies égalitaires à l'époque hellénistique", Rev.
historique
241
(1969), pp. 297-308;
In., Histoire générale
du
socia
lisme, I, Paris 1972, pp. 78ss.; J. Vocr, Struktur der antiken Sklavenkriege, Wiesbaden 1957; In., Sklaverei und Humanitàt. Studien zur antiken Sklaverei und ibrer Erforschung, 2° éd., Wiesbaden 1972; L. GIANGRANDE, "Les utopies hellénistiques", Cabiers des études anciennes 5 (1976), pp. 17-33.
13 Cf. Mossé, Socialisme cit., p. 80; J. ΒΙΡΕΖ, La cité du monde et la cité du soleil chez les Stoïciens, Paris 1932; R. DUDLEY, "Blossius of Cumae", Journal of Roman Studies 31 (1941), pp. 94-99; D. Basur, Plutarque et le stoicisme, Paris 1969, pp. 100 ss.
218
game — qui ne peut en effet être réduite à une simple révolte servile, bien qu'elle utilisât cette mystique !* —, Vettius en Campanie, Eunoos, Athénion et Tryphon en Sicile prirent tous le nom et des attributs de rois 155, Ce ne fut pas le cas, en revanche, au I° siècle av. J.-C., de la dernière et
plus grande révolte, celle de Spartacus, dont les motivations profondes paraissent aujourd'hui encore fort obscures, sans doute parce que, dés l'Antiquité, sa formidable épopée fut vue à travers le prisme déformant d'idéologies diverses #. Mais, par le danger méme qu'elle fit courir à une Rome pourtant déjà si puissante, elle devint, dés cette époque, dans la mémoire des Anciens 7, le symbole méme du péril servile. L'ombre de Spartacus hante certainement le célébre abbé Raynal, lorsque, dans sa véhémente et démesurée Histoire politique et pbilosopbique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes (1770), il prédit et, dans son enthousiasme
anti-esclavagiste, souhaite presque l'apparition d'un «chef assez courageux pour les (les Négres) conduire à la vengeance et au carnage », un « Spartacus noir»
qui
établira
un
terrible
« Code
Blanc » *,
comme
l’ancien
gladia-
teur qui, en des Saturnales sanglantes, faisait se battre sous ses yeux des citoyens romains. Un an plus tard, dans un roman de "politique-fiction" intitulé L'An 2440, L. S. Mercier imaginait dans Paris la statue d'un Nègre, dans
une fière attitude, dont le socle porterait l'inscription "Au Vengeur du Nouveau Monde" ©. On discerne mal l'influence qu'ont pu avoir de tels ouvrages dans la fermentation et le déclenchement de la grande révolte de Saint-Domingue. Dire que la plupart des esclaves étaient illettrés n'est pas
un argument; les "Libres" ne l'étaient pas, non plus que beaucoup d'esclaves 'à talent' et la transmission orale de récits et d'idées jouait, chez ces popu14 C£. TARN, op. cit., p. 131; V. VAVRINECK, La révolte d'Aristonikos, Prague 1957; In., "On the structure of slave revolts, The revolt of Aristonicus", Soziale Probleme in Hellenismus u. róm. Reich, Prague 1973; Ip. "Aristonicus of Pergamum: pretender to the throne or leader of a slave revolt?" Eirene 13 (1975), pp. 109-129; J. Lens, “Crisis in Pergamo en el siglo II a.C.", Boletín del Instituto de Estudios belénicos (Barcelona, Fac. de Filosofía) 6 (1972), pp. 53-73;
Mossé, Socialisme, cit., pp. 78ss.; T. W. AFRICA,
“Aristonicus, Blossius and the City of the Sun", International Review of Social History, 6 (1961),
pp.
116ss.;
F. CARRATA
THOMES,
La rivolta di Aristonico
e le origini della
provincia romana d’Asia, Turin 1968; J.L. FERRARY, in NicorgT, Rome et la conquéte..., cit., II. Genèse d'un Empire, Paris 1978, p. 776; J. Hop», Untersuchungen zur Geschichte der Letzten. Attaliden, Munich 1977; A. J. L. Hoorr, "De Zonneburgers van Aristonikos”, Tijdscbrift voor Geschiedenis (Groningen) 90 (1977), pp. 176-210; C. DeLPLACE, "Le con-
tenu
social] et économique
pauvres?", Atbenaeum
du
soulévement
d'Aristonicos:
opposition
entre
riches
et
56 (1978), pp. 20-53.
15 Diod., XXXV, F 2; XXXVI, F 2, 26 et 2a; 4, 4; 5, 3; Flor, II, 7, 6 et 10; cf. M. A. Levi, "Euno-Antioco", Miscellanea di studi classici in onore di Eugenio Manni, IV, Roma
1980, pp. 1345-1361.
B6 Cf. A. Guarino, Spartaco. Analisi di un mito, Naples 1979; J. SCARBOROUGH, “Reflections on Spartacus", Tbe ancient world 1 (1978), pp. 75-81; G. SrAMPACCHIA, La tradizione della guerra di Spartaco da Sallustio a Orosio, Pise 1976. 137 Cf., par ex., Aug., Civ. Dei, IV, 5. L8 Cité par DESCHAMPS, op. cit., p. 169. 39 In., ibid.
219
lations encore très proches de leur culture africaine, sans doute un rôle très important. Il ne faut peut-être pas mésestimer le témoignage contemporain, méme s'il est passionnel, d'un Planteur confronté à ces événements: « Voilà le fruit des maudits écrits de cet infáme abbé Raynal, de ce prétre qui... a sollicité le crime par la hardiesse et la force de son style. Il a prédit le malheur qui est arrivé » '* Et, en effet, un Spartacus noir apparut; il s'appelait Toussaint-Louverture. Par ses qualités militaires, ce stratége qui fut le premier à tenir en échec le génie de Napoléon Bonaparte et qui lui écrivait en commençant ses lettres par: « Le premier des Noirs au premier des Blancs », était digne du grand gladiateur antique. Mais ses buts à lui apparaissent clairement: ils sont directement inspirés des principes jacobins. Le 29 août 1795, il les présente ainsi: « Je veux que la liberté et l'égalité règnent à Saint-Domingue. Je travaille à les faire exister » “!. L'une des raisons au moins de la mutation idéologique de la révolte servile de Saint-Domingue, c'est, tout simplement, qu'au début de 1793, Louis XVI avait été guillotiné. Avec la mort
du roi disparaissait ce qui avait paru d'abord aux révoltés un recours pos sible et, dans l'année
1793, la révolte noire va d'ailleurs
se radicaliser, en
méme temps qu'elle va emprunter ses idéaux à la Révolution française. De maniére comparable, la revendication politique de la plébe romaine, aussitót aprés l'annonce de la mort de Tarquin, va s'organiser, à la fois idéologiquement et matériellement, et se durcir dans la premiere sécession sur le Mont Sacré. Au moment méme où Toussaint-Louverture faisait sa proclamation, les commissaires
Polverel et Sonthonax,
impuissants
ἃ mater
la révolte
nègre,
prenaient, chacun de leur côté, la décision de déclarer libres et jouissant de tous les droits civiques tous les esclaves '*. Ne pouvant endiguer le flot, ils décidaient donc de se laisser porter par lui et, contre les Planteurs de plus en plus ouvertement anglophiles, ils préféraient, pour contrecarrer l'Anglais menaçant, faire fond sur les esclaves révoltés. La part de l’idéalisme, ou de l'idéologie, est bien faible dans leur décision, qui contredisait à l'état existant de la loi. Cette part futelle plus grande dans la décision de la Convention, le 4 février 1794, d'abolir, par le décret du 16 Pluviose An II, l'esclavage dans
toutes les colonies et de déclarer citoyens frangais tous les anciens esclaves? Notons d'abord que cette décision fut prise à la suite de l'envoi par Sonthonax de trois délégués, un Blanc, un mulátre et un Noir, à la Convention;
elle visait plus à légaliser de fait, qu'à instaurer une loupe, les autres colonies d'obtempérer au décret de Danton en cette occasion 10 Cf. supra n. 121
ce qui, à Saint-Domingue, était devenu un état mesure qui ne fut guère appliquée qu'à la Guadeétant aux mains des Anglais ou ayant refusé la Convention. Et puis, le discours prononcé par montre qu'il entrait plus d'opportunisme que
(1* sept. 1791).
141 Cité par CORNEVIN, op. cit., p. 47. 12 Cf. CORNEVIN, op. cit., p. 46.
220
d'idéalisme dans cette mesure, où les Amis des Noirs, alors guillotinés ou en
fuite, n’eurent aucune part... et qu'ils auraient d'ailleurs, comme plus tard l'abbé Grégoire, désapprouvée #: « Lançons la liberté — déclara Danton — dans les colonies: c'est aujourd'hui que l'Anglais est mort. En jetant la liberté dans le Nouveau Monde, elle y portera des fruits abondants... En vain Pitt et ses complices voudront par des considérations politiques écarter la jouissance de ce bienfait, ils vont être entraînés dans le néant... » !*. Pour l'homme
de la "levée en masse”, l'objectif militaire est primordial: à défaut de pouvoir rétablir l'ordre dans nos colonies, étendons leur désordre aux colonies anglaises et espagnoles. Tel est, traduit cyniquement, le dessein des Montagnards , qui n'étaient pas mécontents, en outre, de réaliser un projet que les Girondins n'avaient su faire aboutir. Aussi bien, à partir de mai 1794, Toussaint-Louverture et ses troupes noires vont-ils se battre contre l’Anglo-Espagnol. En 1796, Sonthonax, en faisant distribuer trente mille fusils aux Noirs, leur dira: « Voici votre liberté. Celui qui vous enlèvera ce fusil voudra vous rendre esclave » '5. Mais, le danger passé, quand la paix d'Amiens
aura laissé à Bonaparte
les mains
libres, celui-ci envoya un corps expéditionnaire dirigé par le général Leclerc, mari de Pauline Bonaparte, avec mission de désarmer les Noirs. Car Bonaparte, qui avait recruté lui-même des esclaves noirs pendant l'expédition d'Egypte, qui était l'époux d'une créole et qui était conseillé par Moreau de Saint-Méry,
n'avait
aucune
prévention
contre
l'esclavage
et la traite, qu'il
fit d'ailleurs rétablir par la loi du 30 Floréal An X (1802). Malgré la capture de Toussaint-Louverture,
la Révolution
haitienne
n'en continua
pas
moins,
jusqu'à la proclamation d'indépendance de la "République nègre d'Haiti", le 1* janvier 1804. 9. «Sans
la révolte
des
Noirs.
vite décidé de supprimer l'esclavage? »
la Révolution
française
aurait-elle
si
Probablement non, comme on peut
se demander si, sans la guerre sociale, les alliés de Rome
auraient obtenu si
rapidement la cívitas. Là encore, la comparaison pourrait n'étre pas si formelle qu'elle en a l'air. 1] est remarquable que, en 91 av. J.-C. comme en 1792, une révolte commencée en revendication des droits de citoyens ait conduit à une radicalisation qui, en Italie, poussa les plus extrémistes des alliés à réclamer la liberté de l'Italie et à chercher la destruction de la tyrannie romaine", et qui, à Haiti, conduisit les esclaves rebelles à l'in-
dépendance de l’île. Ajoutons que cet aspect ‘national’ n'était pas absent 14 Mémoires
de l'abbé Grégoire, citées par DESCHAMPS,
14 DaNroN, Discours à la Convention, M5 Cité par CoRNEVIN, op. cit., p. 49.
4/11/1794
op. cif., p. 177.
(Discours,
Paris
1911).
M6 DEVÈZE, op. cit., p. 373. 14 Vell. Pat., IT, 27, 2; Strab., V, 4, 2 (241); cf. E. GABBA, Esercito e società nella tarda repubblica romana, Florence 1973, pp. 206 ss.; 278 ss.; NicoLET, Citoyen, cit., p. 62; In., Italie romaine, cit., pp. 292 ss. Sur la haine des Italiens contre Rome, cf. O. See,
Rómertum u. Latinitàt, Stuttgart 1964, pp. 371-375; M. Bonjour, Terre natale. Etudes sur une composante affective du patriotisme romain, Paris 1975, pp. 104-111.
221
d’autres révoltes antiques, celle d'Aristonicos, bien sûr, mais aussi celles de
Sicile “8, Mais il faut aller plus loin. L'indépendance de Saint-Domingue était une vieille tentation des Blancs; celle d'Haïti se fit contre eux, au prix de leur massacre
ou, au mieux, de leur exode.
une révolte servile volution frangaise. révolte et on peut verture se montra Non seulement en
Ce ne fut pas non plus
seulement
mue par les principes d'égalité et de liberté de la RéOn l'a vu, ces principes sont absents des débuts de la soupçonner qu'en les mettant en avant, Toussaint-Louaussi opportuniste que Sonthonax et que la Convention. effet, dès qu'il fut maître de l'ile, il édicta le règlement
du 20 Vendémiaire An IX (19.10.1800), qui « ramenait les anciens esclaves
sur les plantations pour une durée de cinq ans » *, mais il y a lieu d’être quelque peu surpris quand on lit, dans la Constitution qu'il édicta le 17 août 1801, ce bizarre article 17: « L'introduction de cultivateurs indispensables au rétablissement et à l'accroissement des cultures aura lieu à Saint-
Domingue » !*, Dès lors, il est permis de se demander si la clé du probléme ne se trouve pas dans le préambule par lequel Boisrond-Tonnerre, rédigeant l'Acte d'Indépendance d'Haiti, commenga: « Pour dresser l'Acte de l'Indépendance, il nous faut la peau d'un Blanc pour parchemin, son cráne pour écritoire, son sang pour encre, une baïonnette pour plume »“!. La révolte de SaintDomingue fut-elle mue par l'appel de la liberté ou par le désir de liberté civique? La premiére proposition semble bien étre la bonne et, de ce point de vue, Toussaint-Louverture est plus prés de Spartacus que des chefs rebelles de la guerre sociale. Mais on perd toute référence avec l'Antiquité dans
l'autre aspect de cette révolte qui, réunissant mulátres et nègres libres et esclaves contre les Blancs, petits ou grands, fut, fondamentalement, raciale, anti-blanche. Haiti fut la rançon payée par l'aspect lui aussi fondamentalement racial de l'esclavage moderne, en cela si différent de l'esclavage romain. Dans
ces conditions, que la Révolution
noire d'Haiti ait revétu
succes-
sivement la culotte royaliste et le pantalon jacobin est un point secondaire. Si elle eut un immense retentissement dans le Nouveau Monde — alors que, dans le bouleversement général de l'Europe, elle y passa presque inaperçue —, ce n'est pas par les principes nouveaux qu'elle véhiculait, car ceux-ci, avant
la Révolution française et la République d'Haïti, avaient largement inspiré l’Acte d'Indépendance des U.S.A. Ce n'est pas non plus parce que, Toussaint-Louverture vengeant Spartacus, de toutes les grandes révoltes setviles, antiques et modernes, c'est la seule qui ait réussi ?, encore que cet aspect ne soit pas négligeable. C'est surtout parce que, en deçà de la Mason M8 Cf, G. P. VERBRUGGHE, "Slave rebellion or Sicily in revolt?", Kokalos 20 (1974), pp. 46-60. M9 CORNEVIN, op. cit., p. 51.
19 Cité par DECHAMPS, op. cit., p. 178. 151 Cité par CORNEVIN, op. cif., p. 54. 122 Cf. FINLEY, op. cit., p. 154.
222
and Dixie Line, elle fit lever dans le cœur des negros du Sud, non seulement l'espoir de liberté, voire de revanche, mais surtout le doute sur la validité
et la légitimité de la suprématie du Blanc. La Révolution haitienne affaiblit l'esclavage aux U.S.A. de manière plus considérable que toutes les campagnes
abolitionnistes, avant et après elle 15, 10. Nous voilà apparemment fort loin de Rome. En fait, disons que nous sommes revenus à notre point de départ. L'assimilation de l'esclavage moderne à l'esclavage antique méconnaissait la donnée radicalement différente que constituait l'élément racial dans l'esclavage moderne. On peut dire que presque toutes les autres différences découlent de celle-ci. Des lors, toute référence à Rome était faussée, sauf d'un point de vue juridique, où les esclavagistes
avaient plus à gagner que les abolitionnistes. La réflexion historique aurait pu en revanche mettre en garde contre la facilité de cette assimilation, contre
son caractére artificiel et contre les dangers représentés par l'institution esclavagiste; une telle attitude affleure de ci de là dans la pensée philosophique du XVIII* siècle, mais elle est contrebalancée par des considérations économiques ou juridiques — et le droit romain a eu en ce sens un róle de frein — qui jouent en faveur du maintien de l'institution, Et lorsqu'à leur tour les principes révolutionnaires sont entrés en jeu, leur générosité naive et simpliste — qui n'exclut pas un certain machiavélisme dans leur utilisation par les uns ou les autres — a méconnu à son tour la différence fondamentale qui séparait esclavage antique et esclavage moderne. C'est qu'entre Rome et la Révolution française est apparue, vers la fin du XVI* siècle ou au XVII° siècle, non pas la notion de race, — qui est fort ancienne —, mais l'idée d'une hiérarchie des races'*. La Révolution haitienne, c'est moins le véhicule de la Révolution française que le renversement de cette hiérarchie; mais une hiérarchie inversée n'en est pas moins une hiérarchie et il est fort à craindre que, souvent aujourd'hui encore, un vétement idéologique n'habile un clivage racial dans bien des conflits politiques, nationaux ou internationaux.
1533 Cf. W.Z. Foster, The Negro People in American History, New-York 1954, réimpr. 1970, pp. 65 ss.; In., Outline political bistory of tbe Americas, New-York 1951, pp. 134 ss. 14 Cf. MEYER, op. cit., pp. 308 ss,
223
JEAN TULARD
NAPOLEON:
LA CONTINUITE
ROMAINE
Rome a marqué profondément toute une génération en France, celle de la fin du XVIII: siècle. Ce renouveau d'influence correspond à ce que l'on appelle le néo-classicisme. En 1750, il est impératif pour un artiste de faire le voyage à Rome. David est le parangon de ce néo-classicisme romain dont les initiateurs sur le plan archéologique ont été Winckelmann et Caylus. Dans les humanités, base de la formation intellectuelle, Rome occupe une
place de premier plan. La fréquentation de Cornelius Nepos et de Plutarque est familière à tout esprit cultivé. Relisons les mémoires du temps, pleins de références et de comparaisons. Comment s'étonner dans ces conditions du prestige de Rome à l'époque napoléonienne? Comment ne pas retrouver dans les modes de pensée et dans les institutions l'empreinte de la Ville Eternelle?
1.
Le cas de Napoléon
Napoléon avait une honnéte sinon approfondie connaissance de l'histoire de Rome. Nous avons conservé ses brouillons de lecture et ses manuscrits de jeunesse. Nous y voyons un homme imprégné par la culture latine. I] ne cède pas à la mode: ses origines l'y portent. Militaire, il est fasciné par la puissance de l'expansion romaine et l'universalité de sa civilisation. Fascination qui ne cessera pas. Devant Wieland, il explique les raisons de la supériorité des Romains sur les Grecs: « Les éternels démélés des petites républiques grecques n'étaient point propres à donner naissance à rien de grand; au lieu que les Romains se sont toujours attachés à de grandes choses, et c'est ainsi qu'ils ont créé ce colosse qui traversa le monde ». Mais c'est, comme sous la Révolution, la République et non l'Empire qui doit fournir les modéles à respecter. Napoléon repousse Tibére, Caligula, Néron, Domitien... « Le seul homme, et il n'était pas empereur, qui se soit
illustré par son caractére et par de belles actions, c'est César. » Pour Napoléon Rome fut une grande ère d'égalité sauf en ce qui concerne l'esclavage domestique. 225
2. La nature du pouvoir napoléonien Cette fascination pour Rome se retrouve dans la conception du pouvoir napoléonien. Au départ une dictature mais une dictature qui fait référence à Rome. En effet Benjamin Constant lui-même invoque en Brumaire la nécessité d’une dictature de salut public comme en connaissait la République romaine dans les périodes de péril national. Cincinnatus, aprés avoir sauvé la ville éternelle revenait à sa charrue. L'ennui, c'est que Bonaparte ne l'a pas imité, Il souhaitait une dictature mais se perpétuant sous une forme monarchique. Comme César, Bonaparte révait de la couronne. Le salut public se confondit avec le salut de l'Empire. On connaít les étapes qui conduisirent Napoléon du consulat provisoire à l'empire. Il convient d'insister sur la prudence avec laquelle Napoléon a procédé pour établir le régime impérial. Le paralléle s'impose avec Auguste. Il sera fait par certains contemporains. La dignité impériale rattache Napoléon aux Carolingiens, mais si l'aigle éployée est carolingienne, l'aigle du repos sur les enseignes des soldats évoque Rome, comme tout le langage du temps, des consuls aux tribuns en passant par le Sénat. Napoléon comme Auguste a profité des lassitudes d'une République déchirée par les guerres civiles. Comme Auguste, il concentre entre ses mains tous les pouvoirs, crée des organes dépendant du prince, restaure la monarchie mais en conservant les apparences républicaines. Son attitude envers le Sénat rappelle celle d'Auguste. Pax romana et œuvre du Consulat correspondent à une réussite identique, et l'on retrouve jusqu'au méme dessein de fonder un
culte impérial Une seule différence de taille: le principe dynastique est ouvertement proclamé par la constitution de l'an XII; à Rome l'empereur était en principe choisi par le Sénat. En fait les successeurs d'Auguste furent désignés par leurs prédécesseurs ou imposés par leurs troupes. Napoléon a procédé comme Auguste pour se couvrir du manteau de Charlemagne. 3.
Les codes
Cette influence romaine on a voulu la retrouver dans la volonté de consolider la nouvelle société en la codifiant. On a beaucoup écrit sur le code civil, pièce maîtresse de l'édifice. L'originalité du code, Pariset l'a dit, est de ne pas en avoir. Ce n'est pas une création, c'est un ajustement, une coordination. Il procède tout à la fois du droit écrit, du droit coutumier et du droit
révolutionnaire. Les influences romaines sont sensibles mais il ne faut pas en exagérer l'apport. Au droit romain, la commission a emprunté l'adoption. Pour le régime du mariage, on a pris à la fois au droit romain le régime dotal et au droit coutumier le régime de la communauté des biens. Du droit révolutionnaire on a gardé le principe de l'égalité des partages et une limitation plus rigoureuse du droit de tester. 226
Ce qui est remarquable, et finalement romain, c'est l'idée que le Code Napoléon peut s'appliquer ailleurs qu'en France. L'Empereur pousse à son exportation dans les royaumes vassaux, Allemagne comprise.
4. L'organisation de l'Empire L'organisation de l'Empire en tant qu'unité territoriale apporte une autre preuve de l'influence de Rome. Carolingien dans sa conception, avec un axe Paris-Francfort-Milan, l'empire napoléonien est romain dans son organisation. « C'est l'empire de Dioclétien pour l'administration, les codes, toute la mécanique du gouvernement, des auxiliaires étrangers, des barbares enrégimentés;
des confins mili-
taires et encore au-delà, pour l'inconnu des foréts et des plaines sans fin, des Scythes, des Sarmates et des Slaves. Charlemagne
donne
l'idéal légendaire;
Dioclétien les réalités, les instruments d'Etat ». Dans cette construction empirique et provisoire, dont l'héritier regoit en 1811 le titre de Roi de Rome, les bases sont empruntées à l'Empire romain. La route est le principal facteur d'unité. Comme le droit, les institu-
tions sont introduites dans les pays vassaux
ou soumis.
Pour Napoléon
l'espace européen est identique d'un bout à l'autre du continent. L'armée favorise enfin les brassages de population. Ainsi, entre 1800 et 1814, c'est l'exemple romain qui est le plus souvent invoqué. « Ce peuple — disait Napoléon — avait l'instinct de tout ce qui est grand et ce n'est pas sans raison qu'il a conquis le monde. »
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE
La bibliographie touchant le régime napoléonien est surabondante. On les principaux éléments dans J. Turamp, principalement pp. 115-129 et 307-324.
Sur Paris
la nature
méme
de
l'Empire
Napoléon
ou le mythe
napoléonien:
J.
du sauveur,
TuLarn,
Le
en trouvera Paris
Grand
1977,
Empire,
1982.
Deux colloques tenus à Paris, sous la direction de Maurice Duverger, ont permis de faire le point sur la dictature napoléonienne et sur l'origine du mot Empire: Dictatures et Légitimité, Paris, Presses Universitaires de France, 1982; Le concept d'Empire, Paris, Presses Universitaires de France, 1980.
227
SECONDA
ROMA
DIONYSIOS A. ZAKYTHINOS
CONTINUITE DE L'EMPIRE ROMAIN A CONSTANTINOPLE: 330-1453
À la mémoire d'Agostino Pertusi
1.
Définir Byzance
Définir Byzance ἡ, son empire, sa théorie et sa pratique politiques, sa constitution étatique, sa société — la tâche s'avére fort difficile; non seulement en raison de la complexité de ces réalités historiques et de ces phé-
nomènes de civilisation que nous désignons par l'adjectif “byzantin”, mais aussi en raison des transformations internes que ceux-ci comme celles-là présentent tout au long d’une vie plus que millénaire. La définition d'August Heisenberg, proposée depuis presque soixante années, garde toujours sa valeur évocatrice: « Byzanz ist das christlich gewordene Rómerreich griechischer Nation » - « Byzance est l'Empire romain, devenu chrétien, de la nation grecque ». C'est dans ce terrain, romain, grec et chrétien, qu'elle jette profondément ses racines, Alors que les Empires de Charlemagne et d'Otton n'ont de commun avec l'Imperium Romanum que l'Idée impériale, Byzance est l'Empire méme des Romains dans son immédiate
continuité, dans sa continuité jamais interrompue ?. Byzance est la continuation de l'Empire romain, tel qu'il s’est transformé sous la double influence de la foi chrétienne et de l'Hellénisme. Elle a pour principal cadre géographique la Méditerranée moyenne et orientale;
elle a ses assises sur les institutions politiques et administratives, sur les institutions sociales et les régles de droit du Bas-Empire romain; elle se croit
inébranlablement l'héritiére de Rome, dont elle emprunte la théorie politique, s'attachant à l'idée cecuménique que celle-ci, aprés Alexandre, a introduite dans le gouvernement du monde. D'un autre cóté, l'Empire byzantin est puissamment constantinopolitein. 1 N. Iorca, “Définir 'Byzance'...", Byzantinische Zeitschrift, 30 (1929/30), pp. 416 ss. ? A. HEISENBERG, "Staat und Gesellschaft des byzantinischen Reiches", Die Kultur der Gegenwart, II, IV, 1 (1923), p. 364.
231
La grande cité de Constantin a joué dans sa vie non seulement le rôle d'une capitale, mais aussi celui d'un centre de synthése et d'irradiation étroitement lié à son existence: la possession de la grande cité légitime en quelque sorte ses aspirations universelles. En plus, l'Empire byzantin professe la religion chrétienne qu'il érige en suprême principe spirituel et intellectuel; à partir d'un certain moment, il se sert uniquement de la langue grecque et ne reconnaît d'autre culture que la culture hellénique. Il montre de la tolérance à l'égard des minorités ethniques ou minorités de langue qui vivent dans son sein, à condition qu'elles acceptent son Orthodoxie d'Etat et sa culture grecque. Néanmoins, à partir surtout du septiéme siécle, l'Empire de Byzance se confond plus intimement avec l'histoire de la nation grecque et devient de plus en plus le champ de son activité politique et culturelle pour aboutir, à la fin du douziéme, à un Etat national. En général, on pourrait dire que l'Empire byzantin est l'expression dynamique et culturelle de l'Hellénisme chrétien au Moyen Age. 2.
Byzance la pseudonyme
Cet Empire romain et chrétien de la nation grecque, cette société, cette littérature, cet art, cette civilisation, sont, dans l'historiographie moderne, désignés par le terme "byzantin": Empire byzantin, art byzantin, civilisation byzantine. Byzantins sont les habitants, les sujets de l'Empire. Cependant les Grecs du Moyen Age n'ont jamais employé cet adjectif au sens que nous lui attribuons aujourd'hui. Pour eux Βυζάντιον était Constantinople et Βυζάντιος son habitant. Rares sont les cas où le lecteur se trouverait indécis. C'est dans cette méme acception qu'on se sert du terme Byzantius, Byzantiacus,
Byzantinus dans le latin du quatrième et du cinquième siècles. Dans la rivalité entre les deux Rome, l'ancienne et la nouvelle, Claudien se permet de parler de « Byzantinos proceres Graiosque Quirites » ?. Le terme Byzantium, Byzantinus, dans sa signification moderne, réapparaît en latin dés le quatorzième siècle. Il désigne d'habitude des savants grecs ou grécophones qui se réfugient en Occident avant et aprés la prise de Constantinople *. Déjà en 1358/1359, Pétrarque, parlant de Léonce Pi-
late, se servait du terme byzantinus ἡ. Ce n'est qu'au seizième siècle qu'il a été reçu dans la terminologie scientifique. Hieronymus Wolf, en 1562, emploie le premier le titre Byzantinae Historiae Corpus. Suivit, en 1568, le Corpus universae Historiae praesertim Byzantinae, chez l'éditeur parisien Guillaume Chaudiére, titres qui seront promis à une belle fortune. Viendront ensuite la Byzantine du Louvre (1645-1711), œuvre d'une incomparable 3 A. CAMERON, Claudian. Poetry and Propaganda at tbe Court οἱ Honorius, Oxford 1970, p. 366. 4 L. BRÉHIER, “Byzance et Empire byzantin”, Byzantinische Zeitschrift, 30 (1929/30), pp. 360 ss.
5 A. Pertusi, Leonzio Pilato fra Petrarca e Boccaccio, Venezia-Roma 1964, pp. 9 ss., et passim.
232
beauté, et l'Historia Byzantina (1680) de Du Cange dont l'autorité finira par consacter le terme dans l'historiographie européenne *. A côté du terme “byzantin”, les écrivains modernes en ont employé d’autres pour désigner l’Empire de Constantinople. Ainsi Anselme Banduri intitule son ouvrage sur la géographie de Byzance et la topographie de Constantinople: Imperium orientale sive antiquitates Constantinopolitanae (Paris, 1711, Venise, 1729), où l'Empire oriental s'oppose à l'Empire occidental. On s'est également servi du terme "Bas-Empire", consacré sourtout par l'ouvrage de Charles Le Beau, Histoire du Bas-Empire (Paris, 1757-1786). Plus tenace fut l'usage du nom Empire grec. Il était conforme à la conception qui avait prévalu en Europe occidentale au Moyen Age, à savoir que les empereurs byzantins devaient porter le titre imperatores graeci, celui des imperatores romani étant réservé aux seuls empereurs de l'Occident. Ainsi l'Empire byzantin fut désigné par les termes Imperium graecum, Empire grec ou Empire grec d'Orient. Montaigne fut parmi les premiers à s'en servir. Quant à Montesquieu, il était d'avis qu'aprés Justinien on ne pouvait guére parler d'un Empire romain, mais d'un Empire grec. Les savants français du siècle dernier, entre autres Alfred Rambaud dans son ouvrage L'Empire grec au dixième siècle. Constantin Porphyrogénète (Paris, 1870), ont opté pour l' "Empire grec". Leur effort, comme celui de J. B. Bury qui préconisait les titres "Later Roman Empire" et "Eastern Roman Empire", n'a pas finalement abouti. Le terme “byzantin”, terme impropre, l'a décidément emporté *. Consacré par l'usage, l'adjectif "byzantin" est accepté dans deux significations, l'une très large et l'autre plus étroite. Dans le sens étroit, “byzantin” signifie tout ce qui se rapporte à l'Empire depuis le commencement jusqu'à sa chute finale (1453); dans son acception plus large, il désigne aussi tous les phénoménes de civilisation qui prolongent les formes proprement byzantines dans l'espace et dans les temps. Il en est ainsi de l'art byzantin. « Appliqué à la peinture et à l'art en général, le terme byzantin n'a pas toujours la méme portée », remarque André Grabar. Il qualifie l'art de Constantinople et de l'aire de son rayonnement direct, mais aussi les ceuvres «des pays méditerranéens postérieures au transfert à Constantinople de la capitale de l'Empire »; l'art de certains peuples d'Orient, notamment des Géorgiens, et celui qui fleurit dans les pays slaves orthodoxes et en Roumanie, de méme que l'art chrétien orthodoxe postérieur à la prise de Constantinople *. 3.
Byzance avant Byzance Aprés avoir raconté l'Histoire de la vie byzantine. Empire et civilisation
(en trois volumes, 1934), Nicolas Iorga y ajouta une "continuation" sous 6 A. PERTUSI, Storiografia umanistica e mondo bizantino, Palermo 1967, pp. 51ss. 7 P. LEMERLE, “Montesquieu et Byzance", extrait de la revue Le Flambeau, 31 (1948), pp. 1 ss.
* A. GRABAR, Les grands siècles de la Peinture. La Peinture byzantine, Genève 1953, pp. 11 ss.
233
le titre Byzance après Byzance (parue en 1935, nouvelle édition, Bucarest, 1971). Ce titre évocateur a depuis fait fortune. En intervertissant les élé. ments de cette proposition, ne pourrait-on pas parler d’une “Byzance avant Byzance”? Depuis la publication de l’œuvre d'Edward Gibbon The History of the Decline and Fall of the Roman Empire (1776-1788), il y a déjà deux siècles, les historiens ont en vain recherché la date décisive qui marque la fin de l'Imperium Romanum en Orient et l'avénement de l'Empire byzantin. On a proposé tour à tour: 284 (Dioclétien et la Tétrarchie), 324 ou 330 (fondation et inauguration de Constantinople), 325 (Concile de Nicée), 476 (fin de l'Empire romain d'Occident), 527 ou 565 (régne et mort de Justinien), 642 (prise d'Alexandrie par les Arabes), 717 (avénement de
Léon III l'Isaurien) etc. Tout ceci nous conduit à la négation de la ‘naissance' de Byzance, notion fallacieuse, ou de la 'genése' de Byzance, terme moins ambigu, mais néanmoins imprécis. Pour éviter des généralisations pré cipitées, on se bornera à dire que le quatrième siècle de notre ère, le "Grand Siécle", un des plus grands dans l'histoire universelle, doit étre tenu comme une date césure. Une synthèse était déjà avancée. Henri-Irénée Marrou remarquera: «à partir du II* si&cle av. J.C., l'unité culturelle du monde méditerranéen est chose faite: il n'y a plus qu'une seule civilisation: la bellenistisch-rimische Kultur, dont la riche unité s'accommode parfaitement d'une dualité de faciès — Orient grec, Occident latin » ?. Α un carrefour unique de l'ancien monde oü se rencontrent l'Europe avec l'Asie, Byzance, phénomène historique sui - generis, le « seul Empire qui ne fut pas créé sur les ruines d'un autre, le seul venu δὰ monde doté d'un patrimoine, le seul par conséquent qui n'envisagea pas tout de suite les problémes de formation et de développement mais ceux, plus compliqués, de conservation et de survivance », cette Byzance «est le seul Empire qui fut un Etat avant d’être une nation » !°, Bien avant la fondation de Constantinople, qui fut un acte de politique romaine non point pour « supplanter Rome, mais pour être son prolongement » !, Byzance avant Byzance émergeait imperceptiblement du terrain hellénistique. Celui-ci, fécondé par un schisme qui opposait la Grécité paienne à la Grécité chrétienne, préparait celle-ci comme celle-là à la fusion. Antioche, grande métropole d'Orient, à côté d’Alexandrie, illustre déjà la synthèse des courants qui marqueront la mission mondiale de Byzance l'hellénistique, entrainée dans le sillage de Rome 2. ? H.I. Marrou, 1977, p. 44.
10 H. AHRWEILER, Byzance:
Décadence
romaine
ou
antiquité
tardive?
III*IV*
siècle,
“L'Empire byzantin. Formation, Evolution, Décadence",
les pays et les territoires, Variorum
Reprints,
London
1976,
Paris
in Eap.,
I, p. 183.
11 G. DAGRON, Naissance d'une capitale. Constantinople et ses institutions de 330 à 451, Paris 1974, p. 542. P D.A. ZaKYTHINOS, "La fusion du monde méditerranéen. Rome et Byzance”, L'Hellénisme Contemporain, janvier 1941, pp. 165ss.; In, "Etatisme byzantin et expérience
hellénistique",
in
Ip,
Byzance:
Etat-Société-Economie,
Variorum
Reprints,
London 1973, II, pp. 667 ss.; A. J. FESTUGIÈRE, Antioche paienne et chrétienne. Libanius, Chrysostome
234
et les moines de Syrie, Paris 1959.
4.
Hellénisation et christianisation de l'impérialisme romain
La tâche de l'historien se trouve simplifiée depuis la publication de l'ouvrage de Francis Dvornik: Early Christian and Byzantine Political Philosophy. Origins and Background, en deux volumes, Washington, 1966. Cette vaste synthèse débute avec les idées orientales sur la Royauté (Egypte et Mésopotamie), s'étend sur les Hittites aryens et les Sémites du Proche-Orient, sur la Royauté iranienne, s'arrête sur la Grèce, de Mycènes à Isocrate, sur la Philosophie politique des Juifs, pour aboutir à l'hellénisation de la théorie politique des Romains, aux réactions juives et chrétiennes en face de l’Hellénisme romain et, par là, à l'Hellénisme chrétien, en insistant sur la spécu-
lation politique de Constantin à Justinien et sur l'Imperium et Sacerdotium. Ainsi que l'auteur le remarque, le point de départ de ce livre était dans la conviction qu'il « était nécessaire non seulement d'examiner les idées politiques de plusieurs cultures du Proche-Orient, mais aussi de montrer comment les différentes civilisations de l'ére pré-chrétienne ont transmis, l'une à l'autre, leurs idées sur la Royauté en les enrichissant de nouveaux concepts
qui correspondaient à leur caractère national, religieux ou racial;de montrer aussi dans quelle mesure le génie juif et le génie grec les ont absorbées, modifiées et adaptées ». « Ce n'est — conclut l'auteur — qu'aprés avoir démontré clairement ce processus dans ses différentes phases que nous pourrions saisir l'attitude des chrétiens vis-à-vis de l'ambiance politique de la période hellénistique, dans laquelle l'Eglise est née, et voir comment s'est formé le système par lequel l'Empire byzantin a été gouverné pendant un millénaire. »
En plein épanouissement, la littérature latine, sur les traces de modèles grecs, forgeait le mythe et la théorie de la "Paix romaine". Poètes et prosateurs, de Virgile, de Pline l'Ancien, d'Ovide, de Martial jusqu'à Claudien et Rutilius Namatianus, glorifiaient l'action civilisatrice du César, de l'Etat pacificateur de Rome. Des Grecs, Denys d'Halicarnasse, Plutarque, Aelius Aristide, accompagnaient
cette ovation. La Constitutio
Antoniniana
(en 212
de
notre ère) préparera les esprits à un large consentiment. Martial disait: « Où
trouver une nation assez reculée, un peuple assez sauvage, César, pour ne pas fournir de spectateur à ta capitale? Le paysan de Thrace est venu de l'Hémus qui garde le souvenir d'Orphée, ainsi que le Sarmate qu'alimente le sang de son cheval et l'homme qui boit le flot du Nil à sa source dont il sait le secret, et celui dont la vague de la mer la plus lointaine heurte le rivage. L'Arabe
est accouru,
les Sabéens
sont
accourus,
et les
Ciliciens
ont
été
aspergés de la rosée de leur propre safran. Leur chevelure nouée en un chignon, les Sicambres sont venus, ainsi que les Ethiopiens à la chevelure tordue d'une autre guise. Divers sont les langages de ces peuples: mais ils s’accordent tous entre eux, quand ils te proclament le vrai père de la patrie »: « Vox diversa sonat populorum, tum tamen una est Quum
verus patriae diceris esse pater » P.
13 Martial, Epigrammes,
I, texte établi et traduit par H.J.
IZAAC, Paris
1930, p. 3.
235
Ces tendances préparaient les esprits à des orientations plus radicales. La Philosophie du Quatrième Siècle, la Philosophie grecque, résumant les tendances du passé, présidait à la formation d’un nouveau système, à la fois religieux et politique. Dans sa Retractatio, Henri-Irénée Marrou remarque: « après les historiens de l'Art, les historiens de la Littérature, les historiens tout court s'habituent à définir l’âge de Constantin et de Théodose par le terme de renaissance. Tel que je la comprends aujourd'hui, la culture d’Augustin témoigne en ce sens: elle nous introduit non dans un monde en train de mourir,
mais dans
un organisme
en plein
essor, que
rien ne paraissait
condamner à une fin rapide » !*. L'avénement de "Byzance" marque l'accomplissement de ce long ‘dialogue' entre le dynamisme conquérant de Rome et l'expansionnisme culturel, puissamment linguistique, de l'Hellénisme 5. Sous l'influence de ce renouveau, la personalité de l'empereur romain, longuement mie, s'est définitivement modelée. Et c'est ainsi que s'est réalisée la transformation de l'Empereur-Dieu en Empereur par la gráce de Dieu, Empereur protecteur de la Foi et de l'Eglise, lieutenant de Dieu sur la terre. On songe au titre suggestif de W. Ensslin: Gott-Kaiser und Kaiser von Gottes Gnaden (1943). L'Empereur, « οἷα μεγάλου βασιλέως ὕπαρχος, μίμημα, κατὰ μίμησιν τοῦ
χρείττονος ἰθύνει».
(de Dieu)
« "Ἔμψνχος
ἐπὶ
τῆς
γῆς
νόμος », « χύριος
ἁπάντων τοῦ
τοὺς
οἴαχας
νόμον », il possède
διακυβεονῶν des vertus
royales, l' εὐσέβεια, la δικαιοσύνη, la φιλανθρωπία, la φιληχοῖα, la φιλοτιμία, la φιλοσοφία. Quelques années avant la grande crise de l'Iconoclasme, lors du Concile Quinisexte (692), les péres adressaient à l'Empereur Justinien II ces paroles: « ὁ τὴν μεγίστην ταύτην τοῦ παρόντος χόσμου
πηδαλιουχῶν ὁλχάδα Χριστός, ὁ Θεὸς ἡμῶν σὲ τὸν σοφὸν ἡμῶν χυβερνήτην ... »: le Christ tenant la barre de la grande nef du monde présent; l'empereur sage commandant !. Cette philosophie politique qui se dégage de la littérature grecque de l'époque, tant chrétienne que paienne, tant écclésiastique que profane, est singuliérement illustrée gráce au matériel artistique versé dans les débats par André Grabar. Dans son Dossier arcbéologique, l'éminent savant a consigné des monnaies, des sceaux, des diptyques, des croix, des représentations de l'image acheiropoiéte du Christ, d’où on conclut que « politiquement cette facon de voir semble déceler une pensée essentielle de la doctrine monarchique byzantine: le Christ n'est pas seulement le Pantocrator céleste qui abandonne la terre au gouvernement du basileus; depuis l'incarnation il est aussi monarque titulaire sur terre, et c'est à ce titre plus spécialement qu'il est suzerain suprême de l'empereur orthodoxe » !?.
14 H.I. Marrou, Saint Augustin et la fin de la culture antique, Paris 1958, p. 695. 15 G. DAGRON, "Aux origines de la civilisation byzantine: Langue de culture et langue d'Etat", Revue
Historique, 241
(1969), pp. 23 ss.
16 Eusèbe, Τριαχονταετηριχός, ed. I. HerkeL (Eusebius Werke), I, Leipzig 1902, pp. 248 ss. N.H. BavNEs, Byzantine Studies and Other Essays, London 1955, pp. 168 ss. 17 A. GRABAR, L'Iconoclasme byzantin. Dossier Archéologique, Paris 1957.
236
5.
Byzance une et diverse
En septembre 642 Alexandrie était occupée par les Arabes. La flotte impériale abandonnait la grande métropole hellénistique. Amputé en Orient, menant une âpre guerre contre les Arabes en Asie Mineure, en Afrique et dans les mers, assistant à la chute de son hégémonie en Italie, affrontant l'expansion des Slaves et des Bulgares dans les Balkans, l'Empire byzantin se militarise et se transforme. De 642 à 843 (restauration des Images), le gouvernement impérial réagit vigoureusement à cette crise, une des plus graves qu'il ait jamais éprouvées. Il abandonne la machine lourde et compliquée de l'administration du Bas-Empire pour adopter des systémes empiriques, appliqués selon les besoins du moment, Tout en utilisant des matériaux traditionnels, il aboutit à des formes simplifiées, propres à une résistance immédiate et souple. On dirait que l'Empire se 'byzantinise' de plus en
plus "5, Dans le domaine spirituel, on assiste à une tendance analogue. Les hommes du septième finissant et du huitième siècle s'éloignent de la civilisation hellénistique. L'historiographie cède le pas à la chronographie; la langue écrite est moins chátiée, dans certains genres elle tend vers un démoticisme marqué; la littérature hagiographique connaît un renouveau. Le grand art de la basilique paléochrétienne ne périt pas seulement sous les coups des envahisseurs; hors quelques monuments somptueux d'origine impériale, il s'adapte aux besoins d'une société rétrécie, animée d'un idéal de modestie. Un esprit de simplicité, de litote, caractérise toute l'époque. L'Iconoclasme, doctrine et mouvement d'une secte orientale aux tendances obscurantistes, proclamée en 726 et en 730 par Léon III l'Isaurien, devient l'étendard d'une
révolution impériale !. Il n'est pas dans le but de ce texte de suivre les étapes de la vie byzantine de la fondation à la prise finale de Constantinople (324-1453). On se bornera ici à souligner certains traits caractéristiques de cet Empire byzantin dont la figure se présente parfois sous une lumiére trompeuse. Ainsi qu'on l'a déjà noté, l'Empire de Byzance ne naquit jamais, Dans sa longue durée, il a certes subi des changements, mais il n'a jamais changé en un autre empire: « it
did not change into any other Empire than itself » ?. Seul dans l'histoire de l'Europe médiévale et dans le Proche Orient, il a duré si longtemps et sans interruption sur une superficie géographique changeante, mais jamais aban-
donnée théoriquement. Chronologiquement, l'Empire byzantin se situe au "Moyen Age", notion équivoque dont l'historiographie contemporaine conteste de plus en plus la réalité. Par sa constitution, par ses traditions et sa culture,
on
dirait
avec
Ernest
Stein
que
l'histoire
byzantine
«c'est
l'en-
semble des faits historiques postérieurs à l'Antiquité classique, mais décou15 in In., P9 2.
G. OsTrocorskY, "The Byzantine Empire in the World of the Seventh Century”, Zur byzantinischen Geschichte, Darmstadt 1973, pp. 80 ss. D. A. ZaxyrHiNos, Byzantinische Geschichte, 324-1071, Wien 1979, pp. 102ss. J.B. Bury, Selected Essays, Cambridge 1930, p. 218.
237
lant
directement
de
celle-ci,
non
seulement
l'histoire
de
la
transition
de
l'Antiquité au Moyen Âge tout entier, mais encore ce que j'ai appelé un jour "l'Antiquité dans le Moyen Age’. Par suite, il nous faut étendre le terme de byzantin à bien des pays, à bien des hommes qui ne subirent jamais
l'ascendant direct de la Grécité » 2. Dans la formation de l'Empire byzantin certains facteurs physiques, religieux, idéologiques, culturels ou moraux ont fini par préciser la physionomie et l'identité de Byzance. En premier lieu, on nommera Constantinople. L'Em-
pire est puissamment 'constantinopolitain'. Durant les 1129 années de son existence grecque la ville impériale du Bosphore fut le cœur et le centre de commandement du régime impérial. Un déplorable hiatus de 1204 à 1261 (occupation latine) n'avait fait que donner naissance à un fort sentiment de reconquéte. Tandis que Rome l'ancienne passait au second plan, Constantinople trônait en reine au milieu de toutes les villes 2. Un réseau de cités helléniques et hellénistiques reliait la Nouvelle Rome aux provinces. L'Empire romain avait hérité de cette incomparable institution. Ce n'est pas
sans raison qu'on a dit que l'empire de Rome était « une agglomération de cités (civitates, πόλεις)» par les Romains,
2. Nous ajouterons que la polis antique, adoptée
puis adaptée
aux nécessités d'une
autre vie, christianisée,
survécut jusqu'à la fin de Byzance et souvent jusqu'à nos jours. Dans monde trés agité, elle transmettait aux générations futures les normes
un du
Droit et de la Civilisation *. L'Orthodoxie a toujours été la grande affaire de l'Etat, du Patriarche et de l'Empereur. Des luttes farouches contre les hérétiques, contre les sectes et les dissidents, ont marqué la vie de l'Empire. La plus originale a été celle de l’Iconoclasme où l'Empereur lui-même était à la tête de l’hé résie, On ne s'attardera pas à ces grands problémes de la vie byzantine qui sont, certes, en dehors de nos intérêts immédiats. Mais, avant de conclure ce paragraphe, il importe d'ajouter quelques remarques succinctes sur la question linguistique, question primordiale pour l'identité de l'Empire et de la Culture de Byzance. Comme tout empire, Byzance renfermait dans son sein des populations qui ne parlaient pas le grec. Il y avait, surtout dans les régions avancées, des alloglottes ou des bilingues. Le volume de ceux-ci variait suivant le rythme des conquétes et des annexions ou, au contraire, des pertes de terri-
toires. Aprés la perte de l'Orient hellénistique, la seconde moitié du onziéme siècle marque le faite de l'extension. Aussi, des historiens modernes ontils parlé non seulement d'un Etat multi-national, mais aussi d'un Em?! E. SrEIN, "Introduction
à l'histoire et aux institutions byzantines", Traditio, 7
(1949-1951), p. 96. 2 E. FENSTER, Laudes Constantinopolitanae, Miscellanea Byzantina Monacensia, München 1968.
3 A.H. M. Jones, The Later Roman Empire 284-602, II, Oxford 1964, pp. 712 ss. 2% D. A. ZAKYTHINOS, "La ville byzantine”, in Ip., Byzance: Etat-Société-Economie, cit, VII, pp. 75 ss.
238
pire polyglotte. Mais le problème linguistique à Byzance ne saurait être considéré dans un prisme qui risque de déformer ses véritables dimensions. Parler d'un empire polyglotte, serait ramener la compétition entre le grec (ou le latin) et les idiómes locaux
(exceptés dans une certaine mesure
l'ar-
ménien et le syriaque). Celle-ci n'est latin. Le latin, déficient en Orient, siècle. Le dernier monument qu'il y lustini Augusti minoris de Corippus,
donc concevable qu'entre le grec et le cède définitivement le pas au sixième ait produit, est le poème In laudem composé et récité à Constantinople à
l'occasion de bre 565) 5.
de
l'avénement
au
trône
l'empereur
Justin
II
(14
novem-
La langue grecque fait partie intégrale du patrimoine byzantin. Sa domination mondiale avait de beaucoup précédé l'Empire. « Le brassage des peuples et des cultures inauguré par les conquétes d'Alexandre se poursuit. Rome elle-même s'était déjà trés largement mise à l'école de la Grèce ». Dans cet Empire, « officiellement bilingue, l'Occident latin tout entier continue de subir l'attraction et l'influence de l'Orient hellénisé ». On parle grec «aussi, dans une proportion qui n'est sans doute pas négligeable; en Occident méme » *. Pour la chrétienté d'Orient, pour la chrétienté entiére,
pour son expansion et sa formation, le grec, langue véhiculaire, a joué un rÓle prépondérant. Byzance la chrétienne a cultivé et défendu avec intransigeance cet incomparable instrument de communication et de rayonnement. À un moment de tension entre Rome et Constantinople, en 865, un empereur, Miche! III, connu pour son langage trivial, s'adressant au pape Ni-
colas I°, traitera le latin de langue barbara et scytbica ?. 6.
Une nomenclature politique: fictions et réalités
Rien n'ilustre autant la théorie politique de Byzance que la nomenclature dont Grecs et Romains se sont servis pour désigner leur empire, ses habitants et ses institutions. Par sa précocité, par son histoire, par ses origines et son étendue le néologisme Romania s'impose à notre attention. Il apparaît presque en méme temps en latin et en grec (ἹῬωμανία), vers le milieu du quatrième siècle; originairement, il désignait tantôt l'Empire en
général, tantót l'une de ses deux parties: la Pars Orientis et la Pars Occidentis,
Il est attesté que le nom
jusqu'aux
temps
modernes.
Parmi
est populaire, caractère qu'il a conservé les premiéres
mentions,
en grec, on cite
Saint Athanase d'Alexandrie (vers 358, se rapportant à l'Empire en général) et Saint Epiphane,
évéque
de Constantia-Salamis
parle de Romanie à propos de la Mer Rouge. brique, trouvé à Sirmium et conservé au Musée porte 75 MERON, % 7
cette
émouvante
inscription:
« Χριστὲ
(376-403),
à Chypre,
qui
Un petit monument sur archéologique de Zagreb, Κύριε
βοήτι
τῆς
πόλεως
Flavius Cresconius Corippus, In laudem lustini Augusti minoris, éd. A. CaLondon 1976. M. Simon, La civilisation de l'Antiquité et le Christianisme, Paris 1972, pp. 66 ss. PL, CXIX, coll. 932 ss.
239
x ÉpuEov τὸν "ABapw
xal πύλαξον
᾿Αμήν ». Sans doute, l'inscription
τὴν Ῥωμανίαν
καὶ τὸν γράψαντα.
a été écrite durant
le blocus de la ville
par les Avares (579-582) #. Durant
sa longue
existence,
relativement
effacée, le terme
Ῥωμανία
a
été employé dans un sens général, mais aussi dans une acception restreinte pour indiquer certaines régions de l’Empire Byzantin: l’Asie Mineure ou quelques-unes de ses provinces, la Thrace, des ensembles insulaires etc. Ainsi, vers le milieu du douzième siècle, des étrangers, notamment des princes turcs de la dynastie des Danismendides, battent monnaie avec des inscriptions grecques:
« Μέγας
Μελίχης
πάσης
Ῥωμανίας
καὶ
᾿Ανατολῆῇς » ©. Déjà
au onzième siècle, sous l'influence des changements profonds qui s’opèrent en Italie et en Sicile, le vocable réapparaît dans les textes occidentaux pour désigner les terres grecques d'outremer. Une foison de textes de toute sorte annonce une soudaine réhabilitation. Nous sommes en présence d’un retour à des formes antiquisantes qui présage déjà une précoce renaissance. Un seul exemple en raison de son intérêt politique: les Gesta Roberti Wiscardi où il est question de Romaniae loca deliciosa. Il s'agit de Byzance et vraisemblablement de l'Asie Mineure *. La prise de Constantinople par les Latins de la Quatrième Croisade, en 1204, consacrera définitivement les termes Roma-
"ia, Romenie, Romaigne, Romagne. Dorénavant le mot sera officiellement adopté dans la titulature officielle: Imperium Romaniae, doge de Venise: dominus quartae partis et dimidiae totius Imperii Romaniae etc." Deux ouvrages de synthése ont imposé les titres dans l'historiographie moderne: La Romanie vénitienne au Moyen Age. Le développement et l'exploitation du domaine colonial vénitien (XII*-XV* siècles), Paris, 1959, nouvelle édition, 1975, par Freddy Thiriet, et La Romanie génoise (XII*-début du XV* siécle), en deux volumes, Rome, 1978, par Michel Balard. Nous noterons que le nom de Romania s'est conservé dans les chansons populaires grecques
du Pont 9, Trés tôt le nom “Ἕλλην employé dans le sens religieux de celui qui persiste au paganisme, l’idolàtre, est tombé en discrédit et disparut de la terminologie officielle. En réalité, Hellénes et Chrétiens poursuivent la vieille 75 G. Monavcsik, Byzantinoturcica. I. Die byzantinischen Quellen der Geschichte der Türkvólker, Berlin 1958, p. 303. 2 I. MÉrikorr, La Geste de Melik Paris 1960, T, p. 106.
Danismend.
Etude
critique du Danismendname,
% M. MATHIEU, Guillaume de Pouille. La Geste de Robert Guiscard, Palermo 1961, pp.
164ss.;
168 ss. et notes.
31 L'article de G. Paris, "Romani, Romania, lingua Romana, Romancium", publié dans le tome I* de Romania (1872) a marqué une date dans la recherche de l'histoire du mot. Des contributions fondamentales ont suivi. On
mania:
The
Latin
Empire of Constantinople",
se bornera à citer R. L. Worrr, “Ro-
in In., Studies in tbe Latin Empire
of
Constantinople, Variorum Reprints, London 1976, II, pp. 155. Du cóté grec voir: D. A. ZakvruiNos, Le chrysobulle d'Alexis III Comnène, empereur de Trébizonde, en faveur des Vénitiens, Paris 1932, pp. 86 ss.; K. AMANTOS, “ 'Pupavia"", Ἑλληνιχά 6 (1933), pp. 231 ss. 2 N, PoLrTIS, Ἐχλογαὶ ἀπὸ τὰ τραγούδια τοῦ ᾿Ελληνιχοῦ λαοῦ, Athènes 1914, pp. 263 ss.
240
querelle
entre
le Judaïsme
et l'Hellénisme 3, Toutefois
le nom
Ἕλληνες
se retire de plus en plus de la circulation pour se limiter au sens spécifique du non-chrétien. Par contre, le nom Ἑλλάς prolonge son existence à la fois comme terme géographique et administratif, surtout depuis la fondation du thème de l’Hellade, circonscription mentionnée pour la première fois entre 687 et 695. Il en est de même en ce qui concerne le vocable géographique
et ethnique Ἑλλαδικοί, qui désigne par excellence l'habitant du Péloponnèse, pris lui aussi dans la tradition de l'Antiquité *. Pour éviter l'ethnique Ἕλληνες, les Grecs du Moyen Age se sont également tournés vers le nom Γραικοί qui aura plus tard, surtout à partir du quatorziéme siécle, une large diffusion, D'une grande ancienneté, il a fini par devenir un nom populaire. L'historien Priscus relate un épisode piquant: en 448, lors de l'ambassade de Maximin à Attila, rencontra à Viminacium un homme qui portait une tenue de Scythe, mais qui parlait parfaitement le grec. Interrogé par l'historien, il répondit en riant qu'il était grec de naissance (« Γραιχὸς μὲν εἶναι
τὸ γένος »), et qu'il était venu à Viminacium pour des affaires commerciales » 5. Constantin VII Porphyrogénète, parlant des habitants de la région de Patras et du Magne, dans le Péloponnése, introduit les trois noms, Γραιχοί,
Ἕλληνες et Ῥωμαῖοι; «qui sont parmi les plus anciens des Romains; ceux-ci jusqu'ici sont appelés par les indigènes Ἕλληνες parce ce qu'ils étaient anciennement paiens et adoraient les idóles ». Ils ne furent baptisés que sous Basile I**, Trés tôt on cite des composés tels que 'EXXnvoyaλάται, Γοτθογραῖχοι, Γαλλογραῖχοι, Γραικοσαρμάται, Tparxoppwiatot, Ῥωμέλληνες etc. Théodore Studite parle de Γραικία nommant ainsi la
Grèce propre”. Pour l'Occident, plus précisément pour l'Italie, le nom du Grec (Graecus, Graecia) était familier. Aussi était-il de préférence utilisé pour désigner les Grecs et les Grecs byzantins. L'adjectif ‘Pwuuaïxés prévalut parmi les Grecs du Moyen Age pour indiquer toutes les manifestations de la vie publique et souvent de la vie privée. L'Empire était ‘Puyaïxôv, ses habitants étaient Ῥωμαῖοι
ou Ῥωμεῖς,
parfois Αὐσόνιοι εἰ Αὐσονῖται
du nom
de l'Ausonie
italienne. Ses empereurs, jusqu'au dernier, Constantin Paléologue, continuaient à porter le titre officiel « fidèle basileus et empereur des Romains » (« πιστὸς βασιλεὺς xal αὐτοχράτωρ
Ῥωμαίων »). Jusqu'à nos jours le nom Ῥωμαῖοι,
Ῥωμιοί, indique le peuple par excellence de l'Empire byzantin *. 33 M. Stmon- A. Benoît, Le Judaïsme et le Christianisme antique d’Antiochus Epiphane è Constantin, Paris 1968. 3 P. CHRESTOU,
“Αἱ περιπέτειαι
Ἐπετηρὶς Θεολογιχῆς 35 Excerpta
de
% Constantine R.J.H.
τῶν
ἐθνιχῶν
ὀνομάτων
τῶν
Ἑλλήνων",
Ἐπιστημονικὴ
Σχολῆς, Πανεπιστήμιον Θεσσαλονίχης, 4 (1959), pp. 269 ss. Legationibus,
éd.
Porphyrogenitus,
De
De
Boor,
I, p.
135.
administrando
Imperio,
édd.
Gy.
Moravcsik-
Jenkins, pp. 228 et 236.
3 P, CHRESTOU,
op.
cil, pp. 274ss.,
282ss.;
P. SPECK,
“Τραιχία
und
'Aputvla",
Jabrbuch der vsterreichischen byzantinischen Gesellschaft, 16 (1967), pp. 71 ss. 35 E, ArrIconI, “Ecumenismo Romano-Cristiano a Bisanzio e tramonto del concetto
di Ellade ed Elleni nell'Impero d’Oriente prima del Mille”, Nuova
Rivista Storica, 55
241
Cette nomenclature caractérise une théorie politique dont les Byzantins ne se sont jamais départis: leur Empire n'était que la continuation de celui de Rome et de sa mission universelle. Jusqu'à la fin du huitième siècle la légitimité de ces aspirations n'était pas mise en doute. Mais, depuis que la Querelle des Images eut reláché les liens entre l'Orient et l'Occident, depuis que, le jour de Noël de l'an 800, le pape Léon III eut couronné Charlemagne, aussi depuis que Louis II eut ouvertement pris le titre d'Empereur des Romains, l'idée d'un Empire romain universel commença
à décliner. Le bel-
lum diplomaticum qui mit aux prises les deux "empires romains" du Moyen Age est à cet égard très instructif. À la suite de ces événements, Charlemagne prit le titre d'Empereur (Imperator) et Imperator Romanum gubernans Imperium, reconnu à Constantinople par le traité d'Aix-la-Chapelle (812), tandis que celui de l'Imperator Romanorum ne prévalut définitivement que depuis la dynastie d'Othon *. Aux yeux de l'Occident, l'empereur byzantin cesse d’être un Imperator Romanus; 11 est appelé Imperator Novae Romae, Imperator Graecorum ou Imperator Constantinopolitanus ®. A Byzance, les réactions furent très vives. On a fait déjà allusion à l'impérialisme linguistique de Michel III. Fort de sa politique extérieure, de la christianisation des Slaves et des Bulgares, lui et ses successeurs immédiats se comportent en maîtres, La théorie romaine renaît sous une nouvelle dynastie qui conduit Byzance à son apogée. Un de ses membres, Constantin VII, en fixera le système universel qui ambitionnera d'y consigner la connaissance humaine. Un rude soldat, Nicéphore Phocas, grand artisan de la reconquête, reçut, en 968, l'évêque de Crémone Liutprand qui apportait des propositions d'Othon I*. Sur ces entrefaites, par malchance, une ambassade du pape Jean XIII arrivait à Constantinople munie
de lettres où Othon était nommé "Empereur des Romains", tandis que Nicéphore n'était qualifié que d' “Empereur des Grecs". L'emportement de la Cour de Constantinople était concevable. Nicéphore lui méme, parlant à Liutprand,
aurait dit: « vos non Romani, sed Longobardi estis » ". Aux derniers siècles de l’Empire, au lieu de la titulature impériale «in Christo deo fidelis Imperator et moderator Romanorum », on voit apparaître dans la correspon-
dance en latin avec les puissances étrangères le titre "Imperator Romaeorum”. Peut-être faudra-t-il y discerner un essai de compromis ‘. Après de longs siècles de disgráce, le nom "EXXnvec se réhabilite petit (1971), pp. 133ss.; In., "Il delinearsi di una coscienza nazionale Roméica l'Oriente e nell'ambito ellenofono medievale”, ibidem, 56 (1972), pp. 122 ss.; “Ἕλληνες ἢ Ῥωμιοί", in In., Aaoypapux Σύμμειχτα, I, Athènes 1920, pp. 122 3 F. DÔLcer, Byzanz und die europäische Staatenwelt, Ettal 1953, W. Ounsorce, Abendland und Byzanz, Darmstadt 1958. Ὁ R. L. WoLFF,
4 Liutprandi, Darmstadt
nell'Impero N. PoLITIS, ss. pp. 282ss.;
op. cit., II, pp. 14 55.
Legatio ad Imperatorem
Constantinopolitanum
Nicephorum
Phocem,
1971, p. 47.
€ F, DôLcer, Facsimiles byzantinischer Kaiserurkunden, München 1931, coll. 14 ss. Sur la titulature des empereurs de Byzance cf. F. DòLGER, Byzantiniscbe Diplomatik, Ettal
1956, pp. 130 ss. 242
à petit dans les textes littéraires, sans toutefois atteindre les honneurs de la titulature officielle, Le dernier chrysobulle (charte officielle, scellée de bulle d'or) qu'ait signé le dernier empereur de Byzance, Constantin
léologue, en juin 1451, porte la signature de l'Empereur: ἐν Χριστῷ τῷ Θεῷ πιστὸς βασιλεὺς καὶ αὐτοχράτωρ
λόγος». commune rapporte Georges
XI Pa-
« Κωνσταντῖνος
Ῥωμαίων à Παλαιο-
Le document concerne des privilèges commerciaux octroyés à la de Raguse 9. Un autre chrysobulle, promulgué en février 1449, se aux fils de Georges Gémistos, le grand savant de la Renaissance Pléthon “.
La réapparition du nom des Hellénes n'est pas un fait fortuit et vain. Elle annonce timidement un revirement, un changement dans la vie de l'Em-
pire. Celui-ci n'est pas seulement à attribuer aux transformations internes ou extérieures,
ethniques
l'esprit. Comme
ou
sociales, mais
aussi
aux
tendances
de
la vie de
il arrive souvent dans l'histoire de l'Hellénisme, cette re-
naissance n'est point l'effet d'une pléthore matérielle, mais l'éclat d'une détresse nationale. C'est justement ce qui est arrivé dans ce tournant du onzième au douzième siècle, Grand précurseur, Michel Psellos (1018-1078) est conscient d'introduire une ère nouvelle dans les études philosophiques. Il s'enorgueillit d'avoir puisé la sagesse « non à une source courante », mais
à des fontaines qu'il avait trouvées « bouchées », qu'il a dû ouvrir et purifier et qui ne lui « ont laissé tirer leur eau, cachée dans leurs profondeurs, qu'au prix d'un long essoufflement » *. De son côté, Anne Comnène dira: Il est naturel « que l'Empire romain, en qualité de souverain des autres peuples, ait des sujets ennemis... ». Cependant son père, Alexis I*, prenait grand intérêt pour la culture de l'esprit. Constantinople était le centre de l'univers: «là on peut voir un Latin qui s'instruit, un Scythe qui apprend le grec, un Romain qui s'exerce sur les
textes grecs, et le Grec illettré qui se forme à parler grec correctement » *. Dans un impérialisme de culture, les Byzantins, oubliant une longue tradition, se mirent à rétablir des vocables damnés. Déjà dans le passage qu'on vient de citer les termes Ῥωμαῖοι εἰ Ἕλληνες se côtoient‘. A mesure que nous descendons vers la fin du douzième et le commencement du treizième siècle, les mentions du nom des Hellénes et de ses dérivés deviennent de plus en plus fréquentes. La montée de la langue démoticisante, une nouvelle “koinè”,
comme
langue
écrite,
a sans
doute
accéléré
le rythme
des
évolutions **.
Des écrivains, originaires de Grèce ou résidant en Grèce, comme
Jean Apo-
caukos, Démétrius Chomatianos, Michel Choniate, Georges Bardanès, Euthy9 F. DéLcer-P. Winr, Regesten der Kaiserurkunden des ostrômischen Reiches, 5. Teil, München 1965, pp. 135ss. M. Markovié, “Vizantijske povelje Dubrovaëkog archiva”,, Zbornik Radova Bizantolski Institut, 1 (1952), pp. 240 85. * F. DórcEn - P. WIRTH, op. cit., pp. 132 ss. 55 Michel Psellos, Chronographie, éd. E. Renauld, I, pp. 137 ss. 46 Anne Comnène, Alexiade, XIV, 7, 2, éd. B. Leib, III, p. 173. *! Ibidem, XV, 7, 9, éd. B. Leib III, pp. 217 ss. 5 En général: H-G. Beck, Geschichte der byzantinischen Volksliteratur, München 1971.
243
me Tornikès et autres, subissent l'influence du milieu; en général, des savants d'une grande notoriété, comme Nicéphore Blemmidés, comme l'empereur Théodore II Lascaris, Théodore Métochite, Nicolas Kabasilas, Athanase
Lependrénos, Démétrius Cydonès, Joseph Bryennios, s'en servent ἢ, Durant les derniéres
décades
de la vie de l'Empire,
les noms
Ἑλλάς,
Ἕλληνες,
Ἑλληνικός sont largement employés. En ces jours désespérés, ils prennent un nouvel éclat. Pendant que l'Etat disparaît, l'Hellénisme renaît sous son visage authentique. Georges Gémiste Pléthon, s'adressant à Manuel II Paléologue dira: « nous sommes, nous sur qui vous régnez et commandez, Hellénes de race, ainsi que la langue et l'éducation paternelles en témoignent » *, De son côté, Jean Argyropoulos, un véritable renaissant, s'adressera à Jean VIII et Constantin XI en se servant d'une terminologie peu byzantine: "soleil de la Gréce" pour le premier, "Empereur des Hellénes" pour le second. Et lorsque tout sera fini, Laonic Chalcocondylès criera « le désastre le plus grand qui soit jamais advenu dans l'Univers »*. 7.
En guise de conclusion
Dans l'histoire de l'Europe au Moyen Age, l'Empire grec a joué un rôle capital. Sous des concepts fallacieux, il a recueilli et conservé la tradition gréco-romaine, cimentée par la religion chrétienne. A mesure qu'il s'éloignait de ses racines, il subissait de plus en plus l'attrait de l'Hellénisme; cependant, il conserva jusqu'à la fin la 'théorie romaine' et la force conservatrice du Droit romain. C'est celle-ci qui pendant longtemps avait contrecarré les tendances centrifuges de la constitution politique. Unique pour sa durée et pour sa permanence, rigide dans ses croyances, souple dans ses méthodes, une et diverse, Byzance la grecque s'érigeait en gardienne d'une frontiére, militaire et culturelle à la fois. Autour d'elle, gravitaient des peuples, des Etats et des ethnies qui agréaient son autorité et sa civilisation. jusqu'aux
dernières
décades
du onzième
siècle, sa domination
s'étendait, à
l'ouest, vers l'Italie méridionale et la Sicile. Malgré le "Schisme" de 1054, malgré les invasions normandes, malgré les croisades et la prise de Constantinople, en 1204, les Byzantins ont conservé jusqu'à la fin la notion de l'unité de l'Europe
chrétienne.
Des
textes
éminemment
caractéristiques
en
témoi-
gnent *?, Α un moment critique pour nos disciplines, un des précurseurs les plus # S. RuNcIMAN, "Byzantine and Hellene in the Fourteenth Century”, Τόμος Κωνσταντίνου ᾿Αρμενοπούλου, Thessalonique 1951, pp. 27ss.; Ap. VACALOPOULOS, Ἱστορία τοῦ Νέον Ἑλληνισμοῦ, I, Thessalonique 1961, pp. 60ss., 67ss.; In., Origins of the Greek
Nation.
The
Greek
Period,
1204-1461,
New
Brunswick
1970,
pp.
27ss.,
280 ss.
59 Sp. LAMPROS, Παλαιολόγεια καὶ Πελοποννησιαχά, III, Athènes 1926, p. 247. 51 Sp. LAMPROS, ᾿Αργυροπούλεια, Athènes 1910, pp. 7, 29 et passim. LAoNIC CHALCOCONDYLÈS, ᾿Αποδείξεις Ἱστοριῶν, éd. E. Darkò, II, pp. 166 ss. 52 D. A, ZAKYTHINOS, “Τὸ Βυζάντιον μεταξὺ ᾿Ανατολῆς xal Δύσεως", in In., Byzance: Etat-Société-Economie, cit., III, pp. 373 ss.
244
avisés, Alfred Rambaud, remarquait en 1877 que « Byzance a été l'un des organes essentiels du développement de l'humanité; elle a été l'intermédiaire nécessaire entre l'Asie et l'Europe, entre le monde antique et le monde moderne...; c'est par elle que les traditions de la Gréce classique ont pu se conserver
jusqu'au
moment
où les Italiens
et les Français
ont
réussi
à se
dégager de la barbarie. Du V* au XVI° siècle, aucun peuple n'eut une mission historique plus haute que les Gréco-Romains de Constantinople » 3. Byzance a été plus que cela. Dans une région du monde particulièrement névralgique, elle a développé certaines maniéres de penser, de sentir et de voir, certaines attitudes spirituelles et sentimentales. Elle a tout particulièrement fait naître le sentiment patriotique; l’on a dit, non sans raison, que, après avoir transformé l'Etat antique en Etat médiéval, elle a préparé l'ascension de l'Etat national *. En ce sens, l'Empire byzantin tiendrait dans le monde
européen
la place d'une véritable Proto-Europe, d'une Proto-Europe d'une extraordinaire modernité,
533 A. RAMBAUD, Etudes sur l'Histoire byzantine, Paris 1919, p. 113. 5% J. LiwpsAY,
Byzantium
into
Europe.
The
Story
of Byzantium
rope 326-1204 and its further Contribution till 1453 A.D., London
as tbe
First
Eu-
1952, p. 168.
245
ANTONIO
IMPERO
ROMANO
CARILE
E ROMANIA
1. « In orbe romano qui sunt ex constitutione imperatoris Antonini cives effecti sunt »*. Con la costituzione di Caracalla l'11 luglio 212, secondo le parole di Ulpiano, la cittadinanza romana fu estesa a tutti i provinciali; l'apggettivo romanus ῥωμαῖος dal toponimo derivante dal gentilizio etrusco
Ruma?,
perse il suo originario significato etnico e linguistico, assumendo
un valore giuridico e politico connesso con la cittadinanza romana. Constantino VII
Porfirogenito, nel X secolo, identificherà i Ῥωμαῖοι
come
« citta-
dini fruenti della ῥωμαϊκὴ κατάστασις » 7. Nel corso del IV e V secolo, in pieno imperversare del problema gotico, le società urbane che costituivano il tessuto economico e che animavano il sistema dei traffici e delle comunicazioni su cui poggiava l’unità politica romana, persero la coscienza storica di antiche opposizioni a partire da quella
Romani/Latini
concentrandosi
sul più
attuale
contrasto
Romani/Barbari
poiché le popolazioni dell'Impero si sentivano in una città assediata dalle gentes esterne che ne minacciavano l'integrità territoriale e forse anche lo stile di vita urbana cui erano avvezze *. Sullo sfondo di queste preoccupazioni, esponenti culturali e pagani e
cristiani teorizzavano la perdita dell'ethos nazionale da parte delle singole gentes, contente
di trovarsi
amministrativamente
e giuridicamente
unificate
sotto le medesime /eges, che fanno del mondo un'unica città. S. Agostino, pur ponendo sul medesimo piano storico tutte le culture umane,
naturalmente
orientate
ad assicurare la pace
terrena,
si chiede con
una sorta di commozione civile: « Qui iam cognoscit gentes in imperio Ro mano quae quid erant, quando omnes Romani facti sunt et omnes Romani dicuntur? » 5.
I! 2 3 +
Ulp. Dig., I, V, 17. C. TAGLIAVINI, Le origini delle lingue neolatine, 4° ed., Bologna 1964, p. 120. Const. Porphyr. De adm. imp., XIII, 115 (edd. Moravesik-Jenkins). J. Zeizer, “L'apparition du mot Romania chez les écrivains latins", Revue des
Etudes Latines, 7 (1929), pp. 194-198.
5 Aug. ad psalmos, LVIII, 1.
247
La funzione provvidenziale della pax romana supporto per la diffusione del Cristianesimo, trasfigura l’Impero romano, agli occhi di Prudenzio, nel suo Contra Symmachum del 403, nella realizzazione storica dell'eguaglianza giuridica e della fraternità del genere umano: « Ius fecit commune pares et nomine eodem nexuit et domitos fraterna in vincla redegit » 5.
Il pagano Claudiano, frettoloso cantore della rovina gotica nel suo De bello gotbico, anteriore di otto anni al sacco di Roma ad opera di Alarico, aveva nel 398, De quarto consulatu Honorii, espressa la medesima fede nel superamento delle identità nazionali nel contesto dell'universalismo imperiale coincidente con il genere umano: « Haec est in gremium
Humanumque
Rutilio Namaziano d'origine, compiuto nel incursione gotica, rifiuta politico all'insegna della
victos quae
genus communi
sola recepit
nomine fecit » ?.
nel descrivere un viaggio in Gallia, sua regione 417, poco dopo le devastazioni di una disastrosa di prendere atto della nuova realtà di frazionamento dominazione barbarica, esprime piuttosto la volontà
di sopravvivenza della nobilitas provinciale, arroccata nelle città e nelle ville
fortificate, nel riaffermare la missione storica di Roma, politica delle gentes nell’unica città della civiltà:
cioè l'unificazione
« Fecisti patriam diversis gentibus unam Urbem fecisti quae prius orbis erat » *. Questa patria non ἃ soltanto una costruzione umana, come gli imperi suc-
cedutisi nella storia universale,
& una necessità metastorica:
« ... Deus undique gentes Inclinare caput docuit sub legibus iisdem Romanumque omnes fieri... » ?.
secondo Prudenzio, perché ormai l'Impero attraverso la speculazione politica eusebiana era rientrato nell'ordine universale e costituiva una immagine
del regno celeste ^. 6 Prud. Contra Symmachum, 7 Claud. de laud., III, X, 1 (1923), p. 71. 5 Rut. Nam. Itinerarium, V, 9 Prud. Contra Symmachum,
vv. 506-507. 50 cfr. G.G.
Marzzscu,
in Ephemeris
Daco-romana,
63-64. vv. 501-503.
10 A, Pertusi, "I principi fondamentali della concezione del potere a Bisanzio. Per un commento al dialogo 'Sulla scienza politica' attribuito a Pietro Patrizio (secolo VI)",
Bullettino dell'Istituto
248
storico Italiano
per
il Medio
Evo
e Archivio
Muratoriano,
80
2. Nelle regioni orientali dell'Impero coesistevano, non sempre pacificamente, tradizioni culturali, linguistiche, religiose diverse, sia pure nell'ambito di una egemonia culturale ellenofona, erede dell'antica unità ellenistica;
ma tale egemonia era destinata a dileguarsi nei primi decenni del VII secolo da tutto il crescente fertile, Siria, Palestina, Egitto !!. In tal ambito il termine romanus
ῥωμαῖος
non
può
recate alcuna connotazione
etnica o linguistica;
accentua invece la valenza politica e civile che rende possibili le peregrinazioni delle capitali imperiali, Nicomedia, come Milano e Ravenna, fino alla traslazione a Costantinopoli. Ῥωμαῖοι si applicò pertanto agli ellenofoni, come vuole Giorgio Cedreno ?, ma anche ad altre lingue e nazionalità a partire dagli Armeni, come doveva ben sapere Costantino VII Porfirogenito. Nel X secolo si era persa a tal punto la nozione etnica del termine ῥωμαῖος che l’imperatore vede le terre d'Italia come abitate o dominate un tempo dai Ῥωμαῖοι
tempo
(« xatwxoüvro
sommariamente
παρὰ
τῶν
Ῥωμαίων,
rientranti nella Φραγγία
χατεχρατεῖτο ») ma
per cui «oi
al suo
Φράγγοι
ἀπὸ
᾿Αχουϊλεγίας καὶ ἀπὸ τῶν ἑτέρων τῆς Φραγγίας χάστρων » ? fondarono la provincia delle Venezie per paura di Attila, con buona pace della cronologia storica. Quando ancora il termine romanus e ῥωμαῖος conservavano alla coscienza
di chi li usava un senso politico e linguistico ad occidente ed esclusivamente politico ad oriente di un asse che correva lungo l'entroterra dalmatico, dai due aggettivi si trassero le denominazioni di Romània in latino e Ῥωμανία in greco. Romania'Pwpavla invalsero nell'uso quotidiano, sulla analogia dei toponimi in -ia (Gallia, Germania, Φραγγία, Συρία) ma invalsero non in senso
etnico, bensí come compendio territorialmente definito delle espressioni politiche e civili di imperium romanum, orbis romanus “. Nell'età delle invasioni barbariche Romänia-Pwyavla trovarono la loro opposizione simmetrica in Barbaria, Barbaries, usata secondo un largo spettro di significati, giusta
l'uso linguistico classico,
cioè da paese
fino alla prevalenza positiva che nel VI rirà a questo membro zione di re Cariberto:
straniero
secolo Venanzio
a nazioni
barbare,
Fortunato
confe-
non più di un'antitesi ma di una endiadi, nell'esalta-
« Hinc cui Barbaries illinc Romania plaudit diversis linguis laus sonat una viro» 55.
(1968), p. 12; A. Monisi, "Ricerche sull'ideoclogia imperiale a Bisanzio”, Acme pp. 124-135.
16 (1963),
!! A, CARILE, "Giovanni di Nikius cronista bizantino-copto”, Miscellanea Stratos, in corso di stampa. 12 Georg. Cedr. Synopsis bist., I, p. 454. D Const. Porphyr. de adm. imp., XXVII, 13-14 (edd. Moravesik-Jenkins), cfr. la utilizzazione del passo in A. CARILE, "La formazione del ducato veneziano”, in A. CARILE G. FEDALTO, Le origini di Venezia, Bologna 1978, p. 55, p. 78. M TAGLIAVINI, op. cit., p. 125; W. von WARTBURG, La frammentazione linguistica della Romania, ed. it. a cura di A. Varvaro, Roma 1980, pp. 96-99. 15 Ven. Fort. VI, 4, 7-8.
249
Paolo Orosio, che preferisce il termine status romanus, all'inizio del V secolo registra Romania come espressione volgare nel famoso ritratto politico di Ataulfo che « ... referre solitus esset se in primis ardenter inhiasse ut, obliterato romano nomine,
Romanum
omne
solum
Gothorum
imperium
essetque, ut vulgariter loquar, Gothia quod Romania Athaulfus quod quondam Caesar Augustus » !5,
et faceret
et
vocaret,
fuisset et fieret. nunc
Il Romanum omne solum non può in realtà divenire per semplice conquista un Gothorum imperium perché la Romania non è solo un'espressione territoriale, come Ataulfo aveva creduto all’inizio della sua carriera; ad onta dello sconquasso territoriale arrecato dalle invasioni, il capo gotico si rese conto che la Romania era una respublica, cioè un organismo amministrativo retto da /eges, un sistema di governo che la effrenata barbaries non poteva storicamente rimpiazzare, che poteva bensf o rinvigorite con il suo dinamismo
(Gothorum viribus) o distruggere, secondo l’espressione di Possidio a proposito dei Vandali conquistatori di Spagna, Romaniae eversores ": « At ubi multa experientia probavisset Gothos ullo modo parere legibus posse propter effrenatam barbariem neque reipublicae interdici leges oportere, sine quibus respublica non est respublica, elegisse saltem ut gloriam sibi de resti-
tuendo in integrum augendoque romano nomine Gothorum viribus quaereret habereturque apud posteros Romanae restitutionis auctor, postquam esse non
potuerat immutator » !5, Il maestro di Paolo Orosio e di Possidio, Agostino, nel porre la iusticia
a fondamento della pace terrena («remota itaque iusticia, quid sunt regna nisi magna latrocinia ») 9, la "pace di Babilonia" tuttavia provvidenziale per i Cristiani ? aveva indicato nella Romania la prefigurazione della Civitas Dei: « ... l’impero romano è stato esteso, fino a raggiungere la massima gloria umana... perché i cittadini della città eterna, finché sono pellegrini quaggió, osservino con diligenza e senno quell’esempio e veggano quanto amore si debba
alla patria superna » ?!. Se la bipolarità etico-religiosa fra città del bene e città del male, induce al superamento di ogni antitesi etnica o civile in quanto tutte le genti 16 Oros. Hist. adv. paganos, VII, 43, 4-5 (ed. Lippold, II, p. 398). O. BERTOLINI, “Gothia e Romania”, I Goti in occidente, Settimana di studio del centro italiano di studi sull’alto Medioevo III, Spoleto 1956, p. 13; F. Giunta, “I Goti e la Romanità”, in AA.VV., Nuove questioni di Storia medievale, Milano 1964, pp. 37-55. 17 Possid. Vita Aug., c. 6. 18 Oros. Hist. adv. paganos,
VII,
43,
6
(ed.
Lippold,
II, pp.
398,
400).
19 Aug. de civit. Dei, IV, 4. 7 ]bid., XIX, 26. À Ibid., V, 15; cfr. AcosTINO, La città di Dio, a cura di D. Pesce, Firenze 1967, p. 99.
250
la romana non fa eccezione, sono ripartite fra i due poli; se la città celeste,
pellegrina sulla terra pud scendere a patti con qualunque istituzione o cultura a condizione di non vedersi negate le sue ragioni essenziali; & pur vero che il concetto di Romania, in quanto il pit illustre organismo storico fondato sulla iusticia per assicurare la pace, subisce in ultima analisi una sorta di carisma provvidenziale come superamento dei particolarismi etnici verso la realizzazione della pace terrena. 3. Ῥωμανία era divenuto in Oriente fin dal IV secolo un sinonimo volgare di βασιλεία τῶν Ῥωμαίων come dimostra l'uso di S. Atanasio ? e di S. Epifanio ? per cui il Mar Rosso dà accesso alla ‘Pwpuavta. D'altronde la Ῥωμανία in quanto organizzazione statale, burocratica e militare dell'Impero, sopravvisse alle crisi del V secolo e in oriente, a Costantinopoli, trovò il suo centro tradizionale. Quando l’insediamento longobardo romperà l’unità
politica d’Italia, anche nella penisola si opererà una distinzione fra territori bizantini, Romania;
poi ex-bizantini, e territori longobardi, nell’antitesi Langobardiatermine quest’ultimo che divenne ufficiale per l'Esarcato, ormai
per cosí dire ‘restituito’ a partire da una legge di Pipino del 781, mentre nel restaurato Impero occidentale Romania denoterà il territorio già dell’Impero d'Oriente o abitato da popolazioni che parlano romanice *. La moderna denominazione di Romagna, riservata a terre già parte dell’Esarcato d’Italia, è la sopravvivenza toponomastica piá significativa del termine in Italia”, Su di una iscrizione trovata a Mitrovitsa sul luogo dell’antica Sirmium e risalente con ogni probabilità al lungo assedio avaro di Sirmium (579-582) si legge:
ἤλβαριν
« Χριστὲ
Κύριε,
xè πύλαξον
βοήτι
(pro
(pro φύλαξον)
βοήθει)
τὴν
τῆς
πόλεος
Ῥωμανίαν
x' ἔρυξον
τὸν
xal τὸν γράψαντα.
"Any » #. L'ellenofono, che usa un greco con particolarità fonetiche provinciali, testimoniate dalla caduta delle aspirate (0 e
ridotte a sorde), indica
in Ῥωμανία l'universo etico-politico dell'Impero in cui egli identifica la propria salvezza. Per l'estensore del graffito la Ῥωμανία giunge fin nel cuore della penisola balcanica, non ἃ dunque questione di lingue o di razza, ha un rapporto diretto con
il Signore
Cristo, βασιλεὺς
τῶν
βασιλέων
di
cui l'imperatore, secondo la piü ufficiale ideologia politica eusebiana, & viZ Per tutto questo paragrafo cfr. ZEILLER, op. cit; Athan., I, 733c. 23 PG, XLV, col. 204. # V. CazsciNt, “Romània”, in In., Romanica fragmenta, Torino 1932, pp. 1-26; In., “Romana lingua”, ibid., pp. 27-41; H. F. MuLLER, “On the use of the Expression ‘Lingua romana' from the first to the ninth Century", Zeitschrift für Romaniscbe Pbilologie, 45 (1925), pp. 9-23; M.G. BartoLI, “Romania e ‘Puuavla”, Scritti vari di erudizione e di critica in onore di Rodolfo Renier, Torino 1912, pp. 981-999. 8 TAGLIAVINI, op. cit., p. 127, n. 25. Cfr. anche K. AMANTOS, “Ῥωμανία", Ἕλληνιχά, 6 (1933), pp. 231-235
e In., Ἱστορία τοῦ βυζαντινοῦ
χράτους,
I, Atene
1963,
pp. 39;
40.
D. ZakvTHINOS, 'H βυζαντινὴ Αὐτοχρατορία, 324-1071, I, Atene 1969, pp. 12-13. 96 Edita in Byzantinische Zeitschrift, 3 (1894), p. 22 cfr. AMANTOS, op. cit., p. 251 n. 2; D. ZaxyrHINOS, "Exposé sur la continuité de l'Empire romain à Constantinople: 330-1453", in questo stesso volume, pp. 231 ss.; G. Moxavesik, Byzantinoturcica, I, Berlin 1958, p. 303.
251
cario e μίμησις 7. I sigilli plumbei di Develtos e l'VIII secolo, mostrano l'estensione geografica della Di quali potenzialità etico-civili e religiose fosse un χελιδόνισμα. Tradizionale composizione poetica mavera
è connessa con la v(xm
θεοδώρητον
xai ζωὴν τῷ βασιλεῖ Ῥωμαίων
Filippopoli, ancora nelῬῬωμανία. carico il termine mostra in cui la festa della pri-
recata insieme a χαρὰν
ὑγείαν
secondo l'esempio illustre tramandatoci da
Costantino VII Porfirogenito, il χελιδόνισμα veniva eseguito in una gioiosa
cerimonia pubblica nel corso della quale i demi εἰς τὸ Μαχελλαρικὸν ἱπποδρόμιον in coro con il popolo che esegue il responsorio rivolgevano il canto augurale all'imperatore, vero oggetto della celebrazione ?. Nel contesto del. lIppodromo, in cui ritualmente si esprime il rapporto fra il populus romanus e il suo imperatore, secondo la lezione del Dagron, un χελιδόνισμα trasmesso da un codice del XII secolo e da un codice del XV, ma di compo-
sizione probabilmente anteriore al XII secolo, ci offre un responsorio che per cinque volte suona Ῥωμανία νικᾷ in perfetto parallelismo con la vixn augurata al βασιλεὺς rogenito.
Ῥωμαίων
nel
testo
riportato
da
Costantino
Porfi-
«᾿Αρχηγός των ἁπάντω(ν) βασιλεύει χύριος. R(esponsorium) Ῥωμανία νικά. γεννάται ὁ Χριστός δια λόγου θεϊκού.
R(esponsorium) Ῥωμανία νικά. (ἔρ)χεται ἐπι τῆς γής, R(esponsorium)
Ῥωμανία
φέρει τῳ χόσμῳ.
νικά.
ἥλιος, καὶ σελήνη
R(esponsorium)
ζωὴν
θεόν προσχυνούσιν.
Ῥωμανία
νιχά.» ?
Siamo di fronte alla declinazione rituale del paradigma del pensiero politico eusebiano: il βασιλεύς cui si allude per sovrapposizione del βασιλεύει χύριος
ἃ elxwv
di Dio,
autore
del
creato
visibile
del Cristo-Aóyoc che ha recato la vita al mondo imperiale (ἥλιος) e il sacerdotium
(σελήνη)
e invisibile;
è vicario
visibile mentre
il potere
adorano Dio in quanto autorità
complementari ed interdipendenti. Da questo ordine divino del cosmo consegue il trionfo della ‘Pmuavia: 7 Sulla Pertusi,
salvezza del singolo e dello stato coinci-
teologia politica bizantina oltre agli articoli già citati della Morisi
cfr. anche
S. RuNciMAN,
The
byzantine
Tbeocracy,
Cambridge
1977,
pp.
e del 5-25;
H. AHRWEILER, L'idéologie politique de l'empire byzantin, Paris 1975, pp. 14-19 e soprattutto A. PERTUSI, "Storia del pensiero politico", in In., La civiltà bizantina dal IV αἱ IX secolo, Aspetti e problemi, Bari 1977, pp. 33-45. Si tratta di una anticipazione de Il pensiero politico e sociale bizantino dal secolo VI al secolo XVI, attualmente in
tre sezioni da molti anni in stampa presso la Storia delle idee politiche, economiche e sociali, diretta da L. Firpo (cfr. A. CARILE, "Agostino Pertusi", in Medioevo. Saggi e rassegne, 5 (1980), p. 226), di cui è ora comparso A. PERTUSI, “Il pensiero politico e sociale bizantino dalla fine del secolo VI al secolo XIII”, in Storia, cit., II, 2, Torino
1983, pp. 667-816. 2 Const. Porphyr., de caer., I, 82, (ed. Vogt, II, pp. 166-167) (= P. Maas, "Metrische Akklamationen
der Byzantiner”,
Byzantinische
2 MAAS, op. cit., n. X, p. 45.
252
Zeitschrift, 21
[1912],
n. IX,
1, p. 37).
dono in una visione etica in cui pubblico e privato vengono risolti nell'unica nozione della τάξις che rende la βασιλεία simile all'armonia universale impressa da Dio al tutto: « τοῦ βασιλείου χράτους ῥυθμῷ καὶ τάξει pepo μένου, εἰχονίζοι μὲν τοῦ δημιουργοῦ τὴν περὶ τόδε τὸ πᾶν ἁρμονίαν καὶ
χίνησιν» per usare le solenni parole premesse da Costantino VII Porfirogenito al suo trattato delle cerimonie *. La
Ῥωμανία
ἃ dunque
la
βασιλεία
τῶν
Ῥωμαίων
realizzazione
di
"ritmo e ordine" che ἃ immagine dell'armonia divina del creato. Questo sentimento trascendente del lealismo imperiale ἃ la realtà etica in cui i membri dell'Impero, al di là delle lingue, delle etnie, delle divergenze religiose, o magari semplicemente sportive connesse con le corse dei carri, al di là dei contrasti di classe, possono riconoscersi nell'unità della vita politica e sociale con la vita morale in una tensione metafisica del cittadino verso Dio autore del cosmo e verso Cristo autore della ζωή, della salvezza: la Ῥωμανία come coincidenza di stato e fede religiosa, secondo un ordine di-
vino (τάξις) che rende ἄγιος, προσχυνητός
il βασιλεύς che della τάξις è
il garante terreno *. 4. Questa realtà concettuale, rimasta in vigore fino alla fine dell'Impero, non veniva colta nelle sue implicazioni etiche dai mercanti occidentali, pisani, genovesi, veneziani,
abituati a trattare i mercati di Romänia
ma poco
disposti a familiarizzarsi con il suo universo concettuale. La Ῥωμανία che i Veneziani distinguevano in bassa (Peloponneso, Creta, Arcipelago, Negroponte)
e alta
(Macedonia,
Tracia
e stretti)
rimarrà
per
gli occidentali
solo
il sinonimo territoriale dell’Impero d'Oriente 9. L'uso della Historia Ducum Veneticorum, un testo veneziano del XII secolo, è chiaramente geografico *. L'atto di ripartizione dei feudi dell'Impero che l’esercito della IV crociata intendeva impiantare sul corpo dell'Impero d'Oriente, si intitola, nel settembre 1204 Partitio terrarum imperii Romanie ^. Nel XIII secolo per il cronista Salimbene, il cui padre Adam aveva partecipato alla IV crociata, « Grecia... est provincia Romanie », in un contesto in cui si parla dei Francescani 5. L'ipotesi del Wolff che Romania designasse unicamente l'Impero latino, cioè la zona di occupazione occidentale dell'Impero d'Oriente, non regge alla analisi del termine ‘Pwuavta nei documenti ufficiali costantino-
politani *. 3% Const. Porphyr., de caer., Praef. (ed. Vogt, I, p. 2, 19-21). 31 Cfr. AHRWEILER, op. cit., p. 136. 32 Fe. ΤΉΙΚΙΕΊ, La Romanie vénitienne au Moyen Age. Le développement et l'exploitation du domaine colonial vénitien (XII-XV* siècles), Paris 3 In MGH, SS., XIV, pp. 73; 75; 78; 93.
1959,
rist.
1975,
pp.
3-4.
# A. CARILE, "Partitio terrarum Imperii Romanie", Studi Veneziani, 7 (1965), p. 217, n. 1 (i titoli sono addizioni di copisti che rispecchiano l'uso corrente nel XIII secolo). 35 SALIMBENE
DE
ADAM,
Cronica,
Nuova
edizione
critica
a cura
di G.
Scatta,
I,
Bari 1966, p. 266, 30. Cfr. A. CARILE, Salimbene e la sua opera storiografica, Bologna 1971, p. 9, SALIMBENE, op. cit., I, p. 52, 4-14. 3 R.L. Wozrr, “Romania. The latin Empire of Constantinople", Speculum, 23
253
Nel protocollo imperiale il termine ῬῬωμανία non ha mai sostituito l'espressione τῶν Ῥωμαίων; piuttosto i conquistatori, veneziani, serbi, bulgari assumeranno il termine meno aulico, probabilmente ristretto al senso territoriale che essi erano avvezzi a conferirgli. Gli storici bizantini di rado ne fanno uso. Nel X secolo Giuseppe Genesio, autore della cerchia di Costantino VII Porfirogenito, giunse a sfiorare il termine nell'espressione "Pur μαῖτις y”, mentre Giovanni Cinnamo (XII secolo) una volta designò l’Impero come ‘Pwuate *; una sola volta Anna Comnena usa il termine per denotare il territorio dell'Impéro: « τοῖς μέρεσι τῆς Ῥωμανίας rim σιάσαι θελήσαντες » 9, probabilmente per conferire alla narrazione quella
vibrazione patriottica che il termine assume in due crisobolli della cancelleria di Alessio I riportati da Anna stessa", A seguito della conquista del 1204 i Veneziani, prima nella persona del podestà di Costantinopoli, poi nella persona del doge, dopo una crisi istituzionale che per poco non portò ad una rottura fra Veneziani di Costantinopoli e Veneziani della madrepatria, assunsero nel protocollo dogale il titolo di despotis Imperii Romanie eiusdem imperii quarte partis et dimidie dominator "*, mentre il χράλ, Stefano Dusan, in seguito alle sue conquiste macedoniche si fece incoronare il 16 aprile 1346: βασιλεὺς αὐτοχράτωρ Σερβίας xal Ῥωμανίας “ intitolandosi nei documenti πιστὸς ἐν Χριστῷ τῷ θεῷ χράλης xal αὐτοχράτωρ Σερβίας καὶ Ῥωμανίας 9 (ottobre 1353) secondo quel processo di somma-
toria di titoli occidentali e titoli orientali che si evidenzia anche nella titolatura degli imperatori latini di Costantinopoli e che dichiara una concezione puramente
territoriale
della
Ῥωμανία
al di fuori
del
sistema
concettuale
romano-bizantino. Ben noto è il problema della discendenza romana vantata dagli zar bulgari, gli Asenidi, in coincidenza con la tendenza politica dell’Impero bulgaro ad annettersi porzioni della Ῥωμανία nella impossibilità
di ereditare l'intero Impero *. Il termine ‘Pwpavia non ricorre dunque nel protocollo imperiale ed è difficile da rinvenirsi negli storici, anche i meno aulici; rarissimo è il suo uso nei documenti imperiali rivolti a membri dell’Impero, che conoscono il significato etico-politico di βασιλεία τῶν Ῥωμαίων. Tuttavia il termine (1948), pp.
1-34 ancora
riecheggiato in S. BERNARDINELLO,
“In margine
alla questione
rumena nella letteratura bizantina del XII secolo, Zbornik Radova Vizantoloïkog Instituta, 18 (1978), p. 99. Cfr. quanto è detto qui appresso.
7 Ioseph. Genesii Regum libri quattuor, recc. A. Lesmueller-Werner Berolini 1978, (Corpus Fontium Historiae Byzantinae XIV), 2, 10, 82.
et I. Thum,
38. Toann. Cinn., II, 8, 58. 3 Annae Comn. Alex. IV, 1, (ed. Leib, I, p. 159, 11). © Ibid., III, 6 (ed. Leib, I, pp. 120-122); XIII, 12 (ibid., III, p. 125-139).
*1 A. CARILE, Per una storia dell'impero latino di Costantinopoli, 2* ed. aum., Bologna
1978, p. 228.
42. MM.
(= Acta et diplomata graeca Medii Aevi, edd. F. MikrosicH - I. MUELLER,
I.VI Vindobonae
1860-1890), V, 120 s.a.
4 M.M., V, 127. # Cfr. gli atti dell'S' Congresso Internazionale La cultura bulgara nel medioevo bal. canico tra Oriente e Occidente europeo, Spoleto 3-6 novembre 1981, Spoleto 1983, p. 196.
254
Ῥωμανία ricorre in qualche caso, ad esempio nel crisobollo con cui Alessio 1 Comneno conferisce la reggenza alla madre Anna Dalassena, nell'atto di allontanarsi da Costantinopoli a breve distanza dal suo insediamento per seguire da presso l'infido Roberto il Guiscardo nell'agosto 1081. Il testo del crisobollo ἃ di singolare suggestività: non a caso Kavafis ne farà oggetto della
sua poesia
"Avva
Δαλασσηνὴ
riprendendo
come
verso
finale
il fa-
moso lemma: « Οὐ τὸ ἐμὸν ἢ τὸ σόν, τὸ ψυχρὸν τοῦτο pina ἐρρήθη » 5. In un contesto aristocraticamente vibrante di affetti e orgogli familiari, vengono
introdotte
note
di
alto patriottismo:
« ἐτουμαζομένη
δὲ
ἤδη
ἡ
βασιλεία pou σὺν Θεῷ πρὸς τὴν χατὰ τῶν ἐχθρῶν τῆς Ῥωμανίας ἐξέλευσιν » *5. Nel trattato di pace del settembre 1108 fra Alessio I Comneno e il normanno Boemondo ricompare il termine ῬΡωμανία come equivalente di Impero romano in una singolare figura retorica, costruita su un calcolato gioco chiastico, che vede in parallelo da una parte città e villaggi « ὅσαι. ὑπὸ τὸ σχΐπτρον τῆς Ῥωμαίων Τύχης ἐτύγχανον οὖσαι» con espressione aulicamente arcaizzante, in cui l'Impero è espresso con il concetto di Romanorum
Fortuna; dall'altra parte città e villaggi « μηδέπω δεδουλευχότων τῇ ‘Pu μανίᾳ » *. L'Impero è qui denotato nella maniera più volgare di modo che i due termini chiasticamente richiamantesi Ῥωμαίων Τύχη Ῥωμανία nell'ossimoro esprimono la totalità dell'ethos imperiale dell'autocratore τῶν Ῥωμαίων. Una totalità patriottica nel termine pare di cogliere in un documento privato del 1253; la panbypersevastis Irene, nell'atto di donare una proprietà al monastero della madre di Dio Lembiotissa, adduce a fine « ὡς ἵνα
ἀναμνησθῷσι τοὺς xómouc τοῦ αὐθέντου pou, τοῦ ἀνδρός μον, τοῦ πανυπερσεβάστου (pro πανευσεβάστου) [sic] οὖς ἐχόπιασεν ὑπὲρ τῆς Ῥωμαviag » *.
5. Ho già notato in altra sede come la titolatura protocollare degli imperatori di Costantinopoli nei documenti rivolti alle città marinare italiane subisca un processo di esplicitazione della ideologia politica della βασιλεία inconcepibile in documenti rivolti a destinatari consapevoli del senso etico-politico della βασιλεία τῶν Ῥωμαίων. Analogo fenomeno di esplicitazione si rileva là dove ricorre la formula ἡ βασιλεία μου in ambiti di carattere normativo, che cioè obbligano il βασιλεύς; in tal caso si affianca l’espressione Ῥωμανία. nell'ottobre 1111 ὑμεῖς ἀπολέσετε τῆς θαλάσσης ἢ
Nel giuramento reso dai Pisani ad Alessio I Comneno si afferma”: « οὐχ ἐσόμεθα ἐν βουλῇ καὶ πράξει, Bv ἧς τὴν βασιλείαν ὑμῶν ἢ τὴν Ῥωμανίαν ἢ τὰς νήσους τὰς χώρας, ἃς νῦν χρατεῖτε ὑπὸ τὴν ὑμετέραν ἐξουσίαν
# Annae Comn. Alex, III, 6, 4 (ed. Leib, I, p. 121, 10); K. P. KavaPHIS, “Aravta, II, Atene “Ixapos 1975, p. 56 (poesia del 1927). 46 Annae Comn. Alex., III, 6, 5 (ed. Leib, I, p. 121, 16-18). # Ibid., XIII, 12 (ed. Leib, III, p. 129, 23-25).
* M. M., IV, 235. # "La cancelleria sovrana dell'impero latino di Costantinopoli (1204-1261)" Veneziani, NS. 2 (1978), pp. 53-54. A. CARILE, Per una storia, cit., pp. 341-343. 59 M. M., III, 9-10.
Studi
255
xal ἃς ἀπὸ ταύτης τῆς ὥρας xal ἐς τὰ ἔμπροσθεν ἐπικτήσεσθαι μέλλετε ἀπό τε Χορβατίας, Δαλματίας
δρείας».
La βασιλεία
καὶ τοῦ Δυρραχίου
è illustrata per successive
καὶ ἄχρι τῆς ᾿Αλεξαν-
specificazioni come
‘Pur
μανία quindi come νῆσοι e χῶραι dalla Croazia fino ad Alessandria d'Egitto.
Per i Pisani, al di là della ideologia politica della βασιλεία sufficiente per orientale a designare qualsiasi ambito geografico, si rende necessaria dettagliata specificazione territoriale, in sintonia con l’esperienza politica cidentale di inettitudine della dignità imperiale a determinare nei fatti testà e signorie locali, Nel successivo giuramento Manuele Comneno afferma che i Pisani «
un una ocpo-
δουλείαν
καὶ
τῆς
Ῥωμανίας
γεγόνασι
xai
τὴν
προτέραν
πίστιν
αὐτῶν
ὑπὸ
δουλείαν τῇ βασιλείᾳ μον καὶ τοῖς χληρονόμοις xal διαδόχοις αὐτῆς καὶ τῇ Ῥωμανίᾳ φυλάττειν ἐπωμόσαντο » 5. In un atto del 1118 dell'imperatore Isacco Angelo rivolto a Baldovino Guercio si dice: « πρὸς τὴν βασιλείαν pou xai τὴν Ῥωμανίαν » * cosi nell'atto del 1191 « ἀπὸ τῆς βασι-
λείας μου καὶ τῆς Ῥωμανίας » 9. Nel documento del 1192 di conferma
dei patti con la città di Pisa,
Isacco Angelo alterna le formule più ufficiali: Ῥωμαίων ἀρχὴ e Ῥωμαίων βασιλεία con Ῥωμανία * rafforzando comunque sia βασιλεύς sia βασιλεία,
ricorrenti quasi ad ogni riga, con la paratassi di Ῥωμανία in valore semplicemente esplicativo del concetto espresso con il primo vocabolo « ἔγγραφον σύμφωνον ἐποίησαν διαλαμβάνον τὴν πρὸς τὴν βασιλείαν ἡμῶν xal τὴν Ῥωμανίαν καθαρὰν αὐτῶν πίστιν 9; πρὸς τὸν βασιλέα Ῥωμαίων χῦριν ἸἸσαάχιον xal τοὺς χληρονόμους xal διαδόχους αὐτοῦ καὶ πρὸς αὐτὴν τὴν Ῥωμανίαν εἰς τοὺς αἰῶνας » * (tale formula ricorre anche nel giu-
ramento a Manuele Comneno) ?. difficile identificare la Ῥωμανία taneo per un orientale, per cui βασιλεύς impegnano lo stato, la
Sembra quasi che per un occidentale fosse con il βασιλεύς come invece avviene sponobblighi, privilegi e patti stipulati con un βασιλεία senza bisogno di volgarizzamenti
(la Ῥωμανία). La coincidenza della ῬΡωμανία con il xp&coc, la maestà imperiale, risalta
in un documento dell'aprile 1192 *. Isacco Angelo, nel patto stipulato con i Genovesi, usa la formula ἹΡωμανία per indicare la βασιλεία τῶν Ῥωμαίων
e afferma essere preoccupazione del suo χράτος ... « ἀλλὰ καὶ τὰ μηδέποτε ὑπὸ
τὴν
Ῥωμανίαν
γεγονότα
ἔθνη
ὑπὸ
ταύτην
ποιεῖν
εἰρηνικῶς
σπεύ-
Bouca », preoccupazione esorbitante in quanto riferita a Genova, ma la cui espressione formalistica consente di percepire distintamente la sovrannazionalità della ἹΡωμανία coincidente con il xp&toc imperiale, di origine divina. 5! M. M., III, 17-18. 92 M. Μ., III, 2. 53 Ibid. 5% M. M., III, 3-23, passim. 55 M. M., III, 9.
55 M. Μ., III, 9. 5$ M. M.,
III,
17;
58 M. M., III, 26.
256
e in
M. M,
III,
37
(1192);
III,
40
(1193);
III,
48
(1201).
Le formule di esplicitazione sono talmente insistenti che nel medesimo documento si giunge a scrivere: « ἕνωσιν καὶ δουλείαν τὴν πρὸς τὴν βασιλείαν Ῥωμαίων xat τὴν Ῥωμανίαν ... ἀνακαινίσαι » ?, mentre il territorio imperiale è denominato « ἡ χώρα ἡμῶν ἡ Ῥωμανία » 9; i Genovesi promettono fedeltà « τῷ χυρίῳ βασιλεῖ Ῥωμαίων καὶ ἀεὶ αὐγούστῳ xóp ᾿Ισααχίῳ τῷ ᾿Αγγέλῳ xal πᾶσι τοῖς χληρονόμοις καὶ διαδόχοις αὐτοῦ xal αὐτῇ τῇ Ῥωμανίᾳ » “..
La cura della cancelleria bizantina di fronte agli occidentali ἃ di illustrare l'ideologia politica della βασιλεία attraverso tutte le formule possibili: βασιλεύς, αὐτοχράτωρ, θεοστεφὴς ἄναξ, πορφυρογέννητος, del at γουστος ? sottolineando la successione imperiale e la continuità dello stato sia in ambito familiare (χληρονόμος) sia al di fuori (διάδοχος); descrivendo
il territorio effettivo della βασιλεία, zione di ‘Pwpavia e βασιλεύς.
‘Pwuavta;
insistendo sulla identifica-
Anzi la βασιλεία coincide con la Ῥωμανία
al punto che un medesimo ambito geografico se non è interamente soggetto al βασιλεύς nel corso dello stesso passo viene indicato con il suo toponimo nella parte non soggetta e con il termine Ῥωμανία in quella soggetta: negli accordi presi l'8 giugno 1265 fra Michele VIII Paleologo e il doge di Ve nezia vengono distinte due aree delle isole egee: « τὰ νησία τοῦ Αἰγαίον πελάγους, ὅσα εἶχεν εἰς εἴσοδον ὁ δοὺξ Βενετίας, ἵνα πάλιν ἔχῃ tavta: ὅσα δὲ ἦσαν ὑπὸ τὴν βασιλείαν χαὶ τὸ πριγχιπάτον, ὅτε οἱ Λατῖνοι ἦσαν ἐγχρατεῖς τῆς Κωνσταντινουπόλεως, ἵνα θεοῦ εὐδοχοῦντος γένωνται ὑπὸ τὴν βασιλείαν μου xal τοὺς χληρονόμους xal διαδόχους αὐτῆς
xal τὴν Ῥωμανίαν » 9. Non è qui il luogo di illustrare l'ideologia politica bizantina di Costantinopoli Nuova Roma, di Ῥωμαῖοι e di βασιλεία τῶν Ῥωμαίων. Esso è essenzialmente un potere stabilito per legge di natura su tutti i popoli: « φύσει Y&p οὖσα δεσπότις τῶν ἄλλων ἐθνῶν ἡ βασιλεία Ῥωμαίων
ἐχθρω-
δῶς διακείμενον ἔχει τὸ δοῦλον» secondo Anna Comnena ^, che dà per scontata l'ostilità dei sudditi, aprendo un singolare squarcio di storia sociale, non solo di relazioni internazionali, ai tempi dei Comneni. In tale βασιλεία la εὐδαιμωνία dei Ῥωμαῖοι è in storico parallelo con gli ἀθλήματα e le συμφοραὶ
ὑπὲρ
τῶν
Χριστιανῶν
cioè
con
la
missione
di
propagazione
e
difesa del Cristianesimo, ma non con finalità nazionali o di difesa della cultura ellenica, che sarebbero stati incomprensibili obiettivi per la massa dei δοῦλοι. Tutti gli ἔθνη sono δοῦλοι della βασιλεία: per Anna Comnena che scrive nella prima metà del XII secolo gli ἔθνη nemici/6oÿot sono i Celti, vale a dire gli abitanti della Φραγγία 5 di Costantino Porfirogenito,
tutti gli occidentali non più soggetti alla βασιλεία τῶν Ῥωμαίων quale ne 9 Ibid. © M, M., III, 27. 61 M. M. III, 29, 30, 31. € CARILE, "La cancelleria sovrana” cit.
4 M. Μ., III, 78. * Annse
Comn.
Alex.
XIV,
7, 2 (ed.
Leib,
III,
p.
173,
11-13).
55 Const. Porphyr. de adm. imp., XIII, 3-4 (edd. Moravcsik-Jenkins).
257
fosse l’origine etnica o la lingua; gli Ismaeliti, cioè i musulmani, che nel
XII secolo bizantino si presentano sotto forma di popolazioni turcofone; e gli Sciti cio& gli Slavi, 6. Piena consonanza fra queste manifestazioni ideologiche a livello ufficiale o di cultura aulica e forme espressive rivolte ad un pubblico piü largo troviamo testimoniata nel ciclo acritico, che ci consente di individuare un pubblico non ristretto al ceto dirigente, fra X e XII secolo. Ῥωμανία e Ῥωμαίος sono termini che ricorrono con frequenza nelle ver-
sioni del poema acritico, attualmente individuabili in quattro recensioni fondamentali, di cui à dibattuto il processo genetico ma di cui si riconosce un fondo storico risalente al X secolo. Le versioni di Andros e di Grottaferrata consentono di individuare, per i passi esaminati, una versione archetipica e un processo di rielaborazione, aggiungendo agli schemi genetici proposti dal Pertusi, dal Grégoire e dal Kyriakidis un ulteriore elemento di valutazione 9, La καλλίστη Ῥωμανία ἃ una realtà geografica confinante con la Συρία, l'altro polo del mondo. Βασίλειος Διγενὴς ᾿Αχρίτας ὁ πρῶτος τῆς Συρίας 9
è ὁ πρῶτος τῆς Ῥωμανίας “; ὁ παροχεὺς βαθύτατος εἰρήνης Ῥωμανίας 9 egli è δοῦλος " del βασιλεύς, ὁ ἐκ τοῦ θεοῦ λαβὼν τὴν βασιλείαν 1, è chia-
mato τέχνον 2 dal βασιλεύς nel senso che egli l’imperatore è il padre del suo esercito; nel saluto di Digenis all'imperatore viene compreso anche l'esercito: καλὰ νὰ εἶσαι, δέσποτα, μ’ ὅλην τὴν στρατιάν σον 7 esercito cui è opportuno che l'imperatore dispensi i molti beni e onori che vorrebbe cumulare su Digenis; in una esplicita polemica antiaristocratica Acritas afferma: « τὰς δωρεὰς xal τὰς τιμάς, ποὺ θέλεις νὰ μὲ δώσῃς / δός τε αὐτές, ὦ δέσποτα, πένησι στρατιώταις. / ἔχει ἡ βασιλέια σον ἐξόδους ἀμετρέτους / ἄξια δὲ ἡ ἀμοιβὴ τῆς δόξης σου τὸ χράτος, / νὰ ἀγαπᾷ τοὺς σχλάβους του, và ἐλεῇ πεινῶντας, / ἐξ ἀδικούντων ρύεσθαι τοὺς χαταπονουμένους, /
στὰ χατὰ γνώμην πταίσματα συγχώρησιν παράσχου, τινὰν πρὸ τοῦ νὰ ἐξετάσῃς. / Αὐτὰ εἶναι, ὦ χράτιστε, μ᾽ αὐτῶν xal πάντας τοὺς ἐχθροὺς ἔχεις νὰ ὑποτάξῃς ἐστι χρατεῖν xal χυριεύειν / ἀλλὰ θεοῦ τὸ χάρισμα tx Le tonalità piá populistiche del discorso di Digenis,
/ νὰ μὴν ὀῤγίζεσθαι ἔργα δικαιοσύνης / / οὐ γὰρ δυνάμεώς δεξιᾶς Ὑψίστου » ". in piena consonanza
55 Per la questione cfr. A. PERTUSI, "La poesia epica bizantina e la sua forma zione: problemi sul fondo storico e la struttura letteraria del 'Digenis Akritas' ", La poesia epica e la sua formazione, Atti del Convegno Internazionale della Accademia Nazionale dei Lincei, Roma 1970, pp. 538-540 come riassunto visivo della discussione precedente. 67 A 4647. 6 A 4648. € A 4290.
70 A 2385. n K
1014.
7? K 1026. 7 A 2386. ^ A 2388-2399.
258
con la legislazione della dinastia macedonica sui beni militari, vengono corrette nella versione di Grottaferrata in senso filoaristocratico: l’invito a non cumulare beni su singoli persone ma a sostenere l’esercito, i πένητες στρατιῶται, viene sfumato in una rinuncia spontanea ad acquisire nuovi beni da
parte di chi ha l'orgoglio di dare: « Τὰ πάντα ἔχε δέσποτα ... / ἐμοὶ γὰρ ἕστιν ἰχανὴ μόνον ἡ σὴ ἀγάπη / οὐ δίκαιον δὲ τοῦ λαβεῖν ἀλλὰ διδόναι μᾶλλον, / ἔχεις γὰρ ἐν τῷ στρατῷ ἐξόδους ἀνεικάστους »; che restringe la prospettiva sociale delle "infinite risorse dell’Impero” della versione di Andros « ἀξιῶ xal ἀντιβολῶ τῆς σῆς δόξῃς τὸ χράτος / ἀγαπᾶν τὸ ὑπήκοον, ἐλεεῖν πενομένους, / ἐξ ἀδιχούντων ῥύεσθαι τοὺς χαταπονουμένους, τοῖς παρὰ
γνώμην
πταίουσι
συγχώρησιν
παρέχειν,
μὴ
προσέχειν
διαβολαῖς, ἄδικον μὴ λαμβάνειν / αἱρετικοὺς ἀποσοβῶν, ὀρθοδόξους χρατύνων. Ταῦτα γὰρ δέσποτά, εἰσιν ὅπλα δικαιοσύνης μεθ᾽ ὧν δυνήσῃ τῶν ἐχθρῶν πάντων περιγένεσθαι οὐ γὰρ ἔστι δυνάμεως χρατεῖν xol Baorλεύειν, / Θεοῦ μόνον τὸ δώρημα καὶ δεξιᾶς Ὑψίστου » ^. Se " ἄδικον μὴ λαμβάνειν può essere letto come ulteriore
correzione
aristocratica della politica fiscale della dinastia macedonica, il prospetto dei compiti del βασιλεύς, la teoria politica che ne consegue, ἃ sostanzialmente il medesimo nelle due versioni. L'Impero
(κρατεῖν
xai
χυριεύειν)
non
deriva dalla potenza
(δύναμις),
che dunque non legittima l'Impero, ma ἃ un dono trascendente: χάρισμα o δώρημα di Dio. Tale trascendenza divina si incarna e si giustifica nella δικαιοσύνη i cui ὅπλα, i cui metodi, al di fuori della metafora militaresca, sono parzialmente divaricati nella versione di Andros rispetto a quella di Grottaferrata. Nella prima la δικαιοσύνη & fatta soprattutto di un sovvenire alle neces-
sità della στρατιά tenendo conto delle "infinite risorse dell'Impero"; i soldati sono poveri, difendono l'Impero con totale abnegazione (σχλάβους του),
su di essi, non sugli aristocratici, vanno cumulati benefici. Nella versione di Grottaferrata la δικαιοσύνη consiste oltre che in una generica difesa dei deboli e di coloro che subiscono ingiustizia, nella accentuazione dei compiti di repressione dell'eresia e di imposizione dell'ortodossia. Ma, al di là delle diverse intonazioni conseguenti ad interessi, e forse periodi, diversi connessi
con il prevalere nell'ambito dello stato delle famiglie aristocratiche fra XI e XII secolo, sia nella versione di Andros sia in quella di Grottaferrata la Ῥωμανία che si estende ἀπὸ βορρᾶν ... μέχρι μερῶν τῶν πάντων "* è il territorio in cui si realizza nella persona dell'imperatore la δικαιοσύνη, χάρισμα
τοῦ θεοῦ, vera arma per ottenere la sottomissione dei nemici. Nella versione dell'Escorial si giunge ad una espressione di pit immediata evidenza: « Καὶ ὁ Παράδεισος εἰς Ῥωμανίαν ἕναι, / ἡ πίστις ἡ ἀληθινὴ οἱ Χριστιανοὶ
τὴν ἔχουν » " in cui è volgarizzata la teoria agostiniana dell’Impero come 75 di cui % n
K 1028-1041; cfr. le diverse considerazioni di PeRTUSI, Il pensiero cit., pp. 752-753, prendo visione ultimate le bozze di stampa del presente mio contributo. A 2408. E 552-553.
259
esempio della città di Dio. Di fatto in ogni versione l'opposizione Ῥωμανία Συρία è una contrapposizione di vera e falsa fede. L'epopea acritica, e dunque il pubblico cui essa è rivolta, esprimeva con il termine Ῥωμανία una realtà etico-politica con un forte impegno religioso in contrapposizione all’islamismo, non certo una identità etnica. La stessa lingua greca è identificata con il termine
Ῥωμαίων
γλῶσσα,
che una
sola volta nella versione
dell’Escorial è indicata in una perifrasi comprendente Ἕλληνες.
il dotto
termine di
7. Il concetto di Romänia, ῬΡωμανία nell'analisi storiografica dell'ultimo secolo & un esempio della difficoltà in cui si trovano gli epigoni del nazionalismo dell'età romantica a riconoscere una comunità che si identificava storicamente non in chiave nazionale ma di stato universale, di impero. Quando scrive lo Zambelios, attorno al 1857, nel clima ideologico e politico segnato dalla crisi degli imperi sovrannazionali di diritto divino, dalla emergenza dei nazionalismi, a meno di trent'anni dal protocollo di Londra del 1830 che sanciva la sovranità della Grecia, gli ideali legati alla costituzione dello stato ellenico inducono lo storico a proiettare sul termine ῥωμαῖος ῥομιός un senso etnico. La testimonianza di Liutprando che polemizzava con i Ῥωμαῖοι
dell'età
dell'imperatore
Niceforo
(963-969):
«linguam,
mores
vestesque mutastis », valeva per lo Zambelios ad espressione della nazionalità neogreca. La schermaglia del 968 fra l'imperatore Niceforo e l'ambasciatore Liutprando, la cui sostanza era la negazione delle pretese reciproche e contrarie dei due imperi alla sovranità universale legata al nome romano, si espresse in un cortigianesco palleggiamento di termini etnici considerati spregiativi: Graeci da parte di Liutprando; Longobardi, da parte di Niceforo ?. Ma i termini etnici erano un falso scopo. La polemica datava dalla metà dell'VIII secolo dal momento in cui i papi scoprirono che la fedeltà alla Sancta Romana Respublica poteva benissimo divaricarsi dall'imperiale ser-
vicium quale imponevano i nefandissimi Graeci ?. Le tonalità in crescendo con cui l'Impero orientale passa da Sancta Romana
Respublica a dominio
dei Graeci possono essere istruttivamente seguite sui testi del Codex Carolinus 9. Nel faticoso processo di ‘restituzione’ alla Sancta Romana Respublica della Chiesa di Dio di Esarcato, Pentapoli e ducato romano, vale a dire nel-
l'intreccio di ambizioni territoriali del papato romano con il tramonto della presenza greca nell'Italia centrale; la scoperta dello iato etnico fra romani e greci, l'equivoco fra romani in quanto eredi di una pretesa etnicità romana, assai vile peraltro secondo il longobardo Liutprando”, e romani in quanto partecipi di una ipotesi di stato metafisico, universale e provvidenziale, al di 18 Se ne veda l'ampia discussione in E. ARrRIGONI, “Ecumenismo romano cristiano a Bisanzio e tramonto del concetto di Ellade ed Elleni mille”, Nuova rivista storica, 55 (1971), pp. 139-143.
99 Cod. 80 Cfr. 8! Liut. Cremona in
260
Car., 30, MGH, anche Ibid., nn. De legat. const., Konstantinopel,
nell'impero
d'Oriente
prima
del
Ep., III, p. 536, 14. (Paolo I 761-766 a re Pipino). 31- 32, 36, 38 (pp. 537; 539; 545; 551). 12 (ed. Becker). Cfr. J. KonerTH. Wesgr, Liutprend von Wien 1980, p. 18.
sopra delle etnie, delle lingue e delle culture, fu solo un espediente di polemica papale di cui ci si servi per consolidare il patrimonium e per operare la translatio imperii;
si trattava però ancora dell'imperium
romanorum
tra-
slato dai cosiddetti Greci ai Franchi e poi ai Tedeschi: neppure i papi del IX secolo concepiscono evidentemente l'imperium romanorum come eredità etnica.
La famosa polemica fra Palamàs e Politis ®, all'inizio del secolo, circa il perdurare o lo scomparsa del nome Ἕλληνες nel Medioevo, tendeva in realtà
ad una riduzione del concetto di Ῥωμαῖος in chiave di etnia neogreca. Il saggio dell'Arrigoni tendente per contro a sottolineare il processo di forma-
zione di una nazionalità che egli definisce roméica V, sembra una riduzione uguale e contraria della storia millenaria dell'Impero d'oriente in una improbabile intelaiatura nazionalistica.
La Ῥωμανία
cioè la monarchia ecumenica e cristiana, con la sua am-
ministrazione, il suo esercito, la sua chiesa, aveva fornito per secoli a popoli
di origini etniche, di tradizioni culturali, di lingue auliche e volgari profondamente radicate, un ideale etico-politico in cui riconoscersi. I tentativi di riduzione dell'ethos romano, imperiale e cristiano, alla nazionalità ellenica furono escogitati in ambiti culturali elevati e ristretti a partire dal XIV secolo, come reazione di parte dell'aristocrazia di fronte al dilagare dell'Impero ottomano:
Nicola Cabasila a Tessalonica, che parla della sua città come del-
l'antica Atene e degli ellenofoni come "questa comunità della intera Ellade”; gli scrittori aulici del XV
secolo, che parlano dei Paleologi come re degli
Elleni; Gemisto Pletone a Mistrà, che inaugura il culto dell'Pellenismós, sorta
di nazionalismo ellenico sostenuto da una teologia ellenica di tonalità paganeggianti, autentica utopia.
Nel XIX secolo i tentativi si rinnovarono ad opera degli storici alla ricerca delle origini della nazione ellenica, in coerenza con l'ipostasi statonazione, come
entità strutturale astoricamente
proiettata verso il passato e,
s'intende, il futuro, che imperava nella cultura storiografica europea, ossessionata dall’a priori epistemologico dell'origine. In realtà se la Ῥωμανία fosse sopravvissuta alla aggressione occidentale e alla conquista turca si sarebbe probabilmente dissolta nella medesima tempesta nazionalistica in cui si sfasciarono l'impero absburgico e l'impero ottomano. Da un punto
di vista storico l’eredità della Ῥωμανία
fra tutti i popoli balcanici, il cui sviluppo
avvenne
nelle
andò
ripartita
tradizioni etico-
politiche, religiose e culturali di Bisanzio; nella continuità, Byzance après Byzance, che, giusta lo Iorga, non può essere rinchiusa in ambiti nazionali
esclusivi;
bisognerà
forse tener conto anche dell’ipotesi del Toynbee
sulla
pax othomanica, in qualche modo erede di quella bizantina. € K. PALAMAS, Ῥωμιὸς xal Ῥωμιοσύνη, Atene 1901 e N.G. PoLitIs, Ἕλληνες fi Pwjuet, Atene 1901, cfr. ARRIGONI, ΟΡ. cif., p. 156, n. 36. 8 ARRIGONI, op. cit., p. 153. Soprattutto il suo secondo articolo “Il delinearsi di una coscienza nazionale romeica nell'impero d'oriente e nell'ambito ellenofono medievale”, ibid., 56 (1972), pp. 122-150.
261
FRANCESCO SITZIA
ROMANITÀ
DELL'IMPERO:
IUS CIVILE
E IUS GENTIUM
1. Il tema che gli organizzatori del Seminario ci hanno proposto appare cosí ricco di stimoli e prospettive, anche per chi voglia limitare il suo discorso ai soli profili più strettamente giuridici, da suggerire una prudente rinunzia a qualsiasi tentativo di analisi che si proponga una trattazione esaustiva della complessa problematica che ruota intorno alle nozioni di cittadinanza e di romanità nel mondo romano-bizantino. Mi limiteró quindi ad esaminare alcuni problemi che l'asserito carattere romano-universale dell'Impero pone allo storico del diritto privato, nel tentativo di far emergere, attraverso l'analisi delle fonti, la contraddizione
latente tra una costruzione teorica dogmaticamente assai poco flessibile e la realtà politica di un Impero che non pud non prendere atto dell'esistenza, al di là dei suoi confini, di altri ordinamenti giuridici e che ritrova nella romanità un potente fattore di aggregazione delle diverse etnie che convivono al suo interno.
Trattandosi di una ricerca limitata ai soli profili giuridici, essa non può
che prendere le mosse dalla compilazione giustinianea nella quale la visione di un Impero romano-universale, destinato a durare in eterno, sembra costituire un punto di riferimento costante all’interno di quel lungo e complesso « processo di maturazione »! che caratterizza l’opera legislativa di Giustiniano. Se questa affermazione può apparire, almeno in una certa misura, scontata per quelle parti del Corpus Iuris (Digesta ed Institutiones) nelle quali il legame con la storia dell'esperienza giuridica romana è più evidente, essa non è però meno vera per quelle parti (Codex e Novellae) che riflettono più da vicino le idee « della cancelleria imperiale a contatto con i bisogni della prassi e nel solco della politica precedente » ?. Limitando il nostro discorso all'analisi delle Novellae, si può, infatti, os-
servare che Giustiniano ribadisce a pit riprese la romanità dell'Impero, pre1 Cosf ArcHI, Giustiniano legislatore, Bologna 2 Cosf ARCHI, op. cit., p. 221.
1970, p. 186.
263
sentandosi come continuatore di una realtà istituzionale che affonda le sue radici nella res publica romana ?. Sarà sufficiente fornire alcuni esempi: Nov.
1 praef.
: «sub Romanorum republica ... dedit Romanis Deus»
Nov.
1 ep.
: « principatui Romanorum »
(a. 535);
Nov.
7 ep.
: «omni terra, quam Romanorum continet lex »
(a. 535);
Nov.
8,10,2
: « Romanorum
(a. 535);
Nov.
18 praef.
: «reipublicae,
terram deminutam» dicimus
Romanorum»
— (a. 535);
(a. 536);
Nov. 28 praef.
: «a nobis Romanis acquisita »
(a. 535);
Nov. 36 praef.
: « quam Deus Romanae dicioni nostris vigiliis subiugavit »
(a. 535);
: « Ex quo nos Deus Romanorum praeposuit imperio... commissae nobis a Deo reipublicae »
(a. 539);
Nov. 86 praef. Nov.
105 praef.
: « cum Romanorum republica pullulavit... quatenus continua sit Romanis »
Se consideriamo che il richiamo alla frequente negli anni del Codex repetitae
(a. 539).
piá da vicino le fonti citate, possiamo subito osservare romanità dell'Impero appare indubbiamente assai pif immediatamente seguenti (535-536) alla pubblicazione praelectionis*, cioè in quegli anni che, come ha giusta-
mente posto in luce il Bonini 5, si caratterizzano per « il tentativo di riforma
dello stato, e piá in particolare delle sue organizzazioni periferiche promosso dal prefetto d'Oriente, Giovanni di Cappadocia ». In particolare, la circostanza che tutte le Novellae ricordate siano anteriori al 541 induce a ritenere che in ordine ai nostri problemi abbiano giocato un ruolo non indifferente le grandi personalità di Giovanni di Cappadocia e di Triboniano. Nella visione giustinianea l'Impero romano & peró nel contempo l'impero universale ed, anzi, romanità ed universalità appaiono
a tal punto fra
loro connesse da indurci a ritenere particolarmente felice l'affermazione del Bonini* per cui « monarchia universale significa quindi, sotto molti aspetti, ritorno all'antico ».
Limitando il nostro discorso ai soli profili giuridici dell'idea di universalità, possiamo in primo luogo osservare che essa dovrebbe indurre a ritenere inconfigurabile l’esistenza, al di fuori dell'Impero, di altri ordinamenti giuridici di popoli civili. In quest'ottica sembrano porsi in particolare quei 3 Com'è mentale
noto, il Beck ha addirittura intitolato Res publica romana un suo fonda-
saggio sul pensiero politico bizantino
(BECK, Res Publica Romana.
Vom
Staats-
denken der Byzantiner, München 1970). 4 Su dieci costituzioni citate ben otto appartengono al biennio 535-36, le due rimsnenti sono databili al 539.
5 AA.VV., Lineamenti di storia del diritto romano, Milano
1979, p. 757. Sui pro-
blemi connessi alla riforma delle strutture periferiche dello Stato vedi PurtATTI, Ricerche sulla legislazione «regionale » di Giustiniano, Milano 1980. 6 AA.VV., op. cit., p. 764. Vedi anche PULIATTI, op. cit., pp. 7 ss.
264
passi delle Novellae in cui si contrappone la romanità alla barbarie 7, anche se non possono, in proposito, non rilevarsi alcuni significativi ondeggiamenti. Si raffrontino, ad esempio, i testi delle due Novellae, entrambe del 536, relative all'Armenia: Nov.
21
praef.:
«Τὴν
᾿Αρμενίων
χώραν τελείως εὐνομεῖσθαι, βουλό-
μενον xal μηδὲν τῆς ἄλλης ἡμῶν διεστάναι
πολιτείας
ἀρχαῖς
τε
Ῥωμαικαῖς ἐχοσμήσαμεν, τῶν προ-
τέρων αὐτὴν ἀπαλλάξαντες ὀνομάτων, σχήμασί τε χρῆσθαι τοῖς Ῥωμαίων συνειθίσαμεν, θεσμούς τε οὐχ ἄλλους εἶναι παρ᾽ αὐτοῖς
Nov. 31,1,3:
« Συνεστησάμεθα
δὲ
καὶ τετάρτην ᾿Αρμενίαν, À πρότερον οὐχ εἰς ἐπαρχίας συνέχειτο
σχῆμα, ἀλλὰ τῶν τε ἐθνῶν ἦν χαὶ ἐκ διαφόρων συνείλεχτο βαρβαριχῶν ὀνομάτων, Τζοφανηνὴ τε xal
᾿Ανζητηνὴ ἢ Τζοφηνὴ καὶ ᾿Ασθια-
νηνὴ
ἢ xai Βαλαβιτηνὴ
χαλου-
μένη καὶ ὑπὸ σατράπαις οὖσα" ἀρ-
f| où Ῥωμαῖοι νομίζουσιν ἐτάEapev. Καὶ φήθημεν χρῆναι ῥητῷ
Xii; δὲ τοῦτο ὄνομα fiv οὐδὲ ‘Pur
νόμῳ xá&xsivo ἐπανορθῶσαι τὸ χαχῶς παρ᾽ αὐτοῖς ἀμαρτανόμενον,
νων,
μαυκὸν
οὐδὲ τῶν ἡμετέρων
ἀλλ᾽
ἐξ
ἑτέρας
προγό-
πολιτείας
εἰςενηνεγμένον ... »
xai μὴ κατὰ τὸ βαρβαρικὸν ἔθος ἀνδρῶν μὲν εἶναι τὰς διαδοχὰς τῶν τε γονέων τῶν τε ἀδελφῶν τοῦ τε ἄλλου γένους, γυναικῶν δὲ οὐχ ἔτι, μηδὲ χωρὶς προιχὸς αὐτὰς εἰς ἀνδρὸς φοιτᾶν μηδὲ ἀγοράζεσθαι παρὰ τῶν συνοιχεῖν μελλόντων, τοῦτο ὅπερ βαρβαριχώτερον μέχρι τοῦ νῦν παρ᾽ αὐτοῖς ἐνομί-
σθη...» Se nella Nov. 21 la sottoposizione alle leggi romane viene presentata come l'evento attraverso il quale gli Armeni escono dallo stadio di barbarie, un'im-
postazione, almeno parzialmente, diversa sembra, invece, apparire alla Nov. 31. Quest'ultimo testo, che pur qualifica come barbari i nomi delle genti armene, osserva, infatti, che il termine satrapi non & da ricondurre ai romani o ai "nostri progenitori" ma ἃ stato introdotto ἐξ ἑτέρας πολιτείας. Di un certo
interesse può già essere la distinzione tra administratio romana ed administratio nostrorum progenitorum in quanto si viene con ciò ad introdurre una qualche frattura all’interno di una tradizione che, come abbiamo visto, Giustiniano tende, invece, a considerare unitariamente in un'ottica che non sem-
bra ammettere soluzioni di continuità. Maggiore rilevanza assume però, per il discorso che andiamo conducendo, la contrapposizione che sembra emergere 7 L'antitesi romani - barbari si ritrova, comprensibilmente, in modo assai netto nelle costituzioni emanate per la riorganizzazione delle province riconquistate militarmente (si veda, ad esempio, per l'Africa, la Nov. 36 praef., per l'Italia la Nov. app. 7).
265
nel nostro testo tra πολιτεία τῶν
Ῥωμαίων
ed ἑτέρα πολιτεία in quanto
essa importa necessariamente il riconoscimento dell'esistenza di ordinamenti giuridici di popoli civili (πολιτείαι) diversi dall'ordinamento romano. È pur vero che il nostro passo si richiama ad epoche passate, e ció induce a non
sopravvalutarne la testimonianza,
ma esso appare comunque
significativo,
specie se si considera che il riferimento sembra essere ad una realtà istituzionale, quella dei Persiani, con la quale lo stesso Giustiniano ha avuto modo
di confrontarsi ". 2. Il problema dell’universalità dell'Impero appare, sotto altri profili, strettamente connesso ai mutamenti intervenuti in ordine alla nozione di cittadinanza a partire dalla Constitutio Antoniniana. Giustiniano, com'é noto, sopprimendo le categorie dei Latini Iuniani e dei dediticii Aeliani, si limita, nel nostro campo, a portare a compimento quel lungo processo evolutivo di sostanziale equiparazione di libertas e cittadinanza romana’ che già aveva caratterizzato l'epoca postclassica. In quest'ottica la nozione stessa di peregrinus come straniero appartenente ad altro ordinamento non sembra destinata a sopravvivere, ed infatti le Novellae, come già le fonti postclassiche, impiegano normalmente il termine peregrinus per indicare non lo straniero ma la persona o la res al di fuori di una data circoscrizione territoriale (città,
provincia etc.) "Ὁ, Eccone alcuni esempi: Nov.
53,1
: «peregrinam
habitationem »;
Nov.
6,2
: «in peregrinis demorari
(ecclesiis) »;
Nov. 8,10,1
: « provincias relinquere et in peregrinis affligi »;
Nov.
: «et peregrinos omnes »;
80,10
Nov. 86 praef,
: «in peregrinis affligi »;
Nov. 86,3
: «in peregrinis affligantur ».
Vi è, in verità, almeno un caso in cui il termine peregrimus viene ancora impiegato nelle Novellae nel senso di straniero, ma esso appare inserito in 8 Il nostro testo sembra quindi porre una distinzione tra i costumi barbari degli armeni e l'ordinamento civile della πολιτεία dominante. 9 Una sostanziale equiparazione di civitas romana e libertas appare, ad esempio, in Nov. 89 praef. Per i casi di perdita della cittadinanza romana in seguito a condanna ἃ determinate pene vedi KAsEr, Das rômische Privatrecht II, 2° ed., München 1975, pp. 122 s. Di un qualche interesse, in relazione a quest'ultimo punto, può essere il raffronto fra
I. 12,1 e Theoph. Parapbr. 1,12,1; mentre, infatti, le Institutiones si limitano ad affermare che i condannati ex numero civium romanorum tolluntur, la Parafrasi impiega il termine peregrini (sul problema vedi LoMBARDI, Sul concetto di ‘ius gentium', Roma 1947, p. 339 n. 4).
10 Il che non esclude, ovviamente, altri significati. Vedi, ad esempio, Nov. 2 praef. 1, dove il termine peregrinus viene impiegato nel senso di "strano" “assurdo”.
266
un contesto che sembra confermare significativamente, piuttosto che contraddire, quanto abbiamo finora asservato: Nov. 78,4,1: «Haec similiter quidem pro manumissoribus similiter autem pro manumissis sanximus. Nam si ea quae in praecedentibus dicta sunt manumissoribus non servamus, segniores forsan homines circa libertatis largitatem efficimus. Nobis autem omne extat studium subsistere libertates atque valere et in nostra florere et augeri republica. Etenim huius causa desiderii et in Libya et in Hesperia tanta suscepimus bella et pro recta ad Deum religione et pro subiectorum pariter libertate ». Cap. 5: «Facimus autem novum nihil, sed egregios ante nos imperatores, sequimur. Sicut enim Ántoninus Pius cognominatus, ex quo etiam ad nos appellatio haec pervenit, ius Romanae civitatis prius ab unoquoque subiectorum petitus et taliter ex eis qui vocantur peregrini ad Romanam ingenuitatem deducens ille hoc omnibus
in commune
subiectis donavit, et Theodosius
iunior
post Constantinum maximum sacratissimae huius civitatis conditorem filiorum prius ius petitum in commune dedit subiectis ... ».
Nel nostro passo l'ideologia dell'Impero romano-universale ha modo svelarsi compiutamente:
di
Giustiniano si presenta, infatti, come colui che custo-
disce ed insieme estende, attraverso le leggi e le guerre di riconquista, la romana libertas; romanità e libertà appaiono quindi, ancora una volta, inscindibilmente connesse in una visione provvidenziale dell'Impero: « nobis autem omne exlat studium subsistere libertates atque valere et in nostra florere et augeri republica ». La sostanziale ritrosia dei bizantini ad intendere storicamente il significato del termine peregrinus nel senso di straniero appartenente ad un diverso ordinamento appare altresí evidente se mettiamo a raffronto le testimonianze di:
C. 6,24,7 (Impp. Diocletianus et Maximianus AA. Zizoni): «Nec apud
Bas. 35,13,17 (rest. ex Syn. A, 28,1): «Μηδὲ παρὰ ξένοις τοῖς
peregrinos fratrem sibi quisquam per
ἔξω
quod
ἀδελφὸς
adoptionem facere poterat. cum igitur, patrem
tuum
voluisse facere di-
cis, irritum sit, portionem hereditatis, quam is adversus quem supplicas velut adoptatus frater heres institutus tenet, restitui tibi curae habebit praeses provinciae ».
Ῥώμης
οἰκοῦσι
διὰ θέσεως
ἀδελφότης συνιστάσθω: χἄν τις ὡς προσληφθεὶς
zi i γραφῇ, ÉXTIRTETU μίας ».
κληρονόμος
Ze τῆς
xX XANPOVO-
I peregrini ai quali si riferiva il testo del Codex sono divenuti nella Synopsis coloro che risiedono al di fuori della città di Roma", in un'ottica 11 Particolarmente significativo anche uno scolio a Sys. A, 28,1 (vedi Jus Graecoromanum, a cura di J. e P. ZEPos, Atene 1931, rist. anast. Aalen, 1962, V, p. 64) in cui sembra che il termine ξένος sia impiegato nel senso di estraneo: « Τοῖς μὴ συγγενέσιν οὖσι δηλονότι. ὡς οὖν παρὰ τοῖς συγγενέσιν οὐ χεχώλνται ἡ xacà θέσιν ἀδελφότης᾽ εἰ γάρ τις ξένον πινὰ κατὰ θέσιν ἀδελφὸν ὄντα γράψῃ χληρονόμον ἀδελφὸν ὀνομάσας, οὐ ποιεῖ χληρονόμον διὰ τὸ ἀδελφὸν αὐτὸν ὀνομάσαι, ὡς τοῦ νόμου τούτου χωλύοντος τὴν κατὰ θέσιν ἀδελφότητα».
267
che travisa completamente il richiamo operato dalla cancelleria dioclezianea ma che ben
si adatta, mi
sembra,
alla visione di un
Impero
romano
uni:
versale ". 3. Se l'esame delle Novellae, come abbiamo avuto modo di osservare, ci ha consentito di tracciare un quadro sufficientemente chiaro dell'ideologia imperiale, il discorso diviene indubbiamente piá complesso se prendiamo in considerazione le altre parti del Corpus Iuris, in particolare i Digesta e le Institutiones, in cui permangono ancora tracce evidenti di impostazioni e problematiche anteriori alla definitiva affermazione del carattere universale dell'Impero. In quest'ottica pud forse apparire di una qualche utilità tentare di cogliere l'atteggiamento dei giuristi bizantini dinnanzi alle fonti giustinianee che mal si conciliano con la nuova realtà politico-istituzionale #. Anche in questo caso sarà, peraltro, opportuno limitare la nostra analisi all'esame di un singolo problema, ed in tal senso mi sembra che un'indagine su alcuni passi in tema di rapporti tra ius civile ed ius gentium ci consenta di cogliere un significativo ondeggiamento tra la concezione di un ordinamento a carattere universale, che coincide con la romanità, ed il riconoscimento di realtà istituzionali al di fuori dell'Impero. Possiamo prendere le mosse dalla testimonianza di: I. 12,1: « Ius autem civile vel gentium ita dividitur: omnes populi, qui legibus et moribus reguntur, partim suo proprio, partim communi omnium hominum iure utuntur:
nam
quod
quisque
populus
ipse
sibi ius constituit,
id ipsius
proprium civitatis est vocaturque ius civile, quasi ius proprium ipsius civitatis: quod vero naturalis ratio inter omnes homines constituit, id apud omnes populos
peraeque
custoditur
vocaturque
ius gentium,
quasi
quo
iure omnes
gentes utuntur. et populus itaque Romanus partim suo proprio, partim communi
omnium
hominum
iure utitur. quae singula qualia sunt, suis locis pro-
ponemus ».
Il nostro passo è stato sottoposto ad una minuziosa analisi critica ad opera degli autori che hanno incentrato la loro attenzione sulla ricca proble12 In questo senso anche una delle Veterae glossae verborum iuris edite dal LazBAEUS (in Orto, Thesaurus, III, Basel, 2* ed., 1733, p. 1778): « περεγρίνους" Etvove, τονtéonv ἐξώθεν τῆς ῥώμης οἰχοῦντας, λατίνοι γὰρ τὴν ῥώμην οἰκοῦντας». La non appare negli elenchi del BURGMANN, "Byzantinische Rechtslexika",
glossa in esame Fontes Minores
(hrsg. D. Simon), II, Frankfurt, 1977, pp. 120 ss. 13 Compito indubbiamente non facile, specie se si considera che le opere giuridiche bizantine sono spesso costituite da frammenti tratti da traduzioni greche del Corpus iuris risalenti al VI secolo e che le nuove idee possono cogliersi, il più delle volte, soltanto attraverso l'analisi di lievissimi mutamenti o dell'ottica particolare nella quale si pone l’epitomatore. In questi limiti si può comunque ritenere con lo Svoronos (La civiltà bizantina dal IV αἱ IX secolo. Aspetti e problemi, Bari 1977, p. 177) che anche le
fonti giuridiche possano proficuamente essere utilizzate per una migliore conoscenza della storia bizantina.
268
matica connessa all'impostazione dicotomica o tricotomica delle fonti giustinianee in tema di rapporti tra ius naturale, ius gentium ed ius civile "^, Limitando il nostro discorso ai soli profili che qui interessano, puó osservarsi che I. 1,2,1 sembra presupporre una pluralità di ordinamenti e sembra attribuire un particolare rilievo all'ordinamento romano soltanto con l'avvertenza di carattere espositivo per cui « guotiens non addimus, cuius sit civilatis, nostrum ius significamus ». Ad una considerazione più attenta non può, peraltro, sfuggire che gli esempi di ordinamenti citati dal nostro testo si riferiscono a realtà istituzionali del passato ed appaiono, in particolare, ancora legati alla nozione di stato-città (Atene, Roma)
ormai scomparsa da secoli.
Alcuni mutamenti di prospettiva che, come vedremo, non saranno irrilevanti per la giurisprudenza bizantina, possono già cogliersi in Theoph. Parapbr. 1,2,1.
Si può in primo luogo osservare col Lombardi che in Teofilo il ius gentium viene « configurato, al pari del ius civile, come prodotto della volontà di chi organizza la civitas sulla base di leggi, e nel far ciò crea accanto al ius civile il ius gentium che è quanto deve applicarsi a tutti gli uomini desiderosi di vivere λελογισμένως ». Ma anche per ciò che concerne l’ius civile la definizione della Parafrasi sembra pit articolata di quella che appare nel corrispondente passo delle Institutiones. Teofilo, infatti, ricollega il sorgere delle norme di ius civile ad una particolare utilità circoscritta ad un determinato luogo. Il ius civile diviene quindi, in quest'ottica, il diritto τοπικὸν xal χρειῶδες, il che tende
a qualificarlo non tanto come l'insieme delle norme
particolari dei singoli
ordinamenti giuridici quanto, invece, come l'insieme delle norme aventi effi
cacia territorialmente limitata ed il cui sorgere si pud ricollegare a determinate e specifiche esigenze locali. Il riferimento agli Ateniesi ed agli Spartani mostra, invero, chiaramente che Teofilo intende ancora riferirsi ad una realtà istituzionale del passato nella quale l'ordinamento romano si presenta ancora come uno dei tanti ordinamenti giuridici esistenti; non pud perd non osservarsi come una lettura del testo priva di un'adeguata prospettiva storica potesse condurre la giurisprudenza bizantina ad individuare nel πολιτικὸς νόμος la norma particolare della singola città nell'ambito dell'unico ordinamento romano-universale. Un'interpretazione del passo di Teofilo nel senso proposto mi sembra stia alla base del testo di Sy». min. N, 12 che viene, in seguito, ripreso in Harm. Hexab.
1,1,11:
Syn. min. N, 12: « Πολιτικὸς δὲ νόμος ἐστίν, ᾧτινι μία μόνη κέχρηται πόλις διὰ τὸ συμφέρειν αὐτῇ, ἄλλη δέ, εἰ χρήσασθαι βουληθῇ, émet prov ἔσται ταύτῃ καὶ βλάβης πρόξενον. ὡς εἴ τις ἐν πόλει div, ἥτις σῖτον ἀφ’ ἑαυτῆς οὐ δύναται γεωργεῖν, νομοθετήσῃ ἐλευθέρους εἶναι 14 Sul problema vedi, in particolare, LomBARDI, Sul concetto, cit, pp. 274 ss. 15 LoMBARDI, Sul concetto, cit., p. 342 (vedi anche pp. 319 ss.).
269
χαὶ μηδὲν διδόναι τῷ δημοσίῳ τοὺς βουλομένους ἀγοράζειν χαὶ πολεῖν σῖτον. τοῦτο γὰρ τῇ μὲν πόλει ἐχείνῃ ἴσως συμφέρει διὰ τὸ μὴ ἔχειν σῖτον ταύτην ἀφ᾽ ἑαυτῆς, ταῖς δὲ ἑτέραις πόλεσιν, αἵτινες εὔφοροι
εἰς σῖτόν εἰσιν, ἀσύμφορον ἔσται. πάντως xal οὐδὲν ὄφελος, ἀλλὰ pu) λον καὶ ζημίαν
αὐταῖς προξενοῦν ».
Lo Zachariae von Lingenthal
ha ritenuto che il nostro passo costituisse
un commento ad A/t. 30,1, che richiama Bas. 50,1,1-3; a me sembra, invece,
di poter cogliere una relazione tra il testo della Synopsis e Theoph. Parapb. 1,2,1, non foss'altro per l'esempio prospettato che si riferisce, come in Teofilo, alle necessità di una πόλις povera di frumento.
Rispetto a Teofilo può però osservarsi che l'assenza di un qualsiasi richiamo, anche storico, alla realtà istituzionale di una città stato sembra mostrare che il πολιτικὸς νόμος è ormai inteso dal giurista bizantino come la norma di origine cittadina determinata da particolari esigenze territorialmente circoscritte che si inserisce, come norma speciale, nell'ambito dell'ordinamento imperiale", In quest'ottica il νόμος, πολιτικός tende quindi sempre più a coincidere con la norma cittadina, di origine consuetudinaria, di cui trattano, ad esempio, Bas. 2,1,32 ss. nonché Epitome 2,28: « Περὶ ὧν οὐ χεῖται ἔγγραφος νόμος, παραφυλάττειν δεῖ τὸ ἔθος τοῦ τόπου. ὡς Bi. a' τί... εἰ ἐπὶ πολὺν ἐχράτησε χρόνον
ἡ συνήθεια ἢ δικαστικὴ ψῆφος ταῦτα ἐκύρωσεν. ὅτι ἡ μάχρα συνήθεια ἀντὶ νόμου χρατεῖ, ἐν οἷς οὐχ ἐστὶν ἔγγραφος νόμος. ἀλλ᾽ οὐδὲ χουνὸν εἰσάγει νόμον ἡ συνήθεια, x&v μεγίστη καὶ σαφὴς ἑρμηνεία νόμων ἡ χρῆσις. ἡ δὲ δευτέρα διατ. τοῦ νβ΄ τί. τοῦ η΄ Bu. τοῦ κώδικος λέγει πάντα τὰ ἔθη τῶν πόλεων φυλάττεσθαι κατὰ τὴν τοῦ νόμου ἀχρίβειαν. ὥστε οὖν οὐ χρὴ δέχεσθαι πᾶν ἔθος, ἀλλὰ μόνον τὸ νόμιμον. πολλάκις συνήθεια xal παρὰ τὸν νόμον χρατεῖ" ἔξεστι τῷ βουλομένῳ
μάχεσθαι τὴν τοιαύτην μζ΄ Str. υγ΄ ».
συνήθειαν xal ἐχβάλλειν
αὐτήν.
Bu pt
τί.
La perfetta adattabilità della nozione di πολυτικὸς νόμος che sembra emer-
gere dal testo della Synopsis trebbe indurci a ritenere che la dalle esigenze di adeguamento Una tale ipotesi sembra,
all'idea di un Impero romano universale ponuova prospettiva sia stata determinata proprio all'ideologia imperiale. peraltro, contraddetta dall'esame dei paragrafi
l6 Vedi Jus Graecoromanum, cit., VI, p. 469. 17 Un'impostazione sostanzialmente analoga sembra (in fine):
Il testo
maior
N, 6,2
« Πολιτικόν ἐστι νόμιμον xal ὅπερ ἑχάστη πόλις ἑαυτῇ ὁρίσει xal ἐστὶν αὐτῆς
ἰδικόν ».
offre
forse
una
testimonianza
anche
più
precisa
apparire
in Sy».
in ordine
ai nostri
problemi
in quanto sottolinea che il πολιτικὸς νόμος proviene dalla stessa città (ἑαυτῇ ὁρίσει), il che vale ad escludere che nella nostra categoria rientrino le norme emanate dal potere centrale, anche se con efficacia limitata ad una sola città (νόμοι ἰδιχοί) (per le quali vedi, ad esempio, Bas. 268
270
[=
C.
1,14,1], Epit. 2,25).
che precedono il nostro passo e che offrono la definizione di ius civile e di ius gentium:
Syn. min. N, 10-11 (=
Harm. Hexab.
1,1,11):
« ‘O νόμος ἢ φυσιχός
ἐστιν ἢ ἐθνικὸς À πολιτικός. καὶ φυσιχὸς μὲν νόμος, ᾧτινι κατὰ φύσιν
χρῶνται πάντα τὰ ζῶα, χαὶ τὰ λογιχὰ χαὶ τὰ ἄλογα, οἷον τὸ τὰς μητέρας
στέργειν
τὰ
γεννώμενα
ἐξ
αὐτῶν,
καὶ
ὅσα
τοιαῦτα.
᾿Εθνικὸς νόμος ἐστίν, ᾧτινι ἔθνος ἕν ἢ xal ἔθνη χρῶνταί τινα. οἷον τὸ μὴ μίγνυσθαι ταῖς μητρᾶσι παρὰ σχύθαις xal ἐναντίον τὸ μίγννσθαι ταύταις παρὰ τοῖς πέρσαις ».
ἕλλησι,
χαὶ
τὸ
Mentre per ciò che concerne il ius naturale non sembrano cogliersi differenze sostanziali rispetto al pensiero di Teofilo, un radicale mutamento di prospettiva traspare dalla definizione del ius gentium, che viene presentato come quel diritto ᾧτινι ἔθνος ἕν ἢ xal ἔθνη χρῶνταί τινα.
Il ius gentium tende quindi a trasformarsi, nell'ottica del giurista bizantino, in una sorta di diritto etnico, un diritto di stirpe che può essere carat-
teristico di una singola etnia ovvero comune ad una pluralità di etnie. Non è necessario sottolineare quanto una simile prospettiva sia distante da quella giustinianea; da essa sembra, peraltro, trasparire una visione del mondo del diritto che meglio si attaglia alla realtà politico-istituzionale dell'Impero nel quale il problema delle nazionalità assume una rilevanza
centrale !* Se, infatti, abbiamo riguardo al solo mondo romano bizantino, l’ ἐθνικὸς νόμος si presenterebbe come la norma particolare del singolo gruppo etnico all’interno dell’unico ordinamento imperiale. Se, invece, allarghiamo la nostra
ottica al di là dei confini dell'Impero ?, potremmo collocare 1’ ἐθνικὸς νόμος in una posizione sostanzialmente analoga a quella attribuita dalle fonti romane
al ius civile; V ἐθνικὸς νόμος costituirebbe, infatti, la norma
partico-
lare del singolo ordinamento ? e la differente prospettiva si spiegherebbe con la circostanza che vi sono realtà istituzionali estranee all'Impero che si caratterizzano non come stati città ma come stati a base etnica ” 18 Non a caso il DiEHL, I grandi problemi della storia bizantina (trad. it. di GAETA della 2" ed., Paris 1947), Bari 1957, ha attribuito il primo posto al problema
delle nazio-
nalità nell'ambito della trattazione dei grandi problemi della storia bizantina. 19 Il riferimento del testo agli Sciti ed ai Persiani mi sembra consentire un simile allargamento di prospettive. 2 O anche, nell'ottica del nostro passo, la norma particolare comune ad alcuni ordinamenti.
2 La testimonianza di Sym. mín. N, 10-11 non può non richiamare alla nostra attenzione l’insieme dei problemi sollevati dalla clausola «salvo iure geniis» che ritroviamo due volte nel testo della Tabula Banasitana. Accogliendo, infatti, l'ipotesi formulata dal VoLTERRA ("La Tabula Banasitana. A proposito di una recente pubblicazione”, Bullettino dell'Istituto di Diritto Romano 77 [1974], pp. 436 ss.) per cui la nostra espressione si riferirebbe « ad un ordinamento giuridico retto da un insieme coordinato ed organico di norme proprie dell'organizzazione statuale dei Zegrensi », ci troveremmo dinnanzi al riconoscimento da parte di Roma (nel II sec. d. C.) di un'organizzazione statuale che non
271
Se da un lato, quindi, l'implicito riconoscimento di queste realtà istituzionali appare in contrasto con l'idea di un Impero romano-universale, dall'altro non puó non sottolinearsi che proprio la scomparsa della tradizionale nozione di ius gentium importa il venir meno dell'idea di un insieme di norme comuni ad una pluralità di ordinamenti giuridici (tra cui quello romano) posti tutti su un piano sostanzialmente paritario. Mentre, cioè, la nozione teofilina di ius gentium? importava ancora che l'ordinamento giuridico romano si presentasse come uno dei tanti ordinamenti composti da norme particolari
e da norme comuni
a tutti i popoli (« Kal
ποτὲ μὲν πολιτιχοῖς ποτὲ δὲ ἐθνιχοῖς Synopsis non sembra porre sullo stesso ordinamenti a base etnica, come appare date insieme sia popolazioni appartenenti
ὁ δῆμος οὖν ὁ ῥωμαικὸς
χέχρηται νόμοις »), il testo della piano l’ordinamento imperiale e gli dalla circostanza che vengono ricorall’Impero che popolazioni ad esso
estranee.
4. Un qualche interesse per la ricerca presentare anche la testimonianza di
che
andiamo
conducendo
può
Psellus, vv. 72 ss.: « Τὸ νόμιμον δὲ πέφυχε δικαιοσύνης μέρος. / αὕτη γὰρ xal τὸ φυσιχὸν ἄλλο τι μέρος ἔχει, τὸ χατὰ τὴν συνείδησιν χρειττόνων χαὶ χειρόνων. / τὸ γὰρ λοιπὸν τὸ φυσικόν, τρίτον τοῦ νόμον
μέρος.
τὸ μὲν γὰρ τούτων φυσικόν, τὸ δ᾽ ἐθνικὸν τυγχάνει,
τὸ δὲ
πολιτικώτερον, καὶ μεριχώτερόν πως. / τὸ μὲν γὰρ περὶ φυσιχῶν πραγμά-
τῶν δογματίζον, / συλλήψεως, γεννήσεως, σχέσεως, συναφείας, / αὐτοῦ Ψιλοῦ τοῦ πράγματος, οὐ τοῦδε xal τοιοῦδε. / νόμιμον γενιχῶς ἐστι, φυσικὸν δ᾽ ἐπὶ μέρους. / Τὸ βλέπον δ᾽ εἰς συμβόλαια, φύσεις συναλλαγμάτων, πάντων εἰπεῖν τῶν xa ἡμᾶς κοινῶν πολιτευμάτων, /
νόμιμον ἐθνικόν ἐστιν, οὐχὶ τὸ βαρβαρῶδες. / τὸ γὰρ τοῦ ἔθνους ὄνομα νομικῶς εἰρημένον / γενῶν συλληπτικόν ἐστιν νόμοις ὑποχειμένων. / Πολιτικὸν δὲ νόμιμον, τοπιχὸν xal χρειῶδες, / ὅ πάλιν τριμερές ἐστι
τούτου γὰρ τοῦ νομίμου / ἔστιν ὁ δωδεχάδελτος τῶν δώδεχα λογίων, / τὰ βασιλέων δόγματα, οἱ νόμοι τῶν πραιτώρων ».
La base dei versi in esame è stata dal Weiss ? individuata in Bas. 2,1, che riprende D. 1,1; rispetto ai passi dei Basilici possono perd sottolinearsi alassume,
neanche formalmente,
la struttura di stato città. La nozione di ius gentis della
Tabula Banasitana sarebbe quindi, sotto molti profili, sostanzialmente offertarci dal testo della Synopsis
analoga a quella
minor.
2 Intendo in particolare riferirmi alla nozione di ius gentium che appare al termine del paragrafo 1. Sui problemi connessi alle sovrapposizioni avvertibili in Theoph. Parapbr. 12,1 vedi Ferrini, "Natura e diritto nella Parafrasi greca delle Istituzioni", Rendiconti
dell'Istituto
Lombardo,
s. 2°, 18
(1885), pp.
857ss.,
ora in Opere,
I, Milano
1929,
pp. 72ss.; AnANGIO-RUIZ, "La compilazione giustinianea e i suoi commentatori bizantini (da Ferrini a noi)”, Scritti di diritto romano in onore di C. Ferrini, Milano 1946, pp. 94 ss. 3 Weiss, "Die ‘Synopsis legum' des Michael Psellos", Fontes minores, hrsg. D.
Simon, II, Frankfurt 1977, p. 161.
272
cune divergenze che inducono a ritenere che Psello avesse presente anche la Parafrasi di Teofilo. Sotto il profilo che qui interessa, si pud, infatti, osservare che il nostro testo caratterizza il ius gentium come l'insieme delle norme comuni ai soli popoli civili, con esclusione dei barbari, in quanto il nome di ἔθνος puó essere rettamente attribuito soltanto alle popolazioni sottoposte alle leggi (γενῶν συλληπτικόν ἐστι νόμοις ὑποχειμένων) #, Lo stesso rapporto con la nozione di ius zaturale ne viene cosí modificato; mentre, infatti,
nei Basilici la distinzione tra ius naturale ed ius gentium sembra ancora basarsi, cosí come in D.
1,1,1,3-4, sulla circostanza che il primo
si estende
a
tutti gli animali ed il secondo ai soli esseri umani”, in Psello non permane traccia di una più ampia applicazione del ius naturale, il quale viene, invece, definito, con riferimento all’oggetto, come l’insieme delle norme che dettano precetti περὶ φυσιχῶν
πραγμάτων.
Di maggior rilievo per il nostro discorso appare indubbiamente la nozione di ius civile, per la quale Psello impiega gli stessi aggettivi utilizzati da Teofilo, qualificando
il πολιτικὸν
νόμυμον
come
τοπικὸν
xal
χρειῶδες.
L'assenza nel nostro passo di un qualsiasi riferimento ad esempi storici di città stato potrebbe, a prima vista, indurci a ritenere che nell’ottica di Psello il ius civile sia costituito dall’insieme delle norme proprie delle singole città nell’ambito dell’ordinamento imperiale, in una prospettiva sostanzialmente analoga a quella che ci è sembrato di poter riscontrare in Sym. min. N, 12. Una simile ipotesi sembra però contraddetta dalla successiva tripartizione delle fonti del νόμος πολιτικός
in δωδεχάδελτος 5, βασιλέων
δόγματα
e
νόμοι τῶν πραντώρων. Non è quindi forse inopportuno, per tentare di cogliere l'impostazione di Psello, riprendere in esame i passi dei Basilici che ne costituiscono la fonte alla luce dei corrispondenti passi dei Digesta: D. 1,1,7 (Papinianus, 1. 2 def.):
« Ius
autem civile est, quod ex legibus, plebis scitis, senatus
consultis, decretis prin-
cipum, auctoritate prudentium venit. Ius praetorium est, quod praetores introduxerunt adiuvandi vel supplendi vel corrigendi iuris civilis gratia propter utilitatem publicam. quod et honorarium dicitur ad honorem praetotum sic nominatum ». D. 1,1,8 (Marcianus, 1. 1 inst): « Nam et ipsum ius honorarium viva vox est
Bas. 2,1,7: « Παπιανός. Εἰσήχθη δὲ ἢ ἀπὸ τοῦ δνοδεχαδέλτον ἢ τῶν
τοῦ δήμου δογμάτων ἢ τῶν τῆς συγκλήτου θεσπισμάτων À βασιλικῶν δογμάτων ἢ τῆς αὐθεντίας τῶν σοφῶν ». Bas. 2,1,8: «Μαρχι. Καὶ τὸ πραιτώριον νόμιμον ζῶσα φωνὴ τοῦ
πολιτιχοῦ ἐστιν ».
iuris civilis ». 24 Vedi, in particolare, lo sch. Ὁ
μέν a Bas. 2,12.
?5 Riterrei quindi di poter individuare la fonte di Psellus, v. 87 in Theoph. Parapbr. 12,1 e non in Bas. 2,1,6,9 (come, invece, suggerisce il WEISS, op. cit., p. 162). Da Bas. 2,1,6,9 sono, invece, verosimilmente tratti i vv. 88-90. 2 La lex XII Tabularum viene erroneamente attribuita a dodici e non a dieci magistrati.
273
Come pud osservarsi, nel Digesto si passa dall'analisi della contrapposizione ius civile - ius gentium - ius naturale (di cui trattano i frammenti precedenti), all'analisi della contrapposizione ius civile - ius bonorarium che viene, peraltro, superata dall'affermazione, riferita a Marciano, per cui ipsum ius bonorarium viva vox est iuris civilis.
Il discorso viene già a mutare nei corrispondenti passi dei Basilici in quanto l'equiparazione marcianea conduce alla scomparsa della dicotomia ius civile ius honorarium e l'esame delle fonti del ius civile viene quindi condotto al termine del discorso sulla tripartizione ius civile - ius gentium - ius naturale. Se si riflette sulla circostanza che il termine ius civile, non ha, nelle fonti
romane, com'é noto, un significato suo proprio, ma assume significati diversi a seconda del termine che gli viene contrapposto, il mutamento di prospettiva appare nel nostro caso particolarmente significativo. I Basilici sembrano quindi muoversi nell'ottica di una identificazione del ius civile con l'ordinamento romano quale si è storicamente formato, con le sue peculiarità, nel corso dei
secoli ”, ordinamento rispetto al quale non si avverte alcuna frattura in una prospettiva di sostanziale continuità che dall'epoca repubblicana giunge fino
al tempo presente #. Anche Psello sembra muoversi in un'ottica analoga”, il che importa, ancora una volta, il riemergere, all'interno del suo discorso, della tensione di fondo esistente tra il riconoscimento di una pluralità di ordinamenti, che conduce a qualificare lo stesso diritto imperiale come τοπικὸν χαὶ χρειῶδες,
e la concezione di un unico ordinamento romano-universale. Una visione dei nostri problemi che appare, a prima vista, aderente alle fonti giustinianee
si ritrova, invece, in alcuni passi dell'Epitome,
il cui ti-
tolo II è dedicato alla tripartizione ius naturale - ius gentium - ius civile (περὶ νόμον quarzo xal ἐθνικοῦ xal πολιτιχοῦ). Epit. 2,3 definisce, infatti, il ius naturale come l'insieme delle norme comuni a tutti gli animali (ὅσον τὰ ἐναέρια xal τὰ ἐν τῇ γῇ διετύπωσε
ζῷα) Y mentre Epit. 2,21 limita l'applicazione del ius gentium: ai soli esseri umani *. T! Anche se il generale richiamo del passo del Digesto alle leges viene limitato alla sola legge delle XII tavole. 28 Mi sembra significativo osservare che questa esigenza di risalire alle origini di Roma sembra essere avvertita anche da giuristi che non mostrano di possedere un'adeguata preparazione storica. Si veda, ad esempio, lo sch.b ad Sym.
maior N, 6,1
(Jus Graecoro-
manum, cit, V, p. 443) in cui vengono indicati, come autori delle XII tavole, Gaio, Pomponio, Appio ("Azpwc) Claudio, Sesto Elio, Taleleo, Paolo, Stefano ed Ulpiano. 7 Incorrendo nell'errore di attribuire la legge delle XII tavole a dodici sapienti (errore che ritroviamo nello scb. Σημείωσαι ad Sym. maior N, 6,2). Psello sembra, fra l’altro, operare una scelta nell'ambito delle fonti del diritto sopprimendo il ricordo dei plebisciti, dei senatoconsulti e dell'auctoritas prudentium, cioè, verosimilmente, di quelle fonti che meno si inserivano nell'ideologia di uno stato imperiale. 3 Vedi Theoph. Parapbr. 1,2 pr. 3 Vedi sempre Theoph. Paraphr.
1,2
pr.,
anche
se
il nostro
passo
non
sembra
limitare, come Teofilo, l'applicazione del ius gentium ai soli uomini che intendono vivere secondo ragione.
274
Una particolarità, forse non del tutto irrilevante, può perd cogliersi, a mio avviso, nella nozione di ius civile: Epit. 2,22:
« Περὶ πολιτικοῦ νόμον. Πολιτικὸν δέ ἐστι, ὅπερ xal τοπι-
χὸν χαὶ χρειῶδες προσαγορεύεται, τὸ ἐν συνηθείᾳ τῇ πόλει γινόμενον xal τόπου χρείαν ἀποπληροῦν οἷον ἐν τῇ λαχεδαιμονίᾳ Auxoüpyou τοῦ νομοθετήσαντος ξενηλασίαν, ἵνα μὴ διὰ τῆς τῶν ξένων ἐπιμιξίας διαφθείροιτο xal χεῖρον γένοιτο τὸ τῶν λακχεδαιμονίων ἦθος. ὁ τοιοῦτος νό-
pog τιμάσθω μὲν παρὰ τοῖς λαχεδαιμονίοις, ἀθηναῖοι δὲ τοῦτον καταφρονοῦσι, τοσοῦτον τῆς ξενηλασίας ἀφεστῶτες, ὅτι καὶ βωμὸς ἐλέον τιμᾶται παρ᾽ αὐτοῖς" οὕτως ἑτοίμως τοὺς εἰς αὐτὴν φοιτῶντας ἀποδε-
χόμενοι, ὅτι πολλάκις καὶ διὰ φιλανθρωπίας ὑπερβολὴν καὶ πολεμεῖν ὑπὲρ αὐτῶν οὐχ ὥχνησαν ». A prima vista il testo sembra ricalcare il contenuto di Theoph. Parapbr. 1,2
pr.: il νόμιμον πολιτικόν viene, infatti, qualificato come τοπικὸν xal χρειῶδες € viene prospettato un esempio che, riferendosi ad epoche passate, sembra mostrare una certa consapevolezza storica in ordine al riferimento del νόμος πολι-
τικός alla realtà istituzionale della città stato. Vi è però nel nostro passo una variante rispetto a Teofilo che non &, a mio avviso, priva di significato: in Epit. 2,22, infatti, il νόμος πολυτιχός viene presentato come quel diritto ἐν συνηθείᾳ τῇ πόλει γινόμενον, ed una simile affermazione non pud non ingenerare il dubbio che l'autore dell'Epitome abbia inteso cosf riferirsi a quel diritto locale
cittadino, di origine consuetudinaria, che abbiamo già avuto occasione di ricordare e che trova una sua ben precisa collocazione nell'ambito dell'unico ordina-
mento imperiale *, In una certa misura anche dal testo dell'Epitome sembra quindi emergere, ancora una volta, l'ineliminabile contrasto di fondo tra l'idea di un Impero
romano - universale ed il riconoscimento di una pluralità di ordinamenti giuridici caratterizzati da norme particolari.
% A questo diritto consuetudinario si riferisce in seguito espressamente, come abbiamo visto, la stessa Epitome (2,28).
275
FAUSTO GORIA
ROMANI, CITTADINANZA ED ESTENSIONE DELLA LEGISLAZIONE IMPERIALE NELLE COSTITUZIONI DI GIUSTINIANO
l.
I significati del termine Romanus Un'analisi
anche
sommaria
dell'uso
nelle costituzioni di Giustiniano. del
termine
Romanus
o
Ῥωμαῖος
nelle costituzioni di Giustiniano! mostra che esso comprende una serie di significati sensibilmente diversi e che corrispondentemente ha un'estensione più o meno vasta. Ai fini del nostro discorso possiamo isolare ad esempio le seguenti accezioni:
1) Accezione che potremmo definire ‘locale’: Romani sono gli abitanti della città di Roma? e romane sono qualificate alcune istituzioni di essa 1 L'uso di questo termine nell’epoca che consideriamo non è ancora stato sufficientemente studiato; ciò vale tanto più per le sue eventuali implicazioni giuridiche. Importanti punti di riferimento restano ad ogni modo i lavori del JÜTHNER, Hellenen und
Barbaren, Leipzig 1923, pp. 103 ss. e del D6LGER, “Rom in der Gedankenwelt der Byzantiner", Zeitschrift fiir Kirchengeschichte, 56 (1937), pp. 1 55. e ora, con aggiornamenti, in In., Byzanz und die europäische Staatenwelt, Ettal 1953 (rist. Darmstadt 1964 e 1976), pp. 70 ss.; utili anche LECHNER, Hellenen und Barbaren im Weltbild der Byzantiner, Diss., München 1955, e PALM, Rom, Rómertum und Imperium in der griechischen Literatur der Kaiserzeit (Acta Reg. Societ. humaniorum litterarum Lundensis, 57), Lund 1959, pp. 93 ss.; 102 s.; 109 55.; 121ss.; nulla più che una conferenza di impostazione assai generica è l'articolo della RoSENBLUM, “ Οἱ Ῥωμαῖοι ", Bull. de l'Ass. G. Budé, 4 (1969), pp. 299 ss.; notazioni interessanti, invece, anche se riferite per lo piá a un'epoca più tarda di quella di cui ci occupiamo, in ARRIGONI, “Ecumenismo romano-cristiano a Bisanzio e tramonto del concetto di Ellade ed Elleni nell'impero d'Oriente prima del Mille", Nuova rivista storica, 55 (1971), pp. 133 ss.; In., "Il delinearsi di una coscienza nazionale romèica nell'impero d'Oriente e nell'ambito ellendfono medievale”, ibid., 56 (1972), pp. 122 ss.; per
il IV e V secolo cfr. anche SHERWIN-WHITE, The Roman Citizenship, 2° ed., Oxford 1973, pp. 452 ss.; 460 ss. 2 Il luogo privilegiato di tale accezione è evidentemente la sanctio pragmatica pro petitione Vigilii: cfr., nell'edizione delle Novellae curata da SCHGLL - KroLL (4° ed., Berolini 1912;
ad essa ci si riferirà sempre
in seguito, salvo diversa indicazione), App.
VII,
7;
22; probabilmente anche il cap. 1. Essa compare però anche nella Nov. 89,2,3 (relativa alla legittimazione dei figli naturali per oblationem curiae) contrapposta alla qualifica di
Βυζάντιος data all'abitante di Costantinopoli. Si noti che gli abitanti di Roma sono quali-
277
(ad esempio la Chiesa, in quanto distinta dalle Chiese di altre città) *; l'estensione in questo caso ἃ quella urbana in senso stretto, o al massimo diocesana. Non ἃ attestato l'uso di Romanus per indicare abitanti o istituzioni di Costantinopoli benché questa città venga talvolta pit o meno esplicitamente indicata come "nuova Roma" *. Per altro verso, in taluni passi della cosiddetta sanctio pragmatica pro pe-
titione Vigilii il termine Romani potrebbe indicare non solo gli abitanti di Roma, ma in generale tutti gli Italici che non siano Goti?; non è però dimostrabile con sicurezza.
tale significato
2) Accezione che si potrebbe chiamare ‘linguistica’: lingua Romana o Romanorum è quella latina, contrapposta a quella greca*; caratteri romani ficati semplicemente come Romani e non come Romani veteris Romae (cfr. infra la nota 4) o come veteres Romani; quest'ultima espressione allude invece ai romani del tempo antico. 3 Romana civitas è Roma stessa: Nov. app. VII, 3; 7; 25; nello stesso cap. 25 si fa
riferimento al foro aut portui Romano; cfr. anche C. 1,1,8,31. Romana sedes per indicare il pontefice è nell'epistola di papa Giovanni II a Giustiniano del 24.4.534 riportata in C. 1,1,8 pr.; Romana ecclesia: ibid., $ 30 e Nov. 9, indirizzata allo stesso papa Giovanni II. 4 Cfr. const. Deo auctore, $ 10 = C. 1,17,1,10: « Romam autem. intellegendum est non solum veterem, sed etiam regiam nostram, quae deo propitio cum melioribus condita est auguriis »; inoltre, C. 8,14(15),7, (utrague Roma); Nov. 79,2 p. 389,11 (id.); Nov. 81.1 p. 39825 (id.); Nov. 70,1 p. 356,4 («ἐν τῇ πρεσβυτέρς Ῥώμῃ καὶ τῇ via δὲ τάντῃ Ti καθ’ ἡμᾶς»; Nov. 131,2 p. 655,12 (« ἀρχιεπίσκοπον Κωνσταντινουπόλεως τῆς νέας Ῥώμης »). Queste sono peraltro le uniche testimonianze della legislazione giustinianea [in precedenza cfr. già, ad es., C. 8,11(12),5 pr. (a. 364); C. 11,21(20),1 (a. 421)] in cui Costantinopoli venga esplicitamente qualificata come Roma, anche se ciò può essere implicito tutte le volte che la Roma italica viene denominata vetus (ad es., C. 1,3,51,2; Nov. 9 p. 91,17), antiqua lad es. C. 2,52(53),7; cfr. Nov. app. VII,1 p. 799,12] o anterior (ad es.. Nov. 75.1 p. 578.12; Nov. 9 p. 91,18), πρεσβυτέρα in greco (ad es., const. δέδωχεν, pr. e $ 18; Nov. 13,12 p. 101,4; Nov. 42 pr. p. 264,3-4; Nov. 892,5 p. 432,17; Nov. 123,3 p. 597,13;
Nov.
1312 p. 655.10 e 14); anche ἑσπέρια (Nov.
invece, la Roma
109 pr. p. 518,5); significativamente,
dei tempi antichi viene indicata, in un contesto storico, come
« τὴν με-
γάχην τῶν Ῥωμαίων … πόλιν» (Nov. 25 praef. p. 196.20-21). Costantinopoli è solitamente designata con perifrasi: baec regia [ad es., C. 13.512; 2,46(47),3; 2,55,5 pr.; 3,1,14,1; 8,10,13; const. Deo auctore, $ 10 = C. 1,17,1,10; Nov. 75,1 p. 378,12] o florentissima civitas (ad es., C. 3,1,15; 5,70,7,5-6; 8,10,13), o anche semplicemente baec civitas (ad es., C. 4,66,3,3); baec alma urbs [ad es., C. 2,52(53),7 pr.]; in greco, εὐδαίμων πόλις (ad es., Nov. 22,14 p. 154,10; Nov. 69,1,1 e 69,2 p. 351,15 e 20; Nov. 147,2 p. 721,4); βασιλὶς πόλις (C. 4,21,22,12; Nov. 109 praef. p. 518,6), o μεγάλπ
πόλις (ad es., Nov. 13,1,1 p. 101,7; Nov. 89,2,3 p. 432,16-17) o altre ancora. In fonti ecclesiastiche dell'epoca Costantinopoli è invece talvolta chiamata semplicemente Ῥώμη (ad es., Coll. Sabbait. 5,87 in Acta Concil. Oecum., ed. Scuwarz, III Berolini 1940, p. 161,5:
«iv τῆι φιλοχρίστωι xal βασιλενούσηι πόλει ‘Püum ») o. Κωνσταντι-
νούπολις Ῥώμη (ibid. pp. 159,7-8; 169,19; 176,31). Lo schol. ad Tbeopb. par. 1,25 pr. (ed. FEn&INI, Opere, Milano 1929-1930, I, p. 166) spiega che quello che il giurista afferma di Roma vale anche per Costantinopoli (cfr. C. 11,21(20),1 (a. 421)] e che quello che afferma per l'Italia vale per la Tracia, ma non dice che Costantinopoli si chiami anch'essa Roma. 5 Cfr. Novellae, cit., App. VII, 2; 8; 23; che la pragmatica sanctio in questione comprenda disposizioni relative a tutta l'Italia è evidente ad esempio
dai cap. 1; 11; 26-27.
6 Cfr. const. Omnem, Ὅτι: const. Tanta $ 21 = C. 1,172221; const. δέδωχεν $ 22 (mentre la const. Tanfa reca qui « Latina »); Nov. 17 pr. p. 117,28; Nov. 29,1 p. 219,9, cfr. 221,10; Nov. 31,1,3 p. 237,12; Nov. 47,2 p. 285,23; cfr. anche Nov. 28,2 p. 214,8 ss.
278
sono quelli della scrittura latina, contrapposti anche qui alle lettere greche”. In questo senso si potrebbero chiamare Romani tutti coloro che hanno il latino come lingua materna; più volte le novelle di Giustiniano, parlando nel nome dell’imperatore, lo definiscono πάτριος φωνή *. Quest'uso del termine Romanus, attestato anche altrimenti’ ed evidentemente tradizionale, è significativo se lo si confronta con alcune espressioni che si trovano ad esempio in Procopio, secondo le quali i Ρωμαῖοι si esprimono utilizzando tanto il latino quanto il greco ". 3) Accezione ‘storica’: sono chiamati Romani — spesso con altri termini che indicano il riferimento al passato — gli antichi Romani, secondo le vicende che questa denominazione ha avuto nel corso dei secoli !!, Talvolta questa accezione costituisce solamente una proiezione nel passato del .signi-
ficato ‘politico’ (n. 5) 5; essa è significativa per comprendere il tentativo di Giustiniano di armonizzare l’esigenza di innovazioni con il rispetto o addirittura la restaurazione della tradizione 15, ma non è particolarmente rilevante Contrapposti ai Graeca verba sono invece quelli Latina in C. 6,38,3; alla ἑλληνίδος φωνῆς quella ἰταλική in Nov. 146,1 p. 715,15-17. 7 Cfr. Nov. 472 p. 285,24 e 28. 8 Cfr. Nov. 7,1 p. 52,32; 13 praef. p. 99,22; 13,1,1 p. 100,29; 22,2 pr. p. 148,41; 30,5 p. 227,33; 69 praef. p. 349,17; 146,1 p. 715,17. Significativamente, la Nov. 13 praef.
contiene una critica alla denominazione greca dei praefecti vigilum. 9 Cfr., ad es., LECHNER, op. cit., p. 11; PALM, op. cit., pp. 86; 95s.; 102; 122; 125 s.; 128; C. 11,19,1,2 = CT. 14,9,3 (a. 425: Romana eloquentia, contrapposta a facundia Graecitatis); nel VI secolo: ad es., Acta Concil. Oecum. III, cit., pp. 52, app. a l. 31; 80,10;
113,25
e 27 e 29;
152 app.
a l. 9 e 12;
18223;
Proc,
BP
1224;
2,29,5,
BV
1,4,7;
1,14,7; 121,22; BG 125,19; PALM, op. cit., pp. 108; 1108. 10 Cfr, ad es., Proc, BP 2,23,6, 2,2629; BV 2,13,33 (i Λατῖνοι, anziché Ῥωμαῖοι, parlano latino); 2,26,26; BG 4,5,13; 4,29,5; 4,35,15; Aed. 3,3,14; 4,6,16; 6,3,11. Per il traduttore siriaco del libro siro-romano (ma probabilmente era già cosf nell'originale greco) la lingua “romea” è quella greca: cfr. FERRINI, Manuale di Pandette, 4* ed. integr. da G. Grosso, Milano 1953, p. 63 n. 4. Di queste oscillazioni non tiene conto il LECHNER,
op. cit., p. 11.
H Cfr. co