Joseph et Aséneth 9789004509160, 900450916X


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French Pages 274 [275] Year 2022

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Table of Contents
Avant-Propos
Introduction
Première partie: Le roman de Joseph et Aséneth
I. Le contenu
II. Le texte grec
III. Les versions
1. La version slave
2. La version syriaque
3. La version arménienne
4. Les versions latines
5. Autres versions ou adaptations
IV. Les éditions
V. Les traductions
VI. Composition, vocabulaire et langue originale
VII. Les sources
VIII. Le genre littéraire
IX. L’arrière-plan sociologique
Deuxième partie: Les romans de Joseph et Aséneth
I. Le roman missionnaire
II. Le roman à clef
1. Neith
2. Neith et Aséneth
III. Le roman mystique
1. L’allégorie astrologique
2. Le drame gnostique
3. La liturgie initiatique
IV. Milieu d’origine, lieu et date de composition du roman de Joseph et Aséneth
Appendices
I. Le cycle hagiographique
II. Youssouf et Zouleïkha
Texte grec, traduction et notes
Mots grecs
Abréviations
Bibliographie
Index
I. Auteurs cités
II. Textes cités
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Joseph et Aséneth
 9789004509160, 900450916X

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STUDIA POST-BIBLICA VOLUMEN TERTIUM DEOMUM

STUDIA POST-BIBLICA ADIUVANTlBUS

J. BOWMAN. J. HOFTIJZER . T. JANSMA. H. KOSMALA K. H. RENGSTORF . J. COERT RIJLAARSDAM G. SEVENSTER . D. WINTON THOMAS G. VAJDA. G. VERMES EDIDIT

P. A. H. DE BOER VOLUMEN TERTIUM DECIMUM

LEIDEN E. J. BRILL

1968

JOSEPH ET ASENETH INTRODUCTION TEXTE CRITIQUE TRADUCTION ET NOTES PAR

MARC PHILONENKO Charge d'enseignement

a l'Universite de Strasbourg

LEIDEN

E.]. BRILL 1968

Cop:yright 1968 by B. J. Brill, Leiden, Netherlands All rights resertled. No Pari of this book may be reproduced or translated in any form, by print, photoprint, microfilm or any other means without written permission from the publisher PlUNTBD IN niB NBnlBllLANDS

TABLE DES MATIERES Avant-Propos

VII

Introduction

Premiere partie: Le roman de Joseph et Aseneth . I. Le contenu . II. Le texte grec . . . III. Les versions. . . . • 1. La version slave 2. La version syriaque 3. La version armenienne . 4. Les versions latines . . 5. Autres versions ou adaptations IV. Les editions. . . . . . . . . . V. Les traductions . • . . . . . . • VI. Composition, vocabulaire et langue originale. VII. Les sources. . . . • • . VIII. Le genre litteraire . . • . . . . . . . . . IX. L'arnere-plan sociologique . . . . . . . .

1 1 3 11 11 12 13 14 15 16 26 27 32 43 48

Dellxieme partie: Les romans de Joseph et Aseneth. 53 I. Le roman missionnaire • 53 II. Le roman a clef. . 61 1. Neith . . . . . 61 2. Neith et Aseneth 71 Ill. Le roman mystique. 79 1. Vallegorie astrologique 79 2. Le drame gnostique. . 83 3. La liturgie initiatique. . 89 IV. Milieu d'origine, lieu et date de composition du roman de Joseph et Aseneth. • • 99 Appendices . . . . . . . . 110 I. Le cycle hagiographique 110 II. Youssouf et Zouleikha . 117 Texte gree, traduction et notes. .

125

VI

Mots grecs Abreviations . Bibliographie . Index . I. Auteurs cites II. Textes cites.

'I'ABLE DES MA'I'IERES

222 238 239 250 250 254

AVANT-PROPOS Les decouvertes faites pres de Ia mer Morte ont completement

bouleverse notre vision du judaisme a I'epoque romaine. C'est toute I'histoire politique, religieuse et litteraire de cette periode qui est a reprendre entierement. Nous possedions, transmis par Ies Eglises chretiennes d'Orient, tout un corpus d'ecrits juifs que I'on a coutume de designer du nom de "Pseudepigraphes de I'Ancien Testament". Cette litterature posait des problemes d'attribution, de datation, d'origine d'une extreme complexite. Un des interets majeurs des decouvertes de Qoumran est qu'elles nous permettent d'introduire toujours davantage I'ordre et la clarte dans un domaine OU regnaient I'obscurite et la confusion. Nombre de nos Pseudepigraphes sont sans aucun doute d'origine essenienne, mais d'autres ne Ie sont point. Parmi ces derniers, Ie roman de Joseph et Aslnelh sollicitait l'attention. L'ouvrage, apres avoir ete tenu pour un ecrit chretien du IVe ou du Ve siecle, avait ete considere comme un livre juif, voire therapeute. La question valait d'etre reprise. Tres vite, il nous est apparu que les editions de P. Batiffol 1 et de V. M. Istrln II ne pouvaient servir de base a un travail neuf. Un article de C. Burchard 3, puis sa these" nous ont confirme dans ce jugement. n etait donc urgent d'etablir, a frais nouveaux, un texte critique de Joseph et Aslneth. Des lors, la matiere s'organisait d'ellememe. Nous ne pouvions songer a priver Ie Iecteur du texte grec qui etait a la base de notre etude. Dans une introduction etendue, il fallait exposer les grands problemes poses par Ie roman de Joseph et Aslneth dont I'importance nous paraissait decidement avoir ete sousestimee. Une traduction fran~se, suivie de notes, completerait I'ensemble. Tel est Ie dessein auquel nous nous sommes arretes. 1 P. Batiffol, Le Livre de la Priere d'Aseneth, in Sttldia Patristica, I-II, Paris, 1889-1890, p. 1-115. I V. M. Istrin, Apokriph ob Josiphje iAsenephje, Trudy SlavjansJ:oj Komirsii pri Imperat. MOIJ:ovlJ:om ArchB%gicesJ:om ObllcestvjB, Moscou. 1898, p. 146-199. • C. Burchard, Et nach einem Ausdruck des Wissens oder Nichtwissens Joh. 9,25; Act. 19, 2; I Cor. 1, 16; 7, 16, ZNTW, 52, 1961, p. 73-82; , C. Burchard, UnterStlChungen ZtI Joseph und Almeth, Oberlieferung-Ortsbestimmung, Tiibingen, 1965.

VIII

AVANT-PROPOS

II est naturel de dire tout ce que nous devons a nos devanciers. Les editions de Batiffol et d'!strin ont fait l'objet de justes et severes critiques 1, mais sans Ie labeur de ces deux savants notre travail n'ellt pas vu Ie jour. Nous avons largement pronte de la these de C. Burchard, alors meme que notre recherche se developpait dans d'autres directions. Nous manquerions a tous nos devoirs, si nous n'exprimions notre gratitude a tous ceux qui, collegues ou amis, ont rendu notre tache plus facile. Nous eprouvons quelque embarras a ne pouvoir les mentionner tous, mais nul d'entre eux ne nous saura mauvais gre de nommer ici cewr a l'endroit desquels nous avons des dettes particuHeres. Les Conservateurs des BibHotheques OU se trouvent nos manuscrits ont toujours accueilH nos demandes avec la plus grande comprehension. M. l'abbe Richard, de l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes, nous a procure les microfilms de divers manuscrits. Le Dr Burchard nous a genereusement communique un exemplaire dactylographie de sa these, alors inedite. M. J. Schwartz nous a fait beneficie de son experience; nous devons beaucoup a son erudition et a son amitie. MM. Ph. Derchain, J. Leclant, R. Triomphe nous ont aide de mille manieres. On nous permettra ennn d'exprimer toute notre reconnaissance a M. Andre Dupont-Sommer, membre de l'Institut, professeur au College de France, dont les encouragements ne nous ont jamais manque. Strasbourg, janvier 1967. 1

Voir C. Burchard, op. cil., p. 23-24.

INTRODUCTION PREMIERE PARTIE

LE ROMAN DE JOSEPH ET ASENETH

I. LE

CONTENU

Joseph et Aseneth se presente sous la forme d'un recit romance. L'ouvrage se divise en deux parties 1. La premiere, de beaucoup Ia plus importante, va jusqu'au mariage de I'heroine. Dans Ia premiere des sept annees d'abondance, Ie second mois, Ie cinquieme jour du mois, Pharaon envoya Joseph rassembler Ie ble du pays. Deux mois plus tatd, Joseph arriva a Heliopolis. Pentephres, Ie pretre de cette ville, avait pour fille une jeune vierge de dix-huit ans. Elle ne ressemblait pas aux filles des Egyptiens, mais a celles des Hebreux. Cette vierge s'appelait Aseneth. Tous les fils des satrapes se disputaient a qui l'aurait pour femme. Le fils de Pharaon lui-meme voulait l'epouser (1). Mais Aseneth dedaignait tous Ies hommes (elle n'en avait d'ailleurs jamais V11, car elle vivait dans une tour, a cote de la maison paternelle). Au haut de cette tour, Aseneth avait un appartement de dix chambres. Dans la premiere, etaient d'innombrables dieux d'or et d'argent auxquels elle sacrifiait; dans la seconde, ses parures; dans la troisieme, son tresor; dans les sept autres chambres vivaient sept vierges, nees la meme nuit qu'elle, et qui la servaient. Elles etaient belles comme des etoHes. La grande chambre d'Aseneth avait trois fenetres, dont la premiere etait a l'est, la seconde au nord et dont la troisieme donnait sur la rue. La maison etait entouree d'une grande cour, OU l'on penetrait par quatre portes gardees par dix-huit jeunes gens. La cour etait garnie d'arbres fruitiers qu'une source arrosait (2). Joseph, approchant d'Heliopolis, fit annoncer son arrivee. Le pere et la mere d' Aseneth cherchaient a convaincre leur fille d'epouser Joseph, mais elle refusa vertement "le fils du berger du pays de Canaan". C'est Ie fils du roi qu'elle voulait (3-4). Mais quand, de la fenetre de sa chambre, elle vit arriver Joseph, magnifiquement 1 Nous nous sommes inspires, ici et la, de l'excellente analyse faite par L. Massebieau, dans son compte-rendu de l'Cdition de Batiffol, in Annales de Bibliographie Thiologique, 11, 1889, p. 164-166.

Studia Post-Biblica XIII

1

2

LE ROMAN DE JOSEPH ET ASENETH

vetu et assis sur son char tire par quatre chevaux blancs, elle eut honte, tout a coup, d'avoir meprise et dedaigne ce fils de Dieu. EIle n'eut plus qu'un desir: etre pour toujours sa servante (5-6). Pentephres invite alors Aseneth a venit saluer Joseph. Celui-d acquiesce puisqu'elle est 1a@lede son hote et, -dit-il-, sa seeur (7). Mais Aseneth est paienne et Joseph se refuse a avoir Ie moindre contact avec elle. IlIa repousse et prie Dieu de la faire passer des tenebres a la lumiere et de la mort a la vie (8). Aseneth, bouleversee, remonte dans sa chambre et se repent de son idolatrie. Cependant, Joseph part. 11 reviendra dans huit jours (9). Pentephres et les siens, qui avaient quitte 1es champs pour recevoir Joseph, y retournent. Aseneth reste seule avec ses servantes. EIle met une robe noire, pleure, jeune, se couvre de cendres et jette par 1a fenetre ses parures aux indigents, brise ses ido1es et en jette les morceaux aux pauvres (10). Le huitieme jour, Aseneth se releve (11). EIle etend ses mains vers l' orient et 1eve les yeux vers Ie del. EIle confesse dans une priere emouvante ses peches aDieu (12). A10rs apparait a l'orient l'etoile du matin. Du del qui s'ouvre, descend un homme de lumiere tout semblable a Joseph, mais plus brillant. C'est Ie chef de l'armee du Seigneur. 11 dit a Aseneth d'aller se laver Ie visage et de revetir une robe immacu1ee. Elle revient, les reins ceints d'une ceinture eclatante, la tete couverte d'un voile (14). L'ange lui fait oter ce voile, car sa tete est maintenant comme celIe d'un jeune homme. Dieu a entendu sa priere: elle sera renouvelee, elle mangera Ie pain de vie, elle boira la coupe d'immortalite et elle sera ointe de l'onction d'incorruptibilite. EIle ne s'appelera plus Aseneth, mais "Ville de Refuge". L'ange ira tout raconter a Joseph qui sera son epoux. Qu'Aseneth aille mettre sa robe nuptiale (15). Puis l'ange fait apparaitre un rayon de miel dont il donne a Aseneth un morceau a manger. 11 fait avec son doigt un signe mysterieux sur Ie rayon de miel et une trace sang1ante apparait. Puis l'ange fait sortir du rayon de miel des abeillcs qui entourent Aseneth. 11 fait mourir celles qui avaient voulu la piquer, mais les ressuscite ensuite (16). Apres quoi, il consume Ie rayon de miel par Ie feu. Avant que l'ange disparaisse, Aseneth obtient qu'il benisse ses sept vierges (17). Un serviteur vient annoncer l'arrivee de Joseph qui est de retour. Aseneth va dans sa chambre revetir ses plus beaux atours (18). Joseph entre a10rs dans la maison de Pentephres et Aseneth vient lui laver les pieds. A Pentephres, desireux, comme il se doit, de celebrer Ie mariage au plus tot, Joseph repond qu'illui faut aussi obtenir de Pharaon la main d'Aseneth (19-20). Le lendemain, Joseph se rend avec Aseneth aupres de

3

LE CONTENU

Pharaon qui les benit et fait celebrer leurs noces. De l'heureuse union de Joseph et Aseneth naitront Manasse et Ephraim (21). Te11e est la premiere partie. La seconde s'ouvre sur la famine qui suivit les sept annees d'abondance. Joseph s'en alla ala rencontre de son pere Jacob pour lui presenter sa femme, au pays de Geshem (22). Le fils de Pharaon, toujours passionne d'Aseneth, apres avoir vainement tente de rallier a sa cause Simeon et Uvi (23), resolut de la faire enlever par Dan et Gad (24-25). Levi, grace a ses dons de prophetie, a connaissance de ce mauvais coup et, avec ses freres, se lance ala poursuite du fils de Pharaon (26). Mais deja, Benjamin, a lui seul, a tue les cinquante hommes d'armes du fils de Pharaon et grievement blesse ce1ui-ci (27). Seule l'intervention d'Aseneth empechera Simeon et Uvi de tuer Dan et Gad pour la venger (28). Malgre les soins de Uvi, Ie fils de Pharaon meurt de ses blessures et son pere donne la couronne a Joseph (29). II.

LE TEXTE GREC

Le texte grec de Joseph et Aseneth est conserve dans plusieurs manuscrits. La liste en a ete dressee par C. Burchard 1. 11 n'est sans doute pas inutile de la reproduire ici. 155 151

162 173 172 191 152 153

1

1) Mont Athos, Vatopedi 600, f. 356r-360r 2) Mont Athos, Konstamonitu 14 3) Breslau, Biblioteka Uniwersytecka, Rehdig. 26, f. 79, 70, 67, 64, 77, 84, 78, 85, 80, 83 4) Chillicothe, Ohio, en la possession de M. McC. McKell, f. 60r-l08r 5) Jerusalem, Patriarchat orthodoxe, Saint Sepulcre 73, p. 273-307 6) Jerusalem, Patriarchat orthodoxe, Saba 389, f. 92r-113v 7) Jerusalem, Patriarchat orthodoxe, Saba 593, p. 414-471 8) Oxford, Bodleian Library, Barocc. Gr. 147, f. 138v-152v 9) Oxford, Bodleian Library, Barocc. Gr. 148, f. 298v-303v Burchard, op. cit., p. 4-7.

Xve XVe

E

XVIe

G

XVIIe

H

XVIIe XIXe XVe

D

XVe

C

4

LE ROMAN DE JOSEPH ET ASENETH

111

10) Rome, Bibliotheca Yaticana, Vat. Gr. 803, f. 133r-147v 112 11) Rome, Bibliotheca Yaticana, Pal. Gr. 17, f. 118v-134v 154 12) Rome, Bibliotheca Yaticana, Pal. Gr. 364, f. 293r-310v 13) Mont Sinai, Sainte Catherine, Gr. 504 163 14) Mont Sinai, Sainte Catherine, Gr. 530, f.13v-17r 171 15) Bucarest, Biblioteca Academiei Republicii Populare Romine, Gr. 966, f. 126r140v 16) Mont Sinai, Sainte Catherine, Gr. 1976

XIe-XlIe

A

Xle-XlIe

B

Xye Xe XYe-XYle

XYlIe

F

Les microfilms des manuscrits E et H nous ont ete communiques par l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes, ceux des manuscrits A et B par la Bibliotheque Yaticane, celui du manuscrit D par la Bodleian Library, celui du manuscrit F nous a ete gracieusement adresse par la Biblioteca Academiei Republicii Populare Romine de Bucarest; enfin, Ie Courtauld Institute of Art de Londres a bien voulu nous donner un jeu de photographies du manuscrit G. Selon C. Burchard, qui a procede par echantillonnages, les manuscrits, dont on vient de lire l'inventaire, peuvent etre groupes en quatre familles: a: b: c: d:

111 (A), 151, 154, 153 (C)/163, Sinai Gr. 504. 155 (E), 162 (G), 171 (F), Sinai Gr. 1976. 172, 173 (H), 191. 112 (B), 152 (D).

Nombre de ces manuscrits attendent d'etre collationnes. Fort sagement, Burchard n'a pas tente d'etablir les rapports des differents manuscrits a l'interieur de chacune de ces familles. Ce n'est point dire que les familles elIes-memes soient rebelles a tout essai de classification. Burchard pense pouvoir les diviser en deux groupes, a d'une part, b, c et d d'autre part 1. L'edition de Batiffol, sur laquelle nous reviendrons 2, laissait deja entrevoir deux groupes distincts, l'un forme par A et C, l'autre par Bet D 3. Toutefois, c'est Istrin qui, 1 2 3

Burchard, op. cit., p. 18-23. Voir infra, p. 16-18. Batiffol, op. cit., p. 39, n. 1.

5

LE TEXTE GREC

Ie premier, a eu Ie merite de distinguer avec nettete dans son edition deux etats de la tradition: un texte court, represente par B et D, un texte long, represente par A, C et Ie Palatinus 364 1. Quelques exemples vont permettre de montrer en quoi different ces deux types de texte 2. Dans la premiere colonne figurent des le~ons d'un manuscrit representant Ie texte court, Ie manuscrit D 8; dans la seconde se trouvent des le~ons empruntees a un manuscrit representant Ie texte long, Ie manuscrit A 4:

D

A 1, 1 1,6 1,9 3,9 5,6 7,2 7,4 7,5 7,6 7, 11 10,9 12,2 25, 1

XUXAeualXL eU7tpe7djc; a.7tljA6ev 7tepLe~ue't'o

ax1j7t't'pov acuAlXp(cp E~IX7tEa't'eLAov

a.v't'E7tefL7teV LOXUpWC; EA6chcu E~ljVeyxe

E~evEYXIXC;

6uIXfLOV

7tepLeA6ei:v xiXAlj 8LE8pIXfLev 7tepLE61jxev pcX~8oc;

t'mep4>cp l7tefL7tOv a.7tEa't'pecpev a.acpiXAwc; ~xhcu lAIX~e

E~IXYIXYWV

XOL't'WVIX

39,2 40,4 40,8 43,6 45,20 47, 10 47, 16 47, 17 48,3 48,12 51,21 54,23 79,1

Parfois, une preposition est remplacee par une autre: 7tpOC; 't'0 &fLcpo8ov 't'1jc; 6eplX7te(lXC; 7tpOC; 't'0 a't'1j6oc; a.7tO 't'1jc; 't'PIX7tE~1jC;

ex

A un verbe

a prefixe

2,13 5, 1 8,4 17,3

E7tt 't'0 &fLcpo8ov a.7t0 't'1jc; 6eplX7te(lXC; E7tt 't'ou a't'lj6ouc; 't'1jc; 't'PIX7tE~1jC;

ex

41, 19 45,6 49, 1 66,4

on substitue Ie verbe simple, ou l'inverse:

8, 8 7tpoalX't'ev(~oualX 49, 15 12, 9 lllAealX 56, 4 15, 6 8LlXcpuAlXx6ljaov't'IXL 61, 12 Ces exemples bruts, hors texte, choisis parmi beaucoup d'autres, font apparaitre deux types de texte, sans que l'on puisse clairement percevoir de prime abord la nature de la relation qui les unit. a.'t'ev(~oualX

a.7tWAealX cpuAlXx6ljaov't'IXL

Istrin, op. cit., p. 179-181. Cf. Burchard, op. cit., p. 19-20. 8 Ce manuscrit est cite d'apres notre edition, par chapitre et verset. " Ce manuscrit est cite d'apres I'edition de BatiffoI, par page et ligne.

1

8

6

LE ROMAN DE JOSEPH ET ASENETH

Toutefois, Ie sens de certaines divergences stylistiques est tres clair. Ainsi, tres souvent, les constructions parataxiques de BD sont transformees en constructions participiales, jugees plus eIegantes: XOCL XOCL XOCL XOCL XOCL XOCL XOCL XOCL

1,8 3,4 4, 1 l O"t'e: Kott 't'1j pcX~8Cf> 't'1j ~otO'LALK1j 't'o 8£ 7tp60'cu7tOV lSILOLOV &O''t'pot~ Kott ot 6 O"t'e: Kott 't'1j pcX~8Cf> 't'1j ~otO'L­ ALK1j, 7tA~V 't'O 7tp60'cu7tOV oti>'t'ou ~v we; &O"t'pot~ Kott ot 6't'ou we; par l'habilete de ses doigts, qui modela au tour les hommes, selon sa volonte, et fac;onna toute chose sur son tour; grand (dieu), qui enrichit qui fait appel a lui, image vivante, qui accomplit son office pour toujours" 3. D'autres textes revelent Ie dieu Khnoum en sa forme de belier: "Louange a toi, " belier au poitrail prestigieur, Ie triomphant, aux cornes acerees, Ie maitre de la crainte, de la vie, de la mort, dont la fureur est plus redoutable que celIe de Sekhmet quand elle part en guerre" '. Enfln, Khnoum peut prendre des traits solaires et joindre a son nom celui du dieu d'HeIiopolis. On lit ainsi dans un texte d'Esna: "Khnoum-Re, seigneur d'Esna, Ie dieu grand, seigneur du del, de la terre, du monde inferieur, des eaux et des montagnes. 11 a mis en place la voute celeste, i1 a souleve Ie firmament en sa belle fete du troisieme mois de I'hiver, Ie premier. Et il brille dans ce del sous la forme du solell. . ." Ii. S. Sauneron et J. Yoyotte, arl. fit., p. 71. S. Sauneron, Ema V, p. 307. 8 Esna 303, 15; 390, 17 = Sauneron, Ema V, p. 200. , Esna 392, 19 = Sauneron, Ema V, p. 203. , Esna 194 A = Sauneron, Ema V, p. 74.

1

t

LE ROMAN

A CLEF

71

2. Neith et Aseneth

Aseneth avait, nous dit-on, sept servantes (2, 10-11). Nous apprenons aussi qu'elle etait gardee par dix-huit jeunes gens (2, 18). Joseph enverra douze hommes a Pentephres pour l'avertir de son arrivee (3, 2). La tour d' Aseneth comporte dix pieces (2, 2), sa chambre trois fenetres (2, 12), la cour quatre portails (2, 18). Les nombres 7,18,12,10,3 et4ne sont pas quelconques etil est probable que l'auteur leur donne une valeur symbolique. Massebieau et Riessler ne s'y sont pas trompes. Le savant specialiste de Philon avait reconnu un caractete allegorique aux descriptions du jardin, de la tour, de son contenu. "Dans la tour, ou corps humain, Aseneth serait Ie votic; possede par l'idolatrie, la vanite et les plaishs, que representeraient les contenus de ses trois chambres. Les sept vierges nees en meme temps qu'elle et chacune ayant sa chambre seraient les sept parties de l'ame reconnues par les stoiciens et des juifs hellenistes" 1. Retenu au dernier moment par quelque prudence, Massebieau ajoutait: "mais je ne garantis pas cette hypothese". L'idee fut cependant reprise et majoree par Riessler 2. Selon lui, la tout est la prison du corps OU reside l'ame (idee typiquement essenienne ajoutait-il). Les dix chambres font songer aux dix Sephiroth, les trois premieres chambres correspondent a l'ancienne division de l'ame en raison, esprit et ame; les sept dernieres sont les sensations; les quatre portes sont celles des yeux, des oreilles, du nez et de la bouche 3; les dix-huit jeunes gens sont les dix-huit demandes de la priere journaliere. Ces deux tentatives ont l'une et l'autre pour defaut, surtout celIe de Riessler, de supposer que les donnees du roman ne valent que par leur symbolisme numerique, sans que Ie texte puisse servir de guide. Quel rapport symbolique y a-t-il, par exemple, entre les dix-huit jeunes gens qui gardent Aseneth et les Dix-huit Benedictions? Ou encore, en admettant que l'on puisse faire appel aux dix Sephiroth du Zohar pour rendre compte des dix chambres sans commettre un anachronisme flagrant, en quoi l'appartement d'Aseneth peut-il etre compare aux dix Sephiroth saintes? De plus, ces exegeses laissent de cote certaines donnees numeriques, - c'est Ie cas de Massebieau qui ne dit rien des douze hommes, des dix serviteurs, des quatre portes L. Massebieau, compte rendu cite, p. 171. P. Riessler, op. cit., p. 1303-1304. 3 A noter cependant que Philon, dans Ie passage du De opijicio, 119, allegue par Riessler, compte la sept organes distincts. 1

S

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LES ROMANS DE JOSEPH ET ASENETH

et des trois fenetres -, ou dIes ne font pas appd a un symbolisme homogene, - et c'est Ie cas de Riessler: on tire a soi les dix Sephiroth tout aussi bien que la division stoicienne de l'ame en sept parties. Ce n'est point dire que tout soit a abandonner dans ces ingenieux commentaires et nous aurons plus tard ales reprendre, du moins en partie et sous une autre forme l • II n'en reste pasmoins que, sdon nous, une autre hypothese de travail est necessaire. Rdisons Ie roman d' Aseneth, en gardant a l'esprit qudque souvenir de la deesse egyptienne. Bien des traits qui, de prime abord, paraissaient curieux, voire anodins, prennent soudain un relief nouveau. Dechiffrant sans trop de peine, au fil de la lecture, maintes allusions savantes, subtiles ou discretes, nous allons reconnaitre en Aseneth la representante de Neith, son auguste patronne. Joseph et Aseneth est un roman a clef. Les sept vierges qui entourent Aseneth forment Ie seul groupe, avec les dix-huit jeunes gens, dont nous ayons une description un peu precise (2, 11): "EIles etaient au service d'Aseneth et avaient Ie meme age, car e1les etaient nees la meme nuit qu'Aseneth; e1les etaient tres belles, comme les etoiles du cid, et jamais un homme ou un enfant male n'avaient eu de rapports avec dIes". Nous commencerons par dIes. Le nombre sept est evidemment un nombre remarquable. Nul n'ignore la place qu'il occupe dans l'arithmologie pythagorique. Philon, entre autres, enumere longuement dans Ie De opiftcio les proprietes du sept 2. A l'interieur de la decade, il est Ie seu1 qui ne soit engendre par aucun nombre, et Ie seul qui n'en engendre aucun 3. C'est done un nombre "vierge" et l' on n' est pas surpris de voir Aseneth entouree de sept vierges. Peut-etre peut-on aussi rappder que c'est Ie nombre d'Athena 4 et que Neith peut prendre Ie nom de la fille de Zeus. Si l'on se tourne vers l'Egypte, 1'on constate que Ie nombre sept y trouve souvent, et tout particulierement dans les textes rituds et magiques, une valeur speciale 5. Que l'on songe aux Sept huiles, aux Sept verites et aux Sept Bathors 6. L'histoire des Sept Bathors est particulierement interessante. Elles apparaissent au Nouvd Empire Voir infra, p. 74-75; 79-80. De opijicio, 89-119; cf. E. Brehier, op. cit., p. 91-92. 3 De opiftcio, 99; De lIita, 65; autres textes dans Brehier, op. cil., p. 43, n. 1. , De opificio, 100; cf. J. Carcopino. La Basilique P.Jlhagoricienne de la Porte Majeure. Paris, 1927. p. 256. 5 Voir H. Bonnet. op. cit., p. 874. • H. Kees, op. cit., p. 158. 1 8

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pour jouer un peu Ie role de nos fees et fixer, des la naissance, la destinee de l'enfant 1. A basse epoque, on retrouve les Sept Hathors formant un groupe de sept vierges dans des textes gnostiques et magiques, grecs et coptes 2. Ainsi, "sept vierges de lumiere" se presentent a plusieurs reprises dans la Pistis Sophia 3 et dans Ie Livre de Jeu 4. La ligende copte d'Horus et d'Isis, 10rsqu'e11e evoque les sept vierges" qui ne dorment ni ne sommeillent" 6, laisse entrevoir Ie caractere astral de cette virginale hebdomade. Ce caractere apparait de fas:on indiscutable dans un passage plein d'enseignements du Grand papyrus magique de Paris 8: "Tu verras les portes s'ouvrir et s'avancer des profondeurs sept vierges en robe de byssus avec des visages de serpents. On les nomme "les Tyches du ciel", elles tiennent des sceptres d'or. A cette vue, salue-Ies par ces mots: Salut, les Sept Tyches du ciel, vierges augustes et bonnes, vierges sacrees, compagnes de vie de... 7, vous les tres saintes gardiennes des quatre colonnes. Salut, toi la premiere .. " salut, toi la seconde 8 ••• S'avancent alors a leur suite sept autres dieux au visage de taureaux noirs, ceintures de pagnes de lin, portant sept diademes d'or. Ce sont ceux qu'on nomme "les Seigneurs des poles du ciel". II te faudra les saluer de meme fas:on chacun a son tour par son nom propre." On a note que les sept vierges sont immediatement suivies dans ce texte par "sept autres dieux" qui res:oivent Ie titre de "Seigneurs des poles du ciel". Ces deux hebdomades sont deux constellations qui ont, l'une et l'autre, d'etroits rapports entre elles, ainsi qu'avec "les poles"; ce sont, comme A. Dieterich l'a autrefois montre dans une etude classique, la Grande Ourse et la Petite Ourse 9. Revenons aux sept vierges d' Aseneth. L'interpretation astrologique ne parait-elle pas seduisante? Au reste, c'est l'auteur lui-meme qui la suggere en parant ses sept vierges de la beaute des etoiles. Et comme Ainsi dans la Conle du Prince predestine; cf. G. Lefebvre, op. cil., p. 118, n. 8. a Voir H. Bonnet, op. cil., p. 282. 8 Pislis Sophia, ed. c. Schmidt-W. Till, KOplisch-gnoslische Schriflen I (Die Pistis Sophia, Die heiden Bucher des Jeu, Unbekanntes altgnostisches Werk)8, Berlin, 1959, p. 188,16; 212, 26; 216, 7. , Livre deJed, p. 309,4.27; 312,24. 6 M. Kropp, Ausgewahlle koplische Zrmherlexle, II, Bruxelles, 1931, p. 3. 8 Texte grec dans PGM, IV, 661-670 ou chez A. Dieterich, Eine MilhrasliturgieS, Leipzig-Berlin, 1923, p. 12. Nous citons la traduction franc;aise de A. J. Festugiere, La Rivllalion d' Hermes Trismegisle, I, Paris, 1950, p. 306-307. 7 Nom magique ILLVLILLPpOcpop. 8 Et ainsi de suite jusqu' a. la septieme, chaque adjectif numeral etant suivi d'un nom magique. 9 A. Dieterich, op. cil., p. 72-73. 1

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si cette suggestion, a elle seule suffisante, ne suffisait pas, ilIa reitere Iorsqu'ayant ecrit que Ies sept vierges avaient Ie meme age, il ajoute qu'elles etaient nees "Ia meme nuit": claire allusion a Ia constellation des sept vierges dont Ie lever au ciel nocturne est la naissance. Aseneth est donc entouree des sept etoiles de la Grande Ourse. La fille de Pentephres etait bien indigne d'un tel honneur. S'illui echoit, c'est qu'il ne lui etait pas destine, mais qu'il va a une autre, a "la princesse des etoiles", dont elle porte Ie nom, a Neith, dont Ia ville de Sais, au temoignage de Proclus, etait sous Ia benefique influence de Ia Grande Ourse 1. La mention des dix-huit jeunes gens, en 2, 18, pose un difficile probleme de critique textuelle. A I'exception de Ia seule version syriaque, tous Ies temoins de Ia tradition manuscrite attestent que Ies quatre portaiis de Ia cour etaient "chacun gardes par dix-huit solides jeunes gens en armes". Si I'on ecarte Ie temoignage unique de Ia version syriaque, il y aurait lieu d'admettre, de toute evidence, qu'Aseneth etait protegee par soixante-douze gardes du corps et non pas par dix-huit. Soixante-douze est un nombre sacre. Le Troisieme Livre d' Hinoch compte soixante-douze anges 2 et soixante-douze noms de Dieu 3; Ie Testament d' Abraham connait soixante-douze morts' et, selon l' Apoca{ypse de MOise, Adam aurait ete affiige de soixante-douze maladies 5; Ia version des Septante aurait ete effectuee par soixante-douze traducteurs en soixante-douze jours 6. Enfin I'Egypte a peut-etre connu une division du monde en soixante-douze regions, a en croke Horapollon 7. Quoi qu'il en soit, Ia valeur allegorique que pourraient prendre dans notre roman Ies soixante-douze jeunes gens ne ressort pas clairement. On est alors amene a se demander si Ie temoignage de Ia version syriaque n'est pas primitif. L'idee d'affecter dix-huit jeunes gens a chacun des portails serait nee chez un copiste de I'impossibilite de diviser un effectif de dix-huit hommes en quatre groupes egaux. La valeur symbolique de dix-huit n'est pas evidente. Puisque nous sommes a Cf. supra, p. 67. III Hlnoth 17, 8; cf. la note de !'editeur, H. Odeberg, J Enoth or the HebrlUl Book of Enoth, Cambridge, 1928, ad.lot. a III Hinoth 48 B 1. 4 Testament d' Abraham A, 20. I Apotalypse de Moise 8. e Lellre d' Arislle 50 et 307. 7 Hieroglyphka 1,14. 1

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Heliopolis, on pourrait songer a la double Enneade 1. Mais pourquoi la double Enneade monterait-elle la garde autour d' Aseneth? De plus les deux Enneades sont formees de dieux et de deesses et l' on voit mal comment on pourrait les designer tous comme des "jeunes gens". Par analogie avec les sept vierges astrales, on est tente de retrouver derriere les dix-huit jeunes gens une constellation. Celle du Belier s'impose a 1'attention. Selon Ptolemee, elle comptait treize etoiles visibles et cinq cX!LOpcpc.>'t'OL, en tout dix-huit etoiles 2. On sait Ie caractere belliqueux du Belier et il est assez naturel de voir sa constellation representee par dix-huit jeunes gens en armes. II n' est pas moins naturel de voir veiller sur "celle qui appartient a Neith", son paredre, Khnoum, Ie Belier "aux cornes acerees"3, Khnoum, Ie "gardien precieux" " Khnoum, "le divin jouvenceau, au couteau acere, dont les bras portent la lance pour massacrer ses adversaires" 5. Enfin, a qui voudrait objecter que Ie Belier seul ne peut monter la garde aux quatre portails, citons cet hymne a Khnoum: "Jubilation en ton honneur, o (dieu) dote de quatre visages sur un cou unique, dieu haut de voix, mais qu'on ne peut pas voir, grand de puissance et haut de prestige, Ie maitre du tour, qui modele se10n son gre, Khnoum, auteur des quatre dieux Khnoum, dieu du destin et dieu precepteur, celui dont r ordre se realise, et dont la personne est plus eminente que (celle des) dieux et des deesses ... Tu es Khnoum, manifestation sensible du vent, Ie mysterieux, violent, duquel naissent les quatre vents,

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1 Cf. G. Maspero, Sur l'Enneade, in Eludes de mythologie et d'arGhioiogie egyptiennes, II, Paris, 1893, p. 337-393; K. Sethe, UrgmhiGhte und iiltesle Religion der Agypter, Leipzig, 1930, § 120; H. Bonnet, op. Git., p. 521-525. I Syntaxis malhemaliGa, 7 (Cd. J. L. Heiberg,Claud;;PloiemaeiOpera,II, Leipzig, 1903, p. 84-87). 8 Esna 392, 19 = Sauneron, Ema V, p. 203. , Esna 366, 7 = Sauneron, Emo V, p. 165. 6 Esna 378,16 = Sauneron, Emo V, p. 215.

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chacun d'entre eux sortant du lieu qu'il (= Khnoum) desire, I'un du Sud, I'autre du Nord, et d'autres quotidiennement, de I'Ouest et de I'Est" 1. Laissons un instant ces allegories astrologiques pour relever d'autres allusions a la Dame de Sals. Un passage de notre roman a souleve des discussions. Vange, lorsqu'il vient rompre la penitence d' Aseneth, lui declare (15, 1): "Enieve donc Ie voile de ta tete, car tu es une vierge sainte aujourd'hui, et ta tete est comme celle d'un jeune homme. "Au terme d'une longue exegese, Batiffol conclut que l'auteur de Joseph et Aseneth renvoie a une regIe de ne point voiler les vierges dans l'Eglise. Cette pratique, que Tertullien combat dans son De virginibus velandis, serait al'origine "propre a quelques communautes grecques qui n'etaient pas sans attaches avec les Montanistes" 2. Cette explication, qui suppose l'origine chretienne de Joseph et Aseneth, a ete rejetee par E. W. Brooks, puis par M. DeIcor. La coutume, selon eux, serait bel et bien juive. Brooks allegue qu'il est d'usage dans Ie Proche-Orient pour les jeunes filles de n'etre point voilees avant Ie mariage 3. DeIcor estime, quant a lui, qu' Aseneth, sanctifiee par sa penitence, est maintenant digne d'epouser Joseph et peut donc se devoiler. "Ie fait d'oter son voile pour Ie mariage est en effet une coutume juive encore pratiquee en Orient; la fiancee etait voilee jusqu'a la chambre nuptiale (cf. Cantique 4, 1.3; 6, 7; Gen. 29, 23-25 et 24, 65)" 4. Accapares par la question de l' origine juive ou chretienne de notre ecrit, ces trois auteurs ont neglige un detail essentiel. Lorsque l'ange declare a Aseneth: "tu es une vierge sainte", il ajoute, precision insolite, "et ta tete est comme celle d'un jeune homme". Ainsi, a l'instant OU Aseneth ote son voile, elle se montre, tout a la fois, sous les traits d'une vierge et d'un jeune homme. On ne pouvait laisser entendre plus clairement l'androgynie de l'herolne. A l'arriere-pIan, l'on devine la silhouette de Neith ocppe:v66'YjAUC; 5. Nous venons plus loin que la scene prend toute sa Esna 377, 1-2 = Sauneron, Esna V, p. 208-209. BatiffoI, op. cit., p. 31. 3 Brooks, Joseph and Asenath, p. XII. 4 M. Delcor, Un roman d'amour d'origine therapeute, p. 8. Sur I'usage du voile dans l' Ancien Testament, voir R. de Vaux, Les institutions de I' Ancien Testament, I, Paris, 1958, p. 59 et, pour Ia periode talmudique, S. Krauss, Talmudische Archiiologie, I, Leipzig, 1910, p. 189 et 650-651. 6 Voir supra, p. 64. 1 2

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valeur dans un autre cadre qui est celui de l'initiation au mystere 1. n' est pas sans importance que cette revelation prenne place au moment meme OU Aseneth ate son voile. Le rituel du culte divin journalier en Egypte connait, en effet, une ceremonie qui etait celle de la "revelation" du visage du dieu. On ouvrait alors les portes du naos et on relevait Ie voile dont la face nue du dieu etait couverte pendant les intervalles du service sacre 2. A Esna, la revelation du visage etait accompagnee d'un hymne a Khnoum. n comportait vingtsix strophes, commens:ant toutes par l'exclamation: "Comme ton visage est beau, lorsque tu fais ceci ou cela... " 3. Or, cet hymne, au prix de retouches legeres, fut adapte a Neith: "Comme ton visage est beau, quand tu tires la crue de sa caverne, que Ie pays est inonde de tes bontes et que l'Egypte resplendit de tes bienfaitsl Comme ton visage est beau, quand tu es la maitresse de la campagne, soufHant a travers Ie vent pour faile pousser les plantes et creer ]a nourriture de chacunl" '. La transposition est riche d'enseignements. "On ne pouvait plus explicitement montrer Ie caractere double du dieu createur" 6. L'auteur de notre roman n'avait apparemment oublie ni ce rituel ni cette theologie. Certains details du roman, demeures meconnus, retrouvent par l'interpretation mythologique un sens qui etait Ie leur. Aseneth vit dans une etonnante profusion d'etoffes. Ce ne sont que brocarts, lames d'or, pourpres et fin linons (2, 7.15; 3,9; 13,1; 18,4-5). Ce faste oriental contribue certes a rehausser la couleur locale, mais pour Ie lecteur maintenant averti n'est-ce pas une claire allusion a "la maitresse des etoffes", a Neith, creatrice du tissage? 6 Vetue d'etoffes precieuses, Aseneth est aussi couverte de bijoux de prix. Elle ne cesse de mettre ou d' ater ses bracelets, ses colliets, ses diademes (2, 7; 3, 9-11; 10, 11; 13,4; 18, 4-5). "Elle etait couverte de pierres ptecieuses OU l'on voyait partout inscrits les noms des dieux egyptiens" (3, 10). n n'est jusqu'a sa chambre dont Ie sol ne soit pave de pierres precieuses (2, 3). On pourrait ne voir la que l'eclat d'un conte des Mille et une nuits, mais nous avons trop souvent

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Voir Note explicative It 15, 1. a. A. Moret, I.e rituel du fIIlte divinjournalier en Egypte, Paris, 1902, p. 49-52. a Voir Sauneron, Esna V, p. 158-161. 4 Esna 101, 4-5 = Sauneron, Ema V, p. 161. 6 S. Sauneron, Esna V, p. 161-162. 8 Voir supra, p. 68. 1

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rencontre Neith sur notre chemin, pour ne pas reconnaitre "la dame aux bracelets", "la douce patronne de la pierre-ankh (?), dame du lapis-lazuli, de la turquoise et du jaspe (?)" 1. Une scene curieuse merite de nous arreter un instant. Des abeilles merveilleuses apparaissent, dans une atmosphere chargee de mystere, aux chapitres 16 et 17. "Elles etaient blanches comme neige, et leurs ailes etaient comme de la pourpre et comme la violette et comme des fils d'or" (16, 13). Elles se posent sur les levres d'Aseneth, tombent mortes a terre a la voix de l'ange et ressuseitent a son appel (16, 16-17). Batiffol reconnait en ces abeilles Ie symbole des vierges 2. Cette nuance n'est pas exclue 3. Toutefois, c'est Neith, deesse apicole 4, qui donne a la scene toute sa profondeur symbolique. Un dernier fait apportera une ultime confirmation a notre hypothese. Nous avons deja releve plus haut l'expression ~ {)A'Y) TOU XotAOCfLOU. Elle est assez surprenante. Bien attestee dans Joseph et Aseneth, elle est apparemment inconnue par ailleurs. Nous y avons soupc;onne un idiotisme 5. Quoi qu'il en soit, l'insistance placee dans la seconde partie sur les "fourres de roseaux" est frappante. C'est "dans les fourres de roseaux" que Gad et Dan se cachent pour tendre une embuscade a Aseneth (24, 16); c'est "dans les fourres de roseaux" qu'ils projettent de se refugier apres l'echec de leur tentative. Poursuivis par leurs freres, c'est "dans les fourres de roseaux" qu'ils s'abriteront, sur Ie conseil d' Aseneth (28, 5-7). lei encore, il faut retrouver, a coup sur, une allusion a Neith, a Neith la dame au roseau 6. C'est dans les roseaux, qui sont l'embleme de Neith, que les freres de Joseph ont l'audace de tendre une embuscade a Aseneth et, paradoxe, c'est par ces roseaux qu'ils seront sauves. Nous avions rendu {)A'Y) TOU XotAOCfLOU par "fourres de roseaux"; comprenons maintenant, "les fourres de Neith"; mieux encore, en donnant a {)A'Y) son sens de "matiere primordiale", - sens qui convient Voir supra, p. 68. Batiffol, op. cit., p. 29. 3 Cf. J. P. Glock, Die Symbolik der Bienen, Heidelberg, 1891, p. 196-199. , Voir supra, p. 66. 6 Voir supra, p. 32. 8 Voir supra, p. 66. 1

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parfaitement au roseau dans Ie Mythe du Soleil-, entendons par {)A1j

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X(XAOCILOU, la "matiere de Neith".

A den pas douter, a travers tout Ie roman, - et c'est un nouvel argument en faveur de l'unite litteraire - , Ie portrait d' Aseneth repond, trait pour trait, a celui de Neith. II n'est pas un seul texte qui puisse dementir cette interpretation et multiples sont ceux qui la suggerent de la fa~on la plus precise. A cette lumiere, maints details, passes inaper~us ou restes inexpliques, trouvent un sens et, par son dessein cache et retrouve, Ie roman prend une valeur singuliere.

III. LE ROMAN MYSTIQUE Roman missionnaire, roman a clef, Joseph et Aseneth est enfin un roman mystique OU se melent des courants divers. Distinguons l'allegorie astrologique, Ie drame gnostique, la liturgie initiatique. 1. L'altegorie astrologique Scrutant la voute etoilee l'auteur avait su reconnaitre les constellations de la Grande Ourse et du Belier et en retenir les feux. Les sept servantes et les dix-huit jeunes gens scintillent, tels des etoiles d'or, dans la trame du roman, mais ce ne sont que des comparses. Le soleil et la lune, et l'etoile du matin, vont eclairer la scene de leurs rayons. Le roman devient allegorie astrologique. Le solei!, pour commencer. Lorsque Joseph est de retour a Heliopolis, il est assis sur Ie second char de Pharaon (5, 4). Ce char etait tire par quatre chevaux blancs comme neige, quatre chevaux aux freins d' or (5, 5). Manifestement, - et Dolger ne s'y etait pas trompe 1 - , ces quatre coursiers sont ceux du quadrige heliaque decrits dans de nombreux textes et illustres a profusion par les monuments 2. La description de Joseph, cocher de ce char celeste, n'est pas moins significative (5, 6): "Joseph etait vetu d'une merveilleuse tunique blanche, Ie vetement de pourpre jete sur lui etait de lin tisse d' or, une couronne d' or etait sur sa tete, et autour de la couronne il y avait douze pierres precieuses, et sur les pierres douze rayons d'or, un sceptre royal etait dans sa main droite". Ce signalement correspond 1 F. J. Doiger, Die 12 Apostel als Corona duodecim radiorum und die ZwoIfstrahienkrone des Sonnengottes, in Antike und Christentum, VI, Munster, 1940, p.40-41. 2 Voir, par exempIe, I'article "HeHos", in W. H. Roscher, Auifiihrliches Lexikon der griechischen und rihnischen Mythologie, I, 2, Leipzig, 1884-1886, col. 1993-2026 et F. Cumont, Etudes syriennes, Paris, 1917, p. 96-98.

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exactement a celui de l'aurige divino "Sol est un jeune homme a longue chevelure bouclee, vetu d'une chIamyde attachee sur l'epaule, portant une couronne radiee, ou du moins la tete entouree de rayons parfois accompagnes d'un nimbe... Parfois il tient, comme Ie Sol invictlls des monnaies imperiales, Ie fouet, emble:me du quadrige qu'il mene, et Ie globe, symbole de sa domination universelle, ou bien il eleve Ie bras droit, montrant, en signe de protection, 1a paume de 1a main ouverte" 1. Aseneth reconnait bien la nature de cette epiphanie, lorsqu'elle confesse, apres Ie depart de Joseph (6,5): "Le soleil est venu du del vers nous sur son char et il est entre dans notre maison aujourd'hui" . Les douze pierres qui rehaussent la couronne de Joseph rappellent evidemment les douze tribus et font songer aux douze pierres zodiacales, que Philon retrouvait deja sur Ie pectoral du grand-pretre 2. Quant aux douze hommes qui escortent Joseph, lors de sa premiere entree a Heliopolis (3, 2), ce ne peuvent etre, a coup sur, que les douze signes du zodiaque. C'est Ie theme meme de la mosaique de Beth Alpha, OU Ie soleil sur son quadrige est entoure des douze constellations de l' ecliptique 3. Joseph, figure du soleil, est flanque d'Aseneth, figure de la lune. En effet, Aseneth en compagnie des sept vierges, pas plus que Joseph entoure des douze signes du zodiaque, n'est elle-meme une etoile. Un rapprochement avec Ie Quatrieme Livre des Mach/Jbees suffira a Ie montrer. Dans son panegyrique de la mere des sept martyrs, l'auteur s'ecrie (17,4-5): "Courage done, 0 mere a l'arne sainte, toi qui en Dieu possedes un ferme espoir, soutien de ta patiencel La lune, dans Ie del, entouree d'etoiles, n'a pas autant de majeste que toi: versant la lumiere sur tes sept fils, brillants comme des astres, tu re~ois de Dieu les honneurs dus a la piete, tu es changee en constellation, avec eux dans Ie dell"" Ainsi, semblable a la mere des sept Machabees au milieu du cercle de l'hebdomade sacree de ses fils 6, Aseneth, au milieu de l'hebdomade des sept vierges, n'est autre que l'astre des nuits. 1 F. Cumont, Texlesel monumenlsftguresrelalifsaux mysi8resde Milhra, I, Bruxelles, 1899, p. 123. B QlIIJesliones in Exodum, 2, 112; cf. E. R. Goodenough, Jewish Symbols, VIII, p.216. 8 Voir E. R. Goodenough, Jewish Symbols, I, p. 248-251 et III, figure 640. " Traduction A. Dupont-Sommer, Le QlIIJlrieme Livre des Machabees, p. 149. & IV Machabees 14, 7. Sur ce texte, voir A. Dupont-Sommer, Le QlIIJlrieme Livre des Machabees, p. 47, n. 29.

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Par Ia s'explique que I'auteur ait pu reprendre des motifs empruntes ala Iegende d'Helene-Selene pour Ies appliquer a Aseneth 1. Aseneth cloitree dans sa tour est Ia replique d'Helene, tombee du monde Iunaire 2, et, elle aussi, dans une tour 3. La chambre d' Aseneth avait trois fenetres. La premiere regardait a I'est, Ia seconde au nord, Ia troisieme au midi (2, 13). Chacune de ces fenetres est donc orientee par rapport a un point cardinal. L'absence d'une quatrieme fenetre en est rendue surprenante. Le nombre de trois fenetres s'est donc impose pour une raison dont on peut etre assure qu'elle est d'ordre mystique et non point architectural. L. Cerfaux a compare a Ia tour d'Helene celle d'Hecate Epipurgidia '. Le rapprochement vaut tout autant, et davantage, pour celle d' Aseneth. Sur "Ia tour", a l'entree de Ia citadelle d'Athenes, veillait Ia fameuse Hecate d'Alkamenes 0. Puissante magicienne, Hecate presidait aux carrefours. Sa statue etait celle d'une femme a trois corps ou d'une femme a trois tetes 6. C'est Ia triple Hecate, -- 't'PL7tp6Gcu7toc;, 't'pLxecpocAoc;, 't'p(xpocvoc;, 't'PLGGOx&'PllVOC; 7 - . Ses trois visages repondaient aux trois phases de Ia Iune, croissante, pleine et decroissante 8. C'est aussi Hecate 't'P(YAllvoC;, Hecate "aux trois regards" 9. n n'y a pas a chercher d'autre origine aux trois fenetres de Ia chambre d'Aseneth. Notre interpretation apporte une confirmation indirecte a I'hypothese de E. R. Goodenough qui, attentif au temoignage des papyrus magiques, avait deja soupc;onne I'attrait exerce par Hecate sur certains milieux juifs 10. Le mariage de Joseph et d'Aseneth sort donc de Ia banalite quotidienne. n repete Ie hUros gamos d'Helios et de Selene 11. C'est que Ie Voir supra, p. 41-43. C'est Ie sens d'une scholle d'Eustathe sur Odyssie 4, 121, dont l'importance a ete soulignee, entre autres, par L. Cerfaux, arl. cit., p. 239; J. Carcopino, LA Basilique pythagoricienne, p. 356; G. QuispeI, Gnosis als Weltreligion, ZUrich, 1951, p.65. 8 Voir, supra, p. 42-43. , L. Cerfaux, arl. cil., p. 237. 6 Pausanias, 2, 30, 2; cf. Roscher, Am/iihrliches uxii:on, I, 2, article "Hekate", col. 1904. 8 Cf. Roscher, arl. cil., col. 1903-1910. 7 Cf. Roscher, art. cil., col. 1889-1890. 8 Cf. Roscher, arl. cit., col. 1890. • Cf. Roscher, arl. cil., col. 1890. 10 E. R. Goodenough,fewish Symbols, II, p. 196 et 236-237. l1 Sur ce theme mythoIogique voir W. H. Roscher, Ober Selene und Vef'lllandles, Leipzig, 1890, p. 75-84. 1 I

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soleil est male et la lune feminine 1. Les bustes de Sol et de Luna sont tres souvent associes sur les monuments 2. L'empereur est identifie au soleil et l'imperatrice a la lune. Ainsi, des monnaies alexandrines frappees entre 141 et 142 representent Antonin et Faustine sous les traits du Soleil et de la Lune et les assimilent, par la, aux astres du jour et de la nuit 3. Cette vogue de l'astrologie, dont temoigne la numismatique, gagne la litterature, et tout particulierement Ie genre romanesque. Heliodore revet Theagene des attributs heliaques 4; Chariclee apparait, telle la lune, sur un bige traine par des breufs blancs 5. L'union des deux heros est donc bien a l'image de celIe d'Helios et de Selene; Hydaspe, lorsqu'il s'approche des autels pour celebrer la ceremonie nuptiale peut prononcer cette priere: ,,0 Soleil, notre maitre, et toi, Lune, notre maitresse, puisque vous avez voulu que Theagene et Chariclee fussent declares mari et femme, ils ont Ie droit aussi de devenir vos des servants" 6. L'apparition de l'Etoile du matin, qui vient relever Aseneth de sa penitence (14, 1-2) et lui annoncer qu'elle aura Joseph pour epoux (15, 3) prend tout son sens dans cette allegorie astrale. L'Etoile du matin n'est autre que Venus 7. Entre Ie Solei! et la Lune, eUe a sa place dans l'ancienne triade babylonienne de Shin, Shamash et Ishtar 8. A l'epoque romaine, sur les monuments, elle peut etre encadree du Soleil et de la Lune. "Ainsi, un cippe provenant des environs de Sicca Veneria en Numidie nous montre au-des sus des bustes des defunts, a gauche, la tete de la Lune dans un croissant, au milieu l'etoile de Venus, avec Phosphoros portant sa torche, a droite Ie Soleil radie" 9. L'Etoile du matin est donc l'intermediaire naturel des epousailles du Soleil et de la Lune. Une belle chanson epirote atteste la permanence 1 Pline, Histoire naturelie, 2, 103-104. Nombreux exemples exotiques dans R. Pettazoni, Miti e Leggende, Turin, 1948-1959. B Voir F. Cumont, Textes el documenls figures, p. 122-125; Recherches sur Ie symbolisme juneraire des Romains, Paris, 1942, p. 452; W. Deonna, Les crucifix de la vallee de Saas (VaIais): Sol et Luna, histoire d'un theme iconographique, RHR, 132, 1947, p. 5-47 et 133, 1948, p. 49-102. 8 U. J. Beaujeu, La religion romaine Ii I' apogee de I' Empire, Paris, 1955, p. 323. 4 Heliodore, 3, 3, 4-6; 10, 6, 5; 10, 9, 1. i HeIiodore, 3, 4, 2. 6 Heliodore, 10, 41, 1 (traduction P. Grimal). 7 Cf. A. Bouche-Leclercq, L'aslrologie grecque, Paris, 1899, p. 66-67; F. Boll, Aus der OffenbarungJohannis, Leipzig-Berlin, 1914, p. 47-48. 8 Voir, par exemple, E. Dhorme, Les religions de Babylonie II d'Assyrie, Paris, 1949, p. 54. 9 F. Cumont, Recherches sur Ie symbolisme juneraire, p. 211 et figure 40.

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de ce motif dans Ie folklore de la Grece moderne. Elle illustre de fas:on naive ce hieros gamos dont I'Etoile du matin est Ie temoin: "Le Soleil s'est marie et a epouse la Lune. - Aux noces il a convie les astres comme comperes - pour s'asseoir au festin illeur a mis les nuages - pour leur faire un appui il a mis les coteaux - pour table illeur a mis les plaines epanouies - pour mets il a servi et Ie muse et les Heurs - pour Yin il a donne les mers et les rivieres. - L'Etoile du matin seule n'y etait pas venue. - Mais vers Ie point du jour l'Etoile est apparue - portant aux maries Ie sommeil pris vivant comme don d' epousailles - apportant aux comperes lampe pour les guider - et qu'ils rentrent chez eux -. Les maries veulent dormir" 1. Cette interpretation astrale du roman ne doit pas surprendre. Deja, dans Ie livre de la Genese, des elements, dont l'origine astrologique n'est pas douteuse, apparaissaient dans l'histoire de Joseph. On se souvient du reve de Joseph qui avait vu se prosterner devant lui onze etoiles, Ie soleil et la lune 2; les onze etoiles etant manifestement ses freres, Ie soleil et la lune, son pere et sa mere 3. Flavius J osephe introduit meme dans sa paraphrase de ce texte de la Genese l'idee du hieros gamos d'Helios et de Selene 4. Le theme est repris dans Ie Testament d'Abraham. Un ange y devoile a Isaac Ie sens d'un reve: Ie soleH et la lune ne sont autres que son pere et sa mere 5. Le temoignage de Joseph et Asineth n' est done pas isole. n montre, avec d'autres, a quel point Ie judaisme fut sensible au prestige de l'astrologie dans Ie monde romain 6.

2. Le drame gnostique "Lorsque toute la semence aura res:u sa perfection, Achamoth, leur Mere, quittera Ie Lieu de I'Intermediaire pour entrer dans Ie Plerome ou elle recevra pour epoux Ie Sauveur issu de tous; de sorte qu'il y aura syzygie du Sauveur et de Sagesse ("Sophia qui est Achamoth"). Voila "l'Epoux" et "I'Epouse": l'ensemble du Plerome est la chambre Traduction H. Pemot, Mythes astrals et traditions littiraires, Paris, 1944, p. 113. Genese 37, 9-10. 8 Voir Ie commentaire de H. Gunkel, Genesis', Gottingen, 1917, p. 405. , Antiquitis juilles, 2, 16; voir Iil-dessus Ies remarques de H. Sprodowsky, Die Hel/enisierung der Geschichte lIonJoseph in Agypten bei FlalliusJosephus, Greifswald, 1937, p. 28-30. 5 Testament d' Abraham A, 7. e Voir R. Reitzenstein, Poimandres, Leipzig, 1904, p. 74-77 et surtout E. R. Goodenough,Jewish Symbols, VIII, p. 167-218. 1

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nuptiale" 1. Ce texte d'Irenee nous introduit d'emblee au creur de la gnose valentinienne: Ie drame de la Sagesse dechue, puis delivree par Ie Sauveur et s'unissant a lui en des noces eternelles. Priebatsch 2 et Schlier 3 ont ete frappes, ajuste titre, par les analogies qu' offre Ie couple de Joseph et d' Aseneth avec la syzygie valentinienne de Sophia et de Soter. De fait, Aseneth est la figure de la Sagesse, et Joseph est Ie Sauveur. A la demande d'Aseneth, l'ange avait beni les sept vierges. II l'avait fait en ces termes (17,5): "Le Seigneur Dieu, Ie Tres-Haut, vous benira et vous serez les sept colonnes de la Ville de Refuge". L'allusion aux sept colonnes de la maison de la Sagesse du livre des Proverbes est claire (Prollerbes 9, 1): "La Sagesse a bati sa maison, elle a taille sept colonnes." La benediction de l'ange, attestee seulement, il est vrai, - et nous y reviendrons -, a partir de la premiere recension longue, permettrait a elle seule, et a defaut de tout autre argument, d'etablir l'identification d'Aseneth et de la Sagesse. La parente entre Ie texte des Prollerbes et celui deJoseph et Aseneth sera meme plus precise si l'on voit dans les sept colonnes de la maison de la Sagesse les sept planetes ' et si l'on veut bien se souvenir du caractere astral des sept vierges qui entourent Aseneth. On notera, et Ie fait est remarquable, que c'est dans Ie passage des Prollerbes, auquelJoseph et Aseneth fait echo, que les Valentiniens, au temoignage des Extraits de Theodote, decouvraient Sophia et l'Hebdomade 6. Les gnoses ulterieures heriteront de cette imagerie, en faisant place dans leurs systemes aux sept Archontes et a la Mere 6. Parce qu'elle est la Sagesse, on comprend qu'Aseneth puisse etre 1 Irenee, AdverSllS haereses, 1, 7, 1 (traduction F.-M. Sagnard, in La gnose valentinienne el Ie limoignage de Saini Irenee, Paris, 1947, p. 193). 8 H. Priebatsch, op. cil., p. 131. 8 H. Schlier, Der Brief an die Epheser', Dusseldorf, 1963, p. 275, n. 4. , G. Bostrom, Proverbiasludien, Lund, 1935, p. 3-14; W. Staerk, Die sieben Siiulen der Welt und des Hauses der Weisheit, ZNTW, 35, 1936, p. 232-261; H. Ringgren, Word and Wisdom, Lund, 1947, p. 98. 5 Exlraits de Theodole 47, 1. Cf. A. Orbe, Los primeros herejes anle la perse&llcion, Rome, 1956, p. 143. 8 Voir W. Bousset, Hauplprobleme der Gnosis, Gottingen, 1907, p. 9-58; H.-Ch. Puech, article "Archontiker", in Reallexikon fiir Antike und Christenlum, I, Stuttgart, 1950, col. 633-643.

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appelee "fille du Tres-Haut" (21,3). Philon, deja, rappe1ons-le, avait fait de la Sophia, la fille de Dieu 1. L'auteur du roman donne aussi ala Metanoia Ie nom de "fiUe du Tres-Haut" (15, 7). C'est que, par un procede dont on trouverait des equivalents chez Ie philosophe alexandrin, ce qui est vrai d'une vertu l'est aussi d'une autre 2; ainsi, sans difficulte apparente, la Metanoia peut assumer des qualites qui, en fait, sont propres a la Sophia et entrer dans l'amoureuse intimite de Dieu (15, 8). Aseneth est fine de Dieu et la Metanoia l'est aussi. Par 13. se trouve pose, et maintenant resolu, un probleme qui n'avait pas encore ete souleve: quels sont les rapports d'Aseneth et de la Metanoia? Ce n'est pas ceder a un gout excessif de la simplification que de reconnaitre que l'une est identique a l'autre et que la fille de Pentephres, repentie et convertie, est Ie type de la Repentance. Enfin, si Aseneth est la Sagesse, certains episodes du roman prennent un accent nouveau. Comme l'a bien vu Priebatsch, la penitence d'Aseneth, ses gemissements et ses plaintes annoncent les souffrances, les passions et la conversion de Sophia 3. La priere d' Aseneth fait meme songer a cene de Pistis-Sophia tombee dans la matiere: ,,0 Lumiere des lumieres, en qui j'ai cru (7tLa't'E:UE:W), des Ie commencement, prete maintenant l' oreille, 0 Lumiere, a ma repentance «(J.E:'t'IXVOLCX). Delivre-moi, 0 Lumiere, car de mauvaises pensees sont entrees en moi" 4. Le personnage de Joseph est a la fois plus pale et plus complexe. Notons d'emblee que Joseph re~it Ie titre de O'cu't"ljp. Il est "roi de tout Ie pays, son sauveur et son fournisseur de ble" (25, 6). Mais cette titulature fait de Joseph un evergete hellenistique, bien davantage qu'un Soter valentinien. Selon Riessler, Joseph serait Ie Messie 5. Le fils de Jacob, il est vrai, est pare d'attributs messianiques. "L'Esprit de Dieu est sur lui et la grace du Seigneur avec lui" (4, 9). Il est "le Fort de Dieu" (4,8; 18, 1.2), son Fils (6,2.6; 13, 10; 21,3) et son Elu (13, 10). Toutefois, et en cela Joseph est a distinguer du Messie, il n'intervient pas dans l'histoire du peuple elu 8. Il n'y a pas lieu d'en etre surpris Cf. E. Brehier, op. cil., p. 119. Cf. E. Brehier, op. cil., p. 253. 8 H. Priebatsch, op. cil., p. 131. , Pislis Sophia 32, 1. & Riessler, op. cil., p. 1304. • Burchard, op. cil., p. 113-117.

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outre mesure. Le judaisme d'Egypte, du moins tel que nous pouvons Ie connaitre par l'reuvre de Philon et la Sagesse de Salomon, parait n'avoir guere ete seduit par l'attente messianique du judaisme palestinien. En realite, Ie personnage de Joseph n'a de sens ici qu'en fonction de celui d'Aseneth, et d'Aseneth figure de la Sagesse. En 21,3, Joseph est appeIe 0 utOt; 't'OU aeou 0 1t'pcu't'o't'OXOt;, c'est dire qu'il est eleve a une dignite qui Ie place immediatement apres Dieu dans la hierarchie celeste. Jamais Joseph n'etait parvenu a ce rang. Philon fait du patriarche Ie modele du politique, ce qui marque dans son esprit une certaine reticence 1. La Sagesse de Salomon, moins reservee, fait de lui celui qui a triomphe de ses oppresseurs et qui a merite une gloire eternelle 2. Les Tes/aRlen/s des Douze Patriarches voient dans Ie fils de Jacob Ie modele de toutes les vertus, piete, sincerite, chastete surtout 3. Jamais Joseph n'est dit etre "le premier-ne de Dieu". Certes, en tant que 1t'pcu't'o't'OXOt;, Joseph s'oppose au fils de Pharaon, qui, lui aussi, est un "premier-ne", mais cette explication reste insuffisante. Ce n'est pas parce qu'il a Ie fils de Pharaon pour rival que Joseph est 1t'pcu't'o't'OXOt;, mais bien plutot parce qu'il a Aseneth, "la fille du Tres-Haut", la Sagesse, pour epouse. ,,11 est Ie fils premier-ne de Dieu, et toi tu t'appeleras fille du Tres-Haut" declare Pharaon a Aseneth. Les deux propositions sont liees, c'est en tant que parMre de la Sagesse que Joseph est 1t'pcu't'o't'OXOt;. Comment ne pas songer des lors au Logos philonien qui, precisement, est lui aussi "premier-ne de Dieu" (1t'pcu't'oyovot;) 4 et, ajoutons avec Philon, "le plus ancien des anges, l'archange, lui qui porte plusieurs noms" Ii. Cette identification de Joseph et du Logos n'est certes pas dans la ligne de Philon, et pourtant certains textes pourraient la suggerer. Joseph, sur Ie plan de Ia cite, tient une place comparable a celle du Logos sur Ie plan ideal. Joseph est Ie second personnage du royaume 6 et Ie Logos est "le lieutenant d'un grand roi" 7. E. R. Goodenough, An Introduction to PhiloJudaeur, Oxford, 1962, p. 60-62. Sagesse 10, 13-14. 8 Voir M. Philonenko, Les interpolations chriliennes des Testaments des Douze Patriarches et 181 manuscrils de Qoumran, Paris, 1960, p. 50. , De con/usione, 146; De somniis I, 215; De agriGNItura, 51. 11 n'y a pas lieu d'attacher ici d'importance particuliere au fait que Philon, lorsqu'il parle du Logos premier-nc, n'emploie pas 7tpw.. 6-t'O)(O~, mais 7tpw..6yovo~. 6 De con/usione, 146. B De Josepho, 119. 7 De agrimltura, 51. 1

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Allons plus loin. Sur Ie plan de la cite, Pharaon est assis sur un trone qui, sur Ie plan ideal, n'appartient qu'a Dieu. Sans se confondre, les deux plans ne sont pas isoles et certains termes peuvent permuter de l'un a l'autre sans dommage pour la structure symbolique. Ainsi, Joseph, parce qu'il est Ie Logos, peut reconnaitre en Pharaon son pere. A Pentephres qui lui propose, un peu precipitamment, d'inviter a la noce magnats et satrapes, Joseph declare (20, 7): "Je mettrai d'abord au courant Pharaon au sujet d' Aseneth, car c'est lui qui est mon pere et qui me donnera Aseneth pour femme." Philon avait fait de Pharaon l'incarnation de tout esprit qui se dresse contre Dieu 1. Sans doute l'auteur a-t-il hesite a faire du roi d'Egypte une figure du Dieu d'Israel, mais il a ouvert 1a voie a une etonnante rehabilitation de Pharaon qui en dit long sur les sentiments qu'il porte a la terre d'Egypte et a ses hommes. Les remanieurs qui nous ont donne Ie texte long s'engageront dans une direction moins audacieuse en brossant au chapitre 22 un portrait de Jacob, tout inspire de ce1ui de l' Ancien des jours du livre de Daniel 7,9, et qui fait du patriarche une figure de la divinite, et de son fils, par voie de consequence, Ie fils de Dieu. L'union de Joseph et d'Aseneth sort donc du commun et se reve1e a nouveau comme une hierogamie. Deja, Philon avait expose que Ie mariage de Sara, de Rebecca, de Lea et de Sephora etaient les exemples d'un meme mariage mystique que Dieu celebre avec les vertus 2. Le mariage d' Aseneth est comparable aces saintes epousailles. Dne nuance toutefois. Chez Philon, Ie Logos et la Sophia n' ont pas de liens hierogamiques, c' est Dieu qui s'unit ala Sagesse, alors que Ie Logos est l'epoux de l'ame. Dans notre roman, la hierogamie de la Sagesse et du Logos pourrait donc passer pour une variante des hierogamies philoniennes et s'expliquer dans Ie cadre du judatsme hellenise, sans qu'il soit necessaire de faire appe1 ala gnose. Toutefois, les textes juifs de caractere sapiential, de meme que Philon, ignorent l'idee d'une Sagesse dechue qu'il faudrait delivrer 3. Or, ce motif, typiquement gnostique, est connu du roman. Joseph vient sauver Aseneth de l'erreur, de l'ignorance et des tenebres, tout comme Ie Sauveur descend delivrer la Sophia tombee. Ainsi Irenee peut-il montrer Ie Christ des Ophites descendant "in hunc mundum induisse primum sororem suam 1 I

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De ebrietate, 19. Cf. E. R. Goodenough, By Light, Light, p. 204. De cherubim, 41. U. Wilckens, Weisheit und Torheit, Tiibingen, 1959, p. 195.

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Sophiam" 1. Frere et sreur, Aseneth et Joseph Ie sont aussi, non seulement parce que "la veritable parente est celle que la piete etablit entre les ames adoratrices du vrai Dieu" 2, mais parce que tels sont les liens qui unissent Soter et Sophia. Comment l'auteur a-t-il con~ Ie mode d'identification des deux heros du roman II. ces hypostases? II n' est pas impossible de tenter de repondre II. cette question. L'homme qui apparait a Aseneth enfermee dans sa tour se presente II. l'heroine en ces mots (14, 7): "Je suis Ie commandant de la maison du Seigneur et Ie commandant en chef de toute l'armee du Tres-Haut". Sous cette presentation, on reconnait sans peine l'archange Michael 3. II y a plus. Cet homme etait "en tous points semblable II. Joseph", - nous dit-on -, "cependant, son visage etait comme l'eclair, ses yeux comme l'eclat du solei!, les cheveux de sa tete comme une flamme ardente, et ses mains et ses pieds comme du fer en fusion' (14, 8-9). C'est dire, sans equivoque, que cet homme, venu d'en haut et tout semblable II. Joseph, n' est autre que son archetype celeste et son ange tutelaire. Le double angelique d'Aseneth n'apparait pas dans notre roman avec la meme nettete. II n' en est pas moins legitime de penser, par simple raison de symetrie, que la Metanoia est l'archetype celeste et l'ange tutelaire d'Aseneth. De fait, Aseneth, Ville de Refuge, protege sur la terre tous ceux qui s'abritent sous ses ailes, comme la Repentance intercede dans les cieux pour tous ceux qui se repentent (15, 6-8). Le judaisme, pas plus que Ie christianisme, n'ignore ces notions, d'origine iranienne, d'archetype celeste et d'ange tutelaire '. Elles tiennent dans la gnose un role considerable 5. Nombre de textes gnostiques decrivent, en termes de hierogamie, l'union de l'ame terrestre et de son image celeste, soit dans l'extase, soit dans la mort 6. 1 Irenee, Adversm haereser, 1, 30, 12. Cf. W. Bousset, HfllIptprobleme tier Gnosis, p.263-264. I L. Massebieau, compte rendu cite, p. 170. 3 Voir Batiffol, op. Git., p. 32; V. Aptowitzer, art. Git. p. 276-278 et notre Note expliGative a 14, 7. , Pour la notion d'ange gardien, voir Bousset-Gressmann, Die Religion des Jmlentums, p. 324; J. DanieIou, us anger et leur mission, Paris, 1953, p. 92-110 et sur la dalna, R. Reitzenstein, Das iranisGhe ErlosrmgS1llysterium, Bonn, 1921, p. 31; G. Widengren, Die Religionen [rans, Stuttgart, 1965, p. 38. II Voir, par exemple, H. Jonas, The GnostiG Religion, Boston, 1958, p. 122-123. • Cf. G. Widengren, The Great Vohll Manah, Uppsala, 1945, p. 25-30; Religionens ViiI'ld, p. 384-388; 391-392; H. Corbin, Terre Glleste et Gorps de rimrre&tion, Paris, 1960, p. 162-163.

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Marc Ie Mage pouvait, par exemple, s'adresser ainsi a l'une de ses disciples: "Je veux que tu participes a ma Grace, car Ie Pere de "toutes choses" voit sans cesse ton ange devant sa face. - Or, Ie "lieu" de la Grandeur est en nous: il faut que nous soyons constitues en un. Res:ois d'abord de moi et par moi la Grace. Prepare-toi, comme l'epouse qui attend son epoux, pour que tu sois ce que je suis, et moi ce que tu es. Etablis dans ta chambre nuptiale la semence de lumiere. Res:ois de moi l'Epoux, saisis-le, sois saisie en lui" 1. Cette terminologie si caracteristique est connue de l' auteur du roman. Aseneth est ,,1'epouse" (4, 10; 15, 5; 21, 3), Joseph est "l'epoux" (4, 10; 15,5.9; 21, 3). II y a "une chambre nuptiale" dans les cieux (15, 7). L'union des deux heros est une union mystique. Aseneth Ie revele sans ambiguite lorsqu'elle dit a Joseph (20,3): "Mes mains sont tes mains et tes pieds sont mes pieds". Toutefois, alors que dans les textes gnostiques l'ime terrestre s'unit et se confond avec son image angelique, dans Ie roman, ce sont les archetypes celestes de Joseph et d' Aseneth qui s'unissent en de mysterieuses noces. Le mariage de Joseph et d' Aseneth est donc celui de l' Archange et de la Vertu. Si les commentateurs modernes ne s'en sont point apers:us, les vieux recenseurs qui ont remanie et glose notre ecrit l'ont bien vu. L'un d'eux a repris la promesse de Joseph a Aseneth pour preter a l'ange cette declaration sur la Metanoia (61,21-22): "Je l'aime extremement, car elle est ma sreur". Ainsi se trouvent unis Ie Grand Ange et la Vertueuse Repentance. Ce couple etrange provient peut-etre par dichotomie d'un Ange de la Repentance que connaissent Ie livre d' Henoch 2 et Ie Pasteur d' Hermas 3.

3. La liturgie initiatiqtle Les critiques ont depuis longtemps ete sensibles a l'atmosphere etrange et trouble OU baignent les romans grecs et latins '. On peut se refuser a reconnaitre en chacun d'entre eux "la transposition narrative d'une initiation" 5. II n'en reste pas moins que, d'une fas:on generale, les liens du roman antique et des cultes a mysteres sont 1 Irenee, Adversus haereses, 1, 13, 3. Cf. A.-J. Festugiere, La Rivllation d' Hermes Trismigiste, IV, p. 217-218. 2 I Hinoch 40,9. 3 Pasteur d'Hermas 25,7; 47,7. , Voir R. Turcan, Le roman "initiatique": A propos d'un livre recent, RHR, 163, 1963, p. 149-199. 5 Ainsi R. Turcan, art. cit., p. 150, qui s'oppose aux theses de R. Merkelbach.

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apparents 1. Le roman de Joseph et Aseneth n'y fait pas exception. C'est Ie merite de R. Reitzenstein d'abord 2, puis de G. D. Kilpatrick 3 d'avoir reconnu dans Ie repas auquel Ie roman fait plusieurs tois allusion la marque des cultes a mysteres. Le travail du savant britannique a suscite plusieurs etudes aux conclusions divergentes' et qui nous imposent de reprendre, a notre tour, l'exegese de ces textes diffici1es. Lorsqu'Aseneth, obeissant a son pere, s'etait approchee de Joseph pour l'embrasser, celui-ci l'avait repoussee en declarant: (8,5-6): ,,11 ne convient pas a un homme pieux, qui benit de sa bouche Ie Dieu vivant, et qui mange Ie pain benit de la vie, et qui boit la coupe benite d'immortalite, et qui est oint de l'onction benite d'incorruptibilite, d' embrasser une femme etrangere, elle qui benit de sa bouche des idoles mortes et muettes, et qui mange a leur table Ie pain d' etouffement, et qui boit lors de leurs libations la coupe de traitrise, et qui est ointe de l'onction de perdition. Mais un homme pieux embrasse sa mere, et la sreur qui appartient a sa tribu et a sa famille, et la femme qui partage sa couche, elles qui benissent de leurs bouches Ie Dieu vivant". Ainsi, deux repas, celui du J uif pieux, et celui des paiens; Ie premier, place sous la benediction du Dieu vivant, Ie second sous Ie patronage des idoles; qui participe a l'un ne peut avoir de rapport avec qui participe a l'autre. Comment Joseph pourrait-il embrasser Aseneth dont la bouche est souillee par les idolothytes? 11 y a plus. Le texte est construit sur une triple serie d' oppositions: pain de vie / pain d'etouffement coupe d'immortalite / coupe de traitrise onction d'incorruptibilite / onction de perdition 1

K. Kerenyi, op. &it., passim.

a R. Reitzenstein, Die hellenistis&hen MysterienreligionenB, Leipzig, 1927, p. 248-249.

G. D. Kilpatrick, art. &it., p. 5-6. J. Jeremias, The Last Supper, The Expository Times, 64, 1952, p. 91-92; Die AbendmahlsworteJe.ru3, Gottingen, 1960, p. 27-28; K. G. Kuhn, Repas cultuel essenien et cene chretienne = The Lord's Supper and the Communal Meal at Qumran; W. Nauck, Die Tradition und der Charakter des ersten Johannesbriefes, Tiibingen, 1957, p. 169-171; M. Black, The Sfrolls and Christian Origins, London, 1961, p. 105-106; A. Jaubert, La notion d'Allian&e dans Ie judaisme aux abords de /'ire &hrltienne, Paris, 1963, p. 360, n. 26; R. D. Richardson dans l'essai joint a la traduction anglaise de l'ouvrage de Lietzmann, Messe und Herrenmahl: Mass and Lord's Supper, Leiden, 1964, p. 344-347; M. Philonenko, Initiation et mystere dans Joseph et Aseneth, in C. J. Bleeker, Initiation, Supplements to Numen, 10, 1965, p. 147-153, dont l'essentiel est repris ici; Burchard, op. &it., p. 121-133 8

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Cette triple serie d'oppositions n'est pas fortuite. Elle rep rend une formule ternaire, rythmee et liturgique que nous retrouvons ailleurs dans Joseph et Aseneth (15, 4): manger Ie pain de vie boire la coupe d'immortalite etre oint de I'onction d'incorruptibilite Cette formule ternaire suppose un repas cultuel qui comporte trois phases liturgiques distinctes, centrees, Ia premiere sur Ie pain, Ia seconde sur Ia coupe, Ia troisieme sur l' onction. Quel est ce repas? Brooks voit dans Ie pain, Ia coupe et l' onction, I'eucharistie et Ia confirmation chretiennes 1. Cette hypothese est a ecarter d'emblee, non seulement parce qu'elle postule inutilement I'intervention d'un reviseur chretien, mais surtout parce qu' a Ia difference d'un repas sacre fait pour etre repete, Ia confirmation n'a pas a etre reiteree 2. De plus, s'il etait question de I'eucharistie et de la confirmation, l'absence de toute reference au bapteme serait inexplicable. En fait, ce qui interdit de reconnaitre I'eucharistie dans Joseph et Aseneth, c'est que rien dans ce repas n'en fait un "repas du Seigneur" 3. Point de mention du corps et du sang du Christ, nulle allusion a une alliance ou a un sacrifice, pas d'attente eschatologique '. On pourrait, il est vrai, penser cependant a une eucharistie gnostique ou manquerait toute reference explicite a la cene 5. Mais Ies textes gnostiques qui presentent la sequence pain-coupe-onction sont extremement rares. On ne peut guere alleguer que l'EvangiJe de Philippe 6, qui connait egalement d'autres sequences 7, si bien qu'il est difficile d'accorder a son temoignage une valeur particuliere. La solution est sans doute ailleurs. C'est dans Ie cadre des repas juifs qu'il faut replacer celui de Joseph et Aseneth. On a songe au repas sacre celebre par la communaute de Qoumran 8. Deja, Flavius Josephe, dans sa grande notice du De bello jt/daito E. W. Brooks, op. cit., p. XI. Cf. Burchard, op. cit., p. 123. 8 I Corinlhiens 11, 20. , Cf. G. D. Kilpatrick, art. cit., p. 6. 5 Cf. F. Cumont, Lux Perpetua, Paris, 1949, p. 426. 8 Etlangile de Philippe 123,1 (Cd. W. Till, Das Etlangelill1lt nach Philippos, Berlin, 1963). 7 Etlangile de Philippe 115, 27-29; 125, 3-6. 8 K. G. Kuhn, Repas cultuel esseruen, p. 88-91 et The Lord's Supper, p. 74-77; W. Nauck, op. cit., p. 169-171. 1 I

92

LES ROMANS DE JOSEPH ET ASENETH

avait decrit Ie repas des Esseniens 1, mais les textes du desert de Juda nous apportent des precisions capitales. On lit dans la Regie (6,4-5): "Et ensuite, quand ils disposeront la table pour manger ou (prepareront) Ie yin pour boire, Ie pretre etendra en premier sa main pour qu' on prononce la benediction sur les premices du pain ou du yin eu~ovTexL pLy

ILupLoc8ec; tXv8pwv Te xext YUVexLXWV xext 7text8wv.

Le texte grec de la Passion de sainte Christine est connu par un fragment de papyrus datant du v e siecle 1 et par un manuscrit de Messine 2. On nous permettra de resumer Ie recit de cette passion. II y avait dans la ville de Tyr un grec de haute naissance, tres riche, Urbanus. II avait une fille unique, tres sage et tres belle, dont Ie nom etait Christine. Le pere de la jeune fille resolut d'enfermer sa fille dans une haute tour pour la proteger des regards des hommes. Des servantes lui tenaient compagnie. Nombre de magnats la demandaient en mariage, mais Urbanus refusait de donner la main de sa fille, en raison de son jeune age. Au lieu de sacrifier aux dieux que son pere avait places dans la tour, Christine priait Ie Createur et s'emerveillait de la splendeur du soleil, de la lune et des etoiles. A ses servantes qui la pressaient de sacrifier, Christine repondait: "Je suis souillee par des idoles sans ame, muettes et aveugles, je ne renierai pas Ie Dieu qui a fait Ie ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent" 3. Lorsqu'Urbanus vint voir sa fille dans la tour, ilIa vit en priere ala fenetre orientee vers l'est. II s'etonne de ne point voir sa fille sacrifier aux dieux et comprend que, dans son egarement, elle adore Ie Dieu crucifie sous Ponce Pilate. Christine lui repond: "Ne m'appelle plus ta fille, mais appeHe-moi fiHe du Dieu celeste, auquel j'off're un sacrifice de justice" 4. Et, lorsque son pere vient l'embrasser, eUe Ie repousse en ces mots: "Ne souille pas ma bouche, car je veux pouvoir presenter un pur sacrifice au Dieu celeste" 5. Alors que Christine est en priere, un ange lui apparait. II lui annonce que sa priere a ete exaucee, lui impose les mains et lui administre Ie bapteme. Christine se retourne et voit tout a coup un pain "blanc comme neige". "Donne-moi a manger du pain d'immortalite pour la remission des peches" demande Publie dans les Papyri greci e latini, 1, Firenze, 1912, p. 57-62. Edite par M. Norsa, Martiro di Santa Cristina, Studi italiani di Filologia classica, 19, 1912, p. 316-327. Sur sainte Christine, voir P. Paschini, Ricerche agiografiche, S. Cristina di Bolsena, Rivista di archeologia cristiana, 2, 1925, p. 167-194. 3 Passion de sainte Christine, ed. Norsa, p. 317. 4 Passion de sainte Christine, ed. Norsa, p. 318. 5 Passion de sainte Christine, ed. Norsa, p. 318. 1

B

Studia Post-Biblica XIII

8

114

APPENDICES

Christine a l'ange qui accede a sa prU:re 1. Le soir venu, la sainte prend les dieux d'or et d'argent,les brise a la hache et en distribue les morceaux aux pauvres. Urbanus, apprenant que Christine a brise ses dieux, la condamne aux supplices 2. Elle est frappee a coups de pieds par quatre hommes, jusqu'a ce qu'ils soient a bout de forces. A sa mere qui la supplie d'abjurer, Christine repond: "Ne connais-tu pas Ie nom que je tiens de mon Dieu celeste? C'est lui qui est mon pere, et c'est lui qui m'a choisie pour abattre vos abominations" 3. Christine est alors conduite au tribunal. Les femmes qui assistaient au spectacle priaient, en sanglotant: ,,0 Pere de cette enfant, secours-la, car aupres de toi, elle s'est refugiee" '. Mais la sainte refuse toujours de sacrifier. Fou de rage, son pere ordonne de nouveaux supplices. Elle est chargee de chaines et d'un carcan, suspendue, raclee, dechiree, attachee a la roue au-dessus d'un grand feu alimente par de l'huile; precipitee a la mer une meule au cou, elle en est retiree par l'archange Michel. Son pere donne alors l' ordre de la decapiter, mais il meurt la nuit meme, avant d'avoir pu mettre ce dernier forfait a execution. Un autre tortionnaire prend la releve, Dion, qui fait jeter la sainte dans une poele remplie de matieres enflammees. Un autre bourreau, Justinien, succede a Dion. Christine est enfermee pendant cinq jours dans une fournaise ardente: elle en sort saine et sauve. On lache alors sur elle six serpents, deux courent se mettre a ses pieds, deux autres enlacent son cou et essuient sa sueur, tandis que deux viperes se suspendent a ses seins et qu'elle les allaite comme des nourrissons. Les supplices succedent aux supplices: on coupe les seins de Christine, puis sa langue; des pointes sont enfoncees dans tous ses membres. Elle perit enfin par Ie glaive. Selon d'autres versions, Justinien aurait tue la sainte de deux fleches, l'une au creur, l'autre au cote 0. Ces deux fleches font d'ailleurs partie des attributs traditionnels de la sainte 6. Comme Aseneth est la fille unique de Pentephres, Christine est la fiUe unique d'Urbanus; comme Aseneth, Christine est enfermee dans une tour, a l'abri des regards des hommes, ou, comme Aseneth, elle 1

Passion de sainte Christine, ed. Norsa, p. 319.

Bon resume des supplices de sainte Christine dans H. Delehaye, Les passions des martyrs, p. 285, que nous reprenons simplement en apportant quelques preci8

sions. 3 4

Passion de sainte Christine, ed. Norsa, p. 320. Passion de sainte Christine, ed. Norsa, p. 320.

Voir P. Paschini, Ricerche agiografiche, p. 189. C. Cahier, op. cit., p. 415-416; K. Kiinstle, op. cit., p. 153; p.164. 6

8

J. Braun,

op. cit.,

LE CYCLE HAGIOGRAPHIQUE

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vit en compagnie de servantes; comme Aseneth, Christine est courtisee par les magnats; comme Aseneth, Christine se sait souillee par les idoles; un ange apparait a Christine dans sa tour, comme il etait apparu a Aseneth; les deux heroines decouvrent soudain, l'une un rayon de miel, l'autre un pain, qui sont, l'un et l'autre, "blancs comme neige" 1; l'ange offre a l'une et a l'autre un morceau de cette nourriture celeste; comme Aseneth enfin, Christine brise ses dieux d'or et d'argent et en distribue les morceaux aux pauvres. Vne fois de plus, notre roman se revele etre la source d'une legende hagiographique. De prime abord, les passions de sainte Barbe, de sainte Irene et de sainte Christine dependent etroitement de Joseph et Aseneth. On a l'impression que chacune des passions repose sur notre roman et que chacune d' elles a pu emprunter tel ou tel detail neglige par les deux autres. Ainsi, seule la Passion de sainte Barbe mentionne que la tour avait trois fenetres, tout comme dans Joseph et Aseneth; seule la Passion de Sainte Irene fait allusion a la "ville de refuge"; seule la Passion de sainte Christine precise que les debris des idoles furent jetes aux pauvres, comme dans Joseph et Aseneth. Par ailleurs, on a Ie sentiment que les trois passions ne sont pas independantes, ne serait-ce que par Ie fait qu'elles sont toutes les trois des recits de martyres, ce que n'est pas Ie roman dont elles dependent. Pour P. Paschini, la Passion de sainte Barbe aurait pour source la Passion de sainte Christine 2. L. Reaux estime que la Passion de sainte Christine "a ete fabriquee avec des elements ramasses un peu partout" et il cite la legende de sainte Barbe 3. C. Burchard, lui, considere que la Passion de sainte Irene est la source de la Passion de sainte Christine 4. Faut-il supposer que les trois passions ne derivent qu'indirectement de notre roman et par l'intermediaire d'une passion perdue, qui, elle, aurait ete la premiere transposition de Joseph et Aseneth? On Ie croirait volontiers, mais, en fait, il est impossible dans l'etat actuel des etudes de se prononcer. La transmission de ces passions est encore si embrouillee que nous ne sommes pas en mesure d' apprecier la valeur des temoignages que nous comparons. Le probleme se complique encore du fait que Ie texte "original" de Joseph et Aseneth n'est plus a notre 1 B

3

4

Passion de sainte Christine, ed. Norsa, p. 319; Joseph et Aseneth 16, 4. P. Paschini, Ricerche agiografiche, p. 183, n. 7. L. Reaux, Iconographie de I'art chretien, III, Paris, 1958, p. 302. Burchard, op. cit., p. 136.

116

APPENDICES

portee. On doit se contenter de constater que Joseph et Aseneth est a l'origine du cycle de la sainte a la tour. La Passion de sainte Barbe est situee a Heliopolis; un fragment de la Passion de sainte Christine a ete trouve a Oxyrhynchus; la Passion de sainte Irene est tres probablement d'origine orientale;Joseph et Aseneth est d'origine egyptienne: tous ces indices convergent vers I'Egypte. C'est la, sans doute, et peut-etre dans un meme atelier, que des hagiographes, dont on connait par ailleurs l'activite 1, transposerent Ie roman de Joseph et Aseneth et en tirerent des Passions. Notre roman est donc a compter, a cote du livre de Daniel et du Quatrieme Livre des Machabees 2, au nombre des sources juives de l'hagiographie chretienne. Grace a notre roman, l'etude litteraire du cycle des trois saintes a peut-etre un peu avance. Peut-etre est-il permis de faire un pas de plus et d'aborder Ie probleme des sources mythologiques de la legende de la sainte a la tour? II faut, certes, se refuser a faire systematiquement des saints "les successeurs des dieux" 3. II n'en reste pas moins que de nombreux traits empruntes a la mythologie classique se retrouvent dans les legendes hagiographiques '. L'histoire de sainte Barbe, par exemple, rappelle Danae, enfermee par son pere dans une tour d'airain, comme Ie reconnait H. Delehaye Ii. L'emprunt, neanmoins, reste incertain, en depit d'une pesante demonstration 6. Si l' on veut chercher des motifs mythologiques dans l'une de nos passions, pourquoi ne pas s'orienter plutot vers Ie fonds egyptien? L'idee est d'autant plus legitime que nous avons reconnu l'arriereplan de mythologie egyptienne de Joseph et Aseneth qui est precisement la source litteraire des passions de sainte Barbe, de sainte Irene et de sainte Christine. La Passion de sainte Christine, qui appartient a la categorie "des 1 Voir L. Duchesne, In Aegypto-Une fabrique de fausses legendes egyptiennes, in Me/anges d'archeologie el d'hisloire, 37, 1918-1919, p. 179-199; H. De1ehaye, Les martyrs d'Egypte, Analecla Bollandiana, 40, 1922, p. 5-154; 299-364. B Cf. A. Dupont-Sommer, Le Quatrieme Livre des Machabees, p. 62. 3 Les mises en garde n'ont pas manque, voir H. De1ehaye, Les origines du culle des martyrr, Bruxelles, 1933, p. 404-411; Cinq lefons sur la methode hagiographique, Bruxelles, 1934, p. 27-30; Les ligendes hagiograpbiques', Bruxelles, 1955, p. X-XI et 175-201. , Cf. H. De1ehayc, Les ligendes hagiographiques, p. 31. 5 H. Delehaye, Les /egendes hagiographiques, p. 33. 8 A. Wirth, op. cit., passim.

LE CYCLE HAGIOGRAPHIQUE

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recits d'imagination meles de reminiscences et de lieux communs" 1, pourrait bien avoir conserve quelques souvenirs d'une antique geste de Neith. Christine, allaitant les deux viperes, fait songer a Neith allaitant les deux crocodiles. Christine, les fleches au poing, ne faitelle pas penser a Neith, la deesse a l'arc?

II. YOUSSOUF ET ZOULEIKHA La plus belle histoire du monde est pour les musulmans celIe de Youssouf et de Zouleikha. "Et ce n'est pas la une simple opinion, mais un article de foi, car Dieu lui-meme l'a proclame, par la bouche de son prophete, au debut de la douzieme softra du Coran. 11 va, dit-il, confondre les J uifs, les initiateurs de Mahomet devenus ses ennemis, en racontant mieux qu'eux "la plus belle des histoires" 2. L'histoire de Joseph a ete reprise par toute une pleiade d'auteurs musulmans. Dans la litterature persane, Firdousi, l'illustre poete epique, fut Ie premier, semble-t-il, a avoir ecrit un roman en vers, et ce fut Ie roman de Youssouf et Zoulei"kha 3. En persan, on signale, independamment des ouvrages litteraires ou savants en prose, dix-sept romans poetiques consacres au fils de Jacob et a sa tentatrice '. Nous ne retiendrons ici que Ie roman de Djami, Ie plus celebre de tous, avec celui de Firdousi. Rappelons toutefois au moins l'existence d'une adaptation judeo-persane de Y oussouf et Zouleikha, celIe de Shahin 5, les versions en turc de Y oussouf et Zouleikha 6, une version hindoustani, celIe de Amin 7, et deux curieuses adaptations en espagnol, Ie Poema de YUfuf8 et les Leyendas de Jose 9. Ces deux ouvrages espagnols, transcrits en caracteres arabes, sont parmi les plus beaux temoins de la litterature "aljamiada". H. Delehaye, in Analecta Bollandiana, 30, 1911, p. 459. A. Bricteux, Djami, YouslOuf et Zouleikha, traduit pour la premiere fois du persan en fran9lis, Paris, 1927, p. IX. 3 Traduction allemande d' O. Schlechta-Wssehrd, Jussuf und Suleicha, romantisches Heldengedicht von Firdussi, Wien, 1889. , Cf. A. Bricteux, op cit., p. X. & Voir W. Bacher, Zwei jiidisch-persische Dichter, Strassburg, 1908. 8 Cf. E. Hilscher, Der biblische Joseph in orientalischen Literaturwerken, in Mitteilungen des Instilulsfiir Orient/orschung, IV, 1, Berlin, 1956, p. 106-107. 7 Traduction fran~aise partielle dans J. Garcin de Tassy, Histoire de la Iilliralure hindoui et hindoustani, II, Paris, 1847, p. 507-532. 8 Texte espagnol dans G. Ticknor, Histoire de fa Ii/llrature espagnole, Paris, 1864, p. 474-508; traduction fran~aise partielle dans E. Kohler, Anthologie de la liltlralure espagnole du Moyen-Age, Paris, 1957, p. 173-180. 9 Texte espagnol dans F. Guillen Robles, Leyendas de Josl, hijo de Jacob y de Alejandro Magno, Zaragoza, 1888, p. 3-131. 1

I

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APPENDICES

Les rapports entre ces differentes versions du roman de Youssotif et Zoulei"kha n'ont pas, a notre connaissance, fait l'objet d'etudes approfondies 1. On a toutefois reconnu assez tot l'importance des sources juives de YOUSSOttj et Zoulei"kha 2. Ce qui est moins connu, c'est que Ie roman deJoseph et Aseneth est la source premiere du roman de Youssouf et Zoulei"kha en ses diverses formes 3. C'est ce que nous allons montrer, en resumant Ie roman de Youssotif et Zoulei"kha de Djami, et en citant de larges extraits 4. Joseph etait d'une extraordinaire beaute. "C'etait, dans la constellation d'Isaac, un astre illuminant les horizons, une tulipe s'erigeant comme un etendard dans Ie jardin de Jacob, ala fois blessure et baume pour Ie creur de son pere" b. "La tradition rapporte qu'il y eut dans la terre d'Occident un roi fameux, du nom de Taimous ... Ce roi avait une fille qu'il preferait au monde entier, astre Ie plus beau de son zodiaque, joyau Ie plus resplendissant de ses tresors" 6, Zouleikha. Dne nuit, Zouleikha vit en reve "un jouvenceau ou, pour mieux dire, un pur esprit, une radieuse image venue du monde de la lumiere" 7, dont elle tomba eperdument amoureuse. Au matin, la gracieuse apparition de la nuit avait disparu. Zouleikha, de desespoir, commen~a alors a passer ses jours et ses nuits dans les larmes. Son changement d'attitude donna a penser a ses servantes et sa nourrice parvint a lui arracher son secret. Dne nuit, elle vit a nouveau la beaute lumineuse qui lui etait apparue et qui lui declara: "Je ne suis qu'un mortel petri d'eau et de limon. Tu pretends m'aimer. Si tu es sincere, garde-moi ta foi et refuse tout autre epoux" 8. Le jouvenceau apparut enfin une troisieme fois a Zouleikha et lui revela qui il etait: "Je suis l'aziz d'Egypte, et Mitsraim est mon sejour.

1 L'article de Hilscher n'est qu'un inventaire raisonne; l'ouvrage de H. A. Brongers, De fozifsgeschiedenis by foden, Christenen en Mohammedanen, Wageningen 1962, ales caracteres d'une anthologie. s Voir les etudes importantes de M. Griinbaum, Zu Jussuf und Suleicha, et Zu Schlechta-Wssehrd's Ausgabe des Jussuf und Suleicha, in Gesammelte Aufsatze zur Sprach- und Sagenkunde, Berlin, 1901, p. 515-593. 3 Batiffol, op. cit., p. 35-36, l'a, Ie premier, signale. , Nous citerons Djami dans la traduction franc;aise de A. Bricteux. 5 Traduction A. Bricteux, p. 30. e Traduction A. Bricteux, p. 33. 7 Traduction A. Bricteux, p. 38. 8 Traduction A. Bricteux, p. 47.

YOUSSOUF ET ZOULEIKHA

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Je suis un favori du roi, et mon rang me vaut la gloire et la pompe souveraine" 1. "Bien que la beaute de ZouleIkha fut alteree par la passion, sa renommee remplissait l'univers, et quiconque entendait decrire ses charmes en devenait epris. On parIait d'elle a la cour de tous les monarques, et les demandes en mariage arrivaient de toutes parts" 2. ZouleIkha les repoussait toutes, "car c'est, disait-elle, l'Egypte que j'aime, c'est elle f>eule qui m'attire; a quoi bon les hommages venus d' ailleurs?" 3. De guerre lasse, Ie pere de ZouleIkha ecrivit donc a l'aziz d'Egypte pour lui offrir la main de sa fille. L'aziz accepta l'offre du pere de ZouleIkha et envoya une caravane de deux cents litieres d'or avec des milliers de jouvenceaux et de jouvencelles chercher sa fiancee. Et Ie pere de la jeune fille envoya a leur rencontre ZouleIkha dans un palanquin de santal et d'aloes. Lorsque l'aziz se rendit en grande pompe au devant de ZouleIkha, celle-ci l'aperc;ut par une fente de son pavillon. Belas! ce n'etait pas Ie fantome de ses reves. Y oussouf, abandonne par ses freres dans un puits, avait ete achete par un caravanier et emmene en Egypte. Le caravanier l'exposa sur un marche pour Ie vendre. ZouleIkha, passant par la, reconnut Ie bien-aime de ses reves et reussit a l'acquerir. ZouleIkha va des lors se consacrer toute entiere a seduire Y oussouf. Mais Ie jouvenceau repoussait toutes ses avances: "Ne t'imagine pas - disait-il- que je pourrais desobeir aux lois divines et, egare par la concupiscence, m'engager dans la voie de la rebellion. Le vizir me considere comme un fils, confiant a ma loyaute toute sa maison. Je ne suis que l' oiseau nourri de sa graine et abreuve de son eau. Comment pourrais-je Ie trahir?" 4. ZouleIkha fit mille tentatives pour seduire Y oussouf. Sur Ie conseil de sa nourrice, elle fit construire un palais splendide, OU un artiste avait represente l'heroIne et Y oussouf unis dans une amoureuse etreinte. Youssouf, invite asejourner au palais, devait sentir s'eveiller en lui Ie desir de posseder ZouleIkha. Y oussouf fut conduit par ZouleIkha a travers les sept chambres du palais. Dans la septieme, Ie fils de Jacob fut bien pres de succomber. ,,11 mettait la main sur sa propre ceinture, mais ses doigts hesitants la 1 2

3

4

Traduction Traduction Traduction Traduction

A. A. A. A.

Bricteux, p. Bricteux, p. Bricteux, p. Bricteux, p.

51. 52. 53. 114.

120

APPENDICES

denouaient puis la rattachaient tour a tour. Soudain, i1 aper~ut, dans Ie coin de la chambre, un rideau brode d'or. "Qu'est-ce que ce rideau? demanda-t-il, qu'y a-t-il derriere?" - "C'est, repondit-elle, l'objet de ma devotion incessante: une idole d'or aux yeux de perles et, a l'interieur plein de musc parfume. A toutes les heures du jour, je me prosterne devant elle, Ie front contre terre. Je l'ai mise derriere Ie rideau pour que son regard ne tombe pas sur moi quand je pratique l'impiete comme je Ie fais en ce moment". A ce discours, Y oussouf poussa un grand cri: "Si ta piete, dit-il, vaut un dinar d'argent, la mienne ne vaut pas une obole. Comment! tu as honte du regard des choses inanimees, et moi je n'ai pas de pudeur devant Celui qui voit tout, Ie Dieu eternel et tout-puissant!" 1. Et Y oussouf se sauva. "Zouleikha s'elan~a a sa poursuite et Ie rattrapa dans la derniere chambre. Elle Ie saisit par ses vetements pour lui faire faire demi-tour, et lui dechira la chemise dans Ie dos. Toutefois, Y oussouf echappa a cette pauvre affolee, la chemise dechiree, tel un bouton de rose epanoui" 2. De deception, Zouleikha raconta sa version de l'incident au vizir qui fit jeter Youssouf en prison. Le fils de Jacob n'en fut libere que par Pharaon qui Ie combla d'honneurs, parce qu'il avait interprete ses reyes. L'aziz mourut. Zouleikha, devenue veuve et privee de Y oussouf, trouva un refuge dans les larmes. "Elle passa ainsi bien des annees, sans autre occupation que sa peine... Des rides envahirent son visage frais et rose, et Ie petale d'aubepine de sa joue se fIetrit" 3. Devenue aveugle, "aneantie par la solitude, Zouleikha construisit sur Ie chemin habituel de Y oussouf une hutte de joncs, et entoura son petit enclos d'une haie de roseaux entrelaces d'ou sortaient des sons plaintifs comme des airs de moussikar. Des qu'elle se mettait a gemir sur l'absence, chacun d'eux vibrait a l'unisson de sa voix, et quand dIe s'embrasait sous la douleur de la separation, des etincelles y portaient l'incendie. Elle gisait meurtrie au milieu de ces roseaux, comme un gibier blesse parmi les fleches plantees autour de lui dans Ie sol" 4. C'est ainsi que Zouleikha, non contente de s'asseoir sur Ie passage de Youssouf, aurait voulu jouir de sa vue. Un soir, elle se prosterna devant l'idole qu'elle avait adoree toute sa vie et lui adressa une 1 B

8 4

Traduction Traduction Traduction Traduction

A. A. A. A.

Bricteux, Bricteux, Bricteux, Bricteux,

p. p. p. p.

138. 139. 183-184. 186.

YOUSSOUF ET ZOULEIKHA

121

derniere priere. Mais cette priere resta sans reponse, alors elle epancha sa rancreur dans cette apostrophe: ,,0 pierre qui brisas Ie vase de mon honneur et de mon rang, pierre d'achoppement dans toutes mes demarches, tu as ferme a mon creur la voie du bonheur, teUement qu'il vaudrait mieux Ie meurtrir a coups de pierre. En me prosternant devant toi, je n'ai fait que fouler Ie chemin de la perdition, et en t'implorant avec des pleurs, je m'interdisais toute felicite dans ce monde et dans l'autre. Tu n'es qu'un vil mineral dont je veux fuir la domination ecrasante et, par une autre pierre, je vais briser Ie joyau de ton prestige.' EUe dit, et comme Abraham l' Ami, elle prit un caillou et en fracas sa l'idole, et de ce brisement resulta un affermissement" 1. "Puis elle distribua aux pauvres, dans la vue de Dieu, les vetements d'or qu'eUe avait mis sur cette idole. Les fragments de l'idole brisee valaient plusieurs lakhs d'argent; eUe les distribua aussi sur-Ie-champ aux pauvres" 2. Y oussouf finit par entendre la plainte de Zouleikha au bord du chemin et la fit appeler. Apprenant qui elle etait, il s'etonna de la voir dans une pareiUe detresse. "ou sont aUees, dit-il, ta jeunesse et ta beaute? - Ton absence me les a fait perdre. -- Pourquoi ton cypres gracieux est-il ainsi courbe? - C'est sous Ie poids de la douleur de t'avoir perdu. --- Et ton reil, pourquoi est-il sans lumiere? -- Prive de ta vue, il s'est noye dans Ie sang" 3. Youssouf promit alors a Zouleikha d'exaucer tous ses vreux. Zouleikha en formula deux. "Le premier, diteUe, c'est de recouvrer ma jeunesse et rna beaute, teUes que tu les as connues jadis. Le second, c'est de retrouver la vue et de pouvoir cueillir une rose du jardin de ta joue." Y oussouf remua les levres pour la priere, et en fit couler des paroles pareilles a l'eau de jouvence. 11 ressuscita sa beaute morte et rendit a sa joue la parure du bonheur. 11 ramena l' onde dans Ie ruisseau tari, et la roseraie de sa jeunesse en retrouva sa fraicheur. Son camphre fit place au musc de Tartarie, la nuit obscure succeda a l'aurore, la blancheur disparut de sa tresse noire et parfumee, la lumiere dissipa les tenebres de ses yeux. Son cypres rose se redressa, les rides s'effacerent de son corps argente. La jeunesse eclipsa la vieillesse, et, apres la quarantaine, elle retrouva ses dix-huit ans" 4. "Youssouf prepara un banquet royal et y invita Ie roi et les grands 1 8

3 4

Traduction A. Bricteux, p. 190-191. Amin, traduction Garcin de Tassy, p. 522. Djami, traduction A. Bricteux, p. 193. Traduction A. Bricteux, p. 194_

122

APPENDICES

d'Egypte... Suivant la loi d'Abraham l' Ami et la religion de Jacob, et les beaux rites et la belle coutume, il s'unit a Zouleikha et ajouta a son collier cette perle unique" 1. De toute evidence, la legende de Youssouf et Zoulei'kha s'inspire de Joseph et Aseneth, a une difference pres cependant: alors que Joseph epouse la fille de Pentephres, Y oussouf epouse, en fait, la veuve de Putiphar. Ceci dit, la parente entre les deux recits est etroite. Comme les deux heros du roman juif, les deux heros du roman persan sont d'une extraordinaire beaute. Tout comme Joseph et Aseneth, Youssouf et Zouleikha resplendissent de l'eclat du soleil. Tout comme la renommee de la beaute d' Aseneth se repand dans tout Ie pays, celle de Zouleikha remplit tout l'univers. Comme Aseneth, Zouleikha est demandee en mariage par les grands de ce monde, et, comme Aseneth, Zouleikha repousse ses nombreux pretendants; comme Aseneth a sa chambre meublee d'idoles, Zouleikha, dans sa chambre, adore l'image de son dieu; comme Aseneth se convertit a la foi juive, Zouleikha se convertit a l'islamisme; Aseneth brise ses dieux d'or et d'argent et en jette les morceaux aux pauvres, Zouleikha fait de meme; comme Aseneth finit par epouser Joseph ala suite de sa conversion, Zouleikha epouse Y oussouf apres sa conversion. Enfin, l'episode de la resurrection de la beaute de Zouleikha pourrait avoir ete suggere par la promesse faite par l'ange a Aseneth et que l'on trouve dans Ie texte long (64, 15-18): "Voici, aujourd'hui, tes chairs bourgeonnent, telles des £leurs de vie de la source du TresHaut, tes os seront engraisses comme les cedres du Paradis, et des forces infatigables s'empareront de toi. Ta jeunesse ne verra done pas la vieillesse et ta beaute ne disparaitra jamais." Joseph et Aseneth est bien l'une des sources litteraires de la legende de Y oussouf et Zouleikha. Par analogie avec Ie cycle des trois saintes peut-on songer a retrouver un fil mythologique dans la trame de la legende musulmane? Cela ne parait pas totalement exclu. Le roman de Djami, par exemple, pourrait bien charrier quelques debris de l'antique Geste de Neith. On lit ainsi dans la lettre du pere de Zouleikha a l'aziz d'Egypte: "Pour elle, Roum est sans charmes et elle a horreur du climat syrien, et ses Iarmes, comme un Nil, arrosent Ie chemin qui mene a l'Egypte. Je ne sais quelle est Ia cause de I'attraction violente qu'exerce sur elle ce pays. Sans doute, elle a ete petrie de son limon, et Ie createur lui a 1

Traduction A. Bricteux, p. 195.

YOUSSOUF ET ZOULEIKHA

123

assigne la-bas sa subsistance" 1. Faut-il voir la quelque reminiscence, non seulement de l'otigine egyptienne de Zouleikha, mais aussi une allusion a Neith, fille du Nil? 2 A l'arrivee de Joseph, ecrit Djami, "les idoles d'Egypte resterent tete baissee et lurent sur la tablette de Y OUSSOU! la formule de leur decbeance; partout, en effet, OU triomphe la splendeur du soleil, l'etoile polaire elle-meme ne peut que s'effacer" 3. Ne faut-il pas trouver dans cette annonce de la conversion de Zouleikha comme un souvenir lointain de la conversion par Joseph, figure du soleil, de "celIe qui appartient a Neith" et qui est entouree, on Ie sait, de Ia constellation de la Grande Durse 4? Enfin, ne faudrait-il pas reconnaitre en Zouleikha dans sa hutte de roseaux, dont chacun vibrait a l'unisson de sa voix, un rappel voile de Neith, la dame au roseau 5? 1 8 3

4 5

Traduction A. Bricteux, p. 56. Cf. supra, p. 65. Djami, traduction A. Bricteux, p. 90-91. Cf. supra, p. 67. Cf. supra, p. 66.

TEXTE GREC, TRADUCTION ET NOTES

SIGLA A

Rome, Vat. gr. 803 (troisU:me recension longue)

B

Rome, Pal. gr. 17 (recension courte)

D

Oxford, Baroc. gr. 147 (recension courte)

E

Athos, Vatopedi 600 (premiere recension longue)

F

Bucarest, gr. 966 (premiere recension longue)

G

Chilicothe (premiere recension longue)

H

Jerusalem, St. Sepulchre 73 (deuxieme recension longue)

arm (enien) (premiere recension longue) lat(in)

(premiere recension longue)

sl(ave)

(recension courte)

syr(iaque)

(premiere recension longue)

r

(= omission de la version slave)

l

KAI llPO~EYXH A~ENE0 llENTEPH IEPEQ~-l

1- EEOMOAOrH~I~

0YrATPO~

1. 1. 'Ey€vs:'t"o €V 't" 1tp6mp e't"S:L 't"WV e1t't"~ s:'t"WV Trje; S:Ue'Y)V(~e; €V 't" fL 'Y) v L 't" Ils:U't"€p

e;A'l)C; m:pt T'l)C; mTo~omac; tW(J'l)q> TOU rrayxcxAou XCXt rre:pt cxae;ve;6 XCXt rrwc; 0 Oe;oc; CXUTOUC; auve;~e;u~e:v D 2-2xuxAe;uaCXt- tWCT'ljq> D sl E : om. B 30ptcx BD sl EH : op'l) G 4-4XCXt - q>cxpcxw D sl: om. B 0-50 CXV'l)P OUTOC; GH: 0 CXV'l)P BF CXV'l)P D 6'l)V B sl FG: om_ D 7-7XCXt 'l)V te;pe:uc; 'l)AtourroAe;wc; sl E: XCXt 'l)V rre;VTe:q>p'l)C; rrpWTOC; T'l)C; 'l)AtOurroAe:wc; B om_ D l-le:~O[LOAoy'l)mc;

Titre. Les variantes du titre sont tres nombreuses, Burchard, ap. cit., p. 50-54, s'est efforce sans grand succcs d'y mettre un peu d'ordre. La question est d'ailleurs d'un interet assez mince_ On notera que dans aucun manuscrit notre ouvrage n'a pour titre "Joseph et Aseneth". C'est cependant cette appellation que nous avons retenue: elle est traditionnelle et il est assez heureux que, comme la plupart des romans grecs et latins, notre roman soit designe par Ie nom de ses deux heros_ 1, 1. La mention des "sept annees d'abondance" est tiree de Cell/lse 41, 17-36 ; 53-57_ Joseph part en tournee Ie 5/1L Cette fas;on de designer les jours est celie du calendrier du livre des Jubiles, comme I'a bien remarque J. van Goudoever, Biblical Calendars 2 , Leiden, 1961, p. 120. Sur ce calendrier, voir A. Jaubert, La date de la Cene, Paris, 1957, p_ 13-75. XUXAe;uacxt rriiacxv TI)V y'ijv AtyurrTou. Comparer 9,3 : xuxAe;uaw rriiacxv TI)v rr6AtV xcxl T7)V y'ijv.

1,2. Joseph arriverait a Heliopolis Ie IS/IV, ce qui, selon Goudoever, serait une indication du solstice d'ete ; Ie trait conviendrait bien a la situation: Joseph, figure solaire, entre, Ie jour du solstice, dans la Ville du Solei!. A. Jaubert a bien voulu nous donner son avis sur ce verset: "Si l'on choisit la date du IS/IV, - d'apres 1,2 et les versions de 3, 1 - ,cette date dans Ie calendrier des Jubiles tombe un samedL Or, Ie motif que Joseph donne Ie sair pour refuser de rester, c'est qu'cn ce jour Dieu a commence de faire to utes ses oeuvres; ce serait donc un dimanche, lequel commens;ant la veille au soir correspondrait bien au sabbat de IS/IV. Si I'on admet cette explication, il y aurait dans ce passage d' Aseneth une trace du calendrier desJubilis."

CONFESSION ET PRIERE D'ASENETH, FILLE DU PRf:TRE PENTEPHRES 1.

1. La premiere annee des sept annees d' abondance, Ie deuxieme mois, Ie cinquieme jour du mois, Pharaon envoya Joseph faire Ie tour de tout Ie pays d'Egypte. 2. Joseph arriva Ie quatrieme mois de Ia premiere an nee, Ie dix-huitieme jour du mois, dans Ie territoire d'Heliopolis. 3. 11 ramassait Ie bIe de cette contree comme Ie sable de Ia mer. 4. 11 y avait un homme dans cette ville, satrape de Pharaon, et qui etait Ie chef de tous Ies satrapes et des magnats de Pharaon. 5. Cet homme etait tres riche, sage et prudent; i1 etait conseiller de Pharaon, s'appelait Pentephres et etait pretre d'Heliopolis. 6. Pentephres avait une fille d'environ 'Iwa1j (.LeycXAcp 6cxAcX(.LCP TIj~16 ' Aaeve6 61t0u e-rpecpeTo ~ 1tCXp6eVLCX cxuTIj~. 13. 17-Kcxl ~v-17 ~ (.LLCX 6upt~ &.1t0~Ae1t0uacxI8 E1tt ~v CXUA~V 1tpO~19 &.VCXTOAcX~, xcxl ~ 8eUTepcx ~v E1tL~Ae1t0uacx20 1tpO~ ~oppiiv 211tpO~ TO &(.Lcp080v,

5• K CXt\

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post XPU'11 KlXl 6P1X0"1tLIX. 't"L';; y&:p ci'll6pC:l7tC!>'11 yevvijO"ltL 7t0't"! 't"OLOU't"O'll KtXAAO';;. Comparer Heliodore

~ALO';; !K 't"OU OUPIX'IIOU. Voir

6, 6. 6, 7.

CONFESSION ET PRIERE D'ASENETH

151

Et maintenant, void, Ie soleil est venu du del vers nous sur son char et i1 est entre dans notre maison aujourd'hui. 6. Et moi, insensee et impudente, qui l'ai meprise et qui ai dit de mauvaises paroles sur lui et qui n'ai pas su que Joseph est fils de Dieul 7. Car quel est celui d'entre les hommes qui engendrera jamais une telle beaute et quel sein enfantera une telle lumiere? Malheureuse et insensee que je suis, car j'ai dit a mon pere de mauvaises paroles. 8. Et maintenant que mon pere me donne a Joseph comme servante et comme esclave, et je Ie servirai a jamais."

7. 1. Joseph entra dans la maison de Pentephres et s'assit sur un siege et Pentephres lui lava les pieds et lui installa une table a part, car i1 ne mangeait pas avec les Egyptiens, parce que c'etait pour lui une abomination. 2. Joseph dit a Pentephres et a toute sa famille: "Quelle est cette femme qui se tient au balcon, pres de la fenetre? Qu'elle s'en aille done de cette maisonl" 3. Car Joseph craignait qU'elle aussi ne l'importunat, car toutes les femmes et les filles des magnats et des satrapes de tout Ie pays d'Egypte l'importunaient, voulant partager sa couche. 4. Nombre des femmes et des filles

10, 7, 4 : OU)( OL8cx t80uacx -ro~ou-ro )(cXAAO 'Iw~

6e:ii> 't'ii> uljJ(G't'cp, KOtt e:!1te: 1tpOe; OtuTIjv 'Iw~. Comparer Genese 14,19: e:uAOYll!LeVO~ A~plX!L 't'ij> 6e:ij> 't'ij> ulji£O"'t'Cj>. o6e:ot; 0 i.lIjiLO"'t'Ot; ou 0 i.lIjiLO"'t"OC; comme en 8,10; 9,1 ; 14, 7 ; 15, 7 ; 15, 8 ; 17, 5 ; 21,3; 21,4 et tres souvent dans les Septante; aux textes cites par Bousset-Gressmann, Die Religion des Judentums 3, p. 310, n. 2, ajouter les nombreuses attestations du Dieu "Hypsistos" dans les Pseudepigraphes: Jubills 7, 36 ; 12, 19; 21,22; 21,23; 21, 25 ; Oracles Sibyl/ins 3, 519 ; 3,580 et 3, 719 ; Testament de Simeon 2, 5; 6, 7; Testament de Levi 3, 10 ; 4, 1 et tres souvent; I Henoch 10, 1 ; 46, 7 ; 94, 8 ; 98, 7 ; 98, 11 ; IV Esdras 3, 3 ; 4, 2 et tres souvent ; Apocalypse syriaque de Baruch 64,6; 64,8; 77,4; 77,21; Liber Antiquitatum Biblicarum 32,14; 53,2; Vie d'Adam et Eve 15,3; Testament de Salomon 1,7 ; 11,6; attestations de "'~'37 dans les textes de Qoumran: Regie 4,22; 10, 12 ; 11, 15; Hymnes 43,31 ; 6,33; Ecrit de Damas 20,8. o 6e:ot; 0 l:CIlon;OLljO"IXt; 't'oc 7ttXV't'IX. Voir Note explicative a 8, 10. 8, 5, at; e:UAoye:r 't"ij> 0"'t'6!LIX't"L IXU't'OU. M~me formule a la fin du verset et en 8, 6. Comparer Tobit 13, 16 ; Psaume 48, 14; 61, 5. 't"ov 6e:ov 't'ov l:v't'oc ou 6e:ov l:V't"IX, en 8,6, comme souvent dans les Septante, IV Rois 19, 4 ; 19, 16 ; Esaie 37, 4; 37, 17; Osee 2, 1; Daniel 6, 21 ; III Machabees 6, 28; et dans les Pseudepigraphes, I Henoch 5, 1; 106,3 (lat.); 106, 11 (lat.); Oracles Sibyl/ins 3, 763 ; Jubiles 1,25 ; 21,4.

CONFESSION ET PRIERE D' ASENETH

155

8. 1. La mere d' Aseneth monta a l'appartement et conduisit Aseneth aupres de Joseph. Et Pentephres dit a sa fille, Aseneth: "Salue ton frere, car lui aussi est vierge, comme tu l'es toi aussi aujourd'hui, et il hait toute femme etrangere, comme toi aussi tu hais tout homme etranger." 2. Aseneth dit a Joseph: "Salut, seigneur, beni du Dieu Tres-Haut." Joseph lui repondit: "Que Ie Dieu qui donne la vie a l'univers te benissel" 3. Et Pentephres dit a Aseoeth: "Approche et embrasse ton frere." 4. Et quand e1le s'approcha pour embrasser Joseph, Joseph etendit sa main droite, la posa sur la poi trine d' Aseneth et dit: 5. ,,11 ne convient pas a un homme pieux, qui benit de sa bouche Ie Dieu vivant, et qui mange Ie pain benit de la vie, et qui boit la coupe benite d'immortalite, et qui est oint de l'onction benite d'incorruptibilite, d'embrasser une femme etrangere, e1le qui benit de sa bouche des idoles mortes et muettes, et qui mange a leur table

&pTOV eUAoyrlldvov. Entendons Ie pain sur lequel a ete prononcee la benediction ; cf. Regie 6, 5 ; Regie annexe 2, 17-21. &pTOV ••• ~wijt;, comme en 15,4. Comparer Jean 6,35 : ~yw d(.l.L I; &pTOt; Tijt; ~wijt;.

7tOTI)PLOV EUAOY7l(J£vOV. Entendons la coupe sur laquelle a ete prononcee la benediction. Comparer I Corinthiens 10, 16: TO 7tOTI)PLOV Tijt; EUAOylat;. Sur la benediction de la coupe dans la liturgie juive, voir Strack-Billerbeck, Kommentar :(.um Neuen Testament aus Talmud und Midrasch 2, III, p. 419. 7tOTI)PLOV ••• &6otVotaLott;, comme en 15,4. De cette expression genitivale on rapprochera, Diodore de Sidle, 1, 25 : TO Tijt; &6otvotaLott; cpcXp(.I.otXOV, atteste aussi chez Ignace d' Antioche, Ephesiens 20,2. On notera que Ie mot &6otvotala n'apparait, dans la version des Septante que dans la Sagesse de Salomon 3, 4 ; 4, 1 ; 8, 13 ; 8, 17 ; 15, 3 et dans IV Machabees 14, 5 ; 16, 13. xpLa(.l.otTL EUAOY7J(.I.EV GT6fLoc.TL oc.UTWV OEOV ~WVToc.· 7. fLOLCU ~&pt 'AO"&ve6- 2•

3.

4-'t"OV IIe:v't"e:cpp~ xal. TIjv 'AO"e:v€6- 4•

5- K(Xt l6(X(J.~7)6'1l mKpi;> 'l'OU'I'Ij>.

198

EEOMOAOrHl:Il: KAI IIPOl:EYXH Al:ENE0

't'OU 3c:btvou 't'C:Ac:0'6moc; c:taYjA6c:v 'Ic.ualjep 7'CpOC; , AO'c:ve6 Xott O'\)VeAot~c:V , AO'c:ve6 tx 't'OU 'Ic.ualjep. Kot/. ~'t'Exc: 't'ov MotvotO'aYj Xott 't'ov ' Eeppotr.EL 't'ov &3C:AepOV otlhou tv 't'(j> o~xCf> 'Ic.ualjep16.

22.

1. Kott tyevc:'t'o ELC:'t'eX 't'otU't'ot Xott 7'Cotp1jA6ov 't'eX E7'C't'eX ~'t'1) 't'1jc; c:u6Yjvtotc; xotr. ~p~otv't'o 't'eX E7'C't'eX ~'t'1) 't'oul ALELOU. 2. Kott ~c; ~xouO'C:v 'Iotxw~ 7'Cc:pt 'Ic.ualjep r't'OU utou otu't'oul, c:taYjA6c:v c:tC; A~yu7'C't'ov GUv 7'C(xarJ 't'n O'\)'Y'YEVEt~ otu't'ou !ltv 't'(j> 3c:u..epCf> EL1Jvr. ELL~ Xot/. c:tXcx.3L 't'ou EL1Jv6C;, Xot/.3 Xot't'~xYjO'C:v tv yn rc:O'eEL '. 3. Kot/. El7'CEV 5-' AO'Eve6 7'CpOC; 'Ic.ualjep-5. 7'COPEUO'OELotL8 Xot/. i5~OELotL 't'ov 7'Cot't'epot O'ou, 3L6't'L 0 7'Cot't"ljp O'ou 'IO'potl)A 7'Cot't"ljp ELOU to"t'L. Kot/. c:l7'CEV otU't'n 'Ic.ualjep· 7'COPEUO'6>ELE6ot &ELot. 4. Kot/. ~A6c:v 7-'Ic.ualjep Xotr. , AO'c:ve6-7-8- tv y7i rc:aeEL Xotr. &7djv't'1)O'otV otU't'o'i:C;-8.9 ot &3C:AepOt 'Ic.ualjepIO Xott 7'CpoO'c:xuvYjO'otV t7tr. 't'ljv y1jv. 5. Kot/. ~A6ov 7'CpOC; 'IotXw~ Xot/. C:UA6'YY)O'EV otu't'ouc; ll-Xott Xot't'EeptAYjO'C:V otU't'OUC;-ll. Kott txpEELcx.0'6Yj , Aac:ve6 t7'Cr. 't'OV 't'pcx.XYjAOV 12-'t'oU 7'Cot't'poc; otu't'ou- 12 'IotXw~ Xott Xot't'c:eptAYjO'C:V otu't'6v. 6. Kott ELE't'eX 't'otu't'ot ~epotyov Xott ~mov. 7. Kott t7'COpc:u6YjO'otV I3 ·l4'Ic.ualjep Xotr.

sl F : ocpocw eXyyeAoue;6 xoct 7tpoO'exocAeO'oc't'o 't'ov ~ufJ.ewv xoct 't'ov AeuL. 3. Koct ~A6ov 7tpOe; ocu't'ov 7-rxoct E:O"t'Y)O'ocv EVW7tLOV ocu't'oul- 7 xoct AeyeL OCU't'OLe; rb utoe; cI>ocpocwl ·YLVWO'Xpoc ~tXv-roc TIX ILeAAOVTOC. Comparer Platon, Charmide 173 C: ~pOq>ljTOCt; Tiilv ILEAA6v-rrov. Sur les devins qui prophetisent les evenements it venir, voir F. Cumont, L' Egypte des astr%gues, p. 158. 23, 9. &'~OBOUVOCL xocxov &'v"r1 XOCXOU. Cette expression se retrouve encore en 28,4 et 28, 14. Elle n'est pas attestee dans l' Ancien Testament, oil 1'0n trouve cependant une formule assez voisine, en Proverbes 17,13: at; &'~oB(BroaLv XOCXIX &.vTl &.yocOiilv. Voir surtout Reg/e 10, 17-18: "Je ne rendrai it personne la retribution du mal: c'est par Ie bien que je poursuivrai un chacun." Rapprocher egalement ApocalYpse de Sedrach 7, 7 ; Romains 12, 17; I ThessaloniGiens 5, 15; I Pierre 3, 9. 23, 10. ~pOtE(qt TTl KOtpB(qt. Comparer Matthieu 11,29 : ~poco~ Aocv xoct roc8· ~(J.eLe:; 7tOL~O"o(J.ev 50"cx 7tpoO"'t'oc~eLe:; ~(J.LV. 32a-' AX1)x6oc(J.ev yocp-32 a 't'OU 'ICJl~cp 33-Aeyov't'oe:; 7tpoe:; TIjv , AO"eve6- 33 • 7topeuou OCUPLOV de:; 't'OV ocypov 't'Yje:; XA1)POVO(J.LOCe:; ~(J.6}V, 8L6't'L 34-xOCLp6e:; EO"'t'L -34 't'OU 't'puy1)'t'OU. Koct ~8CJlxe (J.e't" OCU't'Yje:; &v8poce:; t~CXXoO"toue:; 8uvoc't'oUe:;35.36-eLe:; 7t6Ae(J.ov-36 .37 -xoct 7tev't'~xov't'oc 7tpo8p6(J.oue:;-37. 15. Koct 38-We:; ~xouO"ev 0 utoe:; cxpocw 't'OCU't'OC 't'oc p~(J.CX't'OC-38, ~8CJlxev39 't'OLe:; 't'eO"O"ocpO"LV

uaUTOU B : GOU D sl EG 16UILOOV BFG : 6e:ou D sl HOUV B : wv D 18aILuve:a6e: D sl : aG7taGaa6e: B 18tp7jGL B: tp7j D B°7taL8L. Comparer 20,7. 24, 14. 1t0PEUOU otGpLOV ElIO Tbv a.ypbv TIjIO xAljPOVOlJ.lotlO 7)lJ.wv. Comparer 26, 1. Xottp61O !aTL TOU TpUy'ljTOU. Comparer 25,2 et 2, 19.

208

E:a:OMOAorH~I~

KAI IIPO~EYXH A~ENE0

cXV8pOCGLV cXvcX 7tev't'ocXOGLWV cXv8pwv xocl oclhouc; xoc't'eG't'l)Gev lkpxov't'occ; ocu't'wv XOCL ~ye(J.6vocc;. 16. Kocl eL7tOV 40 OCU't'ci>41 LlcXv XOCL roc8' ~(J.eLc; 7topeuG6(J.eOoc vux't'oc; xocl Eve8peuGo(J.ev etc; 't'ov XeL(J.ocppov XOCL xpu~1JG6(J.eOoc etc; TIjv 6A1JV 't'ou XOCAOC(J.OU. 17. KOCL GU Aoc~e (J.e't'cX Geocu't'ou 7tev't1jxov't'oc &v8pocc; E(Lcxt mpt 'tij~ c!t(LCXP'ttcx~ u(LiAv. Toute la scene qui va suivre montre comment Aseneth, par sa parole seule, vainc la juste colere des fils de Lea. On songe a la Sagesse de Salomon 18,20-25, oil Aaron, par sa priere seule, vainc la colere divine. II n'est pas sans interet de rappeler que, dans ce texte, il faut reconnaitre en Aaron, une figure du Logos; voir, par exemple, E. R. Goodenough, By Light, Light, p.275-276. 28,6. KptVe:L KUptO~ cXvcx~aov e(Lou KCXt u~v. Comparer Genese 16,5 : xplvcxt /) 6e:o~ cXva. (Leaov e(Lou KCXt aou. 28, 8. ol ulol Al~ 'tPexoV'te:~ Wa1te:p !ACXcpOt. Comparer Testament de Judo 25, 5 : ol !ACXcpOt 'IcxKw~ 8pcx(LouV'tCXt ev cXycxAAtcX.ae:t.

218

EEOMOAorHEI~

KAI

npO~EYXH A~ENE0

OCU..=tj~-25 el'L TIjv fliv XOCL ~ocu­ crocv fJ.e:1'cX cpwv1i~ fJ.e:yOCAYJ~ XOCL e~~1'ouv 1'OU~ &~e:ACPOU~ OCU1'WV 1'OU~ utou~ 1'WV l'OCL~LG)(WV 1'OU &Ve:Ae:'i:V OCU1'ou~. 10. KOCL e:t1'e: l'po~ OCU1'OU~ , Acre:ve6· cpe:tO'occr6e: 1'WV &3e:ACPWV ufJ.wv XOCL fJ.~ 1'0L~O'Y)1'e: OCU1'o'i:~26 xocx6v, 3L61'L XUpLO~ ul'e:p~crmO'e fJ.OU XOCL &l'e:1'ecppwO'e: 1'cX~ pOfJ.cpoctoc~ OCU1'WV ex 1'WV Xe:LPWV OCU1'WV XOCL eyevov1'o wad xYJpo~ 27-&1'0 l'p00'6mou l'Up6~-27. 11. KOCL 1'OU1'O txocvov ~fJ.'i:v eO'1'LV 61'L XUPLO~ 1'0Ae:fJ.e:'i: Ul'EP ~fJ.wv· Aomov cpdcroccr6e: 1'WV &~e:ACPWV UfJ.wv. 12. KOCL e:!1'e: ~UfJ.e:wv l'po~ , AO'e:ve6 • (VOC 1't AOCAe:'i: ~ 3eO'1tOLVOC ~fJ.wv l'e:pL 1'WV ex6pwv ocu..=tj~; 13. Ouxt, &AAcX xoc1'ocx61jJ0fJ.e:v OCU1'OU~28 ev 1'oc'i:~ pOfJ.CPOCtOCL~ ~fJ.wv, 3L61'L e~ouAe:uO'OCV1'O xocxcX 29-XOC1'cX 1'OU l'OC1'po~ ~fJ.WV-29.30-'IO'poc~A XOCL XOC1'cX 1'OU &3e:ACPOU ~fJ.W'I-30 'Iw~cp31, 32-~3YJ 1'OU1'O ~t~-32, XOCL XOC1'cX O'OU ~fJ.e:pov. 14. KOCL e:!l'e:v OCU1'ij) , Acre:ve6' fJ.YJ3ocfJ.w~, &~e:Acpe, &1'036>0'e:L~ 33-XOCXOV &V1'L XOCXOU 1'ij) l'AYJO'lov 0'0U- 33, ~L61'L XUPLO~ ex3LX~0'e:L TIjv ()~pLV 1'OCU1'Y)v. 15. KOCL 34-fJ.e:1'cX 1'OCU1'OC-34 ~O'1toccrOC1'035- ~UfJ.e:wv TIjv ' AO'e:ve6- 35 • KOCL ~A6e: l'pO~ ocuTIjv Ae:UL~ XOCL XOC1'e:cptAYJO'e: TIjv Xe:'i:poc ocu..=tj~ TIjv 3e:~LcXV 36-XOCL e:uMYYJO'e:v OCU~v-36. 16. KOCL ~O'wO'e:v ' AO'e:VE6 1'OU~ &v~poc~ ex37 ..=tj~ opy1i~ 1'WV &~e:ACPWV OCU1'WV 1'OU fJ.~ &l'OX1'e:'i:vocL OCU1'ou~.

9. KOCL OCU't'OL l'pocre:xuvYJcrocv 25-ev6mLov

29. 0-1 uto~ ocpocw &veO"t'Y) ex 1'1i~ Y1i~ XOCL &Ve:XOC6Lcre: 2 XOCL OC!fJ.OC &1'0 1'OU O'1'6fJ.OC1'O~ OCU1'OU, 3L61'L 1'0 OC!fJ.OC OCU1'OU eppuYJ ex 1'OU XP01'OCCPOU OCU1'OU 3a ev 1'ij) O'1'6fJ.OC1'L OCU1'ou 4• 2. KOCL ~3pocfJ.e:v5-el" OCU1'OV- 5 Be:VLOCfJ.~V6 XOCL ~AOC~e: 7-TIjv P0fJ.cpoctocv OCU1'OU- 7 XOCL e:tAXUcre:V ocUTI)v ex 1.

1- KOCL

~1t1'uO'e:v3

D : ocu'o)v BG B8ocU't"OL; B: -ou; D B7-27OC7tO 7tpoO"oo7tOU FG : OC7tO 7tUpO; D om. B 28fLe:Al)8ov post ocu't"ou; add. D 19-29KOC't"OC 't"ou 7tOC't"po; l)fLOOV D arm: 7te:pL 't"ou oc8e:Aqlou l)fLOOV LooO"l)qI B so-soLO"pOCl)A KOCL KOC't"OC 't"ou oc8e:AqloU l)fLOOV arm: KOCL 't"ou 7tOC't"pOC; ocu't"ou LO"pOCl)A B om. D 31LooO"l)qI D arm: om. B 31-s~8l) 't"OU't"O 8L; DF : om. B SS-8SKOCKOV OCV't"L KOCKOU 't"oo '!rAl)o"Lov O"OU B : )(o(KOV OCV't"L KOCKOU FG 't"ov 7tAl)O"Lov O"ou KOCKOV D 34-34{LE:'t"OC 't"ocu't"oc B : om. D 86- 35 0"U{LE:OOV '0)'1 ocae:ve:6 B : ocO"e:ve:6 't"ov O"UfLe:oovoc D 88-38KOCL _ OCU'O)V D : om. B 37e:K B : OC7tO D IIi- B5e:Voo7tLOV OCU'O);

7tUpO;

29.

D FG : 0 8e: B 2OCVe:KOC6LO"e: D F : e:Koc6LO"e: B 3e:7r't"Uae:v B : D : om. B 'OCU't"OU BG : om. D 5-5e:7t' OCU't"OV BF : om. D BFG : -l); D 7-7'0)'1 pOfLqlOCLOCV OCU't"OU F : 't".p.oc. 't"OU 7tOC't"OC~OCL OCU't"OV D

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B

CONFESSION ET PRIERE

n'ASENETH

219

salua. 9. Ils se prosternerent Ii terre devant elle et, se lamentant Ii grands cris, ils cherchaient leurs freres, les fils des servantes, pour les tuer. 10. Et Aseneth leur dit: "Epargnez vos freres et ne leur faites pas de mal, car Ie Seigneur m' a protegee et a fait tomber en cendre leurs epees de leurs mains, comme de la cire devant Ie feu. 11. 11 nous suffit que Ie Seigneur combatte pour nous, pour Ie reste epargnez vos freres." 12. Et Simeon dit Ii Aseneth: "Pourquoi notre maitresse parle-t-elle en faveur de ses ennemis? 13. Non, mais nous les taillerons en pieces de nos epees, car ils ont forme de mechants desseins contre notre pere Israel, et contre notre frere Joseph, dej Ii Ii deux reprises, et contre toi aujourd'hui." 14. Et Aseneth lui dit: "En aucun cas, frere, tu ne rendras Ie mal pour Ie mal Ii ton prochain, car c' est Ie Seigneur qui vengera cet outrage." 15. Apres cela, Simeon s'inc1ina devant Aseneth. Levi vint pres d'elle et lui baisa la main droite et la benito 16. Aseneth sauva ces hommes de la colere de leurs freres, pour eviter qu'ils ne les tuassent.

29.

1. Le fils de Pharaon se releva de terre, s'assit et cracha du sang de sa bouche - car Ie sang coulait de sa tempe dans sa bouche-. 2. Et Benjamin se precipita sur lui, lui prit son epee et la tira du

28, 10. XUPLOt; um:pljO'mO'e Il-0U. Comparer 12,11. iytvOVTO ~O'e:l XllPOt; a.xo Xp00'6l7tOU 7tUp6t;. D'apres Ie Psaume 67, 3 : ~t; -rljxe:TotL XllPOt; a.xo xpoO'ooxou xup6t;, o{hrot; a.X6AOLVTO ot a.ll-otP't"roAOt a.xo xpoO'ooxou 't"OU 6e:ou. 28, 13. ifjOUAe:UO'otVTO XotXcX ••• XotTcX 't"OU a.8e:'-!pou iJll-WV 'lroal)!p. D'apres Genese 50, 20 : U!LE:Lt; ifjoUAe:UO'ot0'6e: XotT' ill-oU e:!t; XOVllP&'. 28, 14. XUPLOt; ix8LXljae:L T~V ()fjPLV TotUTl)V. II ne faut pas rendre Ie mal pour Ie mal, car la vengeance appartient a Dieu. M~me doctrine dans les manuscrits de Qoumran, ainsi dans la Regie 10, 18: "car c'est aupres de Dieu qu'est Ie jugement de tout vivant, et c'est Lui qui paiera It chacun sa retribution." Voir aussi Testament de Benjamin 4,3; Romains 12,19. 28, 16. ~O'roO'e:v' AO'e:ve6 TOUt; 6tv8pott; ix Tijt; 6py'iit; 't"WV a.8e:A!pwv otUTWV. Comparer Romains 5, 9 : O'ro6l)0'61l-e:6ot 8L' otUTOU a.xo Tijt; 6pylit;. 29,1. a.Ve:X&.6LO'e:. Ce vocable appartient au langage medical; comparer LUf 7,15: a.Ve:X&.6LO'e:v 0 ve:xp6t; et voir W. K. H. Hobart, The Medifal Language of St. Luke, Dublin, 1882, p. 11-12. 29, 2. ~8potll-e:v ix' otUTOV Be:VLotll- ~v Xott lAotfje: T~V POIl-!potLotV otUTOU. lci encore l'influence du recit du combat de David contre Goliath est manifeste, comparer I Rois 17, 51 : ~8pot!LE:V L\otuL8 Xott ixeO'Tl) ix' otUTOV Xott ~Aotfje:v 't"~v POIl-!potLotV otu't"ou.

220

KAI

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't'OU XOAe:OU, 8~6't'~ 8Be:v~cx.fL~v oux ~v 9-cpOpWV e1tl. 't'ov fL'1)poV cx.u't'ou POfLcpcx.Lcx.V-9. 3. Kcx.l. we; E!fLe:AAe: 1tcx.'t'oc~cx.~ 't'ov ULOV cx.p cx.w , E!8pcx.fLe: Ae:ul.e; xcx.l. expoc't''1)cre: 't'~e; xe:~poe; cx.u't'ou xcx.l. e:L1te:' fL'1)8cx.fLWe;, &8e:Acpe, 1tO~~crYle; 't'o E!pyov 't'ou't'o, 8~6't'~ ~fLe:r:e; &v8pe:e; 6e:ocre:~e:r:e; ecrfLe:v, xcx.l. ou 1tpocr~xe:~ &v8pl. 6e:ocre:~e:r: &1t080uvcx.~ xcx.xov &v't'l. xcx.XOU ou8e 1te:1t't'WXb't'cx. xcx.'t'cx.1tcx.~,~\ , 0-,. '.1. \, 0 \ " 0' 4 • 'A-"1\1\cx. -,. \ oe:upo ~ \ 0 crcx.~ ouoe: e:XVI\~'t'cx.~ 't'ov e:xvpov e:we; vcx.vcx.'t'ou. xcx.~ ve:pcx.1te:ucrwfLe:v cx.u't'ov &1t0 't'OU 't'Pcx.UfLcx.'t'Oe; cx.u't'ou lO xcx.l. eOcv ll ~~cr'{) E!cr't"cx.~ ~fLwV cpLAOC; 12.13-Xcx.l. 0- 13 1tcx.'t'~P cx.u't'oU cx.pcx.w ~cr't'cx.~ 1tcx.'t'~p ~fLwv. 5. Kcx.l. , , A' \ (\ m , " '.1. \ or , cx.ve:cr't'l)cre: e:u~e; 't'ov u~ov wcx.pcx.w xcx.~ cx.1te:V~'t'e: 't'o cx.~fLcx. e:x 't'ou 1tpocrW1tOU cx.u't'oU xcx.l. E!8'1)cre: 't'e:Acx.fLwvcx. e:Le; 't'0 't'Pcx.UfLcx. cx.u't'OU xcx.l. e1te6'1)xe:v 14-cx.u't'ov e1tl. 't'ov t1t1tOV- 14 cx.u't'OU xcx.l. ex6fL~cre:v cx.u't'ov 1tpOe; 't'ov 1tCy.'t'epcx. cx.U't'OU. 6. Kcx.l. 8~'1)y~crcx.v't'0 15-cx.U't'(xL(xV D: p.q:>. BFG: e:L D 12X (xL 0 l't"(X't""I)P q:>LAOO"Oq:>1)O"(xVT(xLAO