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Italian, French Pages [607] Year 1984
DA ROMA ALLA TERZA ROMA DOCUMENTI E STUDI
STUDI - II
21 APRILE
LA NOZIONE DI «ROMANO» TRA CITTADINANZA E UNIVERSALITÀ
EDIZIONI
SCIENTIFICHE
ITALIANE
1982
DA
ROMA
ALLA
DOCUMENTI
TERZA
ROMA
E STUDI
Collezione diretta da PIERANGELO CATALANO e PAOLO SINISCALCO
Questo volume à pubblicato con il contributo del Consiglio Nazionale delle Ricerche (Comitato per le Scienze giuridiche e politiche)
DA ROMA ALLA TERZA ROMA DOCUMENTI E STUDI
STUDI
LA
- II
21 APRILE
1982
NOZIONE DI «ROMANO » TRA CITTADINANZA E UNIVERSALITÀ
io EDIZIONI SCIENTIFICHE ITALIANE
(©
1984 by Edizioni Scientifiche Italiane spa. 80121
Napoli, via Chiatamone,
7
προσελθὼν δὲ ὁ χιλίαρχος εἶπεν αὐτῷ" λέγε μοι, σὺ Ρωμαῖος el; ὁ δὲ ἔφη ναί. ἀπεχρίθη δὲ ὁ χιλίαρχος: ἐγὼ πολλοῦ χεφαλαίου τὴν πολιτείαν ταύτην ἐχτησάμην. è δὲ Παῦλος ἔφη ἐγὼ δὲ καὶ
γεγέννημαι. (Atti degli Apostoli,
22, 27-28)
PREMESSA
Il II volume di Studi "Da Roma alla Terza Roma"
raccoglie gli Atti
del II Seminario internazionale di studi storici, organizzato in occasione del MMDCCXXXV
Natale
dell'Urbe,
nel
quadro
della
ricerca
d'ateneo
sugli
"aspetti storico-religiosi e giuridici dell'idea di Roma" promossa dall'Università degli Studi di Roma 'La Sapienza'. La parola Romanus (con i suoi equivalenti nelle lingue greca, slave, germaniche e neolatine) segna l'itinerario giuridico e religioso degli uomini che banno avuto come centri ideali Roma, Costantinopoli Nuova Roma e Mosca Terza Roma. La cittadinanza dei Quiriti, civitas augescens (cfr. Digesta Iustiniani 1,2,2; 7; 28), crescente sino a identificarsi con una collettività ecume-
nica, ba trovato cosí un duttile strumento linguistico per qualificare le persone e lo spazio.
Civis ba assunto un carattere universale a partire dalla costituzione del 212 d.C. di Antonino Magno e definitivamente con Giustiniano I, il quale eliminò la nozione stessa di peregrinus. Parallelamente si è plasmata nelle fonti giuridiche (da Diocleziano a Giustiniano I) la nozione di ius Romanum, visto
come universale "sistema del buono e dell'equo". Anche i Giudei poterono vivere secondo lo ius Romanum
Romani
(Codex Iustinianus 1,9,8)
ed essere quindi
(cfr. Interpretatio ad Codicem Theodosianum 2,1,10).
L'universalità civile di Roma si interseca, anche cost, con quella religiosa cristiana, con cui pur non si identifica. Grazie alla singolarissima riconosciuta
capacità di assimilazione degli schiavi e degli stranieri, l'universalità romana resta quale è stata vista sino ad oggi (da nemici e da amici: Filippo V di Macedonia, Elio Aristide, Ippolito ... il partito nazista, Senghor) e quale è
sin dai “tempi romulei": per dir cos, l'anti-razza. In questa civitas amplianda (Codex Iustinianus 7,15,2) che wnisce gli uomini contro ogni esclusivismo etnico, abbiamo assunto come emblematica la posizione di Paolo: « Il tribuno si recò da Paolo e gli domandò: ‘Dimmi,
tu sei cittadino romano?'. Rispose: ‘si’. Replicò il tribuno: ‘Io questa cittadinanza l'ho acquistata a caro prezzo’. Paolo disse: ‘Io, invece, lo sono di nascita’ » (Atti degli Apostoli 22,27-28).
VII
UNIVERSITA
“ASPETTI
DEGLI STUDI DI ROMA
‘ LA SAPIENZA "
RICERCA D'ATENEO STORICO-RELIGIOSI E GIURIDICI DELL’IDEA
DI ROMA"
ATTI DEL
II SEMINARIO INTERNAZIONALE DI STUDI “ DA ROMA ALLA TERZA ROMA " 21-23 APRILE
1982
STORICI
DOCUMENT
D'INTRODUCTION II
Le Premier Séminaire international d'Etudes Historiques « De Rome à la Troisième Rome» organisé au mois d'avril 1981, dans le cadre d'une «ricerca di ateneo » de l'Université de Rome, s'est terminé par un ample débat qui a confirmé les grandes lignes de la recherche et permis de relever les nombreux points qui doivent étre étudiés d'une facon plus approfondie. Parmi ces points, on a souligné notamment la notion (ou plutót les notions) de «romain » dans
les cultures, tout à fait différentes les unes
des autres, inté-
ressées à la tradition institutionnelle qui va de Rome jusqu'à la Seconde Rome et à la Troisième Rome. On a demandé d'éviter l'identification, implicitement ethnocentrique, de l'Empire Romain au seul Empire d'Occident et de refuser l'emploi moderne, artificiel et contraire aux sources, du terme « byzantin » pour indiquer les réalités (romaines et grecques à la fois) de la politeia ton Romaion en Orient. La validité du « Document d'introduction » et de la « Liste des thèmes » étant confirmée, le Second Séminaire sera consacré à un approfondissement des notions de « romain » sous les différents aspects institutionnels et idéologiques. La « Liste des
thèmes » du
Premier
Séminaire
(concernant
Rome,
la Seconde
Rome
et la
Troisi&me Rome) constitue donc un premier schéma organique, avec les références spatio-temporelles: la future recherche devra se développer autour de ce schéma, en particulier sur les notions de « romain » chez les différents peuples. Il faudra préciser, par des recherches philologiques approfondies, les significations prises par le mot Romanus (et ses équivalents dans les langues grecque, slaves, germaniques et néo-latines) des points de vue juridique et historico-religieux. On étudiera comment le caractère de « romain » est attribué à des Empires « universels », aussi bien en Occident qu'en Orient, par rapport aux théories de la renovatio et de la translatio de l’Empire. On étudiera comment le terme « romain » est employé pour indiquer ceux qui appartiennent à ces communautés « universelles », en les opposant, avec une cohérence quelquefois incertaine, aux étrangers. Le devenir des mots et des concepts, à travers les contradictions entre les réalités locales et les aspirations universelles, sera examiné par rapport à l'Empire Romain en Occident (et au Saint Empire Romain) et à l'Empire Romain en Orient. On
considérera aussi les changements
révolutionnaires
de ce qui a été appelé la
« romanité ressuscitée » des Jacobins et de Napoléon (en se référant particulièrement aux Déclarations des droits et à la Codification) ainsi que les développements dans le Sud-Est européen, en Russie et dans les cultures slaves en général, jusqu'au XIXe siècle. La division des travaux en deux parties, l'Occident et l'Orient, constitue un
schéma provisoire de recherche répondant à une perspective spatiale qui n'oublie ni l'unité juridico-religieuse de l'Empire ni la triplicité du développement institutionnel de l’idée de Rome. ΧΙ
LISTE DES THEMES I.
DE LA RECHERCHE *
RoME
. Augustum augurium, auspicium perpetuitatis Aeternitas Romae, aeternitas populi Romani, aeternitas imperii Les origines de l'idée de « renovatio » . Les conceptions chrétiennes de l'histoire et les nouvelles interprétations
de
l'aeternitas
. La continuité de l'Empire (en Occident) après 476 . Noël 800:
l'Eglise et l'Empire
Les conceptions médiévales de la « renovatio imperii» et les théories de la « translatio imperii a Graecis ad Germanos » . Le Saint Empire Romain et les particularismes européens (royaumes, communes, etc.)
. Le Saint Empire
Romain
vis-à.vis de l'Empire Romain
d'Orient et l'Orient
musulman
. Charles V et l’Empire en Amérique . Les Habsbourg-Lorraine et la renonciation à l'Empire (1806) . Napoléon: la continuité romaine de l'Empire révolutionnaire Supplément. Les révolutionnaires et les républiques en Europe et en Amérique: . « Modele romain » et Jacobinisme
. Les « exemples de Rome » et les républiques américaines (Simón Bolívar, José Gaspar de Francia, etc.)
. La République Romaine de 1849 SECONDE
RoME
. La fondation de Constantinople:
rites paiens et chrétiens
« Nouvelle Rome » et « Seconde Rome »; renovatio et translatio
Justinien et le Corpus iuris civilis. Universalité et éternité de l'Empire Les idées de Rome et de la Seconde Rome
de la renaissance à 1204
Les idées de Rome et de la Seconde Rome de l'Empire latin jusqu'en 1453 Supplément. Continuité et révolution en Asie et en Europe: Les idées de Rome et de la Seconde Rome chez les Grecs aprés 1453 . Les Principautés Roumaines vis-à-vis des idées de Rome et de la Seconde Rome 8a. Les idées de Rome
et de la Seconde Rome chex les Bulgares 8b. Les idées de Rome et de la Seconde Rome chez les Serbes 9. La conception de Rome et de Constantinople chez les Arabes 10. L'Empire Ottoman vis-à-vis de Rome et Constantinople
III. TROISIÈME ROME ΟΝ
La vision de Rome et de Constantinople chez les Russes jusqu'en 1453 Le théorie de la Troisième Rome:
Le droit romain oriental en Russie Le modèle impérial romain et le pouvoir des Tsars Le devenir de la théorie de la Troisième * La liste a été fixée en 1981.
XII
sources, institutions, symboles
Rome
du XVII° au XIX* siècle
ORDINE
DEI LAVORI
DEL
SEMINARIO
I lavori sono stati svolti in Campidoglio. La «seduta preliminare » si à tenuta nella Sala delle Commissioni, la «seduta inaugurale » nella Sala della Protomoteca, le altre nella Sala piccola della Protomoteca.
mercoledi 21 aprile, ore 9 SEDUTA
PRELIMINARE
Interventi di PIERANGELO CATALANO e PAOLO SINISCALCO, coordinatori della Ricerca d'ateneo su i "Aspetti storico-religiosi e gl giuridici dell'idea di Roma: ASpe tradizione e rivoluzioni”. Comunicazioni
HÉLÈNE AHRWEILER « Citoyens et étrangers à Byzance » * JOHANNES
IRMSCHER
« Les Grecs et l’idée de Rome après 1453 » *
GEORGE NEDUNGATT «I Romani visti dall'esterno dei confini orientali dell'Impero. Osservazioni per un programma di ricerca »
mercoledi 21 aprile, ore 17 SEDUTA
INAUGURALE
Saluto del rappresentante del Comune di Roma, cons. LUIGI ARATA, sore agli Affari Generali e Avvocatura.
asses-
* Sono contrassegnate con asterisco le relazioni e comunicazioni riprodotte, in forma non definitiva, nei fascicoli Da Roma alla Terza Roma. II Seminario internazionale di studi storici, 21-23 aprile 1982, "La nozione di ‘romano’ tra cittadinanza e universalità”. Relazioni e Comunicazioni, I-II, Roma (Università degli Studi di Roma ‘La Sapienza"), distribuiti ai partecipanti, rispettivamente, nei Seminari del 1982 e del 1983. XIII
Saluto di GrusEPPE BRANCA, direttore dell'Istituto di Diritto romano e diritti dell'Oriente mediterraneo dell'Università di Roma 'La Sapienza'. Discorso di JOHANNES
IRMSCHER,
presidente del Comitato
promotore
dei
Seminari internazionali di studi storici "Da Roma alla Terza Roma”. Relazioni introduttive !. JEAN
GAUDEMET
« Citoyens romains et étrangers du V* au IX* siècle » * ANTONIO CARILE
« Continuità dell'Impero romano a Costantinopoli e 'Romania' (330-1453) » * VASILKA
TÁPKOVA-ZAIMOVA
« Le terme "Romains"
dans le monde
slave » *
giovedì 22 aprile, ore 9 OCCIDENTE:
LA NOZIONE
DI 'ROMANO'
NEL SACRO
ROMANO
IMPERO
Intervento introduttivo di PaoLo BREZZI, vicepresidente dell'Istituto di Studi Romani Comunicazioni NoTKER
HAMMERSTEIN
« La nozione di ‘romano’ nel Sacro Romano Impero dalla fine del XVI al 1806 »
secolo
KARL O. FREIHERR VON ARETIN « Il problema della Renovatio Imperii Romanorum. Pretese universali e realtà costituzionale del Sacro Romano Impero dal XVI al XVIII secolo » * WILHELM BRAUNEDER « Civitas et cives Sancti Romani Imperii » * LuiG1
PROSDOCIMI
« Roma communis patria » PIERO BELLINI « Bellum romanum » 1 La relazione di Dionvsios
A. ZakvruiNos
Pertusi) (*) è stata distribuita ai partecipanti
("Exposé"
à la mémoire
d'Agostino
in assenza dell'autore. La relazione di Jaro-
SLAV N. Stapov e NINA V. SINICYNA (*) è pervenuta successivamente alla chiusura dei lavori del Seminario (v. infra, pp. 481 ss.). XIV
giovedì 22 aprile, ore 16 ORIENTE:
IMPERO
ROMANO
E 'ROMANIA'
Comunicazioni
FRANCESCO SITZIA « Romanità dell’Impero:
ius civile e ius gentium » *
Fausto GORIA « Romani e questione della cittadinanza nelle Novelle di Giustiniano » François
PASCHOUD
« Romains et Barbares au début du V* siècle après J.-C. (Le témoignage d'Eunape et de Zosime) » *
TiLEMACHOS C. LouNcHIS « Le programme politique des citoyens de l'Empire d'Orient après 476: répétition générale » * SALVATORE
une
IMPELLIZZERI
« Romani, Latini e Barbari nell’ideologia di Anna Comnena » Maria MANTOUVALOU « Romiosyni et romanité. Constantinople » Dimirris NASTASE « Roumains Romains
La signification
de ‘romain’
apres
la chute
de
et Grecs Romains » *
venerdì 23 aprile, ore 9 ORIENTE: LA NOZIONE DI ‘ROMANO’ PRESSO I POPOLI SLAVI ED I ROMENI. ALTRE PROSPETTIVE
Intervento introduttivo di Mario CAPALDO, dell'Università di Salerno Comunicazioni *
VALENTIN AL. GEORGESCU « Le terme de ‘Romanus’ et ses équivalents et dérivés dans l'histoire du peuple roumain » * JAN KRAJCAR
« L'espressione i do samogo
Rima (‘fino a Roma
stessa") nei testi russi
medievali » 2 Hanno successivamente inviato comunicazioni scritte CESARE ALZATI, KHALIL SAMIR e Giovanni MaNiscALCO BasiLE (*) (v. infra, pp. 437 ss.; 4615s.; 523ss.). La comuni.
cazione di WLADIMIR VODOFF e MATE: CAZACU
(*) è stata distribuita ai partecipanti in
assenza degli autori (v. infra, pp. 505 ss.). XV
ITALA Pia SBRIZIOLO « Rimskii - romeiskii nelle "Epistole" dello starec Filofej di Pskov: di interpretazione » * WLADIMIR
ΝΌΡΟΕΕ - MATEI
« Les notions de ‘Rome’
ipotesi
CAZACU
et de ‘Romain’
chez les Russes.
Projet
de re-
cherche » *
MICHEL VAN ESBROBCK « Rome l'ancienne et Constantinople vues de l’Arménie » *
venerdi 23 aprile, ore 16 DALLA
OCCIDENTE: IL MODELLO ROMANO RIVOLUZIONE FRANCESE AL CODICE NAPOLEONE
Intervento introduttivo
di SANDRO
SCHIPANI,
dell'Università
di Sassari
Comunicazioni
CLAUDE NICOLET « Citoyenneté romaine et française à la Révolution » Hans PETER BENoEHR « Citoyens et étrangers dans le Code Napoléon » JEAN TurARD
« Napoléon:
la continuité romaine » *
PauL M. MARTIN « Esclaves ou citoyens? La référence à Rome dans le statut des esclaves noirs avant et sous la Révolution française » * JAN THOMAS
« Savigny, le Code Napoléon et l'universalisme du modèle romain »
ore
19
Presentazione del libro di ArtILIO Mastino
sulle "titolature di Caracalla" ?
Discussione generale e conclusione dei lavori 3 La presentazione del volume (A. Mastino, Le titolature di Caracalla e Geta attraverso le iscrizioni. Indici (Studi di storia antica, Collana diretta da G. Susini, 5] Bologna 1981) ἃ stata fatta da PIERANGELO CATALANO. XVI
SEDUTA
PAOLO
PRELIMINARE
SINISCALCO
1. Il Seminario che prende avvio oggi, il secondo della serie, nasce da un tema e da un'ipotesi: il tema ἃ quello dell'idea di Roma, indagata nei suoi aspetti storico-religiosi e nei suoi aspetti giuridici. L'ipotesi intende verificare se quell'idea, venuta a contatto prima con i Greci
(Seconda Roma), poi con
gli Slavi (Terza Roma) — ma altre aree culturali e geografiche possono essere considerate —, abbia avuto in pari tempo effetti innovatori ed effetti conformi alla tradizione. La ricerca, che ha avuto un suo primo punto culminante nella riunione dell'aprile 1981, si pone entro la prospettiva di un incontro di culture e tende — evidentemente nei limiti di carattere storiografico che le sono propri — a rispondere a una delle esigenze acutamente sentite dalla società contemporanea: quella di ritrovare l'autenticità delle proprie origini, il che da una parte puó contribuire a superare particolarismi etnici e divisioni verificatisi durante il corso di storie effettivamente diverse, dall'altra significa non smarrire la propria identità, in un tempo che in misura crescente pare richiedere per la convivenza dell'umanità stessa un dialogo più intenso e genuino tra le grandi civiltà dell'intera ecumene. 2. I nostri Seminari di studi storici sono stati concepiti come punti d'incontro di specialisti di varie discipline, provenienti da aree culturali diverse. Si sono sollecitate interdisciplinarietà e convergenze culturali, concentrando l’attenzione su campi geografici e ideologici, nei quali, attraverso una tradizione storiografica e una dottrina giuridica, si è resa viva nella storia l’idea di Roma. I lavori del Seminario del 1981 hanno contribuito ad illuminare, più o meno latamente, tre ambiti: 1) un buon numero di relazioni, essendosi prefissa una riflessione e una discussione sulle principali prospettive storiografiche, ha avuto un carattere di bibliografia critica; 2) tale analisi ha consen-
tito nello stesso tempo di condurte una prima ricognizione tematica concernente il grande tema delle “Tre Rome”, principalmente lungo le vie tracXVII
ciate dalla «lista dei temi », individuati in precedenza; 3) infine, in special modo le comunicazioni molto hanno giovato all'approfondimento dei singoli argomenti.
Nonostante la gamma assai vasta di specializzazioni scientifiche e l'ampio arco di opzioni ideologiche, & un dato che non sono state sollevate dai partecipanti al I Seminario obiezioni di fondo riguardanti l'itinerario della ricerca. Sono state proposte utili integrazioni, soprattutto da specialisti in discipline quali la Storia delle istituzioni e il Diritto canonico; e certo altre integrazioni potrebbero essere aggiunte proficuamente. Dall'insieme dei contributi é apparsa l'importanza che hanno gli aspetti storico-religiosi per la giusta comprensione del tema. 3. Tra i punti posti in luce, uno in particolare ἃ emerso in tutto il suo rilievo: la nozione, o meglio, le nozioni di Romanus — e dei termini che a Roma e a Romanus si connettono — nelle culture che in qualche modo si sono ispirate alla tradizione civile e istituzionale, la quale, partendo dall’Urbs antica giunge alla Seconda e alla Terza Roma. Cosf è nato l'argomento intorno a cui si misurerà il Seminario che si apre oggi. Si è ritenuto opportuno, per un solido fondamento delle successive ricerche, proporre uno studio di carattere filologico e linguistico intorno a un vocabolo, Romanus, e ai suoi corrispondenti in lingua greca e nelle lingue slave, germaniche e neo-latine, convinti che — per parafrasare N. Tommaseo (cf. Nuovo
Dizionario
dei Sinonimi della lingua italiana, 4* ed., Milano
1858,
p. XLVI) — le radici delle parole, profondamente cercate, possono dare le cagioni e le ragioni delle civiltà passate e presenti, i presagi delle future. 4. In questo pur breve intervento, da parte mia, non tralascerò di affrontare la questione sul tappeto, anche se in rapporto a un segmento storico molto limitato. Infatti per misurare ‘sul campo’ i caratteri del termine Romanus ho scelto pochi autori e poche opere latino-cristiane, appartenenti a un’area e ad un periodo (dei quali più assiduamente mi occupo) che, a mio giudizio, hanno un notevole valore per capire il permanere della tradizione e il farsi delle ‘rivoluzioni’ nel Tardo Antico e che, d'altra parte, non sembrano aver attirato a sufficienza lo sguardo dei critici: mi riferisco alla prima metà del V secolo d.Cr. in Occidente. Tre fatti emergenti, tra i molti che potrebbero essere ricordati, segnano quel tempo:
la divisione dell'Impero, dopo la morte di Teodosio I, in due
parti destinate a non ritrovare più l’unità reale, se non in forme caduche e per brevi momenti; la presenza sempre più sconvolgente dei barbari fin nel cuore della respublica (basti pensare al sacco di Roma del 410 e all’ondata di emozioni e di riflessioni che provoca, o all’incontro di Leone I con Attila);
il posto rilevante che la Chiesa assume là dove il potere statale si indebolisce. A modo suo, la lingua, da strumento sociale sensibile e delicato quale è, registra e riflette il travaglio di quel mondo, in modo forse più evidente nella pars Occidentis, che subisce le conseguenze piá traumatiche di quegli eventi. XVIII
Inoltre la lingua e, nel caso specifico, il termine Romanus conferma la validità di due criteri storiografici che, a mio credere, sono metodologicamente importanti per lo studio del periodo. Il primo riguarda la necessità di non disgiungere l'analisi della storia imperiale romana da quella del cristianesimo. Il secondo concerne la necessità di considerare quel tempo non in base ai canoni delle età precedenti, ma in se stesso, non appendice di una fase storica ormai prossima alla sua morte, ma 'altra antichità', da osservare nei suoi ele-
menti positivi e negativi, nelle sue virtualità e nei suoi limiti. Principalmente due gli autori su cui mi soffermeró: Orosio, con le sue
Historiae adversus paganos, e Salviano di Marsiglia, con il De gubernatione Dei.
5. In Orosio che scrive la sua opera tra il 416 e il 417, il termine Romanus ricorre spessissimo. Con frequenza, in qualità di aggettivo, esso designa caratteri (virtus, fides, moderatio, amicitia R.), realtà e istituzioni militari, civili, amministrative o giuridiche (wmziles, exercitus R., duces, cives, iudices R., le-
ges R., iura R., populus, senatus populosque R., e ancora: regnum, imperium R., status R. imperii, R. respublica) ed eventi propri di Roma antica. Ripetutamente si trova pure l'uso del medesimo vocabolo come aggettivo sostantivato, tanto che non mette conto di darne un'esemplificazione se non per rilevare che in molti casi, mediante un tale modo, si contrappongono o si differenziano i Romani da altri popoli o da altre genti. Insomma in Orosio Romanus ha 11 senso che aveva mantenuto lungo i secoli precedenti in ambiente pagano e, generalmente, anche tra i cristiani. Non è forse un caso che egli riprenda, sia pure con qualche disagio, un termine quale Romania (cf. Hist. III,20,11; VII,43,5), già adoperato in ambiente cristiano greco (Atanasio, Hist. Ar. 35; Epifanio, Haer. 69,2) e latino
(Girolamo, etc.). Con tale parola Orosio comprende il mondo romano, inteso come universo in cui coesistono felicemente tradizione e virtá romane accanto alla religione cristiana; ma a caratterizzarlo sembra essere in maniera speciale il primo dei due elementi, non foss'altro perché pure i Goti, di cui va parlando, sono in parte almeno cristiani, di confessione ariana, e perché il cristianesimo, come aveva ricordato altrove (cf. Hist. 1,16,4), ἃ reli-
gione che congiunge negli stessi sentimenti di lealtà tutti i popoli. Nel medesimo significato Romania ἃ usato qualche decennio dopo da Possidio (cf. Vita August. 28,4). Un passo illustra il pensiero orosiano al proposito, in una forma anche linguisticamente perspicua: parlando della sua venuta in Africa, lo scrittore osserva che vi giunge « ad Christianos et Romanos Romanus et Christianus ». « Inter Romanos,
ut dixi, Romanus, inter Christianos Chri-
stianus, inter bomines bomo legibus imploro rempublicam, religione conscientiam, communione naturam » (Hist. V,2,3 e 6). Per lui dunque, cristianesimo e Romania sono due realtà e due concetti connessi, i quali tuttavia non si idenuficano.
6. Con Salviano di Marsiglia, che compone il De gubernatione Dei dopo il 440, il nostro scenario appare mutato. In primo luogo nella grande maggioXIX
ranza dei casi i Romani (ο il populus Romanus o la plebs Romana) sono di frequente confrontati e contrapposti ai barbari. Né la cosa stupisce. E nota la tesi dell'autore, secondo la quale i barbari sono moralmente superiori ai Romani.
Nella nostra prospettiva desta invece non poco interesse l'identificazione fatta tra i Romani e i cristiani-cattolici. Ancora dopo il sacco di Roma i pagani accusano i credenti come fossero causa della sciagura abbattutasi; ora i fedeli stessi, di fronte alla rovina incombente dell'Impero occidentale, dubitano
della mette fatti mus...
provvidenza divina. E Salviano risponde con la sua opera: «Dio perche soffriamo questi mali, perché meritiamo di soffrirli. Badiamo inalle turpitudini, alle infamie, ai crimini del popolo Romano (respiciaad scelera... Romanae plebis) e comprenderemo se possiamo meritare
la protezione, vivendo in una tale impurità » (IV,12,54). Dinanzi allo scon-
certo di chi non tollera d'essere posto al di sotto di genti ignote, lo scrittore antico osserva che per quanto riguarda la legge divina i barbari — essendo pagani o eretici — sono certo inferiori ai Romani, ma non altrettanto accade per la vita e i costumi; e aggiunge, non pretendendo di applicare il suo severo giudizio alla totalità del popolo Romano (de omni penitus Romani populi universitate), ch'egli non include tutti i religiosi e qualche laico che loro assomiglia per l'onestà delle azioni (cf. IV,13,60 s.). Nessun dubbio quindi che i Romani coincidano con i cristiani-cattolici, come del resto confermano
molti altri passi che sarebbe facile recare. 7. Pertanto da Orosio a Salviano il significato di Romanus muta notevolmente. Rilevato il qual fatto, occorrerebbe da una parte ampliare la ricerca, analizzando opere di altri autori del medesimo periodo, dall'altra indagare le probabili ragioni di una svolta di tanto peso sul piano storico-religioso. In questa sede non è possibile fare né l'una cosa né l'altra. Basti averle indicate, senza però esimersi dall’accennare ad un altro personaggio che irrompe sulla scena dal 440: Leone Magno. Particolarmente nei Sermones, egli infatti molto contribuisce
a rinnovare la concezione di Roma,
elaborando
e trasmettendo
dati di una tradizione antica. Anche se limitata, questa semplice traccia mi pare confermi, ‘per campione’, l'interesse di questo Seminario.
sia pure
PIERANGELO CATALANO
1. Pour les juristes la réflexion du Séminaire de 1981 devait avoir des points de repère bien précis: la fondation de Rome; la fondation de Constantinople; le canon 3 du Concile œcuménique de 381, où il a été déclaré que
Constantinople est la "nouvelle Rome”; et par conséquent la constitution Deo auctore, où l'empereur Justinien, en donnant unité au système juridique ro-
main, a précisé la signification du mot "Rome", par lequel on entend les deux villes, l'ancienne et la nouvelle: « Romam autem intellegendum est non solum veterem, sed etiam regiam nostram, quae deo propitio cum melioribus condita est auguriis » (dans d'autres constitutions Justinien parle de utraque Roma: v. Nov. 79,2; 81,1).
Cette voie idéale est marquée plus loin, pour le juriste, par la Charte constitutive (Gramota uloZennaja) du Patriarcat de Moscou (1589), qui sanctionne
— pour ainsi dire — l'idée de la Troisième Rome. Cette Gramota, ainsi que la traduction russe de la Lettre synodale de Constantinople (1590), a été incluse,
comme
on
le sait, dans
la partie
introductive
du
nomocanon
dit
Korméaja kniga. Les réflexions de l’an dernier ont impliqué un débat sur des concepts juridico-religieux fondamentaux pour l'unité et la triplicité du développement institutionnel de l'idée de Rome. Par exemple, ae/ermitas, imperium, translatio.
Au cours de ce débat on a mis en évidence la régle méthodologique qui interdit de superposer aux données historiques des concepts propres à l'époque contemporaine (par ex. "état"; "byzantin") et surtout on a pu dé celer deux objectifs intermédiaires (instruments) de la recherche: 4) un recueil
de documents concernant le développement institutionnel de Rome à la Troisième Rome; δ) une ébauche de lexique des termes clés. En ce qui concerne le recueil de documents nous avons en cours une colla-
boration récente avec les collégues de l'Institut de l'Histoire de l'URSS de l'Académie des Sciences de l'URSS pour la publication d'un volume de textes en édition critique (avec traduction italienne); ces documents se rapportent à ce que l'on peut appeler, comme l'a suggéré M. PaSuto, "l'idée de Rome à
Moscou". Quant à la perspective d'une 'ébauche de lexique' des termes clés (je rappelle la proposition de Mme Ahrweiler), depuis la conclusion du précédent Séminaire, l'attention a été axée sur le terme Romanus
(avec ses équivalents
dans les langues grecque, slaves, germaniques et néolatines). L'approfondissement philologique rigoureux des différentes significations est l'exigence prioritaire du point de vue juridique et historico-religieux. Comme nous l'avons dejà écrit dans le "Document d'introduction II”, il faudra examiner au cours de ce deuxième Séminaire comment le caractère de
"romain" a-t-il été attribué à des empires “universels” en Occident et en Orient, par rapport aussi aux théories de la renovatio et de la translatio de l'empire. Il faudra également étudier comment le terme "romain" est emXXI
ployé pour indiquer ceux qui appartiennent à ces communautés “universelles”, en les opposant, avec une cohérence parfois incertaine, aux étrangers. 2. Nous savons que dès la naissance de l'Urbs le mot Romanus n'indique pas l'appartenance à une ethnie. Pour la légende de fondation du 21 avril la citoyenneté quiritaire est dirais-je l'anti-race: elle implique la volonté politique qui fait d'un homme un quirite, c'est-à-dire le rend partie du populus Romanus Quirites. Et méme les esclaves pouvaient devenir romains, comme le soulignait, par exemple, Philippe V de Macédoine.
Le mot Romanus signifie faire partie d'une citoyenneté 'volontariste', ouverte et dynamique. Une citoyenneté dont Saint Paul fut chrétiennement orgueilleux. Une citoyenneté qu'un empereur africain voulut rendre identifiable, sauf exceptions, avec l’universalité, méme si ce n'était que dans le cercle de l'orbis Romanus.
Citoyenneté qui, à travers la fondation de Constantinople, la nouvelle Rome, tend à s'identifier avec l'orthodoxie chrétienne, dépassant ainsi — dans un certain sens — le cercle de l'orbis Romanus. (M. Dagron a écrit avec efficacité, bien que rapidement: « Dans la nouvelle définition du citoyen, le christianisme et l'orthodoxie jouent par rapport à Constantinople le méme rôle que la constitutio Antoniniana par rapport à Rome ». Mais il faut rappeler aussi et souligner que les Paiens restaient Romani, les Juifs pouvaient également vivre selon le ius Romanum et donc être Romani
[cfr. C. 1, 9, 8; Interpr. ad CTb. 2, 1, 10]).
Etre Romanus ne signifie pas appartenir à une "nation" ni méme à un "état". L'imperium Romanum n'a jamais été un "état". En 1393, le patriarche de Constantinople Antoine IV rappelait au grand ῥήξ de Moscou et de toute la Russie, Basile I*, quelle était la position juridico-religieuse de l'empereur: « βασιλεὺς xol αὐτοχράτωρ τῶν Ῥωμαίων, πάντων δηλαδὴ τῶν χριστιανῶν ».
Ces concepts resteront à la base de ce qui, presque plus d'un siècle et demi après le passage de la Seconde Rome aux mains des Turcs, sera une cer-
taine reconnaissance constantinopolitaine de la théorie de la Troisième Rome (dans la Gramota ulotennaja de 1589 on parlera de « synode de notre grand empire russe et grec »).
3. Rapporté à íus, l'adjectif Romanus suit un processus d'universalisation parallèle à celui de la citoyenneté. Au début le ius Romanum est le ius créé et imposé par le peuple romain. L'expression est employée, par exemple, chez Livius pour les XII Tables, chez Tacite pour marquer une opposition au roi. Tandis que l'expression propre aux juristes classiques est iura populi Romani. Le ius est donc rattaché, de toute facon, à la citoyenneté en voie d'expansion. Par contre, chez Justinien ius Romanum a pris désormais une signification juridique universelle précise (évidente, par exemple, dans les constitutions Deo auctore et Tanta). Le ius Romanum comprend aussi le ius naturale et XXII
le ius gentium selon une interprétation des Digesta qui se développera aussi à l’âge moderne (v. Donellus), à mon avis exactement. Cet iter conceptuel qui va de la citoyenneté à l'universalité n'a pas été parcouru sans contradictions. Pensons à l'utilisation d'une notion de ius Ro-
manum dans les constitutions de Théodose I* pour définir la position des hérétiques et des apostats, nouveaux "étrangers à Rome", comme l'a écrit J. Gaudemet. 4. En Occident l'universalisme de "romain" se heurtera avec le particularisme d''"étatique" et de "national"; parallèlement, notion et réalité du Saint Empire Romain se heurteront avec notion et réalité des états. De ces contrastes nous avons, peu avant la renonciation des Habsbourg à
l'Empire, une formulation philosophique trés intéressante dans la Deutsche Verfassung de Hegel. Cependant
l'état bourgeois,
en
ce qui
concerne
toyens et étrangers, semble encore dériver —
les rapports
entre
ci-
de fagon différente — du ius
Quiritium (dans le Code Napoléon) et du ius gentium (dans le "droit romain
actuel" de le notes de Freitas. Ce que oublier que l'imperium
Savigny). C'est l'interprétation historique que nous trouvons dans l’Esboço du Code civil du grand romaniste brésilien Teixeira de nous demandons aux historiographes de l'Occident c'est de ne pas ni le populus Romanus Quirites, ni l'imperium populi Romani, ni Romanum n'ont jamais été des "états"!
5. En Orient la notion de "romain" constitue un lien durable de continuité gráce à Constantinople, qui est, selon la pensée de son fondateur, comme on l'a dit, "symbole d'union" entre Orient et Occident. Les Grecs, les Latins,
tous les populi de l'orbis romain sont Romaioi. La continuité romaine peut étre considérée à différents niveaux: a) terminologique; 5) conceptuel; c) normatif; d) institutionnel. Je voudrais proposer quelques
exemples.
Le terme Romani
(Romaïoi)
assure une continuité
ter-
minologique, conceptuelle (il s'agit de notion "politique" et non "ethnique", normative (le status de citoyens) et institutionnelle (implique un ensemble muable de rapports du peuple avec la divinité, avec l'empereur, avec les non-romains, etc...). Dans les cas de civitas, populus, senatus, le passage à la langue grecque ne permet pas une continuité terminologique, mais les continuités
conceptuelles, normatives et institutionnelles durent. Et enfin, dans d'autres cas (par exemple urbs, orbis terrarum) il y a un changement conceptuel dans le passage au grec, mais la continuité normative et institutionnelle demeure évidente. Nous devons retrouver cette unité d'Orient et Occident qui est donnée par la continuité des termes (la terminologie comme "premiére dogmatique juridique"!), ou bien seulement de concepts, normes, institutions "romaines"
dans les langues grecque et latine.
Ce que nous demandons aux historiographes de l'Orient est (simplement!) XXIII
qu'ils s'en tiennent à l'usage des sources grecques en ce qui concerne “Cons-
tantinople" et “romains”; et qu'ils ne se laissent pas emporter par l'emploi moderne facile (substantiellement anti-oriental et par conséquent anti-romain pour utrague Roma) du terme “byzantin”. Il suffira d’être fidèle à la donnée philologique de la langue grecque pour critiquer cette barriére culturelle de ""Westeuropeanism" qui s'est créée entre Orient et Occident dans les recherches (et non seulement dans les recherches).
Peut-étre que l'emploi rigoureux et incommode du moyen philologique de la part des historiographes et des juristes servira également à comprendre
la vision slave du rapport entre les notions de “romain”,
"grec", "latin" jus-
qu'à la Troisième Rome. 6. Afin de ne pas étre accusé de mener une guerre pour un fétiche philologique, je termine par une citation de Antonio Gramsci qui utilise ... le terme "byzantin": « La rinascita del diritto romano, cio& della codificazione bizantina del metodo romano di risolvere le questioni di diritto, coincide con l'affiorare di un gruppo sociale che vuole una legislazione permanente, superiore agli arbitri dei magistrati
(movimento
che culmina nel costituzionalismo) ».
De cette réflexion d'un révolutionnaire sur la tradition romaine peuvent résulter plusieurs suggestions pour notre recherche et, peut-étre, en particulier pour les réunions qui auront lieu ces jours-ci: sur l’œuvre de Justinien et sur celle de Napoléon, sur les codes et les constitutions.
Nella "seduta preliminare" banno presentato comunicazioni HÉLENE AHRWEILER, direttore del Centro di ricerche storiche e giuridiche dell'Università di Parigi I-Sorbona e JOHANNES IRMSCHER, dell’Accademia delle Scienze della Repubblica Democratica Tedesca (v. infra pp. 343 ss.; 385 ss.). GroncE NEDUNGATT, decano della Facoltà di Diritto canonico orientale del Pontificio Istituto Orientale, ba pronunciato un discorso, formulando al-
cune "osservazioni per un programma di ricerca”.
XXIV
GEORGE NEDUNGATT
I ROMANI VISTI DALL'ESTERNO DEI CONFINI ORIENTALI DELL'IMPERO
1. Ogni ricerca e ogni discussione deve proporsi uno scopo chiaro e muoversi entro un determinato
ambito,
se non
vuole
rischiare la mancanza
di
incisività e di frutto concreto. Proprio per non incorrere in tali pericoli gli organizzatori del Seminario si sono dati pena di guidare il corso all'interno di precise competenze specialistiche, con scopi ben determinati e con apertura a suggerimenti concretamente suscettibili di fare avanzare le nostre conoscenze. Tuttavia, uno degli organizzatori, il prof. Pierangelo Catalano, ha insistito perché vi proponessi come riflessione l'importanza di allargare il campo della ricerca al di fuori dei confini orientali dell'impero romano. E io che non sono uno specialista di Roma, né prima, né seconda, né terza
— vengo di fatto da oltre i confini orientali dell'impero romano e mi occupo di diritto canonico orientale — avrei preferito partecipare a questo Seminario in qualità di osservatore, rimanendo a rispettosa distanza, senza entrare nella discussione. Invece, il prof. Catalano ha insistito, col dire che gli ospiti sono bene accetti e che quelli di dentro sono curiosi di sentire cosa ne pensino gli esterni. Infatti, essendo nato e avendo ricevuto la formazione in India, sono un esterno, un owfsider, rispetto al mondo romano, all'impero di Roma e alla
cultura romana. Neppure il rito cattolico romano ἃ il mio rito, appartenendo io alla Chiesa siromalabarese che da tempi antichissimi era in comunione con la Chiesa Caldea, avente la sua sede patriarcale nell'impero persiano. Vengo dunque in qualità di esterno, di outsider, a proporvi, nell'interesse della completezza interdisciplinare, di studiare in che modo coloro che stanno al di là delle frontiere orientali dell'impero di Roma, abbiano visto Roma e i Romani,
Questa proposta sarebbe irreale e inutile solo per chi facesse ingenuamente coincidere l'impero romano con il mondo abitato o con il mondo civile,
cioè per chi prendesse troppo sul serio acclamazioni del tipo Roma, orbis domina;
Roma, domina rerum;
Roma,
caput mundi, ubi consules et impera-
tores morabantur ad gubernandum orbem! Ma coloro che hanno aggiornato con la scienza storica e geografica i loro XXV
antichi "Peripli" possono rendersi conto della perplessità di un outsider, della Cina o dell'India, che si domandi spontaneamente se l'orbe dei Romani
è ancora un orbe o non è piuttosto una semplice fetta dell'orbe, cosí come la fetta di una mela non è tutta la mela. L'outsider terrebbe giustamente gli occhi oltre che sulla fetta su tutto il resto della mela. « Cunctus ob Italiam ter. rarum clauditur orbis? » si domandava Virgilio (Aer. I, 233). Cunctus ob Ro-
mam terrarum clauditur orbis? Completiamo l'orbe, il circolo degli antichi, guardando non solo al capu? ma anche al corpus, seppure il corpus si fosse reso conto che il caput era proprio Roma. 2. Infatti quel corpus non può non avere interesse per Roma, dal momento che Roma ha avuto a che fare direttamente o indirettamente con esso. In realtà quel resto contiene paesi e culture come la Cina e l'India che non possono essere ignorate in uno studio interdisciplinare. E benché la Roma classica non avesse contatti diretti importanti con la Cina, tuttavia nel primo secolo dell'era cristiana la seta cinese raggiungeva l'impero romano attraverso i porti indiani. I Cinesi erano Seres (Xfjpec) per la Roma
in cui era di moda
la vestis serica o di seta (Plin., Nat. bist. 21,8,11). Semmai
mancano
testimonianze contemporanee cinesi su Roma.
La Cina potrebbe comunque costituire un punto interrogativo mo credere a uno dei molti che hanno esercitato il dono profetico di Roma, pro o contra, per assicurarne la fortuna o per annunciarne Dopo la caduta della seconda Roma, Filoteo di Pskov si inseriva tradizione profetica, scrivendo a Vasili III: « La Terza Roma sta non ve ne sarà una quarta! ».
se dobbiasui destini la rovina. in quella in piedi e
Napoleone invece, che aveva le sue idee 'rivoluzionarie' su Roma, avrebbe
profetizzato:
« La Cina & un gigante addormentato, al cui risveglio tutto il
mondo si metterà a tremare ». Questo detto di forma esatta e di vago con-
tenuto, come si addice alle profezie, potrebbe interpretarsi come una risposta alla domanda se ci sarà una quarta Roma. Se poi con ció Napoleone avesse di mira la caduta della Terza Roma, non è temerario domandarselo. Il genio di Napoleone non poteva non guardare oltre, soprattutto quando i suoi sogni sulla Terza Roma erano, per cosí dire, talmente personali. In questa sede non ci interessa tanto la sua profezia, quanto quel suo sguardo rivolto all'Oriente. Ce ne viene un suggerimento a guardare anche noi oltre, al di là, soprattutto se vogliamo muoverci davvero nella interdisciplinarità.
3. Con l'India, Roma ha avuto diretti rapporti, di cui vorremmo dire dopo aver accennato ad alcuni altri paesi ai confini orientali dell'impero. E prima di ogni altro bisogna ricordare la Persia, con cui Roma venne spesso in conflitto. Quando i Romani, nel 163, conquistarono Seleucia sul Tigri, da 300.000 a 400.000 Persiani rimasero uccisi. Fortes fortuna iuvat sí, ma non sempre,
come i due imperatori Giuliano e Gioviano sperimentarono a proprie spese nella lotta contro i Persiani, due secoli piá tardi.
Se i Romani erano convinti della propria missione universale, ebbene, doXXVI
vettero cozzare duramente contro la resistenza persiana che aveva evidentemente un particolare modo di guardare Roma. Fra le due superpotenze di allora l'Armenia, piccola nazione, cercava disperatamente di sopravvivere. Come la Polonia all'epoca moderna, l’Armenia fu piá volte presa e smembrata, a ovest dall'aquila di Roma e a est dai Parti, quindi dai Persiani. Soltanto per istinto di conservazione gli Arsacidi mostrarono da una parte simpatia per i Parti e dall'altra professarono obbedienza ai Romani. Per un certo tempo, sotto Traiano, Roma
proclamò l’an-
nessione dell'Armenia. L'Armenia cristiana fu invasa e perseguitata dai Sassanidi. Nel 387 ci fu la spartizione del territorio armeno tra l'impero romano e la Persia e questo duró fino alla conquista islamica nel 653. L'Armenia fu la prima nazione che adottasse il Cristianesimo come religione ufficiale. All'epoca delle Crociate, per conservare la sua identità cristiana e la sua prepotente coscienza nazionale, l’Armenia
si alleò con
i Latini. Tuttavia
molto
del suo
patrimonio religioso venne dalla Seconda Roma. Quale fu dunque l'idea che gli Armeni si facevano di Roma? Una prima risposta sarà data da Michel van Esbroeck, in una comunicazione
a questo
Seminario. L'Iberia, la moderna Georgia, non fu mai inclusa nel territorio dell'impero, benché i Romani abbiano talvolta considerato gli Iberi clientes. Il papa Gregorio Magno e il catholicos di Georgia hanno scambiato lettere circa l'atteggiamento da prendere nei confronti dei Nestoriani. Potrà essere utile riflettere su come i Georgiani abbiano guardato i Ro-
mani. Anche su cid van Esbroeck ci potrebbe riferire. Vengono poi gli Arabi, che erano rimasti culturalmente e politicamente quasi del tutto oufsiders rispetto al mondo romano, a parte l'annessione della Nabatea come provincia dell'impero. Augusto infranse il monopolio che gli Arabi meridionali dello Yemen avevano esercitato sul commercio marittimo tra l’India e l'Egitto romano. Il rapporto politico tra Romani e Arabi era di conflitto, specialmente dopo il sorgere dell'Islam quale nuova potenza. I Bizantini, comprendendo tra loro anche uno degli uomini più dotti di tutti i tempi, Fozio, divennero in qualche modo debitori degli Arabi quanto alla cultura, perché gli Arabi trasmisero ai Bizantini il patrimonio classico greco che avevano riesumato e assimilato, seguendo in ciò l'esempio dei loro fratelli semiti, i Cristiani siriaci. I Bizantini sono designati nel mondo arabo con la voce ar-Räm che nel Vicino Oriente designa in particolare gli Arabi cristiani di rito greco. Mentre i Romani e i Greci del periodo classico sono chiamati in arabo rispettivamente ar-Rämän e al-Yünän. Quest'uso terminologico della parte per il tutto (al-Yiinén designava originariamente gli Yonici) si conserva anche in India nel sanscrito e nelle lingue dravidiche, come diremo. Gli arabisti potrebbero dire di pit sulla nozione o sulle nozioni di “Romano” nel mondo arabo. 4. Veniamo
infine all’India. Diversamente
dalla Cina, l’India era aperta
alle relazioni diplomatiche con i Greci e con i Romani. La Roma imperiale XXVII
ebbe anche intensi rapporti commerciali con l'India. Sarebbe quindi affascinante studiare cosa pensassero gli Indiani dei Romani. Mancano purtroppo del tutto opere storiche contemporanee indiane — l’India è detta giustamente avere una grande cultura priva di senso storico. Ci sono tuttavia opere letterarie che parlano dei Romani. Cominciamo con il contesto. Molto prima che Roma divenisse un impero, dopo la spedizione di Alessandro Magno, che non riportava dall'India molto pit del nome ("India" viene da Sindbu, odierno Pakistan attorno al fiume Indus: designazione quindi occidentale, parte per tutto, estendendo Sindbu al resto del paese — l'India si chiama invece Bharat, con la designazione indigena), la dinastia Maurya aveva, tra il secolo IV e il III av. Cr., uni-
ficato in un vasto impero il subcontinente indiano. Tale impero comprendeva anche il Pakistan e Afghanistan, ma lasciava fuori il triangolo dravidico meridionale e l'estremità nordorientale. I re Maurya e i re Seleucidi avevano tra loro scambi diplomatici, come riferisce nella sua cronaca Megestene, ambasciatore di Nikatore I, residente presso la corte Maurya, nella capitale Pata-
liputra, l'attuale Patna. As6ka (273-232 av.Cr.), il più grande dei Maurya, è detto il Costantino indiano per la parte importante da lui esercitata nella diffusione del Buddismo. Si tratta però di personaggi assai diversi. A$ôka mandò ambasciate con intenti missionari ai re ellenistici e nel Ceylon (Sri Lanka), donde poi il Buddismo si diffuse verso l'Estremo Oriente. Aióka stesso si era convertito al Buddismo dopo la sanguinosa vittoria sul re Kalinga, nel corso della quale erano stati catturati 150.000 prigionieri, 100.000 persone erano state uccise; e altre centinaia di migliaia di vite perdute. A$üka si chiese cosa avesse guadagnato con la perdita di tante vite umane. Qual era il valore della vita? Trovò la risposta nel Buddismo che abbracciò diventando re monaco. Da allora si mise a praticare e a diffondere la ahimsa o non violenza e rispetto per ogni vita. Non volle tuttavia imporre a nessuno la « religione »
o märga (via). « Fate agli altri come vorreste si facesse con voi » fu la regola aurea che insegnò ai soldati e ai dharmamahämätra (« promotori di rettitudine ») che A$óka inviò come i suoi agenti o ispettori. Una delle sue massime
suona
cosí:
« Ogni
gruppo
umano
merita
rispetto
per
una
ragione
o per l'altra; se tu lo rispetti, elevi il tuo stesso gruppo e nello stesso tempo fa del bene agli altri gruppi ». Tra la Roma imperiale e l'India ci furono relazioni diplomatiche. Dione Cassio (54, 9) riferisce di messi indiani ricevuti da Cesare Augusto. Nell'epoca
di Augusto non meno di 120 navi salpavano annualmente dai porti di Egitto per caricare in India pepe e altre spezie, profumi, pietre preziose, perle, avorio e seta cinese. I Romani esportavano in India principalmente tessuti, corali lavorati, vetrerie, topazio, rame e vino. Diremo del successo del vino
romano in India, dopo una parola del pepe indiano. Fino a circa 300 anni fa tutto il pepe del mondo proveniva dall'India e ai tempi dell'impero romano quasi esclusivamente
dal Malabar
(l'attuale Kerala,
mia
terra natale). Anti-
camente, per conservare la carne, soprattutto in inverno per lungo tempo, la si trattava col pepe oltre che con il sale. Ecco perché c'era tanta domanda per il pepe. Il pepe era stimato a tal punto che Costantino fece al Papa un dono XXVIII
imperiale di pepe. Nel 408, quando Alarico avanzd le sue condizioni per ἴοgliere l'assedio a Roma, chiese la pronta consegna di 14 quintali di pepe. Speciali magazzini detti borrea piperataria erano stati eretti a Roma verso il 192 lungo la Via Sacra, per depositarvi il pepe. Nel Sud dell'India gli archeologi hanno trovato molte monete con cui i Romani pagavano i carichi di pepe. Parecchie migliaia di pezzi d'oro e d'argento sono stati infatti ritrovati sulla costa del Malabar e nella località di Arikkamedu nel Tamil Nadu. Sono so-
prattutto dell'epoca di Augusto, di Tiberio e di Claudio. Plinio era preoccupato di quel dispendio di valuta romana e fustigava i Romani per il loro immoderato appetito di pepe, mentre il miglior condimento è la fame (Nat.
bist. 12,14,29). Le merci importate dall'India erano
vendute al centuplo (ibid. 6,26,101; circa il prezzo del pepe cfr. ibid. 12,14,28). Qual era l'atteggiamento degli Indiani verso i Romani? I poeti tamulici dell'epoca menzionano il commercio del pepe con l'Occidente. In Ahanänäru, opera tra il primo e il secondo secolo dell'era cristiana, si legge: « Gli Yavana sono venuti su grandi navi cariche d'oro e sono tornati indietro con il pepe ». Da notare che la parola per designare i Romani è Y avana, parola originariamente usata per indicare i Greci (Yonici). Il commercio romano era conside-
rato come la continuazione del precedente commercio dei Tolomei di Egitto. Riferimenti agli Yavana si possono trovare anche in Purandniru e in altre opere dell'epoca di Sangam. Il vino portato dai Romani era bene accolto dai poeti, che non erano tutti asceti. Essi cantano le lodi del ‘rinfrescante e fragrante vino portato dagli Yavana nelle loro belle navi" e del bere spensierato delle corti indiane. Con il vino s'accompagnano il canto e le donne. Il famoso Periplo del Mare Eritreo ricorda infatti l'importazione di ragazzi cantori e di belle fanciulle per i ginecei dei ragia. Un poema tamulico dell’epoca menziona pure soldati e mercenari
yavana al servizio di Chéra, re del Kerala e osserva come
i loro
cipigli feroci incutano terrore al solo guardarli. A Muziris (Cranganore), capitale dei re Chera, situata alla foce del fiume Periyar, stazionavano due coorti romane a guardia dei depositi di mercanzie. Anche la religione romana era benvenuta sul suolo indiano. Nella stessa Muziris c'era un tempio ad Augusto accanto a delle vihära buddiste e a delle chaitya giaine. I Romani hanno lasciato tracce nella lingua sanscrita dove si incontrano le parole yavana e romaka. Nel codice di Manu (Manusmrti) e nel Mababbarata i Greci sono designati con la parola yavana. Più tardi la stessa parola servi per designare i Romani e gli Arabi. Mentre gli Arabi usano la stessa parola arabizzata d-yänän per designare i Greci. Nel tardo sanscrito, yavana può indicare anche gli Europei in genere. Può anche designare qualunque straniero o barbaro. Il sanscrito ha pure la parola Roma con cui vuole significare la città di Roma in Sidbantafiromani; e ha la parola Romaka per indicare i Romani o i popoli dell’impero romano come per esempio in Brihat Sambita di Varáhamihita. La città di Roma è pure designata con parole composte come Romapattana e Romapura. Anche l'impero romano è designato da Aryabhata con la parola composta Romavisaya. Con la pretesa franca di succedere all'impero romano la parola paranki, XXIX
usata dagli stessi Arabi ferangi, entrò nell'uso in India. Cosí in Tamil e in
Malayalam
essa acquista gradualmente
una vasta gamma
di significati;
i
Franchi sono gli Europei in genere, sía Portoghesi, sia Spagnoli, sia Italiani. Franco é il Cristiano di rito occidentale. Finalmente, in senso peggiorativo, il franco ἃ sinonimo di barbaro. Quest'ultima accezione sembra indotta dalle controversie e dalla scissione tra Cristiani latini o di rito romano e la locale comunità cristiana autoctona di rito siro orientale. Tutto cid che ἃ occidentale & quindi paranki. In Tamil parankipäsänam indica il sublimato di mercurio che gli Spagnoli portavano da Monserrato. I Portoghesi importarono dal Brasile l’acagiü che è detto in Malayalam &afu oppure parankiyanti, cioè la noce dei Franchi.
Cosf pure il parankisampräni è l'incenso portato dai portoghesi. Il parankippunnu o semplicemente paranki ἃ la malattia venerea della sifilide. Perció incontriamo tre parole, yavama, romaka e paranki corrispondenti alle tre fasi evolutive del mondo romano: greco, romano propriamente detto, franco o cristiano occidentale.
Ma soltanto uno studio approfondito pud scoprire cosa pensassero gli Indiani dei Romani che frequentavano le loro coste con intenti commerciali, mentre sembravano mancare di interesse per la filosofia indiana, lo yoga, la mistica dell'India. 5. Prima di concludere devo dire qualche cosa di una Chiesa che crebbe e
fior{ oltre le frontiere orientali dell'impero romano, cioè della Cristianità siriaca orientale o della Chiesa di Persia. Situata fuori dal contesto romano, come può guardare questa Chiesa alla dialettica delle tre Rome? Questo problema potrebbe costituire il soggetto di uno studio affascinante, se non altro per il vantaggio che offre una prospettiva distaccata. E potrebbe risultarne che gli epigoni delle tre Rome riescano a relativizzare la loro rispettiva posizione, invece di farne un ostacolo insormontabile per una visione pit larga e perciò ecumenica. Ci limitiamo ad abbozzare appena il problema, prendendo lo spunto da Afrahat, il primo Padre della Chiesa siriaca. È il meno grecoromano di tutti i Padri della Chiesa e questa qualifica gli dà appunto una particolare importanza.
I suoi scritti, 23
Trattati
o Dimostrazioni,
composti
in siriaco
tra
il 337 e il 345, contengono una teologia cattolica e ortodossa insieme, ma diversamente inculturata. Afrahat ha un suo personale concetto dei Romani. Seguendo una tradizione rabbinica (Targum Jonathan, Is. 34. 9) Afrahat identifica i Romani, forse solo teologicamente piuttosto che storicamente (la cosa andrebbe studiata pi da vicino) con i figli di Esaù. Questa identificazione si trova successivamente presso autori arabi. Nel suo quinto trattato Delle guerre o sulla storia e sui destini dei vari imperi, Afrahat riflette sulla attualità delle guerre tra la Persia e Roma. Sapore II stava infatti preparando un’offensiva verso Occidente. Afrahat non nasconde le sue simpatie per i Romani ai quali Gesù Cristo ha affidato il suo regno (*). Senza nominarlo (*) Vedi Addendum, p. xxx11. XXX
esplicitamente Afrahat riconosce in Costantino il Grande una saggia guida preposta ai Romani da Gest Cristo stesso. Costantino non è il re; non c’è re sui Cristiani se non Gesû Cristo Re. « Venendo nel mondo ha affidato il regno ai Romani, che sono chiamati figli di Esaá. E i figli di Esaá conservano il regno per colui che lo ha affidato a loro» (Delle guerre 22 = PS I, 229-231).
Per Afrahat i Romani sono soltanto coloro cui il regno è stato affidato fino alla seconda venuta del Cristo. Non sono padroni del regno, che appartiene a Cristo. Ma il Cristo non lo ritirerà dalle loro mani come ha fatto con altri popoli in precedenza. Infatti, Colui che lo ha loro affidato, li sta aiutando. Ciò non avviene grazie alla loro potenza, ma perché Gesá stesso fu contato tra loro nel censimento. Egli è dunque dalla loro parte. Essi portano le sue armi (riferimento velato alla croce) in cui risiede tutta la potenza del
Regno. Perciò essi non ne saranno mai spodestati. Tuttavia questa assoluta sicurezza di Afrahat è attenuata in seguito da un condizionale. Prima di con-
cludere il trattato Afrahat aggiunge, come riflessione ulteriore: « Amico, quanto ho scritto più sopra, non lo riferisco come rivelazione che io abbia ricevuto... Se le forze armate [di Sapore II che sta preparando l’offensiva contro i Romani] usciranno vittoriose sarà (per noi) un divino castigo. Se invece saranno
sconfitte sarà per loro una giusta condanna, In ogni modo, ricorda che la Bestia [l'impero persiano] dovrà essere macellata a suo tempo. Ma tu, fratello, ricordati di implorare misericordia in quei giorni affinché ci sia pace sul popolo di Dio» (ibid., 237, 10-20). Come
cristiano Afrahat
si è completamente
identificato con
i Romani,
benché conosca Romani, quali Diocleziano, che hanno perseguitato «i fratelli di Occidente e hanno scatenato nel loro regno grandi tribolazioni su tutta la Chiesa di Dio » (Della persecuzione n. 22. 998, 23-25). Parlando del regno
affidato ai Romani, Afrahat non pensa alla Roma aeterna ma ai Romani. Egli non nomina mai esplicitamente Roma. Il regno dato un tempo ai figli di Giacobbe è stato trasferito ai figli di Esaá (PS I, 235,1). Segno di questo tra-
sferimento di poteri è la distruzione di Gerusalemme ad opera dei Romani. Qui la parola usata è rbiimoyo (941, 27). Afrahat usa questo nome proprio soltanto tre volte. La prima in questo passo. La seconda identificando i Romani con i figli di Esaá (229, 27). La terza volta in un contesto puramente filologico (1044, 18). L'accento esclusivo sui Romani, piuttosto che su Roma,
ci ricorda l'analogo atteggiamento di Agostino: « Forte Roma non perit, si Romani non pereunt. Non enim peribunt si Dominum laudabunt; peribunt si blasphemabunt. Roma enim quid est nisi Romani? » (Serm. 33. Ex addit. a Sirm.
ante finem tom.
10).
Afrahat è significativo esempio di un uomo il cui Cristianesimo trascende ogni barriera politica. Da oltre le frontiere orientali dell'impero romano Afrahat è in comunione con tutti, Né lui, né il suo più giovane contemporaneo
S. Efrem,
massimo
luminare
e Padre
comune
della
Chiesa
siriaca, XXXI
fanno mai menzione di Roma come della sede di Pietro. 1 problemi del primato e della precedenza della sede romana non si trovano affatto nei loro scritti. E il loro silenzio in proposito non è un silenzio semplicemente negativo, ma è positivo, non mancando loro le occasioni in cui avrebbe potuto presentarsi l'istanza dell'appello all'Occidente per risolvere controversie ecclesiali. Non possiamo in questa sede approfondire di più tale argomento. Vogliamo solo indicare questa fruttuosa pista di ricerca. Forse, un primato tipologico, del quale questi primi Padri siriaci sembrano aver avuto chiara intuizione, potrebbe rivelarsi una concezione diversa dal primato di giurisdizione e di onore, trascendendo quelle due concezioni senza escluderle. In tal caso il rendersene conto costituirebbe un passo avanti verso una sintesi al di là delle frontiere.
Addendum I termini adoperati da Afrahat vanno intesi nel contesto del suo discorso,
che è teologico e non storico. Egli stesso definisce il trattato Delle guerre come
«commento
alla profezia
di Daniele
sui regni
(malkwatba) » (PS
I,
1041, 8-9). La parola malkwath può essere tradotta sia con "regni" sia con
"imperi", cosí come malké può indicare sia il "re" sia l’ "imperatore". Il concetto di imperatore è espresso peraltro, talvolta, in maniera pi spiccata con malek malke (ibid. 792, 20), cioè "re dei re", applicato anche implicitamente a Gesû Cristo Re (malké mibä), cui è dovuta l'adorazione regia (ibid. 804, 5) e che sarà re "in saecula saeculorum” (ibid. 232, 26).
XXXII
ELENCO
DEI COLLABORATORI
Hanno contribuito ai lavori del II Seminario internazionale di studi storici
« Da Roma
alla Terza Roma », con relazioni e comunicazioni che qui pubblichiamo: HELENE AHRWEILER, Università di Parigi I - Sorbona CESARE ALZATI, Università di Pisa KARL O. FREIHERR VON ARETIN, Istituto per la Storia Europea, Magonza PIERO BELLINI, Università di Roma 'La Sapienza' HANS-PETER BENOEHR, Università di Vienna WILHELM BRAUNEDER, Università di Vienna PAOLO BREZZI, Università di Roma 'La Sapienza'
ANTONIO
CARILE, Università di Bologna
MATEI CAZACU, Centro Nazionale della Ricerca Scientifica, Parigi MICHEL VAN ESBROECK, Pontificio Istituto Orientale, Roma
JEAN GAUDEMET,
Università di Parigi II
VALENTIN AL. GEORGESCU, Accademia FAUSTO GORIA, Università di Torino
delle Scienze Sociali e Politiche di Romania
NOTKER HAMMERSTEIN, Università di Francoforte SALVATORE IMPELLIZZERI, Università di Palermo JOHANNES IRMSCHER, Accademia delle Scienze della Repubblica Democratica Tedesca JAN KRAJCAR, Pontificio Istituto Orientale, Roma
TILEMACHOS C. LOUNGHIS, Fondazione Nazionale della Ricerca Scientifica, Atene GIOVANNI MANISCALCO BASILE, Università di Palermo PAUL M. MARTIN, Università d'Orléans DIMITRIS NASTASE, Fondazione Nazionale della Ricerca Scientifica, GEORGE NEDUNGATT, Pontificio Istituto Orientale, Roma
Atene
CLAUDE NICOLET, Università di Parigi I - Sorbona FRANÇOIS PASCHOUD, Università di Ginevra LUIGI PROSDOCIMI, Università Cattolica del Sacro Cuore, Milano KHALIL SAMIR, Pontificio Istituto Orientale, Roma ITALA PIA SBRIZIOLO, Istituto Universitario Orientale di Napoli
SANDRO NINA
VASILKA JEAN
SCHIPANI,
V. SINICYNA,
Università di Sassari Accademia
TAPKOVA-ZAIMOVA,
TULARD,
EPHE.Sorbona,
delle Scienze dell'URSS
Accademia delle Scienze di Bulgaria Parigi
DIONYSIOS ZAKYTHINOS, Università di Atene JAROSLAV N. SCAPOV, Accademia delle Scienze dell'URSS
La redazione del volume ὁ stata curata dalla dottoressa BARBARA
MENGOZZI. XXXIII
Avvertenza redazionale
Gli scritti vengono pubblicati seguendo, grosso modo, l'ordine sistematico della « Liste des thèmes » (v. p. xt1), invece che quello cronologico dei lavori.
I testi sono stati generalmente riveduti dagli autori dopo lo svolgimento del Seminario.
SEDUTA
INAUGURALE (*)
GIUSEPPE BRANCA
Signori congressisti, l'argomento a cui & dedicato il vostro convegno ἃ importante, non solo di per se stesso, ma anche e soprattutto perché si discute in Italia. Da noi questo ed altri riguardanti l'antico mondo romano sono temi che scottano per una doppia catena di motivi. C'è il rischio della retorica. È un pericolo che viene dalla tradizione risorgimentale dove l'elmo di Scipio era ricordato ed esaltato, cosí come ogni episodio della storia o della leggenda, ai fini delle rivolte e delle guerre di indipendenza. Roma era il 'faro', a cui si ispiravano i liberali del primo Ottocento, perché illuminasse 'il cammino del nostro risorgimento'. Lo scopo pratico impediva l'esercizio d'un sano spirito critico, anzi portava a calorose reazioni quando la scienza straniera, soprattutto tedesca, anche un po' esagerando, metteva in dubbio e corrodeva l'attendibilità di antiche testimonianze. Poi ci furono gli anni del fascismo e, mentre nel risorgimento si guardava soprattutto alla repubblica, durante il ventennio ci si mise a esaltare l'impero che, dopo la guerra italo-etiopica, tornava sui 'colli fatali di Roma'. Anche se non fu cancellata l'acribia dei nostri storici di fine Ottocento e del primo Novecento,
tuttavia
l'esaltazione
dell'antico
regime,
autoritario
e solenne,
raggiunse, anche presso qualche ambiente scientifico, il massimo della sua intensità. Da noi chi non si sia reso conto di queste realtà e tutti i nostalgici, anche se studiosi seri ed onesti, potrebbero in parte ricadere quanto meno nell'esagerazione dell'entusiasmo. In Italia c'è però l'altro pericolo: che il giudizio sul mondo e sulla società (5) Il 21 aprile 1982 pomeriggio, in Campidoglio, nella sala della Protomoteca, ha preso la parola a nome del Comune di Roma Luci ARATA, Assessore per gli Affari generali e Avvocatura; egli ha annunciato l'intenzione dell'Amministrazione comunale di istituzionalizzare l'efettuazione del Seminario internazionale di studi storici « Da Roma alla Terza Roma » in
occasione degli anniversari della Fondazione dell'Urbe. La corrispondente proposta di deliberazione ἃ stata approvata all'unanimità dal Consiglio comunale il giorno 22 settembre 1983 (N.d.r.).
di Roma antica e sulla loro influenza nei secoli posteriori fino al nascere degli stati assoluti possa essere capovolto: l'antifascismo, che domina molta parte della nostra cultura, e il repubblicanesimo e la democraticità possono indurci a valutazioni negative su Roma e sulla sua civiltà: specie su Roma imperiale, con strascichi negativi anche rispetto a Roma repubblicana ma imperialista. Conseguenze? Questo convegno doveva essere organizzato in Italia perché Roma è stata, prima di ogni altra cosa, Italia e perché qui ἃ nata la repubblica romana e qui in ultima istanza & nato anche l'impero romano. Ma il convegno non poteva non essere, come è, internazionale. Non poteva non esserlo perché
proprio la partecipazione di studiosi stranieri, lontani dalle nostre passioni e dalla nostra cultura, ci può liberare dal pericolo della retorica o della condanna precipitosa. A loro noi diamo il più cordiale benvenuto.
JOHANNES
IRMSCHER
Au nom du Comité promoteur, j'ai l'honneur d'ouvrir, en cet endroit so-
lennel, dans le cadre de la "recherche d'Athénée", la séance inaugurale du second Séminaire international d'études historiques qui se place sous le théme général « De Rome à la Troisi&me Rome ». Aprés une période de réflexions préliminaires au cours desquelles M. Pierangelo Catalano déployait de nombreuses activités, le Comité promoteur se constituait en 1980 à Rome. Aux travaux assistaient des spécialistes venus de plusieurs pays et appartenant à différentes disciplines; car le travail international et interdisciplinaire s'impose pour dominer la matière à laquelle nous consacrons notre Séminaire international d'études historiques. Notre réunion de l’année dernière que je qualifierais de première réussite, s'était proposé de dégager la problématique qui nous intéresse, et de mettre en lumiére ses valeurs scientifiques. Nous nous penchons sur l'idée de Rome qui émanait de la Ville Eternelle sur le Tibre dont nous continuons, cette année encore, à goûter l'hospitalité avenante. Notre attention, notre intérét se portent alors sur la Nouvelle ou Deuxiéme Rome, la métropole sur le Bosphore que l'empereur Constantin avait fondée en 330, sans caresser pour autant l'idée qu'elle allait s'ériger bientôt en rivale de la Vieille Rome. Et finalement, en dépassant la chute de Constantinople,
nous tournons les regards vers la Russie où, aux XV* et XVI* siècles, une volumineuse littérature propageait l'élévation de Moscou au rang de Troisième Rome. Au déclin du Moyen Age cependant, l'idée de Rome n'était pas disparue ... au contraire! Elle continuait à avoir son impact, à exercer une action progressiste au sein des mouvements révolutionnaires des XVIII* et XIX° siècles qui débouchaient sur la cristallisation de l'Europe bourgeoise et, dans son sillage, sur la formation des Etats indépendants des Amériques 2
du Nord, centrale, et du Sud. Nous avons pris cet "Exemple de Rome" pour animer notre discussion. Les acquis que le Séminaire de l’année passée nous a valus, vont nous servir dans notre intention de progresser. Les grandes lignes et les tâches en suspens étant dégagées et arrêtées, il s’agit maintenant de réunir et de mettre en parallèle les détails, ainsi que de parvenir à des résultats approfondis, en vue, dans la mesure du possible, d'en dégager des généralités tendancielles. Nous prenons nos efforts pour une vocation scientifique autant que politique. Pour un problème d'urgence. Car à l'heure où se fait sentir le danger d'une conflagration mondiale qui exterminerait notre civilisation européenne, toutes les recherches en matiére de sciences historiques se doivent, et ceci impérativement, de faire la lumière sur le devenir et la nature de notre monde actuel et supérieur et, en conséquence, de contribuer au rapprochement durable des peuples, à la compréhension de leurs physionomies historiques, à la chance qui leur sera offerte de coexister. C'est ainsi que nous servirons la noble cause de la paix; c'est ainsi que nous rendons service à nous-mêmes. Plus valable que jamais est la maxime qui dit: Inter arma silent Musae. Il n'y a qu'un monde orienté vers la détente, la compréhension et le désarmement, qui permettra d'entreprendre et de poursuivre les recherches prospéres en matiére de sciences historiques. De nouveau, notre Séminaire international d'études historiques bénéficie du soutien généreux et du concours désintéressé des autorités et organismes italiens. Je considére comme un honneur particulier l'autorisation qui nous permet de tenir, dans cette salle magnifique du Capitole, non seulement notre séance inaugurale, mais aussi nos séances de travail. J'en remercie dûment et en public. Au nom du Comité, j'ai l'honneur de remercier les autorités de la Ville de Rome d'avoir bien voulu nous offrir, pour les futurs 21 avril, de patronner de façon permanente nos Séminaires « De Rome à la Troisième Rome ». Les
conditions internes et extérieures sont alors réunies pour la bonne réussite de notre Séminaire.
JEAN GAUDEMET, dell'Università di Parigi II, ANTONIO CARILE, dell'Università di Bologna, VAsiLKA TXPkova-Zarmova, dell’Accademia delle Scienze di Bulgaria, banno svolto le relazioni introduttive (v. infra, pp. 7 ss.;
247 ss.; 449 ss.). La relazione di JARoSLAv N. Scapov, dell’Accademia delle Scienze dell'URSS, è pervenuta successivamente (v. infra, pp. 481 ss.).
ROMA
JEAN GAUDEMET
LES ROMAINS
ET LES “AUTRES”
Introduction
Traiter des ‘citoyens romains” et des ‘étrangers’ dans le haut Moyen Age c'est une fois de plus rencontrer le probléme de ‘l’autre’. Chacun se définit non seulement par ses qualités propres — mais, et parfois plus encore, en marquant les différences, voire les oppositions. Dans la période que nous
envisagerons ici — et bien des périodes de l’histoire en offriraient d’autres exemples — cette opposition première devient peu à peu rencontre, échange, compénétration pour aboutir à une autre société. Notre cadre géographique se limite en effet à la Pars Occidentalis de l'Empire et nos limites chronologiques nous conduiront des règnes conjoints de Théodose II (408-450) et Valentinien III (423-455) à celui de Charlema-
gne et de ses premiers successeurs, qui donnent à l'Empire un nouveau visage. Quant au théme méme de notre enquéte, il peut étre envisagé sous trois aspects:
l'un, juridique et technique, concernant le statut des personnes;
le
second, social, puisqu'il s'agit, en fait, de la rencontre de deux groupes de population;
enfin cette étude exige une réflexion sur des attitudes mentales
à l'égard de concepts comme ceux de civis romanus ou de barbarus, de Francus, de Romanitas ou d'Imperium. Si notre étude rejoint l'histoire des concepts, elle fait aussi apparaître le poids de certaines contraintes. Les unes sont d'ordre politico-militaire: histoire des états et de leurs vicissitudes, conquétes, invasions. L'étranger dans Rome à l'époque d'Hadrien n'est pas dans la situation des Wisigoths d'Alaric en 410 ou des Vandales de Genséric en 455. Contraintes démographiques, en second lieu: selon leur importance numérique les groupes en présence sont
plus ou moins bien placés pour s'imposer. Contraintes sociales enfin, celles de la langue, du style de vie et des usages sociaux, poids des traditions. Autant de données qui poussent au cloisonnement, voire à l'opposition. A ces données qui tendent à la séparation s'en opposent d'autres, favorables au rapprochement, et, à la limite, à une fusion. En premier lieu le prestige de Rome, souvenir glorieux auquel les uns se rattachent avec ferveur; aspiration à un monde policé et cultivé pour d'autres. D'une façon plus profonde, bien que plus tardive, mais d'une importance primordiale pour l'avenir 7
de l'Histoire de l'Europe:
l'extension du Christianisme à la presque totalité
de la population, réunissant les ‘Romains’ de vieille souche et les éléments allogénes (les Barbares) dans ce "peuple de Dieu" qui, comme le prophétisait l'Ecriture, ne connaît ni libres ni esclaves, ni diversité de nations.
L'union se réalise dans la communauté de foi, mais aussi et d'une façon plus sensible et plus concrète, dans le méme encadrement par des rites liturgiques et la méme soumission à l'autorité épiscopale. Ce sont ces aspects divers, ces forces contraires et les équilibres auxquels elles aboutissent qu'il nous faut évoquer. Nous le ferons en adoptant un plan historique et en envisageant successivement: ‘un équilibre fragile” aux derniers siècles de l'Empire en Occident, puis ‘une culture qui survit à l’Empire’ avec l'instauration sur le vieux sol impérial des jeunes monarchies germaniques.
I. Un équilibre fragile A. Citoyens
1.
Ambiguité de la citoyenneté au Bas-Empire
On n'a pas à rappeler ici ce qu'est la citoyenneté romaine à l'époque classique !. On retiendra seulement les liens entre civitas et libertas et le caractère à la fois personnel et juridique de la civitas. Elle est avant tout société de personnes unies par un lien de droit ?. Et, si la cité romaine παῖς à Rome, elle n'est pas tributaire d'une attache territoriale. Trés vite la citoyenneté dépassa les limites de l'urbs. Sous l'Empire, avant méme la généralisation de la citoyenneté par Caracalla, on rencontre des citoyens romains à travers tout le terri-
toire soumis à la maitrise de Rome. D'autre part, et sur ce point les historiens ont ces dernières années corrigé les vues un peu simplistes des juristes, la citoyenneté connaît des degrés selon les prérogatives plus ou moins étendues accordées à ses bénéficiaires. Déjà durant la guerre contre Véies, Rome s'était liée avec des villes d'Etrurie maritime, dont Caere, et dés 386 avait été négociée une civitas sine suf-
fragio que Rome utilisera largement par la suite. Au début de l'Empire coexistent la civitas optimo iure des Romains, des
Italiens, des citoyens des colonies romaines * et une citoyenneté sans ius bo! A.N. SHERWIN-WHITE,
Tbe Roman
Citizenship, Oxford
1939;
F. DE
ViSSCHER,
"Ius Quiritium, civitas romana et nationalité moderne", Studi Paoli, Firenze 1955, pp. 239-251 (= Et. de droit romain XII, Milano 1966, pp. 99-116); A.N. SHERWIN-WHITE,
“Τῆς Roman Citizenship", Aufstieg und Niedergang der Rômischen Welt, I, 2, Berlin 1972, pp. 23-58; W. SzsroN, "La citoyenneté romaine", XIII Congr. Intern. sc. bist. Moscou
1970, Moskva 1973, I, fasc. 3, pp. 31-52.
2 Cicéron, De rep. I, 49: «quid est civitas, nisi iuris societas ». 3 M. Sorni, I rapporti romano-ceriti e l'origine della civitas sine suffragio, Roma 1960; M.
HuMsrRT,
Municipium
et civitas sine
suffragio,
Roma
1978.
4 En Gaule (avant 14 ap. J.-C.): Narbonne, Arles, Béziers, Orange, Valence, Fréjus.
norum, celle des notables des villes provinciales de droit latin, qui, par la gestion de magistratures locales, sont devenus citoyens, mais aussi celle des habitants des cités fédérées, libres ou stipendiaires qui ont obtenu la citoyenneté 5. Ces quelques remarques suffisent à montrer que méme sous le Haut-Empire
la notion de citoyenneté romaine n'est pas liée au territoire de Rome‘. Elle a une vocation universelle (que réalise l'Edit de Caracalla) et les prérogatives juridiques qu'elle confère sont susceptibles de certaines nuances. Mais surtout,
la citoyenneté romaine, parce qu'elle était participation à une communauté par un méme statut juridique, mais aussi par la participation à une méme vie
sociale, et non pas simple privilége des habitants de Rome, a pu se transformer d'une citoyenneté des habitants de l'Urbs en une citoyenneté des habitants de l'Empire. C'est dire qu'elle a su se modeler sur l'extension du territoire, s'adapter
à la conquête ?. Α l'époque qui nous occupe ici (V* s.) la citoyenneté romaine est la condition juridique de la trés grande majorité des habitants de l'Empire. Mais par cette généralisation méme, la qualité de civis a perdu beaucoup de sa valeur. Au point de vue affectif, elle n'est plus le titre prestigieux du peuple dominant. Les provinciaux, vaincus d'hier, y ont globalement accédé. Au point de vue de son intérét pratique et de sa valeur juridique la dévalorisation n'est pas moindre: les dfbits politiques du citoyen sont sans objet dans un régime de toute-puissance impériale (plus de ius suffragii ni de provocatio ad populum et un ius bonorum très théorique pour des millions d'individus). L'honneur prestigieux de servir dans les légions ne compte pas pour une population qui laisse l'armée se 'barbariser' (cf. infra). Restent les droits civils:
conubium, commercium, droit d'agir en justice, si communs qu'ils comptent peu. Il est d'ailleurs remarquable que le terme de civis ne se rencontre guère dans les constitutions du Bas-Empire, alors que civis romanus est fréquent chez les juristes du début du III° s. (Papinien, Paul, Ulpien*) souvent d'ailleurs
dans l'exposé de régles juridiques 'classiques', concernant sociales déjà quelque peu dépassées ou en voie de l'étre.
des
situations
5 En ce sens CHASTAGNOL, "Les modes d’accès au Sénat romain au début de l'Empire:
remarques à propos de la table claudienne de Lyon", Bull. Soc. Nat. des Antiquaires, (1971), pp. 287-295 qui tire argument de la mesure prise par Auguste peu avant sa mort concédant
à des Gaulois de Narbonnaise, qui étaient citoyens, le ius bonorum. 6 En ce sens F. DE VissCHER, cité infra n. 7.
7 D'oà le célébre probléme de la "double citoyenneté" avec ses incidences juridiques que nous n'avons pas à rappeler ici. Cf. V. Arancio-RuIz, "Sul problema della doppia cittadinanza nella Repubblica e nell'Impero romano", Scritti Carnelutti IV (Padova 1950), pp. 55-77; E. SCHÔNBAUER, "Die Doppelbürgerschaft im rómischen Reiche", Anz. ôsterr. Ak. Wiss., phil. bist. KI, 1949, Nr. 17, pp. 343-369; Ip., "Untersuchungen über die Rechtsentwicklung in der Kaiserzeit", Tbe Journal of Juristic Papirology 7/8 (1953-1954), pp. 107148; E. Weiss, "Ein Beitrag zur Frage nach dem Doppelbürgerrecht bei Griechen und Rómern", The Journal of Juristic Papirology 7/8 (1953-1954), pp. 71-82; F. DE VISSCHER,
"La dualité des droits de cité et la *mutatio civitatis' ", Studi De Francisci, I, Milano 1956, pp. 39-62. * Vocabularium Iurisprudentiae Romanae, I, coll. 752ss. (v. "Civis").
Curieusement le mot civis, parfois même civis Romanus se trouve 8 fois
dans les Interpretationes du Code Théodosien, alors qu'il ne figure pas dans le texte de la constitution commentée qui préfère l'expression de civitas romana ?. Si l'on admet, avec une opinion répandue, que ces Interpretationes ont été composées à la fin du V* siècle, et peut être en Gaule ^, on serait très tenté d'en conclure que la Gaule de cette époque accordait encore à la citoyenneté romaine une importance que n'y attachait plus la chancellerie impériale dès le IV* siècle". On retrouvera plus loin l'intérêt d'une telle constatation et on aura alors à tenter de l'expliquer ?. Plutôt que de cives, les constitutions post-classiques parlent de populus (constitutions ad populum), de l'Italie ou de provinciales? ou encore désignent nommément les habitants d'une région (Lusitaniens, Africains, Syriens, etc.). Terminologie vague, qui répond à l'universalité de l'Empire ou à des zones géographiques, mais sens portée juridique. Ce qui confirme la médiocre valeur juridique de la notion de citoyenneté aux IV* et V° siècles. Politiquement d'ailleurs les habitants de l'Empire, sauf peut-étre dans la vie mu-
nicipale *, sont moins des 'citoyens' participant à la vie de la cité, que des sujets. Subiecti, subditi, ὑπήχοοι se retrouvent fréquemment dans la langue littéraire des IV* et V* s. Julien utilise ὑπήχοος dans ses lettres, alors 9 Interp.
de CTb.
2, 22,
1 (320):
si quis civis Romanus
libertus
Latinus
libertus
fuerit effectus (dans la constitution: si is qui dignitate romanae civitatis amissa. Latinus fuerit. effectus) et plus loin fios quos civis Romanus generavit (rien de pareil dans la constitution); 4, 7, 1 (321): cives esse Romanos, par l'affranchissement im ecclesia (civitas Romana, dans la constitution) et plus loin civibus Romanis (rien de tel dans la constitution); 1, 16, 11 (369): querellam civium (la constitution n'a pas civium); 1, 29, 6 (Valentinien II, 387): consensus civium, pour l'élection du defensor civitatis (quod decretis elegerint civitates, dans la constitution); 1, 34, 3 (Théodose II, 423): civium electio-
nes (pas de mention de cives dans la constitution). Pour l'Interpretatio de CTb. 4, 12, 2: testibus civibus Romanis, on n'a pas le texte de la constitution ainsi ‘interprétée’. Seule une constitution de 326 (CTh. 9, 24, 1) fait état du civis Romanus dans une
forme
analogue
à celle que
l'on
trouve
fiat Romanus. 10 Cf. J. GAUDEMET, La formation IV* et V* s. (2° ed., Paris 1979), p. 103.
dans du
l'Imterpretatio:
droit
séculier
si Latinus
et du
droit
de
fuerit,
civis
l'Eglise
aux
! Le ‘glissement’ de civitas à civis dans ces textes semble si naturel qu'il traduit sans doute des habitudes de langage. 1 CL.
DuPont,
("Sujets et citoyens sous le Bas-Empire
Romain",
Revue
internatio-
nale des droits de l'antiquité, 20 [1973], p. 326, n. 4)
fait observer que πολίται est assez
fréquent
que
dans
les œuvres
littéraires
de Julien,
alors
civis
ne
figure
pas
dans
les
constitutions de sa chancellerie qui nous sont parvenues. 13 C'est ainsi que dans la constitution de Valentinien interdisant les mariages entre romains et barbares (CT5. 3, 14, 1 370/373 cf. infra) la chancellerie impériale use du mot provinciales et curieusement c'est l'Inferpretatio qui, à deux reprises, y substitue Romani (Romanac).
14 Ce qui expliquerait pour partie le maintien du terme dans la Gaule de la fin du V* s. Mais on verra plus loin une autre raison de cette persistance, et peut-être raison plus décisive, l'opposition aux nouvesux occupants venus avec les Invasions.
10
une
que les constitutions impériales n'employent guère ce vocabulaire avant le VI° 5. ". Dans les Novelles post-théodosiennes, subiecti, subditi sont utilisés dans les préambules ou les phrases finales dont l'objet est moins de formuler la règle que de la justifier, souvent dans un style ‘littéraire’ quelque peu ampoulé. Ces morceaux de bravoure n'ont pas été conservés par les compilateurs des deux codes et l'on peut par conséquent se demander si des constitutions du V* s., dont nous n'avons aujourd'hui que le dispositif, n'accueillaient-pas ce vocabulaire dans leur préambule?
2. Un vocabulaire nouveau: ‘incolatus’, 'origo', 'patria' Trop vulgarisée pour garder grand prestige, la citoyenneté est concurrencéc par d’autres notions que l'époque classique n'avait pas ignorées, mais qui, depuis le III* s., ont pris plus d'importance. Moins 'juridiques', encore qu'elles ne soient pas sans importance pour les juristes, elles font appel à des données spatiales (de résidence: domicilium, incolatus) ou d'origine (origo), mais aussi à des réactions affectives: patria. Si ce vocabulaire n'est pas nouveau (Cicéron l'utilisait déjà), il prend désormais plus d'importance, car c'est à lui que se réfère l'administration pour déterminer l'obligation aux charges (m24nera). Leur poids, le désir corrélatif de s'y soustraire, les contraintes du pouvoir donnent à ces notions une singuliére importance. On ne saurait dire cependant qu'elle soient parfaitement définies ', A l'époque classique l'incola se distinguait des citoyens d'un municipe par ce qu'il n'était rattaché à ce municipe que par sa résidence ". Considéré comme un demi-étranger, il n'était pas admis, sauf concession spéciale, aux bonores, alors qu'il était tenu des munera comme les citoyens, Il pouvait cependant participer dans les assemblées municipales à l'élection des magistrats locaux *. Mais au Bas-Empire, lorsque les bonores furent devenus surtout des munera, incolae et cives sont
astreints aux mêmes charges ! et la distinction entre originarii et incolae perd toute portée
pratique.
Si l'incolatus repose sur la résidence, l'origo se réfère au lieu d'origine. 15 X.S. THURMAN
(“The application of ‘subjects’ to Roman citizens in the imperial
Laws of the later roman Empire", Klio, 52 [1970], pp. 454-463) ne le signale qu'à partir
du VI° siècle et en montre p. 326,
n. 6) en
rappelle
la fréquence l'emploi
dans
chez Justinien. Mais des
Novelles
450, 458, 468. 36 Visconti, "Note preliminari sull''origo' nelle lisse I, Milano 1940, pp. 87-106; D. Nónn, "Origo", 31 (1963), pp. 525-600; U. ZirtLETTI, "Incolato", "Torino 1962, pp. 541 s. 1 Cf. Pomponius D. 50, 16, 239, 2. 18 Lex Malacitana, ch. 53. 19 Une constitution de Julien (CTh.12, 1, 52; 3 ne sont astreints aux charges incolatus iure que s'ils
Cr.
DUPONT
post-théodosiennes
de
(op.
cit.
438,
439,
fonti imperiali romane”, Studi CaTijdschrift voor Rechtsgeschiedenis Novissimo Digesto Italiano, VIII,
Sept. 362) précise que les incolae habitent dans la ville, non s'ils y
possèdent seulement quelques biens fonciers. Sur les douze constitutions qui au CTP. mentionnent les incolae (ou l'incolatus) sept sont au L.12 T.1 consacré aux décurions et
à leurs charges. C'est dire quel est le domaine de l'incolatus.
11
La notion, connue déjà à l'époque d'Hadrien (CJ. 10, 40, 7, pr. et D. 50, 1, 37, pr.), prend
de
l'importance
chez
les juristes de l'époque
des
Sévères,
lorsqu'il traitent des szunera. Mais c'est au Bas-Empire que les références à l’origo se multiplient ?. L'origo est prise en considération lorsqu'il s'agit des intéréts financiers des cités. Elle concerne donc le droit municipal plus que le droit fiscal de l'Etat romain. L'origo est en principe déterminée par la naissance. L'enfant a pour origo celle de son père *. Incolatus et origo ont donc au Bas-Empire une grande importance pour déterminer l'obligation aux charges municipales. Dans l'immense masse des 'citoyens' qui constituent l'essentiel de la population de l'Empire, ces notions déterminent des groupes mineurs, d'intérét municipal, en fonction de la τέsidence (incolatus - domicilium) ou de l'origine (origo). Ainsi se maintiennent, par le biais de la fiscalité, les cellules locales (municipales) dans le trop vaste
monde des citoyens. Mais la fiscalité n'est pas seule affective. Et c'est ici qu'intervient pas création du Bas-Empire. A la deux patries: sa citée d'origine et gnait la double citoyenneté, parce trée' sur Rome.
en cause. L'attache au 'pays' est d'abord le concept de patria. Lui non plus n'est fin de la République, Cicéron distinguait Rome ?. Pour lui la double patrie rejoique la civitas romana restait encore 'cen-
Mais, progressivement,
Rome
ne sera plus une cité comme
les autres. Elle devient le monde, la patria communis ?. Pline l'Ancien fait de l'Italie la patrie de « tous les peuples du monde » ^. C'est aprés l'Edit de Caracalla que Rome est de plus en plus souvent qualifiée patria communis. L'expression, qui traduit une donnée évidente de civilisation — au moins pour la civilisation urbaine, la seule que retiennent alors les élites intellectuelles — répond en effet désormais à une réalité juridique: la généralisation du ius civitatis romanae. Aussi les juristes tardifs s'emparent-ils de patria communis ^. Mais la patrie est aussi, et d'abord, le lieu d'origine et, dans ce sens, elle rejoint l’origo *. Dès le début du III° siècle, la chancellerie impériale utilise cette notion pour déterminer l'obligation aux bhonores 7. Dans les constitu2 Très nombreuses
références au CTh.;
plus rares au CJ.
2 Celle de sa mère, en vertu de privilèges concédés à certaines villes cf. Ulpien D.50, 1, 1, 2: l'enfant né de deux Campaniens ou d'un père Campanien est Campanien. Mais l'enfant né d'une mère originaire de Delphes
a l'origo de sa mère.
2 KRATTINGER, Begriff des Vaterlandes im Republikanischen Rom, Diss., Zürich 1944. 23 Le terme est déjà dans de leg. II, 5: « unam naturae alteram civitatis ... alteram loci ... alteram iuris». Sur l'origine hellénistique de ces fopoi cf. NORR, op. cit. pp. 553-555.
% H.N. 55 Par
III, 3, 39. exemple
Callistrate D. 48, 22,
18;
Modestin
D. 27,
1, 6, 11
qui
oppose
la
notion de χοινῆς ...πατρίξος τῆς βασιλευούσης à la ἰδίᾳ παπριδί, cf. CTD. 6, 2, 25 (Valentinien III, 426).
7$ Ulpien (D. 50, 1, 6 pr.) à propos de l'origo parle de la patria ex qua oriendus est; cf. aussi D. 50, 1, 10; D. 48, 22, 7, 11; 50, 1, 27 où Ulpien distingue dormicilium et patria. © Callistrate cite un rescrit de Septime Sévère D. 50, 4, 14, 4.
12
tions du Bas-Empire, les références à la patria se multiplient *. Celle-ci n'est pas envisagée seulement dans le cadre local des obligations aux charges municipales. C'est aussi, dans son sens affectif, la grande patrie de l'Empire qu'il faut défendre contre les périls extérieurs ?. Cette double acception, locale * et universelle, du terme de patria témoigne du passage, qui pour nous ici est du plus grand intérét, du cadre étroit de la cité, avec son petit groupe de citoyens, se distinguant de ceux de la ville voisine et parfois s'opposant à eux, au vaste monde de "οἰκουμένη où l'im-
mense masse des 'Romains' de toute origine n'a en face d'elle, hors les Parthes, que des ‘hordes barbares’. On peut alors se demander “où est le Romain"? Est-ce l'orgueilleux familier de la Ville éternelle, ou le citoyen de l'Empire qui, parce que civis, use du droit romain; voire, quels que soient son origine et son statut, celui qui se veut et se sent romain? De l'institutionnel et du juridique, qui n'ont plus grand sens, on glisse vers une donnée à la fois culturelle et affective. Plus que par son statut, le Romain se définit comme le membre d'une com-
munauté universelle, porteuse de certaines valeurs de civilisation. Transformations d'étranger.
qui
ne
pouvaient
étre
sans
influence
sur
la notion
B. Etrangers l.
Peregrini
Si les données géographiques, politiques, juridiques de la citoyenneté se sont profondément modifiées à partir du III* si&cle qu'en est-il advenu des étrangers?
Comme pour la citoyenneté, la question doit étre envisagée à deux points de vue: celui, théorique, du juriste; celui des réalités politico-sociales. Cellesci sans doute comptent davantage. Mais les juristes pardonneront à un juriste de ne pas négliger le droit. Nous commencerons par lui, en nous demandant ce qu'il est advenu au Bas-Empire de la notion de peregrinus, terme qui désignait en droit classique,
l'étranger à la cité ou à l'Empire. Le mot n'a pas disparu des sources juridiques. Pour certaines, il s'agit simplement de la reproduction de textes de jurisconsultes classiques, et l'on 2 Au Code Théodosien, le mot figure dans 64 constitutions. Mais 47 de ces men tions sont au Titre de decurionibus (12, 1), où il est essentiellement question des charges municipales. 5 CTb. 7, 13, 16 (Honorius, 17 avril 406): Contra hostiles impetus l'empereur fait
appel à l'amor patriae. À la fin de 405 les Goths de Radagaise ont franchi les Alpes. Ils pillent l'Italie du Nord jusqu'à ce que Stilicon les batte près de Florence (23 août 406) et fasse exécuter leur chef. Autre constitution aux provinciaux du 19 avril 406 (ibid. 17)
les appelant aux armes amore pacis et patriae. 3 Celleci ne disparaît pas au Bas-Empire. En 364 Valentinien I" promet de donner aux vétérans quam volunt patriam, c'est à dire des terres où ils pourront s'établir (CTb. 7, 20, 8).
13
peut alors parler de survivance sans grande portée ”. Ou bien il s'agit d'une fidélité doctrinale un peu scolaire à Gaius ©. Témoignages peu concluants donc, puisqu'ils restent tributaires du passé. Cette fidélité même n'est-elle pas, dans quelques cas au moins, dictée par l'intérêt pratique que présente encore la notion juridique de pérégrin au IV* siècle? Peregrinus figure dans des constitutions de CTh., sans toujours avoir, semble-t-il, un sens technique précis *; le mot disparait dans la version que le Code de Justinien donnera de ces constitutions, Là où l'on peut encore lui donner une signification précise, il désigne non l'étranger à l'Empire (par opposition au civis romanus), mais l'étranger à une cité, parce qu'il relève d'une autre cité ou d'une autre province *. On retrouve ici les équivoques de la citoyenneté ou de la patrie: appartenance à l'Empire ou attache locale, Les pérégrins du CT. sont ceux qui appartiennent à d'autres régions de l'Empire, non des étrangers à l'Empire. Le terme reparaît, plus tardivement, dans les Interpretationes 9, mais avec un sens encore plus vague. Peregrinus doit alors étre rapproché de perigrinari * ou perigrinatio ". Il s'agit de personnes qui voyagent, qui sont absentes de leur lieu de séjour habituel, ‘étrangères’ en quelque façon à celui où elles se trouvent
temporairement.
C'est dans cette acception 'sociale' et non plus juridique qu'il faut entendre l’ “expulsion des pérégrins" de Rome par Symmaque, préfet de la Ville (383-385), lorsque il cherchait à parer à la disette devant l'insuffisance des approvisionnements *. Ces témoignages, auxquels on pourrait en ajouter beaucoup d'autres, montrent que le concept juridique de pérégrin, tel qu'il s'était élaboré dans la cité quiritaire et qu'il avait persisté chez les juristes classiques à perdu sa valeur. Le pérégrin devient le voyageur, l'absent ou le résident occasionnel, attendant d’être le pélerin. Il est remarquable que ce soit à propos des discriminations religieuses que le mot retrouve quelque valeur. 31 Par exemple dans FV. 47 a (texte de Paul); Collatio IV, 5, 1 (Papinien); Fragm. Dositb.
12.
X Ep. Ulp. 5, 4; 5, 8; 7, 4; 10, 3; 19, 4; 20, 14; 22, 2; Gaius Augustod. 4; 6; 19; IV, 98;
103; Epitome
33 CTb. 4, 6, 3 (336) (texte qui serait interpolé selon GrapENwITZ, sianus", Studia et documenta
I, 1;
Gai I, 6 $1.
bistoriae et iuris
37, 1 (364); 8, 1, 9, 1 (365); 9, 1, 10 (373);
2 [1936], pp.
12-14);
12, 1, 161 (399);
"Zum Theodo-
9, 16, 5 (357);
6,
16, 5, 36, pr. (399);
1, 34, 1 (400); 16, 2, 37 (404); 13, 11, 13 et 14, 2, 4 (412). 3 En ce sens, KUBLER, "Peregrinus", RE, XIX, 1 (1937), col. 655.
35 Interp. {=
revenir de 3 Interp. 3 Interp. Sententiae, cf.
Cod.
Greg. 5, 8, 10;
Interp.
CTb.
4, 22,
voyage). CTb. 2, 27, 1; 4, 22, 1. Sent. Pauli, 1, 7, 2; 2, 15, 1 (peregrinatio 2, 23, 1).
Y:
«de
était déjà
peregrinis. dans
redierit »
le texte
des
3$ Symmaque, Ep. III, 7 (MGH, AA VI, 1, p. 44). Ambroise (de off. III, 44, 52) déplore cette mesure en faisant valoir que d'autres préfets de la Ville ont préféré faire financer par les ciches un approvisionnement suffisant. Sur cette question cf. S. MazzaRINO, Aspetti sociali del IV secolo, Roma 1956, pp. 236, 244; società nell'Italia annonaria, Milano 1961, pp. 120, 138-139.
14
L. RuccinI,
Economia
e
2.
Hérétiques et apostats
On ne saurait faire ici l'étude détaillée de la très abondante législation qui, au IV* et au V° siècles, favorise le christianisme romain, frappe de restrictions toujours plus graves le libre exercice du culte paien, relègue le judaisme dans une situation inférieure, poursuit avec constance et rigueur hérétiques et apostats ?. Seules nous intéressent les mesures qui frappent des citoyens et les excluent de la communauté romaine en raison de leurs convictions religieuses.
Tel ne fut pas le sort des paiens, encore nombreux et puissants et que protége leur fidélité au culte traditionnel. Les Juifs, de leur cóté, relativement peu nombreux, avaient toujours bénéficié de la protection de la législation romaine *. Celle du Bas-Empire s'oppose simplement au prosélytisme *. Les conversions sont parfois punies de la peine capitale; le mari juif s'expose à la mort en cas de mariage mixte *. L'esclave chrétien est protégé contre son maître juif 9. Mais si l'on ne peut parler de persécution légale, il existe à l'égard du Juif une certaine antipathie populaire traditionnelle *. Le Juif est considéré comme un étranger. Au IV° siècle apparaîtra un anti-sémitisme chrétien,
populaire lui aussi, qui fortifie cette tendance 5 et inspire des mesures législatives anti-juives *. Augustin, au contraire, réclame la charité pour un peuple malheureux et le respect du culte de ceux qui, en un certain sens, sont
des témoins du Christ “.
.
C'est aux déviations de la loi chrétienne que les empereurs ont réservé leurs rigueurs. Le statut de l'hérésie et de l'apostasie introduit une faille dans 5 CTb. 16, 5 à 11, environ 150 lois; CJ. I, 1 et 5-11, environ 50 lois, auxquelles il faudrait ajouter les mesures qui ne sont signalées que par les historiens ou les auteurs chrétiens. La législetion contre les hérétiques est particulièrement abondante. LONING (Geschichte des deutschen Kirchenrechts, I, Das Kircbenrecbt in Gallien von Constantin bis Cblodovecb, Strasbourg 1878, p. 97) dénombre au CT. 16 lois de Théodose I", 3 de Valentinien II, 21 d'Honorius, 12 d’Arcadius, 12 de Théodose II et 3 de Va. lentinien III, plus une Novelle de Théodose, soit 68 lois en 57 ans. Cf. K.L. NoetH-
LICHS, Die gesetzgeberischen Massnabmen der christlichen Kaiser des vierten Jabrbunderts gegen Häretiker, Heiden und Juden, Kóln 1971. *9 Cf. A. M. RaseLto,
“The
legal conditions of the Jews
in Roman
Empire", Auf-
stieg und Niedergang der rômischen Welt 1I, 13 (1980), pp. 662-762; M. Grant, The Jews in tbe roman world, London 1973; CL. Aziza, “Juifs et judaïsme dans le monde romain,
état
des
recherches
(1976-1980)",
Rev.
ét. latines,
59
(1982),
pp.
44-52.
Déjà
César avait exclut les synagogues de sa législation hostile aux groupements. 4 CTb. 16, 8, 1 (315); 16, 8, 7 (Constance) et 16, 7, 3 (Gratien); Nov. Théod. 3. € CTb. 16, 8, 6 (329); 5, 7, 2 et 9, 7, 5 (Théodose). 4 CTb. 16, 9, 1 (335); 2 (339); 4 (417); cf. M. SIMON, Verus Israël. Etude sur les relations entre Chrétiens et Juifs dans l'Empire romain (135-425) (Bib. éc. fr. Ath. et Rome, 166), Paris 1948, pp. 337-340. 4 C. Lévy, “L'antijudaïsme paien", in De l'antisémitisme antique à l'antisémitisme contemporain, Lille 1979, pp. 51-86. 45 M. Simon, op. cit., pp. 246-263. 4 Cf. également l'influence de st. Ambroise sur Théodose IT, et de st. Jean Chrysostome sur Arcadius (CT. 2, 1, 10; 398 et 12, 1, 165; 399), M. Simon, op. cit., pp. 264-269. *! G. CoMsBEs, La doctrine politique de saint Augustin (Th. Lettres, Bordeaux 1927), pp. 350-352.
15
l'égalité civique et opère une nouvelle summa divisio personarum *. Cette législation commence avec Constantin. Mais elle est alors assez anodine. Ceux qui ne se rallient pas à l'orthodoxie romaine ne sont pas frappés d'incapacité. On leur refuse simplement les priviléges accordés aux catholiques 9. Constance, puis Valens en Orient, se montreront
au contraire favorables
aux ariens. Cette législation pro-arienne n'est pas connue, car le CT. et le CJ., œuvres d'adeptes du catholicisme romain, la laissérent à l'écart. Il en est de méme pour celle du paien Julien, qui voulut d'abord pratiquer une égale tolérance de tous les cultes mais qui, dans les derniers mois
de
règne, édicta des mesures défavorables aux chrétiens ”, Valentinien souhaitait rester neutre à l'égard de questions qu'il ne considérait pas comme de son ressort?', Mais, dés son règne, apparaissent des mesures pénales contre les hérétiques. Seules toutefois sont rigoureuses celles qui frappent les Manichéens 2. Ce n'était là que continuer une tradition remontant à Dioclétien, contre une secte tenue pour particuliérement dange-
reuse pour l'Etat 9. Mais aprés que Gratien et Théodose eurent imposé le catholicisme romain à tous les habitants de l'Empire %, les hérétiques furent durement frappés. Si Valentinien II, ou plutôt sa mère, la régente Justine, se montrèrent favorables aux ariens ?, les protestations d'Ambroise et l’action de Théo-
dose lui firent abandonner cette attitude et soutenir l'orthodoxie romaine, aprés la mort de Justine *. C'est la législation de Théodose qui sera la plus abondante et la plus dure pour l'hérésie ”. L'activité législative restera intense au début du V* siècle *. # B. Bionpi, Il diritto romano cristiano, 1, Milano 1952, p. 259. # B. Bionpi, op. cit., pp. 263-266 et 268-269. 50 Si certaines se retrouvent au CT b. ou au CJ., comme l'interdiction faite aux chrétiens d’enseigner (CTh. 13, 3, 5 = CJ. 10, 53, 7; 17 juin 362) ou les entraves mises aux cérémonies funèbres pendant la journée (CT. 9, 7, 5; 12 février 363), c'est que ces textes ne visent pas les chrétiens i» terminis. Mais la correspondance de Julien en éclaire le
sens (Ep. 61 pour le premier et Ep. 136 pour le second). Ammien, XXII, 10, 7 et XXV, 4, 20; Socrate (H. E., III, 13, 1), Rufin (H. E., X, 33) en montrent également la portée réelle. Sì Amm., XXX, 9, 5; Sozom., H. E., VI, 7, 2; cf. l'allusion à ce principe de tolérance
dans CT»., 9, 16, 9 (371). 52 CTb. 16, 5, 3; 372. 55 Collatio, XV, 3; cf. E. H. KApEN, “Die Edikte gegen tian bis Justinian", Festschrift Lewald, Bále 1953, pp. 55-68.
5. CTh.
16, 5, 5 et 4 (3 août
(28 février 380) pour Théodose. 55 Par ex. CTb. 16, 1, 4 (386); 5$ CTb. 16, 5, 15 et 16 (388). Sì CTb. 16, 5, 17 (389) contre reprise par Arcadius, en 395, bt, 5, 18 (389) contre les Manichéens 19 (389) et 16, 4, 3 (392). 55 CTb. 16, 5, 35-66 et CJ. 1, (405, Honorius); cf. E. DemouceoT,
379 et 22 avril 380)
von Diokle-
pour
et 16, 1, 2
Gratien,
cf. B. Bronpi, op. cit., I, pp. 314 ss. les Eunoméens (législation révoquée en 394, b.t., 23; 25; abrogée à nouveau en 397, b.i, 27); CTb. 16, (cf. A.f., 20); contre toutes les hérésies, CI b. 16, 5, 5, 4-12; CTb. 16, 4, 6 (404, Arcadius) et 16, 11, 2 "Sur les lois du 15 nov. 407", Revue historique de
droit frangais et étranger, 28 (1950), pp. 403-412.
16
die Manichäer
Au cours du siècle, les grandes décisions dogmatiques seront suivies de constitutions qui les confirmeront *. En méme temps, plusieurs constitutions s'attaquent aux apostats Ÿ, Sans prétendre analyser ici le détail de ces trop abondantes mesures, on
en retiendra seulement
l'inspiration et les effets, où s’affirme nettement
la volonté de mettre les hérétiques et les apostats à l'écart de la communauté
romaine, 4) Ces mesures ne sont pas inspirées par le seul souci religieux de sauvegarder l'authenticité d'un dogme. Leur but est aussi politique. L'hérésie et l'apostasie, qui introduisent la diversité dans une foi devenue officielle, engendrent des troubles sociaux et mettent en question l'unité morale de l'Empire. C'est pourquoi les empereurs se montrent plus sévères à leur endroit qu'à l'égard du paganisme, qui continue une tradition, ou du judaisme, trop peu important pour étre une occasion de rupture. C'est parce que leur déviation religieuse en fait des étrangers à la communauté qui pratique la nouvelle religion d'Etat, qu'hérétiques et apostats sont frappés de peines qui les réduisent au rang d'étrangers. b) En dehors des mesures qui ont pour objet de gêner ou de paralyser l'exercice du
culte
(confiscation des églises, interdiction d'en construire
de
nouvelles ou d'utiliser les maisons privées, interdiction du culte public ou privé, etc. 9) ou encore d'empêcher le prosélytisme (interdiction des discussions
publiques ©, destruction des écrits hérétiques 9), les peines qui frappent les hérétiques sont conformes aux sanctions romaines traditionnelles à l'égard de citoyens indignes. Comme autrefois dans un tout autre domaine la législation caducaire d’Auguste, elles comportent la privation de droits politiques ou civils, qui font des hérétiques, étrangers par leur foi, des étrangers dans leur propre patrie.
Cette politique apparait avec Théodose I*. C'est en effet la conséquence logique du principe posé dans l'Edit de Thessalonique. Et ses successeurs la poursuivront. L'hérétique ne peut plus servir dans l'administration (scrinia, palatini, agentes in rebus).
Mais il reste soumis à la curie, comme
à une peine ©.
59 CTb. 16, 5, 66 (435) prescrit la destruction des livres de Nestorius aprés sa condamnation par le concile d'Ephése (431); cf. CJ. 1, 1, 3 (448). La requête de saint Léon contre les Manichéens aboutit à la Novelle 18 de Valentinien III (445); cf. W. ENSSLIN, “Valentinians III. Nov. XVII und XVIII von 445", Zeitschrift der Savigny Stiftung für Rechtsgeschichte-RA 57 (1937), pp. 367-378. Le concile de Chalcédoine sera suivi d'édits impériaux (MANSI, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, VII, coll. 475, 477,
498, 502, cf. HAENEL, Corpus legum, pp. 255 ss.). 6 CTb. 61 CTh.
16, 7, 1 (381); 4 et 5 (391); 6 (396); 7 (426); CJ. 1, 7, 6 (455). 16, 5, 6; 11; 12; 15; 20; 26; 29; 34; 51; etc.
€ (ΤΡ.
16, 4, 2 (388); CJ. 1, 1, 4 (452).
6 CTb.
16, 5, 34
et 66;
CJ.
1, 5, 8, 10.
6 Théodose, à qui Arcadius se réfère dans CTb. 16, 5, 29 (395); cf. b.t., 42 (408, Honorius);
€ CTb.
58
(415,
Théodose
II) et
65
(428,
Théodose
II).
16, 5, 48 (410, Théodose II).
17
Par contre, il est exclu de l'armée 5, du témoignage ©, de la factio testamenti active 5, du droit de recevoir par succession, méme ab intestat 9. Honorius ira plus loin. En
407, contre
les Manichéens
et les Priscillianistes ?, en 414,
contre les Donatistes "!, il édicte une interdiction de toute transaction économique:
« "on donandi, non emendi, non vendendi, non postremo contrabendi ».
A partir de Théodose, des incapacités analogues frappent les apostats ?': interdiction de tester, de recueillir ab intestato ou par testament, défense de
témoigner ?. Qu'il s'agisse d'une mise à l'écart du droit romain, les textes le disent formellement.
En
381, Théodose
proclame:
« vivendi iure romano
protinus eripimus facultatem » ", et deux ans plus tard il répète:
omnem
« omnem..
testamenti condendi interdicimus potestatem, ut sint absque iure romano » ?. Quand Arcadius revient, en 399, sur les mesures prises en 395 contre les
Eunoméens, il supprime la poena adimendae testamenti [actionis peregrinorumque mutandae conditionis *, Dans la pensée des rédacteurs de ces textes, celui qui s'est rendu étranger par sa foi, doit étre privé du droit romain et devenir un étranger à Rome. Il est en tout cas remarquable que peregrinus disparaît dans la version que le code de Justinien donnera de ces constitutions. 3.
Les Barbares
C'est donc dans d'autres directions qu'il faut rechercher l'étranger pour déterminer ce qu'il est, quelles sont sa place sociale et sa condition juridique. Plus que le pérégrin falot, c'est le robuste Barbare qu'il faut alors prendre en compte. Si déplaisant, et si faux à certains égards, que soit le terme, on
ne peut l'écarter. C'est celui en effet dont usent les Romains, héritiers directs en cela des Grecs qui ont forgé le mot 7. 66 Ibid. 61 CTb. 16, 7, 4 = 11, 39, 11 (391, Théodose I"). 6 CTb. 16, 5, 7 (381, Théodose) et 18 (389, Valentinien II), contre les Manichéens; b.t., 17 (389, Théodose) contre les Eunoméens. La prohibition sera rapportée en 394, sous l'influence d'Eutrope, favorable aux hérétiques (5.4, 23); rétablie par Arcadius
(b.t, 25; 395), elle disparait à nouveau aprés la mort du préfet du prétoire Rufin (h.t., 36; 399). Au contraire en Occident, Honorius étend l'interdiction aux Manichéens, Donatistes,
Priscillianistes (5.4, 40, 5;
407)
—
cf. l'allusion
de
saint
Augustin,
Contra
Epist. Parmen., I, 12, 19 (PL XLIII, c. 48) — et son exemple sera suivi par Théodose II (5b.t., 49; 410; 58; 415 et 65, $ 3; 428). 9 (ΤΡ. 16, 5, 7 (381); 17 (389); etc. T? CTb. 16, 5, 40, $ 4. 71 CTb. 16, 5, 54, pr. © CTb. 16, 7, 1 (381), privation de la factio testamenti active. 73 CTb. 16, 7, 2 (383, Théodose) et 3 (383, Gratien); cf. 5.£., 4 (391, Théodose). Ces mesures seront renouvelées par Árcadius (5.£., 6, 396) et par Valentinien III (5.7., 7, $ 1; 426).
^ CTb. 75 CT5.
16, 5, 7. 16, 7, 2.
76 CTb. ΤΊ Pour
16, 5, 36, pr. le vocabulaire tardif, cf. L. van ACKER,
"'Barbarus'
und
im Mittelalter", Archiv für Kulturgeschichte, 47 (1965), pp. 125-140.
18
seine Ableitungen
Son emploi à Rome est ancien. Il s'applique d'abord à tous les peuples
étrangers, à l'exception des Grecs δ, Plaute qualifiait Naevius, un latin, de Barbare ”. Le terme en vint à désigner ceux qui vivaient hors des frontières de l'Empire; pour l'Occident, avant tout les Germains. Mais, à Rome,
graphique
la notion de Barbare repose moins
(extérieur
à
l'Empire)
ou
raciale
sur une donnée géo-
(Germains,
Celtes,
Pictes,
Scots, etc.) que sur des considérations culturelles. Rome, en effet, ne saurait
dresser des barriéres raciales, car elle fut toujours préte à accueillir et à incorporer l'ennemi et le vaincu de la veille. Bien avant l'Edit de Caracalla,
ses rois légendaires ne furent-ils pas le plus souvent des ‘étrangers’? Le Barbare s'oppose au ‘civilisé”, d'abord parce qu'il ne vit pas dans un régime de civitas. La différence de structure socio-politique se prolonge (mais avec le méme
vocabulaire:
civilis) dans une différence de culture, ou
plus exactement se caractérise, aux yeux des Romains, par l'absence de culture. D'un
cóté la ferocitas, la saevitia, mais aussi la simplicitas et la rusticitas.
De l'autre, l’bumanitas, la suavitas, la civilitas 9. Ce qui caractérise le Barbare, plus que son origine ou son statut (dont nos textes ne se soucient guére), ce sont ses vétements
(ou sa nudité), son
inaptitude à la vie citadine “ et à une production destinée au commerce, la modestie de ses besoins, mais aussi son incapacité de raisonner ‘logiquement’, son ignorance ou son mépris du droit, le primat de la force et les superstitions qui lui tiennent lieu de religion. Ramenant
tout
à eux-mémes,
les
Romains
brossent
ainsi
un
tableau
oü fausses interprétations et a priori abondent. Comme le feront encore les explorateurs des XVIII* et XIX* s., décrivant les 'sauvages'. Mais ce qui importe ici c'est la représentation que les Romains se faisaient des ‘autres’. Or, à partir du IV* s., ces ‘autres’ ne sont pas toujours en dehors de
l'Empire. Il faut en effet distinguer les Barbares qui se sont infiltrés dans les cadres romains et ceux qui, restés au dehors, frappent de plus en plus durement aux portes et peu à peu pénètrent, s'installent, s'imposent. On ne saurait ici envisager dans toute sa complexité la question des rapports entre Rome et les Barbares au crépuscule de l'Empire d'Occident 9.
Il suffira de marquer les traits essentiels de leur situation. De la présence barbare dans les services romains il n’est-pas de meilleur exemple que la ‘barbarisation’ de l'armée au IV* siècle. Celle-ci a été trop souvent décrite 75 Les Hellénes, méme ‘étrangers’, ne seront jamais considérés comme des Barbares, car Rome sait trop ce qu'elle leur doit. Lorsque Juvénal dénonce les Graeculi, ce sont les Orientaux
(Syriens, Egyptiens, etc) non
les Grecs
qu'il vise.
7 Miles gloriosus 211; cf. Festus p. 32, 14 L. ® Cf. sur ce point les analyses de P. M. Arcari, Idee e sentimenti politici dell'alto
medioevo (Pubbl. della Facoltà di giurispr. di Cagliari), Milano 1968, pp. 61.130 et de Y. A. Dauce, Le Barbare: recherches sur la conception romaine de la barbarie et de la civilisation
(Coll. Latomus
176), Bruxelles
1981.
*1 Cassiodore, Exp. in Ps. CXIII, Vers. 1 (PL LXX, col. 811): « Barbarus autem a barba et rure dictus est, quod nunquam in urbe vixerit ». & Voir W. Gorrart, Barbarians and Romans. The techniques of accomodations, Princeton
1981.
19
pour qu'il y ait lieu d'insister. Ce sont des Francs foederati qui tentent de protéger la Gaule contre les hordes de Radagaise en 406. Déjà amorcée par Théodose I°", la politique ‘philo-barbare’ connaît son apogée en Occident au début du V* s. avec Stilicon 9. D'autre part, et Stilicon en est l'un des plus illustres exemples, des chefs barbares sont investis de hautes fonctions. Aux dires d'Ammien Marcellin (XXI, 10) Julien aurait reproché à Constantin d'avoir "le premier de tous" élevé des Barbares jusqu'aux honneurs du consulat; mais l'historien ajoute aussitót que Julien en fit autant, et pour des candidats de moindre mérite! Les élites romaines n'apprécieront guére cette dépossession au profit d'hommes qu'elles persistent à tenir pour inférieurs. Certains n'hésiteront pas à briguer l'Empire: Magnence, fils d'un breton et d'une franque, se fait acclamer empereur par l'armée à Autun (18 Janvier 350) et dépossède Constant. D'autres interviennent dans les successions impériales toujours délicates. Dagalaifus, dont Julien avait fait un comes domesticorum, puis son magister equitum, aurait mis en garde Valentinien, qui voulait associer son frére à l'Empire. Le franc Mérobaude, maître de la milice de Valentinien I°", assure le trône au fils de celui-ci en 375. Deux ans plus tard, il gère le consulat avec Gratien. Il ne servirait à rien de multiplier des exemples bien connus. La pénétration des Germains dans l'armée, dans l'administration et aux plus hauts postes du gouvernement * témoigne sans doute d'une démission des élites ‘romaines’, mais aussi d'une acceptation de ces 'étrangers' et d'une certaine osmose. A côté de cette infiltration, l'établissement des Barbares dans l'Empire 5. Il s'agit alors d'installation de groupes plus ou moins nombreux, plus ou moins
agressifs, qui cherchent,
en franchissant
le Danube
et le Rhin,
des
terres où s'établir et vivre moins mal, mais qui ne se privent pas de piller et de s’approprier les richesses d'un pays de vieille civilisation *. On sait les formes diverses de cet établissement. Régime de l’hospitalitas pour les Burgondes et les Wisigoths, qui s'installent sur les domaines des Gallo-romains, obtenant, en contre-partie du service militaire qu'ils fournis83 Cf. S. Mazzarino,
Stilicone, Roma
1942.
9 M. Waas, Germanen im rômischen Dienst. (im 4. Jb. n. Cbr.), 2. durchgesehene Auflage, Bonn 1971. 85 Parmi les études récentes, on citera G. WirTH, "Zur Frage der foederierten Staaten in der späteren róm. Kaiserzeit", Historia 16 (1967), pp. 231-251; H. J. DIESNER, Geschichte des Vandalenreiches, Stuttgart 1966; E. A. THoMPsoN, The Gotbs in Spain,
Oxford
1969 et diverses contributions dans les Actes du Colloque, La fime dell’Impero
romano d'Occidente, (Istit. di Studi romani), Roma 1978. 86 Le V* siécle voit s'opérer la grande mutation qu'ouvre l'invasion de 406 en Gaule
et en Italie. En 413 Honorius tolére l'installation des Burgondes sur la rive gauche du Rhin dans la région de Mayence. En 418 les Wisigoths sont établis en Aquitaine. En 429, les Vandales passent en Afrique et le traité de 442 avec Valentinien III confirme leur installation. En 462 Théodoric II prend Narbonne et Euric (466-485) achève l'oc-
cupation de l’Aquitaine; Burgondes (475) et Francs (481) se partagent le reste de la Gaule. En 490-491 les victoires de Théodoric sur Odoacre le rendent maitre de l'Italie. Il fera son entrée à Rome en 500. Depuis 476 il n'y a plus d'Empereur en Occident.
20
sent *, la jouissance de la moitié (lex Burgundionum tiers (lex Wisigoth. 10, 1, 8) du domaine”.
54, 1 et 2) ou des deux
Les statuts des Barbares sont variés et difficiles à préciser car les textes juridiques sont insuffisants. Aussi les incertitudes et les divergences restent nombreuses dans la doctrine moderne 9. a) Le statut le plus défavorable paraît être s'agit en général de vaincus, transférés de force et en Gaule, en Italie”, en Orient”. Peut-être faut-il populations qui ont demandé la protection de Rome
celui des dedirici. Il établis comme colons* également y ranger des dans une sorte de clien-
tèle internationale”. Mis au service des provinciaux, ils assurent abandonnées *. Imitant l'exemple de Maximien Chlore les utilise à « faire reverdir les champs Tricasses, Lingons”. Ou bien ils fournissent
la remise en culture de terres et de Dioclétien, Constance » des Ambiens, Bellovaques, la main-d'oeuvre nécessaire à
reconstruire les villes %, 8 Le régime de ‘l'hospitalité’ transpose au profit des Barbares un système utilisé au Bas-Empire pour assurer la subsistance des soldats romains. Burgondes et Wisigoths, plus tard
Vandales
en
Afrique,
sont
considérés,
en
raison
de
leur
incorporation
dans
les
armées romaines, comme des soldats et à ce titre campent chez l'habitant. Chaque soldat est installé chez un propriétaire. L'unité de partage est colon. Dans les grandes propriétés, qui comptent plusieurs
l'ager, petite exploitation de unités de ce type, il est pos-
sible d'installer plusieurs occupants. Le partage, d'abord opéré en simple jouissance, finit par laisser l'"hóte" maître de son lot, qu'il peut aliéner et transmettre à cause de mort. En Italie, les Ostrogoths procéderont également à un partage en jouissance d'abord puis en propriété. Mais le seul grand propriétaire fut le roi qui s'appropria non seulement une part des domaines privés mais tous les domaines impériaux d'Italie.
8 Le Code d'Euric à la fin du V* siècle porte la trace des difficultés que cette occupation soulevait. Il envisage à ce propos des procès entre Romains et Goths (C.E. 312); sur ce texte E. Levy, "Zum Kapitel 312 des Codex Euricianus", Symbolae Taubenschlag II,
1957
(Eos
48,2),
pp.
367-374
(=
In,
Gesamm.
Scbriften
I,
Kôln-Graz
1963,
pp. 258-265). # L'étude ancienne de E. LÉoTARD, Essai sur la condition des Barbares établis dans l'empire romain au IV* siècle (Th. Lettres, Paris, 1873), n'a pas encore été remplacée.
99 Sur le colonat, cf. P. CorriNET, "Le colonat, dans l'empire romain", in Recueil J. Bodin, Bruxelles 1937, pp. 85-102; SAUMAGNE, “Du róle de l'origo et du census dans la formation du colonat romain", Byzantion, 12 (1937), pp. 487-581, auquel se rapporte F. L. GaNsHOF, "Le statut personnel du colon du Bas-Empire", L'Antiquité classique, 14 (1945), pp. 261-279; PALLASSE, Orient et Occident à propos du colonat romain au
Bas-Empire, Paris 1950; A. SANTILLI, "Appunti
sull'origine del colonato”, Studi Senesi,
27 (1975), pp. 139-194; K.P. JoHne, 1. KòHN, V. WeBER, Die Kolonen in den westl. Provinzen, 1983. 91 En particulier des Sarmates et des Suéves sous Constance.
92 CTb. 5, 6, 3 (409, Théodose
in Italien und
II).
93 B. ῬΆΚΑΡΙΒΙ, “Deditio in fidem", Studi Solmi, I (Milano 1940-41), pp. 292 ss. % Cf. dans le panégyrique pour Constance de 297, ch. 9, le tableau des files de
Barbares prisonniers:
«captiva agmina Barbarorum... provincialibus vestris (en Gaule) ad
obsequium distributos, donec ad destinatos sibi cultus solitudinum ducerentur ». Ct. Àmmien, XXVIII, 5, 15, pour les Alamans dans la vallée du Pô, en 370. 95 « Barbaro cultore revirescit » (Paneg. de 297, ch. 21). 96 La cité des Eduens est réédifiée par des artisans venus de Bretagne: «ex bac
21
Mais ils peuvent aussi être appelés aux armes. C'est pour eux un honneur
dont ils sont fiers”. A l'obligation militaire, s'ajoute l'obligation fiscale *. Les terres incultes qui leur sont affectées sont d'abord celles de l'empereur ou du fisc, qui les premiers profitent de cet apport de bras. Les particuliers peuvent dans des libelli faire des demandes d'attribution de cette
main-d'œuvre complémentaire ?. Ouvriers
agricoles,
artisans,
exploitants
de
terres
abandonnées,
parfois
soldats, leur statut juridique est incertain. Déditices, ils sont en principe pérégrins ©. Toutefois, Zosime (I, 71) dit qu'ils vivent selon les lois romaines et le Panégyrique de 297 pour Constance (ch. 9) les montre vendant les
produits de leur travail pour le compte de leur maître romain "1. b) A côté, les foederati V, La notion est ancienne. Elle était déjà con-
nue de César. Au 1° siècle, les Bataves sont des fédérés. Plus tard, Gallien conclut un foedus avec les Marcomans. C'est également un statut trés répandu. Il s'applique à des nomades du désert de Syrie, à des Berbères, à des Germains du Danube et du Rhin, aux Sarmates (foedus de Constantin), aux Saliens des Pays-Bas (foedus de Julien), aux Goths (foedus de Constan-
tin5, de Valens '*, de Théodose I°!) etc. statut le plus important. Au V* siècle, devant mains, il fait place à un régime nouveau, la C'est ainsi qu'Honorius abandonne aux Goths
C'était donc probablement le les exigences accrues des Gerconcession de régions entières. des territoires en Gaule et en
Espagne, qui d'ailleurs étaient déjà perdus pour Rome. Le statut de fédérés évolue vers celui de l'hospitalité. La condition juridique des fédérés est mal connue. Les clauses des foedera ne nous ont pas été conservées et les textes juridiques ou littéraires sont trés insuffisants. Il est d'ailleurs probable que des différences de détail résultaient assez fréquemment des clauses des traités. On sait toutefois que l'obligation essentielle était celle du service militaire. Elle était précisée et parfois limitée par le foedus. Les fédérés obtenaient en particulier de ne pas aller combattre au loin. C'est ainsi que les Britannicae facultate victoriae » (Paneg. de 297, ch. 21). Il s'agit donc d'ouvriers bretons,
transférés par le vainqueur. Ce sont les artifices transmarinos, dont parle Euméne son discours pour la restauration des écoles d'Autun
au printemps
de 298
dans
(ch. 4).
9! «et servire se militae nomine gratulatus » (Paneg. de 297, ch. 9). % Ammien,
XVII,
13, 3; «Tributum
annuum
delectumque
validae juventutis et ser-
vitium spoponderunt ». Cette promesse faite sous l'empire de la peur évoque une deditio. 9 CTb.
5, 6, 3; 409, Théodose
II pour des Scyres en Asie,
10 En ce sens, LÉOTARD, op. cit., pp. 62-64. 101 «et frequentat nundinas meas pecore venali et cultor barbarus laxat. annonam ». 1? HuMBERT, "Foedus" in DAREMBERG et SacLio, Dict. des Antiquités grecques et romaines, II, 2, pp. 1210-1214; E. DEMoucEor, "Modalités d'établissement des fédérés barbares
de
Gratien
et de Théodose",
Mél.
rapprochés des déditices par Honorius, CTh. service: quos militia armata detentat. 18 Jornandes, de reb. Gotb., c. 7.
104. Ammien, XXXI, 4. X5 Jornandes, op. cit., c. 9.
22
Seston,
Paris,
1974,
pp.
143-160.
Ils
7, 13, 16 (406), car tous deux doivent
sont
le
Hérules et les Bataves refusèrent à Constance de le servir contre les Perses %. On pouvait au contraire déplacer déditices et /eeti!”. Les fédérés constituaient des corps spéciaux, En contre-partie du service militaire, les fédérés ont droit à l'annone, au logement chez les particuliers (»etatum !'*), à l'immunité fiscale du soldat,
alors que les déditices doivent l'impót.
Ils restent distincts mais égaux des Romains. A la différence des déditices, ce ne sont pas des δοῦλοι ?, On a conjecturé, mais sans en donner les preuves, qu'ils conservaient leur langue, leurs coutumes, leurs tribunaux (les chefs
de tribu), sous réserve de la juridiction disciplinaire militaire romaine !'?. Mais il est probable qu'en tant qu'alliés, ils bénéficiaient dans le foedus de concessions assez larges du conubium et du commercium. Le probléme le plus délicat est celui des mariages mixtes. C'est aussi l'un des plus importants, car ces unions étaient un élément essentiel pour la fusion des peuples. Une constitution de Valentinien I" !!, des environs de 370, adressée à Théodose, magister equitum, qui combattait alors les Alamans
en Rhétie '? paraît les prohiber sous les peines les plus graves. Aucun provincial ne peut épouser une barbare. Aucune provinciale ne peut épouser un gentilis et cela sous peine de mort. Une
lettre de direction de saint Ambroise
à Vigile, évêque
de Trente,
écrite vers 385! déconseille également le mariage avec des alienigenae. Le mot vise ici la différence de race, car un peu plus loin Ambroise déconseille
d'épouser une femme de religion différente "^. Mais en de mariages ont à la fois Certains Théodose
fait des inscriptions du Taunus !5 montrent la fréquence relative entre vétérans et femmes gauloises ou germaines. Les enfants le titre de citoyen romain et l'appartenance à la tribu germanique. mariages sont d'ailleurs fameux. Le goth Fravitta obtient de
le droit
d'épouser
une
romaine.
Stilicon,
demi-barbare,
épouse
la nièce de Théodose. La sœur d'Honorius, Placidia, épouse Ataulf puis Wallia. Il n'y a pas que ces unions qu'excuseraient des considérations politiques. 106 Ammien, XX, c. 4, 1-5. 107 Ibid, c. 8, 13. 18 CTb. 7, 8. 109 Parapisi, "L'amicitia internazionale nell’alto medio evo", Scritti Ferrini, II (Milano 1947), p. 208. Procope (Bell. Vand. 1, 11) dit à leur propos: «dà2' ἐπὶ τῇ ἴσῃ καὶ τῇ ὁμοίᾳ ἐς τὴν πολιτείαν ἀφίχοιντο» et il ajoute:
« ὅσοι οὐχ ἐπὶ τὸ δοῦλοι εἶναι».
110 LÉoTARD, op. cit., pp. 97-98. IN CTb.
3, 14,
1:
«Nulli
provincialium,
cuiuscumque
ordinis
aut loci fuerit,
cum
barbara sit uxore coniugium, nec ulli gentilium provincialis femina copuletur. Quod si quae inter provinciales atque gentiles adfinitates ex buiusmodi nubtiis extiterint, quod in bis suspectum vel noxium detegitur, capitaliter expietur ». 12 Ammien, XXVIII, 5, sur la date de cette constitution, cf. A. PIGANIOL, L'Empire cbrétien, Paris 1947, p. 173, n. 25.
13 PALANQUE,
Saint Ambroise
et l'empire romain
(Thèse de Lettres, Paris
1933),
p. 511; texte dans la Patrologie Latine, XVI, col. 982, Ep. XIX, 2, 7, 34.
14 Cf. PALANQUE, op. cit., p. 139, n. 2. 15 Citées par LÉOTARD, op. cit., pp. 89-90.
23
Prudence
parle des mariages mixtes comme d’un fait courant au début
du V* siècle. Cassiodore ! en 523-526
rappelle des faits anciens concernant
les régions danubiennes. Comment concilier la défense légale et ces pratiques contraires? Godefroy, en commentant cette loi, pensait qu'il s'agissait d'une défense de peu de durée. Mais le texte figure au CTh., au Bréviaire d'Alaric. Il a fait l'objet d'une Interpretatio. Ce n'est donc pas un texte mineur, de circonstance.
On a fait observer que le texte ne concernait in terminis que les Gentiles, catégorie particulière des Barbares!* La chose est partiellement exacte. Gentilis figure deux fois dans le texte et on le retrouve dans le titre du CTb.
3, 14, de nubtiis gentilium.
Mais
la constitution
parle aussi de Bar-
bara de façon générale et l'Interpretatio l'entend comme concernant tous les Barbares !?, C'était donc le sens que l'on donnait à cette constitution, en Gaule, au milieu du V* siècle et c'est celui que lui donnera la loi romaine des Wisigoths. On doit donc admettre qu'il s'agit d'une disposition de principe prohibant l'union avec tout Barbare !?, qui restera en vigueur jusqu'à la fin de l'Empire. Si elle connut de nombreuses exceptions, c'est que sans doute les concessions de conubium furent facilement obtenues. c) La condition des /aeti est plus incertaine encore. Peu de textes, trois ou quatre au Code théodosien, d’où des controverses sur le sens du terme et le statut des /aeti "1, Certains
auteurs,
comme
Schónfeld,
supposent
qu'ils
n'existaient
qu'en
Gaule et qu'ailleurs on les appelait inquilini. Mais une constitution du. (ΤΡ. 13, 11, 10, à Messala, préfet du prétoire d'Italie (alors que le préfet du prétoire des Gaules est Flavius Vicentius) parle de terrae laeticae. Ils apparaissent à la fin du III* siècle. Le panégyrique d'un auteur inconnu pour Constance en 297 (ch. 21) dit que l'empereur Maximien les employa
à la culture
des
terres en friches
des Nerviens
(Hainaut)
et des
Trévires. Peut-être s'agit-il de prisonniers barbares libérés 2, 116 Contra Symmach,
L. II, v. 616-618:
« unc
per genialia fulcra | Externi ad
ius conubii: nam sanguine mixto / Texitur alternis ex gentibus 1 Variae, V, 14 (éd. MoMMsEN, MGH, AA XII, p. 151). 118 LÉoTAnD, op. cit., p. 90.
19 « barbaram.
cuiuslibet
gentis».
catégorie particulière de barbare,
Si gentilis
il est évident
que
désignait,
una propago ».
dans
la constitution,
l'auteur de l’Interpretatio
une
ne l'a pas
entendu en ce sens. Gentilis devient gens. Il s'agit alors des diverses peuplades barbares. 120 En ce sens, Mazzarino, Silicone, cit, p. 185, n. 4 et A. PicanioL, L'Empire chrétien, Paris 1947, p. 173. Vt LÉCRIVAIN, "Laeti", in DAREMBERG et SagLIO, Diction. des Antig., III, 2, pp. 905906; LÉOTARD, op. cit., pp. 103 ss.; SCHÔNFELD, "Laeti", RE, XII, 1 (1924), coll. 446 ss.; E. Demouceor, "Laeti et gentiles dans la Gaule du IV* siècle”, Colloque d'histoire sociale 1970, Paris 1972, pp. 101-112. 12 «arva iacentia Laetus postliminio restitutus et receptus in leges Francus excoluit ».
Dans la Collection des Universités de France (1949), M. GALLETIER
traduit postliminio
restitutus par "rétablis dans leurs pays". L'allusion à une restitutio due au postliminium
24
Ils fournissent des troupes et constituent des corps spéciaux que la Notitia Dignitatum met au dernier rang de l'armée. Dépendant du magister militum praesentalis a parte peditum, ils sont sous les ordres d'un praefectus (Notitia Dignitatum) ou d'un praepositus (CTb. 7, 20, 10; 369, Valentinien 15). La Notitia Dignitatum 18. fait connaître les peuples qui fournissent les laeti, Bataves, Francs, Suèves, Teutoniciani (auxquels
il faut ajouter les
Alamans "*), et leurs lieux d'établissement. L'obligation au service les rapproche des déditices. Mais ils en sont distincts '5, Peut-être leur condition est-elle supérieure, car ils sont en principe volontaires. Elle est en tous cas inférieure à celle des fédérés. C'est d’ailleurs un élément peu sûr. En 357, ils menacent Lyon et pillent les environs. Ammien Marcellin dit d'eux: « Laeti Barbari ad tempestiva furta solertes » "5 et Honorius signale parmi eux des déserteurs !?. d) Comme
les
Laeti,
les
Gentiles
(ou
Gentes)
sont
à la
fois
des
cultivateurs et des soldats "*. Ils obtiennent des concessions de terres vacantes
aux frontières contre service militaire et à charge d'entretien du limes !?. Ils sont signalés dès le milieu du IV* siècle '?, Les constitutions d'Hono-
rius s'y réfèrent à plusieurs reprises ?!. Comme les /aeti encore, ils ont des praefecti !*, qui exercent la juridiction ferait songer à d'anciens prisonniers romains. Mais les laeti sont des Barbares. Postliminio restitutus, signifierait-il chez un rhéteur tardif peut-être peu au fait du droit, “prisonnier
libéré"? 13 Notitia Dign.
Occ., XLII,
33-44 (éd. Seeck, Berlin
1876, pp. 216-217).
14 CTh., 7, 20, 12; 400. 15 Amm., XX, 8, 13: «...ef miscendos Gentilibus atque Scutariis adulescentes Laetos quosdam, cis Rbenum editam barbarorum progeniem, vel certe ex dediticiis qui ad nostra desciscunt ».
V6 XVI, 11, 4. 17 CTb., 7, 20, 4, pr.; 400. 128 D'après A. PIGANIOL, op. cit., p. 328, le terme sert à désigner les déditices. 15 CTb. 7, 15, 1; 409.
10 CTb. 3, 14, 1; 370, concernant la Rhétie. Il est donc difficile de croire à une création de Stilicon, comme le fait S. Mazzarino (Stilicone, cit., p. 180). Cf. encore Ammien, XX, 8, 13 (gentes, pour l'année 360); XIV, 7, 9; (gentiles, pour l'année 353); XV, 5, 6 (pour 355); XVI, 4, 1 (pour 356); XX, 2, 5 (pour 360), etc. 131 CTh. 13, 11, 10 (399) à Messala, préfet du prétoire d'Italie: «..quoniam ex
multis gentibus sequentes romanam felicitatem se ad nostrum imperium contulerunt quibus terrae laeticae administrandae sunt...» Le texte signale des occupations abusives par les barbares et les fait révoquer par un inspector idoneus, car l'occupation des terres doit résulter d'une adnotatio imperiale. On peut se demander s'il s'agit ici de gentiles, au sens technique du terme ou de laeti puisqu'il est question d'attribution de ferrae laeticae. En tous cas, la procédure de demandes d'attribution de terres, selon certaines normes, par
décision du prince, et qui sont révoquées si elles paraissent abusives, ne peut concerner l'établissement forcé de prisonniers. Cf. également CTh. 11, 30, 62; 405, au proconsul d'Afrique, à propos de la juridiction sur les gentiles; cf. 7, 15, 1; 409, au vicaire d'Afrique, parlant d'une concession de terre aux gentiles, antiquorum bumana ... provisione. 12 Claudien cite un praefectus de la gens alana (de bello Gotb., 583)
Dign. Occ., XXXIV, 24 un tribunus de la gens des Marcomans
et la Notitia
(éd. Seeck, p. 196).
25
à leur égard et appliquent probablement leurs coutumes propres. Une pro-
vocatio, recours distinct de l'appel, peut être adressée contre ces sentences au proconsul). I] est donc probable que ces gentiles restaient des étrangers.
Mais s'ils ont avec les /aeti certains traits communs, ils ne se confondent pas avec eux, La Notitia Dignitatum consacre des mentions distinctes à leurs praefecti. Ce ne sont pas seulement des Germains, mais aussi des Sarmates,
des Suèves, des Taifales. On ne les rencontre pas qu'en Gaule, mais en Italie
(où il y avait peut-être des laeti) et en Afrique !*. Par contre, la Notitia Dignitatum n'en signale pas en Orient, où les Bucellari de Galatie étaient peut-être dans une situation analogue. Tandis que les /aeti sont attestés dès la fin du III* siècle, les gentiles n'apparaissent qu'au milieu du IV*. Enfin ils semblent inférieurs aux laeti, car la Notitia Dignitatum les cite aprés eux '5. Avec les ‘Invasions’ du V* siècle, des groupes plus nombreux pénètrent dans l'Empire 5, Mais si la rupture du limes, les dévastations, les pillages, les violences
ont profondément
marqué
les élites ‘romaines’ !7, les effectifs
des envahisseurs furent toujours assez faibles et l'avantage démographique
reste à l'élément 'romain'. Que deviennent dans ce monde bouleversé, en quéte de nouveaux équilibres, les notions de Romains et d'étrangers? La citoyenneté au sens républicain, ou méme impérial, n'a plus de sens, puisque l'Etat romain a disparu
en Occident. Mais
'la Romanité', autrement entendue,
persiste. C'est ce
qu'il nous faut maintenant envisager.
II. Une Culture qui survit à l'Empire On vient de rappeler les aspects militaires, politiques et juridiques pénétration des Barbares, étrangers dans l'Empire. Comment furent-ils et quelle fut, aprés les violences de l'invasion l'attitude des nouveaux pants? Deux données essentielles qu'il faut tenter de préciser, avant chercher comment, malgré la fusion, la Romanité n'a pas disparu. 133 CTb.
de la reçus occude re-
11, 30, 62; 405.
13 Supra, n. 131. 35 Mazzarino, Silicone, cit., p. 186, n. 2. (ΤΡ. 7, 20, 12 (400) aurait le même ordre:
«laetus alamanus, Sarmata, vagus vel filius veterani» si Sarmata désignait les Sarmatae gentiles de Not. Dign. Occ., XLII, 6, 63 et 64-70. 16 Un «bureau des étrangers» (scrinium barbarorum),
relevant
du
magister
ciorum est signalé par des constitutions orientales du milieu du V* siècle (Nov.
offi-
Théod.
21, 2; 17 avril 441 et CJ. 7, 20, 5 de Léon [457-470] au magister officiorum Patrus). Sur un scrinium Barbaricariorum dans la Notitia Dignitatum cf. les réserves de W. SINNIGEN, “Barbaricarii, Barbari and the Notitia Dignitatum", Latomus 22 (1963), pp. 806-815. 1? La défaite d'Andrinople (378) et le siège de Constantinople par Alaric (395)
pour l'Orient, l'invasion de la Gaule en 406, le pillage de Rome
en aoüt 410 par les
Goths d'Alaric, puis en juin 455 par les Vandales, aprés l'assassinat de Valentinien
modifiérent bien des attitudes à l'égard des Barbares.
26
III,
1.
Attitude des ‘Romains’ vis à vis des nouveaux venus 9?! À part de trés rares témoignages,
elle n'est connue
que
par les écrits
des milieux intellectuels, souvent liés à l'aristocratie, romaine ou locale, et de plus en plus largement marqués par le Christianisme. L'image qu'ils nous livrent est donc partielle, voire partiale. Les controverses religieuses, où s'affrontent chrétiens et paiens, les perspectives apologétiques des premiers, l'idéalisation du passé par les seconds compliquent encore les choses et parfois s'opposent à une appréciation réaliste de la situation. Cette intrusion de la dimension religieuse est fondamentale. Elle conditionne de plus en plus
profondément la réflexion politique, préparant le glissement de la Romania '? vers la Christianitas. On ne saurait d'ailleurs considérer comme un groupe homogène l'ensemble de ces étrangers, méme en ne retenant que les tribus germaniques, Seuls ceux qui se sont établis dans l'Empire, pacifiquement ou par les armes, sont connus des ‘Romains’. Pour les autres, restés en Germanie, on y voit des sauvages farouches, jugement de valeur a priori, dicté par l'ignorance et le sentiment bien ancré de la supériorité romaine. Sentiment que fortifie une certaine conception de l'ordre politico-social, plaçant la forme civique (polis grecque ou civitas de type latin) bien au-dessus de
la tribu (matio), horde
tenue pour inorganisée. Les deux groupes sont fort différents. Si les peuples établis sur le sol de l'Empire, Wisigoths, Burgondes, Ostrogoths, Lombards subissent fortement l'influence romaine, sans pour autant renoncer à leurs usages et à leurs modes de vie, les tribus demeurées en Germanie, Alamans, Bavarois, Saxons, Thuringiens sont beaucoup moins touchées. C'est plus tardivement, 138 Ici encore la littérature est considérable et on ne saurait en donner la bibliographie. E. DEMoucEor (‘“L'idéalisation de Rome face aux Barbares", Rev. ét. anciennes,
70 [1968], pp. 392-408) présente ses réflexions devant trois livres: A. N. SHERWIN-WHITE, Racial Prejudice in Imperial Rome (Cambridge Univ. Press 1967) qui décrit les opinions romaines sur les Germains de César à Tacite; F. PascHoup, Roma
aeterna. Etudes sur le
patriotisme romain dans l'Occident latin à l'époque des grandes invasions (Roma 1967) qui envisage la période allant de la défaite d'Andrinople (378) au pontificat de saint Léon (440-461);
1. Vocr, Kulturwelt
und Barbaren
(Ak. der Wiss. u. der Literatur in Mainz,
Wiesbaden 1967), recherchant ce que représente le "Barbare" pour les Romains des IV*-V* s. Cf. aussi M. FUHRMANN, "Die Romidee der Spätantike”, Historische Zeitschrift, 207 (1968), pp. 529-561;
Y. A. Dauce,
Le Barbare cit. Sur le vocabulaire politique
(im
perium. romanum, regnum Christianorum, etc.) on consultera les analyses des œuvres littéraires de Cicéron à Jordanés faites par W. SUERBAUM, Vom Antiken zum frübmittelalterlichen Staatsbegrif (2° éd. Münster 1970). 19 Le mot apparaît vers 330. Athanase et Ammien l'utilisent; cf. 1. ZEILLER, “L'apparition du mot ‘Romania’ chez les écrivains latins", Rev. ét. latines, 7 (1929), pp. 194-198;
E. FEHRLE, "Romania bei Ammianus
Marcellinus", Philologische
Wochenschrift,
45 (1925), coll. 381-382 et pour l'emploi du mot par Orose SUERBAUM, op. cif., p. 224, n. 10.
19 Etablis dans des régions moins profondément romanisées, les Francs sont, en ce domaine, un peu en retrait. Sidoine Apollinaire (v. 475) écrivant au comte Arbogast signale que le latin n'est plus guère connu en Belgique. A Trèves il a mieux survécu que le droit
romain.
27
par l'évangélisation et l'incorporation à l'Empire carolingien qu'elles prendront contact avec un monde romain déjà bien transformé. Dans les iles, Angles et Jutes, pour d'autres raisons, restent également à l'écart des influences romaines. L'invasion y a fait disparaître beaucoup de l'apport impérial et l'éloignement ne permet guère de recréer des liens. L'invasion des modes barbares est dénoncée par Honorius. À trois reprises, s'adressant au peuple (CTh. 14, 10, 2; 397) et à son préfet de la Ville (CT.
b.t. 3 et 4; 399 et 416), il interdit le port de chaussures parthes
ou de pantalons, ainsi que les cheveux longs. La peine dont sont menacés les contrevenants est sévère: l’exil perpétuel et la confiscation des biens “!. Plus significatifs que l'engouement d'une mode, plus graves par leurs conséquences,
les
mariages
entre
romains
(ou
romaines)
objecte la constitution de Valentinien I* à Théodose !9. sang romain », disait de ce texte A. Piganiol 9. Elle fut d'effet. Lorsqu'en 402 ou 403 Prudence chante dans le cette « descendance unique que tissent les sangs mélés
et
barbares.
On
« Ultime défense du en tous cas de peu Contra Symmachum de peuples divers »
(II, 117-118), il est difficile de ne pas voir dans ces peuples
(gentes) aussi
bien des Germains que divers provinciaux #. Plus tard Cassiodore évoquera ces « anciens barbares qui se sont associés par le pacte nuptial à des femmes romaines » '5. Les exemples d'unions de ce genre ne manquent pas chez les Grands. De curieux ‘échanges’ s'opérent, où le prestige de Rome semble ne pas compter. On a pu signaler des cas de 'Romains' passant aux Barbares pour se soustraire au poids des impôts !*. Autant de signes qui témoignent qu'à tous les niveaux de la société des contacts entre les anciens occupants de l'Empire et les nouveaux venus se sont instaurés. Dire leur fréquence et leur ‘volume’ est impossible. Mais les questions que pose la présence barbare sont assez graves pour retenir l'attention des 'intellectuels', souvent hommes d'Eglise, et pour les amener à exprimer leur sentiment à l'égard d''étrangers' devenus leurs voisins quotidiens 7. Ce fut tout d'abord un jugement sévére, assorti d'une grande confiance 14 J.L. Murca, Le moda barbara en la decadencia romana del siglo IV, Pamplona 1973.
182 CTh.
3, 14, 1 (370 ou 373). Sur la situation de Théodose,
le futur empereur
cf. Amm. Marc. 28, 5. 18 L'Empire chrétien, 2 éd., Paris 1972, p. 193. 14 Avec la belle inconscience de l'orgueil romain, Prudence attribue cette fusion, dont il se rejouit, « aux immenses succès et aux triomphes de l'Empire romain »! M5 Varige V, 14. M6 S. Mazzarino, Aspetti sociali, cit., pp. 32-33. Salvien (de gubern. Dei, V, 5, 21) signale des Romains qui, passant outre à l'«odeur fétide des corps et des vétements
barbares. émigrent chez les Goths, ou chez les Bagaudes bares»
parce
qu'ils
«aiment
mieux
vivre
libres,
sous
un
(sic) ou chez les autres Baresclavage
apparent,
qu'étre
esclaves sous une apparence de liberté ». La part de la rhétorique et le parti pris sont évidents, mais ils se greffent sur des données de fait.
147 On consultera toujours P. CourcELLE, Histoire littéraire des Grandes germaniques,
28
Paris
1948.
Invasions
dans la supériorité romaine et les vertus de l'évangélisation. Pour Ambroise ou Prudence, les Barbares sont des pérégrins et des ennemis (Postes). Avant
tout parce qu'ils sont paiens, mais aussi par leur absence de culture, leur ‘sauvagerie’ '*, Par un mauvais jeu de mot, Ambroise assimile Goth et Gog, le chef des impies, dénoncé par Ezéchiel (38-39) et l'Apocalypse (20, 8). Mais,
pour l’évêque de Milan comme pour le poète, le furor barbaricus sera contenu au delà des fleuves et des montagnes par la puissance d'une Rome que régénère le Christ et que protègent les Apótres, Pierre et Paul. Même hostilité chez les auteurs paiens. Ammien Marcellin, qui écrit aprés le désastre
d'Andrinople, rejette le mythe du "bon barbare". Il ne cache pas sa haine des Germains, pillards et incendiaires, et dénonce moins le peu de valeur des contingents barbares que la germanisation des cadres de l'armée. Hostiles aux Barbares également en cette fin du IV* s. les récits de l'Histoire Auguste. Végèce critique la politique ‘barbarophile’ de Théodose et souhaite que les armées
romaines
comptent
plus
de
citoyens
et
moins
d'étrangers.
Méme
mépris et mémes craintes chez Pacatus, panégyriste de Théodose ou chez Claudien: les Barbares sont des pillards qu'il faut soumettre à la puissance romaine. Si Claudien croit que l'on pourra ensuite les utiliser, Pacatus se refuse à leur confier la défense de l'Empire. L'invasion de 406, le sac de Rome par les Goths d'Alaric en 410 ne permettent plus aux élites intellectuelles de faire confiance à la barriére du Rhin et des Alpes, ni de clamer la supériorité romaine '?. Loin d'accepter les
nouveaux occupants et peut-être pour les avoir vus à l'œuvre, païens et chrétiens s'accordent pour dénoncer ceux qui mettent en péril la civilisation romaine. Ainsi du gaulois paien Rutilius Namatianus qui, en 417, regagne sa patrie dévastée '? et s'en prend à la fois aux Germains, aux Juifs et aux Chrétiens. “Patriote romain", saint Jérôme ne peut cacher sa peine et sa colère devant le sac de Rome. Mais ses réactions affectives sont corrigées par son eschatologie chrétienne. La société romaine, qu'attaquent les Barbares, était minée par son immoralité. L'Empire romain est bien ce quatrième Empire, condamné par les prophètes. Les Barbares sont les agents de la vengeance divine. Certains d'ailleurs passent à la vraie foi, annonce d'un monde nouveau, On trouverait chez Áugustin des réflexions du méme ordre, qui rompent avec le patriotisme romain d'Ambroise. 410 fut un chátiment divin pour ramener les Chrétiens au vrai Dieu. Le mythe de l'éternité de Rome est aban-
donné P', Rome est un Etat qui paie son péché majeur, la libido dominandi. Mais cette Rome terrestre peut étre régénérée par l'Eglise. De leur cóté, les 14 Dans le Contra Symmachum, aprés avoir constaté que « Romains, Daces, Sarmates, Vandales, Huns, Gétules, Garamantes, Alamans, Saxons, Galaulas foulent tous le méme sol et que le ciel est le méme pour tous», Prudence écrit (II, 816-817): «sed tantum distant Romana et Barbara, quantum/quadrupes abiuncta est bipedi, vel muta loquenti ». 19 Sur les réactions au sac de Rome cf. les textes traduits par A. PIGANIOL dans Le sac de Rome, Paris 1964 (Coll. Le mémorial des siécles). 19 De reditu suo, 9-54»
151 Cf. PASCHOUD, op. cit., pp. 242, 270, etc.
29
Barbares sont appelés à devenir chrétiens. Ainsi se profile une société nouvelle, oü les héritiers, souvent indignes, d'une vieille civilisation fusionnent dans une
foi commune '? avec les tribus étrangères arrachées à leur barbarie. Régénération
des
Romains,
éducation
des
Barbares,
tel
sera
l'apport
terrestre
du
Christianisme. Le prétre espagnol Orose, qui compose à Hippone vers 416-417 une "Histoire universelle", distingue mauvais et bons Barbares. Parmi les premiers, ‘le traître’ Stilicon ou les généraux germains. Mais on peut éduquer les Wisigoths d'Athaulf, en leur apportant la paix, la culture et surtout la foi du Christ 9. Quelques vingt ans plus tard, le prêtre marseillais Salvien (de gubernatione Dei, vers 440) va plus loin. Dénonçant les vices des Romains, il idéalise leurs adversaires, excuse leurs fautes par l'ignorance du vrai Dieu, et justifie leur victoire. S'ils ont vaincu Rome, c'est qu'ils étaient
moins coupables. La où ils sont devenus maîtres, la moralité renaît *. Contemporain de Salvien, mais de famille aristocratique, Sidoine Apollinaire (431/432-487/489), grand propriétaire d'Auvergne, gendre de l'éphémére empereur Ávitus, préfet de Rome avant de devenir évéque de Clermont, marque au contraire une grande fidélité à la culture romaine. Pour lui les Barbares, contre qui il eut à lutter, restent innacceptables. Il dénonce ces "hordes chevelues", les Burgondes aux cheveux parfumés de beurre rance, une cuisine qui pue l'ail et l'oignon '5. Mais surtout il s'éléve contre leur cruauté et leur ignorance. Ce sont les marins saxons qui « au moment du départ tuent un sur dix de leurs prisonniers. en vertu d'un rite... dà à la superstition » 55, Comment, pour les rendre tolérables, initier ces sauvages à la culture romaine? Quelques années plus tót, dans une Italie tout aussi menacée, avec moins
d'outrance et plus de sens politique, le pape saint Léon (440-461), profondément romain, marque les liens entre l'Eglise et l'Empire. S'il a vu les Huns
d'Attila
(452)
et les Vandales
de Genséric
(456),
il ne parle guère
des Barbares, plus préoccupé d'établir dans un nouvel équilibre les relations entre Eglise et Etat qui esquissent les premières ébauches de la Christianitas 1. Ainsi, avec bien des nuances qu'expliquent les situations locales et la diversité des caractéres, les écrivains chrétiens 1? La conversion
au
Christianisme
se rejoignent
est compliquée
par
dans une com-
la diffusion
de
l'arianisme.
Goths et Vandales sont ariens, ce qui aux yeux des catholiques aggrave leur condition ‘barbare’. 15 A. LippoLp, Rom und die Barbaren in der Beurteilung des Orosius, Diss., Erlangen 1952.
‘
14 De gub. Dei VI, 8, 39, à propos des villes romaines des Gaules et des Espagnes passées 155 156 Collect.
sous leur autorité. Carmen XII. Ep. VIII, 6, 15 (469, selon A. LOYEN, des Univ. de France, III, p. 216).
dans
son édition de Sidoine
Apollinaire,
157 Position analogue d'un secrétaire de Léon, Prosper Tiro dans son Carmen de ingratis (v. 430) lorsqu'il prône une alliance entre l'Etat et l'Eglise contre les palens (barbares) et les hérétiques
30
(ennemis
de l'intérieur).
mune philosophie de l'Histoire, qui garde trés présent le souvenir du temps où Rome seule comptait. Mais pour eux la page est tournée. Un monde s'est écroulé. Un autre voit le jour.
2. Attitudes des Barbares à l'égard de Rome. On a dit comment, dés le IV* s., à des échelons divers, du simple auxiliaire
de l'armée au gouvernement de l'Empire, les Barbares se sont infiltrés dans la société et l'Etat. La ruine de l'Empire en Occident, l'instauration des royaumes nouveaux modifient les données du probléme. Burgondes ou Francs ne sont pas ‘étrangers’ dans leurs royaumes et les vieilles populations locales ont du accepter les nouveaux maîtres. Ce n'est donc pas sur le terrain politique que peut se poursuivre le
dialogue du Romain et de l'étranger '*, mais dans l'instauration d'un nouveau droit et dans les réalités de la vie quotidienne. C'est à ce double point de vue qu'il faut examiner l'attitude des nouveaux maítres.
4) Sans s'engager dans l'épineux débat de "la personnalité des lois" dans
les
nouveaux
royaumes ”,
on
constatera
l'existence,
au
moins
dans
certains d'entre eux, de deux législations parallèles: loi wisigothique et loi romaine des Wisigoths, loi burgonde et loi romaine des Burgondes. Dans ces
deux royaumes, la dualité des législations reconnaissait officiellement la dualité des statuts juridiques de deux groupes de population
soumis
à une seule
maîtrise politique. Ainsi le ‘romain’ persistait sous un roi germanique !*. 158 Sans doute les premiers rois des nouveaux royaumes n'ont pas voulu rompre avec l'Empire. Théodoric, proclamé roi en Italie par les Goths, sollicite une reconnaissance d’Anastase, et Clovis reçoit de cet empereur le diplôme de consul. Mais de tels gestes ne peuvent masquer les réalités politiques et d'ailleurs ils ne se répéteront pas. 19 La territorialité du droit chez les Wisigoths a été défendue par A. GARCIA GALLO, "Nacionalidad y territorialidad del derecho en la epoca visigoda", Amuario de Historia del Derecbo Español, 13 (1936-1941), pp. 168-264. Opinion plus nuancée d'A. p'Oss, "La
territorialidad
del derecho
de los visigodos",
Studi sull'alto
medioevo
111, Spoleto
1956, p. 367 ss. P. D. Kinc, "The alleged territoriality of visigothic law”, Authority and Power. Studies on medieval law and government presented to W. Ullmann, Cambridge 1980, sur la territorialité du Code
de Chindaswind
(642-644).
160 L'édit de Théodoric va plus loin puisqu'applicable aux Goths et aux Romains, il ne prétend étre qu'une compilation de droit romain. On sait les débats sur la paternité de l'Edit. L'attribution ancienne à Théodoric le Grand roi Ostrogoth a été contestée par VISMARA qui l'attribue à Théodoric II (453-466), roi des Wisigoths ("Romani e Goti di fronte al diritto nel regno ostrogotico", Settim. Spoleto III, 1956, pp. 409 ss.); Rasi ("Sulla paternità del c.d. Edictum Theodorici regis", Archivio giuridico 'F. Serafini", 145 [1953], pp. 105 ss.) rejetait également l'attribution au roi ostrogoth et A. p'Ors (Εἰ código de Eurico,
Rome-Madrid
1960, p. 8) le tient pour un édit romain,
probablement
du préfet du prétoire des Gaules, vers 460 pour remplacer le code d'Euric; cf. P. D. Κινο, Law and Society in tbe visigothic Kingdom, Cambridge US. 1972; G. AstuTI, "Note sull'origine e attribuzione dell'Edictum Theodorici regis", Studi Volterra, V, Milano 1971, pp. 647-686.
31
b) D'autre part, même dans les lois faites pour les populations d'origine germanique, l'influence romaine est considérable. Tout d'abord par la langue dans laquelle ces lois furent rédigées et qui est le latin. Latin adultéré et fautif, sans doute, mais qui témoigne d'un désir d'accéder au niveau culturel des vaincus de la veille, Ce que révèle la forme est confirmé par le
fond. Inégalement, beaucoup plus chez les Wisigoths que chez les Francs, chez les Lombards que chez les Bavarois, ces lois empruntent au vocabulaire et aux régles du droit romain. Sans doute font-elles aussi place à de vieilles traditions et, surtout, elles répondent aux besoins d'une société qui n'est plus la société romaine. Mais les Germains ont pleinement reconnu la supériorité technique du droit romain et l'ont utilisée. Lois romano-germaniques, droit romain dans la législation pour les nouveaux venus sont des signes importants de leur volonté de s'intégrer à la culture romaine. c) Ce qu'atteste le droit est confirmé par certains traits de la vie sociale. Dans la langue écrite le latin l'emporte sur les idiomes germaniques. Tous les écrits de l'époque, administratifs ou littéraires, religieux ou civils, sont
en latin et c'est l'héritage de la pensée latine non les traditions germaniques que recueillent les scriptoria du VI° au IX* s. 16, Travail des seuls clercs, il est vrai, et ceci conduit
à une autre remarque.
L'Eglise du haut Moyen Age “vit selon la loi romaine" €, Lorsque Nicolas I“, dans son célèbre rescrit aux Bulgares en 866, affirme le caractère con-
sensuel du mariage, il le dit "suffisant secundum leges" marquant par là que, dans ce domaine important, c'est le droit romain qui reste loi de l'Eglise. On pourrait donner bien d'autres exemples de cette fidélité.
3.
La fusion sociale.
L'onomastique témoigne d'une progressive fusion et du prestige dont jouissent les vainqueurs. Dans une méme famille voisinent noms romains et germaniques, Dès le VI* siècle, des Gallo-romains cédent à la mode, en adoptant des noms germaniques. Au delà de ces signes, il serait important d'atteindre les réalités sociales, Malheureusement ici notre information est courte. La vie des petites gens est presque inconnue . I] faudrait d'autre part distinguer selon les régions:
l'Italie, où tout naturellement
161 Cf, sur cet aspect P. RICHÉ, Education et culture dans l'Occident barbare, VI-VIIT siècles, 3* éd., Paris 1973.
162 L'adage figure déjà dans la loi ripuaire (61, 1). C. G. Fünsr, ("Ecclesia vivit lege romana", Zeitschrift der Savigny Stiftung für Rechtsgeschichte-KA, 61 [1975], pp. 17-36) étudie les manifestations de ce principe à propos de l'organisation des circonscriptions ecclésiastiques, du consentement matrimonial, de la procédure et de la personnalité des lois. 16 La vie de saint Lupicin montre le peuple exultant devant l'arrestation du noble gallo-romain qui avait livré Narbonne aux Goths (cité par M. B. BRuGUIÈRE, Littérature et droit, cit., p. 206). Mais que vaut ce témoignage isolé et quelque peu suspect?
32
la tradition romaine reste puissante; le sud de la Gaule qui avait été profondément romanisé; les pays au nord de la Loire, beaucoup moins marqués par Rome; plus loin encore Belgique, Germanie, îles anglo-saxonnes.
L'évolution de la noblesse de Gaule, étudiée naguère par Stroheker '*, offre un bon exemple d'une fusion progressive. Profondément attachée à Rome au V* s., occupant parfois de hauts postes dans l'Empire à son déclin 5, vivant dans le souvenir du passé romain plus qu'attentive aux bouleversements de son temps, acquise de bonne heure à l'évangélisation chrétienne, cette noblesse évolue peu à peu d'une classe sénatoriale romaine vers une aristocratie terrienne gauloise. Progressivement elle se met au service
des Mérovingiens, fournissant des fonctionnaires du palais, des ducs, des comtes, mais aussi des évêques 5, des abbés, fondateurs de monastère "7. Par ces hautes fonctions, civiles et religieuses, elle se trouve engagée dans la vie du pays et, dans une certaine mesure, tend à la diriger. Ainsi s'opére une fusion, où la tradition romaine, qui représente un passé révolu, céde devant les forces jeunes des nouveaux occupants. Vers la fin du VI° et le début du VII siècle la culture romaine tend à disparaître. Déclin inégal selon les régions. Plus marqués par Rome, le Midi et le sillon Saóne-Rhóne résistent davantage et plus longtemps. Mais la décadence est nette. On n'en retiendra comme signe que la médiocrité de la chronique du Pseudo-Frédégaire, dans la Bourgogne de la première moitié du VII* siècle, ou le déplorable latin des conciles gaulois de cette époque. Les 'sénateurs' perdent le contact avec la culture classique. Certaines vieilles familles s'éteignent, en partie par l'entrée dans les ordres des plus prestigieux de leurs membres !*. Quelques rares mentions de senatores romani, souvent suspectes, se rencontrent
encore
au VII*
siècle, Didier, évêque de Cahors
et son frère Syagrius, comte d'Albi, figurent parmi les derniers de l'aristocratie gallo-romaine. Aux VII*VIII* s. se forme aristocratie, appuyée sur une richesse fonciére qu'elle doit aux princes et à ses usurpations (souvent sur les biens d'Eglise).
(630-650),
représentants une nouvelle libéralités des C'est elle qui
fournit les conseillers des rois, les cadres de l'administration, l'élite du clergé,
sans qu'une distinction reste possible entre les deux composantes de la société mérovingienne. Dans de telles conditions le qualificatif de ‘Franc’ n'a plus au IX* siècle aucune signification d'appartenance ethnique. Le ‘Franc’ est un homme libre par opposition au servus 9. L'Italie lombarde fournirait 14 K.I. SrRoHEKER, Der senatorische Adel im spátantiken Gallien, Tübingen 165 Avitus, originaire d'Auvergne
1948.
et dont la famille a fourni de hauts fonctionnaires
à l'Empire à la fin du IV* et au début du V* s., est proclamé empereur par ses troupes prés d'Arles en 455 avec le soutien de Théodoric paulois.
16 M.
HEINZELMANN,
Bischofsherrschaft
Fübrungerschichten vom IV. bis zum VII. 167 STROHEKER, op. cit., pp. 119-123. 168 Cf. STROHEKER, op. cit., p. 135.
in
et l'appui
Gallien.
]bt., München
d'une
Zur
assemblée
de nobles
Kontinuität
rômischer
1976.
19 Cf. F. THIBAULT, "La condition des personnes en France du IX* s. au mouvement communal", Rev. historique de droit français et étranger, 14 (1933), pp. 707-708.
33
l'exemple d'une transformation analogue !”, Alors que les Ostrogoths avaient cherché à s’intégrer au monde romain, la conquête lombarde opère ce que
l'on a pu appeler "la révolution barbare” "', La classe dominante italienne disparaît. Au VII* s. c'est ‘le silence” sur les Italiens; les épitaphes ne font état que de Lombards. Seuls leurs mariages sont connus. C'est dans la survie des particularismes municipaux que les vaincus cherchent un refuge. Ainsi, le plus souvent, la fusion tourne au profit des envahisseurs. Ils ont, par la force, occupé le terrain et se sont assurés le pouvoir politique. Mais s'ils sont de plus en plus les maítres d'un sol dont ils tirent leur richesse, s'ils détiennent le pouvoir et le contróle de l'administration, leur puissance économique et politique, leur primauté sociale n'ont pas réduits à néant la *Romanité'. Le dualisme du Romain et de l'étranger, transposé sur une terre oü l'étranger est maître, prend, par la force des choses, un aspect nouveau. Il ne s'agit plus de l'affrontement
entre
les Romains
et ‘les autres’, mais
du maintien d'une culture et d'un idéal, venus de Rome et soutenus par son souvenir, dans une société où trop souvent dominent la violence et la grossièreté.
4.
Persistance de valeurs romaines
Le droit ici encore fournit un témoignage précieux. Il offre en effet la preuve
irréfutable de survivances
romaines,
mais
invite en même
temps
à
en mesurer l'exacte portée. A la suite de l'éphémére reconquéte justinienne, le droit romain avait été réintroduit en Italie par la Pragmatique Sanction pro petitione Vigilii (554). Le droit de Justinien devait ainsi supplanter celui du Code Théodosien aussi bien que l'Edit de Théodoric. En fait, ni les écoles ni la pratique ne se plièrent à cette nouveauté et bientôt la conquête lombarde porte un coup grave au droit romain, Mais on a montré combien était exagérée l'idée d'une ruine totale de la tradition juridique romaine par les Lombards !?. C'est ainsi que le prologue de l'Edit de Rotharis (643) reproduit le début de la Novelle 7. En Espagne, où l'élément wisigothique était minoritaire et où l'occupant ne refusait pas tout apport romain, le droit romain conserve une place de choix !?, Son influence est sensible sur le Code de Leovigilde
méme
(568-586)
et
au milieu du VII* s. sur le Liber Judiciorum de Receswinde (654).
10 P.M.
Arcari,
Idee e sentimenti
T! P.M.
ARCARI,
op.
politici dell'alto medioevo,
cit., pp.
261-274.
cit., p. 261.
I7 Cf. par exemple B. ῬΑΆΛΌΙΒΙ, Storia del diritto italiano, Le fonti nel Basso Impero e nell'epoca romano-barbarica, Lezioni, Napoli 1951, pp. 287-289. moria
13 Cf. A. p'Ons, "Ius Europaeum?", L'Europa di Paolo Koschaker, I, Milano 1954, p. 450,
Meréa et d’A. García-Gallo.
34
e il diritto romano, Studi in men. 2, invoquant les travaux de P.
En Gaule 15 le testament de type romain est employé presque jusqu'au milieu du VIII* siècle, A la fin du X°, une donation marseillaise invoque l'autorité de la “loi romaine" "5, Les formules de Tours et d'Angers se referent à la loi romaine. En Provence, Foucher se marie en 909 iuxta legem meam romanam '", Des actes du Viennois de la première
moitié du X* siècle, re-
latifs au mariage, font aussi référence à la “loi romaine" "*, C'est encore à elle que se référe une charte d'aliénation de la liberté '?. On ne multipliera pas de semblables exemples. Certains lettrés, parmi les hommes d'Eglise, se flattent d'ailleurs d'étre bons connaisseurs du droit romain (essentiellement le
droit du Code Théodosien) et d'en faire application ‘*. Et l'on ne peut oublier la place qu'Isidore de Séville donne à la tradition juridique romaine dans ses "Etymologies" !!!, Que valent ces références ou ces prétentions? Il serait facile de montrer que, s'ils invoquent le droit romain, formulaires et chartes le connaissent mal et ne l'appliquent guére. Les usages germaniques le plus souvent l'emportent !? Dans le domaine culturel les choses ne sont pas moins complexes '*.. Jl faut distinguer selon les pays et les époques et, méme à l'intérieur des groupes dirigeants, les seuls qui puissent accéder à une certaine culture, selon les personnes. Les rois burgondes ou wisigoths n'en sont guére soucieux, alors que Théodoric, élevé à Constantinople, fait figure de mécène. Ses successeurs en Italie se montreront au contraire hostiles à la culture romaine. En Gaule, Chilpéric est un 'lettré' !#, L'aristocratie barbare refuse le plus souvent les usages romains. Ses
T^ Nous ne rappelons ici que quelques exemples significatifs. Nous avons autrefois recherché les "Survivances romaines dans le droit de la monarchie franque du Vème au Xème siècle” (Tijdschrift voor Recbtsgeschiedenis, 23 [1955], pp. 149-206, reproduit dans La formation du droit canonique médiéval, London 1980). 175 Testament de l'abbé Virey de Flavigny (premier quart du VIII‘ s.) et testament d'Abbon (739). 176 Donation de Guillaume, comte de Provence à son fils (Gufrarp, Cart. de St. Victor de Marseille, II 509) en 979.
17 Chartes de Cluny I, n. 105: « Ego Fulcherius... desponso micbi iuxta legem meam romanam ». 178 Ibid., n. 229 (922); 439 (955); 686 (946). 19 Ibid.
n. 30:
«..in
potestate
Alariado...
ad
integrum
estatum
lege romana se tradidit ». La suite du texte explicite cette référence:
suum
secundum
«quod
insertum
est "quod omo bene ingenuus estatum suum meliorare et pegiorare potes" », ce qui est une citation de Sent. Pauli II, 18, 1, texte qui figurait dans la loi romaine des Wisigoths. 180 Exemples pour les VI-X siècles dans WRETSCHKO, "De usu Breviarii", dans le
T. I, 1 de l'édition du Code Théodosien de Mommsen (Berlin 1905), pp. CCCXIX-CCCXXI. 181 Cf, pour certains aspects, notre étude "La doctrine des sources du droit dans le Décret de Gratien", Rev. de droit canonique, 1 (1950), pp. 14-20 (= La formation du droit canonique médiéval, London 1980). 12 Nous nous permettons de renvoyer pour des exemples à notre étude citée supra, n. 174. 18 P. RicHÉ, Education et culture (cité supra n. 161).
14 P, RicHÉ, op. cit., pp. 267-269.
35
enfants reçoivent une éducation militaire et ne fréquentent guère les écoles romaines. Exemples que suit pour partie la jeunesse ‘romaine’. Là où persiste un souci culturel, il est affaire de petits groupes de lettrés. Dans la Gaule
franque quelques familles 'sénatoriales' maintiennent la tradition romaine en plein VII* siècle. Mais, méme dans la Gaule au Sud de la Loire, plus romanisée, la culture classique s'appauvrit peu à peu faute d'élément nouveau. Elle disparait vers le milieu du VII* s., alors qu'elle persiste mieux, soutenue par un clergé de meilleure qualité dans l'Eglise wisigothique. Dans quelques foyers monastiques cependant se prépare un renouveau, une nouvelle culture, chrétienne
avant
tout,
mais
qui,
à cóté
de la Bible,
se nourrit
des
souvenirs romains. Ses premiers foyers sont dans les chrétientés celtiques insulaires. De là, vers la fin du VII* siècle, bénéficiant d'une certaine stabilité politique, elle gagne le continent. Ce sont des centres religieux, monastéres bénédictins et fondations colombaniennes qui, en Gaule et dans la Germanie rhénane, suscitent un renouveau littéraire et artistique où le latin et les grands thémes politiques, religieux, littéraires témoignent de la survie romaine.
Conclusion
Arrivés à ce stade de ce trop long rapport et pour conclure notre enquête
tentons de dégager les traits essentiels des relations entre 'citoyen romain' et ‘étranger’, lorsque s'affirme l'empire carolingien. L'opposition du civis et du Barbare s'est évanouie dans la fusion d'une cohabitation imposée. Mais le mot de Romanus persiste. Il est revendiqué avec quelque fierté, aussi bien dans des textes littéraires que dans des actes juridiques, tandis que d'autres esprits, marqués par l'orgueil conquérant, y verraient plutôt une insulte, ‘Romain’ évoquant le manque de courage guerrier et la déchéance d’une vie de plaisir. On ne saurait donc dire que le dualisme ait totalement disparu. Son souvenir au moins subsiste. Pour les raisons indiquées plus haut, le clivage est d’un autre ordre. L'héritage romain a été avant tout conservé par des gens d'Eglise, qui l'ont utilisé, Non pas tant d'ailleurs au profit d'une autorité de l'évéque de Rome Car, si sa Primauté est reconnue, elle ne se traduit que rarement par des
actes d'un pouvoir hiérarchique 5, C'est l'Eglise toute entière qui est "sous la loi romaine" et veut se rattacher à l'Empire romain. Certes celui-ci a disparu en Occident et Constantinople est trop loin et vit trop différemment.
155 En 816 le sacre de Louis par Etienne IV marque la place décisive de la papauté dans l'Empire. Dans la seconde moitié du IX* siécle, avec Jean VIII (872-882), la papauté veut faire de l'Empire sa chose et de Rome sa capitale. En 875, Charles le Chauve est "fait empereur" par le pape (cf. Forz, L'Idée d'Empire en Occident du V* au XIV* s., Paris 1953, pp. 35-43).
36
La restauration impériale carolingienne affirme avec éclat que l'Occident n'a pas besoin de Constantinople !%. Marqué par l'Eglise, relevé par les Carolingiens, l'héritage de Rome dans le monde occidental conduit à opposer ceux qui vivent à l'intérieur de lEmpire, nourris de la foi chrétienne, se voulant les héritiers de Rome, et ceux du dehors, étrangers et paiens, hommes sans culture et sans organisation politique. Glissement de l'Empire vers la Chrétienté !”, avec des contours géographiques communs; rajeunissement de la culture romaine par la foi chrétienne; forme nouvelle de civilisation sans doute, mais oü persiste l'idée d'une civilitas, qui implique organisation politique (πόλις = civitas), mœurs 'civilisées', culture d'inspiration classique. S'il n'est plus guère de mise de parler de civis romanus, par bien des traits persiste une civilisation romaine.
186 Sur cette restauration cf. FoLz, op. cit., qui souligne le souci de Charlemagne
de
ne pas offenser l'empereur de Constantinople en ne mettant pas en question son titre de βασιλεὺς τῶν Ῥωμαίων (pp. 33-34). 1? Dont
on ἃ pu
dire
qu'il
s'agissait
moins
d'un
territoire
que
d'une
"mystique"
(DELARUELLE, "Charlemagne et l'Eglise", Rev. d'bist. de l'Eglise de France, 39 [1953], p. 196).
37
PAOLO BREZZI
LA 'ROMANITÀ'
DEL
SACRO
ROMANO
1. Per intendere la 'romanità' del Sacro Romano
IMPERO
Impero
medioevale
dobbiamo partire da una constatazione molto semplice ma troppo spesso dimenticata: gli uomini del Medio Evo hanno sempre ignorato una 'caduta' dell'Impero antico, non hanno mai creduto ad una sua 'decadenza'. Non solo
la nota data dell'anno 476 non diceva loro nulla — ed anche per noi oggi significa storiche ficative. esercizio
ben poco, né è più presa come una spartizione tra due epoche — ma non ve ne era un'altra che segnasse cesure profonde e signiVi potevano essere ovviamente vacanze di titolari, interruzioni di del potere, ma questo à un fatto normale in qualsiasi istituzione
e luogo e non può assurgere a momento
storico decisivo. Quando
Odoacre
depose Romolo Augustolo dichiarò all'imperatore d'Oriente che “bastava un solo sovrano all'Impero”, ossia non mise in dubbio l'esistenza di quest’ultimo né intese spezzare alcunché; la grande riconquista occidentale compiuta
da Giustiniano qualche decennio appresso parve una riconferma della continuità imperiale, o, se cosî vogliamo dire, della chiusura di una parentesi di vacanza, e fu una riconferma della vitalità ed unicità dell'Impero romano, che solo noi oggi — conoscendo quello che avvenne in séguito — chiamiamo antico e riteniamo differente dal successivo.
I diversi reguli barbarici stanziati nell'Europa occidentale non mostrarono interesse per quel problema; sussistevano rapporti economici e magari diplomatici con l'Oriente, ma la vitalità di quegli Stati era troppo circoscritta e di modesta levatura giuridica per far sentire con urgenza e impegno la questione imperiale e romana. Vi fu solo Teodorico, re degli Ostrogoti
residenti in Italia, che, sia per ragioni di coabitazione sia per pi acuita coscienza politica, avverti il valore dell'idea di Roma, si occupò di restaurare la città, cercò l'intesa con l’altera pars, ma, come
e male, e la vagheggiata divisione di compiti programmi
è ben noto,
tra romani
fini presto
e goti crollò, i
(un po’ utopistici) di un Boezio o di un Cassiodoro si rivelarono
inadeguati di fronte ad una situazione che diveniva sempre piá tragica. 2. Forse
il momento
decisivo
per
un
‘tournant’
ideologico-politico
si
ebbe durante il secolo VII, al quale giustamente il Centro dell'Alto Medio 39
Evo di Spoleto dedicó una Settimana di studi, che servi ad illustrare quella 'cerniera' storica durante la quale andó delineandosi il nuovo volto del. l'Occidente europeo; la Roma sacra o papale divenne il punto d'incontro di
tutte le forze emergenti, la stella orientatrice dei popoli che si affacciavano sulla soglia della storia. Vi fu, come ? stato detto, un "grande concepimento di civiltà", che serví sia a vincere l'isolamento in cui le forze barbariche tradizionalistiche volevano mantenere le loro genti disprezzando gli "imbelli" romani, sia, all'estremo opposto, a sconfessare i conservatori qui-
ritari che non comprendevano la fecondità di un'apertura verso vati. In definitiva, essendosi fatta strada una concezione politica una vittoria della cultura e civiltà di Roma nella continuità nelle trasformazioni che la realtà imponeva. Quello che avvenne in séguito non & che l'applicazione di cipi; intorno
agli anni 730 cessarono
i nuovi arripiá civile, fu di un'idea e questi prin-
i pontefici di origine greca o siriana,
venne una nuova dinastia in Gallia, tra i Longobardi apparvero sovrani arditi e decisi, quindi vi furono scontri, mutamenti violenti di titolari, e tanti altri
episodi ben noti, ma alla fine si arrivò — come tutti sanno — alla renovatio dell'Impero nella notte del Natale dell'anno 800: un titolare del regno Franco, Carlo detto per antonomasia "magno", ricevette la corona da un papa, Leone III, tra le acclamazioni già programmate del popolo romano che inneggiò al novello Augusto. Ho detto “rinnovazione” dell'Impero, ma va chiarito che nessuno pensò che si trattasse di risuscitare un morto, al piá si spiegò che era una franslatio del titolo dai Greci ai Franchi, dall'Oriente all'Occidente, come era già passato da questo secondo al primo al tempo della fondazione di Costantinopoli. Romanità
indiscussa, dunque, allora e in tutti i secoli successivi, nondi-
meno Carlo e i suoi successori — tolte alcune eccezioni (Ottone III soprattutto) — ebbero ben poco di romano nel costume e nella concezione del potere ed anche nella residenza (i candidati venivano a prendere la corona in città, davano qualche disposizione, inviavano i loro messi per difendere i pontefici se era il caso, ma le strutture statali si basavano su ben altre nozioni politiche). Forse fu proprio questa ambiguità di fondo ad indebolire l'istituzione imperiale nel Medio Evo: un grande ideale, un forte richiamo storico, un'ammirazione del luogo sino a farne quasi un qualcosa di magico, una sincera coscienza del proprio compito e degli obblighi annessivi, però nessuna o scarsa consistenza delle strutture essenziali per adempiere la funzione spettante al titolare, quasi una congenita incapacità di capire e di farsi capire dagli abitanti, una dualità con l’altra grande autorità veramente romana, ossia il papato, che aveva radici locali e agganci familiari e patrimoniali, anche se era quasi di continuo insidiata da avversari e degradata dalla pessima condotta personale di molti esponenti della carica. La ‘romanità’ ebbe, nel corso dei vari secoli medioevali, molteplici acce-
zioni: la "Roma sacra" dei martiri e della Santa Sede (con tutti gli uffici direzionali via via sempre più efficienti) che attirava i pellegrini (o ‘‘romei’”’); la Urbs regia, ossia imperiale, con le sue rovine maestose, le leggende e — cosa quanto mai sintomatica — l’esercizio del diritto romano classico 40
in molte cause discusse colà, anche se attore e convenuto fossero seguaci di
altre leggi; infine la città "dei romani di Roma" per dirla con formule attuali, quei cittadini — pochi, rissosi, poveri — che vantavano il diritto ereditario di disporre delle corone, cercavano uno spazio autonomo tra i due poteri universali agenti in Roma; essi restaurarono il Senato nel 1143 (renovatio Senatus), un gesto affine all'origine e sviluppo di tanti altri Comuni cittadini italiani in quel tempo — anzi, anche assai prima — ma ovviamente per Roma 1] fatto acquista ben altro significato, prende un nome classico per indicare il modesto consiglio municipale e vengono avanzate subito richieste, sia al papa sia all'imperatore, di poter fruire di esazione di tasse, di giurisdizione, di attività economiche, ecc.
E superfluo avvertire che queste tre linee di volta in volta s'intrecciarono o si diversificarono creando alleanze od antagonismi, dando luogo anche a composizioni letterarie non spregevoli ed a dichiarazioni altisonanti che ben presto si svuotavano di contenuto reale; rimane nondimeno il fatto indubbio di una presenza effettiva di 'romanità' (si pensi finanche alle medaglie o bolle auree raffiguranti simbolicamente la città con i suoi edifici più tipici e con motti solenni: Roma aurea, eterna, nobile, ecc.), che aveva le radici nell'antichità, si era modificata in séguito ma senza fratture o deformazioni radicali,
continuava a vivere ed agire adeguandosi ai tempi ed alle circostanze senza curarsi delle accuse
(talora sferzanti,
sanguinose)
che le erano
mosse
dagli
"stranieri", scandalizzati dell'affarismo, corruzione, malcostume imperanti tra laici ed ecclesiastici, nobili e popolo.
3. In questo rapido e sommario excursus della ‘romanità’ imperiale nel Medio Evo rimangono ancora due momenti da evidenziare: il governo degli Svevi e il pontificato di Bonifacio VIII. Pur nella profonda diversità che li distingue, i due Federico Hohenstaufen si rifecero all'idea di Roma, usarono
il diritto romano per rivendicare i loro diritti (i giuristi di Bologna!), cercarono in varie occasioni di imporre direttamente la loro sovranità sulla città — che tuttavia non si dimostrò mai troppo amica di governatori cosî severi — e, quando faceva loro comodo, ne esaltarono le antiche glorie promettendo di farle rivivere. Fu soprattutto il secondo Federico a dare l’impressione di volere essere l'autocrator di tipo classico con le sue Constitutiones, la curia maxima, l'invio del carroccio milanese perché fosse esposto in Campidoglio (esiste tuttora la superba iscrizione laudativa); ma tutto finf malamente e il "Manifesto" che suo figlio Manfredi diresse ai cittadini sa troppo di esercitazione letteraria e rimase, infatti, senza alcun riflesso positivo.
Fu invece un papa, di famiglia della Campagna romana, grande giurista, Benedetto Caetani, a presentarsi una volta in pubblico rivestito delle insegne imperiali ed a proclamare: «ego sum papa, ego sum imperator ». Al di là dell'episodio — che potrebbe anche essere stato inventato — rimane il fatto che non solo Bonifacio ma già parecchi suoi predecessori (i cosiddetti "teocratici") rivendicarono per sé il diritto di disporre delle corone (e, nella fattispecie, di quella imperiale, che era la più legata alla Santa Sede) adducendo
41
anche falsi documenti (la famosa donatio Constantini ed altri testi apocrifi), rifacendosi ognora alla storia, all'idea, al "mito" di Roma una ed eterna. Tutto questo processo ideologico confluf, come & ben noto, in Dante Alighieri, che nella sua Monarchia diede all'Impero romano e al popolo di quella città il posto d'onore, un compito storico altissimo (anche se ormai era una posizione anacronistica quella del Sommo Poeta); ma per restare strettamente al nostro argomento, nella delineazione del "volo dell'Aquila (imperiale romana)"
contenuta nel canto VI del Paradiso (Giustiniano) non
c'é il minimo segno di una rottura di continuità tra il primo e il secondo Impero, tra un ante e un post "caduta di Roma”, tra Antichità e Medioevo. Il crollo sarebbe avvenuto quando la Chiesa romana vide respinti i suoi titoli (una, cattolica") da parte dei riformatori evangelici e quando l'Impero divenne ("de facto" non "de iure") press'a poco uno Stato tra gli altri in Europa. La "santa romana repubblica" medioevale — continuazione ideale, pur con le innovazioni sopraggiunte, del passato — finf, ma la romanità antica "rinacque" librandosi nei cieli beati delle lettere, dell'arte, della cultura filosofica e scientifica,
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LUIGI PROSDOCIMI
ROMA COMMUNIS PATRIA NELLA TRADIZIONE GIURIDICA DELLA CRISTIANITÀ MEDIEVALE 1. La tradizione di Roma,
*provvidenzialità' accompagna
e la coscienza della sua ‘predestinazione’ o
tutta la storia dell'Occidente e non solo di
esso, e questi Seminari internazionali “Da Roma alla Terza Roma" ce ne stanno
dando — se mai ce n'era bisogno — profondite
una documentata conferma, con le ap-
e sistematiche analisi rivolte un po' in tutte le direzioni, sia di
luogo che di tempo, e sotto i profili dottrinali e istituzionali piá diversi. In questo quadro i titoli encomiastici che sono stati attribuiti a Roma, a partire dal periodo classico e fino ai secoli medievali e rinascimentali, appaiono particolarmente carichi di significato, andando quasi sempre al di là nella loro 'fecondità' e nelle loro conseguenze storiche, di una possibile retorica che si può talvolta cogliere al loro sorgere. C'è infatti nel ‘mito’ di Roma caput mundi e "città eterna”, nella sua tradizione come nella vicenda dei titoli che sono stati ad essa via via attribuiti, una carica di significato che ha sempre attratto e sgomentato la coscienza comune dei posteri, cosf come la riflessione dotta e lo stesso pensiero storiografico. Né qui è il caso di affondare nel grande mare di questi studi. Per quanto riguarda il periodo tardo-antico e medievale ricorderò, per fare solo alcuni nomi, anche se tra i pit significativi, gli studi di Arturo Graf, di Fedor Schneider, dello Schramm, e da ultimo, anche per il periodo classico, quello di Lidia Storoni Mazzolani. Le loro importanti ricerche possono servire di punto di partenza a chi voglia addentrarsi in queste affascinanti tematiche !. Per parte mia, in questo mio breve contributo, vorrei solo prendere rapidamente in considerazione uno dei ‘titoli’ che Roma vide attribuirsi, quello 1 A, Grar, Roma nella memoria e nelle immaginazioni del Medio Evo, 2 voll., Torino 1882-83; F. Scunemer, Rom und Romgedanke im Mittelalter, München 1925 (e rist. anast., Koln u. Graz 1959); P. E. ScHuraMM, Kaiser, Rom und Renovatio, 2 voll., Leipzig u. Berlin
1929;
L. Sroroni
MazzoLANI,
L'idea
di città nel
mondo
romano,
Milano
e
Napoli 1967. Il volume di L. SALERNO, Roma communis patria ("Roma cristiana”, 14), Bologna 1968, non presenta, per i suci intenti e per il suo carattere divulgativo, alcun interesse ai fini di quanto stiamo per dire.
43
di communis patria, titolo ricordato solo di sfuggita, e senza alcun ripensamento specifico, dagli autori sopra citati. Né è mia pretesa risalire in modo approfondito e sistematico alla sua origine, certamente antica, come piá oltre diró, ma piuttosto vederne la sua 'utilizzazione', ossia la sua vistosa messa a profitto, nel quadro delle dottrine e delle istituzioni che caratterizzano l'Europa medievale. I secoli a cui piá in particolare si riferisce quanto sto per dire sono essenzialmente quelli culminanti del medioevo stesso, e cioè dal XII al XIV o poco pit oltre, quelli cioè che vedono la rinascita del diritto romano-giustinianeo a Bologna e negli altri Studia, figli dell’ Alma Mater; secoli che vedono anche la definitiva sistemazione delle fonti canoniche, da Ivo di Char-
tres a Graziano, e subito dopo la grande produzione pontificia delle decretali, e la concomitante elaborazione dottrinale dell'uno e dell'altro diritto ad
opera dei glossatori
e commentatori
civilisti, dei decretisti
Quell'età cioè che si ἃ ormai soliti chiamare —
e decretalisti.
secondo una felice denomi-
nazione introdotta dal compianto maestro di alcuni di noi qui presenti, il prof. Gabriel Le Bras — l'età dei "droits savants”. "Droits savants" che non rappresentano tuttavia la creazione e il frutto di un movimento
di idee solo erudito e circoscritto alle Università,
ma
la
realizzazione piuttosto di un disegno globale e intensamente perseguito di ordine, bizantinamente diremmo di faxis, di tutta la società medievale del. l'Occidente, la quale trova cosí una sua sistemazione definitiva, anche se dinamicamente in evoluzione. 2. Dal punto di vista normativo questa sistemazione trova la sua nota caratterizzante nella verticalità dello ius divinum e nella sottomissione ad esso dello ius bumanum; ‘diritto umano' che si articola a sua volta gerarchicamente a vari livelli, a cominciare dai ‘due diritti’ testé citati, il canonico e il civile, aventi valore e vigore potenzialmente universale, per arrivare ai diritti dei numerosi ordinamenti particolari e locali che si subordinano e si coordinano in varietà di gradazioni applicative assai complesse e varie nel tempo e nei luoghi. Nel delineare questo grandioso ed estremamente articolato sistema, ciò che mi sembra non debba essere assolutamente dimenticato è questo carattere di verticalità o, se cosí si preferisce, di apertura verso l'alto (e Gabriel
Le Bras direbbe anche verso l’Al di Là), senza di che il sistema apparirebbe quasi schiacciato, privo cioè della sua cuspide essenziale, come una cattedrale gotica che fosse priva dei suoi fastigi verticalizzanti. Ma forse l’immagine della gotica cattedrale non è abbastanza eloquente e pienamente calzante, in quanto — a mio avviso — lo ius divinum, quello che Graziano nel prologo al suo Decretum compendia nella duplice fonte rivelata della legge mosaica e di quella evangelica (« quod in lege et evangelio continetur »), questo ius divinum — dicevo — è, più che cuspide, elemento portante e forza traente verso l’alto di tutto il sistema. Quando dunque si dà — come si è autorevolmente e felicemente dato — a questo complesso normativo che caratterizza la societas christiana dell’Oc-
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cidente, e cioè la Cristianità medievale, il nome di "sistema del diritto comune", occorre non escludere tale dimensione verticale che trascende il diritto umano positivo, legittimandolo anche a livello appunto di ius commune. Se poi guardiamo a quest'ultimo, come tale, vi ritroviamo quell'articolazione bimembre, già sopra ricordata, dei ‘due diritti’ distinti, ma concordi: le norme per il bene terreno della società, racchiuse nel Corpus iuris civilis, e quelle per la salus animarum, racchiuse nel Corpus iuris canonici,
o —
in altra, e pur
essa legittima, rispettiva competenza — le norme relative al ceto laicale e ai suoi megotia, nel diritto civile, e quelle relative al ceto clericale, ai suoi munera
e ai suoi officia, nel diritto canonico. Sappiamo anche che il nesso tra i due diritti, e le rispettive sfere di competenza, veniva indicato, nella sua stretta connessione dottrinale e operativa, col termine estremamente significativo di utrumque ius, l'uno e l'altro diritto ?. 3. Ma a noi qui interessa soffermarci brevemente sull’altra denominazione comprensiva delle due sfere normative, e cioè quella di ius commune, ove que-
sto ‘commune’ non può non riferirsi all'intero complesso di quell'unico ordinamento
della società dell'Occidente, nel suo momento
culminante, che è la
‘Cristianità’, quella Christianitas che già nella seconda metà del secolo IX il Papa Giovanni VIII aveva chiaramente individuato, usando per indicarla appunto tale termine, nella società cristiana dell'Occidente, fedele a Roma e fatta oggetto di incursioni islamiche che ne minacciavano la stessa sopravvi-
venza . Papa Giovanni
VIII era stato anche, come & ben noto, il pontefice che
aveva più di ogni altro esaltato la funzione di Roma come « civitas sacerdotalis et regia, per sacram beati Petri sedem », affermando che la « Romana ecclesia » è « magistra gentium », e altresí « ceterarum
[ecclesiarum]
magi-
stra »; e che in una lettera diretta a Carlo il Calvo, gli aveva ricordato che la Chiesa romana era la fonte «a qua non solum regnandi, sed et in Dominum verum credendi exordium percepistis », sicché essa «omnium gentium retinet. principatum », e ad essa « totius mundi, quasi ad unam matrem et unum caput, conveniunt nationes » *. Non vogliamo qui affrontare criticamente queste affermazioni e rivendicazioni
che, ad una osservazione
storica
globale,
voglio
dire di Oriente
e
Occidente insieme, hanno spesso del paradossale. Ci basti qui sottolineare 2 Il rinvio agli studi di Francesco CaLasso, e specialmente a Medio Evo del diritto, L Le fonti, Milano 1954, non pud qui mancare; anche se questo felice tentativo di interpretazione globale della storia giuridica europea non manca di valorosi 'precursori' e di continuatori che qui è impossibile ricordare. Per i nessi ius divinum - ius commune e 'diritto comune' - 'Cristianità', rinvio, per il momento, al mio breve studio: "Cristianità occidentale e diritto comune”,
in I/ diritto comune e la tradizione giuridica europea
(Atti del Convegno in onore di G. Ermini, Perugia 1976), Perugia 1980, pp. 313 ss. 3 Sempre valido e fondamentale su questo punto, e sull'individuazione del nuovo significato del termine Christianitas in Giovanni VIII, è lo studio di J. RupP, L'idée de Chrétienté dans la pensée pontificale des origines à Innocent III, Paris 1939. 4 Per questi testi cf. RupP, L'idée, cit, pp. 45 5.
45
che il processo di totale 'utilizzazione' della romanità in esclusivo ambito occidentale, utilizzazione che darà i suoi frutti tra il secolo XI e il XII, con la riforma gregoriana, e la successiva rinascita giuridica e culturale che ne conseguí, trova in tali estreme affermazioni papali del secolo IX il suo fondamento e la sua premessa. Roma ci appare ormai acquisita, in tutta la sua complessa tradizione, al mondo cristiano dell'Occidente, e pienamente 'reincarnata' nel papato, tanto che alla fine del secolo XI Ivo di Chartres non esiterà a ricondurre anche la validità del diritto romano (siamo nel momento in cui l'antico diritto giu-
stinianeo sta ritornando alla luce del sole, affiancando il diritto canonico nel binomio di cui si & detto), non esiterà — dicevo — a ricondurne la validità
all'autorità della Chiesa romana *. 4. Ed eccoci allora, e finalmente, αἱ punto essenziale del nostro discorso: Roma ritorna ad essere — semmai ha cessato di esserlo nei secoli precedenti — communis patria, patria comune di quei nuovi cives romani che sono tutti i cristiani, a qualsiasi popolo o nazione appartengano; cives romani in
quanto appunto cristiani $. I civilisti del secolo XII e dei secoli seguenti troveranno nel riscoperto Digesto
giustinianeo passi appunto
come
questo:
« Roma
communis
nostra
patria est », un frammento attribuito al discepolo di Ulpiano, Modestino (Dig. 50,1,33) 5; o affermazioni dello stesso tenore, anche se fatte incidentalmente, come quella contenuta in un testo di Callistrato (pure del secolo III), a pro-
posito del civis esiliato dalla sua città: « Relegatus morari non potest mae, etsi id sententia comprebensum non est, quia communis tria
est,...»
Ropa-
(Dig. 48,222,18[19]). Questi passi i glossatori e i commen-
tatori medievali, andranno applicando al loro mondo nuovo, che comprende potenzialmente l'intera società dell'Occidente. Qui non é ovviamente possibile seguire la catena di trasmissione di giurista in giurista di tali testi, e le osservazioni e applicazioni che la dottrina 5 Carasso, Medio Evo del diritto, cit., p. 232. Viene qui opportuno, mi sembra, citare due versi che Ildeberto di Lavardin (1056-1133), pochi anni pi tardi, mette in bocca alla Roma cristiana, la quale così si confronta con quella pagana: «Vix scio que fuerim, vix Rome Roma recordor [...] Plus aquilis vexilla crucis, plus Cesare Petrus» (ILDEBERTI CENOM. Ep., Carmina minora, rec. A. Brian Scott, Leipzig 1969, carm. 38: De Roma, p. 26, vv. 7 e 11). $ Ricorderó solo, a questo nei Comment. ad Dig. 49, 15,
proposito, l'affermazione di BARTOLO DA SASSOFERRATO, 14, $ 6: «Quasi omnes gentes quae oboediunt sanctae
matri Ecclesiae, sunt de populo romano ». 7 Un altro testo greco di Modestino sta in Dig. 27, 1, 6, $ 11, testo che, riferito nella versione latina medievale, suona: «...in regia urbe, quae et babetur et est communis
patria».
In
questo
caso
Roma,
communis
patria,
viene
messe
in
rapporto
dialettico colla patria particolare («im propria patria »), e questa contrapposizione ricorda assai da vicino l'analogo rapporto tra ius commune e ius proprium di Dig. 1, 1, 9 (il famoso frammento di Gaio, Omrmes populi), testo sul quale i giuristi medievali hanno molto meditato, trovandovi uno degli spunti pivi fecondi nel dar veste dottrinale al sistema del ‘diritto comune’ della nuova Europa.
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civilistica medievale e posteriore cercherà di trarne. Un'analisi del genere potrà del resto essere fatta con profitto in altra sede, partendo dai civilisti per arrivare anche alle eventuali ripercussioni di tutto ciò sui canonisti, e dovrebbe rivelare interessanti sfumature di sensibilità dei singoli dottori, oltre che sviluppi e maturazioni nel comune sentire di quei secoli che vivono in modo particolarmente intenso il problema della Cristianità medievale *. Per ora credo che, ai fini di questi nostri incontri, sia sufficiente aver cercato di collegare quel communis patria, detto di Roma, simbolo e centro della rinnovata società medievale dell’Occidente, a quello ius commune che pure partiva dalla Roma
"civitas sacerdotalis et regia", trovando in essa il suo fondamento e la sua legittimazione. 5. Mi resta, prima di concludere, di accennare, quasi a mo’ di postilla, a due spunti d’indagine che potrebbero rientrare nel tema che ho voluto fin qui affrontare. Il primo consisterebbe nell’opportunità di esplorare le fonti letterarie romane per vedere quali testi esse ci possono offrire a proposito della presenza, e dell’uso che in essi viene eventualmente fatto, dell'espressione com-
munis patria. Abbiamo sentito alcuni accenni a questo proposito nella bella relazione di Jean Gaudemet [in questo volume, supra, pp. 7 ss.]; io vorrei qui segnalare, come particolarmente feconde e quindi degne di un'indagine attenta le "Storie" di Tito Livio, ove — da una preliminare e sommaria esplorazione da me fatta, consultando le '"Concordanze" elaborate dal Packard" —
ho potuto trovare almeno cinque passi che usano la terminologia di commumis patria, applicandola però non solo a Roma, come ad esempio nel passo: « pro communi iam patria Romam esse », ma anche, e quasi preferibilmente, a singoli altri aggregati sociali, come i Campani e i Macedoni, e una volta addirittura a popoli in conflitto con Roma: « communem patriam defendi ab impetu Romanorum ». Ove ben si vede che l'uso del termine communis patría & ancora ben lungi dall'essere connesso in esclusiva con aperture tendenzialmente universalizzanti, come appunto quelle della Roma imperiale dei secoli successivi, e ancor più con la Roma cristiana e medievale. La seconda brevissima osservazione si riferisce, quasi a contrario rispetto * Mi limito qui a citare, dopo quanto sopra si ἃ detto sulla preminenza della Roma pontificia nel mondo medievale, l’interessante affermazione del ‘magnus practicus' ALBERICO DA Rosate (c. 1290-1360) in Secunda super Dig. novo Comment., Lugduni 1545,
f. 222", ad 1. Roma
papa
cum
curia
sua
(Dig. 50,
1, 33),
(Avignone = Roma!)
$ 6:
«Roma
affermazione
est ubicunque
abilmente
sedet dominus
appoggiata
al testo
di san Gerolamo riportato nel Decretum Gratiani, dist. 93, c. 24. Quanto ai successivi giuristi della ‘culta giurisprudenza', come Andrea Alciato, essi si preoccuparono piuttosto
di ricollegare il tema ai vari popoli, calla del 212 l’Alciato: Quid punctiones libri
alla vicenda del graduale
conferimento
della cittadinanza
romana
dai Latini ai Galli e agli Ispani, fino alla famosa costituzione di Carad.C. Si veda, a questo proposito, la dotta dissertazione appunto del. sit quod vulgo dicitur, Romam esse communem patriam, etc., in: Dis. quatuor, lib. II, c. 21 (Opera, t. VI, Tractatus, etc., Lugduni 1560, f. 65.
9 D. W. Packarp, A Concordance to Livy, voll. 3, Cambridge Mass. 1968, alle voci: "Communis (patria)" e "patria",
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al tema qui affrontato, ad un momento interessante dell'incipiente età moderna, e all'uso del termine 'barbaro', che ieri abbiamo sentito evocare da
vari relatori, e in particolare nella relazione sul problema della 'cittadinanza' dal V al IX secolo dell'illustre collega e amico Jean Gaudemet. Egli ci ha mostrato il procedere nei secoli tardo-antichi e alto-medievali dei termini contrapposti di civis e di barbarus, mentre ci ha mostrato il passaggio dalla cittadinanza romana (civitas) ad una civilitas, romana e cristiana ad un tempo,
da interpretarsi ormai in senso di 'civiltà'. E qui il pensiero corre al ripetuto
richiamo che Dante fa appunto alla bumana civilitas ὃ, Bene, la mia postilla vuole solo qui ricordare che la contrapposizione tra mondo civile e barbari si ripresenterà all'inizio ormai dell'età moderna, e cioè al momento della scoperta del Nuovo Mondo e della conquista e colonizzazione di esso da parte della Spagna. Basti qui citare il titolo del trattato che il domenicano Francisco da Vitoria, teologo e giurista ben noto di Salamanca, ebbe a scrivere nella prima metà del '500, trattato nel quale egli affronta lo scabroso e dibattuto argomento dei tituli validi o meno nella legittimazione di tale ‘conquista’. Eccone il titolo: De Indis, sive de iure belli Hispanorum in Barbaros, ove evidentemente gli spagnuoli sono i cives o, se si vuole, gli uomini ‘civili’ della societas christiana, mentre i poveri Indios, non invasori,
ma invasi, e sottomessi quasi come ‘pertinenze’ del territorio conquistato, sono i novelli barbari ". Anche se il termine di ‘barbaro’, usato a questo proposito dal Vitoria, può essere benevolmente visto come un semplice rivestimento umanistico della realtà del suo tempo, rivestimento a cui non è il caso di dare eccessivo ri-
lievo, resta comunque che da tale intitolazione del suo trattato si può dedurre una riprova, da aggiungere ad altre, e non poche, che la coscienza cristiana del secolo XVI si portava ancora addosso alcune ‘eredità’ negative e limitative, rispetto a quell’apertura universale che pure i termini di romanus e di christianus, e la definizione stessa di Roma communis patria, avrebbero di per sé dovuto far superare in virtü del loro stesso intrinseco contenuto ideale. Ma la storia è fatta anche di queste, e di ben altre, pesantezze!
10 Monarchia, 1, 2, 8: « universalis civilitas bumani generis »; 1, 3, 1: «tota bumana
civilitas »; Convivio, 4, 4, 1: «la humana civilitade »; etc. cf. F. KERN, Humana Civilitas. Eine
Dante-Untersucbung,
Leipzig
1913
(e rist. anast., Aalen
1970).
! F, pe Vicronia, De Indis recenter inventis et de iure belli Hispanorum in Barbaros relectiones, a cura di W. Schátzel, Tübingen 1952.
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PIERO BELLINI
SULLA
BELLUM ROMANUM FONDAZIONE CANONISTICA DELLA IN TERRA SANTA
CROCIATA
1. Il problema della guerra in seno alla ‘respublica gentium cbristianarum': illiceità della guerra mossa ‘contra autboritatem iuris’. — Quando portiamo la nostra riflessione sul tema della guerra, visto in rapporto a quell’insigne esperimento della Europa neo-latina della declinante età di mezzo che fu rappresentato dalla ‘Repubblica cristiana’, non possiamo guardare all'argomento con i criteri che ci sono suggeriti dalla prassi internazionalistica di oggi. Questa — lo sappiamo — accredita la guerra di una duplice funzione. Le assegna in primo luogo un compito giuridico. La considera nel ruolo tradizionale di strumento di autotutela, a cui lo Stato si vede costretto
ad affidare la difesa di una propria posizione soggettiva (giuridicamente sanzionata)
che
sia offesa
o minacciata
dal comportamento
illecito
di un
altro.
Ma — insieme — l’odierna realtà internazionale non ricusa di riconoscere alla guerra anche un compito politico. Consente agli Stati di ricorrere alla forza, non più per far valere una legittima pretesa soggettiva, fondata sull'ordine vigente, ma proprio per imporre agli altri Stati un qualche cambiamento di questo assetto giuridico oggettivo. E in ciò traspare lo stadio di sviluppo della presente società internazionale: fatta di un disorganico aggregato di ‘enti sovrani’, ciascuno portatore di proprie istanze parcellari potenzialmente esclusivistiche, Invece — alla stregua dei princfpi che reggevano la realtà giuridica (pi armonicamente articolata) della respublica gentium christianarum — solo la prima di queste due funzioni poteva reclamare una propria legittimità (ratione rei, come allora si diceva, o propter rem) nell’orbita formale della ecumene cristiana occidentale. Questa — proprio perché disposta in forme di aggregazione più ordinate — era fondata in tal maniera, nei suoi cardini formali, da disconoscere la liceità (non soltanto morale ma giuridica) di un qualunque bellum offensivum o aggressivum fra Principi fedeli. Era la stessa rappresentazione ideale di un superius regimen christianuna (cosí fatto da trascendere, nei modi di una quaedam respublica bominum sub Deo, le aree giurisdizionali dei singoli Potentati positivi, e da ricom49
prenderle in se stesso) che non poteva non essere di freno alla violenza bellica: relegando il suo esercizio nel novero dei comportamenti anomali, da dover giustificare — caso per caso — mediante una apposita discolpa (etica e giuridica) debitamente motivata. Quel postulato pubblicistico veniva a far da ostacolo alla ammissibilità d'una qualunque guerra inter christianos (inter catbolicos) che non si restringesse a una ragione di-
fensiva o recuperatoria o punitiva, da far valere contro un trasgressore del. l'ordine vigente; sí invece oltrepassasse detto limite, e trasmodasse nel proposito di imporre agli altri con la forza la propria volontà imperativa, scac-
ciando gli avversari dalle posizioni già acquisite awthoritate iuris!. À piena legittimazione della guerra non si poteva prescindere dal fatto
che l'antagonista (colui qui bello pulsatur, o qui bello fatigatur) fosse nel torto, o facesse presumere di esserlo: e quindi meritasse di subire la violenza
bellica. Giusto (sinanche doveroso) muover guerra pro defensione tam sua quam patriae seu legum paternarum; pro pace iustitia tuenda; pro oppressorum. Lecito farlo propter res repetendas quae vi ablatae executione iuris, Ammesso — con le dovute precauzioni — anche ad iniurias ulciscendas. Ingiusto, invece, e illecito, prendere le
defensione sunt; pro combattere armi al di
fuori di codeste ipotesi ?. E si trattava di una solida proposizione di principio. La quale (anche se 1 Cosf già Rurino, ai primi passi della speculazione canonistica: «Iustum bellum dicitur propter indicentem, propter belligerantem et propter eum qui bello pulsatur. Propter indicentem, ut ille qui bellum indicit vel permittit buius rei indulgendae ordinariam babeat potestatem. Propter belligerantem, ut ille qui bellum gerit et bono zelo boc faciat et talis persona sit quam bellare non dedeceat. Propter eum qui bello fatigatur, ut scilicet mereatur bello lacerari, vel, si non meretur, iustis tamen praesumptionibus mereri pute. fur », Summa decretorum, in qu. 2, Ca. 23, ed. Singer p. 362. Drastica la conclusione di RuriNo: «...ubi aliquid borum trium defuerit, absolute iustum bellum esse non potest ».
In questa sede — anche in ragione dei piá puntuali scopi della indagine — ci terremo in special modo agli insegnamenti della scienza canonistica. La quale — d'altra parte — mostra d'essere sensibile al problema in maggior misura della contemporanea civilistica. Ció (si direbbe)
non
soltanto a causa
della stretta
interdipendenza che
si dà
in materia fra motivi etici e giuridici; ma anche (forse soprattutto) per via della singolare idoneità del fatto bellico ad incidere negativamente sulle strutture formali della Respublica cbristiana, le quali — per il loro stesso fondamentale di peculiare interesse canonistico.
teo-centrismo —
si presentano
2 Diverse le formole impiegate (quelle riferite appaiono fra le più comuni). Fermo però il punto che lecita è la guerra solo le volte che si fondi su un giusto titolo giuridico; e solo nei confronti della parte che un titolo siffatto possa invocare a suo vantaggio.
È lecita la guerra si fiat authoritate iuris: cioè ubicumque a iure conceditur, e quoad illum cui ius concedit. Altrimenti si ha un bellum temerarium: tale « quoad illos qui boc faciunt contra authoritatem iuris ». E lo è anche le volte che il soggetto passivo della azione bellica, legittimamente perseguito per qualche sua mancanza, nonché porsi in regola, risolva di contrastare con le armi la pretesa giuridica dell'altro: «... mam et qui defendit se contra autboritatem iuris temerarie se defendit: sapienter autem jaceret. si corrigeret vilam suam ». Citt. dall'OsTIENSE, Summa Aurea, in tit. de treuga et pace, $ quid sit iustum bellum,
n. 4, ed. Giunta, 1537, f. 58 v-b; e Lectura in cap. pro bumani (di Innocenzo IV), in VI, de bomicid.
volunt. vel casuali, n. 34, ed. Venetiis, 1581, f. 29 v-a. (La canonistica suole
usare ‘autboritas’ a preferenza di ‘auctoritas’).
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passibile di larghe forzature: non fosse che per la consueta vocazione della scienza paludata di ogni tempo a provvedere di argomenti l’ambizione dei potenti) veniva tenacemente ribadita come un punto fermo della costruzione giuridica del tempo. E anche se spesso disattesa (ce lo attestano innumerevoli doglianze, d'una pubblicistica peraltro non sempre spassionata) essa esprimeva un canone di fondo del regimen christianum: con cui ci si doveva comunque confrontare. Rispecchiava una somma ragione ordinativa: sancita da quel diritto naturale — inteso nel contesto pubblicistico di allora come un ramo del ius divinum — che vincola dall'alto tutti quanti i Potentati della terra:
inclusi quelli che amano atteggiarsi a Principati legibus soluti. 2. Altri limiti alla liceità della guerra derivanti dalle strutture formali della ‘civitas christiana. — Già valeva questa ragione discretiva a porre un primo limite, di non trascurabile portata, all'ambito di azione della guerra lecita. E dalla pubblicistica del tempo (segnatamente aperta a questa problematica) si cercava come promuovere il rispetto della regola: per mezzo soprattutto della individuazione e della messa a punto di tutta una serie di sanzioni a carico del soggetto trasgressore. Il »ovens bellum iniustum veniva collocato in una posizione soggettiva deteriore, a paragone della controparte che invece si battesse iure: per far valere una propria legittima pretesa *. Ma va subito soggiunto come anche al di qua di detto limite, nella stessa ipotesi cioè di un bellum licitum propter rem, altri criteri intervenissero — pur essi radicati nella struttura del sistema — a delimitare ulteriormente la ammissibilità del ricorso al gladius bellicus fra Principi cristiani. Qui non tanto c'importa soffermarci sulle limitazioni d'ordine morale. Le quali (in mancanza d'una più energica condanna ecclesiastica della guerra)
non facevano in effetti che affiancarsi alla qualificazione di illiceità giuridica propter rem: completandola con la semplice istanza interioristica di una recta intentio bellandi nell’animo di quanti avessero parte nel conflitto. Ci si contentava di richiedere che quelli che indicono la guerra, e quelli che 3 E estranea all'ordine giuridico della Respublica gentium. cbristianarum la regola internazionalistica di oggi, per cui — proprio in ragione della intervenuta obsolescenza del discrimine bellum iustum-bellum iniustum — lo status belli (qualunque status belli) comporta
di per sé una paritarietà di trattamento
giuridico per
tutti i contendenti.
Di-
verso discorso si faceva in quel pi antico sistema pubblicistico. Se l'uno si batte giustamente
(si diceva) l'altro non può non essere nel torto.
Di qui — fra l'altro — una sorte giuridica diversa degli acquisti bellici: «... ubi inter christianos iustum est bellum ex parte una, ex altera vero parte iniustum, is qui iuste pugnat omnia occupata sua jacit … bi qui iniustum bellum fecerunt. universa restituere compelluntur »: OsTIENSE, Lectura in cap. 13 excommunicamus, X, de baereticis, 5, 7, n. 14, £. 39 r-b. Scatta il richiamo alla lex bostes, de captivis: «... tales ergo latruncoli sunt, et ad restitutionem: tenentur omnium
ablatorum »; anzi a questa
listica se ne aggiunge un'altra più propriamente etica:
ragione civi-
«... quia non dimitlitur peccatum
nisi restituatur ablatum », OSTIENSE, Lectura in cap. pro bumani, cit., n. 33. Detto altri-
menti — quando ci battiamo contro avversari ingiusti (i quali proprie hostes non sunt) — si determina questa situazione anomala, diciamo claudicante: «... quod de suo ad nos pervenit nostrum fit de facto », ibid., n. 34.
iure,
quod
autem
de
nostro
ad ipsos pervenit
ipsorum
fit de
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debbono combatterla, lo facciano con buono zelo: «... non cupiditate aut crudelitate, sed pacis studio ... ut mali coberceantur et boni subleventur » *. Nemmeno c'interessano i richiami — un po' generici — che solevano esser
fatti ai vincoli di solidarietà (di naturale colleganza) che debbono correre fra gli uomini. Da cui la illiceità (propter causam) di tutti quei conflitti che potrebbero essere evitati con più comprensiva avvedutezza: « μέ si propter
voluntatem et non propter necessitatem pugnatur ». Piuttosto —
ai nostri scopi sistematici —
importano i fattori delimita-
tivi del bellum inter christianos, di questa ‘guerra interna’, già riprovevole per sé, che possona esser fatti risalire allo stesso assetto costituzionale generale della veneranda respublica gentium christianarum. È in essi che si esprimono nella maniera più evidente le peculiarità formali di questo singolare esperimento pubblicistico. Fatt'é che alla già indicata istanza di rispetto dell'ordine giuridico oggettivo, eretta a fondamento sostanziale delle singole pretese commesse al patrocinio della azione bellica, si mostra congiunta — nel sistema — una concomitante ragione di rispetto di certi criteri strumentali: direttamente rapportati ai modi e ai gradi della istituzionaliz-
zazione del potere nell'orbita della civitas christiana. Alla figura di una guerra illecita,
diciamo
#aterialiter
perché
condotta
contra
autboritatem
iuris,
si
aggiunge — in questa logica — l’altra figura di una guerra invece illecita formaliter: quella che — pur incardinata su una giusta causa di diritto sostantivo —
venga però mossa senza aver riguardo a certe competenze, e a
certe procedure *. 4 Dinanzi
alle
vibranti
contestazioni
scritturali
del
gladius
sanguinis,
la
scienza
canonistica e teologica dimostra di far proprio — senza riserve di rilievo — il pensiero agostiniano che riduce la mansuetudine evangelica a un semplice fatto spirituale: facendola consistere non nella ostentatio corporis
(in una
qualche operosità concreta)
sí piut-
tosto nella praeparatio cordis: in un intimo stato di coscienza. Si può essere benéfici ex animo anche se si ἃ duri ex corpore. Si pud essere pacifici — se ci si batte per la pace — anche guerreggiando: «esto ergo bellando pacificus! ». Da cui il concetto che sfida il canone di non contraddizione di un bellum pacatum: di una guerra che insieme è opera di pace:
« Apud
veros Dei cultores etiam ipsa bella sunt pacata, quae
non
cupi-
ditate aut crudelitate, sed pacis studio geruntur ...», cap. 6 apud, Ca. 23, qu. 2. Graziano attribuisce il passo ad Agostino. 5 Glossa ordinaria in princ. qu. 2, Ca. 23. E questo il cosiddetto bellum voluntarium, illecito benché d'uso corrente: «... quo scilicet. principes nostri temporis saeculares utuntur frequentius, et est iniustum », OSTIENSE, Lectura, in cap. pro bumani, de bomicidio, cit., n. 34.
Ci si riportava —
rivedendola in un'ottica cristiana —
è invocata in un notissimo frammento
alla cogmatio quaedam
che
(D. 1, 1, 3) del giureconsulto Fiorentino. E questo
principio di equità naturale («...cum inter nos cognationem quandam
natura constituit,
consequens est bominem bomini insidiari nefas esse ») lo si vedeva confermato e rafforzato dal precetto cristiano dell'amore. « Hoc ius cognationis — si spiegava — et natu-
rale est et firmatum ex praecepto Domini dicentis 'dilige proximum
sicut teipsum' ». E
lo si vedeva come un canone sottratto alla disponibilità giuridica degli uomini: «... boc ius per pactum renunciari non potest … etiam si ad invicem consentiant ... nam civilis
ratio naturalia dirimere non potest », OSTIENSE, Lectura, in cap. pro bumani, de bormicidio, cit., s.v. diffidatur, n. 32.
$ Prescindo in questa sede da tutta Ja tematica (trattata peraltro con ritardo dalla
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3. Incidenza su questa problematica delle energie unitarie della ‘civitas christiana’. — E invero, quando si affronta un tema come il nostro, non si può dimenticare che il regimen christianum dell'epoca intermedia si presenta in effetti conformato, nella generalità dei suoi momenti, a un modulo ideologico di superiore coesione societaria. Esso si impronta al canone ideale
dela
unità
politica
e religiosa
del
mondo
cattolico
europeo: quale ? postulata dalla partecipazione delle nazioni d'Occidente, in capite et in membris, a un comune patrimonio di grandezze trascendenti, di promanazione divina, superiormente vincolanti; e quale si concreta nel fatto della fondamentale coincidenza della società chiesastica, congregata dalla fede e dalla disciplina spirituale, con la società politica ordinata sotto Principi cattolici.
Sta a dire che al ‘monismo ideologico’ della Repubblica cristiana, fatto d'una sostanziale consonanza di valori, tutti armonicamente riducibili a un medesimo codice assiologico, veniva a corrispondere un 'monismo anche giuridico'. Il quale (garantito al vertice dalla decretazione dell'Essere Supremo: di quell'Ente personale trascendente a cui l'e£bos collettivo riconosceva, con pienezza di partecipazione numinosa, il ruolo egemone di caput unum del corpus
cbristianorum:
Deus
est
verus
et summus
Imperator)
si svolgeva
— per quamdam proportionem — nella somma degli ordinamenti giuridici terreni, umani, coesistenti e operanti l'uno accanto all’altro nel vivo della compagine
comunitaria.
Ordinamenti
—
tutti quanti
—
integrantisi
a vi-
cenda: come componenti, distinte ma fra loro coordinate, di un piá vasto sistema complessivo, tenuto appunto assieme dalla suprema delibera di Dio”. E a tutti è noto come questo anelito unitario —
spiegantesi per gradi —
trovasse la prima sanzione positiva, nella avvenuta saldatura storica delle due grandi istituzioni totalizzanti della civiltà neo-latina: chiamate a fare da columina
ala Repubblica
cristiana. Parlo naturalmente
dell'Impero,
sacro e
romano: massimo strumento di aggregazione civile delle nazioni occidentali. E parlo della Chiesa, romana anch'essa: mallevadrice e insieme beneficiaria
dell'ordine imperiale; unificatrice spirituale della intera cattolicità, Si trattava
(superfluo
rammentarlo)
di un
assetto societario
assai
man-
scienza canonistica, e con animo pi incline — si direbbe — a contenere l'ambito di appli cazione
e l’efficacia
dell'istituto, che
non
a favorirne
gli sviluppi
e a potenziarli)
della
cosiddetta treuga Dei. La quale, nella sua azione più immediata, era diretta a porre dei limiti di tempo alla conduzione delle operazioni militari fra Principi cristiani: senza però perdere
di vista
(e questo
fatto accentua
la ‘stranezza’
di un
atteggiamento
canonistico
tanto poco aperto) l’obiettivo più avanzato d'una stabile pace interna fra di essi, anche in ragione d'una loro associazione nel doveroso impegno di combattere insieme l'Infedele, nemico comune della Cristianità tutta quanta. 7 «Sciendum est omnibus fidelibus quia universalis ecclesia corpus Christi, et eius caput idem est Christus, et in ea duae principaliter extant eximiae personae, sacerdotalis videlicet et regalis », Giona pi ORLÉANS, De institutione regia, c. 1, PL, t. 11, col. 998. Nel sistema proposizioni come questa — e le citazioni si potrebbero moltiplicare all'infinito — non si atteggiano a semplici immagini retoriche. Esse sono tutte riferite ad una ecclesia ormai comprensiva della civitas.
53
chevole: lontano — nei fatti — dal raggiungere quella unitarietà di operazione a cui preludevano i principi. Ma esso — come che fosse articolato nel suo interno, e quali punti di attrito presentasse e quali carenze funzionali —
seguitava nondimeno a ambire a un più elevato principio di coesione *. E quindi si trattava di un sistema che — ancorché composito — non poteva guardare che con occhio di sfavore a tutti quei fenomeni, come la guerra, per l'appunto, o la seditio; o come, in spiritualibus, lo scisma e l'eresia, che fossero capaci di creare degli stati di tensione o di rottura entro la compagine sociale. Erano proprio le strutture giuridiche portanti della respublica gentium cbristianarum che non potevano permettere che — anche se fondata su una valida ragione di diritto sostantivo — la mera 'auto-tutela soggettiva’, condotta nei modi della guerra, assorgesse (non solo de iure ma de facto) a strumento ordinario di realizzazione coercitiva di tutte le pretese personali che ogni singolo Signore lamentasse violate o minacciate da un contro-interessato.
La logica intrinseca al sistema postulava che il legittimo ricorso alla violenza bellica non potesse concernere de iure se non un ristretto numero di controversie pubblicistiche. E proprio in questo contesto sistematico trovava diretta spiegazione tutta una serie di ulteriori moderamina, addotti a contenimento dell’uso delle armi fra i Signori della Cristianità. 4. Illiceità della guerra mossa ‘sine autboritate principis. — In questa prospettiva (con speciale inerenza, si direbbe, al momento iniziale della indizione della guerra) appare anzitutto presentata, come prima e imprescindibile ragione di liceità formale della intrapresa militare, una superiore istanza di
rispetto della ‘autorità del Principe’. « Iustum est bellum (si diceva) quod ex edicto geritur »; « nullus ergo bellare potest sine authoritate principis ». E si citavano in proposito tutta una catena di principi di diritto pubblico romano:
«mec licet movere nec portare arma inscio principe »; « et genera-
liter probibitum est ne quis sibi ius dicat »; per richiamarsi in ultimo alla avita lex iulia maiestatis: « ... nam et qui iniussu, id est sine iussu principis, bellum gerit, tenetur lege iulia maiestatis »?. 5 Certo l’autorità apostolica — nella sua montante egemonia — si dimostrava ben capace di dar concretezza di attuazione al proprio principato spirituale, cosi da imprimere ai singoli interventi prelatizi un grado di incidenza sociale marcatissimo. E quantunque si trattasse di puri poteri religiosi, chiamati per sé a operare im spiritualibus, era pur vero che il relativo espletamento riusciva però tale (indirecte et per consequentiam, secondo la formola tecnica del tempo)
da produrre effetti pratici di incalcolabile portata anche in
rapporto ai femporalia: in relazione agli stessi conflitti militari. Carente invece si mostrava — in una misura preoccupante — l'autorità imperiale: mai accettata senza fierissimi contrasti, e di continuo contraddetta; né mai riuscita a importe il suo primato oltre
certi limiti. Eppure questa stessa ‘idea imperiale’ — con tutte le sue manchevolezze — dava comunque vita a un fermo postulato pubblicistico (‘costituzionale’ o ‘sovranazionale’): il quale restava pur sempre un che di impreteribile nella esperienza giuridica del tempo. Restava un ‘principio di diritto’, col quale bisognava — bene o male — far i conti.
3 Ostiense, cit., n. 4.
54
Summa
Aurea,
in tit. de treuga et pace,
$ quid sit iustum
bellum,
Che era richiamarsi a vecchie formole, legate a schemi di governo ormai desueti in molta parte. Ma era rendere anche omaggio al nuovo ‘unitarismo ideale’ del regimen christianum. Ciò che si voleva è che i soggetti (e non parlo delle semplici personae subditae ac privatae, ma degli stessi potentati politici
emergenti) non movessero alla tutela delle proprie ragioni personali di loro piena iniziativa: authoritate seu temeritate propria; sí invece lo facessero nel rispetto delle peculiari prerogative pubblicistiche (‘giurisdizionali’) delle au-
torità sovra-ordinate !°. In questa logica la figura della guerra inter catbolicos prende
a deli-
nearsi in forma autonoma, come strumento funzionalmente definito, solo nella
ipotesi per un periore' propria (questa
che una publica persona — per propria collocazione nel sistema, o semplice fatto occasionale — si trovi a non avere un qualche ‘sua cui rivolgersi: capace di dare concretezza alla potestà eminente di competenza, e disposto a farlo, È legittimato il soggetto a ‘far da sé” la regola) quando non gli sia dato di poter disporre di una simile assi-
stenza:
« ... ubicumque per alium rem suam recuperare vel ius suum persequi
non potest ». Soltanto in questo caso gli è lecito « arma movere et bellum indicere ad recuperanda sua ». E in questa stessa ipotesi (torna a affiorare il solito motivo) detta liceità rimane tuttavia condizionata alla autorizzazione formale del legitimus superior: « … si principem supra se babet, eius authoritate boc faciat et non aliter » "1, Insomma puó ricorrere alle armi «etiam sine autboritate superioris » solo quegli che un superiore non ce lo ha: « … si ipse non babeat ». Altrimenti il suo operato sarebbe temerario, percid illecito: « ... ubi superiorem babet nullatenus debet boc auctoritate seu temeritate sua attentare » ". 10 Sj comprende non
senza sforzo come
porsi in primo luogo nei confronti
una preoccupazione del Princeps
di tal genere
inteso in senso
non
potesse
stretto e proprio:
concepito come vertice formale del sistema, garante della unità formale del sistema. Quel Principe che — a voler essere precisi —
non poteva essere che uno:
un supremus antistes
(e qui si stagliava, is temporalibus, la figura dell'Imperatore dei Romani: dominus et monarcha totius mundi) preposto a tutti gli uomini. Solo che — in un sistema giuridico composito come
quello della Europa
medievale —
la cosa presentava
pi
vaste prospet-
tive. Coinvolgeva anche quegli altri rapporti di soggezione politica (alquanto frammentati) che si davano nel vivo della esperienza giuridica del tempo. Si voleva difatti rispettata la potestà eminente di ogni legitimus superior, qualunque ordine gerarchico costui occu-
passe. Che della civitas normale che τ Citt.
era istanza di non trascurabile rilievo in un contesto formale come quello christiana, fondato su una complessa stratificazione di poteri: nel quale era a un qualche legitimus superior sottostesse la generalità dei potentati politici. da Innocenzo IV (SinisaLbo DE’ FiescHI), Apparatus, in cap. 12 olim
causam, X, de restitutione spoliatorum, 2, 13, n. 18, ed. Venetiis, 1575, f. 96 r-b.
12 Citt. dall'OsriENSE, Lectura, in cap. olim. causam, de rest. spol, cit., nn. 17 e 18, f. 52v-b e f. 53 ra. Ci si seguitava a rifare — in tutto questo — a una remota impostazione agostiniana, ripresa dal pensiero canonistico e teologico. La quale circoscrive il divieto evangelico di metter mano al gladius sanguinis al solo caso di colui « qui mulla superiore ac legitima potestate vel iubente vel consentiente in sanguinem alicuius. armatur ». Il passo (dal Contra Faustum. Manichaeum) è riportato da GRAZIANO nel cap. 36 ille, Ca. 23, q. 4; e fra i teologi è ricordato — ad esempio — da Tommaso, Summa theologica, 2.2ae, qu. 40,
55
5. Illiceità della guerra mossa ‘sine autboritate iudicis’. — Ma nella pubblicistica del tempo (e il punto merita attenzione) questa istanza formale, del rispetto delle autorità sovra-ordinate, parrebbe sottostare ad un processo di più attenta determinazione tecnica: vèlto, si direbbe, a un miglior inquadramento del fenomeno guerresco all’interno del regimen christianum. Detta istanza parrebbe prendere un senso operativo più chiaramente definito: in ragione d'una pit diretta connessione della guerra alla funzione giudiziale,qual & ordinata alla risoluzione autoritativa delle controversie fra subiecti legum. 'Tanto che — in questa angolazione — il legitimus superior finisce con l'assumere l'aspetto piá puntuale di un superior iudex. Già in linea generale (va notato) si adducevano ragioni che tendevano proprio a ricondurre l'intervento autoritativo del Principe a una superiore esigenza di tutela dell'ordine vigente. « Et boc videtur iustum (si diceva del divieto della guerra mossa sine iussu principis) quia nulli licet iura temperare sine autboritate conditoris iurium » δ. Che era un riferirsi al Principe (conditor iurium) proprio come a fattore costitutivo dell'ordinamento: fonte di quella ordinazione giuridica che — a norma dei princfpi — si assumeva che la guerra non volesse appunto modificare, né men ancora sovvertire; bensí attuare nelle forme di una femperatio iurium. Ma nel pensiero dei suoi interpreti codesta preoccupazione pubblicistica parrebbe proprio volgersi nel senso di richiedere il concorso di una pit specifica authoritas iudicis, direttamente rapportata — in chiave strumentale — alla iuris authoritas della quale si è parlato: «... nulli enim licet arma sumere ad alium impugnandum sine autboritate iuris vel iudicis: alias poenam babet cum intelligatur violentia inferri » **. La guerra ne resta ricondotta alla misura d'ultimo mezzo
di coazione
a
cui ricorrere: di estremo rimedio praticabile, le volte che sia stato invocato inutilmente — o sia rimasto senza effetto — ogni altro procedimento autoritativo di attuazione coercitiva. Quando si possa adire un competente giudice (un suus iudex) è a lui che bisogna indirizzarsi. Se ciò non sia possibile (se questo ufficiale manchi, oppure se rifiuti di decidere) ci sarà pur un altro
art. 1. Dice l'OSTIENSE sulla stessa falsariga:
« … εἰ in summa
accipit. gladium
in cap. pro bumani,
gladio est feriendus », Lectura,
qui auctoritate propria cit., n. 34.
B Innocenzo, Apparatus, in cap. olim causam, cit. n. 8. Prosegue SINIBALDO: iure autem
continetur quod
14 OsTIENSE,
Summa
etiam
Aurea,
suam
possessionem
in tit. de treuga
nullus occupare
et pace,
«... im
possit ».
$ quid sit iustum.
bellum,
cit., n. 4. Nessun dubbio che una specificazione di tal genere seguisse anzitutto alla tendenza (distintiva della cultura giuridica del tempo) a porre l'equazione iudex-rex: giacché della funzione di ius dicere si faceva il compito proprio e tipico del Re: «cuius proprium
officium est facere iudicium
et iustitiam ». Ma
è ragionevole supporre
che
la cosa
ri-
spondesse anche al disegno di accentuare la riconduzione della guerra proprio fra gli strumenti di realizzazione del diritto, direttamente o indirettamente
riportabili alla competenza del princeps-iudex:
«... et breviter qui authoritate sui iudicis
recte interveniente accipit gladium, sive iubentis sive consentientis, iustum est », OSTIENSE,
Summa Aurea, cit., n. 3.
56
giudice disposto ἃ sostituirlo: « ... quia unus iudex supplet defectus alterius »; o una qualche altra più alta autorità cui far appello: «si quis non babet copiam iudicis recurrat ad principem » ?. Solo se queste strade non siano percorribili de iure o de facto diventa legittimo ricorrere alla guerra. À ragionare in questo modo veniva spontaneo richiamarsi alla figura pro cessuale della contumacia: del pertinace rifiuto del reus (del soggetto comun que vincolato: obnoxius) a riconoscere e onorare il proprio impegno. Se ne faceva senza meno la condizione-limite del bellum iustum formaliter. « Causa
autem bellandi — si diceva — una sola est legitima: scilicet contumacia iniuste resistentis ». E in un simile contesto — di stampo diciamo cosí processualistico — ci si premurava di soggiungere: « ... tunc demum iuste bellatur cum aliter ab eo qui obnoxius est iustitia baberi non potest » '*. 6. Definizione
dell'ambito
di possibile azione
della guerra im seno
alla
respublica gentium christianarum’. — S'intende che (a voler far applicazione ai massimi livelli delle considerazioni dianzi svolte) ne sarebbe derivata una
contrazione specialmente drastica dell'area di operatività del bellum verum in seno alla ecumene cristiana occidentale in quanto sottoposta al potere egemone dell'Imperatore dei Romani. Questi, proprio perché raffigurato, da quella che veniva prospettata come la più scrupolosa rappresentazione de iure dell’ordinamento generale della civitas christiana, come il vero e solo ‘Principe' preposto a tutti gli altri potentati, avrebbe dovuto essere — a rigore — l’unico fattore a cui spettasse il legittimo potere di indire o di permettere qualunque genere di guerra. A lui soltanto poteva competere di decretare il bellum publicum
(quello considerato tale dalle fonti romanistiche)
che vede
protagonista il populus romanus. Di qui l’immediata conseguenza della illiceità formale d’una gran parte dei conflitti armati che costellavano ogni giorno ({ofa die) la vita della civitas
christiana: «... lex autem asserit quod bi quibus populus romanus bellum inducit vel ipsi populo romano bostes proprie dicuntur, ceteri latruncoli ... 15 Citt. dall'OSTIENSE, Summa
Aurea, in tit. de treuga et pace, $ quid sit iustum
bellum, cit., n. 4.
16 Guino DA Baisio, Rosarium, in cap. 1 iustum est bellum, Ca. 23, qu. 2, in princ., ed. Venetiis,
1585, f. 303 r.a.
Non solo: ma — messo il problema in questi termini — non era possibile prescindere da un ulteriore sforzo tecnico diretto proprio a segnare in modo chiaro la linea concettuale che divide la guerra in senso proprio (il cosiddetto bellum verum: quello quod vere et proprie bellum dicitur) da una serie di altri casi di intervento militare, che invece non sono riportabili se non a un bellum improprie dictum, in quanto strumenti recupetatori e repressivi più vicini ad atti di ‘giurisdizione’ o di ‘giustizia’. Tali appunto
i casi
in cui la guerra si fa surrogato d'una azione non altrimenti esperibile in forme giudiziali. «Omnibus
est licitum movere
bellum
Ma poi ci si affrettava a precisare:
pro sua et rerum
suarum
defensione »:
si diceva.
«... mec dicitur proprie bellum sed defensio », INNo-
CENZO, Apparatus, in cap. olim causam, cit. n. 8. Tali ancora i casi in cui un legifimus superior (un superior iudex) interviene a restaurare con le armi, « contra inoboedientes subditos », l'ordine sociale. « His casibus (mette sempre in luce SINIBALDO) mon proprie dicitur fieri bellum, sed melius executio iurisdictionis vel iustitiae », ibid.
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unde videtur quod bellum quod tota die exercent principes nostri temporis est iniustum »", Ma la realtà viva delle cose, quale si esprimeva nella esperienza quotidiana, imponeva una soluzione parecchio meno rigida. Era difatti inevitabile che (a parte ogni residua esaltazione del ruolo egemone di Cesare: espressione di quella summa potestas nullis circumclusa limitibus che si seguitava a riconoscergli in termini formali) ci si aprisse verso la rude concretezza —
alquanto dissonante —
del fenomeno
sociale;
e si cercasse come legitti-
marla in qualche modo. E questa preoccupazione culturale di non staccarsi
dalla realtà (da una realtà segnata da un crescente frazionamento societario: dalla presenza operativa di entità politiche in effetti autonome, in continuo conflitto fra di loro) spingeva al riconoscimento di un potere di indire la guerra, o di permetterla, anche a quei grandi Signori temporali che negassero all'Impero (o alla auctoritas imperandi di un qualunque altro Superiore) la propria voluntas obsequendi. C'erano almeno da coprire i casi più importanti: quelli che non potevano essere ignorati, non fosse che per la potentia facti dei protagonisti; e nemmeno potevano essere sviliti ad episodi di mero latrocinio. In questa direzione la più autorevole dottrina finiva col piegarsi allo status rei. E quando si trattava di spiegare la locuzione awthoritate principis, essa finiva con l’ammettere la nuova situazione: «nomine principis intellige pa-
pam, imperatorem, regem, dominum liberum superiorem non babentem » !*. Cosí la potestà di muover guerra sua propria autboritate (non più ri-
stretta all’Imperatore dei Romani e al Papa: soli supremi antistites della Repubblica cristiana) risultava estesa a una pluralità — sebbene esigua — di publicae personae di rango più elevato: ai Principi minori (e alle stesse civitates sibi principes) che al di sopra di sé non ammettevano un legitimus superior: un superior iudex in temporalibus. Ad essi non ci si restringeva a riconoscere la iurisdictio temporalis e il merum
buiva la stessa auctoritas indicendi bellum: indicendi bellum”.
imperium;
ma gli si attri-
la iurisdictio o il privilegium
7. Il problema della guerra nei rapporti esterni alla 'respublica gentium christianarum'. — Questo non è il momento di stare a soffermarci sui molteplici aspetti d'una cosí ricca problematica: la quale si presenta con caratteri di U Ostiense,
Summa
Aurea, in tit. de treuga et pace, $ quid sit iustum
bellum,
cit. n. 4.
15 Cosf — al tramonto della grande stagione canonistica — la Summa BARTOLOMEO FuMt, verbum bellum, n. 1, ed. Lugduni, 1566, p. 47.
Armilla di
9 E in armonia con i caratteri formali (di assolutezza) che rivendicavano a se stessi,
si ammetteva che quei medesimi Potentati nemmeno abbisognassero d'una specifica autorizzazione legale positiva. Ognuno di essi (proprio in quanto superiorem non recognoscens, e proprio in quanto /egibus solutus) ben poteva decidere da sé:
«... sine autbo-
ritate bominis cui non subest, et sine autboritate iuris quo non astringitur ». Cosí — sulle tracce di Innocenzo — il Cardinale OSsTIENSE, Lectura, in cap. olim causam, cit. n. 18, f. 52 v-b.
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singolare complessità. Ci sarebbe quanto meno da chiarire la linea discretiva, di percezione non agevole, fra la vera e propria 'guerra' (il bellum proprie dictum: in cui «res occupatae sunt occupantium, et liberi bomines capti funt servi ») e le forme di intervento militare invece riportabili a una pit
dimessa executio iurisdictionis vel iustitiae. In questa sede — in relazione al tema di nostro piá specifico interesse — ci preme piuttosto far notare come il sistema pubblicistico, sin qui tratteggiato a grandi linee, fosse in
effetti strumentale alle 'esigenze strutturali interne’ (diciamo cosf ‘non esportabili”) della ecumene cristiana d'Occidente. Commisurato ai moduli di vita di una società omogenea (ideologicamente e religiosamente tale), quel sistema — con tutte le sue regole e i suoi limiti — non poteva ambire a estendersi a una diversa realtà sociale, improntata ad altre formole assiologiche. Va anzi rilevato come proprio i ca-
noni ideali, di ispirazione religiosa, che militavano a sfavore dell'uso delle armi fra Principi cristiani, nel seno della civitas christiana, fossero poi tali da promuovere una comune azione armata di quegli stessi Principi verso l'ester-
no: oltre i confini della cattolicità politicamente organizzata. Fatt'é che detto sistema pubblicistico voleva corrispondere a una istanza di sodalitas specifica, finalizzata in termini ideologici: ordinata in ragione di un progetto di coesistenza, per quanto possibile pacifica, e di fattiva cooperazione fra le gentes (appunto consociate da una comunanza di fides, e di civilitas) che formavano la respublica christiana. Esso voleva secondare un vivo rapporto di concordia fra di loro. Voleva dar corpo a quella pax che — vista come appetito naturale dell'uomo, e come prima condizione perché fra una pluralità di uomini possa stringersi una qualunque aggregazione — ascende a un pit alto significato religioso (si fa pax christiana) quando si attua secundum dilectionem Dei et proximi: quando è raggiunta nella Fede; nella pienezza della sudditanza a Dio. Fermo tutto questo, le cose cambiavano di aspetto quelle volte che non c'era più tanto da difendere l'intima coesione del populus fidelis (peraltro Cosí spesso e cosí duramente contraddetta), ma c'era piuttosto da proteggere il regimen christianum da minacce o da attentati provenienti dal di fuori. Allora il giudizio sulla guerra subiva — nella nostra pubblicistica — come un brusco ribaltamento di visuale: in nome (lo dicevo) della medesima istanza
associativa
che
si assumeva
presiedesse
alla communio
di Dio. Essa (la guerra) non era più guardata come proibito, di norma; o tollerato come entro limiti ristretti. Era promossa —
del
popolo
un ‘fatto negativo’:
ratio extrema; comunque consentito invece — a ‘fatto positivo’, addirit-
tura ‘meritorio’: in ciò che veniva a rinnovare l'assetto aggregativo del popolo cristiano, e a rinsaldarlo, nell’atto stesso nel quale ne esprimeva con cosf energica efficacia la unità e la identità verso l'esterno ?. 2 Anzi era proprio la presenza incombente di un nemico esterno, di un dostis sub ipsis moenibus, capace di esporre a rischio nella medesima
misura tutte le sparse membra
del corpus christianorum, che agiva da fattore potentissimo (direi provvidenziale) di riunificazione, di riaccorpamento, di questo organismo societario. Tanto che le autorità cri-
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Come ignorare d'altra parte che — accanto all'universalismo dell'Impero
sacro e romano — altri se ne davano nella esperienza giuridica del tempo, parimenti totalizzanti? e che — se con alcuni fra di essi poteva ben essere avviato un qualche regime di tolleranza — con altri non poteva esserci invece che un rapporto di tenace ostilità? Basta guardarsi attorno — si diceva — per cogliere lo stato delle cose, nei suoi variformi aspetti. Vi sono bensí i Greci: « ... qui non credunt Imperatorem
Romanorum
esse dominum
universalem,
sed dicunt Imperatorem
Constantinopolitanum esse dominum totius mundi ». Ma l'Imperatore di Costantinopoli, con tutte le sue insopportabili pretese, resta pur sempre un Principe cristiano: col quale — all'occorrenza — può ben essere annodato un patto d'amicizia, anzi di confederazione, nella lotta contro i Principi infedeli. Ci son anche i Tartari, col loro Grantchan: lui pure Signore universale. Con essi — distanti come sono — è possibile un rapporto di pacifico interscambio: «... quidam sunt cum quibus babemus pacem, ut Tartari, nam mercatores nostri vadunt ad illos, et illi ad nostros ». E vi son altri popoli, ancor più lontani: «...cum quibus non babemus nec pacem nec guerram,
nec aliquid facere ». Troppo lontani — vale a dire — perché si possa intessere con essi (ut cum illis de India) una qualunque relazione ”. Ma ci sono anche i Saraceni, giusto ai margini della Cristianità. I quali son proprio
tormentati da un espansionismo
religioso senza freni, di segno
anti-cristiano. Con essi non può correre, non dico un rapporto amicale di alleanza o di collaborazione (che sarebbe un impium foedus), ma una qualunque relazione men che avversa. Con i potentati musulmani in quanto tali, legati alla politica dell'Islam, non può esservi che uno stato di guerra permanente: specie con quelli « qui christianos persequuntur, et ex urbibus et
stiane (quelle che più tenevano a un tale risultato) potevano esserne tratte a tener desta e ad acuire, piuttosto che attenuare, la inquietudine sociale per questo ‘pericolo comune’: a cui far fronte — tutti uniti — in nomine Christi. Potevano esserne invogliate a creare delle occasioni di conflitto, e a coltivarle, in luogo di sfuggire il casus belli.
2 Citt. da BARTOLO DI SASSOFERRATO, In secundam ff. novi partem, in legem bostes, de captivis et postliminio D. 49, 15, 24, n. 8, ed. Venetiis, 1585, f. 20 v-b. Premesso
che due sono i generi di popoli che abitano il mondo
(« vos debetis scire
quod duo sunt genera gentium principaliter: primo populus Romanus, secundo populi extranei », ibid., n. 2); e analizzata attentamente la nozione di popolo romano (nn. 3-7), Bartolo prosegue: «... secundo dixi quod alii populi sunt extranei proprie, quia non fatentur Imperatorem Romanorum esse dominum universalem, ut Graeci, qui non credunt Imperatorem Romanorum esse dominum universalem, sed dicunt Imperatorem Constantinopolitanum esse dominum totius mundi; item Tartari, qui dicunt Grantcban esse dominum universalem; et Saraceni, qui dicunt dominum eorum esse dominum totius mundi;
item in Iudacis. Verum inter istos est differentia: nam quidam ex istis sunt nobis foederati, ut erant. Graeci. nobis foederati contra Turcas; quidam sunt cum quibus babemus pacem, ut Tartari, nam mercatores nostri vadunt ad illos, et illi ad nostros; quidam cum quibus non babemus pacem nec guerram, nec aliquid facere, ut cum illis de India; quidam sunt cum quibus babemus guerram. indictam, ut cum Saracenis et bodie cum Turcis ». E — come a tagliar corto a ulteriori discussioni — conclude bruscamente, alla maniera
dell'Apostolo:
60
«sed modicum ad nos de illis qui foris sunt », ibid., n. 8.
propriis sedibus pellunt » *. E sono soprattutto da combattere i Principati che detengono la stessa Terra Santa: culla della cristianità; sede del buon Annuncio; teatro del Sacrificio della Croce. Contro di questi l'atteggiamento del popolo cristiano non può essere che d'intransigente ostilità ?. 8. Giustificazione giuridica canonica della Crociata in Terra Santa. — La scienza giuridica del tempo (e in primis la scienza canonistica: la più sensibile al problema) parrebbe essersi a lungo contentata della constatazione pura e semplice dei motivi politici e ideali che militavano a sostegno di questa guerra unitaria esterna (contra inimicos fidei) del popolo cristiano: tendesse essa a respingere le incursioni dei Gentili, o anche a ricacciarli dai loro stessi territori. In specie essa fa a lungo mostra di appagarsi della fondazione religiosa, fideistica, della Crociata in Terra Santa: di questo segotium Crucis (negotium Crucifixi) in quo causa Christi specialiter agitur.
E mostra di non
darsi carico delle ragioni di perplessità che potevano pur essere avanzate nei confronti d'una siffatta impresa: a volerla giudicare in piá rigorosi termini giuridici, in ragione di quei sommi princípi di diritto (universali in assoluto)
che trascendono le limitate esperienze giuridiche terrene *. 2 Can.
11 dispar, Ca. 23, qu. 8, di Alessandro
II. Dal canone
(che, riferendosi alla
Crociata contro i Mori di Spagna, fa salva la posizione degli Ebrei, che son quelli che ubique servire parati sunt) la dottrina moderata ricava la illazione «quod si sarraceni non persequuntur christianos non possumus impetere eos», gl. ordinaria di Giovanni ibid., s.v. persecuuntur. Ma la dottrina prevalente si orienterà nel senso di ravvisare in
ogni caso una perseguibilità dei Saraceni. Si veda — per un esempio di grande autorità — la tesi di Oldrado da Ponte: il quale arriverà a negare che si possa comunque credere ai Gentili che vogliano starsene in pace a casa loro:
cumque
ipsi opportunitatem
«... quia verisimile est quod quando-
babebunt, oppugnabunt
et persequentur
christianos
et ec-
clesiam ». Ciò risponde — assicura Oldrado — al loro stesso genio nazionale: «... nam baec videntur eis naturaliter inesse ... nam ipsi pugnant contra omnes et omnes pugnant contra eos », Consilia, Cons. n. 72, ed. Lugduni, 1550, f. 25 ν.
2 A commento del celebre cap. syaiores, de baptismo, d'Innocenzo III, del 1201, SiNIBALDO (richiamando una precedente glossa di B.) ci fornisce questo quadro problematico d'insieme: «..ex bis ergo apparet saracenis ut fiant cbristiani bellum indicendum non esse. Si tamen
terras christianorum
invasissent vel occupatas tenerent. vel cbristianos
bostiliter impugnarent, tunc tam per ecclesiam quam a principe cuiusque subditis damna vel iniuriae inferuntur potest ei iustum. bellum indici: 23, Sed si saraceni tributum consuetum denegant reddere principi christiano princeps eis iustum bellum indicit, non tamen per ecclesiam id fieri debet, christianorum suis sordibus foedant, nec ipsorum cenis qui terram sanctam detinent vel impugnant, libet principem christianum potest bellum indici, im personam nostri Salvatoris committitur: C. de
terrae cui vel qu. 8, dispar. et si tunc ille si nec terram
personas impugnant. Illis tamen saranon solum per ecclesiam sed per quemquia in omnium fertur iniuriam quod haereticis, Manichaeos. Qui vero vere
poenitentes sunt, si occubuerunt in talibus bellis, praeter quam in illo quod est pro tri. buto negato, ad patriam evolant: 23, qu. 8, omni. B. », Apparatus, in cap. 3 maiores, X, de baptismo, 5, 42, cit., n. 5, ed. cit., f. 187 v-b.
2 Alle volte ci si accontentava
di ripetere —
sulle tracce di AGOSTINO:
cap. 41
non invenitur, Ca. 23, qu. 4 — che, se c'era stato un tempo in cui i cristiani avevano dovuto soffrire pro impiis, adesso il rapporto andava ribaltato: ed eran gli empi che dovevano patire pro christianis. Da cui il candido commento della glossa: «unc temporis
persequebantur
impii christianos,
modo
econverso
fit», ibid., super
verbo
patiebantur.
61
Non c'era — s'intende — da discutere del fatto interioristico della recta intentio bellandi: la quale poteva ben essere presunta in uomini che (lasciatosi alle spalle tutto un mondo di affetti e di interessi) votavano i loro patimenti alla Gloria del Signore. Magnanimo il fine che li guida; pietose le loro armi. Non si poteva invocare a miglior titolo l'antica sentenza di Gerolamo: « non est crudelitas pro Deo crimina punire, sed pietas » 5. E non Si dava peso, a quanto pare, al fatto che, talvolta, altri (non ugualmente nobili) potessero essere gli intenti personali di questi Soldati della Fede, Neppure poteva nascere questione sul valore della causa bellandi, vista nella sua oggettività. Si trattava di combattere « pro veritate fidei et salva-
tione patriae, ac defensione cbristianorum » *. Si trattava di estendere il Regno di Dio in terra: di « dilatare rempublicam in qua Deum coli conspicimus » 7, C'era anzi da insistere in questa opera espansiva (parallela al compito evangelico di propagazione della fede: euntes ergo docete omnes gentes) sino a diffondere ovunque il nomen Christi: « ... quatenus Christi nomen per subditas gentes circumquaque discurreret » ®. Il bellare — in casi di tal fatta — ἃ cosa comandata da Dio stesso: fas est. Esso diventa un che di ‘positivo’, degno di remunerazione spirituale: «...et bomestum et meritorium » 9. Invece cid che non poteva essere ignorato era il 'carattere offensivo' di questo genere di impresa. La quale non vedeva il popolo cristiano custodire i suoi confini. Lo vedeva invece spingersi oltre mare, per togliere ai Principi infedeli delle terre che essi possedevano da secoli. Terre — per giunta — che, anche in passato, mai erano state sottoposte al dominio giuridico diretto dell'Imperatore d'Occidente. E questo era un aspetto del problema a cui la
scienza del diritto non poteva non essere sensibile. E innanzi alle oggettive difficoltà dell'argomento («sed nunquid est licitum invadere terram quam infideles occupant? ») toccava specialmente ai canonisti sgombrare il campo
da ogni ragione di ansietà 9. Elaborati in rapporto a eretici e scismatici, questi princípi potevano essere invocati anche in rapporto agli infedeli. Frequente d'altro canto l'operazione inversa: di estensione alla lotta contro i nemici interni alla cattolicità di criteri formatisi in fatto di difesa dai nemici esterni,
23 Cap. 13 legi, Ca. 23, qu. 8. Si veda anche il cap. 48 sicut, Ca. 23, qu. 4 (rubrica: Ecclesiasticae religionis inimici etiam bellis sunt coercendi). E questo un dovere del cristiano: « Quisquis christianus iniquum non persequitur. Christi est inimicus», cap. 52 quisquis, Ca. 25, qu. 4, da Agostino.
?$ T! 2 PB
Cap. 8 Cap. 49 Cap. 49 «..sed
omni timore, si non, Ca. si non, Ca. bellare est
Ca. 25, qu. 8, di Leone IV. 25, qu. 4, di Gregorio Magno. 23, qu. 4, cit. quandoque et bonestum et meritorium »:
cosf
TOMMASO,
Summa theologica, 2.2ae, qu. 40, art. 2, n. 4, sulla base del can. omni fimore, cit.: «..novit enim omnipotens, si quilibet vestrum morietur, quod pro veritate fidei et sal-
vatione patriae ac defensione cbristianorum mortuus est: et ideo ab eo proemium coeleste consequetur ». (Si veda anche il can. 46 omni vestrum, Ca. 23, qu. 5).
3 Nessun
dubbio —
scrive ad esempio
SINIBALDO
—
che sia lecito 'difendere' la
terra santa: « boc non est dubium quod licet papae fidelibus suadere et indulgentias dare ut terram sanctam et fideles babitantes in ea defendant ». Ci si deve chiedere piuttosto
62
Eppure
non
si pud
stiche del tema —
far a meno
di notare come
le teorizzazioni canoni-
quelle organicamente costruite —
si rivelino in realtà
tutt'altro che precoci. Dinanzi alla res gesta (mai posta seriamente in discussione nei suoi titoli di legittimità) la s
ione canonistica interviene, in
maniera approfondita, solo nei decenni di centro del Duecento:
quando la
guerra sancta si mostra già avviata su una china involutiva, E si direbbe (va soggiunto) che scopo di questa applicazione intellettiva non sia solo, e non sia tanto, di dare alla Crociata una fondazione giuridica corretta, e convincente;
sí piuttosto di cogliere
la favorevole
occasione, e ricavare —
da
questa singolare vicenda del popolo di Dio — quante piá ragioni a conforto delle pretese egemoniche del Vescovo di Roma. C'era da fondarsi sul ruolo protagonistico del Papa in questo segotium terrae sanctae a ulteriore sostegno di un pit vasto progetto di riproposizione della civitas christiana in chiave ierocratica. Mai come nel caso della guerra all'infedele, della contentio populi Romani contra Sarracenos, il Papa era riuscito ad atteggiarsi, con pit tangibile evidenza, a caput unum del popolo cristiano, erede e continuatore del popolo romano. Mai come allora era rifulsa in universo la sua pienezza di poteri. 9. Giustificazione del 'negotium terrae sanctae: la tesi di Innocenzo. — Questa preoccupazione ierocratizzante già traspare dalla prima delle costruzioni canonistiche in materia, forse la più insigne: quella elaborata (multum exquisite":
l’espressione è del Panormitano)
da Sinibaldo de’ Fieschi, Papa
Innocenzo IV: costantemente ripetuta e rimeditata dalla dottrina successiva, anche civilistica. La tesi — in effetti — dà proprio a vedere di far leva su una pregnantissima accezione della plenitudo potestatis di pregorativa del Pontefice,
visto non
solo
come
indiscusso
Capo
della
Chiesa
cattolica
ro-
mana, ma come Signore eminente di tutto il popolo cristiano, anzi di tutto il mondo: « universalis monarcba totius populi christiani, et de iure totius mundi ». Da cui l'esaltazione della missione santificatrice e disciplinare del Pontefice medesimo, capace — all’occorrenza — di spiegare il proprio effetto riguardo agli stessi Principi infedeli. Innocenzo [il quale (lo si noti) scrive prima del ricupero tomistico della filosofia aristotelica] non ricusa im thesi di riconoscere la legittimità del potere temporale dei Principi infedeli. « Dominia possessiones et iurisdictiones (come dire ogni varietà di signoria, pubblica e privata) licite sine peccato possunt esse apud infideles ». Anzi la cosa — egli sostiene — corrisponde agli stessi disegni del Signore: il quale (creator omnium) presiede a ogni rapporto di dominio. È Dio che — se all’inizio ha voluto espletare di persona ogni potere sulla terra — ha poi deciso di lasciare agli uomini, a tutti gli uomini, queste incombenze di governo: agli uomini (si noti) non in quanto se sia lecito, quindi consentito, ‘invadere’ una qualche terra posseduta da Principi infedeli: «... sed nunquid est licitum invadere terram, quam infideles possident vel quae est sua? », Apparatus, in cap. 8 quod super bis, X, de voto et voti redemptione, 3, 34, cit., n. 1, s. vers. pro defensione, ed. f. 176 v.a.
63
fedeli, ma in quanto esseri dotati di ragione. Egli l'ha fatto «non tantum pro fidelibus sed pro rationabili creatura » , Di qui una conclusione segnatamente moderata: « ... δὲ propter boc dicimus quod non licet papae, vel fidelibus, auferre sua sive dominia sive iurisdictiones infidelibus, quia sine peccato possident » ?.
Solo che — nell'atto medesimo in cui mostra di aprirsi a queste proposizioni di principio, ben 'laiche' per i tempi — lo stesso Sinibaldo viene a porre le premesse di un discorso di tutt'altro genere: tale proprio da tornare a esporre gli infedeli (quei Gentili appena accreditati del legittimo esercizio del potere politico im suis terris) ala immediata prospettiva di poter essere lo stesso spogliati con la forza d'ogni loro titolo giuridico. Il quale — lecito in se stesso: per se — torna a essere illecito per accidens. Torna a esserlo ratione peccati, ratione delicti:
ma non a causa (lo si noti)
di una colpa diciamo cosí 'episodica', legata a questo o quell'evento personale in sé concluso; sí piuttosto a causa d'una sorta di colpa permanente, intrinsecamente riferita al fatto stesso di non credere nel Verbo incarnato, anzi di rifiutarlo e contrastarlo. Da un lato Sinibaldo tiene a ribadire con fermezza il supremo valore etico e giuridico della legge divina trascendente: la quale — nelle sue componenti
nauralistiche
—
si indirizza
agli
stessi
infedeli
(“velint,
nolint")
come a tutte le creature razionali. Dall’altro — a complemento formale del sistema — si prevale d'una accezione singolarmente piena della Vicaría celeste del Vescovo di Roma: cosí totalizzante da giungere a investire il Papa ("de iure licet non de facto") d'una generale potestà giuridica su tutti gli uomini, compresi i Principi infedeli. Tanto da poterli giudicare, e da poterli anche punire, qualora appunto contravvengano alla legge divina trascendente: «... εὐ bene tamen credimus quod papa, qui est vicarius Jesu Christi, potestatem babet non tam super christianos, sed etiam super omnes infideles … unde per potestatem quam babet papa, credo quod gentilis, qui non babet legem nisi naturae, si contra legem naturae facit, potest licite puniri per
papam » *. 31 A] dubbio che si pone (vedi la nota precedente) in relazione alla liceità della guerra offensiva contro i Saraceni di Terra Santa, SINIBALDO dà una risposta articolata. La quale
— in primo limine — si attesta su posizioni di lodevole moderatezza. Questi i passaggi principali del ragionamento di INNOCENZO: « ... εἰ mos respondemus quod in veritate domini est terra et plenitudo eius, orbis terrarum et universi qui babitant in ea: ipse nam est creator omnium; idem ipse Deus baec omnia fecerat ... et fuerunt a principio cuiuscumque
qui occupavit, quia in nullis bonis erant nisi Deo:
et ideo
licebat cuilibet occupare quod occupatum non erat, sed ab aliis occupatum occupare non licebat ... sed quando ceperit nescio, nisi forte, quod Deus dedit aliquem vel aliquos qui facerent iustitiam super delinquentes ... sic dominia possessiones et iurisdictiones licite sine peccato
possunt esse apud
infideles:
baec enim
non
tantum
pro
fidelibus,
sed
pro
omni rationabili creatura facta sunt ...», Apparatus, loc. cit., nn. 1-3. 32 Innocenzo,
Apparatus, loc. cit., n. 3.
3 INNOCENZO, Apparatus, loc. cit., nn. 3 e 4. Presupposto del discorso di Innocenzo & che la potestà regale del Cristo sia stata opportunamente trasferita al Suo Vicario in terra:
64
«... non videretur [Cbristus] diligens paterfamilias nisi vicario suo, quem
in terra
E Sinibaldo (nel presupposto, discutibile, che la fede in un ‘Dio uno’ sia un
che di pertinente alla economia della naturalità: « ... naturale nam est unum et solum
Deum
creatorem
colere
et non
creaturas ») non
mostra
di aver
dubbi che una trasgressione di diritto naturale, ad essi addebitabile, sia pro-
prio costituita dalla ‘idolatria’ degli infedeli. È quanto dire che costoro (Sinibaldo, come un po’ tutta la cultura ecclesiastica del tempo, rivela della fede islamica una nozione non proprio cristallina) diventano indegni di qualunque autorità giusto per colpa delle loro connotazioni fideistiche specifiche. Starà quindi alla Chiesa di esercitare sui Gentili la correlativa potestà disciplinare,
e quando necessario repressiva: alla Chiesa cattolica romana, prima interprete e prima custode ed attuatrice della legge di Dio *. Essa (la Chiesa) non può certo ripromettersi di costringere gli infedeli a convertirsi: per ragioni d'ordine pratico (memo invitus credere potest") prima ancora che d'ordine ideale: ‘coacta servitia Deo non placent". Ma l'autorità correttiva della Chiesa ben può costringere i Gentili a tener un buon comportamento. E quindi può vietargli di recar molestia o scandalo ai cristiani; e può ordinargli di non ostacolare la missione salvifica della Chiesa,
semmai di secondarla. E gli infedeli, come possono ubbidire al precetto del Pontefice, cosí possono resistergli. Nel qual caso il comando della Chiesa potrà esser fatto valere con i mezzi pit adeguati: compresi gli strumenti della
realizzazione coercitiva 5. In ultimo la Chiesa potrà arrivare a muover guerra di propria autorità, valendosi — cosí come le spetta a norma dei princípi — dell'apporto del
braccio
secolare:
[infideles]
«...in
compellendi
omnibus sunt
praedictis
bracbio
dimittebat, plenam potestatem super omnes infideles oves sunt Christi per creationem,
saeculari,
casibus ... si non et indicendum
oboediant est
bellum
dimisisset ... omnes autem tam fideles quam licet non sint de ovili ecclesiae, et sic per
praedicta apparet quod papa super omnes babet iurisdictionem et potestatem, de iure licet non de facto ...», Apparatus, loc. cit., n. 4.
# Non mancano i soliti richiami alle vendette sui popoli idolatri del Dio del Vecchio Patto: «...cum autem Dei iudicia sint nobis exemplaria, non video quare papa, qui est vicarius Christi, boc non possit, et etiam debeat, dummodo facultas adsit », Apparatus, loc. cit., n. 4. 35 Contro tutti gli infedeli, dovunque essi si trovino, « potest papa iuste facere praeceptum et constitutionem, quod non molestent christianos iniuste, qui subsunt eorum iurisdictioni; imo quod plus est potest eos eximere a iurisdictione eorum et dominio in totum ». E ancora:
«...imo, si male tractarent cbristianos, posset [papa]
eos privare per
sententiam iurisdictione et dominio quod super eos habent», Apparatus, loc. cit., n. 7, £. 177 ra. (Il suggerimento di INNoCENZO è comunque alla prudenza: «amen magna causa debet esse, quod ad boc veniat … etc. », ibid.). Questa la conclusione, che riecheggia il compito apostolico della evangelizzazione universale: « ... item, licet non debeant infideles
cogi ad fidem, quia omnes libero arbitrio relinquendi sunt, et sola Dei gratia in bac vocatione valeat ... tamen mandare potest papa infidelibus quod admittant praedicatores evangelii im terris suae. iurisdictionis, nam
cum
omnis creatura rationabilis facta sit ad Deum
laudandum ... si ipsi probibent praedicatores praedicare peccant, et ideo puniendi sunt. In omnibus autem praedictis casibus, et in aliis ubi licet papae eis aliquid mandare, si non oboediant compellendi sunt brachio saeculari, et indicendum est bellum contra eos per papam et non per alios, ubi quis de iure suo contendit », Apparatus, loc. cit., nn. 8 e 9.
65
contra eos per papam ». Sarà compito proprio del Pontefice « facere indulgentias illis qui vadunt ad occupandam terram sanctam, licet eam possideant Sarraceni; et etiam indicere bellum et dare indulgentias illis qui occupant terram
sanctam, quam tales illicite possident » *. Ecco pertanto profilarsi la figura della 'guerra santa': il cui carattere aggressivo risulta in effetti compensato (secondo questo modo d'intendere le cose) dalla motivazione religiosa che guida il megotium crucis. Viene in gioco una istanza repressiva delle abnormi deviazioni fideistiche di questi nemici del Cristo e della Chiesa. Ma vien anche in campo una istanza (positiva) di reincorporazione della terra santa in quella parte del mondo in qua Deum coli conspicimus. E tutto questo — si diceva — è ben fondato (boc totum est ex causa): « ..nam iuste movetur papa, si intendit terram sanctam, quae consecrata est nativitate et habitatione et morte Jesu Cbristi, et in qua non colitur Cbristus sed Macbometus, revocare ut incolatur
a Christianis » 7, 10. Giustificazione del 'negotium terrae sanctae': la tesi dell'Ostiense. — Piá reciso il pensiero dell'Ostiense. Questi già integra e corregge in qualche tratto — intanto che lo allega — il dettato di Innocenzo: a cui attribuisce un più denso spessore ierocratico. Ma poi, dopo aver ampiamente riferito gli insegnamenti del Maestro, sempre elogiato con affetto, enuncia una sentenza che tronca alle radici la tesi di Innocenzo. Egli — con toni di radicalismo agostiniano — non esita a denunciare a piene lettere la totale incapacità giuridica e morale dei Principi infedeli a farsi portatori d'una qualunque ragione di dominio, pubblico o privato, « Mibi tamen videtur quod in adventu Christi omnis bonor, et omnis principatus, et omne dominium, et omnis iurisdictio ... omni infideli subtracta fuerit et ad fideles translata ».
E ciò è accaduto « de iure et ex iusta causa »; e per decreto di Colui « qui supremam manum babet, nec errare potest ». E infatti è il Cristo (Dio stesso,
fattosi carne nella storia) che nella Sua persona ha concentrato Regno e Sacerdozio: e poi questo duplice potere lo ha affidato — per sempre — alla Cattedra di Pietro: « ... buius autem regni et sacerdotii principatum perpetuum commisit filius Dei Petro et successoribus eius »*. Codesto teocratismo di impianto cristo-centrico (capace di penetranti ap-
plicazioni già all’interno del regimen christianum) non può — verso l'esterno — non imporre una soluzione radicalmente integralistica. Certo possono esser sopportati quei Gentili qui dominium ecclesiae recognoscunt: quelli cioè che accettano la egemonia del Cristo nei suoi primi corollari. Costoro posson esser ‘tollerati’ dalla Chiesa; e in forza di questa permissività ecclesiastica, di questo privilegium, possono valersi di titoli di dominio, privati e pubblici, anche su sudditi cristiani: « ... tales enim possunt babere
possessiones
et colonos
christianos
et etiam
iurisdictionem
% Innocenzo, Apparatus, loc. cit., n. 9, f. 177 ca; e n. 7, f. 176 v-b. 7! Innocenzo, Apparatus, loc. cit., n. 7. 3 OsTIENSE, Lectura, in cap. quod super bis, de voto, cit., n. 26, f. 128 v-b.
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ex
tolerantia ecclesiae » 9. Ma nei confronti di quegli altri « qui nec potestatem ecclesiae romanae, nec dominium
recognoscunt, nec ei oboediunt », nei con-
fronti di costoro non pud esser spesa alcuna tolleranza. Non resta che prender atto di quella loro pertinace protervia: giudicandoli pertanto « imdigmos regno, principatu, iurisdictione et omni dominio », E quelli che non si peritano di tener occupata la stessa Terra Santa (ma la questione veniva a riproporsi per qualunque altro territorio della Cristianità) vanno assaliti senza
remore e spossessati con la forza, “authoritate ecclesiae": potere che è proprio della Chiesa in quanto Chiesa *.
in grazia di un
Sta a dire che questa ratio ecclesiae, vista in una dimensione cosí ampia da coprire gli stessi potentati non cristiani, vien qui a prendere un deciso sopravvento su ogni residua ratio imperii. Acquista una completa autonomia: non piá ricollegabile a un previo ius Imperii (per giunta non figurabile in Oriente alla stessa maniera che nei territori occidentali) ma direttamente e propriamente riferita alla "Regalità del Cristo": che è titolo tutto e soltanto spirituale; tutto e soltanto incardinato nella economia della ecclesialità. Logico allora che la guerra all'infedele (questa guerra di tutto il populus
christianus, il quale raccoglie il retaggio storico del populus romanus e lo sublima nel nome del Redentore) resti riportata con ogni immediatezza a un
autonomo potere del Vescovo di Roma. Talché la predicazione della Croce non può avvenire se praedicari non potest esser indetto che dal ilius qui supremam
non per nisi de Papa: « manum
esplicito permesso pontificio: « ...crux tamen papae licentia speciali ». E il bellum non pud ... planum est quod auctoritate hoc fieri possit habet in ecclesia... et qui est vicarius Cru-
cifixi » *. 3 OSTIENSE, Lectura, loc. cit., n. 27. In questi casi può essere invocato il ‘canone petrino’ sul dovere di ubbidienza
anche ai Signori molesti:
«... et in talibus, scilicet ab
ecclesia toleratis, dicimus habere locum illud apostoli Petri ... etc. ... et omnes consimiles autboritates », ibid., n. 28.
© «.. alios autem infideles, qui nec potestatem ecclesiae romanae nec dominium recognoscunt nec ei oboediunt, indignos regno, principatu, iurisdictione, et omni dominio iudicamus; et eos qui terram sanctam, vel alias partes quas cbristiani acquisiverunt, occupant vel occupata detinent, autboritate ecclesiae debere impugnari », Lectura, loc. cit., n. 28. E ancora: «... alios autem infideles in pace degentes et etiam illos quos servos tenemus, non per bellum, non per violentiam aliquam, sed tantum per praedicationem dicimus converti debere; et si praedicatores non admittant ipsos posse compelli per papam », ibid., con riferimento al pensiero di Innocenzo. E anche l'OSTIENSE — sempre sulla traccia del Maestro — raccomanda la prudenza: «... sed et ubi christiani sub dominio infidelium babitant, quibus nec resistere possunt, necesse est quod patientiam babeant et de facto ipsorum dominium
*1 n. 15, potest proprie
recognoscant », ibid.
Citt. dall'OsrreNsE, Lectura, in cap. 13 excommunicamus, X, de baereticis, 5, 7, s.v. accinxerint, f. 39 r-b (Enrico allega tre ragioni: «... prima est quia nemo crucis receptae vinculum solvi nisi papa ... secunda quia ad solum papam pertinet et principaliter de fide respondere … tertia est quantitas indulgentiae de qua
sequitur, quam
nullus potest facere nisi papa»);
e Summa
Aurea, in tit. de voto et voti
redemptione, $ in quo casu et a quo crux debeat praedicari, n. 19, f. 176 v-a. Preoccupazione dell'OSTIENSE è anche di instaurare un parallelo fra la crux fransmarina, proclamata contro gli infedeli in Terra Santa, e la crux cismarina indetta contro eretici e scisma-
tici nel seno stesso della Cristianità.
67
Logico ancora che questa Crociata in Terra Santa — residuo carattere
aggressivo
o meramente
punitivo —
nel perdere ogni
veda
invece esaltato
a tutta voce ('enfatizzato') il suo carattere ricuperatorio e riparatorio: non solo dal lato territoriale e politico, ma anche e soprattutto dal lato religioso. Tant'è che — in questa prospettiva —
la crux transmarina diventa l'esercizio
di un officium: il compimento (non ricusabile dai beneficiari del Sacrificio della Croce) di un sommo dovere etico e giuridico — spirituale — che impegna tutto il popolo cristiano ad onorare la Regalità del suo Signore celeste, e a renderla operante nella storia. 11. I! 'bellum romanum'. — Messo il problema in questi termini, resta spiegato il senso d'una ulteriore conclusione (che poi ἃ il dato dottorale donde hanno preso spunto le presenti osservazioni) a cui perviene il Cardinale Ostiense. Questi — proprio perché intento a celebrare la guerra all'infedele qual espressione universale di quel populus christianus che nella sua unità spirituale riproduce l’unità politica del populus romanus — è tratto a scorgere in questo genere di impresa come una reviviscenza del passato: quando era il popolo romano — nella sua entità politica globale — che si cimentava con le armi contro genti estranee. In detta guerra all'infedele — che egli tout-court chiama ‘romana’ — Enrico ravvisa riproposto (in forme ragguagliate ai tempi: accomodate alle nuove esigenze del regimen christianum, quale sistema fideistico e ierocratizzante: teo-centrico e ecclesio-centrico) l’antico bellum populi romani: bellum in bostes populi romani. Cosí
nella Summa
Aurea
della metà
del Duecento,
e nella
Lectura
in
Decretales stesa nei due decenni successivi, Enrico pone al primo posto — nella classificazione delle guerre — proprio il bellum romanum: quello
che muove appunto agli infedeli la Christianitas-Romanitas nella sua interezza, o in questa o quella gente che ne assume (diciamo) il patrocinio: « Ad doctrinam autem buius materiae nota quod septem sunt bella: primum potest dici 'romanum', quod faciunt fideles impugnando infideles » ©. L'Ostiense non ignora la tradizione romanistica. Anzi egli mostra proprio di guardare alle fonti civilistiche sul bellum, volgendole ai suoi scopi. Si richiama in forma esplicita alle due leges bostes, de captivis e de verborum significatione (« Hostes sunt quibus bellum publice populus romanus decrevit, 4 Lectura, in cap. pro bumani, de bomicidio, cit., n. 34. Aggiunge Enrico: « … et boc est iustum, ut infra de haereticis, excommunicamus, 2; et dicitur romanum quia Roma
est caput fidei: 24, qu. 1, haec fides, et cap. quoniam; infra de summa Trinitate, ca. fi. $ pen.; C. de summa Trinitate, lex ult.; et sic potest intelligi ff. de captivis et postliminio, hostes; ff. de verborum significatione, hostes ». Nella Summa, di molti anni precedente, il pensiero dell'OsriENsE è già puntuale: «.. sed ut aliquam doctrinam babeas de bac materia notabis quod multiplex est bellum: unum quod est inter fideles et infideles, et boc iustum est respectu fidelium, infra de haereticis, excommunicamus », in tit. de treuga et pace, $ quid sit iustum bellum, cit., n. 4, f. 59 r-a. É poco appresso (f. 59 rb): «... μὲ autem in summa praedicta recollegamus aliud potest dici bellum romanum puta quod
est inter fideles et infideles, et boc iustum ... boc autem voco romanum quia Roma est caput fidei et mater: 25, qu. 1, is ita; C. de summa Trinitate, lex fin.; 24, qu. 1, haec est fides, ef c. quoniam; infra de beereticis, ad abolendam ».
68
vel ipsi populo romano »; « Hostes bi sunt qui nobis aut quibus nos publice bellum decrevimus »), che sono i testi su cui si fonda la figura del bellum
publicum, inteso appunto come bellum populi romani: «...et sic potest intelligi f. de captivis et postliminio, hostes, f. de verborum significatione, hostes » 9. Per cui il nuovo bellum romanum, di cui Enrico si fa teorizzatore, dovrebbe corrispondere in sostanza al bellum inter populum romanum et sarracenos di cui parla la scienza civilistica. Eppure questo bisogno di stringere un legame con le esperienze cultu rali del passato (che si direbbe tener dietro a una intuizione più ideologica che tecnica) non toglie la sostanziale novità dell’insegnamento dell’Ostiense: la quale — torno a dirlo — appare proprio di fondamentale ispirazione iero-
cratica, lontana dallo spirito politico dei vecchi principi pubblicistici. Enrico spiega cosí la sua opinione: «... boc autem [bellum] voco romanum, quia Roma est caput fidei et mater » “. Con questo dà a vedere — in modo manifesto — di voler giusto riferirsi alla nuova dimensione spirituale del populus romanus. Tanto che cerca conforto alla sua tesi richiamandosi a quei testi normativi che magnificano appunto la perpetuità e la fermezza e la autenticità della Chiesa che fa capo alla alma urbs Roma; che esaltano il primato della santa romana Chiesa: «..4quae, disponente Domino, cunctorum fidelium
mater est et magistra » 55. Insomma quella che viene in primo piano è la ‘Roma nuova’: la ‘Roma cristiana’, Sedes Petri, erede della ‘Roma romana’, ma forte allo stesso tempo di titoli suoi propri, e più elevati, di legittimazione spirituale. È questa nuova Roma che si pone al vertice del nuovo populus romanus, qual appunto si ripropone nobilitato nel populus christianus. ‘Roma’ — in questo contesto culturale — non è tanto vista come urbs per excellentiam, come communis patria, nostra civitas: « … quia quilibet de Imperio est ibi civis, e quilibet potest ibi conveniri ». SÍ piuttosto è vista come sedes divinitus decreta di quella
Chiesa egemone « quae omnium caput est domina et magistra, et ideo merito matrix per excellentiam dici potest » *. E proprio questa diversa prospettiva (il fatto di far centro, non più su di una
grande
idea politica, sî invece
su un valore
religioso esclusivistico)
spiega la superiore rigidezza rispetto alla tradizione civilistica (direi il superiore integralismo) della soluzione dell’Ostiense: partecipe — peraltro — dello spirito di spinta intolleranza, ideologica e giuridica, che intride un po’ 4 OSTIENSE, Lectura, in cap. pro bumani, cit., n. 34. # OSTIENSE,
Summa
Aurea, loc. cit., n. 4.
4 Cap. 2 damnamus, X, de summa Trinitate, 1, 1, $ 3. 46 OsTIENSE,
Lecíura,
in cap.
22
venerabili,
X, de
verborum
significatione,
5, 40,
n. 2, f. 127 va. Una enunciazione ufficiale, specialmente solenne, di questi principi, sí avrà nella decretale fundamenta di Papa Nicola III, del 1278, emanata nel pieno della lotta contro gli eredi di Federico II. Vi si parla di Pietro e Paolo « qui illam [urbem] in banc gloriam provexerunt, ut sit gens sancta, populus electus, civitas sacerdotalis et regia, per sacram beati Petri sedem caput totius orbis effecta», cap. 17, in VI, de electione et electi potestate, 1, 6.
69
tutte le costruzioni canonistiche in proposito. In queste (proprio perché impiantate sulla contrapposizione radicale d'una verità salvifica a un errore mortifero) si sperde ogni residuo senso di superstite colleganza inter-umana — di condicio aequitatis — che il pensiero antico seguitava a riconoscere nello stesso rapporto bellico: tutte le volte che la guerra concernesse un iustus et legitimus bostis, « contra quem
et totum ius fetiale et multa sunt
iura communia » *
Ne resta ricusata la 'paritarietà di trattamento' fra i due belligeranti, che distingue il bellum publicum delle due leges bostes: per le quali, se publicum è il bellum che il popolo romano muove a un hostis, è anche publicum il bellum che questo hostis muove al popolo romano. Nel nuovo ordine ideale lesclusivismo del sistema risulta accentuato, e come esasperato, dal nuovo coefficiente fideistico che intride la politia europea. Giusta ἃ solo la guerra che il popolo cristiano muove all'infedele: il bellum indictum a populo romano. Ingiusta — sempre ingiusta: con tutte le conseguenze che ne seguono — la guerra che l'infedele muove al popolo cristiano: il bellum indictum populo romano. E una simile iniustitia (per le stesse ragioni che la segnano) non può non
marchiare lo stesso bellum defensivum col quale gli infedeli presumano di poter resistere al bellum romanum offensivum. Mai come in ipotesi del genere si puó dire a miglior titolo che colui che si difende viene in effetti a contrastare alla giustizia, opponendole la sua pertinace contumacia: « ... ἐξ qui gladio utitur iuste facit, et per consequens is qui defendit se temerarie se defendit ». Mai come in detti casi si può aggiungere che il bellum patiens — in luogo di incaponirsi nella colpa — meglio farebbe a ravvedersi: « ... sapienter enim faceret si se emendaret, et corrigeret vitam suam » *
12. Conclusioni, — E un fatto che la glossa dell'Ostiense non ebbe gran fortuna nella dottrina successiva. Anzi (se si eccettua qualche caso: quello, ad esempio, dell'Arcidiacono Bolognese, autore del Rosarium ai tempi di Papa Bonifacio) Ü essa appare pressoché dimenticata: da una scienza che pur usava riprodurre con larghezza gli insegnamenti del passato. Laddove grandi lodi son sempre tributate alla opinione di Innocenzo. Cosf che un 4 Celebre il passo ciceroniano del De officiis: « Regulus vero non debuit condiciones pactionesque bellicas et hostiles perturbare periurio. Cum iusto enim et legitimo boste res gerebatur, adversus quem et totum ius fetiale et multa sunt iura communia », 3, 29, 108.
45 Ostiense,
Summa
Aurea, in tit. de treuga et pace, $ quid sit iustum
bellum,
cit., n. 4.
# Guino pa Barsto, Rosarium, in cap. 2 si de rebus, Ca. 23, qu. 7, f£. 315 v-b. Quivi ricordata [s.v. regnabant, f. 315 v-a] una opinione di Lorenzo IsPANo, della generazione di Innocenzo III, che fa come da passaggio fra le prime delibazioni canonistiche del problema e le ampie costruzioni di Sinibaldo e Enrico: «...sed tu dic secundum Lau. contrarium, scilicet quod non debet ecclesia iudaeos rebus propriis privare; sed saracenos possumus in boc ideo quod tenent loca nostra: nam totus mundus fuit sub Christo ... sed tamen, ubi saraceni vellent restituere nobis loca nostra, non deberemus eos interficere sicut
nec iudaeos, secundum Lau.; item pone quod ipsi possident ea loca quae nunquam fuerunt nostra, et velint esse in pace: dicit. Lau. quod non debemus eos impugnare ...».
70
Bartolo — quanto alla guerra agli infedeli — crede di potersi restringere a un semplice rinvio alla glossa del Papa-canonista: « ... qualiter autem et quo iure indicatur bellum contra sarracenos, dic per Innocentium,
extra, de voto
cap. quod super his » 9. Ma aver ricordato in questa sede le scarne proposizioni dell'Ostiense conserva — ci sembra — un suo valore, per la carica ideologica che appare accompagnarle. La quale à cosí fatta da fissare — proprio nella identificazione del populus cbristianus col populus romanus, e proprio nella esaltazione del ruolo diciamo 'esponenziale' del Vescovo di Roma — i cardini ideali della intera costruzione curialistica dello Imperium Christi. Componente impreteribile — codesta — della realtà non solo religiosa ma politica e giuridica
(costituzionale) del mondo cristiano medievale d'occidente:
il quale —
ad
onta di innumerevoli contrasti — tuttavia ravvisa nel primato di Roma (della
Roma cristiana: Sedes Petri) il suo piá alto fattore aggregativo.
* BartoLo DA SASSOFERRATO, Im secundam captivis, cit., n. 16 in fine, f. 20 v.b.
ff. novi partem,
in legem
bostes, de
71
KARL OTMAR
FREIHERR VON ARETIN
IL PROBLEMA DELLA RENOVATIO IMPERII ROMANORUM. PRETESE UNIVERSALI E REALTÀ COSTITUZIONALE DEL SACRO ROMANO IMPERO DAL XVI AL XVIII SECOLO
1.
Introduzione
La renovatio imperii Romanorum si rifaceva alle profezie di Daniele sui quattro imperi terreni, dei quali l'ultimo sarebbe durato fino alla fine dei tempi. Secondo questa tradizione, nell'incoronare Carlo Magno il papa Leone III avrebbe trasmesso l'Impero romano ai carolingi. Áttraverso una legge emanata da Ottone il Grande, il diritto romano era poi stato introdotto nei territori governati dagli imperatori tedeschi. In questa sede non è necessario esaminare anche il problema dell'Impero romano-orientale con le sue diverse varianti. Per il nostro tema ? importante tenere presente che fino all'inizio del XVI secolo erano considerati come indiscussi tre dati di fatto: 4) gli imperatori romani del Sacro Romano Impero della nazione germanica sono i diretti e legittimi prosecutori della tradizione imperiale della Roma antica; in particolare essi sono portatori della tradizione giuridica romana;
b) i papi romani hanno trasmesso l'Impero agli imperatori romani. La translatio imperii ed il papato erano quindi considerati indissolubilmente legati; c) l'Impero romano era strettamente connesso con il dominio imperiale in Italia, che venne mantenuto nell'Italia centrale e settentrionale sotto forma di sovranità feudale fino al 1806.
A cavallo tra il XV e il XVI imperii entrò in crisi per svariate all’interno del territorio imperiale stituzionali, che non includevano Aurea del 1356 l'elezione del re
secolo la teoria che enunciava la renovatio ragioni. In primo luogo, in questo periodo tedesco vennero avviate delle riforme col’Italia imperiale. Dopo che nella Bulla tedesco era stata resa del tutto indipen-
dente rispetto all’influsso del papa, l'incoronazione dell'imperatore divenne un fatto vieppiá formale, finché nel 1508 l’imperatore Massimiliano assunse 73
il titolo di "imperatore romano eletto" senza incoronazione, un'innovazione che venne realizzata con l'assenso del papa. L'evoluzione costituzionale dell'Impero provocó insomma un allentamento dei rapporti tra carattere romano del potere imperiale e Impero. Il secondo elemento di crisi & rappresentato dal fatto che nel corso della prima metà del XVI secolo l'idea dell'Impero universale romano godette di un nuovo vigore, rispecchiato dalla concezione imperiale di Carlo V. Infine, in netto contrasto con questa ripresa dell'idea imperiale sta la posizione di Martin Lutero, che si distaccó da Roma. Nello scontro tra Riforma e potere imperiale dovette modificarsi radicalmente anche il carattere dell'Impero romano.
L'evoluzione costituzionale interna di quest'ultimo pud essere tralasciata in questa sede, ma entrambe le altre componenti ora ricordate hanno svolto fino al 1806 un ruolo importante nello scontro imperniato sul carattere romano dell'Impero e del potete imperiale. Strettamente legata alla Riforma era l'ascesa dei signori territoriali tedeschi, i quali erano usciti vincitori da quella temperie, a partire dalla quale il concetto stesso di Impero dovette subire una trasformazione radicale. Ormai era divenuto ineluttabile il conflitto tra l'Impero, inteso come istituto universale e sovranazionale, come corpus mysticum, e l'Impero, invece, in quanto regno tedesco. L'imperatore Massimiliano I con la sua politica estera di cosí ampio respiro aveva messo in luce il contrasto tra il suo ruolo imperiale come signore del mondo ed il ruolo di re tedesco. La sua politica imperiale era infatti completamente fallita sia all'interno che all'esterno. Nel movimento per la riforma dell'Impero, i principi territoriali tedeschi avevano manifestato le proprie perplessità nei confronti della politica estera dell’imperatore, improntata com'era in senso dinastico. I principi riuscirono comunque a realizzare delle nuove strutture costituzionali per l'Impero, sottoponendo l'imperatore alla volontà della dieta. l.
L'idea imperiale di Carlo V
Lo scontro tra imperatore e ceti dovette riaccendersi allorché alla dignità imperiale venne eletto Carlo V, il quale disponeva non solo dei mezzi di potere, ma
anche della volontà
limperatore, In questo volontà prima di essere prio potere, per riuscire potrebbero innescare del
per rilanciare la missione universale del.
senso egli espresse con molta chiarezza la propria eletto !: « L'imperatore ha bisogno di tutto il proad imporsi sia contro i principi cristiani, i quali disordine all'interno della cristianità, che contro i
nemici della fede cattolica e contro gli infedeli ». In questo consisteva il suo programma di dimensioni universali, di fronte al quale non esisteva peró un Impero che pensasse più in termini universali — ma questa contraddizione non venne espressa chiaramente. 1 Cfr. la lettera di Carlo V alla zia Margherita del 5 marzo 1519 c la sua istruzione a Beaurain.
Cfr. K. BranpI,
Kaiser
Karl
V, Werden
und Schicksal
einer Persónlicbkeit
und eines Weltreichs, 2* ed., München 1938, pp. 92 s. Cfr. inoltre P. Rassow, Die poli. tische Welt Karls V, München 1942, pp. 223.
74
L'opposizione dei ceti αἱ programma imperiale ebbe un primo successo, allorché nel 1519 per la prima volta venne imposta al sovrano la capitolazione elettorale. Infatti, negli accordi negoziati a Francoforte fra i principi elettori ed i consiglieri asburgici ai primi riuscí di acquisire un diritto di partecipare al governo dell'Impero ed alla definizione della sua politica
estera. Carlo V giurò a sua volta di non introdurre in Germania alcun esercito straniero. In tal modo i principi elettori si erano assicurati contro l'inge renza esterna degli spagnoli. Ma con questa capitolezione imperiale era stato fatto anche un altro importante passo avanti sulla strada di una monarchia tedesca controllata dai ceti. À loro volta, l'imperatore
ed i suoi consiglieri riconoscevano,
infatti,
che la capitolazione era una tappa ineliminabile sulla strada della corona imperiale, Non & pensabile peró che il sovrano si proponesse seriamente di voler rispettare fedelmente i dettati dell'accordo elettorale?. Carlo V si
considerava infatti come il vertice di quel "Sacro Impero”, la cui essenza non è determinata da una nazione, ma dalla religione *. L’Impero era stato modellato a partire da Costantino e dotato di tutti quei poteri e diritti di governo che erano tramandati fin dall'epoca dell'imperatore romano. Queste concezioni di Carlo V risentivano chiaramente dell'influenza del suo consigliere, Gattinara. Subito dopo aver ricevuto la notizia dell'avvenuta elezione il 12 luglio 1519, questi aveva scritto al suo signore: « Sire, poiché Dio vi ha dato la straordinaria grazia di elevarvi al di sopra di tutti i re e principi della cristianità, dotandovi di un potere quale finora lo ha posseduto solo il vostro predecessore Carlo Magno, per questo voi siete avviato sulla strada della monarchia mondiale e state per raccogliere tutto il popolo cristiano sotto un’unica autorità » ‘. Gattinara influenzò Carlo V fino alla morte, avvenuta nel 1530, sugge rendogli l'idea della costituzione di una monarchia universale. L'idea imperiale del sovrano andó assumendo cosí una connotazione universalistica. Dal punto di vista di questi piani, la costituzione imperiale che era stata delineata sia dal movimento per la riforma dell'Impero sia dalla capitolazione elettorale di Carlo V, rappresentava un ostacolo oggettivo — un dato di fatto, questo, che ἃ dimostrato da tutta l'opera di governo dell'imperatore. AI culmine del suo potere Carlo V offrf perciò ai principi un'alleanza, che Fritz Hartung ha correttamente commentato cosí: « L'alleanza avrebbe fatto sí che l’Impero rimanesse tale senza essere danneggiato da quegli elementi nocivi che erano insiti nella sua stessa costituzione » 5.
L'idea imperiale di Carlo V si staccò quindi dalla forma concreta che 2 Cfr. J. ENGEL, "Von der spätmittelalterlichen respublica christiana zum Mächteeuropa der Neuzeit", Handbuch der europ. Geschichte, III, Stuttgart 1971, pp. 11438. 3 S. Skazwet, Reich und Reformation, Berlin 1967, p. 9. 4 Citato
secondo
K.
Banni,
Kaiser
lichkeit und eines Weltreichs, München SF.
Hartune,
Karl
V.
und
die
Karl
V,
Werden
und
Schicksal
einer
Persün-
1937, p. 96. deutschen
Reichsstände
von
1546-55,
ristampa
Tübingen 1971, p. 176. Cfr. anche art. "Bund" in Geschichtliche Grundbegriffe, a cura di W. Conze-R. KoseLtEck, I, Stuttgart 1972, p. 610.
75
il Sacro Romano
Impero aveva assunto nella sua fase germanica, divenendo
un'istituzione modellata sulle idee del sovrano: « L'Impero di Carlo V era il conglomerato di stati e di signorie trasmessigli per via ereditaria in Borgogna, Spagna ed Austria, ma estesi anche all'Italia, all'Africa ed al nuovo Impero situato al di là dell'oceano. L'idea di Impero era invece ancora quella medievale, che riguardava il compito di guida della cristianità a fianco del papato » ‘. Da questo punto di vista aveva ragione Lutero, quando nella lettera di dedica del 1530 alla sua traduzione del profeta Daniele definiva l’Impero
romano come « una torcia, o una luce, che si stia per spegnere e che dia quindi un'ultima fiammata tanto poderosa da far pensare che stia appena accendendosi, nel mentre invece si spegne definitivamente »". Si spiega quindi anche per quali ragioni l’idea imperiale di Carlo V non abbia influenzato direttamente il concetto di Impero che predominò nel corso del XVI secolo. Ma allo stesso modo si spiega il fatto che Carlo V mantenne in vigore l'incoronazione imperiale da parte del papa. Addirittura, per un certo periodo egli concepf l'idea di governare il suo Impero da Roma. Ancora, questo spiega le ragioni che lo spinsero a farsi incoronare dal papa con la corona di ferro come re d'Italia tre giorni prima dell'incoronazione imperiale — una procedura che finora era stata seguita solo dall'imperatore
Sigismondo. 2.
L'idea dell'Impero in Lutero La concezione
che
Lutero
aveva
dell'Impero
è passata
attraverso
varie
fasi evolutive, Da un lato egli ha negato che l'imperatore fosse il vertice mondano della cristianità; dall'altro, anche per lui l'Impero non era altro che
lImpero romano. Il problema principale che qui veniva alla luce era la translatio imperii per mezzo del papa a favore di Carlo Magno. Parallelamente, l'Impero era per Lutero, soprattutto nelle sue riflessioni successive al 1530, il Regnum Germanicum, quale si era sviluppato nei suoi organi costituzionali. Lutero inserf la teoria della franslatio imperii, da lui stesso accettata, all'interno della sua propaganda antipapale. L'Impero romano antico sarebbe stato distrutto dai Goti e dai Turchi* poiché gli imperatori bizantini non intendevano sottomettersi al papa, questi avrebbe tolto loro l’Impero romano concedendolo ai tedeschi, « affinché costoro assumessero il potere dell'Impero
romano e lo detenessero ereditariamente nelle loro mani »?. Secondo Lutero, con 6 P.
questa Rassow,
manovra “Reich
München 1942, p. 39. 7 Weimarer
Ausgabe
und
il papa
intendeva
Reichsidee
(= WA),
Deutsche
Karls
«sottomettere
V.",
Die
politische
Bibel, vol. XI, 2, p. 380.
a sé tutto Welt
Karls
il V.,
.
8 Cfr. W. GüwrER, Martin Lutbers Vorstellung von der Reichsverfassung, Münster 1976, pp. 40 ss.
9 An den christlichen Adel, WA, vol. VI, pp. 4625.
76
nostro potere, la libertà, il corpo e l'anima, e sottomettere, se Dio non lo avesse impedito, attraverso di noi tutto il mondo ». Attraverso questa fraudolenta concessione del titolo sarebbe sorto presso i tedeschi un nuovo Impero
romano.
Lutero evitó di affrontare la questione se tale trasmissione
dovesse essere annullata in quanto si fondava su di un errore, sostenendo che tale nuova fondazione doveva essere considerata come una parte di un più ampio piano divino. « Perciò è chiaro che Dio si è servito della cattiveria del papa per concedere alla nazione tedesca un tale Impero e per creare un nuovo Impero al posto di quello decaduto. » Da questa argomentazione
Lutero dedusse per i tedeschi l'obbligo di liberarsi della schiavitü papale e di completare l'Impero appena fondato. Nel suo scritto Wider das Papsttum zu Rom 1545, Lutero negò invece la validità della #ranslatio considerandola un evento meramente esteriore. In l'incoronazione a Roma, si sarebbe accordato
vom Teufel gestiftet del imperii da parte del papa, realtà, Carlo Magno, dopo con l’imperatore romano
d'Oriente. « L'Impero romano dei tedeschi si fondava di fatto sul predominio politico di Carlo ad Occidente e, di diritto, su di un accordo di divisione con la Roma d’Oriente. L’acclamazione papale svolgeva perciò il ruolo
di una meta spinta esteriore. »!! Per il futuro era importante che Lutero mantenesse salda la sua convinzione del carattere sovranazionale dell’Impero, che anche ai suoi occhi era qualcosa di più che un regrum tedesco. Anche Lutero vedeva l’Impero alla luce della profezia di Daniele, come l’ultimo grande Impero della storia. Ciò nonostante, i tedeschi erano costretti a dividere l’Impero romano con i Turchi — come Lutero scriveva soprattutto nel 1529 nella Heerpredigt wider die Türken. In questo scritto egli giustificava il carattere romano dell’Impero ottomano, che egli definiva come il piccolo corno che cresce sulla fronte del mostro a dieci corni, che è il grande Impero
romano. Lutero si è occupato del problema concreto dell'Impero nella sua forma tradizionale di regmum tedesco solo dopo la dieta di Augusta, allorché divenne palese il pericolo di un’impresa militare da parte di Carlo V contro i protestanti. Se fino a quel momento il riformatore aveva negato la validità di qualsiasi diritto di resistenza contro l’imperatore, i consiglieri giuridici
dell’elettore sassone gli insegnarono a Torgau alla fine dell’ottobre 1530, che Carlo era a tal punto legato dalle leggi fondamentali dell’Impero ed in particolare dalla capitolazione elettorale, che senza dubbio esisteva un diritto di resistenza nei suoi confronti, nel caso in cui ledesse dei diritti costituzionali 12, Negli anni successivi Lutero si avvicinò a queste posizioni, il cui esponente più radicale era Filippo di Assia. In seguito la sua concezione dell’Impero e della sua costituzione subi delle oscillazioni, mantenendosi però ferma al principio che qualora l’imperatore avesse trasgredito la capitolazione elettorale gli si sarebbe potuto op10 [bid., p. 465. LU W. Günrer, Martin Lutbers Vorstellung, cit., p. 47. 2 WA, vol. XXX, 2, pp. 1765.
77
porre resistenza. La persistente ostilità che Lutero in persona incontrò da parte dell'Impero (il bando cui venne sottoposto, ecc...) lo spinse dalla parte dei signori territoriali. Da questa situazione personale era naturalmente influenzata anche la sua visione dell'Impero. Nel discorso conviviale del 7 febbraio 1539 egli pone i principi elettori accanto all'imperatore; tutti eserciterebbero insieme il potere: « Secundo caesar non est monarcha in Germania ..., sed electores septemviri sunt simul politica membra cum caesare et sunt membra caesaris ... Ibi septemviri sunt cum caesare aequali potentia, esto non aequali dignitate » Ÿ 3.
L'Impero nella visione di Filippo d'Assia e dei riformatori urbani
Filippo d'Assia interpretò nel modo piá radicale la trasformazione intervenuta nella costituzione dell'Impero ad opera della capitolazione elettorale di Carlo V, Nella sua lettera del 21 ottobre
1530
indirizzata a Lutero,
in
quel momento a Torgau, egli espone compiutamente le sue opinioni sull'Impero *. L'imperatore non deteneva alcun potere di disposizione sui principi tedeschi; grazie alla capitolazione elettorale, costoro potevano invece controllare l'operato dell'imperatore. Qualora quest'ultimo avesse trasgredito alle disposizioni capitolari, egli sarebbe stato bollato come distruttore della pace ed avrebbe perció perso il suo ufficio, « in quanto egli non ἃ un imperatore ereditario, ma elettivo ». L'Impero appare in questa visione come una federazione dei principi autonomi su base cetuale, al cui vertice si col-
loca limperatore in quanto curatore delle questioni di rilievo comune allinterno della federazione, secondo il dettato della capitolazione elettorale. Secondo Filippo d'Assia l'Impero era un'aristocrazia e non poteva essere equiparato in alcun modo all'Impero romano. Se Lutero si era progressivamente avvicinato alle concezioni dei suoi protettori, i teologi e giuristi delle grandi città imperiali nella Germania meridionale, come Lazarus Spengler a Norimberga e Johann Brenz di Schwäbisch Hall, si mantennero invece aderenti alle posizioni espresse da Lutero in anni precedenti, posizioni secondo le quali i ceti erano sottomessi all'imperatore, a meno che gli elettori non intendessero deporlo. I riformatori
svizzeri, Zwingli
e Calvino,
avevano
invece
un
rapporto
assai più distaccato con l'Impero. Essi cercavano di realizzare nella comunità politica la comunità cristiana originaria. Per Calvino non solo lo Stato era stato istituito da Dio
stesso, ma
esso diveniva
necessariamente
una
teo-
crazia; nel suo pensiero non trovava quindi alcun posto l'idea della sovranità universale, Al massimo questi pensatori potevano concepire l'imperatore
come un primus inter pares e ritenere che l'Impero non rappresentasse un problema. Questa collocazione di campo divenne concreta all'interno della pace reB WA, Tischreden, vol. IV, nr. 4342, pp. 236 s. 4 WA, Briefe, vol. V, nr. 1737, pp. 653s.; cfr. H. GRUNDMANN, von Hessen auf dem Augsburger Reichstag, Góttingen 1959, pp. 36 s.
78
Landgraf Philipp
ligiosa di Augusta, siglata nel 1555, nella quale i seguaci della confessione augustana vennero equiparati dal punto di vista del diritto imperiale ai fautori della vecchia teoria. Era escluso invece un riconoscimento dei Riformati. Questa evoluzione suscitò da un lato la disponibilità da parte dei Lute-
rani ad affrontare in senso positivo l'idea di Impero, dall'altro i Riformati vennero esclusi ancor piá decisamente dall'Impero e ne uscí rafforzata la loro opposizione a questo in quanto organismo sovranazionale, che proseguisse la
tradizione dell'Impero romano antico. La pace religiosa di Augusta rappresenta il primo di una serie di compromessi stipulati per mantenere l'unità dell'Impero e per conservarlo come istituzione statale complessiva per tutti i tedeschi. In altre parole, l'Impero era ormai divenuto un organismo politico. Contro i tentativi di Carlo V di risolvere con la forza i problemi conseguenti alla Riforma, nel mondo luterano prese forma la dottrina dell'Impero
inteso in quanto aristocrazia di principi — senza peraltro che questa conce zione avesse una qualche base teorica sicura. In questa fase, quindi, l'idea
universale dell'imperatore e dell'Impero e la visione dell'Impero come aristocrazia di signori territoriali convissero parallelamente e senza influenzarsi vicendevolmente.
4.
La discussione su imperatore e Impero fino alla pace di Vestfalia
La visione dell'Impero come federazione di principi, quale era stato concepito da Filippo d'Assia ed accolto dallo stesso Lutero alla fine della sua vita, si era andata formando come conseguenza della continua minaccia latente per la pace interna, che era seguita alla dieta di Augusta del 1530. Accanto a questa, però, rimase in vigore anche nel pensiero di Lutero l'idea di un Impero fondato su tradizioni romane e basato sulla profezia di Daniele sui grandi imperi, le cui forme concrete erano però lasciate naturalmente nel vago. La pace religiosa di Augusta riusci a realizzare una certa attenuazione delle tensioni, in quanto consenti di spazzare via una volta per tutte la minaccia di un intervento imperiale nei confronti dei principi territoriali protestanti. Da quel momento in poi la confessione religiosa predominante nellImpero non era più stabilita dal vicario della chiesa, cioè dall'imperatore, ma dai singoli principi territoriali ἰδ, Per quasi quarant'anni la pace di Augusta congelò la discussione sull'es15 Rispetto al problema della pace religiosa cfr. la recente sintesi di H. DUCHHARDT, Protestantisches Kaisertum und Altes Reich. Die Diskussion über die Konfession des Kaisers in Politik, Publizistik und Staatsrecht (Veróffentlich. des Inst. f. Europ. Gesch. Mainz, vol. 87) Wiesbaden 1977, pp. 43 ss. e la bibliografia ivi indicata.
16 H. TicHLE, "Der Augsburger Religionsfriede. Neue Ordnung oder Kampfpause?", Zeitschrift des bistorischen Vereins für Scbwaben, 61 (1955), pp. 332 ss. sostiene la tesi secondo
la quale
con
il riconoscimento
di due confessioni
religiose in seguito
alla pace
di Augusta l'Impero nella sua accezione medioevale sarebbe andato distrutto.
79
senza dell’Impero e sulla questione, ad essa direttamente collegata, dei diritti dell'imperatore. In particolare, non si prese coscienza del fatto che il
fallimento dell'idea imperiale di Carlo V aveva rappresentato nello stesso tempo la messa in discussione dell'idea medievale di Impero ". Una simile trascuratezza pud essere forse ricollegata al fatto che sia Ferdinando che Massimiliano II si preoccuparono per quanto possibile di evitare tutto ció che
avrebbe
potuto
far
riaccendere
la
discussione.
Correttamente,
Heinz
Duchhardt ha fatto notare che anche dopo il 1555 continuava ad essere viva la speranza di poter riunificare le confessioni. Queste speranze svanirono poi definitivamente allorché, dopo la conclusione del concilio di Trento, la pace
religiosa venne ancora una volta sancita ufficialmente nel 1566 *, A questa svolta si ricollegano le prese di posizione di imperiali, quali il consigliere imperiale Lazarus a latere del Reichskammergericht Simon Schard. XVI secolo costoro continuatono a mantenere
membri dei nuovi organismi von Schwendi ? o il giudice Anche nella seconda metà del ingenuamente l'idea dell'Im-
pero come successore dell'Impero romano ?. Un mutamento intervenne per la prima volta con Jean Bodin, i cui Six
livres de la république, pubblicati nel 1576, dettero l'avvio alla discussione su chi deteneva "la sovranità nell'Impero”. Bodin negò che l’imperatore o i principi tedeschi fossero sovrani e definf invece il corpo dei ceti imperiali nel suo insieme come il vero detentore della sovranità all'interno dell'Impero. In tal modo veniva portato un attacco di fondo contro la preminenza dell’imperatore, anche se in un primo tempo la discussione non riguardava solo il suo ruolo, ma anche quello dei principi imperiali. In questo dibattito, che per quasi una generazione monopolizzò la discussione giuridica sull’essenza dell'Impero, si evidenziano molto chiaramente le posizioni fondate su differenze confessionali. Infatti, mentre i cattolici non presero praticamente parte alla discussione, i luterani sostennero invece la visione tradizionale dell'Impero, per cui si ebbe una situazione invero paradossale, cosf riassunta da Martin Heckel: « Mentre l'imperatore andava perdendo sempre più d'importanza, in quanto costretto a combattere nei suoi possedimenti ereditari contro dei movimenti protestanti ed a cedere la guida della Controriforma
17 A radicali,
conclusioni era
al sovrano
analoghe
già giunto
bavarese,
a quelle
F. HARTUNG,
che
i giuristi evangelici
di Thule,
anche
in Karl
V.
und
se espresse die
lo esaltavano
in termini
deutschen
meno
Reichsstände,
cit., p. 167, riscontrava che all'imperatore fossero rimasti dopo il 1555 solo diritti onorifici. 18 Cfr. H. DucHHARDT, Protestantisches Kaisertum cit, pp. 45 ss. 19 Cfr. Lazarus VON SCHWENDI, Denkschrift über die politische Lage des deutschen Reiches von 1574, a cura di E. v. FRAUENHOLZ (Münchner Histor. Abh., collana 2 vol. 10), München 1939.
2 De Jurisdictione auctoritate et praeeminentia deque juribus regni et imperii variorum autorum Basel 1566 (Paris 1576).
2 E, DickMANN,
Der
Westfälische
Frieden,
Imperialis ac potestate ecclesiastica
qui ante baec tempora vixerunt, scripta,
Münster
1959,
pp.
127ss.,
riassume
le cause per le quali la trattazione di Bodin, compiuta tenendo presente il modello francese,
non riuscisse a cogliere la particolarità del fenomeno
80
"Impero".
invece come capo della Chiesa e cercavano, con zelo inaspettato, di rafforzarne la cattolicità e l'unzione sacrale » 2. I calvinisti, la cui confessione continuò a non essere riconosciuta all'interno dell'Impero, si dimostrarono i più di. sposti a giudicare con la massima freddezza l'essenza dell'Impero
sulla base
dei dati di fatto. L'esame dettagliato della discussione svoltasi fra i teorici del diritto pubblico fino al 1648 sarebbe improprio in questa sede. Ci limitiamo ad indicare sommariamente i tre gruppi, che vi si formarono: a) i cattolici, che continuarono
imperii;
b) i luterani,
che
difesero
a difendere
anch'essi
la teoria della
questa
teoria
—
basti
#ranslatio citare
i
nomi di Gottfried Antonius, Dietrich Reinkingk e Giovanni Linneo, in quanto i pi rappresentativi. Tuttavia questi pensatori introdussero una limitazione decisiva, secondo cui nella pace religiosa di Augusta l'imperatore aveva ceduto ai ceti imperiali il regnum ecclesiasticum; ne conseguiva che nelle questioni religiose egli doveva mantenere la più rigida neutralità. Inoltre, i giuristi di parte luterana respinsero ogni legame con il papato romano; c) i calvinisti, che nel dibattito assunsero le posizioni pi libere. Già Althusius aveva sostenuto che il titolo di imperatore romano non era che un appellativo formale. Domenico Arumaeus radicalizzò ulteriormente questa posizione; fondandosi su raccolte di materiali giuridici relativi al diritto pubblico tedesco, egli spiegò il diritto pubblico imperiale a partire da fonti tedesche e non più romane. Un allievo di Arumaeus, Bogislaw Philipp von Chemnitz, cancellò tutte le riflessioni suddette con la sua opera Dissertatio de ratione status imperio nostro Romano Germanico, apparsa nel 1646 ?, e pubblicata sotto lo pseudonimo di Hippolithus a Lapide. In questo scritto, caratterizzato da un'aspra nota polemica nei confronti della casa d'Asburgo, egli sostenne fermamente la tesi che l'Impero non era altro che una repubblica di principi. Indubbiamente, la sua analisi mostra notevoli lacune e rispecchia chiaramente il punto di vista della Svezia, paese nel quale in seguito Chemnitz sarebbe divenuto storiografo di corte, Per la sua irrefrenabile vena polemica l’opera ha suscitato un interesse enorme, influenzando una serie di scritti posteriori;
tuttavia
tra i contemporanei il libro di Chemnitz suscitò piuttosto un moto di rigetto che non l’inclinazione ad imitarlo. La sua analisi, insomma, non ha influenzato
granché l’immagine dell'Impero; ma da questo punto di vista ha avuto molto più successo il versatile storico e medico Hermann Conring. Con il suo 2 A. HECKEL,
schlands
"Staat und
in der ersten
Hälfte
Kirche nach den Lehren
des
17. Jahrhunderts",
für Rechtsgeschichte-KA, 73 (1956), pp. 2 Dissertatio de ratione. status in
144 s. imperio
nostro
der evangelischen
Zeitschrift
der
Juristen Deut-
Savigny-Stiftung
Romano-Germanico
(sl.
1640).
Su Hippolithus a Lapide cfr. R. Hox, "a Lapide", Staatsdenker des 17. und 18. Jabrbunderts, Reichspublizistik, Politik, Naturrecht, a cura di M. Srozzeis, Frankfurt/Main
1977,
pp. 118-127 e la bibliografia riportatavi.
81
scritto del 1643 De origine juris Germanici egli riusci infatti a dimostrare che la trasposizione sul suolo tedesco del corpus iuris civilis a seguito della
translatio imperii era una leggenda, allo stesso modo che la convinzione che il corpus fosse stato nuovamente rimesso in vigore nel Impero per mezzo di un atto legislativo imperiale *. Questa ha completato nel dettaglio la visione calvinista dell’Impero, ebbe conseguenze dirette. Tuttavia, da questo momento in
Sacro Romano dimostrazione anche se non poi la visione
cattolica dell'Impero venne a trovarsi oberata dalla pecca dell'infondatezza. 5. La secolarizzazione dell'idea imperiale dopo il 1648 La trasformazione intervenuta all'interno della scienza del diritto pubblico nei quasi cento anni intercorsi fra la pace di Augusta
e quella di
Vestfalia in merito al problema della definizione dell'Impero, ha fatto sí che quest'ultimo venisse decisamente ridimensionato 5. In fondo, perd, la teoria non faceva che rispecchiare un mutamento politico verificatosi già a partire dalla pace religiosa di Augusta. L'idea dell'Impero come un'entità posta al di sopra dei regni nazionali e collocata in una linea di continuità con l'Impero romano cedette il passo di fronte ad una visione molto piü realistica, Cosí venne
introdotta,
limitativamente, la definizione dell'Impero
come "della nazione tedesca”. Dopo la pace di Vestfalia la posizione dell’Impero e dell’imperatore si modificò radicalmente. Se finora non era stato messo in discussione il carattere universale del titolo imperiale e quindi neppure la concezione teorica dell’imperatore come superiore rispetto agli altri sovrani — per quanto scarsi fossero i riflessi che tali concezioni avevano nella pratica — da quel momento in poi la Francia e la Svezia divennero garanti della costituzione imperiale. Nella pace di Vestfalia vennero suggerite delle possibili alternative giuspubblicistiche per il futuro dell'Impero; da un lato esso poteva evolversi verso uno stato federale attraverso il rafforzamento della sovranità territoriale dei ceti più forti; dall'altro l'Impero poteva mantenere l'originario carattere gerarchico e l’articolazione in elettori, principi, conti, prelati, cavalieri e città. Nel primo caso i ceti imperiali più forti si sarebbero consolidati a spese dei piá deboli. Dato che l’influenza politica dell'imperatore si fondava sull’alleanza con i ceti imperiali minori, egli propendeva naturalmente verso una soluzione che accentuasse le differenziazioni gerarchiche. % Cfr. E. Worr, "Idee und Wirklichkeit des Reiches im deutschen Rechtsdenken des 16. und 17. Jahrhunderts", Reich und Recht in der deutschen Philosophie, a cura di K. Larenz, I, Stuttgart/Berlin 1943, pp. 70s.; 110 85. Su Conring cfr. anche D. WirLOWEIT, “Hermann Conring”, Staatsdenker des 17. und 18. Jabrbunderts cit., pp. 129-147 e la bibliografia riportatavi. 25 A. WANDRUSZKA, Reichspatriotismus und Reicbspolitik zur Zeit des Prager Friedens von 1635, 1955, p. 52, sottolinea a ragione che Reinkingk e Chemnitz non vedevano l'Impero
cosí
come
esso
era,
ma
come,
a parer
loro,
scritti contengono quindi anche un programma politico.
82
avrebbe
dovuto
essere.
I loro
Ancora una volta, dallo scontro usci vincente l’imperatore, il quale riuscf a mantenere le preesistenti strutture gerarchiche. Parallela ed analoga alla tendenza al rafforzamento politico della struttura gerarchica imperiale era,
nella seconda metà del XVII secolo, una tendenza predominante nella pubblicistica imperiale. La discussione sul carattere dell'Impero aveva invece un altro aspetto, più accademico. Uno dei poteri che erano rimasti nelle mani dell’imperatore riguardava la concessione dei privilegi alle università. Egli poteva cioè pretendere che nelle università venisse insegnato unicamente il diritto imperiale. Cosí, entrambe le nuove università privilegiate dall'imperatore, Halle nel 1693 e Gottinga nel 1737, divennero due culle del diritto imperiale ?*. Ció nonostante, sono stati due estranei al mondo accademico, e precisamente Pufendorff e Leibniz, a ravvivare nel modo piá fruttuoso nel corso
della seconda metà del XVII
secolo il dibattito sulle strutture imperiali.
Prendendo le mosse da una descrizione della situazione attuale della costituzione imperiale, Pufendorff pose fine a tutti i tentativi di ordinare l'Impero all'interno delle categorie aristoteliche. Questo era l'obiettivo che egli si proponeva nella cosí spesso citata, ma altrettanto poco compresa, descrizione del carattere mostruoso dell'Umpero, un'immagine che lo stesso Pufendorff, peraltro, attenuó notevolmente nella seconda edizione del suo De statu imperii, scritto con lo pseudonimo di Monzambano, edizione da lui
stesso riveduta personalmente 7. Questa visione dell'Impero di Pufendorff, dedotta cosí direttamente dalla realtà, corrispondeva a quella secolarizzazione dell'idea di Impero che si era verificata dopo il 1648. Pufendorff respinse sia la tesi dei teorici medievali che l'interpretazione luterana dell’Impero
inteso come
aristocrazia, interpre-
tazione fatta propria fra gli altri da Reinkingk. Pufendorff era convinto che qualsiasi modifica costituzionale avrebbe messo in pericolo la pace, cosi faticosamente raggiunta, e sostenne perciò l'esigenza di conservare l'esistente 2. In tal modo egli ha contribuito a fondare le basi per una considerazione più realistica dell’Impero. I punti di partenza dell’analisi di Leibniz erano simili; anche lui era con-
vinto della necessità di difendere la pace ?. Ma a differenza di Pufendorff egli continuò a sostenere che l’Impero aveva un carattere peculiare, sovranazionale 9, Leibniz era però ben consapevole del fatto che nulla più giustificava % Tale circostanza viene evidenziata soprattutto da R. MontANUS, Zum Problem der Reichskontinuität im üffentlichen Bewusstsein im Jabrbundert nach dem West{älischen Frieden, Diss. in filosofia, Bonn
1957, pp. 41 ss.
© Severini DE MONZAMBANO VERONENSIS De statu Imperii Germanici ad Laetium Fratrem. Dominum Trezolani liber, Verona 1664. Cfr. E. Worr, "Idee und Wirklichkeit des Reiches" cit., pp. 125 5. 2 Cfr. E. Worr, "Idee und Wirklichkeit des Reiches", cit., p. 132. 5 Cfr. P. WiEDEBURG, Der junge Leibniz, Das Reich und Europa, parte I, Mainz Wiesbaden
1962, p. 13.
3 Sulla concezione dell'Impero di Leibniz cfr. E. Worr, des Reiches" cit., pp. 134-168.
"Idee
und
Wirklichkeit
83
la collocazione suprema dell'imperatore e che questa non poteva essere fondata sulla base della tradizione della translatio imperii. Nell'idea che questo pensatore aveva dell'Impero si coniugavano la preoc cupazione che la Germania, persistendo nella sua debolezza, potesse divenire anche in futuro il principale teatro di guerra tra le potenze europee e la convinzione che la peculiare collocazione del popolo tedesco nel centro del continente determinasse il particolare ruolo di arbitro europeo che un Impero rinforzato internamente avrebbe dovuto assumersi. Spunti per una simile interpretazione erano peraltro già affiorati in Hugo Grotius e nella sua idea di un’unità spirituale del mondo occidentale, ed erano presenti anche nellinterpretazione della pace di Vestfalia come parte di un ordine europeo di pace, interpretazione enunciata in particolare attorno alla metà del XVIII secolo da Jean-Jacques Rousseau “. Al lato pratico questa impostazione universalistica di Leibniz non ebbe una diffusione molto ampia. Tuttavia, alcuni tratti della sua analisi, espressa in quel Tractatus de jure suprematus ac legationis principum Germaniae da lui pubblicato con lo pseudonimo di Caesarinus-Fuerstenerius, potevano essere interpretati anche come elementi di una
concezione federalistica dell'Impero *, Lo stesso Leibniz ha però più volte respinto questa lettura, Parallelamente alle vicende politiche del tempo, anche la discussione a livello del diritto imperiale si sviluppò in due direzioni: una considerava l'Impero come un'entità corporativa, l’altra sottolineava invece gli aspetti federativi, propendendo quindi per una soluzione federalistica. Su questo sfondo è andata prendendo corpo l’idea dell’essenza corporativa dell'Impero, un'idea che si rifaceva al confronto fra Impero e corpo umano,
quale era stato delineato da Linneo.
Questa
interpretazione è stata
sviluppata soprattutto da Hiob Ludolf e da Martin Schmeizel, oltreché dallo storico di Lipsia Johann Jacob Mascov *. La teoria corporativa presupponeva
l'esistenza di un organismo politico funzionale e di una comunanza di interessi fra ceti imperiali ed imperatore *. Essa continuò a sostenere il carattere statuale dell'Impero non riconoscendolo invece ai principati spirituali e mondani. I fautori di questa interpretazione si rifacevano per molti versi a Linneo, a Pufendorff e soprattutto a Chemnitz. 31 Rimando qui alla nota citazione dal Contrat social, nella quale Rousseau nel 1762 indica l'Impero come il centro di un ordinamento di pace in Europa. RAUMER, Ewiger Friede, Freiburg/Miinchen 1953, pp. 351s.
2 Amsterdam
1677.
In ogni caso A. RANDELZHOFER,
Cfr. KURT
Vólkerrecbtliche Aspekte
von
des
Heiligen Romischen Reichs nach 1648, Berlin 1967, semplifica eccessivamente il problema quando sostiene che Leibniz avrebbe definito l’Impero una confederazione di stati se tale concetto fosse allora già esistito. 3 H. LupoLPH, Allgemeine Schaubübne der Welt oder Beschreibung der vornebmsten Weltgeschichte, 4 volumi, Frankfurt/Main 1699-1701. M. ScHMEIZEL, Abriss zur vollstánd-
igen Reicbsbistorie, Jena 1728. J.J. Mascov, Abriss zu einer vollstándigen Historie des Rómiscb-Teutschben Reiches bis auf die gegenwirtige Zeit, Leipzig 1722. % Cfr. P. von zur MUHLEN, "Die Reichstheorien in der deutschen Historiographie des frühen 18. Jahrhunderts", Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte-GA, 89 (1972), p. 131.
84
Nella realtà politica questa rivalutazione della sovranità feudale venne messa in atto soprattutto da parte di Giuseppe I e di Carlo VIS. Certo, entrambi dovettero ritirare, con la pace di Baden del 1714, il bando emesso contro i due principi elettori della dinastia dei Wittelsbach, Massimiliano Emanuele di Baviera e Giuseppe Clemente di Colonia. In Italia, peró, il bando imperiale continuò a colpire i duchi di Mantova, Mirandola ed altri territori minori, Nella penisola italiana, in effetti, si assiste in questa fase ad un rinnovato intensificarsi del governo feudale da parte dell'imperatore *. A Vienna, attorno alla metà del XVIII secolo, ritornó in auge la definizione di "Sacro
Romano Impero della nazione tedesca ed italiana". E ovvio che l'interpretazione dell'Impero come unione corporativa, in quanto negava il carattere statuale dei ceti imperiali non poteva non incontrare degli oppositori. Per di più in quella fase i tre elettori protestanti: Brandeburgo, Sassonia (Polonia) e Hannover (Inghilterra) erano assurti al rango di sovrani europei. La concezione federalistica « partiva dal presupposto che l’Impero non
fosse
altro che una
riali, i quali nel passato avevano
federazione
di signori
rinunciato volontariamente
territo-
ad alcuni dei
propri diritti a vantaggio della comunità » ”. È interessante notare che i fautori di questa teoria, alludendo esplicitamente alla renovatio imperii, si ricollegassero all'epoca germanica pre-romana. Autori quali Johann Ulrich Pregitzer, Burckhardt Gotthelf Struve e Johann David Kohler vedevano nella pace di Vestfalia la conferma di diritti già preesistenti. « A tutti i ceti dell'Impero vennero confermati gli antichi diritti e libertà, sia dal punto di vista del potere spirituale che di quello mondano. » * Conseguentemente,
venne
criticata
la politica
di
imperatori
forti quali Ottone III e Carlo V, ai quali si addebitava la colpa di aver cercato di imporre all’Impero una forma statale che gli era estranea. I ceti imperiali, che questi autori consideravano co-reggenti, potevano arrogarsi dignità
e diritti imperiali.
L'insieme
dei ceti, raccolti nella Dieta
imperiale,
era posto al di sopra dell'imperatore, che veniva considerato solo l'ammini-
3$ E. FEINE, "Die Verfassungsentwicklung des Heiligen Rómischen Reiches seit dem Westfälischen Frieden", Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte-GA, 52, 1932, p. 79 ha messo in luce per primo tale circostanza, osservata anche da altri autori. 35 Cfr. K.O. von ARETIN, “Die Lehensordnungen in Italien im 16. und 17. Jahrhundert und ihre Auswirkungen auf die europäische Politik. Ein Beitrag zur Geschichte des europäischen Spütfeudalismus", Politische Ordnungen und soziale Krifte im Alten Reich,
a cura di H.
WEBER,
Wiesbaden
1980, pp.
80s.
Sul significato dell'ordinamento
dei feudi dell'Impero cfr. R. FRH. v. SCHÔNBERG, Das Recht der Reicbsleben im 18. Jabrbundert, Heidelberg-Karlsruhe 1977, pp. 207-220. 3 P. von zur MiHLEN, "Die Reichstheorien" cit., p. 133, che comunque usa in tale contesto il concetto fuorviante di "teoria costituzionale degli stati dell’Impero”.
Nel
concetto
di "stati dell’Impero”
è presente a parer nostro
almeno
un abbozzo
di
statualità. Il concetto si inserisce quindi nell'ambito della concezione imperiale corporativa.
3 J. D. KÔHLER, Kurtz gefafte und gründliche Teutsche Reicbsbistorie vom Anfang des Teutscben Reiches mit Ludewig dem Teutschen bis auf den Baaden'schen Frieden, Nürnberg 1736, p. 567.
85
stratore stica si In né del respinto
degli interessi imperiali ?. Tra i fautori di questa concezione federalideve annoverare anche Johann Jacob Schmauss *. questi scritti non si teneva peró in alcun conto né di Federico II dualismo austro-prussiano. Correttamente Johann Jacob Moser ha tali speculazioni
astratte,
scrivendo:
« Costoro
si sono
inventate
determinate idee e costruzioni statali nella loro testa, stravolgendo la storia a loro piacimento, ed hanno edificato l'intero diritto pubblico su di una base cosí incerta ». Nello scritto di Moser, Von Teutschland und dessen Staatsverfassung überbaupt, troviamo una frase che tronca radicalmente tutte le discussioni sul carattere dell'Impero: « La Germania viene governata in tedesco, e precisamente nel senso che non esistono parole o modelli di governo di altri stati che permettono di comprendere il nostro sistema di governo » “. L'Allgemeines Lexikon der Kunst und Wissenschaft di Jablonski (1721) spiegava l'Impero romano della nazione tedesca secondo le parole che ne componevano la definizione, come segue: impero, « perché per dimensione e potere non è inferiore a nessuno dei più grandi regni », romano « poiché il governo della città di Roma ἃ stato a lungo nelle mani dei sovrani tedeschi, i quali non hanno ancora formalmente rinunciato a tale potere »; infine tedesco, « perché comprende l'antica Germania con le sue popola-
zioni ». Questa definizione & stata testualmente ripresa dall'Universallexikon di Zedler, con un'unica aggiunta ©. Secondo l'autore è curioso che esso venga definito "sacro", un termine che
risalirebbe a Corrado
I o a Federico
I.
« Secondo altri autori tale definizione è del tutto inesistente. » Zedler spiega poi lungamente la radice della parola "sacro", che a suo parere deve essere fatta risalire alle pretese del papato nei confronti dell'Impero *. Queste spiegazioni contenute nei lessici del XVIII secolo sono di per sé molto significative. In esse non è rimasto nulla della translatio imperii Ro-
manorum, se non la banale affermazione che l’aggettivo “romano” deriva all’Impero dal fatto che i sovrani tedeschi non hanno ancora rinunciato a tale titolo. Un passo avanti venne compiuto dal giurista di Gottinga Stephan Pütter. Al pari di Moser questi descrive l’Impero nella sua situazione presente, senza interessarsi in alcun modo dell'idea medievale di un Impero romano universale, Tale concezione è a suo parere del tutto astratta « tanto da non richiedere neppure di dover essere respinta, ed è persino difficile pensare come una simile idea possa essere sorta e quali conseguenze incalcolabili essa abbia avuto » *. 9 Cfr. P. von zur MUHLen, “Die Reichstheorien" cit., pp. 138 s. 4 JoHnann Jaco ScuMauss, Kurtzer Begriff der Reichshistorie im einer accuraten chronologischen Ordnung von den ältesten Zeiten bis auf die gegenwürtige, aus den bewäbrtesten Skribenten, Leipzig 1744. 4 Stuttgart 1766, cap. 27 $ 4, pp. 547 5. 4 JoHANN ZEDLER, Grofes vollständiges Universallexikon, XXXI, Leipzig 1742, p. 7. 4 Il lessico universale di Zedler era diffuso anche nel mondo cattolico. Tale circostanza viene comprovata, tra l'altro, dalla presenza di piá esemplari di detto lessico in quasi tutte le biblioteche claustrali dell'Alta e Bassa Baviera. # Litteratur des Teutschen Staatsrechts, parte I, Góttingen 1776, p. 35.
86
Nel Repertorium des teutschen Staats- und Lebensrechts, scritto in quello stesso periodo, Heinrich Godfried Scheidemantel riteneva che la definizione
di "romano", apposta al Sacro Romano Impero derivasse da « erronee concezioni, che erano state diffuse nei secoli precedenti, sulla dignità imperiale e sull'Impero dell'antica Roma » $.
Quindi, l'apposizione di "romano" era ormai divenuta in quella fase un fatto meramente formale, il che fra l'altro suscitó l'opposizione da parte dei protestanti. Costoro accettavano l'aggettivo solo nella misura in cui esso garantiva il carattere di onorabilità dell'imperatore e dell'Impero, e la loro collocazione ad un rango superiore rispetto a tutti gli altri regni. La definizione tradizionale venne mantenuta ovviamente nel cerimoniale di corte, tanto che nel 1747 si diede una risposta seccata alla nota della zarina di Russia, che aveva parlato di "imperatore tedesco”. Nel 1782 l'imperatore Giuseppe II fece visita alla zarina Caterina la Grande in Crimea; venne stipulato in quell'occasione un accordo segreto nel quale la sovrana prometteva all'imperatore il suo aiuto per realizzare i piani da lui accarez-
zati in Germania, e viceversa questi assicurava l'appoggio alla Russia nella sua lotta contro l'Impero turco. Durante il banchetto conclusivo lo spumante di Crimea scorreva a fiotti. Nel brindisi, l'imperatrice russa, un poco eccitata, promise a Giuseppe che gli avrebbe riconquistato la sua capitale, Roma. Dapprima l’imperatore accolse la promessa come uno scherzo, Ma il giorno seguente egli dovette faticare non poco per spiegare alla zarina che egli non aveva assolutamente nulla in contrario a che ella riconquistasse la propria “Roma”, ossia Costantinopoli. Lui, da parte sua, come imperatore romano, non poteva invece fare assolutamente nulla con Roma, per cui la dovette
invitare a rinunciare ad un'idea del genere ‘.
4 Vol. IV, Leipzig 1795, p. 411. 4. Cfr. H. G. SCHEIDEMANTEL, Repertorium des deutschen Staats- und Lebensrechts IV, Leipzig 1795, p. 411. 4 "Relazione" di Romanzoff 3/14.5.1782, Archivio del Ministero per gli Affari Esteri dell'URSS, Mosca, Ambasciata di Francoforte, Fascicolo 3.
87
NOTKER
HAMMERSTEIN
NUM IMPERIUM HOC NOSTRUM ROMANUM RECTE DICI ETIAMNUM POSSIT? LA DOCTRINE
DES
CHRONIQUEURS
D'EMPIRE,
DES
‘‘REICHS-PUBLICISTEN”
1. Au XVII* siècle commence la doctrine du Jus Publicum Romano-Germanicum, de droit public, de chronique d'empire. L'élaboration et le déman-
tèlement de ces doctrines juridico-politiques appartiennent à la pré-histoire de la guerre de Trente Ans qui entraîna l'Empire dans les violents conflits d'orthodoxie qui faisaient rage en Europe occidentale. Néanmoins, la chronique d'Empite ne reprit que partiellement les suggestions et formulations qui ici, à l'ouest, avaient été développées bien avant, de maniére plus énergique et plus 'politique'. C'est plutót en se démarquant — des théories de Bodin par exemple, et tout particuliérement de son analyse de la forme de pouvoir de l'Empire — ou de celles de Machiavel et de Hobbes, ainsi que des monarchomaques, que ces théoriciens du droit public d'empire recherchèrent une composante fonciérement 'impériale' et insistérent avant tout sur la spécificité, l'incomparabilité pour ainsi dire de l'Empire aux autres états européens !. Il était à la fois caractéristique et important que cette discussion fût d'abord menée dans les universités, que cette doctrine se considérát comme une discipline universitaire et qu'elle füt le plus souvent formulée puis appliquée par des professeurs. Mais ce n'est pas le fait qu'un aspect théorique
et abstrait lui füt propre qui est décisif. Il l'était bien moins qu'on aurait pu être en droit de s'y attendre. D'autres points jouent ici un rôle plus important: il en a résulté un souci de 'scientification' et d'intégration aux disciplines universitaires savantes; ainsi s'explique aussi que le Jus Publicum al-
! Pour simplifier je renvoie à mon article: "Jus Publicum Diritto e Potere nella Storiae Europea. Atti del IV Congresso Italiana
di Storia
del
Diritto,
Firenze
1982;
il contient
de
Romano-Germanicum”, Internazionale, Società
nombreuses
preuves
ainsi
qu'une bibliographie. En ce qui concerne l'arriére-plan général cf. pour la bibliographie et l'analyse succincte H. Lurz, Reformation und Gegenreformation (Oldenbourg Grundriss der Geschichte, 10), München/Wien 1979.
89
lemand se soit considéré comme étant plus juridique que politique. Cela se
fit certes encore moins sentir au départ que par la suite, au cours de l'évolution. Mais dans ce que nous venons d'exposer, une autre particularité des rapports existant au sein de l'Empire apparaît. Les universités gardèrent ici un rang nettement plus élevé qu'en Europe du Sud ou de l'Ouest. Elles réussirent à maintenir toute leur importance et leur grande influence méme au cours du XVII siècle, alors qu'elles paraissaient s'effondrer tout autant que les autres universités européennes ?. Des études à l'une de ces nombreuses universités permettaient toujours de faire carriére: elles étaient souvent considérées comme la condition de toute activité publique, reconnue. Et ce n'est que par hasard que ces établissements, anéantis en apparence, purent amorcer une
vigoureuse reprise à la fin du siècle ?. La raison en est explicite. L'absence d'une capitale, d'une cour dirigeant et décidant seule — l'Empire en possédait de nombreuses, fort importantes sur le plan régional — et le manque d'un public correspondant contribuèrent à faire de l'université le lieu de la nécessaire élaboration du style, de la
discussion, du contróle intellectuel et d'un débat fécond. Sur ce point, le résultat resta souvent à la mesure du particularisme des petits états, se cantonna pour ainsi dire dans le domaine de l'état territorial, mais de par leu: portée, c'est-à-dire par le fait que finalement c'est l'Empire tout entier qui fut touché, les universités garantirent une propagation générale de la chose publique remplaçant ainsi en partie capitale, cour et salon*. Il est évident que cela se répercuta à nouveau sur les doctrines universitaires elles-mémes et à plus forte raison sur le Jus Publicum en tant qu'explication des rapports publics existant dans cet Empire. Mais ce point n'entre pas dans le cadre de notre exposé. En simplifiant beaucoup, on pourrait dire que le Jus Publicum
Romano-Germanicum se considéra une discipline autonome à partir du moment où il pensa découvrir des matières juridiques propres et plus spécifiques qui n'étaient pas contenues dans le Corpus Juris et n'avaient donc pu
étre suffisamment réglées et expliquées, mais qui néanmoins étaient d'importance pour la vie dans l'Empire. Si l'on avait jusqu'alors traité le domaine public avec le Jus commune, cela n'était plus possible dans l'effervescence et le bouillonnement de la discussion. Cela résultait également de l’affinement de la méthode historico-philosophique, de l'héritage humaniste qui 2 Cf. entre autres N. HAMMERSTEIN, "Universititen des Heiligen Rómischen Reiches Deutscher
Nation
als Ort
der
Philosophie
des
Barock",
Studia
Leibnitiana
13
(1981),
fasc. 2, pp. 242 ss.; ainsi que R. J. W. Evans, German Universities after tbe Thirty Years War. History of Universities, I, Avebury 1981, pp. 169 55., dont je ne reprends pas, bien sur, l'analyse; P. BAUMGART, "Universititen im konfessionellen Zeitalter: Würzburg und Helmstedt", in P. BauMGART - N. HAMMERSTEIN, Beitráge zu Problemen deutschen Universitátsgründungen der früben Neuzeit (Wolfenbiitteler Forschungen, 4) Nendeln 1978, pp. 191 ss.
3 N. HAMMERSTEIN, "Die Universitätsgründungen im Zeichen der Aufklürung", P. BAUMGART -N. HAMMERSTEIN, op. cit., pp. 2635s. 4 J'espère pouvoir exposer ceci, sous peu, dans une étude plus détaillée.
90
in
servait de postulat méthodologique à la Réforme. Cependant, les débats et les besoins politico-pratiques qui se manifestérent avec plus de virulence à la fin du siècle, furent plus décisifs. Il y avait eu bien sûr, dès avant la naissance du Jus Publicum RomanoGermanicum une réponse à la question du caractére de l'Empire, de son nom, de ses fonctions, de ses droits et devoirs etc... Dans cette mesure, il existait déjà une opinion bien établie sur ces différents points, qui pouvait tout au plus diverger selon l'appartenance confessionnelle. On me permettra d’esquisser en peu de mots cette situation précédente dont partirent les premiers chroniqueurs d'Empire eux-mémes. 2. La désignation de Saint Empire Romain-Germanique fit son apparition au XV° siècle et fut de plus en plus employée à partir de 1500. Il ne s'agissait pas là d'un abandon de la conception moyenágeuse d'un Saint Empire Romain remarquable mais d'un prolongement de cette idée à l'aide d'une formulation plus précise. En ce qui concerne le caractère romain de cet Empire, ce que l'on serait tenté de nommer des difficultés devaient bientót sur-
gir avec le début du siècle suivant. La nouvelle physionomie de Rome et de son chef supréme — l'état ecclésiastique et la papauté de la Renaissance —, l'humanisme qui provoquait des élans nationaux, l'élection de l'empereur en
vain attendue, et finalement mise en place par l'empereur lui-méme, Maximilien I**, et qui ne se répéta qu'une seule fois, à Bologne, sous la forte pression de l'empereur Charles V, détachant ainsi pratiquement le titre d'empereur d'une élection devant s'accomplir à Rome — et enfin la Réforme, évé-
nement fonciérement hostile à Rome: tout cela s'opposait en fait au "Romain" du titre de l'Empire 7. En dépit de tous ces points, l'Empire persista à se vouloir saint et romain. Toutefois, un nouveau fondement et une nouvelle interprétation étaient
nécessaires. Ce n'est pas par hasard que l'on discuta à cette époque de la Translatio Imperii avec insistance et sous de multiples aspects *. Tant les huSR. PFEIFFER, A History of Classical Scbolarsbip from 1300-1850, Oxford 1950, passim; N. HAMMERSTEIN, "Bildungsgeschichtliche Traditionszusammenhänge zwischen Mittelalter und früher Neuzeit", Der Übergang zur Neuzeit und Wirkung von Traditionen, Góttingen 1978, pp. 32 ss. 6 K. ZEUMER, “Heiliges Rómisches Reich Deutscher Nation", in In, Quellen und Studien zur deutschen Verfassungsgeschichte des Deutschen Reiches in Mittelalter und Neuzeit, IV/2, Weimar
1910.
ΤΊ, von RANKE, Die rómischen Päpste in den letzten vier Jabrbunderten (nombreuses éditions); P. JoAcHIMSEN, Die Reformation als Epoche der deutschen Geschichte, München
1951;
H.
WiesrLeckEr,
"Maximilians
I.
Kaiserproklamation
zu
Trient”,
Osterreich und Europa, Festschrift für Hugo Hantsch, Wien 1965, pp. 15 ss.; S. SKALWEIT, Reicb
und Reformation,
Berlin
1967.
8 W. Goez, Translatio. imperii. Ein Beitrag zur Geschichte des Geschichtsdenkens und der politischen Theorie im Mittelalter und in der früben Neuzeit, Tübingen 1958, en particulier pp. 237 ss.; cf. également H. DucHanpr, "Et Germani eligunt et Germanus eligendus.
Die
Zulassung
ausländischer
Fürsten
zum
Kaiseramt
im
Jus
Publicum
des
17./18. Jahrhunderts", Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte - G.A., 97, (1980), pp. 232 ss.
91
manistes que les protestants tenaient à cette interprétation plus ancienne de la vision de Daniel; Melanchthon, dans la Chronique de Carion, ainsi que Jean Philippson (Sleidanus) dans son livre De quattuor summis imperiis — le livre scolaire protestant d'histoire — imposèrent cette conception aux nouveaux croyants de l'Empire ?. Il ne s'agissait certes pas de l'interprétation catholique, de celle de la curie — telle qu'elle réapparaitra ensuite chez Bellarmin ou Baronius et selon laquelle le róle primordial d'intermédiaire de la transmission de l'Empire revenait au pape — mais d'une interprétation qui chargeait le pape, tout au plus en tant qu'administrateur du peuple romain, voire Charlemagne, en tant que guerrier couronné de succès, de cette translation. Finalement, il était bien établi que — comme l'avait jadis formulé Melanchton: «les projets et les querelles des hommes ne suffisent pas à fonder et à maintenir des royaumes, mais que c'est avec raison que Daniel avait dit:
Deus transfert et stabilit regna » "^. En ce sens, les humanistes allemands et les réformateurs avaient un cóté globalement traditionaliste, l'ancienne conception de l'empereur et de l'Empire survivait, méme si elle avait subi certaines modifications. On en resta à lidée qu'exprime la désignation Saint Empire "Romain", et c'est de cette méme idée que partirent les premiers chroniqueurs d'empire. Nous allons montrer la façon dont ceux-ci expliquaient le terme “Romain”, les diverses déductions et les évolutions possibles. Toutefois, afin de ne pas fatiguer mon public, je procéderai pour ce tour d'horizon de manière sélective et ne donnerai que des exemples ponctuels. Je laisserai également
de côté la violente discussion
sur les formae
im.
perii qui éclata au cours de la guerre de Trente Ans. Je traiterai de la discussion juridique universitaire mais non des célèbres pamphlets polémiques d’un Hippolithus a Lapide, d'un Monzambano et d'un Caesarinus Fürstenerius, pour ne citer que les plus importants. En ce qui concerne notre probléme, ils n'aboutirent pas à des résultats fondamentalement différents de ceux des chroniqueurs universitaires. Leur argumentation et leur valeur littéraire toutefois étaient d'un autre niveau, plus élevé. En outre, la question du titre de l'Empire était pour ces auteurs — Philippe Bogislaw von Chemnitz, Samuel Pufendorf et Gottfried Wilhelm Leibniz — plutôt secondaire, de peu d’int& rét, voire insignifiante, ce qui justifie que nous ne la traitions pas, L'objet de leurs recherches était la constitution de l'Empire, la souveraineté de l'empereur et des princes, la Rafio Status de cette communauté, et non ses tradi-
tions! !! ? Outre Goez voir aussi E. CL.
ScHERER,
Geschichte
und Kirchengeschichte an den
deutschen Universitäten, Freiburg 1927; E. MENKE-GLÜCKERT, Die Geschichtsschreibung der Reformation und Gegenreformation, Osterwiek 1912. 10 Cité d’après GoEz, op. cit., p. 277. !! Sur ce point cf. les exposés avec de nombreuses explications bibliographiques de R. Hoke, N. HAMMERSTEIN, H. P. SCHNEIDER, in M. Srozceis (Hrsg.), Staatsdenker im 17. und 18. Jabrbundert, Frankfurt a.M. 1977, ainsi que N. HAMMERSTEIN, "Leibniz und das Heilige Rómische Reich Deutscher Nation", Nassauische Annalen, 85 (1974), pp. 87 ss.
92
On peut également justifier — du moins je l'espère — notre discrétion en ce qui concerne les circonstances et les conditions politiques et concrétes de cette chronique d'empire et de sa conception du caractère romain de l'Empire. À ce sujet, on pourra facilement consulter d'autres publications, notre question n'étant dans ce contexte que peu pratique et méme fort partielle. 3. Tournons-nous maintenant vers les chroniqueurs d'empire. Le traité de Tobias Paurmeister De jurisdictione Imperii Romani de 1608, ainsi que la dite Donauwôrthsche Information de 1609 comptent au nombre des chroniques les plus anciennes et à juste titre les plus citées. Toutefois, elles n'apportent rien à notre problématique, dans la mesure où elles se rattachent dès le départ à d'autres questions concernant les prérogatives impériales et où elles furent immédiatement l'objet de violents débats ©. En outre, la désignation de l'Empire n'était pas contestée et ne motivait donc pas de longues discussions. La formulation de Melanchthon pouvait subsister, elle suffisait à des fondements généraux et un peu vagues, tels ceux que le professeur greifswaldois Stephan, qui n'était pas une personnalité particulièrement brillante, livra encore en 1624 dans ses Discursus Academici: « At hodie nominamus Imperatorem qui summam rerum potitur in Imperio Romano: Qui etiam vere dicitur Princeps ... Ita dictus, quasi primus capiens et quod Imperium Romanum a nullo alio quam Deo immediate teneat: Id ipsum testatur sublimi illa phrasi, qua utitur, wir von Gottes Gnaden ... » "3.
Une discussion plus actuelle sur la question de savoir si l'Empire portait à juste titre, et pourquoi, le complément "romain" s'instaura tout naturellement là où l'on traita de manière plus systématique d'une autonomie du Jus Publicum, là où les titres: de jurisdictione des pandectes ou de regalibus du droit féodal ne devaient pas étre dés le départ le lieu et le critére d'un droit public. En effet, si le Jus Publicum voulait devenir une discipline autonome qui ne fût plus traitée dans le cadre du Jus Commune, il fallait aussi prendre en considération la constitution et le fondement de l'ordre juridique de l'Empire dans leur ensemble, parallèlement aux autres questions qui conservaient toute leur importance. C'est ici que se posait souvent la question:
mum impe-
rium boc nostrum Romanum recte dici etiamnum possit? comme la formulait Arumaeus *. En s'appuyant sur Bodin, Thuanus et Sleidanus, il expose les 12 Sur ce point les indications in N. HAMMERSTEIN,
"Jus Publicum
Romano-Germa-
nicum", cit. Ceci reste valable pour JoH. Sr. PÜTTER, Litteratur des Teutschen Staatsrecbts, 4 Theile, Gôttingen, 1776 suiv. (Repr. Frankfurt a.M. 1966) l'un des premiers chroniqueurs appelé Quirinus Cubach. La Lifferatur de Pütter reste parmi les ouvrages de référence quant au Jus Publicum Romano-Germanicum. B M. SrEPHAN, Discursus academici ex Jure Publico, Rostock 1624 (Disc. VI, 25). Sur les chroniqueurs d'Empire cités voir aussi les indications in CH. J. JÓcHEn, Allgemeines
Gelebrten-Lexikon, ADELUNG,
5
t,
4 Bde.,
Leipzig/Bremen
Leipzig/Bremen
1784-1816
1750-51 (Reprint
suite
et complément
Hildesheim
de
J. Cu.
1960-61).
14 D. ARUMAEUS, Discursus Academici de Jure Publico, Jena 1616, Disc. II, pp. 17 ss.
93
différents points de vue, les reprises ou le caractère de l'Empire. Il fait aussi appel à Alciat, à Beroaldus, Zoannetto, Aventin, Nikolaus Everhard et autres pour prouver d'une part que l'Empire est le successeur légal de l'Empire Romain et d'autre part que la vision de Daniel a une certaine légitimité méme si le nouvel Empire n'administre qu'un modeste reliquat de l'ancien Empire Romain. Sur ce point, il fallait admettre que: « sed in parte ea, quae restat, totum Imperium est, adeoque ubicumque Imperator est, id viget perduratque... ». Il renvoie en outre à la constatation d'Aventin, à laquelle beaucoup
d'autres se référeront par la suite: « curiam ibi esse, ubi Princeps est et ubicumque Romanus Pontifex est, ibi esse Romam, ubi Helena, ibi Trojam » ®. Le fait que l'empereur porte les insignes de l'ancienne Rome et en particulier, l'aigle, illustre clairement selon Arumaeus qu'il est l'ayant cause légitime: «i/a etiam insignia adinventa sunt ad cognoscendas familias et successiones veras... ». Il importerait moins de déterminer le lieu et le moment de la translation, que de reconnaitre la chose méme dans toute son impor-
tance qualitative. Le caractère "romain" dans l'Empire serait «sicut anima in corpore ».
Son dernier argument est que les personnes nées ou Italie ne seraient pas les seules à posséder la qualité de juris dispositionem omnes Imperio Romano subjecti in manorum adscribendi sunt »; d'où Arumaeus conclut:
vivant à Rome ou en romain: « ... sed juxta numerum civium Ro« Quia Germani sub-
sunt Imperio et cives Romani sunt » 6. Méme si Arumaeus — le premier chroniqueur ayant vraiment fait école — n'atteignit pas une importance canonique, il avait pourtant posé, pour la période qui allait suivre, les bases durables à partir desquelles on pourrait argumenter. Les auteurs qu'il avait repris, réfutés ou cités continuérent de former le fond dont on devait partir et qu’il fallait collationner. Indépendamment de la position face à l'empereur et à l'Empire, indépendamment de l'appartenance confessionnelle, cette interprétation resta en gros l'opinion de la plupart des auteurs anciens. 4. Le fait qu'on reconnut au Jus Publicum une importance propre, une autonomie, ne joua tout d'abord aucun róle déterminant ". On en resta à l'interprétation habituelle. C'est ainsi que Daniel Otto qui rédigea l'un des premiers traités sur le Jus Publicum n'a pas porté un jugement différent de
ceux de Reinkingk, Lampadius, Krembergk, Zoannetto, Becker! ou BrautI5 Ibid., Disc. II, p. 21. 16 Ibid., Disc. II, p. 24. 17 En ce qui concerne l'autonomie du Jus Publicum voir aussi en général N. HamMERSTEIN, Jus und Historie, Güttingen 1972, passim. 18 En ce qui concerne Daniel Otto cf. Jon. Sr. PUTTER, Litteratur, cit.; R. STINTZINGE. LaNosBERG, Geschichte der deutschen Rechtswissenschaft, 3 t. in 4, München/Leipzig 1880 suiv. (Reprint Aalen 1957): c'est ici que l'on trouvera des indications sur les données suivantes, Dans sa Dissertatio Juridico-Politica de ]ure Publico Imperii Romani metbodice
conscripta D. Orro écrit: « Neque enim spectandum est, quid Romae fiat, sed quid fieri debeat. Nec Romanum Imperium includitur aut circumscribitur loco, multo minus in
94
lacht — du moins dans les questions fondamentales. C'est précisément le petit manuel de droit public de Brautlacht — qu'on utilisa longtemps et volontiers —
qui a résumé cette interprétation de manière concise, en s'appuyant
sur l’aristotélisme de son époque ?*: « Efficiens, sive à qua imperium nostrum est constitutum, est vel principalis vel minus principalis. Principalis Imperii causa est Deus, minus principalis sunt Romani et postea ad quos translatum Germani, qui imperii hujus dignitatem virtute sua sunt demeriti. Cum Imperia sine territorio subsistere non possint, per materiam Romano Germanicum territorium in quo cum primitus Romani tum postmodum et hodie Germani dominati, nuncupo » 2,
Il est compréhensible qu'on y trouve, quant au “titre juridique" de l'Empire, reconnu par tous comme Empire Romain, certaines différences dans la déduction et la mise en relief qui concernent le processus de la Translatio Imperii elle-méme. Le couronnement de l'empereur Charlemagne apparut souvent comme l'acte décisif, des difficultés ayant toutefois pu survenir quant persona unius vel plurium. imperium, sed in universo orbe consistit, sicuti anima in corpore [...]. Concludo igitur, Imperium nostrum recte etiamnum dici Romanum, vel si mavis Romano-Germanicum. Romanum ratione originis; Germanicum ratione subjecti
recipientis: quia a Romanis in Germanos fuit translatum ». (J'ai utilisé l'édition de Wittenberg de 1658, p. 105). T. REINKINGK, De regimine seculari et ecclesiastico, 3' éd. Marburg 1641: «Imperium Romano-Germanicum esse quartam. illam monarcbiam, cui perennem at cum aevo duraturam felicitatem divina ominantur oracula» (p. 25); dans ce contexte il nomme
Daniel, Besold, D. Gerhard, Melanchthon. J. LAMPADIUS,
Tractatus
de Constitutione Sacri Romani Imperii, Lugduni 1634, partic. pp. 85 ss. CHR. KREMBERGK, Dissertatio Juridico-Politica de Praesenti Romano-Germanici Imperii Statu Monarcbico, Wittenberg 1622: « Translatio tamen illa Romani Imp. ad Germanos non Papae, ut male affirmat | Bellarminus, eiusque assectae, est adscribenda, sed acquisitionis ac victoriae jure, partim S.P.Q. Rom. voluntate, electione et sufragio, imo pacto irrevocabili, quod Nicephorus Imperator Orientalis, eiusque successor. Michael cum Carolo M. inire, ad
Germanos Imperium boc quartum illud et ultimum Num status Imperii nostri renvoie également à Bodin.
translatum fuit [...] Cum igitur Imperium boc nostrum sit regnum, Politici non parvam bic trabunt contentionis servam: Rom. Germ. sit verus Monarchicus?...» Dans ce contexte il Chez F. ZoauuETTO, De Romano Imperio ac eius jurisdictione...,
Ingolstadt 1559 — un des premiers chroniqueurs catholiques on peut lire: « Hodie autem Romanum dumtaxat non Germanicum sit imperium; idque im universo orbe ita conti.
nentur, ut anima in corpore», Chez W. Becker, Synopsis Juris Publici Sacri Imperii Romano-Germanici, Kóln 1654 — de méme l'un des premiers compendiums catholiques on peut lire: « Aftamen in eo non parva est Imperii nostri praerogativa, quod sit omnium
fere judicio, quarta illa Monarcbia de qua Danielis loquitur vaticinium, cui perennem et cum aevo duraturam foelicitatem divina ominantur miracula... Nec ideo quoque Imperium Romanum esse desiit, quod Italia, Gallia aliisque regionibus avulsis, id diminutum sit: cum Imperium in partibus adbuc conservatis totum persistat: adeoque ut ubi Imperator est, ibi quoque Romanum censeatur esse Imperium ». 19 En ce qui concerne l'aristotélisme — protestant — du XVII* siècle cf. entre autres H. DreITzEL,
Protestantischer Aristotelismus und absolutistischer Staat, Wiesbaden
1970.
Avec bibliographie supplémentaire; également N. HAMMERSTEIN, “Universitäten des Heiligen Rómischen Reichs", cit. 2 G. BRAUTLACHT, Epitome Juris Prudentiae Publicae universae eiusdem Metbodum, Gotha 1661, Livre I, Chap. 1, 7.
95
aux droits d'intervention Mais l'époque introduite celle où s'établit un lien tains pensaient également cipio
autem
imperatores
du pape et aux droits légitimes qui en découlaient. par Otton le Grand fut souvent considérée comme durable entre le Romanus et le Germanicum. Cerque — comme l'a formulé Lampadius: «In prinsuccessione
imperium
nacti
ad
Ottonem
tertium
Saxonem usque nunquam interruptam... » Ἄς Joh. Limnaeus réunit dans son compendium toutes ces réflexions et ces discussions en une synthèse provisoire mais néanmoins classique 2. C'est avec une connaissance large et profonde de la littérature et des traditions des doctrines juridiques qu'il confronta les divers arguments pour proposer finalement son opinion — qui d'ailleurs correspondait en gros à celle qui prévalait alors dans l'Empire — comme étant l'interprétation valable. Il eut un grand succés, comme le prouvent les nombreuses éditions et le nom honorifique de "Patriarch und Erzvater, ingleichen oraculum in iure publico” qu'on lui attribua. Je ne peux et n'ai nul besoin de m'étendre sur ce savant exposé polyhistorique. I! nous suffira d'en mentionner les conclusions déterminantes. C'est ainsi que Limnaeus constate tout d'abord: « Roma etiam duplex est, una, quae immobilis, antiqua:
... (ita eam appello,
ubi primum hoc nomen coepit) altera mobilis, recentior, ibi consistens, ubi Imperator est; … vel quae alio respectu ad dignitatem immobilis primae ac.
cedit » À,
Dans cette mesure, on pourrait méme en conclure que l'Imperium Romanum pourrait bien exister sans la ville de Rome. L'empereur romain serait alors celui qui protégerait Rome et aurait ainsi hérité de la mission qui incombait aux titulaires d'origine de la charge. Les dimensions et les limites de sa souveraineté seraient au plus d'une importance secondaire. L'Empire
serait en tout cas le successeur légitime de l'Empire Romain:
« Imperium Romanum postquam in Germanos translatum nec nomen nec essentiam mutavit, accidentia alia utut maxime
exuerit ». Cette translation au-
rait été effectuée sous Charlemagne qui, tant pour des raisons tenant à la foi que pour protéger le pape, aurait chassé les Lombards et sous «applausu populi Romani belli et transactionis jure Imperium optinuisse(t) ». Il se serait donc agi d'un acte juridique spécifique, autonome — et aussi parfaitement légitime —, les papes ne pouvant en aucune façon faire valoir des exigences particulières. De plus, il serait certain que Charlemagne était allemand. L'opinion selon laquelle l'Empire serait allé tout d'abord à la France par l'intermédiaire de Charlemagne pour passer de là à l'Allemagne par l'intermédiaire de Bérengar, serait érronée. En outre, l'accord de la Rome d'Orient 21 LAMPADIUS, 0p. cit., p. 87. 2 Jon. LiMNAEUS, Jus Publicum
Imperii Romano-Germanici;
burg 1699. 3 Voir Jon. Sr. PürrEn, Literatur, cit., I, pp. 198 ss. 2% Jon. LIMNAEUS, op. cit., Livre I, Chap. 4, 16.
96
édition utilisée:
Straf-
n'aurait pas été nécessaire (même si celui-ci fut effectivement donné) puisque les habitants de Rome étaient seuls compétents. « Licet vero haec Caroli electio personalis primum fueret, attamen parentis fortuna eam successoribus reddidit perpetuam atque realem. Hoc est quod alii dicunt, Imperium Romanum et active et passive in Germanos translatum. Scilicet ex Imperio Romano et Germanorum Regno una constituta est species ... unde qui Rex Germanorum esset simul etiam Imperator diceretur ... Germanis tamen Imperatorem eligendi jus atque licentia esset. » 25
Par cette doctrine Limnaeus a réuni les arguments et les conceptions qui firent autorité du début de la chronique jusqu'au milieu du siécle et en a fait pour ainsi dire un canon
pour un certain temps. Cette interprétation resta
plus ou moins en vigueur jusque tard dans le XVII* si&cle et méme occasionnellement jusqu'au XVIII* siècle. La théorie de la translation constituait toujours l’arrière-plan, mais elle pálit de plus en plus au profit de la discussion sur les conséquences et les droits juridiques qui en résultaient. C'est ainsi que le probléme se déplaga: il s'éloigna des implications théologiques et mit les implications politiques au premier plan. C'est Hermann Conring qui suivit cette voie de la façon la plus radicale ?*. Il est caractéristique que sa recherche partít d'une problématique théologique pour aboutir ensuite trés rapidement à l'aspect historico-politique. C'est la théologie de Calixte de Helmstedt — exception dans le luthéranisme du XVII* siécle, tout comme cette université dans son ensemble, et trés proche des opinions néostoiciennes de l'école hollandaise de Lipse — qui donna l'impulsion à Conring ?. Μ par la nécessité de repousser l'extension de la Contre-Réforme papale, et de reconnaitre d'abord à l'Empire — à l'Empire protestant — une importance propre, il chercha en utilisant le procédé de la preuve historique — spécialité de Helmstedt à cette époque — à montrer
la naissance de cette "Lotharische Legende", comme il l'appelait ?. Il se rendit compte que la nouvelle théorie de la translation renvoyait à Melanchthon, qu'une adaptation consciente de ladite "quatriéme monarchie" n'avait jamais été tentée et que l'idée elle-méme ne pouvait résister à un examen de la raison. C'est pourquoi ni les Romains, ni à plus forte raison le pape ne pouvaient faire valoir aucun droit dans ou sur l'Empire. En revanche, celui-ci aurait acquis des territoires italiens à la suite de guerres et de conquêtes, mais il aurait toujours conservé son caractère propre. Il serait justement un état autonome qui n'aurait rien à voir avec Rome, 75 Ibid., Livre I, Chap. 5, 16-17. % En
ce
qui
concerne
Conring
cf. M.
lin 1983. 7 En ce qui concerne ces événements
Srotteis
(Hrsg),
Hermann
Conring,
Ber-
cf. les travaux de J. Wallmann et I. Mager
in M. SrorLErs (Hrsg.), Conring, cit. Fondamentaux en ce qui concerne le nouveau stoïcisme
les articles de G. Oestreich, maintenant in G. OESTREICH, Geist und Gestalt des frübmodernen Staates, Berlin 1968. 75 Voir aussi les travaux de Stolleis, Hammerstein, D. Willoweit et H. Becker in M. SroLLeIs
(Hrsg.), Conring, cit.
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et dans lequel surtout le droit romain n'aurait aucune valeur dans le domaine des affaires de l'état. De plus, l'empereur ne serait pas la source du droit dans l'Empire, mais origo, status et Herkommen (l'origine) de la communauté détermineraient son ordre juridique ?. Et c'est ce dernier qui intéressait Conring au premier chef. N'oublions pas en effet qu'il écrivit vers 1640 et qu'il fut directement concerné par la guerre de Trente Ans. Ce à quoi il aspirait, comme bon nombre de ses contemporains, c'était une réglementation raisonnable, pacifique et légitimante de la communauté, et en aucun cas des édits impériaux.
Le complément
au titre de l'Empire "Romain"
résulte selon Conring
d'un mélange de suffisance théologique, de croyance moyenágeuse, de fausse tradition et de grande opiniâtreté. Cela ne voulait pas dire pour autant que c'était nuisible ou mauvais. Il s'agirait bien plus de se rendre compte que les anciens n'avaient pu aboutir à d'autres conclusions et qu'on pouvait donc les reprende en toute tranquillité. Conring avait ainsi exposé les faits de manière tout à fait concise et probante; il avait en particulier réfuté les arguments de Baronius, de Bodin et de tous les partisans de la cutie ainsi que ceux de tous les écrivailleurs absolutistes 9. Certes, ses résultats ne passérent pas tout de suite au fonds commun de la chronique; en d'autres termes: ses déductions, sa méthode et ses conclusions ne furent pas reprises immédiatement. Néanmoins, elles n'étaient pas aussi singuliéres qu'on l'a parfois supposé. Tout au moins l'approche méthodologique était fort courante, comme suite de l'historiographie de la Contre-Réforme et du lipsianisme et aussi en tant que condition essentielle
du renforcement du Jus Publicum. Il n'est guère un auteur qui ne se frottát à Baronius, Thuanus et Bodin. Il s'agissait toujours de faire échec aux prétentions du pape sur l'empereur et sur l'Empire ainsi qu'à la contestation possible de la légitimité de ce titre, ou bien tout simplement de prouver la
J.
# L'édition la plus pratique des œuvres capitales de Conring est celle en 7 tomes de W. Gorsez (Hrsg.), Hermann Conring, Opera, Braunschweig 1730 (Repr. Aalen 1970);
entre
autres
De
finibus
Imperii
Germanici;
De
Imperatore
Romano-Germanico,
t.
I.
39 Cf. H. Conrinc, De Germanorum Imperio Romano, 1643, in J. W. Gorsez (Hrsg.), Hermann Conring, cit, I, pp. 27ss.: «Exiguam tantum Italiae portionem Imperii Romani nomine usque ad Ottonem. Magnum venisse, et tametsi. illud Imperium juris Francici sit factum aetate Caroli Magni, tamen neque tunc, nec omni post tempore, vel omne Francorum regnum, vel ejus aliquam portionem et nominatim neque Germaniam,
neque ltaliam illius Romani Imperii partes babitas esse, perspicuum jam fecimus: consequens
est, uti nunc inquiramus,
an mutata
Ottonem atque successores est derivatum. prius, quid
rantur,
quae
Ottoni et successoribus cum
disserit Boeclerus
baec sint, postquam
Imperatorium
nomen
in
Quod ipsum accuratius fiet, ubi exposuerimus Imperatorio
in Ottone
I, pag.
illo titulo sit collatum
292
et seqq.
Et
[...] Confe
quidem
Ottonem
consequutum tandem esse Caesareum nomen, non minus est certum, atque idem illud obtigisse Carolo Magno. Neque multum dubitaverim iis accedere, qui omne illud iterum auctoritate et Pontificis et populi Romani gestum arbitrantur. [...] Neque tum nulla amplius erat Senatus populique Romani auctoritas [...] Ceterum summum Imperium Urbis
Romae Ottoni concessum esse manifestum: facit. ipsum Imperatorium nomen, quod illa tempestate utique dominium urbis significabat. Confirmat idem juramentum fidelitatis, quo sese Ottoni obstrinxerunt Romani cives, et quidem tribus vicibus» (p. 73).
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non-validité de certaines opinions comme celle — dans ce cas du jésuite Salmeron — selon laquelle ledit Empire Romain ne serait qu’un pâle reflet de l'ancien, « et per multos annos defecerunt Imperatores Romani »?. A ce sujet, Benedict Carpzov qui cite bien d'autres auteurs encore, écrivit dans le chapitre "Nihilo minus Imperium Germanorum etiamnum hodie est Imperium Romanum": « Nibilominus Imperatores nostri eadem babent insignia quae
veterum
Imperatorum
Romanorum
fuerunt
peratores in mandatis et literis suis sese Romanorum
... Quin
et ipsi Im-
Imperatores. appelli-
tant... » *, Même si la vision de Daniel n'avait rien à voir avec cela, selon Carpzov, la conclusion d'Aventin restait valable: « Curiam ibi esse ubi Princeps est et ubicunque, Romanus Imperator, ibi Romam, ubi Helena, ibi
Trojam » ?. 5. A l'époque oü Conring rédigeait ses ceuvres fécondes, le chroniqueur de Giessen/Marbourg Sinold dénommé Schütz écrivait: « Objectum | juris nostri publici est Imperium Romanum quod est una ὁ quatuor à Propheta praedictis Monarcbiis » *. Une translation valide sur le plan juridique aurait ainsi eu lieu, l'Empire ne serait donc pas une nouvelle création, il utiliserait les mémes insignes que la Rome antique et ce n'est pas par hasard qu'il se
nommerait "romain" comme l'empereur lui-même. Une chronique 5 très répandue à cette époque et lue pendant longtemps encore — elle se proposait, de méme que Monzambano ou Hippolithus a Lapide, de donner des conseils politiques en vue d'une meilleure constitution de l'Empire — fournit, en ce qui concerne notre probléme, des arguments quelque peu différents. « Le Saint Empire Romain Germanique qui, vu son origine et quelques reliques peu nombreuses qui existaient encore alors, fut nommé et est encore nommé à juste titre "Romain", puisqu'il s'agit de la quatri&me monarchie, a subi de temps à autre des changements et des modifications ainsi que d'autres gouvernements du monde, que l'on pourrait fort bien comparer à l'évolution des âges de l'homme [..] On l'appelle Empire Romain parce que la conception de la quatrième monarchie romaine — qui selon la prophétie doit persister jusqu'à la fin des temps — a été considérée partout comme un fait connu, bien qu'il soit difficile de dire exactement pourquoi (c'est-à-dire si ce titre s'est imposé per translationem Imperii ad Germanos, ou d'autre façon). L'avis 31 Cité aussi d'après B. CanPZOv, Commentarius capitulationem imperatoriam...,
in legem regiam. Germanorum
sive
1640, p. 72.
X Ibid. p. 73. Il constata également: «Imperium Romanum aut prophetia Danielis falsa erit ».
itaque boc praesens, aut adbuc
3 Ibid., p. 75.
% J. Sinon, cogn. Scuürz, Collegium publicum de statu rei romanae, Marburg 1640, p. 26 (2° éd. GieBen 1653). 35 Il s'agit du livre de R. HEIDENS paru pour la première fois à Francfort/Main en 1663 sous le titre: Grundfeste des Heiligen Rómiscben Reiches Teutscher Nation aus dem 8. Artikel des Osnabriickischen Friedensschlusses vorgestellt und in Druck. gegeben durch Eitel Friedrich von Herden (utilisé dans l'édition de 1706). Pour Heiden voir aussi
entre autres Jon. Sr. PÜTTER, Litteratur cit., I, p. 231; CH. J. JÓcHER, op. cit.
99
général est que c’est Charlemagne qui a apporté aux Allemands le nom et le titre de l'Empire Romain et les écrits que Bellarminus et Flatius Illyricus ont échangés à ce sujet sont bien connus, de méme que les Notas de Franciscus Junius et l'excellent livret de Arsinaeus [..] Toutefois, toutes les objections
n'ayant pas été repoussées, Conring a expliqué dans son admirable traité De Germanorum Imperio Romano que Charlemagne n'avait rien reçu d'autre, en prenant à Rome le titre d'empereur, que les pouvoirs sur la ville de Rome et le patrimoine de Saint Pierre qui avait été reconnu à l'Allemagne sous Otton le
Grand et lui avait été attribué par la suite. Donc, que Rome n'avait jamais eu aucun pouvoir sur l'Állemagne mais que le titre d'Empire Romain était resté aux Allemands,
1000 ans après la naissance du Christ, par droit coutumier, en
raison de l'ancien privilège de la ville de Rome [...]. Mais notre propos est en fait la désignation de l'Empire Romain qu'on a qualifié par la suite de SaintEmpire Romain Germanique et la façon dont auparavant les empereurs ne portaient souvent que le titre d'I»peratores Romani; Maximilien I notamment
s'est aussi nommé Regem Germaniae ou Germanorum, ce qu'on a gardé comme habitude aujourd'hui encore. L'Empire allemand n'a donc pas conservé jusqu'à maintenant le titre incomparablement célébre d'empereur romain et d'Empire romain sans la volonté de Dieu. De plus, bien que ceux qui voulurent diffamer soit le mot
Saint, soit le titre Romain
fussent nombreux,
tous les potentats
chrétiens étaient cependant d'avis de reconnaitre par ce titre la souveraineté de nos empereurs et de notre Empire, de méme que le mot Empire a été conservé et défendu à juste titre, puisque depuis toujours les Romains employaient plutôt le mot Empire que le mot Royaume — ou tout autre — pour désigner leur état, à l'exception des feudataires non-latins qui employaient souvent le mot Royaume pour Empire; le mot Empire conserve donc son excellence, non pas certes en raison de son interprétation trés récente et quelque peu mal fondée,
à savoir combien de Regna ad Imperium, combien de Ducatus ad Regnum etc. sont nécessaires, mais
au contraire, en raison
de l'habitude
dans
la manière
d'écrire et de parler romaine que nous avons mentionnée plus haut. »
6. Le chroniqueur strasbourgeois adepte de Lipse, Johann Heinrich Boecler se rapproche davantage de Conring qu'il reprend dans de nombreux passages et qu'il réfère en grande partie. Selon lui, l'Empire se nomme à
juste
titre Romain, méme s'il n'y a pas eu translation. Car l'évolution historique aurait favorisé cette idée tout simplement en raison d'une erreur compréhensible. C'est de là qu'elle tiendrait sa tradition, son importance et aussi sa justification *. Cette théorie suscita un intérêt croissant, remplaça l'ancienne et mena éga-
lement à d'autres interprétations. C'est surtout au cours des trois dernières décennies du XVIII* siècle, alors que la chronique prenait une importance accrue dans les universités protestantes, que l'on aboutit à de nouveaux schémas
explicatifs sur lesquels la célébre école de Halle put s'appuyer. Rhetz, Cocceji, % Jon. H. BoEcLER, Sacrum Romanum Imperium, StraBburg 1663, et Notitia Sacri Romani Imperii, StrafBburg 1681, en particulier livre I, chap. IV, "De Nominibus Sacri Romani Imperii”. Il était également d'avis: « Ab Ottone Magno sive primo novum et maxime illustre est, quo
100
ad Germanos.
pertinet.
Romani
Imperii
gloria...»
(Notitia
cit., p. 20).
Schilter, Rechenberg, Pfeffinger sont de grands noms, sans qu'ils soient les seuls ". Leur mode d'argumentation apparaît certes moins tourné vers l’histoire que ce n'était le cas jusqu'alors. Les travaux préliminaires existants permettaient apparemment une méthode plus formellement juridique. Les réfé. rences à Limnaeus, Conring, Boecler et autres ajoutérent alors aux arguments juridiques les preuves historiques. Pfeffinger qui, à l'aide du manuel de Vitriarius, réunit d'une façon relativement peu originale les principales chroniques, fit preuve d'un certain traditionalisme. Son "Compendium" reste volumineux et grossier. Il s'efforga de rassembler toutes les preuves d'un fait — et aussi du nótre — laissant à peine une opinion de côté. Ce fut, entre parenthèses, l'une des raisons pour lesquelles on l’utilisa si longtemps et si volontiers. Il constituait un compendium de toutes les interprétations antérieures. Mais revenons à notre ques-
tion: en ce qui concerne "l'Empire Romain", Pfeffinger opta pour le fait que le titre avait uniquement été choisi du fait des conquétes et qu'il avait donc été conservé avec raison *. En revanche, Schilter vit dans la fondation de l'Empire par Charlemagne — empire issu à l'origine de trois royaumes qui certes se séparérent par la suite sur des points importants — l'événement décisif. Dans cette mesure, c'est à l'interprétation la plus ancienne qu'il resta attaché. Toutefois, il attribuait le caractére "Romain" du titre plus à une idée plutót générale et universelle (Titulus universalis) qu'aux données réelles 9.
Cocceji, le maître de Johann Peter von Ludewig pour les questions importantes résolut quant à lui notre problème de la manière suivante: « Universitas Germanici Imperii duo continet: 1) Ipsum Germaniae regnum proprià regni formá constans. 2) Jus et Imperium huic regno per Galliam, Italiam, Imperium Occidentis et c. quaesitum ».
Selon lui, le fait de savoir si l'on tentait toujours de le réaliser sérieusement était douteux, mais non — gráce à Charlemagne et à Otton le Grand — l'habilitation à porter le titre d'Imperium Romano Germanicum *. Auparavant, Rhetz, dans son compendium, avait lui aussi conféré à ce titre une valeur particuliére et distinctive. « Nomen Regis Romanorum non solum dignitas est sed officii et administrationis ». La "Potestas" de son tenant serait donc "legitima et temperata" et en aucun cas usurpatoire *. Pour lui, 37 Voir aussi Jon. Sr. PUTTER, Literatur, cit.; CH. J. JÔCHER, op. cit.; R. STINTZINGE. LANDSBERG,
op. cit.
35 Jon. F. PFEFFINGER, Vitriarius Illustratus seu Institutiones Juris Publici Romani Germanici, Gotha 1698, I, pp. 56 ss. 9 Jon. ScunTER, Institutiones Juris Publici Romani Germanici, Strafiburg 1696 cf. en particulier Livre I, Titre II, Chap. IV, pp. 10 ss. © H. Cocceyi, Juris Publici Prudentia compendio exbibita, Frankfurt/Oder 1695, chap. VII, $ 4; cf. aussi chap. VI, en particulier $$ 15 ss. 41 Jon. F. Ruerz, Institutiones Juris Publici Germanici Romani, Frankfurt/Oder 1683, Livre
I, Titre III, $ 6. Auparavant:
« Rex Romanorum
vocatur. intuitu. primatus
101
il était établi que le tenant de ce titre était avec raison l'empereur allemand, . fait qui remontait à Otton I”.
Le beau-fils de Jacob Thomasius —
parallèlement beau-frère de Chri-
stian Thomasius — Adam Rechenberg résuma de maniére concise les interprétations de ces chroniqueurs post-conringiens et pré-halliens 9. Bien qu'il ne füt pas juriste — il eut, aprés avoir longtemps exercé à la Faculté des Arts de Leipzig, une charge de professeur titulaire de théologie — il s'était aussi occupé à l'occasion de questions concernant les chroniques d'empire dans le cadre de la Philosophia Practica. Il décrit succinctement le titre et le caractère de l'Empire de la façon suivante: « Sacrum dicitur ratione speciali, vel quia in Romano olim imperio fides Christiana recepta fuit; vel quia Imperator caput orbis Christiani et defensor Ecclesiae ac fidei catholicae audit. Deinde Romanum quia post Carolum M. imperator Otto M. sibi et successoribus suis in regno Germanico jus et imperium in urbem Roman quaesivit perpetuum. Tandem Germanicum appellatur, quod penes Germanos inde a Caroli M. aetate fuerit ... vel quod Imperii huius Territorium principale sit Germania » 9.
Conring, Limnaeus, Cocceji, Boecler, ceux qui entretemps faisaient justement autorité, lui servaient de garants ^. urbis et Imperii Romani et vi conventionis inter Romanum populum et Pontificem et Ottonem M. intuitu Regni Germaniae ut qui Rex Germaniae a Germanis eligitur bodie ab electoribus, illi statim sit Rex Romanorum et gaudeat ]uribus Caesaris et Imperatoris. Non
itaque Rex
Romanorum
idem
erit Rex
Italiae,
nam
Regnum
Italiae nec antea
nec
bodie jure electiones pertinet ad Germanos... ». 42 Indications et bibliographie in: N. HAMMERSTEIN, Jus und Historie, cit.; U. OBRECHT porta d'ailleurs un jugement analogue dans De unitate rei publicae im Sacro Romano Imperio, Diss. XIV, 1676, collecta, Strafiburg 1729, pp. 283 ss.
in
Opuscula
rariora
academica
in
unum
4 A. RECHENBERG, Lineamenta Philosophiae civilis cum Diss. de Imperii Regimento, 2* €d., Leipzig 1696, Livre III, Chap. II, $ 2, p. 199.
Sacri
volumen
Romani
4 G. ScHWEDER, Introductio in Jus Publicum Imperii Romano-Germanici novissimum,
Tübingen 1681 (utilisé dans l'édition de 1701) porte le jugement suivant: « Ex institutà autem illà divisione Imperii, separatimque constitutis à Germania, ex propriis suis Ordinibus, Comitiis, clarè iterum patescit Regni Germanici (quod tamen tum adbuc Orientale Francorum Regnum dictum) à Romano Imperio distinctio, quae etiam usque ad Ottonem I. mansit, nec usque εὸ Germania vel vulgó Imperii Romani pars est babita. Seculo verd X. Ottonis I. auspiciis quidem Caesarea dignitas, (quá Caroli posteri per injuriam exciderant),
et
Italici
regni
possessio
aeterno
et
nullo
unquam
divortio
solvendo
vinculo
cum Germania rursus juncta est, (ita, ut à Germanis electus in Germaniae Regem, ab Italis sive Longobardis quoque pro Rege et à Pontifice, Urbe ac suburbicariis Provinciis pro Imperatore protinus coli deberet, nulla licet auctoritate Pontificis accedente: Quod etiam pactis inter Ottonem III. Imperatorem. bujusque consanguineum Gregorium V. Papam initis dein confirmatum adeoque Germanicis Regibus perpetuum jus ad Impe ratoriam Dignitatem quaesitum; nibilo tamen minus mansit. inter haec distinctio et sua Germanis libertas, jusque Rempubl. suam sine Populi Neque ex eo, quod jam multis seculis Germania Sacri
Romani consensu administrandi; IMPERI: ROMANI nomine audiat,
sequius quid, vel eam idem numero illud Romanorum Imperium esse, colligi debet aut potest. Pervulgare enim est pluribus consociatis Rebuspubl. ab una aliqua sociarum omni-
102
7. Avec l'essor du Jus Publicum Romano-Germanicum, en tant que disci-
pline juridique importante et moderne, qui eut lieu à Halle et qui prit sa forme exemplaire, plus tard, à Güttingen, cette génération moyenne de la chronique d'Empire ne devint certes pas insignifiante ou anachronique, mais pourtant moins dominante. Cela tenait principalement au fait que la problématique de la nouvelle chronique s'était modifiée et qu'elle considérait d'autres problèmes comme plus importants 8. C'était au fond l'expression d'une modification de la situation politico-historique. Le mélange de théologie et de politique propre à la Contre-Réforme avait été dissous, la première place que la Faculté de Droit avait conquis au sein des universités réformées n'était que l'indice purement extérieur de ce changement. La mondialisation des sciences fit paraître la position polémique anti-papale, anti-romaine et aussi antiimpériale des anciens, inintéressante, dépassée et quasiment sans raison d’être. Au premier plan de la réflexion se trouvaient maintenant l'ordre juridique séculier de l'Empire, celui des territoires, des classes etc., le repoussement des prétentions hégémoniques françaises, l'absolutisme français et enfin la protection et la consolidation du patriotisme d'Empire qui se développait alors avec vigueur. Le problème des implications du titre de l'Empire passa tout naturellement à l'arriére-plan. Pour les jeunes chroniqueurs, ce que la génération moyenne avait déjà prouvé restait valable, à savoir que la désignation de
l'Empire en tant que "Romain" était justifiée et qu'elle n'avait rien d'usurpatoire. Toutefois, le fait de renforcer la position de l'empereur et par là-méme de l'Empire et de la rendre plus rayonnante, paraissait plus important que la constatation ou plutôt la défense de ce droit. En effet, la montée de la Maison impériale, parallèlement au refoulement des Turcs puis de la politique des Français à l'est, l'importance croissante de la juridiction impériale — et avant tout celle du conseil aulique — suscitèrent à cette époque un fort patriotisme d'empire qui fut compris, exprimé et fondé comme étant le complément harmonieux des divers patriotismes territoriaux “. La liberté allemande et le respect du droit et de l'origine étaient consi dérés comme les caractéristiques de cette remarquable communauté. La conbus commune nomen indere. Ita quippe olim Acbaeorum Resp. omnibus foederatis nomen dedit et Urbs Romana omnibus sociis, bodieque Helvetii foederati omnes ab uno pago vulgò Suizeri, ut Belgico-Germani Hollandi nuncupantur. Com ergò borum ad exemplum Imperii Romani nomen sociis simul Rebuspubl. inditum, non sequius quid inde colli. gendum
est. Crediderunt majores nostri Imperium
Urbis Romae, quód verè est Romanum,
dignitate praecellere Regnum Germaniae et Longobardiae, utut nullius amspliùs potentiae. Itaque cum tres illae Respubl. aeterno. foedere. coaluissent, ab ed, opinione erat augustior,
devolutum
est nomen
in totum
Corpus,
non
tàm
decreto, quàm vulgi consuetudine, quam tamen post annum Christi MC.»
publico
esset quae etiam
([suite] chap.
IV, p. 72).
45 Très complet sur ce point N. HAMMERSTEIN, Jus und Historie, cit., passim. 46 Sur ces questions cf. également F. MATSCHE, Die Kunst im Dienste der Staatsidee Kaisers Karls VI., 2 t., Berlin/New York 1981, ainsi que l'interprétation plus ancienne de O. RepLICH, Das Werden einer Grossmacbt, Brünn/München/Wien 1942.
103
ception “harmonieuse” de l'Empire de Leibniz, qui avait espéré pouvoir surmonter les faiblesses par une coopération équilibrée de l'empereur et des ordres de l’Empire, l'emporta dans ces nouvelles chroniques sur les idées d'Hippolithus a Lapide et de Pufendorf. Cette profonde conviction de la supériorité et de la qualité d'élu de l'Empire devait d'ailleurs à quelques exceptions prés, animer la chronique jusqu'à la fin de l'Empire, indépendamment de l'évolution de celui-ci, qui ne se fit pas sans heurts, et méme sous le signe du dualisme naissant entre la Prusse et l'Autriche pendant la seconde moitié du XVIII* si&cle. Tous les chroniqueurs d'Empire de l'époque étaient plus ou moins convaincus que seule la coexistence dans l'Empire tout entier pou-
vait garantir la paix, le droit et la liberté, et que c'est de là que naîtraient force et vigueur et que pourrait s'étendre sur l'ensemble de l'Europe une influence salvatrice. De Schmauss à Pütter et Hugo, de Ickstatt au Baron de Martini en passant par Schrótter, de Friedrich Carl von Moser * à Justus Moser * — tous ces chroniqueurs ne divergeaient guère dans cette conviction profonde; certains observateurs étrangers, comme Voltaire ou Rousseau
le confirmèrent également à leur manière ?. Il est caractéristique que ce n'est qu'à la suite de la Terreur et des guerres de coalition qu'une modification se fit sentir, lorsque une nouvelle idée politique pénétra également la réflexion sur le Droit public allemand. On citera ici Hegel et Fichte; il va de soi que la chronique d'Empire ne survécut pas à cette époque, tout au moins pas en tant que discipline juridique. Mais en tant que méthode, en tant que point de départ méthodologique d'autres Sciences et matiéres, elle continua à exercer son influence bien au-delà de cette époque ?, Mais revenons à notre problématique proprement dite, à Halle. 8. Au cours des discussions fécondes entre Gundling et Ludewig on assujettit la chronique aux hypothèses fondamentales que nous avons déjà esquissées *, En ce qui concerne le caractére "Romain" du titre, on ne chercha méme aucune explication définitive. La discussion — qui était maintenant purement historique, l'histoire devant être toutefois partie intégrante du Jus Publicum — s'attacha davantage aux conséquences et à la signification de cette désignation. Pour Gundling, qui dans une large mesure devait faire # Sur ce point N. HAMMERSTEIN, Jus und Historie, cit., ainsi que In., Aufklarung und katboliscbes Reich, Berlin
1977, passim.
4 N. HAMMERSTEIN, "Das politische Denken Friedrich Carl von Mosers", Historische Zeitschrift 212 (1971), pp. 316ss. Passant à côté de la question U. R. BEcuER, Politische Gesellschaft. Studien zur Genese bürgerlicher Offentlicbkeit in Deutschland, Güttingen 1978. # C. AntTONI, Der Kampf wider die Vernunft, Stuttgart 1951, pp. 102 ss. 5 Cf. également ici: J. G. GagLiARDO, Reich und Nation. Tbe Holy Roman Empire as ldea
and
Reality
1763-1806,
Bloomington/London
1980.
5! C£, N. HAMMERSTEIN, "Der Anteil des 18. Jahrhunderts an der Ausbildung der historischen Schulen des 19. Jahrhunderts", in K. HAMMER-J. Voss (Hrsg.), Historische Forschung im 18. Jabrbundert (Pariser historische Studien 13), Bonn 1976, pp. 432 ss. 52 Cf. en général N. HAMMERSTEIN,
104
Jus
und
Historie, cit., passim.
école, l’Empire contemporain remontait dans sa forme et dans son essence au règne d'Otton le Grand. C'est à cette époque qu'avait eu lieu la reprise du caractére romain en tant qu'idée et méme en tant que nom, bien que le « Rómiscbe alte Kaysertbum ... diu erat extinctum ». La domination momentanée sur l'« Exarcbat, le Ducatum Romanum et quinque urbes » aurait d'autre part justifié cette reprise équivoque, et ce titre s'étant depuis lors main-
tenu dans l'Empire avec quelques interruptions, il fallait donc le conserver. « Der eintzige Titul, Rómischer
Kaiser machet, dass wir den Rang
vor allen
übrigen Kónigen praetendiren ... Das eintzige Kayserthum von Rom giebt uns die Praerogatio:
drum
besorgt eben
Maximilianus
I, Carolus
VIII
Kônig
in
Frankreich móchte das Rómische Kayserthum wegschnappen und sich dadurch über ihn setzen, daher kam auch in selbiger Zeit in Oppositionem, in odium et contradictionem Gallorum bey uns der Titul auf: das heilig Rómische Reich Teutscher Nation, Daher sind diejenigen absurd, so meynen ... es wären verba inania ... Wegen unseres Teutschen Wesens hatten wir keinen Rang zu prátendiren, da ist Frankreich stärcker. » 95
so gut als wir und vielleicht noch müchtiger und
3 N. Hier. GUNDLING, Discurs über dessen. Reicbs-Historie, Frankfurt a M./Leipzig 1732, pp. 346; 398. [« Le seul titre d'Empereur Romain fait que nous prétendons à un rang supérieur à celui de tous les autres rois ... Le seul Empire de Rome nous donne des prérogatives. C'est pourquoi Maximilien I“ redoutait que Charles VIII, roi de France ne lui enlevàt l'Empire Romain et se plaçât ainsi au-dessus de lui, er c'est pourquoi aussi le titre Saint Empire Romain Germanique apparut chez nous à cette époque in oppositionem, in
odium et contradictionem Gallorum. Ceux qui prétendent qu'il s'agit là de verba inania sont donc des insensées... Notre nature allemande ne légitime aucunement la prétention à un rang, en ce point la France nous vaut bien, elle est peut-être même plus forte et plus puissante. »] L'élève de Thomasius Gottlieb Gerhard TITIUS porte ici un jugement trés analogue dans son Specimen Juris Publici Romano-Germanici, Leipzig 1698 (utilisé dans l'édition de 1712): «Sed de appellatione generali ac solenni seu curiali jam videndum. Dicitur igitur solenni elogio, Sacrum Romanum imperium e/: Imperium Romanum Teutonicae Nationis das Rômische Reich Teutscher Nation, seu quod eodem recidit; Imperium
Romano-Germanicum
[..] Rempublicam autem Germanorum,
ob jus in reliquias imperii
Romani quaesitum, nomen imperii Romani mereri, cerium omnino, ac contra ineptas Blondelli criminationes solide a BoECLERO ostensum dl. sed cur iste titulus generaliter omne id notet, quicquid regimine germanico comprebenditur, id praesentis est disquitionis. Esse illum titulum. sensus istius amplioris capacem, nemo negaverit, qui intelligit, quod omnis verborum valor ab impositione dependeat, binc mec insubidum est, nec exemplo caret, ut verba, restrictius bactenus significantia generaliori sensu deinceps donentur, add. CoNRING, de G.]R. c. 12. $. 16. [...] Illa cum tacito usui, et vulgi quidem, ut creditur, originem debeat, non aliam ob causam [acta videtur, quam ad amatum loquendi compendium, cum enim elogium imperii et Imperatores Romani inier caetera, primo loco occur. reret, compendium loquendi facturi, primo illo titulo omnem Germanorum Rempublicam
significarunt. Sed postquam semel appellatio illa invaluerat, ne fortuito sed optimo consilio id factum.
crederetur,
ad
eam.
retinendam.
et approbandam
rationes.
memoratae | forsitan
impulerunt. Sed in boc summa rei non vertitur. Illud certum, elogium imperii Romani, Germaniae reliquisque regnis non [uisse tributum ideo, quod, velut et urbi Romae fuerint subjecta [...1 Titulus specialis procul nec generali omnis utilitas neganda, nam existimatio quam babet et suis alias rationibus nititur, videtur magis firmata,
provinciae, imperio Romano dubio Germaniae utilis est, Germania quae aliis regnis postquam elogium illud in
universum | Reipublicae
(Livre
Germaniae
corpus
fuit
diffusum »
I, suite
Chap.
IX,
Pp. 166 ss.).
105
Le terme "Romain" désigne donc tout d'abord la dignité, la considération dont jouit l'Empire par rapport à tous les autres états, quel que soit le rapport de forces politiques existant. De méme que le terme "Saint", il est synonyme de l'idée de justice, de paix, de maintien du droit, de sécurité et de liberté dans une espéce de statu quo. Car changement politique et extension du pouvoir sont des vocables ou plutót des idées qui restérent étrangers à ces chroniqueurs, ce qui explique qu'ils eurent généralement par la suite de grandes difficultés avec les procédés brandebourgeois-prussiens. Ces explications et des explications apparentées caractérisent désormais les remarques généralement bréves concernant le nom de l'Empire. Certes, la vieille discussion sur la déduction historique appropriée n'en était pas close pour autant. Elle ne fit que se déplacer pour aller là où, de l'avis des chroniqueurs,
elle était à sa place, à savoir dans les traités historiques plus spécialisés dans ladite histoire de l'Empire *. Ceux-ci avaient bien les chroniqueurs — et bientôt les auxiliaires scientifiques requis, les historiens d'Empire — pour auteurs, mais ils ne faisaient, pour ainsi dire, qu'escorter les exposés sur le Jus Publicum. Les traités historiques fondés tournant autour des questions de droits publics se multiplièrent. Il y eut toujours quelqu'un pour aller rechercher la vieille théorie de la translation — c'est chez Jacob Schmauss 9 que cela surprend le plus — de sorte que même * N.
au XVIII siècle, elle se trouva toujours confirmée ou infir-
HAMMERSTEIN,
"Die
Reichs-Historie",
in
G.
IccERS,
Die bistorische Forschung im 18. Jabrbundert, Güttingen 1984. 55 J. J. ScuMauss, Historisches Jus Publicum des Teutschen der
vornebmsten
Materien
der
Reicbs-Historie,
welche
zur
entre
autres
(Hrsg.),
Reichs, oder Auszug
Erkenntnüf
der
Staats-
verfassung unseres Teutschen Reichs, von den áltesten Zeiten bis auf die beutige dienen, 2° éd. Gôttingen 1754 (pp. 8-9): « Nachdem zuerst der Major Domus, Carolus Martellus, hernach sein Sohn Pippinus, und dieses sein Sohn Carolus M. die Patriciat Würde und darduch die Jurisdiction in Rom und die Gewalt, den Papst und alle Bischôffe in Italien zu investieren, erhalten, so hat der Letztere endlich auch die Kayser- Würde, mit der in Sonderheit die Herrschaft über die Stadt Rom verknüpft war, erneuret, und sich und seiner Familie mit nachmahliger Einwilligung der Griechischen Kayser zugecignet,
zugleich aber auch dem Papst die Schenkungen der Patrimonii Petri, das Exarchats und noch
anderer Herrschaften
in Italien bestätiget.
holet worden ». [« Après que fils Pépin et le fils de celui-ci méme la juridiction de Rome le dernier nommé renouvela particulier le pouvoir sur la
famille cette dignité aprés consentement
également
Die hernach
von
Ludovico
Pio wieder.
tout d'abord le "Major Domus" Charles Martel, puis son Charlemagne eurent reçu la dignité de patrice, et par là et le droit d'investir le pape et tous les évêques d'Italie, finalement la dignité d'Empereur à laquelle était lié en ville de Rome et s'octroya aussi à lui-méme et à sa ultérieur des empereurs
au pape les donations du Patrimonium
italiennes, ce qui fut ensuite réitéré par Louis
grecs;
mais il confirma
Petri de l'exarchat et d'autres terres
le Pieux »);
(pp. 69-70):
«Es
hat zwar
Rudolfus Habspurgis etliche Mahl vorgehabt, den Rómerzug wegen der Kayser-Würde vorzunehmen, und dieserwegen Gfftere Vergleiche, Eydschwüre und Bestáttigungen der von den vorigen Kayser dem Rómischen Stuhl gethanen Schenckungen, die auch von allen Reichs-Stinden bekräfftiget worden sind, eingegangen. Er hat aber wegen vieler Päpstlichen Einwendungen,
sowenig als seine beyde náchste Nachfolger, dazu gelangen kónnen
...
Carolus IV. ist eben auf die Art wie Henricus VII. zu Rom gecrónet worden, und hat in seinem Schenckungs-Brief unter andern in Sonderheit versprochen, da8 er auch an
106
mée. Les plus typiques sont les exposés qui recherchent un compromis entre toutes ces théories, qui font étalage de leur science et rapprochent même, en une sorte de schéma explicatif des débuts de l’histoire, ce qui ne peut être rassemblé. C'est ainsi par exemple qu'en 1715, le syndic paysan de Lüneburg écrivit dans la deuxième partie de son Teutscher Reichs-Staat oder ausfübrliche Beschreibung des H. Rômischen Reichs Teutscher Nation...: « Un empereur romain germanique sera nommé empereur romain, par le fait que le roi germanique Otton Ie, dit le Grand, a conquis l'Italie par la guerre (de sorte que cette translation de l'Empire Romain aux Germains ne résulte pas de la volonté et de la grâce pontificale, mais du jus belli et de la victoire obtenue pas Otton
I), par le fait que Bérengar,
... avait été envoyé comme
prisonnier en Allemagne et que le pape avec la ville de Rome, dont les habitants et la plus grande partie de l'Italie s'étaient soumis à Otton en le reconnaissant comme
leur souverain,
avait aussi trouvé un arrangement
avec lui, de sorte
que maintenant et désormais jusqu'à la fin des temps, celui qui deviendrait roi germanique, soit par succession héréditaire, soit par élection, eo ipso et en vertu de la succession germanique ou de l'élection serait empereur romain ou s'appellerait ainsi et devrait donc étre respecté par le pape, les Romains et les autres Italiens ... De sorte que le titre d'empereur romain et le droit qui en résulte dans la chrétienté ne pouvaient procéder de l'époque de Charlemagne [..]. Cette domination sur Rome et sur le pape s'était poursuivie pendant un certain temps jusqu'à ce que les papes se soient libérés du pouvoir impérial et que de nombreuses villes et provinces d'Italie aient acheté à divers empereurs leur liberté actuelle pour de l'argent. Après donc que ... les papes et les Romains, ainsi que la majeure partie de l'Italie se sont délivrés du pouvoir et de la suprématie impériaux, la question suivante se pose: le titre d'empereur romain, sous cette forme, peut-il aussi être attribué à un roi alle-
mand?
Personne n'en doute, hormis quelques petits malins français et ceux
qui refusent à la Maison d'Autriche cette dignité supréme, dont Blondellus. Bien qu'il ne soit pas insensé au point de vouloir refuser le titre impérial à
l'empereur, gouverneur supréme, non seulement d'Allemagne, mais aussi dans une certaine mesure de toute l'Europe, et que seul le terme "Romain" ne lui
seinem Crônungs-Tag, ohne ErlaubnüS des Papstes nicht einmahl über Nacht in der Stadt Rom bleiben wolle. Es ist dabey nicht zu vergessen, daf die Päpste zu Avignon etliche Mahl im Sinn gehabt haben, das Kayserthum an Franckreich zu bringen, eadem sutoritate qua translatum est Imperium a Graecis ad Francos ». [« Rudolf de Habsbourg eut certes maintes fois l'intention d'entreprendre la marche vers Rome pour obtenir la dignité d'empereur — et de nombreux compromis, serments sur l'honneur et confirmation
des donations faites au Saint-Siège par les empereurs
précédents et confirmés par tous
les ordres de l'Empire furent faits — Mais il ne put, pas plus que ses deux successeurs, y parvenir, en raison de nombreuses objections pontificales … Charles IV fut couronné à Rome de la même façon que Henri VII et dans son acte de donation il s'engagea entre autres à ne pas rester, lors de son couronnement une seule nuit dans la ville de Rome sans autorisation pontificale. Il ne faut toutefois pas oublier que les papes d'Avignon eurent maintes fois l'idée de remettre l'Empire à la France, eadem autoritate...
Francos.»] En ce qui concerne Schmauss, cf. N. HAMMERSTEIN,
Jus und Historie, cit.
p. 343.
107
convienne pas, du fait que selon lui, un empereur allemand n’a plus aucun pouvoir, aucune autorité et aucune puissance sur Rome. Mais indépendamment de tout cela, ce titre ne revient pas, aujourd'hui encore, au souverain allemand
par le seul fait qu'il reste encore en Italie beaucoup de beaux fiefs, mais aussi parce que le souverain allemand et la monarchie allemande ne se sont jamais départis de leurs prétentions sur Rome et que le pape et les Romains n'ont en aucune façon refusé à l'empereur le titre même
d'empereur romain. Que
l’ar-
gument suivant et ses conséquences, à savoir qu'un potentat qui ne posséderait plus telle ou telle terre parce qu'on la lui aurait arrachée soit par ruse, soit par violence, en un mot injusto titulo, et confisquée, n'aurait plus le droit d'en porter le nom, que cet argument donc ne serait pas très solide, puisque vu sous cet angle, le roi de France lui-méme ne pourrait en aucun cas se nommer
roi
de Navarre ».
Sur la question de savoir si l'Empire allemand pouvait étre considéré comme la quatrième monarchie, Bilderbeck s'exprime en ce sens: qu'il est clair depuis Conring qu'on avait commis une erreur sur ce point. Néanmoins l'Empire compterait au nombre des plus remarquables, quant à son image et à son importance *. L'argument reste donc en suspens. D'autres chroniqueurs d'Empire s'efforcérent ensuite d'affiner ces déclarations obscures qui allaient dans le sens d'un refus catégorique de toute immixtion de la translation; il est par exemple caractéristique qu'un homme comme Zschackwitz ait pensé qu'il y avait des ambiguités méme chez Conring et qu'elles continuaient à se faire sentir. Dans un traité qu'il rédigea sur ce sujet, il essaya d'éclaircir ce probléme et de démontrer définitivement l'absurdité de la théorie de la translation”.
H.
56 CHR. L. BItpERBEACE, Teutscher Reicbs-Staat oder ausfübrliche Beschreibung des Rómiscben Reichs Teutscber Nation nach dessen Ursprung, Alter und jetziger
Bescbaffenbeit..., Leipzig
1715, pp. 62 ss.
9 Jon. Enr. ZscHackwirZ, Einleitung zu denen vornebmsten Rechtsansprüchen derer gecrônten hoben Háupter.. in Europa, Frankfurt a.M./Leipzig 1733: (p. 8) «Es wird noch bis diese Stunde von vielen geglaubet, ob sey das Teutsche Reich eine Fortsetzung des vormaligen Rómischen, welch vorgeben unter andern Gelehrten det Herr Conring da so ganz offenbarlich nicht hat behaupten wollen, indem er solches vielmehr mit allerley Umstünden zu verdecken gesuchet. Wenn man aber alles und jedes, was er dieserbalben hin und wieder vorbringet, genau ansiehet, so ist seine Meynung in der
Tat keine andere als eben diese gewesen. Diese Sache ist so wichtig, dafi sie allerdings verdienet, aus dem Grunde
auf und untersucht zu werden ». [« Nombreux
sont ceux qui
croient aujourd'hui encore que l'Empire Allemand est le prolongement de l'ancien Empire Romain. ce que Monsieur Conring, entre autres savants, n'a pas voulu affirmer de manière aussi catégorique mais qu'il a plutôt cherché à cacher par toutes sortes de moyens. Mais si l'on regarde
de près ce qu'il a dit ici et là à ce sujet, on s'aperçoit qu'il rejoint en
fait cette opinion. La chose est si importante qu'elle mérite d'être examinée a fond. »] Suit un long développement historique détaillé. Dans sa Kurtz gefaften Nacbricbt von dem
wabren
und
eigentlichen.
Ursprung
des
gegenwärtigen
Politischen
Zustandes
des
Teutschen Reiches... nebst einem Anbang warum das Teutsche Reich vor anderen Staaten in Europa den Vorzug babe, Leipzig und Frankfurt aM. 1748, Zschackwitz écrit: (pp. 310 ss.) «nun hat man bereits vorhero gar umständlich gewiesen, daf 1. der Titul Imperator Augustus Romanorum bey dem Carolo M. weiter nichts, als eine Würde
108
Ces travaux firent ressortir de plus en plus nettement le fait historique. Un élève du premier historien célèbre de l’Empire et par la suite professeur à Góttingen, Johann David Kóhler, Franz Dominicus Häberlin alla très loin. Il prouva de manière catégorique que la désignation "Romain" en liaison avec l'Empire n'était apparue que relativement tard, au XIII* siècle. Il développa ce point de vue à l'aide d'un appareil des plus savants et avec la plus grande minutie historique *. Mais il n'est ni nécessaire ni possible de le référer ici in extenso.
9. Le fait que jusqu'au champion de la chronique allemande, Stephan Pütter, personne n'ait abandonné l'idée que le titre était légitime et devait étre conservé, indépendamment de toute objection historique, juridique et politique, de toute révélation ou contre-argument me parait décisif. L'analyse, les preuves se modifiérent certes quelque peu, elles devinrent plus formalistes, en partie plus distanciées et plus ‘éclairées’, mais en ce qui concerne le fond, la désignation ne fut jamais contestée; comme explication, on invoqua en parangezeiget habe; daff 2. diese Würde nur ein personalissimum gewesen, nämlich daf die nur eintzig und allein dem Carolum M. und dessen Haus angegangen; gleichwohl aber und als die Püpste anfingen, denen groBen Herren ein Blendwerck vorzumachen, als ob sie diejenigen wären, die Weltliche Hoheiten und Ehren austheilen kónnten, so bilde ten sich auch die Nachkommen des Caroli M. ein, es beruhe bey dem Rómischen Bischoff,
wer
er den Titul
Bleichwohl
selber
Imperator nicht
Romanorum
verstunden,
was
und
Augustus
dieser Titul
beylegen
eigentlich
wolle,
heife?,
und
wie
den
sie
alles dieses
vorgedachtermaBen, gar gründlich gezeiget worden. Als nachher der Frünckische Teutsche Staat zerfallen war, und die Teutschen ihren Staat wieder anrichteten, liefen dessen Kônige von Ottonem I. an, samt allen nachherigen von dem Rümischen Bischoffe sich ebenfalls bereden, er kónne ihnen den Titul und Wiirde eines Imperatoris Roman. Augusti oder wie man es itzo nennet, Rómischen Kaysers, beylegen, bey welchen Umstánden es auch bis hieher insoweit geblieben, obgleich vor das Teutsche Reich besser wire, wann es seinen Kayser Teutschen Kayser nennete ». [On a suffisamment prouvé que premièrement chez Charlemagne le titre de l'Imperator Augustus Romanorum ne désignait rien d'autre qu'une dignité et que deuxièmement cette dignité était un personalissimum, à savoir qu'elle ne concernait que Charlemagne seul et sa Maison; mais néanmoins, lorsque les papes commencèrent à duper ces grands seigneurs comme s'ils étaient ceux qui avaient le pouvoir de distribuer dignités temporelles et honneurs, les successeurs de Charlemagne s'imaginerent alors qu'il était du ressort de l'evéque romain de choisir celui auquel il accorderait le titre d'Imperator Romanorum et d'Augustus, bien
qu'eux-méme ne comprirent pas la signification réelle de ce titre, ainsi qu'on l'à bien montré. Lorsque par la suite l'état allemand de Franconie fut démantelé et que les Allemands reconstruisirent
leur état, les rois, à partir d'Otton
I" et tous les suivants
se laissèrent
convaincre par l'évéque romain, qu'il pouvait leur conférer le titre et la dignité d'Imperator Romanorum Augustus, ou plutôt comme on dit maintenant d’Empereur Romain, quelles que soient les circonstances pour lesquelles ce titre s'est maintenu
en ces termes
jusqu'à présent et bien qu'il eüt été préférable empereur Empereur Allemand. »]
d'appeler
Rex
pour
l'Empire
5$ F.D. HABERLIN, "Diplomatische Untersuchung von Romanorum..", in In, K/eime Schriften vermischten
allemand
son
dem Ursprunge des Titels: Inhalts aus der Geschichte
und dem Teutschen Staatsrechts, I, Helmstedt 1774, pp. 53ss. H. von BÜNAU expliqua également ce phénomène de manière analogue dans son très estimé Tewrschen Kayser- und Reicbs-Historie, Leipzig 1732, pp. 540 ss.
109
tie des raisons tout à fait extérieures; un chroniqueur peu connu nous en fournit un exemple typique: « Imperium Romano-Germanicum est Collegium Illustrissimum ex Imperatore tamquam summo capite et statibus Imperii immediate conflatum. Dicitur Romanum, quia a Julio Caesare usque ad hodiernum gloriosissime regnantem Imperatorem continua series duci potest; sufficiat — ajoute-t-il en pensant à l'Empire — hic a Carolo M. seriem recensere » *.
Certes, les chroniqueurs célèbres — Moser père et fils, Maskov, Schmauss,
Gebauer, et dans la sphére catholique Ickstatt, Schrótter, Pock ont porté un jugement plus différencié, mais ont en fait vu la chose de manière identique ©. L'une des explications de Pütter — qu'il nous livre dans son “Intro9 P.K.
MoNATH,
Introductio
ad Cognitionem
Status
Publici
Universalis
... maxime
Sacri Romano Germanici Imperii, Nürnberg 1723, p. 57. 40 ['explication succincte et précise de Mascov est particulièrement intéressante, ainsi que l'interprétation positiviste de J. J. Moser que nous ne mentionnerons que brièvement
puisqu'elle atteint la dimension habituelle. Tout d'abord J.J. Mascov, Principia Juris Publici Imperii Romano Germanici, Leipzig 1738, Livre III, Chap. IV, pp. 241 ss.: « $ III. Ipsius autem Principis appellatio constat titulo Imperatoris, Caesaris, Augusti, et qui deinde accessit, Regis Romanorum. Imperatoris vocabulum apud Romanos tempore R. P. denotabat summam praefecturam militarem. Deinde autem lulio Caesari, post eversum Statum Urbis, tributum est, ut Imperatoris. titulo, nova et ampliore significatione perpetuo uteretur: idque et Caesari Octaviano, qui primus Augustus appellatus fuit, datum. Coepit itaque Principatus Romani titulus esse, quod modestior videretur regali. Augusti nomen accessisset, omni iam bumano fastigio sublimior babitus est. vocabulum cognomen familiae, de gente Iulia primum fuit, stirpis, non cium. 1) Extincta Caesarum. domo, Successores tamen reverentia illius
Sed mox, ubi $ IV. Caesaris potentiae indiretinuerunt et
filiis tribuerunt, aut quos alios in spem imperii adsciscerent. Denique promiscuo usu ipsum Imperiale fastigium notare coepit, fateturque Imperator lustinianus non alio se titulo magis, quam Caesaris, gloriari. 2) Ab eadem voce, qualem Graeci proferre solebant, Germanicum Imperatoris nomen ortum est. $ V. Imperatoris nomen in Occidente iterum instauravit Carolus M. idque etiam Imperatores Graeci ipsi tribuerunt. $ VI. Eiusque successoribus frustra interdum ab aula Byzantina lis de eo mota fuit. $ VII. Et Carolus M.
Ludovico,
Ludovicus
Lotbario
eundem
titulum
tribuerunt,
non
requisita
ante Ponti-
ficis Romani auctoritate. Otto M. quoque filium cognominem Collegam Imperii adscivit, ac Romae coronari curavit. $ VIII. Deinde obtinuit, ut Principes in Germania electi, atque coronati, quanquam revera Imperii potestatem omnem baberent, Regis Romanorum titulo contenti agerent: Imperatoris demum adsciscerent, ex quo Romae coronati essent. Eadem erat imperandi auctoritas, sed in titulis et bonorum solennibus diversa. $ IX. Maximilia. nus I. A. 1508, cum succinctus ad expeditionem. Romanam, transitu a Venetis probibe-
retur, Tridenti nomen electi Imperatoris sumsit; quod consilium et Julius II. Papa tum probavit. $ X. Ab eo itaque tempore titulus Romanorum Regis manet Principibus, ad spem successionis, vivo Imperatore, electi Imperatores autem ipsi ante coronationem Germanicam quidem Regis Romanorum titulo adbuc utuntur: Post illam vero, susceptis regni gubernaculis, statim. imperatores. vocantur ». J.J. Moser, Teutsches Staat-Recbt, Dritter Theil, Frankfurt und Leipzig 1740: (pp. 4 55.) « Der Kayser führet also forderist im Teutschen den Titul: Kayser und bekommet solchen im Teutschen auch von allen andern Potentaten ohne Widerrede. Der Ursprung dises Worts ist ohne Zweifel von dem Lateinischen Caesar … herzuleiten.. Im Lateinischen bedienet man sich anstatt des Wortes Kayser des Tituls: Imperator. Dieses heifet dem Buchstaben nach eigentlich ein Gebieter oder Befehlshaber, bedeutete auch bey denen Rómern, die in erstlich zu
110
duction au droit public allemand" éclairera cette dernière étape de la discussion de la chronique. Je cite d'aprés l'édition allemande: « De que reur sait,
méme, l'Empire romain est lié à l'Empire germanique d'une telle manière celui qui est élu roi d'Allemagne reçoit en méme temps la dignité d'emperomain. Cette caractéristique de notre empereur remonte, comme chacun aux anciens empereurs de la Rome antique ... ».
Charlemagne et Otton auraient indirectement et sans translation renouvelé cet état de fait. « Cependant, la suprématie de l'empereur sur la ville de Rome et son territoire ainsi que bien d'autres droits qui découlaient auparavant du pouvoir sur le einem
Curia]
Titul
gemacht
haben,
anfangs
einen
commandirenden
General;
jedoch
durffte sich dessen nicht ein jeder commandirender General anmafBen.. Als aber der Carolingische Stamm in Deutschland abgegangen war und die Teutschen anfiengen Küónige ihres Mittels zu wählen, auch hierzu Conradum aus einem Herzog von Francken zu ihrem Kónig erkieseten, so wurde selbiger nur Konig benennet, indeme die Teutschen der Zeit noch kein Recht zur Kayser-Würde hatten [..] Unter Heinrich I. Nachfolgetn am Regiment aber wurde die Kayser-Würde und Titul auf ewig an Teutschland ver. knüpfet, … ob nun wohl die Griechischen Kayser von denen Teutschen zu Zeiten über diesen Titul Quaestionem Status moviret, so haben doch diese sich beständig darbey mainteniret... Seithero führen die Teutschen Kónige den Titul, Imperator und Kayser, in Ruhe, und werden von allen Potenzien in und ausser Europa ohne Anstand damit beehret, ... Kayser Maximilian I. war der Erste, so den Kayserlichen Titul annahme, ohne von dem
Papst gecrónt zu seyn... ». [« L'empereur porte donc en allemand avant tout le
titre de "Kayser" (empereur) et tous les autres potentats le momment aussi sans difficulté. L'origine de ce mot est sans aucun doute le mot latin “Caesar”; en latin on utilise le titre "Imperator" au lieu du terme "Kayser". Celuici signifie littéralement "seigneur" ou "commandant" mais chez les Romains qui les premiers en firent un titre de curie, il signifiait également "géneral commandant". Toutefois n'importe quel général ne pouvait se
réclamer
de
ce
titre..
Mais
lorsque
la
dynastie
carolingienne
se
fut
éteinte
en
Allemagne et que les Allemands commencèrent à élire eux-mêmes des rois, lorsqu'ils élevèrent par exemple Conrad, de duc de Franconie, à la dignité de roi, on le nomma simplement
roi
puisqu'à
cette
époque
les
Allemands
n'avaient
pas
encore
le droit
porter la dignité d'empereur. Mais sous le gouvernement des successeurs d'Henri dignité et le titre d'empereur furent octroyés pour toujours à PÁllemagne
de
I", la
... et bien que
les empereurs grecs n'aient pas été d'accord avec les Allemands en ce qui concerne ce titre, ceux-ci s'y tinrent. Depuis, les rois allemands portent tranquillement le titre d'"Imperator" et de "Kayser" et toutes les puissances à l'intérieur et à l'extérieur de l'Europe les honorent sans difficultés de ce titre. Maximilien I* fut le premier à prendre le titre impérial sans être couronné par le pape..»] Le pape se serait vu obligé, en raison de difficultés de politique extérieure, de reconnaître à Maximilien la légitimité de
ce titre. « Die folgende Kaysere insgesamt bif jetzo haben sich sogleich nach ihrer Wahl Rómische Kônige: und alsbalden nach ihrer Teutschen Crónung: erwählte Rómische Kaysere geschrieben, ohne bey dem Papst deswegen anzufragen, oder sich darum zu bekümmerer,
diser
sogar
[« Tous
aprés sans
les
wie
er es ansehe
aufnehme,
wiewohl
seze, daf er vilmehr
empereurs
se sont
suivants
leur élection, εἰ Empereur en
und
sich nich darwider
appeler
au
pape
alors
Romain
ni se soucier
et jusqu'à
Elu sprés de
son
wir
avis
unten
ihnen
hóren
selbsten
présent
nommés
leur couronnement et de
sa
werden,
daf
also zuschreibe. »
réaction,
Roi
Romain
en Allemagne, ce à quoi
l'on
nous répliquera que ce dernier ne s'y opposa méme pas et qu'au contraire il les approuva. »]
111
monde, pouvoir De tout Empire empires
et des droits d'avouerie sur l'Eglise romaine, en tant que second visible, qui en résultaient ... ont déjà cessé d'exister depuis longtemps. cela, il ne reste plus que le titre et la dignité ... la désignation du Saint et le rang qu'il occupe devant toutes les autres tétes couronnées et d'Europe. » ‘!
On en restait donc plus ou moins au schéma explicatif de Halle. 61 Jon. Sr. PürrER, Anleitung zum Teutschen Staats-Recht, aus dem Lateinischen übersetzt, chap. II, $ 21, pp. 34 ss. Dans son Historische Entwicklung der beutigen Staatsverfassung
des Teutschen
Reichs, Gottingen
1786, on peut lire:
(pp.
116 55.) «So
hatte
freilich Otto die Ehre, auf ühnliche Art wie ehedem Karl d. Gr. gethan hatte, sowohl die Rómische Kayserwürde als die Longobardische Krone auf sich und sein Haus zu bringen; ohne daf man doch noch zur Zeit sagen konnte, daG eine Real Verbindung zwischen Italien und Teutschland damit auch bestündig eingegangen würe. Nur darin ging Otto noch einen Schritt weiter, als Carl d. Gr. gethan hatte, da er mit Weglassung seiner
übrigen
Titel zuletzt
sich nur
Rômischer
Kaiser
schricb.
Das
gab
wenigstens
in
der Folge Anla8, daf man anfieng zu glauben, das Reich, das cin Rómischer Kayser beherrschte, sey selbst das Rómische Reich. Ohne zu unterscheiden, was ein Kaiser als Beherrscher der Stadt Rom und der Lombardey, und was er eigentlich als Oberhaupt des Teutschen Reichs zu sagen habe; [..] Otto und seine Nachfolger glaubten jetzt ohne Unterschied auf sich anwenden zu kónnen, was chedem nicht nur Carl d. Gr. sondern auch sonst irgend jemals einer der alten Rómischen Kaiser für Vorzüge gehabt haben móchte [..] Schon die Ottonen scheinen geglaubt zu haben, daf sie als Rómische Kaiser eine gewisse Oberherrschaft sowohl über auswärtige Künige als über Teutsche Fürsten ausüben kónnen. Bald kam noch der Gedanke
als eine
kirchliche
Gesellschaft
also auf gleiche Art auch
betrachtet,
alle Christliche
ein Volker
hinzu, daf die ganze Christenheit,
sichtbares und
geistliches
Staaten
Oberhaupt
ein weltliches
habe;
Oberhaupt
haben kónnten; wozu wegen des Schutzes, den die Rómische Kirche vom Rémischen Kaiser zu erwarten habe, niemand näher als dieser würe. Bald verband man endlich noch überdies damit eine Deutung des Propheten
Daniels von vier Kónigreichen, wovon
das Letztere alle anderen zermalmen und zerstôhren, für sich aber ewig bleiben würde ». [«Otton eut ainsi l'honneur, comme l'avait fait jadis Charlemagne, d'apporter à lui méme et à sa Maisou à la fois la dignité d'Empereur Romain et la couronne de Lombardie, sens que l'on püt toutefois prétendre qu'une réelle liaison en aurait été
établie de manière durable entre l'Italie et l'Allemagne. Mais Otton alla encore plus loin que Charlemagne dans le sens où, délaissant ses autres titres, il finit par ne plus s'intituler qu'Empereur Romain. C'est ainsi que, tout au moins par la suite, on commença à penser que l'empire sur lequel régnait un Empereur Romain était lui-même l’Empire Romain, sans faire la distinction entre ce qu’un empereur a à dire en tant
que maître de la ville de Rome et de la Lombardie et ce qu'il a à dire en tant que souverain de l'Empire Allemand; ...Otton et ses successeurs crurent alors pouvoir jouir eux-mêmes indifféremment de tout ce que jadis, non seulement Charlemagne mais aussi tout Empereur Romain avaient pu avoir comme privilèges. Les Ottons semblent déjà avoir cru qu'ils pourraient en tant qu'Empereurs Romains exercer une certaine souveraineté tant sur les rois étrangers que sur les princes allemands. ἃ cela s'ajouta bientót l'idée que toute la chrétienté, en tant que société religieuse, avait un chef spirituel visible, que donc, de la méme
maniére,
tous les peuples et états chrétiens pourraient
aussi avoir un
chef temporel, c'est pourquoi, en raison de la protection que l'Eglise Romaine était en droit d'attendre de l'Empereur Romain, personne n'était mieux qualifié que celui-là méme. Enfin on y rattacha bientôt une interprétation de la vision du prophète Daniel des
quatre
royaumes,
dont
le dernier
écraserait
quant à lui à exister jusqu'à la fin des temps. »]
112
et détruirait
les autres
et continuerait
10. L'Empire catholique adopta également cette conception dans la deuxième moitié du XVIII* siècle, après les réformes locales réalisées selon l'exemple protestant. Il va de soi que là la conception de l’empereur était restée
par tradition plus étroitement liée au "Saint" et au "Romain" et qu'elle ne fut jamais autant contestée qu'à l'extérieur des territoires catholiques 9. Mais elle prit alors une nouvelle orientation. L'élément "Romain" y témoignait moins de l'étroite liaison avec l'autre pouvoir, au second pouvoir universaliste. Celleci se maintenait certes au plan religieux, mais non en ce qui concerne
les prétentions temporelles de l'Empire ou des états religieux. Sur ce point,
c'ést désormais le prince qui seul avait la parole — et c'est ce qu'enseignàrent les chroniqueurs —, celui-ci pouvait et devait le faire en raison des connaissances développées dans la chronique protestante comme une doctrine
de droit naturel. Dans la sphére catholique, le terme "Romain" désignait également la fonction qu'exergait l'empereur d'avoué légitime de l'église, mais qu'il exerçait au-dessus d'elle, puisqu'elle n'avait aucun pouvoir de commandement "in mundo”. Les juristes catholiques et les historiens d'Empire se contentérent en général d'une adaptation des doctrines protestantes. Ils n'eurent aucun besoin de rédiger en propre de volumineux compendiums. Ils existaient déjà, on n'avait qu'à les reprendre, Ce processus aboutit d’ailleurs — ceci dit entre parenthèses — non seulement à un rapprochement inédit depuis la Réforme des deux parties de l’Empire sur le plan spirituel, mais aussi à un langage commun, à une compréhension sensiblement analogue des nécessités et des besoins de toute activité au sein de l'état. On les considéra avant tout — par-delà les confessions — commes des tâches temporelles. Le point de départ méthodologique de ces sciences ne fut pas, lui non plus, sans se modifier sous l'influence de ces doctrines, de sorte qu'aprés l'effondrement de l’ancien Empire ces traits communs
rendirent possible, au début du XIX° siècle, une compréhen-
sion mutuelle. Si l'on tente en conclusion de caractériser en quelques phrases la signification du terme "Romain" pour les chroniqueurs d'Empire, ainsi que les modifications auxquelles les diverses interprétations furent soumises de la
fin du XVI: siècle au début du XIX° siècle, on pourrait dire que les premiers défenseurs du Jus Publicum Romano Germanicum partirent de la Translatio Imperii dont Melanchthon avait fait un canon, comme d’une chose allant de soi. Ils durent toutefois étayer eux-mêmes la chose et se heurtèrent en particulier au scepticisme français quant à la légitimité de cette translation. Dans la mesure où l’Empire fut impliqué au cours de la guerre de Trente Ans, d'une manière toujours plus directe, dans les débats et conflits de la Contre-Réforme, et où la coexistence relativement pacifique et stable des différents territoires et confessions qui avait été obtenue par la € Cf. entre autres A. ConETH, Pietas Austriaca. Ursprung und Entwicklung barocker Frómmigkeit in Osterreich, Wien 19822; F. MATSCHE, Die Kunst im Dienste der Staatsidee Kaiser Karls VI., 2 t., Berlin/New York
1981.
113
Paix d'Augsbourg cessa de régner, les arguments concernant notre problé matique se modifièrent inévitablement. Il s'agissait de réfuter les prétentions catholiques de la Contre-Réforme, telles qu'elles avaient été formulées par Bellarmin et Baronius par exemple, c'est-à-dire de barrer définitivement la route à toute interprétation du pape et de la curie, et il s'agissait également de se garder contre les nouvelles ambitions absolutistes de l'empereur, — dangereuses pour les protestants, — et de les combattre avec efficacité.
.
Par la réfutation de la Traslatio Imperii, les chroniqueurs réussirent en un point: par le débat sur la Forma Imperii — qui n'a pas été traité dans
cet exposé — Hippolithus a Lapide, Pufendorf, Leibniz et à leur tour les chroniqueurs repoussérent sur le plan théorique les aspirations absolutistes de l'empereur. L'Empire paraissait "Romain" par le fait qu'il était considéré à juste titre comme la figure la plus universaliste de tous les états européens et que la couronne impériale romaine avait été conquise par son propre chef. A la fin du XVII" siècle, au cours du développement historique des efforts vers un fondement approprié du Jus Publicum et parallèlement è l'apaisement des conflits polémiques de confessions, l'argumentation s'objec-
tiva. L'élément "Romain" apparut comme le composant légitime du titre de l'Empire en raison de causes historiques réelles, méme si elles avaient été mal comprises à leur époque. C'est par ce titre, légitimé par sa propre tradition, que la communauté la plus digne, la meilleure sur le plan de l'idée, celle qui correspondait le mieux au vieil ordre juridique initial, le Saint Empire Romain Germanique se faisait donc reconnaître au mieux. En dépit de tous les changements apportés aux diverses explications, cette vue des choses resta la conviction de base et le fonds commun de la chronique jusqu'à la fin du vieil Empire. Le titre de l'Empire apparut comme espérance, comme mission, mais aussi comme la preuve que cet Empire détenait l'ordre le meilleur, puisque le plus juste, le plus libre et le plus respectable, qui — s'il était appliqué — devrait étre aussi exemplaire et bienfaisant pour le monde qu'en son temps celui de Rome pour tout l'Empire romain.
114
WILHELM
BRAUNEDER
CIVITAS ET CIVIS SANCTI ROMANI IMPERII (ETAT ET CITOYEN DU SAINT EMPIRE)
1.
Etat - Nationdlité La
nationalité
(nazionalità;
s/atus civitatis)
est l'attribution
directe
de
personnes à un Etat donné (stato; civitas) '. Elle suppose alors l'existence de L'Etat moderne ?. Seul celui-ci attribue, en raison du monopole de son pouvoir de souveraineté (imperium), aux personnes, en vertu de leur origine (ius sanguinis) ou en vertu du lieu de naissance (ius soli), une position juridique qui seule, tout en leur imposant des devoirs, leur permet de participer à la vie politique de l'Etat (status civitatis surtout en tant que status activus) et leur confère ainsi la qualité de citoyen
(cittadino, civis). Cette
situation
juridique égale pour tous les citoyens suppose l'ordre étatique ou y aboutit ?. L'ensemble des citoyens forme, en tant que peuple, un élément de l'Etat à côté de deux autres“: le territoire et la souveraineté. Ainsi que chaque Etat veille à sa souveraineté particuliére et qu'un territoire défini lui est décerné, il en est de méme de son peuple particulier. Comme la nationalité crée, moyennant ses droits et devoirs particuliers, des relations de fidélité envers l'Etat, elle est marquée par la qualité d'exclusivité: à chaque Etat ses citoyens, à chaque citoyen son Etat seulement. La double nationalité constitue
l'exception 5. ABRÉVIATIONS: Abs. = Absatz (alinéa): Art. = Artikel (article); BGBl = Bundesgesetzblatt (Le journal officiel fédéral pour l'Autriche); JGS = Justizgesetzsammlung (Collection des lois concernant le justice, Vienne 1780-1848); RGB! = Reichsgesetzblatt (Le journal pour l'Empire); ZRG/GA = Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte/ Germanistiscbe Abteilung, Weimar. 1 H. Ketsen, Allgemeine Staatslebre, Berlin 1925, p. 159. 2 R. GRAWERT, Staat und Staatsangebürigkeit, Berlin 1973, p. 21. 3 GRAWERT,
0p. cif. (n. 2), pp. 212s.
4 TH. FLEINER-GERSTER, Allgemeine Staatslebre, Berlin-Heidelberg-New York 1980, p. 122; I. SEIDL-HOHENVELDERN, Vólkerrecbt, dème éd., Cologne-Berlin-Bonn-Munich 1980, p. 139; F. ERMACORA, Grundriss einer allgemeinen Staatslebre, Berlin 1979, pp. 262 s.; KELSEN,
op. cit. (n. 1), p. 96.
5 GRAWERT, op. cit. (n. 2), pp. 236 ss.
115
Cette image simple de l'identité exclusive de citoyen (civis) — nationalité (status civitatis) — Etat (civitas) n'est valable sans réserve que pour l'Etat unitaire avec sa souveraineté simple, non divisée. En ce qui concerne la situation dans l'Etat féodal, cette image doit déjà étre modifiée: le citoyen n'est pas soumis à une seule, mais à une double souveraineté: à celle d'un Etat particulier (province, canton) et à celle de l'Etat fédéral, donc il y a deux appartenances ‘. Elles ne sont que le cas normal et varient d'un Etat fédéral à l’autre”. Si l'on ajoute à ces appartenances celle à une commu-
ne donnée (par ex. "droit au domicile" en Autriche jusqu'en
1938)", on
peut se rendre compte qu'un pluralisme d'autorités conditionne encore dans un Etat moderne un pluralisme juridique d'appartenances, qu'une constitution moderne de l'Etat fédéral détermine exactement. 2.
"Status civitatis Sancti Romani Imperii?" (La "nationalité" du Saint Empire)
En ce qui concerne la nationalité (status civitatis), deux différences essentielles existent
(à côté de beaucoup
d'autres)
entre le Saint Empire
et
l'Etat moderne: d'un côté, le Saint Empire est caractérisé par un pluralisme d'autorités multiples dépassant de loin celui d'un Etat moderne et n'étant point déterminé; de l'autre côté, ce qui se trouve en rapport avec cela, sa société structurée en états se reflète dans la structure par états de ses autorités ?.
A la base, des fonctions publiques — autonomes — sont sauvegardées par diverses seigneuries et souverainetés municipales et juridictionnelles. Normalement elles sont soumises à la souveraineté d'un territoire, celui-ci étant seul
soumis directement à l'Empire. Quelques villages impériaux seulement et sur-
tout les villes impériales sont “immédiats”, de méme que la noblesse avec leurs terres. Les “Cercles impériaux" comprenant plusieurs territoires, sans pour autant réussir à s'imposer partout, exercent des fonctions publiques. Une appar-
tenance particuliére dépassant toute autre est créée en plus par le droit féodal. D'autres appartenances concernent l'état ecclésiastique, en particulier le clergé catholique avec, finalement, son engagement envers Rome !. Pour un universitaire, par ex. un docteur en droit, son "Alma Mater" reste compé6 KELSEN, op. cif. (n. 1), p. 214; GRAWERT, op. cit. (n. 2), pp. 209s. 7 Par exemple l'Allemagne: "Reichs- und Staatsangehórigkeitsgesetz" du 22. Juli 1913 (RGBI, p. 583) $$ 1, 33; "Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland" du 23. Mai 1949 (BGBI, p. 1) Art. 73 Z. 2, Art. 74 Z. 8; cf. A. N. Maxarov, Deutsches Staatsangehòrigkeitsrecht
Kommentar,
2ème
éd.,
Francfort/Main-Berlin
1971,
pp.
40s;
137; 235ss. L'Autriche: Constitution 1920/1929 (BGBl, 1/1930), Art. 6 Abs. 2; "Staatsbürgerschaftsgesetz" 1965 (BGBl, 250) $ 1; R. WaLTER-H. Mayer, Grundriss des üsterreichischen Bundesverfassungsrechts, 4ème éd, Vienne 1982, p. 63. 8 Constitution 1920/1929, Art. 6, Abs. 1; Constitution 1934 (BGBI., 1934/II/1), Art.
15. 3 GRAWERT,
op. cit. (n. 2), pp. 26ss.;
30s.;
37; O. BRUNNER,
Land und Herrschaft,
Darmstadt 1981, pp. 395 ss.; H. Conran, Deutsche Rechtsgeschichte I, 2ème &d., Karlsruhe 1962, pp. 296 ss.
10 CoNRAD, op. cit. (n. 9), II, 1966, pp. 179 ss.
116
tente jusqu'aprés sa mort: c'est elle qui engage la procédure de règlement de succession après sa mort " Dans ce pluralisme d'autorités, la population est englobée conformément à son appartenance à un Etat, non pas de la méme facon schématique, mais, au contraire, d'une façon très différente !2. A la base de la souveraineté seigneuriale on rencontre le paysan, mais aussi le citoyen d'une ville seigneuriale. Au Tyrol par ex., les paysans possèdent aussi le droit de vote à la diète provinciale?. Les citoyens d'une ville impériale possèdent beaucoup plus de libertés que ceux de la Résidence de Vienne, quelques villes impériales possèdent elles-mêmes des territoires assujettis. Au
statut (status) très différent
de classes sociales presque identiques correspond la souveraineté souvent très différente du titulaire. Surtout, au prince régnant ne s'oppose pas d'Etat homogène en ce qui concerne les sujets, sur lequel il aurait des droits simi-
laires *. Ses droits extrémement différents ne s'imposent qu'aux sujets de son territoire privé, sinon ils prennent fin là où commencent les droits des sei-
gneurs ruraux et citadins, ou ceux des provinces P. Dans
les
temps
modernes,
de
toutes
les souverainetés,
c'est
celle
des
provinces qui acquiert peu à peu la plus grande importance . Quand, au XVI° siècle, presque toute sorte de souveraineté, en particulier celle de l'Empire et des provinces, s'est accrue sous le signe de l'aide à "l'intérét commun" (bonum commune, res publica) grâce à la sauvegarde de vastes intérêts publics
sous le nom de “Polizzey” (politeia), ainsi qu'à une activité administrative croissante assurée par des autorités et à une législation approfondie, ce développement consolide surtout la situation des provinces". Cependant en 1552, le réglement de police des provinces de la Basse-Autriche s'applique d'une façon très différenciée; on lit dans la préface: « unseren Geistliche und Weltlichen, Prelaten, Graven, Freyen, Herrn, Rittern, Knechten, Hauptlewten, Verwesern, Vizedomben, Vógten, Pflegern, Verwaltern, Ambleuten, Bur-
germaistern, Richtern, Rüten, Burgern, Gemainden und sonst allen andern Unsern Unterthanen... » («à notre clergé et à la noblesse séculière, aux prélats, comtes, libres, seigneurs, chevaliers, serfs, capitaines, vicaires, vidames, baillis, administrateurs, tenanciers, officiers, maires, juges, conseillers, ci-
toyens, aux communes et à tous les autres sujets... ») *. Ce réglement ne s'adresse pas tout simplement aux sujets et aux habitants. L'idée, dans ce cas, d'un statut de citoyen autrichien est encore inimaginable. Cette idée ne 1 W.
BRAUNEDER,
Osferreichische
Verfassungsgeschichte,
3ème
éd.,
Vienne
1983,
pp. 48 s. 12 GRAWERT, op. cit. (n. 2), pp. 26 55.; 30s.; 37; BRUNNER, op. cit. (n. 9). 13 BRAUNEDER, op. cit. (n. 11), pp. 35s; H. Mrrrgis-H. LresericH, Deutsche
Recbtsgescbicbte, 16ème éd., Munich 1981, p. 340. 14 BRAUNEDER, op. cit. (n. 11), pp. 31s. 15 BRAUNEDER, op. cif. (n. 11), pp. 39s.; GRAWERT,
op. cit. (n. 2), pp. 39; 54s.
16 MrrTEIS-LiEBERICH, op. cit. (n. 13), p. 343. 17 BRAUNEDER, op. cit. (n. 11), p. 59.
18 Cf. W. BRAUNEDER, "Der soziale und rechtliche Gehalt der ósterreichischen Polizeiordnungen des 16. Jahrhunderts", Zeitschrift für Historische Forschung 3 (1976), pp. 205 ss.
117
s'annonce qu'en 1786, dans les lettres patentes réglant la succession de Joseph II qui distingue "les habitants. de ces Etats patrimoniaux”, des
"sujets d'autres Etats" (par ex. de la Hongrie) et des "étrangers" ?. Ce n'est que l'ABGB (le Code civil général) de 1811 qui parle expressément de "citoyen" ?. Les lois du Saint Empire s'adressent, comme le réglement de police de 1577, également à « chaque prince électeur, prince, homme d'église ou laïque, prélat, comte, homme libre, seigneurs, chevaliers, serfs, capitaines de province, maréchaux de province, capitaines, maires de village et maires, juges, conseillers, citoyens, aux communes et à tous les autres de nos sujets et aux
sujets de l'Empire... » 4, Compte tenu des faits que la notion de nationalité est apparue trés tard — aprés la dissolution du Saint Empire en 1806 — d'un cóté et de l'autre côté que les provinces de l'Empire ont « dédoublé l'Empire en route vers l'Etat » que « l'Empire a perdu la course à la conquête de l'Etat » (Mitteis) 2, il est surprenant que la Constitutio Criminalis Carolina de 1532 ne s'adresse pas avec autant de détours aux diverses autorités comme le fait le réglement de police de 1577, mais tout simplement aux "sujets de l'Empire" ?. Y avaitil donc une idée d'un civis Sancti Romani Imperii ("citoyen du Saint Empire")?
3.
L'appartenance juridique à l'Empire
A) Appartenance immédiate Le rapport direct entre le citoyen et l'Etat est une qualité essentielle
de la nationalité moderne *: participation directe à la formation de la volonté de l'Etat, protection directe assurée par les droits fondamentaux l'Etat et l'application des droits par les tribunaux publics etc.
de
a) Les “immédiats”. Le statut de nationalité (status civitatis Sancti Romani Imperii) dans ce sens ne peut étre attribué qu'à une partie de la po19 ‘’Josephinisches Erbfolgepatent" 1786 (JGS 548/1786) $ 2; cf. aussi Allgemeines Biirgerliches Gesetzbucb (par l'Empereur Joseph II) 1786 (JGS 591/1786) II, $ 3. 2 Allgemeines bürgerliches Gesetzbucb für die gesammten Deutschen Erblánder der Oesterreichischen Monarchie (Code civil autrichien) 1811 (JGS 946/1811) Introduction, $ 4, $$ 28ss.; F. v. ZEILLER, Commentar über das allgemeine bürgerliche Gesetzbuch für die gesammten Deutschen Erbländer der Osterreichischen Monarchie I, Vienne-Trieste 1811, pp. 42; 133 ss. 72 W. Kunrez-G.K.
SCHMELZEISEN-H.
recbtsgescbicbte Deutschlands 11/1, Weimar 2 MrrrEIS-LiEBERICH,
ΤΉΙΕΜΕ,
Quellen
zur
Neueren
Privat.
1968, p. 57.
op. cit, (n. 13), p. 242.
3 A. KAUFMANN, Die Peinliche Gerichtsordnung Kaiser Karls V. von 1532 (Carolina), 4ème éd., Stuttgart 1975, p. 28 (Préface); E. SCHMIDT, Einfübrung in die Geschichte der deutschen Strafrechtspflege, 2ème &d., Gôttingen 1965, p. 132. % GRAWERT, 0p. cit. (n. 2), pp. 216ss.
118
pulation de l'Empire, qui est directement soumise au pouvoir impérial 5. La conception
juridique de cette époque
restreint encore beaucoup
plus:
pour
Dietrich Reinkingk l'Empire n'est qu'un corps formé par l'empereur et les états de l’Empire *; Johannes Limnäus” considère seulement les états de
l'Empire ? comme
sujets de l'Empire (de l'empereur) 9. Les états cepen-
dant ne constituent qu'une part des immédiats 9, c'est-à-dire de ceux qui ont
la qualité de citoyen. Tous les "immédiats" profitent, depuis 1555, directement de la reconnaissance des deux confessions presque comme
des droits
fondamentaux ‘! et ils peuvent déjà s'adresser, dans un procès, en première instance à des tribunaux impériaux ?. Mais ce sont seulement les états qui participent directement au processus de la formation de la volonté politique, sur le plan impérial, parce qu'ils ont siège et vote à la Diète ("Reichstag"). En 1521 ? ce sont: 7 princes électeurs, dont 3 archevéques en tant que "princes de l'Eglise", 46 évéques et 83 prélats (abbés et abbesses, prieurs, baillis
de l'Ordre Teutonique), 24 princes régnants en tant que "princes séculiers" ainsi que 145 vote et siège à ecclésiastiques rhénans (avec
comtes et seigneurs, enfin 85 villes impériales. En la Diéte de l'Empire, outre les 8 princes électeurs, (chacun avec une “voix virile"), 23 prélats souabes et deux “voix curiates"), 59 princes séculiers (chacun
“voix virile"), 25 comtes vetteraviens, 24 comtes souabes,
et 33 comtes
westphaliens
(avec quatre
"voix
1792 ont 35 princes 19 prélats avec une
17 comtes francs
curiates"),
51
villes im-
périales. Cette énumération doit surtout montrer que l'appartenance immédiate à l'Empire a été soumise à des inconstances dues aux circonstances politiques, Un grand nombre de dynasties princières ne se sont pas éteintes, des villes et villages n'ont pas été dévastés, mais ils ont perdu leur appartenance immédiate à l’Empire a cause de la soumission à la souveraineté d’un prince régnant.
Les immédiats étaient donc loin de former un "état homogène de citoyens 5 H. RóssLER-G. 1958, pp. 1041 s.
und
Franz,
Sachbwórterbucb
zur
deutschen
Geschichte,
II, Munich
2% CH. Linx, “Dietrich Reinkingk", in M. SroLLeIs (Hrsg), Staatsdenker im 17. 18. Jabrbundert, Francfort/Main 1977, p. 87; W. Wacner, Das Staatsrecht des
Heiligen Rômischen Reiches Deutscher Nation, Karlsruhe 1968, pp. 50 ($ 30); 85 ($ 145).
7 R. Hoxz, Die Reichsstaatsrechtslebre des Jobannes Limnaeus, Aalen 1968, pp. 94 s. 5 Cf. H. Conran, Recbt und Verfassung des Reiches in der Zeit Maria Tberesias, Cologne-Opladen 1964, pp. 476 ss. 2 p. Rassow, Forschungen zur Reicbs-Idee im 16. und 17. Jabrbundert, CologneOpladen 1955, p. 76. 3 RÓsSLER-FRANZ,
op. cit. (n. 25), p. 1027.
31 CoNRAD, op. cit. (n. 9), II, pp. 174 ss. 2 W. SELLERT, Über die Zuitándigkeitsabgrenzung von Reicbsbofrat und Reichskammergericht, Aslen 1965, pp. 46ss.; O. v. GSCHLIESSER, Der Reichshofrat, Vienne 1942, pp. 29;
35ss.;
CoNRAD,
op. cit. (n. 9), IT, pp.
1645ss.;
WAGNER,
op. cit. (n. 25),
pp. 54s. ($$ 47 ss.). 93 G. OEsTREICH, Verfassungsgeschichte vom Ende des Mittelalters bis zum Ende des alten Reiches, 3ème éd. 1980, in GEBHARDT, Handbuch der deutschen Geschichte,
9ème éd., Munich 1980, pp. 137 ss.
119
immédiats”. Les contemporains faisaient une distinction parmi les immédiats
entre les "états de l'Empire" ("Reichs-Stünde", ordines imperii, status imperii) *, en tant que personnes ayant droit de vote à la Diète, les "membres de l'Empire" ("Reichs-Glieder", sembra imperii) 9 et les "citoyens de l'Em-
pire" (cives imperii) *; les "membres de l'Empire" participant tout au plus à une voix curiate, les "citoyens de l'Empire" n'ayant aucun droit de vote, mais n'étant pas soumis non plus à aucune souveraineté provinciale. Ces différenciations soulignent que l'immédiat a été au moins considéré comme "citoyen de l'Empire" (civis imperii); lactif sur le plan politique grâce à son appartenance à la Diète de l'Empire est considéré comme status imperii. Seul le status imperii permet la cogestion politique comme le permet aujourd'hui la nationalité (status civitatis). Des différences ont existé aussi entre les états de l'Empire (status imr perii)": les princes électeurs jouissaient de droits régaliens et à la Diète de
l'Empire ils étaient assis autour de l'Empereur, en face des autres états de l'Empire *. Leurs 7 (plus tard: 8, aprés 1803: 10) membres avaient autant de poids que les 300 (plus tard 230) membres environ du collége princier oà (en
1792)
94
membres
ayant
chacun
une
voix
("Virilstimme")
font
face
à 141 membres ayant au total 6 voix (Kuriatstimmen") ?. Ainsi la participation à la formation de la volonté politique gráce à l'état d'Empire (status imperii) était d'une importance différenciée. b) Les magistrats de l'Empire. Les officiers des autorités de l'Empire sont rattachés d'une maniére particuliére à l'Empire *. Surtout les membres de la Cour supréme et du Conseil aulique ainsi que leurs familles (y compris les domestiques)
étaient soumis
à la juridiction de ces tribunaux.
Les
offi-
ciers de la Chancellerie de l'Empire, tout particuliérement le Vice-chancelier de l'Empire, les membres du Conseil aulique (président, vice-président, conseillers) ainsi que les juges et les présidents de la Cour supréme étaient nommés par l'Empereur; ils avaient, avec les assesseurs, prété serment à l'Em-
pereur et à l'Empire. c) Les membres de l'armée de l'Empire. Les soldats et d'autres membres de l'armée impériale se sont trouvés aussi dans une relation particuliére avec 3 J. HÜsNER, Sraats., Zeitungs- und Conversationslexikon, Regensburg 35 HÜBNER,
op.
cit.
(n.
34),
p.
899;
H.H.
HorMANN,
Quellen
zum
1759, p. 902. Verfassungs-
organismus des beiligen rümischen Reiches deutscher Nation 1495-1815, Darmstadt p. XVII; WAGNER, op. cit. (n. 25), pp. 74ss. ($$ 116 ss.). 36 HÜBNER,
1976,
op. cit. (n. 34), p. 901.
3! CoNRAD, op. cit. (n. 9), II, pp. 94ss.; H. WENKEBACH, Bestrebungen zur Erbaltung der Einbeit des Heiligen Rómiscben Reiches, Aalen 1970, pp. 12ss.; WAGNER, op. cit. (n. 25), p. 46 ($ 19). 3 R. AULINGER, Das Bild des Reicbstages im 16. Jabrbundert, Munich 1980, p. 205, fig. 26. 99 OESTREICH,
op. cit. (n. 33), pp.
151ss.;
HoFMANN,
op.
cit. (n. 35), pp.
359 ss.
© CoNRAD, op. cit. (n. 9), II, p. 164; SELLERT, op. cit. (n. 32), p. 46; H. HarTENHAUER, Geschichte des Beamtentums, Cologne 1980, pp. 49 ss.
120
l'Empire *. Certes, l'Empire ne recruta pas lui-même mais les cercles de l'Empire ont envoyé des contingents en faisant appel aux états de l'Empire. L'armée formée de cette façon était l'armée de l'Empire et non pas celle des états respectifs et non plus seulement celle de l'Empereur. Bien sûr, à cóté de l'armée de l'Empire se sont battues des troupes impériales qu'il avait recrutées en sa qualité de prince régnant dans ses Etats patrimoniaux, ainsi que celles des états de l'Empire * Un ou plusieurs feld-maréchaux nommés par l'Empereur et la Diéte avaient le commandement supérieur de l'armée de l'Empire; ils avaient été mis, en tant que chefs, à la tête de divers généraux, mais ils étaient également soumis au Conseil de guerre. Un droit de guerre particulier était en vigueur dans l'armée de l'Empire. d)
L'immédiateté
territoriale.
Les
connexions
avec
l'Empire
décrites
jusqu'à maintenant sont toutes de nature personnelle: sont assujetties à l'Empire les personnes dont l'appartenance à l'Empire est basée sur une condition juridique spéciale et personnelle. Une attribution territoriale immédiate à l'Empire dans le sens d'une province d'Empire n'existait pas. Les villes et les villages impériaux ainsi que les terres de la noblesse immédiate constituaient une certaine exception. Les villes impériales " (les liberae Imperii civitates) étaient soumises à l'Empire en tant que villes impériales. Le seigneur de ces villes était l'Empereur auquel elles rendaient hommage; ainsi, il pouvait leur demander des services spéciaux. C'est la ville qui jouissait de l'immédiateté dans le sens juridique en tant que personne morale, mais non chaque citoyen ou habitant en particulier *. C'est la ville qui exercait la souveraineté comme un prince régnant. Cette souveraineté de la ville s'étendait en tout cas sur le territoire urbain, mais aussi souvent sur les domaines de ses sujets (par ex. Nuremberg sur Altdorf). Des villes impériales possédant un grand territoire ne se distinguaient guére des petites principautés: le territoire de la ville libre d'Ulm était presque aussi grand que celui de l'archevéché de Passau. Le fait que les villes impériales exerçaient la souveraineté montre que ces régions n'étaient pas un territoire impérial malgré la liberté dont elles jouissaient. Les droits de l'Empereur sur les villes impériales sont seulement quelques droits d'intervention (souvent contestés) fondés sur son pouvoir de souverain sur les villes et non pas partie d'un pouvoir impérial général. En ce qui concerne la noblesse impériale 5, c'est également plutôt le lien personnel et immédiat avec l'Empire qui se trouve au premier plan: le che41 CoNRAD, 42 CONRAD,
op. cit. (n. 9), II, pp. 129 5.; WENKEBACH, op. cit. (n. 9), II, p. 36.
op.
cit.
(n. 37), pp.
52s.
9 K.O. v. ARETIN, Heiliges Rómiscbes Reich 1776-1806, I, Wiesbaden 1967, pp. 90 ss.; OESTREICH, op. cit. (n. 33), pp. 120 ss.; CONRAD, op. cit. (n. 9), II, pp. 193 ss.; F. zu Savu-WirTGENSTEIN, Reichsstädte, Munich 1965, pp. 15 ss. # MirrEIS-LIEBERICH, op. cit. (n. 13), p. 262. *5 OzsTREICH, op. cit. (n. 33), pp. 34s.; CONRAD, op. cit. (n. 9), II, pp. 202ss.; ARETIN,
op. cit. (n. 43), pp. 68ss.;
HOFMANN,
op. cit. (n. 35), p. 364.
121
valier garde l'immédiateté personnelle malgré la perte de ses terres impériales, de sorte qu'il y avait une noblesse immédiate sans terres impériales (nommée "'personnalistes") . B) Immédiateté - appartenance à une province Toute appartenance immédiate à l'Empire est toujours en concurrence avec l'appartenance à d'autres choses publiques, surtout à la province *. En méme
temps on remarque qu'une appartenance seulement vague à une autre
chose publique ne correspond pas du tout à une étroite appartenance à l'Empire ou l'inverse; l'intensité de l'appartenance n'est pas inversement propor-
tionnelle, mais proportionnelle. L'état d'Empire (‘’Reichsstand’’) avec son status imperii est tout d'abord prince régnant; le représentant d'une ville impériale est lié surtout avec celle-ci: ils sont tous organes impériaux puisqu'ils sont également organes d'une autre institution publique (par ex. le duc de Bavière est de cette manière prince électeur, l'archiduc d'Autriche prince de l'Empire). Cette double appartenance, dont l'une ne restreint point l'autre, n'est pas un paradoxe. C'est surtout la possession de la souveraineté sur une province qui est condition pour l'état d'Empire. Le paradoxe résulte plutót du contraire: de moins de support par une propre souveraineté immédiate, de moins de consolidation dans l'Empire. Ainsi la qualité d'état d'Empire des villes impériales était longtemps contestée, la noblesse immédiate ne pouvait pas l'acquérir dans la méme mesure que les princes de l'Empire. Faute d'un lien étroit avec une chose publique solide, juste ces membres de l'Empire (membra imperii) se voyaient renvoyés à l'existence de l'Empire: contrairement à l'état d'Empire (status imperii), le citoyen (civis imperii) ne se distingue pas par son pouvoir politique mais par sa faiblesse politique *. C) L'appartenance médiate à l'Empire Non seulement les immédiats sont considérés comme “sujets de l'Empire" comme le montre clairement la Constitutio Criminalis Carolina de 1532 *: elle devrait avoir effet dans l'Empire entier; le cas échéant, seulement effet subsidiaire aprés le droit de province. Sa validité ne se restreint donc pas sur les immédiats, mais là où la province manquait de dispositions légales 46 CONRAD,
4 H.E. dem
op. cit. (n. 9), II, p. 203.
Fee,
"Zur Verfassungsentwicklung
des Heiligen Rómischen
Reiches
seit
Reich
bis
Westfälischen Frieden", ZRG/GA, 52 (1932), pp. 116; 118 ss. * H. v. SrBik, Deutsche Einbeit, Idee und Wirklichkeit vom Heiligen
Kóniggratz, I, Munich schaft
um
ibre
1935, pp. 128 s.; H.
Selbständigkeit
(1790-1815),
Μῦν μα, Der letzte Kampf der Reichsritter. Berlin
1910,
pp.
34s.
FEINE,
op.
cit.
(n. 47), p. 102; ARETIN, op. cit. (n. 43), pp. 69 s.; HoFMANN, op. cit. (n. 35), pp. XVII; XXVIII s.; H. RéssLer, Napoleons Griff nach der Karlskrone, Munich * Cf. n. 23.
122
1957, pp. 655.
appropriées
elle pouvait
également
avoir
validité pour des médiats,
pour
les "Landsassen" (petits propriétaires) comme par ex. à Salzbourg. Les ‘“Landsassen”’ sont donc aussi “sujets de l'Empire", bien sûr dans une mesure qui n'est pas seulement déterminée par le droit de l'Empire, mais
essentiellement par le droit provincial 9. En effet, le "Landsasse" d'une province sans privilegium de non appellando est libre de s'adresser aux tribunaux
impériaux en tant qu'instance de recours? Il peut également recourir en appel à un tribunal impérial en cas de déni de jugement Y. Cette "sujétion médiate à l'Empire" des "Landsassen'"? s'efface visiblement à côté de la "sujétion à la province". La notion moderne de "nationalité" prend ici son origine comme
le prouve l'exemple esquissé (ci-dessus $ 2) des terres des
Habsbourg. 4. La conscience de l'Empire Quand l'Empire commença à s'écrouler, Schiller, en se référant à l'époque de la guerre de 30 ans, le décrit comme suit: « Et l'Empire romain, que Dieu ait pitié! Il devrait maintenant s'appeler pauvreté romaine » *. Et Voltaire se moqua de l'Empire qui, à son avis, n'était « ni saint, ni romain, ni Empire » *. Quand en 1806 la II° confédération du Rhin fut créée contre l'Empire, Goethe dit, en apprenant cette nouvelle, que ce n'est pas à elle qu'il portait intérêt, mais à un entretien entre les cochers *. Il accepta tranquillement la perte de l'Empire: voici les hommes se lamenter sur « un entier... qui devrait étre perdu », mais « personne ne l'avait jamais vu en Allemagne » ”. En 1813, Gentz a pu relater à Metternich que «le désir de rendre hommage à l'Empereur d'Autriche en tant qu'Empereur d'Allemagne se manifesterait trés fort (en Allemagne du Sud)...» *,
Face à la double appartenance à l'Empire et à la province la question se pose de connaitre la signification de la premiére, non pas tellement en tant que formule juridique, mais en tant que réalité sociale. Ici on ne peut point étudier à fond la question de connaître l'importance Ὁ GrAWERT, op. cit. (n. 2), p. 39. 51 Conza, op. cit. (n. 9), II, p. 164; OESTREICH, op. cit. (n. 33), p. 62; GRAWERT, Op. cit. (n. 2), p. 39.
3 CoNRAD, op. cit. (n. 9), II, p. 164; SELLERT, op. cit. (n. 32), p. 40. 3 GRAWERT, op. cit. (n. 2), p. 39. % F. ScuiLLER,
Wallensteins Lager, VIII* scène.
55 H. TIEDEMANN, Der deutsche Kaisergedanke vor und nach dem Wiener Kongref, Breslau 1932, p. 11. 56 F. KRENNBAUER, Goethe und der Staat, Vienne 1949, p. 79, n. 217; W. MOMMSEN, "Zur Bedeutung des Reichsgedankes", Historische Zeitschrift 174 (1952), p. 338; TIEDEMANN, op. cit. (n. 55), p. 28; ROSSLER, op. cit. (n. 48), p. 66. 5 MoMMSEN, op. cit. (n. 56), p. 388. Mais cf. par Goethe plusieurs des scènes concernant l'empire, pat ex.: Goetz von Berlicbingen, Faust I (le caveau d'Auerbach), Faust Il; TIEDEMANN, op. cit. (n. 55), p. 15. 55 F.C. WrrriCHEN-E. SALZER, Briefe von und an Friedrich von Gentz, IIl/1, Munich 1913, p. 197; TIEDEMANN, op. cit. (n. 55), pp. 72 8.
123
subjective de l'appartenance à l'Empire, c'est-à-dire de la conscience de l'Empire, ni d’y répondre. Quelques exemples doivent démontrer des possibilités. A) Les Empereurs Du fait que, surtout depuis Charles V on s’efforça d'obtenir la couronne
impériale moyennant des dépenses énormes ?, on peut déduire un intérét dynastique pour l'Empire et pour ses possibilités. Sous le signe de la formation de la monarchie moderne, le titre d'Empereur est devenu indispensable aux Habsbourg allemands comme symbole unitaire et unifiant de leur régne * qui autrement aurait été morcelé en un nombre incalculable de titres de souverain. Quand, à la suite de l'arrét de la députation de l'Empire
(1803), il
fut possible que le successeur de Frangois II ne soit plus de la maison de Habsbourg-Lothringen, celui-ci prit le titre héréditaire d'Empereur d'Autriche 5. Mise à part cette fonction d'agrafe de l'Empire € la fonction impériale procura de nombreux avantages politiques à ceux qui l'assumaient (par ex. fief vacant) 9. À côté de cette politique dynastique, la tradition d'une politique impériale et universelle se maintient“. Elle s'exprime le plus nettement chez Charles V, en raison de son éducation supranationale et de son caractère $,
dans une situation historique particuliére: cette tradition influencera encore la décision de Maximilien,
frère de l'Empereur
d'Autriche,
Frangois-Joseph,
d'accepter la couronne impériale du Mexique ©. Ce n'est qu'avec l'Empereur Joseph II que l'intérét des Empereurs pour l'Empire s'efface devant celui pour l'Etat dynastique autrichien”: il assumait les investitures non plus en robe espagnole, mais en uniforme des hussards hongrois #. Jusqu'alors les Empereurs se montrent très attachés et engagés envers lui et ils en déduisent leurs droits, en partie aussi dans l'intérét de l'Empire. 9 G.
KLEINHEYER,
Die
kaiserlichen
Wablkapitulationen,
Karlsruhe
1968,
p.
28;
W. BRAUNEDER, "Die Korruption als historisches Phánomen", in CH. BRÜNNER, Korruption und Kontrolle, Vienne-Cologne-Graz 1981, p. 81. © SRBIK, op. cit. (n. 48), p. 65; FEINE, op. cit. (n. 47), pp. 69 ss.
$! E.R. HuBer, Deutsche Verfassungsgeschichte seit 1789, I, reprint 2ème éd. Stuttgart-Berlin-Cologne-Mayence 1975, pp. 62 ss.; BRAUNEDER, op. cit. (n. 11), pp. 91; 107. € FEINE, op. cit. (n. 47), p. 77. 6 CONRAD, op. cit. (n. 9), II, pp. 67;
182 ss.
4 SRBIK, op. cit. (n. 48), pp. 50 5.; K.G. HucELMANN, “Die Gestalt des Reiches in Idee und Wirklichkeit im Wandel der deutschen Geschichte”, Zeitschrift für üffentli. ches Recht
16 (1936), p. 442.
€ W. KÔHLEr, “Die deutsche Kaiseridee am Anfang des 16. Jahrhunderts", Historische Zeitschrift
(n. 29), pp. 7;
149
13;
(1934), pp. 52s.;
SBRIK, op. cit. (n. 48), p. 41;
Rassow,
op. cit.
In, Karl V., Der letzte Kaiser des Mittelalters, Góttingen-Berlin-
Francfort/Main 1957, pp. 17 s.; In., Die Kaiseridee Karls V., Berlin 1932, p. 22. € SRBIK, op. cit. (n. 48), p. 66; J. Hastip, Maximilian Kaiser von Mexiko, nich
1972.
67 FEINE, 68 FEINE,
124
op. cit. (n. 47), p. 85; RÔSSLER, op. cit. (n. 48), p. 83. op. cit. (n. 47), p. 75; SRBIK, op. cit. (n. 48), p. 118.
Mu-
Après que l'Empereur Léopold I° 9 s'est préoccupé des intérêts politiques de l'Empire ?, les Empereurs Joseph I° et Charles VI surtout se sont souvenus de leurs droits impériaux sur les états de l'Empire et sur l'Eglise ainsi que de leurs droits en Italie. Tandis que pour Joseph I* les intéréts de l'Empire prévalent ?, Charles VI s'occupait presque exclusivement de la Maison d'Autriche ?. Malgré tout, la couronne impériale de l'Empire romain germanique ornait le couvent de Klosterneubourg ?, son "Escorial autrichien", et enfin son sarcophage dans la Kapuzinergruft. Sous le règne de Marie-Thérèse, la couronne dynastique des Habsbourg ornait déjà le Château de Schônbrunn ^. B) Magistrats et officiers de l'Empire Naturellement les dirigeants des institutions, les magistrats, les fonctionnaires, étaient liés d'une façon particulière à l'Empire, puisqu'ils veillaient aux tâches de celui-ci et en représentaient les intérêts. Par conséquent la Cour suprême et le Conseil de la Cour devaient juger formellement et conformément aux droits généraux de l'Empire 5; le Conseil de la Cour en tant que magistrat était considéré tout simplement comme ‘ministère de l'Empereur" *. Dans une relation étroite et semblable avec l'Empereur, et surtout aussi avec le Conseil de la Cour, se trouvait la Chancellerie de l'Empire 7. A la téte du Conseil de la Cour ainsi que de la Chancellerie se trouvait le Vicechancelier qui, en quelque sorte comme ‘seul ministre de l'Empire" *, pouvait donner des impulsions plus importantes, comme par ex. Friedrich Schónborn. Par son activité qui durait 25 ans, en tant que Vice-chancelier de l'Empire (1702-1732) Ὁ il a rendu 9 R. Lorenz,
Türkenjabr
des
1683, Vienne
services particuliers
à la conscience
1933, pp. 23; 89.
© FEINE, op. cit. (n. 47), p. 79.
71 Cu. W. Incrao, Josef I., Graz-Vienne-Cologne 1982, pp. 48 55.; 112 ss.; mais pas une monarchie universelle comme l'Empire de Charles V.: ibid., p. 233; FEINE, op. cit. (n. 47), pp. 80 ss. 72 SrBIK, op. cit. (n. 48), p. 78.
73 H. SEDLMAYR, "Die politische Bedeutung des deutschen Barocks", Gesamtdeutschbe Vergangenbeit, Festgabe für H. Ritter v. Srbik, Munich 1938, p. 136; In., Johann Bernhard Fischer von Erlach, Vienne-Munich 1976, p. 208; W. BRAUNFELS, Die Kunst im Heiligen Rômischen
Reich Deutscher Nation
I, Munich
1979, p. 81.
74 SRBIK, op. cit. (n. 48), p. 111. 75 "Reichskammergerichtsordnung" 1495, $ 3; G. WEsENBERG - G. WESENER, Neuere deutsche Privatrechtsgeschichte, 5ème éd., Lahr 1976, p. 80; H. ScHLosser, Grundzüge der Neueren Privatrechtsgeschichte, 4ème éd., Heidelberg-Karlsruhe 1982, p. 36. 76 WAGNER, op. cit. (n. 25), p. 49) ($ 29); CONRAD, op. cit. (n. 9), II, p. 82; MirreisLrEBERICH,
op.
Maximilian
1, Kaiser an der Zeitwende,
cit. (n.
13), p. 319;
GSCHLIESSER,
op. cit.
(n. 32), p. 7;
Góttingen-Zurich-Francfort/Main
R. BUCHNER,
1970,
p. 67.
ΤΙ PEINE, op. cit. (n. 47), p. 78.
7$ OESTREICH, op. cit. (n. 33), p. 61. 7 I. Boc, Der Reichsmerkantilismus, Stuttgart 1959, p. 37; FEINE, op. cit. (n. 47), pp. 66, 80; E. EickHorr, Venedig, Wien und die Osmanen, Munich 1970, p. 183; BRAUNFELS,
Reich
op. cit. (n. 73), III, 1981, p. 347;
und Europa,
I, Wiesbaden
1962,
p. 70;
P. WixpEBUnG,
HoFMann,
Der junge
Leibniz,
Das
op. cit. (n. 35), p. XXXI.
125
de l'Empire. La même chose est valable pour ses homologues Kinigsegg et Windischgrätz 9. Des difficultés extérieures augmentent particulièrement la conscience de
l'Empire":
la défense contre la France ®, surtout celle contre les Turcs et
par la suite l’offensive allant au-delà des frontières hongroises. A l'Ouest, l'organisation militaire des cercles de l'Empire parmi d'autres organisations fait ses preuves,
au Sud-est, les contingents
des cercles, la vraie armée
de
l'Empire, se fondent avec les troupes des Etats patrimoniaux de l'Empereur en formant une armée uniforme *. Dans les armées, qui, en 1683, ont libéré Vienne et, en 1686, conquis Ofen, malgré des contingents différents — troupes des cercles, Bavarois, Brandenbourgeois, Impériaux etc. — l'idée que ce sont la Bavière *, le Brandenbourg, l'Empereur etc. qui guerroient en tant qu'alliés, ne prédomine pas du tout, mais c'est l'Empire qui se bat contre les Turcs 5. L'origine des généraux ou des présidents du Conseil de guerre impérial — le comte Raimondo Montecuccoli 5, le duc Carl de Lothringen, le margrave Hermann de Baden, le prince Eugène de Savoie ” —
s'efface devant leur fonction
de commandant de l'Empereur et de l'Empire *. Après que l'idée d'une croisade universelle et européenne, reprise dans des projets condamnés toujours à l'échec depuis Maximilien I°, s'est revélée comme étant une erreur", le succés contre les Turcs trouve un écho dans un nouvel universalisme orienté vers la conscience de l'Empire ”. Il ne dépasse pas seulement temporairement le particularisme allemand, mais se développe sur le plan européen. Les refléxions de l'Empire de repousser les frontiéres de l'Empire per portam Trajanam ou jusqu'à Constantinople en sont caractéristiques": on ne peut pas nier une sorte de renovatio imperii. C'est encore plus visible dans le Nord de l'Italie: les victoires remportées ici, sont utiles au prince Eugéne de Savoie pour restaurer les droits impériaux en Italie au sens de la conscience de l'Empire ?, Dans cet universalisme les projets du prince Eugéne peuvent s'unir sans peine avec l'idée de l'équilibre politique européen, de facon que l'idée naissante d'un Etat autrichien des Habsbourg soit compatible avec
l'idée de l'Empire ?. 99 Bos, op. cit. (n. 79), pp. 36s. 81 SRBIK, op. cit. (n. 48), p. 69; INGRAO, op. cit. (n. 71), pp. 48s.; HOFMANN, op. cit. (n. 35), pp. 226 s. 8 INGRAO, op. cit. (n. (n. 79), pp. 4; 205.
71),
pp.
48s.;
plus
net
par
Leibniz:
WIEDEBURG,
op.
cit.
85 Lorenz, op. cit. (n. 69), p. 313. # O. RepLICH, Weltmacbt des Barock, 4ème éd., Vienne 1961, p. 241; V. v. RENNER, Wien im Jabre 1683, Vienne 1883, pp. 379 ss.; 418 5. 55 LoRENZ, op. cit. (n. 69), p. 312.
56 Raimund Montecuccoli-Historische Gedácbtnisausstellung (Katalog), Hafnerbach 1980. *' M. BRAUBACH, Prinz Eugen von Savoyen, III, Vienne 1964, p. 310 88 oRENZ, T op. cit. (n. 69), pp. 190 ss. 9 Lorenz,
op. cit. (n. 69), pp.
11; 312.
9? Lorenz, op. cit. (n. 69), pp. 312; SBRIK, op. cit. (n. 48), p. 76. 91 LoRENZ, op. cit. (n. 69), p. 366. 9 Boc, op. cit. (n. 79), p. 35.
95 Boc, op. cit. (n. 79), p. 38, n. 146. 126
La conscience de l'Empire ne se restreint pas seulement aux titulaires des fonctions de l'Empire. Dans la défense contre les Turcs, à la frontière de l'est de la Styrie, on se rend absolument compte qu'il ne s'agit pas seulement de protéger la frontiére styrienne, mais également "la clóture de la Cour de l'Empire" *, Malgré son attachement au Tyrol et les relations étroites de la Cour tyrolienne avec le nord de l'Italie, le Chancelier tyrolien Wilhelm Biener considère le Tyrol comme “la citadelle de l'Empire romain" (1640) 5. Les Chanceliers autrichiens Hocker et Stratmann s'occupent des projets ré. formateurs de l'Empire, le Chancelier de Bohême et pro-autrichien Wratislav
croit l'appui de l'Empire essentiel * . C) Les babitants des villes impériales Bien que la fonction du conseil municipal ou du magistrat médiatise les citoyens des villes impériales, ceux-ci conservent dans la plupart d'entre elles la conscience « de ne pas étre des sujets du magistrat, mais de l'Empereur et de l'Empire » (v. Aretin) 7. C'est avant tout leur influence sur la composition du magistrat municipal qui y contribua (fait complétement contradictoire à la constitution des territoires séculiers et ecclésiastiques) et finalement le fait qu'en particulier le Conseil aulique de l'Empire se servait de plus en plus de son droit d'intervention dans l'administration municipale *. La conscience d'immédiateté était en méme temps une conscience spécifique de liberté par laquelle le citoyen d'une ville impériale se distinguait d'un sujet provincial et aussi du citoyen d'une ville provinciale. Ainsi, non seulement au début des temps modernes, mais aussi aprés le détachement de la Confédération helvétique de l'Empire en 1648, les villes suisses se sont rendues compte de leur immédiateté et la soulignent en tant que symbole de liberté. Certes, déjà en 1654, Zurich a rayé la mention de l'Empire dans la constitution municipale que, chaque année, les citoyens s'engageaient par serment à observer; d'autres villes l'ont fait beaucoup plus tard, Schaffhausen par ex. en 1714”. L'aigle impériale ou, comme c'est le cas à Berne, la couronne royale allemande, sont restées le symbole des villes suisses jusqu'à nos jours. Vienne n'était pas une ville impériale dans le sens juridique, mais quand méme une ville de l'Empire , Elle doit cette autorité qui est reconnue et qui lui est accordée partout, à la résidence impériale, au Conseil aulique qui y gouverne ainsi qu'à la Chancellerie de l'Empire d'un cóté, à sa situation géographique de l'autre côté. Sous le règne de l'Empereur Léopold I°, un livre % SzBIK, op. cit. (n. 48), p. 69; W. 16. Jabrbundert, Munich 1978, p. 105. 95 Sanik, op. cit. (n. 48), p. 83.
ScHuLzE,
Reich und Türkengefabr
im späten
% Boc, op. cit. (n. 79), pp. 365.
9! % 9 19
ARETIN, op. ARETIN, op. H.C. Pevez, ozENZ, T op.
cit. (n. 43), p. 94. cit. (n. 43), p. 94. Verfassungsgeschichte der alten. Schweiz, Zurich 1978, p. 79. cit. (n. 69), p. 25.
127
intitulé Ebren-Ruff Teutschlands ("La gloire de l'Allemagne") commence par la description de Vienne, puisque « c'est là que le plus grand souverain et maître du monde a sa résidence »: son auteur est le professeur d'histoire du futur Empereur Joseph I°! En 1690 un mémoire du sénat de Hambourg appelle celle-ci, Strasbourg et Vienne, les piliers de l'Empire '®. Ce n'est pas seulement l'Empereur, la Cour, les autorités impériales, les fétes de la haute noblesse et les éléments étrangers qui rappellent l'Empire à la population de Vienne, mais temporairement et surtout la menace turque. Les attaques turques contre Vienne, surtout en 1529 et 1683, ne sont pas
dirigées contre n'importe quelle ville. En réalité Vienne était une forteresse entretenue par les états de l'Empire, au sens figuré Vienne était pour les Turcs la "pomme d'or" (Kizil Elma) 9 tellement désirée, c'est-à-dire comme
Rome et auparavant Constantinople le centre spirituel de la chrétienté. A cóté de ce souvenir inquiétant de leur attachement à l'Empire, la population de Vienne se voyait à l'époque baroque agréablement entourée de la gloire impériale (voir infra, D).
D) Les architectes de l'Empire Encouragée ou mieux réveillée par les victoires remportées sur les Turcs, la conscience de l'Empire s'exprime avec beaucoup d'effet jusque dans l'architecture baroque de Vienne "*, Les œuvres architecturales de Johan Bernhard Fischer von Erlach surtout traitent « la définition de l'Empire et sa fonction dans l'ordre mondial » '9. Le premier plan du château de Schónbrunn, dont l'exécution est divergente et plus simple, est considéré comme la « première représentation architecturale adéquate de l'Empire des temps modernes » "%, L'église de St. Charles représente consciemment un programme impérial conçu par l'historiographe de la Cour, Carl Gustav Heraeus!”: elle doit être
l'"église de l'Empereur".
A ces fins, on a déployé toute la richesse des
symboles et de l’iconologie de l'Empereur 155, La bibliothèque de la lement a représenté l'Empereur comme dieu des muses 9. Toutes architecturales, voire le plan de Schónbrunn, ont recouru à la architecturale et aux éléments des Romains !!°: ainsi toutes les trois
Cour finales œuvres conception rappellent
101 J.J. WAGNER v. WAGENFELS, Ebren-Ruff Teutschlands, 1691: cf. LoRENZ, op. cit. (n. 69), p. 25; INGRAO, op. cit. (n. 71), p. 49. 12 LORENZ, op. cit. (n. 69), p. 26.
18 R.F. KREUTEL, Osmanische Geschichtsschreiber, II, Im Reich des goldenen Apfels, Graz-Vienne-Cologne 1957, pp. 9ss.; 76s.; 123s.; In., Kara Mustafa vor Wien, 2ème éd., Graz-Vienne-Cologne 1960, p. 171, n. 8; EICKHOFF, op. cit. (n. 79), pp. 245; 362. 19 BRAUNFELS, 15 BRAUNFELS,
op cit. (n. 73). op. cit. (n. 73), p. 74.
1% SEDLMAYR,
Fischer
(n. 73), 107 108 10 110
128
pp. 75 ss. BRAUNFELS, op. cit. SEDLMAYR, Fischer BRAUNFELS, op. cit. BRAUNFELS, 0p. cit.
v.
Erlach,
cit.
(n.
(n. 73), pp. 76s. v. Erlacb, cit. (n. 73), (n. 73), p. 77. (n. 73), pp. 75ss.
73),
pp.
p.
162.
52ss.;
BRAUNFELS,
op.
cit.
les colonnes de Trajan et de Marc Aurèle, l'église de St. Charles les temples de la Paix de Jupiter !!; à la bibliothèque de la Cour, l'Empereur est représenté comme imperator romain.
Suivant la tradition romaine l'architecte italien Domenico Martinelli de Lucca, trés recherché dans la Vienne baroque, s'est « appelé orgueilleusement civis romanus ayant des dons artistiques » !!?. Dans l'architecture destinée à l'Empereur et briévement décrite ci-dessus, lantiquité romaine se voit déjà en concurrence avec d'autres traditions et lentement remplacée par celles-ci. Ainsi l'emploi de 2 colonnes à la façon de Trajan est une tradition remontant à l'Empereur Charles V: en tant que colonnes
d'Hercule
(Gibraltar),
elles symbolisent
la domination
du
monde
au-delà de celles-ci jusqu'en Amérique au début des temps modernes !?. La lice prédominant sur le plan de Schónbrunn a son origine dans la tradition allemande !, les symboles impériaux de l'église de St. Charles ne sont pas seulement des « allusions à Auguste et Trajan », mais aussi « au temple de Salomon, à la Cathédrale de St. Pierre et à la Hagia Sophia, à l'Empire de Charlemagne et à celui de Charles V » '5; à la bibliothèque de la Cour, l'Empereur n'est pas seulement
représenté comme
Imperator
Romanorum
mais aussi comme
Hercules musarum, la construction ne reprend pas la tradition de Rome, mais la tradition d'Athénes "6, Une autre manifestation architecturale de l'idée de l'Empire, la colonne en mémoire de la peste sur le Graben à Vienne, ne laisse reconnaitre aucun rapport avec l'antiquité romaine: ici, les symboles impériaux s'unissent dans les armes et dans leur disposition, avec la représentation en partie allégorique de la Foi et de la Piété en créant un programme iconologique tout à fait
nouveau !"", Mais aussi les plans des nouvelles constructions de la Hofburg dessinés par Johann Emanuel Fischer von Erlach ne reprennent plus les symboles romains 5: les doubles colonnes rappellent seulement le style Charles V, l'architecture de la partie où se trouve la Chancellerie de l'Empire représente le "systéme intérieur du Saint Empire" des temps modernes. En ce qui concerne la magnifique architecture sacrale et, avant tout, les grands monastéres, presque rien n'indique la Rome paienne: l'Eglise romaine et la dynastie des Habsbourg fournissent les motifs caractéristiques !*.
Wl 12 op. cit. 13 pp. 53;
SepLMAYR, Fischer v. Erlacb, cit. (n. 73), p. 181. P, HeNwINGS, Das barocke Wien, II, Vienne-Munich 1965, p. 35; BRAUNFELS, (n. 73), pp. 52; 54; 286; 361. BrAUNFELS, op. cit. (n. 73), p. 75; SEDLMAYR, Fischer v. Erlacb, cit. (n. 73), 179.
14 BRAUNFELS, op. cit. (n. 73), p. 75. 115 116 17 118 19
SEDLMAYR, Fischer v. Erlacb, cit. (n. 73), p. 181. BRAUNFELS, op. cit. (n. 73), p. 77; SEDLMAYR, Fischer v. Erlacb, cit. (n. 73), p. 181. BRAUNFELS, op. cil. (n. 73), p. 74. SEDLMAYR, Fischer v. Erlacb, cit. (n. 73), pp. 205 5. BRAUNFELS, op. cit. (n. 73), pp. 79 s.
129
E) Les mercantilistes
L'Empire n'offre pas seulement un point de repère pour la conscience de l'Empire, mais apparaît aussi comme espace de vie actuel et digne d'amélioration, comme chantier d'expérimentations économiques dans le sens d'un
"mercantilisme impérial” 1°. Ce qui est étonnant puisque l'on devrait supposer que le mercantilisme en tant que ‘système d'une politique de pouvoir" ! s'unit seulement avec le pouvoir, c'est-à-dire avec la principauté gagnant d'importance et non pas avec l'Empire. Malgré cette circonstance et malgré les nombreuses frontières douanières à travers l'Empire qui en résultent, les notions de "patrie allemande", c'està-dire l'Empire, et de “commerce allemand" lues chez Johann Joachim Becher,
sont identiques !2, Pufendorf et méme Hórnigk, fanatique de l'Autriche 13, ne voient l'Empire que comme un territoire économique unitaire au développement duquel les Etats patrimoniaux de l'Empereur devraient servir d'exemples. Becher,
Krafft et Leibniz !* ont l'intention de faire de l'Empire un Etat exportateur dont l'économie est basée sur la manufacture 5. L'homme politique et auteur d'histoire politique, Justus Móser, "a German patriot" (un patriote allemand) 5, a recommandé à la bourgeoisie ascendante du XVIII* siècle de se servir de la Constitution de l'Empire pour l'unification politique et économique de l'Empire.
F) Les publicistes de l'Empire - les juristes Les mercantilistes de l'Empire partent de l'idée que l'Empire est un Etat et devrait en tant que tel étre une unité économique, et pourrait étre comparé à la France. Cette conception remonte à la science du "droit public de l'Empire" et aux publicistes qui la défendent '?. Malgré leurs positions différentes, la valeur qu'ils lui attribuent et malgré leur connaissance de la faiblesse du pouvoir impérial ils considérent l'Empire juridiquement et politiquement comme un Etat et non seulement comme une
confédération. Pour Leibniz l'Empire est méme en 1697 "bien rangé” ‘#, ce qui semble contredire Pufendorf avec son opinion que l'Empire ressemble à 12 Boc, op. cit. (n. 79). 121 Boc, op. cit. (n. 79), p. 16.
12 Boc, op. cit. (n. 79), p. 17. 13 Pu. W. v. HónNIGK, Osterreich über alles, wann es nur will, Vienne 1684. 14 W,
ScHÜssLER,
Vom
Reich
und
der
Reicbsidee
in
der
deutschen
Geschichte,
Leipzig 1942, p. 28. U5 Boc, op. cit. (n. 79), p. 18.
1% W.F. SHELDON, The Intellectual Development of ]ustus Moser: a German Patriot, Osnaubrück 1970, p. 112. 17 SroLLEIS, op. cit. (n. 26); CoNRAD, 13 Boc, op. cit. (n. 79), p. 27.
130
op.
cit.
(n. 9),
II, pp.
The Growth
113 ss.
of
un monstre (monstro simile) 5, Pufendorf veut pourtant dans cette description montrer seulement que l'on ne sait pas dans quelle forme de gouvernement il faut classer l'Empire. Il n'a utilisé cette description que dans la première
édition de son De statu imperii Germanici 9: il a dès lors écarté le soupçon d'une évaluation négative. Ce n'est pas ici qu'il faut mentionner chaque groupe de publicistes de l'Empire. Au lieu de faire cela, prenons Pütter comme exemple “!, un des derniers publicistes, qui a survécu de quelques années à la fin de l'Empire. Bien qu'il ait été complétement conscient que la souveraineté impériale était de fait et juridiquement extrémement faible 132, i] considérait l'Empire comme une réalité politique et juridique, vraiment comme un Etat qui se compose, en tant que confédération, d'autres Etats #. Il faut encore ajouter que les publicistes ne considérent pas seulement l'Empire, comme si qa allait de soi, comme un Etat, mais que certains d'entre eux — surtout Reinkingk — accordent le pouvoir suprême de l'Empire à l'Empereur 9^. Il faut retenir aussi que les publicistes de l'Empire n'ont pas du tout développé leur conscience de l'Empire au service de l'Empereur ou de l'Empire. S'ils étaient au service
public, ils servaient alors un prince régnant ("Landesfürst") '5. Avec la formation par l'étude du droit romain général, qui était appliqué de façon très différente comme droit général de l'Empire ("des Reiches gemeines Recht"), c'est-à-dire comme droit général subsidiaire de l'Empire, un minimum de conscience de l'Empire a été inculqué à chaque juriste 335, Surmonter le droit romain général par une codification pour chaque province est donc nécessairement un aspect de la suppression de l'idée de la souveraineté impériale par l'idée de la souveraineté provinciale ?, En tout cas, l'existence du droit romain général a rendu possible l'existence des juristes de
l'Empire,
échangeables
entre
les
territoires
et
sans
lien exclusif
avec
ceux-ci. Goethe, étudiant à Leipzig et ayant obtenu sa licence en droit à Strasbourg,
a pu
exercer
à Francfort
sur
le Main,
à Wetzlar
et enfin
à
Weimar 15, V9 S. PurENDORP, Die Stuttgart 1976, VI/$ 9.
19 N. HAMMERSTEIN, F. SaLomon,
Severinus
Verfassung
"Samuel
des
deutschen
Pufendorf",
de Monzambano.
De
Reiches
in STOLLEIS,
Statu
Imperii
(trad.
par
H.
Denzer),
op. cit. (n. 26), p. 191; Germanici,
in K.
ZEUMER,
Quellen und Studien zur Verfassungsgeschichte des Deutschen Reiches in Mittelalter und Neuzeit,
III/4,
Weimar
1910,
p.
126.
Bt Ὁ, Scute, Jobann Stephan Piitters Reicbsbegriff, Góttingen 12 SCHLIE, op. cit. (n. 131), pp. 36 ss.
1961.
13 SCHLIE, op. cit. (n. 131), pp. 41 ss.
14 CH, Link, “Dietrich Reinkingk", in SroLLEIS (Hrsg.), op. cit. (n. 26), p. 83. 135 Par ex. Althusius (STOLLEIS, op. cit. [n. 26], p. 49), Reinkingk (ibid., p. 98), Limnaeus
(ibid., p.
116), Leibniz
(ibid., pp. 224s.);
SHELDON,
op.
cit. (n.
126), p. 24.
136 ScHLOSSER, op. cit. (n. 75), p. 35. 17 H. LeNTzE, "Naturrecht und Historische Schule in der Gsterreichischen Rechtswissenschaft", Wissenschaft und Weltbild 23 (1970), pp. 39s; SCHLOSSER, op. cit. (n. 75), p. 62. 138 KRENNBAUER, op. cil. (n. 56), pp. 1288.
131
5.
Imperium
Romanum
- Imperium
Germanicum
Idéologiquement le Saint Empire du Moyen Age s’appuyait essentiellement sur l'idée de son identité avec l'Empire romain de l'antiquité . Au XVI* siécle encore, les Empereurs légitimaient la législation avec le renvoi sur leur “prédécesseur Justinien" * et Charles V était encore pénétré par l'idée d'un Empire universel régnant au Moyen Age “i. Cependant, au XVI* siècle déjà le parallélisme (entre le Saint Empire et
l'Eglise romaine) '? a été rompu
avec la reconnaissance
de la Réforme.
Après l'aversion des humanistes contre Rome !9, Conring a détruit la théorie et l'idée de la translation de l'Empire (translatio imperii) 4. Presque en méme temps, l'Empire s'est vu politiquement restreint à ses territoires allemands: l'inclinata nacio Germanica devient, de plus en plus, du sacrum imperium, et celui-ci se lie de façon inséparable avec la "nation allemande”. Vers la fin du XVII° siècle l'Empire n'est pas pour le peuple un Empire romain, mais un "Empire germanique": dans une piéce de théátre, à l'occasion de la libération de Vienne de la menace turque, Léopold I° est présenté aux spectateurs comme "Leo de l’Empire germanique”, comme porteur de la "couronne
du monde
allemand”.
Sa représentation comme
Imperator
Romanorum
triomphant, vétu d'une toge et portant une couronne de lauriers, sur un char *, est déjà une exception. A l'époque du style baroque, les éléments de l'antiquité romaine s’effaçaient peu à peu. L'antiquité romaine est seulement en partie source de l'iconographie de l'Empereur Charles V, surtout en ce qui concerne la royauté universelle de droit divin des temps modernes et la Pietas Austriaca ("piété autrichienne”) des Habsbourg '*. Les publicistes n’écrivaient plus sur un Imperium Romanum, mais sur l'Imperium Romanum Germanicum ("Empire romain germanique”). Pour Pütter!? par 19 CONRAD, op. cit. (n. 9), p. 233; PUFENDORF, op. cit. (n. 129), I/$ 14. 19. Institutum Ferdinandi I. (1526), préface: cf. W. BRAUNEDER, "Zur Gesetzgebungsgeschichte der niederósterreichischen Lünder", Festschrift f. H. Demelius, Vienne 1973,
P. 7; H. v. Weser, “Die peinliche Halsgerichtsordnung Kaiser Karls V.", ZRG/GA, (1960), p. 293. 141 KÔHLER, 142 KÔHLER,
op. cit. (n. 65), 53; Rassow, op. cit. (n. 65), p. 54.
Kaiseridee,
cit. (n. 65),
pp.
165;
77 171.
14 SCHÜSSLER, op. cit. (n. 124), p. 45. 14 D, WirLowerr, "Hermann Conring”, in SroLLEIs (Hrsg.), op. cit., n. 26, p. 142; SRBIK,
op.
cit.
(n.
48),
pp.
61s.;
F.
WiEACKEm,
Privatrechtsgeschichte
der
Neuzeit,
2ème éd., Gôttingen 1967, p. 206. M5 U. NoNN, "Heiliges rómisches Reich deutscher Nation", Zeitschrift für bistorische Forschung
16 Jugend D. 27, M? M8 York
9 (1982), p. 142.
Die befreyte Vindobonae ... von der in dem Gymnasio xu Halle studirenden .. auffgefübret, Halle 1684 (Dresden, Sächs. Landesbibliothek, Hist. Germ. 6). Une peinture à fresque dans un palais situé à Prague/Kleipseite. F, MATSCHE, Die Kunst im Dienste der Staatsidee Karls VI., I-II, Berlin-New 1981.
19 Cf. les titres de leurs œuvres: 19 SCHLIE,
132
op. cit. (n. 131), pp.
STOLLEIS, 14s.
op. cit. (n. 26).
ex., l’idée de l'Empire reur;
que
l'on a eue
il n'y a pas eu de franslatio
au Moyen
Age
n'est
("translation"), mais une
qu'une
er-
renovatio
im-
perii (renaissance de l'Empire"). Le Saint Empire n'est un Empire romain que dans ce sens. L'Empire se débarrasse pourtant seulement lentement du “Romain” !. Ce complément n'exprime pas seulement une tradition, mais tient compte également de l'idée universelle à cóté de l'idée nationale. Ainsi lidée de l'Empire pouvait temporairement déployer son rayonnement à travers les frontiéres allemandes: surtout au XVII* siécle, les contemporains
ont lié la Hongrie des Habsbourg à l'Empire !?; au XVII* et au XVIII siècles, on a pensé que l'Empire étendrait ses frontiéres jusqu'à la Mer Noire et à la Mer Blanche (Egée) '*; que des princes d'Eglise serbes voteraient et siège-
raient à la Diète *, Au XVIII: siècle, dans les cours que l'on faisait aux princes héréditaires l'Empire était devenu un Empire germanique . Il y est question de l'Allemagne et du droit pénal allemand. L'étranger suit également cette tendance: la Paix de Presbourg conclue en 1805 par ex. ne connaît pas "d'Empire romain", mais une "Confédération germanique”, pas d' "Empereur romain", mais un "Empereur d'Allemagne" '!, l'acte de la Confédération du Rhin un "Empire germanique” '* et la curie ne parle pas de l’imperium Romanum, mais de l'imperium Germanicum '?. Seulement en s'exprimant dans le "style des Chancelleries allemandes" on se sert de la formule “Heiliges Rómisches Reich Deutscher Nation" (Saint Empire
romain germanique)'9:
«on
appelle l'Empire
romain
par égard pour la
dignité impériale qui est restée, depuis Otton I°, liée à la Nation allemande ». Ainsi l'"Empereur romain", dont la fonction est d'abord consi. dérée comme universelle, devient surtout au XVIII* siécle l'Empereur national allemand '! — et c'est justement pour cette raison que l'on a pu appeler “Empereur” le tsar russe et le sultan ottoman, et l’ “Empereur romain" n'a entravé, en 1804, ni le titre d'Empereur des Français ni celui d'Empereur d'Autriche. De la conscience de l'Empire s'est formée, aux temps modernes, la conscience de l'appartenance à la nation allemande, comprenant
beaucoup plus que les “immédiats”. 151 WIEDEBURG, op. cit. (n. 79), p. 14. 12 F, VALJAVEC, Geschichte der deutschen
II, Munich
Kulturbeziebungen
zu
Südost-europa,
1955, pp. 165 ss.
13 SCHÜsSLER,
op. cit. (n. 124), p. 29.
154 SCHÜSSLER, op. cit. (n. 124), p. 29. 155 H.
Coran,
op.
cit.
(n. 28), p. 418
(cf. le titre:
“Von
dem
Deutschen
Reich
überhaupt, dessen Benennung, Einteilung, Zugehórungen und Ansprüchen"); WAGNER, op. cit. (n. 25), pp. 49 ($ 27); 76 ($ 122). 56 H. WorreNsBERGER, Napoleonische Friedensvertráge, Berne 1946, p. 35. 157 WoLFENSBERGER,
op. cit. (n. 156), pp. 34 ss.
18 E.R. Huser, Dokumente zur Berlin-Cologne-Mayence 1978, pp. 28 ss.
deutschen
19 TIEDEMANN, op. cit. (n. 55), p. 21. 160 CONRAD, op. cit. (n. 28), p. 419 (7, p. 44
($
$ 1);
Verfassungsgeschichte,
Y,
cf. aussi
cit.
WAGNER,
op.
Stuttgart (n. 25),
13).
161 HUGELMANN,
op. cit. (n. 64), p. 443.
133
SANDRO SCHIPANI
IL 'MODELLO' ROMANO DEL CODE NAPOLEON: PROBLEMI DEL DIRITTO DELLE PERSONE
Il progetto della ricerca, nello svolgimento del quale si colloca questo II Seminario, e che fu esposto l'anno scorso, prevedeva che « nella prospettiva di un incontro tra le culture, ci si riferirà alla fondazione di Roma, concepita
sin dall'origine
come
fusione,
in spazio e tempi
certi,
di etnie
diverse »!, Esso poneva cosí, implicitamente, ma immediatamente, al centro dell'attenzione il tema civis/Romanus di quest'anno che di tale "fusione" coglie uno strumento giuridico. Per quanto specificamente interessa questa seduta, il programma citato
aggiungeva (e mi permetto di richiamarlo): fondazione di Roma
« nell'arco storico che va dalla
ai nostri giorni, si sono scelte due fasi, che sembrano
meglio evidenziare la dinamica fattuale e stimolare la riflessione teorica: la fase iniziale, per cosí dire costitutiva, e quella delle grandi rivoluzioni [...] La fase rivoluzionaria, che comincia con la caduta della seconda Roma e con le scoperte geografiche, sembra culminare a sua volta, nelle codificazioni: tra il 1804 (Code Napoléon) e il 1917 (Cédigo Civil del Brasile) [...] Il Code Napoléon, fattore di diffusione mondiale di un diritto derivato dalle Pandectae
di Giustiniano (ricordiamo l’opera del Pothier) è anche lo strumento rivoluzionario che definisce la scomparsa della formazione sociale feudale ». Il Code Napoléon, che salda regole di comportamento (e rispettivi valori) del vivere sociale antiche, obbiettivi rivoluzionari, domande moderne, veniva
cosi proposto alla nostra attenzione. In questo mio apertura, desidero offrire soltanto alcuni punti di storiografia giuridica, che concernono il tema, che relazioni previste; sono punti aperti, problematici, mente contraddittori.
brevissimo intervento di riferimento, latenti nella verrà approfondito nelle per lo meno apparente
1 Cfr. [P. CarALANO - P. SiniscaLco], Aspetti storico-religiosi e giuridici dell'idea di Roma: tradizione e rivoluzioni. Progetto di ricerca d'Ateneo, Università degli Studi di Roma
1981, ora in Roma,
Costantimopoli,
Mosca
(Da Roma
alla Terza
Roma,
Studi
I),
Napoli 1983, pp. 559 s.; 564.
135
1. Desidero, in primo luogo, richiamare una osservazione del Koschaker, la cui opera, Europa und das rômische Recbt?, resta sempre uno dei luoghi pit significativi di riflessione sul valore costitutivo dell'idea politica di Roma, della prima Roma, nella storia europea. Il Koschaker, dopo aver riconosciuto i meriti intrinseci del Code Napoléon, ed aver celebrato Napoleone « fra i legislatori della storia universale »,
che può essere « collocato a diffusione del Code al « fatto e qualifica quello cosí creato cui vede inclusi tutti i Paesi
fianco dell'Imperatore Giustiniano », collega la di essere (stato) il codice dell’Impero francese » da Napoleone come « impero "giuridico" », in ove il Code fu recepito o conservato o ripri-
stinato, anche indipendentemente da vincoli politico-giuridici con la Francia ?. Questo riferimento all'Impero, queste semplici parole, usate forse in modo un po’ traslato e non riferite dall'A. al modello romano, credo che però siano ugualmente interessanti nel quadro dei lavori di questo Seminario (ed ho presente anche in particolare la seduta di ieri, sul Sacro Romano
Impero, e il ricco significato della nozione di ‘impero’) *. Esso, infatti, ha un valore particolarmente intenso per una possibile interpretazione del Code Napoléon non come legge di uno Stato nazionale moderno che viene consoli
dando la sua struttura 5, quanto piuttosto come stabilizzazione costitutiva * del diritto di una comunità giuridica di dimensione sovrannazionale, universale. Esso, cioè, coglie una realtà diversa da quella entro la quale lo statuallegalismo dell’ "Ecole de l’exégèse” ha cercato di ridurre il Code”, e che
potrebbe essere carica di implicazioni in relazione al modo di concepire e individuare le persone, destinatarie delle norme; lo spazio, o il territorio, ove
le norme valgono; le nazioni, che articolano il rapporto fra governanti e governati. Il modello dello ‘Stato moderno’ non sarebbe l'unico modello da tenere 2 P. KosCHAKER, Europa und das ròmische Recht, 3 ed., München (trad. it. di A. Biscarpi, Firenze 1962), 3 P. KoscHaker, Europa, cit., p. 236. 4 Cfr. per tutti i contributi pubblicati
nel vol. 31 dei “Recueils
ἃ. Berlin
1958
de la Société Jean
Bodin", su Les Grandes Empires, Bruxelles 1973; M. Cartier, "Imperii", Enciclopedia, VII, Torino 1979, pp. 145ss.; P. CATALANO, "Introduzione ai lavori: a proposito della nozione di Impero Romano”, Studi Sassaresi, III serie, 8 (1980-81), pp. 7 ss. 5 Incisivamente H. Coinc, "Allgemeine Züge der privatrechtlichen Gesetzgebung im 19. Jahrhundert", Handbuch der Quellen u. Literatur der neueren eurroäischen Privatrechtsgeschichte, III, 1, Miinchen 1982, p. 6, constata in linea del tutto generale, per le codificazioni del XIX secolo, che «die nationale Kodifikation konnte so zu einem Attribut des Nationalstaates, wie Flagge und Nationalhymne, werden ».
6 Sulla problematica della nozione di codice in generale, cfr. J. VANDERLINDEN, Le concept de code en Europe occidentale du XIII au XIX siécle. Essai de définition, Bruxelles 1967; G. TARELLO, Storia della cultura giuridica moderna. I. Assolutismo e codi. ficazione del diritto, Bologna 1976, pp. 18 ss.; H. CotNc, op. cit., pp. 4 ss., ma soprattutto A. GUZMAN, La fijación del derecho. Contribución al estudio de su concepto y de sus clases y condiciones, Valparaíso de Chile 1977, che ha proposto stimolanti osservazioni per un ripensamento della materia, che appare necessario.
? Sulla scuola dell’esegesi, cfr. M. CATTANEO, Illuminismo e legislazione, Milano 1966, pp. 143 ss., che ne sottolinea «il culto del testo della legge », «la ricerca della volontà del legislatore », « il carattere statalistico della dottrina », e vede
“positivismo giuridico” francese.
136
in essa la nascita del
presente in relazione all'efficacia costitutiva di diritto, alla validità del Code
Napoléon, codice dell'Imperatore *. 2. In secondo luogo, ritengo importante sottolineare una affermazione relativa alla vicenda italiana di adozione del Code. È stato rilevato infatti dal Chironi, nel Livre du Centenaire, che nel contenuto del Code Napoléon gli italiani potevano riconoscere « leur propre droit » fondato sulle « lois romaines » e vedere ricostituirsi una unità latina col diritto, nel « triomphe de la tradition romaine » °.
Questa osservazione è stata ripresa anche più recentemente, dall'Astuti "9, e da ultimo messa puntualmente a fuoco dal Ghisalberti che, nella « aderenza alle categorie romanistiche », ha indicato la ragione della facilità con la quale l'imperatore poté imporre l'introduzione del Code nel nostro Paese ed esso poté poi sostanzialmente permanere !. Essa costituisce una interpretazione radicata P, e, ritengo, probabilmente valida anche per l'adozione, più o meno fedele, di esso in altri Paesi”.
Tale "aderenza" era maturata nel rifiuto di quel « pregiudizio antiromanistico », proprio di alcuni filoni dell'Illuminismo, nel « recupero della tradizione giuridica francese », e nella « sua fusione con le più rilevanti statuizioni legislative della rivoluzione in modo che la disciplina di queste rientrasse nelle insuperabili categorie romanistiche, nelle quali erano anche fatte confluire le
norme derivanti dall'antico droit coutumier » ^^. 8 È noto che il Code civil des Français fu denominato Code Napoléon in seguito alla legge 3/9/1807, denominazione che fu eliminata nel 1816 e ripristinata con decreto
del 27/3/1855. Il mio riferimento qui, per altro, & legato a prospettive ideologiche ed istituzionali d'insieme, i cui tempi sono anche in parte differenti. 9 GP.
CuimoNt,
"Le
code
civil
et
son
influence
en
Italie",
Le
Code
Civil.
codici
degli
1804-1904. Livre du centenaire, II, Paris 1904 (rist. Frankfurt 1969, p. 765). 10 G.
Αξτυτι,
“Il
‘Code
Napoléon’
in
Italia
e
la sua
influenza
sui
Stati italiani successori", Annali di Storia del Diritto, 14-17 (1970-1973), pp. 1ss. 1! C, GHISALBERTI, Unità nazionale e unificazione giuridica in Italia. La codificazione del diritto nel risorgimento, Napoli 1979, p. 138. V Le basi di questa interpretazione si ritrovano, come argomenti a favore del Codice
Napoleone,
nelle
stesse
dichiarazioni
degli
attori
del
processo
di
adozione
del
Code. Cosí, ad es., nel Regno delle due Sicilie, il Ministro della Giustizia Donato De Tommasi
osservava,
nel
1814,
a favore
del
Codice
Napoleone,
che
esso
non
era
altro
che
«un miglior ordine dato ai principi della Giurisprudenza Romana »; nel Ducato di Parma e Piacenza,
la
Commissione
legislativa,
nella
Lettera
di
Motivazione
del
15/12/1815,
osservava che « il nuovo codice è tratto per la massima parte dai libri del Gius romano »; cfr. F. RanIERI, "Kodification und Gesetzgebung des allgemeinen Privatrechts. Italien", Handbucb,
cit., III, 1, pp. 237;
257
(ivi anche altri es. e lett.).
13 Cfr. Le Code Civil. Livre du centenaire, cit., pp. 587 ss.; Handbucb der Quellen, III, 1 e 2 cit., passim. Ma si consideri anche, a prescindere dall'influenza dei progetti di esso sul codice della Luisiana del 1808, la sostanziale adozione del Code ad Haiti (1825); a Oaxaca, nel Messico (1828); e soprattutto quella in Bolivia (1831) per iniziativa del
generale bolivariano À. de Santa Cruz y Calahumana, sulla linea delle concezioni S. Bolívar, che già nel 1828 suggeriva tale adozione per la Colombia. M Cfr. C. GHISALBERTI, Unità nazionale, cit., pp. 117 s. Ometto,
in questa
sede,
di esaminare
la prospettiva
interpretativa
secondo
di
cui
la
diffusione del Code Napoléon avrebbe significato « in einer grossen Reihe von Materien
137
Essa era opera di giuristi come Portalis, Tronchet, Locré, Dard, e la troviamo chiaramente indicata, come è noto, nel “Discours préliminaire” del Portalis, in cui questi da un lato dichiara di aver « respecté, dans les lois publiées par nos assemblées nationales sur les matiéres civiles, toutes celles qui sont liées aux grands changements operés dans l'ordre politique », ma d'altro
lato di aver realizzato una « transaction entre le droit écrit et les coutumes », e precisa che « le droit écrit, qui se compose de lois romaines, a civilisé l'Eutope » e costituisce « les lois qui ont merité d’être appelées la raison écrite » 5, con un riferimento alla ratio scripta, che ha uno spessore per la storia del diritto romano che non sfugge a nessuno e, ben al di là della polemica immediata
che il Portalis sta svolgendo nei confronti di quanti "ignorent" il diritto romano, raccoglie e unifica echi e dottrine che dal diritto comune pervengono alle posizioni più attente della Scuola del Diritto Naturale 5. Ma altresí con un riferimento a quel diritto (romano comune) europeo, per cui ogni popolo poteva poi riconoscere nel Code il suo proprio diritto. La conformità al diritto romano veniva altresí alimentata dalle edizioni
del Codice stesso, con il "confronto delle leggi romane", secondo una notissima edizione "ad uso delle Università e dei Licei del Regno d'Italia" "; dalla
riforma degli studi !; dai libri di testo (penso in questo momento a quello del Dupin) ^. den Sieg des germanischen Elementes in der Rechtsbildung parole di H. ZoEPPL, "Über das germanische Element im À deutsches Recht u. deutsche Rechtswissenschaft, 5 [1841], storiografica sottolineata, dopo la fondazione dell’Impero SonM,
Fränkisches
Recht
und
rômisches
Recht.
über das rómische » (sono Code Napoléon", Zeitschrift p. 117) e secondo una linea tedesco nel 1871, da R.
Prolegomena
zur
deutschen
Rechtsge-
schichte, Weimar 1880. Sul punto è sempre da vedere S. Riccosono, "Nichilismo criticostorico nel campo del diritto romano e medievale", Annuario dell'Università di Palermo, 1929-30, ed invece la riproposizione della tesi da parte di H. MITTEIS, "Die germanischen
Grundlagen
des
franzósischen
Rechts",
Zeitschrift
d.
Savigny-Stiftung
für
schichte, Germ. Abt., 63 (1943), pp. 137 ss.; e le osservazioni di P. KOSCHAKER, cit., pp. 241 ss.
RechtsgeEuropa,
15 “Discours préliminaire prononcé lors de la présentation du Projet de la Commission du Gouvernement", in P. A. FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du Code Civil, Paris 1827 (rist. Osnabrück 1968), I pp. 463 ss. particolarmente pp. 480 ss.
16 La un luogo "L'ancien étranger, et Berry
ratio scripta, e specificamente la "raison escripte" aveva proprio in Francia privilegiato della sua storia, dove l'espressione si incontra, secondo E. CHÉNON, coutumier du pays de Berri", Nouvelle revue bistorique de droit français et 29 (1905), pp. 581-612, per la prima volta nell'Ancienne Coutume de Bourges (sec. XIV), art. 158. Sul punto cfr. F. Carasso, Medio Evo del diritto. I.
Le fonti, Milano
V Codice Milano,
1954, pp. 613 s.
Civile di Napoleone
il grande col confronto delle leggi romane,
5 voll,
1809-1811.
18 Cfr. legge 22 ventoso
dell'anno
XII
e connesso
decreto. del 4 complementare.
19 J.J. Dupin, Recitationes in Elementa juris civilis secundum ordinem Institutionum
]. G. Heineccii, 2 voll, Paris 1810 con motae et observationes quibus textus explanatur, vel emendatur, vel illustratur, quibusque sedula ac perpetua Romanarum et Gallicarum legum collectio continetur, la cui redazione l’A. ci presenta nel modo seguente: « institutis a me,
tribus
ab
binc annis,
privatis
quibusdam
de ]ure
Romano
lectionibus,
Heineccii
Recitationes ita domi tractaveram, ut cum Napoleonis Codice, cuius ad normam lectiones
138
Considero allora utile vagliare la relazione fra la prima osservazione ("impero giuridico") e la seconda (“aderenza” al diritto romano): potrebbe essere stata questa aderenza al diritto romano a far sí che il Code Civil des
Français potesse essere sia dell'Imperatore Napoleone sia "proprio" a molte nazioni. Anche questo potrebbe avere dei riflessi sull'esame delle categorie che qui ci interessano.
3. Questo 'modello' romano del Code Napoléon va perd certo chiarito. L'Arnaud, nel suo noto libro che certo costituisce la piá approfondita
indagine degli ultimi quindici anni su Les origines doctrinales du code civil français ?, dedica un'analisi, sia pure non approfondita come le altre parti, ale «transformations de la substance du droit ». Egli prende in esame gli
artt, 544 sulla proprietà e 1134 sul contratto ?'. Su una linea metodologica aperta già da altri studi, ma in contrasto con le posizioni dominanti relative alle basi romanistiche del Code 2, egli sostiene in modo assai interessante che le due nozioni, di proprietà e di autonomia contrattuale, che sono certo due pilastri del sistema di esso, quale compreso dalla posteriore dottrina francese del diritto privato, non avrebbero origine nel diritto romano, ma avrebbero piuttosto origine "moderna". Il Villey, nella presentazione dell'opera dell'Arnaud, sottolinea l'importanza di queste affermazioni perché: « démontrer la origine récente des conceptions du Code Civil, mettre à nu leurs causes historiques, c'ést déja prendre conscience de leur essentielle fragilité » 3. Io non entro nel merito di queste tesi, né delle intenzioni che le ispirano. Mi sembra perd da notare che l'Arnaud non prende in esame, da questo punto di vista, il « titulaire du droit (la personne) », per il quale, in modo
forse un po' frettoloso, dichiara che « n'interesse le droit que dans la mesure oü il est nécessaire d'établir la capacité de chacun à exercer les droits subjectifs inhérants à la personne humaine », ed appoggia tale sua impostazione anche sulla osservazione della brevità del primo libro del Code rispetto agli
altri due (509 articoli su 2281: meno di un quarto) *, Questa affermazione, che tocca il nostro tema, certamente mi lascia perplesso perché il Code Napoléon & legato in modo stretto alla Rivoluzione e
ne stabilizza alcune conquiste *. quaelibet referendae sunt, sedulo conferrem: ex qua elucubratione orta est magna annota tionum copia quas ter per ternos per annos attente revisas, ipsi Heineccio apposui ».
3 A.J. ARNAUD, Les origines doctrinales du Code Civil français, Paris 1969; cfr. anche, dello stesso, Essai d'analyse structurale du Code Civil français. La règle du jeu dans la paix bourgeoise, Paris, 1973.
71 A-J. ArnauD, Les origines, cit., pp. 179ss.; 197 ss. 2 Arnaud fa espresso riferimento agli studi di J. Macqueron, ma certo molti potrebbero essere aggiunti, a cominciare dai primi commenti del Code e dagli studi romanistici ad esso contemporanei, già sopra menzionati. 3 A-J. ARNAUD, Les origines, cit., VI. ?* A.-T. ARNAUD, Les origines, cit., pp. 171 ss. 25 Il rapporto fra Rivoluzione e Code civil ἃ sempre oggetto di contrastanti conclu-
139
È la « abolition du régime féodal » con l’affermazione che « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » (sarei in dubbio sull'opportunità di usare l'espressione ‘unificazione del soggetto di diritto’ che forse è impropria per il Code — cfr. infra — e preferisco le citate espressioni del decreto 4-11/8/1789 e della Déclaration del 26/8/1789) che fonda la linea di demarcazione fra il Code del 1804, di cui caratterizza il libro primo "Les personnes", e l'ALR prussiano del 1794. Essa si & espressa in quelle "leggi delle
nostre assemblee nazionali", in quei "grandi cambiamenti nell'ordine poli tico" il cui accoglimento, dichiarato dal Portalis (come sopra ricordato), mi sembra svolga un ruolo centrale. E di centrale importanza sono le categorie attraverso cui questo
risultato viene
tecnicamente
elaborato;
le loro
radici,
la loro consistenza dommatica precisa; la riemersione sull'orizzonte dell'attualità di prospettive magari in altre età elaborate e poi accantonate, ma non
estinte. 4. Fra gli obiettivi della Scuola del Diritto Naturale, quello della sem-
plificazione del diritto implicava anche la necessità di economia degli enunciati normativi *. À questo scopo era stata approfondita l'analisi degli enunciati normativi stessi, del loro oggetto, nonché soprattutto della esigenza di 'unificazione del soggetto di diritto', in quanto appariva evidente che se i soggetti sono molti e diversi, gli enunciati sono assai numerosi dovendo regolare la condizione e attività di ciascuna classe di soggetti, nonché le situazioni e attività in cui intervengono soggetti di classi diverse. Questa esigenza poteva essere soddisfatta con una pura razionalizzazione del diritto esistente a prezzo di una sua più accentuata separazione dalla società; oppure essa era profondamente rivoluzionaria, perché si trattava di eliminare o ridurre la rilevanza giuridica e sociale dei collegamenti fra individui e gruppi sociali di appartenenza, unificandoli tendenzialmente appunto in una unica classe, e in questo caso non poteva non comportare un mutamento profondo, a livello ideologico e strutturale. Il modo in cui « nell'ordinamento del diritto privato del XVIII e del principio del XIX secolo l'uomo come individuo si sia allontanato dai limiti
della comunità
professionale, che essenzialmente determinano la sua posi-
zione giuridica nel diritto privato, per diventare con ció persona giuridica, soggetto di diritto in genere » è stato esaminato dal Conrad”. Egli, raccogliendo anche i risultati di studi del Coing 7, prende in esame i codici c.d. sioni: cfr. da ultimo D. Grimm, "Die verfassungsrechtlichen Grundlagen der Privatrechtsgesetzgebung", Handbuch, cit., III, 1, pp. 31 ss.
2% Cfr. G. TARELLO, Storia, cit., pp. 35s. 7 H. Conrap, "Individuo e comunità nel diritto privato del XVIII e del principio del XIX secolo", Nuova Rivista di Diritto Commerciale, 9 (1956), P. 1, pp. 31 55.
2 Cfr. H. Corse, “Der Rechtsbegriff der menschlichen Person und die Theorien der Menschenrechte" (1950), ripubblicato in Zur Geschichte des Privatrechtsystems, Frankfurt/ M. 1962, 56 ss. In estrema sintesi: questo A. assume come presupposto che la nozione romana di persona non avesse valore tecnico, per porre in luce che un tale valore essa verrebbe
ad avere solo a partire dal sec. XVI
140
«im Rahmen der romanistischen Rechtstradition »:
giusnaturalistici e li valuta dal punto di vista del grado di realizzazione in
essi dell'unico 'soggetto di diritto' civile, ossia della 'capacità giuridica civile generale’, e nota, giustamente, che non è il Code Napoléon,
ma è l'ABGB
austriaco del 1811 che in massimo grado fissa tale concezione al $ 16 ove dice: « Jeder Mensch hat angeborene, schon durch die Vernunft einleuchtende
Rechte,
und
ist daher
als eine
Person
zu betrachten », e al $ 33:
« Den Fremden kommen überhaupt gleiche bürgerliche Rechte und Verbindlichkeiten mit den Eingeborenen zu » ?. A proposito del Code Napoléon, egli infatti ritiene che esso «è, sí, arrivato, sotto l'influsso dei diritti dell'uomo
e del cittadino proclamati nel 1789, ad una capacità giuridica uguale dei francesi, ma non ad una capacità giuridica uguale per tutti gli uomini »; egli vede in ció « una ricaduta nei principi dell'Ancien Régime » *. Con parallela osservazione, & nel $ 16 dell'ABGB che l'Orestano vede «una fra le espressioni piá tipiche » della concezione venutasi a creare in età ‘moderna’, « eminentemente soggettivistica del diritto, per cui il sistema
giuridico fu concepito e articolato intorno a una figura nuova, il subiectum juris », « espressione intesa come
l’essere pensante
e agente
a cui i diritti
soggettivi sarebbero appartenuti quali altrettanti predicati necessari alla sua esistenza » ?!, Le ricerche del Coing, del Conrad, dell'Orestano concorrono cioè nel porre in luce l'origine ‘moderna’ della categoria dommatica del ‘soggetto di diritto’, correlato alla ‘capacità giuridica’; il suo maturare nella filosofia giuridica tedesca del XVIII secolo, dopo le prime affermazioni degli umanisti. 5. Le parole, le categorie dommatiche che incontriamo nel Code sono, come è facile riscontrare, e per citare solo le prime, le "personnes", ogni “Français”, "l'étranger", la qualità di "citoyen", “la nation”, "le territoire”. "n
E
intorno
“|
al primo
termine
che
si struttura
una
costruzione
unitaria,
con
le sue divisioni in rapporto all'''exercice des droits civiles" (artt. 7 ss.), o ale “lois concernant l'état et la capacité des personnes" (art. 3 co. 3), e,
diversamente, alle “lois de police et de sureté” (art, 3 co. 1), per le quali, in modi diversi, viene in considerazione la nazione e il territorio ?. « Donellus ... bezeichnet (Commentaria de Jure civili II, 9) den Status als ius personae und als causa der persona im Rechtssinne, Nur kraft des Status ist man persona. Damit nimmt der Begriff persona ein tecnisch-juristische Bedeutung an» (p. 63). Nel sec. XVII poi,
sarebbe spettato a Chr. Wolf giungere a precisare: spectatur tamquam
Nat. et Gent,
« "homo persona moralis est, quatenus
subjectum certarum obligationum
1750, $ 96)
atque iurium certorum"
[...] Wolf hat also die allgemeine
entscheidende Kriterium erkannt, das den Menschen
(Inst. Juris
Rechtsfähigkeit
zur Rechtspersonen
als das
macht » (p. 65).
La filosofia di Kant darebbe poi un nuovo impulso a queste impostazioni
(pp. 67 ss.).
® H. Conan, "Individuo e comunità", cit., pp. 40 ss. 3 H. Conran, "Individuo e comunità", cit., p. 49. 31 R, OnzsrANO, Il ‘problema delle persone giuridiche’ in diritto romano,
1, Torino
1968, p. 17 e n. 28 (rist. parziale in In., Azione. Diritti soggettivi. Persone giuridiche, Bologna 1978, ove cfr. p. 204). 32 Cfr. l'epigrafe del libro I e gli artt. 1; 3 co. 1 e 3; 7; 8; 11 ecc. Sulla posizione dello
"straniero"
in
particolare,
cfr.
J.
PoxrEMEs,
"L'étranger
dans
le
droit
de
la
141
In relazione alla ‘persona’ — alla considerazione primaria da parte dell'ordinamento dell'uomo come tale, per la sua esistente individualità umana —, si compone cioè una griglia di qualifiche personali e di definizioni spaziali che ancora pare la dividano, ed essa, per converso, costituisce la categoria unificante, posta all'apice di una ancora parzialmente differenziata rilevanza giuridica della pluralità di condizioni in cui gli uomini concreti vivono, operano nella società, fanno la storia. Questa categoria, e le altre che articolano il campo
semantico e norma-
tivo in esame, che sono state strumento attraverso cui il superamento del sistema feudale e la tensione ugualitaria si realizzano, e nel contempo ancora restano imperfetti, sono radicate, od hanno punti di riferimento di preciso confronto nella 'fase costitutiva' del sistema giuridico romanista e nello stesso tempo vediamo che assumono un intenso collegamento con problemi della storia ‘moderna’. 6. Il problema per noi allora è forse quello delle diverse e magari, a volte,
composite e giustapposte radici, consistenza e dinamica delle diverse categorie e soluzioni normative, della loro idoneità ad interpretare istanze e movimenti profondi della società, e tradurli nell’ordinamento, all’interno del suo concreto storico costituirsi, grazie proprio anche al loro specifico, originale, contenuto.
Si tratta forse di svolgere una ‘rilettura’ che, per lo meno a livello di impostazione, non assuma la soluzione del Code Napoléon come un punto inter-
medio e incompleto sulla linea della elaborazione del 'soggetto'/'capacità'; consideri le diverse categorie non solo in relazione al diritto privato;
valuti la
eventuale pluralità di modelli concorrenti, e in particolare valuti l'incidenza specifica del modello romano antico, che invece risulta forse in parte reso ‘estraneo’ dal mondo concettuale ‘moderno’. Mi
sembra,
in questa
prospettiva,
interessante
integrare
le osservazioni
già sopra menzionate, con quella del Wieacker, secondo cui la “Vereinheitlichung" e la "Verallgemeinerung", che permeano i codici giusnaturalistici, nel Code francese non derivano, come nei codici tedeschi, da “beharrendem Sy-
stemwillen", ma dal "revolutionárem Wollen" della "egalitàre Nation" ®. Sono
forse
queste prospettive
di indagine
che suscitano
attenzione
a
Révolution française”, in L'étranger (Recueils Soc. J. Bodin, 10), Bruxelles 1958, pp. 533 ss.; G. LEPOINTE, "Le statut des étrangers dans la France du XIX* siècle”, in L'étranger cit.,
pp. 553 ss.; J. Maury-P. LEGARDE, "Etranger", Enc. Dalloz. Répertoire de Droit Civil, II ed., IV, Paris 1972, particolarmente nn. 39-59 sul significato di “droits civils" nell’art. 11 come
“droits privés”, o come
opposto
di “droits naturels”, o come “droits privés refusés
aux étrangers par la loi”. Sul problema dell'abolizione della schiavità, per un sintetico accenno, cfr. D. Grimm, “Die verfassungsrechtlichen Grundlagen der Privatrechtsgesetzgebung", Handbucb, cit., III, 1, pp. 27 s. 3 F. WIEACKEA, Privatrechtsgeschichte der Neuzeit unter besonderer Berücksicbtigung der deutschen Entwicklung, II ed., Góttingen 1967, pp. 343 s., che altresi coglie acutamente come questa «egalitäre Nation», nel suo concreto "antifeudalesimo", col suo "centralismo", «hat die allgemeine, übernational werbende Fassung des Gesetzbuch ermiiglicht, auf der sein Siegeszug durch die Welt des 19. Jhs. beruht ».
142
molteplici profili ^, delle quali non mi nascondo i motivi di dubbio, ma che forse possono
portare
frutti
in un
momento
in cui siamo
particolarmente
sensibili ai limiti delle affermazioni astratte, di principio, statiche, ma anche a quelli dell'assenza di esse; e riflettiamo sulla incisività della ‘moderna’ "rea-
lizzazione dell'uguaglianza attraverso l'uniforme considerazione normativa”, ma anche sulla proposta della realizzazione di essa attraverso la differenziata considerazione normativa Ÿ. In un momento in cui siamo resi particolarmente
avvertiti del rischio che « il malinteso uso del mezzo giuridico, che la tecnica tradizionale ha creato per l'uomo, ... [faccia] perdere la coscienza che il diritto ha la radice nell’uomo », e lo schema giuridico a lui deve offrire la
forza della propria "coerenza" *, e sappiamo che questo rischio tocca anche proprio talune delle categorie ricordate ”.
# Vorrei ricordare che il già citato progetto della ricerca, in modo articolato, precisa che «l’età moderna è caratterizzata, sul piano ideologico, in Occidente dal Rinascimento [...] sul piano ‘strutturale’ dal progressivo superamento della formazione sociale feudale. Evoluzioni o rivoluzioni? O forse tradizioni per la rivoluzione? Il tema diventa concettualmente più preciso tenendo conto delle attuali discussioni sulle categorie di ‘rivoluzione politica’ e ‘rivoluzione sociale’ ». E inoltre aggiunge: « si possono individuare due piani disciplinari dell'indagine: quello dei modelli istituzionali e quello dei valori civili e religiosi. Per l'Occidente [..] dal modello costituzionale romano del IV libro del Contrat Social alla ‘romanità risorta’ dei Giacobini (l'espressione è di Karl Marx), al Code Napoléon. [..] Nelle vicende dell'Europa Occidentale si possono cogliere due aspetti concettuali del tema in oggetto, di essenziale importanza: quello delle idee politiche (e progetti costituzionali) e quello delle regole di comportamento (e rispettivi valori) del vivere sociale » (ora in Roma, Costantinopoli, Mosca, cit., pp. 562-563). 35 Cfr. per questa problematica per tutti N. IRTI, L'età della decodificazione, Milano 1979, e S. ScHIPANI, "Sull'insegnamento delle ‘Istituzioni’ ", I! modello formazione del giurista, Milano 1981, pp. 179 ss.
di Gaio
nella
36 G. Grosso, Tradizione e misura umana del diritto, Milano 1976, pp. 95; 233 e passim. 37 Sulla persona, cfr. ad es. P. CATALANO, “Il populus Romanus e il problema delle persone giuridiche", comunicazione presentata al Colloquio su "La persona giuridica in diritto romano e canonico” organizzato dall’Istituto Utriusque Juris della Pontificia università lateranense (24-26 aprile 1980), pubblicata in Rassegna di diritto civile, 4 (1983)
pp. 491 ss., con il titolo “Alle radici del problema delle persone giuridiche”.
143
CLAUDE NICOLET
CITOYENNETE FRANÇAISE ET CITOYENNETE ESSAI DE MISE EN PERSPECTIVE
ROMAINE:
L’Antiquité grecque et romaine est si évidemment présente dans l'imagerie révolutionnaire et impériale que nous avons certainement tendance à lui attribuer le rôle d'un modèle conscient, sinon méme d'un point d'origine objectif, pour un trés grand nombre d'idées, et méme d'institutions. Les Frangais de la République et de la Grande Nation seraient en somme des Grecs et des Romains ressuscités, ceux qui auraient réveillé ce “monde mort” dont parlait Saint-Just, précisément à propos de Rome! Tout n'est certes pas faux ni arbitraire dans cette idée reçue, La lecture de la littérature politique — discours, pamphlets, ouvrages théoriques — d'époque révolutionnaire montre que les allusions ou les références à l'antique étaient un peu plus qu'une mode: au plan idéologique ou culturel, que ce soit pour s'y identifier ou s'en démarquer, on pense à Sparte, à Athénes et à Rome de façon
insistante
et continue.
On
sait d'autre
part
combien,
dans
le décor
presque théátral au milieu duquel se déroule symboliquement la grande aventure morale et politique de la Révolution et plus tard de l'Empire, les mots, les noms propres, les attitudes, les métaphores, jusqu'aux costumes, aux titres, au mobilier, tendent à créer cette impression: de Saint-Just (mais pas tellement de Robespierre) à Babeuf, de Marat et David à Bonaparte, en somme, on "se drape à l'antique". Le fait est patent, et, dans certains de ses aspects, assez bien étudié?. Et, somme
toute, il n'a rien d'étonnant,
parce-
qu'il ne fait que prolonger une tendance fortement accentuée depuis au moins un demi-siècle:
car le XVIIIème siècle, si "moderne" à coup sûr, a aimé, lui
1 Saint-Just, “Rapport sur... Danton” (Archives Parlementaires, LXXXVII, p. 638, 11 Germinal an II): «le monde est vide depuis les Romains, et leur mémoire le remplit
et prophétise encore la liberté ». 2 On trouvera une ample bibliographie sur le sujet dans M. RASKOLNIKOFF, "L'adoration des Romains sous la Révolution française et la réaction de Volney et des idéologues", Roma, Costantinopoli, Mosca (Da Roma alla Terza Roma, Studi I), Napoli 1983, pp. 199-213.
145
aussi, l'antique. S'il ne redécouvre que sur le tard, avec Winckelmann et les fouilles des Bourbons à Herculanum, une antiquité esthétique sentie
comme une réaction contre le baroque et le rococo, la réflexion philosophique et politique avait, depuis le début du siècle au moins, puisé une grande partie de son inspiration — comme repoussoir ou comme modèle — dans une antiquité que la culture et l'éducation rendaient (illusoirement bien sûr) présente à tous. « La tête farcie de grec et de latin » dira Desmoulins « nous étions des républicains de collège » ἡ, Mais, plus sérieusement, il suffit de voir le rôle presque déséquilibré que joue, dans l’œuvre théorique d’un Montesquieu — qui étudie pourtant l'ensemble des législations — tout ce qui touche à Rome, son histoire et son droit, pour comprendre qu'il y avait là comme un entrainement irrésistible: les Considérations sur les causes de la Grandeur des Romains et de leur décadence ne sont, comme on sait, qu'un chapitre démesurément grossi de l'Esprit des Lois. Mais on pourrait dire la méme chose des six chapitres du livre IV du Contrat Social consacrés à l'analyse de la constitution romaine, qui représentent 1696 de l'ouvrage et qui sont apparus (à tort sans doute) à certains savants, dont Vaughan, comme du pur remplissage *. Et on pourtait faire encore la méme remarque à propos
de l’œuvre de Mably 5, chez qui l'intérêt pour l'antiquité n'a cessé de s'accentuer (bien qu'il se soit fortement intéressé à l'expérience américaine à la fin de sa vie). Quant à la présence et au róle réel de la philosophie antique et du droit romain (que je distingue dés maintenant) chez les juristes du Droit Naturel‘, Pufendorf en particulier, ils sont non moins évidents. Les révolutionnaires français ne faisaient somme siécle.
toute qu'obéir à l'esprit de leur
3 C. DEsMOULINS, Fragments d'une bistoire secrète de la Révolution (1793), dans Œuvres, éd. J. Claretie, I, Paris 1874, p. 309; A. Autazp, Histoire politique de la Révolution Française, Paris 1901, p. 5. * C. E. VAUGHAN, The political writings of Jean-Jacques Rousseau, II, Cambridge 1915, p. 109, n. 1 (cité et approuvé par R. DERATHÉ, Oeuvres complètes de ]. ]. Rousseau, éd.
Pléiade,
IIT,
Paris
1964,
p.
1495);
sur
Rousseau
et Rome,
bonnes
remarques
de
ΚΕ. DERATHÉ, J.-J. Rousseau et la science politique de son temps, 2. éd., Paris 1974, pp. 275-76; J. Cousin, “J.-J. Rousseau intepréte des institutions romaines dans le Contrat Social", Etudes sur le Contrat Social de J.-J]. Rousseau (Actes des journées d'études
tenues
à Dijon
les 3, 4, 5 et 6 mai
1962),
Paris
1964,
pp.
13-34
(trés
mé.
diocre); D. Lepuc-FavETTE, J].]. Rousseau et le mythe de l'Antiquité, Paris 1974 (un peu partial); P. Anpriver, “J.-J. Rousseau: quelques aperçus de son discours politique sur l'antiquité romaine", Studies on Voltaire, 151 (1976), pp. 131-148; R. A. LgicH, “J.-J. Rousseau and the myth of Antiquity in the Eighteenth Century", in (R. R. Bolgar, éd), Classical Influences on Western Tbougbt A. D. 1650-1870, Cambridge 1979, pp. 155-168; et surtout P. CATALANO, Tribunato e resistenza, Turin 1971.
5 Son Parallèle des Romains et des Français, Paris 1740, (tout à la gloire de Charlemagne et des Rois), est modifié par lui dix ans plus tard (Observations sur les Romains, Genève 1751), dans un sens plus "républicain". $ Je n'ignore pas que Grotius, Pufendorf, Barbeyrac critiquaient certaines distinctions
ou définitions du droit qu'ils trouvaient chez les juristes romains: mais cela méme prouve que le Corpus Juris Civilis était la toile de fond de leurs doctrines. Cf. R. DeRATHÉ, J..]. Rousseau
146
et la science politique, cit., pp. 386-393.
Cependant la question, dès qu'on y songe un peu, est à la fois beaucoup plus difficile et beaucoup plus importante qu'on ne croit. Il faut aller au-delà des inventaires descriptifs dans l’œuvre ou les discours d'individus un peu arbitrairement choisis, à la manière de celui — utile au demeurant — qu'a fait jadis Parker. Ni la mode, ni même une imprégnation de type scolaire ne peuvent tout expliquer. Quand on considère l'ensemble de l'évolution intellectuelle et politique du XVIII*"* siècle, en Europe et méme en Amérique, on s'apercoit que la référence raisonnée à une antiquité (ou plutót à des antiquités distinctes) est presque partout présente: chez les savants et les érudits, lesquels ne sont pas hors de leur temps, mais aussi chez les politiques et méme (ce qui n'est sans doute pas le moins important) chez les fondateurs de la science économique et de ce qui sera plus tard la science de l'homme ΄, Et, pour tous ces hommes, il ne s'agit naturellement plus de mode, d'attitude, ou de décor: il s'agit de se situer trés sérieusement — en rupture ou en continuité, d’ailleurs — par rapport à un moment tormidable de l’histoire humaine, considéré avec raison comme l'une des deux matrices de l'Europe moderne, l'autre étant naturellement la religion judéo-chrétienne. L'importance intellectuelle et idéologique de l'enjeu justifie dés lors une série d'enquétes précises, diverses, coordonnées —
avec
tant
de
savoir
et d'imagination,
comme
depuis
celle que nous propose
longtemps,
la rétiexion
de
P. Catalano.
Celie dont je présente ici les résultats tout provisoires s'est volontairement limitée à un probléme précis. Le voici: lorsque les Français ont tait entrer dans leurs Liéclarations des Droits, dans leurs Constitutions, entin dans
leurs Codes (ou projets de Code), les notions et les détinitions qui concernent la citoyenneté et, d'une façon pius générale, le statut des personnes, l'état civil, pouvons-nous déceler des rétérences, explicites ou non, à la citoyenneté
romaine? Et, dans tous les cas, quelles sont les ressemblances et les différences entre les deux séries d’instituttons? Il faut d'ailleurs diviser la question. C'est pourquoi j'étudierai successivement d'abord le probième le plus général, celui de la définition méme de français, je veux dire les critères qui déterminaient l'appartenance à la communauté nationale. Ensuite, le problème du statut et de la définition du citoyen, plus spécialement congu comme le titulaire des droits politiques. En méme temps la manière dont les projets de Code, enfin le Code civil lui-méme, définissaient et décrivaient la condition de ce citoyen ou "national" en tant qu'il est sujet de droits. Enfin, à tous ces égards, et aprés avoir rapidement tenté de distinguer les diverses réponses données,
selon les moments
et les circonstances,
à ces questions,
j'essaierai d'apprécier la distance à Rome, les continuités ou les ruptures avec ce que nous savons des réalités romaines.
7 Par exemple
A. Fergusson
et l'école écossaise. On
attend là-dessus les travaux
de
M. Raskolnikoff. Cf. provisoirement mes remarques dans L'idée républicaine en France. Essai d'bistoire critique, Paris 1982, pp, 479-480.
147
I. La citoyenneté française
1.
Français et étrangers: de la naturalité à la nationalité. À) L'Ancien
Régime.
Sous l'Ancien Régime, et du point de vue juridique, la question du fondement de la "nationalité" ne se posait pas formellement *. Il y avait d'une part des “français”, c'est-à-dire (comme on le voit par exemple à l'Université de Paris) les membres d'une "nation", une communauté de race et, éventuellement, de langue, qui se trouvent en outre étre les sujets du Roi de France. Mais le Roi de France avait bien d'autres sujets que des “français”: d'abord, d'autres nationaux, habitants de provinces qui étaient d'anciens états indépendants, en Bretagne, Navarre, ou sur les marches de l'Est, et qui étaient seulement rattachés, par un lien personnel, à la couronne de France, D'autre part, des étrangers qui, reçus en France, et pourvus de "lettres de naturalité" par le Roi, jouissaient des mémes droits, (d'ailleurs fort divers, comme on
sait), que les autres sujets du Roi. Cependant les fondements juridiques de cette appartenance à une communauté de "francais" sont doubles, et le gouvernement royal ne tranchait pas nettement entre les deux. Du lointain passé féodal, qui rattachait si fortement le statut des hommes à celui de la terre (c'est ce qu'on appelait le jus soli), venait la doctrine selon laquelle c'est la naissance et la résidence dans le Royaume qui créent les liens de sujétion envers le Roi: les étrangers méme risquent ainsi d'y étre soumis (et le "droit d'aubaine", dont des vestiges subsisteront jusqu'à la Révolution, et qui blesse la raison et l'équité, en est la preuve). Mais d'autre part, la rédécouverte limitée du droit romain, conduisait aussi à lier la qualité de frangais
à la
naissance et à la filiation (jus sanguinis). L'opinion, par exemple, est toujours
très consciente du fait qu'un nombre important de "vrais français”, descendants d'anciens et fidèles sujets du Roi, ont été obligés de cesser d’être des "regnicoles" et résident à l'étranger: ce sont les protestants du Refuge. Enfin, indépendamment
du droit du sol et du droit du sang (de la terre et
de l'hérédité), le pouvoir royal (comme jadis la cité antique et l'Empire romain) pouvait appeler à lui des étrangers: il dispensait alors des "lettres de naturalité". Pourtant le service de l'Etat reste encore très largement le service personnel du Roi, et par là même distingué de la qualité de français. Jusqu'à la veille de la Révolution, des étrangers (comme Necker, genevois) peuvent être ministres (Necker, cependant, ne siège pas au Conseil). Enfin, la qualité de “français” ou "sujet du Roi”, est-il besoin de le rappeler, n'a aucun contenu en ce qui concerne les droits politiques, puisque ces derniers, dans un régime qui se dit "absolu", sont absolument nuls. Elle n'a * L'étude
essentielle
est
toujours
celle
de
M.
VANEL,
Evolution
bistorique
de
la
notion de français d'origine du XVI* s. au Code Civil, Thèse Droit, Paris 1945, dont je m'inspire librement, et qui discute la bibliographie antérieure.
148
d’ailleurs plus guère de contenu “civil” (je reviendrai sur cette importante distinction), puisque ce qui règne en maître dans le royaume de France, malgré les efforts continus de la monarchie vers une certaine unité, c'est ce
“chaos
juridique”
dont parlait Voltaire, cette infinie diversité de statuts
provinciaux, locaux et surtout personnels, fondés sur le “privilège”, les "franchises", c’est-à-dire par définition l'inégalité. En fin de compte, rien, dans le droit privé ou public de l’Ancien Régime, ne permettait de donner une définition simple et précise de la qualité de Français; tout, au contraire,
aurait dû pousser peuples, groupes sociaux et individus à l’atomisation, au particularisme, à l'éclatement. Le seul lien, en fait, résidait dans la personne du Roi et dans la fidélité qu'on lui devait. Mais, si tel était le droit à la fin de l'Ancien Régime, la réalité sociale, politique et morale était, comme on sait, bien différente, et c'est elle qui va
déterminer le changement considérable qui se manifeste dés les premiers instants de la Révolution, préparé en fait de longue date. Car cette situation écartelée paraîssait justement intenable à l'esprit du temps. La Nation — au sens
moderne
et
révolutionnaire du
mot
—
était
en
réalité
née
depuis
longtemps?. L'opinion savante et éclairée, habituée de plus en plus à réféchir sur les fondements de la société et des Etats, finit par reconnaître la force du lien liant les hommes qui composent des Etats, des "Républiques" ou, comme on commence à dire de divers côtés, des “Cités”. L'idéologie du double contrat — le contrat "social" et le contrat "politique", bien évidemment liés l'un à l'autre, mais à distinguer pourtant — d'origine protestante, a peu à peu pénétré chez les juristes, les philosophes et bientót dans l'opinion presque tout entiére, ruinant presque entiérement la conception
patrimoniale, personnelle et féodale de "fidélité" à la personne du Roi pour lui donner d'autres fondements — la volonté individuelle et collective — ou méme se substituer carrément à elle. Dès lors se revalorise la vieille notion de citoyen, qui avait subsisté dans bien des communautés restreintes pourvues de franchises — mais qui retrouve, peu à peu, une valeur universelle. Pufendorf 9, sans l'inventer, avait popularisé le binôme "homme et citoyen", chacun pourvu de droits subjectifs naturels, mais le second en outre membre d'une collectivité politique habilitée à faire et à sanctionner la loi, y compris la loi civile ou privée. Chacun sait que le mot citoyen ! est couramment employé dés la fin de l'Ancien Régime pour désigner tout simplement chaque habitant du royaume, sujet du Roi, membre d'une collectivité. Mais à cet égard je voudrais faire sans tarder quelques remarques que faisait déjà Rousseau. D'une part, le mot a une valeur nettement lauda9 J. GopecHor, Les institutions de la France sous la Révolution et l'Emptre, Paris 1968, pp. 16-26. 10 S, PUFENDORF, Les devoirs de l’homme et du citoien, tels qu'ils lui sont prescrits par la loi naturelle, traduits du latin de feu Mr. le baron de Pufendorf, par Jean Bar-
beyrac … avec quelques notes du traducteur, Amsterdam 1707; Mably publiera en 1758 un Des droits et des devoirs du citoyen, bien différent, car élargi du domaine du droit naturel à celui de la politique. ll Cf, mes remarques
dans L'idée républicaine en France, cit., pp. 329-333.
149
tive, dont la connotation morale est marquée par tous les observateurs: citoyen veut dire “bon citoyen”, amant de sa patrie, dévoué au bien public. Il veut dire aussi "concitoyen", marquant fortement la solidarité volontaire (comme en latin, d'ailleurs). De telles connotations apparaissent trés nettement dans des textes immédiatement pré-révolutionnaires, comme telle exhortation aux Trois ordres du Languedoc ?, ou surtout dans le fameux Qu'est-ce que le Tiers Etat de Sieyès ? (ch. II). Mais on les trouverait déjà chez d'Argenson. Or, il est trés notable et piquant de voir Rousseau protester fortement contre ce qu’il appelle le contresens habituel des Français, pour ce qui est de l'usage général du mot, et contre celui que faisait particulièrement Bodin à propos des citoyens de Genève: « A l'instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d'association produit un corps moral et collectif composé d'autant de membres que l'assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté. Cette personne publique qui se fotme ainsi par l'union de toutes les autres prenoit autrefois le nom de Cité, et prend mainte-
nant celui de Républigue ou de corps politique, lequel est appellé par ses membres Etat quand il est passif, Souverain quand il est actif, Puissance en le comparant à ses semblables. A l'égard des associés 115 prennent collectivement le nom de peuple, et s'appellent en particulier Cifoyens comme participans à l'autorité
souveraine,
et Sujets
comme
soumis
aux
loix
de
l'Etat.
Mais
ces
termes se confondent souvent et se prennent l'un pour l'autre; il suffit de les savoir distinguer quand ils sont employés dans toute leur précision » (Contrat Social, 1, 6). Rousseau ajoute la note suivante: « Le vrai sens de ce mot s'est presque entièrement effacé chez les modernes; la plupart prennent une ville pour une Cité et un bourgeois pour un Citoyen. 115 ne savent pas que les maisons font la ville mais que les Citoyens font la Cité. Cette méme erreur coûta cher autrefois aux Carthaginois. Je n'ai pas lû que le titre de Cives ait jamais été donné aux sujets d'aucun Prince, pas méme anciennement
aux
Macédoniens,
ni de
nos
jours
aux
Anglois,
quoique
plus
prés de la liberté que tous les autres. Les seuls Frangois prennent tout familièrement ce nom de Cifoyens, parce qu'ils n'en ont aucune véritable idée, 12 Exhortation ancien Avocat
pressante aux trois ordres de la Province de Languedoc
general
au Parlement
de G.
(1788):
par M.S.,
« Dites moi, citoyens du Languedoc,
dites-moi ce que vous prétendez-être? Vous croyez-vous citoyens? Réveillez-vous donc et devenez libres, sous l'égide des lois que tient la main seule de votre Roi... Dites seulement: nous
sommes
BE,
hommes
et citovens » (Moniteur,
I, Intr. p. 590).
Srgvks, Qu'est-ce que le Tiers Etat? (s]. 1789), ch. II:
«on
n'est pas libre
par des privilèges, mais par les droits du citoyen, qui appartiennent à tous [..]; la Nation alors épurée pourra se consoler, je pense, d'étre réduite à ne plus se croire
composée
que des descendants des Gaulois et des Romains.
En
vérité, si l'on tient à
vouloir distinguer naissance et naissance, ne pourrait-on pas révéler à ces pauvres citoyens
que celle qu'on
tire des Gaulois et des Romains
vaut au moins
autant que celle qui
viendrait des Sicambres, des Welches, et autres sauvages sortis des bois et des étangs de
l'ancienne Germanie » (il s'agit ici d'une vive réfutation des théories racistes de Boulainvilliers sur la noblesse).
150
comme on peut le voir dans leurs Dictionnaires, sans quoi ils tomberaient en l'usurpant dans le crime de Léze-Majesté: ce nom chez eux exprime une vertu et non pas un droit. Quand Bodin a voulu parler de nos Citoyens et Bourgeois, il a fait une lourde bévüe en prenant les uns pour les autres. M. d'Alembert ne s'y est pas trompé, et a bien distingué dans son article Genève les quatre ordres d'hommes (même cinq en y comptant les simples étrangers) qui sont dans nótre ville, et dont deux seulement composent la République. Nul autre auteur Francois, que je sache, n'a compris le vrai sens du mot Ci/oyen » (ibid.,
note).
Nous en reparlerons. B) La Révolution et l'Empire. Les solutions diverses et successives qui furent de 1789 à 1804, en ce qui concerne la conception
avancées et adoptées, et la définition de la
nationalité française ont été fort bien étudiées, par M. Vanel entre autres “ Elles faisaient d'ailleurs l'objet de mises au point excellentes chez les publicistes et les privatistes français du XIXème siècle, comme par exemple Laferriére et Serrigny. Ecartons d'abord une premiére source possible de confusion sur laquelle nous reviendrons et qui tient uniquement à des faits de langue: aussi bien au cours des discussions parlementaires que dans les textes eux-mémes
(lois ou constitutions),
le mot citoyen
est alter-
nativement ou parfois méme conjointement employé pour définir en somme les frangais, c'est-à-dire tous ceux, quels qu'ils soient, qui jouissent de la nationalité française, et d'autre part les "citoyens", c'est-à-dire ceux qui, je ne dis pas possèdent, mais ont la capacité d'exercer les droits politiques. La Constitution de 1791 (intégrant la Déclaration de 89) parle, d'un cóté, de tous les citoyens, c'est-à-dire bien évidemment tous les nationaux,
en tant par exemple
qu'ils sont "égaux
devant
la loi"
(Déclaration,
art. 6), et de l'autre, des citoyens "actifs", c'est-à-dire de ceux qui peuvent exercer les droits politiques, mais dont la définition n'intervient qu'à l'art. 2 de la Constitution. En revanche, au Titre II, art. 2, la définition des "citoyens français” est bien celle qui les oppose aux étrangers, c'est-à-dire celle
qui définit des nationaux 5. Ces flottements du langage (entre les mots de francais, citoyen tout court, citoyen actif) ont subsisté méme dans les constiM M. VANEL, op. cit., Deuxième partie, pp. 90ss. Parmi les ouvrages antérieurs, toujours très utile M. F. LAFERRIÈRE, Histoire du droit français, II, Paris 1838, pp. 109-150; 313-320; 504-566; voir aussi J. GonECHOT, Les institutions, cit. pp. 48-49; 76; 413; 460-61; 567; D. SERRIGNY, Traité du droit public des Français, I, Paris 1846, pp. 131-260. Les opinions de Serrigny, libéral orléaniste, sont intéressantes pour notre propos quand on sait qu'il était aussi un romaniste qui publia en 1862 un Droit public et administratif romain qui, à cette époque, sentait le fagot par son antibonapartisme et son anticléricalisme. 15 Décl. du 26 août 1789, art. 6: « (La loi) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, ..»; Const. du 3 sept. 1791, Titre II, art. 2: « Sont citoyens français: — ceux qui sont nés en France d'un père francais... »; Titre III, Sect. II, art. 2: « Pour étre citoyen actif, il faut,
151
tutions républicaines de 1793, comme l'a bien marqué par exemple, au cours de la discussion du projet de Constitution girondin, Lanjuinais, dans une longue et très pertinente intervention *. Il note bien, dans cette intéressante "méditation sur le droit de cité", les deux sens, souvent confondus, du mot citoyen, Dans un sens rigoureux, il ne peut s'agir que de ceux qui sont admis à exercer les droits politiques, en un mot, des membres du souverain (c'est
là une définition désormais admise: Lanjuinais n'est certes pas rousseauiste pour autant). Mais dans l'usage, « on applique cette expression à tous ceux qui sont du corps social», c'est-à-dire à tous ceux qui jouissent des droits civils. Et Lanjuinais relève cette faute aussi bien dans le projet de Déclaration que dans le projet de Constitution dont la Convention est saisie en avril 1793. Nous reparlerons de ces questions. Considérons donc simplement, pour l'instant, les décisions qui furent prises durant la période révolutionnaire, en ce qui concerne ce que nous appellerons la nationalité (quel que soit le mot que les contemporains aient utilisé). Sans entrer dans les détails, on peut noter, avec M. Vanel, plusieurs points. Ce qui fait le frangais, depuis 1789, c'est d'abord la naissance et la résidence sur un territoire, lequel sera méme, comme on sait, précisément défini par une Constitution, celle de 1795. Sans doute, la notion en quelque sorte raciale de français d'origine ne disparaît pas tout à fait, puisque les fils de français, sous certaines réserves, gardent une vocation à être français, mais,
comme on le voit à diverses occasions, l'obligation de résidence, pour ceux-là comme pour les étrangers ou fils d'étrangers, devient de plus en plus prégnante. S'il est bien entendu que tous ces frangais seront égaux devant la loi et porteurs de droits subjectifs, et s'il n'est pas question de retenir de force des citoyens à l'intérieur des frontiéres, il est remarquable cependant que dans les constitutions de 1793 comme dans celle de 1795 la résidence prolongée à l'étranger produit une présomption de renonciation à la qualité de frangais et que la récupération de la nationalité est soumise à des conditions relativement exigeantes. En d'autres termes, alors que la constitution de 1791 était, de ce point de vue, extrémement libérale, tant pour les étrangers que pour les frangais, on assiste, contrairement
à ce qu'on
attendrait,
à une fermeture de plus en plus nette dans les deux sens. Cette évolution est certainement
due à des causes circonstancielles et strictement
politiques:
à
la confiance pacifique des débuts de la Révolution, succèdent les crises militaires et les guerres civiles des années 93-97. Alors que des étrangers célèbres avaient été comptés comme des français et avaient méme pu être élus à la Convention ou employés dans les fonctions publiques, la crainte obsidionale des coalitions extérieures, l'obsession des "agents de l'étranger", le ressentiment contre les émigrés d'autre part, expliquent des faits comme le décret du 26 aoüt
1792, ou l'expulsion des étrangers
de la Convention
le 25 dé-
cembre 1793. De nationale, la Révolution se fait nationaliste. Le principe de
territorialité s’allie donc à celui de qualification politique (au sens idéologique du terme cette fois), pour marquer une opposition tranchée et pres16 Archives Parlementaires, LXIII, pp. 561-567.
152
que absolue entre les français et les autres; mais, dans “les autres”, sont comptés aussi des adversaires politiques du régime (les émigrés, les ennemis de l'intérieur). C'est le passage à la limite du principe de la volonté, sur lequel Rousseau avait fondé la participation au pacte social et politique. Passage à la limite qui figure déjà chez Rousseau sous la forme de la fameuse profession de foi civile. La période la plus ardente de la Révolution marque à coup sür, de ce point de vue, un raidissement, un abandon certain des tendances presque universalistes, en tout cas trés généreuses, de 1789. La seule conception entiérement différente qui s'exprime à cet égard, durant cette période, n'a guère de succès. Elle n'en est pas moins intéressante, malgré la personnalité ambigué de son auteur et la forme bizarre dans laquelle il l'exprime: il s'agit des idées défendues en février, et surtout le 24 avril 1793, par Anacharsis Clootz. Personnage à coup sür isolé, quoique célébre, qui n'est absolument pas représentatif de l'état d'esprit dominant. Mais il n'en
est pas moins remarquable qu'il ait opposé très fortement, comme on sait, la notion de genre humain à celle de nation, qu'il ait préché pour une citoyenneté universelle, qu'il ait dénoncé la souveraineté nationale (borresco referens!)
et qu'il ait montré avec une logique d'illuminé que les limites de l'idéologie qui fut à la base de la Révolution (celle des droits sujectifs de l'homme et de l'égalité) doivent étre étendues à l'universel, ce qui débouche à la fois, dans une anticipation frappante du Comtisme, sur la négation de Dieu, le culte de l'humanité, appelée par lui l'Etre suprême, et le rejet de la souveraineté nationale". Mais pour lui, dans un premier temps, cette marche vers l'unité devait passer par la réunion volontaire aussi étendue que possible des autres peuples à l'ensemble francais.
Passée la période révolutionnaire, le Code Civil va enfin fixer une doctrine de la nationalité qui, dans ses principes fondamentaux, ne sera modifiée que vers la fin du XIX*r* s., lorsque la conquête coloniale, puis le resserrement des engagements internationaux viendront changer presque du tout au tout la nature des problèmes. Il abandonne ! toute tendance utopique vers l'universalisme rêvé par Clootz, et reconnaît fondamentalement la distinction entre nationaux 17 Intervention
de Clootz à la Convention
le 5 février
368-369, à propos de la pétition des habitants de Schambourg);
1793
(Moniteur,
XV,
pp.
le 24 avril 1793 (Moniteur,
XVI, pp. 251-255, "Bases constitutionnelles de la République du genre humain"). Sur Clootz, dont la pensée est plus cohérente et plus originale qu'on ne dit (avec des anticipations frappantes d'Auguste Comte), voir A. SoBoUL, "Anacharsis Clootz, l'orateur du genre humain", Annales historiques de la Révolution Française, 1980, pp. 29-56 (article reproduit
comme
préface
à la réimpression
des Oeuvres,
Paris
1980).
Il faudrait
citer
tout le texte de cette "Constitution" (résumé d'ailleurs au Moniteur). « Les dénominations de Français et d'universel vont devenir synonymes, à plus juste titre que les noms de chrétien et de catholique ». Ailleurs: «j'ai dit et je répète que le genre humain est Dieu ». Le genre humain est formellement appelé “l'Etre suprême” (p. 251, col. 2). «Qui conque a la débilité de croire en Dieu ne saurait avoir la sagacité de connaitre le genre
humain,
le souverain
unique
[..]
je demande
la suspension
du
nom
Français,
à
l'instar de ceux de Bourguignon, de Normand... ». 18 PortaLIs, "Titre Préliminaire", Exposé des motifs (éd. Huyghe, I, Bruxelles 1805, pp. 26-27).
153
et étrangers. Il admet pleinement le passage de l'une à l'autre de ces caté-
gories — mais sous la réserve d'une manifestation expresse de volonté !: les étrangers résidant ou nés en France peuvent devenir Français, mais à condition de le demander expressément. Il faut pourtant aussi mentionner quelques principes trés généraux, issus d'une longue tradition du droit naturel, comme par exemple la disposition (toujours valable en France comme dans tous les pays civilisés) selon laquelle « l'étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités et la nation à laquelle cet étranger appartiendra » (C.C., art. 11). Notons cependant que cette formulation n'est que l'aboutissement (dà à la multiplication des conventions bilatérales d'établissement) d'un point de départ assez différent: l'étranger, dans la rédaction primitive (non adoptée) jouissait « de tous les avantages du droit naturel, du droit des gens et du droit civil proprement dit » (Livre Préliminaire, non adopté, I, ch. II, art. 5). Mais cette rédaction, comme le remarquait la Cour de Cassation, était défectueuse, « car il ne faut pas, comme l'ont fait les auteurs du Code Civil,
suivant en cela le droit romain, désigner le droit des gens comme un des éléments du droit civil». Tout compte fait, la doctrine française moderne, en ce qui concerne la définition de ce que nous appellerons la nationalité, a fini par se fixer, comme l'a bien dit M. Vanel, sur une sage position d'équilibre entre la vieille notion de jus sanguinis héritée, à travers une très longue histoire, du droit romain, et quelques éléments du jus soli (par l'importance accordée à la résidence pour l'acquisition de la qualité de Français). Dans le monde stabilisé de l'Europe post-napoléonienne, d'ailleurs, à
l'apogée de l'équilibre européen, ces questions n'avaient point de caractère dramatique. Mais il faut noter que, sur cet arrière-plan de conceptions juridiques assez strictes, se développent également des idéologies et des pratiques qui reposent sur d'autres principes. L'Ancien Régime hésitait entre le jus sanguinis et le jus soli; la France post-révolutionnaire avalise la notion de contrat et, dans la pratique, défend en général une notion très fortement consensuelle de la nationalité ?. Pour les Républicains, le "pacte fondamental" du consentement des Français à être Français, c'est la fête de la Fédération 2. Les annexions de territoires ne sont justifiées que si les peuples se sont prononcés. C'est pourquoi l'on renonce assez bien à celles décidées unilaté-
ralement par Napoléon. Mais son neveu retiendra la leçon, et seul le plé-
biscite rendra parfaitement 19 Livre complet
Préliminaire
(non
légitime retenu),
aux yeux de tous (et avec raison)
I, ch. III, Sect.
des travaux préparatoires du Code
Civil, II, Paris
1er, art. 13 (FENET,
Recueil
1836, p. 10).
Ὁ Cf. mes remarques dans L'idée républicaine en France, cit., pp. 400 ss. Bien que non retenue dans les textes constitutionnels, il y a accord implicite sur la définition de Sievès, Reconnaissance et exposition raisonnée des droits de l'homme et du citoyen, p.
11:
«La
Nation
est l'ensemble
des
associés
tous
gouvernés,
tous
soumis
à la loi,
ouvrage de leur volonté, tous égaux en droits et libres dans leur communication et leurs engagements
respectifs ».
A Cf. par exemple
E. CHAMPION,
L'esprit de la Révolution française, Paris
p. 359 (voir mes remarques dans L'idée républicaine en France, cit., p. 369).
154
1887,
le rattachement de la Savoie et de Nice en 1860,
Inversement, le scandale
ressenti unanimement par tous les secteurs de l'opinion française en 1871 lors de l’annexion de l’Alsace-Lorraine par les Allemands prouve que cette conception contractuelle et consensuelle de la "patrie" française, si clairement exprimée par Renan, avait très largement triomphé 2. Elle implique une
séparation sémantique et idéologique assez forte entre la "race", le “biologique", et la nationalité (malgré l'étymologie): on ne naît pas seulement français, on peut le devenir si on le veut, à titre individuel et collectif, et naturellement sans la moindre acception (en principe) de "race" ou de religion ?. A la condition toutefois, par cette libre adhésion, d'accepter la loi civile francaise. Ce dernier point soulévera, on le sait, de sérieuses diffi-
cultés en Algérie dés l'époque du Second Empire, ce qui peut étre interprété de diverses façons. Il n'en reste pas moins qu'en gros la France du XIXème s., surtout sous les Républiques, fut plutót libérale dans l'acceptation des étrangers et la concession de la nationalité française; trop libérale aux yeux, précisément, d'une réaction "nationaliste", aux tendances racistes, qui se développa à la fin du XIXème s, et triompha provisoirement en 1940. Ce libéralisme
(si on le considére à ses plus beaux moments) peut en apparence rappeler certaines caractéristiques de la civitas Romana, elle aussi indifférente à la race et à la religion, elle aussi consensuelle, puisqu'il faut (en général) la demander pour l'obtenir. Mais nous verrons tout à l'heure que de telles similitudes sont limitées et, tout compte fait, superficielles.
2.
Droit civils et droits politiques.
Plus important peut-étre pour l'histoire politique de la citoyenneté le probléme que j'ai déjà évoqué des rapports entre droits civils et droits politiques. C'est là un domaine où les innovations de l'époque révolutionnaire sont bien entendu essentielles et spectaculaires, pour la trés bonne raison que les droits politiques étaient inexistants sous l'Ancien Régime. A peine s'est-il agi, dés juin 1789, de rédiger une Constitution, que s'est posé dans toute son ampleur le probléme de leur définition, de leur possession et de leur exercice. Un mot d'abord sur cette distinction méme entre droits civils et droits politiques: nous la trouvons exprimée de facon fort claire et pertinente dés les débuts de la Révolution, lors des débats constitutionnels de 1789-91, Z RENAN, Nouvelle Lettre à M. Strauss, Paris 1871, où se trouve la fameuse formule: «la volonté qu'ont les différentes provinces d'un Etat de vivre ensemble ». 5. La négation formelle de toute distinction de naissance et le rejet de toute obédience religieuse qui se voudrait extérieure au consensus implicite qu'exige la citoyenneté française sont trés clairement indiqués dans l’art. 6 du Titre II de la Const. de 1791: «La
qualité
de
citoyen
français
se perd:
1°) par
la
naturalisation
en
pays
2°) par la condamnation aux peines qui emportent la dégradation civique, condamné n'est pas réhabilité; 3°) par un jugement de contumace, tant que n'est pas anéanti; 4°) par l'affliation à tout ordre de chevalerie étranger corporation étrangére qui supposerait, soit des preuves de noblesse, soit des de naissance, ou qui exigerait des vœux religieux» (repris dans l'art. 12 du la Const. de l'An IIT).
étranger;
tant que le le jugement ou à toute distinctions Titre II de
155
et bien entendu par exemple chez Sieyès. Plus tard les publicistes libéraux comme Benjamin Constant en feront le fondement même de leur doctrine, symétrique de la fameuse distinction entre la liberté des anciens et celle des modernes, Chateaubriand la définira encore en 1833 dans une page éblouissante #. Sans doute le vocabulaire peut hésiter: doit-on distinguer strictement ordre social et ordre civil, ordre ou droit public et droit politique (comme le veut par exemple un juriste orléaniste, Serrigny ? réservant l'expression droit politique au domaine étroit de l'organisation des pouvoirs)? Néanmoins la dichotomie entre tout ce qui touche aux rapports privés des hommes entre eux, à leurs rapports individuels avec la collectivité d'une part — et, d'autre part, leur participation aux actes politiques, est véritablement une notion commune et admise presque par tous. Les seules variations, historiquement importantes, ne porteront que
sur les conditions, les seuils de participation à l'exercice des droits politiques: ces derniers, comme le dira admirablement le Code (art. 7) sont du domaine des lois constitutionnelles et électorales — alors que les lois civiles sont, si l'on ose dire avec Chateaubriand, de droit naturel (bien que formellement
du domaine du législatif). Consensus quasi-universel, ai-je dit. A deux exceptions de marque prés, je crois: d'une part, bien sür, les partisans (extrémement rares) de l'absolutisme de droit divin qui, à la limite, nient tout droit politique; et, de l'autre (on le dit moins souvent), Rousseau qui ne
pense pas qu'on puisse vraiment distinguer les deux choses, puisque pour lui tout citoyen (c'est-à-dire tout homme, du moins dans le cadre de la cité)
est à la fois sujet d'un droit et auteur et garant de ce droit”. Mais c'est précisément le caractère génialement théorique de cette démonstration de Rousseau (souvent peu comprise) qui a occasionné tant de débats, de variations et d'hésitations dans la période qui nous occupe. Cette distinction est donc directement liée à la définition de la citoyenneté. De quoi s'agitil en effet? Essentiellement de deux choses fort simples: les qualifications requises d'une part pour l'accés aux emplois publics et aux fonctions politiques, d'autre part pour la participation au souverain, c'est-à-dire le droit de suffrage. On sait en gros comment fut traitée la question: en 1789 et 1791,
la majorité
de
l'Assemblée
(et sans
doute
de l'opinion)
accepte
la
distinction que Sieyés impose entre ce qu'il appelle les citoyens "actifs" et les 2 B. CONSTANT, De la liberté chez les modernes. Ecrits politiques (M. Gauchet, éd.), Paris 1980, pp. 494-495.
75 CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, IV* Partie, livre II, 6 (= Ed. Levaillant, IV, p. 93): «je ne pus jamais lui faire comprendre la différence qui existe entre l'ordre social et l'ordre politique; je me soumettais, dis-je, au premier parce qu'il est de droit naturel; j'obéissais aux lois civiles, militaires et financiéres, aux lois de police et
d'ordre émanát peuple %
public; mais je ne devais obéissance au droit politique qu'autant que ce droit de l'autorité royale consacrée par les siècles, ou dérivát de la souveraineté du ». D. SERRIGNY, Droit public des Français, cit., I, pp. 132-133.
T! Contrat Social Y, 6: «(Les associés) prennent collectivement le nom de peuple, et s'appellent en particulier citoyens comme participans à l'autorité souveraine, et sujets comme soumis aux lois de l'Etat ».
156
citoyens
"passifs".
Elle repose sur un certain nombre
de conditions,
pas
exclusivement censitaires d'ailleurs (Const. de 1791, Titre III, Sect. II, art. 2), mais aussi de nationalité (précisément), d'áge, de domicile, de “condition” (n'étre pas domestique), de capacité militaire (étre inscrit sur le róle de la
garde nationale), enfin politiques ou morales, puisqu'il faut avoir prété le serment civique #. Le suffrage "universel" (pour les mâles adultes de 25 ans, en fait) ne fut introduit qu'en aoüt 1792, pour les élections à la Convention, et consetvé dans tous les projets de Constitution de 1793”. Les clauses censitaires (ou les incapacités de condition), ainsi que le serment civique furent abolies. En 1795, en revanche, les trois restrictions principales sont réintroduites: obligation de s'inscrire sur le registre civique, de payer une contribution directe quelconque; sont de nouveau exclus les domestiques, mais admis en revanche, sans condition censitaire, les anciens soldats *. La Constitution de l'an VIII enfin rétablit le suffrage universel (mais, comme on sait,
pratiquement vidé de tout contenu). J'ai déjà parlé des incertitudes sémantiques
que
ces
restrictions
à la participation
politique
occasionnaient:
le
2 « Art. 2. Pour être citoyen actif, il faut: — être né ou devenu Français; — être âgé de vingt-cinq ans accomplis, — être domicilié dans la ville ou dans le canton depuis le temps
déterminé
contribution
directe
par
la loi;
au
moins
—
payer,
égale
dans
un
lieu
à la valeur
de
quelconque
du
Royaume,
trois journées
de
travail,
une
et en
représenter la quittance; — n' être pas dans un état de domesticité, c'est-à-dire de serviteur
à gages; — être inscrit dans la municipalité de son domicile au rôle des gardes natio nales;
—
avoir prété le serment
(art. 7) étaient encore citoyens
civique ». Les
plus restrictives. Mais
actifs pouvaient
être nommés
5 Const. de 1793: « Art. 4. Tout accomplis; [..] est admis à l'exercice des droits de citoyen se perd, ...». Le titre II, art. 1er: "Tout homme ágé
conditions
en
revanche
censitaires
pour
étre électeur
(Sect. III, art. 3) tous les
représentants.
homme né et domicilié en France, agé de 21 ans des droits de citoyen français. Art. 5. L'exercice projet de Constitution girondine précisait dans son de 21 ans accomplis et qui se sera fait inscrire
sur le registre civique d'une assemblée primaire, et qui aura résidé depuis, pendant unc année sans interruption, sur le territoire francais, est citoyen de la République» (et
l'art. 3 lui donne le droit de suffrage à seule condition d'une résidence de 3 mois dans une portion du
territoire).
3 Const. de l'An III, Titre II: «Art. 8. Tout homme né et résidant en France, qui, âgé de vingt et un ans accomplis, s'est fait inscrire sur le registre civique de son canton, qui a demeuré depuis pendant une année sur le territoire de la République, et qui paie
une
contribution
directe, fonciére
ou
personnelle,
est citoyen
frangais.
Art.
9.
Sont citoyens, sans aucune condition de contribution, les Français qui auront fait une ou plusieurs campagnes pour l'établissement de la République. Art. 10. L'étranger, devient citoyen français, lorsque aprés avoir atteint l’âge de vingt-un ans accomplis, et avoir déclaré l'intention de se fixer en France, il y a résidé pendant sept années consécutives,
pourvu qu'il y paie une contribution directe, et qu'en outre il y possède une propriété foncière, ou un établissement d'agriculture ou de commerce, ou qu'il y ait épousé une femme
française.
Art.
11. Les citoyens français
peuvent
seuls voter dans les assemblées
primaires, et être appelés aux fonctions établies par la constitution. Art. 12. L'exercice des droits de citoyen se perd, — 1°) par la naturalisation en pays étranger; — 2) par l’affiliation à toute corporation étrangère qui supposerait des distinctions de naissance, ou qui exigerait des vœux de religion; — 3°) par l'acceptation de fonctions ou de pensions
Offertes par un gouvernement étranger; 4?) par la condamnation
à des peines afflictives
ou infamantes, jusqu'à réhabilitation ».
157
même texte pouvait parfois désigner sous le même terme de citoyen (sans appliquer la commode mais péjorative distinction due à Sieyès) le simple "francais" bénéficiaire des "droit civils", du vrai "citoyen" exerçant la plé nitude des droits politiques. Néanmoins personne ne pouvait s'y tromper, bien que dans certains domaines un contentieux important ait pu surgir. Mais si l'on s'en tenait à ces rappels sommaires et approximatifs on risquerait de commettre de graves erreurs d'appréciation. Il faut en réalité lire de très près les textes et le compte-rendu des débats pour connaître les arguments invoqués, et pour comprendre que les variations de la loi constitution-
nelle dissimulent en réalité l'accord sur quelques principes qui servent de fondement implicite à la France moderne. Il faut noter d'abord que les modérés, partisans de qualifications restrictives du droit de vote ou d'éligibilité (et quelles que soient, bien entendu, leurs arrières-pensées conservatrices), protestaient (et certains avec bonne foi) que ces restrictions à l'exercice, à la jouissance effective d'un droit ne mettaient nullement en cause le prin-
cipe de l'égalité, puisqu'elles n'étaient attachées qu'à des circonstances indépendantes de la naissance et par là-méme relatives et passagéres. Rien n'est plus significatif à cet égard que la réponse à Brissot (exprimant le point de vue de la majorité de l'Assemblée) insérée au Moniteur du 20 mai 1791: «Il est aussi évident que le jour que la France a maintenant des citoyens passifs ou sujets. Cette assertion de l'auteur du Patriote français, page 514, répétée jusqu'à la satiété par une foule d'écrivains et de déclamateurs, ne doit pas rester plus longtemps sans réponse. Elle calomnie l'Assemblée nationale; elle outrage la constitution; elle avilit la majorité du peuple, et conséquemment le provoque au mépris et à la haine de la loi. La France est libre; donc personne n'y est sujet; donc cette dénomination flétrissante n'appartient à aucun de ses citoyens. Un homme né sujet est celui qui est condamné par le gouvernement de son pays à vivre et mourir assujetti à une volonté qui lui est étrangère, sans
pouvoir, par aucun moyen légal, sortir de cette condition avilissante. Ce vice existe dans tous les gouvernements qui ont admis la division de l'espèce humaine en plusieurs classes; mais il n'est pas vrai que cette institution barbare déshonore la constitution française: tous les hommes y sont égaux en droits politiques; et quoique l'exercice du droit de citoyen dépende de quelques conditions, le droit en lui-méme et l'aptitude à l'exercer n'en existent pas moins dans tous les citoyens, sans exception. Le droit de propriété existe dans un mineur; la loi n'en suspend que l'exercice. Il en est de même du droit d'activité pour les citoyens qui ne sont pas portés au rôle des contributions pour trois journées de travail. Il y a une grande erreur à confondre ainsi le droit avec les conditions requises pour l'exercer; une incapacité relative et passagère,
avec
l'inhabileté
absolue
et permanente;
l'inactivité
momentanée
d'un citoyen, qui peut aisément la faire totalement cesser, avec un assujettissement dont il ne pourrait étre délivré que par l'emploi de la force; enfin la simple suspension d'exercice d'un droit politique, avec la violation du droit des hommes. Il n'y a pas de citoyen frangais que quelques années de travail et d'économie ne puissent rendre habile à remplir toutes les fonctions publiques, au lieu que, dans les pays où l'espèce humaine est classée, tout individu est condamné à rester dans la classe où le sort de la naissance l'a fait tomber ».
158
Mais la même
argumentation —
appliquée cette fois pourtant à ce que
nous appelons le "suffrage universel" — se retrouve en avril 1793 dans la bouche du Girondin Lanjuinais, qui, dans un exposé d'une belle ampleur, montre, avec de précieuses remarques sémantiques dont j'ai déjà parlé, que toute constitution, méme la plus démocratique, implique certaines restrictions physiques ou naturelles à l'exercice de "droits" politiques *.
On peut d'ailleurs discuter (Rousseau l'avait fait, et les publicistes le font encore)
pour savoir si certains "droits", comme
le droit de vote, ne
sont pas déjà des "fonctions", pour lesquelles il est tout à fait légitime et
justifié d'exiger certaines qualifications. La question est essentielle —
car
d'un cóté elle touche aux principes (mais sur quoi les fonder?) du droit naturel, à l'égalité surtout; mais de l'autre, elle pose le probléme de la liberté et de la volonté, donc des Lumières et de l'éducation, Or (comme j'ai essayé de le montrer ailleurs) toute l'idéologie républicaine française a tourné, au XIX*** s., autour de la contradiction entre ces deux principes. Concrètement,
cela signifie par exemple qu'on se demande si l'on doit exiger des électeurs 3 Archives Parlementaires, LXIII, p. 562, 29 avril 1793: « Qu'est-ce qu'un citoyen français? Un écrivain qui nous a paru plus exalté que judicieux, et moins profond penseur que hardi néologue, répond par cette phrase brillante: “Sont citoyens français tous ceux qui respirent sur le sol de la République, et qui sont irréprochables”. Une courte analyse du mot citoyen va nous dire ce qu'il faut penser de cette règle, et combien elle est inexacte et insuffisante, méme dans le systéme d'égalité qui va faire Ia gloire et le bonheur de notre patrie. L'idée générale que réveille le mot de citoyen, est celle de membre de la cité, de la société civile, de la nation. Dans un sens tigoureux, il signifie seulement ceux qui sont admis à exercer les droits politiques, à voter dans les assemblées du peuple, ceux qui peuvent élire et être élus aux emplois publics; en un mot, les membres
du
souverain.
Ainsi,
les
enfants,
les
insensés,
les
mineurs,
les
femmes,
les
condamnés a une peine afflictive ou infamante jusqu'à leur réhabilitation, ne seraient pas des citoyens. Mais, dans l'usage on applique cette expression à tous ceux qui sont du corps social, c'est-à-dire, qui ne sont ni étrangers ni morts civilement, soit qu'ils aient ou non des droits politiques; enfin, à tous ceux qui jouissent de la plénitude des droits civils,
dont la personne et les biens sont gouvernés en tout par les lois générales du pays. Voilà les citoyens dans le langage le plus ordinaire. Les publicistes, et meme les législateurs, confondent souvent ces deux significations trés
différentes;
et de
là l'obscurité,
l'incohérence
apparente
de
certaines
propositions.
Vous retrouvez cette confusion presque partout; elle existe jusque dans la Constitution de 1791; on pourrait méme dire jusque dans la projet du comité de 1793. Citoyen désigne dans plusieurs articles de la déclaration des droits de ce projet, tout individu, quel que soit son áge, et soit qu'il jouisse ou non des droits politiques; cependant vous y trouvez,
sous le titre II que nous examinons, qu'il faut être âgé de 21 ans pour être citoyen de la République, et ensuite à quelles conditions le citoyen français peut jouir du droit de suffrage. La même faute se retrouve dans la déclaration des droits que vous avez décrétée. J'en conclus que la dénomination
de citoyen actif, inventée par Sieyès, serait encore
utile, méme aujourd'hui; elle répandrait de la clarté dans notre langage constitutionnel. Il faut bien se rappeler que ce mot actif ne s'appliquait pas à la seule distinction de fortune; il exprime trés bien la réunion de certaines conditions que la raison éternelle prescrit, ou que la volonté générale ne peut pas s'empécher de fixer, et dont dépend le droit de suffrage dans une assemblée politique ». 32 Cf. par exemple L. Ducurr, Traité de Droit Constitutionnel, II, 3. éd., Paris 1928, pp. 638 ss.; 712;
768.
159
certaines capacités intellectuelles. Et il n'est pas indifférent que l'Idéologue Daunou ait introduit dans la constitution de 1795 l'article 16: « Les jeunes gens ne peuvent étre inscrits sur le registre civique s'ils ne prouvent
savent lire et écrire et exercer une profession
qu'ils
mécanique » *. Le suffrage
universel pour tous (méme les ignorants) fut établi, sans retour, en France,
en 1848. La III*Me République en fit bien entendu la base de son credo. Pourtant, je note incidemment que toute une lignée de républicains (certains positivistes, mais aussi Jean Macé, le fondateur de la Ligue de l'Enseignement) posaient encore publiquement la question (en effet légitime et intéressante) en 1882... Ces discussions sont passionnantes pour l'histoire du droit public français. Elles ne font cependant que cacher de façon injuste et arbitraire des principes fondamentaux qui, introduits dès 1789 ou 1793, n'ont depuis jamais été remis en cause et constituent le fonds commun du droit public français. D'abord, le peuple souverain défini comme “l’universalité des citoyens français”
(art. 7 de la Const.
de
1793);
la loi conçue
comme
l’ex-
pression de la volonté générale (art. 6 de la Décl. de 1789). L'égalité de tous devant la loi, l'admissibilité de tous aux emplois public (sous réserve de qualifications définies par la loi). Plus profondément encore, le respect du droit écrit, le refus du "pouvoir des juges" (comme d'ailleurs du recours par le juge au pouvoir législatif pour trancher un cas de justice) 5, bref la souveraineté de la loi, réglent, bien plus profondément et durablement que les constitutions politiques, les rapports des frangais entre eux et détermi-
nent le contenu vécu de leur "citoyenneté". En ce sens, en effet, le Code Civil,
synthése
décantée
des
changements
intervenus
entre
1789
et
1800,
mais plongeant de lointaines racines chez les juristes et dans la législation de l'Ancien Régime, tout en affectant de ne traiter en rien des droits "politiques", a assuré pourtant, tout au long du XIX*"* siècle, par l’affirmation de ces principes, et l'adhésion qu'il recueillait, une sorte de garantie minimale, de "code des rapports civils" qui avait bien une signification politique et marquait les bornes qu'aucun pouvoir politique ne devait oser franchir. Les entorses légales aux principes que je viens d'énumérer ont été, en effet, fort rares et 33 La question avait été posée en 1793 lors des débats constitutionnels (rapport de Lanjuinais, Archives Parlementaires, LXIII, p. 566). Pour les justifications de la rédaction proposée par Daunou en 1795 cf. Moniteur, XXV, p. 224 (Creuzé-Latouche),
et surtout pp. 243-248; la fin de l'article 16 précisait d'ailleurs: d'exécution qu'à compter de l'an XII de la République ». * “Dialoque entre Jean Macé et Gambetta
εἰ plaidoyers
politiques
de M.
35 Les pages lumineuses cit, I, pp. 472-474) fondent
françaises.
Sur les influences
Gambetta,
11
«cet
article
n'aura
le 21 avril 1881", (J. REINACH, Discours
voll,
Paris
1880-1885,
cf. IX, p. 200).
de Portalis dans le Discours Préliminaire (FENET, Recueil, encore, pour une très grande part, les pratiques judiciaires
prédominantes
(beaucoup
plus modernes
qu'on
ne croit,
c'est-à-dire venues des juristes de l'Ancien Régime et du Droit Naturel), cf. la bonne mise au point d’A.-J. ARNAUD, Les origines doctrinales du Code Civil français, Paris 1969,
qui montre que l'influence de l'antiquité, si elle existe, est plus celle de la philosophie stoicienne que du droit positif romain, et qui insiste sur les emprunts à Domat, à Pufendorf, etc.
160
formels à Pothier,
de peu de durée dans le droit français contemporain. L'égalité devant la loi, par exemple, n'a été violée que par l'institution des majorats (et, bien entendu, les odieuses "lois raciales" de Vichy). En fin de compte, la citoyenneté francaise d'aprés la Révolution est fondamentalement consensuelle: pour limmense majorité des francais de naissance, le "contrat" qui la sous-tend est bien entendu implicite; mais ses régles d'acquisition montrent qu'elle n'est en rien une grâce ni un privilège. D'ailleurs — sauf par la conquête coloniale — elle ne s'impose pas, mais elle ne se refuse pas non plus trés durement. Une fois acquise ou possédée, elle implique une égalité quasi
absolue de condition juridique entre tous les citoyens. Cette égalité, malgré les apparences, et les restrictions imposées au droit de vote et à l'éligibilité durant les régimes censitaires (1795-1798,
maine
1814-1848), s'étend méme
des droits politiques, car ces restrictions
ne dépendent
pas
au do-
de la
naissance, mais de l'absence ou de la présence de qualifications que chacun, en droit, a la possibilité d'acquérir: elles sont purement circonstancielles, La citoyenneté française est donc une qualité juridique abstraite qui s'applique potentiellement à tout
frangais (sauf, bien entendu, à certains condamnés);
elle ne définit en rien un statut social. Elle est méme, sous cette forme moderne, consubstantielle à une société civile, à une idéologie qui nient trés fortement la notion méme de statut social, C'est pourquoi la doctrine répu-
blicaine française classique — qui développe logiquement et pleinement la conception des droits de l'homme et du citoyen — a répugné si longtemps à admettre la notion de classes sociales, tenues à la fois pour inexistantes et funestes, contraires à la fois au droit et au fait. Comme
Gambetta, la citoyenneté républicaine est créatrice
disait à peu près
d'égalité.
II. Citoyenneté romaine et citoyenneté française 1. La Révolution frangaise Ce rappel des bases du consensus civique français nous ramène à la question
initiale. Quand la France devient "République" ou méme "Empire" et les français "citoyens", quand nous pensons au décor, aux postures, au vocabulaire "à l'antique" de l'époque révolutionnaire et impériale, les correspondances
(ou
méme
les emprunts)
de vocabulaire
nous
autorisent
en effet à
nous poser des questions familières aux historiens comme aux archéologues: s'agit-il d'abord de ressemblances superficielles et fortuites, d'un simple habillage d'expression? Si les analogies sont plus profondes, s'agit-il d'une influence directe (par quel canal?), ou d'un phénoméne spontané de convergence — à quinze siècles de distance? Ces questions (essentielles pour l’his-
toire de Rome comme pour celle de l'Europe moderne) sont infiniment complexes * et je ne prétends certes pas ici en faire l'inventaire complet, encore % Le vocabulaire méme ordinairement utilisé par les historiens risquerait d'être trompeur — si le lecteur ne sentait pas qu'il n’est le plus souvent qu'une convention
161
moins leur donner une réponse définitive. Interrogeons-nous ensemble, bona fide. Ma première enquête, je l'ai dit, sera de type philologique. Les textes, en effet, ne manquent pas. Les parlementaires, auteurs des diverses déclarations ou Constitutions, les juristes (ou législateurs) auteurs des projets, rapports ou "discours" ayant accompagné les étapes de la codification ont abondamment parlé (et nous avons au moins la trame détaillée de leurs discours) et
écrit. D'innombrables publicistes ont imprimé leur opinion. Je n'ai certes pas tout lu. Mais d'un dépouillement des discours parlementaires (et de beau-
coup de discours aux clubs ou d'ouvrages d'orateurs connus), quelques indices ressortent, à mon avis. Il me parait que, au moins dans les débats qui ont porté de maniére précise et limitative sur les articles concernant la citoyenneté des déclarations, des constitutions, des codes, les références aux précédents romains ou, en général, antiques, sont relativement rares, et
méme, dans la mesure où elles existent, négatives. Je veux dire que le paradigme romain (ou antique en général) est formellement prendrai que quelques cas: pour Clootz, par exemple:
repoussé,
Je ne
«le peuple romain s'étudiait à perpétuer l'esclavage de l'Univers: le peuple français va s'occuper des moyens de perpétuer la liberté universelle » 57,
Mais je trouve presque la méme remarque de la discussion de la Constitution de l'an III:
chez Creuzé-Latouche,
lors
« Il ne faut pas que les Français soient des Spartiates...; ils ne seront point des Juifs, qu'un tas de rites superstitieux devait séparer pour des siècles de toutes les autres nations par une haine mutuelle. Ils ne seront point des Romains destinés à désoler, à ravager, à engloutir l'Univers, et à le concentrer
pour eux dans une seule capitale » #.
Mais ce ne sont pas des cas isolés. Je prends presque au hasard: Robespierre, le 10 mai 1793, dans un passage qu'on pourrait croire simplement métaphorique, s'écrie: « je hais autant que les patriciens eux-mémes, et je méprise beaucoup plus, ces tribuns ambitieux, ces vils mandataires du peuple qui vendent aux grands de Rome leurs discours et leurs silences. » *.
Mais il répond en fait à une proposition constitutionnelle précise et on peut
citer en sens inverse
commode.
(avec
Parker)
des
textes
comme
ceux de Lavi-
Qu'est-ce qu'une institution "qui évolue" ou “qui se survit”, εἰς.
Il ne faut
pas préter à qui emploie un tel langage un organicisme naif. Néanmoins il est nécessaire (au
moins
"en
laboratoire")
de
soumettre
de
telles
remarques dans “Histoire de l'antiquité classique l'Association G. Budé, juin 1975, pp. 231-258.
expressions
et
Science
à la critique.
Politique",
Cf. mes
Bulletin
7 Moniteur, XVI, p. 251.
38 Moniteur, XXV, p. 224. % Moniteur, XVI, p. 358.
162
΄
de
comterie, qui préconisait l'adoption du tribunat, ou de Rabaud Saint Etienne sur la censure — sans oublier Le tribun du peuple de Babeuf. Il est vrai. sans doute, que, sur le point précis qui nous occupe, le serment civique et
linscription sur les registres civiques (exigés, on l'a vu, de 1791 à 1795 pour l'obtention de la qualité de citoyens "actifs" ou de plein droit) sont clairement un emprunt à l'antiquité. L'inscription, en particulier, fut réclamée à la fois par Sieyès et Mirabeau. Mais lorsque ce dernier la défend éloquemment, c'est en invoquant, à très juste titre, l'exemple d'Athènes: «les Athéniens en particulier, qui avaient si bien connu tout le parti qu'on peut tirer des forces morales de l’homme, avaient réglé par une loi que les jeunes gens, après un service militaire de deux années, étaient inscrits à l'âge de vingt ans sur le rôle des citoyens » ®0. Inversement, lorsque Mailhe, en 1795, parlant de l'accueil des étrangers,
préconise une législation restrictive, il ne cite Rome thése (ce qui nous semble pour le moins discutable):
que pour appuyer
sa
« pourquoi seriez-vous moins difficiles que les Romains, chez lesquels le droit de citoyen fut l'objet de l'ambition des rois les plus puissants? » *!,
En fait, il suffit de consulter l'isdex du Moniteur pour constater que — contrairement à une impression — les références à Rome et à l'Antiquité sont infiniment moins nombreuses — je ne dis pas moins importantes ou signifiantes — que celles aux réalités contemporaines. Je me limiterai toujours aux séances où l'on a discuté les articles précis concernant la citoyenneté: on voit que la référence la plus fréquente est tout simplement
à l'Amérique, suivie par Genève et “la Suisse", puis la Hollande ou, sporadiquement, Génes ou Venise. Il est bien évident qu'une
telle réponse
est partielle et partiale:
un
quantitativisme aussi sommaire ne peut rendre compte de l'influence réelle de l’héritage antique — culturel, littéraire, politique, idéologique —
sur un
phénoméne aussi complexe que la Révolution. Quel poids réel attribuer, par exemple, à un point de détail, connu aujourd'hui des seuls érudits:
la tra-
duction française, en 1791, par un parlementaire de Montauban, d'une dissertation de Spelman, le traducteur anglais de Denys, sur le livre VI
de
Polybe,
de
suivi
d'une
comparaison
entre
la Constitution
romaine,
celle
l'Angleterre et celle de 1791? 9 Et si l'on pense aux influences majeures — Rousseau ct Saint-Just, Mably et Marat par exemple, sans parler de © Moniteur, II, p. 102. *1 Moniteur, XXV, p. 223.
4 Le fait intéresse les philologues parce que l'édition portante. Mais c'est en méme temps un témoignage sur un historiens, le "polybianisme" dans les pays anglo-saxons au France: alors — en l'absence de tout renseignement sur ce petit livre —
que conclure? On
attend
Spelman de Denys est phénoméne qui intéresse XVIIIème s. Rien de tel le tirage et la diffusion
imles en de
sur ce sujet les travaux de M. Raskolnikoff.
165
Billaud-Varenne et Robespierre —
il faudrait peser à une tout autre balance
le poids respectif des lectures de collège, des méditations
théoriques sur
les grands textes, ou tout simplement, l'homologie des situations. En fait, si l'on s'en tient toujours au dépouillement des débats parlementaires, l'allusion la plus claire et la plus officielle à Rome, à sa politique et à son destin apparaît fort tard: en février 1798, dans des circonstances très particulières, lors de l'entrée des troupes françaises à Rome et de l'établissement de la République Romaine. La lettre du général Berthier aux Directeurs, reproduisant également le discours prononcé par lui le 27 Pluviose an VI, est un beau morceau de pathos historique qui privilégie naturellement “les beaux temps de Rome", c'est-à-dire l'époque républicaine, et s'accompagne de l'appel obligé aux "Manes de Caton, de Pompée, de Brutus, de Cicéron" (Moniteur, XIX, p. 165): l'Empire n'est pas loin. Alors, la citoyenneté romaine? Sommes-nous tous vraiment des citoyens romains? 9 Cette affirmation d'un auteur contemporain est pour le moins hasardée. Et, de toute maniére, elle ne peut étre entendue que dans son contexte précis, et cum grano salis. 2.
Rome antique.
Il n'est pas question, bien sûr, de faire ici l’histoire, méme à grands traits, de la notion romaine de civitas et de l'évolution de son contenu: elle est d’ailleurs, grâce à des travaux récents et à des découvertes de nouveaux documents, relativement bien connue *. Insistons d'abord sur cette notion d'évolution: nous risquons — comme les hommes de la Révolution — de commettre la grave erreur de perspective qui consiste à écraser, à niveler une réalité qui a duré sur presque un millénaire. Il va de soi que la civitas Romana ne peut représenter la méme chose, par exemple, au temps de Polybe, au moment de la Guerre Sociale 5, sous Auguste, et dans les textes de droit des II*me et III*"* s, ap. J.C., compilés d'ailleurs à l'époque byzantine. Il faut tenir compte de l’histoire, des changements de dimension et peut-être 9 C. NicoLET, Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, 2. éd., Paris 1979, p. 528. * A.N. SHERWIN-WHITE, Tbe Roman citizensbip, 2. éd., Oxford 1973, reste la plus commode synthèse, avec le grand rapport de W. SEsTON, "La citoyenneté romaine", XIII Congrès International des Sciences historiques (Moscou 16-23 octobre 1970), Moscou 1973, I, 3, pp. 31-52 (= Ip., Scripta Varia, Collection de l'Ecole Française de Rome, 43, 1980,
pp. 3-18). Je fais bien entendu allusion aux divers commentaires qu'a suscités la publication de la Table de Banasa (cf. W. Seston, "Un dossier de la chancellerie romaine: la Tabula Banasitana. Etude de diplomatique", Comptes Rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 1971, pp. 468-490), en particulier le réexamen du papyrus de Giessen
(Constitutio antoniniana;
Les lois des Romains Camerino,
12], Napoli
cf. la notice excellente
[Pubblicazioni della Facoltà 1977,
pp.
de J. MopRzEJEwskr,
di Giurisprudenza
dans
dell'Università di
478-485).
5 Pour ce moment historique essentiel, W. SESTON, "La lex Julia de 90 av. J.-C. et l'intégration des Italiens dans la citoyenneté romaine", Comptes Rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 1978, pp. 529-542 (= In., Scripta Varia, cit., pp. 19-32).
164
de signe. Faire le bilan rapide de ces évolutions et de ces changements est le préalable nécessaire à toute comparaison légitime avec le cas français. Premier point, assez significatif en soi: le droit Romain n’a jamais ressenti la nécessité, à aucun moment de son histoire, de donner de la citoyen-
neté une définition globale, cohérente, "codifiée". Et pour cause, comme on verra: lorsqu'on se met à projeter ou ὃ rédiger des "Codes" à Rome (sous forme de Codices, ou d'Institutiones), il y a beau temps que le monde est unifié et qu'on n'a plus à distinguer le Romain du véritable étranger. Non qu'il ne soit nécessaire alors de définir des conditions d'accés à la citoyenneté, au contraire: mais alors la citoyenneté a cessé d'étre liée en soi à l'idée de “Romain” d'origine: elle a changé de signe ‘. Sans doute, dès l'origine (ou du moins dés la République moyenne et tardive) la citoyenneté est-elle, dans beaucoup de ses aspects, réglée par le droit; on plaide sur des litiges soulevés par les conditions mises à son acquisition ou à sa perte. Mais toujours sur des cas particuliers — et nous n'avons jamais eu, à notre connaissance, de réglementation globale comme celles qui sont attestées à Athènes en 452/51 ou en 419 av. J.-C. (pour une révision des listes en vue d'une distribution) *. Nous connaissons en revanche — dans des circonstan-
ces d'ailleurs comparables — des mesures de circonstances accordant la citoyenneté à tel groupe ou tel individu, quelquefois (trés rarement) comme conséquence automatique d'une condition préalable, le plus souvent comme manifestation de la volonté du peuple romain ou des ses magistrats. De méme que nous n'avons jamais eu de "constitution" à Rome, tout ce qui concerne la citoyenneté est le résultat d'une sédimentation séculaire — et demeure réglé aussi souvent par la coutume que par des textes écrits. Il est certain qu'à l'origine 5, et encore au temps des Guerres Puniques, la citoyenneté (cívitas, ius civitatis)
à Rome
n'est pas trés différente de la
πολιτεία de la plupart des cités grecques (ou sémites): c'est l'ensemble des droits et des charges que possédent en commun les "citoyens". C'est l'aspect abstrait du populus, défini comme la communauté, la collectivité extensive des citoyens. Et Rome n'est — au départ — qu'une “cité”, parmi d'autres: comme
toute cité elle admet et reconnaît l'existence d'autres cités, elles-aussi
pourvues de droits. Mais si, vers l'extérieur, elle admet au départ ses limites, elle n'en connait pour ainsi dire pas vers lintérieur. Je veux dire qu'elle est tout simplement assimilable à la collectivité des citoyens, qui s'appelle le 46 Un seul exemple significatif. Au Iléme s. ap. J-C., les manuels de droit ne définissent le citoyen que par rapport à l'esclavage, à l'affranchi (et à cette catégorie inférieure d'affranchis que sont les déditices — qui ne sont cependant pas ceux visés par la constitutio antoniniana)
(Gaius,
I, 12-35):
c'est un statut social, comme
on verra.
# Aristote, Atben. Pol. 26, 4; 42, 1; Plutarque, Per. 37; Philochoros, fgt. 119 J. Cf. C. Hicnerr, À History of the Atbenian Constitution to the end of the fifth century B.C., Oxford 1952, pp. 334 ss.; et M. J. OSBoRNE, Naturalisation in Athens, Rome 1981. 48 Je laisse de côté
le problème
très controversé
de l'unité
(ou
non)
du
droit
de
cité au temps des conflits entre plàbe et patriciat. Dans la terminologie romaine connue de nous (comme le dit déjà MoMMsrN, Droit public romain, Paris 1889, VI, 1, p. 3) les plébéiens sont toujours considérés comme des cíves. Certains, cependant, le nient.
165
populus. Le populus, c'est tout simplement la totalité des cives, en tant qu'ils agissent collectivement. Et le mot civitas désigne la condition globale, le statut de ces cives. À part les Dieux, rien n'est au-dessus d'elle — sinon,
assez tard et pour certains esprits, les vagues obligations du "droit naturel" (confondu par les Romains avec le "droit des gens"), de la morale, de la
piété, de l'amour du genre humain *. Dès lors on voit que la cité ne peut étre que souveraine, c'est-à-dire libre. Mais cette "souveraineté" (celle d'un Etat) ne s'exerce pas sur les citoyens Ὁ comme
sur des sujets, puisque
ce
"souverain" n'est qu'un étre collectif composé des citoyens. Ce sont au contraire les citoyens qui l'exercent. Tout citoyen est à la fois sujet et souverain,
selon le point de vue, parce que la cité est une communauté d'hommes libres. Mais la cité n'est pas au-dessus des citoyens. D'où — schématiquement — deux conséquences. D'abord cette citoyenneté (comme celle de la plupart des cités grecques, sauf conventions parti-
culières) est
exclusive‘,
C'est-à-dire qu'on ne peut, en principe, être
citoyen de deux ou plusieurs cités. En principe toujours, il faut choisir. En pratique, certes, la vie internationale, en Méditerranée, avait vu apparaître un certain nombre de procédures qui permettaient à certains individus ou à certaines collectivités de participer (effectivement ou, le plus souvent, à titre
potentiel ou honorifique) à plusieurs citoyennetés. Ce fut aussi le cas de Rome -— mais dans des conditions très spéciales et, si j'ose dire, à sens unique. Retenons pour l'instant plutót l'exclusivité de la cité romaine. Deuxiéme conséquence: l'équilibre, le bon fonctionnement, la durée d'une organisation politique du type de la cité romaine exigent que soit réalisée du moins approximativement une certaine égalité des droits entre les citoyens. C'est là une exigence qui a été fort bien exprimée sous forme théorique et philosophique au I* s. av. J.-C. par Cicéron 2, Egalité au plan juridique d'abord, devant la loi, et d'abord la loi civile (que les Romains appelleraient
plutót la loi privée). Egalité "politique" ensuite —
c'est-à-dire devant ce
que les modernes appelleraient la "fonction" législative ou exécutive —
ce
9 La hiérarchie stoicienne des devoirs qui, au-dessus des liens de la famille et de la cité, met ceux de l'espèce (le genre humain), est d'abord une idée morale et philosophique
(Cic. De off. III, 28); elle finit par passer dans les définitions du ius gentium
par rapport
au ius civile (Gaius, I, 1; Just, Inst. I, 2, 1, etc). Cf. C. Nicorer,
Le
métier de citoyen, cit., pp. 508-509.
359. Cette conception (réaliste et empirique, au contraire de la conception sophistiquée de
la
Nation
chez
les
Constituants
français)
exclut,
entre
autres,
toute
notion
de
"représentation" politique. Personne ne peut "vouloir" pour le peuple romain. 3! Cic, Pro Balbo, 28-30; Pro Caec. 100. 9 Cic., De Rep. I, 49: « si enim pecunias aequari non placet, si ingenia omnium paria esse non possunt, jura certe paria debent esse eorum inter se, qui sunt cives in eadem republica. Quid est enim civitas, nisi iuris societas? »; De Off. III, 21-33. J'ai longuement essayé d'expliquer l'application à Rome de la doctrine grecque de l'égalité géométrique dans Le métier de citoyen, cit., pp. 77-85 (Denys d'Halicarnasse, IV, 19-21); cf. aussi C. NicoteT, "L'idéologie du système centuriate et l'influence de la philosophie politique grecque", dans La Filosofia greca e il diritto romano (Accad. dei Lincei, Quad. N. 221), Roma 1976, pp. 111-137; et Ipn., Tributum, Bonn 1976, pp. 1-16.
166
que les anciens, beaucoup
plus concrets, appelaient les "charges"
et les
"avantages" de la vie en commun. La
citoyenneté
romaine
présentait-elle
ces caractéres?
Si l'on
se place
vers la fin de l'époque républicaine, on peut, je crois, répondre par l'affirmative, avec cependant de prudentes réserves. L'égalité de tous les citoyens romains devant la "loi civile" (en gros, le droit privé ou le droit criminel) est chose à peu prés acquise non pas exactement depuis les XII Tables (450 av. J.-C.), malgré l'expression fameuse et énigmatique de Tacite “finis aequi iuris" (Ann. III, 27) 9, mais à la fin du IV s, ou au début du III**e, quand s'effacent (sans jamais complètement disparaître) les derniers privilèges des patriciens. En gros on peut dire que les privilèges juridiques en matière privée civile ou criminelle attachés à la naissance (sinon à la fonction) disparaissent vers cette date, entre les citoyens bien sûr. Prétendre en revanche qu'existait à cette époque une égalité de droit politique peut sembler paradoxal: on objecte en général à cette prétention l'existence d'une "constitution censitaire", qui, entre autres objets, affecte le droit de suffrage et l'accés aux magistratures et au Sénat. Je le reconnais d'autant plus volontiers que j'ai insisté récemment sur ce dernier point. Mais les Romains faisaient, pour justifier ce systéme, à peu prés les mémes raisonnements que les Constituants de 1791: les discriminations censitaires sont variables comme la fortune, elles ne font donc, à la rigueur, que restreindre l'exercice de droits reconnus virtuellement à tous. Mieux encore: le système
compliqué des "classes" est tel que "personne n'est complétement privé du droit de suffrage" (et c'est exact à la lettre): il est simplement improbable qu'on ait à faire voter les derniers inscrits, ceux qui ne possèdent rien. En fait le système est conçu pour assurer en principe cet équilibre harmonieux des charges et des avantages de tous que la science politique ancienne appe-
lait "l'égalité géométrique" ou “proportionnelle” *. Et de fait, si l'on s'en tient à une certaine image qui nous est parvenue — à
travers Polybe, Ci-
céron, Tite-Live ou Plutarque — de la vie civique et de la vie politique romaines de la République, nous sommes dans un climat assez proche, semblet-il, de la Cité du Contrat Social 5, et cette image, comme on verra, explique bien des illusions et des malentendus. S Cette brève formule s'oppose en effet à la tradition, qui non seulement distinguait des dix premières Tables les deux dernières, imiquissimae (Cic., De Rep. II, 63, etc.), mais encore oppose l'assiduus au proletarius, pour le rôle de vindex; V, 8, qui distingue laffranchi de l'ingénu pour le droit testamentaire, etc. On l'explique en général par la négligence ou la rapidité de Tacite. 5. Cf. ci-dessus, n. 52. 55 Ce n'est pas un hasard (cf. ci-dessus, p. 146), si Rousseau consacre tant de place à l'analyse de la constitution "servienne". Ce "démocrate" approuvait et défendait d'ailleurs la constitution de Genéve, avec sa distinction entre les "habitants", les "bourgeois" et les "citoyens". Pour les éloges mesurés de la constitution servienne, Contrat Social IV, 4,
pp. 448-449 éd. Pléiade: «il fallait avoir des foyers pour obtenir le droit de les défendre, et de ces innombrables troupes de gueux dont brillent aujourd'hui les armées des Rois, il n'y en a pas un, peutétre, qui n'eüt été chassé avec dédain d'une cohorte romaine, quand les soldats étaient les défenseurs de la liberté », etc. Je compte revenir ailleurs sur ce sujet.
167
Non qu’elle soit entièrement fausse, Mais nous ne devons pas oublier les réalités sociales ni certaines données de base des civilisations antiques. Si la cité, démocratique ou modérément aristocratique, peut apparaître comme
un
petit monde clos où joue pleinement cette adéquation de la collectivité extensive de "citoyens" libres et souverains avec leur Etat dans l'égalité géomé trique, rappelons-nous plusieurs faits. D'abord, les "citoyens" ne sont qu'une minorité dans la totalité des habitants d'une cité, soumis à ses lois ou à sa
domination *. I] y a en premier lieu des esclaves, et d'anciens esclaves: les premiers sont presque totalement dépourvus de droits (quelle que soit la variété de leurs
conditions
matérielles
et sociales);
les seconds
(affranchis)
sont rarement citoyens "de plein droit". Il y a aussi des "étrangers" domiciliés, en fait éléments stables d'une population; il y a enfin — et c'est le cas de Rome
à partir de la fin du IV*"*
s, jusque vers 89-50
av. J.-C. —
des étrangers agrégés ou "annexés", des sujets ou demi-sujets qui, méme lorsqu'ils sont faits citoyens, ne le sont pas toujours opfimo iure. L'esclavage et ses conséquences d'un cóté, le phénoméne de conquéte de l'autre, occasionnent donc à l'intérieur d'un "Etat" l'existence de toute une série de statuts collectifs ou individuels qui, de toute maniere, limitent considérablement la portée de la citoyenneté relativement unitaire et égalitaire que nous avons évoquée. Mais il y a plus: égalitaire en théorie, presque égalitaire en droit, la civitas romana tardo-républicaine recouvre en fait une société "aristocratique”, "segmentarisée" (comme diraient les ethnologues), une société d'ordres
où chaque individu est porteur d'un statut (ius, condicio) qu'il doit en principe à sa fonction (ou à la vocation qu'on lui reconnait à certaines fonctions), mais qu'il doit en fait, le plus souvent, à sa naissance: l'héréditaire, le génétique affleurent constamment et concurrencent toujours les aspi-
rations vers un droit subjectif ?'. Or, l'évolution postérieure du droit romain et du contenu de la citoyenneté romaine ne va faire que développer ces deux tendances, l'éloignant toujours plus du modéle "civique", "républicain" (plutarquéen si l'on veut). D'abord, s'agrandissant sans cesse hors de l'horizon raisonnable et borné d'une cité "démocratique" (je veux dire: oà le peuple gouverne directement), Rome finit, comme on sait, par conquérir le monde, ou du moins, par le croire.
Cela signifie d'abord un changement considérable de la notion d'
étranger.
56 Les hommes du XVIIIème siècle n'avaient pas attendu Marx pour voir dans l'esclavagisme un trait fondamental (et déplorable) des sociétés antiques: je citerai seulement VorNEY, Leçons d'histoire, (éd. Gaulmier), Paris 1980, p. 141; cf. M. RaskoLNIKOFF, "Volney et les Idéologues: le refus de Rome", Revue Historique, 267 (1982), pp. 357-373.
5! Avec d'autres, j'ai, depuis longtemps, insisté sur ce point, empruntant certains termes ("segmentaires") à des sociologues, ou des ethnologues, d'autres (société "holiste", etc.) à des indianistes (comme L. Dumont, Homo bierarchicus, Paris 1966; Homo aequalis, Paris 1977). Je renvoie seulement à mes plus récentes mises au point: "Les
classes
dirigeantes
romaines
sous
la République",
Annales
ESC,
1977,
pp.
726-755;
Les structures de l'Italie romaine, 2. ed., Paris 1979, pp. 185-235; et enfin l'ouvrage collectif sous presse (C. Nicolet, éd.), Des ordres à Rome, Presses de la Sorbonne, Paris 1984.
168
Car, à la limite, il n'y a plus pour elle d'étranger extérieur, si j'ose dire; il n'y a d'étranger qu'à l'intérieur de l'Empire, d'une zone sur laquelle, en principe, les Romains, en tant que tels, exercent "un pouvoir", "une hégémonie", sont des "dirigeants" *, Dès lors, on peut dire (en allant très vite)
que dans une plus,
la hiérarchie des statuts leurs rapports avec Rome valeur en quelque sorte une série de situations
particuliers qui avaient défini des collectivités tout au long de la conquéte va cesser d'avoir internationale et définira en fait, de plus en fiscales et juridiques particulières, Dans cette
hiérarchie, la civitas Romana (condition juridique et sociale commune à tous ceux qui sont, d'un bout à l'autre du monde, cives Romani)
ne définit plus
la "nation" Rome, la cité (au sens d'Etat): elle définit un statut juridique et social privilégié ”. Or, le fait nouveau (et unique dans toute l'histoire des cités antiques) c'est que cette citoyenneté cesse d'étre exclusive (le tournant principal étant la Guerre Sociale de 91-88 av. J.-C.), que des étrangers la réclament, qu'on l'octroie en fin de compte libéralement (quelles qu'en soient les raisons). La fin du processus étant, comme on sait, la constitutio antoniniana de 212/214 ap. J.-C.: il n'y a plus alors, si l'on met à part les esclaves et les déditices, que des citoyens dans l'Empire 9. Mais ne nous y trompons pas: ce n'est pas là je ne sais quelle anticipation des rêves d'Anacharsis Clootz. D'abord parce qu'à cette date, loin d'étre restée exclusive des autres citoyennetés ou statuts, la civitas Romana leur est devenue seulement superposable (puisque les "droits", entendons surtout les charges, des statuts locaux antérieurs ne sont pas supprimés). Si cela est possible, c'est qu'elle se situe à un autre niveau. On le savait déjà au temps de Cicéron: la citoyen-
neté romaine est compatible avec celle d'une cité "alliée" située à l'intérieur de l'Empire (Gadès en l'occurrence), parce qu'elle est "plus grande”, c'est-à-dire à la fois plus vaste, et située, si j'ose dire, à un niveau supérieur. En bref, elle l'emporte toujours en cas de conflit juridique; et elle a ses principales applications dans une sphére de souveraineté "supérieure" à celle d'une cité alliée — la sphère des lois, des commandements, des armées, des intérêts "supérieurs" de Rome. Quand Rome sera devenue le monde, que signifiera une telle conception? Que la sphère de la "cité romaine" se confond 55 Sur le sens de la citoyenneté romaine pour les anciens "sujets" du Ilème ap. J.-C. un des textes (officieux) les plus significatifs demeure Aelius Aristide, El; Ῥωμὴν, 59-61 (voir essentiellement J. H. OLIVER, The Ruling Power. A study of tbe Roman Empire in the second century after Christ through the Roman Oration of Aelius Aristides (Transactions of the American Philosophical Society 43), Philad. 1953, pp. 900 et 919. 9 Cette évolution
institutionnelle
et sémantique
n'est pas réservée, comme
on
sait,
aux termes civis Romanus: on note la méme pour la condition de Latinus et de dediticius (Gaius I, 12). On sait méme, depuis peu, qu'i] existait un "droit italique" qui pouvait être conféré à un individu (et non seulement à une collectivité): J. TRIANTAPHYLLOPOULOS,
“Jus italicum personnel”, Iure, 14 (1963), p. 108. 60 Cf. ci-dessus, n. 44.
61 Cette conception, défendue et illustrée par Cicéron (ce qui prouve qu'elle était au moins défendable, sinon parfaitement admise) rejoint la notion de »rajestas populi Romani: Cicéron, Pro Balbo, 22; 35; De Legibus, II, 5 (NicorET, Le métier de citoyen, cit., pp. 65-68).
169
pratiquement avec ce que nous appelons le gouvernement. Tous les citoyens ne seront pas légionnaires, officiers, procurateurs, gouverneurs: mais il faut être citoyen pour être tout cela. Mais à mesure qu'elle peut s'étendre (en changeant fortement de signication, on le voit), la citoyenneté se modifie encore autrement. D'abord, avec l'Empire (entre 4 et 19 ap. J.-C.) elle finit par étre légalement vidée de tout
contenu politique direct: les "comices" qui se déroulaient à Rome méme pour le vote de quelques (trés rares) lois et l'élection des magistrats cessent d'étre
convoqués 9, Le citoyen romain cesse d’être un électeur (à Rome du moins). 'Le pouvoir, quoiqu'on en dise, a changé de nature; ses enjeux, ses jeux et ses secrets tendent de plus en plus à se circonscrire dans les cercles étroits de la Curie et du Palais — sauf en de rares occasions oü il s'exhibe pour quéter l'adhésion: mais cela n'a plus aucun rapport avec l'exercice, méme limité, de la souveraineté, qu'avait connu la République 9. Droit politique et droits civils sont à nouveau séparés, puisque seule la couche tout à fait supérieure de la citoyenneté, qui fournit les cadres de l'Empire, a désormais accés non d'ailleurs à la vraie décision politique (monopole de l'Empereur et de ses bureaux), mais à son exécution, à la haute administra-
tion. Or, en méme temps, une autre révolution s'accomplit. Le principe de l'hérédité des statuts, inégalitaire par excellence, est réintroduit (pour la prémière fois depuis trois siècles) par la législation augustéenne 4 en faveur ou au détriment (peu importe) des "ordres" supérieurs (ordre sénatorial et ordre équestre). Non seulement dans la sphére du droit politique, mais dans le droit privé et pénal lui-m&me (questions matrimoniales, testamentaires, exercice de certains métiers, délits de mœurs, etc.). Le ius Quiritium, qu'on avait pu croire un bloc unitaire, se diversifie, et on voit dés cette époque
s'y amorcer une distinction juridique et
civile
entre des “privilégiés”
(les membres des "ordres") et des "roturiers" (les bumiliores). Cette tendance triomphera non seulement dans la sphère du droit public — déterminant de plus en plus, par exemple, la condition fiscale de chacun — mais
dans le droit pénal, pour culminer au III*m* siècle dans l'extraordinaire inégalité des procédures et des peines qui s'appliquent, comme on le voit par les Sententiae réunies sous le nom de Paul, aux hosestiores et aux bumiliores $. Le droit privé lui-même connaît la même évolution, dans la mesure mant
& Impossible de citer ici la littérature immense consacrée à la Tabula Hebana, (confiret précisant Tac, Ann. I, 15); cf. W. SESTON, dans Les Lois des Romains, cit,
pp. 172-175; F. pe Martino, Storia della Costituzione romana, IV, 2* éd. Napoli
1974,
pp. 577-616.
9 C. ΝΊΟΟΙΕΤ, Les structures de l'Italie romaine, cit, pp. 448-451; et par exemple Z. Yaverz, Plebs and Princeps, Oxford 1969. % En dernier lieu C. NicorET, "Augustus, government and the possessing classes”, dans Caesar Augustus (Syme Colloquium) à par., Oxford 1984. € G. Carpascia, “L'apparition dans le droit des classes d''bomestiores' et d' 'bumiliores' ", Revue bistorique de droit français et étranger, 28 (1950), pp. 305-37; 461.85; In, "La distinction entre 'bomestiores' et 'bumiliores' et le droit matrimonial", Studi Albertario, II, Milano 1953, p. 665; P. GARNSEY, Social status and legal privilege in tbe Roman Empire, Oxford 1970.
170
par exemple où apparaît l'hérédité obligatoire de certaines professions, et donc des obligations et privilèges qui y sont attachés. Il est donc bien vrai, comme j'ai dit, que la citoyenneté tout entière apparaît, sous l'Empire, comme un statut supérieur, une véritable qualification sociale suffisamment attractive
pour être revendiquée. Mais à mesure qu'en effet le centre du pouvoir l'accorde à des catégories de plus en plus larges et nombreuses, des clivages et des
distinctions nouveaux (à coup sür un peu différents de ceux qu'ils remplaçaient) s'introduisent en elle. Elle cesse d’être unitaire et égalitaire.
3.
Comparaison.
Comparaison n'est pas raison. Pourtant il me semble que ces rappels historiques doivent nous conduire à répondre plutót négativement à notre question initiale. Dans sa pratique multiséculaire, et surtout à son point d'arrivée (disons telle qu'elle ressort du Corpus Juris Civilis) la citoyenneté romaine$ a bien peu de points communs avec la citoyenneté frangaise définie à partir de Ja Révolution sur la base infrangible de la Déclaration des Droits, de la souveraineté du peuple, du suffrage universel, de l'égalité de tous devant
la loi (civile ou politique). La citoyenneté française post-révolutionnaire, on l'a vu, est essentiellement contractuelle et consensuelle: maine, méme à l'époque oü elle coexistait avec d'autres, aussi nettement; elle cesse de l'être lorsque l'Empire a clos La citoyenneté frangaise, une fois acquise ou possédée,
la citoyenneté rone l'a jamais été. et unifié le monde. est juridiquement
égalitaire, et ce principe n'est pas méme affecté par l'existence, à certaines époques, de constitutions censitaires. La citoyenneté romaine, en apparence,
présente le méme caractére tant qu'elle a une dimension politique, vers la
fin de la République. Mais d'une part elle le perd lorsqu'elle perd cette dimension. D'autre part, elle ne concerne jamais qu'une minorité de la lation, puisqu'elle s'insére dans une société non seulement esclavagiste, encore "segmentaire" et pour tout dire aristocratique. À toute époque la citoyenneté romaine a toujours eu à quelque degré le caractère
popumais donc d'un
statut
quand
social. Mais
ce caractére devient
prédominant
sous
l'Empire,
elle règle en fait l’accès des individus et des collectivités à des privilèges judiciaires et fiscaux. Au méme moment d'ailleurs (au fur et à mesure qu'elle
s'étend à l'ensemble de la population libre), par une compensation naturelle, elle cesse d'étre unitaire: elle décrit, aux yeux du droit public comme du droit privé, des statuts divers —
l'un plus privilégié, l'autre moins, ce qui
accentue encore son caractére de qualification sociale. La citoyenneté française, en revanche, a été définie comme unitaire dès 1789, conformément à
l'idéologie des Lumiéres. Et ce trait n'a cessé par la suite de s'accentuer. Les différences l'emportent donc, à mon
avis, sur les similitudes;
et, tout
€ Comme avec la notion moderne de nationalité: je suis sur ce point d'accord avec F. pg Visscukm, "Jus Quiritium, civitas romana et nationalité moderne", Etudes de Droit Romain, III, pp. 99-116 (= Studi Paoli, Firenze 1953, pp. 239-251).
171
bien pesé, je ne pense pas que ce soit dans les précédents romains que les
Constituants et les législateurs français sont allés chercher leur inspiration ou leurs modèles. Leur attitude réelle et commune l'explique d'ailleurs assez bien: s'ils sont tous — juristes ou non — nourris, d'une certaine manière, du droit ou du souvenir de Rome, il sont tous aussi des hommes des Lu-
miéres, pénétrés de la vérité du Droit Naturel (et subjectif) et de l'empire de la Raison: il suffit de se rappeler que lorsque Portalis et Bigot de Préameneu, tout en abolissant solennellement le Droit Romain en France,
lui rendent hommage comme à la principale de leur source, ils le font en distinguant
soigneusement
ce qui,
en
lui,
représente
«la
Raison
écrite »,
« d'avec les rescrits des empereurs, espéce de législation mendiée, accordée au crédit ou à l'importunité, et fabriquée dans les cours de tant de monstres » '. A d'autres égards cependant la présence de Rome dans l'univers mental des Français du temps peut à bon droit être évaluée différemment, car la Rome républicaine, par l'entraíinement de la sémantique, est bien entendu survalorisée par la philosophie des Lumiéres (Rousseau et Mably) et par la politique révolutionnaire. Encore faut-il distinguer: Rousseau fait l'éloge, moins inattendu qu'on ne croit, du systéme censitaire de Servius Tullius. Ceux qui manifesteront, métaphoriquement au moins, le plus de sympathie pour cette Rome idéalisée sont les Jacobins et les Montagnards de la brève
période 1793-94:
encore retiennent-ils plus l'image d'institutions comme la
Dictature, la Censure, le Tribunat, que le statut réel du citoyen à l'époque
républicaine. Un peu plus tard, c'est l'image des tribuns populaires partisans de la "loi agraire" qu'exalte Babeuf: mais c'est un isolé, et ce n'était en tout cas pas l'opinion du Comité de l'an III. Tout au plus, lorsqu'il est fugitivement question, au moment de la rédaction hátive de la Constitution de 1793, d'une amorce de démocratie directe, évoque-t-on les comices romains, en insistant sur le nombre important de leur participants — ce qui vient directement de Rousseau et se trouvera encore chez Ledru-Rollin en 1849-1851.
Mais le plus remarquable, tout compte fait, est bien plutót ce qu'il faut appeler avec M. Raskolnikoff le "refus de Rome". Ce refus est aussi bien le fait de libéraux comme Madame de Staël et surtout Benjamin Constant, qui lui donnera une forme parfaite dans sa fameuse conférence De la liberté des Anciens... de 1819, que des républicains modérés, en particulier les auteurs de la constitution de 1795, comme
Daunou
et son ami Volney. Or ce
refus provient d'abord d'un excellent jugement historique: les républiques "populaires" de l'Antiquité sont, en fait, des aristocraties, parce qu'elles reposent sur l'esclavage, c'est-à-dire sur la plus radicale négation de l'égalité civile et des droits naturels. Il a aussi un aspect corollaire: la liberté des anciens est une liberté active, de "participation", d'exercice de tous les ins-
tants du pouvoir direct. Elle est donc incompatible d'une part avec l'individualisme, les libertés individuelles modernes (qui impliquent entre autre la 9 Discours
172
Préliminaire
(FENET,
Recueil
cit., I, p. 480).
libre disposition de leur temps par les individus), de l’autre avec les activités économiques et scientifiques qui sont heureusement le propre de la modernité. La liberté moderne, fondée sur les Lumières, l'industrie, le commerce,
implique la représentation. Les anciens Grecs et Romains n'ont pas eu la liberté parfaite. L'homme moderne doit se débarrasser de leur image contraignante comme il s'est débarrassé du Dieu des Juifs et des Chrétiens. Pourtant, d'un autre côté, la filiation des Républicains français (dont la doctrine se noue tout entiére pendant les années révolutionnaires) à l'égard de Rome et de son droit n'est pas une illusion. La doctrine, comme le droit positif d'Ancien Régime, n'avaient certes pas accepté sans résistances le droit romain: mais il est symbolique qu'à l'inverse des Allemands (jusqu'à l'Ecole Historique exclue), qui le recevaient ratione imperii, les Français ne l'aient jamais admis que imperio rationis 9. C'était reconnaître à coup sûr que,
malgré toutes les restrictions évoquées plus haut, il y avait dans la séculaire sédimentation du ixs civile une marche lente mais irrésistible vers le triomphe de la Raison par l'Unité, La citoyenneté romaine n'a jamais été, méme après
212, la citoyenneté de l'Humanité qu'avait révée Anacharsis Clootz:
elle
restait un statut personnel, et d'ailleurs inégalitaire. Il n'empéche: elle pouvait rendre compte assez bien, pénétrée qu'elle était de philosophie grecque et, plus tard, de christianisme, d'une vision de l'homme qui n'était pas trés éloignée de celle, parfaitement universelle celle-là, des Lumières. Rousseau pensait à la fois que la Démocratie n'existe pas, qu'elle suppose "un peuple
de Dieux", que les démocraties antiques étaient aristocratiques et d'ailleurs se nourrissaient de l'esclavage. Il n'empéche que le Contrat Social, ce livre
“abstrait” et quasiment fictif, consacre le sixième de ses pages à l'exposé de la "police des Romains": malgré l'opinion de Vaughan, je ne crois pas que ce soit par hasard. Constant et bien d'autres ont cru que le Contrat décrivait
prophétiquement la Terreur:
il décrit bien plutót la République "opportu-
niste" et scolaire de Jules Ferry. Et c'est en effet, je crois, l'originalité des Républicains Frangais, si modernes qu'ils se soient voulus et qu'ils aient été, en fait, dans l'Europe du XIXème siècle, d'avoir toujours, plus que d'autres, dans leur esprit cartésien et universaliste, caressé le réve inavoué d'étre, peutétre, une quatriéme Rome.
6 La codification en Europe l'Université octobre
formule est relevée par K. SOJKA-ZIELINSKA, "Le Droit romain et l'idée de du droit privé au siècle des Lumières”, dans Le Droit Romain et sa réception (Actes du colloque organisé par la Faculté de Droit et d'Administration de de Varsovie en collaboration avec l'Accademia Nazionale dei Lincei le 8-10
1973), Varsovie
1978, pp. 181-194.
173
HANS-PETER BENOEHR
LE CITOYEN ET L'ÉTRANGER EN DROIT ROMAIN ET DROIT FRANÇAIS Les premières dispositions, de portée générale, concernant la citoyenneté sont renfermées dans les Constitutions
françaises et dans le Code civil (les
dispositions les plus importantes seront reproduites dans la troisième partie de cet exposé). Ayant influencé les législations de presque tous les pays européens !, elles méritent d'être réexaminées par le ressortissant venant d'un de ces pays bénéficiaires. L'examen des textes en question sera à la fois historique et juridique ?. L'étude doit être historique parce que les dispositions résultent de la célèbre ‘transaction’ entre le droit romain et l'ancien
droit français. En méme temps, notre recherche peut se limiter à l'aspect juridique, en espérant que les autres cótés du probléme seront traités par des philosophes, linguistes, sociologues et politologues convoqués à ce Séminaire international.
Qui est donc le "citoyen" visé par le Séminaire sur "la notion de ‘Romain’ entre la citoyenneté et l'universalité"? On pense aussitôt au citoyen qui vit en communauté à un endroit qui est caractérisé par le temple et le marché, par les fortifications et le hall de délibération. Nous voyons l'homme qui s'adonne aux cultes, à la production et au commerce, à la
défense de sa famille et de ses biens, à la juridiction et à la législation *. C'est l'homme qui y participe activement et en assume aussi les charges. De ces faits, il se distingue des étrangers, des esclaves et de tous les autres qui sont dans le pouvoir d'un chef de famille. C'est ainsi que le civis Romanus est caractérisé par son status civitatis, libertatis et familiae. 1 H. Ἡβοκεκ, S/aatsangebórigkeit im Code Napoléon als europäisches Recht, Hamburg 1980. 2 Locré, Législation civile, commerciale et criminelle, ou Commentaire et complément
des Codes français, 16 tomes, édition Bruxelles 1836 à 1838. C'est notamment le tome I" qui fournit la base de notre recherche. 3 PogrALIS, "Discours préliminaire", in LocRÉ, Législation cit., I, pp. 162 ss.; v. aussi
infra, pp. 176; 188. 4 FusrEL DE CouLances, La cité antique, 25° éd., Paris 1919. Des descriptions plus nuancées et moins idylliques, in: Recueils de la Société Jean Bodin XXII à XXVII, Gouvernés et Gouvernants, Bruxelles
1969 et ss.
175
Nous nous proposons de relever le lien historique entre le civis Romanus et le citoyen français vivant deux mille ans plus tard. L'existence de tels liens est rendue probable par les paroles prononcées par Portalis dans son
Discours préliminaire du projet du Code civil: « Le droit écrit, qui se compose des lois romaines, a civilisé l'Europe. La découverte que nos aïeux firent de la compilation de Justinien, fut pour eux une sorte de révélation ... Dans le nombre de nos coutumes ... il en est aussi qui font honneur à la sagesse de nos péres, qui ont formé le caractére national, et qui sont dignes
des meilleurs temps ... Nous avons fait, s'il est permis de s'exprimer ainsi, une transaction entre le droit écrit et les coutumes, toutes les fois qu'il nous a été possible de concilier leurs dispositions, ou de les modifier les unes par les autres, sans rompre l'unité du système, et sans choquer l'esprit général » 5. En suivant le plan dessiné par Portalis, nous allons étudier, dans la premiére partie de notre exposé, le droit romain, dans la deuxiéme, l'ancien
droit français, et dans la troisième, le résultat de cette 'transaction', à savoir la Constitution de 1791 concernant le "citoyen" et le Code civil de 1804 regardant le "Francais". Le résultat de cette ‘transaction’ se manifeste dans la Constitution de 1791 et dans le Code de 1804 pour la première fois; pour ce motif nous avons étudié, de manière assez détaillée, ces deux législations,
sans alourdir notre discours des développements ultérieurs.
I. Le droit romain
Les légistes du moyen-âge, Domat au 17*"*, Pothier au 18*"* siècle ‘, les Constituants, puis les rédacteurs du Code, la doctrine et la jurisprudence du
19ème siècle se réfèrent constamment
au droit romain, à un droit
romain compris conformément aux conceptions de leur temps et assez différent de l'idée moderne du droit romain classique. Le droit romain pouvait ainsi livrer les modéles
pour l'attribution ($
1), la perte ($ 2) et la signi-
fication ($ 3) de la qualité de citoyen français ou d'étranger '. 5 PortaLIs,
"Discours
préliminaire",
in Locré,
Législation
cit,
I, pp.
162 5.;
v.
aussi infra, p. 188. 6 J. DoMar, Les Loix civiles dans leur ordre naturel, le droit public, et legum delectus, 2 tomes, nouvelle édition, Paris, 1777; R.-J. Pormer, Oeuvres, 3 volumes, édition Paris 1830, notamment “Traité des Personnes", in Oeuvres I, pp. 15s.
7 J. Gitissen, "Le statut des étrangers à la lumière de l'histoire comparative", Recueils de la Société Jean Bodin, vol. IX, L'étranger 1, Bruxelles 1958, pp. 5ss.; F. DE VissCHER, "La condition des pérégrins à Rome, jusqu'à la Constitution Antonine de l'an 212", Recueils cit., pp. 195ss.; P. CATALANO, Linee del sistema sovrannazionale romano, I, Torino 1965; Ip., Populus Romanus Quirites, Torino 1974; J. GAUDEMET, Institutions de l'Antiquité, Paris 1967; M. Kaser, Das rômische Privatrecht, 2* éd., 2 Abschnitte, München 1971 et 1975; CL. NicoLET, Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, Paris 1976; R. ViLLERS, Rome et le droit privé, Paris 1977; O. CanMET, Etude
critique de la distinction entre la condition des étrangers et les conflits de lois, Thèse, Paris
176
I, 1977, p. 180, n. 1:
«La
tradition
historique est ici continue ».
1.
L'attribution de la qualité de citoyen A)
Le status civitatis était lié uniquement
à la filiation, sans
"aucune
référence à une donnée territoriale" *. Durant le haut moyen-áge, cette règle se confondait vraisemblablement avec celle de la personnalité des lois des
peuples germaniques ἢ. Effacé ensuite par le principe de la territorialité, le principe du ius sanguinis est de nouveau reconnu vers la fin de la monarchie !°. Pothier explique que les Romains « regardaient comme citoyens, ainsi que dans notre droit francois, tous ceux qui étaient nés de citoyens, quoiqu'ils ne fussent pas nés à Rome, ni méme dans l'étendue de l'Empire romain: c'est ce que remarque Cujas » !!, La
méme
maxime,
avec
certaines
modifications,
trouve
son
expression
dans la Constitution de 1791. Comme « maxime nationale de tous les temps », elle est encore énoncée dans l'article 10 du Code civil". B) A Rome, le conubium
ou le commercium,
la simple civitas sine suf-
fragio ou bien la civitas optimo iure pouvaient étre accordés à un étranger. La concession de tels droits devint de plus en plus fréquente jusqu'à la constitutio Antoniniana de Caracalla en 212 après J.-C., qui conférait le droit de
cité à la presque totalité des habitants libres de l'Empire ". En France, les seigneurs, plus tard le roi seul, pouvaient accorder des “lettres de naturalité”. La Constitution de 1791 précise, premièrement, sous quelles conditions «ceux qui, nés hors du Royaume de parents étrangers », 5 GAUDEMET,
op.
cit., n° 246,
d'un père citoyen au moment matrimonium
…
p.
360:
«Est
de la conception
il suit la condition
de
sa mère
Das rômische Privatrecht cit., I, pp. 32; 279; 9 BrissAUD,
Cours
d'bistoire
du
droit
citoyen
l'enfant
né
en
justes
noces
... Si l'enfant n'est pas né d'un iustum au
moment
ViLLERS, français,
de
la naissance».
KasEm,
p. 33. I,
pp.
56ss;
150ss.,
cité
par
M. VANEL, Evolution historique de la notion de Français d'origine, du XVI* siècle au Code civil, Thèse, Paris 1945, pp. 17 ss.; K. NEUMEYER, Die gemeinrechtliche Entwicklung des internationalen
Privat.
und Strafrechts
bis Bartolus,
2 Stücke,
1901
et 1916
(Réim-
pression Berlin 1969); F.-L. GANsHor, "L'étranger dans la monarchie franque", Recueils de
la
Société
Jean
Bodin,
X,
L'étranger
II,
Bruxelles
1958,
pp.
19ss.;
v.
aussi
la
conférence de M. K. F. WERNER, Personnalité ou territorialité de la loi - un vieux problème de l'histoire des royaumes
barbares
en Occident,
Paris
1982.
10 M. VANEL, op. cit., pp. 49 ss., situe «croissance et triomphe du ius sanguinis » à la fin du
16*me siècle, marqués par l'arrêt de l'Anglese du Parlement de Paris, en 1576.
ll PorHier, "Traité des Personnes" cit., titre II, sect. Iére, p. 6: «Des enfants nés dans un pays étranger, d'un père françois ... sont aussi Francois» — le Projet et le Code utiliseront presque les mémes paroles —; vient ensuite, p. 7, le passage cité dans le texte. 12 Const. 1791, Titre II, art. 2; les Constitutions ultérieures ne connaîtront plus le ius sanguinis, selon M. VANEL, op. cit., p. 91. Cfr. Projet de Code civil de l'an VIII, Livre I”, titre I”, ch. I", art. II; SIMÉON, "Rapport", in Locré, Législation, cit.
p. 431. 13 GAUDEMET,
op.
cit., n°
194,
p. 278;
n° 246,
p. 361;
n°
375s.,
pp.
526ss.;
Kaser, Das ròmische Privatrecht cit., I, pp. 32; 215 ss.; 282; NICOLET, op. cit., pp. 31 ss.;
Viens,
Rome cit., pp. 33; 205 ss.
177
deviennent citoyens, et elle réserve, deuxièmement,
au « Pouvoir législatif »
le droit de « donner à un étranger un acte de naturalisation » !*. 2.
La perte de la qualité de citoyen
A) Le status civitatis se perd, aussi bien naturalisation dans un pays étranger ". B) Le méme
effet est attaché,
à Rome qu'en France, par la
à Rome, à des condamnations
pour crime
d'Etat, pour meurtre ou pour d'autres crimes importants. L'effet, désigné comme capitis deminutio, était équivalent à la mort naturelle: civili ratione capitis deminutio morti coaequatur ἰδ. En ce qui concerne l'ancien droit français, Pothier nous informe que « la mort civile » était la « suite d'une condamnation » à mort, aux galères
à perpétuité ou au bannissement à perpétuité et hors du royaume. La constitution de 1791 prévoit que «la qualité de citoyen français se perd ... par la condamnation aux peines qui comportent la dégradation civique ». Conformément «aux ordonnances et à la jurisprudence ancienne », les Codes civil et pénal menacent certains crimes de la mort civile. Le condamné perdra ainsi sa propriété, il ne pourra plus disposer de ses biens, et son mariage sera dissous, pour ne nommer que les effets les plus saillants "". 3.
La signification de la qualité de citoyen ou d'étranger
Quels sont les droits et devoirs du citoyen et de l'étranger? Les réponses ne varient guère avec les différentes époques de l'histoire. Les solutions dépendent plutót des grandes divisions en droit public, droit civil et droit des gens. A) La première grande séparation, celle en droit public et droit privé, est déjà tracée par Ulpien: « Publicum ius est quod ad statum rei Romanae spectat, privatum quod ad singulorum utilitatem » ἴδ, Bodin fait la distinction entre le civis qui est citoyen de la République 14 Const. 1791, Titre II, art. 3 et 4. VANEL, op. cit., p. 20. 15 Const. 1791, Titre II, art. 6, n° 1; C. civ., art. 17 n° 1. Porurem, "Traité des Personnes" cit, Titre II, sect. IV, p. 10; BouLay, "Exposé de motifs", in Locré, Législation cit, I, pp. 426ss.; TREILHARD, "Exposé de motifs", in Locmé, Législation cit., I, pp. 468 ss.; GAUDEMET, op. cit., n° 248, p. 364; Kaser, Das rômische Privatrecbt cit., I, pp. 280 ss.
MET,
16 Gai. 3, 153. TH. MoMMSEN, Rómiscbes Strafrecht, Leipzig 1899, p. 957; GAUDEop. cit., n° 248, p. 365; KASER, Das rômische Privatrecht cit., I, pp. 2805s.;
ViLLERS, Rome
cit., pp. 33; 238 ss.
U Const. 1791, Titre II, art. 6, n° 2 et 3; C. civ., art. 22s.; Code pénal art. 18. PoTHIER, "Traité des Personnes" cit., III, sect. II, p. 13; BouLay, "Exposé de motifs", in Locré, Législation cit., I, pp. 427ss.; Truessé, "Rapport", ibid. I, pp. 440ss.; TREILHARD, "Exposé de motifs", ibid., I, pp. 469 ss.; GARY, "Discours", ibid., I, pp. 477 s. 18 Ulp., Dig.
178
1, 1, 1, 2.
et le civis urbanus, membre ou habitant d’une ville; c'est le droit public qui
déterminera les rapports entre le civis et la République à laquelle il doit toute obéissance P, Rousseau qualifie de citoyen celui qui est membre de la "per-
sonne publique", de la "République", de l'"Etat" ?. Le méme terme est employé par les Constitutions. Les droits politiques « sont réglés et assignés par la Constitution; ils forment le droit de cité que les Romains appelaient ius civitatis; ils composent la liberté publique et constituent le citoyen, en prenant ce mot dans son acception stricte et rigoureuse », selon l'orateur du gouvernement ?!. A Rome, les droits politiques sont réservés aux citoyens romains, Il comportent, avant tout, le ius suffragii, le ius bonorum (éligibilité) et le pri-
vilége de servir dans les légions. La méme exclusivité sera exercée en France. Le gouvernement, la justice et la législation y restent interdits aux étrangers. Au "droit politique" en ce sens, les rédacteurs du Code vont opposer deux autres "espéces de droits" ?. B) En 1801, lors des travaux législatifs, Siméon cite presque textuellement l'explication du juriste Gaius, explication conservée dans le Digeste par lempereur Justinien: « Tous les peuples qui sont régis par des lois et des coutumes font usage d'un droit qui est en partie leur propre droit, en partie un droit qui est commun à tous les hommes ... » (Dig. 1,1,9) *. D'un cóté, il s'agit du «droit civil, qui est le droit propre à chaque nation et qui la distingue des autres », c'est le droit « appelé plus particulièrement par les Romains ius Quiritium », et qui «ne doit point se communiquer aux autres nations ». De l'autre côté, se trouve «le droit naturel ou général, qui se trouve chez toutes les nations », qui déploie ses effets « à l'étranger comme au citoyen », et pour lequel « il suffit d’être homme » 2. « L'ancienne distinction des droits civils et des gens, apparue sous l'empire de l'ancien droit », est encore reprise au 19*"* siècle pour l'interprétation de l'article 11 du Code civil, article clef en notre matière *. 19 J. Bonn, Les six livres de la République, €d. Paris 1583 (réimpress. Aalen
1961),
L I, ch. VI. 2 J.J. Rousseau, Du contrat social ou principes du droit politique, éd. Classiques Garnier, Paris s.d., pp. 235 ss.; livre I*, ch. VI, pp. 244ss. Rousseau reproche à Bodin d'avoir «fait une lourde bévue », en prenant les «citoyens» pour les « bourgeois ». V. cependant J. BopiN, Les six livres de la République, cit., 1. I, ch. VI, pp. 68ss.; M. RiepeL, "Bürger, Staatsbürger, Bürgertum", Geschichtliche Grundbegriffe, Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, Herausgegeben von O. BRUNNER, W. Conze, R. KoseLLEck, I, Stuttgart 1972, pp. 672 55.; 678. 71 C. civ. art. 7; cfr. déjà Livre I", titre I", art. I* Projet de l'an VIII. DererMON, "Conseil d'Etat", in Locri, Législation cit., I, p. 364; BouLay, "Exposé de motifs", ibid., I, p. 422. 72 CATALANO, Linee cit., p. 132; GAUDEMET, op. cit., n° 247, p. 363; NICOLET, op. cit., passim; VILLERS, Rome cit., p. 32. 3 Gary, "Discours", in Locré, Législation cit., I, pp. 472 ss. % Cfr. Gaius, Inst. 1, 1; Justin, Inst. 1, 2, 1. 3 BouLay, "Exposé de motifs”, in Locré, Législation cit., I, pp. 422ss.; GARY, “Discours”, ibid., I, pp. 472 ss. 36 V. infra, pp. 184 ss.
179
Les débuts du ius civile ou ius Quiritium nous sont inconnus. Il nous parait vraisemblable que le droit romain, dans une premiére période, fut destiné à régler les problèmes entre les chefs de famille romains. Dans cette hypothèse, le droit n'avait rien à prévoir pour les étrangers, Nous ignorons si un étranger était considéré comme
d'homme
ennemi, hostis, s'il gardait son statut
libre, ou si encore il pouvait se soumettre à la protection d'un
Romain ?. Dans une période archaïque qui est déjà plus proche de la nôtre, la religion, la défense et l'égoisme du groupe faisaient interdire le mariage avec une personne en dehors de la collectivité; et sans comubium, il n'y avait pas de matrimonium iustum. Pour les mémes motifs, les étrangers devaient s'abstenir de recueillir des héritages à Rome. Ils ne pouvaient non plus s'obliger valablement, car l'usage des formules sacrées, telle la sponsio,
leur était interdit. Exclus de la mancipatio, ils n'avaient pas accès à l'acquisition de biens importants. La procédure par legis actio leur était aussi interdite 2. Encore en droit romain classique, le droit de famille, la testamenti factio, la mancipatio, in iure cessio et usucapio étaient réservés aux citoyens romains.
Gaius explique dans le texte cité ci-devant: « Mais le droit que chaque peuple se donne à lui-même, c'est le droit propre de sa cité et est appelé ius civile, pour ainsi dire le droit propre de sa civitas ... » ? Au moyen áge, le dualisme du droit civil et du droit des gens détermine si l'acte juridique accompli par un étranger est nul ou s'il est valable. Les actes relevants du droit civil sont frappés de nullité, les autres sont retenus valables. Le droit romain fournit ainsi les notions pour saisir, avec précision, une situation sociale préexistante. En revanche, il n'est pas vraisemblable que le droit romain ait produit la mauvaise situation des étrangers au moyen áge. On observe, en ce contexte, que bon nombre de régles concernant l'étranger appartiennent au droit féodal et que la position de l'étranger est souvent plus favorable dans les pays de droit écrit, régis par le droit romain, que dans les pays de droit coutumier *. Pothier constate que «les étrangers jouissent de tout ce qui est du droit des gens », mais qu'ils n'ont pas part à 2 F. De VISSCHER, op. cit., pp. 195 ss.; CATALANO, Linee cit., pp. 51 ss.; GAUDEMET, op. cit., n° 194, p. 278;
KASER,
Das rômische
Privatrecht
cit., I, pp. 35 ss.; pp. 281 55.
25 CATALANO, Linee cit., pp. 51 ss; GAUDEMET, op. cit., n° 247, p. 365; n° 377, p. 532; P. Ourrac et J. DE MALAFOSSE, Histoire du droit privé, III Le droit familial, Paris 1968, pp.
167 ss.;
214ss.; p. 45;
402;
309 ss.; Kaser,
414;
ViLLERS,
419;
Rome
Das
682ss.; cit., pp.
5 Gaius Dig. 1, 1, 9. Les directement notre sujet.
rômische
In, 33;
Privatrecht
Das 212;
autres
rómiscbe
cit., I, pp.
35;
75;
Zivilprozessrecht,
136;
2015ss.;
München
1966,
468.
significations
de
ius civile
ne concernent
pas
3 FoLain-Le Bras, Un projet d'Ordonnance du chancelier Daguesseau, Thèse, Paris 1941, cité par CARMET, Etude cit., pp. 110; 144 55.; M. BouLET-SAUTEL, "L'aubain dans la France coutumiére du moyen âge”, Recueils de la Société Jean Bodin X, L'étranger II, Bruxelles 1958, pp. 65ss.; R. ViLLers, "La condition des étrangers en France dans
les trois derniers siècles de la monarchie”, Recueils cit., pp. 139 ss.; CARMET, Etude ait, pp. 113 ss.; 117 ss.; 133 ss.
180
« ce qui est du droit civil » ". En 1801 encore, l'orateur du gouvernement veut rappeler que « les Romains, que l'on ne peut s'empécher de citer quand il s'agit de législation, avaient, à l'égard des étrangers, un systéme totalement
exclusif » ἢ, C) En réalité, le système
romain n'était nullement "exclusif" envers les
étrangers, On se souvient qu'un nombre toujours grandissant d'étrangers fut doté du droit de cité ". Le droit romain reconnaît aussi les mariages, les autres actes entre vifs et les successions entre
étrangers,
sans toutefois les
considérer comme actes valables au sens du ius Quiritium. L'ouverture vers les systémes juridiques étrangers est également confirmée par la légende selon laquelle une commission se serait rendue en Gréce pour étudier les lois de Solon avant d'établir les Douze Tables. La méme ouverture est favorisée par l'introduction d'institutions juridiques étrangères, notamment pour le commerce, les banques et les transports maritimes *. Vers la fin des guerres puniques, l'expansion militaire et l'essor économique rendent les contacts avec les étrangers si forts qu'ils nécessitent la création d'une magistrature spéciale, celle du praetor peregrinus. Les étrangers sont admis à utiliser certaines institutions romaines sans aucune modification, notament le mutuum pour le prét d'argent. D'autres contrats sont adaptés aux nouveaux besoins. La stipulatio, qui est la promesse d'une prestation quelconque, est modifiée dans ce but. Le mot spondere, réservé aux Romains, y est remplacé par des verbes comme promittere, qui peuvent valablement être employés par tout le monde. Les formules du ius civile sont modifiées par la fiction si civis esset. De cette manière, le préteur protége les biens des étrangers par des actions en dommages-intéréts. A la méme époque, il accorde des actions pour des affaires qui, d'aprés l'ancien droit civil, n'avaient pas d'effet juridique. Il reconnaît que la simple traditio peut
transférer
la propriété
et qu'une
convention
peut
suffire
à créer
un
droit de gage sans le formalisme de la mancipatio-fiducia. L'étape la plus importante fut la reconnaissance des contrats consensuels, de la emptio-
venditio, de la locatio-conductio, du mandat et de la société *. L'ensemble du droit qui est accessible aux étrangers et aux Romains sans 31 PoTHIER,
"Traité
des
Personnes"
cit,
titre
II, sect.
II, p. 8; v. aussi DOMAT,
Loix civiles cit., "Traité des loix", ch. XI, $ XLIV, p. XXXIII, note r. 2 BouLay, "Exposé de motifs” in LocmÉ, Législation cit., I, p. 424; v. aussi RoEpERER, "Rapport au Conseil d'Etat", ibid., I, p. 382; Simfon, "Rapport", ibid., I, p. 434; CARMET, Etude cit., p. 105. 3 V. supra, p. 177 (avec n. 13). # Kaser, Das rômische Privatrecbt cit., I, pp. 178 ss.; 215; 281; 402; 545; 674; 682. 35 DE VISSCHER, op. cit., pp. 198ss.; POLAY, Differenzierungen der Gesellschaftsformen in Rom, Budapest 1964, pp. 240 ss.; GAUDEMET, op. cit., n° 236, pp. 346 ss.; n° 377, p. 532; P. Ourziac et J. DE MALAFOSSE, op. cit., II Les Biens, Paris 1971, n° 152, p. 282; Kaser, Das rómische Privatrecht cit., I, pp. 36; 171; 177; 201s.; 281; 402; 416; 545; In., Das ròmische Zivilprozessrecht, pp. 124 ς5.; ViLLers, Rome cit., pp. 11; 34; 96; 143; 155; F. Sturm, “Comment l'Ántiquité réglait-elle ses conflits de lois", Journal du Droit international, 106 (1979), pp. 259 ss.
181
aucune discrimination est nommé ius gentium par Cicéron *. La même notion
a fait son entrée dans le Digeste: « Mais ce que la saturalis ratio a introduit chez tous les hommes, ceci est observé presque chez tous et appelé ius gentium, c'est pour ainsi dire le droit dont font usage tous les peuples » —
pour citer une dernière fois le juriste Gaius P. Le dualisme du droit des gens et du droit civil, conservé dans le Corpus Juris de Justinien I°, est transmis aux glossateurs italiens et aux légistes français. Cujas et Doneau perpétuent la doctrine. Domat se réfère au texte de Gaius que nous venons de citer, Pothier connait la méme division. Arrivée à ce point, la tradition romaniste se confond avec le passé féodal et il convient de donner un aperçu de l'ancien droit français ?*.
II. L'ancien droit français Nous avons déjà remarqué que l'ancien droit frangais a, lui aussi, contribué à former les régles modernes sur l'attribution ($ 1), la perte ($ 2)
et la signification ($ 3) des qualités de citoyen français ou d'étranger *. l. L'attribution de la qualité de citoyen La règle du ius soli, ancrée en France avant le nouvel essor du principe de la filiation, s'appuie sur l'idée féodale d'allégeance, déterminée par la naissance sur le sol. « Les citoyens, les vrais et naturels François », selon la 36 Cic., de off. 3, 17, 69: «itaque maiores aliud ius gentium aliud ius civile esse voluerunt; quod enim civile non idem continuo gentium, quod autem gentium, idem civile esse voluerunt »; de bar. resp., 14, 32.
7 Dig. comprend
1, 1, 9; v. supra n. 24 et 29. Que la même l'ensemble
des
institutions
qui
se
trouvent
expression du droit des gens
partout
dans
le
monde
humain
et dans la nature, comme le mariage ou l'éducation des enfants (ius naturale selon Ulp. Dig. 1, 1, 1, 3; Just. Inst. 1, 2 pr), ou que le méme terme signifie encore le droit international public, est d'une importance moindre dans notre contexte. Kaser, Das ròmische Privatrecht cit., I, pp. 177 ss.; 202s.; 204 n. 15. 35 V. supra n. 30 à 32. 9 Principaux ouvrages consultés pour cette époque: M. VANEL, Evolution historique de la notion
de
Français
d'origine,
du
XVI*
siècle
au
Code
civil, Thèse,
Paris
1945;
Recueils de la Société Jean Bodin, vol. IX et X, L'étranger, Ire et Ile Partie, Bruxelles 1958, spécialement les contributions de J. GrLissEN ("Le statut des étrangers à la lumière de l'histoire comparative", I, pp. 5ss.; "Le statut des étrangers en Belgique du XIII au XX* siècle”, II, pp. 231 ss.); F-L. GaNsHor
("L'étranger dans la monarchie
franque”,
II, pp. 5 ss.); M. BourET-SAuTEL (" L'aubain dans la France coutumière du moyen âge”, II, pp. 65 ss.); R. ViLLERS ("La condition des étrangers en France dans les trois derniers siècles de la monarchie”, II, pp. 139 ss.); R. FEENSTRA et H. KLOMPMAKER ("Le statut
des étrangers aux Pays-Bas", II, pp. 333 ss.); J. PoRTEMER ("L'étranger dans le droit de la Révolution française”, II, pp. 533 ss.); et G. LEPOINTE
("Le statut des étrangers dans
la France du XIX* siècle”, II, pp. 553 ss.); O. CARMET, Etude critique de la distinction entre la condition des étrangers et les conflits de lois, Thèse,
182
Paris
I, 1977.
définition de Pothier, « sont ceux qui sont nés dans l'étendue de la domi. nation francoise », et on « ne considère pas s'ils sont nés de parents françois ou de parents étrangers ». Celui qui est né en dehors de la seigneurie et, depuis le 14ème siècle, en dehors du Royaume, «est appelé aubain ou bien estranger » *. Les Constitutions, à partir de celle de 1791, adoptent le ius soli avec peu de modifications. La méme maxime avait été consacrée par le Projet du Code civil de l'an VIII, mais omise dans le projet présenté au Conseil d'Etat. Napoléon lui avait donné une forme absolue en proposant: « Tout individu né en France est Frangais ». Mais parce qu'elle « se ressent
de la féodalité », cette régle est sévérement critiquée devant le Tribunat. En tenant compte des observations faites au Tribunat, les rédacteurs posent, dans l'article 9 du Code civil, encore d'autres conditions à cóté de la seule naissance sur le sol français, pour devenir Français *'. La monarchie devait déjà répondre à la question si le descendant d’un Français expatrié peut recouvrer la nationalité française. En 1576, Henri III
accorde ce droit dans son Edit sur la pacification des troubles du royaume, les protestants, les religionnaires fugitifs etc. Une règle analogue est prévue
par la Constitution de 1791 et généralisée par l’article 10 du Code civil *. « Il n'y a que la naissance ou la grâce du Prince qui puisse faire des
Francais ». En 1791, c'est le Pouvoir législatif qui peut « donner à un étranger un acte de naturalisation » *. Les Constitutions imposent dans plusieurs cas le « serment civique ». Le modèle de ce serment peut avoir été le serment prêté au moyen âge par les bourgeois d’une ville ou par les sujets d’un seigneur. Pothier mentionne aussi le « serment de fidélité» que les religionnaires fugitifs sont tenus de prêter au roi lorsqu'ils retournent en France“. © Domar, Loix civiles cit., II, "Droit public", livre I, titre VI, sect. IV, $ V, p. 68 (« Les enfants des Etrangers qui naissent dans un Etat où leur père étoit étranger, se trouvant originaires de cet Etat, ils en naissent sujets... »); BACQUET, Aubaine, c. I, n° 2, cité par VANEL, op. cit., p. 23 (« naiz dedans le royaume »); BACQUET, Œuvres, 2 voll., Lyon 1744, I, ch. III, n° 1, cité par CARMET, Etude cit., p. 116 n. 1; PorHiEn, "Traité des Personnes" cit, titre II, sect. Iére, pp. 6 et 7; VANEL, op. cit., pp. 17ss.; 37 ss. (« Croissance et triomphe du ius soli »); 70 ss.; v. cependant, infra n. 66, la thèse principale de Mme VANEL: «réunion du sol et du sang ». 41 Const. 1791, Titre II, art. 2; (« Ceux qui, nés en France d'un père étranger, ont fixé leur résidence dans le Royaume»); C. civ., art. 9; Projet de l'an VIII, livre I°, ch. II, art. VII (« L'enfant né en France, d'un étranger, est Français, tant qu'il n'a pas abdiqué cette qualité en majorité »). NAPOLÉON, "Conseil d'Etat", in Locré, Législation cit., I, p. 349; SiMÉoN, "Rapport", ibid., p. 436; v. aussi la “Notice historique" de Locré, ibid., p. 51. VANEL, op. cit., pp. 91ss., affirme que, depuis 1792, seul le ius soli est admis par les textes constitutionnels. 4 Const. 1791, Titre II, art. 2 («descendant ... d'un Français ou d'une Française expatriés pour cause de religion..»); C. civ., art. 10; Décret du 9 décembre 1790. PorurR, "Traité des Personnes" cit., Titre II, sect. IV, p. 10; VANEL, of. cit., pp. 51 ss. 4 Const. 1791, Titre II, art. 4. VANEL, op. cit., pp. 20 55., avec la citation de DAGUESSEAU.
44 Const. 1791, sect. IV, p. 10.
Titre
II, art. 5. PorHrER,
"Traité
des Personnes"
cit, Titre
II,
183
2. La perte de la qualité de citoyen Outre la mort civile et la naturalisation en pays étranger dont il a été question dans la première partie de l'exposé, Loisel, Pothier et le Code civil connaissent l'établissement à l'étranger « sans esprit de retour », comme une
des causes de la perte de la qualité de Français 5. 3.
La signification de la qualité de citoyen ou d'étranger A) Sous la monarchie franque, l'étranger n'était probablement
pas con-
sidéré comme serf ou esclave. Mais, sans protection, il risquait d'étre vendu en esclavage ou méme d’être tué. Un édit mérovingien semble l'avoir placé sous protection royale, une règle rappelée, plus tard, par Charlemagne. Depuis le 13ème siècle, la coutume se répand que l'étranger tombe en servitude après le délai d'an et jour. Au moyen âge, l'étranger est appelé aubain, venant d'un autre ban, dlibi natus *. A l'aide des catégories du droit romain, les aubains furent exclus du ius civile et admis seulement aux actes du ius gentium. Le Projet du Code civil de l'an VIII tente de surmonter l'ancienne distinction et dispose dans son titre I", article V: « Les étrangers jouissent en France de tous les avantages du droit naturel, du droit des gens et du droit civil proprement dit, sauf les modifications établies par les lois politiques qui les concernent ». Mais la
rédaction définitive du Code reprend la séparation entre Français et étrangers, entre ius civile et ius gentium *'. B) L'orateur du Tribunat attribue au ius civile les successions (a), les mariages (5), les tutelles (c), la puissance paternelle (4), et généralement tous
les rapports entre les personnes
(e).
Examinons
ce catalogue
en détail:
4) La plus importante parmi les restrictions est celle des successions. Au 13ème siècle, les seigneurs commencent à recueillir les biens de ceux qui, nés en dehors de la seigneurie, y ont trouvé la mort sans laisser d'héritiers. Trois siécles plus tard, les seigneurs étendent leur droit si les étrangers y sont décédés en laissant des héritiers autres que des descendants. Par la suite, les seigneurs s'approprient les héritages méme s'il y a des héritiers, exception faite seulement pour les enfants légitimes nés sur le territoire. 45 C. civ., art. 17. PorHrer, "Traité des Personnes" cit., Titre II, sect. IV, p. 10; VANEL,
op.
cit,
pp.
49ss.;
77ss.
On
pense
aussitôt
dépendent, selon Gaius (Imst. 2, 68), la qualité propriété de son maître.
à
d'animal
cet
animus
domestique
revertendi
et le droit
dont
de
4 DoMar, Loix civiles cit., II, "Droit public", livre I", titre VI, sect. IV, pp. 67 ss.;
ROEDERER, "Rapport rédigé pour le Conseil d'Etat", in Locré, Législation cit., I, p. 381; GaNsHor, "L'étranger" cit., pp. 5ss.; BOULET-SAUTEL, "L'aubain" cit., pp. 82 ss. 47 C. civ., art. 8 et 11. V. infra, pp. 192 5. 55 Gary, "Discours", in Locré, Législation cit., I, p. 473.
184
Au 16*me siècle, les étrangers se voient aussi privés du droit de recueillir eux-mémes des héritages. En 500 ans, l'incapacité successorale des étrangers
est devenue absolue: « L'aubain vit libre et meurt esclave », dit Pothier qui, pourtant, trouve le sort de l'aubain déjà moins lourd que dans le passé. La situation des étrangers était devenue souvent plus favorable gráce à certaines traditions locales, gráce à des priviléges royaux — car depuis le 14ème siècle, les rois s'étaient substitués aux seigneurs pour exercer le droit d'aubaine — et gráce aussi à des traités internationaux. En 1780, le produit du droit d'aubaine est devenue si insignifiant que Necker peut en proposer
la suppression 9. Domat déduit de l'ordre naturel la compétence de l'Etat à légiférer sur les successions des étrangers. Les codificateurs situent l'origine du droit d'aubaine dans l'ancien droit frangais et fondent l'incapacité successorale sur le droit romain, en disant que /estamenti factio iuris civilis est. Les discussions au Conseil d'Etat et les discours parlementaires concernant les étrangers convergent régulièrement vers le probléme des successions *. Les orateurs qui avaient à présenter les projets concernant le droit de succession se bornent à citer l'article 11 du Code civil, sans entrer dans la discussion des
articles 726 et 912 du Code civil”. Un commentateur pourra méme pré tendre, plus tatd, « que les rédacteurs du Code, en écrivant l'article 11, ont
songé surtout à une de ses applications, celle qui concerne le droit de succéder ... D'oü l'article 11, en réalité, ne fut pas autre chose qu'un préambule des articles 726 et 912 » 9. L'article 726 n'admet un étranger aux succes-
sions en France que dans la mesure de la réciprocité internationale. L'arti# MERLIN,
Répertoire
universel
et raisonné
de jurisprudence,
18 voll., Paris
1827,
I, V. "Aubaine" III, p. 577, cité par CARMET, Etude cit., pp. 107; 111; 116, définit comme
aubaine
étranger
qui
«le
meurt
droit dans
en
vertu
ses Etats
duquel
le souverain
sans y être
recueille
la succession
naturalisé ». ROEDERER
livre
au
d'un
Conseil
d'Etat un rapport sur la question, reproduit in Locré, Législation cit., I, pp. 381 ss. C'est surtout dans le contexte des successions que les qualités de Français et d'étranger sont décrites par DOMAT, Loix civiles cit., I, Seconde partie, livre I", titre I", sect. II, $ IX, p. 517; sect. IV, $ III, p. 533; sect. XIII, $ II, p. 551; livre III, titre I”, sect. II, $12, p. 626;
sect. II, $ 16, p. 627;
DoMar,
tome
II, "Droit public", livre I”,
titre VI, sect. Iére, p. 59, et sect. IV, p. 67. Domat range les successions des étrangers, avec
celles
des
bátards,
celles
à défaut
d'héritier
et
avec
les
confiscations,
parmi
les
revenus du Souverain, au méme rang que les impôts et les revenus de ses biens immobiliers. Dans la méme direction va POTHIER, "Traité des Personnes" cit., titre II, pp. 6 ss.; In, "Traité des successions”, ch. I", sect. Ière, $ 1, pp. 199ss.; sect. II, art. II, $ 1, p. 201. % DoMar, Loix civiles cit., I, Seconde Partie, Préface $ XIII, p. 504; BACQUET, op. cit., ch. XVII, XXVI, XXX, cité par CARMET, Etude cit., p. 131; POTHIER, "Traité des Personnes", titre II, sect. II, n° 6, p. 8; CHasor, "Rapport au Tribunat" in Locré, Législation cit, V, p. 107; ViLLERS, "La condition des étrangers", cit, pp. 142 55. 5! Locré, Législation cit, I, pp. 350s.; 359s.; 381 5.; 417; 4245. 433; 454; 467 s.; 473. 32 CHaBoT, "Rapport", in LocRÉ, Législation cit., V, p. 107; SIMÉoN, "Discours", ibid., p. 133; BicoT-PREAMENEU, "Exposé de motifs", ibid., p. 315; JAUBERT, "Rapport", ibid., p. 346. S CH. BEUDANT, Cours de droit civil francais, I, Paris 1896, n° 86, p. 146.
185
cle 912 du Code interdit non seulement les dispositions pour cause de mort, mais aussi — par différence à l'ancien droit français — les donations entre vifs en faveur des étrangers. En revanche, le Code civil ne refuse plus expressément aux étrangers la faculté de tester. b) La du droit civil riage. Il est matrimonium
deuxième institution qui, d’après l'orateur du Tribunat, et qui, par conséquent, est interdite aux étrangers, serait vrai que le droit romain réserve le comubium et le au civis Romanus. Le moyen âge connaît le formariage,
relève le maiustum l'inter-
diction aux aubains de « se marier à personne autre que de leur condition »,
à moins d'avoir obtenu le « congé du roi ». Mais ces interdictions disparaissent au 15*7* siècle et ne sont pas reprises dans le Code civil *. c) Selon
l'interprétation donnée
par la doctrine et la jurisprudence
aux articles 427 à 432 du Code civil, l'étranger ne peut exercer les fonctions de tuteur ?. d) La puissance paternelle d'un étranger, probablement hors de doute
dans l'ancien droit, n'est pas reconnue au 19*7* siècle *, e) Les autres « rapports entre les personnes », auxquels Tribunat fait allusion, comprendront l'adoption, l'usufruit légal et du père, l’hypothèque légale accordée à l'interdit, au mineur et mariée, ainsi que le domicile légal. Tous ces droits seront étrangers par les tribunaux. Le refus, sans base formelle dans fondé sur le droit pré-révolutionnaire ou, plus souvent, sur la
l'orateur du de l'enfant à la femme refusés aux la loi, était qualification
de l'institution comme relevant du ius civile”. f) Au moyen âge, certaines villes et châtellenies, surtout en Belgique actuelle, interdisaient aux étrangers toute acquisition d'immeubles. D'autres
villes réclamaient un droit d'issue chaque fois qu'un bien passait aux mains d'un étranger. À certains endroits, les étrangers ne pouvaient se prévaloir de l'usucapion, comme aux temps des Douze Tables à Rome. Mais aucune de 5 BourET-SAUTEL, gers"
cit., p.
143.
On
"L'aubain" discute
cit, pp. 75ss.;
encore
en
1540,
ViLLERS,
"La
si le mariage
condition
avec
une
des étran-
étrangère
est
"un mariege moins légitime", selon VANEL, op. cit., p. 30. L'arrét du Bail du Parlement de Paris, rendu le 26 juin
1634, reconnaît valable le mariage entre Français et étrangers,
VANEL, op. cit, p. 58. Encore en 1805, le Conseil d'Etat doit résoudre le probléme «si un étranger prisonnier de guerre en France peut y contracter mariage ». Le Conseil d'Etat est «d'avis: Que les mariages ... doivent produire les effets civils quant à l'état de la femme et des enfants; mais que les conventions matrimoniales, en tout ce qui touche
la successibilité, ne produisent d'effet en leur faveur» si l'Etat étranger n'accorde pas la réciprocité: Locré, Législation cit., I, p. 484. 55 BEUDANT, op. cit., n° 48, p. 93; n° 82,
p.
138;
Viens,
"La
condition
des
"La
condition
des
étrangers" cit., p. 143; CARMET, Efude cit., pp. 90, 149, 155. % CanMET, Etude cit, pp. 91; étrangers" cit., p. 143. 9 Gary, "Discours", in Locré,
147;
156;
Législation
cependant cit., I, pp.
ViLLERS, 472ss.;
BEUDANT,
op.
cit.,
n° 87, pp. 147ss.; VILLERS, "La condition des étrangers" cit., p. 143; GILISSEN, "Le statut des étrangers en Belgique" cit., p. 324; CARMET, Efude cit., pp. 91; 145; 154 ss.
186
ces restrictions
ne se retrouve
dans
le Code.
Au
contraire:
le Code
civil
permet aux étrangers de posséder des immeubles en France *. £) Depuis le moyen âge jusqu'à l'article 16 du Code civil, l'étranger, s'il est demandeur dans un procès, doit fournir une garantie spéciale, la
cautio iudicatum solvi. I] n'a pas droit au bénéfice de cession. La contrainte par corps est exercée contre lui avec plus de rigueur qu'envers un Français ?. b) Enfin, les droits politiques constituent toujours la prérogative des seuls Français. Aux droits politiques sont assimilés les facultés d'enseigner, d'étre avocat ou d'étre témoin dans certains actes, mais aussi des fonctions
ecclésiastiques 9. Malgré l'énumération des actes, institutions ou rapports juridiques qui sont réservés aux Frangais, le bilan de ce qui est permis aux étrangers en droit privé français est largement positif. Avant tout, ils ont accès aux contrats qui sont nécessaires pour la production et les transports, pour le commerce et la gestion des affaires, pour donner et chercher du travail. Ils peuvent valablement conclure les contrats fondés sur et régis par la Zora fides *. Ils ont droit d'acheter, vendre et posséder des biens immobiliers 9. Somme toute, le domaine du droit des gens, domaine où les étrangers ont les mémes droits et devoirs que les Frangais, est assez vaste avant et aprés 1804 et s'est encore élargi depuis.
55 C. civ., art. 3 et 16. PorHIER, "Traité des Personnes" cit., titre II, sect. II, n° 6,
P. 9; In, Œuvres, III, "Traité de la prescription qui résulte de la possession", Ière partie, ch. I", art. II, n° 20, p. 1255; BEUDANT, op. cit., I, n° 85, p. 142; VILLERS, “La condition" cit., p. 143; GiLISSEN, "Le statut des étrangers" cit., pp. 283 s.; 289 ss.; CARMET, Etude cit., p. 150. BouLay, "Exposé de motifs", in Locri, Législation cit., I, p. 426, fait savoir «que l'étranger peut posséder des immeubles en France sans méme y résider; car acheter et vendre sont des contrats qui, d’après l'usage ordinaire, appartiennent plus encore au droit des gens qu'au droit civil». 59 C. civ., art. 16 et 1268; C. de procéd. civile, art. 166, 423, 905. BouraY, "Exposé
de motifs", in Locré, Législation cit., I, p. 426; Gary, "Discours", ibid., I, p. 476; BEUDANT, op. cit., I, n° 80, p. 136; ViLLERS, "La condition" cit., p. 145; GiLISSEN, "Le statut des étrangers" cit., pp. 294 ss.; CARMET, Etude cit., pp. 95; 167. (Ὁ Les ordonnances de 1386, de 1433 et de Blois, citées par DOMAT, Loix civiles cit., I, Livre préliminaire, titre IT, sect. II, $ XI, p. 21; PorHiER, "Traité des Personnes" cit., titre II, sect. II, pp. 7 ss.; BEUDANT, op. cit., I, pp. 83, 91, 137, 147; ViLLERS, "La condition" cit., p. 144; GiLISSEN, "Le statut des étrangers" cit, p. 257; en outre v. supra
n. 22.
61 VirLLERS, "La condition" cit, pp. 142ss. Le développement des restrictions, obligations et droits des étrangers après l'entrée en vigueur du Code civil de 1804 dépasse rait le cadre de notre Séminaire, v. G. LEPOINTE, "Le statut des étrangers dans la France
du XIX* siècle”, Recueils de la Société Jean Bodin X, L'étranger II, Bruxelles 1958, pp. 553 ss.; J. HÉMARD, "Le statut des étrangers en France au XX* siècle”, Recueils cit., pp. 575 ss.; CARMET, Etude cit., pass.; H. BATIFFOL et P. LacARDE, Droit international privé, I, 7è éd., Paris 1981, n" 159s., pp. 168 ss. Enfin, il ne faut pas passer sous silence que déjà la loi du 14 juillet 1819 supprime la prohibition des art. 726 et 912 et admet, sous certaines € V, supra n. 58.
conditions,
l'étranger
à la succession.
187
JII. La Constitution de 1791
et le Code civil (avec choix de texte)
Les Constitutions et les Codes résultent certainement de divers facteurs politiques. Ces facteurs, toujours présents, sont devenus particulièrement puissants depuis 1789. Ils sont aussi à l'origine de la tension entre citoyenneté et universalité, tension ressentie dans le thème général de notre Séminaire. Les considérations politiques concernant les dispositions sur le Frangais et l'étranger mériteraient une étude plus approfondie 9. Toujours est-il que le droit romain et l'ancien droit français, décrits dans les parties principales (I*r* et II) de notre contribution, forment la base des règles mo-
dernes *. « On raisonne trop souvent comme si le genre humain finissait et commengait à chaque instant », dit Portalis dans son Discours préliminaire 8, «sans aucune sorte de communication entre une génération et celle qui la remplace, Les générations, en se succédant, se mélent, s'entrelacent et se con-
fondent. Un législateur isolerait ses institutions de tout ce qui peut les naturaliser sur la terre, s'il n'observait avec soin les rapports naturels qui lient toujours, plus ou moins, le présent au passé, et l'avenir au présent, et qui font qu'un peuple, à moins qu'il ne soit exterminé, ou qu'il ne tombe dans une dégradation pire que l'anéantissement, ne cesse jamais, jusqu'à un
certain point, de se ressembler à lui-même ... ». Les rapports naturels qui lient le présent au passé, dont parle Portalis, touchent aussi bien l'attribution ($ 1) et la perte ($ 2) que la signification ($
3)
de
la qualité
de
citoyen
ou
d'étranger.
« L'état
des
citoyens » est
déterminé par le titre II de la Constitution de 1791. Car «toute société doit fixer les caractéres auxquels elle peut reconnaitre ses membres », comme il fut dit lors de la discussion dans l'Assemblée Constituante. La qualité de “Français” est définie par le titre If, chapitre II du Code civil de 1804. Les régles sont en grande partie identiques dans la Constitution et dans le Code, bien que l'antiquité ait légué au système moderne la sépa-
9 La base constitutionnelle du droit privé est analysée par D. Grimm, "Die verfassungsrechtlichen Grundlagen der Privatrechtsgesetzgebung", Handbuch der Quellen und Literatur der neueren europäischen Privatrechtsgeschichte, 3. Band, 1. Teilband, Einführung etc, herausgegeben von H. Coing, München 1982, pp. 1758. Les "Considérations politiques concernant les dispositions sur le Français et l'Etranger dans la Constitution de 1791 et le Code civil" font l'objet de notre contribution au colloque sur "Diritto Romano, Rivoluzione Giacobina, Codici Napoleonici" tenu à Sassari, les 26 et 27 avril 1982.
* N'oublions moderne:
W.
pas que
OncLIN,
"Le
le droit
canon
aussi
statut des étrangers
appartient dans
aux
la doctrine
fondements canonique
du
droit
médiévale”,
Recueils de la Société Jean Bodin, vol. X, L'étranger, Il‘ partie, Bruxelles 1958, pp. 37 ss.; M. GnicNAscHI, "La définition du civis dans la Scolastique", Recueils cit., XXIV, Gowvernés et gouvernants III, Bruxelles 1966, pp. 71ss. $ PortaLISs,
“Discours
préliminaire",
in Locré,
Législation
cit., I, p. 163;
v. aussi
supra pp. 175s.; W. WILHELM, “Portalis et Savigny. Aspects de la restauration”, Aspekte europäischer Rechtsgeschichte, Festgabe für H. Coing zum 70. Geburtstag, Frankfurt 1982, pp. 445 ss.
188
tion entre le droit public, qui concerne le “citoyen”, et le droit privé, qui se réfère au “Français”. Le Code civil formule expressément cette séparation: C. civ. art. 7: « L'exercice des droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s'acquiert et ne se conserve que conformément à la loi constitutionnelle ».
1.
L'attribution de la qualité de citoyen et de Français
Le status civitatis se détermine soit selon le ius sanguinis du droit romain et la personnalité des lois du moyen áge, soit conformément au ius soli de l'ancien droit français. Nous avons décrit les deux principes dans la première et la deuxi&me partie de notre contribution. La Constitution de 1791 et le Code civil de 1804 réunissent les deux développements *, donnent un cadre juridique à la naturalisation et instituent le serment civique. Il s'agit principalement des sept modalités suivantes:
A) Le premier cas du catalogue, établi par l'article 2 du titre II de la Constitution de 1791, est celui des personnes « nées en France d'un père français ». Le deuxième cas, également réglé par l'article 2, consacre le ius soli, renforcé par le fait de résidence continue. Le froisième cas, expression du ius sanguinis, prévoit la réintégration de ceux qui sont «nés en pays étranger d'un père français ». En quatrième lieu, la Constitution offre la réintégration aux descendants de parents qui avaient été « expatriés pour cause
de religion »: Constitution du 3 septembre 1791 Titre II, art. 2: « Sont citoyens français: - Ceux qui sont nés en France d'un père français; - Ceux qui, nés en France d'un père étranger, ont fixé leur résidence dans le Royaume; - Ceux qui, nés en pays étranger d'un père français, sont venus s'établir en France et ont prété le serment civique; - Enfin ceux qui, nés en pays étranger, et descendant, à quelque degré que ce soit, d'un Français ou d'une Française expatriés pour cause de religion, viennent demeurer en France et prétent le serment civique ».
Les cinquième et sixième cas sont ceux de la naturalisation: Titre II, art. 3: « Ceux qui, nés hors du Royaume de parents étrangers, résident en France, deviennent citoyens frangais aprés cing ans de domicile continu 56 Const. 1791, art. I". GILISSEN, certaine coexistence souveraine, le ius
Titre II, art. 2; Projet du Code civil de l'an VIII, Livre I*, ch. I", "Le statut des étrangers en Belgique" cit, p. 246, envisage une des deux principes: le ius soli pour la principauté ou la puissance sanguinis pour l'appartenance à une ville ou châtellenie. VANEL,
op. cit., pp. 25ss., affirme que, français formait le citoyen» (p.
déjà au moyen âge, «la réunion du sol et du sang 29). BATIFFOL-LAGARDE, op. cit., n° 91, p. 96, tirent
du droit comparé l'enseignement « que la grande majorité des Etats conjugent, selon des modalités variées, les deux principes ».
189
dans le Royaume, s'ils ont, en outre, acquis des immeubles ou épousé une Française, ou formé un établissement d'agriculture ou de commerce, et s'ils
ont prêté le serment civique ». Titre II, art. 4: «Le pouvoir législatif pourra, pour des considérations importantes, donner à un étranger un acte de naturalisation, sans autres conditions que de fixer son domicile en France et d'y prêter le serment civique ».
Le serment civique, prévu dans les articles précédents, est aussi formulé par la Constitution: Titre II, art. 5: « Le serment civique est: Je jure d'être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir à la Constitution du Royaume, décrétée par l'Assemblée nationale constituante aux années 1789, 1790 et 1791 ».
B) Ces régles constitutionnelles furent largement suivies par le Code civil: Art. 9: «Tout individu né en France d'un étranger, pourra, dans l'année qui suivra l'époque de sa majorité, réclamer la qualité de Français; pourvu que dans le cas où il résiderait en France, il déclare que son intention est d'y fixer son domicile, et que, dans le cas oü il résiderait en pays étranger, il fasse sa soumission de fixer en France son domicile, et qu'il l’y établisse dans l'année, à compter de l'acte de soumission ». Art. 10: « Tout enfant né d'un Français en pays étranger, est Français. Tout enfant, né en pays étranger, d'un Français qui aurait perdu la qualité de Français, pourra toujours recouvrer cette qualité, en remplissant les formalités prescrites par l'article 9 ».
Le Code renferme comme septième cas celui de l'étrangére qui devient Française par mariage: Art.
12:
« L'étrangère
qui aura épousé
un Français suivra la condition
de
son mari ».
Nous y trouvons encore deux dispositions spéciales: Art. 13: «L'étranger qui aura été admis par l'autorisation de l'Empereur à établir son domicile en France, y jouira de tous les droit civils, tant qu'il continuera d'y résider ». Art. 18: « Le Français qui aura perdu sa qualité de Français, pourra toujours la recouvrer, en rentrant en France, avec l'autorisation de l'Empereur,
et en
déclarant qu'il veut s'y fixer, et qu'il renonce à toute distinction contraire à la loi française ».
190
2.
La perte de la qualité de citoyen et de Français A) La Constitution de 1791 énumére quatre causes de perte de la natio-
nalité: la naturalisation à l'étranger, la mort civile, certains jugements en absence et l’affiliation à des ordres ou corporations à l'étranger qui demandent la naissance aristocratique ou des voeux religieux: Constitution du 3 septembre 1791 Titre II, art. 6: « La qualité de citoyen francais se perd: 1. par la naturalisation en pays étranger; 2. par la condamnation aux peines qui emportent la dégradation civique, tant que le condamné n'est pas réhabilité; 3. par un jugement de contumace, tant que le jugement n'est pas anéanti; 4, par l'affliation à tout ordre de chevalerie étranger ou à toute corporation étrangère qui supposerait, soit des preuves de noblesse, soit des distinctions de naissance, ou qui exigerait des vœux religieux ».
B) Le Code civil de 1804, conformément à la Constitution de 1791, énumère comme causes de perte de la qualité de Français: la naturalisation (art.
17), la mort
civile
(art. 22), certaines
condamnations
par contumace
(art. 27) et l'affiliation à une corporation militaire étrangère (art. 21). Notons cependant, parmi les modifications apportées par le Code, les fonctions publiques conférées par un autre gouvernement et l'établissement définitif à l'étranger: Art. 17: «La qualité de Frangais se perdra, 1. par la naturalisation acquise en pays étranger; 2. par l'acceptation, non autorisée par l'Empereur, de fonctions publiques conférées par un gouvernement étranger; 3. enfin, par tout établisse ment fait en pays étranger, sans esprit de retour. - Les établissements de commerce ne pourront jamais être considérés comme ayant été faits sans esprit de retour ».
L’affiliation à une corporation étrangère n'est pas incompatible avec la qualité de Français, si elle suppose des distinctions de naissance ou des vœux religieux (Constitution de 1791), mais seulement si elle représente une corporation militaire. Mais aussi tout autre service militaire pour une puissance
étrangère fait désormais perdre la qualité de Français: Art. 21: «Le Français qui, sans autorisation de l'Empereur, prendrait du service militaire chez l'étranger, ou s'affilierait à une corporation militaire étrangère, perdra sa qualité de Français. - Il ne pourra rentrer en France qu'avec la permission de l'Empereur, et recouvrer la qualité de Français qu'en
remplissant les conditions imposées à l'étranger pour devenir citoyen; le tout sans préjudice des peines prononcées par la loi criminelle contre les Français qui ont porté ou porteront les armes contre leur patrie ». 191
Le Code ordonne encore la perte de la qualité du mariage avec un étranger:
de Française comme effet
Art. 19: « Une femme française qui épousera un étranger, suivra la condition de son mari. - Si elle devient veuve, elle recouvrera la qualité de Française,
pourvu
qu'elle réside en France, ou qu'elle y rentre avec l'autorisation de
l'Émpereur,
et en déclarant
qu'elle veut
s'y fixer».
Finalement, le Code confirme les régles de la Constitution sur la mort civile: Art. 22: « Les condamnations à des peines dont l'effet est de priver celui qui est condamné, de toute participation aux droits ci-aprés exprimés, emporteront la mort civile ». Art. 23:
«La condamnation
à la mort naturelle emportera la mort civile ».
Art. 27: «Les condamnations par contumace n'emporteront la mort civile qu'aprés les cinq années qui suivront l'exécution du jugement par effigie, et pendant
3.
lesquelles le condamné
peut se représenter ».
La signification de la qualité de citoyen et de Français ou d'étranger
A) La Constitution de 1791 ressortissants des autres pays:
abolit la plupart des barrières contre
les
Constitution du 3 septembre 1791 Titre VI ‘Des rapports de la Nation Française avec les Nations étrangères”. « La Nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquétes, et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple.
- La Constitution
n'admet
point
de droit d'aubaine.
- Les étrangers
établis ou non en France succédent à leurs parents étrangers ou Frangais. - Ils peuvent
contracter,
disposer, de même par les lois. - Les lois criminelles et arrêtées avec les dustrie, leur culte
acquérir
et
recevoir
des
biens
situés
en
France,
que tout citoyen français, par tous les moyens
et en
autorisés
étrangers qui se trouvent en France sont soumis aux mémes de police que les citoyens français, sauf les conventions Puissances étrangères; leur personne, leurs biens, leur insont également protégés par la loi ».
Dans la méme direction va encore le Projet de l'an VIII du Code.
B) En revanche, le Code civil de 1804 semble réserver la jouissance de la totalité des droits civils aux seuls Français: Code civil de 1804 Art. 8:
192
« Tout Français jouira des droits civils ».
En effet, un commentateur bien connu du Code, Demolombe, veut exclure les étrangers de tout le droit privé, à l'exception des dispositions spéciales établies en leur faveur. Le Code parait soumettre toute activité juridique des étrangers à la condition de la réciprocité internationale *': Art. 11:
«L'étranger jouira en France des mémes droits civils que ceux qui
sont ou seront accordés
aux Frangais
par les traités de la nation à laquelle
cet étranger appartiendra ».
Ces régles de portée générale
sont
spécialement
appliquées
en
droit des
successions: Art. 726: «Un étranger n'est admis à succéder aux biens que son parent, étranger ou Français, possède dans le territoire de l'Empire, que dans le cas et de la manière dont un Français succède à son parent possédant des biens dans le pays de cet étranger, conformément aux dispositions de l'article 11, au titre de la jouissance et de la privation des droits civils ». Art. 912: « On ne pourra disposer au profit d'un étranger, que dans le cas où cet étranger pourrait disposer au profit d'un Français ».
La vraie signification de ces dispositions nous est seulement révélée par l'histoire. Nous savons maintenant que les rédacteurs du Code civil étaient attachés, au moins en ce point, à la tradition du droit romain et de l'ancien droit français. Selon cette tradition, le droit civil, mentionné dans les articles 8 et 11 du Code, constitue seulement une partie du droit privé. Cette partie, relativement restreinte, comprend essentiellement le droit de famille et le droit des successions, L'interdiction des étrangers se limite à cette petite partie. Le reste du droit privé reléve du droit des gens, est assez vaste et reste accessible aux étrangers et aux Frangais sans aucune discrimination.
Nous nous apercevons ainsi que la teneur des articles 8 et 11 du Code civil peut paraítre beaucoup plus large et que, par conséquent, la restriction imposée aux étrangers semble étre plus forte que la portée voulue par les rédacteurs. Tout cela montre que les Constituants de 1791 et les rédacteurs de 1804 placent au centre de leur préoccupation l'homme libre, citoyen et pére de famille *, et qu'ils se réfèrent à juste titre au civis Romanus 9.
61 Cité d'après CARMET, Efude cit, p. 86. "Les trois interprétations successives" de l'article 11 du Code civil et la “position de la jurisprudence" sont exposées par BATIFFOL-LAGARDE, op. cit., n"
172s., pp. 1905s.
4 GAUDEMET, op. cit., n° 245, p. 358: «Rome maintint toujours un lien étroit entre le droit de cité et 14 liberté ». 9 NICOLET, op. cif., p. 528: «Nous sommes tous des citoyens romains ». Mais des doutes exprimés par le méme savant à l'occasion du présent Séminaire.
193
PAUL M. MARTIN
ESCLAVES OU CITOYENS? LA REFERENCE A ROME DANS LE DEBAT SUR LES ESCLAVES NOIRS AVANT ET PENDANT LA REVOLUTION FRANCAISE
1. La fascination exercée par certains mots empêche de voir que la largeur
de leur champ sémantique engendre parfois une certaine ambiguité dans leur emploi. Le mot "liberté" est de ceux-là. Avec des interférences quasi permanentes, il signifie soit indépendance nationale et s'oppose à domination ou occupation étrangère, soit indépendance personnelle et s'oppose à esclavage ou servitude, soit plein exercice des droits civiques et s'oppose alors à toutes
les formes de “monarchie” incontrólée, au sens étymologique du terme, c'està-dire au despotisme, à la tyrannie. Cette largeur du champ sémantique du
mot "liberté" et les interférences entre ses différentes acceptions sont un héritage de la pensée politique romaine: à Rome, de méme, libertas s'opposait à la fois à dominatio, à servitus et à regnum !. L'interférence entre la première acception et la troisième fut génératrice d'un malentendu analogue entre Grecs et Romains, comme entre Révolution française et peuples ‘libérés’
par elle ou 'Républiques-sceurs' ?. 2. Le présent
sujet illustre un autre cas d'interférence,
mais entre la
seconde acception et la troisième, encore qu'à Haiti du moins il ait débouché sur la première. A vrai dire, une telle interférence existait déjà à Rome, illustrée, par exemple, par le bonnet d'affranchi dont les césaricides ornèrent
leurs monnaies après les Ides de Mars, et qui fait régulièrement alterner la légende EID. MAR. avec ce bonnet ou avec la tête casquée de Libertas ?, ou 1 Cf. J. HgLLEGOUARC'H,
Le vocabulaire latin des relations et des partis politiques
sous la République, 2° éd., Paris
1972, pp. 543;
559-565.
? Cf. P.M. MaxriN, "La République contre les rois — Etude comparée d'un thème d'idéologie et de propagande dans la Rome républicaine et sous la Révolution ise", communication présentée au I" Séminaire international d'études historiques *De Rome à la Troisi&me Rome", Rome 21-23 avril 1981, publiée in Roma, Costantinopoli, Mosca (Da Roma alla Terza Roma, Studi I), Naples 1983. 3 Cf. M.H. Crawrorp, Roman Republican Coinage, Cambridge 1974, ill. n° 501/1; E. A. SvpeNHAM, Tbe Coinage of the Roman Republic, Londres 1952, n° 1301; ΗΑ
195
— autre exemple — par le passage où Tite-Live évoque, ἃ l'orée de l'ère républicaine, l'époque où populum Romanum servientem, cum sub regibus esset *. Cette interférence avait pour conséquence qu'au couple antithétique liber-servus? (ou libertas-servitus) répondait terme à terme un autre couple antithétique civis-servus (ou civitas-servitus), puisque, pour un Romain,
seul
le civis Romanus possédait pleinement l'exercice de la liberté et des droits civiques, dont, à l'opposé, l'esclave était totalement dépourvu. Le vocabulaire politique frangais, dans la période pré-révolutionnaire et révolutionnaire, va hériter à la fois de cette interférence et de cette double opposition. Refusant la qualité de "sujet" du roi — dont la racine se retrouve
dans "sujétion" et implique un état d'infériorité ou de dépendance assimilée bientót dans la polémique verbale à un état d' "esclavage" sous la "tyrannie" du "despote" —, les cahiers de doléances portent, de manière courante, la revendication à l'appellation de "citoyen" et aux droits afférents‘. On n'en finirait plus d'aligner des exemples de cette opposition entre l'état de "servitude" oü se plaignent d'étre les auteurs des cahiers de doléances et la revendication connexe à la liberté et à l'appellation de citoyen. Par
exemple,
les
artisans
de
Pont-L'Abbé
en
ont
assez,
disent-ils,
d'étre
« menés comme des esclaves par les nobles et MM du haut clergé » et ils demandent « qu'il n'y ait plus d'esclaves en Bretagne... et que chacun soit
libre... », en affirmant leur qualité d'« honnêtes citoyens »?. Plus générale ment, dans ces cahiers, il y a quasi-unanimité entre les Ordres pour n'étre plus sujets, mais citoyens*. Entrent dans cette quasi-unanimité les colons blancs des Amériques. Où croit-on que fut affiché, le 23.1.1769, un placard qui, appelant à la révolte contre le gouverneur, commengait par « Vive la
Liberté » pour s'achever par « Signé: Les colons bons citoyens. Collationné: la Liberté »? A Port-Au-Prince?. Et, toujours à Saint-Domingue, en 1781, on stigmatisait les abus d'un gouverneur sous lequel «la liberté civile et personnelle étaient sans cesse en danger » ?. Aussi bien, aux colons blancs, « les premiers développements de la Révolution française apparurent-ils comGRUBER, Coins of tbe Roman
Republic in the British Museum,
2° éd. 1970, 479, n. 1;
II, p. 480, 111; pl. III, n° 17; cf. H. MarriNcLY, "Eid. Mar.", L'antiquité classique 17 (1948), pp. 445-451; H. A. CAHN, "L'aureus de Brutus avec EID. MAR.", Congrès intern.
numism. Paris 1953, Actes YI, Paris 1957, p. 215; P. Jar, La guerre civile à Rome..., Paris 1963, p. 194; H. ZEHNACKER, Moneta. Recherches sur l'organisation et l'art des émissions monétaires de la République romaine (289-31 av. J.-C.), Rome 1973, p. 619; R. Mac MurLEN, Enemies of the Roman Order, 2" éd., Cambridge (Mass.) 1975, p. 1. * Liv., II, 12, 2. 5 Gaius, I, 9.
6 Ce n'est pas un hasard si la fameuse Déclaration des Droits de l'Homme ajoute à son titre e£ du Citoyen et si l'appellation de "citoyen" deviendra la règle dans les salutations républicaines. ? Cabier de doléances des Sénécbaussées de Quimper et de Concarneau, art. 9 & 15, 13 avril 1789.
8 Cf. H. MÉTHIVIER, L'Ancien Régime, 2* éd. Paris 1964, p. 123. 9 Archives Nationales Col. F 3, Coll. Moreau de Saint-Méry 169.
10 Archives Nationales Col. C 9 A, rec. 151, Extrait des registres du Conseil du Cap.
196
me une occasion inespérée, avec l'affaiblissement monarchique, d'éliminer le
"despotisme ministériel" » !! — ce despotisme dont Brissot lui-même, fondateur en France de la Société des Amis des Noirs, admettra la réalité quand il assurera « MM les Planteurs qu'ils trouveront dans tous les politiques des défenseurs quand il sera nécessaire de délivrer les colonies de la servitude sous laquelle elles gémissent » ". On le voit, l'interférence entre indépendance des colonies à l'égard de la métropole et libération de l'oppression monarchique emprunte son vocabulaire à l'opposition entre citoyen — ou homme libre — et esclave. Venant d'un pouvoir blanc esclavagiste, cette confusion pourrait paraître cocasse, si elle n'avait pas abouti au bain de sang où plongea Saint-Domingue. Elle est en tout cas révélatrice du malaise ressenti par la
pensée révolutionnaire française à l'égard du problème posé par les esclaves noirs des colonies françaises d'Amérique. Ce malaise, quelques mois avant la grande révolte d'Haiti, Robespierre sera le seul à oser l'exprimer clairement devant la Constituante, où était présenté, le 12 mai 1791, un projet de loi sur l'"état des esclaves": « Dès le moment, dit-il, où, dans un de
vos décrets, vous aurez prononcé le mot:
esclaves, vous aurez prononcé et
votre déshonneur et le renversement de votre Constitution ... » P. Sensible à l'argument qu'une Révolution mue par l'idée de liberté ne pouvait utiliser
le mot "esclaves", la Constituante le remplaga ... par l'expression "non libres”! Cela ne signifie pas seulement qu'elle n'entendait pas mettre en cause l'institution esclavagiste aux colonies; cela signifie aussi que, dans la pensée révolutionnaite
frangaise,
comme
en
droit
romain,
les notions
de
citoyenneté-
civitas et de liberté-libertas ont tendance à se recouvrir, Dès lors, comme les Noirs ne pouvaient plus étre appelés "esclaves", mais qu'ils n'en étaient pas pour autant "citoyens", leur statut ne pouvait étre défini que négative-
ment, par l'expression "non libres", qui les oppose à la catégorie des hommes libres, laquelle englobe à la fois les affranchis ou "citoyens passifs” — liberti ou cives imminuto jure à Rome — et celle des "citoyens actifs" — cives optimo jure
à Rome —.
3. Le probléme est que cette assimilation juridico-idéologique, héritée de Rome, entre liberté et citoyenneté — pleine ou limitée — d'une part, et liberté et libération de la servitude d'autre part — laquelle, pour étre sommaire, n'en est pas moins exacte dans l'ensemble —, a eu pour conséquence une assimilation qui, elle, est beaucoup plus contestable: celle de l'esclave moderne avec l'esclave romain. En effet, non seulement « l'intérêt moderne envers l'esclavage antique est issu de l'idée de liberté au XVIII° siècle » ^, τ: C, Fnosrin, Les révoltes blanches à Saint-Domingue aux XVII* et XVIII* siècles (Haiti avant 1789), Paris 1975, p. 381. 12 Brissor, Note sur l'Admission des Planteurs à l'Assemblée Constituante, 1789. 13 RoBESPIERRE, Discours à l'Assemblée Constituante, 12 Mai 1791, “Sur la condition des hommes de couleur libres". 14 M. T. FINLEY, Esclavage antique et idéologie moderne (trad. française), Paris 1981, pp. 14 ss.
197
mais la réflexion philosophique du siècle des Lumières et la pensée révolutionnaire française, qui, sur ce point, sont dans le prolongement l’une de l’autre par leur pétition de principe abolitionniste, partent d'une assimilation du système esclavagiste colonial à l'institution antique de l'esclavage. Le point d'aboutissement de cette assimilation sera, en 1847, un an avant la proclamation de l'abolition définitive de l'esclavage, la parution de l'ouvrage de Henri Wallon, L'Histoire de l'Esclavage dans l'Antiquité, qui s'ouvre par un long chapitre introductif sur "L'esclavage dans les colonies", destiné, selon
l'auteur, à "ramener", à "fixer" les esprits sur la "question coloniale." Ni Adam Smith, ni John Millar, ni les philosophes frangais, à commencer par Montesquieu, n'établissement de distinction fondamentale, autre — pour ce
dernier seulement — que par un juridisme formel, entre esclavage antique et esclavage moderne. Cela vient de ce que leur approche des faits n'était pas proprement historique, mais typologique et paradigmatique. La pensée philosophique du XVIII* siècle demandait à l'Antiquité des modèles politiques ou des références sociologiques 5, comme, consécutivement, selon le mot de Marx au début de son "Dix-huit Brumaire", la Révolution française « s'est drapée alternativement dans les habits de la République romaine et de l'Empire romain ». Et il est vrai que, d'un strict point de vue juridique, il n'y a pas de différence fondamentale entre l'esclave moderne et l'esclave antique. Les définitions des juristes anciens: “être dépourvu de personnalité” !5, res, c'est-à-
dire "objet, et non sujet du droit" !", ne s'appartenant pas, dépourvu de libertas, sont applicables à l'esclave moderne. A deux nuances près, qui sont de taille: l'esclave, à Rome, n'est pas dépourvu de toute garantie civile et surtout il n'y a pas, à Rome, de fatalité génétique de l'esclavage. La première différence vient de ce que, sous les effets conjugués du législateur et de l'évolution des mœurs, la condition juridique et sociale de l’esclave a évolué au cours de l'histoire de Rome. Mais cette évolution n'a été possible que parce que la pleine qualité d'homme de l'esclave ne faisait de doute pour personne et était reconnue par le droit. Par voie de conséquence, l'esclave pouvait, par exemple, représenter son maître, agir domini
nomine, être détenteur d'une propriété de son maître et méme avoir un droit de propriété, ne serait-ce que sur son pécule ?. Ses liens de dépendance envers le maítre ne sont pas régis par le seul droit de propriété; dans une certaine mesure, faisant partie de la familia, l'esclave est lié à son maître 15 Cf. FINLEY, op. cit., pp. 24 ss. 15 Inst., I, 16, 4; Dig., IV, 5, 3, 1; cf. C. Nicouer, Rome et la conquête du monde méditerranéen,
1. Les structures de l'Italie romaine, Paris
1977, p. 207.
17 Ulpien, Reg., 19; Gaius, II, 13; cf. Nicorzr, ibid. 18 Dig.,
I, 5, 2;
IV,
de droit romain, 7° éd. pp. 52 ss.; O. RoBLEDA, 19 Gaius, I, 52; cf. Antiquity, Amer. Philos. 2 Dig., XV,
198
5, 11;
cf. Nicoer,
ibid.;
P.F.
Girarp,
Manuel
élémentaire
1924, pp. 100-102; M. VirLLEv, Le droit romain, Paris 1972, I! diritto degli schiavi nell'antica Roma, Roma 1976. W.L. WESTERMANN, The slave system of Greek and Roman Soc., Philadelphie 1955, p. 83.
1, 5 et 6; cf. NICOLET,
Italie romaine, cit., pp. 215 ss.
par des liens qui ne sont pas étrangers à ceux de la parenté ?!. Assurément, jusqu'à la lex Cornelia de sicariis 2, subsista le droit de vie et de mort du maître sur l’esclave — comme, longtemps, celui du paterfamilias sur ses enfants —. Mais rappelons que Claude étendit au droit romain la disposition du droit grec qui réputait libre l’esclave abandonné par son maître ou non entretenu par lui et qu’Antonin interdit aux citoyens de « sévir outre mesure et sans motif contre les esclaves » ?, méme si la justification de cette mesure était juridique, «en vertu du méme principe (qui) interdit au prodigue l'administration de ses biens » *. Finalement, le droit romain, ou du moins certains juristes, en vinrent à déclarer l'esclavage institution "contraire à la nature", méme s'il n'est pas question de s'en passer *. Paradoxalement, si on a pu en arriver à Rome à une telle affirmation —
contraire à la théorie aristotélicienne de l'esclave par nature, qui souffre
d’ailleurs des nuances —, c'est parce que, contrairement à Aristote , le droit romain considérait l'esclavage comme une conséquence naturelle du jus gentium, c'est-à-dire essentiellement de la guerre ?. Assurément, la guerre
ne fut pas la seule source de l'esclavage à Rome”, méme si la conquête déversa sur le marché de Rome des milliers de prisonniers réduits en esclavage, et la pratique courante de l'échange ou du rachat des prisonniers venait tempérer l'application brutale de la réduction en servitude des prisonniers de guerre. Mais, justement, le caractère dans une certaine mesure ‘précaire’ de cette réduction en servitude rendait a priori peu crédible aux yeux des Romains la théorie de l’ "esclave par nature". Les termes mêmes qui désignent le plus couramment l'esclave ou l'esclavage en latin — captivus, mancipium, servus — se réfèrent, pour les deux premiers, à la guerre et au commerce ?, et, pour le dernier — d'origine étrusque, semble-t-il —, définit l'esclave non
comme une "chose", mais comme un "étranger sans loi" 9. Au reste, comment 21 Cf, J. MAURIN, "Remarques sur la notion de 'puer' à l'époque classique", Bulletin de l'Association G. Budé 1975, pp. 221-230. 2 Suet., Claud., 25; Hist. Aug, Hadr., 17; Dig., XLVIII, 8, 2 1; Gaius, I, 53; cf. NicoLET, Italie romaine cit., p. 224. 3 Gaius, ibid.
24 Id., ibid. ?5 Dig., I, 1, 4; 5, 4; Iust., I, 2, 2; 3, 2; cf. VILLEY, op. cit., p. 57. 36 Arist., Pol., I, 5, 1254 b 16ss.; 6, 1255 a 21s.; cf. R. Waiz, Politique d'Aristote, Paris 1966, pp. 65 ss. T! Voir n. 25; A. MicHzL, La philosophie politique à Rome d'Auguste à MarcAurèle, Paris 1969, p. 345, assimilant droit des gens « Gaius reprend ici la célèbre tradition d'Aristote ».
2% Les autres commerce — et la BaLspoN, Romans Slaves, Cambridge 5 Cf, NicoLET,
et droit naturel,
en conclut
que
étant la piraterie — activité intermédiaire entre la guerre et le reproduction; cf. NicoLer, Italie romaine, cit., pp. 209 ss.; J. P. V. D. and Aliens, Londres 1979, pp. 77-81; K. Hopkins, Congüerors and 1978, pp. 108 ss. Italie romaine, cit., p. 207.
9 Cf. H. Lévv-BzuHL, Théorie de l'esclavage. Quelques problèmes de très ancien droit romain, Paris 1934, pp. 15-33; E. BENVENISTE, "Liber et liberi", Rev. ét. latines 14 (1936), pp. 51-58; In., "Le nom de l’esclave à Rome", Rev. ét. latines 10 (1932), p. 429; In., Le vocabulaire des institutions indo-européennes, I, Paris 1969, pp. 355-362.
199
un peuple qui revendiquait pour fondateurs des esclaves en rupture de ban venus se réfugier dans l’Asylum romuléen et qui soutenait l'origine servile de son sixième roi pouvait-il ne pas s'interroger sur la théorie de l’ "esclave par nature", s'il était vrai, comme ils le croyaient, que Servius Tullius libertatem
stabiliverat? * On peut discuter du nombre et de la facilité des affranchissement à Rome ?. On ne peut nier que, juridiquement, et sans doute dans une large mesure pratiquement, l'affranchissement était chose simple et banale, et que les liberti, même ‘parqués’ dans un ordo spécifique, jouissaient pourtant de
tous les droits civils des citoyens. Cette aisance avec laquelle l'esclave d'hier —
ou le fils de pérégrin —
pouvaient devenir cives, avec tous les droits
civils et, en principe, politiques ?, stupéfiait les Grecs ^, qui n'accordaient à leurs affranchis qu'un statut semblable ou analogue à celui des "étrangers résidents", des métèques . Comment, dés lors, s'étonner qu'à la suite de Chrysippe, Cicéron, puis Sénèque aient considéré l'esclave comme un perpetuus mercenarius, avec lequel le maître était lié par un contrat moral qui plaçait leurs rapports dans le chapitre de la justice? * Plus que l'affirmation répétée que les esclaves sont des hommes — qui n'avait en soi rien de nouveau —, est importante, pour l'évolution de la pensée romaine, la conséquence qui en est tirée: à savoir
qu’il faut les traiter
humainement”.
Philanthropie et évergétisme
grecs — ou plutót hellénistiques — trouvent dans la pensée stoicienne romaine un écho d'autant plus amplifié que les Romains savaient bien — et disaient — que, si l'on faisait le compte de ceux d'entre eux dont les ancétres étaient ingenui, on en trouverait bien peu!
À la suite de Platon, Sénèque
répète à l'infini: « Nous avons tous — ou presque — des ancêtres esclaves; dés lors, la condition actuelle de l'esclave, de l'homme libre ou du chevalier n'est qu'une condition sociale et cette condition n'est elle-méme que le fruit du hasard » *. Ne sous-estimons pas l'influence de ces professions de foi philosophiques: elles conduisirent, sous Néron, le sénat à refuser de sanction51 Acc., F. Praet., 40 R2.
32 Bonne position du problème dans NicoLer, Italie romaine, cit., pp. 218 ss. 33 Cf. NIiCOLET, Italie romaine, cit., pp. 219 ss.; 334 ss.; In., Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, Paris 1976, pp. 34ss.; 39; FINLEY, op. cit., pp. 129 ss.; BALSDON, op. cit., pp. 82-96;
Hopkins,
op. cit., pp. 115 ss.
3 Cf. Denys d'Halicarnasse, IV, 22; Appien, Bellum civile, II, 120; W. DiTTENBERGER, Sylloge Inscriptionum Graecarum, 3° ed., n° 543. 35 Cf. P. GAUTHIER, " 'Générosité' romaine et ‘avarice’ grecque", Mélanges Seston, Paris 1974, pp. 207-216, qui a tendance à minimiser la différence d’usages entre Grecs et Romains.
36 Cic., Off., I, 41; III, 89; Sen., Clem, I, 18, 1; Bex., III, 22, 1; cf. P. GrIMAL, Sénéque, ou la conscience de l'Empire, Paris 1979, pp. 181; 305; 438. 53 Cf, par ex., Sen, Ep., 47; Ira, VII, 32; III, 33s.; Vita beata,
24,
2;
Stat,
Sélv., II, 6; cf. J. M. Anpré, "L'esclavage sous Neron: statut juridique et condition réelle", Neronia 1977, Clermont-Ferrand 1982, pp. 13-22. 38 Cf.
Plat,
Theaet.,
174e-175a;
Sen.,
Ben.,
III,
28,
3;
Ep,
31,
11;
44,
3ss;
J. C. DuwoNT, "Guerre, paix et servitude dans les Captifs”, Latomus, 33 (1974), pp. 505-522.
200
ner les affranchis ingrats envers leurs patrons par la perte de leur liberté: de la liberté, on ne saurait régresser à la servitude et trop de capitaines et de magistrats romains venaient de l'ordo libertinus, à une ou plusieurs générations antérieures, pour que la condition d'affranchi püt être méprisée ou
rendue précaire ?. On saisit là un exemple privilégié d'influence directe des idées philosophiques sur l'évolution du droit. Prenons garde de ne pas induire, de l'ironie de Pétrone ou de la hargne de Tacite à l'égard des affranchis, à un état d'esprit général des Romains, quand tout indique que leur attitude était autre.
Cette relative “perméabilité” de l'esclavage à la citoyenneté romaine — estimée à un sur dix des esclaves ruraux, et à un sur trois des esclaves urbains,
au bout de trente ans * — n'avait pas seulement des conséquences politiques, philosophiques et juridiques sur la composition du populus romain; elle avait aussi des conséquences économiques et sociales. Au plus fort de l'expansion romaine (II-I* s. av. J.-C.), le prix moyen de l'esclave continua d'imposer un investissement financier non négligeable; en outre, la population servile, à cette époque, peut étre située dans une 'fourchette', oscillant entre 30 et 70% du corps social, ce qui signifie que, dans la période où le marché des esclaves fut le plus approvisionné, il y avait, soit un homme libre pour deux esclaves, soit deux hommes libres pour un esclave. 4. Par suite, la société romaine ne fut jamais, en dépit de quelques révoltes serviles survenues justement dans cette période, le "baril de poudre" * qu'étaient les colonies françaises des Iles au XVIIT* siècle. A la veille de la Révolution, il s'y trouvait, pour un homme libre, neuf esclaves! Encore, permi les hommes libres, faut-il compter, outre les Blancs, grands ou petits, les nègres et mulátres affranchis *. La seconde différence entre l'esclavage antique et l'esclavage moderne tient dans la facilité relative avec laquelle l'esclave antique, du moins à Rome,
pouvait étre affranchi, Une telle facilité ne se retrouve que dans les colonies espagnoles, qui, à la veille de la Révolution française, comptaient plus d'affranchis que d’esclaves, A la méme époque, on trouvait dans les colonies françaises un affranchi pour vingt esclaves. Ne parlons pas des colonies anglaises, où la proportion tombait à un pour soixante-cinq! La troisième différence consiste dans la véritable “métamorphose”9 juri-
9 4. # lettre 9
"Tac, Asn., XIII, 26ss.; cf. GRIMAL, op. cit., pp. 1815s. Ap. DUMONT, op. cit.; cf. NICOLET, Italie romaine, cit., p. 211. L'expression est du marquis de Rouvray (Archives Nationales, Col. C 9 b, carton 33, du 25.12.1785). Elle est reprise par R. CORNEVIN, Haiti, Paris 1982, p. 39. D'après les travaux de G. DEBIEN, sur une population totale d'environ 750000
habitants, il y avait à peu près: 650000 esclaves (86%), nègres ou mulâtres affranchis (4,4%). Cf. M. Devèze, Caraïbes de 1492 à 1789, Paris 1977, p. 282.
65000 blancs (8,6%) et 33000 Antilles, Guyane, la mer des
4 Le mot est de E. Levy, "Libertas und Civitas", Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Recbtsgeschichte-RA 78 (1961), pp. 142-172; cf. FiNLEY, op. cit., pp. 129 ss.
201
dique et sociale que connaît l'esclave romain une fois affranchi. Du jour au lendemain, l’objet du droit devenait sujet du droit; de res, il devenait civis,
et pas n'importe quel civis: civis Romanus, c'est-à-dire quelqu'un possédant, méme minimo jure, une qualité de libertas supérieure, par définition, à celle de l’indigène des provinces, à celle de l'allié de Rome et à celle de l'étranger libre *. Mais n'était-il pas objet de mépris de la part des ingenui? Assurément, il n'est pas difficile de trouver, chez Juvénal, Pétrone ou Tacite, des moqueries contre les affranchis: graeculi, “orientaux”, juifs, asiates, égyptiens 5... et, chez Horace, des réminiscences cuisantes de ces plaisanteries dont il fut victime enfant 5; mais qu'un Cicéron ait pu étre lui-méme traité de peregrinus ou de Romulus d'Arpinum "* donne la relativité de ces moqueries, que les Modernes ont un peu facilement tendance à interpréter, non sans anachronisme,
en terme de ‘racisme’. Et voilà en effet le grand mot lâché! Car, si l'on peut encore trouver d'autres différences — ne serait-ce que de traitement — entre esclave romain et esclave colonial, la principale différence réside dans le fait que, dans l'ensemble, « l'esclavage antique méditerranéen avait été un esclavage de blancs » * les Noirs esclaves étant restés, à l'exception des Nubiens dans l'Egypte pharaonique,
rares dans le personnel
servile.
Au
contraire, avec le développe-
ment, par les Arabes d'abord, par les Européens ensuite, de la traite des Noirs, la psychologie esclavagiste va identifier les termes de Noir, ou de Nègre, et d'esclave. Par la couleur de sa peau, par son aspect physique radicalement différents de ceux de l'homme blanc, voire de l'Indien, le Noir va porter, si l'on peut dire, l'esclavage sur son visage. Áu contraire, qu'une décision du sénat romain, restée d'ailleurs sans lendemain, ait exigé des esclaves qu'ils se distinguassent des hommes libres par leurs vêtements ? montre à l'évidence qu'en général, rien, ni dans la tenue, ni dans l'aspect physique, ne distinguait à Rome l'esclave de l'homme libre. Les conséquences de cette confusion entre race noire et condition servile
sont immenses. Non seulement l'esclave est immédiatement reconnu comme tel par son aspect physique, mais, méme affranchis, les Négres, contrairement à l’affranchi romain qui se fondait rapidement dans le melting pot de l'Empire, « conservaient un signe extérieur de leurs origines serviles dans la cou# Cf. and early Freibeit in 1884-1887, Liberalitas.
C. WirszuBSsKI, Libertas, as a political Idea at Rome during tbe late Republic Principate, Cambridge 1950, pp. 3-5; J. BLEICKEN, Staatliche Ordnung und der róm. Republik, Frankfort 1972; T. Mommsen, Róm. Staatsrecbt, Berlin III, pp. 65 ss.; HELLEGOUARC'H, op. cit., p. 565; A.U. SryLow, Libertas und Untersuchungen zur innenpolitischen Propaganda der Rümer, Thèse, Munich
1970, p. 18.
55 Ces textes ont été recensés par A.N. Durr, Freedmen in tbe Early Roman Empire, réimpr. Cambridge 1958. # C. HicHET, "Libertino patre natus", American Journal of Pbilology 94 (1973), pp. 268-281.
4 Cic., Att., I, 16, 30; Fam., VII, 24; Syl., 218s.; 25ss.; 48; Vat., 23; Sest., 109; 123; dom., 75; 94;
cf. Plut., Cic., 23, 2.
4 T. MEvER, Les Européens et les autres, de Cortès à Washington, Paris 1975, p. 206. 9 Sen., Clem., I, 24, 1.
202
leur de leur peau, même après de nombreuses générations, ce qui entraînait pour eux des conséquences négatives fort sérieuses sur les plans économique, social, politique et psychologique » . La seule exception relative est constituée par les colonies espagnoles, où le brassage des races allait de pair avec l’affranchissement libéral. Ce n'est pas un hasard si l'un des ouvrages fondamentaux sur les affranchis du Nouveau Monde s'intitule Neitber Slave nor
Free, et un autre Slaves without Masters". Alors que l'affranchi romain, grâce à son patronus, était intégré à la société des hommes
affranchi restait un 'marginal' Du
libres, le nègre
Blanc, il était inutile de préciser qu'il
était libre; du Noir, s'il était affranchi, il fallait préciser: “Nègre libre" ou "homme de couleur libre". Cette derniére expression, utilisée par Robespierre pour désigner l'ensemble des anciens esclaves affranchis ?, s'appliquait en propre aux produits plus ou moins mélés issus du croisement d'un Blanc et d'une Noire (l'inverse étant inimaginable). Ceux-ci formaient d'ailleurs la grande majorité des affranchis, comme si la part blanche de leur ascendance
les rendait plus aptes à la liberté. Mais, corrélativement, le fait que leur condition ait été, au départ, celle d'esclaves, bien que fils de leurs maîtres
— alors que la chose était rare dans l'Antiquité —, montre que leur origine noire les classait a priori dans la catégorie servile. Il vaut la peine de souligner les soigneuses distinctions établies entre les différents degrés de négritude, où, méme très minoritaire, la part de ‘sang noir’ demeurait le signe visible de la servitude. Les voici, énoncées par Victor Hugo dans Bug-Jargal : « M. Moreau de Saint-Méry *... a classé dans des espèces génétiques les différentes teintes que présentent les mélanges de la population de couleur. Il suppose que l'homme forme un tout de cent-vingt-huit parties, blanches chez les blancs, noires chez les noirs... D'après ce système, tout homme qui n'a point huit parties de blanc est réputé noir ... Marchant de cette couleur vers le blanc, on distingue neuf souches principales: ... le sacatra, le griffe, le marabout, le mulátre, le quarteron, le métis, le mameluco, le quarteronné,
le sang-mélé ». On caste
inférieure
ne s'étonnera que le "préjugé"
l'homme
de couleur
libre
qui,
aux
ait maintenu Antilles
dans une
françaises,
se
voyait interdire l'accés de nombreuses charges ou métiers, ou en était découragé: professions libérales, officier de milice, etc., tandis que l'affranchi romain, s'il ne pouvait devenir magistrat ni chevalier — encore peut-on trouver des exceptions à la règle —, n'avait aucune restriction quant à l'exercice d'un métier. 39 FiNLey, op. cit., p. 129. St D. W. CoueN & J.P. GREENE éd., Neither Slave nor Free: Tbe Freedman οἱ African Descent in tbe Slave Societies of tbe New World, Baltimore-Londres 1972; I. BERLIN, Slaves without Masters: tbe Free Negro in tbe Antebellum South, NewYork
1974.
2 Cf. supra n. 15. 53 V. Huco, Bug-Jargal, chap. IV, n. 2. 55 Auteur esclavagiste d'une Description
topographique,
civile,
politique
et bisto-
rique de la partie française de l'ile de Saint-Domingue, Philadelphie 1796, rééd. 1958.
203
5. Contrairement à ce qu’on dit couramment, il nous semble que le système esclavagiste moderne repose moins sur un sentiment de supériorité de la race blanche que sur la conviction que la race noire était faite pour l'esclavage. «Ce fut, paradoxalement, l'admirable croisade de Las Casas en faveur des Indiens qui fournit le prétexte humanitaire nécessaire. Importer des Noirs pour préserver les Indiens!... Pour protéger ses Indiens, Las Casas admettait la possibilité d'importer, puisqu'ils existaient, des escla-
ves noirs » δ. Or l'idée que des hommes puissent naturellement être voués à l'esclavage permet — l'aspect racial en plus —
à la pensée esclavagiste mo-
derne de rencontrer des théories antiques sur l'esclavage, et de s'en nourrir.
La théorie aristotélicienne de l'esclavage naturel, si elle n'avait pas de contenu racial, se fondait néanmoins expressément sur des critères psychiques et physiques pour reconnaítre, parmi les hommes, celui qui était esclave par nature: « Est en effet esclave par nature celui qui est apte à étre la chose d'un autre (et c'est pourquoi il l'est en effet), et qui a en partage la raison dans la mesure seulement où elle est impliquée dans la sensation, mais sans la posséder pleinement... Assurément, la nature tend à faire des corps d'esclaves différents de ceux des hommes libres. accordant aux uns la vigueur requise pour les gros travaux, et donnant aux autres la station droite et les rendant impropres aux besognes de ce genre, mais utilement adaptés à la vie de citoyen » *. Cette théorie, dont Aristote lui-même reconnait
qu'elle
ne
saurait
étre absolue,
constitue
la base
de
la théorie
esclavagiste des Planteurs: par leur robustesse naturelle, par leur adaptation aux climats chauds, par leur aptitude à se soumettre et à s'accommoder gaiement de leur condition servile, les Noirs constituent des ‘instruments humains”
parfaits pour l'exploitation des terres tropicales du Nouveau Monde. Si cette théorie est si souvent dénoncée par les philosophes, par l'abbé Raynal et,
d'une maniére générale, par les anti-esclavagistes, c'est parce qu'elle constituait l'argument de base économico-philosophique des colons ?', Etait-elle totalement étrangére aux Romains? Du point de vue physique, assurément; du point de vue moral, c'est autre chose. On peut trouver en effet des textes latins qui semblent indiquer qu'aux yeux des Romains, il y avait des peuples qui, sinon ethniquement *, du moins historiquement, semblaient 'nés pour l'esclavage': Juifs, Syriens, Phrygiens, Cariens, Lydiens, Mysiens, Mèdes, Cappadociens ?, — disons, en général, peuples asiatiques 9. 55 MEYER,
op. cit., p. 206.
56. Arist., Pol., I, 5, 1254 b 16ss. (c'est nous qui soulignons); cf. 1254 a 18. S Cf. H. DeEscHAMPs, Histoire de la Traite des Noirs de l'Antiquité à nos jours, Paris
1971, pp.
164-168.
5 Nous sommes sur ce point en désaccord 59 Cic, Prov. cons. 10; Flacc., 65; red. ad Ep. Mitbr., 1; Liv., XXXV, 49, 8; XXXVI, 17, 5; XIII, 34, 3. Plutôt que “barbares”, comme le pense La
distinction
est
bien,
différence de "nature"
204
comme
il le
dit,
avec FiNLEY, op. cit. p. 160. sen., 14; Phil., VI, 19; X, 20; Sall, XXXVII, 54, 24; Tac., ÁAn»., II, 4, 2; NicorrT,
"culturelle",
que de "degré" de culture.
Italie romaine mais
elle
est
cit, p. 208. plus
dans
une
Mais il faut linterférence Coclès traite les Etrusques
prendre garde de ne pas tomber à notre tour victimes de entre liberté personnelle et liberté civile. Lorsque Horatius les Etrusques de servitia regum superborum, veut-il dire que sont une race d'esclaves 'par nature'? Evidemment non! Ce
qu'il stigmatise, c'est leur soumission
politique à l'institution royale f.
Et c'est cette méme soumission politique à l'autorité d'un roi ou à la férule de l'étranger — y compris d'ailleurs celle de Rome — que stigmatisent la plupart des textes évoqués à l'appui du ‘racisme’ romain. Confrontés, lors de la conquéte, à une humanité soumise à des rois ou à des dominations étrangères, les Romains en ont fini par conclure qu'eux seuls étaient vraiment animés par la passion de la libertas, qu'eux seuls la possédaient pleinement, et donc qu'eux seuls en étaient vraiment dignes, puisqu'eux seuls ne pouvaient supporter la domination, dont les autres peuples s’accommodaient fort bien et qui, au fond, était souhaitable pour eux — surtout si cette domination était romaine! —; ils appliquérent ce raisonnement aux Grecs eux-mémes, pourtant inventeurs de la liberté, mais devenus incapables de la
gérer 9, Cette affirmation de la prédisposition naturelle de nombreux peuples à la servitude politique si l'on veut — puisqu'elle résulte relle ni ethnique. Elle justifie la — si l'on peut employer ce terme y ait parfois un certain flou dans
est, on le voit, idéologique, historique de la conquête —; elle n'est pas cultuconquête romaine, l'impérialisme romain —, non l'institution de l'esclavage. Qu'il la pensée et dans l'expression, nous l'ad-
mettons cependant volontiers, comme l'indice de cette interférence entre les
différentes acceptions du mot "liberté", C'est donc à Aristote, et à la pensée grecque, que les colons empruntaient la justification philosophique du 'préjugé', non à la pensée romaine. Ce qu'ils ont en revanche emprunté à Rome, c'est la justification de l'esclavage par le droit des gens: les Noirs achetés comme esclaves sont, disent-ils, des prisonniers de guerre faits par leurs propres fréres de race, ou des criminels de droit commun. A cette donnée de fait, s'ajoute souvent une considération ‘humanitaire’: s'il n'était pas acheté par les Blancs, « ce serait une cruauté pour l'Africain lui-méme,... que l'on sauve ainsi du massacre ou d'une servitude pire dans son propre pays »$. A cet argument, les philosophes avaient beau jeu de répliquer que ce sont les Européens qui, « avec un art infernal, sèment et entretiennent la division parmi ces peuples qui leur vendent des prisonniers de guerre » *. Cela n'empéchait point Linguet, dans sa Théorie des lois civiles, Paris 1767, de fonder l'esclavage sur le droit des gens, en se référant expressément aux juristes romains. Il n'est pas
improbable que le cri d'indignation qui conclut la description horrible faite par Voltaire de la condition
des esclaves dans
son Essai sur les Mœurs,
61 Liv., II, 10, 8; cf. II, 15, 3. € Cf. supra n. 2.
8 BoswELL, cité par DEVÈZE, op. cit., p. 372. € SAINT-LAMBERT, cité par DESCHAMPS, op. cif., p. 166; cf. p. 168.
205
écrit quelques années après, en 1772: « Après cela, nous osons parler du droit
des gens! », constitue une réplique à la théorie du juriste Linguet. La justification de l'esclavage par le droit divin, telle que la développe en 1764 le théologien Bellon de Saint-Quentin dans sa Dissertation sur la Traite des Négres, ne nous intéresserait pas ici si, en considérant l'esclavage comme une punition divine, ou comme une conséquence institutionnelle du péché originel, il ne reprenait peu ou prou les arguments avancés par les premiers Péres de l'Eglise pour, non pas justifier, mais expliquer théologiquement l'existence contemporaine de l'institution servile. À cet argument,
non seulement Voltaire répliquait dans Candide, dés 1759 — ce qui montre que l'argument était couramment utilisé avant d'étre mis en forme par SaintQuentin — que, «si nous sommes tous enfants d'Adam, blancs ou noirs... on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible » 5,
mais encore J. Millar apportait —
ouvrant ainsi un long débat —
une
pierre anti-cléricale, en jugeant nulle l'influence du christianisme dans la disparition de l'esclavage antique . Paradoxalement, cette thèse confortait
les esclavagistes: si la Rome chrétienne antique ne contestait pas la validité de cette institution,
celle-ci
n'était donc
pas, dans
son
principe,
contraire
aux principes du christianisme ‘?. Mais le principal apport de Rome à l'esclavagisme réside dans l'adapta-
tion qui fut faite du droit romain aux formes modernes de l'esclavage. La tradition du droit romain — rappelons-le — n'avait jamais été interrompue depuis l'Antiquité, gráce aux codes germaniques d'abord, puis à la faveur du renouveau pour son étude à la fin du Moyen-Age. Aussi textes antiques et commentaires
modernes —
à commencer,
en France, par celui du grand
juriste J. Cujas — ne manquaient-ils pas lorsque Colbert, s'inspirant très directement du droit romain, écrivit et promulgua, en 1685, le Code Noir”. L'esclave y est défini comme un "bien mobilier", sans personnalité juridique; il ne peut pas témoigner en justice, peut être vendu quasiment sans restriction — sauf quelques dispositions particuliéres en cas de saisie de la plan-
tation —, et sa fuite — le "marronage" — est plus durement sanctionnée, notamment
par des mutilations,
que dans
le droit romain.
En
outre,
si le
Code Noir reprenait quelques dispositions du droit romain relatifs à l'obligation faite au maître de traiter convenablement ses esclaves, autorisés dans
le cas contraire à se plaindre — autorités
(art. 22,
23
mais en avaient-ils les moyens?
et 42), il aggravait
en
revanche
—
aux
sa condition,
par
rapport à celle de l'esclave romain, sur deux points essentiels: ne pouvait ni représenter son maître ni posséder en propre
1) l'esclave aucun bien
$5 VovrAIRE, Candide, ou De l'Optimisme, chap. 19. € J. Mira, Observations concerning tbe distinctions of Ranks in Society, Dublin 1771 (trad. française: Observations sur les commencements de la Société, Amsterdam 1773). 67 Cet argument sera encore puissamment développé dans l'ouvrage de A. T. BLEDSOE, An
Essay on Liberty and Slavery, 1856, réimpr. Frecport-New York 1971, pp. 138-225. ® Cf. R.P. JaMESON, Montesquieu et l'esclavage, Paris 1911, réimpr. New York
1941, pp. 82-103; C. A. JULIEN, Les Français en Amérique, de 1713 à 1789, Paris 1977, pp.
206
128 ss.; DEVÈZE,
op. cit., pp. 190ss.;
FINLEY, op. cit., p. 23.
— donc aucun pécule, ce qui faisait disparaître ipso rante d'affranchissement —; 2) l'esclave ne pouvait vingt ans de servitude sans marronage aucun ou s’il (art. 56), ce qui supprimait totalement toute forme ment. Pis encore:
facto cette forme couêtre affranchi qu'après héritait de son maître publique d'affranchisse-
à partir de 1713, l'affranchissement privé — le seul encore
possible — sera soumis à l'autorisation écrite du Gouverneur ou de l'Intendant de la colonie 9. Ces limitations considérables apportées à l'affranchissement, par rapport au droit romain, s'expliquent évidemment par le 'préjugé de couleur' et expliquent le petit nombre de noirs libres et la condition inférieure oü ils sont maintenus par rapport aux blancs, méme si, à leur tour, la loi les autorise à posséder des esclaves ?. Peu à peu pourtant, la condition de ces noirs libres devint meilleure que celle des petits blancs, en général descendants des "engagés", appelés aussi
"trente-six mois", parce qu'ils s'engageaient, à leur départ d'Europe, à servir les colons pendant trois ans consécutifs ". Ces "engagés" ressuscitèrent littéralement, en plein XVII* siècle, l'esclavage volontaire romain, par lequel un homme libre pouvait devenir gladiateur 2, se vendre et être vendu (awctoratio
et addictio).
Leur
condition
était
tout
à fait
semblable
à celle
de
l'esclave noir, sinon qu'elle était temporaire et, à l'issue de l'engagement, rémunérée par une prime et par le droit théorique de rentrer en France; mais
cette disposition
se retournait
en fait contre eux, car leurs
maîtres,
soucieux de rentabiliser et d'exploiter à fond les engagés, les traitaient plus durement que les esclaves noirs, qu'on avait souvent intérét à faire durer. Les plaintes, qui parsèment les textes antiques, sur la dureté de traitement infligé aux esclaves pour dettes sont, pour la méme raison, tout à fait vraisemblables. En revanche, peut-étre n'a-t-on pas assez souligné que les ordonnances du 3 décembre 1784 et du 23 décembre 1785, qui, en droit du moins, renforçaient
considérablement
la protection
des
esclaves
contre
l'arbitraire
des maîtres et des gérants, frappant ceux-ci d'amendes, d'infamie et menaçant méme de leur retirer la possession de leurs esclaves, voire de les condamner à mort s'ils les accablaient de mauvais traitements injustifiés, s'ils les mutilaient ou s'ils les faisaient périr délibérément ? s'inspiraient, elles aussi, mais
en sens inverse, très directement des dispositions romaines du jus servorum "^. Et il est tout à fait révélateur de la force et de l'importance des juristes aux € Archives Nouvelles Colonies, 8 A 18. ® Cf, E. Havor, "Les gens de couleur libres du Fort Royal (1679-1823)", Revue d'Histoire d'Outre-Mer 56 (1969), pp. 1-32. 71 Cf. G. DEBIEN, La société coloniale aux XVII* et XVIII* siècles, I. Les Engagés pour les Antilles 1634-1715, Paris 1952; Ip., Les petits blancs des Iles, 1959 et 1967; DEVEZE,
op. cit., pp. 184 ss.
7? Inscriptiones Latinae Liberae Rei Publicae, par A. Decrassi,
II, Florence 1963,
n. 662.
73 Titre 6, art. 2 & 50 M, G 1). 14 Cf. Gaius, I, 52.
3 de l'ordonnance
du 23.12.1785
(Archives
Nationales,
Col.
207
colonies ? que la réplique de ces “magistrats-colons” ait été: « En substance, cet édit porte atteinte aux droits de la propriété et met le poignard dans la main des esclaves » *, Le premier argument se réfère expressément à la conception, commune au droit romain et au Code Noir, de l’esclave-res, “bien meuble". Le second exprime
la crainte de la subversion,
de la révolte des esclaves,
— crainte réelle, bien qu'aucun mouvement d'envergure n'ait encore eu lieu aux colonies. Or une telle crainte, sauf au moment des grandes révoltes serviles des II° et I” siècles av. 7.6. 7, est généralement absente de la mentalité romaine, probablement parce que — nous l'avons vu — le rapport numérique entre hommes libres et esclaves n'était pas aussi écrasant que dans les colonies modernes, et parce que, en partie gráce aux relatives facilités d'affranchissement et par l'absence de stigmates génétiques de la condition servile, « la grande majorité des esclaves de l'Antiquité
s'accommodérent
tant bien que
mal de leur condition, que ce soit passivement... ou positivement, ou, peut-
être le plus souvent, par un mélange de ces deux attitudes » ". Il n'en était pas de méme
dans
les colonies
contre la métropole
avait donné
frangaises,
l'occasion
oü la révolte
blanche
au "parti colon"
de
1769
de souligner
la nécessité de maintenir méme les gens de couleur libres dans une caste inférieure, car « toute distinction (pour eux) serait le signal de la désobéissance des esclaves qui perdraient aussitót le respect qu'ils ont pour le nom de Blanc... » ”. Si bien que, malgré le plaidoyer — bien écouté — du mulátre Raimond à la cour de Louis XVI en 1785, les timides essais, encouragés par l'Etat métropolitain, vers une plus grande facilité d'affranchissement n'aboutirent à une modification sensible ni du nombre des affranchis, ni de la condition respective des esclaves et des "Libres" à la veille de la Révolution française δ΄, 75 Cf. FROSTIN, op. cit., p. 355. % Cité par G. DEBIEN, “Soucis d'un officier colonial (St-Domingue), 1784-5", Revue d'Histoire de l'Amérique française (1964), p. 270; cf. In., Les esclaves aux Antilles françaises, (XVII*-XVIII* pp. 371 ss.; 405 ss.
siècles),
Fort-de-France
1974,
pp.
485ss.;
FROSTIN,
op.
cit.
T Encore est-ce le plus souvent moins le péril servile en lui-même qui est craint que l'utilisation militaire des esclaves par les agitateurs politiques: cf., in Actes du colloque sur l'esclavage, Nieborów 2-6.XII.1975, Warszawa 1979, la communication de F. Favory, pp. 125-170; F. Favory, "Clodius et le péril servile: fonction du thème servile dans le discours polémique cicéronien", Index - Quaderni camerti di studi romanistici 8 (1978-79), pp. 173-205; L. Havas, "Le mouvement de Catilina et les esclaves", Acta classica Universitatis scientiarum | Debreceniensis 10-11 (1974-75), pp. 21-29; E.S. GRUEN, The Last Generation of the Roman Republic, Berkeley-Los Angeles 1974, pp. 428 ss.; E. M. SrAERMAN, Die Blütezeit der Sklavenwirtschaft in der
rom. Republik, Wiesbaden 1969, pp. 244 ss.; N. ROULAND, Les esclaves en temps de guerre, Bruxelles 1973, II* Partie. 18 FINLEY, op. cit., p. 155.
7? Moreau DE SAINT-MÉRY, op. cit. (n. 54), IV, p. 811; cf. FROSTIN, op. cit., p. 308; DEVÈZE,
op. cit., p. 293.
9 Cf. V. J. TARRADE, "L'administration coloniale en France à la fin de l'Ancien Régime: Projets de réforme", Rev. bistorique 229 (1963), p. 103. *! Cf. G. DEBIEN, Esclaves aux Antilles, cit., pp. 492 ss.
208
6. En face, où se recrutaient, et sur quels arguments se fondaient, dans le demi-siècle qui précéda la Révolution, les anti-esclavagistes, ou les abolitionnistes?
Il paraît évident de répondre: chez les philosophes, et avec des arguments humanitaires. En fait, les choses ne sont pas si simples, d'une part parce que la condamnation de l'esclavage dans la pensée des Lumières n'est pas aussi générale ni aussi nette qu'on pourrait le croire 9, d'autre part parce que, de ce bord aussi, la référence à Rome n'est pas absente du débat. A la fois juriste et philosophe, Montesquieu constitue de ce double point de vue un cas particuliérement intéressant. L'ambiguité de son attitude à l'égard de l'esclavage a été maintes fois soulignée 9. Ce qu'on a moins vu, c'est que cette ambiguité — du moins en partie — provient de ce que, juriste, économiste et philosophe de l'histoire, il était tiraillé entre, d'une part, les sentiments humanitaires de son temps et, d'autre part, la cohérence
rationnelle des théories antiques sur l'esclavage, où les esclavagistes puisaient sources et arguments, et des justifications économiques et ‘physiocratiques’ avancées par ces mémes esclavagistes. Ce n'est pas un hasard si le terme latin de colonie fut donné aux établissements du Nouveau Monde. Certes, on n'en finirait pas d'établir la liste des différences entre colonies romaines et colonies modernes, mais elles ont en commun un trait fondamental: de méme que les colonies romaines étaient « des morceaux de Rome hors du territoire romain » *, à l'inverse des colonies
grecques qui, méme quand elles conservaient des liens privilégiés et parfois
fort étroits avec leur métropole,
"s'appartenaient"
politique indépendante, de méme,
les colonies
et vivaient une vie
modernes
la dépendance étroite de la métropole européenne
demeuraient
sous
et furent conçues, dès le
XVII' siècle au moins, comme des colonies de peuplement *. Si bien que ce qu'on appelle improprement 1' 'anticolonialisme' de Montesquieu n'est en
fait que la condamnation de ces colonies de peuplement, fondée sur deux raisons: 1) l'affreux exemple espagnol" montre qu'elles conduisent au génocide des populations indigènes *; 2) en vertu de la théorie des climats —
d'où la pensée aristotélicienne n'est d'ailleurs pas absente —,
les colons
blancs ne peuvent que végéter et dépérir dans ces climats auxquels ils ne
U Cf. D.B. Davis, The problem of Slavery in Western Culture, Ithaca. 1966, chap. 13-14; JAMESON, op. cit; E.D. SEEBER, Anti-Slavery Opinion during tbe Second Half of tbe Eigbteentb Century, Baltimore 1937; M. Ducuzr, Anthropologie et histoire au Siècle des Lumières, Paris 1971, pp. 137-193. 8 Cf. JAMESON, op. cit.; FINLEY, op. cit., p. 25; M. Craton, J. WaLvin, D. WrIGHT, Slavery, Abolition and Emancipation. Black Slaves and tbe British Empire, Londres. New-York 1976, pp. 196 ss. % NiCOLET,
Métier de citoyen, cit., p. 84.
#5 Gell, XVI, 13. *6 Cf. DEVÈZE, op. cit., pp. 177; 189; #7 Sur l’anti-hispanisme de Montesquieu, Littéraire, 9 aoüt
cf. l'article
de
P.
Maumiac,
in Figaro
1959.
5 Cf, par ex., MONTESQUIEU, Mes Pensées, 207 (1573).
209
sont pas adaptés ". Ce second argument, écologico-démographique, reprend une vieille thèse née au XVII* siècle, passablement fausse d'ailleurs, qu'illustra au XVIII* siècle Boulainvilliers 9. On voit que dans cette condamnation il n'est pas question du probléme de l'esclavage; Montesquieu n'est méme pas hostile aux colonies, il défend une conception qu'on pourrait appeler phénicienne: celle de colonies conçues comme des comptoirs commerciaux. Aussi ne saurait-on s'étonner d'entendre Montesquieu vanter « nos colonies des îles Antilles... admirables (qui) ont des objets de commerce que nous n'avons ni ne pouvons avoir ». Et de poursuivre: « Enfin la navigation d'Afrique devint nécessaire; elle fournissait des hommes pour le travail des
mines et des terres de l'Amérique » ?. Peupler les colonies de blancs, non; de noirs, pourquoi pas? Cette justification de l'esclavage et de la traite par les nécessités du commerce n'est pas propre
à Montesquieu et elle se fonde
sur la réalité économique d'une balance maintenue favorable gráce aux apports de la traite et des produits coloniaux ?, Aussi bien certains physiocrates, à l'appui de la thèse anti-esclavagiste, tentèrent-ils, au XVIII* siècle, suivis par certains philosophes, comme Voltaire, de nier cette prospérité venue des colonies, avec des analyses d'une extrême faiblesse ?. En bon économiste, Montesquieu ne donne pas dans le panneau et, adaptant à sa
théorie des climats le vieux principe aristotélicien de l'esclave « adapté physiquement au travail », il reconnait que «si l'esclavage est contre la nature, ... dans certains pays, il est fondé sur la raison naturelle », notamment
dans les colonies, où « la chaleur énerve les corps » et où seuls les Africains
sont adaptés à de tels climats *. Cela ne l'empéche pas, dans
le méme
livre de l’Esprit des Lois, de
stigmatiser avec une ironie féroce traite des noirs et esclavage et, renvoyant
aux esclavagistes leur argument, de souligner combien l'accumulation d'esclaves aux colonies peut étre dangereuse. Toujours au livre XV, la condamnation se fonde enfin sur un dernier argument: l'esclavage ne corrompt pas seulement l'esclave, mais aussi le maître. Souvent repris aprés Montesquieu, cet argument apparait pour la première fois chez lui dans ses réflexions sur Rome,
où la généralisation du travail servile est dénoncée comme
l'une des
causes de la décadence morale de l'Empire romain *. Il y a donc chez Montesquieu une condamnation théorique de l'esclavage, la reconnaissance de son caractére "contre nature", mais cette condamnation est "avec sursis" *, tout comme les juristes romains, en méme temps qu'ils déclaraient l'esclavage anti-naturel, ne remettaient pas en cause son existence. 99 Cf, par ex., MONTESQUIEU, 9) BoULAINVILLIERS,
Lettres Persanes, CXXI.
Intérêts de la France mal entendus dans les branches de l'agri-
culture, de la population, des finances, du commerce, de la marine, de l'industrie, 1754. 91 Esprit des Lois, XXI, 21.
9? Cf. DESCHAMPS, op. cit., pp. 312 ss. 9 Cf.
BoULAINVILLIERS;
F. QUESNAY,
Tableau
économique,
9* Esprit des Lois, XV. 95 Considérations sur la grandeur..., notamment chap. III. 96 DESCHAMPS,
210
op. cit., p. 164.
1758.
Aussi bien dans sa condamnation que dans son sursis accordé à une institution jugée nécessaire aux colonies, Montesquieu garde présents à l'esprit le droit et les institutions romaines. Cependant, une fois reconnues toutes les nuances de sa réflexion sur l'esclavage, restent ces deux déclarations qui, en quelques lignes, passent du
droit à l'idéologie:
«Les Romains admettaient trois manières d'établir la
servitude, toutes aussi injustes les unes que les autres » et « La guerre de Spartacus était la plus légitime qui ait jamais été entreprise » 7. Ces lignes, écrites à l'époque des Lettres Persanes portent en germe la radicalisation de son opposition à l'esclavage, sensible à la fin de sa vie dans le chap. 9 du l. XV de l’Esprit des Lois, rajouté dans l'édition posthume de 1757. Si donc la référence à Rome, dans la pensée de Montesquieu, semble bien avoir joué quelque róle dans le caractére nuancé de son jugement sur l'esclavage,
il est notable,
à l'inverse,
que
les philosophes
les plus
violemment
anti-esclavagistes, de Jaucourt, d'Holbach, Diderot, ne font presque jamais référence à l'Antiquité, ne serait-ce que pour condamner l'esclavage antique;
seu] l'esclavage moderne les intéresse, Voltaire fait parfois exception, mais c'est que lui aussi s'essaie à être philosophe
de l'histoire;
or, de manière
révélatrice, sa position sur l'esclavage, pour étre négative, n'en est pas moins elle aussi ambigue. Les autres, faisant référence plutôt à l'homme abstrait de Descartes qu'à l'homme inséré dans la géographie et dans l'histoire, n'avaient pas besoin d'aller jusqu'à Rome pour trouver exemples et arguments dans leur croisade contre l'esclavage. 7. Le débat va rebondir avec la Révolution française, Avec le décalage dû aux transmissions des nouvelles par voie maritime, les événements de l'été 1789 marquérent, dans les colonies frangaises du Nouveau
Monde,
un tour-
nant considérable. Les esprits ‘éclairés’ ne manquaient pas parmi les colons blancs, dont la plupart étaient allés faire leurs études en France et, dés que les nouvelles du grand mouvement qui s'amorgait parvinrent aux colonies, on
s'y mit à "singer la France" *. Les colons en profitérent pour reprendre vigoureusement leur vieille revendication de liberté, comprise au sens d'indépendance à l'égard de la métropole; au nom de celle-ci, de nombreux troubles et soulévements, menés par les blancs des Antilles, avaient agité les colonies au XVIII: siècle, bientôt renforcés par l'exemple américain, méme si celui-ci génait l'anglophilie largement répandue chez les colons français ?. Cette revendication rejoignait toute une remise en cause des colonies, qui se développait en Europe depuis 1750 et qui, se fondant sur des arguments démographiques et économiques plus que moraux, concluaient à la nécessité politique, inéluctable à plus ou moins brève échéance, de couper le cordon
N Mes Pensées,
95 Expression 99 Sur
cette
174 (1935).
d'un colon, citée par FROSTIN, revendication,
l'ouvrage
op. cit., p. 378.
fondamental
est
celui
de
FRosTIN,
qui
a in-
tégré les travaux de G. DEBIEN et de J. TkAMOND (cf. sa bibliographie, p. 26 ss.).
211
ombilical
entre
l'Europe
et
ses
colonies ®.
Aussi
temps, ils purent espérer avoir gain de cause:
bien,
dans
méme
article:
de l'ancien
premier
Brissot, l' "Ami des Noirs",
ne souhaitait-il pas, en octobre 1789, voir le gouvernement
principes despotiques
un
« abandonner les
régime »? Ne proclamait-il pas, dans
« Il est dans la nature des choses que l'Amérique,
le
libre, de-
vienne la protectrice de toutes les iles à sucre, qui sont dans son voisinage;... les Américains, libres, leur rendront la liberté politique... Qui doute qu'alors ils ne secouent le joug de l'habitude pour devenir libres? Nos Planteurs... seraient bien vils, s'ils n'avaient pas (de pareils sentiments);... car l'homme doit tendre constamment vers la liberté »? !" Mais ils durent bien vite déchanter quand fut proclamée la République "une et indivisible": il ne pouvait étre question d'abandonner la moindre parcelle du territoire national — d'autant moins qu'en l'occurrence c'eüt été en faire cadeau aux Anglais! De Brissot à Saint-Just et à Barrére, tous les révolutionnaires frangais tombérent d'accord sur ce point, y compris Robespierre, qu'on a voulu parfois présenter comme un ‘anti-colonialiste’ sur la foi de son fameux « Périssent les colonies... » , soigneusement, pour l'occasion, détaché de son contexte ''*. Dès lors, la Révolution se retrouvait avec, sur les bras, le problème des Noirs des colonies. Car, dans le mouvement qui commença en 1789, chacun, aux colonies, crut y trouver son compte, Non seulement les Planteurs, mais
aussi les petits blancs qui, abhorrant les Planteurs autant qu'ils méprisaient les nègres, se sentiront les frères des sans-culottes parisiens — en vérité, socialement, ils l'étaient — et, par les désordres qu'ils provoquérent, con-
tribuèrent à faire sombrer Saint-Domingue dans le chaos insurrectionnel !* Les
Noirs
aussi,
bientót,
vont
revendiquer
une
liberté
qui,
pour
eux,
ne
signifiait ni indépendance du territoire, ni libération sociale, mais arrachement des chaînes de l'esclavage. Aux colonies, durant la période révolutionnaire,
l'interférence entre les différentes acceptions du mot liberté fut à son comble et, à Haiti du moins, elles finirent par se confondre. Pour mieux comprendre à quel point le probléme des droits civiques des Noirs — au-delà des intéréts politique, économique, stratégique, etc. qu'avait le gouvernement révolutionnaire de conserver à la France ses colonies — embarrassait les révolutionnaires frangais, il convient de rappeler les deux premiers articles de la fameuse Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen — le rapprochement des deux termes est significatif —, faite le 18 aoüt 1789:
Art. 1: « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits;
les distinctions sociales ne peuvent étre fondées que sur l'utilité commune ». 10 Bon résumé de la question dans MEYER, op. cit., pp. 303 ss. 101 Buissor,
Le Patriote français,
84, 31
octobre
1789.
10 RoBESPIERRE, Discours à la Constituante, 12 mai 1791. 10 Cf. les jugements trés nuancés de MEYER, op. cit. p. 307 "Colonialisme
et
anticolonialisne
au
temps
de
Robespierre",
La
et de J. BrUHAT, Pensée
100
(nov.
déc. 1961), pp. 43-56. 1% Cf. Mc INrosH & WEBER, Une correspondance familiale au temps des troubles de St-Domingue (1791-1796), Larose 1959.
212
Art. 2: « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme; ces droits sont la liberté, la propriété, la süreté et la résistance à l'oppression ». Prudemment, le juriste romain, en affirmant la liberté de droit de tous les hommes — mais non leur égalité, notion étrangére à l'esprit romain —, mettait l'imparfait: «iure naturali omnes liberi nascerentur » . L'esclavage pouvait ainsi trouver, juridiquement, sa justification première dans l'évolution de l'homme et de ses institutions. Dès lors que 1789 officialisait au présent cette idée couramment répandue depuis un demisiècle au moins, il ne pouvait plus y avoir de base juridique à l'institution esclavagiste... à moins de la considérer comme une “distinction sociale... fondée sur l'utilité commune". En outre, en affirmant, dans la lignée du droit romain "5 — mais en allant plus loin que lui —, que la propriété et la süreté étaient "des droits naturels et imprescriptibles", et, dans la ligne
de la philosophie politique transmise des Grecs aux Romains", du citoyen — étendu à tout homme — à la l'oppression, la Révolution donnait aux deux blancs et esclaves noirs, des armes redoutables, l'usage, juridique ou sanglant. Sous la double pression contradictoire des dans le club Massiac 5, et de la Société des
le droit
liberté et à la résistance à parties en présence: colons dont ils allaient bientót faire Planteurs, regroupés bientót Amis des Noirs, fondée en
1788, les choses vont évoluer, mais avec une extréme lenteur. D'abord, dans
la plus complète illégalité, les Planteurs vont désigner des délégués aux Etats Généraux, malgré l'interdiction du Ministre, et sur la base de la popu-
lation totale des colonies, blancs et noirs —
pour une fois — confondus.
Dans sa "Note sur l'Admission des Planteurs” 9, Brissot, tout en faisant droit à leur requéte d'étre représentés, dénoncera la surreprésentation des Planteurs, obtenue par la fiction consistant à « élever les Africains... au niveau d'hommes libres... pour un moment ». Le 4 juillet 1789, l'Assemblée accepta le principe de la représentation des Planteurs, mais exigera que celle-ci ne se fonde que sur la population blanche des colonies, excluant donc toute représentation des Noirs. L'injonction de Brissot, demandant aux Planteurs, s'ils prétendaient représenter aussi les Noirs, de « reconnaitre publiquement: que tous les hommes sont nés libres et égaux en droits, que les Noirs sont les fréres des Blancs; qu'ils ont les mémes droits », était évidemment un vœu pieux. ou une manifestation d'ironie. Plus intéressant est le soin avec lequel Brissot soulignait, dans cette méme "Note", que, « pour leur (aux 18 Ulpien, D. I, 1, 4; cf. Inst. T, 2, 2.
1% Depuis la familia pecuniaque de la Loi des XII Tables jusqu'à la piena in re potestas du Code Justinien. 107 Arist., Pol., II, 7, 1267a 12 ss.; Polyb. II 56, 15; Cic., Leg., III, 6; 17; 19; 27. 18 Cf, G. DEBIEN,
Massiac,
Paris
(1780-90)",
Rev.
1953; Hist.
Les
In.
colons
"Gens
Amér.
de St-Domingue
de couleur
française,
19 Reproduite in J. GopEcHOT, pp. 148-155.
et la Révolution.
libres
4 (1950),
pp.
et colons
devant
Essai
sur le club
la Constituante
211-222.
La Pensée révolutionnaire
(1780-1799), Paris 1964,
213
Noirs) restituer ces droits », il faudrait « concilier toutefois cette restitution,
et avec la propriété des Planteurs, et avec les ménagements qu'ordonne la débilité physique et mentale, aggravée chez les Noirs par une tyrannie de trois
siècles », Plus
loin, il reviendra
sur ce souci
de «ne
pas
leur
(aux
Planteurs) faire perdre leur propriété » et, si l'on en vient à « restituer graduellement leurs droits aux Noirs », de « diriger, avec toute la prudence possible, cette grande opération ». Bientót, devant les attaques dont était l'objet, de la part du club Massiac, la Société des Amis des Noirs, soupçonnée
d'étre la "courroie de transmission" de la Société anglaise et d'étre d'intelligence avec l'Anglais pour fomenter des troubles aux colonies, Brissot, s'in-
surgeant contre la calomnie selon laquelle «l'objet de la Société est de détruire tout d'un coup l'esclavage, ce qui ruinerait les colonies », précise
que ses amis et lui « ne demandent que l'abolition de la Traite des Noirs, parce qu'il en résultera les leurs. Non seulement ce moment l'abolition de sée. Les Noirs ne sont pas
infailliblement que les Planteurs... traiteront mieux la Société des Amis des Noirs ne sollicite point en l'esclavage, mais elle serait affligée qu'elle füt propoencore mûrs pour la liberté; il faut les y préparer » !!°.
En somme, fondamentalement, la position de Brissot n'est pas différente
de celle de Montesquieu: condamnation de l'esclavage, avec sursis. La différence se situe dans l'appréciation de ce sursis, justifié chez Montesquieu par des raisons économiques, imposé pour Brissot par le nécessaire et long ap-
prentissage de la liberté; notons cependant que cette position se fonde sur une conception de la liberté, "régne de la vertu" et le plus exigeant des régimes, qui est justement celle de Montesquieu, Mais, au-delà de Montesquieu — qui s'en est inspiré —, cette idée que la liberté "se mérite", s'apprend, doit étre octroyée prudemment et par degrés, et que l'affranchissement de l'esclave ne doit pas léser le maître, cette idée est spécifiquement romaine. Álors que, pour les Grecs, la liberté ne se divise pas, qu'elle est un
tout
absolu,
qui
ne souffre
ni remise
ni limitation,
à Rome,
toute
la
panoplie hiérarchique du droit de cité, avec ses multiples degrés collectifs ou individuels — civitas sine suffragio, imminuto jure, de droit latin, etc. —
aboutissant à la civitas optimo jure, reléve de la conception
d'une liberté
"débitée en tranches" dont on possède plus ou moins de parts et qui exige une maturation progressive de qui veut en étre digne. Sous l'angle de la liberté politique, cette conception est magnifiquement exprimée au début du I. II de Tite-Live: « … il est incontestable que... Brutus... aurait fait le malheur de Rome en se passionnant prématurément pour la liberté et en arrachant le pouvoir à l'un des rois précédents... Cet Etat encore dans l'enfance eût été anéanti par la discorde. Mais, dans la tiède atmosphère d'un pouvoir calme et modéré, il puisa assez de sève pour pouvoir produire dans toute la maturité de sa force les heureux fruits de la liberté » !!!. Le 8 mars 1790, un grand débat agita l'Assemblée Nationale sur le statut des colonies. Ni la traite — que Mirabeau voulait faire abolir par une motion 110 Bnrssor, Le Patriote francais, 24, 24 août 1789. 11 Liv., II, 1, 3-6 (trad. G. BArLrgr, Belles-Lettres, Paris
214
1962).
qu'il ne put déposer "2, ni le régime de l'Exclusif ne furent remis en cause. Aux revendications des Amis des Noirs et des hommes de couleur libres,
l'Assemblée accorda seulement que les "Libres" participassent aux assemblées primaires et, le 28 mars, qu'ils pussent occuper dans l'administration des postes en fonction de leurs capacités. C'était la stricte application de l'art. 6 de la Déclaration à des hommes libres jusqu'alors cantonnés dans des métiers subalternes, essentiellement artisanaux. Le décret du 8 mars affirmait bien que les colonies étaient partie intégrante du territoire français, mais la nouvelle Constitution du Royaume ne s'appliquait pas à elles, car elle comportait « des lois qui pourraient être incompatibles avec leurs convenances locales et particulières » ! — manière pudique de désigner l'esclavage et la traite. Les grands Blancs exultent !“. Cependant, par prudence, et comme ce décret, si timoré füt-il, avait provoqué à Saint-Domingue des troubles chez les "Libres", menés par deux mulátres, Ogé et Chavannes, «le club Massiac avait demandé aux chambres de commerce des ports de l'Ouest d'interdire le retour aux colonies des hommes de couleur susceptibles... d'y introduire les germes de subversion... » !5. Approuvant cette mesure, un négociant bordelais, Bapst, était d'avis d'aller au-delà et de « démontrer de suite (sic) à l'Assemblée
Nationale les inconvénients
qui pour-
raient résulter de l'affranchissement des nègres.. Les idées générales sur la liberté de l'homme ne peuvent s'étendre sur eux sans le plus grand danger... »; le temps presse, dit-il, car les députés « pourraient bien ne pas apercevoir tous les maux que la liberté des négres occasionnerait et, séduits par l'idée
du bien, occasionnerait (sic) beaucoup de mal » 5, Si la crainte de la subversion s'aggrave de mois en mois aux colonies, toute atteinte au "préjugé" comme au "droit de propriété du maître sur l'esclave" "7 obsède tellement les Blancs que l'Assemblée générale de Saint-Marc, par ses décrets du 24 avril et du 25 mai
1790, interdit tout affranchissement à l'avenir et refuse
la qualité de citoyen actif à quiconque épouserait une femme de couleur "δ, Cet apartbeid est sans précédent dans une colonie frangaise:
si les mariages
interraciaux n'y étaient pas bien vus, ils n'avaient jamais été pénalisés. En réplique, la fureur des "Libres" se déchaîna et leurs bandes armées commencèrent à battre les quartiers. C'est dans cette atmosphère tendue que tomba le décret de la Constituante du 15 mai 1791 accordant les droits de citoyens actifs « aux gens de couleur nés de père et de mère libres », ce qui représentait. environ 5% de l’ef-
12 Bibl,
Arbaud
(Aix-en-Prov.),
Fonds
Mirabeau,
dossier
102.
13 Cf. H. BLET, Histoire de la Colonisation française, Grenoble 1964, II, p. 11. 14 Cf. P. Leon, Les Doile et les Raby..., Paris 1963, pp. 138 ss.; F. THÉSÉE, Marchands dauphinois et colons de St-Domingue..., Paris 1972, p. 126. US THÉSÉE, op. cit., p. 127. H6 Archives Départementales, Gironde, 7 B 1999, Bordeaux, 15 septembre 1790. 17 Cf. GARRAN-COULON, Rapport sur les troubles de St-Domingue..., Paris, An VAn VII, t. 2, pp. 2627. 15 Cf. FROSTIN, op. cit., p. 381.
215
fectif "5. Encore ceux-ci ne pourraient-ils siéger que dans les Assemblées coloniales, non en métropole. L'institution de l'esclavage restait inchangée, le droit de propriété respecté et l'on pouvait se rassurer, comme Bapst, en considérant « dans le parti que prend l'Assemblée Nationale celui qui admet
le moins de gens de couleur au titre de citoyen » '?. Ce point de vue strictement juridique méconnaissait la tension qui régnait dans les Iles. Un Blanc de Saint-Domingue, à cette date, analyse ainsi la situation: « Tous les gens de couleur que cette loi excepterait de l'activité — et ils seraient en très grand nombre — ne manqueraient pas de hair et de faire la guerre aux autres... (De plus), de vingt-cinq blancs des colonies, à peine s'il s'en trouve huit à dix de citoyens actifs...» , On voit où le bát blesse: ce ne sont pas seulement les "Libres" de couleur exceptés par la loi qui sont exaspérés; ce sont aussi les petits blancs, citoyens passifs, qui ne supportent pas plus que les Planteurs — encore moins peut-étre — l'idée de voir des Noirs siéger dans des Assemblées d’où ils seraient eux-mêmes exclus, car, libre ou non, un nègre reste un nègre, et la seule supériorité des petits blancs sur les nàgres libres réside dans la couleur de leur peau. Déjà effrayés par l'agitation des "Libres", les petits blancs vont désormais faire cause commune avec les grands Blancs, et sceller ainsi leur destin. Aux colonies, le clivage n'était ni social ni politique, il était racial, et on le verra bien lorsque les mulátres, dont certains possédaient des esclaves, après avoir un moment résisté aux côtés des blancs contre les esclaves en rebellion, finiront par s'unir avec les négres révoltés contre tous les blancs. On ne peut dire, dans ces conditions, que ce décret n'eut "guére d'im-
portance" aux colonies l2, alors qu'il mit le feu aux poudres, en exaspérant les rancœurs des "Libres" et le désespoir des esclaves. Le décret qui, là-bas, eut peu d'importance, c'est celui du 24 septembre 1791, par lequel, malgré les efforts de Robespierre 135, les assemblées coloniales étaient déclarées seules habilitées à élaborer les lois sur l'état des personnes "non libres" et sur l'état politique des hommes de couleur libres, avec, en faible compensation, l'octroi des droits politiques aux hommes de couleur, libres ou esclaves, venant ou se trouvant en métropole. Car, à cette date, le grand soulévement des noirs de Saint-Domingue avait commencé depuis un mois. La seule conséquence de ce décret fut de rejeter définitivement les "Libres" du côté des esclaves rebelles !*. 119 Cf. Leon, op. cit., p. 139; CORNEVIN, op. cit., p. 141; THÉSÉE, op. cit., p. 148. 12 Archives Départementales, Gironde, 7 B 2000, Bordeaux, 21 mai 1791. 121 Archives Départementales, Isère, II E 380/4 (Hugues à Dolle & Frères, Les Vazes, 24 août
1791).
12 CORNEVIN, op. cit., p. 41. Contra, par ex., le témoignage d'E. Camus (Fort-deFrance, ler nov. 1791 - dossier n° 7) reproduit par F. Giron, Une fortune coloniale sous l'Ancien Régime..., Paris 1970, pp. 190 ss. 13 Cf. supra n. 13. 12 Alors qu'au début du soulèvement des esclaves, ils s'étaient rapprochés des Blancs, contrairement à ce qu'affirme CoRNEvIN, op. cit., p. 43; cf. BLET, op. cit., p. 20. Ce qui est vrai, c'est que certains colons, devant l'ampleur de la révolte, continuérent à préconiser
de mettre
de cóté
LEON, op. cit., pp.
216
le "préjugé" 145ss.
et à próner
l'union
de
tous
les hommes
libres;
cf.
8. La formidable insurrection des esclaves de Saint-Domingue, qui commença le 22 août 1791 pour s'achever, après treize années d'horreur, par l'indépendance de la République noire d'Haïti, fut un "sous-produit" de la Révolution française ©, à partir du moins de l'entrée en scène de Toussaint-
Louverture, qui se réclamait des principes de 1789. Mais, au départ, c'était une simple révolte d'esclaves pour se libérer des chaines de la servitude. Quand Boukman, esclave marron et prétre vaudou,
donna, dans la nuit du 14 aoüt révolte en chantant: « Coutez « Ecoutez la liberté qui parle des idéologues révolutionnaires ration de l'esclavage. La preuve doxale,
la révolte
contre
1791, le premier signal avant-coureur de la la liberté qui nous cœur à nous tous» = à notre cour » 5, ce n'était pas la liberté qu'il appelait de ses vœux, c'était la libéen est que, de maniére apparemment para-
les maîtres
s'accompagnait,
au
départ,
de l’affir-
mation, de la part des esclaves révoltés, de leur fidélité royaliste. Déjà, en
1790, pour mettre à la raison les "Pompons rouges", c'est-à-dire les Planteurs en rupture avec l'autorité métropolitaine, le gouverneur de l'ile avait dû faire appel à l'aide des “Pompons blancs", essentiellement composés de mulátres fidéles à l'autorité royale. De méme,
en septembre
1792, Biassou,
l'un des chefs des esclaves révoltés, écrivait: « Si cette Révolution est faite par nous, c'est pour soutenir les droits du Roi notre maître » '?, Devant ces troupes sans uniforme arborant la cocarde blanche, on ne peut pas ne pas penser aux insurgés vendéens; et, dans une certaine mesure, le caractére catholique en moins, les deux insurrections ne sont pas sans rapport, qui dressent contre un pouvoir parisien confortant
les intérêts "bour-
geois" locaux — au sens marxiste du terme — des populations qui voyaient dans l'institution royale leur ultime garantie, si faible füt-elle. Comme le note avec acuité le conventionnel Garran-Coulon: « Les nègres ne connaissaient que le gouvernement royal qui était encore celui de la France: ce gouvernement les protégeaient (sic) peu dans la colonie; mais sa protection, toute faible qu'elle fût, était la seule à laquelle ils pussent recourir contre
la tyrannie de leurs maîtres » *. Les esclaves ne pouvaient en effet totalement ignorer que les récentes améliorations juridiques apportées à leur condition — méme si elles étaient restées le plus souvent trés formelles — émanaient de l'autorité royale et s'étaient heurtées à la hargne des Planteurs et à leur mauvaise volonté pour leur application. Devant la menace de voir US L'expression est de FINLEY, op. cit., p. 154. Sur cette insurrection, outre CORNEVIN,
voir: C. L. R. James, The Black Jacobins; Toussaint L'Ouverture and the San-Domingo Revolution, 2 éd., New-York 1963 (trad. frç.se, Paris 1949); R. KorncoLp, Citizen Toussaint, Boston 1944; Colonel A. NEMouns, Histoire militaire de la guerre d'Indépendance de Saint-Domingue, I-II, Nancy-Paris-Strasbourg 1925-1928; R. TampoN, Toussaint Louverture, le Napoléon noir, Paris 1951; A. CÉsAIRE, Toussaint Louverture, la Révolution française et le problème
social, Paris 1960;
In., Toussaint
Louverture, la Révolution
et le problème colonial, Paris 1962; R. DonsINviiLe, Toussaint Louverture, Paris 1965; P. PLUCHON, Toussaint Louverture: de l'esclavage au pouvoir, Paris 1980. 1% Trad. par J. FoUCHARD, Les marrons de la liberté, Paris 1972, p. 529. 17 Lettre au curé de Dondon, citée par CORNEVIN, op. cit., p. 45. 128 GARRAN-COULON, op. cit., t. 2, p. 209; cf. p. 195.
217
le pouvoir blanc colonial ne plus être contrôlé par l'autorité royale, les esclaves ne pouvaient que réaffirmer leur loyalisme à l'égard du roi. Leur attitude est assez comparable à celle de la plèbe romaine face au pouvoir patricien au tout début de la République romaine: les sympathies de celle-ci, devant une Révolution qui les ‘marginalisait’ de plus en plus, allaient vers le roi Tarquin exilé et le pouvoir patricien n'exerga sans frein sa volonté de puissance que lorsque le roi déchu fut mort !?. Cette naive confiance dans l'autorité du roi pour les protéger contre leurs maîtres et contre une Assemblée Nationale qui, à leurs yeux, épousait si ouvertement la cause des Blancs, ne pouvait qu'être confortée par des déclarations officielles comme celle faite par Sonthonax, commissaire à la deuxième commission civile — la première avait échoué lamentablement — arrivée en septembre 1792 avec une armée de six mille hommes: « Nous ne reconnaissons désormais que deux classes d'hommes dans la colonie de Saint. Domingue: les libres sans aucune distinction de couleur? et les esclaves. Nous déclarons que l'esclavage est nécessaire à la culture et à la prospérité des colonies »; il n'est pas question « de toucher à cet égard aux prérogatives des colons » ?!, Contre les rebelles, les mesures envisagées sont... très exactement celles prévues par le Code Noir pour les esclaves marrons.
Remplacez les mots "colonies" et "colons" par "Empire" et "Romains", et l'on aura un discours qu'aurait pu tenir, dix-huit siècles plus tôt, Crassus engagé dans la grande guerre servile contre Spartacus. Le rapprochement peut paraître superficiel. Peut-être l'est-il moins qu'il n'y paraît. On ne peut qu'étre frappé par le fait que, contre une Révolution qui — du moins aux colonies — était aussi oligarchique que la République romaine, comme la plébe romaine qui gardait de la sympathie pour les Tarquins, la révolte servile de Saint-Domingue ait d'abord spontanément cherché protection auprès de l'autorité royale; de maniére analogue, les grandes révoltes serviles du II° siècle av. J.-C. avaient secrété une idéologie à la fois égalitaire et monarchiste, qui combinait la conception, issue de l'expérience ou de la légende d'Alexandre le Grand, du roi régnant sur un empire multiracial 3, avec une mystique du Roi-Soleil dispensateur de Justice, alimentée par un courant
du stoicisme !*. Même si l'on met à part la révolte d'Aristonicos de Per19 Liv,
II,
1, 11;
5, 2;
L'Idée de Royauté ἃ Rome,
9, 5ss.;
18, 8; 21, 6; D.H,,
I, Clermont-Ferrand,
V, 70;
cf. P.M. MARTIN,
1982, pp. 307 ss.
1% En application du décret du 24 mars 1792. Bi Cité in CORNEVIN, op. cit., p. 45.
12 W.W. Tarn, "Alexander the Great and the Unity of Mankind", Proceedings of the British Academy 19 (1933), pp. 123-166; C. Mossé, “Les utopies égalitaires à l'époque hellénistique", Rev.
historique
241
(1969), pp. 297-308;
In., Histoire générale
du
socia
lisme, I, Paris 1972, pp. 78ss.; J. Vocr, Struktur der antiken Sklavenkriege, Wiesbaden 1957; In., Sklaverei und Humanitàt. Studien zur antiken Sklaverei und ibrer Erforschung, 2° éd., Wiesbaden 1972; L. GIANGRANDE, "Les utopies hellénistiques", Cabiers des études anciennes 5 (1976), pp. 17-33.
13 Cf. Mossé, Socialisme cit., p. 80; J. ΒΙΡΕΖ, La cité du monde et la cité du soleil chez les Stoïciens, Paris 1932; R. DUDLEY, "Blossius of Cumae", Journal of Roman Studies 31 (1941), pp. 94-99; D. Basur, Plutarque et le stoicisme, Paris 1969, pp. 100 ss.
218
game — qui ne peut en effet être réduite à une simple révolte servile, bien qu'elle utilisât cette mystique !* —, Vettius en Campanie, Eunoos, Athénion et Tryphon en Sicile prirent tous le nom et des attributs de rois 155, Ce ne fut pas le cas, en revanche, au I° siècle av. J.-C., de la dernière et
plus grande révolte, celle de Spartacus, dont les motivations profondes paraissent aujourd'hui encore fort obscures, sans doute parce que, dés l'Antiquité, sa formidable épopée fut vue à travers le prisme déformant d'idéologies diverses #. Mais, par le danger méme qu'elle fit courir à une Rome pourtant déjà si puissante, elle devint, dés cette époque, dans la mémoire des Anciens 7, le symbole méme du péril servile. L'ombre de Spartacus hante certainement le célébre abbé Raynal, lorsque, dans sa véhémente et démesurée Histoire politique et pbilosopbique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes (1770), il prédit et, dans son enthousiasme
anti-esclavagiste, souhaite presque l'apparition d'un «chef assez courageux pour les (les Négres) conduire à la vengeance et au carnage », un « Spartacus noir»
qui
établira
un
terrible
« Code
Blanc » *,
comme
l’ancien
gladia-
teur qui, en des Saturnales sanglantes, faisait se battre sous ses yeux des citoyens romains. Un an plus tard, dans un roman de "politique-fiction" intitulé L'An 2440, L. S. Mercier imaginait dans Paris la statue d'un Nègre, dans
une fière attitude, dont le socle porterait l'inscription "Au Vengeur du Nouveau Monde" ©. On discerne mal l'influence qu'ont pu avoir de tels ouvrages dans la fermentation et le déclenchement de la grande révolte de Saint-Domingue. Dire que la plupart des esclaves étaient illettrés n'est pas
un argument; les "Libres" ne l'étaient pas, non plus que beaucoup d'esclaves 'à talent' et la transmission orale de récits et d'idées jouait, chez ces popu14 C£. TARN, op. cit., p. 131; V. VAVRINECK, La révolte d'Aristonikos, Prague 1957; In., "On the structure of slave revolts, The revolt of Aristonicus", Soziale Probleme in Hellenismus u. róm. Reich, Prague 1973; Ip. "Aristonicus of Pergamum: pretender to the throne or leader of a slave revolt?" Eirene 13 (1975), pp. 109-129; J. Lens, “Crisis in Pergamo en el siglo II a.C.", Boletín del Instituto de Estudios belénicos (Barcelona, Fac. de Filosofía) 6 (1972), pp. 53-73;
Mossé, Socialisme, cit., pp. 78ss.; T. W. AFRICA,
“Aristonicus, Blossius and the City of the Sun", International Review of Social History, 6 (1961),
pp.
116ss.;
F. CARRATA
THOMES,
La rivolta di Aristonico
e le origini della
provincia romana d’Asia, Turin 1968; J.L. FERRARY, in NicorgT, Rome et la conquéte..., cit., II. Genèse d'un Empire, Paris 1978, p. 776; J. Hop», Untersuchungen zur Geschichte der Letzten. Attaliden, Munich 1977; A. J. L. Hoorr, "De Zonneburgers van Aristonikos”, Tijdscbrift voor Geschiedenis (Groningen) 90 (1977), pp. 176-210; C. DeLPLACE, "Le con-
tenu
social] et économique
pauvres?", Atbenaeum
du
soulévement
d'Aristonicos:
opposition
entre
riches
et
56 (1978), pp. 20-53.
15 Diod., XXXV, F 2; XXXVI, F 2, 26 et 2a; 4, 4; 5, 3; Flor, II, 7, 6 et 10; cf. M. A. Levi, "Euno-Antioco", Miscellanea di studi classici in onore di Eugenio Manni, IV, Roma
1980, pp. 1345-1361.
B6 Cf. A. Guarino, Spartaco. Analisi di un mito, Naples 1979; J. SCARBOROUGH, “Reflections on Spartacus", Tbe ancient world 1 (1978), pp. 75-81; G. SrAMPACCHIA, La tradizione della guerra di Spartaco da Sallustio a Orosio, Pise 1976. 137 Cf., par ex., Aug., Civ. Dei, IV, 5. L8 Cité par DESCHAMPS, op. cit., p. 169. 39 In., ibid.
219
lations encore très proches de leur culture africaine, sans doute un rôle très important. Il ne faut peut-être pas mésestimer le témoignage contemporain, méme s'il est passionnel, d'un Planteur confronté à ces événements: « Voilà le fruit des maudits écrits de cet infáme abbé Raynal, de ce prétre qui... a sollicité le crime par la hardiesse et la force de son style. Il a prédit le malheur qui est arrivé » '* Et, en effet, un Spartacus noir apparut; il s'appelait Toussaint-Louverture. Par ses qualités militaires, ce stratége qui fut le premier à tenir en échec le génie de Napoléon Bonaparte et qui lui écrivait en commençant ses lettres par: « Le premier des Noirs au premier des Blancs », était digne du grand gladiateur antique. Mais ses buts à lui apparaissent clairement: ils sont directement inspirés des principes jacobins. Le 29 août 1795, il les présente ainsi: « Je veux que la liberté et l'égalité règnent à Saint-Domingue. Je travaille à les faire exister » “!. L'une des raisons au moins de la mutation idéologique de la révolte servile de Saint-Domingue, c'est, tout simplement, qu'au début de 1793, Louis XVI avait été guillotiné. Avec la mort
du roi disparaissait ce qui avait paru d'abord aux révoltés un recours pos sible et, dans l'année
1793, la révolte noire va d'ailleurs
se radicaliser, en
méme temps qu'elle va emprunter ses idéaux à la Révolution française. De maniére comparable, la revendication politique de la plébe romaine, aussitót aprés l'annonce de la mort de Tarquin, va s'organiser, à la fois idéologiquement et matériellement, et se durcir dans la premiere sécession sur le Mont Sacré. Au moment méme où Toussaint-Louverture faisait sa proclamation, les commissaires
Polverel et Sonthonax,
impuissants
ἃ mater
la révolte
nègre,
prenaient, chacun de leur côté, la décision de déclarer libres et jouissant de tous les droits civiques tous les esclaves '*. Ne pouvant endiguer le flot, ils décidaient donc de se laisser porter par lui et, contre les Planteurs de plus en plus ouvertement anglophiles, ils préféraient, pour contrecarrer l'Anglais menaçant, faire fond sur les esclaves révoltés. La part de l’idéalisme, ou de l'idéologie, est bien faible dans leur décision, qui contredisait à l'état existant de la loi. Cette part futelle plus grande dans la décision de la Convention, le 4 février 1794, d'abolir, par le décret du 16 Pluviose An II, l'esclavage dans
toutes les colonies et de déclarer citoyens frangais tous les anciens esclaves? Notons d'abord que cette décision fut prise à la suite de l'envoi par Sonthonax de trois délégués, un Blanc, un mulátre et un Noir, à la Convention;
elle visait plus à légaliser de fait, qu'à instaurer une loupe, les autres colonies d'obtempérer au décret de Danton en cette occasion 10 Cf. supra n. 121
ce qui, à Saint-Domingue, était devenu un état mesure qui ne fut guère appliquée qu'à la Guadeétant aux mains des Anglais ou ayant refusé la Convention. Et puis, le discours prononcé par montre qu'il entrait plus d'opportunisme que
(1* sept. 1791).
141 Cité par CORNEVIN, op. cit., p. 47. 12 Cf. CORNEVIN, op. cit., p. 46.
220
d'idéalisme dans cette mesure, où les Amis des Noirs, alors guillotinés ou en
fuite, n’eurent aucune part... et qu'ils auraient d'ailleurs, comme plus tard l'abbé Grégoire, désapprouvée #: « Lançons la liberté — déclara Danton — dans les colonies: c'est aujourd'hui que l'Anglais est mort. En jetant la liberté dans le Nouveau Monde, elle y portera des fruits abondants... En vain Pitt et ses complices voudront par des considérations politiques écarter la jouissance de ce bienfait, ils vont être entraînés dans le néant... » !*. Pour l'homme
de la "levée en masse”, l'objectif militaire est primordial: à défaut de pouvoir rétablir l'ordre dans nos colonies, étendons leur désordre aux colonies anglaises et espagnoles. Tel est, traduit cyniquement, le dessein des Montagnards , qui n'étaient pas mécontents, en outre, de réaliser un projet que les Girondins n'avaient su faire aboutir. Aussi bien, à partir de mai 1794, Toussaint-Louverture et ses troupes noires vont-ils se battre contre l’Anglo-Espagnol. En 1796, Sonthonax, en faisant distribuer trente mille fusils aux Noirs, leur dira: « Voici votre liberté. Celui qui vous enlèvera ce fusil voudra vous rendre esclave » '5. Mais, le danger passé, quand la paix d'Amiens
aura laissé à Bonaparte
les mains
libres, celui-ci envoya un corps expéditionnaire dirigé par le général Leclerc, mari de Pauline Bonaparte, avec mission de désarmer les Noirs. Car Bonaparte, qui avait recruté lui-même des esclaves noirs pendant l'expédition d'Egypte, qui était l'époux d'une créole et qui était conseillé par Moreau de Saint-Méry,
n'avait
aucune
prévention
contre
l'esclavage
et la traite, qu'il
fit d'ailleurs rétablir par la loi du 30 Floréal An X (1802). Malgré la capture de Toussaint-Louverture,
la Révolution
haitienne
n'en continua
pas
moins,
jusqu'à la proclamation d'indépendance de la "République nègre d'Haiti", le 1* janvier 1804. 9. «Sans
la révolte
des
Noirs.
vite décidé de supprimer l'esclavage? »
la Révolution
française
aurait-elle
si
Probablement non, comme on peut
se demander si, sans la guerre sociale, les alliés de Rome
auraient obtenu si
rapidement la cívitas. Là encore, la comparaison pourrait n'étre pas si formelle qu'elle en a l'air. 1] est remarquable que, en 91 av. J.-C. comme en 1792, une révolte commencée en revendication des droits de citoyens ait conduit à une radicalisation qui, en Italie, poussa les plus extrémistes des alliés à réclamer la liberté de l'Italie et à chercher la destruction de la tyrannie romaine", et qui, à Haiti, conduisit les esclaves rebelles à l'in-
dépendance de l’île. Ajoutons que cet aspect ‘national’ n'était pas absent 14 Mémoires
de l'abbé Grégoire, citées par DESCHAMPS,
14 DaNroN, Discours à la Convention, M5 Cité par CoRNEVIN, op. cit., p. 49.
4/11/1794
op. cif., p. 177.
(Discours,
Paris
1911).
M6 DEVÈZE, op. cit., p. 373. 14 Vell. Pat., IT, 27, 2; Strab., V, 4, 2 (241); cf. E. GABBA, Esercito e società nella tarda repubblica romana, Florence 1973, pp. 206 ss.; 278 ss.; NicoLET, Citoyen, cit., p. 62; In., Italie romaine, cit., pp. 292 ss. Sur la haine des Italiens contre Rome, cf. O. See,
Rómertum u. Latinitàt, Stuttgart 1964, pp. 371-375; M. Bonjour, Terre natale. Etudes sur une composante affective du patriotisme romain, Paris 1975, pp. 104-111.
221
d’autres révoltes antiques, celle d'Aristonicos, bien sûr, mais aussi celles de
Sicile “8, Mais il faut aller plus loin. L'indépendance de Saint-Domingue était une vieille tentation des Blancs; celle d'Haïti se fit contre eux, au prix de leur massacre
ou, au mieux, de leur exode.
une révolte servile volution frangaise. révolte et on peut verture se montra Non seulement en
Ce ne fut pas non plus
seulement
mue par les principes d'égalité et de liberté de la RéOn l'a vu, ces principes sont absents des débuts de la soupçonner qu'en les mettant en avant, Toussaint-Louaussi opportuniste que Sonthonax et que la Convention. effet, dès qu'il fut maître de l'ile, il édicta le règlement
du 20 Vendémiaire An IX (19.10.1800), qui « ramenait les anciens esclaves
sur les plantations pour une durée de cinq ans » *, mais il y a lieu d’être quelque peu surpris quand on lit, dans la Constitution qu'il édicta le 17 août 1801, ce bizarre article 17: « L'introduction de cultivateurs indispensables au rétablissement et à l'accroissement des cultures aura lieu à Saint-
Domingue » !*, Dès lors, il est permis de se demander si la clé du probléme ne se trouve pas dans le préambule par lequel Boisrond-Tonnerre, rédigeant l'Acte d'Indépendance d'Haiti, commenga: « Pour dresser l'Acte de l'Indépendance, il nous faut la peau d'un Blanc pour parchemin, son cráne pour écritoire, son sang pour encre, une baïonnette pour plume »“!. La révolte de SaintDomingue fut-elle mue par l'appel de la liberté ou par le désir de liberté civique? La premiére proposition semble bien étre la bonne et, de ce point de vue, Toussaint-Louverture est plus prés de Spartacus que des chefs rebelles de la guerre sociale. Mais on perd toute référence avec l'Antiquité dans
l'autre aspect de cette révolte qui, réunissant mulátres et nègres libres et esclaves contre les Blancs, petits ou grands, fut, fondamentalement, raciale, anti-blanche. Haiti fut la rançon payée par l'aspect lui aussi fondamentalement racial de l'esclavage moderne, en cela si différent de l'esclavage romain. Dans
ces conditions, que la Révolution
noire d'Haiti ait revétu
succes-
sivement la culotte royaliste et le pantalon jacobin est un point secondaire. Si elle eut un immense retentissement dans le Nouveau Monde — alors que, dans le bouleversement général de l'Europe, elle y passa presque inaperçue —, ce n'est pas par les principes nouveaux qu'elle véhiculait, car ceux-ci, avant
la Révolution française et la République d'Haïti, avaient largement inspiré l’Acte d'Indépendance des U.S.A. Ce n'est pas non plus parce que, Toussaint-Louverture vengeant Spartacus, de toutes les grandes révoltes setviles, antiques et modernes, c'est la seule qui ait réussi ?, encore que cet aspect ne soit pas négligeable. C'est surtout parce que, en deçà de la Mason M8 Cf, G. P. VERBRUGGHE, "Slave rebellion or Sicily in revolt?", Kokalos 20 (1974), pp. 46-60. M9 CORNEVIN, op. cit., p. 51.
19 Cité par DECHAMPS, op. cit., p. 178. 151 Cité par CORNEVIN, op. cif., p. 54. 122 Cf. FINLEY, op. cit., p. 154.
222
and Dixie Line, elle fit lever dans le cœur des negros du Sud, non seulement l'espoir de liberté, voire de revanche, mais surtout le doute sur la validité
et la légitimité de la suprématie du Blanc. La Révolution haitienne affaiblit l'esclavage aux U.S.A. de manière plus considérable que toutes les campagnes
abolitionnistes, avant et après elle 15, 10. Nous voilà apparemment fort loin de Rome. En fait, disons que nous sommes revenus à notre point de départ. L'assimilation de l'esclavage moderne à l'esclavage antique méconnaissait la donnée radicalement différente que constituait l'élément racial dans l'esclavage moderne. On peut dire que presque toutes les autres différences découlent de celle-ci. Des lors, toute référence à Rome était faussée, sauf d'un point de vue juridique, où les esclavagistes
avaient plus à gagner que les abolitionnistes. La réflexion historique aurait pu en revanche mettre en garde contre la facilité de cette assimilation, contre
son caractére artificiel et contre les dangers représentés par l'institution esclavagiste; une telle attitude affleure de ci de là dans la pensée philosophique du XVIII* siècle, mais elle est contrebalancée par des considérations économiques ou juridiques — et le droit romain a eu en ce sens un róle de frein — qui jouent en faveur du maintien de l'institution, Et lorsqu'à leur tour les principes révolutionnaires sont entrés en jeu, leur générosité naive et simpliste — qui n'exclut pas un certain machiavélisme dans leur utilisation par les uns ou les autres — a méconnu à son tour la différence fondamentale qui séparait esclavage antique et esclavage moderne. C'est qu'entre Rome et la Révolution française est apparue, vers la fin du XVI* siècle ou au XVII° siècle, non pas la notion de race, — qui est fort ancienne —, mais l'idée d'une hiérarchie des races'*. La Révolution haitienne, c'est moins le véhicule de la Révolution française que le renversement de cette hiérarchie; mais une hiérarchie inversée n'en est pas moins une hiérarchie et il est fort à craindre que, souvent aujourd'hui encore, un vétement idéologique n'habile un clivage racial dans bien des conflits politiques, nationaux ou internationaux.
1533 Cf. W.Z. Foster, The Negro People in American History, New-York 1954, réimpr. 1970, pp. 65 ss.; In., Outline political bistory of tbe Americas, New-York 1951, pp. 134 ss. 14 Cf. MEYER, op. cit., pp. 308 ss,
223
JEAN TULARD
NAPOLEON:
LA CONTINUITE
ROMAINE
Rome a marqué profondément toute une génération en France, celle de la fin du XVIII: siècle. Ce renouveau d'influence correspond à ce que l'on appelle le néo-classicisme. En 1750, il est impératif pour un artiste de faire le voyage à Rome. David est le parangon de ce néo-classicisme romain dont les initiateurs sur le plan archéologique ont été Winckelmann et Caylus. Dans les humanités, base de la formation intellectuelle, Rome occupe une
place de premier plan. La fréquentation de Cornelius Nepos et de Plutarque est familière à tout esprit cultivé. Relisons les mémoires du temps, pleins de références et de comparaisons. Comment s'étonner dans ces conditions du prestige de Rome à l'époque napoléonienne? Comment ne pas retrouver dans les modes de pensée et dans les institutions l'empreinte de la Ville Eternelle?
1.
Le cas de Napoléon
Napoléon avait une honnéte sinon approfondie connaissance de l'histoire de Rome. Nous avons conservé ses brouillons de lecture et ses manuscrits de jeunesse. Nous y voyons un homme imprégné par la culture latine. I] ne cède pas à la mode: ses origines l'y portent. Militaire, il est fasciné par la puissance de l'expansion romaine et l'universalité de sa civilisation. Fascination qui ne cessera pas. Devant Wieland, il explique les raisons de la supériorité des Romains sur les Grecs: « Les éternels démélés des petites républiques grecques n'étaient point propres à donner naissance à rien de grand; au lieu que les Romains se sont toujours attachés à de grandes choses, et c'est ainsi qu'ils ont créé ce colosse qui traversa le monde ». Mais c'est, comme sous la Révolution, la République et non l'Empire qui doit fournir les modéles à respecter. Napoléon repousse Tibére, Caligula, Néron, Domitien... « Le seul homme, et il n'était pas empereur, qui se soit
illustré par son caractére et par de belles actions, c'est César. » Pour Napoléon Rome fut une grande ère d'égalité sauf en ce qui concerne l'esclavage domestique. 225
2. La nature du pouvoir napoléonien Cette fascination pour Rome se retrouve dans la conception du pouvoir napoléonien. Au départ une dictature mais une dictature qui fait référence à Rome. En effet Benjamin Constant lui-même invoque en Brumaire la nécessité d’une dictature de salut public comme en connaissait la République romaine dans les périodes de péril national. Cincinnatus, aprés avoir sauvé la ville éternelle revenait à sa charrue. L'ennui, c'est que Bonaparte ne l'a pas imité, Il souhaitait une dictature mais se perpétuant sous une forme monarchique. Comme César, Bonaparte révait de la couronne. Le salut public se confondit avec le salut de l'Empire. On connaít les étapes qui conduisirent Napoléon du consulat provisoire à l'empire. Il convient d'insister sur la prudence avec laquelle Napoléon a procédé pour établir le régime impérial. Le paralléle s'impose avec Auguste. Il sera fait par certains contemporains. La dignité impériale rattache Napoléon aux Carolingiens, mais si l'aigle éployée est carolingienne, l'aigle du repos sur les enseignes des soldats évoque Rome, comme tout le langage du temps, des consuls aux tribuns en passant par le Sénat. Napoléon comme Auguste a profité des lassitudes d'une République déchirée par les guerres civiles. Comme Auguste, il concentre entre ses mains tous les pouvoirs, crée des organes dépendant du prince, restaure la monarchie mais en conservant les apparences républicaines. Son attitude envers le Sénat rappelle celle d'Auguste. Pax romana et œuvre du Consulat correspondent à une réussite identique, et l'on retrouve jusqu'au méme dessein de fonder un
culte impérial Une seule différence de taille: le principe dynastique est ouvertement proclamé par la constitution de l'an XII; à Rome l'empereur était en principe choisi par le Sénat. En fait les successeurs d'Auguste furent désignés par leurs prédécesseurs ou imposés par leurs troupes. Napoléon a procédé comme Auguste pour se couvrir du manteau de Charlemagne. 3.
Les codes
Cette influence romaine on a voulu la retrouver dans la volonté de consolider la nouvelle société en la codifiant. On a beaucoup écrit sur le code civil, pièce maîtresse de l'édifice. L'originalité du code, Pariset l'a dit, est de ne pas en avoir. Ce n'est pas une création, c'est un ajustement, une coordination. Il procède tout à la fois du droit écrit, du droit coutumier et du droit
révolutionnaire. Les influences romaines sont sensibles mais il ne faut pas en exagérer l'apport. Au droit romain, la commission a emprunté l'adoption. Pour le régime du mariage, on a pris à la fois au droit romain le régime dotal et au droit coutumier le régime de la communauté des biens. Du droit révolutionnaire on a gardé le principe de l'égalité des partages et une limitation plus rigoureuse du droit de tester. 226
Ce qui est remarquable, et finalement romain, c'est l'idée que le Code Napoléon peut s'appliquer ailleurs qu'en France. L'Empereur pousse à son exportation dans les royaumes vassaux, Allemagne comprise.
4. L'organisation de l'Empire L'organisation de l'Empire en tant qu'unité territoriale apporte une autre preuve de l'influence de Rome. Carolingien dans sa conception, avec un axe Paris-Francfort-Milan, l'empire napoléonien est romain dans son organisation. « C'est l'empire de Dioclétien pour l'administration, les codes, toute la mécanique du gouvernement, des auxiliaires étrangers, des barbares enrégimentés;
des confins mili-
taires et encore au-delà, pour l'inconnu des foréts et des plaines sans fin, des Scythes, des Sarmates et des Slaves. Charlemagne
donne
l'idéal légendaire;
Dioclétien les réalités, les instruments d'Etat ». Dans cette construction empirique et provisoire, dont l'héritier regoit en 1811 le titre de Roi de Rome, les bases sont empruntées à l'Empire romain. La route est le principal facteur d'unité. Comme le droit, les institu-
tions sont introduites dans les pays vassaux
ou soumis.
Pour Napoléon
l'espace européen est identique d'un bout à l'autre du continent. L'armée favorise enfin les brassages de population. Ainsi, entre 1800 et 1814, c'est l'exemple romain qui est le plus souvent invoqué. « Ce peuple — disait Napoléon — avait l'instinct de tout ce qui est grand et ce n'est pas sans raison qu'il a conquis le monde. »
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE
La bibliographie touchant le régime napoléonien est surabondante. On les principaux éléments dans J. Turamp, principalement pp. 115-129 et 307-324.
Sur Paris
la nature
méme
de
l'Empire
Napoléon
ou le mythe
napoléonien:
J.
du sauveur,
TuLarn,
Le
en trouvera Paris
Grand
1977,
Empire,
1982.
Deux colloques tenus à Paris, sous la direction de Maurice Duverger, ont permis de faire le point sur la dictature napoléonienne et sur l'origine du mot Empire: Dictatures et Légitimité, Paris, Presses Universitaires de France, 1982; Le concept d'Empire, Paris, Presses Universitaires de France, 1980.
227
SECONDA
ROMA
DIONYSIOS A. ZAKYTHINOS
CONTINUITE DE L'EMPIRE ROMAIN A CONSTANTINOPLE: 330-1453
À la mémoire d'Agostino Pertusi
1.
Définir Byzance
Définir Byzance ἡ, son empire, sa théorie et sa pratique politiques, sa constitution étatique, sa société — la tâche s'avére fort difficile; non seulement en raison de la complexité de ces réalités historiques et de ces phé-
nomènes de civilisation que nous désignons par l'adjectif “byzantin”, mais aussi en raison des transformations internes que ceux-ci comme celles-là présentent tout au long d’une vie plus que millénaire. La définition d'August Heisenberg, proposée depuis presque soixante années, garde toujours sa valeur évocatrice: « Byzanz ist das christlich gewordene Rómerreich griechischer Nation » - « Byzance est l'Empire romain, devenu chrétien, de la nation grecque ». C'est dans ce terrain, romain, grec et chrétien, qu'elle jette profondément ses racines, Alors que les Empires de Charlemagne et d'Otton n'ont de commun avec l'Imperium Romanum que l'Idée impériale, Byzance est l'Empire méme des Romains dans son immédiate
continuité, dans sa continuité jamais interrompue ?. Byzance est la continuation de l'Empire romain, tel qu'il s’est transformé sous la double influence de la foi chrétienne et de l'Hellénisme. Elle a pour principal cadre géographique la Méditerranée moyenne et orientale;
elle a ses assises sur les institutions politiques et administratives, sur les institutions sociales et les régles de droit du Bas-Empire romain; elle se croit
inébranlablement l'héritiére de Rome, dont elle emprunte la théorie politique, s'attachant à l'idée cecuménique que celle-ci, aprés Alexandre, a introduite dans le gouvernement du monde. D'un autre cóté, l'Empire byzantin est puissamment constantinopolitein. 1 N. Iorca, “Définir 'Byzance'...", Byzantinische Zeitschrift, 30 (1929/30), pp. 416 ss. ? A. HEISENBERG, "Staat und Gesellschaft des byzantinischen Reiches", Die Kultur der Gegenwart, II, IV, 1 (1923), p. 364.
231
La grande cité de Constantin a joué dans sa vie non seulement le rôle d'une capitale, mais aussi celui d'un centre de synthése et d'irradiation étroitement lié à son existence: la possession de la grande cité légitime en quelque sorte ses aspirations universelles. En plus, l'Empire byzantin professe la religion chrétienne qu'il érige en suprême principe spirituel et intellectuel; à partir d'un certain moment, il se sert uniquement de la langue grecque et ne reconnaît d'autre culture que la culture hellénique. Il montre de la tolérance à l'égard des minorités ethniques ou minorités de langue qui vivent dans son sein, à condition qu'elles acceptent son Orthodoxie d'Etat et sa culture grecque. Néanmoins, à partir surtout du septiéme siécle, l'Empire de Byzance se confond plus intimement avec l'histoire de la nation grecque et devient de plus en plus le champ de son activité politique et culturelle pour aboutir, à la fin du douziéme, à un Etat national. En général, on pourrait dire que l'Empire byzantin est l'expression dynamique et culturelle de l'Hellénisme chrétien au Moyen Age. 2.
Byzance la pseudonyme
Cet Empire romain et chrétien de la nation grecque, cette société, cette littérature, cet art, cette civilisation, sont, dans l'historiographie moderne, désignés par le terme "byzantin": Empire byzantin, art byzantin, civilisation byzantine. Byzantins sont les habitants, les sujets de l'Empire. Cependant les Grecs du Moyen Age n'ont jamais employé cet adjectif au sens que nous lui attribuons aujourd'hui. Pour eux Βυζάντιον était Constantinople et Βυζάντιος son habitant. Rares sont les cas où le lecteur se trouverait indécis. C'est dans cette méme acception qu'on se sert du terme Byzantius, Byzantiacus,
Byzantinus dans le latin du quatrième et du cinquième siècles. Dans la rivalité entre les deux Rome, l'ancienne et la nouvelle, Claudien se permet de parler de « Byzantinos proceres Graiosque Quirites » ?. Le terme Byzantium, Byzantinus, dans sa signification moderne, réapparaît en latin dés le quatorzième siècle. Il désigne d'habitude des savants grecs ou grécophones qui se réfugient en Occident avant et aprés la prise de Constantinople *. Déjà en 1358/1359, Pétrarque, parlant de Léonce Pi-
late, se servait du terme byzantinus ἡ. Ce n'est qu'au seizième siècle qu'il a été reçu dans la terminologie scientifique. Hieronymus Wolf, en 1562, emploie le premier le titre Byzantinae Historiae Corpus. Suivit, en 1568, le Corpus universae Historiae praesertim Byzantinae, chez l'éditeur parisien Guillaume Chaudiére, titres qui seront promis à une belle fortune. Viendront ensuite la Byzantine du Louvre (1645-1711), œuvre d'une incomparable 3 A. CAMERON, Claudian. Poetry and Propaganda at tbe Court οἱ Honorius, Oxford 1970, p. 366. 4 L. BRÉHIER, “Byzance et Empire byzantin”, Byzantinische Zeitschrift, 30 (1929/30), pp. 360 ss.
5 A. Pertusi, Leonzio Pilato fra Petrarca e Boccaccio, Venezia-Roma 1964, pp. 9 ss., et passim.
232
beauté, et l'Historia Byzantina (1680) de Du Cange dont l'autorité finira par consacter le terme dans l'historiographie européenne *. A côté du terme “byzantin”, les écrivains modernes en ont employé d’autres pour désigner l’Empire de Constantinople. Ainsi Anselme Banduri intitule son ouvrage sur la géographie de Byzance et la topographie de Constantinople: Imperium orientale sive antiquitates Constantinopolitanae (Paris, 1711, Venise, 1729), où l'Empire oriental s'oppose à l'Empire occidental. On s'est également servi du terme "Bas-Empire", consacré sourtout par l'ouvrage de Charles Le Beau, Histoire du Bas-Empire (Paris, 1757-1786). Plus tenace fut l'usage du nom Empire grec. Il était conforme à la conception qui avait prévalu en Europe occidentale au Moyen Age, à savoir que les empereurs byzantins devaient porter le titre imperatores graeci, celui des imperatores romani étant réservé aux seuls empereurs de l'Occident. Ainsi l'Empire byzantin fut désigné par les termes Imperium graecum, Empire grec ou Empire grec d'Orient. Montaigne fut parmi les premiers à s'en servir. Quant à Montesquieu, il était d'avis qu'aprés Justinien on ne pouvait guére parler d'un Empire romain, mais d'un Empire grec. Les savants français du siècle dernier, entre autres Alfred Rambaud dans son ouvrage L'Empire grec au dixième siècle. Constantin Porphyrogénète (Paris, 1870), ont opté pour l' "Empire grec". Leur effort, comme celui de J. B. Bury qui préconisait les titres "Later Roman Empire" et "Eastern Roman Empire", n'a pas finalement abouti. Le terme “byzantin”, terme impropre, l'a décidément emporté *. Consacré par l'usage, l'adjectif "byzantin" est accepté dans deux significations, l'une très large et l'autre plus étroite. Dans le sens étroit, “byzantin” signifie tout ce qui se rapporte à l'Empire depuis le commencement jusqu'à sa chute finale (1453); dans son acception plus large, il désigne aussi tous les phénoménes de civilisation qui prolongent les formes proprement byzantines dans l'espace et dans les temps. Il en est ainsi de l'art byzantin. « Appliqué à la peinture et à l'art en général, le terme byzantin n'a pas toujours la méme portée », remarque André Grabar. Il qualifie l'art de Constantinople et de l'aire de son rayonnement direct, mais aussi les ceuvres «des pays méditerranéens postérieures au transfert à Constantinople de la capitale de l'Empire »; l'art de certains peuples d'Orient, notamment des Géorgiens, et celui qui fleurit dans les pays slaves orthodoxes et en Roumanie, de méme que l'art chrétien orthodoxe postérieur à la prise de Constantinople *. 3.
Byzance avant Byzance Aprés avoir raconté l'Histoire de la vie byzantine. Empire et civilisation
(en trois volumes, 1934), Nicolas Iorga y ajouta une "continuation" sous 6 A. PERTUSI, Storiografia umanistica e mondo bizantino, Palermo 1967, pp. 51ss. 7 P. LEMERLE, “Montesquieu et Byzance", extrait de la revue Le Flambeau, 31 (1948), pp. 1 ss.
* A. GRABAR, Les grands siècles de la Peinture. La Peinture byzantine, Genève 1953, pp. 11 ss.
233
le titre Byzance après Byzance (parue en 1935, nouvelle édition, Bucarest, 1971). Ce titre évocateur a depuis fait fortune. En intervertissant les élé. ments de cette proposition, ne pourrait-on pas parler d’une “Byzance avant Byzance”? Depuis la publication de l’œuvre d'Edward Gibbon The History of the Decline and Fall of the Roman Empire (1776-1788), il y a déjà deux siècles, les historiens ont en vain recherché la date décisive qui marque la fin de l'Imperium Romanum en Orient et l'avénement de l'Empire byzantin. On a proposé tour à tour: 284 (Dioclétien et la Tétrarchie), 324 ou 330 (fondation et inauguration de Constantinople), 325 (Concile de Nicée), 476 (fin de l'Empire romain d'Occident), 527 ou 565 (régne et mort de Justinien), 642 (prise d'Alexandrie par les Arabes), 717 (avénement de
Léon III l'Isaurien) etc. Tout ceci nous conduit à la négation de la ‘naissance' de Byzance, notion fallacieuse, ou de la 'genése' de Byzance, terme moins ambigu, mais néanmoins imprécis. Pour éviter des généralisations pré cipitées, on se bornera à dire que le quatrième siècle de notre ère, le "Grand Siécle", un des plus grands dans l'histoire universelle, doit étre tenu comme une date césure. Une synthèse était déjà avancée. Henri-Irénée Marrou remarquera: «à partir du II* si&cle av. J.C., l'unité culturelle du monde méditerranéen est chose faite: il n'y a plus qu'une seule civilisation: la bellenistisch-rimische Kultur, dont la riche unité s'accommode parfaitement d'une dualité de faciès — Orient grec, Occident latin » ?. Α un carrefour unique de l'ancien monde oü se rencontrent l'Europe avec l'Asie, Byzance, phénomène historique sui - generis, le « seul Empire qui ne fut pas créé sur les ruines d'un autre, le seul venu δὰ monde doté d'un patrimoine, le seul par conséquent qui n'envisagea pas tout de suite les problémes de formation et de développement mais ceux, plus compliqués, de conservation et de survivance », cette Byzance «est le seul Empire qui fut un Etat avant d’être une nation » !°, Bien avant la fondation de Constantinople, qui fut un acte de politique romaine non point pour « supplanter Rome, mais pour être son prolongement » !, Byzance avant Byzance émergeait imperceptiblement du terrain hellénistique. Celui-ci, fécondé par un schisme qui opposait la Grécité paienne à la Grécité chrétienne, préparait celle-ci comme celle-là à la fusion. Antioche, grande métropole d'Orient, à côté d’Alexandrie, illustre déjà la synthèse des courants qui marqueront la mission mondiale de Byzance l'hellénistique, entrainée dans le sillage de Rome 2. ? H.I. Marrou, 1977, p. 44.
10 H. AHRWEILER, Byzance:
Décadence
romaine
ou
antiquité
tardive?
III*IV*
siècle,
“L'Empire byzantin. Formation, Evolution, Décadence",
les pays et les territoires, Variorum
Reprints,
London
1976,
Paris
in Eap.,
I, p. 183.
11 G. DAGRON, Naissance d'une capitale. Constantinople et ses institutions de 330 à 451, Paris 1974, p. 542. P D.A. ZaKYTHINOS, "La fusion du monde méditerranéen. Rome et Byzance”, L'Hellénisme Contemporain, janvier 1941, pp. 165ss.; In, "Etatisme byzantin et expérience
hellénistique",
in
Ip,
Byzance:
Etat-Société-Economie,
Variorum
Reprints,
London 1973, II, pp. 667 ss.; A. J. FESTUGIÈRE, Antioche paienne et chrétienne. Libanius, Chrysostome
234
et les moines de Syrie, Paris 1959.
4.
Hellénisation et christianisation de l'impérialisme romain
La tâche de l'historien se trouve simplifiée depuis la publication de l'ouvrage de Francis Dvornik: Early Christian and Byzantine Political Philosophy. Origins and Background, en deux volumes, Washington, 1966. Cette vaste synthèse débute avec les idées orientales sur la Royauté (Egypte et Mésopotamie), s'étend sur les Hittites aryens et les Sémites du Proche-Orient, sur la Royauté iranienne, s'arrête sur la Grèce, de Mycènes à Isocrate, sur la Philosophie politique des Juifs, pour aboutir à l'hellénisation de la théorie politique des Romains, aux réactions juives et chrétiennes en face de l’Hellénisme romain et, par là, à l'Hellénisme chrétien, en insistant sur la spécu-
lation politique de Constantin à Justinien et sur l'Imperium et Sacerdotium. Ainsi que l'auteur le remarque, le point de départ de ce livre était dans la conviction qu'il « était nécessaire non seulement d'examiner les idées politiques de plusieurs cultures du Proche-Orient, mais aussi de montrer comment les différentes civilisations de l'ére pré-chrétienne ont transmis, l'une à l'autre, leurs idées sur la Royauté en les enrichissant de nouveaux concepts
qui correspondaient à leur caractère national, religieux ou racial;de montrer aussi dans quelle mesure le génie juif et le génie grec les ont absorbées, modifiées et adaptées ». « Ce n'est — conclut l'auteur — qu'aprés avoir démontré clairement ce processus dans ses différentes phases que nous pourrions saisir l'attitude des chrétiens vis-à-vis de l'ambiance politique de la période hellénistique, dans laquelle l'Eglise est née, et voir comment s'est formé le système par lequel l'Empire byzantin a été gouverné pendant un millénaire. »
En plein épanouissement, la littérature latine, sur les traces de modèles grecs, forgeait le mythe et la théorie de la "Paix romaine". Poètes et prosateurs, de Virgile, de Pline l'Ancien, d'Ovide, de Martial jusqu'à Claudien et Rutilius Namatianus, glorifiaient l'action civilisatrice du César, de l'Etat pacificateur de Rome. Des Grecs, Denys d'Halicarnasse, Plutarque, Aelius Aristide, accompagnaient
cette ovation. La Constitutio
Antoniniana
(en 212
de
notre ère) préparera les esprits à un large consentiment. Martial disait: « Où
trouver une nation assez reculée, un peuple assez sauvage, César, pour ne pas fournir de spectateur à ta capitale? Le paysan de Thrace est venu de l'Hémus qui garde le souvenir d'Orphée, ainsi que le Sarmate qu'alimente le sang de son cheval et l'homme qui boit le flot du Nil à sa source dont il sait le secret, et celui dont la vague de la mer la plus lointaine heurte le rivage. L'Arabe
est accouru,
les Sabéens
sont
accourus,
et les
Ciliciens
ont
été
aspergés de la rosée de leur propre safran. Leur chevelure nouée en un chignon, les Sicambres sont venus, ainsi que les Ethiopiens à la chevelure tordue d'une autre guise. Divers sont les langages de ces peuples: mais ils s’accordent tous entre eux, quand ils te proclament le vrai père de la patrie »: « Vox diversa sonat populorum, tum tamen una est Quum
verus patriae diceris esse pater » P.
13 Martial, Epigrammes,
I, texte établi et traduit par H.J.
IZAAC, Paris
1930, p. 3.
235
Ces tendances préparaient les esprits à des orientations plus radicales. La Philosophie du Quatrième Siècle, la Philosophie grecque, résumant les tendances du passé, présidait à la formation d’un nouveau système, à la fois religieux et politique. Dans sa Retractatio, Henri-Irénée Marrou remarque: « après les historiens de l'Art, les historiens de la Littérature, les historiens tout court s'habituent à définir l’âge de Constantin et de Théodose par le terme de renaissance. Tel que je la comprends aujourd'hui, la culture d’Augustin témoigne en ce sens: elle nous introduit non dans un monde en train de mourir,
mais dans
un organisme
en plein
essor, que
rien ne paraissait
condamner à une fin rapide » !*. L'avénement de "Byzance" marque l'accomplissement de ce long ‘dialogue' entre le dynamisme conquérant de Rome et l'expansionnisme culturel, puissamment linguistique, de l'Hellénisme 5. Sous l'influence de ce renouveau, la personalité de l'empereur romain, longuement mie, s'est définitivement modelée. Et c'est ainsi que s'est réalisée la transformation de l'Empereur-Dieu en Empereur par la gráce de Dieu, Empereur protecteur de la Foi et de l'Eglise, lieutenant de Dieu sur la terre. On songe au titre suggestif de W. Ensslin: Gott-Kaiser und Kaiser von Gottes Gnaden (1943). L'Empereur, « οἷα μεγάλου βασιλέως ὕπαρχος, μίμημα, κατὰ μίμησιν τοῦ
χρείττονος ἰθύνει».
(de Dieu)
« "Ἔμψνχος
ἐπὶ
τῆς
γῆς
νόμος », « χύριος
ἁπάντων τοῦ
τοὺς
οἴαχας
νόμον », il possède
διακυβεονῶν des vertus
royales, l' εὐσέβεια, la δικαιοσύνη, la φιλανθρωπία, la φιληχοῖα, la φιλοτιμία, la φιλοσοφία. Quelques années avant la grande crise de l'Iconoclasme, lors du Concile Quinisexte (692), les péres adressaient à l'Empereur Justinien II ces paroles: « ὁ τὴν μεγίστην ταύτην τοῦ παρόντος χόσμου
πηδαλιουχῶν ὁλχάδα Χριστός, ὁ Θεὸς ἡμῶν σὲ τὸν σοφὸν ἡμῶν χυβερνήτην ... »: le Christ tenant la barre de la grande nef du monde présent; l'empereur sage commandant !. Cette philosophie politique qui se dégage de la littérature grecque de l'époque, tant chrétienne que paienne, tant écclésiastique que profane, est singuliérement illustrée gráce au matériel artistique versé dans les débats par André Grabar. Dans son Dossier arcbéologique, l'éminent savant a consigné des monnaies, des sceaux, des diptyques, des croix, des représentations de l'image acheiropoiéte du Christ, d’où on conclut que « politiquement cette facon de voir semble déceler une pensée essentielle de la doctrine monarchique byzantine: le Christ n'est pas seulement le Pantocrator céleste qui abandonne la terre au gouvernement du basileus; depuis l'incarnation il est aussi monarque titulaire sur terre, et c'est à ce titre plus spécialement qu'il est suzerain suprême de l'empereur orthodoxe » !?.
14 H.I. Marrou, Saint Augustin et la fin de la culture antique, Paris 1958, p. 695. 15 G. DAGRON, "Aux origines de la civilisation byzantine: Langue de culture et langue d'Etat", Revue
Historique, 241
(1969), pp. 23 ss.
16 Eusèbe, Τριαχονταετηριχός, ed. I. HerkeL (Eusebius Werke), I, Leipzig 1902, pp. 248 ss. N.H. BavNEs, Byzantine Studies and Other Essays, London 1955, pp. 168 ss. 17 A. GRABAR, L'Iconoclasme byzantin. Dossier Archéologique, Paris 1957.
236
5.
Byzance une et diverse
En septembre 642 Alexandrie était occupée par les Arabes. La flotte impériale abandonnait la grande métropole hellénistique. Amputé en Orient, menant une âpre guerre contre les Arabes en Asie Mineure, en Afrique et dans les mers, assistant à la chute de son hégémonie en Italie, affrontant l'expansion des Slaves et des Bulgares dans les Balkans, l'Empire byzantin se militarise et se transforme. De 642 à 843 (restauration des Images), le gouvernement impérial réagit vigoureusement à cette crise, une des plus graves qu'il ait jamais éprouvées. Il abandonne la machine lourde et compliquée de l'administration du Bas-Empire pour adopter des systémes empiriques, appliqués selon les besoins du moment, Tout en utilisant des matériaux traditionnels, il aboutit à des formes simplifiées, propres à une résistance immédiate et souple. On dirait que l'Empire se 'byzantinise' de plus en
plus "5, Dans le domaine spirituel, on assiste à une tendance analogue. Les hommes du septième finissant et du huitième siècle s'éloignent de la civilisation hellénistique. L'historiographie cède le pas à la chronographie; la langue écrite est moins chátiée, dans certains genres elle tend vers un démoticisme marqué; la littérature hagiographique connaît un renouveau. Le grand art de la basilique paléochrétienne ne périt pas seulement sous les coups des envahisseurs; hors quelques monuments somptueux d'origine impériale, il s'adapte aux besoins d'une société rétrécie, animée d'un idéal de modestie. Un esprit de simplicité, de litote, caractérise toute l'époque. L'Iconoclasme, doctrine et mouvement d'une secte orientale aux tendances obscurantistes, proclamée en 726 et en 730 par Léon III l'Isaurien, devient l'étendard d'une
révolution impériale !. Il n'est pas dans le but de ce texte de suivre les étapes de la vie byzantine de la fondation à la prise finale de Constantinople (324-1453). On se bornera ici à souligner certains traits caractéristiques de cet Empire byzantin dont la figure se présente parfois sous une lumiére trompeuse. Ainsi qu'on l'a déjà noté, l'Empire de Byzance ne naquit jamais, Dans sa longue durée, il a certes subi des changements, mais il n'a jamais changé en un autre empire: « it
did not change into any other Empire than itself » ?. Seul dans l'histoire de l'Europe médiévale et dans le Proche Orient, il a duré si longtemps et sans interruption sur une superficie géographique changeante, mais jamais aban-
donnée théoriquement. Chronologiquement, l'Empire byzantin se situe au "Moyen Age", notion équivoque dont l'historiographie contemporaine conteste de plus en plus la réalité. Par sa constitution, par ses traditions et sa culture,
on
dirait
avec
Ernest
Stein
que
l'histoire
byzantine
«c'est
l'en-
semble des faits historiques postérieurs à l'Antiquité classique, mais décou15 in In., P9 2.
G. OsTrocorskY, "The Byzantine Empire in the World of the Seventh Century”, Zur byzantinischen Geschichte, Darmstadt 1973, pp. 80 ss. D. A. ZaxyrHiNos, Byzantinische Geschichte, 324-1071, Wien 1979, pp. 102ss. J.B. Bury, Selected Essays, Cambridge 1930, p. 218.
237
lant
directement
de
celle-ci,
non
seulement
l'histoire
de
la
transition
de
l'Antiquité au Moyen Âge tout entier, mais encore ce que j'ai appelé un jour "l'Antiquité dans le Moyen Age’. Par suite, il nous faut étendre le terme de byzantin à bien des pays, à bien des hommes qui ne subirent jamais
l'ascendant direct de la Grécité » 2. Dans la formation de l'Empire byzantin certains facteurs physiques, religieux, idéologiques, culturels ou moraux ont fini par préciser la physionomie et l'identité de Byzance. En premier lieu, on nommera Constantinople. L'Em-
pire est puissamment 'constantinopolitain'. Durant les 1129 années de son existence grecque la ville impériale du Bosphore fut le cœur et le centre de commandement du régime impérial. Un déplorable hiatus de 1204 à 1261 (occupation latine) n'avait fait que donner naissance à un fort sentiment de reconquéte. Tandis que Rome l'ancienne passait au second plan, Constantinople trônait en reine au milieu de toutes les villes 2. Un réseau de cités helléniques et hellénistiques reliait la Nouvelle Rome aux provinces. L'Empire romain avait hérité de cette incomparable institution. Ce n'est pas
sans raison qu'on a dit que l'empire de Rome était « une agglomération de cités (civitates, πόλεις)» par les Romains,
2. Nous ajouterons que la polis antique, adoptée
puis adaptée
aux nécessités d'une
autre vie, christianisée,
survécut jusqu'à la fin de Byzance et souvent jusqu'à nos jours. Dans monde trés agité, elle transmettait aux générations futures les normes
un du
Droit et de la Civilisation *. L'Orthodoxie a toujours été la grande affaire de l'Etat, du Patriarche et de l'Empereur. Des luttes farouches contre les hérétiques, contre les sectes et les dissidents, ont marqué la vie de l'Empire. La plus originale a été celle de l’Iconoclasme où l'Empereur lui-même était à la tête de l’hé résie, On ne s'attardera pas à ces grands problémes de la vie byzantine qui sont, certes, en dehors de nos intérêts immédiats. Mais, avant de conclure ce paragraphe, il importe d'ajouter quelques remarques succinctes sur la question linguistique, question primordiale pour l'identité de l'Empire et de la Culture de Byzance. Comme tout empire, Byzance renfermait dans son sein des populations qui ne parlaient pas le grec. Il y avait, surtout dans les régions avancées, des alloglottes ou des bilingues. Le volume de ceux-ci variait suivant le rythme des conquétes et des annexions ou, au contraire, des pertes de terri-
toires. Aprés la perte de l'Orient hellénistique, la seconde moitié du onziéme siècle marque le faite de l'extension. Aussi, des historiens modernes ontils parlé non seulement d'un Etat multi-national, mais aussi d'un Em?! E. SrEIN, "Introduction
à l'histoire et aux institutions byzantines", Traditio, 7
(1949-1951), p. 96. 2 E. FENSTER, Laudes Constantinopolitanae, Miscellanea Byzantina Monacensia, München 1968.
3 A.H. M. Jones, The Later Roman Empire 284-602, II, Oxford 1964, pp. 712 ss. 2% D. A. ZAKYTHINOS, "La ville byzantine”, in Ip., Byzance: Etat-Société-Economie, cit, VII, pp. 75 ss.
238
pire polyglotte. Mais le problème linguistique à Byzance ne saurait être considéré dans un prisme qui risque de déformer ses véritables dimensions. Parler d'un empire polyglotte, serait ramener la compétition entre le grec (ou le latin) et les idiómes locaux
(exceptés dans une certaine mesure
l'ar-
ménien et le syriaque). Celle-ci n'est latin. Le latin, déficient en Orient, siècle. Le dernier monument qu'il y lustini Augusti minoris de Corippus,
donc concevable qu'entre le grec et le cède définitivement le pas au sixième ait produit, est le poème In laudem composé et récité à Constantinople à
l'occasion de bre 565) 5.
de
l'avénement
au
trône
l'empereur
Justin
II
(14
novem-
La langue grecque fait partie intégrale du patrimoine byzantin. Sa domination mondiale avait de beaucoup précédé l'Empire. « Le brassage des peuples et des cultures inauguré par les conquétes d'Alexandre se poursuit. Rome elle-même s'était déjà trés largement mise à l'école de la Grèce ». Dans cet Empire, « officiellement bilingue, l'Occident latin tout entier continue de subir l'attraction et l'influence de l'Orient hellénisé ». On parle grec «aussi, dans une proportion qui n'est sans doute pas négligeable; en Occident méme » *. Pour la chrétienté d'Orient, pour la chrétienté entiére,
pour son expansion et sa formation, le grec, langue véhiculaire, a joué un rÓle prépondérant. Byzance la chrétienne a cultivé et défendu avec intransigeance cet incomparable instrument de communication et de rayonnement. À un moment de tension entre Rome et Constantinople, en 865, un empereur, Miche! III, connu pour son langage trivial, s'adressant au pape Ni-
colas I°, traitera le latin de langue barbara et scytbica ?. 6.
Une nomenclature politique: fictions et réalités
Rien n'ilustre autant la théorie politique de Byzance que la nomenclature dont Grecs et Romains se sont servis pour désigner leur empire, ses habitants et ses institutions. Par sa précocité, par son histoire, par ses origines et son étendue le néologisme Romania s'impose à notre attention. Il apparaît presque en méme temps en latin et en grec (ἹῬωμανία), vers le milieu du quatrième siècle; originairement, il désignait tantôt l'Empire en
général, tantót l'une de ses deux parties: la Pars Orientis et la Pars Occidentis,
Il est attesté que le nom
jusqu'aux
temps
modernes.
Parmi
est populaire, caractère qu'il a conservé les premiéres
mentions,
en grec, on cite
Saint Athanase d'Alexandrie (vers 358, se rapportant à l'Empire en général) et Saint Epiphane,
évéque
de Constantia-Salamis
parle de Romanie à propos de la Mer Rouge. brique, trouvé à Sirmium et conservé au Musée porte 75 MERON, % 7
cette
émouvante
inscription:
« Χριστὲ
(376-403),
à Chypre,
qui
Un petit monument sur archéologique de Zagreb, Κύριε
βοήτι
τῆς
πόλεως
Flavius Cresconius Corippus, In laudem lustini Augusti minoris, éd. A. CaLondon 1976. M. Simon, La civilisation de l'Antiquité et le Christianisme, Paris 1972, pp. 66 ss. PL, CXIX, coll. 932 ss.
239
x ÉpuEov τὸν "ABapw
xal πύλαξον
᾿Αμήν ». Sans doute, l'inscription
τὴν Ῥωμανίαν
καὶ τὸν γράψαντα.
a été écrite durant
le blocus de la ville
par les Avares (579-582) #. Durant
sa longue
existence,
relativement
effacée, le terme
Ῥωμανία
a
été employé dans un sens général, mais aussi dans une acception restreinte pour indiquer certaines régions de l’Empire Byzantin: l’Asie Mineure ou quelques-unes de ses provinces, la Thrace, des ensembles insulaires etc. Ainsi, vers le milieu du douzième siècle, des étrangers, notamment des princes turcs de la dynastie des Danismendides, battent monnaie avec des inscriptions grecques:
« Μέγας
Μελίχης
πάσης
Ῥωμανίας
καὶ
᾿Ανατολῆῇς » ©. Déjà
au onzième siècle, sous l'influence des changements profonds qui s’opèrent en Italie et en Sicile, le vocable réapparaît dans les textes occidentaux pour désigner les terres grecques d'outremer. Une foison de textes de toute sorte annonce une soudaine réhabilitation. Nous sommes en présence d’un retour à des formes antiquisantes qui présage déjà une précoce renaissance. Un seul exemple en raison de son intérêt politique: les Gesta Roberti Wiscardi où il est question de Romaniae loca deliciosa. Il s'agit de Byzance et vraisemblablement de l'Asie Mineure *. La prise de Constantinople par les Latins de la Quatrième Croisade, en 1204, consacrera définitivement les termes Roma-
"ia, Romenie, Romaigne, Romagne. Dorénavant le mot sera officiellement adopté dans la titulature officielle: Imperium Romaniae, doge de Venise: dominus quartae partis et dimidiae totius Imperii Romaniae etc." Deux ouvrages de synthése ont imposé les titres dans l'historiographie moderne: La Romanie vénitienne au Moyen Age. Le développement et l'exploitation du domaine colonial vénitien (XII*-XV* siècles), Paris, 1959, nouvelle édition, 1975, par Freddy Thiriet, et La Romanie génoise (XII*-début du XV* siécle), en deux volumes, Rome, 1978, par Michel Balard. Nous noterons que le nom de Romania s'est conservé dans les chansons populaires grecques
du Pont 9, Trés tôt le nom “Ἕλλην employé dans le sens religieux de celui qui persiste au paganisme, l’idolàtre, est tombé en discrédit et disparut de la terminologie officielle. En réalité, Hellénes et Chrétiens poursuivent la vieille 75 G. Monavcsik, Byzantinoturcica. I. Die byzantinischen Quellen der Geschichte der Türkvólker, Berlin 1958, p. 303. 2 I. MÉrikorr, La Geste de Melik Paris 1960, T, p. 106.
Danismend.
Etude
critique du Danismendname,
% M. MATHIEU, Guillaume de Pouille. La Geste de Robert Guiscard, Palermo 1961, pp.
164ss.;
168 ss. et notes.
31 L'article de G. Paris, "Romani, Romania, lingua Romana, Romancium", publié dans le tome I* de Romania (1872) a marqué une date dans la recherche de l'histoire du mot. Des contributions fondamentales ont suivi. On
mania:
The
Latin
Empire of Constantinople",
se bornera à citer R. L. Worrr, “Ro-
in In., Studies in tbe Latin Empire
of
Constantinople, Variorum Reprints, London 1976, II, pp. 155. Du cóté grec voir: D. A. ZakvruiNos, Le chrysobulle d'Alexis III Comnène, empereur de Trébizonde, en faveur des Vénitiens, Paris 1932, pp. 86 ss.; K. AMANTOS, “ 'Pupavia"", Ἑλληνιχά 6 (1933), pp. 231 ss. 2 N, PoLrTIS, Ἐχλογαὶ ἀπὸ τὰ τραγούδια τοῦ ᾿Ελληνιχοῦ λαοῦ, Athènes 1914, pp. 263 ss.
240
querelle
entre
le Judaïsme
et l'Hellénisme 3, Toutefois
le nom
Ἕλληνες
se retire de plus en plus de la circulation pour se limiter au sens spécifique du non-chrétien. Par contre, le nom Ἑλλάς prolonge son existence à la fois comme terme géographique et administratif, surtout depuis la fondation du thème de l’Hellade, circonscription mentionnée pour la première fois entre 687 et 695. Il en est de même en ce qui concerne le vocable géographique
et ethnique Ἑλλαδικοί, qui désigne par excellence l'habitant du Péloponnèse, pris lui aussi dans la tradition de l'Antiquité *. Pour éviter l'ethnique Ἕλληνες, les Grecs du Moyen Age se sont également tournés vers le nom Γραικοί qui aura plus tard, surtout à partir du quatorziéme siécle, une large diffusion, D'une grande ancienneté, il a fini par devenir un nom populaire. L'historien Priscus relate un épisode piquant: en 448, lors de l'ambassade de Maximin à Attila, rencontra à Viminacium un homme qui portait une tenue de Scythe, mais qui parlait parfaitement le grec. Interrogé par l'historien, il répondit en riant qu'il était grec de naissance (« Γραιχὸς μὲν εἶναι
τὸ γένος »), et qu'il était venu à Viminacium pour des affaires commerciales » 5. Constantin VII Porphyrogénète, parlant des habitants de la région de Patras et du Magne, dans le Péloponnése, introduit les trois noms, Γραιχοί,
Ἕλληνες et Ῥωμαῖοι; «qui sont parmi les plus anciens des Romains; ceux-ci jusqu'ici sont appelés par les indigènes Ἕλληνες parce ce qu'ils étaient anciennement paiens et adoraient les idóles ». Ils ne furent baptisés que sous Basile I**, Trés tôt on cite des composés tels que 'EXXnvoyaλάται, Γοτθογραῖχοι, Γαλλογραῖχοι, Γραικοσαρμάται, Tparxoppwiatot, Ῥωμέλληνες etc. Théodore Studite parle de Γραικία nommant ainsi la
Grèce propre”. Pour l'Occident, plus précisément pour l'Italie, le nom du Grec (Graecus, Graecia) était familier. Aussi était-il de préférence utilisé pour désigner les Grecs et les Grecs byzantins. L'adjectif ‘Pwuuaïxés prévalut parmi les Grecs du Moyen Age pour indiquer toutes les manifestations de la vie publique et souvent de la vie privée. L'Empire était ‘Puyaïxôv, ses habitants étaient Ῥωμαῖοι
ou Ῥωμεῖς,
parfois Αὐσόνιοι εἰ Αὐσονῖται
du nom
de l'Ausonie
italienne. Ses empereurs, jusqu'au dernier, Constantin Paléologue, continuaient à porter le titre officiel « fidèle basileus et empereur des Romains » (« πιστὸς βασιλεὺς xal αὐτοχράτωρ
Ῥωμαίων »). Jusqu'à nos jours le nom Ῥωμαῖοι,
Ῥωμιοί, indique le peuple par excellence de l'Empire byzantin *. 33 M. Stmon- A. Benoît, Le Judaïsme et le Christianisme antique d’Antiochus Epiphane è Constantin, Paris 1968. 3 P. CHRESTOU,
“Αἱ περιπέτειαι
Ἐπετηρὶς Θεολογιχῆς 35 Excerpta
de
% Constantine R.J.H.
τῶν
ἐθνιχῶν
ὀνομάτων
τῶν
Ἑλλήνων",
Ἐπιστημονικὴ
Σχολῆς, Πανεπιστήμιον Θεσσαλονίχης, 4 (1959), pp. 269 ss. Legationibus,
éd.
Porphyrogenitus,
De
De
Boor,
I, p.
135.
administrando
Imperio,
édd.
Gy.
Moravcsik-
Jenkins, pp. 228 et 236.
3 P, CHRESTOU,
op.
cil, pp. 274ss.,
282ss.;
P. SPECK,
“Τραιχία
und
'Aputvla",
Jabrbuch der vsterreichischen byzantinischen Gesellschaft, 16 (1967), pp. 71 ss. 35 E, ArrIconI, “Ecumenismo Romano-Cristiano a Bisanzio e tramonto del concetto
di Ellade ed Elleni nell'Impero d’Oriente prima del Mille”, Nuova
Rivista Storica, 55
241
Cette nomenclature caractérise une théorie politique dont les Byzantins ne se sont jamais départis: leur Empire n'était que la continuation de celui de Rome et de sa mission universelle. Jusqu'à la fin du huitième siècle la légitimité de ces aspirations n'était pas mise en doute. Mais, depuis que la Querelle des Images eut reláché les liens entre l'Orient et l'Occident, depuis que, le jour de Noël de l'an 800, le pape Léon III eut couronné Charlemagne, aussi depuis que Louis II eut ouvertement pris le titre d'Empereur des Romains, l'idée d'un Empire romain universel commença
à décliner. Le bel-
lum diplomaticum qui mit aux prises les deux "empires romains" du Moyen Age est à cet égard très instructif. À la suite de ces événements, Charlemagne prit le titre d'Empereur (Imperator) et Imperator Romanum gubernans Imperium, reconnu à Constantinople par le traité d'Aix-la-Chapelle (812), tandis que celui de l'Imperator Romanorum ne prévalut définitivement que depuis la dynastie d'Othon *. Aux yeux de l'Occident, l'empereur byzantin cesse d’être un Imperator Romanus; 11 est appelé Imperator Novae Romae, Imperator Graecorum ou Imperator Constantinopolitanus ®. A Byzance, les réactions furent très vives. On a fait déjà allusion à l'impérialisme linguistique de Michel III. Fort de sa politique extérieure, de la christianisation des Slaves et des Bulgares, lui et ses successeurs immédiats se comportent en maîtres, La théorie romaine renaît sous une nouvelle dynastie qui conduit Byzance à son apogée. Un de ses membres, Constantin VII, en fixera le système universel qui ambitionnera d'y consigner la connaissance humaine. Un rude soldat, Nicéphore Phocas, grand artisan de la reconquête, reçut, en 968, l'évêque de Crémone Liutprand qui apportait des propositions d'Othon I*. Sur ces entrefaites, par malchance, une ambassade du pape Jean XIII arrivait à Constantinople munie
de lettres où Othon était nommé "Empereur des Romains", tandis que Nicéphore n'était qualifié que d' “Empereur des Grecs". L'emportement de la Cour de Constantinople était concevable. Nicéphore lui méme, parlant à Liutprand,
aurait dit: « vos non Romani, sed Longobardi estis » ". Aux derniers siècles de l’Empire, au lieu de la titulature impériale «in Christo deo fidelis Imperator et moderator Romanorum », on voit apparaître dans la correspon-
dance en latin avec les puissances étrangères le titre "Imperator Romaeorum”. Peut-être faudra-t-il y discerner un essai de compromis ‘. Après de longs siècles de disgráce, le nom "EXXnvec se réhabilite petit (1971), pp. 133ss.; In., "Il delinearsi di una coscienza nazionale Roméica l'Oriente e nell'ambito ellenofono medievale”, ibidem, 56 (1972), pp. 122 ss.; “Ἕλληνες ἢ Ῥωμιοί", in In., Aaoypapux Σύμμειχτα, I, Athènes 1920, pp. 122 3 F. DÔLcer, Byzanz und die europäische Staatenwelt, Ettal 1953, W. Ounsorce, Abendland und Byzanz, Darmstadt 1958. Ὁ R. L. WoLFF,
4 Liutprandi, Darmstadt
nell'Impero N. PoLITIS, ss. pp. 282ss.;
op. cit., II, pp. 14 55.
Legatio ad Imperatorem
Constantinopolitanum
Nicephorum
Phocem,
1971, p. 47.
€ F, DôLcer, Facsimiles byzantinischer Kaiserurkunden, München 1931, coll. 14 ss. Sur la titulature des empereurs de Byzance cf. F. DòLGER, Byzantiniscbe Diplomatik, Ettal
1956, pp. 130 ss. 242
à petit dans les textes littéraires, sans toutefois atteindre les honneurs de la titulature officielle, Le dernier chrysobulle (charte officielle, scellée de bulle d'or) qu'ait signé le dernier empereur de Byzance, Constantin
léologue, en juin 1451, porte la signature de l'Empereur: ἐν Χριστῷ τῷ Θεῷ πιστὸς βασιλεὺς καὶ αὐτοχράτωρ
λόγος». commune rapporte Georges
XI Pa-
« Κωνσταντῖνος
Ῥωμαίων à Παλαιο-
Le document concerne des privilèges commerciaux octroyés à la de Raguse 9. Un autre chrysobulle, promulgué en février 1449, se aux fils de Georges Gémistos, le grand savant de la Renaissance Pléthon “.
La réapparition du nom des Hellénes n'est pas un fait fortuit et vain. Elle annonce timidement un revirement, un changement dans la vie de l'Em-
pire. Celui-ci n'est pas seulement à attribuer aux transformations internes ou extérieures,
ethniques
l'esprit. Comme
ou
sociales, mais
aussi
aux
tendances
de
la vie de
il arrive souvent dans l'histoire de l'Hellénisme, cette re-
naissance n'est point l'effet d'une pléthore matérielle, mais l'éclat d'une détresse nationale. C'est justement ce qui est arrivé dans ce tournant du onzième au douzième siècle, Grand précurseur, Michel Psellos (1018-1078) est conscient d'introduire une ère nouvelle dans les études philosophiques. Il s'enorgueillit d'avoir puisé la sagesse « non à une source courante », mais
à des fontaines qu'il avait trouvées « bouchées », qu'il a dû ouvrir et purifier et qui ne lui « ont laissé tirer leur eau, cachée dans leurs profondeurs, qu'au prix d'un long essoufflement » *. De son côté, Anne Comnène dira: Il est naturel « que l'Empire romain, en qualité de souverain des autres peuples, ait des sujets ennemis... ». Cependant son père, Alexis I*, prenait grand intérêt pour la culture de l'esprit. Constantinople était le centre de l'univers: «là on peut voir un Latin qui s'instruit, un Scythe qui apprend le grec, un Romain qui s'exerce sur les
textes grecs, et le Grec illettré qui se forme à parler grec correctement » *. Dans un impérialisme de culture, les Byzantins, oubliant une longue tradition, se mirent à rétablir des vocables damnés. Déjà dans le passage qu'on vient de citer les termes Ῥωμαῖοι εἰ Ἕλληνες se côtoient‘. A mesure que nous descendons vers la fin du douzième et le commencement du treizième siècle, les mentions du nom des Hellénes et de ses dérivés deviennent de plus en plus fréquentes. La montée de la langue démoticisante, une nouvelle “koinè”,
comme
langue
écrite,
a sans
doute
accéléré
le rythme
des
évolutions **.
Des écrivains, originaires de Grèce ou résidant en Grèce, comme
Jean Apo-
caukos, Démétrius Chomatianos, Michel Choniate, Georges Bardanès, Euthy9 F. DéLcer-P. Winr, Regesten der Kaiserurkunden des ostrômischen Reiches, 5. Teil, München 1965, pp. 135ss. M. Markovié, “Vizantijske povelje Dubrovaëkog archiva”,, Zbornik Radova Bizantolski Institut, 1 (1952), pp. 240 85. * F. DórcEn - P. WIRTH, op. cit., pp. 132 ss. 55 Michel Psellos, Chronographie, éd. E. Renauld, I, pp. 137 ss. 46 Anne Comnène, Alexiade, XIV, 7, 2, éd. B. Leib, III, p. 173. *! Ibidem, XV, 7, 9, éd. B. Leib III, pp. 217 ss. 5 En général: H-G. Beck, Geschichte der byzantinischen Volksliteratur, München 1971.
243
me Tornikès et autres, subissent l'influence du milieu; en général, des savants d'une grande notoriété, comme Nicéphore Blemmidés, comme l'empereur Théodore II Lascaris, Théodore Métochite, Nicolas Kabasilas, Athanase
Lependrénos, Démétrius Cydonès, Joseph Bryennios, s'en servent ἢ, Durant les derniéres
décades
de la vie de l'Empire,
les noms
Ἑλλάς,
Ἕλληνες,
Ἑλληνικός sont largement employés. En ces jours désespérés, ils prennent un nouvel éclat. Pendant que l'Etat disparaît, l'Hellénisme renaît sous son visage authentique. Georges Gémiste Pléthon, s'adressant à Manuel II Paléologue dira: « nous sommes, nous sur qui vous régnez et commandez, Hellénes de race, ainsi que la langue et l'éducation paternelles en témoignent » *, De son côté, Jean Argyropoulos, un véritable renaissant, s'adressera à Jean VIII et Constantin XI en se servant d'une terminologie peu byzantine: "soleil de la Gréce" pour le premier, "Empereur des Hellénes" pour le second. Et lorsque tout sera fini, Laonic Chalcocondylès criera « le désastre le plus grand qui soit jamais advenu dans l'Univers »*. 7.
En guise de conclusion
Dans l'histoire de l'Europe au Moyen Age, l'Empire grec a joué un rôle capital. Sous des concepts fallacieux, il a recueilli et conservé la tradition gréco-romaine, cimentée par la religion chrétienne. A mesure qu'il s'éloignait de ses racines, il subissait de plus en plus l'attrait de l'Hellénisme; cependant, il conserva jusqu'à la fin la 'théorie romaine' et la force conservatrice du Droit romain. C'est celle-ci qui pendant longtemps avait contrecarré les tendances centrifuges de la constitution politique. Unique pour sa durée et pour sa permanence, rigide dans ses croyances, souple dans ses méthodes, une et diverse, Byzance la grecque s'érigeait en gardienne d'une frontiére, militaire et culturelle à la fois. Autour d'elle, gravitaient des peuples, des Etats et des ethnies qui agréaient son autorité et sa civilisation. jusqu'aux
dernières
décades
du onzième
siècle, sa domination
s'étendait, à
l'ouest, vers l'Italie méridionale et la Sicile. Malgré le "Schisme" de 1054, malgré les invasions normandes, malgré les croisades et la prise de Constantinople, en 1204, les Byzantins ont conservé jusqu'à la fin la notion de l'unité de l'Europe
chrétienne.
Des
textes
éminemment
caractéristiques
en
témoi-
gnent *?, Α un moment critique pour nos disciplines, un des précurseurs les plus # S. RuNcIMAN, "Byzantine and Hellene in the Fourteenth Century”, Τόμος Κωνσταντίνου ᾿Αρμενοπούλου, Thessalonique 1951, pp. 27ss.; Ap. VACALOPOULOS, Ἱστορία τοῦ Νέον Ἑλληνισμοῦ, I, Thessalonique 1961, pp. 60ss., 67ss.; In., Origins of the Greek
Nation.
The
Greek
Period,
1204-1461,
New
Brunswick
1970,
pp.
27ss.,
280 ss.
59 Sp. LAMPROS, Παλαιολόγεια καὶ Πελοποννησιαχά, III, Athènes 1926, p. 247. 51 Sp. LAMPROS, ᾿Αργυροπούλεια, Athènes 1910, pp. 7, 29 et passim. LAoNIC CHALCOCONDYLÈS, ᾿Αποδείξεις Ἱστοριῶν, éd. E. Darkò, II, pp. 166 ss. 52 D. A, ZAKYTHINOS, “Τὸ Βυζάντιον μεταξὺ ᾿Ανατολῆς xal Δύσεως", in In., Byzance: Etat-Société-Economie, cit., III, pp. 373 ss.
244
avisés, Alfred Rambaud, remarquait en 1877 que « Byzance a été l'un des organes essentiels du développement de l'humanité; elle a été l'intermédiaire nécessaire entre l'Asie et l'Europe, entre le monde antique et le monde moderne...; c'est par elle que les traditions de la Gréce classique ont pu se conserver
jusqu'au
moment
où les Italiens
et les Français
ont
réussi
à se
dégager de la barbarie. Du V* au XVI° siècle, aucun peuple n'eut une mission historique plus haute que les Gréco-Romains de Constantinople » 3. Byzance a été plus que cela. Dans une région du monde particulièrement névralgique, elle a développé certaines maniéres de penser, de sentir et de voir, certaines attitudes spirituelles et sentimentales. Elle a tout particulièrement fait naître le sentiment patriotique; l’on a dit, non sans raison, que, après avoir transformé l'Etat antique en Etat médiéval, elle a préparé l'ascension de l'Etat national *. En ce sens, l'Empire byzantin tiendrait dans le monde
européen
la place d'une véritable Proto-Europe, d'une Proto-Europe d'une extraordinaire modernité,
533 A. RAMBAUD, Etudes sur l'Histoire byzantine, Paris 1919, p. 113. 5% J. LiwpsAY,
Byzantium
into
Europe.
The
Story
of Byzantium
rope 326-1204 and its further Contribution till 1453 A.D., London
as tbe
First
Eu-
1952, p. 168.
245
ANTONIO
IMPERO
ROMANO
CARILE
E ROMANIA
1. « In orbe romano qui sunt ex constitutione imperatoris Antonini cives effecti sunt »*. Con la costituzione di Caracalla l'11 luglio 212, secondo le parole di Ulpiano, la cittadinanza romana fu estesa a tutti i provinciali; l'apggettivo romanus ῥωμαῖος dal toponimo derivante dal gentilizio etrusco
Ruma?,
perse il suo originario significato etnico e linguistico, assumendo
un valore giuridico e politico connesso con la cittadinanza romana. Constantino VII
Porfirogenito, nel X secolo, identificherà i Ῥωμαῖοι
come
« citta-
dini fruenti della ῥωμαϊκὴ κατάστασις » 7. Nel corso del IV e V secolo, in pieno imperversare del problema gotico, le società urbane che costituivano il tessuto economico e che animavano il sistema dei traffici e delle comunicazioni su cui poggiava l’unità politica romana, persero la coscienza storica di antiche opposizioni a partire da quella
Romani/Latini
concentrandosi
sul più
attuale
contrasto
Romani/Barbari
poiché le popolazioni dell'Impero si sentivano in una città assediata dalle gentes esterne che ne minacciavano l'integrità territoriale e forse anche lo stile di vita urbana cui erano avvezze *. Sullo sfondo di queste preoccupazioni, esponenti culturali e pagani e
cristiani teorizzavano la perdita dell'ethos nazionale da parte delle singole gentes, contente
di trovarsi
amministrativamente
e giuridicamente
unificate
sotto le medesime /eges, che fanno del mondo un'unica città. S. Agostino, pur ponendo sul medesimo piano storico tutte le culture umane,
naturalmente
orientate
ad assicurare la pace
terrena,
si chiede con
una sorta di commozione civile: « Qui iam cognoscit gentes in imperio Ro mano quae quid erant, quando omnes Romani facti sunt et omnes Romani dicuntur? » 5.
I! 2 3 +
Ulp. Dig., I, V, 17. C. TAGLIAVINI, Le origini delle lingue neolatine, 4° ed., Bologna 1964, p. 120. Const. Porphyr. De adm. imp., XIII, 115 (edd. Moravesik-Jenkins). J. Zeizer, “L'apparition du mot Romania chez les écrivains latins", Revue des
Etudes Latines, 7 (1929), pp. 194-198.
5 Aug. ad psalmos, LVIII, 1.
247
La funzione provvidenziale della pax romana supporto per la diffusione del Cristianesimo, trasfigura l’Impero romano, agli occhi di Prudenzio, nel suo Contra Symmachum del 403, nella realizzazione storica dell'eguaglianza giuridica e della fraternità del genere umano: « Ius fecit commune pares et nomine eodem nexuit et domitos fraterna in vincla redegit » 5.
Il pagano Claudiano, frettoloso cantore della rovina gotica nel suo De bello gotbico, anteriore di otto anni al sacco di Roma ad opera di Alarico, aveva nel 398, De quarto consulatu Honorii, espressa la medesima fede nel superamento delle identità nazionali nel contesto dell'universalismo imperiale coincidente con il genere umano: « Haec est in gremium
Humanumque
Rutilio Namaziano d'origine, compiuto nel incursione gotica, rifiuta politico all'insegna della
victos quae
genus communi
sola recepit
nomine fecit » ?.
nel descrivere un viaggio in Gallia, sua regione 417, poco dopo le devastazioni di una disastrosa di prendere atto della nuova realtà di frazionamento dominazione barbarica, esprime piuttosto la volontà
di sopravvivenza della nobilitas provinciale, arroccata nelle città e nelle ville
fortificate, nel riaffermare la missione storica di Roma, politica delle gentes nell’unica città della civiltà:
cioè l'unificazione
« Fecisti patriam diversis gentibus unam Urbem fecisti quae prius orbis erat » *. Questa patria non ἃ soltanto una costruzione umana, come gli imperi suc-
cedutisi nella storia universale,
& una necessità metastorica:
« ... Deus undique gentes Inclinare caput docuit sub legibus iisdem Romanumque omnes fieri... » ?.
secondo Prudenzio, perché ormai l'Impero attraverso la speculazione politica eusebiana era rientrato nell'ordine universale e costituiva una immagine
del regno celeste ^. 6 Prud. Contra Symmachum, 7 Claud. de laud., III, X, 1 (1923), p. 71. 5 Rut. Nam. Itinerarium, V, 9 Prud. Contra Symmachum,
vv. 506-507. 50 cfr. G.G.
Marzzscu,
in Ephemeris
Daco-romana,
63-64. vv. 501-503.
10 A, Pertusi, "I principi fondamentali della concezione del potere a Bisanzio. Per un commento al dialogo 'Sulla scienza politica' attribuito a Pietro Patrizio (secolo VI)",
Bullettino dell'Istituto
248
storico Italiano
per
il Medio
Evo
e Archivio
Muratoriano,
80
2. Nelle regioni orientali dell'Impero coesistevano, non sempre pacificamente, tradizioni culturali, linguistiche, religiose diverse, sia pure nell'ambito di una egemonia culturale ellenofona, erede dell'antica unità ellenistica;
ma tale egemonia era destinata a dileguarsi nei primi decenni del VII secolo da tutto il crescente fertile, Siria, Palestina, Egitto !!. In tal ambito il termine romanus
ῥωμαῖος
non
può
recate alcuna connotazione
etnica o linguistica;
accentua invece la valenza politica e civile che rende possibili le peregrinazioni delle capitali imperiali, Nicomedia, come Milano e Ravenna, fino alla traslazione a Costantinopoli. Ῥωμαῖοι si applicò pertanto agli ellenofoni, come vuole Giorgio Cedreno ?, ma anche ad altre lingue e nazionalità a partire dagli Armeni, come doveva ben sapere Costantino VII Porfirogenito. Nel X secolo si era persa a tal punto la nozione etnica del termine ῥωμαῖος che l’imperatore vede le terre d'Italia come abitate o dominate un tempo dai Ῥωμαῖοι
tempo
(« xatwxoüvro
sommariamente
παρὰ
τῶν
Ῥωμαίων,
rientranti nella Φραγγία
χατεχρατεῖτο ») ma
per cui «oi
al suo
Φράγγοι
ἀπὸ
᾿Αχουϊλεγίας καὶ ἀπὸ τῶν ἑτέρων τῆς Φραγγίας χάστρων » ? fondarono la provincia delle Venezie per paura di Attila, con buona pace della cronologia storica. Quando ancora il termine romanus e ῥωμαῖος conservavano alla coscienza
di chi li usava un senso politico e linguistico ad occidente ed esclusivamente politico ad oriente di un asse che correva lungo l'entroterra dalmatico, dai due aggettivi si trassero le denominazioni di Romània in latino e Ῥωμανία in greco. Romania'Pwpavla invalsero nell'uso quotidiano, sulla analogia dei toponimi in -ia (Gallia, Germania, Φραγγία, Συρία) ma invalsero non in senso
etnico, bensí come compendio territorialmente definito delle espressioni politiche e civili di imperium romanum, orbis romanus “. Nell'età delle invasioni barbariche Romänia-Pwyavla trovarono la loro opposizione simmetrica in Barbaria, Barbaries, usata secondo un largo spettro di significati, giusta
l'uso linguistico classico,
cioè da paese
fino alla prevalenza positiva che nel VI rirà a questo membro zione di re Cariberto:
straniero
secolo Venanzio
a nazioni
barbare,
Fortunato
confe-
non più di un'antitesi ma di una endiadi, nell'esalta-
« Hinc cui Barbaries illinc Romania plaudit diversis linguis laus sonat una viro» 55.
(1968), p. 12; A. Monisi, "Ricerche sull'ideoclogia imperiale a Bisanzio”, Acme pp. 124-135.
16 (1963),
!! A, CARILE, "Giovanni di Nikius cronista bizantino-copto”, Miscellanea Stratos, in corso di stampa. 12 Georg. Cedr. Synopsis bist., I, p. 454. D Const. Porphyr. de adm. imp., XXVII, 13-14 (edd. Moravesik-Jenkins), cfr. la utilizzazione del passo in A. CARILE, "La formazione del ducato veneziano”, in A. CARILE G. FEDALTO, Le origini di Venezia, Bologna 1978, p. 55, p. 78. M TAGLIAVINI, op. cit., p. 125; W. von WARTBURG, La frammentazione linguistica della Romania, ed. it. a cura di A. Varvaro, Roma 1980, pp. 96-99. 15 Ven. Fort. VI, 4, 7-8.
249
Paolo Orosio, che preferisce il termine status romanus, all'inizio del V secolo registra Romania come espressione volgare nel famoso ritratto politico di Ataulfo che « ... referre solitus esset se in primis ardenter inhiasse ut, obliterato romano nomine,
Romanum
omne
solum
Gothorum
imperium
essetque, ut vulgariter loquar, Gothia quod Romania Athaulfus quod quondam Caesar Augustus » !5,
et faceret
et
vocaret,
fuisset et fieret. nunc
Il Romanum omne solum non può in realtà divenire per semplice conquista un Gothorum imperium perché la Romania non è solo un'espressione territoriale, come Ataulfo aveva creduto all’inizio della sua carriera; ad onta dello sconquasso territoriale arrecato dalle invasioni, il capo gotico si rese conto che la Romania era una respublica, cioè un organismo amministrativo retto da /eges, un sistema di governo che la effrenata barbaries non poteva storicamente rimpiazzare, che poteva bensf o rinvigorite con il suo dinamismo
(Gothorum viribus) o distruggere, secondo l’espressione di Possidio a proposito dei Vandali conquistatori di Spagna, Romaniae eversores ": « At ubi multa experientia probavisset Gothos ullo modo parere legibus posse propter effrenatam barbariem neque reipublicae interdici leges oportere, sine quibus respublica non est respublica, elegisse saltem ut gloriam sibi de resti-
tuendo in integrum augendoque romano nomine Gothorum viribus quaereret habereturque apud posteros Romanae restitutionis auctor, postquam esse non
potuerat immutator » !5, Il maestro di Paolo Orosio e di Possidio, Agostino, nel porre la iusticia
a fondamento della pace terrena («remota itaque iusticia, quid sunt regna nisi magna latrocinia ») 9, la "pace di Babilonia" tuttavia provvidenziale per i Cristiani ? aveva indicato nella Romania la prefigurazione della Civitas Dei: « ... l’impero romano è stato esteso, fino a raggiungere la massima gloria umana... perché i cittadini della città eterna, finché sono pellegrini quaggió, osservino con diligenza e senno quell’esempio e veggano quanto amore si debba
alla patria superna » ?!. Se la bipolarità etico-religiosa fra città del bene e città del male, induce al superamento di ogni antitesi etnica o civile in quanto tutte le genti 16 Oros. Hist. adv. paganos, VII, 43, 4-5 (ed. Lippold, II, p. 398). O. BERTOLINI, “Gothia e Romania”, I Goti in occidente, Settimana di studio del centro italiano di studi sull’alto Medioevo III, Spoleto 1956, p. 13; F. Giunta, “I Goti e la Romanità”, in AA.VV., Nuove questioni di Storia medievale, Milano 1964, pp. 37-55. 17 Possid. Vita Aug., c. 6. 18 Oros. Hist. adv. paganos,
VII,
43,
6
(ed.
Lippold,
II, pp.
398,
400).
19 Aug. de civit. Dei, IV, 4. 7 ]bid., XIX, 26. À Ibid., V, 15; cfr. AcosTINO, La città di Dio, a cura di D. Pesce, Firenze 1967, p. 99.
250
la romana non fa eccezione, sono ripartite fra i due poli; se la città celeste,
pellegrina sulla terra pud scendere a patti con qualunque istituzione o cultura a condizione di non vedersi negate le sue ragioni essenziali; & pur vero che il concetto di Romania, in quanto il pit illustre organismo storico fondato sulla iusticia per assicurare la pace, subisce in ultima analisi una sorta di carisma provvidenziale come superamento dei particolarismi etnici verso la realizzazione della pace terrena. 3. Ῥωμανία era divenuto in Oriente fin dal IV secolo un sinonimo volgare di βασιλεία τῶν Ῥωμαίων come dimostra l'uso di S. Atanasio ? e di S. Epifanio ? per cui il Mar Rosso dà accesso alla ‘Pwpuavta. D'altronde la Ῥωμανία in quanto organizzazione statale, burocratica e militare dell'Impero, sopravvisse alle crisi del V secolo e in oriente, a Costantinopoli, trovò il suo centro tradizionale. Quando l’insediamento longobardo romperà l’unità
politica d’Italia, anche nella penisola si opererà una distinzione fra territori bizantini, Romania;
poi ex-bizantini, e territori longobardi, nell’antitesi Langobardiatermine quest’ultimo che divenne ufficiale per l'Esarcato, ormai
per cosí dire ‘restituito’ a partire da una legge di Pipino del 781, mentre nel restaurato Impero occidentale Romania denoterà il territorio già dell’Impero d'Oriente o abitato da popolazioni che parlano romanice *. La moderna denominazione di Romagna, riservata a terre già parte dell’Esarcato d’Italia, è la sopravvivenza toponomastica piá significativa del termine in Italia”, Su di una iscrizione trovata a Mitrovitsa sul luogo dell’antica Sirmium e risalente con ogni probabilità al lungo assedio avaro di Sirmium (579-582) si legge:
ἤλβαριν
« Χριστὲ
Κύριε,
xè πύλαξον
βοήτι
(pro
(pro φύλαξον)
βοήθει)
τὴν
τῆς
πόλεος
Ῥωμανίαν
x' ἔρυξον
τὸν
xal τὸν γράψαντα.
"Any » #. L'ellenofono, che usa un greco con particolarità fonetiche provinciali, testimoniate dalla caduta delle aspirate (0 e
ridotte a sorde), indica
in Ῥωμανία l'universo etico-politico dell'Impero in cui egli identifica la propria salvezza. Per l'estensore del graffito la Ῥωμανία giunge fin nel cuore della penisola balcanica, non ἃ dunque questione di lingue o di razza, ha un rapporto diretto con
il Signore
Cristo, βασιλεὺς
τῶν
βασιλέων
di
cui l'imperatore, secondo la piü ufficiale ideologia politica eusebiana, & viZ Per tutto questo paragrafo cfr. ZEILLER, op. cit; Athan., I, 733c. 23 PG, XLV, col. 204. # V. CazsciNt, “Romània”, in In., Romanica fragmenta, Torino 1932, pp. 1-26; In., “Romana lingua”, ibid., pp. 27-41; H. F. MuLLER, “On the use of the Expression ‘Lingua romana' from the first to the ninth Century", Zeitschrift für Romaniscbe Pbilologie, 45 (1925), pp. 9-23; M.G. BartoLI, “Romania e ‘Puuavla”, Scritti vari di erudizione e di critica in onore di Rodolfo Renier, Torino 1912, pp. 981-999. 8 TAGLIAVINI, op. cit., p. 127, n. 25. Cfr. anche K. AMANTOS, “Ῥωμανία", Ἕλληνιχά, 6 (1933), pp. 231-235
e In., Ἱστορία τοῦ βυζαντινοῦ
χράτους,
I, Atene
1963,
pp. 39;
40.
D. ZakvTHINOS, 'H βυζαντινὴ Αὐτοχρατορία, 324-1071, I, Atene 1969, pp. 12-13. 96 Edita in Byzantinische Zeitschrift, 3 (1894), p. 22 cfr. AMANTOS, op. cit., p. 251 n. 2; D. ZaxyrHINOS, "Exposé sur la continuité de l'Empire romain à Constantinople: 330-1453", in questo stesso volume, pp. 231 ss.; G. Moxavesik, Byzantinoturcica, I, Berlin 1958, p. 303.
251
cario e μίμησις 7. I sigilli plumbei di Develtos e l'VIII secolo, mostrano l'estensione geografica della Di quali potenzialità etico-civili e religiose fosse un χελιδόνισμα. Tradizionale composizione poetica mavera
è connessa con la v(xm
θεοδώρητον
xai ζωὴν τῷ βασιλεῖ Ῥωμαίων
Filippopoli, ancora nelῬῬωμανία. carico il termine mostra in cui la festa della pri-
recata insieme a χαρὰν
ὑγείαν
secondo l'esempio illustre tramandatoci da
Costantino VII Porfirogenito, il χελιδόνισμα veniva eseguito in una gioiosa
cerimonia pubblica nel corso della quale i demi εἰς τὸ Μαχελλαρικὸν ἱπποδρόμιον in coro con il popolo che esegue il responsorio rivolgevano il canto augurale all'imperatore, vero oggetto della celebrazione ?. Nel contesto del. lIppodromo, in cui ritualmente si esprime il rapporto fra il populus romanus e il suo imperatore, secondo la lezione del Dagron, un χελιδόνισμα trasmesso da un codice del XII secolo e da un codice del XV, ma di compo-
sizione probabilmente anteriore al XII secolo, ci offre un responsorio che per cinque volte suona Ῥωμανία νικᾷ in perfetto parallelismo con la vixn augurata al βασιλεὺς rogenito.
Ῥωμαίων
nel
testo
riportato
da
Costantino
Porfi-
«᾿Αρχηγός των ἁπάντω(ν) βασιλεύει χύριος. R(esponsorium) Ῥωμανία νικά. γεννάται ὁ Χριστός δια λόγου θεϊκού.
R(esponsorium) Ῥωμανία νικά. (ἔρ)χεται ἐπι τῆς γής, R(esponsorium)
Ῥωμανία
φέρει τῳ χόσμῳ.
νικά.
ἥλιος, καὶ σελήνη
R(esponsorium)
ζωὴν
θεόν προσχυνούσιν.
Ῥωμανία
νιχά.» ?
Siamo di fronte alla declinazione rituale del paradigma del pensiero politico eusebiano: il βασιλεύς cui si allude per sovrapposizione del βασιλεύει χύριος
ἃ elxwv
di Dio,
autore
del
creato
visibile
del Cristo-Aóyoc che ha recato la vita al mondo imperiale (ἥλιος) e il sacerdotium
(σελήνη)
e invisibile;
è vicario
visibile mentre
il potere
adorano Dio in quanto autorità
complementari ed interdipendenti. Da questo ordine divino del cosmo consegue il trionfo della ‘Pmuavia: 7 Sulla Pertusi,
salvezza del singolo e dello stato coinci-
teologia politica bizantina oltre agli articoli già citati della Morisi
cfr. anche
S. RuNciMAN,
The
byzantine
Tbeocracy,
Cambridge
1977,
pp.
e del 5-25;
H. AHRWEILER, L'idéologie politique de l'empire byzantin, Paris 1975, pp. 14-19 e soprattutto A. PERTUSI, "Storia del pensiero politico", in In., La civiltà bizantina dal IV αἱ IX secolo, Aspetti e problemi, Bari 1977, pp. 33-45. Si tratta di una anticipazione de Il pensiero politico e sociale bizantino dal secolo VI al secolo XVI, attualmente in
tre sezioni da molti anni in stampa presso la Storia delle idee politiche, economiche e sociali, diretta da L. Firpo (cfr. A. CARILE, "Agostino Pertusi", in Medioevo. Saggi e rassegne, 5 (1980), p. 226), di cui è ora comparso A. PERTUSI, “Il pensiero politico e sociale bizantino dalla fine del secolo VI al secolo XIII”, in Storia, cit., II, 2, Torino
1983, pp. 667-816. 2 Const. Porphyr., de caer., I, 82, (ed. Vogt, II, pp. 166-167) (= P. Maas, "Metrische Akklamationen
der Byzantiner”,
Byzantinische
2 MAAS, op. cit., n. X, p. 45.
252
Zeitschrift, 21
[1912],
n. IX,
1, p. 37).
dono in una visione etica in cui pubblico e privato vengono risolti nell'unica nozione della τάξις che rende la βασιλεία simile all'armonia universale impressa da Dio al tutto: « τοῦ βασιλείου χράτους ῥυθμῷ καὶ τάξει pepo μένου, εἰχονίζοι μὲν τοῦ δημιουργοῦ τὴν περὶ τόδε τὸ πᾶν ἁρμονίαν καὶ
χίνησιν» per usare le solenni parole premesse da Costantino VII Porfirogenito al suo trattato delle cerimonie *. La
Ῥωμανία
ἃ dunque
la
βασιλεία
τῶν
Ῥωμαίων
realizzazione
di
"ritmo e ordine" che ἃ immagine dell'armonia divina del creato. Questo sentimento trascendente del lealismo imperiale ἃ la realtà etica in cui i membri dell'Impero, al di là delle lingue, delle etnie, delle divergenze religiose, o magari semplicemente sportive connesse con le corse dei carri, al di là dei contrasti di classe, possono riconoscersi nell'unità della vita politica e sociale con la vita morale in una tensione metafisica del cittadino verso Dio autore del cosmo e verso Cristo autore della ζωή, della salvezza: la Ῥωμανία come coincidenza di stato e fede religiosa, secondo un ordine di-
vino (τάξις) che rende ἄγιος, προσχυνητός
il βασιλεύς che della τάξις è
il garante terreno *. 4. Questa realtà concettuale, rimasta in vigore fino alla fine dell'Impero, non veniva colta nelle sue implicazioni etiche dai mercanti occidentali, pisani, genovesi, veneziani,
abituati a trattare i mercati di Romänia
ma poco
disposti a familiarizzarsi con il suo universo concettuale. La Ῥωμανία che i Veneziani distinguevano in bassa (Peloponneso, Creta, Arcipelago, Negroponte)
e alta
(Macedonia,
Tracia
e stretti)
rimarrà
per
gli occidentali
solo
il sinonimo territoriale dell’Impero d'Oriente 9. L'uso della Historia Ducum Veneticorum, un testo veneziano del XII secolo, è chiaramente geografico *. L'atto di ripartizione dei feudi dell'Impero che l’esercito della IV crociata intendeva impiantare sul corpo dell'Impero d'Oriente, si intitola, nel settembre 1204 Partitio terrarum imperii Romanie ^. Nel XIII secolo per il cronista Salimbene, il cui padre Adam aveva partecipato alla IV crociata, « Grecia... est provincia Romanie », in un contesto in cui si parla dei Francescani 5. L'ipotesi del Wolff che Romania designasse unicamente l'Impero latino, cioè la zona di occupazione occidentale dell'Impero d'Oriente, non regge alla analisi del termine ‘Pwuavta nei documenti ufficiali costantino-
politani *. 3% Const. Porphyr., de caer., Praef. (ed. Vogt, I, p. 2, 19-21). 31 Cfr. AHRWEILER, op. cit., p. 136. 32 Fe. ΤΉΙΚΙΕΊ, La Romanie vénitienne au Moyen Age. Le développement et l'exploitation du domaine colonial vénitien (XII-XV* siècles), Paris 3 In MGH, SS., XIV, pp. 73; 75; 78; 93.
1959,
rist.
1975,
pp.
3-4.
# A. CARILE, "Partitio terrarum Imperii Romanie", Studi Veneziani, 7 (1965), p. 217, n. 1 (i titoli sono addizioni di copisti che rispecchiano l'uso corrente nel XIII secolo). 35 SALIMBENE
DE
ADAM,
Cronica,
Nuova
edizione
critica
a cura
di G.
Scatta,
I,
Bari 1966, p. 266, 30. Cfr. A. CARILE, Salimbene e la sua opera storiografica, Bologna 1971, p. 9, SALIMBENE, op. cit., I, p. 52, 4-14. 3 R.L. Wozrr, “Romania. The latin Empire of Constantinople", Speculum, 23
253
Nel protocollo imperiale il termine ῬῬωμανία non ha mai sostituito l'espressione τῶν Ῥωμαίων; piuttosto i conquistatori, veneziani, serbi, bulgari assumeranno il termine meno aulico, probabilmente ristretto al senso territoriale che essi erano avvezzi a conferirgli. Gli storici bizantini di rado ne fanno uso. Nel X secolo Giuseppe Genesio, autore della cerchia di Costantino VII Porfirogenito, giunse a sfiorare il termine nell'espressione "Pur μαῖτις y”, mentre Giovanni Cinnamo (XII secolo) una volta designò l’Impero come ‘Pwuate *; una sola volta Anna Comnena usa il termine per denotare il territorio dell'Impéro: « τοῖς μέρεσι τῆς Ῥωμανίας rim σιάσαι θελήσαντες » 9, probabilmente per conferire alla narrazione quella
vibrazione patriottica che il termine assume in due crisobolli della cancelleria di Alessio I riportati da Anna stessa", A seguito della conquista del 1204 i Veneziani, prima nella persona del podestà di Costantinopoli, poi nella persona del doge, dopo una crisi istituzionale che per poco non portò ad una rottura fra Veneziani di Costantinopoli e Veneziani della madrepatria, assunsero nel protocollo dogale il titolo di despotis Imperii Romanie eiusdem imperii quarte partis et dimidie dominator "*, mentre il χράλ, Stefano Dusan, in seguito alle sue conquiste macedoniche si fece incoronare il 16 aprile 1346: βασιλεὺς αὐτοχράτωρ Σερβίας xal Ῥωμανίας “ intitolandosi nei documenti πιστὸς ἐν Χριστῷ τῷ θεῷ χράλης xal αὐτοχράτωρ Σερβίας καὶ Ῥωμανίας 9 (ottobre 1353) secondo quel processo di somma-
toria di titoli occidentali e titoli orientali che si evidenzia anche nella titolatura degli imperatori latini di Costantinopoli e che dichiara una concezione puramente
territoriale
della
Ῥωμανία
al di fuori
del
sistema
concettuale
romano-bizantino. Ben noto è il problema della discendenza romana vantata dagli zar bulgari, gli Asenidi, in coincidenza con la tendenza politica dell’Impero bulgaro ad annettersi porzioni della Ῥωμανία nella impossibilità
di ereditare l'intero Impero *. Il termine ‘Pwpavia non ricorre dunque nel protocollo imperiale ed è difficile da rinvenirsi negli storici, anche i meno aulici; rarissimo è il suo uso nei documenti imperiali rivolti a membri dell’Impero, che conoscono il significato etico-politico di βασιλεία τῶν Ῥωμαίων. Tuttavia il termine (1948), pp.
1-34 ancora
riecheggiato in S. BERNARDINELLO,
“In margine
alla questione
rumena nella letteratura bizantina del XII secolo, Zbornik Radova Vizantoloïkog Instituta, 18 (1978), p. 99. Cfr. quanto è detto qui appresso.
7 Ioseph. Genesii Regum libri quattuor, recc. A. Lesmueller-Werner Berolini 1978, (Corpus Fontium Historiae Byzantinae XIV), 2, 10, 82.
et I. Thum,
38. Toann. Cinn., II, 8, 58. 3 Annae Comn. Alex. IV, 1, (ed. Leib, I, p. 159, 11). © Ibid., III, 6 (ed. Leib, I, pp. 120-122); XIII, 12 (ibid., III, p. 125-139).
*1 A. CARILE, Per una storia dell'impero latino di Costantinopoli, 2* ed. aum., Bologna
1978, p. 228.
42. MM.
(= Acta et diplomata graeca Medii Aevi, edd. F. MikrosicH - I. MUELLER,
I.VI Vindobonae
1860-1890), V, 120 s.a.
4 M.M., V, 127. # Cfr. gli atti dell'S' Congresso Internazionale La cultura bulgara nel medioevo bal. canico tra Oriente e Occidente europeo, Spoleto 3-6 novembre 1981, Spoleto 1983, p. 196.
254
Ῥωμανία ricorre in qualche caso, ad esempio nel crisobollo con cui Alessio 1 Comneno conferisce la reggenza alla madre Anna Dalassena, nell'atto di allontanarsi da Costantinopoli a breve distanza dal suo insediamento per seguire da presso l'infido Roberto il Guiscardo nell'agosto 1081. Il testo del crisobollo ἃ di singolare suggestività: non a caso Kavafis ne farà oggetto della
sua poesia
"Avva
Δαλασσηνὴ
riprendendo
come
verso
finale
il fa-
moso lemma: « Οὐ τὸ ἐμὸν ἢ τὸ σόν, τὸ ψυχρὸν τοῦτο pina ἐρρήθη » 5. In un contesto aristocraticamente vibrante di affetti e orgogli familiari, vengono
introdotte
note
di
alto patriottismo:
« ἐτουμαζομένη
δὲ
ἤδη
ἡ
βασιλεία pou σὺν Θεῷ πρὸς τὴν χατὰ τῶν ἐχθρῶν τῆς Ῥωμανίας ἐξέλευσιν » *5. Nel trattato di pace del settembre 1108 fra Alessio I Comneno e il normanno Boemondo ricompare il termine ῬΡωμανία come equivalente di Impero romano in una singolare figura retorica, costruita su un calcolato gioco chiastico, che vede in parallelo da una parte città e villaggi « ὅσαι. ὑπὸ τὸ σχΐπτρον τῆς Ῥωμαίων Τύχης ἐτύγχανον οὖσαι» con espressione aulicamente arcaizzante, in cui l'Impero è espresso con il concetto di Romanorum
Fortuna; dall'altra parte città e villaggi « μηδέπω δεδουλευχότων τῇ ‘Pu μανίᾳ » *. L'Impero è qui denotato nella maniera più volgare di modo che i due termini chiasticamente richiamantesi Ῥωμαίων Τύχη Ῥωμανία nell'ossimoro esprimono la totalità dell'ethos imperiale dell'autocratore τῶν Ῥωμαίων. Una totalità patriottica nel termine pare di cogliere in un documento privato del 1253; la panbypersevastis Irene, nell'atto di donare una proprietà al monastero della madre di Dio Lembiotissa, adduce a fine « ὡς ἵνα
ἀναμνησθῷσι τοὺς xómouc τοῦ αὐθέντου pou, τοῦ ἀνδρός μον, τοῦ πανυπερσεβάστου (pro πανευσεβάστου) [sic] οὖς ἐχόπιασεν ὑπὲρ τῆς Ῥωμαviag » *.
5. Ho già notato in altra sede come la titolatura protocollare degli imperatori di Costantinopoli nei documenti rivolti alle città marinare italiane subisca un processo di esplicitazione della ideologia politica della βασιλεία inconcepibile in documenti rivolti a destinatari consapevoli del senso etico-politico della βασιλεία τῶν Ῥωμαίων. Analogo fenomeno di esplicitazione si rileva là dove ricorre la formula ἡ βασιλεία μου in ambiti di carattere normativo, che cioè obbligano il βασιλεύς; in tal caso si affianca l’espressione Ῥωμανία. nell'ottobre 1111 ὑμεῖς ἀπολέσετε τῆς θαλάσσης ἢ
Nel giuramento reso dai Pisani ad Alessio I Comneno si afferma”: « οὐχ ἐσόμεθα ἐν βουλῇ καὶ πράξει, Bv ἧς τὴν βασιλείαν ὑμῶν ἢ τὴν Ῥωμανίαν ἢ τὰς νήσους τὰς χώρας, ἃς νῦν χρατεῖτε ὑπὸ τὴν ὑμετέραν ἐξουσίαν
# Annae Comn. Alex, III, 6, 4 (ed. Leib, I, p. 121, 10); K. P. KavaPHIS, “Aravta, II, Atene “Ixapos 1975, p. 56 (poesia del 1927). 46 Annae Comn. Alex., III, 6, 5 (ed. Leib, I, p. 121, 16-18). # Ibid., XIII, 12 (ed. Leib, III, p. 129, 23-25).
* M. M., IV, 235. # "La cancelleria sovrana dell'impero latino di Costantinopoli (1204-1261)" Veneziani, NS. 2 (1978), pp. 53-54. A. CARILE, Per una storia, cit., pp. 341-343. 59 M. M., III, 9-10.
Studi
255
xal ἃς ἀπὸ ταύτης τῆς ὥρας xal ἐς τὰ ἔμπροσθεν ἐπικτήσεσθαι μέλλετε ἀπό τε Χορβατίας, Δαλματίας
δρείας».
La βασιλεία
καὶ τοῦ Δυρραχίου
è illustrata per successive
καὶ ἄχρι τῆς ᾿Αλεξαν-
specificazioni come
‘Pur
μανία quindi come νῆσοι e χῶραι dalla Croazia fino ad Alessandria d'Egitto.
Per i Pisani, al di là della ideologia politica della βασιλεία sufficiente per orientale a designare qualsiasi ambito geografico, si rende necessaria dettagliata specificazione territoriale, in sintonia con l’esperienza politica cidentale di inettitudine della dignità imperiale a determinare nei fatti testà e signorie locali, Nel successivo giuramento Manuele Comneno afferma che i Pisani «
un una ocpo-
δουλείαν
καὶ
τῆς
Ῥωμανίας
γεγόνασι
xai
τὴν
προτέραν
πίστιν
αὐτῶν
ὑπὸ
δουλείαν τῇ βασιλείᾳ μον καὶ τοῖς χληρονόμοις xal διαδόχοις αὐτῆς καὶ τῇ Ῥωμανίᾳ φυλάττειν ἐπωμόσαντο » 5. In un atto del 1118 dell'imperatore Isacco Angelo rivolto a Baldovino Guercio si dice: « πρὸς τὴν βασιλείαν pou xai τὴν Ῥωμανίαν » * cosi nell'atto del 1191 « ἀπὸ τῆς βασι-
λείας μου καὶ τῆς Ῥωμανίας » 9. Nel documento del 1192 di conferma
dei patti con la città di Pisa,
Isacco Angelo alterna le formule più ufficiali: Ῥωμαίων ἀρχὴ e Ῥωμαίων βασιλεία con Ῥωμανία * rafforzando comunque sia βασιλεύς sia βασιλεία,
ricorrenti quasi ad ogni riga, con la paratassi di Ῥωμανία in valore semplicemente esplicativo del concetto espresso con il primo vocabolo « ἔγγραφον σύμφωνον ἐποίησαν διαλαμβάνον τὴν πρὸς τὴν βασιλείαν ἡμῶν xal τὴν Ῥωμανίαν καθαρὰν αὐτῶν πίστιν 9; πρὸς τὸν βασιλέα Ῥωμαίων χῦριν ἸἸσαάχιον xal τοὺς χληρονόμους xal διαδόχους αὐτοῦ καὶ πρὸς αὐτὴν τὴν Ῥωμανίαν εἰς τοὺς αἰῶνας » * (tale formula ricorre anche nel giu-
ramento a Manuele Comneno) ?. difficile identificare la Ῥωμανία taneo per un orientale, per cui βασιλεύς impegnano lo stato, la
Sembra quasi che per un occidentale fosse con il βασιλεύς come invece avviene sponobblighi, privilegi e patti stipulati con un βασιλεία senza bisogno di volgarizzamenti
(la Ῥωμανία). La coincidenza della ῬΡωμανία con il xp&coc, la maestà imperiale, risalta
in un documento dell'aprile 1192 *. Isacco Angelo, nel patto stipulato con i Genovesi, usa la formula ἹΡωμανία per indicare la βασιλεία τῶν Ῥωμαίων
e afferma essere preoccupazione del suo χράτος ... « ἀλλὰ καὶ τὰ μηδέποτε ὑπὸ
τὴν
Ῥωμανίαν
γεγονότα
ἔθνη
ὑπὸ
ταύτην
ποιεῖν
εἰρηνικῶς
σπεύ-
Bouca », preoccupazione esorbitante in quanto riferita a Genova, ma la cui espressione formalistica consente di percepire distintamente la sovrannazionalità della ἹΡωμανία coincidente con il xp&toc imperiale, di origine divina. 5! M. M., III, 17-18. 92 M. Μ., III, 2. 53 Ibid. 5% M. M., III, 3-23, passim. 55 M. M., III, 9.
55 M. Μ., III, 9. 5$ M. M.,
III,
17;
58 M. M., III, 26.
256
e in
M. M,
III,
37
(1192);
III,
40
(1193);
III,
48
(1201).
Le formule di esplicitazione sono talmente insistenti che nel medesimo documento si giunge a scrivere: « ἕνωσιν καὶ δουλείαν τὴν πρὸς τὴν βασιλείαν Ῥωμαίων xat τὴν Ῥωμανίαν ... ἀνακαινίσαι » ?, mentre il territorio imperiale è denominato « ἡ χώρα ἡμῶν ἡ Ῥωμανία » 9; i Genovesi promettono fedeltà « τῷ χυρίῳ βασιλεῖ Ῥωμαίων καὶ ἀεὶ αὐγούστῳ xóp ᾿Ισααχίῳ τῷ ᾿Αγγέλῳ xal πᾶσι τοῖς χληρονόμοις καὶ διαδόχοις αὐτοῦ xal αὐτῇ τῇ Ῥωμανίᾳ » “..
La cura della cancelleria bizantina di fronte agli occidentali ἃ di illustrare l'ideologia politica della βασιλεία attraverso tutte le formule possibili: βασιλεύς, αὐτοχράτωρ, θεοστεφὴς ἄναξ, πορφυρογέννητος, del at γουστος ? sottolineando la successione imperiale e la continuità dello stato sia in ambito familiare (χληρονόμος) sia al di fuori (διάδοχος); descrivendo
il territorio effettivo della βασιλεία, zione di ‘Pwpavia e βασιλεύς.
‘Pwuavta;
insistendo sulla identifica-
Anzi la βασιλεία coincide con la Ῥωμανία
al punto che un medesimo ambito geografico se non è interamente soggetto al βασιλεύς nel corso dello stesso passo viene indicato con il suo toponimo nella parte non soggetta e con il termine Ῥωμανία in quella soggetta: negli accordi presi l'8 giugno 1265 fra Michele VIII Paleologo e il doge di Ve nezia vengono distinte due aree delle isole egee: « τὰ νησία τοῦ Αἰγαίον πελάγους, ὅσα εἶχεν εἰς εἴσοδον ὁ δοὺξ Βενετίας, ἵνα πάλιν ἔχῃ tavta: ὅσα δὲ ἦσαν ὑπὸ τὴν βασιλείαν χαὶ τὸ πριγχιπάτον, ὅτε οἱ Λατῖνοι ἦσαν ἐγχρατεῖς τῆς Κωνσταντινουπόλεως, ἵνα θεοῦ εὐδοχοῦντος γένωνται ὑπὸ τὴν βασιλείαν μου xal τοὺς χληρονόμους xal διαδόχους αὐτῆς
xal τὴν Ῥωμανίαν » 9. Non è qui il luogo di illustrare l'ideologia politica bizantina di Costantinopoli Nuova Roma, di Ῥωμαῖοι e di βασιλεία τῶν Ῥωμαίων. Esso è essenzialmente un potere stabilito per legge di natura su tutti i popoli: « φύσει Y&p οὖσα δεσπότις τῶν ἄλλων ἐθνῶν ἡ βασιλεία Ῥωμαίων
ἐχθρω-
δῶς διακείμενον ἔχει τὸ δοῦλον» secondo Anna Comnena ^, che dà per scontata l'ostilità dei sudditi, aprendo un singolare squarcio di storia sociale, non solo di relazioni internazionali, ai tempi dei Comneni. In tale βασιλεία la εὐδαιμωνία dei Ῥωμαῖοι è in storico parallelo con gli ἀθλήματα e le συμφοραὶ
ὑπὲρ
τῶν
Χριστιανῶν
cioè
con
la
missione
di
propagazione
e
difesa del Cristianesimo, ma non con finalità nazionali o di difesa della cultura ellenica, che sarebbero stati incomprensibili obiettivi per la massa dei δοῦλοι. Tutti gli ἔθνη sono δοῦλοι della βασιλεία: per Anna Comnena che scrive nella prima metà del XII secolo gli ἔθνη nemici/6oÿot sono i Celti, vale a dire gli abitanti della Φραγγία 5 di Costantino Porfirogenito,
tutti gli occidentali non più soggetti alla βασιλεία τῶν Ῥωμαίων quale ne 9 Ibid. © M, M., III, 27. 61 M. M. III, 29, 30, 31. € CARILE, "La cancelleria sovrana” cit.
4 M. Μ., III, 78. * Annse
Comn.
Alex.
XIV,
7, 2 (ed.
Leib,
III,
p.
173,
11-13).
55 Const. Porphyr. de adm. imp., XIII, 3-4 (edd. Moravcsik-Jenkins).
257
fosse l’origine etnica o la lingua; gli Ismaeliti, cioè i musulmani, che nel
XII secolo bizantino si presentano sotto forma di popolazioni turcofone; e gli Sciti cio& gli Slavi, 6. Piena consonanza fra queste manifestazioni ideologiche a livello ufficiale o di cultura aulica e forme espressive rivolte ad un pubblico piü largo troviamo testimoniata nel ciclo acritico, che ci consente di individuare un pubblico non ristretto al ceto dirigente, fra X e XII secolo. Ῥωμανία e Ῥωμαίος sono termini che ricorrono con frequenza nelle ver-
sioni del poema acritico, attualmente individuabili in quattro recensioni fondamentali, di cui à dibattuto il processo genetico ma di cui si riconosce un fondo storico risalente al X secolo. Le versioni di Andros e di Grottaferrata consentono di individuare, per i passi esaminati, una versione archetipica e un processo di rielaborazione, aggiungendo agli schemi genetici proposti dal Pertusi, dal Grégoire e dal Kyriakidis un ulteriore elemento di valutazione 9, La καλλίστη Ῥωμανία ἃ una realtà geografica confinante con la Συρία, l'altro polo del mondo. Βασίλειος Διγενὴς ᾿Αχρίτας ὁ πρῶτος τῆς Συρίας 9
è ὁ πρῶτος τῆς Ῥωμανίας “; ὁ παροχεὺς βαθύτατος εἰρήνης Ῥωμανίας 9 egli è δοῦλος " del βασιλεύς, ὁ ἐκ τοῦ θεοῦ λαβὼν τὴν βασιλείαν 1, è chia-
mato τέχνον 2 dal βασιλεύς nel senso che egli l’imperatore è il padre del suo esercito; nel saluto di Digenis all'imperatore viene compreso anche l'esercito: καλὰ νὰ εἶσαι, δέσποτα, μ’ ὅλην τὴν στρατιάν σον 7 esercito cui è opportuno che l'imperatore dispensi i molti beni e onori che vorrebbe cumulare su Digenis; in una esplicita polemica antiaristocratica Acritas afferma: « τὰς δωρεὰς xal τὰς τιμάς, ποὺ θέλεις νὰ μὲ δώσῃς / δός τε αὐτές, ὦ δέσποτα, πένησι στρατιώταις. / ἔχει ἡ βασιλέια σον ἐξόδους ἀμετρέτους / ἄξια δὲ ἡ ἀμοιβὴ τῆς δόξης σου τὸ χράτος, / νὰ ἀγαπᾷ τοὺς σχλάβους του, và ἐλεῇ πεινῶντας, / ἐξ ἀδικούντων ρύεσθαι τοὺς χαταπονουμένους, /
στὰ χατὰ γνώμην πταίσματα συγχώρησιν παράσχου, τινὰν πρὸ τοῦ νὰ ἐξετάσῃς. / Αὐτὰ εἶναι, ὦ χράτιστε, μ᾽ αὐτῶν xal πάντας τοὺς ἐχθροὺς ἔχεις νὰ ὑποτάξῃς ἐστι χρατεῖν xal χυριεύειν / ἀλλὰ θεοῦ τὸ χάρισμα tx Le tonalità piá populistiche del discorso di Digenis,
/ νὰ μὴν ὀῤγίζεσθαι ἔργα δικαιοσύνης / / οὐ γὰρ δυνάμεώς δεξιᾶς Ὑψίστου » ". in piena consonanza
55 Per la questione cfr. A. PERTUSI, "La poesia epica bizantina e la sua forma zione: problemi sul fondo storico e la struttura letteraria del 'Digenis Akritas' ", La poesia epica e la sua formazione, Atti del Convegno Internazionale della Accademia Nazionale dei Lincei, Roma 1970, pp. 538-540 come riassunto visivo della discussione precedente. 67 A 4647. 6 A 4648. € A 4290.
70 A 2385. n K
1014.
7? K 1026. 7 A 2386. ^ A 2388-2399.
258
con la legislazione della dinastia macedonica sui beni militari, vengono corrette nella versione di Grottaferrata in senso filoaristocratico: l’invito a non cumulare beni su singoli persone ma a sostenere l’esercito, i πένητες στρατιῶται, viene sfumato in una rinuncia spontanea ad acquisire nuovi beni da
parte di chi ha l'orgoglio di dare: « Τὰ πάντα ἔχε δέσποτα ... / ἐμοὶ γὰρ ἕστιν ἰχανὴ μόνον ἡ σὴ ἀγάπη / οὐ δίκαιον δὲ τοῦ λαβεῖν ἀλλὰ διδόναι μᾶλλον, / ἔχεις γὰρ ἐν τῷ στρατῷ ἐξόδους ἀνεικάστους »; che restringe la prospettiva sociale delle "infinite risorse dell’Impero” della versione di Andros « ἀξιῶ xal ἀντιβολῶ τῆς σῆς δόξῃς τὸ χράτος / ἀγαπᾶν τὸ ὑπήκοον, ἐλεεῖν πενομένους, / ἐξ ἀδιχούντων ῥύεσθαι τοὺς χαταπονουμένους, τοῖς παρὰ
γνώμην
πταίουσι
συγχώρησιν
παρέχειν,
μὴ
προσέχειν
διαβολαῖς, ἄδικον μὴ λαμβάνειν / αἱρετικοὺς ἀποσοβῶν, ὀρθοδόξους χρατύνων. Ταῦτα γὰρ δέσποτά, εἰσιν ὅπλα δικαιοσύνης μεθ᾽ ὧν δυνήσῃ τῶν ἐχθρῶν πάντων περιγένεσθαι οὐ γὰρ ἔστι δυνάμεως χρατεῖν xol Baorλεύειν, / Θεοῦ μόνον τὸ δώρημα καὶ δεξιᾶς Ὑψίστου » ^. Se " ἄδικον μὴ λαμβάνειν può essere letto come ulteriore
correzione
aristocratica della politica fiscale della dinastia macedonica, il prospetto dei compiti del βασιλεύς, la teoria politica che ne consegue, ἃ sostanzialmente il medesimo nelle due versioni. L'Impero
(κρατεῖν
xai
χυριεύειν)
non
deriva dalla potenza
(δύναμις),
che dunque non legittima l'Impero, ma ἃ un dono trascendente: χάρισμα o δώρημα di Dio. Tale trascendenza divina si incarna e si giustifica nella δικαιοσύνη i cui ὅπλα, i cui metodi, al di fuori della metafora militaresca, sono parzialmente divaricati nella versione di Andros rispetto a quella di Grottaferrata. Nella prima la δικαιοσύνη & fatta soprattutto di un sovvenire alle neces-
sità della στρατιά tenendo conto delle "infinite risorse dell'Impero"; i soldati sono poveri, difendono l'Impero con totale abnegazione (σχλάβους του),
su di essi, non sugli aristocratici, vanno cumulati benefici. Nella versione di Grottaferrata la δικαιοσύνη consiste oltre che in una generica difesa dei deboli e di coloro che subiscono ingiustizia, nella accentuazione dei compiti di repressione dell'eresia e di imposizione dell'ortodossia. Ma, al di là delle diverse intonazioni conseguenti ad interessi, e forse periodi, diversi connessi
con il prevalere nell'ambito dello stato delle famiglie aristocratiche fra XI e XII secolo, sia nella versione di Andros sia in quella di Grottaferrata la Ῥωμανία che si estende ἀπὸ βορρᾶν ... μέχρι μερῶν τῶν πάντων "* è il territorio in cui si realizza nella persona dell'imperatore la δικαιοσύνη, χάρισμα
τοῦ θεοῦ, vera arma per ottenere la sottomissione dei nemici. Nella versione dell'Escorial si giunge ad una espressione di pit immediata evidenza: « Καὶ ὁ Παράδεισος εἰς Ῥωμανίαν ἕναι, / ἡ πίστις ἡ ἀληθινὴ οἱ Χριστιανοὶ
τὴν ἔχουν » " in cui è volgarizzata la teoria agostiniana dell’Impero come 75 di cui % n
K 1028-1041; cfr. le diverse considerazioni di PeRTUSI, Il pensiero cit., pp. 752-753, prendo visione ultimate le bozze di stampa del presente mio contributo. A 2408. E 552-553.
259
esempio della città di Dio. Di fatto in ogni versione l'opposizione Ῥωμανία Συρία è una contrapposizione di vera e falsa fede. L'epopea acritica, e dunque il pubblico cui essa è rivolta, esprimeva con il termine Ῥωμανία una realtà etico-politica con un forte impegno religioso in contrapposizione all’islamismo, non certo una identità etnica. La stessa lingua greca è identificata con il termine
Ῥωμαίων
γλῶσσα,
che una
sola volta nella versione
dell’Escorial è indicata in una perifrasi comprendente Ἕλληνες.
il dotto
termine di
7. Il concetto di Romänia, ῬΡωμανία nell'analisi storiografica dell'ultimo secolo & un esempio della difficoltà in cui si trovano gli epigoni del nazionalismo dell'età romantica a riconoscere una comunità che si identificava storicamente non in chiave nazionale ma di stato universale, di impero. Quando scrive lo Zambelios, attorno al 1857, nel clima ideologico e politico segnato dalla crisi degli imperi sovrannazionali di diritto divino, dalla emergenza dei nazionalismi, a meno di trent'anni dal protocollo di Londra del 1830 che sanciva la sovranità della Grecia, gli ideali legati alla costituzione dello stato ellenico inducono lo storico a proiettare sul termine ῥωμαῖος ῥομιός un senso etnico. La testimonianza di Liutprando che polemizzava con i Ῥωμαῖοι
dell'età
dell'imperatore
Niceforo
(963-969):
«linguam,
mores
vestesque mutastis », valeva per lo Zambelios ad espressione della nazionalità neogreca. La schermaglia del 968 fra l'imperatore Niceforo e l'ambasciatore Liutprando, la cui sostanza era la negazione delle pretese reciproche e contrarie dei due imperi alla sovranità universale legata al nome romano, si espresse in un cortigianesco palleggiamento di termini etnici considerati spregiativi: Graeci da parte di Liutprando; Longobardi, da parte di Niceforo ?. Ma i termini etnici erano un falso scopo. La polemica datava dalla metà dell'VIII secolo dal momento in cui i papi scoprirono che la fedeltà alla Sancta Romana Respublica poteva benissimo divaricarsi dall'imperiale ser-
vicium quale imponevano i nefandissimi Graeci ?. Le tonalità in crescendo con cui l'Impero orientale passa da Sancta Romana
Respublica a dominio
dei Graeci possono essere istruttivamente seguite sui testi del Codex Carolinus 9. Nel faticoso processo di ‘restituzione’ alla Sancta Romana Respublica della Chiesa di Dio di Esarcato, Pentapoli e ducato romano, vale a dire nel-
l'intreccio di ambizioni territoriali del papato romano con il tramonto della presenza greca nell'Italia centrale; la scoperta dello iato etnico fra romani e greci, l'equivoco fra romani in quanto eredi di una pretesa etnicità romana, assai vile peraltro secondo il longobardo Liutprando”, e romani in quanto partecipi di una ipotesi di stato metafisico, universale e provvidenziale, al di 18 Se ne veda l'ampia discussione in E. ARrRIGONI, “Ecumenismo romano cristiano a Bisanzio e tramonto del concetto di Ellade ed Elleni mille”, Nuova rivista storica, 55 (1971), pp. 139-143.
99 Cod. 80 Cfr. 8! Liut. Cremona in
260
Car., 30, MGH, anche Ibid., nn. De legat. const., Konstantinopel,
nell'impero
d'Oriente
prima
del
Ep., III, p. 536, 14. (Paolo I 761-766 a re Pipino). 31- 32, 36, 38 (pp. 537; 539; 545; 551). 12 (ed. Becker). Cfr. J. KonerTH. Wesgr, Liutprend von Wien 1980, p. 18.
sopra delle etnie, delle lingue e delle culture, fu solo un espediente di polemica papale di cui ci si servi per consolidare il patrimonium e per operare la translatio imperii;
si trattava però ancora dell'imperium
romanorum
tra-
slato dai cosiddetti Greci ai Franchi e poi ai Tedeschi: neppure i papi del IX secolo concepiscono evidentemente l'imperium romanorum come eredità etnica.
La famosa polemica fra Palamàs e Politis ®, all'inizio del secolo, circa il perdurare o lo scomparsa del nome Ἕλληνες nel Medioevo, tendeva in realtà
ad una riduzione del concetto di Ῥωμαῖος in chiave di etnia neogreca. Il saggio dell'Arrigoni tendente per contro a sottolineare il processo di forma-
zione di una nazionalità che egli definisce roméica V, sembra una riduzione uguale e contraria della storia millenaria dell'Impero d'oriente in una improbabile intelaiatura nazionalistica.
La Ῥωμανία
cioè la monarchia ecumenica e cristiana, con la sua am-
ministrazione, il suo esercito, la sua chiesa, aveva fornito per secoli a popoli
di origini etniche, di tradizioni culturali, di lingue auliche e volgari profondamente radicate, un ideale etico-politico in cui riconoscersi. I tentativi di riduzione dell'ethos romano, imperiale e cristiano, alla nazionalità ellenica furono escogitati in ambiti culturali elevati e ristretti a partire dal XIV secolo, come reazione di parte dell'aristocrazia di fronte al dilagare dell'Impero ottomano:
Nicola Cabasila a Tessalonica, che parla della sua città come del-
l'antica Atene e degli ellenofoni come "questa comunità della intera Ellade”; gli scrittori aulici del XV
secolo, che parlano dei Paleologi come re degli
Elleni; Gemisto Pletone a Mistrà, che inaugura il culto dell'Pellenismós, sorta
di nazionalismo ellenico sostenuto da una teologia ellenica di tonalità paganeggianti, autentica utopia.
Nel XIX secolo i tentativi si rinnovarono ad opera degli storici alla ricerca delle origini della nazione ellenica, in coerenza con l'ipostasi statonazione, come
entità strutturale astoricamente
proiettata verso il passato e,
s'intende, il futuro, che imperava nella cultura storiografica europea, ossessionata dall’a priori epistemologico dell'origine. In realtà se la Ῥωμανία fosse sopravvissuta alla aggressione occidentale e alla conquista turca si sarebbe probabilmente dissolta nella medesima tempesta nazionalistica in cui si sfasciarono l'impero absburgico e l'impero ottomano. Da un punto
di vista storico l’eredità della Ῥωμανία
fra tutti i popoli balcanici, il cui sviluppo
avvenne
nelle
andò
ripartita
tradizioni etico-
politiche, religiose e culturali di Bisanzio; nella continuità, Byzance après Byzance, che, giusta lo Iorga, non può essere rinchiusa in ambiti nazionali
esclusivi;
bisognerà
forse tener conto anche dell’ipotesi del Toynbee
sulla
pax othomanica, in qualche modo erede di quella bizantina. € K. PALAMAS, Ῥωμιὸς xal Ῥωμιοσύνη, Atene 1901 e N.G. PoLitIs, Ἕλληνες fi Pwjuet, Atene 1901, cfr. ARRIGONI, ΟΡ. cif., p. 156, n. 36. 8 ARRIGONI, op. cit., p. 153. Soprattutto il suo secondo articolo “Il delinearsi di una coscienza nazionale romeica nell'impero d'oriente e nell'ambito ellenofono medievale”, ibid., 56 (1972), pp. 122-150.
261
FRANCESCO SITZIA
ROMANITÀ
DELL'IMPERO:
IUS CIVILE
E IUS GENTIUM
1. Il tema che gli organizzatori del Seminario ci hanno proposto appare cosí ricco di stimoli e prospettive, anche per chi voglia limitare il suo discorso ai soli profili più strettamente giuridici, da suggerire una prudente rinunzia a qualsiasi tentativo di analisi che si proponga una trattazione esaustiva della complessa problematica che ruota intorno alle nozioni di cittadinanza e di romanità nel mondo romano-bizantino. Mi limiteró quindi ad esaminare alcuni problemi che l'asserito carattere romano-universale dell'Impero pone allo storico del diritto privato, nel tentativo di far emergere, attraverso l'analisi delle fonti, la contraddizione
latente tra una costruzione teorica dogmaticamente assai poco flessibile e la realtà politica di un Impero che non pud non prendere atto dell'esistenza, al di là dei suoi confini, di altri ordinamenti giuridici e che ritrova nella romanità un potente fattore di aggregazione delle diverse etnie che convivono al suo interno.
Trattandosi di una ricerca limitata ai soli profili giuridici, essa non può
che prendere le mosse dalla compilazione giustinianea nella quale la visione di un Impero romano-universale, destinato a durare in eterno, sembra costituire un punto di riferimento costante all’interno di quel lungo e complesso « processo di maturazione »! che caratterizza l’opera legislativa di Giustiniano. Se questa affermazione può apparire, almeno in una certa misura, scontata per quelle parti del Corpus Iuris (Digesta ed Institutiones) nelle quali il legame con la storia dell'esperienza giuridica romana è più evidente, essa non è però meno vera per quelle parti (Codex e Novellae) che riflettono più da vicino le idee « della cancelleria imperiale a contatto con i bisogni della prassi e nel solco della politica precedente » ?. Limitando il nostro discorso all'analisi delle Novellae, si può, infatti, os-
servare che Giustiniano ribadisce a pit riprese la romanità dell'Impero, pre1 Cosf ArcHI, Giustiniano legislatore, Bologna 2 Cosf ARCHI, op. cit., p. 221.
1970, p. 186.
263
sentandosi come continuatore di una realtà istituzionale che affonda le sue radici nella res publica romana ?. Sarà sufficiente fornire alcuni esempi: Nov.
1 praef.
: «sub Romanorum republica ... dedit Romanis Deus»
Nov.
1 ep.
: « principatui Romanorum »
(a. 535);
Nov.
7 ep.
: «omni terra, quam Romanorum continet lex »
(a. 535);
Nov.
8,10,2
: « Romanorum
(a. 535);
Nov.
18 praef.
: «reipublicae,
terram deminutam» dicimus
Romanorum»
— (a. 535);
(a. 536);
Nov. 28 praef.
: «a nobis Romanis acquisita »
(a. 535);
Nov. 36 praef.
: « quam Deus Romanae dicioni nostris vigiliis subiugavit »
(a. 535);
: « Ex quo nos Deus Romanorum praeposuit imperio... commissae nobis a Deo reipublicae »
(a. 539);
Nov. 86 praef. Nov.
105 praef.
: « cum Romanorum republica pullulavit... quatenus continua sit Romanis »
Se consideriamo che il richiamo alla frequente negli anni del Codex repetitae
(a. 539).
piá da vicino le fonti citate, possiamo subito osservare romanità dell'Impero appare indubbiamente assai pif immediatamente seguenti (535-536) alla pubblicazione praelectionis*, cioè in quegli anni che, come ha giusta-
mente posto in luce il Bonini 5, si caratterizzano per « il tentativo di riforma
dello stato, e piá in particolare delle sue organizzazioni periferiche promosso dal prefetto d'Oriente, Giovanni di Cappadocia ». In particolare, la circostanza che tutte le Novellae ricordate siano anteriori al 541 induce a ritenere che in ordine ai nostri problemi abbiano giocato un ruolo non indifferente le grandi personalità di Giovanni di Cappadocia e di Triboniano. Nella visione giustinianea l'Impero romano & peró nel contempo l'impero universale ed, anzi, romanità ed universalità appaiono
a tal punto fra
loro connesse da indurci a ritenere particolarmente felice l'affermazione del Bonini* per cui « monarchia universale significa quindi, sotto molti aspetti, ritorno all'antico ».
Limitando il nostro discorso ai soli profili giuridici dell'idea di universalità, possiamo in primo luogo osservare che essa dovrebbe indurre a ritenere inconfigurabile l’esistenza, al di fuori dell'Impero, di altri ordinamenti giuridici di popoli civili. In quest'ottica sembrano porsi in particolare quei 3 Com'è mentale
noto, il Beck ha addirittura intitolato Res publica romana un suo fonda-
saggio sul pensiero politico bizantino
(BECK, Res Publica Romana.
Vom
Staats-
denken der Byzantiner, München 1970). 4 Su dieci costituzioni citate ben otto appartengono al biennio 535-36, le due rimsnenti sono databili al 539.
5 AA.VV., Lineamenti di storia del diritto romano, Milano
1979, p. 757. Sui pro-
blemi connessi alla riforma delle strutture periferiche dello Stato vedi PurtATTI, Ricerche sulla legislazione «regionale » di Giustiniano, Milano 1980. 6 AA.VV., op. cit., p. 764. Vedi anche PULIATTI, op. cit., pp. 7 ss.
264
passi delle Novellae in cui si contrappone la romanità alla barbarie 7, anche se non possono, in proposito, non rilevarsi alcuni significativi ondeggiamenti. Si raffrontino, ad esempio, i testi delle due Novellae, entrambe del 536, relative all'Armenia: Nov.
21
praef.:
«Τὴν
᾿Αρμενίων
χώραν τελείως εὐνομεῖσθαι, βουλό-
μενον xal μηδὲν τῆς ἄλλης ἡμῶν διεστάναι
πολιτείας
ἀρχαῖς
τε
Ῥωμαικαῖς ἐχοσμήσαμεν, τῶν προ-
τέρων αὐτὴν ἀπαλλάξαντες ὀνομάτων, σχήμασί τε χρῆσθαι τοῖς Ῥωμαίων συνειθίσαμεν, θεσμούς τε οὐχ ἄλλους εἶναι παρ᾽ αὐτοῖς
Nov. 31,1,3:
« Συνεστησάμεθα
δὲ
καὶ τετάρτην ᾿Αρμενίαν, À πρότερον οὐχ εἰς ἐπαρχίας συνέχειτο
σχῆμα, ἀλλὰ τῶν τε ἐθνῶν ἦν χαὶ ἐκ διαφόρων συνείλεχτο βαρβαριχῶν ὀνομάτων, Τζοφανηνὴ τε xal
᾿Ανζητηνὴ ἢ Τζοφηνὴ καὶ ᾿Ασθια-
νηνὴ
ἢ xai Βαλαβιτηνὴ
χαλου-
μένη καὶ ὑπὸ σατράπαις οὖσα" ἀρ-
f| où Ῥωμαῖοι νομίζουσιν ἐτάEapev. Καὶ φήθημεν χρῆναι ῥητῷ
Xii; δὲ τοῦτο ὄνομα fiv οὐδὲ ‘Pur
νόμῳ xá&xsivo ἐπανορθῶσαι τὸ χαχῶς παρ᾽ αὐτοῖς ἀμαρτανόμενον,
νων,
μαυκὸν
οὐδὲ τῶν ἡμετέρων
ἀλλ᾽
ἐξ
ἑτέρας
προγό-
πολιτείας
εἰςενηνεγμένον ... »
xai μὴ κατὰ τὸ βαρβαρικὸν ἔθος ἀνδρῶν μὲν εἶναι τὰς διαδοχὰς τῶν τε γονέων τῶν τε ἀδελφῶν τοῦ τε ἄλλου γένους, γυναικῶν δὲ οὐχ ἔτι, μηδὲ χωρὶς προιχὸς αὐτὰς εἰς ἀνδρὸς φοιτᾶν μηδὲ ἀγοράζεσθαι παρὰ τῶν συνοιχεῖν μελλόντων, τοῦτο ὅπερ βαρβαριχώτερον μέχρι τοῦ νῦν παρ᾽ αὐτοῖς ἐνομί-
σθη...» Se nella Nov. 21 la sottoposizione alle leggi romane viene presentata come l'evento attraverso il quale gli Armeni escono dallo stadio di barbarie, un'im-
postazione, almeno parzialmente, diversa sembra, invece, apparire alla Nov. 31. Quest'ultimo testo, che pur qualifica come barbari i nomi delle genti armene, osserva, infatti, che il termine satrapi non & da ricondurre ai romani o ai "nostri progenitori" ma ἃ stato introdotto ἐξ ἑτέρας πολιτείας. Di un certo
interesse può già essere la distinzione tra administratio romana ed administratio nostrorum progenitorum in quanto si viene con ciò ad introdurre una qualche frattura all’interno di una tradizione che, come abbiamo visto, Giustiniano tende, invece, a considerare unitariamente in un'ottica che non sem-
bra ammettere soluzioni di continuità. Maggiore rilevanza assume però, per il discorso che andiamo conducendo, la contrapposizione che sembra emergere 7 L'antitesi romani - barbari si ritrova, comprensibilmente, in modo assai netto nelle costituzioni emanate per la riorganizzazione delle province riconquistate militarmente (si veda, ad esempio, per l'Africa, la Nov. 36 praef., per l'Italia la Nov. app. 7).
265
nel nostro testo tra πολιτεία τῶν
Ῥωμαίων
ed ἑτέρα πολιτεία in quanto
essa importa necessariamente il riconoscimento dell'esistenza di ordinamenti giuridici di popoli civili (πολιτείαι) diversi dall'ordinamento romano. È pur vero che il nostro passo si richiama ad epoche passate, e ció induce a non
sopravvalutarne la testimonianza,
ma esso appare comunque
significativo,
specie se si considera che il riferimento sembra essere ad una realtà istituzionale, quella dei Persiani, con la quale lo stesso Giustiniano ha avuto modo
di confrontarsi ". 2. Il problema dell’universalità dell'Impero appare, sotto altri profili, strettamente connesso ai mutamenti intervenuti in ordine alla nozione di cittadinanza a partire dalla Constitutio Antoniniana. Giustiniano, com'é noto, sopprimendo le categorie dei Latini Iuniani e dei dediticii Aeliani, si limita, nel nostro campo, a portare a compimento quel lungo processo evolutivo di sostanziale equiparazione di libertas e cittadinanza romana’ che già aveva caratterizzato l'epoca postclassica. In quest'ottica la nozione stessa di peregrinus come straniero appartenente ad altro ordinamento non sembra destinata a sopravvivere, ed infatti le Novellae, come già le fonti postclassiche, impiegano normalmente il termine peregrinus per indicare non lo straniero ma la persona o la res al di fuori di una data circoscrizione territoriale (città,
provincia etc.) "Ὁ, Eccone alcuni esempi: Nov.
53,1
: «peregrinam
habitationem »;
Nov.
6,2
: «in peregrinis demorari
(ecclesiis) »;
Nov. 8,10,1
: « provincias relinquere et in peregrinis affligi »;
Nov.
: «et peregrinos omnes »;
80,10
Nov. 86 praef,
: «in peregrinis affligi »;
Nov. 86,3
: «in peregrinis affligantur ».
Vi è, in verità, almeno un caso in cui il termine peregrimus viene ancora impiegato nelle Novellae nel senso di straniero, ma esso appare inserito in 8 Il nostro testo sembra quindi porre una distinzione tra i costumi barbari degli armeni e l'ordinamento civile della πολιτεία dominante. 9 Una sostanziale equiparazione di civitas romana e libertas appare, ad esempio, in Nov. 89 praef. Per i casi di perdita della cittadinanza romana in seguito a condanna ἃ determinate pene vedi KAsEr, Das rômische Privatrecht II, 2° ed., München 1975, pp. 122 s. Di un qualche interesse, in relazione a quest'ultimo punto, può essere il raffronto fra
I. 12,1 e Theoph. Parapbr. 1,12,1; mentre, infatti, le Institutiones si limitano ad affermare che i condannati ex numero civium romanorum tolluntur, la Parafrasi impiega il termine peregrini (sul problema vedi LoMBARDI, Sul concetto di ‘ius gentium', Roma 1947, p. 339 n. 4).
10 Il che non esclude, ovviamente, altri significati. Vedi, ad esempio, Nov. 2 praef. 1, dove il termine peregrinus viene impiegato nel senso di "strano" “assurdo”.
266
un contesto che sembra confermare significativamente, piuttosto che contraddire, quanto abbiamo finora asservato: Nov. 78,4,1: «Haec similiter quidem pro manumissoribus similiter autem pro manumissis sanximus. Nam si ea quae in praecedentibus dicta sunt manumissoribus non servamus, segniores forsan homines circa libertatis largitatem efficimus. Nobis autem omne extat studium subsistere libertates atque valere et in nostra florere et augeri republica. Etenim huius causa desiderii et in Libya et in Hesperia tanta suscepimus bella et pro recta ad Deum religione et pro subiectorum pariter libertate ». Cap. 5: «Facimus autem novum nihil, sed egregios ante nos imperatores, sequimur. Sicut enim Ántoninus Pius cognominatus, ex quo etiam ad nos appellatio haec pervenit, ius Romanae civitatis prius ab unoquoque subiectorum petitus et taliter ex eis qui vocantur peregrini ad Romanam ingenuitatem deducens ille hoc omnibus
in commune
subiectis donavit, et Theodosius
iunior
post Constantinum maximum sacratissimae huius civitatis conditorem filiorum prius ius petitum in commune dedit subiectis ... ».
Nel nostro passo l'ideologia dell'Impero romano-universale ha modo svelarsi compiutamente:
di
Giustiniano si presenta, infatti, come colui che custo-
disce ed insieme estende, attraverso le leggi e le guerre di riconquista, la romana libertas; romanità e libertà appaiono quindi, ancora una volta, inscindibilmente connesse in una visione provvidenziale dell'Impero: « nobis autem omne exlat studium subsistere libertates atque valere et in nostra florere et augeri republica ». La sostanziale ritrosia dei bizantini ad intendere storicamente il significato del termine peregrinus nel senso di straniero appartenente ad un diverso ordinamento appare altresí evidente se mettiamo a raffronto le testimonianze di:
C. 6,24,7 (Impp. Diocletianus et Maximianus AA. Zizoni): «Nec apud
Bas. 35,13,17 (rest. ex Syn. A, 28,1): «Μηδὲ παρὰ ξένοις τοῖς
peregrinos fratrem sibi quisquam per
ἔξω
quod
ἀδελφὸς
adoptionem facere poterat. cum igitur, patrem
tuum
voluisse facere di-
cis, irritum sit, portionem hereditatis, quam is adversus quem supplicas velut adoptatus frater heres institutus tenet, restitui tibi curae habebit praeses provinciae ».
Ῥώμης
οἰκοῦσι
διὰ θέσεως
ἀδελφότης συνιστάσθω: χἄν τις ὡς προσληφθεὶς
zi i γραφῇ, ÉXTIRTETU μίας ».
κληρονόμος
Ze τῆς
xX XANPOVO-
I peregrini ai quali si riferiva il testo del Codex sono divenuti nella Synopsis coloro che risiedono al di fuori della città di Roma", in un'ottica 11 Particolarmente significativo anche uno scolio a Sys. A, 28,1 (vedi Jus Graecoromanum, a cura di J. e P. ZEPos, Atene 1931, rist. anast. Aalen, 1962, V, p. 64) in cui sembra che il termine ξένος sia impiegato nel senso di estraneo: « Τοῖς μὴ συγγενέσιν οὖσι δηλονότι. ὡς οὖν παρὰ τοῖς συγγενέσιν οὐ χεχώλνται ἡ xacà θέσιν ἀδελφότης᾽ εἰ γάρ τις ξένον πινὰ κατὰ θέσιν ἀδελφὸν ὄντα γράψῃ χληρονόμον ἀδελφὸν ὀνομάσας, οὐ ποιεῖ χληρονόμον διὰ τὸ ἀδελφὸν αὐτὸν ὀνομάσαι, ὡς τοῦ νόμου τούτου χωλύοντος τὴν κατὰ θέσιν ἀδελφότητα».
267
che travisa completamente il richiamo operato dalla cancelleria dioclezianea ma che ben
si adatta, mi
sembra,
alla visione di un
Impero
romano
uni:
versale ". 3. Se l'esame delle Novellae, come abbiamo avuto modo di osservare, ci ha consentito di tracciare un quadro sufficientemente chiaro dell'ideologia imperiale, il discorso diviene indubbiamente piá complesso se prendiamo in considerazione le altre parti del Corpus Iuris, in particolare i Digesta e le Institutiones, in cui permangono ancora tracce evidenti di impostazioni e problematiche anteriori alla definitiva affermazione del carattere universale dell'Impero. In quest'ottica pud forse apparire di una qualche utilità tentare di cogliere l'atteggiamento dei giuristi bizantini dinnanzi alle fonti giustinianee che mal si conciliano con la nuova realtà politico-istituzionale #. Anche in questo caso sarà, peraltro, opportuno limitare la nostra analisi all'esame di un singolo problema, ed in tal senso mi sembra che un'indagine su alcuni passi in tema di rapporti tra ius civile ed ius gentium ci consenta di cogliere un significativo ondeggiamento tra la concezione di un ordinamento a carattere universale, che coincide con la romanità, ed il riconoscimento di realtà istituzionali al di fuori dell'Impero. Possiamo prendere le mosse dalla testimonianza di: I. 12,1: « Ius autem civile vel gentium ita dividitur: omnes populi, qui legibus et moribus reguntur, partim suo proprio, partim communi omnium hominum iure utuntur:
nam
quod
quisque
populus
ipse
sibi ius constituit,
id ipsius
proprium civitatis est vocaturque ius civile, quasi ius proprium ipsius civitatis: quod vero naturalis ratio inter omnes homines constituit, id apud omnes populos
peraeque
custoditur
vocaturque
ius gentium,
quasi
quo
iure omnes
gentes utuntur. et populus itaque Romanus partim suo proprio, partim communi
omnium
hominum
iure utitur. quae singula qualia sunt, suis locis pro-
ponemus ».
Il nostro passo è stato sottoposto ad una minuziosa analisi critica ad opera degli autori che hanno incentrato la loro attenzione sulla ricca proble12 In questo senso anche una delle Veterae glossae verborum iuris edite dal LazBAEUS (in Orto, Thesaurus, III, Basel, 2* ed., 1733, p. 1778): « περεγρίνους" Etvove, τονtéonv ἐξώθεν τῆς ῥώμης οἰχοῦντας, λατίνοι γὰρ τὴν ῥώμην οἰκοῦντας». La non appare negli elenchi del BURGMANN, "Byzantinische Rechtslexika",
glossa in esame Fontes Minores
(hrsg. D. Simon), II, Frankfurt, 1977, pp. 120 ss. 13 Compito indubbiamente non facile, specie se si considera che le opere giuridiche bizantine sono spesso costituite da frammenti tratti da traduzioni greche del Corpus iuris risalenti al VI secolo e che le nuove idee possono cogliersi, il più delle volte, soltanto attraverso l'analisi di lievissimi mutamenti o dell'ottica particolare nella quale si pone l’epitomatore. In questi limiti si può comunque ritenere con lo Svoronos (La civiltà bizantina dal IV αἱ IX secolo. Aspetti e problemi, Bari 1977, p. 177) che anche le
fonti giuridiche possano proficuamente essere utilizzate per una migliore conoscenza della storia bizantina.
268
matica connessa all'impostazione dicotomica o tricotomica delle fonti giustinianee in tema di rapporti tra ius naturale, ius gentium ed ius civile "^, Limitando il nostro discorso ai soli profili che qui interessano, puó osservarsi che I. 1,2,1 sembra presupporre una pluralità di ordinamenti e sembra attribuire un particolare rilievo all'ordinamento romano soltanto con l'avvertenza di carattere espositivo per cui « guotiens non addimus, cuius sit civilatis, nostrum ius significamus ». Ad una considerazione più attenta non può, peraltro, sfuggire che gli esempi di ordinamenti citati dal nostro testo si riferiscono a realtà istituzionali del passato ed appaiono, in particolare, ancora legati alla nozione di stato-città (Atene, Roma)
ormai scomparsa da secoli.
Alcuni mutamenti di prospettiva che, come vedremo, non saranno irrilevanti per la giurisprudenza bizantina, possono già cogliersi in Theoph. Parapbr. 1,2,1.
Si può in primo luogo osservare col Lombardi che in Teofilo il ius gentium viene « configurato, al pari del ius civile, come prodotto della volontà di chi organizza la civitas sulla base di leggi, e nel far ciò crea accanto al ius civile il ius gentium che è quanto deve applicarsi a tutti gli uomini desiderosi di vivere λελογισμένως ». Ma anche per ciò che concerne l’ius civile la definizione della Parafrasi sembra pit articolata di quella che appare nel corrispondente passo delle Institutiones. Teofilo, infatti, ricollega il sorgere delle norme di ius civile ad una particolare utilità circoscritta ad un determinato luogo. Il ius civile diviene quindi, in quest'ottica, il diritto τοπικὸν xal χρειῶδες, il che tende
a qualificarlo non tanto come l'insieme delle norme
particolari dei singoli
ordinamenti giuridici quanto, invece, come l'insieme delle norme aventi effi
cacia territorialmente limitata ed il cui sorgere si pud ricollegare a determinate e specifiche esigenze locali. Il riferimento agli Ateniesi ed agli Spartani mostra, invero, chiaramente che Teofilo intende ancora riferirsi ad una realtà istituzionale del passato nella quale l'ordinamento romano si presenta ancora come uno dei tanti ordinamenti giuridici esistenti; non pud perd non osservarsi come una lettura del testo priva di un'adeguata prospettiva storica potesse condurre la giurisprudenza bizantina ad individuare nel πολιτικὸς νόμος la norma particolare della singola città nell'ambito dell'unico ordinamento romano-universale. Un'interpretazione del passo di Teofilo nel senso proposto mi sembra stia alla base del testo di Sy». min. N, 12 che viene, in seguito, ripreso in Harm. Hexab.
1,1,11:
Syn. min. N, 12: « Πολιτικὸς δὲ νόμος ἐστίν, ᾧτινι μία μόνη κέχρηται πόλις διὰ τὸ συμφέρειν αὐτῇ, ἄλλη δέ, εἰ χρήσασθαι βουληθῇ, émet prov ἔσται ταύτῃ καὶ βλάβης πρόξενον. ὡς εἴ τις ἐν πόλει div, ἥτις σῖτον ἀφ’ ἑαυτῆς οὐ δύναται γεωργεῖν, νομοθετήσῃ ἐλευθέρους εἶναι 14 Sul problema vedi, in particolare, LomBARDI, Sul concetto, cit, pp. 274 ss. 15 LoMBARDI, Sul concetto, cit., p. 342 (vedi anche pp. 319 ss.).
269
χαὶ μηδὲν διδόναι τῷ δημοσίῳ τοὺς βουλομένους ἀγοράζειν χαὶ πολεῖν σῖτον. τοῦτο γὰρ τῇ μὲν πόλει ἐχείνῃ ἴσως συμφέρει διὰ τὸ μὴ ἔχειν σῖτον ταύτην ἀφ᾽ ἑαυτῆς, ταῖς δὲ ἑτέραις πόλεσιν, αἵτινες εὔφοροι
εἰς σῖτόν εἰσιν, ἀσύμφορον ἔσται. πάντως xal οὐδὲν ὄφελος, ἀλλὰ pu) λον καὶ ζημίαν
αὐταῖς προξενοῦν ».
Lo Zachariae von Lingenthal
ha ritenuto che il nostro passo costituisse
un commento ad A/t. 30,1, che richiama Bas. 50,1,1-3; a me sembra, invece,
di poter cogliere una relazione tra il testo della Synopsis e Theoph. Parapb. 1,2,1, non foss'altro per l'esempio prospettato che si riferisce, come in Teofilo, alle necessità di una πόλις povera di frumento.
Rispetto a Teofilo può però osservarsi che l'assenza di un qualsiasi richiamo, anche storico, alla realtà istituzionale di una città stato sembra mostrare che il πολιτικὸς νόμος è ormai inteso dal giurista bizantino come la norma di origine cittadina determinata da particolari esigenze territorialmente circoscritte che si inserisce, come norma speciale, nell'ambito dell'ordinamento imperiale", In quest'ottica il νόμος, πολιτικός tende quindi sempre più a coincidere con la norma cittadina, di origine consuetudinaria, di cui trattano, ad esempio, Bas. 2,1,32 ss. nonché Epitome 2,28: « Περὶ ὧν οὐ χεῖται ἔγγραφος νόμος, παραφυλάττειν δεῖ τὸ ἔθος τοῦ τόπου. ὡς Bi. a' τί... εἰ ἐπὶ πολὺν ἐχράτησε χρόνον
ἡ συνήθεια ἢ δικαστικὴ ψῆφος ταῦτα ἐκύρωσεν. ὅτι ἡ μάχρα συνήθεια ἀντὶ νόμου χρατεῖ, ἐν οἷς οὐχ ἐστὶν ἔγγραφος νόμος. ἀλλ᾽ οὐδὲ χουνὸν εἰσάγει νόμον ἡ συνήθεια, x&v μεγίστη καὶ σαφὴς ἑρμηνεία νόμων ἡ χρῆσις. ἡ δὲ δευτέρα διατ. τοῦ νβ΄ τί. τοῦ η΄ Bu. τοῦ κώδικος λέγει πάντα τὰ ἔθη τῶν πόλεων φυλάττεσθαι κατὰ τὴν τοῦ νόμου ἀχρίβειαν. ὥστε οὖν οὐ χρὴ δέχεσθαι πᾶν ἔθος, ἀλλὰ μόνον τὸ νόμιμον. πολλάκις συνήθεια xal παρὰ τὸν νόμον χρατεῖ" ἔξεστι τῷ βουλομένῳ
μάχεσθαι τὴν τοιαύτην μζ΄ Str. υγ΄ ».
συνήθειαν xal ἐχβάλλειν
αὐτήν.
Bu pt
τί.
La perfetta adattabilità della nozione di πολυτικὸς νόμος che sembra emer-
gere dal testo della Synopsis trebbe indurci a ritenere che la dalle esigenze di adeguamento Una tale ipotesi sembra,
all'idea di un Impero romano universale ponuova prospettiva sia stata determinata proprio all'ideologia imperiale. peraltro, contraddetta dall'esame dei paragrafi
l6 Vedi Jus Graecoromanum, cit., VI, p. 469. 17 Un'impostazione sostanzialmente analoga sembra (in fine):
Il testo
maior
N, 6,2
« Πολιτικόν ἐστι νόμιμον xal ὅπερ ἑχάστη πόλις ἑαυτῇ ὁρίσει xal ἐστὶν αὐτῆς
ἰδικόν ».
offre
forse
una
testimonianza
anche
più
precisa
apparire
in Sy».
in ordine
ai nostri
problemi
in quanto sottolinea che il πολιτικὸς νόμος proviene dalla stessa città (ἑαυτῇ ὁρίσει), il che vale ad escludere che nella nostra categoria rientrino le norme emanate dal potere centrale, anche se con efficacia limitata ad una sola città (νόμοι ἰδιχοί) (per le quali vedi, ad esempio, Bas. 268
270
[=
C.
1,14,1], Epit. 2,25).
che precedono il nostro passo e che offrono la definizione di ius civile e di ius gentium:
Syn. min. N, 10-11 (=
Harm. Hexab.
1,1,11):
« ‘O νόμος ἢ φυσιχός
ἐστιν ἢ ἐθνικὸς À πολιτικός. καὶ φυσιχὸς μὲν νόμος, ᾧτινι κατὰ φύσιν
χρῶνται πάντα τὰ ζῶα, χαὶ τὰ λογιχὰ χαὶ τὰ ἄλογα, οἷον τὸ τὰς μητέρας
στέργειν
τὰ
γεννώμενα
ἐξ
αὐτῶν,
καὶ
ὅσα
τοιαῦτα.
᾿Εθνικὸς νόμος ἐστίν, ᾧτινι ἔθνος ἕν ἢ xal ἔθνη χρῶνταί τινα. οἷον τὸ μὴ μίγνυσθαι ταῖς μητρᾶσι παρὰ σχύθαις xal ἐναντίον τὸ μίγννσθαι ταύταις παρὰ τοῖς πέρσαις ».
ἕλλησι,
χαὶ
τὸ
Mentre per ciò che concerne il ius naturale non sembrano cogliersi differenze sostanziali rispetto al pensiero di Teofilo, un radicale mutamento di prospettiva traspare dalla definizione del ius gentium, che viene presentato come quel diritto ᾧτινι ἔθνος ἕν ἢ xal ἔθνη χρῶνταί τινα.
Il ius gentium tende quindi a trasformarsi, nell'ottica del giurista bizantino, in una sorta di diritto etnico, un diritto di stirpe che può essere carat-
teristico di una singola etnia ovvero comune ad una pluralità di etnie. Non è necessario sottolineare quanto una simile prospettiva sia distante da quella giustinianea; da essa sembra, peraltro, trasparire una visione del mondo del diritto che meglio si attaglia alla realtà politico-istituzionale dell'Impero nel quale il problema delle nazionalità assume una rilevanza
centrale !* Se, infatti, abbiamo riguardo al solo mondo romano bizantino, l’ ἐθνικὸς νόμος si presenterebbe come la norma particolare del singolo gruppo etnico all’interno dell’unico ordinamento imperiale. Se, invece, allarghiamo la nostra
ottica al di là dei confini dell'Impero ?, potremmo collocare 1’ ἐθνικὸς νόμος in una posizione sostanzialmente analoga a quella attribuita dalle fonti romane
al ius civile; V ἐθνικὸς νόμος costituirebbe, infatti, la norma
partico-
lare del singolo ordinamento ? e la differente prospettiva si spiegherebbe con la circostanza che vi sono realtà istituzionali estranee all'Impero che si caratterizzano non come stati città ma come stati a base etnica ” 18 Non a caso il DiEHL, I grandi problemi della storia bizantina (trad. it. di GAETA della 2" ed., Paris 1947), Bari 1957, ha attribuito il primo posto al problema
delle nazio-
nalità nell'ambito della trattazione dei grandi problemi della storia bizantina. 19 Il riferimento del testo agli Sciti ed ai Persiani mi sembra consentire un simile allargamento di prospettive. 2 O anche, nell'ottica del nostro passo, la norma particolare comune ad alcuni ordinamenti.
2 La testimonianza di Sym. mín. N, 10-11 non può non richiamare alla nostra attenzione l’insieme dei problemi sollevati dalla clausola «salvo iure geniis» che ritroviamo due volte nel testo della Tabula Banasitana. Accogliendo, infatti, l'ipotesi formulata dal VoLTERRA ("La Tabula Banasitana. A proposito di una recente pubblicazione”, Bullettino dell'Istituto di Diritto Romano 77 [1974], pp. 436 ss.) per cui la nostra espressione si riferirebbe « ad un ordinamento giuridico retto da un insieme coordinato ed organico di norme proprie dell'organizzazione statuale dei Zegrensi », ci troveremmo dinnanzi al riconoscimento da parte di Roma (nel II sec. d. C.) di un'organizzazione statuale che non
271
Se da un lato, quindi, l'implicito riconoscimento di queste realtà istituzionali appare in contrasto con l'idea di un Impero romano-universale, dall'altro non puó non sottolinearsi che proprio la scomparsa della tradizionale nozione di ius gentium importa il venir meno dell'idea di un insieme di norme comuni ad una pluralità di ordinamenti giuridici (tra cui quello romano) posti tutti su un piano sostanzialmente paritario. Mentre, cioè, la nozione teofilina di ius gentium? importava ancora che l'ordinamento giuridico romano si presentasse come uno dei tanti ordinamenti composti da norme particolari
e da norme comuni
a tutti i popoli (« Kal
ποτὲ μὲν πολιτιχοῖς ποτὲ δὲ ἐθνιχοῖς Synopsis non sembra porre sullo stesso ordinamenti a base etnica, come appare date insieme sia popolazioni appartenenti
ὁ δῆμος οὖν ὁ ῥωμαικὸς
χέχρηται νόμοις »), il testo della piano l’ordinamento imperiale e gli dalla circostanza che vengono ricorall’Impero che popolazioni ad esso
estranee.
4. Un qualche interesse per la ricerca presentare anche la testimonianza di
che
andiamo
conducendo
può
Psellus, vv. 72 ss.: « Τὸ νόμιμον δὲ πέφυχε δικαιοσύνης μέρος. / αὕτη γὰρ xal τὸ φυσιχὸν ἄλλο τι μέρος ἔχει, τὸ χατὰ τὴν συνείδησιν χρειττόνων χαὶ χειρόνων. / τὸ γὰρ λοιπὸν τὸ φυσικόν, τρίτον τοῦ νόμον
μέρος.
τὸ μὲν γὰρ τούτων φυσικόν, τὸ δ᾽ ἐθνικὸν τυγχάνει,
τὸ δὲ
πολιτικώτερον, καὶ μεριχώτερόν πως. / τὸ μὲν γὰρ περὶ φυσιχῶν πραγμά-
τῶν δογματίζον, / συλλήψεως, γεννήσεως, σχέσεως, συναφείας, / αὐτοῦ Ψιλοῦ τοῦ πράγματος, οὐ τοῦδε xal τοιοῦδε. / νόμιμον γενιχῶς ἐστι, φυσικὸν δ᾽ ἐπὶ μέρους. / Τὸ βλέπον δ᾽ εἰς συμβόλαια, φύσεις συναλλαγμάτων, πάντων εἰπεῖν τῶν xa ἡμᾶς κοινῶν πολιτευμάτων, /
νόμιμον ἐθνικόν ἐστιν, οὐχὶ τὸ βαρβαρῶδες. / τὸ γὰρ τοῦ ἔθνους ὄνομα νομικῶς εἰρημένον / γενῶν συλληπτικόν ἐστιν νόμοις ὑποχειμένων. / Πολιτικὸν δὲ νόμιμον, τοπιχὸν xal χρειῶδες, / ὅ πάλιν τριμερές ἐστι
τούτου γὰρ τοῦ νομίμου / ἔστιν ὁ δωδεχάδελτος τῶν δώδεχα λογίων, / τὰ βασιλέων δόγματα, οἱ νόμοι τῶν πραιτώρων ».
La base dei versi in esame è stata dal Weiss ? individuata in Bas. 2,1, che riprende D. 1,1; rispetto ai passi dei Basilici possono perd sottolinearsi alassume,
neanche formalmente,
la struttura di stato città. La nozione di ius gentis della
Tabula Banasitana sarebbe quindi, sotto molti profili, sostanzialmente offertarci dal testo della Synopsis
analoga a quella
minor.
2 Intendo in particolare riferirmi alla nozione di ius gentium che appare al termine del paragrafo 1. Sui problemi connessi alle sovrapposizioni avvertibili in Theoph. Parapbr. 12,1 vedi Ferrini, "Natura e diritto nella Parafrasi greca delle Istituzioni", Rendiconti
dell'Istituto
Lombardo,
s. 2°, 18
(1885), pp.
857ss.,
ora in Opere,
I, Milano
1929,
pp. 72ss.; AnANGIO-RUIZ, "La compilazione giustinianea e i suoi commentatori bizantini (da Ferrini a noi)”, Scritti di diritto romano in onore di C. Ferrini, Milano 1946, pp. 94 ss. 3 Weiss, "Die ‘Synopsis legum' des Michael Psellos", Fontes minores, hrsg. D.
Simon, II, Frankfurt 1977, p. 161.
272
cune divergenze che inducono a ritenere che Psello avesse presente anche la Parafrasi di Teofilo. Sotto il profilo che qui interessa, si pud, infatti, osservare che il nostro testo caratterizza il ius gentium come l'insieme delle norme comuni ai soli popoli civili, con esclusione dei barbari, in quanto il nome di ἔθνος puó essere rettamente attribuito soltanto alle popolazioni sottoposte alle leggi (γενῶν συλληπτικόν ἐστι νόμοις ὑποχειμένων) #, Lo stesso rapporto con la nozione di ius zaturale ne viene cosí modificato; mentre, infatti,
nei Basilici la distinzione tra ius naturale ed ius gentium sembra ancora basarsi, cosí come in D.
1,1,1,3-4, sulla circostanza che il primo
si estende
a
tutti gli animali ed il secondo ai soli esseri umani”, in Psello non permane traccia di una più ampia applicazione del ius naturale, il quale viene, invece, definito, con riferimento all’oggetto, come l’insieme delle norme che dettano precetti περὶ φυσιχῶν
πραγμάτων.
Di maggior rilievo per il nostro discorso appare indubbiamente la nozione di ius civile, per la quale Psello impiega gli stessi aggettivi utilizzati da Teofilo, qualificando
il πολιτικὸν
νόμυμον
come
τοπικὸν
xal
χρειῶδες.
L'assenza nel nostro passo di un qualsiasi riferimento ad esempi storici di città stato potrebbe, a prima vista, indurci a ritenere che nell’ottica di Psello il ius civile sia costituito dall’insieme delle norme proprie delle singole città nell’ambito dell’ordinamento imperiale, in una prospettiva sostanzialmente analoga a quella che ci è sembrato di poter riscontrare in Sym. min. N, 12. Una simile ipotesi sembra però contraddetta dalla successiva tripartizione delle fonti del νόμος πολιτικός
in δωδεχάδελτος 5, βασιλέων
δόγματα
e
νόμοι τῶν πραντώρων. Non è quindi forse inopportuno, per tentare di cogliere l'impostazione di Psello, riprendere in esame i passi dei Basilici che ne costituiscono la fonte alla luce dei corrispondenti passi dei Digesta: D. 1,1,7 (Papinianus, 1. 2 def.):
« Ius
autem civile est, quod ex legibus, plebis scitis, senatus
consultis, decretis prin-
cipum, auctoritate prudentium venit. Ius praetorium est, quod praetores introduxerunt adiuvandi vel supplendi vel corrigendi iuris civilis gratia propter utilitatem publicam. quod et honorarium dicitur ad honorem praetotum sic nominatum ». D. 1,1,8 (Marcianus, 1. 1 inst): « Nam et ipsum ius honorarium viva vox est
Bas. 2,1,7: « Παπιανός. Εἰσήχθη δὲ ἢ ἀπὸ τοῦ δνοδεχαδέλτον ἢ τῶν
τοῦ δήμου δογμάτων ἢ τῶν τῆς συγκλήτου θεσπισμάτων À βασιλικῶν δογμάτων ἢ τῆς αὐθεντίας τῶν σοφῶν ». Bas. 2,1,8: «Μαρχι. Καὶ τὸ πραιτώριον νόμιμον ζῶσα φωνὴ τοῦ
πολιτιχοῦ ἐστιν ».
iuris civilis ». 24 Vedi, in particolare, lo sch. Ὁ
μέν a Bas. 2,12.
?5 Riterrei quindi di poter individuare la fonte di Psellus, v. 87 in Theoph. Parapbr. 12,1 e non in Bas. 2,1,6,9 (come, invece, suggerisce il WEISS, op. cit., p. 162). Da Bas. 2,1,6,9 sono, invece, verosimilmente tratti i vv. 88-90. 2 La lex XII Tabularum viene erroneamente attribuita a dodici e non a dieci magistrati.
273
Come pud osservarsi, nel Digesto si passa dall'analisi della contrapposizione ius civile - ius gentium - ius naturale (di cui trattano i frammenti precedenti), all'analisi della contrapposizione ius civile - ius bonorarium che viene, peraltro, superata dall'affermazione, riferita a Marciano, per cui ipsum ius bonorarium viva vox est iuris civilis.
Il discorso viene già a mutare nei corrispondenti passi dei Basilici in quanto l'equiparazione marcianea conduce alla scomparsa della dicotomia ius civile ius honorarium e l'esame delle fonti del ius civile viene quindi condotto al termine del discorso sulla tripartizione ius civile - ius gentium - ius naturale. Se si riflette sulla circostanza che il termine ius civile, non ha, nelle fonti
romane, com'é noto, un significato suo proprio, ma assume significati diversi a seconda del termine che gli viene contrapposto, il mutamento di prospettiva appare nel nostro caso particolarmente significativo. I Basilici sembrano quindi muoversi nell'ottica di una identificazione del ius civile con l'ordinamento romano quale si è storicamente formato, con le sue peculiarità, nel corso dei
secoli ”, ordinamento rispetto al quale non si avverte alcuna frattura in una prospettiva di sostanziale continuità che dall'epoca repubblicana giunge fino
al tempo presente #. Anche Psello sembra muoversi in un'ottica analoga”, il che importa, ancora una volta, il riemergere, all'interno del suo discorso, della tensione di fondo esistente tra il riconoscimento di una pluralità di ordinamenti, che conduce a qualificare lo stesso diritto imperiale come τοπικὸν χαὶ χρειῶδες,
e la concezione di un unico ordinamento romano-universale. Una visione dei nostri problemi che appare, a prima vista, aderente alle fonti giustinianee
si ritrova, invece, in alcuni passi dell'Epitome,
il cui ti-
tolo II è dedicato alla tripartizione ius naturale - ius gentium - ius civile (περὶ νόμον quarzo xal ἐθνικοῦ xal πολιτιχοῦ). Epit. 2,3 definisce, infatti, il ius naturale come l'insieme delle norme comuni a tutti gli animali (ὅσον τὰ ἐναέρια xal τὰ ἐν τῇ γῇ διετύπωσε
ζῷα) Y mentre Epit. 2,21 limita l'applicazione del ius gentium: ai soli esseri umani *. T! Anche se il generale richiamo del passo del Digesto alle leges viene limitato alla sola legge delle XII tavole. 28 Mi sembra significativo osservare che questa esigenza di risalire alle origini di Roma sembra essere avvertita anche da giuristi che non mostrano di possedere un'adeguata preparazione storica. Si veda, ad esempio, lo sch.b ad Sym.
maior N, 6,1
(Jus Graecoro-
manum, cit, V, p. 443) in cui vengono indicati, come autori delle XII tavole, Gaio, Pomponio, Appio ("Azpwc) Claudio, Sesto Elio, Taleleo, Paolo, Stefano ed Ulpiano. 7 Incorrendo nell'errore di attribuire la legge delle XII tavole a dodici sapienti (errore che ritroviamo nello scb. Σημείωσαι ad Sym. maior N, 6,2). Psello sembra, fra l’altro, operare una scelta nell'ambito delle fonti del diritto sopprimendo il ricordo dei plebisciti, dei senatoconsulti e dell'auctoritas prudentium, cioè, verosimilmente, di quelle fonti che meno si inserivano nell'ideologia di uno stato imperiale. 3 Vedi Theoph. Parapbr. 1,2 pr. 3 Vedi sempre Theoph. Paraphr.
1,2
pr.,
anche
se
il nostro
passo
non
sembra
limitare, come Teofilo, l'applicazione del ius gentium ai soli uomini che intendono vivere secondo ragione.
274
Una particolarità, forse non del tutto irrilevante, può perd cogliersi, a mio avviso, nella nozione di ius civile: Epit. 2,22:
« Περὶ πολιτικοῦ νόμον. Πολιτικὸν δέ ἐστι, ὅπερ xal τοπι-
χὸν χαὶ χρειῶδες προσαγορεύεται, τὸ ἐν συνηθείᾳ τῇ πόλει γινόμενον xal τόπου χρείαν ἀποπληροῦν οἷον ἐν τῇ λαχεδαιμονίᾳ Auxoüpyou τοῦ νομοθετήσαντος ξενηλασίαν, ἵνα μὴ διὰ τῆς τῶν ξένων ἐπιμιξίας διαφθείροιτο xal χεῖρον γένοιτο τὸ τῶν λακχεδαιμονίων ἦθος. ὁ τοιοῦτος νό-
pog τιμάσθω μὲν παρὰ τοῖς λαχεδαιμονίοις, ἀθηναῖοι δὲ τοῦτον καταφρονοῦσι, τοσοῦτον τῆς ξενηλασίας ἀφεστῶτες, ὅτι καὶ βωμὸς ἐλέον τιμᾶται παρ᾽ αὐτοῖς" οὕτως ἑτοίμως τοὺς εἰς αὐτὴν φοιτῶντας ἀποδε-
χόμενοι, ὅτι πολλάκις καὶ διὰ φιλανθρωπίας ὑπερβολὴν καὶ πολεμεῖν ὑπὲρ αὐτῶν οὐχ ὥχνησαν ». A prima vista il testo sembra ricalcare il contenuto di Theoph. Parapbr. 1,2
pr.: il νόμιμον πολιτικόν viene, infatti, qualificato come τοπικὸν xal χρειῶδες € viene prospettato un esempio che, riferendosi ad epoche passate, sembra mostrare una certa consapevolezza storica in ordine al riferimento del νόμος πολι-
τικός alla realtà istituzionale della città stato. Vi è però nel nostro passo una variante rispetto a Teofilo che non &, a mio avviso, priva di significato: in Epit. 2,22, infatti, il νόμος πολυτιχός viene presentato come quel diritto ἐν συνηθείᾳ τῇ πόλει γινόμενον, ed una simile affermazione non pud non ingenerare il dubbio che l'autore dell'Epitome abbia inteso cosf riferirsi a quel diritto locale
cittadino, di origine consuetudinaria, che abbiamo già avuto occasione di ricordare e che trova una sua ben precisa collocazione nell'ambito dell'unico ordina-
mento imperiale *, In una certa misura anche dal testo dell'Epitome sembra quindi emergere, ancora una volta, l'ineliminabile contrasto di fondo tra l'idea di un Impero
romano - universale ed il riconoscimento di una pluralità di ordinamenti giuridici caratterizzati da norme particolari.
% A questo diritto consuetudinario si riferisce in seguito espressamente, come abbiamo visto, la stessa Epitome (2,28).
275
FAUSTO GORIA
ROMANI, CITTADINANZA ED ESTENSIONE DELLA LEGISLAZIONE IMPERIALE NELLE COSTITUZIONI DI GIUSTINIANO
l.
I significati del termine Romanus Un'analisi
anche
sommaria
dell'uso
nelle costituzioni di Giustiniano. del
termine
Romanus
o
Ῥωμαῖος
nelle costituzioni di Giustiniano! mostra che esso comprende una serie di significati sensibilmente diversi e che corrispondentemente ha un'estensione più o meno vasta. Ai fini del nostro discorso possiamo isolare ad esempio le seguenti accezioni:
1) Accezione che potremmo definire ‘locale’: Romani sono gli abitanti della città di Roma? e romane sono qualificate alcune istituzioni di essa 1 L'uso di questo termine nell’epoca che consideriamo non è ancora stato sufficientemente studiato; ciò vale tanto più per le sue eventuali implicazioni giuridiche. Importanti punti di riferimento restano ad ogni modo i lavori del JÜTHNER, Hellenen und
Barbaren, Leipzig 1923, pp. 103 ss. e del D6LGER, “Rom in der Gedankenwelt der Byzantiner", Zeitschrift fiir Kirchengeschichte, 56 (1937), pp. 1 55. e ora, con aggiornamenti, in In., Byzanz und die europäische Staatenwelt, Ettal 1953 (rist. Darmstadt 1964 e 1976), pp. 70 ss.; utili anche LECHNER, Hellenen und Barbaren im Weltbild der Byzantiner, Diss., München 1955, e PALM, Rom, Rómertum und Imperium in der griechischen Literatur der Kaiserzeit (Acta Reg. Societ. humaniorum litterarum Lundensis, 57), Lund 1959, pp. 93 ss.; 102 s.; 109 55.; 121ss.; nulla più che una conferenza di impostazione assai generica è l'articolo della RoSENBLUM, “ Οἱ Ῥωμαῖοι ", Bull. de l'Ass. G. Budé, 4 (1969), pp. 299 ss.; notazioni interessanti, invece, anche se riferite per lo piá a un'epoca più tarda di quella di cui ci occupiamo, in ARRIGONI, “Ecumenismo romano-cristiano a Bisanzio e tramonto del concetto di Ellade ed Elleni nell'impero d'Oriente prima del Mille", Nuova rivista storica, 55 (1971), pp. 133 ss.; In., "Il delinearsi di una coscienza nazionale romèica nell'impero d'Oriente e nell'ambito ellendfono medievale”, ibid., 56 (1972), pp. 122 ss.; per
il IV e V secolo cfr. anche SHERWIN-WHITE, The Roman Citizenship, 2° ed., Oxford 1973, pp. 452 ss.; 460 ss. 2 Il luogo privilegiato di tale accezione è evidentemente la sanctio pragmatica pro petitione Vigilii: cfr., nell'edizione delle Novellae curata da SCHGLL - KroLL (4° ed., Berolini 1912;
ad essa ci si riferirà sempre
in seguito, salvo diversa indicazione), App.
VII,
7;
22; probabilmente anche il cap. 1. Essa compare però anche nella Nov. 89,2,3 (relativa alla legittimazione dei figli naturali per oblationem curiae) contrapposta alla qualifica di
Βυζάντιος data all'abitante di Costantinopoli. Si noti che gli abitanti di Roma sono quali-
277
(ad esempio la Chiesa, in quanto distinta dalle Chiese di altre città) *; l'estensione in questo caso ἃ quella urbana in senso stretto, o al massimo diocesana. Non ἃ attestato l'uso di Romanus per indicare abitanti o istituzioni di Costantinopoli benché questa città venga talvolta pit o meno esplicitamente indicata come "nuova Roma" *. Per altro verso, in taluni passi della cosiddetta sanctio pragmatica pro pe-
titione Vigilii il termine Romani potrebbe indicare non solo gli abitanti di Roma, ma in generale tutti gli Italici che non siano Goti?; non è però dimostrabile con sicurezza.
tale significato
2) Accezione che si potrebbe chiamare ‘linguistica’: lingua Romana o Romanorum è quella latina, contrapposta a quella greca*; caratteri romani ficati semplicemente come Romani e non come Romani veteris Romae (cfr. infra la nota 4) o come veteres Romani; quest'ultima espressione allude invece ai romani del tempo antico. 3 Romana civitas è Roma stessa: Nov. app. VII, 3; 7; 25; nello stesso cap. 25 si fa
riferimento al foro aut portui Romano; cfr. anche C. 1,1,8,31. Romana sedes per indicare il pontefice è nell'epistola di papa Giovanni II a Giustiniano del 24.4.534 riportata in C. 1,1,8 pr.; Romana ecclesia: ibid., $ 30 e Nov. 9, indirizzata allo stesso papa Giovanni II. 4 Cfr. const. Deo auctore, $ 10 = C. 1,17,1,10: « Romam autem. intellegendum est non solum veterem, sed etiam regiam nostram, quae deo propitio cum melioribus condita est auguriis »; inoltre, C. 8,14(15),7, (utrague Roma); Nov. 79,2 p. 389,11 (id.); Nov. 81.1 p. 39825 (id.); Nov. 70,1 p. 356,4 («ἐν τῇ πρεσβυτέρς Ῥώμῃ καὶ τῇ via δὲ τάντῃ Ti καθ’ ἡμᾶς»; Nov. 131,2 p. 655,12 (« ἀρχιεπίσκοπον Κωνσταντινουπόλεως τῆς νέας Ῥώμης »). Queste sono peraltro le uniche testimonianze della legislazione giustinianea [in precedenza cfr. già, ad es., C. 8,11(12),5 pr. (a. 364); C. 11,21(20),1 (a. 421)] in cui Costantinopoli venga esplicitamente qualificata come Roma, anche se ciò può essere implicito tutte le volte che la Roma italica viene denominata vetus (ad es., C. 1,3,51,2; Nov. 9 p. 91,17), antiqua lad es. C. 2,52(53),7; cfr. Nov. app. VII,1 p. 799,12] o anterior (ad es.. Nov. 75.1 p. 578.12; Nov. 9 p. 91,18), πρεσβυτέρα in greco (ad es., const. δέδωχεν, pr. e $ 18; Nov. 13,12 p. 101,4; Nov. 42 pr. p. 264,3-4; Nov. 892,5 p. 432,17; Nov. 123,3 p. 597,13;
Nov.
1312 p. 655.10 e 14); anche ἑσπέρια (Nov.
invece, la Roma
109 pr. p. 518,5); significativamente,
dei tempi antichi viene indicata, in un contesto storico, come
« τὴν με-
γάχην τῶν Ῥωμαίων … πόλιν» (Nov. 25 praef. p. 196.20-21). Costantinopoli è solitamente designata con perifrasi: baec regia [ad es., C. 13.512; 2,46(47),3; 2,55,5 pr.; 3,1,14,1; 8,10,13; const. Deo auctore, $ 10 = C. 1,17,1,10; Nov. 75,1 p. 378,12] o florentissima civitas (ad es., C. 3,1,15; 5,70,7,5-6; 8,10,13), o anche semplicemente baec civitas (ad es., C. 4,66,3,3); baec alma urbs [ad es., C. 2,52(53),7 pr.]; in greco, εὐδαίμων πόλις (ad es., Nov. 22,14 p. 154,10; Nov. 69,1,1 e 69,2 p. 351,15 e 20; Nov. 147,2 p. 721,4); βασιλὶς πόλις (C. 4,21,22,12; Nov. 109 praef. p. 518,6), o μεγάλπ
πόλις (ad es., Nov. 13,1,1 p. 101,7; Nov. 89,2,3 p. 432,16-17) o altre ancora. In fonti ecclesiastiche dell'epoca Costantinopoli è invece talvolta chiamata semplicemente Ῥώμη (ad es., Coll. Sabbait. 5,87 in Acta Concil. Oecum., ed. Scuwarz, III Berolini 1940, p. 161,5:
«iv τῆι φιλοχρίστωι xal βασιλενούσηι πόλει ‘Püum ») o. Κωνσταντι-
νούπολις Ῥώμη (ibid. pp. 159,7-8; 169,19; 176,31). Lo schol. ad Tbeopb. par. 1,25 pr. (ed. FEn&INI, Opere, Milano 1929-1930, I, p. 166) spiega che quello che il giurista afferma di Roma vale anche per Costantinopoli (cfr. C. 11,21(20),1 (a. 421)] e che quello che afferma per l'Italia vale per la Tracia, ma non dice che Costantinopoli si chiami anch'essa Roma. 5 Cfr. Novellae, cit., App. VII, 2; 8; 23; che la pragmatica sanctio in questione comprenda disposizioni relative a tutta l'Italia è evidente ad esempio
dai cap. 1; 11; 26-27.
6 Cfr. const. Omnem, Ὅτι: const. Tanta $ 21 = C. 1,172221; const. δέδωχεν $ 22 (mentre la const. Tanfa reca qui « Latina »); Nov. 17 pr. p. 117,28; Nov. 29,1 p. 219,9, cfr. 221,10; Nov. 31,1,3 p. 237,12; Nov. 47,2 p. 285,23; cfr. anche Nov. 28,2 p. 214,8 ss.
278
sono quelli della scrittura latina, contrapposti anche qui alle lettere greche”. In questo senso si potrebbero chiamare Romani tutti coloro che hanno il latino come lingua materna; più volte le novelle di Giustiniano, parlando nel nome dell’imperatore, lo definiscono πάτριος φωνή *. Quest'uso del termine Romanus, attestato anche altrimenti’ ed evidentemente tradizionale, è significativo se lo si confronta con alcune espressioni che si trovano ad esempio in Procopio, secondo le quali i Ρωμαῖοι si esprimono utilizzando tanto il latino quanto il greco ". 3) Accezione ‘storica’: sono chiamati Romani — spesso con altri termini che indicano il riferimento al passato — gli antichi Romani, secondo le vicende che questa denominazione ha avuto nel corso dei secoli !!, Talvolta questa accezione costituisce solamente una proiezione nel passato del .signi-
ficato ‘politico’ (n. 5) 5; essa è significativa per comprendere il tentativo di Giustiniano di armonizzare l’esigenza di innovazioni con il rispetto o addirittura la restaurazione della tradizione 15, ma non è particolarmente rilevante Contrapposti ai Graeca verba sono invece quelli Latina in C. 6,38,3; alla ἑλληνίδος φωνῆς quella ἰταλική in Nov. 146,1 p. 715,15-17. 7 Cfr. Nov. 472 p. 285,24 e 28. 8 Cfr. Nov. 7,1 p. 52,32; 13 praef. p. 99,22; 13,1,1 p. 100,29; 22,2 pr. p. 148,41; 30,5 p. 227,33; 69 praef. p. 349,17; 146,1 p. 715,17. Significativamente, la Nov. 13 praef.
contiene una critica alla denominazione greca dei praefecti vigilum. 9 Cfr., ad es., LECHNER, op. cit., p. 11; PALM, op. cit., pp. 86; 95s.; 102; 122; 125 s.; 128; C. 11,19,1,2 = CT. 14,9,3 (a. 425: Romana eloquentia, contrapposta a facundia Graecitatis); nel VI secolo: ad es., Acta Concil. Oecum. III, cit., pp. 52, app. a l. 31; 80,10;
113,25
e 27 e 29;
152 app.
a l. 9 e 12;
18223;
Proc,
BP
1224;
2,29,5,
BV
1,4,7;
1,14,7; 121,22; BG 125,19; PALM, op. cit., pp. 108; 1108. 10 Cfr, ad es., Proc, BP 2,23,6, 2,2629; BV 2,13,33 (i Λατῖνοι, anziché Ῥωμαῖοι, parlano latino); 2,26,26; BG 4,5,13; 4,29,5; 4,35,15; Aed. 3,3,14; 4,6,16; 6,3,11. Per il traduttore siriaco del libro siro-romano (ma probabilmente era già cosf nell'originale greco) la lingua “romea” è quella greca: cfr. FERRINI, Manuale di Pandette, 4* ed. integr. da G. Grosso, Milano 1953, p. 63 n. 4. Di queste oscillazioni non tiene conto il LECHNER,
op. cit., p. 11.
H Cfr. const. Deo auctore
$ 7 =
C.
1,17,1,7;
const. Tanta, pr.
e $ 6b (=
const.
Δέδωχεν, ibid.) = C. 1,17,2 pr. e $ 6b; C. 1,27,2, $$ 4; 4a; 7; C. 651,1 pr.; C. 6,58,14
pr.; Nov. 2 praef. pr. p. 10,15; Nov. 13 praef. p. 99,20; Nov. 13,1,1 p. 100,21; Nov. 17 prooem. p. 117,15; Nov. 222 pr. p. 148,40; Nov. 24 praef. p. 189,7; Nov. 24,1 p. 190,25; Nov. 25 praef. p. 196,6; 196,14 e 196,20-21; Nov. 25,2 pr. p. 198,12; Nov. 26,1,1 p. 204,13; Nov. 26,2 pr. p. 205,8; Nov. 26,42 p. 207,30; Nov. 30 pracf. p. 223,35 € 224,2; Nov. 30,5 p. 227,24-25 e 28; Nov. 30,11,2 p. 234,36; Nov. 47 praef. pr. p. 28526;
Nov. 62 praef. p. 332,23-26; Nov. 74 praef. pr. p. 370,18; Nov. 89 praef. p. 428,22; Nov. 105 praef. p. 500,31 e 34, e p. 501,7; Nov. app. VII, 20 p. 801, 47 e 49; cfr. anche Ed. 4,2 p. 762,26.
12 Cfr., ad es., const. Deo auctore $ 7 = C. 1,17,1,7; const. Tanta-Aibuwrv, pr. e $ 6b; C. 1272 $$ 4.44 e 7; C. 6,51,1; Nov. 2 praef. pr. p. 10,15; Nov. 17 prooem. p. 117,15.
13 Tale orientamento di Giustiniano si esprime bene in questa frase della Nov. 13,2: « Ἐπειδὴ τοίνυν ἡμεῖς πάντα διερευνώμενοι τὰ γένομενα πρόσθεν σπεύδομεν καὶ τὴν ἀρχαίαν σεμνότητα xal τὴν τούτον τοῦ πράγματος ἐπαναγαγεῖν
εἰς χαλλίονα τάξιν εὐχοσμίαν ...» (tr.
Scholl: « Quoniam igitur nos omnia quae ante jacta sunt perscrutati ad meliorem ordinem et pristinam dignitatem buius quoque rei disciplinam reducere studemus ...»); cfr. anche
279
αἱ nostri fini. Merita peraltro osservare come proprio la prospettiva storica possa spiegare certe espressioni che a prima vista potrebbero sembrare strane, e specificamente: a) la terminologia Romanorum genus, che perde cosí gran parte della sua qualificazione etnica “; b) i passi in cui si sottolinea la dominazione dei Romani sulle città e terre conquistate, quasi che gli abitanti di esse non fossero stati a loro volta elevati a far parte dei Romani stessi 5. Ancora,
puó essere significativo di una certa presa di distanza dall'ambiente italico il fatto che i primordi dell'Impero romano vengano ricondotti da un lato al mitico re di Arcadia Licaone , dall'altro al troiano Enea”, nonché il fatto che nell'ambito delle riforme dell'amministrazione provinciale, insieme con molti richiami alle istituzioni romane
antiche, ve ne sia anche
uno
ad una
magistratura di Sparta, Del resto, in mezzo alle numerosissime attestazioni Nov. 17 prooem. p. 117,18-19; Nov. 24,1 p. 189,26 ss. e p. 190,21-22; Nov. 47,1 p. 284, 26-27; altre fonti in PuLIATTI, Ricerche sulla legislazione regionale di Giustiniano (Semin.
giur. della Univ. di Bologna, 84), Milano 1980, pp. 9 ss. Sulla renovatio nella fedeltà alla tradizione come caratteristica dell'Impero d'Oriente, cfr. Marer, "Tradition und Wandel:
über die Gründe der Widerstandkraft von Byzanz”, Hist. Zeitschr., 218 (1974), pp. 265 ss. M L'espressione è usata nella const. Summa rei publicae pr., dove il vocabolo sottolinea la continuità fra i Romani antichi e gli attuali, nonché in C. 6,58,14 pr. (a. 531), in cui il significato sembra analogo. Ad una caratterizzazione etnica potrebbe accennare
anche la Nov. 25 praef. p. 196,3-4, dove si afferma che l't@voc dei Licaoni è συγγενέστατον dei Romani
(Auth.:
«gens
... cognatissima
Romanorum »), ma
le espressioni
successive
sembrano alludere a una cogratio sul piano di antichissimi legami politici piuttosto che a una comunanza di sangue: infatti il mitico re di Arcadia Licaone sarebbe stato in Italia e avrebbe dominato sugli Enotri; egli stesso avrebbe inviato dei coloni — non necessariamente dall’Italia — in quella parte della Pisidia poi denominata Licaonia. Per ln tradizione, piá comunemente attestata, secondo cui Enotrio sarebbe stato invece uno dei figli di Licaone, cfr. PuiriPP, “Oenotri”, RE, XVII, 2 (1937), coll. 2023 ss., e SCHMIDT, “Lykaon”, 3, ibid. XIII, 2 (1927), coll. 2248 ss.
Sempre nel senso della continuità storica l'espressione Ῥωμαίων γένος compare anche in Proc., Anecd. 1,1; Aed. 29,11 (diversamente PALM, Rom, cit., p. 110); Ρωμαῖος γένος detto di un suddito persiano in Proc., BP 2,6,23. Sulle implicazioni della terminologia
Ῥωμαίων γένος a partire dal IX-X secolo cfr. ArRIGONI, “Ecumenismo”, cit., p.152 n. 31; Ip., “Il delinearsi”, cit., p. 133 n. 13; sulla facilità con cui in Oriente si costruivano tali
forme di συγγένεια cfr. op. ult. cit., p. 139 e n. 21. 15 Cfr. const. Summa rei publicae, pr.: «felix Romanorum nationibus
omnibusque
dominari
tam
praeteritis …
genus omnibus
temporibus
quam
deo
anteponi
propitio
in
aeternum ...». Le omnes nationes sono probabilmente solo le genti barbariche (cfr. const. Imperatoriam $ 1), ma le espressioni usate risentono ancora dell'epoca in cui l'Impero romano era composto in massima parte di provinciali assoggettati. Cfr. anche infra la nota 84; diversamente SHERWIN-WHITE, op. cit., p. 459. Queste reminescenze si possono
ancora Nov.
individuare
nel
linguaggio
usato
in C.
24 praef.; 25,2 pr.; 30 praef.; 30,112; 16 Nov. 25 praef. p. 196,7-8; cfr. anche
1,27,2,4a;
2,58(59)2
pr.;
8,51(52),3,1;
36 pr.; 62 praef. pr. supra la nota 14.
17 Nov. 47 praef. p. 283,23-24; cfr. anche PALM, Rom, cit., p. 96 (Libanio), p. 102 (Temistio); Agath. 2,27,7 e ARRIGONI, “Il delinearsi”, cit., pp. 139 n. 21; 149 n. 39. gono
18 Nov. 28,2 (De moderatore Helenoponti) p. 214,11-13. Solo istituzioni romane venrichiamate nelle Nov. 17 prooem.; 24 praef.; 25 praef.; 26,1,1 e 4,2; 29,1; 30,5;
31,1 nonché nelle Nov. zione
provinciale.
13 praef. e 1; 105 praef., che però non riguardano l'amministra-
Frequente
è il riferimento
all'ambiente
greco
anche
all’inizio
delle
Istituzioni di Giustiniano (ma poteva trovarsi già nelle opere dei giuristi classici da cui furono estratti i relativi frammenti): cfr. I. 1,2,2; $ 3; $ 10.
280
di continuità — da intendersi innanzi tutto sul piano politico-istituzionale e giuridico ? — fra l'Impero di Giustiniano e la respublica Romanorum, non manca qualche più o meno velata presa di distanza dalla parte di essa che aveva trovato espressione politica nell'Impero romano d'Occidente (mai menzionato esplicitamente come tale) e non aveva saputo mantenere integra la propria consistenza territoriale ?. 4) Accezione 'culturale': Romanus in questo senso accompagna determinati valori, che si considerano tipici della "civiltà di Roma"; corrispondentemente devono intendersi per Romani — contrapposti ai barbari — coloro che nella loro educazione e nel loro modo di vita hanno assimilato i valori tipici della cultura classica. Come è facilmente intuibile, le leggi giustinianee non fanno molto uso di questa accezione; troviamo tuttavia che da un lato sono qualificate come tipicamente romane la iustitia 8, la σεμνότης 2, la libertas ?; vengono inoltre considerati come costumi barbarici non convenienti a Romani il trattamento disuguale di uomini e donne — specialmente nelle successioni ^ — e la conclusione di nozze incestuose P. La legislazione 19 Cfr., ad es., specialmente const. Summta rei publ., pr.; Deo auctore $$ 1-2 e 4; Tanta, pr. e $ 21; Nov. 2 praef. pr.; Nov. 13 praef. e c. 1; Nov. 17 prooem.; 18 praef. e c. 8; 222 pr. (cfr. già C. 6,58,14 pr.); 25 praef. e c. 2; 47 praef.; 89 praef.; 105 praef. 2 Cfr. C. 1,27,1,5-9 (a. 534); 1,27,2,4-7 (a. 534): qui vi è una implicita critica
&i predecessori che non hanno saputo difendere né l'Africa, né Roma, né le insegne imperiali, ragion per cui la respublica non è più florens (cfr. anche PULIATTI, op. cit., p. 64 n. 8); la critica, rivolta ai Ῥωμαῖοι in generale, diventa esplicita in Nov. 30,1122 p. 234,36-38 (a. 536), su cui v. Bonini, "Caduta e riconquista dell'impero romano d'Occi-
dente nelle fonti legislative giustinianee”, Felix Ravenna, 111-112 (1976), pp. 310 ss. Una ancor più accentuata presa di distanza dall'Occidente era già contenuta nella const. Deo auctore $ 10 (a. 530), quando si diceva di Costantinopoli che « Deo propitio cum melioribus condita est auguriis » rispetto a Roma. Infine, dalla Nov. 31,1,3 sembterebbe
che Giustiniano volesse distinguere ciò che è "romano" da ciò che è stato introdotto dai suoi predecessori (gli imperatori a partire da Costantino? o gli imperatori fouf court?). 2 Cfr. const. Tanta $ 20; Nov. 25,2 pr. p. 198,11-12; Ed. 3,1 p. 761,2. In questo contesto si può richiamare la tematica dell'uso congiunto di arma et leges, considerato tipico dei Romani in const. Summa rei publ., pr.; const. Imperatoriam, pr.; Nov. 24 praef.; 25 praef.; 26,1,1. Sul punto cfr. DANNENBRING, "Arma et leges: über die justi-
nianische Gesetzgebung
im Rahmen
ihrer eigenen
Zeit”, Acta
classica,
15 (1972), pp.
116 ss.; 128 s.; 135 s.; PULIATTI, op. cit., p. 15 e n. 25. 2 Nov. 28,2 p. 214,11.
3 Cfr. C. 7,6,1 $$ 4 e 8, dove peraltro la Romana libertas è contrapposta implicitamente alla /atima libertas, con un senso tecnico più che non culturale; più significativa è C. 7,15,1,3, la quale afferma che è tipico delle Romanae leges e specialmente di quelle giustiniance il fovere et tueri la libertà; cfr. anche Nov. 78,4,1 p. 387,1-3; Nov. 78,5 p. 387,14 con riferimento all’ εὐγένεια, Nov. 89 praef. p. 429,5-6. L'espressione ῥωμαϊχὴ ... ἐλευθερία compare anche nella Nov. 144,2 p. 710,23, di Giustino II (a. 572). Il tema non è certo nuovo: cfr., ad esempio, PALM, Rom, cit., p. 121 a proposito di Eusebio. % Cfr. Ed. 3 p. 761,1; Nov. 21 p. 145,7, in cui tale costume barbarico viene
rimproverato agli Armeni. Sulla tematica dell’eguaglianza di uomini
e donne
nelle suc-
cessioni cfr. anche C. 6,58,14 pr. Sul valore frequentemente culturale, anziché etnico, della contrapposizione fra romani e barbari, cfr. SHERWIN-WHITE, The Roman Citizenship, cit., pp. 456 ss. Nel VI secolo è testimonianza di ciò particolarmente Agath., 1,2,2-4; 3,5,4.
5 Cfr. la Nov.
154, diretta agli abitanti
delle province
Mesopotamia
e Osroena;
281
però, com'é logico, tiene conto prevalentemente o esclusivamente di quei valori che sono recepiti nelle leggi e nelle istituzioni * stesse dell'Impero, e quindi il significato ‘culturale’ di Romanus si mescola normalmente con quello politico o giuridico. 5) Accezione ‘politica’: Romanus qualifica l'Impero di Giustiniano e dei suoi predecessori nonché le istituzioni e gli abitanti del medesimo: l'imperiurn, 1 ἀρχή, la πολιτεία, le leggi, il territorio vengono
indicati come
Ῥωμαίων 7; si tratta, come si vede, di formule fisse da l'uso che in sé e per sé non dànno nessuna indicazione concetto di Romani nel senso appunto di coloro che di ‘titolari’ e partecipi. Anche nei pochi casi in cui nella
Romani
o
tempo entrate nelsull'estensione del tali istituzioni sono legislazione giusti-
l'argomento viene ripreso in una novella di Giustino II (Coll. I, 5, in J. Zepos - P. Zepos, Jus Graecoromanum, Atene
1931 (rist. Aalen
1962; d'ora in avanti abbreviato in ZEPOS),
1, pp. 5s.). 2% Secondo Giustiniano, infatti, le istituzioni dell'Impero devono
portare
nomi
ro-
mani, i quali a loro volta presuppongono determinati valori culturali: Nov. 29,1 p. 219, 9-10; Nov. 31,1,3 (cfr. Nov. 21 praef. p. 145,1-2); cfr. anche Nov. 28,1. Sulle implica
zioni culturali delle leggi romane, cfr. SHERWIN-WHITE, loc. ult. cit. Sull'incapacità da parte dei barbari di vivere in uno "Stato di diritto", cfr. per tutti LECHNER, op. cit, pp. 76 ss.; 87 s.; 101;
1095.
2 Nelle costituzioni latine viene usato sempre il semplice aggettivo: [C. 8,51(52),3,1; const. Imperatoriam
$ 1; Nov. 36 pr.]; Romanum
Romana
imperium
2,58(59)2 pr; 8,10,13; const. Tenta, pr. = C. 1,172 pr.); Romanum
dicio
(C. 1,29,5;
ius (C. 3,1,14,1;
const. Deo auctore $ 4 = C. 1,17,1,4; const. Tanta $ 12 = C. 1,17,2,12); Romanae leges (C. 3,1,14,3; 7,15,1,3); Romanus orbis (C. 6,23,31,1; 6,51,1); populus Romanus (I. 1,1,2);
Romanus
princeps
Deo auctore
(C.
$ 2 =
Riferite a tempi p. 332,25);
imperium
3,28,35
C. 117,12;
pr.;
const.
passati s'incontrano Romanum
Imperatoriam,
const. Tanta, pr. (C.
e $ 21
le espressioni:
1,27,2,4a);
Romanum
pr.); =
C.
Romana iugum
Romana 172
sanctio
(const.
pr. e $ 21).
dicio (Nov. (Nov.
62 praet.
62 praef. p. 332,
24); Romanum nomen (Nov. 17 prooem. p. 117,15); populus Romanus (const. Deo auctore $ 7 = C. 1,17,1,7; C. 6,51,1; Nov. 62 praef. p. 332,26); Romani principes (Nov.
app. VII, 20 p. 801,47 e 49).
Nelle costituzioni greche si trovano invece sia il semplice sostantivo Ῥωμαῖοι (Nov. 1 praef. pr. p. 1,13; Nov. 21 praef. p. 145,4; Nov. 28 praef. p. 213,7; Nov. 105 praef. p. 501,11; più spesso ancora esso è riferito a una più o meno risalente antichità; Nov.
2 praef. p.
148,40;
pr. p. Nov.
10,15; 24
Nov.
praef.
13 praef. p. 99,20;
p. 189,7;
Nov.
25
Nov. 26,2 pr. p. 205,8; ibid. 42 p. 207,30; Nov. p. 227,25 e 28; ibid. 11,2 p. 234,36;
Nov.
ibid.
praef. p.
1,1
p.
196,21;
100,21; ibid.
Nov. 2 pr.
222 p.
pr.
198,12:
30 praef. p. 223,35 e 224,2; ibid. 5
105 praef. p. 500,31
e 34-35),
sia il genitivo
Ῥωμαίων ο τῶν Ῥωμαίων, che accompagna e qualifica altri sostantivi quali: ἀρχή (Nov. 1 epil. p. 9,41; cfr. Nov. 25 praef. p. 196,7-8 e 19); βασιλεία (Nov. 86 praef. p. 419,19-20); vi (Nov. 8,10,2 p. 74,28; cfr. Nov. 25 praef. p. 196,6); νόμιμα (Nov. 21,1 p. 145,29); νομοθεσία (const. Δέδωχεν, pr. e $ 12; Nov. 89 praef. p. 42822); νόμος o νόμοι (Nov. 7 epil. p. 62,30; Nov. 21 rubr. p. 144,31-32); ὄνομα (Nov. 24,1 p. 189,28; cfr. p. 190,25);
πολιτεία (const. Δέδωχεν $ Gb; Nov. 1 praef. p. 1,11; Nov. 18 praef. p. 127,29-30; Nov. 74 praef. pr., p. 370,17; Nov. 105 praef. p. 501,7); πράγματα (Nov. 47,1,1 p. 285,34); σχήματα (Nov. 21 praef. p. 145,3). Molto più raro è l'uso dell'aggettivo ‘Pupaïxé, che ad ogni modo accompagna il termine ἀρχαί in Nov. 21 praef. p. 145,1; la parola τάξις in Nov. 25 praef. p. 196,14; il vocabolo ὄνομα in Nov. 47 praef. p. 283,26. Sull'espres-
sione βασιλεὺς Ῥωμαίων nelle fonti giustinianee cfr. AMELoTTI, "Giustiniano βασιλεύς", Studi Biscardi, II, Milano
282
1982, pp. 101 s.
nianea troviamo semplicemente il termine Ῥωμαῖοι riferito ai nei, il contesto non permette grandi approfondimenti: in due contrappongono agli Tzani, il cui territorio hanno occupato *; un attribuisce ai Romani la pratica di determinate leggi, che devono tate anche dagli Armeni ?; il quarto brano infine, auspicando che
contemporatesti essi si terzo passo essere adotl'istituzione
del consolato resti in vita presso i Romani *, non fornisce la benché minima indicazione. Rimane quindi indeterminato se, ad esempio, l'imperium, la πολιτεία, il territorio dei Romani coincidano con il complesso dei cittadini romani e con le regioni da essi abitate oppure se abbraccino anche i paesi alleati o eventualmente tutto l'Occidente romanizzato poi occupato dai barbari; proprio questa indeterminatezza consiglia di collocare tali espressioni in una categoria a parte, diversa almeno potenzialmente dall'accezione giuridica in senso stretto. Si puó peraltro già anticipare che, benché il nostro studio sia specificamente indirizzato a chiarire la questione della cittadinanza, da esso risulterà pure che le costituzioni giustinianee usano normalmente (nel senso che non ἃ mai accer-
tabile con sicurezza un significato diverso) le espressioni indicate sopra con riferimento all'organizzazione politica, alle leggi, al territorio dei cittadini romani,
o, più
esattamente,
dell'imperatore
e dei
suoi
subiecti,
e quindi
nel senso che chiameremo ‘giuridico’. A questo proposito è opportuno ricordare, pur se fuggevolmente, che nella legislazione di Giustiniano non si trova traccia di un uso del termine Romanus che potremmo definire ‘militare’: negli storici dell’epoca, specialmente in Procopio, sono qualificati come Ῥωμαῖοι o come Ῥωμαίων στρατός
i soldati dell'esercito imperiale, qualunque sia la loro appartenenza etnica o
giuridica !, 6) Accezione che potremmo chiamare ‘strettamente giuridica’: il termine
Romanus accompagna civis o civitas (molto più raramente altre espressioni) per 2 Si tratta di Nov. 1 praef. pr. p. 1,13 e di Nov. 28 praet. p. 213,7. Poiché, come si vedrà infra al $ 8, agli Tzani viene attribuito uno sfafus di semicittadinanza, la distinzione non è del tutto priva di ragion d'essere, ma risente del fenomeno illustrato supra alla nota 15.
2 Nov. 21 praef. p. 145,4. La contrapposizione non implica il fatto che gli Armeni stessi non
siano considerati
Romani
in senso
politico e giuridico
(cfr. infra la nota
78
e il $ 7); essa significa semplicemente che sul piano culturale i primi non si sono spo gliati
di
certi
loro
costumi
incompatibili
Giustiniano vede nel diritto dell'Impero. % Nov. 105 praef. p. 501,11.
con
il modello
universale
di
giustizia
che
.
3 Cfr., ad es., Malal, XVIII, p. 4479 Bonn; Proc, BP 2,1,5; 2,321; 220,19; 221,14; BV 2,14,12; BG 1,17,17; 1,28,3; 2,1,21-22; 22732; 3,33,13; 3,39,17-19; 48,
21-27; 4,26,5 e 9-13; 4,34,4. Sulla consistenza dell'apporto barbarico agli eserciti di Giustiniano, cfr. TEALL, "The Berbarians in Justinian's Armies", Speculum, 40 (1965), pp.
294 ss.
Significativa a questo proposito à l'iscrizione ritrovata ad Aquincum (Budapest) e pubblicata in CIL III, 3576 = Dessau, ILS 2814 = BücueLER, CLE, 620, purtroppo non databile con precisione: « Francus ego cives, Romanus miles in armis | egregia virtute tuli bello mea dextera sem[p]er ».
283
indicare appunto lo status di cittadinanza dell'Impero *. In sé e per sé tale uso non si differenzia molto da quello che abbiamo chiamato ‘politico’: la civitas è Romana come l'imperium è Romanum, le leggi sono Romanae e cosf via. Tuttavia la questione della cittadinanza e lo status che essa comporta hanno, proprio con riferimento alla tradizione romana, un rilievo particolarissimo sul piano del diritto sia pubblico sia privato; le espressioni civis Romanus, civitas Romana possiedono una connotazione tecnica che merita di essere isolata rispetto ad altre accezioni di Romanus in cui, come si è già detto, tale valore tecnico non ἃ a prima vista accertabile con sicurezza e che suonano quindi piá generiche. À questa distinzione di ambiti porta anche un'altra considerazione, Benché nelle costituzioni giustinianee ció non avvenga, — e probabilmente nemmeno in altre leggi del Codex Iustinianus 9, — i giuristi del VI secolo, specialmente se di lingua greca, usano spesso il termine Ῥωμαῖος da solo, come sostantivo, anche per indicare il cittadino romano in senso tecnico *. Ma sicuro che nel linguaggio dell'epoca, e talvolta anche in documenti ufficiali,
ῬΡωμαῖοι possono essere intesi da un lato, come si è visto,
in accezioni più ristrette, ma dall'altro in senso più ampio (accezioni definite sopra ‘politica’ e ‘militare’) rispetto a coloro che sono cittadini dell'Impero *. X Civitas Romana in questo senso: 7,6,1
$$
1c;
2;
6;
10;
11;
lla;
12a;
C. 3,33,16,3; C.
7,7,1,2;
5,16,27 pr.; 7,2,15,2a;
7,15,2;
ῥωμαϊχὴ
πολιτεία
7,6 rubr.; in Nov.
78
praef. p. 384,1; Nov. 78,5 p. 387,12; Romana condicio in C. 7,6,1,1a; ῥωμαϊχὴ εὐγένεια in Nov. 78,5 p. 387,14; civis Romanus/a in C. 6,27,5,1b; C. 7,6,1 $$ 1a; 3a; 5; 6; 7; 9; C. 1,15,2; πολίτης Ρωμαῖος in Nov. 78,1 p. 384,8. Romana civitas è invece la città di Roma in C. 1,1,8,31 e in Nov. app. VII, 25 p. 802,26. 3 C. 1,4,11 (a. 409) fa riferimento a Romanos captivos; C. 4,63,4,2 (a. 408 vel 409)
a qualche Romanus che «ad inbibita loca mercandi gratia... commeaverit »: in entrambi i casi è probabile che il termine abbia un significato politico piuttosto che strettamente giuridico.
# Ad
esempio,
mentre
le Istituzioni di Giustiniano
usano
correntemente
l'espres-
sione civis Romanus [I. 1,5,3; 19,2; 1,10 pr.; 2,10,1; 2,11,3; 2,17,6(5); 225 pr.; 3,7,4], la parafrasi di Teofilo vi sostituisce normalmente il semplice termine ῥωμαῖος (usato anche in par. 1,8,1; 1,10,1; 1,12,1; 2,23,1); solo in par. 1,5,3 (condizione dei liberti; cfr. peraltro anche 1,8 pr.) e 2,10,1 (testimoni nel testamento) traduce con πολίτης ῥωμαῖος; in
3,7,4 usa promiscuamente entrambe le espressioni. Per altri esempi, cfr. l'epitome di C. 7,6,1 secondo Teodoro [ed. SCHELTEMA, “Fragmenta breviarii Codicis a Theodoro Hermopolitano confecti e synopsi erotematica collecti", Studia byzantina neerlandica (Byzantina neerlandica, 3), Leiden 1972, p. 27] e la summa, doro, della Nov. 78,1 (ed. ZACHARIAE, Anecdota, Lipsiae 1843, p. 78); sione di D. 1,5,17 in Bas. 46,1,14(13) (BT 2219,7 s.) e quella di D. 24,29 (BT
et neobellenica sempre di Teoinoltre, la verin Bas. 287,15
1369,11).
35 Per il significato militare, cfr. supra la nota 31; il significato politico di Ῥωμαῖοι normalmente coinciderà con quello giuridico, ma talvolta comprende anche popoli alleati, i cui membri peraltro non si possono definire cittadini: ad esempio, Proc. BP 2,1,5 attesta che nei trattati fra Romani e Persiani non venivano mai menzionati i Saraceni alleati di entrambi, in quanto erano compresi nella denominazione di ‘Persiani’ o “Romani”. Un certo sostegno di quest’affermazione potrebbe trovarsi nel $ 1 di una novelia di Giustino II del 566 (Coll. I, 3 in ZgPos I, p. 6), dove vengono definiti "barbari Saraceni" quelli di essi che erano alleati dei Persiani; cfr. anche le espressioni usate da Malal., p. 434,23 e 447,9 Bonn, e da Proc. BP 1,17,47.
284
Da tutto quanto si è detto risulta quindi che il termine Roranus/‘Pwpaïoc non si può senz'altro intendere come equivalente a cittadino e che pertanto € necessario determinare altrimenti chi fossero questi ultimi.
2.
Cittadini e cittadinanza nella legislazione giustinianea.
Prima di procedere alle indagini indicate occorre peró esaminare quale importanza e funzione conservino nella nostra epoca le nozioni di cittadino e cittadinanza. È noto che i termini civis, civitas se non sono accompagnati dalla qualifica di Romanus/a,
indicano ormai
normalmente
l'appartenenza
a
una delle tante città che si trovano nell'Impero *; l'espressione civis Romanus — o civitas Romana — trova d'altra parte nella legislazione di Giustiniano un campo di applicazione singolarmente ristretto: tolte infatti due costituzioni latine — in cui si prevede l'ipotesi di perdita della libertà e/o della cittadinanza da parte di colui che fosse in possesso di tali status” — ed una novella greca, in cui si accenna incidentalmente alla constitutio Antoniniana*, i riferimenti alla civitas Romana riguardano esclusivamente le 36 Cfr. (Recueils
per tutti GAUDEMET, de la soc. Jean
Bodin,
"L'étranger IX),
au Bas-Empire",
I, Bruxelles
1958,
pp.
in AA.VV.,
L'étranger
215 5. e la contribuzione
del medesimo autore a questo seminario; ORESTANO, I! "problema delle persone giuridiche” in diritto
Empire
romano,
romain
I, Torino
1968,
de 312 à 565
p. 273;
DUPONT,
aprés Jésus-Christ",
l'antiquité, 3° S., 20 (1973), p. 326.
"Sujets
Revue
Corrispondentemente
et citoyens
internationale il termine
sous
peregrinus
ormái correntemente "estraneo a una determinata provincia o città":
le Bas-
des droits de significa
cfr. anche KASER,
Das Rómiscbe Privatrecbt, II, 2* ed., München 1975, p. 121 e n. 4; infra la nota 50. Per qualche esempio di un tale uso di civis, cfr. C. 9,29,3(4) (a. 385); 8,47,7 (a. 294);
1,28,4 (a. 391); 7,62,11 (Diocl. et Max, s); 10,40,7 (Diocl et Max., s.a); 11,41,5 (a. 409); 1,11,4 (a. 399); 8,11,12 (a. 396); 10,32,19 (a. 329); 10,43,3 (Diocl. et Max. sa.); 10,50(49),2 (Diocl. et Max., s.a.); 11,43(42),5 (a. 440-441); 11,43(42),4 (a. 397); 11,25(24),2,1
(a.
392).
Per
verità,
esso
non
si
rinviene
nelle
costituzioni
latine
di
Giustiniano (cfr. perd la subscriptio latina della Nov. 13 p. 105,17 e quella della Nov. 69 conservata dall'Aufbenticum, p. 354,38), ma un analogo uso di πολίτης è frequente in quelle greche:
cfr. C. 1,4,26,5 e 8; Nov.
13 epil.; Nov.
14 epil. p. 108,27; Nov.
p. 192,11 e 32; Nov. 52,1 p. 297,25; Nov. 89,22 p. 432,6; Nov.
24,3
103 praef. p. 497,7;
Nov. 118 epil p. 572,34; Nov. 159 epil. (formula di pubblicazione) p. 743,29; pió dubbio è invece il significato di πολίτης in C. 1,3,45,6; 6,48,1,25; 10,30,4,9; 12,63,2,4; sulla Nov. 36,6 vedi infra il $ 6 e la nota 86. Sullo schol. Ot ad Bas. 46,1,14(13) cfr. in[ra la nota 84.
3 C. 3,533,163. e C. 5,16,27 pr. entrambe dell’anno 530. Sui possibili significati di cives nella Nov. 36, anch'essa latina, cfr. infra il $ 6 e la nota 86. 38 Nov. 78,5. Sulla Nov. 14 epil. p. 108,35-36, cfr. infra la nota 166. Piuttosto misterioso è il significato del termine πολιτεία nella Nov. 89,11,2 p. 440,13:
Giustiniano, dopo
aver parlato dei modi di legittimazione dei figli naturali (oblazione alla curia, matrimonio successivo, rescritto del principe), conclude con la frase « ὥστε τούτων ἡμῖν νομοθετηθέντων xal φανερῶν γενομένων Bv προσήχει τρόπον εἰς πολιτείαν τε xal γνησιώτητα πεταχωρεῖν » che l’As-
£benticum traduce: « Quapropter bis a nobis sancitis atque manifestatis, quo conveniat modo ad civitatem romanam legitimorumque ius transire... ». Se veramente si tratta di cittadinanza romana, il riferimento potrebbe essere al c. 2,3 che permette l'oblatio curiae anche
ai figli nati da schiava
(cfr. anche c. 6 p. 435,23 55.), previa manumissione;
potrebbe
285
manumissioni e normalmente sono in relazione con l'abolizione degli status di Latinus Iunianus (o Aelianus) e di dediticius ®. Un quadro non diverso del resto si ottiene se esaminiamo il complesso delle costituzioni contenute nel Codex Iustinianus: quelle che menzionano la cittadinanza romana riguardano per lo più questioni attinenti alle manumissioni o ad ogni modo controversie sullo status libertatis *; altrimenti prevedono il caso che la cittadinanza possa essere perduta in conseguenza di una pena *., tacciono invece completamente su come possa essere acquistata (tranne appunto il caso di manumissione). Solo un'unica legge considera la qualità di cittadino romano come requisito per un atto giuridico (nella fattispecie la capacità di essere testimone in un testamento) ©.
Anche il quadro che emerge dalle Istituzioni 9 e dal Digesto " non si però anche trattarsi di un'allusione all'eventualità di figli avuti da un'unione con una donna straniera i quali diventerebbero legittimi e cittadini attraverso la legittimazione per rescriptum principis (il caso peró non ἃ espressamente previsto nel c. 5). Meno probabile, ma non impossibile, ἃ che il termine πολιτεία si riferisca alla cittadinanza locale
in cui il figlio entra
mediante
l'oblatio
curiae;
laggiunta «romanam » compiuta dall'Autbenticum. 8 C. 627,5,b; 7,2,152a; 7,6 rubr. e const.
in tal caso
1 $$
1a;
sarebbe
1c;
2; 3a;
ingiustificata
5; 6;
7;
9i
10;
11; ila; 12a; C. 7,72; 7,152. © C. 1432 (a. 321); 4,49,11 (a. 293); 4,57,1 (a. 222; 6,7,2,1 (a. 326); 7,12 (a. 293); 7,4,4 (a. 222?); 7,92 (Gordianus, s.a.); 7,9,3,1 (a. 290 o 293); 7,132 (a. 321); 7,16,5,1 (Alex. Sev., s.a.); 7,18,1 pr. (a. 239); 7,21,2) (a. 205); 7,21,4 (a. 228); 7,222
(a. 300). Solo C. 7,21,1 (Sever. et Anton., s.a.) potrebbe aver considerato una questione di status civitatis propriamente detta, non legata cioè a quella di status libertatis, ma non & sicuro.
al
4 C. 2,15,2,1 (a. 439); C. 9,51,3 (Alex. Sever., s.a.); C. 10,11,7 (greca, successiva 'a. 382). € C. 623,21 pr. (a. 439). C. 9,9,18 pr. (a. 258) ricorda che i cives nostri non pos-
sono contrarre più di un matrimonio;
4 Fanno
riferimento
alla
cfr. anche C. 5,5,2 (a. 285).
problematica
delle
manumissioni
I.
1,5,3
e 3,7,4;
alla
perdita della cittadinanza per deportatio I. 1,12,1. À questi testi se ne aggiungono perd uno relativo al matrimonio, che sarà discusso infra al $ 4 (I. 1,10 pr.) e alcuni relativi alla materia testamentaria: I. 2,10,1 (cittadini romani il libripens e i testimoni nel testa-
mento per aes et libram; il contesto però è nettamente storico); 2,17,6(5) (bomorum possessio concessa quando il testamento è diventato irrifum per effetto di una capitis deminutio;
romano
occorre però che ci fossero i sette
sui iuris al momento
della morte);
testimoni e che il defunto fosse cittadino
2,11,2)
(genericamente:
commun;
omnium
civium Romanorum iure, contrapposto alle norme speciali vigenti per i militari). Altri passi sono molto generici: I. 1,2,4 spiega che il populus è costituito dagli usiversi cives: I. 2,25 pr. riferisce che Trebazio dichiarò che i codicilli erano un istituto « utilissimum et necessarium ... civibus ». Solo I. 1,9,2, a proposito del ius... pofestatis sui figli,
afferma che esso « proprium est civium Romanorum:
nulli enim alii sunt bomines,
qui
talem in liberos babeant potestatem, qualem nos babemus»; cfr. anche 1,2,1-2; 1,3,4; 2,1,11; 2,5,6 e 2,6 pr. Il LomBarpi, Sul concetto di ‘ius gentium', Roma 1947, p. 312 osserva come nelle Istituzioni di Giustiniano l’uso del concetto di ius gentium sia svinco-
lato dal problema dell’applicazione dei vari istituti agli stranieri;
lo stesso vale per la
parafrasi di Teofilo (ibid. pp. 338 ss.).
# Qui sarebbe evidentemente inutile elencare tutti i passi del Digesto che parlano di cittadini o di cittadinanza;
Berolini,
286
1894 ss., "Civis"
per essi si veda il Vocabularium
e "Civitas".
Se
tuttavia
togliamo
iurisprudentiae Romanae,
i testi che
alludono
al
discosta molto dal precedente, benché essi contengano, com'è logico, qualche passo che risente di più vaste problematiche presenti nei giuristi classici. Il fatto è, ad ogni modo, che dalla legislazione giustinianea è assente il complesso delle questioni relative ai rapporti fra romani e stranieri, alla condizione di questi ultimi qualora siano dimoranti nell'Impero, all'acquisizione della cittadinanza romana da parte di uomini liberi che non la possedessero . Ciò è per noi tanto più strano in quanto l’epoca giustinianea è particolarmente ricca di eventi che dovrebbero per l’appunto coinvolgere una tale problematica: guerre e assoggettamento di territori con le relative popolazioni; frequente scambio di ambascerie e conclusione di trattati con numerose genti barbariche; intensificazione di rapporti con popoli anche lontani e quindi anche elevata affluenza di stranieri nel territorio dell'Impero * Per limitarci a qualche punto, non sembra privo di senso porci i seguenti problemi: a) gli abitanti di stirpi romanizzate viventi nei territori occidentali già appartenenti all’Impero e ora assoggettati alle dominazioni barbariche continuavano ad essere considerati cittadini dell’Impero? b) se tale risposta dovesse essere negativa, godevano di un trattamento diverso gli Italici viventi sotto la dominazione ostrogota?
civis come componente del populus e quelli che si riferiscono alle manumissioni o alla perdita della cittadinanza (per effetto di una sanzione, della prigionia di guerra o per qualche motivo non precisato), non resta molto: D. 1,1,9 e 41,1,1 pr. qualificano il ius civile come ius proprium civitatis, D. 1,5,17 ricorda la constitutio Antoniniana; D. 1,6,3 afferma che la potestas sui figli è un ius proprium civium Romanorum; D. 1,6,4
a sua volta rileva che i cives Romani
possono
appunto essere pafres familiarum o filii
familiarum; D. 24,229 prevede che siano cittadini romani i testimoni dell'atto di divorzio; D. 29,1220 pr. richiama il ius commune civium Romanorum —- contrapposto ai privilegi dei militari — in materia di codicilli; un passo della ἰεχ Falcidia citato da
Paul. D. 35,2,1 pr. prevede che un cittadino romano faccia testamento o che a favore del medesimo venga lasciato un legato; D. 48,6,7 ricorda il divieto di uccidere o fustigare un cittadino romano adversus provocationem (cfr. D. 1,2,2,16 e 23); D. 49,14,31-32 concernono la situazione degli ostaggi (cfr. D. 28,1,11). 55 Anche la constitutio Antoniniana è richiamata nella Nov. 78,5 non in relazione
alla problematica Romani-stranieri, ma come uno fra gli esempi di provvedimenti impe riali che concessero a tutti un diritto che in precedenza veniva attribuito solo a singoli dietro loro richiesta.
46 Proc., Anecd. 19,14 attesta l'alto numero di barbari che giungevano a Costantinopoli; secondo Anecd. 23,24 quelli che dovevano essere alloggiati dai privati erano 70 mila (molti probabilmente militari). In generale, cfr. DIEHL,
Justinien et la civilisation
byzantine au VI* siècle, Paris 1901, pp. 367 ss.; 533 ss.; Bury, History of the Later Roman Empire from the Deatb of Theodosius I to the Death of Justinian, London 1923 (rist. New York 1958), II, pp. 292 ss.; 316 ss.; BRÉHIER, Les institutions de l'empire byzantin (Le monde byzantin, II), 2° ed., Paris 1970 (1° ed. 1949), p. 234; Ip., La civilisation byzantine (Le monde byzantin, III) 2° ed., Paris 1970 (1° ed. 1950), pp. 165 ss.; CLAUDE,
Die byzantinische Stadt im 6. Jabrbundert (Byzant. Archiv, 13), München 1969, pp. 169 ss.; Prezer, "Die Gerichtsbarkeit über Auslünder im spätrômischen und Byzantinischen Rei
" , Revue intern. des droits de l'antiquité, 3" S., 17 (1970), pp. 395 ss.
287
c) la riconquista giustinianea dei territori già romani
dell'Africa, del-
l'Italia, della Spagna portó alla concessione immediata della cittadinanza anche a quei gruppi di stirpe barbarica che continuarono a risiedervi? d) l'assoggettamento di popolazioni orientali mai prima romanizzate (ad esempio gli Tzani) comportò automaticamente la concessione della cittadinanza romana? e) la cittadinanza veniva concessa anche a quei gruppi di disertori o di prigionieri di guerra (ad esempio Persiani) che acconsentivano a servire l'Impero ad esempio come militari “Ὁ f) avevano la cittadinanza quei capi di popoli barbari alleati a cui venivano concesse dall'imperatore dignità (ad esempio il patriziato, il consolato) o cariche, normalmente militari *? 3.
Rilevanza giuridica della distinzione fra cittadini e stranieri nel VI secolo: il problema.
Vi or ora schiavi chetta aveva
è tuttavia ancora una questione da affrontare, che rispetto a quelle proposte è in certo qual modo preliminare: a parte la condizione degli manomessi — del resto unificata anch'essa da Giustiniano sotto l'etidella cittadinanza romana — la distinzione fra cittadino e straniero un'effettiva rilevanza giuridica al tempo di Giustiniano? Esistevano
cioé norme particolari per i cittadini o istituti giuridici a essi soli accessibili?
Esistevano divieti che limitassero in qualche modo i rapporti fra cittadini e stranieri “Ὁ Se a queste domande si dovesse dare una risposta negativa, 4 Cfr, ad es, Proc, BP 1,1222 (disertori dalla Persarmenia); 1,15,27-32 (id.); 122,16 (Iberi rifugiatisi a Bisanzio); 2,19,25 (prigionieri persiani mandati in Italia a
combattere); BV
2,24,1-2 (Artabanes e altri disertori armeni, cfr. anche 2,27,17-18).
# Cfr., ad es, Proc, BP 2,29,20 (Goubazes, re dei Lazi, è silenziario); BG 1,62 (Teodato chiede la dignità di patrizio); inoltre, GuILLAND, "Le consul”, Byzention, 24 (1954), pp. 565s. = In., Recherches sur les institutions byzantines, Berlin/DDR 1967, II, pp. 53s.; Ir, "Les patrices byzantins du VI° siècle”, Palaeologis, 7 (1958-1959), pp. 271ss. = Recherches, cit., pp. 132ss.; BRÉHIER, Les institutions, cit., p. 241; CHuRYsos, "The Title Βασιλέυς in Early Byzantine International Relations”, Dumbarton Oaks Papers, 32 (1978), pp. 40; 47 5.; 55s.; 61; D'EMOUGEOT, La formation de l'Europe et les invasions barbares, II, 2, Paris 1979, pp. 670 s.; 699 s.; 816 s. Giustiniano sembra essere stato abbastanza parco nel concedere cariche ai capi barbari alleati; tuttavia, ad es., fu lui a creare magister militum il capo barbaro — ma di madre latina — Cutsinas o
Cusina:
cfr. Coripp., Iobann.
49 Questo
8(7), 265-271
(MGH,
problema, per quel che ne so, sembra
AA
III, 2, p. 101).
essere stato completamente
trascu-
rato dagli studiosi più recenti. L'ampia trattazione dell'ALBANESE, Le persone nel diritto privato romano, Palermo 1979, si limita a rilevare che «in epoca giustinianea ... l'interesse dell'ordinamento al riguardo (della cittadinanza) è ben scarso» (pp. 1775s.) senza tentare né di spiegare questo fatto né di accertare i limiti della rilevanza dell'istituto;
il KAsER
dal canto suo (op. cit., II, pp.
120 58.) tace completamente
sull'argomento, e
cosí fa la maggioranza dei manuali. Alla fine del secolo scorso l'opinione prevalente era che
nel VI secolo non vi fossero piü differenze giuridiche fra stranieri e cittadini: cfr. NANI,
288
l'interesse delle questioni poste in precedenza cadrebbe e lo scarso rilievo dato alla cittadinanza nella legislazione giustinianea troverebbe una spiegazione molto semplice: esso dipenderebbe infatti dalla nessuna o molto scarsa rilevanza giuridica del concetto stesso. Naturalmente non si tratta qui di esaminare e discutere tutti gli aspetti in cui secondo il Corpus iuris la condizione giuridica dello straniero potesse essere diversa
da quella
del cittadino
romano
(tematica
che
richiederebbe
uno studio specifico di notevole ampiezza), ma di vedere se ne esiste almeno qualcuno che abbia una certa importanza. Né la questione sembri oziosa per il fatto che, come si è rilevato, numerosi passi del Corpus iuris prendono in
esame le conseguenze della cosiddetta capitis deminutio media: potrebbe darsi infatti che le numerose incapacità derivanti da tale deminutio venissero concepite come pene accessorie specialmente collegate a una determinata condanna ‘ piuttosto che non come conseguenza dell'essere ridotto nella categoria giuridica di straniero ?. In altre parole, potrebbe darsi che le incapacità commiStoria del diritto privato italiano, Torino 1902, p. 57; in seguito però sembra essere stata maggiormente accolta la tesi secondo cui anche in età giustinianea gli stranieri
sarebbero stati capaci solamente in base al ius gentium:
cfr. FERRINI, Manuale di pan-
dette, cit., p. 64; TRIFONE, Le persone e le classi sociali nella storia del diritto italiano, 2" ed., Napoli 1933, pp. 242s.; questa convinzione può spiegare il silenzio dei manuali
più recenti. L'eventualità che vi fossero diverse categorie di stranieri non
è presa
in
considerazione. Problema un po’ diverso è evidentemente quello dei divieti di alienare ai barbari determinate merci (frumento, olio, vino, ferro, armi ecc.: cfr. Vismara, “Limitazioni al commercio internazionale nell'impero romano e nella comunità cristiana medioevale”, in Scritti beatificazione Ferrini, Milano 1947-1949, I, pp. 443ss.; KasER, op. cit, II,
pp.
121
n. 16; 267s.):
non è che l'alienazione di esse comporti
cui gli stranieri siano incapaci, —
particolari negozi di
come era in antico per le res mancipi —,
ma
sempli-
cemente è proibita l'esportazione di determinati oggetti per motivi di interesse pubblico. Del resto, anche tra i cittadini era vietato il commercio di certi beni, ad esempio la porpora (C. 4,40,1-2; per le armi, cfr. Nov. 85,3 pr.). Ad ogni modo, uno studio sull’applicazione pratica di tali divieti potrebbe essere interessante anche ai nostri fini, per
sapere nei confronti di quali popoli si applicavano: qualche notizia è ad esempio in Proc., Anecd., 2534; cfr. anche infra la nota 175. 50 Questa è ad esempio la concezione che l’ArcHI, L'Epitome Gai. Studio sul tardo diritto romano in Occidente (Fondazione G. Castelli, 15), Milano 1937, pp. 109; 183 59. attribuisce all'epitome Gai e al mondo postclassico in generale (cfr. peraltro le precisazioni contenute a p. 185 n. 16). Sulla progressiva perdita del significato tecnico originario
da parte del termine peregrinus, cfr. anche KUBLER,
"Peregrinus", RE, XIX,
1 (1937),
col. 655; KASER, op. cif., p. 121 e n. 4; essa risulta evidente anche quando la Nov. 78,5 scrive «ix τῶν χαλουμένων peregrinuv». Fuori di questo passo, il vocabolo non è usato nelle costituzioni giustinianee; non compare nemmeno nelle Istituzioni di Giustiniano, ma è richiamato da Theoph., Inst. par. 1,2,7 (ed. Ferrini, p. 15), dove è spiegato come equivalente a ξένος xal ἔπηλυς; 1,5,3 p. 23; 1,12,1 p. 57; 2,23,1 p. 238 (cfr. anche Lomsarpi, Sul concetto cit., pp. 339 s., n. 4). Esso è poco frequente anche nel Codice: una sola volta allude alla capacità (C. 6,24,1: Titus Aelius Antoninus, s.a.), due volte si
riferisce genericamente agli estranei all'impero (C. 4,6,3:
Honorius
et Theodosius,
post
a. 409; C. 6,24,7, a. 285), mentre negli altri tre casi indica semplicemente la lontananza. Lo schol. ad Tbeopb. par. 2,23,1 (ed. FERRINI, Opere, I, p. 192) spiega il termine come
equivalente a ξένους ᾿ τουτέστιν ἔξωθεν τῆς ῥώμης οἰχοῦντες, mostrando quindi di non intendere più il significato originario; cfr. anche infra la nota 84.
289
nate a colui che avesse perso la cittadinanza fossero intese come sanzioni per il comportamento indegno che aveva appunto condotto alla condanna e alla conseguente capitis deminutio piuttosto che come incapacità gravanti di per sé su qualsiasi straniero, È possibile, in sostanza, che ci fossero diverse categorie di stranieri con differente trattamento giuridico: quelli che erano semplicemente estranei all'Impero e quelli che, già cittadini romani, erano decaduti da tale condizione in seguito a una condanna penale. In effetti, se esaminiamo l'unica costituzione di Giustiniano che preveda la perdita della cittadinanza romana lasciando salva la libertà, siamo subito indotti alla cautela: essa infatti afferma che tale capitis deminutio estingue l'usufrutto, ma sarebbe senz'altro affrettato trarne la conseguenza che in epoca giustinianea l'usufrutto non era accessibile agli stranieri *.
In realtà, bisogna riconoscere che in tutta la compilazione giustinianea non esiste nessun testo che in maniera chiara ed esplicita ponga limiti alla capacità giuridica degli stranieri in quanto tali (prescindendo cioè dai capite minuti). Certo, in due passi si prevede che i testimoni di determinati atti giuridici (testamento, divorzio) siano cittadini romani *; altri testi più o meno 5 C. 3,33,16,3
(a. 530), mentre
in C. 5,16,27 pr. la perdita
della cittadinanza è
prevista come conseguenza della captivifas presso i nemici. Per quanto riguarda l'accessi-
bilità dell’usufrutto agli stranieri, già in epoca classica era possibile costituire un diritto dello stesso contenuto tutelato imperio magistratus (cfr. Grosso, Usufrutto e figure affini nel diritto romano, 2 ed., Torino 1958, p. 296); inoltre, la costituzione di esso pactionibus et stipulationibus, relativa in precedenza ai soli fondi provinciali, in epoca giustinianea si generalizza sostituendosi Kaser, op. cit., II, p. 304 e n. 22.
all'in iure cessio:
Grosso,
op. cit., pp.
365 ss.;
Per l’esistenza dell'usufrutto o di figure affini ad esso nel diritto dei papiri, cfr. con diverso orientamento, WENGER, Die Quellen des ròmischen Rechts, Wien
1953, pp. 770 s.;
TAUBENSCHLAG, The Law of Greco-Roman Egypt in the Light of tbe Papyri, 2° ed. Warszawa 1955 (rist. Milano 1972), pp. 262 5.; Semi, Rechtsgeschichte Agyptens als rômische Provinz, Sankt Augustin 1973, pp. 160 5. 52 Si tratta di D. 24,2,9 (relativo all'atto di divorzio) e di C. 6,23,21 pr. = Nov. Tb. 16,2 (a. 439). Anche I. 2,10,1 ricorda che nel testamentum per aes et libram i testimoni e il libripens erano cittadini romani puberi, ma la notizia è inserita in un contesto netta-
mente storico e non si capisce se tale regola valga anche per il presente. Ad ogni modo, è difficile sapere come le fonti precedentemente citate venissero interpretate: potrebbe anche darsi che si intendesse che i testimoni dovevano essere cittadini romani quando tale era anche la parte che compiva l'atto, oppure che si interpretasse l’espressione nel senso che non poteva trattarsi di persone che avessero perduto la cittadinanza, lasciando impre-
giudicato il discorso sull'ammissibilità di stranieri. Astrattamente parlando (ma cfr. I. 2,10,6) nulla vieterebbe anche di pensare che si richiedessero testimoni romani a un atto
compiuto
da
uno
straniero
qualora
ciò
avvenisse
in
territorio
romano:
si
tenga
presente infatti che i testimoni dovevano essere presenti all'apertura del testamento e inoltre che dovevano essere facilmente reperibili in caso di controversia giudiziaria. Sta di fatto che, mentre le traduzioni greche di D. 24,9,1 riportano ancora il requisito della romanità dei testimoni [Bas. 28,7,15 (BT 1369,11), cfr. lo schol. Τοῦ αὐτοῦ, ibid. (BS 1878,16)], quelle di C. 6,23,31 pr. ne tacciono completamente: cfr. la suma attri-
buita a Stefano, ed. ZacHARIAE,
Anecdota,
Lipsiae
1843, p. 181;
inoltre, Procb.
21,15
(ZEPos II, p. 170); Epan. 29,16 (ibid., p. 325); Syn. Bas. mai. A, 4,25 (ZePos V, p. 190: cita Bas. 35,2,16); Epan. aucta 27,15 (Zepos VI, p. 143); Harmen., Hexab. 5,1,35. Il mo-
tivo di tale differenza è probabilmente
290
da vedersi nel fatto che, mentre
l'ordinamento
esplicitamente presuppongono che la testamenti [actio attiva e passiva sia propria dei soli cíves 9; che il matrimonio riconosciuto e tutelato dalle leggi
sia solo quello tra persone che possiedono la cittadinanza *; che la patria potestà disciplinata dal diritto dell’Impero si eserciti solo da parte di cittadini romani e su persone che godano dello stesso status. Quello che resta oscuro è come fossero interpretati questi testi nell'epoca di Giustiniano, cioè se da essi effettivamente si desumesse quello che il nostro occhio quasi istintivamente — tenendo conto dei precedenti classici — vi legge. Purtroppo, raramente le versioni e gli scolii contenuti nei Basilici offrono qualche aiuto al proposito, ciò che, quando si tratta di lacune della tradizione manoscritta, sembra confermare lo scarso interesse che tali questioni avevano per i giu-
risti del VI secolo 56, 4.
Segue: persistenza della distinzione in tema di matrimonio.
Ad ogni modo, mi sembra che dalle testimonianze del secolo VI e da quelle di epoca successiva si possa desumere che in età giustinianea una rilevanza della distinzione fra cittadini romani e stranieri sussisteva pur sempre per il matrimonio — e quindi per il successivo divorzio — richiedeva la cittadinanza delle parti, il testamento era ammesso anche se redatto da uno straniero (cfr. anche infra
la nota 68). % L'assenza di testamenti [actio activa risulterebbe
ad esempio
dal combinato
di-
sposto di 1. 2,10,6 (testimoni del testamento possono essere solo coloro con cui v'é la testamenti factio) e di C. 623,21 pr. (i testimoni del testamento devono essere cittadini romani); inoltre, da D. 35,2,1 pr. (passi della lex Falcidia secondo cui i testatori sono cives Romani) e da D. 28,1,11, che prevede che gli ostaggi non possano testare se non sia loro espressamente permesso (cfr. D. 49,14,31-32). Lo stesso principio si puó desumere anche da I. 2,17,6(5) e D. 32,1,2, ma questi passi potrebbero essere facilmente interpretati come se riguardassero esclusivamente i casi di capitis deminutio.
Per quanto riguarda la festamenti factio cosiddetta passiva, si può ancora citare D. 352,1 pr. che prevede che erede o legatario sia un cittadino romano; inoltre Theoph., Inst. par. 2,23,1, che giustifica l'origine dei fedecommessi con il fatto che non sí potevano lasciare eredità e legati ai peregrini (ma il contesto & nettamente storico); C. 6,24,1,
secondo cui i deportati non possono ricevere l'eredità in quanto peregrini; si potrebbero addurre anche D. 28,5,6,2 e 28,5,60(59),4, ma essi riguardano possono agevolmente essere intesi in senso restrittivo.
la capitis
deminutio
e
Si ricordi peraltro che anche in epoca classica i peregrini alicuius civitatis potevano testare secondo le leggi della loro città: ΤῊΣ. ex corp. Ulp. 20,14. 55 I. 1,10 pr.; questo punto sarà approfondito fra poco. 55 D. 16,3 e I. 19,2 qualificano la patria potestà come istituto del ius civile; la conseguenza di cui nel testo è espressa in Theoph. Inst. par. 1,12,1 (cfr. Gai. 1,128);
D. 1,6,4 considera la distinzione tra patres familiarum e filii familiarum come tipica dei cives Romani.
come
56 Cfr. supra la nota 52. La capacità di testare e la patria potestà sono qualificate istituti di ius civile nello schol. Πόλεως ad Bas. 60,51,16,2 (ed. Heimbach, VI,
p. 863) e nello schol. Τῶν πολιτικῶν ad Bas. 60,54,15
(ibid., p. 892),
probabilmente
en-
trambi recenti. Peró le traduzioni dei testi citati supra alla nota 53 inserite nei Basilici — versioni che appartengono al secolo VI o tutt'al pi agli inizi del VII — fanno normalmente scomparire gli elementi che potrebbero dare luogo a discriminazioni per gli stranieri; cfr. anche infra le note 68 e 69.
291
quanto al matrimonio ”: infatti le nozze riconosciute e regolate dal diritto sono esclusivamente quelle fra cittadini romani; l'eventualità di matrimoni fra Romani e stranieri non viene espressamente menzionata, ma vi sono motivi
per credere che essi non fossero tutelati dal diritto come tali *. E ben vero, infatti, che Giustiniano non inserisce nel suo Codice la costituzione del Codex
Theodosianus che vietava sotto pena di morte le nozze tra provinciales e barbari (o gentiles) ?, ma è anche vero che le Istituzioni prendono in considerazione solo le unioni matrimoniali dei cives Romani inter se, espressione
che allude a quelle tra un romano e una romana, come risulta con tutta chiarezza anche dalla parafrasi di Teofilo 9, Nella formulazione data da costui la 5! Gli studiosi moderni, per quanto ne so, non hanno approfondito il problema e non sono sempre espliciti al proposito. Il BoNFANTE, Corso di diritto romano. 1. Diritto
di famiglia, Roma nianeo
le nozze
1925, p. 196 — rist. Milano 1963, p. 268, pensa che in diritto giusticon
«barbari
accampati
nell'impero » siano
«lecite,
ma
ben
s'intende,
iuris gentium », il che equivale perd a dire che esse sono prive dei normali effetti del matrimonio
romano
(sull'espressione
matrimonium
iuris gentium
cfr. la discussione
del
Corsett, The Roman Law of Marriage, Oxford 1930, pp. 96 ss.); analogamente si esprime il ROBERTI,
Svolgimento
storico del
diritto privato
in Italia, III, 2* ed., Padova
1935,
p. 146, mentre il TRIFONE, Le persone, cit., p. 243 ritiene che fosse « consentito il matrimonio
tra Romani
e peregrini, sebbene
i figli seguissero
la condizione
peggiore ». Altri
autori non assumono una posizione esplicita, ma non ricordano più la cittadinanza delle parti fra i requisiti del matrimonio giustinianeo: cfr., ad es., BRUGI, Istituzioni di diritto privato romano (Diritto privato giustinianeo), 3" ed., Torino 1926, pp. 456 ss.; VOLTERRA, Lezioni di diritto romano. Il matrimonio romano (Anno accad. 1960-1961), Roma, s.d., pp. 338 s.; Ip., Istituzioni di diritto privato romano, Roma 1961, pp. 658 ss.; Ip., "Matrimonio (diritto romano)", Enciclopedia del diritto, XXV (Milano 1975), pp. 785 ss., mentre il CORBETT, op. cit., pp. 29 s. non affronta assolutamente il problema. Dal canto suo, il KASER, op. cit., II, p. 164 si limita ad osservare che l'estensione della civitas Romana toglie
importanza
alle limitazioni matrimoniali
dovute
alla mancanza
di essa (cosí sostanzial-
mente già il Di Marzo, Lezioni sul matrimonio romano, Palermo 1919, rist. Roma pp. 42 ss.). Più espliciti sono il BroNpr, I! diritto romano cristiano, III, Milano
1972, 1954,
p. 85, il quale ritiene che nessuna incapacità colpisca pit gli stranieri in questo campo; in senso opposto il RoBLEDA, El matrimonio en derecho romano, Roma 1970, p. 177 e note 79-80, che pensa che il diritto giustinianeo riconosca solo il matrimonio fra i cives, ma poi afferma (nota 80) che l'ipotesi di nozze fra cives e barbari è diversa da quella che in antico contrapponeva cives e peregrini.
S Dai principi generali
[I.
1,10,12;
cfr. anche
l'adultera nel diritto giustinianeo e bizantino (Univ. dico II, 157), Torino 1975, p. 47, n. 47] e dalle nota 60) si desume che tali matrimoni erano nulli. casi di concubinato (per gli effetti di esso in epoca
Goria, Studi sul matrimonio
del.
di Torino - Memorie dell'Istit. giuriespressioni di Teofilo (cfr. infra la È possibile che fossero trattati come giustinianea cfr. per tutti ROBLEDA,
op. cit., pp. 280 ss.); peraltro non è escluso che i giudici operassero spesso in via equitativa oppure che usassero il termine Ῥωμαῖος in tutta l'elasticità che questo consentiva. 5 CTb. 3,14,1 (a. 370 o 373 ?); cfr. KASER, op. cit., II, p. 164 e n. 17 e il volume del Soraci, Ricerche sui conubia tra Romani e Germani nei secoli IV-VI, Catania 1968. La costituzione venne invece conservata nel Breviarium Alaricianum; solo in seguito un re
visigoto, forse Leovigildo, permise le nozze fra Romani
e Goti;
cfr. Lex Visigotborum
3,11. 9 I. 1,10 pr: «Iustas autem nuptias inter se cives secundum praecepta legum. coeunt ..». In sé e per sé questa
Romani contrabunt, qui espressione non è priva
di ambiguità: potrebbe infatti voler dire che i requisiti o gl'impedimenti previsti per i matrimoni tra cittadini non si applicano necessariamente a quelli con stranieri. Ma il fatto
292
disposizione viene poi riportata nel Prochiron e nei Basilici 5; prima ancora della redazione di questi la sussistenza del principio & attestata da una dispoche l'imperatore rinunci ad applicare il proprio diritto alle unioni miste sarebbe già di per sé un
po’ strano e tanto piá strano diventerebbe
questo
riguardo per gli stranieri
se si considera che di essi la legislazione giustinianea non sembra occuparsi granché. La parafrasi di Teofilo sostituisce a cives Romani il semplice Ῥωμαῖοι (p. 39) ma non risolve in questa sede l'ambiguità; però al $ 1 si esprime cosí: « Ἐπειδὴ δὲ εἰρήχαμεν ὅτι ἔννομος γάμος
ἐστίν,
ἡνίχα
ῥωμαῖος
ὑπερβὰς
ιβ᾽ ἐνιαντῶν ...» (p. 40 Ferrini):
τὸν
18°
ἐνιαυτὸν
ἀγάγηται
ῥωμαῖαν
οὖσαν
μείζονα
τῶν
di qui sembra potersi desumere che la qualità di Romani
di entrambi i coniugi è un requisito per la legittimità delle nozze non meno di quanto lo sia la pubertà; cfr. anche ibid. p. 42: « ἐλέγομεν ἐν τοῖς προλαβοῦσιν, ὅτι οὐχ ἀεὶ ῥωμαῖος ῥωμαίᾳ συναπτόμενος ἔννομον γάμον ἀποτελεῖ διὰ τὸ εἶναί τινας κεχωλυμένους »; cioè lo status
di Romani dei nubendi ἃ condizione necessaria ma non sufficiente per la legittimità del matrimonio. Né si può pensare che il richiamo di questo requisito intenda prospettare esclusivamente l'eventualità che uno dei nubendi
abbia perduto la cittadinanza
in seguito
a una condanna penale; proprio questo caso infatti potrebbe costituire un'eccezione giacché, come in diritto giustinianeo la deportatio non scioglie il matrimonio già contratto (cfr. D. 24,1,13,1; 48,20,5,1; C. 5,17,1; 5,16,24,2; Nov. 22,13), cosf si potrebbe pensare che non crei ostacolo alla costituzione di esso, benché
Del resto il principio secondo cui i matrimoni
ció non
sia detto espressamente.
riconosciuti dal diritto erano
solo
quelli tra Romani sembra essere stato desunto, nel VI secolo, anche dalla celebre definizione del matrimonio formulata da Modestino e riportata in D. 23,2,1 = Bas. 28,4,1 (BT 1325,4 ss.) e in altre fonti bizantine (cfr. CASTELLO, "La definizione del matrimonio se-
condo Modestino”, Utrumque ius, 4 [1979], pp. 282 ss.); come è noto, essa recitava fra l'altro:
« Nuptiae
sunt ... divini et bumani
iuris communicatio », espressione che la tra-
duzione accolta nei Basilici interpreta come « θείου τε xal ἀνθρωπίνου δικαίου χοινωνία ». Essa viene spiegata cosf dallo scolio Πληρώσας ad Bas., ibid. (BS 1815,105.): « δεῖ γὰρ τὸν ἄνδρα xal τὴν γυναῖχα μὴ μόνον ὑπὸ τοὺς αὐτοὺς εἶναι νόμους, ἀλλὰ
γὰρ
δεῖ xal τῆς αὐτῆς
θρησκείας τε xal αἰρέσεως ἐπ᾽ ἴσης σέβειν τὸ θεῖον»; lo scolio è molto probabilmente antico, giacché è riportato anche in Epit. 23,1 (Zepos IV, p. 409), e forse appartiene a Stefano. I coniugi dovevano
dunque
vivere sotto le stesse leggi, cosa realizzabile solo se avevano
la stessa cittadinanza o se la parte non cittadina diventava tale per effetto del matrimonio (fenomeno non attestato nell'antichità romana
e nemmeno
sotto Giustiniano). Cfr. anche
CASTELLO, op. cit., pp. 289 ss.; ZACHARIAE VON LINGENTHAL, rômischen Recbts, 5* ed., Berlin
1892 (rist. Aalen
Geschichte des griechisch-
1955), p. 62 e n. 85.
L'interpretazione adottata del passo citato delle Istituzioni giustifica anche la norma di D. 24,2,9 = Bas. 28,7,15 (BT 1369,10 ss.), secondo cui i testimoni dell'atto di divorzio devono essere cittadini romani (Ῥωμαῖοι nella versione accolta nei Basilici; πολῖται Ῥωμαῖοι nella traduzione di Doroteo, riportata nello scolio Τοῦ αὐτοῦ, ibidem: BS 1878,15 ss): se
il matrimonio testimoni
avviene
dell'atto
tra Romani,
di divorzio.
Per
ἃ abbastanza verità,
non
logico che debbano sembra
comunque
che
essere
Romani
la norma
i
di D.
24,299 abbia trovato grande applicazione nella pratica: cfr. Levy, Der Hergang der rümiscben Ebescheidung, Weimar 1925, pp. 130 ss. $1 Cfr. Proch. 4,2 (Zeros II, p. 124 s.); Bas. 28,4,50(46) (BT 1337,20 ss.); l'Epanagoge invece non parla espressamente di Ῥωμαῖοι: « ἕννομος γάμος μεταξὺ ἀλλήλων cuve στῶμεν...» (Epan. 16,2: ZePos II, p. 275). Si noti che invece l'Ecloga (2,1: Zepos II, P. 18) si esprime cosf: « Συνίσταται γάμος χριστιανῶν .. » (cfr. già 1,1: ibid, p. 17); la stessa terminologia è impiegata dall'Ecloga privata aucta 2,1 (ZePos VI, p. 13; cfr. 1,1, ibid., p. 12), testo confermato anche dall'EPA Sinaïtica: cfr. l'edizione di essa curata da Simon - TroraNos in Fontes minores III (Forschungen zur byzant. Rechtsgesch., 4), Frank-
furt/M. 1979, p. 176,67; cfr. p. 175,40. Tale espressione ἃ assai poco perspicua: il Procbiron legum (o Procbiron Calabriae) del Cod. Vat. gr. 845 la intende nel senso di «κατὰ
τὸν νόμον τῶν
χριστιανῶν»
(2,1,
ed. Brandileone - Puntoni,
p. 7;
cfr.
1,1:
ibid.
Ρ. 3); se perd essa facesse riferimento alle persone legittimate a sposarsi, potrebbe signi-
295
sizione dell'imperatore Teofilo €; verso la metà del X secolo esso viene anche discusso e giustificato, sul piano della politica legislativa, da Costantino
Porfirogenito 9. Per tornare alle testimonianze di età giustinianea, Procopio, parlando di una regione dell'Armenia appartenente in parte all'Impero romano e in parte al regno persiano, nota come anomalo il fatto che gli abitanti delle due zone contraggano reciprocamente matrimoni
e intrattengano relazioni commerciali
reciproche *; è vero che egli non dice espressamente che tali unioni nuziali non fossero riconosciute dalla legge romana, ma ciò può essere desunto dal
fatto che egli le pone sullo stesso piano delle relazioni commerciali tra l'Impero e la Persia, le quali erano proibite, tranne che in certi luoghi espressa-
mente autorizzati dalle leggi 9. La testimonianza di Procopio è tanto più preziosa in quanto riguarda popolazioni che con tutta probabilità aderivano egualmente alla religione cristiana. Certo, qualche dubbio sulla ricostruzione avanzata può nascere sia dal fatto che in una materia cosf delicata ci si sarebbe aspettati disposizioni più esplicite sia dalla constatazione che alcuni matrimoni fra romani e persone estranee all’Impero per lo meno come origine e nazionalità sono attestati anche nel secolo VI; è probabile però che anche nella maggior parte di questi casi i coniugi avessero la stessa cittadinanza o avessero ottenuto l'autorizzazione imperiale; del resto, il fatto che una regola posta non sia sempre rigoficare tanto che i cristiani (ortodossi, beninteso) di origine straniera possono sposare dei cittadini, quanto che tutti i cristiani sono considerati cittadini. € Cfr. DOrcER, Regesten der Kaiserurkunden des ostrómiscben Reiches, I, MünchenBerlin 1924, p. 51 n. 422: intorno all'anno 830 Teofilo accolse in territorio romano un consistente gruppo di “Persiani” (probabilmente persarmeni e quindi cristiani, anche se
eretici) ribelli verso il califfo di Bagdad, li inserf nell'esercito e permise che sposassero persone romane. La tradizione di questo fatto più corretta da un punto di vista giuridico sembra essere quella di Genes., Regum lib. III, p. 55 Bonn, secondo cui l’imperatore
inserf
tali "Persiani"
cittadinanza)
nel
πολίτευμα
e conseguentemente
matrimonio con i Romani.
romano
permise
(cioè,
diremmo
loro di accedere
noi,
concesse
loro
la
agli onori, all'esercito e al
La possibilità di tali nozze, quindi, pur essendo espressamente
indicata nel provvedimento imperiale, doveva essere vista come conseguenza del pieno inserimento dei nuovi venuti nell'Imper^ e sottolineava che non si trattava del semplice stanziamento in territorio romano di popolazioni pur sempre considerate estranee. Alle fonti citate dal Dólger adde ora Skylitzes, Syn. Hist., Theophilos, 15, p. 67 Thurn. 6 Const.
Porphyr,
De
admin.
imperio
ed. Moravesix,
2" ed., Washington
1967,
pp. 70 ss.; il punto di partenza del discorso è l'inopportunità che un membro della casa imperiale
contragga
matrimonio
con
persona
appartenente
parte i Franchi, cioè gli Occidentali in genere: scorso si porta su un piano generale
a popolazioni
straniere
—
ἃ
cfr. infra la nota 175 —, ma poi il di-
(p. 74,175 ss.):
ciascun popolo
ritiene giusto che i
matrimoni siano contratti tx τῶν ὁμογενῶν τε xal τῶν ὁμοφώνων. Per un commento al ragionamento dell'imperatore, cfr. CONSTANTINE PORPHYROGENITUS, De administrando imperio, II, Commentary, ed. by R.J.H. Jenkins, London 1962, pp. 63ss.: per altre notizie su questa tematica, cfr. anche BRÉHIER,
Les institutions, cit., pp. 242 s.
4 Proc., De aed. 3,3,9-10; si tratta del territorio chiamato Χορζάνη. 6 Cfr. C. 4,63,4 (a. 408 vel 409); ZACHARIAE von LINGENTHAL, “Eine Verordnung Justinian's über den Seidenhandel aus den Jahren 540-547", in In., Kleine Schriften zur
rômischen und byzantinischen Rechtsgeschichte, Leipzig 1973, I, pp. 529ss. (già in Mémoires de l’Acad. impér. des Sciences de St. Pétersbourg, S. VII, tome VI n. 9, 1865).
294
rosamente rispettata non è una prova contro l'esistenza della medesima contrasta con la nostra interpretazione, come si vedrà, la Nov.
. Non
117,4 in cui
Giustiniano esenta dall’obbligo di redigere strumenti dotali i barbari sottoposti all’Impero che contraessero matrimonio dopo aver ricevuto determinate dignità *', Accertato il fatto che in tema di unioni nuziali manteneva rilevanza la divisio fra cittadini e stranieri — che però nel linguaggio corrente diventa antitesi fra chi è Ῥωμαῖος
e chi non
lo è, con mutamento
suscettibile di
introdurre una notevole elasticità —, non è necessario procedere a ulteriori indagini per esaminare se tale distinzione fosse ancora rilevante ai fini della 6 Ad esempio, quando il re dei Lazi sotto Giustino I si recò a Costantinopoli per chiedere l’alleanza dell'Impero, venne battezzato e sposò una donna romana, Valeriana, nipote
del patrizio Nomo:
Malal., XVII p. 413 Bonn, cfr. anche Proc., BG
4,9,8, secondo cui
ciò sarebbe divenuto abituale per i re dei Lazi, ma sarebbe sempre avvenuto con il con-
senso dell’imperatore. Secondo Procopio, poi, il re persiano Cosroe avrebbe sposato una certa Eufemia della città di Sura, la quale peraltro era stata presa prigioniera in guerra e poi evidentemente
liberata (Proc., BP 2,5,28). Nell'ambito
dell’Impero,
bane progettava di sposare Preiecta, nipote di Giustiniano (Proc., BG
l'armeno
Arta-
3,31), ma è pro-
babile che fosse ormai considerato cittadino romano a causa delle cariche ricoperte (cfr. infra il $ 10); Germano, nipote di Giustiniano, sposò Matasunta, figlia di Amalasunta
e vedova di Vitige (Proc., BG
3,39,14; altre fonti in SORACI, op. cit., pp. 191s.), ma è
probabile che anche costei, che aveva seguito Vitige prigroniero a Costantinopoli e si era definitivamente stabilita con lui nell'impero, avesse cosî acquistato la cittadinanza romana; del resto Jordanes (Ges. 60,314; Rom. 383) attesta che vi era il consenso del-
l’imperatore. Il SorACI, op. cit., pp. 190 ε5., ricorda ancora il caso di Tzittani comitis et tribuni, un goto che sposò Honorata, morta nel 568 e sepolta ad Albenga in Liguria (CIL V, 7793 = ILS, 8258), ma nulla vieta di pensare che, se il marito era veramente un goto (Sittas o Tzittas o Ztittas o Zetas è il nome portato da un noto generale di
Giustiniano, marito mena:
cfr., in
della sorella di Teodora,
senso
opposto,
STEIN,
"Sittas",
al quale alcuni RE,
III,
A
attribuiscono 1 (1927),
col.
origine 404
ar-
e In,
Histoire du Bas- Empire, II, Paris-Bruges 1949 (rist. Amsterdam, 1968), pp. 290; 470; inoltre Rusin, Das Zeitalter Justinians, I, Berlin 1960, p. 508, n. 1010; un soldato Tsitas è attestato
in Italia
nel 591
come
appartenente
ad un'unità
di persarmeni,
ciò
che peraltro non esclude che possa essere di origine gota: cfr. Jones, The Later Roman Empire, 284-602, Oxford 1964, II, pp. 659; 679 — tr. it, Il tardo impero romano (284602 d.C.), Milano 1973-1981, II, pp. 899; 920], sia passato dalla parte dei Romani durante o dopo la conquista di Belisario e abbia cosí ottenuto la cittadinanza. Proc., BG
4,26,13 ricorda che un certo Aruth, erulo di stirpe, aveva sposato la nipote di Mundo (il quale doveva essere diventato cittadino romano:
cfr. infra il $ 9 e la nota
stesso menziona però il fatto che questo tale fin da bambino aveva preferito vivere dei Romani e quindi è possibile che fosse in realtà cittadino o che ad fosse considerato tale. Verso la fine del secolo VI anche il re persiano Cosroe sposato, fra le altre, una donna romana che alcune fonti poco degne di fede
129); egli
il modo di ogni modo II avrebbe qualificano
come Paris
figlia dello stesso imperatore Maurizio: cfr. GouBEerT, Byzance avant l'Islam, I, 1951, pp. 179 ss. 67 Perché questo testo possa essere utilizzato in senso contrario alla nostra tesi, occorrerebbe infatti dimostrare: a) che i barbari in questione non appartenevano a gruppi
inseriti organicamente nell'Impero, ma a popolazioni semplicemente alleate; δ) che inoltre la concessione della dignità da parte dell'imperatore non aveva loro conferito la cittadinanza romana; c) che Giustiniano, disciplinando la forma delle unioni nuziali di costoro, presupponeva che queste avvenissero con persone appartenenti all'Impero. Tutti
questi punti saranno discussi ampiamente infra al $ 10.
295
testamenti factio attiva e passiva 9 nonché della patria potestà $, e si pud quindi tornare a indagare chi fosse considerato cittadino al tempo di Giustiniano e quale soluzione si debba dare alle questioni che a tale proposito sono state poste. 5.
Oscillazioni terminologiche e principi generali in tema di cittadinanza al tempo di Giustiniano. Occorre innanzitutto richiamare un'osservazione, a cui si è già avuto occa-
sione di accennare. Giustiniano non usa abitualmente i πολίτης per indicare i cittadini romani ", ma adopera altri molto spesso di subiecti (talvolta qualificati come nostri o semplicemente di jmfjxoov"; talvolta anche di "persone
vocaboli civis o termini, parlando nostro imperio) o appartenenti alla
68 Tale rilevanza è in effetti assai dubbia, come ammettono ad esempio anche D'EMiL1A, Lezioni di diritto bizantino. Parte speciale. Le successioni, Roma 1946, pp. 78; 88, e — a quanto sembra — Voci, Diritto ereditario romano, I, 2 ed., Milano 1967, pp. 389 e, rispettivamente, 391 e 408 s.; diversamente invece KASER, op. cit., II, pp. 485 n. 3 e 487 n. 18. In realtà, mentre non si può ricavare nulla da C. 3,28,35 pr. (a. 531) e d'altra parte il festator ... barbarae ... nationis di C. 1,3,28,3 (a. 468) è probabilmente un cittadino (cfr. infra la nota 156), sono da tenere presenti i seguenti dati: 4) le tradu-
zioni greche che conosciamo dei passi del Digesto e del Codice citati supra alla nota 53 eliminano ogni riferimento alla cittadinanza romana; è) Teofilo, Inst. par. 1,1,2, p. 6 Ferrini,
indica
come
istituto
di ius gentium
anche
διαθήχας
συγγράφεσθαι
(diversamente
invece gli scolii dei Basilici citati supra alla nota 56); corrispondentemente, Epit. 41,39 (ZEPos
IV, p. 550) enumera
c) anche per i condannati
fra i diritti naturali anche quello di χληρονομίαν
a morte o deportati lo schol. d ad Epan.
λαμβάνειν;
32,3 (Zepos
II,
p. 332) mostra di intendere che la rottura del testamento precedentemente redatto avviene solo quando siano confiscati i beni; d) l'eventualità di testamenti redatti da stranieri o di eredità lasciate a stranieri sembra ammessa nel secolo XI da Πεῖρα 14,16 (ZePos IV, p. 47) e 54,6 (ibid., p. 224), passi illustrati dal MarIpaKIS, "L'inapplicabilité du droit étranger à Byzance”, Liber amicorum baron Louis Fredericg, Gent 1966, II, pp. 729 ss. 9 Come risulta dal Tipucitus (31,1,3, ed. Hoermann-Seidl, Città del Vaticano 1943; cfr. anche Bas. 31,1,3 ed. Heimbach III, p. 514), i Basilici riportavano una versione di D. 1,6,3 da cui emergeva che era proprio dei soli Ῥωμαῖοι il fatto di avere in potestà i figli legittimi; cfr. anche gli scolii citati supra alla nota 56. La conseguenza pratica più evidente in tema di rapporti fra Romani e stranieri poteva essere l'insussi-
stenza della patria potestà romana qualora solo il genitore o solo il figlio acquistassero la cittadinanza. Nessun chiarimento su questi punti si desume dalle fonti relative alla progettata adozione del principe —
cfr.
Proc,
BP
1,11,6ss.
e poi re —
e PieLER,
persiano Cosroe da parte di Giustino I:
"L'aspect
Chosroès proposeé par les Perses à Justin", quité, 3° S., 19 (1972), pp. 399 ss.
politique Revue
et juridique
internationale
de
l'adoption
des droits
de
de l'anti-
® Cfr. supra il $ 2. 71 Cfr. ORESTANO, Ii “problema delle persone giuridiche”, cit., pp. 275 s.; THURMAN, "The Application of Subiecti to Roman Citizens in the Imperial Laws of the Later Roman
Empire",
Klio, 52
(1970),
pp.
457 s., n. 7 il quale
però
credere che Giustino sia stato il primo a usare tale terminologia essa
nella
legislazione
precedente
in ORESTANO,
op.
cit., p.
276
sembra
erroneamente
(p. 460); esempi n. 36
e in
di
DUPONT,
“Sujets et citoyens sous le Bas-Empire romain de 312 à 565 après Jésus-Crist”, Revue internationale des droits de l'antiquité, 3° S., 20 (1973), pp. 326s. Particolarmente signi-
296
nostra πολιτεία ?, Queste espressioni ci permettono di identificare con una certa sicurezza l'ambito di coloro a cui l'imperatore si rivolge, ma in sé e per sé sono indubbiamente assai generiche; la prima anzi potrebbe essere utilizzata per esprimere un rapporto di dipendenza politica oltre che di inquadramento giuridico ?. Si tratta di un'ambiguità già rilevata a proposito del termine Ῥωμαῖοι, e la coincidenza non è priva di significato:
in entrambi i
casi denota che l’appartenenza giuridica alla comunità romana può non essere sempre nettamente distinta dall'appartenenza politica alla medesima "^, la quale ficativo, al nostro proposito, l'uso del termine nella Nov. 78,5: da essa emerge chiaramente che ormai tutti gli ὑπήχοοι possiedono « τὸ τῆς Ῥωμαϊχῆς πολιτείας»; cfr. anche Julian, Epit. nov. 72(73),262 p. 96 πολιτεία è delineata in Nov. 8,10,2. 72 Cfr.
const.
AtSwxev,
$
19:
Hiinel.
« Ταῦτα
La
funzione
τοίνυν
dei
ἅπαντες
subiecti
(φαμὲν
δὲ
nell'ambito ὑμᾶς
τε
ὦ
della μεγάλη
βουλὴ καὶ ὁ λοιπὸς ἅπας τῆς ἡμετέρας πολιτείας ἄνθρωπος) γινώσχοντες ... » (la const. Tanta $ 19 parla di « patres conscripti et omnes orbis terrarum bomines » dove l'orbis terrarum è evidentemente da intendere come orbis Romanus: cír. $ 23: «et tertia pars mundi nobis adcrevit », e infra le note 163 e 216); inoltre, Nov. 6 epil. $ 1 p. 4722-23; Nov. 7,32 p. 55,39-40; Nov. 21,1 p. 145,29-31; Nov. 154 praef. p. 730,2. 3 Ciò per verità non avviene mai, per quanto ho potuto constatare, nella legislazione giustinianea dove il termine tende ad assumere carattere tecnico; in qualche testo
lambito degli ὑπήχοοι, del πολίτευμα e del territorio in cui si applicano le leggi imperiali sono
espressamente
considerati
coincidenti:
Nov.
73
praef,
1 p. 364,27-28;
ibid., epil.
p. 369,355.36 e p. 370,1-4; cfr. anche Nov. 86 praef. E vero che Giustiniano chiama bensf ἡμετέρα la Lazica, regione in realtà governata dal proprio re e secondo il proprio sistema politico-amministrativo, anche se politicamente dipendente dall'Impero (cfr. DtiEeHL, Justinien, cit., Paris 1901, pp. 380 s.; STEIN, Histoire, cit., II, pp. 267 s.; 303); che nello stes-
so testo (Nov. 28, p. 2139-11) egli chiama "nostri" anche altri popoli definiti altresf “amici” € quindi certo non direttamente assoggettati all'amministrazione imperiale; peró in nessuno dei due casi viene usato il termine ὑπήχοος, Procopio tanto per i Lazi quanto per questi altri popoli usa normalmente il vocabolo χατήχοος (non mai ὑπήχοος, per quel che ho potuto accertare: cfr., ad cs., BP 1,11,28; 1,122; 2,152; BG 4223 e 33; 4,3,12; 4,10,1), mentre lo stesso termine è impiegato anche per l'Armenia, che era invece inquadrata nell'amministrazione provinciale romana: cfr. BP 1,15,1; BG 4,2,5; 48,21; Anecd. 2,29.
Anche
per quanto
riguarda
l'Africa la parola
κατήχοος
è riferita
sia alle tribü
maure
alleate (BV 2,11,9) sia ai Libici provinciali (BV 2,20,33). Agathias invece, se per i popoli
dipendenti
solo politicamente
da Costantinopoli usa anche lui spesso
χατήχοος (ad es.,
2,18,6; 3,3,4; 3,16,3; 4,20,7), talvolta usa ὑπήχοος proprio per i Lazi: in 4,3,4 essi infatti si autodefiniscono « μέρος ... τῆς ὑπηχόου»; in 4,9,9 lo stesso termine è applicato al loro re Gubazes; quest'ultimo però, essendo silenziario (cfr. supra la nota 48 e infra il $ 10),
avrebbe potuto anche avere la cittadinanza romana; nel primo caso potrebbe darsi che i Lazi volessero a bella posta sottolineare la propria subordinazione all'impero. Menander protector a sua volta usa senza esitazioni il termine ὑπήχοος per indicare popolazioni politicamente dipendenti, ma autogovernantesi: fr. 11; 15; 42 in Fragmenta Historicorum
Graecorum, ed. C. MÜLLER, IV, Parisiis 1885, pp. 214; 216; 220; 244; cfr. anche ibid., p. 274 il fr. 2 attribuito a Joannes Epiphaniensis. 7* Questa constatazione renderebbe necessario uno studio attento e completo della terminologia usata nelle fonti giuridiche di epoca giustinianea per indicare coloro che appartengono all'Impero, e in particolare dell'uso dei termini subiectus, ὑπήχοος, ὑποτελής (infra, nota 115); tale studio, per evidenti ragioni di spazio, non può essere compiuto in questa sede. La mancanza di una tale ricerca, tuttavia, rende impossibile definire con
precisione i rapporti tra Ja nozione di subiectus (e gli altri termini analoghi) e quella di civis Romanus; da un esame sommario delle fonti mi pare che si possa affermare che in linea generale
tutti i subiecti erano
anche
cives Romani
(cfr. i testi citati alle note
297
comprende anche popoli vincolati all'Impero da stretti rapporti di alleanza, come i Lazi o certe tribá saracene. Fatte queste precisazioni si può formulare un principio che contiene le condizioni sufficienti a individuare i cittadini romani, ed anche normalmente necessarie (salvo eccezioni che saranno esaminate ad una ad una)”:
di Giustiniano sono e diventano “cittadini” (o meglio: dicamente alla Ῥωμαίων
πολιτεία)
al tempo
appartengono giuri-
tutti coloro che sono o vengono
diret-
tamente assoggettati alla struttura di governo dell’Impero, che ha al suo vertice l’imperatore; coloro cioè che riconoscono quest'ultimo come proprio sovrano, venendo da lui direttamente governati attraverso l’organizzazione amministrativa imperiale "5 (sostanzialmente quindi l'amministrazione provinciale)
e non si limitano a dipenderne politicamente vivendo in comunità che si autogovernano. Tutti costoro devono applicare integralmente il diritto romano”, 71 e 73, mentre annoverati fra i conciliazione fra sito degli Tzani
non vi è nessun passo da cui risulti che nel linguaggio legislativo fossero swbiecti dei popoli semplicemente alleati, per lo meno se si accoglie la le espressioni della Nov. 1 praef. e le affermazioni di Agathias a propo proposta infra al $ 8); una perfetta coincidenza potrebbe peraltro man-
care
ad
in quanto,
esempio,
potrebbe
darsi
che
fra i subiecti
continuassero
ad
essere
considerati anche coloro che avevano perso la cittadinanza in seguito a una condanna penale (altro tema che sarebbe necessario illuminare!). È certo, ad ogni modo, che fra la nozione di civis Romanus
e quella di subiectus vi è una diversità di prospettiva ideo
logica e culturale che occorrerebbe approfondire;
la preferenza di Giustiniano per la se-
conda rispetto alla prima potrebbe essere dovuta urbano del termine civis (cfr. le note 36 e 86;
all’accentuazione del carattere locale e particolarmente significativo in questo
senso è lo scolio citato infra alla nota 84) e quindi all’esigenza di usare correntemente un altro vocabolo che esprimesse l'appartenenza a quella comunità più ampia che ers l'Impero, ma forse anche ad altri motivi più complessi. Tutto quanto si è detto rende forse superflua una precisazione: i termini "cittadino", “cittadinanza” che finora si sono usati e che si continueranno ad usare in seguito servono a un'esigenza di semplicità e comodità ma spesso non corrispondono alla terminologia delle fonti; fino a che punto questa divergenza sia soltanto ideologico-culturale e fino a che punto implichi invece una modificazione del contenuto rimane da chiarire.
75 E infatti possibile che cittadini pur non rispondendo
giuridico nei relativi concetti
vi siano altre persone che possono essere considerate alle caratteristiche indicate sotto: ad esempio, capi di
popolazioni barbariche insigniti di particolari dignità (cfr. infra il $ 10), o abitanti territori non governati direttamente dall'imperatore, come gli Italici (infra, $ 11).
di
76 T] fatto che i subiecti siano essenzialmente gli abitanti di Costantinopoli e delle province emerge dalla Nov. 78, epil. (testo particolarmente significativo in vista di quanto si è detto supra alla nota 71), dalla Nov. 73 epil. (cfr. anche Nor. 118 epil.; 130 epil.),
e dalle
altre numerose
leggi dirette
agli abitanti
di Costantinopoli
e delle
province:
cfr. infra le note 166 e 167. Non vi rientrano quindi i Lazi che, pur riconoscendo la sovranità eminente di Giustiniano (Agath. 4,6,3) e avendo sul proprio territorio guarnigioni
romane, sono sottoposti al proprio re e alla propria struttura politico-amministrativa (supra, nota 73) e non applicano il diritto romano (cfr. già Theodoret., Graecarum affect. curatio, 9,14 ed. RAEDER, Leipzig 1904, p. 223; anche Agath. 3,5,4 c 4,3,2-3); tanto meno i popoli barbari che ottengono da Giustiniano la facoltà di stanziarsi in territori dell’Impero (ad esempio, Longobardi, Eruli, Unni Kutriguri: DigHL, Justinien, cit., pp. 372 ss.; 387);
diverso è invece il caso dei gruppi isolati di barbari che accettano di inserirsi nelle strutture romane: vedi infra il $ 9. ΤΊ Il collegamento fra l'appartenenza alla πολιτεία e l'obbligo di applicare il diritto romano è chiaro specialmente nella Nov. 21,1, emanata il 18.3.536 e relativa al
298
questi casi, non abbiamo notizia di provvedimenti che specificamente conce-
dessero la cittadinanza *; & verosimile che l'inquadramento stabile nell'Impero alle condizioni suddette — che normalmente sarà stato riconosciuto e accettato dall'imperatore — implicasse di per sé cittadinanza, anche perché, come si ἃ visto, almeno nel linguaggio del legislatore sulla nozione di cittadinanza tendevano a sovrapporsi appunto quelle di soggezione all'imperatore o di appartenenza alla πολιτεία. I princípi esposti in precedenza si ricavano da alcuni testi della compilazione giustinianea integrati da qualche notizia tramandataci dagli storici dell'epoca. In effetti, se anche il passo del Digesto che richiama la constitutio Antoniniana può lasciar luogo a dubbi, la Nov. 78,5 è sufficientemente chiara nel presentare tale provvedimento non come un atto limitato a coloro che ne fruirono a quel tempo e ai loro discendenti, ma come una norma che eliminò per sempre la possibilità di una differenziazione tra cittadini e peregrini nell'ambito dei subiecti dell'Impero, con la implicita conseguenza secondo cui da allora in avanti nel momento in cui uno diventava subiectus
diventava per ciò stesso "cittadino" 9. Tale interpretazione è del resto confermata dalla versione di D.
1,5,17 accolta nei Basilici e da uno scolio che
sive; BUCKLAND, A Text-Book of Roman Law from Augustus to Justinian, 3" ed., Cambridge 1963, p. 99; Bionpi, Istituzioni di diritto romano, 4° ed., Milano Rome et le droit privé, Paris 1977, p. 207.
1965, p. 130; VILLERS,
δι Non è privo di significato il fatto che, nonostante il frequente uso di soldati stranieri in età giustinianea, manchino totalmente quei diplomi militari di concessione della cittadinanza che sono cosf caratteristici dell’epoca del Principato; ciò è forse dovuto al fatto che, per lo meno
secondo Giustiniano, chi si inseriva nell'Impero
come
ὑπήχοος
non aveva bisogno di chiedere la cittadinanza (cfr. infra la nota 83). δ, D. 1,5,17: «In orbe Romano qui sunt ex constitutione imperatoris Antonini cives Romani effecti sunt »: questo testo, letto in età giustinianea, poteva anche lasciar pensare che solo i discendenti di coloro che avevano ottenuto la cittadinanza da Caracalla o dai suoi predecessori fossero attualmente cittadini romani. Sull'estensione dell’orbis Romanus cfr. infrala nota 84 e il $ 11. 8 La Nov. 78 concede ai liberti il ius aureorum anulorum e la restitutio natalium, restando salvo l'onore dovuto ai patroni; nel c. 5 Giustiniano afferma di non aver battuto una strada nuova e cita esempi precedenti di leggi che estesero a tutti ció che prima era
un privilegio individuale: Ποιούμεθα δὲ ξένον οὐδέν, ἀλλὰ τοῖς dolστοις
τῶν
πρὸ
ἡμῶν
αὐτοχρατόρων
dxokov-
θοῦντες. ὥςπερ γὰρ ᾿Αντωνῖνος ὁ τῆς εὖσεβείας ἑκώνυμος,
ἐξ οὗπερ xal εἰς ἡμᾶς
τὰ
τῆς προςηγορίας ταύτης χαθήχει, τὸ τῆς beuaixfi πολιτείας πρότερον παρ᾽ ἑχάστου τῶν ὑπηκόων αἰτούμενον xal οὕτως £x τῶν xa-
λουμένων peregrinuv εἰς ῥωμαϊχὴν εὐγένειαν ἄγον ἐχεῖνος ἄπασιν ἐν χοινῷ τοῖς ὑπηχόοις δεδώρτται, καὶ ὅ γε Θεοδόσιος ὁ νέος μετὰ Κωνσταντῖνον τὸν μέγαν, τὸν τῆς ἱερᾶς ταύτῆς πόλεως οἰχιστήν, τὸ τῶν παίδων 5L χαιὸν πρότερον αἰτούμενον ἐν χοινῷ δέδωχε «τοῖς ὑπηριόοις, οὕτω xal ἡμεῖς τοῦτο δὴ τὸ
« Facimus autem novum nibil, sed egregios ante nos imperatores sequimur. Sicut enim Antoninus Pius cognominatus, ex quo etiam ad nos appellatio baec pervenit, ius Romanae civitatis prius ab uno-
quoque subiectorum petitus et taliter ex eis qui
vocantur
peregrini
ad
Romanam
ingenuitatem
deducens
ille boc omnibus
in
subiectis
donavit,
commune
dosius
iunior
post
et Tbeo-
Constantinum | maxi-
mum sacratissimae buius civitatis condi torem filiorum prius ius petitum in commune dedit subiectis, sic etiam nos hoc videlicet regenerationis et aureorum anu-
301
vi è apposto; né vi osta la Nov. 117,4 che accenna a dei barbari ùroteταγμένοις τῇ ἡμετέρᾳ πολιτείᾳ 5. τῆς παλιγγενεσίας τε χαὶ τὸ τῶν χρυσῶν δαχτυλίων ἑκάστῳ τῶν αἰτούντων διδόμενον καὶ ζημίας παρεχόμενον ἀφορμὴν xal rokvπραγμοσύνης xal τῆς παρὰ τῶν ἐλευϑερωτῶν δεόμενον αὐθεντίας ἅπασιν ὁμοίως τοῖς ὑπηκόοις αὐτόθεν δίδομεν. ἀποχαθίσταμεν γὰρ
lorum ius unicuique petentium datum et damni et scrupulositatis praebens occasionem et manumissorum indigens auctoritate omnibus similiter subiectis ex bac lege damus. Restituimus enim naturae
τ
φύσει
cetero, sed omnes deinceps qui libertatem
ἕνα
τὸ
λοιπόν,
ἐλευθερίας
νους,
ἀλλὰ
παρὰ
ἵνα
γενιχὴν
ingenuitate
τοὺς τῆς εὐγενείας ἀξίους οὐ καθ᾽
xal
πάντας
ἐφεξῆς
τῶν
χεχτημένων
ταύτην
μεγάλην
φιλοτιμίαν
τινὰ
mom
per
singulos
de
4 dominis meruerunt, ut et banc magnam quandam et generelem largitatem | nostris subiectis adiciamus. » (Autbenticurm).
τοὺς
ἀξιουμέ-
τοῖς ἡμετέροις
dignos
xal
ὑπηκόοις
προςθείημεν. Di
qui
si desume
che,
mentre
prima
della
constitutio
Antoniniana
gli
ὑπήκοοι
si
distinguevano in cittadini e peregrini, dopo di essa furono tutti cittadini. L'accostamento di questa disposizione a C. 8,58(59),1 = CT. 8,17,3 (a. 410) — che nella versione del C. recita: « Nemo post baec a nobis ius liberorum petat, quod simul bac lege omnibus
concedimus » — mostra che l'imperatore interpretava la constitutio Antoniniana nel senso che anche in futuro ciascun ὑπήχοος avrebbe goduto della cittadinanza. Cid risulta ancor piü chiaramente da Julian., Epit. nov.
72(73)262
p. 96 Hänel. Si noti che la Nov. 78 è del
1*.9.539 (1*.12.539 secondo l'Autb.), quando la Libia era già da qualche anno in dominio romano e anche la conquista dell'Italia stava per essere completata: cfr. Nov. 78,4,1. % Bas.
46,1,14(13)
(BT
2119,75);
«Ot
ἐν τῇ
Ῥωμαῖχῇ
γῇ
ὄντες
πολῖται
' Ῥωμαίων
εἰσίν». Togliendo il riferimento storico alla constitutio Antoniniana, il testo chiarisce che gli abitanti attuali dell'Impero sono stati tutti cittadini romani. L'espressione Ῥωμαῖϊῖχὴ y! allude alle terre che sono sotto il diretto ed effettivo governo dell'Impero, con esclusione
quindi di quelle dei popoli alleati e di quelle occidentali, salvo forse l'Italia: cfr. Nov. 7,1 p. 52,7 ss.; Nov. 8,10,2 p. 74,28 (e anche I. 2,6 pr.; Nov. 36,6 p. 244,15; Nov. 69 epil. p. 354,29 ss.); Proc, BP 1,127; 1,15,1 e 9; 1,19,32; 123,15; 2,1,7ss.; 2,6,23; 2,15,3 e 28; 2,29,19 e 22; BV 1,6,6; 2,14,10; BG 4,9,10; Aed. 3,1,28; cfr. anche infra,
le note
163 e 168. Tuttavia
autonome,
che
quindi
non
può capitare che
godono
della
sulla terra romana
cittadinanza:
cfr.
ad
es,
abitino Proc,
popolazioni BP
1,15,19
(Tzani); BG 4,19,5 (Unni Kutriguri). Al testo dei Basilici riportato sopra si accompagna lo scbol. Ot (BS 2732,35 - 27332): « Ol ἐν τῷ χύχλῳ ὄντες τῷ τὴν Ῥώμην, ὅμως πολῖται
Ῥωμαϊχῷ, τοντέστιν οἱ τελοῦντες ὑπὸ Ῥωμαίους, xdv μὴ αὐτὴν οἰχοῦσι Ῥωμαίων dix τῆς ᾿Αντωνίνου τοῦ βασιλέως διατάξεώς εἰσιν». In as
senza di altri elementi per una datazione, il riferimento alla constitutio Antoniniana può far pensare che lo scoliaste avesse a disposizione il testo latino del Digesto e che quindi scrivesse in epoca prossima alla compilazione di esso. Tale scolio, oltre a confermare l'interpretazione della constitutio Antoniniana espressa nella Nov. 78,5, chiarisce il ragio-
namento che facevano i bizantini: cittadini romani sono in senso stretto gli abitanti di Roma (significato locale di civis, qui forse con allusione a Costantinopoli, via Ῥώμη: cfr. supra le note 4 e 36, e specialmente Paul. Silent., Descr. S. Sophiae, 145 ss., lo schol. ad Theopb. par. 1,25 pr., ed. FerRINI, Opere, I, p. 166, e lo schol. ad Theopb. par. 2,23,1, ibid., p. 192); questi dominano un territorio, i cui abitanti quindi sono ὑπὸ Ῥωμαίους (cfr. Proc., BP 2,23,20) se si prende quest'espressione in senso stretto, ma sono stati elevati al rango di concittadini degli abitanti di Roma. Lo scolio spiega non solo la
coesistenza nel termine Romani di un significato locale e di un altro più ampio, ma chiarisce anche come l'espressione ὑπὸ Ῥωμαίους τελοῦντες e altre analoghe che talvolta s'incontrano nei testi non escludano che queste popolazioni ‘soggette’ godano però della cittadinanza
(cfr. anche supra la nota
15). Cfr. anche
Bas. 35,13,17
saggio di SITZIA in questo volume, pp. 263 ss. 85 Sull'interpretazione di questa novella, cfr. infra il $ 10.
302
(BT
1620,7 ss.) e il
romanizzate che già in precedenza si attenevano al diritto romano — sia pure non ancora nella forma ad esso conferita da Giustiniano — quanto i barbari di stirpe vandalica o di altre stirpi che non fossero stati uccisi o resi schiavi. Sempre a proposito dell’Africa, un indizio più preciso viene a confermare questa interpretazione. Procopio afferma che, dopo la decisiva battaglia contro i Vandali, dei soldati romani sposarono le figlie o le vedove dei medesimi e furono da queste convinti a reclamare per sé (a titolo di dote?) le terre che erano in precedenza appartenute ad esse e che ora venivano confiscate a favore del fisco o del patrimonio imperiale. Ciò, insieme ad altri motivi, portò nella primavera del 536 a un ammutinamento che agitó per parecchio tempo le terre africane appena conquistate. Se, come pare, si tratta di veri matrimoni
e non di unioni
concubinarie,
verrebbe
confer-
mato che le donne vandale viventi nelle terre occupate furono considerate cittadine romane e quindi poterono contrarre matrimonio con i soldati che, a quanto risulta da Procopio, erano originari di territori dell'Impero e quindi godevano certamente della cittadinanza ”. Per quanto riguarda l’Italia, nonostante certe affermazioni di Procopio” diritto romano.
La Nov.
esercitare entro cinque
36, dopo
aver confermato la concessione di un'azione —
anni dalla prima costituzione che la riconosceva —
lamentassero di essere stati ingiustamente cose appartenenti ai genitori o ai nonni, « De
cetero
enim
spogliati, durante il dominio vandalico, di a fratelli o sorelle, a zii o zie, conclude:
si quis casus talis emerserit,
sic procedere disponimus quemadmodum
da
a coloro che
successiones
in omnibus
omnes
et temporales
cursus
terris nostro orbe inclusis sacratis-
sima iura disponunt, et sint et descendentium et ascendentium et ab utroque latere venientium gradus omnes et temporales cursus intacti, quemadmodum generales nostri numinis leges eos omnibus tradiderunt ». A queste parole si riferisce la frase citata di Teodoro.
89 In realtà la politica imperiale, anche per effetto dei continui rivolgimenti che turbarono l'Africa dopo la riconquista, cercò di disperdere quanto pi possibile i Vandali rimasti, e soprattutto di allontanarli dall'Africa: cfr. Proc. BV 2,19,3 — relativo al. l'anno 539, mentre la Nov. 36 risale al 1°.1.535 — e in generale CourtoIs, Les Vandales et l'Afrique, Paris 1955, pp. 353 ss.
99 Proc, BV
2,14,8-10;
cfr. anche
STEIN,
Histoire, cit., II, pp.
321s.
È
difficile
pensare che si trattasse di donne rese schiave (Proc., BV 2,3,24, che però si riferisce esclusivamente alla conquista dell'accampamento vandalo dopo la battaglia di Tricamarum nel dicembre 533), perché altrimenti non avrebbero potuto sperare di conservare le loro terre; è più verosimile invece che il matrimonio con i soldati romani fosse ambito dalle donne vandale perché, portando le terre in dote al marito, potevano sperare di sottrarle
alle confische imperiali. Che si trattasse di soldati originari di regioni dell'Impero risulta dalle argomentazioni che Procopio (ibid., $ 10) mette in bocca a Salomone; cfr. anche TEALL, The Barbarians in Justinian's Army, cit., pp. 302s. Sulla tendenza dei soldati ad accasarsi nelle terre che avevano conquistato e che occupavano militarmente, cfr. JoNEs,
The Later Roman Empire, cit., II, p. 679 = tr. it., cit., II, p. 920. 91 Questi in BG 4,35,33-36 afferma che i Goti avrebbero concluso un accordo con Narsete in base al quale si sarebbero allontanati dall'Italia portando con sé i loro beni personali; ciò potrebbe trovare una qualche conferma in Nov. app. VII, 13. Agath. 1,1,1
riferisce invece i termini dell'accordo nel senso che i Goti avrebbero potuto tenere le loro terre, ma sarebbero stati « βασιλεῖ δὲ τῷ Ῥωμαίων κατήχοοι». Comunque sia di ciò, è chiaro che l'accordo riguardava solamente i Goti che avevano seguito Teia nella battaglia di
Mons Lactarius, ma molti altri Goti si erano già in precedenza sottomessi all’Impero, specialmente quelli che vivevano in Ravenna, città tenuta dai Romani fino dal 540.
304
sappiamo che persone di stirpe gotica continuarono ἃ vivere sotto la dominazione romana, sia a Ravenna sia altrove”. Ora, proprio i papiri ravennati ο ad ogni modo italici mostrano atti compiuti da individui che appaiono essere di nazionalità gota ma si comportano secondo le norme del diritto romano”, fatto, questo, che può essere interpretato nel senso che anche i Goti che si erano sottomessi fossero considerati cittadini romani, anche se potrebbe
$2 Sulla
gotica
persistenza
in un documento
dei
Goti
in
mantovano
Italia, cfr.
TaMAsstA,
“Una
professione
del 1045”, Scritti di storia giuridica,
di
legge
III, Padova
1969, pp. 34ss. [da Archivio giuridico ‘F. Serafini" 68 = NS. 9 (1902), pp. 406 ss.]; Burns, The Ostrogotbs (Historia, Einzelschr., 36), Wiesbaden 1980, pp. 125 8. 9 Il problema meriterebbe uno studio accurato che qui non può essere compiuto, sia per l'ampiezza che esso richiederebbe, sia perché il suo risultato non sarebbe comunque decisivo ai nostri fini, dato che gli autori degli atti in questione potrebbero essere diventati cittadini romani in via individuale. Per una sommaria descrizione dei principali
documenti rilevanti, cfr. ad ogni modo, ad esempio, TAMASSIA, “Le professioni di legge gotica in Italia", in Scritti, cit., III, pp. 64s. (da Atti e memorie della R. Accademia di scienze lettere ed arti in Padova, 19, 1903); FERRARI DALLE SPADE, "La donazione nei papiri di Ravenna”, Scritti giuridici, III, Milano 1956, pp. 13ss. (da Studi Riccobono, Palermo 1936, I, pp. 468 ss.); Crosara, "Dal V all'VIII secolo: sulla traccia dei papiri giuridici d'Italia", Annali di storia del diritto, 3-4 (1959-60), pp. 374ss.; 379 ss. = (sostanzialmente) Ip., "Note sul problema della continuità nell'esame della nuova edizione dei papiri latini d'Italia", in Univ. degli Studi di Camerino. Annali della Fac. giurid., 24 (1958), pp. 263 ss.; 273 ss.; Vismara, Edictum Theoderici (Ius Romanum Medii Aevi I, 2b aa «), Mediolani 1967, pp. 79 s. n. 273.
94. Ciò fu negato dal MOMMSEN, "Ostgothische Studien", in In., Gesammelte Schriften, VI, Berlin 1910, p. 476 = Neues Archiv der Gesellschaft für áltere deutsche Geschichtskunde, 14 (1889), p. 535, argomentando dal fatto che un atto del 769 mostra un certo Stavila
civis Brixianus vivens legem Gotborum. Più tardi fu scoperto anche un documento dell'anno 1045, proveniente dalla zona di Goito nel mantovano, in cui due coniugi affermano di legem vivere gotborum: cfr. TAMASSIA, "Una professione di legge gotica”, cit., in Scritti cit, III, pp. 31 ss. (da Archivio giuridico ‘F. Serafini', 68, NS. 9 [1902], pp. 401 ss.); per la polemica con lo Schupfer che ne seguí, cfr. In., "Le professioni", cit, in Scritti III, pp. 55 ss.; ScHUPFER, "Ancora di una professione di legge gotica dell'età longobarda”,
Rivista italiana per le scienze giuridiche, 34 (1902), pp. 161 ss.; In., "Guargangi e cives", ibid., 35 (1903), pp. 1ss. Ánche senza pensare, come proponeva lo Schupfer, che si trattasse in realtà di professioni di legge visigotica, l'argomento del Mommsen non sembra
decisivo:
che alcuni gruppi di Goti rimasti in Italia fossero restii a sottomettersi piena-
mente ai bizantini e ad adottare in tutto e per tutto il diritto romano
è più che logico,
ed & verosimile che pochi anni dopo l'invasione longobarda offrisse loro la possibilità, e forse anche dei buoni motivi, per non essere confusi con i Romani. Fra l'altro, i Goti solitamente erano ariani — pp. 125s. — e questo da
anche se vi furono numerose conversioni: BURNS, op. cif., un lato li assoggettava alle incapacità previste dal diritto
romano per gli eretici (cfr. supra la nota 87), dall'altro li avvicinò ai nuovi dominatori longobardi, che condividevano la stessa fede. Quale poi fosse in concreto questa lex Gotborum
e che rilievo le si desse sotto i Longobardi
e nelle epoche
successive è que-
stione che non si può qui affrontare. Con
la
nostra
tesi
non
contrasta
nemmeno
il fatto
che
nella
cosiddetta
sanctio
pragmatica pro petitione Vigilii (su cui cfr. recentemente ArcHi, "Pragmatica sanctio pro petitione Vigilii", Festschr. F. Wieacker zum 70. Geburtstag, Gôttingen 1978, pp. 11ss. = Scritti di diritto romano, Milano 1981, III, pp. 1971 ss.) il termine Romani non sembra comprendere mai persone di stirpe gotica (cfr. supra le note 2 e 5): è perfettamente comprensibile che, nel momento in cui l’imperatore cercava di risistemare le cose in
305
trattarsi di casi particolari e se non si ρυὸ escludere che già in precedenza elementi della popolazione gotica si servissero almeno in parte del diritto romano 5, Non manca qualche altro spunto, neanch'esso di per sé decisivo, che orienta nel senso precedentemente indicato 5; d'altronde, il progetto di inserire pienamente tutti i Goti nell'Impero, rendendoli quindi cittadini, sembra essere stato accarezzato da Giustiniano nel corso delle trattative con Teodato, quando già Belisario aveva conquistato la Sicilia ”
Italia, usasse il termine in senso restrittivo, perché altrimenti sarebbe mancato un vocabolo
appropriato per indicare gli abitanti di Roma o gli Italici che non fossero di stirpe germanica; si noti del resto che il termine Romani non vi ricorre nemmeno per indicare in generale
tutti
gli
abitanti
dell’Impero.
Per
converso,
sempre
la
stessa
costituzione
imperiale (Nov. app. VII, 1) afferma che le proprie disposizioni sono dirette «ed utili tatem omnium … qui per occidentales partes habitare noscuntur» ed in effetti anche altri capitoli fanno riferimento non solo ai Romani, ma ad omnes (c. 5-6) o agli babitatores provinciarum
in generale:
€. 9 e 14;
cfr. i cc. 12;
18;
26 (collatores);
infine
il c.
11,
relativo all'introduzione in Italia delle leggi giustinianee, non accenna minimamente all'eventualità che vi siano soggetti a cui esse possano non essere applicate; cfr. anche c. 21. Il fatto che la sanctio pragmatica in questione non contenga una espressa disposizione di estensione della cittadinanza non può stupire: da un lato infatti, come ha mostrato l’Archi, essa non rappresenta un provvedimento giobale e complessivo analogo a quello che erano stati per l’Africa C. 1,27,1 e 2; dall'altro, secondo l'impostazione espressa nella Nov.
78,5, l'inserimento fra i subiecti implica
automaticamente
la cittadinanza.
55 La questione è molto controversa (v. per tutti CaLasso, Medio Evo del diritto. I. Le fonti, Milano 1954, pp. 77; 113s.; ampiamente, Vismara, Edictum Theoderici, cit., pp. 58 ss.; 73 ss.; 1173. n. 388; ASTUTI, Lezioni di storia del diritto italiano. Le fonti, 2" ed., Padova 1968, pp. 49 ss.; 474 5.; 496 5.) ed è in parte legata al problema della paternità del cosiddetto Edictum Theoderici (destinato tanto ai Romani quanto ai
barbari), su cui v. bibliografia in ASTUTI, op. cit., p. 488; In., "Note sull'origine e attribuzione dell’ ‘edictum Theoderici regis'”, Studi Volterra, Milano 1971, V, pp. 647 ss.; Kaser, op. cit., II, pp. 45s. n. 43; Vismara, "Le fonti del diritto romano nell’alto Medioevo secondo la più recente storiografia (1955-1980)", Studia et documenta bistoriae et iuris, 47 (1981), pp. 8 ss. In un papiro ravennate del 523 una donna dal nome germanico sembra ispirarsi al diritto romano: cfr. Vismara, Edictum Tbeoderici, cit., pp. 78 s. n. 252.
% Ad esempio, il Liber pontificalis (ed. Mommsen, MGH, Gesta pontif. Rom. I, Berolini 1898, p. 160) definisce Pelagio II «nazione Romanus de patre Unigildo », ciò che significa probabilmente che egli era originario di Roma, o per lo meno dell’Italia, ma
di famiglia germanica,
e mostra
come
dal punto
di vista del piá
tardo
scrittore
i
Goti avessero ormai perso la loro individualità anche come gruppo etnico. Vi & poi il caso di quel Tzittami comitis et tribuni che sposò Honorata, clarissima femina di stirpe romana morta nel 568 a quarant'anni (CIL V, 7793 = Dessau, ILS 8258); se egli è
di origine gotica e non armena (cfr. supra la nota 66), aveva certamente il conubium con i Romani e quindi è piá che probabile che fosse cittadino egli stesso. 9! Proc, BG
1,7,23-24 riporta il testo di una lettera che Giustiniano avrebbe
ai maggiorenti dei tipav ...». La frase se si fosse trattato nulla rispetto alla
Goti: « va intesa di una situazione
scritto
Ἐπιμελὲς γέγονεν ἡμῖν ἐς πολιτείαν ὑμᾶς ἀνελέσθαι τὴν ἡμεnel senso di un inserimento pieno nella respublica Romans; mera soggezione politica all’Impero, non sarebbe cambiato precedente, almeno secondo la concezione dell'imperatore.
Sugli eventi che portarono alla lettera di cui sopra, cfr. da ultimo Cunvsos, “Die Amaler-
Herrschaft in Italien und das Imperium Romanum. Das Vertragsentwurf des Jahres 555", Byzantion, 51 (1981), pp. 430 ss.
306
7.
Lo status degli abitanti delle terre orientali dell'Impero non organizzate in province: Armenia interior e satrapie.
Se nei casi dell’Africa e dell’Italia — territori pur sempre altamente romanizzati nonostante le dominazioni barbariche — la conquista territoriale è stata effettivamente accompagnata, secondo l'ipotesi apparsa più verosimile, dall'estensione della cittadinanza, ma anche — come è noto — dall’integrazione nell'amministrazione provinciale, più delicato è l'accertamento della situazione giuridica degli abitanti delle regioni orientali che non sembrano organizzate in province e che non erano ancora romanizzate o che lo erano
molto scarsamente: si tratta di parte dell’ Armenia — nell’epoca antecedente la Nov. 31 — e della Tzanica. Quanto alla prima, mentre la cosiddetta Armenia minor, posta a occidente
dell’alto corso dell’Eufrate, era stata inquadrata nello schema provinciale romano fin dal secolo I d.C. e all’ascesa al trono di Giustiniano formava le province di Armenia I e II — che con la Nov. 31 diventeranno rispettivamente II e III —, la cosiddetta Grande Armenia (posta ad est della precedente) restò giuridicamente indipendente fino al 387 d.C., quando fu divisa tra Romani e Persiani: ai primi toccò la parte occidentale di essa (Armenia interior) che, retta ancora fino al 390 dal re Arsace III, fu poi governata, al di fuori dell'organizzazione provinciale, da un comes Armeniae dipendente direttamente dall'imperatore; nel 528 essa ἃ peraltro già stata trasformata in provincia ed à governata da un praeses; la Nov. 31 la ingrandisce con alcune città già appartenenti al Ponto Polemoniaco, la pone sotto un procon-
sole e le dà il nome di Armenia 1%. A sud dell’Armenia interior erano collocati alcuni territori ?, che le fonti greche chiamano "'satrapie", retti da principi locali ereditari e politicamente dipendenti da Roma in parte fin dal 297
o 298 d.C., in parte dalla fine del secolo IV. L'imperatore Zenone modificò il loro status in maniera non del tutto chiara 10, Giustiniano con la Nov. 31 li raggruppò in una vera e propria provincia che chiamò Armenia IV. Per quanto riguarda la condizione personale degli abitanti di tutte queste % Per la storia e la condizione giuridica dell'Armenia e delle cosiddette satrapie nell'età tardo-romana fino a tutta l'epoca giustinianea, cfr. per tutti GÜTERBOCK, "RómischArmenien und die rómischen Satrapieen im vierten bis sechsten Jahrhundert", Festgabe der juristischen Fakultát zu KOnigsberg für ibren Senior J. Tb. Schirmer, Kinigsberg i. Pr. 1900, pp. 4ss.;
STEIN, Histoire, cit., II, pp. 289 s. e n. 5; TouMANOFP,
Studies
in
Christian Caucasian History, Georgetown 1963, pp. 133s.; 149ss.; 170ss.; 193 ss.; In. “Armenia and Georgia”, Tbe Cambridge Medieval History, IV, 1 (2* ed., Cambridge 1966), pp. 595ss. In., “Caucasia and Byzantium", Traditio, 27 (1971), pp. 115ss.; ADONTZ, Armenia in tbe Period of Justinian, trad. dall'ediz. russa (1908), con revisioni e aggiunte, di Nina G. Garsotan, Lisbon 1970, pp. 25 ss.; 69 ss.; 84 ss.; 106 ss.; 127 ss. 9 C. 1,29,5 ne ricorda sei, mentre la Nov.
rezione
al testo dell'edizione
Schóll,
51,1,3 ne cita solo cinque (per una cor-
cfr. GÜTERBOCK,
op.
cit, p. 30
n. 3;
ADONTZ,
op. cit., p. 386 n. 2).
100 Cfr. GÜTERBOCK, op. cit., pp. 38s.; STEIN, Histoire, cit., II, p. 31; TOUMANOFF, Studies,
cit., p.
173
e n.
103. Proc,
Aed.
3,1,26, che
è la nostra
fonte
principale
in
materia, considera quella di satrapo — per lo meno dopo la riforma di Zenone — come una
delle
Ῥωμαίων
ἀρχαί,
307
regioni, è verosimile che coloro che vivevano nell'Armenia minor fossero diventati cittadini romani con l'Editto di Caracalla, ma quale era lo status di coloro che abitavano l'Armenia interior e le satrapie? Dopo la Nov. 31 furono tutti quanti considerati cittadini romani, come si desume abbastanza chiaramente dalla Nov. 21 che, pur emanata lo stesso giorno della Nov.
31,
la presuppone come precedente: essa infatti si rivolge espressamente a tutti gli Armeni, anche a quelli delle precedenti satrapie, affermando che essi appartengono alla πολιτεία, servono l'imperatore insieme con gli altri popoli e hanno parte nei suoi benefici, e che quindi devono applicare puntualmente il diritto romano come esposto nelle Istituzioni, nel Digesto e nelle costituzioni imperiali "', Quale fosse la situazione prima delle Nov. 31 e 21 è più diffi cile da stabilire, ma non mancano degli indizi: per quanto riguarda l'Armenia interior si ἃ già visto che fin da una data ignota ma anteriore al 528 essa formava una vera e propria provincia con il nome di Magna Armenia ed
è quindi probabile che almeno a partire da allora anche lo status dei suoi abitanti fosse equiparato a quello delle altre due province armene '*; per quanto riguarda le satrapie, una legge di Giustiniano non datata ma risalente al 527 o tutt'al più al 528 ne parla come di una provincia, denominata gentes e posta sullo stesso piano delle tre province armene 5; anche un'altra costituzione giustinianea, emanata nel novembre del 529 e relativa agli appelli proposti contro le sentenze dei giudici locali, colloca le gentes insieme con le altre province !*. Se questi dati non sono di per sé decisivi, essi avvalorano peraltro un'affermazione della Nov. 21, inducendo a ritenere che anche alle satrapie o gentes fosse diretto l'Editto 3 di Giustiniano, il quale riguarda gli Armeni in generale, senza distinzione di territorio, e presuppone che essi debbano applicare il diritto romano in tutto, e specialmente nelle successioni, fin dall'ascesa al trono di Giustiniano stesso 5, Anzi, i destinatari dell'editto Y! Cfr. Nov. 21,1; su di essa, VoLTERRA, "Sulla novella XXI", cit., pp. 7 ss. = Studi d'Avack, cit., IV, pp. 705 ss.
102 In realtà, come è detto anche infra nel testo, l'Ed. 3 di Giustiniano presuppone che fin dall'inizio del suo regno i destinatari di esso debbano applicare il diritto romano; se, come ἃ probabile, esso riguardava anche la Magna Armenia e se questa fu ridotta in
provincia solo da Giustiniano stesso, c'é da pensare che gli abitanti di essa fossero considerati cittadini per lo meno a partire dal giorno in cui Giustiniano salf al trono.
18 C. 1,29,5, purtroppo priva di data, ma la sua collocazione cronologica si desume da Malal. 429 Bonn. 1% C.
7,63,5
Ovviamente,
pr.
(novembre
529),
su
cui
v.
GÜTERBOCK,
la possibilità di appellare al tribunale
supremo
riamente la cittadinanza; cfr. perd la nota seguente. 105 Sulla questione dei destinatari dell'Ed. 3 (emanato
op.
non
cit,
pp.
presuppone
il 18.7.535
38;
56s.
necessa-
e quindi
ante
riore alla Nov. 31), cfr. VoLTERRA, "Sulla novella XXI", cit, pp. 3 ss. = Studi d'Avack, cit, IV, pp. 702ss.; egli osserva come sia poco verosimile riferirlo, con la communis opinio, solo alla Magna Armenia e alle satrapie, e come si debba caso mai dimostrare
che esso sia relativo anche a queste. Cid risulta in realtà abbastanza chiaramente dalla Nov. 21 praef. nella quale l'imperatore afferma di aver introdotto in Armenia magistrature e σχήματα romani al posto di quelli precedenti (manifesta allusione alle satrapie:
cfr. Nov.
ζουσιν ἐτάξαμεν »;
308
31,1,3),
« θεσμούς τε οὐχ ἄλλως
εἶναι παρ᾽
quest'ultima frase si riferisce evidentemente
αὐτοῖς ἢ οὖς Ῥωμαῖοι
all'Ed. 3 —
νομί-
dato che la
sembrano
essere espressamente
annoverati
tra i Ῥωμαῖοι
in senso
giuridico,
interpretazione confermata anche dall'epitome di Giuliano "$, Se dunque gli abitanti delle satrapie erano fra questi — perché la Nov. 21, che espressamente li applicare il diritto romano almeno dal della Nov. 31 che abolisce le satrapie e le sembra quindi che anch'essi, almeno fin niano, fossero considerati cittadini romani 8.
e ciò è pi che probabile anche riguarda, presuppone che debbano 1?.9.535, data anteriore a quella sostituisce con una provincia!” —, dall'inizio dell'Impero di Giusti8.
Segue: la Tzanica.
Resta la questione dello status degli Tzani, tribû abitanti in regioni montagnose poste verosimilmente fra la costa del Mar Nero e l'Armenia !”. Giustiniano ne parla nella Nov. 1, affermando che essi, « νῦν πρῶτον ὑπὸ τὴν Nov. 31 non parla dell’applicazione delle leggi romane in Armenia — ed è logico riferire l'accenno specialmente alle satrapie di cui si è appena parlato. I rinvii di cui alle note precedenti confermano che, almeno con Giustiniano se non già prima, le satrapie, pur non essendo una vera e propria provincia (cfr. Nov. 31,1,3), vengono trattate come se lo fossero; ciò significa tra l’altro che l'imperatore vi invia le proprie leggi, come del resto afferma espressamente l'Ed. 3,1,1 (« διὰ τοῦτο γὰρ δὴ xol τοὺς ἡμετέρους χατεπέμψαμεν νόμους, ἵνα εἰς αὐτοὺς ἀφορῶντες οὕτω πολιτεύοιντο »). La frase ora citata e la
disposizione dell’Ed. 3, epil, secondo cui le leggi romane devono valere διὰ πάντων in Armenia fin dall'inizio del regno dell'irretroattività delle leggi in e n. 35; Voci, Piccolo manuale ritenere che questi considerasse
di Giustiniano (per il rispetto, in generale, del principio diritto giustinianeo, cfr. BRUGI, Istituzioni, cit., p. 31 di diritto romano, I, Milano 1979, p. 174), inducono a come abusiva la permanenza, nelle regioni armene, del
diritto locale di successione; se questo in precedenza fosse giuridicamente consentito oppure solamente tollerato di fatto ἃ problema di assai difficile soluzione e che non si può
qui
affrontare;
nel
primo
senso
sembra
orientato
il VOLTERRA,
"Sulla
novella
XXI”, cit, pp. 6 55. τὸ Studi d'Avack, cit., IV, pp. 704 55., che però non pare aver dato il dovuto peso alle espressioni dell'editto citate sopra, mentre ne sottolinea maggiormente altre del c. 1 di esso, da cui potrebbe sembrare che l'imperatore solo allora abrogasse formalmente la legge armena di successione. Tuttavia, espressioni analoghe a queste ultime si trovano nella Nov. 21,1, che pure è stata preceduta dall’Ed. 3; del resto, nume rose leggi di Giustiniano cercano di correggere per il futuro usi contrari al diritto romano
persistenti in certe province o presso certi gruppi etnici sanando ciò che era avvenuto in passato, ma senza con ciò implicare che fosse legittimo: cfr., ad es., le Nov. 139 e 154; in generale, Viskv, Justinian für die Recbtseinbeit, cit., pp. 355 ss. e spec. 368 ss.
(con alcune inesattezze). Si noti ancora che l’Ed. 3,1,2 presuppone che le persone a cui si dirige possano
validamente
testare, cosa peraltro di per sé non
necessariamente
deci-
siva ai fini dell’accertamento della loro qualità di cittadini (cfr. supra la nota 68). 106 Cfr. supra le note 78 e 100. 107 Cfr. Nov. 21,1: ciò modifica quanto aveva stabilito l'Ed. 3, su cui v. supra la nota
105.
108 E probabile che il mutamento decisivo a questo proposito sia avvenuto con le riforme di Zenone (supra, nota 100); vero è che esse non avrebbero riguardato la satrapia detta Belabitine, alla quale però nelle leggi giustinianee non è attribuito uno status particolare. 19 Cfr. Proc., BG 4,1,8-9; 4,2,5; 5,1,2; ADONTZ, op. cit., pp. 49 ss.
BP
1,15,18ss.;
229,14;
Aed.
3,6,1;
3,7,1;
Agath.
309
Ῥωμαίων γενόμενοι πολιτείαν », sono oggetto dei pensieri dell'imperatore «ὅπως … ἐν ὑπηχόοις τελοῖεν »; li ricorda ancora nella Nov. 28 affermando che nella loro « χώρα, νῦν πρῶτον ἐφ᾽ ἡμῶν ὑπὸ Ῥωμαίων χαταχτηθεῖσα », sono appena state fondate delle città e altre ne saranno !; la medesima però, a quanto risulta dalla stessa novella, non è compresa nella provincia dell'Helenoponto né viene inserita in alcuna delle province armene dalla Nov. 31. Da Procopio apprendiamo che la conquista della Tzanica sarebbe stata opera dell’abilità militare e politica di Sittas, che in seguito ad essa gli Tzani avrebbero cambiato il loro modo di vivere, si sarebbero arruolati nei xatdXoyov romani e sarebbero diventati cristiani; in precedenza invece erano αὐτόνομοι, sebbene ἐν τῇ γῇ Ῥωμαίων, e depredavano le terre circostanti,
benché l’imperatore inviasse loro annualmente una certa quantità d’oro perché non lo facessero, cosa a cui essi si erano impegnati con giuramento !!!. Agathias d’altra parte afferma che gli Tzani erano « ἐχ παλαιοῦ ὑπόσπονδοί te καὶ χατήχοοι
τῶν Ῥωμαίων », ma che intorno al 558 la maggior parte
di essi aveva ripreso a far razzie e devastazioni nelle regioni del Ponto e nelle altre circonvicine comportandosi non diversamente da nemici dichiarati. Giustiniano mandò contro di loro Teodoro — egli stesso tzano di nascita ma educato fra i Romani, ed anzi uno dei migliori ufficiali dell’esercito romano —, il quale, dopo averli vinti, su istruzioni dell’imperatore impose loro un tributo perpetuo da fissarsi anno per anno facendo iscrivere il nome di ciascuno su un registro; in questo modo gli Tzani dovevano accorgetsi di essere
ormai
« χατηχόους
…
xal
ὑποτελεῖς
xal
παντάπασι
δεδουλωμέ-
νους » "2, Non è detto però se il loro territorio fosse incorporato in qualche provincia "5, L'assoggettamento al tributo descritto rende palese che dopo il 558 gli Tzani erano direttamente governati dall'amministrazione imperiale, fossero o
no inseriti in una provincia !*, Del resto, nelle novelle giustinianee il termine H0 Nov. 1 praef. p. 1,10s.; Nov. 28 praef. p. 213,5 ss.; per le costruzioni edificate da Giustiniano nella Tzanica, cfr. anche Proc., Aed. 3,6,12 ss. 1! Cfr. specialmente Proc., BP 1,15,18-25; Aed. 3,6,1-8; l'allusione al donativo imperiale e al giuramento degli Tzani implica l'esistenza di un trattato fra essi e l'Impero. 112 Agath. 5,1,2. Su Teodoro cfr. anche Agath. 2,30,7; STEIN, Histoire, cit., II, pp. 8145. Le frasi greche citate sono rispettivamente in Agath. 5,12 e 5,2,3. Agathias
non accenna minimamente all'assoggettamento degli Tzani operato da Sittss intorno al 527, ciò che dà luogo ai dubbi di cui infra nel testo. Sugli Tzani cfr. anche Bury, History of the Later Roman Empire from the Death of Theodosius I to the Death of Justinian, cit., I, pp. 322 n. 5; 434; II, 79; STEIN, Histoire, cit., I (1959), pp. 291; 360;
II, pp. 64; 105; 291; 516; RuBIn, Da: Zeitalter Justinians, cit., I, pp. 180; 433 5. n. 432. Nessuno di questi autori si preoccupa peraltro di accertare il loro sfafus verso l'Impero.
13 Perciò, quando la traduzione dell'Autbemticum, Nov. 28 praef. p. 213,5s. parla di Tazannorum ... provincia traducendo il termine χώρα, usa certo la parola in senso atecnico. 114 Si tratta infatti certamente dell'imposta fondiaria (la cosiddetta capitatio - iugatio) introdotta da Diocleziano e restata a lungo la base del sistema impositivo romano: cír. per tutti Bury, op. cit, I, pp. 47ss.; Jones, The Later Roman Empire, cit, I, pp. 449 ss. — tr. it. II, pp. 663 ss.; inoltre, le Nov. 17,8 e 128.
310
ὑποτελεῖς, usato a questo proposito da Agathias, equivale a quello di ὑπήχοοι e indica come quest'ultimo i cittadini dell’Impero, sia pure in quanto visti
sotto l'aspetto di contribuenti !5, Ma quale era lo status degli Tzani primo del 558? Su questo punto sembra esservi una contraddizione fra le espressioni della Nov. 1 di Giustiniano, che pure Agathias probabilmente conosceva ll, e le attestazioni di quest'ultimo: infatti, mentre la prima sembra considerarli fin dal 535 fra gli ὑπήχοοι, il secondo lascia intendere chiaramente che prima del 558 gli Tzani non erano soggetti al normale tributo fondiario e li definisce ὑπόσπονδοι cioè ‘alleati, vincolati da un trattato" !; 115 Spesso nelle novelle il termine ὑποτελεῖς (qui indicato con 4) si scambia con ὑπήχοοι (designato con δ) o altri termini analoghi: cfr., ad es., Nov. 8 praef. $ 1 p. 65,17 (a) e p. 65,20 (δ) e ancora p. 65,42 (a); Nov. 8,8 p. 72,6 (ἀρχομένους); 72,10 (ἐπαρχεώταις); 72,13 (a); Nov. 89 p. 72,28 (a); 72,34 (ἐπαρχεώτας); Nov. 8,10,2 p. 74,6 (a); 74,23-24 (b); Nov. 8,11 p. 75,12 (b); p. 75,15 (a); p. 75,18 (b); p. 75,24 (a); p. 75,30 (ὁ); Nov. 26,3 p. 205,37 (b) e p. 206,17 (a); Nov. 26,4 p. 207,19 (δ) e p. 207,34 (a); Nov. 292 p. 22028 (a); p. 220,33 (b); p. 220,35 (a); p. 220,40 (δ); p. 221,3 (b; Nov. 102,1 p. 494,3 (a) e 5 (b); Nov. 147 praef. p. 718,22 (a) e 719,6 (b); Nov. 147,1 p. 719,9 (a); p. 719,14 (5); p. 71920 (a) e 24 (a) e 32 (a); p. 720,8 (a), 10 (a), 19 (a) e 25 (a);
Nov.
147,2 p. 720,35
(a) e 721,25 (ὁ).
Il vocabolo ὑποτελεῖς per indicare s. a.); 1,426,11 (Iustinianus, a. 530) = 4,5(3) (Iustinianus); inoltre, ad es., in Nov. 30,2 p. 225,31; 30,3 p. 226,15 e 103,1 p. 497,32; 103,3 p. 499,4; Nov.
i sudditi compare anche in C. 1,3,35 pr. (Zeno, C. 3,2,4,3; C. 10,27,2,6 (Anastasius ?); C. 10,30, Nov. 8,6 p. 69,23 e 30; Nov. 17,11 p. 124,30; 24; 30,6 p. 229,1; 30,72 p. 231,14 e 18; Nov. 117 epil. p. 566,27 e 30; Nov. 128,1 p. 636,15;
128,15 p. 64121; 128,21 p. 644,32; 128,22 p. 645,11; 128 epil. p. 646,21; Nov. 130 praef. p. 650,22; 130,1 p. 651,67, 130,2 p. 651,21; 130,5 p. 652,29; 130,7 p. 65321; 130 epil. p. 654,5;
Nov.
131
epil. p. 664,26;
Ed.
4,1 p. 761,25;
Nov.
148,2 p. 722,24
(Iustinus II, a. 566); Nov. 149,2 p. 724,25 (id., a. 569); Coll. I, 12 (ZgPos I, p. 23; di Tiberio 11); cfr. anche THURMAN, op. cit. (supra, nota 71), pp. 458 s., n. 4. Il termine s'incontra anche in Theoph., Inst. par. 1,5,3, ma riferito al passato, quando la maggior parte dei provinciali erano peregrini e tributari dei Romani. Dal canto suo, lo schol. ad Tbeopb. Inst. par. 2,1,40 (ed. FERRINI, Opere, I, p. 175) rende con ὑποτελεῖς la voce ἐπαρχιῶται, Presso gli autori letterari del VI secolo la parola ὑποτελής, oltre che nel passo di Agathias citato sopra, s'incontra piü volte, con diverse sfumature. In Malalas essa compare
nel senso
di "suddito"
es., Malal. XV, p. 381,2 Procopio, invece, sembra
(quello corrente,
come
sí & visto,
nelle
novelle):
cfr., ad
Bonn; XVI, p. 394,6; XVII p. 423,12; XVIII, p. 437,18. attenersi più rigidamente al suo significato proprio che è
quello di "sottoposto a tributo" (e infatti il termine è spesso accompagnato da φόρου: cfr, ad es., BP 2,335; BV 1,5,14; 220,30, BG 4,2,19; 424,6 e 33; Aed. 6221),
senza che spesso sia chiaro in base a che tipo di rapporto
sorga l'obbligo
di pagare
il tributo; infatti, mentre di solito si tratta abbastanza chiaramente di sudditanza in senso stretto (BP 2,3,35; BG 4,24,6 e 33; cfr. anche BP 1,5,27), altre volte può esservi una
mera supremazia politica espressa in un trattato: cfr. BP 2,10,22-23. N16 Agath. 5,2,4 afferma infatti che Giustiniano, compiaciuto degli Tzani, lo ricordò fra le altre sue vittorie in una delle novelle; alla Nov. 1 praef. piuttosto che alla Nov. 28, praef., sia perché la rilievo sia perché doveva essere più spesso consultata dal nostro
per l'assoggettamento probabilmente allude prima vi dà maggiore nella sua qualità di
avvocato, dato che riguardava le successioni. Peraltro, Agathias sembra voler riferire ai fatti del 558 questo accenno di Giustiniano; ciò è evidentemente errato perché la Nov.
1
è del 1°.1.535 e la Nov. 28 fu emanata nel luglio dello stesso anno. 117 Il termine compare in questo senso, ad esempio, anche in Proc, BV 2,11,11 (quest'ultimo usa più frequentemente il vocabolo tradizionale, ἕνσπονδοι, su cui cfr. anche
311
sarebbero stati quindi più o meno nella stessa situazione dei Lazi'": giuridicamente autonomi, anche se politicamente dipendenti e costretti a soppor-
tare la presenza di truppe romane sul proprio territorio ἢ, D'altra parte, le informazioni di Procopio non sono decisive in un senso o nell'altro, anche se
paiono concordare meglio con le espressioni della novella !®. Potrebbe darsi che Agathias, che pure era uomo di legge, avesse fatto delle confusioni ‘!, ma la notizia sulla tassazione è abbastanza precisa e non v'è motivo di negarle credito; essa apre la via a un’interessante prospettiva di conciliazione che, se si valorizza una sfumatura nelle espressioni della novella, può gettare maggior luce sulla politica di Giustiniano nelle regioni conquistate. Per dirla in breve, è credibile che Giustiniano considerasse la Tzanica annessa all'Impero fin dalle vittorie di Sittas 2, ma che fino al 558 gli Tzani
siano vissuti in uno
stato, per cosi dire, di semicittadinanza
che
doveva comportare una notevole autonomia e l'esenzione da alcuni fra i doveri gravanti sui cittadini 125, forse accompagnata anche dal mancato riconoscimento di alcuni dei diritti di cui i medesimi fruivano. È probabile che questo status in un certo senso intermedio risultasse in qualche modo dalle condizioni
MoMMSEN, Rômisches Staatsrecht, Leipzig 1887, III, 1, p. 654 e n. 3 = Le droit public romain, Paris
1889, VI, 2, p. 279 e n. 5:
cfr., ad es., BP
1,17,46;
2,5,5;
2,12,9;
2,15,16);
in Malch., fr. 1 e 11 (Fragm. Hist. Graec., ed. MùLLER, IV, pp. 113 e 119, con riferi mento ai Saraceni e ai Goti; cfr. anche Lexicon, " Φοιδέρατοι ", IV, 769,1 ed. di D. 49,15,7 presente in Bas. 34,1,7 VI, p. 45 n. 51) esso corrisponde al alla nota 79).
STEIN, Histoire, cit., II, p. 297 n. 2); in Suidas, Adler, relativamente agli Sciti. Nella traduzione (BT 1552,13, rest. ex Epan. aucta 48,3: ΖΈΡΟΒ latino foederati (cfr. anche la bibliografia supra
Sui trattati con gli Tzani cfr. la letteratura citata supra alla nota 112 e Proc., BP 1,15,22-23.
118 Sui Lazi e sulla storia dei
loro rapporti
con i Romani,
cfr. la sintesi
di Proc.,
BP 2,15 (al $ 17 essi sono definiti ἕνσπονδοι); inoltre, supra la nota 76. 119 Cfr. Proc., Aed., 3,6,13 e 17. 120 Infatti Proc., BP 1,15,25 (cfr. anche Aed. 3,6,7) afferma che gli Tzani furono arruolati nei quadri regolari dell'esercito romano, dove normalmente entravano solo i cittadini romani (cfr. JoNEs, op. cit., II, p. 659 = tr. it. II, p. 899, il quale nell'enumerare alcune eventuali eccezioni non tiene conto del fatto che persone di stirpe barbarica potevano benissimo essere cittadini dell'Impero); anche le espressioni usate in Aed.
3,6,6 si adattano meglio a una vera e propria sudditanza che non a una mera dipendenza politica. 121 Una è sicura (cfr. supra la nota 116), ma è altrettanto sicuro che in generale la narrazione di Agathias non si riferisce agli eventi del 527-528, dato che questi sono
dominati dalla figura di Sittas e non vi compare Teodoro. 12 Si tenga anche conto del fatto che gli Tzani, a detta di Procopio (Aed. 3,62 e 18) erano
divisi in
numerose
tribii, ma
non
avevano
un'autorità
centrale,
a differenza
dei Lazi; questo doveva rendere poco affidabili i trattati e sconsigliava quindi di rinnovare i medesimi
con vincoli eventualmente
13 L'esenzione attesta Proc., Aed.
dal
tributo
pit stretti.
terriero doveva
3,6,2-5 e 21, essi non
erano
essere consigliata
dal fatto che,
come
abituati a coltivare la terra. Da
Proc.
BP 2,3,35 apprendiamo che anche nella Grande Armenia
i membri
erano
di Giustiniano,
stati esenti da ogni genere di tributi fino al regno
caso pare si trattasse di un privilegio personale.
312
della famiglia reale ma
in questo
di pace imposte personalmente da Sittas "* tenendo conto delle esigenze degli Tzani stessi — e questo spiegherebbe il fatto che Agathias li definisca ὑπόσπονδοι — e che dovesse servire a facilitare, senza sollevare troppi traumi, una intensa opera di romanizzazione la quale doveva poi permettere l'inserimento completo nell'Impero. Si noti infatti che la Nov. 1 non dice semplicemente che gli Tzani sono ὑπήχοοι, ma che l'imperatore si dà pensiero affinché essi, venuti da poco sotto la πολιτεία dei Romani,
siano annoverati
tra gli ὑπήχοοι; testimonianza di questa cura imperiale sono le notizie relative alla fondazione di città, che troviamo nella Nov. 28, e altre che leggiamo in Procopio, fra cui importanti sono quella relativa all'ammissione nell'esercito regolare e alle misure prese per favorire i rapporti con i vicini (eviden-
temente le popolazioni del Ponto e dell'Armenia facenti già parte dell'Impero) 5. E molto probabile quindi che fin dall'inizio fosse concessa la possibilità di unioni nuziali con persone di popoli già romanizzati, anche perché ciò avrebbe facilitato la diffusione della cultura romana. Ancora un particolare di notevole interesse si pud trarre dalla Nov. 1: l'epilogo di essa, dopo aver affermato che le proprie disposizioni sono state scritte « ὑπὲρ τοῦ χοινῇ πᾶσι λυσιτελοῦντος ἀνθρώπους » e sottolineato che l'utilità di esse vale « ἅπασιν … ἀνθρώποις » invita il prefetto del pretorio a farle pervenire a tutti gli « ἔθνεσι τοῖς πρῴην τε οὖσι xal vov ὑπὸ θεοῦ Sv ἡμῶν τῇ Ῥωμαίων προςγενομένοις ἀρχῇ »; ora, se si confronta questa
frase con il proemio della novella si nota che i popoli recentemente annessi all'Impero sono per l'appunto i Cartaginesi e gli Tzani. Cid significa che la Nov. 1 doveva essere pubblicata anche nella Tzanica e che quindi fin da principio vi fu introdotto il diritto romano o per lo meno la parte di esso riguardante le successioni. Probabilmente anche questo fu fatto con una certa elasticità e forse anzi per qualche tempo la disposizione restò lettera morta (è degno di nota che non si parli degli Tzani né nell'Ed. 3 né nella Nov. 21 riguardanti l'Armenia), ma è significativo il fatto che Giustiniano giustificasse l'immediata estensione affermando che le proprie disposizioni — e forse anche la più gran parte del diritto romano — erano utili a tutti gli uomini, ispirate cioè da criteri universali di giustizia e svincolate da particolarità etniche o ad ogni modo locali. Da altro punto di vista si potrebbe pensare che nella politica dell'imperatore vi fosse la più o meno chiara consapevolezza che il diritto poteva efficacemente contribuire alla romanizzazione delle tribá tzane.
124 Che
prese misure
queste
non
fossero oppressive
accorte e contrarie
risulta da Proc., BP
al fiscalismo
anche
1,15,24;
nei confronti
del resto, egli
degli
Armeni:
cfr.
Proc., BP 2,3,9. A giudicare da Agath. 5,1-2, non pare che gli Tzani si siano ribellati nel
557-558
in conseguenza
dell'oppressione esercitata dai funzionari
romani;
anzi, sembra
che |lo storico, e forse lo stesso imperatore, attribuissero il fatto all’eccessiva libertà loro
ta. LS Cfr. soprattutto Proc., Aed.
3,6,8-13. Anche
Agath. 2,20,7, parlando
dice che fu allevato presso i Romani — termine da intendersi senso culturale — e che quindi era completamente civilizzato.
di Teodoro,
qui probabilmente
in
313
9.
Lo status dei gruppi di persone cbe venivano accolte nell'Impero, e quello
degli individui cbe vi entravano isolatamente. Da tutte le notizie in nostro possesso risulta quindi confermato che al tempo di Giustiniano tutti gli abitanti delle regioni annesse all'Impero diventavano cittadini romani e dovevano in linea di principio applicare il diritto romano. Poteva peró capitare che l'inserimento nell'Impero fosse offerto a gruppi di individui, o da essi richiesto, prescindendo da conquiste territoriali; esso doveva egualmente comportare l'acquisto della cittadinanza, Se le fonti legislative a questo proposito sono mute, i testi letterari registrano più di un episodio del genere. Il caso forse più chiaro è il seguente, che è narrato da Procopio !*: quando nel 550 l’esercito romano aveva riconquistato la città di Petra nella Lazica, dove Giustiniano aveva in precedenza costruito una munita fortezza, la guarnigione persiana si era rinchiusa nell’acropoli, dove non aveva possibilità di scampo. Prima di lanciare l’assalto finale, Bessa, generale dell’esercito romano, avrebbe fatto invitare i Persiani alla resa, facendo loro proporre tra
l’altro « ὅτι τὴν πολιτείαν ἐπὶ τὰ βελτίω μεταβαλόντες ’Iovativiaviv ἀντὶ Χοσρόου κύριον ἕξετε»; la scelta della πολιτεία romana!” con il ricono126 Cfr. Proc., BG
4,12 e specialmente il $ 9.
177 Spesso nel presente passo i traduttori di Procopio rendono πολιτεία direttamente con "cittadinanza" [cosí ad es. il PONTANI, Procopio di Cesarea. La guerra gotica, Roma 1974, p. 348 e il DEwiNG, Procopius (Loeb Class. Libr.), V, London
indubbiamente
si rende
al meglio,
nelle
lingue
moderne,
1928, p. 173]. In tal modo
il significato sostanziale
del
passo, ma si rischia di intendere il vocabolo in un senso tecnico che non era forse nelle intenzioni di Procopio attribuirgli. Certo, in sé e per sé il termine πολιτεία può avere
anche questo significato e lo ha spesso nei testi giuridici: cfr. ad es., C. 10,11,7; Bas. 60,51,2 e lo scbol. Καί (ed. Heimbach, V, p. 854); Bas. 60,51,6,3 (ibid., p. 856); 60,51,27 (ibid., p. 867); 60,52,1 e schol. Τούτον (ibid., p. 879); 60,52,7,4 (ibid., p. 881); 60,54,3 e 7,3 (ibid., pp. 888 e 889); 60,54,14,2 e 4 (ibid., pp. 891 e 892); 60,54,15 e schol. Zita
(ibid., p. 892); tuttavia, il fatto che le fonti legislative del VI secolo facciano un uso estremamente ridotto del nostro vocabolo nel senso tecnico di "cittadinanza" consiglia di andare cauti nell'attribuirglielo quando compare nelle fonti letterarie della stessa epoca.
Normalmente,
ticum
con
Novellae.
la parola
respublica
πολιτεία
(cfr. questa
Pars latina, Milano
voce
delle novelle
in Legum
greche
viene
Iustiniani
tradotta
imperatoris
nell'Autben-
vocabularium.
1977-1979, VIII, pp. 3744 ss.) e si è già visto (supra, note
71-72) come nelle leggi giustinianee l’affermazione di appartenenza alla πολιτεία si alterni con il termine ὑπήχοοι per indicare quelli che un tempo sarebbero stati chiamati "cittadini". È probabile
ai soldati
che
Procopio
persiani sarà dunque
si muova
in un
ordine
d'idee
di scegliere l’appartenenza
analogo:
alla respublica
implicherà automaticamente la cittadinanza), lasciando quella persiana sappiamo come fossero giuridicamente qualificati), e l'accento sarà da
l'invito
romana
rivolto
(che
(nella quale non porre sull'aspetto
politico, mentre quello giuridico viene di conseguenza. Volendo rispettare rigorosamente il quadro concettuale di Procopio, la traduzione più esatta del passo citato potrebbe dunque essere “mutando in meglio la vostra appartenenza politica” o anche “la vostra comunità politica di appartenenza”. Che ciò implichi poi, almeno dal punto di vista dei Romani, l'acquisto della cittadinanza si desume dalle epressioni delle novelle (supra, nota 72), ma è forse bene tener distinte, come si è fatto per il termine Ῥωμαῖοι, l'accezione
politica da quella strettamente giuridica (cfr. anche la nota seguente). L'espressione πολιTrav μεταβαλλέμενοι
314
ricorre anche in Proc., Amecd.
25,25
(cfr. pure ibid., 11,38) a pro
scimento della sovranità di Giustiniano doveva evidentemente comportare in cambio, anche per essere appetibile, la qualità di ὑπήκοοι sullo stesso piano degli altri subiecti dell'imperatore. Un altro episodio ἃ riferito da Agathias: Aligern — fratello di Teia ultimo re dei Goti —, che dopo la morte di questo stava chiuso in Cuma con il tesoro reale fidando nell'aiuto dei Franchi, a un certo punto avrebbe deciso di consegnare la città e le ricchezze a Narsete « xal τὸ λοιπὸν Ῥωμαϊκῆς μεταλαχεῖν πολιτείας χινδύνων τε ἀπογενέσθαι xal βαρβαριχῶν διαιτημάτων »; per mettere in atto questo proposito si recó a Classe dal generale romano, il quale lo accolse e gli promise che sarebbe stato ricompensato con maggiori beni; sarebbe quindi strano che il suo inserimento nella πολιτεία avvenisse in condizioni di inferiorità giuridica "P, Agli inizi del regno di Giustiniano & da collocare la richiesta di Mundo: questi, di origine gepida, aveva accolto sotto di sé una banda di avventurieri con i quali si era fra l'altro messo al servizio di Teodorico;
nel 529 avrebbe
inviato ambasciatori a Giustiniano, chiedendo di « ὑπὸ τὴν βασιλείαν αὐτοῦ posito degli artigiani e operai che, in seguito alle vessazioni di Giustiniano, fuggivano in Persia (per un'analoga iniziativa dei filosofi pagani, cfr. Agath. 2,30,3-2,31,4; STEIN, Histoire, cit., II, p. 372 n. 3): anche qui, dal punto di vista romano, ciò comportava la perdita della cittadinanza (cfr., ad es., D. 4,5,5,1 = Bas. 46,2,4,1 — BT 21224ss. — ei relativi scolii: BS 2739,18ss.; 24s.), ma Procopio vuole in realtà sottolineare la loro
scelta politica; anche qui non sappiamo quale fosse il loro status giuridico nel regno persiano. Si noti ancora che il termine πολιτεία può anche indicare lo stile di vita (cfr., ad es., C. 1,3,46,2, a. 530: πολιτείας σεμνῆς) e quindi sostanzialmente viene ad abbracciare tre importanti accezioni fra quelle riconosciute sopra nella voce Romanus: quella strettamente giuridica, quella politica e quella culturale. Non è quindi assurdo pensare che l'adozione della lingua greca nei testi legislativi e quindi la diffusione del vocabolo κολιτεία nelle sue diverse sfumature abbia contribuito a rendere più indeterminati certi concetti. 128 Agath. 1,20,1-6; la frase citata appartiene al $ 3. Anche qui il termine πολιτεία viene tradotto con “cittadinanza” dal LAMMA, “Ricerche sulla storia e la cultura del VI secolo", in In., Oriente e Occidente nell'Alto Medioevo, Padova 1968, p. 101 n. 1
(ed. orig.: Brescia 1950); anche qui la parola è forse troppo tecnica: Agathias vuole dire che Aligern sceglie di entrare a far parte della respublica Romana (e quindi di conseguenza della cittadinanza); si noti come l’autore qui vi colleghi anche l'abbandono dei costumi barbarici e quindi un mutamento culturale. Il fatto che Agath. 2,9,13 presenti Aligern come collocato non nell'esercito romano, ma fra i βάρβαροι ξνστρατευόμενοι non significa che egli fosse escluso dalla cittadinanza, ma probabilmente che Narsete da un lato voleva essere prudente per evitare i danni di un'imprevista tergiversazione, dall'altro intendeva portare la questione all'esame dell'imperatore (cosa a cui alludono anche le promesse contenute in Agath. 1,20,6). L'espressione μὴ μετέχειν τῆς ἡμετέρας πολιτείας che s'incontra in C. 1,11,10,6 (cfr. anche il $ 1; la costituzione probabilmente è di Giustiniano: cfr. STEIN, Histoire, cit., II, p. 370 n. 8) a proposito dei pagani che abbiano simulato la conversione al cristianesimo ha invece un significato più ristretto della vera e propria perdita della cittadinanza, giacché allude a una specie di privazione dei diritti civili ma non, a quanto pare, della capacità matrimoniale, né all'esclusione dalla comunità politica; cfr. anche KASER, op. cit., II, p. 123. Il problema, ad ogni modo, meriterebbe un approfondimento, proprio allo scopo di aiutare a precisare le nozioni di πολιτεία e di cittadinanza in quest'epoca.
315
γενέσθαι ». L'imperatore accolse sia lui sia i suoi seguaci e lo nominò 724gister militum per Illyricum ®; la cronaca di Marcellino ricorda che nel 530, primus omnium Romanorum ducum, mise in fuga i Goti che facevano scorrerie nell'Illirico. Benché la collocazione di Mundo fra i Romanorum duces non sia prova assoluta del godimento della cittadinanza Ÿ, la carica attribuitagli lo metteva a capo di truppe composte nella massima parte da cittadini ed è quindi molto improbabile che non lo fosse egli stesso ! Come
si è visto, in tutti questi casi vi dovette essere un atto ufficiale,
non esattamente di concessione della nell'Impero 2: questo non significa giamo che qualche schiera di barbari Romani o che un gruppo di nemici
cittadinanza, ma certo di accoglimento necessariamente che ogniqualvolta legoffriva di guerreggiare insieme con i trattava singolarmente la resa questi
fossero accolti nella πολυτεία dei Romani !*; se però ciò non avveniva, doveva
essere determinante il desiderio da essi espresso di rimanere autonomi !* dalle fonti che conosco non risulta infatti nessun caso in cui fosse stata rifiutata la richiesta di qualche gruppo che desiderasse aderire all'Impero. Diverso può essere il caso di individui o famiglie isolate che per qualsiasi motivo pervenissero nel territorio dell’Impero e vi si stabilissero. Non abbiamo molte informazioni in proposito e ad ogni modo occorrerebbero minuziose ricerche, Spesso nei trattati le controparti dei Romani chiedevano la 19 Su Mundo, cfr. la voce redatta dall’EnssLin ultimo Croke, “Mundo the Gepid: from Freebooter pp. 125 ss. La fonte principale al nostro proposito è testa espressamente che Giustiniano « ἐδέξατο αὐτὸν στρατηλάτην
τοῦ
᾿λλυριῶν
in RE, XVI, 1 (1933), coll. 559 ss.; da to Roman General", Chiron, 12 (1982), Malal., XVIII p. 451 Bonn, il quale atσὺν τοῖς ἀνθρώποις αὐτοῦ, ποιήσας αὐτὸν
ἔθνους ».
130 Cfr. Marcellin., Cbron. ad a. 530, ed. MoMMSEN, Cbron. min. II (MGH, AA XI), Berolini 1894, p. 103. Come si & già visto supra alla nota 31, il termine Romanus in senso
militare puó comprendere anche gli alleati. 131 Cfr. Jones, op. cit., II, pp. 659 s. = tr. it., II, pp. 899 s. Per dei casi precedenti (IV secolo) in cui dei capi barbari entrano direttamente nell'esercito romano come ufficiali, cfr. Jones, op. cit., II, p. 642 = tr. it., II, p. 880.
12 Cfr. supra la nota 81. 13 Nella πολιτεία sarà stato accolto ad esempio il genero di Teodato, che passò ai Romani con tutti i suoi seguaci e, inviato a Costantinopoli, fu fatto patrizio: Proc., BG 1,8,3. Per altri casi in cui dei nemici passano ai Romani senza che siamo esplicitamente informati sulla loro condizione giuridica, cfr. Proc., BG 1,15,1,2; 2,11,19; 2,19,17; 2,27,32; 229,17 (i Goti temono che la resa li costringa a lasciare l'Italia); 4,26,4, Agath. 2,14,6-7.
Procopio usa talvolta l'espressione ἐπὶ «fj ἴσῃ xat ὁμοίᾳ (ad es., BG 2,11,19 s.; 2,19,17) ma ἃ dubbio se questa terminologia indichi precise caratteristiche sul piano giuridico; essa ad ogni modo compare anche in Proc., BP 1,5,14; BV 1,11,3-4; BG 3,3021; 3,3625; 3,37,14; 4,521. Tenendo conto di tutto ciò che si è detto finora, risulta probabile che i corpi di Vandali, Goti, Persiani, oltre che di Tzani, inseriti nell’esercito regolare romano fossero costituiti di cittadini; cadono in tal modo le perplessità del MASPERO, “Φοιδερᾶτοι
et Στρατιῶται dans l'armée byzantine au VI° siècle”, Byz. Zeitschr., 21 (1912), p. 105; Jones,
op.
cit., II, p. 659 = tr. it. II, p. 899;
Traci,
The
Barbarians,
cit,
pp.
303;
307; 313. Cfr. anche Merge patr. cum Thoma referend. De scientia pol. dialogus, ed. Mazzucchi, Milano 1982, V, 31. 14 Cfr. le richieste avanzate
a Narsete
dai Goti
vinti:
Proc.
BG
4,35,35;
il gene
rale di Costantinopoli pretende però che essi lascino l’Italia, e quindi il territorio romano: ibid., $ 36.
316
restituzione di tutti i transfughi che avevano trovato rifugio nell'Impero, ma l’imperatore cercava solitamente di evitare il loro rimpatrio 5. Ciò potrebbe indicare che per gli individui isolati che si stabilivano in territorio romano senza l'approvazione dell'imperatore l'acquisto della cittadinanza romana non era immediato, ma che si intendeva ad ogni modo favorirlo *. È probabile che nella valutazione dello status di queste persone si procedesse in maniera piuttosto empirica: si sarà tenuto conto del tempo trascorso nell'ambito del. l’Impero,
del loro inserimento
nell'ambiente
e della loro posizione
sociale,
del concreto adeguamento ai costumi romani nella loro vita e nei loro atti. Α concessioni espresse della cittadinanza a singoli individui non ἃ da pen-
sare
!?,
10. I barbari onorati di qualcbe dignità o carica e la Nov.
117,4.
Un caso particolare puó essere costituito da quei barbari che ricevettero dallimperatore cariche o dignità civili o militari. Ciò in realtà si verificò sia a favore di persone
che vivevano
in territorio romano
ed erano
diret-
tamente sottoposte all'imperatore, sia a favore di capi di popolazioni che potevano anche essere stabilite in^regioni già appartenenti all'Impero ma erano legate a questo solamente da vincoli di amicizia o trattati !*. Quanto alla prima ipotesi, sappiamo che in epoca piá tarda il fatto di aver ricevuto qualche dignità dall'imperatore fu considerato come un indizio in base a cui si poteva ritenere che la persona cosf onorata dovesse comportarsi come 135 p. 114. rifugiati patria: romani, problemi
un
Cfr. MiLLER, Byzantine Treaties, cit., pp. 70 5.; adde Malch., fr. 2 in FHG, IV, In occasione della “pace eterna” del 532 con la Persia, gli Iberi che si erano a Costantinopoli furono lasciati liberi di scegliere se restarvi o ritornare in Proc., BP 1,22,16. È probabile che quelli che restarono diventassero cittadini ma ciò porterebbe a concludere che in precedenza non lo erano ancora. Analoghi sorsero
stabili che non
nel 577-78
sarebbero
dopo
la rivolta
stati restituiti
dei
principi
persarmeni:
« τοὺς ὅσοι βούλονται
il Cesare
Ῥωμαϊχῇς
Tiberio
μετασχεῖν πολι-
τείας»: Menand. Prot., fr. 47, in FHG, IV, pp. 249 s. Müller (per l'espressione cfr. supra la nota 128); cfr. fr. 54 p. 255; fr. 60 pp. 260 5. 1% Cfr, l’affermazione di Giustiniano in C. 7,15,2 (a. 530): « ampliandam enim magis civitatem nostram quam minuendam esse censemus »; cfr. anche C. 6,40,2,2 (a. 531). 17 Cfr. supra la nota 81. Criteri analoghi a quelli esposti sono applicati nel secolo XI in Πεῖρα 14,16 (ZEPos IV, p. 47): cfr. anche infra la nota 139.
18 C. 1,5,12,17 (senza data, ma probabilmente appartenente ai pochi mesi dell'anno 527 in cui Giustino
e Giustiniano
regnarono
insieme)
prevede
espressamente
—
in de
roga alle disposizioni sancite contro gli eretici — che dei Goti « γινομένων ἀνέχεσθαι gov δεράτων
xal τιμωμένων »; per
altri esempi
VI vedi le citazioni supra alla nota 48;
concreti
relativi
tanto
al secolo
V
quanto
al
per i titoli concessi a capi arabi, cfr. anche
STEIN, Histoire, cit., II, pp. 296 ss. Alcuni comandanti negli eserciti di Giustiniano erano di stirpe gotica (ad es. Proc., BP 1,8,3); altri erano originari dell'Armenia soggetta ai
Persiani (cfr., ad es., Proc, BP 1,15,31-32: Narses, Aratios, Isaak; BV 2,242 e BG 3,31-32: Artabanes); altri ancora venivano dall’Iberia: cfr. Proc., BP 1,12,11-14 e BG 1,5,3 (Peranio). Ovviamente, nel caso di persone residenti stabilmente nell'Impero, la concessione della dignità o carica può presentare interesse ai fini del nostro discorso qua-
lora non sia stata preceduta da un atto espresso di accoglimento nella πολιτεία, come ad esempio era avvenuto per Mundo
(supra, nota 129). Cfr. anche De sc. pol. dial., loc. cit.
(n. 133).
317
cittadino romano e servirsi quindi del diritto romano !” anche se per avventura fosse entrato nell'Impero senza autorizzazione; in effetti il rivestire una
carica o una dignità denota un inserimento particolare nella πολιτεία τῶν Ῥωμαίων e quindi dovrebbe far presupporre, o comportare di conseguenza, lo status di cittadino !*; del resto, non vi sono particolari motivi per credere che quest’ultimo dovesse essere a costoro negato. Il problema è un po’ piá delicato nell'ipotesi dei capi barbari che ricevevano dignità imperiali pur restando in posizione di governo presso i loro popoli, stanziati o no su territori dell’Impero; essi infatti potevano essere detti ὑπήχοοι e "appartenenti alla πολιτεία" in un senso assai pit elastico che non coloro di cui si è discusso in precedenza. Molto noto è il caso di Teodorico, che dall'imperatore Zenone ottenne a Costantinopoli il consolato
per l'anno 484 !*; più vicina ai tempi di cui ci occupiamo è la vicenda di 19 Per il secolo XI cfr. soprattutto Πεῖρα 14,16 (ZePos IV, p. 47); anche 54,6 (ibid., p. 225): il patrizio David d'Iberia fa testamento ispirandosi al diritto romano, ma istituisce erede un figlio qualificato come ἐθνιχός, forse perché nato quando il padre non era ancora diventato patrizio. Si noti che le espressioni che leggiamo nel primo dei
due passi or ora citati possono essere accostate a quelle usate nella Nov. 21,1 per dimostrare che gli Armeni devono applicare il diritto romano. ΜῸ I πολιτιχὰ ὀφφίχια o anche δημόσια ὀφφίχια (esempi: ἄρχων; συγκλητιχός, in cui rientra anche il patriziato; δικαστής) sono collegati con la cittadinanza, sia pure dal punto di vista della capitis deminutio, nello scbol. ἼΑξιον ad Bas. 46,2,4 = D. 4,5,5 (BS 2740, 1-14); esso dà l'impressione di appartenere al VI secolo; ad ogni modo trova in un certo senso conferma, per il IX secolo, nel passo di Genes., III, 55 Bonn citato supra alla nota 62. E pertanto probabile che i barbari residenti stabilmente nell’Impero c poi onorati di qualche dignità fossero riconosciuti come cittadini, quand'anche il loro ingresso in territorio romano fosse avvenuto individualmente e senza essere portato a conoscenza dell'imperatore. Del resto, ciò trova conferma nella Nov. 117,4, su cui vedi énfra nel testo. Un maggiore approfondimento della questione presupporrebbe minuziosi studi
prosopografici che non possono qui evidentemente essere affrontati. 141 Cfr. per tutti ENSSLIN, Theoderich der Grosse, München pp. 54 s.; DEMouckor, La formation de 1979, pp. 787 s.; WoLFRAM, Geschichte Burns, The Ostrogotbs, cit., p. 72. Che sume normalmente dal fatto che egli porta
l'Europe et der Goten, Teodorico il nome di
1947
(rist.
1959),
les invasions barbares, II, 2, Paris München 1979, pp. 544 s.; 256 5.; avesse la cittadinanza romana si deFlavius (cfr. ad esempio HARTMANN,
Geschichte Italiens im Mittelalter, 1, Leipzig 1897, rist. Hildesheim 1969, pp. 86s.) ma non risulta con precisione quando l'abbia assunto; già prima di diventare console era stato nominato magister militum praesentalis e patrizio, ed era anche stato adottato per arma da Zenone (ENSSLIN, op. cit., p. 41 ricollega appunto a questi fatti il nome
Flavius; cfr. anche DEMOUGEOT, ferta la mano
di Giuliana Anicia
op. cit., pp. 785 s.). Il fatto che nel 478 gli fosse of(Malch., fr. 16, in FHG
IV, p. 123
Müller,
cfr. De-
MOUGEOT, op. cit., p. 787) potrebbe indicare che egli era già considerato "cittadino romano”, ma non è decisivo perché l’imperatore poteva, con la propria autorizzazione, rendere legittimo il matrimonio fra cittadini e stranieri (ben noto è il caso del goto Fravitta che intorno al 392 sposò una cittadina romana con l’autorizzazione di Teodosio 1: cfr. Eunap., fr. 60, in FHG IV, p. 41 Müller; egli stesso diventò poi console nel 401); piá che all'ingresso nella cittadinanza romana alluderà a un'alta carica a Costantinopoli la richiesta formulata da Teodorico nelle trattative con Adamantios (a. 479) di « εἰσδεχθῆναι εἰς τὴν πόλιν τὸν Ῥωμαϊχὸν πολιτεύσοντα τρόπον» (Malch., fr. 18 in FGH IV, p. 129 Müller): cfr. anche WOLFRAM, op. cit., p. 343.
Si noti ancora che il nome Flavius compare anche sulle monete di Odoacre, il quale
318
Eutarico, genero di Teodorico e padre di Atalarico, che nel 519 rivestf il consolato in Italia. Gli studiosi ritengono comunemente che egli abbia precedentemente
ottenuto
la cittadinanza,
ma
nessuna
fonte
allude
a un
atto
espresso di tal genere !9; è però legittimo pensare che l'elevazione al consolato comportasse di per sé implicitamente il riconoscimento della qualità di Romanus 15, Tale implicito riconoscimento del resto sembra attestato anche per altre cariche meno prestigiose da alcune epistole scritte da Avito vescovo
di Viennes per conto di Sigismondo re di Borgogna “. Ancora, Menandro afferma che al tempo di Tiberio II il chagan degli Avari, Baiano — che allora viveva al di fuori dell'Impero, sul lato sinistro del Danubio —, desiderava τῇ x«0' ἡμᾶς πολιτείᾳ χαίρειν e quindi cercava di rendersi amico dell'im-
peratore: è difficile che questa espressione alluda semplicemente allo status di cittadino ed è più logico pensare che si riferisca a una qualche dignità romana che avrebbe però inserito l'onorato nell'ambito della πολιτεία !5. non fu mai console, ma solamente magister militum e patrizio (cfr. STEIN, Histoire, cit., II, p. 48 n. 4); sull'uso di esso nel tardo Impero cfr. Mommsen, “Ostgothische Studien",
cit, in Gesammelte Schriften, cit., IV, pp. 476s. (= Neues
Archiv, cit, pp. 5368.) e
la sua nota alla voce Flavius nell'indice dell'edizione delle Variae di Cassiodoro
(MGH,
AA XII), Berolini 1894 (rist. 1961), p. 493; Mócsv, "Der Name Flavius als Rangbezeich nung in der Spátantike", Akten des IV intern. Kongresses für griecb. und lat. Epigrapbik, Wien 1964, pp. 257ss.; WOLFRAM, Intitulatio, I (Mitteilungen des Inst. fur Gsterr. Geschichtsforsch., Ergänzungsband, XXI), Graz-Wien-Küln 1967, pp. 55ss. 1€ Anche qui gli studiosi desumono la cittadinanza romana di Eutarico dal nome (Flavius Eutharicus Cillica) e la ricollegano solitamente al fatto che egli risulta essere stato
adottato
per
arma
da
Giustino:
cfr.
HARTMANN,
op.
cit.,
I,
p.
167;
ENssLIN,
Theoderic, cit., p. 298; STEIN, Histoire, cit., II, p. 226; WoLFRAM, Geschichte, cit. p. 405; anche Vismara, Edictum Tbeoderici, cit., p. 51 e n. 180; DEMoUGEOT, op. cit., II, 2, p. 816. Non è però sicuro che davvero l'adoptio per arma comportasse l'acquisto della cittadinanza,
dato
che
essa
certe
non
creava
un
rapporto
di filiazione,
sia
pure
fittizia: si vedano le discussioni svoltesi a Costantinopoli in relazione alla progettata adozione del principe ereditario persiano Cosroe da parte dell'imperatore Giustino: Proc., BP 1,11,6-22 e PIELER, "L'aspect politique et juridique de l'adoption de Chosroès proposée par les Perses à Justin”, Revue internationale des droits de l'antiquité, 3* S., 19 (1972), pp. 428 ss. 18 Il console viene infatti denominato Ῥωμαίων ὕπατος (Proc. BG 2,6,16; cfr. BP 1,25,40); la Nov. 105 praef. p. 501,11 auspica che tale istituzione « διηνεχὴς μείνῃ Ῥωμαίοις, ἅπασι
δὲ τοῖς ἀγαθοῖς ἀνδράσιν
14 Cfr. Avit., Ep.
47(42)
ὑπάρχτι Bath... ».
diretta a Vitaliano in nome
di Sigismondo,
succeduto
nel
515 al padre Gundobado: « quoscumque bonorum privilegiis erigitis, Romanos putare debetis » [ed. Peiper, MGH, AA VI, 2 (1883), p. 76]; Id., Ep. 78(69) (ibid., p. 93), scritta, sempre a nome di Sigismondo,
all'imperatore Anastasio:
«quos
militiae fascibus et pecu-
liaris gratiae pietate sustollitis, quos in extimis terrarum partibus aulae pollentis contubernio et veneranda Romani nominis participatione ditatis ...»: la presente lettera ringrazia l'imperatore per la concessione a Sigismondo del titolo di magister militum Galliae, di cui godevano già i suoi antenati; cfr. anche Avit., Ep. 93(83) (ibid., p. 100), e STEIN, Histoire, cit., II, pp. 188s.; DEMOUGEOT, op. cit., p. 671. Nell'ep. 9(7) di Avito, Si-
gismondo è denominato patricius (MGH,
AA VI, 2, p. 45). La terminologia usata nelle
lettere citate sembra indicare un'appartenenza giuridica all'Impero e non solo politica, per la quale non vi sarebbe stato bisogno di titoli o cariche; certo peró noi conosciamo
solo il pensiero di Sigismondo e non quello dell'imperatore. M5 Menand.
Prot., fr. 48 in FHG
IV, p. 252 Müller.
Meno
verosimile
mi
sembra
319
Anche per i capi di popolazioni barbare, dunque, le testimonianze citate — peraltro non appartenenti al regno di Giustiniano — sembrerebbero indicare che almeno in certi casi la concessione di una dignità imperiale veniva intesa come partecipazione della qualità di Romanus e come inserimento nell'Impero; può anche parlarsi di cittadinanza, tenendo però presente che di essa vengono qui in rilievo i privilegi piuttosto che gli obblighi ^. Per l'epoca giustinianea in realtà vi è un testo legislativo che fa riferi mento ai barbari onorati di qualche carica o dignità dall’imperatore, ma non è del tutto chiaro, e forse anche per questo non gli è stata finora dedicata la dovuta attenzione 7. Si tratta della Nov. 117,4: «'Enetôh δὲ νόμον πρώην ἐξεφωνήσαμεν χελεύοντα ἢ προιχῷα γίνεσθαι συμβόλαια ἢ ἄλλας συστάσεις προϊέναι γινομένας παρὰ τοῖς ἐχχλησιεχδίχοις, δι᾽ ὧν τοὺς γάμονς προςήχει βεβαιοῦσθαι, ἢ γοῦν ὄρχους παρέχεσθαι, ἐπὶ τοῦ παρόντος συνείδομεν χάλλιον διατυπῶσαι τὰ περὶ τούτων πρώην νομοθετηϑέντα. χαὶ διὰ τοῦτο χελεύομεν τοὺς μεγάλοις ἀξιώμασι χεχοσμημένους μέχρις ἰλλουστρίων μὴ ἄλλως γάμοις προςομιλεῖν εἰ μὴ προιχῷα συγγράφοιεν συμβόλαια, πλὴν εἰ μή τις πρὸ τοῦ τυχεῖν τῶν τοιούτων ἀξιωμάτων ἐκ μόνης διαθέσεως ἠγάγετο γαμετήν. τοὺς γὰρ τοιούτους γάμους τοὺς πρὸ τῆς ἀξίας γενομένους καὶ μετὰ τὴν ἀξίαν νομίμους μένειν χελεύομεν, xal τοὺς ἐξ αὐτῶν τεχθέντας νομίμους εἶναι παῖδας: μετὰ μέντοι τὸ τιμηθῆναί τινας τοιαύταις ἀξίαις μὴ ἄλλως ἄγεσθαι γαμετὰς πλὴν εἰ μὴ μετὰ προικῴων συμβολαίων. ταύτην δὲ τὴν τοῦ νόμου ἀκρίβειαν συγχωροῦμεν τοῖς ὑποτεταγμένοις τῇ ἡμετέρᾳ πολιτείᾳ βαρβάροις, χἂν
ἀξιώμασι, τοιούτοις ὑπάρχοιεν
χεχοσμημένοι
ὥςτε
καὶ διαθέσει ψιλῇ
δύνασθαι αὐτοὺς βουλομένους συναλλάσσειν γάμους. τοὺς δὲ λοιποὺς ἅπαντας παρὰ τοὺς ταῖς μεγάλαις, ὡς εἴρηται, ἀξίαις χεχοσμημένους,
οἱαςδήποτε εἶεν ἀξίας ἢ στρατείας ἢ ἐπιτηδεύσεως, εἰ μὲν βουληθεῖεν ἢ δυνηθεῖεν, οὐ χωλύομεν μετὰ προιχῴων συμβολαίων ἄγεσθαι γαμετάς; εἰ δὲ xal τοῦτο μὴ παραφυλάξουσι, καὶ τοὺς Ex μόνης διαθέσεως ἀποδεικνυμένους γάμους βεβαίους εἶναι θεσπίζομεν, καὶ τοὺς ἐξ αὐτῶν
τικτομένους νομίμους εἶναι παῖδας χελεύομεν » 1^. il pensare che lo storico con tale espressione intenda alludere al desiderio di ottenere uno stanziamento
in territori dell'Impero.
14 È logico pensare, ad esempio, che in questi casi non vi fosse obbligo di applicare il diritto romano o che ad ogni modo l'imperatore non si sforzasse di ottenere tale risultato. 14 Per quanto ho potuto vedere, esso è messo in rilievo solamente dal BRuoct, Istituzioni, cit., p. 50. Benché egli non si esprima chiaramente, a giudicare dal contesto
parrebbe intendere la disposizione come relativa a popolazioni prive di cittadinanza. Analoga sembra essere l'interpretazione del VAN per WAL, Manuale Novellarum Justiniani, Groningen-Amsterdam 1964, p. 65 n. 525, il quale parla di «chefs barbares qui ont obtenu l'illustrat ». 8
La
traduzione
latina
dell'Autbenticum
recita:
« Quia
vero legem
dudum
protu-
limus iubentem aut dotalia fieri documenta aut alias probationes procedere factas apud ecclesiae defensores, per quas nuptias competat. confirmari, aut certe sacramenta praeberi,
320
Questo
forme
passo costituisce un capitolo della storia della disciplina delle
matrimoniali 9. Giustiniano
nella Nov.
74,4
aveva
imposto
l'uso
degli strumenti dotali ai piá alti dignitari comprendendovi i senatori e tutti quelli portanti il titolo di illustre , mentre il ceto medio poteva limitarsi ad un'attestazione
scritta dell'avvenuto
matrimonio
redatta da un defensor
ecclesiae e firmata da almeno tre testimoni; solo la bassa plebe, i contadini e i militari di ultimo rango potevano continuare a concludere le nozze senza uso di documenti scritti, Tali norme sono richiamate e riassunte anche nella Nov. 89,1,1 ma dovettero dare luogo a proteste o a inconvenienti perché ben presto Giustiniano decise di semplificarle con il testo di legge che abbiamo riportato. La disposizione relativa ai dignitari è rimasta, ma con due precisazioni: da un lato il matrimonio contratto precedentemente alla con-
cessione della dignità resta valido anche senza redazione di strumenti dotali, dall’altro Giustiniano ὑποτεταγμένοις
fa grazia dell’osservanza
τῇ ἡμετέρᾳ
πολιτείᾳ
di tale disposizione
« τοῖς
βαρβάροις », i quali pertanto
anche
se insigniti di alte dignità possono continuare a contrarre nozze mediante il semplice affectus. Tutte le altre persone e categorie sociali non hanno pit bisogno di documenti scritti. Ma chi sono questi barbari che la novella esenta dall’obbligo di scritture dotali? Inoltre, l’uso del vocabolo βάρβαροι implica necessariamente che essi
fossero privi della cittadinanza romana? La novella impiega effettivamente una terminologia un po' ambigua, che dovette risultare poco chiara agli stessi contemporanei, tant'è vero che i due epitomatori greci del VI secolo di cui abbiamo le summae, Anastasio di Emesa e Teodoro Scolastico, sembrano averla intesa in modo diverso:
il primo parla infatti di « ol ὑπόσπονδοι βάρβαροι »,
mostrando cosí di riferire la disposizione ai capi barbari dei popoli alleati !5; in praesenti perspeximus melius disponere
rea iubemus
eos qui maximis
ea quae de bis pridem sancita sunt. Et propte-
dignitatibus
decorati sunt
usque
ad illustres non
aliter
nuptias celebrare nisi dotalia scribantur instrumenta, nisi tamen aliquis antequam mereretur buiusmodi dignitates ex affectu solo duxit uxorem. Tales enim nuptias ante dignitatem factas et post dignitatem legitimas manere praecipimus, et ex bis natos legitimos
esse filios; postquam vero bonorati fuerint aliqui buiusmodi dignitatibus, non aliter ducere uxores
nisi cum
dotalibus
instrumentis.
Hanc.
autem
legis subtilitatem.
concedimus
subiectis nostrae reipublicae barbaris, licet dignitatibus buiusmodi decorati sint, ut etiam nudo affectu possint ipsi volentes contrabere nuptias. Reliquos autem omnes praeter eos qui maximis, sicut. dictum est, dignitatibus decorati sunt, cuiuslibet sint dignitatis aut
militiae aut studii, si quidem
voluerint aut potuerint,
instrumentis ducere uxores; si autem
non
probibemus
cum
dotalibus
etiam boc non custodierint, et ex solo affectu cele-
bratas nuptias firmas esse sancimus, et ex eis natos legitimos esse filios iubemus ». La Nov. 117 ἃ del dicembre 542, mentre la Nov. 74 citata infra nel testo appartiene αἱ giugno 538.
19 In materia v. per tutti KASER, op. cit., II, pp. 169 ss. 19 Ció era già largamente diffuso nella prassi:
cfr. C. 7,6,1,9. Sul titolo di illustre,
cfr. KocH, Die byzantiniscben Beamtentitel von 400 bis 700, pp. 34 ss.; STEIN, Histoire, cit., II, pp. 429 ss. 151 Ecco
il testo
di
Athan.,
Ep.
sov.
10,9
secondo
la
phil. Diss.,
nuova
Jena
edizione
1903,
basata
sul
Cod. Lavr. 8 65, che ho potuto consultare grazie alla cortesia dei curatori, D. Simon e Sp.
Troianos:
νόμιμον
«Οἱ
συναλλάττειν
ἀξιωματιχοὶ
γάμον,
μέχρις
εἰ μὴ
ἄρα
ἰλλουστρίων
πρὸ
τῆς
χωρὶς
ἀξίας
προικῴων
hyéyovro.
Οἱ
συμβολαίων
δὲ
οὐ
ὑπόσπονδοι
δύνανται
βάρβαροι,
321
il secondo invece la applica agli « ὑποτελεῖς βάρβαροι », espressione con cui dovrebbero intendersi coloro che erano pienamente inseriti nell'Impero e soggetti agli obblighi tributari gravanti sui subiecti '* Per verità, un'attenta analisi della novella mostra che il senso da attribuirle era proprio quest'ultimo. Da un lato infatti il termine ὑποτεταγμένοι, se in sé e per sé è piuttosto generico !*, viene usato anche altrove nelle leggi giustinianee come equivalente ad ὑπήχοου e con particolare frequenza per indicare coloro che sono sottoposti alla competenza giurisdizionale di un determinato magistrato **; dall'altro la storia stessa di questa norma conferma l'interpretazione di Teodoro: la nostra novella infatti, come si è detto, intende rettificare la Nov. 74,4; ora, quest'ultima pone una norma generale x&v ἀξιωματικοί εἰσι, καὶ ol λοιποὶ δὲ πάντες, ὁποίας ἄν εἶεν στρατείας ἢ ἐπιτηδεύσεως, δύνανται καὶ μετὰ προιχῴων συμβολαίων xal tx μόνης γαμιχῆς διαθέσεως νόμιμον συναλλάττειν γάμον,
μὴ
δεόμενοι τῆς περὶ τῶν
τοιούτων
γάμων
χειμένης
παρατηρήσεως
ἐν ταῖς
προλαβούσαις
δια-
τάξεσιν». La vecchia edizione curata dallo HEIMBACH (Anecd., I, p. 126) è pi scorretta, in quanto fra l'altro tra ὑπόσπονδοι e βάρβαροι inserisce χαί che rende più oscuro il senso della frase.
Sul significato del termine ὑπόσπονδοι cfr. supra la nota 117. 12 Cfr. Theod., Summa « Οἱ ἀξιωματικοὶ
μέχρι
τῶν
πρὸ τῆς ἀξίας ἠγάγοντο᾽ ἀξιωματικοὶ
εἰσιν, ὡς
nov.
117, 5 (ed. ZACHARIAE, Anecd., Lipsiae
ἰλλονστρίων
οὐ δύνανται
οἱ δὲ μὴ ὄντες
θέλωσιν
ἀγάγονται
γαμετὰς
ἀξιωματιχοὶ drpolxous
&xpolxouc
ῥωμαῖοι,
γυναῖχας,
καὶ
μηδὲ
1843, p. 112):
λαμβάνειν,
ὑποτελεῖς χρείαν
εἰ μὴ
βάρβαροι
ἔχοντες
τῆς
dpa
xiv παρὰ
τοῖς ἐκκλησιεχδίχοις γενομένης παρατηρήσεως. μέμνησο τῆς οδ᾽ νεαρᾶς». Questo testo è riportato anche nello scbol. Οἱ ἀξιωματικοί ad Bas. 28,4,51(47): BS 1844,4 ss. Lo scbol. Τούς (ibid., 22) designa i barbari in questione come Τοὺς ἐθνιχούς Sul significato di ὑποτελεῖς cfr. supra la nota 115. 153 Ad es., Menand. Prot., fr. 11 (in FHG IV, p. 211 Müller) lo adopera per indicare le popolazioni dipendenti politicamente dai Lazi: « ὡς ἀποδίδως μοι Λαζικὴν ξὺν τοῖς ὑποτεταγμένοις ἔθνεσιν αὐτῇ»; a sua volta Agath. 3,16,2) parla dei Romani come « τῶν ὑφ᾽ οὖς ol Κόλχοι (cioè i Lazi) τετάχαται ». Tali autori tuttavia usano in senso generico anche il termine ὑπήκοοι; cfr. supra la nota 73. 14 Cfr. C. 1,4,34,12 (a. 534; indica i popoli sottoposti alla competenza giurisdizionale del prefetto del pretorio); più spesso l'uso in questo senso separa la preposizione dal verbo:
cfr., ad es., const.
Δέδωχεν
$ 23;
Nov.
25,4
pr. p.
199,29-30;
Nov.
69,4
p. 353,29. Un significato piá generico sembra quello di Nov. 8 epil. p. 78,9, dove si trova anche l'interscambio con Unico. (ibid., p. 78,13); la stessa Nov. 8,10 pr. p. 73,20 e cap. 12 p. 75,35-36 usa il termine per indicare la soggezione delle province al loro governatore. Meno interessante al nostro proposito è l'utilizzazione del vocabolo in C. 9,47,26,8(4) (a. 529)— dove esso allude ai luoghi assoggettati alle disposizioni della costituzione stessa — e nella Nov. 8 Ed. pr. dove esso qualitica la novella annessa all'editto medesimo.
Si noti pure che l'Autbenticum, il cui testo è stato riportato supra alla nota traduce
ὑποτεταγμένοις
con subiectis
e che
l'epitome
latina
di Giuliano,
Nov.
148,
108(109),
381 (p. 129 Hiinel), pur rendendo il vocabolo con «sub nostra ditione constitutis », che è generico, parla poi di «ceferis … nostris subiectis», lasciando chiaramente intendere che i barbari di cui si parla sono annoverati anch'essi fra i subiecti. In questo senso è probabilmente da intendere anche l'epitome greca dell'Anonimo (= Giuliano? cfr. da ult. Simon - Troranos - Weiss, "Zum griechischen Novellenindex des Antecessor
Julian",
Fontes
minores
II, Frankfurt/Main
1977, pp.
18s.), ed.
ZACHARIAE,
Amecd.,
p. 209, che parla semplicemente di «ol δὲ βάρβαροι ἀξιωματιχοί» senza ulteriori precisazioni.
322
come qualsiasi altra legge, senza affatto accennare ai barbari; quelli di essi a cui si riferisce la Nov. 117,4 dovevano quindi essere tenuti ad applicare la Nov. 74,4 — cosí come tutte le altre costituzioni dell'imperatore — senza che queste li ricordassero espressamente 5; è anche probabile che fossero presenti e influenti presso la corte di Costantinopoli per essere riusciti a ottenere una modifica in senso loro favorevole, Queste condizioni evidentemente
non sussistevano per i capi di popoli barbari vincolati da un trattato verso l'Impero: quand'anche si potesse affermare con piena sicurezza che la dignità loro concessa li rendeva automaticamente cittadini romani e che erano tenuti a osservare le costituzioni imperiali, & evidente che queste ultime non venivano normalmente redatte pensando ad essi né spesso venivano da essi conosciute; la correzione di una norma imperiale per riguardo a loro diventa quindi un fenomeno del tutto inverosimile. Si può tutt'al più ritenere che, se veramente erano cittadini, potessero usufruire anch'essi della norma in questione, ma non é pensabile che essa concernesse soltanto loro. Se la nostra ricostruzione è esatta, ne risulta pure che questi alti dignitari di origine barbara che ha di mira la Nov. 117,4 erano considerati cittadini romani, dato che dovevano normalmente applicare il diritto romano comune a meno che, come in questo caso, ottenessero deroghe espresse; inoltre, i] fatto che si parli dei loro matrimoni insieme con quelli dei cittadini romani e che né la novella né alcuno degli epitomatori abbiano sentito l'esigenza di precisare se potevano o no sposare donne romane lascia pensare che non vi dovesse essere alcun dubbio sul fatto che tutti i matrimoni di cui si parla potessero o anzi dovessero avvenire con cittadine romane. Di conseguenza il termine βάρβαροι usato nella novella e la voce Ῥωμαῖοι che Teodoro vi contrappone devono essere intesi non in senso giuridico, ma storico e cultu-
rale: questi barbari sono persone immesse solo di recente nella πολιτεία dei Romani e caratterizzate ancora, per dirla con l'epitome Juliani, da una buona dose di simplicitas '#, È probabile che proprio l'uso di questa termi-
nologia atecnica abbia tratto in inganno Atanasio !” e l'abbia indotto a riferire la disposizione alle popolazioni barbare vincolate all'Impero da un trattato. 155 Ciò è confermato dalla fraseologia usata dalla novella stessa: sono
esentati
dall'obbligo
di redigere
un
documento
scritto
essa non dice che
i dignitari
barbari,
ma
in
generale i barbari soggetti alla πολιτεία, anche se siano dignitari; si vuole alludere pertanto a quelle popolazioni considerate barbare che devono normalmente applicare il diritto romano. Per verità lo stesso modo di esprimersi è impiegato proprio da Atanasio, ma ciò si può spiegare nel senso che questi ha ricalcato lo stile della novella.
modo
1% Cfr. il già citato cap. 381 dell'epitome latina di Giuliano: «... exceptis tantumbarbaris dignitate decoratis; bis enim sub nostra ditione constitutis propter sim-
plicitatem
eorum
mini “Romano”
damus
licentiam
e “barbaro”
et nuda
affectione
nuptias
facere ». Sull'uso
dei
ter-
in senso culturale, cfr. supra il $ 1 n. 4 e specialmente
la nota 24; al di fuori della legislazione giustinianea, cfr. C. 1,3,28,3 (a. 468):
«Quod
si
testator ... barbarae sit nationis »; tale costituzione è citata anche nel Nomoc. XIV tit. II, 1, ed. Prrra, Juris ecclesiastici Graecorum bistoria et monumenta, II, Romae 1868 (rist., Roma 1963), p. 491; altra versione greca negli auctaria, ibid., p. 492. 157 Egli partiva probabilmente dal presupposto secondo cui i barbari inseriti nelle strutture dell'Impero erano diventati Romani in senso giuridico (cfr. supra la nota 78).
323
Questa spiegazione non toglie che l'affermazione di Atanasio, benché non riproduca esattamente il contenuto della novella, sia piena di interesse. Egli non trova affatto strano che una legge imperiale stabilisca come devono comportarsi, nel concludere i matrimoni, delle persone che non sono normalmente destinatarie delle costituzioni imperiali e che non sono di per sé tenute ad applicare il diritto romano !*, D'altra parte, se si ritiene che Atanasio avesse in mente le nozze contratte con donne romane
e a questi soli casi limitasse
la costituzione, dobbiamo pensare che desse alla norma un'estensione assai ristretta: secondo quando si è visto, infatti, ancora al tempo di Giustiniano uno straniero avrebbe potuto sposare una donna romana solo su espressa autorizzazione dell'imperatore 13, Oppure dobbiamo vedere in questo passo di Atanasio un indizio dell’esistenza della capacità matrimoniale con i Romani
anche a favore dei popoli barbari alleati 1? 11. L’ambito territoriale di applicazione delle leggi imperiali e lo status delle popolazioni romanizzate d'Occidente. Il tentativo di comprendere l’atteggiamento di Atanasio ci costringe a toccare, sia pure sommariamente, il problema della estensione delle leggi imperiali in età giustinianea. Esso del resto deve essere affrontato anche perché è pressoché l’unico dato offerto dalla legislazione di quest'epoca per esaminare le prime due questioni che ci eravamo poste, e cioè quale fosse, al tempo di Giustiniano e nei confronti dell'Impero, lo status delle popolazioni romanizzate d'Occidente assoggettate dai barbari e se una condizione particolare poteva essere attribuita agli Italici. Abbiamo già visto in precedenza che tutti i popoli che fanno parte della πολιτεία, cioè che sono governati direttamente dall'imperatore, sono citta158 afferma sia con avrebbe 159 indizio solo in giurista
Si noti infatti che egli, modellando la propria dizione su quella della novella, che gli ὑπόσπονδοι βάρβαροι, "anche se" siano dignitari, possono contrarre nozze la redazione di strumenti dotali sia mediante il solo affetto nuziale. La legge quindi preso in considerazione tutti i barbari in questione. Cfr. supra il $ 4 e la nota 141. Nell'epitome di Atanasio non c’è però il minimo che lasci supporre che egli intendesse riferire la norma agli ὑπόσπονδοι βάρβαροι quanto sposassero donne romane; se mai si potrebbe piuttosto pensare che il volesse sottintendere che la norma si applicava a tali barbari in quanto si trovas-
sero su territorio romano.
160 Il GAUDEMET, Institutions de l'antiquité, i trattati concedessero il conubium a determinate fonte lo prova; cfr. anche la letteratura citata Atanasio sarebbe pit facile da spiegare. D'altro
cit., p. 725, ha ipotizzato che talvolta popolazioni; se cosí fosse (ma nessuna supra alla nota 79) l'atteggiamento di canto, come si è visto supra alle note
31 e 35, il termine Ῥωμαῖος in senso militare o politico poteva comprendere anche i soldati o i popoli alleati. Poiché Teofilo, Inst. par. 1,10 pr. parafrasava il testo corri.
spondente delle Istituzioni affermando che erano legittime le nozze fra un "romano" e una "romana" se sussistevano i requisiti richiesti dalle leggi, è possibile che talvolta si sia addivenuti a interpretare il termine “romano” nel senso più ampio. Ma di ciò non mi risulta che esista nessuna testimonianza sicura, anche se non è escluso che più ampie
ricerche possano dare qualche frutto.
324
dini romani e devono applicare il diritto romano, cioè le compilazioni giustinianee e le altre norme emanate dall'autorità imperiale e non espressamente
limitate ad una determinata città o provincia !, Giustiniano, anzi, si preoccupa di rendere effettivo questo principio richiamando piá di una volta determinati popoli dell'Impero alla necessità di rispettare totalmente la normativa ufficiale, anche se contrastante con usanze locali ©. Se dunque è vero che le leggi emanate dall'imperatore devono valere per tutto l'orbis Romanus, che coincide con l’imperium Romanum, ossia con i territori soggetti alla Romana dicio '9, è però anche vero che in via normale i confini dell'Impero costituiscono il limite della loro estensione *, anche perché per la loro pubblicazione è necessaria la cooperazione della struttura amministrativa imperiale ! I destinatari delle norme, in sostanza, sono solo i subiecti dell'imperatore !4 Ed in effetti numerose leggi giustinianee indicano l'ambito di applicazione per esse previsto riferendosi esclusivamente alla città di Costantinopoli e alle province 7, All'ambito della πολιτεία cosí individuato si contrappongono
161 Cfr. supra il $ 5 e specialmente la nota 77. Il fatto che esistessero delle costituzioni con applicazione limitata territorialmente non abbisogna per quest'epoca di alcuna dimostrazione: cfr., ad es., C. 8,10,12-13; Nov. 13; Nov. 21 ed Ed. 5; Nov. 36 e Athan,, 19,2 (ed. HEIMBACH, Anecd., I, p. 170); Nov. 40 p. 261,22; Ed. 13; Nov. app. VIII e IX. Naturalmente, in certi casi puó essere dubbio (e lo era già nell'antichità: cfr. C. 8,10,13) se una constitutio sia esclusivamente locale oppure no: cfr., ad es., le Nov. 32-34.
12 Cfr. ancora supra la nota 77. Per la tendenza giustinianea a dare uniformità al. l’Impero
anche
nel campo
18 Il riferimento
del diritto pubblico,
all’orbis Romanus
cfr. PuLIATTI,
Ricerche,
cit., pp.
17 ss.
come limite di efficacia delle leggi imperiali è
in C. 6,23,31,1 (a. 534); 6,51,1 pr. (a. 534); cfr. anche C. 3,1,14,1 (a. 530); 1,3,53(54),2 (a. 533); 4,21,20,4 (a. 530); 9,13,1,1c (a. 533); Nov. 36,6 p. 244,15 (a. 535); quello allimperium Romanum in C. 2,58(59)2 pr. (a. 531); 8,10,13 (a. 531); cfr. 3,1,13,6 (a. 530); le terre soggette alla Romana dicio sono richiamate in C. 8,51(52),3,1 (a. 529); cfr. const. Imperatoriam, $ 1 e Nov. 1 epil. p. 9,40-42. La Nov. 69,1 p. 350,17 usa le parole « ἐπὶ τῆς ὑπηχόου πάσης», che l'Aufhenticum traduce con «in universa dicione »;
cfr. anche Nov. 4 epil.; 14 epil.; 69 epil.; espressioni analoghe si trovano, ad es., nelle Nov. 2 epil.; 6 epil. $ 1; 8 epil.; 34 epil.; 54 epil.; 72 epil.; 85,3 pr. e 4. Quando sussisteva ancora l'Impero d'Occidente le leggi parlavano di utergue orbis: cfr. Nov. Valentin. 26,1; Nov. Anthem. 2, pr. 14 Cfr. anche GAUDENZI, Sui rapporti tra l'Italia e l’impero
d'Oriente
fra gli anni
476 e 554 d.C., Bologna 1888, pp. 163 55. Non possiamo qui affrontare il problema, in quale misura le leggi romane vincolino il cittadino che si trovi fuori dei confini dell'Impero; sappiamo ad ogni modo che certi atti sono puniti solo se compiuti i» orbe Romano (cfr., ad es., C. 4,42,1, di Costantino). 165 Per la verità, in talune regioni la pubblicazione talvolta non avveniva, ma questo non
pare
fosse
considerato
motivo
sufficiente
ad
esentare
stessa: cfr. la Nov. 66 e GAUDENZI, op. cit., p. 213. 166 Cfr. Nov. 1 praef. pr.; 2 praef. pr.; 4 epil.; 78,5 ed epil.; 86,1;
108 epil.;
109,2;
130 epil.;
dall'osservanza
della
legge
15 epil.; 73 praef. $ 1 ed epil;
134 epil.; la const. Summa,
$ 5 prevede
che il Codex Iustinianus debba essere inviato «in singulas provincias nostro subiectas imperio ». Un riferimento specifico ai "cittadini" dell'Impero sembra essere in Nov. 14 p. 108,35-36:
« ἅπασι … γένοιτο φανερὰ τοῖς τὴν ἡμετέραν ἔχουσιν πολιτείαν», che l'Authen-
ficum traduce con «ommibus baec fiant manifesta in nostra babitantibus republica ». Cfr. anche supra la nota 76. 167 Cfr., ad es., C. 1,5,12,9; 1,51,14 pr; 2,46(47)3 pr.; 2,55,5 pr; 3,1,15; 421,18;
325
le popolazioni barbariche, anche quelle amiche o alleate dell'Impero !*; ad esse le leggi imperiali non sono Se da questo punto di vista avevano fatto parte dell'Impero dubbio che i territori soggetti ai pero prima che questo tornasse
normalmente dirette. esaminiamo la condizione delle regioni che d'Occidente iniziando dall'Africa, non c'é Vandali fossero considerati estranei all'Ima impadronirsene: essi non facevano parte
della Ῥωμαίων πολιτεία, dell'orbis o imperium Romanum; a coloro che vi abitavano, anche se fossero di stirpe romana, non si estendeva la legislazione
imperiale 9, Alcune frasi delle leggi giustinianee (ma potrebbe anche trattarsi 4,66,3,3; 5,4,25,5; 5,70,7,5 e 6; 8,10,13; 8,14(15),7; I. 4,11,7; l'epilogo delle Novelle 14; 47; 60; 61; 73; 78; 94; 109; 112; 113; 115-119; 127; 128; 131; 134; 137;
16 Da C. 4,618 = CTb. 4,13,8 (a. 381) si desume che il Romanum solum è distinto da quello delle gentes devotae; cfr. anche C. 4,42,2 (a. 457-465, forse 459-460) e supra la nota 84. In epoca giustinianea la Nov. 142,2 (a. 558) p. 706,19-22, parlando del divieto di castrazioni, contrappone le azioni dei βάρβαροι a quanto avviene ἐν τῇ ἡμετέρᾳ πολιτείςΗ; ora i barbari di cui si parla sono gli Abasgi (cfr. infra la nota 193) che erano amici dei Romani: Nov. 28 praef. p. 213,10-11. 16 Cfr. soprattutto const. Imperatoriam, $ 1: «...tam Africa quam aliae innumerosae provinciae post tanta temporum spatia nostris victoriis a caclesti numine praestitis iterum
dicioni Romanae nostroque additae imperio protestantur »; const. Tanta, pr. =
C. 1172 er: « Cartbaginem, immo magis omnem Libyam Romano imperio iterum sociata »; C. 1,272 pr. (a. 534): «... et Africam defendere et sub nostrum imperium redigere nobis concessum est» (cfr. anche i $$ 4-42; 7); Nov. app. IX p. 803,34 (a. 558): « felicissimus
noster.
exercitus
Africanam
provinciam
..
mostro
imperio
vindicavit »;
Nov. 29,2 (a. 535) p. 220,34-35: «βαρβάρων τοὺς πρώην ὑποτελεῖς ἀπαλλάξαντες »; Nov. 14,1 p. 108,14-16; cfr. anche Proc., Aed. 6,1,5; Agath., praef. $ 24; altre fonti giustinianee relative alla conquista africana sono citate in PUuLIATTI, Ricerche, cit, p. 65 n. 9. Si ricordi che D. 1,5,17 afferma che sono cittadini coloro che vivono im orbe Romano (anche se cid di per sé non esclude che ne possa esistere qualcuno fuori di esso) e che la Nov. 78,5 chiarisce che la cittadinanza è stata concessa a tutti gli ὑπήχοοι,
Qualche dubbio sull'esattezza delle conclusioni tratte dai passi sopra riportati nascere dal fatto che anche in Nov. app. VII, 6 Giustiniano dice «cum autem propitio nostro imperio sint omnes restituti » a proposito degli Italici che, si vedrà infra nel testo (ma cfr. anche la nota 184), non erano mai stati considerati dell'Impero. È probabile però che le parole di Giustiniano facciano qui riferimento
puè deo come fuori sola-
mente all'eliminazione delle conquiste di Totila, il quale in quanto tyrannus (cfr. questo stesso c. 6 e inoltre i capitoli 2; 5; 12; 15; 17; STEIN, op. cit., II, p. 368) era considerato
estraneo all'Impero. Un'altra ragione di dubbio
sull'esclusione degli Africani soggetti ai
Vandali dalla cittadinanza può nascere dal fatto che la Nov. 78,4,1 afferma che per desiderio di propagare la libertà l’imperatore ha intrapreso guerre in Libia e in Occidente
« ὑπὲρ τε τῆς ὀρθῆς πρὸς θεὸν δόξης ὑπέρ τε τῆς τῶν ὑπηχόων ἐλευθερίας»: se ne deve desumere che i Libici fossero considerati fra gli ὑπήχοοι già prima che Giustiniano li liberasse? Non è detto; infatti, anche a parte ogni considerazione sul linguaggio retorico e propagandistico usato da Giustiniano in tali contesti e a parte il fatto che insieme con gli Africani qui si allude anche agli Italici, la frase può essere benissimo intesa nel senso che l’imperatore ha intrapreso tali guerre per dare la libertà a quelli che poi sono diventati suoi subiecti. Analogo discorso vale per C. 7,24,1 pr. Sui motivi che stanno alla base della campagna d’Africa, cfr. recentemente PULIATTI, Ricerche, cit., pp. 67 ss. Un'ultima ragione di dubitare della ricostruzione, sia pure ipoteticamente, proposta deriva dal fatto che è convinzione correntemente espressa dagli studiosi [vedi, in maniera particolarmente incisiva, DIEHL, Jusfinien, cit., p. 129ss., ma anche, fra gli altri, REMONDON, La crise de l'empire romain (Nouvelle Clio, 11), 2° ed., Paris 1970, pp. 226;
326
di espressioni retoriche) parrebbero lasciare intendere che la condizione delle popolazioni romanizzate asservite dai Vandali fosse inquadrabile nello schema della captivitas apud bostes "; se ne dovrebbe desumere che i singoli individui sarebbero stati in condizione di schiavitá, ma avrebbero potuto godere del postliminium qualora si fossero recati sul territorio romano. Non & detto, tuttavia, che da tali espressioni abbastanza vaghe si possano trarre precise conseguenze giuridiche; le leggi giustinianee peró non sembrano offrire altri appigli per una soluzione del problema "1, Ancora minori spunti vi sono per quanto riguarda gli abitatori delle an238;
OsrrocorsKy,
Geschichte
des
byzantinischen
wissenschaft XII, 1,2), 3° ed., München
Staates
(Handbuch
der
Altertums-
1963, p. 58 = tr. it., Storia dell'impero bizantino,
Torino 1968, p. 59; un po’ pit articolata è la posizione del CHrysos, op. cit. (supra, nota 48), pp. 37; 54; 60ss.; per quanto riguarda l'Africa, da ult. PuLIATTI, op. cit. p. 72] che gli imperatori d'Oriente non abbiano mai rinunciato a considerarsi sovrani, per lo meno in via teorica, delle antiche province romane d'Occidente occupate dai barbari. Non si vuole qui contestare tale visione — per quanto talvolta essa lasci l'impressione di basarsi sulla generalizzazione di dati che si riferiscono in realtà all'Italia —,
ma precisare invece che occorre distinguere diversi piani, probabilmente almeno tre: quello giuridico-amministrativo, quello delle relazioni politico-diplomatiche, quello del modello ideale astratto. Se in quest'ultima prospettiva si può dire che l’imperatore si considera dominatore di tutto il mondo (cfr., ad es., Proc., Aed. 1,2,11; Gasquzr, L'empire byzantin et la monarchie franque, Paris 1888, pp. 35ss.; anche infra la nota 216), certo in relazione al secondo piano la sua sovranità non si estende se non sulle antiche province
romane
e in generale
sui popoli
alleati
(cfr. supra
le note
73
e 76;
inoltre,
PARADISI, Civitas maxima, cit., alla nota 79, I, pp. 72ss.; 284; II, pp. 484s.; 525s.), ma sembra fuori dubbio che si possa anche individuare un punto di vista rispetto al quale l’imperatore governa solo i suoi subiecti, e cioè gli abitanti di Costantinopoli e delle province rette dalla organizzazione amministrativa di funzionari di cui egli è al vertice. Per degli accenni nel senso qui precisato, cfr. Beck, Das byzantinische Jabrtausend, München 1978, pp. 40s.= tr. it., Il millennio bizantino, Roma 1981, pp. 52 s.; per il tentativo di Giustiniano di affermare la propria competenza normativa su tutta l'estensione della Chiesa cattolica (ciò che potrebbe individuare ancora un altro piano), cfr. infra il $ 13. 190 Giustiniano ricorda spesso la "libertà" portata agli abitanti delle province africane (cfr., ad es., C. 1,27,1,1: « ut Africa per nos tam brevi tempore reciperet libertatem, ante centum et quinque annos a Vvandalis captivata »; cîr. anche i $$ 5-6; 8), ma po-
trebbe semplicemente
trattarsi di una libertà politica. Qualche
po’ più in là: C. 1,27,1,2:
«corpora
testo però si spinge un
vero liberis natalibus clara iugo barbarico durissime
subiugabant »; Nov. 28,4,2 p. 216,3-9:
«μὴ
ρίσασθαι τὴν ἐλευθερίαν, ἀλλὰ xal τοὺς χατὰ
μόνον "Appow μηδὲ τοῖς ἔθνεσι τοῖς ἐχεῖσε χα-
μέσην ἡμῶν τῆν πολιτείαν
ἔτους ἑχάστου πιπρασχο-
μένους ... ἐλευθερῶσαι »; cfr. anche C. 7,24,1 pr., che non ρυὸ far riferimento che agli Afri. Sulla riduzione in schiavitá della popolazione romana in Africa, cfr. Malch., fr. 3 in FHG
IV, p. 115 Müller; Proc, BV
1,4,1;
1,5,11-13 (però anche
1,5,15).
171 Procopio si esprime più volte lasciando intendere che gli abitanti della Libia erano stati Romani in passato, ma senza mai affermare che essi erano tali anche sotto la dominazione
vandala
(cfr. BV
1,5,8;
1,16,3;
1,20,19;
2,14,36;
2,15,20;
espressioni
ana-
loghe per gli abitanti di una città persiana in BP 2,19,24); ad ogni modo, è dubbio che a tale termine possa essere attribuito in tali contesti un valore giuridico anche se la fraseologia procopiana non si discosta molto da quella della Nov. 29,2 riportata supra alla
nota 169. Cfr. anche Aed. 6,15. Sull'esistenza di “rifugiati” libici a Bisanzio, cfr. ad es. Proc,
BV
2,58;
STEIN,
Histoire, cit., 11, p. 312.
327
tiche province galliche o spagnole 7: queste regioni sono menzionate espressamente una sola volta nella legislazione giustinianea 15; anch'esse sono esterne all'Impero e le costituzioni imperiali non vi sono dirette !*. Da questo punto di vista e con riguardo al concetto di cittadinanza come appartenenza all'Impero, si potrebbe pensare anche in questo caso che i loro abitanti, pur se romanizzati, non venissero considerati cittadini, benché questa conclu-
sione sia tutt'altro che sicura !”, 172 Come
è noto, nel 552
Giustiniano mandò
in Spagna
un esercito su invito del
visigoto Atanagildo che si era ribellato al re Agila; questa fu l'occasione che permise alle truppe imperiali di conquistare un certo territorio che poi in parte dovettero abban-
donare, Histoire,
ma
da cui vennero
cit., II, pp.
espulse
562ss.;
definitivamente
DEMOUGEOT,
solo
La formation,
intorno
al 624:
cfr.
STEIN,
cit., pp.
830 5.;
altra
biblio-
grafia in GIBERT, Enseñanza del derecho en Hispania durante los siglos VI a XI
(Ius
Romanum Medii Aevi, I, 5 b cc), Mediolani 1967, p. 7 n. 5: adde Thompson, The Gotbs in Spain, Oxford 1969, pp. 320 ss. Nella zona assoggettata all'imperatore fu introdotto
il diritto giustinianeo (cfr. GAUDENZI, Sui rapporti, cit., p. 229) ed è pertanto probabile che tutti coloro che vi abitavano fossero considerati "cittadini". Il territorio governato dai Visigoti
doveva
invece
essere
frase di Iord., Get. 58,303:
considerato
«Contra quem
estraneo
all'Impero;
ciò
appare
anche
dalla
(Agil) Atbanagildus insurgens Romani regni
concitat vires ». 173 Cfr. C. 1,27,2,2 (a. 534, indirizzata Belisario magistro mil. per Orientem): « Iubemus eliam, ut in traiectu, qui est contra Hispaniam, quod Septem dicitur, quantos providerit tua magnitudo, de militibus una cum tribuno suo, bomine prudente et devotionem servante rei publicae nostrae per omnia, constituas, qui possit et ipsum traiectum semper
servare et omnia, quaecumque in partibus Hispaniae vel Galliae seu Francorum aguntur, viro spectabili duci nuntiare,
ut ipse tuae magnitudini
referat ». La delicatezza del com-
pito affidato al tribuno richiede persona di provata fedeltà alla res publica, ma tutto ciò implica che i territori su cui egli deve raccogliere informazioni siano considerati estranei alla medesima e governati da regimi almeno potenzialmente ostili. 174 Cfr. supra le note 172-173 e inoltre la Nov. 30,11,2: le terre che gli antichi Romani avevano conquistate fino all'uno e all'altro oceano furono poi perse (ἀπέβαλον)
e Giustiniano spera che Dio gliene conceda 1᾿ ἐπικράτειαν, Sull'epoca in cui cessò l'invio delle leggi imperiali in Gallia, cfr. GAUDENzI, Sui rapporti, cit., pp. 141 ss. Per la verità, da alcune espressioni delle epistole scritte all'imperatore Anastasio da Avito per conto di Sigismondo, sembrerebbe che questi considerasse il regno di Borgogna come facente parte dell'Impero (cfr. GAUDENZI, Sui rapporti, cit., pp. 58 ss.); non sappiamo però né quale
fosse l'atteggiamento da parte imperiale, né se le espressioni retoriche usate da Avito implicassero
qualche conseguenza
Eutychianam Orientis. Ad
sul piano giuridico;
del resto, il medesimo
autore
(Contra
baeresin, II = ep. 3 p. 22,14 Peiper) parla dell'imperatore come rex ogni modo, la Borgogna doveva essere stata riconosciuta come indipen-
dente dall'Impero nel 475 (cfr. DEMOUGEOT, op. cit., pp. 605; 639 ss.; 657 ss.) e dopo tale data non vi è attestato l’invio di leggi romane; del resto, con il 534 il regno stesso cessò di esistere: cfr. STEIN, Histoire, cit., II, p. 333.
175 Come
si è già avuto occasione di notare (cfr. supra la nota 49), alcune costi-
tuzioni imperiali recepite anche nel Codex Iustinianus proibivano di esportare nei paesi barbarici numerose merci fra cui anche vino e olio (C. 4,41,1; a. 370-375). Ora non mancano testimonianze relative al VI secolo che mostrano come in Gallia giungesse
una notevole quantità di vino e di olio dai territori dell'Impero:
cfr., ad es., Greg. Tur.
7,29; PIRENNE, Maometto e Carlomagno, nuova ed., Bari 1969, pp. 74; 79 5. (tr. it. di Mabomet et Charlemagne, Bruxelles 1937, pp. 70; 75s.); BRÉHIER, La civilisation by
zantine, cit., pp. 172 ss. Dobbiamo supporre che le terre galliche non rientrassero ncll'ambito del barbaricum dal punto di vista imperiale? Non è detto; infatti, anche
328
Diverso ἃ il caso dell'Italia. Nei suoi confronti gli imperatori d'Oriente non
hanno
probabilmente
mai rinunciato,
anche dopo
il 476, a far valere
in qualche modo la pretesa di considerarla parte dell'Impero "5, e di inviarvi, qualora se ne offrisse il destro, qualche costituzione imperiale '”. Cosí in una legge greca, forse di Zenone e certo successiva al 484, si afferma che debba valere sia in Italia sia in tutte ἐπαρχίαι !*; così l’imperatore Anastasio prescindendo
dalla
considerazione
secondo
cui
poteva
trattarsi
di
che l’Impero non si curava di reprimere, è probabile che la norma
esportazioni
illecite
venisse intesa con
molta elasticità e venisse fatta osservare solo nei confronti dei popoli con i quali non v'era un trattato d'amicizia. Procopio infatti (BP 2,28,27-29, cfr. STEIN, Histoire, cit., II, p. 303) attesta come normale l’esportazione di vino e grano nella Lazica; essa però
viene a cessare quando doveva
la regione ricade nella sfera d’influenza persiana. Già
secolo,
quindi,
essersi
affermata
l’interpretazione
Leone
il Saggio (ed. Noailles- Dain, 233)
seguita
poi
nella
Nov.
nel VI 63
di
secondo cui i divieti colpivano in realtà le
esportazioni πρὸς τοὺς πολεμίους. Una pi consistente ragione di dubbio nei nel fatto che, quando nel X secolo Costantino
confronti della soluzione proposta Porfirogenito (De adm. imp., 13,
sta ed.
Moravcsik, p. 70; cfr. supra la nota 63) sottolinea la necessità che persone appartenenti alla famiglia imperiale non divieto solamente i Franchi,
contraggano matrimonio con stranieri, esclude da questo per il motivo che « τούτους γὰρ μόνους ὑπεξείλετο è μέγας
ἐχεῖνος ἀνήρ, Κωνσταντῖνος ὁ ἅγιος, ὡς σνγγενείας χαὶ ἐπιμιξίας πολλῆς
ὅτι xal αὐτὸς τὴν γένεσιν ἀπὸ τῶν τοιούτων ἔσχε μερῶν, τυγχανούσης Φράγγοις τε xal Ῥωμαίοις». Si può desu-
merne che si conserva qui il ricordo di un'epoca in cui l'Impero comprendeva
anche i
Franchi? In realtà, come mostrano le espressioni citate e come attesta anche Liutpr., De legat. Const., 33 (cfr. anche 40 e 53), il termine "Franchi" era usato nel X secolo a
Costantinopoli per indicare genericamente gli abitanti dei paesi occidentali, per lo meno di quelli che avevano fatto parte dell'Impero romano, di stirpe tanto germanica quanto latina (cfr. anche MARIDAKIS, "L'inapplicabilité", rimento, ἃ difficile quindi desumerne qualcosa di vi era un'epoca non meglio determinata in cui precisamente definite erano in stretti rapporti, con quelli dell'Impero d'Oriente. Sarebbe anche
cit., p. 734). Data la genericità del rifepreciso; esso testimonia solamente che gli abitanti di regioni occidentali non fino a concludere vincoli matrimoniali, eccessivo desumerne che la possibilità
di unioni nuziali reciproche sia continuata ininterrottamente fino al secolo X. Al tempo di Giustiniano, l'atteggiamento del re dei Franchi Tcodiberto verso l'Impero testimonia la ricerca di una piena indipendenza: cfr. ad es. Epist. Merow. et Karol. Aevi, I, 133
(MGH,
Epist.
III); Proc., BG
225;
3,33,46;
4,24; cfr. anche GASQUET,
L'empire
by
zantin, cit., pp. 162ss.; 168; 172ss.; RUBIN, Prokopios von Kaisareia, Stuttgart 1954, p. 231 = RE XXIII, 1, col. 496; GAUDEMET, "Survivances romaines dans le droit de
la monarchie franque du Vème au Xème siècle”, Tijdschrift voor Recbtsgescbiedenis 23 (1955), p. 156. 176 Cfr., ad es., GAUDENZI, Swi rapporti, cit., pp. 7 ss.; 23 ss.; 34ss.; 145ss.; 149s.; MOMMSEN, "Ostgothische Studien", cit., pp. 362 ss. (= Neues Archiv, cit., pp. 225 55.); Bury, History of tbe Later Roman Emp., cit., I, pp. 406 55.; 422ss.; 453ss.; STEIN, Histoire, cit., I, p. 398; II, pp. 40ss.; 46ss.; 1125s.; 125; 1895ss.; Vismara, Edictum
Theoderici, cit., pp. 49 ss.; DEMOUGEOT, 805 ss.;
808 ss.;
828
(cfr.
però
anche
La formation, cit., II, 2, pp. 609 ss.; 792 ss.; 615;
797;
829).
Il
Jones,
"The
Constitutional
Position of Odoacer and Theodoricus", Journ. of Rom. Stud., 52 (1962), pp. 126 ss. ha invece sostenuto che per lo meno sotto Teodorico l'Italia sarebbe stata fuori dell'Impero e che ciò sarebbe stato accettato da Anastasio, ma egli trascura le fonti citate infra e le sue argomentazioni
non
paiono convincenti;
contra, vedi
ora anche CHRYSOS,
"Die Amaler-Herrschaft", cit. (supra, nota 97), pp. 430 ss. 17 Su questo punto cfr. specialmente GAUDENZI, Sui rapporti, cit., pp. 151 ss. 178 C. 465,34 (rest. da Bas. 20,1,95: BT 1002,3ss.; cfr. Dict. de cons., ed. HANEL,
329
sembra avere più volte invitato Teodorico ad accogliere costituzioni orientali "*; Giustiniano poi, almeno a partire dal 550, in numerose leggi stabilisce che esse debbano valere in Italia, anzi considera quest'ultima semplicemente come una delle province !, e nelle Istituzioni afferma espressamente che è una terra « quae nostro imperio gubernatur » !®. Ciò non significa necessariaIuliani epitome latina novellarum lustiniani, Lipsiae 1873, p. 200), su cui vedi specialmente Monnier,
“Méditation sur la constitution Ἑχατέρῳ ct le Jus poenitendi", Nouvelle
revue historique de droit francais et étranger, 24 (1900), pp. 37 ss.; 169 ss.; 285 ss. = In. Études de droit byzantin, London 1974, II; AMELOTTI - Luzzatto, Le costituzioni giustinianee nei papiri e nelle epigrafi (Legum Iustiniani imperatoris vocabularium - Subsidia, I), Milano 1972, pp. 67s.; SeinL, Rechtsgeschichte Agyptens als rümiscbe Provinz, cit. p. 194. La legge potrebbe appartenere tanto a Zenone quanto δά Anastasio, a Giustino o a Giustiniano. Per l’applicazione in Italia di C. 3,24,3 (Zeno, a. 485-486?) cfr. VISMARA,
op. ult. cit., p. 53. 179 Cfr.
Cassiod.,
Variae,
1,1
(ed.
Mommsen,
10,15),
su
cui
GAUDENZI,
op.
cit.
p. 152; VISMARA, op. ult. cit., p. 52. 180 Cfr, C. 1,3,51(52) (a. 531); 2,52(53),7 pr. (a. 531), 8,14(15),7 (a. 532); ad esse possono forse aggiungersi C. 5,13,1,15 a-c (a. 530); 6,51,1
Summa
Perusina, era indirizzata anche
(a. 534) se, come
al senato di Roma
(cfr. anche
cit., II, p. 341); 7,31,1,1-2 (a. 531, cfr. I. 2,6 pr.); 7,40,1 pr. (a. 530);
risulta dalla
STEIN, Histoire, al papa sarebbero
state comunicate C. 1,1,6 (cfr. Cbron. Pascb., ad a. 533 ed. Dindorf I, 630);
C. 1,1,7,1
(a. 533) e C. 1,1,8,7 ss., che però hanno esclusivamente contenuto teologico; inoltre, la Nov. 7 (infra, note 198 e 199), la Nov. 9 (infra, note 201-205), forse la Nov. 8 (p. 78, 18-20), ma non, stranamente, la Nov. 6 (p. 47,29-35). La città di Roma è presa in consi-
derazione come luogo d'insegnamento della compilazione giustinianea in const. Omnem, $ 7; in Italia sarebbe stata inoltre applicata C. 12,3,5 (a. 531-533), come si desumerebbe da Cassiod., Variae, VI, 2: cfr. GAUDENZI, op. cit., p. 159. Non è invece esatto che, come afferma l’ASTUTI, Lezioni, cit., p. 59, nelle costituzioni che promulgano le diverse parti del Corpus iuris Giustiniano si rivolga insieme al senato di Costantinopoli e a quello di Roma: σά senatum è indirizzata la const. Haec quae necessario; senatui urbis Constantinopolitanae è diretta la const. Cordi; ad senatum et omnes populos (dell'Impero:
cfr. la const. δέδωχεν) si rivolge la const. Tanta. della compilazione hanno altri destinatari. Sull'introduzione
in Italia del Digesto
Le altre leggi introduttive
e del Codex
alle parti
lustinianus, cfr. GAUDENZI,
op.
cit., pp. 166 ss.; WENGER, Die Quellen, cit., p. 659 e n. 87; sull'invio in essa di nume rose novelle, cfr. GAUDENZI, op. cit., pp. 198 ss.; TAMASSIA, "Per la storia dell'Autentico", in Scritti, cit., II, pp. 130s.; 137; BONINI, Caduta e riconquista, cit., p. 315 n. 51. 181 Cfr. C. 2,52(53),7 pr. (a. 531): «et in Italia et in aliis provinciis » (anche const. Omnem, $ 7 combinato con la const. Summa, $ 5); espressioni analoghe si trovano in
D. 40,2,15,5 e per vero due volte anche in Gaio (3,121a; 3,122), ma qui potrebbero essere dovute a un glossatore: cfr. ALBERTARIO, "Sui testi romano-classici che annoverano l’Italia fra le province romane”, Studi di diritto romano, V, Milano 1937, pp. [già in Rivista di filologia e di istruzione classica, 55 (1926), pp. 372 ss.]. Nel
485ss. 554 la
sanctio pragmatica pro petitione Vigilii parla espressamente di Italiae provinciam: app. VII, 27. 18 I. 26 pr:
«...et his modis non solum
imperio gubernatur, dominium Anche
C. 6,51,1
rerum
Nov.
in Italia, sed in omni terra, quae nostro
iusta causa possessionis praecedente
pr. (1°.6.534), se fu inviata anche al senato di Roma,
adquiratur ».
farebbe
rientrare
l’Italia nell'orbis Romanus; d'altra parte la Nov. 42,1,1-2, confermando la scomunica contro l’ex patriarca di Costantinopoli Antimo, contro Severo di Antiochia ed altri ancora — irrogata da un concilio tenutosi in Costantinopoli con la partecipazione dei vescovi orientali e di quelli italici (STEIN, Histoire, cit., II, pp. 383 s.) — la attribuisce ad «ἅπαν τὸ πατριαρχιχόν τε xal ἱερατικὸν xal μοναχιχὸν τῆς ἡμετέρας πολιτείας ὡς εἰπεῖν
330
mente che tutte le leggi di Giustiniano, o anche solo quelle successive al 530, siano state inviate in Italia per la pubblicazione né di per sé che qualcuna di esse, anche tra quelle che fanno espresso riferimento a Roma
o all'Italia, sia stata effettivamente pubblicata in quei territori '®. Tuttavia, è un forte indizio per ritenere che, dal punto di vista di Costantinopoli,
gli Italici fossero considerati ancora come appartenenti all'Impero '* e quindi come cittadini; del resto, verso la stessa conclusione orienta il fatto che fin
dal regno di Teodorico con una certa regolarità almeno uno dei consoli fosse tratto dall'Occidente !5, D'altra parte, da nessuna delle costituzioni citate si può desumere che esse, a Roma o in Italia, dovessero applicarsi anche alla popolazione di stirpe gotica.
12. Applicazione dell'Impero.
della normativa
imperiale a stranieri o fuori dei confini
Da quanto fin qui detto, sembrerebbe dunque difficilmente spiegabile la prospettiva di Atanasio, secondo cui norme sulla forma del matrimonio σχῆμα», considerando cosi tutti i vescovi italici come appartenenti
alla πολιτεία, anche
se in tale data (6.8.536) Belisario era probabilmente entrato da poco in Italia (cfr. STEIN,
Histoire, cit., II, pp. 339 ss.); cfr. peraltro anche la Nov. 7 e infra la nota 199. 18 In considerazione
della collocazione
dell’Italia fra le province
(supra, nota
181),
si potrebbe pensare che vi fossero inviate per lo meno tutte quelle costituzioni in cui è detto espressamente che devono valere a Costantinopoli e nelle province (cfr. degli esempi supra alla nota 167), ma non si spiegherebbe allora come mai alcune leggi facciano uno specifico riferimento all’Italia. Un'ampia trattazione di questa problematica è in Gaupenzi, Swi rapporti, cit., pp. 160 55.; sulla necessità o meno della pubblicazione per l’applicazione di una constitutio, cfr. anche supra la nota 165. 14 Questa
è per lo meno
la posizione
ufficiale, non
sostanzialmente
intaccata
dalla
tentazione, una volta finita la guerra greco-gotica, di presentare il risultato di esse come una riconquista di qualcosa che era stato perduto (cfr. supra la nota 169; all'imminenza della guerra gotica potrebbero essere dovute anche le espressioni della Nov. 7,1 p. 52, 11-13, in cui Roma
sembra esclusa dalla ἡμετέρα y:
cfr. anche infra la nota
198). Negli
autori letterari troviamo delle oscillazioni: Procopio sembra spesso presentare l'Italia dominata dai Goti come sostanzialmente estranea all'Impero e l'avanzata di Belisario come una riconquista [cfr., ad es., BG 1,14,14; 4,22,6 e in generale Cesa, “La politica di Giustiniano verso l'Occidente nel giudizio di Procopio", Afhenaeum, 59 (1981), pp. 395;
400 ss.; la posizione ufficiale è espressa, ad es., in BG prospettiva
sembra
ancora
accentuata
in
Agathias
1,5,8; 1,20,17; 2,6,23-25]; questa
(1,5,5-7,
su
cui
LAMMA,
Oriente
e
Occidente, cit., pp. 98 ss.; 5,14,1: Italia e Libia sono messe sullo stesso piano), il quale anzi aggiunge che proprio in conseguenza delle sue conquiste Giustiniano fu per cos dire il primo «tv τοῖς χατὰ τὸ Βυζάντιον βεβασιλευχόσι» a diventare « Ῥωμαίων
αὐτοχράτωρ
ὀνόματι τε χαὶ πράγματι» (Agath., 5,14,1); tale atteggiamento ἃ sostanzialmente condiviso da Evagr., Hist. eccl. 4,19, mentre è pit vicino alla posizione ufficiale Lyd., De magistr.
3,12; 3,55, in quanto distingue la conquista della Libia, che era perduta, da quella dell’Italia, necessaria per impedire le malefatte dei Goti, 185 Cfr. Proc, BG 2,620; Id., Anecd., 26,12 e 15; Malal, XV p. 384,1 55. Bonn; talvolta anzi entrambi
i consoli furono
tratti dall'Occidente:
cfr. in generale
GAUDENZI,
Sui rapporti, cit., pp. 36 ss.; 63 ss.; MOMMSEN, "Ostgothische Studien", cit., pp. 363 ss. = Neues Archiv, cit., pp. 226 ss.
331
avrebbero potuto essere destinate anche ai barbari legati all’Impero da un trattato. In realtà, se & vero che le costituzioni imperiali normalmente si applicavano solo ai subiecti, ossia ai cittadini della πολιτεία, non mancano indizi secondo cui determinate norme coinvolgevano in maggiore o minore estensione gli stranieri. Non & neanche il caso di ricordare come questi, e anche gli ambasciatori, fossero soggetti alle misure generali di polizia previste espressamente per loro, relative alla possibilità o meno di muoversi libera-
mente nell'Impero !* e di acquistare determinate merci
, nonché ai diritti
doganali che dovessero essere pagati. Più significativo è il fatto che le norme sugli eretici e sull'interdizione loro comminata dai pubblici uffici e dalle cariche militari si applicavano anche ai cosiddetti foederati, tant'è vero che un'eccezione espressa viene fatta a favore dei Goti ®. Sappiamo inoltre dagli storici del VI secolo che non solo i foederati ma anche i contingenti di σύμμαχοι
venivano
assoggettati al diritto criminale romano!”
e che
ciò
186 Cfr., ad es., Proc., BG 4,15,20; Menand. Prot., fr. 11 (FHG IV, p. 212 Müller), Sui limiti imposti ai mercanti persiani, cfr. anche C. 4,63,4 e supra la nota 65, In gene rale, per un'epoca successiva, ma con disposizioni forse risalenti, cfr. Ἔπαρχ. βίβλ. 10,2; 20,2 (ZePos
187 Cfr,
II, pp. 382;
389).
ad es, C. 4,41,2
(a. 455-457),
che peraltro vieta ai cittadini
di vendere
agli stranieri determinate merci pit che proibire a questi ultimi di acquistarle; Menand. Prot., fr. 9 (FHG, IV, p. 205 Müller); 'Ezaex. βίβλ. 8,5 e 8,7 (ZePos II, p. 380). 188 Cfr. C. 4,61,8 (a. 381); Menand. Prot., fr. 11 (FHG, IV, p. 212 Müller).
189 Cfr. C. 1,5,12,17 (a. 527). Probabilmente però il termine φοιδερᾶτοι è inteso qui non nel senso di popoli alleati (cosî invece Proc., BG, 4,5,13), ma in quello di speciali contingenti militari arruolati come volontari e composti in larga misura di barbari estranei all'Impero (ad es., Eruli: cfr. Proc., BG, 3,33,13): cfr. C. 4,65,35,1 (a. 530 ?); 12,37,19,2 (di Anastasio); Nov. 116 (a. 542); 117,11 (a. 542); 147,2 (a. 553); 148,2 (a. 566); ΜΆΒΡΕΚΟ, “Φοιδερᾶτοι et Στρατιῶται dans l’armée byzantine au VI* siècle”, cit., pp. 97 ss.; STEIN, Histoire, cit., II, pp. 87 ss.; 261; 369; Jones, The Later Roman Empire, cit., II, pp. 663 ss. = tr. it. cit., II, pp. 903ss.; TEALL, The Barbarians, cit., pp. 296 s.
19 Cfr. Proc., BV 1,12,8-10: Belisario fece impalare due dei Massageti (Unni,in realtà Bulgari?) che erano venuti come alleati (ξύμμαχοι: BV 1,11,11) per partecipare alla campagna contro i Vandali, in quanto tra i fumi del vino avevano ucciso un loro compagno che li prendeva in giro. Per verità, il Digesto in un caso del genere tratta l'ubriechezza come attenuante, che csclude la pena 31 ed. Ashburner; 39 e 48,4 ed. Korzensky:
capitale (D. 49,16,6,7; cfr. anche Leg. mil., ZePos II, pp. 77; 86 5.; 88), ma nell'estate
del 533, quando avvenne il fatto, esso non era stato ancora pubblicato;
ad ogni modo,
Belisario (BV 1,12,17-18) sembra avere invece considerato l'ebrietà come un'aggravante. I Massageti si sollevarono, in quanto i loro princípi giuridici non punivano in quel
modo un tal genere di omicidio e affermarono che non erano entrati nell'alleanza per essere soggetti alle leggi dei Romani (Proc. BV 1,12,10). Un altro caso, riferito da Agath. 2,7,2-4 si colloca verso la fine della campagna d'Italia, immediatamente prima della battaglia di Casilinum contro i Franchi e gli Ale manni (autunno del 554). A Narsete fu riferito che uno dei capi eruli (i quali non & chiaro se fossero qui foederati o alleati: cfr. Proc., BG 4,26,13 e 17; 4,30,18; 4,31,5; Agath., 111,3; 1,14,4; 2,9,13) aveva ucciso un suo schiavo per futili motivi; il generale fece una rapida indagine e l'omicida non negò il fatto, ma affermò che i padroni potevano fare quel che volevano dei loro schiavi; vedendo che non mostrava segni di pentimento,
Narsete lo fece giustiziare dalla sua guardia del corpo. Per protesta, gli altri Eruli si rifiutarono di combattere, ma poi ritornarono sulla loro decisione. Qui il comportamento del generale in capo è perfettamente conforme al diritto giustinianeo: cfr. C. 9,14,1 (a. 319);
332
suscitò più di una volta violente proteste, tanto piá che, come è noto, il diritto
romano considerava un crimine anche l'uccisione ingiustificata del proprio schiavo. Per converso, le truppe alleate che transitassero nel territorio del-
lImpero godevano degli stessi diritti dei soldati romani ?', È vero che in tutti questi casi si romano !? — ed è proprio questi —, infatti si vanta di fossero gli Abasgi
tratta pur sempre di barbari che senz'altro possibile pensare che però sappiamo che Giustiniano aver dato a determinati barbari — precetti (παραγγελίαι) che
si trovavano in territorio Atanasio avesse in mente si spinse più in là: egli — nella fattispecie pare furono seguiti, col risul-
tato di vietare le castrazioni ”. Benché non si tratti della comunicazione di una vera e propria constitutio, questo episodio sembra mostrare che Giustiniano non solo non vedeva ostacoli ad applicare la propria normativa a stranieri dimoranti anche temporaneamente nell'Impero, ma cercava anche di D. 1,6,1,1-2; MoMMSEN, Rômisches Strafrecht, Leipzig 1899 (rist. Darmstadt 1961), pp. 616 s.; KASER, op. cit., II, p. 126. Cfr. anche D. 49,15,7,2; PtELEn, “Gerichtsbarkeit”, Reallexikon f. Antike u. Christentum, X (1978), cc. 457 ss. Da
Agath.
4,8,5;
4,9,5
si potrebbe
desumere
che
le leggi
romane
erano
applicate
anche da ufficiali e funzionari romani che si trovassero in paesi alleati. Per converso, da Agath. 4,3,1 risulta la possibilità che degli alleati venissero ammessi come accusatori in un processo romano svoltosi contro cittadini romani in un paese alleato. 191 Cfr. Nov. 130,8 (a. 545). 192 Secondo
il Maripaxis,
“L'inapplicabilité”,
cit.
(supra,
nota
68),
pp.
719ss.,
al-
meno a partire da Giustiniano non sarebbe stata più concepita la possibilità di applicare normative straniere all'interno dell’Impero; invece, secondo il MICHAELIDES-NOUAROS, “Quelques remarques sur le pluralisme juridique en Byzance”, Byzantina, 9 (1977), pp. 434ss.,
ciò sarebbe
avvenuto,
almeno
di fatto o in forza di trattati. La
questione
puó dirsi ancora aperta. 19 Cfr, Nov.
142,2 (a. 558), p. 706,19 ss.:
«El γὰρ βάρβαροι ἀκούσαντες τῶν ἡμετέρων
περὶ τούτου παραγγελιῶν ταύτας ἐφύλαξαν, πῶς dv ἡμεῖς συγχωρήσαιμεν μετὰ τοσαύτας τῶν πρὸ ἡμῶν βεβασιλευχότων νομοθεσίας τοιοῦτόν τι ἀμαρτάνεσθαι ἢ ἀνεκδίχητον ἐν τῇ ἡμετέρᾳ
πολιτείᾳ χαταλιμπάνεσθαι;», Secondo Procopio (BG 4,3,19-20), Giustiniano inviò ai due re degli Abasgi un eunuco del palazzo, mediante il quale « διαρρήδην ἀπεῖπε μηδένα τὸ λοιπὸν ἐν τούτῳ τῷ ἔθνει τὴν ἀρρενωπίαν
ἀποψιλοῦσθαι,
σιδήρῳ
βιαζομένης
τῆς φύσεως » e tutto
il popolo fu contento di questa ἐπίταξις dell'imperatore dei Romani (da Procopio questa notizia passa in Evagr. 422; cfr. anche Niceph. Call. 17,13; Zon. 15,1). L'iniziativa del.
l’imperatore è collocata dallo storico nel contesto dell'opera di cristianizzazione del popolo abasgico e va situata nella prima parte del regno di Giustiniano (cfr. STEIN, Histoire, cit., II, pp. 304; 507; negli anni 543-546 la colloca il KoLLAUTZ, "Abasgen", Reallexikon
der Byzantinistik, A I, 2, Amsterdam 1969, col. 27); essa precede quindi di parecchi anni la Nov. 142. La castrazione anche di schiavi era proibita, in orbe Romano, da C. 4,42,1 (Constantinus) e da D. 48,8,3,4 e 48,8,4,2; C. 4,42,2 (a. 459-60 ?) escludeva la possibilità di compravendita di eunuchi Romanae gentis anche se castrati fuori dell'Impero; su tutta questa problematica, cfr. DALLA, L'incapacità sessuale in diritto romano (Sem. giur. della Univ.
di Bologna, 76), Milano 1978, pp. 71ss. Sostanzialmente quindi Giustiniano ordina agli Abasgi di recepire un divieto presente già da tempo nella legislazione romana. Operazioni analoghe a quella appena descritta potrebbero essere state compiute anche nei confronti dei Lazi: si veda, ad es., Agath., 3,5,4; 4,4,7 (cfr. anche 4,8,5; 4,9,5; 4,11,13) e LAMMA, Oriente e Occidente, cit., pp. 106 ss. Troppo genetici, e forse semplicemente allusivi all’estensione dell'Impero, sono invece gli accenni di Paul. Sil, Descr. S. Sopbiae, 160; 240.
333
estendere a popoli alleati certi principi direttivi della medesima chiedendo che venissero recepiti. Ad un caso del genere potrebbe aver pensato Atanasio. Purtroppo, le modalità di tale operazione, che del resto non sembra essere stata frequente, ci sfuggono completamente; a giudicare da Procopio, essa sembra essersi svolta tanto sul piano diplomatico-politico, quanto su quello della propaganda presso l’opinione pubblica, utilizzando entrambi questi mezzi di pressione per promuovere il mutamento normativo interno alla comunità alleata. Un'altra via che Giustiniano utilizzò per cercare di estendere alcune sue
norme al di là dei confini dell'Impero passa attraverso la Chiesa cattolica !*. È noto che egli fu l’imperatore che piá intensamente e con maggiore minuzia legiferò in materia ecclesiastica, in parte ispirandosi a principi già presenti e diffusi nella Chiesa, in parte probabilmente innovando 5. Queste sue leggi, come tutte le altre, sono normalmente destinate ad applicarsi nell’ambito della πολιτεία, qualcuna però sembra essere stata indirizzata a una cerchia pi ampia di persone. Cosf è ad esempio di C. 1,3,51(52) — relativa all'esenzione dei clerici e monaci (purché non siano devagantes) da tutela e cura — che nel $ 2 recita: « Et boc non solum in vetere Roma vel in bac regia civitate, sed in omni terra, ubicumque Christianorum nomen colitur, obtinere sanci14 La bibliografia sui rapporti tra Chiesa e Impero romano d'Oriente, in generale e nell'epoca giustinianea in particolare, è vastissima: vedine una scelta in BroNpr, I/ diritto romano cristiano, cit., I, pp. 181ss.; Beck, Kirche und theologische Literatur im byzantinischen Reich (Handbuch der Altertumswiss. XII, 2,1), München 1959, pp. 37 ss. n. 3; 378 n. 1; Dvornix, Early Christian and Byzantine Political Philosophy (Dumbarton
Oaks Studies, IX), Washington 1966, II, pp. 916 ss.; FLICHE - MARTIN, Storia della Chiesa. IV. Dalla morte di Teodosio
all'avvento
di S. Gregorio
Magno,
3" ediz. ital. a cura di
C. Capizzi, Torino 1972, pp. 553s. (ed. orig.: Histoire de l'Église, IV, Paris 1937); Bonini, Ricerche sulla legislazione giustinianea dell’anno 535, Bologna 1976, pp. 59ss. n. 57.
19 V. per tutti ALIVISATOS, Die kirchliche Gesetzgebung
des
Kaisers. Justinian
I
(Neue Studien zur Gesch. der Theol. und Kirche, 17), Berlin 1913; BionpI, Giustiniano primo principe e legislatore cattolico, Milano 1936, pp. 64ss.; In., Il diritto romano cristiano, cit., I, pp. 395ss.; WENGER, Canon in den ròmischen Rechtsquellen und in
den Papyri (Akad. d. Wiss. in Wien, phil-hist.
KI., Sitzungsber., 220,2), Wien-Leipzig
1942, pp. 88ss.; STEIN, Histoire, cit., II, pp. 395ss.; CASSETTI, Giustiniano e la sua legislazione in materia ecclesiastica (Pont. Inst. utriusque iuris - Theses ad lauream, 123),
Roma 1958 (ma la tesi risale al 1947). Giustiniano stesso talvolta afferma di aver seguito i canoni ecclesiastici
[ad es., C.
1,3,41(42),19,(9);
Nov.
5,7 ed epil.; Nov.
6 epil.;
Nov.
83,1; Nov. 137 praef. e cap. 1; cfr. WENGER, Canon, cit., 102 ss.; 114 ss.; 127 ss.; STEIN, Histoire, cit., Il, pp. 396 s.; BioNpt, Giustiniano, cit., pp. 78 ss.; In., Il diritto romano cristiano, cit., I, pp. 144; 149; 223s.; 237 ss.] e, come è noto, attribuf valore di legge per lo meno a quelli dei quattro concili ecumenici di Nicea, Costantinopoli, Efeso, Calce donia [C. 1,3,44(45),1; Nov. 131,1); tuttavia ciò non toglie che altre volte se ne sia discostato (esempi in WENGER, Canon, cit., pp. 133 ss.). Un'implicita critica a questo fatto può vedersi nell'esaltazione di Marciano compiuta da Facund. Hermian., Pro defens. trium capitul., 12,3 (PL 67,838): quell'imperatore non osò: «quae iam de fide Chri stiana rite fuerant constituta discutere... vel novos constituere canones », ma anzi « ecclesiasticorum canonum exsecutor esse voluit, nom conditor » (come è noto, l'opera di Facundus è indirizzata appunto a Giustiniano); cfr. anche BionpI, I/ diritto, cit., I, pp. 231 ss.; 242 ss.; DVORNIK, op. cit., II, pp. 8265.
334
mus » 95, Questa espressione generale e non comune sembra appunto voler significare che Giustiniano, ritenendosi investito di poteri normativi riguardanti
le istituzioni
della
Chiesa
cattolica !”, cerca
di ottenere
che
essi si
estendano quanto la Chiesa stessa, indipendentemente dai confini dell'Impero. Una concezione analoga emerge anche nella Nov. 7, relativa al divieto di alienare le cose ecclesiastiche 5; alcune espressioni di essa potrebbero anzi far 1% La legge & del
1°.11.531
ed è indirizzata
al prefetto
del pretorio
Giovanni;
fu poi parzialmente modificata dalla Nov. 123,5 (a. 546): Cfr. Bionpi, I! diritto, cit. I, p. 374; Crirò, Rapporti tutelari nelle novelle giustinianee (Univ. di Macerata, Pubbl. della Fac. di giur., 5), Napoli 1965, pp. 29 ss.; KASER, op. cit., II, p. 227 n. 27.
Dalla nostra costituzione non risultano provvedimenti concreti per consentirne la diffusione in tutta la Chiesa. Per verità il concilium Aurelian. del 541, c. 13 (CC, Ser. lat. CXLVIII, A, p. 135) statuf l'excusatio degli ecclesiastici dalla tutela richiamando il fatto che la lex saeculi l'aveva concessa ai sacerdoti pagani: « Simuliter a tutillae administratione pontifices, presbyteros atque diaconos adeo excusatos esse decreuimus, quia, quod lex saeculi etiam paganis sacerdotibus et ministris ante praestiterat, iustum est, ut erga Christianos specialiter conseruetur »; tuttavia è quanto meno dubbio che vi si possa vedere un riflesso della nostra legge: cfr., ad es., Conrat, "Rómisches Recht im frühesten
Mittelalter", Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Recbtsgescbicbte, 34 (1913), p. 33 e n. 1; Jonxers, "Application of Roman Law by Councils in the Sixth Century", Tijdscbr. voor Recbtsgesch., 20 (1952), p. 341 n. 11; GAUDEMET, Survivances, cit., p. 165; CRIFÒ, op. cit., pp. 44 ss.
7 II, pp. Papers, ebraica 28,16.
Cfr. Bionpi, Il diritto romano cristiano, cit., I, pp. 246ss.; DVORNIK, op. cif., 815 ss.; MEYENDORFF, "Justinian, the Empire and the Church", Dumbarton Oaks 22 (1968), pp. 48 ss. Giustiniano intervenne anche nella disciplina della religione (cfr. Bionni, I/ diritto, cit., I, p. 354) e viene per ciò rimproverato da Proc., Anecd.,
1% La novella
fu emanata
l'epitome di Atanasio) nopoli, ma
il 14 (cosí l'Autbenticum)
o il 15 (cosf
il testo greco e
aprile del 535, ed è diretta ad Epifanio, patriarca di Costanti-
un'annotazione conservata solo nel testo tramandato dalla cosiddetta Collectio
Ambrosiana del Cod. Ambr. L 49 sup. (la cui composizione originale potrebbe risalire al 545-46 secondo il Trotanos, “Die Collectio Ambrosiana", Fontes minores II, Frankfurt/M. 1977, p. 41) rivela che sarebbe stata inviata anche agli arcivescovi di Roma, Gerusalemme, Alessandria e Antiochia — cioè a tutti gli altri patriarchi —, nonché al prefetto pretorio d'Oriente e a quello dell'Illirico. Il fatto che fosse stata spedita anche al papa
(in sé e per sé non
particolarmente
strano,
anche
se la guerra
gotica
non
era
ancora incominciata: cfr. supra la nota 180 e infra la nota 202) lascerebbe già di per sé pensare che dovesse venire comunicata a tutte le sedi episcopali d'Occidente (cfr. la Nov. 9, emanata nello stesso giorno o il giorno prima, su cui vedi infra nel testo); ciò trova conferma espressa nel cap. 1 della legge stessa, secondo cui la proibizione di alienare beni immobili ecclesiastici si rivolge anche a « τοὺς ἐπὶ τῆς Ἑσπερίας ὄντας θεοφιλεστάποὺς
ἐπισχόπους
ἀπ᾿
αὐτῆς
τῆς
πρεσβύτιδος
Ῥώμης
μέχρι
τῶν
εἰς
ὠκεανὸν
χαθεστωσῶν
ἁγιω-
τάτων ὀρθοδόξων ἐχχλησνῶν» (p. 52,12-15), i quali sono contrapposti ai vescovi orientali, dell'Illirico, Libia, Egitto e Africa, in quanto costoro τῆς ἡμετέρας εἰσὶ γῆς (p. 52,11). Un'ulteriore
conferma
«tri
τῆς
πάσης
γῆς,
si trova fiv
ὁ
nell'epilogo,
Ῥωμαίων
(p. 62,30-31; cfr. p. 63,17-18:
ἐπέχει
secondo νόμος
xal
cui
la presente
ὁ τῆς
legge
καθολικῆς
deve
ἐχχλησίας
valere θεσμός»
«ὑπὲρ τῆς πανταχοῦ γῆς εὐσεβείας τεθειμένον »): dal con-
fronto con le disposizioni citate sopra si desume
che l'ambito della Chiesa cattolica è
pit vasto di quello dell'Impero (a meno che con Ῥωμαίων ... νόμος non si intenda qui la tradizione giuridica romana, la quale era ancora viva in tutte le terre occidentali romanizzate); lo conferma il confronto con la Nov. 5,1 p. 28,31, che legifera sulla fondazione dei monasteri « ἐν ἀπάσῃ τῇ vf τῆς ἡμετέρας βασιλείας ».
Anche
qui, come nel caso di C. 1,3,51(52)2, ἃ estremamente
difficile poter
accer-
335
pensare che tutti gli ecclesiastici della Chiesa cattolica, indipendentemente dal luogo dove esercitavano il loro ministero, fossero considerati appartenenti alla πολιτεία, e quindi cittadini romani ^, A parte questo punto, che del resto tare se la Nov.
7 trovò diffusione e applicazione
nelle terre occidentali
soggette
ai bar-
bari, tanto più che il principio dell'inalienabilità dei beni ecclesiastici (salvo eccezioni) era da tempo riconosciuto nella Chiesa stessa [cfr. GAUDEMET, L'Église dans l'empire romain (Hist. du droit et des institutions de l'Église en Occident, III), Paris 1958, pp. 310s.; inoltre, Corpus Christianorum, Ser. lat., CKLVIII, Turnholti 1963, p. 248 (voce "Ecclesia"); ibid., CXLVIII A, pp. 341ss. (voce “Ecclesia”)]; in effetti, il conc. Aurelianense dell'anno 538 al c. 13(12) ripete la proibizione di non alienare le cose
ecclesiastiche richiamando « priorum canonum statuta » (ibid., CKLVIII
A, p. 119; cfr. il
c. 26, ibid., p. 124) e analogamente
549, c. 13 (ibid.,
fa il conc. Aurelianense dell'anno
p. 152). In Italia vi era stata addirittura una normativa di Odoacre, poi però abrogata: cfr. GAUDENZI, Swi rapporti, cit., pp. 145 ss. op.
cit., II,
pp. 243 s., con altra bibliografia. Giustiniano stesso tornò più volte sul punto:
Sul
problema
dell’alienazione
dei
beni
ecclesiastici
cfr. anche
KASER,
fonti in
STEIN, Histoire, cit., II, p. 398 n. 2.
19 Cfr. Nov. 7,32 p. 55,37, dove si riassume il disposto del cap. 1 con le parole « Τὸ δὲ εἰρημένον
ἡμῖν,
ὥστε
μηδ᾽
ἑνὸς ἀκινήτου
πράγματος
ἐχχλησιαστικοῦ
ἢ πκτωχιχοῦ
ἐχποίησιν
ἐπιτετράφθαι πρὸς μηδὲν τῶν τῆς ἡμετέρας πολιτείας προςώπον...», € dove il πρός introduce evi-
dentemente — in forza di quanto è detto al cap. 1, ma anche della ratio della norma — il riferimento ai destinatari della proibizione e non dell'alienazione; del resto, lo stesso cap. 1 (p. 5227-28) riassumeva il divieto precedentemente espresso affermando « πάντας πανταχοῦ τοὺς ἱερεῖς τῆς τοιαύτης ἐχποιήσεως εἴργομεν», ciò che mostra come Giustiniano ritenesse di possedere un potere di comando sopra di essi, tant'é vero che dispose che, se avessero violato la norma, proprio essi prima ancora degli acquirenti (per i quali cfr. i capitoli 5-8) sarebbero stati colpiti da sanzioni.
Giustiniano considerava
quindi
tutti gli ecclesiastici come
appartenenti
Qualche dubbio nasce innanzitutto dalla stessa fraseologia della Nov.
all'Impero?
7: infatti, il cap. 4,
relativo all'usufrutto sui beni ecclesiastici, concerne quelli « τῆς ἁγιωτάτης μεγάλης born σίας fi ἄλλης οἱαςδήποτε τῶν ἐν ἀπάσῃ τῇ ἡμετέρᾳ ὑπηκόῳ χειμένων» (p. 57,45; cfr. anche cap. 11 p. 61,14); si deve quindi intendere che tale disposizione, ἃ differenza delle prece-
denti, vale solo all'interno dell'Impero? Inoltre, il cap. 8 (p. 60,5-8) utilizza nuovamente lo schema Costantinopoli-province (sia pure per un problema particolare) e l'epil., p. 63, 5-6, impone l'obbligo di osservare la legge a οἱ τῆς ἡμετέρας πολιτείας ἄρχοντες (ciò che peraltro non escluderebbe che tale obbligo potesse gravare anche su altri; per una differente espressione nella Nov. 9,5 cfr. infra la nota 206). Infine, prendendo in considerazione altre leggi, si può notare che la Nov. 120 (a. 544), che tratta di argomento analogo, si riferisce sempre solo all'ambito della πολιτεία: cfr. p. 582,12-13; 585,21; 586,25; 587, 17-18; 588,16-17; 589,1-2 e 23-24. D'altra parte, a conferma dell'ipotesi avanzata si potrebbe osservare che la Nov. 9 praef. parla di ecclesiae nostrae (p. 91,22) per indicare
tutte le chiese cattoliche tanto di Occidente quanto di Oriente. In
definitiva,
si ha l'impressione
di trovarsi
di fronte
a una
situazione
fluida,
in
cui Giustíniano tenta di affermare dei princípi non ancora riconosciuti e lo fa in maniera in certo modo indiretta, cercando forse di saggiare se essi venivano spontaneamente accettati dalle persone che ne erano coinvolte. Siamo in un campo ed in un'epoca in cui la legislazione & spesso posta al servizio dell'azione politica e diplomatica. Forse proprio quest'ottica può spiegare il fatto che gli epitomatori delle novelle non seguano l'imperatore in queste sue aperture, ma che, almeno in questo caso (e anche in quello della Nov. 9: cfr. infra la nota 206) si mostrino aderenti a una visione 'statualistica' della legislazione, limitando l'efficacia della Nov. 7 alle Chiese poste nell'ambito dell'Impero:
cfr. Athan., 2,1 (ed. HEIMBACH, Anecd., I, p. 27): « περὶ τῶν ἐν ἑχάστῃ ἐπαρχίᾳ xol τόπῳ διαχειμένων ἐχχλησιῶν»; Julian. 7, 32 (ed. Hänel, p. 32): «Nulla sub Romana ditione constituta ecclesia ...»; Teodoro non si esprime sul punto.
336
rimane dubbio, occorre ricordare che anche altre costituzioni giustinianee potrebbero avere avuto, almeno nelle intenzioni dell'imperatore, un'estensione pari a quella della Chiesa cattolica ?”, ma non si esprimono in maniera del tutto chiara. Vi ἃ invece ancora una costituzione, certo destinata ad applicarsi anche oltre i confini dell’Impero, che fornisce qualche maggiore particolare su
questo punto: si tratta della Nov. 9, una legge per pit aspetti assai curiosa ?', emanata verosimilmente 1] 14.4.535 — data in cui l'Italia era ancora sotto il dominio di Teodato e la guerra gotica, quand'anche paresse già imminente, certo non era ancora incominciata — e diretta a papa Giovanni II, patriarcha
veteris Romae ?*, In essa si dichiara che ai diritti della Chiesa romana potrà essere opposta la prescrizione solo qualora siano trascorsi almeno cent'anni,
e non faceva chiese, tata in
i normali termini di trenta o quarant'anni. In realtà Giustiniano non che estendere in Italia una disposizione presa nel 530 a favore delle degli istituti di beneficenza e delle civitates; essa era stata poi riporC. 1,2,23 9, Evidentemente quest'ultima legge non era stata pubbli-
20 Ad esempio, C. 1,4,33 (del 1°.11.534), indirizzata « τοῖς πανταχοῦ γῆς θεοφιλεστάτοις
inwxónow » — espressione che ritorna nel $ 4 — condo
cui nessuna
donna
dev'essere
costretta
per comunicare ad essi C. 5,4,29 (se-
alla professione
scenica
contro
la propria
volontà) ed invitarli a intervenire per assicurarne l'applicazione. Proprio quest'ultima indicazione, perd, fa sorgere il sospetto che in realtà i vescovi coinvolti fossero solo quelli dell'Impero. Si avrebbe qui in tal caso una terminologia solo fittiziamente universale, ciò che
peraltro non
è raro nelle costituzioni giustinianee:
cfr. infra, testo e nota 216.
stesse considerazioni valgono per l’editto annesso alla Nov. TGXOU
γῆς
θεοφιλεστάτοις
ἐπισχόποις
xal
ὁσιωτάτοις
Le
8 e indirizzato « τοῖς ἀπαν-
πατριάρχαις ».
Effettiva diffusione anche fuori dei confini dell'Impero potrebbe invece avere avuto C.
1,1,6 (a. 533), che però ha contenuto essenzialmente
teologico:
cfr. Chrom.
pascb.
I,
633 Dindorf e la lettera di papa Vigilio a Giustiniano citata in DvonNIK, Early Christian, cit., II, p. 822. 21 Oltre al punto messo in rilievo nel testo, legge dovrà applicarsi anche alle cause già dedotte
sono degni di nota il fatto che lu in giudizio ($ 5; ciò è conforme a
C. 1,2,23,5), il fatto ($$ 2 e 4) che se ne sottolinea con vigore anche l’applicazione ai beni che la Chiesa romana possedeva in Oriente (per i quali doveva già valere C. 1,2,23); infine,
il problema
dei
rapporti
con
C.
1,2,23,
con
cui
la nostra
novella
non
sembra
coincidere perfettamente. Tutta la tematica della praescriptio centum annorum a favore delle chiese e di altre istituzioni è trattata ampiamente in DE MARINI Avonzo, “Giustiniano e le vicende della praescriptio centum annorum", in Studi Betti, Milano 1962, III, pp. 103 ss.; cfr. anche KASER, op. cit., II, pp. 72 n. 66; 288 n. 36. 22 La data segnalata nel testo è quella generalmente accettata dagli editori, ma i manoscritti presentano indicazioni divergenti che giungono fino al 10 maggio (cfr. l'apparato dello ScHéLL ad b. L, p. 92); ad ogni modo, papa Giovanni II morf 1'8.5.535 e la guerra gotica cominciò solo nel giugno dello stesso anno (STEIN, Histoire, cit., II, p. 339).
23 Per la sostanziale coincidenza fra C. 1,223 e Nov. 9, cfr. De MarinI Avonzo, op. cit., pp. 120ss.; in effetti, anche i paratitla dell'Epitome Juliani (ed. Hinel, p. 203) affermano: « XL autem IV kap. Confirmat constitutio nostri principis sub titulo de rebus ecclesiasticis
ZACHARIAE,
relatam »,
e
una
frase
analoga
Anecd., p. 21). Il GAUDENZI,
si
trova
nell'epitome
Swi rapporti, cit., pp.
di
Teodoro
198 ss., pensa
che la Nov. 9 sia stata richiesta dal papa per prevenire le conseguenze
(ed.
invece
di occupazioni
di
beni ecclesiastici nella guerra che si preannunciava imminente; ciò non spiegherebbe però l'estensione della norma alle altre Chiese d'Occidente.
337
cata in Italia, né vi era ancora stato inviato il Codex repetitae praelectionis,
perché Giustiniano presenta la normativa della Nov. 9 come una speciale disposizione di favore. Fin qui peraltro non vi ἃ nulla di particolarmente strano: abbiamo già visto che Giustiniano considerava l’Italia come parte del suo Impero e che anche altre leggi dovevano esservi state inviate; la Nov. 9 caso mai puó confermare che non tutte le costituzioni giustinianee, fossero o non fossero state mandate in Italia, vi avevano avuto pubblicazione ed appli-
cazione ?*, Ma la aver fatto catbolicas legis vigor
Nov. 9 non si ferma alla Chiesa di Roma o all'Italia; infatti, dopo riferimento alla prima, l’imperatore aggiunge: « ut ex bac in totas ecclesias, quae usque ad oceani fretum positae sunt, saluberrimae extendatur, et sit totius occidentis, nec non orientis, ubi posses-
siones sitae inveniuntur ad ecclesias nostras sive nunc pertinentes seu postea
eis acquirendae, lex propria ad bonorem dei consecrata ». Ed ancora ($$ 2-3): « Habeat igitur vestra sanctitas banc legem totius occidentis ecclesiis profu-
turam ... Quod igitur nostra aeternitas ad omnipotentis dei bonorem venerandae sedi summi apostoli Petri dedicavit, boc babeant omnes terrae, omnes
insulae totius occidentis, quae usque ad ipsos oceani recessus extenduntur, nostri imperii providentiam per boc in aeternum reminescentes ». Pertanto, la Nov. 9 è destinata a tutte le Chiese occidentali e par di capire che ad esse debba venire comunicata proprio tramite la sede patriarcale romana* Le varie Chiese poi avrebbero potuto invocare questa disposizione nei diversi regni in cui si trovavano in quanto si trattava di lex Romana, secondo la quale
probabilmente venivano di solito disciplinate 95, Ma la Nov. 9 restò in vigore 24 Cfr. supra le note 180 e 183. In base a quanto è detto nel testo, è difficile ipotizzare — come fa il KxücEx nella sua edizione del Codex Iustinianus, Berlin 1877, pp. 16 n. 9 e 313 n. 2 — che C. 1,223 sia da congiungere con C. 7,40,1 (che potrebbe essere
stata
inviata
in Italia),
tanto
piá
che
la data
sembra
diversa.
La
Dg
Marni
Avonzo, op. cit., p. 119, ipotizza che C. 1,2,23 fosse destinata anche all'Italia, ma non vi avesse trovato concreta applicazione.
25 Come è noto, al tempo di Giustiniano Roma era l'unica sede patriarcale d'Occidente. Sull'origine della qualifica di "patriarca" e sui poteri che le furono connessi, cfr. GAUDEMET, L'Église dans l'empire romain, cit. pp. 389ss.; Beck, Kirche, cit. pp. 27 ss.; PLÈCHL, Geschichte des Kirchenrechts, 2 ed., Wien-Miinchen 1960, I, pp.
159 ss.
Storia
del
diritto
canonico
(tr.
it. della
1" ‘ed.
Wien-München
1953),
Milano 1963, Ἵ, pp. 162 55. Nelle novelle giustiniance spesso l'imperatore invita i singoli patriarchi a comunicare la legge in questione ai vari metropoliti perché questi a loro volta la facciano conoscere ai singoli vescovi: cfr., ad es., Nov. 5 epil; Nov. 6 epil, $ 1; Nov. 67 epil.; cfr. anche Nov. 42 epil.; 55 epil.; 109 praef. 26 Sul principio « ecclesia vivit lege Romana » e sui suoi limiti, cfr., ad es. BRUNNER, Deutsche Rechtgeschichte, I, 2" ed., Leipzig 1906, pp. 393 ss.; ErLER, “Ecclesia vivit lege Romana”,
FüzsT,
Handwôrterbuch
"Ecclesia
vivit
lege
zur Deutschen
Romana?",
Rechtsgeschichte,
Zeitschrift
der
I, Berlin
1971, coll. 798 s.;
Savigny-Stiftung
für
Recbtsge-
schichte - KA, 61 (1975), pp. 17ss.; cfr. anche il c. 1 del conc. Aurelianense del 511 (CC, Ser. lat., CKLVIII A, p. 4). Naturalmente, il fatto che le istituzioni ecclesiastiche applicassero il diritto romano non significa di per sé che dovessero accettare, anche qualora si trovassero fuori dell'Impero, la legislazione giustinianea; questa però sembra essere stata, a un certo punto, l'aspirazione dell'imperatore, il quale — nella prospettiva
di impadronirsi presto dell’Italia (con o senza guerra:
338
cfr. supra la nota 97) e quindi
per un tempo cosí breve?” da permettere difficilmente di trovarne tracce nelle terre occidentali, perciò è molto difficile accertare se la comunicazione desiderata da Giustiniano sia avvenuta e se quindi la sede romana si prestasse ad estendere le leggi degli imperatori di Costantinopoli in territori ormai estranei alla respublica Romana”*. Su questo punto è in realtà lecito qualche dubbio: in mancanza di ricerche approfondite, un rapido esame dei riferimenti alle leggi imperiali contenuti nell’epistolario di papa Pelagio I mostra che questi si trovano esclusivamente in lettere a persone viventi entro i con-
fini dell'Impero, e risultati non dissimili si ricavano da un analogo esame de! registrum di Gregorio Magno ©. Questi anzi, desiderando combattere la pradi esercitare un più diretto controllo sulla sede patriarcale romana — con la Nov.
con la Nov. 7 e
9 (emanate forse nello stesso giorno!) cercò di porre le premesse per attuarla
(cfr. anche supra la nota 199). Nell'ambito di questa prospettiva acquista rilievo un'ulteriore
osservazione:
vare, la minaccia
la Nov.
9,5
di sanzioni
contiene,
contro
espressa in questi
i giudici
termini:
che
non
la
faranno
«Scilicet omnibus
osser-
iudicibus
maioribus et minoribus, qui Christiani et ortbodoxi sunt, banc nostram constitutionem servantibus: nibilominus buiusmodi legis temeratoribus post caelestes poenas etiam legi
timum semper vigorem pertimescentibus οἱ poenam quinquaginta librarum auri formi. dantibus ». L'imperatore, quasi che fosse lui stesso il capo della Chiesa, si rivolge non solo ai giudici dell'Impero, ma a tutti quelli che sono cristiani e ortodossi, e minaccia non solo pene temporali— che saranno evidentemente effettive solo nell'ambito della sua giurisdizione —
ma anche sanzioni spirituali. Dato che il destinatario della legge è il
pontefice, non è forse avventato vedervi un invito indiretto ad accompagnare la trasmissione della novella stessa con l'irrogazione di pene canoniche a coloro che non la facessero osservare. Come si è già rilevato a proposito della Nov. 7 (supra, nota 199) anche qui gli epitomatori non colgono la prospettiva imperiale e riferiscono il privilegio previsto dalla Nov. 9 alla sola Chiesa romana: cosí Julian., Epit. nov. 8,44 (ed. Hänel, p. 36; cfr. anche i summaria: cap. 44, p. 209 ibid.); Athan. Epit. nov. 2,4 (ed. HEIMBACH, Anecd. I, p. 38); Theod., Summa nov., 9 (ed. ZACHARIAE, Anecd., p. 21). Ne risulta fra l’altro che la particolare
interpretazione
data
da
Atanasio
alla
Nov.
117,4
non
è evidentemente
da
ricondurre ad una sua personale tendenza a favorire l'estensione della legislazione imperiale al di là dei confini dell'orbis Romanus. 27 Il termine di cent'anni per la prescrizione dei diritti delle Chiese e delle altre istituzioni ecclesiastiche fu infatti ridotto a quarant'anni dalla Nov. 111 (1°.6.541), confermata poi dalla Nov. 131,6 (a. 545) e per l'Italia da Nov. app. VII, 6: cfr. De MarInI
Avonzo, op. cit., pp. 106s.;
124ss. Tanto Giuliano quanto Teodoro
ritengono di con.
seguenza abrogata anche la Nov. 9; nello stesso senso si esprime uno scolio marginale al Cod. Marc. gr. 179 (ed. Scholl, p. 91,41 5.); la medesima conclusione si desume ancora dalle epistole di Gregorio Magno (1,9 e 7,36) nonché da un'epistola di papa Eugenio II (cfr. CoNmAT, Geschichte der Quellen und Literatur des róm. Rechts im früben Mittelalter, Leipzig 1891, rist. Aalen 1963, pp. 15 s.); per le discussioni che sorsero in seguito, cfr. De MARINI Avonzo, op. cit., p. 120 e n. 41.
26 In senso negativo fa propendere il fatto che il c. 13(12) del concilium Aurelianense del 538 (CC, Ser. lat., CXLVIII A, pp. 119 s.) sembra riconoscere la prescrizione trentennale anche per i beni ecclesiastici, benché poi il concilium
Aurelianense del 541, c. 18 (ibid.,
p. 136; cfr. però il c. 35, ibid., p. 141) lasci pensare che, almeno in certi casi, essi erano considerati imprescrittibili: cfr. già il c. 23 del concilium Aurelianense del 511 e il c. 18 del concilium Epaonense del 517 (ibid., pp. 11 e 28). Potrebbe anche darsi che la mancata comunicazione della Nov. 9 ad altre Chiese fosse dovuta al fatto che il destinatario di essa, papa Giovanni II, probabilmente mori prima di averla ricevuta. 20 Per Gregorio Magno mi sono limitato a un controllo delle epistole elencate dal
339
tica della simonia nelle terre soggette αἱ Franchi, si rivolge a Childeberto perché emani disposizioni in proposito, senza minimamente menzionare il
diritto romano ?', ciò che denota un grande rispetto per l'autonomia normativa dei regni barbarici d'Occidente. È vero che, come mostra un'epistola del medesimo papa indirizzata all'imperatore Maurizio ?!, permaneva l'uso, già attestato sotto Giustiniano, di inviare al papa le disposizioni imperiali in materia ecclesiastica perché egli le trasmettesse ad altre Chiese, ma almeno nel caso specifico Gregorio sembra averle comunicate esclusivamente a vescovi di città poste nel territorio dell'Impero, senza che possiamo sapere se le istruzioni ricevute da Maurizio gli chiedessero di farle giungere anche oltre i confini del medesimo. 13. Universalità della legislazione giustinianea? Questi, per quel che sappiamo, sono i casi in cui Giustiniano cercò concretamente di estendere la portata di alcune sue norme in regioni esterne all'Impero. Per verità, in certe sue costituzioni, e specialmente in quelle introConrat, Zeitschrift der Savigny - Stiftung für Rechtsgeschichte - RA 34 (1913), pp. 36 ss. a. 1, come quelle che contengono accenni alla codificazione giustinianea o alle novelle. 210 Cfr. Greg. I, Reg. epist., 5,60 (ed. Ewald - Hartmann, I, p. 374; cfr. 5,58 e 59). La simonia era repressa da C. 1,3,30(31) (a. 469); C. 1,3,41(42),19(9) (a. 528); Nov. 6,19
(a. 535, diretta ai soli patriarchi orientali); Nov. cit, pp.
115 e n. 3;
147 s. n. 4; Bionpi,
123,2,1 (a. 546); cfr. WENGER, Canon,
Il diritto romano
cristiano, cit., III, p. 473.
La repressione della simonia nelle elezioni papali aveva costituito oggetto di normativa anche
in Italia: cfr. STEIN, Histoire, cit., II, pp. 45; 334. Il GAUDENZI, Sui rapporti, cit., p. 229, cita Greg. I, Reg. epist. 13,50 (ibid., II, pp. 414 55.) come testimonianza «della applicazione delle Novelle agli ecclesiastici che
vivevano sotto il regno dei Visigoti ». In effetti, tale epistola contiene le istruzioni, con abbondanti citazioni tratte dal Codex Iustinianus e dalle Novelle, al defensor Giovanni inviato in Spagna ad esaminare le controversie sorte intorno alle persone dei vescovi Januarius e Stephanus. Tuttavia, Januarius era vescovo di Malaga (cfr., ad es., Greg. I, Reg. epist., 13,47 e 49), città che allora era nel territorio governato dall'imperatore di Costantinopoli, mentre la sede di Stephanus non sappiamo dove fosse, ma è probabile
che si trovasse anch'essa nella stessa regione: cfr. Gregorii I papae Registrum epistularum, ed. P. Ewald-L.M. Hartmann (MGH, epist., I-II), Berolini, 1888-1899 (rist. 1957), II, p. 411 n. 4. Ad ogni modo, anche in vista di quanto si è detto sopra, mi sembra
imprudente trarre senz'altro da questa lettera la conseguenza lesse imporre l’applicazione del diritto romano alle Chiese dell’Impero.
Sulla
legazione
in
Spagna
citata
sopra
e
sui
che Gregorio Magno voposte fuori dei territori rapporti
fra
il papa
e
la
Chiesa spagnola, cfr. GouBERT, “Byzance et l'Espagne wisigothique (554-711)", Études byzantines, 2 (1944), pp. 47 s. 211 Greg. I, Reg. epist. 3, 61 (ed. Ewald - Hartmann, I, pp. 219 ss.); cfr. anche 3,64 (ibid., pp. 225 s.), indirizzata al medico Teodoro, che doveva consegnare la prima all’imperatore. Gregorio chiede una modifica della legge, ma assicura di averla già fatta trasmettere per diversas terrarum partes, cioè probabilmente ai vescovi indicati nell'intestazione di Reg. epist., 8,10 (ibid., II, p. 12). Purtroppo, questa legge di Maurizio ci ἃ
altrimenti ignota e non possiamo sapere se invitasse il pontefice a trasmetterla anche fuori dei confini dell'Impero. Ad ogni modo, su tutta questa vicenda cfr. FISCHER, “Gregor der Grosse und Byzanz”, Zeitschrift der Savigny - Stiftung - KA, 36 (1950), pp. 57 ss.
340
duttive al Digesto e alle Istituzioni, vi sono delle espressioni che affermano che la legislazione imperiale è destinata wmiversis bominibus?" o im omnem orbem terrarum ??, che da essa sono retti omnes populi?", o addirittura che vi sono interessati ones orbis terrarum bomines δ, Queste frasi non sono da intendere nel senso che l'imperatore pensasse alla concreta possibilità di applicare immediatamente la propria legislazione a tutti gli uomini e i popoli posti oltre i confini dell'Impero; spesso infatti dal contesto risulta che si deve sottintendere nostri imperii 16 ed anche se ciò non fosse si dovrebbe caso mai 212 Cosf const. Deo auctore, gregatae
(le constitutiones
$ 1 — C. 1,17,1,1:
principum)... universis
«... quatenus in unum codicem conbominibus
m
suae
sinceritatis
praebeant praesidium»; cosí anche const. Tanta, $ 12(13)= C. 1,17,2,12(13), con riferimento alle tre parti della compilazione; Nov. 1, epil. $ 1; cfr. la Nov. 982,2 dove l’imperatore è definito « ὁ μετὰ θεὸν χοινὸς ἅπασιν πατήρ ». Spesso nelle novelle si invitano
il prefetto del pretorio o altri magistrati a comunicare la legge πᾶσι: Nov. 107;
19; 20; 24; 39; 48; 49; 51; 52; 53; 66; 68; 71; 111; 114. Tali espressioni si incontrano già nella
OsesTANo,
cfr. l'epilogo delle
74; 77; 83; 84; 89; 97; legislazione del V secolo
I! "problema delle persone giuridiche”, cit., pp. 272 n. 221
100; (cfr.
e 276 n. 236)
e alludono agli abitanti dell'Impero, come mostra il confronto con l'epilogo delle Nov. 8; 14; 18; 22; 34; 36; 54; 69; 72; 73; 78; 108; 113; 130; 134.
213 Cosf C. 7,31,1,2; semplicemente in orbem terrarum in C. 6,23,292; orbi terrarum in C. 3,1,13 pr.; im terris ... omnibus in C. 2,58,2,8a. Cfr. anche la Nov. 7, epil., su cui però vedi supra la nota 198; la Nov. 8 edict., su cui vedi supra la nota 200. Una ricerca
sulle espressioni spaziali nella legislazione di Giustiniano à stata intrapresa dal dr. Filippo Lanciotti (cfr. F. LANCIOTTI, "Lo * spazio romano' nella terminologia delle fonti giuridiche giustinianee. Linee di ricerca", Da Roma alla Terza Roma. II Seminario internazionale di studi storici, "Popoli e spazio romano tra diritto e profezia”. Relazioni e comunicazioni, I, Università degli Studi di Roma 1983, pp. 193 ss.). 214 Cosí const. Summa, $ 5; const. Imperatoriam $ 1: « Omnes vero populi legibus iam a nobis vel promulgatis vel compositis reguntur », e l'intitolatura della const. Tanta = C. 1,17,2; cfr. anche Nov. 1 epil.. Per esempi anteriori, cfr. ORESTANO, op. cif., p. 273
n. 225. Con il termine populi si vuole alludere probabilmente agli abitanti delle varie civitates; cfr. l'intitolatura della const. δέδωκεν accanto a quella della const. Tanta. 215 Cfr. const. Tanta, $ 19 = C. 1,17,2,19. 216 Cosf è, ad es., per la const. Summa,
$ 5, che ordina al prefetto del pretorio
la
pubblicazione universale del primo Codice (cfr. supra la nota 212, in fine); di conseguenza sarà da intendere nello stesso modo anche poi, fa riferimento espresso alle province mani. Nello stesso senso sarà da intendere che parla appunto del Codice (cfr. del resto gubernantes imperium... »); cosí anche la
la const. Imperatoriam, $ 1; la Nov. e ai popoli appena entrati nell’ ἀρχή anche const. Deo auctore, $ 1 = C. il pr. della medesima: « Deo auctore const. Tanta, $ 12, che allude alle
1 epil., dei Ro1,17,1,1, nostrum tre parti
della compilazione e che del resto fa riferimento alla precedente confusione legislativa da cui appunto omes bomines sarebbero stati liberati (qui però l'espressione universalizzante potrebbe essere giustificata anche dal fatto che Giustiniano proietta la propria opera nei secoli futuri), e la const. Tanta, $ 19 = C. 1,17,2,19, dato che il passo parallelo della const. Aébuxzv si riferisce solo ἃ « λοιπὸς drag τῆς ἡμετέρας πολιτείας ἄνθρωπος» (cfr.
il $ 16: «τοῖς ἡμῶν ὑπηκόοις», benché poi il $ 20 parli semplicemente di &raow; cfr. anche supra la nota 72).
Quanto alle determinazioni spaziali che compaiono in certe costituzioni (supra, nota 213), esse non vanno prese alla lettera, perché la tendenza ad identificare l'Impero romano con il mondo intero è antica: cfr. per tutti DvORNIK, op. cit., pp. 506 55.; 796 (per le radici orientali ed ellenistiche di questa concezione, cfr. ad es. TOUMANOFF, Studies, cit., pp. 46 ss.; PARADISI, Civitas maxima, cit., II, pp. 450 e n. 77; 514 e n. 263; 539) e le
341
pensare all'eventualità che le leggi romane si applicassero a stranieri dimoranti nel territorio imperiale o per qualsiasi motivo capitati sotto la giurisdizione dei magistrati romani. Precisato questo, non vi & dubbio che le espressioni indicate tendono a mettere in luce l'universalità del diritto romano, vale a dire l'essere questo svincolato da particolarismi nazionali o locali ?", e quindi adatto ad essere usato dalle popolazioni più varie; questo suo carattere lo rendeva potenzialmente applicabile a qualsiasi popolo che in futuro venisse a cadere sotto la dominazione romana. La convinzione di Giustiniano è che il diritto romano, e in particolare la propria legislazione, possieda caratteri di utilità oggettiva, di intrinseca giustizia, tali da renderli atti a indirizzare per il meglio la vita e l’attività di qualsiasi persona o popolo 235. Semplice affermazione di imperialismo culturale, o effettivo desiderio e sforzo di dare al diritto una base, diciamo cosf, 'giusnaturalistica'? Questa domanda apre una problematica, quella della concezione del diritto e dei suoi fondamenti teorici in età giustinianea, per affrontare la quale si potrebbero certo trarre degli spunti da quanto abbiamo fin qui detto, ma di fronte a cui non possiamo fare altro che fermarci. Qui ci limitiamo ancora ad osservare come tale con-
cezione universalistica giustinianea possa contribuire a spiegare la facilità con cui si accoglievano nella πολιτεία gli estranei ad essa e contemporaneamente lo scarso interesse dimostrato dall'imperatore verso la problematica dei rapporti fra Romani e stranieri: suo scopo infatti non era di precisare la condizione giuridica di questi ultimi dal punto di vista dell’ordinamento romano, ma di operare — sul piano politico, militare e culturale — perché
della πολιτεία romana e del suo diritto essi diventassero partecipi.
espressioni oscillanti che si leggono in const. Tanta, $ 23 = C. 1,17,2,23; Nov.
p. 189,10; Nov.
26,2 pr. p. 205,8-10;
Nov.
24 praef.
62 praef. p. 332,24, nonché l'iscrizione in
SEG VIII, 171,5s., su cui vedi AMELOTTI- Luzzatto, Le costituzioni giustinianee, cit., pp. 97 s. Si ricordino anche le osservazioni enunciate supra alla nota 189 sulla distinzione tra i diversi piani su cui può svolgersi il discorso. L'atteggiamento ‘imperialistico’ di
Giustiniano, che si avverte in tali espressioni e che si estrinsecava in azioni concrete di espansione territoriale, irritava profondamente gli altri popoli, che vi vedevano l'aspirazione a dominare effettivamente tutta la terra: cfr., ad es., Proc., BP, 2,2,6; 2,3,42-43. 217 Ciò non toglie che al diritto romano si riconoscessero anche in epoca giustinianea
determinati contenuti ‘culturali’ (cfr. supra, $ 1 n. 4), solo che a questi si attribuiva un carattere di ‘civiltà’ e quindi un valore che poteva essere esteso a coloro che ne fossero privi. Ciò non toglie neppure che, nel solco della tradizione gaiana, si continuasse talvolta ad attribuire a qualche istituto la caratteristica di essere ‘proprio dei Romani’: cfr. supra le note 43-44 e 55-56. 218 Cfr., ad es., C. 1,4,34,18 (a. 534); Nov. 1 epil.; Nov. 8,11 e in generale BtoNpr,
Il diritto romano cristiano, cit., II, pp. 13ss. 104ss. Si noti che proprio la giustizia o la rispondenza alla natura dei principi giuridici romani sono gli elementi che vengono in rilievo
negli
autori
cfr., ad es., Proc., BV note
342
190 e 193.
letterari
che
1,12,21; BG
dànno
notizia
dell'applicazione
di essi
a stranieri:
4,3,19; Agath. 2,7,5. Su questi passi, vedi supra le
HELENE AHRWEILER
CITOYENS ET ETRANGERS DANS L'EMPIRE ROMAIN D'ORIENT
1.
Le problème de la citoyenneté
Comme tout empire composé de peuples d’origine et de tradition diverses, l’Empire romain d'Orient illustre la réalisation d'un projet unificateur: il fut possible, et dura plus d’un millénaire, parce que fondé sur le prestige et la légitimité de l'héritage romain et sur la force de la foi chrétienne, c'est-à-dire sur les deux qualités intrinsèques et spécifiques du monde byzantin. Avec le christianisme jouant le rôle de la modernité culturelle par rapport et à cóté de l'héritage antique (notamment hellénique) et avec le
patrimoine étatique romain, rénové à Constantinople par les empereurs chrétiens pour étre utilisé comme fondement de leurs projets politiques, cet Empire prouva dés sa naissance son aptitude à l'universalité. Faisant coincider ses frontières avec celles de l'orbis romanus, et identifiant son état à l'ordre
romain garant de la pax romana devenue à Constantinople l'équivalent de pax cbristiana, l'Empire romain d'Orient confirma le caractère impérial de son régime et consolida les assises historiques, culturelles et spirituelles de
son autorité. Le dominium mundi, malgré l'existence de l'empire perse en Orient et malgré l'irrédentisme des populations frontaliéres, apparait non point comme une aspiration, mais comme un droit quasi naturel: il découle de la leçon romaine et du message cecuménique chrétien qui élargissait cons-
tamment les frontières du monde romain civilisé par l'acceptation dans son orbite des chrétiens provenant des contrées et des peuples qui restaient jusqu'alors en dehors du rayonnement romain et, par là, de l'histoire. La christianisation des éthnè ajoutait au prestige de l'Empire romain chrétien, et fabriquait de nouveaux "Byzantins", des hommes qui appartenaient à l'Eglise chrétienne et qui obéissaient à l'autorité romaine, à l'empereur siégeant à Constantinople. Nous avons là la définition la plus économique du citoyen de l'Empire que nous désignons aujourd'hui comme Empire “by-
zantin" et qui lui se désigna toujours comme "romain". Qu'il me soit permis de souligner que D. Zakythinos a récemment fait la mise au point de l'utilisation du terme "byzantin" par les érudits des 345
16°-18° siècles pour désigner l'histoire et la civilisation de l'Empire romain chrétien du moyen áge grec, ce qui nous dispense d'insister. Toutefois il est nécessaire,
avant
de
traiter notre
sujet
sur
la définition, la nature
et
les qualités du citoyen "byzantin-romain", de faire ces quelques remarques préliminaires: l'Empire romain d'Orient, comme tous les empires est un Etat multi-ethnique, multi-national!; son unité n'est pas raciale mais politique et spirituelle; elle réside dans la maniére d'étre des citoyens qui sont tous solidaires des intéréts de la communauté. Il faudra donc étudier l'étranger par rapport au citoyen et vice versa, et définir d'abord qui est "byzantin" avant de pouvoir parler de l'étranger ou des étrangers. Disons tout de suite que le citoyen se définit par rapport aux réalités qui fondent l'unité "byzantine", c'est-à-dire par rapport à l'Etat, à l'Eglise et à la culture byzantines (dans la mesure oü il y a une culture officielle). Ainsi il est évident que l'étranger est celui qui reste en dehors soit de l'Etat, soit de l'Eglise, soit de la culture byzantines. Certains sont étrangers à l'une ou l'autre de ces réalités, d'autres à toutes; autrement dit, il peut exister plusieurs degrés d'étrangers. Peut-on dire qu'il existe aussi plusieurs sortes-degrés de “Byzantins”? Entre le citoyen et l'étranger (ressortissant d'une autre puissance), il existe une gamme de "semi-étrangers" ou de "semi-byzantins" (les termes μιξο-
βάρβαρος
et μιξέλλην
phénoméne);
che commode:
étudiés par Stánescu?
montrent
la permanence
du
il faut essayer de saisir cette réalité. Pour le faire, une appro-
étudier les termes, les mots techniques qui désignent le ci-
toyen et les confronter à ceux réservés aux étrangers. 2.
Romains et étrangers
On le sait, l'Empire se veut et se dit romain. Son Etat est la πολιτεία Ῥωμαίων
ou le χριστιανικώτατον
xpátoc (la puissance
toute chrétienne).
Le citoyen est normalement qualifié de romain ('Pupatoc), il obéit aux lois et à l'administration de la πολιτεία Ῥωμαίων (de l'Etat romain), il est bien entendu
désigné
comme
chrétien,
χριστιανός,
ce qui
constitue
la
qualité intrinsèque de l'homme “byzantin”. Cet homme romain-chrétien est πολίτης (citoyen) de l'Etat et ὑπήχοος (sujet) de celui qui exprime l'essence méme de l’Empire romain d'Orient: l'Empereur. En tant que tel, le "Byzantin" s'acquitte de ses obligations, fiscales et autres; il est donc contribuable (le terme συντελεστὴς signifie justement citoyen) et peut exercer toutes les fonctions publiques, la magistrature supréme (c'est-à-dire l'Empire) comprise;
c'est un homme
libre, autrement
dit il jouit de la Ῥωμαϊκὴ
ἐλεν-
θερία (liberté romaine), qualité qui lui ouvre tous les grades de la hiérarchie, politique, militaire, ecclésiastique et sociale. Les citoyens caractérisés 1 D. ZAKYTHINOS, “Byzance, état national ou multinational", Deltion Chr. Arch. Hétaireias, Série 4, t. 10 (1980/81), pp. 29-52.
? E. SrXNESCU, "Les mixobarbares du Bas Danube au ΧΙ" siècle”, Nouvelles Etudes d'Histoire, 3 (Bucarest 1965), pp. 45-53.
344
comme Ῥωμαῖοι, χριστιανοί, πολῖται, ὑπήχοοι, συντελεσταί, sont bien sûr ἐλεύθεροι et constituent une communauté solidaire, animée par ses valeurs propres; entre eux, ils se désignent comme membres du même ensemble politique, religieux et culturel: ils sont ὁμόδοξοι (de la même foi), ὁμόφυλοι ou ὁμογενεῖς (de la même race), ὁμοηθεῖς (de la même nature, des mêmes mœurs), ὁμόδουλοι (du méme maître), et éventuellement ὁμόγλωσσοι (de la même langue). Ce sont là des termes qui soulignent l’identité (ὅμοιος).
Il est normal que les termes qui désignent l'étranger en général soient au contraire portés vers l’altérité; en effet, les étrangers sont appelés ëtepo-
ou ἀλλο- -δοξοι, -γενεῖς, -ηθεῖς, etc. Retenons seulement que la notion de citoyenneté s'exprime par l'identité. L'ensemble des citoyens est quelquefois désigné comme γένος Ῥωμαίων; le terme signifie l'ensemble de la communauté romano-chrétienne, sa connotation raciale est fortement atténuée par le fait que nous avons la mention des "Arabes
romains” (ceci avant la consti-
tution du Califat), pour ne pas parler des armées impériales composées des contingents de nationaux et désignées comme armées romaines formées des habitants de diverses contrées de l'Empire. L'expression ἔθνος Χριστιανῶν ("nation chrétienne") est souvent utilisée pour désigner le peuple byzantin. Soulignons que le terme romain est ainsi complété par celui de chrétien; nous retrouvons là les fondements de l'Empire?. Mais précisons surtout que le terme ἔθνος (nation) suivi du qualificatif Χριστιανῶν a perdu son sens initial; auparavant, il désignait, on
le sait, les paiens, les barbares c'est-à-dire l'étranger par excellence. Celui qui reste en dehors de cette communauté d'esprit et de mœurs, qui n'est ni romain, ni chrétien, est rejeté du monde civilisé (l’oecumène est romaine), c'est un ἐθνικός. Il est intéressant de noter que ce terme a fini par désigner l'étranger en général; une connotation culturellement péjorative pèse
toujours
sur
le
mot.
Par
contre,
l’homme
qui
appartient
à
la
Romanie-Rome (le pays “byzantin” est ainsi désigné) doit être fier de cette appartenance; la qualité de citoyen est chargée de vertu et de valeur. La qualité de citoyen romain n'est pas donnée à tous, elle est recherchée par beaucoup, notamment aux périodes d'essor byzantin, mais plusieurs catégories de personnes en sont exclues. Quelles sont-elles? 3.
Les étrangers de l'intérieur (sous-byzantins)
Outre ceux qui habitent hors des frontiéres de l'Empire romain d'Orient (les étrangers par excellence), sont exclus de la pleine citoyenneté les esclaves, et ceux qui vivent selon des normes non conformes aux régles romanobyzantines (διαφόρως πολιτεύονται), régles politiques, morales et religieuses. 3 Sur la portée
de
tous ces termes,
cf. mon
travail "La
frontiére
et les frontiéres
de Byzance", in Byzance, les pays et les territoires, Variorum Reprints, Londres 1976, III.
345
Autrement dit, sont exclus de la citoyenneté romaine, outre les esclaves, les hérétiques et les minorités ethnico-religieuses (juifs, sarrasins, tziganes, etc.). Dans cette catégorie des minorités ethnico-
culturelles, il faudra englober les groupes allogènes installés à l'intérieur de l'Empire à la suite d'une convention (fédérés barbares) ou à la suite de vagues de pénétration (infiltration slave). Ce sont des groupes qui, pendant la première phase de leur installation, sont étrangers à la communauté romanochrétienne, mais qui, avec le temps, accèdent à la citoyenneté par l'effet de l'assimilation culturelle. Ainsi mino tités religieuses, hérétiques de toute sorte, notamment ceux qui ont établi une Eglise à part (comme les Pauliciens), peuplades installées et habitant l'Empire forment des groupes marginaux, qui, sans être des barbares, sont
une sorte de "sous-byzantins". Sans être exclus physiquement de la communauté, ils sont frappés, tout comme les esclaves, d'une série d'incapacités, la plus importante étant l'impossibilité quelquefois de tester et bien sür de remplir des fonctions publiques. Faut-il ajouter que, de ce point de vue, leur sort est proche de celui de la femme? Toutefois, il faut remarquer que tous ces "sous-byzantins" peuvent accéder un jour à la pleine citoyenneté par diverses voies. Les esclaves par l’affranchissement, les hérétiques par l'abandon de leur hérésie et l'adoption de l'orthodoxie, les mixobarbares par leur assimilation à la culture dominante, les minorités ethniques par leur soumission aux formes politiques et administratives de l'Empire, les minorités religieuses par l'acceptation du baptéme. Voilà les moyens que Constantinople inventa pour rassembler à l'intérieur de la communauté nationale tous les habitants de l'Empire. La byzantinisation des "étrangers de l'intérieur" (c'est ainsi que je
désigne ces groupes de "sous-byzantins") fut une préoccupation majeure de l'Etat et de l'Eglise: elle progressa surtout gráce à l'intégration des groupes minoritaires dans le service de l'Etat, notamment par leur enrólement dans l'armée. C'est par l'armée que souvent l'on atteint une place dans la société romaine orientale. Toujours est-il qu'une sorte de méfiance se manifeste face à ces groupes: elle prend parfois l'ampleur d'une véritable xénophobie. Une série d'institutions visent à assurer le contróle des activités de ces "étrangers de l'intérieur";
ils sont
considérés
comme
portés
à trahir et comme
plus
dangereux que les ennemis de l'extérieur, c'est-à-dire les vrais étrangers. 4.
Etrangers et semi-étrangers Mais voyons qui sont les vrais étrangers.
On peut dire tout simplement que ce sont ceux qui se trouvent en dehors de la Rômania (ol ἔξω ‘Poung), c'est-à-dire ceux qui appartiennent aux ἔθνη (nations), les ἐθνικοί. Mais tout le monde n'est pas étranger de la méme
manière, et il existe plusieurs catégories d'étrangers. De méme que j'ai parlé
de "'semi-byzantins", de même je peux parler de "'semi-étrangers", par exemple ceux qui sont entrés dans l'Empire soit comme fédérés, soit selon d'autres 346
formes d'infiltration (ils entrent dans les catégories de "sous-byzantins" dont j'ai parlé auparavant), mais aussi parmi les ressortissants des pays étrangers, parmi les vrais étrangers, il y a plusieurs catégories. a) Je commencerai par les ressortissants des Etats limitrophes de l'Empire: il s'agit des unités politiques qui, à un moment de leur histoire, se sont trouvées soit annexées, soit dépendantes de l'Empire, soit en possession d'accords ou d'alliances privilégiées liant les citoyens ou les ressortissants de ces Etats de manière tout à fait particulière avec l'Empire, son Etat et son Eglise. Sur les frontiéres orientales, je pense aux principautés du monde arménien,
géorgien,
ibére,
du
monde
arabe;
mais
on
en
trouve
aussi
en
Occident, et je pense notamment aux Dalmates, et aussi en Italie aux quelques principautés lombardes qui, à un moment donné, se sont trouvées liées à l'Empire de manière particulière. Ce qui caractérise ces Etats, c'est le rôle qu'ils jouent d'Etats-tampon entre l'Empire et d’autres grandes puissances (en Orient comme en Occident), et la présence à leur téte de chefs locaux qui portent souvent des titres honorifiques byzantins, preuve de leur lien historique avec l’Empire‘. Les ressortissants de ces petites "principautés" se trouvent dans la plupart des cas comme chez eux dans lEmpire. Ils accèdent aux divers services, reçoivent des bénéfices et des privilèges de la part de l'Empereur, séjournent souvent à l'intérieur de l'Empire où ils exercent leurs activités. Bref, ils constituent presque une partie de la communauté romaine orientale, une partie marginale qui peut vite s'insérer dans l'Empire et ses rouages. Ce sont justement les ressortissants de ces principautés limitrophes qui, dans la plupart des cas, ont créé des problémes, non seulement aux byzantinistes, mais je dirai aussi aux “Byzantins”. Aux byzantinistes, parce que l'on s'efforce à l'heure actuelle de préciser leur influence sur les structures de Byzance et aussi sur la civilisation byzantine. Et aux “Byzantins” parce que, chaque fois que l'Empire ne pouvait plus étendre son contróle et son autorité auprés de ces "principautés", les ressortissants de ces pays étaient les premiers à alimenter et à nourrir des mouvements séparatistes, et à jouer
en faveur de l'ennemi extérieur. Bref, pour décrire ces ressortissants étrangers, je crois qu'il faut utiliser le terme de "semi-étrangers" dans la mesure où ils se trouvent sous l'influence de Constantinople, du phénomène impérial, et bien sûr de la culture, de l'Etat et de l'Eglise. b) A côté de ces "semi-étrangers", il y a les ressortissants des Etats étrangers
(amis
ou
hostiles
à l'Empire),
partenaires
de
l'Empire
dans
le
déroulement des affaires internationales: les Occidentaux, notamment après le XI* si&cle (pour ne pas parler des mondes arabe et slave) furent du nombre. Là encore, il faut distinguer des catégories à l'intérieur de ce groupe. Le 4 Plusieurs exemples de cette catégorie signalés dans un texte du XI° siècle, le Strategicon de Kékauménos. Cf. plusieurs cas mentionnés par le De administrando Imperio, de Constantin Porphyrogénète.
347
comportement de l'Empire n'est pas le même face aux ressortissants d'une puissance hostile et allodoxe et face aux ressortissants des pays chrétiens (méme si ces pays chrétiens n'étaient pas toujours amis ou fidèles). c) A l'adresse des ressortissants du monde chrétien, Constantinople déploie un effort diplomatique suivi qui vise à les attirer dans l'orbite du
monde byzantin et à les soumettre à l'influence de l'Empire. Voilà pourquoi les hostilités entre l'Empire et ces pays sont souvent ressenties comme des luttes fratricides, Aussi, le probléme de savoir s'il est possible d'avoir, face à une communauté étrangére chrétienne, la méme attitude que face à des communautés non chrétiennes se pose. Ce probléme fut aigu lors des luttes contre les Bulgares; il fut dramatique lors de la quatrième croisade. Essayons maintenant d'examiner les lignes de conduite de l'Empire visà-vis des étrangers chrétiens. Face aux ressortissants des puissances étrangéres ayant une politique propre et ayant soit des revendications soit des alliances avec Constantinople, l'Empire met en place des structures et des institutions particuliéres; c'est avec ces Etats que l'Empire passa des traités de teneur et de forme variées 5. Nous distinguerons les accords d'Etat à Etat (les
accords
bilatéraux);
ils contiennent
des
clauses
de
collaboration,
des
dispositions de protection des ressortissants des pays contractants, comme par exemple des bénéfices d'ordre matériel: ainsi l'existence de quartiers et d'églises, et l'existence de représentants nationaux qui peuvent étre les protecteurs des membres de la communauté ou du groupe humain installés dans l'Empire. A cóté de ces accords bilatéraux, nous avons des accords que l'Empereur passe directement avec des groupes privés, qui n'agissent en rien comme des représentants de l'Etat dont ils sont issus, comme par exemple les accords que l'Empire a passés avec les militaires des compagnies russes, catalanes, etc. C'est en effet le plus souvent pour des raisons militaires que l'Empereur passe des accords de la sorte. Dans cet ordre d'idées, il faut ajouter les accords que l'Empereur peut passer avec un seul individu, c’est-à-dire des contrats d'ordre personnel qui lient le contractant directement à l'Empereur. Il est intéressant de noter que dans ce cas l'Empereur utilise la forme de contrat la plus familière à la personne avec laquelle il souhaite passer des accords. Nous avons des stoichémata avec de simples soldats, nous avons la ligesse avec des personnes importantes venant d'Occident. Bref, l'Empire est assez souple pour trouver la formule qui liera les personnes, les groupes ou les Etats à ce que Constantinople considére comme son intérét et qui, dans la plupart des cas, est l'intérét de son armée, Soulignons que ce sont surtout les pays, les groupes et les individus de l'Occident qui ont bénéficié de contrats de la sorte: c'est parmi eux que l'Empire recruta son armée, surtout aprés le XI* siècle.
5 Pour l'inventaire et le résumé de ces accords, cf. F. DOLGER, urkunden des ostrômischen Reiches, Munich-Berlin 1924-1965.
348
Regesten der Kaiser-
5.
Isopoliteia e£ autres structures d'intégration
Ces accords avec des puissances indépendantes de l'Empire ont provoqué des désagréments, qui ont beaucoup préoccupé la politique et la diplomatie byzantines. En effet, à partir du moment où les Occidentaux ont commencé à étre introduits dans l'Empire pour des raisons que Constantinople jugeait de son intérét, ces Occidentaux ont tenté de profiter des priviléges dont ils jouissaient et qui faisaient d'eux, face à l'Etat, les égaux des citoyens. Ils jouissaient d'une égalité de régime qui faisait de ces étrangers une sorte de "Byzantins à part entiére", et donc en derniére analyse des "su-
pracitoyens". Je voudrai terminer cet exposé en disant qu'une des institutions les plus importantes, qu'il faudrait un jour étudier de manière plus approfondie, est justement l'institution que les textes désignent sous le terme ἰσοπολιτεία (égalité des droits). C'est l'ensemble des priviléges accordés par l'Empereur en faveur des étrangers, privilèges qui, comme le terme l'indique, situent le bénéficiaire sur le méme plan que les citoyens. Inutile de dire que les personnes qui bénéficient de cette ἰσοπολιτεία (isopoliteia) peuvent dire, quand elles s'adressent à un "Byzantin", qu'elles sont ses ὁμόδουλοι (bomodouloi): elles sont des serviteurs de la méme
puissance ou de la méme autorité, c'est-à-dire de l'Empereur qui seul peut accorder le privilège d’isopoliteia. Constatons que Constantinople avait trouvé avec l'isopoliteia la formule qui abolissait la distance séparant le citoyen de l'étranger: octroyée par l'Empereur, elle signifiait avant tout la reconnaissance des mérites de celui qui la recevait. En dernière analyse, l'isopoliteía signifie une équivalence de cultures et de formes de vie. Nous comprenons alors pourquoi en ont bénéficié les étrangers ressortissants des peuples nobles aux yeux des “Byzantins”, c'està-dire les Occidentaux chrétiens, et parmi eux surtout les ressortissants des républiques maritimes d'Italie. Je termine en soulignant qu'à travers l’isopoliteia dont jouissaient les Italiens, on trouve non l'identité mais l'égalité entre les deux cultures qui furent à la base de la civilisation européenne. Parmi les structures d'intégration mises en place par Constantinople, il faudra ajouter bien entendu des structures administratives particulières réservées à certains groupes ethniques en contact avec l'Empire ou à son service: ainsi les archontiai, sklaviniai. Ce sont des institutions administratives
qui ont permis à l'Empire d'encadrer les groupes étrangers installés dans son territoire tout en leur donnant la possibilité de s'assimiler par le baptéme, mais surtout par l'intégration progressive dans le système provincial — les "thémes" de l'Empire. Il va de soi que les membres de ces arcbontiai slaves, tout comme ceux des principautés arméniennes, furent souvent tentés de collaborer avec l'ennemi extérieur: l’ ἀμφιτερισμός (l’ambiguité) du comportement, l'ambivalence, était souvent dans la nature des choses, notamment
en cas de séparation politique des groupes de la méme famille ethnique. Autrement dit l'ampbitérismos est un avatar, un échec, de la byzantinisation
administrative des étrangers. 349
De même l’isopoliteia a connu avec le temps son propre avatar, la double citoyenneté, recherchée cette fois par les Romains d'Orient qui essayaient d'obtenir la protection des puissances italiennes, notamment de Venise. Bien entendu, ceci se produisit pendant les moments de déclin de l'Empire, à l'époque des Paléologues, bien aprés l'époque où la citoyenneté romaine
était un privilége recherché par tous, mais obtenu seulement par les meilleurs. Quoi qu'il en füt, les groupes minoritaires et marginaux avaient leur propre culture qui a évolué selon le progrés de l'intégration et de l'assimilation. Toutefois, disons que l'Empire a toujours connu et admis une culture pluraliste, malgré la prépondérance de Constantinople et de l'héritage gréco-romain qui constitue, avec le christianisme, la base de la "Kulturgemeinschaft" de tout l'Empire‘.
6 Sur ce point, cf. le livre fondamental de D. OsorzNskv, The Byzantine Commonwealtb, Eastern Europe, 500-1453, Londres 1971.
350
MICHEL VAN ESBROECK
ROME
L'ANCIENNE ET CONSTANTINOPLE VUES DE L'ARMENIE
1. L'objet de cette communication est relativement restreint. Dans un premier temps, on voudrait souligner le fait que les Arméniens ont toujours parfaitement distingué la Rome ancienne, qu'elle soit comprise chronologiquement ou géographiquement, de Constantinople qui la continuerait. Dans une seconde partie, nous voudrions montrer que les rapports avec l'une ou lautre capitale ont été symbolisés dans des récits étiologiques réutilisés en fonction des circonstances. C'est par ce moyen que s'est exprimée l'indépendance politique et religieuse de l'Arménie. La publication à Yerevan d'une concordance intégrale des principaux historiens arméniens du IV* au X* siècle, rend la vérification de l'emploi de Hrom ("Rome")
ou
de
Hromk,
Hromayec'ik
("Romains")
relativement
aisée !.
Il est évident que les Arméniens ont toujours parfaitement distingué le róle de Rome de celui de Constantinople. Outre le nom spécifique des deux villes, les “Romains”
sont généralement
des Grecs, selon le vieux vocable les Grecs dans les pays du moyen qualificatif dont le récit étiologique mée par Zeus en vache, et fuyant
distingués des Y ounac', c'est-à-dire
utilisé depuis longtemps pour désigner Orient, Yavan correspondant à Ionien, est la légende fameuse de Io, transforà travers le Bosphore auquel elle laisse
son nom, en Ionie, et puis en Egypte ἢ. Les rares exceptions oü l'application n'est pas exactement faite ne sont pas proprement
arméniennes,
Áinsi, Karin
ou Théodosiopolis
Erz er-Rám à cause des Arabes, qui éprouvaient non loin de Karin de l'Arzanéne au nord du pouvait provoquer des confusions. Du point de tale des deux villes prit donc le nom d' "Arzn
s'est appelée
le besoin de distinguer Arzn Tigre, où une autre Arzn vue arabe, la plus occidendes Romains", Arz er-Rám,
1 La concordance des historiens arméniens comprend aujourd'hui 13 auteurs en plus de vingt volumes dactylographiés. Le premier d'entre eux touchant le texte d'Eznik a paru à Yerevan
David
en
Anhaght
1972
sous
(David
de A. 5. GHARIBIAN,
le t. XIII
paru
l'Invincible) et a été compilé
le nom
par E.H.
DEgMiRDjJiAN.
en
1979
touche
Le nom
arménien de la concordance est Hamabarbar. 2 Eschyle, Prométbée encbainé, 581, 912.
351
l'actuelle Erzeroum *. D'ailleurs, de 1150 à 1293, le patriarcat arménien s'installa dans une citadelle sur l'Euphrate, rejoignant l’émigration armé. nienne qui tendait à se poursuivre vers le sud: la forteresse prit le nom de Hromkla,
cu
Horomoc -kbalakb * (‘citadelle
des
Romains").
Mais
ici les
Arméniens, déjà fortement alliés aux croisés, songeaient peut-étre déjà aux Romains de l'ancienne Rome. 2. La légende de la conversion de Constantin et celle de la conversion du roi Tiridate d'Arménie sont de meilleurs indices d'une évolution des positions respectives et des rapports
entre Rome
et Constantinople.
Comme nous le savons par Eusèbe de Césarée, Constantin fut baptisé in extremis en 337 par l'évêque arien Eusèbe de Nicomédie?. En réalité, la légende qui, la première, aura la plus grande diffusion, attribue le baptéme de Constantin à l'évéque Eusébe de Rome. Ce n'est que vers 420 que la légende de saint Sylvestre prend le dessus, et remplace celle oà Eusèbe de Rome baptisait l'empereur . Comme il y a eu effectivement le régne bref d'un pape Eusébe à Rome en 309, la chose a pu au début se développer avec un certain degré de vraisemblance. Aussi la légende de l'Invention de la Croix qui a eu le plus de diffusion en Orient, est représentée en latin par un palimpseste parisien du VI* ou VII* siècle”. La vision de Constantin se déroule déjà sur le Danube. Elle est suivie d'une grande conversion du peuple et se termine par le baptême de Constantin par le pape Eusèbe de Rome. Cette forme de la légende amalgame déjà les éléments des visions de la Croix attribuées d'abord à Constantin, puis à Constance à Jérusalem en 551*. Par ailleurs, elle connaît déjà l’évêque de Jérusalem Judas-Cyriaque ordonné par l'évêque de Rome Eusébe aprés le décès inopiné de Macaire. L'ensemble représente un développement de la fin du IV* siécle. On retrouve Judas-Cyriaque comme martyr
de Julien
l'Apostat, et Eusébe
de Rome,
plus
ágé
que
jamais, est
la figure principale du roman syriaque de Julien l'Apostat?. Or, l'intérêt de ces légendes, c'est qu'elles ont servi de base aux développements paralléles de l'histoire de la conversion de l'Arménie. Cette histoire est écrite par un ministre présumé du roi Tiridate IV, 3 Sur
les noms
de
cette
avandouthyan ew patmouthyan
ville,
voir
A.N.
TER-GHEVONDJAN,
"Karin-Theodosiopolis
mej”, Lraber basarakakan gitouthiounneri 339 (3, 1971),
pp. 63-69. 4 A vrai dire le terme pour ville est déjà arabe:
5 Eusèbe de Césarée, Vita Constantini, (GCS VII), pp. 142-143.
qala'a, voisin de kbalakb en arménien.
IV, 61-62;
ed. I. A. HerkeL,
Leipzig
1902
6 Cf. F. DoeLGER, "Die Taufe Konstantins und ihre Probleme", in In., Konstantin der
Grosse und seine Zeit, Freiburg-in-Br. 1913, pp. 337-447, 403-404. 7 A. Hope, Inventio sanctae Crucis, Lipsiae 1889, pp. 1-13. * M. van EsBRoECK,
Culture.
Influences
and
"Legends
about
Creativity,
ed.
Constantine
TH.
in Armenian”,
J. SAMUELIAN,
Chico
Classical Armenian
1982,
pp.
79-101,
spécialement pp. 81-85.
9 J.
352
G. E. HorFMan,
Iulianos der Abtrunnige.
Syrische Erzablungen, Leiden
1880.
appelé Agathange !°. Cette fiction littéraire relève entièrement du genre hagiographique. Le cœur de la légende montre le roi Tiridate baptisé sur l'Arsanias à la suite d'une vision de la croix, par saint Grégoire l’Illuminateur. Comme dans la légende latine, il s'ensuit une grande conversion de peuple et la destruction des temples des idoles. Cette légende a été recueillie à trois stades différents de développement. Dans la plus ancienne, conservée surtout en grec et en arabe, Constantin, dès qu'il apprend la nouvelle de la conversion de Tiridate, lui envoie un messager pour le féliciter de sa conversion, et lui rappeler que lui méme avait été baptisé par saint Sylvestre. Mais au cours du voyage qui s'effectue à Rome, aussitót que Tiridate eut entendu le récit de la conversion par saint Sylvestre, ils sont reçus par l'évêque Eusèbe de Rome". Telle est la présentation paradoxale de la seconde forme de l'Agathange, celle qui nous est demeurée en arménien, et dont la rédaction finale appartient à la fin ou au milieu du VI° siècle”. La forme ancienne ne connaît que Sylvestre. La forme développée ajoute Eusébe comme hóte du roi Tiridate et de saint Grégoire, toujours à Rome. 3. La légende de saint Sylvestre permet de comprendre ces changements. Il y est raconté qu'Héléne envoya de Bythinie une lettre à Constantin, et que, menacée de judaisme, elle fut invitée par ce dernier à assister à une grande confrontation des autorités du judaisme avec l'évéque Sylvestre. Il est remarquable que les versions orientales de la légende de saint Sylvestre évoquent les églises principales en omettant Constantinople: seules figurent Antioche, Alexandrie, Rome, Jérusalem et Ephèse. On pourrait imaginer que Constance l'arien n'avait pas encore en 356 effectué la translation des reliques de Timothée et Luc aux Saints-Apótres à Constantinople P, mais on peut affirmer qu'il avait quelque raison de procéder à cet important déplacement. On notera qu'il n'y avait pas de reliques de Jean. L'insertion de Jérusalem est significative: la légende latine de la croix faisait ordonner Judas-Cyriaque par Eusébe de Rome, celle de saint Sylvestre ^ dit que ce dernier a regu le colobium, ancêtre du pallium, de Jacques l'apótre, par
l'intermédiaire de l'évéque Euphrosynos de Pamphylie 5. Les deux légendes latines s'appuient sur une alliance spéciale entre Rome 10 La bibliographie de l'Agathange comptait déjà en 1969 215 titres, selon H.S. ANASYAN, Haykakan Matenagitoutyoun, I, Yerevan 1959, coll. 172-213. 1 G. GARITTE, Documents pour l'étude du livre d'Agatbange, Vatican 1946, pp. 169 et 182. 12 Agathange arménien, par. 875, éd. G. TER-MKRTTSCHEAN et ST. KANAYEANTS, Tiflis
1909, p. 461. Certains manuscrits ont hésité et inscrit Sylvestre à la place d'Eusàbe. D H. DELEHAYE, Mélanges d'bagiograpbie grecque et latine, Bruxelles 1966, pp. 407-413. M Texte latin de la légende de saint Sylvestre dans B. MomBRITIUS, Sanctuarium: seu Vitae sanctorum 11, Paris 1910, pp. 508-531. L'étude fondamentale de ce texte demeure celle de W. Levison, "Konstantinische Schenkung und Silvester-Legende", Miscellanea Francesco Ebrle, Vatican 1923, pp. 159-247. 15 MoMszITIUS, Sanctuarium, p. 509; ligne 50.
353
et Jérusalem à l'exclusion de Constantinople. Mais celle de saint Sylvestre corrige celle d'Eusébe de Rome. A Rome, il n'était pas possible de dater de 309 le baptéme de Constantin. 4. Voyons alors ce que les Arméniens ont tiré de cet état de choses qu'ils recevaient déjà tel quel de leurs prédécesseurs latins convertis. Dans un premier moment, Constantin est converti avant Tiridate. Dioclétien soumet les chrétiens à la torture, et dans ce cadre le roi Tiridate soumet son serviteur Grégoire l'Illuminateur à la torture, c'est-à-dire vers 303. Ensuite le vieil empereur, à la fin de sa vie, vers 311, se cherche la
plus belle fille de l'Empire. Les messagers découvrent la vierge Rhipsimè dans un couvent de Rome. Celle-ci s'échappe et fuit en Arménie, où Tiridate s'éprend d'elle. Elle est exécutée par ses sous-ordres, et Tiridate, à la
suite de cette catastrophe, entre dans une mélancolie qui le transforme, lui et toute sa cour, en sanglier, parallèle non moins éloquent que la lèpre dont Constantin est affligé avant d'étre guéri par Sylvestre. Grégoire l'Illuminateur est tiré du puits où il avait été jeté 13 ou 14 ans auparavant, selon les chiffres les plus anciens de la premiére version de l'Agathange. Le roi se convertit donc vers 316, et est invité vers 320 par le pseudo-historique Eusèbe de Rome". Dans la deuxième phase du développement de l'Agathange, les vierges
Rhipsimiennes fuient Rome
à l'occasion de la persécution de Dioclétien.
Grégoire reste quinze ans dans le puits. Le roi Tiridate devient donc Ti-
ridate III (287-298) ", qui persécute son serviteur Grégoire en 288 pour des motifs de vendetta familiale. Rien d'étonnant qu'ils puissent en 309 rencontrer le pape de Rome nommé Eusébe. Tiridate s'est converti en 303 avant Constantin qui l'imitera, et par dessus le marché, Grégoire l'Illuminateur, au lieu d'étre un grec de Cappadoce devient un cousin arsacide de Tiridate, allié naturel des Sassanides.
Le tableau entier convient
au milieu
du VI° siècle, sous l'influence iranienne !*, Une troisième version de l'Agathange a circulé au début du VII* siècle. De type occidental, la légende vise à justifier l’église arménienne alliée à Constantinople. Cette fois, Grégoire l'Illuminateur fait le voyage auprès de Léon de Rome pour recevoir la prêtrise, et Tiridate rencontre Constantin à Constantinople ?. Le changement, remarquable, montre qu'en remplaçant 16 M. van EsBROECK, "Le résumé syriaque de l'Agathange et sa portée pour l’histoire du développement de la légende", Handes Amsoreay 90 (1976), pp. 493-510. U Pour
la distinction
de Tiridate
III
(287-298)
et de Tiridate
IV
(298-330),
voir
C. TouManorr, "The Third Century Armenian Arsacids", Revue des Etudes Arméniennes 6 (1969). pp. 233 -281; R. H. HEwSEN, "The successors of Tiridates the Great", Revue des Etudes Arméniennes 13 (1978-79), pp. 99-126; A. A. MARTIROSYAN, ‘“Hayastane ev aradäin Sasannyannere", Patma-banasirakan Handes 70 (1975), pp. 147-172.
15 C'est la présentation la plus répandue de l'Agathange arménien officiel. 19 La légende syriaque et la version karshouni ont été éditées par M. vAN ESBROECK, “Un nouveau témoin du livre d'Agathange", Revue des Etudes Arméniennes 8 (1971), pp. 13-167; In., "Le résumé syriaque de l'Agathange", Analecta Bollandiana 95 (1977), pp. 291-358.
354
Léonce de Césarée, véritable consécrateur de Grégoire, par Léon de Rome, Jean de Bagaran, l’auteur probable de cette mutation légendaire, fait coup double. Il affirme son chalcédonisme en évoquant Léon, et il évite de se soumettre à la hiérarchie byzantine trop proche. Par ailleurs, il confirme l’alliance politique de Constantinople avec l'Arménie. 5. Ainsi les relations entre Rome et Constantinople vis-à-vis de l'Orient ont leur histoire propre à travers la formulation des légendes. D'abord dans une alliance entre Rome et Jérusalem contre l'arianisme de Constance et Valens. Ensuite, dans une adaptation progressive à la personnalité de Sylvestre dont les Arméniens tirent profit pour exprimer leur propre position dans la conversion de leur pays vis-à-vis de la conversion de l'Empire ro-
main ?, Selon que la légende se perfectionne à l'Est ou à l'Ouest, elle évolue dans des sens trés divers, s'adaptant à la double réalité d'une Rome ancienne religieuse et d'une Constantinople politique à la portée de la main.
Ὁ Cf. "Un nouveau témoin" cit., pp. 142-145.
355
FRANÇOIS PASCHOUD
ROMAINS ET BARBARES AU DEBUT DU V* SIECLE APRES J.-C.: LE TEMOIGNAGE D'EUNAPE, D'OLYMPIODORE ET DE ZOSIME
1. Gráce aux trés nombreux ouvrages littéraires de toutes sortes qu'un hasard heureux nous a conservés pour la fin du 4° et le début du 5° siècles après J.-C., nous avons les moyens de nous faire une idée nuancée de l'extréme complexité des rapports qui pouvaient exister vers l'an 400 entre les citoyens romains et les étrangers, les Barbares. Depuis 376, des hordes de Goths, bientót
suivis de Huns,
qui appartenaient gions
qu'ils
s'étaient
à l'Empire
pouvaient
installées
à demeure
et langaient des
atteindre!.
Ces
dans
razzias dans
envahisseurs
des
territoires
toutes les ré-
n'inspiraient
pas
pour
autant une haine uniforme et inexpiable aux habitants de l'Empire. C'est qu'une multiplicité de facteurs intervenaient, qui avaient pour conséquence que, selon les circonstances et les points de vue, des alliances au moins provisoires pouvaient grouper dans un méme parti des Romains et des Barbares. Ces facteurs peuvent être groupés, je pense, en deux catégories principales, Il y a tout d'abord l'effet de ce qu'on pourrait nommer l'assimilation et la récupération. Depuis fort longtemps, l'armée romaine était constituée pour une bonne part de soldats d'origine barbare, et les plus doués d'entre eux avaient pu atteindre les sommets de la hiérarchie: conservant leur nom et en partie leur maniére de vivre de Barbare, ces hommes n'avaient pour la plupart pas d'autre ambition que de s'intégrer dans le monde qui les avait accueillis et de servir fidélement l'Empire. Parmi leurs fréres de race qui avalent
pénétré
récemment
et par
la force
en
territoire
romain,
nombreux
aussi étaient ceux qui souhaitaient simplement s'assimiler aux habitants de l'Empire, afin de connaître — pensaient-ils — une vie plus facile. Le pouvoir impérial, qui avait besoin de ces hommes
comme
soldats, favorisait ces ten-
dances et prétendait contróler strictement ces mouvements. Dans les milieux cultivés, on méprisait certes ces étrangers sales et ignorants, mais il suffisait
à ces derniers d'adopter la maniére de vivre des Romains, de bien apprendre le latin ou le grec et de se frotter un peu de poésie et de rhétorique pour 1 Cf. E. ὅτειν - J-R. PALANQUE, Histoire du Bas-Empire 1, Paris 1959, pp. 185-186; 188-190.
357
se lier d'égal à égal avec des personnages importants, qui à leur tour tiraient profit de leurs relations avec certains Barbares ?. Il y a ensuite évidemment, dans ce monde de l'antiquité tardive dominé par des préoccupations d'ordre religieux, les interférences qui naissent de la communauté de la foi entre Romains et Barbares. Catholiques orthodoxes, hérétiques d'obédiences diverses et paiens de toutes sortes se sentent souvent plus solidaires entre eux qu'avec un concitoyen ou un frére de race dont les convictions sont différentes, Le jeu de ces connivences est du reste complexe: l'orthodoxe peut momentanément favoriser un Barbare chrétien, bien qu'arien,
quitte à s'opposer plus tard à lui parce qu'il est hérétique; paiens et hérétiques peuvent s'alier contre les orthodoxes protégés par le pouvoir; bier d'autres combinaisons naissent et se défont au gré des circonstances. 2. Cette complexité des rapports entre Romains et Barbares entraine comme conséquence que des jugements globaux sont en fait impossibles. Face aux Bar-
bares, autre est l'attitude d'un Symmaque, grand seigneur romain, autre celle de Thémistios, thuriféraire de la politique théodosienne, autre celle d'Ammien Marcellin, officier en retraite, autre celle d'un évéque orthodoxe comme Ambroise, autre celle enfin d'un intellectuel grec paien comme Eunape. Pour beaucoup de personnages marquants de cette période, l'étude de leur position face aux Barbares a déjà été faite. C'est pourquoi il m'a paru intéressant de m'arréter à Eunape, à Olympiodore et à Zosime: Eunape est un sophiste paien de Sardes, qui a écrit une collection de biographies de sophistes de son temps et une ceuvre historique couvrant les années 270-404 et conservée seulement en fragments;
Olympiodore
il est né vers 348-349
et mort aprés 420.
de Thébes, en Egypte, un paien lui aussi, est l'auteur d'un
ouvrage narrant les destinées de l'Empire durant les années
408
à 425, et
qui n'est connu que par le résumé qu'en fournit le patriarche Photios. Zosime a vécu beaucoup plus tard, au début du 6° siècle, et sa personnalité n'est guére saisissable, mais il est pour nous un témoin capital, car son "Histoire nouvelle" conservée nous restitue en partie la matière de l'œuvre historique d'Eunape et d'Olympiodore. Je vais examiner ici la seconde partie de l'"Histoire nouvelle" (livres 4, 5 et 6, concernant les années 364-410, chute de Rome non comprise; l'ouvrage est inachevé), et quelques fragments d'Eunape qui nous ont conservé le texte de la source suivie par Zosime. Le point de vue qui s'exprime dans ces textes est donc celui des intellectuels
paiens de la pars Orientis au début du 5° siècle *. ? L'aristocrate romain Symmaque, préfet de la Ville en 384, compte ainsi au nombre de ses correspondants Ricomer (epist. 3, 54-69), Stilicon (epist. 4, 1-14) et Bauto (epist. 4, 15-16). 3 Cf. à ce sujet le livre classique de P. CourcELLE, Histoire littéraire des grandes invasions germaniques, 3* €d., Paris 1964. J'ai moi-même traité ce thème à propos de toute une série d'auteurs occidentaux dans mon ouvrage Roma aeterna. Etudes sur le patriotisme romain dans l'Occident latin à l'époque des grandes invasions, Institut suisse de Rome, 1967.
* Les fragments de l'ouvrage historique d'Eunape sont commodément rassemblés dans le vol. IV de Fragmenta Historicorum Graecorum de C. MÜLLER, pp. 7-56, mais
358
Ainsi que je l'ai indiqué plus haut, c'est l'invasion de 376 qui ouvre la période de crise où le problème des relations avec les Barbares devient crucial; c'est aussi à partir de cette date que cette question apparaît au premier plan dans l’ "Histoire nouvelle". A peine installé au pouvoir, le nouvel empereur Théodose doit faire face à la situation catastrophique laissée par Valens. Le premier Barbare à entrer alors en scène est un personnage surtout connu par Zosime, le Goth Modarés: de souche royale gothique, il était passé au service des Romains et avait regu un grade élevé dans l'armée romaine; en 379, il réussit par la ruse à faire un grand massacre de Barbares, profitant de leur ivresse et de leur sommeil;
gráce
à son
intervention,
la
situation fut rétablie pour quelque temps en Thrace. Zosime ne s'arréte pas longuement sur les mérites de ce personnage, et un passage d'une lettre de Grégoire de Nazianze " nous apprend la raison de cette discrétion, et aussi le motif pour lequel Modarès était passé dans le camp romain: il était catholique orthodoxe, Une phrase de cette lettre est du reste d'un grand intérét dans la perspective de la présente étude; l'évéque écrit en effet à son correspondant:
« La foi nous
a réunis, car être Grec
ou Barbare
est une
diffé-
rence du corps, non de l'áme » *. On ne saurait imaginer une affirmation plus frappante de la primauté du lien de la communauté de croyance religieuse sur quelque différence ethnique que ce soit; assurément, le fait que Modarés eüt rallié la cause romaine rendait cependant seule possible une telle formulation. Il convient aussi de relever que dans une lettre au ton fort aimable, Grégoire qualifie son correspondant de Barbare; c'est la preuve que dans la bouche ou sous le stylet d'un habitant de l'Empire, le terme n'était pas nécessairement injurieux ou méprisant.
Le chapitre suivant de l’ “Histoire nouvelle"? est d'un ton bien différent. On y apprend comment Iulius, magister militiae en Orient, massacra des Goths installés en Asie mineure par Valens lorsqu'il apprit les événements qui s'étaient produits en Thrace. L'épisode est aussi connu par Amil convient de se méfier de la traduction latine qui les accompagne (une traduction anglaise
de ces fragments vient de paraître: R.C. BrockLEYv, The Fragmentary Classicising Historians of tbe Later Roman Empire, Liverpool 1983, pp. 1-128). Les fragments d'Olympiodore, tous conservés dans le cod. 80 de la Bibliothéque de Photios, sont édités et traduits en français dans l'édition de Photios de R. HENRY, vol. I, pp. 166-187 (Les Belles Lettres, Paris 1959); cf. aussi la traduction italienne avec commentaire de R. MAISANO, Napoli 1979. Quant à Zosime, on peut le consulter dans mon édition avec
traduction française et commentaire vol. I (1971;
en cours de publication aux Belles Lettres, Paris:
livres 1 et 2) et voll. IT, 1 et II, 2 (1979, livres 3 et 4); pour les livres
5 et 6, se reporter pour le moment à l'édition de L. MENDELSSOHN, Teubner, Leipzig 1887. 5 Cf. STEIN-PALANQUE, op. cit., pp. 191-195. 6 Zosime, Histoire nouvelle 4, 25. 7 Epist. 136; cf. sur cet épisode mon étude "Le mythe de Rome à la fin de l'Empire et dans les royaumes romano-barbares", Afti dei Convegni Lincei 45, Roma 1980, pp. 123-138 (p. 124). 8 Loc. cit. n. précédente: « ἡ εὐσέβεια Βάρβαρον σωμάτων, οὐ ψυχῶν ἐστι διαφορά », 9 Zosime 4, 26.
συνῆψεν
ἡμᾶς...
ὅτι
τὸ
Ἑλληνιχὸν
xol
τὸ
359
mien, qui en donne une version et une datation notablement différentes de celles de Zosime, mais il n'y a pas lieu de s'arréter ici sur des divergences qui ne touchent pas à la signification profonde de l'événement ?. Nous sommes dans ce cas en présence d'un massacre gratuit de Barbares, trompés et privés de tout moyen de se défendre, qui est une pure reaction de peur. Selon
Zosime,
qui
fournit
une
version
plus
élaborée,
ces
Goths
auraient
formé le complot de venger leurs fréres de race massacrés en Thrace par Modarés; comme Ammien ne mentionne pas ce détail, il y a de fortes chances
pour qu'il s'agisse d'une invention ultérieure destinée à justifier un bain de sang peu excusable. En tout cas Ammien comme Zosime félicitent le res-
ponsable du massacre pour son esprit d'initiative digne d'étre imité. L'épisode nous apprend que face à des Barbares — même ralliés à l'Empire — concentrés en nombre suffisant pour qu'ils puissent éventuellement devenir dangereux, la peur est plus forte que toute autre considération. La suite de l''"Histoire nouvelle" est, plutôt qu'un véritable récit du règne de Théodose, une série de chapitres polémiques censurant toutes les activités et les attitudes de cet empereur; c'est ici la haine des païens Eunape et Zosime qui se manifeste sous des formes multiples envers le souverain qui acheva la táche entreprise par Constantin et finit par interdire absolument toutes les formes de l'ancienne religion. La politique de compromis et d'intégration menée par Théodose envers les Goths est évidemment radicalement condamnée !!; l'historien exploite toutes les difficultés nées d'une situation difficile et n'entre pas véritablement en discussion sur le fond du probléme, pas plus d'ailleurs que Thémistios, panégyriste de la politique impériale qui défend le point de vue opposé: Théodose avait-il les moyens, en hommes et en argent, d'adopter face aux Barbares qui avaient franchi le Danube une autre attitude que celle qui consistait à leur donner des terres,
à les enróler dans l'armée romaine, et à espérer qu'ils se tiendraient tranquilles? Ce n'est ni chez Zosime, ni chez Thémistios qu'on trouvera la
réponse à une telle question. Dans le célèbre "Discours
sur la royauté”
prononcé par Synésios de Cyrène vers 399 devant l'empereur de Constan tinople — Arcadius avait alors succédé à son père Théodose — l’antigermanisme est justifié par un raisonnement politique et moral, et l'orateur propose au prince des remèdes à la situation présente; assurément, ces remèdes sont en grande partie utopiques, mais au moins Synésios, si extrémiste soit-il, se fonde sur une analyse objective, et son attitude résulte d'une conviction
patriotique sincére. On
ne peut pas dire que ce sentiment
soit
absent de l’ "Histoire nouvelle", mais il est en tout cas certain qu'il est dominé par une passion partisane qui refuse d'apercevoir les nuances, Si Eunape et Zosime condamnent la politique germanique de Théodose, c'est surtout parce qu'elle est le fait d'un chrétien convaincu qui persécute le paganisme; leur sectarisme religieux colore toutes leurs prises de position et empéche un 10 Cf. Ammien commentaire
31,
(cité supra
16, 8; sur les différences n. 4), vol.
II, 2, pp.
" Cf. par exemple Zosime 4, 30-31; 33-34; 39.
360
entre
388-391.
Ammien
et Zosime,
cf. mon
examen sérieux de la situation réelle: le récit s'épuise en anecdotes, en narrations détaillées d'épisodes isolés tirés de leur contexte, et ne s'éléve à des considérations
générales
que
pour
aboutir
toujours
aux
mémes
invectives
contre l'empereur chrétien !. L'impossibilité de polémiser ouvertement contre la nouvelle religion dé sormais protégée par l'appareil de l'Etat empéche Zosime de s'exprimer clairement, mais il est souvent aisé de lire entre les lignes. Le chapitre 40 du livre 4 de l'"Histoire nouvelle" donne un bon exemple d'un de ces épisodes mineurs qui sont démesurément développés et embellis d'anecdotes peu croyables par l'historien paien: il s'agit des exploits de Gérontios à Tomes, Théodose avait installé devant cette ville des Barbares qu'il comblait de faveurs, mais
qui se montraient
fort arrogants
envers
la garnison
romaine; Gérontios tente de réagir, mais la lâcheté de ses propres troupes l'oblige à sortir de la ville avec un tout petit nombre d'hommes; il fait preuve d'un tel courage que finalement les siens le rejoignent et sèment si bien la panique dans les rangs des Barbares que ceux-ci se réfugient dans une église chrétienne; cependant Théodose, bien loin de récompenser ce vaillant officier,
le fait arréter, et Gérontios n'échappe à une condamnation qu'en achetant les eunuques qui avaient l'oreille de l'empereur. Aucune source parallèle ne permet de vérifier le récit de Zosime, mais certains détails qu’il donne laissent entrevoir une vérité un peu autre: Théodose peut avoir payé ces Barbares pour s'assurer de leur appui, et si Gétontios est finalement traîné en justice, c'est sans doute qu'il aura tenté de détourner à son profit les sommes versées par l'empereur et violé l'asile d'une église pour s'emparer des Barbares. Bien des points restent obscurs dans cette affaire, mais on voit mal Théodose,
si
faible et indécis fût-il, persécuter un officier romain qui aurait véritablement rendu service à l'Etat. Il est plus vraisemblable d'admettre que Gérontios, un inconnu par ailleurs, était un paien (puisqu'il viola l'asile d'une église), et qu'Eunape-Zosime grossissent un banal cas d'abus de pouvoir pour faire l'éloge d'un corréligionnaire, illustrer les excès qui résultent de l'asile accordé dans les églises chrétiennes, et surtout condamner une fois de plus la politique à leur avis absurde de Théodose envers les Barbares. On peut noter que le récit de cet épisode remplit à lui seul l'un des plus longs des
35 chapitres consacrés par l'"Histoire nouvelle" au régne de Théodose, ce qui prouve bien qu'il est censé occuper une place remarquable dans l'économie générale de l'euvre et transmettre un message idéologique im-
portant P. La fin du livre 4" est essentiellement occupée par le récit de l'usurpation d'Eugéne. Zosime peint sous des traits favorables celui qui fut l'instigateur 12 Sur l'idéologie de Thémistios, cf. par exemple M. Pavan, La politica gotica di Teodosio nella pubblicistica del suo tempo, Roma 1964; sur le discours de Synésios, cf. CHR. LACOMBRADE, Le discours sur la royauté de Synésios de Cyrène à l'empereur Arcadios.
Traduction
nouvelle,
introduction,
1 Sur les divers problèmes soulevés supra n. 4) vol. II, 2, pp. 430-431. M Histoire nouvelle, chapitres 53-59.
notes
et commentaire,
par ce chapitre,
cf. mon
Paris
1951.
commentaire
(cité
361
et la cheville ouvrière de toute l’entreprise, le général franc Arbogast: il était courageux, habile stratège, désintéressé et fort aimé de ses troupes; l'historien approuve le choix qu'il fait d’Eugène pour lui offrir la pourpre, et narre avec sympathie l'histoire de cette révolte d'un général barbare et d'un obscur professeur contre l'empereur légitime. C'est ici encore le parti pris religieux qui commande les bonnes dispositions de Zosime envers Arbogast et Eugéne: bien qu'il n'y fasse pas lui-méme la moindre allusion, on sait bien que l'usurpateur et son général étaient paiens et favorisèrent durant les mois où ils dominèrent l'Italie une ultime et brève renaissance de l'ancienne religion 5. Zosime insére dans le récit de l'usurpation d'Eugéne un épisode qui n'a aucun rapport avec elle, mais qui est capital pour définir l'attitude d'Eunape et de Zosime face aux Barbares. Il s'agit du chapitre 56 du 1. 4 de l’ "Histoire nouvelle"; un heureux hasard nous a conservé aussi le texte que Zosime résume et simplifie dans ce passage, le frg. 60 de l'ouvrage historique d'Eunape. Il n'y a pas lieu de s'arréter ici sur les quelques divergences des deux versions, qui illustrent comment Zosime fausse sa source en la raccourcissant de manière maladroite , Vers 392, au cours d'un banquet offert par Théodose, une violente querelle éclata entre deux chefs goths, Eriulph et Fravitta: le premier pensait qu'il fallait passer à l'action pour réaliser l'accord qu'ils avaient jadis conclu, à savoir de s'emparer de tout l'Empire, tandis que le second estimait préférable de rester fidéle aux Romains. On voit donc ici resurgir
(chez
Eunape,
car Zosime
escamote
cet élément)
le motif
du
vaste complot des Barbares contre Rome qui apparait déjà dans l'épisode du massacre des Goths en Asie mineure sur l'ordre de Iulius, que j'ai mentionné plus haut. Ce méme motif apparaît encore, et sous une forme particuliérement frappante, dans une page célèbre de l’Historia aduersus paganos d'Orose ": Athaulf, le successeur d'Alaric, aurait vers 414, aprés son mariage avec Galla Placidia, déclaré que jadis il avait décidé d'effacer totalement le nom romain et de remplacer la Romania par une Gothis; maintenant il se rendait compte que la sauvagerie des Goths rendait ce projet utopique; aussi préféraitil étre le restaurateur plutót que le destructeur de Rome. Les interprétes qui ont examiné ces textes d'Eunape-Zosime et d'Orose s'accordent généralement à considérer avec un profond scepticisme ces projets de destruction totale de l'Empire par les envahisseurs germaniques: telle n'a pas pu étre leur ambition; ils n'étaient pas assez unis pour en avoir les moyens, et leur véritable intérêt était de profiter des avantages réels ou imaginaires que Rome pouvait leur offrir, et non pas de tuer ce qu'ils considéraient un peu comme une poule aux œufs d'or. Si ce motif du complot barbare se manifeste chez Eunape-Zosime et Orose, c'est qu'il hantait l'imagination apeurée des habitants de l'Empire qui voyaient les invasions germaniques se
succéder sans fin. Mais ce qu'il y a surtout d'intéressant dans ces deux 15 Cf. STEIN-PALANQUE, op. cit., pp. 210-214. 16 Sur cette question, cf. mon commentaire (cité supra n. 4) vol. II, 2, pp. 460-462. 17 Orose, hist. 7, 43, 4-6; sur ce texte, cf. mon étude citée supra n. 7, pp. 128-130.
362
textes, c'est qu’au motif de la destruction de l'Empire est régulièrement opposé le motif de la défense de l'Empire par les Germains assimilés: chez Zosime, Eriulph a un adversaire favorable à Rome, chez Orose, Athaulf devient lui-méme un ami de Rome. Rien ne peint mieux la profonde ambiguité du Romain des environs de l'an 400 envers le Barbare: d'une part, il le craint comme un ennemi qui va le détruire, d'autre part il espére l'assimiler et en faire son défenseur. 3. Le point crucial était donc celui de l'assimilation. Eriulph et Athaulf, avant son mariage, ne veulent rien savoir de Rome. Mais une fois que le successeur d'Alaric a épousé une princesse romaine, et sans doute sous son influence, il change complètement d'attitude. Il vaut la peine de s'arréter un instant sur la personnalité du rival d'Eriulph chez Eunape-Zosime, Fravitta, qui, dans la rixe qui suit la querelle, finit par tuer son adversaire. Il portait un gentilice romain, Flavius; par dérogation à la loi", il avait épousé une Romaine;
vers
392, il était encore
jeune, et déjà profondément
romanisé.
Et de nouveau le critére religieux intervient, et nous fait comprendre pourquoi seuls Eunape et Zosime nous rapportent l'épisode de sa querelle avec Eriulph, où il joue le noble rôle d'allié fidèle de Rome: il était paien, comme nous le précisent à deux reprises et Eunape et Zosime ?; aussi ne tarissentils pas d'éloges sur son compte. Fravitta réapparaît sur le devant de la scène comme wsagister militum vers l'an 400, dans une suite d'événements où une fois encore l'"Histoire nouvelle", s'inspirant de l’œuvre perdue d'Eunape, est la source principale et souvent méme unique. C'est alors le Goth Gainas qui prend en somme la place d'un nouvel Eriulph; il a plus de moyens et peu s'en faut qu'il réussisse dans ses plans. Son premier coup d'éclat fut de parvenir à faire disparaître le régent Rufin; la grande équipée où il devait trouver la mort
est narrée de manière détaillée par Zosime ?. Déçu
de ne pas voir ses mérites mieux reconnus, il suscite et favorise la révolte du Goth Tribigild, qui entreprend en 399 de ravager l'Asie mineure, puis obtient d'Arcadius qu'il mette à mort le tout-puissant Eutrope, dont l’influence lui portait ombrage. Enfin, l'année suivante, 11 médite, toujours avec l’aide de Tribigild, de s'emparer de Constantinople et de réduire à sa merci l'empereur. C'est alors Fravitta qui est chargé de combattre le révolté; Zosime dit du champion du pouvoir légitime que c'était « un homme d'origine barbare, certes, mais qui était à tous les autres points de vue un Grec, non seulement
par
son
caractére,
mais
aussi
par
ses
principes
de
vie et
son
respect pour les divinités » 2!, Fravitta réorganise et entraîne l'armée et finalement, par sa prudente stratégie, parvient à détruire l'essentiel des troupes de Gaïnas;
le Barbare rallié recueille alors le fruit de sa fidélité et obtient
1$ Cod. Theod. 3, 14, 1. 19 Eunape, bist. frg. 60 et 80 (cf. aussi frg. 82); Zosime
5, 20, 1 et 21, 5.
2 Zosime 5, 13-22. 2 Ibid.
5, 20,
1:
«ἄνδρα
βάρβαρον
μὲν τὸ γένος,
Ἕλληνα
δὲ ἄλλως
ob τρόκῳ
μόνον
ἀλλὰ xal προσαιρέσει xal τῇ περὶ τὰ δεῖα δρησχείᾳ ».
363
le consulat pour 401; Zosime ajoute qu'il n'hésitait pas, face à l'empereur chrétien, à attribuer ses succés aux dieux de la religion traditionnelle. Tandi* que Gainas finissait obscurément sa vie dans un combat contre les Hun: qui voulaient l'empécher de se réinstaller sur la rive gauche du Danube,
Fravitta offrit la sienne pour la défense de l'unité de l'Empire:
il eut en
effet le courage de s'opposer à Jean, conseiller d'Arcadius et peut-étre amant de l'impératrice Eudoxie, qu'il accusait de semer la discorde entre Arcadius et Honorius, et périt victime d'un complot des partisans de Jean ?. Ainsi Eunape et Zosime accordent-ils une place privilégiée dans leurs œuvres à ce Goth profondément romanisé qu'ils nous présentent comme un indéfectible défenseur de la sauvegarde et de l'unité de l'Empire; sa vertu principale était cependant, aux yeux des deux historiens, sa fidélité à l'ancienne religion. Le plus marquant des Germains assimilés de cette période est évidemment Stilicon, qui pratiquement dirigea les destinées de l'Empire d'Occident de 395 à 408. Dans les fragments d'Eunape, il n’apparaît que deux fois”, dans de bréves mentions qui évoquent sa lácheté et sa rapacité. Chez Zosime, il joue un róle important, mais l'attitude de cet historien envers lui est à première vue paradoxale: dans toute la première moitié du I. 5 de 1’ “Histoire nouvelle", Zosime s'exprime très négativement sur son compte; son avidité est égale à celle de Rufin ^; il renforce sa position en mariant sa fille à l'empereur Honorius et cherche à étendre son pouvoir également sur le domaine de l'autre fils de Théodose, Arcadius ?; il se rend en Grèce pour mettre fin aux ravages qu'y exerce Alaric, mais sa mollesse est telle qu'il laisse s'échapper l'ennemi, que ses propres troupes accablent encore davantage ce pays, et qu'en fin de compte il se borne à faire assassiner Rufin *; le nouveau régent de l'Orient, Eutrope, ayant suscité en Afrique la révolte de Gildon, Stilicon parvient à rétablir l'ordre gráce à l'aide d'un frére du mutin, mais pour toute récompense fait noyer cet allié dont il avait pris ombrage?; de méme qu'il avait comparé l'avidité de Stilicon à celle de Rufin, il la compare à celle d'Eutrope ?. Intervient alors chez Zosime un long silence sur les événements d'Occident; quand il en parle à nouveau, il ne suit plus comme source l'histoire d'Eunape, qui s'arréte en 404, mais celle d'Olympiodore. En changeant de source, Zosime change aussi d'opinion sur Stilicon: dans le récit des multiples péripéties de la politique de concessions et d'accords que le régent d'Occident — sans doute contraint par le manque de moyens militaires — mène envers Alaric dans les années 404 et suivantes, l'historien s'abstient des jugements abruptement négatifs qu'il formule dans la première partie du livre 5 inspirée d'Eunape et apprécie 2 Eunape,
bist. frg. 85;
le passage
correspondant
de Zosime
est perdu.
3 Hist. frg. 62 et 88. ?* Zosime 5, 1, 3. 3 Ibid. 5, 4. 25 Ibid. 5, 7. Dans ce récit, la chronologie du récit de Zosime est gravement troublée.
© Ibid. 5, 11. 3$ Ibid. 5, 12.
364
de manière nuancée la conduite de Stilicon ?, Puis survient le complot qui aboutit, à la suite de graves désordres, à l'assassinat de Stilicon; 1᾿ "Histoire
nouvelle" envenimer
nous peint le régent plein la situation,
füt-ce
au
prix
de modération, de
sa vie.
Un
soucieux de ne pas jugement
conclusif
suit le récit de sa mort: Stilicon a été l'un des plus modérés des puissants de son temps; il n'a jamais abusé de ses liens de parenté avec la famille impériale pour s'enrichir ou favoriser les siens 9. Il faut cependant ajouter que dans cette seconde moitié du livre 5, Zosime mentionne à plusieurs reprises l'épouse de Stilicon, Séréna, ni&ce de Théodose, comme une intrigante; il lui reproche en particulier une grave impiété: se trouvant à Rome,
elle se serait emparée d'un collier ornant le cou d'une statue de la Grande Déesse. À cette occasion, il ajoute que Stilicon lui aussi commit une impiété
en faisant enlever l'or qui recouvrait les portes du Capitole '. On peut tirer de cet examen du rôle de Stilicon dans l’ "Histoire nouvelle" les conclusions suivantes: Zosime n'a pas de point de vue personnel, il se borne à reproduire celui de la source dont il s'inspire. Eunape con-
damne le régent sans nuances et le considére comme aussi malfaisant que Rufin et Eutrope; il lui reproche sa lácheté devant l'ennemi et son avidité; dans l'état des textes conservés, nous ignorons si ce point de vue négatif avait d'autres motifs aussi, notamment dans le domaine religieux. Olympiodore enfin considére Stilicon avec compréhension et bienveillance et il apprécie positivement son rôle politique, tout en lui reprochant une impiété envers les dieux traditionnels et en jugeant assez sévèrement son épouse. Il me semble donc que malgré le silence d'Eunape dans les fragments conservés et celui de Zosime quand il suit Eunape, on peut estimer que si des paiens extrémistes comme
Eunape
et Zosime
sont
trés négatifs envers
Stilicon, c'est parce que celui-ci avait adhéré à la religion nouvelle. Cette impression est confirmée par l'attitude d'un autre païen envers Stilicon, Rutilius Namatianus: le régent aurait ouvert l'Italie à l'invasion barbare, et
surtout il aurait commis
l'impiété de brûler les Livres Sibyllins 2, Cette
accusation ne se trouve nulle part ailleurs, mais rien n'autorise à la mettre en doute; Stilicon n'était pas un ennemi fanatique des paiens, mais il peut fort bien, dans la situation trés difficile des dernières années de sa vie, avoir
voulu mettre radicalement un terme au catastrophisme débilitant que certains de ses adversaires alimentaient en mettant en circulation des prophéties sibyllines annonçant la fin de Rome *. Il est frappant que Stilicon, condamné par les paiens pour son adhésion à la foi chrétienne et ses impiétés contre les anciens dieux, ait été jugé tout aussi sévèrement par les chrétiens: dans son cas, la communauté
de foi n'a pas suffi à le blanchir aux yeux de ses
Ὁ Ibid. 5, 26-31.
® 31 32 33
Ibid. 5, 32-34; le jugement se trouve en 5, 34, 5.7. Ibid. 5, 38. Dans son poème de reditu suo 2, 41-60; cf. surtout les vers 51-56. Sur les vers en question de Rutilius, cf. le commentaire de E. DoBLHOFER, vol. II,
Heidelberg
1977, pp. 273-283.
365
coreligionnaires. C'est que, pendant treize ans, il a continué, sans doute autant par nécessité que par conviction, la politique d'accord et de collaboration avec les Germains qu'avait inaugurée Théodose. Ce que les extrémistes du parti antigermanique ne pouvaient pas pardonner à l'empereur en personne, ils n'allaient évidemment pas l'admettre chez un Barbare assi-
milé dont ils jalousaient l'extraordinaire ascension; par sa position éminente et son róle décisif dans une politique contestée, Stilicon réconcilie contre lui paiens et chrétiens. Il est du reste frappant que dans le parti chrétien aussi, on lui ait reproché sa complicité indirecte dans un acte impie: lors de la campagne de 402 contre les Goths d'Alaric, il avait autorisé un des généraux qui lui étaient subordonnés, le Barbare paien Saul, à engager la bataille de Pollentia le 6 avril 402, qui était le jour de Páques, dans l'idée que les Goths, chrétiens ariens, auraient des scrupules à se battre un tel jour
et se
trouveraient
de
ce fait dans
une
situation
d'infériorité;
cette
circonstance explique, selon Orose, violemment hostile à Stilicon, que la bataille de Pollentia ait été une victoire à la Pyrrhus *, Un dernier chef barbare entré au service de Rome doit étre mentionné dans cette étude; une fois de plus, il s'agit d'un personnage qui n'est connu que par Zosime 5 — dans une section où celui-ci s'inspire d'Olympiodore —, Généridus, qui reçoit en 409 un commandement important en Illyricum; il était «certes d'origine barbare, mais possédait comme un don naturel toutes les formes de vertu et était parfaitement insensible aux richesses » précise notre historien *. Les lignes qui suivent révèlent le motif de cet éloge, qu'on pouvait deviner: Généridus était fidéle aux anciens dieux, et il eut le courage d'assumer le rôle d'un confesseur de sa foi. Lorsque fut
promulguée la loi du 14 novembre 408
qui interdisait à tout non catho-
lique d'exercer une fonction officielle dans le palais impérial, il décida de renoncer à son grade et s'abstint de toute activité. L'empereur Honorius
ayant décidé de faire une exception à cette loi en faveur de cet éminent serviteur de l'Empire, il ne se satisfit pas de cette mesure et ne condescendit
à reprendre son service que lorsque l'empereur, « poussé par la honte et la nécessité » 5, abrogea pour tous sa décision discriminatoire. Ce succès remporté, Généridus poursuivit son activité comme général avec un désintéressement exemplaire et en assurant la parfaite sécurité des territoires qu'il avait à protéger. De tous les Barbares paiens qui paraissent dans l''"Histoire nouvelle", Généridus est sans doute le plus héroïque, puisqu'il a le courage d'affronter l'empereur chrétien en personne pour faire valoir, pour lui mais surtout pour les autres, le principe de tolérance religieuse. Les termes qu'utilise Zo-
sime montrent cependant qu'Honorius céda non par conviction, mais sous la 4 Cf. Orose,
bist. 7, 37, 2.
35 Zosime 5, 46. % Ibid., 5, 46, 2:
«ἦν
δὲ ὁ Γενέριδος
βάρβαρος
μὲν
τὸ γένος,
ἀρετῆς εἶδος εὖ πεφυκώς, χρημάτων τε ἀδωρότατος ». 3 Cod. Theod., 16, 5, 42. 35 Zosime 5, 46, 4: « αἰδοῖ τε ἅμα xal χρείᾳ συνωθούμενος ».
366
τὸν
δὲ τρόπον
εἰς πᾶν
contrainte des faits: la décision arrachée à l'empereur par la fermeté de Géné-
ridus fut semble-t-il rapportée par la loi du 25 août 410”. 4. Les fragments d'Eunape, ceux d'Olympiodore dans une moindre mesure, et surtout l’œuvre conservée de Zosime sont en somme
pour nous les
seuls témoins d'une historiographie paienne engagée dans la défense de l'an-
cienne foi qui demande à être au moins tolérée. Cette orientation religieuse est ce qui fait le prix du témoignage de ces auteurs dans le domaine des relations entre Romains et Barbares. Selon leur optique, les Germains ralliés sont d'excellents défenseurs de l'Empire dans la mesure où ils ont adhéré à la culture traditionnelle des habitants de l'Empire, domaine dans lequel la fidélité aux anciens dieux est évidemment un élément central; le paganisme est ressenti par eux comme une garantie de courage, de vertu, de désintéressement. De toute évidence, ils préfèrent un Barbare païen à un Romain chrétien. Ils pourraient donc parfaitement reprendre à leur compte ce que Grégoire de Nazianze écrit au Goth catholique Modarès: la communauté de foi unit plus que la diversité de race ne sépare. Chez les chrétiens, une telle attitude est largement répandue, et je n'ai mentionné spécialement Grégoire que parce qu'il nous en donne une formulation particuliérement frappante. Evidemment, elle peut moins fréquemment se manifester, du fait que limmense majorité des Germains convertis appartient à l'arianisme. Dans les circonstances graves, ce facteur de désunion est cependant allégué comme un facteur de consolation: ainsi, Augustin, aprés la prise de Rome en 410, ne laisse pas de relever que ce n'est pas le paien Radagaise, mais le chrétien — il oublie pour l'occasion qu'il est hérétique! — Alaric qui s'est emparé de l'Urbs 9, et, peu aprés, Orose développe longuement cette méme idée dans son apologie historique du christianisme *. Enfin l'on sait bien que
dans la Gaule entièrement occupée par les Germains, vers 440, Salvien glorifiera la vertu des Barbares, bien qu'ils soient hérétiques, et les donnera en modèle aux Romains certes orthodoxes, mais perdus de vices *. Cette superposition du critére religieux au critére racial, la fréquente prépondérance du premier sur le second, qui apparait avec insistance dés les décennies qui suivent la grande invasion de 376, est destinée à se manifester de manière décisive le jour où Clovis décidera de se convertir, non à l'arianisme, mais à la foi orthodoxe. Dès lors seront réalisées les conditions qui vont permettre aux anciens Romains et aux anciens Barbares d'oublier peu à peu leur vieil antagonisme, et de fonder des nations dont les institutions et la culture vivront de ce double héritage diversement mélé.
9 © 5! Ὁ
Cod. Tbeod. 16, 5, 51. Serm. 105, 10, 13. Orose, bist. 7, 57, 4-17. Cf. à ce sujet mon ouvrage cité supra n. 3, pp. 293-310.
367
TILEMACHOS
C. LOUNGHIS
LE PROGRAMME POLITIQUE DES ‘ROMAINS ORIENTAUX' APRES 476. UNE REPETITION GENERALE?
1. Un des processus les plus caractéristiques qui se font observer pendant la durée du V* siècle est la prise de conscience des citoyens de l'Empire romain d'Orient, prise de conscience qui se manifeste de plus en plus au fur et à mesure que le temps passe par un terme trés significatif: ol ἑῷοι Ῥωμαῖοι !
Les années du régne de l'empereur Arcadius (395-408) sont marquées par un effort intense en vue d'une indépendance d'action vis-à-vis de l'Occident (divers différends avec Stilicon), par des manifestations d'indépendance
ecclésiastique (le patriarcat de Constantinople contre le patriarcat d'Alexandrie) et par des manifestations d'orgueil 'national', dirait-on, de la classe dominante
(le parti anti-barbare
au pouvoir
depuis 400). Vers la fin de ce
régne, l'historien de l'Eglise Sozoméne pouvait s'exclamer avec raison: « ... pendant que la partie d'Orient se débarrassait de ses ennemis et, tout à fait inopinément, était gouvernée avec diligence, la partie occidentale se trouvait dans la confusion... » ἢ. Selon un autre historien ecclésiastique — et arien en méme temps — Philostorge *, Théodose II devint en 408 “héritier du règne d'Orient”. Le terme est important, parce que ce sera ce "régne d'Orient" qui enverra en Occident
comme
empereur
Valentinien
III
(425-455) 5, vu que
sous
son
prédécesseur Honorius « qui avait l'Occident, les Barbares ont conquis son pays » 5. Bien que ce dernier jugement de Procope date du VI* siècle, il ne manque pas pourtant de souligner la responsabilité et l'incapacité de l'Occident, ce qui est suffisant pour justifier l'attitude justinienne de la classe dominante de l'Empire d'Orient. Mais on n'en est pas encore là. Pour le 1 Cf. G. DAGRON, “L'empire romain d'Orient au ΓΝ" siècle et les traditions politiques
de l'Hellénisme", Travaux et mémoires
3 (1968), pp. 1-203; E. D£MoucEor,
De l'unité
à la division de l'empire romain 395-410, Paris 1951. 2 Sozomène HE IX, 6, 1 (éd. Bidez-Hansen, p. 397).
3 Philostorge HE XII, 7 (éd. Bidez-Winkelmann, p. 145). * Philostorge HE XII, 13 (ibid., p. 148-149). 5 Procope BV I, 2, 1 (éd. Haury-Wirth, I, p. 311).
369
moment, on se borne à dire que, si le règne d'Arcadius est jalonné par des manifestations d'indépendance de l'Orient vis-à-vis de l'Occident, le règne du trés pieux Théodose II (408-450) met au jour une tendance de la part de Constantinople à mettre l'Occident sous tutelle, ce qui est manifeste tant
dans les opérations militaires de 424/425 contre l'usurpateur Jean‘, que dans une autre constatation de Procope de Césarée, que Valentinien III a perdu "la Libye" 7. Quoi qu'il en soit, on est en plein droit d'affirmer que le schisme du monde romain au V* siècle s'avére au profit de l'Empire d'Orient dans la mesure oà l'Occident est de plus en plus menacé et ceci constitue la nouvelle réalité, dont deviendra conscient l'Empire d'Orient. Le 29 octobre 437, Valentinien III se trouvant à Constantinople à l'occasion de son mariage, céda la ville de Sirmium, capitale du diocèse
des Pannonies à l'Empire d'Orient*, autre geste de faiblesse de la part de l'Empire d'Occident. L'équilibre précaire qui résulta du fait que l'empereur d'Orient Marcien (408-450)
se nomma
fut de courte durée;
en second, dans une novelle, après Valentinien
sous le règne de Léon
I° (457-474)
III’,
la tendance de
mise en tutelle s'accentua d'autant plus par l'envoi en Occident des empereurs Anthémius (467-472) et Julius Népos (474-475).
2. Pourtant, les historiens byzantins ne nous ont pas conservé un jugement global sur la chute de 476 !°; le seul parmi eux qui a tenté de justifier les causes pour lesquelles furent perdues quelques provinces est, comme d'habitude, Procope de Césarée et son jugement est trés limité, puisqu'il ne concerne que quelques provinces gauloises, du Rhóne jusqu'aux confins de la Ligurie: « ... tant que le régime romain restait invariable, dit-il, l'empereur conservait les provinces jusqu'au Rhóne; mais depuis qu'Odoacre a rendu ce régime une fyrannis, les Wisigoths ont obtenu par le tyran toute la Gaule jusqu'aux Alpes qui marquent les confins entre Gaulois et Ligures... » !!. De cette facon indirecte, Procope reconnait que le changement du régime politique en Italie en 476 fut la cause de la perte de quelques provinces occidentales. 6 Philostorge, ibid.; Procope BV 1, 3, 8-9 (ibid. I, 320); Malalas, p. 356 CSHB; Théophane, pp. 84-85 éd. de Boor. 7 Procope BV I, 3, 12 (ibid.). 8. Cassiodore, Var. XI, 1 (MGH, AA XII, p. 329): « ... nurum denique sibi amissione Illyrici comparavit factaque est coniunctio regnantis divisio dolenda provinciis ». 9 Nov.
Valent.
n° 36
=
CTb.
II, 153 éd. Mommsen-Meyer.
10 Cf. W.E. KAEGt JR. Byzantium and tbe Decline of Rome, Princeton 1968. Cf. encore B. Croke, "A. D. 476. The View from Constantinople". Third Annual Byzantine Studies Conference, Abstracts of Papers, New-York 1977, p. 55; E. DÉMouckor, “Be deutet das Jahr 476 das Ende des rómischen Reiches im Okzident?", Klio 60 (1978), pp. 371-381; O. ΒΕβτοιῖνι, "Gothia e Romania", I Goti im Occidente, Settimane di studio del centro italiano di studi sull'alto medioevo III, Spoleto 1956, pp. 11-13. 1 Procope BG
I, 12, 20 (ibidem
II, 65-66:
« Ἕως
ἔμενε, Γαλλίας τὰ ἐντὸς Ῥοδανοῦ ποταμοῦ βασιλεὺς εἶχεν μετέβαλε, τότε δή, τοῦ τυράννου σφίσιν ἐνδιδόντος, ξύμπασαν "AXntov, αἱ τὰ Γάλλων τε ὅρια χαὶ Λιγούρων διορίζονσι... ».
370
μὲν οὖν πολιτεία Ῥωμαίοις ἡ αὐτὴ ἐπεὶ δὲ Γαλλίαν
Ὀδόαχρος ἐς τυραννίδα Οὐισίγοτθοι ἔσχον μέχρι
Un autre auteur, très en vue également, du VI* siècle, Jean Lydos, nous apprend que l'Empire eut des désastres sous le règne de Léon I°, tandis que son successeur Zénon (474-475 et 476-491) « était un lâche qui préférait payer au lieu de mener des guerres » ". Le plus catégorique parmi les auteurs du VI* siècle est cependant Agathias de Myrina qui s'exprime sans aucune équivoque: «...l'empereur (il s'agit, bien sûr, de Justinien I"), ayant auparavant conquis toute l'Italie et l'Afrique et ayant mené à bon terme ces trés longues guerres, fut le premier parmi ceux qui ont régné à Constantinople qui eut le droit, pour ainsi dire, de s'appeler avec raison empereur des Romains » ". Ceci signifie ni plus ni moins que, pour le groupe social qui était représenté par l'histoire d’Agathias, les empereurs qui avaient siégé à Constantinople avant Justinien « n'avaient pas le droit de s'appeler empereurs des Romains » “ et, ce qui est presque invraisemblable, que Justinien I° (527-565),
empereur
d'Orient
à son avénement,
avait mené
à bon
terme,
non pas une "Reconquista" d'inspiration personnelle, mais tout un programme politique, longtemps préparé en Orient, programme qui avait eu le temps de devenir mûr. C'est vers ce point de vue qu'ont été menées quelques recherches comparatives dont les résultats seront exposés ici.
Le terme éóoi Romaioi est employé vers 476 par l'historien Malchus de Philadelphie qui était un contemporain de l'empereur Zénon et de la chute
de l'Empire occidental; d’après lui ^, Basiliscus qui régna à Constantinople près de dix-huit mois (début janvier 475-fin août 476) ne fut qu’ "empereur des Romains orientaux”, qualification qui aurait été sans doute approuvée par Agathias de Myrina, pour lequel Justinien I° fut le premier empereur des Romains dans le sens propre du terme. Le méme Malchus témoigne encore qu'Odoacre eut vent de la nouvelle que Zénon était parvenu à recouvrer "l'empire de l'Orient" , Sans m'arréter ici à des problèmes d'ordre chronologique (la succession des événements est en effet très obscure), je me borne à signaler qu'aprés la mort de Zénon (9 avril 491), le peuple de Constantinople sollicitait avec ardeur... "un empereur orthodoxe à l'Oikos-
méné..." Ὁ ce qui va absolument à l'encontre du terme "Romains d'Orient” et nous méne inéluctablement au jugement de Jean Lydos qu'on a cité plus haut. Cette acclamation des citoyens de la capitale de l'Orient nous incite également à comprendre la force et l'attrait qu'exergait sur eux la 12 Jean Lydos, De magistratibus populi romani III, 45 (éd. Wuensch, p. 134).
13 Agathias V, 14, 1 (éd. Keydell, p. 180).
«...‘O γὰρ βασιλεὺς ἐπειδὴ πρότερον ᾿Ιταλίαν
ξύμκασαν ἐχειρώσατο xal Λιβύην xal τοὺς μεγίστους ἐκείνους πολέμους διήνυσε καὶ πρῶτος ὡς εἰπεῖν ἐν τοῖς χατὰ τὸ Βυζάντιον βεβασιλενχόσι Ρωμαίων αὐτοχράτωρ ὀνόματὶ τε xal πράγματι ἀπεδέδειχτο...».
M Cf, KAEGI, op. cit. qui a soutenu que ce fut la classe dominante d'Orient qui avançait des prérogatives œcuméniques.
de l'Empire
15 Malchus fr. 7 (FHG IV, p. 116): « ... Βασιλίσκος, ὁ Ῥωμαίων τῶν ἐῴων βασιλεύς...». 16 Malchus fr. 10 (ibid., p. 119): « .."O*« ᾿Οδόαχος ἀχούσας Ζήνωνα πάλιν τὴν βασιλείαν ἀνακεχτῆσθαι τῆς Eu... ». Comme τῶν τῆς ἕω ‘Puualuv βασιλεύς... est traité aussi par Priscos
l'empereur Marcien. 17 Pierre le Patrice dans Constantin Porphyrogénète, De Caerimoniis aulae byzantinae 1, 92 (pp. 417-425 CSHB).
371
tradition romaine œcuménique; ce peuple réclamait un empereur qui ne soit pas lâche comme
Zénon qui achetait les guerres, un empereur qui ne soit
pas hérétique et en même
temps empereur des Romains
orientaux, mais un
empereur qui soit en même temps "orthodoxe et cecuménique”, c'est-à-dire un Justinien avant son temps... * Ainsi se manifestent, à mon avis, les premiers germes du programme politique de la "Reconquista" de l'Occident et, par con-
séquent, l'abolition de l'épithéte é6oi au profit de l'universalisme !°. Il en fut de méme en ce qui concerne le régne d'Anastase (491-518), ce
vieux décurion des silentiaires qui s'était sollennellement engagé à son avénement à maintenir l'orthodoxie bien que monophysite ? et qui sut trés bien jeter les bases du programme politique que réaliserait plus tard Justinien I*. Jusqu'à présent, on a interprété l'administration d'Anastase d'une façon quelque peu unilatérale, bien que le témoignage de Lydos (Anastase le sage a tout restauré!) aurait dû nous rendre plus attentifs à cet égard. Si on se rend compte que sous son régne fut rassemblée une somme jamais et nulle part rencontrée pendant tout le Moyen Áge, bien que les guerres n'eussent pas cessé et que de trés nombreuses œuvres publiques fussent construites, ces 320.000 livres d'or que Justinien a ensuite ‘gaspillées’, pour pouvoir s'appeler avec raison empereur des Romains, comme disent quelque peu imprudemment quelques historiens modernes, deviennent les bases matérielles sur lesquelles fut réparti le programme de l'abolition de la qualification
"Romains orientaux” 2, 3. L'an 504, en Europe éclata une guerre qui a duré plus de sept ans. À cette guerre participèrent tous les états de l'Europe, divisés en deux grands camps: d'un cóté, les Ariens Ostrogoths et Wisigoths avec les Alains; de l'autre, l'Empire romain d'Orient avec ses alliés occidentaux Francs et Bur-
gondes. Aussi ostensiblement place füt, sans la seule qui eüt
étrange que cela neutres pendant aucun doute, du pu résister à la
puisse toute la cóté des puissance
paraître, les Vandales sont restés durée des hostilités, quoique leur Ariens; leur flotte d'ailleurs était navale impériale. Pourtant, le roi
18 Sur le problème de la suite de l'historiographie byzantine, de la haute époque à la période mésobyzantine, cf. T. C. LouncHISs, “Ἢ πρώιϊιμη βυζαντινὴ ἱστοριογραφία xal τὸ λεγόμενο 'uryáXo
χάσμα’ ", Σύμμειχτα
KBE
4 (1981),
pp. 49-85.
19 Les manuels classiques de la période J.B. Bury, History of tbe Later Roman Empire from Arcadius to Eirene (395-800), London 1882, Yu. KuLAkovsky, Istorije Vizantii I, Kiev 1913, et E. STEIN, Histoire du Bas-Empire 1949, ne font que répéter les uns les autres.
II, Paris-Bruxelles-Amsterdam
® Cf. C. Capizzi, L'imperatore Anastasio (491-518), Roma 1969. 7! Cf. Lydos, op. cit., II, 27: «...᾿Αναστάσιος à ἔμφρων τὰ πάντα ἀνεστήσατο...». Z Témoignage Wirth):
du
méme
«... ᾿Αναστάσιος...
ordre
chez
προνοητικώτατος
Procope, xal
Historia
arcama
οἰχονομικώτατος
(p.
πάντων
120
éd.
Haury-
αὐτοχρατόρων... ».
Mais, malheureusement, ce sont des mentions très disparates et fragmentaires qui servent comme indications à l'enquête, car la chronographie de Malalas n'est point instructive sur
le règne d'Anastase; cf. à ce propos E. CERNOUSOv, "Etudes sur Malalas. Epoque d'Anastase Dicoros", Byzantion
372
5 (1926), pp. 65-72.
vandale Thrasamond (496-523), gendre de Théodoric le Grand (493-526) 5,
mais aussi "ami"
de l'empereur Anastase *, préféra, paraît-il, ne pas se
méler au conflit général. Quoi qu'il en soit, cette guerre se présente comme l'aboutissement normal des contrastes entre l'Empire romain d'Orient et les états barbares de l'Occident: l'orthodoxie catholique et l'eecuménicité se dressent contre l'Arianisme et l'indépendance barbare. Plus que toute autre chose, cette guerre du début du VI° siècle annonce sans ambages l’œuvre très catholique de Justinien I°.
Le terme “très catholique” employé
ici n’est point une exagération,
malgré le Monophysisme dont fit preuve dans la suite l'empereur Anastase à l’intérieur de l’Empire d'Orient; il s’agit, tout court, de
l’accomplis-
sement du vœu exprimé par les citoyens de Constantinople en 491, érigé en programme politique: "un empereur orthodoxe à l'Oikouménè”. Et, en effet, depuis Noël 506, dans le camp de l'Empire romain d'Orient règne le catholicisme À, ce qui est très important parce que, jusqu'alors, il n'y avait pas de Barbares non-hérétiques #. De par son contenu politique alors, cette guerre prit une extension extraordinaire pour tous. La guerre a provoqué des changements trés significatifs à la carte d'Europe ?, En Gaule, les maîtres incontestables sont devenus après leur baptême en 506 les Francs catholiques, pendant que les Wisigoths se limitent désormais à une étroite bande cótiére, au-delà de leurs territoires espagnols. La Provence se trouve depuis 508 sous le contróle ostrogoth et c'est ainsi que les
allés ariens Ostrogoths et Wisigoths se trouvent encore en contact. Une trés grande partie de l'Europe occidentale s'est convertie à la foi catholique orthodoxe qui ne cesse de progresser au détriment de l'Arianisme, L'Empire romain d'Orient finalement, qui a osé attaquer l'Italie en 508% et qui 2 Cf. W. ENssLIN, "Beweise der Romverbundenheit in Theoderichs des Grossen Aussen und Innenpolitik", I Goti in Occidente cit., pp. 509-536 et B. RuBIN, Theoderich und Justinian;
zwei Prinzipien
der Mittelmeerpolitik,
% Cf. Procope BV I, 8, 14 ... (Thrasamond)
München
1953.
... ἐγένετο δὲ φίλος καὶ ᾿Αναστασίῳ βασιλεῖ
ἐς τὰ μάλιστα... Cf. T. C. LouncHIs, Les ambassades byzantines en Occident, depuis la fondation des états barbares, jusqu'aux Croisades (407-1096), Athènes 1980, pp. 56, 63, 269.
3 L'an 506 comme été avancé
par G. van
date du baptême DE VYVER,
"La
de Clovis et de la conversion des Francs
victoire contre
les Alamans
et la conversion
a de
Clovis", Revue belge de pbilologie et d'histoire 15 (1936), pp. 859-914, Revue belge de pbilologie et d'histoire 16 (1937), pp. 35-94, et un troisième article au même titre dans Le Moyen Age 53, 1947, pp. 177-196. % Sur la tolérance des Burgondes, cf. O. PERRIN, Les Burgondes, Neuchâtel 1968, passim. T La
seule carte
qui
mentionne,
très vaguement,
les changements
produits
par
la
guerre de 504-512 est celle qui se trouve dans le Penguin Atlas of Medieval History, 3° éd., London 1966, p. 27. a Marcellinus comes en 508 (MGH, AA XI, p. 97): « Romanus comes domesticorum et Rusticus comes scholariorum cum centum armatis navibus totidemque dromonibus octo milia militum armatorum secum ferentibus ad devastanda Italiae litora processerrunt et usque ad Tarentum
victoriam, quam
antiquissimam
piratico ausu
civitatem
Romani
adgressi sunt, remensoque
ex
Romanis
mari
inbonestam
rapuerunt,
Anastasio
Caesari reportarunt ».
373
n’est pas parvenu à annexer des territoires, peut maintenant savoir très bien quelle sera sa prochaine tentative; l'ordre de bataille des Ariens s'est avéré inopinément vulnérable en Occident et le seul obstacle qui empêche sa dé
molition totale en vue d'une restitutio orbis (Lydos aurait peut-être parlé d'une anastasis du nom d'Anastase) semble être pour le moment la grande figure de Théodoric le Grand. Pourtant, les Romains orientaux allaient redevenir agressifs après sa mort; à la fin de la guerre du début du VI" siècle, en 512, l'empereur Anastase aurait pu facilement imaginer et envisager comme réalité ce qu'un des derniers panégyristes latins, Priscien lui souhaitait: « utraque Roma tibi nam spero pareat uni auxilio summi, qui conspicit omnia patris quem placas omni stabilis pietate per orbem » ?.
Malgré le fait qu'à sa tentative d'imposer du panégyriste Priscien Constantinople en 491, complir. En effet, tant
cette époque l'Empire d'Orient venait d'échouer dans sa domination à des territoires occidentaux, les vœux s'accordent fort bien avec les vœux des citoyens de vœux que l'empereur Anastase avait déjà essayé d'acl'empereur Anastase que les hommes de lettres de la
fin du V* siècle étaient conscients de cette vérité implacable, que leur Empire,
l'Empire d'Orient, n'avait aucun pouvoir au-delà de l'Adriatique, oà pourtant les traditions romaines étaient toujours vivantes sous la domination barbare arienne. Sous l'impact des tractations qui ont mené à la conversion des Francs en 506, le prince héritier du tróne burgonde Sigismond avait été converti à la foi catholique en 505. Plus leurs voisins francs devenaient puissants, plus
les Burgondes devenaient serviles vis-à-vis de l'empereur d'Orient. « Mon peuple t'appartient », écrivait en 517 Sigismond, devenu Mais il était vraiment trop tard pour eux.
roi (516-523) *.
4. Le programme politique des citoyens de l'Empire d'Orient n'était pas répercuté uniquement dans les acclamations du peuple de Constantinople et dans les vers de Priscien; il y a plus: dans une de ses lettres, datant du mois de juillet 516 ?', l'empereur d'Orient Anastase reprend l'habitude abandonnée par les empereurs qui avaient siégé à Constantinople avant lui et se nomme — bien avant Justinien — d’après ses victoires: Germanicus, Alamannicus,
Francicus,
Sarmaticus,
victor ac
triumpbator,
semper
Augustus,
pater patriae. Il est vrai que les titres dont se para plus tard Justinien I”, «le premier empereur des Romains parmi ceux qui ont régné à Constantinople » selon Agathias, furent beaucoup plus pompeux ?, mais il faut se sou9 Priscianus, De laude Anastasi imperatoris, vs. 265-267 (p. 525 CSHB). Ὁ Avitus, Epp. 9, 78, 93, passim (MGH, AA VI, 2, 42-100, passim). 3 Collectio Avellana ed. Günther CSEL XXXV, 2, n° 113 = Epistulae Romanorum Pontificum Genuinae ed. A. Thiel, p. 765. 92 Cf. p. ex. Nov. n° 60 (ed. Zachariä von Lingenthal I, p. 387): « Αὐτοχράτωρ Καῖσαρ Φλάβιος
᾿ἸΙονστινιανὸς
᾿Αλαμανικὸς
Γοτθικὸς
Φραγγικὸς
Γερμανιχὸς
᾿Αντιχὸς
᾿Αλανιχὸς
Made ᾿Αφριχὸς εὐσεβὴς εὐτυχὴς ἔνδοξος νικητὴς τροπαιοῦχος ἀεισέβαστος αὔγουστος...»͵
274
Obavba-
venir à cet égard que Justinien avait mené à bon terme un programme politique qu’Anastase avait simplement mis en exécution. Ce programme politique des Romains orientaux qui voulaient cesser d'être ὁδοὶ ? a dû être
conçu vers 476 et sa réalisation incomba avant tout au vieil empereur Anastase qui peut-être a été élu empereur
témoignage de Jean Lydos;
à cette fin, comme
sous son règne semble
pourrait indiquer
le
s'arrêter la première
phase des grandes Invasions et il est très caractéristique à cet égard que, précisément à ce moment, l'Empire romain d'Orient, se rendant compte du fait qu'il n'est qu'une moitié de l'ancien Empire romain, entreprend un effort de longue haleine pour restaurer l'ancien Empire dans sa totalité. Pour ce faire, il mobilise tout ce qui pourrait servir comme prétexte politique à
l'époque, comme l'orthodoxie des Conciles œcuméniques
contre l'arianisme
qui domine en Occident. Ce n'est pas par hasard que le Codex Justinianus débutera avec la définition de la foi catholique (1,1) et que les Francs sont
devenus des Chrétiens catholiques à l'époque d'Anastase en vue d'une guerre contre les Ariens d'Occident et se font récompenser ensuite par l'Empire d'Orient en 508 *. Ainsi, la guerre européenne du début du VI° siècle n'est
pas uniquement une "répétition générale" de l’œuvre de reconquête de Justinien; elle constitue le premier jalon d'une politique que tous les empereurs du VI° siècle suivront avec empressement jusqu'à l'époque fatale du pontificat de Grégoire le Grand, lorsqu'on a dû voir de Constantinople toute lEurope occidentale devenir catholique, sans aucun besoin d'une intervention impériale, C'est alors qu'on a dà considérer l'Occident comme une entité politique, astreinte à des mutations tout à fait différentes de celles qui
advenaient dans l'Empire qui, devenu cecuménique au VI° siècle, se voyait obligé de redevenir un Empire romain d'Orient.
33 Sur le poids de l'alliance franque sous Justinien, cf. Procope BG surtout BG IV, 24, 13. % Cf. LouncHIs, Ambassades cit., p. 57 et notes 1-3.
I, 5, 8-10 et
375
SALVATORE
IMPELLIZZERI
ROMANI, LATINI E BARBARI NELL'"ALESSIADE" DI ANNA COMNENA
l. Strana e affascinante la storia delle avventure semantiche delle parole: i mutamenti semantici del lessico — di certo lessico particolarmente! — riflettono come
in uno specchio le vicende
l’accezione pit ampia che tale termine —
umane,
insomma
la storia, nel-
anch’esso soggetto a mutamenti
semantici, anch'esso antico e sempre nuovo — va sempre più assumendo a seconda degli attributi che ad esso si accostano: evenemenziale, politica, militare, economica, sociale, giuridica, culturale (anche in senso antropologico, cioè del costume), della mentalità eccetera. La linguistica, e partico-
larmente la semantica storica è assolutamente necessaria per comprendere la storia: le condizioni in cui vive un popolo non si comprendono se non se ne conosce
la lingua;
né si possono
veramente conoscere
istituzioni, cre-
denze religiose e costumi di una popolazione senza conoscere a fondo — 1 È opportuno
notare che nell'evoluzione
e
semantica vi sono aree in cui il lessico
muta con estrema rapidità: ad esempio, in quella sessuale, nella quale agisce la ‘‘censura”, che opera l’inconscio, il pudore, i tabá sociali; o quella delle funzioni fisiologiche, delle attività umili e riprovevoli, che inducono il parlante o lo scrivente a usare vocaboli allusivi o perifrasi sempre rinnovantisi, non appena l'allusione o la perifrasi acquistino l'evidenza e la crudezza del termine censurato: cfr. N. GALLI DE’ PARATESI, Le brutte parole, Milano, Mondadori, 1969. Di lunga durata è invece il lessico politico, che vuole essere conservatore, anche quando la realtà è mutata. In tale area il lessico è statico: le parole restano ma mutano di significato, adeguandosi alla mutata realtà. Si osservi, per esempio, quali diversi significati ha assunto il termine "democrazia" anche soltanto nei pochi decenni dell'ultimo dopoguerra; e la stessa cosa si può dire di "libertà" e di tanti altri termini del lessico politico più in voga. A un lessico politico dell'antichità classica lavorano vari gruppi di studio coordinati da IrALO Lana. Pregevoli i frutti dati sinora dal gruppo di lavoro sul lessico politico degli oratori attici, coordinato da Lucrano
CANFORA, che si van pubblicando in Quaderni di Storia dal n. 6 (luglio-dicembre 1977). L'esigenza di un lessico dei termini attinenti alla politica e alle istituzioni è particolar mente sentito per la grecità bizantina, di cui ci è giunta una ingente quantità di scritti
di ogni genere,
tra cui particolarmente
di tali termini è indispensabile
istituzionale. E per molti termini moderna
e contemporanea
(come
importanti
per qualunque
sono quelli storiografici. Un
lessico
ricerca di storia giuridica, amministrativa,
si richiederebbe uno spoglio che giunga alla grecità ad es. per ῥωμιοσύνη),
377
nel suo evolversi — la lingua degli uomini che tali istituzioni adottano, tali
credenze professano o tali costumi praticano ?. Il tema, dunque, di questo Seminario che mira a indagare l'evoluzione
semantica dei termini derivati da "Roma"
e a conoscerne l'area di diffu-
sione, per individuare gli aspetti di continuità e di trasformazione dell'idea di Roma nel tempo e nello spazio, offre l'occasione di una vasta ricerca interdisciplinare che, coinvolgendo studiosi delle più svariate discipline storiche, filologiche, linguistiche, giuridiche, puó giungere a risultati veramente validi per l'approfondimento della storia dei rapporti tra Oriente e Occi-
dente. E per meglio capire il valore semantico dei termini derivanti da "Roma" nelle varie lingue e nei diversi tempi, è necessario seguire conte stualmente le vicende dei termini che vengono usati in contrapposizione ad essi, o che tali termini soppiantano. Già fin dalla sua fondazione la città fondata da Costantino il Grande sulle rive del Bosforo si chiamò "Nuova Roma" (Νέα Ῥώμη), in opposizione all'antica (πρεσβυτέρα), o con il termine greco Πόλις, che traduce il latino Urbs, la città per eccellenza ἡ. Parimenti
i termini
Ῥωμαῖος,
Ῥωμιός,
Ῥωμαῖχός,
Ῥωμανία
vengono
adoperati non in connessione con l'antica Roma, ma sono invece connessi con la nuova capitale orientale dell'Impero, che dalla antica Roma ereditava le strutture politiche e amministrative. Ma in essa anche confluivano l'eredità della cultura ellenistica e la ‘Weltanschauung’ elaborata dal cristianesimo nei primi tre secoli della sua esistenza. La nuova capitale quindi diventa il centro di una civiltà che, fondendo sincreticamente imperium romanum, paideia ellenistica e fede cristiana, dinamicamente si contrapporrà alla civiltà che nei secoli venturi
verrà elaborando
l'antica
Roma,
la quale
diventerà,
nel medioevo, la capitale dell'Occidente romano-barbarico. E farà pernio sul papato e sulla nuova realtà etnica, per elaborare una civiltà nuova anch'essa,
che fatalmente nel volger del tempo verrà a trovarsi in contrasto con quella della "Nuova Roma". Le denominazioni che qui esaminiamo, mentre testimoniano i legami di continuità tra le due Rome, tendono a occultare quanto in essi c'è di nuovo e di rivoluzionario: essi praticamente soppiantano e ostracizzano per secoli i termini connessi con Ἑλλάς, Ἕλληνες, Ἑλληνίσμος, e perfino ἑλληνίζευν = “parlar greco" (che verrà sostituito nello stesso valore semantico da ῥωμαΐζειν), cui la reazione pagana del IV secolo, particolarmente incarnata
nella
grande
figura
dell'imperatore
Giuliano
(l'Apostata),
una colotitura, oltre che culturale, religiosa, in modo
da
aveva
dato
far assumere
a
Ἕλλην il significato di "pagano". Cosí come i termini derivanti da Roma, particolarmente Ῥωμαῖος-Ῥωμιός, 2 Cfr. A. MziLLET,
assumono col volger del tempo il valore
La méthode comparative en linguistique bistorique, Oslo
1925,
p. VI.
3 Sulle denominazioni etnico-politiche dell'Impero romano d'Oriente si vedano, tra l’altro, le dotte pagine di D. ZakvrHiNos, Βυζαντινὴ Ἱστορία (324-1071), Atene 1972, pp. 11-18, con ampia
378
bibliografia.
semantico, oltre che di "suddito dell'Impero romano orientale", (cioè di "bizantino"), di "seguace della chiesa ortodossa". E per contrapposizione, i seguaci della chiesa cattolica, apostolica, romana, gli "occidentali" insomma,
assumono il nome di Λατῖνοι, Φράγγοι. Alla fine, al termine ‘Pwyator e derivati si contrappone tout-court quello di βάρβαροι (e derivati), cosí come nellantichità tutti quelli che non erano partecipi della culura ellenica eran marchiati con il nome di "barbari". Questo rapido colpo d'occhio, naturalmente molto schematico e generico, credo che abbia dato un'idea, anche se approssimativa, dei risultati che si potrebbero raggiungere mediante uno studio sistematico dell'evoluzione semantica di termini di tale tipo, attraverso l'esame approfondito del
lessico etnico-politico-religioso dei testi bizantini, che in grande quantità ci sono giunti, ma che giacciono spesso ancora inediti e inesplorati in tutte le biblioteche del mondo. Fatica certamente utilissima sarebbe quella di porre le basi per la raccolta del materiale lessicale che si potrebbe reperire me-
diante uno spoglio sistematico dei testi già editi, comunque editi *. 2. Vorrei ora sottoporre al vostro giudizio uno specimen dei risultati che ho raggiunto attraverso la lettura, o, meglio, la rilettura, finalizzata a questo scopo, che ho condotto con l'indispensabile scorta dell'Index di Paul Gautier (1976), di alcune pagine dell'Alessiade di Anna Comnena?. Il testo di quest'opera & singolarmente interessante ai nostri fini, perché esso riguarda un periodo della storia del Mediterraneo particolarmente caldo nei rapporti
tra i due mondi, che ormai completamente divergevano: frontale,
che
avviene
prima
coi Normanni
di Roberto
l'età dello scontro il Guiscardo,
nella
precrociata del 1081-85, e poi con le Crociate: lo scontro decisivo tra Oriente € Occidente, che à determinante per la sopravvivenza dell'Impero orientale
e che si conclude con la quarta crociata. Sono appunto i guerrieri occidentali della quarta crociata che, nel 1204, assestano il colpo mortale all'Impero orientale: dopo, esso sopravviverà di una vita stenta per oltre altri due secoli, fino a quando, tra l'indifferenza dell'Occidente, cadrà sotto i colpi delle artiglierie turche, nel 1453. Sia chiaro che tali risultati non possono essere che parziali, provvisori e suscettibili di sviluppo. Ma possono dare un’idea di un metodo di ricerca che, mi pare, possa essere valido per tutte le fonti, variatis variandis, della
letteratura bizantina, particolarmente per quelle storiche, che generalmente rispecchiano l'ideologia politica del Palazzo ‘. 4 A un lavoro di tal genere ho intenzione di por mano se si troveranno collabo ratori e finanziamenti. 5 L'edizione che ho tenuto presente è quella della “Collection Byzantine... de l'Association G. Budé": ANNE CoMNEkNE, Alexiade, Texte établi et traduit par B. Lex, Paris, Les Belles Lettres, tome I (Livres I-IV) 1937, II (V-X) 1945, III (XI-XV) 1945; Index par P. GAUTIER,
1976. Da essa cito:
il numero
romano
indica il volume di
questa edizione, il numero arabo, la pagina; il terzo (in apice), le linee della pagina. $ Sulla storiografia bizantina si veda ors, oltre la bibliografia indicata nella mia Letteratura bizantina (Firenze/Milano, Sansoni/Accademia 1975), pp. 371; 384ss., H.
379
Anna, l'autrice dell'Alessiade?, è figlia di Alessio Comneno, imperatore dei Romani dal 1081 al 1118. Il quale, giunto al soglio imperiale, dopo oltre un cinquantennio di indebolimento delle capacità difensive dell'Impero (a motivo della sorda lotta tra aristocrazia agraria-militare e burocrazia della capitale e del susseguirsi di imperatori imbelli e prodighi 5), si trova a dover fronteggiare nuovi nemici esterni fortissimi sia a Oriente sia a Occidente. L'opera di Anna è una biografia del padre, secondo la tradizione storiografica degli Scriptores post Tbeopbanem?, che si susseguono, nella storiografia bizantina da Costantino Porfirogenito in poi. L'importanza di quest'opera, tra l'altro, consiste nel fatto che Alessio è il protagonista della resistenza all’invasione normanna prima, e poi l’imperatore orientale contro cui è realmente diretta la prima crociata. Normanni
e crociati, quindi, rap-
presentano l'Occidente che muove alla conquista dell'Oriente, mettendo in forse l’esistenza stessa dell’Impero. Di conseguenza, più che l’analisi dei termini connessi con Roma, che sono adoperati come di solito, o quasi, in tutta la letteratura storiografica bizantina, ci preme qui fissare lo sguardo sui termini contrapposti ad essi: “Latini” e "barbari". Dico subito che la Porfirogenita esprime grandissimo orgoglio nell’uso del termine "Romano", e specialmente nel designare il padre quale "imperatore dei Romani” (βασιλεὺς τῶν Ῥωμαίων). Essa usa anche il termine “Romania” (ἹῬωμανία) nel significato, di “Impero romano” (o meglio di
"territorio dell’Impero”) nel riportare il crisobollo imperiale, in cui Alessio conferiva la reggenza alla madre, nel momento in cui moveva, alla testa dell’esercito contro Roberto il Guiscardo ; poi, nel riferire dei patteggiamenti tra Alessio e Boemondo, per la concessione a quest’ultimo del territorio imperiale di Antiochia !, e infine nella descrizione di operazioni belliche, durante
la crociata, sempre col valore semantico di "territorio dell'Impero” 12, È da notare ancora che la dizione Νέα Ῥώμη ricorre nell'opera una volta sola, Huncer,
Die
hochsprachliche
profane
Literatur
der Byzantiner,
I-II, München,
Beck,
1978, I, pp. 243-504.
Anna
? Su Anna Comnena lo studio più ampio e esaustivo è quello di Georgina BucKLER, Comnena, A Study, Oxford 1929. Per altra bibliografia, si veda HUNGER, cit,
pp. 400 ss. 8 La storia del cinquantennio che va dalla morte di Basilio II (1025) alla ascesa al trono di Alessio Comneno (1081) è narrata brillantemente da un testimone oculare,
scrittore di grande pregio, Michele Psello, la cui Cronografia vedrà presto la luce, in edizione critica a cura di chi scrive, per i tipi di Arnoldo Mondadori, nella Collezione Lorenzo Valla. Altre importanti fonti storiografiche per questo periodo cruciale della storia bizantina sono quella di Niceforo Briennio e la stessa A/essiade, nella prima parte,
oltre, naturalmente, a fonti minori. Cfr. anche G. OstrogoRrsKY, Storia dell'impero bizantino, Torino, Einaudi,
1968, pp. 292 ss.
9 Cosí li definisce R.J.H. JENKINs, "The Classical Background post Theophanem", Dumbarton Oaks Papers 8 (1954), pp. 11 ss. 10 I, 121",
1 III, 1295, 12 III, 159",
380
of the
Scriptores
quando si riporta il trattato di pace concluso tra Alessio e Boemondo". Poiché la dizione ricorre più frequentemente nei documenti soprattutto ecclesiastici,
ma
non
soltanto
ecclesiastici,
è quasi
certo che
verbatim il documento originale, come pare faccia spesso, metodo di lavoro e la possibilità, che a lei era data dalla accedere agli archivi imperiali. Pi sorprendente appare l'uso del termine ῥωμαΐζειν, “parlar greco”: Anna narra un episodio della lotta contro i zione
di
Costantino
Dalasseno
contro
Tzachas,
qui
Anna
cita
rivelando il suo sua posizione, di nel significato di Turchi, la spedi-
e riferisce
che
«i
Turchi
assediati, vedendo che i Romani erano irresistibili nel loro slancio, si misero a invocare la pietà del Signore onnipotente parlando in greco»'*. Credo che tanto possa bastare per ‘“Romano” e derivati. Mi pare invece più illuminante della mentalità dei Romani d'Oriente nei riguardi del resto del mondo, e quindi della intera ‘Weltanschauung’ bizantina, un rapido esame semantico, ma non soltanto semantico, di un passo dell’opera che ritengo tra i più significativi al riguardo, il I, 13 (I, 47 ss. Leib). Anna in esso riferisce un evento che ritiene determinante per la fortuna di Roberto il Guiscardo, il quale allora si accingeva a muovere guerra all'Impero nel suo stesso territorio, dopo aver compiuto la conquista dell’Italia meridionale, che si era conclusa con la resa di Bari del 1071. L'episodio si inserisce nella cosiddetta "lotta delle investiture”, che, come è noto, si svolse tra Gregorio VII e Enrico IV. Tale lotta, secondo Anna, avrebbe impedito ai principi dell'Occidente di muovere uniti contro Roberto, determinando,
cosf, il felice esito delle sue azioni. Di tale evento, contrario
al-
l'Impero romano d'Oriente, si attribuisce la responsabilità al papa di Roma (qui Ῥώμη viene usato nel significato di "Roma antica"), del quale si mette
in evidenza “un potere che è difeso da eserciti di ogni genere”, sottolineando vrebbe Del essere
il carattere temporale e guerrafondaio del potere pontificio, che doessere invece soltanto spirituale. papa non viene riferito il nome, né qui né altrove, e ciò non può attribuito al caso, ma è certamente deliberato. L’imperatore Enrico
viene denominato
non
"basileus"
ma
ῥὴξ
᾿Αλαμανίας,
col titolo cioè che
si dava ai sovrani barbarici, poiché l'altro era riservato, nell'ideologia politica bizantina, solo agli imperatori che risiedevano nella "Nuova Roma". Si ricordi la polemica con Carlo Magno e coi suoi successori nel "secondo" Impero, che era inammissibile dalla teologia politica bizantina, la quale risale a Costantino ed era stata elaborata da Eusebio di Cesarea. Dal re il papa viene accusato di usurpazione
(τυραννίδος)
perché si era
impadronito del trono apostolico senza il suo consenso (anche la formulazione di tale accusa risponde ad un criterio della mentalità bizantina). L'accusa, secondo Ánna, era stata mossa da Enrico, mediante una ambasceria. Il racconto del trattamento da parte del papa ai legati imperiali & particolarmente significativo. Il papa li avrebbe disumanamente oltraggiati: avrebbe D III, 134", M II, 111”: «ῥωμαΐζοντες ».
381
fatto loro tosare la testa e rasare la barba e inoltre avrebbe inflitto un altro oltraggio sconveniente e che oltrepassa persino la brutalità barbarica — ἃ inutile sottolineare che la brutalità, per Anna, & propria dei "barbari". Anna poi aggiunge che l'oltraggio è irriferibile per il pudore che si conviene a una donna e a una principessa. Anche il papa è perciò qualificato con l'epiteto di "barbaro" e si insiste ancora sulla "barbarie" dell'oltraggio che è tale da giustificare il rifiuto di riferirne anche il più piccolo particolare. Mi pare opportuno citare per esteso il commento della scrittrice a questa azione del papa: «e queste sono le azioni, o giustizia, di un pontefice, anzi di un sommo pontefice (ἀρχιερέως … πρώτου ἀρχιερέως), siccome dicono e
credono i "Latini"; ma anche questo è conforme alla loro arroganza (τῆς ἀλαζονείας αὐτῶν) ».
Qui, come in tanti altri luoghi, "Latini" ha il significato di “cattolici romani", che manterrà fino ad oggi nella lingua greca, ed & il termine semanticamente
opposto,
nell'ambito
religioso,
al termine
Ῥωμαῖος
o
Ῥωμιός,
che passa, proprio nel senso religioso e politico, nel turco r&», cui si collegherà il termine ῥωμιοσύνη, che indicherà la religiosità ortodossa dei Greci
della Turcocrazia e diventerà poi, nel greco moderno, equivalente di ἕλλη vuoués cioè di "grecità", se si vuole trovare un equivalente approssimativo di tale termine, che & praticamente intraducibile.
Cosí anche la lingua parlata dai "Latini" viene denominata λατινιχὴ διάλεχτος 55.
Ma per meglio comprendere la mentalità bizantina di quel tempo & opportuno richiamarsi alle conseguenze che trae Anna
in campo ecclesiastico:
« Infatti, allorché il potere si trasferí di là (Roma antica) nel nostro Paese e nella nostra città imperiale (βασιλίδα πόλιν), e insieme il Senato e tutto
il dispositivo dell'Impero, vi si trasferi anche il primato della gerarchia scopale. E fin dal principio gli imperatori accordarono la precellenza alla tedra di Costantinopoli, e il concilio di Calcedonia, soprattutto, elevò al alto grado il vescovo di Costantinopoli e gli subordinò tutte le diocesi l’universo ».
Questa
epicatpi del-
interpretazione arbitraria del concilio di Calcedonia!
è della
massima importanza per comprendere fino a che punto fosse giunta mica religiosa tra Oriente ed Occidente — e ‘religiosa’ significa, mente, nel linguaggio medievale, ‘politica’. Ma in realtà Anna non originalità in tali sue affermazioni perché, in tutto l’episodio che
la polenatural dimostra abbiamo
citato, riecheggia un passo della Relatio de legatione Constantinopolitana di 15 II, 209", 229”; III, 148". 16 Che
l'interpretazione sia arbitraria, direi anzi deliberatamente
falsata, risulta dalla
lettura del canone 3° degli atti del concilio di Costantinopoli (381), secondo ecumenico, che al patriarca
della
Nuova
Roma
attribuisce
il secondo
posto
nella
scala gerarchica
della
Chiesa, dopo il vescovo di Roma. Tale affermazione viene confermata dal canone 28° del concilio di Calcedonia (451), su cui cfr. da ultimo V. MoNAcHINO, Il canone 28 di Calcedonia, L'Aquila, Japadre 1979.
382
Liutprando da Cremona, opera che meriterebbe di essere meglio conosciuta
anche agli exfetti della nostra ricerca ”. Come è noto, il libello liutprandiano narra dell'ambasceria che il vescovo di Cremona guidò a Costantinopoli nel giugno del 968, inviata dall'imperatore Ottone a Niceforo Foca, Liutprando
fa dire da questo imperatore: « Papa fatuus, insulsus, ignorat transvexisse,
Senatum
omnem
Constantinum cunctamque
sancta imperialia
romanam
militiam,
sceptra huc Romae
vero
vilia manvipia, piscatores scilicet, cupedinarios, aucupes, nothos, plebeios, servos tantummodo dimisisse » !#.
Ma Niceforo non era giunto a contestare il "primato" del vescovo di Roma, né a falsare le decisioni dei aggiorna un /opos tradizionale della bilmente risale a epoca foziana, se non è solo un'ipotesi, che non si pud qui
concili. Anna certamente manipola e polemica tra i due imperi, che probaaddirittura ai Libri carolini. Ma questa dimostrare.
3. Avrei voluto esaminare qui, dinanzi a voi, i passi dell'Alessiade riguardanti i crociati e, attraverso l'uso degli epiteti loro attribuiti, cercare di comprendere con quale animo la corte imperiale della seconda Roma accolse gli avventurieti occidentali che sotto l'usbergo della croce cercavano avidamente terre e ricchezze, comportandosi come faranno poi i conquista dores del nuovo mondo, i Cortés e i Pizarro. Ma i limiti invalicabili di tempo che mi sono stati concessi, mi inducono a chiudere
qui, rimandando
ad altra sede i risultati di tale ricerca, che spero di poter portare a termine in un futuro non troppo lontano. Intanto desidero mettere in evidenza che il termine Λατῖνος nell’uso di Anna è ancor pit dispregiativo del termine βάρβαρος, attribuito a tutti coloro che vivono fuori del territorio dell'Impero, della Ῥωμανία,
ma
so-
prattutto viene ampiamente usato per tutti coloro che non partecipano della cultura dei ῥωμαῖοι e più ancora della loro religione, che è quella cristiana, nella forma elaborata dalla Chiesa Orientale. Ma nell’ambito della stessa fede cristiana più profondamente è sentita l'avversione per i dissidenti, per gli eretici, per gli scismatici, che, come avviene in ogni religione, vengon
giudicati con maggior severità degli infedeli, perché l'odium theologicum è sempre il più forte, il più intollerante. in Oriente come in Occidente. 17 Si veda
l'edizione
in Die
Werke
Il che è profondamente
Liudprands
von
Cremona,
medievale
Dritte Auflage
von J. BECKER, Hannover und Leipzig
1915 (Scriptores Rerum Germanicarum
Scholarum
Historicis
ex
Monumentis
Germaniae
separatim
editi:
LIUDPRANDI...
hrsg.
in usum Opera
editio tertia). La Relatio, che occupa le pp. 175-232 della edizione citata, contiene la relazione ("Bericht") ufficiale della ambasceria inviata a Costantinopoli nel 968 dall'imperatore occidentale Ottone; su di essa si veda la "Einleitung", in op. cit., pp. XXII ss. 18 p. 202 (cfr. MGH, SS III, pp. 191 ss.: «Post adventum unigeniti filii Dei ... Romanum imperium Byzantium se contulit ... Quae quia Romano gloriabatur imperio, dicta est Nova Roma »). Vedi anche Poetae III, p. 555. Il nome Nova Roma anche in AA I, p. 11.
383
JOHANNES
IRMSCHER
LES GRECS ET L'IDEE DE ROME
APRES
1453
1. La théorie politique romaine, la civilisation hellénique, l'orthodoxie chrétienne sont les trois sources principales de la synthèse romano-byzantine. Constantinople, en dépit des transformations graves, radicales sur le plan socio-économique, assurait la continuité de l'Empire romain; les empereurs byzantins se considéraient comme des souverains romains, successeurs et héritiers des Césars de l'Antiquité. Les citoyens de cet Empire, par conséquent, se qualifiaient de Ῥωμαῖοι; au sens et dans l'esprit de la Constitution Ántonine, adoptée par l'empereur Caracalla en 212, on mettait à ce rang, sans exception pour personne, tous les citoyens libres de la civilisation antique qui, depuis l'époque de la christianisation, se prenait encore pour la seule incarnation de l'orthodoxie conforme à la volonté de Dieu. L'antithèse Grecs-Barbares fut alors relayée par l'opposition Romains-Barbares, remplie de nouveaux contenus. La notion géographique de ‘Pwyuavla-Romanie allait s'étendre au-delà de l'Empire romain d'Orient pour désigner l'ensemble du
territoire de cette communauté
culturelle,
alors
que, dés lors, le terme
d’ Ἕλληνες fut appliqué, péjorativement, aux païens, les mécréants. La Νέα Ῥώμη cependant, ville de Constantin sur le Bosphore, avait pris, pour toujours dans la pensée romano-byzantine, la place de l'ancienne Rome, la πρεσβυγένεθλος Λατινιὰς Ῥώμη, à laquelle Paulos Silentiarios, poéte à
la cour de Justinien, lance l'appel aux termes d'une piéce votive de faire preuve
de
fierté
maternelle
et de
faire
chorus
en
glorifiant
la νεοθηλὴς
Ῥώμη !. 2. Le déclin de l'Empire de Constantinople allait entraîner un changement de vocabulaire, étant donné que les idées qui en étaient la base, commençaient à changer elles aussi. Les historiens contemporains, ou presque, de la prise de Constantinople, “Awet, à savoir Georges Sphrantzés, Jean
Doukas,
Critoboulos
d'Imbros
et Laonikos
Chalcocondyle
retiennent
toujours, quant aux trois premiers, la synthèse de la grécité et de la ro! P. FRIEDLANDER, Jobannes von Gaza und Paulus Silentiarius, Kunstbeschreibungen Justinianischer Zeit, Leipzig
1912, pp. 231 s.
385
manité; outre les Romains de l'Antiquité, ce sont également les “Byzantins” ? qu'ils mettent sous le terme de Ῥωμαῖοι; aussi l'idée de la Nouvelle Rome leur est-elle évidente, naturelle. Il en est tout autrement pour Chalcocondyle, élève du platonicien George Gémiste Pléthon, qui, humaniste imprégné de l'idéologie hellénistique, cherche à rénover l'Empire. Chalcocondyle a écrit son histoire vers 1480. Il s'était proposé de rechercher et dévoiler les causes qui avaient provoqué l'"AXocu; de 1453. Tout comme son maître Pléthon, il prenait l'élément grec pour le facteur déterminant dés les débuts de l'histoire. Mais aprés la dislocation de l'empire d'Alexandre, Rome se serait emparée de l'hégé monie mondiale au cours d'un processus où le coup de chance contrebalançait les qualités de valeur ?. Par la suite, les Romains se seraient avisés d'abandonner la ville à leur μέγιστος ἀρχιερεύς, c'est-à-dire le pape, pour prendre la ville de Byzance pour capitale, sous la conduite de l'empereur Constantin. Dés lors, le brassage se serait opéré entre les Grecs et les Romains; mais les Grecs, en supériorité numérique, auraient réussi à conserver leur langue et leurs moeurs. Il est vrai qu'ils auraient abandonné leur nom traditionnel;
les souverains allaient s'appeler "empereurs des Romains". D'autre part, les Romains aussi, c'est-à-dire les gens de l'Empire d'Occident et le pape avec eux, se seraient séparés des Grecs Ils auraient désigné leur βασιλεὺς
pour des raisons religieuses et autres. Ρωμαίων, propre à eux, et les choix
seraient tombés sur les Allemands ou les Français. Depuis ce temps-là, les ambassades n'auraient pas cessé de faire la navette entre les deux villes dans l'intention d'arranger la réunification dans la foi. Mais les Grecs se seraient refusés de laisser altérer la foi de leurs aieux. Le résultat, selon Chalcocondyle, en aurait été la prise de Constantinople par les Occidentaux en 1204, suivie de l'établissement du βασιλεύς τε Βυζαντίου xal Ἑλλήνων à Nicée. Dès lors et en définitive au retour de l'empereur à Constantinople l'historiographe ne se sent plus autorisé à se servir des outils notionnels hérités. Les “Byzantins” prenaient le nom Ἕλληνες, et les Ῥωμαῖοι désignent tantót les Romains proprement dits, tantót les citoyens de l'Empire occidental. Le terme d' Ἕλληνες
que nous relevons dans la méme
acception égale-
ment chez d'autres auteurs, tels que Georges Pachymère et Démétrios Cydonés, est défini, tout comme auparavant celui de Romain, moins par l'origine ethnique que par l'appartenance à la communauté culturelle grecque qui impli-
que l'adhésion à l’ortodoxie *. Le patriotisme grec qui était né et qui s'était développé pendant l'exil de Nicée, faisait passer au premier plan l'élément grec; il faisait naître une conscience grecque qui, dans le contexte de certains développements économiques, aurait pu aboutir à la cristallisation d'une nation bourgeoise primitive. La conquéte ottomane allait redresser ces amorces qui, ? H. DITTEN, “Βάρβαροι, Ἕλληνες und Ῥωμαῖοι bei den letzten Byzantinern", Actes du XII* Congrès international d'études byzantines, I1, Beograd 1964, p. 276. 3 LAONICUS 1843, pp. 65.
CHALCOCONDYLAS,
* DITTEN, op. cit., p. 277.
386
Historiarum
libri decem,
recogn.
I. BEKKER,
Bonnae
toutefois, se conservaient en substance pour servir à faire éclore les lumières grecques du XVIII* siècle et à faire naître la nation bourgeoise qui en résultait. 3. Une large fraction des classes supérieures et, avec elle, les idéologues
de celles-ci se débarrassa de la notion romaine dès l'ère des Paléologues. Constantinople — malgré les efforts du gouvernement afin de maintenir les formes et cérémonies traditionnelles — était alors dans l'impuissance de réaliser l'ambition dominatrice au niveau universel; elle devait bien s'accomoder et se contenter de la réalité qui était celle de la territorialité d'un Etat grec. D'autre part l'idée romaine, millénaire et parfaitement efficace, n'avait pas été condamnée à disparaitre dans la foulée de la chute de Constantinople. Mise à part la concrétisation occidentale, qui lui était contraire et qui a connu une Évolution propre, nous avons retenu plusieurs réalités que nous allons aborder par la suite. Le grand-prince Ivan III, unificateur de la Russie et libérateur du pays du joug tatare — il allait prendre le titre de Tsar de Russie — avait contracté mariage, en 1472, avec Sophie, fille de Thomas Paléologue, despote de la Morée, et nièce de Constantin XI, dernier empereur de Constantinople. Ce mariage ne tarda pas à s'ériger en symbole d'une magnifique conception politique et religieuse: Moscou qui, pendant la génération qui suivit l'asservissement de Constantinople par l'Islam, avait secoué la domination tatare, revendiquait le droit à l'héritage spirituel et politique de la seconde Rome
sur le Bosphore. En signe de quoi, on admettait l'aigle impériale à deux tétes aux armoiries moscovites. Il naissait une littérature volumineuse, de caractére
ecclésiastique et destinée à glorifier le peuple russe à titre de nouvel Israël, la capitale Moscou comme la troisième Rome. Les traditions romanobyzantines retrouvaient ici un terrain fertile. Les idéaux spirituels et les idées politiques de Constantinople y trouvaient un nouvel écho. L'idée d'une troisieme Rome se développait et devenait une grande force. Dégager l'épanouissement de celle-ci dépasserait cependant le cadre de notre sujet. 4. Mais l'idée de Rome exerçait son influence non seulement sur le monde orthodoxe mais également sur le conquérant turc, Áu 29 mai 1453, date de la chute, du pillage et du ravage de Constantinople, suivait le 6 janvier 1454, date à laquelle le sultan Mehmet II remettait les insignes du patriarcat au moine érudit Georgios Scholarios qui allait s'appeler Gennadi II. L'Empire ottoman, selon les idées de Mehmet, devait reprendre l'idée œcu-
ménique propre à l'Empire romain et s'orienter politiquement vers l'Occident. L'idée d'une monarchie universelle, 'néo-byzantine", au sein de laquelle
l'Islam marierait la tradition néo-romaine, n'était point étrangère à la disposition et à la culture du sultan. Il n'avait aucune peine à trouver des 5 K. STAHLIN, Geschichte Russlands von den Anfingen bis zur Gegenwart, I, Berlin 1923, pp. 229 s.
387
idéologues grecs qui volaient à l'appui de pareilles réflexions. La figure la
mieux saisissable pour nous, c'est Georges de Trébizonde, humaniste aux couleurs bariolées, à qui, dés les années trente du XV* siécle, on reprochait les tentatives de rapprochement auprès du souverain ottoman‘. L'année méme de la chute de Constantinople, l'homme de Trébizonde rédigeait
un
ouvrage
intitulé
Περὶ
τῆς
ἀληθείας
τῆς
τῶν
Χριστιανῶν
πίστεως ("Sur la véracité de la foi chrétienne") " sous forme d’une missive au sultan (πρὸς τὸν ἀμηρᾶν). 1] s'attachait à démontrer que les oppositions entre la chrétienté et l'Islam n'étaient pas insurmontables; et il en tirait
le conseil, offert au sultan, de réconcilier les deux religions et de s'ériger, de ce fait, en maître du monde. Par ailleurs, ce méme homme de Trébizonde adressait au conquérant deux lettres (orationes) dont la seconde, rédigée peu
aprés 1466, revêt une importance particulière dans ce contexte. Il y est dit: « ... nemo dubitat quin iam iure Romanorum imperator sis. Is enim imperator est, qui sedem
imperii
iure tenet, sed sedes imperii romani
Constantinopolis
est: qui ergo eam iure possidet, ipse imperator est. [Sed tu non ab hominibus, sed a Deo per ensem tuum dictam possides sedem. Iure tu ergo Romanorum imperator
es]:
iure
namque
possidentur
quae
bello
adquisita
sunt
et iure
belli regna omnia et imperia constituta sunt. Porro qui Romanorum imperator est, is totius terrarum orbis est imperator » ὃ,
5. En effet, Mehmet faisait agrandir la ville dont les habitants, à côté des Turcs nouvellement établis, étaient des Grecs venus de tous les coins de l'ancien Empire, mais également des Hongrois, des Polonais et d'autres populations. L'auteur anonyme, turcophile, d'une chronique des patriarches constantinopolitains, qui date de la fin du XVI* siécle, parle de dispositions que Mehmet avait prises pour protéger les chrétiens. Il affirme, avec des transports d'enthousiasme, que le sultan avait éprouvé beaucoup de joie et de satisfaction en constatant qu'il était devenu le maître et l'empereur d'une telle nation (« ἔσοντας νὰ γένῃ τοιούτου γένους αὐθέντης καὶ βασιλέας ») *. C'est avec fierté que Mehmet portait le titre d'un ᾿Αμιρᾶς Τουρχορρωμαίων,
émir des Turcs et Romains. On a repris et réadmis nombre d'institutions romano-byzantines — ce qui d'ailleurs avait également été le cas dans les périodes précédentes —, et ce n'était pas sans droit que l'on devait parler de la "byzantinisation" de l'empire ottoman ?, qui, dans les échanges diplomatiques, se servait de la $ J. IRMSCHER, “Georgios von Trapezunt als griechischer Patriot”, Actes du ΧΙ" Congrès international d'études byzantines, II, Beograd 1964, p. 356. 7 Édité par Γεώργιος Θ, Ζώρας, Γεώργιος ὁ Τραπεζούντιος xal al πρὸς ἑλληνοτονρχικὴν συνεννόησιν προσπάδειαι αὐτοῦ, ᾿Αδῆναι 1954, pp. 93 ss. 8 A. MERCATI, “Le due lettere di Giorgio da Trebisonda a Maometto II", Orientalia Christiana periodica, 9 (1943), p. 96. 9 Historia
politica et patriarchica
Constantinopoleos
- Epirotica,
recogn.
I. BEKKER,
Bonnae 1849, p. 94. 10 Sp. Vryonis Jr, "The Byzantine Legacy and Ottoman Forms", Dumbarton Oak: Papers, 23-24 (1969-70), p. 256.
388
langue grecque, dans sa forme populaire. Cette ligne, Mehmet
II et ses
successeurs cherchaient à la poursuivre aussi bien dans les fondements politiques et juridiques qu'à travers l'idée d'assumer la succession et l'héritage des empereurs romains. Ce qui, sans aucun doute, contribuait de différentes manières à améliorer la vie des Grecs tombés sous la domination ottomane. Pourtant,
ces
empiétements
demeuraient
la civilisation romano-byzantine,
superficiels.
Dans
le contexte
de
l'on ne saurait parler ici que de prolon-
gements, de la réadmission, déclenchée par la continuité historique, de cer-
tains phénoménes et institutions, ce qui réduit sensiblement, dans le temps et dans l'espace, la notion consciente d'une réception romano-byzantine. Le féodalisme militaire, spécifiquement turc, y était opposé autant que l'était le caractère théocratique de l'Etat ottoman. Les éléments de la pensée romanobyzantine, à la longue, ne se conservaient qu'au niveau de la substructure chrétienne de l'Empire ottoman; ils étaient impuissants par contre à écarter les idées dominatrices. 6. Les réalités et faits spécifiques de l'Empire ottoman étaient percutants au point que les Grecs, porteurs lointains de l'idée de Rome, ne tardaient pas à la négliger, à la perdre. Ils formaient un #illet, population chrétienne à l'intérieur de l'Empire ottoman, ce qui délimitait clairement les possibilités qui leur restaient, autant que les conditions qui s'imposaient à eux. Au niveau économique en particulier, ils disposaient de certaines chances;
la Constitution
qui leur fut octroyée,
s'avérait utile et réalisable,
tant qu'ils étaient préts à renoncer à toute ambition politique. L'administration ou l'auto-administration des Grecs fut assumée par le patriarcat; il fallait, par conséquent, amplifier sensiblement les fonctions de celui-ci et augmenter numériquement le corps des fonctionnaires. Le droit romano-byzantin, tant ecclésiastique que civil, les dignités et charges romano-byzantines continuaient à servir. Le patriarche passait au rang de représentant du #illet orthodoxe. Si l'idée de la Nouvelle Rome avait joué un certain rôle, au début, dans
l'idéologie de la domination turque, elle s’effacait complètement de l'univers idéologique des chrétiens devenus rayas. De l'ancienne synthése romanobyzantine, il ne restait plus que la conscience de civilisation hellénique et l’orthodoxie chrétienne qui fusionnaient dans un ensemble nouveau, Cette nouvelle idée qui ne visait plus la Nouvelle Rome mais qui s'axait sur Constantinople, ne demeurait pas sans action ni impact. Elle était vivante dans les couches des noblesses grecques de finance et de robe, parmi les phanariotes qui avaient pris le nom de Phanar, quartier constantinopolitain auquel se rattachait le patriarcat. Les académies, fondées plus tard par leurs soins, à Bucarest et à Jassy, approfondissaient et répandaient cette nouvelle synthèse helléno-orthodoxe. Mais les autres partenaires du “Byzance après Byzance" !!, les souverains roumains, s'en inspiraient et la reprenaient: Michel le Brave (mort en 1601), à en croire la relation contemporaine d'un 1! Formule de N, Iorca, Byzance après Byzance, éd. par M. BERZA, Bucarest
1971,
pp. 41s.
389
dominicain
italien,
visait
à
«impadronire
di
Costantinopoli » ("devenir
maître de Constantinople"), plus encore: « imperatore di Costantinopoli » 2. Lorsqu'au cours du XVIII siècle, grâce à l'épanouissement des forces productives de l'ethnie grecque, la nation grecque bourgeoise finissait par se cristalliser, elle insistait sur son droit de reprendre le nom ancien des Hellénes sans pour autant nier ses prétentions orthodoxes. Le martyre révo-
lutionnaire Rigas Velestinlis (1757-1798) aspirait à la constitution d'un Etat balkanique à physionomie grecque qui garantirait à toutes les parties religieuses et ethniques l'égalité intégrale en droits, ce qui, dans les conditions historiques en place, était égal à la solution optimale. En dépit de l'emprise intellectuelle française, cette pensée
rium Romanum rénové. Et allait falsifier l'héritage de pliquait le rétablissement rétablissement de l'Empire
ne laissait guère de place à un Impe-
quand, plus tard, la (grande) bourgeoisie grecque Rigas en Μεγάλη ἰδέα, cette "Grande Idée" imde la grande puissance byzantine, mais non le romain.
7. Cependant, le souvenir de la Nouvelle Rome, de l'Empire "'néo-romain", ne disparaissait pas. La désignation de Ῥωμαῖοι, survivait dans la langue du peuple, méme si les gens cultivés, dés l'époque de la Renaissance et
absolument
depuis
le siècle des
lumières
grecques,
préféraient
le nom
d’Hellènes. Ῥωμιός devint, des siècles durant, le terme populaire du Néogrec, souvent chargé d'un petit peu d'ironie, tel qu'il a été aimablement caricaturé par Georgios Sutsos (1853-1919) dans son poème ‘O Ρωμηῤς !. Aujourd'hui, le terme se fait rare (le féminin en est Ῥωμιά), mais on
continue à parler d'un Ῥωμιοσύνη si l'on a l'intention de dégager les spécificités de la grécité moderne — dernier reflet de l'idée d'une seconde Rome sur le Bosphore.
12 Iorca, op. cit., p. 155, n. 128.
13. G. SoyTER, Griechischer Humor,
390
2ème éd., Berlin
1961, pp.
136 ss.
DIMITRIS
ROUMAINS
NASTASE
ROMAINS ET GRECS ROMAINS
1. Les Roumains ont eu de tout temps conscience de leur romanité. Ce fut même «le sentiment le plus profondément ancré dans leur esprit collectif tout au long de leur existence historique ». L'affirmation appartient à Adolf Armbruster, qui l'étaye d'une quantité impressionnante de témoignages dans son livre au titre suggestif de La romanité des Roumains !. Mais ce que nous voudrions souligner ici c'est l'égalité que beaucoup de ces témoignages établissent entre le terme de Roumain et celui de Romain. Cette équivalence est affirmée en tout premier lieu par les Roumains euxmémes, et parmi les plus lapidaires des formules qui la traduisent, je citerai celle du chroniqueur moldave du XVII* siècle Miron Costin: « … Románi, adecá Rimleani»? (« Roumains, c'est-à-dire Romains »). La méme idée, exprimée presque de la méme maniére, revient souvent, à partir de la Re-
naissance, sous la plume de différents écrivains étrangers, mais qui, pour la plupart, l'ont entendue de la bouche des Roumains de l'un ou de l'autre des pays habités par ce peuple, la Valachie, la Moldavie, ou la Transylvanie. En voici quelques exemples choisis parmi ceux relevés par A. Armbruster.
«La lingua loro [des Roumains]
& poco diversa dalla nostra Italiana,
si dimandano in lingua loro Romei perché dicono esser venuti anticamente da
Roma ad habitar in quel paese,..» (Francesco della Valle, en 1534) ?. Et le méme: «... havendo Trajano Imp-re debellato et acquistato quel paese, lo divise a suoi soldati, et lo fece come Colonia de Romani; dove essendo questi discesi da quelli antichi, conservano il nomine de Romani; ma, per il corso de tempi, hanno corrotto sì il nome, et li costumi, ... però al presente 1 A. ARMBRUSTER, Romanitatea Románilor. Istoria unei ἰδεῖ, Bucarest 1972; version française revue (c'est celle-ci que je citerai par la suite), La romanité des Roumains Histoire d'une idée, Bucarest 1977 (désormais ARMBRUSTER, La romanité). L'affirmation citée y figure dans la Préface, p. 9. 2 M. CosrIN, Opere (édition critique... de P. P. PANAITESCU), Bucarest 1958, p. 258, Il. 20-21. 3 CL. IsoPEscU, "Notizie intorno ai Romeni nella letteratura geografica italiana del Cinquecento", Académie
Roumaine.
Bulletin de la section bistorique 16 (1929), p. 15; cf.
ARMBRUSTER, La romanité, p. 82 et nn. 35, 36.
391
si dimandon Romei » (cette version de l'origine des Roumains fut racontée à Della Valle par les moines du couvent valaque de Dealu) *. Trajan ayant colonisé la Dacie avec des Romains, les ‘“Morovalaques”, habitants de ce pays, «affirment maintenant encore [premiére moitié du XVI* siècle] qu'ils sont Romains » (Simun Koëitié, évêque de Modrussa) . « Questa gente, se bene è di rito greco, è però amica del nome Romano, sí per la lingua corrotta de la latina sí per l'opinione che hanno d'esser discesi da Romani et con nome de Romani si chiamano fra loro » 5. « ... ut sua lingua Romani vocentur » (Marco Bandini [Bandulovié], missionnaire catholique d'origine bosniaque, à propos des Moldaves, vers 1646). Dans sa chronique en latin De regno Dalmatiae et Croatiae (Amsterdam 1666), Johannes Lucius (Ivan Lutié) affirme que les Valaques nord-danubiens
lui ont dit qu'ils sont "Romains" [c'est-à-dire Roumains]: « Etiam nos sumus Romani » *. Les Roumains (« Wallachen oder Bloch ») se font appeler dans leur langue « Rumunos
sylvanie Johann
oder Rómer », note en
Ttóster?,
tout comme
1666
l'historien saxon de Tran-
le fera son contemporain
roumain
Miron Costin.
La méme affirmation reviendra chez les compatriotes de Tróster, Lorenz Tóppelt (Laurentius Toppeltinus, 1641-1670) en 1667 («... nostri Valachi se vocitant Rumuin, id est Romanos ») ", et Martin Kelp de Hoghilag (Martinus Kelpius) en 1684 (« Rumvinos same b. e. Romanos se appellant » 1. L'attachement des Roumains de partout à leur origine romaine et l'identité de "Romains" que ces témoignages leur attribuent se retrouvent encore plus anciennement. 4 Cr. Isopescu, loc. cit. 5 ARMBRUSTER, La romanité, p. 76, n. 17, apud S. DzacoMr, Peninsulei Balcanice
6 ARMBRUSTER,
în evul mediu,
op.
cif., p.
Bucarest
120.
1959,
“Description
Viabii din nordul
p. 146.
anonyme
de
la Moldavie,
rédigée
probablement par quelque jésuite italien en 1587 dans le but d'informer le pape Sixte VI (1585-1590) sur les réalités moldaves", ibid., p. 119. Pour les éditions de ce texte, ibid. p. 120, n. 146.
7 Ibid., p. 157. Bandini établit aussi des rapprochements entre Rome et la ville moldave de Roman (« Quasi nova Roma a Colonis ex Italia in Daciam translatis appellata, quod nomen bucusque retinet », ibid., p. 156), cependant que, de loin, Iassy, la capitale moldave, lui «semble également... une quasi nova Roma», loc. cit.
8 [bid., p. 165. Sur Lucius et sur sa contribution à l'étude de l'origine romaine du peuple roumain, ibid., pp. 162-165. . ? Dans son ouvrage Das Alt. und Neu- Teutscbe Dacia. Das ist Neue Beschreibung des Landes Siebenbürgen, Nuremberg 1666. Apud ARMBRUSTER, La romanité, la re marque en question, p. 178. Le nom de Valaques (ici « Wallachen oder [en dialecte saxon transylvain] Bloch ») a été appliqué par les étrangers aux Roumains qui, eux, ne l'ont jamais utilisé dans leur langue.
19 L. Apud
ToPPELTINUS,
ARMBRUSTER,
11 Dans
Origines
sa dissertation Natales. Saxonum
BRUSTER, op. cit., p. 182 et n. 98.
392
et occasus
Transsylvanorum,
Lugduni
1667,
p. 55.
op. cit., p. 181 et n. 92.
Transsy'vaniae,
Lipsiae
1684, voir ARM-
Il se peut que les Roumains aient été mentionnés en tant que “colonie
des Romains" encore à l'époque de l'invasion tatare (1241) ? et que pendant la premiére moitié du XIV* siécle cette "colonie" ait été connue comme celle des "Romains Noirs" (« Nigrorum Romanorum
[?] Colonia ») ?. Le fait est
que nous avons rencontré, en tout cas, la « Colonia de Romani » pendant la première moitié du XVI° siècle #, et que, à la méme époque, pour le chroniqueur vénitien Gian Giacomo Coraldo les Roumains et les régions qu'ils habitent sont «la Colonia delli Romani Negri, che dicono Valacchi » 5. Or, d'une part Coraldo reproduit, à ce sujet aussi, des sources de la première moitié du XIV* siècle, dont la chronique du doge Andrea Dandolo (13061354) et l'Historia Satyrica (vers
1335) de Paolino de Venezia, évéque
de
Pozzuoli et protégé du pape Jean XXII !5, d'autre part, la formule de Coraldo a été fort justement mise en rapport !” avec une autre, contemporaine de ses sources et exprimant, de manière plus lapidaire, la méme égalité (Roumains = Romains), En effet, se référant en 1345 aux Roumains
de Transylvanie, de
Valachie et du Sirmium, le pape Clément VI les appelle Olachi Romani δ: le chef de l'Eglise romaine donne ainsi aux Roumains à la fois le nom sous lequel les étrangers les connaissaient (Valaques, ici dans sa variante hongroise, Olacbi)?, et celui qu'ils se donnaient à eux-mêmes, mais sous sa forme (Romani) qui devait indiquer qu'ils étaient de pure souche romaine. Comme on a pu s'en rendre déjà compte dans une certaine mesure, parmi
ceux
qui enregistreront
volontiers
voire
encourageront
cette
préten-
tion, les représentants de l'Eglise catholique tiendront, plus tard aussi, une place considérable. L'explication en a été déjà donnée”: pour le SaintSiége, leur romanité m&me prouvait que les Roumains auraient appartenu au rite latin et elle devait les déterminer à "redevenir" de bons catholiques, des ouailles fidéles au chef de l'Eglise romaine. Aussi l'un des plus importants tenants de la thèse de l'origine romaine de ce peuple fut-il le grand humaniste Aeneas Sylvius Piccolomini (14051464), qui deviendra le pape Pie II (1458-1464) *. 12 S.
IosiPESCU,
"'La
Colonia
delli
romanité des Roumains dans la conscience d'bistoire 18 (1979), N* 4, pp. 681-682. 13 Ibid., pp. 676 ss.
Romani
Negri
européenne
che
du XIV*
dicono
Valacchi'.
siècle”, Revue
La
roumaine
M Voir supra, pp. 391-392, Francesco della Valle. 15 S, IosIPESCU, op. cit., pp. 675ss.; le texte en Appendice, p. 682, I. 16 Ibid., pp. 676-681. Pour l'intérêt dont le pape Jean XXII fit preuve envers les pays roumains, loc. cit., p. 680. U Loc. cit. (p. 680).
15 E. pe Hurmuzaxi-N.
DENSUSIANU,
Documente
privitoare la Istoria Románilor,
I (1), Bucarest 1887, N° DLI, pp. 697, 698. 19 Cf. ARMBRUSTER, La romanité, p. 45.
2 Ibid., p. 46. 71 Cf. ibid., pp. 52-55 et passim. Pour le chapitre dédié par Ae. S. Piccolomini aux Roumains dans De Europa, voir, plus récemment, la présentation de F. Guipa, “Enea Silvio Piccolomini e l'Europa orientale: il ‘De Europa’ (1458)", Clio 15 (1979),
N° 1, pp. 58-61.
393
Mais, comme A. Armbruster l'a fait remarquer 2, en plus de cette valeur d'argument religieux qu'elle revêt, au XVI* siècle «la romanité des. Roumains devient l'élément composant d'une certaine idéologie de l'époque, maniée par la papauté ou par des potentats laïques: ceux qui se targuent d'être les héritiers politiques de Rome (qu'il s'agisse du pape ou de l'empereur) font valoir l'appartenance antique de la Dacie à l'Empire romain, présentant leurs prétentions sur les pays roumains comme une sorte de reconquête ». Or c'est toujours au XVI* siècle que l'idée de leur origine romaine est utilisée comme élément idéologique dans des buts nettement politiques, par les Roumains eux-mêmes, et plus précisément par leurs
princes. On sait que jusque vers la fin du XVI* siècle la langue des chroniques roumaines fut le slavon et que les seules conservées des chroniques roumaines de cette époque sont celles de Moldavie. Une des chroniques moldaves en slavon, qui date des premières décennies du XVI* siécle?, commence par une légende traitent de l'origine romaine des Roumains (ici de Transylvanie et de Moldavie). Cette origine est personnifiée en dernière analyse par deux frères éponymes, Roman et Vlahata, qui, comme dans le cas des Olacbi Romani,
ne sont que les noms
sous lesquels le peuple roumain était connu, respectivement par lui-méme (Roman = Román « Romanus) et par les étrangers (Vlahata = Viab [Valaque]) *. Cette chronique — son introduction comprise — ne se conserve que
dans une
transposition russe, intégrée dans le zbornik
russe de chroni-
ques dit Voskresenskaja Letopis’ (vers le milieu du XVI* s.) 5. Il est certain que la présence de cette légende dans un tel recueil et à cette époque-là se relie à l'idéologie de la Troisième Rome *. Il faut en effet considérer que cette catégorie de zhornidi historiques — les svody — exaltent et justifient l'idée impériale russe ?, et le fait est que, dans le codex méme de la Voskresenskaja, notre chronique est précédée de textes ? à signification clairement impériale et dont l'un invoque, à l'appui de cette idée, « le commencement des trés orthodoxes souverains et grands-princes russes, qui tirent leur ra-
cine d'Auguste, l'empereur romain » ?. En accréditant la légende de Roman 2 La romanité, p. 127.
3 P.P. PANAITESCU, Cronicile slavo-romine din. sec. XV-XVI publicate de Ion Bogdan. Editie reväzutä si completatä de, Bucarest 1959, pp. 154-161 (texte slave, accompagné d'une traduction roumaine); Slavjano-moldavskie letopisi XV-XVI
vv. (édition F. A.
GrecuL et V.I. BucANov), Moscou 1976, pp. 55-59 (texte). 2 Cf. ARMBRUSTER, La romanité, pp. 72-73. ?$ Edité dans Polnoe sobranie russkich letopisej, tome VII, St. Pétersbourg
1856;
notre chronique, pp. 256-259. % Cf. ARMBRUSTER, loc. cit., p. 73.
© Cf. D. NASTASE, "Unité et continuité dans le contenu de recueils manuscrits dits ‘miscellanées’ ", Cyrillometbodianum 5 (1981), pp. 36-37. 75 Polnoe sobranie.., tome cité, pp. 231-256. 5 Une liste de ces textes, par I. Bogdan, se trouve dans son volume d'œuvres choisies, édité par G. MinXiLX: Ioan BoGDAN, Scrieri alese, Bucarest 1968, p. 318. Parmi eux,
394
et de Vlahata par son introduction méme dans un recueil qui poursuit aussi les lointaines justifications “romaines” du pouvoir impérial russe, les historiens russes au service de la Troisième Rome ne font donc que reprendre, pour le compte de leur pays, un procédé idéologique dont usaient déjà à cette époque les prétendants occidentaux à la succession romaine, les papes
et les empereurs germaniques *. 2. Mais la chronique qui contient l'histoire de Roman et de Vlahata et de leurs descendants romains appartient à l'historiographie moldave du
XVI: siècle, qui est en premier lieu une historiographie officielle, patronnée par les princes du pays et dont les principaux héros sont ces mêmes princes. Comme d'autres chroniques moldaves contemporaines, la nôtre sera d'ail. leurs intitulée "Bref récit sur les princes de Moldavie, depuis le com-
mencement du Pays moldave” !. I] faut donc penser que, comme le reste de son texte, son introduction traitant de l'origine romaine des Roumains, avec
ses implications idéologiques, exprime un point de vue accrédité par ces princes *. Or la première et, quant à ses perspectives, la plus importante de ces implications nous sera dévoilée peu aprés par les voévodes eux-mémes de Moldavie, mais aussi par ceux de Valachie: c'est qu'en effet, pendant la
seconde moitié du XVI* siècle et au début du XVII‘, ces princes insisteront précisément sur cette origine, pour l'associer à une politique poursuivant la réunion des trois pays roumains. Il en est ainsi du voévode de Moldavie Jean (Jacques) Héraclide Ba-
silikos dit "le Despote" (1561-1563), dont les projets de "restitutio Daciae" par la réalisation de cette réunion exhortant ses sujets à combattre les maine — origine qu'il faisait aussi «...con voi valenti homeni et gente
sont maintenant connus Ü, et qui, en Turcs, leur rappelait leur origine rosienne — dans les termes suivants: bellicosa discesi dali valorosi Romani,
quali hanno fatto tremer il mondo... Et a questo se faremo cognoscer a tutto il mondo li veri immortale... » *.
Romani
et discesi da queli et il nome nostro sarà
D'après un avviso de Rome, de 1599, ce n'est pas autrement que Michel un chronographe universel: pour «le devenir de l’idée impériale prédestinée » poursuivie par ces chronographes et sans cesse adaptée par leurs auteurs ou compilateurs « aux points de vue... qu'ils représentaient, c'est-à-dire aux causes au service desquelles ils mettaient leur plume », D. NASTASE, op. cit., p. 38 et passim. 9 Cf. supra, pp. 393-394. 31 p, P. PANAITESCU, Cronicile slavo-romine cit, p. 154; cf, pour d'autres chroniques moldaves, ibid., pp. 43, 55, 69, 167. 9 La chronique (y compris la légende de Roman et de Vlahata) «utilise du matériel interne moldave », ibid., p. 153. 33 A, ARMBRUSTER,
"Iacobus Heraclides Despota
und der Romanitäts- und Einheits-
gedanke der Rumäner”, Revue roumaine d'histoire 10 (1971), N° 2, pp. 257-265; ID. La romanité, p. 98; S. ANDREESCU, Restitutio Daciae (Relatiile politice dintre Tara Románeascá, Moldova si Transilvania în rástimpul 1526-1593), Bucarest 1980, pp. 145 ss. 5 E. pg HURMUZAKI, Documente privitoare la Istoria Románilor, II, 1, Bucarest 1891, N° CCCLXXXVI, p. 416; ArMBRUSTER, La romanité, pp. 97-98.
395
le Brave
(1593-1601),
qui devait
effectivement
réaliser cette union
—
ne
fut-ce que pour un court moment (1599-1600) —, s'adressait à ses troupes combattant toujours les Turcs: « ... et dopo hauerli essortati a portarsi valorosamente, sì per l'honore di Christo, per il quale militauano, et sì per la gloria della lor Natione, et
di
que’
Romani,
professione di discendere... Une variante de la méme politique, romaine, préconise "l'union dynastique" des trois pays roumains, par l'installation
da
cui
faceuano
fatto dare nelle trombe,... » 5. variante toujours associée à l'idée des Principautés danubiennes, voire sur leurs trónes de voévodes de la
méme famille *. C'est le cas d’une branche de la dynastie valaque, descendant du voévode Mihnea I* le Méchant (1508-1509) et prétendant appartenir à la famille des Corvin. L'un de ses membres, Mihnea II, tout en se faisant appeler
dans une inscription de 1590 « Mihna, e Corvina regia familia », précise qu'il est « voévode de Valachie, région d'au-delà du Danube, en Dacie, colonie romaine » ”. D'autre part, le méme Mihnea aurait táché d'obtenir du sultan
le trône
de
Transylvanie *. Quant
à son
oncle
Pierre
le Boiteux,
il régna à trois reprises en Moldavie, entre 1574 et 1591, mais il s'intitulait « palatinus Valachiae, dominus ac haeres Moldaviae » ?, ou encore « prince du pays de Moldavie et du pays de Valachie » 9, et l'inscription apposée sur sa dalle funéraire ne manque pas de mentionner qu'il avait été voévode de Moldavie, «εχ Corvina Mihnistarum, Valachiae principum, regia familia » *!, On sait que la famille transylvaine des Corvin, d'origine roumaine, avait 35 HURMUZAKI,
op. cit, III, 2, Bucarest
1888, N° DLVII,
p. 530;
ARMBRUSTER,
La romanité, p. 139 et n. 33. Notons encore que dans la Préface de la Paléa en roumain, imprimée en 1581-1582 à
Orästie, en Transylvanie, les Roumains sont appelés Romdni (au lieu de la forme populaire Rumáni), forme par laquelle on voulait certainement indiquer que ce sont des Romains: en effet, en traduisant, dans une encyclique, cette préface en latin, son auteur,
l’évêque roumain de Transylvanie Mihai Tordas, fera savoir qu'il est «clectus in Transsilvania Romanorum Episcopus» et rendra le nom de Romdn (Roumain) et ses dérivés par celui de Romanus et ses dérivés. ARMBRUSTER, La romanité, p. 104; cf., antérieurement, le traité collectif. Istoria literaturii románe, I, Bucarest 1964, p. 315; cf. aussi P. Vama, Dimitrie Cantemir si umanismul, Bucarest 1972, p. 203 et n. 3. 36 S ANDREESCU, Restifutio Daciae cit., pp. 162 ss.
3 « Mihna, regionis
Bucarest
e Corvina
in Dacia,
1932,
p.
romana
78
et
regia
familia,...
Voievoda
colonia », N.
IorGA,
n.
CHiHara,
1;
cf.
P.
Ospiti
De
Valaviae romeni
la
[sic!],
transdanubianse
in Venezia
«Negru
Vodi»
(1570-1610),
la Neagoe
Basarab. Interferente literar-artistice in cultura romäneascä a evului de mijloc, Buca rest 1976, p. 121. % Voir $. ANDREESCU, op. cit., pp. 174-176 (avec bibliographie). 9 P. CHIHAIA, op. cit., p. 122, n. 11. Ὁ «Eu Ion Petru voda, dom(n) de tara Moldovei si de Tara Munteneasci».
Documente si insemnäri romdnesti din secolul al XVI.lea (édition de Gh. Curvu, M. Grorcescu, M. IonitX, A, Mares, A. RoMAN-MonARU), Bucarest 1979, N° ΧΕΙ], p. 183; cf. N° LXXXVII, p. 178. 4 P. CHIHAIA, op. cit., p. 122 et n. 10.
396
donné au XV* siècle un illustre capitaine de croisade anti-ottomane en la personne de Jean Corvin de Hunyadi (f 1456) et un non moins illustre roi à la Hongrie, Mathias Corvin (1458-1490), le fils du précédent. Voévode de Transylvanie, puis gouverneur du royaume hongrois, Jean Corvin avait systé-
matiquement prétendu, et avait réussi dans une certaine mesure, à imposer son autorité aux voévodes de Valachie et de Moldavie ὦ. Le nom méme de Corvin adopté par une famille dont les membres régnaient sur ces deux
derniers pays, suppose donc un "droit" de cette famille à la domination, qu'elle sollicite du reste, du troisième aussi, à l'instar de l'autorité qu'avait exercée Jean Corvin Hunyadi. Par ailleurs, le roi Mathias s'était forgé une généalogie qui faisait remonter sa Maison à la famille romaine Corvina! * Il va de soi que pareille origine "romaine" se transmettait aux voévodes de Valachie et de Moldavie de la lignée de Mihnea I", qui prétendaient appartenir aussi à
la "regia familia" des Corvin transylvains. Cette prétention implique donc nécessairement tout un programme politique, visant à offrir aux "descendants" valaques des Corvin la possibilité d'exercer leur autorité sur les trois pays
à la fois
habités
par
les
Roumains.
Cette
domination
in
spe
se réclamait de celle que “leur ancêtre” "romain" Jean Corvin avait exercée sur ces pays et elle spécifiait bien le cadre qu'elle s'assignait: celui de la "Dacie, colonie romaine", dont l'élément d'unité était précisément la romanité de ses habitants et de sa "dynastie". Les conditions historiques ne permirent qu'un début de réalisation de ce programme: le fils de Mihnea II, Radu Mihnea (“il Principe Radulio Mihno Corvino” “ἡ, régnera plusieurs fois, entre 1601 et 1626, tantôt en Valachie, tantót en Moldavie, en établissant en fait son hégémonie sur les deux principautés,
Α la méme
époque, ce n'est qu'à une trés bréve "union dynastique"
qu'aboutirent les efforts de la "dynastie" moldave des Movilä pour imposer des princes de leur famille dans les deux principautés en question: voévode de Moldavie depuis 1595, Jérémie Movilá fut chassé par Michel le Brave en 1600, mais réussit à réoccuper son tróne la méme
année, cependant que
son frére Siméon s'emparait de celui de Valachie, qu'il ne put néanmoins garder que peu de temps. Quant à leur généalogie, comme de juste, elle aurait été impériale et toujours romaine, les Movilá la faisant remonter jusqu'à
la “gens Flavia des empereurs de Constantinople"9, voire jusqu'à Mucius Scaevola! ** 9 C. MunESAN,
Iancu
de Hunedoara,
2" éd., Bucarest
1968,
pp.
139-145;
cf., plus
récemment, $. ANDREESCU, op. cit., p. 155. 9 ARMBRUSTER, La romanité, p. 61; cf. pp. 62-63. # Relation d'Andrea Bogoslavich, de 1623. Apud P. CHTHAIA, op. cit., p. 122 et n. 13. 4 D’après A. PiPPIDI, "A la recherche d'une tradition politique byzantine dans les pays
roumains”,
Nouvelles
études
d'histoire,
VI,
1, Bucarest
1980,
p.
129.
55 ARMBRUSTER, La romanité, p. 184 et n. 107. L'auteur rapproche, fort justement, ces prétentions généalogiques "romaines" de celles, similaires, des Hunyadi et des "Corvin" valaques, op. cit., pp. 184-185 et n. 109.
397
Les exemples —
du
simple
que nous
projet,
avons
jusqu'à
sa
retenus réalisation
illustrent les différentes phases éphémère
—
du
méme
pro-
gramme politique: la réunion des trois principautés habitées par des "Romains" — c’est-à-dire le rassemblement des terres roumaines — sous le sceptre d'un méme souverain, ou d'une dynastie, toujours “romains”, et dont les ancétres Romains ne devaient avoir rien à envier à ceux, tout aussi imaginaires, de n'importe quelle maison royale ou impériale de l'Europe orientale ou occidentale de ce temps. Il n'y a aucun doute — et on ne le répétera jamais assez — que ce programme visait à la création de l'Etat national roumain, placé sous l'égide de l'idée romaine et situé dans le cadre historique d'une Dacie romaine censée recouvrir l'ensemble des territoires habités par le peuple roumain. Mais il y a plus. 3. Comme j'ai essayé de le montrer dans d'autres travaux 5, l’unification des terres roumaines relevait aussi, idéologiquement, d'une conception impériale qui considérait les voévodes roumains comme les successeurs des empereurs de Constantinople et des tsars des Slaves méridionaux et, és
qualités, comme les souverains "de droit" des chrétiens de l'Empire ottoman. Aussi cette unification aurait-elle dû être suivie par la délivrance des peuples balkaniques, couronnée à son tour par l'installation du prince libérateur et de sa dynastie sur le trône de Constantinople *. C'est au nom de cette conception que de nombreuses sources écrites s'accordent pour attribuer aux voévodes de Moldavie et de Valachie la dignité impériale “. Parmi ceux que ces témoignages concernent plus particulièrement, nous retrouvons au XVI° siècle
et au début du XVII° tous les voévodes ou les familles régnantes que nous avons déjà cités pour leurs rapports avec "l'idée romaine". En prenant comme premier point de repère la légende de Roman et de Vlahata, il en est ainsi pour les princes moldaves qui, en commengant avec Etienne le Grand (1457-1504), commanderent les chroniques en slavon de leur pays ?. Dans l'ordre suivi plus
# Parmi lesquels, D. NASTASE, L'héritage impérial byzantin dans l'art et l'histoire des pays roumains, Milan 1976, notamment pp. 15ss.; In, “L'idée impériale dans les pays roumains et ‘le crypto-empire chrétien’ sous la domination ottomane. tance du probléme", Σύμμεικτα 4 (1981), pp. 238-243.
Etat et impor-
47 D. NASTASE, L'héritage impérial byzantin cit., pp. 19-31; Ip., "L'idée impériale” cit., pp. 238-243; cf. In., Ideea imperialà în färile románe. Geneza si evolufia ei în raport cu vecbca artà románeascá (secolele XIV.XVI), Athènes, Fondation Européenne Dragan 9, 1972, pp. 4ss.;
18-21.
# P.$. NXSTUREL, "Considérations sur l'idée impériale chez les Roumains”, Byzantina 5 (1973), pp. 395-413 (communication présentée au Symposium international sur “L'institution
1969); D. αὐτοχράτωρ Jabrbiicher # P.$.
impériale
passim, notamment
398
à Byzance,
dans
l'Occident
et au
Moyen
Age
slave",
Salonique
NASTASE, Ideea imperialà cit. pp. 13-14; In., “Βοεβόδας Οὐγγροβλαχίας καὶ Ῥωμαίων. Remarques sur une inscription insolite", Byzantinisch-neugriechische 22 (tirage à part, Athènes 1976), pp. 1-16. NXSTUREL, op. cit., pp. 403-406; D. Nastase, "Unité et continuité" cit, pp. 24-26.
haut, des témoignages du méme genre concernent Jean Basilikos “le Despote" ? et Michel
le Brave,
les Corvins
valaques * et les Movilá
moldaves 9.
Aux titres impériaux des princes roumains correspondent, par séries parallèles et concordantes, d'autres témoignages
à caractère impérial, relevant
de l'héraldique *, de la littérature et de la codicologie 5, ainsi que de l'art *. Mais les basileis de Constantinople avaient été des empereurs des Romains et les empereurs de l'Occident régnaient sur le Saint Empire R omain. Pour justifier leur titre impérial, les grands-knèzes russes avaient fait de Moscou une Rome et d' "Auguste l'empereur romain" leur ancétre. Or, sur
ce chapitre, les prétendants roumains à la succession de l'Empire d'Orient disposaient d'un atout des plus précieux: l'origine effectivement romaine des Roumains, laquelle rendait aisée la transformation de ceux-ci et de leurs princes en véritables Romains, en descendants ‘pur-sang’ du peuple le plus exemplairement impérial. Le fait que ce pas füt décidément franchi, les titres et les qualificatifs impériaux qui parent les princes qui firent appel à "la roma% N. Iorca, Byzance après Byzance, réédition Bucarest 1971, p. 47 et nn. 136, 138; P.S. NXsrureL, "Remarques sur les documents grecs des princes roumains”, La Paléographie grecque et byzantine, Paris 1977, p. 497 et n. 48. 5! Dans une de ses chartes, Michel déclare qu'il occupe «avec gloire impériale» le trône de son père (Documenta Romaniae Historica, B. Tara Románeascá, XI, Bucarest 1975, N° 274, p. 363) et dans une autre il se réfère aux empereurs ses prédécesseurs (op. cit., N° 292, pp. 389; 391). Ailleurs il sera question de l'empire (= règne en tant
qu'empereur) de Michel. Vasile CXrAXBIS, "Urme de culturà veche", Mitropolia Olteniei, 1970, N° 5-6, p. 483 (signalé par P. $. Násturel). $ p.S. NXsTUZzEL, "Considérations sur l'idée impériale” cit., pp. 409, 412. Les témoignages qu'on y cite se réfèrent à Mihnea II et à son épouse la princesse Neaga, traitée d'impératrice (carica). L'auteur n'a pas raison de mettre en doute la valeur du témoignage qui concerne Neaga — une inscription sur une croix, datée de 1599/1600 —
sous prétexte que cette princesse serait morte en 1580 (p. 412, additif I) (affirmation reprise, probablement, de Stoica Nicolaescu): Neaga était, en effet, bien vivante vers 1615 encore (en 1613 sûrement), sous le règne de son fils Radu-Mihnea, quand elle était donc... impératrice-mère (voir Documente privind istoria Romániei, Veacul XVII,
B. Tara Románeascá, II, N* 174 et 375). Pour Pierre le Boiteux, voir la chronique d'Azarias, in P.P. PANAITESCU, Cronicile slavo-románe cit. pp. 137, 138: la famille (= l'origine)
de
pouvoir souverain
Pierre
est impériale
(dans
est impérial (dárava
$3 Pour Jérémie
Movilá,
voir une
le texte,
roda carska,
p.
137,
l. 22)
et son
carstvia, p. 138, ll. 28-29). notice
en slavon, qui lui accorde
tant le sceptre
impérial, que le titre d'empereur (car) (cf. supra, sa généalogie "impériale"). Cette notice, qui m'a été signalée toujours par P. δ. Násturel, a été publiée par CH. PisTRUI, "101 ma-
nuscrise in Transilvania sec. XII-XVII, IV. B. Biblioteca Arhiepiscopiei Ortodoxe a Clujului", Biserica Ortodoxá Románá 97 (1979), N® 3-4, p. 555, ainsi que par E. LINTA, Catalogul manuscriselor
Je reviendrai 5 D.
"L'aigle
NasTASE,
bicéphale
héraldique",
Rome Mosca 55 56 17-18,
slavo-románe
din Cluj-Napoca,
ailleurs sur tous les témoignages L'héritage
dissimulée
communication
impérial
dans
byzantin
les armoiries
présentée
au
I*
Bucarest
impériaux cit.
pp.
des pays Séminaire
1980, N°
auxquels 17,
24,
roumains. historique
26, pp. 56-57.
je me
suis
29-31,
32-34;
Vers
une
international
référé. ID,
crypto“De
à la Troisième Rome" (Rome 21-23 avril 1981), publiée in Roma, Costantinopoli, (Da Roma alla Terza Roma, Studi I), Napoli 1983, pp. 357-374 - 25 ill. In., "Unité et continuité" cit.; cf. In., “L'idée impériale” cit., pp. 244-245, 246. In., Ideea imperialá cit., pp. 6ss.; In., L'héritage impérial byzantin cit., pp. 5-13, 21-22, 28-29, 34-35; cf. In., "L'idée impériale” cit., pp. 232-234, 243-244,
399
nité des Roumains”, les projets qui auraient dû faire monter au moins deux d'entre eux — Jean Basilikos et Michel le Brave — sur le trône de Constantinople, prouvent que c'est la conception impériale qu'ils se faisaient de leur pouvoir souverain qui explique en dernier lieu l'intérêt de ses voévodes pour l'origine voire l'identité romaines du peuple roumain, ainsi que l'insistance mise par ce peuple méme à revendiquer cette origine et cette identité.
4. Mais "le Romain" Jean Héraclide Basilikos était Grec et, après lui, avant "l'époque phanariote", d'autres Grecs aussi monteront sur les trónes des Principautés danubiennes. Parmi ceux-ci, citons les noms de l'épirote Georges Duca (Doukas) * et du constantinopolitain Démètre Cantacuzène ?*. Dans le premier, Nicolas Iorga voyait un « nouveau remplaçant. des empereurs d'une Byzance qui ressuscitait dans les esprits, par les écoles néobyzantines » ?. Quant au second, il était l’arrière-petit-fils du célèbre Michel Cantacuzène "Chéitanoglou", qui prétendait descendre de Jean VI Cantacuzéne et qui avait été exécuté par les Turcs en 1578 parce que — on le dira plus tard — « on l'avait dénoncé de vouloir être empereur » 9. Bien que déjà parfaitement assimilés (ou, du moins, se présentant comme tels) et tirant orgueil de leur parenté — par leur mére roumaine — avec la dynastie autochtone des "Basarab", les cousins de Démètre de la branche valaque,
le voévode
de
Valachie
Serban
Cantacuzéne
(1678-1688)
et
ses
fréres, n'en revendiquaient pas moins la méme origine impériale byzantine (donc "romaine") que les autres membres de ce puissant clan. Par ailleurs, c'est par le règne de Démétre Cantacuzène en Moldavie que Serban argumentait ses projets d' "union dynastique" de ce pays et de la Valachie, au titre de domaines héréditaires des Cantacuzène 5, dans le cadre d'un programme politique dont le but suprême nous est dévoilé par le chroniqueur moldave Ion Neculce: «La préoccupation ainsi que les préparatifs du voévode Serban étaient de devenir, lui, empereur à Constantinople » *. Mais il faut considérer que, au-delà des ambitions personnelles de Serban, ce but et ce programme
furent
ceux
de sa famille, qui en héritait,
à son
tour, tant
d'un
5! Ayant régné, entre 1665 et 1683, trois fois en Moldavie et une fois en Valachie. 55 Prince de Moldavie (1673; 1674-1675; 1684-1685). 9 N. Iorca, Histoire des Roumains et de la Romanité orientale, VI, Bucarest 1940, p. 387; cf. le méme volume, p. 404 (Georges Doukas présenté par le patriarche
Dosithée de Jérusalem «comme un patron impérial de toute l'orthodoxie »). © In., Byzance après Byzance, éd. citée, pp. 121-122 et n. 34. 61 Istoria Tárii Romänesti de la octombrie 1688 pinà la martie 1717
("Anonimul
brincovenesc"), in Cronicari munteni (éd. M. Grecorian), II, Bucarest 1961, p. 281; cf. le
traité collectif Istoria Romäniei, III, Bucarest 1964, p. 203 (auteur du chapitre, P. P. PANAITESCU). € «Si gindul si gätirea lui Serban vodä era sà fie el impärat la Tarigrad ». Ion NecuLce, Letopiseful Tárii Moldovei si O samà de cuvinte (éd. I. Iorpan), Bucarest 1955, p. 168;
cf. Virgil CÂNDEA,
"Les
Bibles
grecque
et roumaine
de
1687-1688
et les
visées impériales de Serban Cantacuzène”, Balkan Studies 10/2 (1969), pp. 351-376. Sur ce prince, plus récemment, A. PoPEscu, Serban Cantacuzino, Bucarest
1978. D. Cantemir
fait lui aussi mention des projets impériaux de Serban (j'y reviendrai ailleurs).
400
Chéitanoglou, que des voévodes de la lignée des Basarab 9. Or ce n'est peutêtre pas sans rapport avec ces visées que le savant frère de Serban et père de l'éphémére prince de Valachie Etienne Cantacuzène (1714-1715), le stolnic Constantin Cantacuzéne, congut et rédigea la premiére partie, et la seule qu'on connaisse, de son "Histoire du Pays Roumain”. En effet, son principal sujet y est l'histoire de la Dacie romaine et de son conquérant, l'empereur Trajan, « qu'il traite comme un prince [régnant] de l'histoire méme de son propre pays » $. Quoique le sfolnic sache très bien que les Roumaias sont les descendants des Daco-romains, mélangés aussi avec d'autres races %,
cela ne l'empéche guére de déclarer catégoriquement que « les Valaques — et il entend le peuple roumain en son entier — mais que nous [appelons] Roumains, nous sommes de vrais Romains, et des Romains de choix quant
à la fidélité et à la bravoure, de ceux qu'Ulpius Trajan a établis ici... » 9. 5. A partir de 1711 pour la Moldavie et de 1716 pour la Valachie, la Porte confiera les trónes de ces pays, pendant plus d'un siécle (jusqu'en 1821) aux représentants de quelques familles privilégiées, grecques pour la plupart et les autres grécisées, qui avaient leur berceau au quartier du “Phanar”, à Constantinople. Or l'on constate chez les princes phanariotes et chez les historiens qu'ils patronnérent, un intérêt indéniable pour le passé du peuple roumain en général et pour sa romanité en particulier. C'est ainsi qu'en 1742 un Constantin Mavrocordato — qui, entre 1730 et 1769, régna plusieurs fois et alternativement sur les deux Principautés — envoyait à l'historien saxon de Transylvanie Johann Filstich (1684-1743) un questionnaire sur l'histoire roumaine, mais dont les questions commencent par l'Antiquité, suivie de la période
écoulée "depuis Trajan jusqu'au XIII* siècle” 9. Filstich est d'ailleurs l'auteur de plusieurs ouvrages concernant l’histoire des Roumains et où l'on insiste sur la latinité de ceux Tara Rumánilor,
Terà
Rumdneascà, au sens de Romania locale et autonome (voir ci-dessous).
Tous les chercheurs qui, à partir du chroniqueur humaniste du XVII° s. Miron Costin ὁ en Moldavie, se sont penchés sur le problème de la survivance de Romanus soulignent un double fait évident et lourd de significations. A savoir, sa transformation en efhnonyme et sa présence ininterrompue jusqu'à
nos jours chez les seuls Roumains parmi tous les peuples romans: dr. rumán, román;
ar. ar(d)mdn;
mglr. *rumon;
istr.rumer?.
Le passage de Romanus
à
rumán reste conforme à l'action des anciennes lois phonologiques du roumain *. C'est la forme originelle et permanente. Le doublet plus prés du latin: románesc (donc román), avec o au lieu de 1, attesté à partir de 1581-1582 (Palia de la Orästie, en Transylvanie), non exclusif d'une influence savante ou
semi-savante, s'est révélé — grâce à des recherches récentes trés poussées ? — comme étant précédé de prémisses populaires dialectales et suivi d'une implantation collective qui au XIX* siécle deviendra dominante ou exclusive.
2.
Diversification tripartite de rumán, rumánesc
La diversification sémantique de rumán, rumánesc selon trois niveaux ou registres d'étendue et d'intensité différentes, constitue un aspect majeur de notre probléme. Des études récentes ont apporté sur ce point un renouveau de méthodologie, d'interprétation et de mise en valeur des sources, qu'il importe de souligner avec force. A) Tout d'abord et fondamentalement, rumdn, rumánesc ont une acception ethnique générale par rapport à "l'espace roumain" et à la masse des romanisés-rumäni sur les deux bords du Danube à partir de la citadelle carpathotransylvaine. Jusqu'en 1500, cette généralité sémantique cohérente, faute de documents rédigés en roumain, doit et peut être identifiée selon Eugène Stánescu, à travers un équivalent étranger: Valab, Valacbia (v. ci-dessous) et surtout Romanus en latin médiéval, là oà le contexte permet d'établir indiscutablement sa portée générale, comme
traduisant un rumdr utilisé dans la
réalité historique contemporaine, avec la méme signification élargie que plus tard dans les documents en langue roumaine. On peut y ajouter le suggestif 6 M. CosrIN, De neamul Moldovenilor, in Opere, Il (1965), p. 17: « Car non seulement ce nom.. partout est le méme pour ton pays et pour l'Italie.., mais aussi par d'autres faits on peut le connaitre: les mœurs, la nature humaine, la langue jusqu'à nos jours; c'est directement du vloh, c'est-à-dire de l'talien et du romain (rimlean) ». Les rapports de Costin avec la culture et la langue polonaises sont connus; pour la terminologie polonaise, voir ci-dessous, n. 45. 7 Forme rotacisante; cf. exceptionnellement le dr. rumár: Bodiul rumárul, doc. du 13
mars
1489,
chez
G.
MrnXiLX
(1974),
p.
149
(Bodea
romänul,
Bodea
le Roumain).
8 Cf. bonum > dr. bun; panem > dr. pine (pline). Voir chez AL. GRAUR, (1941), p. 11, une défense nuancée des lois phonologiques. 3 E. SrÁNEscU (1964), p. 978; V. AnvinTe (1983), pp. 35-75, avec ample discussion.
407
double Abblaquie, au sens de Valachie et Moldavie, en 1389 chez Philippe
de Mézières * (1389: Abblaquie; 1396: Allagwie). B) Ensuite, avec et après la création de l'Etat féodal de la Tara Romd-
neascà (Valachie, Ouggrovalachie), à la fin du XIII* et au début du XIV* siècle, rumán, rumánesc acquièrent forcément, dans des documents internes ou extérieurs, une signification ethnique, mais particuliére, limitée aux réalités, à la population et à la langue de la Valachie carpatho-danubienne !!. Un emploi circonstancié de rums avant le XIV* s., comme se référant à un groupe déterminé et localisé de rumäni, n'est guère exclu, mais sans l'opposition formelle et explicite qui ne se produira que plus tard. La généralité du terme rumán se maintient et devient frappante après la création des Etats de Valachie et de Moldavie, ainsi qu'aprés la conquéte de la Transylvanie par la couronne hongroise. Mais elle existait, par rapport aux conditions
d'époque, méme
auparavant.
Ávec
une origine
ancienne,
le
maintien aprés le ΧΙ" siècle de cette généralité de rumdn est significative et explicable. Par contre, on ne peut admettre qu'aprés le morcellement politique de la masse roumaine en trois formations politiques, les termes de rumán, rumánesc, à partir d'une acception particulariste (relative à la seule Tara Románeascá - Valachie) se soient prétés à la forte généralisation décelable dans les documents internes
et externes, et dans les textes littéraires
des XVI* et XVII* siècles. Jusqu'au XIX* s., la Tara Rumáneascá n'a jamais exercé un róle dominant qui rende compréhensible l'adoption, de gré ou de force, de rumán, rumánesc en tant qu'etbnikon, par les autres pays roumains. C) A partir d'un tournant du processus de féodalisation de la Valachie, les termes d’om — sl. ljudi (hommes), boréne (villageois, paysans) et surtout rumán et son équivalent d'origine slave vlab (ces deux derniers exclusivement en Valachie — tel kresz'janin — paysan, serf < bristjanin — chrétien, en Russie avant 1861) ont assumé aussi une signification sociale: celle de cultivateur dépendant, voire asservi (serf, adscriptus glebae) à côté du terme commun de vecin (paroikos).
La thèse plus ancienne d'un asservissement de la population roumaine par une classe dominante de conquérants étrangers est insoutenable et ses auteurs mémes l'ont abandonnée. Y voir une dépréciation par la classe dominante du terme désignant la nationalité roumaine est une supposition subjective, démentie par les réalités historiques. L'acception semblable de chrétien ou d'homme ne supprime pas les acceptions normales et positives 10 N. Iorca (1895), p. 9; In. (1935), p. 119. Pour Duas Balachias chez l'Anonyme du Vatican (1437), voir A. ARMBRUSTER (1972), p. 45, n. 20. A rapprocher de Balak' chez Chorenat'i (Chorène, Chorenensis). Chez N. Istvánffy (1535, 1538-1615?), duas Valachias désignent la Moldavie et la Transylvanie, voir A. ARMBRUSTER (1972), p. 141, n. 44; Ip. (1977), p. 141, n. 40. Chez Ph. de Mézières aussi la seconde Valachie peut être la Transylvanie, non pas la Moldavie. it Sr. STEFXNESCU (1960); E. SrANESCU (1964), pp. 982-991; A. ARMBRUSTER (1972;
408
1977),
pp.
142-145
et bibl. n. 44
(40).
de ces termes, tout comme
runtán au sens de serf, coexiste avec l'emploi du
mot et de ses dérivés pour désigner officiellement l'Etat de tous les Roumains, leur langue et la nationalité d'un prince, d'un boyard ou de l'Eglise. La dualité sémantique — noble et roturiére, quasi-servile — axée sur le méme mot est un phénoméne fréquent dans toutes les langues. Il est possible que rumän = serf soit la traduction populaire, à la fin du XVI° s., de vlab (v. ci-dessous) qui dans la langue de la chancellerie princière aurait pris le sens de cultivateur dépendant ". Ce qu'il importe de noter ce sont les variations de contenu du statut juridique du rumän = serf, avec tendance à assimiler ce statut à la serbia ou robia (esclavage médiéval) des Tsiganes. La réforme agraire du "despote éclairé" phanariote C. Mavrocordato (6 avril 1746) substitue à la rumánia une autre forme atténuée de dépendance (la corvée) et fait disparaître le servage et le terme de rumán (au sens de vecin, serf attaché à la glèbe) pour apaiser la révolte des masses paysannes. Le nouveau cläcas (paysan corvéable) portera le nom de /Zcuitor (habitant, manant), mais des juristes ou historiens grecs, méme après 1746, emploient encore ῥουμοῦνος à la place de läcuitor 5, Quant aux boyards, ils réclamaient encore à la fin du siécle le retour au régime de la rumänia (servage) et taxaient C. Mavrocordato de tyran. Notons également la productivité lexicale de rumdn: a) rumánie (condi-
tion juridique du serf) sans aucun rapport avec Romänia, appellatif non encore entré dans la langue, à l'époque;
b) a rumáni = asservir à titre de rumán;
c) lege rumáneascá ou a rumdnilor (loi roumaine ou des roumains) ^ = loi consacrant des obligations coutumiéres spécifiques aux rumdni, qu'il ne faut pas
confondre
avec
la legea
rumáneascá
(ius
Valacbicum),
devenue
legea
färii, ou encore avec Carte románeascá de inváfáturá (Jassy, 1646), Code de lois en langue roumaine applicable à tout le pays. Quant au pays de tous les Roumains sans différence de condition sociale, il continue à s'appeler Tara Rumáneascá. plus
loin,
rumdnie,
Dans sans
un document acception
de 1581-1582,
sociale
(servage)
dont il sera question ou
politique
(Románia,
la Roumanie), désigne la roumanité, au sens linguistique de Romanitas, défini par Gaston Paris. Il y a donc dans l’histoire roumaine une rumdnie durable et pratiquement permanente, celle de tous les rumáni, et, en Valachie seulement, une rumänie XVT' s. à 1746.
triste, et transitoire, celle des rumáni-serfs de la fin du
2 Sr. $tEFXNESCU (1960), p. 65 et les auteurs cités; E. STÂNESCU G. Ivinescu (1980), pp. 376-385. 13 Après
la Réforme,
rumán
(1964), p. 994;
ne disparaît pas tout de suite. Pour rboumonnos,
voir
le code d’Alex Ypsilanti (1780), Syntagmation Nomikon, éd. Pan. J. ΖΕροβ, Athènes 1936, titre XVI et Pravilniceasca condicá, éd. critique, Buc. 1957, t. XVI; Législation agraire de Valachie, 1775-1782, éd. crit. par V. Ar. GEORGESCU et E. Popescu, Buc. 1970, pp. 169-171. Pour l'histoire de serbie et sa place antérieure au tardif robie, voir récemment G. IvXnescu (1980), pp. 380-383. M Au XV's, en Moldavie et en Valachie, cette expression s'appliquait à des cultivateurs libres ou dépendants: voir C. Grurescu (19432), D.C. Arion (1942); I. Rapu-MircEA (1950) et supra, n. 12.
409
Un intérêt particulier présentent l'adjectif rumánesc (plus tard aussi románesc) et l'adverbe rumdneste: je parle, je "sais", je comprends rumdneste (le roumain).
L'Occident
ne connaît
que
des dérivés
de romanicus,
romanice,
romane. Dans le domaine du roumain, à partir du suffixe thrace -isk-, AI. Graur? a fort bien pu admettre que la racine vulgaire *romaniscus se trouverait sans discontinuité à la base d'un dr. rusánesc (eascá) , rumdneste, avec ses correspondants dans l'aroumain, au sud du Danube. Le passage de i e serait, selon le méme éminent linguiste, aussi une influence locale, aboutissant au suffixe d'origine ou d'appartenance -escu. Chez tous les voyageurs étrangers à partir du XIII* siècle, ce qui les frappe, dès le premier contact avec la population locale, ce sont ses réactions fondamentales (savoir, parler, penser, se comporter), exprimées à l'aide d'une phrase où rumzdneste est une expression à forte charge affective. Le suffixe -isk- > -este conserve sa force expressive dans toutes les formations à partir d'un ethnicon familier: turc (furceste), grec (greceste), bulgare (bulgäreste), neam[-germanique (nemfeste).
3.
Un point de départ: Romania impériale et les Romaniæ populaires et autonomes. Un aboutissement bistorique: la Roumanie (Románia) moderne
Dès avant le IV* siècle, Romania fait son apparition chez les écrivains grecs pour désigner l'imperium Romanum. Ensuite le nom fut transféré à l'Empire romain d'Orient, dont les habitants sujets du basileus devinrent les Rbhômaioi et dont la patria. lingua était le latin romaique jusqu'au VII* siècle, lorsque la satíua uox, le grec, prenait le dessus. En Occident, le registre juridico-politique du terme Romania, assumé par les carolingiens, durera audelà de l’An Mille !$. Chez Jean Cantacuzène (1347-1354), Rbómanía désignait encore l'Empire romain d'Orient "'. Les liens de la Dacie avec cette Romania n'avaient pas complètement disparu à la suite du retrait par Aurélien (271-275) de l'armée, de l'administration d'Etat, et des riches possédants. Constantin le Grand, Justinien, Johannes I Tzimiskes (969-976), les Comnenes, la Dobroudja avec ses réitérées
étapes byzantines marquent un certain renforcement de la romanité danubienne par la Romania romaique et impériale. Et l'on sait que les Roumains représentent un "ilót de romanité" dont les particularités sont non seulement périphériques, archaîsantes (vulgarisantes), mais aussi forgées dans un contexte culturel byzantin: directement, et par filière slave trés active *. Ce contexte 15 AL.
GRAUR
(1936).
récemment V. ARVINTE 16 G. Paris (1909), 17 Ed. Bonn 1832, 18 Pour le contexte
Voir l'adhésion
à cette thèse d'E.
PETRoviCI
(1965);
voir
(1979), pp. 330-331. pp. 21-23; C. TacLiavini (1977), p. 135 (éd. ital. 1972, p. 165). $ 15a, p. 1347; cf. I. Teorgor (1975), p. 175. byzantin, après G. Murnu, Al. Rosetti, W. Bahner, M. Mihäescu,
voir en dernier lieu AL. NicuLescu (1978), p. 20. Pour l'idée de “famille des rois", voir la bibliographie que je cite dans Bizanful si institutiile (1980), p. 21, suggestive analogie d'une autre aire culturelle chez E. Rosner (1981).
410
n. 31,
et une
se conciliait avec l’élasticité des notions politiques d'eecuménicité et de “famille des rois" dont le basileus était le chef, de la façon que l'on connaît. Mais à côté de la Romania politique et impériale, il y avait, outre la Romanitas (mention unique) chez Tertullien, la Romania, le solum Romaniae
en tant que communauté de langue et de culture. À un niveau théoriquement cecuménique, mais en fait de maniére de plus en plus marquée, ses membres sont des Romani en voie de néo-romanisation différenciée par régions, zones et localisations autonomes. Ce sont des populations de romane, romanice, *romanisce loquentes (uiuentes). Non sans de notables transformations personnalisées. Gaston Paris le soulignait avec force en 1872, par le nom méme
de son périodique dédié aux études sur la "Romania". Α ce niveau, la Romania, tant en Occident, qui n'entre pas ici en ligne de compte, qu'en Orient en est venue à étre formée d'un nombre variable de Romaniae
locales, dont les modalités
et le degré d'autonomie
oscillaient
d'un endroit à l'autre, par rapport à un pouvoir central en plein déclin. Le mérite de N. Iorga ? restera durable par son apport fécond à l'étude de ces Romaniae populaires. En effet, c'est lui qui a su les élever au rang justifié de processus historique fondamental pour quiconque s’attaque à l’histoire du passage de l'Antiquité romaine au Moyen-áge. Les Romani du Sud-Est formaient d'abord une grande Romania orientale autour de la Nea Rb6mé, et ensuite des Romaniae locales, qui deviendront soit la Roumélie (dont finalement seul le nom évoquera contradictoirement, à
partir d'une racine turque ou arabe, la romanité romaique, car le Sud de
l'Hémus était pays de langue grecque), soit la Romania nord et sud-danubienne qui avant le XI* siècle au plus tard se disloquera en quatre noyaux dialectaux d'importance inégale: la Romrania nord-danubienne, l'aroumaine et la méglénite, glissées vers le Sud, et l'istro-roumaine transférée en Istrie. A l'intérieur de chacune, et surtout de la plus grande, au Nord du Danube, des mini-Romaniae dont les structures tribales ou confédérales, sans inégalités marquantes entre les tribus, à leur début, ont laissé des traces indubitables. En tant que Romaniae dont seules les dénominations étrangères équivalentes, venues de la part des voisins ou des adversaires, se sont conservées, sous forme de nom de "pays", petites formations pré-étatiques: terrae ou syluae Blachorum, campi (Cimpulung en Valachie et en Moldavie; Cimpul lui Dragos en Moldavie), "vallées" le long des cours d'eaux (Jiului, Argesului, Moldovei etc. 3). Chaque judef (judicium) avec son judex > jude19 N. Iorca (1924; W. ENSSLIN (1939).
? Dans
1939);
cf,
6.1.
BrXTIANU
(1936),
pp.
58-72
et
le
cr.
par
l'historiographie roumaine, des voix autorisées considèrent que le nom
de
Vlasca et celle de Codrul (forêt) Vidsiei seraient l'écho d'une Romania "intérieure". Son souvenir se serait conservé par l'intermédiaire de l'ethnonyme sl. Viab-, Vlas-, que la
population
slavophone
environnante
non-assimilée
utilisait
dans
ses
rapports
avec
la
Romania romano-roumainophone. Vlasca est la zone anciennement boisée de la plaine de Valachie, qu'a longtemps évoquée l'appellation d'un des districts de la Roumanie moderne, ayant Giurgiu pour préfecture. Codrul Vläsiei constituait anciennement pour les Roumains un abri naturel contre les migrateurs avoisinants et leurs razzias; à la fin de l'époque féodale, codrul, partiellement défriché, servait d'abri aux repris de jus-
411
judec au Sud des Carpathes, chaque finut (tenutum) à l’Est, futurs districts
administratifs de l'Etat, avait commencé par représenter une formation vicinale de romanisés devenus rumäni sur place ou par essaimage (roumanisation
successive) en dehors de l'ancienne Dacie organisée aprés la conquéte par Romains. Il ne faut pas exclure le mélange avec des populations diverses leur origine ethnique et par leur langue”. Les plus nombreux furent Slaves, une influence cumaine étant aussi décelable. Soulignons aussi
les par les les
échanges roumano-hongrois liés au voisinage, à la cohabitation, à la conquéte
et à la domination politique des Hongrois en Transylvanie, et à leur politique d'expansion vers le Sud, bloquée par la constitution des Etats de Valachie et de Moldavie, rapidement affranchis des immixtions politiques trop directes venant du Nord et de l'Ouest. Au Sud du Danube, ces Romaniae ont été bousculées, coincées ou assimilées à la longue par suite de l'établissement des Slaves et des Bulgares et par la création, d'une si grande importance historique, de leur premier Etat, bientôt un /zarat. Supprimé par l'Empire de 1018 à 1187, ce #zarat fut remplacé par un autre, gráce à l'alliance et à la collaboration avec tous les Vlaques-Roumains (voir V. Primov) des Romaniae sud-danubiennes, sans omettre l'aide des Roumains ou Valaques de quelques Romaniae nord-danubiennes ?. Vu la terminologie officielle des documents, j'en reparlerai à propos de la variante vlaque/valaque de la terminologie qui nous intéresse.
Au bord du Danube ces Romaniae étaient devenues, depuis l'absence d'une véritable organisation romaine étatique et durable, des formations rurales et pastorales. Leur langue et leurs traditions les opposaient aux non-romanisés. Mais des nivellements et des emprunts les en rapprochaient également. Au niveau de leurs villages, de leurs confédérations de communautés villageoises, avec leurs vertus militaires défensives et leurs coutumes enracinées,
elles s'accommodaient de certaines relations avec les migrateurs prédateurs, semi-sédentaires ou sédentarisés, se dotant d'une variable organisation politice, voire aux baiduci de proverbiale mémoire. La population allogène se rendait compte, estimait C. C. Giurescu, qu'il s'agissait de terrae Romanorum, pays de Vlaques ou Viali, donc zemlja *Vlaïka, et *Vlafia; surtout pour Viäsia, voir contra I. IORDAN (1963) s.v. “ll a
"
Dans des cas pareils, l'ethnonyme slave serait adopté par les Roumains, mais comme venant de l'extérieur, effet des relations avec les utilisateurs allogénes ou en tant que terme de chancellerie, De tels termes, au XVIII* siècle n'étaient plus qu'une survivance
rituelle, permettant aux princes phanariotes de mieux proclamer leur liens (souvent aussi des liens réels de famille)
avec le passé des pays dont
la Porte ottomane
leur conférait
le tróne. Ce qui n'en faisait jamais de simples beys-fonctionnaires de l'Empire, quelle que füt la place que les bureaux de la Porte assignaient obstinément et avec de vaines arrière-pensées aux deux hospodars ou beys roumains dans les motitiae dignitatum ou autres documents
officiels concrets.
2: Le probléme des structures "tribales" a été soulevé par P. P. PANAITESCU (1947). Barbu Cámpina ne l'ignorait pas et H. H. Stahl en a relevé la présence institutionnelle (Vrancea).
Il a besoin
d’être repris dans
son
ensemble.
2 En remarquable progrès sur ses devanciers, l'auteur reconnaît le rôle des Vlaques, mais le résultat de l'action commune
412
devient tout de suite une création étatique bulgare.
tique plus stable. Toute une échelle de formes de dépendance, de soumission
‘tributale’ ou de prédation brutale exprimait les rapports entre les populations des Romaniae locales où ils étaient majoritaires, d'une endurance et d'une survie et le róle historique
et les peuples dominateurs de la steppe. Mais là les autochtones faisaient preuve d'une cohésion, souplesse qui expliquent en grande partie leur auquel ils se sont haussés dans des conditions
des plus difficiles 2. À partir des IX°-X° siècles, à la place ou parmi les petites Romaniae conféderales apparaissent dans les documents des marques de l'existence de formations politiques plus fermes, au Bas-Danube, dans le Nord de la Dobroudja, en Transylvanie: les duces ou voivodes de l'Anonymus Notarius regis Belae (II ou III)", dont Gelou était expressément quidam Blachus. Elles culminent avec les formations knéziales et voivodales du diplóme du roi de Hongrie de 1247, adressé à l'ordre des Hospitaliers de St. Jean, et surtout avec la création des deux Etats féodaux roumains: l'un, la Tara Románeascá ou la Romania du cóté de la Hongrie;
l'autre, la Moldavie
ou
Moldovlabia, donc la Romania rassemblée autour du pays de la Vallée de la Moldova (fin du XIII° s. et seconde moitié du XIV* s.).
Malgré la pénurie extrême des documents écrits antérieurs au XIV* s., les recherches de la science historique roumaine et de ses sous-disciplines cointéressées, ont permis d'avoir une image plus concréte de la structure de ces Romaniae populaires, à partir de la terminologie institutionnelle, d'abord d'origine latine ou autochtone, ainsi que par l'étude sociologique et
ethnographique du village roumain et des confédérations de communautés villageoises ?. 7 C'est ce qui explique un certain silence des sources écrites, axées sur d'autres aspects des processus historiques. Reste la preuve par l'existence méme du peuple roumain, par son nom et par sa langue, plus forte que le silence des autres sources. ^ Il serait oiseux et stérile de rouvrir ici le procès de l'Anonymus. L'abondante bibliographie est connue et suffisamment éclairante. L'historiographie roumaine par ses voix les plus autorisées nous semble avoir justifié la confiance que mérite bien le récit du Notaire sur la conquête de la Transylvanie (Voir ST. BREZEANU, “ 'Romani'..." [1981]). 3 De la riche et significative terminologie institutionnelle, je ne cite que: iudex, iudicem etc. > jude, judec, a judeca, judecatà, judecätor; (ex)celsum — cello > celnic (ethy-
mologie de Mladenov, acceptée par A. SACERDOTEANU directum > drept, patrimoniale);
tem
>
dreptate;
bostem
>
[1968], p. 130); legem > lege;
“beteranum | (ueteranum) > bätrin
oaste, ostaj;
cetate (lieu fortifié). D'origine
arcum
>
arc, arcay;
autochtone:
(acceptions
sagittam
wmsos (acceptions
>
familiale
sägealä;
et
ciuita-
familiale et patri-
moniale, doublant le bätrin); mogie (terre venant d'un mos, héritage); zestre (dot); botar (limite, finage), si l’on écarte l’origine hongroise, généralement admise; nous suivons
la suggestion de J. Ονιπέ (1919). Pour la sociologie et l'ethnographie des communautés villageoises (obstii), je renvoie à N. IogcA (1908); P. P. PANAITESCU (1964); H. M. STAHL (1958; 1965; 1969); R. Vuia (1975); A. SACERDOTEANU (1968); L. Mazcu (1974). Dans son retentissant discours de réception
R. VurcKNEsCU (1970); à l'Acad. Roum. (1937)
Lucian Blaga, philosophe, historien de la culture et poéte, d'origine rurale, a essayé d'éclairer de l'intérieur la vie et les structures villageoises en faisant "L'éloge du village roumain” (sat < *fsat « fossatum). Pour iudex, voir l'importante analyse de V. PARVAN (1911), pp. 151-154, peu utilisée par les historiens du droit, et différemment R. VULPE (1962).
413
Mais arrivons-en à Románia, le nom moderne du pays et de l'Etat des Roumains, tel qu'il a évolué depuis l'union de la Moldavie et de la Valachie en 1859. Ce vocable, utilisé depuis 1838 comme titre de périodiques et nom d'associations de combat ou comme équivalent de Tara Románeascá (Valabia), fut adopté politiquement par les révolutionnaires de 1848. Ajouté en 1862 à l'appellation de "Principautés-Unies", issue du Congrès de Paris (1856), il lui fut substitué en 1866 sans autre forme d'accord international
préalable. Méme récemment on rendait hommage au mérite du géographehistorien grec Démètre (Daniel) Philippidès de l'avoir mis en circulation (1816) sous la forme savante Rhoumounia (Ruránia). Cette ‘trouvaille’ s'est
révélée finalement étre moins un néologisme qu'un heureux réenracinement dans l'histoire presque bimillénaire de la Romanité orientale. En effet, dès 1964 7, on avait réincorporé au dossier du probléme un texte de Dosoftei (Vie des saints, 1680) où rumániia (opposée à la sirbija du texte
slave, dont la traduction soulevait des difficultés) désignait la langue roumaine, en tant que facteur d'organisation et de mise en valeur d'une communauté nationale, tout en y impliquant la connotation d'autres formes d'unité. Tout dernièrement on soulignait ^ le fait que Romdnia (cf. omenie < oameni, pl. de om = homme) dérivait de román + suffixe -ie, au sens de langue
roumaine et l'on écartait à bon droit l'explication par un néologisme francais mis en circulation par Vaillant (en 1844). En 1972, un historien de l'idée de romanité chez les Roumains? relevait le mérite du chroniqueur saxon de Transylvanie, Martin Felmer (1720-1767), publié en 1864, d'avoir désigné par le terme Romanien l'espace carpatho-
danubien dont l'élément commun était constitué par la présence des Roumains. Le méme auteur notait également, avec une acception spatiale réduite à la Valachie, l'emploi des termes Romulia et Romulien par le Hongrois Ioannes Tomka Szaszky et l'illustre géographe allemand A. F. Büsching. Cette dernière innovation, par son particularisme phonétique, religieux et géographique, allait sans aucune base historique à l'encontre du processus irrésistible qui imposait la forme Rumdnia - Románia. Le premier auteur cité a donc raison de constater que le soi-disant néologisme savant ou demi-savant du XIX* s. a longuement été préparé par une évolution des réalités locales. Elle se rattachait à la tradition fondamentale de Romanus/ Romania. Dans ce contexte, celle-ci ne pouvait déboucher à la longue sur un autre appellatif linguistique, géographique et politico-juridique que celui qui l'a emporté en fin de compte. % Symposium "L'Epoque pbanariote" (1970), Thessaloniki 1974, voir CL. Tsourxas. Pour la priorité de D. Philippidés, voir aussi V. PoPA RÁNESCU (1965). 7! E. SrANEscu (1964; 1968; 1969).
(1959), pp. 89-90;
cf. Al.
Cio
2 V. ArvINTE (1979), p. 332 et (1983), pp. 15-34; rôle décisif des années 1830-1860. 23 A. ARMBRUSTER (1972), pp. 235-236 et n. 74; (1977), p. 247 n. 79; (1973); (1980).
Cf. M. FELMER (éd. 1974), pp. 169-174 (le traité sur les Roumains).
414
D'ailleurs, jusqu'au XIX* s., nous verrons qu'en absence d'une forme latine Románia (Rumánia) d'usage officiel courant, des équivalents d'origine germano-slave du type Valabia, Vlabia n'étaient que des appellatifs politicogéographiques, axés sur un ethnicon ayant le sens de Romania. Au travers d'un tel intermédiaire non-latin, c'était donc le lat. Romania que l'on utilisait avec de plus en plus un vif sentiment populaire de cette identité, que les humanistes et nos chroniqueurs éclairés, à partir du XVII* s., soulignaient à l'occasion avec force et avec une impressionante unanimité. Il faut noter aussi que Tara Románeascá, forme à la fois officielle et po-
pulaire, n'était pour la mentalité et la sensibilité de l'époque, que l'expression de ce que les modernes appellent en raccourci Romänia. C'est pourquoi le seul élément de Tarä évoquait sans plus, pour un autochtone romanophone, la Tara Romdneascà, voire la Romänia, car le pays des Roumains ne pouvait pas étre autre chose. Α tel point que, avant 1918, partir par exemple de Transylvanie pour la J'ará et y passer, c'était passer dans Jara Románeascá (en Valachie) ou, aprés l'union de 1859,
en Roumanie.
En
effet, l'une ou
l'autre, en tant que Románia était aussi le pays du partant, quel qu'en fût le nom officiel ou populaire du pays qu'il quittait. 4.
Terminologie commune
(rumân) pour désigner le Roumain
à partir de la seconde moitié du XVI*
et le Romain
siècle
En 1935, G. Giuglea signalait l'apparition de rumán au sens de Romain de l'ancienne Rome, dans l’Apostol (Acta apostolorum, Brasov 1563) traduit du slavon et imprimé par Coresi (XV 21). Parmi les hypothéses
examinées,
il n'écartait pas l'explication de cette innovation sémantique par la volonté d’affirmer de la sorte l'idée de l'origine romaine de son peuple. C. Daicoviciu (1970) * y voyait une preuve non-dubitative de cette affirmation nationale qui, aux XVII° et XVIII: siècles, se trouve, sans conteste, chez Moxa (‘“Chronographe d'après Manassés", 1620), chez Dosoftei, métropolitain de Mol. davie (trad. de la ‘“Vie des Saints", 1682-1686), dans la "Bible de Bucarest" (1688) et chez les chroniqueurs humanistes du siècle. Pour le contexte culturel, on se reportera avec profit à la communication d'Alexandru Dutu (1983). La présence de rumân au sens de Romain dans la Bible de 1688 a été signalée par Eugen Stánescu (1964) “. En 1830 à Jassy, le Saxon transylvain Christian Flechtehmacher, jurisconsulte de l'Etat et principal auteur du Code civil
moldave (1816-1817), utilisait dans sa première leçon d'histoire du droit la forme romdnesti (roumaines) à côté de romanesti (romaines), quasi-similitude suggestive et intentionnelle, car l'adresse officielle qui organisait son enseigne. ment employait le néologisme savant romane (romaines). Al. Mares (1972) a dressé pour l'ensemble du problème un précieux bilan qui jusqu'à présent semble exhaustif. Il constate que dans plusieurs textes * C. Darcovicru (1970), n° 35, p. 4. 31 E. STXNESCU (1964), p. 998, n. 100.
415
slaves antérieurs ἃ Coresi et excluant pour la plupart une influence roumaine directe, une forme proche de rumán (roumenski, rum’skim et chez Miklosich [1862] *: roumene), donc éloignée de la forme slave normale rim-, avait été
signalée par V.I. Séepkin en 1901, par P. Cancel en 1921 (dans trois codices allant du XI* à 1273 et dans des documents des XV* et XVI* siècles) et en 1964 par Biljana Stepèevié. Les conclusions de l'éminent linguiste roumain sont prudentes: 4) la forme en rum-, roum-, exorbitante de toute influence roumaine (acceptée par Stepéevié pour son texte de 1550) serait pour les historiens de l'ancien slave sürement un emprunt, mais dont la source reste encore inexpliquée; δ) l'affirmation consciente de l'origine romaine par l'emploi du sémantisme rumán (Roumain/Romain-Romanus)
ne débute qu'au XVII* siècle avec le "Chrono-
graphe” de Moxa; c) chez Coresi, rumán pour le régulier rímién (rimlean), qui reste dominant aux XVII* et XVIII* siècles, ne serait qu'un Pbapax issu d'une traduction erronée d'un rouménom (au lieu de rimlénom) du texte slave
utilisé en l'occurrence. La prudence de l'auteur cité est à louer. Mais puisque l'idée d'emprunt s'impose on ne peut le concevoir sans aucun rapport, quelque indirect qu'il fût, avec le seul domaine où la forme rum- rom- avait cours. Autrement, et le lapsus calami étant exclus, on serait tenté de penser à une action concordante de la base articulatoire chez la masse des locuteurs roumanophones et chez de modestes intellectuels slavophones parmi lesquels se sont recrutés les scribes des textes slaves mis en cause. Mais il importe de noter qu'actuellement la solution du probléme de la conscience de leur romanité chez les Roumains ne se limite plus au dédoublement sémantique de rumän
(= Roumain
et Romain). La voie sûre de cette
solution, que je n'aborderai pas ici, a été tracée par Serban Papacostea (1965; 1973), approuvée et confirmée par les recherches d'A. Armbruster et Eugen Stánescu. L'affirmation savante de l'origine romaine du peuple roumain, à partir du XVI* siècle, avait des bases populaires plus anciennes. Dès lors, l'éventuelle irrecevabilité de l'argument Coresi n'a plus une valeur absolue. Par ailleurs, avec le contexte culturel évoqué, y compris ses bases populaires, on ne voit pas trés bien pourquoi en 1563 dans Brasov, un centre de l'humanisme
transylvain,
Coresi
n'aurait
pu
participer
méme
activement
à cette
conscience élargie de la romanité de son peuple. 5.
Equivalents germaniques, slaves, bongrois et latins médiévaux de Romanus-Romania > Rumán-Rumánia
La rencontre de notre terminologie latine ensuite avec les Slaves, dans leur diversité, portée européenne. En Occident, sur lequel concerne les chocs et les synthèses qui auront 32 Fr. MikLosicH
416
(1862-1865), p. 805.
avec le monde germanique et s'insére dans un processus de je n'ai pas à insister ici, elle conduit Romani et peuples ger-
maniques à effectuer ensemble le passage de la Prima Roma à l'Europe médiévale et moderne. En Orient, aprés les premières vagues celtiques et germaniques, une rencontre semblable revétira un caractére principalement slave. C'est pour résoudre ses propres problémes de contact, d'impact et d'établissements politiques, que ce vaste monde des Slaves se servira d'une terminologie trouvée chez les Germaniques. Ce sera la 'valachisation' de la terminologie RomanusRomania chez les Roumains. Cette origine nettement repérée par les esprits cultivés de la Renaissance et les humanistes
(Leunclavius,
Ducange),
a été
beaucoup
étudiée
depuis
1872, lorsque Gaston Paris exposait l'essentiel sur l'étymologie germanique de Vlachus, Valachus dans un article publié en tête de sa revue au nom symbolique: Romania ?.
C'est donc de Volcae ^ > Walba 5 > Walab (en) > Wellche > Walabisk > Wallsch (actuellement: les Wallons), que les Slaves ont adapté les formes Viab, Valab, Valabia chez les Slaves du Sud, et Volob chez ceux de l'Est, pour désigner les populations romanophones, d'abord collectivement et ensuite 33 G. Paris (1909), pp. 8-9; C. TagLIAVINI (1977), pp. 125-127, n. 13, éd. it. (19729),
pp. 163-164. Pour le début de cette voie, chez Leunclavius (1588) voir A. ARMBRUSTER (1972), p. 124. Pour les Blabi (Vlaques) balkaniques, la Sovetskaja istoriteskaja Enciklopedija, III, Moscou
1963, p. 535 indique l'étymologie hall. Walcb. Elle est d'autant plus
valable pour Viah, Valab et Volob nord-danubiens. La plénisonie y sont évidentes et unanimement reconnues.
métathése
des
liquides
et la
** BENOIST-Dosson, p. 733: Volcae = agiles, cf. Catuvolcus, roi des Eburnons, “rapide
dans la bataille”, d'où l'anglais Welsch = Gallois; l'all. Walsch = Italien, Français, cf. Welche, "barbare", chez Voltaire. César mentionne les Volcae Arecomici (De Bello Gallico VII, 7, 4 et VII, 64, 6) dans les actuels départements
du Gard
et de l'Hérault, et les
Volcae Tectosages ("qui atteignent les fuyards", paraît-il, de tec-fuir, "s'écouler", en all. suchen, "chercher") dans les départements de la H.-Garonne, de l’Aude, de l’Ariège et des Pyrénées-Orientales. En 472/282, une partie de cette dernière tribu s'était fixée au sud du Main, sur les confins de la forét Hercynienne (ibid., p. 687; César, De Bello Gallico
VI, 24, 2) qui s'étendait des sources du Danube (Forét Noire) jusqu'aux Carpates (Eratosthéne: Orcynia Sylua). 35 Les auteurs donnent aussi Walcb, *Walb(os). Les travaux de G. WEISGERBER (1948; 1953) font aujourd'hui autorité; cf. A. ARMBRUSTER (1972; 1977), pp. 12-17 et V. ARVINTE (1979), p. 334. Un bon résumé chez C. TacrrAviNI (1977), pp. 124-125, n. 13; 392.
Cet
ethnonyme
désigna
d'abord
les Celtes,
ensuite
les
romanisés,
ayant
parfois
une valeur péjorative, dualité persistante et véhiculée aussi par V/4b, Vías. Mais ces conno-
tations constituent un grand probléme de sociologie linguistique et d'histoire des mentalités et comportements, plus vaste que celui des rapports de voisinage ou de coexistence, axés sur l'emploi de Viab, Oláb, Valacbus, qui dénote à coup sûr certains contacts tendus et des réactions traumatisantes, unilatérales ou bilatérales, qu'il serait intéressant d'étudier à l’aide des méthodes affinées et avec le recul de notre époque; voir une
approche implicite chez A. ARMBRUSTER, ci-dessous, n. 50, sans recours inteprétatif à un modèle de mentalité et de comportement traumatisants. En 1919 J. Cvijié avait déjà
fait
porter
son
essai
d’ethnopsychologie
sur
des groupes
de
Vlaques
(survivants
ou slavisés) de la péninsule Balkanique. Dans une perspective d'imagologie ouest-est, A. PiPPIDI (1980), pp. 1-23, analysait avec finesse et érudition "Naissance, renaissance et mort du ‘Bon Sauvage’:
à propos des Morlaques et des Valaques".
417
avec des variantes géographiques dérivées. Cette racine a été réservée à la principale masse de Roumains (rumáni) établis dans l'espace carpatho-danubiobalkanique et dinarique, ainsi qu'aux Italiens. Venue de l'extérieur, sans prise sur les termes populaires intérieurs (ru máni, rumdneste, Rumánia - rumánime), la valachisation qu'a subie la terminologie de la romanité sud-est européenne a joué un róle dont voici trop briévement le contexte historique: A) Coexistence migratoire, conflictuelle ou pacifique, allant jusqu'à des formes de symbiose, de luttes communes, de synthèse, y compris la roumanisation des Slaves nord-danubiens (IX*-XI* ss.). Avec, en retour, l'apport slave bien connu au développement surtout lexical du roumain en tant que langue néo-latine cristallisée durant les VI*-VII* siècles *. B) Antériorité sur la romanité orientale des formations étatiques slaves et élévation du slavon au rang de langue liturgique, avec statut aussi de langue culturelle et politique (de chancellerie voivodale) dans les trois pays roumains (pour la chancellerie, excepté la Transylvanie aprés la consolidation de la conquéte hongroise). Ce triple impact slavon se fit sentir justement au sommet socio-politico-ecclésiastique en place dans les premiers Etats féodaux (XIII-XIV*
siècles) des rumáni, dont
l'identité historique était inséparable
du maintien de leur statut ethnique, linguistique et religieux sans aecuménisme aliénant et niveleur. C) L'établissement simplement disséminé de communautés villageoises à régime privilégié et localement autonome de ius Valachicum (ou son équivalent dans une langue slave — v/afki zakon, par exemple) vers le Sud, le Sud-Ouest ou le Nord et Nord-Ouest. Ce régime de ius Valachicum fut amplement appliqué par la couronne hongroise, d'abord coutumièrement et à partir du XIII" s. à l'aide de privilèges de chancellerie royale, en Transylvanie, je dirai en faveur et à la charge de la population roumaine majoritaire, dans la forte mesure où celle-ci, sous la conduite des ses voivodes, knézes, crainici, juzi et popes de villages, ne se laissait pas attirer hors de son identité ethno-culturelle et religieuse, par voie d'anoblissement et de conversion
confessionnelle. A travers les normes de ce ius Valachicum/drept rumänesc, nous reconstituons aujourd'hui partiellement le droit des communautés roumaines en voie de devenir des formations politiques ”.
D) La terminologie slave devint le point de départ d'un codage équivalent byzantin, turc, arménien,
hongrois * et latin-médiéval, ce dernier
dans
% AL. RosETTI (1978!), pp. 209 ss.; 248 ss.; 305 ss.; I. CorgANU (1981), pp. 72-77; G. IvAnescu (1980), pp. 195; 267-288; C. TAGLIAVINI (1977), pp. 254-255, (éd. ital. 19729), pp. 321-322;
cf. I. A. CANDREA
(1902).
3 Un Corpus iuris Valacbici réunissant toute la documentation disponible par régions géographico-politiques, faciliterait beaucoup cette tâche. 53 Enumération exemplificative. Il y avait un codage autochtone du ius Valachicum
418
les chancelleries de la Curie romaine, des royaumes de Hongrie et de Pologne, ainsi que dans les milieux intellectuels latinisants. Beaucoup parmi les écrivains étrangers de l'époque ont également enregistré la terminologie locale, avec concordance sémantique des termes germano-slaves et latinoroumains *. La nouvelle terminologie allait de Blachos, Blachia (“Byzance”) à Blacus, Blaccus, Vlachus, Valachus, Wallachus, Volachus, Olatus, Alatus, Valachicus, Volachicus, Volachicalis, Vlachia, Valachia, Wallacbia, Volocbia (dans le latin médiéval, avec des influences régionales aisées à identifier), en passant par les
formes hongroises: 0/45, pl. Olassi; Olábok; françaises: Βίας, Blaquie, Abblaquie etc., et ottomanes: Iflak ®, Kücük Iflak (Petite Valachie = Olténie), mais Kara-Bogdan (Moldavie). Des équivalents se trouvent dans toutes les langues modernes:
fr. Vlaque, Valaque, Valachie;
it. Valacco, Valacchia etc.
L'allemand posséde sa tradition locale se rattachant à ses propres prémisses historiques mentionnées ci-dessus. Chez les Saxons de Transylvanie, outre les formes littéraires, le patois connaissait la forme Bléch. Au IX° siècle, "La terre inconnue que l'on appelle Balak'", venant d'une source byzantine" antérieure, chez le géographe arménien Moïse Chorenat'i, évoque le pays des Rumäni-Valachi-Blachi. D'autre part, une première mention de Valab se trouve chez le biographe de Méthode, l'apótre des Slaves (vv. 825-885), probablement à la suite du contact de ce dernier avec le monde romanisé et germanique qui s'affrontait en Moravie et en Bohême. Mais la datation exacte de l'émergence de ce terme chez les Slaves n'est pas élucidée. Dans l'historiographie roumaine on pense au IX* siécle. Les textes cités par nous permettent de reculer cette date, ce qui serait plus conforme dans chaque pays voisin pratiquant ce régime; Dalmatie connaissant aussi le codage latin.
3 Voir BRUSTER
Cüälätori
(1972),
pp.
sträini
despre
67-213;
(1977),
la Moravie,
la Slovaquie, la Croatie et la
Tàrile Romane, Buc. I (1968) - V (1973); A. ARMpp.
70-224;
E.
SrXnescu,
"Numele.."
(1969),
pp. 200-202; G. BoNrANTE (1973). * Ou Eflak et Kara-Eflak (la Valachie). Pour le codage ottoman de ius Valacbicum, voir ci-dessous, n. 62. Ulak est la forme préottomane,
surtout coumane.
Pour les formes plus rares, Blacki chez S. de Kéza (fin du XIII's.) qui parle aussi de
Ulachi
(en
Niebelungenlied,
soulignant
Rámunc
qu'ils
sont
(Romanus,
seuls
d'origine
romaine),
Roman),
chef
des Vidchen,
Blasi
sans
(1308)
oublier
et,
dans
Vlacbin
chez Rodolphe d'Ems (avant 1254) et Blaci chez Rodrigue Jimenez de Rada (Tolède, 1243), voir À. ARMBRUSTER (1972), pp. 32-37. # ST. BREZEANU (1976), p. 220: motivation intéressante de l'apparition tardive (XI* s.) de Blachoi dans les actes officiels et chez les intellectuels byzantins; on conteste la filière byzantine de Balak' (A. Decer, 1939), mais cf. Balachia (1437), ci-dessus, n. 10. Quant aux mentions des sources hagiographiques (ci-dessus, n. 4), l'auteur admet une circulation "populaire" de Blachos. Elle est forcément antérieure aux actes de Basile II (1020 et 1050), et par la mention des Blachoréchines ou Blachorynchines (les Vlaques de
la rivière de Rhéchios) remonterait à 657 (voir la bibl. chez G. IvXnescu [1980], p. 271). Le géographe arménien pouvait fort bien la connaitre et avait intérét à en faire état. Quoi qu'il en soit, faute de filière byzantine il faudrait admettre que celui-ci a pu connaître la terminologie slave, directement. Pour notre propos cette inflexion ne modifie pas le tableau que nous croyons pouvoir proposer. Voir ci-dessus, n. 4.
419
à la logique historique 9. D'autre part, la mention d'un Ulak ili (a. 839) dans la chronique turque d'Oguz Khán (XI* s.), suppose la préexistence d'un modèle slave du type Valab 9. E) La terminologie valachisée présente des particularités et de multiples implications, selon qu'elle s'est manifestée:
— à l'intérieur d'une vaste masse de populations roumaines de base; — en rapport avec des groupes d'éléments roumains de dimensions variables, en dehors des frontières de Valachie, Moldavie et Transylvanie; —
dans les relations internationales et culturelles, mettant en cause des
intéréts bilatéraux ou multilatéraux qui se répercutaient sur les affaires des pays roumains et de leur population. La signification des principaux éléments de cette terminologie fidèlement celle de Romanus/Romania, examinée jusqu'à présent: a) Valachus,
Vlachus,
Valachia
possèdent
le sens
refléte
le plus général de
Rumáni, románi, Rumánia, par dessus les frontières politiques. b) Vlachus, Valachus, Valachia se rapportent aussi à la Tara carpathodanubienne et à ses habitants. c) Vlab, vlas, pl. vlafi désignent le rumán-serf, le vecin (paroikos), exclusivement dans la principauté de Valachie jusqu'en 1746. A partir de vlah, vlas, il n'existe pas de nom abstrait correspondant à rumdrie-servage. d-e) Grande Valachie — d'abord la Moldavie, ensuite la Valachie — Petite Valachie — la Valachie, ensuite la Moldavie d'un cóté, l'Olténie de l'autre. Ces deux appellations ont eu une double histoire, aux XIV*-XV* siècles (opposition des deux Etats libres) et au XVIII" siècle [opposition de la kleine Wallachei = l'Olténie annexée par l'Autriche de 1718 à 1739, (grande) Valabia, Muntenia proprement-dite, de l'Olt à la Dobroudja].
à la
f) Grande et petite Valachie = des Romaniae balkaniques qu'il n'est pas toujours aisé de situer sur la carte. Chez Kekaumenos,
la Thessalie
ap-
paraît aussi comme une Grande Valacbie, dénomination Romania que ses membres avaient commencé par former.
transposant
la
£) Viab, Valab = tardivement, incidemment, et surtout en dehors des
frontiéres des pays roumains. On désigne ainsi des non-Roumains que l'occupation pastorale (bergers sédentarisés ou transhumants) avait amenés en contact avec des groupes ethniquement roumains (valaques) “. 42 Avant cette date les Slaves devraient utiliser cependant un appellatif pour désigner les populations romanisées. # Voir M. A. EknEM (1980; 1982), dont l'hypothèse reste à être confirmée. 4 Voir I. Iorpan (1963), p. 305; AL. RosETTI (1968), pp. 285-348; V. ARVINTE (1979),
p.
334;
1980, p. 178. 420
G.
IvAnescu
(1980),
pp.
285-348;
Istoria
dreptului
románesc,
Buc.
En groupes de dimensions variables, des ‘“Valaques” devenus non-roumanophones continuent à porter leur ethnonyme initial, selon les conditions locales d'une dénationalisation inévitable et reconnue par tous les historiens roumains.
Dans
le méme
temps,
on congoit
qu'une communauté
roumaine
de ius Valachicum ait été relayée sur le tard par des non-roumanophones d'origine ethnique diverse. Les redevances restaient les mêmes et la garantie portait, en fait, sur leurs coutumes propres, avec maintien des dispositions d'ordre public. Dans de tels cas, la technique du ius Valachicum devenait un moule juridique et s'acheminait vers sa disparition, en tant que tel. Dans les régions extérieures, cette disparition sera suivie d'une
dénationalisation
to-
tale, ou peu s'en faut. Au centre du territoire roumain, la population roumaine
se maintient,
ses coutumes
aussi,
et une
relative
autonomie
locale
persiste, sans le nom de ius Valacbicum et souvent — sans paradoxe — en tant que "statut" paralégal. Cette acception (secondaire pendant longtemps, sporadique et tardivement dérivée), certains historiens et linguistes étrangers ont voulu la transformer en négation du caractère primordialement ethnonymique de Via, Valab, Volob. Leurs collègues roumains, tout en acceptant la dérivation tardive, lorsqu'elle était prouvée, comme possible, ne sont pas d'accord avec sa généralisation excessive et contraire à la plus évidente réalité historique* Quant aux efforts assez anciens ou récents de voix isolées qui essaient de rattacher Viab, Voloh à une racine non-germanique à signification péjorative ou socio-professionnelle (l"berger", ''pasteur"), ils semblent devoir rester vains, aussi longtemps que des appellatifs de la méme famille se retrouveront utilisés pour désigner les autres peuples romans ou néo-latins, et il n'y a pas lieu d'y insister autrement. L'historiographie soviétique, polonaise, tchéque, hongroise, yougoslave s'en tient à l'étymologie traditionnelle et dominante. Un bon connaisseur du probléme valaque, tel Josef Maëurek, qui est loin de rester un isolé, en l'adoptant, a le mérite de mettre en lumiére la position économique (main-d'euvre qualifiée, technique de la production, ambivalence professionnelle, qualité des produits, endurance et adaptabilité compétitive à des conditions difficiles, aptitudes militaires) des Valaques ethniquement roumains. Et il souligne que c'est là que réside la cause initiale du succès remporté par le régime de ius Valachicum, avant qu'il ne soit dépassé 4 J. MaCuREK (1959) ch. I° et pp. 482; 484; 496: «on ne peut guère affirmer que le mot “Valaque” ne signifie point la dépendance d'un certain ensemble ethnique... (qui) ne perdait pas les restes de ses qualités ethniques typiques (c'est-à-dire roumaines)»; cf. ci-dessous, n. 58. L'exagération du sens professionnel de vlah, valab (pasteurs nomades) devrait appartenir à une étape révolue de l'historiographie sud-est européenne. Elle persiste encore en 1956 chez I. Marr, réfuté par A. ARMBRUSTER (1972), p. 14. En polonais moderne: Wiocby = Italie; Wiocb, Wioszka; Wioski = italien, italienne; starowloski = (caractères) italiques (anciens). En 1923 le gouvernement italien réclamait, d'Etat à Etat, l'emploi d'un terme dérivé d'Italia, sans détour historique. En 1933, un petit dictionnaire du type Pawel Kalina ne contenait que le terme traditionnel de Wéochy,
pour désigner l'Italie.
421
par l’évolution sociale, économique et militaire, à une échelle supercommunautaire ou régionale. Maëurek a raison de souligner aussi l'importance, on pourrait dire européenne, de l'étude d'un si ample et difficile probléme d'histoire interdisciplinare.
6.
Conclusions
De l'analyse de l'énorme masse de documents et sources narratives disponibles, ainsi que de la vaste littérature du sujet, notre étude de terminologie historique se doit de dégager amplement les constatations et conclusions suivantes. La terminologie valaque concorde avec celle qui a toujours été axée sur Romanus/ Romania, la confirme et la rend irréductible, mais ne prend jamais une racine populaire chez les Roumains et ne chasse jamais la terminologie d'origine roumaine. Mais elle est productive dans la toponymie et l'onomastique roumaines.
La terminologie valaque maintient les Roumains, dans le contexte historique de la Romanité européenne, tout en les érigeant à juste titre en unique représentant unitaire de la Romanité orientale. Lorsque, le 28 juillet 1468, un chrysobulle d'Etienne le Grand en Moldavie, aprés avoir utilisé plusieurs fois le titre officiel de Zerzlja Moldavskaja = Pays Moldave ou de Moldavie, glisse une seule fois dans son texte le synonyme de Voloskaja Zemlja , il est évident
qu'au
niveau
des
chancelleries
et des
relations
internationales,
la
Moldavie était perçue et traitée comme un pays "'valaque", c'est-à-dire un pays de Valaques roumanophones. C'est à ce titre qu'il se rattachait, comme le pays voisin et frère, l'Ouggrovlabia, à la notion de romanisé, de romanophone, i.e. Valabi, Volobi, avec l'origine dans l’appellatif germanique, Walba, Welscben. Lorsque la mythologie s'empare de Vlachus pour l'expliquer par un etymon romain, on invente au XVI* siècle la légende du général Flaccus, fondateur colonisateur du peuple roumain, en suggérant que par corruption Vlacbus dérive de Flaccus. Lancée par des humanistes imaginatifs, mais pas toujours innocents, cette légende a fait polariser autour d'elle des détails valachophobes qui n'intéressent pas ici.
La dualité terminologique Romanus-Vlachus a provoqué, avec une collaboration et sous une inspiration nord-slave, la légende des deux frères, Roman-Vlabata®, chefs courageux qui deviennent les fondateurs éponymes 46 Dans le méme document on peut voir que le pays de Moldavie est un pays valaque (l'une des Valachies connues), mais on ne peut traduire les deux appellatifs différents par moldovenesc (eascá), comme le faisait I. BocpAN (1913), p. 301, n° 135.
La Moldavie est rattachée à son peuple roumain (valaque) par une riche terminologie médiévale, soulignée par A. ARMBRUSTER (1972), p. 40: Moldowlabia, Maurovlabia, Vlachia major ou minor, Rosovlabia et, pour les Polonais, Valacbia. 4 Voir G. I. BrXrianu (1945), pp. 156-165; E. STXNESCU (1964),
pp.
970-971;
A. ARMBRUSTER (1972), pp. 67-71; V. CANDEA (1965), pp. 39-40. Pour Flacbia (Flaccus,
422
des Roumains
sous leur double
appellation de Rumäni
(= Roman)
et de
Viabi (x* Vlabata). La légende exprime correctement et avec la force du mythe généalogique l'identité de Romanus et Vlachus, en rattachant les deux appellatifs à l'origine romaine du peuple roumain, ce qui excluait pour Viab, Volob l’acception de berger. Notons en passant que, par l'intermédiaire du slavon, Romanus, devenu Roman, a pénétré dès le XIV* siècle ou plus tôt, chez
les Roumains, à cóté de l'originel rumán, et a été trés productif comme toponyme (Roman, Romanat, Romanat, Romanejti) ou comme anthroponyme (Roman, Romanescu
etc.). La parenté intuitive avec rumdn,
románesc
a dû
être pour beaucoup dans cette diffusion. Nombreux sont, dès le XV* siècle, les voyageurs étrangers (missionnaires, ambassadeurs, lettrés, aventuriers, guerriers et hommes
d’affaires) qui attes-
tent que les Roumains eux-mêmes ne se sont jamais appelés entre eux autrement que par le nom de rwmäni *. Les formules de contact citées sont stéréotypiquement: sunt rumdn, sti rumäneste? Et le narrateur de les rapprocher de leur calque latin:
sum
Romanus,
scis romanice?
Seuls les Mégléno-rou-
mains et les Istro-roumains utilisent le terme de v/ab pour se dénominer euxmémes en général ou dans certains villages. On n'a pas approfondi la date et les conditions concrétes de cette mutation dérogatoire. En effet, dés 1872, Gaston
Paris
démontrait que ce fort attachement
à son ethnonyme,
avec
une sorte de réflexe de rejet envers l'appellatif forgé à l'extérieur, se vérifie également en Occident et il en a multiplié les exemples. Le contraire est une exception ayant besoin d'étre expliquée; en précisant que dans le cas du binome rumân-valab la substitution, si elle avait eu lieu, sans être indifférente,
n'aurait rien changé au fond des réalités historiques à exprimer. Mais pour ce qui est des historiens de la continuité romano-roumaine (et pour le rôle du terme de Roumain dans le processus de formation de la conscience nationale), leurs analyses et leurs conclusions auraient été différentes de ce qu'elles sont forcément en ce moment. Quant aux connotations négatives ou péjoratives se rattachant, dans certaines conditions historiques, à l'éthnonyme vlab, valab, volob, et surtout oláb, elles non plus n'ont rien d'exceptionnel . De tels échanges réciproques entre voisins, peuples concurrents ou rivaux, font partie d'un rituel de bons offices, enregistrés méme dans les proverbes de la sagesse populaire. Ils n'excluent pas le cóté positif des mémes rapports. L'exemple classique est justement celui des Romani et des Barbari germaniques, devenus cofondateurs d'une nouvelle Europe. Attirés, séduits, médusés par les richesses et les splendeurs romaines, ils étaient les mieux placés pour parler, en conquéchez
Ansbertus,
d'Ancona
le chroniqueur
de
la III' Croisade),
(Ière moitié du XV*s.), voir A. ARMBRUSTER
5 Nombreux
témoignages
concordants,
Φ 6. Paris (1909). 9 Voir chez A. ARMBRUSTER
(1972),
et
aussi
Flaccia,
chez
Ciriaco
(1972), p. 50, nn. 35-36.
voir supra, n. 39. pp.
241-249;
(1977),
pp.
253-263
un
essai
d'analyse des traditions nationales et culturelles qui se sont cristalisées dans le probléme de la romanité des Roumains.
423
rants et maîtres, avec Liutprand, par exemple, ou dans la célèbre inscription de Kassel, du déshonneur qu’entraîne le nom de Romanus ou de la stultitia Romanorum *. Le cas échéant, les Roumains ont joué le jeu de l'histoire, en constatant que l'un des leurs, devenu grand humaniste, archevéque-primat de Hongrie et régent du Royaume, a, sans géne et sans en étre détourné, gardé son nom qui rappelait son origine roumaine:
Nicolaus
Olacbus,
Nicolae Rumánul, Romanus, et dans ses écrits il ne dissimule ethnique 9. Un autre exemple de neutralisation de tout choc entre chus-Valachus se trouve dans le fait qu'à partir du XVII* victoire du roumain comme langue de chancellerie, d'église
c'est-à-dire
pas cette origine Romanus et Vlasiècle, lorsque la et de culture se
consolide, certaines formules rituelles, surtout dans la titulature des chryso-
bulles princiers, sont utilisées en slavon, avec maintien du nom du pays: Vegrovlabija (1374), Ouggrovlabija (1387), Zemlja Ouggrovlatkaja (14001403), Zemlja Uggrovlabijskaja (15.111.1631), Vlabiskija (1736) ou ...Vlabskaja (1799) *, donc aussi en pleine époque phanariote, lorsque l'impact du grec était trés marqué. Le sl. Ouggrovlabija - gr. Ouggrovlachia qui figurait dans la titulature canonique des premiers métropolitains de Valachie (1359) a été toujours conservé et figure encore à sa place, pour marquer une con-
tinuité historique qui n'a rien de négatif en elle-même. Elle illustre en méme temps le fait que la Valachie carpatho-danubienne, romanophone, était intimement liée aux Romaniae transcarpathiques, les ferrae ou syluae Blachorum dont il a été question. Le nom d'un peuple et celui de la langue qu'il parle dans son pays réel ou revendiqué comme tel, sous un nom exprimant la personnalité et l'identité historiques du peuple en question, constituent des lignes de force qui contribuent grandement à la structuration d'une histoire nationale. Ils deviennent
des facteurs décisifs dans le développement et la compréhension de nombreux problémes clés de cette histoire. Les facteurs déterminants de l'histoire se manifestent dans le cadre d'une communauté linguistique *, ouverte à l'histoire qui se fait, et véhiculant le poids de sa propre histoire. Le nom interne que se donne un peuple est l'expression d'un dynamisme qui refléte des processus profonds et qui agit sur les projets essentiels de son devenir historique. Dans le cas du peuple roumain, méme
le doublet de son nom, créé dans
le cadre des relations extérieures, avec un impact prolongé sur les réalités internes, s'il n'a pu se substituer à ces réalités, s'y est amplement adapté
et en a finalement subi un infléchissement significatif dans la perspective de la longue durée. 5! Voir C. TagLIAVINI (1977), p. 134, n. 12 (éd. ital. 19726, p. 163, n. 12). 3 Nicolaus Olachus (1493-1568), Il faisait suite à Jean de Hunyadi, voivode de Transylvanie, gouverneur du Royaume de Hongrie et père de Mathias Corvin, sur lesquels toute précision serait inutile. Voir Cálátori, I, Buc. 1968, pp. 484-500. 5$ DRHB 1 (1966), pp. 17; 22; 50; n° 6; 8; 21; DRHB 23 (1969), p. 348, n° 219; DRA 1 (1961), pp. 359; 900; n* 180; 718. 5 Voir V. ARVINTE (1979), p. 323 et n. 1; cf. G. Paris (1909).
424
Telles sont les orientations interprétatives et méthodologiques difficilement contestables en elles-mêmes, qui me semblent se dégager avec force de la riche littérature de notre thème, que j'ai pu consulter et dont l'essentiel figure dans la bibliographie de mon article. C'est la raison pour laquelle cette littérature a su insérer les aspects terminologiques dont je me suis occupé, dans le contexte d'importants et difficiles problèmes de l'histoire nationale avec des résultats enrichissants et précieux.
L'histoire roumaine de Romanus-Romania est inséparable de problèmes tels que: 4) la synthése daco-romaine et la prodigieuse histoire européenne de l'idée de romanité des Roumains *; b) la chronologie et l'aire de formation du peuple roumain *; c) la cristallisation de la conscience nationale moderne, à partir de ce que E. Stánescu a nommé les prémisses féodales, à savoir la conscience de peuple, en roumain: la conscience de seam (natio); d) la lutte pour l'émancipation politique ou nationale 7; e) la structure et la modernisation de la culture à l'époque de l’humanisme (XVII* s.), des Lumières (XVIII* s.) et durant le XIX* siècle 53, 5 L'étude et le modèle de cette synthèse n'ont que tout à gagner des résultats des recherches déjà anciennes de thraco-dacologie, orientées, avec une rigueur reconnue, par Vasile Párvan (1882-1927), sans devoir frapper d'oubli ce qui a été remarquable dans
le
romantisme
de
B.P.
Hasdeu.
Les
possibilités
de
renouveau
de
l'histoire
de
la
romanité des Roumains se reflètent dans les travaux de Stefan Pascu, St. Stefánescu, Serban Papacostea et Adolf Armbruster, sans oublier l'apport des archéologues, des linguistes et des historiens de la culture (Al. Dutu, V. Cándea etc.). % Sur le problème de la continuité, voir une analyse convaincante et une bibliographie pratiquement exhaustive, chez N. SrorcEscu (1980); adde les débats organisés par l'Académie des sciences sociales et politiques le 5 octobre 1977 sur le róle de
l'histoire des institutions (voir le c.r. par Barbu B. BERCEANU in Revista románd de drept 34
[1978],
pp.
71-74)
sur la formation
et par
du peuple
la Commission
roumain
de l’Académie
de
la R.S.
et de sa langue, le 27 septembre
de
Roumanie
1982
sous la
présidence de Stefan Pascu (avec exposés de H. Miháescu, Al. Niculescu, Radu Popa, Emile Vrabie, R. Theodorescu, N. Stoicescu et, aprés les débats, conclusions du président). Pour l'apport de l'archéologie à la solution du probléme on devrait tout citer depuis V. Párvan, mais voir à la Bibliographie Daicoviciu, Bárzu, Protase, Vulpe, Zaharia et la bibliographie essentielle chez N. Sroicescu (1980), pp. 159-178; (1983), pp. 196-221. 5! Les deux principales étapes sont: a) celle des chroniqueurs humanistes du XVII* s. y compris D. Cantemir (1673-1723) et b) au XVIII*s., celle de l'école "latiniste" des
Transylvains.
La bibliographie, d'une extrême
Il convient de noter, avec la monumentale
richesse, excède
monographie
le cadre de cet exposé.
de D. Proban
(éd. angl.
1971),
le moment du Supplex libellus Valacborum (1791). Dans le style de l’époque encore impériale et féodale (Supplex libellus) avec référence de circulation officielle (Valacborurm), ce sont
l'idée
de
romanité
et de
roumanité,
la continuité
Transylvanie et la nouvelle égalité des nations modernes
historique
de
Romanus
en
qui constituent le fondement
de la lutte politique déclenchée par les Romani > Romäni pour la conquête d'un statut égal à celui des autres nationalités cohabitantes. 55 La riche bibliographie est irréductible à l'espace dont je dispose ici.
425
L'inventaire terminologique d'aujourd'hui a laissé de côté le problème de la Dacia et du terme Dacus, comme rappel renforçant la Romania norddanubienne et ses Romani, envisagés dans leur historicité locale. C'est tout d'abord Rome elle-même qui avait soudé les termes de Romsanus/Romania et Dacus/Dacia, puisque la province ou les provinces créées au Nord
du Danube portèrent le nom
de Dacia, dont le programme
fut exprimé par la devise de Dacia felix, Danube après 271. Chez les chroniqueurs écrivains et voyageurs étrangers, dès les même soudure se retrouve dès qu'il s'agit On peut enfin souligner le fait que tous
politique
avec transfert du nom au Sud du des XVII*-XVIIT* siècles, chez les premières mentions existantes, la d'expliquer l'origine des Roumains. les projets axés sur la résurrection
d'une Dacia au XVIII* siècle, par la politique intéressée de telle cour impé-
riale, aboutissaient à l'affirmation de la méme unité roumaine, exprimée par la terminologie Romania - Romanus. C'est pourquoi en 1845, lorsque N. Bálcescu lance son célébre recueil de sources de l'histoire nationale par-dessus les frontières politiques du moment, il l'appelle "Magazine historique pour
la Dacie”, c'est-à-dire pour tous les Roumains. C'est avec la même signification que les chroniqueurs des siècles précédents avaient concilié l'idée de la romanité avec l'évocation de la Dacie, en tant que foyer originaire de leur peuple dans sa totalité. Loin de se combattre et de se contredire, la terminologie Daci, Dacia et celle de Romanus-
Romania se sont soudées dans l'esprit et la sensibilité des Roumains sous la forme synthétique, d'origine savante de Daco-Romani et Daco-Romania ®. Par analogie avec l'Occident et même avec le monde byzantin, les juristes en viennent à se demander quel système de droit, quel ensemble de règles juridiques se cachait derrière la présence du Romanus > rumdn au Nord du Danube, quel droit véhiculait-t-elle l'Administration romaine (271-276).
en Dacie,
après
le retrait de
Problème complexe que l'économie de mon exposé ne permettrait pas d'aborder ici 9. Il obligerait à évoquer les origines du droit roumain et sa structure générale. En dépit d'un certain vide au niveau des structures juridiques et judiciaires officielles, une continuité juridique coutumiére et vulgarisante a dà exister. La terminologie juridique déjà citée en témoigne. Mais il n'y eut pas de régime de leges romanae Barbarorum, pas non plus de régime de droit écrit passé à l'état de coutume comme dans le Midi de la France, à partir du Codex Theodosianus, pas de continuité de droit étatique en marche comme dans l'Empire romain d'Orient. Dans les cadres communautaires des villages, des confédérations de vallée ou de farà, les Romani > rumáni conservaient et développaient des coutumes à côté d'une /ex, lege qui se confondait avec l'enseignement moral et la foi
59 Voir
à présent
A.
ARMBRUSTER
(1972;
1977)
passim
et surtout
à partir
de
la p. 195.
Synthèse et bibliographie de V. AL. GEORGESCU in Istoria dreptului romänesc (1980), pp. 172-289; 619; voir aussi In., Studi 13 (1960), c.r. sur S. Dragomir (1959).
426
de l'Eglise et de la tradition cristallisée sous forme de legea tärii (lex terrae). Tout cela dans un contexte plus large oà la pravila byzantine (au début en traduction slave) véhiculait un droit impérial cecuménique au niveau de l'Eglise mieux organisée et d'un pouvoir politique local, encore à ses débuts. Aprés le tournant de l'an Mille, dans le cadre d'un féodalisme étranger (hongrois, polonais, serbe et croate‘, morave et ottoman 9, l'autonomie locale des communautés roumaines de la région intéressée se cristallisait sous forme de ius Valacbicum (voir ci-dessus), expression savante forgée par les juristes de l'Etat dominant, à la poursuite de sa politique d'expansion. Mais celle-ci n'en assurait pas moins à son insu la continuité des coutumes roumaines (Valacbicae) qui aux XIV*-XV* siècles, dans les voivodats libres de Valachie et de Moldavie, se retrouvent — avec un rôle féodalo-national — sous forme de legea fárii, de coutume (obicei, datinä), même de lege romá-
neascä, sans que le syntagme de ius Valacbicum y ait cours. Par la suite, la legea färii nous ramènera à son substrat thraco-dace et à ses fondements roumains. Eléments génétiquement constitutifs, constamment mis à l'épreuve
d'un présent renouvelé et plutót ouvert qu'imprévisible. Nombre de ces épreuves se révèlent, à nos yeux, maîtrisées et enrichissantes dans des synthéses que seul l'historien moderne pergoit et énonce.
La coutume a cheminé dans l'histoire, dès les premières formes d'organisation ecclésiastique et politique, en s'accommodant de la "'réception-trans61 Voir S. DracomiR
(1959), avec, pour le milieu du XV*s., le chrysobulle du ban
de Dalmatie et de Croatie, Han} Frankapan (Leges Valacbicae), technique développée par les Ottomans sous forme de codes ou réglements des vojsuq (soldats, guerriers) valaques, remarquablement étudiés par N. BELDICEANU (1976). Adde: A. TANASOCA (1981), p. 1514, nn. 3-11. € La réception du régime de ius Valachicum balkanique en droit ottoman (adet-i
Eflakije) a lieu dans les mêmes zones où il avait été pratiqué précédemment avec une terminologie slave ou latine. Un accent accru ou exclusif était mis sur les qualités des soldats (vojnuq) ou miniers que fournissaient les communautés valaques. Le calque ottoman de l'ethonyme slave (v/ah) signifiant “roumain” est évident et généralisé dans les rapports roumaino-ottomans. Encore une preuve de l'origine ethniquement valaque des vojnug en question, la plupart des hommes libres. relativement privilégiés par le statut d'autonomie
locale qu'il savaient mériter et rendre intéressant pour le pouvoir du Grand Seigneur. La structure du régime ottoman du adet-i Eflakije infirme les vues fondées sur le nomadisme absolu et généralisé des fameux pátres et bergers valaques. Les résultats de l'école du prof. N. Beldiceanu seront sans doute englobés dans une large vision sud-est européenne du Ius Valachicum (voir déjà A. Tanasoca [1981], et la bibl. antérieure citée). Le probléme clé des autonomies locales a déjà été abordé pour l'ensemble de l'Émpir ottoman, en commençant par les XVI"-XVIII" siècles (I. Matei, à paraître, cf. A., TanasocA
Quant
[1981],
p.
1515, n.
11).
au terme de vojnug, d'origine slave (roum.
voinic), on peut se demander
s'il
n'a été précédé par un vocable d'origine latine, du type osta; qui a pu se conserver dans le daco-roumain, sans exclure l'entrée de voinic avec acception particulière. Les tentations du nomadisme valaque dans les Balkans se sont encore fait sentir aux deux Symposia (voir Simpozijum, 1963, 1973) de Serajevo consacrés au problème des katuns et des Vlaques balkaniques. Pour la justesse de la position de N. Beldiceanu et O.L. Barkan, pour les réserves que suscite la conception de Duëanka Bojantié et de G. Elezovié, voir A. TANASOCA
(1981), p. 1515, n. 13.
427
fert" du droit romano-byzantin et du droit canonique de plus en plus oriental. A l'époque, ni le scénario de la réception, ni celui du transfert portant sur le droit canon et sur le droit de l’oecuménicite impériale (ius gentium, νόμοι ἐθνικοί), n'avait pour le mental collectif ou objectivement le caractère ou la fonction d'un droit étranger. Cette dernière vision herdérienne et savignienne surgit à la fin du XVIII* siécle et au début du siécle suivant et
devint ensuite positiviste et organiciste. C'est-à-dire aprés l'insertion idéologique du droit dans les mécanismes juridico-révolutionnaires (1789) propres à la souveraineté nationale et au romantique Volksgeist. Ce dernier à une portée génétiquement antirévolutionnaire ou du moins sécurisante (par une
limitation du “progrès” et de la "mobilité sociale dialectique” à une simple "évolution lente et graduelle") chez Savigny et les conservateurs "libéraux", bien représentés dans le Sud-Est, et plus particulièrement en Roumanie, au XIX° siècle. Là, le Volksgeist servit aussi à l'enracinement historique, à l'affirmation d'une identité culturelle, avec insertion valorisante dans l'histoire universelle (N. Iorga etc.).
À travers des heurts, des oppositions fécondes et des interférences, la coutume
roumaine,
archaïque
et orale,
progressivement
enrayée
par
l’his-
toire, a trouvé dans la "réception-transfert" romano-byzantine un retour à des sources elles aussi renouvelées et universalisées. “Réception-transfert” rehaussé, aux XVIII*-XIX* siécles, d'alluvions occidentales qui avaient —
ganiquement, depuis des siècles — et
savamment
systématisé
et
or-
européanisé le droit latin de Justinien
valorisé
les
coutumes
occidentales
(locales,
étriquées, ambiguës, un peu lentes). C'est ce qui historiquement fut une bonne base de départ pour la modernisation du droit des Romani-romäni carpatho-danubiens, au XIX* siècle. Car celle-ci justement se poursuit dans un contexte occidental se rattachant lui aussi à des origines à la fois romaines, chrétiennes, justiniennes et de communauté
agraire. Ces
communautés,
les unes,
libres;
les autres,
féoda-
dalement dépendantes. Le tout préparant un avenir bientôt porteur d'un dynamisme mondial par sa structure économique et son idéologie nationale, à partir de la juxtaposition de nations égales en droits et jalousement souveraines, alors que la réalité internationale demeurait hiérarchique et assujettissante.
La morale de cette analyse — si l’histoire tolére au moins la morale d'une fable non-imaginaire — me semble être celle-ci. Romanus-romän, en tant que solitaire et vigoureux survivant de la romanité orientale, ainsi que
l'histoire complexe du droit qui "se tient" derrière ce binome, de 212 — et méme d'avant 102-106 — au XX* siècle, témoigne bien de la réalité historique que l'on appelle la Roma Aeterna, la Nea Rome, l'Aeternitas Romana. Ce qui fait le prix et la grandeur apaisante de cette éternité, c'est que autant Rome que la Nea Rome ont permis à leurs "continuateurs" d’être si différents de leurs modèles matriciels et immortels. C'est ce qui rend fière la mémoire romaine de ces continuateurs, si prometteuses la joie et les peines fécondes de leur devenir impénitent. 428
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Européennes; Rev. de ist. = Revista de istorie, Bucarest, suite de la revue Studii; RRH = Revue Roumaine d'Histoire, Bucarest; RRL = Revue Roumaine de Linguistique; sl. = slave; SOF = Südost-Forschungen: StCLing. = Studii si Cercetàri Lingvistice, Bucarest; s., ss. = siècle, siècles; ZRPb. = Zeitschrift für romanische Philologie.
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436
CESARE
ALZATI
ETNIA E UNIVERSALISMO. NOTE IN MARGINE ALLA CONTINUITÀ DEL TERMINE ROMANUS TRA LE GENTI ROMENE
1. Una serie di testimonianze relative alle provincie del corso inferiore del Danubio offre una chiara conferma del fatto che la Constitutio Antoniniana del 212 in effetti non riguardò tutte le genti dell'Impero!, e tuttavia pure in quest'area lo status di civis romanus fu situazione non ignota, anche
in ambito
rurale,
grazie
ai locali
veterani
missi
bomesta
missione,
il
cui ruolo, nel processo di identificazione delle locali popolazioni con la realtà istituzionale di Roma e con i valori ideali che ad essa si collegavano, dovette essere pertanto decisivo ?. Se alla metà del I secolo il Danubio costituiva agli occhi di Seneca la linea di demarcazione fra mondo
sarmatico
e mondo
romano !, e se Traiano
agli inizi del secolo successivo riuscí ad estendere territorialmente quest'ultimo ben oltre il fiume fino ad inglobarvi la Dacia, ἃ in effetti nell'assunzione della cittadinanza romana che deve vedersi uno dei presupposti fondamentali perché anche qui si venisse sviluppando quel fenomeno, comune pure ad altre provincie dell'Inpero, per cui la Romania poté divenire, da realtà territoriale-politica, valore permanente di civiltà acquisito nelle coscienze *. ! E.
ConpuracHÒi,
"La
Costituzione
Antoniniana
e la sua
applicazione
neli'Impeto
romano", Dacia, n.s., 2 (1958), pp. 290 ss. ? Puscariu, come noto, ne volle vedere un riflesso nello stesso lessico romeno con riferimento alle parole veteranum e miles: S. Puscariu, Die rumänische Sprache, Leipzig 1943, p. 459; cfr. G. BONFANTE, Studii romeni, Roma 1973 (Società Accademica Romena.
Collana di studi e saggi, 6), pp. 273-274. 3 « Danuuius Sarmatica ac Romana disterminet »: Seneca, Naturales quaestiones: de ignibus, praef., 9, ed. P. OLTREMARE, Paris 1929 (Coll. des Univ. de France), p. 9; per la
datazione dell'opera agli anni tra il 61 e il 64: ibid., pp. VI.VIII. * Quanto al termine Romania, esso, come noto, appare in area danubiana nell'espressione «in solo Romaniae » della lettera di Aussenzio di Dorostorum, databile attorno al 383, conservata negli scolia di Massimino al concilio aquileiese del 381: Aussenzio di Dorostorum,
Epistola
Ambrosium,
ed.
R.
de
fide,
Gryson,
vita
et
in Scolies
(Sources Chrétiennes, CCLXVII),
obitu
Wulfilae,
Ariennes
in
Massimino,
sur le Concile
Dissertatio
d'Aquilée,
Paris
contra
1980
pp. 246, 248; per la datazione, p. 63. Ma poco prima
437
E quanto profonda e sentita fosse stata tale acquisizione nelle varie popolazioni provinciali, lo si -poté verificare al momento dello sfascio delle strutture istituzionali romane sotto l'urto delle genti in migrazione, quando, di fronte all'affermarsi della barbaries e al più o meno consistente vanificarsi della presenza imperiale, uomini appartenenti a stirpi africane, celtiche, italiche. si sentirono e si dissero tutti romani.
Evidentemente nel nuovo contesto dei regni barbarici (si pensi ad esempio al regno africano dei Vandali) l'appellativo romanus perse quella precisa valenza ‘politica’ che gli era stata propria precedentemente e che si connetteva alla condizione
di civis nell'Impero;
ma
è altrettanto chiaro, d'altra parte,
come tale denominazione, almeno per le popolazioni che se ne fregiavano, neppure assumesse allora un significato d’ordine etnico in senso stretto. La consapevolezza della propria identità originaria infatti non appare essere venuta meno in loro con l’inserimento nell’orbe romano;
e del resto durante
tutta l’età imperiale la stessa denominazione delle provincie spesso ne portava il riflesso. Sicché in questo termine romzani, con cui i diversi popoli facenti un tempo parte dell'Impero si vennero autodefinendo dopo il venir meno delle istituzioni imperiali in età tardo-artica, perduta ormai la significazione politica di cittadinanza e assente in esso una valenza d'ordine propriamente etnico, non può vedersi che l’espressione del sentimento di appartenenza, che
tutti accomunava,
nei confronti
di una
patrimonio di civiltà che a Roma e al zione istituzionale e un patrimonio di fatto diretta esperienza per un arco di erano state in ogni caso profondamente
tradizione istituzionale e di un
suo Impero si legavano. Una tradiciviltà di cui queste genti avevano tempo più o meno lungo e da cui segnate 5.
già era stato qui usato nella greca Passio $. Sabae Gotbi, 4,8, ed. H. DELEHAYE, Analecta Bollandiana, 31 (1912), pp. 218, 221 (Saba fu martirizzato nel fiume Buzäu il 12 aprile 372; per la datazione della Passio ad anno di poco successivo: ibid., pp. 288-291). Il termine è del resto attestato per l'ambito linguistico greco anche in Atanasio (Historia Arianorum, 35, ed. H. G. Oprrz, II, Berlin 1941, p. 202) e in Epifanio (Panarion, haer. LXIX, 2, ed. F. OFHLer, I, Berolini 1860, p. 588); in ambiente africano ne fa uso Possidio nella Vita Augustini, XXX, 1 (ed. A.A. R. BASTIAENSEN, Fondaz. Lorenzo Valla
1975, p. 212).
* Un eloquente esempio in tal senso pud vedersi per l'area africana in Fulgenzio di Ruspe che, rivolgendosi agli inizi del secolo VI al vandalo re Trasimondo, proprie sulla base del diverso atteggiamento culturale, frutto ovviamente di differente tradizione, venne contrapponendo dialetticamente romanus a barbarus (Ad Trasamundum regem libri ΠῚ: I, De Mysterio Mediatoris, II, 2, ed. J. Frarpont, Turnholti 1968 (CC, XCI), p. 99. Binomio che nello stes:o secolo Venanzio Fortunato avrebbe riproposto, in riferimento alla realtà delle Gallie, nella forma Barbaries - Romania (Carmina, VI, II. ed. F. Lro, Berolini 1881 [MGH, AA, IV, 1], p. 131), Merita essere ricordato che, oltre alla lingua latina, un aspetto fondamentale di continuità romana fu per le popolazioni dell'Occidente sotto. dominazione barbarica il cosiddetto "diritto romano volgare", e cio? l'applicazione pragmatica del diritto in quanto vissuto e praticato quotidianamente senza eccessivi legami col cosiddetto diritto ufficiale; per un profilo delle problematiche connesse a questo tema: F. Catasso, "Diritto volgare, diritti romanzi, diritto comune", in Introduzione αἱ Diritto Comune, Milano 1951, pp. 209 ss.
438
2. Anche in area carpato-danubiana il fenomeno pato in forme non dissimili. Col 275, avendo
sembra essersi svilup-
Aureliano riportato il lîimes romano al Danubio, i terri-
tori dell'antica Dacia si erano venuti a trovate estromessi dalla compagine amministrativa dell'Impero; e tuttavia quest'ultimo non aveva cessato d'esercitarvi in modo più o meno stretto una propria influenza, riprendendo talvolta anche il diretto controllo delle aree immediatamente a settentrione del grande fiume 5. | Anche per questa continuità di rapporti — cui la vita ecclesiastica avrebbe. dato a sua volta un contributo essenziale — le antiche popolazioni della Dacia furono in grado di non perdere la consapevolezza della propria appartenenza all'ambito di civiltà e alla tradizione istituzionale dell'Impero. In tal senso le testimonianze archeologiche, che le indagini condotte in questi ultimi decenni
hanno
messo
in luce, suonano
come
positiva conferma,
attestando
nella cultura materiale una significativa continuità, con evoluzioni e riprese, di forme di chiara radice "romana" ?. Alla luce di tali testimonianze risulta pertanto assai meno indecifrabile la continuità linguistica e di identità "romana" qui conservatasi attraverso i secoli, Occupandosi del problema in un lavoro dedicato al Cimitero 2 di Bratei (sec. VII-VIII),
Eugenia
Zaharia
ha sottolineato la stretta connessione
che
lega i dati archeologici emergenti da questi scavi con le testimonianze d'età successiva *. Ma
oltre a identificare
una
continuità
di cultura
materiale,
la Zaharia
non ha tralasciato di far riferimento anche a una continuità . d'ordine istituzionale. Riferendosi alle specifiche forme di vita sociale presenti nei villaggi liberi romeni d'età medioevale, quali sono state evidenziate in particolare da Henri
H. Stahl?, la studiosa romena ha fatto notare le coincidenze esi-
stenti tra gli aspetti istituzionali di tali comunità e quelli propri ai comuni $ In particolare Costantino provvide a ripristinare sulla sponda settentrionale Sucidava, a difesa del ponte sul Danubio, e Drobeta, nonché a fondare Costantiniana Dafne. Un consistente impegno per il consolidamento romano in quell'area si sarebbe ancora riproposto con Giustiniano. Cfr. Istoria Rominiei, Ed. Academiei Rep. Pop. Romiîne, I, Bucuresti 1960, pp. 615ss., in particolare 647-665; per le testimonianze letterarie in merito: Izvoarele Istoriei Romäniei - Fontes Historiae Dacoromanae, II, Bucuresti 1970. 7 Cfr. il lavoro più oltre citato di E. Zanaria, Populafia románeascá în Transilvania în secolele VII-VIII. Cimitirul nr. 2 de la Bratei, Bucuresti 1977, in particolare le pp. 102-105. 8 Testimonianze inerenti la cosiddetta Cultura Dridu; in merito E. ZaHaria, Säpäturile de la Dridu. Contribufie la archeologia si istoria perioadei de formare a poporului romdn, Bucuresti 1967. 9 Classica ormai la sua grandiosa opera Contribujii la studiul satelor devàlmase romdnesti, 3 voll, Bucuresti 1958, 1959, 1965; una sintesi successiva: Les anciennes communautés villageoises roumaines, Bucarest-Paris 1969 (Bibliotheca Historica Romaniae, Monographies, 6); trad. it.: La comunità di villaggio, trad. e note a cura di B. VALOTA CAVALLOTTI, Milano 1976.
439
rurali, bizantini, prima fra tutte il carattere ereditario della proprietà ". La Zaharia ha rimarcato inoltre come durante il periodo di maggior splendore dei comuni rurali nel quadro dell’Impero, e cioè approssimativamente dal secolo VII, momento della loro riorganizzazione, fino al secolo X, quando iniziarono a svilupparsi fenomeni di ‘feudalizzazione’, in area carpato-danubiana si abbia appunto il fiorire delle culture di Bratei 2 e di Dridu, nelle quali è particolarmente evidente il progressivo rafforzarsi degli aspetti di tradizione “romana” e il loro imporsi sopra quelli di matrice diversa, e specificamente slava !'. Per l'ultima parte della fase Dridu in particolare, nelle aree del Basso Danubio questo fenomeno appare coincidere col riaffacciarsi della potenza imperiale, che avrebbe raggiunto il suo culmine con la vittoria di Giovanni Tsimiskes nel 971
su Svjatoslav di Kiev e l'annientamento del
primo tzarato bulgaro ad opera di Basilio II nel 1018 ". Quanto
alle caratteristiche
istituzionali del comune
rurale
bizantino,
su
di una specialmente la Zaharia ha focalizzato l'attenzione: il rapporto diretto che legava questo organismo, dal punto di vista fiscale, all'autorità centrale dell'Impero '. Un aspetto che in età medioevale appare riproposto nei rapporti tra le libere comunità di villaggio romene e i signori dei rispettivi voivodati. Per tutti questi motivi la Zaharia ha affermato, in merito ai daco-romeni e quindi ai romeni, ch'essi « attraverso la loro organizzazione social-economica si integrano nella organizzazione socialeconomica della vita rurale del. l'Impero » “. Se pertanto la continuità di civiltà materiale, cui si & fatto cenno, rende
meno sorprendente il perpetuarsi del termine romanus > rumdn all'interno di queste comunità, alla luce degli aspetti istituzionali ora ricordati sembra farsi meno misterioso anche il continuarsi' nel loro lessico del termine imperator 7» impárat.
Esso compare immediatamente nei primi scritti in lingua romena del secolo XVI e Alexandru Niculescu in una breve nota in merito ha insistito sul fatto che non si tratta di un neologismo colto, ma di un termine latino conservato
ininterrottamente dai parlanti e pienamente
integrato nel lessico
daco-romeno, in cui fin dalle prime testimonianze appare con tutti i suoi derivati 5, Non mi sembra a questo proposito inutile far notare che, mentre nel latino è dal verbo imperare che sono tratti imperium e imperator ἰδ, 10 ZAHARIA, Populafia romäneascä, cit., pp. 106-118; Eap., "Über die frühmittelalterlichen Dorfgemeinschaften. Die sozial-oókonomische und militär-politische Rolle", Revue des Etudes Sud-Est Européennes, 19 (1981), pp. 543-553. ll ZAHARIA, Populatia románeascá, cit., p. 103. V ZAHARIA, Säpäturile de la Dridu, cit., pp. 151 ss.; EAp., Populatia románeascá, cit., pp. 104-105. 7 In merito: G. OsrRoconski, "La commune rurale byzantine”, Byzantion, 32
(1962), p. 148. M lichen 15 16
440
ZAHARIA, Populafia románeascá, cit., p. 111; cfr. Eap., “Uber die frümittelalterDorfgemeinschaften", cit., pp. 545 ss. Ar. Nicutescu, Romänia Literarà, 15 (1982), nr. 13. Cosi Thesaurus Linguae Latinae, VII (1), fasc. IV, Lipsiae 1937, coll. 553 ss;
in romeno è proprio il termine fmpärat ad aver generato il sostantivo impárafie, l'aggettivo impärätesc, il verbo a impäräti. Sicché questa parola, impárat, che Niculescu giudica elemento lessicale appartenente a] fondo attivo della lingua con una costante circolazione nel linguaggio vivo, anche al di là della valutazione che possa essere data delle circostanze che ne favorirono la trasmissione,
già con la sua semplice
permanenza
costituisce una positiva
testimonianza di quanto le genti dell'antica provincia dacica, pur ridotte a un'umile vita di villaggio e sottomesse a più riprese all'egemonia di popoli d'altra civiltà, abbiano conservato consapevolezza della tradizione istituzionale che, oltre i nuovi regni, si perpetuava nell'Impero dei Romani. Ed anzi lo stesso sentirsi e dirsi romani > rumdni mi pare non disgiungibile, almeno originariamente, dalla coscienza d’appartenere in qualche modo a quell’ordine
istituzionale, di cui appunto l’împàra? costituiva il centro focale. Sicché, se il termine rumdni si pone già esso per le genti romene come un significativo indice di continuità "romana" ", non minor importanza mi pare rivestire a tale riguardo questo termine di împàrat, in quanto rivelatore
di una precisa tradizione istituzionale nella cui luce lo stesso termine rumdni sembra assumere una più compiuta significazione "9, A. VANICEK, Etymologisches Worterbuch der lateinischen Sprache, Leipzig 1881, p. 158; A. WALDE - J. B. HoFMANN, Lateinisches etymologisches Worterbucb, I, Heidelberg 1938, p. 683; A. ERNOUT - A. MEILLET, Dictionnaire étymologique de la langue latine, 1, 4* ed., Paris 1959, p. 310; ma quanto a imperator, AE. FoRCELLINI, Lexicon totius latinitatis,
curr. I. FURLANETO-F.
CorrapInI - I. Perin, Patavii
1940, p. 736, segnala anche
l'opi-
nione che vorrebbe derivare il termine dal gr. περᾶν στρατόν, 17 Cfr. A. ARMBRUSTER, Romanitatea Romdnilor. Istoria unei idei, Bucuresti 1972 (Biblioteca istoricà, 35), p. 15. Sul tema della continuità in generale un’ampia sintesi storiografica può trovarsi in N. SToicEscu, Continuitatea Romänilor, Bucuresti 1980. 18 Va notato che ímpárat, cosi ben radicato nel lessico e quindi, di riflesso, nell'orizzonte concettuale dei romeni nord-danubiani, e conservatosi pure nel megleno-romeno d’area tessalonicese, presso gli aromeni di Macedonia è caduto, sostituito dal termine d'origine turco-araba amirä (< gr. ἀμιρᾶς < trc. dmir): T. PapaHaci, Dicficnarul dialectului aromán, 2° ed., Bucuresti 1974, p. 147; cfr. Nicutescu, Románia Literarà, 15 (1982), nr. 13. Un fenomeno linguistico nel quale sembrano riflettersi quasi emblematicamente le vicende storiche della Balcania. Quanto osservato viene a riproporre la questione dell'idea imperiale presso le genti romene. Di essa s'era già occupato Nicolae Iorca, in particolare nella sua classica Byzance
après Byzance, Bucarest
1935 (cfr. O. Cicanci, "Conceptia lui Nicolae Iorga despre ‘By-
zance après Byzance'”, Nicolae lorga, istoric al Bizanfului, cur. E. SrÁNESCU, Bucuresti 1971, pp. 219-225), e recentemente ne hanno fatto oggetto di rinnovate indagini vari studiosi romeni: si possono vedere in Byzantina, 3 (1971), i contributi di C. SERBAN, Ocr. ILrescu, P. Diaconu, V. AL. GEORGESCU (di lui anche: Bizanful si institufiile románesti pinà la mijlocul secolului al XVIIHea, Bucuresti 1980), nonché V. Gionea. In particolare vanno ricordati P.S. NXsTureL e D. NASTASE, per il quale l'idea imperiale nei paesi romeni costituisce un Leitmotiv ricorrente in diverse pubblicazioni (Idea imperialà in farile române. Geneza si evolufia ei în raport cu vechea artà romäneascä [secolele XIV-XVII], Atene 1972; L'héritage impérial byzantin dans l'art et l’histoire des Pays Roumains, Milano 1976;
“᾿Βοεβόδας
Οὐγγροβλαχίας
καὶ
αὐτοχράτωρ
'Ρωμαίων.
Remarques
sur
une
inscription
insolite", Byzantinisch - neugriechische Jabrbücber, 22, Atene 1976, pp. 1-16; "L'idée impériale dans les Pays Roumains et ‘le crypto-empire chrétien’ sous la domination ottomane", Σύμμειχτα, Κέντρον Βυζαντίνων 'Eptwwov, ᾿Αθῆναι, 4 (1981), pp. 201-251; “Unité et
441
3. Nel 1345 il papa Clemente VI, riferendosi alle genti romene in una lettera a Luigi il Grande, re angioino d'Ungheria, usa per loro il termine continuité
dans
le contenu
de
recueils
manuscrits
dits
'Miscellanées' ", Cyrillometbodia-
num, 5 (1981), pp. 22-48). Idea cardine di Nastase è la rivendicazione da parte dei voivodi romeni di un rango imperiale in quanto continuatori degli imperatori cristiani. Nei suoi lavori, tanto ricchi dal punto di vista documentario e oltremodo stimolanti per le acute connessioni che l'autore sa stabilire tra le diverse fonti, attraverso le testimonianze letterarie (soprattutto le antiche cronache moldave) e iconografiche (sia di provenienza pittorica che sfragistica) egli ha ritenuto di poter affermare che « trés nombreux documents écrits ... s'accordent pour traiter les princes roumains, tant moldaves que valaques, d'empereurs, soit directement (par le titre de tsar, ou de βασιλεύς — voire βασιλεὺς καὶ αὐτοχράτωρ — en affirmant qu'ils dirigent un empire, etc.), soit par le trouchement des formules plus ou moins voilées, mais dont le but est toujours le méme: celui de mettre en évidence le rang impérial de ces princes, ou le caractère impérial de leur pouvoir souverain » (Cyrillometbodianum, 5 [1981], p. 35). A parte il titolo di autocrate comunemente usato dai voivodi romeni, come ben ha dimostrato E. Vîrtosu, Titulatura domnilor si asocierea la domnie in Tara Romineascà si Moldova (pinä in secolul al XVl-lea), Bucuresti 1960 (Biblioteca istoricä), pp. 197 ss., per designare la pienezza del potere in rapporto alla associazione al trono, credo vada notato come il termine βασιλεύς sia stato in diverse occasioni attribuito ai signori romeni ma da autori greci sotto dominazione ottomana, e il termine car' si ritrovi in testi usciti sí dall'ambito moldovalacco, ma redatti in lingua slavona e in connessione alle cronache slavone sud-slave dei chbr'stianstii carie. Sebbene il problema sia estremamente complesso e non possa essere evidentemente affrontato in una semplice nota, pur tuttavia mi pare che i fatti sopra ricordati tendenzialmente indichino come, pit che espressione della concezione romena del voivoda o frutto di una sistematica ed esplicita rivendicazione dei voivodi stessi, l’attribuzione ad essi di titolature o formule encomiastiche di carattere imperiale sia stata iniziativa di ecclesiastici greci orfani dell'impero cristiano o di dotti romeni operanti sotto l'influenza della cultura slavo-bizantina. E mi sembra significativo a tale proposito un testo segnalato da Nästurel (“Considérations sur l'idée impériale chez les Roumains”, Byzantina, 5 (1973), pp. 405-406) e ριύ d'una volta ricordato da Nastase. Nella "Cronaca anonima" di Moldavia, redatta ai tempi di Stefan cel Mare, in riferimento al voivoda si afferma che, dopo la sua vittoria di Vaslui sui turchi (1475), andarono in processione a incontrarlo « blagoslovéite caré: da Zivet car’ » (Cronicile slavo-romine, ed. I. Bognan, rev. P. P. PaNAITESCU, Bucuresti 1959, p. 9). Ebbene, quando nella prima metà del Seicento tale passo venne utilizzato da Grigore Ureche nella sua Cronaca, divenne « esindu-i înainte ... ca innaintea unui inpárat si biruitoriu de limbi págine, de lau blagoslovit » (Letopiseful Tàrii Moldovei, ed. L. Onu, Bucuresti 1967, p. 28). Quindi un romeno che scriveva per romeni, e finalmente in lingua romena si esprimeva, non ritenne opportuno riprodurre: « benedicendo l'imperatore: viva l'imperatore ». ma giudicó conveniente dare al testo la forma: «a lui uscendo incontro ... come davanti a un imperatore e vincitore di popoli pagani, l'hanno benedetto ». « Ca wnui inpárat» « come a un imperatore »: Stefano non era pertanto imperatore per Grigore, ma riproduceva ai suoi occhi i lineamenti della figura imperiale. Ossia, come nell’icona si riflette lo splendore dell'archetipo, e in qualche modo esso si fa presente pur conservandosi la distinzione ontologica e la tensione dinamica tra le due realtà, cosi nel voivoda moldavo o valacco — che d'altra parte solo in rapporto all'ideale paradigmatico dell'imperatore veniva concepito (e non avrebbe potuto essere altrimenti in ambito bizantino) — era vista riproposta l'immagine imperiale, la sua maestà, la sua gloria, il suo splendore, ma senza che per questo egli fosse imperatore. Mi sembra esemplare da tale punto di vista la citata esposizione di Nàsturel, che al termine dell'appendice riporta, tra l'altro, un'espressione emblematica usata nel 1648 dal papa d'Alessandria loannikios in rapporto al voivoda moldavo Vasile
442
Lupu:
« αὐθέντης εὐσεβέστατος,
... τέπον
xai τύπον ἐπέχων τῶν ὀρθοδοξοτάτων
xai ἁγίων
Olacbi-Romani ?: denominazione nella quale ogni richiamo d'ordine istituzionale è ormai venuto meno per lasciare il posto a una valenza esclusivamente etnica.
Con la singolare giustapposizione della denominazione esterna ? e di quella interna delle popolazioni romene ”, questa espressione del pur tardo docuβασιλέων » («signore (domn)
piissimo, ... che tiene il posto ed è figura degli ortodossi e
santi imperatori »). E d'altra parte sta il fatto che mai i voivodi
lature ufficiali assunsero
l'appellativo di car.
romeni
nelle loro tito-
E in questo, direi, è il loro essere vera-
mente Byzance aprés Byzance: non solo gli eredi, ma i veri continuatori di Roma, della Nuova Roma e delle sue idealità istituzionali. Di queste un caposaldo era l’ecumenicità dell’autorità dell’imperatore, non riducibile quindi a uno tzar etnico o locale, e il suo essere il paradigma della regalità da cui ogni altra potestà sulla terra derivava. A questo
riguardo mi pare assai eloquente il carattere religioso assunto, evidentemente sulla scia di Bisanzio, dal termine imperator nel lessico romeno (caso unico fra tutte le lingue neolatine, come sottolineato da Niculescu), e il fatto la versione secentesca delle Inváfáturile di Neagoe oltre che a Dio e agli imperatori romani, anche ad nel loro rango istituzionale, bensí nella loro dignità
che uno tra i primi scritti romeni, Basarab, applichi il termine impärai, altri monarchi, considerati però non e autorità che pogoará de sus (cfr.
Rom. 13,1). In questo senso vengono appellati da tale testo impárafi sia i re d'Israele, sia i monarchi dei grandi regni da cui provvidenzialmente é stata scandita la storia dell'umanità; e con piena coerenza in rapporto ai domni romeni si afferma: « impáratul cel mare ne-au iubit si ne-au fácut si pre noi impárati pre pámintu» (ed. Fl. Moisit-D. ZAMFIRESCU, Bucuresti 1970, p. 128). L'irrigidimento di simili enunciazioni, d'ordine essenzialmente ideale e direi teologico, in rivendicazioni strettamente istituzionali e di rango, mi pare
ne mortifichi la complessità di sfumature e ne renda altresí meno
percepibile la fedele
continuità rispetto alla piü autentica tradizione romano-bizantina. 19 Acta Clementis PP VI (1342-1352), ed. A. TXutu, Roma 1960 (Pontificia Commissio ad redigendum codicem iuris canonici orientalis, Fontes, s. III, vol. IX), pp. 100-101. 4 Olachi è forma latinizzata dell'ungherese Oléhok. 2 Le popolazioni latinofone di Dacia e Balcania sempre si autodefinirono in base al proprio carattere “romano”; tuttavia in età medioevale raramente il loro lessico su
questo punto influenzò quello dei popoli esterni, sicché la denominazione usata da Clemente VI, proprio per la sua rarità e per il fatto di affiancarsi nella medesima lettera alla più comune denominazione Olachi, non può giudicarsi casuale; la stessa inusitata duplicità di nomi ch'essa presenta ne evidenzia del resto il carattere tendenzialmente enfatico. Non è pertanto indebito scorgere in tale espressione il riflesso di una precisa volontà del papa di sottolineare l'identità romana delle popolazioni in questiorie; identità
che
ne
fondava
la specificità
nel contesto
ungherese.
A
tale proposito
merita
ancora
notare come Stefano Báthory, nel quadro delle iniziative volte a tutelare dalle pressioni dei calvinisti ungheresi la specifica tradizione ortodossa dei romeni di Transilvania, abbia usato per designare quest'ultima, in un documento del 6 giugno 1574, l’espressione romanam religionem (HURMUZAKI, XV (1), pp. 659-660). In tale documento del principe ungherese il carattere tendenzialmente enfatico, che l'espressione Olachi-Romani assu-
meva nella lettera di Clemente VI, sembra ulteriormente riproporsi; e ben lo si spiega qualora si inserisca il documento nel contesto della politica religiosa di Stefano Báthory (cfr. C. ALZATI, Terra romena tra Oriente e Occidente. Chiese et etnie nel tardo "200, Milano 1982, pp. 110 ss.). Non a caso, del resto, nel dialogo di Wolfgang KovÁcsoczv, De administratione Transylvaniae, Claudiopoli Transilvanorum (Cluj-Napoca) 1584, l’interlocutore in cui s'esprime la concezione politica del principe, oltre ad essere designato
con l'emblematico nome di Philodacus, si presenta come un deciso sostenitore della romanità dei romeni:
a quest’ultimo
qui se nunc etiam Romanos
tema:
ARMBRUSTER,
vulgo
venditant
Rormzanitatea Romdnilor,
(su tale cpera
in rapporto
cit., pp. 121-122).
443
mento pontificio mi sembra assumere un valore quasi emblematico in rapporto alla vicenda che portó la denominazione delle antiche genti romanizzate della Dacia, ma altresí dell'intera Balcania,
a divenire un etnonimo
in
senso stretto, e che di esse fece una vera e propria etnia. L'accostamento a Romani dell'etnonimo esterno Olachi suggerisce infatti di ricercare le cause di questa evoluzione anzitutto nei popoli confluiti in quest'area nell'età delle migrazioni e nel condizionamento che da essi venne alle popolazioni autoctone, I caratteri linguistici, culturali e istituzionali, che costituivano la 'romanità’ di queste ultime non potevano evidentemente essere intesi dalle βαρβαρικὰ ἔθνη, ancora fortemente tribali, altrimenti che in senso etnico. Sicché
in particolare agli occhi degli slavi tutte le genti neolatine d'area danubiana e balcanica vennero a configurarsi come un'unica grande etnia, significativamente designata con lo stesso nome usato per indicare le popolazioni italiche; nome sotto cui le genti germaniche avevano per parte loro già raggruppato tutti i popoli romanizzati dell'occidente, nelle Gallie e Oltremanica
come in Italia 2. Sotto la pressione di un siffatto contesto, e in dialettico rapporto con esso. cra inevitabile che, di riflesso, anche le popolazioni romanizzate dell'una e dell'altra sponda del Danubio, allontanandosi sempre più la realtà istituzionale dell’Impero, venissero esse stesse a percepirsi, a livello locale, sulla base della comure tradizione e della medesima lingua, come una realtà unitaria e omogenea: a sentirsi cioè un'etnia. Sicché, pur continuando a dirsi "romani",
questo appellativo perse progressivamente i richiami a più vaste realtà e al patrimonio
istituzionale cui era un
tempo
strettamente
connesso,
per desi-
gnare esclusivamente una Len definita entità locale ?. 2 Il termine usato sembra derivare dal nome, ricordato anche da Cesare nella forma Volcae (De bello gallico, VI, 24; cfr. VII, 7, 64, ed. O. Seet, Lipsiae 1961, pp. 192; 211; 256), di tribù celtiche. I germani lo fecero proprio — aat: Walb — applicandolo alle genti, come i celti, romanizzate ch'essi incontrarono oltre il {imes romano. Sulla base di questo elemento lessicale si sarebbe in effetti formata tutta una serie di denominazioni tra cui il tedesco Wálscber e l'anglosassone Wealb (ingl. Welsh). Il lessico tedesco avrebbe influenzato su questo punto anche l'antico slavo: nella Vita Metbodii s: trova l’espres sione “iz Vlacb'" — dall'Italia (Zirije Mefodija, V, 2, in Magnae Moraviae Fontes Historici, 1I, Brno 1967, p. 144). In tale quadro assume rilevanza il fatto che la medesima parola usata per indicare le genti d'Italia dagli slavi occidentali (cr. vlab; slov. lab; cec. vlach; sor. wloch; pol. wiocb) fu impiegata in bulgaro: vlach: in serbo: vlacb; e in russo e ruteno: voloch' (> pol. wofoch) per designare i romeni. Quest'ultimo termine servi peraltro in antico russo a identificare pure gli italiani. Da una lingua slava, forse il bulgaro, trassero infine questa denominazione gli ungheresi: o/i5 (romeno), oldsz (italico); e sempre tramite la mediazione slava essa giunse in ambito greco: βλάχος. Il latino conosce le due forme valachus e olacbus mediate rispettivamente dallo slavo c, come detto, dall'ungherese. Su questo problema cfr. L. TaMÁs, "Romains, Romans et Roumains dans l'histoire de la Dacie Trajane”,
Archivum
Europae
Centro-Ortentalis,
1 (1935),
pp.
45-48;
ARMBRUSTER,
Romanitates
Romdnilor, cit., pp. 12-16; nonché le voci bibliografiche indicate in tali lavori. 23 Una Romania particolare quindi, come rimarcato soprattutto da Nicolae lorga, che a questo tema delle Rorariae locali conservatesi in età barbarica ha dedicato speciale
attenzione (cfr. la breve rassegna in merito di E. SrAuEscu, " 'Roumanie':
444
histoire d'un
Con l'apparire degli scritti in lingua romena nel secolo XVI il termine interno rumdni si presenta in effetti come l’esatto corrispettivo dell'esterno vlasi
(olábok),
designando
un'etnia
ben
determinata,
cui
corrisponde
uno
specifico territorio che da lei prende il nome, come in Transilvania la Terra Blacorum di Fägäras, ricordata in un documento del 1222 *, o, tra i Carpazi
e il Danubio, la V/askaja Zemlja che su labbra romene suonava appunto Tara rumáneascá ^. Del resto le popolazioni romanizzate di Dacia e Balcania si presentavano con questi caratteri, nettamente
etnici, già nelle prime
testimonianze
scritte
d'età medievale *. Sicché quale specifica etnia li conobbe anche l'Umanesimo, che venne appunto a delineare in termini strettamente etnici, di sangue, il legame tra le genti romene e Roma ", giungendo con Pio II a dedurre la stessa denominazione Valachi da un eponimo generale romano Flaccus. Uno schema interpretativo della realtà romena (provenienza da Roma, migrazione sotto la guida di condottieri eponimi)
che, sebbene
inserito in un contesto
diverso, puó ritrovarsi anche nel romanzo slavo dei fratelli Roman e Vlachata del secolo XVI 3.
4. Va notato che la forma allorché questo
trovò
sanzione
attestata comunemente scritta,
è rumánmi.
In
nel lessico romeno, un'opera,
espressione
dell'intellettualità calvinizzante dell'ultima parte del secolo XVI, la Palia di mot. Développement de la conscience d'unité territoriale chez les Roumains aux XVII" XIX° siècles, Balkan Studies, 10 [1969], pp. 92-93, n. 93). Una Romania che, proprio per il suo particolarismo, s'avviava ad assumere i caratteri dell’etnia. In tale processo di formazione di un'identità etnica, il ruolo della lingua, del comune parlar *romanisce > rumdneste (A. Rosetti, Istoria Limbii Romane, I, Bucuresti 1978, pp. 227-228; 500) fu senza dubbio fondamentale. E la lingua sulla cui base il fenomeno si venne sviluppando altro non fu che la Ἰταλῶν (Αὐσονίων) φωνὴ (cfr. S. Mazzarino, Trattato di storia romana,
1I, 2" ed., Roma
1962, pp. 228-231), cioè il sermo
vulgaris
italico che ancora
alla
metà del secolo V Prisco dichiarava usato oltre il Danubio tra le popolazioni che conservavano « πρὸς Ῥωμαίους ἐπιμιξία» (Prisco, Excerpta de legationibus, ed. C. DE Boon, Berlin
1903, p. 135). % Cfr. ST. Pascu, Voievodatul Transilvaniei, I, Cluj 1971, pp. 146-148; 210-217. 75 Cfr. AL. NICULESCU, in Romdnia Literarà, 15 (1982), nr. 27. 2% Si vedano le varie fonti bizantine raccolte nel III volume delle Izvoarele Istoriei Romániei - Fontes Historiae Dacoromane, Bucuresti 1975, relative per lo più alle popola-
zioni valacche di Balcania; nonché l'interessante testo del persiano Gardizi, Zain al-Akbbàr (Crnamento delle notizie), che alla metà del secolo XI menzionava nel territorio tra il Danubio e probabilmente i Carpazi un popolo αἱ fede cristiana e di stirpe romana, situato tra bulgari, russi e ungheresi (A. Decet, "Asupra unui pasagiu din geograful persan Gardizi", Omagiu frafilor Alexandru si lon I. Lapedatu, Bucuresti 1936). 7 Tema inoltre insistito negli autori di quell'epoca appare la latinità della lingua dei romeni, cui spesso risulta connessa l'affermazione della loro origine italica che già era
stata presente nel secolo XI, in riferimento ai valacchi balcanici, nel bizantino Kekaumenos. Anche per questi aspetti l'influenza dell'età umanistica sulla cultura dei secoli successivi sarebbe stata allora decisiva: si vedano in merito le belle pagine di ARMBRUSTER, Romanitatea Romdnilor, cit., pp. 42 ss. 28 Ampie indicazioni su questo testo, con relativa bibliografia, in ARMBRUSTER, Romanitatea Románilor, cit., pp. 66-71. La problematica ad esso inerente è comunque
ancor ben lungi dall'essere dipanata.
445
Orästie
(1582),
troviamo
la forma
romäni ?. Stánescu
ne ha individuato
i
precedenti popolari 9. E tuttavia, anche alla luce delle vicende successive, sembra non completamente eliminabile l'impressione che tale forma, in quel particolare contesto, fosse frutto cosciente di un'élite colta e nascesse dalla volontà di quest'ultima di rimarcare l'origine da Roma dell'etnia, e perció la sua appartenenza all'area culturale latina ?'. Un richiamo che in quel preciso momento storico non poteva non configurarsi come motivo di tensione, all'in-
terno della realtà etnica, tra le affermate ascendenze di lignaggio che alla latinità conducevano, e l'identità religiosa e culturale acquisita dai romeni nei secoli medioevali, identità che non a Roma,
ma alla Nuova
Roma e
alle
sue filiazioni slave aveva attinto * Siffatta tensione costituiva d'altra parte un momento imprescindibile nei progetti protestanti ?, giacché l'acquisizione dell'etnia alla Riforma sarebbe risultata inattuabile senza un distacco dell'etnia stessa dal suo patrimonio di cultura greco-slava che alla tradizione ecclesiale ortodossa era inscindibilmente connesso. È da notare come questo tentativo ‘ideologico’ di riconfigurare l'identità etnica
spezzando
l'armoniosa
fusione
fra
tradizione
dell'etnia
ecclesiale, realizzatasi presso le genti romene, allora abortí*: 2 Palia
de
la Orästie
1968, pp. 1; 10; 11.
1581-1582,
Text-Facsimile-Indice,
cur.
V.
e tradizione
nonostante
PAMFIL,
i
Bucurejti
% [n "Premisele medievale ale constiintei nationale románesti. Márturii interne. Román-románesc in textele romänesti din veacurile XV-XVII", Studii. Revista de istorie 17 (1964), pp. 967 ss., in particolare p. 981. 31 Non a caso nel 1570 era apparso a Cluj, probabilmente dalla tipografia del protestante Gasparo Heltai, un salterio romeno in caratteri non piu cirillici, ma latini con ortografia ungherese: H. SzrRIPszKv-G. Argxics, Szegedi Gergely énekoskónyve XVI szdzadbeli román forditàsban. Protestäns batások a hazai románságra, Budapest 1911. 2 Come noto l'istituzione ecclesiastica dei romeni in età medioevale, e fino allo svilupparsi delle influenze fanariote, fu bizantino-slava, e lo slavone fu la lingua delle cancellerie voivodali e quella in cui l'intellettualità per diversi secoli scrisse le sue opere (cfr. N. CARTOJAN, Istoria literaturii románe vechi, I, Bucuresti 1940; ried. con pref. di D. ZAMFIRESCU, studio e bibl. di D. Simonescu, Bucuresti 1980, pp. 25 ss.). Questa partecipazione alla koinè bizantino-slava avrebbe avuto un significativo e permanente riflesso anche nel lessico romeno, in particolare nella sfera istituzionale, politica ed ecclesiastica (cfr. H. Minizscu, Influenfa greceascá asupra limbii romane pinà în secolul αἱ XVlea, Bucuresti 1966). In quest'ultimo caso, peraltro, i termini bizantino-slavi appaiono essersi affiancati a un lessico religioso di base la cui matrice latina rivela chiaramente quali fossero stati i caratteri della prima evangelizzazione: Dumnezeu < Dominedeus; cru ce < crucem;
altar < altare;
a cumineca
< communicare;
päcat < peccatum
ecc. (su que
sta origine latina del cristianesimo romeno ha in particolare insistito V. PARVAN, Contribufii epigrafice la istoria crestinismului daco-román, Bucuresti 1911). 3 Non a caso anche il voivoda protestante di Moldavia, l'avventuriero greco Giacomo Eraclide il Despota, durante la sua breve signoria (novembre 156i-novembre 1563) non avea tralasciato di richiamare l'antica origine romana dei suoi sudditi (cfr. A. ARMBRUSTER,
"Jacobus Heraclides Despota und der Romanitàts- und Einheitsgedanke der Rumänen”, Revue Roumaine d'Histoire, 10 (1971), pp. 257-265) e aveva voluto che nel suo voivodato sorgesse una scuola latina (St. BARSANESCU, “Schola latina" de la Cotnari, lagi 1957). 3 Una 'ideologizzazione', e quindi strumentalizzazione, del richiamo al sangue e alla
prosapia romana non era comunque un fatto nuovo. Già negli anni a cavallo del 1200 la
446
molteplici favori elargiti dalle autorità protestanti di Transilvania 5, il popolo rifiutò la riforma della propria lege, in particolare opponendosi all'uso della lingua romena nel culto che da parte protestante si voleva imporre *. Quest'ultima resistenza all'uso liturgico della propria lingua da parte dei romeni
transilvani
in quegli
anni
merita
attenzione:
essa
ci appare
come
chiara testimonianza dell'estraneità delle genti romene di quel tempo rispetto si ritrova nella corrispondenza tra Ivanica Kalojan, rex/imperator Bulgarorum et Blachorum, e Innocenzo III (i testi anche in Acta Innocentii PP. III (1198-1216), ed. T. HALUSCYNSKYJ,
Roma
1946
[Pontificia Commissio
ad redigendum
Codicem
Iuris Canonici Orientalis]),
corrispondenza nella quale il papa aveva fatto leva sulle antiche ascendenze romane dello tzar valacco per attrarre alla Chiesa romana il risorto tzarato bulgaro; atteggiamento non diverso & del resto riscontrabile, nei confronti delle genti valacche sud-danubiane, anche nel domenicano Giovanni, arcivescovo di Sulthanyeh, agli inizi del '400: A. Kern, "Der ‘Libellus de Notitia Orbis' lohannes’ III. (de Galonifontibus?) O.P. Erzbischofs von
Sulthanyeh", Archivum Fratrum Praedicatorum, 8 (1939), pp. 102-103. In realtà, né sulle popolazioni valacche sud-danubiane, né su quelle dell’area carpato-danubiana, la Chiesa latina riuscí mai ad avere dall'età medioevale una consistente e stabile influenza. Nella stessa Transilvania dominata dagli ungheresi cattolici i "latini" di stirpe romena furono fenomeno circoscritto e per lo più relativo alla grande aristocrazia pienamente integrata nel
mondo
ungherese:
basti pensare agli Hunyadi, da cui sarebbe uscito un voivoda quale
János e un re quale suo figlio Mattia Corvino; o a un primate di Esztergom quale Nicola Olahus, la cui famiglia era originaria della Valacchia. Nei territori oltre i Carpazi poi, dopo la costituzione dei voivodati, la Chiesa latina sarebbe sempre rimasta sostanzialmente la Chiesa di minoranze allogene, nonostante i ripetuti sforzi missionari ed anche la presenza in alcuni periodi di vere sedi episcopali: in Moldavia a cominciare con il vescovado piuttosto fantomatico di Seret (1371) (cfr. C. AUNER, "Episcopia de Seret", Revista Catolicä, 2 [1913], pp. 227 ss.), in Valacchia con la sede di Arges istituita nel 1381 sotto Radu I (cfr. In., “Episcopia catolicá a Argesului”, Revista Catolicä, 3 [1914], pp. 439 ss.; ALZATI, Terra romena, cit., p. 163: colgo l'occasione per segnalare che nel testo citato anziché Radu I compare erroneamente Radu Negru). 35 In merito Z. PÂCLISEANU, Istoria Bisericii Románe Unite, Bucuresti 1949, edita in Bunä Vestire, 14 (1975), fasc. 3-4, p. 52, n. 29, ricorda come P. HunraLvy, Az olábok tórténete, II, p. 333, su indicazione fornitagli nel 1860 da Imre Révész (cfr. I. JuHASZ, A reformacio az Erdélyi románok küzütt, Kolozsvár 1940, pp. 87-88), abbia datato al 1566 i deliberati di una sinodo calvinista dell’Oltretibisco, svoltasi a Debrecen, che prescrivevano di vigilare affinché i pope romeni non passassero alla Riforma unicamente per ottenete la libertà dalla gleba (cosí, tra gli altri, anche $. METES, 'storia Bisericii si viefii religioase a Románilor din Ardeal si Ungaria, Arad 1918, pp. 74-75), Páücligeanu osserva come deliberati identici a quelli citati da Hunfalvy siano stati emessi da una sinodo debrecense del 9 giugno 1633 (Szézadok, 1866, p. 60). È comunque del 12 gennaio 1608 un diploma di Sigismondo Rákoczy (edito da T. CiPARIU nell’Arbiva pentru filologie si istorie) che assicurava anche ai pope passati alla Riforma i diritti, i privilegi e le libertà dei ministri di culto calvinisti; a esso sarebbe seguito il 17 febbraio 1614 un analogo provvedimento di Gabriele Betheln per i pope di Bihor, Crasna, Solnocul de mijloc. Provvedimenti a favore anche dei pope romeni non mancarono del resto sotto i cattolici Báthory, Sigismondo (1595) e Gabriele (1609): PAcLISEANU, Istoria Bisericii Romane Unite, cit., pp. 56 ss. % Si vedano le deliberazioni in tal senso della sinodo presieduta dal primo sovrintendente calvinista romeno, Giorgio di Sángiorz, nel 1567; quanto deciso nelle successive sinodi
del
1569
e
1571
sotto
il nuovo
sovrintendente,
Paolo;
nonché
gli
interventi
del
monarca Giovanni Sigismondo Zápolya: cfr. HURMUZAKI, XV (1), pp. 625-628. A tali prese di posizione sarebbe seguita anche una vivace attività tipografica: cfr. CARTOJAN, Istoria literaturii romane veche, ci.., pp. 96 ss.
447
a qualsiasi atteggiamento che facesse assurgere il dato etnico a valore assolutizzante. Non l'etnia, ma la lege (di cui lo slavone era sentito come componente qualificante) era criterio di giudizio; /ege di cui l’etnia era portatrice, ma i cui orizzonti
trascendevano la realtà strettamente romena, e la integra-
vano nel multiforme ecumene romano-bizantino. Va sottolineato come la salvaguardia del carattere sovraromeno della tradizione portata dall'etnia, che ne fondava l'identità, abbia costituito allora
la più efficace difesa della stessa ‘romenità’: Chiesa
calvinista,
venendo
a gravitare
gli sparuti epigoni romeni della
ecclesiasticamente
e culturalmente
nel
mondo ungherese, nonostante la romenizzazione del culto, appaiono essersi a tale mondo progressivamente assimilati, anche nei nomi ”. Sta di fatto che in quel secolo XVI, analogamente all’uso liturgico del romeno, anche la forma romäni non riusci ad imporsi. Significativamente essa si venne invece affermando col secolo XIX *, ossia dopo che, sulla base della
Santa Unione sancita tra la Chiesa romena di Transilvania e Roma negli anni 1697-1701 ?, la scuola transilvana aveva potuto armoniosamente inserire nella coscienza, ad un tempo ecclesiale ed etnica, del popolo romeno, in continuità e non in antitesi rispetto alla sua precedente tradizione ecclesiastica orientale, il patrimonio culturale dell'ozcidente iatino, che a Roma si
collegava. Ma quel dirsi, o meglio scriversi, romäni, nel contesto del cosmopolitismo intellettuale dell'età dei lumi, e successivamente in connessione con
la lotta
per il riscatto nazionale, venne ad assumere un preciso significato ideale. Senza smentire la peculiare identità che una vicenda secolare aveva plasmato,
esso
simbolicamente
esprimeva
l’inserimento
del
popolo
romeno
a
pieno titolo, ed anzi con un titolo tutto particolare, nel consesso delle nazioni europee, ovvero di quell'insieme di popoli che tutti, seppure per diverse vie e in varia misura, a oriente come a occidente, dell’eredità istituzionale di Roma e della sua tradizione erano eredi 9. Román così, da termine strettamente
etnico
e
senza
smentire
tale
connotazione,
diveniva,
essere, segno cosciente di partecipazione a un comune
o
tornava
ad
patrimonio di cultura
e a comuni valori di civiltà, riacquisendo in qualche modo quegli echi universalistici
che
un
tempo
al
dirsi
romanus
erano
stati
indissolubilmente
connessi, 7! Cosí parrebbe desumersi da un documento del 1655 relativo alla sparuta comunità romeno-calvinista di Turdas, edito già in Unirea, Blaj 1900, nr. 38, e quindi in Rôüvasul, 5 (1907), p. 433; cfr. anche [storia Bisericii Romine, 1. Bucuresti 1957, pp. 367-368. Tale documento peraltro non è esente da dubbi: PÂCLISEANU, Istoria Bisericit Románe Unite, cit., p. 52, n. 29. 38 Cfr. TAMAS, “Romains, Romans εἰ Roumains”, cit., pp. 34-38: pagine documentate ma dal tono non sempre sereno. 3 Cfr. Biserica Romána Unità, Madrid 1952. « È significativo a questo riguardo come la forma romän si sia nuovamente imposta negli ultimi lustri anche a livello ufficiale, in contrasto con la riforma grafica del dopoguerra (non recepita peraltro dagli intellettuali romeni all’estero) che, riducendo a un unico segno -i- la rappresentazione della vocale chiusa mediale, aveva comportato la grafia romin.
448
VASILKA TAPKOVA-ZAIMOVA
LES ROMAINS’ DANS LA CULTURE SLAVE: LA LITTERATURE BULGARE MEDIEVALE
I. Quelques mots d'introduction Nous nous étions proposé, au cours du Séminaire de 1981, de continuer la recherche sur le terrain slave dans deux directions: problèmes de terminologie et problèmes d'idéologie. Voici d’ailleurs une remarque dans l'exposé de M. Cazacu ! qui mérite d’être relevée: dans l'étude de la lexicologie l'élément chronologie acquiert une grande importance. Or, ceci revient à dire que dans les milieux slaves, en général, l'attitude envers Rome, les Romains et parallèlement envers Constantinople et les sujets de l'Empire d'Orient désignés comme "Pupatot varie quelque peu suivant les époques. Elle varie aussi suivant les sources où l'on puise: nous avons d'une part les chancelleries officielles des Etats slaves et d'autre part les textes traditionnels de Constantinople ou d'autre part, rédigés en grec et traduits ensuite en bulgare, en russe, etc. Une comparaison s'impose dans ce sens, car si les éléments de la titulature, les termes militaires etc. sont souvent empruntés à une tradition culturelle venant de Constantinople, le comportement
face à
l'Imperium Romanum et à l'Empire de Constantinople est souvent nuancé. Pour les milieux culturels slaves les trois idéologies romaines ont des dimensions historiques qu'il importe d'analyser dans l'espace et dans le temps et aussi dans les milieux propres, car l'édification d'une image inystique au nom de la sauvegarde de la chrétienté à une époque donnée repose sur une suite de conditions socio-économiques compliquées, sur l'environnement politique, etc., qui créent des possibilités inexistantes à une époque antérieure ou postérieure à celle où elle se réalise.
! W. VoporF-M. Cazacu, "Les notions de ‘Rome’ et ‘Romain’ chez les Russes (Projet de recherche)", Da Roma alla Terza Roma. II Seminario internazionale di studi storici, "La nozione di ‘romano’ tra cittadinanza e universalità", Relazioni e comunicazioni,
I, Università degli Studi di Roma ‘La Sapienza’ 1982, p. 160; cf. M. Cazacu, “L'idée de Rome chez les Russes: l'aspect philologique (XI*-XVI* siècles)”, dans ce volume pp. 505 ss.
449
A mon avis, l'idéologie, reflétée dans des termes bien précis, apparaît déjà dans la tradition cyrillo-méthodienne. La question a été soulevée lors de notre dernier Séminaire. Il s'agit d'une idée, encore que assez vague, que l'on pourrait désigner comme "translatio cyrillienne", les deux apôtres œuvrant à un certain moment avec le consentement de Rome. Ainsi, dans la littérature hagiographique qui se forme en Bulgarie autour de leurs deux auréoles et qui se propage dans les autres milieux slaves, apparait nettement (comme je le montre ci-dessous dans mon exposé) l'image de la Rome chrétienne, résidence du Pape, mais aussi celle de la population des lieux, dans le sens de "citoyenneté". Nous avons là une sorte de non-coupure avec l'idée religieuse et les liens qui commencent à s'établir avec le monde slave et qui viennent au-devant de l'idée. Un deuxiéme point qu'il est nécessaire d'analyser, c'est le comportement envers le terme de Ῥωμαῖοι, communément employé pour les citoyens de l'Empire d'Orient. Un comportement tout-à-fait particulier, l'adoption dans leur propre intérét de ce terme, pour ainsi dire, officiel. Βασιλεὺς Ῥωμαίων est un titre auquel prétendent quelques-uns des souverains slaves. Il s'agit bien de "quelques-uns", parce que ce titre sanctionne un statut juridique e: institutionnel sur lequel on n'a pas tergiversé à Constantinople. Siméon de Bulgarie ne se fera-t-il pas dire par Nicolas le Mystique: « De quels Romains t'es tu appelé basileus, est-ce de ceux que tu as massacrés? ». Il n'en continua pas moins à persévérer dans ses plans ambitieux de destituer le vrai basileus "des Romains", le seul reconnu à Constantinople comme universel et chrétien?. Mais l'idéologie politique se fera plus souple selon l'époque, selon les circonstances, tout en conservant la formule invariable. Dusan — comme je l'indiquerai ci-dessous, n'a pas cherché à ajouter à son titre: τῶν Ῥωμαίων, parce que à son époque les choses avaient évolué et que, malgré ses succès politiques, il devait faire preuve de quelque c'rconspection, d'un certain respect des réalités. Ce qui est curieux cependant, c'est que son demi-frére Siméon adopte ce titre (à cause, sans doute, de sa lignée à moitié byzantine) *. Mais entre-temps bien des événements ont eu lieu qui ont provoqué en partie la dévaluation de la titulature — un phénomène qui va de pair avec la décentralisation politique. Ainsi, après ce grand ébranlement qu'est l'établissement de l'Empire latin de Constantinople, même
les Comnènes
de Trébizonde
prétendent
au
titre
de
Μεγάλοι
Κόμνηνοι *. | Quant à la tradition qu'on adopte de l'Empire d'Orient par voie non institutionnelle, on devrait considérer en premier lieu l'appellation de 'Pu? V. T&PKOovA-Za1MOVA, "Les idées de Rome et de la Seconde Rome chez les Bulgares”, Roma, Costantinopoli, Mosca (Da Roma alla Terza Roma, Studi I), Napoli 1983, pp. 387-397. 3 M. Dinié, "Dusanova carska titula u ofima savremenika", Zbornik v (ast feste stogodiinice Zakonika cara Duiana, Beograd 1951, pp. 90 ss.
* A. A. VasiLIEV, (1936),
450
1, pp.
65 ss.
"The
Foundation
of the Empire
of Trebizond",
Speculum,
11
μανία. Comme le rapport de M. Carile est consacié spécialement à la “Romanie", je ne prends que quelques exemples afin de ne pas empiéter sur son exposé 5. À la haute époque, la Ῥωμανία signifie “14 terre des Romées" (par ex.
une
inscription
de
Sirmium
du
IV*
suivi l'évolution pour la période autour de
s).
M.L.
1204-1261$.
Maksimovié
en
a
Cette époque est
marquée par un éclatement de la coquille de la Romania. On a déjà remarqué
que tout au long du XIV* s. la "Romanie" perd sa signification ethnique pour en conserver une politique. Ceci concerne primordialement les territoires balkaniques occidentaux et fait partie du titre de Du$an Σερβίας xai Pupavlac, lorsque ce souverain est déjà couronné. En Bulgarie cette nouvelle
signification du terme de "Romanie" n'a pas été utilisée, Ceci parce que, au XIV* s., lorsque les grandes perturbations politiques se sont produites, les souverains bulgares n'avaient plus de prétentions d'universalisme à l'échelle balkanique, comme je le ferai voir ci-dessous. Par contre, les tentatives de divers souverains bulgares d'établir des relations politiques et ecclésiastiques avec la Papauté, la tradition cyrillométhodienne, etc. a sauvegardé une tradition qui se fait petit à petit presque populaire et légendaire, descendant les niveaux de la littérature officielle jusqu'au niveau des recueils et prophéties où Rome la chrétienne se fait voir dans une lumiére sotériologique. Pour la Bulgarie et plus généralement pour les Slaves du
Sud,
plus
tard pour
la Russie,
ce sera
un
enchainement
de
textes plus ou moins eschatologiques. Áu XII* s., par exemple, sera répandue la Légende "apocryphe" ', où le nom du tzar Pierre est en rapport avec Rome.
Les
textes
réapparaitront
plus
nombreux
face
au
péril ottoman
et
c'est là qu'on trouvera l'alignement symbolique des peuples porteurs de l'idée chrétienne et des royaumes (au nombre de trois) qui se succéderont dans cette
méme idée. Il y aura des textes où Tárnovo prétendra obtenir le rang de troisième Rome, mais cette "nouvelle Rome" sera opposée à Constantinople; ce sera en partie une position anti-constantinopolitaine. J'en ai parlé dans mon
rapport précédent, exprimant la supposition que l'idée n'a pu se réaliser jusqu'au fond dans sa conception politique, la capitale bulgare disparaissant en tant que centre politique bien avant Constantinople elle-méme *. Et nous en arrivons à cette Russie chrétienne à l'époque où elle est en train de réaliser son unité territoriale. Malgré son éloignement territorial, la culture slave et chrétienne qui s'y développe dans les grands centres culturels comme
Kiev,
Moscou,
Novgorod,
Pskov
a des
attaches
solides
avec
les
milieux constantinopolitains et tirnoviens?. Ces fondements lointains ou plus proches, d'ordre intérieur ou rattachés à la "grande politique" des Empires 5 Lj.
MaksiMovié,
Vizantoloïkng 6 ? 8 ?
Instituta,
"Grci
12
i Romanija
(1970),
pp.
u srbskoj
vladarskoj
tituli", Zbornik
Radova
70 ss.
A. CARILE, “Impero Romano e Romania", dans ce volume pp. 247 ss. J. Ivanov, Bogomilski knigi i legendi, Sofia 1925, p. 273. V, TXpkova-ZAIMova, "Les idées de Rome", cit., pp. 388-389. D.S. Licuacev, Razvitie russkoj literatury X-XVII vv., Leningrad 1973, pp. 23 ss;
35 ss
451
ont été relevés par V. Paëuto". Faisant un large tour d'horizon d'ordre historiographique, il expose également l'essence de l'idée de la “Troisième Rome" dans les relations des grands centres politiques comme Tver, Rjazan, Novgorod avec Moscou et la réussite définitive de celle-ci sur le plan économique et politique: Moscou, centre de ralliement des terres russes. L'idée commence à avoir son importance aussi dans les nouvelles relations que la Russie moscovite entreprendra avec l'Occident. Le cóté juridique-institutionnel et l'étendue spatiale que comporte l'idée de la “Troisième Rome" ont été traités dans leurs grandes lignes également dans l'exposé de P. Catalano !!. Dans les Actes des Séminaires “Da Roma alla Terza Roma" figurent deux
exposés consacrés à ces problèmes par I.P. Sbriziolo ". L'ample exposé de Ja. N. Séapov - N. V. Sinicyna abonde en explications suggestives sur les connaissances de l'ancienne Rome pénétrant en Russie dans le cadre élargi des relations économiques et politiques de l'Europe médiévale. Cet exposé est important surtout pour l'analyse des relations entre les Eglises d'Orient et d'Occident par rapport aux territoires russes. Par là il aborde le probléme de la terminologie reflétée dans l'ancienne littérature slave et russe. Je n'ai pas pu m'y arréter plus en détail, parce que le texte n'a été présenté qu'ultérieurement "ἢ, J'étudie en second lieu des textes de l'époque médiévale bulgare. J'estime que l'analyse de la terminologie qui se rapporte aux "Romains" de Rome et à ceux de l'Empire d'Orient pourrait étre utilisée avec succés pour ce que nous pourrions considérer comme instruments de travail dans la voie de l'éclaircissement du probléme "'terminologie-idéologie". Ceci d'autant plus que la littérature bulgare du Moyen Age est bien la base sur laquelle évoluent en grande partie les autres littératures slaves, surtout aprés la période tirnovienne. Or, ceci nous donnera de nouvelles possibilités de poursuivre l'évolution d'une terminologie semblable par la forme et quelquefois différente par le sens dans les écrits des écrivains et traducteurs slaves postérieurs. Te veux
bien espérer qu'au cours de nos rencontres
postérieures
nous
réussi-
rons à faire un pas en avant dans l'élaboration du “rogramme que nous 'avons devant nous, et de maniére plus concréte dans l'acception et la compréhension des notions que le monde slave a utilisées en rapport avec l'idée de la translatio imperii.
10 V. Pa$uro, “Mosca - Terza Roma (Storiografia, bibliografia)", Roma, Costantinopoli, Mosca, cit., pp. 459-473
" P, CarALANO,
"Fin
de l'Empire
romain?
Un
probléme
juridico-religieux", ibid.
pp.
543-556. V HE P. SsrizioLo, "Un racconto sull'origine di Mosca”, ibid., pp. 503-509; “Rimskii Rornieiskii nelle 'Epistole' dello starec Filofej di Pskov: ipotesi di interpretazione", dans ce volume, pp. 519 ss. 13 Ja. N. Séapov - N. V, SINICYNA, "La Rome antique et médiévale dans les textes
russes du XI" au XVI: siècle. Etude sur le sens des mots russes Rim, rimskij et rimljanin" dans
452
ce volume,
pp.
481 ss.
II. Grecs et Romains:
conscience bulgare d'une réalité médiévale
A) L'époque paienne
Je commence par la période des khans paiens, lorsque l'écriture officielle des Bulgares, installés dans leurs nouveaux domiciles au Sud du Danube, est le grec. V. Besevliev a consacré de nombreuses pages au probléme des inscriptions protobulgares. Ses observations concordent dans leurs lignes principales avec l'opinion émise autrefois par K. Jirecek. Ces textes quoique composés par des lettrés écrivant le grec, reflétent tout naturellement la manière de voir du khan ou des khans bulgares, parce qu'ils émanent de leur chancellerie *. C'est donc ces deux côtés des inscriptions protobulgares —
forme et idéologie —
qui nous intéressent, comme
observations préliminaires.
je l'ai dit dans
mes
.
Suivant toujours les remarques de Beëevliev, nous relevons les formes ἡ Γρεχύ, Γρεχούς, 0 Γρικύ, τοὺς Γρικούς, τὸν l'pux(ôv), dans 5 inscriptions et 8 fois en tout". Dans la première inscription (inscription de Kadäkioy)
il s'agit de l'expédition de Nicéphore I° €. Les sujets de l'Empire y sont par trois fois appelés "Grecs". La deuxième inscription de Madara mentionne de nouveau les "Grecs" en rapport avec l'une des guerres de Kormisos qui
accéda au trône bulgare en 714". Dans la troisième inscription où il est trois fois question de "Grecs" il s'agit des invasions du khan Malamir contre les villes de Burtudizus, Probaton et de sa pénétration jusqu'à Philippopolis en Thrace *, La quatrième inscription est celle d'Omurtag (inscription dite de Catalar); il y est dit qu'Omurtag a fait bátir son nouvel "aul" sur la Tita et y a envoyé son armée contre "les Grecs et les Slaves" (pour ces derniers il s'agit de tribus slaves, rattachées encore à l'Empire) P. Par contre, une des inscriptions protobulgares qui indique la frontière entre l'Empire et la Bulgarie, mentionne cette fois-ci des villages qui se trouvaient:
« μέσον
τὸν
'Puou£ov
(xi)
Βουλγάρον » ?, Beëevliev
remarque
— et je crois qu'il a raison — que nous avons affaire à une sorte de "copie", reflétant un document officiel dont le texte aurait été établi à Constantinople;
et on doit remarquer que les ""Romées" y sont mentionnés en premier lieu. Il en est de méme de l'inscription de Siméon, trouvée à Nea Philadelphia (Narà3) au Nord de Salonique qui, parlant de la frontière établie à cette époque, dit nettement
ὅρος Ῥωμαίων
x(ai) Βουλγάρ(ων) ?.
Disons pour terminer cette partie que l'adverbe employé pour indiquer 14 V, la dernière édition de V. BESEVLIEV, Párvobálgarski nadpisi, Sofia 1979. 15 [bid., p. 244. 16 Ibid., pp.
115-116.
Y Ibid., pp. 104-105. 18 Ibid., pp. 127-128.
19 Ibid., pp. 200-201. ® Ibid., pp.
164-165 et 34-35.
2 Ibid., pp. 170-171.
453
"le bulgare, à la manière bulgare” et parallèlement
"la langue grecque,
la manière grecque" est βουλγαριστί et γρικιστί 2, Nous pouvons tirer donc nos conclusions. À l'époque des khans
à
païens
en Bulgarie on continue une tradition datant de la haute époque. D'ailleurs, la bibliographie à laquelle se réfère Besevliev est convaincante dans le sens que le grec des inscriptions protobulgares n'est pas celui de gens peu cultivés, mais refléte une tradition définie dans l'évolution de la langue que l'on retrouve également
B)
L'époque
dans
quelques papyrus
égyptiens,
etc.
chrétienne
Abordons l'époque chrétienne. La littérature slave refléte les nouvelles réalités. J'ai dépouillé plusieurs fichiers de l’Institut de langue bulgare auprés de l'Académie des Sciences de Bulgarie, ainsi que d'autres dictionnaires, etc. La
terminologie
qui nous
intéresse
n'est pas reflétée dans
tous
les monuments littéraires bulgares à cause du contenu méme de ces monuments. Voici cependant mes observations sur un certain nombre de documents qui permettent
de faire quelques
comparaisons.
1. Le nom de Rome l'ancienne revient souvent: Rim. I| nous est livré toutes les fois que nous avons affaire, par exemple, à la fondation de la ville d’après la légende de Romulus et Rémus: « potom ze carstvovasta brata dva Rom ti Rim. Rom ie staryj brat Rimov grad sütvori i narete img Rim, togo radi prozvani byia Romi » = « xai λοιπὸν ἐβασίλευσε Ῥώμης ὁ χτίστῆς τῆς Ῥώμης xai Ῥῆμος ὁ ἀδελφὸς αὐτοῦ. ὅθεν μετεχλήθησαν ‘Pur μαῖοι» (Malalas, 544; cf. Hamart. 39-41; Manas. cbr. 71,10; Kozma 37 5). Quant à la légende d'Enée, donc au transfert à Rome de l'élément présumé
hellénique, nous y trouvons cette appellation peu commune d' "Hellénes occidentaux" à côté d'‘“Hellènes orientaux": « zde povéduet kako vecernu elini i vostoënii meidosobnoe
rat sütvoriio veliko » (Manas.
cbr.
36,12-14).
L'explication de cette épithète qui ne figure pas dans tous les manuscrits doit être expliquée à partir du texte grec qui dit que le nom de l'Italie où se sont fixés les hommes d'Enée vient peut-être d'Italos qui aurait gou2 Ibid., pp. 244 et 201. 3 Pour la traduction de Malalas je me suis servie de S. SEsTAKov, “O znatenii slavjanskogo perevoda chroniki I. Malaly", Vizantijskij Vremennik, 1 (1984), pp. 503-552 (plus loin Malalas); sur la traduction de Georges Hamartolos: V. M. IstRIN, Chronika Georgia Amartola v drevnem slavjanorusskom perevode, I, Petrograd 1920 (plus loin Hamart.); sur la traduction de Manasses voir I. Bognan, Cronica lui Constantin Manasses, Bucuresti 1922 (cf. aussi I. DuJéEv, Letopista na Konstantin Manasi, Sofia 1963); le texte grec de Manasses se trouve dans la PG 127. Consulter également: I. SorLin, "La diffusion et la transmission de la littérature chronographique byzantine en Russie prémongole du XI° au XIII' s." Travaux et Mémoires, V, Paris 1973, pp. 395; 403 ss. (avec bibliographie sur la transmission des textes bulgares en Russie). L'exemple de Kozma chez A. Davinov, Reënik-Index na prezviter Kozma, Sofia 1976, p. 260.
454
verné “les régions de l'Occident". Ce texte (PG 127,275 B) est traduit en bul. gare (p. 67), mais
le traducteur
bulgare
a fait une
sorte de généralisation
à rebours donnant le nom d'Hellénes occidentaux aux gens d'Enée également avant leur arrivée en Italie. La Rome chrétienne est toujours indiquée par son nom de Rim. Les textes que l'on pourrait citer à l'appui sont nombreux, ils se trouvent dans les "Vies" brèves et détaillées de SS. Cyrille et Méthode, dans le "Service de Cyrille", etc. Voici un exemple de la “Vita Costantini" qui mérite d’être relevé: « povelé ie apostolik vsém gr'ekom, iie bèchu v Rimé, takoïde ie i Rimljanom vsém ... péti nad nim » 736,109/8-10. Le passage est significatif, parce que nous y trouvons
trois termes qui nous intéressent:
Rome,
le
nom de la ville du Saint-Siège (papy rimskago, 735,107/8,36-71), Romains, le nom de ses habitants et Grecs les sujets de l'Empire d'Orient. Nous reviendrons aux "Grecs". Pour le moment je me contente d'établir que dans ce texte qui est original et non une traduction, les choses sont claires quant au nom de la ville et de sa population. Par contre, la différence entre "Rome l'ancienne" et "la nouvelle Rome",
c'est-à-dire Constantinople, viendra comme une correspondance directe venant des textes traduits, lorsqu'il s'agira de dégager l'importance de la ville du Bosphore. Ainsi, si nous nous reportons à la "Chronique" de Manassés et à
sa traduction bulgare, on se rend compte que l'ancienne Rome est nettement soulignée lorsqu'il s'agit de l'époque d'Honorius: «i car’ Onorie staraago Rima » (Manas.
127,312 B).
chr.
97,16) = « ‘Ovwpros
τῆς πρεσβυτέρας
Ῥώμης»
(PG
Mais si pour Anastase il est dit: « na Anastasia ie préide rimskaa dráZava » (Manas.
chr.
112,26), à Apsimar on attribue déjà « grié’skpp vlast »
(Manas. cbr. 139,10). Ceci indique que pour le traducteur bulgare il existe une limite entre l'Empire d'Orient et celui d'Occident. En d'autres termes on met à part la période dite conventionnellement "byzantine". Mais l'idée d'une mission particulière pour la "nouvelle Rome”, le traducteur bulgare l'attribue non seulement à Constantinople, mais aussi à Tárnovo. Constantinople est « grad novyi Rim, Rim krépkyi » (Manas. cbr. 93, 26) = « πόλιν τὴν μεγαλόπολιν, πόλιν τὴν νέαν Ῥώμην » (PG 127,308 A) Mais une note marginale dans cette méme traduction compare la capitale
bulgare à "la nouvelle Rome", donc à Constantinople: «i sia ubo prikljucito se staromu Rimu, nai ze novyi Carigrad doit i rastit, krépit se i omlaidaet se » (Manas. cbr. 99,23-25). Le probléme a déjà été discuté:
je l'avais posé
dans mon rapport au Séminaire précédent (voir p. 395). Je n'ajoute l'exemple que pour que nous ayons une mise au point plus complète.
2. Jusque là nous ne nous éloignons pas des modèles byzantins. Il en est de méme lorsqu'il s'agit des Grecs de l'antiquité, appelés "EXXmvec. Far ex. « bran süstavl' s eliny» — il s'agit de Xerxés — (Manas. cbr. 30,2) = «προσβαλὼν τοῖς “Ξλλησιν » (PG 127,254 A); « i na eliny poslav » — il s'agit de Darius — (Manas. cbr. 29,28-29) = « xai κατὰ τῶν Ἑλλήνων ἐχπέμψας » (PG 127,254 A). L'adjectif est aussi ellinesk: « Pisandr tvorec 455
ellinesk » (Malalas, 523): « Πείσανδρος ποιητὴς Ἑλλήνων ». Cf. aussi en ce qui concerne les anciens Grecs en tant que communauté culturelle: « /épo Le vam elinom pokaréti se = « “Ἔδει δὲ ὑμᾶς ὦ Ἕλληνες » (Supr. 126,12); « ellinécb ze by i varvarécb premudrécb i nerazumnécb … » = « Ἕλλησιν »
(Slepz., R. 1,14).
3. Parallèlement à l’appellation Ἕλληνες on trouve aussi grüci avec cette méme signification dans le "Récit de Troie" et quelques auteurs de l'époque postérieure qui ont suivi cette tradition. Par ex. « grituskijo korabla » (Troj. 53,55,56 etc.); «v carstvo caré grüc'skaago; grütüskop zemle (Euth., Zitie na Ivan Rilski, 21) *. Et l'on ne tardera pas de trouver
l'explication de cette substitution, par. ex. dans le Panagjurski Sbornik du XVI: s. (Bibl. Nat. de Sofia N. 433): « rod’ eliin, rekte gr'ci »?. De là le grec est bien gric'skij jezyk. Par ex.: «rob Ze boiij gr'£’skom béate ezikom grob = « ὁ δοῦλος τοῦ Χριστοῦ περὶ μὲν τὴν ἐλληνικὴν διάλεχτον ἦν ἰδιώτης » (Supr. 48,28). Voici encore un exemple courant: « i bé
napisano evréjsky, i gr'C'sky, latin'sky » (J. 19,20 cf. Zogr., Ost., Mar., As., Sav.) — il s'agit de l'inscription sur la croix du Christ. Ceci correspond à une formule traditionnelle, v. par ex. chez Photius: « λέγουσι μὴ δεῖν ἅλλαις γλώσσαις τὸ θεῖον γεραίρεσθαι εἰ μὴ ταῖς τρισὶ ταύταις διαλέχτοις" ἐβραιστί, ἑλληνιστί, ῥωμαῖστί » À,
Nous trouvons dans ce sens méme des exemples d'étude "'philologique". Jean l'Exarque donne l'explication suivante: «i paky talasa, imera, anatoli, &r'C'skaja Zenskaja imena, a slovén'sky mu'skaa: more dich, vüstok » (Neb. 12 ἂν 11-14; 13 ἂν 1); «i jeze ime muz'sko, to v inom en'sko, jakoïe
gr'c'skyj vatrachos i potamos, sloven'sky Zaba i réka » (Neb. 12 a-v, 12-14). Je crois qu'il serait utile de remarquer. en guise de comparaison, que la langue bulgare, c'est-à-dire celle que l'on écrit, est toujours « slovén'skyj jazyk: ot gr'Ü'ska jazyka v slovén'sk » (Vita Metb. 108 b / 191,23-25). Et un exemple encore plus suggestif chez Jean l'Exarque: « brat jego prélozi vse ustav'nye künigy ot elin'ska ezyka, jede jest grüc'sk v slovensk » (Neb. 2 a-v; 6-9).
Il a été démontré que le processus de la formation de la nationalité bulgare est déjà terminé dans la deuxième moitié du IX* s., d’après D. An gelov ? (à mon avis un peu plus tard). De toute manière, les appellations rod blügarsk ("peuple bulgare”), v blägaréch ("dans la terre bulgare”, commencent à doubler les indications de slovén’skyj rod comme appellation générale de la population de la Bulgarie. Mais pour que la langue courante 4 K. KABAKCIEV, "Leksikalnata sinonimika u Grigorij Camblak kato iztoënik za prevodaceskata dejnost na Evtimij Tärnovski”, Bülgarski ezik, 32 (1982), 1, pp. 28-29. Cette bonne étude a paru aprés la présentation de mon rapport en avril 1982. 75 V. TÁPkovA-ZAIMOVA, A. MILTENOVA, "Prorocestva vüv vizantijskata i v bülgarskata kniznina", Palaeobulgarica, 8 (1984), 3 (sous presse). % Cf. I. HERGENROTER, Monumenta graeca ad Pbotium eiusque bistoriam pertinentia, Ratisbonae 1869, p. 68.
T D. ANGELOV, Obrazuvane
456
na bülgarskata narodnost, Sofia 1971, pp. 324 ss.
devienne “bulgare” et non "slave" nous devons attendre encore quelque temps. Nous avons trouvé des mentions dans ce sens à l'époque de Démétrius Chomatianos: « v Kefalii imenuemu blügarskim ezykom Glavnica » = « peτονομασθείσαν
τῇ
Βουλγάρων
φονῇ
TiaBvittav » (BSM
318), cf. ibid.,
312 un exemple de la Vita Naumi dans un manuscrit du XIII°-XIV® s. On trouve de méme dans le Skopski minej qui est du XI°-XII° s., mais dans un manuscrit du XVI*-XVIE s. ?, l'expression suivante: « i knigami bl'garskymi proide i do Rima £e dofed’ » (BSM, 292). 4. Je terminerai cette 'excursion' sur la conscience que les écrivains bulgares ont eue des langues officielles, par cette phrase de la version bulgare de la "Chronique" de Manassés: «jafe opito telosnoo dobroto tvoretti, lupa naricaaïe se ezikom oteë’stua si, eze po tlüku elinüskomu glagolet etera, po nafemu ie gostija jako ie ubo i vlùlico obyéai jest lupo naricati » (Manas.
chr., 71,3-7). Indiquant l'ambivalence de /upa, le traducteur appelle le bulgare "notre langue", le latin (ou plus exactement la langue de l'écrivain qui écrit en latin — peut-étre Tite-Live qui est le premier à raconter la légende de Romulus et Rémus) "la langue de sa patrie" et le grec normalement “la langue hellénique” ?. 5. Il est intéressant de noter, entre autres, que la différenciation de forme entre Rimljany et Romei apparait, comme il semble, pour la première fois dans la traduction de Georges Hamartolos — manuscrit du XV* s. (Hamart. 51, 71, 73, 76 etc.), sans qu'à cette époque il y ait une différence de sens —
le terme de Romei ne s'applique pas encore aux choses de l'Empire d'Orient *. Cette distinction qui est une distinction d'idéologie étatique n'apparaitra que plus tard. 6. Nous abordons le comportement qu'on cultivés bulgares face à l'Empire. Ce probléme D. Zakythinos a montré que parallèlement au officiellement les sujets de l'Empire dans l'esprit byzantin,
on
trouve,
quoique
rarement,
témoignait dans les milieux est d'une grande importance. terme Ῥωμαῖοι qui couvre bien connu de l'ecuménisme
Γραικοί
("EXXmveg
désignant
les
pagani est tombé en discrédit) ". J'ajouterai que c'est justement Constantin Porphyrogénéte, trés versé dans les problémes de ce genre, qui fait cette différenciation minutieuse en parlant des "Grecs" et des "Slaves" du Péloponnése. Nous avons donc encore une confirmation que la littérature bulgare suit 2 Les Vitae Naumi et le Skopski minej voir chez 1. Ivanov, Bülgarski starini iz Makedonija, Sofia 1931 (plus loin BSM). Sur le Supr. voir J. Zarmov, M. CAPALDO, Suprasälski ili Retkov Sbornik, I-II, Sofia 1982-1983. 2 1. Bujuxtiev, "Manasievata chronika i srednovekovnoto ezikovo i literaturno süznanie", S/tarobülgarska literatura, 1981, 10, pp. 58 58. ® Voir en détail J.N. SCapov-N.V. SINICYNA, op. cit. # Voir l'analyse de D. ZakvrHiNos, “Continuité”, dans ce volume, pp. 231 ss. Cf. V.
BESEVLIEV,
“Kim
vüprosa
za
imeto
grük' , Bälgarski
ezik, 21
(1971),
1, pp.
75ss.
457
infailliblement la bonne tradition des inscriptions protobulgares, c’est-à-dire que l'idéologie politique de l'Empire n'a pas été adoptée dans les écrits qui reflétent le point de vue bulgare. Je crois que nous pouvons
l'affirmer pour
toutes les époques. Les sujets de l'Empire — οἱ Ρωμαῖοι sont des "Grecs": plénnik grük (Vita Metb. 732/103, 1-2). La méme conception est valable globalement pour l'Empire au sens officiel du terme: cesar’stvujpitu grücstéi vlasti = τῆς '"Pupatov ἀρχῆς (il s'agit de l'époque de Michel III, Supr. 65,3).
Il en est de méme lorsqu'on considère le territoire de l'Empire: iz gr'k (Vita Metb. 105/188,2); de la situation se rapportant à l'Empire: i vási stradaachp videite grüc'skaa = τὰ Ῥωμαίων (Manas. cbr. 220,3). C'est là une position nette. Et le traducteur de Manassés se donne la peine d'expliquer: « sia ubo prikljutito se Rimlénom, sirèè grükom v Livii» (Manas. cbr. 110,20-21 — il s'agit de l'époque de Léon I°). Un monument du XI° s. "La légende apocryphe” mentionnée ci-dessus mérite une attention à part. Il y est question d'abord de Constantin, appelé "Porphyrogénéte": Kostadin glagolemi Bagrenorodni. Comme celui-ci est le fils d'Hélene, il est évident qu'il s'agit de Constantin le Grand et il est appelé "empereur romain" dans le sens que j'ai indiqué ci-dessus, lorsque les premiers souverains de l'Empire d'Orient sont encore considérés comme “romains". Mais ce qui est plus important, c'est le passage qui suit et oü il est dit que sa mére Héléne se serait enfuie dans Bysia — ville en Thrace orientale: «ot clin rim'skychy» (c'est-à-dire « fuyant les Hellènes romains »: p. 284). Il ne fait pas de doute que ces "Hellénes romains” sont bien les sujets de l'Empire d'Orient, dans le sens donné par le traducteur de Manassès. De toute manière, l'auteur inconnu de cette "Légende" qui, comme je l'indiquerai plus loin, semble avoir eu des réminiscences plus concrétes de l'Italie, est plus précis que ne le sont les écrivains officiels. Poursuivant
toujours notre enquéte
nous pourrions
remarquer
que lors-
qu'un auteur se met en frais de style et se sert d'une archaisation ou d'un terme régional le traducteur bulgare s'en tient à sa propre terminologie. A)covuxóc
200,2
—
chez
époque
Manassès
de
est
donné
Tzimiscés).
Dans
par
voin'stvo
grie'skoe
la "Chronique
(Manas.
bulgare"
cbr.
l'auteur
puisé quelque part le nom de "Galates", mais il l'associe infailliblement aux "Grecs": « tako i grüci galatom prititete pomagaacho » (533) *. 7. Quant
aux associations entre le grec et le latin, on pourrait
ajouter
une remarque pour compléter ce qui a été déjà dit. J'ai indiqué que la langue grecque est toujours grié’skyj jezyk. Cependant en comparant le grec au latin on trouve tantôt latynskyj et tantôt rimskyj. Ainsi dans la Vita Metb. on lit:
«i sluzbu c'rkv'nuju latin'sky i gr'è'sky i slovén'sky sütróbita » (Vita Metb. 109/192,
15-16).
3 Voir le texte de la "Chronique bulgare” chez:
I. Βοῦραν, "Ein Beitrag zur bulga-
rischen und serbischen Geschichtsschreibung", Archiv für slavische Philologie, 13 (1891), pp. 526-536. Sur les Vitae Cyrilli et Metbodii voir en dernier lieu: KLIMENT OCHRIDSKI, III, Sofia 1973, pp. 30ss.; 160 ss.
458
a
Mais Chrabr le Moine écrit: « #uZdaacho se rimskimi, grec’skimi pismeny
pisati slovensku ré&' bez ustroenie ». Ceci dans 71 manuscrits Ÿ — tardifs — il est vrai —
mais comme
on le trouve aussi ailleurs dans le texte, il ne fait
pas de doute que rimskie désigne les lettres latines. Voilà donc encore une confirmation
qui
vient
s'ajouter
de la langue et de sa "patrie": culture paienne ou chrétienne.
à l'explication
indiquée
ci-dessus
le latin est intimement lié à Rome
au
sujet
et à sa
8. La titulature des souverains bulgares fait partiedu probléme de la terminologie officielle et étatique. Le premier titre, reconnu par Constantinople est à éx Θεοῦ ἄρχων. Il date de l'époque paienne, mais on s'en sert aussi pour désigner le gouvernement de Boris, etc. Nous n'avons pas à reprendre le récit des plans ambitieux de Siméon, insistant pour se faire recon-
naître le titre de basileus à Constantinople. J'en ai parlé dans mon rapport au Séminaire précédent. Il me suffira de rappeler ici que s'il est encore appelé kzez' = ἄρχων dans la traduction de Siméon le Logothète, il est déja césar' = car’ * dans la louange qui lui est adressée (Recueil de Svetoslav) ou dans l'inscription de Mostié. Et sur un de ses sceaux il se fait désigner en grec Συμεὼν ἐν Χρηστῷ βασιλεὺς Ῥομέων 5. Il ne fait pas de doute que pour Siméon la forme correspond à l’idée. Cherchant à se proclamer l'égal du basileus, il se pénètre, pour ainsi dire, de cette idéologie bien byzantine et se proclame βασιλεὺς τῶν '"Pupatov. Plus tard d’autres souverains bulgares, conquérant des territoires de l'Empire ou suivant simplement la tradition, prendront à leur tour le titre de car blügarom i grükom. C'est ce que fera Jean Alexandre:
« Ioanu Aleksandru
c'rju blágarom' pate Ze i grükom » (par ex. dans le Pesnivec). Comme nous ne disposons pas de documentation grecque qui traduise cette titulature tardive des tzars bulgares, nous devons conclure à partir des matériaux en langue bulgare dont nous disposons, qu'en Bulgarie et dans la chancellerie officielle des tzars on continue à appeler "Grecs" les sujets de l'Empire et leur territoire. 9. Je crois que je devrais
m'arréter là. Je voudrais
cependant
faire en-
core une petite remarque en ce qui concerne le terme de ῬΡωμανία dont jai parlé ci-dessus. J'ai dit que "Romania" figurait dans la titulature des souverains
serbes,
mais
qu'elle
était
absente
du
titre
des
tzars
bulgares,
parce que, au moment oü la "Romania" commence à avoir une signification politique, les souverains bulgares n'ont plus les possibilités de prétendre aux territoires occidentaux que l'on commence à appeler ainsi, comme ayant ap-
partenu à l'Empire d'Orient. Et la preuve en est que dans l'inscription de Tárnovo de Jean Asen, la "Romanie" continue d’être en général "la terre des 3 K. Kuev, Cernorizec Chrabr, Sofia 1967, p. 187. *^ S. RoMANSKI1, "Simeonovata titla césar", Balgarski pregled, 1 (1929), 1, pp. 125-126. 5 T. GerasiMov, "Olovni pecati na bülgarskite care Simeon i Petür”, Izvestija na bülgarskija arcbeologiceski. institut, 12 (1938), pp. 354-364.
459
Romées", mais du côté de la Thrace, ce qui la localise encore une fois. On
pourrait trouver d'autres exemples: 1337
il est dit qu'il s'est emparé
dans l'"Eloge de Jean Alexandre" de Pomorie
(Anchialo)
de
et de la Roma-
nie, εἰς,* Ce matériau que j'ai recueilli est significatif. L'idéologie de l'Empire n'a pas été adoptée dans les milieux bulgares — je parle de l'administration étatique aussi bien que des représentants plus ou moins officiels de la culture bulgare. Par contre, la conscience d'une réalité grecque (dans toute la complexité de ce que ce terme comporte d'éléments culturels et non seulement ethniques) a été de tout temps évidente et admise pour toutes les manifestations de l'Empire.
36 Voir tous ces exemples chez I. Dujcev, Stara bülgarska kniinina, II, Sofia 1943, pp.
38-39;
460
70;
281;
315
(le dernier
est en
latin dans
une
lettre
adressée
à Dandolo).
KHALIL
QUELQUES
SAMIR
5.1.
NOTES SUR LES TERMES RUM DANS LA TRADITION ARABE ETUDE
DE
SEMANTIQUE
Le sujet qui m'a été proposé est:
Räm
ET RUMI
HISTORIQUE
dans la tradition arabe. À pre-
miére vue, le sujet semble assez bien circonscrit et bien délimité. Je pensais
aussi trouver un bon point de départ dans les instruments de travail habituels: manuels et encyclopédies. Il fallut bien vite déchanter. La premiére constatation, en effet, assez surprenante à la vérité, est qu'on
ne trouve pas grand chose dans ces ouvrages. Ainsi, la première édition de l'Encyclopédie de l'Islam (la nouvelle édition n'étant pas encore arrivée à la lettre R), à l'article Rz, fournit une dizaine de lignes, qui ne couvrent en
réalité que le domaine turco-persan !. Dans lEnciclopedia Italiana, on trouve une quinzaine de lignes, assez bonnes, dues à l'orientaliste Carlo Alfonso Nallino?. Cependant, cette notice
commence par une phrase qui risque fort d'orienter le chercheur sur une fausse piste. Elle dit, en effet:
le mot Rz
est à comprendre
di suddito dell’Impero romano d'Oriente s'agit d'une notion juridique, et que l'on notion courante du droit romain. J'avais comme hypothèse de travail; parvenu au
« nel senso bizantino
». Par là, elle laisse entendre qu'il a simplement transposé en arabe la d'abord adopté cette interprétation terme de cette petite investigation
jai abouti à une vision assez différente.
Ne trouvant aucune graphie?, 1 Cf.
j'ai cherché F.
Basincer,
synthése toute faite, et pas davantage à rassembler
“Rim”,
toutes
Encyclopédie
de
les
allusions
l'Islam,
III,
aux
une monoRäm
Leyde-Paris
que 1936,
je pp.
1255b-1256a. 2 Cf. C. A. NazziNo, "ar-Rüm", Enciclopedia italiana, XXX, Rome 1936, p. 236a. 3 Je signale cependant quelques études (classées par ordre chronologique) qui pourraient suggérer au lecteur qu'elles traitent de notre question, fùt-ce partiellement, et qui en réalité ne la concernent pas: HaBiB ZAYYAT, "Al-Fusayfasaà' wa-sunna u-bá qadiman min al-Rum al-Malkiyyin" ("Les mosaïques et leurs artisans autrefois parmi les Räm» Melkites"), Al-Mashrig 35 (1937), pp. 339-352; A. Miquet, "Rome chez les géographes arabes", Comptes Rendus des Séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris 1975, pp. 281-291 (l'étude porte sur Rome, non sur les Rum); J.-M. Fiey, "Rum à l'est de l'Euphrate", Le Muséon 90 (1977), pp. 365-420 (étude historique sur les Romains orientaux
461
pouvais rencontrer dans mes lectures. De par ma formation et mes centres d'intérêt, ces lectures se sont orientées vers les textes historiques médiévaux, plus particuliérement vers ceux des auteurs arabes chrétiens, et vers les textes arabes de culture générale. A partir de ces lectures, j'ai dégagé une premiére synthése sur les emplois (assez variés, comme
on le verra) du mot R&m
dans la tradition arabe, no-
tamment au Moyen-Age. De plus, pour éclairer l'emploi de ce mot, j'ai noté aussi occasionnellement certains emplois d'autres termes ethniques, tels que Kurdi, Quti, Qibtî, etc. Cet exposé n'est donc qu'une première approche. Il vise à fournir un premier état de la question, que je considère comme très provisoire. J'espère permettre par là à d'autres de le compléter et de le corriger. Dans une pre-
mière partie, je présenterai le "dossier"; dans la seconde, je chercherai à l'interpréter. Le terme "Byzantins" (Bizantiyyab) se retrouve dans les textes examinés,
uniquement
chez
le patriarche
bilingue
(grec
et arabe)
connu
en
Occident sous le nom hellénisé d'Eutychius (voir infra, I, $ B3) et seulement
dans le passage mentionné.
I. quelques
Présentation
du dossier:
attestations de Rim,
Rümi,
Yünäni,
etc.
On sait que le mot arabe Räm vient du grec ῥωμαῖοι à travers le syriaque rhómáyé. On ne sera donc pas surpris de constater qu'il désigne, à l'origine, les Romains d'Orient, comme c'était déjà le cas en syriaque.
Le mot Räm ne se rencontre qu'une seule fois dans le Coran, dans la sourate qui porte précisément son nom (sura! al-Räm), où on lit: gulibati l-Rämu
fi adna l-ardi, wa-bum min ba'di galabi-bim sa-yaglibüna (« Les Rum ont été vaincus dans le pays voisin; mais aprés leur défaite, ils seront vainqueurs ») (Coran XXX, 2-3). Les commentateurs musulmans sont unanimes à reconnaître dans ces Räm les Romains orientaux; plusieurs d'entre eux s'efforcent de
préciser et de dater cette victoire, qui représente pour eux une preuve du don de prophétie du Coran *. A)
Rum 1.
chez les historiens du 3*/9* siècle Abü Hanifah al-DiNAwARI, mort en 282/895, linguiste et mathémati-
cien, est aussi l'auteur d'une
histoire
célèbre,
le Kitab
al-Akbbar
dl-Tiwal*.
hors de l'Empire); H. Horst, "Ueber die Rómet", Die islamische Welt zwischen Mittelalter
und Neuzeit. Festschrift für Hans Robert Roemer zum 65. Geburtstag, hrsg. von U. HaarMANN und P. BACHMAN, Beyrouth- Wiesbaden, 1979, pp. 315-337 (étude historique sur les Romains chez les auteurs arabes médiévaux, mais non pas sur le notion méme de Rz). * On peut trouver un petit résumé de ces efforts des commentateurs dans TH.
P. Hucxes, A Dictionary of Islam, 2° éd. Londres 1896, "Greeks", pp. 1502-151a. 5 Cf. l'édition par V. GuincAss (Leyde 1888).
462
Dans cette histoire, notre auteur persan (de langue arabe) ne connaît qu'un terme
pour
désigner soit les Grecs
anciens,
soit les Romains:
Räm.
tres termes que l’on rencontrera chez les historiens contemporains
Les
au-
ou posté-
rieurs, tels que celui de Y#näniyyän ou même de Bizantiyyin, lui sont inconnus. 2.
Ahmad
Ibn Wadih al-Ya'qUBi, l'historien et géographe bien connu,
mourut deux ans après lui, en 284/897. Il vécut en Arménie et au Khoràsan,
avant de s'installer définitivement en Egypte. Dans son "Histoire universelle" (Kitàb al-Tarikb), il distingue entre les Grecs anciens (qu'il appelle les Yänäniyyän), et les Romains orientaux (qui sont les Ram) $. Pour lui, les philosophes grecs anciens, de méme que les rois anciens (depuis Philippe de Macédoine et Alexandre le Grand, jusqu'aux Ptolémées)
sont des Yänäniyyün. En revanche, les empereurs depuis Jules César jusqu'à Constantin
et Maxence,
appartiennent
aux Rä».
Cela correspond
donc aux
empereurs romains, qu'ils soient d'Occident ou d'Orient. Cependant, Ya'qubi précise en réalité, à partir de Constantin, qu'il s'agit des ‘empereurs chrétiens des Ram", ce que nous pourrions traduire aussi bien par "les empereurs romains” ?.
3. Abu Ja'far Muhammad Ibn Jarir al-.TABARI, mort en 310/923, est une des plus grandes figures de son temps. Il est surtout connu comme commentateur du Coran et historien, mais il a aussi de solides ouvrages sur les traditions du Prophète (le baditb) et a fondé une école de jurisprudence (figh). Né au Tabaristan, il voyagea en Iran, Irak, Syrie et Egypte, avant de
s'installer définitivement à Bagdad. Dans son "Histoire des Prophètes et des Rois" (Akbbar al-Rusul wa-l-Mulùk), il traite brièvement des empereurs romains, d'Occident et d'Orient, de Jules César à Héraclée *. Pour lui, tous ces
empereurs sont des Rz. B) Rüm chez Sa'id Ibn Bitriq (m. 939) 1. Dans les "Annales" (Kitäb Nazm al-Jawhar) de SA'ip [ΒΝ Βιταῖο ", le patriarche melkite d'Alexandrie, connu en Occident sous le nom hellénisé d'EuTvcuius, mort en 328/939, nous rencontrons les Riz presque à chaque
page. Ce terme désigne les habitants des pays appartenant
à l'Empire
ro-
main, d'Occident ou d'Orient.
6 Cf.
Leyde
Ibn
Wadbib
qui
dicitur
Av-Ja'QUBI:
Historiae,
malik
signifie
indifféremment
éd.
M.
TH.
HoursMa,
I,
1883, pp. 161-175.
7 Le
terme
arabe
"roi"
ou
"empereur".
A
l'époque
médiévale la langue arabe ignore le terme imbirätur. * Cf. Annales qui scripsit... AL-TABARI, éd. M.J. DE Gogje, I, 1, Leyde 1879, pp. 741-744. 9 Cf. EurYcHH patriarchae — Alexandrini Annales, éd. L. CHEIKHo, 2 volumes, dans le Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, voll. 50-51, Beyrouth-Paris 1906.
463
2.
A côté du terme Rä», on trouve plusieurs fois chez notre historien celui de Y 4náni ou de Yänäniyyän. Cela peut désigner diverses catégories: soit les Grecs anciens ?; soit les Grecs non chrétiens, par exemple ceux qui
peuplèrent Jérusalem en l'année 123 !!; soit encore d'autres catégories "ἢ. 3. Il semble donc bien qu'EurvcHrius fasse une distinction claire entre les Ram et les Y unàniyyün. Bien plus, parlant des fils de Japhet !, notre historien distingue trois catégories: les Yänaniyyän, les Rum, et les Bizantiyyab ". Cependant, cette distinction ne sera pas toujours suivie, et nous trouverons
quelques nera des et tantôt rares, et
confusions. Ainsi, Esaü épouse-t-il une fille des Ré», qui lui donenfants 5; Alexandre le Grand est tantôt appelé empereur des Räm ", empereur des Yänaniyyän ". Ces confusions sont toutefois plutôt la tendance à la distinction prévaut.
4. Quant à la langue grecque, elle est habituellement appelée chez notre historien al-Yänäni ou al-Yänäniyyab. Ainsi, Hunayn Ibn Ishäq a traduit, du grec (y#näni) en arabe, le “Commentaire du Serment d'Hippocrate" de GALIEN . Ou encore, Luc a rédigé son évangile en grec (yänant) *. Mais d'autre part, il nous dit aussi ? que Wardan, le serviteur de "Amr Ibn al-'As,
connaissait le grec, utilisant alors le terme de 4/-Rämiyyah *.
C) Rum chez deux historiens du 4°/10° siècle
1.
Quant au géographe et polygraphe ‘Ali Ibn al-Husayn al.Mas'üpi, mort probablement en 345/956, il traite au chapitre 29 de ses "Prairies d'Or" (Muràj al-Dbahab) des "empereurs chrétiens des Rm", qui ne sont autres que les empereurs de Constantinople ?. 2. fleurit
Pour Sawirus IBN AL-MuqarrA', l’évêque copte d'al-Ashmünayn qui vers
940,
les Räm
sont
10 Cf. ibidem,
I, pp. 761 et 76.
Il
I,
Cf,
ibidem,
P.
102,
12 Cf. ibidem, I, p. 104;. B Cf. Genèse i0... M Ibidem, I, p. 18. Le mentionné. 15 Ibidem, 1, p. 24». 16
Cf.
ibidem,
775,
78,
1, pp. 78,
pp.
81:.
18 Cf.
I, p. 7616-11.
les
Romains
orientaux
dans
son
102:.4.
terme
Y Cf, ibidem, ibidem,
I,
et
toujours
Bizantiyyah
79;,
7%,
795,
se retrouve
seulement
dans
le passage
804.
19 Cf. ibidem, I, p. 962. 2 Cf. ibidem, II, p. 10». 21 Il est possible que les auteurs byzantins eux-mêmes aient contribué à semer la confusion, du fait qu'ils s'efforgaient souvent d'écrire en grec classique, même si les termes techniques qu'ils utilisaient n'avaient plus le méme sens qu'à l'époque classique. 2 Cf. C. BARBIER DE MEYNARD et PAVET DE COURTEILLE, Les prairies d'or [de Mas'Üüpi] texte édité et traduit par.., II, Paris 1863, pp. 293-333.
464
"Histoire de l'Eglise" (Kitäb al-Siyar) ^. Au contraire, quand il parle des philosophes grecs, il dira: al-Falasifab al-Y unaniyyün *. En ce qui concerne la langue grecque, on remarque chez lui la méme hésitation que chez Sa'id Ibn Bitriq, son contemporain. Ainsi nous apprend-il que l'évangéliste Matthieu écrivit son évangile en hébreu, sur un rouleau de papier (warag tumár), à Césarée, et que cela fut traduit ensuite en grec (bi-l-rümi), et de là dans toutes les langues du monde. De méme, Marc écrivit son
évangile
directement
en
grec
(bi-l-rämi).
En
revanche,
Luc
l'écrivit
en
grec (bi-l-yunant), et de méme Jean. Ainsi donc, rami et yunami sont utilisés
chacun deux fois, pour signifier la langue grecque 2. D) Rum chez l'historien Yabya Ibn Sa'id al-Antäki (début du 11° s.) 1. Au début du onzième siècle, l’historien chrétien melkite YAHvA B. SA'ip AL-ANTAKI, rédigea son "Appendice" (Kitäb al-Dbayl) aux " Annales" de SA'ip [ΒΝ BirriQ (voir plus haut, au $ B). Il le composa avant l'année 1015,
mais revit, corrigea et compléta son histoire ment la chronique la plus précise et la plus pour la période de l'histoire fätimide dont éclaire considérablement l'histoire de l'Egypte 2. tionné
jusqu'en 1028. C'est probablecompléte que nous possédons Yahyà fut contemporain; elle et de la Syrie ^.
En ce qui concerne notre argument, le terme R&m se trouve menplusieurs centaines de fois; il signifie toujours les Romains
orientaux, en tant que peuple et groupe politique ?. Quand Yahyä veut parler des Chrétiens "byzantins" appartenant à l'Empire musulman, il utilisera toujours le terme de Malakiyyab = Melkites, habituellement de manière absolue, mais parfois comme qualificatif de "Chrétiens" (al-Nasara al-Malakiyyab) *. 3 Cf. B. T. A. Everts, History of tbe Patriarchs of tbe Coptic Church of Alexandria [of Sawirus IBN AL-MuQarFrA'] Arabic Text edited, translated and annoted, Patrologia Orientalis, 1/2 (Paris 1904); I/4 (1905); V/1 (1909); X/5 (1914). Nous suivons la numération continue donnée entre crochets. Ainsi, Sévére parle de la terre des Rum (p. [220]), de l'armée des Räm (ibidem), des mois des Rim (p. [229]s-10), d'Héraclius al-Rumi (p. [232]:), et ainsi de suite. Notons que cet ouvrage de 665 pages ne comporte pas d'index. 4 Cf. ibidem, p. [232].. 25
Cf.
ibidem,
PP.
[74
h.-[75]..
26 Nous utilisons l'édition (avec traduction française) des deux orientalistes russes I. KRATsCHKOVSKY et AL. VasiLIEV. Cf. Histoire de YAHYA-IBN-SA'ID D'ÁNTIOCHE continuateur de Sa'id-Ibn-Bitrig éditée et traduite en français, Patrologia Orientalis, XVIII/5 (Paris 1924) εἰ XXIII/3 (1932). Nous suivons la numération continue donnée entre crochets; notre traduction s'inspire seulement de celle éditée. Cet ouvrage non plus ne contient pas d'index, ce qui rend la recherche ardue.
7 Ainsi, ouvrant au hasard l'ouvrage, nous trouvons le terme six fois à la page [96] (lignes
3, 4, 5, 8, 9 et
10)
et deux
traducteurs ont malheureusement
28 Voir [287]:.;
par
[288]..1
exemple, etc.
fois
à la page
toujours rendu
ibidem,
pp.
[15];
[97]
ce terme
[240];
(lignes
1 et
3). Cependant,
les
par le français "Grecs".
[254];
[285}»-;
[287].5
.
465
Dans un cas, parlant du quartier melkite du Nouveau Caire (al-Qabirab) qui fut détruit par al-Hakim bi-Amr Allah en l'année 1005 A.D. pour y construire la grande mosquée d'al-Azhar, il ajoutera au substantif Malakiyyab le mot Räm en apposition ?. 3. Un autre emploi particulier de Rum sera intéressant pour notre propos. Après l'expédition de l'empereur Basile en Syrie, le roi al-'Aziz d'Egypte décida de faire campagne contre lui. Il donna ordre au vizir chrétien 'Isà Ibn Nastürus de construire une flotte, pour attaquer l'empereur à Tripoli à la fois par terre et par mer. ‘Îsä fit construire la flotte et décida de la mettre à l'eau le vendredi premier mai 996 A.D., après la prière de midi. Mais ce méme jour, «le feu y éclata et brüla seize navires. La populace accusa les marchands Rim Amalfitains (2l-Maláfitab), qui venaient au VieuxCaire (Misr) avec des marchandises, d'avoir mis le feu aux navires. La populace et les Maghrébins (al-Magbaribab) se ruèrent sur eux, et en massacrèrent
cent soixante hommes. Ils pillèrent la maison de Mänak, située dans [le quartier de] al-Raffa'in au Vieux-Caire et qui regorgeait de grandes richesses appartenant à ces Ram qui y habitaient. Ils pillérent l'église de [saint] Michel qui appartenait aux Melkites (a/-Malakiyyah) située à Qasr al-Shama', et on en enleva des ustensiles, des meubles, des vases d'or et d'argent d'une valeur considérable, et l'église fut livrée au désordre. Ils pillérent [ensuite] l'église des Nestoriens (4/-Nasätirab), et un de leurs évêques nommé Yüsuf et surnommé al-Shayzari fut mortellement blessé » *. 4. Nous avons rapporté ce long texte, car il éclaire plusieurs points. Les Amalfitains, qui viennent de l'Italie Méridionale byzantine, sont appelés Rim; C'est un cas assez rare, et nous avouons n'avoir pas eu la possibilité de l'étudier? Les Chrétiens "byzantins" d'Egypte sont appelés Malakiyyab comme nous l'avons dit, tandis que d'autres Chrétiens sont appelés Nasütirah, alors que les Chrétiens coptes seront habituellement appelés par lui αἱ-Υ 4 agibab (les Jacobites, par allusion à Jacques Baradée). Les habitants venus d'Afrique du Nord avec les Fâtimides sont appelés ici al-Magbaribab; ils ne sont donc pas désignés par leur religion (4/-Muslimiin), ni ne sont confondus avec les Arabes, mais sont appelés par leur origine historico-ethnique. 5. Cette dernière observation vaut pour beaucoup d'autres cas; bien plus, c'est la règle générale chez notre historien. Il parle de Bulgares ?, de Russes 25. Cf. ibidem, p. [257]: Wa-käna li4-Malakiyyab al-Riim bi--Qabirab bárab yaskunün fi-ha («Les Melkites Räm possédaient un quartier dans le Nouveau-Caire où ils habitaient »).
3 Cf. ibidem, pp. [239]-[240];. 31 Voir cependant
la longue note 229 du Baron
von
Rosen,
dans Imperator Vasilij
Bolgarobojca, Izuletnija iz letopisi Jach''i Antiochijskogo (‘L'empereur Basile Bulgr roktonos. Extraits de la Chronique de Yahya d'Antioche"). Izdal, perevel i ob' 'jasnil V.R. Rozen (Zapiski Imp. Akademii Nauk, 44, 1), S.Peterburg 1883, pp. 293-300. 2 Voir par exemple YaAHvA [ΒΝ SA'Ip (cf. supra, note 26), pp. {210}; [211];
466
(Rus) ?, de Géorgiens (Jurzam ou Jurziyyah) *, d'Arméniens (Arman) 5, de Slavons (Saglabi)*, de Maghrébins”; de Hamdanites (Hamdaniyyab)*, d'Arabes ?, c'est-à-dire de bédouins 9, de Turcs“, de Kurdes (Akrad) " ou de Berbères (Barbar) 9. En d'autres termes, les groupes humains sont définis
en fonction de leur appartenance ethnico-historique. Plusieurs de ces groupes mentionnées appartiennent
seront cependant
à ce que nous
jamais
appelons
le monde
arabe;
ils ne
définis comme Arabes, bien que culturellement
arabisés. E) Rum chez deux bistoriens coptes du début du 7°/13° siècle 1.
Αβῦ
SALIH, dit l'Arménien, est un historien copte qui rédigea vers
1210 une "Histoire des églises et monastères”, riche en informations particuliéres, notamment
sur le Caire et les événements concernant les Chrétiens
d'Egypte à l'époque fatimide et au début des Ayyübides “. A la différence des autres histoires, il ne parle pas souvent des Romains. Les Melkites (Mala[222);
[223]...;
[231];
(234]es;
[235];
([236]«;
[238]s, 6,2, 10; etc.
En
arabe,
on
trouve le plus souvent d/-Bulghar, et plus rarement 4/-Bulghariyyab.
3 Voir par exemple ibidem, pp. [215], 5,s u; [217]; [250].. ** Voir par exemple ibidem, pp. [216], [221]. On trouve
aussi la désignation
al-Juruz (confondus dans le manuscrit de Léningrad avec les Khazars); Notons que nous n'avons pas rencontré chez cet historien l'appellation désigne habituellement.
35 Voir par exemple
ibidem, pp.
[170]:,«;
[219],
cf. p. [252], s. al-Karj, qui les
[250].
% Il s'agit toujours de Munir al-Saqlabi, serviteur du vizir Ya'qüb Ibn Yüsuf Ibn Killis, qui essaiera de prendre le pouvoir à Damas à la mort de son maître. Voir ibidem, pp. (225), [228], où le terme est traduit par Slavon; cependant, le sens est peut-être "eunuque", comme dans le Sysaxaire (infra, note 53), p. [623]w où Sagdlibab signifie
indubitablement "eunuques". 3? Voir par exemple ibidem, pp. [208];
[224]:; [243], è.
35 Voir par exemple ibidem, pp. [208],; [230],.. 9 Voir par exemple ibidem, pp. [208].; [209], [213];
[259];
[263],:;
[265],,;
[267];
diverses tribus arabes.
[268);
[269];
[227];
[233],;
[270],5». Il s'agit
[258].;
toujours
de
.
© Voir par exemple ibidem, p. [235]1.:: « Une bande d'Arabes attaqua les troupes de [l'empereur Basile], espérant que la cavalerie romaine ne les atteindrait pas. Mais il leur
tendit
une
embuscade,
et
les
Bulgares
de
son
armée
leur
prirent
une
quarantaine
d'hommes. L'empereur ordonna de leur couper les mains et de les remettre en liberté. Les Bédouins (al-Badiyab) le craignirent alors; et aucun d'eux n'osa plus s'attaquer à son
armée». On voit que notre historien a remplacé le mot ‘Arab par le mot Badiyab, sans qu'il n'y ait pour autant la moindre *1 Voir par exemple ibidem, p. Turc" (cf. pp. [228]; et [241].); “le Turc" (cf. p. [265]; ou surtout
ambiguité. [157]. De méme, Banjütakin sera surnommé "le ou encore Yanäl al Tawil (Le Long) sera appelé Yärük al-Turki (cf. par exemple p. [295]»).
42 Voir par exemple ibidem, p. [252]. 43 Voir par exemple ibidem, pp.
* Cf. The
Churches
attributed to ABÜ
and
SÂLIH, the Armenian
added notes by A.J. BUTLER muni
de bons
(262);
Monasteries
indexes,
[265], 1, «;
of Egypt
edited and
[265]:;
and some
[267].
neighbouring
Countries
translated by B. T. A. Everrs
(coll. Anecdota Oxoniensia), Oxford
with
1895. L'ouvrage est
qui en facilitent la consultation.
467
kiyyab) sont mentionnés une douzaine de fois 9, les Arméniens plus souvent; les Ayyübides sont généralement appelés Dawlat al-Kurd wa-l-Ghuzz (la dynastie des Kurdes et des Ghuzz), ces derniers étant des Turcs de Transoxiane;
Saladin lui-même est surnommé le Kurde *, de méme que son oncle Shirküh *?. Le terme Ram désigne habituellement les Romains orientaux. Mais il peut aussi à l'occasion désigner
l'Empire d'Occident.
Ainsi,
Auguste
César
sera
appelé empereur des Rim *; à l'extrémité de l'Afrique du Nord habitent les Räm ?. Parlant de l'Andalousie, il nous dit: « L'Andalousie est le siège du royaume des Maghrébins Berbéres musulmans. À son extrémité, se trouve le siège du royaume des Räm Francs (al-Firinj) » *. Quant aux Francs rencontrés en Orient, ils sont toujours Francs (Firinj) et jamais Rum ‘!. Signalons aussi
que la langue grecque est appelée al-Rumi ?. 2.
Au milieu du 13° siècle, MikHA'IL, évêque copte d'Athrib et de Malij,
rassemble des centaines de notices biographiques sur les saints honorés en Egypte, et rédige le grand Synaxaire de l'Eglise Copte, compilation dépourvue d'esprit
critique,
mais
représentant
fidèlement
la
tradition
hagiographique
copte ?. Le mot Räm se rencontre une bonne vingtaine de fois, et pourrait toujours se traduire par "Romains d'Orient", méme si le traducteur l'a rendu
systématiquement soit par "Grecs", soit par "de la ville de Rome" *. Nous avons relevé un emploi de ra»? pour désigner la langue grecque ?, et un emploi de yänäni dans le méme sens *. Quant au terme Y anni et son pluriel 4 Voir
l'article de
Filibbus
GHURRAH,
"Bad
Ma'lümaät
tärikhiyyah
‘an al-Ta'ifab
al-Malakiyyab bi Misr fi al-qarn al-Thäni "asbar, mustaqät min kitàb ‘Tärikb al-Sbaykb Abi Sälib al-Armani' " ("Quelques renseignements historiques sur la communauté melkite en Egypte au XII* siècle, extraits du livre ‘Histoire du Shaykh Abi Salih al-Armani' "), Al-Masarrab
17
(1931), pp.
24-34
et 78-23.
# Voir par exemple ABÙ SALIH (cf. note 44), p. 10, de l'arabe. 47 Voir ibidem, p. 104; de l'arabe. 55 Voir ibidem, p. 73% de l'arabe. 9 Voir ibidem, p. 135, de l'arabe. 5 Voir ibidem, p. 1355.5 de l'arabe. SI Voir par exemple ibidem, p. 73: de l'arabe («Le Sieur Baldouin, roi des Francs en Syrie arriva à Faramà durant le califat d'al-Ámir et le vizirat de Shähanshäh al-Afdal, durant la quinzième année du patriarcat d’Anbà Macaire [= A.D. 1103-1129] qui est le soixante-neuvième des Pères Patriarches, le roi des Francs susnommé arriva donc avec ses troupes et ses soldats. Il la pilla et la brüla, et décida d'arriver jusqu'au Vieux-Caire pour en étre roi". $2 Voir ibidem, p. 57: de l'arabe. 53 Cf. Le Synaxaire arabe jacobite (rédaction copte) [de Mikn&'iL édité et traduit par R. Basset, Patrologia Orientalis 1/5, 1II/3, X1/5, XVI/2, XVII/3, XX/5. Nous suivons la pagination continue, entrc crochets, qui totalise 1374 pages. L'ouvrage est muni d'un index des noms propres. 5 Nous avons relevé les emplois suivants: pp. 39;, 41,, 2410, 2894, 379,5, 432;, 456, 4571.
un
52%,
544,
6220,
6234,
808,
8571,
5 [l s'agit de saint Démétrius. le livre sur le comput de l'épacte, en
ibidem, p. [199]. ὁ Voir ibidem,
468
p.
1566].
857%,
864.
965;
1036,
1239,
125X,
1286.
12° patriarche copte d'Alexandrie, qui composs copte et en grec (gibtiyyan wa-rkmiyyan); voir
Yänäniyyän
(et deux fois al-Y 4naniyyab),
très constante, les Grecs F) Rim
1.
ils désignent
toujours, de manière
paiens”.
chez Sbams al-Riasah Ibn Kabar
(m.
1324)
Shams al-Ri'asah Abü al-Barakat IBN KABAR est un haut fonctionnaire
copte, qui était secrétaire de l'émir Baybars Rukn al-Din al-Mansüri, et colla-
bora à la rédaction de l'Histoire intitulée Zubdat al-Fikrab . fi Tarikh al. Hijrab mise sous le nom de l'émir. Il est surtout connu pour son encyclopédie des sciences religieuses intitulée Misbab al-Zulmab . fi Idáb al-Kbidmab ("La Lampe des ténèbres”), rédigée définitivement vers 1320, et qui est encore en grande partie inédite *. 2. Le mot Ri» n'y apparait pas souvent. Nous le rencontrons par exemple au chapitre sixième, qui traite de l'Ecriture Sainte. Marc, dit-il, adressa son
évangile aux Räm, à la différence de Matthieu qui l'adresse aux Hébreux ”. Quant à Luc, il l'adressa
à un homme noble parmi les grands des Ri», nommé
Théophile 9. Dans les deux cas, il s'agit des Grecs. Au plan religieux, il distingue les chrétiens de rite byzantin (appelés habituellement Malkiyyän) des Latins (appelés al-Ifrinj) *. 3.
En ce qui concerne la langue, il utilise apparemment comme équivalents
yünáni 2 et rimi 9. Un cas mérite d’être souligné: Marc, dit-il, « a écrit son évangile dans la ville de Rome (Rämiyah) dans la langue romaine franque
(bi-llughah al-rimiyyab al-ifrinjiyyab) » *. Nous n'avons pas rencontré ailleurs cette expression. Il s'agit trés probablement pour notre auteur du latin. 4. Notons enfin une formule qui ne manque pas d'intérét. Parlant des " Antiquités Judaiques" de l'historien juif JosEPHE, ouvrage largement diffusé parmi les Coptes sous le titre de Kitab Yusuf Ibn Kuryun ("Livre de Joseph ben Gourion"), il analyse la cinquième partie disant qu'elle traite des évènements qui eurent lieu entre Hérode et les empereurs des R&m
d'une part, et
entre lui et son peuple juif de l’autre; elle traite aussi des évènements qui ST Voir ibidem, les pages entre crochets: 881.,
907,,
1215»,
55 Les deux
1313:,
premiers chapitres
Patrologia Orientalis;
395, 1571, 2834, 51810, 5865, 6471, 648, 754:,
1314.
(sur 24) ont été publiés en
1928
au
tome
XX
de la
les cinq premiers chapitres furent publiés au Caire en 1951. Nous
avons donné une édition des douze premiers chapitres, que nous utilisons ici. Cf. SHAMs AL-RIYASAH ABU AL-BARAKAT IBN Kanan, Misbab al-Zulmab . fi Idah al-Kbidmah, tome I,
éd. KHALIL SAMIR, Le Caire, Maktabat al-Kärüz, 1971 (X-444 pages). # Voir ibidem, p. 251. © Voir
ibidem,
p. 256
61 Ainsi, décrivant le Kitäb al-Firaq (" De haeresibus") de BUTRUS
évêque
de Malij,
il présente les erreurs des Melkites (p. 30%), puis il mentionne les Bida' al-Ifrinj (p. 3111). € Voir ibidem, pp. 249,, 256, 258. 8 Voir ibidem, pp. 253,, 2594, 2591, A Voir ibidem, p. 254...
2594,
260.
469
eurent lieu avec “Cléopatre la Copte" la reine d'Egypte “. Ici, le mot "copte" est évidemment utilisé au sens ethnique et correspond en réalité à “égyptienne”. G) Rüm ἃ l'époque moderne, dans les pays musulmans Cette section ne prétend nullement étudier la question des Rum à l'époque moderne, à travers les diverses acceptions en usage dans les divers pays musulmans. Nous voudrions seulement signaler quelques faits, qui montreront la complexité du probléme, et permettront peut-étre d'aboutir à une interprétation globale. Il nous faut cependant avertir le lecteur que notre information ici n'est plus de premiére. main. 1. En Turquie, déjà sous les Seljoukides (1177-1300) et plus tard sous les Ottomans, le pays des Rum désigne le territoire des empereurs romains d'Orient, c'est-à-dire essentiellement l'Asie Mineure. Mais aprés la conquéte des Balkans, à la fin du XIV* siècle, le pays des Räm (Rämili en turc) sera
la Roumélie, province balkanique comprenant: Thrace.
Les Rim
seront donc:
l'Albanie, la Macédoine et la
soit les habitants de la Roumélie, soit ceux
de la province d'Anatolie ayant pour capitale Kütähiyah #. Au XVI* siècle, quand on parle par exemple des corsaires Ru» (au Yémen, en Inde, ou en Indonésie),
il s'agit de Turcs d'Anatolie
ou de Roumélie,
mais
jamais des
habitants du reste de l'Empire ottoman (Syrie, Egypte, Irak, etc.). Α la fin du XIX* siècle, Thomas Patrick Hughes écrit que le mot Räm «est encore
utilisé en Orient pour désigner l'empire turc » *. A l'époque contemporaine, les Turcs distinguent entre Räm et Yünäniyän (sic); pour eux, les Grecs de Turquie ou de Chypre sont des Ram, tandis que ceux de Grèce sont des Y'änäniyan ®, 2.
En
Iran et en Inde, jusqu'au
1" novembre
1922,
date de la chute
du califat, on a appelé le sultan d'Istanbul Sulrän-i Ram = le sultan des Räm 9. Cette appellation montre bien que le terme Rim ne désigne nullement pour ces Musulmans les Chrétiens, puisqu'il s'agit en réalité du calife des Musulmans. 3. Au Maghreb, l'évolution est plus compliquée, du fait de certains événements historiques particuliers. A l'origine, au II*/III* siècles de l'Hégire, 6 66 9? « Still
Voir ibidem, p. 228. Cf. BABINGER (supra, note 1) et NALLINO (supra, note 2). Cf. Tu. P. HucHes, A Dictionary of Islam, 2* éd., Londres 1896, "Rum" used in Eastern countries as a name for the Turkish Empire ».
68. Notons
qu'une distinction
désigne soit les Grecs
semblable
anciens (tels que
se fait en arabe
(p. 549b):
au Moyen-Orient:
Platon, Aristote, ou Sophocle),
Yänäni
soit les modernes
(les Hellènes); tandis que Räm désignera les “Byzantins” médiévaux, ou les “Byzantins” actuels en tant que contredistingués d'autres communautés chrétiennes (voir plus loin, au
5 G 4). 9. Cf. NALLINO
470
(supra, note 2).
correspondant à notre VIII*/IX* siècle, Rim
désigne les Romains orientaux.
Plus tard, cela désignera ceux qui venaient d'Anatolie, et qui étaient de fait habituellement des Musulmans. Par la suite, ce sens va s'élargir pour englober
tous les étrangers, indépendamment de leur provenance ou de leur religion. Avec l'ére coloniale, le terme va se restreindre pour désigner les colons européens, du fait qu'ils représentent la majorité des étrangers. Mais comme ces colons sont de fait, sociologiquement parlant, tous chrétiens et trés souvent français, Rami finira par désigner: soit "chrétien", soit "frangais . 4.
Au
Mashreq
arabe
(le Proche-Orient),
Rm
continuera
les habitants non arabes du territoire de l'ancien Empire
de désigner
romain d'Orient.
Ainsi, au début du XVIII* siècle, l'historien égyptien ‘Abd al-Rahman al-Jabarti (1754-1822) parlera d'un swd'iz rümi (c'est-à-dire, en fait, Anatolien)
venu au Caire y précher une doctrine rigoriste. Il s'agit évidemment ici d'un Musulman.
De méme, les Grecs (romains orientaux non arabes) seront appelés Ram. Or, en 1724, le patriarcat d'Antioche se scinda en deux branches, l'une ortho-
doxe et l'autre catholique, chacune ayant à sa tête un patriarche qui essaiera de se faire reconnaitre comme chef de sa millab par la Sublime Porte. On éprouva alors le besoin de distinguer ces deux communautés (»iillab) par une désignation différente. Les Catholiques, étant exclusivement arabophones et ayant des patriarches arabophones, furent appelés du nom qui désignait autrefois tous les Romains orientaux arabophones, à savoir Malakiyyab ou Malkiyyün ". Les Orthodoxes, n'ayant eu pendant plus d'un siècle et demi que des patriarches hellénes (et encore de nos jours à Jérusalem et à Alexandrie),
furent appelés Ram, puisqu'ils n'étaient pas arabes. De Syrie, cette distinction s'étendit dans d'autres pays du Mashreq arabe, avec l'émigration des Chrétiens de Syrie. Voir addendum
II.
(infra, p. 478).
Essai d'interprétation des divers emplois du mot Rüm
Dans la première partie, nous avons recueilli, un peu péle-méle, divers emplois du mot Rz rencontrés au hasard de nos lectures. Cet ensemble peut sembler hétéroclite et donner une impression de confusion. Nous voudrions maintenant interpréter ces textes, pour essayer de trouver le fil conducteur, caché dans le subconscient des peuples arabo-musulmans, qui fournira un sens unificateur à cette mosaique. Pour ce faire, nous commencerons par éliminer les faux-sens, qui sont souvent ceux qui viennent les premiers à l'esprit, pour
essayer de fixer le sens unificateur. 7 On
sait que les chrétiens arabes (ou arabophones)
se répartissent en
trois con-
fessions (madbahib): les Melkites, les Jacobites (qui incluent Coptes et Syriaques) et les Nestoriens (qui incluent Assyriens et Chaldéens) A notre connaissance, jamais un chrétien arabe, füt-il romain oriental, ne sera appelé Rimi durant le Moyen-Age, à moins qu'il ne soit originaire du pays des Romains (bad al-Rüm).
471
A) Ce que ne signifie pas le mot Rüm ou Rümi
1.
Est-ce un concept juridico-politique?
Au premier abord, il semblerait que le terme Rum soit simplement la transposition de celui de "Romain", au sens juridique latin, à savoir: sujet de l'Empire
romain. Certains emplois du mot
semblent,
en effet, confirmer
ce sens; notamment, le fait que l'on appelle du méme nom (Rami) Auguste César et l'empereur Basile, par exemple. Cependant, à y regarder de plus prés, cette interprétation ne rend pas compte
d'un
grand
nombre
d'autres
emplois.
Ainsi,
les habitants
de
Syrie
ou d'Egypte, qui appartenaient jusqu'au début du VII* siècle à l'Empire romain d'Orient, ne sont pas appelés habituellement Ra» par les historiens arabes. Ceux d'Egypte par exemple seront désignés par le terme Qib!, qui forme Qibfi au singulier. De méme, lors de la conquéte arabe du Maghreb (l'Afrique du Nord), les Arabes n'ont pas appelé les habitants rencontrés RZm, bien que ces habi-
tants aient fait partie de l'Empire romain d'Occident ". Mais ils les ont appelés Afarigah = Africains. Il peut y avoir à cela deux motifs: le premier est le fait que le mot R4 était déjà réservé aux Romains orientaux, conformément à l'usage coranique évoqué plus haut ?; le second et le plus important est que ces populations berbères latinisées et christianisées appartenaient à la province romaine d'Afrique
(l’Ifrigiyà des Arabes), et que
les conqué-
rants n'ont fait qu'appliquer à ces populations le terme latin conventionnel, en l'arabisant. C'est cette terminologie que nous trouvons chez les historiens arabes du II*/III* siècle de l'Hégire = VIIT'/IX* siècle. 2.
Est-ce un concept religieux?
Les Français contemporains qui ont eu l'occasion de vivre en Afrique du Nord ont tendance à penser que le mot Ram désigne les Chrétiens, puisqu'aujourd'hui, dans cette région, un "roumi" est un chrétien. Mais nous avons vu plus haut " l'origine de cet emploi, et ceci montre bien le caractère trés récent (et géographiquement bien délimité) de cet usage.
La culture arabe nous fournit d'ailleurs plusieurs exemples célèbres de Rämi qui sont aussi des Musulmans réputés. Que l'on se souvienne de Wardàn al-Rümi, qui administra l'Egypte sous les Omayyades et fut tué à Alexandrie en 53/673. Ou encore, l'un des plus grands poétes arabes à l'époque ‘abbaside, ‘Ali Ibn al-‘Abbäs IBN Ar-ROMi
(836-896 A.D.) est musulman, et
doit son surnom au fait que son père était originaire du Bilad al-Rüm, bien 71 utilisé donne 7? 7
472
Notons cependant que Carlo pour désigner les populations pas de références. Cf. supra, Voir plus haut, p. 462, dans Voir plus haut, I, $ G 3.
Alfonso Nallino affirme que le mot Räm était parfois latines d'Europe et d'Afrique [du Nord]; mais il ne note 2. l'introduction à la premiére partie.
que lui-même soit né à Bagdad. Ou encore, le grand historien et géographe arabe YAQUT
AL-HAMAWI
AL-ROMI
(1179-1229
AD.)
doit son
surnom
au
fait qu'il était né en Anatolie. Et le fameux poète persan JALAL AL-DIN AL-RüMiI (604-672/1207-1273), qui naquit à Balkh en Iran, est un des grands mystiques musulmans. Les Rämi musulmans sont certainement plus nombreux
que leurs homonymes chrétiens *. Un petit texte de YAQUT, le géographe que nous venons de mentionner, éclairera notre propos. Dans son grand “Dictionnaire géographique"P, il consacre une notice assez développée
au mot 4/-Räm.
Aprés
avoir
rapporté
diverses opinions sur l'origine des Räm et sur leur territoire, il observe que les villes ont aujourd'hui souvent changé de nom, et ajoute alors: Fa'inna alladhi na'rif al-yawma min bilad al-Rüm al-mashburab, fi aydi al-Muslimin wa-l-Nasarà, lam yudbkar minbá sbay' (« Ce que nous savons aujourd'hui
du pays des Räm bien connu, qu'il soit dans les mains des Musulmans ou des Chrétiens, rien n'est mentionné
de cela... » 76,
Il est clair donc que le terme Rz; religieuse. 3.
ne désigne pas, de soi, une réalité
Est-ce un concept culturel?
Peut-on dire alors que le terme Rä» soit un concept culturel, et qu'il désigne en particulier les gens de langue grecque? Ici encore la réponse de l'histoire sera négative. En effet, la plupart des Rar connus de la littérature sont de langue arabe; quelques-uns sont de langue turque, d'autres de langue persane. Certes, si l'on parle de al-ugbab al-rümiyyab (ou, en substantivant l'adjectif: al-rum), il s'agit sans aucun doute de la langue grecque. Mais ce sens dérive du sens du mot Ram: il s'agit alors simplement de la langue des Rum. Dans la mesure donc où Ram désignait les Romains d'Orient, la langue rämi désignera la langue grecque, leur langue. Si au contraire Rum désigne les Occidentaux, alors rari signifiera le latin, comme
dans ce texte
fort intéressant oü l'auteur a pris soin de préciser qu'il s'agit de la langue des Ram Francs ". Dans ce cadre, il faudrait examiner les autres emplois de rz»: appliqués
à la langue. Il faudrait voir si ceux qui utilisent Rz» pour désigner les Européens (ou les Français), utilisent aussi rz»; pour désigner leur langue. De méme en va-t-il pour l'usage signalé en Inde et en Iran, pour qui les Räm seraient les Turcs 5; quelle langue désigne pour eux le terme rari?
7 On trouvera une liste d'auteurs surnommés 4/-Rämï dans C. BROCKELMANN, GALS (= Geschichte der arabischen Literatur, Supplementband) III, Leyde 1942, pp. 748-749. 75 Cf. YAQUT IBN 'ABDALLAH AL-Hamawi AL-RUMI AL-BacHpaDi, Mu'jaem al-Buldan, Beyrouth, Dar Sädir, s.d., tome III, pp. 97a-100b.
16 Ibidem, p. 100a, lignes 5-7. 7 Voir plus haut, I, $ F 3. ?* Voir plus haut, I, $ G 2.
473
4.
Est-ce un concept historique? Peut-on dire que le terme Räm
l'histoire, nommément
s'applique à une période déterminée de
à la période "byzantine"?
La réponse sera ici plus nuancée. D'une part, en effet, on peut affirmer sans hésitation c'ie tous les Romains d'Orient et plus précisément tous les sujets de l'Empire romain d'Orient au Moyen-Age, sont des Räm. Mais d'autre part, on constate que le concept de Räm déborde de beaucoup le cadre des Romains orientaux. En ce qui concerne les Grecs anciens, avant le Christ, nous avons vu que certains auteurs les appellent Ram”, et que la distinction entre les Yandniyyän (les Grecs Ioniens, d'autrefois) et les Räm (les Grecs de l'Empire romain d'Orient) n'était pas toujours claire. De méme que la distinction entre
la langue grecque ancienne (d/-yänaniyyab) et la langue grecque byzantine (al-rimiyyab) n'a jamais été claire. Un texte d’al-Jähiz, le célèbre polygraphe arabe mort en 868, est instructif à ce sujet. Dans sa réfutation des Chrétiens (dl-Radd ‘ala al-Nasärä), il consacre plusieurs pages à faire la distinction entre les Y &naniyytn (qui étaient
des médecins, des savants, des philosophes, dit-il) et les Ra» (qui ne sont que d'habiles artisans, tout juste capables d'inventer des machines de guerre, des biyal, dit-il). Or les gens surestiment les Chrétiens parce qu'ils les rattachent aux Räm, et parce qu'ils confondent les Rum et les Yänaniyyän, du fait de l'identité linguistique.
Et les Chrétiens,
ajoute-t-il, ont exploité cette confu-
sion pour se faire respecter du bas-peuple, qui les considére comme de grands savants 9, Par ailleurs, nous avons vu que les Turcs d'Asie Mineure et d'Europe sont, aujourd'hui encore, appelés Ram".
On ne peut donc dire, simpliciter, que les R#m désignent un groupe de personnes à une époque déterminée de l'histoire.
B) Ce que signifie le mot Rüm ou Rümi
Ainsi donc, Räm n'est ni un concept juridico-politique, ni un concept religieux, ni un concept culturel, ni un concept historique. Tous ces sens, qui peuvent se rencontrer ici ou là, dans l'un ou l'autre texte, ne réussissent 7 Voir par exemple Sa'id Ibn Bitriq (supra I, $ B 3). Inversement, le méme auteur occasionnellement, et surtout Mikha'il d'Athrib et de Malij systématiquement, appelleront les paiens Y ünániyyzn (cf. supra aux $ B 2 et surtout E 2), alors que, pour le deuxième auteur, il s'agit souvent de personnes du Ve, VIe ou VIIe siècle, donc sujettes à l'Empire d'Orient. En réalité, on voit bien comment s'est faite l'évolution sémantique: Y unanryyün désignait originellement les Grecs pré-chrétiens, donc paiens; par la suite, le terme a fini par signifier chez certains historiens chrétiens "les paiens" tout court.
8 Cf. 1.5. ALLoUCHE, "Un traité de polémique christiano-musulmane au IX* siècle”, Hespéris 26 (1939), pp. 123-155, ici pp. 8! Voir plus haut, I, $ G 1.
474
134-135.
pas à expliquer la majorité des emplois de ce terme. Il nous faut maintenant établir positivement le sens du mot. Il nous semble que le seul sens qui explique au mieux les divers emplois de ce terme, est le sens ethnico-géographique, ou sociologique si l'on veut. C'est ce que nous allons montrer ici, en réfléchissant sur quelques situations précises.
1.
Cas de l'Egypte.
Quand les Arabes pénétrent en Egypte, ils appellent les autochtones du nom par lequel eux-mémes se désignent, dans leur langue officielle (en l'occurrence le grec, langue administrative), à savoir: αἰγύπτοι — égyptiens. Ce nom, après la chute de la voyelle initiale, se transcrit en arabe Qib/ (puisque
les phonémes G et P n'existent pas en arabe qurayshite)#. Or, il se trouve que ces Egyptiens sont pratiquement tous chrétiens. De là, l'identification entre les Qibti (au pluriel, en arabe, Qibt) et les Chrétiens d'Egypte, c'est-à-dire les Coptes. Les autres Chrétiens, ceux qui ne se sentent pas Egyptiens, mais sujets de l'Empire romain d'Orient, seront appelés Räm, comme
eux-mêmes
se désignent.
En réalité, Qibf indique seulement une appartenance ethnique. C'est si vrai que Cléopatre sera dite al-Qibtiyyab, comme nous l'avons vu 5; ou que le vizir Jamal al-Din al.QrFTi (mort en 646/1248) appellera Dioclétien Diglutyánus al-Qibti (ce qui ne plairait nullement à un Copte, soit dit en passant!); ou que l'on parlera de Mariyab al-Qibtiyyab, la femme du Prophéte qui lui donna son fils Ibrahim et qui n'était elle-même pas chrétienne (elle mourut
en 16/637).
En un sens analogue, on rencontre à l'époque mamelouke de nombreux ministres ou hauts-fonctionnaires qui portent le surnom d'al-Qibri. Il s'agit généralement de Chrétiens qui se convertirent à l'Islam pour sauvegarder leurs postes dans l'administration. Qibf? est alors un rappel de leur origine ethnique plus que religieuse, car dans ce cas on aurait dit 4/-Nasràni. 2. Cas de l'Andalousie.
Pareillement, quand les Arabes pénétrérent en Andalousie, ils se m:-ent à appeler certains personnages al-Qufi ou al-Qzutiyyab = le Goth (sous-entendu de l'Ouest, le Visigoth) 5.
Ainsi l’évêque de Cordoue, al-Hafs Ibn Albar (— Alvarez) al-Qüti, qui traduisit les Psaumes en vers arabes au X* siécle, fut surnommé ainsi du fait
82 Cependant, le Q initial est à prononcer G dur, à la manière bédouine, ou encore à la manière de la Haute-Egypte. 8 Voir plus haut, I, $ F 4. * Cf. [ΒΝ AL-Qirri's, Ta’rih al-Hukama'. Auf Grund der Vorarbeiten Aug. Müller's
herausgegeben von Prof. Dr. J. LiPPERT, Leipzig 1905, pp. 89, et 3256). 55$ Ici encore, le Q
se prononce
G
dur
(cf. supra, note 82).
475
qu'il est descendant de Romulo fils de Vitiza, le dernier roi goth d'Andalousie 5. De méme encore, l'historien, poète et linguiste andalou, Abu Bakr Muhammad
Ibn ‘Umar, mort en 977, sera surnommé
Ibn al-Qütiyyah, parce
qu'il est descendant de la reine Sarah, la dernière reine des Goths ”. C'est à dessein que nous avons mentionné un chrétien et un musulman, pour bien montrer que l'élément religieux n'intervient pas dans ces dénominations.
Ici
encore,
la
notion
est
purement
ethnique.
De
plus,
dans
ces deux cas, les ascendants gothiques sont lointains, la conquéte de l'Andalousie qui mit fin au règne des Goths remonte à l'année 711 A.D.! 3.
Divers
autres
cas.
Rappelons enfin d'autres cas rencontrés dans la premiére partie de cette étude: les Amalfitains appelés a/-Räm al-Malafitab 9, Saladin ou Shirküh surnommés al-Kurdi ", et toute la série des surnoms ethniques que nous avons relevée chez YAHYA IBN Sa'ip AL-ANTAKI *.
III.
Réflexions
conclusives
1. En commençant cette recherche, je n'avais pas d'autre but que de savoir ce que les Arabes entendaient par le mot Ra, comme on me l'avait demandé. Je ne savais nullement oü j'aboutirais. L'hypothése de départ, *$ Sur Hafs Ibn Albar al.Qüti, on ne trouvera pas méme mention dans la GAL de C. BROCKELMANN (= Geschichte der arabischen Literatur, I-II, 2° éd. Leyde 1943) et pas davantage dans la GCAL de G. Grar (= Geschichte der christlichen arabischen Literatur, 5 volumes [Studi e Testi, 118, 135, 146, 147, 172], Cité du Vatican 1944,
1947,
1949,
1951,
1953). Aucune
notice
non
plus dans
l'Encyclopédie
de l'Islam.
En
revanche, une dizaine de trés bréves études lui sont consacrées. Voir par exemple (par ordre chronologique: A. NEUBAUER, "Hafs al.Qouti", Revue des Etudes Juives 30 (1895), pp. 65-69; H. Goussen, Die christlich-arabische Literatur der Mozaraber, Leipzig 1909, pp. 7-9; D. M. DuntoP, “Hafs ibn Albar, the last of the Goths?", Journal of tbe Royal
Asiatic
Society,
Londres
1954,
pp.
137.151;
Ipn., "Sobre
Hafs
ibn
Albar
al-Quti
al.
Qurtubi", Al-Andalus 20 (1955), pp. 211-213; G. Levi DELLA Vipa, “Manoscritti arabi di origine spagnola nella Biblioteca Vaticana", Collectanea Vaticana in bonorem Anselmi M. Card. Albareda a Bibliotheca Apostolica edita (Studi e Testi, 220), Cité du Vatican 1962, pp. 133-189, ici pp. 162-164; P. SJ. van KoNINGSVELD, "Psalm 150 of the Translation
by Hafs ibn Albar al-Quti (fl. 889 A.D. [?]) in the Glossarium Latino-Arabicum of the Leyden University Library", Bibliotheca Orientalis 29 (1972), pp. 277-280; Ip., “New Quotations from Hafs al.Qüti's Translation of the Psalms", Bibliotheca Orientalis 30
(1973), p. 315; 10., The Latin-Arabic Glossary of tbe Leiden University Library. A Contribution to tbe study οἱ Mozarabic Manuscripts and Literature, Leyde 1977, pp. 52-54 et 75-76; KHaLIL SAMIR, “ La culture arabe chrétienne ancienne en interaction avec la
pensée
arabe
musulmane",
Islamochristiana
pp. 21-23, où est publié le texte des Psaumes
8? Cf. BROCKELMANN,
GAL,
8 Voir plus haut, I, $ D 3. *? Voir plus haut, I, $ E 1. 99 Voir plus haut, I, $ D 5.
476
8 (1982),
pp.
1-35
(numération
1 et 8 (en distiques).
I, p. 150; et GALS,
I, pp. 232 et 540.
arabe),
ici
suggérée par l’Enciclopedia Italiana, identifiant Rs:
avec les sujets de l'Em-
pire romain, se révéla bien vite inadéquate. 2.
Aprés avoir rassemblé quelques textes oü ce mot apparaissait, textes
choisis plus ou moins au hasard, j'ai cherché à trouver une notion capable d'expliquer les emplois apparemment contradictoires de ce mot. J'ai donc posé une série de questions à tous ces textes. À chaque fois que je croyais avoir trouvé le sens du mot, quelque nouvel emploi venait me montrer que je n'y étais pas encore parvenu.
3. Finalement, le seul sens qui explique tous les emplois du mot Ram, résolvant du méme coup ces apparentes contradictions, est le "sens sociologique" ou ethnico-géographique. Ce sens est corroboré par les autres termes du méme
type, tels que Qibsi, Quti, Kurdî, etc. (il serait intéressant en
particulier d'étudier les termes ‘Arab, Armani, Suryani et Magbribi). 4. Par "sens sociologique" nous voulons dire ceci. Il nous paraît évident que les Árabes n'avaient pas une notion préétablie de ce qu'étaient les Rä», ou les Οὐδέ, ou les Qut. Ils se contentaient d'adopter la terminologie que les peuples conquis utilisaient pour se désigner eux-mémes. C'est là une attitude assez pragmatique, non idéologique, et qui est aussi une maniére de respecter les peuples conquis. Α lire les chroniques arabes médiévales, on n'a jamais l'impression qu'un 'rouleau compresseur' idéologique ou linguistique soit passé par là pour niveler tout; mais plutót l'impression contraire d'une infinité de peuples et de groupes humains, désignés chacun par leur nom, qui convivent pour créer cette mosaïque colorée qu'est l'Orient. À ce niveau, l'étude sémantique confirme l'existence d'un systéme pluraliste extrémement développé. C'est ailleurs qu'il faudra chercher le principe unificateur de cette société, et c'est alors à cet autre niveau qu'apparaitront les problèmes raciaux,
ethniques, sociologiques ou religieux. 5.
D'autre part, étant donné que le Bilad al-Räm (le pays des Räm) changeait de configuration au cours de l'histoire, on comprend que la désignation de Rumi ait aussi varié au cours de l'histoire et suivant les pays. Mais elle désigne toujours des gens appartenant aux Empires romain ou ottoman qui se sont succédés dans la région. 6. Enfin, on aura noté la permanence extraordinaire des termes, à travers toutes les vicissitudes des changements sociaux, politiques ou religieux. Les religions se succèdent dans ce Bilad al-Rüm (religion de l'empereur, christianisme, islam), comme aussi les régimes; mais pour la conscience du sujet
parlant, ces changements n'affectent pas la réalité profonde. Il s'agit toujours en fin de compte de Raz. Tout comme de nos jours, les politiques, les cul. tures, les religions peuvent se succéder sur la terre crucifiée de Palestine, sans
que la réalité ne change pour autant dans la conscience profonde des peuples de la région: cette terre demeurent palestiniens.
reste
palestinienne
et
ses authentiques
habitants
477
Jai voulu, par l'étude d'un terme, illustrer la complexité du vocabulaire arabe et suggérer aussi une méthode.
Ce vocabulaire arabe est complexe, pour trois motifs principaux. Historiquement, il couvre une quinzaine de siécles, et prétend maintenir tous les sens qu'a pu avoir chaque terme au cours de cette longue histoire; la langue arabe est une terre riche, oü l'histoire a laissé de profondes sédimentations. Géographiquement, cette langue s'étend bien au-delà du monde arabe, s'identifiant pratiquement avec l'Empire musulman aux époques de sa plus grande extension; l'arabe marquera toutes les langues musulmanes, mais sera aussi marqué par elles toutes d'une maniére ou d'une autre. Culturellement enfin, puisque l'arabe a hérité de toutes les cultures qui l'ont précédé ou accompagné: la grecque, la syriaque, la latine, la persane, la turque, etc. Pour
ces
divers
motifs,
la
seule
méthode
acceptable
consiste
à
étudier, avec patience, chaque vocable, à la fois diachroniquement et synchroniquement. Táche immense, mais inévitable, qu'il faudra nécessairement entreprendre, du moins pour les termes les plus importants. Táche rendue difficile par le fait que nous ne disposons pas encore d'un dictionnaire historique de la langue arabe, et pas davantage d'inventaires de la langue pour certaines époques. Dans ce domaine, tout est encore à faire.
Enfin, à travers ce petit exemple, nous espérons avoir montré combien le vocabulaire, ainsi étudié, est en réalité révélateur de toute une psychologie, de toute une conception de la société, et méme en définitive d'une vision de l'homme. En ce sens, et seulement en ce sens, nous croyons que la langue, et notamment la langue arabe par son caractére éminemment conservateur, est sacrée.
Addendum
A la fin du XIX* siècle, c'est encore le sens classique qui prévaut chez un auteur-éditeur
melkite mineur,
Khalil
Ibn Mikha'il
Bapawi”,
qui traduisit
en arabe en 1890 l'ouvrage du P. Victor de Coppier?, intitulé: Les deux derniers empereurs de Constantinople, et publié à Beyrouth en 1889-1890. Ce titre est ainsi rendu par notre traducteur: Kasbf al-maktum . fi tarikb äkbiray salätin al-Rum. Les "empereurs de Constantinople" sont devenus les "sultans des Ri", transposition significative et assez heureuse, compte tenu de la terminologie classique. Ici, cependant, Rm ne peut désigner les Ottomans. 3! Sur ce personnage, voir G. Grar, GCAL (cf. supra, note 86), I, pp. 101 $ 1 (édition scolaire de textes de l'Ancien Testament), 190 $ 4 (édition scolaire de textes du Nouveau Testament), 638 N° 6 (édition de l'Octoèque); III, p. 269 N° 6a (édition d'une œuvre du patriarche melkite Maximos Mazlüm); et IV, p. 294 N° 10b (qui traite de notre ouvrage). 9? Sur le P. de Coppier, jésuite, voir G. Grar, GCAL, IV, p. 241 N° 14 (qui signale
deux ouvrages de lui, publiés signale notre ouvrage).
478
à Beyrouth
en
1887 et 1891);
et p. 294
N*
10b
(qui
TERZA
ROMA
JAROSLAV N. SCAPOV - NINA
ETUDE
V. SINICYNA
LA ROME ANTIQUE ET MEDIEVALE DANS LES TEXTES RUSSES DU XI* AU XVI* S. SUR LE SENS DES MOTS RUSSES ‘RIM’, 'RIMSKIJ ET 'RIMLJANIN' *
1. Probléme d'béritage romain dans la Russie ancienne Les Etats antiques de la Méditerranée et surtout l'Empire Romain ont
joué un róle énorme dans l'histoire de la civilisation européenne et ont posé en grande partie les bases du développement social, politique, culturel du Moyen Age, de la Renaissance et des Temps Modernes. Mais, en diverses régions d'Europe, l'héritage de la civilisation antique n'a pas eu la méme importance: ceci est dû à plusieurs facteurs: la situation géographique, la présence ou l'absence d'un régime esclavagiste de méme type que celui de Rome; les conditions de formation de l'Etat avec ou sans participation de l'élément politique romain. Le christianisme, enfin, a joué un róle d'une certaine importance dans la transmission des éléments de la civilisation antique au Moyen Age. Certains de ces facteurs ne sont pas restés constants au cours des siècles et ont changé de sens dans l'histoire de quelques régions, jusqu'à se transformer de favorables en négatifs. Quand on étudie l'histoire des traditions et des innovations de la Russie
ancienne liées à la Rome antique, il importe surtout de définir les particularités de la région donnée. Ceci peut faciliter considérablement l'étude du thème précis auquel est consacré notre Séminaire: le sens du mot rimski; dans les monuments écrits du Moyen Age. A ce propos, remarquons trois choses. D'abord,
l'Etat.
russe
ancien,
sur un territoire de l'Europe Romain.
A
différentes
époques,
dont
Kiev
était
le centre,
s'était
formé
orientale ne faisant pas partie de l'Empire ces
deux
territoires
furent
en
contact,
à
leur périphérie lointaine, à l'embouchure du Danube (selon le "Récit des Temps passés" les communautés tribales russes des Ulity et des Tivercy par* La lére et la 2ème partie sont dues à Jaroslav N. Stapov, la 3ème et la 4ème à Nina V. Sinicyna.
481
vinrent jusqu'au Danube) !. Il est important que les bases du régime socioéconomique, politique et étatique de la Russie ancienne se soient formées sans élément antique et romain important, sans synthése des sociétés qui appartenaient à diverses formations (antique et féodale). Ceci résulte de la désagrégation du régime patriarcal et communal des tribus slaves, de la formation de groupements politiques entre tribus au début de la séparation des classes, dans les conditions d'une synthése sociale avec d'autres tribus slaves
qui habitaient aussi la plaine d'Europe orientale, ou la traversèrent lors de la migration des peuples. Cette ‘exterritorialité@’ de la Russie ancienne par rapport à l'Empire Romain excluait, naturellement, toute possibilité d'apparition en Russie d’institutions romaines, sociales ou politiques, qui étaient connues dans les anciennes provinces impériales et sur lesquelles s'édifiérent les Etats médiévaux de l'Europe occidentale et méridionale. Ceci concerne surtout la notion de "citoyen romain", "civis romanus", que, bien entendu, la société russe ancienne ignore totalement. Cependant, cette ‘exterritorialité’ n'empéchait pas que la population de la plaine d'Europe orientale et que la société russe ancienne fussent liées économiquement et politiquement aux territoires de l'Empire Romain et de ses héritiers historiques directs. Les relations commerciales remontent
déjà à l'époque de la culture archéologique de Cerniachovo. afflux de deniers romains
aux
III*-IV*
L'important
siècles, découverts dans des
trésors
sur le territoire de l'Ukraine, en est une preuve?. L'ancienneté des rapports avec l'Empire Romain est aussi attestée par le fait que le poids des unités monétaires russes dépendait de celui des unités romaines Ὁ. Mais la politique impériale de la Nouvelle Rome empéchait la pénétration, chez les barbares du Nord, des ouvrages de haute qualité, fabriqués par l'artisanat romain occidental et oriental. Le Code Justinien, répétant les arrêtés du IV* s., interdisait l'exportation dans les pays barbares d'objets de luxe, d'ouvrages d'orfévrerie, d'armes, qui ne pouvaient étre remis aux chefs barbares que sous forme de présents, en échange de leur amitié et soumission à l'empereur‘. Dans une certaine mesure, ceci réduisait la diffusion de cer! Polnoe sobranie russkich letopisej (plus loin PSRL), I, Léningrad 1926, col. 13; St.-Pétersbourg 1909, col. 9; Povest' vremennycb let (plus loin PVL), 1ère partie, Moscou Léningrad 1950, p. 14. ? V. V. Kropotkin, "K voprosu o razvitii tovarnogo proizvodstva i deneZnych otnosenij
u plemen
la production
ternjachovskoj
marchande
kul'tury v III-IV
vekach"
et des rapports monétaires
(Sur le développement
Cerniachovo aux ILI*-IV* siècles), Leninskie idei v izutenii istorii pervobytnogo rabovladenija i feodalizma, Moscou 1970, pp. 156-160.
3 V.L. JANIN, Deneino-vesovye
de
chez les tribus de la culture de
sistemy russkogo srednevekov'ja.
obiestus,
Domongol'skij pe-
riod, Moscou 1956, p. 195; B. A. Rybakov attire l'attention sur l'exportation de grains en provenance des pays slaves vers l'Empire Romain par les villes grecques du littoral de la mer Noire, ce qu'atteste aussi l'emprunt par les Slaves de la mesure romaine pour le blé,
quadrantal, XII-XIII
devenue vv., Moscou
detverik.
Cf. B. A. RvBAkov,
4 Codex 4, 41. Cf. M. Ja. Sruzsumov,
482
Kievskaja
Rus'
i russkie
knjaiestve
1982, pp. 37; 40.
"Remeslo i torgovlja v Konstantinopole v
tains acquis de la civilisation antique, mais n'était plus capable de l'empécher. Selon des traités du X* s, avec l'Empire Romain d'Orient, l'Etat russe ancien avait obtenu le droit de commercer avec les marchands byzantins et d'acheter des ouvrages de haute qualité. Du X* au XII* s. les nomades essaient de couper la Russie de la mer Noire et rendent aussi difficiles les relations commerciales avec la Méditerranée. Mais le commerce continue à se faire avec Constantinople et avec le Saint-Empire romain germanique‘. La cour de Kiev et les cours princiéres russes, ses héritiéres, étaient apparentées aux cours souveraines de Constantinople, de France, d'Allemagne, de Bohéme, de Suède, de Hongrie et autres”;
peinture
et en architecture,
on rencontre
des
dans les sujets littéraires, en
thémes
nés dans
les pays
d'Europe occidentale et centrale. Enfin, l'Eglise catholique fut un porteur essentiel de la tradition romaine au Moyen Age; son rôle politique n'est pas moins considérable que son rôle culturel. L'attitude envers les lettres slaves et les traductions en langue slavonne des ouvrages grecs et latins en Moravie présente des nuances essentielles entre les évêques catholiques voisins et le Saint-Siège. Dans la légende sur la diffusion des lettres slaves, on peut remarquer l'attitude bienveillante du Pape (c'était alors Adrien II) envers le service et les textes en langue slavonne, ce qui empéchait leur interdiction par les autorités ecclésiastiques
locales *. La Curie romaine chercha à affermir le christianisme en Russie au X* s., entrant en compétition avec Constantinople sur ce terrain. La portée politique de ces tendances est aussi indéniable. Certes, l'adoption par la Russie kiévienne du christianisme de Constantinople, aprés des négociations diplomatiques
à ce sujet avec Rome
et l'Empire, était aussi, en grande
mesure,
un acte politique, Le christianisme, comme enseignement religieux établi à la fin de l'Antiquité et porteur d'importantes doctrines idéologiques, politiques, juridiques et morales, était un facteur important qui favorisa l'initia-
tion à l'héritage antique des Etats du début de la féodalité nés hors des limites
de l'ancien Empire Romain. La Russie avait la possibilité de choisir volontairement la forme de cet héritage, comme le montrent les liens bien connus de la Russie aux IX*-X* siècles avec Rome, Constantinople, avec les pays d'Orient, aussi bien que la légende des chroniques sur le choix que Vladimir
fit entre les diverses religions. L'orientation vers Constantinople lui fut très natale X v." (L'artisanat et le commerce à Constantinople au début du X* siècle), Vizantijskij vremennik, 4 (1951), pp. 36-38; N.V. PicULEVSKAJA, "K voprosu ob organizacii i formach torgovli i kredita v rannej Vizantii" (Sur l'organisation et les formes du commerce et du crédit au début de l'empire byzantin), ibid., p. 89. 5 PVL, 1ère partie, p. 36. A. N. ϑάοηλκον, Diplomatija Drevnej Rusi IX-pervaja polovina X v., Moscou 1980, p. 242. 6 A.P. NovosELCEV, V. T. Pasuto, "Vneinjaja torgovlja Drevnej Rusi (do serediny XIII v.)" (Le commerce extérieur de la Russie ancienne [jusqu'au milieu du XIIT's.]), Istorija SSSR, 1967, N° 3, pp. 81-108. 7 V, T. PASUTO, Vneinjaja politika Drevnej Rusi, Moscou 1968. * PVL, Jère partie, p. 22.
483
avantageuse. Elle valut à l'Etat russe d’être sur le méme pied que les autres Etats médiévaux d'Europe; il put mener une politique extérieure indépendante et, dans le morcellement féodal, conserver l'unité culturelle et poli tique des terres russes. L'idée d'un caractère confessionnel ou national exclusif fut étrangère à la pensée sociale dans la Russie du XI* au XIII* s. L'idée religieuse et politique de l'égalité des peuples chrétiens, instruits de la méme manière par les apôtres du Christ, trouva son expression dans le “Dit sur la Loi et la Grâce” du métropolite Ilarion et dans le "Récit des Temps passés". L'établissement, à la fin du ΧΙ" s., du culte de Nicolas évêque de Myre montre de manière significative qu'on avait conscience en Russie de l'indivisibilité du christia nisme oriental et occidental. Le fait que Constantinople n'avait pas reconnu le vol des reliques du prélat comme féte de leur transfert à Bari, n'empécha pas d'établir cette féte en Russie cinquante ans environ aprés la rupture officielle des Eglises romaine et constantinopolitaine?. La conscience de l'unité de
"toute la chrétienté" caractérise les idéologues du XII* s. en Russie du Nord-Est, tels que l'auteur du "Récit sur le meurtre du prince Andrej Bogoljubskij" !, de méme que ceux de la Russie du Sud-Ouest !!. La propagande antilatine des hiérarques byzantins en Russie ne rencontra aucune approbation parmi les féodaux laiques et les citadins. Mais les menées politiques des pays voisins, accompagnées d'expéditions militaires contre Kiev, devaient provoquer de nettes manifestations d'antipathie contre le catholicisme.
Un revirement manifeste dans l'attitude envers l'Eglise occidentale est lié à l'agression féodale au XIII* s., sous les mots d'ordre catholiques de la croisade contre les peuples non christianisés des pays Baltes de l'Est, dépendants de la Russie. Les chevaliers de l'Ordre Livonien, unis aux féodaux d'autres pays, rencontrérent la résistance opiniátre des peuples baltes, des
armées de Novgorod et de Pskov; ainsi l'agression contre les terres russes ? E. E. GoLuBINSK1J, Istorija russkoj cerkvi, I, 1ère partie, Moscou 1901, pp. 773-774; D. OsoLensKy, "Russia's byzantine heritage", Oxford Slavonic Papers, 1 (1950), p. 54; Ja. N. Séarov, “Nekotorye voprosy ideologii Drevnej Rusi v osvesfenii burzuaznoj istoriografii” (Quelques questions sur l'idéologie de la Russie ancienne à la lumière de l'historio-
graphie bourgeoise), Kritika buräuaznych koncepcij istorii Rossii perioda feodalizma, Moscou 1962, pp. 228-229. 10 Andrej Bogoljubskij admettait également dans la chapelle de son palais à Bogoljubovo, «si venait un marchand de Constantinople et d'autres pays, de la Russie, et si C'était un Latin et tout chrétien ». (PSRL,
II, col. 591, année
1175).
! Dans la "Chronique d'Ipatiev" on reproduit la lettre des princes hongrois et polonais à Jurij Dolgorukij, oà l'on souligne que les princes russes et polonais appartiennent à la méme foi chrétienne: «et nous sommes tous chrétiens (fréres) en Dieu, tous fréres entre nous et nous devons
agir en commun.»
(PSRL,
II, col. 387, année
1149). Le fait
que le prince Vladimir de Gali& ait baisé la croix catholique hongroise de Saint Etienne comme hommage lige au prince Izjaslav est trés important (PSRL, 11, coll. 461-462, année 1152. Cf. V.T. Pasuto, Vnefnjaja politika Drevnej Rusi, cit, pp. 176-177; V.N. LAzAREV, Vizantijskoe i drevnerusskoe iskusstvo. Stat'i i materialy, Moscou 1978, pp. 230-251).
484
fut repoussée. Cette invasion et les opérations militaires provoquèrent une grande hostilité envers l'Eglise occidentale et tout ce qui lui était lié. Le défenseur de la terre de Novgorod, le prince Alexandre Jaroslavit de VladimirSuzdal', surnommé
Nevskij
pour sa victoire sur la Néva,
fut plus tard, en
tant que héros national, canonisé par l'Eglise orthodoxe. Mais les rapports commerciaux et culturels de la Russie avec les pays occidentaux continuèrent, naturellement, du XIV* au XVII* siècle ?, Un des auteurs de cette étude a consacré, durant le Séminaire "De Rome à la Troisième Rome", en 1981, une communication à l'un des sujets de ce thème, l'utilisation et la version locale de l'ancien calendrier romain à Pskov au XIV* siécle.
Nous nous sommes permis de signaler ces aspects des relations de la Russie avec les pays méditerranéens et l'Europe catholique, pour que l'analyse précise du sens des mots qui intéressent notre Séminaire ne soit pas abstraite, détachée de l'histoire, mais liée aux conditions de l'époque à laquelle se rapporte telle ou telle mention.
2.
Les mots rimskij ef rimljanin dams les textes russes du XI* au XIV* siécle
Nous avons volontairement limité l'analyse des anciens textes russes écrits aux ceuvres originales de la littérature russe, de l'historiographie et de l'hagiographie, créées en russe. Il y a, naturellement, bien plus de mentions qui nous intéressent dans les textes traduits qu'on lisait en Russie. Ces traductions appartenaient aux premiers civilisateurs slaves, à leurs élèves et disciples en Bulgarie et aux traducteurs russes. Mais les textes traduits reproduisent le sens des mots correspondants dans les originaux, ce qui présente bien moins d'intérét pour notre théme. En
ancien
russe,
au
mot
latin
romanus
correspondaient
deux
mots:
l'adjectif rimskij et le substantif rimljanin. Ce sont ces deux mots et leurs dérivés qui font l'objet de notre étude P. Le nom
slave Rim, différent du latin Roma
et du grec Ῥώμη,
montre
qu’il a été connu non pas par l'intermédiaire de l'Empire d'Orient, mais par celui de l'Occident et non pas directement par l'entremise des langues latine ou italienne. Cette forme énigmatique du nom de la Ville Eternelle a paru dans les langues slaves, comme le supposent les étymologistes, par l’in12 J. A. Limonov, Kul'turnye svjazi Rossi s evropejskimi stranami v XV-XVII vv., Léningrad 1978; A.L. CHonroëkevië, Russkoe gosudarstvo v sisteme meldunarodnych otnolenij konca XV-naëala XVI v., Moscou 1979; N. À. KAzAKOVA, Zapadnaja Evropa v russkoj pis'mennosti XV-XVII vv. Iz istorii mekdunarodnych kul'turnych svjazei Rusi, Moscou 1980. 13 Pour cette étude, les auteurs ont consulté les fichiers de l'Institut de langue russe de l'Académie des Sciences, à Moscou, qui contient des matériaux pour le Dictionnaire
du russe ancien (XIe-XIVe s.), et pour le Dictionnaire de la langue russe (XIe-XVIIe s.); ils adressent leurs remerciements
aux rédacteurs.
485
termédiaire du gothique (IV*-V* s.) ou de l'ancien haut-allemand (VITI*IX* s.) "4, c'est-à-dire assez tôt, bien que cette forme ne soit fixée dans les docu-
ments écrits qu'au début du XI* s., dans le Codex Suprasliensis. Quant aux textes russes, les mots riszskij et rimljane sont déjà mentionnés dans les ouvrages plus anciens de la littérature et de la pensée politique. C'est le “Dit de la Loi et de la Grâce” d’Ilarion, déjà cité, sermon solennel prononcé à Kiev probablement en 1049 devant le sarcophage de Vladimir. Ce sont le “Récit des Temps passés", texte du début du XII* s., composé par Nestor,
moine
du Monastére
de Kiev;
les chroniques
et compilations
relatives à Vladimir-Suzdal', Vladimir-Volynsk et à Novgorod, et d'autres ouvrages. A) L'analyse de ces mentions montre que par les mots rimskij, rimljane on désignait le plus souvent la notion d'Empire Romain. C'est l'Empire Romain antique qu'on a en vue dans les récits d’Ilarion, le “Récit des Temps passés", la première "Chronique de Novgorod" sur la conquête de Jérusalem et la destruction de cette ville. On y mentionne les Rirsljane et rat’ (l’armée) des Rimljan *. Ilarion emploie le mot Rimljane aussi pour désigner l'Empire Romain d'Occident, que l'empereur Constantin convertit au christianisme avec celui d'Orient (Elliny) ". Dans la littérature russe médiévale, les empereurs romains étaient des modéles de vertu et des exemples de vices: les traductions les avaient fait connaître au lecteur russe. L'empereur Néron Rimskij est mentionné dans la "Chronique d'Ipatiev" vers 1270 sous un jour défavorable. Selon l'auteur de la chronique, le prince Troiden, parvenu au pouvoir dans la Lituanie voisine, était aussi "violateur de la loi" qu' Antiochus de Syrie, Hérode de Jérusalem et Néron Rimskij!. Pour sa bravoure, le prince russe Alexandre Nevskij
est comparé,
par l'auteur de
sa Vie,
à Vespasien,
César
Rimskij,
qui avait conquis toute la Judée (dans des chroniques de 1263 environ) P. B) Ces mots sont médiéval, apparu au X* de l'Italie avec Rome. il dit que chaque pays M A.G. p. 923;
aussi employés s. à la suite de C'est justement chrétien a son
PmREOBRAZENSKI),
M. VASMER,
pour désigner le Saint-Empire romain la conquéte carolingienne d'une partie à cet empire que pense Ilarion quand apótre: « Rimskaja strana glorifie les
Etimologiteskij
slovar'
russkogo
Etimologiteskij slovar’ russkogo jazyka,
jaxyka,
III, Moscou
Moscou
1958,
1971, p. 483.
15 L. MULLER, Des Metropoliten Ilarion Lobrede auf Vladimir den Heiligen und Glaubensbekenntnis, Wiesbaden 1962, p. 85 (réimpression de la publication de A.V. Gorsxiy, Pribavlenija k tvorenijam sv. otcev v russkom perevode, II, Moscou 1844; plus loin, Ilarion); PVL, p. 61 (année 986). 16 PVL, p. 110 (année 1065); Novgorodskaja pervaja letopis' Starfego i Mladiego ixvodov, Moscou-Léningrad 1950, p. 185 (année 1065). 17 «Comme lui (Constantin le Grand) a soumis à Dieu un empire chez les Ellimy et les Rimljane, ainsi toi, bienheureux (Vladimir), tu l'as fait (en Russie)» (Ilarion, cit. p. 118).
18 PSRL, II, col. 869. 19 Novgorodskaja pervaja letopis', cit., p. 290. PSRL,
486
I, col. 477.
apôtres Pierre et Paul, l'Asie et Pathmos Saint Jean l’Evangéliste; l'Inde Saint Thomas; l'Egypte Saint Marc, Et nous, Russes, nous célébrons, autant que nous le pouvons, le prince (ici le terme kagan est employé) de notre pays, Saint Vladimir » ?. L'ancien mot slavon strana était synonyme du mot
zemlja (Etat), mais désignait les terres étrangères non russes ?. Cette énumération des pays du monde et des apótres, qui les ont instruits, avec mention
de la Rimskaja zemlja, se trouve dans ]'"Eloge du prince Ivan Danilovit Kalita" (1340), contenu dans le Sijskoe evangelie de la méme année 2. Mais là, ce n'est plus le prince Vladimir qui a converti la Russie, mais l'apótre
André. Une relation de la "Chronique d'Ipatiev" vers 1208, sur l'assassinat du "grand César (empereur) Philippe Rimskij”, parle du Saint-Empire romain ?. Philippe de Souabe, frère d'Henri IV, de la dynastie des Hohenstaufen, était, comme on sait, l'un des empereurs électifs. Enfin, le traité de commerce entre Smolensk et les villes de Riga et de Visby dans l’île de Gotland, en
1229, appelle l'Empire "carstvo rimskoje". Ce document rapporte qu'il est signé avec la participation "de plusieurs marchands de l'empire rimskoje”, parmi lesquels des représentants des villes germaniques du Nord Lübeck, Münster, Dortmund, Bremen, et autres. Il faut signaler que les sources russes n'appellent pas rimzljane les représentants du Saint-Empire romain, à la différence de l'Empire Romain antique. C) Ce mot rimljane appliqué au Moyen Age désigne toutefois une autre
notion, plus restreinte, relative à la ville de Rome et à sa région. Dans l'introduction historico-ethnographique nument
du “Récit des Temps
de l'historiographie russe du XII*
s., dont Nestor,
passés", moine
mo-
du Mo-
nastére de Kiev, prit part à la composition, les rimljane sont cités parmi les peuples d'Europe, descendants de Japhet. Ils sont au même rang que les Anglais, les Allemands, la Russie,
à côté des Vénitiens et des Génois.
Les
rimljane sont ici les habitants de la ville principale des Etats du Pape, les citoyens de Rome, mais non pas de tout l'Empire. En méme temps, ils ne sont pas un symbole du monde catholique, puisqu'à οδιέ d'eux sont encore cités deux villes italiennes, les Allemands et des Galièane, peut-être
des Galiciens ou des Gaulois appartenant à l'Eglise d'Occident 5. 2 72 2 l'Inde
Ilarion, cit., p. 99. L. MuLLER, Die Werke des Metropoliten Ilarion, München 1971, p. 74. «La Rimskaja zemlja glorifie les apôtres Pierre et Paul, l'Asie Jean l'Evangéliste, Thomas, Iérapol' (Hérapolis) Philippe, la Russkaja zemlja l'apôtre André, la
Greceskaja zemlia l'empereur Constantin..». N.A. MrXS'Emskrj, "K izuéeniju rannej moskovskoj pis'mennosti" (Contribution à l'étude des plus anciens textes de Moscou),
Izutenie russkogo jazyka i istoënikovedenie, Moscou 1969, p. 95 (La Sijskoe evangelie avec l'éloge a été publiée à plusieurs reprises). 3 PSRL, II, col. 723. % T. A. Sumnikova, V.V. Lopatin, Smolenskie gramoty XIII-XIV
Notation
du
vv., Moscou
1963, p. 39.
3 PVL, ière partie, p. 10; 2ème partie, p. 212. Un des derniers ouvrages sur l’Introduction au “Récit des Temps passés" est dû à V.I. Morpasov, “K istorii teksta
487
D) Le mot rimskij appliqué à l'archevéque de Rome, au Pape, caracté rise, dans les sources russes, le chef et le représentant de l'Eglise catholique romaine, à côté des archevéques de Jérusalem, d'Antioche, d'Alexandrie et,
naturellement, de Constantinople. Ce sens se rencontre déjà dans le “Récit des Temps passés", dans le sermon au prince Vladimir, interpolé vers 988 *, et mentionné par la Légende sur la diffusion des lettres slaves (le Pape de Rome condamna ceux qui exprimaient leur mécontentement à propos des livres slavons). Ce sens est connu dans la “Chronique de Lavrentij", compilation historique composée à la cour du grand-prince de Vladimir-Suzdal', au début du XIV* s. Là, les événements de 1203 et de 1212 sont datés des
jours de fête de la saint-Sylvestre et de la saint-Martin, tous deux ‘papes rimskie" ?. Notons le culte que ces deux hommes d'Eglise du IV* et du VII° s. ont en Russie, et la mention favorable à la position du Pape Adrien II (IX* s.). E) Au cours du temps, les mots rimskij, rimljane prennent un caractère
toujours plus politique et religieux, comme une désignation de la notion "catholique", "chrétien d'Occident", à l'opposé d' "orthodoxe", de "chrétien d'Orient”. Ce sens existe déjà dans le sermon cité au prince Vladimir dans le "Récit des Temps passés". Il y est dit qu'auparavant, dans sept conciles cecuméniques, les rim:ljane ne portaient pas atteinte à la pureté de la foi comme ils le font aujourd'hui (c'est-à-dire à la fin du XI* s., auquel remonte
ce texte) #, Dans la "Vie d'Alexandre Nevskij", de la fin du XIII* s., il y a la description de la campagne des Suédois contre la Russie sous le mot d'ordre d'instruire les Russes dans "le vrai christianisme". L'auteur, observant le canon imposé aux Vies de saints, appelle de manière allégorique l'adversaire du prince russe, Erik Erikson: «le roi du pays nordique (o£ polunofénoyja strany) de la fasti rimskoje (de l'Europe) ». Ici rimskaja East’, c'est l'Europe catholique que la Russie dut affronter en armes sur les rives de la Néva, de la Vélikaja et du lac Cudskoje. Pour l'auteur de la “Vie”, les rirrljane sont déjà des ennemis: sur la riviére IZora, en 1240, « il y eut une grande bataille contre les rimljane et on en tua une multitude » ?. Ainsi, par le fait du hasard, le nom glorieux des citoyens de la grande ville méridionale de l'antiquité désigne à la fin du XIII* s. l'adversaire venu d'un pays nordique. F) Mais, comme le dit le proverbe russe, "une mauvaise paix vaut mieux qu'une bonne dispute". Les relations commerciales et culturelles avec les Vvedenija ‘Povesti vremennych let’ " (Sur l'histoire du texte de l'Introduction au ‘Récit des Temps passés’), Problemy istorii feodal'noj Rossi, Léningrad 1971, pp. 38-42.
26 PVL, p. 79. © PSRL, I, coll. 418 et 436. 75 PVL, ière partie, p. 79; 2ème partie, p. 340. ?9 PSRL,
I, coll. 478-479;
Novgorodskaja
Pervaja
letopis', cit., pp. 291;
293;
J.K.
BEcuNov, Pamijatnik russkoj literatury XIII v. 'Slovo o pogibeli Russkoj zemli', MoscouLéningrad
488
1956,
pp.
162;
166.
pays de l'Occident catholique se poursuivirent aux XIII*-XIV* siècles et elles étaient avantageuses pour les deux parties. En Russie on connaissait quelques
ouvrages d'artisanat appelés rimskie. Par exemple, les "vitres rimskie”, dont le grand-prince
de Galit, Daniil
Romanovië,
orna,
au
milieu du
XIII*
s.,
sa nouvelle église dans la ville de Cholm (aujourd'hui Chelm en Pologne) 9. Cela pouvait étre du verre à vitre de grande dimension ou plutót des vitraux. G) Enfin, dans les textes russes, le mot rimskij désignait le nom de la langue des Romains, c’est-à-dire le latin". Dans le "Paterik du Monastère de Kiev", rédigé à Kiev dans les années 1220, il est question d'un possédé du démon.
Cela
se manifestait,
entre
autres, par
des
discours
en langues
étrangères: «il se mit à parler en hébreu, puis po-rimski, ensuite en grec, et en général dans toutes les langues » *. Le latin n'était pas trés connu dans la Russie ancienne. Les scribes des livres russes anciens, en particulier du "Nomocanon d'Ephrem" au début du XII° s., en recopiant un texte slavon ne pouvaient que redessiner ou passer les mots latins ?, sans comprendre
leur sens. Mais le grand-prince de Kiev, Vsévolod, fils de Jaroslav le Sage, selon les paroles de son fils, savait cinq langues * dont, probablement, le latin. Il est naturel que la connaissance du latin attirát l'attention de ses contemporains sur celui qui savait cette langue, mais heureusement cela n'était pas toujours expliqué par l'intervention d'un démon. H) On connaissait en Russie le calendrier romain antique, si différent de celui en usage dans les pays slaves et dans l'Empire Romain d'Orient, qu'on employait dans des occasions particuliérement solennelles pour conférer à des événements donnés une importance historique et universelle 5. Les calendes sont connues dans la "Vie de Boris et Gleb", et dans la première "Chronique de Novgorod", textes du XII* s. Dans la partie volhynienne de la "Chronique d'Ipatiev" vers 1254, il est dit qu'en écrivant l’histoire, on employait "les bissextes po-rimskij", probablement calculs des jours complémentaires corrigeant le calendrier julien d’après le'calendrier solaire 5. L'importance de la bissextilité était connue en Russie par un article spécial du
calendrier attribué "au Grand érudit d'Antioche" ?. 3 PSRL, II, col. 843 (année 1259). 31 La tradition novogorodienne appelle un certain Antonij, fondateur d'un monastère près de Novgorod, au XII's., probablement originaire de l'ile Gotland en mer Baltique, rimljanin, qui selon M. N. Tichomirov signifie catholique (M. N. TicHomirov, “O &astnych aktach v drevnej Rusi", Istorifeskie zapiski, 17 (1945), p. 238).
32 Paterik Kievskogo Peterskogo monastyrja, St-Pétersbourg 1911, p. 201. 93 V.N. Βενεξενιῶ, Drevneslavjanskaja korméaja XIV titulov bez tolkovanij, St-Pétersbourg
I,
1906, p. 812.
# PVL, 1ère partie, p. 158.
35 Ja. N. SCapov, "La tradition du calendrier romain en Russie (XI*-XIV* siècles)”, Roma, Costantinopoli, Mosca (Da Roma alla Terza Roma, Studi I), Napoli 1983, pp. 447-458. Edition du texte complet: Ip., "Kalendar' v pskovskich rukopisjach XV-XVI vv.", Trudy otdela drevnerusskoj literatury (plus loin TODRL), 37 (1983), pp. 157-183.
% PSRL, II, col. 820. 3 Ja. N. Scapov, "Kalendar' v pskovskich
rukopisjach", cit, p. 159.
489
3.
Les mots rimskij, romejskij, rimljanin dans les textes russes du XV* XVI* siècle
au
L'accroissement des contacts politiques et culturels de la Russie aux XV*-XVI' siècles avec les pays d'Europe occidentale et les pays slaves, avec l'Empire Romain d'Orient et avec "Byzance aprés Byzance" contribua à l'extension du nombre de textes écrits touchant le théme romain, ainsi qu'à
l'élaboration plus détaillée de quelques-uns de ses aspects. Tout ceci détermina non seulement le maintien du lexique que l'on appliquait traditionellement pour l'expression du théme en question, mais aida encore à l'approfondissement de la sémantique et du lexique et provoqua certaines transformations des termes et des mots. La formation d'un Etat russe centralisé, à peu prés achevée à la fin du XV* s., l'affermissement de son importance dans les relations internationales, ainsi que le développement de la conscience nationale exigeaient non seule. ment de comprendre et de confirmer la nouvelle place occupée par la Russie dans le concert des Etats européens d'alors, mais encore de réévaluer son passé, c'est-à-dire le róle de la Russie et du peuple russe dans le processus historique mondial (comme on le comprenait à cette époque et dans la région historico-culturelle à laquelle elle appartenait). Dans ce but, en élaborant des théories historico-politiques, on eut recours à l’idée de la Roma aeterna, de la majesté et de l'importance de l'Empire Romain du temps d'Auguste, de Rome comme incarnation de la notion d'Etat. C'est à cela qu'est liée une nouvelle interprétation des mots Rim, rimskij. Pour les comprendre exactement dans les ouvrages de cette période, il faut donner une caractérisation de ces œuvres, ne fût-ce que la plus suc-
cincte. A) La Rome
antique.
Aux
XV*-XVI*
siècles, les mots Rim
et rimljane,
dans le premier des sens cités plus haut (la Rome antique, l'Empire Romain antique, habitants de la ville et citoyens de l'Empire) sont largement adoptés dans les Chronographes, ouvrages historico-littéraires exposant “l'Histoire universelle" (selon la conception historique de l'Europe médiévale); c'est là que les lecteurs russes puisaient aussi leurs connaissances sur l'histoire de la Rome antique depuis sa fondation jusqu'à sa chute. Les nouvelles romaines des Chronographes étaient, en général, empruntées aux traductions de la littérature byzantine (Georgios Hamartolos, Ioannès Malalas, Konstantinos Manassés, etc.), mais on peut les inclure dans le cadre du théme donné, en
s'appuyant sur l'idée que les traductions font partie intégrante de toute culture nationale, comme
exprimant son activité et non sa passivité *.
Le genre chronographique, connu depuis le XI* s., vit se créer vers le XV* s. plusieurs formes. Il faut signaler en particulier "Le chronographe
hellénique et romain" (Letopisec ellinskij i rimskij) consacré en grande partie à l'histoire grecque et romaine (et "byzantine"). L'auteur de la plus récente 35 Cf. S. MATHAUSEROVA, Drevnerusskie teorii iskusstva slova, Praha 1976-1979, p. 28.
490
étude sur cet ouvrage, O. V. Tvorogov, pense qu'on ne peut fixer l'époque où l'archétype de cette œuvre a été composé et se borne à constater le
fait de son existence indéniable au début du XV* s.
La seconde rédaction
en a été plus répandue; établie au milieu du XV* s., peut-être entre 1448 et 1453, elle a suscité un vif intérét dans les milieux gouvernementaux moscovites de la fin du XV* s. Parmi les monuments de ce genre, celui qui a contribué le plus à l'historiographie médiévale russe est le "Chronographe russe", nouveau recueil chronographique qui, pour la premiére fois, insérait l'histoire de la Russie et des autres pays slaves et leur accordait la place qui leur revenait ". Les dernières recherches font remonter ce texte au premier quart du XVI* s. *. L'importance de ce texte fut grande au XVI° s.; au XVII° s. «les chronographes sont le genre le plus répandu de la narration historique et font autorité » (O. V. Tvorogov);
on en fait de nouvelles
rédactions,
on le re-
copie à un nombre considérable d'exemplaires. Les lecteurs du “Chronographe russe" apprirent à connaître la généalogie légendaire des empereurs romains, en remontant au troyen Enée. Dans la narration sur la fondation de Rome, l'interprétation qui fait des Romains (rimljane) de cette époque des Hellènes du couchant, c'est-à-dire occidentaux
(vecernie elliny), et de l'Italie — interessante:
« Glava
le pays romain (Rimskaja strana) est très
107. Carstvo veternych Ellin, ite v Rimé, i teso radi
Italia naricafesja Rim'skaja strana i Zivuitii v nej Latyni nareteni » [« Chapitre 107. L'Empire (carstvo) des Hellénes de l'Occident, qui sont de Rome,
et pourquoi l'Italie s'appelle le pays romain et ses habitants ont été denommés les Latins »]. Le texte est emprunté à la "Chronique" de Konstantinos Manasses (XII° s., traduction bulgare du XIV* s.), mais dans le titre, seule la première partie appartient à l'original; la dénomination de l'Italie comme Rimskaja strana (le pays romain) n'est sans doute qu'une interpolation personnelle du rédacteur, car ce fragment est absent dans les manuscrits publiés de la "Chronique", ceux de Moscou et du Vatican 9. Nous parlerons plus loin des raisons de son apparition. L'Empire Romain est désigné comme carstvo, comme rimskaja vlast', rimskaja dertava. Les gouvernants (et en général les * O. V. Tvorocov, Drevnerusskie chronografy, Léningrad 1975, pp. 3-24. Les œuvres de ce genre sont, malheureusement, inédites, en grande partie à cause de leurs dimensions.
4. D.S. LicHACEv, "Ellinskij letopisec vtorogo vida i pravitel'stvennye krugi Moskvy konca XV v.", TODRL, 6 (1948), pp. 100-110. 4 PSRL, XXII, 1ére partie, St-Pétersbourg 1911. Pour les rédactions du "Chronographe" cf. O. V. Tvonocov, op. cit., pp. 188-231.
plus
tardives
€ O.V. Tvorogov écrit sur le début du XVI's, bien qu'il n'estime pas que la question soit complétement résolue (O. V. Tvorocov, op. cit., pp. 32; 205; 207); B.M. Kloss avance la période 1516-1522 (B.M. KLoss, Nikomovskij svod i russkie letopisi XVI-XVII vekov., Moscou 1980, pp. 157-159). 4 PSRL, XXII, lére partie, p. 224. Cf. Cronica lui Constantin Manasses. Text si glosar de J. BocpAN, Chronique (Slavische
Bucuresti 1922; réédition Propyláen, 12), München
phototypique: Die Slavische Manasses1966, p. 67; I. DujéEv, Letopista na
Konstantin. Manasi, Sofia 1963, p. 127.
491
représentants des couches supérieures de la société) sont appelés rimskie bojare (le bojarin était le plus haut titre nobiliaire dans la structure sociale de la Russie médiévale). Pour notre étude, il faut souligner qu'aux notions de "romain", “le Romain", "les Romains", dans le "Chronographe russe", par rapport à la Rome antique, ne correspondent que les termes rimskij, rimljanin et rimljane. Mais dans les ouvrages plus anciens de ce genre, des chroniques traduites, Letopisec ellinskij i rimskij, trois mots différents ont été employés: rimljane, rumy
(rume),
romei
(rome),
correspondant
à ῥωμαῖοι
de
l'original;
c'est
aussi caractéristique pour les adjectifs. Ainsi, dans la traduction de la "Chronique" de Georgios Hamartolos on lit: « Anciennement ils étaient appelés Italiens, puis furent nommés Romains (romei) de Romulus et Rémus (Rom i Rim)»; mais ailleurs: « Et Romulus tua Rémus, et les Romains (rimljane) reprochèrent à Romulus le meurtre de son frère »; dans la descrip-
tion du siége et de la prise de Jérusalem on mentionne le chef d'armée romain (romeiskij) et les guerriers romains (rimskie). Dans le titre de la “Chronique” de Georgios Hamartolos le sens du terme romejskij est spécialement expliqué; après le chapitre 19: «Sur Romulus et Rémus
Romulus
(O Rome i Rime) » vient le chapitre 20:
s'organisa l'Empire
romain
« Comment
(carstvo Romejskoe),
après
c'est-à-dire celui
latin (Latinskoe) ». Dans un seul cas on fait une différence entre les notions
romei et elliny: « romei et elliny glorifient Dieu crucifié ». Dans la traduction de la "Chronique" de Ioannès Malalas, reflétée dans le Letopisec ellinskii 1 rimskij, il y a aussi trois variantes de la désignation rímljame et rumy (avec diverses
orthographes),
ainsi que
rome
(rare) ". A présent, nous
n'aborde-
rons pas la question de savoir à quoi est due l'existence de différentes variantes du lexique dans les traductions slaves de textes grecs; c'est un théme à part. Nous nous bornerons à constater que le "Chronographe russe" du premier quart du XVI* s., conformément à la source principale de ses nouvelles romaines, la traduction de la "Chronique" de Manassès, parmi toutes les variantes
lexicales
n'a
conservé
qu'un
seul
terme
rimljane
(les
Romains),
supplantant ainsi le sens du mot romei (les Romains également), qui s'appliquait dans les textes plus anciens à la Rome antique. Les autres monuments du genre chronographique conservent parfois l’acception du mot romei par rapport à la Rome antique. Ainsi, dans le “Chronographe Sofijskij” on mentionne le pouvoir romain (υἷας rimskaja) à côté des sceptres romejskie (dans la relation sur les empereurs Jules César et Auguste) 8$. En méme temps, les mots romei, romejskij sont employés par * V. M. I, Pétrograd
IsrRIN, Chronika Georgija Amartola v drevnem slavjano-russkom 1920, pp. 4; 39-40; 51; 210ss.; 278; In., "Chronika Ioanna
perevode, Malaly v
slavjanskom perevode”, Sborsik Ofdelenija russkogo jaxyka i slovesnosti Akademii Nauk, 89 (1911), N° 3, pp. 18; 21-22; le Letopisec ellinskij i rimskij d’après le manuscrit du GIM, Cud. 353, fol. 56v-58v; 61; 61v; 165; 165V et autres. 55 O. V. Tvorocov, “Materialy k istorii russkich chronografov. 2. Sofijskij chronograf i ‘Chronika Ioanna Malaly'", TODRL, 37 (1983), p. 210.
492
rapport aux "byzantins":
le dernier empereur de Constantinople, Jean Pa-
léologue, est appelé empereur des romei (car' romeem) dans la traduction de
la charte du Pape Eugéne sur le Concile de Florence, insérée dans la chronique russe “. La signification des mots romei et rimljane différait à cette époque. Le mot romei a pris de plus en plus le sens de Grecs (greki), d'Hellénes (e/liny), ce qui a été fixé dans un ouvrage lexicographique de la fin du XVI* s. (Azbukovnik), où se trouve cette courte définition: les romei sont les Hellènes (elliny); les Hellènes (elliny) sont les Grecs (greki). Les ouvrages lexico-
graphiques analogues du XVII° s. prennent en considération deux sens du mot romei:
par rapport à la Rome
antique et par rapport aux Grecs:
« Les
romei commencèrent à s'appeler au nom du cer’ Romulus qui a fondé la ville de Rome... Les Hellénes orientaux qui sont les Grecs, s'appellent aussi romei (Romei natalo prijaa naricatisja ot caria Roma soxdavíago grad Rim... Romei ie naritutsja i elliny vostoënii eie est’ grecy ». Notons aussi des autres articles des Azbukovniki:
le Grec;
les rumy
(Latins),
c'est-à-dire
les romei sont les Grecs;
sont les rimljane les
rimljane
(Romains);
(romei-grecy;
le romejanin
les rumy
est
sont les latiny
romejanin-grecanin;
rumy-
rimljane; v rumech, tolk: v latinach ede est’ v rimljanecb) ". Il faut souligner le fait de l'identification des notions de rumy, de latiny, de rimljane et en méme temps celui de la séparation de cette triade et des romei. Ces distinc. tions auront de l'importance dans l'analyse de la terminologie de Philothée. B) Le Saint-Empire romain germanique. La diffusion du second sens de ce mot se rapportant au Saint-Empire romain germanique fut facilitée par les chroniques russes, les "Livres des relations internationales" (Posol’skie knigi), surtout par les "Livres des relations avec l'Empereur (romain germa-
nique)" (Cesarskie knigi), conservés pendant la période 1488-1518, puis à partir de 1572 *. Les Cesarskie knigi connaissent la différence entre le roi romain (ἐογοί᾽ rimskij) et l'empereur (cesar rimskij); il y a ici des renseignements sur la procédure d'élection des empereurs (en 1489): « Trois laics et trois clercs élisent l'empereur de l'Empire romain (vybirajut cesarja na cesarstvo rimskoe). Les laïcs sont le palatin du Rhin, le duc de Saxe, le margrave de Brandenbourg. Les clercs sont l'archevéque de Mayence, l'archevéque de Tréves, l'archevéque de Cologne. D'abord on le fait korol' rimskij, puis cesar’. On élit au cesarstvo
qui on veut
parmi
les souverains
allemands;
s'il
y a un
4. PSRL, VI, St-Pétersbourg 1853, p. 156. 41, 5. Kovruw, Leksikografja v Moskovskoj Rusi XVI - natala XVII v., Léningrad 1975, p. 280 (s.v. Elliny); 300 (s.v. Romei). Cf. aussi GBL, f. 310, N° 974, fol. 81-82; f. 256, N° 456, fol. 502v-503;
f. 228, N°
198, fol. 128v, 129, 26. N. V. Sinicyna exprime
sa gratitude à L.S. Kovtun pour la possibilité d'utiliser L.S. Kovrun, Azbukovniki XVII veka (sous presse).
les donnés
de
son
travail:
4 Pamijatniki diplomatiteskich sno$enij drevnej Rossii s dertavami inostrannymi, Pamiatniki diplomatiteskich snolenij s imperieju Rimskoju, St-Pétersbourg 1851.
I.
493
différend entre les électeurs, ils font appel au roi de Bohême: celui que veut le roi de Bohême, celui-là sera cesar » ? Les milieux gouvernementaux et diplomatiques moscovites s’intéressaient particulièrement à la titulature, ce qui est attesté entre autres par la pré sence, parmi les Cesarskie knigi, de livres particuliers pour 1488-1489, où étaient tirés «les débuts [des chartes], comme on écrivait dans les chartes des empereurs romains aux grands-princes, et comme étaient écrits les débuts [des chartes] des grands souverains russes aux empereurs romains et à d'autres Etats, et comme ces derniers en écrivaient » 9, Nous dirons plus loin pour quelle raison ces livres sont apparus. Il est intéressant de noter que dans l'"Inventaire des Archives du Service des relations internationales" (Posol'skij prikaz), en 1626, dans la liste des "Livres des relations avec l'Empereur” (Cesarskie knigi) on nomme premier le "Livre des relations avec le Pape" (Kniga papy rimskogo) pour une période allant de 1485 à 1528”, livre que l'on n'a malheureusement pas retrouvé jusqu'à présent. Ce rapprochement était dû probablement au fait qu'on se rendait compte du lien étroit entre la politique à l'égard de l'Empire et celle envers la Papauté. C) La Rome médiévale. Dans la période considérée, les significations du mot liées à la conscience de Rome médiévale se compliquent. Ces sens sont généralement en rapport avec des ouvrages consacrés à la participation de la délégation russe aux travaux du Concile de Ferrare-Florence en 1438-1439, avec la relation par les chroniqueurs de cet événement, ainsi que du mariage d'Ivan III avec Sophie Paléologue, des contacts culturels et politiques avec l'Italie, etc.
On peut suivre l’évolution de la notion géographique de Rome dans divers ouvrages, consacrés aux événements de Ferrare et de Florence. Le "Voyage à Florence" ou “Voyage au Concile de Florence" (Choïdenie na Florentijskij sobor), dà à un auteur anonyme originaire de Suzdal', membre de la délégation russe, a été écrit soit durant, soit peu de temps aprés les événements qui y sont décrits; cette œuvre se rapporte par son genre à celui
des voyages 9. 9 ]bid.
pp.
13-14.
Pour
l'analyse
de
ce
texte,
cf. N.A.
Evropa v russkoj pis'mennosti XV-XVII vv., cit., pp. 85-86. 39 Opis'Archiva Posol'skogo prikaza 1626 g., ltre partie,
1 Ibid. rekonstrukcii.
p.
239.
Texte
Cf. élaboré
aussi
Gosudarstvennyj
et commenté
par
archiv
Α. Α.
Rossi
ZiMIN,
Kazarova, Moscou
XVI
Moscou
Zapadnaje
1977,
stoletija. 1978,
pp.
p.
240.
Opyt 51-52;
216-218; Opisi Carskogo archiva XVI veka i archiva Posol'skogo prikaza 1614 goda. Sous la rédaction de S. O. ScHMipr, Moscou 1960, pp. 254 v.; 261 ν.- 262 v. 93 N. A. Kazakova, "Pervonacal'naja redakcija ‘Choëdenija’ na Florentijskij sobor", TODRL, 25 (1970), pp. 62-72. Pour la traduction allemande cf. "Reisebericht eines unbekannten Russen (1437-1440), übersetzt, eingeleitet und erklärt von G. SrÓkr", dans
Europa im XV Jabrbundert von Byzantinern geseben. Byzantinische Gescbicbtsscbrift, II, 1954, pp. 151-189. Pour l'étude de ce monument, cf. N. A. Kazarova, Zapedua;a Evropa,
494
cit, pp. 8-55.
L'auteur connaît Rome, le pape Eugène, qui prit part au Concile; il mentionne les empereurs romains (cari rimskie), bien que l'on ne comprenne pas clairement de qui il s’agit: dans les fresques d’une église à Augsbourg les voyageurs virent les portraits du car’ Justinien et d’autres cari rimskie, ainsi que des souverains hongrois et alamans; N. A. Kazakova suppose qu'on veut parler ici des empereurs de Constantinople. L'empereur de Constantinople, Jean Paléologue, membre du Concile, est nommé dans l'ouvrage "l'empereur grec" (greeskij car). Il n'y a pas ici de caractérisation de Constantinople comme "nouvelle Rome" (ce qui est typique aussi pour les autres ouvrages du cycle ferrarais-florentin). Le terme latinskij est employé comme synonyme de "catholique": la foi latine, les peuples latins (c'est-à-dire les peuples confessant leur catholicisme); le terme rimskij ne s'emploie pas dans ce sens. On emploie au sens propre le nom de Rim dans une brève note sur Rome, due à l'un des membres de la délégation russe qui visita aussi cette
ville; par son origine cette note est liée au “Voyage à Florence". C'est la premiére description de Rome dans la littérature russe. Elle est appelée “la grande ville" (velikij grad), on donne quelques brèves indications sur son
emplacement,
son
étendue;
l'auteur
s'est
surtout
intéressé
aux
lieux
saints liés au supplice de l'apótre Paul et au baptême de l'empereur Constantin et il a remarqué l'état d'abandon de la ville”. Dans le "Récit sur le huitième Concile” par Siméon, moine de Suzdal' (1447) *, les mots Rim et rimljane sont employés au sens propre: Rim est la résidence du Pape, les rímijane sont cités dans l'énumération des noms des peuples et des représentants des villes, auxquels les membres de la délégation russe au Concile ont eu affaire [Italiens, Français, Allemands du
Sud, Allemands en général, Catalans, Britanniques, Hongrois, Tchèques, Polonais, ainsi que Milanais, Romains (rimljane)], c'est-à-dire qu'ici le terme a un contenu ethno-géographique mixte. Il est dit à la louange du grand. prince de Moscou, Vassili II, qu'il était célébre « dans tous les pays latins (latinskie zemli)
jusqu'à Rim ». Ici Rim
est la ville, mais en méme
temps
on remarque une tendance à donner un sens politique et religieux à ce nom, ce qui sera caractéristique pour des textes plus tardifs, relatant cet événement. L'Italie est nommée, dans la nouvelle, Frjazskaja strana. Dans la seconde rédaction de cet ouvrage (1461-1462) 5 — Slovo izbrano
ot svjatych pisanij na latinov — $ N.A.
Kazakova,
"Zametka
le lieu de réunion du Concile est appelé
o Rime
russkogo
putelestvennika
serediny
XV
v."
TODRL, 32 (1977), pp. 252-255; cf. In., Zapadnaja Evropa, cit., pp. 52-55. % Pour la variante d'auteur de cette œuvre (Isidorov sobor i cbodenie ego), cf. V.N.
MALININ, Starec Eleazarova monastyrja Filofej i ego poslanija, Kiev
1901, Supplément,
pp. 90; 98-100; A. PAvLov, Kriti£eskie opyty po istorii drevnejtej greko-russkoj polemiki protiv latinjan, St-Pétersbourg 1878, pp. 198-210; N. A. Kazakova, Zapadnaja Evropa, cit.,
p. 66. Pour le deuxième
type de cette rédaction, cf. A.N.
Popov,
obzor drevnerusskich polemiteskich socinenij protiv latinian (XI-XV pp. 344-359.
Istoriko-iteraturmyj vv.), Moscou
1875,
55 A. N. PoPov, op. cit., pp. 360-395.
495
le pays romain (Rimskaja zemlja), le métropolite Isidore se rend de Moscou dans le pays latin (latynskaja zemlja), il arrive à Ferrare dans la contrée romaine (oblast’ Rimskaja), la même tendance que dans l'ouvrage précédent est donc exprimée ici. C'est aussi caractéristique pour la version abrégée du "Voyage à Florence" (également assez tardive). Elle a pour titre "Récit sur
les villes depuis Novgorod-le-Grand jusqu'à Rome" *, mais la description de Rome, annoncée dans le titre, manque dans l'ouvrage; le mot est employé dans le méme sens que dans les textes précédents. Cette tendance augmente encore dans les textes des chroniques. Dans la description de la part prise par Isidore au Concile de FerrareFlorence et du refus des milieux gouvernementaux et ecclésiastiques moscovites de reconnaitre la Réunion, il est toujours dit que le métropolite se rend au Concile à Rim, revient de Rim”. N. A. Kazakova, analysant les relations des chroniques russes sur l'Europe occidentale, a fait remarquer que dans les chroniques on appelait alors l'Italie Rim *. Ce n'est pas totalement exact. On avait en vue moins l'Italie comme notion géographique que le monde catholique en général, dont Rome était le symbole et l'incarnation; le terme géographique prenait une nuance politique et religieuse. C'est dans le méme sens qu'est employé le nom de la ville dans les procès-verbaux du jugement,
à Moscou
en 1531, du savant Maxime
le Grec, moine
du mont
Athos: la Florence de Savonarole est appelée Rim, et on mentionne le voyage du métropolite Isidore à Rim”. A l'interprétation de l'Italie comme le pays romain (Rimskaja strana) est liée l'interpolation citée plus haut dans le titre du texte du “Chronographe”. Il faut souligner que ce nom pour l'Italie n'était ni le seul ni le plus répandu. On peut remarquer une tendance à employer cette notion surtout dans les textes concernant les questions confessionnelles (des versions plus tardives des ouvrages du cycle ferrarais-florentin; les pièces du procès contre Maxime le Grec); l'interpolation dans le titre du texte du “Chronographe” sur la fondation et l'histoire primitive de Rome est une exception, et faite sans doute en vue de rendre plus antique cette notion. Les noms Frjaëskaja zemlja et le nom de l'Italie proprement dite étaient répandus (Hamartolos, Letopisec ellinskij i rimskij, les chroniques russes). Le mot rimskij en combinaison avec les mots zewlja, oblast’, au sein de la "Chronique moscovite" de la fin du XV* s. signifie l'appartenance des différentes régions géographiques au monde catholique. C'est Ferrare et Florence: le Concile dans le pays romain (Rimskaja zemlja), la ville appelée Ferrare dans la contrée romaine (oblast’ Rimskaja grad naricaemyj Fer-
% N. A. Kazarova, "Skazanie o gradech Pamijatniki kul'tury. Novye otkrytija, EXegodnik
ot velikogo Novagrada i do 1975- Moscou 1976, pp. 19-21.
Rima”,
ST PSRL, XXVII, Moscou-Léningrad 1962, pp. 106; 107; XXV, Moscou-Léningrad 1949, pp. 253; 260; XVIII, St-Pétersbourg 1913, pp. 176; 178 et autres chroniques.
55 N. A. Kazakova, Zapadnaja Evropa, cit., p. 93. 9 Sudnye spiski Maksima Greka i Isaka Sobaki, Moscou 1971, pp. 114; 119.
496
rara) 9. C'est la Livonie: vers 1272, en décrivant la campagne entreprise par les troupes livoniennes contre Pskov, on mentionne le grand-maître du pays romain (zemija Rimskaja); la "Chronique Voskresenskaja" conserve ce mot. D'ailleurs il y a la dénomination correcte dans la source du texte, le "Recit sur le prince de Pskov Dovmonte": le pays de Riga (zermlja Rizskaja) 5; le changement d'une lettre a produit celui de sens (7-2). Enfin, rimljane sont les troupes suédoises: dans la méme "Chronique moscovite" est inseré le texte déjà cité sur Alexandre Nevskij (1240) avec la mention d'une armée des rimljane et de son chef korol’ dasti rimskija iz polunoStnyja strany 9. L'opposition des Romains (rimijane) et des Grecs (greki) dans la suite de Sophie Paléologue (dans une relation de la chronique) est l'opposition entre catholiques et orthodoxes. Le nom de la Romaine (rimljanka) et de la Latine (latinka) donné à la grande-princesse moscovite Sophie Paléologue a une nuance péjorative 9, Notons
aussi la formation
Zarim'e
(c'est-à-dire région
située au-delà
de
Rome, comme Zamor’e, Zabajkal'e) dans l'épitre de Théophile Dederkin au grand-prince de Moscou iz Zarim'ia iz latiny sur le tremblement de terre dans le Sud de l'Italie en 1476 *. Ce terme a un sens géographique, mais l'explication qui y est jointe iz latiny (du pays des Latins, c'est-à-dire des catholiques) souligne l'appartenance confessionnelle de la région donnée. D) La continuité romano-byzantine. Dans le dernier quart du XV* s. s'approfondissent les sens du mot rirzséij, où s'exprime l'idée que l'Etat russe et la famille du grand-prince de Moscou ont pris la suite d'abord du monde romain par l'intermédiaire de Constantinople, puis directement de l'Empire Romain de l'époque d'Auguste. Le
nom
des
empereurs
romains
(rimzskie),
qui
remonte
à
1488-1489,
donné aux souverains de Constantinople et conservé dans les documents des rapports diplomatiques avec le Saint-Empire romain germanique, présente un grand intérêt. On sait qu'en 1488 l'empereur Frédéric III de Habsbourg proposa au grand-prince de Moscou, Ivan III Vassilievi*, de le faire roi et de marier sa fille au margrave Albert de Bade, mais il essuya un refus. Pour le justifier, Ivan III et ses diplomates élaborérent une conception qui établissait historiquement la souveraineté politique de l'Etat russe, le mettant sur un pied d'égalité avec les autres Etats européens de cette époque. On avançait deux € PSRL, XXV, p. 253. 6! Ibid., p. 150;
VII, SPb.,
1856, p. 171; Pskovskie letopisi, I, M-L.,
1941, p. 3;
II, M., 1955, p. 85; PSRL, IV, Pgr., 1915, p. 241; VI, p. 198. € PSRL, XXV, pp. 132-133. V. aussi note 29. 9 Ibid, p. 299; VI, pp. 224; 235; XXIV, Pgr. 1921, p. 203; XX, litt pp. 339; 350; Akty Archeografiteskoj ekspedicii, I, SPb. 1836, N° 172, p. 145.
* P, Simoni, "Pamjatniki starinnogo russkogo jazyka i slovesnosti XV-XVIII TIL", Sbornik N° 2, p. 13.
Otdelenija
russkogo
jazyka
i slovesnosti
Akademii
Nauk,
100
partie,
stoletij, (1922),
497
arguments: le caractère héréditaire et divin du pouvoir des grands-princes (« nous... sommes souverains de notre pays (zemija) depuis toujours, depuis nos premiers aieux, par la gráce de Dieu »), l'appartenance de la maison des grands-princes de Moscou à la continuité romano-byzantine. Jurij Trachaniot, ambassadeur russe auprés de l'empereur, fut chargé de faire la déclaration suivante:
« Il est connu dans tous les pays (zemli), et nous espérons
que c'est connu aussi de vous, que notre souverain est né grand-souverain depuis l'origine de ses aieux. Avant cela, et depuis longtemps, ses aieux ont toujours été en amitié et amour (v prijatel'stve i v ljubvi) avec les empereurs romains (rimskie cari) précédents S, qui ont donné Rome au Pape, et ré gnaient eux-mêmes à Byzance (a sami carstvovali v Vizantii). Et son père [le grand-prince de Moscou Vassili II Vassilievit], notre souverain, jusqu'à la fin a été avec eux en fraternité, en amitié et en amour (v bratstve i v prijatel'stve
i v ljubvi), jusqu'à son gendre, Jean Paléologue, l'empereur romain (rimski; car) ». D'oà on conclut que ce n'est pas le margrave de Bade, parent de l'empereur, qui est digne de la main de la fille du grand-prince, mais seul Maximilien, fils de l'empereur 5. Le texte présente de l'intérét sur deux plans. Premièrement, nous ren. controns ici une appellation assez rare dans les textes russes de cette période pour désigner les souverains de Constantinople, celle d'empereurs romains (rimskie); ils étaient plus souvent appelés greeskie, plus rarement romejskie *'; deuxiémement, ici se manifeste un aspect juridique de la notion et du fait de la continuité romaine: l'amitié et l'amour des ancétres du grand.prince de Moscou avec les empereurs romains, le lien de parenté et de fraternité avec l'un d'eux font, selon l'opinion des diplomates moscovites, que le souverain russe est l'égal en droits du chef supréme du Saint-Empire romain germanique, ce qui rend impossible le couronnement du premier par le second et entraîne le mariage de la fille du grand-prince avec le fils de l’empereur, seul digne d'elle. A cette orientation de l'évolution des idées politiques est lié l'établissement, dans le service diplomatique, d'un choix de textes sur la titulature des empereurs romains et autres souverains européens (v. note 47); c'est de cette
époque aussi que date le grand intérét porté à l'histoire romaine et aux problémes historiques en général, comme le montrent les ouvrages chronographiques de ce temps . Quelle est la chronologie de la succession romaine dans le texte de 1489?
L'auteur
pouvait
avoir en vue
l'empereur
Constantin
(IV*
s.) qui,
6 Nous traduisons le terme de l'original perednie comme preZnie (précédents) selon les matériaux de I. I. Sreznevskij (perednie knjazi - pretnie knjazi); cf. I. I. SREZNEvSK], Materialy dlja slovarja drevnerusskogo jazyka, II, St-Pétersbourg 1895, p. 905. (ὁ Pamjatniki
diplomatiteskich
snotenij,
cit.,
I, pp.
12-18.
67 L'empereur byzantin Jean Paléologue est appelé Car’ romeem
dans la traduction
de la lettre du pape Eugène sur le Concile de Florence insérée dans la chronique (PSRL, VI, p. 156). 6 O.V. Tvorocov, op. cit., p. 32.
498
selon Donatio Constantini, avait donné Rome au Pape Sylvestre et à ses successeurs et s'était établi lui-même à “Byzance” 9. Dans la “Préface du Canon pascal" du métropolite Zosim (1492) l'esprit de la succession romano-byzantine est déjà différent: il ne s'agit plus "d'amitié, fraternité et amour" concrets, mais de comparaison et d'opposition de la Russie et de Constantinople dans un sens général?, Cependant, la notion Rim commence à prendre des traits d'universalisme, puisque Constantinople est déjà traitée de "nouvelle Rome" (sovyj Rim), Moscou, à son tour, de "nouvelle ville de Constantin" (movyj grad Konstantina), et son souverain, le grand-prince Ivan III, de "nouveau Constantin" (novyj Konstantin). Mais dans l'ensemble, comme l'a justement signalé A. L. Gol'dberg, le point de vue "byzantinocentriste" caractérise encore cet ouvrage ". Les notions Rim, rimskij prennent des traits plus marqués d'universalité dans les textes russes suivants, lorsque sont composés le "Chronographe russe" (le premier quart du XVI: s.), l’ "Epitre" de Philothée contre l’astrologie avec ses formules aphoristiques (vers 1523), le cycle des ouvrages
réunis sous le titre commun de "Récit sur les princes de Vladimir". Dans l'"Epítre" du savant Philothée, moine de Pskov (ce qu'il dit de son ignorance n'est qu'un procédé littéraire, une modeste formule d'usage), composée vers 1523, les nouveautés terminologiques et conceptuelles suivantes sont intéressantes: la formule de l'universalisme romain — "Rome c'est le monde" (ves’ mir), avec référence aux commentaires des épitres de Saint Paul; l'idée qui lui est liée que l'Empire Romejskoe est immuable, privé de fixation géographique constante et non identifié ni à l'antique Rome, ni à l'empire de Constantinople; le nom de Romejskoe carstvo pour l'Etat russe de cette époque ?. Les sentiments courants chez les contemporains de Philothée se heurtaient à quelques paradoxes dans les idées qu'on avait sur Rome. L'affirmation que la première Rome "vétuste" s'était effondrée, était contredite par l'envoi d'ambassades dans cette ville, par la venue de marchands et de diplomates romains, c'est-à-dire par son existence réelle; de méme, l'idée que Constantinople était la "seconde Rome", la ville de l'un des patriarches cecuméniques, s'accompagnait du sentiment de sa situation réelle comme ville privée d'indépendance politique, conquise par les Turcs osmanlis; enfin, la notion rimskij était encore appliquée au Saint-Empire romain germanique. Philothée supprime ces contradictions de manière très spirituelle, en faisant une distinction entre le sens physique, matériel et le sens spirituel de chacune de ces notions. Il développe sa pensée de la façon suivante: bien que la grande Rome ne soit pas détruite au sens matériel («les murs et les 9 A. PAVLov, “Podioënaja darstvennaja gramota Konstantina Velikogo pape Silvestru v polnom greteskom i slavjanskom perevode” Vizantijskij vremennik, 3 (1896), pp. 78-82.
Russkaja istoriteskaja biblioteka, St-Pétersbourg 1908, p. 799. 7 A.L. Gor'pBERG, “K predystorii idei ‘Moskva drevnej Rusi, Moscou 1976, pp. 115-116.
7T V.N.
MALININ,
Starec Eleazarova,
- tretij Rim' ", Kul'turnoe
cit, Supplément,
nasledie
pp. 41-47.
499
édifices ne sont pas asservis »), elle l'est au sens spirituel (« pour le motif des azymes »). Quoique l'Empire Grec ait été conquis par les Turcs, ils n'ont pas porté atteinte à la foi. Aucun des empires ne s'est donc maintenu intégralement, étant "asservi" soit matériellement, soit spirituellement. En revanche, il existe un Empire Romejskoe intact, « puisque le Seigneur relevait de l'Empire Romain ». L’abstraction Romejskoe carstvo, opposée aux Etats réels définis dans l'étendue et le temps, est employée dans un sens général, universel et a pris une nuance religieuse et politique, marquant la puissance de la véritable Eglise chrétienne. Cette fonction universelle, selon Philothée, est passée aujourd'hui à la Russie: « tous les empires chrétiens sont parvenus à leur déclin et se sont fondus dans l'empire unique de notre souverain qui conformément aux Livres des Prophètes est l'empire Romejskoe » . Pourquoi Philothée emploie-t-il ce terme? On peut nommer un ouvrage, connu sûrement du temps de Philothée, la “Chronique” de Hamartolos, où le dernier empire des visions de Daniel est franchement nommé romejskoe: « De méme que l'empire Assyrien a été ruiné par les Babyloniens, celui de Babylone par les Perses, celui des Perses par les Macédoniens, celui de Macédoine par les Romei, de méme l'empire Romejskoe sera ruiné par l’Antéchrist, et l'empire de l'Antéchrist réduit en poussière par le Christ » *. Selon la terminologie de Hamartolos, Romejskoe carstvo est l'Empire Romain. Mais, d'autre part, il s’est produit une différenciation des notions romei et rimljane: dans le "Chronographe russe", nouveauté historiographique du premier quart du XIV* s., le terme romei ne s'applique pas à la Rome antique; par l'intermédiaire d'autres ouvrages, il prend le sens de grecs (greki), ce qu'ont reflété des œuvres lexicographiques plus tardives. Le terme romejskoe chez Philothée ne coincide point avec l'acception du mot "romain", ni avec celle du mot "grec". L'ambiguité, l'instabilité du terme en ce temps-là le rendait plus commode pour exprimer ce sens abstrait et universel que ce littérateur avisé lui a donné. Philothée fixa par le lexique la correspondance de l'idée d'Empire Romejskoe à la grande Rome, au Saint-Empire Romain et à l'Empire Grec, mais en méme temps l'opposition de cette idée à ces trois empires et la pensée que l'Etat russe de ce temps-là est l'incarnation de cette idée. La définition donnée par Philothée de l'Etat russe comme Romejskoe carstvo fut diversement comprise et adoptée par ses contemporains et par 75 Dans la publication de V. N. Malinin (V. N. MALININ, Starec Eleazarova monastyrja Filofej, cit., Supplément, p. 45) se trouve le terme Rossijskoe carstvo. Cependant, à la suite d'une minutieuse analyse textologique, A.L. Gol'dberg a prouvé de façon convaincante que dans le texte original se trouvait le terme Romejskoe carstvo (A.L.
GoL'pBERG, “Tri ‘poslanija Filofeja' ", TODRL, 29 (1974), pp. 71-75; In., "Die Rezeption staatspolitischer Ideen des Moskauer Russland im westeuropäischen Schrifttum des 16. und
17. Jahrhunderts",
Zeitschrift für Slawistik, 21 (1976), pp. 337-338.
# V. M. IstrIN, Chronika Georgija Amartola, cit., I, pp. 297-298.
500
les lecteurs des générations suivantes, comme l’attestent les rédactions du texte, découvertes par les recherches minutieuses de A.L. Gol'dberg. Dans quelques recueils manuscrits, on remarque des essais de souligner et d'interpréter l'idée de Romejskoe carstvo; en méme temps, on a découvert des copies, où le terme Romejskoe est remplacé par celui de Rossijskoe 5. Au contraire, l'autre définition allégorique de Philothée sur Moscou “troisième Rome", a eu une plus longue existence, employée, par exemple, dans le "Récit sur les débuts de Moscou" (deuxième quart du XVII° s.) . Dans le cycle des "Récits sur les princes de Vladimir", il n'y a aucune innovation terminologique, pas de sens nouveau, mais la structure idéologique de l'ouvrage se distingue par sa nouveauté (la continuité historique des grands-princes de Moscou, héritiers diretcs de Rome, est approfondie, poussée à l'aide de la généalogie légendaire jusqu'à l'empereur Auguste; la conception, en général, a un caractère plus laïque). L'épitre de Spiridon-Savva présente trois conceptions de Rome: la Rome antique de l'empereur Auguste; la nouvelle Rome, Constantinople; la Rome médiévale, catholique, ayant renoncé à la vraie foi. Dans la première rédaction du “Récit sur les princes de Vladimir", ayant pour source l'épitre de SpiridonSavva, il ne reste que deux Rome, l'antique et la médiévale; la caractérisation de Constantinople comme "nouvelle Rome" disparaît " probablement par suite de l'attitude différente de Spiridon-Savva et de l'auteur du “Récit” envers les disputes sur l'autocéphalie de l'Eglise russe, disputes qui s'étaient aggravées par suite des jugements de Maxime le Grec de 1525 à 1531.
4.
Les ouvrages lexicograpbiques
Le mot rimskij fut adopté non seulement dans le milieu historico-politique et religio-philosophique, mais encore dans le domaine de la philologie oü il avait un caractère neutre, perdant cette nuance appréciée (négative) qui lui était propre par suite de l'acuité prise par la polémique antilatine à l'époque considérée. Dans la pratique philologique du XVI* s., le terme rimskij est employé au sens de latinskij, appliqué à la langue (dernier des sens notés ci-dessus). Dans les années 1540, Maxime le Grec compose un "Commentaire sur les noms d’après l'alphabet" (Tolkovanie imenom po alfavitu)", dictionnaire 75 A. L. Gor'pBEnG, "Tri ‘poslanija Filofeja', cit., p. 78. 76 Povesti o natale Moskvy, Moscou-Léningrad 1964, p. 78. T! Skazanie o knjaz'jacb vladimirskich, Moscou-Léningrad 1955, pp. 161-163;
Pour la traduction anglaise cf. J. A.V. HanEY, Rome
or Second Kiev?
177-178.
“Moscow - Second Constantinople Third
(The Tale of the Princes of Vladimir)", Canadian
Slavic Studies,
2 (1968), N* 3, pp. 359-364. ® L.S. Kovrun, Leksikografija v Moskovskoj Rusi XVI - naëala XVII w., cit. pp. 116-188; 313-331 (n° 36, 40, 45, 54, 144, 229, 234 ct autres); 334-349 (2ème rédaction).
501
trilingue à orientation philologique, où sont expliqués les sens des noms propres tirés du grec et du latin; les emprunts faits au latin sont désignés par les termes po-rimski (en romain), rimskoe slovo (un mot romain), rimskoe imja (un nom romain); les rimljane (les Romains) ici, ce sont ceux qui parlent latin; signalons l'article du dictionnaire Filorom - rimleljubec, c'est-à-dire
"celui qui aime Rome" (Philorome est le nom d'un martyr) P. L'ouvrage de Maxime le Grec est analogue à celui de K. Gesner, publié en 1547 en latin, Onomasticon proprium nominum. A la fin du XIV* s. on compose des Azbukovniki ou Alfavity, type nouveau de la lexicographie russe ancienne qui s'était répandu largement au XVII* s. (on en connait de nombreuses copies). Ce sont des dictionnaires amples du type 'thesaurus'. Poursuivant les fins philologiques et encyclopédiques, ils donnaient l'explication des mots étrangers et archaiques dans les livres slaves ayant cours en Russie. Ces ouvrages lexicographiques avaient pour source littéraire les manuscrits s'étendant du XI* au XVII* siècles avec leurs glossaires et leurs notes marginales multiples. Ils sont analogues aux essais lexicographiques des autres pays d'Europe. On peut citer comme exemple le Vocabolario degli Accademici della Crusca (Venezia, 1612) résultat des travaux des lexicographes italiens du XVI* s., qui avaient recueilli les mots archaiques dans les ouvrages des siècles précédents 9. Dans les Azbukovniki, le mot rimskij (romain) appliqué à la langue signifie aussi latin. Le thème romain est trés largement représenté. C'est justement là que se trouve la définition déjà citée: les romei sont les elliny (Hellénes); les elliny sont les greki (Grecs).
Dans les écrits russes des XV°-XVI° s. on peut distinguer deux groupes de significations dans les mots rimljane, rimskij et leurs variantes lexicales, parfois coexistant, parfois remplaçant l'un l'autre. Dans le premier groupe il y a les significations traitant immédiatement de Rome (antique, médiévale) ou des formations politiques prétendant à la continuité romaine (sur la base renovatio ou translatio). Les trois divisions donnent
ces significations:
4) Concernant la Rome antique ou médiévale. Parfois on utilisait dans le méme sens le mot romejskij (et le substantif romei) en particulier par rapport à la Rome antique, mais peu à peu ce mot perd la signification donnée. On utilise souvent le mot Rim avec l'épithéte "le grand", parfois "vétuste" (dans l'opposition à la nouvelle Rome). L'une des significations les plus compliquées est celle qui concerne la Rome médiévale parce qu'ici il y a un mélange du contenu ethno-géoghaphique et religio-politique (le Concile au pays romain,
les Romains
du pays du Nord).
Le
terme
/atinskij
(dans
un
sens confessionnel) pourra être synonyme du mot. On parle souvent de la 7 N.N. Pokrovsky, "Zametki o rukopisi sudnych spiskov Maksima Greka", TODRL, 36 (1981), p. 86.
9 L.S.
KovTuN,
op.
cit, pp.
206-208;
In., "Azbukovniki
sredi
drugich
tekstov
drevnej leksikografii i problemy ich izdanija”, TODRL, 36 (1981), pp. 3-42; M. P. ALEKSEEV, Slovari inostrannych slov v russkom Azbukovnike XVII v., Léningrad 1968, pp. 46-60.
502
Rome médiévale aussi bien que de la Rome antique avec l’épithète “la grande". Le participant russe au Concile de Ferrare-Florence l'a employée dans sa description de Rome malgré l'abandon de la ville, souligné par lui; Philothée a dit aussi "la grande Rome" en dépit de ses "captivités spirituelles". b) Se rapportant à Constantinople. Pourtant ici le mot rimski; n'est pas principal; ce sont les notions "grec", rarement "hellénique", romejskij qui deviennent principales (mais chacune d'elles a à son tour d'autres significations). La désignation des empereurs byzantins comme "romains" et de Constantinople comme la "nouvelle Rome" a une nuance politique liée aux problèmes de la souveraineté politique du pays, à l'autocéphalie de l'Eglise russe, à l'assertion de la patriarchie moscovite. €) Se rapportant au Saint Empire Romain
(le roi romain, l'empereur
tomain).
Dans le deuxième groupe on trouve les mots d'acception universelle, dont l'interprétation est plus large: a) Appartenant au monde catholique. b) Appartenant à l'idée de l'empire continuel aux bornes duquel existe dans l'espace et la durée la véritable Eglise chrétienne. La combination terminologique de Philothée Ro»ejskoe carstvo ne désigne pas la formation d'un état concret, mais l'idée universelle d'un empire immuable
et en mouvement,
c'est-à-dire du mouvement
sans
transfor-
mation. Un remplacement lexical dans le manuscrit de 1456 de la "Chronique" de Georgios Hamartolos “! est très caractéristique: le titre d'un des chapitres "Le commencement des empires romains” (ma&alo romejskich carstv) a été substitué par un autre "Le commencement de l'empire temporel” (naëlo vremennago carstua) où son caractère de continuité dans le temps fut
souligné €, c) Relatif à la langue des Romains. Dans le domaine
de la science et
de la culture (la philologie, la pratique des traductions) le mot rimskij prend une interprétation plus large en indiquant la langue de la civilisation, qui assurait la communication à l'Antiquité et au Moyen Age. Dans la signification donnée le synonyme du mot est latin (au sens linguistique). Dans la langue russe contemporaine nous rencontrons la notion encore plus élargie, notamment les langues romaines (romanskie): l'italien, l'espagnol, le portugais, le moldave, le français, etc. *! V. M. IsTRIN, Chronika Georgija Amartola, cit., p. 204; cf. GIM, Uvar. 966, f. 134". € Le Prof. P. Catalano a souligné des aspects temporels et spatiaux de la “TranslatioTheorie":
Roma,
P.
CATALANO,
Costantinopoli,
"Fin
Mosca
de
(Da
l'Empire
Roma
romain?
alla
Terza
Un
probléme
Roma,
Studi
juridico-religieux”,
I),
Napoli
1983,
pp. 543-554.
503
MATEI CAZACU
L'IDEE DE ROME CHEZ LES RUSSES: L'ASPECT PHILOLOGIQUE (XI*-XVI* SIECLES)
Afin de dégager la valeur exacte de la notion de Rome dans la culture écrite russe du moyen áge, nous nous sommes proposé d'effectuer un relevé systématique du terme Rim et de ses dérivés (rimskij, rimljanin, etc.), princi-
palement dans les sources diplomatiques, narratives (chroniques) et dans les écrits littéraires ou ‘idéologiques’. Ce relevé est forcément incomplet et cela pour plusieurs raisons, dont les plus évidentes sont les suivantes: a) toutes les sources ne sont pas encore publiées et nous pensons, en premier lieu, aux chroniques du XV° siècle et méme aux ceuvres complétes d'un auteur aussi prestigieux que Michel Trivolis plus connu sous le nom de Maxime le Grec; δ) il ne peut étre question, à l'époque de l'informatique, de pratiquer des relevés massifs par des moyens artisanaux. Tout au plus, nous nous bornerons à tracer quelques jalons qui sont le fruit de ce travail préliminaire. D'autres difficultés rencontrées lors de notre enquéte sont liées à l'origine etàla forme de conservation de ces textes.
I 1. Le probléme de l'origine présente un triple aspect:
l’origine politico-
géographique, le milieu social et culturel de rédaction (ou de traduction) et,
enfin, le type de texte auquel on a affaire. A) L'origine politico-géograpbique des textes russes originaux
(ou tra-
duits en russe) a été trop souvent minimisée, En effet, on ne peut pas aborder de la méme fagon un texte de Kiev, de Novgorod, de Tver ou de
Moscou, méme s'il a circulé sous forme de copie dans presque toute la Russie. Le premier exemple qui nous semble s'imposer est celui de la plus ancienne chronique russe, la Poves!’ vremennych let (PVL), rédigée à Kiev
dans la seconde moitié du XI* siècle et dans les premières années du XII* 505
(env. 1113) !. Le terme Rimÿ s'y rencontre à six reprises, celui de Rimljane (avec les deux sens:
habitants de Rome et catholiques) à deux reprises, et
celui de (Latyny) Latins, dans le sens de catholiques, une fois. Quatre cents ans plus tard, le métropolite de Moscou, Daniel (1522-1539)
réalisait la plus ample chronique pan-russe que nous connaissions, la Nikonovskaja letopisi qui reprenait la PVL et la continuait, en l'enrichissant considérablement, jusque dans la sixième décennie du XVI* si&cle?. Or, dans la Nikonovskaja letopisí, Rome est mentionnée, pour la méme période que la PVL, pas moins de onze fois, les Rimljane quatre fois (dans deux cas il s'agit de Romains orientaux), et les Latins deux fois. Cela signifie, pratiquement, que le nombre de mentions de Rome, des Romains et des Latins a doublé. Un autre exemple est encore plus clair: il s'agit de la premiére chronique de Novgorod (Novgorodskaja pervaja letopisi) connue dans deux spiski (rédactions) principales: la plus ancienne (Sinodaltnyj spisok) est composée de deux parties, dont la première date de la seconde moitié du XIII* siècle et la seconde du milieu du si&cle suivant. Dans cette version, on a trois mentions de
la ville de Rome: deux à propos de la quatrième croisade (chute de Constantinople en 1204) et la troisième à propos de la fondation par les Suédois, en 1300, d'une ville fortifiée grâce aux masteri iz velikago Rima ot papy mastertì. Le détournement de la 4° croisade permet à l’auteur de la chronique de Novgorod d'enregistrer aussi le terme "latin" qu'il applique au Latina Kondo Flarenda nommé aussi Kondofá Oflanidrii (il s'agit de Beaudouin de Flandre) ?. Cette pauvreté de renseignements est, en échange, largement compensée par la rédaction dite de la Commission (archéographique)-Komissionyj spisok qui date du milieu du XV* siècle. Ici, Rome et ses habitants sont copieusement cités: seize fois la ville (Rim), quatre fois les Rimljane et trois fois les Latiny. B) Le milieu social et culturel de rédaction (ou de traduction) d'un texte
joue également un róle fondamental. Si on compare deux textes rédigés à quelques années d'intervalle, le S/ovo kratko du dominicain croate Veniamin (Benjamin), rédigé à Novgorod en 1497 et brillamment traduit et analysé par G. Giraudo ‘, avec un des svods moscovites de la méme époque 5, on pourrait croir que les auteurs respectifs vivaient sur des planètes différentes. Benjamin parle de la donation de Constantin, dont il donne en traduction les passages les plus importants, comme celui-ci: « rimistej cerkvi toliko dom nasi, eliko rimskij grad i vsi italiiskie i vsi zapadnye strany, mesta, grady, ostrovy jaze okrest ltalii sut (...) pod pravdoju rimskia 1 Povest' vremennycb let, pod redakciej V.P.
1950,
ApxiANOvO]
PEREC, Moscou-Léningrad
I, Tekst i perevod, éd. par D. S. LicHAGEv et B. A. Romanov. 2 Letopisnyj sbornik, imenuemyi Patriarleju ili Nikonovskoju letopisju, dans Polnoe
sobrenie
russkich
letopisej
(plus
loin
PSRL),
t.
IX-XIII,
St-Pétersbourg
1862-1906,
réimpr. Moscou 1965. 3 A. N. NasoNov, Novgorodskaja pervaja letopis' startego i mladiego izvodov, MoscouLéningrad 1950. 4 Slovo kratko. Presentazione, traduzione e commento di G. Ginaupo, Brescia 1978 (Annali della Facoltà di lingue e letterature straniere di Ca’ Foscari, XV, 4, 1976).
5 PSRL, XXV, Moscou-Léningrad
506
1949.
cerkvi?. (Tanto la nostra casa quanto la città di Roma e tutte le terre italiane e d'Occidente, e i villaggi, le città, le isole che circondano l’Italia [...] sotto la giurisdizione della Chiesa di Roma)».
A peu près à la même époque, le chroniqueur moscovite parle, lui, de la foi "allemande" dans laquelle s'était fait baptiser le roi de Pologne Vladislav Jagello et toute la Lituanie. Cette "foi allemande" est opposée à la "foi chrétienne" que refusent d'abandonner deux Lituaniens qui préfèrent le martyre plutôt que d'abjurer l’orthodoxie. On se croirait à l'époque du chroniqueur Nestor, l'auteur de la PVL, qui parlait lui-aussi des Némfci ot Rima, les Allemands (ou les étrangers?) de Rome venus proposer le baptéme catholique à Vladimir. Un autre exemple est celui de la "Vie d'Alexandre Nevskij” écrite, selon toute vraisemblance, entre 1270 et 1280 par le métropolite de Kiev Cyrille II”. Le métropolite s'était réfugié vers 1250 à Novgorod venant de Galicie oü il était entré en conflit avec le prince suspect à ses yeux de sympathies catholiques. Or, dans la "Vie du prince de Novgorod" (1236-1251), puis dans
la "Vie de Vladimir-Suzdal" (1252-1263), le métropolite Cyrille appelle les voisins suédois "Romains", le roi de Suède devient un &korolt casti Rimisky qui envoie fri korabli Rimljan pour attaquer les Russes. C) Le type de texte peut être, lui-aussi, déterminant pour la façon de citer Rome ou ses habitants. Ainsi, la description de Rome en 1439/1440 faite par un membre de la délégation russe au Concile de Florence trés sobre et concise, n'a rien en commun avec l’ "Epttre sur la foi des Varègues” (XII° siècle) qui, dans une version remaniée du XV* siècle parle de Pierre
le Bàgue (Gugnivyj), un Vandale d'origine latine qui, élu pape apres le VII* Concile cecuménique, aurait obligé les Romains à se raser la barbe tous les
samedis, permis des mariages sans prétre et introduit l'habitude d'utiliser pour les repas les récipients employés auparavant pour laver le linge des nouveaux-nés et de leurs mères. ἢ. 2. La forme de conservation du texte est un autre élément important pour toute enquéte sur la terminologie historico-politique. De ce point de vue, la culture russe écrite du moyen áge présente des difficultés presqu' insurmontables. A) Un premier obstacle dans l'interprétation d'un texte est sa conservation dans des copies qui sont parfois de trois à quatre cents ans plus récentes que l'original perdu. Le hiatus qui existe entre les XII*/XIIT* siècles d'une $ G. Giraupo,
op. cil., p. 29 et note
152.
7 V. MANSIKKA, Zitie Aleksandra Nevskogo. Razbor redakcij i tekst, St-Pétersbourg 1913
(Pamjatniki
drevnej
8 N. A. Kazakova,
pis'mennosti
"Zametka
i iskusstva
o Rime
[plus
russkogo
loin PDPI),
puteSestvennika
Trudy otdela drevnerusskoj literatury (plus loin TODRL),
180).
serediny
XV
v.",
32 (1977), pp. 252-255.
9?. A. JaciMiaSKIJ, Iz slavjanskicb rukopisej. Teksty i zametki, Moscou 1898, pp. 1-22.
507
part et les XV*/XVI* d'autre part est parfois troublant; certains spécialistes se sont méme demandé si certaines œuvres attribuées à des auteurs
ou à des époques plus reculées n'étaient en fait, des apocryphes du XV* ou du XVI* siécles dont datent la plupart des copies connues à ce jour. Il est certain que des destructions de l'époque mongole peuvent expliquer une bonne partie des pertes que nous déplorons, mais il reste, néanmoins, que les XII*XIV* siècles sont trés mal représentés. B) Une deuxième gêne provient du fait des
remaniements
succes
sifs dont ont été sujets (ou victimes) tant d'ouvrages russes anciens et qui interdisent, de la sorte, toute édition critique. Citons, pour mémoire, le "Récit
sur le huitième Concile” de Syméon de Suzdal' qui est connu dans trois rédactions trés différentes l'une de l'autre, comme
l'ont montré les études de
N. A. Kazakova !°; le “Récit sur Dracula" (Skazanie o Drakule voevode) de Fedor Kuricyn édité par Ja. 5. Lur'e!, le "Récit sur le klobuk blanc de Novgorod" 12 étudié par N. N. Rozov (plus de 250 manuscrits) et bien d'autres. Ces transformations prouvent, au moins, le peu de cas que faisaient les contemporains du copyright mais, en méme temps, elles peuvent jeter des doutes sur l'exactitude de tel ou tel passage. Ces quelques exemples (et leur nombre pourrait s'accroitre) illustrent, croyons-nous, les difficultés rencontrées par le philologue et l'historien lorsqu'ils désirent dresser un tableau nuancé et statistiquement valable de l'usage des termes Rim, rimskij/romejskij, rimskij/latinskij et romejskij/ grethij (greCeskij) dans la culture écrite russe du moyen
âge.
II Maintenant il faut dresser le cadre évolutif dans lequel se meuvent ces termes. Nous pensons qu'on pourrait le délimiter de la façon suivante: 1. Une première période couvrirait, grosso-modo, le X* et le XI° siècles, C'est
l'époque
de la conversion
de
la Russie,
des
relations
étroites
avec
Constantinople, avec les Varègues et avec les autres peuples scandinaves ou slaves catholiques. Dans les œuvres littéraires et religieuses de cette période, la position vis-à-vis de Rome n'est pas bien définie, mais, néanmoins, 10 Voir florentinum, pis mennosti grad 1980,
l'édition de J. KRAJCAR, Acta slavica concilii florentini, Rome 1976 (Concilium Documenta et scriptores, 11); N. A. Kazakova, Zapadnaja Evropa v russkoj XV-XVI vekov. Ix istorii meidunarodnycb kul'turnych svjazej Rossii, Léninpp. 63-67.
1 Ja. S. Lur'E, Povest' o Drakule, Moscou-Léningrad 12 Povest’ o belom novgorodskom
1964.
klobuke, publiée par N. KosroMaRov,
Parnjatniki
starinnoj russkoj literatury, I, St-Pétersbourg 1860, pp. 285-300; N.N. Rozov, “Povest” o novgorodskom belom klobuke kak pamjatnik ob&éerusskoj publicistiki XV veka", TODRL, 9 (1953), pp. 178-219.
508
elle est en général bienveillante. Deux exemples peuvent illustrer notre affirmation. Le premier en date, le Slovo o zakone i blagodati ("Sermon sur la loi et la Grâce”), œuvre du métropolite russe Hilarion de Kiev écrite entre 1037 et 1050 contient, dans sa seconde partie, un panégyrique du kagan Vladimir où on peut lire notamment: « Rome vénère, avec des paroles panégyriques, Pierre et Paul, gráce auxquels elle a cru en Jésus-Christ, le fils de Dieu; L'Asie, Ephése et Patmos L'Inde vénére Thomas et
vénérent Jean le Théologien;
L'Egypte, Marc. Tous les pays, les cités et les hommes honorent et glorifient leur maître qui leur a apporté la foi orthodoxe » 5.
Le deuxième exemple date de la seconde moitié du XI° siècle: il s'agit du Slovo o Eude Klimenta Rimskago ("Dit sur le miracle de Clément le Romain"), texte composé à l'occasion de la rénovation de l'église de la Dime (Desjatinnaja) de Kiev oü se conservaient les reliques du saint. Dans ce texte, saint Clément est appelé « Soleil de l'Eglise que le Christ a fait venir de Rome par Cherson dans notre pays russe » À, Ces exemples peuvent étre complétés par deux témoignages contemporains d'un autre genre, à savoir l'"Evangéliaire d'Ostromir" (Novgorod, 1056-1057) 5 et la traduction de la "Chronique de Georges le Moine" (Hamartole)
exécutée en Russie avant
1050. Ces deux textes —
l'un copié
du slavon bulgare, l'autre traduit du grec — trahissent, tous les deux, les hésitations des &miZmiki russes quant à la réception de la notion de Rome. Ainsi, parlant de saint Clément, l''"Evangéliaire d'Ostromir" l'appelle rumécbá, ce locatif pluriel traduisant le grec Ῥώμης
(var. Ῥωμαίου).
La "Chronique de Georges le Moine" représente un cas autrement intéressant vu qu'il s'agit d'un texte beaucoup plus long. Traduite en vieux russe avant 1050, la chronique s'est conservée dans dix manuscrits au moins: le plus ancien provient de la Trinité Saint-Serge (Troickij), date du XIII*XIV* siécles et contient la premiére moitié de l'ouvrage; la seconde moitié nous est parvenue dans une copie du XV* siècle. Trois autres manuscrits du XV*, quatre du XVI* et un seul du XVII° siècle nous ont transmis ce texte précieux édité par V. M. Istrin 4. B L, MürrER, Glaubensbekenntnis,
M A.I.
Des
Metropoliten
Wiesbaden
SosoLEvsKiJ,
1962
"Cudo
sv.
Ilarion Lobrede (Slavistische
Klimenta
auf Vladimir
Studienbücher,
papy
rimskogo.
den
Heiligen
und
2).
Drevnerusskoe
'slovo'
(domongol'skogo perioda)", Izvestija ORJaS, 6 (1901), pp. 3-8; Ju. K. Becunov, “Russkoe
slovo
o Etude Klimenta
Rimskogo
i kirillo-mefod'evskaja
tradicija",
Slavia,
43
(1974),
pp. 24-46. 15 V. Vostokov, Ostromirovo evangelie 1056-1057 g., St.-Pétersbourg 1843. 16 V. M. IstrIN, Chronika Georgija Amartola v drevnem slavjanorusskom perevode, Pétrograd 1920-1922. 2 vols.
509
Que trouvons-nous dans la “Chronique de Georges le Moine”? Une mosaique de termes liés à Rome, à son peuple et à sa civilisation, termes qui traduisent la grande confusion qui régnait, au XI* siécle, mais aussi plus tard, en
Russie,
pour
tout ce qui concernait
les réalités
romaines.
Ainsi,
si le nom de la ville a été partout ‘normalisé’ en Rim — 39 mentions —, tel n'a pas été le cas de ses dérivés. Nous rencontrons les Rimljane pas moins de 18 fois, mais aussi les Roméjane
(ou Roméi):
douze occurrences,
dont neuf se référent aux Occidentaux (parfois sur la méme page et méme dans la méme phrase que les Rimzljane) et trois aux Orientaux. Nous lisons
aussi le roméjskoe césarstvo à propos de Jules César, d'Octavien Auguste et de leurs successeurs (quatre mentions), mais aussi, une fois, le rimskij narodá (traduisant δῆμος Ῥωμαίων), qui s'oppose au roméjskij jazykü qui reproduit, lui, le Ῥωμαίων ἔθνος (une seule mention). Rappelons également: Rimskij Kapetolij, Rimskoe vete (une mention chacun) et, last but not least, les noms des fils de la Louve: Romi et Rimü avec, respectivement, cing et quatre mentions.
La traduction de la "Chronique de Georges le Moine” est l'exemple type du travail sans suite et sans influence sur un point précis de la terminologie vieux russe: alors qu'il donnait, pour la premiére fois, la forme correcte de la ville éternelle et de son fondateur, ce texte est resté isolé de ce point de vue (avec de rares exceptions comme les Homélies de saint Grégoire le Grand sur les Evangiles, XIII* siècle) jusqu'au XVI* siècle. Les Russes ont adopté la forme Rim qui, indépendamment de son origine, revenait à accepter la paternité de Rémus (Rimä, du grec Ῥῆμος) et non pas de Romulus, sur la cité impériale. Il en allait de méme avec le nom des Romains
orientaux, que les Russes ont préféré transformer en Grecs. 2. Une telle confusion nous paraît exemplaire pour comprendre la réception de l'idée de Rome en Russie dans la seconde période historique que nous proposons, à savoir du XII* siècle jusqu'en 1438. Cette époque est celle de la consommation du schisme de 1054, où la Russie
se range aux côtés de Constantinople. Les œuvres grecques de polémique antilatine sont à peu près les seules productions où nous enregistrons le terme de Rome et ses dérivés " (éditées par A. N. Popov et A. Pavlov).
L'apogée du pouvoir papal dans la lutte contre l'Empire, suivi de la captivité d'Avignon n'émeuvent plus la Russie que l'invasion mongole avait frappé de plein fouet. De la sorte, Rome entre pour trois siècles dans le domaine du mythe. Les communications, déjà trés difficiles, étaient maintenant coupées par des Etats et des peuples que les Russes ressentaient comme hostiles. Rappelons que la délégation russe au Concile de Florence a mis presqu'un an pour atteindre son but (du 8 septembre 1437 au 18 août 1438). Dans la "Vie de saint Antoine le Romain" (T 1147 à l’âge de 80 ans), écrite 17 A.N, Porov, Istoriko-literaturmyj obzor drevnerusskich polemiteskich solinenij protiv Latinian (XI-XV v.), Moscou 1875; A.S. PavLov, Kritifeskie opyty po istorii drevnejfej greko-russkoj polemiki protiv Latinjan, St.-Pétersbourg 1878.
510
à Novgorod au XVI* siècle mais du Gotland explique à Antoine marchands mettent au moins six confort des transports, de telles cher les gens.
basée sur que pour mois en distances
des textes plus anciens, un Grec arriver de Novgorod à Rome les bateau 5. Vu les conditions d'inn'étaient pas faites pour rappro-
3. Cette situation change du tout au tout à partir du Concile de Florence (1438-1439). La participation d'une importante délégation russe (deux cents membres?) prouve à l'évidence un changement que les événements internes — triomphe des grands-princes de Moscou sur leurs rivaux de Tver notamment —, mais aussi extérieurs — chute de Constantinople (1453) et le non-événement de la riviére de l'Ugra (1480) —, ne firent que souligner. Ce changement s'est traduit par le retour progressif de la Russie sur l'aréne internationale à partir du régne de Basile II, mais surtout d'Ivan III (14621505), de Basile III (1505-1533) et d'Ivan IV le Terrible (1547-1584).
Ce retour s'accompagne d'un regain d'intérét pour les pays voisins et aussi pour Rome, la ville impériale par excellence (cf. le panégyrique du grand-prince Boris Aleksandrovi* de Tver écrit par le Pseudo-Thomas vers 1455: «Et à cause de ça son nom est glorifié depuis l'Orient jusqu'en Occident et est arrivé jusqu'à la ville impériale c'est-à-dire jusqu'à Rome » ‘°. Si l'on consulte la Nikonovskaja letopisí on enregistre, pour la période comprise entre les années 876 et 1430, 36 mentions de Rome (correspondant à 28 événements et où le récit de la 4° Croisade occupe à lui seul six pages). En revanche, entre
1438
et 1563, la ville éternelle est nommée
pas moins
de 60 fois. L'accent est mis, cette fois, sur la chute de Constantinople en 1453, sur le mariage d'Ivan III avec Zoe (Sofia) Paléologue en 1472 et sur les guerres livoniennes d'Ivan IV et sur ses contacts avec la Papauté et l'Empire. Le caractére hétéroclite de cette compilation explique aussi des situations anormales: l'Italie est désignée quatre fois sous le nom de Rimskaja zemlja (ou strana), une autre fois il s'agit de Constantinople, mais elle apparaît aussi, un nombre égal de fois (quatre) comme Latynskaja zemija. Les Latiny sont des catholiques dans 64 cas (entre 988 et 1553) mais ce terme s'applique également aux croisés de 1204 (nommés aussi "Romains" par ailleurs), aux Allemands de Livonie (une fois, en 1553), aux Suédois (une fois, en 1553), et enfin, sous la forme La£yrja, aux Normands de Sicile en lutte contre
l'empereur Alexis Comnène en 1114. Ajoutons que ce méme terme s'applique une seule fois aux habitants de Rome et à deux reprises à l'ensemble des peuples occidentaux (en 1453). L'Eglise romaine (Rimskaja cerkovi) a droit à six mentions (deux événements, 1441 et 1453), alors que le Rimskij za18 N. Kosromarov, "Skazanie o Zitii prepodobnogo i bogonosnogo otca naëego Antonija
rimljanina",
Pamjatniki
starinnoj
russkoj
literatury,
I, St-Pétersbourg
1860,
pp.
263-270. 19 N.P. LircHACEV, Inoka Fomy slovo pochval'noe o blagovernom Borise Aleksandrovite, St-Pétersbourg 1908 (PDPI, 168).
velikom
knjaze
211
konÿ = catholicisme se rencontre une seule fois à propos du Concile de Florence. Cependant, à partir de la seconde moitié du XV* siècle, les chroniques moscovites enregistrent la réalité du Saint Empire Romain sous la forme Rimskaja oblasti à propos des traités avec l'Empire de 1488-1492, de 15041509
et de la paix
avec la Pologne
de
1515-1518,
et enfin,
du
Rimskij
korolt ou cesar, Maximilien IT 3, Dans les rapports avec son nouvel allié, Ivan III entendit se présenter sur un pied d'égalité totale. Lorsque l'empereur lui proposa une couronne royale en 1488, le grand-prince fit répondre par l'intermédiaire de son secrétaire Fedor Kuricyn: « Nous sommes souverains dans notre pays dés l'origine, depuis nos premiers ancétres, et c'est de Dieu
que nous
recevons
notre investiture, nos ancétres
comme nous-mêmes » ?!,
L'année suivante, Ivan III parle des relations étroites (byli v prijatelistve i v ljubvi) de sa dynastie « depuis le début », avec «les césars romains qui donnèrent Rome au pape et régnérent méme à Constantinople ». Quelques années plus tard, en 1497, l'aigle bicéphale d'origine occidentale, impériale, scellait une charte d'Ivan III écrite par le méme Kuricyn 7: on a ainsi tous les éléments de l' "Histoire des princes de Vladimir" (Skazanie o knjazijacb vladimirskicb) ?. Rappelons qu'à la méme époque commencèrent à circuler en Europe orientale et centrale les généalogies 'romaines' de Mathias Corvin, roi de Hongrie (1458-1490); des grands-princes lituaniens qui affirmaient descendre de Palémon, un parent de l'empereur Néron, qui aurait quitté Rome en méme temps que les représentants des plus importantes familles de l'Empire pour s'installer en Lituanie; des Prussiens qui se vantaient d'avoir fondé la ville de Romowe,
en souvenir de Rome;
et, enfin, des Roumains,
descendants des frères Roman et Vlachata ^. Ces généalogies se basaient sur des étymologies plus ou moins fantaisistes: la famille Corvina pour Mathias Corvin, la ville de Romowe pour les Prussiens, le nom des Roumains (Valaques pour les étrangers) et de la vile de Roman
(de Romulus)
ou Vieille Rome,
restée orthodoxe, contraire
ment à Rim passée au catholicisme sous le pape Formose. Les grands-princes de Moscou eurent droit à une généalogie qui faisait descendre les Rurikides de Prusse, dont le fondateur Prus était apparenté à Octavien Auguste. Cette généalogie fut composée d'abord par Spiridon-Savva, ancien métropo2 Cf. N. A. Kazagova, Zapadnaja Evropa, cit., pp. 70 ss. 2: Voir la discussion dans notre article "Aux sources de l'autocratie russe. Les influences roumaines et hongroises, XV*-XVI* siècles”, Cahiers du monde russe et soviétique, 24 (1983), p. 15.
2 L V, CeREPNIN, Léningrad
Duchovnye
i dogovornye
5 R. P. DMITRIEVA, Skazanie o knjaz'jach % Cf. notre article cité supra, note 21.
512
gramoty
russkich
gosudarej,
Moscow
1950, pp. 341-344.
vladimirskicb,
Moscou-Léningrad
1955.
lite de
Kiev,
et remaniée
ensuite
vers
1527
pour
devenir
le Skazanie
o
knjazijacb vladimirskich (étudié et édité par R.P. Dmitrieva). On voit ainsi apparaître l'image de la Rome laïque plus apte à servir les buts politiques de l'autocratie moscovite. Rome devient ainsi une source de la légitimité impériale, aussi bien pour le passé de la dynastie rurikide que pour les temps présents. Si on ajoute que les écrits des judaisants et de Fedor Kuricyn (notamment le Skazanie o Drakule voevode, 1486) représen-
talent une tentative pour bátir une nouvelle idéologie de l'Etat autocratique (D. Treadgold), idéologie laique et en dehors de toute ingérence de l'Eglise russe, on comprendra mieux la réaction de la "nouvelle Orthodoxie", des
"'joséphiens" ou des "'possédants" à l'intérieur de cette Eglise 5. Leur réaction prit la forme de la théorie de Moscou-Troisiéme Rome, trés clairement exposée dans l’ "Histoire du klobuk blanc de Novgorod” (Skazanie o novgorodskom
belom klobuke) et dans le Slovo kratko rédigés dans le cercle du métropolite de Novgorod Gennadij
(1486-1504), dans les épitres du moine Philothée de
Pskov ? et, enfin, dans les grandes entreprises littéraires et idéologiques des métropolites Daniel et Macaire (1542-1563) ?.
75 D. W. Treapcoun, The West in Russia and China. Religious and Secular Thought in Modern Times, 1, Russia, 1472-1917, Cambridge 1973, p. 11. % A l'immense bibliographie de la question évoquée dans les Actes du I" Séminaire “Da Roma alla Terza Roma” (Roma, Costantinopoli, Mosca [Da Roma alla Terza Roma, Studi I], Napoli 1983), on 'ajoutera la récente étude de feu A.L. GoL'pBERG, "Ideja ‘Moskva-tretij Rim’ v cikle socinenij pervoj poloviny XVI v.", TODRL, 37 (1983),
pp. 139-149.
N Cf, D.B. Mitter, Metropolitan Makarii and
"The Velikie Minei Chetii and the Stepennaia Kniga ot the Origins of Russian National Consciousness", Forschungen
zur osteuropäischen Geschichte, 26 (1979), pp. 263-382.
513
JAN KRAJCAR 5.1. "FINO ALLA STESSA ROMA"
Per esaltare le imprese di un eroico principe, nell'antica letteratura russa si ricorreva ad un particolare mezzo stilistico. Lo scrittore descriveva come la fama dell'eroe si divulgasse in varie terre, come raggiungesse molti popoli, che enumerava e qualche volta concludeva con la frase: « La fama del principe giunse fino alla stessa Roma » - do samogo Rima. Porto alcuni esempi. All'inizio del travagliato secolo XII Vladimir Monomach con i suoi fratelli principi fece nel 1111 una vittoriosa incursione nella steppa contro i Cumani.
1] racconto si conclude cosí:
« Ritornarono in trionfo i principi di Rus' alle proprie case e la fama ne giunse non solo presso la loro gente, ma anche presso i popoli lontani, cioè presso i Greci, gli Ugri, i Ljachi [Polacchi] e i Cechi e pervenne fino a Roma» !.
Il cronista, dopo aver riferito le vittorie di Alessandro Svedesi e sui Cavalieri teutonici termina con le parole:
Nevskij
sugli
« Il nome del grande principe Alessandro Jaroslavië divenne glorioso in tutti i paesi, dal Baltico al Mare Nero, Caspio, alla terra di Tabriz (città e regione dell’Iran settentrionale], alle montagne di Ararat, fino alla grande Roma » 7.
Simeone, sacerdote di Suzdal' al seguito del metropolita Isidoro a Firenze, alla seconda redazione del suo ‘“Racconto sul concilio Fiorentino" aggiunse un elogio a Basilio II, grande principe di Mosca, in quanto rifiutó lunione tra i Latini e i Greci. « E divenne celebre il tuo nome in tutte le terre, anche latine, arrivò la tua gloria fino alla stessa Roma » *. 1 Polnoe Sobranie Russkich Letopisej (d'ora in poi PSRL), t. II, izd. 3, Petrograd 1923, col. 269. 2 PSRL, t. XXV, Moskva 1949, p. 135. 3 Acta Slavica Concilii Florentini, ed. J. Krajcar, Romae 1976, p. 102.
515
Il monaco Tommaso elogia le virtá e l'eloquenza del principe di Τνετ᾽, Boris Alexandrovic (1425-1461)
e riassume cosí le sue lodi:
« Perciò viene celebrato il suo nome dall'Oriente all'Occidente, persino nella stessa città imperante, voglio dire Roma » *.
Sorge la questione: dove cercare le origini della figura retorica "fino alla stessa Roma" e delle sue varianti? Non è una traduzione letterale dal greco. Del resto un greco non avrebbe elogiato Roma sul Tevere. L'espressione tipica ha dunque radici nella terra di Rus’. Difatti, nelle prime pagine del "Racconto dei tempi passati" si legge la leggenda di S. Andrea
apostolo, che avrebbe visitato Kiev, Novgorod,
e poi
per via di mare sarebbe giunto a Roma e quindi a Costantinopoli?. È vero che la leggenda si riallaccia ai racconti greci in cui Andrea apostolo predica a Sinope e a Cherson, ma il resto della leggenda, come si trova nella Cronaca, ha un sapore prettamente slavo 5.
La leggenda è preceduta e introdotta da una descrizione geografica della "via fluviale dai Greci ai Varjaghi". Si arriva al mare dei Varjaghi (Mar Baltico). La Cronaca continua: « Su questo mare si naviga per Roma e da Roma a Costantinopoli » 7.
Cosí il MS
Lavrent'evskij.
Altri manoscritti
hanno
un
testo un poco
diverso: « Per questo mare si naviga persino (eziandío) a Roma » 5.
Qui si riscontra la nostra tipica espressione, sebbene in altro contesto. La
particella daZe (‘’persino’’, "fino alla stessa") rafforza e intensifica il significato della parola, alla quale si riferisce. La stessa funzione assume spesso il pronome sam - samogo, sebbene possa avere anche altre funzioni. Cosí è nata la singolare figura retorica delle cronache, di cui ho portato alcuni esempi. Se ne deduce un facile passaggio da un genere letterario puramente descrittivo e geografico ad vn altro genere storico ed elogiativo. L'impiego di un elemento descrittivo (nell'ultimo esempio: « per questo + N. P. LICHACEV, ed., Inoka Fomy Siovo pocbval'noe o blagovernom velikom knjaze Borise Alexandrovice, in Pamjatniki drevnej pis'mennosti i iskusstva, CLXVIII, S.-Peterburg 1908, p. 3. 5 Sulla leggenda di S. Andrea apostolo e il suo sviluppo, vedi F. Dvornik, Tbe Idea of Apostolicity in Byzantium and the Legend of the Apostle Andrew, CambridgeMass. 1958, pp. 223-264. * Sulla leggenda nella Cronaca cfr. L. MiùLLER, "Drevnerusskoe skazanie o chozdenii apostola Andreja v Kiev i Novgorod", Letopisi i chroniki 1973, Moskva 1974, pp. 48-63. 7 PSRL, t. I, izd. 2, Leningrad 1926, col. 7. 8 MS Acad. Eccl: «dade i do Rima ». MS Radzivill: «daZe do Rima ». Il « da£e » è inserito anche nei manoscritti Ipat'evskij e Chlebnikovskij: PSRL, t. II, izd. 3, Petrograd 1923, p. 6.
516
mare si naviga persino a Roma ») in una narrazione storica o in un componimento celebrativo, era plausibile, in quanto gli autori, molto pit che oggi, preferivano usare determinate formule stilistiche (« il suo nome si diffuse
fino alla grande Roma Se uno domanda, dessero con la parola della Città eterna e di città sul Tevere,
»). che cosa gli antenati dei Russi e degli Ucraini inten"Roma", quali sentimenti destasse in loro il nome quale carattere era la preminenza riservata da loro alla
occorrerebbe
esaminare
i testi
relativi.
Che
essi abbiano
assegnato a Roma un posto speciale nella storia dell'umanità e del Cristianesimo, lo si deduce dalla stessa ideologia ‘“Mosca - terza Roma”, da loro creata.
517
ITALA
PIA SBRIZIOLO
RIMSKII-ROMEISKII NELLE "EPISTOLE" DELLO STAREC FILOFEJ DI PSKOV IPOTESI
DI
INTERPRETAZIONE
1. Il Secondo Seminario internazionale di studi storici "Da Roma alla Terza Roma" non poteva lasciarci sfuggire l'occasione di rileggere i Poslanja ! dello starec del monastero Spaso-Eleazarovo, Filofej, vissuto nella prima metà del XVI secolo. Lo starec — che si dichiara un selskoj éelovek? e afferma, ricalcando una formula quanto mai consueta negli scritti medioevali, di non avere stu-
diato presso i mudrye filosofy " — affronta argomentazioni che bene si inseriscono nel tema che oggi ci interessa, primo fra tutti, quello dell'esaltazione della “terza Roma”;
di una "terza Roma"
unica depositaria della vera fede
cristiana dopo la caduta della "prima" e della "seconda Roma”. Nei Poslanija di Filofej leggiamo: . « vsja chrstianskaja crstva. priidota v konec. i snidoÿas(ja) vo edino crstvo
niego gsdrja. po prroëskim knigam. to es(t') rose(i)skoe crstvo. dva ubo rima padoia. a tretii stoit. a Cetvertomu ne byti » *.
1 I Poslanija ["Epistole"] di Filofej, per limitarci a quelli la cui paternità è certa, sono sei; di questi uno è indirizzato aP gran principe Vasilij Ivanovit, uno a un non meglio identificato vel’moz
v mire zivu3tij
['‘magnate che vive nel mondo”),
tre al d'jak di Pskov
Michail Grigorevi* Munechin e uno, forse, allo car’ Ivan Vasil'evit, Le "Epistole" — le cui stesure risalgono, probabilmente, all'arco di tempo che corre tra il 1514 e il 1547 — non ci sono pervenute nell'originale, ma in copie contenute in raccolte datate tra il XVI e il XVII secolo. I Poslanija sono pubblicati, con le varianti, nell’appendice del lavoro di V. MALININ, Starec Eleazarova Monastyrja Filofej i ego poslanija. Istoricesko-literaturnoe izsledovanie, Kiev 1901, pp. 37-66 (d'ora in poi MALININ); da questo Volume abbiamo
tratto le citazioni. 2 “Uomo di campagna”;
MALININ, p. 37.
3 “Saggi filosofi”; MALININ, 4 «Tutti gli imperi cristiani nei libri profetici — nell'impero due Rome sono cadute, la terza pp. 50, 54-56.
p. 38. sono giunti alla fine e si sono uniti — come è scritto dell'unico nostro sovrano, cioè nell'impero russo; giacché è, la quarta non sarà »; MALININ, p. 45; ma vedi anche
519
2. "La nozione di 'romano' tra cittadinanza e universalità" à il tema più specifico di questo nostro convegno; ci pare, dunque, opportuno notare che per ‘romano’ lo s/arec pskoviano ricorre, a seconda dei casi, a due differenti aggettivi: rimskii e romeiskii. Legg.amo alcuni passi dei suoi Poslanija: « 0 nich Ze evglisi glet. voini Ze gémonovi rugajusces(ja) emu, pregybajuite koléni svoi i gljusce, raduis(ja) crju ijudéiskyi. voini gémonovi, pilatovy
slugy. ponete pilat ot latyn bjaíe. οἱ ponta grada rimskia oblasti » 5;
« mala nékaa slovesa izretem o nnéinem pravoslavnom crstvii. presvétléj. jago. i vysokostolnejiago gsdrja miego. iie v vsej podnbsnoi edinago
chrst'anom crja. i brozdodríatelja. stych bziich prstl. stva vselenskia apslkia crkve iie vmés(to) rimskoi i kostjantinopolskoj. ite es(t') v bgospsnom grade moskvé » *. E leggiamo ancora:
«I ne divis(ja) izbrannite bii. jako latyni gljut. nate crstvo romejskoe nedvizimo prebyvaet... »?. « ...romeiskoe crstvo nerazruÿimo, jako δ᾽ v rimskuju vlas(t') napisas(ja) »*. 3. I termini rimskii e romeiskii, come
abbiamo
potuto notare nei passi
appena ricordati dei Poslanija dello starec pskoviano, sono soltanto a prima vista
sinonimici,
mentre
calati in un determinato
contesto
acquisiscono
un
dissimile valore semantico. Ci sembra di poter attribuire a rimskii un significato circoscritto nel tempo e nello spazio "o£ ponta grada rimskia oblasti" , "vmés(to) rimskoi {cerkvil”, “jako δ᾽ v rimskuju vlas(t') napisas(ja)." E, dunque, il termine rimeskii va rife-
rito alla chiesa di Roma che fu prima di quella di Costantinopoli e all'oblas:' e alla vlast’ della "prima" Roma. Il concetto
espresso
da
romeiskii,
a nostro
parere,
trascende
dai limiti
5 « Di loro l'Evangelista dice: allora i soldati del governatore lo schernirono, gli si inginocchiarono davanti e gli dissero ‘Esulta, re dei Giudei'; i soldati del governatore [erano] al servizio di Pilato, perché Pilato era latino, della città di Ponto, del potere di Roma »; MALININ, pp. 42-43. * « Alcune poche parole diremo a proposito dell'impero ortodosso di oggi, del luminosissimo e altissimo sovrano nostro, il quale — in tutta la terra — ἃ l'unico imperatore dei cristiani e il reggitore dei santi troni di Dio, della santa chiesa universale apostolica che, in luogo di quella di Roma e di quella di Costantinopoli, & nella città di Mosca protetta da Dio »; MALININ, p. 45. 7 «E non stupire, eletto da Dio, se i Latini dicono: il nostro impero di Roma è incrollabile »; MALININ, p. 42. 8 « L'impero di Roma è incrollabile, giacché il Signore è stato iscritto nel potere di Roma »; MALININ, p. 43.
520
di tempo e di spazio: “crstvo romejskoe nedvizimo prebyvaet”, "romeiskoe crstvo nerazrusimo". Per concludere riflettiamo sulla citazione già riportata all'inizio là dove si dice che tutti gli imperi cristiani si sono uniti nell'unico "rose(i)skoe crso”
e nctiamo che in una delle varianti? anziché rose(i)skoe leggiamo ro-
méjskoe. Un lapsus calami di un ccpista poco attento? O scelta di chi andava copiando i Poslanija dello starec Filofej?
Perché ci sembra
questo contesto la lezione roméjskoe, con riferimento l'aggettivo acquisti un valore ancor più connotativo.
? MALININ,
che, accettando in
alla "terza Roma”,
p. 45, n. 399.
521
GIOVANNI
MANISCALCO
BASILE
IL TERMINE "POPOLO" NELLA POVEST' O CAR'GRADE: UNA IPOTESI DI INTERPRETAZIONE La Povest' o Car'grade di Nestor Iskander !, giunta fino a noi attraverso alcune
versioni,
forse
ampiamente
rielaborate,
della
fine
del
'400
e della
prima metà del '500, una delle quali premessa alla Polnaja Redakcija delle opere di I. S. Peresvetov ?, al quale è forse attribuibile, è un documento di grande interesse non solo storico, ma anche, e forse soprattutto, politico. La caduta di Costantinopoli fu vista, in Russia, come data di fondazione di una nuova ecumene ortodossa non più centrata sull'antica capitale dell'Impero d'Oriente, bensí su Mosca. L'interpretazione iskanderiana e russa di un avvenimento di tale portata è del più grande interesse ed, in questa prospettiva, del pari di grande interesse si presenta l'indagine sul modo in cui le categorie di vita di relazione
bizantine
furono
recepite
nel
testo
slavo
e, forse,
reinterpretate alla luce di esperienze sociali e giuridiche non bizantine. Ai fini di questa indagine, assume un rilievo non trascurabile l'analisi di alcuni termini impiegati nel testo, relativi ad alcune di tali categorie di vita di relazione, forse più di altri idonei a fornire elementi per la ricostruzione del sistema di lettura russo della realtà politica e sociale bizantina.
Fra questi, il
termine "popolo", o meglio il complesso dei termini che, nel testo iskanderiano, si riferiscono alle persone che vivono a Costantinopoli, appare il piü promettente per gli scopi di cui sopra. Tale indagine, però, presenta una serie
di problemi di non facile soluzione. Innanzitutto, l'incerta paternità dello scritto, almeno nella forma nella quale esso ci ἃ pervenuto, rende difficile valutare in quale misura elementi bizantini, turchi, slavi, propri di vari tempi, siano confluiti nel testo e, per conseguenza, la determinazione del contesto 1 Sulla Povest” o Car'grade, cfr. La Caduta di Costantinopoli. Le Testimonianze dei Contemporanei, a cura di A. PertusI, Milano 1976, pp. 261-266. L’opera contiene la traduzione della versione della Povest' pubblicata dall'Archimandrita Leonid (Povest' o Car'grade Nestora Iskandera XV veka, SPb. 1886), priva della parte relativa alla fondazione della città. 2 Cfr. Socinenija !. Peresvetova, a cura di A. A. ZiMiN, Moskva-Leningrad 1956. La traduzione italiana delle opere del pubblicista cinquecentesco è in Scritti Politici di I. 5. Peresvetov, a cura di G. MaNIsCALCO BASILE, Milano 1976.
523
nel quale il termine "popolo", e gli altri impiegati per indicare gli abitanti di Costantinopoli, va inquadrato, risulta problematica. In secondo luogo, la Povest', pur essendo indubbiamente portatrice di valenze politiche, è pur sempre un'opera narrativa e, per giunta, di notevole spessore simbolico, il che rende incerta la possibilità di riferire un significato tecnico ai termini in essa contenuti.
Non è perd dubbio che una tale indagine, pur nei limiti anzidetti, potrebbe gettare luce sul significato del documento e non ci sembra inutile, pertanto, proporre uno schema metodologico ed iniziare uno studio ancora ben lontano da conclusioni certe. ἃ nostro avviso, lo studio deve prendere le mosse, in via preliminare, dall'identificazione di tutti i termini impiegati, nella narrazione iskanderiana, per indicare le persone che abitano la capitale del. l'Impero d'Oriente e dalla determinazione, attraverso l'analisi del contesto nel quale sono inseriti, del significato che ad essi attribuiscono Iskander ed i noti ed ignoti trascrittori e rielaboratori, per accertare se ad uno o pit di essi possa ricollegarsi una valenza giuridica o politica. Nel presente intervento, faremo riferimento a due versioni della Povest
o Car'grade, quella pubblicata dall'Archimandrita Leonid nel 1886 ?, probabilmente assai vicina alla prima rielaborazione russa dell'originale iskanderiano, ed a quella inclusa nella Polnaja Redakcija po Muzejnomu Spisku degli scritti di I. S. Peresvetov *, che in prosieguo indicheremo, accanto ai brani citati, rispettivamente con le lettere L. e P., seguite dal numero di pagina del testo di riferimento, mentre per le traduzioni ci riporteremo, per la versione pubblicata da Leonid, alla raccolta curata da A. Pertusi? e, per la versione peresvetoviana, a quella curata dall'autore di queste righe. Nella Povest' o Car'grade, i termini adoperati per indicare gli abitanti di Costantinopoli sono numerosi e non tutti, a nostro avviso, ugualmente utili all'indagine che intendiamo abbozzare: /judie, gradskie ljudie, ljudie grada, graiane,
ieny
i detej,
Celoveki,
velmozi,
megistany,
boljary,
svjattenstvo,
voinstvo, voinniki, stratigi. A questi termini vanno aggiunti gli altri che, pur essendo portatori di una specifica connotazione che li rende inadatti ad esprimere immediatamente un significato giuridico o politico, possono considerarsi comunque utili alla determinazione della valenza dei primi: per esempio, come nell'espressione "gospoda i bratija, maly i velici {signori e fratelli, grandi e piccoli]", ed altre simili. Fra quelli che abbiamo indicati, il termine che appare con maggiore frequenza ἃ il collettivo (di forma plurale) ljudie, cioè "popolo" (letteralmente: "uomini"). Ljudie compare da solo (p.e. « ljudie Ze ... zmija ubita [il popolo ... uccise il serpente] »: P.124, anche spesso accompagnato da determinativi di quan-
3 Cfr. supra, n. 1. M riferimento sarà alla pagina dell'originale di Leonid. 4 Cfr. Socinenija I. Peresvetova, cit., pp. 123-147. 5 Ci permetteremo, di tanto in tanto, di scostarci leggermente dalla traduzione, dove essa non appare adatta all'indagine che ci proponiamo: p.e., il termine /judie, che nella traduzione Pertusi è reso con pit di un vocabolo (popolo, gente, cittadini, etc.) sarà qui sempre tradotto come “popolo” (v. infra, n. 14).
524
tità (« s mnoiestvom ljudej ich tu privede... [con una moltitudine di popolo, li fece portare lí ...] »: L.4; « wie vsich ljudii s sten zbita ... [respinto tutto il popolo dalle mura ...] »: L.9) ed ancor più di frequente da determinativi di qualità o di appartenenza ad una certa categoria (« i usi ljudie grada ne vedjaacbu éto sotvoriti ... [e tutto il popolo della città non sapeva che cosa fare ...) »: L.6; « suttie Ze ljudie v grade, Greki i Frjagove ... [il popolo della città, Greci e Frjagi ...] »: L.6). In alcuni passi, il termine /judie è posto accanto ad altri termini indicanti persone evidentemente non comprese nel collettivo (« ... takze i ot placa i rydania gradskych ljudej i ten i detej ... [... ed anche per i pianti ed i singhiozzi del popolo della città, delle donne e dei bambini ...] »: L.9; « Cesar’ Ze paki obeïaaïe po vsemu gradu, placuSte i rydajuste, molja stratig i vsech ljudej, glagoljuste: gospoda i bratija, maly i velici ... [L'Imperatore andava in giro per la città, piangendo e singhiozzando, pregando gli strateghi e tutto il popolo, dicendo: signori e fratelli, grandi e piccoli ...] »: L.13). Gli esempî potrebbero moltiplicarsi, ma i passi riportati consentono già di limitare alquanto il campo, assai ampio, di applicazione del termine /judie. I. I. Sreznevskij, nei Materijaly 5, dà, per ljudie, una serie di significati, fra i quali quello generico di "gente", ed altri più specifici, come "popolaccio"; ma il modo in cui questo termine è adoperato nella Povest o Car'grade non si attaglia a queste accezioni, bensi forse ad un'altra, pure data da Sreznevskij ?, e della quale si trovano abbondanti tracce nelle Cronache. Come si è visto, la categoria dei /judie, nel nostro testo, non comprende le donne ed i bambini ed è accostata, con la qualificazione di bratija e malye, a quella degli stratigi, che sono, invece, gospoda e velici. La categoria, quindi, non comprende né le donne ed i bambini, né i magnati ed i nobili (L.2), ma
neanche l’esercito (« ... ukrepljaet stratigov svoich i vsech ljudej ... [... incoraggia i suoi strateghi e tutto il popolo] »: P.127 e L.8), sembra, pertanto, cvidente che il termine /judie non è solo portatore di un significato quantitativo, ma fa riferimento ad una categoria ben determinata, qualitativamente connotata. I ljudie, infatti, combattono coraggiosamente, come « fratelli umili », a fianco dell'Imperatore, vengono da questo rincuorati, si rivolgono a lui per invitarlo a lasciare la città prima dell’inevitabile disastro, svolgono,
insomma,
una funzione di supporto nell’ultima fase della vita politica della città, quella finalizzata alla difesa contro gli infedeli. Alcuni elementi del testo sembrerebbero confermare la connotazione politica del termine. Innanzitutto, all'inizio della narrazione, l'Imperatore è incerto sul da farsi, perché (« ... ljudskogo sobranja ne be ... [non c'era un’assem-
blea del popolo] »: L.6), cosí postulando l’esistenza di un organo consultivo (o forse
decisionale)
non
familiare
6 Cfr. I. I. SREZNEVSKIJ, Materijaly anastat. Moskva 1958, voce /judie.
alla cultura
politica
bizantina ἢ. In
dlja Slovarja Drevnerusskogo
Jazyku, SPb.
se-
1893,
7 Ibid. * Non sembra che questo passo della povest' alluda ai demi o ai cosiddetti "partiti del circo”, anche perché queste formazioni popolari di secoli passati avevano funzionato più come gruppi di pressione, talvolta violenti, che come organismi capaci di fornire
525
condo luogo, nell'ultima parte della narrazione, al termine ljudie si sostituisce gradualmente,
anche se non completamente,
il termine
grazame?,
che
è im-
piegato nella prima parte solo di rado [L.14,16,17] e molto più di frequente nella seconda [L.23 (tre volte), 31 (due volte), 32 (tre volte), 33 (due volte),
35 (due volte)], e questo termine viene impiegato nelle occasioni e con i collegamenti propri, nella prima parte, di /judie (« ... videv £e stratigi i vsi graZane ... [vedendo gli strateghi e tutta la cittadinanza ...] »: L.32). Non è certo facile, visti i rimaneggiamenti cui l’originale della Povesf’ è stato sottoposto prima di assumere la forma nella quale lo conosciamo, ricostruire le ragioni di una tale sostituzione, ma l'ipotesi che i termini ljudie e grazane siano impiegati, con qualche approssimazione, come
sinonimi e che essi siano porta-
tori di una precisa valenza politica non appare peregrina. Un principio di indagine su tale valenza postula il ricorso ad un diverso gruppo di documenti, nei quali i termini ljudie e graïane sono presenti e nei quali il significato che ci interessa è, forse, in maggiore evidenza. Si tratta di alcuni brani delle Cronache antico-russe, nelle quali tali termini ricorrono con una evidente connotazione giuridica (« I v éetvertyj den’ povedata na vete. I reta ljud'e ... [Il quarto giorno convocarono il vede. E disse il popolo ...] »: Lavrentijskaja Letopis
1097";
« Graïane
ie,
se
slyfav,
soxvaía
vete,
i reda
Davydovi
ljud'e ... [La cittadinanza, ciò udito, convocò il vete e disse il popolo David
a
...] »: ibid. 1097").
In questi ed in altri sono usati per indicare polare delle città russe, cioè gli uomini liberi e analogo significato, sono appartenenza
ad
una
brani, i due termini dei quali ci stiamo occupando gli uomini abilitati a partecipare all'assemblea poil vete, ed a far sentire in essa la propria voce, muniti di diritti politici. In modo analogo, e con adoperati, nelle Cronache, i termini indicativi di
città
(Kiyane,
Cermigovcy,
Volodimircy,
etc);
(pe.:
« Nautrija Ze v semy na desjatyi den’, sovet stvorifa Kijane, poslata k Volodimeru, glagoljuzte: poidi, knjaz', na stol'oten' i deden [Al mattino del diciasettesimo giorno, i Kieviani fecero consiglio e mandarono da Vladimir a dire: vieni, Principe, al trono dei tuoi padri ed antenati]: Ipat'evskaja Letopis’ 1113 12). Si potrebbe, quindi, ritenere che i termini ljudie, grazane,
Kijane,
etc., siano
sostanzialmente
omologhi
e si riferiscano
tutti
agli uomini liberi che partecipano, nel vete, alla vita politica della città. Se consiglio al βασιλεύς in difficoltà (cfr., in vario senso, H.-G. Beck, "Senat und Volk von Konstantinopel", in In, Ideen und Realitäten in Byzanz, Variorum Reprints, London 1972, XII, nonché A. CAMERON, Circus Factions, Oxford 1976). L'idea di un'assemblea popolare ἃ presente nella speculazione politica bizantina dei secoli XIV e XV, nelle opere di Teodoro Metochita e di Giorgio Gemisto Pletone, ma pit come utopia politica che come vero e proprio progetto e mancano gli elementi ché possano indurci a ritenere che Iskander ne fosse a conoscenza. 3 Per il significato di questo termine, cfr. I.I. SREZNEVSKIJ, Materijaly, cit., voce graïane (lAutore attribuisce a questo termine il significato profondamente politico di πολιτεία).
10 Cfr, V. SERGEEVIC, Russkija Juriditeskija Drevnosti, SPb, 1 Cfr. V. SERGEEVIC, op. cit., p. 3. 12 Cfr. V. SERGEEVIC, op. cit., p. 7.
526
1895, t. II, p. 5.
si estendesse ai termini impiegati nella Povest’ o Car'grade il significato che essi appaiono avere nelle Cronache, sarebbe forse spiegabile la frase, non chiara, citata prima « ...e non c'era un'assemblea del popolo ». Diverrebbe, infatti, ipotizzabile che il redattore o, piá correttamente, i trascrittori della Povest' facessero fatica ad immaginare una città nella quale attori politici fossero solo l'Imperatore ed i δοῦλοι e, notando la mancanza del vete come una
grave
carenza
(senza
l'assemblea
l'Imperatore
era
in difficoltà),
conti-
nuassero a servirsi dei termini, politicamente connotati, propri delle città russe P. Da questa ipotesi, e dalla conseguente imprecisione — certamente non insignificante — del testo iskanderiano, scaturisce un ulteriore interrogativo: quale rapporto politico-giuridico lo scrittore della Povest' crede di trovare fra gli abitanti di Costantinopoli che giustifichi l'uso, da parte sua, del termine /judie, l'uso cioè di un termine che si riferisce ad un plurale-collettivo? '*
Non ci sembra che gli studi sulla visione della Seconda Roma da parte della Terza abbiano ancora affrontato il problema in modo esauriente ed il campo merita forse ulteriori indagini.
13 Anche se, nella prima metà del '500, il vece aveva perso la sua importanza, od era scomparso in molte città, non si può certo escludere che i trascrittori cinquecenteschi abbiano ripetuto senza variazioni dei termini che in origine (nel 400) erano portatori di un significato giuridico e politico preciso. M Non è superfluo rilevare la singolare somiglianza fra il termine /judie, letteralmente "uomini", che abbiamo tradotto come “popolo”, ed il termine bomines, presente in alcune formule giuridiche romane (si veda, per esempio, la formula ‘della indictio belli dello jus fetiale: « quarum rerum, litium, causarum condixit pater patratus populi Romani Quiritium, patri patrato. Priscorum | Latinorum hominibusque Priscis Latinis »; Livio, 1, 32, 11, cit. in P. CATALANO, Populus Romanus Quirites, Torino [1970] 1974, p. 118). Il termine /judie o ljudy, che assume un significato giuridico-politico nella sua forma plurale (il singolare /j«d' non è usato nelle fonti e ljudim' equivale a delovek, "uomo", individuo), prende il valore di un vero e proprio collettivo, idoneo ad indicare il populus delle città russe, formato dai « pères de famille libres et indépendantes » (cfr. M. SZEFTEL, "Les assemblées populaires", in In., Russian Institutions and Culture up to Peter the Great, Variorum Reprints, London 1975, VIII), proprio come gli homines delle antiche comunità latine contro le quali i Quirites potevano, uomo contro uomo, muovere guerra.
527
APPENDICE
PIERANGELO CATALANO
IUS ROMANUM NOTE SULLA FORMAZIONE DEL CONCETTO
1. Premessa
Sia consentita una osservazione sorprendente. Il concetto di "diritto romano" è tra quelli meno studiati dai romanisti. Manca un lavoro di ricerca, di qualche ampiezza, sulla storia dell'espressione ius Romanum. Vanno sempre menzionate, a questo proposito, le pagine di Moritz Voigt (1858). Quanto alle espressioni in lingue neolatine o germaniche che sembrano tradurre ius Romanum siamo più fortunati. Anche negli ultimi cento anni non è mancata la riflessione: dalle Lezioni di Diritto romano di Contardo Ferrini (1898-99)
alle odierne
discussioni
sulla cosiddetta
‘tradizione
romani-
stica". Tuttavia, i romanisti europei non hanno adeguata conoscenza di quelle concezioni del "diritto romano" che ne affermano la "vigenza" anche successivamente alle codificazioni statali e nazionali: penso a James Bryce in Inghilterra, ad Abelardo Lobo in Brasile, ad Agustín Díaz Bialet in Argentina. Proprio tali concezioni possono considerarsi uno sviluppo dell'antico concetto di ius Romanum. Le note che seguono non prescindono dalle generali discussioni su “svi-
luppo storico del concetto" o "storia dei tentativi per comprendere un concetto" (uso le contrastanti espressioni di Ludwig Lange e di Gottlob Frege). 2. 'Iura populi Romani' L'insieme delle regole ed istituti "usati" dal popolo romano ἃ indicato, per un lungo arco di tempo con una espressione che ne evidenzia la pluralità: iura populi Romani. * Questo scritto è destinato agli Studi in onore di Antonio Guarino. Il testo riproduce, con alcune modificazioni, la comunicazione presentata al "Coloquio italo-mexicano de derecho romano", organizzato dal Gruppo di ricerca sulla diffusione del diritto romano in collaborazione con l'Ínstituto de Investigaciones Jurídicas dell'Universidad Nacional Autónoma de México, 25-27 agosto 1982). Tema generale del Colloquio: Εἰ derecho romano
como
derecho supranacional.
531
Cicerone adopera l'espressione a proposito degli studi di Varrone (Phil. 2, 105); uno di questi iura è lo ius fetigle populi Romani (De off. 1, 36). La stessa espressione, come ἃ noto, si ritrova nelle Institutiones di Gaio (1, 2) e
in quelle di Giustiniano (1, 1, 2), peraltro con una funzione sistematica diversa in ciascuna delle due opere. L'espressione ius populi Romani indica, in implicita connessione con regole e istituti, la ‘posizione giuridica’ (‘spettanza’, ‘facoltà’, 'potere") del popolo romano: Cicerone, De leg. 3, 48; In Caec. 37; cfr. In Verr. act. II 5, 173; Pro Planc. 8. L'espressione pud essere accostata a ius civium Romano-
rum: v. ad es. In Verr. act. II 5, 143; Pro Arch. 11. Tuttavia non manca l'uso in riferimento a regole e istituti: De leg. 3, 49: « Nos autem de iure naturae cogitare per nos atque dicere debemus, de iure populi Romani, quae relicta sunt et tradita » (cfr. in 3, 48 il riferimento, invece, alla ‘posizione
giuridica’). L'espressione resta nel linguaggio giustinianeo, accentuandosi il significato 'potestativo' (Deo auct. 7; Nov. 62 praef.)!. La designazione dell'insieme di regole e istituti come iura populi Romani ha significati giuridici (sistematici) diversi a seconda delle diverse interrelazioni con altri iura o tra gli stessi iura del popolo romano. Le espressioni con cui bisognerebbe confrontare quella che stiamo esaminando sono, principalmente,
ius commune,
ius bominum,
ius naturale,
ius gentium,
ius civile
(con i rispettivi plurali). Non ἃ qui possibile un esame approfondito. Riprenderd l'esempio di Cicerone, nei cui scritti abbiamo già visto le interrelazioni (anche implicite) tra le nozioni di iura populi Romani, ius fetiale, ius populi Romani, ius naturae (in alcuni passi solitamente non esaminati dalla dottrina romanistica). Ávviciniamoci ora a due passi assai noti: De off. 3, 69 « maiores aliud ius gentium, aliud ius civile esse voluerunt; quod civile non idem con-
tinuo gentium, quod autem gentium, idem civile esse debet »; 3, 108 « adversus quem [sc. bostem] et totum ius fetiale et multa sunt iura communia ». Per Cicerone dunque, lo ius civile (che egli intende come l'insieme dello ius della civitas, non come lo ius proprio esclusivamente dei cittadini) "deve" conformarsi allo ius gentium, restando implicito che possa di fatto non conformarvisi; lo ius civile rientra in parte negli iura communia che vigono anche nei confronti dei nemici, e anche nei confronti dei nemici vige tutto lo ius fetiale populi Romani. La discussione (che ha impegnato la dottrina a partire dal secolo scorso) se lo ius fetiale fosse diritto internazionale o diritto pubblico esterno è metodologicamente errata; lo ius fetidle sfugge alle categorie giuridiche positivistiche e statualistiche. La realtà giuridico-religiosa antica & quella di uno ! L'interprete
delle
fonti
antiche
deve
guardarsi
distinzione (e contrapposizione) contemporanea
dal sovrapporre
al dato
storico
la
tra 'diritto in senso oggettivo' e 'diritto
in senso soggettivo’. La nozione di ius può invece essere compresa evidenziando, nei diversi usi del termine, la diversa accentuazione dei riferimenti ad aspetti forse definibili come ‘normativi’ e ‘potestativi’; si tratta di usi oscillanti tra i significati avvicinabili a quelli del termine /eges e a quelli del termine potestas. Si confrontino ad esempio,
rispettivamente, le espressioni ius civile e ius Quiritium: (una volta chiarito il ‘significato fondamentale’
532
di quest'ultima,
da
riferire
allo
sfatus
civitatis).
ius (fetiale) considerato dai Romani virtualmente valido per tutti i popoli. In un'altra sede ho avuto occasione di sottolineare che lo ius fetiale, romano e universale insieme, nella sua vitalità storica dimostrata dalla stessa sovrapposizione di concetti che troviamo nel De officiis di Cicerone, non pud rientrare nelle odierne categorie di "diritto statuale" e "diritto internazionale"; anzi, la sua validità oltre i limiti della sua effettività (forza ideale che accom-
pagna l'espansione romana, esaltata nel XVII secolo dal teologo della storia Bossuet)
mette
in crisi l'attuale categoria
di "diritto". Che
ad afferrare il
dato dello ius non sia sufficiente la categoria del "diritto" non sorprende certo lo storico ?. Nel discorso generale di Gaio, già assai diverso da quello di Cicerone, soprattutto per la diversa utilizzazione delle espressioni ius gentium e ius civile, il concetto di iura populi Romani assume una pit rilevante funzione. All'inizio del primo commentario delle Institutiones, Gaio afferma che tutti
i popoli retti da leggi e costumi usano in parte un diritto loro proprio, in parte un diritto comune a tutti gli uomini; e che pertanto il popolo romano usa in parte un diritto proprio, in parte un diritto comune a tutti gli uomini: in tal modo Gaio distingue ius civile (inteso come ius proprio della civitas o popolo romano) e ius gentium. Diverso da tale ius civile (proprio dei Romani) è il concetto di iura populi Romani, introdotto al paragrafo 2, il quale comprende certamente sia lo ius gentium usato dai Romani sia lo ius civile considerato dai Romani vigente per i peregrini. È nota l'equivocità dei termini ius civile, ius proprium civitatis, ius proprium civium Romanorum ^; e, d'altra parte, un certo disagio di Gaio di fronte alle nozioni usate, nonché un'implicita sottolineatura della sua prospettiva universalista o sovrannazionale, si ha nell'uso dell'espressione ius Romanorum, in 3, 96, per indicare, a proposito dello iusiurandum, una sfera giuridica considerata dai Romani valida anche
per i peregrini *. Nel primo commentario sono implicite queste difficoltà concettuali del sistema: il par. 1 risponde ad una sistematica di origine filosofica, emersa diversamente in Cicerone, nella quale & centrale il concetto di
ius commune; nel par. 2 Gaio utilizza il concetto di iura populi Romani*, certo più antico e già presente nelle elaborazioni dei collegi sacerdotali. 2 Cfr. P. CATALANO, Linee del sistema sovrannazionale romano, I, Torino 1965. Sul “diritto di guerra” romano vedi ora anche G. PucLiEsE, "Appunti sulla deditio del. l'accusato
(1974),
di illeciti internazionali",
pp.
1ss.;
Rivista
italiana
V. ILARI, L'interpretazione
tradizione romanistica e giusnaturalismo, Milano
per le scienze
sulle prospettive
comparatistiche
s. III, 28
fra
1981.
3 Cfr. G. LomBarpi, Sul concetto di ‘ius gentium', Roma "Osservazioni
giuridiche,
storica del diritto di guerra romano nelle Istituzioni
1947, p. 124; F. GORIA, di Gaio",
I! modello
di
Gaio nella formazione del giurista, Torino 1981, pp. 223 n. 15; 228 ss.; 271. 4 Cfr. M. Voir, Das jus naturale, aequum et bonum und jus gentium der Rómer, II, Leipzig
1858, p. 37 n. 21;
F. Goria,
"Osservazioni",
cit., pp. 2408.
(v. in generale
questo scritto circa l'interesse di Gaio per la comparazione degli iura e l'applicazione degli iura dei peregrini). 5 Cfr. variamente D. NOnn, Divisio und Partitio, Berlin 1972, pp. 6ss.; 45 55.; M. TALAMANCA, ""Lo schema genus-species nelle sistematiche dei giuristi romani”, La filo-
sofia greca e il diritto romano (Accademia Nazionale dei Lincei, Problemi attuali di scienza e di cultura, Quaderno
221), II, Roma
1977, pp. 190 ss.
533
Nelle Institutiones di Giustiniano il rapporto sistematico tra il concetto di iura populi Romani da una parte e dall'altra quelli di ius civile, ius gentium (cui si aggiunge ius naturale) appare rovesciato, non solo nell'ordine dell'esposizione. Nel primo titolo, dopo aver chiarito le nozioni di iustitia e iurisprudentia, si enuncia il programma di esporre gli iura populi Romani, aggiungendo alcune considerazioni che potremmo definire di metodologia dell'insegnamento (lintero paragrafo in questione non risulta dipendere da modelli classici, a differenza del pr. e dei par. 1, 3 e 4, che derivano da Ulpiano). Nel titolo secondo, dopo aver parlato dello ius maturale (seguendo Ulpiano), si distinguono (seguendo Gaio) ius civile, come ius proprium civitatis, e ius gentium, approfondendo poi il discorso (par. 2) sullo ius quo populus Romanus utitur o ius civile Romanorum o ius Quiritium. Nella prospettiva sistematica delle Institutiones giustinianee, iura populi Romani diventa dunque il "concetto superiore" piá generale, risentendo evidentemente dello sviluppo del concetto di ius Romanum che vedremo. Un dato comunque ἃ costante, da Cicerone fino a Giustiniano: iura populi Romani è concetto più ampio di ius proprium civium Romanorum. Altro dato costante & che l'espressione serve a sottolineare la pluralità degli iure. Quindi la traduzione corrente con « ordinamento romano » risulta errata già a prima vista. Peraltro anche la traduzione con « ordinamenti giuridici del popolo romano » ‘, cosí come le interpretazioni istituzionalistiche, che parlano di "pluralismo giuridico" o di “pluralità di complessi normativi" ^, non tengono conto che l’effettività * non è caratteristica essenziale di questi iura. A] di là di questi dati costanti, i contenuti giuridici (cioè, in primo luogo, le implicazioni sistematiche) dell'espressione iura populi Romani sono diversi nei diversi momenti storici, per la crescente influenza degli iura che via via vengono imposti dal popolo romano fino a diventare iura communia. Il mo-
mento formalmente decisivo ἃ segnato dalla costituzione dell'imperatore Caracalla che conferisce lo ius civitatis a tutti qui in orbe Romano sunt (cfr. Ulpiano D.
1, 5, 17), salvo eccezioni.
6 Cosf E. Narni, Istituzioni di Diritto romano, A, 1, Milano 1973, p. 2. 7 Vedi le diverse interpretazioni di G. Grosso, Problemi generali del diritto attra verso il diritto romano, II ed., Torino 1967, e di R. OnEsTANo, ‘Diritto’. Incontri e scontri, Bologna 1981, pp. 395 ss. * Il problema della '"'effettività" nel diritto romano è trattato da A. Guarino, L'ordinamento giuridico romano, IV ed., Napoli 1980, pp. 326ss. (in una prospettiva critica
nei
confronti
delle
interpretazioni
istituzionalistiche,
per
una
distinzione
precisa
tra ‘factum' e 'ius': cfr. ibid. p. 323). Peraltro, ritengo non opportuno l’uso del concetto di ‘ordinamento giuridico’ nell'interpretazione del diritto romano, proprio in quanto il ‘principio di effettività' è il criterio alla stregua del quale generalmente è giustificata l'ipotesi della validità {cioè dell'esistenza) di qualsivoglia ‘ordinamento giuridico’: cfr. P, CataLANO, Linee del sistema sovrannazionale romano, cit., p. 37 n. 75; pp. 40ss.; 475. circa la validità dello ius fetiale oltre i limiti della sua ‘effettività’. Una viva discussione
(e difesa) è condotta lissimo mi lo sfondo
del ‘principio di effettività' riguardo all'esistenza di ogni ‘ordinamento giuridico" da F. Cornero, Riti e sapienza del diritto, Bari 1981, pp. 225-234; 761 s. (utisembra, per contrasto, il riferimento al diritto augurale: « Appena impallidisca religioso gli oneri eclissano i doveri»: op. cit., p. 214; cfr. passim); cfr. In,
“Diritto”, Enciclopedia, 4, Torino
534
1978, pp. 976 ss.
Livio 9, 20, 10, a proposito di eventi in Italia alla fine del IV secolo a.C. (si trattava di precise relazioni giuridiche con Capua ed Anzio), cosí si esprime: « nec arma modo sed iura etiam Romana late pollebant »; e in 30, 32,2, ἃ
proposito di quello che resta il principale conflitto nel Mediterraneo: « Roma an Cartbago iura gentibus daret ». Nello stesso autore l'espressione Romana iura si trova anche in 1, 35, 5, in una giustapposizione, che vorrei dire ideologica, con il carattere peregrinus di Tarquinio, aspirante al regmum (1, 35, 3). Nei rapporti, sempre più intensi, con i soci italici e con le exterae nationes, gli iura Romana diventano iura communia. È quanto possiamo ricavare, ad esempio, dall'uso dell'espressione xotvol νόμοι di Elio Aristide (nell'orazione " A Roma", 102 s.), anche se non si vuol vedere ivi un riferimento al diritto privato ?. Successivamente alla costituzione di Caracalla, il retore Menandro di Laodicea userà l'espressione χοινοὶ τῶν Ρωμαίων νόμοι per descrivere la nuova situazione, in cui, abrogati i momsoi delle poleis, i rapporti nell'ambito delle città sono regolati dagli iwra dei Romani". Ormai la grande maggioranza degli uomini liberi abitanti nell'orbis Romanus è composta da cives Romani. I concetti di iura populi Romani e di iura communia hanno trovato il punto di convergenza. Questo si preciserà nella legislazione imperiale: troveremo ius Romanum et commune (nel Codice teodosiano) e ius Romanum commune (nel Codice di Giustiniano). Ma qui si apre appunto la questione che direttamente ci interessa. Come e perché a fianco o, piuttosto, in sostituzione del concetto di iura populi Romani si viene affermando il concetto (o i concetti?) di ius Romanum?
3. ‘Ius Romanum'
tra storiografia e religione
(Livio, Tacito, Tertulliano)
Mentre l'espressione iura populi Romani viene utilizzata dalla giurisprudenza (presumibilmente già in età repubblicana) l'espressione ius Romanum (che si trova già nella storiografia d’età augustea) serve alla legislazione impetiale, in cui viene ‘codificata’ a partire da Diocleziano. Anche il concetto di ius Romanum
si viene modificando:
si tratta, come
vedremo, di una crescita di contenuti e di implicazioni sistematiche. Possiamo tuttavia fin d'ora notare un dato costante: sia nella storiografia sia nella legislazione il concetto di ius Romanum ha una funzione sistematica per dir cosf universale. In primo luogo il concetto attiene non solo agli aspetti personali del sistema giuridico (come invece, propriamente, iura populi Romani) bensi * Cfr. D. Nr,
"Origo. Studien zur Orts, Stadt- und Reichszugehórigkeit
in der
Antike", Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, 31 (1963), pp. 95s.; M. TALAMANCA, "Su alcuni passi di Menandro di Laodicea relativi agli effetti della constitutio Antoniniana”, Studi in onore di E. Volterra, V, Milano 1971, pp. 485 5. (nota).
10 Vedi M. TALAMANCA, op. ult. cit.; cfr. In., ‘Gli ordinamenti provinciali nella prospettiva dei giuristi tardoclassici", Istituzioni giuridiche e realtà politiche nel tardo impero (III-V sec. d.C.), Milano 1976, pp. 198 ss.
535
anche a quelli spaziali, includendo il collegamento con l'urbs Roma e con l'orbis Romanus; ciò risulterà chiaramente definito nella costituzione Deo auctore (v. infra, $ 12). In secondo luogo, il concetto è utilizzato in confronti
con realtà in qualche modo ‘esterne’ al sistema, visto in maniera dinamica, pet includerle in esso o per escluderle. Livio (3, 34, 7) usa l’espressione ius Romanum
Tavole: queste sono definite studio, per usare le parole di appunto, omnis Romani iuris: è il concetto onnicomprensivo
in riferimento alle Dodici
fons di tutto lo ius (nelle due Ulpiano: pubblico e privato) si tratta dunque di un concetto utilizzato dallo storiografo, che
positiones dello e quindi corpus, superiore. Altro troviamo invece
espresso in 39, 16, 9: omne divinum bumanumque ius, entro cui si pongono
i problemi del #705s Romanus (ibid. 8), del ritus patrius ed externus. Possiamo dire, sinteticamente, che il linguaggio di Livio rivela una concezione del sistema giuridico tendenzialmente universalista, ma ancora lontana dalla universalizzazione del diritto romano (e simile a quella di Gaio). Il concetto di ius Romanum ha quindi una funzione sistematico-storica di unificazione (già per il 'principio', con le Dodici Tavole) degli iura Romana in divenire espansivo (v. supra, $ 2).
L'espressione ius Romanum è particolarmente adatta a questa funzione sistematico-storica anche per la pregnanza di significato che assume ius al singolare (sottolineando l’aspetto potestativo). Ne abbiamo un esempio in Tacito. È
noto
l’excursus
sulla storia del diritto in Annales
3, 25-27
(«de
principiis iuris et quibus modis ad banc multitudinem infinitam ac varietatem legum perventum sit »). Secondo la visione storica di Tacito, all'aequalitas degli antiquissimi succedono le dominationes, onde poi la giustapposizione di reges e leges". Non è qui la sede per un confronto con le concezioni storico-giuridiche di Pomponio, di Ulpiano o di Ermogeniano: basti aver richiamato questi possibili termini di confronto nella giurisprudenza. Per richiamarci a quanto detto su Livio, serve ricordare la definizione e valutazione che Tacito dà delle Dodici Tavole nel passo citato (« finis aequi iuris ») e l’utilizzazione, in altri passi, di un concetto
di ius Romanum.
Ancora
nel terzo libro degli
Annales, in riferimento ad un problema giuridico-religioso (si trattava di un dono al tempio della Fortuna Equestre di Anzio, nel 22 d.C.), Tacito enuncia con precisione un principio: « cunctasque caerimonias Italicis in oppidis templaque et numinum effigies iuris atque imperii Romani esse » (Ann. 3, 71). Ius Romanum è dunque concetto unificante per la religione nella ferra Italia
(immediatamente dopo si tratta di un altro problema giuridico-religioso: della permanenza del flamen Dialis in Roma). Nel XV libro degli Annales, ius Ro-
manum è utilizzato, in riferimento all'Armenia (62 d.C.), come concetto che indica la linea espansiva dei Romani e la loro contrapposizione ai reges (quella contrapposizione che ritornerà come arma ideologica della “romanità risorta’
ll Per una del ius»
interpretazione
vedi G. BroccinI,
"Ius
del passo lexque
diritto romano, Milano 1966, pp. 77 ss.
536
nel senso della esto"
(1959)
«chiara
intuizione
ora in In., Coniectanea.
dell’unità Studi di
nella Rivoluzione francese siturum » (Ann.
!*); « Pro umbra regis Romanum ius victis impo-
15, 6); prescindo qui dal problema di che cosa debba leg-
gersi, politicamente, ‘tra le righe" di questo passo di Tacito. Come è noto Tacito scrive questi libri all'inizio del II secolo d.C., al tempo dell'imperatore Traiano. Ma il concetto di ius Romanum
sembra non sia pe-
netrato nella giurisprudenza classica (il passo di Ulpiano D. 6, 1, 1, 2 è notoriamente interpolato:
v. infra, $ 11); anzi, l'antiquario Gellio, della seconda
metà del II secolo d.C., usa l'espressione ius Romanum in riferimento ad un istituto proprio dei cittadini Romani, il consortium ercto non cito (Noct. Att. 1, 9, 12). Precise utilizzazioni di ius Romanum
avranno
invece con
la legislazione imperiale,
come
almeno
concetto superiore
si
già con Diocleziano
(v. infra, $ 4) e quindi nelle antiche codificazioni.
Ho detto che non & qui possibile ripercorrere la strada segnata dalle pur non molte tracce rimasteci della prima formazione di questo concetto: dalla riflessione storica sulle Dodici Tavole sino al Codice Gregoriano. Non posso peró omettere qualche riflessione su un passo di Tertulliano: sia perché si tratta di un esperto di diritto P, sia perché il contenuto del passo paradossalmente prelude, quasi a rovescio o in negativo, all’utilizzazione che del concetto di ius Romanum farà Diocleziano. Sulla posizione politico-religiosa (oggi si usa dire 'ideologica') di Tertulliano moltissimo si & scritto; dirò in sintesi quale è l'opinione che ho ricevuta, spero non azzardatamente,
dalla storiografia recente ^. Tertulliano, in particolare negli scritti Ad nationes, Apologeticum (del 197 d.C.) e Ad Scapulam (del 212?) 5 è un sostenitore del-
l’imperium Romanum ed insieme un fermo avversario della Romana religio politeistica. Orbene, nel secondo libro dell’Ad nationes, là dove, anche per riaffermare il carattere romano dei Cristiani, Tertulliano si propone di spezzare il nesso tra la Romana religio e la crescita dell’imperium dei Romani, egli cerca di evidenziare (con una sottigliezza giuridico-religiosa che non è qui il luogo 12 Cfr. P.M. MARTIN, “La république contre les rois. Etude comparée d'un thème d'idéologie et de propagande dans la Rome républicaine et sous la Révolution française”, Roma, Costantinopoli, Mosca (Da Roma alla Terza Roma, Studi, I) Napoli 1983, pp. 173 ss. Us Ho tratto l’espressione “romanità risorta” da K. Marx, Der acbtzebnte Brumaire des Louis Bonaparte (I ed. 1852; II ed. 1869), ora in K. Marx e F. ENcELS, Werke, VIII (Berlin 1969), p. 116: «das wieder auferstandene Rómertum ». B Sulla "cultura giuridica" di Tertulliano vedi M. Laumra, L''Apologeticum' di Tertulliano e l''ordo iuris’. Lezioni di diritto romano, Napoli 1962; A. Masi, "Sui rapporti fra Tertulliano, 'Apol.' 2,4 e Claudio Saturnino ‘de poenis paganorum', D. 48,19,16" lura 28 (1977), pp. 143-148 (ivi bibliografia). 4 Vedi ad es. R. KLEIN, Tertullian und das Rómische Reich, Heidelberg 1968; J. STRAUB, "Des Christlichen Kaisers 'secunda maiestas! (Tertullian und die Konstantinische Wende)", Zeitschrift für Kirchengeschichte, 90 (1979), pp. 295 ss. 15 Secondo A. Dfaz BIALET, "La constitución Antoniniana y las querellas y libelos de Q. Septimius Florens Tertullianus", Revista de la Sociedad Argentina de Derecbo Romano, 12 (1966-1967), pp. 55ss., la decisione dell'imperatore Caracalla concernente la cittadinanza degli abitanti dell'orbis Romanus è da porre in relazione particolarmente
con questi scritti di Tertulliano; il romanista argentino individua "concetti paralleli" tra i testi di Tertulliano
e le disposizioni
della constitutio Antoniniana.
537
di dimostrare) una sproporzione tra lo ius Romanum e tre antichissime divinità romane, dell'agricoltura, del matrimonio e dei morti: « Nimirum Sterculus et Mutun(us et Larentina) pro(vexit) boc imperium in ius Romanum destinatum... » (Ad nat. 2, 17, 3) ^. Tertulliano vuole spezzare quel nesso ed affermare il valore della religione cristiana per l'imperium Romanum. Nell'Ad Scapulam egli ricorrerà al concetto di ius humanum, al fine di rifiutare ogni coazione in materia religiosa e giungere cosí ad affermare il valore dei sacrifici offerti dai Cristiani per la salute dell’imperatore (Ad Scap. 2, 1 ss.): «tamen
humani iuris et naturalis potestatis est unicuique quod putaverit co-
lere; [...] Christianus nullius est hostis, nedum imperatoris, quem sciens a Deo
suo constitui, necesse est ut et ipsum diligat et revereatur et honoret et salvum velit cum toto Romano imperio, quousque saeculum stabit: tamdiu enim stabit. » 17
Viene spontaneo il confronto con l'utilizzazione che nel primo titolo dei Digesta di Giustiniano si fa di un frammento del liber singularis encbiridii di Pomponio, per fare esempi di ius gentium: « Veluti erga deum religio: ut parentibus et patriae pareamus » (D. 1, 1, 2).
Per quanto concerne strettamente il nostro tema, possiamo concludere che, per vari motivi e da vari punti di vista, ius Romanum non è ancora, all’inizio del III secolo, concetto relativo a una realtà universale; ma corrisponde
certo alla problematica della concezione universalista del diritto caratteristicamente romana. 4. 'Ius Romanum’ e 'Romanae leges” da Diocleziano a Costantino La formazione del concetto di ius Romanum in senso universalista compie un primo progresso, a circa cento anni di distanza da quando Tertulliano aveva scritto l'Ad nationes, grazie ad una legislazione imperiale che ha alle spalle la costituzione di Caracalla sulla cittadinanza ed intende trarne tutte le conseguenze. Diocleziano utilizza il concetto di ius Romanum in stretta connessione con gli antichi valori religiosi, e proprio in riferimento al matrimonio: per riaffermare tali valori nei confronti di tutti gli egentes nell'ambito dell'Impero 16 E da notare
la pregnanza
di significati
('potestativo'
e 'normativo')
della parola
ius in quest'uso dell'espressione ius Romanum. Appare utile un accostamento con l’uso fattone da Salviano, De gub. Dei 5,8, in riferimento al quale D. NéRr, "Origo" cit, pP. 596 n. 312, usa convenientemente la parola composta "Herrschaftsordnung" (non traducibile con esattezza in lingue neolatine). Y! Circa l'espressione humanum ius vedi J. GAUDEMET, "Le droit romain dans la littérature chrétienne occidentale du IIIéme au Vème siècle”, Ius Romanum Medii Aevi,
I, 3, b, Mediolani liano,
Roma
1924,
1978, pp. 175. P. VITTON, I concetti giuridici nelle opere di Tertulvoleva
distinguere
i significati
"obiettivo"
e
"subiettivo"
di
ius
(v. p. 78). Sul problema della "tolleranza", in riferimento a bumanum ius e naturalis potestas, v. CL. RAMBAUX, Tertullien face aux morales des trois premiers siècles, Paris 1979, pp. 735.
538
e con ció perseguire la linea dell'unificazione giuridica. Si tratta dell'editto del 295
sugli
impedimenti
matrimoniali,
uno
dei pochi
(anzi
l'unico,
per
quanto riguarda la materia ‘’privatistica’”) che ci sono pervenuti di questo imperatore; Diocleziano, come ἃ noto, ricorse di rado a leggi generali in detta materia, su cui interveniva piuttosto con rescritti ἴδ, Il favore degli Dei immortali per il nomen Romanum dipende, secondo l’imperatore, dalla vita pia, religiosaque et quieta et casta di tutti coloro che agiscono « sub imperio » (Coll. 6, 4, 1; cfr. ibid. 6); egli richiama quindi
tutti alla religio e alla sanctitas, alla disciplina e alle leges Romanae: « eas tantum sciant nuptias licitas, quae sub Romano iure permissae » (ibid., 4). Per la regolamentazione Diocleziano segue, nell'enumerare i rapporti vietati, lo schema dei giuristi classici (i quali, a quanto pare, non distinguevano tra incestum iure gentium e incestum. iure civili) ?, rinviando in generale all'antiquum ius: ibid., 5. L'imperatore torna quindi ad insistere sul nesso tra santità degli iura, maiestas Romana, numinum favor: ibid. 6; cfr. 8.
Diocleziano con questo editto (che venne compreso nel titolo de nuptiis del libro V del Codex Gregorianus) si rivolgeva dunque non solo ai cittadini, ma a tutti coloro che agivano nell'ambito dell'Impero: « cuncti sub imperio nostro agentes » © Pa, Ius Romanum ἃ un nuovo strumento concettuale che da una parte assicurava la continuità rispetto all'entiquum ius e dall'altra si adattava, sottolineandola, ad una linea di unificazione giuridica la più ampia possibile. Strumento concettuale piá adeguato di χοινοὶ τῶν Ῥωμαίων νόμοι proprio perché chiaramente svincolabile da quell'aspetto personale del sistema giuridico che ? la cívitas Romana. Tale nuovo strumento concettuale non derivava dalla giurisprudenza (ricordiamo che lo stile dell'editto è quello che è stato definito "amministrativo"); e l'espressione Romanae leges equivaleva, in questo contesto legislativo, a ius Romanum. Con l’espressione Romanis legibus non comprobatur, d'altra parte, era stato recisamente condannato, in un rescritto di Diocleziano e Massimiano del 288 (C. 8, 46, 6), l'istituto della abdicatio « quae Graeco more ad dlie-
nandos liberos usurpabatur » ^. 18 Cfr. M. AMELOTTI, ziano, Milano
1960, pp.
Per l'interpretazione della legislazione privatistica di Diocle-
15-25 e passim.
19. Cfr. A. Guarino, Studi sull''incestum', Napoli 1942, pp. 77-90; 105-107; G. LoMBABDI, Ricerche in tema di ‘ius gentium', Roma
1946, pp. 3-46 c.
2 Va ricordata la costituzione del 285 (C. 5,5,2) contro la bigamia (la poligamia): « Neminem, qui sub dicione sit Romani nominis, binas uxores babere posse vulgo patet... ». (cfr. TH. MoMMsEN, Rômisches Strafrecht, Leipzig 1899, p. 121 n. 3). Anche alcuni
divieti dell'editto del 295 concernevano, tra gli altri, gli Ebrei (cfr. Coll. 6,4,5; C. 5,4,17): v. in generale A.M. RABELLo, "Sui rapporti fra Diocleziano e gli Ebrei", Accademia Romanistica Costantiniana, Atti del II Convegno internazionale (18-20 settembre 1975), Perugia 1976, pp. 171 ss. Xe Va notata l'utilizzazione del sostantivo cuncti (Coll. 6,4,5) per indicare tutti gli uomini che sono nell'orbe romano, cittadini romani e non; essa si svilupperà nei se-
coli IV e V (cfr. infra, $ 8, a proposito dell'uso di ommes e universi). 2 Cfr. M. WuxM, Apokeryxis, Abdicatio und Exberedatio, München 1972, pp. 80 ss.
539
Un'accezione lata di Romanus,
mana,
troviamo
anche
che va al di là della formale civitas Ro-
in riferimento
all'aspetto
personale:
nell'Editto
Diocleziano contro i Manichei (incluso esso pure nel Codice Gregoriano:
di
Coll.
15, 3) si contrappongono le execrandae consuetudines et scaevae leges Persarum alla Romana gens modesta atque tranquilla ed allorbis noster? L'accezione lata di Romanus e l'espressione ius Romanum vengono ‘codificate' nella raccolta (ufficiale?) dioclezianea, probabilmente redatta a Beirut,
nota come Codex Gregorianus. La costituzione del 295 è una di quelle Da quanto ci è rimasto delle costituzioni di Costantino non ricavare una elaborazione ulteriore del concetto di ius Romanum; indiretto apporto concettuale e linguistico, nella contrapposizione di
aggiunte. possiamo bensi un Romanus
a peregrinus. Nella costituzione del 21 luglio 336 (C. Th. 4, 6, 3) volta contro il concubinato (o piuttosto le nozze illecite?) dei senatori, dei funzionari
con rango di perfectissimi, di magistrati e sacerdoti municipali ?, si prevedeva per alcuni casi la perdita della cittadinanza, usando l’espressione « peregrinos a Romanis legibus fieri » *. Dato il contesto, in cui la distinzione tra
cives Romani, Latini e peregrini inizia a perdere precisione giuridica (v. infra, $ 7), questa espressione legislativa, usata ad indicare una posizione per alcuni aspetti simile a quella dei deportati 5, va considerata nella prospettiva dello sviluppo che il concetto di ius Romanum
avrà a Costantinopoli,
grazie so-
prattutto alla legislazione di Teodosio I e di Giustiniano I. 5. ‘Ius Romanum' nella storiografia tra il III ed il IV secolo L'uso dell'espressione ius Romanum si fa più frequente nella storiografia del IV secolo. Qui troviamo evidente la sua pregnanza, che ammette oscillazioni tra i significati avvicinabili a quelli di leges e a quelli di potestas (v. supra, nota
1).
2 Sugli aspetti «di politica internazionale e di polizia interna dell'Impero » caratte ristici di questa costituzione vedi E. VoLtERRA, “La costituzione di Diocleziano e Massimiano contro i Manichei", La Persia e il mondo greco-romano (Accademia Nazionale dei Lincei, Problemi attuali di scienza e di cultura, 76), Roma 1966, pp. 38 ss. 3 In generale su questa costituzione vedi H. JANEAU, De l'adrogation des ‘liberi naturales! à la légitimation par rescrit du Prince, Paris 1947, pp. 32ss.; 49ss.; In. "Constantin et la prohibition d'adroger les 'naturales' ", Conférences faites à l'Institut
de Droit Romain en 1947, Paris 1950, pp. 143-146; M. SARGENTI, Il diritto privato nella legislazione di Costantino. Problemi e prospettive nella letteratura dell'ultimo trentennio, Pavia 1974, pp. 26-34; M. BranCHINI, Caso concreto e ‘lex generalis', Milano 1979, pp. 20-35. M Vedi M. Voicr, Das jus maturale cit., II, pp. 9165. (e n. 1030); C. Duponr, Le droit criminel dans les constitutions de Constantin. Les peines, Lille 1955, p. 54;
J. GAUDEMET,
"L'étranger
au
Baes-Empire",
L'étramger
(Recueils
de
la Société
Jean
Bodin, 9), I, Bruxelles 1958, p. 213. Un'altra costituzione di Costantino, concernentc tutori e curatori (C. Th. 3,30,4), prevede la perdita della cittadinanza usando l'espressione « desinant cives esse Romani ». 3 Sulle connessioni tra deportatio e perdita della cittadinanza vedi per tutti C. Dupont, Le droit criminel dans les constitutions de Constantin. Les peines, cit. pp. 45-50; M. Kaser, Das Rômische Privatrecht, II ed., II, München 1975, pp. 122 s.
540
Ricordo
ad esempio
il linguaggio delle biografie
dell'Historia Augusta
(scritte o rimaneggiate nel IV secolo). Vedi Elio Lampridio, Alex.
Sev.
53
« et incertum an Quirites, non enim digni estis qui vel Romanae plebis sitis, si ius Romanum non agnoscitis »; Giulio Capitolino, Gord. 8, 3; per l'uso convergente con quello di leges Romanae e di iura nostra, Flavio Vopisco, Frob.
16;
17 e 20;
Aurel.
41;
cfr., per
iura Romana,
Trebellio
Pollione,
Tyrann. 30, 3. Come ἃ noto, l'Historia Augusta si arrestava alla soglia dell'impero di Diocleziano, considerato come restauratore dell'antica grandezza romana. Ricordo altresí due storici vicini all'imperatore Giuliano: Aurelio Vittore ed Ammiano Marcellino. Vedi Aurelio Vittore, Caes. 1, 3; 2, 3; 9, 8; 39, 16; Ammiano Marcellino 22, 16, 22; 23, 5, 11; 29, 6, 2. Mi limito qui a due citazioni. Aurelio Vittore, Caes. 39, 16, si riferisce all'opera compiuta da
Diocleziano:
« fuendi prolatandive gratia iuris Romani ». Ammiano Marcel-
lino 22, 16, 22, scorge il massimo sostegno al diritto romano nelle /eges di Solone, aiutato dalle sestemtiae dei sacerdoti egiziani: potremmo dire, con termini odierni, che la continuità dello ius Romanum affonda le radici, se-
condo
Ammiano
Marcellino,
in precedenti culture mediterranee *.
6. Teodosio I
Rinvio ad altra occasione un commento all'uso delle espressioni leges Romanae e ius Romanum, rispettivamente, in due costituzioni: di Giuliano, nell’anno 362 (C. Th. 2, 29, 1) e di Valentiniano, Valente e Graziano, nell’anno 373 (C. ΤΡ. 6, 4, 22).
Interessa qui piuttosto riflettere sul rafforzamento, precisazione e rinnovamento in senso cristiano nell'uso di quelle espressioni, nelle costituzioni di Teodosio I del periodo intorno al 381, anno del Concilio Ecumenico di Costantinopoli. Il periodo è segnato da un rinnovamento della nozione di Romanus in senso cristiano, al quale contribuisce anche il Canone 3 del Concilio Costantinopolitano, che dichiara Costantinopoli, agli effetti giuridico-religiosi, la « Nuova Roma » ? (Giustiniano parlerà di utraque Roma, in riferimento all’antica e alla nuova: Nov. 79, 2; 81, 1). Le linee dell'azione di Teodosio possono cosi sintetizzarsi: cristianizzazione dell’Impero, unità politico-religiosa #. La premessa è esposta nell'editto 25 Il Voigt utilizza alcuni dei passi sopra riportati (M. Voter, Das jus naturale cit.,
II, pp. 38s.; colo)
2595.
e passim);
l'esame
dovrebbe
venire
approfondito.
Su Costantinopoli come “nuova Roma” vedi (con particolare riferimento al IV segli articoli di E. FoLLreri, J. IRMSCHER, L. Cracco Ruccini, V. MONACHINO,
D. STIERNON nel volume Roma, Costantinopoli, Mosca, cit., pp. 217-266. 73 Vedi W. EnssLIn, "Die Religionspolitik des Kaisers Theodosius d. Gr.", Sitzungsberichte der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, Philosophisch-bistorische Klasse, 1953 (München 1953), Heft 2; G. Barone Apesi, "Primi tentativi di Teodosio il Grande per l’unità religiosa dell'Impero", Accademia Romanistica Costantiniana, Atti III Convegno internazionale (28 settembre - 1° ottobre 1977), Perugia 1979, pp. 47 ss.; J. GAUDEMET,
“L'Eglise et l'Etat au IV* siècle”, Studi in onore di A. Biscardi, I, Milano 1981, pp. 84 s.
541
ad populum urbis Constantinopolitanae del 27 febbraio 380 (C. Tb. 16, 1, 2) « Cunctos populos, quos clementiae nostrae regit temperamentum, in tali volumus religione versari, quam divinum Petrum apostolum tradidisse Romanis... »; il passo seguita sottolineando la posizione del pontifex (intenden-
dosi il vescovo di Roma 5) con esplicito riferimento a Damaso*. A questa costituzione verrà dato il primo posto nel primo titolo del Codex di Giustiniano (e lo stesso Giustiniano dichiarerà con precisione la posizione dell’anterior Roma riguardo alla legum origo ed al summus pontificatus: Nov. 9 praef. « Et legum originem anterior Roma sortita est, et summi pontificatus apicem
apud eam esse nemo est qui dubitet »). È la cristianizzazione (se cosí è concesso esprimersi) del programma dioclezianeo circa il rapporto tra religione e impero, del quale abbiamo visto un esempio. Anche qui ius Romanum è il nuovo strumento concettuale che garantisce la continuità e l’unità nell’innovazione. Teodosio utilizza il concetto di ius Romanum per precisare ciò che è "romano" contro eretici ed apostati. L'8 maggio 381, una costituzione di Graziano, Valentiniano e Teodosio (C. ΤΡ. 16, 5, 7) toglie ai Manichei la capacità di testare e di ricevere per successione a qualsivoglia titolo e di vivere iure Romano: «isdem sub perpetua inustae infamiae nota testandi ac vivendi iure Romano omnem protinus eripimus facultatem neque eos aut relinquendae aut capiendae alicuius bereditatis habere sinimus potestatem, totum fisci nostri viribus inminentis indagatione societur ». Come bene ha notato Jean Gaudemet, la costituzione, pur non usando la parola peregrinus, ne evoca l’idea ”; cfr. la terminologia della costituzione di Arcadio e Onorio del 6 luglio 399 riguardante gli eretici eunomiani (C. ΤΡ. 16, 5, 36 pr.: « Eunomianis poenam adimendae testamenti factionis peregrinorumque mutandae condicionis remittimus ») *. Il senso dell'espressione vivere iure Romano viene chiarito richiamandoci alle disposizioni delle costituzioni del 389 concernenti gli Eunomiani (C. Th. 16, 4, 17: « nibil ad summum habeant commune cum reliquis ») ed i Manichei (C. Th. 16, 5, 18: 2 Si ricordi che l’imperatore Graziano rinunciò al pontificato massimo probabilmente
già nel 379: v. per tutti K.L. NokrHLICHS, Die gesetzgeberischen Massnabmen der christlichen Kaiser des vierten Jabrhunderts gegen Háretiker, Heiden und Juden, Diss. Koln 1971, pp. 114s.; 198 ss. Sul significato politico-religioso della rinuncia vedi anche B. Bionni, I! diritto romano cristiano, I, Milano 1952, pp. 329 s. Circa l'uso cristiano dei termini pontifex, pontifex urbis Romae, summus pontificatus v. brevemente CH. PieTRI, Roma Christiana. Recherches sur l'Eglise de Rome, son organisation, sa politique, son idéologie de Miltiade à Sixte III (311-440), 1I, Roma 1976, pp. 1607s. 39 Sul “primato di Roma" secondo il pontefice Damaso v. M. MACCARRONE, "La concezione di Roma città di Pietro e di Paolo: da Damaso a Leone I", Roma, Costantinopoli, Mosca, cit., pp. 63 ss. 31 J. GAUDEMET, "L'étranger" cit., p. 214 n. 5; cfr. 234; In., L'Eglise dans l'Empire
Romain
(IV-V siècles), Paris 1958, pp. 615 s. Diversa ἃ l'opinione di K. L. NoErHLICHS,
Die gesetzgeberischen Massnabmen cit. pp. 134s.; 303 n. 659; 315 n. 796, il quale peró non studia il significato dell'espressione ius Romanum, né i concetti di civis e di peregrinus. L'uso dell'espressione “mort civile" per definire la pena prevista in C. T5. 16,5,7 (E. ne SToop, Essai sur la diffusion du manichéisme dans l'Empire romain, Gand 1909, p. 41) è certo approssimativo.
32 Cfr. J. GAUDEMET, "L'étranger" cit., p. 254.
542
« Nibil ad summum bis sit commune cum mundo »); tali disposizioni colpivano
il "diritto di cittadinanza": vedi Sozomeno 7, 12: « xal πολιτείας ὁμοίας μὴ μετέχειν τοῖς ἄλλοις » (già ricordato dal Gotofredo) *; cfr. Cassiodoro, Hist.
9,
19,
16:
«Imperator
interea
permisit » *. Si intendevano porre gli espressioni usate in C. Th. 16, 5, 11; zione che non mirava, in generale, bensi, appunto, ad un loro isolamento
[...]
neque
[rui
communi
civilitate
eretici al bando dalla comunità (cfr. le 13; 14; 17) *, sviluppando una legislaalla "eliminazione fisica" degli eretici e ad una possibile conversione *.
Il significato del riferimento allo ius Romanum
viene ulteriormente chia-
rito dalla già citata costituzione (riportata in C. Th. 16, 5, 18) di Valentiniano, Teodosio e Arcadio, del 17 giugno 389, contro i Manichei. La costi-
tuzione colpiva l'attività dei singoli e in particolare le manifestazioni pubbliche anche attraverso l'esclusione dallo spazio romano (orbis e urbs): « Quicumque sub nomine Manichaeorum mundum sollicitant, ex omni quidem orbe
terrarum, sed quam maxime de bac urbe pellantur sub interminatione iudici». L'esclusione dallo spazio romano si aggiungeva cosí a quella dallo ius Romanum, ponendo in evidenza una analoga tensione tra la potenziale universalità della nozione di "romano" ed il fatto concreto (riferito sia all'ius sia all'orbis) della non inclusione di certi uomini e di terre (circa i diversi concetti attinenti allo spazio romano, quali orbis terrarum e solum Romanum, v. infra $$ 9 e 11). La frase «nibil ad summum bis sit commune cum
mundo » ha dunque un significato pregnante. Il concetto di ius Romanum ovviamente non ἃ diverso quando ἃ usato nella costituzione di Graziano, Valentiniano e Teodosio del 20 maggio 383 contro gli apostati (C. ΤΡ. 16, 7, 2). Il contesto legislativo ἃ molto simile a quello del maggio 381 (C. Tb. 16, 5, 7 e 16, 7, 1) *, anche se viene aggravata Ja repressione contro gli apostati, eccettuando i catecumeni: « Christianis ac fidelibus, qui ad paganos ritus cultusque migrarunt, omnem
in quamcumque
53 Vedi I. Gornorrenus, Comment. ad C.Tb. 16, 5, 7; 16, 5, 17 e 18 (cfr. le notae all'edizione);
v. altresí. Comment.
ad
C. Tb.
16, 5, 40.
* Cassiodoro parla della cittadinanza come dationem | melioris libertatis, proposito dell'Epitome Gai.
35 Cfr. anche C.Tb.
quam
civilitatem
melior libertas (Hist. Romanam
1, 9, 20
vocant »). Vedi
infra
«circa ($
7)
a
16, 5, 3 (Valentiniano e Valente, a. 372) «a coetu bominum
segregatis »; ibid. 32 (Arcadio e Onorio, C. Th. 16, 5, 40 v. infra, $ 9.
a. 396)
« bumanis
coetibus
segregentur ». Su
% Vedi recentemente L. Dg Giovanni, Chiesa e Stato nel codice Teodosiano. Saggio sul libro XVI, Napoli 1980, pp. 87 ss. Sulla pena di morte prevista per alcune sette, in via eccezionale, da C.Th. 16, 5, 9 (Graziano, Valentiniano e Teodosio, a. 382) cfr. E. DE
Sroop,
Essai
sur la diffusion
du
manichéisme
cit. p. 41.
7 Vedi E.H. KADEN, “Die Edikten gegen die Manichäer von Diokletian bis Justinian", Festschrift H. Lewald, Basel 1953, pp. 59 ss.; B. Browpr, Il diritto romano cristiano cit., I, pp. 223 5.; J. GAUDEMET, L'Eglise dans l'Empire romain cit., pp. 617 ss. Vedi anche K.L. NoETHLICHS, Die gesetzgeberischen Massnabmen cit. pp. 151ss.; 194 ("Verbannung"), il quale perd non si occupa dei concetti giuridici concernenti lo spazio. 33 Vedi I. GorHorrenus, Comment.
ad C.Tb.
16, 7, 1 e 2; cfr. ibid.
16, 5, 7. Vedi
anche, brevemente, P. Voci, “Il diritto ereditario romano nell'età del tardo impero.
Il
IV secolo. Prima parte", Iura, 19 (1978), pp. 965.
543
personam testamenti condendi interdicimus potestatem, ut sint absque iure Romano » (C. Tb. 16, 7, 2 pr.) *. All'identico concetto di ius Romanum possono corrispondere diversi gradi di esclusione cioè diverse specifiche disposizioni legislative, variabili anche nel tempo, per gli apostati e per le varie sette di eretici *. Anche per gli apostati il bando dalla comunità viene espresso altresí con altri termini, ad es. nella costituzione di Valentiniano, Teodosio e Arcadio dell’11 maggio 391: «...4 consortio omnium segregati sint... » (C. Tb. 16, 7, 4 pr.), « Quid enim bis cum bominibus potest esse commune, qui infandis et feralibus mentibus gratiam communionis exosi ab bominibus recesserunt? » (C. Tb. 16, 7, 5)". Si tratta sempre di formule in parte simili a quella che abbiamo trovato nella costituzione di Costantino del 21 luglio 336 (v. supra, $ 4), che possono essere intese nelle loro implicazioni giuridico-religiose solo tenendo conto dei mutamenti semantici del termine peregrinus e dei sottostanti mutamenti istituzionali, successivi alla costituzione di Caracalla sulla cittadinanza * La constitutio Antoniniana aveva causato nella civitas augescens un muta-
mento ben al di là della crescita quantitativa. Con l'assunzione di un criterio
‘spaziale’, a integrazione di quello ‘personale’, al fine di determinare lo status degli uomini (« qui in orbe Romano sunt »), si era capovolto il rapporto tra ‘cittadinanza’ e ‘non cittadinanza’: facendo della prima lo status per dir cosí ‘normale’ e della seconda quello ‘eccezionale’. La constitutio Antoniniana aveva posto la premessa logica per il progressivo assorbimento dei ‘non Romani” nella cittadinanza e quindi per l’eliminazione del concetto stesso di peregrini.
7. ‘Peregrini’ dal III al V secolo. Oltre trent'anni or sono Gabrio Lombardi esprimeva l'esigenza di « una ricerca intesa a precisare le successive applicazioni politico-giuridiche del termine peregrini » *; l'argomento è stato poi ripreso da Jean Gaudemet in un importante articolo pubblicato nel 1958 e nel corso del Seminario sulla nozione di "romano" svoltosi in Campidoglio, in occasione del 21 aprile
9 Vedi J. GAUDEMET, "L'étranger" cit., p. 234; L. Dg Giovanni, Chiesa e Stato nel codice Teodosiano
cit., pp.
113 ss.; 178 ss.
# Sullo sviluppo della legislazione vedi P. P. JoANNOU, La législation impériale et le christianisation de l'Empire romain (311-476) (Orientalia Christiana Analecta 192) Roma 1972; K.L. NOETHLICHS, Die gesetzgeberischen Massnabmen cit.; L. Dg GIOVANNI, Chiesa e Stato nel codice Teodosiano cit. 4“ Cfr. L. DE Giovanni, Chiesa e Stato nel codice Teodosiano cit., pp. 115 5.; 178s.
42 Dati per una precisazione del rapporto tra testamenti factio e ius Romanum
(e
ius commune), in riferimento anche alla peregrinorum conditio, sono forniti e discussi da M. Voict, Das jus naturale cit., II, pp. 916 s.; 945; cfr. già I. GorHOFREDUS, Comment.
ad C. Tb. 16, 7, 1. * G. LoMBARDI, Sul concetto 4 Citato supra, nota 24.
544
di ‘ius gentium'
cit., p. 340.
1982 5, Durante detto seminario l'argomento ἃ stato collegato con quello dello ius gentium (v. infra, $ 10). Si puó constatare che l'esaurimento della categoria dei peregrimi inizia immediatamente dopo la costituzione di Caracalla. Già nelle Instifutiones di Marciano, a proposito di coloro che a seguito di condanna hanno perso la cittadinanza non si parla di peregrina condicio (come nelle Institutiones di Gaio, 1, 128) bensí di ἀπόλιδες (D. 48, 19, 17, 1); esattamente ne è stata data la
spiegazione: la maggior parte di coloro che per Gaio sarebbero stati i peregrini non erano più tali*4. L'esame delle fonti del IV secolo (posteriori all’età costantiniana) e del V secolo conduce il Gaudemet a classificare l'uso del termine peregrinus nel modo che indicherò riassuntivamente: a) riproduzione di testi di giureconsulti classici (ad es. Vat. fr. 47 a; Coll. 4, 5, 1; Fr. Dositb. 12); Ὁ) fedeltà dottrinale a Gaio, solo in parte dettata da interesse pratico (Ep. Ulp. 5, 4; 5, 8; 7, 4; 10, 3; 19, 4; 20, 14; 22, 2; Gai fr. August. 1, 1; 4; 6; 19; 4, 98; 103; Epit. Gai. 1, 6, 1); c) designazione di chi proviene da altra città o pro-
vincia, non dello straniero all'Impero (è l'uso proprio del Codice teodosiano). La parola ritrova qualche valore giuridico, secondo il Gaudemet, « a proposito delle discriminazioni religiose » “ (v. supra, $ 6).
Non pretendo ripercorrere l'esame dei testi citati *. D'altra parte ritengo siano da evitare rigide generalizzazioni:
si pensi all'uso del termine peregrini
nella costituzione di Onorio e Teodosio II riportata in C. 4, 63, 6 (a proposito di negotiatores). E utile soffermarsi qui su quel testo occidentale del V secolo che è l'Epitome Gai. A differenza di Gaio, che parlava di peregrini dediticii (1, 13-14), l'Epitome distingue,
per
i liberti,
fria
genera
libertatum:
cives
Romani,
Latini
e
dediticii (1, 1) ed utilizza l'espressione homo peregrinae conditionis solo a proposito dei condannati all'esilio (1, 6, 1). A proposito di questo spostamento di visuale (dallo status civitatis ai genera libertatum) un illustre stu-
dioso ha commentato: « portare un concetto confuso là dove vi era chiarezza » *. Non sono d'accordo. Quello dell'Epitome è, a mio avviso, un passo verso l'eliminazione del concetto di peregrinus. Nella medesima linea si troveranno la fonte intermedia tra le Institutiones di Gaio e le Origines di Isi4 La relazione di J. GAUDEMET,
con ampie
integrazioni, viene pubblicata in questo
volume (supra, pp. 7ss.). Per un confronto tra peregrinus e "die verwandten Begriffe" vanno sempre citate le pagine di M. Voicr, Das jus naturale, pp. 40-67, anche a proposito delle fonti letterarie.
cit., IV,
Leipzig
1871,
# Cosí G. LoMBARDI, Sul concetto di ‘ius gentium' cit., p. 340 nota; cfr. In., Ricerche in tema di ‘ius gentium' cit, pp. 181s.; L. DE Giovanni, "Per lo studio delle "Institutiones! di Marciano", Studia et Documenta Historiae et Iuris, 49 (1983), pp. 97 s. (ivi bibliografia). 47 J. GAUDEMET, "L'étranger" cit., p. 215.
48. Sarebbe anche da approfondire il confronto con l'uso nelle fonti letterarie; su Ammiano Marcellino v. ad es. W. ENSSLIN, Zur Geschichtsschreibung und Weltanschauung des Ammianus
Marcellinus (Klio, Beiheft
16, 1923) rist. Aalen
1963, pp. 6s.
# G.G. Arcui, L'Epitome Gai. Studio sul tardo diritto romano in Occidente, Milano 1937, p. 113.
545
doro di Siviglia, e lo stesso Isidoro *. In Occidente questo poteva essere il risultato 'volgare' delle convivenze di Romani e Barbari (« Barbari Romanique » per usare il binomio formalizzato nell'Edictum Theoderici ). Ma la formulazione dell'universalismo romano & qui certo confusa; pensiamo ad esempio ad Apollinare Sidonio, vescovo di Clermont-Ferrand (V secolo): «In qua unica totius orbis societate soli barbari et servi peregrinantur» (Ep. 1, 6, 2)*. In Oriente, l'Impero ecumenico della Nuova Roma doveva realizzare coerentemente l'eliminazione del concetto di peregrinus (v. infra, $ 11). 8. 'Universi' nei secoli IV e V
Un altro riflesso linguistico dell'universalismo giuridico & l'uso di cuncti, omnes, universi per indicare tutti qui im orbe Romano sunt. Abbiamo già ricordata l'espressione cuncti sub imperio nostro agentes in Diocleziano (v. supra, S 4); il sostantivo cuncti ἃ usato nel citato editto del 295 (Coll. 6, 4,
5 — C. 5, 4, 17) e tale uso si ritrova nelle costituzioni del IV e del V secolo: v. ad es. C. Th. 9, 21, 2 pr. (ove il sostantivo include anche i servi: cfr. ibid. 1); 7, 18, 14. Nella legislazione di questi secoli, a partire da Costantino, ven-
gono usati anche i termini ommes e universi; un esempio significativo è dato da una costituzione di Valentiniano e Marciano del 454 (Nov. Marc. 4 pr.): « Leges sacratissimae, quae constringunt omnium vitas, intellegi ab omnibus debent, ut universi praescripto earum manifestius cognito vel inbibita dedinent vel permissa sectentur ».
Cuncti, omnes, universi: il nuovo duttile strumento concettuale e linguistico serve a comprendere, in vario modo, nello ius Romanum non solo Latini e dediticii, ma tutti i ‘non Romani”, persino gli esclusi dalla civitas per
ragioni religiose ? % J. pe
CHURRUCA,
Las
Instituciones
de
Gayo
en
San
Isidoro
de
Sevilla,
Bilbao
1975, pp. 57-63. Si noti che nell'opera storiografica Isidoro di Siviglia sembra aver rotto con la "continuità politica romana": cfr. H.J. DrEsNER, Isidor von Sevilla und da: Westgotische Spanien, Trier
St Cfr. G. Vismara,
1978, p. 94.
"Edictum Theoderici", Ius Romanum
Medii Aevi, I, 2 b, aa,
e, Mediolani 1967, pp. 92 ss.; cfr. P. Rasi, “Romanus aut Barbarus", Scritti in memoria di A. Giuffré, I, Milano 1967, pp. 771 ss. Per l'accezione lata di Romanus, comprensiva anche dei ‘non cíves', vedi supra, p. 540 (a proposito di Coll. 15, 3) e infra, p. 554 (a pro posito dell'Epitome Gai). Cfr. ad es. la contrapposizione tra Romanus e Persa nella costituzione di Onorio e Teodosio II (408 o 409) C. 4, 63, 4; sul linguaggio giustinianeo vedi ora la comunicazione di F. Goria, citata infra (nota 71).
9 Per una prima interpretazione vedi M. Voir,
Das jus naturale cit., IV, p. 67;
cfr. ora M. B. BRUGUIÈRE, Littérature et droit dans la Gaule du Vème siècle, Paris 1974, pp. 201 ss.; 208 ss.; 260 55. Mette conto notare che per Sidonio Apollinare la parola patria non esprime l'idea della patria romana, bensí una nozione vicina a quella della patria loci; vedi M. BoNjoum, "La patria de Sidoine Apollinaire”, Mélanges. è le mémoire de P. Wuilleumier, Paris 1980, pp. 25-37.
5 Le implicazioni universalistiche del sostantivo wmiversi sono chiarite dalle espressioni equivalenti che si trovano in una costituzione di Valentiniano e Marciano del 450 (Nov. Marc. 2, 1: «Curae nobis est utilitati bumani generis providere, nam id die
546
Per quanto riguarda le persone, dunque, il sistema dello ius Romanum tende ad eliminare lo strumento concettuale e linguistico contrastante con l'universalismo
(peregrini)
ed
a creare
nuovi
strumenti
(umiversi).
Giusti-
niano I porterà il processo a compimento (vedi infra, $ 11). 9. La ‘codificazione’ teodosiana Abbiamo constatato che: da una parte si utilizza un concetto, ius Romanum, che comprende anche gli iwra regolanti l'attività dei ‘non Romani’; dall'altra parte tende ad esaurirsi il concetto di peregrimus, pur mantenendosi quello di civis Romanus. Viene cosí emergendo una nuova concezione di estraneità allo ius Romanum
(o leges Romanae)
che non ἃ riducibile ad una esclusione
dallo ius proprium civium Romanorum; sembra trattarsi di un concetto giuridico in formazione: "peregrino alle leggi romane” ("fuori legge"), analogamente a come sono safurae peregrini coloro che praticano le arti magiche (secondo una costituzione di Costantino del 357, C. Th. 9, 16, 5). In questo senso, secondo la codificazione teodosiana, gli eretici possono dirsi peregrini;
cosí pure gli apostati. Mette conto ricordare la costituzione di Arcadio, Onorio e Teodosio II del 22 febbraio 407, C. Th. 16, 5, 40 pr.: « Huic itaque bominum generi nibil ex moribus, nibil ex legibus sit commune cum ceteris ». Si noti la onnicomprensività del binomio moresJeges *. Possono esser chiariti cosí i nuovi concetti di ius Romanum e di peregrini (C. Tb. 16, 5, 7 e 36; cfr. 4, 6, 3).
Ad un identico concetto di ius Romanum o leges Romanae corrispondono (per le diverse disposizioni legislative, conformi a differenziate e variabili politiche religiose) diversi gradi di esclusione”. La debolezza del nuovo concetto di peregrimi ἃ dovuta sia alla mancanza di una sua precisa funzione unificante delle diverse situazioni dei ‘non Romani' o comunque esclusi dalla cittadinanza, sia alla sempre più forte tendenza universalista del sistema. ac nocte prospicimus, ut universi qui sub nostro imperio vivunt, et armorum praesidio ab bostili impetu muniantur et in pace libero otio ac securitate potiantur ») ed in una di Zenone (C. 5, 5, 9: « Ab incestis nuptiis universi qui nostro reguntur imperio noverint temperandum »). Un esempio dell'uso di ommes si ha in C.Th. 16, 5, 6 pr. Si veda peraltro, a proposito di "cunctos populos" in C.Tb. 16, 1, 2, l'interessante discussione in K.L. NoerHLICHS, Die gesetzgeberischen Massnabmen cit. pp. 131s., 312 n. 780, secondo cui sarebbe metodologicamente corretto « aus den konkreten Angaben im Gesetzestext die allgemeinen Begriffe zu erklären », e non il cammino inverso (ma, a ben vedere, concetti e normazioni si chiariscono reciprocamente). % Può scorgersi una connessione, pur se indiretta, tra questa espressione ed il significato del termine ius commune. Sul tema vedi G. G. ArcHi, "La legislazione di
Giustiniano e un nuovo vocabolario delle costituzioni di questo imperatore", Studia et Documenta
Historiae et Iuris, 42 (1976), p. 10.
55 Si vedano ad esempio le costituzioni di Árcadio e Onorio concernenti anche gli atti tra vivi: C.Tb. 16, 5, 40, 4: « praeterea non donandi, non emendi, non vendendi, non postremo contrabendi cuique convicto relinquimus facultatem » (22 febbraio 407); 16, 5, 54 pr.: «et nullam potestatem alicuius ineundi babere contractus, sed perpetua inustos infamia a coetibus bonestis et a conventu publico segregandos » (17 giugno 414).
547
Alle esclusioni dalle leges Romanae corrispondono, in parte, quelle dallo spazio romano (v. supra, $ 6). La costituzione di Teodosio II e Valentiniano III del 30 maggio 428 (C. Th. 16, 5, 65), che è «una specie di testo conclusivo » contro gli eretici, dispone riguardo alle attività di riunione e preghiera: « nusquam in Romano solo conveniendi orandique babeant facultatem » *. Lo studio del concetto di Romanum solum" esigerebbe un approfondimento dei problemi giuridico-religiosi della distinzione dal barbarum
solum (v. ad es., per il IV secolo, Ammiano Marcellino 27, 5, 9) * ed un confronto con altri concetti e termini attinenti allo spazio romano:
in parti-
colare orbis e loca (v. infra, nota 75).
In questo quadro, che comprende l'insieme dello ius Romanum, delle persone che agiscono e dei luoghi in cui agiscono, assume grande rilievo la posizione degli Ebrei. Sia per la precisazione del concetto di ius Romanum (e del significato dello stesso aggettivo Romanus) sia per la linea giuridicoreligiosa perseguita, deve attentamente considerarsi la costituzione di Arcadio e Onorio del 3 febbraio 398 (C. Th. 2, 1, 10) concernente il privilegio di giurisdizione dei Giudei. Nel precisare i limiti di tale privilegio, la costituzione si riferisce a « Iudaei Romano et communi iure viventes »: dunque i Giudei vivono (tutti? cfr. la Interpretatio: « Iudaei omnes, qui Romani esse noscuntur ») secondo il diritto «romano e comune». Si delinea cosí una
% L'espressione sopra citata è di P. Voci, “Il diritto ereditario romano
nell'età del
Tardo Impero. Il V secolo”, Studia et Documenta Historiae et Iuris, 48 (1982), p. 29. In generale su questa costituzione vedi L. De Giovanni, Chiesa e Stato cit, p. 163. Sull'esclusione dal Romanum solum vedi E. H. Kapen, “Die Edikten gegen die Manichäer” cit., p. 63. 5! L'espressione Romanum solum si trova in una costituzione del 381 (C.Tb. 4, 13, 8, per contrapporre i loca propria gentium devotarum) e più tardi, ad esempio, in una di Leone I (C. 4, 42, 2, per considerare anche fatti accaduti in barbaro solo). A proposito
dell’esclusione dallo spazio romano per motivi religiosi, una costituzione di Valentiniano e Marciano del 455 (C.
1, 7, 6) usa l'espressione Romani
55 In generale vedi H. Herrera
CAJAS,
imperii solum.
Las relaciones internacionales del imperio
bizantino durante la época de las grandes invasiones, Santiago de Chile 1972, pp. 62 ss.; cfr. 16 ss.; 187, circa la nozione di limes « abierto y fecundo» (v. ora anche U. Ascur, Roms Weltherrschaftsidee und Aussenpolitik in der Spätantike im Spiegel der Panegyrici latini, Bonn 1983, pp. 29ss.: « der dynamische Grenzbegriff »). À proposito della constatazione, fatta da Teodoro Mommsen, che non esiste nel linguaggio giuridico romano nessun termine per indicare « das effective Staatsgebiet », vedi P. CATALANO, "Aspetti spaziali
del sistema giuridico-religioso
romano",
Aufstieg und Niedergang
der Rômischen
Welt,
II, 16, 1, Berlin-New York 1978, pp. 548 ss. L'uso del termine barbaricum (a partire dalla costituzione di Costantino e Licinio C. 6, 1, 3) è esaminato da G. VisMARA, "Limitazioni al commercio internazionale nell'Impero romano e nella comunità cristiana medioevale”, Scritti in onore di Contardo Ferrini pubblicati in occasione della sua beatificazione, I, Milano 1947, p. 445 n. 4. 59 Vedi G. FERRARI DALLE SPADE, “Giurisdizione speciale ebraica nell'Impero romano-
cristiano”, Scritti in onore di Contardo Ferrini cit., pp. 239 ss. (In., Scritti giuridici, III, Milano 1956, pp. 279 ss.); A.M. RaseLLO, “Gli Ebrei nella Spagna romana e ariana-visigo-
tica”, Atti dell’Accademia Romanistica Costantiniana, IV (in onore di M. De Dominicis), Perugia
1981, pp. 829 ss. Dall'espressione
« Iudaei
Romano
et communi
iure
viventes»
(C. Tb. 2, 1, 10) viene omessa la congiunzione « e£ » in C. 1, 9, 8: ciò può essere posto
548
tensione che & affatto diversa da quella rivolta ad eretici ed apostati: non per la esclusione bensf, vorrei dire, per la massima inclusione possibile. Tale tensione va vista in rapporto alla riaffermazione del valore delle Romanae leges anche per i Giudei che volessero sottrarvisi; ἃ da richiamare a questo proposito Ambrogio, Ep. 5, 29 « Romanis legibus teneri se negant, ita ut crimina leges putent » *. La relazione fra leggi romane ed Ebrei viene meglio illuminata dalla connessione storico-concettuale che troviamo tra maturalis iustitia, leges romane e legge mosaica (con l'intermediazione di Atene) nell'Ambrosiaster, Comment. in epist. ad Romanos 7, 1: « Sciunt ergo legem Romani; quia non sunt barbari: sed comprebenderunt naturalem iustitiam partim
ex se, partim
ex Graecis,
partim
ex Hebraeis.
Quamvis
enim
ante
Moysen non latuerit lex, sed ordo non erat, neque auctoritas. Nam ordo legis Romanis ex Atbenis perlatus est... » (cfr. anche Comment. in epist. ad Galatas 2, 2) ©. D'altra parte forti furono le contraddizioni;
vedi ad es. la costituzione
di Teodosio II e Valentiniano III del 31 gennaio 439, Nov. Tb. 3, 2: « Nefas quippe credimus, ut supernae maiestati et Romanis legibus inimici ultores etiam nostrarum legum subreptivae iurisdictionis babeantur obtentu » 9. Dal punto di vista concettuale, comunque, la costituzione del 398 (e quindi la codificazione teodosiana) segna una tappa in quell'itinerario iniziato dalla riflessione ciceroniana su ius gentium e ius civile:
ormai ius Romanum
equi-
vale a ius commune. Il significato ampio che ha qui l'espressione ius commune può essere chiarito dal confronto con la costituzione di Teodosio, Arcadio e Onorio (del 394), la quale revocava alcune disposizioni contro gli Eunomiani: C. Tb. 16, 5, 23 «Vivant redes » 9.
iure communi,
scribant pariter ac scribantur be-
in relazione con il problema della "coesistenza" di un diritto romano
generale e diritti
speciali a determinate regioni o a determinati gruppi etnici: vedi S. SorAzzr, "Ancora glossemi e interpolazioni nel Codice Teodosiano", Studia et Documenta Historiae et Iuris, 13-14 (1947-1948), pp. 203 s. In generale sulla funzione del termine ius commune vedi G. G. Archi, "La legislazione di Giustiniano” cit., p. 10. © Vedi B. Bronnt, Il diritto romano cristiano cit., I, pp. 337 s. Sul quadro generale in cui è da collocare questa costituzione vedi E. DeMoucroT, “L'empereur Honorius et la politique antijuive", Hommages à Léon Herrmann (Coll. Latomus, 44), Bruxelles 1960, pp. 277 ss. (partic. 282 s. sullo sfatus di cittadini e la vigenza del diritto romano per gli Ebrei).
61 Vedi in generale J. GAUDEMET, "Le droit romain dans la littérature chrétienne occi: dentale” cit, pp. 100ss. È da notare in questa sede il riferimento dell'Ambrosiaster (Comm. 2 Tim. 3, 7) alla costituzione di Diocleziano contro i Manichei. Sulla lex dei (Comm. in Epist. ad Romanos 7, 23) cfr. A. PoLLASTRI, Ambrosiaster, commento alla lettera ai Romani. Aspetti cristologici, L'Aquila 1977, pp. 132 ss. (cfr. 143; 169 s). 6 Questa frase manca nel Codice di Giustiniano (C. 1, 9, 18). Vedi in generale B. BioNpr, I/ diritto romano cristiano cit., I, p. 348; J. GAUDEMET, L'Eglise dans l'Empire cit, p. 632. Sulla data della costituzione e la sua connessione alle circostanze, vedi
E. DeMoucgoT, "La politique antijuive de Théodose II", Akten des XI. Internationalen Byzantinistenkongresses, München 1958, München 1960, pp. 95ss.: Teodosio II fissò i principii di una politica imperiale di carattere « empirique et modérateur ». 6 Su ius commune e ius Romanum, in riferimento a questa costituzione, vedi M. Voicr, Das jus naturale cit., II, p. 945.
549
10. ‘Ius gentium', ‘ius civile Per l'Occidente, si & osservato che l'Epitome Gai, l'Interpretatio a Paolo e al Codice Teodosiano non conoscono la contrapposizione tra ius civile e ius gentium *. L'evoluzione del concetto di ius gentium è ben indicata, più tardi, dalla già citata opera di Isidoro di Siviglia. E stato notato, in generale, che « non ci risulta che di ius gentium si sia parlato a proposito dei rapporti tra romani e barbari »; e la spiegazione di ciò è stata cercata nella « esiguità numerica dei rapporti tra romani e barbari », rispetto alla «imponenza numerica dei rapporti tra cittadini e peregrini » prima della costituzione di Caracalla sulla cittadinanza 9. Ciò può essere esatto, ma si deve anche tener conto del contesto dogmatico di un Impero sempre più consapevolmente ecumenico, in cui nessuno è propriamente ‘straniero’. Lo ius ‘codificato’ non conosce il concetto ‘classico’ di peregrinus; ed il nuovo concetto (che corrisponde negativamente a quello di ius Romanum) è usato di rado, mentre emergono le specifiche posizioni dei ‘non Romani’: Latini, barbari, foederati, dediticii, deportati 8, ma anche baeretici, apostatae. Di conse-
guenza lo ius gentium, come concetto che serve a risolvere i problemi dell'applicabilità di norme e istituti ai peregrini, considerati unitariamente, perde l’antica funzione. Ius gentium e ius civile (anche nel senso di ius proprium civium Romanorum) tendono a confondersi. Il concetto di ius Romanum ha anche la funzione di accelerare questo processo, che, nella sostanza, adegua lo ius civile allo ius gentium. Tale funzione dogmatica unificante del concetto di ius Romanum è stata posta in rilievo particolarmente da Moritz Voigt”. Tutta questa serie di nodi sistematici (ius gentium, peregrini) viene al pettine della giurisprudenza in Oriente, e trova una soluzione nella codificazione giustinianea, anche grazie ad una ulteriore (e forse definitiva) elaborazione del concetto di ius Romanum. 11. La ‘codificazione’ giustinianea Per quanto riguarda i problemi sistematici che qui ci interessano, Giustiniano (con i giuristi di Costantinopoli e di Beirut che collaborano nella codificazione) risulta assumere i seguenti orientamenti: viene rafforzato l'uso del concetto di ius Romanum; viene accentuata la considerazione degli aspetti spaziali del sistema giuridico, nella sua universalità; vengono eliminati i concetti 64 Cfr. G.G. ArcHi, L'Epitome Gai cit., pp. 180; 183 ss. 6 G. LoMBARDI, Sul concetto di ‘ius gentium' cit., p. 312; In., Ricerche in tema di ‘ius gentium' cit., p. 180. 6 Latinus: C.Tb. 4, 12, 3; 9, 24, 1, 4 (a. 320); 2, 22, 1 (a. 326); 4, 6, 3 (a. 336); cfr. Nov. Marc. 4, 1 e 3 (a. 454); barbarus; C.Tb. 3, 14, 1 e passim; dediticius (e
foederatus); M. Kaser,
67 Vedi
550
C.Tb. Das
7, 13,
Rômische
16;
deportatus:
C.Tb.
Privatrecht cit., II, pp.
9, 42, 8 e passim.
Cfr. brevemente
120 ss.
M. VoicT, Das jus naturale cit., II, pp. 36ss.;
951ss.
e passim.
di peregrinus e Latinus e viene trasformato quello di ius Quiritium; si rinnova variamente il concetto di ius gentium. Svolgerd un rapido esame 9. a) Ius Romanum.
è usato come concetto superiore relativo a una realtà
universale (per gli aspetti personali, spaziali e temporali), espresso anche con le parole Romanae leges e Romana sanctio: con lo scopo di evidenziare la continuità, facilitare l'unità e coerenza, universalizzare e proiettare nel futuro gli iura bopuli Romani.
Il concetto di iura populi Romani, caro alla giurisprudenza, resta nelle Institutiones
di Giustiniano,
ma
in posizione
diversa
(universalizzata,
ap-
punto) rispetto a quella che aveva in Gaio (v. supra, $ 2). La legislazione fa leva invece sul concetto di ius Romanum, in primo luogo quando si vuole
riaffermare la continuità con l'opera della giurisprudenza e quando si tratta di definire l’unità che risulta dalla continuità stessa (v. infra, $ 12). Basta un rapido confronto dell'uso di ius Romanum e di Romana sanctio nelle costituzioni Deo auctore (2; 4) e Tanta (pr.; 12; 21). Il concetto di ius Romanum unisce il passato e il futuro del diritto, ten-
denzialmente o potenzialmente universale, che ha avuto inizio con la fondazione dell'urbs Roma (cfr. Deo auctore 1, riguardo alle leges ed al Codice). Le leges di Giustiniano, in particolare quelle poste nelle Istituzioni e nei Digesti («leges nostrae »: Tanta 23; cfr. Imperatoriam 7) segnano il momento in cui la validità dello ius Romanum ἃ sancita in omne aevum (Tanta 23;
cfr. 12).
L'espressione leges Romanae
ricorre in due costituzioni del 530. L'una
(che è la prima del titolo Communia de manumissionibus:
C. 7, 15, 1) si ri-
ferisce al fondamentale problema della libertas; al di là della innovazione rispetto allo ius antiquum (par. 2 b) vi si afferma la continuità romana « pro libertate » (par. 3):
« quam et fovere et tueri Romanis legibus et praecipue
nostro numini peculiare est ». La ratio di questa politica delle manomissioni (che davvero ha radici antichissime, e aveva richiamato l’attenzione dei Greci:
ricordiamo Filippo V di Macedonia e lo storico Dionisio d’Alicarnasso)
è
6 Non potrò citare, nemmeno in parte, la dottrina romanistica concernente le singole costituzioni, la quale, anche se implicitamente utile per intendere la portata dogmatica, nei singoli passi, del termine ius Romanum (e dei termini equivalenti), trascura questo
principale concetto. Una lettura d'insieme di moltissimi passi che qui interessano è stata fatta, invero, da R. ORESTANO, Introduzione allo studio storico del diritto romano, Il ed.,
Torino 1961, pp. 514 ss., il quale tende a vedere già nella terminologia giustinianea una distinzione « nella sostanza » tra diritto romano e « tradizione successiva »; ma la vicenda secolare del concetto di ius Romanum non consente, a mio avviso, tale interpretazione.
9 Vedi P. CATALANO, Linee del sistema sovrannazionale romano cit., p. 27 n. 46. Delle lettere di Filippo V ai cittadini di Larissa (DITTENBERG, $yl/.4, 543) si è occupato più recentemente
anche
PH.
GAUTHIER,
“ 'Générosité'
romaine
et ‘avarice’ grecque:
sur
l'octroi du droit de cité”, Mélanges d'histoire ancienne offerts à W. Seston, Paris 1974, pp. 208 ss. (il quale non tiene conto, purtroppo, della pluralità insita nel concetto di populus Romanus Quirites né delle permanenti implicazioni ‘politiche’ della civitas Romana). Sulla continuità della tendenza al favor libertatis vedi G. Roronnr, "Postille ese-
getiche" (a cura di E. ALBERTARIO) in Ip., Scritti giuridici, III, Milano 1922, pp. 478 ss.,
551
spiegata nella costituzione seguente nello stesso titolo, pure del 530: « uf sint omnes
cives Romani
constituti:
ampliandam
enim
magis
civitatem
nostram
quam minuendam esse censemus» (C. 7, 15, 2). L'altra costituzione, dello stesso anno, in cui troviamo l'espressione leges Romanae è nel titolo De iudiciis: C. 3, 1, 14. Vi sono riaffermati principii e regole riguardanti il giuramento dei giudici, cui Giustiniano dà « incrementum »: « Rem non novam neque insolitam adgredimur, sed antiquis quidem legislatoribus placitam » (pr.), « ... et generaliter omnes omnino iudices Romani iuris disceptatores non aliter litium primordium accipere... » (par. 1), « Et boc quidem iusiurandum iudiciale sit omnibus notum et Romanis legibus optimum
a nobis accedat incrementum... » (par. 3). Sembra evidente che lo
ius Romanum ἃ linsieme giuridico secondo cui i giudici devono operare e che attraverso il termine equivalente di leges Romanae Giustiniano si ricollega agli « antichi legislatori ». Nella costituzione Tanta-Atôwxev, Romana sanctio corrisponde a τῶν Ῥωμαίων νομοθεσία;
nella Nov.
89 (a. 539) vi corrisponde Romana legislatio,
in riferimento alla regolamentazione, passata e presente, della posizione dei figli naturali, Troviamo anche l'uso di iura Romani nominis, in Nov. 17 (a. 535)”: l'espressione sembra riferirsi all'antica giurisprudenza (« Ex libris antiquis qui iura nominis Romani continebant... »), ma si tratta comunque dei mandata principum,
e l'imperatore
vuol
evidenziare
la continuità
romana
nella
sua
legge (cfr. praef.: « quod a genitoribus reipublicae nostrae adinventum est »). Nelle Novelle si usano anche le espressioni corrispondenti Romanorum leges - νόμιμα τῶν Ῥωμαίων: in Nov. 21 (a. 536), circa l'applicazione del diritto romano in Armenia”; ῥωμαϊκοὶ νόμοι in Nov. 154 praef. -1, circa le nozze illecite concluse, da "uomini che sono parte della nostra politeia", nella
Mesopotamia e nell'Osroene. b) Si evidenzia cosí, implicitamente, l'aspetto spaziale del diritto romano. La sua universalità ἃ indicata in riferimento vuoi ai Cristiani vuoi ai Romani. Si vedano C. 1, 3, 51, 2 (a. 531) «et boc non solum in vetere Roma vel in bac regia civitate, sed in omni terra, ubicumque Christianorum nomen colitur, obtinere sancimus » ", Nov. 7 epil. (a. 535) «... in omni terra, quam Romaper l'età classica; G. FABRE, Libertus. Recherches sur les rapports patron-affranchi à la fin de la République romaine (Coll. Ecole Frangaise de Rome, 50), Roma 1981, pp. 78 ss.
® Nella missiva di trasmissione a Triboniano, la quale si trova nell’Autbenticum. Sulla composizione dell’attuale Nov. 17, v. per tutti G. LANATA, "Le Novelle giustinianee € la traduzione dell'Autentico", Byzantion, 49 (1979), pp. 249; 2535. 71 Sull'importanza del termine Romani in questa costituzione, con riferimento alla Romana sanctio, vedi G. G. ARCHI, "La legislazione di Giustiniano e un nuovo vocabolario" cit., pp. 18ss. V. altresf, più ampiamente, F. Goria, "Romani, cittadinanza ed
estensione della legislazione lume
imperiale nelle costituzioni
di Giustiniano", in questo
vo-
(supra, pp. 277 ss.). 72 La disposizione di questa costituzione, che esonera chierici e monaci da qualunque ufficio di /ufela e di cura, affinché non siano distratti dal loro ministero, può farsi risalire ad un canone del Concilio di Cartagine del 217 ca. (MANSI, I, 735 s.; cfr. Cipriano, Epist. 1):
552
norum
continet lex et catbolicae
ecclesiae sanctio » δ. Una
corretta spiega-
zione di queste espressioni dovrebbe tener conto della diffusione del Cristianesimo anche fuori dell'orbis Romanus *, Meno forti sono le indicazioni universalistiche dei concetti di Romanum solum e di Romani imperii solum, rispettivamente nelle costituzioni di Teodosio II e Valentiniano III (a. 428) e di Valentiniano III e Marciano (a. 455), per l'esclusione di eretici ed apostati dallo spazio romano (C. 1, 5, 5 pr.; 1, 7, 6) ^. c) Coerente con la precisazione del concetto di ius Romanum ἃ l'eliminazione dei concetti (‘classico’ e 'postclassico') di peregrinus. E noto che questo termine non ricorre nelle Institutiones di Giustiniano. Notiamo inoltre che nel testo della citata costituzione
di Costantino
del
336
l'espressione
« peregrinos a Romanis legibus fieri » (C. Tb. 4, 6, 3 pr.) viene sostituita in C. 5, 27, 1 pr. con « alienos a Romanis legibus fieri ». Proprio dei Digesta & invece il termine ἀπόλιδες: Ulpiano D. 32, 1, 2 (qui forse interpolato: cfr. l'uso di peregrinitas e peregrinus ibid. 2, 4, 10, 6; 28, 5, 6, 2) 5; Marciano D. 48, 19, 17, 1 (v. supra, nota 46). Resta la nozione storica di peregrini: Nov. 78, 5 (in riferimento alla constitutio Antoniniana); ed & talvolta manvedi B. Bionni, I! diritto romano cristiano cit., I, p. 374; G. Crird, “CT.
16, 2, 2 e
l'esenzione dei chierici dalla tutela", Atti dell’Accademia Romanistica Costantiniana, IV (in onore di M. De Dominicis), Perugia 1981, pp. 712 s.; 733 ss. (ivi bibliografia). Ritengo inesatto interpretare la frase sopra riportata nel senso che la disposizione « doveva valere
in tutto il territorio dello Stato » (cost G. FERRARI DALLE SPADE, “ Immunità ecclesiastiche nel diritto romano imperiale” [1939], ora in Ip., Scritti giuridici, YII, Milano 1956, p. 178). L'ambito spaziale di validità delle norme è individuato da Giustiniano attraverso concetti non riducibili ad un "effettivo territorio dello Stato” (cfr. supra, nota 58).
73 Nella
politica
religiosa
di
Giustiniano
questa
legge,
riguardante
l'inalienabilità
dei beni immobili ecclesiastici, « se nos muestra como un intento universal y como norma general aplicable en todos los territorios imperiales » (cosí ha scritto, a proposito del capitolo I della costituzione, J. L. MURGA, La venta de las ‘res divini iuris’ en el derecho romano tardio, Santiago de Compostela 1971, p. 96); termini e concetti dell’epilogo rafforzano, direi, l'intento ‘universale’. 14 F. Goria, “Romani, cittadinanza ed estensione della legislazione imperiale nelle
costituzioni di Giustiniano” cit., pp. 334-340, ha considerato l’estensione di alcune norme «al di là dei confini dell'Impero
... attraverso
la Chiesa
cattolica ».
Sulle missioni durante l'impero di Giustiniano I, vedi J. PARGOIRE, L'Eglise byzantine de 527 à 847, Paris 1923, pp. 16 ss.; I. ENGELHARDT, Mission und Politik in Byzanz. Ein Beitrag zur Strukturanalyse
scellanea Byzantina
byzantinischer
Monacensia
Mission
19), Miinchen
zur Zeit ]ustins
1974. Circa
und
le origini
Justinians
(Mi-
della concezione
universalista del potere imperiale, su tutti i Cristiani, sia dentro sia fuori dei ‘confini’ dell'Impero, v. brevemente W.H. C. FrenD, “ Der Verlauf der Mission in der Alten Kirche bis zum 7. Jahrhundert", Kirchengeschichte als Missiongeschichte, I (hrsg. H. FRoHNES u. U. W. Knorr), München 1974, pp. 38 ss. Sui successivi sviluppi vedi C. Hannick, “Die byzantinischen Missionen", ibid., II, 1 (hrsg. K. ScHAFERDIEK), München 1978, pp. 279-359.
“Lo
7$ Sulla terminologia giustinianea concernente lo spazio romano vedi F. LANCIOTTI, 'spazio romano' nella terminologia delle fonti giuridiche giustinianee. Linee di
ricerca" in Da Roma alla Terza Roma, III Seminario internazionale di studi storici (21-23 aprile 1983), ‘‘Popoli e spazio romano tra diritto e profezia”, Relazioni e comunicazioni, I (Università degli Studi di Roma ‘La Sapienza' 1983), pp. 193 ss.
16 Vedi la discussione di M. TALAMANCA, “Gli ordinamenti provinciali" cit., pp. 217 ss.
553
tenuta anche nel Codice la terminologia classica: C. 6, 24, 1 (per il periodo postclassico cfr. ibid. 7 e 4, 63, 6). Nella stessa linea si colloca l’eliminazione della condizione di Latini nel diritto giustinianeo. Tale condizione giuridica aveva continuato ad esistere, soprattutto in Occidente (vedi supra, $ 7, circa l'Epitome Gai). Nel cosiddetto diritto volgare si era perd fatta sentire la tendenza a qualificare Romani, in opposizione a Barbari, tutti gli abitanti dell'Impero compresi i non cives "; tale tendenza determinerà l'incomprensione della categoria giuridica Latini in Isidoro di Siviglia”. Nel diritto giustinianeo, quella che Savigny definiva «la intenzione di distruggere la rimembranza della formula proscritta ex iure Quiritium »? (da cui derivano le evidenti sostituzioni delle parole « Quiritium » con « Romano » e « iure » con « lege » nel passo di Ulpiano D. 6, 1, 1, 2) è coerente
con la matura concezione universalista dello ius Romanum e romana. A ben vedere, come ho dimostrato in altra sede, espressione malamente intesa dai giustinianei, che cercano descrivere una parte del più antico ius Romanum®. La stessa linea concettuale, riguardo al rapporto tra ius sone,
si esprime
nell’uso
dei
termini
onnicomprensivi:
della cittadinanza ius Quiritium è di utilizzarla per Romanum e per-
cuncti,
omnes,
uni-
versi®; vi si potrebbe vedere uno sviluppo terminologico che inizia con quel consensus universorum (Res gestae divi Augusti lat. 6, 14) da cui aveva tratto origine il principato *. Anche l'uso del termine subiecti, caratteristico del © Vedi M. Connat, Die Entstebung des westgotischen Gaius, Amsterdam 1905, p. 38, a proposito di Ep. Gai 1, 4 pr.; G.G. Ancut, L'Epitome Gai cit, pp. 141ss. (cfr. supra, nota 51). 18. J. ne CuuxRUCA, Las Instituciones de Gayo en San Isidoro de Sevilla cit. pp. 63-70.
® F.C. von SavicnY, Sistema del diritto romano attuale, trad. V. Scialoja, V, To rino 1893, pp. 22 ss. (nota m). 99 P. CATALANO, Linee del sistema sovrannazionale romano cit., p. 90. Per un con fronto con il pensiero occidentale vedi J. pe CHURRUCA, Las Instituciones de Gayo en
San Isidoro de Sevilla cit., pp. 28-34. δι. Vedi le voci corrispondenti in Legum vellae, Pars Latina (a cura di Mi limito a citare due novelle mata propria faciat, quatenus valeant et certa omnibus fiant
« Quatenus
Iustiniani Imperatoris Vocabolarium,
No-
A. M. BarroLETTI CoLomBo) 10 voll, Milano 1977-1979. del 535: Nov. 2 epil. « ... manifesta universis per programin omnibus civitatibus, quas nostra dicio continent, baec secundum quod a nobis dispositum est »; Nov. 14 epil. - ad.
ergo vos primi nostri cives casta
[a]
mostra fruamini dispositione
[...] Ut
ergo omnibus baec fiant manifesta in nostra babitantibus republica, tua sublimitas banc nostram suscipiens sacram legem, im omni dicione praeceptis propriis cam universis insinuet; (ut) non solum in bac felicissima civitate, sed etiam in provinciarum custodiatur locis, domino omnium deo pro alio quodam odore suavitatis oblata». Per l'uso di civis
(Romanus)
vedi Nov. 78, 1; cfr. A. M. BARTOLETTI
CoroMsBo, Lessico delle 'Novellae'
di Giustiniano nella versione dell' 'Autbenticum', I, Roma 1983, p. 184, v. "civis", 1. & £ discusso il rapporto tra coniuratio Italiae et provinciarum e consensus univer-
sorum, quali fondamenti
del potere di Ottaviano
tra il 32 e il 27 a.C. (v. per tutti
F. De MartIno, Storia della costituzione romana, XI ed., IV, 1, Napoli 1974, pp. 113 ss.).
Il consensus universorum non ebbe un preciso valore giuridico (vedi F. De ΜΆΑΚΤΙΝΟ, loc. cit.); la traduzione greca (Res gestae divi Augusti graec. 17, 18-19: « κατὰ τὰς εὐχὰς
554
linguaggio giustinianeo (nella legislazione ha pochi precedenti), va considerato in questa luce, per essere correttamente confrontato con quelli di cives e di Romani *. La pregnanza di significato che può assumere il termine omnes risulta da espressioni quali dominus omnium deus (Nov. 14 ad.), post deum communis omnibus pater (riferita a chi ha l'imperium: Nov. 98, 2, 2): sembra
cosí superata la delimitazione spaziale dell'orbe romano. d) Quanto al concetto di ius gentium, è stato già osservato che nelle Institutiones giustinianee l'utilizzazione di esso « € completamente svincolata dal particolare problema della applicabilità o meno di una norma o di un istituto anche ai peregrini », e come peraltro sarebbe errata la conclusione che, per quell'epoca, lo ius gentium avesse un interesse esclusivamente storico *. Nella sistematica giustinianea v'é anzi un allargamento nel riferire norme e istituti allo ius gentium, che serve ad una elaborazione dello ius Romanum nella sua complessa unità, particolarmente nel campo delle cose e delle obbligazioni (sono noti gli studi del Lombardi in tema di res publicae iuris gentium, obligationes iuris gentium, conventiones iuris gentium)".
Paradossalmente, universalizzata la civitas Romana doveva scomparire lo ius Quiritium, cosí come universalizzato lo ius Romanum tendeva a scomparire lo ius gentium. Il concetto viene quindi rinnovato, anche grazie al con-
fronto con lo ius naturale, esso pure incluso nello ius Romanum. Lo ius gentium avrà ulteriori sviluppi in Oriente, in rapporto a « ordinamenti a base etnica », sia di popoli appartenenti all'Impero, sia di popoli
ad esso estranei”. 12. ‘Ius Romanum' come sistema storico (Deo auctore) Ius Romanum ἃ espressione linguistica e sintesi concettuale di una complessa costruzione dogmatica di cui le costituzioni Deo auctore e Tanta pre. sentano riassuntivamente gli aspetti personali, spaziali e temporali. Al par. 1 della Deo auctore troviamo indicato il dato spaziale-temporale che identifica l'insieme delle Jeges: « ab urbe Roma condita et Romuleis [...] temporibus »; nel principio della Tanta, ci si riferisce complessivamente alla τῶν ἐμῶν πολειτῶν ») voleva espressamente escluderne i provinciali Essai sur les origines du Principat, Paris 1961, pp. 268 ss.; 283).
(cfr.
P.
GRENADE,
8 Per un rapido esame dell'uso di subiecti vedi C. Dupont, “Sujets et citoyens sous le Bas-Empire romain de 312 à 565 aprés Jésus-Christ", Revue Internationale des Droits de l'Antiquité, III Série, 20 (1973), pp. 325 ss., la quale però riduce il problema terminologico a quello della «participation aux fonctions judiciaires et aux fonctions
publiques en général »; e ció nonostante l'osservazione che il significato dell'espressione universi nostro imperio subiecti (Nov.
di subiecti (op. cit., p. 326 n. 6). * G. LoMsanDI, Sul concetto
Tb. 22, 1, 10, a. 442) è «trés proche»
di ‘ius gentium'
cit., pp. 312ss.;
a quello
In. Ricerche
in
tema di ‘ius gentium' cit., p. 182.
85 G. LoMBARDI, Ricerche in tema di 'ius gentium' cit., pp. 158; 245 s. *6 Vedi la comunicazione di F. Srrzia, "Romanità dell'Impero: ius civile e ius gentium",
in
questo
volume
(supra,
pp.
263 55.).
555
Romana sanctio « ab urbe condita usque ad nostri imperii tempora », e nei paragrafi 12 e 19 si dichiara che la compilazione del Romanum ius risulta composta di tre volumi: Istituzioni, Digesti, costituzioni (cfr. Omnem pr. e 7). Di fronte ad un insieme confuso (Deo auctore 1; Tanta 21) era compito della
commissione ridurlo ad unità (Tanta pr.: « in unam reducere consonantiam »). Α tal fine nella Deo auctore sono indicati quelli che vorrei chiamare due principii unificanti: dello ius populi Romani (par. 7) e del caput orbis terrarum (par. 10). Lo ius populi Romani ἃ stato trasferito nella imperatoria potestas; la posizione dell'urbs (sia l'antica sia la nuova Roma) ἃ affermata nella teoria della consuetudine, per la quale si vuol rinviare a Giuliano. A quest'ultimo proposito va menzionata l’ipotesi che nel passo di Giuliano riportato in D. 1, 3, 32, l’espressione « ius quo urbs Roma utitur » sia stata sostituita dai giustinianei ad un'originaria espressione ius quo populus Romanus utitur. È evidente che questi due principii si rifanno l'uno all'aspetto personale, l'altro all'aspetto spaziale dello ius Romanum. Tale costruzione dello ius Romanum, che tramite le leges giustinianee viene proiettata in omne aevum, trova dunque la sua base sistematico-storica nella fondazione di Roma, conformemente ad un discorso generale che i compilatori svolgono all'inizio del titolo II del libro I del Digesto, attraverso un frammento di Gaio: « Facturus legum vetustarum interpretationem necessario
prius ab
urbis
initiüs repetendum
existimavi,
non
quia
velim
ver-
bosos commentarios facere, sed quod in omnibus rebus animadverto id perfectum esse, quod ex omnibus suis partibus constaret: et certe cuiusque rei potissima pars principium est » (D. 1, 2, 1). In tal modo viene 'codificata', come elemento principale del sistema, una visione della storia che vorrei definire (considerando proprio l'importanza del principium) totalmente antievoluzionista. Per rafforzare tale visione ed inserire compiutamente la ‘storia’ nel ‘sistema’ viene quindi utilizzato il frammento del Liber singularis enchiridii di Pomponio *. Tutto ciò non può essere espresso, oggi, come « opposizione » tra passato e presente 9, bensí piuttosto come radicamento del futuro in un certo passato (il principium) attraverso la continuità (fin dall'origo) ed i mutamenti anche profondi del processus (a partire dagli urbis initia). Il concetto giustinianeo di ius Romanum, radicato nella fondazione dell'urbs Roma,
racchiude gli aspetti spaziali e temporali (geopolitici e storici) del sistema” di utraque Roma. 8 Vedi F. Gatto, Interpretazione e formazione consuetudinaria del diritto, Torino pp. 61ss.; diversamente F. CASAVOLA, Giuristi adrianei, Napoli 1980, pp. 193 5. 88 A proposito di Pomponio D. 1, 2, 2, L. LANTELLA, Le opere della giurisprudenza romana nella storiografia, Torino 1979, pp. 14s., ha parlato di «storicismo genetico, cioè con enfasi sul momento iniziale del processo ». 1971,
89 In ciò dissento da L. LANTELLA, Le opere della giurisprudenza romana cit., pp. 97 ss., e da F. Gatto, “La storia in Gaio”, I] modello di Gaio nella formazione del giurista cit. pp. 94s.
.
% Considerati gli aspetti sia spaziali sia temporali dello ius, non resta, ritengo, alcuna difficoltà ad accettare la traduzione che Salvatore Riccobono ha dato dell’unica definizione di ius tramandata dalle fonti giuridiche antiche (D. 1, 1, 1 pr.): «il sistema
556
Conseguentemente l'insegnamento dello ius Romanum non soddisfa inquietudini storicistiche, bensi serve anche per guarire dalla « historische Krankheit »: si vuol coltivare la storia « a scopo di vita ». Non il sistema (dissolto) nella storia, bensi la storia (vitale) nel sistema. Cosî dobbiamo interpretare
oggi il II titolo del I libro dei Digesta di Giustiniano”. Edificato il tempio della iustitia Romana
(Tanta
20), cioè compiuta
la
dispositio dello ius Romanum (ibid. 12), la rei publicae nostrae sanctio, ordinata in tre volumi, sarà insegnata nelle due urbes imperiali e nella bellissima città di Beirut, madre delle leggi (Omnem
pr. e 7).
del buono e del giusto »: S. Riccosono, "La definizione del ‘ius’ al tempo di Adriano”, Bullettino dell'Istituto di Diritto Romano 'V. Scialoja', 53-54 (1948), p. 5 (cfr. a p. 52 l’espressione « sistema romano »). 9! Cfr. Index, 6 (1976), pp. 1 5.
557
ATTILIO MASTINO
ANTONINO MAGNO, LA CITTADINANZA E L'IMPERO UNIVERSALE
Il titolo di Magnus, adottato ufficialmente da Caracalla forse fin dal 212, può essere collegato con l'emanazione della constitutio Antoniniana de civitate e contribuisce comunque a chiarire l'ambiente politico e culturale nel quale il provvedimento & maturato !.
1. È facilmente dimostrabile che il titolo di Magnus fu portato dall'imperatore già in un momento precedente alla vittoria contro gli Alemanni del settembre-ottobre 213 e fu assunto forse quando egli si trovava ancora in Italia: in un'iscrizione di Pola, dedicata sulla cosi detta porta di Esculapio d(ecurionum) d(ecreto), Caracalla ha il titolo di magnus imperator, in epoca successiva al 1 gennaio 213 (è ricordato il quarto consolato) ma precedente al settembre-ottobre dello stesso anno, dato che compare con i cognomina ex virtute di Part(bicus) max(imus) e di Brit(annicus) max(imus) e non la seconda acclamazione imperiale; l'assenza del titolo di Germanicus maximus
e della terza acclamazione ci porta ad un periodo precedente alla vittoria sul Meno, come è confermato anche dal ricordo della sedicesima potestà tribu-
nicia, che ha come ferminus ante quem il 10 dicembre 213°. Un'altra iscrizione, recentemente rinvenuta a Ciciliano, nel Lazio (Trebula Suffenas?), può essere datata allo stesso periodo o anche ad un momento precedente al 1 gennaio 213, dato che il quarto consolato risulta integrato dall'editore: si tratta ancora di una dedica [ex d(ecurionum)] d(ecreto), che attribuisce a Caracalla i titoli di magnus et [invictus ac] super omnes principes [fortissimus] et felicissimus ?. Una datazione uguale (1 gennaio-settembre 213) hanno numerose altre 1 La bibliografia relativa all'editto del 212 è molto
ampia;
in questa sede basterà
un rimando a Cuz. Sasse, Die Constitutio Antoniniana. Eine Untersuchung über den Um
fang der Bürgerrecbtsverleibung auf Grund des Papyrus Giss. 40,1, Wiesbaden 1958, pp. 134 ss.; H. Worrr, Die Constitutio Antoniniana und Papyrus Gissensis 40,1, Kóln 1976, pp. 521ss. pp. 12 ss.).
(per la data
del 212,
recentemente
rimessa
in discussione,
cfr.
ibid.
2 CIL V, 28 = Ilt. X, 1 42. 3 AE 1972, 156.
559
iscrizioni, prevalentemente miliari posti dal principe ai confini della Germania superiore, dunque nella zona dove si svolgevano le operazioni militari contro gli Alemanni, alla vigilia della battaglia, che gli attribuiscono i titoli di ma[g]nus imp(erator) * o di magnus princeps*, accompagnati dagli attributi fortissimus, felicissimus, pacator orbis.
Dopo la vittoria germanica, non fu abbandonato il titolo di Magnus, che anzi compare tra l'ottobre ed il 9 dicembre 213 nel Lazio, a Ferentino 5, e nel 214 a Roma ed in Etruria, a Saturnia”. Segnalo in particolare la dedica « magno et invicto ac super omnes principes fortissimo felicissimoque », etfettuata nel Foro Romano il 3 luglio 214 (dedic. V Non. Iul., L. Valerio Messalla, C. Suet[rio (?)] Sabino cos.) dai mancipes et iunctores iumentarii delle vie
Appia, Traiana ed Annia, cum ramulis, beneficati da Caracalla (divina providentia eius refoti): compaiono già il cognomen ex virtute di German(icus) max(imus), la XVII potestà tribunicia, la terza acclamazione imperiale ed il quarto consolato (cfr. la tavola). Più generica la datazione di una dedica rinvenuta a Salona, nella quale
l’imperatore, col titolo di magn(us), porta il cognome Severus, assunto nel 211, dopo la morte del padre, in polemica con Geta *. Successivamente, durante l'impero di Elagabalo e quello di Severo Alessandro, il titolo di Magnus entrerà nella denominazione ufficiale che distingue Caracalla divus da tutti gli altri Antonini ". 2. È sicuro il collegamento, attraverso il titolo di Magrus, con la figura di Alessandro Magno, un modello riproposto proprio in quegli anni dallo Pseudo* CIL XIII, 9061 (St. Prex). 5 CIL XIII, *9034 = ILTG *487 (Juvigny); AE
*9068 (Montagny);
9072 (Solothurn);
1924, 19 = FiNkE 318 (Niederemmel); NEssELHAUF-LIEB *264 (Luegenstein). 6 CIL X, 5826, dedicata dal senatus populusq. Ferentin[as], dove Caracalla è ricor-
dato con la seconda acclamazione imperiale, ma già con il cognome
di Ger[m(anicus)]
max(imus). ? CIL VI, 1067, conservata nel cimitero di Callisto, sulla via Appia, dedicata da un senatore, M. Asinius Sabinianus, a Caracalla magnus et invictus, ob insignem indulgentiam
beneficiaque eius erga se. L'imperatore compare con la XVII potestà tribunicia, con la terza acclamazione e col titolo di Germ. max. Si veda anche CIL XI, 2648, rinvenuta a Saturnia, dedicata « p(ecumia) p(ublica), ex d(ecreto) d(ecurionum), magno et invicto et super omnes princ(ipes) fort(issimo) felic(issimoque), ob multa et inlust(ria) in se benefic(ia), divin(a) indulgent(ia) eius ». Caracalla compare con una titolatura identica a quella contenuta in CIL VI, 1067.
8 CIL VI, 31338 a; 36899 = ILS 452. 3 CIL III, 8705 (del 213-217?). 10 Cfr. gli elenchi, molto ampi, in A. Mastino,
Le titolature di Caracalla e Geta
attraverso le iscrizioni (Indici) (Studi di storia antica, 5), Bologna
Si possono
ora aggiungere
le seguenti
altre iscrizioni, pubblicate
ricordano Caracalla divinizzato col titolo di Magnus:
1981, pp. 143 ss.; 198.
successivamente,
che
— —
— Divus Magnus Antoninus: AE 1979, 645 del 225 (Bunjem, Golas, in Tripoli tania); LAMar. II, 401 (= AE 1936, 42) del 222 (Volubilis); — Divus Antoninus Magnus: AE 1981, 909 del 218-222 (Ain Touta, Numidia); — Divus Magnus Antoninus Pius: AE 1980, *950 del 218-235 (Nziet Hafnsoui, nel
sud tunisino);
560
1981, 902 del 222-226
(pr. Timgad).
Dedica ad Antonino Magno nel Foro Romano CIL VI, 31338 a (cfr. supra p. 560). Fotografia dell'Istituto
Archeologico Germanico - Roma, neg. 66132.
Callistene;
nell'Epitome
de Caesaribus,
lo Pseudo-Aurelio
Vittore
sembra
legarne l'assunzione al periodo immediatamente successivo alla morte di Geta, anche se l'occasione erroneamente ricordata è quella della visita ad Alessandria nel 215: « hic corpore Alexandri Macedonis conspecto, Magnum atque Alexandrum se iussit appellari, assentantium fallaciis eo perductus, uti truci fronte et
ad laevum bumerum conversa cervicie, quod in ore Alexandri notaverat, incedens fidem vultus simillimi persuaderet sibi » , Gli scrittori antichi hanno riferito con curiosità ed interesse una serie di episodi che dimostrano l'ammirazione di Caracalla per Alessandro: il principe era esplicitamente φιλαλεξανδρότατος "ἢ; il viaggio attraverso l'Asia e la Siria e quindi il soggiorno egiziano era stato concepito con l’intento di ripercorrere
le principali tappe toccate dal sovrano macedone "; mentre l’imperatore si trovava ad Alessandria, nel 215, fu anche costituito un reparto speciale, chia-
mato ‘falange macedone” “; il principe preferiva inoltre le statue che lo ritraevano negli atteggiamenti nei quali Lisippo aveva rappresentato Alessandro,
con una forte connotazione cosmocratica (qualcuno aveva fatto scolpire sotto un ritratto del sovrano macedone la seguente frase riportata da Plutarco: «Tav ὑπ᾽ ἐμοὶ τίθεμαι Ζεῦ, σὺ δ᾽ "Ολυμπον ἔχε ») . Le nozze di Caracalla
con la figlia del re dei Parti furono progettate ad imitazione di quelle di Alessandro con la principessa persiana Rossane !; esse furono suggerite forse dalla possibilità di favorire un'integrazione etnica e, in prospettiva, una fusione politica; la mancata realizzazione del progetto poté essere causata dalla preoccupazione di Artabano V per possibili future pretese romane sul trono degli Arsacidi 17, 3. L'aspirazione, almeno teorica, ad allargare i confini dell'Impero fino a comprendere territori poco romanizzati e fino ad abbracciare potenzialmente tutte le terre conosciute, è confermata anche dall'epiteto χοσμοχράτωρ, portato da Caracalla φιλοσάραπις, cosí come dal dio Serapide, definito a sua
volta μέγας come il principe "5. Il Pseud. Aur. Vict., Epit., 21,4. 12 Dio
Cass.
77,
9,
1;
cfr.
anche
77,
7-8;
77,
16,
22;
Herod.
4,
8,
69;
4,
9,
3;
Hist. Aug., Car. II, 1-2. 13 Herod. 4, 8, 1-2. 14 Herod. 4, 9, 4-5; vd. anche Dio Cass. 77, 7, 1. 15 Plut., De Alexandri Magni fortuna aut virtute, II, 2, 335 B. Credo che una reminiscenza di questo passo di Plutarco possa individuarsi nel discorso pronunciato in senato nel 212 da Caracalla, dopo l'assassinio del fratello, con l'elogio della monarchia
(Herod.
4, 5, 7):
« Βασιλείαν
δὲ ὁ Ζεὺς,
ὥσπερ
αὐτὸς
ἔχει θεῶν
μόνος, οὕτω
καὶ ἀνθρώπων ἑνὶ δίδωσι ». Sui ritratti di Caracalla-Alessandro, cfr. Herod. 4, 8. 1-2: Pseud. Aur, Vict., Epit. 21, 4; Dio Cass. 77, 19, 2. Per la documentazione iconografica rimando a H. B. Wiccers, "Caracalla", in M. WEGNER, Das rómiscbe Herrscherbild, Berlino 1971, pp. 10 ss. lé Dio Cass. 78, 1, 1. 17 Vd. J. Voet, "Zu Pausanias und Caracalla", Historia, 18 (1969), pp. 299-308. 18 IGR I, 1063, dell’11 marzo 216 (Alessandria); vd. anche *1065. Per la devozione di Caracalla verso Serapide, cfr. Herod. 4, 8, 6-7. Il titolo di κοσμοχράτωρ è eccezionale, dato che è attestato soltanto altre tre volte:
561
Gli aspetti spaziali di questa teoria di governo sono sottolineati ed acquistano significato nel richiamo ad Eracle (che assieme a Libero era uno dei due
dii patrii della città di Leptis Magna, patria di Settimio Severo) il dio che aveva fissato i confini occidentali del mondo ". I riferimenti all'orbis (pacator orbis, propagator orbis, rector orbis), frequenti nelle iscrizioni e nelle monete, sono ripresi significativamente anche dalla titolatura greca, dove con maggiore enfasi si esalta l' οἰχουμένῃ, l'impero universale che comprende la terra ed il mare (γῇ xai θάλασσα), il χόσμος, di cui il principe è di volta in volta δεσπότης, εὐεργέτης, xóptoc,
σωτὴρ ?. È un altro aspetto di un coerente ed ampio disegno politico-religiosogiuridico, che si manifestó
potere:
pienamente
non appena Caracalla rimase
in una iscrizione alessandrina dell'8 novembre
esaltato come ὁ σωτὴρ
solo al
212 l'imperatore &
τῆς ὅλης οἰχουμένης, un'espressione che certamente
dev'essere collegata all'emanazione della constitutio Antoniniana, dato che il dedicante riconoscente è un M. Αὐρήλιος
Méi[ ac], che senza dubbio intendeva
cosi ringraziare Caracalla per avergli concesso la cittadinanza romana ?'. 4. Dunque i richiami all'impero universale, l'esaltazione del principe che distribuisce pace e felicità a tutto il genere umano (πᾶν ἀνθρώπων γένος), lo
stesso titolo di Magnus, già portato da Pompeo, che era stato ugualmente un ammiratore di Alessandro ?, vanno collegati non
di Caracalla, quanto
tanto alle vittorie militari
piuttosto all'entusiasmo che certo in alcuni
ambienti
provinciali dové suscitare l'emanazione della constitutio Antoniniana de civitate, un provvedimento che tendeva all’uguaglianza di tutti gli uomini liberi
nel quadro dell'unico ius Romanum, fondando una realtà sovrannazionale che superava ormai ogni divisione di razza e di lingua.
In questo senso Caracalla fu più grande anche di Alessandro, che secondo Elio Aristide era stato piuttosto un conquistatore che un sovrano (« xtTr σαμένῳ βασιλείαν μᾶλλον ἔοικεν À βασιλεύσαντι ») ?; nell'Encomio “A Roma", pronunciato forse nel 147, in occasione dei festeggiamenti per i nove-
per Marco Aurelio e Lucio Vero in AE 1958, 234 = 1977, 834 A del 164-166 (Ruwrwáfa, in Arabia Saudita) e per Gordiano III in CIG 5892 = IG XIV, 926 = IGR I, 387 del
238-244 (Porto, presso Ostia, dedicata dagli abitanti di Gaza); rito inizialmente
Sylloge
inscriptionum
19 His
Tetrarchs. pp.
a Serapide
Aug,
Roman
(poi, dopo
religionis
Car.
V,
Emperors
9,
il 217, a Mitra)
in AE
Isiacae et Sarapiacae, Berlino cfr.
C.C.
as Hercules",
VERMEULE,
Festschrift
l'attributo è inoltre rife1913,
188 = L. VIDMAN,
1969,
389 a.
"Commodus,
für
F.
Caracalla
Brommer,
and
Mainz
the
1977,
289-294.
1 dit patrii di Leptis Magna sono ricordati in IRTrip. 289; Ercole è ricordato come genius coloniae (o municipii) in IRTrip. 286-288; per Libero, ibid., 296-298. 20 Per la relativa documentazione, vd. Mastino, Titolature cit., pp. 71 ss.
A CIG 4680 = IGR
I, 1064.
2 Cfr. 1.0, RicHarp, "Alexandre et Pompée. À propos de Tite-Live IX, 16, 19 - 19, 17", Mélanges de philosophie, de littérature et d'histoire ancienne offerts à P. Boyancé, Roma 1974, pp. 653-669. 23 Ael. Arist, εἰς Ῥώμην, 24, p. 98, ll. 26-30 ed. Keil.
562
cento anni dalla fondazione di Roma, Elio Aristide aveva esaltato l'impero degli Antonini, sostenendo che era superiore a qualunque altro precedente storico; non reggevano al confronto né l'impero persiano, né l'impero di Alessandro ed a maggior ragione neppure la modesta ἀρχὴ fondata dalle città greche, in particolare da Sparta e da Atene. I Romani erano infatti riusciti a stabilire una « χοινὴ τῆς γῆς δημοχρατία, ὑφ᾽ ἑνὶ τῷ ἀρίστῳ ἄρχοντι καὶ χοσμητῇ » *, che era caratterizzata dal fatto che un'unica città si era estesa
fino a comprendere tutto il mondo ?. L'istinguendosi da tutti i suoi predecessori, Caracalla riusciva ora a superare anche quel contrasto tra πολῖται ed ὑπήχοοι, che lo stesso Elio Aristide alcuni decenni prima aveva segnalato come una realtà di fatto che pareva quasi
insuperabile ?; risolvendo una tale aporia, dando dignità e voce ai provinciali ed a tutti i gruppi che l'avevano portato al potere, Caracalla si dimostrava più grande degli altri Antonini, fondava un nuovo secolo aureo, realizzava per primo un impero universale aperto a tutti gli uomini.
60, p.
108,
ll. 10-11
25 Ibid., 61, p.
2 Ibid.,
108,
Il. 13-15
ἐστίν, τοῦθ᾽ fjbe ἡ πόλις τῇ πάσῃ
ed. Keil.
ed. Keil:
οἰχουμένῃ,
« ὅπερ
ὥσπερ
2% Ibid., 59-60, p. 108, Il. 3-7 ed. Keil:
αὐτῆς
δὲ πόλις τοῖς αὐτῆς [χώρας]
ἄστυ
χοινὸν
ὁρίοις καὶ χώραις ἀποδεδειγμένη ».
« διελόντες γὰρ δύο μέρη πάντας
τοὺς ἐπὶ τῆς
ἀρχῆς. τοῦτο δ᾽ εἰπὼν ἅπασαν εἴρηκα τὴν οἰχουμένην —, τὸ μὲν χαριέστερόν τε καὶ γενναιόπτερὸν xal δυνατώτερον πανταχοῦ πολιτικὸν f) xal ὀμόφυλον πᾶν ἀπεδείξατε, τὸ δὲ λοιπὸν ὑπήκοόν
τε χαὶ ἀρχόμενον ».
563
INDICE
Premessa
GL
ATTI
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0.
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pag
vu
DEL II SEMINARIO INTERNAZIONALE DI STUDI STORICI « DA ROMA ALLA TERZA ROMA », 21-25 aprile 1982
Document
d'introduction II...
Liste des thèmes lavori
de la recherche del
Seminario
.
.
MN
dei
.
Seduta
preliminare (*)
ΝΥ
Elenco
dei collaboratori
.
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SEDUTA
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pag.
XI
»
XII
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»
XIII
»
XVII
.
à
à
+
.
.
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.
.
»
XXXIII
.
.
.
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.
»
XXXIV
INAUGURALE
Saluto di GIUSEPPE BRANCA... Discorso di JOHANNES
.
SV
Ordine
Avvertenza redazionale
.
.
IRMSCHER .
.
.
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pag.
1
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»
2
0.
0.
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.
.
pag.
7
ROMA
JEAN GAUDEMET
Les Romains
et les ‘autres...
PaoLo BREZZI La ‘romanità’ del Sacro Romano
(*) Sono
qui
pubblicati
gli
0.
Impero
.
interventi
di
.
PaoLo
.
.
.
SINISCALCO
PIERANGELO CATALANO (pp. ΧΧΙ ss.) e il discorso di GEORGE dall'esterno dei confini orientali dell'Impero (pp. xxv ss.).
.
.
(pp.
NEDUNGATT:
»
39
ΧΝῚ ss.)
e di
I Romani
visti
565
Luici
ProspociMi
Roma communis patria nella tradizione giuridica della cristianità me-
43
dievale PIERO
BELLINI
Bellum Romanum: Terra Santa
KARL
OTMAR
sulla
FREIHERR
fondazione
canonistica
della
crociata
in
49 VON
ARETIN
Il problema della renovatio imperii Romanorum. Pretese universali e realtà costituzionale del Sacro Romano Impero dal XVI al XVIII secolo
e.
73
Num imperium hoc nostrum Romanum recte dici etiamnum possit? La doctrine des chroniqueurs d'Empire, des ‘Reichs-Publicisten'
89
NOTKER
HAMMERSTEIN
WILHELM
BRAUNEDER
Civitas et civis Sancti
Romani
Imperii
(Etat et citoyen du
Saint 115
Empire)
SANDRO
SCHIPANI
Il ‘modello’ romano del Code Napoléon: problemi del diritto delle persone ee CLAUDE
135
NicoLET
Citoyenneté française et citoyenneté romaine: pective
essai de mise en pers145
HaNs PETER BENOEHR Le citoyen et l'étranger en droit romain et droit français . Pauz M. MARTIN Esclaves ou citoyens? La référence à Rome dans le débat esclaves noirs avant et pendant la Révolution française . JEAN
175 sur les 195
TULARD
Napoléon: la continuité romaine
225
SECONDA
ROMA
DioNvsios A. ZAKYTHINOS Continuité de l'Empire romain à Constantinople: 330-1453 .
pag.
231
»
247
ANTONIO CARILE Impero romano e Romania .
FRANCESCO SITZIA Romanità dell'Impero: ius civile e ius gentium
.
FAUSTO GORIA Romani, cittadinanza ed estensione della legislazione imperiale nelle costituzioni di Giustiniano . 566
263
277
HÉLÈNE AHRWEILER Citoyens et étrangers dans l'Empire romain d'Orient .
343
MICHEL VAN ESBROECK Rome l'ancienne et Constantinople vues de l'Arménie FRANÇOIS
»
351
»
357
»
369
»
377
»
385
PASCHOUD
Remains et barbares au début du V* siècle après J.-C.: le témoignage d'Eunape, d'Olympiodore et de Zosime .
TiLeMacHos
C. LouNcHiS
Le programme politique des ‘Romains orientaux' après 476.
Une ré-
pétition générale? . SALVATORE IMPELLIZZERI Romani, Latini e Barbari nell'« Alessiade » di Anna
Comnena
.
JOHANNES IRMSCHER Les Grecs et l'idée de Rome aprés 1453 Dimirris NASTASE Roumains Romains et Grecs
Romains
.
391
VALENTIN AL. GEORGESCU Le terme de Romanus
et ses équivalents et dérivés dans l'bistoire du
peuple roumain
»
405
»
437
»
449
CESARE ÁLZATI Etnia e universalismo.
Note
in margine
alla continuità
del termine
Romanus tra le genti romene .
VASILKA TÁPKOVA-ZAIMOVA Les ‘Romains’ dans la culture slave: la littérature bulgare médiévale KHALIL SAMIR S. I. Quelques notes sur les termes Rum Etude de sémantique historique
et Rumi dans la tradition arabe.
TERZA
461
ROMA
JarosLav N. δέαρον - Nina V. SINICYNA La Rome antique et médiévale dans les textes russes du IX° au XVI s. Etude sur le sens des mots russes Rim, rimskij e£ rimljanin MATEI CAZACU L'idée de Rome siècles) Jan
"Fino
KRAJCAR
chez
les Russes: l'aspect ΝΥ
pbhilologique eu
pag.
(XI°-XVI: à à
481
505
S.I.
alla stessa Roma"
.
IraLa Pia SBRIZIOLO Rimskii-romeiskii nelle "Epistole" dello starec Filofej di Pskov. Ipotesi di interpretazione
515
»
519
567
Giovanni MANISCALCO BASILE Il termine "popolo" nella Povest' o Car'grade: una ipotesi di interpretazione
»
523
pag.
531
»
559
APPENDICE
PIERANGELO CATALANO Ius Romanym. Note sulla formazione del concetto.
.
ATTILIO MASTINO Antonino Magno, la cittadinanza e l'Impero universale .
568
.
. |...
. .
Questo volume ἃ stato impresso nel mese di ottobre dell'anno 1984
presso La Buona Stampa s.p.a., Ercolano per le Edizioni
Scientifiche Italiane s.p.a., Napoli
Stampato in Italia / Printed in Italy