Kirakos Ganjakec'i (XIII Siecle): Histoire D'armenie (Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, 696) (French Edition) 9789042944633, 9789042944640, 9042944633

L'Histoire de Kirakos Ganjakec'i ( 1271/1272 ?), est une source fondamentale pour les invasions mongoles en Ar

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Kirakos Ganjakec'i (XIII Siecle): Histoire D'armenie (Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, 696) (French Edition)
 9789042944633, 9789042944640, 9042944633

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CORPUS S C R I P T O R U M C H R I S T I A N O R U M O R I E N TA L I U M EDITUM CONSILIO

UNIVERSITATIS CATHOLICAE AMERICAE ET UNIVERSITATIS CATHOLICAE LOVANIENSIS Vol. 696

SUBSIDIA TOMUS 144

KIRAKOS GANJAKEC‘I (XIIIe SIÈCLE) HISTOIRE D’ARMÉNIE TRADUCTION, INTRODUCTION ET NOTES PAR

PATRICIA BOISSON

LOVANII IN AEDIBUS PEETERS 2021

HISTOIRE DE KIRAKOS GANJAKEC‘I (XIIIe SIÈCLE)

CORPUS S C R I P T O R U M C H R I S T I A N O R U M O R I E N TA L I U M EDITUM CONSILIO

UNIVERSITATIS CATHOLICAE AMERICAE ET UNIVERSITATIS CATHOLICAE LOVANIENSIS Vol. 696

SUBSIDIA TOMUS 144

KIRAKOS GANJAKEC‘I (XIIIe SIÈCLE) HISTOIRE D’ARMÉNIE TRADUCTION, INTRODUCTION ET NOTES PAR

PATRICIA BOISSON

LOVANII IN AEDIBUS PEETERS 2021

A catalogue record for this book is available from the Library of Congress.

© 2021 by Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium Tous droits de reproduction, de traduction ou d’adaptation, y compris les microfilms, de ce volume ou d’un autre de cette collection, réservés pour tous pays. ISSN 0070-0444 ISBN 978-90-429-4463-3 eISBN 978-90-429-4464-0 D/2021/0602/86 Éditions Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Louvain

REMERCIEMENTS J’exprime toute ma gratitude à Agnès Ouzounian pour son soutien moral indéfectible et les nombreuses heures consacrées à relire cette traduction. J’adresse aussi mes plus sincères remerciements au professeur JeanPierre Mahé pour les conseils et suggestions qu’il m’a prodigués. Je voudrais remercier chaleureusement Claude Mutafian pour ses remarques et la générosité avec laquelle il a mis sa bibliothèque à ma disposition, je dédie ce livre aux éminents membres du club 52 de Louvainla-Neuve. Enfin, j’exprime ma vive reconnaissance au professeur Bernard Coulie qui m’a fait l’honneur d’accepter de publier ce travail au sein de la collection CSCO.

TRANSCRIPTIONS DES NOMS PROPRES Pour l’arménien, nous avons utilisé la translittération de la Revue des Études arméniennes (ou système Hübschmann-Meillet). Pour le géorgien, nous avons suivi le système de la Revue des Études Géorgiennes et Caucasiennes (Paris). Pour le monde musulman nous avons transcrit les noms propres tels qu’ils apparaissaient dans l’Encyclopédie de l’Islam. Pour le monde mongol, nous avons utilisé la translittération en caractère latin d’Igor de RACHEWILTZ (Index to the Secret History of the Mongols, Bloomington Indiana Press, Uralic and Altaïc series 121, 1972) et la traduction française d’EVEN M.-D. et POP R. (Histoire secrète des Mongols. Chronique mongole du XIIIe siècle, Paris, 1994) dans laquelle on a introduit la translittération de certains termes et restitué les noms propres.

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X

P. BOISSON

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P. BOISSON

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INTRODUCTION L’Histoire de Kirakos Ganjakec‘i est une source fondamentale pour les invasions mongoles en Arménie; témoin privilégié de l’irruption des troupes mongoles en Transcaucasie, puisqu’il fut leur prisonnier, Kirakos Ganjakec‘i nous livre un récit précis et pittoresque sur ce peuple qui avec une redoutable efficacité dès 1231, de la Chine du Nord, en passant par la Perse, la Pologne, la Hongrie et même jusqu’aux portes de l’Italie, terrorisa et massacra les populations conquises et bâtirent un empire. Les renseignements fournis dans l’Histoire de Kirakos Ganjakec‘i complètent ceux des voyageurs européens, Jean de Plan Carpin, Guillaume de Rubrouck, des historiographes persans Djuwaynī, Rashīd al-dīn Ţabīb, du prélat de l’Église jacobite syriaque Bar Hebraeus et du Seljoukide Ibn Bībī pour ne citer qu’eux. Comme le Voyage dans l’empire mongol 1253-1255 du franciscain Guillaume de Rubrouck1, Kirakos Ganjakec‘i offre un témoignage précieux et nuancé d’un homme d’Église à propos d’un peuple considéré comme celui de l’Antéchrist par l’Europe et les chrétiens. L’Histoire est également de première importance pour l’étude de l’Arménie des Zak‘arean et surtout de l’histoire religieuse de l’Arménie au XIIIe siècle. En effet, théologien formé par le grand vardapet Yovhannēs Vanakan, Kirakos Ganjakec‘i témoigne également de l’activité culturelle et architecturale des illustres monastères de Grande Arménie et de leur vardapet, comme Kamrǰajor2, Ani3, Hoṙomos4, Sanahin5, Hałbat6, Gošavank‘7, Hałarcin8, Ganjasar9, 1 Guillaume de Rubrouck (1215-1295) est un franciscain flamand, de langue latine, sujet et intime du roi Saint Louis. À sa demande, il se rend en Mongolie en 1253-1254, pour évangéliser les Mongols. De retour de son périple, à Saint-Jean-d’Acre il rédige sa relation de voyage qu’il envoie au roi de France, le récit est plus précis que celui de Jean de Plan Carpin. 2 Kirakos, chap. 1, p. 84. 3 Kirakos, chap. 1, p. 89-90. 4 Kirakos, chap. 1, p. 85. 5 Kirakos, chap. 1, p. 90. 6 Kirakos, chap. 1, p. 98-99. 7 Kirakos, chap. 4, p. 164 et 5, p. 171-172. 8 Kirakos, chap. 14, p. 211. 9 Kirakos, chap. 31, p. 269-270.

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Akner10; il cite plus d’une trentaine de couvents. Il consigne dans son Histoire les actes du concile de Lōṙē de 1205, réuni pour examiner les pratiques cultuelles des soldats arméniens et géorgiens de Zak‘arē11, et les 25 canons du concile de Sis de 124312 afin de corriger certaines pratiques qui s’étaient répandues au sein de l’Église arménienne, mais outre ces canons disciplinaires, Kirakos Ganjakec‘i expose la position de l’Église arménienne qui est représentée face aux Byzantins par la profession de foi de Nersēs Šnorhali et face aux Latins par celle du vardapet Yovhannēs Vanakan. Cette Histoire est en fait une histoire religieuse de l’Arménie aux XIIe et XIIIe siècles, rédigée par un grand vardapet arménien qui incidemment a été emprisonné par les Mongols; elle a été trop souvent négligée au profit de l’histoire des Mongols en Transcaucasie. 1. L’AUTEUR ET SON ÉPOQUE Le peu de choses qu’on sache de Kirakos Ganjakec‘i provient de ses œuvres. Il est né, selon ses dires, dans la région de Gandja (Ganja/Ganjak)13, dans le Nord-est, en Grande Arménie, au tout début du XIIIe siècle14. Il eut comme maître le célèbre maître et docteur, le vardapet Yovhannēs Vanakan (1181-1251)15, à qui il voue une grande admiration. Kirakos étudie sous sa férule à Nor Getik16, couvent plus connu sous le nom de Gošavank‘, puis au monastère de Xoranašat17 jusqu’en 1225, date à laquelle le monastère est détruit par les troupes de Djalāl al-Dīn (1220-1231), dernier shāh de Khwārazm18. Réfugié dans des grottes, en face du village de Lorut19, 10

Kirakos, chap. 3, p. 159. Kirakos, chap. 5, p. 168-174. 12 Kirakos, chap. 41, p. 293-312. 13 Kirakos chap. 1, p. 116. 14 Kirakos, chap. 33, p. 278: «Եւ յորժամ եղեւ այս գծագրութիւնն, որ յայսմ վայրի, ի ՈՂ թուականի հայոց, ի թագաւորութեանն Հայոց, որ ի կողմանս Կիլիկեցւոց, Հեթմոյ բարեպաշտի (…) ի բռնակալութեան հանուրցս թաթարին, և ի ժամանակի կենաց մերոց ամս քառասուն պակաս կամ աւելի: ([Ces événements] ainsi dépeints eurent lieu, en cet endroit, en 690 [= 1241/1242] du comput arménien, à l’époque où le pieux Het‘um était roi d’Arménie dans les régions de Cilicie (…) au temps de la tyrannie du Tatar [qui s’exerçait] partout; à l’époque j’avais quarante ans, plus ou moins).» 15 À propos de Yovhannēs Vanakan (litt. «supérieur de monastère») élève de Mxit‘ar Goš, voir Vardan, § 87, p. 146-147 (trad. Thomson, p. 215), qui fut, comme Kirakos, son élève et Kirakos chap. 5, p. 178; 24, p. 243-252; 52, p. 344; 53, p. 348 et notes. 16 Voir Kirakos, chap. 14 et 15, p. 209-212 et notes. 17 Voir Kirakos, chap. 48, p. 326, note 10. 18 Voir Kirakos, chap. 6, p. 182. 19 Voir Kirakos, chap. 24, p. 243, note 2. 11

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il est fait prisonnier l’année suivante par les Mongols avec son maître et ses condisciples. Il passe alors quelques années au service des Mongols en tant que secrétaire et interprète; il en fait une description haute en couleur: ils ont une «apparence hideuse et effrayante à voir» ils ont des «voix fluettes et suraiguës», la description de leur coutume rejoint celle des voyageurs occidentaux Jean de Plan Carpin20 et Guillaume de Rubrouck: «Quand cela est possible ils mangent continuellement et boivent insatiablement et quand cela ne l’est pas, ils s’abstiennent. Ils consomment tous les animaux purs et impurs, ils apprécient particulièrement la viande de cheval. Ils la coupent en petits morceaux et la cuisinent, ou bien ils la font frire sans sel, ou la hachent menu puis la trempent dans de l’eau salée, c’est ainsi qu’ils l’ingurgitent. Certains mangent [accroupis] sur leurs genoux, à la manière des chameaux, d’autres assis. Quand ils prennent leur repas, seigneurs et serviteurs partagent de manière égale. Quand ils boivent du kumis (łmuz) ou du vin, l’un d’entre eux prend un grand pot dans ses mains et avec une petite tasse en prélève et en répand en direction du ciel, puis vers l’est, l’ouest, le nord et le sud21.» Ces habitudes alimentaires ne sont guère appréciées par les chrétiens comme en témoignent Guillaume de Rubrouck22 et Kirakos Ganjakec‘i23: lorsque le prince Awag (m. 1250), fils d’Iwanē Zak‘arean, est convié en 1236 par le grand noyan24 Čormaqan (1218-1241) à partager leur nourriture, il refusa d’y goûter, arguant que «les chrétiens n’ont pas coutume de manger cette nourriture et de boire cette boisson, mais ils mangent de la viande d’animaux purs qu’ils ont sacrifiés et prennent du vin comme boisson». Outre des informations sur la légende de la naissance du fondateur de l’empire mongol Činggis Qan (m. 1227), leur croyance, Kirakos Ganjakec‘i nous laisse une liste d’une soixantaine de mots mongols, appris à son corps défendant25. Ce document est précieux pour les mongolisants car ce «lexique constitue un des plus anciens documents de la langue mongole26». Il est probable que c’est son aptitude linguistique qui lui valut l’intérêt des 20 Jean de Plan Carpin est un frère mineur et historien italien (1180-1252), légat du pape Innocent IV, il fut envoyé en mission en Russie et en Mongolie pour tenter de convertir les Mongols et préparer une éventuelle croisade contre eux (1245-1247); c’est l’un des premiers Européens à laisser une relation de voyage sur l’Asie centrale. 21 Voir Kirakos, chap. 32, p. 271-275. 22 Voir Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 101). 23 Voir Kirakos, chap. 26, p. 254-257. 24 Noyan est titre militaire mongol qui désigne un général. 25 Voir Kirakos, chap. 32, p. 274-275. 26 Voir l’étude de LIGETI 1965, p. 242.

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Mongols. On peut se poser la question de savoir en quelle langue Kirakos Ganjakec‘i s’exprimait avec ces nouveaux envahisseurs; en turc ou en persan, langues que Kirakos Ganjakec‘i parlait couramment; vraisemblablement en persan. En effet, jusqu’à la conquête de la Chine du Nord, le personnel bureaucratique de l’appareil d’État mongol était pour l’essentiel uighur27 et de 1215 à 1241, chinois. Dans ce nouveau contexte des bureaux de traduction en langues chinoise, uighur, mongole et persane sont organisés sur le modèle chinois dans tous les États contrôlés par les Mongols, de façon à former une élite mongole et ne pas être à la merci de lettrés non mongols28. Kirakos Ganjakec‘i reste auprès d’eux, jusqu’en 1236, année où son maître Yovhannēs Vanakan est libéré contre rançon; cependant, malgré la promesse d’une épouse et l’attribution d’une tente et de deux serviteurs29, Kirakos Ganjakec‘i, sans que l’on connaisse les péripéties de son évasion, s’échappe grâce à la Providence divine et la croix «élevée au nom de saint Sargis30», pour se réfugier à Nor Getik, où il commence à rédiger son Histoire de l’Arménie. En 1255, il quitte son couvent pour rencontrer au village de Vardenis, en Aragacotn, le roi d’Arménie, Het‘um (1226-1269)31 de retour de Qaraqorum32 — capitale impériale mongole depuis 1235 — où il était allé en personne rencontrer le grand qan des Mongols Möngke (1251-1259)33. Ce voyage devait entériner l’accord de soumission du royaume arménien et le paiement d’un tribut en échange de la protection mongole34. Kirakos Ganjakec‘i nous fait un récit très précis, étape après étape, de ce spectaculaire voyage35: le roi quitte la ville de Sis, capitale du royaume arménien de Cilicie, passe par l’Anatolie, puis la Grande Arménie, remonte la rive de la Caspienne où il rend visite au fondateur de la Horde 27 Les Uighur/Uyghur sont un peuple turc du Turkestan assujetti aux Mongols au tout début du XIIIe siècle qui ont constitué les premiers éléments de leur appareil d’État en matière de scribe, de chancellerie, d’administration et ont fourni à la langue mongole une écriture. 28 Voir ALLSEN 1983, p. 251-252. 29 Voir Kirakos, chap. 24, p. 252. 30 La croix de saint Sargis est érigée dans un monastère, aujourd’hui en ruine, sur une éminence, dans l’arrondissement (raion) de Qazax en Azerbaydjan, à 1 km de l’Arménie. Voir Kirakos, chap. 24, p. 252. 31 Voir Kirakos, chap. 58, p. 371. 32 Sur la ville, aujourd’hui en ruine, voir Kirakos, chap. 20, p. 232, note 5. 33 Sur le voyage du roi Het‘um, voir Kirakos, chap. 58, p. 364-372, BOYLE 1964, p. 175189 et la carte en annexe. 34 Voir DASHDONDOG 2011, p. 80-84. 35 Voir la carte du voyage du roi Het‘um (1252-1255), infra/supra p. 382.

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d’Or, le qan Batu (1227-1255) pour parvenir à Qaraqorum en 1254. À Vardenis, dans la maison du prince K‘urd, le roi Het‘um relate beaucoup de «choses merveilleuses» de pays où les femmes sont capables de paroles mais pas les hommes; de pays peuplés «de nombreux idolâtres, qui célèbrent de très grandes idoles en argile, nommées Šakmonia (= buddha)»36 et dont la nation «y compris les femmes et les enfants sont des prêtres appelés toyink‘» et d’autres histoires que Kirakos Ganjakec‘i ne rapporte pas, car elles lui paraissent superfétatoires. Il préfère faire le récit de la destruction brutale des grandes villes37 par les Mongols, de la fuite des populations, de la transformation de la plaine de Mūghān en pâturages d’hiver par les nouveaux conquérants38 et surtout des réquisitions fiscales et militaires de ces derniers. En Grande Arménie, comme en Géorgie, la domination mongole s’exerça essentiellement en matière de fiscalité et en levée de troupes, les Mongols maintenant en place les souverains locaux et les traditions dynastiques. C’est ainsi que les souverains géorgiens conservèrent, au moins dans un premier temps, leur trône et leur territoire mais en tant que sujets du grand qan, évitant ainsi l’affrontement militaire; de même les princes Zak‘arean, dans le NordEst de l’Arménie, conservèrent les provinces de l’Ayrarat, du Siwnik‘, de l’Arc‘ax et du Gugark‘, tandis que les provinces occidentales et méridionales sont dominées par les musulmans39. Un recensement des populations conduit par le premier administrateur mongol de la Perse, Arġun40, assisté des représentants des qan Möngke (1256-1259) et Batu (1227-1255) est effectué. Il aboutit à alourdir considérablement le système fiscal41 déjà en place, qui se composait d’un mélange de taxes locales traditionnelles et musulmanes auxquelles vont s’ajouter celles qui ont été introduites par les Mongols, sans compter les exactions des princes et fonctionnaires locaux; les impôts étaient élevés et nombreux42. Kirakos Ganjakec‘i relate également, grâce aux témoignages des Arméniens enrôlés dans les troupes 36

Voir Kirakos, chap. 58, p. 371. Voir Kirakos, chap. 25, p. 253-254, chap. 27, p. 258-259, chap. 28, p. 260-262, chap. 34, p. 278-281. 38 Voir Kirakos, chap. 28, p. 261. 39 Voir Kirakos, chap. 29, p. 263-267. 40 Voir Kirakos, chap. 57, p. 361-363. Sur Arġun, voir l’article de JACKSON dans l’Encyclopaedia Iranica, II/4, p. 401-402. 41 Voir ALLSEN 1987, p. 116-143. 42 Voir sur l’impôt en général, l’article kharādj dans EI2, IV, p. 1062-1087; Kirakos, chap. 59, p. 374-375. 37

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mongoles, en particulier celui du prince Hasan dit Pṙōš43, la prise de Baghdād en 1258 par le petit-fils de Činggis Qan, l’īl-khān44 Hülegü (12561265) qui tua le dernier calife ‘abbaside, massacra les habitants de la ville, mais grâce à son épouse chrétienne la qatun Doquz, ménagea les chrétiens «de Baghdād, ceux de la secte nestorienne et d’autres nations45». Kirakos meurt en 1271, la même année que son condisciple Vardan Arewelc‘i, d’après l’historiographe du XIIIe siècle Grigor Akner46 et un colophon d’un manuscrit47 ou en 1272 d’après le Pseudo Smbat Sparapet48. A. Le vardapet À Nor Getik, Kirakos Ganjakec‘i devient une figure importante du clergé de l’Arménie orientale; à ce titre il lance des anathèmes à l’encontre de Dawit‘ de Car (chap. 48) mais surtout participe aux débats théologiques des synodes de Sis de 1243 et de 1251. C’est ainsi qu’en 1247, il signe, avec tous les autres représentants du clergé de Grande Arménie, une lettre d’adhésion aux décisions prises lors du synode de Sis de 1243. Kirakos Ganjakec‘i en donne les canons dans son Histoire49. Ce synode, tenu sur l’ordre du catholicos50 Kostandin Ier de Barjrberd (1221-1267), à l’époque du roi Het‘um Ier, réformait la discipline ecclésiastique. Quant au second synode de Sis de 1251, convoqué parce que le pape de Rome, Innocent IV (1243-1254) avait «soulevé parmi les Chrétiens la question de [savoir] si le Saint-Esprit de Dieu [procède] du Père seulement, ou du Père et du Fils», Kirakos Ganjakec‘i en parle d’une manière très différente de celui de 1243. En effet, il ne donne pas les canons du synode et ne discute pas d’une éventuelle lettre d’adhésion du clergé de Grande Arménie aux décisions synodales. Il se contente de rappeler brièvement la position de l’Église byzantine et de certains Syriens qui pensent 43

Voir Kirakos, chap. 60, p. 377-384. Īl-khān/qan: titre pris par les souverains mongols qui, à la suite d’Hülegü, régnèrent sur l’Iran jusqu’en 1335. 45 Voir Kirakos, chap. 60, p. 382. 46 Voir Grigor Akner, 17, p. 65 (trad. Blake et Frye, p. 379). 47 Le colophon du manuscrit J 32 (POŁAREAN, Catalogue, t. 1, p. 146): «Ի թվականին հայոց Չ և Ի փոխեցան ի Քս. փառաւոր վարդապետքն հայոց, Վարդան և Կիւրակոս, որոյ սբ. Աղաւթք նոցա ի վերայ մեր և ամենայն աշխարհի:» (En 720 [=1271/1272] du comput arménien, les illustres vardapet d’Arménie, Vardan et Kirakos dont les saintes prières sont pour nous et tout le pays, rejoignirent le Christ.) 48 Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 253 (trad. Dédéyan 1980, 93, p. 124). 49 Kirakos, chap. 43, p. 301-310. 50 Le patriarche d’Arménie se fait appeler catholicos pour la première fois en 555; il s’agit de Nersēs (548-557), voir Narratio, § 68, p. 35 (trad. Mahé, p. 433) et GARITTE 1967, p. 155-156. 44

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que le Saint-Esprit procède «uniquement du Père». Kirakos Ganjakec‘i ne parle pas de la position du clergé arménien installé à Sis, clergé qui toutefois demande aux vardapet de Grande Arménie leur avis sur le sujet afin de répondre aux Latins. Ce sont Yovhannēs Vanakan (1180-1251), le vardapet Vardan, Yovsēp‘ et quelques autres vardapet qui rédigent le texte de la doctrine de l’origine du Saint-Esprit, la seule «acceptable pour l’Église arménienne et pour l’âme de Kirakos (…)» [et d’après laquelle] «le Saint-Esprit procède du Père et se manifeste à travers le Fils51». L’exposé de la doctrine est suivi de deux chapitres intitulés: «Profession de la vraie foi des orthodoxes» et «Conseil sur le dogme de Vanakan»52. Pourquoi Kirakos Ganjakec‘i traite-t-il la question du synode de 1251 de cette manière? La réponse est probablement à chercher dans son témoignage sur le concile de 1199. À la fin du XIIe siècle, sous le pontificat du catholicos Grigor Tła (1173-1193), l’Église arménienne avait noué des relations avec l’Église romaine. Ces relations s’intensifient sous le pontificat du pape Innocent III (1198-1216), partisan de l’union des Églises. L’išxan53 Lewon, le futur roi Lewon Ier (1198-1219), demande de l’aide au pape qui lui promet de lancer une nouvelle croisade pour sauver les États Francs du Levant. Innocent III engage Lewon à s’unir avec les Latins contre les Infidèles et fait parvenir au catholicos Grigor VI Apirat (11941203) l’anneau, la mitre et le pallium. Les pourparlers se poursuivent et le 6 janvier 1198, à Tarse, Lewon est couronné sous la suzeraineté du Saint Empire et de la papauté. Mais ce couronnement passait par l’acceptation des conditions posées par la papauté, en particulier l’union religieuse. En 1199, le catholicos Grigor VI accepte l’union avec les Latins. Kirakos Ganjakec‘i minimise la portée de cette union, d’une part en mettant en doute la sincérité du roi Lewon54 — il a réussi à convaincre le clergé arménien en prétendant que les concessions faites étaient formelles — et d’autre part en affirmant que seule une minorité d’évêques a adhéré à l’union. Kirakos Ganjakec‘i n’est certainement pas partisan de l’union avec l’Église romaine ou byzantine et il défend les positions traditionnelles de 51 Sur les contentieux doctrinaux entre Rome et l’Arménie, voir l’analyse des documents et en particulier la lettre du catholicos Konstantin rédigée par le vardapet Vardan à propos des quinze points de discorde entre l’Église arménienne et la papauté par HALFTER et SCHMIDT 2003, p. 91-135 52 Sur la position dogmatique de Yovhannēs Vanakan, voir PAGOSSIAN 2010, p. 3941. 53 Litt. «prince». 54 Kirakos, chap. 3, p. 157: «Դուք մի ինչ հոգայք վասն այդորիկ, ես հաճեցից զմիտս նոցա առ անգամ մի կեղծաւորութեամբ:» (Vous, ne vous inquiétez pas à propos de cela, moi j’approuverai hypocritement pour une fois leurs desseins).

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l’Église; il écrit ceci: «il convient de prêcher publiquement que l’Esprit procède du Père et se manifeste par le Fils. C’est ce que nous avons répondu à l’encyclique des Occidentaux et nous nous tenons fermement dans cette foi par la grâce de la Sainte Trinité à qui soit gloire pour les siècles55.» B. Les œuvres Kirakos Ganjakec‘i, a compilé sous le nom de Kirakos Arewelc‘i (l’Oriental) du couvent de Nor Getik un yaysmawurk‘56 en 1269, à Sis57. Il a ajouté cent soixante-dix notices à la première rédaction et a reclassé ces vies de saints en commençant par le 1er navasard (11 août), premier jour de l’année arménienne. Le synaxaire a été publié par Bayan sous le titre Le Synaxaire de Ter Israël58. Il est l’auteur aussi d’une Histoire de l’Arménie, dont le titre exact est Brève histoire depuis saint Grigor jusqu’aux derniers jours, par Kirakos le vardapet du très connu couvent de Getik59 qui fait l’objet de notre traduction. Kirakos commence à composer son ouvrage le 19 mai 1241, le dimanche de la Pentecôte60. Il travaille plus de vingt ans à la rédaction de son Histoire qui se termine en 1265, date de la mort de l’īl-khān, souverain mongol de Perse, Hülegü (1256-1265) et du mariage de son fils, Abāḳā 55

Voir Kirakos, chap. 50, p. 333. Un yaysmawurk‘ est un recueil qui contient pour chaque jour de l’année une ou plusieurs notices biographiques sur le saint et la fête du jour. Habituellement, après une notice, il est fait mention d’un ou de deux autres saints dont la fête tombe le même jour, d’où le nom arménien donné à tout le recueil yaysmawurk‘ «ceux dans ce jour». Dans toutes les Églises arméniennes, ces recueils existaient et leurs notices étaient lues tous les jours, soit pendant la synaxe du matin (d’où le nom de synaxaire), soit plus tard avant l’office du soir, soit durant la veillée. Dès les articles de PEETERS 1911, p. 5-26 et de ADONC‘ 1924, p. 211-218 parus à l’occasion de la publication du Synaxaire arménien de Ter Israël, par BAYAN (PO 23, 27, 74, 77, 86, 91, 101-106), les spécialistes s’accordent sur le fait que le synaxaire arménien a connu quatre révisions entre 1240 et 1425, chacune d’elles dépendant de la précédente. Une première rédaction a été faite par un moine appelé Tēr Israēl, qui composa son recueil vers 1249 à la suite de la commande de Vanakan vardapet et de son parent Grigor. Une deuxième rédaction fut composée par les soins de Kirakos l’Oriental en 1269, à Sis. Une troisième rédaction est attribuée au catholicos Grigor Anawarzec‘i (1295-1306) et enfin une quatrième rédaction, celle de Grigor Cerenc‘ (1353-1425). À propos des questions soulevées par les différentes rédactions du synaxaire arménien, voir DER NERSESSIAN 1950, p. 261-285 et surtout l’étude de MÉCÉRIAN 1953, p. 100-188. 57 ALIŠAN 1901, II, p. 538; à l’époque Kirakos avait 66 ans. 58 À propos de Kirakos auteur du synaxaire, voir BOISSON-CHENORHOKIAN, 2005-2007, p. 241-246. 59 Voir l’introduction de Melik‘ Ōhanǰanyan, Kirakos, p. cxiii sq. 60 Kirakos, chap. 1, p. 9-10. 56

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(1265-1282), avec la fille illégitime de l’empereur Michel VIII le Paléologue. On distingue deux parties. Kirakos Ganjakec‘i commence sa rédaction par un bref récit concernant Grigor l’Illuminateur, citant les auteurs qui l’ont précédé61 et qui lui ont permis d’écrire cette première partie. Dans la seconde partie62 Kirakos Ganjakec‘i décrit tous les changements politiques, sociaux et économiques intervenus en Grande Arménie, en Géorgie et en Albanie pendant la période de la domination mongole de 1241 à 1265 et dont Kirakos Ganjakec‘i est le témoin. 2. LES THÈMES ET LES

SOURCES DE

KIRAKOS GANJAKEC‘I

L’Histoire d’Arménie de Kirakos Ganjakec‘i comporte soixante-cinq chapitres d’inégale longueur, précédés d’une préface, écrit dans un style clair et simple. Dans sa préface, Kirakos Ganjakec‘i annonce vouloir à travers son Histoire témoigner que la prophétie du catholicos Nersēs (353373) au sujet «de la nation des archers et de la destruction du pays d’Arménie»63 (…) «s’est accomplie maintenant par la main de ceux que l’on appelle Tatars64». Il a vu des choses effroyables et entendu des histoires étonnantes, comme la légende de l’origine divine de Činggis Qan par l’išxan Grigor65 ou les histoires rapportées par le roi Het‘um66. Son récit se présente comme un testament littéraire, réalisé grâce à la protection divine et non grâce à celle «d’un roi illustre ou d’un chef de famille connu»67. Le chapitre 1, le plus long de l’Histoire d’Arménie, débute par une histoire succincte de l’histoire des Arméniens depuis saint Grigor, premier patriarche arménien, et l’adoption du christianisme68 jusqu’au catholicos Nersēs Šnorhali (1166-1173). Kirakos relate les relations qu’auraient eues le roi Trdat (298-330) et Grigor l’Illuminateur avec l’empereur Constantin 61 Kirakos, chap. 1, p. 4-7: Ewsebios, Sokratēs, Agat‘angełos, Movsēs Xorenac‘i, Ełišē, Łazar P‘arpec‘i, P‘awstos Biwzand, Sebēos, Koriwn, Xosrov, Łewond, T‘ovma Arcruni, Šapuh Bagratuni, Yovhannēs Drasxanakertc‘i, Movsēs Kałankatuac‘i, Uxtanēs, Asołik, Aristakēs Lastiverc‘i, Matt‘ēos Uṙhayec‘i, Samuēl Anec‘i, Yovhannēs Vanakan. 62 La seconde partie commence au chapitre 20 (p. 231), les chapitres antérieurs constituant, selon Kirakos lui-même, un récit préliminaire (նախաշաւիղ). 63 Kirakos, p. 9. 64 Kirakos, p. 9. 65 Kirakos, chap. 32, p. 272. 66 Kirakos, chap. 58, p. 368. 67 Kirakos, p. 9. 68 Voir sur l’histoire de saint Grigor par Kirakos Ganjakec‘i, l’étude de BOISSONCHENORHOKIAN 2005-2007, p. 249-271.

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(306-337) et le pape Sylvestre (314-335); ces légendes69 rapportées par les historiographes Agat‘angełos70, P‘awstos Buzand71, Ełišē72 et Movsēs Xorenac‘i73, sont connues des sources byzantines et traduites dès le VIIe siècle en langue arménienne: en particulier le texte hagiographique de la Vie de saint Sylvestre dans l’Histoire ecclésiastique de Socrate74. Seule la version karšūni75 d’Agat‘angełos relate les événements d’une manière différente. D’après cette version, Trdat envoie Grigor «en Italie (auprès) du patriarche de Rome, Léonce», pour être intronisé catholicos (et non chef des évêques)76 puis Grigor se rend à Constantinople avec Trdat auprès de Constantin; là, ils sont fêtés dignement et concluent une alliance77. Ce voyage serait la réminiscence du voyage de Trdat Ier auprès de l’empereur romain Néron78, mais également du voyage ecclésiastique de saint Grigor à Césarée pour son intronisation par le métropolite Léonce. Il semble que Kirakos Ganjakec‘i ait fait l’amalgame entre le voyage politique, le voyage ecclésiastique et les légendes à propos des relations concernant Constantin et Sylvestre: Grigor et Trdat se rendent à Rome auprès de Constantin, Grigor est intronisé en tant que patriarche (et non chef des évêques, ni catholicos) par le pape Sylvestre et ils concluent une alliance. À Jérusalem, saint Grigor reçoit des présents (les reliques des saints apôtres et la main gauche d’André), des lieux de culte (le Golgotha, l’église de Saint-Jacques, une place pour dire la messe au chevet de la Sainte-Résurrection); il suspend une lampe au-dessus du tombeau du Christ puis sacrifie des animaux et bénit le sel. Les sources de ce passage ne sont pas les historiographes antérieurs mais plutôt les livres liturgiques Voir BHO, 1066-1068. Agat‘angełos, § 867-891, p. 455-468 (trad. Thomson, p. 401-421). 71 P‘awstos Buzand, III, 21, p. 47 (trad. Garsoïan, p. 98). 72 Ełišē, III, p. 72 (trad. Thomson, p. 123). 73 Movsēs Xorenac‘i, II, 88-92, p. 236-250 (trad. Mahé, p. 241-249). 74 Les Actes de Sylvestre traduits en 678 sont accolés à l’Histoire ecclésiastique de Socrate (Ve siècle) traduite en arménien en 697. Voir la traduction de THOMSON 2001, The Armenian Adaptation of the Ecclesiastical History of Socrates Scholasticus, p. 1012. 75 Le texte karšūni est dérivé d’un texte syriaque du XIIe siècle, lui-même traduction d’un original arménien du VIIe siècle; il a été publié et traduit par VAN ESBROECK 1971, p. 13-167 (= Vk). 76 Vk, § 219-240, p. 74-79. 77 Vk, § 279-284, p. 89-90. 78 Voir THOMSON 1976, p. vii-xcvii et CHAUMONT 1996, p. 55-66. À propos de l’historicité des récits attribués à Agat‘angełos, voir GARSOÏAN 1999, p. 2-12. 69 70

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arméniens, le čašoc‘79 et les notices du tōnapatčaṙ80 comme celui de Samuēl Kamrǰajorec‘i81 et la lettre du Pseudo Juste de Jérusalem82. Une fois revenu en Arménie, saint Grigor ordonne son fils Aristakēs comme «chef des évêques d’Arménie, d’Ibérie et du pays des Ałuank‘», et après le retour de ce dernier du concile de Nicée (325), saint Grigor entame une vie de solitaire. Son corps est découvert par des bergers qui l’enterre sommairement. Un saint ermite du nom de Gaṙnik découvre la sépulture et transporte les restes de saint Grigor à T‘ordan. Le texte le plus ancien qui réunit tous ces éléments, mais racontés de manière plus circonstanciée, est l’Agat‘angełos karšūni83. Cependant, le dernier épisode est un peu 79 Un čašoc‘ (lectionnaire) est un recueil de textes bibliques et autres concernant la célébration eucharistique. Il est la base de l’organisation de l’année liturgique et du calendrier de l’Église arménienne. Ce livre (čašoc‘) a été traduit au Ve siècle en arménien à partir d’un lectionnaire hagiopolite grec et a connu trois périodes de transformation, Ve, VIIIe-IXe et XIIe-XIIIe siècles. La forme arménienne originelle (Ve siècle) a survécu dans trois manuscrits des Xe-XIIe siècles. Voir RENOUX, 2004a et 2004b. 80 Litt. «Explication/motif des fêtes». C’est un recueil contenant des explications et commentaires sur les fêtes. 81 RENOUX 1980, p. 288, note 7. Samuēl Kamrǰajorec‘i, supérieur du couvent de Kamrǰajor, en Aršaruni, est considéré comme le premier rédacteur d’un tōnapatčaṙ. Certains passages de ce texte encore inédit ont été traduits, en particulier les passages concernant la fête du Vardavaṙ, sous le nom de Grigoris Aršaruni. 82 Cette lettre a été traduite en français par VAN ESBROECK 1982, p. 161. «Lettre du bienheureux Juste quatrième après Jacques, le frère du Seigneur constitué évêque de Jérusalem sur le renouvellement du sacrement du Christ dans la fête du Vardavaṙ dans le sel de bénédiction. Ainsi nous instruisent les apôtres du Seigneur au sujet de la fête du Vardavaṙ qui est la fête des Tentes selon Moïse: (…) C’est ainsi que les apôtres reçurent l’ordre du SaintEsprit de prendre en cette fête les veaux, les boucs et les agneaux et de les saler avec le sel de bénédiction en traçant au-dessus le Père, le Fils et le Saint-Esprit selon l’Ancien Testament qui dit: Dans toutes nos victimes que soit introduit le sel de bénédiction et que le sel entre dans vos offrandes. Car le Christ a pris la chair de la terre et il a changé les croyants en sa nature par le sel de la sainteté et il a établi en nous le sel qui est le remède de la corruption de nos péchés afin que lorsque le serpent voudra s’approcher, sans arriver à mordre, il s’abstienne à cause du sel et ne puisse manger les croyants en Christ, comme il mangeait (les hommes) autrefois. C’est ce qu’a dit saint Juste qui fut témoin oculaire et serviteur des saints apôtres, ayant obtenu l’épiscopat en second après Jacques et Siméon. Que Jacques, le frère du Seigneur, et les apôtres ont dressé la table le jour de fête du Vardavaṙ, parce qu’auparavant la chair du Christ n’était pas sacrifiée sur la table. Alors le frère du Seigneur reçut l’ordre du Saint-Esprit d’introduire le sacrifice du Christ. À ce moment, les apôtres virent le Saint-Esprit descendre sur lui sous la forme d’une colombe, car à la fête du Vardavaṙ fut introduit le premier sacrifice et ce jour-là fut le commencement des mystères et des sacrifices et de la sainte table du Seigneur et du sel de bénédiction, comme le Christ l’a dit à ses apôtres: Vous êtes le sel de la terre. Car le Christ bénit le sel par la bouche du prêtre et de l’Esprit Saint.» 83 Vk, § 287-300, p. 91-95.

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différent; en effet l’ermite appelé Amra84 découvre le corps du saint, le transporte à T‘ordan, à l’époque de l’empereur Zénon (474-475, 476-491). Si Kirakos Ganjakec‘i suit l’Agat‘angełos karšūni, il n’en va pas de même pour le récit de l’invention et de la translation à Constantinople des reliques de saint Grigor, de Hṙip‘simē et de ses compagnes à l’époque de Zénon. Les textes relatifs aux sépultures, inventions ou translations de saint Grigor sont nombreux, mais à notre connaissance un seul d’entre eux associe Zénon, saint Grigor, Hṙip‘simē et ses compagnes. Ce récit se trouve dans l’Histoire de saint Nersēs Part‘ew patriarche d’Arménie de Mesrop Vayoc‘jorec‘i rédigé en 96785. Le texte a été publié en 1853 à Venise86 sur la base de manuscrits des XIIe et XIIIe siècles87. On lit88: Եւ յաւուրսն յայնոսիկ յայտնեցան նշխարք սրբոյն Գրիգորի Հայոց Լուսաւորչի. և ազդ եղեւ կայսերն Յունաց Զենոնայ, և նա առաքէ բազում լեգէոն զօրս ի ձեռն զօրավարին Միջագետաց, որ եկեալ բռնութեամբ յափշտակեաց զնշխարս սրբոյն Գրիգորի. և ետ զաջ ձեռնն Հայոց վասն լուսաւորելոյն յառաջագոյն զնոսա, և այլ ինչ եւս մասն. և տարաւ զնա բովանդակ, և այլ մասն ինչ ի սրբոց Հռիփսիմեանց ի Կոստանդինուպօլիս, և ի ﬕ տապանի եդին: «Durant ces jours, les reliques de saint Grigor l’Illuminateur de l’Arménie furent découvertes; on en informa l’empereur des Grecs Zénon qui envoya beaucoup de légions sous le commandement du général de Mésopotamie. Celui-ci vint et s’empara par la force des reliques de saint Grigor; il donna la dextre aux Arméniens parce que [Grigor] les avait illuminés auparavant et une autre partie. Puis il apporta le [corps] tout entier ainsi que d’autres [reliques] des saintes Hṙip‘simiennes à Constantinople et il les déposa dans un tombeau».

Les reliques des saints sont redécouvertes à Constantinople à l’époque de l’empereur Basile (867-886) et du roi d’Arménie Ašot Bagratuni (867886); on institua une fête à la mémoire de saint Grigor «le samedi de la sixième semaine de carême». Le premier document concernant la commémoration annuelle de l’Invention des reliques de saint Grigor, de Hṙip‘simē et de ses compagnes, est un récit de la fin du IXe siècle, inséré dans des recueils de čaṙəntir (collection de sermons) du XIIIe siècle. 84 Dans Vk, § 297, p. 94 et p. 100, il est appelé Amra, ce qui signifie en syriaque «agneau» et correspond donc au nom Gaṙnik. 85 Voir AnjB, III, no 1, p. 319. 86 En réalité le texte a été publié deux fois. Une première fois à Madras en 1775, à la suite de l’Histoire de Step‘anos Ōrbēlean et une seconde fois à Venise en 1853, dans la collection SH 6. C’est la seconde édition que nous utilisons: Mesrop Vayoc‘jorec‘i, p. 9115. 87 Ce sont des manuscrits de tōnakan (homéliaire festif), voir Mesrop Vayoc‘jorec‘i, p. 8. 88 Mesrop Vayoc‘jorec‘i, p. 10.

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D’après le texte, un eunuque du nom de Nikomidos est envoyé, en 879, en ambassade par l’empereur Basile (867-886) auprès d’Ašot. Là, il raconte le miracle de la découverte des reliques des saints à Constantinople89 et la fixation par le patriarche Photius (858-867 et 877-886) du jour de leur commémoration, quarante jours après la Pâque, le cinquième samedi (= 26 mai). Ce sont les livres liturgiques (cašoc‘, tōnapatčaṙ, čaṙəntir), qui ont permis d’écrire l’histoire de saint Grigor, et non les ouvrages des historiographes qui nous sont parvenus. Ils sont abondamment utilisés: ainsi évoquant le théologien syriaque Nana (Nonnos de Nisibe [790-870?])90, un homme de grande renommée qui a écrit un Commentaire de l’Évangile de Jean91 «au style lumineux», qui fut emmené en captivité à Sāmarrā «à cause de la renommée de son enseignement» en même temps que les naxarar arméniens entre 852-85592 et «relâché grâce à la sollicitude de Dieu»; ou bien lorsque Kirakos Ganjakec‘i mentionne le métropolite de Siwnik‘, Xosrov Anjewac‘i, qui a introduit dans l’Église de nouveaux discours et rituels et qui remettait en cause l’autorité du catholicos Anania Mokac‘i (941-965?)93. Ainsi Xosrov disait: «Ո՛չ է պարտ կիւրակէ ասել զօրն տէրունի. այլ կիւռիակէ, զի հոռոմերէն է. ասէ նոյնպէս և հասարակաց թողուլ, ասէր զգէսս տղայոց և ո՛չ հատանել մինչև երկայնասցի և պատ առցէ, զի վասն այնորիկ, ասէ, կոչի պատանի. և ապա կտրել հրամայէր, զի վասն այնորիկ, կոչի կտրիճ»: Եւ ասէր. «Ո՛չ է պարտ եպիսկոպոսի ընծայաբեր լինել եպիսկոպոսապետի, այսինքն կաթողիկոսի, զի աւելի օրհնութիւն ո՛չ ունի, ասէ, բայց միայն զանուանակոչութիւնն»: «Il ne faut pas prononcer le jour du Seigneur kiwrakē mais kiwṙiakē, car c’est du grec; il dit de même aussi aux gens du commun de laisser allonger, disait-il, les cheveux des enfants, et de ne pas les couper jusqu’à ce qu’ils deviennent longs et qu’ils soient emmurés (pat aṙnul), car c’est pour cela, disait-il, qu’on les appelle patani (jeunes garçons), puis il ordonnait de couper (ktrel) [les cheveux] car c’est pour cela qu’on les appelle (ktrič) (braves). Il disait [aussi] qu’un évêque ne doit pas offrir de présents au chef des évêques, c’est-à-dire au catholicos, car ce dernier n’a rien de plus ALIŠAN 1902, p. 1178-1183 et GREENWOOD 2006, p. 177-191. Kirakos, chap. 1, p. 79. 91 Voir MARIÈS 1921, p. 273-296. À la demande de Bagarat Bagratuni (835-847), ce diacre dépouilla maints ouvrages patristiques syriaques et en fit une chaîne sur l’Évangile de Jean qu’il traduisit en arabe; Smbat Aplabas fit traduire le texte en arménien, la traduction fut achevée en 856 par Mariam, la fille d’Ašot Bagratuni. 92 Voir Vardan, § 44, p. 82 (trad. Thomson, p. 184). 93 Kirakos, chap. 1, p. 85-86. 89 90

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en fait de dignité (litt. bénédiction) si ce n’est qu’un simple titre». Ce passage reprend pratiquement mot pour mot le texte des griefs formulés par Anania Mokac‘i à l’encontre de l’évêque Xosrov dans son opucule De tēr Anania, catholicos d’Arménie, motif concernant l’anathématisation de Xosrov évêque d’Anjewac‘ik‘94. Dans ce chapitre qui relate l’histoire de l’Arménie depuis saint Grigor jusqu’à Nersēs Šnorhali, l’Église arménienne est présentée comme autonome et indépendante dès Grigor l’Illuminateur — comme le fait d’ailleurs l’historiographe Pseudo Smbat le Connétable (XIIIe siècle)95 — et, en la personne de son catholicos saint Grigor, entretient des relations étroites avec l’Église byzantine. Les empereurs qui incarnent ces liens sont Constantin (306-337), Zénon (474-491) et Basile (867-886) qui offrit au roi arménien une couronne, tandis que le patriarche Photius faisait parvenir une lettre et une relique de la vraie croix. Ce dernier témoignage est confirmé par une lettre de Photius à Ašot conservée en arménien dans le Livre des Lettres96, lettre qui se termine par l’annonce de l’envoi d’une relique de la sainte Croix. Kirakos Ganjakec‘i ne mentionne aucun des débats christologiques consécutifs au concile de Chalcédoine (451) qui ont marqué les relations de l’Église arménienne et de l’Église byzantine, ni les conflits entre les hiérarchies byzantines et arméniennes des Xe et XIe siècles, nés à la suite de l’affaiblissement du califat et de la reprise de l’expansion byzantine en Orient. Mais cette attitude ne signifie pas pour autant que Kirakos Ganjakec‘i est partisan de l’union avec les Byzantins si l’on se réfère à sa position doctrinale exposée dans son Histoire97. Si Kirakos Ganjakec‘i rappelle les liens qui unissent l’Église arménienne et l’Église byzantine, c’est qu’au XIIIe siècle, l’empire byzantin n’est plus le grand empire d’antan et que le danger, pour lui, sur le plan religieux vient de Rome. Kirakos Ganjakec‘i préfigure en quelque sorte les grands vardapet de la Grande Voir BOISSSON 2014, p. 774-775, p. 830-833. Voir la traduction de DULAURIER de l’Appendice à la Chronique du Pseudo Connétable Smbat dans DA, t. 1, p. 676: «D’après la décision du saint pontife de Rome Sylvestre, du patriarche de Constantinople Métrophane et avec le consentement des trois autres patriarches [Jérusalem, Antioche, Alexandrie], saint Grégoire l’Illuminateur fut institué catholicos d’Arménie et placé sur le siège de l’apôtre Thaddée. Il fut reconnu patriarche de tous les Arméniens (…). Par décision de saint Grégoire, saint Jacques évêque de Nisibe fut créé patriarche des Syriens. C’est de son nom que les Jacobites tirent le leur. Mais le pape de Rome et les quatre patriarches ne les reçoivent pas dans leur communion; les Arméniens seuls les admettent.» 96 Le Livre des Lettres, p. 279-282. 97 Kirakos, chap. 50, p. 329-333. 94 95

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Arménie, de la fin du XIIIe et du XIVe siècle, opposants à l’union avec Rome, Esayi Nč‘ec‘i, Yovhannēs Orotnec‘i, Grigor Tat‘ewac‘i98, qui lutteront farouchement contre les vardapet dits uniteurs. Même si Byzance ne représente plus le même danger aux yeux des vardapet arméniens du XIIIe siècle, la pensée que les reliques du premier patriarche arménien soient conservées à Constantinople n’en reste pas moins inacceptable aux yeux des Arméniens. Ainsi, Vardan Arewelc‘i relate dans son Histoire99 que, lorsque les envoyés de l’empereur Zénon se sont présentés en Arménie pour prendre possession des reliques de saint Grigor, les Arméniens leur ont donné à la place les reliques de Grigor, évêque des Aršarunik‘100. Ces quelques témoignages montrent que si les Arméniens acceptent difficilement l’idée de cette translation, ils ne songent cependant pas à nier l’épisode, car cette tradition est ancienne et est rapportée par des livres liturgiques. Il n’y a aucune trace dans les sources grecques de cette translation qui n’est connue que des sources arméniennes. Un autre récit, conservé dans des čaṙəntir101, raconte que lors d’une ambassade à Constantinople, Grigor le Patrice, neveu de Vahan Mamikonean, enlève les reliques de saint Grigor et les rapporte en Arménie. Ainsi, dans le ménologe (= synaxaire) de Basile II, daté de 979-989, saint Grigor, les saintes Hṙip‘simē et Gayianē sont commémorés le 30 septembre et c’est dans le synaxaire arménien de Kirakos Ganjakec‘i qu’on lit pour la première fois: «Sainte Hṙip‘simē mourut le 26 septembre et sainte Gayianē le 27, mais leur fête se célèbre avec celle de saint Grigor (= le 30 septembre)102.» Il se peut que Kirakos Ganjakec‘i, qui associe saint Grigor et les deux saintes, ait eu connaissance de la traduction arménienne d’un ménologe byzantin de 991-992 par le prêtre Yovsēp‘103. On retrouve cette influence byzantine dans le čašoc‘ arménien qui est la base des livres liturgiques arméniens104. Dans ce contexte, on peut supposer que les čaṙəntir ont subi, au même titre que le synaxaire et Voir sur Glajor, l’étude de AREVŠATYAN et MAT‘EVOSYAN 1984. Vardan, § 18, p. 41 (trad. Thomson, p. 163). 100 Voir BOISSON-CHENORHOKIAN 2005-2007, p. 264-265. 101 Voir Č‘AMČ‘EAN 1784-1786, I, p. 655. 102 Au 21 hori (30 septembre) dans le Synaxaire de Ter Israël, PO 27 [6, 2], p. 316 [p. 348]. 103 Voir OUTTIER 1999, p. 248: «En 991-992, un prêtre arménien du nom de Hovsep, qui vivait dans la capitale impériale, traduit en arménien un ménologe grec abrégé. Bien entendu, il commence donc au premier septembre. Il nous reste un témoin, inédit, de cette œuvre: le manuscrit 1048, de l’an 1302, de la Bibliothèque des Mékhitaristes de Vienne. Cela nous indique aussi l’une des voies majeures de la pénétration des saints et martyrs d’Italie dans le synaxaire arménien: la voie grecque.» 104 RENOUX 2004, p. 560. 98 99

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le čašoc‘, la même influence. Cela peut expliquer pour partie l’attitude des Arméniens du XIIIe siècle (Kirakos Ganjakec‘i et Vardan) et du Xe siècle (Mesrop Vayoc‘jorec‘i) qui ne remettent pas en question la translation de saint Grigor à Constantinople. À partir de la mort de saint Grigor, Kirakos Ganjakec‘i relate les événements politiques et historiques jusqu’au XIIe siècle, en les énumérant succinctement: «Depuis la chute de la royauté des Aršakuni jusqu’à la royauté des Bagratuni, il s’est écoulé 434 ans. En 334 (= 885/886) du comput arménien Ašot régna105» mais consacre plusieurs pages aux événements touchant à l’histoire religieuse: la vie de Mesrop Maštoc‘ et de ses disciples, de leurs œuvres106; la question du calendrier et des dates des grandes fêtes liturgiques à l’époque du catholicos Movsēs (574-604)107; la légende des origines de l’empereur Maurice (582-602)108; les faux principes religieux du prophète Muḥammad109; l’œuvre de Yovhannēs Ōjnec‘i (717-728)110; la controverse sur le pouvoir catholicossal sous Anania Mokac‘i (941-963?)111; le pontificat du catholicos Grigor Vkayasēr (1065-1105)112 et la vie de nombreux vardapet du XIIe siècle, dont Nersēs Klayec‘i connu sous le nom de Šnorhali, catholicos de 1166 à 1173113. C’est, pour Kirakos Ganjakec‘i, une époque où «l’ancien accord entre Trdat, saint Grigor, l’empereur Constantin et le patriarche Sylvestre fut renouvelé114». Cet accord est littéralement symbolisé par la profession de Nersēs Šnorhali auquel le chapitre 2 est presque entièrement consacré115. L’avènement de l’empereur byzantin Manuel Ier Comnène en 1143 marqua un changement complet dans les relations arméno-grecques. Féru de théologie, le nouvel empereur se trouva face à un interlocuteur exceptionnel, Nersēs Šnorhali qui allait devenir en 1166 catholicos. En 1165, Nersēs fait parvenir un texte, la profession de foi de l’Église arménienne, qui va être utilisée pendant un siècle par tous les catholicos successifs chaque fois qu’un dialogue sera en cours avec l’Église grecque. Cette profession de foi a été envoyée en 1166 à l’empereur Manuel Comnène (1143-1180) par l’entremise d’Alexis Axouch, son gendre. 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115

Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos,

chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap.

1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 2,

p. p. p. p. p. p. p. p. p. p. p.

80. 25-30. 41-44. 47-50. 56-60. 67-68. 85-86. 95-98. 111-121. 118. 121-147.

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Nersēs précise qu’il rédige cet exposé comme une réponse à un questionnaire préparé par des supérieurs grecs des monastères au nom de l’empereur. L’exposé contient l’explication des dogmes (profession de foi sur la Trinité et la personne du Christ) et des traditions de l’Église arménienne (l’utilisation du pain sans levain dans la sainte Eucharistie, l’utilisation du vin pur, la question des fêtes, du trisagion, de la vénération de la sainte Croix, des icônes, etc.)116. Puis succèdent à «cet ingénieux, doux et modeste» catholicos les patriarches Grigor Tła (1173-1193), Grigor K‘aravēž (1193-1194) et Grigor Apirat (1194-1203)117. Kirakos Ganjakec‘i évoque ensuite la légende de la Lance d’Antioche118, qui selon son condisciple Vardan119 fut découverte par les Francs: «Ils trouvèrent sur la droite, dans l’église Saint-Pierre, la lance avec laquelle les Juifs percèrent par dérision l’image du Sauveur, d’où il sortit du sang et de l’eau, comme du côté véritable du Christ. Cette lance fut vénérée à l’égal de celle qui pénétra dans le corps de Dieu et que les Arméniens possèdent. Fortifiés par cette arme, les Francs vainquirent leurs ennemis; plus tard ils l’envoyèrent à [l’empereur] Alexis». Le chapitre se termine par le récit de la prise de Jérusalem par Salāḥ al-Dīn (1138-1193)120 et la disparition du royaume des Kiwrikean de Lōṙi121. Puis Kirakos Ganjakec‘i se consacre à la royauté de Lewon (11981219) (chapitre 3)122 car «les histoires [relatées] jusqu’ici avaient été compilées à grand peine par [ses] prédécesseurs». Désormais Kirakos devient le témoin «auriculaire ou oculaire du cours de l’histoire présente»123 ainsi que des concessions faites par le roi arménien aux autorités religieuses latines, concessions qui ne sont pas acceptables aux yeux des prélats arméniens: «Lewon appela le catholicos et les évêques et leur demanda quelle réponse donner au messager des Romains. Et eux ne consentirent pas à aborder la question. Lewon leur dit alors: “Ne vous inquiétez pas de ces choses-là. Je les contenterai une seule fois avec hypocrisie”124.»

116 117 118 119 120 121 122 123 124

Voir ZEKIYAN 1986. Kirakos, chap. 2, p. 147-149. Kirakos, chap. 2, p. 149-150. Vardan, § 64, p. 111 (trad. Thomson, p. 199). Kirakos, chap. 2, p. 150-151. Kirakos, chap. 2, p. 152-154. Kirakos, chap. 3, p. 154-162. Kirakos, chap. 3, p. 154. Kirakos, chap. 3, p. 157.

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Le récit se poursuit avec l’histoire de la famille des Zak‘arean et la formation de leurs principautés (chapitre 4)125; ces territoires entretenaient des relations «amicales avec le royaume d’Ibérie et l’empire des sultans»126. Dans ce contexte, Zak‘arē général en chef de l’armée géorgienne, voyant que les Ibères, munis d’autels et d’églises portatifs, célébraient la messe, voulut que les Arméniens puissent en faire autant et souhaita aménager les règles régissant l’Église arménienne (chapitre 5)127. Il fait donc appel au célèbre vardapet Mxit‘ar Goš du couvent de Getik qui refuse l’idée d’une église portative. Zak‘arē, avec l’appui du roi Lewon et de Dawit‘ Ark‘akałnec‘i, convoque en 1205 à Lōṙē128 un synode pour entériner les réformes désirées, déclenchant la désunion parmi les vardapet et les supérieurs de monastères. Un second synode est donc réuni à Ani en 1206 pour faire cesser la discorde. Kirakos Ganjakec‘i en donne les canons. Mxit‘ar Goš est conduit de force à la réunion et demande à ce que Zak‘arē ne tente pas d’imposer les réformes. Kirakos Ganjakec‘i conclut sur ces quelques lignes: «Zak‘arē tant qu’il vécut, mena sa vie comme il lui plaisait mais toutes les églises maintinrent leur culte129». Deux chapitres sont dédiés aux contrées des Ałuank‘ (chapitres 6 et 10)130, depuis leur conversion, par «saint Ełišē, disciple du grand apôtre Thaddée»131, jusqu’à l’élection de tēr Nersēs en 1236. Selon Kirakos Ganjakec‘i, «[les Ałuank‘] étaient les coreligionnaires des [Arméniens], leurs guides s’exprimaient en arménien, leurs rois obéissaient à ceux de l’Arménie car ils étaient placés sous leur autorité, leurs évêques étaient consacrés par saint Grigor et ses successeurs et leur nation demeurait avec nous dans l’orthodoxie132.» À cette époque la nation arménienne est divisée entre l’Arménie cilicienne, et la Grande Arménie; cette bipolarisation est parfaitement illustrée par le récit de la mort des chefs de l’Arménie. Ainsi, celle du chef de Grande Arménie, Zak‘arē en 1212, des suites de ses blessures, au retour d’une expédition militaire (chapitre 8)133: il fut enterré au couvent de Sanahin; et celle du roi Lewon, en 1219 durant le siège de Damiette (chapitre 9)134: 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134

Kirakos, chap. 4, p. 162-166. Kirakos, chap. 4, p. 166. Kirakos, chap. 5, p. 167-178. À propos de Lōṙē/Lōṙi voir Kirakos, chap. 1, note 286. Kirakos, chap. 5, p. 178. Kirakos, chap. 6, p. 178-182 et 10, p. 192-201. Kirakos, chap. 10, p. 192. Kirakos, chap. 10, p. 192. Kirakos, chap. 8, p. 185-187. Kirakos, chap. 9, p. 187-191.

INTRODUCTION

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son corps fut enseveli à Sis et «son cœur et ses entrailles» à Akner135. Quelques années après la mort de Zak‘arē, en 1220-1222, l’avant-garde des Mongols, commandée par les généraux Sübe᾿etei Ba᾿atur (1176-1248) et Jebe fait irruption en Géorgie (chapitres 11 et 12)136. Venues d’Iran, les troupes mongoles, parties à la poursuite du Khwārazm shāh, écrasent les troupes arméno-géorgiennes puis se retirent par la porte de Derbend, battant les Huns-Ḳipčaḳ qui réclament en vain des territoires au roi des Ibères. S’alliant alors aux musulmans de Gandja, les Ḳipčaḳ infligent, en 1222, une lourde défaite aux troupes arméno-géorgiennes, capturant et martyrisant certains seigneurs comme les membres de la famille des Pṙōšean. À ces raids succède l’invasion de Djalāl al-Dīn, le sultan du Khwārazm, en 1225 (chapitres 18 et 19)137. La reine de Géorgie, Rusudan (1223-1245), avertie de la venue du sultan par le hazarapet138 Iwanē, frère de Zak‘arē, lève des troupes. La bataille se déroule à Gaṙni. Šaluē et son frère Iwanē d’Axalc‘ixe à qui on avait confié l’avant-garde de l’armée sont abandonnés par les troupes d’Iwanē. Le sultan dévaste le nord-est de l’Arménie et la Géorgie orientale puis retourne pour un temps en Perse. Djalāl al-Dīn revient en 1228 dans le Caucase, assiège Xlat‘ (= Akhlāṭ), prend comme épouse T‘amt‘a, fille d’Iwanē et femme du sultan al-Ashraf139; ce dernier s’allie au sultan de Ṙum, aux Francs et aux Arméniens de Cilicie pour livrer bataille contre le sultan du Khwārazm. Une fois les troupes prêtes, seuls «les chrétiens, les Arméniens et les Francs (…) s’élancèrent contre eux140», battent l’armée de Djalāl al-Dīn qui s’enfuit sans être pourchassée. Le sultan revient «couvert de honte dans le pays des Ałuank‘141», poursuivi par les Mongols jusqu’à Āmid (= Diyārbakr), il est tué en 1232 soit durant la bataille soit par un pillard après le combat. Durant cette période la vie intellectuelle en Grande Arménie est florissante, les vardapet orientaux du Vaspurakan sont nombreux (chapitre 7)142; et Mxit‘ar Goš, célèbre vardapet, père spirituel de Zak‘arē brille tout particulièrement (chapitre 13)143. Originaire de Gandja, il entre dans les ordres, 135

Kirakos, chap. 9, p. 188. Kirakos, chap. 11, p. 201-204; 12, p. 204-207. 137 Kirakos, chap. 18, p. 224-228; 19, p. 228-230. 138 Le terme hazarapet, litt. «chef des mille» est un titre qui désigne une sorte de chancelier, d’intendant. 139 Voir Kirakos, chap. 4, p. 165, T‘amt‘a avait été donnée en mariage au sultan ayyūbide al-Ashraf, en échange de la libération de son père Iwanē. 140 Kirakos, chap. 19, p. 229. 141 Kirakos, chap. 19, p. 230. 142 Kirakos, chap. 7, p. 183-185. 143 Kirakos, chap. 13, p. 207-211. 136

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devient docteur, se rend dans la Montagne Noire puis dans la ville de Karin (= Erzurum) où il entretient des liens d’amitié avec l’išxan K‘urd; il va ensuite auprès de l’išxan Vaxt‘ank de Hat‘erk‘, pour enfin rejoindre K‘urd dans le Gugark‘. Mxit‘ar s’installe dans un couvent appelé Getik, dans le canton de Kayen144 qui est détruit au cours d’un tremblement de terre. Iwanē, frère de Zak‘arē, offre un terrain pour reconstruire le monastère. Kirakos Ganjakec‘i rapporte (chapitre 14)145 en détail l’édification de ce nouveau monastère Nor Getik, commencé en 1192 et achevé en 1197. Dans ce monastère, Mxit‘ar Goš a de nombreux disciples (chapitre 15)146 dont Yovhannēs Vanakan, le maître de Kirakos Ganjakec‘i. En 1212, Mxit‘ar Goš meurt (chapitre 16)147, son successeur Martiros (1212-1232), qui est un vardapet sage et un grand bâtisseur, dote le couvent de nombreux édifices (chapitre 17)148; la liste de ses successeurs est donnée par Kirakos Ganjake‘ci jusqu’aux années 1250. La seconde partie de l’Histoire de l’Arménie, beaucoup plus courte que la précédente, comporte quarante-cinq chapitres d’inégale longueur. Trente-deux chapitres relatent la conquête mongole depuis la fondation de leur empire par Činggis Qan (1206-1227) jusqu’à la mort de son petitfils, l’īl-khān Hülegü en 1265. Kirakos Ganjakec‘i raconte la destruction par les Mongols de tous les pays et en particulier de l’Arménie (chapitres 20 à 24)149, ce que le patriarche saint Nersēs (353-373) avait prophétisé150, ainsi que la capture de Kirakos Ganjakec‘i et de son maître Yovhannēs Vanakan. La conquête mongole débute en 1227 avant la mort de Činggis Qan, quand l’assemblée appelée qurilta(i) désigne son fils cadet Ögödei qa’an (1186-1241) pour lui succéder. Le nouveau qa’an lance les nouvelles conquêtes; c’est Čormaqan «un homme rusé, sage et versé dans l’art des combats» qui est en charge du Caucase; il pénètre dans le pays des Ałuank‘ et installe son campement dans la plaine de Mūghān (Mułan), sur la rive droite du Kur151. Après la prise de la ville de Gandja, les Mongols se partagent les pays de Grande Arménie, d’Ibérie et des Ałuank‘. Chaque 144

Kayen ou Kayan, voir Kirakos, chap. 4, note 23. Kirakos, chap. 14, p. 211-217. 146 Kirakos, chap. 15, p. 217-219. 147 Kirakos, chap. 16, p. 219-221. 148 Kirakos, chap. 17, p. 221-223. 149 Kirakos, chap. 20, p. 231-235; 21, p. 235-237; 22, p. 237-241; 23, p. 241-243; 24, p. 243-252. 150 Kirakos, chap. 20, p. 231. 151 Kirakos, chap. 21, p. 235. 145

INTRODUCTION

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chef, selon son rang, obtient villes et régions. Une fois dans leur lot, chacun s’installe avec femmes, enfants et tous les impedimenta de son armée; leurs bêtes mangent «toute la végétation et la verdure152». Les Mongols qui, au début du XIIIe siècle, avaient la réputation d’être des mages et de foi chrétienne153, sèment la terreur en attaquant toutes les forteresses et les villes, grâce à leur ingéniosité: telle «une multitude de sauterelles154» ils se répandent partout et nul ne leur échappe. C’est ainsi que les hommes d’un noyan (général) nommé Möngkö campent aux portes de la ville de Shamkūr (chapitre 23)155 empêchant toute entrée ou sortie. Les habitants se défendent mais les Mongols se saisissent de la ville et de toutes les places fortes de la région; lorsque la forteresse de Tawuš tombe aux mains des troupes ennemies, les habitants se réfugient dans la grotte où le grand vardapet Vanakan dispensait son enseignement (chapitre 24)156 en face du village de Lorut, au sud de la citadelle de Tawuš depuis que son monastère de Xoranašat avait été détruit par les troupes de Djalāl al-Dīn. La chaleur est extrême, les villageois assoiffés, Vanakan et ses disciples, dont Kirakos Ganjakec‘i, se rendent aux Mongols pour les sauver. Prisonniers, on ne libére Vanakan que pour lui permettre de quêter sa rançon; quant à Kirakos Ganjakec‘i, il est séparé de ses compagnons pour servir de secrétaire aux Mongols157; le noyan Möngkö pour le consoler lui promet une femme et un cheval, et lui donne une tente et deux serviteurs158. Kirakos Ganjakec‘i parvient à s’enfuir et se réfugie dans son ancien couvent de Getik partiellement détruit, où il entreprend d’écrire son Histoire d’Arménie, donnant un témoignage unique sur les Mongols. Le portrait qu’il en fait est saisissant (chapitre 32)159: ce sont des hommes à «l’apparence hideuse et effrayante à voir. Ils n’ont pas de barbe, mais uniquement quelques poils au-dessus de leurs lèvres ou sur leurs mentons. Ils ont des yeux étroits et perçants, des voix fluettes et suraiguës, ils sont endurants et vivent longtemps (…) Il n’y a ni service, ni culte parmi eux, mais fréquemment pour toutes choses, 152

Kirakos, chap. 22, p. 237-238. Kirakos, chap. 11, p. 202: «Une fausse rumeur courait à leur propos, selon laquelle ils étaient des mages et de foi chrétienne, faisaient des prodiges et étaient venus venger les chrétiens de la tyrannie des tačikk‘ (…). C’est ainsi que la fausse rumeur courait dans le pays». 154 Kirakos, chap. 22, p. 239. 155 Kirakos, chap. 23, p. 241-243. 156 Kirakos, chap. 24, p. 243-252. 157 Kirakos, chap. 24, p. 249. 158 Kirakos, chap. 24, p. 252. 159 Kirakos, chap. 32, p. 271-275. 153

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ils invoquent le nom de Dieu (…)160. Leurs femmes étaient des sorcières (…)161». Le chapitre se termine sur un lexique d’une soixantaine de mots162. La conquête de la Grande Arménie par les Mongols se poursuit inexorablement (chapitres 25-28)163. Ainsi, la ville de Lōṙē réputée pour ses richesses et ses murailles est attaquée par le noyan Čaʼadai accompagné de troupes d’élite munies de machines. Šahnšah Zak‘arean, išxan de la ville, l’abandonne à ses deux beaux-frères, qui ne peuvent pas empêcher le massacre de la population par les troupes mongoles. Les villes de Dumani, Šamšuldē et la capitale Tpʼilisi sont détruites. Le grand išxan Awag, fils d’Iwanē, alors retranché dans la forteresse de Kayen avec la population du canton, se rend au bord du lac Sewan pour parlementer avec le noyan Čormaqan. Ce dernier l’accueille et invite Awag à s’asseoir au dernier rang après tous les chefs mongols et à festoyer. À mesure que les jours passent, Awag regagne des places au point de s’asseoir au même rang que les propres dignitaires du noyan164. Puis Čormaqan prend Awag, toute son armée et marche sur Ani. La délégation mongole venue négocier la reddition de la ville est tuée165. La ville est prise, toutes les églises pillées, la population exterminée, hormis les artisans emmenés en captivité. En conséquence, les habitants de la ville de Kars, terrorisés, remettent les clefs de la ville aux Mongols mais n’échappent cependant pas au massacre. Puis c’est la ville de Surb Mari qui tombe aux mains des Mongols. L’Arménie des Zak‘arean est désormais aux mains des Mongols. En signe de soumission, le chef des généraux, l’amīr sipāhsālar Awag, est envoyé par Čormaqan en Asie Centrale auprès du qan (chapitre 29)166. À son retour, Awag oblige tous ses vassaux à se soumettre aux Mongols, qui poursuivent leur conquête, et le Xač‘ēn du pieux išxan Jalal est entièrement conquis (chapitres 30-31)167. Puis Kirakos Ganjakec‘i narre la destruction par les Mongols des villes qui sont sous la domination du sultan de Ṙum, Ghiyāth al-Dīn Kaykhusraw II (1237-1246) (chapitres 34-37)168. En 1242 Theodosiopolis 160 161 162 163 164 165 166 167 168

Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos,

chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap.

32, 32, 32, 25, 26, 27, 29, 30, 34,

p. p. p. p. p. p. p. p. p.

271 et 272. 273. 274-275. 253-254; 26, p. 254-257; 27, p. 258-259 et 28, p. 260-262. 257. 258. 262-267. 267-269; 31, p. 269-270. 278-280; 35, p. 281-284; 36, p. 284-286; 37, p. 286-288.

INTRODUCTION

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(= Erzurum)169 est prise par Baiǰu-Qorči après deux mois de siège. Les išxan de Grande Arménie, Awag et Šahnšah, Ałbuła fils de Vahram, Grigor Xač‘ēnec‘i, fils de Dōp‘170 qui avaient été enrôlés dans les troupes mongoles rachètent les captifs chrétiens, évêques, prêtres, diacres mais également des évangiles qu’ils redistribuent aux monastères de Grande Arménie. Les Mongols rentrent passer l’hiver dans la plaine de Mūghān. L’année suivante, les Mongols infligent une cuisante défaite au sultan de Ṙum, Ghiyāth al-Dīn à Köse Dagh (12 juin 1243). Cette victoire leur ouvre les portes de l’Asie Mineure; les villes d’Erzincan, Césarée, Sébaste, Divigri tombent entre leurs mains. Dans ce contexte, par l’entremise de Hasan appelé Jalal, išxan du Xačʻēn, le roi Het‘um, alors maître du pays de Cilicie171, fait allégeance aux Mongols et livre, pour prix de sa soumission, la mère et la fille du sultan réfugiées à la cour cilicienne. L’išxan de Lambrōn Kostandin, épaulé par les troupes du sultan désireux de se venger, ravage la Cilicie plusieurs fois pour enfin regagner sa forteresse et ne plus en sortir. Les anciennes principautés des Zak‘arean périclitent (chapitres 38, 40 et 47)172 et le royaume géorgien, en butte aux rivalités internes et aux attaques mongoles se décompose. La Grande Arménie est partagée entre Awag, chef de la famille Zak‘arean, Šahnšah fils de Zak‘arē et Vahram; la partie orientale du royaume de Géorgie se retrouve, après la mort de la reine Rusudan en 1245, sous la domination de David Ulu (1250-1269), le fils de Giorgi Laša (1213-1233) tandis que la partie occidentale est sous la domination de David Narin (1247/50-1289), le fils de Rusudan. Suivant l’usage de nombreux dignitaires religieux, comme le catholicos des Ałuank‘ Nersēs (chapitre 39)173, mais également des laïcs comme les deux rois d’Ibérie (chapitre 45)174, Smbat, le frère du roi Het‘um, et le fils du sultan Ghiyāth al-Dīn (chapitre 46)175 se rendent en 1247 en Mongolie pour rendre hommage au qan Güyük (1246-1248). Puis Möngke (1251-1259), qui succède à Güyük, selon la volonté de Batu (chapitre 50)176, convoque le roi Het‘um (chapitre 58)177. Le roi part en 1254, à la dérobée et sous un déguisement par crainte des Turcs de Ṙum. À Kars, il rencontre le général de 169 170 171 172 173 174 175 176 177

Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos,

chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap.

34, 34, 36, 38, 39, 45, 46, 50, 58,

p. p. p. p. p. p. p. p. p.

278-280. 280. 285. 288-290, chap. 40, p. 292-293, chap. 47, p. 318-321. 290-292. 314-317. 317-318. 356-359. 364-372.

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l’armée mongole, Baiǰu-noyan, puis il s’arrête au village de Vardenis chez l’išxan K‘urd; là, il recouvre les richesses destinées au qan. Il se dirige ensuite vers le pays des Ałuank‘, par la porte de Derbend, rencontre Batu cousin du qan et son fils Sartaq (chapitre 55)178 qui le font escorter auprès du qan Möngke. Il séjourne cinquante jours dans le camp de Möngke qui lui remet un rescrit179 garantissant l’immunité fiscale des églises. Sur le chemin du retour, retracé ville après ville, il croise des êtres et des animaux extraordinaires180. Parvenu à Vardenis, dans la maison de l’išxan K‘urd181, il rencontre tous les évêques, vardapet et prêtres de la région; c’est la dernière fois qu’un roi arménien foule le sol arménien; à Kirakos Ganjakec‘i il décrit toutes les «choses merveilleuses et inconnues qu’il avait vues et entendues182». De retour en Cilicie, à Sis, il participe en 1256, aux côtés de Baiǰu-noyan à l’offensive contre le sultan de Ṙum (chapitre 59)183, à l’époque où Sartaq est empoisonné par ses parents Berke et Berkečer, provoquant «une grande tristesse pour tous les chrétiens, en particulier pour le qan Möngke et son frère Hülegü, maître de toutes les régions de l’Est184». En 1258, Hülegü qui avait fondé l’Ilkhanat de Perse s’empare de Baghdād185, de la ville des Martyrs avec l’aide des Arméniens (chapitre 61)186, puis attaque la Syrie ayyūbide en 1261 (chapitre 62)187. Désormais Hülagü domine les territoires de l’Est dont le pays des Ałuank‘, la Géorgie orientale, la Grande Arménie, le pays des Ṙum et peut se consacrer à la construction à Daṙin (chapitre 65)188 d’une vaste ville [destinée] à être sa résidence d’été189, au prix de taxes et de corvées importantes. Ces taxes pèsent lourdement sur les Arméniens comme en témoigne Kirakos Ganjakec‘i. Les Arméniens de Grande Arménie sont, en effet, sous le coup de réquisitions fiscales et militaires permanentes de la part des Mongols. Ainsi l’išxan Awag est tourmenté par eux «qui réclamaient des parures onéreuses et des coursiers» (chapitre 29)190; à ces réquisitions arbitraires s’ajoute un système de gestion centralisé mis en place par Güyük, en 1246; 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190

Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos,

chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap.

55, 58, 58, 58, 58, 59, 59, 60, 61, 62, 65, 65, 29,

p. p. p. p. p. p. p. p. p. p. p. p. p.

356-359. 367. 368. 370. 371-372. 372-377. 373. 377-384. 384-387. 387-389. 394-399. 396. 263-264.

INTRODUCTION

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des collecteurs d’impôts chargés de prélever un dixième de toutes les propriétés (chapitre 44)191 sont envoyés dans tous les territoires qui lui sont soumis; à leur tête Arġun, surnommé par Kirakos Ganjakec‘i Buqa le second «plus funeste que l’autre Bughā192», gouverneur à l’époque de Dja῾far l’Ismaélite193; les révoltes se multiplient (chapitre 47)194. En 1254 le qan Möngke ordonne le recensement des biens et des personnes dans l’ensemble du Caucase (chapitre 57)195 sous la direction de Batu le noyan et Arġun. À la suite du recensement, les taxes déjà extrêmement lourdes augmentent, réduisant à la pauvreté les populations196. Les Mongols instituent des gouverneurs qui réclament «annuellement le même montant [d’impôt] de quotité et selon le registre.»197 Cependant les membres de l’Église sont exemptés. Les taxes et les réquisitions militaires sont excessives et provoquent comme en 1246 des révoltes (chapitre 63)198. Ainsi, lorsque Hülegü réclame des troupes au roi des Ibères David Ulu pour combattre le sultan d’Égypte, le roi se révolte et se réfugie dans les forteresses du Suanetʼi199. C’est durant cette révolte que Hasan Jalal est arrêté et tué dans d’effroyables supplices. En 1263, Zak‘arē fils de Šahnšah (chapitre 64)200 est également tué, dépecé et jeté aux chiens pour avoir rendu visite à son épouse qui était chez son père l’išxan d’Uxtik‘, coupable d’avoir participé à la révolte de David Ulu. Un tiers de cette seconde partie, soit treize chapitres, décrit les troubles religieux qui ont agité la société arménienne du fait des nombreux ravages des Mongols (chapitres 48-49 et 56)201, la vie et les œuvres des grands vardapet de cette époque (chapitres 33, 53 et 54)202 et la position des autorités religieuses d’Arménie face à Rome (chapitres 41-43 et 50-52)203. La destruction de la Grande Arménie par les Mongols alimente l’idée de fin du monde, les rumeurs et les faux prophètes (chapitre 48)204 se multiplient. 191

Kirakos, chap. 44, p. 312-314. Sur Bughā al Kabīr (IXe siècle), voir Kirakos, chap 1, p. 78, note 361 et p. 82. 193 Il s’agit du calife Dja῾far al-Mutawakkil (847-861). 194 Kirakos, chap. 47, p. 318-321. 195 Kirakos, chap. 57, p. 361-363. 196 Kirakos, chap. 57, p. 362. 197 Kirakos, chap. 57, p. 363. 198 Kirakos, chap. 63, p. 389-392. 199 Kirakos, chap. 63, p. 389. 200 Kirakos, chap. 64, p. 393. 201 Kirakos, chap. 48, p. 321-328; 49, p. 328-329 et 56 p. 359-361. 202 Kirakos, chap. 31, p. 269-270; 33, p. 276-278; 53, p. 344-348 et 54, p. 348-355. 203 Kirakos, chap. 41, p. 293-295; 42, p. 295-300; 43, p. 301-312; 51, p. 333-338; 52, p. 338-344; 53, p. 344-348. 204 Kirakos, chap. 48, p. 321-328. 192

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Ainsi, en 1250, un bruit se répand selon lequel aux frontières du Xač‘ēn la grêle était tombée mêlée à plusieurs poissons; qu’un géant était enterré dans le village de Kot‘205; que non loin dans le village de Car, près de la citadelle de Handaberd, un meunier du nom de Dawit‘ se prenait pour le prédicateur du Christ. Il immolait des animaux, exhortait la foule qui accourait auprès de lui au jeûne et à la pénitence, il chassait les démons à coups de bâton. Ses adeptes pratiquaient des orgies et ses pseudo-prêtres collectaient des fonds qu’ils reversaient au seigneur musulman du village. Le vardapet Vanakan depuis son monastère de Xoranašat excommunie une partie des adeptes, et Kirakos Ganjakec‘i écrit de sévères anathèmes. Chassé de son village, Dawit‘ fut pris en charge par certains de ses parents à Gaṙni. Dans le canton de Gołt‘n, d’après le témoignage du vardapet Yovsēp‘, un veuf vivait avec un démon qui avait l’apparence d’une femme (chapitre 49)206 et qui n’apparaissait qu’à lui. En 1252, une énorme nuée de sauterelles s’abattit en Grande Arménie, dévorant tout (chapitre 56)207 mais Dieu plein de compassion envoie une multitude de petits oiseaux qui ingurgitent toutes les sauterelles. Kirakos Ganjakec‘i raconte avec beaucoup de détails ces événements, il est vraisemblable qu’il était parfaitement au courant de ces manifestations hérésiologiques en tant que membre éminent du clergé de Grande Arménie. Il consacre encore plusieurs chapitres aux grands vardapet du XIIIe siècle: au moine et théologien nestorien Rabban-ata († 1259) (chapitre 33)208; à la mort de Yovhannēs Vanakan, son maître (chapitre 53)209 et à la vie de Yovhannēs de Gaṙni (chapitre 54)210. Kirakos Ganjakec‘i traite également des rapports entre l’Église arménienne et la papauté (chapitres 41-43)211. Le catholicos Kostandin de Barjrberd (1221-1267) qui avait gardé à Hṙomkla près de lui le vardapet Vardan, au retour d’un pèlerinage à Jérusalem, après avoir compati aux souffrances des Arméniens de Grande Arménie sous le joug des Mongols, renvoie le condisciple de Kirakos Ganjakec‘i, muni de lettres encycliques pour les ecclésiastiques de Grande Arménie et la liste des 25 canons disciplinaires212 qui avait été établie en 1245 lors d’un concile à Sis. Vardan est chargé d’expliquer les décisions au clergé de Grande Arménie, «il prit 205 206 207 208 209 210 211 212

Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos, Kirakos,

chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap. chap.

48, 49, 56, 33, 53, 54, 41, 43,

p. p. p. p. p. p. p. p.

322. 328-329. 359-361. 276-278. 344-348. 348-355. 293-295; 42, p. 295-300; 43, p. 301-312. 303-310.

INTRODUCTION

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le document d’adhésion et l’envoya au catholicos Kostandin à Hṙomkla, puis se rendit dans la vallée de Kayan, dans son ermitage (…)213». Kirakos Ganjakec‘i donne (chapitre 50)214 la première réponse officielle de l’Église arménienne à propos de la controverse du Filioque. Selon Kirakos Ganjakec‘i, le pape avait envoyé une lettre au catholicos Konstandin de Barjrberd et au roi Het‘um les interrogeant sur leur position sur l’émanation de l’Esprit: «Comment confessez-vous, [écrivait-il], l’Esprit très saint de Dieu? Procède-t-il et se manifeste-t-il uniquement du Père, ou du Père et du Fils? Car les Romains confessent [que l’Esprit saint procède] du Père et du Fils.»215 Un autre concile est réuni à Sis, les Arméniens, les Grecs, les Syriens et d’autres membres de nations chrétiennes y assistent, mais les Grecs s’en tiennent à leur formule. Les Arméniens de Cilicie écrivent alors aux vardapet de Grande Arménie, Yovhannēs Vanakan, Vardan et Yovsēp‘ et bien d’autres pour connaître leur opinion. Kirakos Ganjakec‘i donne leur réponse, rédigée par Yovhannēs Vanakan, (chapitre 51)216 intitulé Confession de la vraie foi des orthodoxes et Conseil à propos de la profession de foi du vardapet Vanakan (chapitre 52)217» Vardan confirme: «Le grand pape de Rome écrivit à toutes les nations des chrétiens qu’il faut confesser que le très saint Esprit procède du Père et du Fils. Ce qui ne plaisait pas aux Syriens, aux Grecs et aux Géorgiens mais qu’acceptaient les Arméniens qui avaient examiné la tradition des premiers saints, et grâce au divin vardapet Vanakan étaient en accord avec les glorieux et renommés Athanase, Grégoire le Théologien, Grégoire de Nysse, Grégoire l’Illuminateur et les autres saints.»218 3. ÉDITIONS ET TRADUCTIONS Le texte que nous avons traduit a été édité plusieurs fois: la première édition faite à Moscou219 en 1858 par Tēr Gēorgean, sans que l’on connaisse la base des manuscrits utilisés, a été réimprimée à Tiflis en 213

Kirakos, chap. 43, p. 311. Kirakos, chap. 50, p. 329-333. 215 Kirakos, chap. 50, p. 329-330. 216 Kirakos, chap. 51, p. 333-338. 217 Kirakos, chap. 52, p. 338-344. 218 Vardan, § 89, p. 148 (trad. Thomson, p. 216). 219 Պատմութիւն Հայոց արարեալ Կիրակոսի Վարդապետի Գանձակեցւոյ: Ի լոյս ընծայեաց Ոսկան Տէր Գէորգեան Յովհաննիսեանց Երևանեցի ի Մոսկուա ի տպարանի Արևելեան լեզուաց ճեմարանի տեարց Լազարեանց 1858 (Histoire de l’Arménie du vardapet Kirakos Ganjakec‘i, publiée par OSKAN TĒR GĒORGEAN YOVHANNISEANC‘ EREWANEC‘I, à Moscou sur les presses de l’Institut des Langues Orientales des Tēr Lazarean, 1858). 214

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1909. La deuxième édition a été publiée à Venise par Ališan en 1865220, sur la base de trois manuscrits du XVIIe siècle et la troisième par Melik‘ Ōhanǰanyan à Érévan en 1961221. Cette dernière édition possède un appareil critique très important; Melik‘ Ōhanǰanyan a collationné les précédentes éditions avec plus d’une quarantaine de manuscrits du XVIe au XIXe siècle, dont vingt-sept manuscrits conservés au Matenadaran d’Érévan, ainsi que des manuscrits provenant de Jérusalem, Venise et Paris222. De nombreux passages de l’œuvre de Kirakos Ganjakec‘i ont été traduits en français, en anglais et en russe223, les extraits concernent pour la plupart les Mongols. En 1870, Brosset224 traduit en français l’édition d’Ališan omettant cependant certains passages et notamment les deux chapitres 51-52 (p. 333-344) sur «la profession de la vraie foi des orthodoxes» et «les conseils du vardapet225 Vanakan sur la profession de foi [des Arméniens]» confiant leur traduction à Petermann de l’Académie de Berlin226. En 1946, Ter Grigoryan fit paraître une traduction en russe mais sous forme manuscrite227. C’est en 1976 que Khanlaryan228 publie à partir de l’édition critique de Melik‘ Ōhanǰanyan une traduction russe, qui sera 220 Կիրակոսի Վարդապետի Գանձակեցւոյ Համառօտ Պատմութիւն ի սրբոյն Գրիգորէ ցաւուրս իւր լուսաբանեալ: Վենետիկ ի տպարանի Մխիթարեանց 1865 (Du vardapet Kirakos Ganjakec‘i, Histoire succincte depuis saint Grigor jusqu’à ses jours. Venise sur les presses des P. Mékhitharistes, 1865). 221 Կիրակոս Գանձակեցի Պատմութիւն Հայոց, աշխատասիրությամբ Կ. Ա. Մելիք Օհանջանյանի, Երեվան, 1961 (Histoire de l’Arménie de Kirakos Ganjakec‘i, édition K. A. MELIK‘ ŌHANJANYAN, Érévan, 1961). 222 Voir à propos des différents manuscrits, Kirakos, p. XCIV sq. 223 KLAPROTH 1833, «Aperçu des entreprises mongoles en Arménie dans le XIIIe siècle», p. 273-289; BROSSET, «Extrait de Kirakos, auteur arménien du XIIIe siècle, relatif principalement au règne de Thamar et ses successeurs», dans Additions, p. 412-437; DULAURIER, 1858, p. 192-255, 426-473, 481-508; DULAURIER 1859, p. 205, 220, 229-230, 267-268, 280, 319-320, 326, 330-332, 334, 335-338, 348-349; DULAURIER, «Extrait de l’histoire de Guiragos de Kantzag», dans DA, t. 1, 1906, p. 413-430; sur le voyage du roi Het‘um, BRETSCHNEIDER, 1888, vol. 1, p. 164-172 et BOYLE 1963, p. 199-214. À propos des fragments traduits en russe voir PATKANOV 1874, Histoire des Mongols selon les sources arméniennes. 2. Extraits de l’Histoire de Kirakos Ganjakec‘i et Kirakos Ganjakec‘i, p. CXXIV. 224 BROSSET, Deux historiens arméniens. Kirakos de Gantzac, XIIIe s., Histoire d’Arménie. Oukhtanès d’Ourha, Xe s., Histoire en trois parties, 1re livraison, Saint-Pétersbourg, 1870, p. 1-194. 225 Voir glossaire. 226 Voir BROSSET 1870, traduction latine, p. 195-205. 227 Voir Kirakos Ganjakec‘i, p. CXXIV. 228 KHANLARYAN L. A., Kirakos Ganjakec‘i. Istoriya Armenii (Histoire de l’Arménie), Pamyatniki pis’mennosti vostoka, LIII, Moscou, 1976.

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suivie en 1982 de celle d’Aṙak‘elyan229 en arménien oriental moderne. Citons également la traduction anglaise partielle de Bedrosian parue en 1986230. La traduction que nous proposons est faite à partir de l’édition critique de Melik‘ Ōhanǰanyan.

229 AṘAK‘ELYAN V. D., Հայոց պատմություն. Կիրակոս Գանձակեցի (Histoire de l’Arménie. Kirakos Ganjakec‘i), Érévan, 1982. 230 BEDROSIAN R., Kirakos Gandzakets’i’s. History of Armenians, Sources of the Armenian Tradition, New York, 1986.

HISTOIRE ABRÉGÉE DEPUIS L’ÉPOQUE DE SAINT GRÉGOIRE (GRIGOR) JUSQU’AU DERNIER JOUR PAR LE VARDAPET1 KIRAKOS DU TRÈS RENOMMÉ COUVENT DE GETIK2 [p. 3]3 Être curieux des choses passées ou même de celles à venir est une passion propre à la nature humaine, implantée en elle par les soins du créateur. Mais il n’est pas possible de concevoir et de comprendre cela sans de nombreuses peines et de longs efforts. [Il faut] s’épuiser, se consumer en labeurs et excessives fatigues pour peut-être connaître quelque chose d’utile et être capable de satisfaire les désirs et souhaits du chercheur. [p. 4] [Il faut] parcourir les histoires des périodes terrestres et célestes non pas négligemment mais à la manière d’un docteur. En considérant que la force de l’Esprit peut instruire l’ignorant et donner de l’intelligence aux animaux. [Il faut] être capable de Le croire sans hésiter et sans faillir. Tout est façonné et arrangé selon Sa volonté, le visible comme l’invisible. Avec un esprit pur et intègre [il faut] prêter l’oreille aux paroles divines supérieures et inférieures, aux récits historiques qui conduisent le chercheur à ce qu’il recherche. Car ces lois divines les pères les feront connaître à leurs enfants qui les transmettront à la génération qui vient4, conformément à la parole du prophète David (Dawit‘) et au conseil du grand prophète Moïse (Movsēs) aux enfants d’Israël (Israyēl), qui disait: médite le jour et la nuit5 aussi bien assis dans ta maison que marchant sur la route, couché aussi bien que debout 6. 1 Vardapet est un titre qui désigne dans l’Arménie chrétienne des savants théologiens, des «docteurs en divinité», voir MARDIROSSIAN 2004, p. 371-374. 2 Couvent dans le Gugark‘, dans le canton de Jorop‘or. Voir Kirakos Ganjakec‘i, chap. 14, p. 211-217: «À propos de la construction du couvent de Nor Getik». 3 Les initiales des premiers mots de chaque paragraphe forment un acrostiche: Կիրք (Կ = K), Իսկ (Ի = I), Ւիւծիլ (Ւ = W), Րաբունաբար (Ր = R), Ակնարկելով (Ա = A), Կարող (Կ = K), Որով (Ո = O), Սրբապէս (Ս = S) = Kiwrakos. 4 Ps LXXVIII (LXXVII), 5-6. 5 Jos I, 8. 6 Deut XI, 19.

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Parmi ceux qui ont aidé [à cette transmission], il y a beaucoup d’hommes divins qui ont laissé après eux la colonne vivante de leurs écrits [p. 5] à toutes les générations. Ainsi le grand Eusèbe (Ewsebios)7 qui nous a donné deux livres: la Chronique (K‘rovnikon)8 qui commence par l’ancêtre Adam, comparant les noms barbares des patriarches consignés par écrit dans les [textes] profanes9 à ceux des histoires des hommes habités par Dieu, et se poursuit jusqu’à la venue du Christ ([y sont inclus] les noms des chefs et rois de plusieurs nations); l’Histoire ecclésiastique10 qui débute par le lever du soleil de justice et [contient] les temps des rois et la prédication des saints apôtres, dit ce qu’a fait chacun d’entre eux, vers quelle région ils sont allés et comment ils ont témoigné. Elle [raconte] les œuvres et les actes de bravoure des saints évêques et des hommes illustres jusqu’à parvenir aux jours du pieux Constantin (Kostandianos), là [l’histoire] prend fin. Puis, le très sage Socrate (Sokratēs)11 aux paroles habiles, en commençant par saint Sylvestre (Sełbestros)12, patriarche de Rome (Hṙom) et le grand Constantin13 jusqu’aux jours de Théodose (T‘ēodos) 7 Eusèbe (313-339) évêque de Césarée de Palestine est l’auteur de très nombreuses œuvres, historiques, apologétiques, exégétiques etc. Sur les œuvres voir, THOMSON 1995, p. 51-52. 8 Une partie de l’œuvre d’Eusèbe a disparu et certains textes ne nous sont parvenus qu’en traduction (en arménien, syriaque, latin): c’est le cas de la Chronique d’Eusèbe dont le titre exact est les Canons chronologiques et abrégé de l’Histoire universelle. Ce travail, composé aux environs de l’année 300 veut prouver que le christianisme, issu du judaïsme, remonte aux origines de l’humanité et précède toutes les religions païennes. La démonstration comporte deux parties. Eusèbe résume d’abord l’histoire des grands peuples du monde connu: Chaldéens, Assyriens, Mèdes, Perses, Hébreux, Égyptiens, Grecs et Romains. Cette histoire universelle a disparu dans sa version originale, on ne la connaît que par une traduction arménienne. La seconde partie, les Canons chronologiques, présente en colonnes parallèles les dates des principaux événements de ces histoires particulières. Eusèbe commence à Abraham, contemporain de Sémiramis et descend jusqu’en 325. Ces Canons sont également perdus en grec mais saint Jérôme les a traduits en latin et prolongés jusqu’en 378. À la fin du XIe siècle, Sigebert de Gembloux prolongera le travail d’Eusèbe/Jérôme jusqu’en 1111. 9 Le terme employé est artak‘in (litt. «extérieur, dehors»), il désigne les auteurs ou les textes païens («ceux du dehors») d’après 1 Tm III, 7, lesquelles furent utilisées comme manuels pour l’apprentissage des deux premières disciplines du cursus d’études encyclopédiques: grammaire et rhétorique. 10 L’Histoire ecclésiastique qui va de l’Incarnation au triomphe du christianisme sous Constantin a connu un grand succès. Elle a été traduite en syriaque et, de là en arménien, voir MAHÉ 2012, «La version arménienne de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe», p. 277284. 11 Socrate Scholasticus (380-450) est un historien romain de langue grecque; son Histoire ecclésiastique continue celle d’Eusèbe; voir à propos de lui l’introduction de THOMSON 2001. 12 Il s’agit du Pape Sylvestre (314-335). 13 Constantin le Grand (306-337), voir ODB (Constantine I the Great), I, p. 498-500.

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le Jeune14, [relate] dans un récit long et complet les actions de chaque roi et évêque, vertueux ou vicieux, les actes de nombreux synodes, bons ou mauvais. [p. 6] Plusieurs historiens de la nation d’Arménie (Hayk‘) ont également produit des œuvres15; ainsi le merveilleux et brillant Agat‘angełos16, nom signifiant «bon ange17» qui par ordre du puissant et brave roi Trdat a exposé, dans un bel et éblouissant récit, les actions accomplies par saint Grigor Part‘ew, le confesseur du Christ, parmi les Arméniens [à savoir] les prodiges, les miracles, les merveilles et les circonstances de l’illumination du pays d’Arménie. Après lui, le saint homme de Dieu Movsēs Xorenac‘i18, plus riche en savoir et sagesse que beaucoup, a rédigé une Histoire de l’Arménie dans un style soigné et élégant. Dans un récit concis mais profond qui débute au premier homme, il décrit les actes, les faits et les gestes de nombreuses nations jusqu’aux jours de Trdat et saint Grigor, et de là, jusqu’à la mort du patriarche d’Arménie saint Sahak, il termine par une élégie concernant le pays d’Arménie. Après lui, Ełišē19, qui raconte les actes de bravoure de Vardan, petit-fils de Sahak et de ses compagnons qui, par amour du Christ, ont sacrifié leur vie et [p. 7] ont été couronnés par lui; la mort courageuse des saints [compagnons] de Yovsēp‘; la manière dont les naxarar d’Arménie ont livré volontairement leurs personnes aux fers royaux pour l’amour du Christ; le patient martyre des saints Xorēn et Abraham que cet homme admirable a décrit précisément. Puis l’éloquent Łazar P‘arpec‘i20 qui commence aux jours de saint Sahak en relatant les événements dans le même style. Puis après lui, P‘awstos Biwzand21 14

Théodose II (408-450), voir ODB (Theodosios II), III, p. 2051-2052. Sur l’historiographie arménienne, voir MAHÉ 1992, p. 121-153. 16 Agat‘angełos est le nom d’un pseudépigraphe qui se présente comme une traduction du grec remontant au Ve siècle, voir THOMSON 1975, 1995, p. 90-95 et 2001. 17 En grec Αγαθάγγελος litt. «porteur de bonne nouvelle, ange». 18 À propos de Movsēs Xorenac‘i «père de l’histoire arménienne», voir l’introduction de la traduction française de MAHÉ 1993 (Moïse de Khorène), p. 11-94, THOMSON 1995, p. 156-168. 19 Ce personnage mystérieux relate dans un ouvrage intitulé Vardan et la guerre des Arméniens, avec de nombreux développements théologiques, la révolte des Arméniens contre les Perses de 451 à 454. Les nombreux renseignements sont tirés pour la plupart de l’Histoire d’Arménie de Łazar P‘arpec‘i composée vers la fin du Ve siècle. Ełišē semble avoir écrit au plus tôt au VIe siècle, voir THOMSON 1982, p. 27 et 1995, p. 112-116. 20 Łazar P‘arpec‘i est un historien de la fin du Ve siècle, auteur d’une Histoire de l’Arménie et d’une Lettre à Vahan Mamikonean. Voir l’introduction de THOMSON 1991, p. 131 et THOMSON 1995, p. 146-149. 21 P‘awstos Biwzand/Buzand est le nom donné à l’auteur d’une œuvre écrite dans la seconde moitié du Ve siècle, Buzandaran patmut‘iwnk῾ (Histoires épiques), qui relate la 15

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décrivant ce qui s’est passé en Arménie et en Perse (Parsikk‘), entre eux et nous. Ensuite [l’Histoire] de Héraclius (Herakl) écrite par l’évêque Sebēos22. Et l’Histoire du merveilleux Koriwn23. Puis Xosrov24. Et l’Histoire du prêtre Łewond25 qui révèle ce que Muḥammad (Mahmet) et ses successeurs ont commis dans tous les pays et plus particulièrement au sein du peuple arménien. Et le vardapet T‘ovma26, historiographe de la maison des Arcruni. Et Šapuh Bagratuni27. Et tēr Yovhannēs28 catholicos (kat‘ołikos) d՛Arménie. Et Movsēs Kałankatuac‘i29, historiographe des Ałuank‘. Et Uxtanēs30 évêque d’al-Ruhā (Uṙha) qui a écrit à propos de la séparation des Ibères (Virk‘) et des Arméniens [provoquée] par Kiwrion. Et Step‘annos vardapet surnommé Asołik31. Et Aristakēs vardapet dit période allant de la mort de Trdat (vers 330) au partage de l’Arménie entre les Romains et les Perses vers 387, voir GARSOÏAN 1989, p. 1-14, THOMSON 1995, p. 185-187. 22 À propos de la chronique du VIIe siècle du Ps. Sebēos qui s’étend jusqu’à la conquête du califat par Mu῾āwiya en 661 et du fragment de la chronique de l’évêque des Bagratuni, Sebēos, intitulé Sur Héraclius et la Sainte Croix, voir THOMSON 1999, The Armenian History attribued to Sebeos, p. XXXI-XXXIX, MAHÉ 1992, p. 132-133 et l’introduction de l’édition de Sebēos par ABGARYAN, Érévan, 1979, p. 5-44. 23 Disciple de Mesrop Maštoc‘, créateur de l’alphabet arménien, Koriwn rédigea vers 443 la Vie de Maštoc‘, voir THOMSON 1995, p. 142-145, MAHÉ 2018, p. 24-26, p. 109-118. 24 Voir AnjB, II, no 10, p. 534. 25 L’Histoire de Łewond relate les événements survenus entre 632 et 789 en Arménie à Byzance et dans le Califat. Voir à propos de l’auteur et de son œuvre le commentaire de MARTIN-HISARD 2015, p. 223-283. 26 Kirakos Ganjakec‘i est le seul à qualifier T‘ovma Arcruni de vardapet. À propos de cet historien mort au début du Xe siècle, voir THOMSON 1995, p. 204-205, et l’introduction de THOMSON, Thomas Artsruni, History of the House of the Artsrunik, p. 15-58. 27 À propos de Šapuh Bagratuni, petit-fils du commanditaire supposé de Łewond, qui devait relater la période allant de 790 à 885 et dont on a perdu la chronique, voir THOMSON 1995, p. 191-192. 28 Il s’agit du catholicos Yovhannēs Drasxanakertc‘i (898-929) auteur d’une Histoire de l’Arménie, qui en l’absence de la chronique de Šapuh Bagratuni, est la principale source du règne des premiers rois Bagratuni, voir THOMSON 1995, p. 219-220 et BOISSONCHENORHOKIAN 2003. 29 Movsēs Kałankatuac‘i ou Dasxuranc‘i est supposé, depuis le XIIIe siècle, être l’auteur d’une Histoire des Ałuank‘. Les livres I et II de l’Histoire contiennent des chroniques arméno-albaniennes des VIe et VIIe siècles, rédigées en réalité par un auteur du VIIIe siècle. Quant au livre III, il a été composé par un auteur du XIIIe siècle, voir l’article de HOWARD-JOHNSON, «Armenians Historians of Heraclius: an Examination of the Aims, Sources and WorkingMethods of Sebeos and Movses Daskhurantsi», p. 50-61 et THOMSON 1995, p. 153-157. 30 Uxtanēs acheva en 887 une Histoire en trois livres dont seuls les deux premiers livres nous sont parvenus. Ils traitent des époques anciennes et de la rupture religieuse des Arméniens et des Géorgiens aux VIe et VIIe siècles. Voir THOMSON 1995, p. 208 et l’introduction d’ARZOUMANIAN 1985, Bishop Ukhtanēs of Sebastia, p. 26-40. 31 Step‘anos Asołik Tarōnec‘i, au service du catholicos Sargis Sewanc‘i (992-1019), a rédigé une histoire primordiale pour les années 885-1104; voir THOMSON 1995, p. 202-203 et GREENWOOD 2017, The Universal History of Step‘anos Tarōnec‘i, p. 1-94.

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[p. 8] Lastivertc‘i32. Et Matt῾ēos prêtre régulier d’al-Ruhā33. Et Samuēl prêtre de l’église kat‘ołikē d’Ani34. Et enfin le grand penseur et talentueux vardapet appelé Vanakan35. Chacun de ces saints hommes a pris soin de léguer par écrit à la postérité un bon souvenir qui soit profitable aux lecteurs, une rétribution pour ces mêmes saints, souvenir rendu impérissable jusqu’à la venue de Christ. Quant à notre entreprise, ne la considérez pas comme audacieuse mais plutôt comme une œuvre de bonne émulation, car notre esprit nous pousse à ne pas faire silence sur de telles calamités qui troublent nos pensées, [calamités] que nous avons entendues de nos oreilles et vues de nos yeux. Car les prophéties de tous les saints, qui auparavant avaient prédit les tourments qui devaient advenir plus tard, se sont réalisées durant nos jours. Notre Sauveur et Dieu, notre Seigneur Jésus-Christ disait: On se dressera, en effet, nation contre nation et royaume contre royaume36 et tout cela ne fera que commencer les douleurs37. La manifestation du fils de perdition que nous craignons, apparaîtra durant nos jours; [p. 9] en effet tous les faits qui aujourd’hui se passent, en témoignent. L’amour s’est desséché et la cruauté domine, la piété diminue et l’incrédulité augmente, les autels et les messes sont muets, les prêtres sont frappés sans pitié par l’épée, les femmes et les enfants sont faits prisonniers, les hommes meurent de mort violente; ainsi, ce que saint Nersēs, l’homme de Dieu, avait prophétisé au sujet de la nation des archers et de la destruction du pays d’Arménie s’est accompli maintenant par la main de ceux que l’on appelle Tatars (T‘at‘ar). Ils ont exterminé de nombreuses nations et tribus, ce que nous raconterons, en son lieu, si le Seigneur le veut38. 32

Aristakēs Lastivertc‘i a laissé un texte intitulé Malheurs de la nation arménienne (jusqu’en 1071); voir la traduction de CANARD et BERBÉRIAN 1973 et THOMSON 1995, p. 102103. 33 Matt‘ēos Uṙhayec‘i, connu sous le nom de Matthieu d’Édesse nous a laissé une Chronographie qui s’étend jusqu’en 1136 et qui a été continuée jusqu’en 1162 par Grigor Erēc‘, voir THOMSON 1995, p. 151-152 et l’étude d’ANDREWS 2017, Matt‘ēos Uṙhayec‘i and His Chronicle. 34 Samuēl Anec‘i dans sa compilation chronologique résume sous forme de tableaux les principaux événements de l’histoire arménienne jusqu’en 1180. Voir THOMSON 1995, p. 191 et l’introduction de l’édition de MAT‘EVOSYAN 2014, p. 8-18. 35 À propos de Yovhannēs Vanakan (1181-1251) qui fut le maître de Kirakos Ganjakec‘i et de l’historiographe Vardan, voir Kirakos, chap. 52 et 53 et THOMSON 1995, p. 229-230. 36 Mt XXIV, 7. 37 Mt XXIV, 8. 38 À propos des pseudo-prophéties du catholicos Nersēs (353-373), voir Kirakos, chap. 20.

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Chacun de nos prédécesseurs qui ont composé des œuvres étaient les protégés ou d’un roi illustre ou d’un chef39 de famille connue. Mais nous, de tout cela nous sommes privés, car la royauté des Aršakuni et des Bagratuni a disparu depuis longtemps et il n’y a nulle part d’išxan de la lignée de Hayk (Haykazn) hormis ceux qui se sont quelque fois dissimulés, cachés en pays étranger. L’unique espoir, nous le mettons dans la grâce de ce jour et dans la force de ce mystère, car en ce jour où nous avons entrepris ce travail [p. 10] c’est la fête de la venue de l’Esprit très saint au pinacle40, parmi les rangs des apôtres: il les envoya, ornés de langue de feu, dans l’univers pour appeler tout le monde, grâce au filet de l’Évangile, à la vie immortelle41. Nous, confiant dans ce même Esprit, nous nous sommes consacré à cette tâche bien au-dessus de nos capacités. À cause de cela, je vous supplie, vous qui viendrez, de ne pas ruiner notre travail, comme des ignorants, de ne pas grogner du nez ou froncer le sourcil mais de montrer de l’indulgence fraternellement et de laisser un souvenir de vous pour la postérité. Parmi tous les disciples du Christ, il y a des [signes] de communion, comme nous l’apprennent les Écritures. Mais attaquons l’œuvre que nous avons commencé en montrant d’abord les noms des successeurs de saint Grigor, en débutant par des notices abrégées de lui jusqu’à nous, ce sera notre monument funéraire non pas semblable à la pierre d’Absalom (Abisołom)42 mais [une stèle] vivante sur laquelle sera sauvegardé le nom de Kirakos.

39 40

Le terme employé est nahapet, litt. «patriarche», voir NHBL, II, p. 402. Kirakos commence à rédiger son ouvrage le 19 mai 1241, le dimanche de la Pente-

côte. 41

Voir Ac II, 3-4. Voir 2 Sam XVIII, 18: «De son vivant, Absalom avait entrepris de s’ériger la stèle qui est dans la vallée du Roi, car il s’était dit: «Je n’ai pas de fils pour commémorer mon nom», et il avait donné son nom à la stèle. On l’appelle encore aujourd’hui le monument d’Absalom.» 42

CHAPITRE I

HISTOIRE SUCCINCTE ET LISTE DES NOMS DE SAINT GRIGOR ET DE CEUX QUI, APRÈS LUI, LUI SUCCÉDÈRENT SUR LE TRÔNE1 Digne de toutes les louanges et célébré en bonne mémoire, saint Grigor, notre père spirituel selon l’Évangile, après avoir illuminé [p. 11] notre pays d’Arménie (Hayastan) de la connaissance de Dieu et de toutes les dispositions orthodoxes et lois, et après avoir consacré plus de quatre cent trente évêques, il alla ainsi que le grand roi Trdat, à Rome (Hṙom) y contempler les reliques des saints apôtres Pierre (Petros) et Paul (Pōłos) et [rencontrer] le grand roi Constantin (Kostandianos) ainsi que le saint patriarche Sylvestre (Sełbestros) pour conclure des pactes et des alliances avec eux. Saint Constantin (Kostandianos) et le grand patriarche le reçurent avec de grands honneurs à la cour impériale, ils montrèrent beaucoup de considération à saint Grigor, comme à un confesseur de la foi et à un témoin du Christ [possédant] la grâce des apôtres. Ils lui donnèrent la dignité de patriarche comme successeur au trône de Pierre. Ils lui offrirent un fragment des reliques des apôtres et la main gauche de l’apôtre André (Andrē) ainsi que beaucoup d’autres présents. À Jérusalem (Erusałēm), ils lui offrirent le lieu de la crucifixion du Christ, le Golgotha (Gołgot‘a), [l’église] de Saint-Jacques (Yakob) et une place pour dire la messe au chevet de la Sainte-Résurrection. On dit que saint Grigor suspendit une lampe au-dessus du tombeau du Christ et implora Dieu par des prières, pour que durant les saintes Pâques, le lieu soit éclairé sans lumière réelle, signe visible jusqu’à nos jours. De même, ils honorèrent le grand Trdat comme il convenait à sa bravoure. Ils conclurent, par le sang du Christ et la foi en Lui, une alliance pour maintenir après eux indissoluble l’amour entre leurs deux peuples. [p. 12] Constantin demanda à saint Grigor: «Combien est grande la joie qui est née devant les anges en découvrant autant de brebis perdues?» Il répondit: «Considérable; mais que les enfants d’Adam que nous sommes ne soient pas regardés comme des brebis par la multitude d’en Haut.» Et Voir pour les pages 11 à 15, l’analyse de BOISSON-CHENORHOKIAN 2005-2007, «Histoire de saint Grégoire d’après Kirakos Ganjakec‘i», p. 249-271. 1

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l’empereur dit: «Nous, qui sommes sauvés, ne cessons pas de célébrer avec eux votre venue.» Et il donna l’ordre à toute la ville de se régaler en immolant des brebis. Les Juifs (Hreayk‘) et les païens, qui demeuraient sans foi, furent lavés par le sel béni, car saint Grigor et Sylvestre avaient béni le sel. Saint Grigor dit aux Juifs: «Vous avez fait de la circoncision la non-circoncision, en contradiction avec les lois», et il poursuivit: «les animaux qui sont sacrifiés à Dieu ou offerts aux saints ou [encore] en mémoire des défunts, sans le sel béni, sont des sacrifices de païens.» Puis ils allèrent dans notre pays avec une immense allégresse et joie spirituelle, ils ornèrent grandement nos provinces de tous les rites chrétiens. De son vivant [saint Grigor] ordonna son fils Aristakēs2, chef des évêques d’Arménie (Hayk‘), d’Ibérie (Virk‘) et du pays des Ałuank‘3. Puis il entreprit [de vivre] la condition des solitaires afin d’être paré de toutes les couronnes, celles [p. 13] de l’apôtre, du martyr et du patriarche. Il vécut en solitaire, [vie] qui habitua l’homme de Dieu à parler constamment à Dieu. Lorsqu’Aristakēs revint du concile de Nicée (Nikia), saint Grigor n’apparut plus désormais à personne. Après une longue vie, il reposa dans le Christ, ayant occupé la fonction patriarcale trente ans. Des bergers le découvrirent mort, ils entassèrent des monceaux de pierres sur son [corps]. Puis sous l’influence de l’Esprit, un certain Gaṙnik saint ermite le découvrit, le transporta et l’enterra dans le village de T‘ordan. À l’époque de l’empereur Zénon (Zenon)4, on transporta [quelques-unes] de ses reliques et celles des saintes [compagnes] de Hṙip‘simē à Constantinople (Kostandnupōlis). On fit un reliquaire en argent et on y déposa les reliques des saints. On inscrivit le nom de chacun d’eux, puis on mit [le reliquaire] dans un coffre en marbre et on le scella avec un anneau. [Le reliquaire] resta pendant très longtemps sans qu’on sache de qui étaient [les reliques] si ce n’est de saints. [p. 14] Mais à l’époque de l’empereur Basile5 (Vasil) et du roi d’Arménie Ašot Bagratuni6, cela devint clair: un enfant fut saisi par un esprit malin alors qu’il priait dans l’église où reposaient les reliques des saints, le démon le souleva et le projeta sur le coffre des saints. Il cria: «Saint 2

Aristakēs (320-327), voir AnjB, I, no 1, p. 278-279 Voir à propos de l’origine des Ałuank‘, Movsēs Xorenac‘i, II, 8, p. 113 (trad. Mahé, p. 163) et GARSOÏAN 1989, p. 438-439. 4 Zénon (474-475, 476-491), voir ODB (Zeno), III, p. 2223. 5 Basile (867-886), voir ODB (Basil I), I, p. 260. 6 Ašot Bagratuni (884-890), voir AnjB, I, no 31, p. 184-185. 3

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Grigor l’Illuminateur d’Arménie, ne me tourmente pas et vous, dame Hṙip‘simē, tu es venue me faire souffrir et toi, Gayianē, tu me tourmentes.» Il cria ainsi longtemps. Quand la foule entendit cela, on en informa le roi. Il donna l’ordre d’ouvrir le coffre. Quand il fut ouvert, une lumière éclatante jaillit des reliques des saints. L’empereur donna l’ordre de recouvrir le coffre en marbre d’or et que les noms des saints soient inscrits dessus afin que tous sachent de qui était le reliquaire. Un eunuque impérial vint et raconta tout cela au roi Ašot. Quand il entendit cela, il rendit gloire à Dieu et institua une fête de saint Grigor ce jour là-même, le samedi de la sixième semaine du carême, fête qui se célèbre jusqu’à ce jour. Et saint Aristakēs prenait bien soin du troupeau qui lui avait été confié et réprimandait avec impartialité ceux qui n’étaient pas dans le droit chemin. Un certain Ark‘ełayos qui avait été désigné gouverneur de ce qui est appelé [p. 15] Arménie Quatrième avait subi des reproches à cause de son mauvais comportement. Il alla au-devant de lui dans le gawaṙ7 de Cop‘k‘8, le tua puis craignant le roi Trdat, il s’enfuit à Tarse de Cilicie (Tarson Kilikec‘woc‘)9. Après sept ans d’épiscopat, par sa mort en martyr il passa vers le Christ10. À sa place, le roi Trdat mit sur le trône patriarcal le fils aîné de saint Grigor et frère de saint Aristakēs, le grand Vrt‘anēs11. [Le roi], comme saint Grigor, aimait la vie des solitaires. Dès lors, de temps en temps, il disparaissait loin de ses troupes, pour jeûner et prier quarante jours. Ses hommes vinrent auprès de lui le suppliant d’exercer la royauté. Mais lui n’accepta pas, les traitant de traîtres et de n’avoir qu’une piété superficielle. Ils prêtèrent alors serment et s’engagèrent par écrit à suivre le christianisme et à le servir sincèrement. Et [Trdat] accéda à leurs requêtes, remonta sur le trône et il devint l’exemple de toutes sortes de vertus. [p. 16] Mais fatigués par sa piété, ils projetèrent avec perfidie de le tuer. Ils l’emmenèrent chasser pour le divertir; là, ils le frappèrent d’une flèche et le blessèrent comme si cela avait été un accident. Voyant qu’il ne mourait pas, ils lui donnèrent alors un poison mortel. C’est ainsi qu’ils 7

693.

Gawaṙ, «canton», sur ce terme voir GARSOÏAN 1989, p. 526 et MAHÉ 2000, p. 691-

À propos de Cop‘k‘, ancienne Sophène, voir GARSOÏAN 1989, p. 456-457. Selon Movsēs Xorenac‘i, II, 91, p. 243-244 (trad. Mahé p. 246) Ark‘ełayos s’enfuit dans le Taurus de Cilicie. 10 Voir P‘awstos Buzand, III, 2, p. 6 (trad. Garsoïan, p. 17). 11 Vrt‘anēs (327-342), voir AnjB, V, no 1, p. 128-129. 8 9

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firent mourir celui que ses ennemis n’avaient pu vaincre et qui grâce à son immense bravoure avait emporté tous les combats. Ils avaient éliminé traîtreusement celui qui était réputé être impossible [à tuer] par la force, celui dont la renommée de courage était connue dans tout l’univers. Ils éteignirent ainsi le flambeau brillant de leur propre vie. C’est de la sorte que le dévot et pieux Trdat (Trdatios) mourut après un règne de cinquantesix ans12. Et le grand Vrt‘anēs se rendit auprès de l’empereur Constance (Kostandin)13 pour qu’il couronne Xosrov14, le fils du courageux et vertueux Trdat, ce qu’il fit; il lui offrit une aide considérable durant la guerre contre le roi des Perses (Parsk‘) Šāpur (Šapuh)15. Mais Sanatruk16, qui avait été désigné gouverneur des territoires des Ałuank‘ [p. 17] par Trdat, lorsqu’il apprit sa mort, exécuta saint Grigoris, fils de Vrt‘anēs, frère de Yusik en l’attachant à la queue d’un cheval sauvage dans la plaine de Vatnean17. [Sanatruk] alla de lui-même auprès du roi des Perses Šāpur, il reçut l’insigne de la royauté, il sépara alors son domaine [des Ałuank‘] de celui de Xosrov. Ce dernier estimant le territoire qui lui restait comme suffisant ne montra aucun empressement à se battre, vécut sa vie en paix, suivant les conseils du grand Vrt‘anēs; il transféra sa ville d’Artašat18 à Duin19, planta comme lieu d’agrément un bois de chênes20. Après avoir régné neuf ans, il mourut pieusement. Son fils Tiran21 lui succéda sur le trône. 12 Trdat IV (298/299-330). Pour la datation des règnes des Arsacides, voir GARSOÏAN 1997, p. 94. Sur sa mort, voir Movsēs Xorenac‘i, II, 92, p. 245-250 (trad. Mahé p. 247-249 et note 23, p. 386). 13 Constance II empereur romain d’Orient (337-353) puis de tout l’empire (353-361); voir ODB (Constantius II), I, p. 524. À propos de cet épisode, voir Movsēs Xorenac‘i, III, 4-5, p. 260-261 (trad. Mahé, p. 252-253). 14 Xosrov III Kotak (330-338); voir GARSOÏAN 1997, p. 94. 15 Šāpur/Shāpūr II (309-379); voir EI2, IX, «sāsānides», p. 73-87 et «Shāpūr», p. 319. 16 Kirakos suit Movsēs Xorenac‘i, III, 3, p. 259 (trad. Mahé p. 252). 17 Sur Grigoris, voir P‘awstos Buzand, III, 5 et 6, p. 9-13 (trad. Garsoïan, p. 70-73) et Movsēs Xorenac‘i, III, 3, p. 259-260 (trad. Mahé p. 251-252). 18 La ville d’Artašat est située à 20 km au sud d’Érévan; elle fut fondée par Artaxias Ier (189-159) qui en fit sa capitale; voir HŠTB, I, p. 493-494 et article de KHATCHATRYAN, «Artachat capitale d’Arménie durant cinq siècles», dans DONABÉDIAN et MUTAFIAN 2010, p. 89-97. 19 Sur la ville, voir KALANTARYAN, «Dvin capitale administrative et siège patriarcal», dans DONABÉDIAN et MUTAFIAN 2010, p. 125-139. 20 Il s’agit de Xosrovakert; voir P‘awstos Buzand, III, 8, p. 16 (trad. Garsoïan, p. 75) et Movsēs Xorenac‘i, III, 8, p. 265 (trad. Mahé, p. 255). 21 Tiran (v 338-350?); voir GARSOÏAN 1997, p. 94.

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Quant à saint Vrt‘anēs, il passa sa vie à faire de bonnes actions bien que plusieurs fois les naxarar voulurent le tuer, mais Dieu ne permit pas que cela se fasse, et il alla paisiblement vers le Christ, espoir de tous22. Alors le roi Tiran désigna à sa place son fils Yusik23, frère de Grigoris, catholicos (kat‘ołikos) des Ałuank‘24. Mais Tiran ne gouverna pas son royaume en suivant les justes lois de Dieu, mais en commettant le mal, ce que saint Yusik lui reprocha justement. [p. 18] Tiran se mit à le détester et ensuite le fit assassiner sous le prétexte suivant: après la mort de l’empereur Constance (Kostandin), fils du grand Constantin, Julien (Yulianos) l’Apostat25 régna sur les Romains (Hṙomayec‘ik‘); [ce dernier] envoya un tableau sur lequel était peint le portrait de Satan à côté du sien pour être exposé dans l’église arménienne. Tiran, le craignant, fit ce qui avait été ordonné. Mais Yusik s’y opposa et n’autorisa pas son introduction dans l’église, il arracha [le tableau] des mains de [Tiran], le jeta à terre, le piétina, le réduisant en menus morceaux. Tiran, en colère, ordonna de le frapper à coups de bâton jusqu’à ce qu’il meure. Il avait occupé six ans le siège épiscopal. Puis Tiran appela le grand chorévêque Daniēl, syrien de nation, qui avait été désigné par saint Grigor surveillant de [certains] cantons, un saint homme, un thaumaturge. Une fois arrivé [Daniēl] le réprimanda violemment pour avoir assassiné le saint chef des prêtres Yusik. Tiran, furieux, donna l’ordre de l’étrangler, en sorte que ce saint connut la mort du martyr26. Après cela Tiran institua sur le trône patriarcal un certain P‘aṙnerseh27, qui n’appartenait pas à la lignée de saint Grigor; il était originaire du Tarōn28, du village d’Aštišat29, il occupa le trône cinq ans. [p. 19] Et le roi des Perses Šāpur convoqua Tiran par ruse; en chemin il le fit aveugler avec des charbons ardents. Ce fut la vengeance de Dieu 22

Voir 1 Tm, I, 1. Yusik (342-348); voir AnjB, III, no 3, p. 733. 24 Voir P‘awstos Buzand, III, 12, p. 26 (trad. Garsoïan, p. 80), Movsēs Xorenac‘i, III, 11 (trad. Mahé, p. 258). 25 Julien (360-363); voir ODB (Julian), II, p. 1079. 26 Sur le martyre de Yusik et Daniēl, voir P‘awstos Buzand, III, 13-14, p. 28-37 (trad. Garsoïan, p. 84-90), Movsēs Xorenac‘i, III, 14, p. 272 (trad. Mahé, p. 259-260). 27 Sur P‘aṙnerseh/P‘aṙēn, chapelain du martyrium de saint Jean Précurseur, mort en 348, voir P‘awstos Buzand, III, 16, p. 38-39 (trad. Garsoïan, p. 91-92), Movsēs Xorenac‘i, III, 16, p. 275 (trad. Mahé p. 261). 28 Tarōn/Tarawn nom d’un canton de la province du Turuberan à l’ouest du lac de Van (voir HÜBSCHMANN 1969, note 30, p. 325). 29 Ancienne capitale spirituelle de l’Arménie sur une éminence dominant l’Arsanias, au nord de Muš près du village de Terk, voir HŠTB, I, p. 300. 23

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pour la mort injuste qu’il avait donnée à Yusik et à Daniēl. Quelque temps après, son propre fils Aršak l’étrangla; il avait régné treize ans30. Sur l’ordre de Šāpur, Aršak31occupa le trône royal. Vinrent auprès de lui tous les naxarar et les évêques d’Arménie qui lui réclamaient un patriarche de la noble lignée de saint Grigor. Ils trouvèrent un jeune homme de belle taille, agréable au regard du Seigneur, dont le nom était Nersēs32, fils d’At‘anaginēs, fils de Yusik. Ce dernier avait eu deux fils nommés, l’un Pap, l’autre At‘anaginēs. Yusik, de son vivant, n’avait consacré aucun d’eux pour le service de l’Église parce qu’ils n’en étaient pas dignes. Après sa mort, ils furent consacrés de force au diaconat. Mais eux abandonnèrent la fonction ecclésiastique pour ne songer qu’à manger et boire. Et en lieu et place de psaumes et de chants spirituels, ils se contentaient de gusan33, de chanteuses et de prostituées34. Un jour qu’ils étaient assis dans l’église en train de manger et boire avec des femmes et [p. 20] des jeunes gens, le feu du ciel tomba et les brûla tous deux; par cette mort étrange ils furent la risée de tout le monde. Durant plusieurs jours, leurs corps demeurèrent à l’intérieur de l’église, personne n’osait entrer pour les enlever. Mais le merveilleux Nersēs fut digne de l’appel qui lui avait été adressé, car c’était un homme juste et saint35. Il faisait partie des troupes du roi, il était au service d’Aršak et portait son épée d’acier mais il s’estimait indigne d’un tel honneur. Et le roi Aršak ordonna au vieil évêque P‘ostos36 de le consacrer diacre. Puis ayant rassemblé une grande armée, il l’envoya à Césarée (Kesaria)37 se faire consacrer patriarche. À son retour, il illumina le pays d’Arménie par des institutions variées, érigea des monastères et des maisons pour les pauvres, rassembla les lépreux et les persécutés et leur fournit soins et pensions. Mais Aršak ne gouvernait pas selon les lois de Dieu, il tua Gnēl le fils de son frère et prit sa femme P‘aṙanjem. Nersēs, le saint de Dieu, le maudit38. 30

Selon Movsēs Xorenac‘i, III, 17, p. 276 (trad. Mahé p. 262): 11 ans. Aršak II 350-364/367, voir GARSOÏAN 1997, p. 94. 32 Nersēs (353-373), voir AnjB, IV, no 6, p. 35-38. 33 Sorte de ménestrel, voir ArmB, I, p. 597-598. 34 À propos des enfants de Yusik, voir P‘awstos Buzand, III, 19, p. 41-42 (trad. Garsoïan, p. 93-94), Movsēs Xorenac‘i, III, 16, p. 274-275 (trad. Mahé p. 261). 35 Voir P‘awstos Buzand, IV, 3, p. 57-60 (trad. Garsoïan, p. 108-110). 36 Sur cet évêque «de race romaine», voir P‘awstos Buzand, VI, 6, p. 224-225 (trad. Garsoïan, p. 235). 37 Aujourd’hui Kayseri en Anatolie centrale; voir «Ḳayṣariyya» dans EI2, IV, p. 876-879. 38 Sur Aršak et Gnēl, voir Movsēs Xorenac‘i, III, 22-24, p. 281-284 (trad. Mahé, p. 266268); P‘awstos Buzand, IV, 15, p. 98-105 (trad. Garsoïan, p. 140-146). 31

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Le roi des Perses Šāpur et Valens (Vałēs)39 empereur des Grecs (Yoynk‘), qui avait succédé au pieux Jovien (Yovbianos)40, devinrent ses ennemis. Aršak supplia Nersēs d’aller vite en ambassade auprès de l’empereur Valens. [p. 21] Saint Nersēs alla pour conclure la paix entre les deux souverains. Mais Valens, parce qu’il était perverti par les hérésies d’Arius (Arios) et Macédonius (Makedon)41, persécutait les orthodoxes42. Lorsqu’il vit saint Nersēs et apprit que cet homme était un thaumaturge, il dit: «Guéris mon fils.». En effet, ce dernier était malade, sur le point de mourir. Le saint répondit: «Si tu te tiens loin de cette absurde secte, je le guérirai.» Et il se tint à l’écart, le saint pria et l’enfant se releva de sa maladie. Mais Valens à nouveau retourna dans cette même hérésie et aussitôt l’enfant périt. [L’empereur] donna l’ordre d’exiler le saint sur une île déserte où il n’y avait aucune plante verte hormis du sable. Le saint, par ses prières, fit jaillir une source d’eau délicieuse et la mer rejeta des poissons, du bois, qui sans feu s’allumait de lui-même et ainsi il se nourrit durant neuf mois43. Lorsqu’Aršak réalisa que saint Nersēs était exilé, il commença à commettre des actes très cruels, puis il érigea une ville et y rassembla tous les criminels en leur annonçant qu’il n’y aurait aucune action en justice contre ceux qui avaient commis des délits et qui se réfugiaient là. La ville devint alors un repaire de bandits, elle se nommait Aršakawan44. L’empereur Valens creva misérablement, [p. 22] dans les flammes, exemple ici-bas des enfers éternels. La couronne passa à Théodose (T‘ēodos) le Grand45 par ordre de Gratien (Gratianos)46; il ramena d’exil saint Nersēs, le garda auprès de lui avec de grands honneurs jusqu’à la réunion du concile des cent cinquante [pères] à Constantinople contre Macédonius, ennemi de la divinité du Saint-Esprit47. Étaient présents Grégoire le Théologien (Grigor 39

Valens (364-378); voir ODB (Valens), III, p. 2149-2150. Jovien (363-364); voir ODB (Jovian), II, p. 1076-1077. 41 Evêque de Constantinople de 342 à 360, il fut déposé en 360 par des ariens plus radicaux que lui à Constantinople. 42 Voir P‘awstos Buzand, IV, 5, p. 68 (trad. Garsoïan, p. 116). 43 Voir Movsēs Xorenac‘i, III, 30, p. 294 (trad. Mahé, p. 274): 8 mois; P‘awstos Buzand, IV, 6, p. 77 (trad. Garsoïan, p. 124): 9 mois. 44 Sur la construction et la destruction d’Aršakawan, seule fondation urbaine du IVe siècle, voir Movsēs Xorenac‘i, III, 27, p. 288-289 (trad. Mahé, p. 270-271) et P‘awstos Buzand IV, 12-13, p. 89-96 (trad. Garsoïan, p. 133-138 et p. 446). 45 Théodose empereur d’Orient (379-383) puis empereur seul (383-395); voir ODB (Theodosios I), III, p. 2050-2051. 46 Gratien empereur d’Occident (367-383), voir ODB (Gratian), II, p. 867. 47 Voir Movsēs Xorenac‘i III, 30, p. 294 (trad. Mahé, p. 274 et notes 1 et 2, p. 397). 40

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Astuacaban)48, Grégoire de Nysse (Niwsac‘i)49, frère de saint Basile (Baseł)50 et beaucoup d’autres saints pères51. Et [l’empereur] renvoya saint Nersēs sur son trône. Lorsqu’il vit les actes injustes commis par Aršak, il maudit Aršakawan et tous ses habitants périrent misérablement; la ville autrefois très peuplée devint déserte. Aršak fut appelé par Šāpur qui le mit en prison; il se suicida. Il avait régné trente ans. Saint Nersēs supplia alors le grand Théodose de couronner roi d’Arménie Pap52, fils d’Aršak. Parce que Pap commettait des actes honteux, saint Nersēs le réprimanda. [Pap] lui administra un poison mortel qui mit fin à la vie de ce juste. Peu de temps avant sa mort, il appela son troupeau et le bénit, il fit de nombreuses prophéties à propos de la nation des archers, sur la ruine du pays d’Arménie, sur l’antéchrist et les tourments qu’il infligera à tout l’univers. Le saint connut la mort du martyr, [p. 23] laissant en larmes son troupeau; il avait occupé le trône patriarcal trente-quatre ans53. Lui succéda, pendant quatre ans, un certain Šahak54, qui n’était pas de sa lignée mais un fils d’Albianos55 de Manazkert56 en Hark‘57. Et le pieux Théodose, lorsqu’il vit le mal qu’avait fait Pap, le fit périr selon sa perversité, il avait régné sept ans58. Et le roi Théodose institua roi d’Arménie un certain Varazdat59 de la lignée des Aršakuni, un homme puissant et fort. Après Šahak, le catholicossat passa à Zawēn60, son frère, durant quatre ans61. 48 Grégoire le Théologien, de Naziance (329-390?). La traduction de ses œuvres en arménien se situe dans la seconde moitié du Ve siècle, voir THOMSON 1975, p. 464, THOMSON 1995, p. 56-57, THOMSON 2007, p. 174 et COULIE 1994-1995, p. 51. 49 Grégoire de Nysse (331-394?); voir THOMSON 1975, p. 464 et THOMSON 1995, p. 57. 50 Basile évêque de Césarée (370-379); voir THOMSON 1995, p. 38-40. 51 Voir le chapitre «concile tenu contre les Pneumatomaques» de Movsēs Xorenac‘i, III, 33, p. 297-298 (trad. Mahé, p. 277). 52 Sur Pap (367-374), voir GARSOÏAN 1997, p. 94. 53 Voir Movsēs Xorenac‘i, III, 38, p. 305-310 (trad. Mahé, p. 283). 54 Sur Šahak, voir Movsēs Xorenac‘i, III, 39, p. 306 (trad. Mahé, p. 284). 55 Sur ce personnage ancien évêque de la cour et sa famille, seconde lignée sacerdotale, voir MARDIROSSIAN 2004, p. 147 et note 226. 56 Sur la ville de Manazkert/Manzikert, aujourd’hui Malāzgird/Malāzgirt, en Turquie dans la province de Muş, en Anatolie orientale, voir EI2, VI, p. 226-228. 57 Hark‘, gawaṙ du Turuberan à l’ouest de Manazkert, voir HŠTB, III, p. 393. 58 Voir P‘awstos Buzand, V, 32, p. 195-196 (trad. Garsoïan, p. 213-214). 59 Sur Varazdat (374-378), voir GARSOÏAN 1997, p. 94. 60 Sur Zawēn (377-381), voir AnjB, II, no 3, p. 176. 61 Voir Movsēs Xorenac‘i, III, 39, p. 306 (trad. Mahé, p. 284).

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Varazdat songea à se révolter contre Théodose et à se livrer aux Perses. Il fut chassé par Manuēl Mamikonean62, frère de Mušeł, le brave sparapet63 d’Arménie, qui avait été tué perfidement par Varazdat. Il se rendit dans le territoire des Grecs, il y mourut; il avait régné quatre ans. Après Zawēn, son frère et celui de Šahak, Aspurakēs64 occupa le catholicossat durant cinq ans. Manuēl plaça sur le trône les deux fils de Pap, Aršak65 et Vałaršak qu’il prit pour gendre; ils régnèrent quatre ans.66 [p. 24] Puis les rois des Grecs et des Perses séparèrent en deux le pays d’Arménie. Du côté des Grecs, Aršak gouverna sous l’égide d’Arcadius (Arkadēos)67 et Honorius (Onorios)68, fils de Théodose le Grand. Et le roi des Perses Šāpur institua roi dans sa partie un certain Xosrov69, de même lignée. Un conflit éclata entre Aršak et Xosrov parce que les išxan dépendants d’Aršak avaient pris ses trésors et s’étaient réfugiés auprès de Xosrov. Alors Xosrov, après la mort d’Aspurakēs, mit sur le siège patriarcal saint Sahak70, fils du grand Nersēs. Durant ses jours, le patriarche de Constantinople Jean Chrysostome (Yovhannēs Oskeberan)71, merveilleux et resplendissant flambeau de l’église, illuminait l’Église universelle du Christ par la doctrine de la parole de vie. Certains au commencement le dédaignèrent car il ne parlait pas le grec correctement, il était d’origine syriaque (asori) par son père. Après son baptême, il ne but pas de vin, ne rit pas, ne jura pas, ne fit pas prêter serment et n’anathématisa personne. Au moment où on l’emmenait en exil72, il frappa de sa main l’église et dit: «Adieu, sainte église, demeure des gloires du Seigneur, n’oublie pas mon labeur, 62

Sur Manuēl Mamikonean (†386), voir AnjB, III, no 1, p. 205. Le terme sparapet désigne un généralissimme, un commandant de l’armée, voir GARSOÏAN 1989, p. 560-561. 64 Sur Aspurakēs (383-387), voir AnjB, I, no 1, p. 231. 65 Sur Aršak III (378-389), voir GARSOÏAN 1997, p. 94. 66 À propos du couronnement des rois Aršak et Vałaršak, voir P‘awstos Buzand, V, 37, p. 206 (trad. Garsoïan, p. 221), pour Movsēs Xorenac‘i, III, 41, p. 309 (trad. Mahé p. 286). 67 Sur Arcadius (395-408), voir ODB (Arkadios), I, p. 173-174. 68 Sur Honorius (393-423), voir ODB (Honorius), II, p. 946. 69 Xosrov IV (385-389) fut déclaré roi d’Arménie par les Perses dès la mort de Manuēl Mamikonean en 384, avant même le partage de l’Arménie, selon P‘awstos Buzand, VI, 1, p. 221-222 (trad. Garsoïan, p. 233-234). 70 Sahak Ier (387-438), dernier descendant direct de saint Grigor l’Illuminateur, fut remplacé par des anti patriarches après 428, voir AnjB, IV, no 9, p. 350-352. 71 Jean Chrysostome fut patriarche de Constantinople de 398 à 403. 72 Il fut exilé en 407, voir Socrate, chap. 116, p. 490-500 (trad. Thomson, p. 164167). 63

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par les dons que j’ai reçus du Seigneur [p. 25] j’ai ajouté à ton trésor huit cents volumes et douze mille discours73.» Il siégea comme patriarche cinq ans, en exil trois ans, il mourut à Komana74 à cinquante ans. Xosrov ayant régné cinq ans, le roi des Perses le déposa et couronna Vṙamšapuh75. Et saint Sahak, plus que tout autre, fit briller l’Église du Christ par diverses institutions vertueuses et législation canonique. À son époque, la grande lumière de la connaissance se leva dans le pays d’Arménie, parce que saint Mesrop76 vint auprès de saint Sahak [voir] s’il ne serait pas possible de créer des lettres pour la langue arménienne. [Mesrop] trouva [Sahak] très désireux de cela, car jusqu’à présent on ne possédait pas de caractères arméniens, on utilisait pour écrire les caractères grecs et syriaques. Ils firent part de [leur] projet au roi Vṙamšapuh qui dit: «Quand je me trouvais sur le territoire syriaque, un certain évêque syriaque appelé Daniēl m’informa posséder les caractères pour la langue arménienne; sur le moment je n’y ai pas prêté attention.» Ils envoyèrent un naxarar nommé Vraxič77 à Daniēl pour lui réclamer les caractères [p. 26]. Ce dernier les expédia par l’entremise du prêtre Habel. Dès qu’ils virent [les caractères], ils se réjouirent et entreprirent de traduire en arménien les Écritures bibliques, mais en y regardant de plus près, ils s’aperçurent que [ces signes] n’étaient pas suffisants pour transcrire intégralement toutes les syllabes assemblées en mots78 et à nouveau ils commencèrent à se préoccuper de la question. Ils épuisèrent toutes les possibilités humaines, ils se réfugièrent auprès de Celui à qui tout est possible79, implorant le Seigneur, s’adonnant à l’austérité des jeûnes et des prières. Et Lui, le désir de ceux qui le craignent, Il le fait80, il entendit leur prière et ne dédaigna pas leurs courageuses demandes. Il apparut à Mesrop, la main du 73 Voir la «Dormition de Jean Chrysostome» au 5 hori (14 septembre) dans le Synaxaire de Ter Israël, PO 27 [6, 2], p. 221 [p. 253]. Sur les œuvres de Jean Chrysostome traduites en arménien, voir THOMSON 1995, p. 63-65. 74 Il s’agit de la ville pontique de Comana (Gümenek, près de Tokat). 75 Sur Vṙamšapuh (389/401-417), voir GARSOÏAN 1997, p. 94. 76 Variante de Mesrob/Mesrovb, nom donné à l’inventeur de l’alphabet arménien au Ve siècle; Koriwn son disciple et biographe emploie uniquement le nom de Maštoc‘. Voir sur les différents patronymes de Mesrop, l’étude de WINKLER 1994, p. 187-190. 77 Sur Vraxič/Vahrič, voir Movsēs Xorenac‘i, III, 52, p. 324 (trad. Mahé p. 298-299); Koriwn, chap. 6, p. 44 (trad. Mahé, p. 173). 78 Voir Denys de Thrace et les commentateurs arméniens, § 11 (բառ), p. 12 et p. 168; § 21 (շաղակապ), p. 35-36 et p. 177-178. 79 Voir Mc XIV, 36. 80 Ps CXLV (CXLIV), 19.

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puissant qui traçait sur une pierre, révélant ainsi toutes les formes, puis [Mesrop] se releva et créa notre alphabet81. Puis on rassembla plusieurs jeunes enfants et on instruisit le pays tout entier; on sépara en deux [groupes] les très jeunes enfants, aptes à l’apprentissage82, à la voix douce et ayant du souffle et on fonda des écoles syriaques et grecques. Et ces jeunes enfants instruits dans toutes les philosophies sacrées et profanes devinrent des traducteurs scrupuleux. Ils traduisirent [p. 27] tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, en commençant par les Proverbes de Solomon (Sołomon), ils les traduisirent tous. Ce ne furent pas seulement des traducteurs, mais aussi des vardapet, des enseignants, des prophètes racontant le futur. Remplis de l’Esprit saint, parlant diverses langues, traduisant de génération en génération, ils rendirent clair ce qui est obscur et expliquèrent des discours au sens profond de manière simple. Ce furent les piliers de l’Église, remparts bien fortifiés de ses fils, flambeaux illuminateurs, torches resplendissantes [dont les rayons] se répandaient partout sur tout l’univers. Théologiens de la parole de vie, donnant à boire à ceux qui ont soif, refroidissant les ardeurs brûlantes des délateurs, réchauffant les tièdes dans la foi. Hirondelles chantantes, chastes tourterelles au doux chant, aimant la sainteté et dédaignant l’impureté. Ils étaient les mentors de jeunes enfants, de bons exemples pour la jeunesse, des ornements de gusan, des lois pour les gens mariés, des réconforts pour les vieux, consolant les faibles, redressant ceux qui ont été ébranlés, ramenant les pécheurs, aiguillant et stimulant les nonchalants [p. 28], encourageant les laborieux, ils faisaient aimer l’étude et condamnaient [ceux qui] la haïssaient. Leurs vardapet et enseignants furent saint Sahak et Mesrop, leurs principaux disciples furent: saint Yovsēp‘, Yovhan, Łewond, Sahak, Movsēs le père des rhéteurs83, Mambrē Vercanoł84, son frère Eznik, Koriwn, saint Ełišē, le philosophe Dawit‘, Yovhannēs, tēr Abraham, Mušē, Arjn, Xosrov, 81

Voir Movsēs Xorenac‘i, III, 53, p. 327 (trad. Mahé, p. 299). Voir Movsēs Xorenac‘i, III, 54, p. 328; Kirakos emploie le même terme que Movsēs քաջասուն (trad. Mahé, note 5, p. 408-409). 83 ANANEAN 1991 distingue trois Movsēs: Movsēs Xorenac‘i, Movsēs K‘ert‘oł et Movsēs K‘ert‘ołahayr dans son article «Movsēs K‘ert‘ołahayr et Movsēs Xorenac‘i», p. 7-25. 84 Litt. «le lecteur», voir NBHL, II, p. 813. 82

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Łazar, Step‘annos évêque de Siwnik‘, Hṙop‘anos Sam[a]stac‘i85 qui avait une très belle écriture et beaucoup d’autres dont certains obtinrent la dignité épiscopale et d’autres devinrent chefs d’assemblées. Certains d’entre eux, en plus des traductions, composèrent leurs propres ouvrages, comme le merveilleux Movsēs [qui écrivit] son Histoire de l’Arménie à la demande de Sahak Bagratuni86, et l’Histoire de la sainte Mère de Dieu et de son image à celle des išxan Arcruni87 et Pētk‘88 à celle d’un certain Théodore (T‘ēodor), l’Éloge des saintes compagnes de Hṙip‘simē89 et un [discours] sur la Transfiguration, et quelques autres discours et homélies philosophiques90. Koriwn [a rédigé] l’Histoire de saint Mesrop et d’autres [p. 29] temps; Ełišē l’Histoire des saints Vardaneanc‘, le Livre des canons, un commentaire sur les livres saints et les souffrances du Sauveur91; et le livre de Łazar [P‘arpec‘i]; Eznak (= Eznik)92 laissa aussi de nombreux discours utiles à ceux qui les entendaient. Dawit‘ le philosophe93, un Livre sur les Définitions et un [Livre] 85 La liste des disciples de Maštoc‘ et de Sahak a augmenté au fil du temps. Koriwn ne parle, hormis lui, que de Yovsēp‘ [Pałnec‘i], Łewond, Yovhan [du canton d’Ekełeac‘], Mušē [Tarawnac‘i] et Eznik [Kołbac‘i] (Koriwn, chap. 8, p. 50, trad. Mahé, p. 177, chap. 13, p. 60, trad. Mahé, p. 185, chap. 16, p. 74, trad. Mahé, p. 190-191, chap. 19, p. 76, trad. Mahé, p. 198); Hṙop‘anos Samastac‘i (Koriwn, chap. 8, p. 48, trad. Mahé, p. 177-178 et Movsēs Xorenac‘i, III, 53, p. 326-327, trad. Mahé, p. 299-300); quant aux autres: Dawit‘ le philosophe aurait été disciple de Movsēs, le père des rhéteurs, tous deux seraient revenus en Arménie après leurs études à l’époque du marzpan Vahan Mamikonean après 484 selon Asołik, II, 2, p. 688 (trad. Greenwood, p. 148); Mambrē frère de Movsēs d’après Asołik, II, 2, p. 688 (trad. Greenwood, p. 148); Ełišē (voir SH 2, p. 14); tēr Abraham [le Confesseur d’Arac‘], voir T‘ovma Acruni, I, 10, p. 106 (trad. Thomson, p. 129); Arjn, voir Łazar Parp‘ec‘i, II, § 38, p. 70 (trad. Thomson, p. 113) et Movsēs Xorenac‘i, III, 60, p. 341 (trad. Mahé, p. 309); Xosrov voir Vardan, § 25, p. 51 (trad. Thomson, p. 168); Łazar [Parp‘ec‘i] selon Vardan, § 25, p. 51 (trad. Thomson, p. 168); quant au Step‘annos cité, il paraît difficile de l’identifier au théologien Step‘annos Siwnec‘i († 735). 86 Voir le témoignage de T‘ovma Arcruni, I, 10, p. 122 (trad. Thomson, p. 141). 87 Voir l’édition de DASNABÉDIAN 1994. 88 Plus connu sous le nom de Գիրք պիտոյից (Livre des Chries), cet ouvrage attribué à Movsēs Xorenac‘i est utilisé comme livre de référence en rhétorique. Il serait une rédaction christianisée des Progymnasmata d’Aphthonius (IVe-Ve siècle après J.-C.), voir MURADYAN 1998-2000, p. 399-416. 89 Voir la traduction de THIERRY et OUTTIER 1990, «Histoire des saintes Hripsimiennes», p. 695-733; et le commentaire de THIERRY 2000, «L’histoire des saintes Hṙip‘simiennes. Commentaire archéologique», p. 113-166. 90 Sur les œuvres de Movsēs Xorenac‘i, voir THOMSON 1995, p. 156-158. 91 S’agit-il de l’homélie sur le mont Thabor? Voir LELOIR, «L’homélie d’Ełišē sur la montagne du Thabor», REArm. 20, 1986-1987, p. 175-207. 92 Eznik Kołbac‘i est un théologien, disciple de Sahak et Mesrop. Traducteur de la Bible, il est l’auteur d’une somme théologique contre les sectes et les philosophes païens, le De Deo (éd. 1959), voir THOMSON 1995, p. 117-121. 93 Sur Dawit‘ le philosophe/l’invincible, voir MAHÉ 1990, p. 189-207 et CALZOLARI 2009, p. 26-27.

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des Êtres, un Commentaire sur [les catégories] d’Aristote, une Introduction à Porphyre (Porp‘iwr), [le Livre] des questions et des réponses, un Panégyrique sur la Sainte Croix, sur la naissance de notre Seigneur JésusChrist94. De même Mambrē Vercanoł écrivit des Panégyriques sur le jour des Palmes [c’est-à-dire] sur la venue de Jésus-Christ à Jérusalem sur un ânon95. Puis le grand Step‘annos, évêque de Siwnik‘96, nous a laissé de nombreux commentaires sur les livres saints, un [texte] concis sur les évangiles, sur Job, sur Daniel (Daniēl), sur Ézéchiel, une réponse à la Lettre du patriarche de Constantinople Germain (Germanos)97. Ils écrivirent également des šarakan à la mélodie suave et harmonieuse sur le grand mystère de la naissance du Christ, sur sa présentation au temple au bout de quarante jours, sur son baptême, sur son entrée à Béthanie (Bet‘ania) et Jérusalem, sur la grande semaine de sa passion et sa Résurrection, sur son ascension, sur la descente de l’Esprit saint [p. 30] sur la croix et l’église, et sur les autres fêtes dominicales et de tous les saints, sur la repentance, sur tous les défunts; [šarakan] variés, divers et nombreux, qui jusqu’à nos jours sont en vigueur dans les églises des Arméniens (Hayastaneayk‘). Le saint vardapet Mesrop emplit notre terre d’Arménie (Hayk‘) d’études et de traductions, il confia tout [son travail] au catholicos Sahak, puis se rendit chez les Ałuank‘; là il leur créa un alphabet et leur laissa des vardapet. Il alla ensuite au pays des Ibères (Virk‘) et leur créa également des signes d’écriture par la grâce qu’il avait reçue d’en haut98. Et ainsi il fut la cause dans tous les pays d’allégresse et d’immense joie; il leur laissa des vardapet, ses disciples et lui-même retourna en Arménie trouvant le grand Sahak occupé à traduire. Et le roi Vṙamšapuh ayant régné vingt et un ans mourut paisiblement, son frère Xosrov99 régna un an puis Artašir100 après lui. Sur ses œuvres, voir THOMSON 1995, p. 107-111. Sur ce théologien et ses œuvres, voir THOMSON 1995, p. 150 et THOMSON 2005-2007, «Mambrē and His Homilies», p. 101. 96 Step‘anos Siwnec‘i (685-735), célèbre pour avoir traduit en arménien, vers 712-718 à Constantinople, plusieurs œuvres patristiques, dont Denys l’Aréopagite et Némésius, mourut martyrisé en 735. À propos de ses œuvres, voir THOMSON 1995, p. 201-202 et sur son identité AREVSHATYAN, 2005-2007, p. 401-410. 97 La lettre est éditée dans le Livre des Lettres, p. 435-466. 98 Voir Koriwn, chap. 15, p. 62 (trad. Mahé, p. 187-189) et Movsēs Xorenac‘i, III, 53, p. 326-327 (trad. Mahé, p. 299-300). 99 Sur Xosrov IV (417-418), voir GARSOÏAN 1997, p. 94. 100 Sur Artašir/Artašēs (422-428), voir GARSOÏAN 1997, p. 94. 94 95

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Dans ce temps-là régnait sur les Grecs le pieux Théodose [p. 31]-lePetit101 fils d’Arcadius (Arkadios). Saint Sahak envoya le vardapet Mesrop et Vardan son propre petit-fils, avec une lettre auprès de l’empereur Théodose afin qu’il donne l’ordre à tous ceux qui lui étaient soumis d’apprendre l’écriture arménienne, car ses gouverneurs, par jalousie, ne les autorisaient pas à étudier ces caractères. Mais l’affable Théodose tout d’abord fit des reproches [à Mesrop]: «Pourquoi demandez-vous des signes d’écriture aux syriaques et non aux savants grecs qui sont dans mes villes?» Mesrop répondit que l’accomplissement de cet art s’est fait par la grâce de l’Esprit. Alors le pieux roi remercia Dieu et donna l’ordre d’honorer Mesrop comme un vrai et sage vardapet. Lui, le patriarche Atticus (Attikos)102 et toute la congrégation de l’église ainsi que le roi inscrivirent [le nom] de Mesrop parmi les premiers vardapet de l’église avec Athanase (At‘anas), les deux Grigor, Basile et Jean Chrysostome103. Le pieux Théodose institua Vardan stratélate (stratelat)104. Ils écrivirent des lettres au grand Sahak lui accordant l’honneur suprême105. [L’empereur] donna l’ordre de rassembler dans tout son empire des enfants [p. 32] intelligents pour étudier l’écriture, de payer les provisions et [de régler] les dépenses sur le trésor. Il ordonna la construction dans le pays d’Arménie, dans le gawaṙ de Karin, d’une ville du nom de Theodosiopolis (T‘ēodoupōlis) qui aujourd’hui est appelée ville de Karin106. Puis Mesrop vint et instruisit la moitié de notre peuple [celui] qui est sous l’égide de Théodose.

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Sur Théodose (408-450), voir ODB (Theodosios II), III, p. 2051-2052. Atticus (406-425) patriarche de Constantinople. 103 Athanase d’Alexandrie (328-373), Grégoire de Naziance patriarche de Constantinople (381-390), Grégoire évêque de Nysse (371-394), Basile de Césarée (329-379), Jean chrysostome patriarche de Constantinople (398-403) font partie des autorités orthodoxes reconnues depuis longtemps par les Arméniens. Voir la lettre de Babgēn Ier dans le Livre des Lettres, p. 161 et voir MAHÉ 1995, «L’Arménie et les Pères de l’Église», p. 157- 179. 104 Stratélate est un titre honorifique byzantin qui désigne un général commandant un thème ou une région, voir ODB (stratelates), III, p. 1965. 105 Les allégations selon lesquelles Vardan Mamikonean petit-fils du patriarche Sahak aurait accompagné Mesrop à Constantinople où il fut nommé général sont l’œuvre de Movsēs Xorenac‘i, III, 57, p. 333-337 (trad. Mahé, p. 304-306), de même que la correspondance entre Sahak, Théodose II, Anatolius et Atticus; Koriwn n’y fait pas allusion dans le récit des activités de son maître. 106 Voir Movsēs Xorenac‘i, III, 59, p. 338 (trad. Mahé, p. 307-308). Voir l’article de GARSOÏAN 2004 (p. 181-196) qui analyse les sources contradictoires relatives à la fondation de la ville et qui la situe vers 387 dans le contexte de la division du royaume arsacide d’Arménie. Sur la ville, aujourd’hui Erzurum voir EI2, II, p. 730-731. 102

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Mais le roi d’Arménie, le jeune Artašir était obscène et impudique, il commettait non seulement la nuit mais également le jour des actes déshonorants et n’écoutait pas les conseils de saint Sahak. À cause de cela tous les naxarar dégoûtés de lui allèrent [trouver] le grand Sahak pour qu’Artašir soit détrôné et ils portèrent une accusation contre lui auprès du roi des Perses. Mais saint Sahak ne voulut pas livrer sa brebis aux loups; alors [les naxarar] se rendirent auprès du roi des Perses Bahrām (Vṙam)107 pour qu’il soit déposé et que saint Sahak soit destitué, car il n’avait pas respecté leur volonté. Ainsi la royauté des Aršakuni en Arménie qui avait duré 568 ans [prit fin]. Le patriarcat s’éteignit aussi dans l’honorable lignée de saint Grigor, bien que [p. 33] saint Sahak ait survécu seize ans après cela, et qu’il fît resplendir le pays par son enseignement lumineux. Toutefois d’indignes gouverneurs et des marzpan108 perses [furent mis] à la place du roi Artašir, tel Vehmihršapuh et à la place de saint Sahak, le séditieux Surmak durant un an. Après Surmak, le syriaque Brk‘išo, qui était pire que le précédent, durant trois ans. Puis Šmuēl un incapable, cinq ans109. Saint Sahak s’adonnait à la prière et à l’étude. Tous les naxarar d’Aménie vinrent auprès de saint Sahak, confessèrent leurs torts et réclamèrent son pardon, le suppliant de reprendre son siège, mais il n’y consentit pas. Ainsi pressé par leurs instantes [suppliques] il leur raconta la vision qu’il avait eue: «C’est par le Seigneur que s’éteignit le patriarcat dans la lignée de saint Grigor, ainsi que la royauté dans la maison des Aršakuni, mais juste avant l’apparition de l’Antéchrist, Dieu à nouveau relèvera la royauté des Aršakuni et le patriarcat dans la lignée de saint Grigor110.» Les naxarar le laissèrent [p. 34] agir à sa guise. Et le roi des Perses nomma marzpan d’Arménie Vardan et remit entre ses mains le pays. Et saint Sahak, après avoir occupé le patriarcat pendant cinquante et un ans, mourut paisiblement dans les rangs des anges, abandonant son siège à saint Mesrop qui succomba la même année, laissant un bon souvenir de lui à la postérité. Il mourut au commencement de la première année de 107

Bahrām/Vahrām V (420-438) voir Encyclopaedia Iranica, III, Fasc. 5, p. 514-522. Marzpān, du moyen-perse marz litt. «frontière» et pān/pāvan «protecteur», voir GARSOÏAN 1989, p. 544. Le terme dans les sources arméniennes correspond souvent à «gouverneur, régent». 109 Ce paragraphe est un résumé de Łazar P‘arpec‘i, I, § 13-14, p. 19-23 (trad. Thomson, p. 53-57). 110 À propos de la vision de Sahak, voir Łazar P‘arpec‘i, I, 17, p. 29-37 (trad. Thomson, p. 65-72) et Movsēs Xorenac‘i, III, 66, p. 354 (trad. Mahé, p. 318). Voir l’article de MURADYAN 2014, «The Vision of St. Sahak in the History of Łazar P‘arpec‘i», p. 313325. 108

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Yazdegerd (Yazkert)111, roi de Perse, fils de Bahrām (Vṙam) le second. Puis son disciple saint Yovsēp‘112 occupa le siège [patriarcal]. Le roi Yazdegerd obligea tous les chrétiens à renier le Christ pour adopter la religion des mazdéens, ce que les troupes d’Arménie refusèrent, elles s’opposèrent à l’ordre. Ils tuèrent les mages et leurs chefs (mogpetk‘) venus démolir les églises et détruire la foi. Dès que Yazdegerd apprit tout cela, il expédia de nombreuses forces pour se battre contre celles des Arméniens. Leurs chefs étaient saint Vardan et ses compagnons. Les Perses dévastèrent notre pays et, à l’instigation du renégat Vasak, firent prisonniers les naxarar survivants ainsi que saint Yovsēp‘, Sahak, Łewond [p. 35] et leurs compagnons qui furent conduits enchaînés à la cour. Après cela, ils mirent à mort saint Yovsēp‘ et ses compagnons, et les naxarar demeurèrent en captivité jusqu’au temps du roi Pērōz (Peroz)113 où par la grâce de Dieu, ils furent libérés de leurs fers et, héritant du nom de confesseurs, ils rentrèrent au pays d’Arménie114. Après la mort du pieux empereur Théodose, Marcien (Markianos)115 obtint la royauté. Il convoqua à Chalcédoine (K‘ałkedon) un concile de six cent trente-six évêques, pour saper la foi orthodoxe, leur blasphème remplit jusqu’à ce jour l’univers116. Après saint Yovsēp‘, tēr Giwt117 occupa le catholicossat quinze ans. Il demanda au philosophe Dawit‘ [l’ouvrage118 commençant par] «Exaltez». Puis Yovhan Mandakuni119 durant douze ans. Il introduisit plusieurs 111 Yazdegerd (439-457). Selon Movsēs Xorēnac‘i, III, 67, p. 355 (trad. Mahé, p. 318) au début de la deuxième année, soit le 7 septembre 438. 112 Yovsēp‘ de Hołoc‘im (438-444 et 451-454) a été désigné par Maštoc‘ comme successeur de saint Sahak mais sans la ratification de la cour sassanide. Il n’est que le vicaire ou locum tenens du patriarcat, voir Łazar P‘arpec‘i, II, § 23, p. 44 (trad. Thomson, p. 81). 113 Pērōz/Fīrūz (459-484), voir Encyclopaedia Iranica, IX, Fasc. 6, p. 631-632. 114 À propos de la révolte arménienne face aux Perses, voir Łazar P‘arpec‘i et Ełišē. 115 Marcien (451-457) voir ODB (Marcian), II, p. 1296-1297. 116 À propos de la convocation du concile de Chalcédoine (451) par Marcien, voir le colophon publié par ANANEAN 1957, p. 112-113. 117 Giwt Arahezac‘i (461-478); sur son élection voir Łazar P‘arpec‘i, III, 64, p. 114 (trad. Thomson, p. 167). 118 Il s’agit de l’Éloge de la sainte Croix qui a reçu Dieu, précédé par un échange épistolaire entre Dawit‘ et Giwt publié par AKINEAN 1932, p. 9-25, qui débute ainsi: «Բարձրացուցէք զտէր աստուած մեր, մարգարէն ձայնէ, երկրպագեցէք պատուանդանի սրբոյ ոտից նորա:» (Exaltez le Seigneur notre Dieu, déclare le prophète, adorez le saint piédestal de ses pieds). 119 Après sept ans de vacance, le siège patriarcal fut occupé par Yovhan/Yovhannēs Mandakuni (478-490), compagnon de Vahan Mamikonean,; voir l’étude sur Yovhannēs Mandakuni d’AKINEAN 1971, p. 132-162.

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règlements ecclésiastiques, [établit] les prédications du carême, les prières pour les troisième, sixième et neuvième heures, [le rituel] pour la fondation de l’église, la bénédiction de la crécelle, du calice et de la patène, des livres, des fonds baptismaux, de la croix et de la couronne. Il fit tout cela et osa même confesser le Christ devant le roi Pērōz sans avoir peur de ses menaces [p. 36] pour l’inciter à renoncer au Christ ou à communier avec les Grecs. Paré parfaitement de toutes les vertus, il passa vers le Christ120. Après Marcien, régna sur les Grecs Léon le Grand121 et le roi de Perse, Pērōz institua marzpan d’Arménie Mangnos122, [il gouverna] vingt ans. Durant ses jours, Movsēs le père des rhéteurs vint. À la même époque, le saint père T‘at‘ul avec son frère Varos123 et son disciple T‘uma, brillaient dans le monde par leurs mœurs admirables de solitaire. Puis après Yovhannēs Mandakuni, tēr Babgēn124 occupa le catholicossat cinq ans à l’époque de l’empereur Zénon125. Ce Zénon anathématisa le concile de Chalcédoine et approuva les douze chapitres d’anathèmes contre lui126. Certains disent qu’il avait coutume de manger de la viande et, un jour, il en mangea tant que la nourriture dans ses entrailles s’aigrit; dégoûté il posa comme loi que, pendant les deux semaines de Carnaval, on ne mange pas de viande mais du fromage (panir) d’où le nom de panruta127 [utilisé] jusqu’à présent128. On dit que Julien vint à Constantinople et donna l’ordre qu’à toutes les nourritures vendues soit mélangé le sang sacrificiel. Mais le saint Théodore (T῾‘ēodoros) 120 Voir sur le catholicos et ses œuvres: Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 16, p. 7980, (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 118-119) et AKINEAN 1971, p. 385-395. 121 Léon I (457-474), voir ODB (Leo I), II, p. 1206-1207. 122 Asołik, II, 2, p. 687 (trad. Greenwood, p. 147) fait de Mangnos le fils de Vardan Mamikonean. 123 Ce passage provient d’Asołik, II, 2, p. 687 (trad. Greenwood, p. 147). 124 Sur Babgēn (490-515/516) voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 16, p. 80-82 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 119-120). 125 Zénon (474-491), voir ODB (Zeno), III, p. 2223. 126 L’Henotique (acte d’union) fut rédigé en 482 par Acace, patriarche de Constantinople, à la demande de l’empereur d’Orient Zénon. Les articles de l’Henotique comportaient la condamnation des thèses d’Eutychès et Nestorius, conformément au concile, et l’approbation explicite des douze anathèmes de Cyrille d’Alexandrie. 127 Panruta litt. «mangeur de fromage». La semaine de la Tyrophagie (tyros: fromage et phagein: manger) ou des laitages précède le grand Carême. On s’abstient de manger de la viande pendant cette semaine mais on peut prendre des laitages et des œufs, d’où son nom. 128 Cette légende se retrouve uniquement dans Asołik, III, 6, p. 731 (trad. Greenwood, p. 201).

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avertit les chrétiens qui dirent: «Il ne nous est pas permis durant ces deux semaines [p. 37] de manger de la viande, mais seulement du fromage.» Ces panrutek‘ (mangeurs de fromages) demeurèrent les mêmes129. C’est durant les jours de [Zénon] que le vénérable Gaṙnik découvrit dans la grotte de Manē les reliques de saint Grigor et on l’ensevelit à T‘ordan130. Après Babgēn, tēr Samuēl131 occupa le trône catholicossal cinq ans. Durant ses jours brillaient saint Simēon Stylite d’Alexandrie (Ałēk‘sandria)132 et le prêtre Timothée (Timotēos)133, un savant à la foi orthodoxe qui écrivit des ouvrages très habiles, recueillant tous les discours des hommes divins contre les hérétiques. Mais Pērōz le roi de Perse avait une nature très brutale; à cause d’elle il fut tué par les Hephthalites (Hep‘t‘ałk‘). Son frère Balāš (Vałarš)134 gouverna. Il institua Vahan Mamikonean135, fils de Hmayeak, marzpan d’Arménie. Vahan couronna l’Église de règles variées et ferma aux Alains [le territoire]136. Durant ses jours, vivait l’orateur et historien Łazar P‘arpec‘i. Et après Samuēl, tēr Mušē occupa le catholicossat huit ans137. Après l’empereur Zénon, régna Anastase (Anastas)138 qui comme lui était considéré comme orthodoxe. Il voulut réunir une assemblée contre l’impie concile de Chalcédoine afin d’affermir l’orthodoxie. Mais il mourut empoisonné. Après lui régna Justin139 (Yustinos), un homme ignorant et incroyant, il inonda la terre du sang des orthodoxes, il plaça Chalcédoine 129 Voir la notice du Synaxaire au 11 méhéki (17 février) dans PO 101 [21, 1], p. 62-63 [p. 1106-1107]: «Merveilleuse vision que fit savoir saint Théodore à Constantinople à cause de la fête de saint Théodore qui a lieu le premier samedi du carême des quarante jours». 130 La Vie karshūni (§ 293-300) relate l’enterrement de saint Grigor et la découverte de ses reliques à l’époque de Zénon (474-491). Voir VAN ESBROECK 1971, p. 13167. 131 Samuēl Arckec‘i (516-526). 132 Il y a une confusion avec Simēon de Beth Aršam († 540) qui, à l’époque du catholicos Babgēn, avait préparé un dossier contre Chalcédoine qui contenait une traduction arménienne de l’Hénotique. 133 Timothée Ælure, patriarche monophysite d’Alexandrie, mort en 477. Voir l’article de BLAUDEAU 1996, p. 107-133. À propos des traductions arméniennes des œuvres de Timothée, voir MARDIROSSIAN 2004, p. 548-549. 134 Bałaš (484-488) fils de Yazdegerd II (438-457), fut choisi par les dynastes du royaume pour succéder à son frère Pērōz (r. 459-484). Voir Encyclopaedia Iranica, III, Fasc. 6, p. 574-580. 135 Vahan Mamikonean fut nommé marzpan en 485, voir AnjB, V, no 17, p. 11-12. 136 Sur ce passage concernant les Alains voir Samuēl Anec‘i (année 507), p. 139. 137 Mušē Aylaberec‘i (526-534) voir AnjB, III, no 9, p. 464. 138 Anastase (491-518), voir ODB (Anastasios I), I, p. 86. 139 Justin (518-527), voir ODB (Justin I), II, p. 1082.

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sur le chandelier, [p. 38] il détruisit, persécuta ceux qui proféraient une nature dans le verbe incarné. Puis après le roi de Perse Balaš, la couronne passa à Kawād (Kawat)140, puis à Jāmāsp (Jamasp)141, et [encore] Kawād. Après Mušē, tēr Sahak142 occupa le trône catholicossal cinq ans, puis tēr K‘ristap‘or143 cinq ans, puis après lui tēr Łewond144, deux ans. Durant ses jours, il y eut une éclipse totale du soleil et une terrible famine. Puis tēr Nersēs145, neuf ans. Durant ses jours vivait Ezras Angełac‘i, disciple de Movsēs évêque de Bagrewand, qui augmenta la cohorte des orateurs. Movsēs, frère de Mambrē, revint en Arménie, on dit qu’il était le troisième à écrire de la philosophie146 [en Arménie]. Après Justin, Justinien (Yustinianos)147 le fils de sa sœur, obtint la couronne. Sa femme Théodora (T‘ēodora)148 qui était orthodoxe le supplia d’affermir l’orthodoxie. Bien qu’il le désirât, il ne put [le faire] par crainte des diophysites qui le menaçaient de mort. Un juif malveillant vint lui dire: «Il faut célébrer la Présentation avec la Nativité, comme le font les Grecs et non avec l’Épiphanie, le six janvier»; en effet jusqu’ici selon une disposition apostolique [p. 39] tous les chrétiens la fêtaient le 14 février. L’empereur, convaincu par les propos de l’impie, envoya à Jérusalem [l’ordre] d’en faire ainsi. Mais ceux de Jérusalem refusèrent de changer les traditions des saints pères qui jusqu’à ce jour sont observées. Puis l’empereur donna l’ordre à son général de le [faire] par la force et de les tuer s’ils résistent. Ainsi tous coururent vers la mort pour la vérité. Mais Dieu qui aimait les hommes, n’abandonna pas ceux qui avaient mis leur espoir en lui, il terrifia les audacieux par de redoutables prodiges. La dextre divine apparut dans la sainte chapelle, un signe, terrible, éclatant, 140

Kawād (488-497 et 499-531), voir Encyclopaedia Iranica, XVI, Fasc. 2, p. 136-141. Jāmāsp (497-499), voir Encyclopaedia Iranica, XIV, Fasc. 5, p. 453-454. 142 Sahak Ułkec‘i (534-539), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 16, p. 82 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 121). 143 K‘ristap‘or I (539-545), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 16, p. 83 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 121). 144 Łewond I (545-548), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 16, p. 83 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 122). 145 Nersēs Bagrewandac‘i (548-557), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 16, p. 83 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 122). 146 Ce paragraphe est directement issu de deux notices de Samuēl Anec‘i (années 527 et 531), p. 141. 147 Justinien (527-565) voir ODB (Justinian I), II, p. 1083-1084. 148 Theodora (497-548) voir ODB (Theodora), III, p. 2036. 141

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couleur de sang, brilla dans le ciel. Terrorisés par cela, ils mirent fin à leurs demandes. L’année suivante, cette même révolte recommença, car [l’empereur] avait ordonné de tuer violemment ceux qui résistaient, mais eux préférèrent ensemble la mort plutôt que de vivre dans le remord, le Dieu bienfaisant, voyant la foi de ces hommes, visita son troupeau; la très sainte Mère de Dieu apparut en haut d’une colonne pourpre portant dans ses bras l’enfant Jésus et de l’eau jaillissait de la colonne; ceux qui s’en aspergeaient étaient guéris de toute maladie. Ainsi se terminèrent leurs vaines demandes149. [p. 40] À l’époque de Justinien, le soleil s’éclipsa dix-huit mois, il ne brillait que trois heures par jour et pour le reste ce n’était ni le jour, ni la nuit; les fruits de cette année n’arrivèrent pas à maturité. Il y eut dans tout le pays comme une maladie qui dura plusieurs jours. Une peste comme on n’en avait jamais encore connue débuta à Constantinople; le premier jour cinq mille personne moururent, le deuxième dix mille, le troisième quinze mille et le quatrième dix-huit mille, on compta jusqu’à trente mille morts par jour. Dès qu’un bubon paraissait sur les mains, la mort était imminente. On entrait dans une maison et on voyait tout le monde mort. On ne pouvait pas ensevelir les morts et la putréfaction [qui régnait] dans la ville se répandait sur le pays entier; de nombreuses villes furent désertées, seule Ḥimṣ (Hems)150 fut épargnée car elle était à l’abri sous la protection de la tête de saint Jean-Baptiste (Yovhannēs Mkrtič‘) qui demeurait là151. Justinien et Kosrow (Xosrov)152 roi de Perse conclurent la paix et la congrégation de chrétiens devint florissante à travers l’univers. 149

Ces deux paragraphes résument la lettre de Grigor Arcruni, évêque arménien du siècle, écrite à Jérusalem et envoyée en Arménie, dans laquelle il entre en polémique contre une lettre de l’empereur Justinien (Clavis Patrum Græcorum 6892) conservée en géorgien (texte traduit en latin par VAN ESBRŒCK 1968, p. 351-371): Justinien ordonnant au patriarche de Jérusalem et à son Église de fêter l’Hypapante (fête de la Présentation ou de la Rencontre) le 2 février au lieu du 14 février. La lettre de Grigor Arcruni a été traduite en français par VAN ESBRŒCK dans Barsabée de Jérusalem, p. 164-167 à partir de l’édition de COVAKAN (= POŁAREAN), 1964, p. 33-36. DE HALLEUX 1992 («discours héortologique», p. 311-328) rejette toute historicité à la lettre et conclut que la source de son auteur est purement littéraire, à savoir le lectionnaire de Jérusalem. Dans son article sur la «Nativité et l’Épiphanie» DE HALLEUX 1992 (p. 13 et p. 23) produit d’autres documents arméniens, plus tardifs, où le rôle de Justinien concernant le changement de la date de l’Épiphanie est violemment dénoncé. 150 Ḥimṣ/Homs, ville en Syrie, à l’est de l’Oronte, entre les Monts Liban et le Djabal Anṣāriyya, voir EI2, III, p. 409-415. 151 La peste de Justinien est la première pandémie de peste qui sévit de 541 jusqu’en 750 dans tout le bassin méditerranéen. De nombreux témoins, tels l’historien Procope, décrivent la maladie, voir l’article de STATHAKOPOULOS 2005, p. 31-48. Kirakos résume l’adaptation arménienne du XIIIe siècle de la chronique de Michel le Syrien (1166-1199), p. 243-245 (éd. 1871) (trad. Bedrosian, p. 100; Langlois p. 193-194). 152 Il s’agit de Kosrow I (531-579) fils de Kawād. VIe

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Puis Vahan Mamikonean mourut paisiblement, Vard, son frère lui succéda trois ans153 et après lui ce furent des marzpan perses pour trois ans154, ensuite Mežež Gnuni, trente-quatre ans155. [p. 41] Après Nersēs, tēr Yovhannēs156 occupa le catholicossat quinze ans. Durant ses jours une peste effroyable sévit, elle avait commencé à l’ouest. Dans la capitale d’Arménie un signe merveilleux apparut, un feu féroce brûlait le palais de leur hamakar157 perse qui était gouverneur du pays. Comme on ne pouvait pas éteindre le feu, ils eurent recours à la croix du Christ et supplièrent les serviteurs de se hâter d’amener la croix. Dès que le signe du Sauveur s’approcha, le feu s’éteignit immédiatement. Tous ceux qui l’avaient vu glorifièrent le Christ sauveur et célébrèrent la foi des Chrétiens158, en laquelle le bienheureux Maxož crut, il fut martyrisé pour Jésus-Christ159. Après Yovhannēs, tēr Movsēs160 occupa le catholicossat. Dans sa première année, saint Manačihr, ṙažik de nation, qui avait pris le nom de Grigor, connut la mort du martyr161. En sa troisième année, en l’an 553 depuis la naissance du Christ, prit fin le canon de deux cents ans, arrangé par le savant André (Andrēas), frère de l’évêque Mangnos162, sur l’ordre de l’empereur Constance (Kostandin) [p. 42] pour la fixation des fêtes pascales et des autres. Quand [le cycle] 153

Samuēl Anec‘i (année 537), p. 141. Vard Mamikonean fut marzpan d’Arménie de 505 à 510, voir AnjB, V, no 1, p. 69-70; SETTIPANI 2006, p. 309. 154 Voir Samuēl Anec‘i (année 540), p. 141. 155 Voir Samuēl Anec‘i (année 544), p. 141: 34 ans; Asołik, II, 2, p. 689 (trad. Greenwood, p. 150 et note 116): 30 ans. 156 Sur Yovhannēs II Gabełean (557-574), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 16, p. 84 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 123). Voir AnjB, III, no 39, p. 544. 157 Le terme désigne un «financial official» selon le Farraxvmart i Vahrāmān (The book of a thousand judgements: a Sasanian law-book), p. 364. 158 D’après Pseudo-Sebēos, chap. 8, p. 68 (trad. Thomson, p. 6, et la note 32 pour les références aux sources syriaques, grecques), les Perses brûlèrent l’église saint Grégoire qui avait été transformée en entrepôt et les Arméniens révoltés le temple païen et d’autres édifices dont celui du hamakar, le fonctionnaire s’occupant des revenus et des dépenses de l’État. 159 À propos de la conversion du mage persan Maxož au christianisme, connu sous le nom de Yiztbuzit, martyrisé à Duin en 553 voir la Narratio, § 69, p. 35 (trad. Mahé, p. 433434 et note 3), et Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 16, p. 84 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 122-123). Le saint est absent du Synaxaire arménien mais est fêté dans le čašoc‘ cilicien au 2 k‘ałoc‘ (RENOUX 2004b, p. 583) et dans le Synaxaire géorgien, p. 655. Voir GARSOÏAN 1999, p. 228-229. 160 Movsēs Ełivardec‘i (574-604), voir AnjB, III, no 16, p. 434. 161 À propos de ce Perse converti au christianisme et martyrisé le 18 avril 542, voir TĒR MKRTČ‘EAN 1901, p. 468-474. BHO 353, il est commémoré dans le synaxaire arménien au 25 k‘ałoc‘ (2 janvier), PO 86 [18, 1], p. 173. 162 Voir P‘ilon Tirakac‘i, p. 948.

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des deux cents ans s’acheva163, Pâques tomba le 25 mars; or au début [du cycle des deux cents ans, Pâques] tombait le 4 avril164. Ils ne purent pas revenir au début [du cycle] car après le 25 [mars de 552], [Pâques en 553]165 tombait le 13 avril et il manquait entre [le 4 et 13 avril] neuf [jours]166. Pour cette raison les fêtes et tous les calculs des calendriers étaient dérangés. Alors le patriarche Movsēs rassembla les savants de l’époque, parmi eux At‘anas du couvent Saint-Karapet167, et ils instaurèrent une ère arménienne par laquelle ils corrigeraient la Pâque du Seigneur et bien d’autres fêtes168. Cependant, durant neuf ans, ils ne purent rester dans la vérité et éviter les erreurs. La dixième année, un certain Aeas (Ēas) d’Alexandrie, un homme habile et savant, lorsqu’il vit une telle confusion régner dans toutes les Églises, y éleva la voix pour appeler auprès de lui les sages de toutes les nations: Addée (Addē) des Cappadociens (Gamirk‘), Gigan des Syriaques, Euloge (Elogk‘) des Grecs, Phinée (P‘enehēs) de Judée (Hrēastan), Yovhan d’Arabie (Arabia) et trente-six autres hommes [p. 43] comme lui et beaucoup d’autres encore. Ils continuèrent l’œuvre d’André [par un cycle de] 532 [ans] qui commence à la même [date]. Puis ils créèrent, comme exemple infaillible, ce qui est appelé [le cycle] des cinq cents, ingénieux et sûr; ils lui donnèrent comme date butoir le 4 avril, ainsi dès que le cycle des 532 ans s’achève, il recommence à la même date. Alors toutes les fêtes commencèrent d’être rétablies avec une méthode conforme à la réalité. Mais comme ils n’avaient pas invité à la réunion un certain Iron de la cour de Justinien, celui-ci crut qu’on le méprisait. Lorsque le philosophe Euloge apporta au basileus un exemplaire du calendrier, Iron, qui n’avait jamais été là, se mettant à examiner les parties cinq et six, car le cinq et le six sont des parties, l’une concerne le soleil, l’autre la lune; fit tout le contraire. Ainsi il mit le 17 avril à la place du 16 et le 6 à la place du 5. En 552 Pâques tombait le 25 mars, voir GRUMEL 1958, p. 245. En 353, Pâques tombait le 4 avril, voir GRUMEL 1958, p. 241 165 En 553, Pâques tombait le 13 avril, voir GRUMEL 1958, p. 245. 166 Le texte a լրմունք nous supposons une erreur de copiste et lisons աւուրք. 167 Ce monastère du Tarōn est connu aussi sous le nom de Glak ou Innaknean, voir HŠTB, III, p. 22; pour Mxit‘ar Ayrevanec‘i (p. 48) At‘anas [Tarōnac‘i] est originaire du couvent de Glak. 168 Les sources concernant la date de l’adoption de l’ère arménienne sont en désaccord, pour exemple: Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 16, p. 84-85 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 124 et note 45), Asołik, II, 2, p. 690 (trad. Greenwood, p. 150 et note 120), Vardan, § 30, p. 57 (trad. Thomson, p. 172 et note 1). Voir à propos de la question de l’ère arménienne et du calendrier l’article de ADAMEAN 1966, p. 183-192 et p. 216-222. 163 164

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Or, ce 16 n’entraine pas d’erreur, mais quand on arrive à 95, le 6 nous donne à nous un dimanche, tandis que le 5 est pour eux un samedi conformément aux préconisations d’Iron, si bien qu’ils fêtent Pâque avec les Juifs et tombent donc sous l’anathème du saint concile de Nicée (Nikia) qui interdit de fêter la Pâque avec les crucifieurs. [p. 44] Mais nous, nous le remettons au dimanche suivant et ainsi nous échappons à l’anathème car les Arméniens n’ont pas accepté l’exemplaire altéré, ni le concile de Chalcédoine tenu alors qu’ils étaient sous la domination des Perses. Au bout de huit ans les choses se gâtèrent169. Après Mežež, les marzpan perses gouvernèrent l’Arménie trente-six ans. Durant ces années mourut l’évêque des Ibères, ces derniers se présentèrent à tēr Movsēs afin qu’il leur donne un évêque. [Movsēs] consacra le portier de son église, nommé Kiwrion170, il le leur donna, ayant confiance en lui pour maintenir l’amour et l’union avec le siège de saint Grigor, car jusqu’alors les Ibères recevaient leur consécration des Arméniens. Après la mort de Movsēs, ce Kiwrion se sépara de la foi orthodoxe de l’Église du Christ pour confesser la doctrine de Chalcédoine; en effet, enfant, comme il était demeuré en pays grec, il avait reçu le ferment hérétique. Il tint secret ce mal tel un feu caché sous la paille; du vivant de Movsēs il n’avait pas osé le révéler. Après avoir occupé le patriarcat trente ans, tēr Movsēs mourut, [p. 45] il avait donné son trône à son locum tenens Vrt‘anēs K‘ert‘oł171. Lorsque Movsēs, évêque de Curtaw, vit la perversité de Kiwrion, il en informa Vrt‘anēs pour que peut-être il puisse aider Kiwrion à l’esprit égaré. Il lui écrivit plusieurs lettres le suppliant de se tenir loin de cette hérésie absurde. Mais Kiwrion, non seulement, n’accepta pas ce qui était écrit mais expulsa l’évêque Movsēs. Après Movsēs, tēr Abraham172, aussitôt qu’il accéda au trône catholicossal d’Arménie, écrivit aussi deux ou trois lettres lui rappelant son erreur. Mais Kiwrion prétendit qu’il n’avait aucune autre pensée que la leur, et clama que Movsēs l’avait calomnié. On résolut de tenir une assemblée pour examiner et étudier cette affaire, Kiwrion y confessa ouvertement l’hérésie chalcédonienne. Voyant que rien n’était utile et que [Kiwrion] devenait de plus en plus impudent, Abraham rédigea alors une encyclique [aux ouailles] de son 169

Voir Kirakos, chap. 14, p. 212-213 et notes. Sur ce personnage voir Uxtanēs, II, 1, p. 3-7 (trad. Arzoumanian, p. 41-44) et Arsen Sapareli (trad. Mahé, p. 105-107). 171 Vrt‘anēs K‘ert‘oł (604-607), voir AnjB, V, no 7, p. 130. 172 Abraham Ałbat‘anec‘i (607-611), voir AnjB, I, no 9, p. 30-31. 170

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diocèse leur interdisant de communier avec les Ibères, ou [de conclure] un serment [p. 46] ou un mariage ou une quelconque autre affaire spirituelle à l’exception d’affaire commerciale comme avec des païens, de peur que par des relations charnelles, des dommages spirituels ne les submergent. Désormais, la consécration que les Ibères [recevaient] des Arméniens cessa et ils commencèrent à s’attacher aux Grecs173. L’évêque Uxtanēs nous enseigne tout cela avec exactitude, il a relaté tout parfaitement, et [donné] également les lettres, les réponses et les bonnes paroles de l’évêque Petros174 qui était le messager de tēr Abraham auprès de Kiwrion et qui avait été surnommé le Loup par les Ibères en raison de sa hardiesse175. Après l’empereur Justinien, l’autre Justin176; c’était un homme méchant et obscène, qui fit mourir plusieurs orthodoxes; lui et le patriarche Yovhan étaient possédés par le démon jusqu’à la démence, ainsi ils périrent. Puis Tibère177 (Tiber) régna et après lui Maurice (Mōrik)178. Certains disaient qu’il était originaire d’Arménie du village d’Ōšakan, d’autres du Tarōn; à cause de sa pauvreté, il alla à Constantinople, et là par un heureux hasard il devint roi, voici comment179. [p. 47] À la mort de l’empereur Tibère, les grands se battirent les uns contre les autres et aucun ne [voulait] obéir à l’autre. Une guerre effroyable s’engagea entre eux, [persuadés] que celui qui emporterait la victoire prendrait le pouvoir. Mais le patriarche intervint, les convainquit de tirer au sort celui à qui échoirait la royauté, les autres se soumettraient à lui. Ils échangèrent des serments et des engagements écrits [en ce sens]. Le tirage au sort consistait en ceci: à l’aube, on ouvrirait la porte principale de la ville et [le premier] homme que l’on y rencontrerait, même le plus vil, serait conduit au palais royal, tous les isxan [se rassembleraient] en séance, on poserait la couronne sur sa tête, ainsi il obtiendrait la royauté. Tous acceptèrent et l’émeute cessa. À propos de la séparation des Arméniens et des Géorgiens, voir l’étude de GARSOÏAN 1999 et pour la correspondance, le dossier «Documents concernant le schisme arménoibère», p. 516-583. 174 Il s’agit de l’évêque Pierre d’Ibérie, voir Uxtanēs, II, 53, p. 91 (trad. Arzoumanian, p. 102-103). Voir aussi AKINEAN 1910, p. 267-272. 175 Sur les réécritures historiographiques voir MAHÉ 1996, p. 927-961. 176 Justin (565-578), voir ODB (Justin II), II, p. 1082-1083. 177 Tibère I (578-582), voir ODB (Tiberios), III, p. 2083-2084. 178 Maurice (582-602), voir ODB (Maurice), II, p. 1318. 179 La légende sur les origines de Maurice de Kirakos est beaucoup plus développée que celle de Pseudo-Šapuh Bagratuni p. 48-53 (trad. Thomson, p. 185-186). À propos des origines de Maurice et de sa famille, voir GOUBERT, 1951, p. 36-41. 173

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Quand l’heure arriva, on ouvrit la porte de la ville et on découvrit Maurice à l’entrée vendant des végétaux pour assurer ses besoins. Les soldats se saisirent de lui, le menèrent au bain, le lavèrent, le vêtirent de vêtements précieux et le conduisirent à la cour. Dès [p. 48] qu’ils lui dirent pourquoi on l’avait fait venir, il leur réclama des engagements écrits et des serments afin de ne pas être tué par ceux qui avaient espéré la couronne. [Les grands] lui jurèrent de manière véhémente qu’il ne serait pas inquiété. Puis ils prirent place, tous pleins d’espoir, chacun en son for intérieur se disait: ce sera moi. Il y avait là le trône, la couronne au-dessus et les chaussures [impériales] tout près [du trône]. Maurice s’avança parmi eux, prit la couronne dans ses mains et commença à circuler parmi l’assemblée. Le premier dont il s’approcha fut heureux, mais le second fut triste, lorsqu’il le quitta, [le premier] fut à nouveau rempli de tristesse mais son voisin se réjouit. Et ainsi rang par rang, il circula parmi eux deux et trois fois, leur causant tristesse et joie. Puis [Maurice] alla et monta sur le trône et posa la couronne sur sa propre tête. À cette vue tous furent frappés de stupeur, mais comme ils avaient prêté serment «d’obéir à celui sur la tête duquel on poserait la couronne», ils l’acceptèrent. Le patriarche s’approcha, lui mit les chaussures [impériales] et s’inclina devant lui; tous les grands se prosternèrent à leur tour et dirent: «Vive le roi Maurice». [p. 49] Il réunit un concile pour examiner l’hérésie de Chalcédoine, convoqua les vardapet d’Arménie. Vrt‘anēs, Grigor et d’autres vardapet s’y rendirent mais n’ayant rien obtenu comme avantage, ils revinrent ayant anathématisé les Grecs. Les naxarar d’Arménie qui fuyaient la souveraineté des Perses se réfugièrent auprès de [Maurice] qui montra ses mœurs inhumaines en les privant de liberté et des pensions que les précédents rois avaient instaurées. On dit qu’il avait demandé à son père de renoncer à son pèlerinage et de venir profiter de sa gloire ou sinon de lui envoyer des conseils pour qu’il puisse gouverner le royaume. Lorsque ses serviteurs vinrent, ils trouvèrent [son père] occupé à jardiner et ils lui transmirent l’ordre royal. Il leur répondit ceci: «Je suis le père d’un roi mais je n’en ai aucun plaisir». Il commença alors à arracher de grands choux qui étaient dans son jardin, leur coupa la tête et les enfouit dans la terre; quant aux petits, il les choyait et les arrangeait. En voyant cela, [les serviteurs] pensèrent qu’il était toqué, ils l’abandonnèrent et partirent, n’ayant rien compris à ce qu’il avait fait. Il se rendirent auprès du roi pour lui raconter tout et l’acte fou accompli dans le jardin.

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Et Maurice lorsqu’il entendit cela, sourit et sans laisser rien paraître, il se saisit [p. 50] des grands qu’il estimait comploter contre son pouvoir royal, il institua des petites gens à leur place. Il convoqua ces hommes qu’il avait envoyés auprès de son père et leur dit: «Tel est le conseil de mon père qu’il a donné dans le jardin et que vous n’avez pas compris». Certains prétendent qu’il était originaire du village d’Arabissos (Arp‘sus)180 en Cappadoce (Kappadovkac‘ik‘) que le général Tibère transforma plus tard en ville181. Mais Maurice, à cause de sa sévérité extrême, connut une mort misérable, il fut tué par ses troupes qui s’étaient jetées sur lui, sa famille et ses fils; leur chef Phocas182 (P‘okas) que l’on traduit par «feu» le fit périr, puis régna à sa place. Après Hormozd (Ormizd)183 roi de Perse, Ḵosrow184 gouverna grâce à Maurice. Là, Smbat Bagratuni185 déploya durant plusieurs batailles un énorme courage contre les ennemis de Ḵosrow, qui l’honora en donnant à Smbat le marzpanat du pays de Vrkan186. [Smbat] y alla et [p. 51] découvrit des gens qui avaient été emmenés en captivité d’Arménie; là, dans une région nommée Sagastan187, ils avaient oublié leur langue et leurs lettres, Smbat les leur réinculqua, leur donna comme évêque un certain Habel consacré par le catholicos d’Arménie et il institua un diocèse du siège de saint Grigor188. En la dixième année de tēr Abraham, la trente-septième année du comput arménien, des Syriaques se rendirent en Arménie, des hommes éloquents et 180 Arabissos, moderne Afşin, ville de Cappadoce, à l’époque de l’empereur Maurice en Armenia II, sur la route entre Césarée de Cappadoce et Mélitène. 181 Voir Jean d’Ephèse, V, 22 (trad. Payne Smith [http://www.tertullian.org/fathers/]): «His last notice of him is an account of his rebuilding the desolate city of Arabissus, in Cappadocia, a town remarkable on no other account than as being the emperor’s birthplace, and the original seat of his family: and this new instance of devotion to his relatives naturally served to increase the ill-will entertained against him at the capital, on seeing all matters of state administered with so niggard a hand, while he loaded them with the highest offices and the most extravagant gifts». 182 Phocas (602-610), voir ODB (Phokas), III, p. 1666. 183 Hormozd IV (579-590), voir Encyclopaedia Iranica, XII, Fasc. 5, p. 466-467. 184 Ḵosrow II (590-628), voir http://www.iranicaonline.org/articles/khosrow-ii. 185 Kirakos reprend un passage de Mxit‘ar Anec‘i, chap. 17, p. 91: «Սմբատ Քաջ Բագրատունի բազում եւ անհնարին մարտս յարդարէր ընդդէմ թշնամեաց Խոսրովու Պարսից թագաւորի, ընդ որ յաւէտ իմն հաճոյանայր արքայ եւ ընդ այլ բազում ընծայից ե՛ւ զմարզպանութիւն Վրկանայ տայ նմա.». 186 Vrkan c’est-à-dire l’Hyrcanie. 187 Sagastan/Sakastān/Sidjistān, Sīstān, région au Sud du Khurāsān et au Nord du Balūčistān, voir l’article «Sīstān» dans EI2, IX, p. 710-713 188 Voir Pseudo-Sebēos, 24, p. 96 (trad. Thomson, p. 43-44) et Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 17, p. 90 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 128).

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désireux de semer l’hérésie de Nestorius (Nestor); ils furent anathématisés puis expulsés. Certains cependant les accueillirent et traduisirent leurs livres mensongers: le Gōrtosak, le Kirakosak, la Vision de Paul, la Pénitence d’Adam, le Testament (Diat‘ek) de l’Enfance du Seigneur, le Sebios, la Grappe de bénédiction et des livres précieux [comme], l’Exégèse des Évangiles par Manē. Quiconque croit en eux est anathème189. Et après tēr Abraham, tēr Yovhannēs de Kogovit190 du village de Bagaran191 occupa le catholicossat vingt-six ans192. Certains parmi les historiens disent qu’Abraham et Yovhannēs moururent tous deux la même année, d’autres non193. [p. 52] Quand le roi de Perses Ḵosrow apprit la mort de Maurice, il songea à le venger car ils étaient alliés. Il ravagea de nombreux territoires grecs. Il envoya son général Farrokān (Xoṙian)194 en Palestine (Pałestin) pour aller assiéger la ville sainte de Jérusalem, massacrer ses habitants et saisir la croix du Christ qu’il envoya en Perse195. Il marcha contre le roi Héraclius (Herakl)196 avec des troupes nombreuses, plongeant dans l’embarras la cité royale de Constantinople. Mais l’empereur Héraclius avec le secours du roi des Khazars (Xazirk‘)197, du qaʼan (xak‘an)198, alla dans le pays de Perse199, tua Ḵosrow, revint et expédia la sainte croix à Jérusalem. 189 Ce passage est emprunté à Samuēl Anec‘i (année 588 corrigée en 590) p. 144-145 qui, le premier, témoigne que des traductions en arménien de ces ouvrages ont circulé en Arménie. Grigor Tat‘ewac‘i dans son ouvrage, Գիրք հարցմանց (Livres des questions), chap. 9, p. 545 reprend ce même passage. 190 Kogovit: canton à l’ouest de l’Ararat, voir HŠTB, III, p. 182. 191 Bagaran est une ancienne capitale de l’Arménie fondée par les Orontides en Aršarunik‘, voir DONABÉDIAN-MUTAFIAN, 2010, p. 139-143. 192 À propos de l’élection de Yovhannēs Bagaranc‘i (comme anti-catholicos à l’époque non pas d’Abraham mais de Movsēs Ełivardec‘i qui refusait l’alliance avec les Grecs), voir la Narratio, § 101-108, p. 40-41 (trad. Mahé, p. 435-436) et Movsēs Kałankatuac‘i, II, 46, p. 266-269 (trad. Dowsett, p. 171-173). 193 Voir Pseudo-Sebēos, chap. 33, p. 112 (trad. Thomson, p. 64). 194 Il s’agit du général perse Farroḵān, surnommé Razmyōzan connu également par son titre de Šahrvarāz (litt. «héros de l’empire») qui, en mai 614, prit la ville de Jérusalem. Voir FLUSIN 1992, II, p. 150-181. 195 Sur la prise de Jérusalem et de la sainte Croix, voir Pseudo-Sebēos, chap. 34, p. 116 (trad. Thomson, p. 69-70). 196 Héraclius (610-641), voir ODB (Herakleios), II, p. 916-917. 197 Le terme Khazar désigne ici les Turcs, voir ZUCKERMANN 2007, p. 399-432. 198 Il s’agit de Tong Yabghu qaʼan (618-630?) vice-roi du Khaganat turc occidental, cité par Kirakos au chap. 10, p. 195 et notes. Voir ZUCKERMANN 1995, «La petite Augusta», note 26, p. 118. 199 Le récit des campagnes de l’empereur Héraclius contre les Perses occupe sept chapitres de l’Histoire de Movsēs Kałankatuac‘i (II, 9-16, p. 127-170, trad. Dowsett, p. 75-106),

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Les habitants de la ville de Tʼpilisi (Tp‘xis) tournèrent en ridicule le qaʼan, ils prirent une citrouille et y dessinèrent son visage mais sans les yeux parce qu’il les avait étroits et petits. Ils la posèrent sur les remparts face à lui et ils commencèrent à lui décocher des flèches. Voyant cela, le [qaʼan] devint extrêmement furieux, mais c’était l’hiver et il ne put se venger. Mais lorsque le printemps revint, il encercla la ville, la prit et donna l’ordre de massacrer [p. 53] les hommes, les femmes et les enfants, ruina la ville; emportant ses trésors, il repartit dans sa propre ville200. Après l’assassinat des marzpan Čihr Burzēn, Čihr Všnasp Suhēn, Čihr Vłon Mihran par d’autres du Tačkastan, Dawit‘ Sahaṙuni fut marzpan durant trente ans201. Durant ses jours, en l’an 62 (= 613/614) fut érigé l’église kat‘ołikē de Mren202. Après tēr Yovhannēs, tēr Komitas occupa le catholicossat huit ans. Il érigea le splendide et merveilleux martyrium de la sainte dame Hṙip‘simē, car la première construction était sombre. On y avait découvert les reliques des saintes sous les sceaux de saint Grigor et saint Sahak. N’osant pas l’ouvrir, [Komitas] apposa lui aussi son sceau dessus. Il composa un šarakan sur les saintes, acrostiche alphabétique, commençant par «Ô belles âmes vouées à l’amour du Christ»203. [p. 54] Après Ḵosrow roi de Perse, Kawād (Kawat)204 prit la royauté. Il délivra de captivité Viro, catholicos des Ałuank‘ qui avait été emprisonné par son père. Après Kawād, Ardašīr (Artašir)205, puis Xoṙeam sur l’ordre de Héraclius, puis Ḵosrow, puis après lui Bōrān (Born)206 et Zarmanduxt qui tous vécurent peu et enfin Yazdegerd. voir également Pseudo-Sebēos, chap. 38-39, p. 122-128 (trad. Thomson, p.78-84). Voir HOWARD-JOHNSTON 2002, «Armenian Historians of Heraclius», p. 41-62. 200 Le récit de Kirakos est plus circonstancié que celui de Movsēs Kałankatuac‘i, II, 14, p. 153 (trad. Dowsett, p. 95), voir l’article de SHAPIRA 2015, «On the Relative Value of Armenian Sources for the Khazar Studies: The Case of the Siege of Tbilisi», p. 45-62. 201 Ce passage est tiré de Samuēl Anec‘i (année 610 corrigée en 608), p. 146. 202 Voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 19, p. 104 (trad. Boisson-Chenorhokian, p.140) et Samuēl Anec‘i (année 615 corrigée en 613), p. 146 dont le passage est tiré. 203 À propos de Komitas (611-628) et de ses œuvres, voir Narratio, § 116, p. 42 (trad. Mahé, p. 436), Pseudo-Sebēos, chap. 35, p. 116-118 (trad. Thomson, p. 70-72), Asołik, II, 2, p. 693 (trad. Greenwood, p. 155-156), Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 17, p. 95-96 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 132-133), Vardan, § 32, p. 61 (trad. Thomson, p. 174). Pour le šarakan: http://www.arak29.am/all_new/t37_1.htm. 204 Kawād (628). 205 Ardašīr (septembre 628-avril 629), voir Encyclopaedia Iranica, II, Fasc. 4, p. 381382. 206 Bōrān, fille de Ḵosrow II, reine sassanide 630-631, voir Encyclopaedia Iranica, IV, Fasc. 4, p. 366.

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Après tēr Komitas, tēr K‘ristap‘or207 occupa le catholicossat deux ans, puis Ezr208 dix ans. L’empereur Héraclius se rendit dans la ville de Karin, réunit un concile et y appela le catholicos d’Arménie Ezr. Il n’amena pas avec lui des hommes très instruits comme Yovhan vardapet Mayravanec‘i209 qui était très versé dans les Écritures divines. Il y alla et adhéra à l’hérésie de Chalcédoine. L’empereur lui offrit un tiers de Kołb et tout le sel [produit]. Ezr revint en Arménie et changea toutes les institutions orthodoxes de l’Église, le Lectionnaire de Jacques et de Cyrille pour celui d’Artémon210; le saint vardapet Yovhan l’invectiva: «Pourquoi de manière ignorante l’avoir accepté et altéré les bonnes institutions qui, depuis saint Grigor, ont été préservées au sein de la nation arménienne jusqu’à aujourd’hui?». Et Ezr [p. 55] au lieu de regretter, chassa le saint de manière ignominieuse, le surnommant Mayragomec‘i. Un disciple de Yovhannēs du nom de Sargis211 provoqua un schisme, et Ezr déclara que Yovhannēs était hérétique ainsi que ses livres. Il lui attribuait les paroles de son disciple: que nul n’ose médire du saint. Yovhannēs alla et choisit un lieu calme du côté de la forteresse de Getabak212 et demeura là parlant continuellement à Dieu213. Dieu fit un grand et admirable miracle pour montrer sa sainteté; [Yovhannēs] avait un âne servant à ses besoins qui fut tué et dévoré par un ours. Lorsqu’on apprit cela à Yovhannēs, il se présenta et dit à l’ours: «Parce que tu as tué mon serviteur, sers-moi à sa place.» L’ours vint, le servit et lui obéit en tout pour soulever des fardeaux et pour tout le reste durant des années. Après quelque temps [p. 56] des chasseurs croisèrent l’ours et l’abattirent croyant qu’il était sauvage. Dès que les frères du monastère virent cela, ils jetèrent [le corps de l’ours] dans une fosse214. 207

K‘ristap‘or Apahuni (628-630). À propos de l’élection d’Ezr (630-641), voir MAHÉ 1993, p. 468. Pseudo-Sebēos, chap. 40, p. 129 (trad. Thomson, p. 87) qualifie Ezr d’homme doux. 209 Sur Mayravanec‘i/Mayragomec‘i, voir l’étude de K‘ENDERYAN 1973, p. 20-28 et MAHÉ 1993, p. 465-471. 210 Artémon professait au temps du pape Zéphyrin (198-217) une doctrine selon laquelle Jésus-Christ n’était qu’un homme adopté par Dieu, voir RENOUX 1981, note 7, p. 104. 211 Sargis est connu comme le traducteur des œuvres de Julien Halicarnasse (VIe siècle), voir le Sceau de la Foi, p. XCIV-XCV. Vardan, § 44, p. 85 (trad. Thomson, p. 186). 212 Getabak/Getabakk‘ se trouve au nord-est de l’Arc‘ax. Voir BARXUTAREANC‘ 1999, p. 314 et 316. 213 Voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i le chapitre 18: «Au sujet du kat‘ołikos Ezr et Yovhannēs Mayragomec‘i», p. 98-103 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 135-139). 214 Cette légende ne se trouve que dans Kirakos à notre connaissance. 208

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Jusqu’à ce jour les habitants de divers lieux viennent prendre de la terre à l’endroit où on a enterré l’ours. Grâce aux prières de Yovhannēs, [la terre] guérit toutes les maladies de leurs bêtes. La tombe du saint guérit également de maladies graves ceux qui ont recours avec foi aux prières du saint. Après Dawit‘ Sahaṙuni, T‘ēodoros Rštuni fut marzpan d’Arménie durant vingt-cinq ans. Après l’empereur Héraclius, son fils Constantin215 régna. Quand ce fut accompli l’année 618 depuis la naissance du Christ, ou 67 (= 618/619) du comput arménien, un faux prophète des païens apparut, corrompu par les hérésies de Cérinthe (Kerint‘os)216 et des Ariens. Son nom était Muḥammad (Mahmet)217, ismaélite (ismayelac‘i) de nation, fils de Hagar. Quand Muḥammad vint en Égypte (Egiptos) pour des raisons de commerce, il rencontra dans le désert du Sinaï un ermite du nom de Sergius Baḥīrā (Sergis Bxira)218, adepte de l’hérésie d’Arius (Arianos). [Cet ermite] enseigna à Muḥammad de fausses [p. 57] connaissances de Dieu, il louait les anciennes lois données par Moïse (Movsēs) disant: «Si tu écoutes mes paroles, tu deviendras guide et législateur de ta nation.» Muḥammad poursuivit son voyage, quand un esprit impur s’introduisit en lui, il tomba à terre, la bouche écumante219. En voyant cela ses compagnons attendirent qu’il reprenne ses esprits puis le relevèrent et lui demandèrent quelles étaient les raisons d’une telle crise furieuse. Il répondit que c’était à cause d’un saint ange qui l’envoyait comme messager à sa nation. De retour dans sa ville, il commença à prêcher ce que lui avait appris ce faux chrétien. Il avait des oncles paternels, des chefs [de tribus] qui le chassèrent le menaçant de mort s’ils entendaient à nouveau de telles paroles de sa part. Muḥammad se rendit dans sa maison et s’assit triste. Alors Ali, le fils de son oncle et son gendre entra et lui demanda les raisons de sa tristesse. Il lui répondit: «Parce que je leur ai prêché Dieu, ils m’ont menacé de mort.» Ali lui dit: «Viens, partons et prêchons de nouveau; s’ils se retournent 215 Constantin (641). Voir PmbZ (Konstantinos III) no 3701; ODB (Herakleios Constantine), II, p. 917. 216 Voir le chapitre que consacre Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, III, 28, p. 204-206 à ce gnostique. Selon Samuēl Anec‘i (année 648 corrigée en 646), p. 149, Muḥammad est adepte des enseignements d’Arius et de Cérinthe. 217 À propos de Muḥammad, voir EI2, VII, p. 363-388. 218 À propos de Baḥīrā qui aurait transmis la connaissance de la religion chrétienne au prophète Muḥammad, voir ROGGEMA 2007, p. 168-173, p. 184-185 et THOMSON 1979-1980, p. 884-895 et THOMSON 1986, p. 829-858. 219 T‘ovma Arcruni, II, 4, p. 158 parle également d’un esprit démoniaque.

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contre nous, nous les tuerons par l’épée», car Ali était un militaire et les hommes qui étaient avec lui également. Dès qu’ils commencèrent à prêcher, ce fut une énorme émeute et bataille [p. 58]. Les gens de Muḥammad perdirent et s’enfuirent au Petit-Madyan (Madiam) où étaient rassemblés 120 000 Juifs expulsés par l’empereur Constantin. Muḥammad les prit et marcha contre ceux qui l’avaient chassé et les massacra. Les Juifs, lorsqu’ils virent la réussite de son entreprise, le désignèrent comme leur guide. D’autres Madianites220 (Madianac‘ik‘) se joignirent à eux avec leur chef K‘ałrt‘ et devinrent une grande armée221 qui marcha contre la Palestine et battit les troupes des Romains (Hoṙomk‘) qui pillaient les richesses de leurs marchands. Lorsqu’ils se virent victorieux, ils marchèrent contre la souveraineté des Perses, ils tuèrent le roi des Perses Yazdegerd, la royauté des Perses sassanides prit fin. Durant cette période, le soleil s’éclipsa à moitié, depuis le mois d’areg222 en automne jusqu’au mois de k‘aloc‘223en été. Ils lancèrent leurs troupes dans trois directions, l’une vers Rome (Hṙom) [= Byzance] avec Yaz et son conseiller Yovēl qui massacrèrent soixante-dix mille Romains [= byzantins]; ils envoyèrent vers la Perse l’émir ῾Uthmān (Ōt‘man)224 avec le général Mu῾āwiya (Mawiē)225. [p. 59] Ils battirent Mihrdat (Mirdat) et ses vingt mille hommes ainsi que Mušeł le sparapet d’Arménie avec ses hommes, ils soumirent tous les pays d’Arménie, de Perse, de Syrie, d’Égypte (Egiptac‘ik‘), de Médie (Mark‘) et de Parthe (Part‘ewk‘), ils commencèrent à répandre leur foi mais ils ne furent pas acceptés. Or les Madianites et leurs compagnons réclamèrent des principes religieux à Muḥammad, ce dernier leur en donna extrêmement scandaleux. Il [leur] dit que le royaume céleste, au-dessus de la terre, était matériel, qu’on s’y emplissait le ventre, qu’on y faisait la noce même après la Résurrection, qu’on s’y unissait à des femmes restant vierges à perpétuité. Il enseigna des principes religieux contraires à la législation de l’Ancien et du Nouveau [Testament] en sorte qu’ils pensent [des choses] indignes, et proférent des [choses] tordues, il tourna en grande dérision la promesse 220 Les Madianites sont ici les Arabes et non le peuple biblique cité dans la Bible (Gn, XXV, 2-4, Gn, XXXVII, 28-29; Jg VIII, 22-24). 221 Voir Samuēl Anec‘i (année 648 corrigée en 646), p. 149-150. 222 Areg: huitième mois du calendrier vague arménien. 223 K‘aloc‘: cinquième mois du calendrier vague arménien. 224 ῾Uthmān b. ῾Affān (644-655), troisième calife, voir EI2, X, p. 1023-1026. 225 Voir, à propos de Mu῾āwiya fondateur de la dynastie umayyade de Syrie, l’article qui lui est consacré dans EI2, VII, p. 265-270 et l’article «umayyade», EI2, X, p. 906920.

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de Dieu faite à Abraham, où il est écrit: «de circoncire tous les mâles de huit jours»226. Lui, il prescrivit de circoncire lorsqu’on le voulait, quel que soit l’âge, non seulement les hommes mais aussi les femmes. Et à la place du baptême lumineux dont notre Seigneur Jésus-Christ a dit: à moins de naître d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu227. Muḥammad dit de commettre le mal continuellement, de se laver avec de l’eau claire pour être purifié et d’autres traditions indignes, insensées et ridicules. [p. 60] Durant sept ans il fut [leur] législateur et porteur de bonnes nouvelles, puis ils ravagèrent le Bznunik‘, l’Ałiovit et le Tarōn228. Puis ce Muḥammad interdit l’épée; par ses propos et ses consignes, il avait asservi une grande partie de l’univers. Par un serment inoubliable, il scella un engagement de laisser le pays d’Arménie pratiquer hardiment le christianisme. Il leur vendit leur foi, quatre dram par maison, trois boisseaux de xorbal229, c’est-à-dire de la farine230, une musette pour cheval, une corde de crin et un gant. Mais il ordonna de ne pas collecter de taxes auprès des prêtres, des azat et des cavaliers. Après la conquête des pays, ils furent appelés émirs des croyants231. En la vingtième année de Muḥammad, Abū Bakr (Abubakr)232, ῾Uthmān233 puis ῾Umar (Amr)234 obtinrent le principat d’Ismaël (Ismayēl) durant trente-huit ans235. Après Ezr, tēr Nersēs236 occupa le catholicossat vingt ans. Il construisit le martyrium de saint Sargis qui se trouve Duin237. Durant le saccage de la ville de Duin par les Ismaélites, le sang des vingt mille hommes massacrés 226

Voir Gn XVII, 11-12. Jn III, 5. 228 Kirakos a pris ces informations concernant Muḥammad chez T‘ovma Arcruni pour l’esprit démoniaque, l’aide d’Ali, les théories du prophète sur le paradis, la circoncision des femmes, le baptême et chez Samuēl Anec‘i pour Cérinthe, K‘ałrt‘, la campagne militaire, les taxes levées sur l’Arménie, voir THOMSON 1986, p. 856. 229 Terme géorgien désignant le blé. 230 Voir MANANDEAN 1965, p. 130-131 pour les mesures et taxes. 231 Le terme employé est ամիրմումնիք (amirmumnik‘), il correspond à l’arabe amīr al-mu’minīn, émir des croyants. 232 À propos du premier calife Abū Bakr (632-634), voir EI2, I, p. 112-114. 233 ῾Uthmān b. ῾Affān (644-655), troisième calife, voir EI2, X, p. 1023-1026. 234 ῾Umar b. al-Khaṭṭāb second calife (634-644), voir EI2, X, p. 883-886. 235 Ce paragraphe reprend, mot pour mot, Samuēl Anec‘i (op. cit.) qui lui suit Łewond chap. I, p. 3 (trad. Martin-Hisard, notes 8 et 12, p. 2-3). 236 Nersēs Šinoł (641-661), voir AnjB, IV, no 24, p. 41-42 et MAHÉ 1993, p. 471-474. 237 Sur la construction du martyrium, voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 19, p. 106107 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 143). 227

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recouvra [p. 61] le saint autel et les fonts baptismaux; quant aux [rescapés], plus de trente-cinq mille personnes, elles furent emmenées en captivité. Le patriarche recueillit rapidement les os des morts dans le même martyrium, il construisit sur l’emplacement de la fosse de saint Grigor [un sanctuaire] qui faisait l’admiration de tous ceux qui le contemplaient et qui fut détruit par les tačikk‘238. Des Syriaques orthodoxes vinrent auprès de lui et lui réclamèrent un évêque; il exigea de leur part une profession de foi écrite. [Les Syriaques] lui remirent ces paroles: «Nous croyons au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Au Père dont la paternité est inaccessible; au Fils dont la génération est inscrutable; et au Saint-Esprit qui procède du Père et qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils239», [Nersēs] en fit une antienne qui jusqu’à aujourd’hui est chantée dans les églises d’Arménie durant la liturgie de l’Illumination (čragaloyc‘) ou Révélation du Seigneur. Nersēs consacra Abdisoy comme leur évêque. Il se trouvait être à Baguan240 avec une multitude rassemblée là pour la fête de la Transfiguration (Vardavaṙ)241; [à cette époque] les chants de šarakan étaient nombreux dans les églises d’Arménie au point que le chantre d’un gawaṙ ne connaissait pas [l’hymne chanté] dans un autre gawaṙ. Alors qu’ils chantaient le šarakan [p. 62] du patrum de la Transfiguration, l’autre chœur ne put y répondre; ils essayèrent avec plusieurs šarakan et là encore ils ne les reconnurent pas. Alors le patriarche Nersēs avec l’approbation de toute l’assemblée opta pour ce qui était approprié et utile afin que dans toutes les églises d’Arménie, chaque jour, une seule et même liturgie [soit célébrée] selon le mystère du jour. Il choisit des hommes cultivés pour parcourir tout le pays d’Arménie et établir le même système conservé jusqu’à nos jours242.

238 Voir ArmB, IV, p. 365-366. Le terme désigne chez les historiographes arméniens les Arabes, puis par extension les musulmans. 239 Ce passage est tiré de la lettre de l’évêque des Syriens Abdisoy/Abdišoy au catholicos Nersēs conservée dans le Livre des Lettres, p. 184-189. La traduction donnée est celle de GARSOÏAN 1999, p. 466. Sur cet évêque, voir GARSOÏAN 1999, p. 207-220. 240 Baguan se situe en Ayrarat dans le gawaṙ de Bagrawand selon HŠTB, I, p. 537. 241 La fête du Vardavaṙ est une fête païenne de la Vierge Aphrodite à qui l’on offrait des roses (Vard). Elle aurait été transformée en fête de la Transfiguration, selon la légende, par Grigor l’llluminateur d’après Samuēl Kamrǰajorec‘i (Xe siècle), voir RENOUX 1980, p. 288. 242 À propos de la réforme entreprise par Nersēs, voir «Le synode de Duin en 645 et la réforme de l’hymnaire» de MAHÉ 1993, p. 472-473.

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Après T‘ēodoros243, le marzpan d’Arménie fut Hamazasp244 pour sept ans. Et après Nersēs, tēr Anastas245 occupa le catholicossat 6 ans. Il appela auprès de lui le grand vardapet Anania du gawaṙ du Širak, un homme lettré et de génie, très versé dans tous les systèmes de computs, il établit un calendrier arménien fixe, comme ceux des autres nations. Après avoir fait de grands efforts, ils voulurent un synode pour confirmer [le calendrier] mais saint Anastas mourut. Ceux qui vinrent après lui négligèrent la chose et utilisèrent le précédent système246. En la cinquième année d’Anastas, une église kat‘ołikē fut érigée par le patrice Grigor dans le bourg d’Aruč dans laquelle fut baptisé le martyr [p. 63] du Christ Dawit‘, perse de nation, que l’on appelait auparavant Surhan qui fut pendu à un bois, à Duin, pour l’amour du Christ. Après Hamazasp, Grigor Mamikonean247 fut marzpan d’Arménie, dix ans. Il fut tué par les Khazars. Puis Nerseh Širakac‘i fut išxan trois ans248. Après Anastas, tēr Israyēl249 devint catholicos six ans, puis tēr Sahak250 vingt-six ans. Ce dernier fut envoyé comme ambassadeur auprès du général ismaélite Muḥammad venu massacrer la nation d’Arménie à cause de leur rébellion contre les tačikk‘. [Sahak] atteignit Ḥarrān (Xaṙan)251, tomba malade et mourut. Mais avant que Muḥammad vienne à Ḥarrān, Sahak 243 À propos de la carrière de T‘ēodoros Ṙštuni († 655-656?), voir HOWARD-JOHNSTON, Pseudo-Sebēos: Historical Commentary, p. 266-272 et PLER III (1282-1283), (Theodorus Rshtuni) 167. Pseudo-Sebēos, chap. 42, p. 139 (trad. Thomson, p. 101); Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 19, p. 108 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 144); Vardan, § 35, p. 67 (trad. Thomson, p. 177). 244 Hamazasp Mamikonean gendre de T‘ēodoros Ṙštuni dirigea l’Arménie avec la dignité de curopalate jusqu’en 661, voir Pseudo-Sebēos, chap. 52, p. 175 (trad. Thomson, p. 153); Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 19, p. 112-113 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 148-149). HOWARD-JOHNSTON, Pseudo-Sebēos: Historical Commentary, p. 282-284. 245 Anastas Ier Akoṙec‘i (661-667) voir «Réflexions sur le dogme et sur le calendrier: Anania Širakac‘i» de MAHÉ 1993, p. 474-476. 246 Voir Samuēl Anec‘i (année 670 corrigée en 668), p. 152. 247 Sur Grigor Mamikonean (661-685) frère de Hamazasp, voir Łewond, chap. IV, p. 27 (trad. Martin-Hisard, p. 26); Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 20, p. 114-119 (trad. BoissonChenorhokian, p. 150-154); Asołik, II, 2, p. 701 (trad. Greenwood, p. 164-165). Voir GREENWOOD, 2004, p. 67 et p. 73-74. 248 C’est Ašot Bagratuni (685-689) qui succéda à Grigor Mamikonean et non Nerseh Širakac‘i, l’erreur provient de Samuēl Anec‘i (année 682 corrigée en 680), p. 153. Voir TER ŁEWONDYAN 1966, p. 186. 249 Sur Israyēl (667-677), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 20, p. 118-119 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 153); Asołik, II, 2, p. 702 (trad. Greenwood, p. 165). 250 Sur Sahak (677-705), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 20, p. 122-124 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 157-159). 251 Ḥarrān est une ville et un district au sud-est de la Turquie actuelle, au croisement des routes de Damas, de Karkemich et de Ninive voir EI2, III, p. 234-237.

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lui avait écrit une lettre de supplication: «Je suis allé à ta rencontre conjurer ta face en faveur de ma nation, nous ne sommes pas parvenu à te voir, Celui qui est l’intendant252 de toute vie m’a rappelé. Je te supplie maintenant par la promesse de Dieu faite à Abraham et à votre père Ismaël de ne pas faire de mal à notre nation et ils te verseront le tribut. Si tu entends mes suppliques, ma bénédiction tombera sur toi, et si tu ne les écoutes pas [p. 64] que mes imprécations t’atteignent, que Dieu détourne les cœurs de tes soldats pour qu’ils n’exécutent pas tes volontés. Choisis l’un des deux253.» Et lorsque Muḥammad arriva à Ḥarrān, on lui raconta tout et on lui donna la lettre; après l’avoir lue, il posa des questions: «Où est son tombeau?». On lui montra l’endroit comme il venait juste de mourir, il n’était pas encore enterré. Il s’y rendit vite et suivant leur coutume il présenta ses salutations au défunt comme à un vivant. Muḥammad lui dit: «Par ton écrit, j’ai reconnu en toi un homme de Dieu, je ferai et accomplirai tous tes ordres». Il cessa rapidement les hostilités et envoya des ostikan254 en Arménie pour imposer des taxes tandis que lui-même retournait dans son pays. Après Sahak, tēr Ełia255 occupa le catholicossat. Après Héraclius son fils Constantin256 prit la couronne. À son époque les Ismaélites lancèrent des assauts contre tous les pays. Après lui son fils de même nom257. Puis la principauté des Ismaélites passa à Mu῾āwiya, après Abū Bakr, ῾Uthmān et ῾Umar. [p. 65] Après Nerseh, Ašot devint marzpan d’Arménie trois ans258 et fut tué par les tačikk‘. Puis Nerseh Kamsarakan259, trois ans. Et après lui, Smbat Bagratuni260 Biwratean vingt ans. Celui-ci se battit contre les troupes des étrangers dans le bourg de Vardanakert, du gawaṙ de Bagrewand et les défit courageusement. En sa treizième année, Muḥammad mena une 252

Le terme employé est štemaranapet, voir Łewond, chap. XII (9), p. 57 et note 320. Voir le contenu de la lettre dans Łewond, chap. XII (9), p. 57 et 59 (trad. MartinHisard, p. 56, 58). 254 Ostikan est le nom que donne les Arméniens aux gouverneurs arabes envoyés en Arménie par le calife, voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i (trad. Boisson-Chenorhokian, note 22, p. 62). 255 Ełia Arčišec‘i (703-717?). 256 Heraklius Constantin (641), voir ODB (Herakleios Constantin), II, p. 917. 257 Il s’agit de Constant II (641-668), voir PmbZ (Konstans II) no 3691; ODB (Constans II), I, p. 496-497. 258 Ašot Bagratuni (685-689), voir TER ŁEWONDYAN 1966, p. 186. 259 Nerseh Kamsarakan (689-693) seigneur de Širak et de l’Aršakunik‘, voir Asołik, II, 2, p. 703 (trad. Greenwood, note 212, p. 167-168). Voir GREENWOOD 2004, p. 64-70. 260 Smbat Bagratuni (693-726), voir TER ŁEWONDYAN 1966, p. 196. 253

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incursion contre la mer de Gełam et contre Sewan; en sa seizième année l’émir Kasm261 massacra les išxan du Vaspurakan. Après l’empereur Constantin, Justinien régna262. Ses naxarar l’attaquèrent et lui coupèrent le nez. Il s’enfuit chez les Khazars, prit une femme, [forma] une armée nombreuse, revint et devint empereur à nouveau. Lui succédèrent Léonce (Lewon)263, puis après lui Apsimar (Ap‘simeros)264, puis après lui [de nouveau] Justinien265, puis après lui Philippikos Bardanès (P‘ilikos Vardan)266, puis après lui Théodose (T‘ēodoros)267, puis après lui Léon268. Après Mu῾āwiya, l’autorité des Ismaélites passa à Yazīd (Izit)269, après lui Marwān (Mrvan)270 et enfin Abd al-Malik (Abdlmelik‘)271. Ce dernier fit brûler les išxan d’Arménie à l’intérieur des églises du Naxčawan. Et après lui, son fils al-Walīd (Vlit‘)272 puis Sulaymān (Sulēman)273. Ce dernier se saisit des portes de Derbend (Darband)274 et donna l’ordre de démolir l’enceinte [de la citadelle] et tandis qu’ils [la] détruisaient, ils découvrirent une pierre sur laquelle était inscrit: «Moi Markianos, empereur, j’ai érigé cette ville [p. 66] et ces tours grâce à mes propres trésors et 261 Ce personnage n’est pas encore identifié dans les sources arabes, il est mentionné par Łewond chap. XIV (10), p. 65 (trad. Martin-Hisard, p. 64) et Asołik, II, 4, p. 720 (trad. Greenwood, p. 188). 262 Justinien II règne une première fois de 685 à 695. Voir PmbZ (Iustinianos II) no 3556; ODB (Justinian II), II, p. 1084-1085. 263 Léonce (695-698). Voir PmbZ (Leontios) no 4547; ODB (Leontios), II, p. 1212-1213. 264 Il s’agit de Tibère-Apsimar, renversé par Justinien II en 705. Voir PmbZ (Tiberios II (III) Apsimar) no 8483; ODB (Tiberios II), III, p. 2084. 265 Justinien II reprend le pouvoir jusqu’en 711. 266 Philippikos Bardanès (711-713), à propos des origines de cet empereur voir SETTIPANI 2006, p. 217-223.; PmbZ (Philippikos) no 6150; ODB (Philippikos), III, p. 1654. 267 En réalité ce fut Anastasios II Artemios (713-715) qui succéda à Philippikos puis Théodose (715-717) qui fut renversé par Léon III, voir PmbZ (Theodosios III) no 7793; ODB (Theodosios III), III, p. 2052. 268 Léon III (717-741), voir PmbZ (Leon III) no 4242; ODB (Leo III), II, p. 1208-1209. 269 Yazīd (Ier) b. Mu῾āwiya (680-683), second calife de la dynastie umayyade, voir EI2, XI, p. 336-337. Entre Yazīd Ier et Marwān (quatrième calife), Mu῾āwiya (II) b. Yazīd b. Mu῾āwiya Ier régna peu de temps en 683-684, voir EI2, VII, p. 270-271. 270 Marwān (Ier) b. al-Ḥakam, quatrième calife de la dynastie umayyade, régna plusieurs mois en 684-685 voir EI2, VI, p. 606-608. 271 ῾Abd Al-Malik ibn Marwān, cinquième calife de la dynastie umayyade qui régna de 685 à 705, voir EI2, I, p. 78-80. 272 al-Walīd (Ier) b. ῾Abd al-Malik b. Marwān (705-715), sixième calife de la dynastie umayyade, voir EI2, XI, p. 139-140. 273 Sulaymān b. ῾Abd al-Malik (715-717), septième calife de la dynastie umayyade, voir EI2, IX, p. 855-856. 274 À propos de l’histoire de cette inscription, voir Łewond, chap. XVII (12), p. 79 (trad. Martin-Hisard, p. 78 et note 416, p. 79).

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dans les derniers temps, elle sera détruite par les fils d’Ismaël qui avec leurs richesses la reconstruiront». Après Sulaymān, ῾Umar (Ōmaṙ)275 lui succéda au principat. Il écrivit une lettre à l’empereur Léon empereur autocrate à propos de la doctrine chrétienne276. L’empereur fit une réponse pleine de sagesse en tournant en ridicule leur religion. Lorsqu’῾Umar la lut, il fut extrêmement honteux et il commença par supprimer des abominations dans leur religion, il n’osa cependant pas tout abolir, mais il rectifia de nombreuses mœurs débauchées et dès lors montra de la bienveillance envers tous les chrétiens et en particulier envers la nation d’Arménie. Il donna l’ordre de renvoyer dans le pays d’Arménie ceux qui avaient faits captifs. C’est ainsi qu’à cette époque tēr Vahan de Gołt‘n277 revint de captivité. Il fut martyrisé aux jours du shāh Hishām (šah Hēšm)278; après ῾Umar, Yazīd prit le pouvoir279 puis Hishām (Šam), puis Walīd (Vlit‘)280 suivi de Marwān281. [p. 67] Tēr Yovhannēs Ōjnec‘i282 obtint le catholicossat après tēr Ełia. C’était un philosophe et un saint, à la belle stature, et encore plus beau spirituellement. Hishām le convoqua à la cour; il y fut grandement honoré pour l’élégance de sa personne. En effet [Yovhannēs] s’était présenté devant lui, la barbe saupoudrée de poussières d’or. Hishām le voyant fut tout émerveillé devant cette beauté et lui dit affablement: «On dit à propos de ton Christ qu’il était très doux, humble et aimait beaucoup la pauvreté. Les institutions chrétiennes prônent que ceux qui sont leurs guides honorent la pauvreté et l’humilité plutôt que le luxe et la richesse. Et toi pourquoi te pares-tu ainsi?» 275 ῾Umar (II) b. ῾Abd al-῾Azīz b. Marwān b. al-Ḥakam, Abū Ḥafṣ al-Ashadjdj, huitième calife de la dynastie umayyade régna de 717 à 720, voir EI2, X, p. 886-887. 276 La correspondance échangée entre ῾Umar II et Léon III a été éditée par HAKOBIAN et traduite par MAHÉ, «La correspondance d’Omar et la lettre de Léon», dans Łewond vardapet Discours Historique 2015, p. 345-457. 277 À propos du martyre de Vahan de Gołt‘n († 737), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 21, p. 126 (trad. Boisson-Chenorhokian, note 22, p. 160-161). 278 Hishām (724-743), dixième calife de la dynastie umayyade, voir EI2, III, p. 510511. 279 Yazīd II b. ῾Abd al-Malik (720-724), neuvième calife de la dynastie umayyade, voir EI2, XI, p. 337-338. 280 Walīd II b. Yazīd b. ῾Abd al-Malik (743-744), onzième calife de la dynastie umayyade, voir EI2, XI, p. 140-141. 281 Marwān II (744-750), dernier calife de la dynastie umayyade, voir EI2, VI, p. 608-610. Entre lui et Walīd II deux califes Yazīd III et Ibrāhīm b. al-Walīd Ier régnèrent quelques mois en 744. 282 Yovhannēs Ōjnec‘i (717-728). À propos de l’œuvre de Yovhannēs Ōjnec‘i, voir MAHÉ 1993, p. 478-486.

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Le saint lui répondit: «De ton serviteur tu n’as rien de plus que ta couronne et tes habits royaux et grâce à cela on te craint et on t’honore. Nos premiers pères ont accompli des prodiges et avaient des mœurs admirables; à cause de cela ils étaient craints par leurs subordonnés qui accomplissaient leurs ordres en tremblant. Mais nous, nous ne sommes pas pareils, c’est pour cela que nous nous parons de vêtements et [soignons] notre tenue, de sorte qu’ils ne dédaignent [p. 68] pas nos ordres.» Dénudant sa poitrine [Yovhannēs] lui montra le cilice qu’il portait en dessous de ses vêtements. Et il dit: «Voici mon vêtement.» Le roi fut étonné et loua la foi chrétienne. Il dit au saint: «Demandemoi ce que tu veux et je te l’accorderai.» Le patriarche répondit: «Je te demande trois choses qui te seront aisées de me donner. La première, de ne pas forcer les chrétiens à abandonner leur foi mais de laisser chacun vivre selon sa volonté. La deuxième, de ne pas mettre des taxes contraires à la liberté de l’Église et de ne rien prendre aux prêtres et diacres. La troisième, où que soient les chrétiens dans ton empire, de les laisser pratiquer leur culte hardiment. Accorde-le-moi par écrit et toute ma nation te servira.» [Le calife] donna l’ordre d’écrire immédiatement le document demandé, y apposa son sceau, lui donna de nombreux cadeaux et une escorte nombreuse283 puis le renvoya en Arménie en grande pompe. À son arrivée [Yovhannēs] chassa tous les Grecs, gouverneurs comme soldats, qui étaient dans le pays d’Arménie. Ils s’enfuirent si vite qu’ils ne purent emporter leurs trésors avec eux. Ils les enterrèrent dans le sol, puis firent un plan des lieux qu’ils prirent avec eux. [p. 69] Le saint patriarche, après avoir placé notre pays sous l’autorité d’Ismaël (Ismayēl), réunit un synode à Manazkert284 auquel il convoqua Athanase patriarche de Syrie. [Ce dernier] envoya six évêques et anathématisa les Julianistes (Yulianit) et ceux qui disaient que [la personne du] Christ est corruptible, Baršapuh et Gabriēl, délateurs des Arméniens et des Syriaques. Par la législation canonique, il fit briller l’Église et rejeta l’hérésie de Chalcédoine qui aux jours de l’empereur Héraclius et du 283 À propos du catholicos Yovhannēs et de ses œuvres, voir Asołik, II, 2, p. 704-705 (trad. Greenwood, p. 169-171); Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 22, p. 130-133 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 165-167); Vardan, § 38, p. 73 (trad. Thomson, p. 179-180). 284 Le synode de Manazkert en 726 a été réuni en vue d’une union avec les Syriaques. Voir Livre des Lettres, p. 478; Asołik, II, 2, p. 704 (trad. Greenwood p. 170); Vardan, § 38, p. 73 (trad. Thomson, p. 180). À propos de l’œuvre de Yovhannēs Ōjnec‘i, voir MAHÉ 1993, p. 478-486.

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catholicos Ezr a provoqué le désordre dans le pays d’Arménie. [Yovhannnēs] établit les lectures de saint Jacques et de Cyrille et toutes les fêtes comme l’avait fait saint Grigor. On célébra le 25 décembre David (Dawit‘) le prophète et Jacques l’apôtre, le jour où les autres nations fêtent la naissance du Seigneur; on chanta le šarakan: «Nous avons péché en tout et enfreint votre commandement, maintenant nous nous confessons devant toi»; [cet hymne] est encore [chanté] durant le culte dans les églises d’Arménie, depuis l’an 175 (= 726/727) jusqu’en 690 (= 1241/1242) c’est-àdire jusqu’à nos jours285. Ainsi il organisa tout le pays avec vertu et lui s’adonna à l’étude de la doctrine et la prière [p. 70] Il érigea une grande église dans son village d’Ōjun, tout près de la ville de Lōṙē286 et il choisit son lieu de résidence pas très loin du village et y demeura. Un jour que le saint était en prières, deux dragons (višap) effrayants pénétrèrent dans la maison du vertueux; les voyant ses serviteurs furent épouvantés, ils poussèrent des cris pour que le saint les aide. Le saint se signa devant eux et aussitôt ils se pétrifièrent; ils le sont encore aujourd’hui. De l’eau s’écoule de la panse des dragons et guérit toutes les morsures de serpents de ceux qui avec foi ont recours aux prières du saint. Après avoir occupé le patriarcat onze ans et ayant vécu vertueusement il reposa dans le Christ. Après lui tēr Dawit‘287 occupa le catholicossat treize ans. Il était originaire d’Aramunk‘288 dans le gawaṙ du Kotayk‘289; c’est lui qui transféra le siège d’Aramōnk‘ à Duin. Là il construisit une église et une résidence pour le patriarche car il était tourmenté par la nation criminelle de Muḥammad. Et après lui, tēr Trdat290 fut catholicos vingt-trois ans. Il était du village d’Ōt‘mus291, c’était un homme modeste et saint, qui brillait par toutes ses 285 Voir pour ce passage la Chronique de Michel le Syrien (éd. 1871), p. 338 (trad. Bedrosian, p. 140; Langlois, p. 254-255) qui place cet événement en l’an 1035 (= 724) de l’ère des Syriens, en 164 (= 715/716) de l’ère arménienne ou en 135 (= 686/687) de l’ère arménienne. 286 Lōṙē/Lōṙi se situe au nord-est de l’actuelle ville de Stepanavan, sur la haute rive du Joraget, dans la province de Loṙi en république d’Arménie, voir DONABÉDIAN et MUTAFIAN 2010, p. 249-255. 287 Dawit‘ Aramonec‘i (728-741), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 23, p. 133134 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 168): «Au sujet du patriarcat de Dawit‘ et des autres et de leurs œuvres». 288 Aramunk‘ dans le Kotayk‘ (Ayrarat), voir HŠTB, I, p. 388-389 289 Seizième canton de l’Ayrarat, voir HŠTB, III, p. 224. 290 Sur Trdat I (741-764) voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 23, p. 134 (trad. BoissonChenorhokian, p. 168). 291 Ōt‘mus dans le canton du Vanand, dans la région du Kars, sur le Haut-Axurean en Ayrarat voir BOISSSON-CHENORHOKIAN 1990-1991, note 56, p. 191.

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vertus. Et durant ses jours [p. 71] les incursions ismaélites cessèrent. Après lui, fut catholicos l’autre tēr Trdat trois ans, puis tēr Sion huit ans. Tēr Trdat292 était de Dasnawork‘293, de Buoyn294 et tēr Sion de Bagawan295. Ce dernier fit couler à nouveau grâce à ses prières une source tarie au pied de la montagne appelée Sim296. Après l’empereur Léon, son fils Constantin297 prit la couronne. Il fut surnommé Caballinos (Kawalinos)298 c’est-à-dire ramasseur de crottins299; comme l’armée des tačikk‘ campait sur les rives du fleuve Halys (Alis)300, [Constantin] donna l’ordre de ramasser du crottin et de le jeter dans le fleuve. À cette vue, les tačikk‘ effrayés pensèrent que l’armée [de l’empereur] était innombrable et ils s’enfuirent devant lui. On raconte que [Constantin] tua en un seul jour cinq lions l’un après l’autre301. Puis il prit la ville de Karin302, deux ans plus tard l’émir Yazīd la reconstruisit. Après Marwān, la souveraineté d’Ismaël passa à ῾Abd Allāh (Abdlay), puis après lui un autre ῾Abd Allāh303. C’était un homme impitoyable et cupide, surnommé ῾Abd al dang c’est-à-dire le «père du denier»304, c’est ce que cela signifie en langue des Hagarac‘ik‘, car il aimait plus le denier que Dieu. C’est lui qui fonda Baghdād (Bałdat)305. Il amena de nombreuses 292 Sur Trdat II (764-767), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 23, p. 134 (trad. Boisson-Chenorhokian, note 8, p. 169). 293 Dasnawork‘ est un canton du Turuberan. 294 Il s’agit de Bawon/Bawonk‘ dans le gawaṙ de l’Arac, HŠTB, I, p. 614. Voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 23, p. 135 (trad. Boisson-Chenorhokian, p.169); Asołik, II, 2, p. 706 (trad. Greenwood, p. 172). 295 Il y a un problème dans le texte, voir la note 2, p. 39 de l’édition Venise 1865. 296 Voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 22, p. 134-136 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 169-170) qui relate cet épisode avec beaucoup de verve. 297 Constantin (740-775). Voir PmbZ (Konstantinos V) no 3703; ODB (Constantine V), I, p. 591. 298 Constantin reçoit son surnom principal Copronyme (litt. «au nom de merde») au cours de son baptême, durant lequel il souille les fonts baptismaux. Plus tard, sa passion pour les chevaux lui vaudra le surnom, plus aimable, de Caballinos («chevalin»). 299 Voir NHBL, I, p. 825. 300 Sur le fleuve Halys, act. Ḳızıl Irmaḳ, litt. «rivière rouge» qui se jette dans la mer Noire, voir EI2, V, p. 244. 301 Ce paragraphe provient de Samuēl Anec‘i (année 747 corrigée en 745), p. 158. 302 Sur Karin/Qalīqalā/Theodosioupolis, aujourd’hui Erzurum en Turquie orientale, voir EI2, II, p. 730-731. À propos de la prise de la ville et sa reconstruction par le gouverneur d’Arménie Yazīd, voir Łewond chap. XXIV (28), p. 143 et 144 (trad. Martin-Hisard, p. 142 et 144). 303 Ce sont Abū l-῾Abbās al Saffāḥ (749-754) et son frère al Manṣūr (754-775), premier et second califes ῾abbāsides qui succèdent à Marwān, voir articles «Abū l-῾Abbās» et «al-Manṣūr» dans EI2, I, p. 106 et VI, p. 412-414. Voir Łewond chap. XXIV (28), notes 691 et 693, p. 142. 304 Voir Łewond, note 682, p. 140-141. 305 Voir sur la fondation de la ville, EI2, I, p. 921-936 et MICHEAU 2008.

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iniquités dans le pays d’Arménie [p. 72] à travers des prélèvements de taxes et des rapines, l’accablement était tel qu’il réclamait les impôts des morts aux vivants. L’exploitation des mines d’argent était interrompue dans le pays d’Arménie; ils ravagèrent K‘ałian, Mren et T‘alin où sept cents personnes furent tuées et mille deux cents furent emmenées en captivité306. Mušeł Mamikonean, Samuēl et d’autres azat arméniens furent massacrés par les Ismaélites pendant le temps pascal. À cette époque en l’an 222 [= 773/774] du comput arménien Step‘anos307 prêtre de la cour, connu pour son éloquence, atteint la perfection dans l’art de toute la philosophie et de la grammaire avec une vertu spirituelle. Il y avait dans le pays d’Arménie des éminents et lumineux vardapet, tēr Ep‘rem, Anastas, Xač‘ik, Dawit‘ Hoṙomayec‘i et le grand philosophe Step‘anos Siwnec‘i, disciple de Movsēs dont on a parlé ci-dessus, qui s’occupait de traduire du grec en arménien; en plus de ces traductions il écrivait des hymnes spirituels à la douce mélodie, des šarakan, des antiennes (kc‘urd) et d’autres chants. Il rédigea des commentaires abrégés sur les Évangiles, la grammaire et Job (Yob) et [composa] «Seigneur si des lèvres de la nuit». [p. 73] On dit que saint Step‘anos depuis l’enfance était très versé et instruit dans les livres saints. Une dispute survint avec l’aspet Smbat qui était diophysite. Il le laissa dans l’indocilité puis se rendit chez les Romains; il y trouva un ermite orthodoxe avec lequel il resta et étudia. Lorsque Smbat entendit cela, il écrivit au roi des Romains [l’informant] que Step‘anos était un sectaire qui insultait sa profession de foi et demeurait avec un ermite nommé untel. Le roi très mécontent le manda à la cour. L’ermite conseilla à [Step‘anos] de lui dire: «Je suis un mendiant, un vagabond». Lorsque l’empereur entendit cela, la fureur de sa colère s’éteignit. Step‘anos trouva assez de hardiesse pour supplier l’empereur de lui ouvrir le coffre [renfermant] les livres saints. Il découvrit un livre aux lettres d’or traitant de la foi, il le montra à l’empereur. Celui-ci, l’ayant lu, envoya [Step‘anos] dans la ville de Rome pour y ramener trois ouvrages similaires à propos de la vraie foi et convertir le pays à cette religion. 306 À propos de ces massacres voir Łewond, chap. XLI (33), p. 173 (trad. Martin-Hisard, p. 172); Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 23, p. 136 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 170); Asołik, II, 2, p. 706 (trad. Greenwood, note 235, p. 172). 307 Voir sur Step‘anos († 735), Step‘anos Ōrbēlean, chap. 31, p. 131-144 (trad. Brosset, p. 81-88). Movsēs Kałankatuac‘i, III, 18, p. 320-322 (trad. Dowsett, p. 210-211). Sur ses œuvres, voir la lettre qu’il adressa au patriarche Germain (715-730) dans le Livre des Lettres, p. 435-466 et THOMSON 1995, p. 201-202.

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[p. 74] Mais [Step‘anos], sans se préoccuper de l’ordre de l’autocrate, prit les livres de Rome et partit pour la ville de Duin afin, grâce à eux, d’illuminer son pays. Tēr Dawit‘ consacra Step‘anos évêque de Siwnik‘, à la demande de K‘urd et Babgen išxan de Siwnik‘. Après avoir occupé l’épiscopat un an, il fut assassiné par une prostituée dans le gawaṙ de Mozn308. Son corps fut transporté dans une pièce à Arkazn309 et de là enseveli au monastère de T‘anahat310 (T‘anatac‘ vank‘). Le bienheureux Step‘anos, qui avait apporté les livres de Rome à l’épiscopat de Siwnik‘, fut établi au troisième rang parmi les évêques d’Arménie. Un certain cénobite du nom de No311 eut une vision de Step‘anos la poitrine recouverte de sang qui se tenait devant le Sauveur disant: «Vois ceci, Seigneur, tes jugements sont justes». Il prévint les cénobites de la venue de la colère sur le gawaṙ, et les incita aux prières. Soudain une obscurité impénétrable enveloppa les frontières de Mozan et durant quarante jours la terre s’agita et environ dix mille personnes furent englouties, enterrées vivantes. À cause de cela [l’endroit] s’appelle Vayoc‘ Jor312 jusqu’à aujourd’hui. Les reliques du saint opérèrent des guérisons nombreuses chez ceux qui avec foi, eurent recours au saint homme pour les [p. 75] patients souffrant de divers maux et maladies, car Dieu glorifie ceux qui l’ont glorifié et dans l’autre monde il leur donne ce qu’il a préparé pour les bons, ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme313. Ensuite tēr Esayi314, du village d’Ełapatruš315, appelé par la grâce de Dieu pour les besoins de l’assemblée à la prêtrise, puis à l’épiscopat et au rang de patriarche [qu’il exerça] dignement treize ans316. Après sa mort Ibn Duqla (Ipndokl)317 pilla l’église, puis grâce à de nombreux pots de vin, tēr 308

Sur l’emplacement du canton de Mozn/Moz/Mozan, voir HŠTB, III, p. 850. À propos du village d’Akazn/Arkazan, voir HŠTB, I, p. 455. 310 Sur ce monastère à 7 km de Vernašen, en Vayoc‘ Jor (Siwnik‘), voir DONABÉDIANTHIERRY 1987, p. 582. 311 Son nom serait Nu selon Step‘anos Ōrbēlean, chap. 31, p. 142 (trad. Brosset, p. 87). 312 Litt. «vallée des malheurs» (Վա՜յ ձոր, Վա՜յ ձոր), voir Step‘anos Ōrbēlean, chap. 31, p. 143 (trad. Brosset, p. 87). 313 I Cor, II, 9. 314 Esayi (775-788). 315 Dans le canton de Nig, voir HŠTB, II, p. 189. 316 Sur le catholicos Esayi (775-788), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i chap. 23, p. 137138 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 170). 317 D’après Łewond, chap. XLVIII (41), p. 215 (trad. Martin-Hisard, p. 214), ce personnage nommé Ibndokē aurait été le gendre du gouverneur d’Arménie Sulaymān, voir la note 1054, p. 214-215. 309

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Step‘anos lui succéda un an318. Il était originaire de Duin. Après lui tēr Yovab, un an, de l’Ostan du curopalate319. Après lui, tēr Sołomon, un an, il était du couvent de Mak‘enoc‘320, il était très âgé321. Après lui tēr Gēorg322, trois ans, on l’appelait le purificateur d’écrouelles323, il était d’Aragacotn324. Après lui tēr Yovsēp‘, onze ans, il était d’Aragacotn, résidant à Saint-Grégoire325. [p. 76] Après l’empereur Constantin, la couronne passa à Léon326 et après lui à Constantin327 et à sa mère Irène (Iṙinē)328. Durant leurs jours, [le culte] des images fut restauré à Rome. Ils virent un grand tombeau de marbre et furent frappés d’étonnement et ils donnèrent l’ordre de l’ouvrir. Ils découvrirent une inscription: «Quel intérêt de me cacher car au temps de Constantin et de sa mère Irène, je reverrai le soleil»329. Après avoir régné ensemble dix ans, Constantin déposa sa mère et gouverna seul sept ans. Puis la mère se saisit de son fils, lui fit crever les yeux et régna cinq ans. Après elle, Nicéphore (Nikip‘or)330. À son époque deux frères, Sahak et Yovsēp‘, des Ismaélites [convertis], moururent en martyrs pour le Christ, dans la ville de Karin, le 15 d’arac‘331. Après lui, 318 Selon Łewond chap. XLIX (42), p. 219 (trad. Martin-Hisard, p. 218) son élection fut acceptée par les Arabes moyennant une forte somme d’argent. Sur le catholicos Step‘anos (788-790), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i chap. 23, p. 138 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 171). 319 Sur ce catholicos Yovab (790-791), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i chap. 23, p. 138 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 171). 320 Couvent de Swinik‘, voir DDA, Sevan, no 18, p. 80 sq. 321 Sur ce catholicos Sołomon (791), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i chap. 24, p. 3-4 (éd. Tiflis) (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 173-174). 322 À propos de Gēorg (792-795), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i chap. 24, p. 4-5 (éd. Tiflis) (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 174-175). 323 Le terme employé par Samuēl Anec‘i (année 791 corrigée en 789) p. 161 est հոյլ որբուկն (hoyl orbukn). Nous avons préféré lire les leçons svw et édition de Venise խուլ սրբուկն (xul srbukn). 324 Aragacotn est un canton de l’Ayrarat au pied des montagnes de l’Aragac‘ voir HEWSEN 1992, note 267, p. 211-212. 325 Sur le catholicos Yovsēp‘ (795-806), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i chap. 24, p. 5-6 (éd. Tiflis) (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 175-176); AnjB, III, no 16, p. 711-712. 326 Léon IV (775-780), voir PmbZ (Leon IV) no 4243; ODB (Leo IV the Khazar), II, p. 1209. 327 Constantin VI (780-797), voir PmbZ (Kostantinos VI) no 3704; ODB (Constantine VI), I, p. 501-502. 328 Irène l’Athénienne, régente de l’empire de 780 à 790, puis impératrice de 797 à 802, voir PmbZ (Eirene) no 1439; ODB (Irene), II, p. 1008-1009. 329 Ce passage sur Constantin et sa mère est directement emprunté à Samuēl Anec‘i (année 787 corrigée en 785), p. 160. 330 Nicéphore I (802-811) voir PmbZ (Nikephoros I) no 5301, ODB (Nikephoros I), III, p. 1476-1477. 331 Voir Samuēl Anec‘i (année 798, corrigée en 796), p. 161. Selon DULAURIER 1859, no XXV, p. 252, leur martyre aurait eu lieu le 30 octobre 805. Le Synaxaire arménien les

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régna Michel (Mik‘ayēl)332. Durant ses jours il y eut une effroyable famine. En un seul jour, on découvrit dans la ville de Karin trois mille personnes mortes. Puis après lui Léon333 qui rejeta les images et construisit Bizye (Biwzu) et Arcadiopolis (Arkadupōlis)334. Maintenant cinquante-quatre ans après l’immolation des išxan d’Arménie à Naxčawan335 [p. 77], Ašot Bagratuni devint marzpan d’Arménie durant dix-sept ans336, et après lui Smbat vingt-deux ans337, puis Ašot Msaker vingt ans338, puis Smbat fils d’Ašot, que l’on appelait Ablabas, trente-cinq ans339. Il érigea une sainte chapelle splendidement ornée à Erazgawork‘, aujourd’hui Širakawan340. Après ῾Abd Allāh, la principauté d’Ismaël alla à al-Mahdī (Mahadi)341 puis à Mūsā (Musē)342, et après lui Hārūn (Aharon)343 et après lui al-Amīn (Mahamad)344, puis al-Ma᾿mūn (Mahmun)345, puis Abū Isḥāḳ Muḥammad (Abusahak Mahmet)346 et après lui Hārūn347. commémore le 15 arac‘ (22 janvier), PO 91 [19,1], p. 66-67 [p. 960-961]. 332 Michel I Rhangabe (811-813) voir PmbZ (Michael I Rhangabe) no 4989; ODB (Michael I Rangabe), II, p. 1362. 333 Léon V l’Arménien (813-820), voir PmbZ (Leon V) no 4244; ODB (Leo V the Armenian), II, p. 1209-1210 et SETTIPANI 2006, p. 255-257. 334 Pour ce passage, voir Asołik II, chap. 6, p. 733 (trad. Greenwood, note 441, p. 204). 335 Les événements se sont déroulés en 705-706 pour Łewond, chap. XIV (10), p. 65 (trad. Martin-Hisard, p. 64); en 704 pour Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 21, p. 125 (trad. Boisson-Chenorhokian, note 16, p. 160). 336 Ašot Bagratuni (†758), voir AnjB, I. no 18, p. 182. 337 Smbat (†775), voir AnjB, IV, no 28, p. 542-543. 338 Ašot (†826), voir AnjB, I, no 25, p. 183. 339 Smbat Bagratuni le «confesseur» ou Abū῾l ῾Abbās (851-855), voir AnjB, IV, no 42, p. 545 340 Ville sur l’Axurean, au nord d’Ani dans le Širak. Sur l’église, voir Asołik, III, 3, p. 742 (trad. Greenwood, p. 215) et pour sa description, voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 36, p. 88-89 (éd. Tiflis) (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 239). 341 À propos d’al-Mahdī Abū ῾Abd Allāh Muḥammad (775-785), troisième calife de la dynastie ῾abbāside, voir EI2, V, p. 1228-1229. 342 À propos de Mūsā al-Hādī Ilā l-Ḥaḳḳ (785-786), quatrième calife de la dynastie ῾abbāside, voir EI2, III, p. 23. 343 À propos de Hārūn al-Rashīd (786-809), cinquième calife de la dynastie ῾abbāside, voir EI2, III, p. 239-241. 344 À propos d’al-Amīn Muḥammad (809-813), sixième calife de la dynastie ῾abbāside, voir EI2, I, p. 449-450. 345 À propos d’al-Ma᾿mūn Abū l- ῾Abbās ῾Abd Allāh b. Hārūn al-Rashīd (813-833), septième calife de la dynastie ῾abbāside, voir EI2, VI, p. 315-323. 346 C’est al-Mu῾taṣim bi-llāh Abū Isḥāḳ Muḥammad (833-842) qui succède à son frère al-Ma᾿mūn, voir EI2, VII, p. 777-778. 347 À propos d’al-Wāthiḳ Bi Llāh Abū Ḏj̲a῾far Hārūn b. al-Mu῾taṣim (842-847), neuvième calife de la dynastie ῾abbāside, voir «al-Wāthiḳ Bi Llāh» dans EI2, XI, p. 193-194.

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Après Yovsēp‘, tēr Dawit‘, de Mazaz348, du village de Kakał349 devint catholicos vingt-cinq ans350. Après lui Yovhannēs du gawaṙ de Kotayk‘, du village d’Ovayk‘351, vingt-deux ans352. En sa huitième année, certains délateurs issus de sa maison répandirent des mauvais propos calomnieux contre le saint. Ceux-ci crevèrent pitoyablement comme ceux qui étaient avec l’évêque de Jérusalem Narcisse (Narkēsos)353. Après Yovhannēs, tēr Zak‘aria354, du gawaṙ du Kotayk‘, du village Jag355, en un seul et même jour il fut élevé à la dignité de diacre, prêtre [p. 78] et de catholicos, cet homme saint et vertueux siégea vingt-deux ans356. À son époque, le chef des Ismaélites, un homme sans foi et sans religion se nommait Dja῾far (Jap‘r)357. C’était un homme très envieux du nom du Christ, il invita plusieurs à l’apostasie, beaucoup de ceux qui refusèrent furent tués dans d’amères tortures. Il faisait beaucoup de mal aux pays sous sa domination, en particulier en Arménie, massacrant et réduisant en esclavage358. Il envoya un ostikan du nom d’Abū Sa῾īd (Apusēt‘)359 qui se saisit de l’išxan du Tarōn Bagarat et de beaucoup d’autres. Lorsque les habitants de la montagne Xoyt‘, que l’on appelait Sasunk‘, l’apprirent, ils vinrent et tuèrent Abū Sa῾īd360. Dja῾far fut averti, très en colère, il envoya un général, Canton de l’Ayrarat voir HÜBSCHMANN 1969, p. 365, n° 187. Kakał ou Kakało, voir HŠTB, II, p. 905. 350 À propos du patriarche Dawit‘ (806-833), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 2425, p. 7-9 (éd. Tiflis) (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 176-179); Asołik II, 2, p. 706 (trad. Greenwood, p. 173); Movsēs Kałankatuac‘i, III, 22, p. 334-338 (trad. Dowsett, p. 220223). 351 Ovayk‘ près de Duin sur le site de Yuva, voir TER ŁEWONDYAN 1976, p. 126. 352 Yovhannēs (833-855), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 25, p. 9-10 (éd. Tiflis) (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 179-180); Asołik, II, 2, p. 706 (trad. Greenwood, p. 173) 353 Selon Eusèbe, Histoire ecclésiastique, VI, 9, p. 438-441, Narcisse était le trentième évêque de Jérusalem depuis les apôtres; il est connu pour avoir accompli de nombreux miracles. De «misérables individus» le calomnièrent mais sans résultat, ces individus périrent misérablement. Voir également Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 25, p. 9 (éd. Tiflis), (trad. Boisson Chenorhokian, p. 179). 354 Zak‘aria (855-877) a été élu par un synode réuni à Erazgawork῾ par Smbat Bagratuni Aplabas, voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 26, p. 23-28 (éd. Tiflis) (trad. BoissonChenorhokian, p. 189-193). 355 Sur l’emplacement de ce village à 2 km d’Abovyan, voir HŠTB, III, p. 471. Le bourg aurait été donné à Dawit‘ Surhan par Grigor Mamikonean, voir Vardan, § 36, p. 70 (trad. Thomson, p. 170). 356 L’information selon laquelle Zak‘aria aurait accédé, en une seule journée, au rang de catholicos n’est confirmée par aucune autre source. 357 Al-Mutawakkil ῾Alā llāh Abū l-Faḍl Dja῾far b. Muḥammd (847-861), voir EI2, VII, p. 779-780. 358 Voir le portrait de Dja῾far par T‘ovma Arcruni, II, 5, p. 106-107 (trad. Thomson p. 173). 359 À propos d’Abū Sa῾īd Muḥammad b. Yusuf, voir T‘ovma Arcruni, op. cit., Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 25, p. 12 (éd. Tiflis) (trad. Boisson-Chenorhokian, note 33, p. 181). 360 Ce passage est tiré de Samuēl Anec‘i (année 850 corrigée en 848), p. 164. 348 349

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Bughā (Buxa)361, de la nation turque, un homme fourbe et sans foi qui ravagea le pays d’Arménie [employant] la ruse et les armes, il transféra les prisonniers à Sāmarrā (Samaṙa)362 et par trahison il amena auprès de Dja῾far le sparapet Smbat. Là, celui-ci fut mis en prison afin qu’il renonce au Christ; mais lui n’accepta pas le commandement impie et confessa ouvertement le Christ. Il fut maintenu en prison jusqu’à sa mort. [Smbat] hérita du nom de confesseur. Plusieurs autres martyrs du Christ furent mis à mort par ce scélérat. [p. 79] Un diacre syriaque du nom de Nana fut amené devant Dja῾far à cause de la renommée de sa doctrine; il confessa ouvertement le Christ. Il fut torturé, demeura très longtemps emprisonné puis fut relâché grâce à la sollicitude de Dieu363. Il rédigea un commentaire sur l’Évangile de Jean (Yovhannēs) au style lumineux. De même, Step‘anos dit Kon, un des išxan d’Arménie364, connut la mort du martyre du Christ. Beaucoup renièrent la vérité de Dieu par crainte de la mort. Dja῾far occasionna encore de nombreux maux à notre pays, ce que vous trouverez dans les ouvrages de T‘ovma et Šapuh et d’autres historiographes. En l’année 194 (= 745/ 746) et 1073 des Syriaques, Dja῾far fonda Baghdād sur le Tigre (Tigris) à quatre jours de Babylone (Babilon)365. À cette époque naquit une femme qui vécut trente ans sans rien manger. Après la mort de Smbat le Confesseur, son fils Ašot obtint sa principauté. Il fut plus grand que tous ses prédécesseurs, après avoir exercé la fonction de sparapet, il devint išxan des išxan puis fut couronné par les deux [p. 80] rois, l’ismaélite et le grec. Après Dja῾far, Muḥammad366 prit la couronne, puis Aḥmad (Ahmat)367, puis ῾Abd Allāh368, puis Muḥammad369. Ce dernier institua Ašot išxan des išxan370. 361

À propos du chef militaire turc Bughā al Kabīr (†867), voir EI2, I, p. 1327. Sur la capitale des califes ῾abbāsides de 836 à 892, voir EI2, I, p. 1074-1076. 363 Voir Vardan § 44, p. 82 (trad. Thomson, p. 184). 364 Voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 26, p. 24 (éd. Tiflis), (trad. BoissonChenorhokian, notes 21-23, p. 190). 365 En contradiction avec les lignes précédentes (p. 71) où Kirakos attribue à ῾Abd Allāh al Manṣūr (754-775) la fondation de la ville. Voir également le chapitre 60, p. 377-384 intitulé «À propos de la destruction de Baghdād». 366 À propos d’al-Muntaṣir Bi-llāh Abū Dja῾far b. Dja῾far (861-862), voir EI2, VII, p. 583584. 367 À propos d’Aḥmad b. Muḥammad al-Musta῾īn (862-866), voir EI2, VII, p. 723-724. 368 À propos d’al-Mu῾tazz bi-llāh Abū ῾Abd Allāh Muḥammad b. Dja῾far (866-869), voir EI2, VII, p. 795-796. 369 À propos d’al-Muhtadī bi-llāh Abū ῾Abd Allāh Muḥammad b. Hārūn al-Wāthiḳ (869-870), voir EI2, VII, p. 476-477. 370 Selon Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 27, p. 30 (éd. Tiflis), (trad. BoissonChenorhokian, p. 195), Asołik, II, 2, p. 709 (trad. Greenwood, p. 177), Samuēl Anec‘i (année 362

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Après l’empereur Léon, Michel371 obtint la couronne, puis Théophile (T‘ēop῾ilos)372, puis après lui Michel373, et après lui Basile374 dont on disait qu’il était du Tarōn, du village T‘il375. Il érigea [l’église] du saint Zōravar376, il envoya à nouveau une couronne à Ašot, [renchérissant] sur les Ismaélites. Et le patriarche de Constantinople Photius (P‘ot) écrivit une lettre à Ašot [qu’il envoya] avec un fragment de la croix du Seigneur. Sur l’ordre d’Ašot, le vardapet Isahak écrivit une réponse belle et pleine de sagesse377. Depuis la chute de la royauté Aršakuni jusqu’à la royauté Bagratuni, il s’est écoulé 434 ans. En 334 (= 885/886) du comput arménien Ašot régna378. C’était un homme pieux et craignant Dieu qui ornait les églises, il aimait les serviteurs de Dieu. Il embellit les églises d’Arménie avec une grande et splendide magnificence durant trente-deux ans en tant qu’išxan des išxan et cinq ans [p. 81] comme roi d’Arménie. Puis il passa dans le Christ dans une bonne mort et une vraie profession de foi. Après lui son fils Smbat régna vingt-quatre ans et mourut martyr du Christ à Duin suspendu à un gibet [sur l’ordre] de Yūsuf (Yusup‘) fils d’Abū l Sādj (Apusēt‘)379. Après Zak‘aria, tēr Gēorg380 occupa le catholicossat, il était originaire du chef-lieu de Gaṙni381; il fut emprisonné par les Ismaélites, racheté et délivré par les išxan des Ałuank‘. Puis après lui, tēr Maštoc‘382 catholicos durant un an. C’était un homme saint et vertueux, plein d’intelligence et de 855 corrigée en 853), p.166, Vardan § 44, p. 82 (trad. Thomson, p. 184), c’est ῾Ali al-Armani (†863) qui établit Ašot išxan des išxan d’Arménie à la demande du calife al-Musta῾īn (862866). 371 Michel II (820-829), voir PmbZ (Michael II) no 4990; ODB (Michael II), II, p. 1363. 372 Théophile (829-842), voir PmbZ (Theophilos) no 8167; ODB (Theophilos), III, p. 2066. 373 Michel III (842-867), voir PmbZ (Michael III) no 4991; ODB (Michael III), II, p. 1364. 374 Basile Ier le Macédonien (867-886), voir PmbZ (Basileios I) no 882; ODB (Basil I), I, p. 260. 375 T‘il se trouve à l’est de Muš, voir HŠTB, II, p. 450. 376 Cette information provient de Samuēl Anec‘i (année 866 corrigée en 864), p. 167. 377 Sur la correspondance de Photius et Sahak, voir Asołik, III, 2, p. 741 (trad. Greenwood, note 20, p. 212) et l’étude DORFMANN-LAZAREV 2004, p. 86. 378 Voir sur Ašot, Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 29, p. 37-38 (éd. Tiflis), (trad. Boisson-Chenorhokian, notes 2, 3 et 5, p. 201-202), T‘ovma Arcruni, II, 21, p. (trad. Thomson, p. 293), Asołik, III, 2, p. 740-741 (trad. Greenwood, p. 210-211), Samuēl Anec‘i (année 887 corrigée en 885), p. 168, Vardan, § 45, p. 85-86 (trad. Thomson, p. 186-187). 379 Voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 44-50, p. 127-163 (éd. Tiflis) (trad. BoissonChenorhokian, p. 263-286) et article «sadjīdes», EI2, VIII, p. 766-767. 380 Gēorg (878-898), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 28 et 33, p. 35, p. 68-73 (éd. Tiflis) (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 200 et p. 226-229). 381 Gaṙni dans le canton d’Ostan (région de Duin), voir HŠTB, I, p. 792. 382 Maštoc‘ Ełivardec‘i (898-899), voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 36, p. 85-87 (éd. Tiflis) (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 238-239).

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sagesse, il demeurait dans l’île de Sewan pratiquant un grand ascétisme; durant quarante ans, il ne mangea pas de pain, ne but pas d’eau, ne porta qu’un seul vêtement et resta pieds nus. Il a rédigé un livre, qui est appelé d’après lui maštoc‘, rassemblant et ordonnant toutes les prières et lectures383, avec des additions de son cru qui possédaient toutes les règles de la foi chrétienne. Ayant atteint un grand âge, il se reposa dans le Christ glorieusement. Son corps fut transporté dans le cimetière de Gaṙni près du merveilleux tombeau de Trdat et là on y construisit une belle église. Tēr Yovhannēs384 lui succéda, c’était son disciple et parent, [p. 82] vingt-huit ans. C’était un homme sage et rationnel [originaire] du chef-lieu de Gaṙni [comme] le saint patriarche Gēorg. Il a écrit une histoire bien composée retraçant les très grandes souffrances causées par la nation sans foi des fils de Hagar (Hagarac‘ik‘) dans tous les pays385. Maintenant, en ce lieu je vais me répéter un peu au sujet de la discorde [née] parmi la méchante nation des Ismaélites, car selon l’ordre de notre sauveur et Dieu, le seigneur Jésus-Christ: Tout royaume divisé contre luimême court à la ruine386; ce qu’ils ont fait en se divisant en plusieurs principautés. Ainsi Sop‘ar gouvernait le territoire du Khurāsān (Xorasan)387, Awalik Aput‘oros la ville de Baṣra (Basra)388, Yisē fils de Šexay la Palestine, le fils d’Apltp‘ le pays de Dilman389. D’autres avaient suscité, dans différents endroits, des soulèvements en essayant de les gouverner par la force. Il est très difficile de connaître le nom de ces impies. Mais [on connaît] ceux qui ont été envoyés dans notre pays, des ostikan méchants et inhumains, tels le féroce Bughā390, le très inique Afshīn (Ap‘šin)391 fils du cruel Abū l Sādj392 Sur le livre du rituel ou maštoc‘, voir AREVŠATYAN 1986-1987, p. 154. Il s’agit de Yovhannēs Drasxanakertc‘i (898-925?). Sur son accession au siège patriarcal, voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 36, p. 87-88 (éd. Tiflis) (trad. BoissonChenorhokian, p. 239 et note 10, p. 9). 385 Son Histoire couvre la période allant de Noé jusqu’en 923/924. 386 Mt XII, 25. 387 Le Khurāsān est une province située à l’orient du plateau iranien et au sud de l’Asie Centrale, voir EI2, V, p. 57-61. 388 Ville à 420 km au sud-est de Baghdād, voir EI2, I, p. 1117-1120. 389 Le pays de Dilman est la région de Salmās. Ce passage provient de Samuēl Anec‘i (année 903 corrigée en 901), p. 169. 390 À propos de Bughā al Kabīr, officier turc au service des califes († 862), voir Yovhannēs Drasxanakerc‘i, chap. 25, p. 13-21 (éd. Tiflis) (traduction Boisson-Chenorhokian, p. 182187); EI2, I, p. 1327. 391 Sur al Afshīn Muḥammad b. Abū l Sādj, voir Yovhannēs Drasxanakerc‘i, chap. 31, 33, 35, p. 61-65, p. 67-73, p. 81-85 (éd. Tiflis) (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 218-221, 226-229, 235-237). 392 Sur le fondateur de la dynastie des Sādjides (IXe-Xe siècle) qui gouverna l’Ādharbaydjān, l’Arrān et l’Arménie pour le compte des ῾Abbāsides, voir EI2, VIII, p. 766-767. 383

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venu auparavant [en Arménie] ou Yūsuf393 frère d’Afshīn, pire corrupteur [p. 83] qui tua le roi Smbat à Duin et qui couronna un certain Gagik de la maison des Arcruni, fils de Derenik, un homme bon et pieux, fils de la sœur du roi Smbat Bagratuni. [Gagik] érigea sur l’île d’Ałt‘amar, qui se trouve sur la mer de Bznunik‘ une ville royale et une église à la splendide et merveilleuse architecture. Tous ces méchants gouverneurs étaient venus dans notre pays pour détruire et ruiner jusqu’à ce que la royauté des amīr al-mu῾minīn (amirmunik‘) cessa et soit remplacée par celle des Scythes (Skiwt‘acik‘) [= Saldjūḳides]394; ils ne pensaient pas comme les Grecs, c’étaient des barbares qui battirent et assujettirent de nombreuses nations. Ils gouvernèrent entre autres la principauté des tačikk‘ qu’ils subjuguèrent. Mais nous n’avons trouvé nulle part leur nom, nous n’avons pas pu les signaler; ainsi, ils ne sont pas comptés dans le livre de vie, mais sur les colonnes d’impiété. À cause de cela, nous les laisserons comme des hommes qui, confiant dans leur force, ont été expulsés des lambris divins. Au début de la domination des Turcs (T‘urk‘) cinquante hommes de la nation arménienne tourmentés par eux, allèrent en armes dans le désert et vinrent à Mar῾ash (Maraš)395. Ils y trouvèrent un homme courageux du nom de Philaretos (P‘ilartos)396, un Arménien (hay), ils en firent leur chef, pénétrèrent en Cilicie (Kilikia) et se saisirent de tout le territoire. Il y avait parmi eux, les Ṙubineank‘ [p. 84] de race royale. Jusqu’au sultan MalikShāh (Melik‘ šah)397, le très savant vardapet appelé Sarkawag398 a écrit les raisons de leur gouvernance, ce que Samuēl le Prêtre a répété. Il écrivit aussi sur son père le sanguinaire Alp Arslan (Alp‘aslan)399 et le père de celuici et ses aïeux, Toghril beg (Tułril bēk), Maḥmūd (Mahmut) et Saldjūḳ (Salčuk)400. 393 Sur Yūsuf, voir Yovhannēs Drasxanakerc‘i, chap. 39, 40, 42, 43, 44, 46-49, p. 100, p. 103-108, p. 113-114, p. 123-127, p. 127-130, p. 138-158 (éd. Tiflis) (trad. BoissonChenorhokian, p. 246, p. 249-251, p. 255-256, p. 260-262, p. 263-264, p. 270-283). 394 À propos de la dynastie turque des Saldjūḳides, voir EI2, VIII, p. 967-1012. 395 Mar῾ash (moderne Kahramanmaraş) dans la province de Muş en Anatolie, voir sur son histoire, EI2, VI, p. 490-496. 396 Ces passages concernant les Saldjūḳides et Philarète sont anachroniques et dérivent de la Chronique de Michel le Syrien, (éd. 1871), p. 399 (traduction Bedrosian, p. 165 et Langlois, p. 293). À propos de Philaretos Brakhamios, voir DÉDÉYAN 1996, p. 81-83. 397 Malik-Shāh Ier b. Alp Arslan (1072-1092), voir EI2, VI, p. 258-260. 398 Yovhannēs Sarkawag (†1129) surnommé Imastasēr, théologien, philosophe a écrit une Histoire aujourd’hui perdue, voir sur ses œuvres THOMSON 1995, p. 226-228. 399 Alp Arslan deuxième sultan de la dynastie saldjūḳide (1063-1072), voir EI2, I, p. 432433. 400 Voir «Les origines et l’histoire primitive» [des Saldjūḳides] dans EI2, VIII, p. 969-972.

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Reprenons le cours de nos propos là, où nous en étions, laissons de côté cela, nous dirons à haute voix: ils ont été retranchés de ta main401, [mais] nous [sommes] ton peuple le troupeau de ton bercail402. Sept ans après la mort de Smbat Bagratuni, l’Arménie fut gouvernée par son fils Ašot403 sur l’ordre de l’empereur Romain (Ṙomanos) durant huit ans404. Après l’empereur Basile régna Léon405, puis Alexandre (Alēk‘s)406. Après lui, Romain407, qui chassa tous les religieux et prêtres arméniens vivant sur le territoire des Romains [= Byzantins] car ils n’acceptaient pas la doctrine de Chalcédoine. Ils rentrèrent dans le pays d’Arménie aux jours d’Abas, fils de Smbat, et fondèrent les monastères de Kamrǰajor408, Kaputk‘ar409 dans le gawaṙ d’Aršarunik‘, l’extraordinaire couvent du nom de Hoṙomos et Dprēvank‘410 dans le gawaṙ de Širak. Il érigea une église du nom de [p. 85] la très sainte Mère de Dieu dans le monastère de Sanahin411 aux frontières de la ville de Lōṙē. Comme les prêtres étaient appelés prêtres de Hoṙomoc‘ (des Romains), ils nommèrent Hoṙomoc‘ vank‘ un couvent du gawaṙ de Širak et depuis lors on dit monastère des Romains412. Après Romain, Constantin413, le fils de Léon régna, puis après lui Romain414, puis Nicéphore415 et enfin Tzimiskès (Kiṙžan)416. 401

Ps LXXXVIII (LXXXVII), 6. Ps LXXIX (LXXVIII), 13. 403 Ašot Erkat‘ (†929). 404 Voir Asołik, III, 7, p. 748 (trad. Greenwood, p. 222). 405 Léon VI (886-912) second fils de Basile I, voir ODB (Leo VI), II, p. 1210-1211. 406 Alexandre (912-913), voir ODB (Alexander), I, p. 56-57. 407 Romain Lécapène I (919-944), voir PmbZ (Romanos I Lakapenos) no 26842; ODB, III, p. 1806. 408 Sur l’emplacement de ce couvent voir HŠTB, II, p. 924. 409 Kaput[a]k‘ar litt. «la roche bleue» devait se trouver dans le village de Kapoyt en Aršarunik‘ à quelques kilomètres au sud-ouest de Kamrǰajor, voir HŠTB, II, p. 955. 410 Ce monastère a été identifié avec celui de Karmirvank‘ («le couvent rouge») du village de Yağdesen au nord d’Ani voir TOTOYAN-BALADIAN 2005-2007, p. 304. 411 Sanahin dans le gawaṙ de Jorop‘or sur ce monastère voir DDA, Sanahin, no 3. 412 Asołik, III, 7, p. 752 (trad. Greenwood, p. 227) et Samuēl Anec‘i (année 932 corrigée en 930, p. 173) ne connaissent pas cette tradition à propos du couvent Hoṙomoc῾. Ce couvent appelé aussi Xošavank (Kirakos, chap. 43, p. 310) se trouve dans le Širak, il a été fondé en 930, voir DONABÉDIAN-THIERRY 1987, p. 537-538 et «History of the monastery of Hoṙomos» de MAT‘EVOSYAN 2015, p. 17-53. 413 Constantin (913-959), voir PmbZ (Konstantinos VII) no 23734; ODB (Constantine VII Porphyrogennetos), I, p. 502-503. 414 Romain II (959-963), voir PmbZ (Romanos) no 26834; ODB (Romanos II), III, p. 1806-1807. 415 Nicéphore Phocas (963-969), voir PmbZ (Nikephoros II Phokas) no 25609; ODB (Nikephoros II Phokas), III, p. 1478-1479. 416 Jean Ier Tzimiskès (969-976), voir PmbZ (Ioannes I Tzimiskès) no 22778; ODB (John I Tzimiskes), II, p. 1045. 402

HISTOIRE SUCCINCTE ET LISTE DES NOMS [DEPUIS] SAINT GRIGOR

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Après Yovhannēs, tēr Step‘anos417 occupa le catholicossat durant un an, puis tēr T‘ēodoros418, onze ans, puis tēr Ełisē 419 sept ans, puis tēr Anania Mokac‘i420 pour vingt-deux ans. Durant ses jours, il y avait un évêque des régions de Siwnik‘, Yakob, qui commença à introduire des nouveaux usages dans les discours et rituels, il y avait également un autre évêque du nom de Xosrov qui disait: «il ne faut pas prononcer le jour du Seigneur kiwrakē mais kiwṙiakē, car c’est du grec; il dit de même aux gens du commun de laisser allonger les cheveux des enfants, de ne pas les couper jusqu’à ce qu’ils deviennent longs et qu’ils soient emmurés (pataṙnul), c’est pour cela, disait-il, qu’on les appelle patani (jeunes garçons); puis il ordonnait de couper (ktrel) [les cheveux], c’est pour cela qu’on les appelle (ktrič) braves. Il disait [aussi]: un évêque ne doit pas offrir de présents au chef des évêques, c’est-à-dire au catholicos car ce dernier n’a rien de plus en fait de sacerdoce421 [p. 86] si ce n’est un simple titre422». Et il remplissait le pays de propos insensés et à cause de ces nouveautés la révolte éclatait partout. Tēr Anania lui écrivit des lettres d’avertissement le pressant de renoncer à ces absurdes et vains discours. Mais lui, au lieu de se repentir, devint encore plus éhonté, pensant qu’il était sage et eux des ignorants, il fut nécessaire de lui écrire deux, trois fois. D’autres savants vardapet lui écrivirent, lui rappelant les détails des institutions selon les Écritures. Mais lui garda le même esprit d’impiété et dédaigna tout le monde. Puis Yakob se révolta contre le catholicos et se retrancha dans une forteresse de Siwnik‘. Le catholicos l’excommunia et écrivit à la dame de Siwnik‘ lui demandant de le lui livrer afin que par ses conseils, peut-être il se repente. Mais ils ne le lui livrèrent pas, il les excommunia aussi. Yakob demeura dans les mêmes dispositions jusqu’à sa mort. Puis tēr Anania vint au Siwnik‘ pour soumettre les rebelles. Lorsque les išxan de Siwnik‘ apprirent la venue du patriarche, ils allèrent au-devant de lui en confessant leurs péchés. Ils lui remirent un serment écrit selon lequel ils ne se rebelleraient plus contre le trône de saint Grigor, de génération en génération. Puis [Anania] consacra 417 Step‘anos Ṙštuni (929-930), voir Samuēl Anec‘i (année 927 corrigée en 925), p. 172. 418 T‘ēodoros Ṙštuni (930-941), voir Samuēl Anec‘i (année 928 corrigée en 926), p. 172. 419 Ełisē Ṙštuni (941-946), voir Samuēl Anec‘i (année 939 corrigée en 937), p. 173. 420 Anania Mokac‘i (941-963?), voir ZUCKERMAN 2014, «Catholicos Anania of Mokk‘ on Himself and on Armenia’s Rulers», p. 843-846. 421 Litt. bénédiction. 422 Voir BOISSON 2014, p. 774-775 traduction de la lettre, p. 830-833.

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archevêque un de leur nation [p. 87], qui auparavant occupait le siège d’évêque de Siwnik‘. Il fit cet honneur aux išxan de Siwnik‘, il donna l’ordre que l’on porte une croix devant l’archevêque de Siwnik‘, [partout] où il irait. Après la mort de tēr Anania, son trône fut occupé par tēr Vahan de Bałk‘, un an423. Il fit alliance avec les Ibères à propos de l’unité de la confession de foi. À cause de cela, de nombreux évêques et moines à la conduite austère furent rassemblés dans la forteresse d’Ani dans le royaume d’Ašot, fils d’Abas. Ils reconnurent et confirmèrent la dissidence de son esprit pernicieux car il avait apporté des images pour restaurer l’hérésie de Chalcédoine; ils le déclarèrent hérétique et le chassèrent424. Ensemble ils placèrent, sur le trône du saint Illuminateur, Step‘anos un parent du saint homme de Dieu Maštoc‘ par le sang, qui [résidait] dans l’île de Sewan. [Step‘anos] suivait ses mœurs, il occupa le siège patriarcal deux ans425. Mais parce que Vahan(ik) était encore vivant, [installé] au Vaspurakan, certains esprits simples furent convaincus qu’il était faux de croire la rumeur d’hérésie à son propos. À cause de cela, les anathèmes se multiplièrent au beau milieu de l’Arménie. Mais grâce à l’ordre de Dieu, les deux moururent la même année et, durant une année, le [trône] fut vacant. Alors le roi Ašot, surnommé le Miséricordieux, ordonna que des hommes choisis et des saints évêques se réunissent pour instituer sur le trône patriarcal un homme de Dieu admirable [p. 88] tēr Xač‘ik426, parent du grand patriarche tēr Anania. Les paroles de sa doctrine fermèrent la bouche des schismatiques; [cet] amoureux des saints et du Christ occupa le trône dix-neuf ans. Après lui tēr Sargis427, vingt-quatre ans. Après Ašot, son fils Smbat appelé Šahnšah régna428. Durant son règne, les remparts d’Ani furent dotés de hautes tours avec de vastes espaces, du fleuve Axurean jusqu’à un endroit appelé vallée de Całkoc‘k‘429. Il fonda la splendide église kat‘ołikē dans la ville mais il ne put l’achever. Il fut fauché par la mort après avoir régné treize ans430. 423 424

Vahan (968-969?), voir Samuēl Anec‘i (année 969 corrigée en 967), p. 175-176. Sur Step‘anos (970-972), voir Asołik, III, 8, p. 756-757 (trad. Greenwood, p. 233-

234. 425

Voir Asołik, III, 8, p. 756 (trad. Greenwood, p. 233 et note 163). À propos de Xač‘ik (972-991), voir Asołik, III, 9, p. 758 (trad. Greenwood, p. 237). 427 Sargis (992-1016), voir Asołik, III, 31, p. 810 (trad. Greenwood, p. 295). 428 Smbat (977-989). 429 Voir sur le site de Całkoc‘k‘, la «vallée des fleurs», KARAPETYAN 2011, Ani 1050, p. 232-234. 430 Ce paragraphe provient de Samuēl Anec‘i (année 981 corrigée en 979), p. 178. 426

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Durant ses jours, on commença la construction de la fameuse congrégation de Marmašēn grâce au dévot išxan Vahram431. Après [Smbat] régna Gagik, son frère, vingt-neuf ans. Il érigea la magnifique [église] de saint Grigor au-dessus de la vallée de Całkoc‘k‘, sur le modèle de la superbe [église] de saint Grigor construite par le patriarche Nersēs432. Elle fut achevée en l’an mille de l’incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ, [p. 89] en l’an 447 (= 998/999) du comput arménien433. Son épouse la reine Katramitē, termina la sainte église kat‘ołikē que le roi Smbat n’avait pas pu achever434. Smbat Magistros construisit le désirable monastère appelé Bagnayr435. Après l’empereur Tzimiskès (Kiṙžan), Basile436 prit la couronne et régna durant cinquante années. C’était un homme bon, en particulier envers la nation arménienne, il abandonna la profession de foi de Chalcédoine pour suivre la vérité avec nous. Il vint dans le pays de Cilicie (Kilikec‘woc‘ ašxarh) et fut baptisé dans le couvent arménien nommé Pałakjiak à qui il donna des villages, des domaines et beaucoup d’autres choses437. Après tēr Sargis, tēr Petros438 occupa le siège catholicossal trente-neuf ans. Après Gagik Šahnšah, son fils Yovhannēs régna vingt ans. Durant ses jours, le très honorable Vest Sargis après avoir construit de nombreuses citadelles et églises, érigea le glorieux monastère de Xc‘kōnk‘ et une église au nom de saint Sargis439. Il transforma le monastère de Caṙak‘ar440 en forteresse, le dotant de murailles solides et d’une église à l’intérieur441. 431 Voir Samuēl Anec‘i (année 989 corrigée en 987), p. 179. Le couvent a été fondé par Vahram Pahlawuni, fils de Grigor Hamzē et Šušan. Sur le monastère, voir CUNEO 1992, p. 419-471. 432 Voir Samuēl Anec‘i (année 995 corrigée en 993), p. 180. 433 Sur l’architecte Trdat, voir MARANCI 2011, p. 101-126. 434 Voir Samuēl Anec‘i (année 1010 corrigée en 1008), p. 182. 435 Voir Samuēl Anec‘i (année 1012 corrigée en 1010), p. 182. 436 Basile II (976-1025), voir ODB (Basil II), I, p. 261-262. 437 Cette information provient de Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 49-50 (trad. Dostourian, I, 46, p. 46), reprise par Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 25-26 et Kirakos qui seul mentionne le fait que l’empereur, renonce au chalcédonisme après son baptême. 438 Petros (1019-1058), voir Aristakēs, chap. 2, p. 28 (trad. Canard-Berbérian, p. 11). 439 L’église Saint-Sargis du monastère de Xc‘kōnk‘, fondée par Vest Sargis en 1024, est décrite par MAT‘EVOSYAN 2010, Ani-Širak, p. 220–221. Voir également DONABÉDIANTHIERRY 1987, p. 588-589, l’ensemble monastique se trouve près de la ville de Digor (Tekor), à 25 km d’Ani. Voir Samuēl Anec‘i (année 1026 corrigée en 1024), p. 183. 440 Sur ce monastère qui se situe à 5 km au sud-est de Kechror, dans la région de Kars, voir l’étude de KARAPETYAN 2014, p. 29-47. 441 Ce paragraphe provient de Samuēl Anec‘i (année 1026 corrigée en 1024), p. 183; Mxit‘ar Ayrevanec‘i (éd. 1860), p. 58.

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Le roi Yovhannēs, mécontent du patriarche [p. 90] Petros, le mit en prison et fit consacrer comme catholicos à sa place un certain Dēoskoros, supérieur de la sainte congrégation de Sanahin442. Puis le catholicos des Ałuank‘, Yovsēp‘, réconcilia le roi et le patriarche qui fut libéré de prison. Lorsque la multitude des ṙamik de la ville d’Ani apprirent la libération du catholicos de sa prison, elle se précipita avec audace contre Dēoskoros et déchira le voile de son visage, le jour de la révélation du Seigneur, durant la bénédiction de l’eau — à cette époque les catholicos portaient le voile — il fut chassé ignominieusement de la ville, et Petros fut réinstallé sur son trône. Dēoskoros retourna tristement à Sanahin, dans sa maison, et mourut, il fut déposé près de l’église443. Durant la principauté de Zak‘arē(ia) et du vénérable vardapet Grigor, supérieur de Sanahin, fils de Tute444, les habitants de la ville d’Ani envoyèrent un tailleur de pierres, originaire de leur ville, à Sanahin pour qu’ouvertement ou secrètement il ramène en ville une partie des reliques de Dēoskoros: «Car c’est à cause de lui, disaient-ils, que les étrangers continuellement [p. 91] massacrent [les habitants] de la ville. Peut-être pardonnera-t-il à la ville la présomption dont ont fait preuve nos pères envers lui.» Une nuit, l’homme voulut ouvrir le tombeau et prendre quelques os. Mais il fut frappé d’une grande peur et ne put l’ouvrir, il alla raconter cela au vardapet Grigor, qui lui dit: «Je n’oserai pas faire ce genre de chose jusqu’à ce que vienne et s’assemble ici la multitude des habitants d’Ani, puis eux et nous, nous l’implorerions et demanderions pardon sur ses reliques». Mais la proposition fut suspendue car personne ne s’y intéressait445. Après Yovhannēs, Gagik, fils d’Ašot exerça la royauté deux ans446. Yovhannēs, [appelé] aussi Smbat étant mort, les išxan et l’armée ensemble ainsi que le patriarche Petros se réunirent dans la très glorieuse [église] 442 À propos de Dēoskoros, catholicos de 1037-1038, voir le point de vue négatif à l’encontre du patriarche par Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 76-78 (trad. Dostourian, I, 66, p. 6163), Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 32-33, YOVSĒP‘EAN 1951, colophon no 97, col. 219, MAT‘EVOSYAN 1988, colophon no 103, p. 86. 443 À propos de sa destitution et de son retour à Sanahin, voir YOVSĒP‘EAN 1951, colophon no 98, col. 221-222 et MAT‘EVOSYAN 1988, colophon, note 2, p. 99. ŌRMANEAN, Azgapatum, I, § 835-837, col. 1213-1217. 444 Voir Kirakos, chap. 5, p. 171. 445 Il se peut que cette légende provienne de la Chronique de Yakob K‘arap‘nec‘i/ Sanahnec‘i, qui fut le disciple de Dēoskoros. Sur Yakob, voir Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 226-227 (trad Dostourian, II, 80, p. 149). Sur la Chronique de Yakob dont il ne subsiste que quelques fragments, voir XAČ‘IKYAN 1971, p. 22-47. 446 Gagik (1041-1045), voir Samuēl Anec‘i (année 1042 corrigée en 1040), p. 185.

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kat‘ołikē d’Ani et placèrent Gagik, le fils du frère de Yovhannēs, roi audessus d’eux, puis ils s’engagèrent par un serment écrit et scellé à le servir ensemble. Mais [le roi] n’avait aucune inclination pour la guerre qui mène le monde, à une époque où il convenait surtout de déployer son courage car la principauté des Ismaélites était en pleine confusion, les Scythes [= Saldjūḳides] les attaquaient comme nous l’avons montré [p. 92] auparavant. [La principauté] des Grecs s’agitait de même. Mais [Gagik] qui, depuis l’enfance était entrainé à l’étude de la littérature, passait son temps à cela. Lorsque la nation des Grecs réalisa cela, elle l’appela perfidement auprès d’eux; il fut pressé aussi par les išxan qui trahirent leur serment de lui être loyaux. L’accomplissement de cette action causa la ruine des hommes et du pays car les Grecs l’enfermèrent dans une île, lui qui était venu vers eux, et instituèrent des gouverneurs à sa place pour un an. Les habitants de notre pays s’élevèrent les uns contre les autres, dans une morgue absurde, ils s’attaquèrent les uns les autres avec fourberie, mentant, fomentant des complots, se dénonçant les uns les autres à l’empereur, les išxan accusant même le patriarche d’avoir aidé les Hagarac‘ik‘ et lui, eux. Ils furent amenés contre leur volonté loin de leurs demeures. Ceux qui restaient étaient sans maîtres et étaient roués de coups, les Grecs gouvernèrent vingt et un ans447. Après cela, un feu brûlant venu du sud apporta la bête dévoreuse d’hommes embrasant et exterminant entièrement notre nation, ravageant la ville d’Ani qui fut assiégée durant vingt-sept jours, puis prise [p. 93], les habitants de la ville d’Ani furent massacrés et la bête sanguinaire que l’on appelait Alp Arslan (Alp‘aslan)448 n’eut de compassion pour personne. Notre sceptre royal nous fut ôté mais subsistaient quelques seigneuries comme [celle de] Kiwrikē, de la famille des Bagratuni449, dans la ville de Lōṙē et des environs, et l’autre celle de Gagik roi du Vanand et de Kars450 qui se rendit auprès des Grecs; toutefois le principal [royaume] disparut au temps de Gagik, certains se livrèrent aux mains du dragon et d’autres s’enfuirent auprès de l’empereur des Grecs. Ils dominèrent entièrement 447 Ces deux paragraphes proviennent de Samuēl Anec‘i (année 1047 corrigée en 1045), p. 186. 448 Alp Arslan (1063-1073) deuxième sultan de la dynastie saldjūḳide, voir EI 2, I, p. 432-433. 449 Kiwrikē (1053-1100?), voir sur le royaume bagratide du Loṙē, MUTAFIAN 2012, I, p. 267-268. 450 Gagik (1049-1064), voir le chap. «Le royaume bagratide de Kars» de MUTAFIAN 2012, I, p. 266-267.

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le pays. À ceux qui avaient émigré, les Grecs donnèrent des terres et des villes dans la région de Césarée et Sébaste (Sebastia)451 aux deux rois Gagik452. Puis l’empereur combla de très grands honneurs le catholicos Petros, il le fit asseoir sur un trône en or. Lorsqu’il se leva et voulut sortir, un évêque du nom d’Ełisē retira le siège en or sur lequel le catholicos s’était assis. Les serviteurs de la cour ne le laissèrent pas l’emporter. L’empereur demanda à l’évêque: «Pourquoi fais-tu cela?». L’évêque répondit: «C’est notre loi [p. 94] selon laquelle seul le catholicos peut s’asseoir sur son trône». L’empereur s’émerveilla de l’honneur que l’évêque avait montré au catholicos et donna l’ordre aux serviteurs de laisser l’évêque l’emporter. Il lui dit: «Ce siège vaut 7 000 dahekan. Prends-le et garde-le en l’honneur de ton catholicos»453. Le jour de la Révélation du Seigneur, tous les chrétiens et une foule nombreuse se réunirent dans la ville de Trabzon (Trapizon)454 pour bénir l’eau comme il est de coutume chez les chrétiens. Les Grecs, jaloux des Arméniens, avaient placé le patriarche Petros et son assemblée en amont, tandis qu’eux se trouvaient dans le bas du fleuve; considérant que la bénédiction arménienne était imparfaite, placés ainsi en bas ils voulaient bénir à nouveau ce que les Arméniens avaient consacré. Ils avaient entraîné une colombe blanche à plonger dans l’eau puis à s’envoler, dupant ainsi les crédules qui pensaient que l’Esprit saint était descendu sous forme de colombe. Lorsque le patriarche Petros pria, l’eau du fleuve coula en sens inverse, une lumière vive apparut, éclipsant les rayons du soleil. Leur colombe vint pour plonger dans l’eau comme d’habitude, [p. 95] mais soudain un aigle fondit sur la colombe, s’en saisit et s’envola. Tous les Grecs eurent terriblement honte et contre leur volonté louèrent la foi des Arméniens455. L’empereur donna l’ordre au patriarche Petros d’installer son trône à Sébaste et d’y conduire son troupeau. 451

Aujourd’hui Sivas en Turquie, voir «Sīwās» dans EI2, IX, p. 718-720. Hormis la phrase concernant Alp Arslan «la bête sanguinaire», les deux paragraphes sont directement issus de Samuēl Anec‘i (année 1047 corrigée en 1045), p. 187. 453 Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 106 (trad. Dostourian, I, 93, p. 78) raconte avec force détails l’épisode concernant le trône en or. Le trône valait selon lui 1 000 dahekan. 454 Trabzon ou Trébizonde (d’après son nom antique) est une ville au bord de la mer Noire, au nord de l’Anatolie, voir «Ṭarabzun» dans EI2, X, p. 234-236. 455 À propos de ce miracle, voir Aristakēs, chap. 2, p. 31-32 (trad. Canard-Berbérian, p. 15); Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 26-27; Vardan, § 52, p. 93 (trad. Thomson, p. 191). 452

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Le patriarche y demeura jusqu’à sa mort. Il fut enterré à Sébaste après avoir occupé le catholicossat pendant trente-neuf ans. Après lui tēr Xač‘ik456, pour peu de temps. Puis ils se réunirent en un même lieu, et installèrent sur le siège patriarcal tēr Vahram457, qu’ils appelèrent Grigoris. Il était de la ville de Bǰni, c’était le fils de Grigor Magistros458, le petit-fils de Vasak le Martyr, c’était un homme savant et vertueux. [Grigoris] demanda à son père de commenter l’art grammatical459 car c’était un philosophe et [Grigor] le rédigea avec des termes techniques. Cet admirable patriarche traduisit du grec et du syriaque de nombreux discours sur les martyrs de Dieu et [composa] des panégyriques. Au bout de quelque temps, il se mit en tête d’aller dans la ville de Rome pour vénérer les reliques des saints apôtres Pierre et Paul partageant son projet avec un certain vardapet Gēorg. Appelant son troupeau, [p. 96] évêques, prêtres et išxan, il leur parla de ses intentions. Eux, versèrent des larmes amères et le supplièrent de ne pas les laisser orphelins et sans pasteur. Il leur dit: «J’ai fait un vœu et il m’est impossible de le rompre. Trouvez-vous un homme que je consacrerai à ma place.» Le messager qui était le vardapet Gēorg dont on a parlé ci-dessus, lorsqu’il vit que l’assemblée n’acceptait pas [l’idée], qu’elle persistait dans ces mêmes supplications, et que l’on ne trouvait personne pour remplacer Grigoris, alors il leur dit: «Pourquoi le supplier autant, il a fait le vœu de partir et je suis bien informé de son projet qui ne changera pas maintenant. Je suis là, moi, qu’il me consacre à sa place.» 456 Xač‘ik (1058-1065), neveu de Petros fut désigné catholicos, du vivant de son oncle avant que ce dernier ne se rende à Constantinople auprès de l’empereur, voir Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 104 et p. 137 (trad. Dostourian, I, 93, p. 77 et II, 7, p. 91). Il fut selon Aristakēs, chap. 14, p. 82-83 (trad. Canard-Berbérian, p. 73-74) retenu trois ans à la cour de Constantinople puis assigné à résidence à Tar[a]nta (Derend) à l’ouest de Mélitène (Malaṭya). Il mourut en 1065 selon Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 138 et p. 153 (trad. Dostourian, II, 14, p. 97 et II, 25, p. 106); Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 60; YOVSĒP‘EAN 1951, colophon, no 202, col. 419. 457 Vahram Pahlavuni (1065-1105) fils de Grigor Magistros devint catholicos sous le nom de Grigor Vkayasēr (Martyrophile), voir Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 154-155 (trad. Dostourian, II, 25, p. 106-107). 458 Grigor Magistros (990-1058) joua un rôle politique et militaire important auprès du roi Gagik à Ani. En 1045, il céda son domaine de Bǰni à l’empererur Constantin Monomaque (1042-1055) recevant en échange des territoires avec les titres honorifiques de Magistros et de dux du Tarōn, du Vaspurakan et de Mésopotamie. À la fin de sa vie, il se consacra aux études littéraires qui firent sa réputation. Voir MAHÉ 1993, note 323, p. 492, 522, 527528. 459 Sur ce commentaire (voir Denys de Thrace, p. 221-249) et sur ses œuvres, voir THOMSON 1995, p. 127.

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Lorsqu’il apprit cela, le catholicos fut étonné et s’indigna beaucoup car Gēorg avait fait le serment de venir avec lui; malgré tout et contre son gré, il le consacra puis partit en voyage. Ainsi Georg s’assit sur son trône. Le saint patriarche alla à Rome, il fut grandement honoré par la nation des Francs (Fṙankk‘). Ayant accompli son vœu il prit le bateau pour Constantinople pour s’adonner à des traductions. Mais une violente tempête éclata sur la mer et le bateau fut détourné de sa route le conduisant en Égypte. Ses serviteurs, qui étaient avec lui, eurent peur car ils savaient que les habitants de ce pays pillaient les bateaux naufragés et tuaient [les survivants]460. [p. 97] Le saint patriarche pria et une violente pluie tomba sur l’Égypte, ce qui n’était jamais arrivé auparavant. Lorsque les habitants du pays virent cela, ils furent terrifiés, mais le Hagarac‘i qui régnait, un homme sage, appela son armée et lui dit: «Vous, vous savez par vous-mêmes qu’en Égypte il n’a pas plu depuis le commencement [du monde] jusqu’à maintenant; la grêle est tombée, à l’époque de Moïse et la pluie une fois lorsque Jésus est venu. Donc, ceci est un signe de l’arrivée d’un homme faiseur de miracles. Voyez et demandez qui il est.» Les troupes firent des recherches dans le pays et trouvèrent Grigoris avec ses serviteurs en train de prier sur le rivage. Ils les conduisirent auprès du sultan qui les interrogea: «Est-ce par vous que cette pluie est advenue?», et eux de répondre: «Oui.» [Le sultan] dit alors: «Quelles ont été les raisons d’une telle demande?», eux de dire: «Nous craignions la coutume de votre pays de tuer les naufragés en mer». Ils parlèrent de tout avec sincérité. [Le sultan] fut émerveillé, loua leur foi et dit au patriarche: «Va dans la ville d’Alexandrie t’asseoir sur le trône de Marc (Markos), tous les chrétiens qui sont sous ma domination t’obéiront.» Puis [p. 98] il lui offrit de nombreux cadeaux et l’aima comme un père. Depuis ce jour le siège d’Alexandrie est soumis au siège de saint Grigor, [le patriarche] demeura là et mourut dans la sainte et glorieuse louange de Dieu461. 460 Le catholicos serait allé à Constantinople faire des traductions puis de là, il se rendit au pied du Taurus, voir YOVSĒP‘EAN 1951, colophon no 117, col. 255 et MAT‘EVOSYAN 1988, colophon no 129, p. 109. Pour Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 190, p. 211 (trad. Dostourian, II, 52, p. 127-128 et II, 63, p. 140) le voyage eut lieu en 1074, le catholicos se rendit à Constantinople, puis à Rome et de là en Égypte où il visita les ermitages dans le désert. En Égypte il trouva une communauté arménienne importante et il ordonna le fils de sa sœur son homonyme comme catholicos (voir YOVSĒP‘EAN 1951, colophon no 202, col. 420). Voir KAPOÏAN 1988, p. 20-24 et DADOYAN 1997, The Fatimid Armenians, p. 8689. 461 Kirakos confond Grigor Vkayasēr et son neveu Grigoris.

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Lorsque le roi Kiwrikē, de la famille des Bagratuni, fils de Dawit‘, fils de Derenik, fondateur des fameux couvents de Hałbat462 et de Sanahin vit que tēr Grigoris avait laissé son trône pour se rendre à Rome, il convoqua tēr Yovsēp‘, catholicos des Ałuank‘, et lui demanda de consacrer tēr Barseł catholicos d’Arménie463 et un certain Sargis464, prêtre à la cour de Kiwrikē, évêque de Hałbat. Désormais [Hałbat] fut siège épiscopal. Après Sargis vint l’évêque Gēorg465, après lui Barseł466. C’était un bel homme; la reine des Ibères (Virk‘) T’amar467 l’ayant vu, l’honora grandement en raison de son élégance pleine de charme et parce que ses frères étaient fonctionnaires de la maison royale. Puis après Barseł, saint Grigoris devint évêque [de Hałbat]468. C’était un parent des išxan Zak‘arē et Iwanē; il vécut à notre époque. Après lui Yovhannēs469, un homme doux, vertueux de la famille des išxan du Xač‘ēn. Il détruisit le petit gawit‘470 à la porte de l’église kat‘ołikē de Hałbat pour en construire un grand et magnifique qui enchantait ceux qui le contemplaient. 462 Le monastère fut construit en 968 selon Mxit‘ar Anec‘i, p. 67. Voir sur ce complexe monastique situé dans la région de T‘umanian comme le monastère de Sanahin, DDA, Haghbat, no 1, DONABÉDIAN-THIERRY 1987, p. 552-553, MUTAFIAN 2012, I, p. 657-663. 463 Sur l’élection de Basile d’Ani (†1113), voir Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 221 (trad. Dostourian, II, 75, p. 145). 464 Kirakos est le premier à donner la liste des supérieurs de Hałbat et de leurs constructions, voir MUTAFIAN 2012, I, p. 657-659. Sargis est mentionné sur les inscriptions de Hałbat, voir ŁAFADARYAN 1963, Hałbat, en 1067 (no 23, p. 157), en 1086 et 1089 (nos 14 et 15, p. 263). 465 Gēorg, voir YOVSĒP‘EAN 1951, colophon nos 181, 182, col. 371-376 et MAT‘EVOSYAN 1988, colophon no 205, p. 178. 466 Barseł voir MAT‘EVOSYAN 1988, colophon no 226, p. 207 et les inscriptions de 1180, 1185 et 1189 dans ŁAFADARYAN 1963, Hałbat, no 3, p. 143, no 24, p. 157, no 43, p. 174. 467 Voir Kirakos, chap.13, p. 209 et notes sur T’amar (1184-1213). 468 Sur Grigoris, voir Kirakos, chap. 5, p. 171, p. 173-174; il participa en 1205 au synode de Lōṙē/Lōṙi et fut destitué par Zak‘arē. 469 Sur Yovhannēs, voir Kirakos, chap. 5, p. 173-174. Il est mentionné dans un colophon de 1207, voir YOVSĒP‘EAN 1951, colophon no 324, col. 735 et MAT‘EVOSYAN 1984, colophon no 24, p. 59, sur une inscription de 1209 (ŁAFADARYAN 1963, Hałbat, no 11, p. 262) et de 1221 (no 50, p. 180). 470 Le gawit‘ était une simple cour non couverte, puis progressivement devint une salle voûtée, attenant à l’église, qui servait aux réunions des moines et aux sépultures des dynastes locaux, généralement fondateurs des églises. Voir VARDANYAN 2015, «The Meaning of the Terms žamatun and gawit‘», p. 210-236, qui fait remarquer que Kirakos «uses these terms rather liberally». Ainsi il emploie le terme de gawit‘ pour Hałbat, Ganjasar et Xoranašat (chap. 1, p. 98, chap. 31, p. 270, chap. 53, p. 346-347) et le terme de žamatun pour Gošavank‘ mais aussi pour Hałbat (chap. 1, p. 99-100, chap. 17, p. 221222).

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[p. 99] Après lui, un autre Yovhannēs471, le fils de la sœur des išxan Zak‘arē et Iwanē et fils d’un frère du précédent. Il érigea une citadelle aux murailles solides entre Hałbat et Sanahin. À cause d’elle, une querelle éclata entre les deux grands monastères, comme si elle faisait partie du territoire de Sanahin. L’išxan vengeur Šahnšah, fils de Zak‘arē, parce que son père était enterré là, considéra [Sanahin] comme sa propriété car Hałbat était à l’époque sous le contrôle des rois des Ibères. Lorsque mourut l’évêque Yovhannēs, on détruisit les murailles de la citadelle sur l’ordre des Tatars. (T‘at‘ar). Après la mort de l’évêque Yovhannēs, vint à sa place Yovhannēs, fils d’Ałsart‘an472 de Macnaberd, de la famille des Bagratuni, deux ans. Il ne fut pas ordonné évêque à cause du trouble de l’époque. Il fut consacré plus tard par Nersēs, catholicos des Ałuank‘, pour la région de Macnaberd. Après lui Hamazasp473, de la ville d’Ani. Il construisit une splendide église [p. 100] et un endroit pour suspendre les cloches ainsi qu’un grand et merveilleux žamatun474. Mais retournons à notre propos, là où nous en étions. Le catholicossat d’Arménie était divisé en plusieurs parties: tēr Grigoris ou Vahram en Égypte, Gēorg dans les régions de l’ouest, un autre dans l’île d’Ałt‘amar, dans le Vaspurakan475, et tēr Barseł dans le pays d’Arménie. Il était ainsi divisé en plusieurs parties476. Mais Gagik, roi du Kars, alla voir l’empereur des Grecs, car il était sous leur domination et il revint à Césarée. Il apprit qu’un certain Markos, métropolite de Césarée avait un chien, qu’il avait appelé Armēn, à cause 471 Yovhannēs édifia en 1223 la forteresse de Kayan et l’église de Drsivank‘, voir l’inscription ŁAFADARYAN 1963, Hałbat, no 173, p. 250 et p. 85-86. 472 Voir Kirakos, chap. 2, p. 152-153, la sœur d’Abas trouva un fils, à son frère qui n’avait pas d’héritier mâle. Il fut nommé Ałsart῾an et hérita de Macnaberd. Avant d’entrer dans les ordres, il abdiqua en faveur de Kiwrikē. 473 Hamazasp est mentionné en 1242 sur une inscription, ŁAFADARYAN 1963, Hałbat, no 47, p. 178. La construction du clocher s’acheva en 1245 (voir ŁAFADARYAN 1963, Hałbat, no 112, p. 222). 474 Entre le XIIe et le XIVe siècle les termes de žamatun et gawit‘ sont interchangeables, voir VARDANAYAN, op. cit. p. 208. 475 Voir sur le premier catholicos d’Ałt‘amar Dawit‘ (1113-1161/1165?), Kirakos, chap. 2, p. 149, Vardan, § 66, p. 116 (trad. Thomson, p. 201). 476 Durant le pontificat de Grigor Vkayasēr (1066-1105) les anticatholicos furent nombreux. Selon Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 229 (trad. Dostourian, II, 83, p. 150-151): «at this time the holy see was not governed according to the will of God (…) but according to the principles of violence, power politics, and manipulation of high offices (…). In this period the see of St. Gregory was divided into four parts: his lordship Vahram in Egypt, his lordship Theodore in Honi, his lordship Barsegh in the Armenian royal capital of Ani, and his lordship Paul in the city of Marash.»

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de la haine que les Romains avaient envers la nation arménienne. Il le nommait ainsi car tous appelaient les Arméniens, Armenk‘, à cause de la bravoure de Hayk descendant d’Aram. Le roi Gagik vint et séjourna chez le métropolite qui le reçut avec joie. Alors qu’ils étaient dans les vapeurs du vin, le roi dit: «J’ai entendu dire que vous aviez un gentil chien, montrez-le-moi que je le voie.» Le métropolite dit: «Le voilà dehors en face de nous». [p. 101] Le roi dit: «Appelle-le qu’il vienne». Il appela le chien par un nom, mais pas par le sien. Le chien ne bondit pas et ne vint pas à l’intérieur. Le roi dit alors: «Appelle-le par son nom». Il cria: «Armēn, Armēn», le chien sauta immédiatement et vint. Le roi dit: «Pourquoi l’appelles-tu par ce nom?» Le métropolite répondit: «Parce qu’il est tout jeune». Le roi donna un ordre à ses serviteurs: «Apportez un grand sac et jetez le chien dedans». Ils purent à peine le plonger dedans. L’évêque pensait que le roi voulait prendre le chien et il se fâcha contre ses serviteurs. Le roi dit: «Prenez aussi l’évêque, et voyons si le chien est aussi petit qu’il l’a dit». [Le métropolite] se mit à pleurer et à supplier le roi de le laisser partir. Le roi dit avec colère: «Maintenant, piquez le chien avec un aiguillon en sorte qu’ils se dévorent l’un l’autre». Ils aiguillonnèrent le chien qui, éprouvant une telle douleur, déchiqueta [le métropolite] en morceaux à coups de dents et de griffes jusqu’à ce qu’il meure. [Le roi] dit: «Maintenant, tu sais si Armēn est petit». Il pilla l’évêché et ne revit plus l’empereur477. [p. 102] Un jour, l’autre Gagik devenu roi partit à la chasse et but. À l’heure la plus chaude, il descendit de son coursier pour se reposer à l’ombre d’un arbre, il n’avait personne avec lui hormis un très jeune homme car tous ses gens s’étaient dispersés pour la chasse. Des Grecs le rencontrèrent, le reconnurent, l’enlevèrent et le mirent dans une citadelle. Lorsqu’il sortit des vapeurs du vin, il ouvrit les yeux et dit: «Où suis-je?». Les Romains lui dirent: «Là où le métropolite Markos est.» Ils le jetèrent avec ignominie par-dessus les murailles de la citadelle. Il s’écrasa au sol et mourut. Le jeune enfant qui était avec lui fut acheté par un marchand arménien qui en fit son gendre478. 477 Cet épisode relaté avec force détails par Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 180-183 (trad. Dostourian, II, 43, p. 121-123) est attribué à Gagik roi d’Ani, il est repris par Smbat sparapet (éd. 1956), p. 66. Voir MAT‘EVOSYAN 1984, colophon no 474, p. 583. 478 Le meurtre de Gagik est raconté par Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 218-219 (trad. Dostourian, II, 74, p. 144-145). D’après Het‘um (éd. Hakobyan, p. 74 et éd. Mat‘evosyan,

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Après un certain temps, le jeune homme grandit et devint un homme, il alla près de la frontière de Cilicie chasser les perdrix avec un seul compagnon. Il y avait une forteresse appelée Barjrberd479 et un évêque romain qui y résidait. Une certaine familiarité se créa entre l’homme et l’évêque, et ils devinrent amis et passèrent de nombreux jours à boire et manger. Mais l’homme gardait toujours à l’esprit les actes commis par les Romains à l’encontre du roi Gagik et à sa famille. [p. 103] Un jour alors que tous les serviteurs de l’évêque étaient hors de la citadelle pour les besoins de leur travail et que l’évêque demeurait seul avec un jeune homme, le chasseur vint tout près de la forteresse pour chasser la perdrix. En voyant l’évêque sur les murailles, il le héla et lui demanda de venir le rejoindre pour manger ensemble. L’évêque l’invita à se rendre dans la citadelle mais il refusa. Aussi l’évêque se rendit-il auprès de lui sans son serviteur. Lorsque l’homme vit que l’évêque venait seul et qu’il n’y avait personne dans la citadelle, il dit à l’homme qui était avec lui: «Aujourd’hui nous avons l’occasion de venger le sang de notre roi assassiné par les Romains. Peut-être que l’évêque vous enverra à l’intérieur de la citadelle, si c’est le cas, essayez de la prendre et prévenez-moi par un signe de la main pour que je tue l’évêque.» Une fois l’évêque arrivé, ils commencèrent à manger. Lorsque le vin manqua, l’évêque dit au serviteur: «Va dans la citadelle et apporte-nous du vin pour qu’ensemble nous nous réjouissons.» L’homme alla transmettre l’ordre de l’évêque à son serviteur. Lorsque ce dernier se baissa pour puiser le vin dans la jarre, il se saisit [p. 104] de son pied, et le [fit plonger] la tête la première dans le vin, où il se noya; il alla ensuite sur la muraille faire signe à son maître [annonçant] la prise de la forteresse. Aussitôt [le chasseur], au pied des murailles étrangla l’évêque; puis il pénètra dans la citadelle et s’en empara; il augmenta peu à peu, par la force et par adresse, ses possessions en sorte que ses enfants et petits-enfants gouvernent les villes et cantons de la Cilicie. C’est l’ancêtre du roi Lewon qui par sa bravoure étendit ses frontières, comme nous le dirons en un [autre] lieu480. p. 46, trad. Chevalier, p. 727), Gagik fut tué par les fils de Mandalē dans la forteresse de Kysistra. 479 Cette forteresse, probablement au nord de Tarse, a été identifiée avec le site de Meydan Kilise, voir EDWARDS 1993, p. 207. 480 Sur ce chasseur de perdrix, Ṙubēn (1080-1095) supposé être de la lignée des Arcruni, selon Kirakos, voir infra (p. 109). L’émergence de la famille Rubénides est traditionnellement

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Après l’empereur Basile régna Constantin481 après lui Romain l’Ancien482, puis après lui Michel (Mixayēl)483, puis Kuria484 Zoé (Kiwṙzi)485, après lui Monomaque (Monomax)486. On dit qu’à son époque Gagik fit un séjour en Grèce. Après Monomaque, il y eut Kuria Théodora (Kiṙ T῾odoṙ)487, puis Doukas (Dukic)488 et après lui Diogène (Diužēn)489. Lors de sa première année mourut Gagik Šahnšah, roi du Vanand490. La huitième année de son règne, Diogène se leva avec une grande armée et alla en Perse pour faire la guerre. Il arriva à Manazkert et la prit; en entendant cela le tyran Alp Arslan marcha à sa rencontre et il y eut une violente bataille. Diogène fut défait et capturé par lui, une rançon fut demandée puis il fut relâché. Mais ses gens [p. 105] ne lui obéirent plus et ils couronnèrent Michel, fils de Doukas491. À nouveau Michel combattit Diogène. L’armée le mit dans un sac de pénitent et l’apportèrent au roi Michel. Sur le chemin on lui creva les yeux sur l’ordre de l’empereur, il mourut dans la douleur en l’an 521 (= 1072/1073) du comput492. La même année, les jugements du Dieu patient et équitable touchèrent la bête indomptée et le hautain Alp Arslan. Tandis qu’il gouvernait le monde, grognant, écumant de rage, il déversait l’amertume de son cœur sur ceux qu’il n’avait pas conquis, soudainement cet impie disparut de la terre, égorgé et il ne vit pas la gloire de Dieu493. Après lui, régna son fils le fortuné Malik-Shāh (Melik῾šah)494 qui n’imita pas la méchanceté de son père mais eut plutôt des pensées et des actions bienveillantes à l’encontre de tous ses sujets et en particulier envers la liée à l’assassinat du dernier roi Bagratide Gagik. Voir sur l’origine de la famille, DÉDÉYAN 2008, p. 83-84. 481 Constantin VIII (1025-1028), voir PmbZ (Konstantinos VIII), no 23735; ODB (Constantine VIII), I, p. 503-504. 482 Romain Argyre (1028-1034), voir PmbZ (Romanos III Argyros), no 26835; ODB (Romanos III Argyros), III, p. 1807. 483 Michel IV le Paphlagonien (1034-1041), voir ODB (Michael IV Paphlagon), II, p. 1365-1366. 484 Le terme Kuria/Kyria est, en grec, un titre que l’on donne à une dame. 485 Zoé (1042), voir PmbZ (Zoe) no 28508; ODB (Zoe), III, p. 2228. 486 Constantin Monomaque (1042-1055), voir PmbZ (Konstantinos Monomachos) no 23736; ODB (Constantine IX Monomachos), I, p. 504. 487 Théodora (1055-1056) voir PmbZ (Theodora) no 27605; ODB (Theodora), III, p. 2038. 488 Constantin X Ducas (1059-1067), voir ODB (Constantine X Doukas), I, p. 504-505. 489 Romain Diogène (1068-1071), voir ODB (Romanos IV Diogenes), III, p. 1807. 490 Voir Samuēl Anec‘i (année 1069 corrigée en 1067), p. 192. Il s’agit Gagik (10491069?) fils d’Abas, roi des Kars. 491 Michel Doukas (1067-1078), voir ODB (Michael I Komnenos Doukas), II, p. 1362. 492 Voir Samuēl Anec‘i (année 1073 corrigée en 1071), p. 193. 493 Voir Samuēl Anec‘i (année 1074 corrigée en 1072), p. 193. 494 Malik-Shāh Ier b. Alp Arslan (1072-1092) voir EI2, VI, p. 258-260.

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nation arménienne. Intelligent, il blâma les desseins de son père comme ceux d’un ennemi de la paix et de l’humanité et d’un fou de sang et de violence. Mais lui, avec sagesse et un comportement plein de douceur, remit tout en ordre. Plus brave et plus réfléchi que beaucoup de rois, il veilla à ce que tous agissent avec justice et à ce que personne ne soit malheureux [p. 106] du fait de mauvais traitements ou ne fanfaronne fièrement. Il était généreux et large d’esprit, physiquement digne de la royauté. En peu de temps il soumit l’univers entier, non par la guerre ou la tyrannie mais par l’amitié et la paix495. C’est avec une bonne renommée qu’il exerça sa souveraineté durant vingt ans, il mourut empoisonné par une femme496. Durant quatre ans, des troubles inénarrables eurent lieu, car son frère Tutush (Dduš) et son fils Barkyārūḳ (Bek‘iaruk‘)497 se livrèrent bataille, détruisant l’équilibre du pays. Et comme aucun d’eux ne put gouverner rapidement, le sang coula comme un torrent, non seulement celui des soldats armés mais aussi celui des populations des gawaṙ. C’est ainsi que [le règne] du bien prit fin lorsque la vie du roi lui fut arrachée498. Puis Barkyārūḳ régna, il assassina Tutush499, puis après lui, Ḳılıdj (Xzəl)500 gouverna, son nom signifiant rouge501. Il prit la ville de Lōṙē et les saints monastères de Sanahin et Hałbat502. Après l’empereur Michel, Alexis (Alēk‘s)503 prit la couronne. En sa dixseptième année, les Romains vinrent par la Thrace (T‘irak) dans les régions d’Asie pour venger le massacre des chrétiens par les Scythes [= Saldjūḳides], les Perses [p. 107] et [les habitants du] tačkastan. Beaucoup, à cause de ce fils de Belial504 appelé Alexis qui était roi à Constantinople, subirent des tourments à cause de ses ruses secrètement ou ouvertement. Car cet homme sans foi ordonnait de mélanger à leur nourriture et boisson un poison mortel; ils mangeaient et mouraient. Sur mer, il trompa ceux qui avaient confiance en lui comme leur coreligionnaire. Il aidait par fourberie les barbares, que le Seigneur le lui rende. Ce n’était pas un chrétien, ni sa 495

Voir Samuēl Anec‘i (année 1074 corrigée en 1072), p. 194. Voir Samuēl Anec‘i (année 1095 corrigée en 1093), p. 199. 497 Barkyārūḳ (1095-1105), voir EI2, I, p. 1083-1084. 498 Voir Samuēl Anec‘i (année 1095 corrigée en 1093), p. 199. 499 Voir Samuēl Anec‘i (année 1097 corrigée en 1095), p. 200. 500 Ḳılıdj Arslan (1105-1118) second prince saldjūḳide d’Asie Mineure, voir EI2, V, p. 105-106. 501 Voir Samuēl Anec‘i (année 1109 corrigée en 1107), p. 202 502 Voir Samuēl Anec‘i (année 1107 corrigée en 1105), p. 202. 503 Alexis I Comnène (1081-1118), voir ODB (Alexios I Komnenos), I, p. 63. 504 «Fils de satan» pour Samuēl Anec‘i (année 1099 corrigée en 1097), p. 200. 496

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mère; beaucoup de Francs périrent. Les survivants revinrent à Antioche (Antak῾) [les mains] vides, puis ils prirent la ville et Jérusalem. C’étaient les deux princes royaux, Bohémond (Maymun) et Tancrède (Tanłril) et sept comtes505. Godefroy (Kontop‘ri) régna à Jérusalem506, puis Baudouin (Pałtoyn) pour dix-sept ans507 puis Amaury508 (Amari) pour dix-neuf ans. C’était en l’an 546 (=1097/1098) du comput arménien. Le tyran scythe [= Saldjūḳide] Ḳılıdj mourut durant la prise de Duin par l’armée perse509. Puis sa principauté fut divisée en plusieurs parties. L’un se saisit du Khurāsān, l’autre de l’Assyrie (Asorestan), un [troisième] des régions de Cappadoce et de l’Arménie, un [quatrième] de l’Égypte et d’autres dont les noms nous sont inconnus dans d’autres endroits. [p. 108] En 562 (= 1113/1114) du comput, tēr Barseł mourut après avoir occupé le patriarcat trente-trois ans510; avec de grands honneurs lui succéda sur le trône tēr Grigoris511, frère de Nersēs. Ils étaient tous deux de la lignée de saint Grigor. À cause de cela, dès qu’il fut assis sur le trône du saint Illuminateur, ce merveilleux patriarche saint Grigoris fit resplendir la sainte Église grâce à des législations et lois canoniques, il essaya de vivre en tout selon l’exemple de son ancêtre saint Grigor et de son fils. Il transporta le siège patriarcal dans la forteresse appelée Hṙomkla512. Depuis que les Grecs avaient amené auprès d’eux le roi Gagik et tēr Petros, le trône patriarcal avait quitté désormais l’Orient et se trouvait dans les domaines des Grecs, tantôt à Sébaste, tantôt dans un endroit appelé Covk‘513 puis plus tard, transféré dans la forteresse (Klay) des Romains (Hṙomayakan). Les raisons de ces transferts étaient les troubles occasionnés par les Scythes 505 Les noms des Francs qui ont pris Jérusalem en 1099 sont selon Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 254 (trad. Dostourian, II, 110, p. 164-165): Godefroy de Bouillon, Baudouin de Boulogne, Bohémond d’Antioche et son neveu Tancrède, le comte Gilles de Toulouse, Robert comte de Normandie, Baudouin le Bourg, le comte Joscelin de Courtenay. 506 Godefroy de Bouillon roi de Jérusalem (1099-1100). 507 Baudouin de Boulogne, frère de Godefroy, comte d’Édesse (1098-1100) puis roi de Jérusalem (1100-1118). Voir MUTAFIAN 2012, I, p. 58-60. 508 Amaury fut roi de Jérusalem de 1162-1174, voir MUTAFIAN 2012, II, 58. Les sept premiers rois de Jérusalem (1100-1186). 509 Les combats se sont déroulés durant l’année 1107-1108 selon Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 305 (trad. Dostourian, III, 36, p. 199) et Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 129. 510 Sur la mort de Barseł, voir Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 329 (trad. Dostourian, III, 65, p. 215); Vardan, § 66, p. 116 (trad. Thomson, p. 201). 511 Grigor Pahlawuni (1113-1166). 512 Sur l’origine du nom de la forteresse voir Vardan, § 75, p. 128 (trad. Thomson, p. 206). 513 Couvent forteresse au nord-ouest d’῾Aynṭāb dans le canton de Tluk‘, assimilée à Softa Kalesi, voir article «Softa» dans EI2, IX, p. 734 et HŠTB II, p. 863.

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[= Saldjūḳides] et les tačikk‘ qui les poussaient çà et là; [le catholicos], voyant une citadelle fortifiée, prit les objets saints et ustensiles de l’église et les transporta là sous la garde d’une princesse franque bienveillante. [p. 109] Durant ses jours le prince, seigneur de la citadelle, mourut et sa femme resta veuve. Le saint patriarche supplia la pieuse femme de lui donner la forteresse pour en faire le siège catholicossal arménien. La femme lui donna volontiers. Le saint patriarche l’envoya en Cilicie auprès du grand išxan des išxan d’Arménie T‘oros, qui lui donna des villages, des fermes et autres propriétés la rendant très heureuse, puis il la renvoya dans son propre pays514. Cet išxan T῾oros et son frère Step‘anē étaient fils de l’išxan Lewon, fils de Kostand, fils de Ṙubēn515, petit-fils de l’homme dont j’ai parlé auparavant, de la lignée et de la descendance de Gagik Arcruni. Ils agrandirent leur territoire par leur courage, soumettant plusieurs gawaṙ et villes du pays de Cilicie et de Syrie (Surac‘ik‘) et beaucoup d’autres. Ils prirent les fameuses villes du pays, Tarse (Tarson)516 et Sis [= Misis]517, Adana (Atana)518, Séleucie519 (Selewkia) et toutes les cités et les territoires des environs. L’empereur des Grecs qu’on appelait Alexis520 apprit cela et expédia Andronic (Andronikos)521 avec de nombreuses troupes contre les išxan [p. 110] d’Arménie Step‘anē et T‘oros. Step‘anē fut pris traitreusement et assassiné522. T‘oros, quant à lui, emmena les fils de son frère Ṙubēn et 514 Grigor III a tenté de transférer le siège catholicossal plusieurs fois mais sans succès puis selon Smbat Sparapet (éd. 1956) p. 166, il songea à se rendre auprès du roi des Géorgiens; sur le chemin il rencontra Béatrice, épouse de Joscelin de Courtenay qui lui donna la forteresse de Hṙomkla au bord de l’Euphrate. Voir Vardan, § 75, p. 128 (trad. Thomson, p. 206). Voir chapitre «Hṙomkla» dans MUTAFIAN 2012, I, p. 604-608 et «Hṙomkla siège catholicosssal de 1150 à 1292», p. 481-482. 515 Voir Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 189 (trad. Dédéyan, 9, p. 52-53). 516 La ville se trouve dans l’actuelle province de Mersin (en Turquie), voir sur la ville ALISHAN 1899, Sissouan, p. 307. 517 Il s’agirait de la ville de Misis, voir MUTAFIAN 2012, I, p. 77. 518 Adana sur la rive droite du fleuve Seyhun (Saros), voir ALISHAN 1899, Sissouan, p. 296. 519 Séleucie, aujourd’hui. Silifke, est une ville et un district du centre de la province de Mersin, située à 80 km à l’ouest de la ville de Mersin. 520 En réalité c’est durant le règne de l’empereur Manuel (1143-1180) que fut tué Step‘anē. 521 Il s’agit d’Andronic Euphorbénos gouverneur de Cilicie, voir sur les combats qui opposèrent Andronic et les išxan, Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 399-400 (trad. Dostourian, Continuation, 26, p. 260-261) et Michel le Syrien (éd. 1871), p. 426, 445, 453 et 488. Voir MUTAFIAN 2012, I, p. 80 et 86. 522 Sur l’assassinat de Step῾anē, voir le récit de Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 428 (trad. Dostourian, Continuation, 49, p. 280), Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 186-187 (trad. Dédéyan, 4, p. 48-49 et note 12).

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Lewon et les mit en sécurité dans une forteresse puis il tira vengeance des Grecs habitant le pays pour le sang de son frère. Il massacra ceux qu’il prit et les autres furent contraints de fuir le pays et lui domina tous les gawaṙ avec une grande force. En l’an 562 (= 1113/1114) du comput, quand le catholicos Barseł mourut, le grand et splendide vardapet Gēorg, surnommé Mełrik523 à cause de la douceur de ses mœurs, alla dans le Christ524. Il avait pris des dispositions dans la merveilleuse congrégation nommée Drazark525 afin de célébrer continuellement un culte jour et nuit et de constamment observer le jeûne, et que personne ne possède quoique ce soit en propre mais que tout soit en commun. La même année, le brave romain Tancrède qui gouvernait la ville d’Antioche (Antiok‘) mourut empoisonné par leur patriarche526. Et après tēr Barseł, Grigoris occupa le catholicossat d’Arménie cinquantetrois ans527. [p. 111] Et le merveilleux patriarche Grigoris528 entreprit la construction d’une ravissante église à coupole dans cette même forteresse529 et commença des traductions de livres religieux. Il traduisit en arménien beaucoup d’ouvrages, certains de lui-même, d’autres par d’autres. Durant ses jours vivaient d’illustres et savants vardapet, le merveilleux Nersēs, parent du catholicos et l’autre Nersēs évêque de Lambrōn530, frère de Het῾um qui avait traduit le Commentaire de la révélation de Jean, l’Histoire de Grégoire pape de Rome et la Règle de saint Benoît (Benedik‘tos). Il écrivit également son Commentaire sur les psaumes de David et les proverbes de Salomon (Sołomon), le saint missel et les prières de saint Jean l’Évangéliste qui commence par: «Il était avec les frères». Il construisit une ravissante église dans le monastère appelé Skewṙa531, proche de la 523

Litt. «petit miel». Voir Samuēl Anec‘i (année 1115 corrigée en 1113), p. 204, Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 334 et 366 (trad. Dostourian, III, 68, p. 218, III, 106, p. 237), Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 143, Vardan, § 67, p. 117 (trad. Thomson, p. 202). Sur ce théologien né au Vaspurakan, à Analiwr, mort en 1115 en Cilicie, voir l’article d’AKINEAN 1953, p. 105-136. 525 Drazark/T‘razark/Avag Vank‘ dans la région d’Adana à quelques kilomètres au nord de Sis; voir sur le couvent MUTAFIAN 2012, I, p. 617-620. 526 Cette information sur la mort de Tancrède de Hauteville en 1113 provient de Samuēl Anec‘i (année 1115 corrigée en 1113), p. 204. 527 Samuēl Anec‘i, op. cit. 528 Grigor Vkayasēr (1065-1105). 529 Il s’agit de la forteresse de Hṙomkla. 530 Nersēs de Lambrōn supérieur du couvent de Skewṙa et archevêque de Tarse, voir YOVSĒP‘EAN 1951, colophon n o 251, col. 561. Il y fut enterré en 1198. À propos de ses œuvres, voir THOMSON 1995, p. 175-176. 531 Voir sur ce monastère cilicien MUTAFIAN 2012, I, p. 620-623. 524

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citadelle imprenable de Lambrōn. Il arrangea le service du couvent selon l’exemple des autres nations avec des diacres, des scribes, à la tête non couverte, ce que beaucoup blâmèrent en Arménie. Il y avait un autre évêque nommé Ignatios532 auquel le catholicos ordonna [p. 112] d’écrire un Commentaire sur l’Évangile de Luc (Łukas). Mais il refusa jusqu’à ce qu’il eût la vision d’une maison lumineuse et ornée avec élégance où tous les vardapet de l’Église se régalaient, il voulut y entrer mais ils lui interdirent en lui disant: «Parce que tu n’as pas travaillé au commentaire de l’Évangile, tu n’entreras pas ici». Lorsqu’il se réveilla, il commença à commenter l’Évangile de Luc avec des paroles mystiques et intelligentes. Un autre merveilleux vardapet du nom de Sargis533, dans le monastère nommé en syriaque K‘arašit‘av534, fit un Commentaire des sept Épîtres catholiques avec préfaces535, des homélies, et de vastes et riches discours. Il y avait un autre évêque du nom de Yovsēp‘, un homme illustre dans les régions d’Antioche536. En Orient [il y avait] des hommes renommés pour leur science, illuminateurs de l’Église [comme] le vardapet Anania537 à Sanahin durant les jours de Dēoskoros538, homme intelligent et de talent, habile dans l’art du calendrier, commentateur des écritures divines. On disait qu’il avait compilé en un volume, pour interprétation, les [écrits] apostoliques, les paroles d’Éphrem (Ep‘rem)539, de Jean Chrysostome et de Cyrille et d’autres saints, il en avait fait un abrégé pour [p. 113] facilité la lecture. Il rédigea 532 Ignatios Šnorhali vardapet Sewleṙnc‘i, du couvent Šap‘irin, a écrit à la demande de Grigor III Pahlawuni (1113-1166) un Commentaire, voir Mxit‘ar Ayrivanec‘i, p. 79 et MAT‘EVOSYAN 1984, colophon no 549, p. 672-673. Voir AnjB II, no 2, p. 379. Son commentaire a été publié à Constantinople en 1735, voir: http://greenstone.flib.sci.am/gsdl/collect/ armenian/Books/meknutin_avetaranin_index.html. 533 Sur Sargis Šnorhali, voir Mxit‘ar Ayrivanec‘i, p. 64 et l’article de ABRAHAMEAN 1898, p. 266-270, p. 327-333, p. 376-380. 534 Sur ce monastère dans la montagne Noire, K‘arašit‘av i ou K‘arašit‘u, voir WEITENBERG 2006, p. 86. 535 Les épitres ont été publiées à Constantinople dès 1743, cf: http://greenstone.flib. sci.am/gsdl/collect/armenian/Books/girq_meknutyan1743_index.html. 536 Sur ce vardapet supérieur de Yisuank‘ (couvent près de Maraš dans la montagne Noire) et un des signataires de «la liste du couronnement» du roi Lewon Ier, voir Kirakos, chap. 3, p. 157. Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 209 (trad. Dédéyan, 35, p. 74) 537 Anania de Sanahin a composé un Commentaire sur les Évangiles de Matthieu à la demande de Dēoskoros. Voir YOVSĒP‘EAN 1951, colophon d’un manuscrit du XIIe-XIIIe siècle no 2686, p. 1043. 538 Dēoskoros (1037-1063). 539 Éphrem le Syrien (306-373?), voir Kirakos, chap. 50, p. 331.

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un aperçu mystique, intelligent et une comparaison des Évangiles avec des exemples. Il écrivit aussi un texte lumineux et savant sur le trisagion récité dans les églises orthodoxes avec [la formule] «qui as été crucifié» et un panégyrique de Šołakat‘540. De même à Hałbat, il y avait le très intelligent Yovhannēs dit Sarkawag541, un homme plus savant et instruit que beaucoup, un génie. Il composa avec ardeur de nombreux ouvrages et laissa un bon souvenir de lui. Il fit ce que beaucoup désiraient mais qui est difficile à réaliser. Il établit pour l’Arménie un calendrier sûr et fixe à la place de celui qui était mobile et instable; il a réconcilié le calendrier de toutes les nations avec celui des Arméniens. C’était un homme très sage et orné de grâces divines. Toutes ses paroles étaient d’un style non pas familier mais philosophique, comme celles de Grégoire le Théologien. Il a écrit un discours panégyrique sur le très puissant roi d’Arménie Trdat, sur le saint patriarche Nersēs et sur les merveilleux Sahak et Mesrop. Il a également composé un šarakan sur les Łewondeank‘ à la douce mélodie et aux paroles adaptées qui commence par: «Les saintes églises ont brillé aujourd’hui». Il rédigea aussi des discours panégyriques, des livres de prières et [il copia] des exemplaires sûrs des Écritures542. [p. 114] Le roi des Ibères David543 père de Demetre (Demetrē), père de David et Giorgi, l’aimait énormément au point que lorsqu’il apprit sa venue il se porta à sa rencontre, s’inclina devant lui et lui demanda sa bénédiction. Ce dernier posa la main sur sa tête et récita le psaume: J’ai trouvé David mon serviteur, je l’ai oint de mon huile sainte; pour lui ma main sera ferme, mon bras aussi le rendra fort. L’adversaire ne pourra le tromper, le pervers ne pourra l’accabler544. Grâce à lui, le roi aimait la nation arménienne. 540 Sur les œuvres d’Anania, voir MAT‘EVOSYAN 1988, colophon no 116, p. 99, colophon no 120, p. 101-102, Vardan, § 70, p. 121 (trad. Thomson, p. 203) et THOMSON 1995, p. 97. 541 Sur Yovhannēs Sarkawag ou Imastasēr né en Arc‘ax à P‘aṙisos, éduqué à Hałbat et à Ani, mort en 1129 et enterré dans le narthex de Hamazasp, voir YOVSĒP‘EAN 1951, colophon no 159, col. 333-342. Yovhannēs était un grand érudit, mathématicien, poète, réformateur du calendrier (en 1084), il fut le confesseur de David le Constructeur (1089-1125) selon Juanšer, p. 122 (trad. Brosset, Additions, p. 60-61), Vardan, § 68, p. 120 (trad. Thomson, p. 203) et THOMSON 1996, Rewriting Caucasian History, p. 348-349 et AnjB, III, no 163, p. 571-572. 542 Sur les œuvres de Yovhannēs Sarkawag, voir THOMSON 1995, p. 227. 543 Voir note précédente et Kirakos, chap. 5, p. 163 sq. 544 Ps LXXXIX (LXXXVIII), 21-23.

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Il advint un jour à cause de son attitude débauchée d’exclure du sacrement de la messe, un certain Zomzoma545. Ce dernier au lieu de regretter ou de se repentir pensait assassiner le merveilleux [Yovhannēs]. Un jour il le rencontra alors qu’il sortait d’une caverne en dessous du monastère. Tandis qu’il contemplait le fleuve, cet être honteux le saisit, le jeta à terre et le frappa. Le saint, qui était habile, lui dit: «Step‘annos mon fils, ne me tue pas». L’arrogant lui répondit: «Jusqu’à présent j’étais Zomzoma, maintenant [je suis] Step‘annos, au lieu d’un n il y en a plusieurs.» Car son surnom était Zomzoma. «Pourquoi me tuer? [p. 115] Parce que je t’ai exclu de l’église?» Le philosophe répliqua: «Je te réintègrerai de nouveau dans l’église». [Zomzoma] le laissa. [Yovhannēs] alla au monastère et dit aux frères: «Ce que l’on dit de ce frère, je pense que c’est faux; voilà je le fais entrer dans l’église.» Il donna l’ordre au sacristain de le faire archiprêtre. À cause de cela, de nombreuses rumeurs se répandirent selon lesquelles [Zomzoma] était indigne et que [Yovhannēs] avait reçu des pots de vin pour faire entrer [Zomzoma] dans l’église. Lorsque ce fut l’heure du sacrement de la messe, le misérable [Zomzoma] monta sur le bêma pour offrir le sacrifice mystique. Le vardapet vint dans le gawit‘ au milieu de la foule face au saint autel; la tête découverte il se mit à prier. Rapidement un esprit malin pénétra dans cet effronté, le jeta sur le sol du temple, hors du bêma et commença à le torturer violemment. On l’éjecta hors du temple comme Ozias (Ozia)546 et une grande terreur fondit sur les spectateurs. Après avoir vécu sur terre une existence de bien, cet homme laborieux passa vers le Christ à Hałbat. On l’enterra sur le côté de la grande église, à la porte d’une plus petite église, qui fut plus tard détruite par l’évêque Hamazasp; il érigea [à sa place] une superbe construction conforme à l’église où l’on suspendit des cloches. Le saint mourut en 578 (= 1129/ 1130) du comput547. [p. 116] Au bout d’un an le saint illuminateur vardapet Dawit‘, fils d’Alawik, mourut548. Il avait écrit des règlements canoniques convenables et nécessaires, à la demande d’un prêtre, dont le nom était Ark‘ayut‘iwn de la ville de Gandja (Ganjak)549. Il y avait un autre merveilleux vardapet 545 Ce terme ressemble au mot zamzama «prière murmurée» utilisé par Al-Mas῾ūdī, Les Prairies d’Or, § 574, p. 215. 546 Voir 2 Ch XXVI. 547 Voir Samuēl Anec‘i qui fut son disciple (année 1131 corrigée en 1129), p. 209. 548 Voir Samuēl Anec‘i (année 1133 corrigée en 1131), p. 210. 549 Gandja/Ganja, sur la rive droite d’un affluent du Kur. La ville se situe en Utik‘, dans le canton d’Aršakašēn (voir Movsēs Dasxuranc‘i, III, 21, p. 331, trad. Dowsett, p. 218).

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du nom de Grigor, appelé Fils de T‘ok‘aker550. Tous deux étaient du pays de Gandja, d’où j’étais originaire également. Il arriva un jour alors que ces trois merveilleux hommes étaient assis ensemble, qu’un paysan vint et leur dit: «Heureux celui qui sait lequel d’entre vous est le plus sage?» Il avait dit cela pour plaisanter. Le Fils de T‘ok‘aker lui répondit: «Je vais te le dire. Lorsque nous étions dans notre pays, je coupais et cousais et Sarkawag ne savait que coudre, maintenant il sait couper et coudre et en plus il fait beaucoup de dessins.» Il avait parlé allégoriquement à cause de sa sagesse. Cet homme avait un tel empressement à l’étude qu’un jour il pénétra avec d’autres dans une caverne où il y avait des livres. Lorsque ceux qui étaient avec lui sortirent, ils refermèrent les portes, comme il s’était caché à l’intérieur, ils pensèrent alors qu’il était sorti avant. Au bout de quelques jours, ils retournèrent dans la caverne pour un besoin quelconque, ils le virent et en furent stupéfaits, ils lui demandèrent: «Comment as-tu survécu [p. 117] sans manger et sans boire?» Lui leur montra les livres qu’il avait lus et dit: «Voici ma nourriture et ma boisson, ce que j’ai mangé et bu durant ces jours.» En l’an 588 (= 1139/1140) du comput un violent tremblement de terre eut lieu qui détruisit la ville de Gandja551. Les bâtiments s’écroulèrent sur leurs habitants. Le roi des Ibères Demetre, père de David et Giorgi, emporta les portes de la ville dans son pays. À cause du tremblement de terre la montagne d’Alharak s’écroula et obstrua le vallon qui la traversait, créant un petit lac qui existe encore aujourd’hui552. On y trouve des poissons délicats. Le merveilleux patriarche Grigoris augmentait jour après jour ses bonnes œuvres pour la splendeur de l’église. Il était aimé de toutes les nations. Il advint qu’il alla à la sainte ville de Jérusalem pour adorer les lieux saints de l’Incarnation. Lorsqu’il arriva dans la ville d’Antioche D’après les sources arabes, elle aurait été reconstruite au IXe siècle, à l’époque de la domination arabe (voir MINORSKY 1953, p. 5-6, 48-50 sq. et 1958, p. 25, 27). Après le déclin de la ville de Bardha῾a (en arménien Partaw), elle devint la capitale du pays des Ałuankʻ, l’Arrān des Arabes. Fief de plusieurs dynasties successives dont celle des Shaddādides, puis des Grands Saldjūḳides, le territoire de Gandja est réuni au XIIe siècle à l’Ādharbaydjān sous la domination des Ildeňizides; voir «Gandja» dans EI2, II, p. 997-998, III, p. 11381140. 550 Sur Grigor, disciple de Yovhannēs Sarkawag, voir AnjB I, no 171, p. 577 et Vardan, § 70, p. 122 (trad. Thomson, p. 203). 551 Sur le tremblement de terre, voir Samuēl Anec‘i (année 1141 corrigée en 1139), p. 212 et qui eut lieu en 588 (= 1139/1140) d’après Vardan, § 71, p. 124 (Thomson, p. 204). 552 Sur l’histoire de la création du lac d’Alharak et l’enlèvement des portes par le roi géorgien, voir Histoire de la Géorgie (Brosset, note 3, p. 368-369).

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tous les [habitants] de la ville vinrent à sa rencontre avec des torches et des lampes. Il fut amené en grande pompe et assis sur le siège de l’apôtre Pierre. Lorsqu’il parvint à Jérusalem, la nation des Francs qui gouvernaient la ville [p. 118] et leur patriarche montrèrent, grâce à lui, plus d’amour envers notre nation. En effet, il était plaisant à voir et paré de la connaissance des saintes Écritures. L’ancien accord entre Trdat, saint Grigor, l’empereur Constantin et le patriarche Sylvestre553 fut renouvelé. Après avoir vécu ainsi avec moralité, il passa vers le Christ plein de jours et parfait en vertus. Il eut comme successeur son frère Nersēs554, sept ans. Ce Nersēs surpassait en sagesse tous ceux de son temps, non seulement les vardapet d’Arménie, mais aussi les Grecs, les Syriaques au point que la renommée de sa sagesse se répandit dans toutes les nations; c’est ainsi qu’un certain sage de Constantinople du nom de Théorianos (T‘ēora)555 entendit sa réputation, chargea ses livres sur des bêtes de somme et vint le mettre à l’épreuve et écouter [ses leçons] de sagesse. Il passa beaucoup de jours à parler avec lui, le trouva expérimenté, tout rempli de l’Esprit saint. Lorsque [Théorianos] retourna dans la ville de Constantinople, on le questionna: «Comment est-il? Conforme à sa réputation ou non?» Et lui [p. 119] de répondre: «Tel on le dit, tel on l’a vu, c’est le nouvel Grégoire le théologien ressuscité.» Tous étaient émerveillés par lui. C’était un homme brillant, il avait arrangé beaucoup de choses dans les églises, avec une mélodie suave, dans un style xosrovayin, des šarakan, des mélodies, des odes et des poèmes. Il a [composé] l’hymne de la Résurrection, le troisième côté, celle des deux jours de la dormition de la Mère de Dieu, la bénédiction de Pierre et de Paul, des jeunes gens, celle de l’Ascension qui commence par: «Réjouis-toi aujourd’hui, Église de Dieu avec la mémoire des saints apôtres». Il [rédigea] aussi l’hymne des Fils du Tonnerre «qui sont par essence toujours des fils». [Il composa] un šarakan pour Antoine (Anton), deux pour Théodose (T‘ēodos), un pour les quarante [martyrs], un pour les Apôtres, l’hymne des trois jours de la grande semaine — lundi, mardi, mercredi — et deux šarakan sur la fête de la Résurrection, 553

Voir Kirakos, chap. 1, p. 11. Nersēs Klayec‘i (1102-1173), connu sous le nom de Šnorhali, fut catholicos de 1166 à 1173. Membre de la famille Pahlawuni, frère de Grigor (1113-1166), voir sa biographie Histoire de saint Nersēs Šnorhali dans SH vol. 14 et la traduction d’AUGÉ 2011, Annexe 3, p. 269-303. 555 Il s’agit du délégué grec de l’empereur Manuel Commnène (1143-1180) qui se rendit à Hṙomkla en 1170 et 1172 auprès du catholicos Nersēs pour engager des pourparlers entre les Arméniens et les Byzantins. Il mit par écrit les longues discussions qu’il a eues avec Nersēs voir PG 133, col. 119-298 et la note 5, p. 864 de ZEKIYAN 1986. 554

HISTOIRE SUCCINCTE ET LISTE DES NOMS [DEPUIS] SAINT GRIGOR

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sur les Ninivites (Ninuēac‘ik‘), des archanges et des saints Vardanank‘ et beaucoup d’autres šarakan. Il composa le kérygme de la sainte messe sur une douce mélodie, donnant une profondeur mystérieuse aux strophes de ses šarakan, [il écrivit] deux «trésors» (ganj) portant son nom: l’un sur la Transfiguration et l’autre sur l’Assomption de la Mère de Dieu, et à l’exemple de Grigor Narekac‘i (qui a composé un livre de prières avec des mots variés et dans un style philosophique), il rédigea [p. 120] La venue de l’Esprit saint, L’Église, La sainte Croix, un Panégyrique de Jacques de Nisibe (Yakob Mcbnac‘i) et un des Apôtres. [Nersēs] créa un abrégé de l’Évangile de Matthieu (Matt‘ēos) lumineux et plein d’esprit jusqu’à l’endroit où le Seigneur dit: N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes556. Là, je ne sais pas quelle raison l’a empêché [de poursuivre]. Il écrivit des discours sur les archanges dans la veine de ceux de Denys l’Aéropagite (Dionēsios Arispagac‘i)557, il traduisit de nombreux discours sur les martyrs de Dieu. Ayant accompli de tels bons arrangements, il passa vers le Christ, espoir de tous, dans une désirable et bienheureuse mort. Le souhait de ce saint était, s’il était possible, que les gens ne tiennent pas de propos profanes, mais [parlent] d’après l’Écriture et ne s’occupent ni de boire, ni d’autres réjouissances. Il créa donc des chants et forma des hommes qui gardaient la citadelle afin qu’à la place de paroles sauvages ils prononcent le début du psaume de David558: Je me rappelle dans la nuit ton nom, Seigneur et ainsi successivement [ces paroles] mystérieuses: Éveille-toi, ma gloire559 qui est récité maintenant, dans l’église durant le service nocturne560. [p. 121] [Nersēs] était appelé par le grand Alexis, gendre du roi autocrate des Romains Manuel (Manil)561. [Nersēs] vint dans la ville de Mamuestia562 de Cilicie et [Alexis] lui posa des questions profondes et 556

Mt V, 17. Les Arméniens connurent les œuvres du théologien mystique, Denys l’Aéropagite (v. 490), dès le VIIe siècle, bien avant leur traduction en arménien au VIIIe siècle, voir THOMSON 1982, p. 115-124 et THOMSON 1987. Voir chapitre 52. 558 Ps CXVIII (CXVII), 55. 559 Ps LVII (LVI), 9. 560 Sur les œuvres nombreuses et variées de Nersēs, voir THOMSON 1995, p. 178-181 et l’article de ZEKIYAN, «Nersēs Šnorhali» dans le Dictionnaire de Spiritualité, XI, col. 134150. 561 Manuel Ier Comnène (1143-1180) voir ODB (Manuel I Komnenos), II, p. 12891291. 562 Mamestia/Mamuestia connue également sous le nom de Mopsuestia, Mamista, Manistra (en grec); al-Maṣṣīṣah (en arabe); Msis, Mises, Mam(u)estia (en arménien); 557

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difficiles tirées de livres. Il le trouva parfait en tout et l’estima grandement. Il lui écrivit de nouveau lui demandant de lui donner par écrit la profession de foi des Arméniens, les mystères des fêtes, les premiers jeûnes, le mystère d’une seule nature que nous disons être à Jésus-Christ après sa réincarnation et d’autres règlements ecclésiastiques qui ne sont pas identiques à ceux des autres nations. [Nersēs] de manière concise et claire répondit à ses demandes, à savoir ce que dit de manière orthodoxe l’église des Arméniens563.

Mamistra (en français) est une ville de Cilicie située à 20 km à l’est de l’ancienne cité d’Antioche de Cilicie (Adana). Voir HŠTB, III, p. 873-874. 563 La correspondance de Nersēs et des Byzantins a été traduite plusieurs fois, voir la traduction française de AUGÉ 2011, p. 91-243. Sur la chronologie de la correspondance de Nersēs et des Byzantins, ZEKIYAN 1986, p. 882-883.

CHAPITRE II

Profession de foi de l’Église des Arméniens (Hayastaneayk‘) écrite par l’évêque Nersēs1, frère du catholicos (kat‘ołikos) d’Arménie (Hayk‘) Grigoris à la demande du très honoré gendre du roi autocrate des Romains (Hoṙomk‘), le grand protostrator2 (patōstratōr) Alexis (Alēk‘sios)3 lorsqu’il alla en Orient [p. 122] et qu’il se trouvait à Mamuestia4, métropole des Ciliciens (Kilekec‘i); appelé par lui, il l’avait suivi là en 614 (= 1165/ 1166) du comput5. Je réponds aux questions que vous m’avez adressées alors que je m’entretenais avec votre très sage et pieuse personne à propos de notre foi et de nos règlements ecclésiastiques. Et parce que les paroles prononcées par des lèvres sensées ne demeurent pas habituellement immuables dans les magasins de la mémoire, mais au contraire tombent dans l’oubli, à cause de cela vous m’avez demandé de fixer d’une manière inébranlable, 1 Nersēs rédige cette lettre alors qu’il était coadjuteur de Grigor[is]; il y expose la conception arménienne, entre autres, de l’incorruptibilité du corps du Christ. De cette première lettre, très consensuelle, qui ne prétend pas détenir la norme de l’orthodoxie, et ne fait aucun reproche à la tradition chalcédonienne, AUGÉ 2011 en a donné une excellente traduction annotée (p. 95-113) sur la base de l’édition de Jérusalem de 1871 (Épîtres générales de Saint Nersēs Šnorhali Ընդհանրական թուղթք Սրբոյն Ներսիսի Շնորհալւոյ). Le texte transmis par Kirakos et traduit ici comporte quelques variantes. Voir pour les autres éditions des Épîtres de Nersēs et les différentes traductions, THOMSON 1995, p. 179-180. 2 Le protostrator (en grec: πρωτοστράτωρ) est le titulaire d’un office de la cour impériale byzantine. Il est d’abord le maître des étables impériales avant de devenir dans les derniers siècles de l’empire l’une des plus hautes fonctions militaires. 3 Il s’agit d’Alexis Axouch; à propos de cette famille byzantine d’origine perse ou turque, voir ODB (Axouch), I, p. 239. 4 Voir chapitre précédent note 562. 5 En 1165, Nersēs Šnorhali entama des discussions à propos de l’union des Églises arménienne et grecque. Il rencontra à Mamistra le protostrator Alexis Axouch. À sa demande il lui remit une lettre, la profession de foi des Arméniens, qu’Alexis apporta lui-même à l’empereur Manuel (1143-1180). Cette lettre, première version de la profession de foi, a été éditée dans l’ouvrage Ընդհանրական թուղթք (Épîtres générales), Jérusalem 1871, p. 87107. Ce recueil regroupe la correspondance entre Nersēs Šnorhali puis son successeur Grigor et les Grecs; il commence par les professions de foi de Nersēs (1165) et se termine par une lettre concernant le synode arménien de Hṙomkla (1178). À propos des différentes versions de la profession de foi de Nersēs Šnorhali et le contexte historique de leur rédaction, voir ŌRMANEAN, Azgapatum, I, col. 1383-1387 (§ 950-951), col. 1410-1413 (§ 968969). Voir TERIAN 2011, p. 299-312 et ZEKIYAN 1986.

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par écrit, pour garder clairement en mémoire ces mêmes paroles que nous avons échangées. Nous vous donnerons [réponse] rapidement, en termes concis et clairs mais aussi avec tendresse, à vous, amoureux de la science, selon notre stupide ignorance et faiblesse. Toutefois, nous décrirons la totalité de la vérité de notre foi, de l’institution ecclésiastique transmise par les saints pères qui est telle: «Nous confessons la très sainte Trinité, le Père et le Fils et le Saint-Esprit, divisée en trois personnes, réunies en une seule nature et divinité. Le Père, non engendré, sans commencement, préexistant à l’éternité, le Fils engendré, de l’essence du Père, impassible, incorporel, préexistant à l’éternité, le Saint-Esprit procédant du Père, non pas par génération comme le Fils mais jaillissant comme une source, d’une façon que lui seul peut examiner [p. 123] et incompréhensible aux créatures. Le Père n’existait pas quand il n’y avait pas avec lui le Fils et l’Esprit. De même le Père est toujours le Père et n’a pas pris plus tard le nom de paternité, de même le Fils fut toujours le Fils, éternel avec son6 Père. Ainsi l’Esprit saint fut toujours l’Esprit de Dieu, inséparable du Père et du Fils. Il faut entendre une essence, une puissance, une volonté et une force créatrice en trois personnes. Il n’y a ni grandeur, ni petitesse, ni hauteur, ni bassesse, ni abondance, ni rareté mais il faut professer un ordre, un service, un culte de la Sainte Trinité consubstantielle, par quoi tout ce qui existe a été créé à partir du néant, les cieux avec le céleste, la terre avec le terrestre, les créatures visibles et les invisibles issues d’une première création. En second lieu, l’un des Trois, le Verbe, le Fils monogène du Père, par la volonté du Père et de l’Esprit saint, annoncé par l’archange Gabriel (Gabriēl) descendit dans le sein de la Vierge Marie (Mariam) sans quitter le sein du Père selon la nature divine et infinie et, prenant chair de la Vierge pure qui était de la pâte d’Adam, il l’unit à sa divinité par un mélange (xaṙnum) inconcevable et ineffable et devint une personne parfaite à partir de deux natures parfaites, une divine et une humaine; une personne parfaite, immuable et indivisible par nature, sans changer la nature humaine, grossière et articulée, en nature divine simple et sans jointure [p. 124] en perdant la sienne, et en mélangeant la nature simple et incorporelle de Dieu avec la nature corporelle en perdant son éternelle simplicité, bien qu’il soit dit, à propos de l’indicible union que l’incorporel prit chair et que le Verbe se matérialisa. Le Verbe incorporel se mêle à un corps, il s’unit à notre nature humaine en la divinisant par ce mélange et par cette union, il n’y eut ni changement, ni altération dans 6

Nous avons préféré lire ici իւրում (leçon փխ) et non երդում.

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l’union, de la même manière dans l’âme et le corps de l’homme. Bien que la vérité7 soit supérieure à l’exemple comme il y a une analogie entre le Créateur et sa créature, il a uni notre [nature] à la sienne d’une façon inconcevable. Celui qui reçoit et celui qui a reçu demeurent inchangés; non pas de façon compréhensible comme l’air et l’eau dans un vase qui a été vidé mais c’est naturellement qu’il s’est uni au-dessus de la raison par une union indivisible et sans confusion. Il prit la nature d’Adam, non pas celle qui était dans l’innocence et au paradis mais celle qui est après le péché et la corruption. Car la Vierge Marie de laquelle le Christ a pris chair était de la nature d’Adam, sujet au péché. Toutefois en s’unissant à la divine nature de Dieu, [cette] nature peccable est devenue sans péché et la [nature] corruptible exempte de la misérable corruption des passions comme les objets métalliques mêlés au feu, la rouille de la corruption, s’il y en a en eux, brûle. Et [leur] nature purifiée de la corruption demeure inconsumée. Et lui, [son] commencement [p. 125] fut incorruptible, car il est né sans semence de la Vierge incorruptible, sa mort fut aussi incorruptible car son corps, dans le tombeau, n’a pas vu la corruption, il est nécessaire que durant la période entre sa naissance et sa mort, il fut aussi incorruptible. Nous ne disons pas qu’il a été incorruptible dans les nécessaires et volontaires souffrances, à savoir la faim et la soif, le sommeil et le travail, le chagrin et les larmes, qui nous donnent à comprendre de façon fantasmagorique son incarnation mais, pour les souffrances involontaires et méprisables, je le confesse, il était incorruptible; il était à la fois semblable à nous et supérieur à nous selon ce qui est écrit: il est un homme et plus qu’un homme8 et il est un homme, qui le connaîtra?9 Maintenant, selon notre compréhension, le mode d’union fut ainsi: il [habita] dans le sein de la Vierge neuf mois et cinq jours en sus, selon la primogéniture, et lui qui pouvait en un moment être parfait, crût jour après jour et se développa afin de faire obstacle grâce à cela à une idée fantasque de l’Incarnation. Il est né comme homme, Dieu s’est fait homme tout en conservant pure la virginité de celle qui le mit au monde pour que la génération maudite soit bénie et la virginité honorée. À huit jours, il fut circoncis pour accomplir la promesse faite à nos pères10 et pour nous enseigner spirituellement la circoncision du cœur. À quarante jours il vint au temple 7 Nous avons préféré lire la leçon des manuscrits abcdigmopu: ճշմարտութիւնն et non ճշմարտութեանն. 8 Voir 1 Tm II, 5. 9 Jr XVII, 9, éd. Zōhrapean. 10 Voir Gn XVII, 12.

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selon la loi de la présentation11, pour offrir notre nature humaine [p. 126] à son Père dans les hauteurs [du ciel]. Il a fui en Égypte (Egiptos) afin de ramener la capitale de l’idolâtrie au culte divin et de nous inciter à fuir comme lui, avec empressement devant les persécutions. Il a parcouru le pays durant trente ans, dans la pauvreté et l’humilité, dissimulant sa divinité pour nous élever en nous enrichissant lorsque nous marcherons sur ses pas. Il vint au Jourdain (Yordanan), à l’âge de trente ans accomplis, en manifestant la gloire de sa divinité par le témoignage du Père, Celui-ci est mon Fils bien-aimé12, et de l’Esprit descendu comme une colombe. Il a été baptisé dans le Jourdain par Jean (Yovhannēs) pour qu’il purifie les eaux, qu’il y jette les antiques péchés et qu’il nous donne le baptême spirituel, d’après le témoignage de Jean: lui vous baptisera dans l’Esprit saint et le feu13. [Ce] second Adam jeûna quarante jours à cause du premier Adam qui n’avait pas jeûné et triompha dans trois épreuves de celui qui avait vaincu l’homme. Après cela, il montra au monde la puissance de sa divinité cachée, en chassant les démons, guérissant les malades, rendant la vue aux aveugles, faisant marcher les boiteux, ressuscitant les morts, marchant sur les flots comme sur la terre, nourrissant la multitude avec quelques pains, changeant la nature des choses créées, suivant sa volonté, transformant l’eau en vin et l’obscurité en lumière. Et avant sa résurrection [p. 127], sur le mont Tabor (T‘aborakan leaṙn) il révéla à ses disciples la lumière de sa divinité qui avait été cachée comme sous le voile de sa chair, se montrant le maître des vivants et des morts par un appel autoritaire à Moïse (Movsēs) et à Élie (Ełia). Puis il alla volontairement au supplice pour accomplir les écrits des lois et des prophètes, monté sur un petit d’ânesse, symbole de l’Église des Juifs (Hrēayk‘) et des païens. Il a accompli la Pâque selon la coutume pour remplacer l’ancien par le nouveau, l’obscurité par la lumière de la vérité. Il lava les pieds de ses disciples pour purifier des fautes les pieds du premier père qui avait marché vers l’arbre de la connaissance. Il a donné son corps en nourriture de vie et son sang pour la rémission des péchés afin de nous ressusciter par cette nourriture, nous qui sommes morts par l’absorption de ce premier fruit. [Partageant] notre nature, il prie le Père pour 11 À propos de la présentation de Jésus au temple, voir Lc II, 21-40 et Égérie (IVe siècle) qui affirme que des festivités ont lieu à Jérusalem quarante jours après l’Épiphanie (la naissance du Christ étant alors parfois célébrée à cette date en Orient) en l’honneur de la Présentation au Temple, voir chap. 26, p. 255-257. 12 Mt III, 17. 13 Mt III, 11.

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nous afin de nous rendre notre gloire primitive et suivant son exemple nous apprendre à prier dans nos épreuves. Triste, il a versé des larmes et [est devenu] la cause de joie dans les cieux et sur terre, il sèchera les pleurs sur tous les visages selon Isaïe (Esayi)14. Il a craint, pour faire cesser la crainte de la mort. Il a sué, pour essuyer la sueur du visage [d’Adam]15. Il a été giflé pour frapper violemment l’ennemi, mis à nu pour déchirer le voile de honte du premier père [p. 128]. Il a bu le fiel pour adoucir le goût amer des péchés. Il a été cloué sur la croix pour nous libérer de nos chaînes et nous gratifier du bois de la vie à la place du bois de la mort. Il est mort, souverainement, selon notre nature humaine mortelle et est resté vivant selon sa nature divine immortelle. Non l’un mort et l’autre vivant selon ceux qui divisent mais l’unique et même personne et l’unique Christ qui souffrit, et mourut dans son corps mortel pris de nous; il reste vivant, immortel, vivifiant par la divinité qui provient du Père comme le dit saint Athanase (At‘anas): «Le corps mortel n’a pas nui à la divinité immortelle qui était incorruptible mais c’est plutôt lui qui est resté incorruptible par la puissance de l’immortel»; il dit plus loin: «C’est le corps consubstantiel aux mortels qui est mort.» C’est pourquoi, nous confessons, nous aussi, le Christ Dieu et homme, mais nous n’introduisons pas la division dans ces termes, à Dieu ne plaise, parce qu’il souffrit lui-même; il ne souffrit pas, en effet, par sa nature divine, il est immuable et impassible, mais en son corps [humain] il souffrit et mourut. C’est pourquoi, ils s’égarent, ceux qui disent que celui qui a souffert n’est pas le même que celui qui n’a pas souffert. Ainsi, personne d’autre que le Verbe lui-même ne souffrit et reçut la mort dans son corps; car le [Verbe] lui-même, l’impassible et l’incorporel, consentit à devenir une chair passible pour sauver l’humanité par ses souffrances. Car ce que souffrait le corps humain du Verbe, uni à la chair, qui était joint au Verbe, il se l’appropriait et [p. 129] c’était une merveille extrême car c’était lui qui souffrait et lui encore qui ne souffrait pas. Il souffrait en son corps car son propre corps souffrait mais il était lui sans souffrance, inséparable du corps qui souffrait et étant Dieu, il était impassible par nature, mais l’incorporel étant uni inséparablement au corps passible, le corps aussi avait en lui le Verbe impassible qui effaçait sa faiblesse. C’est ce que dit Athanase16. 14 15 16

1069.

Is XXV, 8. Selon les éditions de Moscou et Tiflis. Voir, sur ce passage, THOMSON 1965, p. 47-69 et Épître à Epictète, PG 26, col. 1049-

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Après lui, nous croyons encore que sa divinité, après la mort, est inséparable de son corps et de son âme humaine et lorsqu’il était, par son corps, sur la croix et au tombeau, il était par sa divinité à la droite du Père et les cieux et la terre étaient remplis de sa gloire. Le Père était avec lui sur terre comme il est dit: Mon Père est avec moi, il ne m’a pas laissé seul17; car où est le Père là sont aussi le Fils et l’Esprit et où est le Fils là sont aussi le Père et l’Esprit et où est le Saint-Esprit, là sont le Père et le Fils. Donc étant descendu dans la tombe, il mourut avec son corps mais vivant par sa divinité, il ruina l’enfer, il ressuscita le troisième jour, il libéra avec lui de la mort des péchés les âmes des hommes croyants et il donna aux hommes l’espérance de ressusciter comme lui à sa seconde venue. Au terme de quarante jours, il monta aux cieux devant les apôtres et s’assit à la droite de la Grandeur du Père, dans les hauteurs18. Selon l’apôtre, il reviendra avec notre corps avec lequel il s’est élevé pour juger [p. 130] les vivants et les morts avec équité pour rétribuer chacun selon ses œuvres. Telle est notre sainte vraie profession de foi à propos de la sainte Trinité et de l’Incarnation du Christ sommairement exposée ci-dessus. Maintenant à propos de nos rites ecclésiastiques, de nos fêtes et autres questions, certains des vôtres vous ont fait connaître par écrit leurs diverses opinions à notre sujet; nous allons dire en termes exacts ce que nous acceptons et ce que nous rejetons. Il était écrit d’abord ceci: «Ils célèbrent le cinq janvier, le matin l’Annonciation et le soir la Nativité; le matin suivant qui est le six janvier, le baptême du Christ.» Là-dedans, il y a des choses justes et également des choses loin de la vérité, il en est ainsi: Que nous célébrions en un seul jour la fête de la nativité du Christ et [celle] du baptême, le six janvier, comme nous l’avons reçu des traditions des premiers Pères, en cela, ce qui a été écrit est juste; mais [écrire] que le cinq du mois, nous célébrions le matin, l’Annonciation, cela est totalement faux. Car la fête de l’Annonciation est, selon nous, le six avril, et la Nativité le six janvier, soit douze jours après que l’avez célébrée. Quelle nécessité y a-t-il de fêter ensemble trois [fêtes] inconsidérément? Car nous avons de nombreux témoignages pour fêter ensemble la Nativité et le baptême19. [p. 131] D’abord dans toutes les Églises primitives fondées par les apôtres ils [la] célébraient ainsi. Ensuite certaines se sont séparées à cause 17

Jn VIII, 29. He 1, 3. 19 La fête de l’Épiphanie a été fractionnée en trois fêtes: Annonciation, Nativité et Baptême au IIIe siècle, voir MARDIROSSIAN 2004, note 94, p. 554. 18

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[de l’éloignement] de Bethléem (Bedłēhēm) et du Jourdain. Ils ne pouvaient pas, en une journée, accomplir les fêtes dans les deux lieux de pèlerinage qui sont éloignés l’un de l’autre. Petit à petit, un nombre croissant d’Églises ont accepté cela. Mais les Arméniens sont restés immuables, suivant les enseignements de saint Grigor. Ensuite, parce que l’Évangéliste Luc (Łukas) témoigne que ceci est vrai, il raconte que le jour de l’Expiation, qui était le dix tishri (t‘šrin) et le vingt-sept septembre, le grand-prêtre Zacharie (Zak‘aria) entra dans le temple, jeta de l’encens, eut la vision de l’archange et entendit la nouvelle de la conception de sa femme stérile, puis il fut réduit au silence à cause de son incrédulité20; puis il dit: lorsque furent révolus ses jours de service il s’en alla chez lui21. Mais sa maison n’était pas à Jérusalem (Erusałēm) mais dans la montagne de Judée (Hrēastan) où Marie salua Élisabeth (Ełisabet‘). Les jours de service étaient les cinq jours de la fête de l’Expiation et les sept jours de celle des Tabernacles, ce qui fait douze jours. Donc l’Évangéliste nomme jours de service sacerdotal de Zacharie ces deux fêtes qui sont célébrées ensemble selon la loi. Une fois [ces jours] terminés, il rentra chez lui; la conception d’Élisabeth eut lieu le vingt-deux tishri et le cinq octobre. Maintenant ceux qui célèbrent l’Annonciation de la Vierge le 25 mars placent la conception d’Élisabeth [p. 132] le premier jour du mutisme de Zacharie, c’est-à-dire le dix tishri, ce dont l’Évangéliste Luc ne témoigne pas. Et ceux qui fêtent le six avril, placent la conception d’Élisabeth après les douze jours de son service, comme il est écrit ci-dessus, le vingt-deux tishri, ce dont témoigne l’Évangéliste. Il y a un troisième témoignage selon le récit de l’Évangéliste qui dit: et Jésus, lors de ses débuts avait environ trente ans22 jusqu’à son baptême. Il faut selon la sagesse et la droiture d’esprit que le jour du baptême tombe, au bout de trente ans, le six janvier, à la même date que celui de la naissance, bien que cela ne soit pas le même jour. Il y a beaucoup d’autres choses à dire à propos de cela mais que cela suffise à ta sagesse; mais qu’il en soit ainsi ou autrement, elles seront célébrées pour la gloire de Dieu. Il est écrit également dans cette lettre que notre Église n’entonne pas le chant en l’honneur de la sainte Mère de Dieu. Ceci est une accusation, sans rapport avec la vérité. Car la Mère de Dieu, Marie, digne de l’honneur de ce qui est au ciel et sur la terre, est vénérée au point que nous chantons non seulement son nom les mêmes jours que les noms des trois jeunes hommes 20 21 22

Voir Lc I, 8-20. Lc I, 23. Voir Lc III, 23.

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et du prophète David (Dawit‘) mais nous [chantons] aussi son nom seul, le dimanche et durant les fêtes du Seigneur, comme ceux parmi vous bien informés de nos institutions ecclésiastiques vous l’apprendront. Et il était écrit encore dans la lettre à propos de nous: «Ils croient à une seule nature du Verbe et du corps, ce dont nous accusons, disent-ils, Apollinaire23 (Apōłinar)». [p. 133] Ceci nécessiterait de nombreuses réponses. Mais comme le temps presse, peu de mots suffiront. Nous disons une nature dans le Christ, ni confondue comme Eutychès24 (Ewtik‘ēs) l’enseignait, ni affaiblie comme le disait Apollinaire mais selon Cyrille d’Alexandrie (Kiwreł Alek‘sandrac‘i)25 qui dans son Livre des Commentaires contre Nestorius (Nestor) établit: «qu’une est la nature du Verbe incarné, comme l’ont dit les Pères». Par Pères, il entend: Athanase (At‘anasios) et ceux qui le précèdent. Nous parlons selon la tradition des saints et non selon les opinions des hétérodoxes qui rendent confuse, changent et altèrent l’Incarnation du Christ en disant une nature. Nous disons une nature au lieu d’une personne ce que vous confessez dans le Christ, ce que nous professons est exact. Nous disons une nature, ce qui est semblable mais non conforme aux conceptions hérétiques. Ceci est clair car lorsque nous parlons de lui, nous ne nous arrêtons pas seulement à une [nature] mais nous désignons les propriétés des deux, comme sont claires les paroles citées ci-dessus à propos de la passion et de la mort qui sont dites aussi par saint Athanase: «Le Verbe étant Dieu, il était par nature impassible; toutefois l’incorporel était uni indivisiblement avec le corps passible» et beaucoup de propos semblables. Parce que chez nous par le Verbe nous ne disons pas autre chose que l’union indivisible et ineffables du Verbe avec la Chair. Nous ne fuyons pas lorsque nous disons deux natures nous ne disons pas division comme [p. 134] Nestorius, mais nous montrons la non confusion contre les hétérodoxes Eutychès et Apollinaire. Par exemple, le corps et l’âme de l’homme sont de nature différente car l’une est céleste et l’autre terrestre, l’une visible, l’autre invisible, l’une temporelle, l’autre immortelle, 23 Apollinaire (310-390?) évêque de Laodicée, est surtout connu pour sa théologie déviante; selon sa christologie le Logos tenait lieu d’âme pour l’homme Jésus dans un corps reçu de la Vierge. Voir PIETRI 1995, «L’établissement de l’Église sous Théodose», p. 375-379. 24 Eutychès (378-454?), moine à Constantinople, a développé une doctrine affirmant que la nature divine du Christ a absorbé sa nature humaine. Il fut condamné au concile de Chalcédoine en 451. Voir CAMELOT 1951-1954, «De Nestorius à Eutychès: l’opposition de deux christologies», I, p. 213-242. 25 Cyrille évêque d’Alexandrie (412-444), sur les versions arméniennes de ses œuvres, voir THOMSON 1995, p. 42.

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mais après l’union on dit que l’homme a une nature et non deux. De dire une nature ne signifie pas la confusion dans l’homme ou de croire que l’homme est seulement âme ou seulement corps. Ainsi, il est dit que la nature du Christ est une, non confondue quoiqu’il y ait deux natures ineffablement unies l’une à l’autre. Car s’il n’en était pas ainsi, alors il faudrait comprendre non seulement deux natures mais trois en Christ: à savoir deux natures humaines, l’âme et le corps et une nature divine. Mais après l’union, la dualité des divisions disparait selon les dires des saints vardapet. Donc, si nous disons une nature à propos de l’indissoluble et indivisible union et non à propos de la confusion, si [nous disons] deux natures non confondues immuables et indivisibles, les deux expressions sont dans les bornes de l’orthodoxie. De même, il est écrit dans le livre que notre meṙon26 provient de l’huile d’une plante, appelée sésame et non des olives des arbres. C’est vrai, la cause en est ceci: dans le pays des Arméniens, il n’y avait pas d’oliviers à cause du climat froid. Il faut donc une huile qui existe déjà [p. 135] dans le pays pour fabriquer le meṙon et nous n’avons vu aucun dommage spirituel à cela. Car si la force était dans la matière, on rechercherait la matière seule digne de l’inspiration divine qu’elle porterait en elle. Si les prières et bénédictions sacerdotales unissent à l’huile la grâce divine, il n’y a ni augmentation, ni diminution que l’huile vienne des fruits des arbres ou d’une plante. Comme le vin, qui est la matière du sang du Christ, ce qui est acceptable quelle que soit sa couleur, noire, rouge ou blanche parce que c’est le sacrifice qui le sanctifie et en fait le sang du Christ. On disait dans le livre, à propos des images des saints, que [nos] Pères les rejettent complètement. Cela est vrai; nous dévoilerons l’hostilité qui, à ce propos, règne entre les deux nations. De nombreux maux ont été semés par Satan, comme la non acceptation des images des saints par certains des ignorants de notre peuple que nous blâmons; nous anathématisons ces audacieux blasphémateurs. Nous exerçons la dignité de guide, nous acceptons et adorons l’image de l’Incarnation de notre Sauveur et vénérons celles de tous les saints suivant leur rang. Nous les représentons dans nos églises et sur les vêtements du sacrifice; nous réprimandons, nous faisons taire ceux des nôtres qui, ignorants et sots, ne les admettent pas. 26 Le meṙon/miwṙon est le nom du saint chrême; le saint chrême est élaboré avec de l’huile d’olive, des fleurs et plantes que l’on laisse macérer pendant quarante jours, suivant Ex XXX, 22-25.

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[p. 136] Il y avait encore ceci dans le livre: «Ils clouent toutes les croix». Cela n’est pas vrai. [Les croix] qui sont dans une matière massive, comme l’or ou l’argent, ou ne sont pas composées de deux parties, l’une sur l’autre, nous ne les clouons pas. Mais celles qui sont en bois et composées de deux pièces, il faut les renforcer avec des clous de fer afin que désunies par le vent ou toute autre cause, elles ne tombent pas, comme la première croix sur laquelle fut clouée le Christ, qui était composée de deux pièces l’une sur l’autre pour pouvoir supporter le corps sans se disjoindre. Maintenant, si les clous font partie du sacrement, alors il faudrait clouer toutes les croix, quel que soit le matériau, non pas uniquement celles de bois, de peur qu’elles ne se disjoignent et ne tombent. Ainsi si l’on voit des clous dans des croix de pierre ou de fer bien qu’elles ne soient pas de deux pièces mais d’une seule, il saura qu’elles sont l’œuvre d’ignorants et d’opposants et non pas de notre fait. À propos du Trisagion27, il était écrit que nous disions: tu as été crucifié. Si comme vous, nous chantions ces glorifications [nous adressant] à la Trinité, ce serait un crime et une profonde folie de dire: tu as été crucifié. Mais nous le disons de la seule personne du Fils; nous ne faisons que lui attribuer le grand bienfait dont nous lui sommes redevables en disant: «Dieu puissant et immortel, toi qui as été crucifié corporellement pour nous, aie pitié de nous». Ensuite, nous avons la Mère du Verbe divin qui agit comme intercesseur et médiatrice auprès de son [Fils] unique en disant: «Fais parvenir nos supplications à ton Fils notre Dieu». À cause de cela, ceux qui s’adressent à la Trinité comme vous [p. 137] ou ceux qui s’adressent seulement au Fils comme nous sont tous agréables à Dieu, quand leurs paroles sont exemptes d’hostilité. Toutefois, ici nous disons les glorifications pour le Fils durant la sainte messe, nous chantons les hymnes séraphiques en l’honneur des trois personnes. Cette accusation est aussi écrite à notre propos: «Pendant le saint carême, ils mangent le lait des animaux et des œufs, les samedis et les dimanches.» Nous vous montrerons aussi la vérité à ce sujet. Antérieurement, dans les contrées orientales, les išxan d’Arménie avaient coutume de manger tous les jours du carême, du poisson, de l’huile et de boire du 27 Le Trisagion est une série de trois invocations dans la liturgie qui consiste en la répétition de la phrase: Αγιος ο Θεός, Αγιος Ισχυρός, Αγιος Αθάνατος, ελέησον ημάς (Saint Dieu, Saint Fort, Saint Immortel, aie pitié de nous). Pour les non chalcédoniens, le Trisagion était adressé au Fils et donc ils rajoutaient à la formule seulement au Fils: «Qui as été crucifié pour nous», tandis que les chalcédoniens considéraient l’hymne comme s’adressant à la Sainte Trinité et rejetaient donc cet ajout.

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vin comme vos peuples et les Francs (Fṙankk‘). Mais les guides de cette époque leur prêchaient de ne pas user de tels mets durant le jeûne en disant: «Le poisson est pire que le laitage car le poisson est un être vivant et le lait n’est pas vivant mais le produit distillé de nourritures vivantes. À cause de cela, si vous désirez jeûner saintement suivant la volonté de Dieu, abstenez-vous de lait, mais aussi de poisson. Mais si vous ne voulez pas, durant cinq jours de la semaine jeûnez saintement en vous abstenant de nourritures et de boissons, et le samedi et le dimanche, hormis la viande, mangez de tout le reste, [p. 138] poisson et laitage, à cause de votre intempérance afin que personne ne pense jeûner en mangeant seulement du poisson et pas de laitage, comme si le poisson était considéré comme un aliment de jeûne. Ceci est une pratique de gourmands et non une règle de jeûne. Cette pratique n’a pas duré en Arménie car, peu de temps après, elle fut rapidement supprimée. Maintenant, de nos jours, seuls les išxan et les soldats, certains de leur propre chef et non par prescription des canons ou avec notre dispense, durant les jours de jeûne s’autorisent le poisson, l’huile et le vin; cependant toute la cohorte des ecclésiastiques et de nombreux laïcs non seulement s’abstiennent de laitage et de poissons, car il n’en est fait aucune mention pendant les jours de carême mais [s’abstiennent] également de toutes nourritures grasses et de boire du vin. Pour celui qui, a péché par intempérance, se repente et se confesse, nous lui imposons une très lourde peine. Il était aussi écrit dans le livre à notre sujet: «Ils offrent le sacrifice du vin pur sans mélange d’eau.» Nous aurions beaucoup de choses à en dire [en nous appuyant] sur le témoignage des Écritures mais pour être bref, nous estimons inutile de tout retenir et nous n’en dirons que peu de mots. Tout d’abord, nous tenons cette tradition de notre Illuminateur saint Grigor qui l’avait reçue des premiers saints Pères, ses prédécesseurs. Et parce que le Christ s’offrit lui-même comme sacrifice mystique dans le cénacle, il est écrit que seul le vin [fut utilisé]: «Il [en] prit dans ses mains et dit: ceci est mon sang28» [p. 139]; le nom de l’eau n’est absolument pas mentionné. De même on dit, après l’accomplissement du sacrifice: Je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne29, car la vigne produit du vin et non de l’eau, comme le dit Jean Chrysostome (Yovhan Oskeberan) dans son Commentaire sur l’Évangile30. Si c’est à cause de l’eau et du vin 28

Mt XXVI, 28. Mt XXVI, 29. 30 Jean Chrysostome a écrit des homélies sur l’Évangile de Matthieu; le passage est tiré de l’homélie 88 et porte sur Mt XXVI, 26-36, voir AUGÉ 2011, note 40, p. 107. 29

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sortis des flancs [du Christ] que vous dites de verser de l’eau dans le calice, voici ce que dit ce même Jean Chrysostome dans son Commentaire sur l’Évangile selon Jean: l’eau [est utilisée] dans le mystère de notre baptême et le vin dans le saint sacrifice. Mais plusieurs vardapet de l’Église disent également la même chose et nous, nous suivons leurs paroles et traditions, et de ce fait nous ne versons pas de l’eau, mais nous accomplissons le mystère du sang pur du Christ avec du vin pur. Mais qu’il en soit ainsi ou autrement il faut célébrer le mystère divin uniquement avec un esprit pur et tout sera réalisé pour le contentement de Dieu. Mais [l’homme] impur et sali, qui utilise un calice incorruptible et met de l’eau, irrite celui qui reçoit le sacrifice divin au lieu de l’apaiser. Il y avait aussi dans le livre des choses risibles: «Ils rebaptisent et bénissent toutes les croix chaque année.». Ni les savants, ni même les ignorants de notre nation ne le font, car la bénédiction des croix n’a lieu qu’une fois et non plusieurs, comme vous l’avez écrit. La bénédiction de la croix ne vient pas de nous mais [p. 140] de vos premiers Pères que nos prédécesseurs ont traduits et transmis; c’est ce qu’en Orient nous trouvons en langue grecque dans nos livres anciens. Il n’y a rien de plus, rien de moins chez nous. Il est écrit de laver [chaque] nouvelle croix d’abord avec de l’eau, puis du vin en mémoire du double mystère sortis des flancs du Christ et, de réciter le psaume concernant le mystère, de lire les paroles prophétiques et apostoliques et les Évangiles sacramentaux; après cela les prières des prêtres demandent à Dieu de donner à cette croix la grâce et la force de la première croix sur laquelle lui-même a été attaché afin qu’elle chasse les démons, purifie les hommes de leurs passions, apaise le courroux qui, était descendu sur nous à cause de nos péchés: «Demeure toujours en elle comme en ta première croix, fais qu’elle soit ton temple, [ton] siège, l’arme de [ta] puissance afin que notre prosternation devant elle soit offerte non à la créature matérielle mais à toi, Dieu invisible» et d’autres paroles suppliantes. Ensuite prenant la croix bénie, nous la dressons à l’Orient, nous nous l’adorons, elle qui a été bénie une seule fois mais non pas à plusieurs reprises, comme il est écrit. On nous a dévoilé ce qui été écrit: «Nous avons entendu que certains parmi eux disent que le Christ ne prit pas de la Vierge un corps de même substance que le nôtre, épais, mortel, passible, terrestre, corruptible et créé mais [un corps] incorruptible, subtil, impassible et incréé et qu’il se montra homme comme il le voulut [p. 141]. Il mangea et but comme chez Abraham.» Ces paroles ont une réponse parfaite dans ce que nous avons écrit plus haut, donc nous en redirons très peu de choses maintenant. Nous

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disons que le Christ est Dieu et homme, consubstantiel au Père par sa divinité et consubstantiel à nous selon son humanité, et il est lui-même une divinité indivisible, céleste, simple, impassible et immortelle en sa nature divine et il est terrestre, épais, passible et mortel en sa nature humaine; mais il n’est pas une [personne] et une autre [personne] selon les opinions de Nestorius qui disait que le corps est le temple du Verbe. Après l’union, la dualité disparut, en sorte que les attributs divins les plus sublimes se rapportant, dans les Écritures, tantôt à la divinité et tantôt au corps, consubstantiel au nôtre. Ainsi les noms de notre Seigneur relatifs à son Incarnation sont appliqués par l’Apôtre à sa divinité, quand il dit: Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui, il le sera éternellement31. Par «hier» il entend la divinité éternelle qui était avec le Père; par «aujourd’hui» son incarnation; et par «le même éternellement» son règne sans fin. Car si l’apôtre avait eu connaissance de la division entre l’humanité et la divinité, il aurait dit: Dieu le Verbe hier et Jésus-Christ aujourd’hui. Mais ni les apôtres, ni les vardapet de l’Église montrèrent un mode de division après l’union, à l’instar de Jean l’Évangéliste (Yovhannēs Awetaranič‘) qui, en touchant le corps, disait toucher le Verbe32, nos mains, disait-il, ont touché [p. 142] le Verbe de vie33. De même, ce qui est particulier au corps est rapporté à sa divinité si bien que Dieu fut crucifié, Dieu [versa] son sang, [connut] la passion et mourut selon saint Grégoire le Théologien (Astuacaban Grigor) et les autres saints. Ils ne désignent rien d’autre que l’union ineffable et indivisible. C’est pourquoi nous confessons le corps consubstantiel à nous, issu de la pâte d’Adam, épais, pas seulement un corps visible à l’œil, comme il est apparu à Abraham, ceci non seulement avant la résurrection mais aussi après la résurrection comme il l’a dit lui-même: Palpez-moi et rendez-vous compte qu’un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai34. Selon la puissance divine lorsqu’elle le voulait, elle allégeait le corps pour qu’il marche sur la mer, pour qu’il sorte du tombeau scellé, pour qu’il entre par des portes fermées auprès des disciples, si ce n’est qu’il n’était pas asservi par les lois de la nature comme nous, mais les lois de la nature le servaient comme le Créateur, ce que l’on comprend par la naissance virginale et par d’autres miracles suprêmes. S’il ne possédait pas un corps épais, qui clouèrent-ils sur la croix ou comment déposèrent-ils la 31

He XIII, 8. Voir AUGÉ 2011, note 46, p. 109, la référence est tirée du second discours sur Pâques. 33 1 Jn I, 1. 34 Lc XXIV, 39. 32

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dépouille au tombeau et qui Thomas (T‘ovmas) toucha-t-il après la Résurrection? S’il n’est pas passible, comment a-t-il souffert; si son corps n’est pas mortel, comment inclinant la tête, remit-il l’esprit35. Toutefois c’est volontairement qu’il subit tout et avec dignité et non involontairement et avec faiblesse [p. 143] selon sa propre parole: J’ai pouvoir de donner ma personne et j’ai pouvoir de la reprendre36. Dire le corps corruptible, à propos des souffrances volontaires, de la faim, de la soif, des pleurs, de l’écoulement du sang sur la croix, par lequel nous sommes vivants, nous aussi nous confessons cela. Mais si quelqu’un le dit corruptible à propos des passions involontaires et méprisables, à savoir l’évacuation coupable des aliments et des boissons, nous ne partageons pas ceci car la corruption est née des péchés et lui qui n’a pas commis de péchés37 cette corruption ne le gouverne pas. De plus, les Écritures témoignent qu’il a subi les passions, non pas involontairement, mais volontairement, et les souffrances de la corruption agissent dans notre nature non pas volontairement, mais involontairement et avec contrainte. Celui qui dit cela montre que ce ne sont pas les passions qui le servaient mais lui qui servaient [les passions]. Et s’il obéissait, malgré lui, à de telles passions corruptrices, il était évident qu’il était soumis au péché, père de la corruption, ce que les croyants orthodoxes ne peuvent ni concevoir, ni dire. Mais si quelqu’un dit cela à son sujet pour affirmer son humanité, que les souffrances évidentes et irrépréhensibles écrites soient suffisantes pour prouver qu’il fut véritablement homme et il n’est pas besoin de [souffrances] pires non écrites pour confesser qu’il est un vrai Dieu. Il était aussi écrit à notre sujet: «À cause de cela, ils disent une nature du Christ, comme si l’humanité était complètement noyée dans la divinité [p. 144] à l’instar d’une goutte de vinaigre ou de miel jetée dans la mer qui ne se voit plus38.» Les premières paroles écrites par nous contiennent la réponse. Nous avons écrit que dans l’union, la nature humaine grossière et articulée ne s’est pas changée en nature divine simple et sans jointure, ni n’a perdu son volume, pas plus que la simple et incorporelle nature de Dieu, s’unissant à la nature de la chair n’a changé ou altéré sa simplicité 35

Jn XIX, 30. Jn X, 18. 37 1 Pe II, 2. 38 Pour l’image de la goutte de vinaigre jetée dans la mer, voir Grégoire de Nysse, Antirrheticus adversus Apolinarium, (GNO III), p. 201 et Contra Eunomium, (GNO I-II), III, 3, p. 68-69. 36

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éternelle. Le vinaigre et le miel comme l’eau et le vin, sont corrompus quand on les jette à la mer. Le mode d’union de la divinité et de l’humanité n’est pas ainsi. En effet, étant matériels, en vérité, ils se corrompent en se mélangeant entre eux. Mais le corporel et l’incorporel fusionnent, s’unissent ineffablement, ils ne se confondent pas et ne s’altèrent pas comme l’âme humaine et le corps. Quant à la nature créée, combien plus glorieuse encore devra-t-on estimer l’union de la nature créatrice avec [la nature] créée. Parlons un peu du jeûne nommé chez nous aṙaǰawor39 que vous blâmez par ignorance [le rattachant] à un certain Sargis, un sorcier possédant un âne et un petit chien40. Ceux qui s’étaient soulevés contre notre foi racontent diverses sornettes sur lui et devant vous des histoires mensongères. Mais chez nous, il n’y a aucun souvenir de ce Sargis, pas plus que, de cette soidisant chimère qui n’existe pas, bien que l’on rencontre son nom. Ce Sargis n’existe pas dans notre nation, même de nom [p. 145]. Et s’il y en a un, il est dissimulé pour nous, l’Église kat‘ołikē l’anathématise, lui, son âne, son petit chien, et ceux qui le connaissent et le reconnaissent; car son nom n’a jamais été entendu au sein de notre nation, mais uniquement chez les Romains qui le disent pour nous calomnier. Nous, prenant Dieu à témoin, nous écrirons ouvertement la vérité sur cette affaire afin que personne par ignorance ne blasphème et ne nuise à son âme. On l’appelle aṙaǰawor car il est le premier jeûne [institué] chez les Arméniens pour la raison suivante: lorsque notre saint Grigor l’Illuminateur sortit de la fosse, le roi des Arméniens Trdat (Trdatios), qui avait été puni par Dieu et avait l’apparence d’un sanglier, [lui] et tous les išxan ainsi que les soldats possédés du démon se réunirent devant lui. Il leur prescrivit un jeûne de cinq jours, avec abstinence afin qu’ils ne mangent rien comme les Ninivites (Ninuēac‘ik‘)41, grâce à cela ils obtinrent de lui la guérison. Et pour cette raison, ce jeûne fut institué primitivement par saint Grigor, le même Illuminateur qui le transmit à l’Église d’Arménie, [recommandant] de jeûner de nouveau chaque année afin que le bienfait divin 39 Ce jeûne, avant-Carême, qui est spécifique de l’Église arménienne, placé dix semaines avant Pâques, dure cinq jours, il a été institué au VIe siècle, voir RENOUX 1997, «Samuēl Kamrǰajorec‘i. Le traité sur l’aṙaǰawor (1e partie)», p. 379-396. 40 La fête de saint Sargis, célébrée avant le dimanche ouvrant la semaine de l’aṙaǰawor, apparaît au VIIIe siècle. Ce saint devint un objet de polémique byzantine du Xe au XIIIe siècle concernant l’avant-Carême, voir AUGÉ 2011, note 51, p. 111. Nersēs Šnorhali a traduit la Vie de saint Sargis zōravar, voir Sop‘erk‘ Haykakank‘ 16. 41 Voir Jon III, 5.

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accordé à eux ne soit pas oublié. Ils estimèrent convenable de mêler à ce jeûne, par lequel les Arméniens reçurent le salut, le jeûne des Ninivites, par lequel ils furent délivrés des menaces de mort42; c’est ce que pratiquent jusqu’à aujourd’hui les peuples des Syriaques (Asorik‘) et des Égyptiens (Egiptac‘ik‘). Toutefois si on met cela sous le nom de saint Sargis, que [p. 146] personne ne se scandalise de cette homonymie. Car ce Sargis, dont c’est la fête, était un išxan pieux de Cappadoce (Kappadovkia) à l’époque du grand Constantin (Kostandianos) et de ses fils. Lorsque régna l’impie Julien (Yulianos)43, il fut chassé par lui, alla en Perse (Parsk‘) auprès du roi Šapūr (Šapuh)44. Beaucoup de soldats perses furent convertis au christianisme, [Sargis] reçut la sentence du martyre avec son fils, de ce même roi des Perses Šapūr. Comme le jour de sa mort arriva le 30 janvier de l’année, à cause de cela, on fixa son souvenir au samedi, après le jeûne d’aṙaǰawor. De même, toutes les églises fêtent saint Théodore (T‘ēodoros) après le premier samedi du jeûne du carême. Telle est, par Dieu, l’origine de notre jeûne, ce jeûne que l’on appelle aṙaǰawor. Maintenant, à la demande de votre pieuse et prudente personne, ô tête honorable qui depuis l’enfance a la sagesse d’un vieillard tel Salomon (Sołovmon) ou Daniel (Daniēl), nous avons exposé brièvement devant votre honneur la véritable confession de l’Église arménienne. Si par caprice humain, par peur ou par pudeur, nous avons caché quelque chose de notre profession de foi, ou que nous ne l’avons pas écrit, ou bien que nous ayons écrit [p. 147] quelque chose que nous n’avons pas afin de [nous] faire accueillir par vous, nous recevrons avec les infidèles et les hérétiques le jugement devant le tribunal du Christ; car une foi cachée ou dissimulée n’est pas loin de l’infidélité. Quiconque, après avoir entendu cela de nous, se scandalisera encore à notre sujet, ne croyant pas ce qui a été dit, répondra lui-même au Christ au jour de son jugement, comme ayant divisé ses membres. Et celui qui croit une fois ce qu’il a entendu ne juge pas, comme l’a dit celui qui examine les cœurs, recevra avec les véritables croyants la récompense des bienfaits de notre Christ Dieu, à qui [appartiennent] gloire et puissance pour l’éternité. Amen. Lorsque tous les savants grecs (Yoynk‘) lurent cela, ils louèrent la foi des Arméniens. Et comme Nersēs était ingénieux en tout, il composa des proverbes allégoriques tirés des Écritures et des énigmes pour être 42 43 44

Voir Jon III, 5-10. Julien l’Apostat (361-363). Šapūr II (309-379).

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chantés à la place des fables des banquets et noces. Et lui était un homme de Dieu doux, modeste en tout et digne. Lui succéda sur le trône durant vingt ans, Grigor45. Il érigea une très jolie église, extrêmement ornée à Kla. Puis Grigoris, surnommé Tła46, le fils de leur sœur, un an. C’était un homme de belle stature et agréable à voir mais de nombreux envieux [p. 148] et des évêques jaloux inventèrent des prétextes à son sujet et le dénoncèrent avec duplicité au roi Lewon. Ce dernier ordonna qu’on l’enferme dans une citadelle tandis que l’on chercherait la vérité à son propos. Il écrivit une lettre aux vardapet et évêques de la partie orientale de l’Arménie [leur demandant] ce qu’ils désiraient concernant cet homme. Avant même de recevoir la réponse, le catholicos mourut ainsi: un jour on le découvrit, tombé du rempart de la citadelle, les reins ceints d’une toile de lin, mort. Certains disaient que désireux d’hériter de son trône, des évêques envieux l’avaient poussé; parmi eux, disaient-ils, un Yovhannēs qui après lui obtint le trône et Anania qui fut un anti-catholicos47 à Sébaste (Sewast) sous la domination du sultan des Ṙum, et d’autres au nombre de six. Certains racontaient qu’une nuit [Grigoris] voulant s’enfuir de la forteresse, il avait essayé de descendre le long des remparts avec un linge qui se déchira, il tomba et mourut. Nous ne connaissons pas la vérité, seul Dieu, juge divin pour qui les secrets des hommes lui sont révélés48 la connaît. Puis tēr Grigor Apirat sept ans49. Des jaloux commencèrent à s’élever les uns les autres contre Grigor pour savoir qui s’assiérait sur le siège patriarcal. [p. 149] Et Yovhannēs, un parent du roi Lewon, obtint [le trône] par la force. Lorsque l’évêque Anania vit cela, il se rendit auprès du sultan de Ṙum, le soudoya et devint catholicos à Sébaste; il prétendait être de la lignée du catholicos Petros qui avait été enterré là50. De la sorte le siège 45 Grigor fut intronisé en 1173, voir Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 191 (trad. Dédéyan, 12, p. 54-55). Il mourut en 1193, voir Michel le Syrien, III, fasc. 3, livre XXI, 8 (éd. et trad. Chabot, p. 411). Voir AnjB, I, no 197, p. 562. 46 Il y a ici une confusion; en réalité la succession des catholicos fut: Grigor Tła (11731193), Grigor K‘aravēž (1193-1194) puis Grigor Apirat (1194-1203). 47 Le terme employé est հակառակաթոռ, litt. «qui tient un siège, une dignité au préjudice d’un autre». 48 Sur Grigor K‘aravēž, voir Mxit‘ar Anec‘i, p. 69; Vardan, § 82, p. 139 (trad. Thomson, p. 212); Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 204-205 (trad. Dédéyan, 32, p. 69-70); AnjB, I, no 198, p. 563. 49 Grigor Apirat (1194-1203) fut le dernier catholicos Pahlawuni, voir Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 206 (trad. Dédéyan, 32, p. 71), CIArm I, no 134, p.47. Voir AnjB, I, no 225, p. 566-567. 50 Sur le catholicossat d’Anania, voir MUTAFIAN 2012, «Le catholicossat de Roûm (1201-1227)», I, p. 506-508.

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de saint Grigor fut divisé en trois: celui qui était occupé par Yovhannēs, le vrai, à Hṙomkla, l’autre à Sébaste, par Anania l’anti-catholicos et un autre dans l’île d’Ał‘tamar par Dawit‘51. Après l’empereur Alexis (Alēk‘s) régna Jean (Kalōžan)52 puis après lui Manuēl53. Maintenant en 598 (= 1149/1150) du comput arménien la nation des Romains (Hṙomayec‘ik‘) réunit des milliers d’hommes qui s’élancèrent au-delà de l’Océan, dans un premier temps, passant par la Thrace (T‘irak) comme indiqué en 546 (= 1097/1098). Ils avaient oublié les tourments effroyables causés par Alexis, le fils de Belial. Ceux qui n’imaginaient pas la fourberie traîtresse de cet homme, pensèrent qu’il était coreligionnaire et serviteur du Christ. Parce que ces personnes ne se souvenaient pas des malheurs passés, ils furent davantage floués et dupés par son petit-fils, dont le nom était derak‘ristos comme l’Antichrist. Il y avait un dénommé Manuēl, différent et éloigné en tout par ses œuvres et sa religion de [p. 150] l’Emmanuel54, qui trahit les Romains en leur donnant des aliments et des boissons fatals. Mais aux jours de son grand-père Alexis, un comte vint de Jérusalem à Antioche (Antiok‘). Lorsqu’il entra dans le temple de l’apôtre saint Pierre (Petros), il prit part au culte et le saint apôtre Pierre lui apparut et dit: «Dans une niche de l’église est enterrée la lance qui a transpercé notre Sauveur, prends et transporte-la dans ton pays». Lui, la prit avec joie et se rendit à Constantinople (Kostandnupōlis). Lorsque l’empereur Alexis entendit cela, il l’honora grandement, le gratifia de nombreux trésors et lui réclama la lance; le comte la lui laissa et continua son voyage55. 51 Sur la fondation du catholicossat par Dawit‘, voir MUTAFIAN 2012, «Le catholicossat d’Aght‘amar (1113-1895)», I, p. 500-504. 52 Jean Comnène (1118-1143), voir ODB (John I Komnenos), II, p. 1046. 53 Manuel Comnène (1143-1180), voir ODB (Manuel I Komnenos), II, p. 1289-1290. 54 Ce passage provient de Samuēl Anec‘i (année 1050 corrigée en 1048) p. 214. Pour Mxit‘ar Ayrivanec‘i, p. 63, les événements se sont déroulés en 1151. 55 De l’histoire de la lance d’Antioche nous possédons plusieurs versions, une «provençale» et une «flamande» voir DE MÉLY 1904, Exuviae sacrae constantinopolitanae. (p. 48-50) et la version arménienne. Selon Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 264-265 et p. 269 (trad. Dostourian, II, 120-121, p. 170-171 et II, 127, p. 174): saint Pierre apparaît à un pieux chevalier franc à Antioche et lui annonce que pour vaincre ses ennemis il faut être muni de la sainte Lance qui a transpercé le Christ. La lance découverte, Antioche délivrée, le chevalier, comte de Saint-Gilles, s’en retourne en Europe mais avant de rentrer en Europe il donne la Lance à l’empereur Alexis Ier (1048-1118); mais on lit un peu plus loin (Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 282 [trad. Dostourian, III, 4, p. 184-185]) que le comte de Saint-Gilles est de retour en Asie en 1101 muni de la sainte Lance qui finira par être égarée par les Croisés. De plus, comme l’écrit l’historiographe Vardan, § 64, p. 111 (trad. Thomson, p. 199), les Grecs ne possèdent pas la vraie Lance, car les Francs ont trouvé la Lance avec laquelle

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En 636 (= 1187/1188) un despote, kurde (kurd) de nation, du nom de Salāḥ al-Dīn (Salahadin)56, originaire de Maseac‘otn57 au service du sultan58 de Mārdīn59 et de Ḥalab (Halap)60 rassembla une importante armée et marcha contre la ville de Jérusalem; le roi de la ville, de nation franque, vint aux devants de lui avec des troupes nombreuses. Mais ses troupes du littoral le trahirent et le seigneur de Tripoli (Trapōlis)61, qui était ami avec ses ennemis, leur livra le roi de la manière suivante62. C’était l’époque des grandes chaleurs et l’endroit manquait d’eau; [p. 151] le comte avait conseillé au roi de s’arrêter dans cet endroit pierreux et sans eau alors que les ennemis faisaient halte sur la rive du Jourdain. La bataille s’engagea à midi, les coursiers de l’armée de chrétiens, dévorés par la soif, à la vue de l’eau entraînèrent à bride abattue leurs cavaliers au milieu des ennemis. Ils tombèrent sous leur glaive et furent massacrés. Le roi de Jérusalem était un homme brave qui massacra de ses propres mains beaucoup d’ennemis. Lorsqu’il vit qu’il lui était impossible d’être sauvé et qu’on avait tué son cheval, il décida de se rendre. Ils lui firent prêter un serment selon lequel il ne brandirait plus son épée contre eux, puis le laissèrent partir. Il se rendit au pays des Romains. [Les soldats de Salāḥ al-Dīn] marchèrent contre Jérusalem, la prirent, ainsi que les villes alentours et tuèrent tout le monde. Ensuite le soleil s’éclipsa durant plusieurs les Juifs percèrent par dérision l’image du Sauveur (…) Fortifiés par cette arme, les Francs vainquirent leurs ennemis; plus tard, ils l’envoyèrent à l’empereur Alexis. Ce sont les Arméniens qui ont reçu la Lance du Christ. Un texte anonyme (Պատմութիւն սուրբ Գեղարդեանն և այլ տնօրինականացն Քրիստոսի Histoire de la sainte lance et autres mystères de l’incarnation du Christ, éd. TĒR-MOVSISEAN 1898, p. 227-228) nous apprend que trois des lances des quatre soldats, se trouvent en Arménie (…) dont la lance qui a transpercé le côté du Christ. Vardan a composé un hymne liturgique pour l’inauguration du reliquaire de la sainte Croix déposée en 1268 par l’išxan Pṙoš, au monastère Ayrivank‘, désormais appelé Gełard (= sainte Lance). 56 Sur Salāḥ al-Dīn (1138-1193) fondateur de la dynastie Ayyūbides, voir l’article de RICHARDS dans EI2, VIII, p. 941-946 et la biographie que lui consacre EDDÉ 2008. 57 La famille de Salāḥ al-Dīn était originaire de Duin, voir EDDÉ 2008, p. 35-38. 58 Salāḥ al-Dīn est au service de Nūr al-Dīn Muḥammad cinquième souverain de la dynastie turkmène artuḳide (†1185). 59 Mārdīn se trouve sur un contrefort montagneux, dominant le bassin du moyen Euphrate, voir EI2, VI, p. 524-527. 60 Il s’agit de la ville d’Alep en Syrie. 61 Il s’agit de Raymond III de Tripoli (1152-1187). 62 À la mort du roi de Jérusalem, Baudouin IV (1185), Raymond III de Tripoli soutenu par Bohémond III d’Antioche (1163-1201) devint régent de Baudouin V, neveu du roi défunt. Mais lorsque Baudouin V meurt en 1186, Raymond est écarté au profit de Sibylle, sœur de Baudouin IV, et de son mari Guy de Lusignan. Cette mésentente entre les chrétiens favorisa le rapprochement entre la principauté de Tripoli et Salāḥ al-Dīn.

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heures63. [Les partisans] de Salāḥ al-Dīn gouvernèrent la Palestine (Pałestin), l’Égypte, la Mésopotamie (Miǰagetk‘) et une grande partie du pays de l’Arménie, eux et leurs petits-enfants appelés Ayyūbides (Edleank‘)64, à savoir al-Malik al-Kāmil (Melik‘ Keml)65, Malik al-Ashraf (Melik‘ Ašrap‘)66 et d’autres sultans qui gouvernaient plusieurs pays67. Or, Kiwrikē Bagratuni68, qui était dans la ville de Lōṙē69, passa toute sa vie à combattre les Ibères (Virk‘) pour maintenir la stabilité de ses domaines ancestraux. Après sa mort, ses fils, Dawit‘70 et Abas71 trahis par les Ibères [p. 152] sortirent de leurs domaines pour aller chez les Perses. Ils reçurent d’eux Tawuš72, Macnaberd73 et d’autres lieux. Mais au bout de quelques temps les Perses leur reprirent Tawuš; ils résidèrent donc à Macnaberd. Puis Dawit‘ et Abas allèrent vers le Christ74. Kiwrikē75, fils de Dawit‘ succéda à son père; c’était un homme agréable et plus accompli en actes de bravoure que son père il mourut [en homme] de bien, laissant son héritage à son très jeune fils Abas76, âgé de douze ans. Ce dernier épousa la fille du pieux išxan Sargis, fils de Zak‘aria, fils de Vahram, sœur du grand išxan Zak‘arē et d’Iwanē, dont le nom était Nana. Leurs actes furent nombreux, ce que nous rappellerons en son lieu. Abas, après avoir vécu deux 63 L’éclipse est mentionnée également dans un colophon du XIIe siècle, voir MAT‘EVOSYAN 1988, colophon no 274, p. 266. 64 Voir Kirakos, chap. 61, p. 385; Edleank‘ est le nom que donne Kirakos aux membres de la famille d’Edil/Ādil à savoir al-Malik al-῾Ādil (1143-1218), frère de Ṣalāḥ al-Dīn b. Ayyūb fondateur de la dynastie des Ayyūbides. À propos de la dynastie, voir EI2, I, p. 820-830. 65 À propos du sultan Ayyūbide Malik al-Kāmil (1177-1238?) fils aîné d’al-῾Ādil, voir l’article «al-Kāmil» dans EI2, IV, p. 543-544. 66 Malik al-Ashraf (v.1178-1237?) est un sultan ayyūbide de Harran de 1218 à 1229 et de Damas de 1229 à 1237. Il est fils du sultan al-Malik al-῾Ādil. 67 Sur les débuts de Ṣalāḥ al-Dīn, la bataille de Hattin et la chute de Jérusalem, voir Smbat Saparapet (éd. 1956), p. 194-198 (trad. Dédéyan, 18-23, p. 59-63). 68 Kiwrikē Bagratuni (1053? - 1100?), voir Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 145-146, p. 221 (trad. Dostourian, II, 20, p. 101 et II, 75, p. 145); et MOVSĒSEAN 1927, p. 244. 69 Lōṙē/Lōṙi ou Lōṙaberd sur la rivière Debed, capitale du royaume du Lōṙi-Tašir ou Lōṙi-Joraget à la fin du XIe siècle. Sur la destruction de la ville, voir Kirakos, chap. 25, p. 253-254. 70 Dawit‘ (†1146), voir AnjB, II, no 79, p. 38. 71 Abas (1089-1145), voir AnjB, I, no 13, p. 4. 72 Au nord-est du lac de Sewan, voir HŠTB, V, p. 48 et Kirakos, chap. 15, p. 218. 73 La citadelle se trouve dans l’Utik‘, dans le Gardman sur la rive droite de la rivière du Shamkūr, voir HŠTB, III, p. 648. 74 Dawit‘ mourut en 1145 selon Mxit‘ar Goš, dans Movsēs Kałankatuac‘i, p. 353 (trad. Dowsett, p. 484). 75 Kiwrikē († 1170) voir AnjB, II, no 3, p. 639. 76 Abas (1185-1192) voir AnjB, I, no 14, p. 4-5.

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ans avec sa femme, mourut à l’âge de dix-neuf ans. Il n’eut pas d’enfant de son épouse77. Lorsque sa sœur, Balrina78 réalisa que leur lignée s’éteignait, cela lui causa un profond chagrin. On lui dit alors: «Il y a une femme qui a un enfant à la mamelle, il est de votre frère». [Balrina], ragaillardie, prit [p. 153] l’enfant, l’éleva et lui donna le nom d’Ałsart‘an79. Il hérita de Macnaberd. C’était un homme pieux et aimant les prêtres, qui vécut jusqu’à notre époque. Durant ses vieux jours, il avait mal aux jambes. Dawit‘ išxan de Nor Berd80 le dupa frauduleusement; il était également de la lignée des Bagratuni, c’était le père de l’išxan Vasak qui avait érigé la magnifique église du couvent d’Anapat81, près de Nor Berd, [couvent] sous la direction et le concours de Yovhannēs Tuec‘i82 archevêque de Shamkūr (Šamkʻor)83, Gardman84, Ergevank‘85, Tērunakan86, Tawuš87 et d’autres régions sous l’autorité de l’išxan Vahram. L’église fut achevée, bénie et le sceau fut apposé au nom de la Sainte Mère de Dieu en 689 (= 1240/1241). L’évêque Yovhannēs était un homme saint, vertueux et bienfaisant, qui durant quarante jours jeûnait, sans [rien] manger. Cependant l’išxan de Nor Berd, Dawit‘, trompa le jeune Ałsart‘an, en le mariant à sa fille; ainsi il put gouverner lui-même Macnaberd, puis il reprit sa fille. Or Ałsart‘an s’entendit avec les habitants [p. 154] de la Sur les Bagratuni de Macnaberd, voir MUTAFIAN 2012, I, p. 269. Balrina/Borina une des cinq sœurs d’Abas, voir MUTAFIAN 2012, I, p. 270. 79 À propos de l’origine ossète du nom, voir MINORSKY 1945, p. 560. 80 Nor Berd en Utikʻ, dans le gawaṙ du Gardman, près de la citadelle du Tawuš. Voir HŠTB, IV, p. 16. 81 En 1193, Dawit‘ Kiwrikean de Nor Berd fonda un ermitage. En 1224, la grande église de la Mère-de-Dieu y fut érigée. Le père Łukas supérieur du monastère de Varag (Vaspurakan) se réfugia dans cet ermitage en 1231 et y déposa la sainte Croix de Varag, d’où le nouveau nom de l’ermitage, Norvaragavank‘. Voir pour les inscriptions KOSTANIANTS 1913, no 1231, p. 75 et DONABÉDIAN-THIERRY 1987, p. 560. 82 Voir Kirakos, chap. 43, p. 310. Yovhannēs fut l’élève de Vanakan. Homme très pieux, il fit un pèlerinage à Jérusalem. Il serait mort en 1263. Voir Vardan, § 95, p. 154-155 (trad. Thomson, p. 219). 83 Shamkūr/Shamkir, de nos jours en ruine, se trouvait sur la rive gauche de la rivière Shamkir, à la frontière de Gandja, sur la route principale de Bardha῾a à Duin. Voir la description des ruines de la ville et de la forteresse par BARXUTAREANCʻ 1999, p. 188-189. 84 Gardman: sixième gawaṙ de l’Utikʻ selon l’Ašxarhacʻoycʻ (HEWSEN 1992, p. 65A). 85 Ergevank‘ en Utik‘ dans l’ancien gawaṙ de Tawuš (c’est-à-dire la région de P‘aṙisos), voir HŠTB, II, p. 213 et BARXUTAREANC‘ 1999, p. 342. 86 La citadelle se situe dans la plaine de Kotmni, près du cours de l’Ałstew (Akstafa) dans l’Utikʻ, douxième province de Grande Arménie qui se situe entre le Kur et l’Arcʻax au sud d’après l’Ašxarhacʻoycʻ. Voir HEWSEN 1992, carte p. 67 et HŠTB, V, p. 87. 87 Tawuš, actuellement Tauz en Utikʻ, à la frontière historique du gawaṙ du Tawuš. Voir HŠTB, V, p. 48. 77 78

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citadelle et soudainement, à l’improviste ils se saisirent de Dawit‘ avec toute sa famille, les jetèrent dehors et rendirent le fort à Ałsart‘an. Au bout de quelque temps, durant son vivant il transmit sa principauté à son fils Kiwrikē88, prit l’habit de moine et entra au couvent de Getakic‘k‘89. Kiwrikē eut des fils: l’un s’appelait P‘ahlawan, un autre T‘ałiadin et le troisième Ałsart‘an90.

88 Kiwrikē Bagratuni (1232-1245). À propos des rois Kiwrikean du Lōṙi, voir l’article de MOVSĒSEAN 1927 et MUTAFIAN 2012, I, p. 270. 89 Ce couvent se situe dans le marz de Tawuš, à 6 km du village de Całkavan, il est identifié avec le couvent de Šxmaruti, voir SARGSYAN 1956, p. 20-28. 90 Voir MOVSĒSEAN 1927, p. 255-257.

CHAPITRE III

AU SUJET DE LA ROYAUTÉ DE LEWON DANS LES RÉGIONS DE L’OCCIDENT Les histoires [relatées] jusqu’ici avaient été compilées à grand peine par nos prédécesseurs. Désormais, nous sommes le témoin auriculaire ou oculaire du cours de l’histoire présente. Lorsque le grand išxan T‘oros, fils de Lewon, fils de Kostandin, fils de Ṙuben de lignée royale mourut dans le pays des Ciliciens (Kilikec‘i), le fils de son frère, appelé Ṙuben, prit sa principauté. Il était le fils de Step‘anē qui avait été tué traitreusement par le général des Romains (Hoṙomk‘) Andronic (Andronikos). Au bout de quelque temps [p. 155] il mourut également et Lewon, un homme brave et belliqueux, obtint la principauté. Durant sa gouvernance, il agrandit les frontières de son domaine; il mena des combats contre les peuples voisins qu’il vainquit grâce à la bravoure d’un lion [comme] son nom [l’indique]; en effet, Lewon signifie lion. Lorsque les despotes turcs (t‘urk‘) et tačikk‘, que l’on appelle sultans, virent ses exploits, un des sultans qui gouvernait à Ḥalab (Halap) et Dimashḳ (Damaskos)1 réunit contre lui d’innombrables hommes en armes. Lewon, išxan des išxan, ayant appris que l’étranger marchait contre lui, se hâta de réunir ses troupes et les lança inopinément contre les siennes, comme un aigle fondant sur une nuée d’oiseaux, il leur porta de très grands coups. Le sultan s’enfuit, échappant à peine à la mort, lui qui avait fait le fier devant [l’išxan]. Lewon, contre lui, leva des impôts et l’asservit. Les peuples tačikk‘ aux alentours, voyant ces actes de bravoure, tremblèrent et lui payèrent l’impôt. Ainsi [Lewon] domina sur eux tous. Lorsque [Lewon] réalisa qu’il avait réussi à être plus puissant que ses prédécesseurs, [p. 156] dès lors, il songea avec ses išxan et ses grands à devenir roi. Il envoya [un messager] dans la ville des Romains (Hṙomayec‘ik‘), célèbre dans tout l’univers, auprès de l’empereur autocrate et du pape pour qu’ils lui accordent le titre et la couronne royale. Il ne voulait pas à cause de cette couronne apparaître vassal de quiconque, si ce n’est de la nation des Francs (Fṙankk‘). Il attribuait sa gloire aux saints apôtres Pierre (Petros) et Paul (Połos), qui se trouvaient dans la ville des Romains comme s’il avait reçu d’eux la couronne de bénédiction. 1

Sur la ville de Damas, voir «Dimashḳ al-Shām» dans EI2, II, p. 286-299.

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L’empereur et le pape des Romains lui envoyèrent une jolie couronne comme celle des premiers rois, et un dignitaire, un arcuēs2, c’est-à-dire un archevêque, pour lui placer la couronne sur la tête et exiger trois choses de lui: célébrer les fêtes du Seigneur et de tous les saints au jour où elles tombent, de dire continuellement dans les églises les prières de jour et de nuit ce que les Arméniens ne faisaient plus depuis longtemps par crainte des Ismaélites (Ismayēl), hormis pendant l’administration des sacrements pendant la sainte messe, de ne pas rompre le jeûne aux veilles de l’Épiphanie [p. 157] et de la Résurrection, sauf avec du poisson et de l’huile. «Lorsque vous ferez cela, dit [l’archevêque], vous n’aurez plus besoin de vous soucier des dons et des présents à l’empereur et au pape en échange de votre couronne. Mais si vous ne le faites pas j’ai l’ordre, poursuivit-il, de vous prendre d’immenses trésors d’or, d’argent et de pierres précieuses.» Lewon appela le catholicos (kat‘ołikos) et les évêques et leur demanda quelle réponse donner au messager des Romains. Et eux ne consentirent pas à aborder la question. Lewon leur dit alors: «Ne vous inquiétez pas de ces choses-là. Je les contenterai une seule fois avec hypocrisie». Lewon répondit à l’évêque des Romains: «Ce qu’ordonnent l’empereur autocrate et le grand pape, sans délai nous le ferons.» [Lewon] exigea un serment de ses douze évêques et les persuada de prêter [un tel] serment. Parmi les évêques qui avaient prêté serment, il y avait celui de Tarse (Tarson), Nersēs Lambrōnec‘i, qui a été mentionné ci-dessus, Yovsēp‘ des régions d’Antioche (Antiok‘), supérieur du couvent de Yesuank‘3, Yovhannēs [p. 158] qui devint catholicos, Anania qui était anti-catholicos à Sébaste (Sewast) et d’autres avec eux. Une foule importante de commandants et de troupes de diverses nations se rassembla, ainsi que le patriarche grec qui siégeait à Tarse, le catholicos syriaque qui demeurait dans le monastère de saint Barṣaumā (Barsuma)4 aux confins de Mélitène (Meletinē)5 et le catholicos d’Arménie avec tous les évêques, ils couronnèrent Lewon et les peuples aux alentours apportèrent des cadeaux au nouveau souverain. L’empereur des Grecs (Yoynk‘), apprenant que les Francs avaient donné une couronne à Lewon, envoya alors des présents et une magnifique Sur le terme արծուէս, voir NHBL, I, p. 362. Le couvent de Yisuank‘ (litt. des disciples de Jésus) se situerait selon Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 333 (trad. Dostourian, III, 67, p. 217) près de Mar῾ash (Maraš) dans la Montagne Noire. Voir également Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 209 (trad. Dédéyan, 34, p. 74). 4 Le couvent de Barṣaumā/Mōr Barṣawmō se trouve à 55 km de Mélitène et à 70 km de Samosate, voir HONIGMANN 1954, Le couvent de Barṣaumā. 5 Aujourd’hui Malaṭya. 2 3

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couronne en or, sertie de pierres précieuses en disant: «Ne mets pas sur ta tête la couronne des Romains mais la nôtre car tu es plus près de nous que de Rome (Hṙom).» Mais le roi Lewon, en homme sage, ne rejeta aucun des deux empereurs, celui de Rome ou de Constantinople (Kostandnupōlis), et répondit que par sa volonté, il acceptait avec plaisir les deux, et offrit de riches cadeaux aux porteurs de couronnes; ainsi il fut ceint par les deux6. [p. 159] [Lewon] était naturellement bon, miséricordieux envers les pauvres et les nécessiteux, il aimait les églises et les ministres de Dieu. Il fonda des monastères dans tous les endroits de ses domaines, augmenta leurs dotations en sorte qu’ils aient de quoi satisfaire suffisamment leurs besoins corporels et puissent s’adonner uniquement au service et à la prière. Un des monastères qu’il fonda fut le fameux couvent, appelé Akner7, qui jusqu’à aujourd’hui vit sous le même règlement qu’il avait établi; tous les jours de la semaine [les moines] observaient le jeûne qu’ils rompaient seulement le samedi et le dimanche avec du poisson et des laitages. Ainsi le pieux Lewon affermit sa royauté grâce à des réformes. En toutes choses il était extrêmement vertueux, hormis sur un seul point, c’était un homme à femmes. Il quitta sa première femme à laquelle il avait été marié alors qu’il était išxan, puis il épousa la fille du roi de l’île de Chypre (Kipros), franque de nation, afin de recevoir son soutien. Un jour il se rendit dans l’île de Chypre pour voir son beau-père. [p. 160] Ses ennemis l’apprirent et ceux qui étaient sur la terre ferme ne purent l’avertir que ceux-ci préparaient de nombreux bateaux pour le duper en mer. Lorsque le roi Lewon le sut, il revint sur ses pas en Chypre alors qu’il était en route. Il prit son navire de guerre et alla sur l’embuscade constituée par de nombreux navires. Comme c’était un homme intelligent, il reconnut le vaisseau principal et, avec son navire aux ailes rapides, l’éperonna; [le navire] coula avec tout le monde. Les bateaux qui restaient prirent la fuite. La terreur tomba sur tous, voisins ou éloignés. Un jour, à Pâques, le sultan8 qui dominait les régions de Ḥalab assembla une armée et envoya un message au roi Lewon: «Si tu ne te soumets pas et ne payes pas le tribut, la multitude de mes troupes passera par le fil de l’épée tous les habitants de ton pays, de la mère à l’enfant. Les fêtes 6 Un colophon de 1204 confirme que Lewon fut couronné par les deux rois, voir YOVSĒP‘EAN 1951, colophon no 318, col. 697, MAT‘EVOSYAN 1984, colophon no 17, p. 39. 7 Sur ce monastère, voir MUTAFIAN 2012, I, p. 626-628. 8 Il s’agit du sultan al-Ẓāhir Ghāzī, émir de Ḥalab de 1186 à 1216 et troisième fils de Ṣalāḥ al-Dīn, voir EDDÉ 2008, p. 152-154.

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que vous, chrétiens célébrez avec respect, comme celle de la résurrection de votre Christ, je la changerai en deuil pour vous, je ferai en sorte que la nourriture préparée pour vos fêtes vous la mangiez à cheval.» [p. 161] Ayant envoyé ce [message], [le sultan] prit la multitude de son armée et établit son camp à ses frontières, attendant le retour des messagers. Lorsque le roi Lewon apprit le contenu du message et la levée de soldats étrangers, il donna l’ordre de promener les ambassadeurs à travers le pays sous prétexte que le roi s’y trouverait. Et [Lewon] se hâta de réunir ses troupes et par un autre côté il marcha contre eux. Il tomba à l’improviste sur eux et leur infligea de grands coups, le sultan s’enfuit, échappant de peu à la mort. Le roi Lewon recueillit du butin du camp des étrangers, leurs tentes et tous les captifs; puis il installa son camp dans son pays sur la rive d’un fleuve. Il ordonna aux hommes de son armée de dresser les tentes des étrangers et de planter à l’entrée de la sienne la bannière de chacun et d’appeler les ambassadeurs. Ces derniers, lorsqu’ils vinrent et virent les pavillons, les tentes de leurs troupes, les enseignes de chaque bataillon, furent frappés d’une grande terreur car ils ne savaient ce qui s’était passé. Ayant appris ce qui s’était passé, ils tombèrent aux pieds du roi et [p. 162] lui demandèrent la vie sauve. Le roi les traita avec humanité, leur accordant la vie, il les renvoya chez leur seigneur qu’il obligea à lui payer le même tribut et plus que le sultan avait exigé du roi. Il fit des étrangers ses serviteurs. Son accession à la royauté eut lieu en 646 (= 1197/1198) du comput arménien9.

9 Sur la date de la fondation du royaume, voir Vardan, § 82, p. 139 (trad. Thomson, p. 212); Het‘um (éd. Hakobyan, p. 77 et éd. Mat‘evosyan, p. 49, trad. Chevalier, p. 731) et MUTAFIAN 2012, I, p. 99-101.

CHAPITRE IV

AU SUJET DES IŠXAN DES ARMÉNIENS (HAYASTANEAYK‘) ORIENTAUX, ZAK‘ARĒ ET SON FRÈRE IWANĒ Au temps de la royauté du roi d’Arménie Lewon, il y avait en Orient deux frères, fils du pieux išxan Sargis, fils de Vahram, fils de Zak‘aria1, qui s’était séparé des Kurdes (K‘urdk‘) de la tribu (xēl) de Babirakan2. Le nom du premier [fils] était Zak‘arē, [celui] du second Iwanē; c’était des hommes braves, des išxan influents, honorés par la reine des Ibères (Virk‘) prénommée T’amar3, fille de Giorgi le Brave4, fils de Demetre (Demetrē)5. Zak‘arē [reçut] le titre de général des troupes ibères [p. 163] et arméniennes (Hayk‘) sous la domination du roi ibère, Iwanē lui, celui d’atabak (at‘abak)6. Ils firent montre de bravoure dans de nombreux combats, ils 1 Au chap. 2, p. 152, Kirakos écrit que Sargis était le fils de Zak‘aria, fils de Vahram. En réalité Sargis le Grand est le fils d’Avag Zak‘arē, voir MUTAFIAN 2012, I, p. 284. Sur Vahram fils ou père de Zak‘arē, voir MUTAFIAN 2012, I, p. 296. 2 Pour Vardan, § 82, p. 138 (trad. Thomson, p. 211) les Zak‘arean sont également d’origine kurde. À propos de l’origine controversée de la famille des Zak‘arean, voir l’analyse des différentes sources par MINORSKY 1953, p. 102-103, l’étude de MARGARIAN 1997, qui conclut sa démonstration en écrivant (p. 42): «Par conséquent, à l’origine, les Zakarides n’étaient que de simples nobles arméniens, vassaux des Kurikians puis des Orbelis.», voir aussi MUTAFIAN 2012, I, p. 283 qui récapitule l’ensemble des données. 3 Tʼamar régna de 1184 à 1212 ou 1213 elle est qualifiée dans les chroniques géorgiennes de «soleil des soleils, lumière des lumières [du Kʼartʼli]» et son règne est le point culminant de l’histoire de la Géorgie, voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 404). En paix avec les Saldjūḳides, elle joua un rôle important dans la création de l’empire de Trébizonde. Ses troupes, sous la direction de ses généraux Zakʻarē et Iwanē, infligèrent de graves défaites aux Ildeňizides d’Ādharbaydjān, et menèrent des incursions en Perse, au-delà de la ville de Nīshāpūr. Mais à l’intérieur, l’influence de ses dynastes entravait l’activité de la reine. Sur son règne, voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 404-480). 4 Sur Giorgi (1154-1184), voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 383-403), Vardan, § 74-78, p. 126-133 (trad. Thomson, p. 205-208), Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 426 (trad. Dostourian, Continuation, § 45, p. 278), Samuēl Anec‘i (années 1163/1165 corrigées en 1161/1163) p. 218-219; pour les sources non arméniennes, voir MINORSKY 1953, p. 92-96. 5 Sur Demetre/Dimitri (1125-1155/1156), voir Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 365 (trad. Dostourian, III, 104, p. 236-237). 6 Iwanē appartient à la famille des Zakʻarean. Son père Sargis Zakʻarean était à la fin du XIe siècle amīr spāhsālar (litt. «chef des généraux») d’Arménie et d’Ibérie, au service de la cour des Ibères. À sa mort, Iwanē devint l’atabak/atabeg de la cour (titre turc qui désigne les tuteurs donnés aux jeunes princes de la famille sultanienne, voir «atabak» dans EI2, I, p. 753-754) tandis que son frère aîné Zakʻarē hérita de l’office prestigieux de leur père. On peut lire dans l’Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 409), à propos de lui et de sa famille, que la reine Tʼamar «désigna pour généralissime Sargis Mkhargrdzel, homme de

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se saisirent pour eux-mêmes de nombreux territoires d’Arménie [sous le joug] des Perses (Parsikk‘) et des tačikk‘, tels les gawaṙ de Gełarkunik‘7, le Tašir8, l’Ayrarat9, la ville de Bǰni10, Duin, Amberd (Anberd)11, la ville d’Ani12, Kars13, le Vayoc‘ Jor, la province de Siwnik‘14, ainsi que les citadelles, villes et gawaṙ aux alentours. Ils rendirent tributaires le sultan de la ville de Karin, détruisirent plusieurs gawaṙ de Perse et d’Atrpatakan15, agrandissant leurs frontières de tous les côtés16. Et un autre išxan du nom de Zak‘arē17, son frère Sargis18 et l’autre Sargis, père de Šaluē et Iwanē, et avec l’aide des parents des grands išxan, retirèrent aux Perses de nombreux haute famille et expérimenté dans la guerre, héros distingué, auquel elle donna Loré pour apanage, comme thawad, avec le titre de mthawar du Somkheth. Elle traita également avec bonté son fils Zakaria (…). Ce dernier et Iwané, de la famille Mkhargrdzélidzé, quoique loyaux serviteurs, guerriers habiles et renommés, étaient de religion arménienne. Iwané, très instruit dans les Écritures, ayant compris la fausseté de sa religion, reçut le baptême et devint un vrai chrétien, ainsi qu’on le verra plus bas.» 7 Gawaṙ sur les rives ouest du lac de Sewan en Siwnik‘, voir HEWSEN 1992, p. 65, 65A. 8 Le Tašir est le quatrième gawaṙ du Gugark‘, voir HEWSEN 1992, p. 57, 57A, 65, 65A, carte XXII. 9 L’Ayrarat s’étendait de la région d’Erzurum à l’ouest jusqu’à l’Axurean, au sud de l’Araxe jusqu’au Tawruberan, au nord jusqu’au Gugark‘, voir HEWSEN 1992, p. 210-220, carte XXIV, p. 69, GARSOÏAN 1989, p. 451-452, HÜBSCHMANN 1969, p. 278-283. 10 Bǰni, sur la rive droite du Hrazdan, dans le canton de Varažnunik‘ en Ayrarat, voir HŠTB, I, p. 737-738. 11 Amberd dans le gawaṙ d’Aragacotn, en Ayrarat. La forteresse se situe à 7 km de Biwrakan, à 2300 m d’altitude, au confluent des rivières Amberd et Arkʻašen. La forteresse appartenait aux Pahlawuni. Elle fut reconquise sur les Saldjūḳides par Zakʻarē en 1196. Voir DDA, Amberd, no 5. 12 Ani en Ayrarat, dans le gawaṙ du Širak, sur la rive droite d’un affluent de l’Araxe, l’Axurian (Arpa-Čay) à 32 km du confluent de cette rivière avec l’Araxe, voir HŠTB, I, p. 265272. Au Xe siècle, à l’époque du roi Ašot III (952-977), la forteresse d’Ani, peu connue auparavant, devint la capitale du Širak et celle de toute l’Arménie. L’épanouissement du royaume d’Ani a correspondu à la période de reconquête de l’Empire byzantin des provinces d’Asie Mineure. Après la mort du roi Bagratuni Yovhannēs Smbat, le royaume d’Ani passa en 1045 sous la domination byzantine; en 1064, les troupes saldjūḳides du sultan Alp Arslan s’emparent d’Ani, qu’ils cèdent en 1072 aux émirs shaddādides. En 1199, les troupes ibères libèrent la ville de la tutelle musulmane et la reine Tʼamar confie la ville et son territoire à la famille Zakʻarean. Voir DAA, Ani, no 12, 1984, et KÉVORKIAN 2001. 13 À propos de l’histoire de la ville, voir DONABÉDIAN et MUTAFIAN 2010, p. 150157. 14 Sur la province du Siwnik‘, voir HEWSEN 1992, carte XIX, p. 66A, p. 189-193; HÜBSCHMANN 1969, p. 263-266, 347-349 et GARSOÏAN 1989, «Siwnik‘-Sisakan», p. 490-491. 15 L’Atrpatakan désigne l’Ādharbaydjān, voir «Ādharbaydjān» dans EI2, I, p. 194197. 16 Voir Vardan, § 82, p. 138 (trad. Thomson, p. 211). 17 Il s’agit de Plu/Blu Zak‘arē išxan de Gag, voir ŁAFADARYAN 1963, Hałbat, no 111, p. 220; AnjB, II, no 12, p. 180, MUTAFIAN 2012, I, p. 296-297. 18 Sargis Tmogvéli, voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 426-427).

AU SUJET DES IŠXAN DES ARMÉNIENS (HAYASTANEAYK‘) ORIENTAUX

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gawaṙ et citadelles fortifiées: [s’emparant] du Gardman, K‘arherj19, Ergevank‘, Tawuš, Kacarēt‘20, Tērunakan, Gag21, ils plongèrent dans l’embarras la ville de Shamkūr (Šamk‘or) qui fut prise par son fils Vahram, père d’Ałbuła, grand-père de Vahram, Zak‘arē et Iwanē. Ils furent favorisés d’en haut dans leurs conquêtes; [p. 164] de la sorte la renommée de leur bravoure se répandit à travers plusieurs gawaṙ et de nombreuses nations leur payèrent le tribut pour des raisons d’affection ou de peur. Ils rebâtirent nombre de couvents qui avaient été jadis ravagés par les incursions des Ismaélites (Ismayēl). Ils restaurèrent à nouveau des églises et firent briller la cohorte des desservants, ils érigèrent aussi de nouvelles églises et des monastères qui depuis [les temps anciens] n’étaient pas des couvents, parmi eux le fameux monastère appelé Getik22 dans le gawaṙ de Kayen23, construit par le saint vardapet Mxit‘ar, nommé Goš24. Ils élevèrent une merveilleuse église à coupole, semblable au ciel, qui fut consacrée et ointe sous le nom de sainte Mère de Dieu, un temple à la gloire du Seigneur, demeure spirituelle du troupeau du Christ. Ainsi ils firent prospérer leur principauté et attaquèrent le sultan appelé Shāh i Armān (Šahi Armēn)25. Ils voulurent prendre la superbe ville du Bznunik‘26, Akhlāṭ (Xlat‘)27. Ils rassemblèrent leurs troupes, l’assiégèrent et étaient sur le point de la prendre [tandis que] l’išxan Iwanē, frère du général, était occupé à observer les murailles; mais là sans raison son coursier trébucha dans un fossé qui était [p. 165] dissimulé et le jeta à terre. Lorsque les hommes de la ville virent cela, ils se précipitèrent sur lui, le saisirent et le ramenèrent 19 Ville à la limite occidentale du Gugark‘, voir Grigor Akner, III, p. 22 (trad. Blake et Frye, p. 295). 20 Kacaretʻ en Utikʻ, dans le gawaṙ de Kʻusti. Voir HŠTB, II, p. 904. 21 Gag/Kak/Kotʻ, la citadelle a été érigée par le roi Gagik Ier Bagratuni (989-1020). Actuellement, elle s’appelle Šavaršavan, et se situe à la frontière de Gandja dans le district de Łazax-Šamšadin, aux environs du village de Noyemberyan. Voir HŠTB, IV, p. 80. 22 Voir chap. 1 note 2. 23 Kayen ou Kayan, c’est-à-dire le canton de Jorap‘or, voir HŠTB, II, p. 928. 24 La plupart des renseignements que nous avons sur Mxit‘ar Goš (1120-1213) et ses œuvres proviennent de Kirakos (chap. 5, p. 173-175, 13, p. 208-211 et 16, p. 219-221); voir l’introduction de la traduction du Livre de jugement de THOMSON 2000, p. 16-20. 25 Shāh i Armān, litt. «roi des Arméniens», était le titre des souverains turcomans d’Akhlāṭ de 1100 à 1207. Voir Vardan, § 72, p. 123-124 (trad. Thomson, p. 204); HUMPHREYS 1977, p. 128-129; EI2, IX, p. 198-199. 26 Gawaṙ du Vaspurakan, au sud-ouest du lac de Van, selon l’Ašxarhac‘oyc‘, voir HEWSEN 1992, p. 63 et p. 66. 27 Akhlāṭ/Khilāṭ, ville située au sud-ouest du lac de Van. La ville est depuis 1207 sous la domination des Ayyūbides d’Égypte, voir EI2, I, p. 339-340.

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en ville. La ville fut en liesse, le sultan fut immédiatement informé de la capture. Il en fut très heureux et donna l’ordre de lui amener [Iwanē]28. Lorsque le général Zak‘aria (= Zak‘arē) entendit cela, il envoya des menaces aux habitants de la ville: «Relâchez mon frère de votre ville ou je la détruirai, je transporterai la terre de votre pays dans les régions d’Ibérie (Virk‘) et j’anéantirai votre population.» Effrayés par Zak‘aria (= Zak‘arē), ils ne conduisirent pas Iwanē aux sultans résidants dans les régions de Dimashḳ (Damaskos) et d’Égypte (Egiptos), [al-Awḥad] (Kuz)29, al-Malik al-Kāmil (Melik‘ Keml)30 et al-Ashraf (Aršap‘)31 de la nation de Salāḥ al-Dīn (Salahadin) qui a pris Jérusalem (Erusałēm)32. Ils conclurent un traité d’amitié ensemble, et réclamèrent la fille d’Iwanē en mariage. Ainsi on accéda à la demande, ils prirent des otages et relâchèrent Iwanē. De retour chez lui [Iwanē] envoya sa fille à [al-Awḥad] (Kuz)33, qui devint sa femme, puis après lui celle d’al-Ashraf34. La venue de cette femme dans la maison des sultans fut d’un grand secours, [ces derniers] adoucirent [la vie] des chrétiens sous leur domination et en particulier ceux du pays du Tarōn. En effet, les monastères qui s’y trouvaient et qui étaient taxés [virent] le taux de leur impôt allégé [p. 166] et pour la moitié d’entre eux [la suppression] de la totalité [de l’impôt]. [Les sultans] donnèrent l’ordre à ceux qui étaient sous leur domination de ne dépouiller, ni perturber les pèlerins qui allaient prier à Jérusalem. Ils agrandirent davantage [le territoire] de la nation des Ibères, car Iwanē s’était tourné vers l’hérésie de Chalcédoine (Kałkedon) qui avait perdu les Ibères; il avait été charmé par la reine prénommée T’amar, fille de Giorgi, alors que Zak‘arē avait conservé la foi orthodoxe des 28

Sur cet épisode, voir le chapitre d’EASTMOND 2017, «Tamta, Ivane and Aklat in 1210», p. 66-79. 29 Selon MINORSKY 1953, no 5, p. 85, le mot Kuz viendrait du persan et serait l’équivalent du terme al-ahdab. Ce nom ici désigne le premier époux de la fille d’Iwanē (infra) nouveau maître de la ville d’Akhlāṭ. Voir sur la prise de la ville par al-Awḥad Njam al-Dīn Ayyūb, ibn al-Athīr (trad. Richards, p 135-138). 30 Voir Kirakos, chap. 2, p. 151. À propos du règne d’Al-Kāmil, sultan ayyūbide d’Égypte (1218-1238), voir La chronique des Ayyoubbides d’al-Makīn ibn al-῾Amīd (trad. Eddé et Micheau, p. 30-55). 31 Voir Kirakos, chap. 2, p. 151. À propos de l’Ayyūbide al-Ashraf al-Malik, maître d’Akhlāṭ/Khilāṭ, à la mort de son frère al-Awḥad, puis sultan de Damas (1229-1237), voir La chronique des Ayyoubbides d’al-Makīn ibn al-῾Amīd (trad. Eddé et Micheau, p. 30, p. 33-34, p. 42-52) et CAHEN 1988, p. 79-82, p. 84-87. 32 Jérusalem est prise en octobre 1187. Voir Kirakos, chap. 2, p. 150. 33 Selon Abū al-Fidā᾿ (H 607, p. 85-86), la fille d’Iwanē épouse en premières noces al-Awḥad Najm al-Dīn Ayyūb puis à sa mort son frère al-Ashraf. 34 Vardan, § 82, p. 138 (trad. Thomson, p. 211) ne parle que d’al-Ashraf.

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Arméniens. À cause de cela, ils honoraient davantage les Ibères, exempts d’impôts dans toutes leurs villes, y compris Jérusalem. Le nom de cette femme était T‘amt‘a35. Il y avait amitié et unité entre le royaume d’Ibérie et l’empire des sultans.

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Sur T‘amt‘a, voir AnjB, II, no 2, p. 269-270 et MUTAFIAN 2012, I, p. 290.

CHAPITRE V

AU SUJET DE L’ASSEMBLÉE CONVOQUÉE PAR ZAK‘ARIA (= ZAK‘ARĒ) À PROPOS DE CERTAINES QUESTIONS Puis, après avoir pacifié les territoires sous leur domination et [les avoir éloignés] de toute invasion, les monastères se multiplièrent, le service de l’église resplendit; l’išxan Zak‘arē pensa à faire autre chose. Il vit que parmi les troupes ibères (Virk‘) accompagnant le roi, chaque [corps] avait ses propres prêtres avec lui et en tous lieux ils offraient le sacrifice mais lui n’avait pas d’église pour ses expéditions, suivant la coutume arménienne (hayk‘) [p. 167] et ce, depuis les temps lointains de la suppression des grands išxan d’Arménie à cause de la tyrannie des Perses (Parsk‘) et des Ismaélites (Ismayēlac‘ik‘). Les Ibères accablaient d’injures les Arméniens parce qu’ils n’avaient pas d’église dans leurs expéditions, qu’ils ne communiquaient pas avec eux et ni ne célébraient leurs fêtes des martyrs de Dieu aux jours de leur consécration. À cause de cela, [Zak‘arē] souffrait profondément. Alors il interrogea le vardapet Mxit‘ar que l’on appelait Goš, bâtisseur du couvent du Getik, son père [spirituel], son confesseur: «Y a-t-il jamais eu chez nos rois, nos išxan une église adaptée aux expéditions, un endroit pour le service divin et la messe?» Il s’adressa à d’autres vardapet et eux leur répondirent qu’il y avait eu une tente et un autel qui circulaient au sein du camp royal du puissant roi Trdat et qu’à l’époque des saints Vardaneank‘, on baptisait et administrait le saint sacrement au sein du campement. [Ils dirent] que les saints martyrs Hiperik‘os et P‘ilot‘ēos avaient écrit au prêtre Yakobos: «Prends avec toi les calices de la messe, la corne à huile et viens près de nous» et bien d’autres nombreuses choses similaires. [p. 168] Puis le grand général leur répondit: «Donnez-moi l’autorisation d’être suivi de prêtres et d’avoir une tente pour prononcer la messe.» Le grand vardapet dit alors: «Nous ne pouvons faire cela sans l’accord du catholicos (kat‘ołikos) d’Arménie et du roi Lewon.» Il écrivit donc une lettre qu’il expédia au catholicos d’Arménie, Yovhannēs; à cette époque [celui-ci] était en rébellion contre le roi Lewon à Hṙomkla pour différentes raisons. Il écrivit également au roi Lewon pour lui faire connaître sa demande. Ce dernier avait mis sur le siège tēr Dawit‘

AU SUJET DE L’ASSEMBLÉE CONVOQUÉE PAR ZAK‘ARIA (= ZAK‘ARĒ)

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comme catholicos, à la place du rebelle Yovhannēs, [installé] dans le pays de Cilicie (Kilikec‘i), au couvent d’Ark‘akałin1. Puis le roi Lewon réunit les vardapet et les évêques sous son autorité et soumit la requête de Zak‘arē. Ils acceptèrent [la demande] afin qu’il ne s’éloigne pas de la foi orthodoxe comme son frère, ils écrivirent aux Orientaux la lettre suivante: Le sparapet et le Šahnšah des régions orientales, Zak‘aria (= Zak‘arē), a fait une requête à propos de l’altération et de la destruction des lois des chrétiens du fait de la servitude des étrangers. Les vardapet, évêques, pères, prêtres se sont rassemblés, ont examiné et trouvé la demande conforme aux Écritures [p. 169] divines. On a expédié [la lettre] au roi d’Arménie Lewon, couronné du Christ, en Occident, dans le pays de Cilicie. Ce dernier a convoqué un synode dans la capitale de Sis avec le catholicos Dawit‘, les vardapet, évêques, ermites et moines ont trouvé sa demande conforme aux canons apostoliques et non pas en dehors. À cause de cela, ils ont signé et envoyé [en Orient] les huit canons suivants: 1. La sainte messe sera offerte avec l’aide de lecteurs et de diacres comme il se doit. 2. La fête de l’Annonciation de la sainte Mère de Dieu sera célébrée le six avril ou le jour où elle tombe. La fête de l’Assomption, le 15 août ou le jour où elle tombe. La fête de la Sainte Croix le 14 septembre ou le jour où elle tombe. De même les autres fêtes des martyrs, le jour où elles tombent selon la commémoration de chacun. 3. [p. 170] Le jeûne de la sainte Révélation du Christ et de Pâque sera gardé jusqu’au soir et ne sera rompu qu’avec du poisson et de l’huile. 4. On acceptera les représentations du Sauveur et de tous les saints et on ne les rejettera pas comme images païennes. 5. On célébrera la messe aussi pour les vivants. 6. Les clercs ne mangeront pas de viande. 7. On sera ordonné scribe, puis plusieurs jours après diacre et enfin prêtre à un âge mûr. 8. Les moines résideront dans des monastères et personne ne possèdera rien en propre.

1 Sur ce monastère dont la localisation reste encore inconnue, près de Sis selon EDWARDS 1993, p. 213, ou près de Mamistra, voir MUTAFIAN 2012, I, p. 628-629.

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Tels sont les [canons] ou similaires à ceux-là qu’ils écrivirent durant le synode occidental et qu’ils expédièrent en Orient à Zak‘aria (= Zak‘arē). Et le catholicos Yovhannēs qui se trouvait à Hṙomkla (Klay Hṙomayakan) pour se concilier les išxan orientaux envoya une tente-dôme en forme d’église et des gens pour la dresser et la décorer, un autel en marbre, d’autres ustensiles pour le saint service, un évêque du nom de Minas, des diacres, des scribes et des prêtres aux belles voix pour chanter la messe. Ceux-ci en arrivant [p. 171] rencontrèrent l’amīr sipahsālār (amir spasalar)2 de la ville de Lōṙē et lui montrèrent l’ordre du catholicos, sa lettre et ses cadeaux. De même vinrent des ambassadeurs et des messagers du roi Lewon et du catholicos Dawit‘. Zak‘aria (= Zak‘arē) en fut très heureux, il donna l’ordre de réunir dans la ville de Lōṙē l’évêque de Hałbat, Grigorēs et son parent, l’évêque d’Ani, l’évêque de Bǰni, de Duin, de Kars et d’autres qui se rencontrèrent. Puis les vardapet, les supérieurs des couvents avec les prêtres et la multitude des laïcs voulurent ériger la tente pour y offrir le saint sacrifice. Les vardapet illustres de cette époque étaient: Mxit‘ar, appelé Goš, le bâtisseur du monastère de Getik, un homme instruit, doux, renommé pour son enseignement de vardapet; Ignatios, Vardan, Dawit‘ K‘obayrec‘i de Hałbat; Yovhannēs supérieur de Sanahin, après la mort du vardapet Grigor, fils de Tute3 lui qui avait éduqué les išxan, Grigor dit Mononik de Keč‘aṙuk‘4, Turk‘ik de T‘ełenik‘5 qui arrangea le monastère en sorte que toute chose soit en commun [p. 172] et que personne ne reçoive rien séparément. Ełia de Hawuc‘ T‘aṙ6 qui a arrangé d’une belle manière le service de son couvent afin que tous chantent à l’unisson, à voix haute ou à voix basse, et qu’aucune voix ne l’emporte sur l’autre; Grigor de Duin; Sargis ermite à Sewan, tous des hommes remarquables et beaucoup d’autres, Grigorēs, évêque de Hałbat, Vert‘anēs de Bǰni et Duin, Sargis vicaire d’Ani, Yovhannēs de Kars et de nombreux autres de diverses régions avec [leurs] vénérables prêtres dans les monastères, villes et villages. 2 Amīr sipahsālār est un titre persan, litt. «chef d’armée», voir l’article «ispahsālār» dans EI2, IV, p. 217-220. 3 Voir Kirakos, chap. 1, p. 91. 4 Keč‘aruk‘/Keč‘aris dans le gawaṙ de Varažnunikʻ, en Ayrarat. Le monastère se situe à 1800 m d’altitude sur les pentes du mont Tʻełenis. L’išxan Grigor Pahlawuni († 1059) fonda le monastère. Endommagé par les Mongols en 1236, il fut restauré en 1248 par l’išxan Jalal de Xačʻēn. Voir DDA, Ketcharis, no 11. 5 Le village se trouve à Nig dans le Kotayk‘, à 5 km à l’ouest de Bǰni. Voir sur ce couvent, PETROSYANC‘ 1982, p. 125. 6 Hawucʻ Tʻaṙ dans le gawaṙ de Gełarkunikʻ en Swinikʻ. Le monastère se situe sur la rive gauche de l’Azat, à l’est de Gaṙni. Il est attesté dès le IXe siècle. Il devint un grand centre intellectuel aux XIIIe et XIVe siècles. Voir HŠTB, III, p. 380-381.

AU SUJET DE L’ASSEMBLÉE CONVOQUÉE PAR ZAK‘ARIA (= ZAK‘ARĒ)

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Lorsqu’ils entendirent et virent les ordres du catholicos et du roi certains les acceptèrent et d’autres non. Ainsi désunis, ils se séparèrent les uns des autres, certains partirent secrètement la nuit, bloquant par la force les autres jusqu’à ce que la messe soit dite; ainsi désunis ils continuèrent à se blâmer les uns les autres. L’išxan Zak‘arē envoya [des personnes] dans les monastères sous leur domination qui par violence les forcèrent de célébrer les fêtes de l’Assomption de la Mère de Dieu et l’Exaltation de la sainte Croix, non pas le dimanche, comme ils avaient coutume [de le faire] [p. 173] mais le jour de la semaine quel qu’il fût. Il y eut beaucoup de discorde et de dispute au sein des églises, et en guise de joie, ce fut la tristesse, en guise d’affection pour autrui ce fut la haine au point de penser porter l’épée les uns contre les autres. Zak‘aria (= Zak‘arē) envoya l’évêque Minas, venu de la part du catholicos à Hałbat avec ses serviteurs pour procéder de la même façon. Lorsque Minas fut près du monastère, l’évêque Grigorēs de Hałbat envoya des hommes qui le battirent violemment à coups de bâton ainsi que ses serviteurs. Ils leurs infligèrent des blessures sévères, les laissant à demi-morts; les mules qui avaient porté les bagages furent précipitées [des hauteurs] et s’écrasèrent7. L’évêque fut porté et conduit sur un lit à Zak‘arē. Ce dernier, le voyant, se mit dans une grande colère contre l’évêque Grigorēs; il donna l’ordre de l’arrêter et le menaça de mort. [Grigorēs] s’enfuit dans le pays de Kayen, au monastère de Getik auprès du grand vardapet Mxit‘ar, y trouva refuge car il savait qu’il avait un grand aplomb vis-à-vis de Zak‘arē. Il échappa cette fois-ci à ses mains, puis fut arrêté à Keč‘aṙuk‘ et mis en prison. Yovhannēs fut institué à sa place évêque de Hałbat. [p. 174] C’était l’homme qui avait précédemment abandonné le siège et s’était rendu à Xač‘ēn8. Yovhannēs, homme vertueux, fit de nombreuses choses dignes de mémoire à Hałbat, ainsi il érigea le merveilleux gawit‘ de l’église qui frappait d’étonnement tous les spectateurs. Telle était l’agitation qui régnait dans les églises orientales car depuis longtemps ils n’avaient plus l’habitude de faire ce qu’on demandait, [à savoir] célébrer les fêtes de chaque jour, ne pas rompre le jeûne à l’occasion de ces fêtes, et ne pas dire la messe avec diacres et lecteurs car les prêtres s’assistaient les uns les autres. Je pense qu’ils ont adopté cette coutume à cause de la tyrannie des tačikk‘, qui ne laissaient pas les chrétiens célébrer 7

Voir 2 Chr XXV, 12. La région correspond à la partie centrale de la province de l’Arc‘ax, voir HEWSEN 2001, p. 119. 8

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leur culte ouvertement. Ils n’autorisaient pas l’ouverture des portes des églises à l’heure du redoutable mystère afin qu’aucun étranger ne commette un quelconque méfait, et d’autre chose qu’il désirait. De nouveau on donna l’ordre de tenir une assemblée dans la capitale d’Ani, qui se trouve dans le gawaṙ de Širak, les évêques et vardapet mentionnés ci-dessus se réunirent ainsi que d’autres. Zak‘aria (= Zak‘arē) écrivit au vardapet Mxit‘ar pour qu’il vienne à la réunion. Mais [Mxit‘ar] prétexta maladie et faiblesse et lui répondit par écrit ceci: «Ce que l’on fera et voudra [p. 175] j’y consentirai et maintenant je te supplie de ne pas me harceler davantage, je n’ai plus de force». Zak‘arē convoqua l’assemblée et leur réclama un serment écrit pour qu’ils fassent ce qu’il souhaitait. Ils dirent: «Il nous est impossible pour nous de faire ceci sans le grand vardapet.» C’est ainsi qu’il l’appelait par respect. [Zak‘arē] montra la lettre et dit: «Le voilà, car ceci est un écrit de sa main, ceci est lui et lui ceci.» Mais il ne leur montra pas la lettre ni le contenu. L’assemblée lui réclama pardon jusqu’à ce qu’ils envoient quelqu’un auprès de [Mxit‘ar] pour l’inviter à la réunion. Ils firent parvenir au vardapet Mxit‘ar [un message] le suppliant de se rendre à la réunion, pour répondre ensemble au général, ils écrivirent: «Que la faiblesse de ton corps ne soit pas un prétexte; si vous mourez en chemin nous disposerons ton souvenir parmi les premiers saints vardapet de l’église.» Aussitôt que [Mxit‘ar] lut la lettre de l’assemblée, il se leva rapidement et partit avec ceux qui l’avaient convié. C’était l’hiver, la célébration de la Naissance et la Révélation de JésusChrist était proche. Lorsque le général apprit sa venue, il envoya un išxan au-delà de la porte de la ville, afin qu’à son arrivée on ne le laisse pas se rendre à la réunion mais soit conduit auprès de lui. Avant même sa venue [p. 176], certains évêques sous son autorité acceptèrent la requête pour ne pas perdre leurs sièges et d’autres non. Dès que le vardapet arriva, l’išxan [en charge] prit la bride de son coursier et l’amena au général. L’assemblée apprenant que l’on ne laissait pas [Mxit‘ar] se rendre auprès d’elle, dépêcha le vardapet Nersēs, un homme de bon sens et vertueux qui devint le supérieur de Keč‘aṙuk‘ après la mort du vardapet Grigoris, appelé Mononik, pour aller lui dire de venir à la réunion et réfléchir d’abord ensemble sur ce qui devait être fait, car ils étaient aux arrêts et le général était prêt à les exiler. [Nersēs] partit et rencontra [Mxit‘ar] au moment où il s’apprêtait à pénétrer dans le palais du général, il lui cria de l’extérieur le message de l’assemblée. L’išxan se hâta de le pousser à l’intérieur, le général vint se présenter à lui, le salua et dit: «Puisque tu es là, je n’ai pas à m’inquiéter des autres».

AU SUJET DE L’ASSEMBLÉE CONVOQUÉE PAR ZAK‘ARIA (= ZAK‘ARĒ)

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Les membres de l’assemblée lorsqu’ils entendirent ces paroles furent jaloux et d’une voix suppliante dirent: «Toutes les actions que le général a commises envers nous, c’est à l’instigation [de Mxit‘ar], nous sommes des brutes à ses yeux.» Beaucoup de médisances [circulaient] à son propos. [p. 177] Lorsque [Mxit‘ar] comprit ce qui s’était passé durant la réunion, il blâma le général car [selon lui] il ne fallait pas faire de telles choses autoritairement. Il expédia [un message] à l’assemblée disant: «Veillez sur notre nation pour qu’elle ne se mélange pas aux Ibères comme à l’accoutumée et je m’inquièterai du général afin qu’il ne devienne pas ibère comme son frère, ce que les Ibères espèrent. Maintenant, les choses en sont ainsi, pourquoi me le reprocher, d’autant plus qu’il y a un ordre du catholicos et du roi Lewon de procéder ainsi, que nous le voulions ou non, [Zak‘arē] n’aura de cesse de le faire. Maintenant chacun de vous, retournez dans vos demeures et nous le supplierons de ne pas vous chasser de vos églises et places et nous rendrons un culte de la même manière que ce que nous avons fait jusqu’à ce jour.» Et l’amīr sipahsālār Zak‘arē donna l’ordre secrètement, sans que l’išxan le sache, de les exiler. Lorsque le vardapet l’apprit, il sauva beaucoup d’entre eux qui s’en retournèrent dans leurs places; au bout de quelques jours, Iwanē, le frère du général leur donna l’ordre de rentrer chez eux. Zak‘arē (Zak‘aria), tant qu’il vécut, mena sa vie [p. 178] comme il lui plaisait mais toutes les églises maintinrent leur culte. L’ensemble des affaires, paroles et actes de cette assemblée fut mis par écrit dans l’histoire du très savant et intelligent vardapet Vanakan qui a vu de ses propres yeux et entendu ces choses. Il était à cette époque le disciple du grand vardapet [Mxit‘ar]. Ces choses et bien d’autres se trouvent dans son livre pour être étudiées par ceux qui le désireront de bon gré.

CHAPITRE VI

À PROPOS DE LA VENUE DU CATHOLICOS (KAT‘OŁIKOS) DES AŁUANK‘ AUPRÈS DES GRANDS IŠXAN TOURMENTÉS PAR LES ÉTRANGERS Des souffrances et peines nombreuses subies par l’univers entier de la part des nations méridionales, celles des fils d’Ismā῾īl (Ismayēl), furent les pires supportées par les pays des Arméniens (Hayk‘) et des Ałuank‘; rois et išxan furent exterminés complètement. Les catholicos des Ałuank‘ errèrent çà et là, n’ayant pas de résidence [patriarcale] fixe. Ils parvinrent par hasard à une caverne à la frontière de la citadelle, appelée Č‘arek‘1, ils s’y installèrent et y faisaient paître leur troupeau. Un de leur catholicos, du nom de Bežgēn2, abandonna son rang [p. 179] en prenant femme et élevant des fils. Il fut destitué et on ordonna à sa place tēr Step‘annos. [Step‘annos] avait un chorévêque (k‘orepiskopos) du nom de Sarkawag qui, un jour, dut aller dans la ville de Gandja (Ganjak) pour récolter les revenus des prêtres et des chrétiens qui résidaient là. Lorsqu’il entra, l’émir de la ville, dont le nom était Gurǰi Badr-al-Dīn (Badradin)3, le vit et l’interrogea: «Qui es-tu?», lui répondit: «Le catholicos». [L’émir] lui dit: «J’ai entendu que chez les chrétiens la bénédiction de l’eau fait l’objet de grandes réjouissances. Maintenant voici que votre fête est proche, appelez votre catholicos et ses serviteurs suivant votre coutume, bénissez l’eau de [cette] ville et nous nous réjouirons avec vous.» Le chorévêque alla relater les ordres de l’émir au catholicos qui en fut très heureux. En effet ni le catholicos, ni aucune personne illustre ne pouvait entrer ouvertement dans la ville ou circuler aux alentours car les Perses (Parsikk‘) maîtres de la ville avaient soif du sang des chrétiens. Ils avaient subi beaucoup de blessures de la part des habitants du Xač‘ēn qui avaient tué beaucoup de Perses à la manière des brigands et dépouillaient les chrétiens qui étaient sous leur juridiction. Ainsi, à cause de cela le roi d’Ibérie (Virk‘) et son armée étaient ennemis de tous les chrétiens. 1 Čʻarekʻ/Čʻarēkʻ: la citadelle est située au nord-est de l’Arcʻax, dixième province de la Grande Arménie selon l’Ašxarhacʻoycʻ (HEWSEN 1992, p. 65A). Voir BARXUTAREANCʻ 1999, p. 314 et 316. 2 Sur ce catholicos, voir AKINEAN 1956, p. 72. 3 Nous ne sommes pas parvenu à identifier cet émir. À la fin du XIIe siècle, la ville dépendait des Ildeñizides (EI2, III, p. 1138-1140).

À PROPOS DE LA VENUE DU CATHOLICOS (KAT‘OŁIKOS) DES AŁUANK‘

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[p. 180] Le catholicos rassembla les évêques et les vardapet de son diocèse et alla avec eux pour répondre à la demande de l’émir. Lorsque l’émir le vit, il se réjouit grandement et ordonna qu’ils se rendent en grande pompe et solennité, munis de croix et de crécelles pour célébrer à voix haute le culte de la bénédiction de l’eau. [L’émir] sur son coursier avec des troupes nombreuses vint y assister afin de se distraire. Tous les habitants païens de la ville furent ébranlés par le spectacle qu’ils voyaient. Quand l’huile sainte fut versée dans l’eau, les Perses dirent: «Voilà que l’émir veut que nous devenions tous chrétiens, que font de plus les chrétiens [avec cette eau]? Ils baptisent et oignent. Nous nous buvons tous de cette eau et nous nous y lavons, désormais nous voilà donc tous infidèles, apostats. Allons, prenons des mesures.4» Un violent tumulte s’éleva, le catholicos fut saisi et jeté en prison: ils s’excitèrent contre l’émir et le retinrent dans la citadelle. Puis ils écrivirent à l’atabak (at‘abak) qui siégeait à Iṣfahān (Aspahan)5: «Cet émir nous a retranchés de notre foi car de l’huile de porc a été jetée dans [p. 181] notre eau par le chef des chrétiens. Maintenant tous deux, le catholicos et l’émir, sont aux arrêts; ce que tu voudras, nous ordonnerons de le faire.» [L’atabak] donna l’ordre que l’émir soit destitué de sa principauté et lui soit amené. Après avoir pris une grande quantité de trésors d’or et d’argent du catholicos, ils le laissèrent partir où il voulait. Ayant échappé au danger, il se rendit dans les régions du Xač‘ēn mais n’osa pas entrer dans les limites de Gandja (Ganjak). Et les moines dans la région autour de la ville et les prêtres des gawaṙ lorsqu’ils virent que tēr Step‘annos n’osait pas entrer dans la région et qu’eux n’osaient pas venir auprès de lui, ils prirent Bežgēn, qui avait été destitué, lui conférèrent l’habit et l’ordre de la prêtrise. Quand tēr Step‘annos entendit cela, il excommunia [Bežgēn] et ceux qui avaient fait ces choses, tandis que lui se mit à errer çà et là jusqu’à sa mort6 dans le gawaṙ de Herg7. Lorsque les vardapet et évêques des Ałuank‘ virent que le catholicossat avait cessé d’être et que personne de la lignée [catholicossale] ne restait, ni évêque, ni prêtre hormis un très jeune diacre, ils le prirent et le conduisirent à Bǰni auprès de l’évêque Vrt‘anēs et l’ordonnèrent prêtre. 4

Ex, I, 10. Voir, sur l’histoire de la ville, l’article de SOURDEL-THOMINE, «Iṣfahān» dans EI2, IV, p. 101-112. 6 Tēr Step‘annos meurt en 1194-1195, voir AKINEAN 1956, p. 72. 7 Ce canton n’est mentionné que par Kirakos, son emplacement reste inconnu, voir HŠTB, III, p. 404. 5

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Ils l’amenèrent dans la forteresse de la ville de Gandja, auprès du gouverneur de la ville, l’émir appelé ῾Umar (Ōmar)8, ils le supplièrent de donner l’ordre pour qu’il soit ordonné catholicos. L’émir répliqua: «Il est bien trop jeune, pourquoi vous qui êtes plus mature ne deviendriez-vous pas catholicos?» Eux lui dirent [p. 182]: «Parce qu’il est issu de la lignée des catholicos, le trône lui appartient.» Il donna l’ordre de le consacrer. Quelques évêques procédèrent à son ordination. Une fois consacré, l’émir le fit monter sur un noble coursier recouvert d’une toile fine d’honneur, précédé et suivi de trompettes et donna l’ordre de le promener dans les rues de la ville. Ainsi tēr Yovhannēs9 obtint le siège des Ałuank‘ pour plusieurs années. Il fixa sa résidence à l’intérieur des limites de Č‘arek‘, dans la [caverne] rocheuse dont on a parlé ci-dessus. Mais harassé par les étrangers, il se précipita dans le pays d’Arménie auprès des très puissants išxan Zak‘arē et Iwanē, son frère, qui le reçurent avec de grands honneurs. Iwanē le logea dans le gawaṙ de Miap‘or10, dans le couvent appelée Xamši11. Il commença d’ériger une grande et splendide église, qui fut inachevée du fait de la venue du sultan du Khurāsān (Xorasan)12 nommé Djalāl al-Dīn (Jalaladin)13. Ce dernier abattit la royauté des Ibères et menaça de conduire les troupes des étrangers l’une après l’autre dans les pays d’Arménie, d’Ałuank‘ et d’Ibérie pour les détruire.

8

Nous ne sommes pas parvenu à identifier ce personnage. Yovhannēs (1195-1235?), voir AnjB, III, no 269, p. 586, 10 Miap‘or ou Mec Łara Murat est la région montagneuse de Mrłuz, au nord de l’Arc‘ax. Voir HŠTB, III, p. 816. 11 Xamši, connu également sous le nom de Haranc‘ vank‘, est à partir du pontificat de Yovhannēs le siège du catholicossat des Ałuank‘, jusqu’au XIVe siècle. Le couvent se trouve en Arc‘ax, au nord de P‘aṙisos, au nord-est du bourg de Łaramurat. Voir HŠTB, II, p. 635, DDA, Gharabagh, no 19, carte p. 83 et RAA, 6, 2004, carte p. 65. 12 La province du Khurāsān est située à l’est du plateau iranien et au sud de l’Asie centrale. Elle avait pour limites approximatives, au nord, l’Oxus, qui la séparait de la Transoxiane et au sud, la région montagneuse du Ḳūhistān. Dans ce carrefour, au cours des siècles, s’installèrent des populations de langues et ethnies diverses. En 998, la dynastie d’origine turque des Ghaznawides (977-1186) annexa le Khurāsān. Il subit dès le XIIe siècle les attaques des Khwārazm Shāh, puis au XIIIe siècle celles des Mongols. Voir EI2, V, p. 57-61. 13 Djalāl al-Dīn Khwārizm-shāh (1220-1231), dernier souverain du Khwārazm (province située sur le cours inférieur de l’Amū Daryā ou Oxus, la Chorasmie classique). Voir EI2, II, p. 403 et chapitres suivants. 9

CHAPITRE VII

AU SUJET DES VARDAPET ORIENTAUX DES TERRITOIRES DU VASPURAKAN1 [p. 183] En ces temps-là, vivaient des vardapet vertueux, foyers de lumière qui brillaient tels des astres sur le monde: Step‘annos2, fils de Yusik, un thaumaturge et un saint, dont la tombe, après sa mort, guérissait toutes les maladies; G[ē]org Karenec‘i3, un homme sage et savant puis un autre, dont le nom était Tirac‘u4 élevé au rang d’évêque; Astuacatur5, dit fils d’Ałbayrik de la ville d’Arčēš6, ceux qui voyaient cet homme racontaient beaucoup de ses actes vertueux. Il était le fils d’un notable, extrêmement miséricordieux et charitable. Un jour, on vint lui dire: «Ta mère est morte selon la chair», il rendit grâce à Dieu7. Il se rendit aux funérailles, prit de l’or et de l’argent qu’il déposa dans les mains de sa mère puis il invita les pauvres à l’y prendre comme si elle l’avait donné de ses propres mains. Lorsque son père mourut il prit tous ses biens et les distribua aux indigents. Il possédait de nombreux magasins qu’il donnait en location, tous [p. 184] les ans il percevait l’argent et il achetait des peaux de moutons et des toiles et il cousait de ses propres mains des vêtements qu’il offrait aux pauvres. Voyant ses œuvres de bien, plusieurs tačikk‘ vinrent auprès de lui, se firent baptiser par lui et devinrent chrétiens. Lorsque les infidèles virent qu’[Astuacatur] était responsable de cela, ils voulurent le tuer. Mais ils n’osèrent pas le faire ouvertement du fait 1 Région qui s’étendait de la rive sud du lac Sewan jusqu’au Zāb d’une part et jusqu’à l’Araxe d’autre part, voir HÜBSCHMANN 1969, p. 261. 2 La vie légendaire de saint Step‘annos est relatée dans le Synaxaire arménien au 26 k‘ałoc‘ (3 janvier), PO 86 [18,1], p. 175-178 [p. 861-864]. Il serait originaire de Tosb, du village d’Artamēt. Il vécut dans le couvent d’Argelan où il mourut. Voir sur ce couvent THIERRY 1989, Monuments arméniens du Vaspurakan, p. 188-196. 3 Gorg, voir AnjB, I, no 18, p. 491. 4 Sur Step‘annos Tirac‘u supérieur de Varag, archevêque de Van-Tosp. Voir AnjB, IV, no 103, p. 616. 5 Voir AnjB, I, no 28, p. 236 6 Arčēš ville sur la rive orientale du lac de Van, aujourd’hui en ruine. Voir HÜBSCHMANN 1969, p. 329. 7 Ro XIV, 6.

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de la multitude du peuple. Ils ourdirent secrètement un complot. Ils prirent et étranglèrent un de leurs serviteurs, transportèrent [le corps] de nuit et le jetèrent aux portes du couvent; puis rapidement au matin ils encerclèrent le monastère pour tuer tout le monde comme étant les auteurs de ce crime. Les chrétiens, en entendant cela, rassemblèrent une multitude innombrable [prête] à mourir et à soutenir [Astuacatur]. Le saint homme de Dieu avait vu le piège caché de l’ennemi qui désirait tuer beaucoup de personnes à cause de lui, car les Perses (Parsikk‘) étaient maîtres de la ville. Il leur dit: «Laissez-nous une nuit et demain faites ce que vous voulez, donnez-nous le mort.» Ce qu’ils firent. Le vardapet ordonna qu’un service nocturne soit célébré et que l’on demande à Dieu de les délivrer de [ces] calomnies. [Astuacatur] se retira [p. 185] avec de profonds soupirs, il demandait à Dieu de le visiter. Au matin il ouvrit les portes du couvent, appela tout le monde à l’intérieur, les croyants et les non-croyants, et prenant le signe du Seigneur et dit à haute voix pour être entendu de tous: «Homme, je te le dis, lève-toi, au nom de Jésus-Christ qui a créé toute chose à partir de rien» et de poursuivre devant tout le monde: «Qui t’a tué?» Ce dernier se leva rapidement, contempla la foule, vit son meurtrier et déclara: «Voilà l’homme qui m’a tué.» Alors le saint homme de Dieu lui dit: «Baisse à nouveau la tête et repose-toi jusqu’à la résurrection générale.» Et lui à nouveau mourut immédiatement. Ainsi ils furent délivrés de la mort et le nom du Christ fut glorifié.

CHAPITRE VIII

AU SUJET DE LA MORT DU GÉNÉRAL ZAK‘ARĒ Les illustres išxan Zak‘arē et Iwanē après avoir accompli maints exploits et victoires marchèrent avec de nombreuses troupes contre la ville de Marand1, la prirent et ravagèrent les gawaṙ aux alentours. Puis ils allèrent à Ardabīl (Artawil)2 et de la même manière s’en saisirent. Un grand nombre d’habitants s’étaient réfugiés avec ceux qui récitent la prière, leur muqri᾿ (mułri)3 dans leurs lieux de prières. Zak‘arē ordonna [p. 186] d’apporter de l’herbe et des brindilles, de verser de l’huile et du naphte, puis de mettre le feu pour les brûler. Il dit alors: «[Ces] išxan et gens du peuple payent pour les išxan d’Arménie (Hayk‘) qui ont été brûlés par les tačikk‘ à Naxčawan4 et [ces] lecteurs du Coran (kuṙayk‘)5 pour les prêtres égorgés à Baguan et dont le sang a éclaboussé les murs de l’église qui jusqu’à aujourd’hui en sont noirs6.» [Zak‘arē] retourna dans son pays; sur le chemin il tomba malade, des plaies incurables apparurent sur ses membres, lorsque l’une guérissait une autre apparaissait. Ainsi tourmenté, il mourut en peu de jours7; tous les chrétiens prirent le deuil. Ils le transportèrent et l’enterrèrent à Sanahin, dans la grande église, devant la porte, dans un pavillon sur la gauche. Ce fut un grand deuil pour le roi des Ibères (Virk‘) Giorgi, surnommé Lasha (Laša)8, fils de Sōslan9 et Tʼamar, petit-fils du grand roi Giorgi, pour son 1 Ville de la province persane de l’Ādharbaydjān, à 60 km environ au nord de Tabrīz, à mi-chemin entre cette dernière et l’Araxe, voir EI2, VI, p. 489-490. Les invasions géorgiennes se sont déroulées dans les années 1208-1210, voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 470). 2 La ville d’Ardabīl se trouve à 400 km au nord-ouest de Téhéran et à 50 km à l’ouest de la mer Caspienne, voir Encyclopedia Iranica, vol. II, Fasc. 4, p. 357-365. 3 Voir Kirakos, chap. 54, p. 351. Selon ArmB, III, p. 357 le terme մուղրի (mułri) signifie de la religion de Muḥammad. Ici le terme arabe muqri᾿ désigne le lecteur du Coran dans les mosquées et les cérémonies religieuses. 4 Voir Kirakos, chap. 1, p. 65 et 76. 5 Sur le terme de kuṙayk‘, voir NHBL, I, p. 1123. 6 Ce passage se retrouve également dans Vardan, § 83, p. 140 (trad. Thomson, p. 212 et note 2). 7 Zak‘arē meurt en 1212, voir MUTAFIAN 2012, I, p. 285. 8 Voir Kirakos, chap. 1, p. 117. 9 Il s’agit de David Sōslan, second époux de la reine Tʼamar, voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 490) et Step‘annos Ōrbēlean, chap. 66, p. 391 (trad. Brosset, p. 222).

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frère Iwanē et toute l’armée ibère. Zak‘arē laissait un fils, très jeune [p. 187] du nom de Šahnšah10 qu’Iwanē éleva avec son fils Sargis, dit Awag11 jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge adulte et [puissent] gouverner la principauté paternelle.

10

Šah[a]nšah, de son vrai nom Sargis, aurait eu cinq ans à la mort de son père Zakʻarē (voir Vardan, § 83, p. 140), il serait donc né en 1207, mais cette date est bien trop tardive puisque son nom apparaît sur des inscriptions dès 1201 (voir KOSTANIANTS 1913, p. 43). Il est recueilli par son oncle Iwanē et sa tante Xošakʻ qui le convertissent au chalcédonisme [voir Vardan, § 83, p. 140, § 93, p. 153 (trad. Thomson, p. 212 et 218)]. La reine des Ibères Tʼamar (1184-1213) lui donne la ville d’Ani, en l’honneur de laquelle il est surnommé Šah[a]nšah (litt. «Roi des rois»). Il meurt en 1261/1262 et est enterré à Kʻobayr, du fait de sa conversion. Voir Mxitʻar Ayrivanecʻi, p. 65, Stepʻannos Ōrbēlean, chap. 66, p. 398 (trad. Brosset, p. 225), Kirakos, chap. 64, p. 393. Voir MUTAFIAN 2012, «La descendance de Zakʻarê», I, p. 287-288. 11 Sur Sargis Awag, voir AnjB, I, no 1, p. 321-322 et les chapitres suivants, Kirakos, chap. 26, p. 254-257, chap. 28, 29, p. 260-266.

CHAPITRE IX

AU SUJET DU ROI LEWON ET DE SA FIN Le pieux et victorieux roi d’Arménie (Hayk‘) Lewon, outre les nombreux actes de bravoure qu’il avait accomplis, soumit toutes les nations voisines. Le catholicos (kat‘ołikos) rebelle des Arméniens, Yovhannēs, qui siégeait à Hṙomkla (Klay Hṙomayakan) redevint catholicos après la mort de Dawit‘ d’Ark‘akałin car lui et [le roi] s’étaient réconciliés. Mais le roi Lewon tomba malade et mourut. Il avait [auparavant] appelé auprès de lui le catholicos Yovhannēs, tous les commandants et leurs troupes et comme il n’avait pas de garçon mais seulement une fille, il la confia au catholicos et à tous les išxan afin de la mettre sur le trône à sa place, de lui obéir et de la marier à un homme de même dignité. Il la remit entre les mains du catholicos et de deux très grands išxan, Kostandin son parent et Sir Atan, qui était de confession romaine (=byzantine)1 puis il s’éteignit en paix en 668 du comput arménien (= 1219/1220) après un règne de vingtquatre ans [rempli] de victoire et de bon renom. [p. 188] Tout son pays et ses troupes plongèrent ensemble dans une grande affliction du fait de la fin de ce brave, car ce roi qui aimait le Christ était apprécié de tous. Après un deuil approprié, ils préparèrent le corps pour l’ensevelir. Mais un conflit s’éleva, les uns disaient de l’enterrer dans la ville royale de Sis et les autres dans le couvent appelé Akner, qui plaisait particulièrement [au roi] en raison de l’excellence de sa discipline et de ses merveilleuses prières. Mais certains estimaient que ce n’était pas convenable car [le couvent] était à la frontière et que [le roi] avait de nombreux ennemis parmi les étrangers: «Peut-être, disaient-ils, ils viendront, le déterreront et incendieront [le couvent] à cause des nombreux griefs qu’ils avaient contre lui.» Donc tous ensemble ils transportèrent son corps et l’ensevelirent dans la ville de Sis, mais son cœur et ses entrailles dans le couvent d’Akner. C’est ainsi que reposa pieusement le brave et toujours victorieux roi Lewon. Le catholicos et les išxan amenèrent le fils du seigneur d’Antioche (Antiok‘a), que l’on nomme prince (brinj), et lui donnèrent en mariage la 1

Selon un colophon de 1221 (SIRINIAN 2004, p. 74-75 [51-53]), «Atom (= Atan) était de nation arménienne mais de foi grecque en accord avec le concile de Chalcédoine».

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fille du roi Lewon, le faisant ainsi roi2. Le nom de ce jeune homme était Philippe (P‘ilippos) et le nom [p. 189] de la reine Zapēl. [Philippe] occupait le trône royal depuis quatre ans quand son père le trompa et lui enleva la couronne du roi Lewon, le trône royal que l’on dressait durant les occasions spéciales et des trésors d’or et d’argent. Les išxan voyant que l’homme n’était pas loyal vis à vis de la royauté, l’arrêtèrent et le conduisirent en prison jusqu’à ce que la couronne et les trésors leur soient rendus. Mais son père ne restitua rien et n’aida aucunement son fils. Ils le laissèrent là où il était jusqu’à sa mort. Et le grand išxan Kostandin convainquit le catholicos et certains autres grands de couronner son propre fils Het‘um, un jeune enfant vigoureux de corps et beau garçon. Mais la reine n’accepta pas d’épouser un enfant, elle se rebella et se rendit à Séleucie (Selekia) auprès des Francs (Fṙankk‘), car sa mère était de nation franque, de l’île de Chypre (Kipros). Kostandin prit toutes ses troupes et posa le siège devant la ville jusqu’à ce qu’on lui remette, à contre-cœur, la reine. Il lui fit épouser son fils. Elle eut de lui des fils. C’était une femme très pieuse, chaste, aimant tous ceux qui craignent Dieu et les pauvres, priant et jeûnant assidûment. [p. 190] Le grand išxan Kostandin, dès que son fils Het‘um prit la gouvernance de la royauté, prit en charge toutes [les affaires] de la royauté et les organisa sagement. Certains lui obéirent avec affection, mais les insoumis furent éliminés, certains contraints de s’enfuir, d’autres tués. Il conclut des liens d’amitié et de concorde avec le sultan de Rūm (Ṙum)3, ῾Alā᾿ al-Dīn (Aladin)4 qui avait beaucoup de territoires sous son contrôle. Il fit de même avec toutes les nations autour, il pacifia le pays de tous les côtés5. Il institua comme général son fils aîné Smbat et un autre išxan du royaume. Tous les moines du pays furent délivrés de toute contingence matérielle, il leur fournit tout ce dont ils avaient besoin, ainsi ils s’adonnaient [uniquement] à la prière et au service divin. 2 Le mariage eut lieu en 1222 selon Smbat Sparapet (éd. 1956) p. 225 (trad. Dédéyan, 54, p. 95). 3 À propos des Saldjūḳides de Rūm (1081-1307), dynastie issue des Grands Saldjūḳides de Perse et d’῾Irāḳ, qui bâtit un sultanat en Anatolie, centré sur la ville de Ḳonya (ou Iconium), voir EI2, VIII, p. 980-982. 4 ῾Alā᾿ al-Dīn Kayḳubād I (1221-1237) est l’un des plus prestigieux sultans saldjuḳides de Rūm; il étendit son royaume vers le nord, le sud et l’est. Il prit le port de Kalon-Oros qu’il rebaptisa Alanya/῾Alā᾿iyya et dont il fit une de ses résidences d’hiver. Il se saisit de la principauté d’Erzindjān/Erzincan et des territoires des Artuḳides, voir EI2, IV, p. 850851. 5 Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 225 (trad. Dédéyan, 54, p. 96 et p. 97, note 28).

AU SUJET DU ROI LEWON ET DE SA FIN

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Le pays se remplit ainsi d’une multitude d’hommes habiles et mal habiles qui s’étaient rassemblés de tous les côtés, fuyant les Tatars (T‘at‘ar) destructeurs venus du nord-est, qui bouleversaient le monde entier. Après cela, le catholicos Yovhannēs mourut aussi, il avait occupé le trône dix-huit ans. Le grand išxan et le roi firent asseoir sur le siège de saint Grigor, tēr Kostandin6, un homme vertueux et modeste, de mœurs saintes [p. 191] il se conduisit lui-même avec bonté et mit de l’ordre dans l’institution ecclésiastique avec orthodoxie. Toutes les nations non seulement les chrétiens mais aussi les tačikk‘ le respectaient. Un jour les trois sultans vinrent à la frontière de la ville appelée Hṙomkla, siège du catholicossat, sur le fleuve Euphrate (Ep‘rat); le catholicos alla les voir. Dès l’annonce de sa venue, [les sultans] partirent à sa rencontre. Ils le conduisirent avec de grands honneurs dans leur camp, lui érigèrent une jolie tente au milieu des leurs. D’un côté il y avait celle d’al-Malik al Kāmil (Melik‘ K‘ēml)7 qui gouvernait les territoires d’Égypte (Egiptos), d’un autre côté celle de Malik al-Ashraf (Melik‘ Ašrap‘) qui dominait une grande partie de l’Arménie et de la Mésopotamie (Miǰagetk‘)8 et celle du fils de leur frère qui régnait sur les régions de Dimashḳ (Damascos). Durant plusieurs jours ils l’honorèrent ainsi grandement, ils le congédièrent avec beaucoup de présents, y compris des villages et des dastakert9; car Dieu glorifie celui qui le glorifie ici et dans l’éternité. Het‘um commença à régner en 673 [= 1224/1225] du comput arménien10.

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Kostandin Ier (1221-1267) Voir Kirakos, chap. 2, p. 151. 8 Ibidem. 9 Sur la signification du terme dastakert, voir SARKISSIAN 1968, p. 43-50. 10 Le roi Het‘um est couronné à Tarse en 1225 selon YOVSĒP‘EAN 1951, colophon no 410, col. 903, le 14 juin 1226 selon Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 390). Voir, sur la date du couronnement, MUTAFIAN 2012, I, p. 117-118. 7

CHAPITRE X

BREF EXPOSÉ DE L’HISTOIRE DES CONTRÉES DES AŁUANK‘ RELATÉ CI-DESSOUS [p. 192] Nous avons commencé ce récit par le saint Illuminateur d’Arménie (Hayk‘), Saint Grigor (Grigorios) envoyé, martyr et vicaire des trois saints apôtres Thaddée (T‘adēos), Barthélémy (Bardułimēos) et Jude de Jacques (Yuday Yakobean)1; grâce à ses prières nous sommes parvenus jusque-là. Mais pour cette seconde section nous placerons en tête les illuminateurs des contrées des Ałuank‘, comme étant nos nationaux et coreligionnaires d’autant plus que leurs guides s’exprimaient en arménien, leurs rois obéissaient à ceux de l’Arménie car ils étaient placés sous leur autorité, leurs évêques étaient consacrés par saint Grigor et ses successeurs et [leur] nation demeurait avec nous dans l’orthodoxie. Pour ces raisons il convient de se souvenir de ces deux nations ensemble. Nous commencerons par quelques mots sur leurs chefs jusqu’où nous les avons laissés. On dit que le premier auteur de l’illumination des contrées des Ałuank‘ fut saint Ełišē, disciple du grand apôtre Thaddée, qui après la mort du saint apôtre se rendit à Jérusalem (Erusałēm) auprès de Jacques, le frère du Seigneur et, [p. 193] après avoir reçu la consécration épiscopale, alla en Perse (Parsk‘) pour atteindre le pays des Ałuank‘. Il arriva dans un lieu nommé Kīsh (Gis)2 et il y érigea une église; là il subit le martyre mais on ne sait pas par qui. Jeté dans un puits parmi de nombreux cadavres, il demeura là jusqu’à l’époque du pieux roi, le dernier Vač‘agan3. Voici les rois des Ałuank‘ de la lignée de Hayk, descendants d’Aṙan que Vałaršak Part‘ew a établi gouverneurs et išxan de ces contrées: Vač‘agan Ier, Vač‘ē, Uṙnayr. Ce dernier est venu auprès du grand roi d’Arménie Trdat 1 Outre Thaddée et Barthélémy, la littérature hagiographique fait également intervenir dans l’évangélisation de l’Arménie l’apôtre Jude de Jacques. D’après le récit intitulé Découverte de la dépouille du saint apôtre Barthélémy (BHO 159, publié par Č‘RAK‘EAN 1904, p. 365-368, trad. LELOIR 1992, p. 528-530) qui relate l’apparition des reliques de l’apôtre à l’évêque syrien Marutha de Maypherqat (IV-Ve siècles), Jude de Jacques, un des douze apôtres, aurait rencontré Barthélémy sur la colline d’Artašu et érigé avec lui, une croix avant qu’ils se séparent. Sur l’identification de cet apôtre, commémoré dans le Synaxaire arménien, le 10 méhéki (16 février), PO 106 [21,1], p. 54-55, voir LELOIR 1992, p. 727-730. 2 Kīsh près du chef-lieu de Nūkhā sur l’un des affluents de l’Agri Čay, à quelques kilomètres de Shakkī en Ādharbaydjān. 3 À propos de l’évangélisation du pays des Ałuank‘, voir Movsēs Kałankatuac‘i, I, 6, p. 9-11 (trad. Dowsett, p. 4-6).

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et saint Grigor (Grigorios) pour être baptisé par lui4. Saint Grigor consacra évêque un homme parmi ses serviteurs qui était venu de Rome (Hṙom) avec lui et le donna au roi Uṙnayr. Puis Vač‘agan, Merhawan, Sato, Asa, et Esvałen. Durant ses jours l’illustre Mesrop créa des lettres pour les Arméniens, les Ibères (Virk‘) et les Ałuank‘5. Vač‘ē que le roi des Perses Yazdegerd (Yazkerd), responsable de la mort des saints Vardaneank‘, avait contraint par la violence à devenir mage, renonça plus tard au magisme et à son royaume pour vivre la vie ascétique des moines, se réconciliant avec Dieu contre lequel il avait péché. Le pieux Vač‘agan que nous avons mentionné plus haut, lorsqu’il fut informé qu’Ełišē avait été jeté dans un puisard, donna l’ordre de retirer tous les ossements de la fosse et d’en faire des tas. Le pieux roi se mit à prier [p. 194] Dieu pour que les ossements de saint Ełišē apparaissent. Un vent violent se leva et dispersa tous les ossements sur la surface de la plaine hormis ceux du saint Ełišē. Le roi les ramassa avec un grand respect tout en remerciant Dieu puis les distribua dans tout son pays6. Puis saint Šup‘hałiš devint évêque. Mais j’hésite à mettre cet homme au premier rang, car celui qui a rédigé l’Histoire des Ałuank‘ met son nom à l’époque du pieux Vač‘agan7. La preuve, les règlements que le roi Vač‘agan a adressés à tous les évêques des Ałuank‘, ainsi il est écrit: «Moi, Vač‘agan, roi des Ałuank‘ et Šup‘hałiš archevêque de Bardha῾a (Partaw)8.» Après cela son nom ne se trouve plus dans les rangs des évêques, mais nous, l’ayant trouvé, nous l’écrivons. Puis tēr Matt‘ē; tēr Sahak, cinq; tēr Movsēs, six; tēr Pant, sept; tēr Łazar, huit. Puis le jeune Grigoris, fils du grand Vrt‘anēs, frère de Yusik, petit-fils de saint Grigor que le grand roi d’Arménie Trdat avait envoyé, fut tué dans la plaine de Vatnean9 comme martyr de Dieu. Il fut transporté 4 Selon P‘awtos Buzand, V, 4, 5, p. 167, 168 (trad. Garsoïan, p. 203, 204), Movsēs Kałankatuac‘i, I, 15, p. 41 (trad. Dowsett, p. 24), Uṙnayr aurait vécu dans la seconde moitié du IVe siècle; il n’aurait donc pas pu être en contact avec Trdat (312-313) et Grigor l’Illuminateur. C’est dans la lettre du patriarche Giwt Arahezac‘i adressée au roi Vač‘ē [Movsēs Kałankatuac‘i, I, 1, p. 17-28 (trad. Dowsett, p. 10-17)] que l’on apprend que saint Grigor a baptisé le roi des Ałuank‘. 5 Selon Koriwn, chap. 17 (trad. Mahé, p. 194-196), vers 422 sous le règne d’Arsuałēn (420-438), Mesrop Maštoc‘ invente l’alphabet albanien et traduit la Bible. 6 Sur l’invention des reliques d’Ełišē transférées dans l’église d’Uṙekan puis de là au monastère de Ners Mihr, voir Movsēs Kałankatuac‘i, I, 7, p. 11-12 (trad. Dowsett, p. 6). 7 Sur Šup‘hałiš dont le nom signifie փառք Յիսուսի (gloire de Jésus), voir Movsēs Kałankatuac‘i, I, 26, p. 89 (trad. Dowsett, p. 50). 8 Bardha῾a est l’ancienne capitale de l’Arrān, au sud du Kur, voir sur la ville, EI2, I, p. 1072-1073. 9 Pour Movsēs Xorenac‘i, III, 3, p. 259 (trad. Mahé, p. 252), la plaine se situe le long de la mer Caspienne et pour P‘awtos Buzand, III, 6, p. 13 (trad. Garsoïan, p. 73) Grigoris fut tué par les Mazk‘ut‘ (Massagètes), sur les rives du lac de Çildir.

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et enterré à Amaras10. Plus tard ses reliques furent découvertes à l’époque de Vač‘agan avec celles de Zacharie (Zak‘aria), le père de Jean-Baptiste (Yovhannēs Mkrtič‘) et de Pantalēimon11, le grand martyr [p. 195] du Christ, tué dans la ville de Nicomédie (Nikomidia) aux jours de Maximien (Mak‘simianos), [relique] que saint Grigoris ramena avec lui. Puis tēr Zak‘aria, dix; tēr Dawit‘, onze; tēr Yovhannēs12 qui fut également évêque des Huns (Honk‘), douze; tēr Eremia, treize. À son époque, le bienheureux Mesrop créa les lettres des Ałuank‘ avec de grandes peines. Tēr Abas, quatorze ans13; on lui écrivit du concile de Duin, pour lui demander de réciter: «Dieu saint, immortel, tu as été crucifié» et «une nature divine et humaine». Tēr Viro trente-trois ans14. Il demeura emprisonné plusieurs années à la cour du roi de Perse Kosrow (Xosrov), il fut relâché après la mort de ce dernier, il retourna alors dans son pays. Il arracha les prisonniers arméniens, ibères et Ałuank‘ [des mains du] Khazar (xazir)15 shadh (Šat‘)16, le fils du Yabghu qaʼan (Jebu Xak‘an)17 qui avait asservi le pays. Il construisit cinq [= 6]18 villes d’après le nom de shadh, Šat‘aṙ19, Shamkūr (Šamk‘or), Shakkī (Šak‘i)20, Širuan21, Shamākha (Šamaxi)22 et Shābarān (Šapōran)23. Tēr Zak‘aria, quinze ans, grâce à ses prières il sauva 10 Sur l’emplacement d’Amaras dans le Haband en Arc‘ax, voir GARSOÏAN 1989, Epic Histories, p. 439-440. 11 Sur ce saint martyrisé en 303, voir la notice du Synaxaire arménien au 21 hrotic‘ (27 juillet) PO 106 [21,6], p. 785-787 et Movsēs Kałankatuac‘i, I, 19, p. 56-64 (trad. Dowsett, p. 33-37). 12 Tēr Yovhan selon Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 342 (trad. Dowsett, p. 228). 13 Selon Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 342-343 (trad. Dowsett, p. 228-229), son patriarcat dura quarante-quatre ans. 14 Voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 343 (trad. Dowsett, p. 229). Voir, sur le patriarcat de Viro, Movsēs Kałankatuac‘i II, 14, p. 149-163 (trad. Dowsett, p. 92-102). 15 Voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 343 (trad. Dowsett, p. 229) et Kirakos chap. 1, notes 197-198. 16 Šat‘ (shadh) est un titre turc orkhonien donné aux membres des familles au-dessous du qaʼan, voir GOLDEN 1980, note 36, p. 206-207. 17 Sur ce personnage, appelé dans les sources byzantines Ziebel, allié de l’empereur Héraclius, voir BOMBACI 1970, «Qui était Jebu Xak‘an?», p. 7-24, GOLDEN 1980, note 26, p. 187-190 et LA VAISSIÈRE 2013, «Ziebel Qaghan identified», p. 745. 18 Selon l’édition de Venise. 19 Šat‘aṙ/Šatar ville et citadelle d’Utik‘ dans le gawaṙ d’Aranjnak entre Bardha῾a et Gandja, voir HŠTB, IV, p. 44. 20 Shakkī est une localité de Transcaucasie au nord-ouest de l’Ādharbaydjān, sur l’histoire de la ville voir EI2, IX, p. 260-263. 21 Sur Širuan/Šruan voir MANANDIAN 1965, p. 166-168. 22 Shammākha/Shammākhi/Shammākhiyya est le nom d’une ville (moderne Shemakha) de la région du Shirwān, capitale au Xe siècle de la dynastie yazīdie, les Shirwān Shahs, voir EI2, IX, p. 298. 23 Shābarān ou Shāwarān est une ancienne ville du Sud du district de Ḳuba dans le Shīrwān, voir EI2, IX, «Shīrwān», p. 505-506.

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de l’esclavage la grande ville de Bardha῾a24. Tēr Yovhan vingt-cinq ans25, tēr Uxtanēs [p. 196] douze ans 26; il maudit les naxarar des Ałuank‘ à cause de leurs unions incestueuses, tous périrent. Tēr Ełiazar, six ans 27; tēr Nersēs dix-sept ans28. Alors que ce dernier était évêque de Gardman, il convainquit une femme du nom de Spram, la femme de l’išxan des Ałuank‘ que si elle le faisait consacrer catholicos (kat‘ołikos) des Ałuank‘, il ferait ensuite tout ce qu’elle désirerait. Or cette femme, qui avait été imprégnée29 par l’hérésie de Chalcédoine (Kałkedon), supplia les évêques de consacrer Nersēs Bakur comme catholicos des Ałuank‘. Quelque temps s’écoula et l’hérésie qui couvait en elle se révéla. Dès qu’elle fut réprimandée par les évêques et les prêtres, elle en chassa plusieurs. Les guides [spirituels] des Ałuank‘ se réunirent, l’anathématisèrent et écrivirent au catholicos d’Arménie Ełia afin d’être aidés. Ełia prévint le chef des tačikk‘ ῾Abd al-Malik (Abdlmelik)30: «Le chef des Ałuank‘ et une femme veulent soulever leur pays contre vous, car ils se sont livrés aux Grecs (Yoynk‘).» L’ordre fut donné à Ełia d’aller chez les Ałuank‘, de le destituer et d’enchaîner par les pieds lui et la femme ensemble, de les mettre sur un chameau comme de la marchandise et de les envoyer à la cour royale afin qu’ils soient un objet de risée pour toute l’armée. Ełia et le roi eunuque dans la ville de Bardha῾a exécutèrent l’ordre royal. Et tandis que l’on se moquait avec déshonneur de [p. 197] Nersēs, [ce dernier] profondément outré, au bout de huit jours mourut amer. Tous les naxarar des Ałuank‘ et tous les évêques donnèrent un libelle en présence de l’eunuque muni de l’ordre et du sceau royal [s’engageant] à ne pas consacrer de catholicos des Ałuank‘ sans l’autorisation du catholicos de l’Arménie. Ełia consacra sur le siège des Ałuank‘ tēr Simēon, qui fit cesser le trouble suscité par Nersēs, il demeura un an et demi puis il établit sept canons31. 24

Tēr Zak‘aria, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 343 (trad. Dowsett, p. 229). Tēr Yovhan, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 344 (trad. Dowsett, p. 229). 26 Tēr Uxtanēs, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 344 (trad. Dowsett, p. 229). 27 Tēr Ełiazar de Shakkī, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 344 (trad. Dowsett, p. 229). 28 Tēr Nersēs de Gardman, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 344 (trad. Dowsett, p. 229). 29 Voir Mt XIII, 33, le mot employé est խմորեալ litt. «pain levé, fermenté». 30 Il s’agit d’῾Abd al-Malik b. Marwān cinquième calife de la dynastie umayyade, qui régna de 685 à 705. Voir sur cet épisode le récit de Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 22, p. 126-128 (éd. Jérusalem) (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 162-163). 31 Sur les canons de tēr Simēon, voir Movsēs Kałankatuac‘i, II, 11, p. 305-311 (trad. Dowsett, p. 198-202) et III, 24, p. 344 (trad. Dowsett, p. 230). 25

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Tēr Mik‘ayēl, trente-cinq ans, il appela Sołomon, le père de Mak‘enoc‘32 et maudit les seigneurs des Ałuank‘ qui étaient mariés avec des parents du troisième degré; ils furent éliminés en général33. Il excommunia T‘alilē, chef [spirtuel] ibère pour avoir autorisé les unions illicites34. Tēr Anania, quatre ans35. Tēr Yovsēp‘, dix-sept ans. En sa cinquième année, s’accomplit l’an deux cents du comput arménien36. Tēr Dawit‘, quatre ans, il affranchit les terres et les ustensiles de sainteté. Il mourut empoisonné37. Tēr Dawit‘, neuf ans38, il vendit aux infidèles Dastakert39 et Sahmanaxač‘40. Tēr Matt‘ēos, un an et demi, lui aussi but du poison et mourut41. Tēr Movsēs, un an et demi42. Tēr Aharon, deux ans. Tēr Sołomon [p. 198] la moitié d’une année. Tēr T‘ēodoros, quatre ans43. Tēr Sołomon, onze ans44. Tēr Yovhannēs, vingt-cinq ans, il déménagea le catholicossat à Berdak45, qui était la résidence d’été lorsqu’il quittait Bardha῾a. Tēr Movsēs, la moitié d’une année. Tēr Dawit‘, vingt-huit ans, il bénit l’impie mariage du seigneur de Shakkī; le frère de cet išxan le questionna publiquement: «D’où viens-tu, maître?» Lui de répondre: «De la maison de ton frère.» L’išxan dit alors à Dawit‘: «Que ta langue qui l’a béni ne parle plus et que tes yeux se dessèchent.» Ce qu’il advint sur le champ, il ne guérit pas jusqu’à sa mort46. 32 Sur Sołomon l’ancien, père abbé de Makenoc‘ (706) auteur d’un recueil des fêtes des martyrs (tōnakan), voir VAN ESBROECK 1969, p. 40 33 Sur tēr Mik‘ayēl, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 344-345 (trad. Dowsett, p. 230). 34 Sur le patriarche Mik‘ayēl et l’évêque de Géorgie T‘alilē, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 13, p. 313-314 (trad. Dowsett, p. 204-205). 35 Tēr Anastas pour Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 345 (trad. Dowsett, p. 230). 36 C’est-à-dire l’an 751/752. Selon Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 345 (trad. Dowsett, p. 230), tēr Yovsēp‘ venait de l’évêché d’Amaras. 37 Tēr Dawit‘ venait d’Amaras comme son prédécesseur, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 345 (trad. Dowsett, p. 230). 38 Tēr Dawit‘ était originaire de l’évêché de Mec Kueank‘, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 345 (trad. Dowsett, p. 230). 39 Dastakert, en Arc‘ax dans le gawaṙ de Mec Irank‘, voir HŠTB, II, p. 38. 40 Sahmanaxač‘ en Utik‘, voir HŠTB, IV, p. 480. 41 Tēr Matt‘ēos était originaire de l’évêché de Kapałak et Sałkaw, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 345 (trad. Dowsett, p. 230). 42 Tēr Movsēs, siégea deux ans, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 345 (trad. Dowsett, p. 230). 43 Tēr T‘ēodoros était originaire de l’évêché de Gardman, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 345 (trad. Dowsett, p. 230). 44 Tēr Sołomon siégea onze ans et demi selon la traduction de Dowsett, p. 230, mais pas selon le texte arménien. 45 Berdak/Berdakur en Arc‘ax dans le gawaṙ de Mec Irank‘, voir HŠTB, I, p. 662. 46 Tēr Dawit‘ était originaire de Kapałak selon Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 345346 (trad. Dowsett, p. 230).

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Tēr Yovsēp‘ vingt-cinq ans, en sa troisième année s’accomplit l’an trois cents du comput arménien47. Tēr Samuēl dix-sept ans, il s’octroya lui-même la dignité [patriarcale] mais après avoir été destitué par le catholicos d’Arménie Gēorg, il fut obligé de recevoir une seconde fois la consécration à Duin.48 Tēr Yovhan, huit ans et demi. Il était évêque à la cour du catholicos arménien. Lorsque Gēorg était en captivité il s’est rendu chez les Ałuank‘ et là il fut consacré sans l’autorisation de tēr Gēorg. Lorsque les išxan des Ałuank‘ rachetèrent Gēorg, ce dernier priva Yovhan de sa dignité mais sous la pression des išxan des Ałuank‘ et du fait de leurs bienfaits envers lui, il le consacra une seconde fois49. Tēr Simēon vingt et un ans50. Tēr Dawit‘, cinq ans51. Tēr Sahak, dixhuit ans52. Tēr Gagik, quatorze ans, en sa quatrième année, s’accomplit l’an quatre cents ans du comput arménien53. [p. 199] Tēr Dawit‘, sept ans, de l’épiscopat de Kapałak54. Tēr Dawit‘, six ans, il fut consacré par le catholicos d’Arménie Anania55. Tēr Petros, seize ans56. Tēr Movsēs, six ans, supérieur du couvent de P‘aṙisos57. Puis tēr Markos, un homme de Dieu, puis après lui Yovsēp‘, 47 Soit en 851/852. Tēr Yovsēp‘ était originaire de Mec Kueank‘, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 346 (trad. Dowsett, p. 230). 48 Tēr Samuēl était originaire de l’évêché de Mec Kueank‘, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 346 (trad. Dowsett, p. 230). 49 Tēr Yovhan, Yunan d’après Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 346 (trad. Dowsett, p. 231). Sur l’emprisonnement du catholicos Gēorg, voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 10, p. 67-73 (éd. Tiflis) (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 226-229). 50 Tēr Simēon était évêque à la cour, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 346 (trad. Dowsett, p. 231). 51 Tēr Dawit‘ supérieur de P‘aṙisos serait resté six ans sur le siège patriarcal d’après Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 346 (trad. Dowsett, p. 231). 52 Tēr Sahak était originaire de l’évêché de Mec Kueank‘, voir Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 346 (trad. Dowsett, p. 231), il est resté vingt-cinq ans et non dix-huit ans sur le siège patriarcal selon Mxit‘ar Goš, p. 351 (trad. Dowsett, p. 479). 53 Soit 951/952. D’après Mxit‘ar Goš, p. 351 (trad. Dowsett, p. 479) tēr Gagik succède à son frère pour une durée de dix ans: «En 929, tēr Sahak, vingt-cinq ans; tēr Gagik dix ans; tēr Dawit‘, six ans, etc.». 54 Hormis Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 346 (trad. Dowsett, p. 231) et Kirakos qui le suit, aucune autre source ne mentionne de Dawit‘ de Kapałak, voir ZUCKERMANN 2000, p. 583. 55 À propos de la consécration de tēr Dawit‘ de Xotakerk‘ en 958 par le catholicos d’Arménie, Anania Mokac‘i, voir BOISSON 2014, p. 772-783 et p. 786-829. 56 Tēr Petros était originaire de l’évêché du Gardman, il demeura dix-huit ans sur le siège patriarcal selon Movsēs Kałankatuac‘i, III, 24, p. 347 (trad. Dowsett, p. 231). 57 Ce couvent se trouve au nord-est du lac de Sewan dans la province de Getabek, voir DDA, Gharabagh, no 19. La liste de Movsēs Kałankatuac‘i se termine avec tēr Movsēs. Le texte de Kirakos suit désormais le texte de Mxit‘ar Goš.

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l’autre tēr Markos et après lui tēr Step‘annos, puis tēr Yovhannēs, cinquante ans et tēr Step‘annos qui mourut jeune, un an et demi. En cinq cent quatre-vingt-huit (= 1139/1140) de l’ère arménienne, aux jours de tēr Grigoris58, grand catholicos de l’Arménie, il n’y avait plus de guide [spirituel] dans la maison des Ałuank‘ durant vingt-cinq ans59. Il y avait un enfant du nom de Gagik de la lignée des catholicos, fils de Gēorg, petit-fils de Karapet qui fut nourri et éduqué; lorsqu’il atteint l’âge adulte, le vardapet Grigor fils de T‘ok‘aker, et Dawit‘, fils d’Alawik60 et le pays d’Ałuank‘ écrivirent une supplique au grand patriarche d’Arménie Grigor qui à cette époque se trouvait dans les régions [p. 200] occidentales. Ils envoyèrent un homme porteur d’une lettre [demandant] qu’il soit consacré évêque et que l’on fasse partir un de ses évêques pour consacrer le jeune Gagik au trône [patriarcal] des Ałuank‘ pour que le pays sans guide ne soit perdu. Le patriarche sacra l’envoyé et commanda à l’évêque de Karin de se rendre dans le pays des Ałuank‘ et de consacrer le catholicos des Ałuank‘. L’évêque de Karin, Sahak et l’autre évêque ordonnèrent douze évêques supplémentaires conformément à leurs instructions écrites puis conférèrent le catholicossat à Gagik, le nommant Grigorēs d’après le catholicos d’Arménie61. Durant ses jours, soudainement des nuées de criquets recouvrirent tout à la fois la montagne et la plaine, il y eut un tremblement de terre violent qui détruisit la capitale de Gandja (Ganjak). Par la grâce de Dieu le tout nouveau catholicos fut sauvé mais le grand vardapet Grigor mourut dans le tremblement de terre avec une multitude d’hommes, de femmes, d’enfants dont on ne connaît pas le nombre, écrasés sous les bâtiments. Demetre (Demetrē), le roi des Ibères vint, pilla toutes les richesses et amena dans son pays les portes de la ville62. La montagne d’Alharak s’écroula et obstrua le vallon qui la traversait, créant un petit lac qui existe encore aujourd’hui63. 58

Il s’agit de Grigor Pahlawuni (1113-1166). D’après Mxit‘ar Goš, p. 351 (trad. Dowsett, p. 480), le siège resta vacant huit ans. 60 Sur ces vardapet, voir Kirakos chap. 1, p. 116. 61 Selon Mxit‘ar Goš, p. 351 (trad. Dowsett, p. 480-481), l’évêque Sahak de la maison du catholicos d’Arménie, Grigoris, se rendit chez les Ałuank‘ à la requête de Grigor vardapet élève de Dawit‘ fils d’Alawik. Là, ils consacrèrent en 1139 Grigor, le neveu de tēr Step‘annos et deux évêques et non douze. 62 Voir Mxit‘ar Goš, p. 352 (trad. Dowsett, p. 482). 63 Sur Demetre et l’effondrement de la montagne, voir également Kirakos, chap. 1, p. 116. 59

BREF EXPOSÉ DE L’HISTOIRE DES CONTRÉES DES AŁUANK‘

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[p. 201] Au bout de huit ans, un astre lumineux, une comète apparut, signe de famine, massacre, captivité qui affligèrent le pays. Lorsque le catholicos Gagik devint un homme parfait, rempli de sagesse divine, il passa dans l’autre monde et à nouveau les ténèbres envahirent ces régions. Tēr Bežgēn renonça à son rang et prit femme, après lui tēr Step‘annos, quarante ans, après lui tēr Yovhannēs quarante ans, il érigea une magnifique église dans le gawaṙ de Miap‘or dans le monastère appelé Xamši64, il vécut jusqu’à notre époque. Puis tēr Nersēs, son frère, un homme doux et de bonne composition qui fut consacré en 684 (= 1235/1236) du comput arménien.

64

Sur le couvent, voir Kirakos, chap. 6, p. 182 et note 11.

CHAPITRE XI

À PROPOS DE LA SORTIE DE L’ARMÉE TATARE (T‘AT‘AR)1 ET DU FAIT QU’ELLE MIT EN FUITE LE ROI DES IBÈRES (VIRK‘) En 669 (= 1220/1221) du comput, alors que les Ibères, fiers des victoires qu’ils avaient remportées sur les tačikk‘, leur extorquaient de nombreux cantons d’Arménie [qu’ils s’étaient appropriés]2; soudainement [et] inopinément, une multitude de troupes lourdement armées et bien organisées sortit par la porte de Derbend (Darband)3 et dans un élan puissant pénétra dans le pays des Ałuank‘4 pour traverser les territoires des Arméniens 1

Voir le chapitre 20 infra. Vardan, § 82, p. 138 (trad. Thomson, p. 211), nous donne la liste des conquêtes des Ibères menées entre 1191 et 1206: «Širak, Anberd, Ani, Bǰni, Duin, Kars, Getabakk‘ et Č‘arek‘». Voir aussi Mxit‛ar Ayrivanec‘i, p. 64-65. 3 Passage et forteresse à l’extrémité orientale du Caucase, sur les rives de la mer Caspienne, connus dans les sources arabes sous le nom de Bab al Abwāb («Porte des portes»), en persan Darband et plus tard sous l’influence des Turcs, Demir Kapi («Porte de fer»). La forteresse fut prise et en partie démantelée par les Mongols en 1239. Voir la description de la ville par Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 206). 4 Le pays des Ałuankʻ (l’Albanie du Caucase) occupait un territoire s’étendant entre la chaîne du Caucase, la mer Caspienne et le fleuve Kur. Ce territoire ne se situait pas au-delà, jusqu’au Ve siècle, du Kur. Les provinces nord-est de l’Arménie — de l’autre côté du Kur — [l’Utikʻ et l’Arcʻax de l’Ašxarhac‘oyc‘, voir HEWSEN 1992, p. 65, 65A] furent annexées par les Sassanides à l’Albanie pour former le marzpanat d’Albanie. Dans les limites de cette nouvelle entité, l’élément arménien devint prépondérant et imposa sa langue et sa culture, malgré la création d’un alphabet albanien. L’Église albanienne demeura dans la dépendance de celle de l’Arménie. Après le règne des Mihranides (VIIe-VIIIe siècles), dynastie imposée par les Perses, les Arabes, ayant conquis la Transcaucasie, formèrent sous le nom d’Armīniya (voir EI2, I, p. 655-670), une vaste unité administrative regroupant l’Arménie, une partie de la Géorgie et l’Arrān ou Albanie (entre le Kur et l’Araxe). Après le meurtre en 821 ou 822 de Varaz-Trdat, dernier représentant des Mihranides, les Aṙanšahik‘ réapparurent et réunirent momentanément les deux rives du Kur (voir ZUCKERMAN 2000, p. 563-594). Au Xe siècle, la partie orientale de l’Albanie vit éclore de nombreux émirats musulmans comme celui des Shaddādides à Gandja/Ganja (Ganjak) (voir EI2, IX, p. 174-175 et TER ŁEWONDYAN 1976). Ces émirats disparurent sous les Saldjūḳides (voir EI2, VIII, p. 967-1012) et leur population s’assimila et s’islamisa progressivement en se mêlant aux occupants arabes puis turcs. Dans une partie de l’Arc‘ax et dans l’ouest de l’Utik‘, à la fin du XIe et au début du XIIe siècle, trois familles descendant des Aṙanšahik‘ se partageaient le territoire: les išxan de Car avec pour centre la forteresse de Handaberd, les išxan de Hat‘erk‘ avec pour centre Dadivank‘ et les išxan de Xōxanaberd avec pour centre Ganjasar (voir YAKOBEAN 2010, col. 72-170). Dans la seconde moitié du XIIe siècle, la cour géorgienne, par l’intermédiaire de la famille des Zak‘arean (en géorgien Mqʼargrdzeli/Mkhargrdzeli), reprit le contrôle de l’Arc‘ax et de l’Utik‘, y compris la ville de Bardha῾a (Partaw), et confirma les išxan de Car, de Hat‘erk‘ 2

À PROPOS DE LA SORTIE DE L’ARMÉE TATARE (T‘AT‘AR)

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(Hayk‘) et des Ibères5. Tout ce qu’ils trouvaient en chemin, ils le passaient par le fil de l’épée [p. 202], hommes, animaux et même jusqu’aux chiens. Ils ne s’occupaient en rien des précieux vêtements ou d’autres richesses, mais uniquement des chevaux. À la hâte, ils allèrent jusqu’à la ville de Tpʼilisi (Tp‘xis), puis revinrent et descendirent dans le pays des Ałuank‘, à la frontière de la ville de Shamkūr (Šamk‘or). Une fausse rumeur courait à leur propos, selon laquelle, ils étaient des mages et de foi chrétienne, faisaient des prodiges et étaient venus venger les chrétiens de la tyrannie des tačikk‘. On disait [aussi] qu’ils avaient une tente [qui leur servait] d’église et une croix qui faisait des miracles [et] devant laquelle ils répandaient un kapič 6 d’orge. Toutes les troupes y puisaient pour en donner à leurs coursiers sans qu’il en vienne à manquer. Quand tous cessaient d’emporter, il y avait [toujours] la même quantité de kapič [d’orge], [il en allait] de même pour nourrir les hommes. C’est ainsi que la fausse rumeur courait dans le pays. À cause de cela, les habitants ne [songèrent pas] à se chercher un refuge, jusqu’à ce qu’un prêtre séculier, accompagné de ses ouailles munies de croix, allèrent à leur rencontre. Eux prirent leurs épées et les taillèrent tous en pièce. Ils massacrèrent beaucoup de personnes qui n’étaient pas sur leurs gardes et ils détruisirent beaucoup de lieux. Puis ils abritèrent leurs impedimenta7 dans des lieux marécageux et bourbeux, entre les deux villes de Bardha῾a (Partaw) et de Baylaḳān (Belukan)8 [p. 203], endroits très fortifiés, appelés Bełamēǰ9 puis, par des attaques audacieuses, ils détruisirent beaucoup de cantons. Alors le roi des Ibères Lasha (Laša)10 et le grand hazarapet11 Iwanē12 firent une levée de soldats et marchèrent contre eux pour leur livrer bataille. et de Xōxanaberd dans leurs droits. Le terme d’Ałuank‘ est utilisé ici pour désigner les provinces de l’Arc‘ax et de l’Utik‘ telles qu’elles sont définies dans l’Ašxarhac‘oyc‘. 5 D’après Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 214) et Djuwaynī (trad. Boyle, p. 142-149), les Mongols pénètrent dans le Caucase en provenance de Tabrīz. Voir GROUSSET 1965, p. 306308. 6 Kapič est une mesure de capacité valant un peu plus d’un litre; pour l’étymologie du terme, voir ArmB, II, p. 525. 7 Le terme employé en arménien est աղխք. 8 La ville se situe dans la plaine entre l’Araxe et le Kur; voir «Baylaḳān» dans EI2, I, p. 1168 et «Baylaqān» dans Encyclopaedia Iranica IV, Fasc.1, p. 2. 9 D’après KARAPETYAN (RAA 3. p. 230) il s’agit de la région d’Ałǰabedi. 10 Giorgi Lasha (litt. «celui qui éclaire, brillant» en langue apʼxaze) succéda à sa mère Tʼamar; il régna de 1213 à 1223. Lorsque les troupes mongoles firent irruption, il percevait un tribut de Gandja, de Naxǰawan, d’Erzurum (Karin), d’Aklāṭ/Khilāṭ (Xłatʻ), selon l’Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 481-485). 11 Le terme signifie litt. «chef des mille»; sur l’emploi du terme, voir GARSOÏAN 1989, p. 531-532. 12 Voir Kirakos, chap. 4, p. 162-166, note 6 et chap. 8, p. 185-187.

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Ils descendirent dans la plaine qui s’appelle Xunan13; car c’est là que se trouvaient les adversaires. Ils se battirent les uns contre les autres14. D’abord, ils mirent en fuite les ennemis, mais ceux-ci [leur] tendirent un piège: surgissant par derrière ils commencèrent à massacrer l’armée des Ibères, alors que les fuyards se retournaient contre eux de tous les côtés, ils les prirent en tenaille et assénèrent de grands coups à l’armée des chrétiens. Le roi s’enfuit15 ainsi que tous les išxan16. Les ennemis rassemblèrent le butin de l’armée qu’ils emportèrent dans leurs camps17. Une fois de plus, le roi des Ibères réunit une armée plus importante que la précédente pour livrer bataille aux ennemis. Ces [derniers] prirent les femmes, les enfants et tous leurs impedimenta et voulurent passer la porte de Derbend pour [retourner] dans leur pays. Mais l’armée des tačikk‘ qui se trouvait à Derbend ne leur en donna pas l’accès. Ils [durent donc] franchir les monts du Caucase (Kawkas), à travers des lieux sans route, comblant les abîmes avec du bois et des pierres, et avec leurs impedimenta [p. 204], leurs coursiers et leur attirail guerrier, ils [les] traversèrent et rentrèrent dans leur pays18. Le nom de leur chef était Sübe’etei Ba’atur (Sabada Bahatur)19.

13

Selon l’Ašxarhac‘oyc‘ (HEWSEN 1992, no 171A, p. 262), le territoire de Xunan(i) correspond au Gardabani des Ibères, au sud du Kur, qui a pour centre la forteresse de Xunan/ Hunarakert et occupe la vallée de l’Ageti. 14 D’après Vardan, § 84, p. 142 (trad. Thomson, p. 213), Grigor Akner, III, p. 21 (trad. Blake et Frye, p. 293), Step‘annos Episkopos (p. 38-39), Histoire de la Géorgie (Brosset, note 1, p. 493), la bataille s’est déroulée près de la rivière Kotman. 15 La fuite du roi et de ses dynastes a été protégée, selon Vardan, § 84, p. 142 (trad. Thomson, p. 213) par Vahram Gagec‘i. 16 À propos du terme išxan, voir GARSOÏAN 1989, p. 533. 17 Selon l’Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 493) à partir de cette bataille, «il n’y eut plus de changement dans le sort de la nation géorgienne, désormais constamment vaincue par les Thathars.». 18 Les Mongols ne gagnèrent l’Est qu’en 1223-1224, après des raids dans le nord du Caucase et chez les Rusʼ, voir Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 221-222). 19 Sübe’etei Ba’atur (1176-1248), litt. «Subtil le Preux», un uriangqan, un des plus brillants généraux de Činggis Qan et de son fils Ögödei qa’an (Histoire secrète des Mongols, § 120, § 195, § 199, § 209, § 257, § 262, § 270, § 274, trad. Even et Pop, p. 85, 155, 164, 181, 224, 227, 235 et 238); Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 492-493); Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 33, 56-57); Djuwaynī (trad. Boyle, p. 142-149). Dans sa campagne il est accompagné de Jebe/Jebe (litt. «Flèche»), voir Histoire secrète des Mongols, § 257 (trad. Even et Pop, p. 224-225). Voir également les articles dans BUELL 2003, «Jebe», p. 170-171 et «Sübe’etei Ba’atur», p. 255-258.

CHAPITRE XII

À PROPOS DE LA DÉFAITE DES TROUPES À LA FRONTIÈRE DE GANDJA (GANJAK) Quand quelque temps se fut écoulé après cela, une autre troupe de Huns (Honk‘)1, appelés Ḳipčaḳ (Xbč‘ax)2, vint dans le pays des Ibères (Virk‘), auprès du roi Lasha (Laša) et du hazarapet Iwanē afin qu’ils leur donnent un lieu de résidence et eux [en échange] les serviraient loyalement. Mais ils n’acceptèrent pas de les héberger. Alors les [Ḳipčaḳ] se rendirent auprès des habitants de la ville de Gandja. Ils furent accueillis avec empressement car ils étaient dans une grande détresse du fait des troupes ibères qui ravageaient leur territoire et emmenaient en captivité hommes et animaux. Ils leur donnèrent un lieu pour résider à la lisière de la ville, les aidant [en leur fournissant] 1 Vardan, § 84, p. 142 (trad. Thomson, p. 213) et la version arménienne abrégée de l’Histoire géorgienne de Juanšēr, chap. 18, p. 118-119 ainsi que Kirakos associent le terme de Hunk‘ (habituellement traduit par Huns) au terme Ḳipčaḳ (Xbč‘ax). Est-ce à dire que le nom de Hunk‘ en arménien, au XIIIe siècle, retranscrit le nom Kun en hongrois qui désignait les Ḳipčaḳ? Dans son introduction au Codex Cumani, GOLDEN 1992 A (p. 30) écrit: «Medieval Hungarians, who had close relations with them [Ḳipčaḳ] and to whose land elements of the Cumans fled in the 13th century seeking sanctuary from the Mongols, knew them as Kun. This name is certainly to be identified with the Qun of Islamic authors (such as al-Biruni and al-Marwazi, the notices in Yaqut and al-Bakuwi clearly derive from al-Biruni) who, according to al-Marwazi, figured prominently in the migration of the Cuman-Qipcaqs to the west. Whether the Qun are, in turn, to be associated with the Hun (* u n) = Xun/Qun people affiliated with the T`ieh-le/Toquz Oguz confederation is not clear.». Il se peut que le terme de Huns dans les sources arméniennes du XIIIe siècle désigne tout simplement les tribus turco-mongoles qui occupent le territoire au nord de la mer Noire et de la mer Caspienne, sous domination des Huns plusieurs siècles auparavant. 2 Les origines des Ḳipčaḳ, confédération de tribus nomades qui comprenait diverses populations (turque, mongole, iranienne) sont encore très controversées (voir GOLDEN 1992 B, p. 270-277). Au XIe siècle ces tribus se déplacent vers les steppes russes et se rendent maîtresses d’un territoire qui s’étendait du Danube jusqu’à l’Irtych en Sibérie occidentale et en Asie centrale. Ces tribus sont appelées Ḳuman (Comani/Cumani/Kumani) dans les sources grecques et latines, Kun dans les sources hongroises, Polovtzi/Polovtsi par les Rus’ et Ḳipčaḳ dans les sources arabes, géorgiennes et arméniennes. Ces tribus jouèrent un rôle considérable dans l’histoire de leurs voisins sédentaires, les shāh du Khwārazm, les Rusʼ, Byzance, l’Ibérie, la Bulgarie et la Hongrie, en se mettant à leur service en tant que mercenaires: les Ibères les employèrent en 1121 pour mettre en déroute les Saldjūḳides (voir Histoire de la Géorgie, trad. Brosset, p. 379 et GOLDEN 1984, p. 45-87), de même que les shāh du Khwārazm (voir BARTHOLD 1958, p. 340-343 et p. 348-349) en formant des alliances matrimoniales. Certains Ḳipčaḳ se convertirent au christianisme (voir FINCH 2008, p. 7596), d’autres à l’islam, mais à l’époque la majorité d’entre eux étaient païens.

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nourriture et boisson, afin qu’avec eux ils tiennent tête à la royauté ibère. Et les troupes de Huns demeurèrent là et s’installèrent. Iwanē fit alors une levée de soldats et marcha contre eux avec orgueil, gonflé par une grande présomption afin de les détruire entièrement, eux et la ville, [p. 205] mettant son espoir dans la multitude de ses troupes et non en Dieu, qui donne la victoire à qui Il veut3. Lorsqu’ils s’affrontèrent, les barbares qui étaient tranquillement sortis de leurs repaires passèrent par le fil de l’épée les troupes ibères fatiguées et abandonnées [par Dieu]. Beaucoup furent faits prisonniers et ceux qui restaient furent mis en fuite. Ce fut ce jour-là une grande défaite pour les troupes chrétiennes. Elles furent tellement abandonnées par la main de Dieu qu’un seul misérable menait [devant lui] plusieurs hommes courageux et illustres dans les combats, tel un berger qui pousse devant lui son troupeau; car le seigneur avait retiré son aide à leurs épées et ne les avait pas assistés durant les batailles. Ils amenaient des hommes respectables et les vendaient contre de vils vêtements ou de la nourriture. Les Perses (Parsk‘) les achetaient et plongeaient leur vie dans d’effroyables tourments, ils exigeaient d’eux de telles quantités d’or et d’argent qu’il leur était impossible de les leur verser; beaucoup moururent en prison. Et ils avaient saisi, entre autres, Grigor, fils de Hałbak4, frère de Vasak le brave et Papak‘, le fils de son frère. Vasak avait trois fils, Papak‘, Mkdēm et Hasan que l’on appelait Pṙōš5, des hommes courageux et renommés qui 3

Voir 2 Mac XV, 21. Ou Xałbak II. 5 À propos de la famille des Hałbakean/Xałbakean ou Pṙošean du nom de son illustre ancêtre Hasan Pṙoš, voir Vardan, § 84, p. 143 (trad. Thomson, p. 214), Step‘annos Ōrbēlean, chap. 64, p. 350, 352, chap. 65, p. 364-366, chap. 66, p. 397, 432 (trad. Brosset, p. 200, 206-208, 225, 240), Mxit‘ar Ayrivanec‘i, p. 65-66. L’origine de cette famille reste encore obscure, un xač‘k‘ar daté de 1184 dans le cimetière du couvent de Hawaptuk, à 5 km de Ganjasar, porte l’inscription suivante: «En 1184, moi Hasan, fils de Xałbak, j’ai dressé cette croix sur la tombe…» (CIArm, V, no 76, p. 34), ce qui laisserait supposer comme l’indique Kirakos que la famille était originaire de l’Arc‘ax (à propos de l’art du xač‘k‘ar voir, Armenia Sacra 2007, p. 153-161.) La famille qui participa aux côtés des Zak‘arean à la reconquête du nord et de l’est de l’Arménie obtint d’eux le contrôle de la région occidentale de Siwnik‘, les territoires du Vayoc‘ Jor et une série de forteresses et de monastères dans le Kotayk‘, l’Ayrarat, le Šahapunik‘ et le Varžnunik‘. Le siège de cette famille était la ville de Srkłunk‘, près de Baloraberd dans le Vayoc‘ Jor (voir CIArm, III, p. 93). Les membres de cette famille sont connus pour avoir été de grands mécènes, protecteurs des arts et des sciences: Keč‘aṙis, C‘ałac‘ K‘ar, Gełard, Glajor, etc., en sont les témoignages. Sur cette famille et son mécénat, voir l’étude de YOVSĒP‘EAN, 1969, Խաղբակեանք կամ Պռոշեանք Հայոց պատմութեան մէջ (Les Xałbakean ou Pṙošean dans l’histoire d’Arménie), p. 1-95, mais également le reliquaire du Saint-Signe «des Herbivores» (notice 143, p. 331-333 dans Armenia Sacra 2007), le reliquaire de la Sainte Lance (notice 184, p. 409-411 dans Armenia 4

À PROPOS DE LA DÉFAITE DES TROUPES À LA FRONTIÈRE DE GANDJA

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faisaient trembler de peur toutes les troupes des tačikk‘. Ils tuèrent Papak‘ au combat, ils se saisirent de Grigor et lui fit subir [p. 206] de nombreuses tortures afin qu’il renonce au christianisme. Lui n’en fit rien et au contraire méprisa Muḥammad (Mahmet) leur faux législateur et leurs abominables lois6. Ils se mirent en colère, le traînèrent à terre nu, ils écorchèrent tout son corps avec des épines, ils le firent tellement souffrir en le frappant qu’il rendit l’âme et reçut du Christ la couronne du martyre. [Ces hommes] étaient originaires du canton de Xač‘ēn7, d’une illustre famille, de foi chrétienne, orthodoxes et Arméniens de nation. Les impies Perses (Parsikkʻ) tourmentèrent bien d’autres captifs par divers supplices: par la faim, la soif, la nudité. Mais les chrétiens qui étaient dans la ville de Gandja montrèrent aux captifs beaucoup de bienveillance, rachetant certains d’entre eux et les libérant, nourrissant les uns, habillant les autres, enterrant les morts; ainsi de toutes parts ils firent preuve de bonnes actions. Mais quelque temps après, le grand hazarapet Iwanē rassembla à nouveau une armée pour aller tirer vengeance de ceux qui avaient massacré ses troupes. Il les attaqua à l’improviste, [p. 207] fit périr les barbares par le fil de l’épée, prit leur butin, réduisit à l’esclavage leurs enfants et les emmena dans son pays8.

Sacra 2007), le reliquaire de l’Arche de Noé (notice 185, p. 412-414 dans Armenia Sacra 2007). Voir également l’article de SANJIAN 1987, «The Orbelians and Proshians of Siwnik: Patrons of Religious Institutions», p. 911-924. 6 Le terme employé est օրէնք «lois», voir MAHÉ 2000, p. 686-687. 7 Xač‘ēn, en Arc‘ax, dixième province de Grande Arménie, composée de douze gawaṙ selon l’Asxarhac‘oyc‘ (HEWSEN 1992, p. 65), s’étend au nord-est du Siwnik‘. Le terme de Xač‘ēn, dans les sources arméniennes, désigne progressivement, entre le Xe et le XIIIe siècle, l’Arc‘ax. Voir l’étude d’ULUBABYAN, Խաչենի իշխանությունը X-XVI դարերում (La principauté du Xač‛ēn aux Xe-XVIe siècles), 1975. 8 Voir chapitre d’Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 237-239): The Year 619 [1222-1223] «Account of the irruption of a group of Qipjaq into Azerbayjan, what they did to the Georgians and what happened to them».

CHAPITRE XIII

À PROPOS DU VARDAPET MXIT‘AR1, D’OÙ [IL VENAIT] ET QUEL HOMME IL ÉTAIT Cet [homme] renommé et très savant était originaire de la ville de Gandja (Ganjak), fils de parents chrétiens qui lui avaient donné une éducation dans les saintes Écritures; il fut ordonné prêtre régulier à l’âge de la puberté. Après avoir exercé la prêtrise plusieurs années, il souhaita mieux connaître le sens des saintes Écritures et des paraboles profondes qu’elles renferment. Il rencontra le vardapet Yovhannēs, appelé Tawušec‘i2, célèbre à l’époque pour son savoir. Il avait d’abord vécu, pendant quelque temps, la vie des séculiers, puis avait abandonné l’état marital pour suivre la vie monacale; ayant de solides [connaissances] dans les Écritures divines il hérita du [titre] honorifique de vardapet. Mxit‘ar vécut plusieurs années auprès de lui, occupé à l’étude des Écritures. [p. 208] Le vardapet Yovhannēs circulait d’un lieu à l’autre, tout en prêchant la parole de Dieu et en enseignant les bonnes mœurs aux hommes. Il régla beaucoup de choses concernant les règles et le rite des chrétiens; [en effet] encore jusqu’à cette époque, dans différents endroits, on rompait le jeûne le samedi et le dimanche durant la sainte quarantaine. [Yovhannēs] prescrivit d’observer le jeûne ces jours-là, comme les autres jours de la semaine, et que l’on célèbrerait les martyrs de Dieu le samedi seulement, le dimanche le mystère de la Résurrection du Christ et la messe. Et ainsi, en tout lieu on établit les jeûnes de la cinquantaine qu’auparavant les uns suivaient et les autres non. Mxit‘ar, après être demeuré auprès de lui et d’autres, obtint le titre de vardapet. Mais cela ne lui suffit pas, il alla vers l’occident dans la région que l’on appelle la Montagne Noire3, auprès de vardapet qui enseignaient 1

Kirakos a déjà consacré plusieurs pages à Mxit‘ar Goš (1120-1213), chap. 4, p. 164166 et chap. 5, p. 173-175. 2 Tawuš, en Utik‘, voir HŠTB, V, p. 48. Sur Yovhannēs Tawušec‘i, voir AnjB, III, no 196, p. 576. 3 La Montagne Noire fait partie de l’Amanus, chaîne de montagnes située au nord-ouest d’Antioche. Dans cette région se côtoyaient de nombreux ermitages et couvents arméniens, grecs, ibères et syriaques. La Montagne Noire arménienne correspondrait à la région de Mar῾ash allant jusqu’à Keysun à l’est, Zeytʻun au nord, Andirin à l’ouest, voir l’étude de WEITENBERG 2006, «The Armenian Monasteries in the Black Mountain», p. 79-93.

À PROPOS DU VARDAPET MXIT‘AR, D’OÙ [IL VENAIT]

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là. Il ne leur fit pas savoir que lui aussi avait l’honneur [de ce titre]. Et ayant profité pleinement de [leur enseignement], il alla dans la ville de Karin4. Là, il trouva le pieux išxan, que l’on appelait K‘urd5, chrétien de foi et qui était là à cette époque car il s’était éloigné du roi des Ibères (Virk‘). Il fit sa connaissance, fut apprécié de lui comme d’un père. Après cela [Mxit‘ar] retourna dans son pays. [p. 209] La renommée de son savoir se répandit dans tous les pays et beaucoup devinrent ses disciples pour suivre son enseignement de vardapet. Mais tourmenté par les tačikk‘, il se rendit dans le pays de Xač‘ēn, à l’instigation du catholicos (kat‘ołikos) des Ałuank‘ Step‘annos6, auprès de Vaxt‘ank, išxan de Hat‘erk‘7, et de ses frères qui l’honorèrent grandement, et il resta là quelques années. Puis l’išxan K‘urd revint dans ses domaines ancestraux8, il se rendit dans le pays de Kayen et Mahkanaberd9. La reine des Ibères, qui s’appelait Tʼamar, lui montra beaucoup de respect, lui rendit ses domaines ancestraux avec également beaucoup d’autres. Il fut père de Sadun, de Dawit‘ et le grand-père de Šērbarok‛, père de Sadun10. Et lorsque le vardapet Mxit‘ar entendit que l’išxan était de nouveau dans son domaine ancestral, il se rendit auprès de lui du fait des rapports d’amitié et de concorde qu’ils avaient entretenus auparavant. Il résida 4 Karin (en arménien), Theodosiopolis (en grec), aujourd’hui Erzurum. La ville se situe entre les vallées du Karasu et de l’Araxe, dans l’ancien gawaṙ de Sper. En 1080, elle fut prise par des Turkmènes, les Saltuḳides, qui en firent la capitale de leur principauté. En 1201, elle tomba aux mains des Saldjūḳides de Rūm. Voir Kirakos, chap. 1, p. 32; HÜBSCHMANN 1969, p. 287-290 et «Erzurum» dans EI2, II, p. 730-731. 5 Selon la chronique des Ałuank‘ de Mxit‘ar Goš (dans Movsēs Dasxuranc‘i, p. 356-357, trad. Dowsett, p. 488-489), David, roi des Ibères honorait grandement le šahap (gouverneur) de Tpʼilisi, Vasak, fils de Vahram; à la mort du roi, son successeur Giorgi III (1154-1184) voulut capturer Vasak, car ce dernier refusait de lui obéir. Vasak se réfugia à Theodosiopolis (Erzurum) en compagnie de ses frères K‘urd et Sargis. Il fut accueilli par l’émir de la ville Saltux (= Saltuḳ) qui lui donna de nombreux villages. Au bout de quelques mois, Vasak mourut et légua à son frère K‘urd «son drapeau, sa fortune et son pouvoir». 6 Step‘annos III (1155-1195), voir Kirakos chap. 6, p. 179, chap. 10, p. 201 et AnjB, IV, no 97, p. 616. 7 Voir le chapitre suivant. 8 Probablement avant 1178 puisqu’un colophon de 1178 (MAT‘EVOSYAN 1988, note 242, p. 224), nous informe que K‘urd «grand šahap de Tpʼilisi» sur l’ordre du roi d’Ibérie se lança à la poursuite des troupes de l’išxan Liparit Ōrbēlean; il atteignit le gawaṙ de Mahkanaberd et les mit en fuite. 9 Mahkanaberd, dans le Gugark‘, dans le canton de Jorap‘or, près d’Iǰewan, voir HŠTB, III, p. 653. 10 Voir sur la famille de K‘urd, le tableau généalogique de MUTAFIAN 2012, II, «21. Les Sadounides (XIIe-XIIIe siècle)».

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dans un couvent, appelé Getik, dans le canton de Kayen, sur la rive droite de la grande rivière Ałstew11. Le supérieur du couvent, le vardapet Sarkawag, son disciple, le reçut avec beaucoup de joie; lui-même le servit et il resta là longtemps. [p. 210] Puis il y eut un violent tremblement de terre qui provoqua beaucoup de destructions et mit à bas des bâtiments très élevés dont l’église de Getik [qui] fut sévèrement endommagée au point qu’il ne fut pas possible de la restaurer. Alors les habitants, effrayés, voulurent se disperser çà et là, non seulement à cause de la destruction de l’église mais aussi parce qu’ils étaient tourmentés par leurs voisins. Ainsi, un certain išxan du nom de Sargis avait transféré son village du lieu où il était tout près du couvent. Depuis lors, de nombreuses querelles éclataient entre eux, ils se critiquaient sans cesse. Mais le saint vardapet s’opposa à leur projet, il ne les laissa pas se disperser et les fit demeurer ensemble et réclamer un lieu de résidence. Puis ils allèrent de concert auprès du grand išxan Iwanē, frère du général des Ibères Zak‘arē, fils de la sœur du pieux išxan K‘urd qui, à l’époque, commandait la forteresse de Kayen12 et le canton. Ils lui exposèrent leur demande afin qu’il leur donne un lieu où ils transfèreraient leur couvent. Lui leur donna l’ordre de chercher un lieu convenable. Eux, après avoir parcouru [la région], trouvèrent un endroit magnifique, encaissé, au pied de deux montagnes, en surplomb, appelé vallée de Tanjut13. [p. 211] Là il y avait un village, que traversait une très petite ravine et une autre plus importante [coulait] du côté droit; l’endroit avait du bois et de l’eau en abondance. Alors ils estimèrent que [ce lieu] conviendrait.

11

Ałstew ou Ałstafa, affluent de droite du Kur, voir HŠTB, I, p. 193. Kayen/Kayean dans le Gugark‘, dans le gawaṙ du Jorop‘or, sur les rives du fleuve Ałstew, à 15 km de la ville d’Iǰewan, non loin du lac de Sewan. La date de la fondation de la citadelle est inconnue, mais au Xe siècle le roi Ašot Erkat‘ Bagratuni l’incorpora à ses domaines, voir Yovhannēs Drasxanakertc‘i, chap. 36, p. 237 (éd. Tiflis), trad. BoissonChenorhokian, p. 332. Au XIe siècle, le père de Grigor Magistros, Holum Vasak, la restaure (Mxit‘ar Ayrivanec‘i, p. 58-59). D’après Vardan, § 83, p. 140 (trad. Thomson, p. 212), c’est le père de K‘urd Arcruni qui la construisit; il faut peut-être entendre par là que la forteresse a été une nouvelle fois restaurée. Voir HŠTB, II, p. 927-928 pour son emplacement. 13 Tanjut ou «la vallée des poiriers», est reliée à celle d’Ałstew, voir HŠTB, V, p. 33. 12

CHAPITRE XIV

À PROPOS DE LA CONSTRUCTION DU COUVENT DE NOR GETIK Depuis lors, l’admirable vardapet commença à entreprendre avec ses cénobites la construction du couvent et de l’église, dans la vallée susdite de Tanjut, sur l’ordre du grand išxan Iwanē. Ils érigèrent une magnifique église en bois qui fut ointe et consacrée au nom de saint Grigor l’Illuminateur. Lors de la fête de la dédicace de l’église, était présent aussi, le saint vardapet Xač‘atur Tarōnac‘i1, supérieur de la sainte congrégation appelée Hałarcin2, un homme saint et vertueux, célèbre pour sa science, surtout en ce qui concerne l’art de la musique. Il avait rendu brillante la sainte congrégation dont il était le supérieur et qui, avant son arrivée, était déserte et dépérissait. Le roi des Ibères (Virk‘), Giorgi, le père de Tʼamar, le respectait grandement. Il donna à l’église, sous son seing, deux villages, Abasajor3 et Tanjut4, et une vigne à Miǰnašen5 et il maudit [au nom] de tous les saints quiconque retirerait [ces villages] [p. 212] au couvent6. [Xač‘atur] introduisit dans les régions orientales [la notation en] neumes (xaz)7 pour donner un corps aux mélodies incorporelles [qui] ont été composées par des sages, et qui jusqu’alors n’était pas répandue dans ces régions. Il vint, l’écrivit et l’enseigna à beaucoup puis il prit un grand repos après ses travaux pénibles; il s’abandonna au Christ et fut enterré du côté ouest de l’église. 1

Voir AnjB, II, no 6, p. 468-469. Ce monastère se situe non loin de Diliǰan. Bien que le monastère soit attesté avant le XIIe siècle, son histoire architecturale ne commence que sous Xač‘atur, (voir CIArm, VI, no 53, p. 34, no 62, p. 37, no 104, p. 52). À propos du monastère, voir THIERRY et DONABÉDIAN 1987, p. 533-534 et Armenia Sacra 2007, notice 37, p. 145 et DDA, Haghartzin, no 13. 3 Village dans le Gugark‘, dans le canton de Jorap‘or; pour la situation, voir HŠTB, I, p. 3. 4 Village près de Iǰewan, voir HŠTB, V, p. 34. 5 Nous ne sommes pas parvenus à identifier ce lieu. 6 Voir CIArm, VI, no 62, p. 37. 7 Les neumes (xaz en arménien) sont des signes de notation musicale placés au-dessus des mots, en usage au Moyen Âge jusqu’à la généralisation du système de la portée à cinq lignes. Ce système est apparu en Arménie au IXe siècle, il fut modifié en Cilicie par Grigor dit le «Sourd», à l’époque du roi Lewon Ier (1198-1219). Des manuels de chants arrangés selon leur degré de difficultés, appelés les manrusum ou xazgirk‘, datent de cette période. Voir KEROVPYAN 2001. 2

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On construisit encore à Nor Getik8, à l’entrée du couvent, une toute petite église au nom de saint Jean le Précurseur (Yovhannēs Karapet), grand parmi les enfants des femmes9, lui qui a imposé les mains au Christ. Puis on commença à jeter les fondations d’une église glorieuse en pierres de taille, avec une coupole d’une belle facture, semblable au ciel, admirée par ceux qui la voient. Commencée en 640 (= 1191/1192) du comput arménien, quatre ans après la prise de Jérusalem (Erusałēm) par Salāḥ al-Dīn (Salahadin)10, elle fut achevée au bout de cinq ans pendant la perturbation de la Pâque des Grecs (Yoynk‘)11. À propos de cette Pâque, beaucoup de disputes et de discussions s’élevèrent au sein de toutes les nations contre les Arméniens (Hayk‘) et plus particulièrement au sein des Ibères, qui, insolents, appelaient droit [ce qui est] tordu. Iron12 le maudit a faussé [le comput] à la cour de l’impie Justinien13 (Yusti[ni]anos); parce qu’il n’avait pas été convié à l’assemblée qui s’est tenue à Alexandrie (Ałek‘sandria) à propos des pleines lunes pascales et d’autres fêtes. Après l’achèvement du cycle bicentenaire d’André (Andrea)14, toutes les fêtes étaient en désordre pour neuf ans car on ne pouvait pas, [p. 213] de manière orthodoxe, faire usage de son système après la fin [de ses tables]. Alors un certain sage, du nom d’Æas (Ēas)15, éleva la voix pour appeler près de lui les savants de toutes les nations: Phinée (P‘enehēz) le Juif (Hreay), Gigan des Syriaques (Asorik‘), Addée (Addē) des Cappadociens (Gamirk‘), Euloge (Elogk‘) des Grecs et beaucoup d’autres encore16. Ils commencèrent à compter les années de 8 Ce monastère connu également sous le nom de Gošavankʻ, d’après le nom de Mxitʻar Goš, est situé à 23 km de Diliǰan, au nord-est de Sewan. ZARIAN et VAHRAMIAN en ont fait la description historique et technique en 1974 dans la collection DDA, Goshavank, no 7. Voir également THIERRY et DONABÉDIAN 1987, p. 530-531. 9 Mt XI, 11: «Parmi les enfants des femmes, il n’en a pas surgi de plus grand que Jean le Baptiste (…).» 10 Jérusalem est prise en octobre 1187; à propos de Salāḥ al-Dīn, voir la biographie que lui consacre EDDÉ 2008. 11 Voir le chapitre «Pascal Calculations in the Eastern Empire», p. 246-277 de l’ouvrage de MOSSHAMMER, The Easter Computus and the Origins of the Christian Era, 2008. 12 Iron ou Irion, computiste à Constantinople, à l’époque de l’empereur byzantin Justinien, qui, selon un texte arménien anonyme cité par DULAURIER dans son ouvrage sur la chronologie (1859, p. 59, 61), et Matt‘ēos Uṙhayec‘i, p. 286 (DULAURIER 1859, p. 92-94), introduisit une fausse chronologie, changea les cycles lunaires de 19 ans, par pure jalousie et remplaça le 6 avril par le 5 avril. Voir GRUMEL 1958, p. 99-110, et pour le cycle pascal de 532 ans, p. 136-139 et MOSSHAMMER 2008, p. 246-277. 13 Justinien (527-565). 14 Voir MOSSHAMMER 2008, p. 246-252. 15 Voir MOSSHAMMER 2008, p. 247-248 et p. 257-273. 16 Au nombre de 36 computistes, voir chap. 1, p. 42-43 de Kirakos qui aborde déjà la question. Voir l’étude de DULAURIER 1859, p. 57-67 et 173-178.

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bas en haut, trouvèrent [un système] stable et établirent un cycle de 500 ans perpétuellement sûr. Ils le présentèrent à l’empereur Justinien qui ordonna à Iron [de l’examiner]. Ce dernier, jaloux devant la grandeur du prodige et pour ne pas avoir été appelé, voulut un peu altérer les choses. Il changea donc le 15 avril en 16, le 6 en 5, clamant avec duplicité que tout le reste était juste excepté cela. Certes, ce 16 n’était pas faux, mais ce 5, dans [le cycle] de quatre-vingt-quinze ans est continuellement cause d’erreur, car cela amène à célébrer la Pâque avec les Juifs, le jour de la pleine lune; ainsi pour eux le 5 donne un samedi alors que le 6 pour nous donne un dimanche, comme cela arrive ici. À cause de cette discussion entre Arméniens et Ibères, la reine Tʼamar et le sparapet17 Zak‘arē envoyèrent, avant la Pâque, à Jérusalem un des plus grands išxan d’Ibérie ainsi qu’[un] d’Arménie, pour savoir la vérité. La réponse [serait] l’embrasement de la lampe au Saint-Sépulcre du Christ qui, dit-on, grâce aux prières de saint Grigor l’Illuminateur de l’Arménie s’allume, sans l’assistance d’une main humaine et sans feu matériel, par ordre divin à chaque fête de Pâque; ce qui a lieu jusqu’à ce jour. [p. 214] Or, les tačikk‘, [qui] étaient les maîtres de la ville, demandèrent aux chrétiens: «Quand sera votre Pâque?» Ceux qui étaient de la [nation] des Grecs et d’autres répondirent: «Ce dimanche.» Et ceux qui étaient de [la nation] des Arméniens dirent: «Non pas ce dimanche, mais l’autre.» Le gouverneur des tačikk‘ de la ville, qui était un homme sage, ordonna d’éteindre toutes les lumières qui étaient dans le temple; il ferma la porte, apposa son sceau et défendit à quiconque d’entrer à l’intérieur pour regarder quelle nation serait dans la vérité. Et lorsque le jour fut passé, le soir venu, ils attendirent que la lampe s’allume; comme elle ne s’allumait pas, l’išxan ordonna de chasser tout le monde, ignominieusement et à grands coups de bâton, comme des ignorants et des imposteurs, hormis les Arméniens. La semaine s’écoula, l’autre dimanche survint, celui de Pâque selon les Arméniens; durant l’office, tandis qu’ils priaient, à la dixième heure, une énergie surgit sur tous et aussitôt la lampe s’alluma sans [le secours] des mains. Il y eut une grande joie parmi les Arméniens. On battit à coups de bâton les autres nations et chacun loua la sagesse et la foi des Arméniens; plus encore, la nation des tačikk‘ méprisa les Grecs et se moqua d’eux dans toutes les villes qui étaient sous leur domination. Les envoyés de la reine18 des Ibères et du Litt. «général en chef», voir GARSOÏAN 1989, p. 560-561. Le terme employé ici est «roi»; c’est effectivement ainsi qu’elle est désignée en géorgien: «le roi Tʼamar». 17 18

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général qui assistaient à cela [p. 215] racontèrent, à leur retour, ce qu’ils avaient vu. Le grand général Zak‘arē se réjouit, et tous les Arméniens qui étaient dans son armée furent encore plus confirmés dans la foi orthodoxe arménienne. Cette même année fut achevée la célèbre et réjouissante église de [Nor] Getik qui avait été construite par le vardapet Mxit‘ar et tous ses cénobites, avec l’aide de Vaxt‘ank Xač‘enec‘i19, le tēr de Hat‘erk‘ et ses frères Grigor, Grigoris, Xoydan et Vasak ainsi que d’autres pieux išxan, les fils de K‘urd, Dawit‘ et Sadun, et leur sœur dont le nom était Arzu Xat‘un, épouse de Vaxt‘ank Hat‘erkec‘i. Elle participa beaucoup, elle fit avec ses filles un magnifique rideau pour couvrir l’autel, admirable à voir, en très fins poils de chèvres, teints de diverses couleurs, recouvert d’images semblables à des sculptures avec des broderies montrant précisément l’Incarnation du Sauveur et d’autres saints, qui étonnait ceux qui le voyaient. Ceux qui le contemplaient bénissaient Dieu qui avait donné aux femmes la connaissance de la tapisserie et de la broderie, comme il est dit dans Job (Yob): il n’était pas moindre que le voile de l’autel tissé par Beçaléel (Beseliēl) et [p. 216] Oholiab (Ełiab)20, et il n’est pas arrogant de le dire car un même esprit animait les uns et les autres. [Arzu Xat‘un] avait fait des tentures non seulement pour cette église mais également pour les autres églises de Hałbat21, Makaravank‘22, Dadivank‘23 car c’était une femme pieuse qui aimait beaucoup les églises. 19 Selon une inscription du couvent de Gošavank‘ de 1191 et une de Dadivank‘ (voir CIArm, V, no 708, p. 198-199 et VI, no 127, p. 64-65), Vaxt‘ank est le fils de Hasan dit le «Moine», qui combattit pendant trente ou quarante ans les Turcs, et de Mamaxat‘un. Son épouse Arzu xat‘un, est la fille de K‘urd Arcruni. Vaxt‘ank et ses frères, Grigor, Xoydan, Grigoris, Vasak et Smbat contribuèrent à la construction du monastère. Vaxt‘ank encouragea Mxit‘ar Goš à écrire son Livre de jugement (Mxit‘ar Goš, p. 25 et note 32, p. 546-549). Il mourut en 1214. Son épouse fit ériger, à sa mémoire et à celle de leurs enfants défunts, l’église principale de Dadivank‘. Voir la généalogie dans MUTAFIAN 2012, II, «26. Les Vakhtanguiens de Hat‘erk‘ (XIIe-XIIIe siècle)». 20 Voir Ex XXXI, 1-11. Après avoir ordonné à Moïse de préparer le sanctuaire, Dieu désigne Beçaléel, fils d’Ouri/Uri et Oholiab, fils d’Ahasamak pour exécuter toute œuvre d’art nécessaire au sanctuaire. 21 Le monastère se trouve dans le district de T‘umanyan, il a été érigé entre le Xe et le e XIII siècle. Voir THIERRY et DONABÉDIAN 1987, p. 534-535, DDA, Haghbat, no 1. 22 Makaravank‘, ou couvent de Macaire, se trouve dans le canton de Mec Kuenk‘, dans l’Arc‘ax, à 3 km d’Ač‘aǰur. Le plus ancien bâtiment du monastère date du Xe ou XIe siècle. Voir THIERRY et DONABÉDIAN 1987, p. 552-553, DDA, Makaravank’, no 22. 23 Dadivank‛, ou monastère de saint Dadē, se situe dans l’Arc‛ax, dans le gawaṙ de Berdajor. Il fut détruit au XIIe siècle par les Saldjūḳides; il fut reconstruit et connut une

À PROPOS DE LA CONSTRUCTION DU COUVENT DE NOR GETIK

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La dédicace de l’église fut faite devant une foule considérable. Étaient présents aussi l’évêque de Hałbat, Yovhannēs24, un homme vertueux et saint, et une multitude de prêtres et de desservants. L’église fut ointe et consacrée sous le nom de la Sainte-Mère-de-Dieu. On ajouta à l’église un gawit‘ en belles pierres polies. Le grand général Zak‘arē et son frère Iwanē pourvurent beaucoup [aux besoins de l’église], parce qu’ils étaient les išxan du canton et qu’ils aimaient beaucoup le saint vardapet: en confession Zak‘arē était son fils spirituel. Ils donnèrent à l’église un territoire limité par des cours d’eau [allant] d’une montagne à l’autre ainsi qu’une mine à Abasajor et Zōrojor25, au pays de Bǰni et Ašawa26, au-dessus du couvent. Eux-mêmes construisirent un village, près d’un petit lac extrêmement profond, plein de reptiles aimant les marais et la boue, ils nommèrent le village d’après le lac Tzrkacov27; et en bas du couvent un autre [p. 217] petit village, qu’ils appelèrent Uṙelanǰ28. Ils érigèrent beaucoup d’autres chapelles au nom des saints apôtres et de sainte Hṙip‘simē29. Mais [Mxit‘ar], parce qu’il aimait les [lieux] désertiques et solitaires, bâtit pour lui une habitation à l’écart du couvent. Il érigea là aussi une petite église en bois, sous le nom du Saint-Esprit. Aux jours de sa vieillesse, au-dessus et à droite du couvent, il édifia une église, un tombeau pour lui, en pierres hourdées à la chaux au nom de l’Ascension du Christ.

nouvelle période de prospérité jusqu’au XVIe siècle. Voir THIERRY et DONABÉDIAN 1987, p. 511-512 et THIERRY 1991, p. 65-80. 24 À propos de Yovhannēs Xač‘enec‘i, neveu de Zak‘arē et Iwanē (1173-1233), évêque de Hałbat, qui construisit le gawit‘ et restaura l’église de Saint Grigor à Hałbat, voir Yovhannēs Łrimec‘i, p. 75, 82-83, 152-153 et YOVSĒP‘EAN 1951, colophon no 333, p. 749-750. 25 Dans la note 1, p. 112 de l’édition de Venise 1865, Ališan propose de corriger l’orthographe en Šorajor. 26 Ašawa est transcrit Ōšawa dans HŠTB, V, p. 483 comme dans l’édition de Venise 1865. 27 Litt. «lac aux sangsues». 28 Voir HŠTB, V, p. 200. 29 La chapelle de sainte Hṙip‘simē fut érigée en 1208, voir CIArm, VI, no 224, p. 101.

CHAPITRE XV

À PROPOS DES DISCIPLES DISTINGUÉS [DE MXIT‘AR] Beaucoup reçurent son enseignement de vardapet, car la renommée de sa sagesse se répandait dans tous les lieux. On venait auprès de lui de toutes régions: conformément à son nom1, il consolait tout le monde. C’était un consolateur comme Barnabé (Baṙnabas)2, remarquable au milieu des foules comme Antoine (Anton)3; ses paroles fructueuses étaient pleines de grâce; tous désiraient le voir et l’entendre. Sa réputation était telle que nombreux étaient ceux qui, détenteurs du titre de vardapet, se cachaient pour venir [rejoindre] les rangs de [ses] disciples afin d’être instruits par lui [p. 218] et recevoir à nouveau l’ordination. Nombre de ses disciples parvinrent à l’honneur de vardapet. Deux, surtout parmi eux, étaient plus savants que les autres et capables d’aider les autres. Le premier s’appelait T‘oros4, originaire du pays de Mélitène (Melitinē)5 d’Arménie, de père arménien (Haykazn) et de mère syriaque (Asori). C’était un homme doux et humble, vertueux et très charitable envers les pauvres, hospitalier avec les étrangers, généreux dans ses présents. Il pratiqua une vie de bien, et [étant parvenu] à une grande vieillesse il rejoignit ses pères. Il fut enterré dans le célèbre couvent de Hałbat, à son sommet, parmi les tombes des évêques et des vardapet. Que sa mémoire soit bénie, [et] ses prières un rempart pour les croyants. Le second s’appelait Vanakan6, un saint homme, modeste, très avancé dans toutes les œuvres de bien, honnête et prudent en tout; par sa parole de vardapet il surpassait tous ceux qui à l’époque étaient dotés d’esprits 1

Le nom de Mxit‘ar vient de mxit‘arel «consoler». Voir Ac IV, 36-37. Le nom de Barnabé veut dire «fils de consolation». 3 À propos de l’ermite Antoine (Anton) et de son compagnon Cronidès (Krōnidēs), qui vinrent en Arménie en 302 et moururent en 342, voir leur panégyrique par Zenob de Glak dans SH, vol. 10, p. 59-72. Ils sont commémorés dans le Synaxaire arménien, le 21 hori (30 septembre), PO 27 [6, 2], p. 316 [p. 348]): «En ce même jour, commémoration d’Antoine et de Cronidès et des sept compagnons, qui ne se nourrissaient que d’herbes au couvent Innaknean». 4 Seul Kirakos évoque ce vardapet. 5 Aujourd’hui Malaṭya, en Turquie, au pied du Taurus, non loin du cours supérieur de l’Euphrate. 6 À propos de Yovhannēs Vanakan (1181-1251) qui fut le maître de Kirakos et de l’historiographe Vardan, voir les chapitres 52 et 53, ainsi que l’étude que lui a consacrée OSKEAN 1922. 2

À PROPOS DES DISCIPLES DISTINGUÉS [DE MXIT‘AR]

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féconds et de propos pertinents. C’est pourquoi, beaucoup demeuraient près de lui pour son enseignement, non seulement pour sa parole de vardapet, mais aussi pour toute sa vie et ses actions qui étaient des exemples non écrits pour ceux qui le voyaient. Je dis cela non pas pour l’avoir entendu, mais parce que je l’ai vu, nous avons passé, en effet, beaucoup de temps auprès de lui à suivre son enseignement, dans le pays de la forteresse de Tawuš7 [p. 219], dans l’ermitage qu’il avait reçu comme lieu de résidence; telle une fontaine, il abreuvait tout le monde de sa parole de vardapet.

7

Au nord-est du lac Sewan, voir HŠTB, V, p. 48.

CHAPITRE XVI

À PROPOS DE LA MORT DU GRAND VARDAPET MXIT‘AR QUE L’ON APPELLE GOŠ Ce bienheureux, dont nous avons parlé ci-dessus, atteignit une grande vieillesse et acheva le cours de sa vie en conservant sa foi. Lorsqu’il vit que son corps perdait de ses forces et qu’il était sur le point, désormais, de rejoindre ses pères, il appela les habitants de la congrégation du couvent de Nor Getik qui avaient enduré avec lui courageusement tous les labeurs du couvent et de l’église et il les bénit au nom du Seigneur, ainsi que ses élèves. Il choisit et désigna comme supérieur l’un d’entre eux, nommé Martiros1 qui avait été son disciple et un de ses familiers. [Martiros] était jeune mais parfait en sagesse, c’était un homme à la voix douce [faite] pour le chant liturgique, lecteur intelligent et virtuose en calligraphie; [Mxit‘ar] lui enjoignit de les diriger. Il rédigea un testament [qu’il envoya] au grand hazarapet Iwanē, le frère de Zak‘arē, lui confiant le couvent et son supérieur [p. 220]. Puis lui-même, les cheveux blanchis et très âgé, passa de ce monde vers le Christ. Le supérieur2 du couvent, Martiros organisa avec les moines ses funérailles d’une belle manière [tenant compte] des nécessités spirituelles et matérielles; ils l’emmenèrent et le déposèrent devant la porte de la petite église qui était au sommet du couvent, du côté ouest. Depuis ce jour, sa tombe soulage les malades qui s’abandonnent avec foi à ses prières. On emporte toujours de la terre du lieu pour la guérison des malades, hommes et animaux, car Dieu glorifie ceux qui le glorifient dans la vie et dans la mort. Il arriva qu’un jour ses serviteurs apportèrent avec des bêtes de somme du vin pour les besoins du couvent. Un Ibère (Virk‘) du nom de Basila, un fonctionnaire d’Iwanē en charge du bois qui protégeait sa résidence, vint et voulut leur prendre du vin de force. Les serviteurs lui dirent: «Ne nous tourmentez pas, car nous sommes des [gens] de Goš». C’était ainsi qu’ils le surnommaient car ses cheveux blancs étaient clairsemés. Lui, le misérable, les méprisa, les insulta, eux et Goš. Alors qu’il se moquait de son nom, soudain il devint muet, sa langue se colla [à son palais]3 et ses 1 2 3

Martiros dirigea le couvent de 1212 à 1232; voir chapitre suivant. Le terme employé est վերակացու (verakacʻu). Voir Ez, III, 26.

À PROPOS DE LA MORT DU GRAND VARDAPET MXIT‘AR

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lèvres se déformèrent; il demeura ainsi [p. 221] durant plusieurs jours jusqu’à ce qu’il demandât pardon en poussant des soupirs. Et tous ceux qui virent l’homme louèrent le serviteur de Dieu. [Goš] laissa, comme souvenir et monument funéraire, des livres aux pensées sages, utiles pour ceux qui aiment l’étude: un Abrégé de la prophétie de Jérémie (Eremia), joliment réalisé, quelques Canons à propos de l’administration du corps et du sang du Seigneur, comment il convient de le faire et dans quel ordre; un livre [intitulé] Lamentation sur notre nature adressées par Adam à ses fils et par Ève à ses filles; un autre livre Déclaration de la foi orthodoxe contre tous les hérétiques, à la demande du grand général Zak‘arē et de son frère, ainsi que d’autres lettres donnant des conseils4. Sa mort survint en 662 (= 1213/1214) du comput.

4 Les œuvres les plus célèbres de Mxit‘ar Goš sont: le Livre de jugement (Գիրք դատաստանի), éd. T‘OROSYAN 1975, trad. THOMSON 2000], les Fables (Առակներ), éd. PIVAZYAN 1951, trad. BEDROSIAN 1987 et la Chronique des Ałuank‘ dans Movsēs Dasxuranc‘i, p. 350357, trad. DOWSETT 1958, p. 472-490.

CHAPITRE XVII

À PROPOS DE CEUX QUI, APRÈS [MXITʻAR GOŠ], FURENT LES SUPÉRIEURS DU COUVENT Ce couvent devint célèbre et renommé grâce au nom du saint vardapet et à la sagesse de son supérieur Martiros, qui était un bâtisseur. Il érigea un autre žamatun1 en pierres brutes hourdées à la chaux, aux murs dotés d’agrafes solides avec un étage supérieur en bois qui plus tard s’écroula. [p. 222] Il fit construire aussi une très jolie bibliothèque avec un étage, dont Mxit‘ar Hiwsn fut l’artisan; celui-ci était employé à de nombreux travaux au sein d’églises et de monastères2. Beaucoup de frères se rassemblèrent là à cause de la renommée du lieu, et pour beaucoup ce fut un centre d’éducation et d’instruction; nous-même avons été éduqué et instruit dans ce couvent. On entreprit de bâtir aussi une autre église à coupole et à cinq autels en pierres de taille et polies, de belle facture. [Parvenu] à mi-hauteur, [le travail] fut suspendu pendant longtemps, à cause de la venue du sultan du Khurāsān (Xorasan), nommé Djalāl al-Dīn (Jalaladin)3, qui défit l’armée des Arméniens (Hayk‘) et des Ibères (Virk‘) et détruisit beaucoup de cantons4. Ces causes et d’autres firent que [l’église] demeura inachevée. Ensuite, un homme du nom de Grigor Kapalec‘i5, qui auparavant avait financé la construction de l’église, reprit en main [l’édification] et la termina en 690 (= 1241/1242) du comput.

1 Un žamatun est un bâtiment, accolé à la façade ouest de l’église ou à l’entrée, que l’on ne rencontre que dans les couvents et qui servait de lieu de réunion, de sépulture et de prières pour les laïcs. Parfois, on y trouve des autels. On le nomme aussi gawit‘, terme qui désigne plutôt le parvis de l’église en tant qu’accès. Voir Armenia Sacra 2007, p. 302-303 et Kirakos, chap. 1, note 470. 2 Selon deux inscriptions, l’architecte-moine Mxit‘ar Hiwsn (litt. «le charpentier») se chargea des travaux. CIArm, VI, n° 137, p. 68-69 et n° 202, p. 93-94. 3 Djalāl al-Dīn Khwārizm-shāh (1220-1231), dernier souverain du Khwārazm, voir Kirakos, chap. 6. 4 Voir Kirakos, chap. 18. 5 Voir CIArm, VI, no 105, p. 53-54.

À PROPOS DE CEUX QUI [VINRENT] APRÈS [MXITʻAR GOŠ]

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Iwanē, le frère de Zak‘arē, mourut6 aussi, il fut enterré à Płnjahank‘7 à la porte de l’église qu’il avait érigée et qu’il avait enlevée aux Arméniens en en faisant un couvent ibère8. Avant de mourir il avait confié son fils et sa maison à un išxan élevé et honoré par lui, Grigor dit Tła9. [p. 223] Celui-ci demanda à Awag, le fils d’Iwanē, le couvent de Getik pour en faire son lieu de sépulture. Et parce qu’[Awag] l’aimait beaucoup, il le lui donna. [Grigor] lui acheta un village du nom de Vašxē10, près d’Ałstew, qu’il offrit au couvent avec beaucoup de richesses, des livres, des croix et du bétail. Il érigea également une magnifique église à trois autels, près du gawit‘, d’une belle structure, il lui donna le nom de saint Grigor. Beaucoup de bâtiments furent élevés à l’intérieur [du couvent]. Le nombre des prêtres, des desservants, des jeunes disciples se multiplia 6 Selon Stepʻannos Ōrbēlean, chap. 66, p. 398 (trad. Brosset, p. 225), Iwanē meurt quinze ans après son frère Zakʻarē, mort en 1212; mais la mort d’Iwanē serait postérieure à 1227 puisqu’un colophon (MATʻEVOSYAN 1984, colophon no 138, p. 182) le désigne comme išxan des išxan et atabeg en 1232, et selon une inscription, il est toujours vivant en 1234 (YOVSĒPʻEAN 1969, p. 52). Pour accorder les sources entre elles, MARGARIAN 1997, p. 35 fait la distinction, par exemple, entre la fin de carrière et la mort d’Iwanē. Ainsi, Iwanē aurait commencé sa carrière dans les années 1190/91, l’aurait terminée dans les années 1225 et serait mort en 1233/34. À propos de la mort de Zakʻarē et Iwanē, voir MUTAFIAN 2012, I, p. 285-286. 7 D’après une note d’Ališan, dans Vardan (note 1, p. 148), Płnjahankʻ (litt. «mines de cuivre») se situerait dans les montagnes du Lalvar dans le Somxetʻi, entre le Tašir et Cobopʻori. Une église et un couvent auraient été érigés à l’époque de Zakʻarē et d’Iwanē. Actuellement, l’ensemble monastique de Płnjahankʻ s’appelle Axtʻala, et se trouve aux environs de Tʻumanyan. Voir HŠTB, I, p. 115. Awag, fils d’Iwanē, est également enseveli à Płnjahankʻ (voir Vardan, § 87, p. 148, trad. Thomson, p. 216) alors que le lieu de sépulture de la famille Zakʻarean est Sanahin depuis 1189, date à laquelle Iwanē et son frère Zakʻarē ont érigé une chapelle au-dessus du tombeau de leur père Sargis. Voir KHALPAKHTCHIAN 1986, p. 357-374. 8 L’Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 450-455) relate assez longuement la conversion de la famille Zak‘arean à la foi orthodoxe; seul Zak‘arē, frère d’Iwanē refusa: «Iwané, le chef des msakhours, dit à son frère Zakaria, le généralissime: ‘Je ne voulais pas de cette discussion avec les Géorgiens, parce qu’ils professent la véritable religion. Maintenant, qui nous empêche d’embrasser la vraie foi et de nous faire baptiser par le catholicos?—Je sais, mon frère, lui répondit Zakaria, que la religion des Géorgiens est vraie, mais ceux-là seront condamnés au jour du jugement, qui ont voulu le schisme. Pour moi, je ne me réunirai pas aux Géorgiens.’ Entendant ces mots, Iwané reprit: ‘ (…) Moi, je ne suivrai pas ta conduite et me ferai baptiser suivant le rite géorgien.’» 9 D’après les inscriptions de Gošavank‘ et celles du couvent Saint-Jacques de Mecaṙank‘ (voir CIArm, V, no 6, p. 13, VI, no 140, p. 70 et no 236, p. 105-106), on peut supposer que ce Grigor était le neveu de Hasan Jalal du Xač‘ēn, le fils de son frère Smbat: «Moi Grigor Heǰup amirspasalar d’Awag, fils de Smbat, fils du grand Vaxt‘ang, des régions de la province d’Arc‘ax, j’ai été élevé par l’atabeg Iwanē (…)». Voir Kirakos, chap. 26. 10 Village du Gugark‘, dans le canton de Jorap‘or, voir HŠTB, IV, p. 763.

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et Martiros, au bout de vingt ans de direction se démit volontairement. Il y eut après lui un certain Mxit‘ar, puis Yovasap‘11 et d’autres pour peu de temps et le vardapet Abraham12. Puis tēr Yovhannēs Armanec‘i13, qui était le supérieur de Hałarcin, reçut la consécration épiscopale en 705 (= 1256/1257). Il construisit à Hałarcin un remarquable réfectoire en pierres polies14, puis il passa au grand siège du [diocèse] de Hałbat. En 703 (= 1254/ 1255) le vardapet Xač‘atur et son frère Barseł érigèrent une église à coupole avec trois autels en face du couvent [de Nor Getik] sous le nom de SaintGēorg15.

11

Voir AnjB, III, no 5, p. 534. Voir AnjB, I, no 28, p. 34. 13 D’après les inscriptions relevées par Yovhannēs Łrimec‘i (p. 37-38, 60-62, 73-74, 108-111), Yovhannēs Armanec‘i aurait été évêque jusqu’en 1294. 14 Le réfectoire fut construit en 1248, grâce à l’aide financière d’un certain Kutas. Voir CIArm, VI, no 117, p. 58. 15 L’église fut érigée en 1255, voir CIArm, VI, no 225, p. 101. 12

CHAPITRE XVIII

À PROPOS DU SULTAN DJALĀL AL-DĪN (JALALADIN) ET DU FAIT QU’IL DÉTRUISIT L’ARMÉE DES IBÈRES (VIRK‘) EN 674 (= 1225/1226) [p. 224] La nation du nord-est dont on a parlé plus haut et qu’on appelait tatare (t‘at‘ar) réduisit à l’extrémité le sultan du Khurāsān (Xorasan) Djalāl al-Dīn, battit son armée et dévasta ses territoires. Il fut contraint de fuir dans la province des Ałuank‘. [Le sultan] parvint à la ville de Gandja (Ganjak) et la prit1. Il leva des troupes innombrables de Perses (Parsk‘), de tačikk‘, de Turcs (T‘urk‘) et parvint dans le pays d’Arménie (Hayk‘). Iwanē, voyant cela, avertit le roi2 des Ibères et rassembla une armée nombreuse pour s’opposer au sultan. [Les Ibères], enflés d’un très grand orgueil, avaient fait le serment que s’ils étaient vainqueurs, ils convertiraient toute la population arménienne à leur foi, et sous leur autorité ceux qui résisteraient seraient passés par le fil de l’épée. Ils conclurent un pacte et ne formèrent pas ces desseins avec Dieu, ils ne pensèrent pas avec son Esprit, ils ne s’adressèrent pas au Seigneur, lui qui donne la victoire à qui il veut3. Le sultan pénétra ensuite dans le canton de Kotayk‘4. Iwanē s’y rendit aussi avec son armée d’Ibères [p. 225] et il se posta sur une hauteur en face d’eux. Les voyant, il fut figé sur place de peur. Mais le sultan lança en avant ses troupes et marcha contre [les Ibères]. À cette vue un išxan des Ibères, parmi les grands, du nom de Šaluē, et son frère Iwanē5, tous deux hommes braves, illustres et victorieux dans les batailles, dirent aux troupes: «Vous, demeurez et restez un moment [ici] tandis que nous irons et engagerons le combat contre eux. Si nous amenons certains à reculer, la victoire sera à nous, [alors] venez, vous aussi, et si c’est eux qui nous battent, fuyez et sauvez vos vies.» 1 La ville, où s’était réfugié Özbeg b. Muḥamad Pahlawān (1210-1225), fut prise en 1225 par Djalāl al-Dīn, voir Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 259-260). 2 Le souverain d’Ibérie était en 1225 la reine Rusudan (1223-1245), voir Kirakos, chap. 22. 3 Voir 2 Mac, XV, 21. 4 Seizième canton de l’Ayrarat. Voir HŠTB, III, p. 224. 5 D’après l’Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 498-500) les deux frères seraient originaires d’Axalcʼixe, dans le Samcʼxe. Selon Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 242-243) Šaluē, qu’il appelle Shalwa, aurait été le seigneur de Duin.

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Et alors qu’ils engageaient le combat et commençaient à massacrer l’armée du sultan, les troupes des Ibères ne prêtèrent pas attention [aux combats] et quittèrent leur position, au point qu’un homme ne reconnaissait plus [son] ami durant la fuite. Ils partirent sans être poursuivis, tous se poussaient du haut vers le bas, dans la vallée qu’ils remplirent jusqu’au chef-lieu de Gaṙni6. Lorsque les troupes du sultan virent cela, ils se lancèrent à leur poursuite, en tuèrent beaucoup et en jetèrent d’autres dans des précipices7. Le sultan vint à l’entrée de la vallée et voyant le pitoyable spectacle, cette multitude d’hommes et de coursiers qui gisaient là entassés comme des décombres de pierres, il secoua la tête et dit: «Ceci n’est pas l’œuvre d’un homme mais de Dieu seul qui est tout puissant.» Puis il retourna dépouiller les cadavres [p. 226] de ceux qui étaient tombés, il détruisit beaucoup d’endroits et se rendit dans la ville de Tpʼilisi (Tp‘xis)8. Les Perses qui étaient là l’aidèrent à prendre la ville; il tua beaucoup de personnes et en obligea beaucoup d’autres à abandonner le christianisme et à croire en leur trompeur et faux enseignement de tačikk‘9. Désormais beaucoup, terrifiés par la crainte de la mort, échangèrent la vérité contre le mensonge10, mais d’autres préférèrent bravement la mort plutôt qu’une vie de remords11. Ils héritèrent du nom de martyr et quittèrent [ce] monde en bonne renommée. 6

Gaṙni, dans le gawaṙ d’Ostan (région de Duin), voir HŠTB, I, p. 792. Le récit du secrétaire et biographe de Djalāl al-Dīn, al-Nasawī (trad. Houdas, chap. 48, p. 185-188) concernant la bataille entre les troupes du sultan et des Ibères est similaire à celui de Kirakos. Selon Step‘annos Ōrbēlean, chap. 66, p. 399 (trad. Brosset, p. 225-226), ce sont Šaluē et Grigor qui se lancent les premiers dans la bataille et crient à leurs compatriotes «venez», mais ces derniers comprennent «fuyez». D’après l’Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 498), les Ibères ne suivent pas Šaluē et son frère Iwanē car «l’atabek [Iwané] refusa de leur prêter assistance (…) par envie et non par lâcheté». Selon Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 258-259), la bataille entre les troupes de Djalāl al Dīn et les Ibères se déroula entre le 8 août et 5 septembre 1225, les troupes ibères fuirent et ne purent remporter la bataille car elles étaient gouvernées par une femme («No people will prosper who appoint a woman to rule over them.») 8 Selon al-Nawasī (trad. Houdas, chap. 48, p. 186) et Djuwaynī (trad. Boyle, p. 428), le sultan quitte le champ de bataille pour la ville de Duin. Il se saisit de Tpʼilisi le 9 mars 1226, voir Djuwaynī (trad. Boyle, p. 431) et Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 269). 9 Voir Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 270): «The Muslims took the city by force of arms without granting terms and all the Georgians there were put to death. Neither young nor old was spared, except for those who accepted Islam and pronounced the two sentences of the confession of faith. They were spared, circumcised by order and then left alone.» 10 Voir Ro I, 25. 11 Voir 2 Mac VI, 19. 7

À PROPOS DU SULTAN DJALĀL AL-DĪN (JALALADIN)

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[Le sultan] donna l’ordre de tous les circoncire de force, sans vérifier ceux qui croyaient et ceux qui ne croyaient pas. Et ainsi deux [personnes] se saisissaient brutalement de quelqu’un sur une place publique et une troisième [personne] prenait une épée et tranchait le prépuce du membre viril. Ils pratiquaient avec les femmes une débauche honteuse. Et partout où ils trouvaient une croix, une église, ils les renversaient et les détruisaient12. Ils firent cela non seulement à Tpʼilisi mais aussi à Gandja, à Naxčawan13 et dans d’autres endroits. Un homme parmi les grands, du nom d’Orkhan (Ōrłan), marié à la mère du sultan14, accablait par de nombreux tourments les habitants de la ville de Gandja, les chrétiens comme les Perses, réclamant de nombreuses taxes [p. 227]. Cet [homme] fut exécuté dans cette ville par les malāḥida (mulhedkʻ)15 qui avaient coutume d’assassiner les gens perfidement. Alors qu’il déambulait dans les rues de la ville, quelques-uns s’approchèrent de lui, sous prétexte qu’on leur avait causé du tort et ils l’abordaient pour être défendus. Ils lui montrèrent un papier qu’ils tenaient à la main en criant: «Procès, Procès!» Sitôt qu’il s’arrêta, désireux de leur demander qui les tourmentait, ceux-ci se jetèrent sur lui de tous côtés, et avec des épées qu’ils avaient dissimulées, l’entaillèrent et le tuèrent16. Ainsi le mal périt par le mal17. Et on put à peine frapper de flèches ses assassins, qui dans leur fuite à travers la ville blessèrent beaucoup [de monde]. C’était la 12

Voir Djuwaynī (trad. Boyle, p. 432): «He likewise demolished the churches of Tiflis, on the building of which valuable treasures had been expended since ancient times; and he founded the cells of Islam upon their sites.» Selon Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 270), les habitants musulmans de Tpʼilisi souffrirent également de mauvais traitements. 13 Naxčawan/Naxǰawan se situe au nord de l’Araxe, dans le Vaspurakan, en amont de Gołt‘n, voir HŠTB, III, p. 956. 14 al-Nawasī (trad. Houdas, chap. 50, p. 195) dit qu’il était parent du sultan sans autre précision. 15 Mulhedkʻ est la déformation du terme arabe mulḥid (au pluriel malāḥida) qui désigne «un déviationniste, un apostat, un hérétique». Voir EI2, VII, p. 546. Ici le terme désigne les Ismā῾iliens Nizārites de Perse, en particulier la branche fondée par Ḥasan-i Ṣabbāḥ en 1090, voir Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 114). Ces Ismā῾iliens Nizārites, pratiquaient le meurtre politique; les Croisés leur donnèrent le nom d’Assassins. Ce terme dériverait de l’arabe ḥashīshī ou «fumeur de hachich»; mais rien ne prouve que les Ismā῾iliens Nizārites aient eu recours au hachich pour perpétrer les assassinats politiques et qu’ils se soient appelés eux-mêmes ainsi. Voir à propos des Ismā῾iliens, les articles «ḥashīshiyya» et «Ismā῾īliyya» dans EI2, III, p. 275-276, IV, p. 206-215. 16 Voir al-Nawasī (trad. Houdas, chap. 60, p. 220-221) place l’assassinat d’Orkhan en 1226, comme Kirakos. Mais il raconte au chapitre 106 (trad. Houdas, p. 406-407) comme Djuwaynī (trad. Boyle, p. 456-457) qu’en 1231 Orkhan permet à Djalāl al-Dīn de fuir les Mongols. Il y aurait donc peut-être deux Orkhan. 17 Voir Prov XI, 7.

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coutume de cette nation, qui s’était retranchée dans des endroits fortifiés nommés Tūn (T‘un)18, T‘anǰah19 et encore dans les forêts du Liban (Libananu mayrk‘), de vendre leur sang à leur išxan qu’ils adorent à la place de Dieu et de donner [cet argent] à leurs fils et femmes. Ils vont où les envoie leur išxan, y demeurent longtemps sous différents déguisements jusqu’à ce qu’ils trouvent le moment favorable à l’assassinat, alors ils tuent qui ils souhaitent. À cause de cela, tous les išxan et rois avaient peur d’eux et leur payaient des taxes; car ce sont de rigoureux exécutants des ordres de leur išxan, [p. 228] faisant ce qu’il dit au point de ne pas faire cas de leur vie et de braver la mort20. Ainsi ils tuèrent beaucoup de grands personnages qui ne leur avaient pas payé les taxes comme cet impie21.

18 Tūn (aujourd’hui Firdaws) dans le Ḳūhistān, province montagneuse au nord-est du plateau iranien, entre la région de Nīshāpūr, au nord, celle de Harāt et de Sīstān à l’est et celle du Kirmān, au sud-ouest. Voir EI2, X, p. 670. 19 Nous n’avons pas pu identifier le lieu. L’édition de Venise 1865 propose TʻuniT‘anǰah. 20 Voir Marco Polo qui consacre trois chapitres à la secte (trad. Hambis, chap. XLI, XLII, XLIII, p. 111-115). 21 Djalāl al-Dīn, à la suite de l’assassinat de son émir, à Gandja, se rendit avec ses troupes dans les territoires des Ismā‛iliens Nizārites et commit de «terribles actions» pour se venger, voir Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 283).

CHAPITRE XIX

À PROPOS DE L’ÉLIMINATION DU SULTAN DJALĀL AL-DĪN (JALALADIN) ET DE SA DISPARITION DE LA SURFACE DE LA TERRE Après avoir commis ces méchancetés, [Djalāl al-Dīn] se rendit dans la ville d’Akhlāṭ (Xlat‘), dans la province de Bznunik‘. [La ville] était sous la domination du sultan al-Ashraf (Ašrap‘)1, il l’attaqua et la prit2. Là se trouvait la femme du sultan, la fille d’Iwanē, nommée T‘amt‘a3 dont on a parlé plus haut4; il la prit pour épouse, puis il alla ravager de nombreux cantons sous la domination du sultan de Rūm5 (Hoṙom), ῾Alā᾿ al-Dīn (Aladin)6. Et d’un commun accord, les sultans, al-Ashraf, son frère al-Kāmil (K‘ēml)7, maître des régions d’Égypte (Egiptos)8, et ῾Alā᾿ al-Dīn, appelèrent à leur aide les troupes des Arméniens (Hayk‘) qui étaient dans le pays de Cilicie (Kilikia) et des Francs (Fṙankk‘) du littoral de la mer9. Ils vinrent pour livrer bataille contre Djalāl al-Dīn du Khwārazm10 (Xorazmec‘i) [p. 229]. Lorsque les deux parties furent près l’une de l’autre, effrayées, elles n’eurent pas le courage d’en venir aux mains. Alors les chrétiens, 1 À propos de l’Ayyūbide, Al-Ashraf al-Malik, maître d’Akhlāṭ/Khilāṭ, puis sultan de Damas (1229-1237), voir La chronique des Ayyoubbides d’al-Makīn ibn al-῾Amīd (trad. Eddé et Micheau, p. 30, p. 33-34, p. 42-52) et CAHEN 1988, p. 79-82, 84-87. 2 La ville tomba en avril 1230, après plusieurs mois de siège; voir Djuwaynī (trad. Boyle, p. 443-449), Ibn-al-Athīr (trad. Richards, p. 297-298). Mais selon al-Nasawī (trad. Houdas, chap. 86, p. 330-336), la ville tombe à la fin de l’année 1229. 3 À propos du mariage de Tʻamtʻa et du sultan, voir MINORSKY 1953, p. 149-150. 4 Voir chapitre 4 et Step‘annos Ōrbēlean, chap. 66, p. 396 (trad. Brosset, p. 224). 5 À propos des Saldjūḳides de Rūm (1081-1307), voir Kirakos, chap. 9, p. 190. 6 ῾Alā᾿ al-Dīn Kayḳubād I (1221-1237) est l’un des plus prestigieux sultans saldjuḳides de Rūm; il étendit son royaume vers le nord, le sud et l’est. Il prit le port de Kalon-Oros qu’il rebaptisa Alanya/῾Alā᾿iyya et dont il fit une de ses résidences d’hiver. Il se saisit de la principauté d’Erzindjān/Erzincan et des territoires des Artuḳides, voir EI2, IV, p. 850-851. Voir Kirakos, chap. 9, p. 190. 7 À propos du règne d’Al-Kāmil, sultan ayyūbide d’Égypte (1218-1238), voir al-Makīn ibn al-῾Amīd (trad. Eddé et Micheau, p. 30-55). 8 À propos des Ayyūbides, voir EI2, I, p. 820-830. 9 À l’armée des Ayyūbides de 5 000 hommes s’ajoutent les troupes d’῾Alā᾿ al-Dīn Kayḳubād I (environ 20 000 hommes), tandis que celles de Djalāl al-Dīn étaient bien supérieures (environ 100 000 hommes), voir CAHEN 1988, p. 83-84 et HUMPHREYS, 1977, p. 218220. 10 Khwārazm, nom donné à la région située sur le cours inférieur de l’Amū Daryā (Oxus), la Chorasmie antique, voir EI2, IV, p. 1092-1097.

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les Arméniens et les Francs mirent leur confiance en Dieu et s’élancèrent contre eux. Ils étaient peu nombreux, moins d’un millier, mais grâce à la puissance du Christ ils battirent les troupes et les mirent en fuite. Voyant cela, les troupes des tačikk‘ donnèrent l’assaut et firent un grand carnage jusqu’au coucher du soleil11. Puis les sultans donnèrent l’ordre de ne pas pourchasser les fuyards, car ils avaient la même croyance. Ils cessèrent les poursuites. Les sultans, qui étaient des hommes pieux, ne furent pas ingrats envers les troupes des chrétiens, car ils savaient que le Seigneur leur avait mis la victoire entre les mains. Dès lors ils retournèrent dans leur pays dans une grande joie, et [quand] ils traversaient villes et cantons, [les populations] sortaient à leur rencontre en dansant avec des cymbales et ils étaient accueillis avec des félicitations. Lorsqu’῾Alā᾿ al-Dīn atteint Césarée de Cappadoce (Kesaria Kapadovkac‘i), toute la multitude de la ville, y compris les chrétiens avec leurs prêtres, des croix et des simandres12, vint au-devant de lui, à environ une journée de marche [p. 230]. Lorsque le sultan fut proche, la multitude des tačikk‘ ne permit pas aux chrétiens de s’approcher et de se mêler à eux pour se prosterner devant le sultan; au contraire, ils les repoussèrent derrière, alors eux, se dirigèrent vers une colline en face du camp. Quand le sultan demanda qui ils étaient et sut que c’étaient des chrétiens, il quitta ses troupes et se rendit seul parmi eux; puis il leur ordonna de frapper leurs simandres et de rendre un culte à haute voix. Et ainsi il rentra avec eux dans la ville, leur donna des cadeaux et les renvoya chacun chez soi. Le sultan Djalāl al-Dīn, lui, revint, [couvert] d’une grande honte dans le pays des Ałuank‘, dans la féconde et fertile plaine que l’on appelle Mūghān13 (Mułan), il s’installa là et voulut rassembler une armée14. Mais les Tatars (T‘at‘ar), qui l’avaient contraint à fuir son pays, se lancèrent 11 Selon Ibn Bībī (trad. Duda, p. 171), la bataille eut lieu le 12 août 1230 à Yasi-Čumen, à l’ouest d’Erzindjān. Selon Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 299), la bataille se déroula le 10 août 1230, et pour al-Makīn ibn al-῾Amīd (trad. Eddé et Micheau, p. 45) le 9 août 1230. 12 Voir le discours de Grigor Narekac‘i sur la simandre (trad. Mahé, p. 719-732). 13 Mūghān, steppe située au sud du cours inférieur de l’Araxe et au nord d’Ardabīl. La région était considérée comme un excellent terrain pour les pâturages d’hiver des nomades conquérants. La majorité des habitants étaient des Turkmènes (voir à propos des Turkmènes, EI2, X, p. 789 sq.). Voir pour son emplacement, HÜBSCHMANN 1969, p. 236; HEWSEN 2001, carte 110. 14 D’après Ibn al-Athīr, XII (trad. Richards, p. 300), Djalāl al-Dīn retourne dans un premier temps à Akhlāṭ, où il récupère une partie de ses troupes.

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derrière lui et le chassèrent jusqu’à Āmid (Amit‘)15; là [les Tatars] battirent ses troupes sévèrement. [Cet] impie išxan périt aussi dans cette bataille, certains disent cependant que tandis qu’il s’enfuyait à pied, il rencontra un homme qui le reconnut et le tua pour [prix] du sang16 de son proche parent assassiné par lui un autre jour. Et ainsi le mal périt par le mal17.

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La ville se situe dans la haute vallée du Tigre, sur un plateau, près de la rive gauche du fleuve qu’elle domine au sud du canton d’Ałjnik‘. Son nom actuel est Diyārbakr. Voir «Diyār Bakr» dans EI2, II, p. 353-357. 16 Selon les sources, les Mongols attaquent son camp de nuit (le 17 août 1231). Il fut réveillé par un certain Orkhan, alors qu’il dormait du sommeil de l’ivresse, il s’enfuit dans la direction de la ville de Mayyāfāriḳīn; il fut tué dans un village, crapuleusement ou par vengeance, par un Kurde. Le seigneur d’Āmid retrouva son corps et l’enterra, voir al-Nasawī (trad. Houdas, chap. 107, p. 409-411), Djuwaynī (trad. Boyle, p. 459), Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 511), Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 305, 310), al-Makīn ibn al-῾Amīd (trad. Eddé et Micheau, p. 45-46). 17 Voir Prov XI, 7.

CHAPITRE XX

COMMENT LES TATARS (TʻATʻAR)1 ONT DÉTRUIT TOUS LES PAYS [p. 231] Tous les propos de notre histoire constituaient jusqu’ici une introduction pour arriver à cette nation, dont par la grâce de Dieu nous nous apprêtons à discourir. Il me semble que même si beaucoup [peuvent] raconter ces événements, [leurs récits] seront tous défaillants car les calamités advenues sur tous les pays sont bien au-delà de ces histoires. Ce temps-ci étant arrivé à sa fin, les précurseurs de l’Antéchrist annoncent la venue du fils de perdition. Les révélations des saints revêtus de Dieu nous effraient, [révélations] que l’Esprit saint leur a montrées pour les mettre en garde contre l’avenir, et surtout le commandement vrai de notre Sauveur et Dieu qui dit: On se dressera nation contre nation et royaume contre royaume et, dit-il, tout cela ne fera que commencer les douleurs2. De plus, notre patriarche saint Nersēs3 a annoncé prophétiquement la 1 Les Tatars, organisés en confédération de «Neuf Tatar» ou «Trente Tatar», vivaient sur le cours inférieur de la rivière Kerülen, vers le nord-ouest jusqu’aux rives de l’Onon (Mongolie du Nord). Ils sont mentionnés dans les inscriptions turques de l’Orkhon du VIIIe siècle, voir PELLIOT 1920, p. 143-147. Aux Xe et XIe siècles, les Tatars se heurtèrent à la tribu des Mongols qui avaient quitté le cours supérieur de l’Amour pour le sud-ouest. Les Mongols parvinrent à avoir la primauté sur toutes les tribus de la Haute Asie. Le nom de Tatars, que les Mongols avaient vaincus, finit par être donné aux Mongols par les Chinois et les Occidentaux, voir HAMBIS ET PELLIOT 1951, p. 2-6. En Occident, le nom même de Tatar est rapidement transformé en Tartare pour son pouvoir évocateur, celui d’une partie des Enfers (voir Virgile, Énéide, VI, 554-616, p. 142-143), et sera utilisé pour désigner les Mongols. Le terme de Tatar est systématiquement employé au singulier dans le texte arménien, nous l’avons traduit au pluriel car pour Kirakos, le terme Tatar englobe tous les peuples incorporés dans les hordes de Činggis Qan. 2 Mt XXIV, 7 et 8. 3 Voir les prophéties du patriarche Nersēs (353-373) dans SH, vol. 6, § 12, p. 88-89 et § 13, p. 91; (trad. CHAMA, II, p. 37): «Ensuite, chacun abandonnera son héritage et tous tomberont sous le joug des Grecs, dans leur esclavage et leur servitude; ils se relâcheront dans leur foi, et leur puissance en sera d’autant plus affaiblie (…). Les guerriers grecs perdront de leur énergie; leur pays sera opprimé par la nation des archers (Turks); ils tomberont sous leur joug, et beaucoup de provinces deviendront désertes. Le mode sera l’anxiété, il y aura des incendies, des inondations et des tremblements de terre.» Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 209) écrit: «[L’évêque arménien] me raconta aussi qu’ils ont deux prophètes: le premier est le martyr Méthodius, qui fut de leur nation, et prophétisa toute la destinée des Ismaélites, prophétie qui s’est accomplie dans les Sarrasins; le deuxième prophète s’appelle Acacron qui, à sa mort, prophétisa au sujet de la race des Archers qui viendraient du nord.»

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destruction du pays d’Arménie par la nation des Archers4, ruine et affliction subies par tous les pays et que nous vîmes de nos propres yeux. La cause de leur venue fut ceci. Dans leur lointain pays, au nord-est, qu’ils appellent dans leur [p. 232] langue barbare Qaraqorum5 (Łarałrum) aux confins de Khatā6 (?) (Łatia), se trouve une multitude de nations barbares, inconnues et innombrables, [ces nations] ont un chef des rois, qui se dit Tatar (Tʻatʻar) et dont le nom est Činggis Qan (Čʻangz łan)7. Sur le point de mourir, juste avant ses derniers instants, il appela toutes ses troupes et ses trois fils et dit à ses troupes: «Voici que je me meurs, choisissez-vous comme roi à ma place un de mes fils ici présents, celui que vous voulez». Et eux de lui répondre: «Celui que ta volonté choisira, celui-là deviendra notre roi et nous le servirons avec loyauté.» À ce moment-là, il leur dit: «Je vais vous parler du caractère et des actions de 4 Ce sont les historiographes arméniens du XIIIe siècle qui nomment les Mongols, nation des Archers; voir Vardan, § 87, p. 146 (trad. Thomson, p. 215) et Grigor Akner qui a laissé une Histoire au sujet de la nation des Archers (Պատմութիւն վասն ազգին նետողաց). 5 Qaraqorum/Qara Qorum, ville située en Mongolie centrale. Au XIIIe siècle, elle fut pour une courte période la capitale de l’Empire mongol. Dès 1220, Činggis Qan, fondateur de l’Empire mongol, choisit comme capitale Qaraqorum, son nom signifie en turc «galet noir» (Ḳaraḳorum) et désigne à l’origine la région montagneuse qui entoure les sources de l’Orkhon. L’exposé le plus complet sur cette ville est donné par Guillaume de Rubrouck. Lorsque les empereurs mongols se furent installés en Chine, la ville ne fut plus que le siège du gouverneur de Mongolie. Dès que la dynastie mongole fut chassée de Chine, en 1368, les empereurs revinrent s’y installer. La ville perdit toute importance au XVe siècle, quand la dynastie s’éteignit. Voir EI2, IV, p. 637, PELLIOT 1973, p. 16-17 et DE RACHEWILTZ 2006, The Secret History of the Mongols, § 273, p. 1004-1007. 6 Le nom de Khatā/Qatā, Khitā/Qitā ou Khitāy désigne chez les musulmans la Chine septentrionale. Les peuples d’Europe occidentale reçurent ce nom par la filière arabe et le nom prit la forme de Cata, Cathay. Le terme vient d’une tribu altaïque, les Kitan (pl. Kitat), installée dans le bassin de la Mandchourie, qui conquit la Chine du Nord et fonda la dynastie connue des Chinois sous le nom de Liao (907-1125). À propos de cette tribu, voir FRANCKE 1990, p. 400-412 et SINOR 1998, p. 227-242. 7 Činggis Qan, dont le nom était Temüǰin, fils d’un chef de clan mongol, naquit vraisemblablement en 1167. Dès l’âge de neuf ans, il perdit son père tué par les Tatars. Dépouillé de son héritage, il survécut. Avec l’appui du seigneur des Kereit, To’oril (plus connu sous le nom de Ong Qan, le «frère Jean» de Marco Polo) et au prix de luttes incessantes, il réussit à rallier les vassaux de son père et fut consacré qan des Mongols, quelques années avant 1200. Il agrandit sa puissance en soumettant les tribus turques et mongoles d’alentour et en écrasant les Tatars. En 1203, il affronta les Kereit, les Naiman, les Merkit. Il devint maître de la steppe de l’Irtych jusqu’à la muraille de Chine. En 1206, le qurilta(i) (assemblée plénière des chefs mongols chargée de l’élection du souverain dans la famille du qan décédé) fonda le nouvel Empire mongol. Temüǰin, sous le nom de Činggis Qan (litt. «roi océanique»), devint qan suprême. À sa mort, en 1227, il laissa à ses fils un vaste empire, voir ROUX 1993 et 2002.

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mes trois fils8. Celui-là, mon fils aîné Ča’adai (Čʻałatay)9, est un combattant, il aime l’armée, mais il est fier de nature et [s’estime] plus grand que le sort ne l’a voulu10. Quant à mon second fils, il est également un champion dans les combats, mais il a un caractère mesquin. Mon benjamin, depuis son enfance, possède la grâce, plein de vertus, il est extrêmement généreux et depuis sa naissance, jour après jour, ma gloire et ma grandeur ont crû. Voilà, je vous ai tout dit avec exactitude, prosternez-vous devant celui des trois que vous voulez.» [p. 233] Ils s’approchèrent et se prosternèrent devant le plus jeune, dont le nom était Ögödei qaʼan (Hokʻtʻa xałan)11; son père plaça la couronne sur sa tête et mourut12. Quand il eut pris le pouvoir royal, [Ögödei qaʼan] rassembla une troupe innombrable, tel le sable de la mer, incalculable dans sa multitude, comprenant sa propre nation appelée Mughal Tatar (Mułal Tʻatʻar)13, les Khazars (Xazirkʻ)14, les Huns [= Hongrois?] (Honkʻ)15, les habitants de 8 De Börte, son épouse principale, Činggis Qan eut quatre fils: Joči, Ča’adai, Ögödei et Tolui. L’aîné Joči est mort en février 1227 dans les steppes de l’Aral peu avant son père. À propos des fils de Činggis Qan, voir Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 353-354), Djuwaynī (trad. Boyle, p. 40-44), Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 17-18, p. 97-98, p. 135, p. 163-166), Chapitre CVII du Yuan Che (trad. Hambis, p. 51-52). 9 Ča’adai est le second fils de Činggis Qan; la mort de son frère Joči le place en position d’aîné, comme le montre l’épithète d’aîné accolé à son nom dans l’Histoire secrète des Mongols, § 269 (trad. Even et Pop, p. 234). 10 Voir son portrait dans Histoire secrète des Mongols, § 243 (trad. Even et Pop, p. 204): «Blanchet (= Ča’adai) est sévère et de caractère tatillon»; Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 145): «Chaghatai was a just, competent and awe-inspiring ruler» et Djuwaynī (trad. Boyle, p. 271273). 11 Ögödei (1186-1241) est le premier à employer comme épithète personnelle le mot qaʼan («empereur»); ce terme ne remplacera le titre de qan («roi») que sous le règne de Qubilai (1259-1294), appelé constamment Qubilai qaʼan. 12 Ögödei fut désigné par Činggis Qan pour lui succéder, voir Histoire secrète des Mongols, § 269 (trad. Even et Pop, p. 234): «L’année du rat (= 1228) (…). Conformément au commandement par lequel l’Empereur Cinggis l’avait nommé, on proclama roi l’Empereur Généreux (= Ögödei).» En réalité, son frère Tolui exerça l’interrègne de 1227 à 1229. Ögödei fut confirmé en tant que grand qan à l’occasion d’un qurilta(i) réuni par son frère Tolui, deux ans après la mort de leur père. 13 Mughal/Moghal/Moghol est la forme usuelle dans les sources islamiques pour Mongqol, les Mongols. Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 112) distingue les Tatars des Mongols, qu’il appelle Moal: «Ils veulent que leur propre nom, celui de Moal, soit exalté au-dessus de tout autre et ne veulent pas être appelés Tatares, car les Tartares furent un autre peuple (…)». À propos du nom Mongol, voir l’article DE RACHEWILTZ 1996, «The Name of the Mongols in Asia and Europe», p. 199-210. 14 Voir EI2, IV, p. 1205-1214. 15 Le peuple dont parle Kirakos n’est probablement pas les Huns, mais les Hongrois (en latin Hungar[i]). Chez certains auteurs arabes médiévaux, le terme al-Hungar ou al-Hunḳar désignait les Hongrois chrétiens par opposition aux Hongrois musulmans, voir EI2, V,

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Khatā et ceux qui ne sont pas des Kitan16 (an-Kitankʻ) et beaucoup d’autres nations barbares avec matériels, campements, femmes, enfants et tentes17. Il les divisa en trois corps. Il envoya l’un vers le sud et il institua comme gouverneur18 principal l’un de ses fidèles et loyaux [soldats]. Il envoya avec son fils un autre [corps] vers l’ouest et vers les régions du nord, et le troisième vers le nord-est sous le commandement d’un homme illustre, nommé Čormaqan (Čʻarmałun)19, homme rusé, sage et versé dans l’art des combats. [Ögödei] leur ordonna de ruiner et de ravager tous les pays et royaumes de l’univers et de ne pas revenir auprès de lui avant qu’ils terminent de les assujettir tous à leur domination. Lui resta là-bas dans son pays à manger et boire, s’adonnant partout à des menus plaisirs et à des constructions, sans inquiétude20. p. 1008-1009. Kirakos entend par Honkʻ (habituellement traduit par «Huns») peut-être le terme arabe Hunḳar. Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 121) écrit: «C’est de ce pays de Pascatur que sont venus les Huns, qui par la suite ont été les Hongrois (…)». Au sujet des Hongrois qui, au IXe siècle, nomadisaient entre le Don et le bas Danube, et alliés des Khazars, voir «Madjar» dans EI2, V, p. 1006-1020. 16 Il s’agit peut-être là des Jürčen qui ont chassé les Kitan de la Chine du Nord, et ont été battus par les troupes de Činggis Qan dans les années 1211; voir Histoire secrète des Mongols, § 247-248 (trad. Even et Pop, p. 213-214). À propos des Jürčen, voir FRANCKE 1990, p. 412-423. 17 La tente ronde des Mongols, couverte de feutre, qui se transporte aisément est connue sous le nom de «yourte» (litt. «campement, domicile»). Elle est décrite parfaitement par Guillaume de Rubrouck dans son chapitre Les Tartares et leurs maisons (trad. Kappler, p. 79-84). 18 Gouverneur: verakacʻu. 19 À propos de Čormaqan, voir Histoire secrète des Mongols, § 260, § 270, § 274 (trad. Even et Pop, p. 226, 235 et 238). Cet ancien esclave, n’était pas hostile aux chrétiens («il avait deux beaux-frères chrétiens», voir PELLIOT 1924, p. 246), il eut pour mission la conquête de la Perse. Il resta dix ans (1231-1241) à la tête de l’armée mongole campée dans le nord-ouest de la Perse. Voir Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 33): «He dispatched Chormaghun Noyan and a group of emirs with thirty thousand horsemen to deal with [Jalāl al-Dīn]. He dispatched Köketei and Sübedei Bahadur with a like army against the Qïpchaq, Saqsïn, and Bulghar; toward Khitai, Tibet, Solanga, Jürche, and that general region he sent on in advance a party of great noyans with an army, whilst he himself with his younger brother, Möngke Qa’an, set out in the wake of that army toward Khitai, which had not yet submitted and where the Emperor of Khitai was still in possession.» Voir Djuwainī (trad Boyle, p. 190). D’après Grigor Akner, IV, p. 25 (trad. Blake et Frye, p. 301), Čormaqan s’appelait Čʻawrman avant d’épouser une des femmes de Činggis Qan, Ayltʻana xatʻun (= Altani); selon Kirakos, chap. 36, p. 285, son épouse se prénomme Eltʻina xatʻun. À la suite de ce mariage, Čʻawrman prit le nom de Čʻawrmałan. 20 Les beuveries étaient fréquentes chez les Mongols. Voir le témoignage de Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 158): «L’ivresse dans ces pays n’est répréhensible ni pour un homme ni pour une femme.» Jean de Plan Carpin (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 47) écrit: «L’ivresse est en honneur chez eux, et lorsque l’un deux a beaucoup bu, il rend sur-le-champ et ne laisse pas pour autant de boire à nouveau.»

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[p. 234] Ses armées, qui s’étaient rendues dans toutes les contrées du monde, dévastèrent provinces et régions, supprimant le gouvernement des nations; ils saisissaient biens, possessions, emmenaient captifs les jeunes femmes et les enfants pour les réduire en esclavage. Ils en envoyaient [certains] au loin, à l’étranger, dans leur contrée auprès du qaʼan, [leur] roi, d’autres étaient détenus auprès d’eux pour assurer l’entretien de leurs impedimenta. Et la troupe qui se dirigeait vers l’est, sous la conduite de Čormaqan noyan (nuin)21 marcha contre le sultan Djalāl al-Dīn (Jalaladin) qui gouvernait le Khurāsān (Xorasan) et les contrées alentour; elle le battit, le chassa lui et son armée et fit de lui un fugitif comme nous l’avons exposé plus haut22. Se mettant en ordre de bataille, [les Tatars] dévastèrent toutes les provinces des Perses (Parskʻ), d’Atrpatakan23 et de Dilman24; ils rasèrent systématiquement tout au point qu’il ne restait plus rien [qui soit] pour eux [pierre] d’achoppement25. Ils prirent les plus grandes villes, les plus belles, les plus riches, Rayy (Rē)26 et Iṣfahān (Aspahan)27, ils les [re]construisirent C’est Ögödei qui fit murer en 1235 la ville de Qaraqorum et construisit des édifices, mais peu impressionnants selon Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 177): «De la ville de Caracorum, vous saurez que, hormis le palais du Chan, elle ne vaut pas le bourg de SaintDenis et que le monastère de Saint-Denis vaut dix fois plus que ce palais. Il y a là deux quartiers: celui des Sarrasins où sont les marchés et où de nombreux marchands affluent à cause de la cour, qui est toujours proche, et à cause de la multitude des ambassadeurs; l’autre quartier est celui des habitants du Catay, qui sont tous des artisans. En dehors de ces quartiers, il y a de grands palais qui sont destinés aux secrétaires de la cour. Il y a douze temples d’idolâtres de diverses nations, deux mosquées où est proclamée la loi de Mahomet, et une église de chrétiens à l’extrémité de la ville. La ville est ceinte d’un mur de terre et a quatre portes. À la porte d’orient, on vend du mil et d’autres grains, qu’on y apporte toutefois rarement; à la porte d’occident, on vend moutons et chèvres; à la porte du sud, bœufs et chariots; et à celle du nord, on vend des chevaux». C’est lui également qui créa le système impérial de communications dit yam. Ce réseau de relais de postes avait pour but le transport des marchandises entre la Chine du Nord et la Mongolie, et la transmission rapide des ordres royaux. Voir, à propos des yam, EI2, VII, § 5: les communications, p. 235-236. 21 Noyan (pl. noyad): litt. «seigneur, noble». Ce terme désigne à l’époque le commandant de l’armée mongole. Voir EI2, VIII, p. 89. 22 Voir Kirakos, chap. 18 et 19. 23 L’Atrpatakan c’est-à-dire l’Ādharbaydjān était à l’époque aux mains de Djalāl al-Dīn. Voir «Ādharbaydjān» dans EI2, I, p. 194-197. 24 Dilman est la région de Salmās. Le territoire englobe une plaine fertile près du lac Urmiya, bordée à l’ouest par les monts Harāwīl et au sud par le Kūh-i-Awghān. Voir «Salmās» dans EI2, VIII, p. 1033. 25 Voir Ro IX, 32-33. 26 Al-Rayy à 8 km de la ville de Téhéran. Voir EI2, VIII, p. 487-489. 27 Selon le savant Ibn Abī᾿l Ḥadīd al-Madā᾿inī (1190-1258), Iṣfahān ne tomba que lorsqu’un conflit éclata en 1235 entre les habitants de la ville, les Ḥanafites et les Shāfi῾ites; ces derniers livrèrent la ville aux Mongols (trad. Djebli, p. 60-62).

COMMENT LES TATARS (TʻATʻAR) ONT DÉTRUIT TOUS LES PAYS

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à nouveau en leurs noms. Ils faisaient de même dans tous les pays où ils passaient. Puis, ils atteignirent le pays des Ałuankʻ avec leurs nombreux impedimenta, dans la plaine fertile et féconde appelée Mūghān (Mułan), [p. 235] pleine de tous les bienfaits [de la nature], eau, bois, fruits et gibier. Ils s’y installèrent et y dressèrent leurs tentes. Ainsi ils passaient tous les jours d’hiver, et au printemps ils se dispersaient de tous côtés en faisant des incursions et des ravages, puis de nouveau, ils revenaient [dans la plaine de Mūghān] pour camper.

CHAPITRE XXI

AU SUJET DE LA RUINE DE LA VILLE DE GANDJA (GANJAK) Cette ville était peuplée par un grand nombre de Perses (Parsikkʻ), mais par peu de chrétiens; [la population] était très opposée au Christ et à ses adorateurs1, méprisante, blasphématrice envers la croix et l’Église, elle raillait les prêtres et les serviteurs [de l’Église]. C’est pourquoi lorsque la mesure de leurs péchés vint à son comble, la clameur de leur méchanceté monta vers le Seigneur2 et des signes précurseurs de sa ruine apparurent sur cette ville [identiques à ceux qui apparurent] sur Jérusalem (Erusałēm) avant sa destruction3. En effet, la terre se déchira soudainement, et de 1 Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 245) mentionne le fait qu’en 1224 les habitants de Gandja étaient très attachés à la religion de Mahomet. Ainsi, la reine de Géorgie, Rusudan (1223-1245) amoureuse d’un musulman de Gandja, ne put l’épouser car ce dernier refusait d’abjurer sa foi. Voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 501). 2 Voir Jon I, 2. 3 Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 202) qui parle des ravages commis par les Mongols en Iran, est convaincu que les pays d’Islam sont menacés de disparition comme Jérusalem: «Account of the irruption of the Tatars into the lands of Islam. For several years I continue to avoid mention of this disaster as it horrified me and I was unwilling to recount it. (…) Who is there who would find it easy to write the obituary of Islam and the Muslims? (…). One of the greatest disasters they mention is what Nebuchadnezzar did to the Israelites, slaughtering them and destroying Jerusalem. What is Jerusalem in relation to the lands that these cursed ones destroyed, where each city is many times larger than Jerusalem? And what are the Israelites compared with those they killed? Amongst those they killed the inhabitants of a single city are more numerous than were the Israelites. Perhaps humanity will not see such a calamity, apart from Gog and Magog, until the world comes to an end and this life ceases to be.» Dans l’Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 504-505) le chroniqueur écrit à propos de la prise de Tpʼilisi, en 1226, par Djalāl al-Dīn: «Hélas, hélas! Quels cris plaintifs, quels douloureux gémissements, quel fracas, quelles malédictions, quelles clameurs ébranlaient la ville entière! Des troupes nombreuses, rassemblées comme des moutons, étaient massacrées (…). Dans aucun des anciens livres on ne lit une catastrophe pareille à celle qui frappa alors les adorateurs du Christ. Ce qui arriva aux Juifs, après qu’ils eurent crucifié le Christ, lors de la ruine complète de Jérusalem, par Titus et Vespasien, lorsqu’au dire de l’historien Josèphe, qui décrit longuement les malheurs de sa nation, trois cents myriades d’hommes, sans compter les femmes, périrent par la famine et par le glaive: cela seulement a quelque ressemblance avec les malheurs de Tiflis, au temps de cette invasion des Sarrazins. La ville était alors sans ressource, sans consolation.» La comparaison de la prise de Tpʼilisi et des autres villes musulmanes avec la destruction de Jérusalem par ces différents chroniqueurs, arabe, géorgien, témoigne de la violence des combats en ce début du XIIIe siècle.

AU SUJET DE LA RUINE DE LA VILLE DE GANDJA (GANJAK)

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l’eau noire en sortit. [Il y avait] un arbre, qu’ils appelaient čandar4, un platane immense près de la ville; ils le virent subitement chavirer de luimême; à [cette] vue toute la ville fut bouleversée [p. 236] puis, à nouveau ils le virent dressé comme auparavant. Cela se produisit une deuxième et une troisième fois, puis l’arbre s’écroula et ne se releva plus. Leurs sages commencèrent à étudier ce signe et sa signification. Ils comprirent que c’était la raison de la ruine de la ville, désormais ils entreprirent de soustraire à l’ignominie les croix qui étaient clouées sur le seuil des portes de la ville, car ils les avaient mises là par dérision afin que les passants les foulent aux pieds5. Soudain, les troupes des Tatars (Tʻatʻar) arrivèrent et cernèrent de tous les côtés la ville. [Les Tatars] engagèrent le combat avec beaucoup de machines et arrachèrent le vignoble qui était [planté] tout autour de la ville. Puis, ils renversèrent partout les remparts de la ville avec des catapultes, personne au sein des ennemis ne pénétra dans la ville, mais équipés d’armes, ils surveillèrent la ville durant une semaine6. Les habitants de la ville, voyant la ville prise par les ennemis, rentrèrent chacun dans sa maison et brûlèrent ce qu’ils avaient construit, afin que cela ne tombe pas dans leurs mains; d’autres brûlèrent tout ce qui pouvait se consumer par le feu en sorte qu’il ne restait plus qu’eux. À cette vue, les 4 Čandar d’après ArmB, III, p. 183-184, est un terme d’origine perse désignant «le platane, le peuplier». Selon ARZOUMANIAN 1984, p. 262-271, Kirakos devait connaître les langues turque et arabe car il était originaire de la province de Gandja, où ces deux langues étaient prédominantes (p. 265). Dans son ouvrage, Kirakos donne à plusieurs reprises la traduction de termes arabes et persans (p. 313, p. 376 et p. 378). 5 L’Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 506) rapporte que le sultan Djalāl al-Dīn en 1226, à Tpʼilisi, fit profaner les images pieuses: «Le sultan donc se mit à détruire les églises depuis leurs fondements (…), joignant le temple par un pont, long, élevé, qui permettait de marcher sur les combles de l’édifice. Il ordonna aussi d’apporter et de placer, la face en dessous, au milieu du pont, une image de Notre Seigneur J.-C. et de la sainte Mère de Dieu, déposée à Sion. Là il enjoignit à tous les captifs des deux sexes de fouler les saintes images et d’abjurer leur foi, sous peine d’avoir la tête coupée.» La ville de Gandja, depuis 1225, était aux mains de Djalāl al-Dīn, la profanation des croix date peut-être de cette époque. Djalāl al-Dīn a probablement détruit les signes extérieurs du culte chrétien à Gandja, comme plus tard à Tpʼilisi. 6 À propos des techniques d’attaques des forteresses par les Mongols, voir Jean de Plan Carpin (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 81-82). Il s’agit là de la deuxième attaque de Gandja par les Mongols, voir Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 251). En 1221, les Mongols s’étaient déjà présentés devant la ville mais n’avaient pu l’attaquer. Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 220) écrit que la ville était fortifiée et que la bravoure des habitants était grande, notamment dans leur combat contre les Ibères; les Mongols renoncèrent à prendre la ville et préférèrent acheter, avec de l’argent et des étoffes, leur retraite, voir Ibn Abī᾿l Ḥadīd al-Madā᾿inī (trad. Djebli, p. 49).

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ennemis encore plus furieux donnèrent tout le monde en pâture à l’épée: homme, femme, enfant. Aucun d’entre eux ne put être sauvé, sauf une petite troupe en armes [p. 237] prête à tout, qui fit, de nuit, une brèche dans l’un des côtés des remparts et prit la fuite. Un petit nombre de pauvres hères furent gardés et torturés [par les Tatars] pour qu’ils leur montrent où on avait caché les trésors; ils tuèrent certains [d’entre eux] et en emmenèrent d’autres en captivité; ils fouillèrent eux-mêmes les maisons brulées et firent sortir ce qu’ils trouvaient cachés. Ils accomplirent cela plusieurs jours et ensuite ils se retirèrent7. [Les Tatars] vinrent, depuis tous les territoires avoisinants, [dans la ville de Gandja] pour fouiller et chercher des biens et des marchandises. Ils y découvraient beaucoup d’objets en or et en argent, en cuivre et en fer, ainsi que divers vêtements qui étaient dissimulés dans des cachettes et des chambres souterraines. Et ainsi la ville resta déserte pendant quatre ans8, puis ils donnèrent l’ordre de la reconstruire. Petit à petit, des gens revinrent, se rassemblèrent et commencèrent à reconstruire [Gandja] à l’exception des remparts.

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La ville au XIIIe siècle était considérée comme l’une des plus belles villes de l’Asie occidentale. Voir Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 220) qui l’appelle «la mère des villes de l’Arrān». 8 Les sources musulmanes ne nous permettent pas de donner la date précise de la prise de Gandja, qui eut lieu après la mort de Djalāl al-Dīn (août 1231) et avant la fuite de la reine Rusudan pour Kʼutʼatisi (moderne Kʼutʼaisi), en 1236 (voir chapitre suivant), donc probablement en 1232, ce que confirme un colophon, MATʻEVOSYAN 1984, note 138, p. 183.

CHAPITRE XXII

À PROPOS DE LA DESTRUCTION DES PAYS D’ARMÉNIE (HAYKʻ) ET D’IBÉRIE (VIRKʻ) PAR LES MÊMES TROUPES [DE TATARS] Quelques années après la destruction de la ville de Gandja (Ganjak), cette armée de forcenés et de fourbes se partagea et tira au sort tous les pays d’Arménie, d’Ibérie et des Ałuankʻ. Chaque chef [p. 238], selon son [rang], grand ou petit, obtint villes et régions, provinces et citadelles pour les prendre, les démolir et les dévaster. Chacun alla dans son lot avec femmes, enfants et tous les impedimenta de son armée. Ils s’installèrent, et sans vergogne détériorèrent toute la végétation et la verdure en la faisant manger à leurs chameaux et leurs bêtes. À cette époque, la royauté d’Ibérie était en déclin, car elle était entre les mains d’une femme dont le nom était Rusudan (Ṙuzudan), fille de Tʼamar, sœur de Lasha (Laša), petite-fille de Giorgi. Débauchée et lubrique comme Sémiramis (Šamiram)1, rétive à l’autorité des hommes qui lui étaient envoyés, elle s’abandonnait à beaucoup2, mais elle demeurait seule3. Elle exerçait l’autorité royale par l’entremise des chefs d’armée, Iwanē et son fils Awag, Šahnšah fils de Zakʻarē4, Vahram5 et d’autres. Comme peu de temps auparavant Iwanē était mort, ils emmenèrent [son corps] et l’enterrèrent à Płnjahankʻ, [couvent] pris aux Arméniens, et transformé par lui en couvent ibère. Puis, son fils exerça son autorité [à sa place]. Mais personne ne pouvait faire face à cette terrible tempête de neige qui arrivait; à cause 1 À propos du mythe de Sémiramis qui nourrissait une passion lubrique pour Ara le Beau, voir Movsēs Xorenac‘i, I, p. 15, 19 (trad. Mahé, p. 130-132, p. 136-138 et introduction, p. 22). 2 Rusudan, belle princesse, aimant les plaisirs, épousa le fils du Saldjūḳide de Karin (Erzurum), Mughīth al-Dīn Toghril, lequel se convertit au christianisme, voir Ibn al-Athīr (trad. Richards, p. 244-245). Mariée, Rusudan continua néanmoins à jeter son dévolu sur d’autres hommes. Elle se débarrassa de son époux mécontent de son comportement, en le jetant en prison, en épousa un autre, qu’elle renvoya ensuite; voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 496 et p. 501). 3 Voir ArmB, I, p. 176, այրի au sens premier signifie «veuf, veuve» puis par extension «seule, sans enfant»; dans ce contexte, le mot «seule» apparaît être plus approprié. 4 Voir Kirakos, chap. 8. 5 D’après Kirakos (chap. 4, p. 163), Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 474) et Vardan, § 83, p. 140 (trad. Thomson, p. 213), Vahram, serait le fils de Zakʻarē, seigneur de Gag, frère de Sargis, père de Zakʻarē et Iwanē.

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de cela, [désireux] de protéger leur vie ils se réfugièrent comme ils le pouvaient dans des forteresses6. [p. 239] [Les Tatars] se dispersèrent sur toute la surface des plaines, des montagnes, des gorges comme une multitude de sauterelles7, ou comme des pluies abondantes qui tombent en trombe sur la terre. Là, désormais, c’était un spectacle affligeant de désastres et des douleurs dignes de lamentations, car le pays n’offrait de caches à ceux qui y pénétraient, ni les roches, ni les bois n’abritaient ceux qui s’y étaient réfugiés, ni les citadelles construites solidement, ni les profondeurs des vallées, au contraire tous ceux qui s’y étaient cachés étaient découverts. Les plus braves des hommes étaient découragés, les mains habiles des archers s’affaiblissaient, ceux qui possédaient des épées les dissimulaient de peur que les ennemis, les voyant, ne les massacrent impitoyablement. Les cris des ennemis les liquéfiaient [de peur], le bruit de leurs carquois les frappait tous d’épouvante. Chacun voyait de ses propres yeux sa dernière heure arriver, et leurs cœurs s’arrêtaient de battre. Les enfants, par crainte de l’épée, s’enfuyaient vers leurs parents, qui préféraient se jeter [du haut] des précipices avec eux, plutôt que de tomber aux mains des ennemis. On voyait les épées cruelles tailler en pièces hommes et femmes, jeunes gens et enfants, vieillards et vieilles femmes, évêques et prêtres, diacres et chantres. Des enfants à la mamelle furent écrasés contre des pierres et les belles vierges violées puis emmenées en captivité. Leur comportement était un spectacle révoltant, ils étaient sans compassion, sans entrailles. Ils ne s’apitoyaient pas devant les larmes d’une mère, n’étaient point sensibles aux cheveux blancs, [p. 240] ils accouraient aux carnages en se réjouissant, comme pour un mariage ou une beuverie. Toute la terre fut pleine des dépouilles des morts, il n’y avait personne pour les enterrer, les larmes se tarissaient dans les yeux des êtres aimés, et il n’y avait personne pour oser pleurer ceux qui étaient tombés, par peur des impies. L’Église prit le deuil, la splendeur de sa beauté fut ôtée, ses offices furent supprimés, les offrandes à son autel cessèrent, les cérémonies se turent et plus aucun chant n’y fut plus entendu. Tout le pays fut plongé dans les 6 Selon Mxitʻar Ayrivanecʻi, (p. 66) en une seule année, 1236, les Mongols se saisirent du pays et contraignirent la reine Rusudan et ses dynastes à la fuite. La reine quitta Tpʼilisi pour Kʼutʼaisi et le commandant de Tpʼilisi incendia la ville: c’est ainsi qu’elle fut ruinée. 7 Voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 514): «[Les Tatars] se répandirent sur la face du pays, comme des sauterelles.»

À PROPOS DE LA DESTRUCTION DES PAYS D’ARMÉNIE (HAYKʻ)

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ténèbres, et les hommes préféraient la nuit au jour. La terre fut vidée de ses habitants et les enfants des étrangers la parcouraient. Les biens et les richesses furent pillés, mais la nature cupide [des Tatars] ne fut jamais satisfaite, toutes les maisons et les pièces [d’habitation] furent fouillées et rien ne resta qui ne fût pris. Ils circulaient de-ci de-là avec rapidité, comme des chevreuils, ils lacéraient, déchiraient comme des loups, leurs coursiers n’étaient pas fatigués par leurs courses, ni eux ne se lassaient d’amasser du butin. Ainsi, ils répandirent ensemble l’amertume sur beaucoup de nations aux langues [diverses], car la coupe de la fureur du Seigneur se répandait sur la terre8 en châtiment de nos méchantes œuvres, nous qui avons péché devant Lui [p. 241] et qui avons excité Son juste courroux. À cause de cela, l’entrée [des Tatars] fut aisée dans tous les pays. Et lorsqu’ils se saisirent de tous les pays, ils réunirent tous les animaux, égarés ou non. Ils rassemblèrent les biens et les richesses ainsi qu’une multitude de prisonniers qui se trouvaient sur de vastes étendues. Par ailleurs, ils livraient des combats contre toutes les forteresses et contre de nombreuses villes, ils érigeaient beaucoup de machines de toutes sortes, car ils étaient très astucieux et ingénieux. Ils prirent et détruisirent maintes forteresses et citadelles. C’était durant l’été — il faisait extrêmement chaud, les vivres n’avaient pas été encore rassemblés — qu’inopinément [les Tatars] avaient surgi. À cause de la [chaleur], hommes et bêtes, dévorés par la soif, se jetaient volontairement ou involontairement dans les bras des ennemis, eu égard à ce dangereux tourment. [Les Tatars] en tuèrent certains et en gardèrent d’autres comme esclaves à leur service. Ils traitaient de la même manière les villes densément peuplées, ils les encerclaient et les tenaient assiégées.

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Voir Jr XXV, 15-16.

CHAPITRE XXIII

AU SUJET DE LA PRISE DE LA VILLE DE SHAMKŪR (ŠAMKʻOR) Un parmi les grands, nommé Möngkö noyan (Molar nuin)1, qui avait reçu en lot ces régions2, tandis que [les siens] se mettaient en mouvement depuis leur campement de la plaine appelée Mūghān (Mułan), envoya une petite troupe, [p. 242] environ cent hommes, qui s’installèrent aux portes de la ville de Shamkūr, bloquant ceux qui pourraient y sortir ou y entrer. La ville, prise précédemment aux Perses (Parsikkʻ), était à l’époque sous le gouvernement de Vahram3 et de son fils Ałbuła4. Les habitants de la ville de Shamkūr avaient envoyé à Vahram et à son fils [des messagers], afin qu’ils les aident, disant: «Ils sont peu nombreux.» Mais [Vahram] ne [les] aida pas et [quand] son fils voulut y aller, il ne [le] laissa pas [faire], il s’y opposa et il dit à ceux qui tenaient ces propos: «Ils sont nombreux.» De plus, il n’autorisa pas les habitants à se battre contre [la petite troupe mongole]. L’armée des étrangers crût de jour en jour, jusqu’à ce que vînt leur chef, appelé Möngkö [qui] livra bataille contre la ville. Ils comblèrent le fossé qui entourait le rempart de la ville, de bois et de branchages pour l’escalader plus facilement. Mais ceux de l’intérieur y mirent le feu la nuit, brûlant [le dispositif]. Le lendemain, Möngkö noyan, voyant cela, donna l’ordre à chacun de ses soldats de soulever un chargement de terre et de le jeter dans le fossé; ils en déversèrent jusqu’à ce que [la terre] fût au niveau du rempart. 1 Pour Vardan, § 85, p. 144 (trad. Thomson, p. 214), comme pour Kirakos, c’est Molar qui se saisit de Shamkūr. Pour Grigor Akner, III, p. 23 (trad. Blake et Frye, p. 297), ce sont «Mular, Benal et Čʻawrman» qui prennent les forteresses du pays des Ałuankʻ et d’Ibérie. Selon Hambis (Chapitre CVIII du Yuan Che, note 21, p. 176), Molar, Molghor/Molaqar des sources musulmanes (voir BOYLE 1975, p. 37-38), serait Möngkö-Qalǰa, descendant du chef Mangqut Quyildar qui combattit en 1203, aux côtés de Činggis Qan, le seigneur des Kereit (Kereyit) To’oril. À propos des Mangqut, voir PELLIOT et HAMBIS 1951, p. 167-169. 2 D’après Grigor Akner, IV, p. 26 (trad. Blake et Frye, p. 303), Čormaqan divisa le pays des Ibères et des Ałuank‛ en treize lots qu’il remit à treize noyad. 3 Voir chapitre précédent. 4 Sargis Ałbuła et son père Vahram, lors du siège de Shamkūr en 1239, étaient réfugiés dans les montagnes hors de la ville avant de se retirer à Kʼutʼaisi (au nord-ouest de l’Ibérie, en Imeretʼi).

AU SUJET DE LA PRISE DE LA VILLE DE SHAMKŪR (ŠAMKʻOR)

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Puis, chaque soldat s’élança contre [la partie] de la ville, devant lui, qui fut prise; ils passèrent par le tranchant de leur épée tous [les habitants], brûlèrent les habitations et se saisirent de tout ce qu’ils y trouvèrent. Ensuite, ils donnèrent l’assaut [p. 243] aux autres citadelles qui étaient sous la domination de Vahram: à Tērunakan, Ergevankʻ, Macnaberd qui appartenaient à Kiwrikē Bagratuni5, fils d’Ałsartʻan; et à Gardman et dans d’autres régions; à Čʻarekkʻ et Getabakkʻ, c’est un autre chef, nommé Qadaʼan noyan (Łatałan nuin)6 qui vint. Vahram, alors au Gardman, la nuit, s’enfuit secrètement, où il put. L’armée des étrangers se battait contre les citadelles; ceux qui étaient à l’intérieur donnèrent de mauvais gré des chevaux, des bêtes et tout ce qu’ils demandaient. [Les Tatars] instituèrent des taxes sur eux, ne leur laissant plus que leur nom. Puis ceux qui avaient pris Shamkūr vinrent avec tous leurs impedimenta à Tawuš, Kacaretʻ, Nor berd, Gag7 et les alentours, assiégèrent [ces lieux], les mettant dans une situation désespérée.

5 Kiwrikē Bagratuni (1232-1245) fils d’Ałsartʻan, išxan de Macnaberd, voir Kirakos, chap. 2, p. 153. 6 À propos du nom de Qadaʼan, voir CLEAVES 1949, p. 421 et LIGETI 1965, p. 261-262. Selon Vardan, § 85, p. 144 (trad. Thomson, p. 214) il eut pour lot également Vardanašat. Qadaʼan apparaît une deuxième fois, au chapitre 65, lors de l’insurrection d’Ariq Bökö/Böke contre son frère Qubilai, voir Grigor Akner, X, p. 38 et XII, p. 44 (trad. Blake et Frye, p. 327 et 339). Selon Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 27-28) et le chapitre CVII du Yuan Che (trad. Hambis, p. 71-73), il serait le sixième fils du qan Ögödei. 7 Gag/Kak/Kotʻ: la citadelle a été érigée par le roi Gagik Ier Bagratuni (989-1020). Aujourd’hui, elle s’appelle Šavaršavan, et se situe à la frontière de Gandja dans le district de Łazax-Šamšadin, aux environs du village de Noyemberyan. Voir HŠTB, IV, p. 80.

CHAPITRE XXIV

À PROPOS DE LA CAPTIVITÉ DU VARDAPET VANAKAN ET DE SES COMPAGNONS Dans ces temps-là, le grand vardapet que l’on appelait Vanakan avait creusé pour lui, de ses propres mains, une grotte1, au sommet d’un rocher très haut, qui se trouvait en face du village qu’on appelle Lorut2, au sud [p. 244] de la citadelle de Tawuš. Il avait érigé, dans la grotte, une toute petite église et, y demeurait secrètement, depuis que son premier monastère en face de la citadelle d’Ergevankʻ avait été détruit par les maraudeurs du sultan Djalāl al-Dīn (Jalaladin). Il y avait placé et réuni beaucoup d’ouvrages car c’était un homme extrêmement studieux et particulièrement pieux. Beaucoup venaient le [voir] et suivaient son enseignement de vardapet. Tandis que la foule [des élèves] se multipliait, il fut contraint de descendre de sa grotte et il construisit une église et des cellules au pied du rocher; il demeura là. Lorsque la province fut détruite par les Tatars (Tʻatʻar) et que Möngkö noyan (Molar nuin) apparut à ses frontières, les habitants des villages se précipitèrent vers la grotte qui fut remplie d’hommes, de femmes et d’enfants. Puis les Tatars vinrent assiéger ceux [qui étaient] dans la grotte, sans vivres, ni eau. C’était la saison d’été, la chaleur était suffocante, ils commencèrent à étouffer dans ce lieu de détention, véritable prison; les enfants étaient dévorés par la soif, près de mourir. Les ennemis crièrent de l’extérieur: «Pourquoi [vous condamnez-vous à] mourir? Sortez, [venez] vers nous, nous vous donnerons des gouverneurs et nous vous laisserons dans vos demeures.» Ils dirent cela une, deux, trois fois en le jurant [même]. Alors, ceux qui étaient dans la grotte tombèrent aux pieds [p. 245] du vardapet, en le suppliant, ils dirent: «Rachète notre sang à tous, descends vers eux et fais leur plaisir.» Et [Vanakan] leur dit: «Je n’épargnerai pas mon existence s’il existe un moyen de [vous] sauver, car le Christ aussi s’est livré à la mort pour nous, il nous a sauvés de la tyrannie de Satan, alors nous aussi sommes tenus de montrer le même amour pour nos frères.» Nous avons préféré la leçon du manuscrit s: քարայր մի à la place de քարի միոջ. Lorut: village aux environs de Tʻumanyan, à 20 km de la ville d’Alaverdi, voir HŠTB, II, p. 602. 1 2

À PROPOS DE LA CAPTIVITÉ DU VARDAPET VANAKAN

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Puis le vardapet prit deux prêtres parmi [nous], un qui s’appelait Markos, le second Sostʻenēs, qui reçurent par la suite de lui le titre de vardapet — car nous étions durant ces jours occupés à la pratique des saintes Écritures — et il descendit vers eux. Et le chef [des Tatars] demeurait face à la grotte, sur une colline, il avait au-dessus de la tête un dais à cause de la chaleur. [Les Tatars] nous avaient retenus durant la fête de la Transfiguration3. Quand [Vanakan et ses compagnons] furent près du chef de l’armée, ceux qui les escortaient leur donnèrent l’ordre de baiser le sol trois fois, en s’agenouillant, comme des chameaux quand ils s’accroupissent, car c’était leur coutume4. Une fois devant lui, il leur ordonna de baiser le sol du côté de l’est, devant [le représentant] du qa’an (xałan), le roi. Puis, [Möngkö] blâma [Vanakan]: «J’ai entendu à ton sujet que tu es un homme sage et illustre, ton aspect te montre ainsi.» En effet, c’était un homme dont l’apparence reflétait sa bonté et d’un calme exemplaire, avec une barbe glorieuse et des cheveux blancs. «Lorsque, toi, tu as entendu le bruit de notre venue à vos frontières [p. 246], pourquoi ne t’es-tu pas présenté devant nous, volontairement et paisiblement? J’aurais donné l’ordre de garder indemne tout ce qui est à toi, du plus grand au plus petit.» Le vardapet répondit: «Nous ne connaissions pas votre bonne intention [à notre égard], mais nous étions envahis par la crainte de vous, nous tremblions de terreur; [comme] nous ignorions votre langue et [que] personne parmi vous n’est venu vers nous pour nous appeler vers vous, à cause de cela nous avons tardé. Maintenant, puisque vous nous avez appelés, nous sommes venus; nous ne sommes ni des soldats, ni des propriétaires de richesses mais des hommes exilés et des émigrés de différentes provinces, rassemblés [ici] pour étudier notre religion. Maintenant, nous voici devant vous, faites de nous ce que votre volonté voudra, en [nous donnant] la vie ou la mort.» 3

La captivité de Yovhannēs Vanakan et de ses disciples eut lieu selon Vardan, § 87, p. 147 durant l’été 1236; la notice du Synaxaire au 10 areg (18 mars), (PO 102 [21, 2], p. 181182 [p. 1225-1226]) consacrée à Yovhannēs Vanakan place le même événement en été 1235. 4 Le rite de la triple prosternation devant le qan mongol, qui est le «fils du Ciel» ou son représentant fait partie du protocole mongol. Le qan est le souverain du monde en vertu du mandat du Ciel dont il est investi. Tous les peuples lui doivent une soumission totale. À propos de la conception du pouvoir chez les Mongols et de leur rapport avec les Latins, voir AIGLE 2008, p. 395-436. Tous les envoyés doivent se plier au rite de la triple prosternation. Seul le dominicain, Ascelin de Crémone, envoyé du pape Innocent IV, en 1247, refusa de s’y plier, déclenchant la colère du représentant du ilkhan, le noyan Baiǰu. Voir le récit de l’entrevue entre Ascelin et Baiǰu à Sisian par Simon de Saint Quentin (trad. RICHARD 2005, p. 139-158).

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Alors, leur chef 5 lui dit: «N’ayez pas peur!» et il leur donna l’ordre de s’asseoir devant lui; il posa [à Vanakan] de nombreuses questions à propos des citadelles et demanda où était l’išxan Vahram, car il pensait que c’était lui le chef temporel du pays. Comme il racontait ce qu’il savait et qu’il n’avait [pas de pouvoir] comme un fonctionnaire temporel, alors [Möngkö] lui ordonna de faire descendre les gens de la forteresse sans crainte et promit à chacun qu’il pourrait vivre [p. 247] dans son propre territoire, avec ses gouverneurs, et qu’il [re]construirait en son nom les villages et les fermes. Puis, les prêtres qui étaient avec le vardapet nous appelèrent: «Descendez vite, prenez avec vous ce que vous avez.» Nous descendîmes vers eux, tremblant comme des agneaux au milieu des loups, nous étions effrayés, épouvantés, nous nous attendions à mourir et nous récitions chacun dans sa tête la confession de foi en la Sainte Trinité. Avant de descendre de notre grotte, nous communiâmes au corps précieux et au sang du fils de Dieu. [Les Tatars] nous emmenèrent près d’une petite source qui coulait au milieu du monastère, ils nous donnèrent de l’eau car depuis trois jours nous avions particulièrement soif. Ils nous conduisirent et nous jetèrent dans un lieu de confinement, et les laïcs dans le gawitʻ de l’église. [Les Tatars] nous surveillèrent toute la nuit, car c’était déjà le soir, et le lendemain, ils nous emmenèrent vers le haut du monastère, dans un endroit très élevé, pendant qu’ils cherchaient à prendre ce dont ils avaient besoin auprès de chacun. Ce qu’il y avait dans la grotte, des vases de l’église, des chasubles, des meubles, des croix en argent et deux évangiles à la reliure en argent, ils les remirent au vardapet, mais plus tard [les Tatars] nous reprirent [le tout]. Puis ils choisirent [p. 248] des hommes parmi nous qui pouvaient marcher avec eux; ils donnèrent l’ordre de conduire les autres [hommes] au monastère et au village, ils laissèrent un gouverneur qu’ils avaient choisi parmi eux, afin que personne d’autre ne fouille [les bâtiments]. Il ordonna aussi au vardapet de demeurer au monastère. Le prêtre Pōłos6, un fils du frère [de Vanakan], reçut l’ordre de venir à la suite de [Möngkö] avec nous. Mais le saint vardapet épargna le fils de son frère, car c’était encore un très jeune enfant et il vint [à sa place] à la suite de [Möngkö], espérant si cela était possible nous sauver [également]. [Möngkö] nous traîna à sa suite durant plusieurs jours, nous étions tourmentés et 5

Chef = išxan. Pōłos, à la mort de son oncle, lui succéda à la tête du couvent de Xoranašat en 1251; voir Kirakos, chap. 53, p. 348. 6

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affligés, [nous marchions] pieds-nus. Ceux qui avaient été désignés pour nous garder étaient des Perses (Parsikk‘) assoiffés du sang des chrétiens. De plus, ils maltraitaient nos existences par toutes sortes de tourments durant le périple; ils nous conduisaient à marche forcée comme [si nous étions] des coursiers lors d’incursions. Si, d’aventure quelqu’un, à cause d’une faiblesse de son corps ou d’impotence, interrompait un temps soit peu sa marche, [les Perses] frappaient cruellement son crâne et rouaient de coups son corps; on ne pouvait pas même retirer les épines des pieds, lorsque cela arrivait. Personne ne pouvait boire de l’eau à cause [des Perses] qui nous pressaient. Lorsqu’ils campaient, ils nous emmenaient et nous entassaient dans de minuscules habitations, puis ils s’installaient autour et nous gardaient, ne nous autorisant pas à sortir pour les besoins [p. 249] naturels. Ainsi [les captifs] les satisfaisaient à l’intérieur des maisons où ils demeuraient durant de nombreux jours. C’est pourquoi, je ne peux pas coucher par écrit toutes les afflictions qui nous sont arrivées. Ils ne laissèrent pas le vardapet auprès de nous, mais à part, loin de nous, ils le confièrent à d’autres pour le garder avec attention. Puis, ils me séparèrent de mes compagnons, pour les nécessités de leur secrétariat afin que j’écrive et lise [leurs] lettres7. Durant le jour, ils nous faisaient marcher derrière eux et, le soir venu, ils nous emmenaient auprès du vardapet, pour plus de garantie. De nouveau, ils venaient me chercher [et me traîner] à pied ou bien sur une bête de somme, sans selle et non débourrée; ils firent cela pendant plusieurs jours. Et lorsque les jours d’été furent passés et que la saison d’automne arriva, [les Tatars] se préparèrent à quitter notre province qu’ils connaissaient pour une lointaine et étrangère [contrée]; alors, tous exposèrent leur personne à la mort, et peu à peu ils commencèrent à fuir, la nuit [là] où ils pouvaient s’échapper. Ainsi, par la grâce du Christ, tous se sauvèrent, excepté deux prêtres qui voulurent de jour s’esquiver, mais ils ne purent s’enfuir. Ils furent rattrapés, conduits au campement et exécutés devant nous, afin de nous faire peur et de nous épouvanter. C’est ainsi qu’ils procédaient avec tous les fuyards. Un jour le merveilleux vardapet me dit: «Kirakos». [p. 250] Je répondis: «Qu’ordonnes-tu, vardapet?» Il me dit: «[Mon] fils, il est écrit: lorsque vous tombez dans l’affliction, soyez patients8. Maintenant il est de notre 7 Il est vraisemblable que la langue utilisée ait été le persan. En effet, la langue officielle pour les Turcs de ces régions était le persan jusqu’en 1280. Les Mongols adoptèrent le persan comme langue officielle durant la période ilkhanide. 8 Voir Ro XII, 12.

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devoir de mettre en pratique pour nous-mêmes les paroles des Écritures car, nous ne sommes pas meilleurs que les premiers saints, Daniel (Daniēl), Hananya (Anania), et Ézéchiel (Ezekiēl)9 qui, pendant leur captivité, se sont raccrochés à la piété jusqu’à ce que Dieu les visite et les glorifie dans leur servitude. Désormais, vivons, demeurons sous l’attention de Dieu jusqu’à ce qu’il nous visite, lorsqu’il le désirera.» Je répliquai: «Comme tu l’ordonnes, saint père, ainsi nous le ferons.» Il advint un jour que le chef10, celui-là même qui nous avait capturés, vint à l’endroit où nous étions gardés. Nous voyant, il s’écarta [de sa route] pour nous rejoindre, nous nous présentâmes devant lui. Il nous dit: «De quoi avez-vous besoin? Est-il possible que vous ayez faim? Je vais vous donner de la viande de cheval à manger.» En effet [les Tatars] mangent indifféremment toutes [sortes] d’animaux impurs, mais aussi des souris et des reptiles11. Le vardapet lui dit: «Nous ne mangeons pas de viande de cheval, ni de vos [autres] nourritures; si tu désires nous faire plaisir, laissenous [partir] chez nous, comme tu l’avais promis. Je suis un vieil homme malade et je ne peux pas t’être utile dans les affaires militaires, pastorales ou autres dont tu aurais besoin.» Le général lui répondit: «Lorsque Č‘uč‘u qan (Č‘uč‘u łan)12 viendra, je me préoccuperai [p. 251] de cela.» Č‘uč‘u qan était le gouverneur de sa maison, il était parti se livrer au pillage avec 9 Daniel et son compagnon Hananya furent déportés par le roi Nabuchodonosor et jetés dans une fournaise (voir Dan III, 12-30). À propos de la déportation du prophète Ézéchiel, voir Ez I, 1-3, III, 15. 10 Chef = išxan. 11 Voir Jean de Plan Carpin (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 48): «Leur nourriture est faite de tout ce qui peut se mettre sous la dent. Ils consomment, en effet, des chiens, des loups, des renards et des chevaux, et au besoin de la chair humaine (…). Ils mangent les humeurs des juments avec leurs poulains. Bien plus nous les avons vus manger des poux. Ils disaient, en effet: ‘Ne dois-je pas les manger, puisqu’ils mangent la chair de mon fils et boivent son sang?’ Nous les avons même vus manger des rats.» Voir Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler p. 84) consacre également un petit chapitre à leur nourriture: «À propos de leurs nourritures et victuailles, vous saurez qu’ils mangent indifféremment la viande de bêtes mortes ou tuées: parmi le petit et gros bétail, il est inévitable que meurent beaucoup d’animaux. (…) S’il arrive que meure un bœuf ou un cheval, ils sèchent la viande: ils la débitent en tranches minces, qu’ils suspendent en les exposant au soleil et au vent, de telle sorte qu’elles sèchent aussitôt sans sel et sans dégager la moindre odeur. Avec les intestins des chevaux, ils font des andouilles meilleures que celles de porc et ils les mangent fraîches. Les autres viandes, ils les gardent pour l’hiver.» 12 Nous ne sommes pas parvenus à identifier le qan. S’agit-il de l’Uighur Körgüz (Georges), gouverneur de la Perse orientale, qui fut éliminé en 1241 par la veuve d’Ögödei, Töregene, voir Djuwainī (trad. Boyle, p. 489-505, 507 et 534-539), Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 53, p. 72-75, p. 177 et p. 189-190) ou de Güčü, enfant adopté par Börte et qui, comme Möngkö, reçut de Činggis Qan un millier d’hommes sous son commandement, voir Histoire secrète des Mongols, § 243 (trad. Even et Pop, p. 204)?

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son armée. Nous nous rendîmes ainsi auprès de lui, deux et trois fois, et lui répondait [toujours] la même chose. Puis [Č‘uč‘u] vint et on nous appela donc au camp du chef. [Č‘uč‘u], accompagné d’un traducteur, nous dit: «N’est-il pas vrai que vous dites que donner des biens à un mort est utile pour son âme? Maintenant si cela est utile aux morts, pourquoi cela ne sauverait-il pas les vivants? Donnenous ce que tu possèdes, rachète ainsi ton âme, pars et va t’asseoir dans ta maison». Le vardapet répliqua: «Ces biens que nous avions, les croix et les évangiles, vous nous les avez pris, hormis cela, nous n’avons plus rien.» L’homme lui dit: «Si tu n’as pas de bien, il n’est pas possible que tu partes.» Le vardapet lui répondit: «Je te parle sincèrement, nous n’avons rien, pas même le prix d’un repas journalier, mais si vous le désirez, envoyeznous dans une des forteresses qui sont autour de nous, les chrétiens qui y demeurent nous rachèteront.» [Les Tatars] fixèrent un prix élevé sur sa personne, puis le baissèrent, ils l’envoyèrent dans la forteresse qui s’appelait Gag. Le [vardapet] avait demandé que [notre rançon] soit payée avec la sienne, [les Tatars] refusèrent et dirent: «Nous avons besoin de lui pour lire et écrire nos lettres, même si vous nous en offrez une grosse somme nous ne vous le donnerons pas.» Nous nous séparâmes l’un de l’autre en larmes. [Le vardapet] me dit: «Mon fils, je vais aller me jeter aux pieds du saint Signe élevé au nom de saint Sargis [p. 252] et implorer à travers lui le Seigneur pour toi et les autres frères qui sont aux mains des impies pour que peut-être sa compassion permette que vous soyez délivré.» En effet, il y avait à Gag une croix qui faisait des prodiges pour tous ceux qui étaient dans les peines et en particulier les captifs. Pour ceux qui avaient recours à elle de tout leur cœur, le saint martyr Sargis13 en personne ouvrait les portes 13 Il s’agit de Sargis Zōravar dont le martyr est commémoré le 24 arac‛ (31 janvier) dans le Synaxaire, PO 91 [19, 1], p. 120-123 [p. 1014-1017]). Sargis était stratège de l’empereur Constantin et de ses fils. À l’avènement de l’empereur Julien l’Apostat (361-363), Dieu lui ordonne de quitter le pays. Il se rend tout d’abord chez le roi d’Arménie, puis des Perses, Šapuh (310-279). Il se met à son service et combat vaillamment les troupes de Julien. Mais le roi des Perses demande à Sargis de renoncer à sa foi chrétienne pour adorer des idoles. Sargis refuse. Jeté en prison, il continue à refuser de renier le Christ, crachant même à la figure du roi. C’est alors que le roi «ordonna de le tuer par le glaive. Lorsqu’il fut arrivé à l’endroit de l’exécution, il pria Dieu et dit: ‘À tous ceux qui accompliront notre souvenir et qui se souviendront de nos noms, toi, Seigneur, Tu leur viendras en aide et Tu les délivreras de toutes leurs peines’. Une voix du ciel répondit: ‛J’exaucerai tous tes vœux, et toi, viens hériter des biens qui te sont préparés.’ On lui trancha aussitôt la tête à lui et aux quatorze martyrs qui avaient été convertis par lui au Christ. Une forte lumière jaillit sur leurs corps à l’endroit appelé Séleucie (Salkh‛).»

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des prisons, des lieux de détention, ôtait leurs fers et les reconduisait en chair et en os chez eux. La renommée de ces prodiges s’était répandue au sein de toutes les nations, on disait que saint Mesrop, notre vardapet, avait érigé [ce signe]14. Il fut [fait] comme le vardapet l’avait dit, ils l’achetèrent quatre-vingts dahekans. Et tandis qu’ils l’emmenaient, le même jour, Möngkö nous dit: «Ne sois pas triste du départ du vieux prêtre, nous ne t’avons pas laissé [partir] avec lui, car nous avons besoin de toi. Je t’honorerai comme un de mes notables; si tu as une femme, je te l’amènerai, si tu n’en as pas, je te donnerai une femme parmi les nôtres.» Il nous donna aussitôt une tente et deux jeunes gens pour nous servir et il dit: «Demain, je te donnerai un cheval, je te rendrai heureux, sois loyal.» [Puis] il nous quitta. Grâce à la providence de Dieu, il arriva que secrètement, cette [même] nuit, nous nous enfuîmes. Nous allâmes dans le lieu où nous avions grandi, dans le monastère qui s’appelle Getik. Il avait été ruiné par [les Tatars], les bâtiments à l’intérieur brûlés. Nous nous arrêtâmes là.

14

Voir Vardan, § 85, p. 145 (trad. Thomson, p. 215).

CHAPITRE XXV

À PROPOS DE LA DESTRUCTION DE LA VILLE DE LŌṘĒ [p. 253] Le général de toute l’armée des païens, appelé Čaʼadai (Čʻałatay)1, eut vent de la solidité de la ville de Lōṙē et de l’abondance des richesses qu’elle contenait; à l’intérieur il y avait, en effet, la maison de l’išxan Šahnšah et ses trésors. Il prit avec lui l’élite [de ses hommes] armés de pied en cap, de nombreuses machines et fin prêt, il en fit le siège et la cerna. L’išxan Šahnšah prit sa femme et ses enfants en bas âge, sortit secrètement dans la vallée et se retrancha dans des grottes. Il remit le gouvernement de la ville aux mains de ses beaux-frères2. Mais eux étaient des hommes efféminés qui passaient leur temps à boire, à manger et à s’enivrer, s’en remettant à la robustesse des remparts et non à Dieu. Les ennemis vinrent, creusèrent sous le rempart et le firent s’écrouler; ils mirent le siège tout autour et veillèrent à ce que personne ne s’enfuie. Quand les habitants virent que la ville avait été prise, ils commencèrent à se précipiter depuis les hauteurs vers la vallée qu’ils remplirent. À ce spectacle, les ennemis entreprirent d’entrer dans la ville, de tailler en pièces sans ménagement hommes, femmes et enfants, de piller leurs biens et possessions. Ils découvrirent aussi les trésors de l’išxan Šahnšah, qui avaient été dérobés et arrachés à ceux qu’il avait subjugués. Là, il avait construit un bâtiment solide pour le trésor, que personne ne pouvait voir. De plus par une ouverture suffisamment étroite on y jetait des choses [p. 254], mais il était impossible de les récupérer. [Les Tatars] tuèrent les beaux-frères de [Šahnšah], fouillèrent toutes les forteresses du canton et par duperie ou par la force, se saisirent de beaucoup d’entre elles, car le Seigneur les livra entre leurs mains3.

1 Voir Vardan, § 85, p. 144 (trad. Thomson, p. 214), Djuwaynī (trad. Boyle, no 4, p. 724): ce général appartenait à la tribu d’Arulat, il serait parent de Bo’orču, un des «quatre braves» de Činggis Qan. Voir Histoire secrète des Mongols (éd. et trad. Pelliot, § 90-95, p. 140-142, § 120, p. 154). 2 Le terme employé en arménien est աներ qui signifie «beau-père, père de l’épouse», et par extension «frère de l’épouse, fils du père de l’épouse (du beau-père), beau-frère». Ici le terme étant au pluriel, il faut le prendre dans le sens de «beaux-frères.» 3 Jos XXI, 44.

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Ils firent de même dans d’autres villes, Dumani4, Šamšuldē (Šamšultē)5 et la capitale Tpʼilisi (Tp‘xis). Ils pillaient tout, dépouillaient, massacraient, faisaient des prisonniers; leurs maraudeurs, qui s’étaient dispersés de tous côtés, menaient de cruelles échauffourées, des enlèvements et des carnages. Il n’y avait personne qui pouvait leur tenir tête, ou les combattre. À cause de cela, l’effroi régnait partout et la reine des Ibères, qui s’appelait Rusudan (Ṙuzudan), prit la fuite où elle put. De même, les išxan se tenaient sur leurs gardes à cause des [Tatars].

4 Dumanis/Dmanis: ville fortifiée dans le Gugarkʻ, dans le gawaṙ de Dmanisi dans la vallée de Mašavera, voir HŠTB, II, p. 124 5 Šamšuldē: litt. la forteresse des «trois flèches», dans le Gugarkʻ, dans le gawaṙ du Tašir sur la rive gauche du fleuve Xram, affluent du Kur. Voir HŠTB, IV, p. 73; TOUMANOFF 1963, no 159, p. 103; HÜBSCHMANN 1969, p. 465.

CHAPITRE XXVI

À PROPOS DU FAIT QUE L’IŠXAN AWAG SOIT TOMBÉ AUX MAINS [DES TATARS] Lorsque le grand išxan, fils d’Iwanē nommé Awag1, vit cette grande multitude d’ennemis remplissant tout le pays, il se retrancha dans une citadelle fortifiée qui s’appelait Kayean. Tous les habitants du canton vinrent aussi et cherchèrent également asile autour de la citadelle. Lorsque l’armée des étrangers [p. 255] sut que l’išxan [Awag] s’était réfugié là, un de leurs chefs nommé Kül-Bolat [?] (Itułatay)2 prit beaucoup de troupes, vint assiéger le fort. La province était remplie par les troupes d’étrangers, venues là de toutes parts, à cause de la solidité de la place. Ils montèrent des palissades par le bas tout autour de la citadelle et ils expédièrent des messages à Awag afin qu’il se soumette et accepte leur servitude sans peur. Ils en envoyèrent à plusieurs reprises, de même teneur. [Awag], désireux de gagner leurs faveurs et d’assouplir peut-être leur blocus, leur donna sa fille3 et beaucoup de biens. [Les Tatars] s’en saisirent mais réclamèrent quand même avec insistance la présence [d’Awag]. Or, ceux qui étaient à l’extérieur du fort et ceux qui étaient à l’intérieur commencèrent à souffrir de la soif. Ils livrèrent aux Tatars leurs chevaux et tout leur bétail, afin que certains d’entre eux soient autorisés à aller chercher de l’eau pour leur maisonnée. On accepta. Nombreux furent ceux qui se précipitèrent vers la source, mais [les Tatars] leur bloquèrent l’accès et sans toutefois tuer personne, ils leur demandèrent de faire descendre leurs familles et de vivre parmi eux. Contre leur volonté, mais à cause de leur 1 L’amīr sipāhsālar Awag succède à son père Iwanē, mort en 1234, comme atabeg d’Ibérie. Il meurt en 1250, il est enterré à Płnjahankʻ. Voir MUTAFIAN 2012, I, p. 291. 2 Pour Vardan, § 85, p. 144 (Thomson, p. 214), il s’appelle Dolada. Il s’agit probablement de Kül-Bolat/Bolad, litt. «acier glorieux», un des quatre émirs représentants les qan mongols. Voir Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 51): «Kül-Bolat representing Qa’an, Nosal Batu, Qïzïl-Buqa Chaghatai, and Yeke Sorqoqtani Beki, and the princes» et Djuwaynī (trad. Boyle, p. 483, p. 492-493). 3 Voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 554): «Awag était mort sans laisser d’enfant mâle, mais seulement une fille, nommée Khouachak». Cette dernière, bien après la mort de son père (probablement vers 1260), hérita de ses domaines. Le roi des Ibères, David Narin, fils de la reine Rusudan la confia à Sadun Arcruni; ce dernier réussit à obtenir les faveurs du grand ilkhan Hülegü (1256-1265) qui lui confia la maison d’Awag.

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souffrance ils les firent descendre. [Les Tatars] leur donnèrent à boire, les retinrent parmi eux. Ils prirent des femmes qui leur plaisaient et tuèrent leurs hommes, ils en laissèrent d’autres avec leurs maris. Lorsqu’Awag vit que [les Tatars] n’assouplissaient ni leur blocus [p. 256] ni les tueries, il voulut leur livrer sa propre personne pensant que les choses seraient peut-être plus faciles pour la population. Il envoya Grigor, que l’on surnommait Tła4 par affection, un des azat 5 du Xačʻēn, l’intendant de sa maison, pour qu’il aille avant lui rencontrer leur chef nommé Čormaqan (Čʻamarłun) qui avait planté sa tente sur la rive du lac de Gełarkʻunikʻ6. Lorsque le grand noyan (nuin) entendit cela, extrêmement content, il envoya vite [un message] à Bolat qui assiégeait [la ville], lui enjoignant de le rejoindre rapidement et de ne pas maltraiter les habitants de la citadelle et des cantons. [Bolat] prit Awag [avec lui] et partit à la hâte à la rencontre de [Čormaqan]. Quand il vit [Awag], il lui dit: «Es-tu Awag?» Lui répondit: «Oui, c’est moi.» Le grand général lui dit: «Pourquoi n’es-tu pas venu rapidement auprès de moi, lorsque je suis arrivé aux frontières de ton pays?» L’išxan répondit: «Pendant que tu étais loin et que mon père était vivant, il t’a servi et [t’a offert] beaucoup de présents. Quand mon père est mort, moi je t’ai servi selon ma capacité. Maintenant que tu es venu là, dans mon pays, me voici devant toi. Fais de moi ce que bon te semblera.» Le général répondit: «Un proverbe dit: ‘je me suis présenté à ta lucarne, tu n’es pas venu, je me suis présenté à ta porte alors tu es venu’.» Il donna l’ordre qu’[Awag] s’assoie plus bas que tous les grands dignitaires [p. 257] assis devant lui et il commanda un grand festin en son honneur7. 4

Litt. «enfant». Azat vient d’un mot iranien signifiant «libre, noble». Voir NBHL, I, p. 4 et MAHÉ 2000, p. 691 et p. 693. 6 C’est-à-dire le lac de Sewan. 7 L’Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 516) relate l’alliance d’Awag et des Mongols de la manière suivante: «Témoin de toutes ces calamités, le généralissime Awag, fils de l’atabek Iwané, envoya un exprès à Barda, où étaient campés les commandants susdits, qui, en hiver, résidaient à Barda, et durant l’été se portaient vers les montagnes de Gélakoum et de l’Araxe. En effet, Tchaghathar ayant alors pris Ani, ce fut à lui qu’Awag s’adressa pour réclamer la paix, promettant de venir là même servir les Thathars, et de leur payer le karadj pour ses domaines: en même temps il demandait une garantie par serment. Les Thathars satisfaits accueillirent avec joie les messagers d’Awag, et consentirent à leur donner la garantie du serment (…) De retour chez leur maître, les envoyés lui ayant rendu compte du tout, Awag se dévoua pour son pays et partit pour se rendre auprès de Tcharmaghan, de Dchagathar, de Bitchouï et de Ioser. Ceux-ci, quand ils le virent, le traitèrent avec distinction et bienveillance et placèrent dans ses villes et domaines des gardiens, nommés chana en leur langue.» 5

À PROPOS DU FAIT QUE L’IŠXAN AWAG SOIT TOMBÉ AUX MAINS [DES TATARS]

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Ils apportèrent une grande quantité de viande d’animaux purs et impurs, [viande] coupée en morceaux aux articulations8 et du kumis9 (xmuz) fait à base de lait de jument selon leur coutume, et beaucoup d’outres10 qu’ils présentèrent [aux convives], puis ils commencèrent à boire et à manger. Mais Awag et ceux qui étaient avec lui ne mangeaient pas et ne buvaient pas. Le général lui dit: «Pourquoi ne mangez-vous pas et ne buvez-vous pas?» Awag lui dit: «Les chrétiens n’ont pas coutume de manger cette nourriture et de boire cette boisson, mais ils [mangent] de la viande d’animaux purs qu’ils ont sacrifiés et [prennent] du vin comme boisson.» Aussi le général donna l’ordre de leur apporter ce qu’ils demandaient11. 8 En mongol «ödgen-ber miqan idegen», viande coupée en morceaux aux articulations par opposition à la viande coupée en petits morceaux ou hachée entrant dans la composition d’un plat. 9 Le kumis/koumis est du lait fermenté de jument, c’est la boisson des Mongols pendant la saison chaude. Hérodote, IV, 2 (éd. et trad. Legrand, p. 48) est le premier historien à parler de sa fabrication chez les Scythes: «[Les Scythes] prennent des engins en os dans quoi on peut souffler, tout à fait semblables à des flûtes, les introduisant dans les parties naturelles des juments et soufflent avec la bouche; tandis que les uns soufflent, les autres traient; la raison d’être de ce procédé est, disent-ils, la suivante: le souffle fait gonfler les veines de la jument, et fait baisser le pis. Après la traite, ils versent le lait dans des vases profonds en bois et disposent tout autour de ces vases les aveugles; on agite le lait; la partie qui vient dessus est prélevée et tenue pour la meilleure; celle de dessous est moins estimée que l’autre.» Guillaume de Rubrouck consacre un chapitre entier à la fabrication du kumis (trad. Kappler, p. 84-85): «Voici comment on fait le cosmos, qui est du lait de jument: ils tendent une longue corde au-dessus du sol entre deux piquets fichés en terre et à cette corde ils attachent vers la troisième heure les poulains des juments qu’ils veulent traire. Alors les mères se tiennent près de leurs poulains et se laissent traire sans difficulté: si l’une d’entre elles est trop insoumise, un homme prend le poulain, le met au pis et le laisse téter, puis il le retire et laisse la place à celui qui est chargé de traire. Quand ils ont obtenu une grande quantité de lait — celui-ci est aussi doux que du lait de vache, quand il est frais — ils le versent dans une grande outre ou un autre récipient et commencent à le battre avec un bâton destiné à cet usage, gros à sa base comme une tête d’homme et creux par-dessous. Ils le battent aussi vite que possible: alors il commence à bouillir comme du vin nouveau et à s’aigrir ou à fermenter. Et ils le battent jusqu’à ce qu’ils en aient extrait le beurre. Ils le goûtent ensuite, et quand il est un peu piquant, ils le boivent. Il pique la langue, sur le moment, comme du vin râpé, et après boire il laisse dans la bouche une saveur de lait d’amande; il réjouit beaucoup le cœur de l’homme et, même, il enivre les têtes faibles. Il est très diurétique. Ils font aussi du caracomos, c’est-à-dire du cosmos noir, à l’usage des grands seigneurs (…)». 10 Les outres sont faites en peau de bœuf séchée avec de la fumée, voir Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 84). 11 À propos du refus des chrétiens de manger et de boire comme les Mongols, voir Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 102) relatant sa première rencontre avec un chef mongol du nom de Scatatay: «Il nous demanda si nous voulions boire du cosmos, c’est-àdire du lait de jument. En effet, les Chrétiens qui vivent parmi eux, les Ruthènes, Grecs et Alains, qui sont de stricte observance, ne boivent pas de cosmos; ils ne se considèrent

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Le jour suivant, [le général] fit asseoir [Awag] au-dessus de la multitude de ses dignitaires et ainsi jour après jour, il l’honora davantage, au point qu’il fut assis au même rang que ses propres grands dignitaires12. Il ordonna à toutes les troupes de ne pas combattre contre la citadelle et les villes qui étaient sous sa domination. Un grand soulagement régna sur son territoire, de nombreux captifs furent libérés grâce à lui; [Čormaqan] lui rendit tout son territoire et bien plus encore, et il établit avec lui une amitié indestructible. Il prit [Awag] et toute son armée et il marcha sur la ville d’Ani13.

plus comme Chrétiens quand ils ont bu et leurs prêtres les réconcilient à leur foi comme s’ils avaient renié le Christ.» Cette croyance était générale au XIIIe siècle, chez les chrétiens qui vivaient au milieu des Mongols, exception faite des nestoriens. 12 Dans la yourte, l’espace est rigoureusement limité et organisé. Le côté est réservé aux femmes, et l’ouest aux hommes. Du sud au nord les dignitaires sont répartis strictement, près de la porte (les pauvres et les serviteurs) jusqu’au fond de la tente où siège le maître des lieux. Les places d’honneur sont à la droite du maître. Awag se tenait peut-être aux places réservées à la famille de Čormaqan. 13 Voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 516): la ville d’Ani est déjà prise, lorsqu’Awag se soumet aux Mongols.

CHAPITRE XXVII

À PROPOS DE LA VILLE D’ANI ET DE LA MANIÈRE DONT LE SEIGNEUR LA LIVRA AUX MAINS DES [TATARS] [p. 258] Cette ville d’Ani était remplie d’une multitude de gens et d’animaux [et] entourée de remparts très solides. À l’intérieur, il y avait beaucoup d’églises, de sorte que lors des serments, on attestait sur «les mille et une églises d’Ani»1. C’était une ville très riche en toutes choses. Cette abondance la conduisait à l’arrogance et l’arrogance2 à la destruction comme c’est de coutume depuis le commencement jusqu’à présent. Čormaqan (Čʻarmałun) envoya des ambassadeurs auprès d’eux afin qu’ils rentrent dans son obéissance. Les chefs de la ville n’osèrent pas répondre sans au préalable en référer à l’išxan Šahnšah, car la ville était sous sa domination. Mais la populace de la ville et les ṙamikkʻ 3 tuèrent la délégation [des ambassadeurs]. À ce spectacle les troupes des étrangers s’enflammèrent de colère, cernèrent la ville de tous les côtés, dressèrent avec ingéniosité de nombreuses catapultes et donnèrent avec force l’assaut à la ville qu’ils prirent. Or certains išxan de la ville prêtèrent main-forte aux ennemis et obtinrent ainsi la vie sauve. [Les Tatars] attirèrent en dehors de la ville la multitude, leur promettant qu’ils ne leur feraient rien de mal. Lorsque la foule sortit pour [se rendre] auprès [d’eux], ils se les partagèrent et les firent passer au fil de l’épée sans distinction et impitoyablement. Ils laissèrent [cependant] la vie à quelques femmes, enfants et artisans qu’ils emmenèrent en captivité. Puis, ils pénétrèrent dans la ville, se saisirent [p. 259] des richesses et de tous les biens, pillèrent aussi toutes 1 La ville possédait beaucoup d’églises à tel point que les historiographes arméniens parlaient des mille et une églises d’Ani. Le premier à avoir utilisé cette expression au XIIIe siècle est Matt‛ēos Uṙhayec‛i, p. 177 (trad. Dostourian, II, § 22, p. 102) qui signale qu’à l’époque du sultan Alp Arslan en 1064 «les mille et une églises d’Ani célébraient la messe». 2 Comme Kirakos, Aristakēs Lastivercʻi, chap. 24, p. 136 (trad. Berbérian et Canard p. 124) reproche à la ville d’Ani d’être devenue arrogante et esclave de l’argent. Ainsi, décrivant la prise de la ville par les troupes d’Alp Arslan en 1064, il écrit: «Tel est le sort des villes iniques qui sont bâties au prix du sang des étrangers, qui fleurissent aux dépens de la sueur des pauvres, qui affermissent leurs maisons par l’usure et des transactions injustes. Impitoyables pour les pauvres, elles aspirent seulement au divertissement et à une vie de mollesse, elles ne fuient pas les affaires malpropres (…).» 3 Le terme ṙamik[kʻ] (litt. «le troupeau») désignent des non nobles, assujettis à l’impôt, voir MAHÉ 2000, p. 693.

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les églises, ruinèrent et détruisirent toute la ville4, abîmant et souillant sa gloire et sa beauté. C’était un tableau pitoyable à voir: les parents tués et leurs enfants entassés les uns sur les autres, amoncelés comme des pierres de décombres. Prêtres, diacres et desservants des églises, vieillards, jeunes hommes, enfants adolescents et beaucoup de kusankʻ 5, subirent ce qui est dit dans l’Évangile: Vous serez livrés à la famine et à l’esclavage6; cette même prédiction leur advint, car ils gisaient, çà et là, à la surface des plaines, la terre était ivre du sang et [repue] de la graisse des blessés. Les corps délicats, lavés avec du savon, devenaient noirs et gonflés. Et ceux qui n’étaient pas allés audelà des portes de la ville étaient emmenés pieds nus en captivité et ceux qui avaient communié avec le corps et le sang du fils de Dieu mangeaient de la viande impure et écœurante et buvaient du lait de jument immonde. Des femmes chastes et honnêtes furent déshonorées par des paillards et des débauchés. Des saintes kusankʻ, qui avaient fait vœu de garder leurs corps et leurs esprits purs pour la sainteté de Dieu, furent souillées par différentes fornications et violées impudiquement. Et ainsi se termina l’affaire.

4 Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 217), se rendant le 2 février 1255 à Ani, quelques années après la prise de la ville par les Mongols (1236) ne mentionne pas de ruine: «À la Purification [2 février], je me trouvai dans une ville appelée Ani, qui appartient à Sahensa (= Šahanšah) et dont la position est très forte. Il y a là mille églises des Arméniens et deux synagogues de Sarrasins. Les Tartares y ont un bailli.» Il est tout à fait possible que la ville d’Ani ait été reconstruite par les Mongols. En effet, sous le règne du grand ilkhan Hülegü (1256-1265), la politique mongole était orientée vers une reconstruction systématique des villes détruites, comme en témoigne Grigor Akner (trad. Blake et Frye, XII, p. 345): «He began to rebuild the devasted places, and from each inhabited village he selected householders, one from the small, and two or three from the large villages, and he called them iam, and sent them to all of the destroyed places to undertake rebuilding». 5 Le terme kusan désigne une femme qui vit retirée dans une demeure, une recluse plutôt qu’une religieuse vivant dans un monastère. Le terme désigne aussi une vierge. 6 Jr XXXII, 36 éd. Zōhrapean.

CHAPITRE XXVIII

À PROPOS DE LA DESTRUCTION DE KARS [p. 260] [Les habitants de] cette ville ayant vu ce que les Tatars (Tʻatʻar) avaient fait à ceux d’Ani, s’empressèrent de leur apporter la clef de la cité espérant être peut-être épargnés. Mais les [Tatars], parce qu’ils brûlaient d’envie de piller et n’avaient peur de personne, leur firent subir le même sort qu’à Ani. Ils pillèrent les biens et possessions, massacrèrent les habitants, détruisirent la ville, la dépouillèrent de sa parure et conduisirent les habitants en captivité ne laissant que quelques membres de la lie du peuple puis ils partirent. Peu de temps après, l’armée du sultan1 de Rūm (Hoṙom) vint et emmena en captivité ceux qui avaient échappé aux Tatars ou les passèrent au fil de l’épée impitoyablement. Comme il est écrit: Frayeur, fosse et filet sont sur toi, habitant de la terre: celui qui fuira devant le cri de frayeur tombera dans la fosse, celui qui remontera de la fosse sera pris dans le filet2 et celui qui prendra la fuite sera mordu par le serpent3. C’est ainsi que les habitants de Kars furent accablés de maux. Cette même armée s’empara aussi de la ville de Surb Mari4, que quelques années auparavant Šahnšah et Awag avaient enlevée aux tačikk‘. [La ville ayant été] à peine restaurée, [p. 261] surgit soudain, avec des troupes nombreuses, un des grands nommé Qara Ba᾽adur (Łara Bahatur)5; rapidement il se saisit de [la ville] et pilla tout ce qu’il trouvait à l’intérieur. Une fois ces actes perpétrés dans toute la province, l’ordre fut donné aux rescapés qui avaient échappé à l’épée et à la captivité de regagner leur demeure, village, ville et de les [re]bâtir en leur nom et de les servir. Et le pays commença petit à petit à se reconstruire. 1 Il s’agit du sultan Ghiyāth al-Dīn Kaykhusraw II (1237-1246), qui en 1240 dominait les Ayyūbides d’Alep, les Arméniens de Cilicie, le petit Empire de Trébizonde, ainsi que celui de Nicée pour partie. Voir EI2, IV, p. 849-850 et CAHEN 1988, p. 78-80, 88-95. 2 Is XXIV, 17-18. 3 Qo X, 8. 4 Surb Mari/Sumaṙi: aujourd’hui Surmalu, ville forte en Ayrarat, dans le gawaṙ de Čakatkʻ. Voir HŠTB, IV, p. 726. 5 Litt. «le héros noir». Łara est la transcription du terme turco-mongol qui signifie «noir» et ba’adur est un adjectif commun aux langues altaïques qui désigne quelqu’un de «courageux, brave» mais il est employé comme substantif avec le sens de «héros». Voir Grigor Akner (trad. Blake et Frye, XII, p. 343): «Hulawu khan liked the Armenian and Georgian forces greatly because of their extreme bravery which they evidenced before him in every battle. Because of this he called them bahaturs.» Il semble que cela soit là plutôt le surnom d’un général mongol que d’un nom, voir les leçons des manuscrits beg, no et s.

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Et Dieu, comme à l’accoutumée, lors de sa colère se souvint de sa miséricorde et il en fit preuve ici même, car il ne nous traite pas selon nos fautes et ne nous rend pas selon nos offenses6. Quand ils lancèrent leurs incursions contre nous, c’était la saison d’été et la moisson n’avait pas été récoltée ou emmagasinée dans les greniers. Ils étaient venus avec des chameaux et des animaux [qui] mangèrent et foulèrent tout avec leurs sabots. Alors que l’hiver approchait, [les Tatars] s’en allèrent dans la plaine appelée Mūghān (Mułan) dans le pays des Ałuankʻ; en effet durant la saison d’hiver c’est là qu’ils demeuraient puis au printemps ils se répandaient dans toutes les régions. Les personnes qui avaient survécu à l’épée étaient nus et sans nourriture; pour satisfaire leurs besoins, ils n’avaient que des épis tombés et foulés aux pieds. L’hiver n’était pas extrêmement froid, comme en d’autre temps, mais doux [p. 262] au-delà de toute espérance. Et bien qu’ils n’aient pas de bœufs pour travailler la terre, ni de graine à semer, quand le printemps vint, sur l’ordre de Dieu, la terre fit pousser d’elle-même ce qui suffit à combler les besoins des hommes. Dans toutes les régions, il y avait du pain à satiété, grâce à quoi ceux qui avaient fui leur pays survivaient là. De plus le peuple impitoyable des Ibères (Virkʻ) fit preuve de beaucoup de compassion et de sollicitude pour ceux qui s’étaient refugiés chez eux. Et c’est ainsi que le Dieu de miséricorde consola les affligés.

6

Ps CIII (CII), 10.

CHAPITRE XXIX

À PROPOS DU FAIT QUE L’IŠXAN AWAG FUT ENVOYÉ AUPRÈS DU QA’AN (XAŁAN) À L’EST Lorsqu’il se fut écoulé quelque temps, [les Tatars] expédièrent Awag auprès de leur roi, qu’ils appelaient qan (łan), pour un voyage lointain vers le nord-est; ils agissaient ainsi avec tous les grands qu’ils voulaient honorer. Ils l’avaient envoyé car ils en avaient reçu l’ordre et ils le suivaient, obéissant scrupuleusement à leur roi. Et l’išxan lui-même était impatient de partir, espérant peut-être obtenir un avantage pour lui et le pays. Et tous offrirent des prières à Dieu [p. 263] pour qu’il revienne sain et sauf, parce que c’était [un homme] doté d’une bonne nature et qu’ils souhaitaient que son périple leur apporte un peu de profit. [Awag] partit, se présenta devant le grand roi, lui montra les lettres de ses généraux et lui rappela les raisons de [sa] venue chez lui, c’est-à-dire se mettre à son service. Lorsque le grand roi entendit cela, il le reçut avec affection, lui donna une femme de race tatare (t‘at‘ar) et le renvoya dans sa province. Il écrivit aussi à ses généraux de lui rendre sa province et de soumettre tous les rebelles à sa personne, ce qui fut fait. Quand [Awag] revint dans sa province, les généraux appliquèrent l’ordre de leur roi: rentrèrent dans leur obéissance et service Šahnšah, fils de Zakʻarē, l’išxan Vahram et son fils Ałbuła, Hasan appelé Jalal1, išxan des régions du Xačʻēn, et beaucoup d’autres. [Les Tatars] donnèrent à chacun un territoire et pour un temps [leur firent] grâce. Puis les [Tatars] recommencèrent à les accabler par des collectes d’impôts, des allées et venues, des obligations militaires; en dépit de tout cela et de tracas bien pires, ils ne tuaient personne. Au bout de quelques années l’išxan Awag fut tourmenté par eux: [les Tatars] étaient très cupides et il ne pouvait pas satisfaire tout ce qui leur passait par la tête, non seulement ils ne se contentaient pas [p. 264] de manger et de boire, mais ils 1 Hasan Jalal Dōla est le fils de Vaxtʻank-Tankik/Tangik et Xorišah (fille de Sargis Zakʻarean), neveu de Zakʻarē et Iwanē (voir Kirakos, chap. 30). C’est lui qui fit ériger le complexe monastique de Ganjasar de 1216 à 1238. Voir ULUBABYAN 1975, p. 85-86, p. 171-180, p. 188-197. Voir MUTAFIAN 2012, II, la généalogie «20. Les Zakarides et les trois dynasties de l’Artsakh (XIIe-XIIIe siècle)».

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réclamaient des parures onéreuses et des coursiers, car ils raffolaient des chevaux. Ainsi, ils avaient pris tous les chevaux du pays et personne n’osait ouvertement garder de chevaux ou de mulets, hormis en cachette et pour le tribut militaire. Car là où ils en découvraient, ils s’en saisissaient et imprimaient leurs marques: en effet tous leurs animaux et tout ce qu’ils avaient pris étaient revêtus du signe de chaque général, tatoué sur un membre2. Même en cas de vente des bêtes, si quelque [Tatar] croisait une bête marquée, il la confisquait et punissait [le propriétaire de la bête] comme un voleur3. Non seulement les grands agirent de la sorte mais également les petits. Ce fut bien pire lorsque le général de l’armée mourut, [celui] dont le nom était Čaʼadai (Čałatay). Ceux qui s’appelaient les malāḥida (mulhedk‘) le tuèrent la nuit4. À cause de cela, il y eut une grande tuerie parmi les captifs de l’armée. Cet homme était l’ami d’Awag; lorsqu’il mourut beaucoup d’ennemis s’élevèrent contre lui. Un jour, dans le quartier d’Awag, un homme, non des plus grands, pénétra dans la tente où il était assis. Et parce qu’[Awag] ne se leva pas [assez] vite devant lui, il le frappa à la tête d’un coup de cravache qu’il tenait à la main. [p. 265] À cette vue les serviteurs de l’išxan s’indignèrent à cause de l’affront [subi] par l’išxan, leur seigneur, ils se précipitèrent pour frapper l’homme. Mais l’išxan les en empêcha bien qu’il fût fâché. Cet homme nommé Joǰ Buqa (Buła)5 partit, prenant avec lui d’autres compagnons; il voulut tuer l’išxan pendant la nuit. [Awag] l’apprit, échappant à la mort, il s’enfuit auprès de la reine d’Ibérie (Virk‘) qui, encore en rébellion, avait émigré dans un endroit fortifié du pays d’Ibérie. 2 Voir Marco Polo (trad. Hambis, chap. LXX, p. 172): «Et chaque seigneur ou autre homme qui a des bêtes assez, chevaux, juments, chameaux, vaches et bœufs et autres grosses bêtes, il les fait marquer d’un sceau imprimé sur le poil; puis les laisse tranquillement paître par les monts et par les plaines sans garde d’homme; et si, à leur retour, ils se sont mêlés avec d’autres, tout homme qui les trouve reconnaît la marque du propriétaire, et aussitôt lui rend ceux qui portent sa marque. Ainsi chacun retrouve ses propres animaux. Mais les troupeaux de petits animaux, moutons, brebis et chèvres, sont gardés par des hommes et n’ont point de marque.» 3 Le vol est sévèrement puni par les Mongols, voir Jean de Plan Carpin (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 50): «Si quelqu’un est pris à marauder ou à voler sur leur territoire, il est tué sans pitié.» Et (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 38): «Il arriva aussi, lorsque nous étions dans ce pays, qu’André, prince de Cherneglove en Russie, fut accusé auprès de Bati de faire sortir du pays les chevaux des Tartares et de les exporter; malgré le manque de preuves, il fut mis à mort.» 4 D’après Djuwaynī (trad. Boyle, p. 724), le fils de Čaʼadai, vengea son père, lors de la prise de la forteresse d’Alamūt. 5 Nous n’avons pas réussi à identifier le personnage.

DU FAIT QUE L’IŠXAN AWAG FUT ENVOYÉ AUPRÈS DU QA᾽AN (XAŁAN)

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En outre, de tels désordres surgirent du fait que le grand général, le chef suprême appelé Čormaqan (Čʻarmałun) devint muet à cause d’un démon et de maladies. Cependant le commandement n’avait pas été retiré à sa maison, car sa femme et ses fils exerçaient l’autorité avec ses délégués6. À sa mort, comme le qa’an l’avait ordonné, on fit circuler ses os au sein de son armée, car c’était un homme extrêmement habile et plein de grâce. Lorsqu’Awag s’enfuit, les grands, pleins de chagrin, blâmèrent cet homme et envoyèrent des ambassadeurs derrière [Awag] afin qu’il ne se rebelle pas contre eux, lui jurant que rien de mal ne serait fait contre lui. [Les Tatars] remirent sa province aux mains de Šahanšah (Šahnšah) comme s’il avait été son frère, ils firent cela surtout [pour montrer] leur bonne foi [p. 266]. Awag écrivit une lettre et l’envoya au qa’an: «Je n’ai pas quitté ton service, mais j’ai fui à cause [des risques] de meurtre et je me soumets à ton commandement.» Et tandis qu’[Awag] différait sa venue, attendant la réponse du grand roi, [les Tatars] recherchèrent tous ses trésors qui étaient cachés dans la forteresse. Mais comme ils craignaient leur roi, ils envoyaient message sur message à Awag pour qu’il se rende auprès d’eux. Quand Awag rejoignit l’armée, l’ordre du qa’an parvint immédiatement à ses troupes [disant] que personne n’ose faire du mal à Awag. [Il envoya] une lettre à Awag et des cadeaux, lui [disant] de venir librement et sans peur. [Les Tatars] l’honorèrent et bannirent de l’armée les hommes qui avaient voulu le tuer. Ils le dépêchèrent, lui et un chef du nom de Tonquz aqa (Tōnłus ała)7, venu sur l’ordre du qan réclamer les taxes à tout le monde8, auprès de la reine Rusudan (Ṙuzudan) pour qu’elle rentre dans l’obéissance du grand roi. Ils se rendirent auprès d’elle, l’exhortèrent à s’assujettir au grand roi et à ne pas avoir peur. Prenant des troupes, ils retournèrent vers ceux qui les 6 En réalité, son successeur, Baiǰu est nommé à la tête des armées mongoles en Perse, avant décembre 1241 (date de la mort d’Ögödei) du vivant même de Čormaqan, mais il ne parvint dans la vallée de l’Araxe et du Kur qu’en 1242. Voir PELLIOT 1924, p. 247248. 7 La forme arménienne de Tōnłus correspond probablement au nom mongol, Tonquz (litt. «porc»). Le terme aqa signifie «frère aîné»: chez les Mongols le terme était honorifique, voir EI2, I, p. 253-254. Il s’agit peut-être du même Tonquz envoyé par le fils aîné de Čin Timur (premier gouverneur du Khurāsān et de Māzandarān), à la cour du grand qan pour discréditer Körgüz, gouverneur de la Perse orientale. Voir Djuwaynī (trad. Boyle, p. 494, 500). 8 À propos des taxes sous les premiers qans, voir ALLSEN 1987, «Taxation», p. 144188.

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avaient envoyés avec des conditions de paix amicale selon lesquelles la reine et son jeune fils David (Dawit‘) qui venait d’être couronné roi9 se soumettaient. [p. 267] Et [les Tatars] ne démentirent pas leur pacte10.

9 Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 521), David n’est pas encore couronné roi à cette époque. 10 Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 521) relate la reddition de Rusudan et son fils ainsi: «Ils envoyèrent alors un exprès à Rousoudan, afin qu’il y eût alliance entre eux et qu’elle livrât son fils David à qui l’on donnerait la royauté, Tiflis et toute la Géorgie (…). Elle descendit donc et envoya son fils David, au-devant duquel vinrent Chanché et Awag, très considéré des Thathars (…). Ils se rendirent à Barda, au campement des noïns, emmenant le roi David, en grand appareil et avec une escorte nombreuse. Aussitôt qu’ils virent le roi, Dcharmaghan, Dchaghatar, Ioser et Bitchouï témoignèrent leur joie, en le traitant honorablement, ainsi que les mthawars géorgiens; ils lui donnèrent toute la Géorgie et Samchwildè, pris de force précédemment par Ioser-Noïn et Angourga assistés d’Awag: tel fut l’accueil fait par eux au roi, qu’ils nommèrent Narin-David, i. e. David au visage auguste.»

CHAPITRE XXX

À PROPOS DU MASSACRE DANS LES RÉGIONS DU XAČʻĒN ET DU PIEUX IŠXAN JALAL Après avoir exposé un peu brièvement ce que firent à travers le pays les troupes enragées que l’on appelle Tatars (Tʻatʻar), nous parlerons maintenant des régions du Xačʻēn et de ce qui y advint. [Les Tatars] répandirent leurs maraudeurs dans toutes les régions qu’ils divisèrent en lots. Certains de leurs chefs atteignirent [le Xačʻēn] avec des troupes considérables et bien armées ainsi que tout l’équipement pour le campement. Ils firent des prisonniers et tuèrent beaucoup de personnes qui étaient dans des lieux à découvert. Ils livrèrent bataille aux fugitifs; quant à ceux qui étaient dans des lieux fortifiés, ils les firent descendre les uns par traîtrise, les autres par la force, certains étaient tués, d’autres emprisonnés mais beaucoup demeuraient retranchés dans un endroit sûr, appelé Hawaxałacʻ1 à cause de son inaccessibilité. Mais comme la défaite était [la volonté] du Seigneur, [les Tatars] pénétrèrent furtivement et à l’improviste dans la forteresse, donnèrent en pâture à l’épée quantité [de personnes] et en jetèrent d’autres dans des précipices. Et la terre fut recouverte par la multitude de ceux qui étaient tombés, une rivière de sang ruisselait et coulait comme de l’eau; personne ne fut épargné, et longtemps après on voyait les os [des morts] amoncelés tels des décombres. [p. 268] [Les Tatars] marchèrent aussi contre le pieux išxan Hasan, dit Jalal. C’était le fils de la sœur des grands išxan Zakʻarē et Iwanē, un homme pieux et aimant Dieu, doux et posé, miséricordieux et ami des pauvres, s’adonnant aux prières et aux suppliques, comme ceux qui vivent dans les déserts. Il faisait sans faute où qu’il soit matines et vêpres, comme les moines, et en mémoire de la résurrection de notre Sauveur il passait le 1 D’après Movsēs Dasxurancʻi, III, 23, p. 340 (trad. Dowsett, p. 226), au IXe siècle, Grigor, fils d’Atrnerseh, išxan des Ałuankʻ construisit cette forteresse. La forteresse se trouve dans la province de l’Arcʻax, dans le gawaṙ de Verin Xačʻēn ou Car, aux environs de Mardakert, dans la région de Hatʻerkʻ. Pour son emplacement, voir HŠTB, III, p. 376 et HÜBSCHMANN 1969, p. 444 qui propose comme étymologie Hav (Vogel, Huhn, Hahan) et Xałacʻ (Lauf, Flug) signifiant Vogelflug.

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premier jour de la semaine, sans dormir, debout en vigilance. Il était l’ami des prêtres, de l’étude et lecteur des divins Testaments. Sa pieuse mère, après la mort de son époux Vaxtʻank appelé Tankik, prit des dispositions pour ses trois fils, Jalal, Zakʻarē et Iwanē2; elle alla dans la ville sainte de Jérusalem (Erusałēm), et demeura là de nombreuses années [pratiquant] un grand ascétisme3. Elle étonnait tous ceux qui la voyaient et l’entendaient, car comme la femme d’Abgar, Hélène (Hełinē)4, elle avait vendu tous les biens qu’elle possédait pour les pauvres et les nécessiteux et elle ne survivait que par ses travaux manuels. Elle mourut là-bas et [parce que] Dieu glorifie celui qui le glorifie5, une lumière en forme d’arc demeurait au-dessus du tombeau pour exhorter d’autres personnes aux mêmes bonnes œuvres. [p. 269] Ce sage išxan, voyant l’attaque des infidèles, emmena pour qu’ils se retranchent les habitants de sa province dans la citadelle appelée Xōxanaberd6 dans la langue des Perses (Parsk‘). Lorsque [les Tatars] vinrent l’assiéger, ils virent qu’il était impossible de prendre la forteresse. Ils invitèrent [l’išxan] à se rendre auprès d’eux dans une amicale paix. Lui avec sagesse leur procura satisfaction. Plus tard, il alla de lui-même auprès d’eux avec beaucoup de présents. [Les Tatars] l’honorèrent et lui remirent entre les mains sa province et bien d’autres [territoires]. Ils lui donnèrent l’ordre de venir chaque année les rejoindre pour le service de guerre et de les servir avec loyauté. Et lui, avec prudence, prit des dispositions pour sa province; tout ce qui lui était possible de se procurer, que ce soit des vivres ou tout autre chose pour les besoins des personnes allant et venant auprès d’eux, il s’en saisit, les conservait avec lui. Puis il leur La mère de Hasan Jalal, Zakʻarē, Iwanē est Xorišah, femme de Vaxtʻank Tankik/ Vaxtʻang Tangik, d’après l’inscription dédicatoire de Ganjasar (HASRATYAN et THIERRY 1981, p. 297). Voir MUTAFIAN 2012, I, p. 314-320. 3 Selon l’inscription dédicatoire de Ganjasar, elle s’est rendue trois fois à Jérusalem. 4 À propos de Hélène femme d’Abgar, voir Movsēs Xorenacʻi, II, 35, p. 159-160 (trad. Mahé, p. 192): «Cette Hélène, parée de la même foi qu’Abgar son époux, ne supporta pas d’habiter parmi les idolâtres, mais elle se rendit à Jérusalem au temps de Claude, à l’époque de la famine prédite par Agabus. Dépensant toutes ses richesses en Égypte, elle acheta une immense quantité de blé qu’elle distribua à tous les nécessiteux, ainsi qu’en témoigne Josèphe. Son tombeau est encore bien connu jusqu’à ce jour devant la porte de Jérusalem.», en réalité, la femme d’Abgar se prénommait Salomé et Hélène était la mère d’Izatis, roi d’Abadiène qui se convertit au judaïsme avec toute la famille royale, voir Movsēs Xorenacʻi, II, 35 (trad. Mahé p. 192, et notes 3 et 4, p. 359-360). 5 Voir I Sam II, 30. 6 Cette forteresse se trouve en face de Ganjasar, sur la rive droite du fleuve Xačʻēn, voir HŠTB, II, p. 764-765; DDA, Gharabagh, no 19, carte, p. 21. D’après ALIŠAN 1989, § 139, p. 194-196, le terme xōxan viendrait de xēhan qui signifie «désirable, enviable». 2

DU MASSACRE DANS LES RÉGIONS DU XAČʻĒN ET DU PIEUX IŠXAN JALAL

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distribuait ce qu’il avait accumulé, lorsqu’ils venaient près de lui. [Ainsi les Tatars] ne harcelaient plus [les habitants de] la province, ils ne venaient plus que vers lui. Or dans d’autres provinces, [les Tatars] ne firent pas cela; partout où ils parvenaient, ils tourmentaient [les habitants].

CHAPITRE XXXI

À PROPOS DE L’ÉGLISE CONSTRUITE [PAR JALAL] [Jalal] érigea une église à coupole d’une belle composition, semblable au ciel, temple à la gloire de Dieu, où l’on célébrait continuellement l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde1, à l’intérieur du couvent appelé Ganjasar2 [p. 270] en face de Xōxanaberd, où se trouvent les tombeaux des siens. Ils y ont travaillé pendant de nombreuses années. Lorsque le travail [fut achevé] une grande cérémonie de dédicace [eut lieu] en grande pompe pour bénir l’église. Il y avait là le catholicos (katʻołikos) des Ałuankʻ, tēr Nersēs3 avec de nombreux évêques, le grand vardapet Vanakan et d’autres docteurs (rabunikʻ). Étaient là aussi les saints vardapet du Xačʻēn, Grigoris et tēr Ełia, proches parents4, deux hommes qui ont fait honneur à Dieu et qui depuis ont quitté ce monde pour rejoindre le Christ; ils furent déposés dans la maison dédiée à Dieu, à Xad5. Le premier [mourut] en 687 (= 1238/1239) et Ełia en 698 (= 1249/1250). Ils bénirent l’église6 avec de nombreux prêtres, dont on disait que le nombre atteignait sept cents. 1

Jn I, 29. Ganjasar se situe sur une colline, à 1270 m d’altitude, sur la rive gauche du Xačʻenaget dans le gawaṙ de Mecirankʻ. Le couvent est attesté pour la première fois au Xe siècle dans la Lettre du catholicos Anania Mokacʻi, p. 134 qui cite le supérieur de Ganjasar, un certain Sargis. Mxitʻar Goš signale qu’au XIIe siècle le couvent est le panthéon des išxan du Xačʻēn (voir le colophon de l’Histoire des Ałuankʻ de Mxitʻar Goš dans Movsēs Dasxurancʻi, p. 355, trad. Dowsett, p. 486). Le couvent est appelé également «couvent de la tête» parce qu’il était supposé abriter la tête de saint Jean-Baptiste, voir Movsēs Dasxurancʻi, p. 348349. Le couvent se compose d’une église, d’un žamatum, d’un réfectoire, de cellules, d’une école (construite au XIXe siècle), le tout entouré d’une muraille. Voir DDA, Gandzasar, no 17, HASRATʻYAN et THIERRY 1981, p. 289-316, THIERRY 1991, p. 119-130. 3 À propos de Nersēs, catholicos des Ałuankʻ (1235-1261), voir Kirakos, chap. 11, p. 201, 33, p. 278, 42, p. 299, 53, p. 348, 55, p. 359, 63, p. 392; Vardan, § 95, p. 153 (trad. Thomson, p. 219). 4 Voir CIArm, V, no 426, p. 128, l’inscription sur le mur ouest du mausolée, bâtiment situé au nord de l’église du couvent de Xad/Xatʻ, mentionne Grigor et Ełia. 5 Le couvent de Xad/Xatʻ se trouve dans l’Arcʻax, dans le gawaṙ de Mecirankʻ, sur la rivière Tʻatʻar. Il a été fondé en l’honneur de Xatʻ (disciple de saint Thaddée) en 1204 par Yovhannēs Dōpʻean. Voir THIERRY 1991, p. 89-94. 6 L’église surb Yovhannēs Mrktičʻ (Saint Jean-Baptiste) a été commencée en 1216, achevée en 1238 et consacrée en 1240. Voir CIArm, V, no 82, p. 38-40, l’inscription dédicatoire sur le mur nord de l’église (trad. HASRATʻYAN et THIERRY 1981, p. 296-297): «Au nom de la Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, ce solennel écrit est de moi humble 2

À PROPOS DE L’ÉGLISE CONSTRUITE [PAR JALAL]

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Lorsque l’on eut oint l’église et apposé le sceau7, un grand repas fut organisé et [Jalal], de ses propres mains, servit les convives. Il donna des présents à chacun selon son rang, avec libéralité, puis il renvoya la foule. Cela se passa en 689 (= 1240/1241) du comput arménien, pendant la fête de vardavaṙ8. La femme de [Jalal], Mamkʻan9, érigea un splendide gawitʻ à la porte de l’église. Elle se livrait à toutes [sortes] de vertus et s’adonnait à la vie ascétique, veillant constamment, priant, lisant, elle vivait les préceptes du Seigneur, jour et nuit, selon les Écritures.

serviteur de Dieu, Jalal Dawla Hasan, fils de Vaxtʻang et petit-fils de Hasan le Grand, souverain légitime du haut et grand pays d’Arcʻax, pays aux vastes limites; car mon père, à son dernier jour, avant de sortir de ce monde, avait prescrit par son testament, à moimême et à ma mère Xorišah, fille du grand prince des princes Sargis, que je construisisse cette église dans la sépulture de mes pères à Ganjasar. Je commençai en 665 (= 1216) avec l’assistance du bon Dieu, (…) je pris à cœur mon ouvrage, qui fut achevé grâce à la miséricorde du Dieu tout-puissant en 687 (= 1238), décoré de toutes sortes d’ornements, enrichi de peintures, muni de sa coupole (…). Cette église a été consacrée en 689 (= 1240) sous le patriarcat de Tēr Nersēs, catholicos d’Albanie. Ce mien écrit est confirmé par Dieu. Qui s’y oppose a pour adversaires Dieu et les saints.» 7 C’est-à-dire l’inscription dédicatoire. 8 La cérémonie de la dédicace s’est déroulée le dimanche de vardavaṙ, qui est la fête de la Transfiguration. Le nom arménien de vardavaṙ est emprunté à une ancienne fête païenne et signifie «fête des roses». Vardavaṙ se fête le dimanche, quatorze semaines après la fête de Pâques (fête mobile) qui en 1240 tombait le 15 avril; la cérémonie a donc eu lieu le 22 juillet 1240. À propos de vardavaṙ, Voir RENOUX 1972, p. 477-498. 9 Mamkʻan a également restauré les églises du couvent de Keč‘aṙuk‘/Kečʻaṙis, en Ayrarat, dans le Varažnunikʻ (voir DDA, Ketcharis, no 11), actuellement dans la province de Hrazdan, près du hameau de Čʻałkajor; en 1248, elle a fondé le martyrium du couvent de Vačaṙ (voir THIERRY 1991, p. 131-132). Elle meurt en 1260. À son propos, voir ULUBABYAN 1975, p. 209-211.

CHAPITRE XXXII

PETITE EXPLICATION À PROPOS DE L’APPARENCE DES TATARS (T‘AT‘AR)1 [p. 271] Parce que nous sommes disposés à laisser un souvenir aux générations futures et que nous espérons en la délivrance des maux d’icibas qui nous assiègent, nous présenterons très brièvement pour les curieux l’aspect et le langage [des Tatars]. Ils ont une apparence hideuse et effrayante à voir. Ils n’ont pas de barbe, mais uniquement quelques poils au-dessus de leurs lèvres ou sur leurs mentons. Ils ont des yeux étroits et perçants, des voix fluettes et suraiguës, ils sont endurants et vivent longtemps2. Quand cela est possible ils mangent continuellement et boivent insatiablement et quand cela ne l’est pas, ils s’abstiennent. Ils consomment tous les animaux purs et impurs, ils apprécient particulièrement la viande de cheval. Ils la coupent en petits morceaux et la cuisinent, ou bien ils la font frire sans sel, ou la hachent menu puis la trempent dans de l’eau salée, c’est ainsi qu’ils l’ingurgitent. Certains mangent [accroupis] sur leurs genoux, à la manière des chameaux, d’autres assis. Quand ils prennent leur repas, seigneurs et serviteurs partagent de manière égale3. Quand ils boivent du kumis (łmuz)4 ou du vin, l’un d’entre eux prend un grand pot dans ses Voir également pour ce chapitre la traduction de BOYLE 1963, p. 199-214. Voir leur description par Jean de Plan Carpin (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 31-32): «L’aspect des individus diffère de celui des autres hommes. Entre les yeux, en effet, et entre les pommettes, ils ont plus d’écartement que les autres hommes. De plus, leurs pommettes sont saillantes par rapport aux joues, ils ont le nez plat et petit, ils ont les yeux petits et les paupières tirées jusqu’aux sourcils. Ils ont, en général, la taille mince, sauf quelques-uns; presque tous sont de stature moyenne. La barbe ne pousse pas chez la plupart d’entre eux; certains ont cependant sur la lèvre supérieure et au menton un peu de poil qu’ils se gardent de couper.» 3 Voir Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 84): «De la viande d’un seul mouton, ils nourrissent cinquante à cent hommes: en effet, ils la coupent menu dans une écuelle avec du sel et de l’eau; ils ne font pas d’autre sauce.» Voir Jean de Plan Carpin (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 46): «Quant aux vivres, si peu qu’il y en ait chez eux, ils se les partagent au mieux. Ils sont d’ailleurs assez endurants. Aussi, lorsqu’ils jeûnent un jour ou deux sans rien manger du tout, ils ne paraissent guère en souffrir, mais ils chantent et jouent comme s’ils avaient bien mangé. (…) Ce ne sont pas des gens délicats (…).» 4 Au chapitre 26: խմուզ (xmuz). 1 2

PETITE EXPLICATION À PROPOS DE L’APPARENCE DES TATARS (T‘AT‘AR)

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mains et avec une petite tasse en prélève et en répand en direction du ciel, puis vers l’est, l’ouest, le nord et le sud5. Puis celui qui a procédé à la libation en boit lui-même un petit peu [p. 272] et en offre au notable. Si quelqu’un leur apporte à manger ou à boire, ils lui donnent à manger et à boire en premier de crainte d’être victimes d’un poison mortel, ce n’est qu’après qu’ils se nourrissent et se désaltèrent6. Ils prennent autant de femmes qu’ils le désirent, mais ils ne laissent pas du tout vivre les prostituées avec leurs femmes. Or, où ils rencontrent des étrangères, ils les violent sans problème7. Ils haïssent le vol au point qu’ils torturent jusqu’à la mort [les voleurs]8. Il n’y a ni service, ni culte parmi eux, mais fréquemment pour toutes choses, ils invoquent le nom de Dieu, nous ne savons pas et eux non plus s’ils rendent grâce à l’Être Suprême Dieu ou à autre chose qu’ils appellent Dieu9. Ils ont l’habitude de dire que leur roi est de race divine: Dieu s’est octroyé le ciel et a donné au qa’an (xałan) la terre. Ils déclarent que Činggis Qan père du qa’an [actuel] n’est pas issu de la semence d’un homme, 5 Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 83) donne la signification de ce rite d’aspersion: «Ensuite, un serviteur sort de la maison avec une coupe et de la boisson pour en répandre trois fois vers le sud, en pliant chaque fois le genou, pour honorer le feu; puis vers l’orient pour honorer l’air, puis vers l’occident pour honorer l’eau; ils en jettent aussi vers le nord pour les morts.» 6 Voir Jean de Plan Carpin (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 39): «De même, si l’on présente un morceau à quelqu’un et qu’il ne puisse l’avaler et le recrache, on fait une ouverture sous la demeure, on le tire par cette ouverture et on le tue sans pitié (…).» 7 Voir Jean de Plan Carpin (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 32-33): «Pour les épouses, chacun en a autant qu’il peut en entretenir, tel cent, tel cinquante, tel dix, l’un davantage et l’autre moins. En général, ils se marient avec toutes leurs parentes sauf leur mère, leur fille ou leur sœur utérine. Mais ils peuvent épouser des sœurs nées seulement du même père, et aussi les épouses de leur père après sa mort; de plus, un cadet peut prendre l’épouse de son frère après sa mort, sinon un autre jeune de la parenté est tenu de la prendre. Les autres femmes sont épousées sans discrimination, et on les achète très cher à leurs parents. Après la mort du mari, elles ne convolent pas aisément en secondes noces, à moins que quelqu’un ne veuille épouser sa belle-mère.» 8 Voir Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 93): «De même, ils punissent de mort un vol très considérable.» 9 Marco Polo (trad. Hambis, chap. LXX, p. 166): «Ils disent qu’existe un grand, sublime et céleste Dieu dont chaque jour, avec encensoir et encens, ils ne demandent rien d’autre que bon entendement et santé.» Jean de Plan Carpin (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 3536) est plus précis, il relate: «Ils croient en un seul Dieu lequel est créateur de toutes choses, visibles et invisibles, et ils le croient dispensateur des biens comme des souffrances de ce monde; cependant, ils ne l’honorent pas par des prières, des louanges ou par des rites quelconques. Néanmoins, ils ont des idoles de feutres à figure humaine (…). Ils offrent à ces idoles le premier lait des troupeaux et des juments (…).» À propos des croyances des Tatars, voir ROUX 1984 et 1993, p. 55-57.

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qu’une lumière venue de l’invisible pénétrant par l’ouverture supérieure de la maison (= tente) a dit à sa mère: «Conçois et tu enfanteras un fils qui dominera la terre.» C’est à partir de là, disent-ils, qu’il a été procréé10. C’est l’išxan Grigor11, fils de Marcpan (Marzpan)12, frère d’Aslanbēk, de Sargis et d’Amira de la lignée des Mamikonean, qui nous raconta cela. Lui-même [p. 273] l’avait entendu d’un grand homme parmi les très puissants dont le nom était Qutuqtu noyan (Łut‛un nuin)13, un jour alors qu’il enseignait à des petits enfants. Lorsque l’un d’entre eux mourait ou était mis à mort, ils faisaient parfois circuler [son corps] parmi eux pendant plusieurs jours, [sous prétexte] qu’un démon l’habitait et proférait de nombreuses balivernes; parfois ils brûlaient [le corps]14; parfois ils l’enterraient dans une fosse profonde en déposant avec lui armes, vêtements, or, argent et [tout] ce qui faisait partie de son lot. Et si l’homme appartenait aux grands [seigneurs], ils plaçaient dans son tombeau quelques-uns de ses serviteurs et domestiques afin, 10 La légende de la naissance de Činggis Qan est relatée de la manière suivante dans l’Histoire secrète des Mongols, § 1 (trad. Pelliot, p. 121): «L’origine de Činggis-qahan est Börtä-Čïno, [venu] naître, du Ciel qui est en haut, par mandat [céleste]; l’épouse de celui-ci est Qo’aï-maral («la Biche fauve»); il vint [ici] en traversant la Mer. Alors qu’il avait fixé son campement à la source du fleuve Onon, au [mont] Burqan-qaldun, il y eut, né [d’eux], Batačï-qan.» Batačï-qan est à l’origine d’une longue lignée (§ 2-3, trad. Pelliot, p. 121) qui aboutit à deux frères Duwa-Soqor et Dobun-märgän. Dobun-märgän épouse une très belle femme, Alan-qo’a qui lui donna deux fils. Après la mort de son époux elle engendra encore trois autres fils «tout en étant sans mari» (§ 17, trad. Pelliot, p. 123). Voulant justifier ces trois nouvelles naissances, elle raconte à ses fils son histoire (§ 21, trad. Pelliot, p. 123-124): «Chaque nuit, un homme jaune brillant, entrant [par] l’ouverture supérieure de la tente [ou] par l’[interstice] lumineux du linteau [de la porte], frottait mon ventre et son éclat lumineux s’enfonçait dans mon ventre; quand il sortait, il sortait en rampant, tel un chien jaune, dans les rais du soleil [ou] de la lune. A quoi bon vous répondre en paroles? Pour qui comprend, le signe est évident que [ces trois fils] doivent être les fils du Ciel (…). Qu’ils deviennent des rois universels, et alors le bas peuple comprendra bien.» Ce mythe jouit d’une audience immense. Kirakos supprime toute généalogie intermédiaire entre Činggis Qan et Alan-qo’a. 11 Voir AnjB, I, no 299, p. 575-576 et TOUMANOFF 1990, p. 336, il aurait érigé avec son frère Aslanbēk, le couvent Saint Grégoire à Dseł. Leur sœur Xorišah avait épousé l’išxan Kʻurd qui résidait à Vardenis et chez lequel le roi Hetʻum demeura lors de son voyage à la cour du grand qan Möngke. voir Kirakos, chap. 58, p. 364-365. 12 Voir AnjB, III, no 1, p. 244. 13 Voir Kirakos, chap. 39, p. 291, la fille de Qutuqtu épouse Bora le fils de Čormaqan. Le mariage fut célébré dans le camp d’Altani (Eltʻina), l’épouse de Čormaqan, en présence du catholicos des Ałuankʻ. Selon BOYLE 1963, no 29, p. 203, il doit être identifié avec le Xutʻtʻu noyan de Grigor Akner, IV, p. 26 (trad. Blake et Frye, p. 303), son nom Qutuqtu signifie en mongol «bienheureux»; il pourrait être un des fils de Tolui, voir Hambis, chapitre CVII du Yuan Che, p. 88. 14 À propos de la crémation, rare chez les Mongols à cette époque, voir BOYLE 1963, note 31, p. 204.

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disaient-ils qu’ils le servent. [Ils mettaient] également un cheval car, prétendaient-ils, là-bas, la bataille sera féroce. S’ils voulaient se souvenir du mort, ils fendaient la panse d’un cheval, en retiraient toute la chair sans15 les os, brûlaient les entrailles et les os, puis recousaient la peau du cheval comme si son corps eût été complet. Ils aiguisaient un grand morceau de bois, ils en transperçaient son estomac et le ressortaient par sa bouche, puis ils dressaient l’ensemble contre un arbre ou sur un emplacement élevé16. En outre leurs femmes étaient des sorcières17, elles devinaient tout; sans l’ordre des sorciers et des magiciens, ils ne partaient nulle part sauf s’ils l’autorisaient18. Leur langue était barbare et nous était inconnue [p. 274]. Ils appellent Dieu: tʻangri; homme: ērē, haran; femme: ēmē, apʻǰi; père: ēčʻka; mère: akʻa; frère: ała; sœur: akʻači; tête: t‘irōn; yeux: nitun; oreille: č‘ikʻin; barbe: saxal; visage: yiwz, niur; bouche: aman; dent: sxur, sidun; pain: ōtʻmak; bœuf: ōkʻar; vache: unēn; mouton: łoyna; brebis: łurłan; chèvre: iman; cheval: mōri; mulet: lōsa; chameau: tʻaman; chien: nōxay; loup: čʻina; ours: aytkʻu; renard, hōnkʻan; lièvre, tʻablłay, tʻulay; poule, tʻaxea; pigeon, kʻōkʻučʻin; aigle, burkʻuiłuš; eau: usun; vin: [p. 275] tarasu(n); mer: naur-tangǝz; fleuve: mōranulansu; sabre: iōltu; arc: nəmu; flèche: səmu; roi: melikʻ; seigneur: 15 Normalement les os sont retirés également, puisqu’ils sont brûlés. Voir Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 95): «J’ai vu l’un de ces morts, récemment défunt; autour de lui ils avaient suspendu les peaux de seize chevaux, quatre à chacun des points cardinaux du monde, entre de hautes perches». 16 Le cheval est l’animal sacrificiel. On distingue trois types de sacrifices: un cheval est immolé pour le voyage du défunt dans l’au-delà; des chevaux sont enterrés avec le mort, puis on empaille un cheval qui a été au préalable mangé. Voir Jean de Plan Carpin (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 41-43): «On mange un autre cheval qu’on empaille et qu’on dresse sur deux ou quatre morceaux de bois, en sorte que le mort ait dans l’autre monde une demeure pour y habiter, une jument pour avoir du lait et faire de l’élevage, et des chevaux à monter. Les os du cheval mangé sont brûlés pour son âme.». Simon de Saint-Quentin, XXX, 86, p. 50 décrit avec précision le sacrifice du cheval empaillé. En général les morts sont enterrés n’importe où dans la steppe, mais il existe cependant des cimetières: un pour la famille de Činggis Qan dans la région de l’Onon et Kerülen, d’autres créés pour les autres branches de la famille, voir PELLIOT 1973, p. 28-29. 17 Il ne s’agit pas de sorcières mais de chamans-femmes. La sorcellerie chez les Mongols est punie. Ainsi Fāṭima, une protégée de Töregene fut accusée de sorcellerie et exécutée pour ce crime, voir Djuwaynī (trad. Boyle, p. 244-247). 18 Voir Jean de Plan Carpin (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 40): «Ils font grand cas des prédictions, présages, pratiques de magie et de sorcellerie, incantations, et comme les démons leur répondent, ils croient que Dieu leur parle.» Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 188-193) consacre un chapitre entier aux devins: Devins et sorcellerie. Une séance de chamanisme. Le devin, c’est le chaman, qui par la transe a accès aux esprits et à l’avenir. Le chaman pratique également la divination par les fissures que le feu produit sur les omoplates de mouton, la scapulomancie. Voir ROUX 1984, p. 67-76, p. 94.

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nuin; grand seigneur: ek‘a nuin; terre: ēl, irkan; ciel: gōgay; soleil: naran; lune: sara; étoile: sarła, hutut; lumière: ōtur; nuit: soyni; secrétaire: bit‘ik‘č‘i; satan: baṙahur, ēlēp19; ainsi que d’autres mots barbares qui nous étaient inconnus durant de nombreuses années mais qui, désormais, malgré nous, ne le sont plus. Quant aux chefs illustres qui les guidaient ce sont: le premier, le grand chef, commandant de toutes les forces armées, Čormaqan noyan (Č‘armałan nuin) homme juste et équitable; ses collègues Yasa᾽ur noyan (Israr)20, Qutuqtu noyan, Tudtu noyan (Tut‘un)21, Čaʼadai (Č‘ałatay) qui était le général de l’armée et que les malāḥida (mulhedk‘)22 avaient assassiné. Il y avait également beaucoup d’autres chefs et de troupes innombrables. 19 Voir l’étude du lexique par LIGETI 1965, p. 267-297. Ainsi «ciel» tenggeri [mot mongol]; «homme, mari» ere [mot mongol] + är/äran [mot turc]; «femme, épouse» eme [mot mongol] + äpči «femme, maison» [mot turc]; «père» ečige [mot mongol]; «mère» eke [mot mongol]; «frère aîné» aqa [mot mongol]; «sœur» egeči [mot mongol]; «tête» teriʽün [mot mongol]; «œil, yeux» nidün [mot mongol]; «oreille» čikin [mot mongol]; «barbe» saqal [mot mongol]; «visage» ni’ur [mot mongol] + yüz «face, surface» [mot turc]; «bouche» aman [mot mongol]; «dent» šidü [mot mongol] + sxur [dialecte du Caucase?]; «galette, sorte de pain» ütmek [mot mongol]; «bœuf» hüker [mot mongol]; «vache» üni’en [mot mongol]; «mouton» qoni [mot mongol]; «agneau» quriqan [mot mongol]; «chèvre» ima‘at [mot mongol]; «cheval» morin [mot mongol]; «espèce de mulet» lausa-s-ut [mot mongol]; «chameau» teme’en [mot mongol]; «chien» noqai [mot mongol]; «loup» čino [mot mongol]; «ours» ötögö [mot mongol]; «renard» hünegen [mot mongol]; «lièvre» tavïšqan [mot turc] + taulai [mot mongol]; takiya «poule» [mot mongol]; «pigeon» kökörčigen [mot mongol]; «aigle noir» bürgüt [mot mongol] + quš «oiseau» [mot turc]; «eau» usun [mot mongol]; «vin» darasun [mot mongol]; «mer, lac» na’ur [mot mongol] + tängiz «mer» [mot turc]; «fleuve, rivière» müren [mot mongol]+ su «eau» [mot turc], + ulan [?]; «sabre» üldü [mot mongol]; «arc» numun [mot mongol]; «flèche» sumun [mot mongol]; «possesseur, roi» melīk [mot arabe]; «chef, fonctionnaire, seigneur» noyan [mot mongol]; «grand seigneur» yeke noyan [mot mongol]; «peuple» irgen [mot mongol]+ el «gens, monde, peuple» [mot turc]; «ciel, bleu» kökö [mot mongol]; «soleil» naran [mot mongol]; «lune» sara [mot mongol]; «étoile» sarła [?] + hodun [mot mongol]; «clarté du jour» üdür [mot mongol]; «nuit» söni [mot mongol]; «secrétaire» bitikči [mot turc]. Quant au couple de mots baṙahur-ēlēp pour «satan», la signification de baṙahur n’a pas été découverte à ce jour, mais selon DE RACHEWILTZ 1989, p. 59-60, le mot ēlēp (satan) serait une altération par métathèse du terme mongol elbe/ilbe «magique». 20 Grigor Akner, IV, p. 26 (trad. Blake et Frye, p. 303) l’appelle Asar; Vardan, § 90, p. 149 (trad. Thomson, p. 217), Isawur; Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 511), Iosour; Step‘annos Ōrbēlean, chap. 66, p. 402 (Brosset, p. 227), Asawur; Djuwaynī (trad. Boyle, p. 712-713), Yasa’ur. Selon Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 409, 420), Yasâwûr Nâwîn envahit la Syrie, en 1244; atteint de dysenterie, il est soigné par le père de Bar Hebraeus. En 1255, il ravage Malaṭya. En 1256, il reçoit à Hamadān les ambassadeurs de Rukn al-Dīn Khurshāh (1230-1257), en juin de la même année il se rend à Alamūt pour combattre les Nizārites, mais se retire sur l’ordre du ilkhan Hülegü (1256-1265). Voir BOYLE 1975, p. 3536. 21 Voir CLEAVES 1949, p. 431. 22 Voir Kirakos, chap. 29.

CHAPITRE XXXIII

À PROPOS DE RABBAN (ṘABAN) LE SYRIEN (ASORI) [p. 276] Dieu qui pourvoit et qui veut que tous [les hommes] soient sauvés1, à cause de son amour des hommes2, fit apparaître parmi [les Tatars], un homme pieux et craignant le Seigneur, syrien de nation, connu comme le père de leur roi, appelé qa’an (xałan). Il se nommait Siméon (Simēon) mais on le qualifiait de Rabban-ata (atʻa)3, rabban signifiant en syriaque maître4 et ata en tatar (tʻatʻar) «père»5. Lorsqu’il apprit le cruel massacre de chrétiens perpétré par les troupes tatares, il se présenta devant le qa’an et lui réclama une lettre pour ses troupes afin que cesse le carnage de ces hommes innocents qui ne les combattaient même pas, et qu’elles les épargnent afin de les servir. Et le [qa’an] l’envoya en grande et magnifique pompe auprès de ses généraux avec un rescrit afin que tous se soumettent à son ordre. [Rabban] une fois arrivé accorda aux chrétiens de nombreuses faveurs, les sauvant de la mort et de la servitude. Il construisit aussi des églises dans les villes des tačikk‘ où on n’osait pas même prononcer le nom du Christ, notamment à Tabrīz (Tʻawrēž)6 et dans la ville de Naxčawan qui étaient 1

1 Tm II, 4, litt. «vivent». Ti III, 4. 3 Siméon Rabban-ata est un moine et un théologien nestorien († 1259) qui a joué un rôle prépondérant dans les relations entre l’Europe chrétienne et l’Église syriaque en Asie Centrale et en Chine. Après la mort du Kereit To᾽oril dont il était le conseiller, il passa au service de la famille de Činggis Qan. Le grand qan Ögödei, dès 1233, le nomme vicaire d’Orient pour le patriarche Sawricho V. Il fut également conseiller du successeur d’Ögödei, Güyük (1246-1251). En 1246, il rencontre à Tabrīz, le légat du pape Innocent IV, André de Longjumeau, venu établir un dialogue avec les Mongols. À la suite de leur rencontre, Siméon adresse deux lettres au pape et à Louis IX. Dans la première, Rabban-ata prend parti pour le pape contre l’empereur Frédéric II. La seconde lettre, adressée à Louis IX, est un long panégyrique du roi de France. Les lettres ont été publiées par CLAVERIE 2000. Voir PELLIOT, 1924, p. 225-262. À propos des communautés syriaques sous les Mongols, voir FIEY 1975. 4 Rabban est le titre syriaque ordinaire des religieux nestoriens, il signifie «maître» et par extension «moine». Voir à propos de l’Église syriaque, DAUVILLIER 1956, p. 76-87. 5 Le mot «ata» n’est pas mongol mais d’origine turque; il signifie «père, ancêtre». Ce terme joint au nom de personnage prenait le sens de «sage, saint, vénéré». Voir EI 2, I, p. 751. 6 Tabrīz est une ville d’Ᾱdharbaydjān oriental, située dans une région montagneuse, au centre d’un nœud de communication entre le plateau iranien et Trébizonde, Marāgha et le lac d’Urmiya, Ardabīl et la mer Caspienne. La ville se développa surtout à l’époque des Grands Saldjūḳides et au XIIIe siècle sous la domination mongole. Voir EI2, X, p. 42-51. 2

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particulièrement hostiles aux chrétiens, à tel point qu’ils n’osaient pas se montrer ou [p. 277] se promener, à plus forte raison ériger des églises ou des croix. Mais lui bâtit des églises, [dressa] des croix, fit retentir le carillon jour et nuit et procéder publiquement aux funérailles des défunts accompagnés de croix, de cierges allumés, de l’évangile et de la liturgie selon le rite des chrétiens. Il punissait de mort quiconque s’y opposait. Personne n’osait aller à l’encontre de ses ordres, mais toutes les troupes tatares lui rendaient honneur comme leur roi et n’envisageaient pas d’entreprendre quoi que ce soit sans lui. Ses gens qui pratiquaient le commerce, munis de son tamgha (tamła)7, c’est-à-dire de [son] signe écrit, circulaient librement à travers toutes les provinces et personne ne se hasardait à toucher ceux qui invoquaient le nom de Rabban. Tous les généraux des Tatars lui offraient des cadeaux [prélevés] sur leurs butins. C’était un homme aux mœurs sobres, que ce soit pour le manger ou pour le boire: il prenait un peu de nourriture, une fois par jour, le soir. Ainsi Dieu visita son peuple en exil par l’entremise de cet homme. Il baptisa beaucoup de Tatars et tous, à cause de ses mœurs admirables, magnifiques et splendides, le redoutaient et tremblaient devant lui. [p. 278] [Les événements] ainsi dépeints eurent lieu, en cet endroit, en 690 (= 1241/1242) du comput arménien; à cette époque la royauté arménienne, dans les régions de Cilicie (Kilikec‘woc‘) était [sous la domination] du pieux Het‘um, sous le commandement de son frère Smbat le brave; [durant les jours] de son père Kostandin, išxan des išxan8, sous le catholicossat du vieux et vertueux Kostandin9 occupant le saint siège de Grigor au château romain (Klay Hṙomayakan)10, sous l’archiépiscopat de tēr Barseł, 7 Tamgha/tamġa, ce mot d’origine turque désigne le signe de propriété, l’emblème et par extension le sceau. Ce sceau, sorte de sauf-conduit accordé par les chefs mongols, donnait normalement lieu à la perception de droits. Voir BUELL 2003, p. 261. 8 Kostandin de Papeṙon, de la dynastie des Het‘umides, exerça la régence à la mort de Lewon descendant de Ṙubēn, durant la minorité de l’héritière du trône Zapēl mariée à Philippe, fils cadet de Bohémond IV d’Antioche. En 1225, les išxan de Cilicie se débarrassent de Philippe. Après quoi, écrit Kirakos (chap. 9, p. 189): «Le grand išxan Kostandin persuada le catholicos et les autres grands de couronner son fils Het‘um, vigoureux de corps et d’un physique agréable. La reine refusa d’épouser le garçon, se rebella et alla chez les Francs à Séleucie, car sa mère était une Franque de l’île de Chypre.» Le mariage de Het‘um et de Zapēl marqua la fin des rivalités entre les deux dynasties et l’avènement des descendants des Het‘umides en Cilicie. Voir MUTAFIAN 2012, I, p. 347-348. 9 Kostandin I Barjrberd (1221-1267). 10 La forteresse de Hṙomkla ou Ṙum ḳal῾a («le château romain») sur la rive droite de l’Euphrate, devint vers 1150 le siège du catholicossat arménien jusqu’en 1292. D’après Vardan, § 75, p. 128 (trad. Thomson, p. 206), la veuve du comte Jocelyn d’Édesse, Béatrice

À PROPOS DE RABBAN (ṘABAN) LE SYRIEN (ASORI)

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frère du roi Het‘um qu’on gardait comme vicaire du saint siège catholicossal, sous le catholicossat des Ałuank‘ du doux et charitable tēr Nersēs11 qui durant ces jours demeurait dans le monastère appelé Xamši12, dans le canton du Miap‘or, sous l’archiépiscopat du fils de son frère, Yovhannēs, qui venait d’être consacré archevêque, sous la tyrannie des Tatars [qui s’exerçait] partout; à l’époque j’avais quarante ans, plus ou moins.

de Courtenay, aurait offert la forteresse au catholicos Grigor Pahlawuni. Michel le Syrien, III, fasc. 3, livre XVII, 12 (éd. et trad. Chabot, p. 297) affirme que le catholicos «usa de ruse et de fourberie (…)» pour obtenir cette forteresse, «le catholicos Krikor lui-même se fixa à Qala Romaita». Voir MUTAFIAN 2012, I, p. 481-482. 11 Nersēs succède à son frère Yovhannēs comme catholicos en 1235. Voir Kirakos, chap. 10, p. 201. 12 Voir Kirakos, chap. 6, note 11.

CHAPITRE XXXIV

À PROPOS DE LA DESTRUCTION DE THEODOSIOPOLIS (T‘ĒODUPŌLIS) Au commencement de [l’année] 691 (= 1242/1243) du comput arménien1, un édit du qa’an (xałan) parvint à ses troupes et ses généraux postés dans l’Est pour qu’ils instituent comme général [p. 279] et chef à la place de Čormaqan (Č‘armałun) devenu muet, un soldat du nom de Baiǰu-Qorči (Bač‘u-xurč‘i)2 que le sort avait désigné pour le commandement; en effet ils avaient [coutume] d’user de présages. Dès que [Baiǰu] parvint au pouvoir, il rassembla aussitôt, sous sa domination les troupes de toutes les nations, puis se dirigea vers le pays d’Arménie (Haykʻ) qui était sous l’autorité du sultan de Rūm (Hoṙom)3. Ayant atteint le canton de Karin, il encercla Theodosiopolis, appelée désormais ville de Karin, et mit le siège autour d’elle4. Il envoya des ambassadeurs aux [habitants] pour qu’ils rentrent dans son obéissance. Mais ils ne voulurent pas se soumettre, renvoyèrent les messagers ignominieusement et montèrent sur les murailles pour les accabler d’injures. Voyant qu’ils ne souhaitaient pas la paix, les chefs se partagèrent, de toutes parts, la muraille de la ville pour l’abattre entièrement. Ils se hâtèrent de dresser de nombreuses catapultes et renversèrent les murailles. Pénétrant à l’intérieur, ils les donnèrent tous, sans pitié, en pâture à l’épée. Ils pillèrent les biens et les richesses puis mirent le feu à la ville. À l’époque la ville était fortement peuplée, elle regorgeait de chrétiens et de tačikk‛ car tout le canton était rassemblé là. Il y avait là quantités d’exemplaires de divins Testaments [ayant appartenu] aux grands comme aux petits; les étrangers s’en emparèrent et revendirent les plus onéreux à des prix insignifiants aux chrétiens de 1

Selon Grigor Akner, VI, p. 28 (trad. Blake et Frye, p. 307), la prise de Theodosiopolis date de 1239, ce qui est peu probable puisque Baiǰu n’est pas encore à la tête des troupes mongoles. 2 Voir chapitre 29. À propos du nom de Baiǰu et du terme de qorči qui signifie «porteur de carquois», voir PELLIOT 1924, p. 304-307. 3 Il s’agit du sultan Ghiyāth al-Dīn Kaykhusraw II (1237-1246). Voir Kirakos, chap. 28, note 1, p. 260. 4 Le siège de la ville dura deux mois selon Grigor Akner, VI, p. 28 (trad. Blake et Frye, p. 307).

À PROPOS DE LA DESTRUCTION DE THEODOSIOPOLIS (T‘ĒODUPŌLIS)

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leur armée [p. 280]. Ceux-ci les prirent avec joie et les redistribuèrent dans leur canton, aux églises et aux monastères5. En outre, les išxan chrétiens Awag et Šahnšah, Ałbuła fils de Vahram, Grigor Xač‘ēnec‘i fils de Dōpʻ6, un homme craignant le Seigneur, et leurs troupes — que le Christ les récompense — rachetèrent beaucoup de prisonniers, hommes, femmes, enfants, évêques, prêtres, diacres autant que cela était possible. Ils les libérèrent tous, les laissant aller où bon leur semblait. [Les Tatars] non seulement ruinèrent la ville de Karin, mais aussi beaucoup de cantons qui étaient sous la domination du sultan des Rūm. Le sultan ne put absolument pas les secourir, parce qu’il s’était caché, terré par crainte [des Tatars]7; on disait même qu’il était mort. Alors, l’armée des Tatars (T‘at‘ar) après avoir terminé cela s’en retourna joyeusement, avec beaucoup de butins, dans le pays des Ałuank‘, dans leur lieu d’hivernage, dans la fertile et féconde plaine appelée Mūghān (Mułan) et y passa l’hiver.

5 Grigor Akner, VI, p. 28 (trad. Blake et Frye, p. 307, 309), ne mentionne pas de commerce entre les Tatars et les soldats chrétiens à propos des livres religieux. Ce sont les išxan arméniens et ibères faisant partie des troupes tatares qui récupèrent les livres religieux de la ville pour les envoyer dans l’Est. 6 Dōp‘ est la sœur d’Iwanē et Zak‘arē. Voir AnjB, II, no 1, p. 87 et MUTAFIAN 2012, I, p. 287. 7 Le sultan s’était replié dans sa résidence de Ḳubādābād, sur la rive occidentale du lac Beyṣehir, à 100 km au sud-ouest de Ḳonya, en attendant le retour de ses troupes retenues en Asie centrale par la révolte des tribus turkmènes du Taurus Oriental et d’Amasya. À propos de la situation du sultan à la veille de l’attaque mongole, voir CAHEN 1988, p. 90 sq.

CHAPITRE XXXV

À PROPOS DE LA GUERRE ENTRE LE SULTAN ET LES TATARS (T‘AT‘AR) [p. 281] Tandis que l’armée des Tatars s’était installée en sécurité dans toutes les plaines d’Arménie (Haykʻ) et du [pays] des Ałuank‘, des ambassadeurs vinrent de la part du sultan Ghiyāth al-Dīn (Łiat‘adin); [ils eurent] des propos hautains et menaçants, suivant la coutume des tačikk‘: «Ainsi vous estimez en détruisant une ville, l’avoir vaincue, elle et sa puissance. Mes villes sont innombrables et mes armées incalculables. Maintenant demeurez où vous êtes et moi, en personne, je viendrai vous voir pour vous combattre.» Par de nombreux autres propos analogues, ils firent montre d’un orgueil démesuré, [un des] messagers dit: «Le sultan viendra avec femmes et soldats dans la plaine de Mūghān (Mułan) pour hiverner, l’hiver qui suivra cet été.» Lorsque [les Tatars] entendirent cela, ils ne s’indignèrent en rien et ne proférèrent aucune parole dure à leur encontre, et leur chef Baiǰu noyan (Bač‘u nuin) répondit ceci: «Vous criez d’une manière bien forte, mais la victoire sera à qui Dieu l’accordera». Ainsi les uns après les autres des ambassadeurs se succédèrent pour pousser [les Tatars] à combattre. [p. 282] Mais eux ne se dépêchaient pas, au contraire ils rassemblaient paisiblement leurs troupes et ceux qui étaient sous leur domination, puis ils se rendirent dans le pays d’Arménie dans un endroit herbeux1 avec tous leurs impedimenta, pour faire engraisser leurs coursiers; et tranquillement ils s’approchèrent du camp du sultan. Celui-ci était venu de sa résidence dans le pays d’Arménie [qui était] sous sa domination, tout près d’un bourg nommé Č‘man-katuk2, avec une multitude incalculable3 de femmes et de concubines, d’or et d’argent, et toutes sortes ALIŠAN (édition Kirakos 1865), note 2, p. 154 fait remarquer qu’au nord-ouest d’Erzincan (dans la région où la bataille se déroule) il y a une montagne appelée en langue turque Č‘imenkedig («le défilé herbeux»). 2 Voir Grigor Akner, VI, p. 29 (trad. Blake et Frye, p. 309) la bataille s’est déroulée dans une plaine entre Erzincan et Erzurum, à 80 km au nord-ouest de Sivas. Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 407) écrit que les Tatars et les troupes du sultan se rencontrèrent à «Kâwsâṭagh’ that is to say, Tûrâ Mesanṭâ». Voir à propos de la bataille de Köse Dagh (26 juin 1243), qui ouvrit l’Asie Mineure aux Mongols, le chapitre d’Ibn Bībī (trad. Duda, p. 224-230). 3 D’après l’Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 519), le nombre des cavaliers du sultan s’élevait à 400 000; selon Grigor Akner, VI, p. 29 (trad. Blake et Frye, p. 309), 1

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d’ustensiles4 somptuaires. Il apportait également avec lui, pour se distraire, des bêtes sauvages qu’il entretenait et de nombreuses autres bêtes rampantes jusqu’à des souris et des chats5, car il voulait ainsi se montrer sans peur aux troupes. Le général Baiǰu, avec son habile sagesse, divisa les troupes en plusieurs corps [qu’il remit] aux mains de chefs courageux; quant aux troupes étrangères constituées de diverses nations, elles furent réparties entre eux afin qu’elles ne complotent pas. Puis, il choisit les hommes les plus vaillants et braves qui constituèrent l’avant-garde; elles vinrent à la rencontre des troupes du sultan, les combattirent et les mirent en fuite6. Le sultan aussi s’échappa7 [p. 283] de justesse, il abandonna sur place ses effets et ses 160 000 soldats de l’armée du sultan étaient présents; d’après Ibn Abī᾿l Ḥadīd al-Madā᾿inī (trad. Djebli, p. 64) 100 000 cavaliers et fantassins faisaient face à 20 000 Mongols. Quel que soit le chiffre exact, les sources sont unanimes pour dire que les forces du sultan Ghiyāth al-Dīn étaient plus importantes que celles des Mongols, mais elles étaient très hétéroclites. En effet, le sultan avait rappelé les troupes de très loin et convoqué des contingents qui englobaient à la fois ses alliés, ses vassaux et ses anciens ennemis (Arméniens, Grecs de Trébizonde, Francs, troupes d’Alep…). Voir Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 406-407). 4 À propos des trésors, voir Grigor Akner, VI, p. 30 (trad. Blake et Frye, p. 311); Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 519): «[Les Mongols et les Ibères] recueillirent de riches dépouilles, en or, en argent, en vêtements; des chevaux, des mulets, des chameaux pris, on ne put en savoir le compte.» 5 Selon le témoignage de Grigor Akner, VI, p. 30 (trad. Blake et Frye, p. 311), il y avait un léopard, un lion et une panthère dans la tente du sultan. 6 Sur le récit de la bataille, voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 519): «Les Thathars se rangèrent également et placèrent leurs meilleures troupes à gauche. Ils agissaient de la sorte, parce que les autres peuples ayant l’habitude d’assigner la droite à l’élite de leurs braves, de cette manière ils opposaient leurs meilleurs soldats aux meilleurs de l’ennemi. Ils avaient des bannières rouges (…), les Thathars poussèrent ce cri affreux: Ahla! Ahla! Ahla! mots inconnus et difficiles à traduire. Après ce cri, trois fois répété, ils commençaient la charge. Placés au premier rang, les Géorgiens combattirent avec bravoure, et il s’engagea une chaude mêlée, où périrent quantité de soldats du sultan. Son général, l’illustre Dardan Charwachidzé, Aphkhaz, ayant succombé, les troupes du sultan tournèrent le dos, poursuivies par les Thathars et par les Géorgiens, qui en firent un horrible carnage, ainsi que beaucoup de prisonniers.» Le récit de Grigor Akner est plus précis, VI, p. 28-30 (trad. Blake et Frye, p. 309-311): «the cause of the victories were the Armenian and Georgian princes who were first in the vanguard (…). Then the Georgian prince, the lord of Gag, son of the great Vahram, grandson of Plu Zak‘arē, Ałbuła by name, bravely fought against the forces of the Sultan, with the other nobles of the forces of the Armenians and Georgians who were with him. They put to flight the right wing of the army of the Sultan (…). As the day turned to evening they ceased the battle and encamped opposite one another on the level plain which lies between the town of Karin and that of Erznkayin (Erzinjan). But when the next day dawned the army of Tat‘ars joined with the Armenians and Georgians to go forth against the Sultan in battle. (…) When they came to the camping ground [of the Sultan] they did not find anything (…).» 7 Le sultan se sauva jusqu’à Anḳara et sa famille gagna la Cilicie, voir Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 407).

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richesses. [Les Tatars] poursuivirent les troupes [de fuyards], les tuèrent sans ménagement en les donnant en pâture à l’épée, puis ils revinrent dépouiller ceux qui étaient tombés. Arrivés au camp principal, voyant que le sultan avait fui, que son armée était battue, [les Tatars] commencèrent alors à mener des incursions, dans toutes les directions, pillant et ravageant beaucoup de cantons, rassemblant or et argent, vêtements onéreux, chameaux, chevaux, mules et un nombre incalculable d’animaux. Ils vinrent encercler la ville de Césarée de Cappadoce (Kesaria Kapadovkac‘i), ils l’assiégèrent, la prirent de force, et comme les habitants ne voulaient pas accepter de se rendre, ils les passèrent par le fil de l’épée et pillèrent tout ce qu’il y avait, laissant la ville déserte. Puis, ils se rendirent à Sébaste (Sebastia), comme les habitants de la ville s’étaient soumis auparavant et étaient venus à leur rencontre avec des cadeaux et des présents, ils ne firent pas le moindre tort [à la population] et ne pillèrent qu’une partie de la ville. Ayant conquis la ville en leur nom, ils nommèrent des gouverneurs et ils partirent. Ils vinrent assiéger Erzincan (Eznkan)8, livrèrent de nombreux combats contre elle, mais les habitants de la ville parvinrent à donner de nombreux coups à l’armée des Tatars. Alors ils commencèrent traîtreusement à les attirer dehors sous prétexte d’amitié; [p. 284] ils y consentirent n’ayant d’aide de nulle part. [Les Tatars] leur tombèrent dessus avec leurs épées et les massacrèrent tous ensemble, hommes et femmes, ne laissant vivre que quelques jeunes garçons et filles qui furent conduits en captivité et en esclavage9. Ayant ainsi ravagé et réduit à l’esclavage beaucoup de cantons et provinces, ils allèrent dans la ville appelée Divigri (Tiwrikē)10. Les habitants, qui savaient qu’il ne leur était pas possible de les affronter, se soumirent à leur volonté. [Les Tatars] prirent beaucoup de richesses et laissèrent la 8 Erzincan se situe en Anatolie orientale, sur la rive droite du Karasu, affluent de l’Euphrate, dans une plaine entourée de hautes montagnes, voir HÜBSCHMANN 1969, p. 286. Dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, Marco Polo (trad. Hambis, chap. XXII, p. 70-71), qui traversa l’Arménie, écrit: «[L’Arménie] commence à une cité appelée Arçingan [Erzincan] (…), les gens sont pour la plus grande part Arméniens, et sujets des Tartares. Il y a maints villages et bonnes cités. Mais la plus noble de tout le royaume est Arçingan, qui a un archevêque gouvernant les Chrétiens». Un siècle plus tard, Ibn Baṭṭūṭa (trad. Defremery et Sanguinetti, II, p. 162) décrit Erzincan en ces termes: «[Erzincan] est une cité grande et peuplée; la plupart de ses habitants sont des Arméniens et les musulmans y parlent la langue turque.» 9 Voir Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 408-409). 10 Divigri est l’ancienne Tepkrikè byzantine, la ville se situe aux confins de l’Arménie et de la Cappadoce. Voir «Diwrīgī» dans EI2, II, p. 349-350.

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ville sans dommage; ils partirent fort joyeux avec un butin important pour leurs camps d’hiver qui sont en Arménie et chez les Ałuank‘. Ils [rentraient] sains et saufs et sans perte, car la défaite de toutes les nations et leur ruine étaient [la volonté] du Seigneur. Mais les chrétiens enrôlés parmi leurs soldats délivrèrent, ouvertement ou secrètement, beaucoup de prisonniers, des prêtres et des religieux. En particulier, les grands išxan Awag et Šahnašah, Vahram et son fils Ałbuła, ceux du Xač‘ēn, Jalal Hasan et ses soldats, ses parents, Grigor, fils de Dōp‘, la sœur de la mère de Jalal et d’autres išxan et leurs troupes [en délivrèrent] autant qu’ils pouvaient. Cela se passa en 692 (= 1243/1244) du comput arménien.

CHAPITRE XXXVI

À PROPOS DU ROI D’ARMÉNIE HET‘UM1 ET DE CE QU’IL FIT Une fois ces événements accomplis, le roi Het‘um, maître du pays de Cilicie (Kilikec‘woc‘ ašxarh) et de ces provinces-là, dès qu’il comprit que le sultan avait été vaincu [p. 285] par les [Tatars], leur envoya des ambassadeurs et des présents adéquats pour conclure un pacte de paix et rentrer dans leur obéissance. Arrivés à la grande porte, ils se présentèrent par l’entremise de l’išxan Jalal à Baiǰu noyan (Bač‘u nuin), ainsi qu’à Altani qatun (Elt‘ina xat‘un)2, épouse de Čormaqan (Č‘armalan), et aux autres grands nobles. Après avoir entendu les messages du roi et avisé les cadeaux, ils demandèrent qu’on leur livre en main propre la mère du sultan, sa femme et sa fille qui s’étaient enfuies et réfugiées [auprès de Het‘um]. En apprenant cela le roi Het‘um fut extrêmement attristé et dit: «Il aurait mieux valu que cela fût mon fils Lewon3 qu’ils me réclamassent plutôt qu’eux.» Toutefois, parce qu’il était effrayé par eux et que tout refus occasionnerait un grand malheur, bon gré mal gré, il les leur livra, [remettant] de nombreux cadeaux à ceux qui étaient venus les chercher. Ils furent amenés et présentés à Baiǰu ainsi qu’aux autres chefs. À leur vue, [les Tatars] furent ravis, ils honorèrent avec déférence les envoyés du roi et assignèrent des sommes pour leur entretien4 et celui de leurs coursiers durant la saison d’hiver, afin que le printemps venu, ils puissent regagner avec eux leur pays. Ils établirent des liens d’amitié avec le roi et lui donnèrent, conformément à leur croyance, un document écrit qu’ils appellent al-tamgha (ēl-tamła)5. [p. 286] Ils attendirent ainsi jusqu’à la saison du printemps [l’occasion] de marcher une nouvelle fois contre le sultan et son pays.

Het‘um Ier (1226-1269). Voir MUTAFIAN 2012, I, p. 117-120 Qatun est le titre porté par les épouses et les parentes des souverains mongols. 3 Lewon II (1271-1289). Voir MUTAFIAN 2012, I, p. 160-170. 4 Litt. «pension». 5 Ici le terme désigne le sceau vermillon que les qan Mongols attachent au bas de leur document, voir PELLIOT 1930, p. 35-36. À propos du terme al-tamgha/tamġa, voir LIGETI 1965, note 67, p. 257. 1 2

CHAPITRE XXXVII

À PROPOS DE KOSTANDIN IŠXAN DE LAMBRŌN1 ET CE QU’IL FIT DANS LE PAYS DE CILICIE (KILIKEC‘WOC‘ AŠXARH) Du vivant du roi Lewon2, il y avait dans son pays une citadelle tout à fait imprenable, nommée Lambrōn. L’išxan qui la gouvernait, appelé Het‘um3, se révolta contre lui. [Lewon] essaya à plusieurs reprises de soumettre le rebelle, sans succès. À la fin, il le trompa perfidement prétextant une alliance: il donnerait la fille de son frère4 en mariage à son fils Ōšin. Puis il se saisit de lui et de ses fils, les tortura [jusqu’à ce qu’] ils lui donnent la forteresse. Une fois prise, il y installa sa mère, la dame des dames, puis il écrivit un serment plein d’imprécation: «[La forteresse] ne sera donnée à aucun autre išxan, elle sera désormais uniquement propriété royale, car leurs tēr se rebellent continuellement à cause de la solidité de ses fortifications5.» À la mort de Lewon, sa fille Zapēl6 exerça la royauté et l’išxan des išxan, Kostandin [de Papeṙōn]7 se mit d’accord avec le catholicos (kat‘ołikos) [p. 287] Yovhannēs8 et les autres išxan pour couronner son fils Het‘um, 1 Lambrōn: aujourd’hui Çamliyayla, la citadelle se situe près des pyles ciliciennes, à 40 km au nord-ouest de Tarse. Voir HŠTB, II, p. 558-559. 2 À la fin du XIIe siècle, en Cilicie, une famille arménienne, les Ṙubénides (du nom de leur ancêtre Ṙubēn), s’impose et parvient à fonder un nouveau royaume, voir MUTAFIAN 2012, I, p. 49-90. L’išxan Lewon est couronné roi d’Arménie à Tarse, le 6 janvier 1198, sous la suzeraineté du Saint Empire et de la Papauté. À propos de Lewon Ier (1198-1219), voir Kirakos, chap. 9, p. 187-191 et MUTAFIAN 2012, I, p. 91-111. 3 Il s’agit de Het‘um Hełi de Lambrōn (1151-1218), voir MUTAFIAN 2012, I, p. 337345. 4 Le nom de son frère était Ṙubēn (1187). 5 Selon Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 210-211 (trad. Dédéyan, 36, p. 82), le roi Lewon propose Philippa, la fille de son frère Ṙubēn, au fils aîné de Het‘um de Lambrōn, Ōšin. Het‘um se rend à Tarse pour ce prétendu mariage, mais il est emprisonné avec toute sa famille. Il est relâché au bout de quelque temps. Il prend à la fin de sa vie l’habit monastique sous le nom de Hełi. Le roi Lewon lui donne alors le couvent de Drazark. 6 À propos de Zapēl (1219-1252), voir MUTAFIAN 2012, I, p. 432. 7 D’après Kirakos, chap. 9, p. 187, Kostandin de Papeṙōn (1219-1263), père du connétable Smbat (1208-1276), et sire Adam sont nommés ensemble, en 1219, išxan des išxan par le roi Lewon pour exercer la régence du royaume. 8 C’est le catholicos Kostandin de Barjrberd (1221-1267) et les išxan arméniens qui choisirent Het‘um, fils de Kostandin de Papeṙōn comme roi et non Yovhannēs. Kirakos, chap. 9, p. 190, se trompe en plaçant l’élection de Kostandin de Barjrberd après l’intronisation de

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P. BOISSON

un enfant [encore] jeune9. Il l’envoya comme époux à la fille de Lewon, à la place du fils du prince qui avait été arrêté et jeté en prison10. [Kostandin de Papeṙōn] désireux de faire alliance avec le fils de Het‘um [de Lambrōn], Kostandin [de Lambrōn] son homonyme; le fils de Het‛um [de Lambrōn] son beau-frère11, lui [re]donna Lambrōn [comme] leur propriété, et le fit t‘agadir12 de son fils. Mais au bout de quelques jours, suivant leur coutume ancestrale [l’išxan de Lambrōn] se révolta contre le roi Het‘um, le fils de sa sœur. Bien que Kostandin, le père du roi, ainsi que le roi lui-même aient tenté de nombreuses fois de le persuader de se soumettre, ils ne le purent car il était soutenu par le sultan de Rūm (Hoṙom), de la sorte il demeura en état de rébellion. Lorsque le sultan de Rūm s’enfuit devant les Tatars (T‘at‘ar)13, le roi s’empara de tous les villages et les champs de Lambrōn; seule la citadelle qui s’était rebellée, resta aux mains de [l’insoumis]. Puis Kostandin [de Lambrōn] envoya des ambassadeurs auprès du roi, réclamant une réconciliation; en échange, ses fils entreraient au service du roi et lui demeurerait dans sa citadelle. Le roi n’y consentit pas. À deux ou trois reprises, il envoya [des émissaires], mais de la même manière le roi et son père n’acceptèrent pas. Puis Kostandin se rendit à Ḳonya (Kōnn)14; il reçut des troupes du sultan de Rūm, désormais ennemi du roi pour avoir livré aux Tatars sa Het‘um en 1226. Le catholicos Yovhannēs, «parent» de Lewon, accède au trône patriarcal, en 1203 (Kirakos, chap. 3, p. 149), mais très rapidement les rapports entre les deux hommes s’enveniment et le catholicos se retire en 1207 à Hṙomkla, tandis que le roi fait élire un nouveau catholicos, Dawit‛, plus conciliant à son encontre. À la mort de Dawit‛, en 1212, le roi Lewon rappelle le catholicos Yovhannēs. Quelles que soient les causes de la querelle entre le roi Lewon et le catholicos Yovhannēs, elles sont vraisemblablement liées aux relations du roi avec la chrétienté latine, mais peut-être aussi, comme le signale le texte du géographe du XIIIe siècle, Yāḳūt (voir BERBÉRIAN 1966, p. 241-242), par son comportement sexuel «contraire à la religion chrétienne». Le roi Lewon est qualifié par Kirakos (chap. 3, p. 159) de իգասէր (litt. «qui aime les femmes»). À propos de la vie sexuelle des derniers rois arméniens, voir MUTAFIAN 2009, p. 136-147. À propos de l’union de Zapēl et de Hetʻum, voir MUTAFIAN 2012, I, p. 117-118. 9 Het‘um Ier (1226-1269). 10 Philippe d’Antioche, premier époux de Zapēl, voir MUTAFIAN 2012, I, p. 115-116. 11 Kostandin de Papeṙōn avait épousé une fille de Het‛um Hełi de Lambrōn, Alic (Alice), voir AnjB, II, no 57, p. 659-660. Voir RÜDT-COLLENBERG 1963, p. 59 sq. Il faut traduire le terme աներ non pas comme beau-père mais comme beau-frère. 12 À propos du terme t‘agadir «couronneur de roi», voir GARSOÏAN 1989, p. 563. 13 En juin 1243, après la bataille de Köse Dagh. 14 Ḳonya, antique Iconium, en Anatolie Centrale fut la résidence des Saldjūḳides de Rūm. Au début du XIIe, le sultan Saldjūḳide Mas῾ūd (1116-1156) développa la ville et en fit sa capitale. En 1190, l’empereur Frédéric Barberousse (1122-1190) qui la traversa la

DE KOSTANDIN IŠXAN DE LAMBRŌN

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mère. [p. 288]. Il arriva inopinément tandis que les troupes royales étaient dispersées, [chacune] dans son propre territoire; il pénétra dans le pays, dévasta beaucoup de bourgs, de domaines, brûlant, tuant et réduisant à l’esclavage. Il massacra et dépouilla de leurs biens beaucoup de chrétiens ainsi par vengeance il infligea au pays beaucoup de calamités15. Lorsque le roi vit ces maux, il rassembla son armée et se lança avec vaillance contre la multitude, donnant en pâture à son épée tout le monde. L’išxan rebelle échappa seul avec un petit nombre [d’hommes]. Battu ainsi sept fois par le [roi], il regagna sa forteresse et n’eut plus la prétention [de faire un pas] ni à droite ni à gauche.

compara à Cologne. Au début du XIIIe siècle, la ville perdit de son importance à partir de l’occupation mongole. À propos de l’histoire de la ville, voir EI2, V, p. 251-254. 15 Selon Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 226 sq., par deux fois, les Saldjūḳides, voulant se venger des Arméniens de Cilicie qui avaient livré la famille du sultan aux Mongols, pénétrèrent en Cilicie. En 1245, Kostandin de Lambrōn et leur cavalerie assiégèrent Tarse durant six jours, puis quittèrent le territoire cilicien pour Kuklak [= Gülekkale], poursuivis par le roi, son père et le connétable Smbat. Un an plus tard, en 1246, avec 260 000 hommes, ils revinrent assiéger Tarse. Les Mongols, alliés des Arméniens envoient des émissaires au sultan lui demandant de retirer ses troupes. Le sultan qui demeurait dans la forteresse de Kalōnōṙōs [= Alanya] meurt et ses émirs négocient leur départ avec le roi Het‘um en échange de la forteresse de Pṙakana [= Alaklise Köy Hisar]. Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 410) ne relate qu’une seule et unique attaque des Saldjūḳides contre la Cilicie en 1245, de même qu’Ibn Bībī (trad. Duda, p. 237-239) et Het‘um (éd. Hakobyan, p. 51 et éd. Mat‘evosyan, p. 81, trad. Chevalier, p. 736).

CHAPITRE XXXVIII

À PROPOS DU RÈGNE DE DAVID (DAWIT‘) La nation rusée et rouée des Archers envoya maintes fois des messages à la reine d’Ibérie (Virk‘), Rusudan (Ṙuzudan) pour qu’elle se rende auprès d’eux ou qu’elle leur livre son jeune fils David1 avec des troupes. Elle n’en fit rien mais remit quelques soldats aux mains d’Awag, le fils d’Iwanē, qui faisait partie de l’armée tatare (t‘at‘ar). Elle leur fit dire: «Tant que mon émissaire que j’ai mandaté auprès du qa’an (xałan), votre roi, n’est pas revenu, je ne peux pas me rendre auprès de vous.» Quand [les Tatars] eurent défait son gendre2 le sultan de Rūm (Hoṙom), et saisi plusieurs de ses villes, ils dépêchèrent l’išxan Vahram pour qu’il rentre dans leur obéissance. À son retour, il amena avec lui [p. 289] le fils du roi d’Ibérie3, Giorgi Lasha (Grigor Laša), frère de la reine Rusudan qui l’avait expédié perfidement avec sa fille au sultan de Rūm, pour qu’il le fasse périr, de sorte qu’il n’attente pas à la royauté. Il était donc retenu dans les geôles du sultan4. Vahram le récupéra et informa l’armée des Tatars (T‘at‘ar): «Le fils de notre roi a été indûment dépouillé de sa souveraineté.» Alors ceux-ci l’intronisèrent en opposition à sa tante; ils acceptèrent qu’il soit oint selon la coutume chrétienne, que tous les išxan de son père rentrent dans son obéissance et qu’il réside dans la ville de Tpʼilisi (Tp‘xis). Les grands išxan aux ordres des Tatars, tels le général Awag, Šahnšah, fils de Zak‘arē5, Vahram 1

C’est-à-dire David (1247/1250-1289) dit David Narin («cadet»), à propos de son règne, voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 543-586) et SALIA 1983, p. 222-235. 2 Voir le chapitre 22. Rusudan avait épousé le fils du Saldjūḳide de Karin, Mughīth al-Dīn Toghril, dont elle eut une fille Tʼamar qu’elle donna en mariage au sultan Ghiyāth al-Dīn Kaykhusraw (1237-1246); le mariage fut conclu probablement en 1239-1240, voir Ibn Bībī (trad. Duda, p. 219) et Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 403). 3 Il s’agit de David (1247-1270) dit David Ulu («aîné»), fils de Giorgi Lasha. À propos de son règne, voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 543-586) et SALIA 1983, p. 222235. 4 D’après Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 524-527), pour «assurer la royauté à son fils» Rusudan se débarrasse de son neveu David en l’accusant de commettre l’adultère avec sa fille Tʼamar auprès de son gendre, le sultan Ghiyāth al-Dīn Kaykhusraw. Voir aussi Step‘annos Ōrbēlean, chap. 66, p. 421-422, (trad. Brosset, p. 235), Grigor Akner, VIII, p. 32-34 (trad. Blake et Frye, p. 315, 317). 5 Nous préférons lire les leçons des manuscrits cfhnops et l’édition de Venise: Zak‘arē et non Zak‘aria.

À PROPOS DU RÈGNE DE DAVID (DAWIT‘)

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et son fils Ałbuła, le conduisirent à Mcʼxetʼa (Mcxit‘a)6. Ils appelèrent aussi le catholicos (kat‘ołikos) d’Ibérie7 pour le consacrer roi. Son nom était David8. Lorsque sa tante Rusudan apprit cela, elle s’enfuit en Apʼxazetʼi (Ap‘xazēt‘)9 et en Suanetʼi (Suanēt‘)10 avec son fils, l’autre David. Elle envoya des émissaires à l’autre général des Tatars, du nom de Batu (Bat‘u)11, parent du qan (łan) et son second, commandant des troupes qui étaient chez les Russes (Ṙuzk‘), les Ossètes (Ōsēt‘k‘)12 et à Derbend (Darband), [p. 290]. Elle lui offrit sa soumission. Alors [Batu] lui donna l’ordre de demeurer à Tpʼilisi, sans que les autres [Tatars] ne s’y opposent car entretemps le qan était mort.

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Mcʼxetʼa, au confluent du Kur et de l’Aragvi, fut l’ancienne capitale d’un royaume qui disparut au VIe siècle, voir TOUMANOFF 1963, note 121, p. 89. 7 Il s’agit du catholicos Nicoloz II (1240-1280). 8 David, après avoir été libéré, se rend auprès de Batu (1227-1255) puis à Qaraqorum où il resta cinq ans. Il y était présent en 1246, lors de l’élection de Güyük (1246-1248) comme grand qan, voir Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 181), Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 537-543), Grigor Akner, VIII, p. 32-34 (trad. Blake et Frye, p. 315, 317). 9 Apʼxazetʼi, au nord-ouest de la Géorgie entre le Caucase et la mer Noire, voir HEWSEN 2001, carte 110, p. 130. 10 Dans la vallée du Rioni et de l’Inguri, voir HEWSEN 2001, carte 110, p. 130. 11 Batu (1227-1255), fondateur de la Horde d’Or, est le second fils du fils aîné de Činggis Qan. Il réussit à soumettre de grandes parties de la Russie ainsi que le Caucase du nord. En 1241, à la mort du grand qan Ögödei, son frère, son territoire s’étendait à l’ouest jusqu’à l’embouchure du Danube et aux principautés russes, au sud jusqu’au Caucase y compris la mer d’Aral pour atteindre à l’est la vallée de Talas. À propos des limites de son territoire, voir Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 115-126) et Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 522): «Ce Batou-Qaen, qui occupait le premier rang, et qui était maître de l’Oseth, du Grand Qiphtchaq, de la Khazarie et de la Russie, jusqu’aux pays ténébreux et jusqu’à la mer de Derbend (...)». Voir également ROUX 1993, p. 325-327; GROUSSET 1965, p. 328 sq.; EI2, I, p. 1138-1141. 12 À propos du nom Ossète, voir PELLIOT, Notes on Marco Polo, 1959, p. 18 et 19; articles «Alān» (EI2, I, p. 365) et «Ossètes» (EI2, VIII, p. 182-183).

CHAPITRE XXXIX

À PROPOS DE LA CONVOCATION DU CATHOLICOS (KAT‘OŁIKOS) DES AŁUANK‘ TĒR NERSĒS1 À LA GRANDE PORTE Tandis que l’armée des Tatars (T‘at‘ar) prenait ses quartiers d’hiver dans les plaines d’Arménie (Hayk‘) et [du pays des] Ałuank‛, Rabban (Ṙaban) le Syrien (Asori), évoqué plus haut2, entendit parler du catholicos des Ałuank‘; il prévint qatun Altani (Elt‘ina xat‛un) — la femme de Čormaqan (Č‘armałun) exerçait le pouvoir depuis qu’il était devenu muet — (lui disant): «Le chef des chrétiens de ces régions siège en secret et il ne vient pas nous voir.» Ils envoyèrent [au catholicos] [un message]: «Pourquoi es-tu le seul à ne pas venir nous voir? Viens vite auprès de nous et si tu ne le fais pas volontairement, nous t’emmènerons contre ta volonté et couvert d’opprobre.» Lui qui résidait au couvent appelé Xamši, dans la région de Miap‘or, sous l’autorité d’Awag, n’eut pas le courage d’y aller sans son aval, de peur que son départ ne le mécontente. Il se cacha des [Tatars] et dit aux desservants de donner comme excuse qu’il n’était pas à la maison et qu’il s’était rendu auprès d’Awag. Deux ou trois fois, ils [lui] envoyèrent des messages menaçants, lui [ordonnant] de venir auprès d’eux. Puis il reçut l’autorisation d’Awag de se rendre auprès d’eux dans la plaine de Mūghān (Mułan) avec ce qu’il put de cadeaux, mais il ne rencontra pas Rabban là-bas, car il était parti [p. 291] pour Tabrīz (T‘awrēž). [Nersēs] se rendit à la grande cour et se présenta à qatun Altani. Elle le reçut avec affection et l’honora avec un très grand respect, le faisant asseoir au-dessus de tous les grands réunis auprès d’elle, pour le mariage de son fils Bora noyan (Bōra nuin)3. Elle avait choisi, comme bru pour son fils, la fille d’un grand nommé Qutuqtu noyan (Łut‘un nuin)4 et elle donnait, 1

Sur Nersēs III (1235-1261/2), voir Kirakos, chap. 31, note 3. Voir Kirakos, chap. 33. 3 D’après Grigor Akner, IX, p. 34 (trad. Blake et Frye, p. 319) Altani et Čormaqan avaient deux fils, Širemün et Bora. Le premier était dévoué depuis son enfance aux chrétiens et remportait de nombreuses victoires;il fut surnommé «colonne d’or». Son frère, au contraire, fut tué par l’ilkhan Hülegü (1256-1265) à cause de ses mauvais penchants. À propos du nom Širemün, voir PELLIOT 1931-1932, no 4, p. 65-66 et CLEAVES 1949, p. 426427, et pour Bora, CLEAVES 1949, p. 414-415. 4 Voir Kirakos, chap. 33. 2

DE LA CONVOCATION DU CATHOLICOS DES AŁUANK‘ TĒR NERSĒS

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comme bru, sa fille à un autre grand, appelé Usuṙ noyan (nuin)5. Ce n’étaient que jours de grandes réjouissances chez eux à cause du mariage; c’est pourquoi, elle dit au catholicos: «Vous venez un jour de grâce.» Il répondit sagement: «J’ai choisi ces jours, les [jours] de votre bonheur pour venir.» [Altani] le confia, lui et ses desservants, à ses frères Sadeq aqa (Sadeł ała)6 et Georges (Gorgoz)7, de religion chrétienne, venus récemment de leur pays, pour la période où elle était occupée par les jours joyeux du mariage. Ils le reçurent et l’honorèrent grandement. Lorsqu’ils purent vaquer un peu à leurs occupations, [les Tatars] lui donnèrent des présents et un al-tamgha (ēl-tamła) afin que personne ne le tourmente. Ils lui donnèrent un guide, un Moghal Tatar (Mołal T‘at‘ar)8, qui le conduisit à travers le pays des Ałuank‘ dans son diocèse [p. 292] où depuis longtemps, ni lui, ni ceux qui l’avaient précédé n’avaient osé circuler à cause de la férocité sanguinaire des tačikk‘. [Nersēs] fit une tournée dans les territoires (qui étaient) sous sa juridiction puis retourna paisiblement dans sa résidence, au couvent de Xamši.

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Nous ne sommes pas parvenu à identifier le personnage. Selon LIGETI 1965, no 81 p. 259 et p. 273, Sadeq/Sadïq aqa est une forme turque, le premier terme est d’origine arabe ṣadīq et le second aqa («frère aîné»). 7 Voir PELLIOT 1924, note 2, p. 248: «Bien que ses deux frères fussent chrétiens, il n’est pas dit qu’“Eltina-khatun” ait été chrétienne elle-même (…). Quant à Gorgoz, c’est sûrement une forme turco-mongole de Giwargis, Georges (…)». 8 Voir Kirakos, chap. 20, p. 233, le terme employé est Mughal (Mulłal). 6

CHAPITRE XL

À PROPOS DES RAIDS DANS LES TERRITOIRES DU VASPURAKAN ET DANS DE NOMBREUX CANTONS Au début de la seconde année, après la déroute du sultan Ghiyāth al-Dīn (Łiat‘adin)1, [les Tatars] se mirent à nouveau en mouvement et vinrent du côté de Bznunik‘ contre la ville d’Akhlāṭ (Xlat‘). Ils s’en saisirent et la remirent aux mains de T‘amt‘a, sœur d’Awag2, autrefois maîtresse3 de la ville. Alors qu’elle était l’épouse d’al-Ashraf al-Malik (Ašrap‘ Melik‘), elle avait été emprisonnée par le sultan du Khwārazm (Xorazm) Djalāl al-Dīn (Jalaladin), puis de nouveau par les [Tatars] qui l’avaient envoyée auprès du qan (łan) où elle était restée plusieurs années4. Quand la reine d’Ibérie (Virk‘) Rusudan (Ṙuzudan) envoya comme émissaire au qan l’išxan Hamadōla5, celui-ci, sur le point de rentrer, lui demanda T‘amt‘a (T‘amt‘i)6. Il la ramena munie de décrets du qan pour que ce qui lui avait appartenu, lorsqu’elle était l’épouse d’al-Ashraf alMalik, lui soit rendu. [Les Tatars] exécutèrent les ordres de leur roi et rendirent [à T‘amt‘a] Akhlāṭ ainsi que les territoires environnants. Ils firent des incursions dans les régions de Mésopotamie de Syrie (Miǰagetk‘ Asori), à Āmid (Amit), à al-Ruhā (Uṙhay)7, à Naṣībīn (Mcbin)8, [p. 293] au pays de Šambi9 et 1

Voir Kirakos, chap. 35. Voir Kirakos, chap. 19, p. 228. 3 Le terme employé est tēr. 4 T‘amt‘a aurait été emprisonnée en 1230, mais elle parvint à s’enfuir et à rejoindre son frère Awag dans la forteresse de Kayen/Kayean. Lors de la prise de la forteresse par les Mongols en 1239, elle est envoyée auprès du qan Ögödei (1229-1241), voir MINORSKY 1953, p. 155-156. Selon BROSSET (Histoire de la Géorgie, note 1, p. 505-506), elle serait demeurée non pas auprès d’Ögödei mais de Batu. 5 Voir Grigor Akner, III, p. 21 (trad. Blake et Frye, p. 293). D’après CLEAVES (traduction Grigor Akner 1954, note 12, p. 385), Hamadōla correspondrait au nom arabe Ḥāmid al-Daulah. 6 Nous préférons lire les leçons des manuscrits ip, T‘amt‘a (comme au chap. 19) et non T‘amt‘i. Mais selon Step‘annos Ōrbēlean, chap. 66, p. 396, la sœur d’Awag se prénomme T‘amt‘i. 7 Édesse des sources occidentales, voir GARSOÏAN 1989, p. 497. 8 Ancienne Nisibe, située sur le Görgar-bonizra Çayi, dans une plaine du sud de la région montagneuse de Ṭūr ῾Abdīn, en Turquie. À propos de la ville, voir GARSOÏAN 1989, p. 479. 9 Territoire du Vaspurakan, dans la région de Naxčawan, voir HŠTB, IV, p. 67. ALIŠAN (édition de Kirakos Ganjakecʻi 1865, p. 161) a corrigé le terme de Šambi par le terme de Šam qui désigne en arménien la ville de Damas. 2

À PROPOS DES RAIDS DANS LES TERRITOIRES DU VASPURAKAN

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dans plusieurs autres contrées, mais ils en revinrent bredouilles. Bien que personne ne se fût opposé militairement à eux, beaucoup d’entre eux tombèrent malades à cause de la chaleur excessive de l’été, des hommes et des coursiers mouraient. Ils allèrent donc dans leurs quartiers pour y passer les jours d’hiver. Ils ordonnèrent de reconstruire Karin-Theodosiopolis (Karin T‘ēodupōlis). Ceux qui s’étaient dispersés, cachés ou avaient échappé à la captivité, se rassemblèrent et rappelèrent aussi l’évêque de la ville, tēr Sargis, qui vint sous la conduite de l’išxan Šahnšah, fils de Zak‘arē. Et ils commencèrent à reconstruire la ville qui avait été détruite et ruinée.

CHAPITRE XLI

À PROPOS DES ORDRES CANONIQUES DU CATHOLICOS (KAT‘OŁIKOS) D’ARMÉNIE (HAYKʻ) KOSTANDIN Lorsque le vertueux catholicos d’Arménie Kostandin vit la dévastation du pays d’Arménie et les souffrances subies du fait des collecteurs d’impôts et des troupes tatares (t‘at‘ar), il réfléchit et comprit que c’étaient les péchés qui en étaient la cause; en effet, chacun était enclin au mal et ne songeait qu’à satisfaire son propre désir. Les saintes lois du sacrement du mariage étaient supprimées, et ils mélangeaient, tels des païens, le sang avec le sang en épousant des proches parents, ils abandonnaient ceux qu’ils voulaient et prenaient ceux qu’ils voulaient. Ils ne se songeaient guère à la frugalité du jeûne [p. 294] et se mêlaient sans réserve aux païens. Mais le plus grand de tous les maux était que les évêques conféraient l’ordination pour de l’argent, vendant les présents de Dieu à des indignes; ils instituaient comme intermédiaires entre Dieu et les hommes des enfants, des ignorants qui étaient incapables de s’adresser directement aux hommes; des prêtres indignes, des fornicateurs qui fréquentaient notoirement des prostituées, exerçaient la prêtrise. Ils commettaient, du plus grand au plus petit, beaucoup d’autres méfaits, suivant la [parole]: «Prêtres et populations avaient perdu la raison, et personne pour les blâmer.» Pour ces raisons, [le catholicos] s’empressa d’écrire des lettres encycliques et des canons concernant tout le monde. Il expédia [une] lettre avec le sage et talentueux vardapet Vardan1 qui était allé à Jérusalem [Erusałēm] prier et adorer les lieux saints de l’Économie. Après avoir parcouru les lieux saints, il se rendit dans le pays de Cilicie (Kilikec‘woc‘ ašxarh) auprès du roi couronné par le Christ, Het‘um, et de ses frères. Il se présenta aussi au catholicos qui, lorsqu’il le vit, se réjouit grandement et le garda auprès de lui longtemps; il se l’attacha au point qu’il ne voulait plus s’en séparer. Cependant il le renvoya avec plusieurs de ses serviteurs, demandant par écrit à toutes les villes, bourgs et illustres monastères [p. 295], aux glorieux išxan, de ne pas négliger les dispositions prises pour le salut de leurs âmes et de recevoir le vardapet [Vardan] qui, parce qu’il arrivait à un âge avancé, devait le remplacer. Voici ce qu’il a écrit. À propos du condisciple de Kirakos, Vardan Arewlec‘i, voir l’introduction de THOMSON 1989, p. 126-128. 1

CHAPITRE XLII

LETTRE ENCYCLIQUE DE TĒR KOSTANDIN «Par la force de la sollicitude de l’esprit tout puissant de Dieu, moi Kostandin, serviteur du Christ et, par sa grâce, catholicos (katʻołikos) de toute l’Arménie (Hayk‘), confiant en mon esprit j’ai écrit de ma main cette lettre aux Arméniens (Hayastaneak‘) de la totalité des régions de l’Est. [Je m’adresse] tout d’abord à vous, saints évêques, puis à vous, monastères peuplés de troupes célestes, à vous, ermitages d’ascètes qui ont revêtu le Christ, à vous, serviteurs de la parole, à vous, supérieurs avisés, à vous, frères unis, mais aussi à vous, išxan aimant le Christ, à vous, nobles azat et à ceux qui sont sous votre autorité, honorables prêtres, laïcs ornés par le Christ, hommes et femmes, vieillards et enfants, à vous tous, troupeau de Dieu de tout âge qui êtes sous la souveraineté du sceptre [p. 296] des saints apôtres Thaddée (T‘adēos) et Barthélémy (Bardułimēos)1 et du très méritant champion, Grigor notre Illuminateur, [vous tous] que la miséricorde de Dieu m’a donnés pour que je [vous] adopte comme enfants spirituels2. Je vous salue [au nom] de ce don céleste, avec un désir chaleureux et une affection paternelle, à l’ombre prévenante et protectrice de la sainte Trinité, avec la puissance des saintetés reçues de Dieu et des grâces du siège patriarcal, et je prends avec moi tous les saints pour intercéder auprès de Dieu et le prier qu’il vous tienne à l’écart de tout événement désagréable, quelle que soit sa nature. Sachez que, jour et nuit, nous nous préoccupons de vous avec une compassion qui vous est due, selon les lois ancestrales et les ordres des saints préceptes, nous prenons part à vos tourments et vos joies. Depuis les temps anciens nos erreurs se sont multipliées, la part des chagrins a crû sous les coups de bâton du courroux de Dieu; le Seigneur nous a fait boire la lie 1 La légende selon laquelle Thaddée aurait évangélisé l’Arménie ne serait qu’une adaptation arménienne de la célèbre légende syriaque d’Édesse, voir VAN ESBROECK 1972, p. 241283. Cette légende est attestée dès le Ve siècle en Arménie. L’apôtre aurait été martyrisé dans le gawaṙ d’Artaz sur l’ordre du roi Sanatruk. Barthélémy aurait évangélisé l’Arménie après Thaddée et péri, victime également du roi Sanatruk. La légende de Barthélémy, plus tardive que celle de Thaddée, provient des catalogues byzantins du IVe siècle et pénètre en Arménie au VIIIe siècle, voir VAN ESBROECK 1983, p. 171-195. Yovhannēs Drasxanakertc‘i est le premier historien arménien à faire usage de ces deux traditions pour prouver l’apostolicité et légitimer l’autocéphalie du siège patriarcal arménien. 2 Voir Agat‘angełos, § 300, p. 156 (trad. Thomson, p. 81).

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qui rend fou et les larmes à la mesure de la peine qu’a subie ce pays: massacre, pillage des églises, des trésors spirituels, des maisons, des biens matériels et surtout captivité des agneaux du Christ, nos entrailles et nos membres. Nous avons aspiré aux fleuves de larmes, aux chambres obscures pour déverser l’amère douleur de la plaie qui s’est accumulée au fond de nous. Comme le châtiment venait du Seigneur dont les miséricordes sont grandes3, [et comme] le Seigneur ne nous traite pas selon nos fautes [p. 297] et ne nous rend pas selon nos offenses4, sa miséricorde nous a épargnés, nous, telle une relique pour faire mémoire, semence pour la croissance des enfants de souche arménienne, grappillon béni [subsistant] des grappes de la vigne plantée par les pères sur les sarments du Christ. La nouvelle de la croissance et du développement de nos fils rescapés, de la réfection et de la restauration des lieux qui ont été détruits, nous débarrasse peu à peu de notre chagrin, dissipe devant nous les ténèbres [nées] de votre deuil; ainsi réconforté, relevé, nous rendons grâce à Dieu dont la main frappe, guérit et nous donne la bénédiction pour l’éternité. Le temps présent me laisse de la crainte et de la défiance: en effet, la cause de la colère de Dieu — nos péchés — s’est enracinée en nous du fait de la malice du prosélyte, du semeur d’ivraie qui se trouve parmi nous, au sein des églises, parmi les išxan et les vassaux. Nous nous retrouvons hors des canons fixés par nos pères, apôtres et patriarches. À cause de cette nécessité très impérieuse, j’ai désiré prendre la route et venir moi-même vous porter attention, à vous, [mon] troupeau et à vous, communauté que le Christ Dieu m’a confiée; pour que, par des supplications, des anathèmes, des menaces et tous les moyens, j’extirpe de vous toute espèce de manifestations haïssables du malin, que sont les péchés, pour vous accoucher, de nouveau, dans la souffrance jusqu’à ce que l’image du Christ soit en vous5. [p. 298] J’avais d’autres raisons pressantes de venir: en effet, je suis un vieil homme, parvenu à la porte du tombeau et je désirais à la fin de ma vie vous voir, vous, mes fils dans le Seigneur, pour vous donner la dernière bénédiction et réclamer de vous prières, sacrifices comme viatique pour mon voyage vers le Christ. [Je désire] vous laisser un bon souvenir par une conduite illustre et une vocation sans tache devant Dieu. Mais cette période de doute et d’erreur ne m’a pas permis de venir en personne et de réaliser mes souhaits. Mais par d’autres entendements, Dieu a affermi 3 4 5

2 Sam XXIV, 14. Ps CIII (CII), 10. Voir Ga IV, 19.

LETTRE ENCYCLIQUE DE TĒR KOSTANDIN

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mon cœur tremblant et j’ai envoyé, à ma place auprès de vous, un vardapet émérite, Vardan, que la providence de Dieu m’a adressé et qu’elle a fait venir près de moi, depuis vos régions, il y a cinq ans. Dès que je l’ai vu et reconnu grâce à Dieu, je l’ai attaché à ma personne, à la vie et à la mort, je l’ai cloué à moi pour l’éternité par une très vive affection. À cause de ces deux grands et nécessaires besoins que j’ai écrits cidessus, je vous l’ai envoyé avec confiance en Dieu pour qu’il occupe ma place, non pas de son propre vouloir et à sa demande mais poussé par mon cœur et ma volonté, contraint par mon ordre. Il est comme un membre tranché avec douleur d’un corps vivant, qui aurait mon cœur et ma parole en toute chose à propos des préceptes [p. 299] divins; il part vous porter un règlement modéré facile à appliquer, recueilli dans les canons et les décrets des saints pères pour les besoins du clergé et des laïcs. Je vous supplie par l’intercession des saints, moi qui suis leur vicaire, de l’accueillir avec affection ainsi que les commandements des saints livres. Faites-le pour votre salut et pour votre non-condamnation devant le tribunal de Dieu. Si quelqu’un refuse d’obéir, n’accepte pas les [commandements] et ne les exécute pas, il commettra des péchés impardonnables, il lui sera réclamé devant le grand et redoutable tribunal son sang et la perdition du pays. Mais j’ai grand espoir en Dieu afin que nul ne s’oppose à sa propre vie, à son salut et j’exige, je supplie ceux qui accepteront de transmettre à chacun cette lettre canonique de la conserver avec soin pour l’éternité et de la faire connaître à tous. [J’exige] que tous les évêques signent cette lettre que j’ai envoyée et me la fassent parvenir par l’intermédiaire de mon vardapet. Que toutes vos vénérables et respectables saintetés reçoivent de ma part adoration et prières en la personne de mon vardapet Vardan et par son entremise. De même, recevez, comme [venant] de mon cœur et de ma foi, par sa bouche, les demandes de prières et de messes que j’adresse, avec espoir, au grand et au petit, pour l’expiation de mes dettes et de mes fautes, car, de même que les pères doivent aux fils pitié et bénédiction, de même les fils ont le devoir de payer les dettes du père. [p. 300] Et moi, plein de foi, je tends mes mains et implore Dieu par la médiation des saints porteurs de vie, par les prières de la bienheureuse Mère de Dieu et de tous les saints, pour que tous les présents inspirés de Dieu, les bénédictions, les grâces qu’a données le Père céleste avec le Fils et le Saint-Esprit au monde et à l’Église, transmis des pères aux fils, que tout cela vienne et repose dans vos âmes, vos églises, pays et principauté, et dans les âmes de vos défunts pour leur repos, dans celles des vivants

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pour leur salut spirituel et corporel afin que croisse et se multiplie le nouvel Israël (Israyēl), troupeau du Christ, supérieur à la multitude et à l’éclat des étoiles. Que soient bénis par la grâce céleste vos biens immobiliers et mobiliers, que soient engraissés et féconds vos champs et vos vignes, que tous vos fruitiers soient comblés de la rosée céleste et de la grâce de Dieu, pour lesquels tous ceux qui sont proches de Dieu, [êtres] célestes et terrestres, disent: «amen, amen». Portez-vous bien et excusez [cette] lettre inconvenante que j’ai souhaitée vous écrire de ma propre main.» Il écrivit aussi d’autres lettres canoniques au clergé et il les envoya avec la lettre encyclique par l’entremise des mêmes. Ainsi [on lit].

CHAPITRE XLIII

RÈGLES CANONIQUES DE TĒR KOSTANDIN, CATHOLICOS (KAT‘OŁIKOS) D’ARMÉNIE (HAYK‘) [p. 301] «Kostandin, serviteur du Christ et par sa grâce, catholicos de toute l’Arménie, par la bénédiction, le salut et l’amour de Dieu, je fais connaître à l’ensemble de l’Église des Arméniens (Hayastaneak‘) qui a été placée par le sort sous la souveraineté du sceptre des saints apôtres Thaddée (T‘adēos) et Barthélémy (Bardułimēos), du champion Grigor qui a beaucoup souffert et de notre humble personne, [ceci]: Ceci est un ordre apostolique [à savoir] que les prélats de l’Église étudient trois fois par an, au cours d’un synode, les règles de l’Église, afin de voir comment on respecte [ces] règlements éternels, affermis par l’Esprit saint, pour pourvoir aux manquements et arracher l’ivraie du prosélyte. Depuis longtemps, ce commandement a été abrogé à cause de la dispersion de [notre] peuple, l’éloignement et le danger des routes. Mais parce que le droit du juste tribunal de Dieu a fait mention du désordre et de l’iniquité du pays, [Dieu], après beaucoup de patience et d’indulgence, a fait boire la coupe de sa fureur1 à maints nations et peuples et avec eux à nous qui, coupables, en payons l’usure avec nos compatriotes, nos fils et filles spirituels. Le pays, plein de péchés et d’iniquités, s’emplit de sang, de larmes, de monceaux d’os de personnes massacrées puis dévorées par des bêtes féroces; et ceux qui avaient échappé à l’épée sauvage ont été vendus [p. 302] en chemin, dans des nations lointaines. Nos délicats et nobles fils de Sion, agneaux du Christ, pareils à l’or, à l’argent, aux pierres précieuses sont devenus comme des détritus inutiles, vils, abjects, méconnus. Les signes vénérables et respectables, ainsi que la vaisselle sacrée a été déshonorée par des mains indignes, qui les utilisaient pour des vils besoins; les villes ont été abandonnées et les cantons désertés, ce que personne ne peut raconter complètement sans se lamenter dignement. Mais, la miséricorde de Dieu nous a laissé encore un germe de vie, un fils d’espérance dans vos contrées de l’Est, en souvenir des bienfaits divins envers nous, obtenus par les prières de nos saints ancêtres pour notre consolation et grâce à sa grande pitié. Vous, chefs des assemblées, couvents, villes, cantons, après les souffrances de toute sorte que vous avez subies, il y a là pour 1

Is CI, 17.

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vous une bénédiction et un espoir de croissance et d’élévation vers la gloire d’antan. Vous êtes l’héritage du Christ et le nôtre propre, les glorieux enfants que l’on nous a confiés pour des besoins spirituels. C’est pourquoi, après avoir versé de nombreuses larmes sur vous, dans les jours de désolation, après la destruction et le massacre par l’épée qui porte le péché, aujourd’hui, nous nous consolons avec vous qui restez et louons Dieu; mais toujours nous sommes épouvantés et craignons ces mêmes périodes de doute que nous avons subies. Car les causes de la fureur de Dieu subsistent encore aujourd’hui chez beaucoup, à savoir une vie et des mœurs hors de la volonté de Dieu et des ordres canoniques. En raison de cela, nous sommes déjà venus, il y a trois ans, avec la totalité des serviteurs de notre cour, avec tous les évêques des contrées voisines [p. 303] au pays de Cilicie (Kilikec‘woc‘ ašxarh) auprès de notre roi Het‘um, couronné par le Christ. Par notre ordre et avec son assistance, nous avons réuni les évêques, les vardapet, les moines et les supérieurs des couvents, les išxan, ceux qui commandent et les hommes illustres. Nous avons passé en revue et examiné solennellement les préceptes et ordres divins, ceux des apôtres proches de Dieu et des patriarches et nous nous sommes trouvés être en grande partie égarés, condamnés et inexcusables; nous nous sommes plaints et lamentés autant que nous pûmes. Après maint examen, avec l’assentiment de tous et sous leur seing, nous avons rédigé un règlement canonique mesuré, aisé à lire et à mettre en œuvre, recueilli par la puissance des livres. Nous avons fait vœu devant Dieu, les anges et les hommes d’accepter autant que nous pouvons ce règlement décrété. Espérant l’aide de Dieu, nous avons attendu le moment propice pour venir, en personne, remplir ce qui est notre désir profond, [qui est] d’être auprès de vous et réclamer vos signatures pour le règlement décrété, déjà signé par nous. Et parce que ce ne fut pas possible, nous avons envoyé, sur papier, ces mêmes règles canoniques mesurées et j’exige de vous, par le témoignage de Dieu, par la grâce et la puissance de ce siège apostolique et des saintetés qui ont reçu Dieu, devant les saints apôtres et notre saint Illuminateur, que vous les appliquiez sans faille. Le règlement décrété est celui-ci: 1. Toute ordination ecclésiastique, qui est un présent du Saint-Esprit qui le distribue à ceux qui le méritent2, se fera sans argent, selon les 2 Pour l’Église, la nécessité d’être digne pour accéder à l’épiscopat est une préoccupation ancienne, voir Ti I, 7.

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canons3, sinon ce n’est que la maladie [p. 304] de Judas (Yuda) et de Simon le Magicien (Simon kaxard)4 qui ont été rejetés et ignorés par la grâce; dans plusieurs endroits [cet ordre] a été enfreint à cause de la pauvreté et de l’ignorance. Désormais, seuls ceux qui le méritent et possèdent la connaissance accèderont à la dignité épiscopale après un examen approfondi, le témoignage et l’assentiment du diocèse, sans présent de corruption; [ils devront être] âgés de trente ans au moins5. La première mission d’un évêque sera de désigner avec un soin extrême et constant les maîtres et savants dans l’enseignement ecclésiastique ainsi que des lettrés et des érudits qui seront les professeurs des jeunes6. Ainsi, ceux qui sont parvenus à la maturité, en âge, en savoir et en pureté, [l’évêque] les mènera à leur grade, au vu de leur capacité et après le témoignage de leurs tuteurs, sans verser d’argent. Les prêtres seront âgés d’au moins vingt-cinq ans et les diacres d’au moins vingt ans. Les prêtres procèderont au mariage et au baptême, à jeun, dans les églises puis ils administreront le saint sacrement de l’Eucharistie. Mais s’il y a danger de mort pour l’enfant, lorsque cela arrive, ils procèderont en quelque temps que ce soit, sans argent7.

Contre la simonie en vigueur au sein des églises, voir canon apostolique 27 de Clément (KH, I, p. 82); canon 10 du grand concile de Nicée (KH, I, p. 123-124); canon 26 de saint Grégoire (KH, I, p. 248); canon 16 de Šahapivan (KH, I, p. 455-459). À propos du Kanonagirk‘ Hayoc‘ (Livre des canons arméniens = KH), voir MARDIROSSIAN 2004. 4 Voir Ac VIII, 18-24. Simon le Magicien demanda aux apôtres de lui donner le pouvoir d’administrer le Saint-Esprit par l’imposition des mains en échange d’une somme d’argent. L’apôtre Pierre lui répondit: «Périsse ton argent avec toi, puisque tu as cru acquérir le don de Dieu au prix d’argent!» Dans les canons Simon est associé à Judas et Ghéez le lépreux, tous trois représentant les archétypes des corrupteurs, voir canon 26 de saint Grégoire (KH, I, p. 248). 5 À propos du refus d’ordonner des néophytes, voir canon 16 de Néo-Césarée (KH, I, p. 186). Le candidat à la prêtrise doit être âgé de trente ans au moins, car Jésus-Christ fut baptisé et enseigna à l’âge de trente ans. Ces préceptes sont repris par le canon 42 des seconds canons nicéens (KH, II, p. 80). Concernant l’assentiment avant toute ordination, voir canon 4 du grand concile de Nicée (KH, I, p. 119); canon 19 d’Antioche (KH, I, p. 217-218); canon 12 de Laodicée (KH, I, p. 231-232); canon 88 des seconds canons nicéens (KH, II, p. 86). 6 Les membres du clergé majeur et les religieux sont placés sous le contrôle exclusif de l’évêque, voir canon 16 de Šahapivan (KH, I, p. 455-459). 7 Canon 21 de Nersēs Šnorhali, voir MELIKʻ-TʻAGEAN 1903, p. 577.

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6. Toutes les consécrations, baptême, mariage, enterrement se feront dans la crainte, sans bruit, ni moquerie [mais] dans l’espoir et les prières des proches. 7. Les fonts baptismaux seront immobiles, fixes et cachés par un voile, car c’est un grand mystère8. 8. Ils célèbreront le mariage avec discernement, six générations d’écart de parenté [p. 305] par le sang [sera nécessaire]. L’époux aura au moins quatorze ans, l’épouse au moins douze ans9. 9. Un évêque ou un vardapet ou un prêtre ou un tēr supérieur, venu d’une province étrangère, ni ne circulera, ni ne bâtira sans [la permission] de l‘évêque du diocèse, mais se conformera à son ordre; qu’il ne conteste ni ne s’oppose au véritable [titulaire du diocèse] et si quelqu’un ose [le faire], il sera frappé d’anathème10. 10. On désignera les clercs chargés de l’enseignement des Écritures d’après le témoignage de nombreux savants, exercés et versés dans tous les livres et experts en tout. De même, les élèves en calligraphie seront choisis par leur [enseignant] après un examen et sur le témoignage d’hommes accomplis. 11. L’évêque ordonnera de faire copier les livres saints de l’Église par des artistes à la foi droite et savants. 12. L’évêque parcourra son diocèse deux fois par an, il passera en revue son troupeau et il instituera un chorévêque (kʻorepiskopos)11 saint et savant, capable de rendre la justice ecclésiastique selon les canons, craignant Dieu et sans avarice. 13. Des confesseurs âgés et savants seront désignés tous les dimanches; ils seront appelés à confesser sans argent [les péchés] de la semaine écoulée. Les prêtres, sur l’ordre des confesseurs, administreront gratuitement le saint sacrement de l’Eucharistie aux personnes dignes de leur assemblée, ainsi qu’aux malades, sans argent. 8

À propos des fonts baptismaux, voir canons 2, 37, 46 de saint Sahak (KH, I, p. 368369, 391-393, 404-408); canon 15 de Nersēs et de Neršapuh (KH, I, p. 485); canon 13 de Yovhannēs Ōjnecʻi (KH, I, p. 521); canon 8 du catholicos Sion (KH, II, p. 9). 9 La législation de Šahapivan interdit toute union jusqu’au quatrième degré de parenté (canons 12 et 13, KH, I, p. 446-450). Cette règlementation est reprise par le canon 16 du catholicos Sion (KH, II, p. 12); voir également le canon 71 de Basile, «Écrit canonique à propos de vices variés et divers qui invalident les mariages au sixième et septième degré» (KH, II, p. 118). Les canons 28 et 30 de Nersēs Šnorhali fixent les degrés de parenté et l’âge minimal des époux, voir MELIKʻ-TʻAGEAN 1903, p. 578-579. 10 À propos de l’interdiction d’empiéter sur une juridiction, voir canon 15 du grand concile de Nicée (KH, I, p. 127-128); canons 9 et 13 d’Antioche (KH, I, p. 210-211, 213214). 11 À propos du chorévêque et de ses prérogatives, voir MARDIROSSIAN 2004, p. 113-116.

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14. [p. 306] Le sacrement ne sera pas porté au malade, sans encensoir et sans cierge, mais avec une grande crainte. L’assemblée ne pourra pas avoir de sa propre initiative le chef12 qu’elle désire, mais [fera] comme l’évêque l’ordonnera13. 15. Les évêques et les chorévêques redoubleront d’efforts pour ramener dans la bonne voie les prostituées, les adultères, les devins et tous les coupables, par la crainte des enfers. Quant aux irréductibles, ils seront punis par des châtiments corporels et spirituels et mis à l’amende. Tout particulièrement, ceux qui s’insinuent entre un homme et une femme, ceux qui prennent des femmes dévergondées, ceux qui abandonnent leurs femmes légitimes pour des femmes débauchées, ceux qui, par haine, quittent leurs femmes, sans qu’il soit question d’adultère. Ceux-là seront châtiés sans compassion par de sévères amendes. Si c’est un homme puissant qui résiste avec impudence aux règles de l’Église, le roi traduira publiquement14 l’auteur des péchés et les išxan le blâmeront. S’il persiste, il sera frappé d’anathème. Si une femme effrontée dupe un homme marié ou célibataire, le prêtre la réprimandera15. 16. Tous les jeûnes, surtout ceux du Carême, [ceux] du vendredi et du mercredi seront observés suivant les canons, sans poisson, huile ou vin, sauf en cas de maladie. Quiconque rompra le jeûne devra payer des amendes qui seront distribuées aux indigents et s’acquittera envers Dieu par des jeûnes16. 17. Avant cela et avant tout, j’ai confié mes tourments [p. 307] au roi Het‛um, à son père Kostandin, à tous les išxan; ils ont prêté secours à l’Église et ont lancé des anathèmes sur tous, partout, sur le grand et sur le petit, sur ceux qui profèrent des insultes, à la cour, en ville, au village, dans la forteresse, à la ferme; sur les blasphémateurs impies qui excitent la colère de Dieu, sur les iniques impardonnables qui déshonorent la foi, le Créateur, le baptême, l’ange, le prêtre, la bouche, le visage, le tombeau et autres maux similaires nouvellement éclos. On leur arrachera la langue ou on la leur percera et on passera une 12

Litt. «chef de fumée, de foyer», voir ArmB, II, p. 470. Voir canon 16 de Šahapivan (KH, I, p. 455): «Que nul ne soit autorisé à devenir l’ancien d’une communauté ou anachorète sans le consentement de l’évêque du gawaṙ». 14 Voir ArmB, I, p. 91 ալանի signifie յայտնի, հրապարակաւ. 15 L’adultère ou toute autre faute de ce genre est condamné par de très nombreux canons. Les fautifs sont en général passibles d’amendes. Des compensations précises sont mentionnées en particulier par les canons 3, 6 sq. de Šahapivan (KH, I, p. 432 sq.). 16 À propos du jeûne pendant le Carême, le mercredi et vendredi, voir canon 64 apostolique de Clément (KH, I, p. 92). 13

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18. 19.

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ficelle à travers, puis on les promènera de jour [ainsi], en signe d’opprobre; ils paieront une amende selon leurs biens, qui sera distribuée aux indigents17. Si un prêtre a commis le péché écrit ci-dessus, il recevra double punition et sera tourmenté comme son rang l’exige18. On ôtera l’assemblée [de ses fidèles] au prêtre qui, en dehors de sa fonction ecclésiastique, s’adonne à une tâche notariale ou de vénerie19; de même pour les prêtres ignorants jusqu’à ce qu’ils soient bien instruits, ainsi que pour [les prêtres] indignes. [p. 308] Le prêtre rassemblera dans l’église, une fois par an, les hommes d’un côté et les femmes de l’autre, les jeunes kusan à part et les jeunes garçons et les enfants à part; et en fonction de chacun il donnera des conseils convenables sous forme de suppliques et réprimandes, il s’informera des mœurs de chacun et continuellement les observera; s’il n’en est pas capable, il le fera par l’entremise d’autres [plus] accomplis, comme le dit saint Athanase (At‘anas) dans ses canons20. L’assemblée donnera aux prêtres, avec empressement et suppliques, du pain, tous les fruits des racines, la part destinée aux offrandes pour les morts, les cadeaux de mariage, le vêtement de l’enterrement, le dram de l’office, non pas comme prix de la messe mais [comme celui] du vêtement et de la nourriture du prêtre qui s’adonne à la prière et [célèbre] la messe dans l’église21.

17 Les peines corporelles infamantes sont rares dans les canons arméniens, elles étaient réservées aux hérétiques (la flétrissure du renard, le sectionnement des deux nerfs des membres inférieurs) mais il n’y a pas trace dans les canons arméniens précédents d’une telle peine. Cependant, à la même époque que le concile de Sis, en Occident, sous le roi de France Louis IX (1226-1270), on condamnait les faux témoins et les blasphémateurs à avoir la langue percée, à courir à travers la ville, vêtus de chausses, et à être fustigés. Les amendes sont en général reversées aux pauvres (voir les canons 1, 2, 3, 7, 9, 12, 13 de Šahapivan, KH, I, p. 429 sq.). 18 Le prêtre en tant qu’azat payait des amendes plus élevées qu’un ṙamik, le double voire le triple (voir les canons 3 et 4 de Šahapivan, KH, I, p. 432 sq.) et MAHÉ 2000, p. 683703. 19 De nombreux conciles rappellent qu’il est interdit de s’adonner à des activités profanes (canons apostoliques 18, 21, KH, I, p. 39, 42; canons 6, 42, 53, 75, 77 de Clément, KH, I, p. 76 sq.; canon 16 de Nicée, HK, I, p. 128,; canon 9 de Basile de Césarée, KH, I, p. 341342; canons 22, 46, 47, 49 de saint Sahak, KH, I, p. 380 sq.; canons 2, 28, 35 de Nersēs et Neršapuh, KH, I, p. 478 sq.; canon 34 de Nersēs Šnorhali, MELIKʻ-TʻAGEAN 1903, p. 580. 20 Voir les canons d’Athanase, KH, I, p. 282-328. 21 À propos du rituel du matał (sacrifice) encore en vigueur de nos jours, voir MARDIROSSIAN 2004, note 450, p. 390.

RÈGLES CANONIQUES DE TĒR KOSTANDIN, CATHOLICOS D’ARMÉNIE

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22. Les prêtres devront le service selon [la taille] de leur assemblée à l’évêque qui aura fixé les dons et cadeaux comme il convient. 23. Les évêques devront le service au siège patriarcal à travers les rentes fixées et des présents dignes d’après les canons, car le saint Illuminateur a écrit que les prêtres recevront la dîme de l’assemblée, les évêques [la recevront] des prêtres et le patriarche des évêques22. À présent, si vous ne faites pas cela, alors contribuez [par une somme] modique et moindre que ce que nous avons stipulé, mais donnez avec joie comme [si c’était] une bénédiction et non comme un [acte] d’avarice. Les sièges demeureront [ainsi] fermes et non pas indigents et les églises resplendiront. La bénédiction de Dieu [p. 309] se mêlera aux produits de votre justice, car vous faites un don à Dieu et non à un homme, les bienfaits ne sont pas pour l’homme. 24. Aux deux prières qui se terminent par «saint Dieu» ne rajoutez pas «gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit» afin que la Croix ne soit pas attribuée à la Trinité. À la fin du chant, il faudra dire «toujours nous nous adresserons en haut, à la puissance absolue du Christ divin maintenant et à jamais». À la fin du «je te rends grâce» [il faudra dire] «nous serons le temple et la demeure des grâces de Dieu, nous glorifierons et rendrons grâce à toi, Christ, maintenant, à jamais et pour l’éternité, amen23». 25. Les Francs (Fṙankkʻ) nous ont écrit: «Pourquoi n’accomplissez-vous pas l’ordre du frère du Seigneur de bénir le malade à l’article de la mort après l’avoir oint d’huile; [ainsi], s’il meurt, l’onction des funérailles sera faite et s’il vit [l’onction] aura été faite pour l’expiation de ses péchés et sera la raison de son rétablissement24.» Vous savez que Yovhan Ōjnec‘i25, qui nous a séparés de ces nations, a écrit: «Faites ce qu’il faut faire et faites-le véritablement; seulement, que le prêtre prenne garde à bénir un peu d’huile de sorte qu’il n’y en ait pas en excédant, ce qui provoquerait l’anathème de Dieu et serait cause de scandale26.» Nous avons écrit ce qui nous est apparu opportun et nécessaire. Par le Seigneur portez-vous bien. 22

À propos des revenus de l’Église et des clercs, voir MARDIROSSIAN 2004, p. 392-

394. 23

Voir canon 20 de Yovhannēs Ōjnec‘i, KH, I, p. 524. Voir Ja, V, 14-15. 25 À propos du catholicos Yovhannēs Ōjnecʻi et de son œuvre, voir MARDIROSSIAN 2004, p. 1-43. 26 Voir canon 11 de Yovhannēs Ōjnecʻi, KH, I, p. 520. 24

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P. BOISSON

Celui qui écrit ces paroles mesurées, [qui les] observe, [les] comprend et [les] met en pratique, le Seigneur Dieu lui gardera sa pitié et sa miséricorde [p. 310]. Celui qui détruit et méprise [ces paroles] sera coupable envers nous et le roi, et rendra réponse de tout au tribunal divin.» Le vardapet Vardan et ceux qui avaient été envoyés avec lui par le catholicos vinrent dans l’Est, parcoururent les cantons d’Arménie et donnèrent les ordres canoniques à tous les évêques, moines et išxan. Ils réclamèrent à tous une adhésion écrite aux dispositions prises. Comme tous s’étaient éloignés de la vérité et étaient saisis par le vice de l’avarice et de l’amour de l’argent, l’ordre sembla dur. Cependant ils n’osèrent pas ne pas en tenir compte; au contraire, extérieurement, ils respectèrent [l’ordre] et donnèrent par écrit des serments et des anathèmes pour le mettre en pratique. [Les signataires furent]: l’évêque de la ville de Karin, Sargis; l’évêque d’Ani, l’autre Sargis; l’évêque de Kars, Yakob; les évêques de Bǰni, Vanakan et Grigor; l’évêque d’Amberd (Anberd), Mkrtič‘; l’évêque de Hałbat, Hamazasp27 et d’autres évêques de différentes régions. Les supérieurs des couvents de Sanahin, Getik, Hałarcin, Kečʻaṙuk‘, Hawuc‘ Tʻaṙ, Ayri vankʻ28, Yovhannu vank‘29, Sałmosay vank‘30, Hoṙomoc‘ vank‘ et ceux des environs; le catholicos des Ałuank‘, tēr Nersēs, l’évêque Yovhannēs appelé Tuec‘i31, le grand et célèbre vardapet Vanakan, l’išxan des išxan Awag et d’autres išxan. [p. 311] Le sage vardapet Vardan prit le document d’adhésion et l’envoya au catholicos Kostandin à Hṙomkla (Klay Hṙomayakan), puis se 27 Hamazasp fit construire en 1245 le clocher du monastère et en 1253-1257 le réfectoire et le žamatun. 28 Ayri vank‘, litt. «couvent de la caverne», entre le gawaṙ du Kotayk‘ et l’Ostan Hayoc‘, en Ayrarat. Le couvent est appelé aussi surb Gełard, couvent de la «sainte lance», parce qu’il possédait la sainte lance qui a percé le flanc du Christ sur la croix. Le monastère est attesté depuis le Haut Moyen Âge, bien que l’inscription la plus ancienne concernant le couvent date de 1164. Il aurait servi de lieu de repos à saint Sahak. Il devint un grand complexe monastique lorsqu’il fut la propriété des Zakʻarean. En 1240 le couvent est acheté par les išxan Pṙoš Xałbakean. Voir DDA, G(h)eghard, no 6. 29 Yovhannu vank‘ dans le gawaṙ de l’Aragacotn, en Ayrarat. Il se trouve près des gorges du K‘asał, dans le village de Hovhannavan. Le monastère est attesté dès le VIIe siècle. L’église principale et le žamatun datent de la première moitié du XIIe siècle, à l’époque des Vač‘utean. Voir HŠTB, III, p. 442-443. Zak‘aria Sarkawag (trad. CHA, II, p. 178) note: «En 692 (mardi 20 janv.) = 1243, Mcrtich était abbé; de son temps vivait le catholicos Costandin, et le porche fut construit, comme nous l’apprennent les inscriptions. Le catholicos lui envoya ses compliments.» 30 Sałmosay vank‘ dans le gawaṙ de l’Aragacotn, en Ayrarat. Situé près de la rivière Kʻasał, il a été fondé à l’époque des Vač‘utean, au début du XIIIe siècle. Voir HŠTB, IV, p. 482-483. 31 Voir Kirakos chap. 2, p. 153.

RÈGLES CANONIQUES DE TĒR KOSTANDIN, CATHOLICOS D’ARMÉNIE

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rendit dans la vallée de Kayan, dans son ermitage dit de saint André, en face de l’inaccessible forteresse de Kayan. Il demeura là pour transmettre à nombre de disciples son enseignement de vardapet. Au bout de deux ans, en 696 (= 1247/1248) du comput arménien, le vertueux catholicos Kostandin envoya des présents aux églises de l’Est, par l’entremise de son serviteur T‘ēodos, des étoffes en soie de couleurs variées, des chasubles de grand prix pour [célébrer] l’office de la sainte messe pour d’honorables moines. Il envoya également une encyclique à propos du tombeau de l’apôtre Thaddée (T‘adēos)32 lui attribuant en diocèse les cantons environnants et les villes. Il envoya beaucoup d’or pour l’édification du gawit‘, que le vardapet Yovsēp‘33 restaurait, après sa destruction par les Turcs (T‘urk‘) et les maraudeurs d’Ibérie (Virk‘); pendant longtemps [le lieu] était inhabité et abandonné. Yovsēp‘ se rendit auprès d’un général, un Tatar (T‘at‘ar) du nom d’Engküreg noyan (Anagurak nuin)34 et dont le camp durant la saison d’été était proche du tombeau du saint apôtre Thaddée. Par ordre [du noyan, Yovsēp‘] accomplit la cérémonie de la dédicace de l’église, reconstruisit le monastère et y rassembla beaucoup de religieux. [p. 312] Le Tatar élargit les routes de toutes parts pour que les pèlerins passent sans crainte au milieu de ses troupes. Il donna l’ordre strict ni de maltraiter, ni de tourmenter quiconque désirerait venir, et lui-même s’inclinait avec amour devant eux. Beaucoup d’entre eux venaient et baptisaient leurs fils et filles, beaucoup de possédés du démon et de malades étaient guéris. Le nom de notre Jésus-Christ était glorifié. En outre les troupes tatares n’étaient pas toutes ennemies de la Croix et de l’Église; au contraire, elles [les] honoraient grandement et [leur] offraient des cadeaux parce qu’il n’y avait parmi elles ni jalousie, ni hostilité.

32 L’église et le couvent de saint Thaddée se situent dans l’ancien gawaṙ d’Artaz, dans le Vaspurakan, à 20 km au sud de Maku. Selon la légende, le roi Sanatruk fit mettre à mort sa fille Sanduxt et saint Thaddée dans le canton de Šawaršan (ancien nom d’Artaz). Au début du VIe siècle, l’invention des reliques fixe définitivement le lieu du martyre. Mais ce n’est qu’au XIIe siècle qu’une communauté religieuse importante est attestée. Voir DDA, S. Thadei Vank, no 4. 33 Yovsēp‘ fut également l’élève de Yovhannēs Vanakan. Voir Kirakos, chap. 49 et 50. 34 Angurakʻ chez Grigor Akner, IV, p. 26 (trad. Blake et Frye, p. 303); selon CLEAVES 1949, p. 404-406, le nom mongol serait Engküreg (litt. «cher, chéri, bien-aimé, favori, cordial»). Voir LIGETI 1965, note 66, p. 257. Il aurait servi sous les ordres de Baiǰu, voir CAHEN 1988, p. 243-245.

CHAPITRE XLIV

À PROPOS DES PERCEPTEURS DE TAXES ENVOYÉS PAR LE QAN (ŁAN) Dès que le qan Güyük (Giug)1 fut devenu, dans leur contrée, grand roi de l’armée tatare (t‘at‘ar), aussitôt il envoya des percepteurs de taxes à ses troupes dans différents territoires et pays soumis afin de prélever un dixième de toutes les propriétés de l’armée et des taxes dues par les cantons et royaumes conquis: celui des Perses (Parsik‘), des tačikk‘, des Turcs (T‘urk‘), des Arméniens (Hayk‘), des Ibères (Virk‘), des Ałuank‘ et de tous les peuples sous leur [contrôle]. Les chefs des percepteurs de taxes2 étaient des hommes sévères et avides; l’un [d’eux] qui exerçait l’autorité sur tous [les autres], se nommait Arġun (Arłun)3, le second [p. 313] Buqa (Buła)4 plus funeste que l’autre Bughā (Buła)5, celui qui vint à l’époque de Dja῾far (Jap‘r) l’Ismaélite (Ismayelakan)6 en Arménie dévaster beaucoup de provinces. De la même manière, ce Buqa, arrivé avec les troupes 1 Güyük (1246-1248) fut désigné grand qan au mois d’août 1246, non loin de Qaraqorum, près du «lac bleu» en présence de tous les qan à l’exception de Batu († 1255), second fils de Joči. De nombreux gouverneurs de provinces, rois vassaux, musulmans, ibères étaient présents. Voir Jean de Plan Carpin (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 117-119); Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 175-186). 2 À propos des taxes et autres tributs perçus par les Mongols en Arménie, voir DASHONDOG 2011, p. 111-120. 3 C’est la mère de Güyük, Töregene qui donna l’administration du Khurāsān à l’Oirat Arġun (1243-1255), voir Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 177-179). Il succédait à Körgüz. Güyük le confirma dans ses fonctions et il obtint sous le grand qan Möngke (1251-1259) le gouvernement du «Khurāsān, Māzandarān, ῾Irāq, Fārs, Kirmān, Ādharbāijān, Georgia, Lūr, Arrān, Armenia, Rūm, Diyār Bakr, Mosul and Aleppo», il mourut le 22 juin 1275 près de Ṭūs. D’après les sources persanes, il protégea la population iranienne contre les abus et les extorsions des généraux mongols. Voir son portrait dans Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 550-551) et l’étude de LANE 1999, p. 459-482. 4 D’après Djuwaynī (trad. Boyle, p. 508), Arġun désigne Buqa comme basqaq, c’està-dire comme représentant du conquérant dans les pays conquis, responsable de la collecte des taxes. 5 Bughā al Kabīr: cet officier turc s’était distingué sous le calife al-Mu῾taṣim (833-842) contre les tribus rebelles de la région de Médine en 844-845, en Arménie en 851-855 et contre les Byzantins en 857. En 861, il regagna Sāmarrā et imposa avec d’autres officiers le calife al-Musta῾īn (862-866), il mourut la même année; voir EI2, I, p. 1327. À propos des représailles sanglantes qu’il perpétra en Arménie sur l’ordre du calife Dja῾far al-Mutawakkil, en Ibérie et chez les Ałuankʻ, voir Yovhannēs Drasxanakertcʻi, chap. 25 et 26, p. 13-28 (trad. Boisson-Chenorhokian, p. 182-193). 6 Il s’agit du calife Dja῾far al-Mutawakkil (847-861).

À PROPOS DES PERCEPTEURS DE TAXES ENVOYÉS PAR LE QAN (ŁAN)

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tartares, entrait dans les demeures des notables et prenait sans ménagements ce qu’il lui faisait plaisir. Personne n’osait lui dire quoi que ce soit car il avait rassemblé des brigands au sein de Perses et de tačikkʻ qui, sans vergogne, agissaient avec cruauté et étaient particulièrement hostiles envers les chrétiens. À cause de cela ils poussèrent [Buqa] à faire du mal au pieux išxan Hasan, dit Jalal. À la grande porte on se saisit de lui devant tous les notables. [Buqa] lui infligea de nombreuses punitions et détruisit ses citadelles imprenables: celle que l’on appelle Xoyaxanay berd (= Xōxanaberd)7 en langue perse, Ded8, Ciranakʻar9 et bien d’autres forteresses qu’il rasa de sorte qu’il n’en resta plus de trace comme si rien n’avait été bâti. Il lui prit quantités d’or et d’argent; [Hasan] échappa de peu à la mort sans que les grands notables puissent le secourir; tous les témoins étaient tellement terrifiés. [Buqa] voulut également se saisir d’Awag, išxan des išxan, le tourmenter et en faire un objet de risée. Les grands notables donnèrent leur avis, disant à [Awag]: «N’aie pas peur, rassemble toutes les troupes et va voir [Buqa]; [p. 314] si d’aventure il tente de te capturer, saisis-le toi-même.» Il fit ainsi et se rendit auprès de lui avec une grande armée. Buqa, voyant cela, eut peur et lui dit: «Pourquoi cette grande armée est-elle ici, serait-ce que tu te révoltes contre le qan et que tu viennes pour nous tuer?» Awag lui répondit: «Et toi pourquoi as-tu réuni une multitude de Perses malfaisants, es-tu venu nous saisir traîtreusement?» Dès que Buqa comprit que sa traîtrise était découverte, il lui parla de paix, mais dans son esprit il réfléchissait constamment à faire du mal et à trouver le moment opportun pour accomplir son mauvais dessein. Et tandis qu’il pensait ainsi au mal, les justes jugements de Dieu10 advinrent. Soudain, des plaies surgirent sur sa gorge et le mal le fit périr en l’étouffant avec cruauté. C’est ainsi que l’impie fut supprimé et ne vit point la gloire de Dieu.

7

Voir Kirakos chap. 30, p. 269. Ded/Det en Arc‘ax, aux environs de Mardakert près de la rivière K‘olatak, voir HŠTB, V, p. 654. 9 Ciranak‘ar en Arc‘ax, en face du couvent de Ganjasar, sur la rive du fleuve Xač‘enaget, voir HŠTB, II, p. 852. 10 2 Th I, 5. 8

CHAPITRE XLV

À PROPOS DU VOYAGE DES ROIS D’IBÉRIE (VIRK‘) AUPRÈS DU QAN La royauté d’Ibérie, naguère relativement puissante, était à cette époque amoindrie; elle était entrée sous le joug de la servitude de l’armée tartare (t‘at‘ar) de l’Est, dont le chef, après la mort de Čormaqan (Č‘armałun), était Baiǰu noyan (Bačʻu nuin). [p. 315] À cette époque le roi d’Ibérie était une femme nommée Rusudan (Ṙuzudan), qui s’était cachée et réfugiée dans les lieux imprenables de Suanetʼi (Suanēt‘). Des deux côtés, des ambassadeurs des troupes tatares vinrent auprès d’elle: ceux du grand général appelé Batu (Bat‘u), qui se trouvait dans les régions du Nord, proche parent du qan [et qui] gouvernait tout le monde (même le qan ne s’était pas assis sur son trône sans son autorisation)1; et ceux de l’autre général nommé Baiǰu (Bačʻu) qui, lui, était dans les régions d’Arménie (Hayk‘); ils [l’incitèrent] à venir vers eux amicalement et en paix pour gouverner ses domaines selon leurs ordres. Mais c’était une belle femme, elle n’osa pas se rendre auprès de l’un d’entre eux, craignant être déshonorée. Elle intronisa son très jeune fils David (Dawit‘) et l’envoya au général Batu2. Lorsque les chefs qui étaient avec Baiǰu noyan dans les régions de l’Est, ceux-là mêmes qui avaient conquis toutes les provinces d’Arménie et les 1 En réalité l’élection du grand qan Güyük (1246-1248) s’était déroulée en l’absence de Batu et sans son assentiment. Il n’assista pas aux cérémonies d’accession; les rapports entre le grand qan Güyük et le qan de la Horde d’Or, Batu, s’envenimèrent au point que les deux hommes s’étaient préparés à la lutte; mais le grand qan Güyük mourut en chemin, alors qu’il se rendait dans son apanage en mars 1258. Voir Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 140) qui écrit à propos de la mort de Güyük: «À la mort de Keu-Chan (= Güyük) Batou voulut que Mangou fût Chan. Mais au sujet même de la mort de Keu, je n’ai pu rien apprendre de certain. Le frère André a dit qu’il mourut d’une médecine qu’on lui avait administrée, et on soupçonnait Batou de l’avoir fait faire. Cependant, j’ai entendu dire autre chose. Keu avait ordonné à Batou de venir s’incliner devant lui, et Batou s’était mis en route en grand équipage. Mais il éprouvait de grandes craintes, et ses hommes aussi, et il détacha en avant l’un de ses frères nommé Stican. Lorsque celui-ci fut arrivé devant Keu, et eut à lui présenter la coupe, une querelle s’éleva et ils s’entretuèrent.» C’est donc à la mort de Güyük en marsavril 1248 que Batu devint, selon l’expression de GROUSSET (1965, p. 471), «l’arbitre suprême et faiseur de rois» en imposant Möngke (1251-1259) comme grand qan; celui-ci semble avoir exercé le pouvoir conjointement avec lui dans l’empire mongol jusqu’à sa mort en 1255. 2 Batu avait le commandement suprême des armées de Činggis Qan.

À PROPOS DU VOYAGE DES ROIS D’IBÉRIE (VIRK‘) AUPRÈS DU QAN

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išxan de la principauté d’Ibérie qui se trouvaient auprès d’eux, virent que la reine ne les rejoignait pas mais qu’elle avait envoyé son fils à Batu, ils en furent très mécontents. Ils envoyèrent [des émissaires] auprès du sultan de Rūm (Hoṙom), Ghiyāth al-Dīn (Łiat‘adin), qui ramenèrent de là le fils du frère de Rusudan, le fils du roi des Ibères Giorgi Lasha (Laša). Cette même Rusudan l’avait envoyé à la suite de sa fille, devenue la femme du sultan Ghiyāth al-Dīn [p. 316] qui l’avait enfermé, afin que [David] ne complote pas contre sa belle-mère en vue de la royauté. [Les Tatars] le firent venir et lui remirent entre les mains la principauté de son père. Ils l’envoyèrent auprès de leur roi, le qan, pour confirmer sa nomination3. Puis ils dépêchèrent des émissaires, les uns après les autres, auprès de la reine Rusudan afin qu’elle vienne auprès d’eux, de gré ou de force. Batu, qui avait également envoyé son fils auprès du qan, convia Rusudan à se rendre auprès de lui. Pressée des deux côtés, [Rusudan] s’administra elle-même un poison mortel et mit fin à ses jours4. Elle avait adressé un testament à Awag, selon lequel elle lui confiait son fils s’il revenait de chez le qan. [Les deux David] parvinrent auprès du qan Güyük (Giug) qui les reçut avec affection5. [Güyük] décida qu’ils gouverneraient chacun son tour: tout d’abord le plus âgé d’entre eux, David, le fils de Giorgi Lasha, puis à sa mort, s’il était encore vivant, l’autre David6, le fils de la sœur de son père, le fils de Rusudan. Le trésor royal fut divisé en trois: le précieux et inestimable trône, la merveilleuse couronne, telle qu’aucun autre roi n’en possédait, qui avait appartenu disait-on à Xosrov7, père de Trdat le Grand8, roi d’Arménie; elle était demeurée là, cachée du fait du lieu fortifié, puis 3

Selon l’Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 538), les grands d’Ibérie, après avoir délivré David Ulu, fils de Giorgi Lasha, l’envoyèrent à Batu qui l’adressa à Möngke (12511259); ce qui est impossible car à l’époque le grand qan était encore Güyük et non pas Möngke. 4 Rusudan serait morte de chagrin à Tpʼilisi dans les années 1247 à cause de l’absence de son fils; voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, note 6, p. 528-529). 5 Jean de Plan Carpin (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 118) et Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 181) rapportent que les deux David étaient présents lors de l’élection de Güyük en 1246. 6 Voir Djuwaynī (trad. Boyle, p. 257): «And David (= David Narin), the son of Qiz-Malik, he (= Güyük) made subject to the other David.» Voir l’Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 543-544) parlant de l’harmonie régnant entre les deux souverains d’Ibérie: «Cependant les deux rois David étaient tellement unis entre eux, que l’on trouve, et que moi-même j’ai vu un grand nombre de chartes, où on lit en tête “David et David, Bagratides, rois par la volonté de Dieu “ avec leur double signature». 7 Sur Xosrov (280-287?), voir TOUMANOFF 1969, p. 259-262. 8 Sur Trdat (298-330), voir TOUMANOFF 1969, p. 237-239.

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était tombée aux mains des rois d’Ibérie [p. 317] et s’y trouvait encore; [cette couronne] et d’autres biens inestimables du trésor furent envoyés au qan et le reste fut partagé entre eux. Lorsque les [deux David] revinrent9, c’est ce qu’ils firent par l’intermédiaire d’Awag, fils d’Iwanē. David, fils de Lasha, régna à Tpʼilisi (Tp‘xis) et l’autre David à Suanetʼi10.

9 Les deux David seraient rentrés probablement avant 1250, voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 542). 10 Les deux David régnèrent conjointement à Tpʼilisi jusque dans les années 1258; voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 546): «David, fils de Rousoudan [fut acclamé] roi des Aphkhaz, jusqu’à cette chaîne de montagnes. Ce fut ainsi que notre pays forma deux principautés. Cependant les deux David n’en continuèrent pas moins à être amis, le fils de Lacha étant maître des contrées en-deçà et celui de Rousoudan de celles au-delà des monts Likh».

CHAPITRE XLVI

À PROPOS DU VOYAGE DE SMBAT, GÉNÉRAL D’ARMÉNIE, ET DU FILS DU SULTAN GHIYĀTH AL-DĪN (ŁIAT‘ADIN) AUPRÈS DU QAN (ŁAN) Le roi d’Arménie Het‘um, qui était en Cilicie (Kilikia), envoya son frère le général Smbat auprès du qan avec de remarquables présents1. Son long périple se déroula paisiblement; il fut grandement honoré [par le qan] et revint [auréolé] d’une gloire illustre, avec des décrets dignes de foi qui lui [re]donnaient beaucoup de régions et de nombreuses forteresses autrefois propriétés du roi Lewon mais qui, après sa mort, leur [avaient été enlevées] par le sultan de Rūm (Hoṙom), [῾Izz]-al-Dīn (Aladin)2. Le sultan Ghiyāth al-Dīn mourut, laissant deux jeunes fils3. Ils étaient en désaccord; [alors] l’un deux se rendit auprès du qan, et reçut, de sa part, la principauté de son père4, puis il s’en retourna en compagnie de Smbat [p. 318] le général d’Arménie. Ils se présentèrent devant Baiǰu noyan (Bačʻu nuin) et les autres dynastes, qui confirmèrent l’ordre de leur roi et leur donnèrent des troupes pour les escorter dans le pays de leur suzeraineté5. 1 Smbat Sparapet (1208-1276), frère du roi Hetʻum, a quitté Sis en 1247 pour la cour du grand qan Güyük. Il resta deux ans à Qaraqorum et épousa une princesse mongole apparentée à Batu, dont il eut un fils, Vasil-Tʻatʻar. Voir MUTAFIAN 2012, I, p. 138. 2 À propos d’῾Izz-al-Dīn Kayḳā’ūs Ier (1211-1221), voir EI2, IV, p. 846. En 1218, le sultan réussit à se faire céder par le roi arménien Lewon, les forteresses de Lulva et Lawzat, voir Hetʻum II, p. 79, Hetʻum de Kiwṙikios, p. 50 et Smbat Sparapet (éd. 1956) p. 222 (trad. Dédéyan, 51, p. 92). La forteresse de Lulva se situe à environ 30 km au nord-ouest de Pozanti; celle de Lawzat à 20 km au nord-ouest d’Ermenek. 3 À sa mort, pendant l’hiver 1245-1246, Ghiyāth al-Dīn Kaykhusraw II laisse trois jeunes garçons: ῾Izz-al-Dīn Kaykāʼūs II, fils d’une Grecque, Rukn al-Dīn Kilidj Arslān, fils d’une Turque et ῾Alā᾿ al-Dīn Kayḳubād, fils de la princesse géorgienne Tʼamar. Ce sont les dignitaires de l’empire saldjūḳide qui gouvernent au nom des trois héritiers, en particulier le vizir Shams al-Dīn Iṣfahānī. Voir Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 410 sq.) et Ibn Bībī (trad. Duda, p. 239-253). 4 D’après Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 412), Rukn al-Dīn Kilidj Arslān est envoyé à la cour du grand qan afin que les Mongols acceptent le système de gouvernement décidé par le vizir Shams al-Dīn Iṣfahānī, à savoir un sultanat indivis des trois jeunes sultans. L’accompagnent «le cadi Kamâl al-dîn Khutanî, le mushrif ῾Izz al-dîn Muḥammadshâh et Bâbâ al-dîn Yûsuf b. Nûḥ Erzindjânî son atabeg»; voir CAHEN 1988, p. 230-235. 5 Selon Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 412), deux mille Mongols servent d’escorte.

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Lorsqu’ils atteignirent la ville appelée Erzincan (Eznkan), ils apprirent que le frère du sultan, ῾Izz-al-Dīn (Ziadin)6, avait noué des liens matrimoniaux avec le roi des Romains (Hoṙomkʻ) Lascaris (Leškʻaris), qui était à Éphèse (Epʻesos)7. Grâce à son aide, il était devenu sultan à Ḳonya (Kōnn), tandis que son jeune frère [occupait] le trône originel à Alanya (Alayia)8. Ils eurent donc peur d’aller là-bas et ils firent de nouveau halte à Erzincan pour voir comment cette affaire allait prendre fin9. Puis le général Smbat rentra dans son pays auprès de son frère le roi Hetʻum.

6

Nous préférons lire les leçons des manuscrits dj. Il n’y a pas trace dans les sources byzantines ou musulmanes de mariage entre ῾Izz al-Dīn Kaykā᾿ūs II et une fille de la famille des Lascarides. En 1249, c’est Jean Doukas Vatatzès (1221-1254), gendre de Théodore Lascaris, qui est à la tête de l’empire de Nicée. 8 Alanya/῾Alāʼiyya/Alāyā, dans le vilāyet d’Antalya, voir EI2, I, p. 365-366 9 Voir CAHEN 1988, p. 227-255. Rukn al-Dīn Kilidj Arslān est proclamé sultan à mesure de son avance. La rencontre entre le sultan et le qan mongol avait provoqué dans l’empire saldjūḳide la création de deux partis: l’un partisan de la soumission aux Mongols et l’autre, groupé derrière ῾Izz al-Dīn Kaykā᾿ūs II, partisan de la résistance aux Mongols avec l’aide des Turkmènes d’Anatolie et des Grecs. En 1249, un affranchi d’origine chrétienne, Karatay, parvint cependant à faire accepter l’idée d’un sultanat indivis entre les trois jeunes sultans (voir Ibn Bībī, trad. Duda, p. 257-259). Mais des ruptures aboutirent à un partage définitif du sultanat à l’époque de l’ilkhan Hülegü (1256-1265): les provinces orientales furent attribuées à Rukn al-Dīn Kilidj Arslān et le reste à son frère ῾Izz al-Dīn Kaykā᾿ūs II. Après que ce dernier se fut enfui à Constantinople, Rukn al-Dīn Kilidj Arslān devint l’unique sultan. En réalité, c’est son vizir Mu῾īn al-Dīn Sulaymān Parwāna qui avait reçu le titre «d’assistant personnel du sultan» (= parwana) en 1256 de l’ilkhan Hülegü, qui exerce le pouvoir. En 1265, il fit assassiner le sultan et devint de facto le sultan de l’empire saldjūḳide de Rūm jusqu’à sa mort en 1277. 7

CHAPITRE XLVII

À PROPOS DU MASSACRE QUE L’ARMÉE TATARE (TʻATʻAR) PERPÉTRA DANS LE PAYS DES IBÈRES (VIRKʻ) Tandis que ce pays se remettait un peu des maraudages et incursions provoqués par le feu qui engloutit le monde, des hommes se fiaient plus à eux-mêmes qu’à Dieu. Les išxan détroussaient et dévalisaient les pauvres, et grâce à leurs dépouilles, ils achetaient des étoffes très onéreuses et s’en revêtaient. Ils mangeaient [p. 319], buvaient et s’enorgueillissaient grandement, comme c’est l’arrogante habitude des Ibères. Mais Dieu permit qu’ils tombassent de haut et connussent la mesure de la faiblesse, eux qui auparavant n’avaient pas été châtiés. Satan se réveilla parmi ceux qui avaient mis leur espoir en lui. Soudain tous les grands de l’armée tatare tinrent conseil, s’armèrent, se rassemblèrent pour dévaster toutes les provinces d’Arménie (Hayk‘) et d’Ibérie, qui leur étaient soumises, sous prétexte que le roi des Ibères avec tous ses išxan voulaient se rebeller et lever des troupes pour venir les massacrer. De fait, il était manifeste que tous les išxan se rendaient auprès du roi des Ibères David (Dawitʻ) à Tpʼilisi (Tpʻxis) pour s’enrôler. Alors que [les išxan] buvaient du vin, leurs esprits s’échauffèrent, parmi eux quelques hommes ignorants dirent: «Pourquoi les servir [alors que] nous avons autant de troupes? Allons plutôt à l’improviste leur tomber dessus, nous les détruirons, les exterminerons et nous récupèrerons notre pays.» Le grand išxan Awag empêcha ce projet, mais quand l’armée tatare arrivée sur place apprit cela, elle en informa [ses] chefs. Lorsque les troupes des išxan se dispersèrent chacune chez soi, alors les [Tatars] s’armèrent et voulurent massacrer tout le monde. Ils mirent aux arrêts les išxan qui se trouvaient auprès d’eux et envoyèrent des missives convoquant ceux qui n’étaient pas là à [se rendre] près d’eux rapidement. Mais Dieu de miséricorde ne permit pas que les choses allassent jusqu’au bout, voici comment il l’empêcha. [p. 320] Un ancien parmi les chefs, nommé Čaʼadai (Čʻałatay) général de toute l’armée et ami d’Awag vint, au milieu des troupes et leur dit: «Nous n’avons pas d’ordre du qan (łan) de massacrer ceux qui nous sont soumis, nous servent et lui paient les taxes. Puis les détails de leur

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rébellion ne nous sont pas connus exactement, si vous les éliminez, donc sans raison, vous en répondrez devant le qan.». Entendant cela, ils cessèrent d’examiner à fond les faits. La mère d’Awag, appelée Xošakʻ1, se rendit auprès d’eux pour se porter garante de la loyauté de son fils à leur égard, et de sa prochaine venue en personne. Ce qui advint en effet: l’išxan Awag arriva rapidement et leur montra son dévouement par de nombreux témoignages. Le roi David et les autres išxan se présentèrent également et selon la coutume [tatare] on leur lia à tous étroitement les pieds et les mains avec de fines cordelettes; puis on les laissa ainsi ligotés trois jours en les ridiculisant et les raillant pour leur orgueil et leur projet de rébellion. [Les Tatars], après s’être saisis de tous leurs chevaux et de la rançon mise sur leurs têtes, les relâchèrent et s’élancèrent dans les régions d’Ibérie contre de nombreux cantons révoltés ou non. Ils tuèrent beaucoup de monde, firent de très nombreux captifs, hommes, femmes [p. 321], enfants et en jetèrent un nombre incalculable dans des fleuves. Ceci se passa en 698 (= 1249) du comput arménien2. Après cela l’išxan des išxan Awag mourut et fut enterré à Płnjahankʻ, dans le mausolée de son père Iwanē. [Les Tatars] donnèrent sa principauté à Zakʻarē, le fils de Šahanšah (Šahnšah), le cousin d’Awag3, car Awag n’avait pas de fils [légitime], mais seulement une fille très jeune et un fils issu d’un adultère, dont on disait après sa mort qu’il était de lui et que sa sœur avait recueilli et élevait. Puis on retira [la principauté] à Zakʻarē et on la donna à la femme d’Awag dont le nom était Goncʻa4.

1

Sur Xošakʻ, voir AnjB, II, no 1, p. 523. À propos de la révolte des Ibères, voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 533534 et note 2, p. 534). 3 Litt. «le fils du frère de son père». 4 Voir Stepʻannos Ōrbēlean, chap. 66, p. 412 (trad. Brosset, p. 232), à la mort d’Awag, Arġun autorise Goncʻa à succéder à son époux. Selon l’Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 554), le roi David Narin, fils de la reine Rusudan, alors qu’il se préparait pour la conquête de l’Égypte aux côtés des Mongols (dans les années 1259-1260), séduit par la beauté de Goncʻa, l’épousa et confia dès lors la principauté d’Awag à sa fille Xošakʻ. 2

CHAPITRE XLVIII

À PROPOS DE DAWITʻ L’IMPOSTEUR La fin du monde approchant, les précurseurs de l’Antéchrist se multiplièrent comme le Rédempteur l’avait prédit: À l’approche de la fin du monde, il surgira de faux Christs et de faux prophètes qui produiront de grands signes et prodiges, au point d’abuser, s’il était possible, même les élus1. Or voici ce qui arriva en 699 (= 1250/1251) de l’ère arménienne: une rumeur se répandit, selon laquelle aux frontières du Xač‘ēn, la grêle était tombée; il y avait, mêlés aux grêlons, de nombreux poissons qui tombèrent par terre, qui avaient la taille d’une figue. Nous ne l’avons pas vu de nos propres yeux, [p. 322] mais beaucoup de personnes présentes confirmèrent [le phénomène], car elles en avaient été les témoins oculaires. Avec cela un autre récit circulait, à la manière d’une fable: «Au bord de la mer de Gełam, il y a un bourg, du nom de Kot‘2. À la limite du village, près de la montagne, on découvrit un homme, un géant mort, à demi enseveli, vêtu de vêtements et chaussures neufs. À la place du cœur, [il y avait] un trou comme si une lance l’avait transpercé, et par-dessus, un peu de coton. Lorsqu’on retirait le coton, le sang jaillissait violemment, quand on reposait de nouveau le coton, le sang cessait de couler. Mais si on mettait un nouveau coton et non le sien, le sang s’écoulait jusqu’à ce qu’ils reposent l’ancien.» On colportait plusieurs [histoires] de ce genre, vraies ou fausses nous ne le savons pas. Mais ce qui est certain c’est que la même année, un imposteur du nom de Dawitʻ apparut, mu par l’esprit démoniaque comme les imposteurs Judas (Yuda) et Theudas (Tʻewdas)3. Il y avait un village du nom de Car4, à la limite de la mer du Gełarkunikʻ, dans la région du Xačʻēn, tout près de la citadelle de Handaberd5, où se trouve une source d’eau chaude. Là, parmi les miséreux et les indigents, 1

Mt XXIV, 24. En Siwnik‘, dans le gawaṙ de Gełarkunik‘, voir HŠTB, III, p. 186. 3 Nous préférons lire la leçon du manuscrit i: Թևդասին. Voir Ac, V, 36-37. 4 Car se trouvait au confluent du fleuve T‘art‘aṙ et de la rivière Car, sur une colline élevée en Arc‘ax, dans l’ancien gawaṙ de Vaykunik‘. Aux XIIIe et XIVe siècles, le hameau devient la résidence des Dop‘ean, voir HŠTB, II, p. 845. 5 Cette citadelle est appelée également Handu, voir YAKOBEAN 2009, p. 52, 234. 2

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il y avait un homme qui gardait leur moulin à eau, grâce à quoi il se nourrissait lui, sa femme et ses fils. Une nuit Satan lui apparut sous la forme d’une lumière et osa [p. 323] lui dire: «Je suis le Christ et je suis venu faire de toi mon prédicateur. J’amènerai vers toi des gens de toute part qui viendront à toi pour être guéris. Pose avec hardiesse tes mains sur eux; prends la solive du pressoir à olives du village, fais-en une croix que tu planteras aux portes de l’église.» Et [Satan] lui dit toutes sortes d’artifices fourbes. Alors il commença à prêcher: «Christ m’est apparu et m’a dit: Convertis le monde et opère des guérisons.» D’autres se joignirent à lui et ils commencèrent à le rendre célèbre; ils l’appelaient Dawitʻ l’ermite et le thaumaturge. Ayant arraché par la force la solive du pressoir de sa maison, ils en firent une croix très haute qu’ils plantèrent à la porte de l’église. Ils lui sacrifiaient des bœufs dont on distribuait la chair et les os à tous les pèlerins qui venaient de partout mais [aussi] des copeaux de bois de la croix et des grains de millet trouvés dans le moulin à eau comme fragments bénis. Ce même diable qui l’avait inspiré incitait toute [la population] des cantons à venir vers cet [homme] réputé: hommes, femmes, enfants, des prêtres même, des azat, tous ceux qui étaient malades et souffrants. Lui, au début, hypocritement ne prit rien. À l’instar d’un faux Christ, il prêchait ainsi: «Qui suis-je? Un pauvre et un pécheur, mais Christ m’a commandé de prêcher. Jeûnez le lundi, ne prononcez pas d’injure, venez, embrassez-moi et vos péchés seront remis6, les vôtres et ceux de votre nation jusqu’à la septième génération.» [p. 324] Lorsque venait un démoniaque, il prenait un gros bâton, le frappait sans ménagement et disait en enfonçant son pied sur sa gorge: «Sors, chien, sors, chien! Dawitʻ l’ermite te l’ordonne» et au possédé: «Voilà, n’aie plus peur, tu es guéri.» [L’homme] repartait, possédé par le même mal et même multiplié. Où il allait, on le questionnait mais il n’osait pas dire: «Je ne suis pas guéri» car [Dawitʻ] avait décrété: «Lorsque tu diras: ‘je ne suis pas guéri’, tu seras sur le champ tourmenté par le démon.» Bien qu’il ne se risquât pas à dire: «Je ne suis pas guéri» dans les faits, il était manifeste qu’il était continuellement tourmenté. [Ainsi] ceux qui n’avaient souffert d’affliction que quelques mois ou quelques semaines étaient tourmentés tous les jours après s’être rendus auprès de [Dawitʻ]. 6

Voir Mt IX, 2.

À PROPOS DE DAWITʻ L’IMPOSTEUR

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À ceux qui n’arrêtaient pas de gigoter7, il disait: «Sautez devant moi et dansez.» Eux, le faisaient avec plaisir parce que cette sorte de démon aime sauter et danser. Puis il disait: «Venez, embrassez-moi, moi et ma femme, allez et n’ayez pas peur.» Aux lépreux, il disait: «Le commandement de Dieu ne permet pas de guérir cette maladie, mais je remets vos péchés car vous êtes venus à moi.» Quant à ceux qui étaient courbés et bossus, il ordonnait à quatre hommes de les saisir, deux par la tête deux par les pieds et il disait: «Tirez et tordez.» [Les hommes] tiraient fortement, les jointures craquaient et [l’infirme] hurlait8 de douleur face à cette cruelle souffrance9. Puis [Dawitʻ] venait, lui piétinait le dos et les muscles, le malade avait la respiration coupée comme un moribond, ou bien il succombait réellement. Il disait à propos de celui qui mourait: «Celui-là avait accompli son temps, [p. 325] il n’était plus possible pour lui de vivre; c’est bien qu’il soit mort [car] il se repose de ses afflictions.» [À propos] des rescapés, à demi-morts et non guéris, il déclarait: «Ils n’ont pas une foi parfaite en moi, c’est pourquoi ils n’ont pas été guéris.» Des démoniaques qui mouraient quand il foulait leur gorge, il affirmait: «Celui-ci est mort depuis longtemps, je viens à l’instant d’enlever le démon qui le faisait s’agiter.» Aux aveugles, il disait: «Que préfères-tu: que j’ouvre tes yeux ou que je remette tes péchés? Car moi je sais que ton temps est court et que tu vas bientôt mourir.» L’aveugle répliquait: «S’il en est ainsi, je préfère que tu remettes mes péchés.» Et lui de dire: «Je remets tes péchés.» De cette manière, il fascinait tous les esprits jusqu’à rassembler une multitude telle que l’endroit ne pouvait accueillir cette foule. Comme c’était la saison d’été, les [gens] se répandaient dans les prairies, sur les hauteurs, ils y demeuraient et commettaient beaucoup de vilénies. Des femmes qui n’osaient pas commettre l’adultère ou se prostituer dans leurs propres maisons à cause de leurs époux, parents, enfants, sous prétexte de [ce] pèlerinage, forniquaient ouvertement avec qui le voulait; et des hommes malsains faisaient la même chose avec ceux qui le désiraient. Beaucoup venait [p. 326] avec des présents d’or et d’argent, des bœufs 7 D’après ALIŠAN (édition Kirakos 1865), note 1, p. 183 le terme de լեկրոտ serait synonyme de podagre ou impotent. Selon ArmB, II, p. 273-274, le terme լեկրոտ désigne une personne qui veut toujours danser, elle serait atteinte d’une maladie connue sous le nom de հղլացաւ (= խաղալացաւ). Par rapport au contexte, nous avons préféré suivre ArmB. 8 Litt. «hurlait Vay (hélas) de douleur». 9 Voir Agatʻangełos, § 219, p. 116 (trad. Thomson, p. 223).

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et des moutons. Ceux qui allaient et venaient, apostrophaient ceux qui ne venaient pas [les rejoindre], montrant de l’aversion pour eux comme pour des pécheurs, des êtres indignes de sa vision. Même des prêtres vinrent et prirent son parti par désir de s’enrichir et par cupidité; ils le servaient, lui lavaient les pieds à l’eau puis s’aspergeaient eux-mêmes de [cette] eau ainsi que la multitude assemblée. Lui, hypocritement, ne prélevait rien de personne, mais il prenait des mains de ses prêtres et de ses serviteurs complices. Le tēr du village qui était perse (parsik) prit sa part des richesses amenées par un très grand nombre [de pèlerins] qui les donnait généreusement. Si quelqu’un parmi les vardapet ou les prêtres les empêchait ou les dissuadait de se rendre [auprès de Dawitʻ], ils l’insultaient et prétendaient, médisants, qu’il était jaloux et envieux: «Eux ne peuvent pas effectuer sa tâche, [alors] ils ne veulent pas des bonnes œuvres de ce saint.» Le grand vardapet Vanakan qui résidait au monastère de Xoranašat10, en face de la citadelle d’Ergevankʻ, écrivit une lettre pleine de sévères reproches: «Pourquoi attribuez-vous au démon l’apparence du Christ, ô chrétiens? Satan a coutume de prendre l’apparence d’un ange de lumière.» Il excommunia ceux qui avaient mangé de la viande impure ou possédaient des fragments de copeaux de bois [p. 327] et des grains de millet. Il leur imposa quarante jours de jeûne et cinq cents génuflexions pour être dignes [à nouveau] du saint sacrement. Nous écrivîmes également de sévères anathèmes et nous les envoyâmes dans maints endroits. Le tēr Hamazasp, évêque de Hałbat, en fit de même. Le tēr Grigorēs11, évêque du couvent de Dadivankʻ et le vardapet Vardan, que l’on appelait le fils Yōžar12, avec beaucoup de prêtres portant des croix et des évangiles, se rendirent au village, qui faisait partie de son lot. Ils célébrèrent un office de nuit, ils placèrent ce dupeur debout, au milieu, afin que peut-être sorte de lui l’esprit impur. Lorsqu’ils l’interrogeaient: «Que vois-tu?» il répondait: «Lorsque je tombe, bouche contre terre, du sol apparaît [quelque chose] qui me parle.» L’évêque et les prêtres voulurent abattre la croix que l’imposteur avait érigée. [Alors] toute la foule attroupée se saisit d’épées, de bâtons pour 10 Couvent situé sur la rive droite de la rivière Tawuš, dans le Gardman, au nord-ouest du couvent de Nor Getik; il est appelé Xoranašat, à cause de ses nombreux autels et sanctuaires. Voir HŠTB, II, p. 793. 11 Tēr Grigorēs (1224-1253), fils de Vasag le Martyr, a édifié le žamatun du couvent de saint Dadē. Voir les inscriptions du couvent, CIArm, V, no 707-763, p. 197-215. 12 Il s’agit du supérieur de Ganjasar selon ULUBABYAN 1975, p. 286.

À PROPOS DE DAWITʻ L’IMPOSTEUR

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les tuer. Ils échappèrent à la populace en lançant des imprécations et de violents anathèmes contre les audacieux. Cependant certains parmi eux se repentirent, ils vinrent supplier l’évêque ainsi que les prêtres de les délivrer des chaînes des maudits et ils lui livrèrent l’homme. Tandis qu’ils l’emmenaient, ils rencontrèrent des hommes de Gaṙni qui revenaient de la grande cour. [Dawitʻ] les supplia de le réclamer à l’évêque parce que, disait-il, il était leur compatriote, [natif] de Gaṙni. [p. 328] Il avait dit auparavant à la foule: «Je suis de la lignée des Aršakunikʻ, il faut qu’un de mes fils devienne roi et l’autre catholicos (katʻołikos), il faut que la vision de saint Sahak s’accomplisse en eux13.» L’évêque le leur donna non sans exiger un serment afin qu’il n’égare plus les hommes. Et c’est ainsi qu’avec peine, le mal qui était apparu s’éteignit.

13 À propos de la vision de saint Sahak (387-438), voir Movsēs Xorenacʻi, III, 65, p. 350-353 (trad. Mahé, p. 316) et Łazar Pʻarpecʻi, § 17, p. 33-34 (trad. Thomson, p. 6869). Saint Sahak a prédit l’extinction de la lignée patriarcale des Aršakunikʻ, et sa restauration 350 ans plus tard.

CHAPITRE XLIX

À PROPOS DU DÉMON QUI PRIT LA FORME D’UNE FEMME ET AVAIT COMMERCE AVEC UN HOMME Le vardapet Yovsēp‘, celui qui avait restauré le couvent [érigé] sur le tombeau du saint apôtre Thaddée [T‘adēos]1, dans le gawaṙ d’Artaz2, après sa destruction et son abandon, nous raconta ceci: «Je m’étais rendu dans le canton de Gołt‘n3 pour les besoins de mes affaires, et l’on m’apprit que dans un village un homme avait pour femme un démon. Ne croyant pas leurs propos, nous allâmes dans la maison de l’homme et nous ne vîmes pas de démon. Quand nous interrogeâmes l’homme, il nous confirma avec aplomb les accusations [portées]: ‛J’avais une épouse qui m’a laissé, à sa mort, des enfants en bas âge; alors que je pleurais assis — qui les nourrira? — voilà qu’une femme apparut et me dit: ‛Ne pleure pas, je serai ta femme et j’élèverai tes enfants’. Depuis lors elle est constamment [p. 329] dans ma maison, elle nous fait la cuisine et comble tous nos besoins. Je suis tombé éperdument amoureux d’elle, elle a constamment commerce avec moi. Elle ne travaille pas du tout le samedi, et le jour du jeudi, elle file trois livres de coton’. Lorsque je lui demandai: ‛Où estelle maintenant?’ Il montra du doigt [une direction et dit]: ‛La voilà, elle n’apparaît qu’à moi et mes enfants, pas aux autres. Cela fait très longtemps que nous vivons ensemble.’ Je me levai pour prier et lire l’évangile afin de chasser, peut-être, l’esprit pécheur et impur. Mais elle n’en n’avait cure, elle restait assise, souriante comme l’homme me le raconta. Nous, ne la voyant pas, nous repartîmes.»

1

Voir Kirakos, chap. 43. Artaz est un gawaṙ du Vaspurakan, région située au sud de Maku, voir HŠTB, I, p. 489. 3 Gołtʻn est un gawaṙ du Vaspurakan, au nord de la rive gauche de l’Araxe, dans la région de l’actuelle Ordūbād, voir HŠTB, I, p. 935. 2

CHAPITRE L

À PROPOS DE LA CONTROVERSE QUI S’ÉLEVA AU SEIN DES CHRÉTIENS AU SUJET DE L’ESPRIT SAINT DE DIEU: FAUT-IL DIRE DU PÈRE SEULEMENT OU DU PÈRE ET DU FILS? Cette controverse au sein des chrétiens fut agitée par les nations romaines (Hṙomayec‘ik‘); en effet le pape de Rome (Hṙom) écrivit au grand catholicos (katʻołikos) d’Arménie (Hayk‘), tēr Kostandin, qui à cette époque résidait au château romain (Klay Hṙomayakan)1; le siège de saint Grigor était là depuis l’époque de Grigor et Nersēs2, les deux frères saints, de la race des Aršakunikʻ, savants défenseurs des lois divines. «Comment confessez-vous, [écrivait-il], l’Esprit très saint [p. 330] de Dieu? Procèdet-il et se manifeste-t-il uniquement du Père, ou du Père et du Fils? Car les Romains confessent [que l’Esprit saint procède] du Père et du Fils.» Ils écrivirent également au roi d’Arménie Hetʻum exigeant de lui une réponse. [Les Arméniens] rassemblèrent dans la ville de Sis qui est en Cilicie (Kilikia), les savants de leur pays: des Arméniens (Hayk‘), des Grecs (Yoynk‘), des Syriens (Asorik‘) et d’autres de nations chrétiennes qui se trouvaient là. Les Grecs dirent «seulement du Père», certains Syriens [dirent] autre chose. L’assemblée arménienne écrivit aux régions de l’Est, de la Grande Arménie, à l’érudit vardapet Vanakan, qui était illustre à cette époque, au vardapet Vardan, à Yovsēpʻ et d’autres pour connaître leurs opinions et répondre ensuite aux Romains. Ils étudièrent les livres inspirés de Dieu, des apôtres, des prophètes et des saints vardapet de l’Église qui ont nettoyé l’Église des hérétiques3. 1

C’est-à-dire Hṙomkla; voir Kirakos, chap. 33, note 10, p. 278. C’est-à-dire les patriarches Grigor III Pahlawuni (1113-1166) et son frère Nersēs Šnorhali (1166-1173). 3 Les livres sont la Bible, les œuvres des Pères de l’Église, traduites depuis le grec et le syriaque, mais également des textes profanes, des ouvrages de philosophie et de science d’auteurs grecs en particulier, traduits en arménien (voir MAHÉ 1988, p. 243-255). À partir du VIIe siècle, les vardapet arméniens élaborent progressivement des instruments pouvant assurer une culture autonome; on voit alors apparaître des listes de livres reçus par les Arméniens et des listes de livres interdits. La première liste connue est celle d’Anania Širakacʻi (615-690?); viennent ensuite celles de Yovhannēs Sarkawag (1050-1129?), de Mxitʻar Ayrivanecʻi (1222-1290), Le livre des Causes de Grigor Abasean (XIIIe siècle), de Grigor Tatʻewaci (1344-1409?) et d’Aṙakʻel Siwnecʻi (1356-1422?). Ces listes, dont 2

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Ils se servirent des deux formules selon les besoins et trouvèrent juste la confession romaine; [en effet] tous les livres inspirés de Dieu sont pleins de ces deux formules. Comme l’a écrit le bienheureux apôtre Pierre (Petros), [ce] rocher de la foi, qui a été, grâce à sa vraie foi, qualifié de bienheureux par le Seigneur: Quels temps et quelles circonstances avait en vue l’Esprit de Christ qui était en eux4. Jean l’Évangéliste (Yovhannēs Awetaraničʻ) a dit: Qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas5. Le grand Paul (Pōłos) [a dit]: Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie ‘Abba! Père’6. Il y a beaucoup de propos semblables dans les écrits des apôtres. Mais notre saint Illuminateur Grigor, qui nous a enseigné [p. 331] notre profession de foi, a dit: «Le Père [procède] de lui-même, le Fils du Père, le Saint-Esprit de leur essence7.» Et Athanase (Atʻanas) le victorieux soldat du Christ armé de pied en cap prêchait contre les Ariens (Arianoskʻ)8 et enseignait ainsi: «Sans commencement le Père [procède] de personne, le Fils du Père et l’Esprit saint de leur essence», ce que répète Socrate l’historien (Sokrat patmagir)9. Grégoire le Théologien10 (Grigor Astuacaban) dans [son] discours qui commence ainsi: «Hier nous avons fêté le jour splendide des lumières», cite le Psaume en toi, Seigneur, est la source de vie, par ta lumière nous voyons la lumière11 c’est-à-dire par l’Esprit, le Fils. Et il poursuit: «Celui qui procède du Père, en tant qu’il a été envoyé de là, n’est pas une créature, en tant qu’il n’est pas engendré il n’est pas le Fils; en tant qu’il est intermédiaire entre le contenu varie, ont été étudiées (voir AKINIAN 1922, p. 1-84; STONE 2005, p. 283-295 et la bibliographie donnée à propos des listes). Les livres sont répartis en trois groupes: l’Ancien Testament, le Nouveau Testament qualifiés de լայն («larges», c’est-à-dire «faciles d’accès») et les écrits նուրբ («subtils»), dans lesquels les œuvres des Pères de l’Église côtoient les philosophes grecs, des manuels de grammaire, etc. Ces ouvrages ont servi de base à toute la scolastique arménienne. Il est vraisemblable que Kirakos et les vardapet d’Arménie ont utilisé ces livres pour répondre aux Latins. 4 1 Pe I, 11. 5 Ro VIII, 9. 6 Ga IV, 6. 7 Voir Agatʻangełos, § 362, p. 181 (trad. Thomson, p. 102). 8 Athanase d’Alexandrie (295-373?). À propos des traductions arméniennes des œuvres de saint Athanase, voir THOMSON 1965, p. 47-69, 1975, p. 463, 1995, p. 36-37, 2007, p. 170. 9 Voir à propos de la rédaction arménienne abrégée de l’Histoire ecclésiastique de Socrate Scholasticus (ve siècle) l’introduction de Thomson, p. 1-40; au § 236-239, p. 91-92, figure la profession de foi de saint Athanase. 10 Grégoire de Nazianze (329-390?). La traduction de ses œuvres en arménien se situe dans la seconde moitié du Ve siècle, voir THOMSON 1975, p. 464, 1995, p. 56-57, 2007, p. 174 et COULIE 1994-1995, p. 51. 11 Ps XXXVI (XXXV), 10. Grégoire de Nazianze, Discours 31, § 3 (trad. Gallay et Jourjon, p. 281).

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l’inengendré et l’engendré il est Dieu12.» Et Grégoire de Nysse (Grigor Niwsacʻi)13, et le grand Basile (Basilios)14, et abba Éphrem (Epʻrem)15, et Jean Chrysostome (Yovhan Oskeberan)16: en maints endroits dans leurs ouvrages, si on cherche avec soin, on trouvera de nombreuses [citations]. Et l’évêque d’Émèse (Emesa), Sévérien (Seberianos)17 dans son homélie qui commence ainsi: «J’ai promis de parler du Christ au milieu des chrétiens» et dit à la fin: «À Dieu18 inengendré, au Fils monogène né de lui, au Saint-Esprit qui procède de leur essence, aux trois dans une unique divinité19, gloire à tous, pour les siècles20. Amen.» Et Movsēs Xorenacʻi21 dans son Commentaire de la grammaire dit: «Le Saint-Esprit est relatif, car il est l’Esprit de quelqu’un, et il est dit dans les personnes Esprit du Père et du Fils». Et Stepʻannos évêque de Siwnikʻ22 dit [p. 332]: «Parce qu’il jaillit continuellement du Père comme d’une source et demeure dans [cette] eau, du Fils procède indivisiblement un fleuve de sagesse extrême 12 Grégoire de Nazianze, Discours 31, § 8. Dans la version grecque du discours (trad. Gallay et Jourjon, p. 291) l’expression «qu’il a été envoyé de là» ne figure pas. 13 Grégoire de Nysse (331-394?), voir THOMSON 1975, p. 464, THOMSON 1995, p. 57. 14 Basile de Césarée (329-379), voir THOMSON 1975, p. 463, THOMSON 1995, p. 38-40, THOMSON 2007, p. 171. 15 Éphrem le Syrien (306-373?), voir THOMSON 1995, p. 46-48, THOMSON 2007, p. 172173. 16 Jean Chrysostome (344-407?), voir THOMSON 1975, p. 464-465, THOMSON 1995, p. 63-65, THOMSON 2007, p. 175. 17 Quinze homélies, transmises sous le nom de Sévérien de Gabala, évêque d’Émèse, ont été éditées et traduites en latin en 1827 à Venise par J.-B. AUCHER (Severiani sive Seberiani Gabalorum episcopi Emesensis homiliae nunc primum editae ex antiqua versione armena in latinum sermonem translatae per P. Jo. Baptistam Aucher). Toutes ces homélies ne sont pas de Sévérien de Gabala (voir LEHMANN 1986, p. 477- 487), mais plutôt d’Eusèbe d’Émèse, les Arméniens les confondent. Les quelques lignes citées par Kirakos sont extraites de la première homélie (p. 2-17). Nous avons mis en italique, les différences entre le texte donné par Kirakos et celui de Sévérien, tel qu’il a été édité par Aucher. 18 L’édition de Kirakos Ganjakec‘i (Moscou 1858) a les termes: «À Dieu, le Père inengendré», suivant ainsi la version de l’homélie de Sévérien (p. 16). 19 Le texte édité par Aucher a le mot «essence». 20 Le texte édité par Aucher a: «Gloire à tous, maintenant et toujours pour les siècles des siècles». 21 NBHL, I, p. 305 (article: առինչունակ) cite le texte mot pour mot en l’attribuant à un passage du Commentaire de la Grammaire de Movsēs Kʻertʻoł (vers 600), chapitre 12 («À propos du nom»), paragraphe «le corrélatif». Le texte du commentaire a été édité par ADONTZ 1970, Denys de Thrace et les commentateurs arméniens, p. 157-179, malheureusement le commentaire du paragraphe «le corrélatif» est lacuneux (p. 172). À propos de Movsēs Kʻertʻoł, voir THOMSON 2006, «Is There an Armenian Tradition of Exegesis?», p. 100 et THOMSON 1995, p. 156. 22 À propos de Stepʻannos de Siwnikʻ (680-735?) philosophe, traducteur, grammairien, auteur de šarakan, selon Kirakos (chap. 1, p. 29 et p. 72), voir THOMSON 1982, p. 115-118.

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et dispensateur de lumière solaire, ayant une mer illuminatrice, réceptacle de la connaissance des anges et des hommes; car en vérité le Fils est puissant comme le Père bien que le Fils soit modeste; dès le commencement il est opulent car il est la cause de la procession de l’Esprit; le Saint-Esprit est puissant, car il est la cause des livres prophétiques23.» Et le merveilleux Épiphane (Epipʻan) [écrit] enfin dans le Commentaire des Psaumes24: «La très sainte Marie (Mariam), Mère de Dieu, dans le discours sur la foi qu’elle ordonna à Jean l’Évangéliste (Yovhannēs Awetaraničʻ) d’enseigner à Grégoire le Thaumaturge (Grigor Skʻančʻelagorc)25 dit: Un seul Dieu, Père du Verbe vivant [qui est] sagesse subsistante, puissance, forme de l’essence, parfait géniteur du parfait, Père du Fils monogène, Seigneur de l’Unique, Dieu issu de Dieu, forme et image de la divinité, Verbe Dieu agissant en tout, embrassant tout ce qui a été créé, force infinie et créateur de toute la création. Fils véritable du Père véritable, invisible de l’invisible, incorruptible de l’incorruptible, immortel de l’immortel; un seul Esprit saint qui tient son essence de Dieu et qui est apparu par le Fils et s’est manifesté aux hommes, image parfaite du Fils parfait, vie et cause des vivants, sainteté et dispensateur de sainteté, dans lequel se sont manifestés Dieu le Père, celui qui est au-dessus de tout et en tout, et Dieu le Fils, celui26 par qui sont toutes choses. Trinité parfaite, indivisible et inaliénable ni selon la gloire, ni selon l’éternité, ni selon la royauté. [p. 333] Donc il n’y a rien de créé ni d’esclave dans la Trinité, ni de surajouté comme si cela n’existait pas auparavant, mais avait été introduit par la suite. Et le Fils n’est pas moindre que le Père, ni l’Esprit que le Fils mais la Trinité [demeure] toujours immuable et sans changement27.» 23

Voir dans le Livre des Lettres, p. 435-466, la réponse de Stepʻannos de Siwnikʻ à la lettre que le patriarche byzantin Germain (715-730) a adressé aux Arméniens pour les amener à l’union. 24 La traduction arménienne du Commentaire des Psaumes transmise sous le nom d’Épiphane de Salamine ou de Chypre (315-403) est la traduction du Commentaire de Théodoret de Cyr comme l’a démontré OUTTIER 1977, p. 169-180 et OUTTIER 1983, p. 241248. 25 Grégoire le Thaumaturge (214-270?). 26 Litt. «celui qui par qui sont toutes choses». 27 Ce texte, qui est le Credo de Grégoire le Thaumaturge, est également préservé dans le florilège dogmatique, du début du VIIe siècle, connu sous le nom de Sceau de la Foi (Կնիք Հաւատոյ, p. 71) et dans le pseudépigraphe du VIe siècle, Discours fréquents (Յաճախապատուն ճառք), attribué à Saint Grégoire l’Illuminateur ou à Maštocʻ (p. 300-310). Ces deux versions arméniennes suivent de très près le texte grec tel qu’il est donné par Grégoire de Nysse (De Vita B. Grigorii Thaumarturgi, PG, 46, 3, col. 911-914). Nous donnons cidessous la version arménienne, telle qu’elle figure dans le Sceau de la Foi et entre crochet dans notre traduction, le passage lacuneux, repris dans le texte des Discours fréquents: Մի

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Telle est la profession de foi qui est reçue dans les églises des Arméniens (Hayastaneaykʻ) et par l’âme de Kirakos; il convient de prêcher publiquement: «L’Esprit procède du Père et se manifeste par le Fils.» C’est ce que nous avons répondu à l’encyclique des Occidentaux et nous nous tenons fermement dans cette foi par la grâce de la sainte Trinité à qui soit gloire pour les siècles. Amen.

Աստուած, Հայր կենդանի Բանին, էական իմաստութեանն և զաւրութեան կերպարան իւրոյ. Կատարեալ կատարելոյ ծնաւղ, Հայր Որդւոյ Միածնի: Մի Տէր միայնոյ, Աստուած յԱստուծոյ, կերպարան և պատկեր Սստուածութեանն, Բանն գործաւոր, իմաստութիւն պարառական ամենեցուն ընդ լինելութեամբ անկելոցն և զաւրութիւն, բոլոր էիցս արարօղ. Որդի ճշմարիտ ճշմարտոյն, անտեսանելի անտեսանելւոյն. անապական անապականին, անմահ անմահին, մշտնջենաւոր մշտնջենաւորին: [lacune]....և Որդւով երևեալ յայտնապէս մարդկան, պատկեր Որդւոյ, կատարեալ կատարելոյ, պատճառ կենդանեաց, սրբութիւնք սրբութեանց շնորհօղ, որ ծանուցանի Հայր, որ ի վերայ ամենեցուն և յամենեսին, և Որդի Աստուած, որով ամենայնք: Երրորդութիւն կատարեալ փառօք և մշտնջենաւորութեամբ և թագաւորութեամբ անբաժանելի և անաւտարելի. ոչ ստեղծական ինչ և ոչ ծառայական Երրորդութեանն, և կամ ի ներքս ածական, որպէս թէ յառաջագոյն ինչ ոչ եղելոյ զկնի ի ներքս ածաւ: Եւ ոչ երբէք նուազեաց Որդի ի Հօրէ, և ոչ յՈրդւոյ Հոգի, այլ անփոփոխելի և անայլայլելի Երրորդութիւնն միշտ: Un seul Dieu, Père du Verbe vivant, forme de sa sagesse subsistante et de sa puissance parfait géniteur du parfait, Père du Fils monogène. Un seul Seigneur, Dieu issu de Dieu, forme et image de la divinité, Verbe agissant, sagesse enveloppante de tous ceux qui sont venus à l’existence, puissance qui a faite tous les êtres, Fils véritable du véritable, invisible de l’invisible, incorruptible de l’incorruptible, immortel de l’immortel, éternel de l’éternel. [Un seul saint Esprit, qui tient son essence de Dieu] et est apparu par le Fils manifestement aux hommes, image du Fils, parfait du parfait. Cause des vivants, sainteté, dispensateur de sainteté dans lequel sont perçus le Père qui est au-dessus de tout et en tout, et le Fils Dieu par qui tout est. Trinité parfaite en gloire, en éternité, en majesté, indivisible et inaltérable. Il n’y a rien de créé, ni rien d’esclave dans la Trinité, ni de rajouté comme si cela n’existait pas auparavant et avait été introduit par la suite. Et le Fils n’a jamais fait défaut au Père, ni L’Esprit au Fils, mais la Trinité [demeure] toujours immuable et sans changement.

CHAPITRE LI

PROFESSION DE LA VRAIE FOI DES ORTHODOXES Nous croyons au Père, au Fils et au Saint-Esprit, aux trois personnes parfaites et à une unique divinité glorifiée, à la Trinité sainte et égale en gloire, sans commencement et sans fin, intemporelle et immense, toujours sans besoin et pleine de joie, parfaite en tout, pensée dans le bien qu’elle possède naturellement, et qu’elle distribue sans relâche aux nécessiteux. Trinité parfaite, qui ne croît ni ne diminue, divisée en personne, mais du fait de son nom elle demeure dans l’unité [p. 334]; elle a été glorifiée et est glorifiée dans la nature divine, la force, la volonté, la sagesse, l’œuvre, la majesté et surtout dans l’intelligibilité et dans l’indicible miséricorde. Père inengendré, Fils né du Père, sans souillure et incorporel, de même nature que le Père avant les temps. Esprit saint qui jaillit du Père, et qui se manifeste à partir du Fils, non pas par la naissance du Fils mais surgissant comme d’une fontaine, exemple scrutable, seul, inconnaissable pour les créatures. Toujours avec le Père, le Fils et l’Esprit, l’Esprit du Père et pareillement du Fils. Le Père ne s’est pas commué dans le Fils, ou le Fils dans le Saint-Esprit ou l’Esprit dans le Fils et le Père. Le Père ayant la personne et le nom de Père, le Fils ayant la personne et le nom de Fils et l’Esprit ayant la personne et le nom d’Esprit. Il n’y a ni échange ni changement de noms et de personnes mais le Père est toujours Père, le Fils est toujours Fils et l’Esprit toujours Esprit, ce à quoi je crois. À cause de cela et de l’amour, le Fils est venu à la mesure d’une personne par l’annonciation de l’archange Gabriel (Gabriēl) à la Vierge Marie (Mariam) qui est sainte par l’esprit et par la chair, et en vue de notre rédemption, il est devenu homme à partir d’elle, dans la limite de notre nature, esprit, pensée, souffle, chair. Il est un homme parfait [dans] la nature pécheresse d’Adam, d’où était Marie, [nature] qu’il a reçue et qu’il divinisa sans confusion et altération. Dans un mélange1 inscrutable et 1 La tradition arménienne emploie le terme խառնումն mélange comme équivalent de միաւորութիւն unification, de միութիւնն union par opposition à խառնակութիւն fusion, confusion ou embrouillement. Les sources chalcédoniennes associeront constamment mélange et confusion et nieront que la langue et la christologie arméniennes aient pu maintenir la distinction.

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ineffable, il est issu de deux natures parfaites, divine et humaine, une personne parfaite d’une nature inaltérable et indivisible [p. 335], la nature humaine dense et articulée ne se changeant pas en nature simple et inarticulée de la divinité en perdant sa propre nature. Et la nature simple et incorporelle de Dieu ne se mêlant pas à la nature de chair, il s’est défait de sa simplicité éternelle bien qu’on dise qu’à cause de son union indissoluble, l’incorporel s’est incarné et le Verbe s’est densifié. Demeura un Fils Monogène, une personne, un Christ, véritablement uni à partir de deux en une nature, une volonté, un appétit, une action, une naissance par la virginité, une mère mais pas de père, lui qui avait été engendré sans mère avant tous les siècles. Et je confesse la mère d’Emmanuel (Ēmmanuēl) Théotokos pour toujours et l’Emmanuel Dieu pour toujours dans cette même chair qu’il a après la naissance. Je confesse toutes les économies, œuvres de Dieu, les actes les plus humbles, les plus hauts et les passions irréprochables qu’il a endurées pour nous. Je ne les divise pas mais je les dis un propre à mon Seigneur et je n’entends pas confusion et j’anathématise ceux qui entendent et disent confusion. Et de même je confesse la passion de la croix, croix de Dieu et mort; je ne parle pas de la mort de la nature incréée ou de sa séparation du corps, mais parce qu’uni par nature à la divinité, il est devenu Dieu: je confesse Dieu, par qui l’immortel est mort2 en remettant son âme douée de raison aux mains du Père. La divinité n’est séparée ni de l’esprit ni du corps, elle est unie [p. 336] indestructiblement, car par l’esprit il a démoli l’enfer, tué la mort et par son corps il a dissipé la corruption en tant que Dieu et corps de Dieu. Dardant ses rayons sur tous les tombeaux, ressuscitant nombre de personnes, connaissant les temps limités au sein de la terre, il se relevait avec un très grand nombre et non pas isolément comme Jonas (Yunan) du poisson mais avec une plénitude d’âmes englouties dans la mort depuis Adam, [il se relevait] des Enfers et avec beaucoup de corps redevenus poussière dans leurs tombes, il sortait du tombeau dans la virginité du sceau indissoluble comme du sein de Marie, et il montait aux cieux inviolables grâce à la virginité comme dans le cénacle aux portes closes3, afin qu’il soit 2 Voir le canon du Bun Barekendan (premier dimanche du Carême) de Nersēs Šnorhali (1102-1173): «Allons! Fidèles du Christ, jeûnons avec joie. En mourant au péché, dans la mort de l’Immortel. Afin que par sa résurrection nous revivions dans la justice. Exaltez-le dans les siècles» (trad. RENOUX 1989, p. 286). 3 Voir Jn XX, 26.

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manifeste qu’il surpasse la nature corporelle. Car la nature de la chair est mortelle, corruptible et misérable si on la considère seule et elle ne peut pas entrer par le corps incognito, mais c’est sa [nature] seigneuriale [c’està-dire] le Seigneur qui pleinement contient le vrai homme avec sa limite; cependant grâce à sa [nature] divine devenu brillant et étincelant, il agit comme il sied au Verbe; et les cohortes des apôtres l’ont touché de leurs mains et ont vu de leurs bienheureux yeux l’invisible devenu visible. Il viendra avec le même corps et dans la gloire du Père pour juger les vivants et les morts, lui dont le règne n’a pas de fin. Je crois [aussi] que nous tous qui avons été amenés à l’existence nous l’avons été à partir du néant par cette même Trinité et qu’Adam a été fait à l’image du bien et dissout dans la mort par [sa] transgression [commise] de sa propre volonté et que de nouveau il a été renouvelé par ce même Créateur à travers l’Économie de l’Unique Monogène par la volonté du Père et de l’Esprit. [p. 337] Je crois en la totale résurrection de nous qui sommes doués de raison et qui venons d’Adam par la puissance du Créateur et Restaurateur. Je crois en la justice équitable au jour du jugement selon [nos] mérites, en la rétribution de la vie éternelle et des souffrances [éternelles]. C’est une brève profession de notre foi, qui est [partagée] par tous les orthodoxes. Le Seigneur nous fera participer aux grâces de sa miséricorde pour que, par elle, nous vivions sur terre dans une conduite immaculée et dans des œuvres de bien et pour que, par cette profession de foi, nous allions vers le Christ, notre espoir et notre assurance, et que nous soyons dignes de contempler librement la bienheureuse et la très sainte Trinité, en trois personnes distinctes et glorifiée en une seule divinité, en une seigneurie et une souveraineté. Il nous rendra dignes, nous et tous les vrais croyants, de bienfaits ineffables et de joies inénarrables: ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas tombé dans le cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment4. Maintenant une grande partie du pays professe et observe cette profession de foi saintement dans leur conduite, et le grand pontife doit donner cette profession dans tous les actes sacerdotaux et la réclamer à ceux qui veulent être consacrés. Et ainsi il frappe d’anathème nommément les loups corrupteurs, tous les hérétiques, les cent cinquante-neuf schismes5 jusqu’à ce jour et d’autres, 4

I Cor II, 9. Voir la liste des 159 hérésies du Գիրք հերձուածոց (Livre des hérésies). À propos de cet opuscule, voir MARDIROSSIAN 2004, note 123, p. 193. 5

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qui sont semblables à ceux-là, pour confesser tous les orthodoxes, [p. 338] les pasteurs de l’Église qui ont guidé le troupeau du Christ dans la vérité et l’ont nourri dans les pâturages vivifiants. Et ainsi l’Esprit descend sur cet autel de sainteté et il se reposera sur celui qui s’est offert et qui sait distinguer les étrangers et les familiers et reconnaître les savants et les sages pour établir des pasteurs et qui pourra appeler à la vie ceux qui sont dignes de vie, c’est-à-dire les conduire à Dieu. Car il est un rempart de protection pour les croyants, rachetés par la croix et le sang, non seulement pour qu’ils restent à l’écart du mal mais aussi pour qu’ils suivent le bien en Jésus Christ, notre seigneur, gloire à lui pour les siècles, amen. Le grand vardapet Vanakan écrivit que c’est ainsi que l’on peut professer ou dire: l’Esprit saint [procède] du Père et du Fils.

CHAPITRE LII

DU VARDAPET VANAKAN, CONSEIL À PROPOS DE LA PROFESSION DE FOI1 Parler en esprit de l’Esprit est l’œuvre des dons spirituels2, et si qui que ce soit par constance est enclin à glaner pendant les fenaisons estivales il aime trouver aussi des épis3. Mais si un esprit léger souffle sur Élie (Ełia)4 le Verbe accourra et une unique divinité sera glorifiée, en trois hypostases visibles les unes à travers les autres, [p. 339] comme la lumière de la lumière. Car si cette lumière créée et [le] feu ne se ferment pas à ses proches et aux autres, comment l’incréé qui a la vertu de créer [pourrait-il se fermer] aux uns, aux autres, et aux créatures? Ce que nous ne pouvons pas comprendre car on ne peut pas distinguer trois parties individuelles dans l’air, le feu, l’eau et le vin à cause de la ténuité de leurs parties. Parce qu’elles sont tributaires même si elles paraissent non tributaires, elles sont non négatives même si elles paraissent négatives, combien plus encore l’intellect n’osera, dans la sainte Trinité incréée, non créée, sans limite et consubstantielle, reconnaître par consensus qu’il n’y a rien pour la limiter et aucun lieu où la tenir. Mais ce que les Écritures inspirées par Dieu fournissent à l’Église, ce qui est un commencement, l’intelligence intelligible à celui qui entend comme aliment et nourriture pour l’esprit. Les essences angéliques et leur capacité créatrice aussi nourrissent l’intellect; car l’intelligent entend intelligemment et avec intellection l’intelligible intelligence. Maintenant, tends ton propre esprit, dit le premier prophète Moïse (Movsēs), regarde en toi5. Et Philon (P‘ilonios)6 conseille aussi: «Par ta Trinité, comprends dans ta chair, ce qui est esprit, intellect et parole.» De la même façon Paul (Pōłos) nous écrit: «Un seul Dieu le Père, À propos de ce chapitre voir MEHRABIAN 2002, p. 29-44. Voir I Co XII, 1. 3 Voir Ru II, 2. 4 Voir 1 Rs XIX, 9-18. 5 Voir Ps LXIX (LXVIII), 19. 6 Philon d’Alexandrie (13- 54?), philosophe et théologien juif, est un des premiers à avoir proposé une synthèse entre la foi monothéiste et l’héritage philosophique grec. Une partie des œuvres de Philon n’existe qu’en traduction arménienne, voir l’appendice de TERIAN dans ZUCKERMAN 1995. p. 36-44 qui recense toutes les traductions arméniennes des œuvres de Philon. 1 2

DU VARDAPET VANAKAN, CONSEIL À PROPOS DE LA PROFESSION DE FOI

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un seul Seigneur, Jésus Christ7» et «un seul Saint-Esprit8». Et le saint concile de Nicée (Nikia) transmet de même: «Je crois en un seul Dieu, le Père, en un seul Seigneur, Jésus-Christ et en un seul Esprit saint.» Et Jean le baptiste (Yovhannēs Mkrtič‘) confesse l’unité de la nature, pose le Père et l’Esprit comme une famille, c’est-à-dire que le Père et l’Esprit portent aussi la parole du Fils. Athanase (At‘anas): «Trois sujets», dit-il «ou trois personnes». Grégoire le Théologien (Astuacaban Grigor)9: [p. 340] «Trois hypostases, ou trois prosōpa, ou dis ce que tu préfères. Dieu lui-même, celui qui est, dit-il, qui est sans commencement ni fin.» Grégoire le Théologien, Basile (Barseł) et Grégoire de Nysse (Grigor Niwsac‘i): «Inengendré, engendré et procédant», ce que toute l’Église orthodoxe suit. Jean Chrysostome (Yovhan Oskeberan): «Racine, plante et surgeon». Paul dit: «Le Père essence et le Fils empreinte, le Père lumière et le Fils rayon». Athanase dit: «Le Fils empreinte du Père, l’Esprit [empreinte] du Fils qui est du Père et du Fils.» Il dit: «Le Seigneur lui-même dit que le Père est Esprit10.» Et Grigor l’Illuminateur: «Le Fils est dit Esprit.» Et toutes les Écritures divines disent: «L’Esprit est Esprit.». Paul dit: «Le Père est invisible et le Fils image de l’invisible.» Il est clair que l’Esprit est l’image du Père et du Fils car l’empreinte et l’image des étants sont une et, selon cela, Dieu créa l’homme à son image11, une unique image des étants, un unique archétype d’un unique homme, d’une seule nature, de trois hypostases, d’une seule divinité; tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament témoignent que le Père est sans principe et sans cause, et lui le dit à Abraham: «Moi qui suis celui qui est, je te jure12» et à Moïse: «Moi je suis celui qui est13» comme pour dire «[je ne suis] de personne et le Fils et Esprit [sont] du Père». Et Osée (Ovsē) dit: «Mon esprit et le Verbe au milieu de toi14.» Et le Seigneur lui-même dit: Le vent souffle où il veut mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit 15. 7

Voir 1 Cor VIII, 6. Voir Eph IV, 4. 9 Grégoire de Naziance est appelé dans le monde grec «Grégoire le Théologien» à cause de ses Discours théologiques consacrés à la Trinité. 10 Voir Jn IV, 24. 11 Gn I, 27. 12 Voir Gn XXII, 16. 13 Ex III, 14. 14 La citation n’est pas d’Osée, nous ne sommes pas parvenu à identifier l’auteur la citation. 15 Jn III, 8. 8

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C’est pourquoi saint Épiphane de Chypre (Epip‘an Kiprac‘i)16 dit: «Le Père est Esprit17 et de lui sont le Fils et l’Esprit.» Car Père est le nom de l’incommencement et les trois sont sans commencement, [hors] du temps. Dire Esprit est signe d’incorporalité et les trois sont incorporels. Dire Fils est [signe] de substance et de nature et [p. 341] les trois sont une substance et une nature. On dit «le Fils est issu du Père» et on ne dit pas «le Père du Fils» car ce dernier est issu de lui et non pas lui de ce dernier. On dit «le Fils et l’Esprit issus du Père», on ne dit pas «le Père issu d’eux». On dit «le Fils et l’Esprit issus du Père», l’un par naissance18, l’autre par la procession. On dit «le Fils émanation», on dit «l’Esprit émanation». On dit «le Fils issu du Père» et on dit «l’Esprit procède». Le Père est dit Esprit mais il n’est pas dit Fils. L’Esprit n’est dit ni Père, ni Fils. Le Fils est du Père et l’Esprit est du Père et du Fils19. Le Père [est] racine, le Fils plante, l’Esprit surgeon de la racine et de la plante20. Le Père [est] l’être, le Fils bouche et l’Esprit souffle. Toutes ses puissances [viennent] par l’Esprit de sa bouche. Et tes jets font un jardin de grenadiers21 et il souffla sur leurs visages et [leur] dit: «Recevez l’Esprit Saint.»22. Le Père [est] hypostase, le Fils substance, l’Esprit bras et doigt issu du bras. Moi c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons23. Le Fils est du Père et l’Esprit d’eux, dit saint Épiphane, le Fils procède du Père et l’Esprit procède du Père et du Fils. Le Fils reçoit du Père, de même l’Esprit aussi reçoit du Fils24. Le Seigneur a dit: C’est de mon bien qu’il reçoit et qu’il vous le dévoilera25. Et le Fils reçoit de l’Esprit, [car] ce qui a été engendré en [Marie], vient de l’Esprit Saint26. Les trois sont lumières du soleil, un modèle unique en tout, inaccessible, ineffable, sans forme, sans qualité, sans quantité et sans limite. Mais l’unique, qui a reçu notre nature, le Verbe se manifeste dans la nôtre et par lui on connaît le Père et l’Esprit. Le Fils est dit engendré, ce que l’on traduit par: tenir 16

Voir Kirakos, chap. 50. Voir Jn IV, 24: «Dieu est Esprit». 18 Voir He I, 5. 19 Voir Agatʻangełos, § 362, p. 181. 20 Voir Is, XI, 1. L’image du Père comme «racine» du Fils se retrouve chez de nombreux pères, voir Tertullien, Adversus Praxean, VIII, 5-7. 21 Cant IV, 13. 22 Jn XX, 22. 23 Lc XI, 20. 24 Voir Sceau de la Foi, p. 26-27. 25 Jn XVI, 15. 26 Mt I, 20. 17

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de quelqu’un; et il est dit procédé, ce que l’on traduit par: ne pas avoir [quelque chose] de quelqu’un, car il ne possède pas la personne du Père, ni la personne de l’Esprit, mais [p. 342] sa personne de Fils. L’Esprit est dit procédant du Père et du Fils, car il n’a ni la personne du Père, ni la personne du Fils, mais sa propre personne d’Esprit. Ces trois noms sont les signes égaux des trois personnes, pas une audessus de l’autre, pas une en dessous de l’autre mais égales les unes aux autres en tout27. Non pas le signe de trois natures, ce que personne n’ose concevoir, mais le signe de trois personnes et d’une nature. L’un est Père il n’est pas d’un autre Père, l’un est Fils car il est du Père, l’autre est Esprit, il est du Père et du Fils. On dit le Père inengendré car il n’est de personne, le Fils engendré car il est du Père, mais l’Esprit n’est pas dit Fils ou engendré, de crainte qu’ils ne soient considérés comme deux frères, ni jumeau avec le Fils, de peur qu’il ne soit considéré comme une fille, ni [engendré] du Fils seul, de peur qu’il ne soit considéré comme un petitfils28. Et toi, pourquoi as-tu du mal, toi qui es sage et croyant véritable, à concevoir deux causes. Basile questionnait son frère Grégoire: «Quel est le commencement du commencement?» et lui de répondre: «la première cause de la seconde cause. Ô mon bien aimé, de qui d’autre le Père et le Fils sont causes si ce n’est de son Esprit?» Grégoire le Théologien reprend la parole de Platon (Płaton)29 qui avait écrit: «Comme le cratère en ébullition qui rejette le mélange, il faut mépriser ce «répandu» mais accepter de les appeler première et seconde causes»30. Toi, confesseur, pourquoi es-tu rétif à propos des deux causes car ce ne sont pas les noms qui distinguent une nature comme règle mais le signe de trois personnes en une nature, en sorte que la définition et la règle de la profession de foi puissent rester sans mélange et sans confusion, [c’est-à-dire] une divinité qui a tout composé selon la règle et la définition, [p. 343] de crainte que dans la pensée du confesseur ne viennent mélange et confusion. Je te le dis, toi 27 Voir le symbole dit de saint Athanase: «Donc un seul Père et non trois Pères. Un seul Fils et non trois Fils. Un seul Esprit saint et non trois Esprits saints. Et dans cette trinité rien n’est premier ou dernier, rien n’est plus grand ou plus petit, mais toutes les trois personnes sont entre elles coéternelles et coégales.» 28 À propos du refus d’envisager l’Esprit comme petit-fils du Père, voir Athanase d’Alexandrie, PG 26, 569B (trad. Lebon, p. 111-112). 29 Voir Platon, Timée, 41d (trad. Chambry, p. 420-421). 30 Grégoire le Théologien, Discours 29, 2, 18: «Car nous n’aurons certainement pas l’audace de parler d’un débordement de bonté comme un des philosophes grecs qui osa dire: “tel un cratère qui a coulé par-dessus bord” — il dit cela expressément dans le passage où il traite de la cause première et de la cause seconde.»

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qui m’écoutes, comment ton intellect est-il en toi? Ou comment chez un autre naît l’intellect? Si tu ne conçois pas cela, comment peux-tu examiner les questions concernant Dieu et t’opposes-tu aux Écritures? Si tu ne peux pas voir la lumière qui dans ta tête se lève, l’intelligence qui existe dans certains aspects de ton discours, le jaillissement dans ton cœur et les inflexions dans ta voix, n’essaie pas de concevoir quoi que ce soit qui serait contraire à Dieu et aux Écritures. Je te le dis derechef, ta parole vient-elle de ton intellect ou de ton esprit? Si [elle provient] de ton intellect sans ton esprit, ta parole est sans ton esprit. Si [ta parole provient] de ton esprit mais sans ton intellect, ta parole est inintelligente; mais [si ta parole provient] de ton esprit et de ton intellect, ta parole devient spirituelle et intelligente comme cela doit être, car si ta parole [n’]est animée [que] par l’entendement alors elle est vaine. Ne vois pas l’unité de la nature de Dieu et la division de la personne à travers un exemple matériel pour ne pas être scandalisé. Si tu dis que l’Esprit procède et émane du Père seul, l’Esprit [alors] est sans parole, si tu dis du Fils seul, ceci est un principe qui nous est étranger. Mais si tu dis du Père et du Fils, ceci est la vérité comme cela doit être. De même que la paternité de Dieu n’est pas charnelle, ni la filiation, ni même la procession. C’est une expression, on dit selon l’usage de [notre] pays: ce nom est sorti tout entier de cette parole et a été séparé de ces choses tout entier, rien de lui n’est resté derrière, il n’a rien transporté des autres, ni rien arraché aux autres, ni rien n’a été retranché des autres, soit dis-le entier, soit dis-le pur, soit dis-le simple. [p. 344] Ainsi l’Esprit est du Père et du Fils et lui n’est ni amoindri, ni retranché d’eux. Dieu le Père pleinement parfait, Dieu le Fils pleinement parfait, Dieu le Saint-Esprit pleinement parfait, une divinité parfaite en trois personnes égales en tout. Telle est la confession de foi orthodoxe de l’Église, saint Denys (Dionesios)31 met sur le même plan le mot «procédant» pour la Trinité, pour le Père, le Fils et l’Esprit, en disant: «Le terme procédant signifie celui qui rend savant, fort et vivant.» Autrement dit: le fait de rendre sage, fort et vivant et d’autres choses de similaires. À nouveau je te supplie, ne pense pas le nom de Dieu selon la nature mais selon sa sollicitude vis-à-vis de nous: Dieu est appelé lumière et vie; 31 Les Arméniens connurent les œuvres du théologien mystique, Denys l’Aréopagite (v. 490), dès le VIIe siècle, bien avant leur traduction en arménien au VIIIe siècle, voir THOMSON 1982, p. 115-124 et THOMSON 1987.

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veux-tu dire lumière et vie comme nous la voyons et la vivons? Ou [alors] peux-tu connaître le nom et l’essence de ton propre esprit? Ceci est une promesse pour les temps futurs quand cela sera révélé: ce que l’œil n’a pas vu, que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment32. Ici n’en demande pas plus de crainte de tout perdre.

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1 Cor II, 9.

CHAPITRE LIII

À PROPOS DE LA MORT DU SAINT VARDAPET VANAKAN Le grand vardapet Vanakan, agréable à Dieu, parvenu à une vieillesse heureuse, âgé et rassasié de jours1, à l’exemple du patriarche Abraham, [p. 345] s’en alla vers le Seigneur. Il acheva sa course en ayant gardé sa foi2 dans la confession orthodoxe à l’égard de la sainte Trinité et de l’Économie du Christ. Depuis sa plus tendre enfance, il s’était consacré au service divin, il mit beaucoup de sueur et de labeur dans sa parole de vardapet, conduisant à la gloire un grand nombre de fils3. Il avait enduré toutes sortes d’ascèses, mortifiant [ses] membres terrestres4, il avait crucifié, selon le conseil de l’apôtre, la chair avec ses passions et ses convoitises5. Car cet homme de Dieu, telle l’abeille aux fragiles ailes, volait audessus de fleurs nombreuses et variées, recueillait ce qui leur était nécessaire et indispensable et [aussi] nourriture et remède pour les rois et les ṙamikk‘. Il réunissait aussi en sa personne les mœurs et les vertus de tous les saints; il façonna son rayon [de miel] pour ses besoins et le bien des autres. Il possédait la probité d’Abel (Abēl)6, la beauté de Seth (Sēt‘)7, l’espoir d’Énos (Enovs)8, la foi de Hénoch (Enovk‘)9, la perfection de Noé (Noy)10, la foi et l’œuvre d’Abraham11, l’obéissance d’Isaac (Isahak)12, 1

Gn XXV, 8. Voir 2 Tm IV, 7. 3 He II, 10. 4 Col III, 5. 5 Ga V, 24. 6 Voir Mt XXIII, 35: «[…] pour que retombe sur vous tout le sang innocent répandu sur la terre, depuis le sang d’Abel l’innocent jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie que vous avez assassiné entre le Sanctuaire et l’autel». 7 Voir l’apocryphe Sur les premiers pères, Adam, ses enfants et petits-enfants, § 28 (texte et trad. Stone 1996, p. 192). 8 Voir Movsēs Xorenac‘i, I, 4, p. 14 (trad. Mahé, p. 108): «C’est Énos qui, le premier, eut l’espoir d’invoquer Dieu». 9 Voir He XI, 5: «Par la foi, Hénoch fut enlevé en sorte qu’il ne vit pas la mort (…).» 10 Voir Sir XLIV, 17: «Noé fut trouvé parfait, juste, au temps de la colère, il fut le surgeon (…).» 11 Voir He XI, 8: «Par la foi Abraham obéit à l’appel de partir vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait.» 12 À propos de l’obéissance d’Isaac, voir Flavius Josèphe, Les Antiquités juives, I, 232 (trad. Nodet, p. 61). 2

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la vision de Dieu d’Israël (Israyēl)13, la chasteté de Joseph (Yovsēp‘)14, la constance de Job (Yob)15, l’humilité de Moïse (Movsēs)16, la jalousie de Phinéès (P‘inehēs)17, la sainte pureté de Josué (Yesu)18, la candeur naïve de Samuel (Samuēl)19, [p. 346] l’humilité de cœur de David (Dawit‘)20, la sagesse de Salomon (Sołomon)21, la franchise d’Isaïe (Isay)22, la revanche d’Élie (Ełia)23, la compassion de Jérémie (Ełemia)24. À l’instar de Daniel (Daniēl) et d’Ézéchiel (Ezekiēl), il fut déporté avec le peuple de Dieu. Comme Zorababel (Zōrababel) et Josué (Yesu), il restaura le temple de Dieu25; tel Ptolémée (Ptłomēos), il rassembla de nombreux livres de différentes nations et en diverses langues26. À l’exemple de Jean (Yovhannēs), il vécut dans un désert et prêcha sur l’ordre du Seigneur la repentance27, s’appuyant sur l’Ancien et le Nouveau Testament. Comme Pierre (Petros), il professait le Seigneur [comme] fils de Dieu et il était la tête de l’Église. 13 Il s’agit là de la vision de Jacob (voir Gn XXVIII, 11-15) qui est appelé Israël par Dieu (voir Gn XXXV, 10). 14 Voir Gn XXXIX, 7-15. 15 Voir Ja V, 11: «Voyez, nous proclamons heureux ceux qui ont eu de la constance. Vous avez entendu parler de la constance de Job (…).» 16 Nomb XII, 3: «Or Moïse était un homme très humble, l’homme le plus humble que la terre ait porté.» 17 Voir Sir XLV, 23: «Quant à Phinéès, fils d’Éléazar, il est le troisième en gloire pour sa jalousie dans la crainte du Seigneur (…).» 18 Du fait de l’homonymie de Josué et Jésus, Josué apparaît comme un précurseur de Jésus et à ce titre possède les mêmes vertus. 19 Voir 1 Sam III, 1-18. 20 Le roi David, modèle d’humilité, d’après un apophtegme arménien, voir LELOIR 1974, I, p. 2. 21 Voir 1 Rs V, 9-14: sagesse et renommée de Salomon. 22 Voir Is XLV, 19. 23 Voir 1 Rs XVIII 1-46. 24 Voir Jr XLII, 22. 25 Voir Sir XLIX, 11-12. 26 Ptolémée II Philadelphe (283-246 av. J.-C.) aurait rassemblé d’innombrables ouvrages à Alexandrie et fait traduire la Bible en grec par soixante-douze savants juifs, la Septante. Voir Movsēs Xorenac‘i, I, 2, p. 8 (trad. Mahé, p. 104-105); Vardan, § 13, p. 28 (trad. Thomson, p. 156). Cette histoire légendaire a été probablement connue des Arméniens à travers la version arménienne Des poids et des mesures d’Épiphane de Salamine: «Ptolémée deuxième régna à Alexandrie et fut surnommé Philadelphe et ami des sciences. Il forma une bibliothèque où il rassembla tous les ouvrages qui existaient dans l’univers (…)», il demande qu’on lui envoie des jeunes «habiles dans les langues grecque et hébraïque» afin de traduire les livres en langue hébraïque. «Alors ils envoyèrent les soixante-douze traducteurs, choisis parmi les docteurs juifs déjà mentionnés (…)» (trad. CHAMA, I, p. 406). Voir également l’étude de STONE et ERVINE sur la version arménienne Des poids et des mesures d’Épiphane de Salamine. 27 Voir Lc III, 3-9.

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Avec les fils du tonnerre28, il tonnait et transmettait la parole spirituelle de Dieu; avec Paul (Pōłos), il semait la parole de vie chez tous29 [et] la confirmait par écrit; avec les vardapet des églises, il luttait et chassait les loups, il faisait boire du lait aux uns et donnait de la nourriture solide à ceux qui sont d’un âge avancé30. Maintenant, celui qui possédait en lui-même tous ces bienfaits et enseignait à d’autres la même doctrine s’en alla vers le seigneur, s’acquittant ainsi de sa dette à la nature. Sa fin récente survint comme suit. Dans le monastère qu’il avait lui-même érigé et qui se situait en face de la citadelle d’Ergevank‘, derrière le Gardman, appelé Xoranašat, [ce monastère] avait reçu ce nom à cause des nombreuses églises (= chapelles) qui s’y trouvaient, il construisit de magnifiques bâtiments, un gawit‘ [p. 347] en pierres polies à la grande porte de l’église qu’il avait lui-même édifiée. Il enseignait la parole de la doctrine à ceux qui étaient [venus] de tous les cantons et s’étaient rassemblés autour de lui. Durant les jours du saint Carême, il tomba malade et mourut de cette maladie. Et avant de remettre son âme pure aux mains de Dieu selon les Écritures31, il appela les frères et les consola avec des paroles douces et agréables, il les supplia de se tenir fermes dans la règle et les principes de l’orthodoxie et de la piété. Puis dans une douce expiration, son âme pure fut délivrée des chaînes du corps, le 10 du mois d’areg selon le nouvel et véritable système, le 18 mars, selon [le mois] des Romains (Hṙomayec‘ik‘), deux jours avant le début du printemps, un samedi, jour de la commémoration du vénérable Cyrille (Kiwreł), patriarche de Jérusalem (Erusałēm)32, lui qui avait arrangé les lectures33 et écrit l’ouvrage L’Appel [à la dévotion]34 [le jour] du martyre de saint Orentius (Ōrēnd) et de ses six frères qui furent suppliciés par l’impie Maximien (Mak‘simianos). [Vanakan] suivait leurs mœurs, c’est pour cela qu’il fut digne d’être parmi leur mémoire35. 28

Mc III, 17. Voir Mc IV, 14. 30 Voir Eznik Kołbacʻi, § 346, p. 510. 31 Voir Lc XXIII, 46. 32 Cyrille de Jérusalem (350-386?), évêque de Jérusalem, défenseur de la foi de Nicée contre les empereurs ariens. 33 Les lectures sont les péricopes scripturaires énumérées dans l’ancien lectionnaire arménien, voir RENOUX 1962, p. 387-388 et BIHAIN 1963, p. 319-348. 34 La version arménienne de L’Appel à la dévotion (Կոչումն ընծայութեան) de Cyrille de Jérusalem a été publiée à Constantinople dès 1727-1728, puis à Vienne en 1832. À propos de ce recueil de catéchèses, voir l’article de GARITTE 1963, p. 95-108. 35 À propos de la mort de Vanakan, voir Vardan, § 86, p. 145-146 (trad. Thomson, p. 215), la notice du Synaxaire arménien concernant la vie et la mort de Vanakan au 10 areg 29

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Un nombre incalculable [de personnes] se réunit pour son enterrement; très affligées et tristes, elles se lamentaient beaucoup, car elles étaient privées de la lumineuse doctrine [p. 348] de [ce] bienheureux et de ses paroles salutaires. On l’emmena et on l’enterra au sommet du monastère, du côté est, près de la plus petite église où se trouvaient les tombes des pauvres, car lui-même en avait donné l’ordre. Il y avait là aussi l’évêque du canton, tēr Sargis avec beaucoup de vardapet et de prêtres. Vinrent également le catholicos (kat‘ołikos) des Ałuank‘, tēr Nersēs [et] l’évêque tēr Yovhannēs; un jour après la cérémonie, ils se lamentaient [encore] et versaient des larmes abondantes audessus de son tombeau [puis], après avoir réconforté les frères, ils repartirent chacun dans son lieu de résidence. Le prêtre Paul (Pōłos), le fils de son frère, se vit confier la direction du couvent, le vardapet Grigor, son élève et parent, l’enseignement de la doctrine. Cela survint en l’an 700 (= 1251/1252). Maintenant par ses prières, que Dieu donne la paix sur tout [son] pays et nous aurons part à sa résurrection et son couronnement.

(18 mars) (PO 102 [21,2], p. 181-182 [p. 1225-1226] et BOISSON-CHENORHOKIAN 20052007, p. 237-248.

CHAPITRE LIV

À PROPOS DE YOVHANNĒS DE GAṘNI1 Il y avait un homme vertueux aux mœurs merveilleuses, observant depuis l’enfance les commandements de Dieu, honoré de la dignité sacerdotale, un prêtre célibataire, du nom de Yovhannēs du chef-lieu de Gaṙni — où se trouve l’étonnant édifice élevé par Trdat2 — du saint ordre d’Ayrivank‘. Depuis l’enfance, [p. 349] il avait dédaigné tout ce qui était de ce monde, abandonné famille et maison, pour vivre dans des lieux désertiques [où] il aimait être seul et parler avec Dieu sans être distrait. Il s’adonnait à de multiples ascèses, jeûnes, prières, étendu par terre sur une paillasse; infatigable et plein de fougue il voyageait de lieu en lieu, illuminant ceux qu’il rencontrait. Il avait reçu le don de guérison et il soulageait beaucoup d’infirmes en imposant les mains et en priant. [Les gens] lui demandaient un écrit de protection pour les leurs et lui, sans délai, en donnait à tous ceux qui lui en réclamaient; non seulement les croyants en voulaient, mais également beaucoup d’incroyants. Lui traçait le nom de la sainte Trinité, des prières mystiques et il leur donnait. Eux les recevaient avec foi et l’attachaient sur leurs personnes. Nombreux furent ceux qui racontèrent bien des choses sur lui, mais c’est surtout notre frère, l’admirable vardapet Vardan, dont les paroles sont dignes de foi, et qui avait des [liens] d’amitié avec lui, qui, pour notre consolation nous a relaté des choses particulières de sa conduite; nous ne l’avons pas vu en personne3 à cause de la distance [qui nous séparait]. [Vardan] nous raconta [ceci]: «Voici ce que Yovhannēs nous a dit: je suis venu dans la sainte ville de Jérusalem (Erusałēm) pour adorer les lieux saints et là, j’ai logé et séjourné durant des jours au [monastère] de saint Jacques (Yakob)4. [p. 350] Une nuit, de bonne heure, avant que sonne l’heure du réveil nous appelant tous à la prière [et] alors que je priais dans la sainte église, 1

Voir AnjB, III, no 249, p. 582-583. À propos du périptère de Trdat, voir Movsēs Xorenac‘i, II, 90, p. 241-242 (trad. Mahé, p. 244-245). 3 Litt. «avec notre corps». 4 À propos des voyages de Vardan, voir l’introduction de la trad. de THOMSON 1989, p. 127. 2

À PROPOS DE YOVHANNĒS DE GAṘNI

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le vardapet, qui était le supérieur5 de saint Jacques, m’appela et me dit: «Viens et écoute les choses étonnantes que mon plus jeune prêtre raconte». Tandis que je m’approchais de lui, il appela le prêtre qui avait eu une vision étonnante et lui dit: «Maintenant, répète ce que tu m’as raconté auparavant en sorte qu’il l’entende aussi.» Alors le prêtre commença son récit: «Avant votre arrivée à l’église, je priais à l’étage de la sainte église quand, soudain, l’image peinte de l’archange Gabriel (Gabriēl) — qui se trouve à l’opposé de l’image de la très sainte Mère de Dieu — se mit à proférer des mots disant: Réjouis-toi, comblée de grâces, car le Seigneur est avec toi 6. Bénie es-tu entre les femmes, et béni le fruit de tes entrailles7. Puis toutes les images peintes des saints commencèrent à proférer les mêmes [mots] et pendant un long moment [elles dirent]: Réjouis-toi, comblée de grâces, car le Seigneur est avec toi…». Moi, émerveillé, je rendis gloire à Dieu et étudiant le calendrier, je constatai que ce jour était le 30e du mois d’areg, le 7e du mois d’avril8 et le 15e de nisan9. La vision de ces prodiges témoigne et confirme la véracité [des dates] des fêtes arméniennes puisque nous affirmons que le jour de l’Annonciation à la sainte Vierge tombe le 30 d’areg, le 7 d’avril et le 15 de nisan alors que d’autres [p. 351] nations le contestent, notamment les Grecs (Yoynk‘), qui disent de manière irréfléchie [qu’elle a lieu] le 25 mars10.» 5

Le terme employé est išxan. Lc I, 28. 7 Lc I, 42. 8 La fête de l’Annonciation de l’ange Gabriel à Marie (7 avril) est, avec la Présentation de la sainte Vierge (14 février), la seule fête fixe du calendrier liturgique arménien entre la Théophanie et Pâques. Dans les premiers documents liturgiques arméniens (čašoc‘ et synaxaire), elle était fêtée le 15 du mois de nawasard — la notice du Synaxaire arménien (PO 23 [5, 3], p. 433 [p. 89]) attribue à saint Grégoire l’Illuminateur l’établissement de cette fête à cette date — et selon le calendrier de l’année solaire mobile arménien, le 15 nawasard est placé après la liturgie du dimanche octave de Pâques, ce qui correspond à une date du mois d’avril. Depuis 1116, date de la réforme du calendrier par Yovhannēs Sarkawag et l’instauration d’une année fixe, le 15 nawasard correspond au 25 août du calendrier julien (voir GRUMEL 1958, p. 179), dans ce contexte, à partir du XIIIe siècle, la fête de l’Annonciation; apparaît donc le 30 areg, soit le 7 avril, dans tous les manuscrits liturgiques arméniens. 9 Septième mois du calendrier juif. Voir GRUMEL 1958, p. 178. 10 À propos des divergences entre les Grecs et les Arméniens, voir la profession de foi de Nersēs Šnorhali transmise par Kirakos au chap. 2: «Car la fête de l’Annonciation, selon nous est le 7 avril (…). Ainsi ceux qui célèbrent la fête de l’Annonciation de la Vierge le 25 mars placent la conception d’Élisabeth (Ełisabet‘) au 10 de t‘šrin, le premier jour du mutisme de Zacharie (Zak‘aria), ce dont l’évangéliste Luc (Łukas) ne témoigne pas. Mais ceux qui fêtent la fête de l’Annonciation le 7 avril placent la conception d’Élisabeth, après douze jours de son service, le 22 de t‘šrin (…)». Voir BOZOYAN 1995, p. 34-35. 6

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Cet homme intègre me raconta cela pour l’affermissement de la foi orthodoxe. De nouveau, le même saint homme Yovhannēs fit un autre récit du même genre. «J’étais, disait-il, dans les régions du Jourdain (Yordanan) en train de prier à l’endroit même du baptême du Seigneur et de saint Jean-Baptiste (Yovhannēs Karapet), trois hommes vinrent vers moi, des tačikk‘ de naissance, qui me demandèrent de recevoir le sceau du saint baptême. Alors moi je tergiversais proposant de les baptiser un autre jour ou de l’être par d’autres, je voyais qu’ils étaient des hommes frustres et j’estimais qu’ils étaient hypocrites. Celui qui était le plus âgé d’entre eux me raconta ceci: Nous sommes originaires de Zandjān (Zangian)11, une ville de Perse, nous sommes de la religion de Muḥammad12. Nous avons construit un grand et beau minaret et nous étions en train de préparer ce qui était nécessaire à [la cérémonie] de dédicace; je suis alors monté au sommet de la coupole, pour pousser [ce] cri absurde selon la croyance des tačikk‘, quand je vis du côté est le ciel se fendre en deux et un lieu plein d’une intense lumière. Un roi redoutable et merveilleux était assis sur un trône de gloire, autour de lui une foule d’êtres lumineux le bénissait d’une voix ineffable. Toutes les nations chrétiennes étaient venues l’adorer, chacune avec son guide spirituel, orné d’une véritable gloire et [p. 352] et tandis qu’elles l’adoraient, lui recevait leurs saluts. À la fin, vint une nation beaucoup plus auréolée de gloire que les premières et leurs guides étaient beaucoup plus merveilleux. Lorsqu’ils vinrent pour adorer le roi, celui-ci se leva de son trône et [alla] au-devant d’eux, les embrassa ainsi que leurs guides et leur manifesta plus d’égards qu’à toutes [les autres] nations. Et tandis que je demeurais figé d’admiration, frappé de stupeur, mon fils aîné grimpa vers moi et me dit: Pourquoi es-tu en retard? Toute l’assemblée t’attend. Il regarda vers l’est et eut la même vision, il en fut désemparé. Mais nous avions trop tergiversé et la populace se fâcha à cause du délai. Vint alors mon fils cadet qui nous reprocha notre retard. Comme la vision avait disparu à son arrivée, nous lui en racontâmes la cause et les choses que nous avions vues et que nous voulions immédiatement proclamer depuis les hauteurs, Christ, vrai Dieu et dire que nous étions [devenus] des chrétiens. Lui nous en empêcha en disant: Puisque c’est ainsi, agissons avec 11

La ville se situe à 298 km au nord-ouest de Téhéran. Le terme employé est մուղրի qui signifie «de la religion de Muḥammad» selon ArmB, III, p. 357. Voir Kirakos, chap. 8, note 3, p. 185. 12

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sagesse, si maintenant nous prêchons le Christ, immédiatement la foule des tačikk‘ nous exterminera et prétextera nous avoir tués pour une faute. Qui sait? Allons et donnons la nourriture que nous avons préparée; ensuite nous nous rendrons dans la sainte ville de Jérusalem, là, nous deviendrons de parfaits chrétiens grâce au sceau du baptême de ces chrétiens, [p. 353] ceux-là même dont vous dites que le roi les a reçus avec une grande joie et vous a désigné dans la vision comme appartenant à la nation des Arméniens (Hayk‘), qui firent partie du lot de Thaddée (T‘adēos), Barthélémy (Bardułimēos) et saint Grigor. Nous cédâmes à ses paroles, nous descendîmes et les rejoignîmes en ne racontant rien à personne. Nous abandonnâmes tous nos biens, meubles et immeubles, et nous allâmes à Jérusalem, suppliant Dieu de nous faire rencontrer la nation qui avait été glorifiée dans la vision. Dieu te désigna à nous et nous vîmes au-dessus de toi le même signe. Maintenant nous te supplions: Donne-nous le sceau du Christ et fais de nous les serviteurs parfaits de ton Dieu.» Moi devant leur ardeur et comme l’appel venait de Dieu, je les baptisai au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit dans le saint fleuve du Jourdain. Je les fis communier par le saint corps et le sang du Fils de Dieu. Après m’avoir salué, ils quittèrent la ville pour aller dans la grande Rome (Hṙom) afin de voir les tombeaux des saints apôtres Pierre (Petros) et Paul (Pōłos) pour la gloire du Christ.» Ce même admirable Yovhannēs racontait: «Quarante hommes de la nation arménienne allèrent dans le désert du Sinaï (Sina), sur la montagne où Dieu est apparu à Moïse (Movsēs) et lui a donné les tablettes en pierre sur lesquelles étaient écrits les dix commandements, afin d’adorer Dieu et de visiter les lieux saints. [p. 354] Il y avait au pied de la montagne un monastère de rite13 romain, d’observance stricte, ils y logèrent. Alors qu’ils désiraient monter dans la montagne, les habitants du couvent leur dirent: «N’y restez pas la nuit, parce que ceux qui y ont passé la nuit ont vu des horreurs effroyables et beaucoup ont péri.» Mais avec hardiesse ils grimpèrent [dans la montagne], sans prendre avec eux de nourriture, ils s’y attardèrent plusieurs jours. Les habitants du monastère s’étonnaient, [ne sachant pas] ce qui se passait car il n’y avait pas d’autre passage. Ils supposaient qu’ils avaient péri d’effroi.

13

Litt. «de nation».

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Mais eux, une fois accompli leur culte, redescendirent de la montagne, les visages emplis de joie et de gloire. Ils étaient [au nombre] de quarantedeux. Les habitants du couvent furent étonnés, ils allèrent à leur rencontre avec des flambeaux et des lanternes; en grand pompe, ils les emmenèrent se reposer. Ils étaient déconcertés, car lors de leur montée dans la montagne ils étaient quarante et à leur descente, quarante-deux et ils savaient que personne [d’autre] n’était monté sauf eux. Alors qu’ils dressaient la table pour le repas, les deux hommes glorieux qui étaient en sus par rapport aux quarante se levèrent pour le service de table ne laissant pas les hommes du monastère le faire, disant: «C’est notre coutume de servir nos frères. «Quand ils eurent mangé à leur convenance, ils saluèrent [tout le monde] et disparurent; c’étaient Moïse et Élie (Ełia). Les habitants du couvent furent saisis d’une grande crainte; [p. 355] ils les traitèrent comme des anges et les reconduisirent avec grand honneur.» Yovhannēs, qui aime la sainteté, racontait cela en [parlant] d’autres personnes afin qu’on ne sache pas que lui avait été avec eux, eu égard à [son] humilité. Après cela, il parcourut beaucoup de cantons et de villes, puis atteignit la ville de Colonia (Kołonia)14. Beaucoup de Turcs (T‘urk‘) et de tačikk‘ venaient auprès de lui se faire baptiser grâce à ses mœurs merveilleuses et les guérisons qu’il opérait. Mais les Perses (Parsikk‘) se mirent à le jalouser et le prince de la ville de Colonia le fit arrêter, lui et un prêtre. On les plaça sur un tas de bois sec et on mit le feu. Le prêtre qui était avec lui sanglotait, [Yovhannēs] lui donnait du courage en disant: «N’aie pas peur, Dieu peut nous sauver du feu comme les trois enfants15.» Et tandis que le feu s’embrasait, le jeune fils de l’išxan tomba des murailles de la forteresse; il se releva sans dommage. [Tous] lui posèrent [alors] la question: «Comment es-tu encore en vie?» Il répondit: «Cet homme que vous avez jeté dans le feu m’a soulevé avec ses mains et m’a empêché de tomber sur terre.» L’išxan envoya sur le champ [des serviteurs] et ordonna qu’on les retire du brasier et qu’on les laisser partir où ils voulaient. [Yovhannēs] parcourut ainsi beaucoup de cantons et alla à Hṙomkla auprès du grand catholicos (kat‘ołikos) des Arméniens tēr Kostandin [qui] 14 Colonia/Coloneia, aujourd’hui Shebīn Ḳarāḥiṣār/Şebinkarahisar dans la province de Giresun, à 190 km au nord-est de Sivas, en Turquie. À propos de la ville, voir ADONC‘ 1970, p. 117-118, 133, 137 et EI2, IV, p. 601-602. 15 Voir Dan, III, 12-30.

À PROPOS DE YOVHANNĒS DE GAṘNI

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le reçut avec joie et de grands égards. [Le catholicos] ne le laissa pas partir; [Yovhannēs] demeura là jusqu’à ce qu’il rejoigne le Christ, et fut enterré. Il acheva sa course, garda sa foi16 et atteignit l’inflétrissable couronne17 et la vie éternelle. Que ses prières nous protègent et remettent nos péchés, que sa mémoire [demeure] avec tous les saints en Jésus-Christ, notre Seigneur, à qui [appartient] la gloire dans les siècles.

16 17

Voir 2 Tm IV, 7. 1 Pe, V, 4.

CHAPITRE LV

À PROPOS DE SARTAQ (SART‘AX)1, LE FILS DE BATU (BAT‘U) [p. 356] Le grand général Batu séjournait dans la région du nord sur les rives de la mer Caspienne (Kaspic‘ cov) et celles du grand fleuve Itil (At‘l)2, qui n’a aucun équivalent sur terre car son cours coule comme une mer du fait que le pays est plat. [Batu] s’installa, avec la multitude innombrable de ses troupes, sur la grande et vaste plaine des Ḳipčaḳ (Xbč‘axk‘). Ils logeaient sous des tentes, qu’ils transportaient lors de leurs déplacements sur des chariots tirés par de nombreux bœufs et chevaux. [Batu] devint plus fort et plus puissant que tous, soumit l’univers et leva un tribut sur tous les pays. [Les membres] de son propre clan le plaçaient plus haut que tous [les autres] et celui qui régnait sur eux, que l’on appelait qan (łan), ne s’installait sur le trône qu’avec son autorisation. Lorsque le qan Güyük (Giug) mourut, ses parents se disputèrent pour savoir qui monterait sur le trône3. Tous jugèrent digne que [Batu] s’y assoie ou qu’il décide de celui qui serait roi. Ils le convièrent à venir dans les contrées du nord, leur pays, pour qu’il les gouverne. [Batu] y alla pour rétablir la royauté, laissant à la tête de ses troupes son fils, qui s’appelait Sartaq. Mais il ne s’assit pas sur le trône et, après avoir choisi un autre membre de sa [famille] nommé Möngke (Mangu)4, il s’en retourna rejoindre ses troupes. 1 Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 108-111), qui a été reçu à la cour de Sartaq en 1253 nous décrit sa cour où les chrétiens sont à l’honneur (trad. Kappler, p. 112-114). À la mort de son père, Sartaq est désigné comme son successeur par le qan Möngke (12511259) probablement en 1255; il meurt en 1255 ou 1256, dans des circonstances obscures. Son territoire passe alors aux mains de son oncle, Berke (1256-1267), premier qan mongol musulman, voir RICHARD 1967, p. 176-183. 2 Itil/Etil/Idil, c’est-à-dire la Volga, voir EI2, IV, p. 292-293. 3 À la mort de Güyük, sa femme l’Oġul Qaïmiš assure la régence de 1248 à 1251. Voir Djuwaynī (trad. Boyle p. 262-266). Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 195), Rashīd al-Dīn (trad. Boyle p. 185-186). Voir PELLIOT 1931-1932, p. 60-62. 4 Möngke est le fils aîné de Tolui, le quatrième des fils de Činggis Qan. Son nom signifie «Éternel», voir Histoire secrète des Mongols § 270, § 274, § 277 (trad. Even et Pop, p. 235, p. 238, p. 240). Trois années après la mort de Güyük, Möngke, qui avait servi sous les ordres de Batu, fut imposé par sa mère, une Kereit chrétienne, Sorqaqtani Beki, face aux héritiers des autres branches de la famille, celles de Čaʼadai et de Ögödei. Sur son ordre, son frère Hülegü (1256-1265?) lança une grande expédition contre les Perses et le califat ῾abbāside, qui aboutit à l’instauration de l’ilkhanat, tandis que son autre frère Qubilai (1259-1294)

À PROPOS DE SARTAQ (SART‘AX), LE FILS DE BATU (BAT‘U)

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[p. 357] Or certains membres de son clan furent mécontents de sa décision, ils espéraient être couronnés eux-mêmes ou bien le fils du qan Güyük dont le nom était Qoča-qan (Xoča-łan)5, cependant ils ne laissèrent pas leurs visages exprimer leur mécontentement. Et tandis que Batu rejoignait son armée, ils commencèrent à montrer des signes de révolte et à se soulever contre le qan Möngke6. Lorsque Batu l’apprit, il donna l’ordre de massacrer plusieurs membres de sa famille et des grands [personnages], parmi eux, un certain grand chef nommé Elǰigidei (Ēlč‘i-Ganda)7. Sur l’ordre du qan Güyük, il avait été fait général de l’armée tatare (Tʻat‘ar) en Orient et en Arménie à la place de Baiǰu noyan (Bač‘u-nuin). Alors qu’il était en route pour le pays des Perses (Parsk‘), la nouvelle de la mort du qan Güyük lui parvint. Il s’arrêta soudainement et attendit là [de voir] qui prendrait le trône royal. Des accusations furent lancées contre lui et les chefs de l’armée qui se trouvaient dans l’est se rendirent auprès de Batu, ne voulant pas [d’Elǰigidei] comme maître car c’était un homme orgueilleux. Ils dirent: «Il a lui aussi désobéi au qan Möngke.» [Batu] donna alors l’ordre de le lui amener. Il fut saisi, subit les fers et fut tué cruellement8. [p. 358] Puis rois, membres de la famille royale, išxan, marchands et tous les affligés privés de leurs patrimoines commencèrent à se rendre auprès de [Batu]. Par des jugements équitables, il rendait à chacun de ceux qui étaient entreprit la soumission de l’empire Song/Sung en Chine du Sud. Möngke meurt en 1259 en Chine. Voir Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 144-155, p. 158-160, p. 182-192, p. 193-197), Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 121, p. 196-237), Djuwaynī (trad. Boyle, p. 514519, p. 553-607), Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 416-417). 5 À propos de Qoča/Quča, voir le chapitre CVII du Yuan Che (trad. Hambis, note 5, p. 87) et PELLIOT 1931-1932, p. 63-66. 6 Selon Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 140), un neveu de Güyük, Širemüm/ Siremün, à l’instigation d’une femme de Güyük et de ses vassaux, projetait la mort de Möngke, mais le complot fut éventé. 7 Elǰigidei/Älğigidaï/Erchalchaï est bien connu des sources occidentales pour avoir, en tant que représentant du qan Güyük en Perse, fait parvenir par le biais de deux émissaires chrétiens, David et Marc, en 1248, une lettre au roi Louis IX, alors en Chypre. Dans cette lettre, il souhaite au roi de France la victoire contre l’Égypte, et lui rappelle la nécessité d’égalité de traitement entre les diverses confessions chrétiennes, qu’elles soient de rite latin, grec, arménien, nestorien ou jacobite, car «toutes adorent la croix». La lettre visait à éviter, selon RICHARD 1998, p. 74: «une éventuelle offensive des Francs contre les pays soumis aux Mongols». Voir RICHARD 1997, p. 57-69. 8 Il fut arrêté par Qada’an et mis à mort en 1252, voir Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 417). Quelques mois après, des membres de la famille de Čaʼadai et Ögödei sont tués, en particulier la veuve de Güyük et la mère de Širemün accusées de sorcellerie, tandis que d’autres furent exilés ou prisonniers de l’armée. Voir Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 213215).

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venus auprès de lui son canton, son patrimoine, sa principauté avec des documents marqués d’un signe, et personne n’osait aller à l’encontre de ce qu’il avait ordonné. Il avait un fils, du nom de Sartaq, ci-dessus mentionné, qui avait été élevé par des nourrices chrétiennes. Une fois adulte, il crut en Christ et se fit baptiser9 par les Syriaques (Asorik‘)10 qui l’avaient éduqué. Il accorda beaucoup de facilité à l’Église et aux chrétiens. Avec l’accord de son père, il écrivit un rescrit [accordant] la liberté aux prêtres et à l’Église, qui fut envoyé dans toutes les régions, condamnant à mort quiconque prélèverait un tribut sur l’Église ou ses desservants quelle que soit leur nation, ainsi que sur les mosquées des tačikk‘ et leurs serviteurs11. À partir de là, vardapet, évêques, prêtres prirent la liberté de se rendre auprès de lui qui les recevait tous affectueusement et satisfaisait leurs demandes. Il vivait constamment dans la crainte de Dieu et pieusement, il se déplaçait avec une tente-église et accomplissait ainsi toujours le sacrement divin. Parmi ceux qui étaient venus auprès de lui, il y avait le grand išxan de Xač‘ēn et des régions de l’Arc‘ax12, Hasan, appelé Jalal par tendresse, un homme pieux, craignant Dieu, chaste et de nation arménienne. Il fut reçu avec affection et respect [p. 359] ainsi que ceux qui étaient avec lui: l’išxan Grigor habituellement nommé Tła13 et qui maintenant était vieux, l’išxan Desum14, un modeste jeune homme, le vardapet Markos15 et l’évêque Grigor. 9 Vardan, § 90, p. 150 (trad. Thomson, p. 217), Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 398) et Djuwanī (trad. Boyle, p. 268) confirment les propos de Kirakos, néanmoins selon Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 112) Sartaq ne se revendiquait pas chrétien: ««Ne dites pas que notre maître est chrétien. Il n’est pas chrétien mais Moal». En effet, le nom de chrétienté leur paraît être un nom de peuple, et ils sont gonflés d’un tel orgueil que, même s’il leur arrive d’avoir quelque créance au Christ, ils refusent de se dire «chrétiens»: ils veulent que leur propre nom, celui de Moal, soit exalté au-dessus de tout autre (…)». 10 Il s’agit là des membres de l’Église syro-orientale ou Église apostolique de l’Orient comme elle se nomme elle-même et qui, dès le VIIIe siècle, avait atteint le centre de l’Asie et converti les populations sédentaires et nomades comme les Uighur et les Kereit. Beaucoup de princesses mongoles mais également des ministres étaient membres de cette Église, voir FIEY, 1975. 11 Selon Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 418), c’est Möngke qui continue d’exempter de taxes les gens de religion, sauf les juifs. Il y a cinq catégories de personnes qui ne paient pas de taxes: les enfants, les pauvres, les vieillards, les malades/infirmes et enfin les sages musulmans ainsi que le clergé chrétien. 12 Arc‘ax, dixième province d’Arménie, au sud de l’Utikʻ, voir HÜBSCHMANN 1969, p. 349-351. 13 Voir Kirakos, chap. 26. 14 ULUBABYAN (1975, p. 201-202) en fait le petit-fils de Desum, père de Hasan, meurtrier de Smbat fils de Vasak seigneur de Ganjasar, sans que l’on sache vraiment comment. 15 Le vardapet Markos était un élève de Yovhannēs Vanakan, voir Kirakos, chap. 24.

À PROPOS DE SARTAQ (SART‘AX), LE FILS DE BATU (BAT‘U)

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[Sartaq] le conduisit auprès de son père qui l’honora grandement et lui restitua son patrimoine: Č‘araberd16, Akana17 et Karkaṙ (Karkaṙn)18, qui lui avaient été enlevés auparavant par les nations des Turcs (Tʻurk‘) et des Ibères (Virk‘). Il reçut un rescrit garantissant la liberté au catholicos des Ałuank‘ tēr Nersēs, pour toutes ses propriétés et biens, afin que libre, exempt de taxes, il pût circuler à sa guise partout sur le territoire sous son autorité sans que personne ne s’élève contre ce qu’il dit19. Jalal en joie retourna dans sa maison mais, après quelques jours, il fut tourmenté par les collecteurs de taxes et par Arġun (Arłun); [alors] il se rendit auprès du qan Möngke. Et le qan Möngke gouvernait en l’an 700 (= 1251) du comput arménien.

16 Č‘araberd/Jraberd, au confluent de la rivière T‘art‘aṙ et de son affluent le T‘rłiget. La forteresse est attestée dès le VIIe siècle, voir Movsēs Dasxuranc‘i, II, 14, p. 157 (trad. Dowsett, p. 98). Voir également, HŠTB, IV, p. 417. 17 Akana non loin de Hat‘erk‘, en Arc‘ax. Voir HŠTB, I, p. 130. 18 Karkaṙ, près de Martuni, aujourd’hui Herher, voir HŠTB, III, p. 48. 19 À propos du voyage, voir colophon no 258, MAT‘EVOSYAN 1984, p. 311-312.

CHAPITRE LVI

À PROPOS DES SAUTERELLES QUI DÉVORÈRENT LE PAYS En 701 (= 1252/1253) du comput arménien, une énorme [nuée] de sauterelles apparut, qui, en volant, faisaient une ombre, et la lumière du soleil paraissait moindre. Venues des régions des Perses (Parsik‘), elles dévorèrent le pays d’Arménie (Hayk‘), non seulement les jeunes pousses, mais aussi le sol, engloutissant [même] les déchets. Elles entraient dans les maisons [p. 360] par les fenêtres et les portes si d’aventure elles étaient ouvertes. Le pays prit peur et le pain devint cher. Quand vint la saison de l’hiver, elles pondirent des œufs et moururent, la terre devint puante. Lorsque vint le printemps, en 702 (= 1253/1254) du comput, la terre [fut recouverte] par les larves écloses des sauterelles sur une telle épaisseur que le sol et les pierres étaient soustraits à la vue; le soir elles s’entassaient les unes sur les autres, formant des monticules, et se mettaient à manger la verdure et la terre. Les gens songèrent à abandonner leurs demeures et à se rendre à l’étranger afin de trouver de la nourriture. Mais comme les territoires environnants d’Iṣfahān (Spahan)1, d’Asie (Asia), de Perse et de Mésopotamie (Miǰagetk‘) avaient été précédemment dévorés, à cause de cela, ils furent plongés dans le doute et ne savaient plus quoi faire. Alors ils commencèrent à avoir recours à la main toute puissante et au bras fort2, qui de rien a créé des créatures, qui par sa miséricorde a toujours pris soin d’elles et pour qui l’impossible est possible3. En larmes, [ils firent] des vœux et implorèrent [Dieu] afin qu’il ôte la punition [qui pèse] sur le pays. Et le Dieu de compassion appliqua rapidement sur les plaies profondes un onguent, [car] celui qui blesse, c’est celui qui guérit4. En effet, une multitude de petits oiseaux mouchetés de blanc, appelés habituellement «bande» (tarm)5 à cause de leur nombre, s’alignèrent aux limites [du pays] et ensemble ingurgitèrent toute la multitude [p. 361] des sauterelles, en sorte qu’il n’en resta plus une seule. Là, on vit toutes les bouches [remplies] de la louange 1 Je lis la leçon փխ qui propose de modifier Spania (litt. Espagne) par Spahan, autre orthographe du nom de la ville d’Iṣfahān. 2 Voir Is XL, 10. 3 Voir Lc XVIII, 27. 4 Deut XXXII, 39. 5 Le terme signifie «groupe d’oiseaux, troupeau, troupe, bande», voir ArmB, IV, p. 387.

À PROPOS DES SAUTERELLES QUI DÉVORÈRENT LE PAYS

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de Dieu6 et les esprits en extase. Les récits [qui couraient] à propos de ces oiseaux étaient dignes d’émerveillement. On dit [également] que du côté du pays des Perses, au Kirmān (K‘irman)7, il y a un [point] d’eau. Ceux qui viennent prendre de cette eau dans des fioles en verre la rapportent, sans retour8. Ils ne répandent pas cette eau sur le sol; mais ils attachent [leurs fioles] à des piquets qu’ils enfoncent [dans la terre]. Les oiseaux s’y perchent. Et selon le nombre qu’ils escomptent, les oiseaux se précipitent vers l’eau amenée, pour ensuite se jeter sur les sauterelles9. Mais, nous, nous croyons que toute cette affaire est arrivée par la sollicitude de Dieu qui accorde le châtiment selon les péchés de notre pays, mais qui derechef guérit selon sa volonté, avec miséricorde, donnant comme remède et onguent à ce fléau des sauterelles, la multitude de dévoreurs de jeunes larves.

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Voir Ps LXXI (LXX), 8. La province se situe entre le Fārs et le Makrān, la côte de l’Océan Indien et le grand désert de Dasht-i Lūṭ, voir EI2, V, p. 149-163. 8 Selon HBB, I, p. 157 անյետսդառնալի, en un seul mot, signifie անդառնալի litt. «sans retour». 9 Cette légende est très répandue en Orient et demeure vivace jusqu’au XIXe siècle. Pour ne prendre qu’un seul exemple, voir le récit du CHEVALIER CHARDIN, V, p. 195-198: «Il y a une sorte d’oiseaux en Perse qui sont fort curieux et admirables par l’appât qu’a sur eux l’eau d’une fontaine, qu’ils sentent et qu’ils suivent avec un merveilleux attachement, en quelque lieu qu’on la porte. (…) ils vont en bandes (…), ils vivent de sauterelles partout où ils en trouvent; et lorsqu’un pays est frappé de ces méchants insectes, on est sûr de l’en délivrer, si on peut y faire venir une bande de ces oiseaux-là. Les Persans les appellent abmelec (âbmélekh), c’est-à-dire eau de sauterelle (…). L’eau qui a ce merveilleux pouvoir sur eux sort d’une fontaine dans la Bactriane. On l’apporte dans des fioles non bouchées, qu’il faut toujours tenir à l’air et en haut, soit par le chemin, soit au logis. Les oiseaux qui la suivent, sans que pour cela on leur en donne une goutte, se nichent toujours autour du lieu où on la pose (…)». Voir ARBEL 1989, p. 1057-1074. 7

CHAPITRE LVII

À PROPOS DU RECENSEMENT EFFECTUÉ SUR L’ORDRE DU QAN MÖNGKE (MANGU ŁAN) En l’an 703 (= 1254/1255) du comput arménien, le qan Möngke1 et le grand général Batu envoyèrent en Arménie un ostikan du nom d’Arġun (Arłun)2 qui [p. 362] contrôlait [auparavant] sur l’ordre du qan Güyük (Giug) les taxes royales sur les pays assujettis; avec lui, étaient un autre chef de la maison de Batu, appelé Töre aqa (T‘ōra-ała)3 ainsi que beaucoup d’autres pour recenser tous les peuples qui leur étaient soumis4. Munis de cet ordre, ils allèrent dans tous les pays pour accomplir leur tâche. Ils vinrent dans les pays des Arméniens (Hayk‘), des Ibères (Virk‘), des Ałuank‘ et les cantons aux alentours et ils commencèrent à dénombrer tout le monde à partir de dix ans et plus, excepté les femmes5. Ils réclamèrent 1 Möngke est le seul capable de gérer l’empire mongol selon Batu (voir Bar Hebraeus, trad. Budge, p. 416); il entreprit de grandes réformes et créa un secrétariat central en Mongolie avec à sa tête le Mangqut, Mengeser; sous ses ordres, un Kereit du nom de Bulġai qui dirigeait tous les secrétaires, les chambellans et les étrangers travaillant pour les Mongols, voir ALLSEN, 1987, p. 93-96. 2 Voir Kirakos, chap. 44. Arġun, qui était depuis 1243 gouverneur de tous les territoires situés à l’ouest de l’Oxus jusqu’à l’Anatolie, reçut en 1244-1245 le titre de gouverneur de l’empire des Grands Mongols, voir LANE 1999, p. 461. 3 Möngke envoie des émirs représentants chacun de ses frères pour administrer le territoire échu à Arġun, et désigne également des émirs locaux pour le seconder dans ses tâches; cette organisation énorme ne pouvait que susciter des rivalités entre les différents représentants mais évitait que les ordres du pouvoir central soient bafoués, voir ALLSEN 1987, p. 112-113. 4 D’après Vardan, § 90, p. 148 (trad. Thomson, p. 216), le recensement est ordonné par Möngke seul et commence en 1254. Selon Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 218-219), le recensement est décidé en 1252, lors de l’entretien entre Arġun et le qan: «The Emir Arghun Aqa (…) was entrusted to him authorithy over the countries of Persia, such as Khurāsān, Māzandarān, ῾Irāq, Fārs, Kirmān, Ādharbāijān, Georgia, Lūr, Arrān, Armenia, Rūm, Diyār Bakr, Mosul, and Aleppo. And those maliks, emirs, minister, and bitikchis who accompanied him were on his recommendation treated with favor; and on the 20th of Ramaḍān 650 [24th of November, 1252] he set out on the return journey. ῾Alī Malik was sent as his nöker, and the region of Isfahan and Nishapur in particular was entrusted to him. They were ordered to carry out a new census of the ulus and the army, to introduce a fixed tax, and, when they have finished these tasks, to return to Court.» Selon Djuwaynī (trad. Boyle, p. 519-525.), Arġun arrive à la cour du grand qan en 1252 et fait un rapport sur l’état général des finances de l’empire mongol. À la suite de ce rapport, Möngke demande à ce qu’un recensement soit effectué. 5 Voir Vardan, § 90, p. 148 (trad. Thomson, p. 216): «[Arġun] imposa un impôt par tête sur les hommes, sauf sur les femmes, les personnes très âgées et les jeunes enfants.» et DASHDONDOG 2011, p 99-120.

DU RECENSEMENT EFFECTUÉ SUR L’ORDRE DU QAN MÖNGKE

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à tous des taxes extrêmement lourdes, au-delà de leurs moyens, les réduisant à la pauvreté. Ils étaient affreusement maltraités, tourmentés, suppliciés et torturés. Qui se cachait et était pris était tué; à qui ne pouvait s’acquitter de l’impôt, on lui prenait ses enfants en échange de sa dette, car ils circulaient en compagnie de serviteurs perses de religion musulmane6. Des išxan seigneurs des cantons devinrent même leurs auxiliaires, accablant et opprimant pour leur propre profit. Mais cela ne leur suffit pas; ils taxèrent tous les artisans des villes et des villages, les pêcheurs des lacs ou d’étangs, les mineurs, les forgerons et les teinturiers7. Est-il nécessaire de raconter en détail [p. 363] [comment] ils ôtèrent toute occasion de profit au peuple et [comment] eux seuls en tiraient quelque bénéfice? Ils se saisirent des salines de Kołb8 et d’autres lieux. Ils s’approprièrent les nombreux biens des commerçants, ils entassèrent une grande quantité de trésors en or, en argent et en pierres précieuses. Alors, tout vint à manquer et les pays furent pleins des cris de lamentations et de douleur. Dans ces pays, ils laissèrent ces méchants ostikan9 qui réclamèrent annuellement le même montant [d’impôt] de quotité et selon le registre. Mais ils estimaient grandement un riche commerçant, du nom d’Umek10, qu’ils appelaient Asil, un bienfaiteur, dont nous nous souvenons; il avait survécu avec ses fils, Yovhannēs, Step‘anos et ses frères, à la destruction de la ville de Karin par les Tatars (T‘at‘ar)11. En ce temps-là, il résidait dans la ville de Tpʼilisi (Tp‘xis), il était qualifié de «père» du roi des Ibères (Virk‘) David (Dawit‘). Le qan l’avait gratifié d’un rescrit et il était honoré 6

Litt. «de la religion des tačikk‘». Le recensement de tout l’empire devait permettre à Möngke de connaître les ressources dont il pouvait disposer pour ses prochaines conquêtes et de mettre fin aux abus et exactions. Le recensement commença par la Chine dès 1252 pour se terminer par les principautés russes en 1259. À propos des taxes, voir Kirakos, chap. 59. 8 À propos de Kołb, qui se situe dans le canton de Cakatk‘ en Ayrarat, voir HŠTB, III, p. 196. 9 La chronique géorgienne (trad. Brosset, p. 550-552), fait d’Arġun un portrait élogieux, le qualifiant «d’ami de l’équité». L’historiographe persan Djuwaynī (trad. Boyle, p. 521523), qui fut au service d’Arġun, avoue cependant qu’il interprète les édits de Möngke à sa manière («own improvisations»), et que lors d’un de ses derniers voyages auprès du grand qan, ses comptes furent examinés par un inspecteur. Il fut même, selon Step‘annos Ōrbēlean, chap. 66, p. 414 (trad. Brosset, p. 232), emprisonné par Möngke et délivré grâce à l’išxan Smbat Ōrbēlean. 10 Voir Vardan, § 88, p. 147 (trad. Thomson, p. 216). Umek est connu pour avoir érigé en 1251 l’église kat‘ołike de Surb Grigor à Tpʼilisi et avoir «acheté» le couvent de Nor Getik (Gošavank‘) pour 40 000 ducats or, voir la traduction et l’analyse de l’inscription de Nor Getik par MANADIAN 1965, p. 186-187. 11 Voir Kirakos, chap. 34. 7

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de tous les notables. Il avait offert à Arġun ainsi qu’à ceux qui étaient avec lui de généreux présents et avait reçu d’eux une grande estime. Ils ne levèrent aucun impôt sur les membres de l’Église, parce qu’il n’y avait pas d’ordre du qan. Les fils de Sarawan, Šnorhawor12 et Mkrtič‘ étaient de même riches et fortunés.

12 En 1264, l’historiographe Vardan, § 96, p. 155-156 (trad. Thomson, p. 220), ainsi que les vardapet Sargis, Grigor, et l’archévêque de Tpʼilisi, furent conduits à la cour du qan Hülegü par un homme très riche du nom de Šnorhawor, qui prit à sa charge toutes les dépenses du voyage.

CHAPITRE LVIII

À PROPOS DU VOYAGE DU PIEUX ROI DES ARMÉNIENS (HAYK‘), HET‘UM, AUPRÈS DE BATU (BAT‘U) ET DU QAN (ŁAN) MÖNGKE (MANGU)1 [p. 364] Le roi d’Arménie, Het‘um, à la grande foi et ami du Christ, résidait dans la ville de Sis, dans les régions de Cilicie (kołmank‘ Kilikec‘woc‘). Il avait auparavant envoyé au qan Güyük (Giug) son frère Smbat, le général, avec des cadeaux et des présents. Ce dernier était revenu avec honneur [muni] d’un diplôme d’acceptation [de protection]. Alors que le qan Möngke régnait, le grand «père du roi», le général Batu — qui demeurait avec la multitude innombrable [de ses hommes], dans les régions du Nord, sur les rives de l’Itil (Et‘il)2, immense et impraticable fleuve qui se jette dans la mer Caspienne (cov Kaspic‘) — dépêcha [un émissaire] auprès du roi Het‘um afin qu’il vienne le voir, lui et le qan Möngke. [Het‘um], qui le redoutait, partit à la dérobée, sous un déguisement par crainte des Turcs (T‘urk‘) ses voisins, et [de leur chef] ῾Izz al-Dīn (Azadin)3 qualifié de sultan de Rūm (Hoṙom). [Les Turcs] gardaient rancune contre lui parce qu’il avait prêté main forte aux Tatars (T‘at‘ar). Rapidement [Het‘um] traversa son territoire4 et parvint en douze jours dans la ville de Kars, vit Baiǰu-noyan (Bač‘u-nuin), le général de l’armée tatare dans l’Est, et d’autres grands qui l’honorèrent. Il s’arrêta au pied de l’Aragac en face du [p. 365] mont Arayi5, au village de Vardenis6, dans la maison de l’išxan K‘urd7, de nation arménienne et de religion chrétienne; ses fils [s’appelaient] Vač‘ē et Hasan; 1 Voir la traduction et l’étude de ce chapitre par BOYLE 1964, «The Journey of Hetum I, King of Little Armenia, to the court of the great Khan Möngke», p. 175-189. 2 At‛l au chapitre 55, p. 356. 3 Le sultan ῾Izz al-Dīn Kayḳā᾿ūs II (†1280) adoptait la position anti-mongole de ses alliés, les Byzantins. Voir Kirakos, chap. 46 et EI2, IV, p. 846-847. 4 C’est-à-dire la région de Ḳonya. 5 À propos du mont Arayi, voir HŠTB, I, p. 389-390. 6 Village situé dans le gawaṙ de Nig, voir HŠTB, IV, p. 782. 7 K‘urd, de la famille des Vač‘utean, qui est connue par les inscriptions de leurs nombreuses fondations (Hoṙomos, Marakavank‘, Sałmosavankʻ, Tełer, etc.) résidait au fort d’Amberd, racheté aux Zak‘arean, avant sa destruction par les Mongols. Voir la généalogie de la famille faite par BROSSET à partir des inscriptions dans Rapports sur un voyage archéologique dans la Géorgie et dans l’Arménie exécuté en 1847-1848, p. 99-100 et MUTAFIAN 2012, II, généalogie, «16. Les Vatchoutian (XIIIe-XIVe siècle)».

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sa femme Xorišah appartenait à la famille8 des Mamikonean, elle était la fille de Marcpan (Marzpan), la sœur d’Aslan bēk9 et de Grigor. [Hetʻum attendit là] jusqu’à ce que lui parviennent les richesses de sa maison, cadeaux et présents indispensables, que lui envoyait son père l’išxan des išxan Kostandin. [Ce dernier] à cette époque était âgé, [alors Hetʻum] avait laissé pour le remplacer ses fils Lewon et T‘oros10. En effet, sa pieuse reine, Zapēl11, traduction d’Élisabeth (Ełisabēt‘) [c’est-à-dire] «hebdomade de Dieu12», était passée vers le Christ et comme son nom le veut elle se reposa dans la volonté de Dieu; elle avait été bienfaisante, miséricordieuse et charitable envers les pauvres. C’était la fille du grand roi Lewon, le premier à avoir été couronné. Lorsque le grand catholicos (kat‘ołikos) Kostandin sut qu’il avait voyagé en paix et qu’il faisait halte en Grande Arménie (Hayk‘), il dépêcha le grand vardapet Yakob13, un homme intelligent et sage, envoyé précédemment pour créer des liens d’amitié et de concorde avec le roi des Grecs (Yoynk‘) Jean (Yovhannēs)14; celui-ci occupait les régions d’Asie (Asia) et était pour lors puissant, avec leur patriarche. Là, grâce aux paroles sages des divines Écritures, il fit face aux questions de l’assemblée des Grecs, 8

Litt. «de la race». À propos d’Aslanbēk voir Kirakos, chap. 32, p. 272. 10 D’après Smbat Sparapet (éd. 1956), p. 229 (trad. Dédéyan, 51-55, p. 92-96), Het‘um et Zapēl, eurent trois fils: Lewon, T‘oros, Ṙuben et cinq filles. On connaît le nom de trois d’entre elles: Fémie mariée à Julien seigneur de Sidon (voir le contrat de mariage traduit par LANGLOIS 1863, p. 146-147), Sibylle mariée à Bohémond d’Antioche (voir Het‘um, éd. Hakobyan, p. 81, éd Mat‘evosyan, p. 52, trad. Chevalier, p. 737), Ṙit‘a mariée au seigneur de Sarvandik‘ar (voir Smbat Sparapet, éd. 1956, p. 237, trad. Dédéyan, 68, p. 107). Voir MUTAFIAN 2012, II, généalogie «46. Les fils et les filles du roi Het‘oum Ier». 11 Zapēl/Zabēl (1219-1252), fille unique du roi Lewon et de Sibylle de Lusignan, est âgée de trois ans à la mort de son père. La régence du royaume est alors assurée par Sire Adam puis par Kostandin seigneur de Papeṙon. En 1222, elle épouse en premières noces Philippe d’Antioche qui sera exécuté deux ans plus tard. Contrainte de se marier avec Het‘um, le fils de Kostandin de Papeṙon, elle règnera avec lui jusqu’à sa mort en 1252. Elle est représentée avec son époux sur des monnaies même après la mort de celui-ci (voir BEDOUKIAN 1979, p. 82). À propos de Zapēl, voir la version arménienne de Michel le Syrien (trad. Langlois, p. 359-361), Smbat Sparapet, op. cit., Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 380, 418); Kirakos, chap. 9, p. 187-189, Vardan, § 84, p. 141 (trad. Thomson, p. 213). 12 Comme dans le Commentaire de l’évangile de Luc de Sargis Kund (XIIe siècle), Élisabeth — dont le premier sens du nom (Elisheba) est «Dieu l’a juré» (voir Ex VI, 23) — est appelé «hebdomade de mon Dieu» (Աստուծոյ իմոյ Եօթներեակ, p. 23). 13 Il s’agit de Yakob de Tarse, le futur catholicos Yakob Klayec‘i (1269-1286); voir Step‘annos Ōrbēlean, chap. 65, p. 365-366, chap. 68, p. 436 sq., chap. 71, p. 480 (trad. Brosset, p. 208, p. 243 sq. et p. 265). Voir ŌRMANEAN 1960, II, p. 1674-1698. 14 Il s’agit de Jean Doukas-Vatatzès (1221-1254), empereur de Nicée et gendre de Lascaris, (voir Kirakos, chap. 46). 9

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qui, parce que nous disions une seule nature en Christ, [p. 366] nous accusaient [d’être des adeptes] d’Eutychès (Ewtik‘eank‘)15. Lui, par ses paroles sensées et par les Écritures, démontra que le Christ est un à partir de deux: [à la fois] Dieu et homme parfait; dans cette union ineffable des deux, la divinité n’est pas perdue, l’humanité n’est pas altérée; il est glorifié en une seule nature agissant comme Dieu et comme homme. De même, on débattit à propos de [l’expression] «sainte Mère de Dieu» que nous employons par rapport à son Fils, d’après le témoignage de Jean l’Évangéliste (Yovhannēs Awetaranič‘)16. Quant aux autres sujets de scandale qu’ils découvraient dans notre profession de foi, [Yakob] confirma le tout par des paroles [pleines] de sagesse divine et par le témoignage des Écritures. Il amena leurs esprits à l’affection et à l’union avec notre nation, puis il revint de chez eux avec honneur. Vinrent également l’évêque tēr Step‘anos17, le vardapet Mxit‘ar de Skewṙa18 venu des régions de l’Est, le prêtre Baseł, ambassadeur de Batu, avec lui T‘oros prêtre célibataire19, Karapet, prêtre de la cour royale, un homme aux mœurs affables et savant ainsi que plusieurs išxan. 15 Les Arméniens sont miaphysites mais non pas dans le sens d’Eutychès, qu’ils condamnent farouchement depuis le VIe siècle (voir la lettre des Arméniens aux orthodoxes de Perse dans le Livre des Lettres, p. 158-159): «Nous anathématisons Nestorius, Arius, Diodore [de Tarse], Théodoret [de Cyr], et Eutychès et Paul de Samosate (…) qui ont osé dire de l’Incarnation qu’elle était un mélange ou que le Christ est un simple homme et non un Dieu parfait dans un corps parfait.» La profession de foi de Nersēs Šnorhali (septembre 1165) explique précisément pourquoi les Arméniens condamnent Eutychès: «Nous disons une nature du Christ sans confusion (des natures) non pas comme Eutychès mais comme Cyrille d’Alexandrie. (…) Nous n’hésitons pas non plus à dire deux natures quand ce n’est pas pour (mettre en évidence) leur séparation mais pour signifier leur non confusion contre Eutychès et Apollinaire» (trad. VANÉRIAN, thèse de doctorat inédite, p. 254-256). À chaque ordination l’Église arménienne demande au postulant de rejeter toutes les sectes, les 159 hérésies, parmi lesquelles celles d’Arius, de Macédonius, d’Apollinaire (…) et d’Eutychès. 16 C’est-à-dire Théotokos. Voir Le panégyrique de la Mère de Dieu de Grigor Narekacʻi, DASNABEDIAN 1995. 17 Il s’agit peut-être de Stepʻanos évêque à la cour du catholicos Kostantin; voir YOVSĒPʻEAN 1951, colophon no 449, p. 981-984. 18 Mxit‘ar de Skewṙa (monastère situé près de la forteresse de Lambrōn) est célèbre pour avoir défendu, en 1263, à saint Jean d’Acre devant le légat du pape, Guillaume II archevêque de Tyr, les positions de l’Église arménienne sur la question de la primauté de l’apôtre Pierre et sur la définition du terme catholicos. Il nous a laissé un ouvrage, écrit à la demande de Yakob évêque de Gasdalon, relatant ses entretiens avec les Latins et sa position contre le siège de Constantinople. Voir ALISHAN 1899, p. 102-107. Le traité de Mxit‘ar de Skewṙa a été publié et traduit en arménien oriental par BOZOYAN, 1994, p. 139-157 et 1996, p. 403420. 19 Voir ALISHAN 1899, p. 251: «1261. Thoros, archevêque, secrétaire royal.»

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Le roi les prit avec lui et se dirigea vers le pays des Ałuank‘, par la porte de Derbend (Darband), qui est le fort de Čor20, vers Batu et Sartaq (Sart‘ax) [p. 367] son fils, de religion chrétienne, [qui] les gratifièrent de nombreuses marques de respect. Ils l’envoyèrent auprès du qan Möngke (Mangu) par une très longue route, par-delà la mer Caspienne. Ils partirent le 6 du mois mareri21, [c’est-à-dire] le 13 mai, traversèrent le fleuve Yayīḳ (Ayex)22 et parvinrent à Or23 à mi-chemin entre Batu et Möngke qan. Ils franchirent le fleuve Irtych (Ert‘ič)24, pénétrèrent dans le pays des Naiman25 (Nayiman), entrèrent sur [le territoire] des Qara Kitai (Xaraxətay)26 puis traversèrent le Tātāristān (T‘at‘arastan); le 4 du mois de hoṙi, [c’est-à-dire] le 13 septembre, lors de la fête de l’exaltation de la croix27, ils virent Möngke qan siégeant en grande pompe; [Het‘um] lui offrit des présents et fut honoré dignement par lui; il resta à l’ordu28 cinquante jours. [Le qan] lui donna un rescrit revêtu de [son] sceau afin que personne ne tente d’exercer une autorité sur lui ou son pays. [Le qan] donna également une lettre d’affranchissement [de taxes] pour les églises en tous lieux29. Il le quitta le cinquantième jour, le vingt-trois du mois de sahmi, ou le premier novembre. En trente jours, il atteignit Qum-Šinggir (Łumsłur)30, À propos de Čor, voir MINORSKY 1958, p. 86-91. À propos du calendrier arménien, voir GRUMEL 1958, p. 179-180. 22 Yayīḳ/Yayiq est le nom turc du fleuve Oural, voir EI2, XI, p. 326-327. 23 DULAURIER 1858, note 1, p. 467, voit dans le texte arménien յորն որ «une locution vulgaire composé de la répétition du pronom relatif որ (qui, lequel)» et non un lieu-dit յՈրն (Or), voir BOYLE 1964, note 36, p. 180. 24 Irtych/Irtish cours d’eau de Sibérie et affluent de la rive gauche de l’Ob; voir EI2, XII, supplément, p. 462. 25 Tribu turco-mongole de haute Asie largement convertie au christianisme qui occupait la région de l’Irtych noir et de l’Altaï. Elle fut vaincue par les troupes de Činggis Qan en 1205; voir Histoire secrète des Mongols, § 193-196 (trad. Even et Pop, p. 151-158). 26 L’empire des Qara Kitai/Ḳarā Khiṭāy (ou Kitan Noir) fut fondé au Turkistān par un groupe de Kitan fuyant la destruction de leur royaume situé en Chine du Nord, par les Jürčen. Au XIIIe siècle, le territoire s’étendait à l’est du Xixia, jusqu’au lac Aral, à l’ouest du lac Balkhash, au nord, jusqu’à l’Hindū-Kush au sud. L’empire disparaît en 1211 devant les hordes de Činggis Qan et, à sa mort, le territoire devint l’apanage de Čaʼadai. Voir FRANKE 1990, p. 420-423 et EI2, IV, p. 604-607. 27 La fête de l’exaltation de la Croix tombait le dimanche 13 septembre 1254; voir DULAURIER 1859, p. 335. 28 Le terme désigne le camp de Möngke, voir EI2, VIII, p. 177. 29 Selon Hayton, p. 164-167 (trad. Deluz, III, 16 et 17, p. 835-836), Hetʻum adresse sept requêtes à Möngke dont le baptême du qan et la restitution des lieux saints aux chrétiens; toutes les requêtes furent acceptées. 30 Qum-Šinggir, litt. «le promontoire de sable» sur le cours supérieur de la rivière Ürünggü; voir Histoire secrète des Mongoles, § 158 (trad. Even et Pop, p. 117) et PELLIOTHAMBIS 1951, p. 313-316. 20 21

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alla à Birbāliḳ (Perpalex)31, à Bishbāliḳ (Pešpalex)32 et dans la contrée sablonneuse33 où des hommes [p. 368] sauvages, vivent nus, seule leur tête est recouverte de cheveux, ils sont privés de paroles, les seins de leurs femmes sont extrêmement gros et longs. Il y a des chevaux sauvages à la robe jaune et noire34, des mules de couleur blanche et noire, plus grandes que les chevaux et les ânes, ainsi que des chameaux sauvages qui ont deux bosses. De là, ils allèrent à Yarlïq (Aṙlex)35, à K‘ulluk36, à Ǝnkax37, à Djanbāliḳ (Čanpalex)38, à Khutukbai (Xut‘ap‘ay)39 et à Yangï-Bāliḳ (Ankipalex)40. Ils pénétrèrent dans le Turkistān (T‘urk‘astan)41, [puis] à Ekop‘ruk42, à Dinka-Bāliḳ (Dinkapalex)43, et à Pulad (P‘ulat)44. Puis ayant traversé le Süt-Köl (Sut-K‘ōl)45, la Mer de lait, ils vinrent à Almalīgh (Alualex)46 et à Ili Bāliḳ (Ilanpalex)47, franchirent le fleuve appelé Ili (Ilansu)48, traversèrent 31 Birbāliḳ/Birbalïq (litt. en langue turcique «une ville») se situerait à 0,5 km de Mulei (Mori), dans la région autonome de Xinjiang; voir LIU YINGSHENG 2000, p. 579-580. 32 Bishbāliḳ/Beš Balïq (litt. en langue turcique «les cinq villes»), appelé Bei-ting en chinois («la résidence du Nord») était le point de départ de la route postale de la Chine à l’Asie Centrale, la ville se situe à 100 km au nord de la ville de Turfān, dans la région autonome de Xinjiang en Chine. Voir EI2, I, p. 1277-1278, LIU YINGSHENG 2000, p. 578579. 33 Il s’agit du désert de Gobi. 34 Les chevaux sont des chevaux de Przewalsky, voir BOYLE 1964, note 43, p. 182. 35 Voir BOYLE 1964, note 46, p. 182 et LIGETI 1965, note 102, p. 263. La ville se trouverait à 30 km de Bishbāliḳ. 36 Voir BOYLE 1964, note 47, p. 182. 37 Voir BOYLE 1964, note 48, p. 182. 38 Voir LIGETI 1965, note 80, p. 259, BOYLE 1964, note 49, p. 182 et BRETSCHNEIDER 1888, II, p. 32: à 50 km d’Ürümqi. 39 Voir BRETSCHNEIDER 1888, II, p. 32 (Gu-t’a-ba = Khutukbai) «on the road from Urumtsi (Ürümqi) to Kuldja (= Yining), between the former place and Manas». 40 Litt. «ville nouvelle»; voir BOYLE 1964, note 51, p. 182 et LIGETI 1965, note 101, p. 263, et BRETSCHNEIDER 1888, II, p. 33 près de la ville de Manas. 41 Ce mot persan signifie le «pays des Turcs», c’est-à-dire, les territoires situés au nord de la Perse moderne et de l’Afghānistān. Voir EI2, X, p. 786-789. 42 Voir BOYLE 1964, note 53, p. 183, aux environs d’Ulan Ussu. 43 Lieu non identifié; voir LIGETI 1965, note 77, p. 259. 44 BRETSCHNEIDER 1888, II, p. 41-42: «not very far from the lake Sairam (Sutkul lake), perhaps in the fertile valley of the river Boro tala (…). The ancient Chinese map places P‛u-la between Almalik and Emil, near or in the country of Karluks». Aujourd’hui la ville se trouve dans le chou autonome mongol du Boratala au Xinjiang. Voir LIU YINGSHENG 2000, p. 580. 45 Voir LIGETI 1965, note 69, p. 257-258. Il s’agit du lac Saïram. 46 Almalīgh/Almalik («l’endroit où les pommes sont nombreuses») le site se trouve à Qurghas sur l’li, voir EI2, I, p. 430-431 et LIU YINGSHENG 2000, p. 580-581. 47 Entre Ḳuldja/Ghuldja et Tashkent; voir BRETSCHNEIDER 1888, II, p. 44, Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 126; note 9, p. 239) la ville d’Equius. 48 Voir LIGETI 1965, note 79, p. 259.

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un bras de la montagne Taurus (Tōros)49, arrivèrent à Talas (Dalas)50 et vinrent auprès de Hülegü (Hulawu)51, frère du qan Möngke, qui avait pour lot les régions de l’est. Puis, ils s’en retournèrent vers le nord-ouest, vinrent à Xut‘uxč‘i, à Beruket (Perk‘ant‘)52, à Sugulkent (Sułulłan)53, à Urosołan, à K‘ayik‘ant‘, [p. 369] à Suzāk (Xuzax) qui est Kumkent (K‘amoc‘)54, à Xndaxoyr, à Sughnāḳ (Słnax)55 qui est la montagne de Qaračuq (Xarč‘ux)56 d’où sont venus les Saldjūḳides (Salč‘uk‘ik‘)57 et qui commence au mont Taurus (Tōros) et va jusqu’à Barshin (P‘arč‘in)58, où elle se divise. De là, ils arrivèrent auprès de Sartaq, le fils de Batu, qui se rendait auprès du qan Möngke, puis à Sughnāḳ, à Saurān (Sawran)59 qui est très grand, à Qaračuq (Xarač‘ux)60, à Yasi (Ason)61, à Sārī (Sawri)62, à Utrār (Ōt‘rar)63, à Zurnaq (Zuṙnux)64, à Dīzak (Dizak)65 et de là en trente jours à Samarḳand Voir BOYLE 1964, note 60, p. 183, la montagne Ala Tau. Talas/Ṭarāz pour les auteurs musulmans, sur le cours du fleuve homonyme le site exact est inconnu mais il se trouverait près de la ville d’Awliyā Ata, moderne Djambul, au Kazakhstan. Sur sa situation, voir Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 125126). 51 À propos de Hülegü (1256-1265), voir GROUSSET 1965, p. 420-468. 52 Sur le versant nord du Karatau, sur le Syr Darya moyen, voir BAYPAKOV 2001, p. 145 et carte p. 168. 53 Voir BAYPAKOV 2001, p. 146 et carte p. 168. 54 Voir BAYPAKOV 2001, carte p. 168. 55 Sughnāḳ/Suḳnāḳ, ville située sur le moyen Syr Darya, dans le district de Fārāb, voir EI2, IX, p. 580. 56 Les montagnes de Qaračuq ou Karatau, se trouvent aux confins septentrionaux du pays des Oghuz, à l’est du cours inférieur du Syr Darya; voir LIGETI 1965, note 92, p. 261 et GOLDEN 1992 B, p. 205-211. 57 Sur les Saldjūḳides, voir EI2, VIII, p. 967-1012. 58 Barshin sur le cours inférieur du Syr Darya, entre Djand et Ṣigh. Voir BARTHOLD 1958, note 3, p. 179. 59 Saurān/Sabrān, ville étape sur la route de la soie, située au nord-ouest du Turkistān, aujourd’hui en ruine. Voir LIGETI 1965, note 25, p. 249. 60 Voir BOYLE 1964, note 72, p. 184. La ville est située sur la rivière du même nom qui coule entre Saurān et Yasi. 61 BRETSCHNEIDER 1888, I, note 487, p. 170: Yasi actuelle Turkestan. Voir EI2, X, p. 787789. 62 Sārī/Sāriya ville du Māzandarān, voir EI2, IX, p. 55. 63 BRETSCHNEIDER 1888, II, p. 56: «[U-ti-la-rh = Otrar] its ancient name, or perhaps the name of a city near the site of Otrar was Farab, which is mentioned by the authors from the ninth to the twelfth century» (…) (p. 58) «the ruins of ancient Otrar are still be seen a little to the north of mouth of the river Arys, an eastern affluent of the Syr daria.». Voir EI2, X, p. 1032-1033, la ville d’Utrār était située sur la rive droite du Syr Darya juste au sud du confluent avec l’Aris. 64 Zurnaq/Zarnūq/Zurnūq, voir BOYLE 1964, note 75, p. 184. 65 Djizak/Dizak/Jizak, voir BOYLE 1964, note 76, p. 184. 49

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(Samarłand)66, à Sar-i-pul (Sarip‘ul)67, à Karmina (K‘rman)68 et à Bukhārā (Buxaray)69. Puis, ils traversèrent le grand fleuve Djayḥūn (Jehun)70, se rendirent à Marw (Mrmən)71, à Sarakhs (Saraxs)72 et à Ṭūs (Tus)73 qui est situé en face du Khurāsān (Xorasan) appelé aussi Ḳūhistān (Ṙōłastan)74. Ils entrèrent à Māzandarān (Mazandaran)75, et de là [vinrent] à Bisṭām (Pstan)76, puis au pays d’῾Irāḳ (Ērał)77 aux frontières des malāḥida (mulhedkʻ). Ils se rendirent à Dāmghān (Tamłayn)78, à la grande ville de Rayy (Ṙē) et à Ḳazwīn (Xzuin)79; de là, à Awhar (Awahr)80, à Zandjān (Zangian)81 et à Miyāna (Miana)82 et en douze jours à Tabrīz (T‘avrēž). Vingt-six jours après ils traversèrent le fleuve Araxe (Erasx) et [p. 370] parvinrent dans le Sisian83 auprès de Baiǰu noyan, le chef de l’armée tatare, qui les envoya à Qoča-noyan (Xoča-nuin) laissé par lui comme son représentant à la tête des troupes; et avec les [autres] chefs de l’armée, il alla au-devant de Hülegü, le frère du qan Möngke, qui venait à l’est. Le pieux roi Het‘um [re]vint dans la maison de l’išxan K‘urd, au village de Vardenis où il avait laissé ses bagages et effets, y attendit l’arrivée du prêtre Baseł, dépêché par lui une nouvelle fois auprès de Batu pour lui montrer les lettres et les ordres du qan Möngke, afin que [Batu] aussi en écrive de même teneur. 66

Voir EI2, VIII, p. 1067-1073. Sar-i-Pul, litt. «tête de pont», est une ville du Turkistān afghān sur l’Ābi Safīd, près du pont dont elle prend le nom; voir EI1, IV, p. 178. 68 Karmina, ancien Karmīniyya, le long de la vallée du Zarafshān dans la région d’alṢughd (Sogdiane), voir BOYLE 1964, note 79, p. 185. 69 Bukhārā sur le cours inférieur du Zarafshān, actuellement en Üzbekistān; voir EI2, I, p. 1333-1336. 70 C’est-à-dire l’Āmū Daryā, le fleuve Oxus; voir EI2, I, p. 467-470. 71 Marw le long du cours inférieur du Murghāb au nord-est de la Perse; voir EI2, VI, p. 603-606. 72 Sarakhs ville du Khurāsān septentrional à l’extrémité orientale de la chaîne du Köpet Dagh; voir EI2, IX, p. 34-35. 73 Voir E2, X, p. 799-803. 74 Voir EI2, V, p. 355-357. 75 Māzandarān province du sud de la mer Caspienne, voir EI2, VI, p. 927-934. 76 Ville du Khurāsān sur un contrefort de l’Elburz/Alburz, voir EI2, I, p. 1285. 77 Selon BRETSCHNEIDER 1888, I, note 492, p. 172, il s’agirait de l’῾Irāḳ ῾Adjamī, connu aussi sous le nom de al-Djibāl; voir EI2, II, p. 547-548. 78 Dāmghān à 334 km à l’est de Téhéran; voir EI2, II, p. 109. 79 Ḳazwīn/Qazvīn, à 150 km au nord-ouest de Téhéran; voir EI2, IV, p. 890-896. 80 Awhar ou Abhar ville entre Ḳazwīn et Zandjān; voir EI2, I, p. 101. 81 Zandjān/Zanǰān, capitale de la province du même nom, au nord-ouest de Téhéran; voir EI2, XI, p. 483-484. 82 Ville située sur le fleuve Kizil-Üzen; voir EI2, VII, p. 189-190. 83 À propos du Sisian; voir HŠTB, IV, p. 616-617. 67

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P. BOISSON

Arrivèrent ses vardapet, Yabob, qu’il laissa là pour les besoins des affaires de l’église, et Mxit‘ar, qu’il avait fait revenir de chez Batu, tandis qu’il se rendait auprès de Möngke qan. Il accueillait avec affection tous les évêques, vardapet, prêtres et išxan des chrétiens qui venaient vers lui, car c’était un homme affable, savant et versé dans les Écritures. Il leur offrait des présents selon ses moyens et les renvoyait tous heureux. Il leur donnait des habits sacerdotaux pour l’ornement des églises car il aimait beaucoup la messe et l’église. Il recevait les chrétiens de toutes nations et les suppliait de s’aimer [p. 371] les uns les autres, comme frères ou membres du Christ, ainsi que le Seigneur l’a ordonné en disant: À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres84. Il nous racontait au sujet des nations barbares beaucoup de choses merveilleuses et inconnues, qu’il avait vues et entendues. «Il y a un pays», disait-il, «au-delà des Kitai (Łatayik‘), où les femmes ont la forme des hommes et sont douées de paroles et où les hommes celle des chiens grands et poilus mais sont privés de paroles. Ces chiens ne laissent entrer personne sur leur territoire, ils chassent les animaux, et s’en nourrissent eux et les femmes. Lorsque les chiens et les femmes s’accouplent, les mâles naissent sous forme de chiens et les femelles sous forme de femmes. Il y a aussi une île sablonneuse où pousse, à l’instar d’arbre, une sorte d’os précieux, appelé «dent de poisson»; lorsqu’on le coupe, il en repousse un autre à sa place à la manière des [bois] d’un cerf. Il existe un pays [peuplé] de nombreux idolâtres, qui célèbrent de très grandes idoles en argile, nommées Śākyamuni (Šakmonia)85, qu’ils disent être un dieu de trois mille quarante ans. Trente-cinq tūmān86 d’années s’écouleront encore, (un tūmān [p. 372] équivaut à dix mille) puis il sera privé de sa divinité. Il y a un autre [dieu] dont le nom est Maitreya (Madrin)87 auquel ils ont érigé une statue en argile d’une taille démesurée dans un beau temple. 84

Jn XIII, 35. Voir Marco Polo (trad. Hambis, chap. CLXXIX, p. 454-458). Buddha Śākyamuni ou Sakyamuni, litt. «le sage» (muni) de la tribu des Sakya est le nom donné au buddha historique. Il serait né aux environs de 480 avant Jésus-Christ. Voir LAMOTTE, 1976. 86 Tūmān, (en mongol) tüme[n], litt «dix mille», voir EI2, X, p. 665-668. 87 Maitreya, (mongol) Maidari, litt. «celui qui aime», nom du prochain samyaksambuddha («pleinement et complètement éveillé») qui a déjà parcouru toute la carrière du bodhisattva (litt. «être d’éveil»). À propos des différentes religions qui se côtoyaient dans l’empire mongol, voir JACKSON 2005, «The Mongols and the Faith of the Conquered», p. 245-290. 85

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Toute la nation, y compris les femmes et les enfants, sont des prêtres, appelés Toyinkʻ88. Ils rasent leurs cheveux et leur barbe, ils portent un manteau jaune à l’instar des chrétiens, [fixé] non pas à partir des épaules mais de la poitrine. Ils ont de la retenue en matière de nourriture et d’union charnelle. Ils prennent femme à vingt ans et jusqu’à trente ans ils l’approchent trois fois par semaine, jusqu’à quarante ans trois fois par mois, jusqu’à cinquante ans trois fois par an, et lorsqu’ils dépassent la cinquantaine, ils ne les approchent plus.» Le sage roi racontait beaucoup d’autres [histoires] concernant les nations barbares que nous avons omises afin qu’elles ne soient comptées comme superfétatoires. [Le roi] atteignit la terre d’Arménie, huit mois après avoir quitté le qan Möngke, c’était en 704 (= 1255/1256) du comput arménien.

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Le terme viendrait du chinois tao-jēn («homme de la voie») et désignerait le moine bouddhiste, voir GROUSSET 1965, note 2, p. 347.

CHAPITRE LIX

À PROPOS DU CARNAGE AU PAYS DE RŪM (HOṘOM) Le général du Nord Batu (Bat‘u) mourut au début de l’année 705 (= 1256/ 1257) du comput arménien; son fils Sartaq (Sart‘ax), [qui] était en route [p. 373] pour se rendre auprès de Möngke qan (Mangu łan), ne revint pas chez lui pour enterrer son père, mais poursuivit son voyage comme prévu. Le qan Möngke, extrêmement satisfait, se porta au-devant de lui, le gratifiant de grands honneurs; il lui concéda la principauté de son père et le commandement de toute l’armée, ainsi que de tous ceux qui étaient soumis à son autorité, et [le droit] d’être appelé son second et de donner des ordres souverainement puis il le renvoya dans sa maison. Avec lui se trouvait le pieux išxan de Xač‘ēn Jalal, venu exposer au maître de l’univers les infortunes qu’il avait subies de la part de l’ostikan1 Arġun (Arłun); en effet [l’išxan] avait failli mourir du fait des manigances des tačikk‘. [Möngke qan] lui donna un rescrit pour gouverner sa principauté en personne sans avoir à craindre qui que ce soit, car Sartaq, chrétien lui-même, l’aimait en qualité de chrétien. Sartaq regagna sa principauté dans une magnificence considérable; ses parents musulmans, Berke (B[e]rak‘a)2 et Berkečer (Bark‘ač‘a)3, lui administrèrent une potion mortelle qui mit fin à ses jours. Ce fut une grande tristesse pour tous les chrétiens, en particulier pour le qan Möngke et son frère Hülegü (Hulawu), maître de toutes les régions de l’Est. Mais avant que ces événements se soient déroulés, le grand général Hülegü, qui était presque un qan, donna l’ordre à toute l’armée tatare (t‘at‘ar) dans l’Est et dont le chef [p. 374] était Baiǰu-noyan (Bač‘u-nuin) 1

Le terme signifie «surveillant, gardien, gouverneur», voir NHBL, II, p. 523 et ArmB, III, p. 570-571. 2 Berke, petit-fils de Činggis Qan, troisième ou quatrième fils de Joči, représenta Batu lors de l’élection de Güyük en 1246 et celle de Möngke en 1254. Selon Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 114), il avait en apanage le territoire de Derbend qu’il dut quitter à la demande de son frère Batu pour s’installer à l’est de la Volga. Voir Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 122-123), Djuwainī (trad. Boyle, p. 184), Jean de Plan Carpin (trad. Dom Becquet et Hambis, p. 64 et note 78, p. 160) et l’étude de RICHARD 1967, «La conversion de Berke et les débuts de l’Islamisation de la Horde d’Or», p. 173-184. 3 Quatrième fils de Joči, Berkečer signifierait «le petit Berke». Les frères Berke et Berkečer se seraient convertis à l’islam entre 1246 et 1253; voir PELLIOT 1950, p. 51-52 et RICHARD 1967, p. 173-184.

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de quitter, avec tous leurs impedimenta et richesses, leur domaine de résidence, Mūghān (Mułan) ainsi que le pays des Ałuank‘, des Arméniens (Hayk‘) et des Ibères (Virk‘) pour se rendre dans le pays de Rūm, afin que [Hülegü] lui-même s’installe à leur place sur cette bonne terre. Il était venu avec une telle multitude qu’on disait qu’un mois fut tout juste suffisant pour que son armée franchisse le grand fleuve Djayḥūn (Jehun). Certains de ses parents, originaires des régions de Batu et de Sartaq, passèrent avec une armée innombrable par-delà la porte de Derbend (Darband). Il y avait des grands hommes et des chefs [pleins] d’autorité nommés Balaqa[n] (Balaxa)4, Tutar (Tuthar)5, Quli (Łuli)6. Nous les avons vus en personne, c’étaient les petits-fils de Činggis Qan (Čʻangz łan), que l’on disait fils de dieu. Ils avaient nivelé et rendu plus faciles toutes les routes qu’ils empruntaient, car ils circulaient avec des chariots. Par la collecte des taxes et les rapines, ils causaient beaucoup de souffrances à tous les pays, ils mangeaient et buvaient insatiablement et conduisaient toutes les nations aux portes de la mort. Ainsi en plus de toutes les autres [taxes], de [celle sur le] mal7 et du qubčur (xap‘čur)8 imposés par Arġun (Arłun), Hülegü donna l’ordre de réclamer une taxe, appelée taġar (t‘ałar)9. Sur toutes les têtes qui étaient inscrites au registre royal, on exigeait mille litres de blé, cinquante litres de vin, deux litres de riz et de graines, trois sacs, deux cordes, [p. 375] une pièce blanche, une flèche, un fer à cheval, sans compter les pots de vin; sur vingt animaux, [ils en prenaient] un et vingt pièces blanches. À celui qui n’avait rien, ils prenaient en contrepartie ses fils et ses filles. Et ainsi tout le pays fut plongé dans l’embarras et l’affliction. 4

Voir Djuwaynī (trad. Boyle, p. 608), Grigor Akner, X, XII, p. 38 et p. 44 (trad. Blake et Frye, p. 327, p. 339), quatrième fils de Šiban qan, fils de Joči. À propos de la forme du nom Balaqan ou Balaġai, voir BOYLE 1975, p. 36. 5 Voir Djuwaynī (trad. Boyle, p. 608), Grigor Akner, X, XII, p. 38 et p. 44 (trad. Blake et Frye, p. 327, p. 339), fils de Bo’al, frère de Batu. Voir PELLIOT 1950, p. 186 et BOYLE 1975 p. 41. 6 Voir Djuwaynī (trad. Boyle, p. 608), Grigor Akner, X, XII, p. 38, p. 40, p. 44 (trad. Blake et Frye, p. 327, p. 330-331, p. 339); second fils d’Orda, frère de Batu. Voir BOYLE 1975, p. 42. 7 Le terme signifie en mongol «bétail» puis par extension «propriété, richesse», il est alors synonyme du terme arabo-persan qalan, voir ALLSEN 1987, p. 153-154. 8 Tribut mongol prélevé en espèces sur les sédentaires et sous forme de bétail sur les nomades; à propos du sens du terme qubčur/qubčir, voir PELLIOT 1942-1943, p. 153-154, l’article ḳūbčūr dans EI2, V, p. 299 et ALLSEN 1987, p. 149-150. 9 Le mot est attesté dès le Xe siècle à Byzance, c’est une mesure de capacité de grains correspondant au poids de 100 man. Cette taxe agricole est collectée en nature sous Ögödei; voir CAHEN 1988, p. 145 et ALLSEN 1987, p. 186-188.

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P. BOISSON

L’armée tatare, bien qu’elle ait eu du mal à abandonner ses domaines, les quitta contre sa volonté par crainte de [Hülegü], car elle le redoutait fort autant que le qan. Puis elle alla dans le pays de Rūm. Le sultan de Rūm s’avança pour leur livrer bataille, mais ne pouvant résister il s’enfuit dans l’île d’Alanya (Alayia). Ils passèrent au fil de l’épée [les populations] des cantons qui étaient sous son autorité jusqu’à la mer océane et le Pont (Pontos). Ils exterminèrent, pillèrent, détruisirent aussi les villes de Karin, Erzincan (Eznkan), Sébaste (Sewast), Césarée (Kesaria), Ḳonya (Kōnn) et les cantons aux alentours. Puis, sur l’ordre de Hülegü, ils ramenèrent leurs impedimenta dans leurs [anciens] campements; puis ils menèrent des incursions de tous côtés. Le roi d’Arménie Het‘um, qui était revenu de chez Möngke qan, Batu, Sartaq et Hülegü était avec eux, auprès de Baiǰu-noyan, qui le renvoya avec une armée nombreuse dans son pays en Cilicie (Kilikia), dans la ville [p. 376] de Sis. [Le roi] donna de nombreux présents et participa aux opérations militaires de Baiǰu-noyan et de son armée; celui-ci écrivit à Hülegü une lettre de satisfaction et d’éloges à son propos. Le grand Hülegü, qui était un guerrier, rassembla toute la multitude des troupes et alla dans le pays des malāḥida (mulhedk‘), à Alamūt (Alamut‘)10, dont il s’empara. [Alamūt] était assiégée par l’armée royale, depuis plusieurs années11, quand les fils d’῾Alā al-Dīn (Aladin)12 tuèrent leur père et se rendirent auprès de 10

La forteresse, située au cœur des montagnes d’Alburz en Iran, a été entre 1090 et 1256 le centre de l’État des Ismā῾iliens Nizārites, voir EI2, I, p. 363-365. 11 Selon l’Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 544), le siège contre la forteresse dura sept ans. Selon Marco Polo (trad. Hambis, chap. XLIII, p. 116), le siège de la forteresse dura trois ans: «Ils assiégèrent le château bien trois ans avant que ne puissent le prendre, car il était si fort qu’on ne le pouvait emporter d’assaut. Et ne l’eussent même jamais pris tant qu’ils auraient eu de quoi manger, mais au bout de trois ans, ils n’eurent plus rien à manger. Alors, faute de vivres, ils furent pris, et fut occis le Vieux de la Montagne, qui avait nom Alaodin, avec tous ses hommes et tous ses Assassins; toute la place fut détruite et laissée pour désert par les gens d’Ulau, cinquième sire de tous les Tatares du Levant, et il fit raser le château.» 12 Il s’agit probablement d’῾Alā al-Dīn Muḥammad b. Ḥasan III (1221-1255), imām d’Alamūt qui refusa de négocier avec les Mongols, ce qui effraya ses généraux, et qui fut assassiné par un de ses courtisans en 1255. Selon Djuwainī (trad. Boyle, p. 711-712), des rumeurs prétendent qu’il fut assassiné par son fils Rukn al-Dīn Khwurshāh qui se rendit sans condition en 1256; il fut exécuté et tous les Ismā῾iliens Nizārites de Perse furent massacrés; voir Djuwainī (trad. Boyle, p. 712-725) et Rashīd al-Dīn (trad. Quatremère p. 217-219): «Le jeudi, 10e jour du mois de moharram, l’an 655, Khourschah reçut un yarlig (…) et on lui donna en mariage une fille mongole (…). Dès que les fêtes du mariage furent terminées, Houlagou, comme il avait par un traité formel garanti à Khourschah une amnistie entière, ne voulut pas manquer à ses engagements et attenter à la vie de ce prince (..). Pendant quelque temps Houlagou traita ce prince avec honneur et distinction; ensuite

À PROPOS DU CARNAGE AU PAYS DE RŪM (HOṘOM)

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Hülegü. Celui-ci donna l’ordre de démolir toutes les places fortes qui se trouvaient à Alamūt et somma toutes les troupes ainsi que ceux qui leur étaient soumis de se réunir ensemble13 [pour marcher] contre Baghdād (Bałdat) la grande ville de l’empire des tačikk‘ qui se situe entre les Perses (Parsik‘) et les Syriaques (Asorikʻ) et qu’ils n’avaient pas encore prise. Le calife, qui siégeait à [Baghdād], était de la lignée de Muḥammad (Mahmet) — on dit calife (xalifay) pour descendant14 — tous les sultans de la religion des tačikk‘ lui obéissaient, Turcs (Tʻurk‘), Kurdes (K‘urdk‘), Perses, Élamites (Elamac‘ik‘)15 et d’autres nations. Il était le commandant en chef de leurs principautés; elles lui étaient assujettis par des traités et lui rendaient hommage comme à un parent et au compatriote de leur législateur, leur premier corrupteur. [p. 377] Les grands chefs des régions de Batu, Quli, Balaġai (Balałay) [= Balaqan], Tutar, Qataqan (Łatałan)16 vinrent aussi dans cette forteresse17 car tous honoraient Hülegü comme le qan, lui obéissaient et le redoutaient.

il le fit partir pour la cour du kaân. Il existe sur la mort de Khourschah des récits tout à fait contradictoires; voilà ce qu’il y a de plus avéré: dès que le kaân eut appris que ce prince arrivait, il demanda pourquoi on l’emmenait et on fatiguait sans motif les chevaux de la poste; après quoi il dépêcha un émissaire par l’ordre duquel, et sur la route même on mit à mort cet infortuné.» 13 Les Ibères participèrent aux combats; voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 529-530 et p. 540). 14 Le terme khalīfa signifie «successeur, descendant»; voir EI2, IV, p. 980-982. 15 Le terme désigne peut-être les habitants du Khūzistān, province qui correspond plus ou moins à l’Elam antique et à la Susiane. 16 Voir Vardan, § 85, p. 144 (trad. Thomson, p. 214), Grigor Akner, X, XII, p. 38, p. 44 (trad. Blake et Frye, p. 327, p. 339) et CLEAVES 1949, p. 421. 17 Le terme employé est ղալէ (łalē), de l’arabe ḳal῾a, litt. «forteresse, château», voir MHB, II, p. 65.

CHAPITRE LX

À PROPOS DE LA DESTRUCTION DE BAGHDĀD (BAŁDAT) En l’an 707 (= 1258/1259) du comput arménien, le qan Möngke (Mangu łan), maître de l’univers, grand parmi les rois de la terre, rassembla une armée incalculable et innombrable et marcha vers un pays lointain, dans les territoires du sud-est, contre la nation appelée Nangkiyas (Nayngas)1 qui s’était rebellée contre lui et refusait de s’acquitter des taxes comme les autres pays. C’étaient des hommes belliqueux, retranchés dans leur pays, idolâtres, ils mangeaient leurs vieux et leurs vieilles. Tout le clan rassemblé, fils, petits-fils, arrière-petits-fils écorchaient avec la bouche leurs parents vieillissants. Ils retiraient la chair et les os, les faisaient cuire et les mangeaient sans rien laisser. De cette peau ils faisaient une outre qu’ils remplissaient de vin, tous ceux qui appartenaient à [leur] nation en buvaient par le membre viril [p. 378] et non les étrangers au clan; seuls ceux issus [du mort] étaient habilités à manger et boire de la sorte. Les os du crâne étaient entourés d’or et ils buvaient dedans toute l’année2. Le qan Möngke marcha contre eux, leur livra bataille, les défit et les réduisit avec force à l’obéissance. Sur le chemin de retour, il tomba malade et mourut3. Son frère Ariq-Bökö (Arik‘ Buła) lui succéda sur le trône4. Et le grand Hülegü (Hulawu), son frère, établi par lui chef de l’armée de l’Est, donna l’ordre à tous ceux qui lui étaient soumis, de marcher ensemble contre la capitale des tačikk‘, Baghdād, résidence de la royauté des tačikk‘. 1 Le terme de Nangkiyas/Nangkiyad désigne les habitants de la Chine du Sud. Voir PELLIOT 1913, p. 460-466 et 1973, note 1, p. 269. 2 Voir le chapitre de Guillaume de Rubrouck (trad. Kappler, p. 133-134): «Divers peuples, y compris ceux qui mangeaient leurs parents». 3 Möngke avait entrepris la conquête de la Chine méridionale avec son frère Qubilai (1259-1294) mais il mourut de maladie ou d’une blessure pendant le siège de Ho-Chou (dans le Sichuan) en août 1259 contre la dynastie des Song (Sung); voir Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 228), Yuan che III (trad. Abramowski 1979, p. 33) et ALLSEN 1994, p. 409411. 4 À la mort de Möngke, Ariq-Bökö/Ariq Böke se trouvait à Qaraqorum et son frère Qubilai en Chine; tous deux soutenus par leurs partisans convoquent un qurilta(i) et sont dûment élus. Ces élections provoquèrent une guerre civile (1260-1264); voir Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 246-265) et l’article de JACKSON 1975, «The accession of Qubilai Qa’an: a re-examination», p. 1-10.

À PROPOS DE LA DESTRUCTION DE BAGHDĀD (BAŁDAT)

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Le roi qui y siégeait ne s’appelait ni sultan ni malik (melik‘) comme il était d’usage de donner ces noms aux despotes des Turcs (T‘urk‘), Perses (Parsk‘) et Kurdes (Kʻurdk‘), mais calife (xalifay), c’est-à-dire descendant de Muḥammad (Mahmet). Le grand Hülegü, à cause des terribles chaleurs de ce pays, marcha contre lui durant les saisons d’automne et d’hiver avec la multitude innombrable des nations qui lui étaient soumises. [p. 379] Avant son départ, il donna l’ordre à Baiǰu-noyan (Bač‘u-nuin) et à son armée présente avec lui dans le pays de Rūm (Hoṙom) d’aller encercler le grand fleuve5, le Tigre (Tigris) sur lequel était construit la ville de Baghdād, afin que personne ne s’échappe par bateau de la ville pour entrer à Ctésiphon (Katisbon)6 ou dans Baṣra (Basra) fortifiée7. Eux, exécutèrent l’ordre sans délai; ils attachèrent des bateaux [les uns aux autres, créant] un pont au-dessus du grand fleuve puis [à partir de ces ponts] ils jetèrent dans le fleuve [jusque] dans le fond des filets solides munis de poids en fer et de broches afin que personne ne se sauve à la nage, loin de la ville sans qu’ils ne le sachent8. Le calife al-Musta῾ṣim (Must‘asar)9 qui siégeait dans la ville, fier et plein de suffisance10, dépêcha une armée nombreuse contre ceux qui gardaient le fleuve. [L’armée] était sous le commandement d’un chef dont le nom était dawādār (Dawdar)11, ostikan de sa maison. Celui-ci vint, eut 5 D’après le récit attribué à l’érudit al-Ṭūsī Naṣīr al-Dīn (1201-1274) (trad. Boyle, p. 153154), Baiǰu-noyan accompagné de Suġunčaq noyan vint d’un côté, Ket/Ked-Buqa noyan de l’autre et Hülegü en face. À propos de la marche des Mongols sur Baghdād, voir Rashīd al-Dīn (trad. Quatremère, p. 254-281). 6 Ancienne capitale des Perses sous les Sassanides, la ville se situe en face de Séleucie sur la rive gauche du Tigre, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Baghdād. 7 Ville portuaire située sur le golfe persique, à 420 km au sud-est de Baghdād. Voir EI2, I, p. 1117-1119. 8 À propos du blocus de la rivière, voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 548) et du siège suivi de la prise de Baghdād, voir le récit de Rashīd al-Dīn (trad. Quatremère, p. 282-307). 9 Il s’agit du calife al-Musta῾ṣim Bi-llāh (1247-1258), voir EI2, VII, p. 754-755. 10 Ibn Ṭiḳṭaḳa, (trad. Amar, p. 571) décrit le calife comme un homme bon et lettré: «Ses mœurs étaient douces, et il laissait à peine sentir son autorité; mais il avait peu de jugement et manquait d’énergie; il ne connaissait point les affaires de l’empire et se laissait facilement gouverner (…). Ses courtisans qui étaient tous des gens sans aucun mérite et de la dernière classe du peuple le dominaient entièrement.» Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 409) est moins indulgent: «This man possessed a childish understanding, and was incapable of distinguishing good from bad; and he occupied all his time in playing with doves, and in amusing himself with games with birds.» 11 Dawādār/dawātdār litt. «celui qui porte et garde l’encrier royal». Le terme désigne le secrétaire, le chancelier, voir EI2, II, p. 177-178. Selon al-Ṭūsī Naṣīr al-Dīn, qui assista à la prise de Baghdād et au meurtre du calife (trad. Boyle, p. 152-153) et selon la version

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tout d’abord le dessus et tua environ trois mille Tatars (T‘at‘ar). Le soir venu, il s’attabla pour manger et boire sans s’inquiéter. Il envoya au calife al-Musta῾ṣim des messages de bonnes nouvelles qui disaient: «Je les ai tous exterminés et demain j’achèverai le petit nombre qui reste»12. Mais l’armée tatare rusée et très ingénieuse, toute la nuit, [p. 380] se prépara, s’organisa et encercla le camp des tačikk‘; l’išxan Zak‘arē, le fils de Šahnšah, était parmi eux. Quand le jour se leva, ils mirent au travail leurs épées, ils massacrèrent ou noyèrent tout le monde dans le fleuve, seul un petit nombre parmi eux survécut. Ce même matin, le grand Hülegü aussi encercla la ville de Baghdād, il donna à chacun l’équivalent [de la longueur] d’un bras de la muraille [avec pour mission] de la démolir et de veiller à ce que personne ne s’échappe [de la ville]. Il dépêcha le courageux Pṙōš et d’autres comme ambassadeurs auprès du calife pour que celui-ci rentre dans son obéissance et paye le tribut au qan. [Le calife] donna avec raideur une réponse pleine de mépris, clamant être le maître du monde13, le seigneur de la mer et la terre, se vantant [de posséder] l’étendard de Muḥammad: «Il est ici, disait-il, et si je l’agitais, toi et l’univers seraient entièrement détruits. Tu n’es qu’un chien, un Turc. Pourquoi te paierais-je un tribut ou t’obéirais-je?» Hülegü ne prit pas ombrage devant cet affront et n’écrivit aucun propos vantard, il dit seulement ceci: «Dieu sait ce qu’il fait.» Puis il donna l’ordre d’abattre la muraille qui fut démolie tout entière puis de la reconstruire de nouveau et de la surveiller avec attention. C’est ainsi qu’ils firent. [p. 381] La ville était pleine de troupes et d’une foule [de gens]. Durant sept jours, ils demeurèrent sur le rempart et personne ne décocha de flèche sur eux ni n’utilisa son épée, que ce soit du côté de la ville ou du côté des troupes tatares. Après le septième jour, les habitants de la ville commencèrent à demander la paix et à sortir pour se rendre auprès [de Hülegü] avec affection et soumission.

arabe de la chronique de Bar Hebraeus (trad. Wickens, p. 32), le calife contre l’avis de son vizir, Ibn al-῾Alḳamī, et à la demande de son dawādār refuse d’envoyer des présents et de se soumettre à Hülegü, et ce à plusieurs reprises. Le dawādār sort de Baghdād à la rencontre des forces tatares et parvint à infliger une défaite aux troupes de Suġunčaq à Anbār, voir Ṭūsī Naṣīr al-Dīn (trad. Boyle, p. 155), Rashīd al-Dīn (trad. Quatremère, p. 281), Bar Hebraeus (trad. Wickens, p. 33). 12 Voir Vardan, § 91, p. 150 (trad. Thomson, p. 217); Mxit‘ar Ayrivanec‘i, p. 67; Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 429-431); Marco Polo (trad. Hambis, chap. XXV, p. 78-81); Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 548-550). 13 Le terme employé ջահանգիր (ǰahangir) vient du persan ǰāhan-gir signifiant «maître du monde». Voir MHB, II, p. 291.

À PROPOS DE LA DESTRUCTION DE BAGHDĀD (BAŁDAT)

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Alors Hülegü donna l’ordre de procéder ainsi: tandis que des multitudes incalculables sortaient par les portes de la ville en se disputant les uns les autres pour arriver le premier auprès de lui, [Hülegü] répartit les arrivants entre ses soldats et leur donna l’ordre de les éloigner de la ville et de les tuer secrètement afin que les autres ne le sachent pas. Tous furent massacrés. Au bout de quatre jours, le calife Musta῾ṣim sortit aussi avec ses deux fils et tous ses dignitaires, emportant avec lui quantité d’or, d’argent, de pierres précieuses et de vêtements de prix comme présents pour Hülegü et ses dignitaires. Tout d’abord ce dernier l’honora, [puis] il lui reprocha d’avoir tardé à venir rapidement auprès de lui, il le questionna: «Qu’es-tu, toi, Dieu ou homme?» [Le calife] répondit: «Un homme et un serviteur de Dieu.» Hülegü de dire: «Dieu t’a-t-il dit de m’insulter et de me traiter de chien, de ne pas me donner, à moi, le chien de Dieu, à manger et à boire? Maintenant le chien de Dieu est affamé et va te dévorer.» Il le tua de ses propres mains, en disant: «C’est un honneur pour toi que je t’aie tué moi-même et que je n’aie pas donné à un autre [cette tâche]14.» [p. 382] Il ordonna à son fils de tuer un des fils du calife et il donna en offrande15 l’autre fils aux eaux du Tigre en disant: «Car il ne nous a pas fait de tort, et il nous a assisté dans le massacre de ces insensés.» Il ajouta: «Cet homme a fait couler beaucoup de sang à cause de son orgueil, qu’il aille en répondre devant Dieu; ainsi nous en sommes innocents.» Il fit périr aussi les autres dignitaires. [Hülegü] donna l’ordre à ses troupes gardant le rempart d’en descendre et de tuer les habitants de la ville, du plus grand au plus petit. Puis [les troupes] se rangèrent tels des épis des champs et tuèrent une multitude incalculable et innombrable d’hommes, de femmes et d’enfants. L’épée ne cessa son œuvre durant quarante jours, au point que les meurtriers las, épuisés, leurs bras fatigués, soudoyèrent d’autres qui décimèrent impitoyablement. Mais la femme de Hülegü, la grande qatun (xat‘un), nommée Doquz (Tōłuz) qatun16 qui était chrétienne, ménagea les chrétiens de Baghdād, 14 La mort du dernier calife ῾abbaside est relatée de manière très différente selon les sources; selon certaines, le calife est exécuté par le qan lui-même ou un de ses généraux (Histoire de la Géorgie, trad. Brosset, p. 550); selon d’autres, Hülegü fait mourir de faim le calife (Marco Polo, trad. Hambis, chap. XXV, p. 78-81) ou dans un tapis, foulé aux sabots des chevaux (Bar Hebraeus, trad. Budge, p. 431). Sur les différentes versions du meurtre du calife, voir BOYLE 1961, p. 145-161. 15 Սաղաւաթ (saławat‘) vient de l’arabe salavāt, litt. «cadeau, présent, sacrifice»; voir MHB, II, p. 308. 16 Doquz qatun était la femme de Tolui, elle devint à la mort de son mari, selon la tradition mongole, l’épouse de Hülegü (voir Bar Hebraeus, X, 491, XI, 509, 521, trad. Budge, p. 419, 435, 444); nestorienne, elle protégea tous les chrétiens (Vardan, § 90, p. 149, trad.

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ceux de la secte nestorienne et d’autres nations; elle implora son mari de les épargner. Lui leur laissa même leurs richesses et propriétés. Puis il ordonna à toutes ses troupes de s’emparer des richesses et propriétés de la ville. [p. 383] Toutes se chargèrent d’or, d’argent, de pierres précieuses, de perles et de vêtements de prix, car la ville était tellement riche que l’on ne trouvait pas sa pareille sur terre. Hülegü prit pour sa part les trésors du calife: 3 600 charges de chameaux, des chevaux, des mulets et des ânes, on n’en connaît pas le nombre. Il apposa son sceau sur d’autres maisons, pleines de trésors, y laissa des gardiens car il n’avait pas pu tout prendre compte tenu de la quantité incommensurable [de richesses]. Cinq cent quinze ans s’étaient écoulés depuis la fondation de la ville, par l’Ismaélite (ismayelakan) Dja῾far (Jap‘r), en 194 (= 745/746) du comput arménien17, sur le fleuve le Tigre, au-dessus de Ctésiphon, à cinq jours environ de marche au-dessus de Babylone (Babelon); elle avait tout pris dans le royaume, telle une sangsue insatiable, elle avait avalé tout l’univers. Maintenant en paiement du sang qu’elle avait fait couler et du mal qu’elle avait causé, elle fut détruite en 707 (=1258/1259) du comput arménien. Lorsque la mesure de ses péchés fut comble18 devant Dieu, qui sait tout, qui rétribue justement, impartialement et exactement, alors la folle et belliqueuse royauté des tačikk‘ cessa, [p. 384] après avoir duré six cent quarante-sept ans19. Baghdād fut prise le premier jour du carême, un lundi du mois de nawasard, le vingtième jour du mois selon le calendrier mobile20. Tout cela nous fut raconté par l’išxan Hasan, dit Pṙōš, fils du pieux Vasak, fils de Hałbak, frère de Papak‘ et Mkdēm, père de Mkdēm, Papak‘, Hasan et Vasak, témoin auriculaire et oculaire de ces faits, [homme] qui jouissait d’une grande estime aux yeux du qan (łan). Thomson, p. 217 et Grigor Akner, XII, p. 45, trad. Blake et Frye, p. 341), elle fit réédifier les églises et abattre «les temples des Sarazins» (voir Hayton, p. 169-170, trad. Deluz, III, 19, p. 838); selon Rashīd al-Dīn (trad. Quatremère, p. 94-95) elle avait à la porte de son camp une église et on y sonnait la simandre. Elle fut empoisonnée par un certain khodja Sahīb (voir Step‘annos Ōrbēlean, chap. 66, p. 419, trad. Brosset, p. 235). Hülegü et son épouse sont comparés à Constantin et Hélène; voir FIEY 1975, «Le nouveau Constantin: Hülagu (12561265)», p. 18-32. 17 Selon Kirakos, chap. 2, p. 79, Baghdād aurait été construite en 194 du comput arménien (= 745/746) et en 1073 de l’ère des Séleucides. En réalité, la ville a été fondée en 762 par le second calife de la dynastie ῾abbāside Abū Dja῾far al-Manṣūr; voir EI2, I, p. 921-936 et MICHEAU 2008, p. 221-245. 18 Voir 1 Th II, 16. 19 «La royauté des tačikk‘» commença en 611, selon Kirakos, date approximative de la révélation et de la prédication de Muḥammad. 20 Le 4 février 1258 d’après DULAURIER 1859, p. 339.

CHAPITRE LXI

À PROPOS DE LA DESTRUCTION DE LA VILLE DES MARTYRS1 La même année que la destruction de Baghdād (Bałdat), au début du printemps, le grand Hülegü (Hulawu), rassembla une armée qu’il confia au plus jeune de ses fils2, nommé Yašmut (Jiasmut‘)3; il envoya avec lui le grand intendant de sa maison Ilge noyan (Iligia-nuin)4 pour aller se divertir du côté du fleuve l’Euphrate (Ep‘rat), piller et soumettre ces régions. Tandis qu’ils [p. 385] traversaient la ville des Martyrs, appelée Mufarłin, ils demandèrent [aux habitants] de se soumettre, de fournir des troupes et de payer le tribut, en sorte qu’ils vivraient sans être inquiétés. Le sultan5, qui était de la nation des Ayyūbides (Edleank‘)6, n’accepta pas, il réunit une armée, sortit à leur poursuite, en tua quelques-uns puis rentra dans la ville, s’y fortifia pour contrer l’armée tatare (t‘at‘ar). [Les Tatars] laissèrent là des troupes et allèrent jusqu’au grand fleuve l’Euphrate, dans les régions de la Mésopotamie (Miǰagetk‘), ils prirent comme butin tout ce qu’ils trouvaient puis s’en retournèrent rejoindre les troupes qui gardaient la ville des Martyrs. Ils se rendirent auprès de Hülegü pour lui raconter ce qu’ils avaient fait et la rébellion de la ville. [Hülegü] expédia de nombreux soldats contre la ville, il désigna comme leurs chefs un certain Čaʼadai (Č‘ałatay), qui avait été général de l’avantgarde tatare et, parmi les chrétiens, l’išxan Pṙōš, dit Hasan, des hommes 1 La ville se situe au nord-est du Diyar Bākr, à une quarante kilomètres au nord du Tigre. Elle est appelée par les Byzantins Martyropolis, par les Syriaques Mīpherḳēt, par les Arméniens habituellement Mufarłin, et par les musulmans Mayyāfāriḳīn; voir EI2, VI, p. 920-924. Le récit de la fondation de la ville et son histoire a été étudié par FIEY 1976B, p. 5-38. 2 Rashīd al-Dīn (trad. Quatremère, p. 98-110) attribue quatorze fils à Hülegü. 3 Vardan, § 91, p. 150 (trad. Thomson, p. 217), l’appelle Ismud; Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 434): ᾿Ashmût; Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 612): Yoshmut. Voir BOYLE 1968, p. 350, p. 355-356, p. 415. 4 Selon Rashīd al-Dīn (trad. Quatremère, p. 358) son nom est Ilge (écrit Ilka); Djuwaynī (trad. Boyle, p. 615): Köke Ilge; Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 439-440): Köke-Ilge (écrit Kûkalâgâ). Ilge/Ilka est supposé être l’ancêtre des Ilkanides connus aussi sous le nom de Jalayir/Djalayīr; voir PELLIOT et HAMBIS, 1951, p. 65-66, EI2, II, p. 411-412. 5 Al-Kāmil b. Shihāb al-Dīn Ghāzī (1244-1260) était le maître de la ville, voir al-Makīn Ibn al-῾Amīd (trad. Eddé et Micheau, p. 104). 6 Edleank‘ est le nom que donne Kirakos (chap. 2, p. 151) aux membres de la famille d’Edil/Ādil, à savoir al-Malik al-῾Ādil (1143-1218), frère de Ṣalāḥ al-dīn b. Ayyūb fondateur de la dynastie des Ayyūbides. À propos de la dynastie, voir EI2, I, p. 820-830.

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courageux et renommés. Ils allèrent encercler la ville de tous côtés, ne laissant quiconque entrer ou sortir. Dès leur arrivée, ils engagèrent une lutte vigoureuse, employant balistes et catapultes, ils coupèrent également l’eau qui approvisionnait la ville. Les habitants de la ville se battaient néanmoins avec la même énergie contre eux, ils tuèrent beaucoup de Tatars et de chrétiens qui étaient avec eux. Le siège dura plus de deux ans, la famine s’intensifia dans la ville. Ils consommèrent les animaux purs et impurs, puis ils commencèrent, [p. 386] faute de nourriture, à manger les hommes, les forts dévorant les faibles. Lorsqu’il n’y eut plus de pauvres, ils se retournèrent les uns contres les autres, les pères mangeaient leurs fils, les mères leurs filles, sans plus aucune compassion pour le fruit de leurs entrailles, les bien-aimés renièrent leurs bien-aimés, les amis leurs connaissances. La famine fut telle qu’une livre de chair humaine se vendait environ soixante-dix dahekans7. Puis tout vint à manquer, homme et nourriture, et ce danger non seulement les toucha eux, mais aussi beaucoup d’autres cantons, car le pays soumis aux Tatars et oppressé par la collecte de taxes pourvoyait [également] en vivres et boissons ceux qui assiégeaient la ville. Beaucoup mouraient à cause du froid glacial [dû] à la neige qui recouvrait les montagnes durant l’hiver. Et le pays très fortifié de Sasun8 entra en soumission et dans la servitude des Tatars, [les habitants] se mirent sous la protection de l’išxan Sadun9, fils de Šerbarok, petit-fils de Sadun10, chrétien de religion, grandement honoré par Hülegü. C’était un homme de haute taille et si courageux au combat que Hülegü l’avait institué premier au milieu de ses champions11. Il lui accorda le canton de Sasun, mais plus tard [les Tatars] revinrent sur leur serment et massacrèrent beaucoup d’entre eux. Lorsque la ville fut vidée de ses habitants à cause de la terrible disette, [p. 387] ils la prirent et massacrèrent tous ceux qui s’y trouvaient, émaciés par l’horrible famine. Ils amenèrent vivants le sultan et son frère à Hülegü, 7

À propos du récit de la prise de la ville, voir Vardan, § 91, p. 150 (trad. Thomson, p. 217); Rashīd al-Dīn (trad. Quatremère, p. 361-375); Bar Hebraeus (trad. Budge, p. 436437). 8 Région montagneuse située au sud de la plaine de Mūsh et de la chaîne Sim, au sudouest du lac de Van. 9 Sadun Arcruni exerça la régence, durant la minorité du fils du roi David Ulu, Demetre. Gendre d’Awag, il administra également ses vastes domaines. Favori du successeur de Hülegü, Abaqa (1265-1282), il meurt en 1282 ou 1285. Voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 586, 589-590); Stepʻannos Ōrbēlean, chap. 66, p. 426 (trad. Brosset, p. 238). 10 Voir Kirakos, chap. 15. 11 Selon Grigor Akner, XII, p. 48-49 (trad. Blake et Frye, p. 347), Sadun fut particulièrement honoré par Hülegü après avoir battu à la lutte un champion mongol.

À PROPOS DE LA DESTRUCTION DE LA VILLE DES MARTYRS

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qui ordonna de les tuer par l’épée, car ils étaient indignes de vivre et coupables de tout le sang des victimes versé à cause d’eux. Cependant ils ne détruisirent ni les églises, ni les nombreuses reliques de saints de diverses nations, rassemblées par saint Marūthā (Marut‘a)12 et déposées là; car les chrétiens membres de l’armée avaient informé les Tatars de leur valeur et racontaient les nombreuses apparitions au sujet des saints dont ils avaient été témoins. [Par exemple] qu’une intense lumière s’était élevée sur le rempart et des hommes nimbés de lumière étaient apparus. La ville fut prise en 709 (= 1260/1261) du comput arménien durant le grand jeûne du carême quadragésimal13.

12

D’après la légende, l’évêque Marūthā/Mārūṯā b. Layūtā/Liyūtā aurait fondé la ville, au ve siècle, sur l’emplacement d’un grand village. Selon le texte d’Ibn al-Azraq (FIEY 1976A, p. 42), Marūthā, qui était médecin, se rendit en Perse pour soigner la fille de Sapor. L’ayant guérie, il demanda à Sapor «les os des martyrs et des moines tués par tes partisans dans nos pays». Voir Grigor Akner, XI, p. 42 (trad. Blake et Frye, p. 335). 13 En 1260, la fête de Pâques tomba le 4 avril, la prise de la ville eut donc lieu entre le 14 février et 4 avril.

CHAPITRE LXII

À PROPOS DE CE QUI ADVINT DANS LES RÉGIONS DE MÉSOPOTAMIE (MIǰAGETK‘) ET DE SYRIE (ASORIK‘) PROFONDE À nouveau le grand Hülegü (Hulawu) rassembla la multitude de ses troupes et marcha vers la Syrie, contre Ḥalab (Halap)1, Dimashḳ2 (Dmišk), Ḥarrān (Xaṙan)3, al-Ruhā (Uṙha), Āmid (Amit‘) et d’autres cantons, dispersant partout ses maraudeurs. Puis lui-même s’arrêta à Ḥalab pour l’attaquer. Le sultan Yūsuf (Yusup‘)4 qui y résidait, de la lignée de Ṣalāḥ al-dīn (Salahadin), le destructeur de Jérusalem (Erusałēm), lui résista, et au lieu de se soumettre lui ferma les portes de la ville et [p. 388] se battit vaillamment. Alors le grand Hülegü encercla la ville de tous les côtés et au bout de quelques jours la prit de force, et le massacre des [habitants] de la ville commença. Le sultan et ses dignitaires se retranchèrent dans le fort et commencèrent à supplier [Hülegü] d’accepter leur soumission. Il y consentit et donna l’ordre de cesser la destruction de la ville et [au sultan] de se soumettre et de payer le tribut. [Hülegü] se rendit aussi à Dimashḳ, [les habitants] sortirent à sa rencontre avec de nombreux présents d’un prix exorbitant. Il les reçut avec bienveillance, s’empara de Ḥimṣ (Hēms) et de Ḥamā (Hama)5 ainsi que de nombreuses autres villes. Il envoya des troupes contre la ville fortifiée de Mārdīn (Merdin)6 qu’elles ne purent prendre qu’à grand-peine et qu’au bout de plusieurs jours. Il massacra aussi beaucoup de brigands, nommés Ḳādjār (?) 1

La ville d’Alep en Syrie. La ville de Damas. 3 La ville est à mi-chemin entre al-Ruhā et al-Raḳḳ, voir EI2, III, p. 234-237. 4 Il s’agit d’Al-Malik al Nāṣir Ṣalāḥ al-Dīn Yūsuf (1236-1260) dernier souverain ayyūbide d’Alep et de Damas, voir EI2, VII, p. 991-992. À propos des relations du sultan avec les Mongols et de sa fin, voir Al-Makīn Ibn al-῾Amīd (trad. Eddé et Micheau, p. 104-105, p. 110-120). 5 Ḥamā/Ḥamāt ville de Syrie à 54 km au nord de Ḥimṣ et à 152 km au sud de Ḥalab sur les bords de l’Oronte, voir EI2, III, p. 122-124. 6 La ville se trouve sur un contrefort montagneux, dominant le bassin du moyen Euphrate, voir EI2, VI, p. 524-527. Selon Al-Makīn Ibn al-῾Amīd (trad. Eddé et Micheau, p. 119): «Le siège fut très dur, la peste et la mort s’abattirent sur les habitants, la plupart d’entre eux moururent, notamment le maître de la ville al-Malik al-Sa῾īd». 2

DE CE QUI ADVINT DANS LES RÉGIONS DE MÉSOPOTAMIE ET DE SYRIE

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(łačarik‘)7, qui mettaient en péril tous les peuples et les voyageurs. C’étaient des Turcs (Tʻurk‘), réfugiés dans d’épaisses forêts, dans des endroits fortifiés et difficiles [d’accès]; ils venaient de toutes les régions, leur nombre était incalculable, ils n’obéissaient à personne; ces crapules s’en prenaient surtout aux chrétiens. Beaucoup d’entre eux furent tués et un plus grand nombre emmené en captivité. Puis [Hülegü] laissa des troupes, une garde d’environ 20 000 hommes8, et lui s’en retourna hiverner dans la plaine de Hamadān (Hēmian)9. Or le sultan de Miṣr (Msray sultan)10 réunit une armée nombreuse et marcha contre la garde de l’armée tatare (t‘at‘ar), dont le chef, un chrétien, de la nation des Naiman (Nayiman), nommé Ket Buqa (K‘it‘buła)11, [p. 389] était un homme très respecté. [Ce dernier] s’avança pour combattre vaillamment le sultan, [mais] il fut massacré avec toutes ses troupes car les Égyptiens (Egiptac‘ik‘) étaient très nombreux. La bataille eut lieu dans la plaine au pied du mont Tabor (T‘aborakan leṙn)12. Ket Buqa durant le combat avait avec lui beaucoup d’Arméniens (Hayk‘) et d’Ibères (Virk‘), qui comme lui furent tués. Cela eut lieu en 709 (= 1260/1261) du comput arménien13.

7

Sur l’origine de cette tribu, voir EI2, IV, p. 403-404. D’après Vardan, § 92, p. 152 (trad. Thomson, p. 218): 20 000 hommes, Bar Hebraeus, XI, 511 (trad. Budge, p. 436): 10 000 hommes. 9 Stepʻannos Ōrbēlean transcrit le nom de Hamadān de la même manière que Kirakos (chap. 66, p. 419: le qan Abaqa meurt «en 1282 à Hamian/Hēmian»). La ville se situe à 135 km au sud-ouest de Téhéran, à 190 km à l’est de Kirmānshāh sur un haut plateau dominé par le mont Alwand, voir EI2, III, p. 107-108. 10 Le nom de Miṣr désigne à la fois l’Égypte et sa capitale, voir EI2, VII, p. 148-186. Il s’agit là de Ḳuṭuz al Malik al-Muẓaffar Sayn al-Dīn al-Mu῾izzī (1259-1269), troisième sultan mamlūk de la dynastie Baḥriyya. À propos de sa prise de pouvoir et de sa victoire contre les Mongols, voir Al-Makīn Ibn al-῾Amīd (trad. Eddé et Micheau, p. 108-109 et 118122). 11 Ket/Ked Buqa, voir Djuwaynī (trad. Boyle, p. 610-619) et CLEAVES 1949, p. 422423. 12 La bataille se déroula à ῾Ayn Djālūt, au nord de Nazareth et au sud de Jénine, les troupes du sultan Ḳuṭuz et Baybars défirent les troupes des Mongols le 3 septembre 1260. Voir Rashīd al-Dīn (trad. Quatremère, p. 349-350), Bar Hebraeus, XI, 514-515 (trad. Budge, p. 439-440), Grigor Akner, XIII, p. 49-50 (trad. Blake et Frye, p. 349, 351). Voir l’article de THORAU 1985, «The Battle of ῾Ayn Jālūt: a re-examination», p. 236-241 et AMITAI-PREISS 1995, p. 26-48. 13 À propos des différentes campagnes de Hülegü, voir BOYLE 1968, p. 340-351. 8

CHAPITRE LXIII

À PROPOS DE LA MORT DU PIEUX IŠXAN JALAL Le roi des Ibères (Virk‘), David (Dawit‘), fils de Lasha (Laša) qui était soumis aux Tatars (T‘at‘ar), accablé, épuisé par les nombreuses collectes qui pesaient sur lui, sur tous les išxan et sur tout le pays, excessif fardeau qu’il ne pouvait plus supporter, abandonna sa ville, Tpʼilisi (Tp‛xis), son trône et tous ses biens pour s’enfuir au fond de l’Apʼxazetʼi (Ap‘xazk‘)1 dans les forteresses du Suanetʼi (Suanēt‘). Il y avait aussi, avec lui, d’autres grands išxan de cantons tourmentés, inquiétés, ruinés qui avaient gagé leurs villes et territoires sans pouvoir pour autant rassasier ces hommes insatiables, pareils à de méchantes sangsues. Il s’enfuit avec tant de précipitation [p. 390] qu’il ne put emmener sa femme, la reine Gonc‘a et son fils Demetre (Demetrē) nouveau-né, mais seulement son fils aîné Giorgi2. Le grand ostikan Arġun (Arłun) réunit une armée nombreuse et partit à la poursuite du roi fugitif, David, afin de l’arrêter. Ne parvenant pas à le rattraper, il ravagea bon nombre de cantons d’Ibérie, sans ménagement fit des prisonniers, puis détruisit et démolit lourdement Gelatʼi (Gelat‘)3, sépulture des rois d’Ibérie et impitoyablement fit de même avec le catholicossat d’Acłor4. Soudainement, arriva un détachement de cavaliers venu d’Ibérie qui fit montre de grand courage; tel le feu courant à travers le chaume5 massacra beaucoup d’hommes de l’armée d’Arġun. Puis [ces hommes] repartirent sains et saufs, ils étaient environ quatre cents. Arġun prit peur, il n’osait plus entrer hardiment dans des endroits pour procéder aux fouilles, il s’en retourna donc auprès de Hülegü (Hulawu) et dans son cœur ourdit une vilénie. Il fit arrêter la reine des Ibères, Gonc‘a, 1

Voir Kirakos, chap. 38, p. 289: Apʻxazētʻ. En 1260, Hülegü demande au roi David de participer à une expédition militaire en Égypte; le roi refuse et entre en rébellion. En réponse à cette révolte, Arġun est envoyé en Ibérie. Le sud du pays est dévasté et le roi David se réfugie alors auprès de son cousin David Narin. À propos du récit de la révolte, voir Histoire de la Géorgie (trad. Brosset, p. 556-557). 3 Le monastère Gelatʼi situé à 11 km au nord-est de Kʼutʼatisi, a été fondé en 1106 par David le Constructeur (1089-1125). À propos de ce monastère voir REISSNER 1990, p. 140 sq. et EASTMOND 1998, p. 58-71. 4 Au nord de la ville d’Axalcʼixe dans le Samcʼxe, voir HŠTB, I, p. 47-48. 5 Voir Sag III, 7. 2

À PROPOS DE LA MORT DU PIEUX IŠXAN JALAL

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ainsi que sa fille Xošak‘, le grand išxan Šahnšah, Hasan Jalal, le tēr du Xač‘ēn et beaucoup d’autres sous prétexte d’arriérés d’impôts. De nombreuses richesses leur furent soutirées et ils échappèrent à peine à la mort. [Arġun] tourmenta le pieux et vertueux išxan Jalal par d’effroyables supplices, lui réclamant de nombreuses de taxes au-delà de ses moyens. On lui mit [p. 391] la cangue au cou et les fers aux pieds. On lui avait fait cela à cause de son christianisme fervent, ses ennemis tous de la religion des tačikk‘ exhortaient Arġun à le tuer, disant: «Il est le plus grand ennemi de notre croyance et loi». Comme Arġun était également de la même religion, il l’emmena à Ḳazwīn (Łazuin)6. Lui supportait tout en louant Dieu; très versé dans les Écritures divines, il jeûnait, priait, était frugal dans le manger et le boire et aspirait à la mort des martyrs. La fille de Jalal, Ṙusuk‘an, épouse de Bora-noyan (nuin), le fils de Čormaqan (Čʻarmałun), l’ancien chef tatar (t‘at‘ar), se rendit auprès de Doquz qatun (Tōłus xat‘un), la femme de Hülegü afin d’arracher son père des mains d’Arġun. L’impie ostikan, l’ayant su, dépêcha aussitôt des bourreaux pour tuer, la nuit, ce saint et juste homme. Les iniques exécuteurs partirent et le démembrèrent à l’instar de saint Jacques (Yakob) le Martyr7; puisse-t-il, après avoir pris part à ses tortures, être honoré de sa couronne par le Christ notre Dieu. C’est ainsi que mourut en 710 (= 1261/1262) du comput arménien, cet homme pur et pieux, lui qui avait fini sa vie en gardant sa foi. [p. 392] Son fils At‘abēk envoya des hommes de confiance pour dérober les restes de son père qui avait été jetés dans un puits tari. Le persan, qui l’avait gardé prisonnier dans sa maison, avait vu au-dessus de lui des signes divins — en effet, lors de sa mise à mort une lumière intense était descendue sur lui — il prit soin de ses restes, les déposa dans le puits afin qu’il soit enseveli dignement après quelque temps. Il montra son corps à ceux qui le recherchaient et il leur raconta la merveilleuse vision. Eux, rassemblèrent ses [restes] avec joie, les soulevèrent et les rapportèrent dans sa maison, ils l’enterrèrent dans le monastère de Ganjasar dans 6

Voir Kirakos, chap. 59, p. 369: Xzuin. Jacques, frère ainé de saint Jean et fils de Zébédée, apôtre du Christ et selon la tradition, évangélisateur de l’Espagne, fut décapité par le roi Hérode entre 41 et 44, voir Ac XII, 1-2. Selon deux apocryphes arméniens, sa tête a été déposée «avec grand respect sur le siège même de Jacques, frère du Seigneur» (BHO 419, trad. Leloir, p. 284): «(…) et plus tard, une église magnifique et majestueuse fut édifiée au-dessus de la sainte tête, au nom de saint Jacques et il y a là un monastère et un lieu de réunion de la communauté des Arméniens, à la gloire du Christ notre Dieu» (BHO 424, trad. Leloir, p. 412). Ces textes ont été traduits par LELOIR 1986, p. 266-288 et p. 408-416. 7

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P. BOISSON

le tombeau de ses pères8. Sur la route, ceux qui avaient transportés ses restes virent la même lumière au-dessus de lui9. Son fils, At‘abēk, obtint sa principauté sur l’ordre de Hülegü et d’Arġun. C’était un homme élevé saintement, tempérant, humble et priant [Dieu] comme un saint solitaire car ses parents l’avaient éduqué ainsi. Hülegü tua l’išxan Zak‘arē, le fils de Šahanšah (Šahnšah), ayant trouvé un prétexte contre lui10. La même année, le charitable et doux catholicos (kat‘ołikos) des Ałuank‘, tēr Nersēs, rejoignit le Christ, il avait occupé le trône catholicossal vingtsept ans11; lui succéda sur le trône, tēr Step‘anos, jeune d’âge.

8

Voir CIArm, V, no 84, p. 40-41. Voir Vardan, § 93, p. 152-153 (trad. Thomson, p. 218). 10 Voir chapitre suivant. 11 Selon Kirakos, chap. 10, p. 201, Nersēs fut consacré catholicos en 684 (= 1235/1236). 9

CHAPITRE LXIV

À PROPOS DE LA MORT DE L’IŠXAN ŠAHNŠAH ET DE SON FILS ZAK‘ARĒ [p. 393] Le grand išxan Šahnšah, fils de Zak‘arē, avait plusieurs fils: Zak‘arē, Awag, Sargis, Artašir et Iwanē; il avait donné sa principauté à son fils aîné Zak‘arē. Tandis qu’il prenait soin de sa maison, Zak‘arē partait combattre avec l’armée tatare (t‘at‘ar), faisant preuve de courage et de bravoure, ce qui le faisait respecter par le grand Hülegü (Hulawu) et l’ostikan Arġun (Arłun). Il arriva qu’Arġun étant avec une armée nombreuse sur le territoire des Ibères (Virk‘), Zak‘arē, qui l’accompagnait, en cachette d’Arġun et du reste de l’armée alla voir sa femme qui était chez son père Sargis, l’išxan d’Uxtik‘1 qui avait pris part à la révolte du roi des Ibères David (Dawit‘). Arġun en eut vent et le fit savoir à Hülegü, qui donna l’ordre de le lui amener, enchaîné, et ayant trouvé toute sorte de prétextes contre lui, de le tuer, de le dépecer puis de le jeter aux chiens. Lorsque son père Šahnšah, dans le village d’Ōjun2, apprit la mauvaise nouvelle, il s’abandonna à la détresse et mourut de chagrin. On l’emmena et on l’enterra à K‘obayr3 que sa femme avait enlevé aux Arméniens (Hayk‘).

1

C’est-à-dire la ville d’Oltʼisi dans le Tayk‘ oriental, voir HŠTB, V, p. 185. Voir HŠTB, V, p. 425. 3 K‘obayr se trouve au Tašir, dans le Gugark‘. Voir THIERRY et DONABÉDIAN 1987, p. 547-548. 2

CHAPITRE LXV

À PROPOS DE LA GRANDE BATAILLE QUI EUT LIEU ENTRE HÜLEGÜ (HULAWU) ET BERKE (BERK‘A) [p. 394] Les maîtres du monde et les grands généraux de l’Est et du Nord étaient parents du qan (łan) Möngke (Mangu), qui mourut après la guerre contre les Narayrgen (Nengran)1. Ses deux frères, Ariq-Bökö (Arik‘ Buła) et Qubilai (Łopilay), se disputaient la royauté2. Qubilai triompha, il massacra et anéantit les troupes d’Ariq-Bökö, l’obligeant à fuir le pays et lui-même devint roi3. Hülegü, qui était [à la fois] leur frère et celui du qan Möngke, soutenait Qubilai4 et Berke qui se trouvait dans les régions du nord [soutenait] Ariq-Bökö. Un autre de leur parent, nommé Alġu (Alłu)5, un général, fils du qan Čaʼadai (Čʻałatay), fils aîné de Činggis Qan (Čʻangz łan), combattait contre Berke disant que sur leurs conseils le qan Möngke avait tué ses parents. Il fit parvenir de l’aide à Hülegü par-delà la porte de Derbend (Darband). Le grand Hülegü surgit et massacra cruellement, impitoyablement les très hauts dignitaires6 aussi illustres que lui, venus des régions de Batu (Bat‘u) et de Berke et résidant auprès de lui: Quli (Łul), Balaqan (Balaxay), Tutar (Tʻutar) [p. 395] Mingqan (Mełan)7, fils de Quli, Qataqan 1 Le terme désigne les hommes du Soleil: nara = soleil et irgen = hommes, voir BOYLE, 1976, «Narayrgen or the People of the Sun», p. 131-136. 2 Qubilai se fait élire en Chine par une assemblée de princes et généraux en mai 1260, à K’ai-p’ing, Ariq-Bökö en fait de même en septembre-octobre 1260 à Qaraqorum. À propos des deux élections, voir JACKSON 1978, p. 227-235. 3 Voir Kirakos, chap. 60, Ariq-Bökö succède à Möngke, ce qui laisse supposer que cette succession était légitime aux yeux de Kirakos Ganjakecʻi. 4 D’après Rashīd al-Dīn, Qubilai aurait envoyé un décret royal en 1263 à Hülegü, lui accordant le territoire allant de l’Oxus jusqu’à l’Égypte, voir JACKSON 1978, p. 234. 5 Alġu est le petit-fils de Čaʼadai et le fils de Baidar (voir Rashīd al-Dīn, trad. Boyle, p. 143-144). Il était partisan, au début des hostilités, d’Ariq-Bökö, mais en 1263 il change de camp et choisit Qubilai; en échange il obtient le territoire allant de l’Altai à l’Oxus y compris le territoire d’Ögödei. Il épouse Orqina/Orghina et obtient l’appui de Mas῾ud Beg (1229-1289) l’administrateur de l’Asie Centrale. À propos de la révolte d’Alġu, voir Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 257-260). 6 Le terme employé est išxan 7 Peu échappent à la mort, voir Grigor Akner, XII, p. 44-45 (trad. Blake et Frye, p. 339341): 2 chefs avec 12 000 hommes. Mingqan sera épargné en raison de son jeune âge et emprisonné sur une île du lac Urmiya.

LA GRANDE BATAILLE QUI EUT LIEU ENTRE HÜLEGÜ ET BERKE

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(Łatalan)8 mais aussi beaucoup d’autres avec leurs troupes, vieux comme jeunes. Il tua et mit en pièces avec l’épée ceux qui étaient auprès de lui et se disputaient le pouvoir. Peu échappèrent à la mort, ils s’enfuirent sans femmes, enfants ni richesses pour se réfugier auprès de Berke et d’autres parents9. À cette nouvelle, Berke rassembla une armée innombrable et incalculable, pour venir tirer vengeance du sang de ses parents versé par Hülegü10. Le grand Hülegü réunit de son côté ses troupes nombreuses qu’il divisa en trois corps: il en confia un aux mains de [son] fils, le qan Abaqa (Abała)11, lui adjoignant l’ostikan Arġun (Arłun), qu’il envoya dans le Khurāsān (Xorasan) secourir Alġu, de ce côté. Il regroupa une autre division à la porte des Alains (Alanacʻ duṙn) puis, prenant avec lui les autres troupes, il pénétra au-delà de la porte de Derbend; car il n’y a que deux entrées: la porte des Alains et [la porte] de Derbend. Il saccagea une partie du domaine de Berke, atteignant le grand et immense fleuve, réceptacle de plusieurs autres, que les Turcs (Tʻurkʻ) nomment IItil (Et‘il) et qui, comme la mer, coule vers la mer Caspienne (Kaspic‘ cov) et s’y jette. Berke marcha contre lui avec vigueur, le combat s’engagea près du grand fleuve; des deux côtés nombreux furent ceux qui tombèrent, mais plus du côté de Hülegü, dont les [hommes] étaient gelés par la rigueur de la neige et du froid, beaucoup aussi se noyèrent dans le fleuve12. [p. 396] Hülegü se replia et franchit la porte de Derbend. Un des généraux de Hülegü, un brave, un guerrier, du nom de Širemün (Siramam)13, fils de Čormaqan (Čʻarmałun), le premier chef des Tatars (T‘at‘ar), après la retraite, tint tête avec ses troupes à celles de Berke; les fugitifs qui avaient trouvé refuge auprès de lui eurent la vie sauve. Il résista calmement, traversa lui aussi [la porte de] Derbend où furent postés des gardes, puis ils se rendirent dans la plaine de Mūghān (Mułan) pour hiverner. 8 Voir Kirakos, chap. 59, ils appartiennent tous au clan de Joči, à propos de leur élimination, voir BOYLE 1968, p. 353. 9 À propos des raisons du retrait de Hülegü de Syrie, voir AMITAI-PREISS 1995, p. 28-29 et ALLSEN 2001, p. 21-23. 10 La guerre est déclarée entre Hülegü et Berke durant l’hiver 1261-1262. Berke confie le commandement de son armée à Noqai/Noġai, voir JACKSON 1978, note 210, p. 233-234. 11 Abaqa (1265-1282). Voir son portrait élogieux chez Bar Hebraeus, XI, 521 (trad. Budge, p. 445 et Histoire de la Géorgie (trad. Brosset p. 572). Il fut proclamé successeur de Hülegü de son vivant et avec l’accord de Qubilai, voir Rashīd al-Dīn (trad. Boyle, p. 265) et Hayton, p. 175 (trad. Deluz, III, 26, p. 841). 12 À propos des différentes batailles entre les troupes de Berke et de Hülegü autour de Derbend, voir BOYLE 1968, p. 353-354. 13 À propos de Širemün, voir Kirakos, chap. 39.

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Ils se livrèrent bataille durant cinq ans, de 710 (= 1261/1262) à 715 (= 1266/1267) du comput arménien; chaque année les troupes rassemblées combattaient les unes contre les autres durant l’hiver, car l’été à cause des grosses chaleurs et des crues du fleuve, ils ne pouvaient [se battre]. Dans ce temps-là, le grand Hülegü commença à bâtir, dans la plaine de Daṙin14, une ville très vaste et très peuplée; il imposa à tous ceux qui lui étaient soumis, [l’obligation] d’apporter une grande quantité de bois de toutes les régions pour la construction des maisons et palais de la ville [destinée] à être sa résidence d’été. Hommes et bêtes souffraient à cause de ces sévères et cruels gouverneurs, [p. 397] encore plus féroces que ceux du pharaon (p‘arawon) envers les fils d’Israël (Israyēl). En effet, des centaines d’attelages de bœufs étaient constitués de tous côtés, mais ils ne pouvaient guère bouger à cause du volume et de l’épaisseur des bois, de l’éloignement et de la difficulté des chemins à travers les fleuves et les montagnes; comme ils étaient maltraités sans pitié, hommes et animaux mouraient. Il fit ériger aussi de très grandes maisons pour des idoles, convoquant [pour cela] tous les artisans de la pierre, du bois, et de la peinture. Il y avait là une nation que l’on appelle toyink‘, ce sont des devins et des sorciers, qui par des artifices magiques font parler les chevaux et les chameaux, les morts et les figurines de feutre. Ce sont tous des prêtres, au crâne et à la barbe rasés, ils ont un manteau jaune autour de la poitrine, ils rendent un culte à tout, en particulier à Śakyamuni (Šakmonia) et Maitreya (Madrin)15. Ces gens le trompèrent en lui disant qu’ils le rendraient immortel; lui ne se comportait, bougeait, montait à cheval qu’en fonction de leurs paroles, se livrant à leur volonté tout entière. Plusieurs fois par jour, il se prosternait jusqu’à terre devant leur chef. Il mangeait à l’autel sacré dans la maison des idoles et il les respectait plus que tous. À cause de cela, il parait le temple de leurs idoles de précieux ornements. [p. 398] Sa grande épouse chrétienne, dont le nom était Doquz qatun (Tōłuz xat‘un), bien qu’elle l’ait réprimandé plusieurs fois, ne put le libérer de ces devins; mais, elle [en revanche] vivait pieusement, aidait et protégeait les chrétiens16. 14 La plaine de Daṙin se situe entre le Kur et l’Araxe, voir HŠTB, II, p. 36. Voir Vardan, § 92, p. 151 (trad. Thomson, p. 218), Grigor Akner, XII, p. 46 (trad. Blake et Frye, p. 343) et Step‘annos Ōrbēlean, 66, p. 415 (trad. Brosset, p. 233), Hülegü construit sa résidence d’été dans la plaine de Daṙin, à Alatał (Ala Dagh/Ala Tagh), à l’est du lac de Van. 15 Voir Kirakos, chap. 58. 16 Voir Kirakos, chap. 60.

LA GRANDE BATAILLE QUI EUT LIEU ENTRE HÜLEGÜ ET BERKE

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En 714 (= 1265/1266), parut un grand signe dans le ciel, une étoile s’y montra allant des régions du nord vers l’est et vers le sud. De longs traits de lumière en forme de colonnes apparaissaient devant elle, mais l’étoile était petite et avançait rapidement. Elle fut visible environ un mois, puis plus rien, comme une comète qui de temps en temps apparaît, filant de l’ouest au nord. Mais cette [étoile] avait des rayons très allongés qui jour après jour croissaient jusqu’à ce qu’elle se perde17. Hülegü et son épouse Doquz qatun moururent18 la même année. Son trône fut occupé en 714 (= 1265/1266) par son fils Abaqa qan qui épousa [p. 399] la fille du roi des Romains (Hoṙomk‘), dont le nom était Despina19 qatun. Elle était venue avec une magnificence extraordinaire, il y avait, avec elle, le patriarche d’Antioche (Antiok‘)20 et d’autres évêques sous la conduite de l’évêque d’Erzincan (Eznkan), tēr Sargis et le vardapet Bener21. Ayant baptisé Abaqa qan,22 ils lui donnèrent la jeune fille comme femme. [Abaqa] rassembla une armée très nombreuse et partit se battre contre l’armée de Berke, qui avait traversé la porte de Derbend; ils installèrent leur camp sur la rive du fleuve Kur, l’un d’un côté, l’autre de l’autre. Ils renforcèrent les rives du fleuve avec des barricades et des profonds fossés23. 17 Voir Rashīd al-Dīn (trad. Quatremère, p. 417): «À cette époque on vit briller une comète qui avait la forme d’une colonne pointue et se montrait chaque nuit. Au moment où elle disparut, le jour… du mois…correspondant au dimanche du 19e jour du mois de rebi second de l’année 663, s’accomplit la grande catastrophe. Le prince était âgé de quarantehuit années solaires complètes. Ce fut sur les bords du Tchagatou qu’il abandonna cette vie périssable pour passer dans le séjour de l’éternité.» 18 Voir à propos de Doquz qatun, Kirakos, chap. 60, note 16. D’après Vardan, § 97, p. 161 (trad. Thomson, p. 222), elle meurt trois mois après son époux. Selon Rashīd al-Dīn (trad. Quatremère, p. 95 et p. 423): «Cette princesse mourut quatre mois après le décès de Houlagou et onze jours avant l’époque où Abaka monta sur le trône.» «Cet événement fut postérieur de quatre mois et quinze jours à la mort de Houlagou, et précéda de trois jours l’avènement d’Abaka-khan au trône.» Au sujet de la mort de Hülegü le 8 février 1265 à Marāgha, et de son inhumation dans l’île de Shāhī, qui abritait son trésor, voir BOYLE 1968, p. 354-355. 19 Le nom de Despina vient de desponia, terme grec désignant une «maîtresse, princesse, reine». 20 Pour Bar Hebaeus, XI, 552 (trad. Budge, p. 445) c’est Euthyme qui escorte la fille de l’empereur Michel Paléologue. Selon Georges Pachymère (CSHB, vol. 1, p. 174 et 175), c’est Théodose Prinkips, higoumène du monastère du Pantocrator de la Capitale, futur patriarche d’Antioche, qui est chargé par l’empereur Michel Paléologue de la mission diplomatique: le mariage, avec Hülegü, de sa fille Marie, qu’il a eue avec Diplobatatzina. Il «emmena la fille avec un superbe équipage et une abondance de richesses (…) et une chapelle en forme de tente». Arrivés en Orient, Hülegü étant entretemps mort, Marie est donc donnée en mariage à Abaqa. 21 À propos du nom, voir AnjB, I, p. 406-407. 22 Selon Vardan, § 97, p. 161 (trad. Thomson, p. 222) c’est la princesse byzantine qui exigea qu’Abaqa soit baptisé avant le mariage. 23 À propos de la construction de fortifications, voir l’article de CANARD 1968, p. 315322.

INDEX DES NOMS PROPRES Cet index des anthroponymes, toponymes et ethonymes donnés par Kirakos Ganjakec‘i renvoie à la pagination de l’édition de Melik‘ Ōhanǰanyan qui figure entre crochets dans la traduction de l’Histoire d’Arménie. Abaqa (Abała) [qan (1265-1282)], 395, 398, 399. Abas [ Bagratuni, roi (929-953)], 84, 87. Abas [fils de Kiwrikē, roi de Lōṙē/Lōṙi (1053-1100)], 152. Abas [roi de Lōṙē/Lōṙi (m. 1176)], 152. Abas [catholicos des Ałuank‘ (582-596?)], 195. Abasajor [village dans le Jorap‘or, mine], 211, 216. Abasalom (Abisołom), 10. ῾Abd Allāh (Abdlay) [= al Saffāḥ, calife ῾abbāside (749-754)], 71. ῾Abd Allāh (Abdlay)/῾Abd al dang [= al Manṣūr Abū Dja῾far, calife ῾abbāside (754-775)], 71, 77, 383. ῾Abd Allāh (Abdlay) [= Ibn al-Mu῾tazz, calife ῾abbāside 866-869], 80. Abd al-Malik (Abdlmelik‘) [b. Marwān, calife umayyade (685-705)], 65, 196. Abdisoy [évêque syriaque du VIIe siècle], 61. Abel (Abēl) [fils d’Adam et d’Ève], 345. Abgar [roi d’Édesse, 14 avant J.-C.], 268. Abraham [martyr, Ve siècle], 7. Abraham [le Confesseur d’Arac‘, disciple de Mesrop Maštoc‘ (364-439)], 28. Abraham [prophète], 59, 63, 141, 142, 340, 344, 345. Abraham [Ałbat‘anec‘i, catholicos (607611?)], 45, 46, 51. Abraham [supérieur de Nor Getik, XIIIe siècle], 223. Abū Bakr (Abubakr) [premier calife (632634)], 60, 64. Abū Isḥāḳ Muḥammad (Abusahak Mahmet) [= al Mu῾taṣim bi-llah, calife ῾abbāside (833-842)], 77.

Abū Sa῾īd (Apusēt‘) [ostikan du IXe siècle], 78. Abū l Sādj (Apusēt‘) [fondateur de la dynastie des Sādjīdes (m. 879/880?)], 81, 82. Acłor [catholicossat d’Ibérie], 390. Adam, 5, 12, 51, 123, 124, 126, 142, 221, 334, 336, 337. Adana (Atana) [ville], 109. Addé (Addē) [computiste cappadocien], 42, 213. Æas (Ēas) [computiste], 42, 213. Afshīn (Ap‘šin) [gouverneur sādjīde (889901)], 82. Agat‘angełos, 6. Aharon [catholicos des Ałuank‘ (781-783?)], 197. Aḥmad (Ahmat) [= al-Musta῾īn, calife ῾abbāside (862-866)], 80. Akana [forteresse], 359. Akner [couvent], 159, 188. Akhlāṭ/Khilāṭ (Xlat‘) [ville], 164, 228, 292. ῾Alā᾿ al-Dīn (Aladin) [= Kayḳubād, sultan saldjūḳide de Rūm (1221-1237)], 190, 228, 229. ῾Alā᾿ al-Dīn (Aladin) [= Muḥammad b. Ḥasan imām d’Alamūt], 376. Aladin, voir ῾Alā᾿al-Dīn Kayḳubād et ῾Izz al-Dīn Kayḳā᾿ūs et ῾Alā᾿ al-Dīn Muḥammad b. Ḥasan. Alains, 37. Alains (Alanacʻ duṙn) [porte des], 395. Alamūt (Alamutʻ) [forteresse], 376. Alanya/῾Ala᾿iyya/Alāyā (Alayai) [île], 375. Alanya/῾Ala᾿iyya/Alāyā (Alayia) [ville], 318. Alayia, voir Alanya/῾Ala᾿iyya/Alāyā. Albianos [évêque de Manazkert, IVe siècle], 23.

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P. BOISSON

Ałbuła [(1242-1252), fils de Vahram de Gag], 163, 242, 263, 280, 284, 289. Alexandrie (Ałek‘sandria), 37, 42, 97, 98, 212. Alexandre (Alēk‘s) [empereur (912-913)], 84. Alexis (Alēk‘s) [Comnène, empereur (10811118)], 106, 107, 109, 149, 150. Alexis (Alēk‘s) [Axouch, protostrator (m. 1187)], 121. Alġu (Alłu) [(vers 1265) petit-fils du qan Čaʼadai (m. 1242)], 394, 395. Alharak [montagne], 117, 200. Ali [= Abū al-H̩asan ῾Alī ibn Abī T̩ālib, quatrième calife (656-661)], 57. Ałiovit [canton], 60. Alis, voir Halys. Almalīgh (Alualex) [ville], 368. Alp Arslan (Alp‘aslan) [sultan saldjūḳide (1063-1072)], 84, 93, 104, 105. Ałsart‘an [père de Yovhannēs, évêque de Hałbat], 99. Ałsart‘an [fils d’Abas roi de Lōṙē (m. 1176)], 153, 154, 243. Ałsart‘an [père de Kiwrikē Bagratuni (12321245)], 243. Ałsart‘an [fils de Kiwrikē Bagratuni (m. 1245), frère de P‘ahlawan et T‘aliadin], 154. Ałstew/Akstafa [fleuve], 209, 223. Ałt‘amar [île], 83, 100, 149. Altani qatun (Elt‘ina xatun) [femme du général mongol Čormaqan (1218-1241)], 285, 290, 291. Alualex, voir Almalīgh. Ałuanie, 284, 290. Ałuank‘, 7, 12, 16, 30, 81, 90, 99, 178, 182, 192, 193, 194, 195, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 202, 209, 224, 230, 234, 237, 261, 270, 278, 280, 281, 290, 291, 310, 312, 348, 359, 362, 366, 374, 392. Amaury (Amari) [roi de Jérusalem (11621174)], 107. Amaras [ville], 194. Amari, voir Amaury. Amberd (Anberd) [forteresse], 163, 310.

Āmid (Amit) [ville], 230, 292, 387. Al-Amīn (Mahamad) [calife ῾abbāside (809813)], 77. Amira [Mamikonean (vers 1254)], 272. Amit, voir Āmid. Amr, voir ῾Umar. Anagurak, voir Engküreg [noyan]. Anania [Širakac‘i, VIIe siècle], 62. Anania Mokac‘i [catholicos (941-963?)], 85, 86, 87, 88, 199. Anania [de Sanahin, vardapet du XIe siècle], 112. Anania [anti-catholicos de Sébaste (12011227?)], 148, 149, 158. Anania [= Anastas catholicos des Ałuank‘ (743-747?)], 197. Anapat [couvent], 153. Anastas [Akorec‘i, catholicos (661-667?)], 62, 63. Anastas [vardapet du VIIIe siècle], 72. Anastase (Anastas) [empereur (491-518)], 37. André (Andrē) [apôtre], 11. André (Andrea/Andrēas) [computiste], 41, 43, 212 Andronic (Andronikos) [Euphorbénos, gouverneur de Cilicie au XIIe siècle], 109, 154. Ani [ville], 8, 87, 88, 90, 91, 92, 93, 99, 163, 171, 172, 174, 257, 258, 260, 310 Ankipalex, voir Yangï-Bāliḳ. Antioche (Antak‘/Antiokʻ), 107, 110, 112, 117, 150, 157, 188, 399. Antoine [= hymne de Nersēs Šnorhali], 119. Antoine (Anton) [martyr du IVe siècle], 217. Apltp‘ [gouverneur du pays de Dilman, Xe siècle], 82. Appolinaire (Apōłinar) [évêque de Laodicée, IVe siècle], 132, 133, 134. Apsimar (Ap‘simeros) [Tibère-Apsimar, empereur (698-705)], 65. Apusēt‘, voir Abū l Sādj. Apʼxazetʼi (Ap‘xazēt‘) [province], 289, 389. Arabissos (Arp‘sus) [village], 50. Aragac [mont], 364. Aragacotn [canton], 75. Aram, 100.

INDEX DES NOMS PROPRES

Aramōnk‘/Aramunk‘ [village], 70. Aṙan [ancêtre éponyme des Ałuank‘], 193. Araxe (Erasx) [fleuve], 369. Arayi [mont], 365. Arcadiapolis (Arkadupōlis) [ville], 76. Arcadius (Arkadēos) [empereur (395-408)], 24, 31. Arc‘ax [province], 358. Ardabīl (Artawil) [ville], 185. Arčēš [ville], 183. Arcrumi, 7, 28, 83. Ardašīr (Artašir) [roi de Perse (628-629)], 54. Areg [mois], 58. Arġun (Arłun) [gouverneur mongol de Perse (1243/44-1255)], 312, 359, 361, 363, 373, 374, 390, 391, 392, 393, 395. Ariens (Arianosk‘), 331. Arik‘ Buła, voir Ariq-Bökö Ariq-Bökö/Ariq Böke/Ariq Buqa (Ałikʻ Buła) [(m. 1266) frère du qan Möngke], 378, 394. Aristakēs [catholicos (325-333)], 12, 13, 14, 15. Aristakēs Lastivertc‘i [historien], 8. Arius (Arios) [théologien (250-335/6)], 21, 56. Aristote (Aristotēl) [philosophe (m. 322 avant J.-C.)], 29. Arjn [disciple de Mesrop Maštoc‘ (364439)], 28. Arkadēos, voir Arcadius. Ark‘akałin [couvent], 168, 187. Arkayut‘iwn [prêtre de Gandja, XIIe siècle], 116. Arkdupōlis, voir Arcadiopolis. Arkazn [village], 74. Ark‘ełayos [gouverneur vers 333], 14. Aṙlex, voir Yarlïq. Arłun, voir Arġun. Armēn [nom du chien du métroplite de Césarée], 100, 101. Arménie/Arméniens (Haykʻ), 6, 7, 9, 12, 14, 15, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 30, 32, 33, 34, 35, 36, 38, 41, 44, 45, 46, 49, 51, 54, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 68, 69, 71, 72, 74, 76, 78, 79, 80, 81, 83, 84, 87, 89,

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94, 95, 98, 100, 102, 107, 109, 111, 113, 118, 121, 137, 145, 147, 148, 149, 151, 162, 163, 166, 167, 168, 169, 178, 182, 186, 187, 191, 192, 193, 194, 196, 197, 198, 199, 201, 206, 212, 213, 214, 215, 218, 222, 224, 228, 229, 231, 237, 238, 278, 279, 281, 282, 284, 290, 293, 295, 301, 310, 312, 313, 315, 316, 317, 318, 319, 329, 330, 353, 355, 357, 359, 364, 365, 374, 375, 389, 393. Arménie (Hayastan), 11. Arméniens (Hayastaneakʻ), 30, 121, 131, 134, 138, 145, 146, 162, 295, 301, 333, 362. Arméniens (Armenk‘), 100. Arménien (Haykazn), 9, 100, 218. Aršak [roi arsacide (350-364/367)], 19, 20, 21, 22. Aršak [roi arsacide (378-389)], 23, 24. Aršakawan [ville], 21, 22. Aršakuni(k‘) [famille], 9, 23, 32, 33, 80, 328, 329. Aršarunik‘ [canton], 84. Artašat [ville], 17. Artašir [roi arsacide (422-428)], 30, 32, 33. Artašir [vers 1261, fils de Šahanšah, petitfils de Zak‘arē], 393. Artaz [canton], 328. Artémon [hérésiarque du IIIe siècle], 54. Aruč [bourg], 62. Arzu xat‘un [(m. 1181), femme de Vaxt‘ank de Hat‘erk‘, fille de K‘urd Arcruni], 215. Asa [roi des Ałuank‘], 193. Ašawa/Ōšawa [lieu-dit situé au dessus de Gošavank‘], 216. al-Ashraf al Malik (Ašrap‘ Melik‘) [sultan ayyūbide de Ḥarrān et de Damas (12181237)], 151, 165, 191, 228, 292. Asie (Asia/Asiac‘ik‘), 106, 360, 365. Aslanbēk/Aslan Bek [vers 1254, Mamikonean], 272, 365. Ason, voir Yasi. Asorestan, voir Assyrie. Ašot Bagratuni [roi (884-890)], 14, 79, 80. Ašot [Bagratuni, marzpan d’Arménie (685689)], 65. Ašot Bagratuni [marzpan d’Arménie (m. 758)], 77.

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Ašot Msaker [Bagratuni (802-822], 77. Ašot [Erkat‘ Bagratuni, roi (921-929?)], 84. Ašot [Ołormac Bagratuni, roi (953-977)], 87, 88. Ašot [frère du roi Yovhannēs-Smbat Bagratuni (1021-1041)], 91. Asori, voir Syrien. Asorikʻ, voir Syrie. Aspahan, voir Iṣfahān. Aspurakēs [catholicos (381-387?)], 23, 24. Ašrap‘ Melik‘, voir al-Ashraf al Malik. Assyrie (Asorestan), 107. Aštišat [ville], 18. Astuacatur fils d’Ałbayrik [vardapet du XIIIe siècle], 183. Atʻabēk [m. 1286, fils de Hasan Jalal], 392. Atam [sir], 187. Atana, voir Adana. At‘anaginēs [fils du catholicos Yusik (341347?)], 19. Atʻanas, voir Athanase. Atʻanas [Taronac‘i du couvent saint Karapet, VIe siècle], 42. Athanase (Atʻanas/At‘anasios) [évêque d’Alexandrie (328-373)], 31, 128, 129, 133, 308, 331, 339, 340. Athanase (At‘anas) [patriarche de Syrie (724-740)], 69. Atrpatakan, 163, 234. Atticus (Attikos) [patriarche de Constantinople (406-425)], 31. Awag [-Sargis (m. 1250), fils d’Iwanē], 187, 223, 238, 254, 255, 256, 257, 260, 262, 263, 264, 265, 266, 280, 284, 288, 289, 290, 292, 310, 313, 314, 316, 317, 319, 320, 321. Awag [(m. 1262) fils de Šahanšah], 393. Awalik Aput‘oros [gouverneur de Baṣra, Xe siècle], 82. Awhar (Awahr) [ville], 369. al-Awḥad Njam al-Dīn Ayyūb (Kuz) [premier époux de T‘amt‘a (vers1243)], 165. Axurean [fleuve], 88. Ayex voir Yayïq (= Oural). Ayrarat [province], 163. Ayri vank‘/Ayrivank‘ [couvent], 310, 348. Ayyūbides (Edleank‘), 151, 385.

Babirakan [tribu], 162. Babgēn [catholicos (490-515/516?)], 36, 37. Babgēn [išxan de Siwnik‘, VIIIe siècle], 74. Babylone (Babilon/Babelon) [ville], 79, 383. Bač‘u-xurči, voir Baiǰu qorči. Bagaran [village], 51. Bagarat [išxan du Tarōn (822-852)], 78. Bagawan [village], 71. Baghdād (Bałdat) [ville], 71, 79, 376, 377, 378, 379, 380, 382, 384. Bagnayr [monastère], 89. Bagratuni, 9, 80, 83, 98, 99, 153. Bagrewand [canton], 38, 65. Baguan [ville], 61, 186. Bahrām (Vṙam) [roi de Perse (420-438)], 32, 34. Baiǰu/qorči (Bač‘u-xurči) [noyan mongol], 279, 281, 282, 285, 314, 315, 318, 357, 364, 370, 374, 375, 376, 379. Balaqan/Balaġai (Balaxa/Balałay) [petit-fils de Činggis Qan (m. 1227)], 374, 377, 394. Balāš (Vałarš) [roi de Perse (484-488)], 37, 38. Balrina [sœur d’Abas Bagratuni du Lōṙē (m. 1176)], 152. Bardha᾿a (Partaw) [ville], 194, 195, 196, 198, 202. Bardułimēos, voir Barthélémy. Barjrberd [forteresse], 102. Barkyārūḳ (Bek‘iaruk‘) [sultan saldjūḳide (1095-1105)], 106. Barnabé (Baṙnabas) [compagnon de l’apôtre Paul], 217. Baršapuh [julianiste], 69. Barṣaumā (Barsuma) [saint, couvent], 158. Barseł [Anec‘i, catholicos (m. 1113)], 98, 100, 108, 110. Barseł [évêque de Hałbat, XIIe siècle], 98. Barseł [archevêque de Sis (m. 1275), frère du roi Het‘um], 278. Barseł [frère de Xač‘atur supérieur de Nor Getik, XIIIe siècle], 223. Barseł [prêtre, ambassadeur auprès du qan Batu (1227-1255)], 366, 370. Barshin (P‘arč‘in) [ville], 369. Barthélémy (Bardułimēos) [apôtre], 192, 296, 301, 353.

INDEX DES NOMS PROPRES

Basila [Ibère], 220. Basile (Vasil) [le Macédonien, empereur (867-886)], 14, 80, 84. Basile (Vasil) [empereur (976-1025)], 89, 104. Basile (Basilios) [évêque de Césarée, (370378/379?)], 22, 31, 331, 340, 342. Baṣra (Basra) [ville], 82, 379. Batu (Bat‘u) [qan (1227-1255) fondateur de la Horde d’Or], 289, 315, 316, 356, 357, 361, 362, 364, 366, 366, 367, 369, 370, 372, 374, 375, 377, 394. Baudouin (Pałtoyn) [de Boulogne, roi de Jérusalem (1100-1118)] , 107. Baylaḳān (Belukan) [ville], 202. Beçaléel (Beseliēl) [Béséléel/Bezalel, fils d’Uri], 215. Bełamēǰ [entre Bardha᾿a et Baylaḳān] 203. Belial [Beliar], 107. Belukan, voir Baylaḳān. Benedik‘tos, voir Benoît. Bener [vardapet, vers 1265], 399. Benoît (Benedik‘tos) [saint], 111. Berdak [siège catholicossal des Ałuank‘], 198. Berke (Berkʻa) [petit-fils de Činggis Qan (m. 1227)], 373, 394, 395, 396, 399. Berkečer (Barkʻačʻa) [frère de Berke], 373 Beruket (Perk‘antʻ) [ville], 368. Béthanie (Bet‘ania) [village], 29. Bethléem (Bedłēhēm) [ville], 131. Bežgēn [catholicos des Ałuank‘ (après 1140)], 178, 181, 201. Birbāliḳ (Perpalex) [ville], 367. Bishbāliḳ (Pešpalex) [ville], 367. Bisṭām (Pstan) [ville], 369. Bizye (Biwzu) [ville], 76. Bǰni [ville], 95, 163, 171, 172, 181, 216, 310. Bohémond (Maymun) [prince d’Antioche (1098-1104)], 107. Bora (Bōra) [fils d’Altani qatun et Čormaqan (1218-1241)], 291, 391. Bōrān (Born) [reine sasssanide, 630-631], 54. Brk‘išo [anti-catholicos (429-432?)], 33. Bughā (Buła) [ostikan arabe du IXe siècle], 78, 82, 313. Bukhārā (Buxara) [ville], 369.

357

Buła, voir Buqa et Bughā. Buoyn (= Bawon/Bawonk‘) [village], 71. Buqa (Buła) [collecteur de taxes mongol], 313, 314. Buxara, voir Bukhārā. Bznunik‘ [canton], 60, 83, 164, 228, 292. Čaʼadai (Čʻałatay) [qan (m. 1242) fils de Činggis Qan], 232, 394. Čaʼadai (Čʻałatay) [général mongol], 253, 264, 275, 320, 385. Čʻałatay, voir Čaʼadai. Całkoc‘k‘ [vallée], 88. Čʻangz łan, voir Činggis Qan. Čanpalex, voir Djanbāliḳ Cappadocciens (Gamirk‘), 42, 213. Cappadoce (Kap[p]adovkac‘ik‘/Kappadovkia), 50, 107, 146. Č‘araberd [forteresse], 359. Caṙak‘ar [monastère], 89. Č‘arekk‘/Č‘arek‘ [forteresse], 178, 182, 243. Čʻarmałun, voir Čormaqan. Caspienne (Kaspic‘ cov) [mer], 357, 364, 366, 395. Caucase (Kawkas), 203. Cérinthe (Kerint‘os) [hérésiarque du Ier siècle], 56. Césarée de Cappadoce (Kesaria Kapadovkac‘i) [ville], 20, 93, 100, 229, 283, 375. Chalcédoine (K‘ałkedon) [concile], 35, 36, 37, 44, 45, 49, 54, 69, 84, 87, 89, 166, 196. Chypre (Kipros), 159, 160, 189. Cilicie/Ciliciens (Kilikia/Kilikec‘woc‘ ašxarh), 83, 89, 102, 104, 109, 121, 122, 154, 168, 169, 221, 228, 278, 284, 286, 294, 303, 317, 330, 364, 375. Čihr Burzēn [marzpan du VIIe siècle], 53. Čihr Vłon Mihran [marzpan du VIIe siècle], 53. Čihr Všnap Suhēn [marzpan du VIIe siècle], 53. Činggis Qan (Čʻangz łan) [fondateur de l’empire mongol (m. 1227)], 232, 272, 374, 394. Ciranak‘ar [forteresse], 313. Č‘man-Katuk [bourg], 282. Coloneia (Kołonia) [ville], 355.

358

P. BOISSON

Constance (Kostandin) [empereur (337-361)], 16, 18, 41. Constantin (Kostandianos) [empereur (306337)], 5, 11, 12, 18, 118, 146. Constantin (Kostandin) [empereur (641)], 56, 58, 64. Constantin (Kostandin) [empereur (668685)], 65. Constantin Caballinos (Kostandin) [empereur (740-775)], 71, 76. Constantin (Kostandin) [empereur (780797)], 76. Constantin (Kostandin) [Porphyrogénète, empereur (913-959)], 85. Constantin (Kostandin) [empereur (10251028)], 104. Constantinople (Kostandnupōlis), 13, 22, 24, 29, 40, 46, 52, 80, 96, 107, 118, 150, 158. Cop‘k‘ [canton], 15. Čor [fort de], 366. Čormaqan (Čʻarmałun) [général mongol (1218-1241)], 233, 234, 256, 258, 265, 275, 279, 285, 290, 314, 391, 396. Covk‘ [couvent], 108. Ctésiphon (Katisbon) [ville], 379, 383. Č‘uč‘u łan (qan?), 250, 251. Cyrille (Kiwreł) [évêque de Jérusalem (350-386)], 54, 69, 112, 347. Cyrille d’Alexandrie (Kiwreł Alek‘sandrac‘i) (évêque 412-444), 133. Dadivank‘ [couvent], 216, 327. Damas (Damascos), 155, 165, 191 voir aussi Dimashḳ. Dāmghān (Tamłayn) [ville], 369. Daniel [prophète], 29, 146, 250, 346. Daniēl [martyr du IVe siècle], 18, 19. Daniēl [évêque syriaque du Ve siècle], 25. Daṙin [plaine], 396. Dasnawork‘ [canton], 71. Dastakert [village], 197. David (Dawit‘) [prophète], 4, 69, 111, 114, 120, 132, 346. David (Dawit‘) [le Reconstructeur, roi des Ibères (1089-1125)], 114.

David (Dawit‘) [roi des Ibères, fils du roi Demetre (1125-1155)], 114, 117. David (Dawit‘) [Narin (1247/50-1289), fils de Rusudan], 267, 288, 289, 315, 316, 317, 363. David (Dawit‘) [Ulu (1247-1270), fils de Giorgi Lasha], 288, 289, 315, 316, 317, 319, 320, 389, 390, 393. Dawit‘ [le philosophe, disciple de Mesrop Maštoc‘ (364-439)], 28. Dawit‘ [l’Invincible], 29, 35. Dawit‘ [Aramonec‘i, catholicos (728-741?)], 70, 74. Dawit‘ [Kakałec‘i, catholicos (806-833?)], 77. Dawit‘ [catholicos à Ałt‘amar (1113-1165?)], 149. Dawit‘ [Ark‘akałnec‘i, archevêque de Mamistra, catholicos (1207-1212?)], 168, 169, 171, 187. Dawit‘ [(991-1053?) père de Kiwrikē Bagratuni], 98. Dawit‘ [(vers 1145) fils de Kiwrikē Bagratuni], 152. Dawit‘ [išxan de Nor Berd, fin du XIIe siècle], 153, 154. Dawit‘ [catholicos des Ałuank‘ IVe siècle], 195. Dawit‘ [catholicos des Ałuank‘ (764-768?)], 197. Dawit‘ [catholicos des Ałuank‘ (768-777?)], 197. Dawit‘ [catholicos des Ałuank‘ (824-852?)], 198. Dawit‘ [catholicos des Ałuank‘ (923-928?)], 198. Dawit‘ [catholicos des Ałuank‘ (958-965?)], 199. Dawit‘ [catholicos des Ałuank‘ (965-971?)], 199. Dawit‘ [de Car (vers 1250)], 321, 322, 323, 324. Dawit‘ [fils de K‘urd du Šahap de Tpʼilisi (1176-1184)], 209, 215. Dawit‘ fils d’Alawik [vardapet (m. 1131)], 116, 199.

INDEX DES NOMS PROPRES

Dawit‘ Hoṙomayec‘i [vardapet du VIIIe siècle], 72. Dawit‘ K‘obayrec‘i [vardapet de Hałbat (m. 1220)], 171. Dawit‘ Sahaṙuni [marzpan, (610-640?)], 53, 56. Dawit‘ Surhan [martyr perse du VIIIe siècle], 63. Dduš, voir Tutush. Ded/Det [forteresse], 313. Demetre (Demetrē) [roi des Ibères (11251155/1156?)], 114, 117, 162, 200. Demetre (Demetrē) [(1273-1289) fils de David Ulu], 390. Denys l’Aéropagite (Dionēsios Arispagaci) [théologien du Ve siècle], 119, 344. Dēoskoros [supérieur de Sanahin, anticatholicos (1037-1038?)], 90, 112. Derbend (Darband), 65, 201, 203, 289, 366, 374, 394, 395, 396, 399. Derenik [-Grigor Arcruni du Vaspurakan (m. 886/887)], 83. Derenik [Bagratuni, père de Dawit‘, père de Kiwrikē, Xe siècle], 98. Despina qatun [fille de l’empereur Michel Paléologue (1224-1282)], 399. Desum [išxan du XIIIe siècle], 359. Dilman [région de Salmās], 82, 234. Dimashḳ (Dmišk) [= Damas], 387, 388. Dinka-Bāliḳ (Dinkapalex) [ville], 368. Diogène (Diužēn) [Romain Diogène, empereur (1068-1071)], 104, 105. Divigri (Tiwrikē) [ville], 284. Dīzak (Dizak) [ville], 369. Dja῾far (Jap‘r), voir le calife ῾abbāside ῾Abd Allāh al-Manṣūr. Dja῾far (Jap‘r) [= al-Mutawakkil, calife ῾abbāside (847-861)], 78, 79, 80, 313. Djalāl al-Dīn (Jalaladin) [sultan du Khwārazm (1220-1231)], 182, 222, 224, 228, 229, 230, 234, 244, 292. Djanbāliḳ (Čanpalex) [ville], 368. Djayḥūn (Jehun) [fleuve], 369, 374. Dmišk, voir Dimashḳ. Dōp‘i [sœur d’Iwanē (m. 1234) et Zak‘arē (m. 1212)], 280, 284.

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Doquz qatun (Tōłuz) [m. 1265, femme de Hülegü], 382, 391, 398. Doukas (Dukic) [Constantin X Ducas, empereur (1059-1067)], 104. Dprēvank‘ [monastère], 84. Drazark [couvent], 110. Duin, 17, 60, 63, 70, 74, 75, 81, 83, 107, 163, 171, 172, 195, 198. Dukic, voir Doukas. Dumanis/Dmanis [ville], 254. Ēas, voir Æas. Édesse, voir al-Ruhā et Uṙhay. Edleankʻ, voir Ayyūbides. Égypte (Egiptos), 56, 96, 97, 100, 107, 126, 151, 165, 191, 228. Égyptiens (Egiptacʻikʻ), 59, 145, 389. Ekop‘ruk [ville], 368. Élamites (Elamacʻikʻ), 376. Ełapatruš [village], 75. Ēlči-Ganda, voir Elǰigidei. Ełia [Arčišec‘i, catholicos (703-717?)], 64, 67, 196, 197. Ełia [de Hawuc‘ T‘aṙ, vardapet du XIIIe siècle], 172. Ełia [du Xač‘ēn, vardapet du XIIIe siècle], 270. Ełiab, voir Oholiab. Ełiazar [catholicos des Ałuank‘ (683-689?)], 196. Élie (Ełia) [prophète], 127, 338, 346, 354. Elisabeth (Ełisabētʻ) [femme de Zacharie], 131, 132. Elisabeth (Ełisabētʻ) [= traduction de Zapēl], 365. Ełisē [Ṙštuni, catholicos (941-946?)], 85. Ełisē [évêque du catholicos de Petros (1019-1058?)], 93. Ełišē [historien], 6, 28, 29. Ełišē [apôtre, disciple de Thaddée], 192, 193, 194. Elǰigidei (Ēlči-Ganda) [gouverneur mongol de Perse (vers 1248)], 357. Elogk‘, voir Euloge. Elt‘ina xatun, voir Altani qatun. Émèse (Emesia) [ville], 331.

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P. BOISSON

Émmanuel (Ēmmanuēl) [= Christ], 150, 335. Engküreg (Anagurak) [noyan], 311. Énos (Enovs) [prophète], 345. Enovk‘, voir Hénoch. Éphèse (Ep‘rem) [ville], 318. Éphrem (Epr‘em) [le Syrien, théologien (306373?)], 112, 331 Épiphane de Chypre (Epip‘an Kiprac‘i) [théologien (315-403?)], 332, 340, 341. Ep‘rem [vardapet du VIIIe siècle], 72. Ērał, voir ῾Irāḳ. Erasx, voir Araxe. Erazgawork‘ [ville], 77. Eremia, voir Jérémie. Eremia [catholicos des Ałuank‘, Ve siècle], 195. Ergevank‘ [forteresse], 153, 163, 243, 244, 326, 346. Ertʻič, voir Irtych. Erusałēm, voir Jérusalem. Erzincan (Eznkan) [ville], 283, 318, 375, 399. Esayi, voir Isaïe. Esayi [Ełapatrušec‘i, catholicos (775-788?)], 75. Espagne (Spania), 360. Esvałen [roi des Ałuank‘], 193. Et‘il, voir Itil [= Volga]. Euloge (Elogk‘) [computiste grec], 42, 43, 213. Euphratre (Epʻrat), 191, 384, 385. Eusèbe (Ewsebios) [évêque de Césarée (313339)], 5. Eutychès (Ewtik‘ēs/Ewtikʻeankʻ) [hérésiarque, m. 454?], 133, 134, 366. Ève (Ewa) 221. Ewtik‘ēs/Ewtikʻeankʻ, voir Eutychès. Ézéchiel [prophète], 29, 250, 346. Eznkan, voir Erzincan. Eznik [Kołbac‘i, disciple de Mesrop Maštoc‘ (364-439)], 28, 29. Ezr [catholicos (630-641?)], 54, 55, 60, 69. Ezras Angełac‘i [disciple de Movsēs de Bagrewand, VIe siècle], 38. Ǝnkax [ville], 368.

Farrokān (Xoṙian) [général perse du VIIe siècle], 52. Francs (Fṙankk‘), 96, 107, 108, 117, 137, 150, 156, 158, 159, 189, 228, 229, 309. Fṙankk‘, voir Francs. Gabriel (Gabriēl) [archange], 123, 334, 350. Gabriēl [julianiste], 69. Gag/Kak/Kot‘ [forteresse], 163, 243, 251, 252. Gagik Arcruni [roi du Vaspurakan (908943)], 83, 109. Gagik Šahnšah [Bagratuni, roi (9901020)], 88, 89. Gagik [Bagratuni, roi (1041-1045)], 91, 93, 100, 104, 108. Gagik [roi du Vanand et du Kars (m. 1068)], 93, 102, 104. Gagik [catholicos des Ałuank‘ (947-958?)], 198. Gagik [= Grigores, fils de Gēorg, catholicos des Ałuank‘ (vers 1139?)], 199, 200, 201. Gamirk‘, voir Cappadociens. Gandja/Ganja (Ganjak) [ville], 116, 117, 179, 181, 200, 204, 206, 207, 224, 226, 235, 237. Ganjasar [couvent], 269, 392. Gardman [province], 153, 163, 196, 243, 346. Gaṙni [ville], 81, 82, 225, 327, 348. Gaṙnik [ermite], 13, 37. Gayianē [sainte], 14. Gełam [lac de Sewan], 65, 322. Gełark‘unik‘ [canton], 163, 256, 322. Gelatʼi (Gelatʻ) [sépulture des rois ibères], 390. Gēorg [saint, église en face de Nor Getik], 223. Gēorg [Aragacotnec‘i, catholicos (792795?)], 75. Gēorg [Gaṙnec‘i, catholicos (878-898?)], 81, 82, 198. Gēorg [Lōṙec‘i, catholicos (1069-1072?)], 95, 96, 100. Gēorg [évêque de Hałbat, XIe siècle], 98.

INDEX DES NOMS PROPRES

Gēorg [père de Gagik-Grigorēs, catholicos des Ałuank‘], 199. G[ē]org Karenec‘i [vardapet du Vaspurakan, XIIIe siècle], 183. Gēorg Mełrik [vardapet du XIIe siècle], 110. Georges (Gorgoz) [frère d’Altani qatun], 291. Germain (Germanos) [patriarche de Constantinople (715-730)], 29. Getab[b]akk‘ [forteresse], 55, 243. Getik [couvent], 3, 164, 167, 171, 173, 209, 210, 211, 215, 219, 223, 252, 310. Ghiyāth al-Dīn (Łiat‘adin) [= Kaykhusraw, sultan saldjūḳide de Rūm (1237-1246)], 281, 292, 315, 317, 318. Gigan [computiste syriaque], 42, 213. Giorgi [le Brave, roi d’Ibérie (1154-1184)], 114, 117, 162, 166, 186, 211, 238. Giorgi [fils de David Ulu], 390. Giorgi [Lasha], voir Lasha. Giug, voir Güyük. Giwt [Arahezac‘i, catholicos (461-478?)], 35. Godefroy (Kontop‘ri) [de Bouillon (m. 1100)], 107. Golgotha (Gołgot‘a), 11. Gołt‘n [canton], 66, 328. Gonc‘a [(m. 1261) femme d’Awag], 321, 390. Gorgoz, voir Georges. Gnēl [neveu du roi arsacide Aršak (350364/367)], 20. Grande Arménie (Mec Hayk‘), 330, 365. Gratien (Gratianos) [empereur d’occident (367-383)], 22. Grecs (Yoynk‘), 20, 23, 24, 25, 26, 30, 31, 36, 38, 42, 44, 46, 49, 52, 68, 80, 83, 92, 93, 94, 95, 100, 102, 104, 108, 109, 110, 118, 147, 158, 196, 212, 213, 214, 330, 351, 365. Grégoire de Nysse (Grigor Niwsac‘i) [théologien (331/341-394?)], 22, 31, 331, 340, 342. Grégoire [Histoire de Grégoire pape de Rome], 111. Grégoire le Thaumaturge (Grigor Sk‘ančʻelagorc) [évêque de Néo-Césarée (240-270)], 332.

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Grégoire le Théologien (Grigor Astuacaban) [Grégoire de Nazianze, patriarche de Constantinople (381-390?)], 22, 31, 113, 119, 142, 331, 339, 340, 342. Grigor [= Manačihr, martyr du VIe siècle], 41. Grigor [vardapet du VIe siècle], 49. Grigor [patrice du VIIe siècle], 62. Grigor [du Xač‘ēn, fils de Dōpi, cousin d’Iwanē et Zak‘arē (vers 1244)], 280, 284. Grigor [évêque de Bǰni, XIIIe siècle], 310. Grigor [évêque du Xač‘ēn (vers 1250)], 359. Grigor [(1214-1222), fils de Hałbak], 205. Grigor [(vers 1224) frère de Vart‘ank de Hat‘erk‘], 215. Grigor [Mamikonean (vers 1254) fils de Marcpan], 272, 365. Grigor [vardapet du XIIIe siècle], 348. Grigor [de Duin vardapet du XIIIe siècle], 172. Grigor [saint, église Całkoc‘k‘], 88. Grigor [saint, église Zuart‘noc‘], 88. Grigor [Apirat, catholicos (1194-1203?)], 148. Grigor [K‘aravēž, catholicos (1193-1194?)], 147, 148. Grigor Kapalec‘i [mécène à Nor Getik, XIIIe siècle], 222. Grigor Mamikonean [marzpan d’Arménie (661-685)], 63. Grigor Magistros (XIe siècle), 95. Grigor Mononik [išxan de Keč‘aṙuk‘], 171, 176. Grigor Narekac‘i [théologien, poète (9461010)], 119. Grigor Part‘ew [l’Illuminateur (298-314?)], 3, 6, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 18, 19, 32, 33, 37, 44, 51, 53, 54, 61, 69, 86, 98, 108, 118, 131, 138, 145, 149, 190, 192, 193, 194, 211, 213, 223, 278, 296, 301, 303, 308, 329, 330, 340, 353. Grigorēs, voir Gagik fils de Gēorg. Grigor[is] Tła [catholicos (1173-1193?)], 147. Grigor Tła [išxan du Xač‘ēn, XIIIe siècle], 222, 256, 359.

362

P. BOISSON

Grigor fils de T‘ok‘aker [vardapet du XIIe siècle], 116, 199, 200. Grigor fils de Tute [vardapet de Sanahin, XIIIe siècle], 90, 91, 171. Grigorēs [évêque de Dadivank‘ (12241253)], 327. Grigoris [fils du catholicos Vrt‘anēs (333337?)], 17, 194, 195. Grigoris [= Grigor Vkayasēr, catholicos (1065-1105?)], 95, 96, 97, 98, 100. Grigoris/Grigorēs [évêque de Hałbat, XIIIe siècle], 98, 171, 172, 173. Grigoris [= Grigor Pahlawuni catholicos (1113-1166?)], 108, 110, 111, 117, 121, 199, 329. Grigoris [(1182-1211), frère de Vart‘ank de Hat‘erk‘], 215. Grigoris [vardapet du Xač‘ēn (m. 1238/ 1239?)], 270. Gurǰi Badr-al-Dīn (Badradin) [émir de Gandja, XIIe siècle], 179. Güyük (Giug) [qan (1246-1248)], 312, 316, 356, 357, 362, 364. Habel [prêtre, Ve siècle], 26. Habel [évêque, VIIe siècle], 51. Hagar [/Agar, mère d’Ismaël], 56. Hagarac‘i(k‘), 71, 82, 92, 97. Ḥalab (Halap) [= Alep], 150, 155, 160, 387. Hałarcin [couvent], 211, 223, 310. Hałbak/Xałbak [ancêtre des Pṙošean, XIIe siècle], 205, 384. Hałbat [couvent], 98, 99, 106, 113, 115, 171, 172, 173, 174, 216, 218, 223, 310, 327. Halys (Alis) [fleuve], 71. Ḥamā (Hama) [ville de Syrie], 388. Hamadān (Hēmian) [ville], 388. Hamadōla [išxan ibère?], 292. Hamazasp [Anec‘i, évêque de Hałbat, XIIIe siècle], 99, 115, 310, 327. Hamazasp [Mamikonean, marzpan d’Arménie (661)], 62, 63. Hananya [compagnon du prophète Daniel], 250. Handaberd/Handu [forteresse], 322. Hark‘ [canton], 23. Hārūn (Aharon) [= al Rashīd, calife ῾abbāside (786-809)], 77.

Hārūn (Aharon) [= al-Mu῾taṣim, calife ῾abbāside (842-847)], 77. Ḥarrān (Xaṙan) [ville], 63, 64, 387. Hasan [fils de Hasan Pṙōš (1214-1284)], 384, 385. Hasan [(m. 1283), fils de K‘urd Vačʻutean], 365. Hasan Jalal [(1214-1261) neveu d’Iwanē et Zak‘arē], 263, 267, 268, 284, 285, 313, 358, 359, 373, 389, 390, 391. Hasan Pṙōš [(1214-1284) fils de Vasak le Brave], 205, 380, 384, 385. Hat‘erk‘ [région et forteresse], 209, 215. Hawaxałac‘ [forteresse], 267. Hawuc‘ T‘aṙ [couvent], 172, 310. Hayastan, voir Arménie. Hayastaneak‘, voir Arméniens. Hayk [ancêtre éponyme des Arméniens], 193. Hayk‘, voir Arméniens. Haykazn, voir Arménien. Hélène (Hełinē) [femme d’Abgar], 268. Hełinē, voir Hélène. Hénoch (Enovk‘) [prophète], 345. Hephtalites (Hep‘t‘ałk‘), 37. Héraclius (Herakl/Heraklēs) [empereur (641-668)], 7, 52, 54, 56, 64, 69. Herg [canton], 181. Hēšm, voir Hishām. Het‘um [Hełi de Lambrōn išxan (11771218)], 111, 286, 287. Het‘um [roi (1225/1226-1269?)], 189, 190, 191, 278, 284, 285, 287, 294, 303, 307, 317, 318, 330, 364, 370, 375. Ḥimṣ (Hems) [= ville de Homs], 40, 388. Hiperik‘os [martyr], 167. Hishām (Hēšm, Šam) [calife ummayade (724-743)], 66, 67. Hokʻtʻa xałan, voir Ögödei qa’an. Hmayeak [Mamikonean, Ve siècle], 37. Honk‘, voir Huns. Honorius (Onorios) [empereur (393-423)], 24. Hoṙom, voir Rūm. Hoṙomk‘/Hṙomayec‘ik‘, voir Romains. Hoṙomosi/Hoṙomoc‘ vank‘ [couvent], 84, 85, 310. Hormozd (Ormizd) [roi de Perse (579-590)], 50.

INDEX DES NOMS PROPRES

Hreay, voir Juif. Hrēastan, voir Judée. Hṙip‘simē [sainte], 13, 14, 28, 53. Hṙom, voir Rome. Hṙomkla (Klay Hṙomayakan = château des Romains), 108, 147, 149, 168, 170, 187, 191, 278, 311, 329, 355. Hṙop‘anos Samostac‘i [disciple de Mesrop Maštoc‘ (364-439)], 28. Hülegü (Hulawu) [ilkhan 1256-1265], 368, 370, 373, 374, 375, 376, 377, 378, 380, 381, 382, 383, 384, 385, 386, 387, 388, 390, 391, 392, 393, 394, 395, 396, 398. Huns (Honk‘), 195, 204, 233. Ibérie/Ibère (Virk‘), 7, 12, 30, 44, 45, 46, 87, 98, 99, 114, 117, 151, 162, 163, 165, 166, 167, 177, 179, 182, 186, 193, 195, 197, 200, 201, 203, 204, 208, 209, 210, 211, 212, 213, 214, 220, 222, 224, 225, 237, 238, 254, 265, 266, 288, 289, 292, 311, 312, 314, 315, 316, 318, 319, 320, 359, 362, 363, 374, 389, 390, 393. Ibn Duqla (Ipndokl) [gendre du gouverneur d’Arménie, VIIIe siècle], 75. Ignatios [Šnorhali, vardapet du XIIe siècle], 111. Ignatios [vardapet du XIIIe siècle], 171. Ilge (Iligia) [noyan], 384. Ili (Ilansu) [fleuve], 368. Ili Bāliḳ (Ilanpalex) [ville], 368. Iligia, voir Ilge. Ipndokl, voir Ibn Duqla. ῾Irāḳ (Ērał) [territoire], 369. Irène (Iṙinē) [impératrice (797-802)], 76. Iron/Irion [computiste à Constantinople], 43, 212, 213. Irtych (Ertʻič) [fleuve], 367. Isaac (Isahak) [fils d’Abraham], 345. Isahak [vardapet du IXe siècle], 80. Isaïe (Esayi) [prophète], 127, 346. Iṣfahān (Aspahan) [ville], 180, 234. Ismaël/Ismaélite [Ismayēl/Ismayēlac‘i], 60, 63, 64, 66, 69, 71, 72, 78, 80, 81, 82, 83, 91, 156, 164, 167, 178. Ismaélite (Ismayelakan), 56, 65, 80, 313, 383. Ismayelakan, voir Ismaélite.

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Israël (Israyēl), 4, 300, 345, 397. Israyēl [catholicos (667-677?)], 63. Israr [noyan], 275. Israyēl, voir Israël. Itil (At‘l/Et‘il) [= Volga], 356, 364, 395. Itułatay, voir Kül-Bolat. Iwanē [fils de [Sargis]-Šahanšah (11971261?)], 393. Iwanē [fils de Xorišah et Vaxt‘ang Tankik et frère de Hasan Jalal (1214-1261)], 268. Iwanē [(vers 1225) frère de l’išxan ibère Šaluē d’Axalcʼixe], 163, 225. Iwanē [(vers 1252) fils d’Ałbuła petit-fils de Vahram de Gag], 163. Iwanē [(m. 1234) hazarapet, frère de Zakʻarē], 98, 99, 152, 162, 163, 164, 165, 166, 177, 182, 185, 186, 187, 203, 204, 206, 210, 211, 216, 219, 220, 222, 223, 224, 228, 238, 254, 268, 288, 317, 321. Izit, voir Yazīd. ῾Izz al-Dīn (Aladin) [= Kayḳā᾿ūs, sultan saldjūḳide de Rūm (1211-1221)], 317. ῾Izz al-Dīn (Ziadin, Azadin) [= Kayḳā᾿ūs, sultan saldjūḳide de Ḳonya (m. 1280)], 318, 364. Jacques (Yakob) [saint, frère du Seigneur], 54, 69, 192. Jacques (Yakob) [saint, fils de Zébédée], 391. Jacques de Nisbe (Yakob Mcbnac‘i) [= panégyrique de Grigor Narekac‘i], 119. Jacques (Yakob) [saints, couvent de Jérusalem], 11, 349, 350. Jag [village], 77. Jalal, voir Hasan Jalal. Jalaladin voir Djalāl al-Dīn. Jāmāsp (Jamasp) [roi de Perse (497-499)], 38. Jap‘r, voir Djaf῾ar. Jean (Yovhannēs) [= Jean Doukas-Vatazès, empereur de Nicée (1221-1254)], 365. Jean Chrysostome (Yovhannēs Oskeberan) [patriarche de Constantinople (398-403)], 24, 31, 112, 139, 331, 340. Jean l’Évangéliste (Yovhannēs Awetaranič) [apôtre], 79, 111, 139, 141, 330, 332, 366. Jean-Baptiste (Yovhannēs Mkrtič‘), 40, 126, 194, 339, 346, 351.

364

P. BOISSON

Jean (Kalōžan) [Jean Comnène, empereur (1118-1143)], 149. Jebu Xak‘an, voir Yabghu qaʼan. Jehun, voir Djayḥūn [= Oxus]. Jérémie (Eremia) [prophète], 221, 346. Jermuk Car [village], 322. Jérusalem (Erusałēm), 11, 29, 39, 52, 77, 107, 117, 131, 150, 151, 165, 166, 192, 212, 213, 235, 268, 294, 347, 349, 353, 387. Jiasmutʻ, voir Yašmut. Job (Yob) [prophète], 29, 72, 215, 345. Joǰ Buła [noyan], 265. Jonas (Yunan) [prophète], 336. Joseph (Yovsēp‘) [fils de Jacob et Rachel], 345. Josué (Yesu) [auxiliaire de Moïse], 345. Josué (Yesu) [fils de Josédek], 346. Jourdain (Yordanan), 126, 131, 151, 351, 353. Jovien (Yovbianos) [empereur (363-364)], 20. Judas (Yuda) [apôtre], 304. Judas (Yuda) [le Galiléen], 322. Jude de Jacques (Yuday Yakobean), 192. Judée (Hrēastan), 42, 131. Juif (hreay), 12, 43, 58, 127, 213. Julianiste (Yulianit), 69. Julien l’Apostat (Yulianos) [empereur (360363)], 18, 36, 146. Justin (Yustinos) [empereur (518-527)], 37, 38. Justin (Yustinos) [empereur (565-578)], 46. Justinien (Yustinianios) [empereur (527565)], 38, 40, 43, 46, 212, 213. Justinien (Yustinianios) [empereur byzantin (685-695 et 705-711)], 65. Kacarētʻ [forteresse], 163, 243. Ḳādjār (Łačarikʻ) [peuple], 388. Kakał [village], 77. K‘ałian [ville], 72. K‘aloc‘ [mois], 58. K‘ałrt‘ [chef des Madianites], 58. K‘amoc‘, voir Kumkent. Kamrǰajor [monastère], 84. Kapałak [ville], 199.

Kaputk‘ar [monastère], 84. Karapet [grand-père de Gagik-Grigorēs catholicos des Ałuank‘ (vers 1139)], 199. Karapet [prêtre de la cour royale, XIIIe siècle], 366. K‘arašit‘av [monastère], 112. K‘arherj [ville], 163. Karin [ville], 32, 54, 71, 76, 163, 200, 208, 279, 280, 293, 310, 363, 375. Karkaṙ [ville], 359. Karmina (K‘rman) [ville], 369. Kars [ville], 93, 100, 163, 171, 172, 260, 310, 364. Kasm [émir du VIIIe siècle], 65. Kaspic‘ cov, voir Caspienne [mer]. Katisbon, voir Ctésiphon. Katramitē [reine, femme du roi Gagik Bagratuni (990-1020)], 89. Kawād (Kawat) [roi de Perse (488-497 et 499-531)], 38. Kawād (Kawat) [roi de Perse (628)], 54. Kawkas, voir Caucase. Kayen/Kayan/Kayean [canton, vallée], 164, 173, 209, 311. Kayen/Kayan/Kayean [forteresse], 210, 254, 311. K‘ayik‘ant‘ [ville], 368. Ḳazwīn (Xzuin/Łazuin) [ville], 369, 391. Keč‘aṙukʻ [couvent], 171, 173, 176, 310. Kerint‘os, voir Cérinthe. Kesaria Kapadovkac‘i, voir Césarée de Cappadoce. Ket Buqa/Ked Buqa (Kʻitʻbuła) [général mongol], 388, 389. Khatā (Łatia) [Chine septentrionale], 232. Khazars (Xazirkʻ) [peuple], 52, 63, 65, 195, 233. Khurāsān (Xorasan) [province], 82, 107, 182, 222, 224, 234, 269, 395. Khutukbai (Xutʻapʻay) [ville], 368. Khwārazm (Xorzam), 228, 292. Kilikia, voir Cilicie. Ḳılıd̲j (Xzəl) [sultan saldjūḳide (1105-1118)], 106, 107. Ḳipčaḳ (Xbč‘ax) [peuple], 204, 356. Kipros, voir Chypre. Kiṙ T‘odoṙ, voir Théodora.

INDEX DES NOMS PROPRES

Kirakos Ganjakecʻi, 3, 10, 249, 333. Kirmān (K‘irman) [ville], 361. Kīsh (Gis) [ville], 193. Kitai (Łatayikʻ) [peuple], 371. Kitan (Kitankʻ) [peuple], 233. Kʻitʻbuła, voir Ket Buqa. Kiwreł, voir Cyrille. Kiwrikē Bagratuni [roi du Lōṙē/Lōṙi (10531100)], 93, 98, 151. Kiwrikē [Bagratuni (m. 1170) fils de Dawit‘], 152. Kiwrikē Bagratuni [(1232-1246?) fils d’Ałsartan], 154, 243. Kiwrion [catholicos des Ałuank‘ (595-610)], 7, 44. 45, 46. Klay Hṙomayakan, voir Hṙomkla. Kʻobayr [couvent], 393. Kogovit [canton], 51. Kołb [salines], 54, 363. Kołonia, voir Coloneia. Komana (Comana), 25. Komitas [Ałc‘ec‘i, catholicos (611-628)], 53, 54. Kōnn, voir Ḳonya. Konstandianos, voir Constantin. Kontop‘ri, voir Godefroy. Ḳonya (Kōnn) [ville], 287, 318, 375. Kosrow (Xosrov) [roi de Perse (531-579)], 40, 195. Kosrow (Xosrov) [roi de Perse (590-628)], 50, 52, 54. Kosrow (Xosrov) [roi de Perse (590-628)], 54. Kostand(in) [(m. 1100) fils de Rubēn], 109, 154. Kostandin [de Barjrberd, catholicos (12211267)], 190, 278, 293, 295, 301, 311, 329, 355, 365. Kostandin [de Lambrōn (1198-1250)], 286, 287. Kostandin [de Papeṙon, bailli (1219-1263)], 187, 189, 190, 278, 286, 287, 307, 365. Kostandin, voir Constance. Koriwn [disciple de Mesrop Maštoc‘ (364439)], 7, 28. Kotʻ [bourg], 322. Kotaykʻ [canton], 70, 77, 224.

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K‘ristap‘or [Tiraṙičec‘i, catholicos (539545?)], 38. K‘ristap‘or [Apahuni, catholicos (628-630?)], 54. K‘rman, voir Karmina. Ḳūhistān (Ṙōłastan) [province], 369. Kül-Bolat (Itułata) [noyan], 255, 256. Kʻulluk [ville], 368. Kumkent (K‘amoc‘) [= ville de Suzāk], 369. Kur [fleuve], 399. K‘urd [išxan de Siwnik‘, VIIIe siècle], 74. K‘urd [šahap de Tpʼilisi (1176-1184)], 208, 209, 210, 215. K‘urd [Vačʻutean (1252-1255)], 365, 370. Kurdes (K‘urdkʻ) [peuple], 150, 162, 376, 378. Kuz, voir al-Awḥad Njam al-Dīn Ayyūb. Łačarikʻ, voir Ḳādjār. Lambrōn [forteresse], 111, 286, 287. Łarałrum, voir Qaraqorum. Laša, voir Lasha. Lascaris (Lešk‘aris) [de Nicée], 318. Lasha [Giorgi, roi des Ibères (1213-1223)], 186, 203, 204, 238, 289, 315, 316, 317, 389. Łatałan, voir Qataqan. Łatia, voir Khatā. Łazar P‘arpec‘i, 7, 28, 29, 37. Łazar [catholicos des Ałuank‘, IVe siècle], 194. Lešk‘aris, voir Lascaris. Léon-le-Grand (Lewon) [empereur (457474)], 36. Léon (Lewon) [l’Isaurien, empereur (717741)], 65, 66, 71. Léon (Lewon) [le Khazar, empereur (775780)], 76. Léon [l’Arménien, empereur (813-820)], 76, 80. Léon (Lewon) [empereur (886-912)], 84, 85. Léonce (Lewon) [empereur (695-698)], 65. Lewon, voir Léon, Léonce. Lewon [išxan Ṙubenide (1129-1141)], 109, 154, 365. Lewon [roi (1198-1219)], 104, 110, 148, 149, 154, 155, 157, 158, 159, 160, 161,

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162, 168, 169, 171, 177, 187, 188, 189, 286, 287, 317, 365. Lewon [roi (1271-1289)], 285. Łewond [historiographe], 7. Łewond [disciple de Mesrop Maštoc‘ (364439)], 28, 34. Łewond [catholicos (545-548?)], 38. Łewondeank‘, 113. Łiat‘adin, voir Ghiyāth al-Dīn. Liban [forêt du], 227. Lōṙē/Lōṙi [canton, ville], 70, 85, 93, 106, 151, 171, 253. Lorut [village], 243. Luc (Łukas) [apôtre], 112, 131, 132. Łumsłur, voir Qum Šinggir. Łut‘un, voir Qutuqtu. Macédonius (Makedon) [évêque de Constantinople (342-360)], 21, 22. Macnaberd [forteresse], 99, 152, 153, 243. Madianites (Madianac‘ik‘), 58, 59. Madyan (Madiam), 58. Mahadi, voir al-Mahdī. Mahamad, voir al-Amīn. al-Mahdī [calife ῾abbāside (775-785)], 77. Mahkanaberd [canton], 209. Mahmet, voir Muḥammad. Maitreya (Madrin) [Dieu], 372, 397. Makedon, voir Macédonios. Mak‘enoc‘ [couvent], 75. Mak‘simianos, voir Maximien. Malāḥida (mulhedk‘), 227, 264, 275, 369, 376. al-Malik al-Kāmil (Melik‘ Kml) [sultan ayyūbide d’Égypte (1177-1238)], 151, 165, 191, 228. Malik-Shāh (Melik‘ šah) [sultan saldjūḳide (1072-1092)], 84, 105. Mambrē Veracanoł [théologien associé à Movsēs Xorenac‘i], 28, 29, 38. Mamikonean, 272, 365. Mamk‘an [(m. 1261) femme de Hasan Jalal], 270. Mamuestia [ville], 121, 122. al-Ma᾿mūn (Mahmun) [calife ῾abbāside (813833)], 77. Manazkert [ville], 23, 69, 104.

Manačihr, voir Grigor, martyr. Manē [grotte de], 37, 51. Mangnos [marzpan d’Arménie, Ve siècle], 36. Mangnos [évêque, frère du computiste André], 41. Mangu, voir Möngke. Manuel (Manil/Manuēl) [Comnène, empereur (1143-1180)], 121, 149, 150. Manuēl Mamikonean (m. 386?), 23. Marand [ville], 185. Mar῾ash (Maraš) [ville], 83. Marcien (Markianos) [empereur (451-457)], 35, 36, 65. Marc (Markos) [apôtre], 97. Marcpan (Marzpan) [Mamikonean (m. 1241)], 272, 365. Mārdīn (Merdin) [ville], 150, 388. Marie (Mariam) [la Vierge Marie], 123, 124, 131, 132, 332, 334, 336. Mark‘, voir Médie. Makaravank‘ [couvent], 216. Markos, voir Marc. Markos [métroplite Césarée], 100, 102. Markos [vardapet du XIIIe siècle], 245, 359. Markos I [catholicos des Ałuank‘, fin Xe siècle], 199. Markos II [catholicos des Ałuank‘, XIe siècle], 199. Marmašēn [congrégation], 88. Martiros [vardapet, successeur de Mxit‘ar Goš, XIIIe siècle], 219, 220, 221, 223. Martyrs [ville des Martyrs], 384, 385. Marūthā (Marutʻa) [saint, Ve siècle], 387. Marw (Mrmǝn) [ville], 369. Marwān (Mrvan) [calife umayyade (684685)], 65. Marwān (Mrvan) [calife umayyade (744750)], 66, 71. Maseac‘otn [canton], 150. Maštoc‘ [Ełivardec‘i, catholicos (898899?)], 81, 87. Matt‘ē [catholicos des Ałuank‘ IVe siècle], 194. Matt‘ē [catholicos des Ałuank‘ (777-779?)], 197. Matt‘ēos [Uṙhayec‘i, historien], 8.

INDEX DES NOMS PROPRES

Matthieu (Matt‘ēos) [apôtre], 119. Maurice (Mōrik) [empereur (582-602)], 46, 47, 48, 49, 50, 52. Maximien (Mak‘simianos) [empereur (305310)], 195, 347. Maxož [= Yiztbuzit, martyr du VIe siècle], 41. Maymun, voir Bohémond. Māzandarān (Mazandaran) [ville], 369. Mazaz [canton], 77. Mcbin, voir Naṣībīn/Nisibe. Mcʼxetʼa (Mcxit‘a) [ville], 289. Mec Hayk‘, voir Grande Arménie. Médie (Mark‘), 59. Mélitène (Melitinē) [ville], 158, 218. Merdin, voir Mārdīn. Merhawan [roi des Ałuank‘], 193. Mésopotamie (Miǰagetk‘), 151, 191, 385, 387. Mésopotamie de Syrie (Miǰagetk‘ Asori), 292, 360. Mesrop [Maštoc‘ (364-439)], 25, 26, 28, 30, 31, 32, 34, 113, 193, 195, 252. Mežež Gnuni [marzpan d’Arménie (517548)], 40, 44. Miap‘or [canton], 182, 201, 278, 290. Michel (Mik‘ayēl) [Rhangabe, empereur (811-813)], 76. Michel (Mik‘ayēl) [empereur (820-829)], 80. Michel (Mik‘ayēl) [empereur, (842-867)], 80. Michel (Mik‘ayēl) [empereur (1034-1041)], 104. Michel (Mik‘ayēl) [Doukas, empereur (10671078)], 105, 106. Mihrdat (Mirdat), 59. Miǰagetk‘, voir Mésopotamie. Miǰagetk‘ Asori, voir Mésopotamie de Syrie. Miǰnašen [vigne], 211. Mik‘ayēl, voir Michel. Mik‘ayēl [catholicos des Ałuank‘ (798743?)], 197. Minas [évêque], 170, 173. Mingqan (Mełan) [fils de Quli], 395. Miṣr [(Mser) = Égypte], 388. Miyāna (Miana) [ville], 369.

367

Mkdēm [(m. 1268) fils de Hasan Pṙōš], 384. Mkdēm [(m. 1214) fils de Vasak le Brave], 205, 384. Mktrič‘ [évêque d’Amberd, XIIIe siècle], 310. Mktrič‘ [fils du marchand Sarawan, XIIIe siècle], 363. Moïse (Movsēs) [prophète], 4, 57, 97, 127, 339, 340, 345, 353, 354. Molar, voir Möngkö. Möngke (Mangu) [qan (1256-1259)], 356, 357, 359, 361, 364, 367, 368, 369, 370, 372, 373, 375, 377, 378, 394. Möngkö (Molar) [noyan], 241, 242, 244, 252. Monomaque (Monomax) [Constantin Monomaque, empereur (1042-1055)], 104. Montagne Noire (seaw leaṙn), 208. Movsēs [évêque de Bagrewand, VIe siècle], 38. Movsēs Kałankatuac‘i [historien], 7. Movsēs K‘ert‘ołahayr [Ve siècle], 28, 36. Movsēs Xorenac‘i [historien], 6, 28, 331. Movsēs [Ełivardec‘i, catholicos (574-604?)], 41, 42, 44. Movsēs de Curtaw [évêque du VIIe siècle], 45. Movsēs [vardapet du VIIIe siècle], 72. Movsēs [catholicos des Ałuank‘ du IVe siècle], 194. Movsēs [catholicos des Ałuank‘ (779781?)], 197. Movsēs [catholicos des Ałuank‘ (824?)], 198. Movsēs [catholicos des Ałuank‘ (987-993?)], 199. Mozn/Mozan [canton], 74. Mren [église kat‘ołikē], 53. Mren [ville], 72. Mrmǝn, voir Marw. Mser, voir Miṣr. Mu῾āwiya (Mawiē) [fondateur de la dynastie umayyade (661-680)], 58, 64, 65. Mufarłin [= ville des Martyrs, Martyropolis], 384, 385. Mughal Tatar (Mułal Tʻatʻar), 233, 291.

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Mūghān (Mułan) [plaine], 230, 234, 241, 261, 280, 281, 290, 374, 396. Muḥammad (Mahmet) [le Prophète], 7, 56, 57, 58, 59, 60, 70, 206, 376, 378, 380. Muḥammad (Mahmet) [général ismaélite du VIIIe siècle], 63, 64, 65. Muḥammad (Mahmet) [= al-Muntaṣir, calife ῾abbāside (861-862)], 80. Muḥammad (Mahmet) [= al-Wāthiḳ, calife ῾abbāside (869-870)], 80. Mułal Tʻatʻar, voir Mughol Tatar. Mułan, voir Mūghān. Mulhedk‘/Mulhełk‘, voir malāḥida. Mūsā (Musē), [calife ῾abbāside (785-786)], 77. Mušē [Tarawnac‘i, disciple de Mesrop Maštoc‘ (364-439)], 28. Mušē [Aylaberec‘i, catholicos (526-534?)], 37, 38. Mušeł Mamikonean [sparapet du IVe siècle], 23. Mušeł [sparapet du VIIe siècle], 59. Mušeł Mamikonean [sparapet du VIIIe siècle], 72. al-Must῾aṣim (Mustʻasar) [calife ῾abbāside (1247-1258)], 379, 381. Mxit‘ar Goš [vardapet (1130-1213?)], 164, 167, 171, 173, 174, 175, 207, 208, 209, 215, 219, 220. Mxit‘ar [successeur de Martiros à Nor Getik, XIIIe siècle], 223. Mxit‘ar Hiwsn [artisan, XIIIe siècle], 222. Mxit‘ar Skewṙacʻi [vardapet, XIIIe siècle], 366, 370. Naiman (Nayiman) [peuple], 367, 389. Nana [diacre syriaque], 79. Nana [(vers1197) sœur de Zak‘arē et Iwanē], 152. Nangkiyas/Nangkiyad (Nayngas) [Chine du Sud], 377. Narayrgen (Nengran) [peuple], 394. Narcisse (Narkēsos) [trentième évêque de Jérusalem], 77. Naṣībīn (Mcbin, Nisibe) [ville], 292. Naxčawan/Naxǰawan [ville], 65, 76, 186, 226, 276.

Nerseh Širakac‘i/Kamsarakan [išxan d’Arménie (689-693)], 63, 65. Nersēs [catholicos (353-373?)], 9, 19, 20, 21, 22, 24, 113, 231. Nersēs [Bagrewandac‘i, catholicos (548557?)], 38, 41. Nersēs [Šinoł, catholicos (641-661?)], 60, 61, 62, 88. Nersēs [Šnorhali, catholicos (1166-1173?)], 108, 111, 118, 121, 147, 329. Nersēs [supérieur de Keč‘aṙuk‘, XIIIe siècle], 176. Nersēs [Bakur, catholicos des Ałuank‘ (689706?)], 196, 197, 201. Nersēs [catholicos des Ałuank‘ (12351261?)], 99, 201, 270, 278, 290, 310, 348, 359, 392. Nersēs de Lambrōn [évêque (m. 1198)], 111, 157. Nestorius (Nestor) [évêque de Constantinople (428-431)], 51, 133, 134, 141. Nicée (Nikia) [ville], 13, 43, 339. Nicéphore (Nikip‘or) [empereur (802-811)], 76. Nicéphore (Nikip‘or) [Phocas, empereur (963-969)], 85. Nicomédie (Nikomidia) [ville], 195. Ninivites (Ninuēac‘ik‘), 119, 145. Nisibe, voir Naṣībīn, Mcbin. No [cénobite], 74. Noé (Noy), 345. Nor Getik [couvent], 211, 212, 219. Nor Berd/Noraberd [forteresse], 153, 243. Ögödei qa’an (Hokʻtʻa xałan) [qa’an (11861241)], 233. Oholiab (Ełiab) [fils d’Ahasamak], 216. Ōjun [village], 70, 393. Omaṙ, voir ῾Umar. Onorios, voir Honorius. Orentius (Ōrēnd) [saint], 347. Orkhan (Ōrłan) [beau-père du sultan Djalāl al-Dīn (1220-1231)], 226. Ormizd, voir Hormozd. Ōšakan [village], 46. Osée (Ovsē) [prophète], 340 Ōsēt‘k‘, voir Ossètes.

INDEX DES NOMS PROPRES

Ōšin [fils de Het‘um Heli de Lambrōn (1177-1218)], 286. Ossètes (Ōsēt‘k‘) [peuple], 289. Ostan, 75. Ōt‘mus [village], 70. Ōt‘rar, voir Utrār. Ovayk‘ [village], 77. Ozias (Ozia) [roi de Juda], 115. P‘ahlawan [fils de Kiwrikē Bagratuni (12321245)], 154. Pałakjiak [couvent], 89. Palestine (Pałestin), 52, 58, 82, 151. Pałtoyn, voir Baudouin de Boulogne. Pant [catholicos des Ałuank‘, IVe siècle], 194. Pantalēimon [martyr du IVe siècle], 194. P‘arč‘in, voir Barshin. Parthe (Part‘ewk‘), 59. Pap [roi arsacide (367-374)], 19, 22, 23. Papak‘ [(m. 1298-1300?) fils de Hasan Pṙōš], 384. Papak‘ [(m. 1222) fils de Vasak le Brave], 205, 384. P‘aṙanjen [femme de Gnēl, puis du roi arsacide Aršak (350-364/367)], 20. P‘aṙisos [couvent], 199. P‘aṙnerseh [catholicos (348?)], 18. Parsikkʻ/Parskʻ, voir Perses. Partaw, voir Bardha᾿a. Paul (Pōłos) [apôtre], 11, 51, 95, 156, 330, 339, 340, 346, 353. P‘awtos Biwzand/Buzand, 7. Perk‘antʻ, voir Beruket. Perpalex, voir Birbāliḳ. Pērōz [roi des Perses (459-484)], 35, 36, 37. Perse (Parsikkʻ/Parskʻ), 7, 16, 17, 19, 20, 23, 24, 25, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 40, 44, 49, 50, 52, 54, 58, 59, 104, 106, 107, 146, 152, 163, 167, 179, 184, 193, 195, 205, 206, 224, 226, 234, 235, 242, 248, 269, 312, 313, 314, 326, 351, 355, 357, 359, 360, 361, 376, 378. Pešpalex, voir Bishbāliḳ. Petros [= Pierre d’Ibérie, VIIe siècle], 46. Petros [Getadarj, catholicos (1019-1058?)], 89, 90, 91, 93, 94, 95, 108, 149.

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Petros [catholicos des Ałuank‘ (971-987?)], 199. Philaretos (P‘ilartos) [Brakhamios (10901092?)], 83. Philippe (P‘ilippos) [(m. 1224) premier époux de la reine Zapēl], 188. Philippikos Bardanès (P‘ilikos Vardan) [empereur (711-713)], 65. Philon (P‘ilonios) [d’Alexandrie, philosophe (13-54)], 339. Phinée (P‘enehēs/P‘enehēz) [computiste juif], 42, 213. Phinéès (P‘inehēs) [fils d’Éléazar], 345. Phocas (P‘okas) [empereur (602-610)], 50. Photius (P‘ot) [patriarche de Constantinople (858-867 et 877-886)], 80. Pierre (Petros) [apôtre], 11, 95, 117, 150, 156, 330, 346, 353. P‘ilartos, voir Philaretos. P‘ilikos Vardan, voir Philippikos Bardanès. P‘ilot‘ēos [martyr], 167. Platon (Płaton) [philosophe (427-348 avant J.-C.)], 342. Płnjahank‘ [ensemble monastique = Axt‘ala], 222, 238, 321. P‘okas, voir Phocas. Pōłos, voir Paul. Pōłos [prêtre, neveu de Yovhannēs Vanakan, XIIIe siècle], 248, 348. Pont (Pontos) [région], 375. Porphyre (Porp‘iwr) [philosophe (232-305?)], 29. P‘ostos [évêque du IVe siècle], 20. Pstan, voir Bisṭām. Ptolémée (Ptłomēos) [Philadelphe (283246 avant J.-C.)], 346. Pulad (P‘ulat) [ville], 368. Qara Baʼadur (Łara Bahatur) [noyan], 261. Qara Kitai (Xaraxǝtay) [peuple], 367. Qaračuq (Xarč‘ux) [montagne du Kara Tau], 369. Qaraqorum (Łarałrum) [ville], 232. Qataqan (Łatałan) [noyan], 243, 377, 395. Qoča-noyan (Xoča-nuin), 370.

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Qoča-qan (Xoča-łan) [fils du qan Güyük (1246-1248)], 357. Qubilai (Łopila) [qan (1260-1294)], 394. Quli (Łułi/Łuł) [petit-fils de Činggis Qan (m. 1227)], 374, 377, 394, 395. Qum Šinggir (Łumsłur) [lieu], 367. Qutuqtu (Łut‘un) [noyan], 273, 275, 291. Rabban-ata Simēon (Ṙaban-at‘a) [théologien nestorien (m. 1259)], 276, 277, 290. Rayy (Rē) [ville], 234, 369. Rē, voir Rayy. Ṙōłastan, voir Ḳūhistān. Romains (Hoṙomk‘/Hṙomayec‘ik‘), 18, 58, 73, 84, 85, 100, 102, 103, 106, 121, 145, 149, 151, 154, 156, 157, 158, 318, 329, 330, 347, 399. Romain (Ṙomanos) [Lécapène, empereur (920-944)], 84, 85. Romain (Ṙomanos) [empereur (959-963)], 85. Romain (Ṙomanos) [Argyre, empereur (1028-1034)], 104. Rome (Hṙom), 11, 58, 73, 74, 76, 95, 96, 98, 111, 158, 193, 329, 353. Ṙubēn [fondateur de la dynastie ṙubénide], 109, 154. Ṙubēn [išxan (1175-1187), fils de Step‘anē], 110, 154. Ṙubineank‘, 83. (al)-Ruhā (Uṙha) [= Édesse], 7, 8, 293, 387. Rūm (Hoṙom), 148, 149, 190, 228, 260, 279, 280, 287, 288, 289, 315, 317, 364, 372, 374, 375, 379. Russes (Ṙuzk‘), 289. Rusudan (Ṙuzudan) [reine des Ibères (11941245)], 238, 254, 266, 288, 289, 292, 315, 316. Ṙusukʻan [fille de Hasan Jalal (1214-1261), femme de Bora noyan], 391. Ṙuzk‘, voir Russes. Ṙuzudan, voir Rusudan. Sabada Bahatur, voir Sübe’etei Ba’atur. Sadeq aqa (Sadeł ała) [frère d’Altani qatun], 291. Sadun [(1182-1232?) fils de K‘urd Arcruni], 209, 215, 386.

Sadun [(1260-1282/3?) fils de Šērbarok], 209, 386. Sagastan [= Sīstān], 51. Sahak [catholicos (387-438?)], 6, 7, 24, 25, 28, 30, 31, 32, 33, 34, 53, 113, 328. Sahak [Ułkec‘i, catholicos (534-539?)], 38. Sahak [Jorap‘orec‘i, catholicos (677-705?)], 63, 64. Sahak [martyr du IXe siècle], 76. Sahak [évêque de Karin du XIIe siècle], 200. Sahak Bagratuni [commanditaire de Movsēs Xorenac‘i], 28. Sahak [catholicos des Ałuank‘ du IVe siècle], 194. Sahak [catholicos des Ałuank‘ (929-947?)], 198. Šahanšah (Šahnšah) [(m. 1261) fils de Zakʻarē], 99, 187, 238, 253, 254, 258, 260, 263, 265, 280, 284, 289, 293, 321, 380, 390, 392, 393. Šahak [anti catholicos (432-437?)], 23. Saint-André [ermitage], 311. Saints-Apôtres [chapelle à Nor Getik], 217. Saint-Esprit [église à Nor Getik], 217. Saint-Georges [église à Nor Getik], 223 Saint-Grigor [église en bois à Nor Getik], 211. Saint-Grigor [église près du gawit‘ de Nor Getik], 223. Sainte-Hṙip‘simē [chapelle à Nor Getik], 217. Saint-Jacques [couvent à Jérusalem], 349, 350. Saint-Jean-Baptiste [église à Nor Getik], 212. Saint Karapet [église de Glak], 42. Sainte-Mère-de-Dieu [église à Nor Getik], 216. Śākyamuni (Šakmonia) [dieu], 371, 397. Šak‘i, voir Shakkī. Salāḥ al-Dīn (Salahadin) [sultan ayyūbide d’Égypte et émir de Damas et d’Alep (1174-1193)], 150, 151, 165, 212, 387. Saldjūḳ (Salčuk), 84. Saldjūḳides (Salč‘uk‘ikʻ), 369. Sałmosay vank‘ [couvent], 310. Salomon (Sołomon) [roi], 27, 111, 146, 346.

INDEX DES NOMS PROPRES

Šaluē [išxan ibère d’Axalcʼixe], 163, 225. Šam, voir Hishām. Samarḳand (Samarłand) [ville], 369. Sāmarrā (Samaṙa) [ville], 78. Šambi [territoire du Vaspurakan], 293. Šamiram, voir Sémiramis. Šamk‘or, voir Shamkūr. Šamšultē (Šamšuldē) [forteresse], 254. Samuel (Samuēl) [juge et prophète], 345. Samuēl [Arckec‘i, catholicos (516-526?)], 37. Samuēl [Anec‘i, historien], 8, 84. Samuēl [Mamikonean, martyr du VIIIe siècle], 72. Samuēl [catholicos des Ałuank‘ (877-894?)], 198. Sanahin [couvent], 85, 90, 98, 99, 106, 171, 186, 310. Sanatruk [roi (75-110?)], 16. Šapōran, voir Shābarān. Šapuh Bagratuni [historien], 7, 79. Šāpur (Šapuh) [roi de Perse (309-379)], 16, 17, 19, 20, 22, 146. Šāpur (Šapuh) [roi de Perse (383-388)], 24. Sarakhs (Saraxkʻ) [ville], 369. Sarawan [marchand du XIIIe siècle], 363. Sargis [disciple de Yovhannēs Mayragomec‘i, VIIe siècle], 55. Sargis [išxan du XIIe siècle], 210. Sargis [évêque d’Ani, XIIIe siècle], 172, 310 Sargis [évêque d’Erzincan, XIIIe siècle], 399. Sargis [évêque de Karin, XIIIe siècle], 293, 310. Sargis [évêque du Gardman, XIIIe siècle], 348. Sargis [(m. 1269) fils de Šahanšah], 393. Sargis [išxan d’Uxtikʻ/Oltʼisi], 393. Sargis [le Grand išxan (m. 1187), fils de Zak‘arē], 152, 162. Sargis [Tmogvéli (1190-1245?)], 163. Sargis [XIIe siècle, père de Šaluē et Iwanē], 163. Sargis [Mamikonean de Dseł (vers 1254)], 272 Sargis [Sewanc‘i, catholicos (992-1016?)], 88, 89.

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Sargis [Saint Signe], 251, 252. Sargis [saint], 144, 145, 146. Sargis [martyrium de saint], 60. Sargis [église de Xc‘kōnk‘ de saint], 89. Sargis [évêque de Hałbat, XIe siècle], 98. Sargis [Šnorhali, vardapet du XIIe siècle], 112. Sargis [ermite à Sewan au XIIIe siècle], 172. Sārī (Sawri) [ville], 369. Sar-i-pul (Sarip‘ul) [ville], 369. Sarkawag [supérieur du couvent de Getik et disciple de Mxit‘ar Goš, XIIIe siècle], 209. Sarkawag [chorévêque des Ałuank‘ du XIIe siècle], 179. Sartaq (Sart‘ax) [fils du qan Batu (m. 1255)], 356, 358, 366, 369, 372, 373, 374, 375. Sasun [région], 386. Sasunk‘, 78. Šat‘, voir Shadh. Šat‘aṙ [ville], 195. Sato [roi des Ałuank‘], 193. Saurān (Sawran) [ville], 369. Sawri, voir Sārī. Scythes (Skiwt‘ac‘ik‘), 83, 91, 106, 107, 108. Sébaste (Sebastia/Sewast) [ville], 93, 95, 108, 148, 149, 158, 283, 375. Sebastia, voir Sébaste. Sebēos/ Sebios [pseudo], 7. Sełbestros, voir Sylvestre. Séleucie (Selewkia) [ville], 109, 189. Sémiramis (Šamiram), 238. Šērbarokʻ [petit-fils de K‘urd Arcruni, XIIIe siècle], 209, 386. Sergius Baḥīrā (Sergis Bxira) [adepte d’Arius], 56. Seth (Sēt‘), 345. Sévérien d’Émèse (Seberianos Emesu, théologien du Ve siècle), 331. Sewan [île], 65, 81, 87, 172. Shābarān (Šapōran) [ville], 195. Shadh (Šat‘) [fils de Yabghu qaʼan, VIIe siècle], 195. Shāh i Armān (Šahi Armēn) [titre des souverains turcomans d’Akhlāṭ, XIIe siècle], 164.

372

P. BOISSON

Shakkī (Šak‘i), [ville], 195, 198. Shamākha (Šamaxi) [ville], 195. Shamkūr (Šamk‘or) [ville], 153, 163, 195, 202, 241, 242, 243. Sim [montagne], 71. Simēon [Stylite d’Alexandrie], 37. Simēon [catholicos des Ałuank‘ (706708?)], 197. Simēon [catholicos des Ałuank‘ (923-928?)], 198. Simon le Magicien (Simon kaxard), 304. Sinaï (Sina), 56, 353. Sion [Bagawanec‘i, catholicos (767-775?)], 71. Sion, 302. Širak [canton], 62, 84, 85, 174. Širakawan [ville], 77. Širemün (Siraman) [fils de Čormaqan (12181241)], 396. Širuan [ville], 195. Sis [ville], 109, 169, 188, 330, 364, 376. Sisian [région], 370. Sīstān voir Sagastan. Siwnik‘ [province], 74, 85, 86, 87, 163. Skewṙa [monastère], 111. Skiwt‘ac‘ik‘, voir, Scythes. Słnax, voir Sughnāḳ. Smbat Ablabas [išxan Bagratuni (851-855)], 77. Smbat Bagratuni [marzpan du pays de Vrkan, VIIe siècle], 50, 51. Smbat Bagratuni Biwratean [marzpan d’Arménie (693-726?)], 65. Smbat Magistros (m. 1045), 89. Smbat [Bagratuni marzpan d’Arménie (m. 775)], 77. Smbat [aspet (m. 735)], 73. Smbat [le Connétable (1208-1276), frère du roi Het‘um], 190, 278, 317, 318, 364. Smbat [le Confesseur (m. 855)], 78, 79. Smbat [Bagratuni, roi (890-915)], 81, 83, 84. Smbat [Bagratuni, roi (977-990)], 88, 89. Šmuēl [anti-catholicos (432-437?)], 33. Šnorhawor [fils de Sarawan, XIIIe siècle], 363. Socrate (Sokratēs/Sokrat), [Scholasticus, historiographe (380-450)], 5, 331.

Šołakat‘ [monastère], 113. Solomon (Sołomon) [prophète], 27, 111, 146, 346. Sołomon [Gaṙnec‘i, catholicos (791?)], 75. Sołomon [catholicos des Ałuank‘ (783784?)], 197-198. Sołomon [catholicos des Ałuank‘ (788799?)], 198. Sołomon de Mak‘enoc‘ [père abbé (m. 706)], 197. Sop‘ar [gouverneur du Khurāsān, Xe siècle], 82. Sōslan [David, second époux de la reine Tʼamar (1184-1213)], 186. Sost‘enēs [vardapet, vers 1236, disciple de Vanakan Yovhannēs], 245. Spania, voir Espagne. Spram [femme de l’išxan des Ałuank‘, VIIIe siècle], 196. Step‘anē [išxan (m. 1162) frère de T‘oros, fils de Lewon], 109, 110, 154. Step‘annos Asołik [historien], 7. Step‘annos [évêque de Swinik‘, disciple de Mesrop Maštoc‘ (364-439)], 28. Step‘annos [catholicos des Ałuank‘ (10771103?)], 199. Step‘annos [catholicos des Ałuank‘ (12291231?)], 199. Step‘annos [catholicos des Ałuank‘ (11551195?)], 179, 181, 201, 209. Step‘annos/Step‘anos de Siwnik‘ [évêque du VIIIe siècle], 29, 72, 73, 74, 331. Step‘annos [fils de Yusik vardapet du Vaspurakan, XIIIe siècle], 183. Step‘annos, voir Zomzoma. Step‘anos [prêtre à la cour, VIIIe siècle], 72. Step‘anos [Duinec‘i, catholicos (788-790?)], 75. Step‘anos [Ṙštuni, catholicos (929-930?)], 85. Step‘anos [Sewanc‘i, catholicos (970-972?)], 87. Step‘anos [catholicos des Ałuank‘ (12621263?)], 392. Step‘anos [évêque de la cour du catholicos Kostandin (1221-1267?)], 366. Step‘anos [fils de Umek-Asil, XIIIe siècle], 363.

INDEX DES NOMS PROPRES

Step‘anos Kon [išxan du IXe siècle], 79. Suanetʼi (Suanēt‘) [province], 289, 315, 317, 389. Sübe’etei Ba’atur (Sabada Bahatur) [(11761248) général de Činggis Qan (m. 1227)], 204. Sughnāḳ (Słnax) [ville], 369. Sugulkent (Sułulłan) [ville], 368. Sulaymān (Sulēman) [calife umayyade (715717)], 65, 66. Šup‘hałis [catholicos des Ałuank‘, VIe siècle], 194. Surb Mari [ville], 260. Surmak [anti-catholicos (428-429 et 438444?)], 33. Süt-Köl (Sut-K‘ōl) [lac Saïram], 368. Suzāk (Xuzax) [ville], 369. Sylvestre (Sełbestros) [pape (314-335)], 5, 11, 12, 118. Syrie, Syrien/Syriaque (Asori), 24, 25, 26, 31, 42, 51, 59, 61, 69, 79, 95, 112, 118, 145, 158, 213, 218, 276, 290, 330, 358, 376, 387. Syrie (Surac‘ik‘), 109. Tabor (Tʻaborakan) [mont], 127, 389. Tabrīz (T‘awrēž) [ville], 276, 291, 369. Tačikkʻ, 61, 63, 65, 71, 83, 108, 155, 163, 174, 184, 186, 191, 196, 201, 202, 203, 205, 209, 213, 224, 226, 229, 230, 260, 276, 279, 281, 292, 312, 313, 351, 352, 355, 358, 373, 376, 378, 380, 383, 391. Tačkastan, 53, 107. T‘adēos, voir Thaddée. Talas (Dalas) [ville], 368. T‘ałiadin [fils de Kiwrikē Bagratuni (vers 1260)], 154. T‘alilē [chef spirituel des Ibères, VIIIe siècle], 197. T‘alin [ville], 72. Tʼamar [reine des Ibères (1184-1212/1213?)], 98, 162, 166, 186, 209, 211, 213, 238. Tamłayn, voir Dāmghān. T‘amt‘a/T‘amt‘i [(vers 1246) sœur d’Awag], 166, 228, 292. T‘anahat (T‘anatac‘vank‘ [monastère], 74. Tancrède (Tanłril) [prince d’Antioche (11041112)], 107, 110. Tʻanǰah [dans le Ḳuhistān], 227.

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Tanjut [vallée], 210, 211. Tanjut [village dans le Jorap‘or], 211. Tanłril, voir Tancrède. Tarōn, 18, 46, 60, 78, 80, 165. Tarse de Cilicie (Tarson Kilikec‘woc‘), 15, 109, 157, 158. Tašir [canton], 163. Tatar (T‘at‘ar), 9, 99, 190, 201, 224, 230, 231, 232, 236, 244, 255, 260, 263, 267, 271, 276, 277, 278, 280, 281, 283, 287, 288, 289, 290, 293, 311, 312, 313, 314, 315, 318, 319, 357, 363, 364, 373, 375, 379, 385, 386, 387, 388, 389, 391, 393, 396. Tātāristān (Tatʻarastan), 367. T‘at‘ul [saint, Ve siècle], 36. Taurus (Tōros), 368, 369. Tawuš [canton], 152, 153, 163, 243, 244. Tawuš-berd [forteresse], 218. T‘ełenik‘ [village/couvent], 171. T‘ēodora, voir Théodora. T‘ēodoros Ṙštuni [marzpan d’Arménie (639654)], 56, 62. T‘ēodoros [Ṙštuni, catholicos (930-941?)], 85. T‘ēodoros [catholicos des Ałuank‘ (784788?)], 198. T‘ēodoros, voir Théodore. T‘ēodos, voir Théodose. T‘ēodos [serviteur du catholicos Kostandin de Barjrberd (1221-1267?)], 311. Tēodupōlis, voir Theodosiopolis. T‘ēora, voir Théorianos. Tērunakan [forteresse], 153, 163, 243. T‘ewda, voir Theudas. Thaddée (T‘adēos) [apôtre], 192, 296, 301, 311, 328, 353. Théodora (T‘ēodora) [impératrice (497548)], 38. Théodora (Kir T‘odoṙ) [impératrice (10551056)], 104. Théodore (T‘ēodoros) [saint], 36, 146. Théodore (T‘ēodor) [commanditaire de Movsēs Xorenac‘i], 28. Théodose (T‘ēodos) [empereur (367-395)], 22, 23, 24. Théodose (T‘ēodos)-le-Petit [empereur (408-450)], 5, 31, 32, 35.

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P. BOISSON

Théodose (T‘ēodoros) [empereur (715-717)], 65. Théodose (T‘ēodos) [= hymne de Nersēs Šnorhali], 119. Théophile (T‘ēop‘ilos) [empereur (829842)], 80. Theodosiopolis (Tēodupōlis) [ville], 32, 278, 279, 293. Théorianos (T‘ēora) [sage de Constantinople], 118. Theudas (T‘ewdas), 322. Thimotée (Timotēos) [= Timothée Ælure, patriarche d’Alexandrie (m. 477)], 37. Thomas (T‘ovma) [apôtre], 142. Thrace (T‘irak), 106, 149. Tibère (Tiber) [empereur (578-582)], 46, 47, 50. Tigre (Tigris) [fleuve], 79, 379, 382, 383. T‘il [village], 80. Tirac‘u [Step‘annos, supérieur de Varag, XIIe siècle], 183. Tiran [roi (338-350)], 17, 18, 19. Tiwrikē, voir Divigri. Toghril beg (Tułril bēk) [sultan saldjūḳide (1058-1063)], 84. Tōnłus ała, voir Tonquz. Tonquz aqa (Tōnłus ała) [noyan], 266. Torë aqa (T‘ōra ała) [représentant du qan Batu lors du recensement (vers 1252)], 362. T‘ordan [village], 13, 37. T‘oros [prêtre célibataire, secrétaire royal (vers 1261)], 366. T‘oros [vardapet de Mélitène, disciple de Mxit‘ar Goš, XIIIe siècle], 218. T‘oros [išxan des išxan de Cilicie (11431168)], 109, 110, 154. Tʻoros [(m. 1266) fils du roi Hetʻum et de Zapēl], 365 T‘ovma, voir Thomas. T‘ovma Arcruni [historien], 7, 79. Tpʼilisi (Tp‘xis) [ville], 52, 202, 226, 254, 289, 290, 317, 319, 363, 389. Trabzon (Trapizon) [ville], 94. Trapōlis, voir Tripoli. Trdat/Trdatios [roi d’Arménie (298-330?)], 6, 11, 15, 16, 17, 113, 118, 145, 167, 193, 194, 316, 348.

Trdat [tombeau], 81. Trdat [catholicos (741-764?)], 70. Trdat [Dasnawork‘ec‘i, catholicos (764767?)], 71. Tripoli (Trapōlis), [ville], 150. Tudtu (Tutʻun) [noyan], 275. Tułril bēk, voir Toghril beg. T‘uma [disciple de T‘at‘ul, Ve siècle], 36. Tūn (Tʻun) [ville du Ḳuhistān], 227. Turcs (Tʻurkʻ), 78, 83, 155, 224, 311, 312, 355, 359, 364, 376, 378, 380, 388, 395. Tʻurkʻ, voir Turcs. Turk‘ik [vardapet du XIIIe siècle], 171. Turkistān (T‘urk‘astan) [territoire], 368. Ṭūs (Tus) [ville], 369 Tutar (Tʻutar) [petit fils de Činggis Qan (m. 1227)], 374, 377, 394. Tute [père du vardapet Grigor de Sanahin, XIIe siècle], 90. Tut‘un, voir Tudtu. Tutush (Dduš) [= b. Alp Arslan, sultan saldjūḳide de Syrie (1078-1095)], 106. Tzimiskēs (Kiṙžan) [empereur (969-976)], 85, 89. Tzrkacov [«lac des sangsues», territoire du couvent de Gošavank‘], 216. ῾Umar (Amr) [= ῾Umar b. al Khaṭṭāb, second calife (634-644)], 60, 64. ῾Umar (Ōmaṙ) [calife umayyade (717-720)], 66. ῾Umar (Ōmar) [émir de la ville de Gandja, XIIIe siècle], 181. Umek-Asil [marchand, XIIIe siècle], 363. Uṙelanǰ [village propriété du couvent de Gošavank‘], 217. Uṙha, voir (al)-Ruhā et Édesse. Uṙnayr [roi des Ałuank‘, IVe siècle], 193. Urosołan [ville], 368. Usuṙ [noyan, gendre d’Altani qatun], 291. ῾Uthmān (Ōt‘man) [troisième calife (644655)], 58, 60, 64. Utrār (Ōt‘rar) [ville], 369. Uxtanēs [historien], 7, 46. Uxtanēs [catholicos des Ałuank‘ (671-683?)], 195. Uxtikʻ [= ville d’Oltʼisi], 393.

INDEX DES NOMS PROPRES

Vač‘agan I [roi des Ałuank‘, IVe siècle], 193. Vač‘agan II [roi des Ałuank‘, IVe siècle], 193, 194. Vačē I [roi des Ałuank‘, IVe siècle], 193. Vačē II [roi des Ałuank‘, IVe siècle], 193. Vačē [fils de K‘urd Vačʻutean, XIIIe siècle], 365. Vahan de Bałk‘ [catholicos (968-969?)], 87. Vahan Mamikonean [marzpan d’Arménie (485)], 37, 40. Vahan de Gołt‘n [martyr du VIIIe siècle], 66. Vahram [Pahlawuni, fondateur de Marmašen, XIe siècle], 88. Vahram [de Gag (1214-1252), fils de PluZak‘arē], 152, 163, 238, 242, 243, 246, 263, 280, 284, 288, 289. Vahram [père de Zak‘arē, XIIe siècle], 152. Vahram [Pahlavuni], voir Grigor Vkayasēr, catholicos. Vałaršak [fils du roi Pap (374-378)], 23. Vałaršak Part‘ew [roi (117-138/140?)], 193. Valens (Vałēs) [empereur (364-378)], 20, 21. Vanakan [évêque de Bǰni, XIIIe siècle], 310. Vanakan [Yovhannēs (1180-1251), vardapet], 8, 178, 218, 243, 270, 310, 326, 330, 338, 344. Vanand [canton], 93, 104. Varazdat [roi arsacide (374-378?)], 23. Vard [Mamikonean, marzpan 505-510], 40. Vardan [Mamikonean (388-450?)], 6, 31, 34. Vardan [Arewelc‘i, vardapet du XIIIe siècle], 294, 298, 299, 310, 311, 330, 349. Vardan [vardapet de Hałbat, XIIIe siècle], 171. Vardan Yōžar [vardapet, supérieur de Gansajar, XIIIe siècle?], 327. Vardanakert [bourg], 65. Vardanank‘ [martyrs], 29, 119, 167, 193. Vardenis [village], 365, 370. Varos [frère de T‘at‘ul, Ve siècle], 36. Vasak [le renégat, Ve siècle], 34. Vasak le Martyr [Pahlawuni (m. 1020?), père de Grigor Magistros], 95.

375

Vasak [išxan Bagratuni, XIIe siècle], 153. Vasak [fils de Hasan Pṙōš (1214-1284)], 384. Vasak le Brave [martyr, XIIIe siècle], 205, 384. Vaspurakan [province], 65, 87, 100, 183, 292. Vašxē [village], 223. Vatnean [plaine], 17, 194. Vaxt‘ank [de Hat‘erk‘ (m. 1214)], 209, 215. Vaxt‘ank Tankik/Tangik [père de Hasan Jalal (1214-1261)], 268. Vayoc‘ Jor [canton], 74, 163. Vehmihršapuh [gouverneur perse du Ve siècle], 33. Vest Sargis [fondateur de Xc‘kōnk‘, XIe siècle], 89. Virk‘, voir Ibère/Ibérie. Viro [catholicos des Ałuank‘ (596-629?)], 54, 195. Vlit‘, voir al-Walīd. Vṙam, voir Bahrām. Vṙamšapuh [roi arsacide (389/401-417?)], 25, 30. Vraxič/Vahrič [naxarar du Ve siècle], 25. Vrkan [= Hyrcanie], 50. Vrt‘anēs [catholicos (327-342?)], 15, 16, 17, 194. Vrt‘anēs K‘ert‘oł [locum tenens (604607?)], 45. Vrt‘anēs [vardapet du Ve siècle], 49. Vrt‘anēs [de Bǰni, XIIIe siècle], 172, 181. (al)-Walīd (Vlit‘) [calife umayyade (705715)], 65. (al)-Walīd (Vlit‘) [calife umayyade (743744)], 66. Xač‘atur [successeur de Yovhannēs Armanec‘i à Nor Getik, XIIIe siècle], 223. Xač‘atur Tarōnac‘i [vardapet, supérieur de Hałarcin, XIIe siècle], 211. Xač‘ēn [territoire], 98, 174, 179, 181, 206, 209, 215, 256, 263, 267, 270, 280, 284, 321, 322, 358, 373, 390. Xač‘ik [Aršaruni, catholicos (972-991?)], 88.

376

P. BOISSON

Xač‘ik [Anec‘i, catholicos (1058-1065?)], 95. Xad/Xat‘ [couvent], 270. Xamši [couvent], 182, 201, 278, 290, 292. Xaṙan, voir Ḥarrān. Xarč‘ux, voir Qaračuq. Xazirkʻ, voir Khazars. Xc‘kōnk‘ [monastère], 89. Xlat‘, voir Akhlāṭ/Khilāṭ. Xndaxoyr [ville], p. 369. Xoča-łan, voir Qoča-qan. Xoča-nuin, voir Qoča-noyan. Xōxanaberd [forteresse], 269, 270, 313. Xoranašat [couvent], 326, 346. Xorasan, voir Khurāsān. Xorazm, voir Khwārazm. Xoṙeam [roi de Perse, VIIe siècle], 54. Xorēn [martyr du Ve siècle], 7. Xoṙian, voir Farrokān. Xorišah Mamikonean [(vers 1250) femme de K‘urd Vačʻutean], 365. Xošak‘ [fille de la reine Goncʻa (12611270)], 390. Xošak‘ [(1228-1231), mère d’Awag (12011250)], 320. Xosrov, voir Kosrow. Xosrov [disciple de Mesrop Maštoc‘ (364439)], 7, 28. Xosrov [roi arsacide (280-287?)], 316. Xosrov [roi arsacide (330-338)], 16, 17. Xosrov [roi arsacide (385-389)], 24, 25. Xosrov [roi arsacide (417-418)], 30. Xosrov [Anjewac‘ik‘ (m. 965), père de Grigor Narekac‘i], 85. Xoydan [frère de Vart‘ank de Hat‘erk‘ (1184-1214)], 215. Xoyt‘ [montagne], 78. Xunan [plaine], 203. Xut‘uxč‘i [ville], 368. Xutʻapʻay, voir Khutukbai. Xuzax, voir Suzāk. Xzəl, voir Ḳılıd̲j. Xzuin, voir Ḳazwīn. Yabghu qaʼan (Jebu Xak‘an) [khazar, VIIe siècle], 195. Yakob, voir Jacques. Yakob [évêque de Tarse, futur catholicos Yakob Klayec‘i (1269-1280)], 365, 370.

Yakob [évêque de Kars], 310. Yakob [évêque de Siwnik‘ (918-958?)], 85, 86. Yakob Mcbnac‘i, voir Jacques de Nisibe. Yakobos [prêtre], 167. Yakovik, voir Jacques. Yangï-Bāliḳ (Ankipalex) [ville], 368. Yarlïq (Aṙlex) [ville], 368. Yasi (Ason) [ville], 369. Yašmut (Jiasmutʻ) [fils de Hülegü (12561265)], 384. Yayïq (Ayex = Oural) [fleuve], 367. Yaz [général du VIIe siècle], 58. Yazdegerd (Yazkert) [roi de Perse (439457)], 34, 193. Yazdegerd (Yazkert) [roi de Perse (632651)], 54, 58. Yazīd (Izit) [calife umayyade (680-683)], 65, 66. Yazīd (Izit) [calife umayyade (720-724)], 66. Yazīd [gouverneur arabe (752-754 et 759770)], 71. Yesu, voir Josué. Yesuank‘/Yisuank‘ [couvent], 157. Yisē fils de Šexay [gouverneur de la Palestine, Xe siècle], 82. Yob, voir Job. Yordanan, voir Jourdain. Yovab [d’Ostan, catholicos (790-791?)], 75. Yovasap‘ [supérieur de Nor Getik, XIIIe siècle], 223. Yovbianos, voir Jovien. Yovēl [conseiller de Yazdegerd (632-651)], 58. Yovhan [d’Ekełeac‘, disciple de Mesrop Maštoc‘ (364-439)], 28. Yovhan [catholicos des Ałuank‘ (644-671?)], 195. Yovhan [catholicos des Ałuank‘ (894-902?)], 198. Yovhan d’Arabie [computiste], 42. Yovhan[nēs] Mandakuni [catholicos (478490?)], 35, 36. Yovhan[nēs] Mayravanec‘i/Mayragomec‘i (VIIe siècle), 54, 55, 56. Yovhan Ōjnec‘i [catholicos (717-728?)], 67, 309.

INDEX DES NOMS PROPRES

Yovhan[nēs] [Scholasticos, patriarche des Grecs (565-577)], 46. Yovhannēs [Drasxanakertc‘i, catholicos (899-929?)], 7, 81, 85. Yovhannēs [disciple de Mesrop Maštoc‘ (364-439)], 28. Yovhannēs [Gabełean, catholicos (557574?)], 41. Yovhannēs [de Bagaran, anti catholicos (m. 611?)], 51, 53. Yovhannēs [Ovayec‘i, catholicos (833855?)], 77. Yovhannēs [Mecabaroy, catholicos (12031221?)], 148, 149, 157, 168, 170, 187, 190, 287. Yovhannēs [= Yovhan, évêque des Ałuank‘ et des Huns, vers 400], 195. Yovhannēs [catholicos des Ałuank‘ (799824?)], 198. Yovhannēs [catholicos des Aluank‘, (11031129?)], 199. Yovhannēs [catholicos des Ałuank‘ (11951235?)], 182, 201. Yovhannēs [-Smbat Bagratuni, roi (10201042)], 89, 91. Yovhannēs [vardapet de Sanahin, XIIIe siècle], 171. Yovhannēs [de Kars, XIIe siècle], 172, 174. Yovhannēs [évêque de Hałbat (vers 1220)], 98, 173, 174, 216. Yovhannēs [évêque de Hałbat (vers 12331245, fils de la sœur de Zak‘arē et Iwanē)], 99. Yovhannēs [(1235-1261) fils d’Ałsart‘an de Macnaberd], 99. Yovhannēs [archevêque des Ałuank‘, neveu de Nersēs, catholicos des Ałuank‘ (12351241?)], 278. Yovhannēs [de Gaṙni, vardapet du XIIIe siècle], 348, 349, 351, 353, 355. Yovhannēs [fils de Umek-Asil, marchand du XIIIe siècle], 363. Yovhannēs Armanec‘i [évêque de Hałarcin (vers 1256)], 223. Yovhannēs Awetaranič, voir Jean l’Évangéliste. Yovhannēs Mkrtič‘, voir Jean-Baptiste.

377

Yovhannēs Sarkawag [Imastasēr, vardapet (m. 1129)], 84, 113, 116. Yovhannēs Tawušec‘i [vardapet, maître de Mxit‘ar Goš (1140-1213)], 207, 208. Yovhannēs Tuec‘i [archevêque de Shamkūr, XIIIe siècle], 153, 310, 348. Yovhannu vank‘ [couvent], 310. Yovsēp‘eank‘, 7. Yovsēp‘ [Pałnec‘i, disciple de Mesrop Maštoc‘ (364-439)], 28. Yovsēp‘ [Hołoc‘mec‘i, catholicos (438-444 et 451-454?)], 34, 35. Yovsēp‘ [Aragacotnec‘i, catholicos (795806?)], 75, 77. Yovsēp‘ [martyr du IXe siècle], 76. Yovsēp‘ [catholicos des Ałuank‘ (vers 1038)], 90, 98. Yovsēp‘ [vardapet supérieur de Yisuank‘, XIIe siècle], 112, 157. Yovsēp‘ [catholicos des Ałuank‘ (747-764?)], 197. Yovsēp‘ [catholicos des Ałuank‘ (852-877?)], 198. Yovsēp‘ [catholicos des Ałuank‘, XIe siècle], 199. Yovsēp‘ [vardapet, disciple de Vanakan (1180-1251)], 311, 328, 330. Yovsēp‘, voir Joseph. Yoynk‘, voir Grecs. Yuda, voir Judas. Yuday Yakobean, voir Jude de Jacques. Yulianit, voir Julianiste. Yulianos, voir Julien. Yunan, voir Jonas. Yusti[ni]anos, voir Justinien. Yusik [catholicos (342-348?)], 17, 18, 19, 194. Yusik [père de Step‘anos], 183. Yūsuf (Yusupʻ) [ostikan sadjīde (901-908)], 81, 82. Yūsuf (Yusupʻ) [= al-Malik al Nāṣir Ṣalāḥ al-Dīn Yūsuf, sultan ayyūbide d’Alep et de Damas (1236-1260)], 387. Zacharie (Zak‘aria) [grand-prêtre], 131, 132, 194. Zak‘arē [Plu, išxan de Gag (m. 1205)], 163.

378

P. BOISSON

Zak‘arē [fils d’Ałbuła (m. 1252), petit-fils de Vahram], 163. Zak‘arē [(m. 1261) fils de Šahanšah], 289, 293, 321, 380, 392, 393. Zak‘arē [(vers 1230) fils de Xorišah et Vaxt‘ang Tankik et frère de Hasan Jalal], 268. Zak‘arē/Zak‘aria [(m. 1212) frère d’Iwanē, amīr sipahsālār], 90, 98, 99, 152, 162, 165, 166, 168, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 177, 182, 185, 186, 210, 213, 215, 216, 219, 221, 222, 238, 263, 268. Zak‘aria [Jagec‘i, catholicos (855-877?)], 77, 81. Zak‘aria [fils de Vahram, XIIe siècle], 152. Zak‘aria [catholicos des Ałuank‘, IVe siècle], 195.

Zak‘aria [catholicos des Ałuank‘ (629644?)], 195. Zandjān (Zangian) [ville], 351, 369. Zapēl/Zabēl [reine d’Arménie (12191252)], 189, 286. 365 Zarmanduxt [reine sassanide, VIIe siècle], 54. Zawēn [catholicos (377-381?)], 23. Zénon [empereur (474-491)], 13, 36, 37. Zoé [impératrice (1042)], 104. Zomzoma [ou Step‘annos, XIIe siècle], 114. Zorababel (Zorababēl) [gouverneur de Juda], 346. Zōrojor/Šorajor [lieu], 216. Zurnaq (Zuṙnux) [ville], 369.

INDEX DES CITATIONS ET ALLUSIONS BIBLIQUES Les abréviations utilisées sont celles de la Bible Osty-Trinquet, même pour les titres des livres arméniens qui portent des titres différents 1-4 Rs (= 1-2 Sam et 1-2 Rs). Les allusions sont signalées par un astérisque. Gn (Genèse) I, 27 XVII, 12* XXII, 16* XXV, 8 XXVIII, 10-15* XXXIX, 7-15*

(chap. (chap. (chap. (chap. (chap. (chap.

Ex (Exode) III, 14 XXXI-1-11*

(chap. 52, p. 340) (chap. 14, p. 216)

52, p. 340) 2, p. 125) 52, p. 340) 53, p. 344) 53, p. 345) 53, p. 345)

Nomb (Nombres) XII, 3* (chap. 53, p. 345) Deut (Deutéronome) XI, 19 (Préface, p. 8) XXXII, 39 (chap. 56, p. 360) Jos (Josué) I, 8 XXI, 44

(Préface, p. 8) (chap. 25, p. 254)

Ru (Ruth) II, 2*

(chap. 52, p. 338)

1 Sam (1 Samuel) II, 30* (chap. 30, p. 268) III, 1-18* (chap. 53, p. 345) 2 Sam (2 Samuel) XXIV, 14 (chap. 42, p. 296) 1 Rs (1 Rois) V, 9-14* XVIII, 1-46* XIX, 9-18*

(chap. 53, p. 346) (chap. 53, p. 346) (chap. 52, p. 338)

2 Mac (2 Maccabées) (chap. 12, 18, p. 205 XV, 21* et 224) VI, 19* (chap. 18, p. 226) Ps (Psaumes) XXXVI (XXXV), 10 (chap. 50, p. 331) LVII (LVI), 9 (chap. 1, p. 120) LXIX (LXVIII), 19* (chap. 52, p. 339) LXXI (LXX), 8* (chap. 56, p. 361) LXXVIII (LXXVII), 5-6 (Préface, p. 4) LXXIX (LXXVIII), 13 (chap. 1, p. 84) LXXXVIII (LXXXVII), 6 (chap. 1, 84) LXXXIX (LXXXVIII), 21-23 (chap. 1, p. 114) CIII (CII), 10 (chap. 28, 42, p. 261 et 297) CXVIII (CXVII), 55 (chap. 1, p. 120) CXLV (CXLIV), 19 (chap. 1, p. 26) Prov (Proverbes) XI, 7*

Qo (Ecclésiaste) X, 8

(chap.19, 18, p. 227 et 230)

(chap. 28, p. 260)

Cant (Cantique des cantiques) IV, 13 (chap. 52, p. 341) Sag (Sagesse) III, 9*

(chap. 63, p. 390)

380

INDEX DES CITATIONS ET ALLUSIONS BIBLIQUES

Sir (Ecclésiastique) XLIV, 17* (chap. 53, p. 345) XLV, 23* (chap. 53, p. 345) XLIX, 11-12* (chap. 53, p. 346) Is (Isaïe) XI, 1* XXIV, 17-18 XXV, 8 XL, 10* XLV, 19* CI, 17 Jr (Jérémie) XVII, 9

(chap. 52, p. 341) (chap. 28, p. 260) (chap. 2, p. 127) (chap. 56, p. 360) (chap. 53, p. 346) (chap. 43, p. 301)

XLII, 22*

(chap. 2, p. 125) éd. Zōhrapean (chap. 22, p. 240) (chap. 27, p. 259) éd. Zōhrapean (chap. 53, p. 346)

Ez (Ézéchiel) I, 1-3* III, 15* III, 26*

(chap. 24, p. 250) (chap. 24, p. 250) (chap. 16, p. 220)

XXV, 15-16* XXXII, 36

Dan (Daniel) III, 12-30*

Jon (Jonas) I, 2* III, 5*

(chap. 24, 54, p. 250 et 355)

(chap. 21, p. 235) (chap. 2, p. 145)

Mt (Évangile selon Matthieu) I, 20 (chap. 52, p. 341) III, 11 (chap. 2, p. 126) III, 17 (chap. 2, p. 126) V, 17 (chap. 1, p. 120) IX, 2* (chap. 48, p. 323) XI, 11 (chap. 14, p. 212) XII, 25 (chap. 1, p. 82) XIII, 33* (chap. 10, p. 196) XXIII, 35* (chap. 53, p. 345) XXIV, 7 (Préface, chap. 20, p. 8 et 231)

XXIV, 8 XXIV, 24 XXVI, 28 XXVI, 29

(Préface, chap. 20, p. 8 et 231) (chap. 48, p. 321) (chap. 2, p. 138) (chap. 2, p. 139)

Mc (Évangile selon Marc) III, 17 (chap. 53, p. 346) IV, 14* (chap. 53, p. 346) XIV, 36* (chap. 1, p. 26) Lc (Évangile selon Luc) I, 23 (chap. 2, p. 131) I, 28 (chap. 54, p. 350) I, 42 (chap. 54, p. 350) III, 3-9* (chap. 53, p. 346) III, 23* (chap. 2, p. 132) XI, 20 (chap. 52, p. 341) XVIII, 27* (chap. 56, p. 360) XXIII, 46* (chap. 53, p. 347) XXIV, 39 (chap. 2, p. 142) Jn (Évangile selon Jean) I, 29 (chap. 31, p. 269) III, 5 (chap. 1, p. 59) III, 8 (chap. 52, p. 340) IV, 24* (chap. 52, p. 340) VIII, 29 (chap. 2, p. 129) X, 18 (chap. 2, p. 143) XIII, 35 (chap. 58, p. 371) XVI, 15 (chap. 52, p. 341) XIX, 30 (chap. 2, p. 142) XX, 22 (chap. 52, p. 341) XX, 26* (chap. 51, p. 336) Ro (Épître aux Romains) I, 25* (chap. 18, p. 226) VIII, 9 (chap. 50, p. 330) IX, 32-33* (chap. 20, p. 234) XII, 12* (chap. 24, p. 250) XIV, 6 (chap. 7, p. 183) 1 Cor (1re épître aux Corinthiens) II, 9 (chap. 1, 51, 52, p. 75, 337 et 344) VIII, 6* (chap. 52, p. 339) XII, 1 (chap. 52, p. 338)

INDEX DES CITATIONS ET ALLUSIONS BIBLIQUES

Ac (Actes des Apôtres) II, 3-4* (Préface, p. 10) IV, 36-37* (chap. 15, p. 217) V, 36-37* (chap. 48, p. 322) VIII, 18-24* (chap. 43, p. 304)

I, 5* II, 10 XI, 5* XI, 8* XIII, 8

Ga (Épître aux Galates) IV, 6 (chap. 50, p. 330) IV, 19* (chap. 42, p. 297) V, 24 (chap. 53, p. 345)

Ja (Épître de Jacques) V, 11* (chap. 53, p. 345)

Eph (Épître aux Éphésiens) IV, 4* (chap. 52, p. 339) Col (Épître aux Colossiens) III, 5 (chap. 53, p. 345) 2 Th (2e épître aux Thessaloniciens) 1, 5 (chap. 44, p. 314) Ti (Épître à Tite) I, 7* (chap. 43, p. 303) III, 4 (chap. 33, p. 276) He (Épître aux Hébreux) I, 3 (chap. 2, p. 129)

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(chap. 52, p. 341) (chap. 53, p. 345) (chap. 53, p. 345) (chap. 53, p. 345) (chap. 2, p. 141)

1 Tm (1re épître à Timothée) I, 1* (chap. 1, p. 17) II, 4 (chap. 33, p. 276) II, 5* (chap. 2, p. 125) 2 Tm (2e épître à Timothée) IV, 7* (chap. 53, 54, p. 345 et 355) 1 Pe (1re épître de Pierre) I, 11 (chap. 50, p. 330) II, 2 (chap. 2, p. 143) V, 4 (chap. 54, p. 355) 1 Jn (1re épître de Jean) I, 1 (chap. 2, p. 141-142)

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GLOSSAIRE Abba: mot d’origine syriaque qui signifie «père». Amīr sipāhsālar: chef de l’armée, titre donné aux chefs d’armée et aux officiers généraux de nombreux États du centre et de l’Est du monde islamique. Amīr al-mu᾿minīn (amirmunik‘): chef, commandeur des croyants, titre porté par les premiers califes. Aqa: mot d’origine turc qui signifie frère aîné. Arac‘: sixième mois du calendrier arménien vague. Aṙaǰawor: les trois semaines qui précèdent le carême et qui commencent le dixième dimanche avant Pâques, dans l’Église arménienne. Arcuēs: archevêque, déformation de l’ancien français arcevesque. Areg: huitième mois du calendrier arménien vague. Aspet: maître de la cavalerie. Ata: mot d’origine turc qui signifie «père». Atabak/atabeg: tuteur, précepteur de jeunes princes chez les Sald̲jū̲ ḳides; le titre est utilisé dans le royaume géorgien au XIIIe siècle comme titre militaire dans la famille arméno-géorgienne des Zak‘arean. Azat: noble, homme exempt d’impôt et de redevance. Bêma: estrade, puis sanctuaire situé à l’extrémité orientale de l’édifice, devant l’abside, où est placé l’autel. Calife: successeur de Muḥammad, chef religieux et politique de la communauté musulmane. Catholicos: titre ecclésiastique pris par le patriarche arménien à partir du VIe siècle. Čaṙəntir: homiliaire, livre contenant les homélies des fêtes dominicales et les panégyriques des saints dans l’Église arménienne. Čašoc‘: lectionnaire, livre de textes bibliques et autres de la célébration eucharistique hormis l’anaphore dans l’Église arménienne. Dahekan: monnaie arménienne d’or ou d’argent, du persan dahgān («dizaine, denier»). Dastakert: le terme arménien a deux significations, «créé par la main» et «domaine non fortifié, propriété». Dawādār: celui qui porte et garde l’encrier royal, le terme par extension désigne le chancelier à la cour des sultans et des califes. Derak‘ristos: Antichrist, surnom donné par Kirakos Ganjakec‘i à l’empereur Manuel Comnène (1143-1180) pour avoir trahi les Croisés. Dram: monnaie arménienne en argent imitée des monnaies d’argent musulmanes, le dirham. Ganj: Hymne arménien appelé ainsi d’après le mot ganj «trésor», figurant obligatoirement au début du texte, et célébrant une fête liturgique. Gawaṙ: canton. Gawit‘: salle couverte attenante à la façade d’une église arménienne conçue pour des usages à la fois laïcs et religieux.

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Gusan: chanteur, musicien. Hamakar: fonctionnaire s’occupant des dépenses et revenus de l’État. Hazarapet: chef des mille, charge héréditaire à l’époque de l’Arménie arsacide, puis plus tard, sorte de chancelier. Hoṙi: deuxième mois du calendrier arménien vague. īl-khān/ilkhan/qan: titre pris par les souverains mongols qui, à la suite d’Hülegü (1251), régnèrent sur l’Iran jusqu’en 1335. Išxan: «prince» arménien. K‘ałoc‘: cinquième mois du calendrier arménien vague. Kapič: mesure de capacité valant un peu plus d’un litre. Kat‘ołike: cathédrale. Kumis/koumis: boisson à base de lait de jument fermenté. Kuria/Kyria (grec): dame. Kusan: vierge consacrée, nonne, religieuse. Mal: taxe traditionnelle imposée par les Mongols et prélevée sur le bétail. Mareri: dixième mois du calendrier arménien vague. Marzpan: gouverneur à l’époque sassanide. Maštoc‘: livre pour l’administration des sacrements et bénédictions, rituel attribué au catholicos Maštoc‘ Ier dont il porte le nom. Meṙon/miwṙion: saint chrême, sa fabrication est exclusivement réservée au catholicos d’Arménie. Mulhid: apostat, déviationniste, hérétique dans le monde musulman. Muqri᾿: litt. «de la religion de Muḥammad», le terme désigne le lecteur du Coran dans les mosquées. Nawasard: premier mois du calendrier arménien vague. Naxarar: noble, dynaste, satrape arménien. Nisan: septième mois du calendrier hébraïque. Noyan (pl. noyad): équivalent mongol du terme amīr chef militaire chez les musulmans. Ordu/ordo: camp mongol du souverain. Ostikan: gouverneur arabe envoyé en Arménie par les califes. Protostrator: titulaire d’un office de la cour impériale byzantine, maître des étables puis haute fonction militaire. Qa’an: empereur suprême, ce titre n’apparaît dans l’histoire mongole qu’avec Ögödei (1186-1241). Qan: souverain, empereur. Qatun: dame, impératrice. Qubčur: tribut mongol prélevé sur les sédentaires en espèce, sous forme de bétail sur les nomades. Qurilta(i): assemblée, diète des chefs mongols convoquée pour l’élection du nouveau souverain après un décès ou pour toute décision importante concernant la communauté.

GLOSSAIRE

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Rabban: «maître», désignatif syriaque des moines. Ṙamik: «troupeau», terme désignant les non nobles, assujettis à l’impôt. Sahmi: troisième mois du calendrier arménien vague. Šarakan: tropaire arménien. Shāh: roi, souverain. Šah(a)nšah: «roi des rois». Titre des rois iraniens repris en Arménie par les Bagratuni au Xe siècle. Sparapet: «généralissime, commandant de l’armée». Charge héréditaire dans la famille des Mamikonean (IVe-VIe siècle). Stratélate: général, commandant d’un thème ou d’une région dans l’empire byzantin. Sultan: détenteur du pouvoir d’État chez les musulmans. Tačikk‘: le terme désigne chez les Arméniens les Arabes puis par extension les musulmans. Tačkastan: pays des tačikk‘. T‘agadir: «couronneur du roi». Taġar: mesure de capacité équivalent à 100 man. Taxe prélevée en nature pour soutenir les armées impériales en campagne. al-Tamgha/tamġa: signe de propriété, marque, emblème et par extension sceau. Tishri (t‘šrin): premier mois de l’année ecclésiastique du calendrier hébraïque. Tēr: «maître, seigneur». Tōnapatčaṙ: recueil des explications et commentaires sur les fêtes de l’Église arménienne. Toyin: désigne le moine bouddhiste, déformation du chinois tao-jēn. Trisagion/trisaghion est un terme grec qui signifie «trois fois saint». Hymne liturgique où le mot grec agios revient trois fois. Tūmān: unité militaire de dix mille hommes. Vardapet: moine pouvant enseigner, prêcher et juger. Vardavaṙ: fête de la Transfiguration dans l’Église arménienne. Xorbal: (géorgien) blé. Xosrovayin: terme d’origine persane signifiant «royal, grandiose», qualifie un style présent dans les hymnes, les mélodies et les poèmes. Yaysmawurk‘: «synaxaire», livre qui contient les vies et les éloges des saints. Žamatun: litt. «maison des heures/de l’office», sorte de narthex annexé aux églises arméniennes. Zōravar: «général, commandant».

TABLE DES MATIÈRES SYSTÈME DE TRANSCRIPTION DES

NOMS PROPRES

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VII

ABRÉVIATIONS ET sIGLES .

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IX

BIBLIOGRAPHIE .

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XI

INTRODUCTION .

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1

Préface : Histoire abrégée depuis l’époque de saint Grégoire (Grigor) jusqu’au dernier jour par le vardapet Kirakos du très renommé couvent de Getik . . . . . . . . . . . . . . . .

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I. Histoire succincte et liste des noms de saint Grigor et de ceux qui, après lui, lui succédèrent sur le trône . . . . II. Profession de foi de l’Église des Arméniens (Hayastaneayk‘) écrite par l’évêque Nersēs, frère du catholicos (kat‘ołikos) d’Arménie (Hayk‘) Grigoris à la demande du très honoré gendre du roi autocrate des Romains (Hoṙomk‘), le grand protostrator (patōstratōr) Alexis (Alēk‘sios) lorsqu’il alla en Orient et qu’il se trouvait à Mamuestia, métropole des Ciliciens (Kilekec‘i) ; appelé par lui, il l’avait suivi là en 614 (= 1165/1166) du comput . . . . . . . . . . . III. Au sujet de la royauté de Lewon dans les régions de l’Occident IV. Au sujet des išxan des Arméniens (Hayastaneayk‘) orientaux, Zak‘arē et son frère Iwanē . . . . . . . . . . . V. Au sujet de l’assemblée convoquée par Zak‘aria (= Zak‘arē) à propos de certaines questions. . . . . . . . . . VI. À propos de la venue du catholicos (kat‘ołikos) des Ałuank‘ auprès des grands išxan tourmentés par les étrangers . . . VII. Au sujet des vardapet orientaux des territoires du Vaspurakan VIII. Au sujet de la mort du général Zak‘arē . . . . . . . IX. Au sujet du roi Lewon et de sa fin . . . . . . . . X. Bref exposé de l’histoire des contrées des Ałuank‘ relaté ci-dessous . . . . . . . . . . . . . . . . XI. À propos de la sortie de l’armée tatare (t‘at‘ar) et du fait qu’elle mit en fuite le roi des Ibères (Virk‘) . . . . .

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111 133 137 142 148 151 153 155 158 166

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XII. À propos de la défaite des troupes à la frontière de Gandja (Ganjak) . . . . . . . . . . . . . XIII. À propos du vardapet Mxit‘ar, d’où [il venait] et quel homme il était . . . . . . . . . . . . . . XIV. À propos de la construction du couvent de Nor Getik . XV. À propos des disciples distingués [de Mxit‘ar] . . . XVI. À propos de la mort du grand vardapet Mxit‘ar que l’on appelle Goš . . . . . . . . . . . . . . . XVII. À propos de ceux qui, après [Mxitʻar Goš], furent les supérieurs du couvent . . . . . . . . . . . XVIII. À propos du sultan Djalāl al-Dīn (Jalaladin) et du fait qu’il détruisit l’armée des Ibères (Virk‘) en 674 (= 1225/ 1226) . . . . . . . . . . . . . . . . . XIX. À propos de l’élimination du sultan Djalāl al-Dīn (Jalaladin) et de sa disparition de la surface de la terre . . . . XX. Comment les Tatars (Tʻatʻar) ont détruit tous les pays . XXI. Au sujet de la ruine de la ville de Gandja (Ganjak) . . XXII. À propos de la destruction des pays d’Arménie (Haykʻ) et d’Ibérie (Virkʻ) par les mêmes troupes [de Tatars] . XXIII. Au sujet de la prise de la ville de Shamkūr (Šamkʻor) . XXIV. À propos de la captivité du vardapet Vanakan et de ses compagnons . . . . . . . . . . . . . . XXV. À propos de la destruction de la ville de Lōṙē . . . . XXVI. À propos du fait que l’išxan Awag soit tombé aux mains [des Tatars] . . . . . . . . . . . . . . . XXVII. À propos de la ville d’Ani et de la manière dont le Seigneur la livra aux mains des [Tatars]. . . . . . . XXVIII. À propos de la destruction de Kars . . . . . . . XXIX. À propos du fait que l’išxan Awag fut envoyé auprès du qa’an (xałan) à l’Est . . . . . . . . . . . . XXX. À propos du massacre dans les régions du Xačʻēn et du pieux išxan Jalal . . . . . . . . . . . . . XXXI. À propos de l’église construite [par Jalal] . . . . . XXXII. Petite explication à propos de l’apparence des Tatars (T‘at‘ar) . . . . . . . . . . . . . . . . XXXIII. À propos de Rabban (Ṙaban) le Syrien (Asori) . . . XXXIV. À propos de la destruction de Theodosiopolis (T‘ēodupōlis) XXXV. À propos de la guerre entre le sultan et les Tatars (T‘at‘ar) XXXVI. À propos du roi d’Arménie Het‘um et de ce qu’il fit. .

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TABLE DES MATIÈRES

XXXVII. À propos de Kostandin išxan de Lambrōn et ce qu’il fit dans le pays de Cilicie (Kilikec‘woc‘ ašxarh) . . . XXXVIII. À propos du règne de David (Dawit‘) . . . . . . XXXIX. À propos de la convocation du catholicos (kat‘ołikos) des Ałuank‘ tēr Nersēs à la grande porte . . . . . XL. À propos des raids dans les territoires du Vaspurakan et dans de nombreux cantons . . . . . . . . XLI. À propos des ordres canoniques du catholicos (kat‘ołikos) d’Arménie (Haykʻ) Kostandin . . . . . . . . XLII. Lettre encyclique de tēr Kostandin . . . . . . . XLIII. Règles canoniques de tēr Kostandin, catholicos (kat‘ołikos) d’Arménie (Hayk‘) . . . . . . . . . . XLIV. À propos des percepteurs de taxes envoyés par le qan (łan) . . . . . . . . . . . . . . . . XLV. À propos du voyage des rois d’Ibérie (Virk‘) auprès du qan . . . . . . . . . . . . . . . . . XLVI. À propos du voyage de Smbat, général d’Arménie, et du fils du sultan Ghiyāth al-Dīn (Łiat‘adin) auprès du qan (łan) . . . . . . . . . . . . . . . XLVII. À propos du massacre que l’armée tatare (tʻatʻar) perpétra dans le pays des Ibères (Virkʻ) . . . . . . XLVIII. À propos de Dawitʻ l’imposteur . . . . . . . . XLIX. À propos du démon qui prit la forme d’une femme et avait commerce avec un homme . . . . . . . L. À propos de la controverse qui s’éleva au sein des chrétiens au sujet de l’Esprit saint de Dieu : faut-il dire du Père seulement ou du Père et du Fils . . . . . . LI. Profession de la vraie foi des orthodoxes . . . . . LII. Du vardapet Vanakan, conseil à propos de la profession de foi . . . . . . . . . . . . . . . . LIII. À propos de la mort du saint vardapet Vanakan . . LIV. À propos de Yovhannēs de Gaṙni . . . . . . . LV. À propos de Sartaq (Sart‘ax), le fils de Batu (Bat‘u) . LVI. À propos des sauterelles qui dévorèrent le pays . . . LVII. À propos du recensement effectué sur l’ordre du qan Möngke (Mangu łan) . . . . . . . . . . . LVIII. À propos du voyage du pieux roi des Arméniens (Hayk‘), Het‘um, auprès de Batu (Bat‘u) et du qan (łan) Möngke (Mangu) . . . . . . . . . . . . . . .

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À propos du carnage au pays de Rūm (Hoṙom) . . . . À propos de la destruction de Baghdād (Bałdat) . . . . À propos de la destruction de la ville des martyrs . . . À propos de ce qui advint dans les régions de Mésopotamie (Miǰagetk‘) et de Syrie (Asorik‘) profonde . . . . . LXIII. À propos de la mort du pieux išxan Jalal . . . . . . LXIV. À propos de la mort de l’išxan Šahnšah et de son fils Zak‘arē LXV. À propos de la grande bataille qui eut lieu entre Hülegü (Hulawu) et Berke (Berk‘a) . . . . . . . . . . LIX. LX. LXI. LXII.

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ET ALLUSIONS BIBLIQUES

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CARTE DES TERRITOIRES MONGOLS AU XIIIe SIÈCLE .

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INDEX DES CITATIONS

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342 344 347

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INDEX DES NOMS

PROPRES DE L’HISTOIRE

330 334 339

CARTE DU VOYAGE

DU ROI HET‘UM

(1252-1255) .

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GLOSSAIRE .

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TABLE DES

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MATIÈRES

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PRINTED ON PERMANENT PAPER

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