142 113 21MB
French Pages [542]
LA MAGIE ET LA
Sorcellerie EN FRANCE PAR
Ttï.
DE
G^A^UZOISTS
II
Poursuite et châtiment de la Magie jusqu'à la Réforme Protestante
Le Procès des Templiers Mission et procès de Jeanne d*Arc
LIBRAIRIE DORBON AÎNÉ 53 ter^ Quai des Grands-Augustins
PARIS
MlCROFGRM£D BY PRESERVATION SERVICES
D^
AU6
1
1989
En
vente à la
même
Librairie
:
—
Saint Yves d Alveydre. ilission de VInde en Europe. Mission de La question du Mahatma et sa solution. Un V Europe en Asie.
—
volume
in-8 avec fac-siinile d aiitograjihe et
portrait» hors texte. 5 fr. D'' Frif.drichs. La Franc-Maconneiie en Russie et en Pologne, l vo"1 lume pet. in-8 de pages. 2 fr. "2
Les.vchf.r kt M.VRF.sr.HAL. .\oufe/le botanique médicale comprenant les plantes des jardins et des champs susceptibles détre employées dans l'art de guérir, de leurs vertus et de leurs dangers, d'après les auteurs anciens et modernes, de leurs noms savants latins et français, de leurs noms vulgaires, etc.,., 4 volumes in-8 Jésus, illustrés de 200 planches en couleurs hors texte, dans un cartonnage toile anglaise. 24 fr,
Marcus de Vèze. La Transmutation l'argentaurum
:
divers procédés
des Méta'u.r l'or alchimique, de fabrication avec lettres et :
documents à l'appui, une brochure in-l2. Fabre d'Olivet. Les Vers dorés de Pvthagore. expliqués
2 fr. et traduits
français. Réimpression de l'édition originale de lSi,3 à laquelle on a ajouté les Commentaires d'Hiéroclès. Un volume in-8
en
raisin. a été tiré 10 exemplaires sur papier de
Il
Hollande à
BoEHME. Clef ou explication des divers points
15
fr.
30
fr.
termes principaux employés par Jacob Boehme dans ses ouvrages. Traduite de l'allemand sur lédition de ses œuvres complètes imprimées en 171.0. Réimpression textuelle de la rarissime édition française de 5 fr. 1826. Un volume pet. in-S avec un grand tableau hors texte. et
à prix marqués d'une bibliothèque occulte comprenant environ l.SOO ouvrages sur la Sorcellerie, l'Alchimie, le Xlagnétisme, la Cabbale, la Franc-Maçonnerie, les Sociétés se-
Catalogue annoté
2 fr.
crètes, etc.
DU MEME AUTEUR: Histoire de llnquisition en France.
Tome I. La Magie Tome 1,
"
Les Origines, un volume in-8 carré.
fr.
Sorcellerie en France. Origines de la Sorcellerie. Ce qu on racontait des sorcières. 5 fr. Opinions diverses à leur sujet, un volume in-8 écu de 'i28 pp. et la
Pour paraître prochainement
:
Histoire de V Inquisition en France.
Tome IL La Procédure La Magie
Tome Tome
inquisitorialn
en France. in. La Sorcellerie de la Réforme à la Révolution française. IV. La Sorcellerie contemporaine. et la Sorcellerie
LA MAGIE ET LA
SORCELLERIE EX FRANCE PAR XI-Ï.
IDE G^^xjzozsrs
AVANT-PROPOS
Le premier volume de V Histoire lerie
en
France a
laissé
'
de la Sorcel-
soupçonner bien des
péripéties dans les destinées des adeptes de la
magie. Dans
présent volume, on se propose,
le
précisément, de raconter leurs vicissitudes. Bien
que notre, tâche
se
limite
à la France,
nous
avons donné succinctement quelque idée de la
magie fut
traitée
par
les Juifs,
les
Romains.
Comme
la
magie ne
manière dont les
Grecs et
la
naquit pas spontanément dans
la
France chré-
tienne du Moyen-Age, mais se rattachait, soit
aux anciennes croyances nationales ou
ger-
maines, soit aux superstitions venues des Juifs
ou de Rome,
il
est
évident que l'idée de la
répression ne surgit pas, non plus subitement,
du milieu médiéval.
Elle avait aussi des anté-
cédents chronologiques qu'il est indispensable
LA SORCELLERIE EN FRANGE
VI
de connaître, table et tirer
veut faire de
l'on
si
l'histoire véri-
un enseignement quelconque des
événements passés. Or, dans les peuples
dans
les
médiévaux de l'Europe,
populations françaises en particulier,
trois
éléments principaux paraissent s'être unis
pour
la
tive
aux
formation de sorciers
un élément tif
:
la
mentalité générale, rela-
un élément ethnographique,
religieux et
un élément administra-
ou juridique. Le premier tenait aux races
mères de
la
population hybride destinée à deve-
On
trouvait chez eux des restes
des anciens Celtes,
des Gaulois du temps de
nir les Français.
César, auxquels les invasions germaines avaient
apporté avec
les
Francs,
Burgondes,
les
les
Goths, un renouveau de vigueur, sans parler des reliquats plus ou moins vivaces des populations antérieures riens,
aux Celtes
:
Ibères,
Euska-
Touraniens, sauvages sans nom, ou tro-
glodytes des terrains divers. Et nous nous con-
tenterons de mentionner bien d'autres peuples:
Huns, Avares, Arabes, Maures, Sarrasins, Romains surtout, puis dont
les
les Italiens, les
Espagnols,
invasions successives et l'implantation
AVANT-PROPOS
Vil
plus OU moins longue en certaines de nos pro-
vinces ont laissé certainement des traces, plus
ou moins français
difficiles à
retrouver dans
le
peuple
actuel.
Les travaux, tentés pour reconnaître chez des individus isolés ce que peuvent lui avoir fourni ses ascendants des diverses races, n'ont
jusqu'à présent abouti qu'à des résultats fort
La chose
incertains. lités
était à prévoir, car les
qua-
apparentes ou non, physiques ou morales
qui spécifient l'homme se retrouvent nécessai-
rement, dans
meaux de
leur ensemble, en
tous
les
ra-
l'espèce humaine. Les différences de
race à race, ou d'individu à individu,
peuvent
porter seulement sur des caractères secondaires, sans doute
assez facilement interchangeables.
Qui du reste peut
se flatter d'avoir
pu déter-
miner ces caractères secondaires dans aucune race
actuellement existante, et encore moins
dans
les
peuples disparus ?
L'expérience a montré qu'il ne
fallait
pas atta-
cher beaucoup d'importance à certains
signes
extérieurs trop vantés. Peuples brachycéphales, et nations dolichocéphales, les
uns
et les autres
LA SORCELLERIE EN FRANCE
VIII
ont,
dans leur
des individus intelligents
sein,
et des idiots, des santés vigoureuses et des
péraments
d'un
homme
la largeur relative
de son
délicats. Vouloir juger
uniquement d'après
tem-
crâne ou l'ouverture de son angle facial, c'est s'exposer aux méprises les plus déconcertantes,
aux jugements Sinon
rien,
plus
les
absurdes du monde.
du moins, peu de chose peut
se pro-
nostiquer sur l'avenir d'un peuple d'après
mélange des races dont dans
ses veines,
que ce
sangs variés coulent
soit
au point de vue
au point de vue
piiysique ou
moral.
les
Toutefois,
le
intellectuel
l'observateur
après
et
coup,
qui peut constater l'existence de certains traits
communs aux
races mères et à leurs fdles, a,
jusqu'à un certain point,
ressemblances sur
le
En nous appuyant
le droit
compte de
de mettre ces la génération.
sur des constatations de
ce genre, nous remarquons,
chez les Français
de nos jours, des caractères moraux, sociaux
ou autres,
—
•
leur amabilité par exemple, leur
légèreté d'esprit, leur
amour
des plaisanteries,
leur inconstance dans les revers, leur facilité à se laisser prendre
par des mots
— qui semblent
AVANT-PROPOS bien faire d'eux
les
fils
IX
authentiques des Celtes,
ou des Gaulois du temps de César
leur esprit,
;
doué d'un sens juridique remarquable,, ami de la clarté,
de l'ordre dans
la soumission
aux
;
gouvernement
de
et
rappelle la puis-
autorités,
sante administration et
Rome
le
génie juridique de
le
l'amour des aventures belliqueuses,
si
caractérisé chez nous, fait souvenir des randon-
nées
héroïques
des
audacieuses des Normands;
amour
des
voyages
rapport avec
les
fonda Marseille ranéennes Si la
navigations
Gaulois, des et,
lointains,
peut-être, notre a-t-il
quelque
gouttes du sang phocéen, qui et
d'autres
colonies
méditer-
!
nous nous en tenons au sujet de notre
livre,
croyance de nos contemporains aux sorciers,
aux magiciens, conséquence de
la foi
ou divinités secondaires, de quelque les appelle,
peut légitimement
aux génies
nom
qu'on
se rattacher
aux
croyances de leurs aïeux divers. Ce qui est assez
remarquable, c'est que, stature,
la
au point de vue de
de la couleur des cheveux et des
yeux, de l'angle des
si,
tendances
facial,
de
la
intellectuelles
largeur du front,
ou
morales,
on
X
LA.
SORCELLERIE EN FRANCE
peut trouver d'assez grandes différences entre ancêtres des Français
les
quand
;
s'agit
il
du
diable et des diablotins, les différences s'éva-
nouissent. Sous des
noms variés, nous retrouvons
partout des croyances fort semblables
romains fusionnent fort bien avec
ou
familiers
de
korrigans
naïades avec les fées
;
la
:
les lares
les
esprits
Bretagne
;
les
devins de tous les pays,
les
avec leurs confrères des côtes de l'Atlantique
ou de .
Manche
la
;
les
des peuplades
sorciers
germaines n'ont aucune peine à
se
confondre
avec ceux des tribus gauloises.
nous rend
L'élément ethnographique
compte de de
la
la persistance
croyance à
naturels
magie
dans nos populations et
aux pouvoirs extra-
dont certains hommes sont réputés
comme
jouir,
la
intermédiaires
évocateurs,
organes des esprits. L'influance de s'exerça cependant pas seule, lui
ainsi
il
la
ou
race ne
faut sans doute
joindre celle des idées religieuses de nos an-
cêtres.
Toutefois
sorcellerie
avec
la
manière de considérer
en tant qu'ayant quelque
la religion, se modififi
tances différentes suivant
la
rapport
par suite de circonsles
temps
et les pays.
AVANT-PROPOS
Nous
le
XI
constatons sans peine aucune,
si
nous
réfléchissons à la différence de traitement imposé
aux
sorciers, sous le
paganisme polythéiste des
barbares, et dans les sociétés européennes chris_ tianisées.
ment
Le premier
tolérant vis-à-vis des magiciens, pour des
dont
motifs assez nombreux,
semble avoir été
le
le
plus saillant
de distinguer
la difficulté
sacerdoce de la magie, les
montré excessive-
s'était
prêtre
du
sorcier,
le
dans
que nous l'avons
religions païennes. Ainsi
observé dans notre premier volume, prêtres et
magiciens paraissent, en les
uns
daires,
et
buts
dans des
matériels.
d'autre
Si,
dérogeant à
et parce
semblables, tous l'empire
part,
romain,
poursuivre les magiciens
touchant à
que
des divinités secon-
assez
mathématiciens, ce
politiques
s'être adressés,
pratique générale des païens, se
la
décida assez tard à
ou
à
autres,
les
effet,
la
nuire que d'être
la
fut
par des
raisons
personne
impériale,
piquait
plutôt de
magie
se
utile.
La
considération
du
génie invoqué n'entra guère dans les décisions prises.
Dans
le
panthéon polythéiste
se
trou-
vaient, de fait, trop de dieux désagréables, pour
LA SORCELLERIE EN FRANCE
XII
qu'il fut
possible
prétexte
qu'ils
les
étaient
des sorciers ne
cution
certains, sous
élaguer
d'en
le fait
chez
Quand
dans l'Europe chrétienne,
non par
naître,
persé-
naquit donc pas
païens des convictions religieuses.
se produisit
La
méchants.
elle
elle
dut
des traditions païennes
survivantes, toujours assez tolérantes de leur
vertu d'autres principes. Ces
nature, mais en
principes, nous croyons qu'il faut les chercher
dans
certaines
idées,
d'une part, nées à ciales,
dues
la suite
au
christianisme
de circonstances spé-
d'autre part.
Le Christianisme ne pouvait admettre, comme régulière, l'existence des sorciers
Mais
au milieu de ses était porté à les
fidèles.
Cela va de
traiter
de manière très différente,
soi.
il
suivant la
qualité qu'on leur attribuerait. Imposteurs, seraient punis en escrocs,
ils
de peines ecclésias-
tiques ou civiles, plutôt diffamantes que cruelles, afin
de ridiculiser leur prétendue puissance et
d'ouvrir les yeux aux simples. Prêtres de fausses divinités,
secondaires ou vaincues,
ils
mis dans l'impossibilité de faire de
la
seraient
propa-
gande, mais traités encore avec une certaine
AVANT-PROPOS
XIII
douceur, d'après l'esprit de tolérauce que l'Eglise chrétienne professa presque constamment vis-à-
de la personne des païens. Adorateurs et
vis
évocateurs des démons, par conséquent apostats
du vrai Dieu
et de la société chrétienne,
subiraient les fluctuations de la législation
ils
vis-à-vis des dissidents.
doutables frappèrent
en subirent
les
des tre,
—
occasions
—
les
des mesures re-
hérétiques, les sorciers
conséquences
Or, pour les uns législation,
Quand
les
comme pour
plus extrêmes.
les autres, cette
pas à parler
car nous n'avons
qui
historiques
la
prétendit s'appuyer sur la
tenue dans
la Bible. Terrible
gieux, le législateur
loi
firent
naî-
juive con-
aux dissidents
reli-
du Mosaïsme n'avait pas
montré une plus grande tendresse, pour les magiciens.
Plus donc
la lettre
la société
chrétienne s'attacha à
de l'Ecriture, plus
elle
rigueur contre la sorcellerie. trées
devenues
bibliolâtres,
Réforme protestante,
dut témoigner de
En
les
fait,
con-
par l'adhésion à
la
se révélèrent plus achar-
nées à la guerre antimagique que les pays restés catholiques. Chez tables
elles, se
holocaustes,
des
produisirent de véri-
boucheries
à
jamais
LA SORCELLERIE EN FRANCE
XIV
regrettables
or les considérants des jugements
:
ne laissent auciin doute sur
la
pensée des juges
de se conformer strictement aux commande-
ments
scripturaires.
Pour tous
ces motifs, nous avons cru utile
de donner un aperçu de
la
magie chez
les Juifs,
d'indiquer les principaux traits connus de
et
leur législation
sous
ce
rapport. Bien
qu'elle
puisse paraître, au premier abord, n'avoir guère
de rapports avec ses
çais,
la
préceptes,
poursuite des sorciers franses
exemples, ses antécé-
dents, n'en exercèrent pas
moins une influence
trop sérieuse sur nos aïeux pour que nous puissions l'oublier.
Ainsi la survivance de la sorcellerie s'explique
par
la race
;
sa persécution par diverses condi-
tions locales, mais surtout par l'influence de la loi
juive.
Un
troisième élément, administratif
ou juridique, vint s'adjoindre aux premiers, en accentuant
le
caractère répressif de la législation
médiévale vis-à-vis des criminels ou pseudocriminels qui nous occupent. Ce fut la pratique
de l'ancienne Rome.
On
ne saura jamais exagérer l'importance des
XV
AVANT-PROPOS
traditions romaines dans la formation de l'esprit européen. Si le Christianisme a modifié les
mœurs ànies
privées,
le
a développé en bien
s'il
sentiment
et
des
l'amour de vertus sou-
vent surhumaines, son influence sociale paraît avoir il
dépendu
avait
tion
eu
temps de marquer
le
Mais
l'Empire.
de
l'empreinte dont
de
surtout
celle-ci
pas laissé transformer en bloc pris
des touches chrétiennes,
encore plus maines. Et
de il
s'était
elle
qui
avait gardé ro-
Sans avoir
suit. le
avait
droit ancien
peu pénétré dans les sociétés
barbares et féodales. le xii^ siècle, fort à
ne
si
elle
jamais été complètement oublié, avait, relativement,
législa-
spécifiquement
couleurs arriva ce
:
la
Il
revint à la lumière vers
propos pour
les
monarques,
qui ne manquèrent pas d'y trouver des armes
pour leurs thèses de monarchies centralisatrices et absolues
pour
les
sorciers.
;
très
malheureusement, au contraire,
hérétiques et pour les magiciens ou
On trouva dans
ses lois tout
un
arsenal,
de mesures contre ces malheureux, toute une collection de su})plices destinés à les faire disparaître. C'est ce qui
explique
comment
des juris-
LA SORCELLERIK EN FRANCE
XVI
consultes
très
par
hypnotisés
intelligents,
le
quand
droit romain, se montrèrent inexorables
eurent à s'occuper de magie.
ils
L'influence des lois romaines
juridique de l'occident en général, de la
tion
France en de
forma-
sur la
particulier, ne
laisser
persécutions
de
côté
nous a pas permis
antimagiques
à
Rome.
y avons ajouté quelques mots sur c'est
que Grèce
et
Rome
des
succincte
l'histoire
nous
Si
Grèce,
la
sont, en quelque sorte,
inséparables dans notre esprit, au point de vue
de
la
formation intellectuelle européenne.
Après ces préliminaires, nous étudierons sorcellerie chez nos aïeux de la Gaule.
la
Malheu-
reusement, nous savons bien peu de choses sur leur compte.
Nous verrons ensuite
les sorciers
des
royaumes francs, et nous constaterons,à leur occasion,
une curieuse loi historique qui fait assez hon-
neur à notre pays relative
et à notre race
du traitement
fait
aux
:
la
douceur
sorciers.
dehors de certaines commotions où
le
En
peuple
français perd la notion de lui-même et se laisse aller à des colères
pas pour
la
par trop sanguinaires,
il
n'est
guerre homicide à froid. Sans doute.
AVANT-PROPOS il
d'opposer à
facile
serait
XVII
affirmation
cette
bien des exceptions dues à des princes et à des partis soupçonneux, tion passagère
;
nous ne songeons pas à les
Nous connaissons tuels
:
ou à des régimes d'exaspéra-
chevaux de
les
les Albigeois, les
Barthélemy, che et la
bataille habi-
guerres religieuses, la St-
la Ligue, la Terreur, la
Commune.
nier.
Toutefois,
Terreur blan-
il
nous paraî-
démontrer que ces diverses
trait assez facile de-
époques de cruauté furent des
nerveuses
crises
dans notre existence, des accidents passagers de notre caractère généralement fort humain.
La preuve
péremptoire semble en être
la plus
la violence
de ces
crises, et,
plus encore, leur
peu de durée. Assez promptement, vient
chez
nous
amnistier
le
:
le
pardon
passé, et
nous
croyons qu'à cette tendance générale de notre esprit français doit s'attribuer le
des partis
toujours
cela
un
crédule, mais
Fort
violents.
peu
peu de succès
sceptique,
le
avec
Français
paraît avoir vite assez des luttes trop prolongées. les si
Il
préfère taquiner
égorger.
La France
modéré, son
ciel
si
ses
est
si
adversaires
que
douce, son pays
tempéré, que nous avons
LA SORCELLERIE EN FRANCE
XVIII
du mal à ne pas en
jouir et à ne pas laisser les
autres en jouir dans la paix.
Nous espérons que bon nombre de cle,
ce
volume
lecteurs, car,
nous entrerons dans
intéressera
avec
le
les récits
xiv^
un siè-
bien émou-
vants de procès fameux. Les Templiers ne man-
queront pas de nous arrêter quelques instants
énigme toujours en suspens devant
le
jugement
de l'Histoire. Nous verrons, à partir de temps,
la
;
leur
croyance aux diableries prendre une
importance de plus en plus grande,
se glisser
dans tous
Cour Ro-
les
cercles, influencer
maine, servir à faire conduire
Jeanne d'Arc,
temps de
la
la
vengeances
mille
politiques,
au martyre l'héroïne de France, et
nous
arriverons
ainsi
aux
Réforme Protestante, dont l'étude
formera notre troisième volume.
Avant de terminer
cette
Introduction déjà
trop longue, qu'on nous permette de dire quel-
que chose d'un mot qui revient sans cesse sous
plume d'un
la
historien de la sorcellerie, à savoir
AVANT-PROPOS le
XIX
Bieii des gens en abnsent.
mot SURNATUREL.
c'est surnaturel
Si les tables tournent,
;
les
si
maisons sont hantées, leur habitant mystérieux se
de surnaturel. Le moindre phéno-
qualifie
mène tant intitulé
soit
peu extraordinaire
—
surnaturel.
est facilement
En revanche
écrivains s'expriment fort crûment
naturel
n'existe
mot ne
devrait
Peut-être
le
partout
le
pas
pas
»
!
'
et,
d'autres «
:
Le
sur-
par conséquent,
—
davantage.
exister
le
désaccord, entre les gens qui voient
surnaturel et ceux qui ne
nulle part, vient-il
le
voient
simplement de ce qu'on ne
s'entend pas sur la signification du mot. Qu'en^
Quand on
tend-on d'abord par
Nature
sera mis d'accord sur
une définition précise de
ce terme, on pourra avoir
précise
du mot
sommes
surnaturel
la force créatrice,
des êtres créés
;
;
Mais nous en
».
«
nature
«
indi-
tantôt l'ensemble
tantôt l'ordre établi dans l'uni-
tantôt la puissance qui
conserve
se
une idée non moins
fort loin encore, car la
que tantôt
vers,
«
?
l'a
établi et le
tantôt l'essence d'un être, tantôt ses
qualités, et
il
ne serait pas
difficile
encore d'autres acceptions du
mot
de trouver «
nature
».
XX
LA SORCELLERIE EN FRANCE
Comment dans naturel ?
ces conditions définir le
ni
ne voulons trancher la
en mettant tout
difficulté,
monde
le
voir tout le
ligué contre nous, et nous
sommes de
le
plus sûr
tempérament trop pacifique pour nous
fers. Il
concerne,
suffira
mot
le
autre chose que
étonnant «
d'accord,
moyen de
car ce serait
de
sur-
»
Nous ne pouvons
monde
«
dir-e
qu'en ce qui nous
surnaturel ne signifiera pas «
merveilleux, extraordinaire,
même
en sera de
Il
)>.
de
croiser tant
des
extranaturel, extrahumain, surhumain
termes »,
qui
viendront quelquefois sous notre plume. Nous
ne prétendrons jamais trancher, par l'emploi de ces mots, l'origine toujours fort discutée d'une multitude de phénomènes entrant dans l'histoire
de
la
rendu prudent. ques, faits les
prélats,
Son étude nous a
sorcellerie.
Quand on
voit, à certaines épo-
magistrats, et médecins,
de contorsions
communes
stupé-
à la Salpêtrière,
déclarer surhumaines et d'origine surnatu-
relle,
on ne
se sent
pas
le
courage d'une indi-
gnation qui serait ridicule, car on constate la
bonne
foi
inébranlable
de
presque
tous
les
XXI
A.VANT-PROPOS
humaine
juges, mais on se dit que l'intelligence
Malgré
est encore bien ignorante. d'orgueil, qui
nous prennent à
la
bouffées
les
vue des progrès
incontestables de la science, nous ne pouvons
nous empêcher de sur l'origine
réfléchir
au peu que l'on
sait
ou métaphysique de tant
vraie
surprenants, dus à des forces simple-
d'elYets
ment nommées par impuissants à
comprendre.
nous, qui
les définir et
sommes
encore moins à les
pesanteur,
Chaleur,
à présent
gravitation,
lumière, électricité, magnétisme, force radiante,
Tout
force neurique, etc., etc.
mots qui nous aident à soulever
le
cela ce sont des
classifier
des
de leur naissance et surtout
voile
de leur essence. Qu'y faire ? Attendre, révélera peut-être secrets
;
— surtout
être indulgents, et les
pour
Isis
ses les
contemporains. Qui
ceux qui ont raison, ceux qui auront tort
dans l'avenir
?
—
Pour nous, historien sans
parti pris, nous laisserons et, s'ils le
le soin
ou
—
un jour quelques-uns de
gens du passé, et pour sait
sans
faits,
parti,
peuvent, à de plus savants que nous,
de trancher
tel fait
aux hommes de
la
question de savoir
si
tel
surpasse la nature créée, ou la nature
LA SORCELLERIE EN FRANCE
XXII
humaine
;
nous demanderons simplement au
lecteur de nous pardonner, qualifier de
surnaturel
tel
s'il
ou
nous arrive de tel
dont nous ne pourrons expliquer
phénomène la
cause,
et
cette histoire en sera pleine.
Th. de
CAUZONS.
DEUXIÈME PARTIE HISTOIRE ET CHATIMENT DE LA MAGIE JUSQU'AU XVP SIÈCLE
CHAPITRE PREMIER
La Magie dans
l'Antiquité
ARTICLE PREMIER
Les Magiciens dans
le
Judaïsme
I
Chez l'art
les
magie, c'est-à-dire,
anciens peuples, la
de correspondre avec des génies extraterrestres, ne fut pas traitée
appelés ordinairement démons,
partout de
même
la
manière.
des
démons malfaisants
des
hommes,
les
se
On
distinguait au reste
au
plaisant
cacodêmons, et
les
démons favo-
rables, espèces de divinités secondaires
théologie faisait entrer,
cadre
plus
ou
comme
elle
moins cohérent
malheur
que chaque
pouvait, dans
de
ses
le
systèmes.
LA SORCELLERIE EN FRANCE
2
c'étaient les agathodémons.
Le
culte de ces derniers,
plus ou moins analogue à celui de nos bons anges et de nos saints, prit souvent dans le polythéisme une
prépondérance
telle qu'il
ne laissa guère qu'une place
— et seulement dans gouvernementaux, — à l'adoration des dieux majeurs ces les rites officiels
théorique,
;
mêmes la
derniers étant eux
du
dire,
tures
menue monnaie, pour ainsi
seul vrai Dieu, éclipsé désormais,parses créa-
quand
divinisées,
forces naturelles les considérait
eux-mêmes,
;
par ses propres vertus,
comme
ainsi qu'il
religions
quand on
des êtres personnels,vivant par
semble être arrivé chez plu-
sieurs sectes néoplatoniciennes, et
ciennes
des
païens adoraient
les
même
dans
Chez
indo-européennes.
les
an-
elles,
les
dieux se distinguent mal de leurs symboles matériels,
mais n'en reçoivent pas moins attributs glorieux
les titres solennels et les
du Démiurge tout puissant
(1).
Quelle que soit l'opinion que l'on veuille adopter
sur l'origine des divinités païennes, sur leur caractère plus x)u
ou moins
local,
sur
la
conception
plus
moins complète que s'en faisaient leurs adora-
teurs, elles ne pouvaient en tous cas,
plusieurs,
(1)
—
être
V. par exemple
vrai Dieu.
le
:
A
quité, Paris, in-12, 1863.
En
—
puisque
face d'elles, la
Matjry, Croyances et légendes de Religion des Aryas, p. 21 seq.
La
l'anti'
LA MAGIE DANS L ANTIQUITE loi juive,
tout
entière empreinte
pur, considérant
cience,
culte
le
unique
la
nécessité
l'omnipotence,
l'omnis-
tra,
Dieu des nations
dès sa rédaction la
dieu
mais aussi par droit
du monde,
et
—
Yahveh,
de
national sans doute d'Israël, le seul
du monothéisme
comme fondamentale
de maintenir
d'établir et
3
—
ancienne,
plus
se
moyens em-
dans sa doctrine, inexorable dans
les
ployés pour réserver
du peuple
le culte total
mon-
inflexible
juif à
la Divinité protectrice, raison d'être de la nation.
Arrière les dieux des païens
!
loin d'Israël les génies
fallacieux et trompeurs des Gentils
par
main des hommes,
ni
Pas de dévo-
aux simulacres
tions, ni privées, ni publiques, la
!
créés
aux démons bons ou
mauvais, créatures imparfaites, indignes d'être mises sur
le
Les
même
rang que
magiciens
englobés dans cet les
ne
le
Créateur
pouvaient
à
tous
manquer
anathème général lancé
puissances susceptibles
Yahveh,
!
les
rites
de
porter
capables
d'être
à toutes
ombrage de
à
détruire
l'auréole de l'Arche et du Temple, surtout à tous les sacrificateurs autres
que ceux de Jérusalem.
Ils
étaient peut-être les prêtres de dieux vaincus avec leurs peuples, peut-être aussi les représentants divinités étrangères,
ou encore
les
de
conservateurs de
très vieilles traditions, d'usages antiques,
remontant
LA SORCELLERIE EN FRANCE
4
aux
origines
mêmes
de l'humanité et de
Peu importe. Leur doctrine recouvre
superstitions,
les
infâmes.
peuple
En
engendre
est nuisible,
parfois
pratiques
des
ne doivent pas subsister au sein du
Ils
élu.
juive,
la loi
fait,
sons,
la religion.
telle
que nous
montre rigoureuse pour eux.
se
la Il
connaisest assez
curieux de trouver dans les plus vieilles traditions
du peuple hébreu
les
magiciens rangés parmi ses
adversaires les plus acharnés. Ainsi, dans les chapitres
de ï Exode, qui nous racontent les efforts de Moïse
pour arracher au Pharaon l'autorisation d'emmener ses
compatriotes loin du Delta, et
dans ce but,
les
les
miracles opérés
magiciens d'Egypte nous apparaissent
faisant à leur tour des merveilles analogues, qui retien-
nent
le
verge
cœur du
dans l'endurcissement.
roi
d' Aaron, les leurs se
à l'exemple de Moïse, sang,
ils
ils
Comme
la
transforment en serpents
changent l'eau du
;
Nil en
couvrent l'Egypte de grenouilles. Moins
puissants toutefois que les sorciers futurs de l'Occident,
ils
se
reconnurent incapables de fabriquer des
moucherons,
ni d'arrêter les autres fléaux successi-
vement déchaînés
sur la terre de Misraïm, qui dut
enfin laisser s'éloigner ses hôtes involontaires, deve-
nus dangereux.
dans
le
On
cœur des
ne saurait affirmer qu'il resta
Juifs
une sorte de rancune contre
LA MAGIE DANS L ANTIQUITÉ imitateurs
les
5
enchanteurs Egyptiens.
des
plus probable que les prescriptions de la
pour but de ne lieu
pas
du peuple, des
est
eurent
au
s'introduire,
laisser
faiseurs
Il
loi
mi-
de faux miracles, bien
capables de détourner de l'obéissance des têtes trop portées encore à la rébellion.
En
tout cas,
ciens en Israël
Lévitique
ne veut pas de magi-
le législateur
Ne vous détournez
«
:
(XIX,
pour
31),
aller
ciens, et ne consultez pas les devins, de
souiller en
vous adressant à eux. Je
votre •Dieu
».
—
la vie
aux magiciens
ronome (XVIII, 10) ne consulte
peur de vous
suis le Seigneur
Avec une sécheresse romaine,
V Exode (XXII, 18) prononce pas
point, dit le
chercher des magi-
:
les devins,
».
:
«
— Plus
Vous ne
laisserez
explicite, le Deu/é-
Que personne parmi vous
).
les
Toujours
est-il
prophéties,
le
certain
que,
vérifiant
en sa
de Juda fut puni
roi
Babylone.
temps de. captivité à
Le châtiment ne dura cependant pas longtemps, et Manassès vint mourir dans sa capitale. Mais
Jéchonias
successeurs,
ses
sans retour, se
dont l'infortune devait être
comme
lui
déportés
nosor (596 av.
à
Zédéchias,
et
Nabuchodo-
Babylone par
un groupe assez
J.-C), avec
virent
consi-
dérable des Juifs les plus notables et les plus riches. Ils
trouvèrent en Assyrie des confréries de devins,
d'astrologues, de magiciens officiels, à la fois prêtres,
médecins et (II, 2)
sorciers,
nous présente
que
le livre
comme
biblique de
chargés,
d'expliquer, mais encore de retrouver
n'avaient
laissé
dans
la
mémoire
non seulement les
rêves, qui
du
souverain
qu'un souvenir confus. Assisté de Dieu, juif n'eut
pas de peine à
faire
Daniel
le
mieux que
prophète les
devins
commenta au
roi la
rovaux habituels,
il
révéla et
fameuse vision de
la
statue à la tête d'or, à la poi-
LA SORCELLERIE EN FRANCE
12
au ventre
trine d'argent,
des devins il
Du
coup,
(Daniel, IV, 6
seq.).
aux pieds
fer,
d'airain,
d'argile.
aux jambes de
nommé
fut
il
En
chef
cette qualité,
expliqua à Nabuchodonosor la vision qu'il avait
eue d'un grand arbre dont
la tête atteignait le ciel,
lorsqu'une voix s'écria tout à coup de couper l'arbre,
mais d'en de
laisser les racines, afin qu'il soit mouillé
la rosée
du
paisse avec les bêtes sau-
ciel et qu'il
vages jusqu'à ce que sept temps soient passés sur lui
;
annonce de
célèbre transformation
la
du
roi
en bête. Plus tard, retiré ou disgracié, Daniel est cepen-
dant rappelé par
nouveau
le
roi
Balthazar, que
trouble la vue des caractères mystérieux tracés,
une main sans corps salle
murs de
sur les
du banquet donné aux grands de
mages,
les
explique
même
de
lui.
la
sa cour. Les
au Mané, Thécel, Phares, que Daniel la
catastrophe
prochaine
«
:
Dans
nuit, Balthazar, roi chaldéen, fut tué.
Mède
par
Chaldéens, les augures consultés n'ont
rien compris
le
visible,
succéda dans
En
soixante-deux ans
».
lapidaire, l'auteur
du
volution qui mit
fin
Nous n'avons pas ces incidents
la
royauté;
il
la
Darius
avait alors
ces termes d'une précision
livre
de Daniel résume
la ré-
à l'empire d'Assyrie. à entrer dans la
discussion de
connus de tous. Ce qui nous intéresse,
LA MAGIE DANS c'est
de trouver
l' ANTIQUITÉ
en contact avec
les Juifs exilés
même une
devins de Chaldée, leur faisant
D'après
l'histoire
rence
victorieuse.
qu'elle
nous est présentée par
que
n'est pas probable
les Juifs aient
leur
d'emporter avec eux
les
concur-
juive,
les livres
leur fut permis de revenir dans ni le besoin
13
telle
sacrés,
il
quand
il
eu,
patrie, l'idée
les secrets de la
magie chaldéenne, car leur prophète s'était
montré
supérieur aux Chaldéens,
les
vins nationaux
d'autre part,
et,
trouvaient plus
se
de-
que jamais en
mauvaise posture par suite des événements
politi-
ques accomplis.
Un
texte du prophète Jérémie
(XXVII,
anté-
9),
nous montre en
rieur à la chute de Zédéchias,
efTet
des devins en apparence indigènes, constituant
une
sorte de confrérie, opposée à celle des prophètes véritables, les
par leurs tendances politiques. Tandis que
prophètes, connaissant la puissance du souverain
de Babylone,
et
appréhendant des désastres pour énergiquement dams
leur pays, se prononçaient
le
sens de la loyauté et de la soumission envers l'Assyrie,
devins et
les
partisans
de
nous lisons
l'alliance
dans
royaume qui ne nosor,
roi
les
se
magiciens se déclaraient
avec l'Egypte.
Jérémie
:
«
que
Voici
Le peuple
et
le
soumettra pas à Nabuchodo-
de Babylone,
et
tout
homme
qui
ne
LA SORCELLERIE EN FRANCE
14
baissera pas le
cou sous
bylone, je les visiterai par
consumés par
pas vos prophètes, ni
sa main.
phétisent
le
roi
par
de Ba-
la
famine,
Vous donc, n'écoutez
les devins, les rêveurs, les
vous disent
gures, les magiciens qui
pas assujettis au
l'épée,
roi
Seigneur, jusqu'à ce que je
et par la peste, dit le les aie
joug du
le
Vous ne
:
de Babylone, car
ils
se
fait,
serez
vous pro-
mensonge, pour vous envoyer loin de
votre pays, vous en chasser et vous faire périr
En
au-
».
—
ces faux devins eurent tort, car l'événement
prononça contre eux.
et suivirent les exilés à
ne se découragèrent pas
Ils
Babylone, où
ils
entretinrent
parmi eux un certain état d'agitation, que Jérémie crut encore devoir combattre. Resté en Palestine, il
envoya aux déportés
le conseil
pour longtemps dans leur
de s'établir
comme
lieu d'exil, d'y construire
des maisons, de s'y marier,
car voici ce que dit le
«
Seigneur des armées, Dieu d'Israël
:
Que vos
pro-
phètes, qui sont au milieu de vous et vos devins ne
vous séduisent pas
;
et
ne faites pas attention aux
rêves que vous faites, parce qu'ils vous prophétisent faussement en voyés, dit
De
ces
l'antique
le
Seigneur
textes loi
mon nom,
et je
ne
les ai
pas en-
>>.
divers,
il
de mort contre
semble les
ressortir
que
devins n'avait pas
été toujours exécutée à la lettre. Mais
on comprend
LA MAGIE DANS
que
le parti
rebâtit le
L' ANTIQUITÉ
15
patriote qui, après le retour de
Temple
l'exil,
et tenta de reconstituer fortement
la nationalité juive,
en ravivant son sens religieux
monothéiste, dut combattre l'influence des devins,
prophètes malheureux, prêtres de faux dieux, dont les
conseils
avaient
si
mal
réussi
risquaient
et
d'entretenir une rivalité nuisible à la centralisation religieuse
vons
et politique
naturelles
les
du peuple. Aussi nous trou-
menaces lancées
sacerdotal de Malachie (III, 6)
promptement, ciers, les
je
serai juge et
:
dans
l'écrit
Alors je viendrai
«
témoin contre
adultères et les parjures.... dit
le
sor-
les
Seigneur
».
Passa-t-on officiellement des menaces aux actes et
y eut-il, pendant bées, puis
le
temps d'indépendance des Maccha-
au cours de la période de
la tolérance reli-
gieuse romaine, des exécutions de sorcières en Palestine, la
chose n'est pas très sûre.
que, lorsque
Simon ben Schetach
Sanhédrin (70 av. J.-C),
il
se
On
raconte bien
était président
montra
fort
relativement à l'accomplissement de la sous sa direction,
le conseil
femmes, accusées de calon
(1)
1905,
;
rigoureux
loi
et
que,
condamna quatre-vingts
sorcellerie, à être crucifiées à
As-
mais ce récit semble ou fabuleux ou exagéré
(1).
H. CiRAETZ, Geschichle dcr Juden, S*"^ t.
du
III, p. 145.
^dit.
Leipzig
LA SORCELLERIE EN FRANCE
16
IV
Nous savons, en tout cas, que les magiciens n'avaient pas disparu au temps du Christ, puisque Simon
magicien éblouissait alors de ses prestiges tants de Samarie (Ad. VIII,
9).
Elymas Barjésu, accompagnait Paulus et devint aveugle à (Act.
XIII, 6
seq.).
Un le
les
le
habi-
autre magicien,
proconsul Sergius
la prière
de saint Paul
Ces pseudo-prophètes,
comme
appelle l'auteur des Actes des Apôtres, ne ris-
les
quaient pas grand chose à cette époque, sauf la
vengeance des démons ou des démoniaques eux-
mêmes, comme juif. lui,
Ils
il
aux sept
arriva
fils
d'un prêtre
cherchaient à imiter saint Paul
à chasser les
démons
;
et,
comme
or ces derniers finirent par
s'impatienter et par rouer de coups deux de leurs exorcistes. Sur quoi, d'après l'auteur des Actes des
Apôtres (XIX, 16-19), la crainte saisit les habitants
d'Ephèse, et bien des gens apportèrent leurs livres
de magie.
On
en brûla pour cinquante mille pièces
d'argent. Ces accidents Il
désagréables étaient rares.
semble même, d'après un curieux récit de Josèphe
(Antiqui. Judai.
1.
8, c. 2),
qu'une certaine considé-
ration s'attachait à ceux qui se servaient de la
ma-
LA MAGIE DANS
pour
gie
vieil historien
17
Nous trouvons, dans
cure des maladies.
la
passage du
ce
L' ANTIQUITÉ
des Juifs, la première
mention des légendes, venues jusqu'à nous,
attri-
buant à Salomon l'invention de divers enchantements et leur le
emploi dans
narrateur
de guérir. Si nous en croyons
Dieu donna à Salomon
(1),
vertu de chasser ([u'ils
l'art
démons
les
l'art et la
et de guérir les
maux
aux hommes. Ce prince composa des
font
charmes contre
les
maladies et des formules pour
chasser les mauvais esprits, en sorte qu'ils ne reve-
naient plus dans les corps qu'ils possédaient.
«
Et-
«
cette manière de guérir, ajoute Josèphe,est d'un
«
grand usage encore aujourd'hui parmi nous
«
j'ai
«
de Vespasien et de ses
«
d'officiers et
«
Et
vu un
voici
Juif,
nommé
Eléazar, qui, en présence
fils,
et d'une grande troupe
de soldats, guérit plusieurs possédés.
comment
cette cure
faisait
il
:
Eléazar
narine du possédé un anneau, dans
«
mettait sous
la
a
lequel
enchâs-sée
«
Salomon.
(^
de ce prince, et
était
car
;
En même
une racine enseignée par
temps,
il
prononçait
les paroles qu'il
démoniaque tombait par
le
nom
avait ordonnées
terre et le
;
démon ne
«
le
«
rentrait plus dans son corps. Et, pour preuve d»
(1)
Extrait de la Sainte Bible en latin et en français, 25
in-S, Paris, 1821,
t.
XII
p. 80-
yol.
LA SORCELLERIE EN FRANCE
18 «
la vérité et
de
de son
la force
art, le
même Juif
mettre un bassin plein d'eau à quelque
«
faisait
«
distance du malade,
et
((
de
de renverser ce vase
sortir,
il
lui disait
«
voyait en
«
verser, et en
La
commandant au démon
avec étonnement,
efîet,
même temps
possession
le
ainsi d'assez
vée aux Juifs. Dès
les
tienne, les
fils
vase se ren-
divers
attribués
bonne heure
premiers siècles de
».
à
réser-
l'ère chré-
de Juda semblent efîectivement avoir
fourni au personnel de la magie dérable.
On
de
tradition
la
on
et
démoniaque guéri
des grimoires
Salomon apparaît
le
;
les
considérait
un appoint
comme Dans
magique.
consi-
les dépositaires
les
nombreux
papyrus magiques qui nous restent de cette période, trouve
se
il
bon
nombre de
textes
fortement
imprégnés de judaïsme, tantôt pur, tantôt mêlé à des
rites
livre
d'origine
d'autres écrits de
noms
diiïérente.
de Moïse, pendant
On
connaissait
du Sceau de Salomon,
même
genre,
divers de Dieu, ceux
dans lesquels
un et les
d'Adam, de Moïse, des
patriarches, sont réputés jouir de propriétés magi-
ques merveilleuses.
Ce fut sans doute à
la
connaissance de ces gri-
moires leur donnant une influence sur sible,
non moins qu'à leur science
enfants
d'Israël
durent
leur
le
monde
réelle,
célébrité
invi-
que
les
médiévale
LA MAGIE DANS
L' ANTIQUITÉ
19
Savants
médecins, d'alchimistes, d'astrologues.
(le
dans tous
souvent initiateurs des
les arts occultes,
chrétiens dans les mystères de la magie, nous les
rencontrerons plus d'une fois sur notre roule, parta-
geant
que
les vicissitudes des autres sorciers
;
les sorciers ordinaires, ils seront l'objet
mais, plus
de
l'elïroi,
des colères et des vengeances des peuples, car, à leur caractère diabolique, la
marque du
ils
garderont jointe, ineffaçable,
déicide.
DEUXIEME
ARTICLE
La magie dans
la législation
de
la
Grèce ancienne
I
Les Grecs,' amis du merveilleux, mystères, peu
difficiles
crédules
aux
sur l'origine et les fonctions
de leurs divinités, ne pouvaient être tentés de punir l'invocation autres.
Par
de démons quelconques, indigènes ou conséquent,
le
crime
de
magie, en
tant qu'apostasie du vrai Dieu, adoration du diable, resta
complètement étranger à
théologiques ou sociales. livre des Lois
(1.
Quand
X) vient
leurs
conceptions
Platon, dans son
à traiter de la question
LA SORCELLERIE EN FRANCE
20 religieuse, les
est,
il
à son ordinaire, assez sévère contre
contrevenants imaginaires du droit
conçoit, et
qu'il le
parle à plusieurs reprises des sorciers,
il
devins, enchanteurs.
Aucune analyse ne vaudra
simple traduction de ce que dit
trouve des
se
tel
hommes
le
qui
la
grand philosophe
:
ne reconnaissent
«
Il
«
point de dieux, mais qui, ayant d'ailleurs un carac-
«
tère naturellement
«
pour
K
de
«
les
l'injustice,
actions
ami de
méchants
«
hommes Il
ont de
haine
la
sont incapables de se porter à des la
compagnie
des
pervers, et s'attachent
aux gens de
bien.
fuient
criminelles,
«
l'équité,
par une certaine horreur
et,
en est d'autres qui, à
la
persuasion
que tout
«
est entièrement vide de dieux,
«
puissance à modérer les passions qui les portent
«
au
«
moire excellente et une grande pénétration d'esprit.
«
Leur maladie commune
«
dieux
«
à la société que les seconds.
«
miers parleront des dieux avec beaucoup de licence,
«
aussi bien
que des
«
comme
raillent la
«
raient peut-être se faire des disciples
«
arrêtés
«
étant dans
plaisir
;
ou
mais
ils
les
les
joignent une im-
éloignent de la douleur, une
est de
ne point croire aux
premiers sont bien moins nuisibles
A
sacrifices et
la vérité,
piété des autres,
mêmes sentiments,
les
des serments
par aucun châtiment. Mais les
mé-
et
ils
pre-
;
et
pour-
s'ils
n'étaient
les
seconds,
ayant d'ailleurs
LA MAGIE DANS L'ANTIQUITÉ
21
«
beaucoup
«
pour séduire. C'est d'eux que sortent
«
et tous les faiseurs de prestiges
«
les tyrans, les orateurs, les
«
qui tendent des embûches à la crédulité publique
«
par des cérémonies secrètes, et
emploient
d'esprit,
ruse et l'artifice
la
;
les
devins
quelquefois aussi
généraux d'armée, ceux
les sophistes
«
leurs raisonnements captieux
«
cette seconde classe d'impies sont sans
«
Deux
;
avec
car les espèces de
nombre.
contre les uns et les autres. Le
lois suffiront
«
crime des derniers, qui feignent une religion qu'ils
«
n'ont pas, mérite non seulement une, mais plu-
«
sieurs morts.
«
ployer la réprimande et la prison
Pour
premiers,
les
il
(1)
d'em-
suffit ».
Platon n'était doux ni aux farceurs, ni aux prestidigitateurs,
dans
le
même
ni
aux
sophistes.
livre des Lois,
il
Un peu
plus loin,
interdit l'érection de
chapelles secrètes et d'autels particuliers, sous pré-
texte qu'il faut des lumières supérieures pour ériger
des autels aux dieux.
qui sont de tous
les
Il
ajoute les paroles suivantes
temps
:
«
C'est
une chose
ordi-
à ceux qui
aux femmes surtout, aux malades,
«
naire
«
courent quelque danger, qui sont dans quelque
«
constance critique, ou, au contraire, à qui
(1)
Œuvres complètes de Platon, publiées sous
E. Saisset. Paris, 10
vol. in-16,
Les Lois,
t.
il
cir-
est sur-
la direction
Il, p.
238 seq.
de
LA SORCELLERIE EN FRANCE
22 «
venu quelque bonne fortune, de consacrer tout
((
qui se présente à eux, de faire
«
fices,
d'ériger des chapelles
vœu
ce
d'ofïrir des sacri-
aux dieux, aux
génies,
même des per-
«
aux enfants des dieux.
«
sonnes efïrayées de jour ou de nuit par des spectres,
«
et
«
eues en songe, croient remédier à tout cela en
«
géant des chapelles et des autels, dont
ce
«
Il
en est de
se rappelant diverses visions
qui,
qu'elles ont éri-
rem-
elles
plissent toutes les maisons, tous les bourgs, tous les
lieux en
un mot,
qu'ils soient purifiés
infracteurs de cette tres crimes
ou non
».
Aux
non réputés coupables d'au-
loi,
ou impiétés, on imposera une amende
jusqu'à ce qu'ils aient transporté leur autel secret
dans un temple public de premier ordre,
Quand
il
ils
;
s'ils
seraient frappés de mort.
en vient aux maléfices, Platon, toujours
conséquent avec lui-même,
y
a,
étaient notés de crimes
dit-il,
parmi
les
se
montre encore sévère
Il
«
maléfices, dont la distinction
nous cause quelque
«
embarras. L'une est
«
ser nettement, lorsqu'on nuit
«
naturelle de certains autres corps. L'autre,au
«
de
celle
certains prestiges,
:
hommes, deux espèces de
«
que nous venons d'expoau corps par
d'enchantements
la
et
vertu
moyen de ce
«
qu'on appelle ligatures, persuade à ceux qui entre-
ce
prennent de
«
leur en faire par là
faire
du mal aux autres, ;
et à ceux-ci,
qu'ils
peuvent
que ces sortes
LA MAGIE DANS l'aNTIQUITÉ
23
«
d'enchanteurs peuvent leur nuire et leur nuisent
«
effectivement.
Il
est bien difficile de savoir
au juste
et,quand on
ce qu'il
y a de vrai en tout
«
rait,
n'en serait pas plus aisé de convaincre les
«
autres.
('
il
Il
même
est
cela
;
sau-
le
inutile d'entreprendre de prou-
«
ver à de certains esprits fortement prévenus contre
«
ces sortes de choses, qu'ils ne doivent point s'in-
«
quiétcr
«
mises à leur porte, ou dans
«
tombeau de
«
mépriser, parce qu'ils n'ont aucun principe certain
«
sur la vertu des maléfices.
«
chant les maléfices, nous prions d'abord, nous exhor-
«
tons et nous conseillons ceux qui auraient dessein
«
d'employer l'une
«
n'en rien faire, de ne point causer de vaines frayeurs
«
aux autres hommes, comme
«
point contraindre
«
quer des remèdes à de pareilles frayeurs
«
qu'en premier
«
taines drogues dans la
«
«
des
de cire qu'on aurait
petites figures
et de leur dire de les
leurs ancêtres,
Distinguant donc en deux branches
peut savoir
«
corps,
s'il
«
second
lieu,
«
tements,
et l'autre espèce
le
lieu, celui
n'est versé
s'il
tou-
la loi
de maléfices, de
à des enfants, et
de ne
législateur et les juges d'appli-
qui
:
parce
met en usage de
vue de nuire à
l'effet qu'elles
il
ou sur le
les carrefours,
cer-
d'autres, ne
doivent produire sur
dans
la
médecine
;
et
les
qu'en
ne peut connaître la vertu des enchann'est exercé
dans la divination ou dans
LA SORCELLERIE EN FRANCE
24 ipZissima collectio, historiens, t. X, p. 277.
t.
V,
col.
(1)
».
Salmuriensis, dans
Mar-
1107, et dans le Recueil des
LA MAGIE SOUS LES PREMIERS CAPÉTIENS
En
1208, Robert, duc de Normandie, fait arracher
yeux des seigneurs normands
les
est vrai
Il
159
que son
ligués contre lui (1).
conseiller, qui avait déjà à plu-
un
sieurs reprises découvert et battu les révoltés,
certain Breton,
au diable
nommé Ermenold,
et prenait
dans toutes ses entreprises
conseil de l'esprit malin.
de Guillaume
terre
— Dans
le
Conquérant,
le
le
cours des disputes
en Angle-
préparèrent l'expédition
intestines, qui
consacré
s'était
le
roi
Alfred,
accusé de trop aimer les Normands, est enlevé par les
nobles,
on
lui
arrache les yeux avec tant de
cruauté qu'il en meurt, et
sont décapités
les conjurés,
Au
Nord,
les
comme au
ou moins semblables
:
dans les
la ville
par
(2).
tantôt ce sont les seigneurs
qui se révèlent intraitables,
de glaner, çà et
saisis
Midi, ce sont des scènes plus
qui se laisse entraîner par fise
Normands,
là,
tantôt c'est la foule
la colère. Qu'il
quelques épisodes.
nous suf-
En 1100,
de Poitiers, une assemblée tenue par
cardinaux Jean et Benoît, qui étaient chargés
de prononcer l'excommunication de Philippe eut à subir des violences graves.
I®r,
La sentence rendue.
(1) Chronique de Verdun par Hugues de FLA^^G^"Y, dans le Recueil des historiens, t. XI, p. 143. (2) Henri b'Huntindon dans le Recueil des historiens de la Gaule, t. XI, p. 207.
LA SORCELLERIE EN FRANCE
160
on commençait
les prières
habituelles pour la clô-
ture du concile, lorsqu'un laïque, du haut des
bunes, jeta une pierre énorme sur furent pas atteints, d'eux,
reçut
Ils
ne
mais un prêtre, placé à côté
coup
le
les légats.
tri-
et
tomba tout ensanglanté.
Aussitôt, une' foule hostile, entrant de force dans l'église, assaille les
pierres.
évêques
Quelques-uns
intrépides, attendent
la
abbés à coups de
et les
s'enfuient
déconcerta leurs ennemis et
qui
commettre
les
d'autres,
;
derniers crimes
qui,
partisan
de
(1).
— Vers
même nommé
la
clerc,
réforme imposée
la
par Grégoire VII, prêchait contre cateurs et simoniaques, fut brûlé
empêcha de
les
époque, à Cambrai, un malheureux
Ramihrdus,
plus
mort avec calme, attitude
les prêtres fornivif,
comme
héré-
tique, par la populace (2).
Cette ville de Cambrai, qui rejetait les réformes ecclésiastiques, voulait tés
au contraire obtenir
les liber-
communales. En l'absence de l'évêque, Gérard
II,
les bourgeois s'entendent, mais consentent à désar-
mer, pendant seigneur,
(1
)
les
bientôt de retour.
Les soldats
Hugues de Flavigny, dans
les
atta-
la Chronique de Verdun XIII. p. 626. Baudry, Chronique d'Amis et de Cambrai, dans Frédé-
Recueil des historiens, (2)
négociations avec leur prélat et
;
t.
EICQ, Corpus Inquisitionis neerlandicae,
t.
I,
n. 7.
LA MAGIE SOUS LES PREMIERS CAPÉTIENS
quent pourtant à l'improviste, les places,
dans
traités sont
les rues,
ceux
marqué d'un
(11 12), le
les églises
les
;
même
après avoir confirmé
yeux ou dont
les
fer rouge.
terribles qu'occasionna,
Laon
massacrent dans
mieux
qui l'on coupe les pieds et les
à
mains, à qui l'on crève est
dans
les
161
— On connaît
dans
front
le
incidents
les
turbulente ville de
la
Le
désir de liberté.
Louis VI,
roi
charte accordée par l'évê-
la
que, retira son engagement en présence d'un don
important du prélat
sauva
se
et
tournèrent au tragique
;
mais
les
choses
L'impudence de
(1).
que, qui voulait prélever sur la
commune
destiné à ceux qui la trahissaient, mit
le
l'évê-
l'argent
comble à
la colère des bourgeois. L'n complot se prépare
dans
l'ombre, les boutiques se ferment, et quelques cris isolés
de
Commune
!
Commune
!
se font entendre...
Le lendemain même, des bandes de bourgeois
més
ar-
d'épées, de haches, d'arcs, de cognées, se ruent
sur le palais épiscopal, massacrent ceux qui le défen-
dent
et
blotti
cherchent partout l'évêque, qu'ils trouvent
dans un tonneau. Lin
cervelle d'un
coup de hache
os des jambes et
Puis
(1)
le
le
fait
sauter la
d'autres lui brisent les
transpercent de mille coups.
tumulte s'étend
La VISSE,
;
serf lui
;
on
se jette sur les hôtels
Histoire de France, Paris, 1901,
t.
II, 2. p. 351.
LA SORCELLERIE EN FRANCE
162
des clercs et des nobles, qui n'échappent à la mort
qu'en se déguisant et prenant la geoises, aussi ardentes
fuite.
Les bour-
que leurs maris, insultaient,
frappaient à coups de poings, dépouillaient
de leurs riches vêtements avaient eu
le
même
dames nobles qui
les
malheur de tomber entre leurs mains.
L'incendie succède au pillage et la cathédrale
même
prend feu
elle-
La vengeance, bientôt apportée
y,
par l'armée royale, vint faire expier ces horreurs
dans
le
sang des révoltés.
Ces fureurs insensées des foules, suivies de répressions sanglantes,
cent ans et plus de révolutions
nous ont appris à
les
connaître
;
nous ne pouvons
donc pas reprocher trop vivement à nos aïeux de n'avoir pas eu plus de sens rassis et d'avoir été aussi
névrosés que nous. Pourtant,
il
nous semble
apercevoir, dans leurs cruautés, divers raffinements
supérieurs peut-être ils
se
aux
nôtres, et cela,
proposent de conserver l'ordre.
entre beaucoup d'autres.
Hapkin ou
la
Flandre (1111)
Hache qu'il
(1)
«
A
peine Baudouin VII
est-il
convoque
couronné comte de
les seigneurs
à Arras, leur fait prêter, une fois de
ques des
(1)
saints, le
La VISSE,
même quand Un exemple
flamands
plus, sur les reli-
serment de respecter l'ordre, et
Histoire de France,
t. II,
2 p. 286.
LA MAGIE SOUS LES PREMIERS CAPÉTIENS
163
édicté les peines les plus rigoureuses contre les per-
turbateurs de la
Pour
la paix.
peine du talion. Pour
domicile,
ou
l'incendie
peine de mort. Si
les
la
coups
violation nocturne de
menace d'incendie,
la
coupable allègue
le
et blessures,
le
time défense, qu'il prouve son dire par
la
cas de légile duel,
par
l'épreuve de l'eau ou celle du fer rouge. Les officiers
du comte,
qui
d'une amende,
ont commis des la
délits
punissables
paieront double. Législation assez
dure pour une noblesse habituée à ne tenir aucun
compte de
Baudouin
la vie et
personne qui
de paix
que
sait
très
de
la
propriété des autres
ne sont rien,
les lois
ait l'énergie
de
s'il
les appliquer.
Un
château de Wynendale. Une lui
qu'un chevalier
douin
lui ait
un noble
la
il
il
le
vieille
femme
se plaint
coupable.
:
Bau-
On réclame
comte de ne pas appliquer à
peine légale des yeux crevés ou celle de
la pendaison. cier, et
:
dans la prison de son
volé deux vaches
fait aussitôt arrêter le
sa grâce, on supplie le
et sa
noble a détroussé
des marchands qui se rendaient à une foire fait pendre,lui et ses complices,
Mais
Ce juge
rude exécute lui-même ses arrêts,
justice est des plus sommaires.
à
!
ne trouve
«
Xi l'une
le fait jeter
ni l'autre
tout
»,
répond
le justi-
armé dans une chaudière
d'eau bouillante, préparée pour
les
faux-monnayeurs».
L'Eglise, riche en biens, désireuse de les garder,
LA SORCELLERIE EN FRAHCE
164
malhabile cependant à
défendre par
les
armes
les
matérielles, excitant ainsi les cupidités, tandis ses efforts
pour maintenir
la
que
morale à un certain
niveau, que les passions du temps détestaient autant
que
celles
du
victime de des
ne pouvait manquer d'être
nôtre,
barbarie capricieuse des peuples ou
la
seigneurs,
si
circonstances
les
prêtaient.
s'y
Nous en trouvons bon nombre de
cas
Qu'il nous suffise d'en citer quelques-uns
vers la
fin
du
partout.
du Midi
au moment où les diverses
xii*? siècle,
hérésies dont l'ensemble allait former l'AIbigéisme,
ont détaché du bercail catholique une partie notable
de son troupeau. Nous voyons Roger
Trencavel,
II
vicomte de Béziers, saccager l'abbaye de St-Pons de Tomières (1171).
En
1197,
les
moines d'Alet,
ayant élu un abbé désagréable au tuteur du nou-
veau comte de Béziers,
le
tuteur mécontent
l'abbaye à feu et à sang, et incarcère
l'élu.
met Puis,
par une fantaisie macabre,
il
de l'abbé défunt dans
chaire abbatiale, jusqu'à
ce
qu'il
ait
créature à
A
arraché
la
fait installer le
aux moines
l'élection
d'une
lui (1).
Pamiers,
les
gens du comte de Foix,
Raymond-
— Vaissette,
(1 XjUCHaire, Innocent III, La Croisade p. 25 ; Histoire du Languedoc, édit. Privât, t. VI. p. 158. )
cadavre
L\ :magie sous les premiers capétiens
165
Roger, coupent en morceaux un des chanoines de l'abbaye de St-Antonin, autre frère de la
crèvent
et
même
les
yeux
à
un
maison. Le comte arrive
bientôt après, avec ses chevaliers, ses bouffons, ses courtisanes. l'église
où
Il
enferme l'abbé
les laisse trois jours à
il
ensuite, presque ville (1).
fait
nus,
du
jeun
territoire
— Les bourgeois des
meilleurs,
et ses religieux
villes
;
il
les
dans
expulse
de leur propre
ne se montrent pas
quand une circonstance quelconque
sortir
de leur relative placidité.
En
les
1167, les
habitants de Béziers, furieux de ne pouvoir obtenir justice
pour un bourgeois fustigé par un seigneur,
assassinent leur vicomte, se jettent sur leur évêque et lui cassent les dents (2).
de Mende mettent
le
— En
1194, les bourgeois
leur à la porte.
— En
1195, les
gens de Capestang sont excommuniés, pour avoir jeté
en prison et rançonné l'évêque
Lodève. Trois ans après,
Raymond
de
bourgeois de cette der-
les
nière ville pillaient le palais épiscopal et forçaient
leur
nouveau
donner des
(1) t.
couteau sur
Pierre de Vaux Cerxai,
XIX, (2)
prélat, le
la gorge, à leur
libertés.
46
c.
;
Recueil des historiens,
p. 42.
Pierre de Vaux Cerxai,
c.
Histoire de Vltiquisiiion en France,
15 t.
;
p. 20.
— V. De Cauzoxs
III, c. 3. art. 2.
§
8, 9.
166
SORCELLERIE EN FRANCE
LA.
III
Rois, évêqu
peuples, tous étaient, à tour de rôle,
es,
victimes de l'excitation nerveuse d'une époque peu
que
les sorciers
durent en pâtir,
gement de dynastie, loin de
On
dans ses supplices.
délicate
là.
car,
penser
bien
doit
malgré
le
chan-
leur race détestée n'a pas disparu,
Sans doute,
les
documents
les
concernant
sont assez rares dans les deux siècles dont nous parlons,
mais
ils
suffisent à
prouver leur existence
l'importance qui s'attache à leur art néfaste.
et
Nous
savons que l'impératrice Gisèle, veuve de l'empereur Conrad, croyait aux devins
noncé parfois des événements
;
ils lui
réalisés
avaient an-
dans
la suite.
Aussi, confiante dans leurs prédictions, elle espérait
survivre au roi Henri son dyssenterie
son époux
la
fils,
mais une violente
détrompa en l'envoyant rejoindre
(Herman le Contract,
L'envoûtement
an. 1043).
se pratique toujours.
L'évêque de
Trêves,Evrard,en fut victime (1066). Plusieurs firent
une statuette de
du nom du
prélat.
cire
Les conjurés l'allumèrent, tandis
que l'évêque célébrait à son ordinaire solennels
sorciers,
qu'un clerc infidèle baptisa
du samedi. Et
voici
les
qu'Evrard
baptêmes
se sent
mal
167
LA MAGIE sors LES PREMIERS CAPÉTIENS auprès des Fonts
sacrés,
et
revêtu
encore
de
il
expire
caux
la
statuette
ses
éteinte,
habits
pontifi-
(1).
On
connaît
les
poudres enchantées. La comtesse
de Flandre, Richilde, s'en sert pour procurer à
toire
troupes. Cependant
ses
elle
insuccès.
Dans un combat contre Robert de
elle jette
en
lège,
effet sur ses
adversaires la poudre sacri-
sur
sortilège
le
promptement
la
magicienne, qui
dans
Réelle
l'Eucharistie,
Sur ce Bérenger, dont
damnèrent
donc, le
les
personne,
il
il
est
erreurs,
était
;
Présence
papes con-
mais ne nialtraitèrent pas
courut des légendes amusantes, bien «
Dès
sa
jeunesse
devenu un puissant nécromancien
diable l'avait transporté de Tours à
une nuit
la
un nécromancien.
les conciles et les
mentalité de l'époque.
la
dut
capituler (1072).
Bérenger l'hérésiarque, qui ose discuter
dans
Frise,
mais Dieu permet au vent de tourner et de
renvoyer
la
la vic-
éprouve des
un jeune
seigneurs ses amis,
clerc,
Rome
(2)
;
dans
son disciple, protégé de
ayant, en l'absence du maître.
Gesta Pontificum Trevirensium; Recueil des historienSf p. 194. (2) Nous traduisons un passage d'AuBBY ou Alberic, moine des Trois Fontaines, près de Châlons-sur-Marne (après 1245). auteur d'une clu-onique assez précieuse po\ir les événements de temps. Recueil des historiens de la France, t. XI, p. 354 (1)
t.
XI,
on
168
LA.
SORCELLERIE EN FRANCE
osé jeter un coup d'œil dans ses livres de nécro-
mancie, fut tué par
le
diable
;
même démon, con-
le
traint par Bérenger, dut en pénitence entrer dans
cadavre
le
;
pendant quelque temps,
le
il
au chœur et y chanta, jusqu'à ce qu'un
ici et là, alla
nécromancien, plus fort encore, découvrit et
fit
promena
la
fraude
savoir que l'enfant vivant, en apparence, était
mort, ce qui était vrai. Sur cette découverte, Bérenger
faillit
chanta
le
être tué,
mais
il
s'enfuit
dans
Juste Judex d'une voix lamentable et
par se trouver quitte
Il
son
Etienne,
aux malé-
en est ainsi de Bernard, duc de Gascogne,
victime des femmes, dont
usé
y
finit
».
Plusieurs princes succombent, dit-on, fices.
l'église,
corps qui
(1013).
les arts
magiques avaient
L'archevêque
meurt empoisonné
et
de
Bourges,
fou (1173),- ne
peut aussi qu'avoir été victime d'un sortilège Les sorciers existaient donc,
morte sous
les
la
(1).
magie n'était pas
premiers Capétiens. Toutefois, bien
peu d'auteurs en parlent,
les
conciles se taisent à
son sujet. Tout au plus, peut-on trouver quelques
mots
la
concernant dans deux conciles de Londres^
en 1075 et en 1125.
(1)
1193;
Il
semble que
GrUiLLAUME GrODEAU, moiiic de
— Recueil
des historiens,
t.
les autorités ecclé-
S. Martial,
XIII,
p. 677.
Chronique, an.
LA MAGIE SOUS LES PREMIERS CAPÉTIENS siastiques d'alors la considéraient
169
comme une
su-
un temps qui en
perstition sans importance, dans
avait bien d'autres. Cette manière de voir lui entout danger.
levait
pseudo-magiciens
les
ritées leurs méfaits,
Elle épargnait également
aux
peines sévères, qu'eussent
mé-
eussent été
s'ils
réels.
Le nombre connu de pénitences ou de infligés
aux
siècles
dont nous parlons
chroniqueur maléfices
Comme
sorciers est, en effet, infime
(1), à
On
ici.
Angoulême, une dépérir
faisaient
dans
les
deux
découvrit, dit
un
dont
les
sorcière,
comte
le
supplices
Guillaume.
d'avouer son crime, on l'obligea
elle refusait
de confier son sort au jugement de Dieu dans un
La
duel.
sorcière
comte, un autre, la
et,
donc un
choisit
dans
la lutte, le
champion
;
le
représentant de
femme, enchanté par des magiciens puissants, fut
vaincu.
On
l'emporta chez
lui
le
comte ne voulut pas urger
et
fit
fils,
grâce de
devenu
le
la vie
à
le droit
à la sorcière.
maître,
fit
demi-mort
En
de
;
mais
la victoire
revanche, son
brûler plusieurs femmes,
accusées également de maléfices (1028).
On
racontait ailleurs que l'archevêque
Poppo de
Trêves était tombé amoureux d'une religieuse, par
(1)
Adhemar dk Chabannes
;
Recueil des historiens,
p. 163. 13
t.
X,
170
L.V
SORCELLERIE EX FRANCE
moyen d'une
le
paire
pantoufles
de
L'archevêque ayant prêté
ensorcelées.
chaussures à un
les dites
de ses ecclésiastiques, celui-ci éprouva à son tour les
mêmes
désirs charnels, signe évident d'un sorti-
La
lège (1030).
religieuse fut, en
de son couvent, et peu après,
le
punition, chassée
couvent lui-même
transformé en monastère d'hommes. et quelques
là,
années plus tard,
loin de
la ville,
sorcière accusée de rendre les gens fous (1074).
Et
c'est
tout ce que nous ont laissé les chroni-
comme exemples
ques, les
le
Non
peuple de Co-
du haut des murs de
logne, révolté, jetait,
une
(1)
de sorciers suppliciés, pendant
deux cents ans qui suivirent
de chose pour un temps où endémique, dans
les
le
l'an 1000. C'est
peu
désordre fut à l'état
pays morcelés par
la féodalité,
secoués par des révolutions sociales, agités par
grandes expéditions des Croisades en Orient. eut-il d'autres ? Peut-être,
breux.
en
mais sans doute peu nom-
nous parait que
si
des
sorcières
furent
quelquefois condamnées, ce fut en vertu des
alors lois
Il
Y
les
antérieures,
car,
de
lois
contemporaines
les
concernant, nous n'en connaissons pas, en ce qui concerne la France.
Il
est bien
dommage
que, par suite
de l'importance donnée de plus en plus au diable,
(1)
Lea.
t.
III p. 503.
LA MAGIE SOUS LES
PRii..xiERS
par suite aussi de circonstances
CAPÉTIEXS
qui
171
nous échap-
pent, les autorités sociales aieni cru devoir, dans la suite,
attacher de l'importance aux méfaits, œuvres
des sorciers. Alors, les bûchers se rallumèrent
par contre coup, firent adeptes de
l'art
maudit
surgir de :
la
toute part
vigueur de
et,
des
la répression
ne cessant de donner une certaine réalité aux hallucinations de trop nombreuses victimes.
CHAPITRE
La magie durant
IV
le siècle
de
S.
Louis
ARTICLE PREMIER
La renaissance
littéraire
du renouveau de
Un
seul fait
contemporaine
la sorcellerie
témoigne d'une certaine persistance
à la croyance à la magie, dans ecclésiastiques de la fin
diocèse de
Grado
objet volé à
déposa rant
le
maximum
xii*^ siècle.
Un
(Venise), accusé d'avoir
prêtre
invoqué
du le
astrolabe,
s'être servi
son
prêtre
le fait
hautes sphères
— avec d'un — quelque retrouver pour sans doute,
démon, reconnut
un astrologue
du
les
;
église.
Le patriarche de Grado
mais Alexandre
III,
tout en décla-
très grave, se contenta d'une suspense
de deux ans (vers 1180)
semblait donc plus dédaignée,
(1) Décrétâtes Gregorii
IX.
1.
(1).
comme
5, tit. 21, c. 2.
La magie ne
elle
Tavait été
LA MAGIE DURANT LE SIÈCLE DE SAINT LOUIS 173 dans
courant du
le
siècle
pourtant on
;
la traitait
encore avec douceur.
Les choses n'allaient pas tarder à changer. Voici
en
eiïet
que le
xiii^ siècle
commence.
plus brillante du Moyen-Age.
nocent III préside à
pape
juriste,
parmi les
C'est l'époque la
Quand elle
la direction
s'ouvre, In-
de l'Eglise
c'est
;
clercs et les fidèles
;
il
met en branle
l'Occi-
dent pour soumettre le Languedoc à l'obéissance, malgré
lui,
et,
conquièrent à son obédience
les Croisés
l'empire et l'Eglise de s
un
bon, désireux devoir la sainteté briller
Constantinople jusqu'alors
chismatiques. Des princes de valeur gouvernent la
France. Entre tous,
Louis domine
S.
concilier en sa personne l'humilité fierté
royale,
il
le siècle. Sachant
du chrétien
rétablit l'ordre dans son
autant par son ascendant moral que par de ses armées,
et
quand
ses
et la
royaume
la
vigueur
deux malheureuses
expéditions en Orient se terminent l'une et l'autre
par des désastres,
le
vaincu n'en
un souvenir impérissable sur Le
xiii^
la terre,
siècle
pas moins
laisse
les côtes qu'il
est l'époque où, plus
a visitées.
que jamais,
joyeuse de vivre, se couvre d'un blanc man-
teau d'églises. Et quelles églises ? Des chefs-d'œuvre
d'harmonie, de hardiesse, qui lancent leurs ogives vers
le ciel,
symbole de
la prière
aussi de la nef chrétienne,
qui s'y élève, image
non plus désormais
bal-
174
SORCELLERIE EN FRANCE
LA.
trompeuses de
lottée sur les vagues fixée solidement
dans
le
port assuré du
temps, par une coïncidence heureuse,
temps engourdies
la
mer, mais
ciel.
les
En même
études
loi>g-
se réveillent de toutes parts.
Au
contact des Arabes de l'Orient, Aristote, Platon, bien d'autres génies antiques plus ou moins oubliés, sont copiés de nouveau, étudiés, commentés.
réapprend
les
Tout
Galien.
renaissance tifique
secrets disparus d'Hippocrate ou de s'agite,
pour l'humanité
malgré
la
la
bonheur
?
science ,
partout; c'est
philosophique, scien-
l'aurore d'un jour de
non. Malgré
!
rillustrèrent
mérites
ses
incontestables,
énorme des grands hommes qui
le xiii^ siècle
eut pas mal de misères
;
sans parler des terribles luttes entre l'Empire
car,
et la
Papauté, qui allaient endeuiller l'Europe pour
longtemps, dès avant
aux
c'est la vie
littéraire, artistique,
même. Est-ce
Hélas
La médecine
maléfices,
l'opinion
la sorcellerie,
savante
et,
classes élevées de l'état social.
plicable à première
Quand on cellerie,
réfléchit
vue n'en que
la
que nous aurons
elle aussi,
avec
la
siècle, la
croyance
sortilèges, à la réalité des divina-
croyance à
tions, la
conquis
aux
moitié du
la
en un mot, avait
par
elle,
toutes les
Ce phénomène inex-
est pas
moins certain.
furieuse épidémie de sor-
à étudier plus tard, naquit,
renaissance du xv.
n'était pas trop
combattre
le
terrible
(1).
II
En
fait,
VI, d'assez
on
pendant
nombreux procès de
l'Inquisition.
mande
signale,
règne de Philippe
le
sorcellerie, dirigés
par
Pierre Guy, inquisiteur de Toulouse,
à sa barre
bon nombre de
remet
en 1334, avec d'autres condam-
trois
au bras
nés,
Béguins ou Albigeois
séculier,
sorciers et en
(2)
:
un
pâtre,
de Fitou, convaincu d'avoir empoisonné
Raymond aîné
le fils
de son maître, avec du venin donné par un démon
Jeanne Alsive, de Lespinasse, sorcière obstinée, sant grêler et pleuvoir à volonté belle-fille
magie
très
suivante,
Inquisiteur,
solennel
sorcellerie
(1)
son élève,
comme
:
il
1335,
elle
sous
se tint à
se
mêlant de
présidence du
la
Toulouse un autodafé
soixante-trois personnes accusées de
y comparaissaient
;
huit
Vaissette. Histoire du Languedoc,
— Lafaille, Annales de Toulouse, (2)
;
fai-
Rose Alsive, sa
et de divination.
L'année
même
et
;
t.
d'entre
X, Preuves
elles.
col.
38
;
p. 73.
LAMOTHE-LANGON.Hisfoire de V Inquisition en France,i, III
p. 232.
LA SORCELLERIE DU XlV SIÈCLE dont deux femmes, montaient sur clore la cérémonie.
femmes
le
349
bûcher pour
Les confessions de ces pauvres
sont curieuses à plus d'un
titre.
Au
risque
de nous répéter, nous en donnons quelques extraits, bien
suffisants
pour montrer combien
théorie
la
diabolique du sabbat était déjà complète avant la moitié du xiv^ siècle «
Anne-Marie
de Delort, toutes
ont
dit,
vingt
(1).
de
Georgel
les
deux de Toulouse
dans leurs aveux
ans
environ,
elles
et
épouse
Catherine,
et d'âge miir,
juridiques, que, depuis
avaient
pris
dans
parti
l'armée innombrable de Satan en se livrant à tant dans cette vie que dans l'autre
;
que
lui,
très sou-
vent, et toujours dans la nuit du vendredi au samedi, elles
ont assisté au sabbat,
qui
dans un heu, tantôt dans un autre
d'hommes
compagnie
comme cès,
elles,
dont
et
de
elles se livraient à
les détails
tenait
se ;
que
femmes
là,
tantôt
en la
sacrilèges
toutes sortes d'ex-
font horreur. Chacune d'elles,
interrogée séparément, est entrée dans des explications qui nous ont
leur
amenés à
l'entière conviction
de
culpabilité.
[(1) Extrait des archives de l'Inquisition do Toulouse, recueilli par le P. Hyacinthe Sermet, archevêque constitutionnel de la Hte-Garonne, reproduit dans Lamothe-Laxgox, t. III, p. 235 et
Hansex,
p. 451.
LA SORCELLERIE EN FRANCE
350 «
Anne-Marie de Georgel
dit
qu'un matin,
était seule à laver le linge de sa
elle
dessus de elle vit
ville
la
venir à
elle,
comme
famille,
au-
tout auprès de Pech-David,
et
par dessus
l'eau,
un
homme
d'une
gigantesque, fort noir de peau, dont les yeux
taille
ardents semblaient deux charbons allumés, et qui était
vêtu de peaux de bêtes. Ce monstre
elle
si
voulait se donner à
qu'oui. Alors
il
samedi suivant,
elle fut
la
bouche
elle
gigantesque, qu'elle salua et auquel
secrets malfaisants
vénéneuses,
lui
;
lui lui
il
;
et dès le
emportée au sabbat, par
simple effet de sa volonté. Là,
Le bouc, en revanche,
demanda
à quoi elle répondit
lui,
dans
lui souffla
lui
le
trouva un bouc elle
s'abandonna.
apprit toutes sortes de fit
connaître les plantes
enseigna des paroles enchantées et
de quelle manière
il
fallait faire les sortilèges,
pendant
nuits qui précèdent la saint Jean, la Noël, et
les
celles
de tous de
conseilla
les
premiers vendredis du mois.
faire,
si
elle
le
pouvait, des
Il
lui
commu-
nions sacrilèges, afm d'offenser Dieu pour la gloire
du «
diable. Elle se
conforma à ces impies insinuations.
Anne-Marie de Georgel a continué d'avouer que,
pendant
le
long espace d'années qui s'est écoulé
depuis sa possession jusqu'à son emprisonnement, elle n'a
pas cessé de mal
pratiques
abominables,
faire,
sans
de s'adonner à des
être
arrêtée
par
la
LA SORCELLERIE DU XIV^ SIÈCLE
de Notre-Seigneur. Elle faisait cuire, dans
crainte les
351
chaudières et sur un feu maudit, des herbes empoides substances tirées,
sonnées, soit
soit
des animaux,
des corps humains, que, par une horrible profa-
du repos de
nation, elle allait enlever
la terre sainte
des cimetières, pour s'en servir dans ses incantations
elle
;
bulaires,
rôdait la nuit autour des fourches pati-
pour enlever
soit
ment des pendus,
les
lambeaux du vête-
pour voler
soit
la
corde qui
les
attachait, ou pour s'emparer de leurs cheveux, de leurs ongles, de leur graisse. «
Interrogée sur le symbole des Apôtres et sur la
croyance que doit tout elle
tait
que
a répondu, en
une le
fille
à notre sainte religion,
fidèle
véritable de Satan, qu'il exis-
complète entre Dieu et
égalité
premier était
roi
du
que toutes
les
âmes que
la terre
;
ciel,
et le
le
diable
second
celui-ci
roi
;
de
parvenait
à séduire étaient perdues pour le Très-Haut, et de-
meuraient à perpétuité sur
la terre
ou dans
qu'elles venaient toutes les nuits visiter la
l'air
;
maison
qu'elles avaient habitée,
tâchant d'inspirer à leurs
enfants et à leurs proches
le désir
de servir
le
démon,
préférablement à Dieu. «
Elle nous
Dieu
a
dit
encore, que ce
et le diable durait
rait sans fin
;
combat entre
de toute éternité, et dure-
que tantôt l'un
et tantôt l'autre
rem-
LA SORCELLERIE EN FRANCE
352 portait
la
victoire
que
;
maintenant
tournaient de manière à ce que se trouvait assuré. Arrêtée
le
choses
les
triomphe de Satan
sur la dénonciation de
personnes respectables, et qui toutes avaient à se plaindre de ses maléfices, exécrable,
que nous que, par
résisté
et a
et d'autres lui le
elle a
d'abord nié son pacte
aux pressantes
sollicitations
avons adressées. Mais
secours d'une juste sévérité
elle a été forcée
de s'expliquer,
a
elle
lors-
(la torture),
fini
par nous
dévoiler une série de crimes dignes du plus terrible
châtiment. Elle a protesté de son repentir, a demandé
qu'on
à se réconcilier avec l'Eglise, ce
sans pour
pouvoir
accorde,
séculier,
qui appréciera
les
au
peines qu'elle
encourir.
doit «
lui
cela qu'elle puisse éviter d'être livrée
Catherine, épouse de Pierre Delort, de Toulouse,
est contienne par ses aveux, et
en conséquence du
témoignage de personnes dignes de ans, se trouvant à la
Quint,
elle se lia
campagne dans
y
a dix
la paroisse
de
d'amitié criminelle avec un berger
qui,
abusant de son ascendant,
faire
un pacte avec
cérémonie eut
foi, qu'il
lieu
bois, et à la croisée
l'esprit
la
infernal.
contraignit
à
Cette odieuse
à minuit, contre la lisière d'un
de deux chemins. Là,
elle se
saigna
au bras gauche, laissant tomber son sang sur un feu
alimenté par des ossements humains, dérobés
LA SORCELLERIE DU XIV^ SIÈCLE la paroisse
au cimetière de étranges dont
ne se rappelle pas, et
elle
apparut sous
Bérit
lui
lâtre.
Depuis
s'occupa de
lors, elle
«
confection de
la
de breuvages nuisibles, qui
mort aux hommes
la
Chaque nuit du samedi,
et
elle
aux troupeaux.
tombait dans un
sommeil extraordinaire, pendant lequel on portait au Sabbat. Interrogée en quel lieu
répondu
se tenait, elle a
tantôt dans un autre
dans
la forêt
qui fois,
:
et
rices
;
enlevés
adorait
lui étaient
bouc, et
le
là les
cadavres des enfants
nuitamment
à
leurs
nour-
on buvait toutes sortes de liqueurs dégoû-
tantes, mais le sel «
d'autres
à tous ceux présents à cette
On mangeait
nouveau-nés,
elle
;
plaine
Montagnes Noires
dans des contrées qui
comme
la
Montauban
à
entièrement inconnues. Là, se livrait à lui,
Sabbat
le
sur les coteaux de Pech-David,
Toulouse
ou des Pyrénées,
trans-
Tantôt dans un endroit,
plus loin encore, à la cime des
fête infâme.
la
de Bouconne, au milieu de
de
s'étend
:
démon
le
forme d'une flamme vio-
la
certains ingrédients et
donnaient
prononça des paroles
elle
;
353
Interrogée
si
manquait à tous
elle
n'avait
les
mets.
vu au Sabbat aucune
de personnes de sa connaissance, a répondu qu'elle
en avait vu souvent. Elle nous
les a
nommées. Les
unes sont mortes dans leur dérèglement ont été arrêtées par nos soins
;
et
il
;
d'autres
en est quelques-
•
LA SORCELLERIE EN FRANCE
354
unes qui
mais que
se sont échappées,
vengeance
la
de Dieu atteindra. «
Catherine, pressée vivement, par les
sont en notre pouvoir, —
de dire toute
la torture
les blés
ser-
crimes dont nous
les
soupçonnions. Elle faisait tomber
champs de ceux
—
longtemps pro-
nombre de faux
testé de son innocence et fait
la
probablement,
la vérité, après avoir
ments, est convenue de tous
moyens qui
qu'elle n'aimait pas
la grêle sur les ;
faisait pourrir
par un brouillard empesté, geler
les
vignes
;
donnait aux bœufs et aux moutons de ses voisins des maladies mortelles, par leur présentait
;
et a
de ses tantes, dont
même
elle
les
compositions qu'elle
causé
le
trépas de celles
devait hériter, en exposant
à un feu doux des images de cire revêtues d'une de leurs chemises, de telle sorte
que
la vie
de ces mal-
heureuses femmes se consumait, à mesure que les
deux statues «
devant
se fondaient
Interrogée sur
le
le brasier.
Symbole des Apôtres
et sur les
croyances que tout fidèle doit à notre sainte religion, elle
nous a répondu
entre Dieu et le diable
rence
le
;
que
égalité
complète
que l'un régnait dans
;
ciel et l'autre sur la terre
n'aurait pas de fin
y avait
qu'il
;
que
le
combat entre eux
l'on doit servir
de préfé-
diable parce qu'il est méchant, qu'il
mande aux âmes
le
com-
des défunts et les envoie contre
LA SORCELLERIE DU XIV^ SIÈCLE
nous pour troubler notre raison
;
que
le
355 règne de
Jésus-Christ, dans ce monde, a été passager, qu'il tire à
que l'Antéchrist ne tardera pas à
sa fin, et
venir pour livrer
la bataille
en faveur du diable, etc.
Catherine a dit encore nombre d'autres choses
«
toutes aussi criminelles, puis elle les a rétractées, et n'a pas cessé d'avouer et de le nier, selon qu'elle
ou qu'on
était forcée à parler,
Dans
la laissait tranquille.
ce dernier temps, elle protestait
de sa piété,
rejetant tout le reste sur des songes, des rêves qui la saisissaient faire croire
que tous
illusions sans
mes pas
même pendant
la veille,
ses forfaits n'étaient
que des
aucun fondement. Nous ne nous som-
laissé
prendre à cette ruse, évidemment
suggérée par les instigations de Satan pris l'avis
voulant nous
;
et,
après avoir
de personnes sages et éclairées, décla-
rons qu'elle sera livrée au bras séculier, en expia-
de ses péchés
tion
On les
passages où sont exprimées les croyances des
pauvres femmes à et
».
aura remarqué, dans ces extraits des sentences,
le
l'égalité entre Dieu, roi
Diable, roi de la
terre, ce qui
du
ciel,
nous indique
la
transformation du Manichéisme alors expirant, en Luciférianisme et en sorcellerie.
aveux dans l'ensemble, heureuses et
les
les
S'il s'agit
de leurs
tergiversations des mal-
moyens énergiques employés pour
LA SORCELLERIE EN FRANCE
356 les
dompter nous rendent
démontrer
la
de certaines hallucinations dont soufîraient
les
plus que réalité
leurs confessions criminelles
semblent
mais
suspectes,
pauvres femmes. Nous devons ajouter, nière observation,
que
la
comme
der-
remise au bras séculier de
était tout à fait contraire
sorcières pénitentes
aux au
règles de l'Inquisition, qui pardonnait toujours repentir. lière
Il
nous faut admettre que
réclamait sa part dans
cellerie,
et
le
la justice sécu-
jugement de
ne voulait point laisser
les
la sor-
juges d'Eglise
prononcer des sentences trop bénignes.
III
sévère, l'Inquisiteur de Carcassonne,
Non moins Jean
Duprat, trouvait
parmi
les
«
huit
sorciers
ou
prévenus mandés devant son tribunal (1335).
Mabille de Marnac(l) avait cherché dans
les
sorcières,
moyens de ramener un amant
procuré un lambeau de
la
la
magie
infidèle. Elle s'était
chemise de
celui-ci,
une
tresse de ses cheveux, qu'elle avait enfouis avec de la
corde de pendu,
son propre sang à
profondément
(1)
;
le
cœur d'une
elle,
tous
Lamothe-Laxgon,
ces
t.
tourterelle, et
de
au fond d'un trou creusé objets
étaient
III, p. 226, seq.
renfermés
— Hansen, p. 449.
SORCELLERIE DU XIVC SIÈCLE
l.A
357
dans un pot de terre neuf. Le procès-verbal ne pas
le
si
revint par la
volage
les attraits
lorsque
maîtresse
de sa
sur lui tout pouvoir.
dit
force de ce charme,
avaient perdu
convient d'ajouter qu'elle
Il
permis de cacher ce sortilège, pendant trois
s'était
jours, derrière l'autel de la paroisse de Trèbes. Elle
coutumière du
d'ailleurs
était
fait
donnait
et
à
d'autres les conseils qu'elle suivait elle-même. «
Paul Viguier, Armande Robert, Matheline Faure,
Pierrille
Roland, s'étaient vantées à des témoins
d'avoir une fois été transportées au sabbat, qui se cette
tenait,
sur
nuit-là,
Elles niaient le fait
mais
;
la
montagne
d'Alaric.
des témoignages
la force
l'emporta sur leurs dénégations, que du reste par
renforçaient
protestations
des
elles
multipliées
de
catholicisme et de haine pour toutes les cérémonies
sataniques ((
c'est ce qui les
:
sauva du bûcher.
André Cicéron, berger dans
avait
parodié,
le sacrifice
de
pour
la
:
Montagne Noire,
confection
la
messe
la
il
le
d'un
célébra dans
sortilège,
un complet
état de nudité, disant que c'était de cette manière
qu'Adam,
premier
notre
Inquisiteurs,
outre
le
père,
sacrilège,
avait
officié.
trouvèrent
ici
Les les
éléments d'une hérésie nouvelle, puisqu' André Cicéron prétendait n'était
pas
qu'Adam
vrai,
et
que
avait dit la messe, ce qui cette
assertion
pouvait
LA SORCELLERIE EN FRANCE
358
cependant «
faire
Deux
tomber dans
Catala
autres bergers,
accusés
étaient
l'erreur les
âmes
faibles.
Paul Rodier,
et
empoisonné des fontaines
d'avoir
avec le concours d'un sort magique, d'avoir appelé le
diable
par
le
nuitamment
moyen du
d'attirer
et à la croisée de
deux chemins,
d'une poule noire, afin
sacrifice
sur le pays le fléau de la guerre
».
Ces
trois bergers furent brûlés.
Quelques années plus tard, un prêtre, Lucas de Lafond, de
de Grenade, dans
ville
la
le
diocèse de
Toulouse, se voyait condamné à la prison perpétuelle
pour magie (1340).
usait d'une infinité de
Il
blasphèmes, de cérémonies coupables, dans lesquelles il
employait
les
signes
de croix,
les
oraisons
du
rituel, l'eau et le sel bénits, le cierge pascal, l'encens
et jusqu'au pain consacré.
pour
ces choses, disait-il,
nues au purgatoire, ou qui
ténèbres de
Une
autour
rôdaient
fille
la
dont
nuit, il
Il
se servait de
faire parler les
celles,
des
toutes
âmes déte-
non moins misérables,
cimetières,
pendant
les
en punition de leurs fautes.
voulut abuser, ou peut-être une
pauvre créature atteinte de nymphomanie, nous en verrons de
tristes
comme
exemples plus tard,
le
dénonça. Bref, d'après
un
calcul,
que
la
perte des dossiers
ne permet plus de contrôler, dans l'espace de trente
LA SORCELLERIE DU
XIV*'
35&
SIÈCLE
ans (1320-1350), l'Inquisition de Carcassonne aurait jugé 400 sorciers ou sorcières, dont
morte dans
les
flammes, pendant que
Toulouse,
encore
600 et
brûler 400.. (1)
fait
la
plus
actif,
en
moitié serait le
tribunal de
aurait
poursuivi
ARTICLE CINQUIEME
Le pape Benoit XII et
Si il
les
la sorcellerie
nombres donnés sont peut-être exagérés,
est bien certain
que
la
poursuite des malheureux,
accusés de pactes démoniaques, se continuait avec énergie.
Le nouveau pape Benoit XII (1334-1342),
redoutable aux hérétiques et aux sorciers tandis qu'il était
évêque de Pamiers, aussi peu dégagé que
XXII
son prédécesseur Jean
y
des idées régnantes,
tenait la main. Les rescrits assez
Pontife sur la sorcellerie en sont il
nombreux de ce la
preuve. Ainsi,
ordonne à Guillaume, évêque de Paris, de
lui
envoyer un certain Guillaume Attafex, nécromancien anglais arrêté à Paris, sans oublier d'expédier
(1)
Lamothe-Langon,
t.
III, p. 226.
360
LA SORCELLERIE EN FRANCE
aussi les lames de métal dont se servait le magicien
Une
(1336).
autre
adressée
lettre,
Lombard, chanoine de Mirepoix donne tous
iui
•des criminels,
les
Guillaume
à
et officiai d'Avignon,
pouvoirs nécessaires à
la
accusés de crimes contre la
poursuite
en
foi et,
Les comptes de
particulier, de maléfices (1336).
la
Chambre apostolique de l'époque parlent également de sommes versées à un notaire de Cahors, Foulques Peyrier, qui sorciers
et
écrivit
de
procès
les
plusieurs
en conduisit un à Avignon. (Hansen,
p. 8).
Une
chose singulière, c'est
grand de prêtres ou de
le
clercs
temps de Jean XXII, dans lerie.
Les
lettres
pontificales
nombre relativement
compromis,
comme au
ces affaires de sorcel-
précédentes en four-
nissent des exemples, mais la liste est loin d'être -close.
Le comte de Foix, Gaston
III
arrêter deux sorciers, dont un prêtre. les fait venir à
Avignon
Phébus, a
fait
Benoît
XII
et lance à cette occasion cinq
décrets pontificaux (1336).
— Deux autres
accusés de sortilèges, sont dans
les
prisonniers,
prisons d'Avi-
gnon, l'un des deux est prêtre, Pierre du Chesne; est
il
du diocèse de Tarbes, tandis que son compagnon
laïque, Jean de Salins, est d'Arles.
leur jugement à son fidèle Guillaume
Nous avons encore
le total
Le pape
Lombard
confie (1337).
des frais payés pour les
LA SORCELLERIE DU XI V^ SIÈCLE cent
cinquante jours d'incarcération de ces deux
accusés,dont nous ne connaissons pas Ils
361
avaient coûté à la
le
sort final.
Chambre apostolique
15 livres
couronnes ou 25
florins d'or et 12 deniers, à raison
de
par
deniers
12
jour
et
par tête
(Hansen,
p. 9-10).
des actes de sorcellerie
L'affaire
XXII
.Jean
commis contre
pas encore terminée, paraît-il,
n'était
car on accusa l'évêque de Béziers,
Guillaume VI
de Frédol (1314-1349), d'avoir
des images de
cire et
de
les
fait
avoir baptisées, pour obtenir la mort
du pape Jean. Benoît XII ordonna une enquête à ce sujet et la punition des calomniateurs,
si
le
résultat de l'instruction prouvait la non-culpabilité
du
prélat. Celui-ci fut sans
doute reconnu innocent
puisqu'il conserva son siège (1337).
Le grand nombre
des accusations d'envoûtement prouve, en tout cas,
combien cette sorte de maléfice trouvait de créance.
Une
même
autre lettre du
laume Lombard déjà
diable, en lui offrant
Nous t'ordonnons,
Pontife enjoignit au Guil-
de juger deux femmes du
accusées de s'être données au
diocèse de Viviers,
«
cité
un
tribut annuel de blé (1338).
dit le pape,
de rechercher avec
diligence la vérité sur tous ces faits et les actes con-
nexes,
comme
tenir des
il
te
femmes
semblera convenable pour l'ob-
susdites et des autres. Si tu
les
LA SORCELLERIE EN FRANCE
362
trouves coupables, aie soin de
les
punir, corriger,
comme
de leur imposer des pénitences salutaires,
et
justice
la
en
l'exigera,
la
tempérant
cependant-
de miséricorde, suivant leur repentir et ce qui te
semblera raisonnable
A
dement
p.
13).
de Bolbone, Durand, dans le
l'abbé cistercien
diocèse de Mirepoix,
(Hansen,
»
pape
le
comman-
aussi le
fit
de rechercher, pour les punir, les clercs et
moines de son abbaye, accusés d'avoir
les
sortilèges
fait
des
pour découvrir un trésor (1339). Ces moines,
avaient eu envie de rentrer dans
le
monde,
ils
s'étaient
donné rendez-vous à une porte de l'abbaye dans
le
dessein de faire en secret de l'alchimie, puis avaient juré de ne révéler à personne ce qu'ils allaient faire.
Un
d'eux, Guillaume de Mosset, dit alors à ses
pagnons
qu'il connaissait
com-
une montagne enchantée
près de Limoux, dans laquelle se trouvait enfoui
un immense d'une le
de
trésor
enchanté,
femme également
trésor, cire
il
l'autel
on
la
garde
enchantée, et que, pour avoir
et baptisée.
une image
L'image de
de Ste Catherine, puis on voulut
les
la
cire
déposa pendant plusieurs jours sur
On emprunta pour auquel
à
était nécessaire de posséder
pouvant parler
se trouva,
confié
conjurés
cela
un
rituel,
s'adressèrent
la baptiser.
mais
le
pour
avoir
prêtre,
du
Saint-Chrême, refusa d'en donner à de simples moines.
363
LA SORCELLERIE DU XI V"^ SIÈCLE et les alchimistes furent ainsi découverts.
Malheu-
reusement, nous ignorons ce qui advint de l'enquête
ordonnée à leur sujet (Hansen, Toutefois,
le fait
montre combien
aux que
le
pratique
clergé.
On
d'importance
pape attachait il
;
témoigne aussi
des sortilèges se trouvait répan-
due partout, jusque dans
du
14).
de donner de pareilles instructions
accusations de diableries la
p.
constate,
les cloîtres
même
e;i
rangs
et les
temps, dans
les
cercles ecclésiastiques, le désir de réserver à l'Eglise le
jugement de
ces causes. Ainsi, trois sorcières de
Brissac ayant été condamnées par les juges séculiers
de Montpellier (1339), leur supplice donna lieu
à une protestation de l'Inquisiteur de Carcassonne, qui voulait connaître leur aiïaire.
terminables difficultés entre Office,
la
Il
en résulta d'in-
que Benoit XII appuya en plusieurs
sans toutefois parvenir à convaincre céder les autorités laïques
(1)
Germaix, Histoire de
in-8, MontpeUier, 1851,
t.
la
le St-
cour civile et
ou
bulles,
à
faire
(1).
Commune
III, p. 224, 495.
de Montpellier, 3 vol.
LA SORCELLERIE EN FRANCE
364
ARTICLE
La
fin
SIXIEME
du XIV' siècle
I
Les malheurs de
quée de troubles
la guerre
de Cent ans, compli-
intérieurs, les ravages de la peste
à plusieurs reprises, les fléaux de toutes sortes alors déchaînés sur l'Europe en général, sur
ne pouvaient qu'accentuer
particulier,
tion des esprits à voir
:
la
disposi-
un peu partout des choses
bonne cause. Ecoutons notre Froissart
XCVII)
France en
Quelquefois Dieu intervient pour la
surnaturelles.
c.
la
«
Un
tel
1
(1.
part. 2,
miracle advint aussi en
ce
temps d'un écuyer anglais qui
était
messire d'Audelée et Albrest.
avoient chevauché
Ils
un
un jour
et étoient entrés en
Ronay,
et le déroboient les pillards, et
si
Cil
de la route
village qui s'appeloit
y entrèrent
à point que le prêtre chantoit la grand-messe.
écuyer entra en
le calice
où
le
l'église et
vint à l'autel, et prit
prêtre devoit consacrer le corps de
Notre-Seigneur, et jeta
le
vin par terre
;
et pour-
LA SORCELLERIE DU XIV^ SIÈCLE tant que
prêtre en parla,
le
arrière-main,
Ce
fait,
si
que
fort
de
issirent
ils
champs, ce pillard qui
le
la
cil le férit
365
de son gand
sang en vola sur ville,
l'autel-
eux venus aux
et
fait avoit cet
outrage et qui
portoit en son sein le calice, la platine (patène) et les
corporaux, pendant ce qu'ils chevauchoient sou-
dainement,
il
lui
avint ce que je vous dirai
et ce fut
;
bien vengeance et verge de Dieu, et exemple pour tous autres pilleurs. Le cheval de celui et cèrent à tournoyer sur
démener
tel
se
un mont
il
commen-
champs diversement
tempête que nul ne
et chéirent là en et
les'
les osoit
approcher,
et étranglèrent l'un l'autre,
convertirent tous en poudre et en
Tout
ce
dont
il
que virent
les
et à
compagnons qui
furent grandement ébahis
;
et
cendre.
là étoient,
vouèrent
et
promirent à Dieu et à Notre-Dame que jamais
église
ne violeroient,
si
ni
l'ont depuis tenu
Hélas
!
le
fléau
déroberoient.
Je ne scais
ils
».
des pillards ne disparut pas du
coup,et Dieu intervint bien rarement pour les punir;
mais chacun n'en cherchait pas moins des moyens
surhumains pour obvier aux malheurs sans cesse renaissants, ou les faire
l'époque
tomber sur
des flagellants,
les autres. C'est
de ces étranges pèlerins,
allant de ville en ville se discipliner en public, pen-
dant
les
quarante jours de leur vœu, et finissant par
LA SORCELLERIE EN FRANCE
366
devenir de véritables anarcliistes, qu'il fallut combattre par
le fer et le feu.
Ce dut être aussi un temps
En
bien favorable aux sorciers.
réalité,
documents soient moins nombreux dront aux
suivants,
siècles
ils
bien que les
qu'ils le devien-
témoignent d'une
recrudescence de l'épidémie démoniaque.
Dans
pays d'Inquisition organisée,
les
Au
n'y vont pas de main morte.
les
juges
sermon public de
Carcassonne, tenu par l'Inquisiteur Pierre de Mori-
calm
(1350),
dans
celui
vingt-deux sorciers vont au bûcher
•
que présida Amédée de Langres, autre
Inquisiteur, les sorciers firent seuls les honneurs de la
cérémonie
:
quarante
reçurent des pénitences,
huit périrent brûlés (1352). Le
un autodafé
quels onze furent livrés
livrés
On
divers crimes,
y jugea
entre les-
aux flammes, dont quatre
retrouve encore trente et un magiciens
au bras séculier de Carcassonne en 1357; plu-
même
sieurs à Toulouse, la
niers
juge, présidant
à Toulouse, l'année suivante,
soixante-huit accusés de
sorciers.
même
un homme de
des enfants au
la
moyen
année
:
parmi
ces der-
Pomarède, accusé d'avoir tué
de figurines de cire qu'il appro-
chait chaque jour du feu, et la vie s'éteignait aussi
Pour clôturer
quotidiennement dans
ses victimes.
siècle (1387-1400)
Inquisiteurs de Carcassonne,
Durand
les
Salranch et
Bouit
Liestel, livrent
à
le
la
LA SORCELLERIE DU XIV^ SIÈCLE justice
personnes,
civile soixante-sept
magie, ou pour crimes tenans aux
367 soit
«
des Vaudois, des béguins et des Albigeois
the-Langon, Il
t.
III, p.
246
(Lamo-
»
seq.).
même un peu
en est de
pour
diverses hérésies
A
partout.
Novarre,
i'évêque Jean Visconti fait merveille contre les hérétiques,
il
les
poursuit avec ardeur
dans sa
et,
conquiert l'archevêché de Milan, mais
trouve natu-
il
rellement des sorcières sur son chemin.
à leur sujet
le
Il
consulte
jurisconsulte Bartolo de Sassoferrato,
dont l'opinion conclut à
la
mort, car la sorcière a
renoncé au Christ et au baptême,
avec des pailles et le diable
lutte,
l'a
foulée
aux
elle
a fait une croix
pieds, elle a adoré
en s'agenouillant devant
lui,
elle
a touché
et fasciné des enfants qui en sont morts (entre 1331 et
A
1342).
Côme,
striges, pullulent, elles
baptême,
le
les
sorcières,
qu'on
abjurent la vraie
appelle
foi, le
saint
seigneur Dieu, la vierge Marie, foulent
une croix aux pieds,
et
font
hommage au
diable,
leur apparaissant sous une forme humaine.
La Saxe possède
aussi
ses
sorcières,
mais nous y
rencontrons un brave échevin de Brunn qui, devant les plaintes
d'un père accusant deux femmes d'avoir
ensorcelé et tué son pirer, les avait
sa
fils,
nommées
car celui-ci, avant d'exet
déclarées coupables de
mort par maléfice, prononce
la nécessité
d'une
368
LA.
SORCELLERIE EN FRAN.GE
enquête avant d'accuser les femmes d'un homicide
(1).
Le Châtelet de Paris écoute plus favorablement les
requêtes des plaignants et prouve la culpabilité
des suspects par les
avait
Haincelin,
moyens
ordinaires.
abandonné
maîtresse Marion,
sa
pour prendre femme légitime.
Un homme,
éprouva, paraît-il,
Il
quelque obstacle à consommer son mariage et ne fut pas long à en trouver la cause. C'était son an-
cienne maîtresse qui se vengeait. est arrêtée
avec une sorcière dont
deux
mosnière
».
«
chapeaux d'erbe
avait
demandé
terrestre et d'erbe au-
Satan,favorable à leurs prières, avait opéré
suivant leurs désirs, mais (24 août 1390). sibut.
elle
Elles avaient conjuré le diable en lui
l'assistance.
offrant
La pauvre femme
il
ne put
les ravir
Le diable en question
au bûcher
s'appelait
Haus-
Nous retrouvons ce démon dans un autre procès
même époque,
où deux autres sorcières subirent
de
la
le
sort de leurs devancières. Elles connaissaient
maléfice
pauds,
surprenant.
les
Il
fallait
prendre deux
un
cra-
mettre chacun en un pot neuf, en appe-
lant Lucifer à l'aide, sans oublier de dire trois fois
l'Evangile
Maria.
On
de
le
Pater
noster
nourrissait les captifs de
blanc et de
(1)
St-Jean,
lait
de femme,
IIansen, p. 453, 454.
et,
mie
quand
le
et
VAve
de pain
moment
369
LA SORCELLERIE DU XIV« SIÈCLE on recommençait
d'agir était venu,
les prières,
on
ouvrait les pots et on lardait les crapauds avec de
longues aiguilles
mari ou l'homme contre lequel
le
;
était dirigé le maléfice devait s'en sentir
immédia-
tement, et non pas mourir, mais tomber en langueur.
Comme
crapauds n'avaient pas agi assez vigou-
les
reusement contre
mari
le
pour
mal élevé
assez
battre sa femme, celle-ci eut recours à l'image de cire
;
paraît qu'à distance
il
douleurs, chaque
torturée
;
coupable
En aussi
fois
la
cire
ressentait mille
la conclusion fut le supplice et
de la
femme
de sa conseillère (Hansen, p. 518
Suisse,
ou
était piquée
seq.)-
procès de sorcellerie se faisaient
les
nombreux. Le juge de Berne condamnait au
bûcher
sorciers
plusieurs
A
Fribourg,
geois se
traitaient
1405).
que
l'homme
il
de
Simmenthal
(1395-
s'en passait de drôles. Les bour-
mutuellement de
sorciers.
en connaissons deux, Pierre Wissbrot
et
Nous
son
fils
Kuntzin, obligés de faire amende honorable à un
Jean Rudler, accusé, faussement sans doute, d'avoir enchanté
Dans
la
le
même
St-Augustin
femme
jeune Wissbrot et sa
fait
ville,
le
(1392).
provincial des Ermites de
une enquête sur
le
cas
du prieur
et
de quelques moines de son ordre, car on leur avait volé des bestiaux,
et,
pour connaître
s'étaient adressés
à
des devins.
—
les voleurs, ils
Une femme de
LA SORCELLERIE EN FRANCE
370
Lucerne accuse une sorcière de quatre cents
florins,
mais pire
son mari, et d'avoir voulu prostituée ville,
(1398).
deux
Devant
d'avoir ensorcelé
le
conseil
de
même
la
ans plus tard (1400), on portait de nou;
tandis qu'à Bâle on
pour cinq ans une femme accusée d'avoir
homme
rendu un *(1399)
!
changer elle-même en
la
velles plaintes de sorcellerie •exilait
avoir subtilisé
lui
pauvre, par ses enchantements,
qu'à Berlin,
et
la
même
année,
le
Conseil
plus sévère, envoyait une sorcière au bûcher (1399).