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French Pages [556]
LA MAGIE ET LA
Sorcellerie EN FRANCE de gatjzon-s
th:.
III
de
la
La Sorcellerie Réforme à la Révolution
Les couvents possédés
La F r a n c-M açonnerie Le Magnétisme animal ^' \
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La Magie et la Sorcellerie en France. Tome IV. La Sorcellerie contemporaine.
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LA MAGIE KT LA
SORCELLERIE EN FRANCE PAR
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III
La Sorcellerie de la Réforme à la Révolution Les couvents possédés
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Quai des Grands-Augustins
PARIS
V
AVANT-PkOPOS
Nous
voici
peut donner cellerie.
airivés
Ce sont
:
le
xvic siècle,
destinées
î\
;
le
(jui
de
la
Sor-
vit éclater la
xvii^ siècle, qui, par
Muuster, clôtura
traités de
en enlevant
auxquels ou
lé«^itinieuieul le litre d'Aide
Réforme Pioteslaule les
siècles
:iiix
le
Moyen-Age,
TK^lise sa haute iulluence sur les
temporelles
siècle,
qui crut enlever à
sur les
âmes
le
xviiie
religion son
empire
llùirope
de la
;
et lui substituer celui de la Raison.
Or, par une contradiction flagiaute avec leurs
tendances,
ces
trois
siècles
diable, des sorciers, plus
s'occupèrent
que tous
les
du
âges prècé-
nents, ou assistèrent à des scènes réputées dia-
boliques, les plus extraordinaires dont le ait
monde
jamais eu connaissance.
Nous devons en dans
efïet
les diableries qui
distinguer
deux faces
vont remplir ce volume.
LA SORCELLERIE EN FRANCE
VI
Elles se présentent d'abord sous la forme an-
cienne de pactes, de sortilèges, de maléfices, de sabbats.
Il
est clair que, sous ce rapport, elles
sont la simple continuation des pratiques des siècles
avec
précédents,
quelque
cependant
chose de nouveau, à savoir:
le
développement
extraordinaire de la répression, qui prend un caractère inouï d'inhumanité et de
pour aboutir
comme
crédulité,
de juste à des hécatombes
de vies humaines. La France eut sa part de ces misères, moindre pourtant que les pays anglais
ou allemands
;
trop grande encore pour l'hon-
neur des juges. Ce
qu'on
défense repose sur
mélange bizarre de
le
peut
lèges et de crimes de droit
exemples sous
le
les
dire
à
leur sorti-
commun, dont
les
plus connus se révéleront à nous
règne de Louis XIV, en particulier dans
la célèbre^Aiïaire des Poisons.
Nous
allons voir se développer le
satanisme,
vrai ou prétendu, sous un''second aspect
des grandes
crises
démoniaques,
;
celui
appelées
de
nos jours grandes névroses. D'abord renfermées
dans
les
comme
couvents où, trop souvent considérées des
manifestations
diaboliques,
elles
— AVANT-PHOPOS
des prêtres très probablement
coûteront
la vie à
innocents,
— on peut même dire
elles se
VII
:
certainement,
répandront ensuite dans des cercles de
plus en plus nombreux, cl donneront naissance
aux bizarres épidémies des Camisardsel desConvulsionnaires .lanséidsles. Mais, de
croyance au diablr des
amené
les
tionih'i',
massacres
ainsi
que
la
siècles antérieurs avait
nous aurons
(jue
névroses
les
même
A's'8. Geschichte der
D' Heinrich Heppe, 2
Ils
avaient
l'oreille
Hexenprozesse neu bearbeitet von t. II, p. 22 seq.
vol. in-8, Stuttgart, 1880,
LA SORCELLERIE ET LA RÉFORME PROTESTANTE
6S
des juges, et les sorciers s'en ressentirent. Des écri-
vains du xvi®
siècle,
nettement favorables à
l'exis-
tence des sorciers et à la nécessité de les mettre à
mort, nous nous contenterons d'en mentionner
Laon
deux. Jean Bodin, né à Angers (1530) et mort à (1596), quelque
temps favori de Henri
un nom comme jurisconsulte mais
se laissa aveugler
il
sur la sorcellerie.
manie des
Il
par
et
sorciers (1568),
III, s'est fait
comme
les idées
composa un
livre
:
ici
critique
de son siècle
De
démono-
la
souvent imprimé, dans lequel
sont racontées les histoires les plus
fantastiques.
L'opération diabolique n'y connaît pas d'obstacles sabbats,
incubes,
admet
;
sortilèges,
apparitions,
tout, et conclut naturellement à la
:
Bodin
mort des
magiciens.
Sans être tout à jésuite,
Six
né à
livres
fait aussi crédule,
Anvers (1551-1608)
Martin Del Rio, écrivit en
1599
de discussions magiques, dans lesquels
examinait successivement
les côtés historique,
il
théo-
logique, juridique de la question. S'en tenant à la
doctrine de saint que,
aux
Thomas au
point de vue théologi-
règles inquisitoriales en ce qui concernait
la procédure,
il
refusait
aux démons certains pouvoirs»
leur en accordait généreusement d'autres, et trouvait fort légitime, indispensable
séculier les
malheureux
même
sorciers.
de livrer au bras
Son
livre
exerça
LA SORCELLERIE EN FRANCE
64
certainement une influence néfaste.
admit en
Il
effet
à la suite d'autres auteurs que la sorcellerie était
crime excepté, pour lequel tous
les
témoignages,
même
ceux des incapables, étaient valides, en sorte que déposition d'un
et,
torture.
De
quences
les plus atroces; aussi.
près
et la sollicitude
malgré
les
précautions
témoignée par Del Rio
conformer au droit, nous pouvons estimer qu'a-
fameux Marteau
le
la
ce principe devaient découler les consé-
recommandées se
la
a /or/ion, de plusieurs sorciers, for-
mait un indice suffisant pour mettre un suspect à
pour
un
des sorcières, paru cent ans
plus tôt, l'ouvrage de Del Rio est un des ouvrages catholiques auxquels on dut
le
plus de victimes.
ARTICLE TROISIEME
Le Protestantisme et
Nous que
les
disons
«
la Sorcellerie
des ouvrages catholiques
sorcellerie. S'il est difficile
parce
de prouver qu'ils brûlèrent
plus de sorciers que les catholiques, •difficile
»,
Réformés eurent une large part aux procès de
il
est tout aussi
de démontrer qu'ils en brûlèrent moins. Ce
LA SORCELLERIE ET LA REFORME PROTESTANTE
65
qui est bien certain, c'est que la persécution des mal-
heureux magiciens sévit intense en Allemagne
et
en
Angleterre, bien plus sérieuse qu'en Espagne, en Italie
même
et
qu'en France, où cependant
les
bûchers
flambèrent nombreux, surtout à certaines époques
dans certains
et
Nous donnerons
districts.
un aperçu des hécatombes des
sorciers
dans
étrangers. Ici nous voulons simplement
plus loin les
pays
dire quel-
ques mots des doctrines protestantes touchant
la
sorcelleriei
Luther, considéré tantisme, ses
comme
commença
semble sur
nisme et
la
qu'il
les
manière dont
la justification,
indulgences à Witten-
il
il
concevait
lui fut facile
corrompue par
le
péché
lier sa
monture,
le
il
:
le Christia-
d'y faire au
La nature humaine
(1).
pour Luther, essentiellement
possède entièrement,
l'affichage de
dut exprimer une théorie d'en-
diable une large place effet
fondateur du Protes-
Réforme par
la
fameuses thèses contre
berg (1517). Dès
le
et
est
en
complètement
Satan, principe du mal, la la
dirige
comme un
cava-
potier le vase qu'il fabrique. Dieu
intervient cependant par sa grâce, en suscitant dans
l'âme humaine, d'abord
(1)
le désir
HoRST, Zauber-Bibliothek, 6
353 seq.
de l'amour divin, puis
vol. in-8,
Mainz, 1821,
t. I,
p.
LA SORCELLERIE EN FRANCE
66
la foi à l'efficacité
de
la
Rédemption par
sorte qu'autour de cette
âme
se livre
en
le Christ,
un combat per-
pétuel entre les deux puissances divine et diaboli-
que
la première,
;
moral
que
;
la
seconde, origine du mal également physi-
et moral.
fait aussi
source de tout bien physique et
Satan
fait le
mal volontairement
en qualité de bourreau de Dieu
autant que Dieu
lui
en
laisse le
champ
;
il
;
il
le
le fait
libre. Or,
Lu-
ther sur cette pente dangereuse du mal physique,
œuvre de Satan, paraît
être allé fort loin (1), bien qu'il
défendu de croire aux voyages des sabbats, et
ait
même aux
relations charnelles avec les démons. Ce-
pendant, sur ce dernier point,
il
ne semble pas avoir
été très fixé et paraît s'être contredit. «
du
Il
croyait d'autant plus fermement au pouvoir
diable, à tous les
moyens dont
il
dispose pour
séduire les âmes, que lui-même prétendait avoir eu
personnellement
des
preuves
de
irrécusables
son
incessante action. Si l'on en croit les attestations réitérées de Luther, Satan lui
ment apparu.
«
était
très
fréquem-
Satan, écrivait-il, se présente sou-
Nous empruntons
les pages suivantes à Janssen, L'AlleRéforme, traduct. Paris, 7 vol. in-8, t. VI, p. 433. On peut voir sur la croyance des protestants au diable: DiefenBACH, Der Hexenwahn, in-8, Mainz, 1886, p. 288, seq. Roskoff, Geschichte des Tetifrls, 2 vol. in-8, Leipzig, 1869, t. II, p. 365 seq. (1)
magne
—
et
la
;
LA SORCELLERIE ET LA RÉFORME PROTESTANTE «
vent
«
yeux sous
Myconius qu'à trouver dans
vent
etc,
dans une
étoile.
«
et
le
diable était
tuer
il
;
l'avait
venu
le
qu'il l'avait sou-
reconnu un jour
Il
charge un ou deux démons de
démons
Luther avait appris aussi de
«
à son ami
se promène avec moi au dor-
ce sont des
;
racontait
jardin sous la forme d'un
le
à Cobourg,
;
le
je
;
Il
».
dessein de
le
toir, écrit-il,
« surveiller
vu de mes bouchon de
Wartbourg,
la
rencontré dans
sanglier noir
«
forme d'un
la
enflammé,
« paille
l'ai
porc, d'un
un déguisement
sous
67
pérateurs, une foule d'histoires
inquisiteurs
me
».
ses amis, de ses coo-
très véritables
«
d'apparitions ou d'attentats sataniques.
A
»,
Sessen,
trois domestiques avaient été emportés tout vivants
par
le
démon
dans
;
la
Marche, Satan avait tordu
le
cou à un aubergiste, emporté un lansquenet à travers les airs le
;
à Mûhlberg, un joueur de flûte ivre avait eu
même
sort
;
à Eisenach,
le
lendemain, un autre
joueur de flûte avait été emporté par
que Juste Menius sent
constamment
et
veillé, il
gardant
les
se trouvait
;
portes et les fe-
on avait retrou-
corps du premier joueur de flûte dans un ruis-
le
seau
bien
quelques autres prédicants eus-
nêtres de la maison où
vé
le diable,
;
le
setiers.
cadavre du second, dans un buisson de noi-
Un
heureux
:
il
jeune apprenti de Thuringe avait été plus avait triomphé du diable, qui avait tenté
LA SORCELLERIE EN FRANCE
68
de l'emporter.
Ce ne sont pas
«
là
des contes en
l'air,
«
inventés pour inspirer
«
des faits réels, vraiment effrayants et non des enfan-
ce
tillages,
«
passer pour habiles
«
humiliés et battus, deviennent des lutins et des
«
farfadets, dit-il ailleurs, car
«
nérés, et j'incline à croire
«
autre chose.
«
jettis
comme
peur, écrit Luther, ce sont
la
prétendent plusieurs qui veulent
le
—
«.
Les diables, vaincus,
«
que
— Les serpents
au démon plus que
y a des diables dégé-
il
les singes
et les singes sont assu-
autres
les
ne sont pas
animaux Satan ;
«
demeure en eux,
«
tromper
«
habitent en beaucoup de pays, mais plus particu-
«
lièrement en Prusse.
«
très
les
il
les
hommes
possède
et
;
Il
se sert d'eux
pour
y a aussi en Laponie un
grand nombre de démons
non
il
pour leur nuire. Les démons
et de magiciens.
En
de Lucerne, sur une très haute
«
Suisse,
«
montagne,
«
Pilate; là le diable se livre à toutes sortes d'actes
«
infâmes.
«
tagne,appelée
loin il
y a
un
Dans mon le
lac qui s'appelle l'étang
sur une
pays,
Poltersberg
y a un étang
haute mon-
(montagne des
quand on y
de
jette
une
lu-
pierre,
«
tins),
«
il
«
nant est bouleversé. Le lac est rempli de démons
«
Satan
il
s'élève aussitôt
les
y
;
un orage
retient captifs
Voici, relativement les plus curieuses
et tout le
pays environ;
».
au démon, l'une des pages
de Luther
:
«
Le diable apparut un
LA SORCELLERIE ET LA RÉFORME PROTESTANTE «
jour à un médecin sous
«
de longs poils et de grandes cornes
«
assis
(
sur
aussitôt,
docteur
cornes et
les
«
le
te
raille,
«
cornes
«
disparut.
«
ture se dit à lui-même
«
cela, je
«
pas baptisé tout
«
lui
«
imiter son confrère
«
sit le
«
s'élança sur lui et l'étrangla
puis lui
retendit
il
le faire
apparut sous
bouc par
:
«
saisit
la
mu-
mais
;
les
ayant appris l'aven-
même ;
Bon
mon
!
aussi bien
comme la
de
table
la
voir
fit
reconnut
le
l'arracha
sur
autre docteur,
pourrai
se
il
entre les mains et l'animal
restèrent
Un
;
avait
il
;
son courage à deux mains,
prit
bouc par
forme d'un bouc
Le
muraille.
la
il
la
6&
que
lui
Un
jour
lui ? »
forme
confrère a fait
le
;
!
Xe
suis-je
le
diable
docteur voulut
plein de présomption,
mais
les cornes,
Nous n'attachons pas
le
il
sai-
diable furieux
».
plus d'importance qu'il ne
faut à des récits plutôt anecdotiques que doctrinaux, leur fréquence témoignait cependant chez Luther la
tournure d'un esprit porté vers
Dans
les
écrits
doctrinale,
comme
le
Réformateur
relles, l'assassinat, la
guerre,
récoltes et les
poison dans
l'air
;
il
représente
maux:
fait périr les
il
pensée du diable.
plus réfléchis, ayant une intention
l'auteur de tous les
chrétiens,
la
de
le
«il
le
démon
suscite les que-
tonnerre, la grêle,
il
répand
le
bestiaux, et
menace sans
cesse la vie des
apaise sa rage en faisant pleuvoir sur
70
LA SORCELLERIE EN FRANCE
eux une foule de maux
et de calamités.
que tant de malheureux les
autres fous
;
De
là vient
périssent, les uns étranglés,
c'est lui qui attire les enfants près
des rivières, lui qui prépare des chutes mortelles. «
Le
—
diable est tellement puissant qu'avec une feuille
peut donner
mort.
possède plus de
«
d'arbre
«
drogues, plus de fioles remplies de poisons que tous
«
les apothicaires
il
« cesse la vie «
la
Il
de l'univers. Le diable menace sans
humaine par des moyens à
qui empoisonne
l'air.
—
lui, c'est lui
Les bois recèlent beau-