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French Pages [260]
Philip L. de Barros
La métallurgie du fer en Pays bassar (Nord-Togo) depuis 2400 ans Tome I : l’Âge du Fer ancien (de 400 avant J.-C. à 130 après J.-C.) Préface du professeur N. Gayibor
Presses
de l’Université de
Lomé
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© L’Harmattan, 2021 5-7, rue de l’École polytechnique, 75005 Paris www.harmattan.fr ISBN : 978-2-343-22221-9 EAN : 9782343222219
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LA MÉTALLURGIE DU FER EN PAYS BASSAR (NORD-TOGO) DEPUIS 2400 ANS Tome I : l’Âge du Fer ancien (de 400 avant J.-C. à 130 après J.-C.)
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Photo de couverture : Vestiges de fourneaux à tirage naturel de l’Âge du Fer récent (de 1200 aux années 1950) sur le site de M’pampou II ("le lieu des fourneaux, site 2”), près de Tchotokou. A gauche : M. Yao Adjankli, alors assistant de l’auteur sur le terrain. 1982. (Photo Ph. de Barros)
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Philip L. de Barros
LA MÉTALLURGIE DU FER EN PAYS BASSAR (NORD-TOGO) DEPUIS 2400 ANS Tome I : l’Âge du Fer ancien (de 400 avant J.-C. à 130 après J.-C.) Préface du professeur N. GAYIBOR
& Les Presses de l’Université de Lomé 5
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Je dédie ce tome à ma chère femme Jeannine, à nos deux enfants Jason et Jillian et notre petite-fille Payton et à mon cher ami bassar feu S. A. Gnon-Kondé de Kabou
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PREFACE 1
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Fo deba , Atavi Kodjo à Lomé, Napo de Dekpassanware à Bassar : des surnoms affectueux par lesquels ses élèves et ses amis togolais de la première heure ont pris l’habitude le désigner depuis plus d’un demi-siècle qu’il est en contact avec le Togo. Pour rendre la politesse, il fait attribuer de son côté des prénoms bassar aux étudiants américains venus passer un séjour de quelques semaines sur son chantier. Trois ans après son arrivée au Togo, il maîtrise assez bien le guingbé (mina) pour coécrire une grammaire du guingbé en français à l’intention de ses camarades du Peace Corps qui débarquent au Togo. En 1973, il épouse une Togolaise qui lui donnera deux enfants. Des signes évidents qui marquent un ancrage profond dans le “vivre ensemble” avec ses hôtes, et plus particulièrement dans le microcosme de la recherche archéologique togolaise. Par son parcours au Togo depuis près de 55 ans, accroché depuis les années 1970 aux sites métallurgistes de Bassar suite à la lecture du livre de Robert Cornevin Les Bassari du Nord-Togo, de Barros renouvelle éloquemment la tradition d’une époque révolue, celle des anciennes thèses d’Etat dans le système universitaire français et des chercheurs qui se consacrent toute leur vie à un champ de recherche dont ils sortaient à la fin de leur carrière des travaux excellents qui se passent de tout commentaire. Tels des coureurs de fond, ces stakhanovistes d’un autre temps se vouaient corps et âme à leur thème de recherche, dont seule la mort parfois les dessaisissait. En balayant cette tradition, combien formatrice, d’un revers de la main pour s’aligner sur le système anglo-saxon d’une thèse bouclée en trois ans, la Gauche de Mitterrand a-t-elle vraiment rendu service à l’Université française, et au-delà, francophone ? Ce procès n’est pas notre propos. Donc, passons. Tout est dit dans l’Avant-Propos qui suit. Philip de Barros est un homme de terrain. Il l’a montré en faisant preuve d’une résilience à toute épreuve. Au lieu de profiter de la dolce Vita que lui offrait l’Amérique comme professeur à la fin de son PhD, il a préféré, tout en enseignant, utiliser ses vacances et des périodes de congés sans salaire pour continuer de façon altruiste des recherches qui ne le feront pas forcément monter en grade, donc de voir son salaire augmenter, mais plutôt de satisfaire sa soif de chercheur, poursuivant sa quête dans une situation de forçat pour qui connaît
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Grand frère (en guingbé) Deba (diminutif de de Barros). Oncle Kodjo (en guingbé). 3 Un prénom bassar. 2
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les conditions de travail d’un archéologue de terrain dans un milieu difficile, où la chaleur, l’humidité et les privations de tout genre sont le lot quotidien du chercheur. Il a eu certes la chance de voir la plupart de ses séjours financés par de multiples institutions d’aide à la recherche aux USA. Mais l’argent seul ne suffit pas et il a eu le mérite de s’engager dans cette voie difficile et de persévérer durant toutes ces décennies sans voir le bout du tunnel. En effet, depuis quelques années, à l’approche de ses 77 ans, la fatigue l’empêchant d’être aussi efficace qu’à ses débuts sur le terrain, il se dit qu’il fallait s’arrêter pour se reposer, passer plus de temps avec sa famille et se donner du bon temps. Les connaisseurs savent en effet combien une vie de chercheur, et surtout celle d’un archéologue, use la santé sous les tropiques. Mais le démon du terrain le reprenant, il repoussait cette retraite d’année en année. Le site métallurgiste de Bassar est bien connu depuis la fin du XIXe siècle. Des explorateurs, des chercheurs et des géologues allemands comme Frobenius et Hupfeld se sont intéressés aux métallurgistes bassar, à leurs pratiques, ainsi qu’au commerce du fer produit dans la région. La colonisation en a fortement réduit, puis mis fin à la production dans les années 1950. Mais la renommée a perduré par-delà les décennies et, dès les années 1980, des chercheurs ont commencé à s’intéresser à ces fondeurs et forgerons bassar. Les premiers furent des anthropologues français Martinelli (1981) et Dugast (1984), l’Allemand Peter Hahn (1988), qui décrivirent les procédés de réduction du fer, sa transformation en outils, sa commercialisation sur une vaste échelle régionale et ses effets sur la déforestation de la zone. Presque simultanément débarquèrent les archéologues américains. A l’issue de sa reconnaissance en août 1979, le rapport élogieux de Posnansky sur les possibilités de recherches sur le site de Bassar intéressa plus d’un anthropologue américain en mal de sujet de thèse. Dans la foulée, plusieurs chercheurs jeunes et moins jeunes firent au moins un séjour à Bassar. Mais deux seulement eurent le loisir de consacrer leur PhD au site. Candice Goucher qui, au bout d’un séjour de quelques semaines en 1982, rédigea une thèse sur le sujet, puis s’intéressa à d’autres thèmes ; et Philip de Barros déjà sur le terrain en 1981-1982 et qui, à l’issue de sa thèse en 1985, décida d’en faire son champ de prédilection. En 1997, l’anthropologue Peter Hahn sortit également un ouvrage sur les procédés de réduction du fer à Bassar. Rapidement, les travaux de Candice Goucher et de Philip de Barros révélèrent toute la portée des techniques de travail de ces spécialistes en montrant la précocité de l’implication de la région dans ce mode de production du fer et sa commercialisation. Actuellement, se trouve sur le terrain une équipe française dirigée par Caroline Robion-Brunner, de l’Université de Toulouse II-Jean Jaurès.
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Entre les années 1980 et 2015, les chercheurs américains produisirent plusieurs contributions sur le travail du fer à Bassar dans de doctes assemblées de spécialistes, travaux publiés dans des revues toutes aussi renommées. Mais rien de tout ceci n’était en français pour édifier les chercheurs et surtout les archéologues francophones, si bien que Bassar était plus connu en Amérique qu’en Afrique et au Togo. L’historique de la présente publication vient de ce constat. Il fallait absolument combler ce vide en poussant de Barros à faire traduire et publier pour le public d’abord togolais et bassar, puis francophone, les meilleurs résultats de ses recherches sur Bassar, en montrant toute la richesse d’un patrimoine malheureusement en voie de disparition irréversible. Merci Philippe, d’avoir démontré par ton exemple que l’endurance, l’opiniâtreté et la résilience sont les meilleurs moyens pour parvenir à des résultats de haut vol dans un domaine aussi difficile que l’archéologie de terrain sous les tropiques. Après ce premier résultat, vivement le second tome promis pour les mois à venir ! Lomé, le 24 septembre 2020 Nicoué Gayibor Professeur honoraire
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AVANT-PROPOS J’ai découvert le Togo quand je suis arrivé à Lomé en tant que volontaire du Corps de la Paix (“Peace Corps”) en septembre 1966. Je devais y enseigner l’anglais mais on m’a confié les cours d’Histoire-Géographie au Collège Notre-Dame des Apôtres et cela a duré jusqu’en 1972. Mes relations plus que cordiales avec mon entourage ont fait que mes élèves m’ont attribué le surnom de “Fodeba” (Grand frère de Barros) et que les autres m’ont appelé “Atavi Kodjo” (oncle Kodjo). Très tôt, je me suis vite habitué au monde du basket-ball en tant que joueur et entraîneur, ce qui a fait qu’en 1972 j’ai été élu secrétaire général adjoint de la Fédération togolaise de basket-ball, chargé de créer un championnat junior mobilisant les jeunes joueurs des équipes de la ville. De 1966 à 1974, j’ai été membre du Bureau de l’Association des professeurs d’histoire-géographie, et, à ce titre, j’ai voyagé au Togo, au Ghana et au Bénin au cours des excursions organisées par l’Association. Je m’y suis adapté de telle sorte qu’avec mon ami Ako Léopold, nous avons publié, avec l’aide du Corps de la Paix, une grammaire du mina (guingbé) en français (Ako et de Barros 1969, 2006), qui est disponible sur Internet. En 1973 j’ai épousé une togolaise, Jeannine Affiwa Kpatchavi (Kpachavi) de Kodjoviakopé (Lomé), dont le père était Jean Kpatchavi, directeur du laboratoire de chimie à l’ORSTOM à Lomé et qui vivait à Bassar quand Robert Cornevin y était administrateur colonial, durant les années 1950. Jeannine est née à Bassar. Nous avons deux enfants, Jason et Jillian et une petite fille, Payton. Les fouilles à Hani-Begho au Ghana et le potentiel archéologique du Togo Je suis retourné aux USA en 1974 afin de poursuivre mes études en anthropologie et archéologie en vue d’obtenir mon doctorat de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). J’ai reçu mon diplôme en 1985 sous la direction du professeur Merrick Posnansky. Il a longtemps travaillé en tant qu’archéologue en Afrique de l’Est et ensuite comme directeur du département d’archéologie à l’Université du Ghana à Legon. En janvier 1979, je suis parti faire trois mois de fouilles à Hani-Begho dans le centre-ouest du Ghana sous sa direction. Durant la même année, André Dovi Kuévi, un cher-
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cheur qui travaillait au Ministère de l’Education nationale, voulait créer un programme de recherches archéologiques au Togo. Kuévi avait déjà publié un article en 1975 sur le travail du fer à Bassar et il était aussi l’un des fondateurs de l’Association togolaise de la recherche scientifique (ATRS). Il travaillait pour le ministre de l’Education nationale, Boumbéra Alassounouma, et son directeur de cabinet, le professeur Komlanvi Seddoh. Il les a convaincus de l’importance de son projet et, par la suite, le Professeur Posnansky a été invité par l’intermédiaire du Centre culturel américain à y faire une tournée d’un mois afin d’évaluer le potentiel archéologique du Togo. Posnansky m’a invité à l’accompagner car j’avais déjà passé huit années au Togo et je parlais bien le français. L’équipe comprenait Posnansky, Kuévi, Angèle Dola Aguigah, alors étudiante à la Sorbonne pour sa thèse sous la direction du professeur Jean Devisse, et moi-même. Je connaissais déjà Angèle, ayant été son professeur de la classe de 6e à Notre-Dame-des-Apôtres de 1966-1967. La visite a eu lieu en août 1979. Nous avons visité les lieux et sites suivants (voir Posnansky et de Barros 1980) : • • •
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le Plateau de Danyi, y compris les vestiges des sites d’habitation et des clôtures d’animaux ; des sites lithiques de l’âge de la pierre découverts par le Père Irénée Viallettes, qui nous servit de guide dans la région de Dapaong ; dans la région de Dapaong (toujours accompagnés du Père Vialettes), un groupe de citernes anciennes à l’est du plateau de Dapaong, un site pour la réduction du minerai de fer et les sépultures où les défunts étaient enterrés avec des pots placés au niveau de la tête ; au sud-ouest de Dapaong, les grottes de Nano, surtout les sites de refuge pendant les périodes de conflits et de razzias ; à Niamtougou, des sites abandonnés ainsi que des bosquets sacrés associés aux ancêtres ; dans le pays Kabiyè, des sites archéologiques dans les villages de Farendé, Kouméa, Pya Haut, Bohou Haut et Yadé ; des sites lithiques de l’âge de la pierre parmi les inselbergs de Koumondé, où il y avait des abris sous roche ; un site datant de l’âge de la pierre (“Middle and Later Stone Ages” ou “MSA et LSA”), datant d’il y a au moins 30 000 à 40 000 ans, non loin de Sokodé, au bord d’une rivière sur la route vers Bassar ; les sites associés au travail du fer dans la région de Bassar (Bassar, Dimori, Bitchabé, Bandjéli) ; on a essayé d’aller au pays des Konkomba, vers la rivière Oti, mais une grande pluie nous en a empêchés ; une roche musicale (“rock gong”) à Tchamba, associée aux sites de mortiers en pierre servant à moudre les grains ;
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la grande enceinte du chef Agokoli qui entoure la ville de Notsé, ainsi que les vestiges du palais royal à Dakpodji ; les vestiges de la muraille qui entoure la ville de Tado, les tombeaux des rois de Tado, ainsi que des vestiges des palais royaux et des tas de scories de la métallurgie du fer se trouvant aussi à Tado ; sur le fleuve Mono en allant à Tado, des roches aux cannelures créées en aiguisant les haches polies de l’âge de la pierre ; les vestiges d’une muraille entourant une colline où se trouve le site d’Agbogboli (aussi appelé Agbogbome), près du village akposso d’Agbogboli, dans la préfecture d’Amlamé – un site qui est lié aux traditions orales portant sur Agokoli. une grande roche où l’on moulait les grains au sud du village de Rodopké entre Notsé et Atakpamé.
Enfin, on a recherché aussi des amas de coquillages dans la zone d’Aného, y compris à Aného, Glidji, Zowla et Séwatchrikopé, et on a exploré encore d’autres sites archéologiques : des sites de l’âge de la pierre dans la région de Dapaong et dans la vallée de la rivière Mô en allant vers Bassar ; les zones où les anciens habitants polissaient les haches en pierre à Tchamba et à l’ouest de Notsé ; et enfin les sites de réduction du fer dans la région de Dapaong, y compris Moak’djwal. Les résultats détaillés de ce périple se trouvent dans un rapport rédigé par Posnansky et de Barros (1980) pour le Ministère de l’Education nationale. J’ai ensuite travaillé en tant que directeur du programme d’échanges universitaires (“Education Abroad Program”) de l’Université de Californie au Togo en 1981, puis dans la période 1983-86. Ce programme permettait aux étudiants américains de venir étudier à l’Université du Bénin, créée en 1970 (dont le nom est devenu l’Université de Lomé le 9 mars 2001). Les travaux de recherches dans la région de Bassar J’ai commencé mes recherches archéologiques à Bassar en 1981 et je les ai continuées jusqu’en 1985, obtenant mon doctorat cette même année. En 1982, j’ai obtenu une bourse Fulbright (“Fulbright-Hays Doctoral Dissertation Research Grant”) pour financer une année de recherche dans la région et pour poursuivre des recherches en laboratoire à Lomé. Ces recherches comprenaient des enquêtes intensives de terrain sur neuf kilomètres carrés pendant plus de cinq mois. En 1983, j’ai présenté les résultats de mes recherches au Congrès panafricain d’archéologie à Jos, au Nigeria. Ma thèse traite surtout de ce que j’appelle l’Âge du Fer récent (“Later Iron Age”) à Bassar, qui date d’entre 1200 et 1950 de notre ère. En 1988-89, j’ai mené des fouilles dans un abri sous roche à Agaradé (entre Sokodé et Bafilo), pour chercher des informations sur la transition
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entre l’âge de la pierre et celui du fer. Ces recherches ont été financées par une bourse provenant de la Fondation Wenner-Gren d’anthropologie, aux Etats-Unis. De décembre 1999 à janvier 2000, j’ai étudié une zone au nordest de la ville de Sansanné-Mango (Mango) pour voir si les peuples de la civilisation agricole de Kintampo au Ghana étaient passés par la vallée de l’Oti afin d’arriver dans le bassin du fleuve Volta. L’équipe a visité des sites le long de l’Oti, notamment à Mandouri, et nous avons interrogé des cultivateurs âgés à Mogou, entre Mango et Gando-Namoni. Ces recherches ont été financées par une bourse de la Fondation Ahmanson sous l’égide de l’Institut d’archéologie Cotsen à l’Université de Californie à Los Angeles. En 2002 et 2008, j’ai entrepris des fouilles dans un grand site de métallurgie du fer de 28 hectares à Dekpassanware, à 12 km au nord-ouest de la ville de Bassar, où l’on faisait surtout de la forge. Ce site a été découvert par Yao Adjankli, membre de mon équipe de reconnaissance en 1982. En 2002, mon ami français et anthropologue, Stéphan Dugast, qui fait des recherches sur la culture des Bassar depuis 1984, m’a fait la remarque que les gens de la région avaient du mal à se souvenir de mon nom. J’ai donc décidé de prendre un nom bassar et mon ami, le professeur de géographie, feu Samya Abdourahamane Gnon-Kondé, a suggéré le nom de Napo. Depuis lors, les gens me connaissent par ce nom. Plus tard, à cause des mois que j’ai passés à travailler au site de Dekpassanware, certains ont commencé à m’appeler “Napo de Dekpassanware”. Depuis lors, quand j’amène des étudiants américains à Bassar, je demande à un ami de leur donner des prénoms bassar. En 2013, j’ai fait des fouilles sur le site BAS-273 à l’est de Nababun sur la route Bassar-Kabou où l’on pratiquait la réduction du fer pendant ce que j’appelle l’“Âge du Fer ancien” qui a débuté vers 400 avant J.-C. et qui a duré à Bassar jusqu’à environ 130 après J.-C. J’ai enregistré ce site en 1982. BAS-273 et Dekpassanware comprennent aussi des vestiges, de la fin de l’âge de la pierre, au fond des dépôts anthropiques. Mes deux saisons de fouilles en 2002 et 2013, chacune de près de sept mois, ont été financées par des bourses Fulbright (“Senior Fulbright Grants”) provenant du CIEE (“Council on International Education Exchange”) à Washington, D.C. En 2013, j’ai aussi fait des recherches approfondies dans la région de Bitchabé, la zone des forgerons, afin d’obtenir des dates au carbone 14 dans les amas de scories à Bitchabé, Bitchobebe, Bidjomambe, Ingale et Binadjoube et pour déterminer quand la réduction du fer a commencé, puis a été abandonnée dans cette région, avant d’être remplacée par la forge après coup. En plus, j’ai mené des recherches intensives cartographiques et ethnoarchéologiques sur des sites de forge, notamment des likumanjool*. Ces affleurements de roches étaient utilisés pour le concassage des loupes de fer avant que les morceaux de fer ne soient forgés et utilisés comme outils. J’ai surtout étudié les sites d’habitation et leur likumanjool à Bitchabé (BAS-323
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et -298), Bidjomambe Haut (BAS-322 et -299), Bitchobebe (BAS-319 et 312) et Kpacaanli (BAS-379 et -380). Ces recherches continuent, y compris une étude des traditions orales qui aurait permis de comprendre l’origine des populations ayant laissé leurs vestiges sur ces sites. En 2015-2016, j’ai fait des fouilles au grand village de Titur (BAS-295 ; Figure 2) qui date du XIVe siècle au premier quart du XIXe siècle, connu pour ses producteurs de fer au nord de Bandjéli. Ce travail faisait partie du projet SIDERENT, dirigé par Caroline Robion-Brunner, co-directrice du laboratoire TRACES à Toulouse, que j’ai invitée à venir au Togo après avoir lu ses recherches sur la métallurgie du fer chez les Dogon au Mali. En 2017, j’ai achevé les fouilles à Titur (qui veut dire “la place des baobabs”) et j’ai entrepris des fouilles sur un ancien site de forge à Bidjomambe (BAS-321). En 2019-2020, j’ai continué les fouilles à BAS-321 et j’ai effectué deux saisons de fouilles sur deux sites ancestraux de Bitchabé ; le site BAS-379 (Kpacaanli ou Kpacaali) et le site BAS-323 dans la teckeraie au nord de Bitchabé, et ensuite sur le site ethnographique et ethnoarchéologique de Bidjomambe Haut (BAS-322). De 2017 à 2020, les recherches ont aussi mis l’accent sur l’étude des traditions orales en rapport avec les migrations, les anciens lieux d’habitation et les sites sacrés des peuples de Bitchobebe, Bidjomambe et Bitchabé. La conservation du patrimoine culturel togolais En 2002, le directeur du Centre culturel américain, Jeffrey Robertson, m’a annoncé qu’il y avait un nouveau programme établi par le Congrès américain à Washington pour la conservation des vestiges culturels en Afrique. J’ai demandé des fonds pour deux projets : 1) la conservation des vestiges du palais royal à Notsé-Dakpodji ; 2) la conservation des fourneaux massifs à trois km au nord du village de Nangbani dans la région de Bassar. L’agence qui s’occupait de ce programme m’a accordé des fonds pour les deux projets, étalés sur deux ans entre 2003 et 2004. Le premier projet a eu lieu à Bassar-Nangbani, où ont été construits des hangars qui ont servi à abriter une dizaine de fourneaux. Les bases des fourneaux ont été entourées d’une ceinture de ciment. Les poteaux des hangars sont aussi en ciment ; et les toits sont en bois traité contre les termites pour la charpente et en feuilles d’aluminium pour la couverture. Le second projet a été effectué à Notsé-Dakpodji, où l’on avait construit un petit bâtiment pour protéger les vestiges d’anciens pavements en poterie. Les deux projets ont été supervisés par Angèle Dola Aguigah, alors ministre de la Culture. Après un incendie qui a détruit les toits de deux
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hangars des fourneaux de Bassar, les gens de Nangbani ont essayé de mieux s’organiser pour protéger ces fourneaux. Pour les conserver, ils ont créé une association locale. Maintenant, avec l’aide de l’Ambassade de France, le Togo compte développer le site pour les touristes, y compris la construction d’une route reliant Nangbani au site. En décembre 2017, grâce aux activités de Caroline Robion-Brunner, Vincent Guichard, du musée de Bibracte en Bourgogne, et de l’Ambassade de France, un atelier a été créé pour la gestion et la mise en valeur des sites paléo-métallurgiques dans la région de Bassar. Participaient à cet atelier des archéologues et des experts du Burkina Faso, du Mali, du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Bénin et de France, aussi bien que les autorités de Bassar, y compris les chefs de canton de Bassar, Kabou, Bandjéli et Bitchabé. J’ai aussi assisté à cet atelier au cours duquel j’ai présenté une communication sur les dangers menaçants les sites archéologiques de Bassar. J’ai également servi de guide pour les visites des fourneaux de Nangbani, pour le site de Dekpassanware et ailleurs. Après l’atelier, Caroline Robion-Brunner et moimême avons travaillé ensemble pour créer une liste préliminaire des sites métallurgiques de Bassar à mettre en valeur et/ou à protéger. Cette liste a été envoyée à Lucie Tidjougouna, directrice du patrimoine du ministère de la Culture, pour que le Togo établisse une liste indicative des sites métallurgiques à Bassar qui puissent éventuellement faire partie des sites du Patrimoine mondial (“World Heritage Sites”) de l’UNESCO. Enfin, j’ai aidé l’ONG appelée Association Tourisme et Vie de Bassar, géré par Lantame Bassabi, à organiser le premier Festival du Patrimoine Bassar (FESTIPAB) en septembre 2019, lors de la Fête des Ignames à Bassar. Ma participation pendant trois jours comprenait, entre autres activités, une présentation sur l’histoire de la métallurgie bassar de 400 avant J.-C. à nos jours, traduite en bassar. En 2020, l’Association a préparé un projet de sensibilisation du public, surtout des écoliers, à leur patrimoine culturel. Ce projet était prévu pour mars 2020, mais la pandémie de coronavirus a mis un terme aux travaux. Cet ouvrage (Tome I de notre diptyque de deux ouvrages) englobe les résultats de mes recherches sur les sites archéologiques de l’âge de la pierre et de l’Âge du Fer ancien couvrant la période allant de 400 avant J.-C. jusqu’à 130 après J.-C. Je l’ai écrit pour les lecteurs intéressés, sans oublier les populations bassar -qui peuvent être fiers du travail de leurs ancêtres-, les étudiants en archéologie et les archéologues professionnels, en particulier pour les lecteurs francophones d’Afrique, car, jusqu’ici, la plupart de mes recherches ont été publiées en anglais. Je compte publier d’ici un an le tome II, qui portera sur l’Âge du Fer récent : la période allant de 1200 aux années 1950. Jusqu’à présent, on n’a pas encore trouvé de vestiges de la réduction du minerai de fer dans la région de Bassar entre 130 et 1200 après J.-C., un
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mystère à résoudre pour les archéologues qui mèneront des recherches sur cette région dans l’avenir. Philip L. de Barros San Diego (Californie)
Note linguistique Deux lettres non latines sont utilisées dans la langue bassar : la lettre ɔ qui se prononce comme “aw” en anglais et comme “o” très ouvert (comme dans “colle” en français), et la lettre ŋ qui se prononce comme “ng” en anglais. Les voyelles longues sont doublées (oo, aa). Le u est prononcé comme “ou” en francais, le c comme “tch” (dans le mot “scotch” en anglais) ; le j comme “dj” dans le mot “job” en anglais ; la lettre w comme dans le mot “week” en anglais. Il n’y a pas d’équivalent en français pour les lettres ŋ, c, j et w de la langue bassar. Les mots bassar en italiques utilisent l’orthographe décrite ci-dessus. Les noms des groupes ethniques (Konkomba, Lamba, Bassar) et des villes et villages (Kabou, Bitchabé, Bandjéli, Bidjomambe) ne sont pas en italiques et conservent les orthographes communes trouvées sur les cartes et les panneaux routiers. Les noms de certaines montagnes de fer : Djowul à Bandjéli et Bidjilib, Wawa et Liba entre Bassar et Kabou, gardent ici leur orthographe commune. Certains termes techniques en archéologie sont traduits en anglais pour faciliter la communication entre archéologues anglophones et francophones. Ils sont mis en italiques et entre guillemets, par exemple l’engobe* (“slip” en anglais). Glossaire On trouvera un glossaire après les annexes. Les mots y figurent sont signalés à leur première apparition dans le texte par un astérisque. Remerciements Juste avant la bibliographie, le lecteur trouvera une longue liste de toutes les personnes qui ont permis, d’une manière ou d’une autre, la réussite de cette entreprise et qui trouveront ici l’expression de mes remerciements chaleureux.
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Avertissement scientifique
L’auteur assume l’entière responsabilité de toute erreur de fait et d’interprétation des données archéologiques, des sources écrites, des traditions orales et des communications personnelles discutées ou citées dans cet ouvrage.
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–I– INTRODUCTION LA RÉGION DE BASSAR La région de Bassar se trouve au centre-nord du Togo, à environ 400 km de la côte (Figures 1A et 1B). Situé sur la périphérie nord-ouest des monts 4 Atakora (les Monts du Togo ou “Togo Hills”) , un peu plus de 9o au nord de l’équateur, Bassar jouit d’un climat tropical dominé par une saison des pluies (avril-octobre) et une saison sèche (novembre-mars). La région enregistre une pluviosité annuelle de 1270 à 1400 mm, qui soutient un paysage de savane arborée, remanié par les cultures et le déboisement. Le relief est celui de la pénéplaine bassar, large de 24 à 29 km, traversée par la rivière Katcha et bordée à l’ouest et à l’est par des chaînes de collines et de montagnes discontinues souvent riches en minerai de fer (Figure 2). Ces minerais varient de l’hématite presque pure de Bandjéli (mont Djowul), dépourvue des impuretés de silice et de phosphore, aux minerais de fer de qualité inférieure que l’on trouve dans plusieurs collines près de Bitchabé, Kabou-Sara, Nababun et Bassar et aux sources latéritiques, qui étaient peu utilisées (Koert 1906 ; Kachinsky 1933 ; Kouriatchy 1933 ; Lawson 1972 ; Simpara 1978). D’une grande importance régionale, les minerais en pays Bassar sont plus importants et plus riches que la plupart des minerais dans un rayon de 150 à 300 km (de Barros 1985 : 12-33). Les Bassar (“Bassari” à l’époque coloniale), nom dérivé d’une divinité associée au mont Bassar (qui s’élève à 460 m au-dessus de la pénéplaine), sont appelés les Bicambi dans leur langue, le ncam. Depuis le XIXe siècle, la plupart des Bassar vivaient dans les quatre agglomérations de Bassar (62 000 habitants), Kabou-Sara, Bandjéli et Bitchabé (Sprigade 1908 ; de Barros 1985). L’actuel Bassar est un amalgame de groupes indigènes qui parlent des langues paragourma et des immigrants venus du nord (Lamba, Konkomba, Gourma, Gangan et Tyokossi), de l’ouest (Gouang ou Gondja et Dagomba),
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Les mots indigènes, sauf les noms des groupes ethniques et des villes et villages, apparaissent en italiques, tandis que les mots en anglais apparaissent en italiques entre guillemets. Voir les notes linguistiques à la fin de l’avant-propos.
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et de l’est (Tem ou Kotokoli et Tchamba) (de Barros 2012a : 257 ; voir aussi Froelich et Alexandre 1960 ; Cornevin 1962 ; Froelich et al. 1963 ; Martinelli 1982 ; de Barros 1985 ; Dugast 1987). Les immigrants sont venus à Bassar pour ses terres agricoles, son travail du fer et comme place de refuge contre les razzias esclavagistes des Dagomba et des Tyokossi aux XVIIIe et XIXe siècles (Cornevin 1962 : 24). Les Kabiyè, voisins à l’est, ont souvent échangé des esclaves contre de la nourriture. Ces esclaves étaient utilisés pour cultiver les champs, fabriquer du charbon et creuser dans les mines de fer (de Barros 2012a : 258). Toutefois, les enfants de ces derniers, eux, étaient libres (Cornevin 1962 ; Klose 1903a, 1903b, 1964). La plus grande partie des immigrants étaient assimilés aux clans bassar. Le clan le plus grand et le plus important est le clan Nataka, qui proclame être originaire de la forêt sacrée de Dikri à 5 km au nord-ouest de Bassar (Dugast 1992). Au cours de l’époque coloniale et après, des vagues importantes d’immigrants kabiyè et lamba et aussi konkomba s’y sont installés (Figure 1B). La subsistance des Bassar est basée sur la culture avec jachère. On cultive l’igname (sur les sols les plus riches), le sorgho et l’arachide en cycles rotatifs de 3 à 5 ans, suivis d’une période avec jachère allant jusqu’à 8 ans. Depuis les années 2000 le maïs est aussi cultivé, souvent pour l’exportation vers la capitale, Lomé. Les autres cultures comprennent le mil, le haricot, le manioc, le gombo, les piments, le karité et le néré. Bassar est une région agricole relativement riche par rapport aux régions voisines. Depuis plusieurs siècles, les Bassar exportaient les denrées (surtout le sorgho) et le fer en échange des pagnes, du charbon, des esclaves et du bétail (Cornevin 1962 : 98-99 ; de Barros 1985 : 54, 62-64 ; 2012a : 257 ; Kuévi 1975 ; Frobenius 1913 : 455). Les communautés sont composées soit d’un seul groupe de famille exogame localisé ou d’un clan, ou, plus souvent, d’un amalgame de divers groupes ou familles résidentiels (kitiŋgbaŋŋi) appartenant à un ou plusieurs clans. Beaucoup de clans se sont divisés en un certain nombre de différents groupes de résidence ou villages, tels que les Bissib (essentiellement des producteurs de fer) et les Koli (essentiellement des forgerons). Chaque famille étendue habite dans sa propre maison ou demeure familiale. En dehors de l’agriculture, la plupart des villages, depuis l’époque de leur contact avec les Allemands dans les années 1890, se sont spécialisés dans une activité particulière telle que la production du fer par la réduction du minerai, le travail du fer dans la forge, la production du charbon et la fabrication de la poterie autour du mont Bassar (Figure 2).
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Figure 1A : La région de Bassar au Togo et les pays voisins. Carte de Joel Paulson.
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Figure 1B : La région de Bassar dans ses contextes géographiques et ethniques au Nord-Togo. J. Paulson.
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Figure 2 : Villages spécialisés dans la région de Bassar à l’arrivée des Allemands aux années 1890. J. Paulson et Ph. de Barros.
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Au moment de l’arrivée des Allemands, la région comprenait les chefferies de Bassar et de Kabou à l’est et une zone relativement autonome allant de Bandjéli à Bitchabé à Dimori à l’ouest. Les villages de l’ouest étaient apparemment gérés par un doyen (ukpil) du lignage fondateur, aidé par un conseil d’anciens (de Barros 2020 : 123). L’étude des traditions orales montrent que la chefferie de Bassar a été créée entre 1780 et 1810, pendant une période de razzias esclavagistes des Dagomba de l’ouest et des Tyokossi du nord (de Barros 1985 : 723-729 ; voir aussi Cornevin 1962 ; Gbikpi-Benissan 1976, 1978). A la fin du XIXe siècle, cette chefferie comprenait 5 000 à 10 000 habitants, sur une superficie comprise entre 25 et 80 km2 (Cornevin 1957 : 96 ; de Barros 1985 ; Dugast 1988), centrée sur l’agglomération de Bassar (Nangbani, Bikpassiba, Kibedimpu, Binaparba, Wadande, Biakpabe, Bukutchabe, des villages des potières de Jimbiri, Moande, Langonde et Kankunde et encore d’autres villages ou quartiers). Il ne comprenait pas le village de Kalanga à l’ouest. Le développement de la chefferie bassar coïncidait avec l’importance croissante d’une route de la kola des Haoussa. Cette route, venant du pays Haoussa (au Nigeria d’aujourd’hui), passait par Bassar et le village de Bitchabé (et parfois par Bandjéli) en allant vers le bassin du fleuve Volta (Barbier 1982 ; de Barros 1985 : 325-329 ; Norris 1984). La chefferie de Kabou a été créée pendant les années 1850 et comprenait le village des métallurgistes de Sara. Kabou profitait du commerce entre le pays à l’est et les producteurs de fer dans la région de Bandjéli à l’ouest (de Barros 1985, 2012a : 257, 259 ; Gnon 1967). A l’arrivée des Allemands, dans les années 1890, on pouvait parler de la région de Bassar en la divisant entre l’axe Bandjéli-Dimori à l’ouest et l’axe Kabou-Bassar à l’est. A l’ouest, les villages se spécialisaient dans la réduction du minerai de fer (zone de Bandjéli), la forge (de Natchamba à Ingale) et la production du charbon de bois (Dimori) ; à l’est on voyait les villages ou les quartiers de réduction ou de forge associés aux chefferies de Bassar et Kabou et les villages de potières autour du mont Bassar (Figure 2). BREF APERÇU ARCHÉOLOGIQUE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST ET DU TOGO AVANT LA MÉTALLURGIE DU FER L’homme a commencé à utiliser des outils en pierre il y a 3,3 millions d’années (Harmand et al. 2015), avant l’apparition de l’Homo sapiens en Afrique il y a 300 000 ans (Hublin et al. 2017). Les outils de pierre liés uniquement à notre espèce sont apparus au cours de la fin de l’âge de la pierre ou “Later Stone Age” en anglais (abrégé ci-dessous LSA)5, il y a au
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Le terme anglais de “Later Stone Age” (LSA) est utilisé en Afrique et correspond à la période des outils en pierre caractérisés par la technologie de lame et des micro-
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moins 50 000 ans en Afrique (Ambrose 1998 ; Tryon et al. 2018). Les sites LSA sont nombreux au Togo, notamment dans la région de Bassar (Davies 1964 ; de Barros 1985 : 378 ; 1999, 2000a ; Posnansky et de Barros 1980). Sur le plan archéologique, cette période est caractérisée très tôt par des couches microlithiques et le travail de l’os, de la coquille et de l’ivoire ; plus tard, on voit apparaître la poterie, les haches polies, des meules* portables ou dormantes, des molettes* et des outils en pierre qui ressemblent aux houes. Cette période est souvent appelée le néolithique, mais il faut noter que les développements en Europe et en Afrique ne suivent pas toujours le même chemin, ni technique ni chronologique. Jusqu’à tout récemment, la poterie la plus ancienne en Afrique de l’Ouest venait d’Ounjougou, au Mali (Formation HA1, Unité A, Ravin de la 6 Mouche), datant d’au moins 9400 cal BC . D’autres lieux (HA3 et Ravin du Hibou) ont livré de la poterie dès les VIIIe et IXe millénaires cal BC. Le Ravin de la Mouche a aussi produit des industries du paléolithique moyen (“Middle Stone Age” en anglais) et aussi du néolithique/LSA (Huysecom et al. 2004, 2009 ; Soriano et Huysecom 2012). De plus, les sites de Shum Laka au Cameroun (Lavachery 2001) et de Konduga au nord du Nigeria (Wotzka et Goedicke 2001) ont livré de la poterie datant respectivement des VIIe et VIe millénaires cal BC (Watson 2017 : 488). Mais, en 2017, Watson a publié les résultats de ses fouilles dans l’abri sous roche de Bosumpra, au Ghana, où il a obtenu deux dates au carbone 14 calibrées à 2 sigma (probabilité de 95,4 %) au fond des dépôts de 10439 à 9825 cal BC (RC1 à 2,24 m, unité 8) et de 9871 à 9282 cal BC (RC4 à 1,34 m, unité 4), ou du milieu du XIe millénaire cal BC jusqu’au dernier quart du Xe (Watson 2017 : 439-442, 487-488). Ces couches contiennent des microlithes géométriques et de la céramique qui datent d’au moins 9825 cal BC (ibid., 461-465), ce qui dépasse l’ancienneté de la poterie d’Ounjougou et nous montre que la poterie est apparue dans la zone forestière beaucoup plus tôt que prévu. Les artefacts en pierre qui servaient peut-être de houes datent d’il y a au moins 6 500 ans (Anquandah 1982 : 58-60 ; Phillipson 2005 : 197-198 ; Stahl 1994 : 71). L’abri sous roche d’Agaradé à l’est de Bassar, fouillé en 1988 au pays Tem, a produit un ensemble microlithique, de la poterie décorée et une hache à bord poli (de Barros 1992, 1999 ; Figures 3-6). Le site a livré cinq dates au carbone 14 entre 4070 ± 90 BP et 2650 ± 60 BP. lithiques géométriques. Le LSA correspond plus ou moins au terme “paléolithique supérieur” davantage utilisé en Europe. 6 Dans cet ouvrage, pour les dates au carbone 14, on utilisera les termes “cal BC” (“before Christ” : avant J.-C.) et “cal AD” (“anno domini” : après J.-C.) pour indiquer que ces dates ont été “calibrées” (c’est-à-dire corrigées en fonction de certains paramètres techniques).
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Figure 3 : Abri sous roche d’Agaradé (Togo). Hache à bord poli, unité 6, à 25-30 cm de profondeur, 493 g, 12,4 x 6,3 x 5,1 cm. Plus petite que taille actuelle. Dessins de Bonnie Bruce.
Figure 4 : Quelques outils en pierre taillée de l’abri d’Agaradé : Première rangée : triangle équilatéral, segment ou demi-cercle, petit segment, fragment de lame à bord abattu. Deuxième rangée : pointe en forme de triangle, burin. Environ la taille actuelle. B. Bruce.
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Figure 5A : Nucleus* polyédrique presque discoïde en quartz blanchâtre, unité 2, 15-20 cm de profondeur, 45 x 40 x 28 mm, pesant 52,2 g. Taille actuelle. Abri d’Agaradé. B. Bruce.
Figure 5B : Nucleus à lamelle ; plan de frappe à enlèvement radial, quartz blanc, unité 5, 40-45 cm de profondeur, 20 x 18 x 7 mm, pesant 7,1 g. 2 x taille actuelle. Abri d’Agaradé. B. Bruce.
Calibrées à 2 sigma (BetaCal 3,21 basé sur INTCAL13, Reimer et al. 2013), ces dates indiquent que l’abri a servi comme atelier d’outils en pierre taillée de 2889 à 590 cal BC. Sur le plateau de Pana, au sud-est de Dapaong au Nord Togo, suites aux trouvailles du RP Viallettes (Posnansky et de Barros 1980 : 17-20), le site de Dapankpergou (Abri Vialettes) a livré deux couches microlithiques très riches, dont les datations au C14 à 2 sigma (2 σ) sont de 2917 à 2600 cal BC (couche la plus profonde) et de 1413 à 1069 cal BC (couche supérieure) (Eiwanger et Kuévi 1992 : 164, notes 28-30). En plus, un tesson de poterie décoré de la couche la plus profonde a été daté par la thermoluminescence (TL) de 3090 ± 460 BC (Eiwanger et Kuévi 1992 : 164 ; Eiwanger 1999 :
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Figure 6 : Tessons de poterie, l’abri d’Agaradé entre 40-45 cm de profondeur. 1ère rangée : col d’une jarre à cannelure ; jarre aux cannelures et aux traces ambiguës ; 2e rangée : Tesson en forme de rondelle (traces d’abrasion) décoré de la roulette* de fibre plate tressée (Mayor 2010 : 181-186). Un peu plus petit que tailles actuelles. B. Bruce.
201). Ces trois dates suggèrent une industrie microlithique aux IIe et IIIe millénaires cal BC (Eiwanger et Kuévi 1992 : 164). De plus, des polissoirs* pour les haches en pierre ont été découverts à Kpévou, Kpota et Koussilonkpé, de 2 à 7 km de Notsé (Aguigah 1984 : 126). Au fait les polissoirs de ce genre ont été repérés dans plusieurs régions du Togo au cours des prospections géologiques de l’ex-ORSTOM (voir Gayibor 2011 : 191-193 ; Aguigah et Drouet 1990 ; de Barros et Lucidi 2016 : 76). Enfin, une étude de prospection de la zone au nord-est de Mango, le long de l’Oti, en 1999-2000 n’a pas trouvé de témoignages de la tradition agricole de Kintampo (voir ci-dessous), mais plusieurs sites du LSA ont été enregistrés (de Barros 2000a, 2000c). La naissance de l’agriculture en Afrique de l’Ouest date d’il y a au moins 4 000 à 4 500 ans, surtout manifestée par le complexe archéologique de Kintampo, au Ghana, depuis au moins 3550 ± 40 BP (2020-1740 cal BC à 2 σ) (D’Andrea et al. 2001 ; D’Andrea et Casey 2002 ; D’Andrea et al. 2006 ; Stahl 1985, 1994 : 72-79 ; Flight 1968, 1976 ; Rahtz and Flight 1974 ; Watson 2005 : 43 ; Phillipson 2005 : 199), mais aussi par les sites de Dhar Nema, Oulata et Tichitt, en Mauritanie, où le bœuf domestique était con-
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sommé dès la fin du IIIe millénaire cal BC. La culture du mil apparaît dès le début du IIe millénaire cal BC (Person et al. 2012 : 136, 146, 161 ; voir aussi Person et al. 2004 ; Fuller et al. 2007 ; MacDonald et al. 2003 ; Neumann 2004 : 264). Cependant, deux grains de mil domestique de la vallée inférieure de Tilemsi, à Karkarichinkat, dans l’est du Mali, ont été bien datés à environ 2500 avant J.-C. (Manning et al. 2011 ; Manning et Fuller 2014 : 79 ; Winchell et al. 2018 : 485, 488-489). La présence ancienne de l’agriculture dans la région de Bassar et du Togo est peu connue, mais la poterie et les outils en pierre polie remonte à au moins 4 000 ans, si ce n’est 4 500 ans, comme c’est le cas à l’abri sous roche d’Ewo Ileru, au Nigeria (Shaw and Daniels 1984 ; Phillipson 2005 : 198), mais voir Watson 2017 (supra). La civilisation de Kintampo ne s’étendait pas vers la Vallée de l’Oti et la région de Mango, mais il est possible qu’il y ait eu quelques rares contacts (de Barros 2000a), car un fragment de râpe (“terracotta cigar”) a été trouvé dans la région de Bassar à l’ouest de Nababun en 1982 (de Barros 1983). Les sites les plus anciens documentés dans la région de Bassar sont petits ( 30 cm)
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15 150 cm
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12
10
8
Côté ouest du site (95 m à l’ouest de U23) : unités 36 (2002-03) et 42 (2008) [unités adjacentes]
Beta no
Tableau 1 (suite)
scories ; fragments de fourneau scories, fragments de fourneau
scories ; fragments de tuyère
scories
scories et minerai au niveau 11
scories
scories et minerai
Artefacts des travaux de fer
D
D
D étendu
SMA
D
D
D
D étendu D
Méthode
169560, -169562, -173468 ; -173470, -173472, et -173473 ; 252672 et 252673 ; et -426533). La série Mica brillant disparaît au cours du IIe siècle. 4) L’Âge du Fer récent ou LIA (“Later Iron Age”) : Quoique, dans ce tome, on mette l’accent sur l’EIA, on parlera brièvement ici de l’occupation de BAS-252 durant l’LIA à propos de certaines questions de chronologie, de technologie et de céramique. A Dekpassanware, deux dates du LIA de 1281-1400 et 1477-1642 cal AD (Beta-5352 et -169561) sont associées aux amas de scories et aux vestiges de bas-fourneaux à tirage naturel dans les Zones A et B (Figure 8B). La série Mica fin, type Mica fin poli (“Burnished Fine Mica”) domine, accompagnée de la série Bassar et dans des cas rares de la série Brun11. Les tessons des premiers 50 cm des unités fouillées dans la zone de la réoccupation intense du LIA (unités 24, 27 et 37 ; Figure 8B), où la densité des tessons du Mica fin poli varie de 106 à 238/m3, par rapport à