Industrie en Afrique [Reprint 2020 ed.] 9783112322963, 9783112322956


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French Pages 229 Year 1970

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 9783112322963, 9783112322956

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INDUSTRIE EN AFRIQUE

INSTITUT DE RECHERCHES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES UNIVERSITÉ LOVANIUM DE KINSHASA

RECHERCHES

AFRICAINES

VIII

I.R.E.S.

A.F. EWING

Industrie en Afrique Traduction de FRANÇOISE

CALVET

Avant-propos de ROBERT

PARIS

.

GARDINER

MOUTON

.

LA HAYE

Edition originate : A.F. Ewing, Industry in Africa © 1968, Oxford University Press

© 1970, Mouton & Co and I.R.E.S.

A mon père

LISTE DES ABRÉVIATIONS

Organes

des

Nations-Unies

C.E.A. C.E.E. C.E.A.E.O. C.E.P.A.L. F.A.O. 0.M.S. P.N.U.D. U.N.E.S.C.O. U.N.C.T.A.D.

Organismes

A.E.L.E. A.I.D. A.I.E.E.E.T. A.L.A.L.E. B.A.D. B.I.R.D. C.E.E. Comecon E.A.C.S.O. F.A.C. F.E.D. F.M.I. 1.D.E.P.

Commission économique pour l'Afrique. Commission économique pour l'Europe. Commission économique pour l'Asie et l'Extrême-Orient. Commission économique pour l'Amérique latine. Organisation pour l'alimentation et l'agriculture. Organisation mondiale de la santé. Programme des Nations-Unies pour le développement. Organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la science et la culture. Conférence des Nations-Unies pour le commerce et le développement.

nationaux

et

internationaux

Association européenne de libre échange. Agency for International Development. Association internationale pour l'échange d'étudiants en vue d'une expérience technique. Association latino-américaine de libre-échange. Banque africaine de développement. Banque internationale pour la reconstruction et le développement. Communauté économique européenne. Conseil d'assistance économique mutuel. East African Common Services Organization. Fonds d'aide et de coopération. Fonds européen de développement. Fonds monétaire international. Institut de développement économique et de planification (Dakar), patronné par la C.E.A.

Industrie en

8 I.R.E.S. I.S.E.A. 0.C.D.E. U.D.E.A.C. U.S.D.A. Symboles

Afrique

Institut de recherches économiques et sociales (Université de Lovanium, Kinshasa). Institut des sciences économiques appliquées. Organisation de coopération et de développement économique. Union douanière et économique de l'Afrique centrale. United States Department of Agriculture.

utilisés

1.C.O.R. P.I.B.

Incremental capital-output ratio (rapport marginal immobilisation-production). Produit intérieur brut.

Monnaies :

La plupart des valeurs sont exprimées en U.S. dollars. 250 F C F A = 1 dollar ; 2,4 dollars = 1 livre sterling.

Tonnes

Exprimées en tonnes métriques.

TABLE DES MATIÈRES

Liste des abréviations

7

Avant-propos

11

Introduction au texte français

15

Note liminaire

23

I. Le rôle de l'industrie dans le développement

27

II. Le schéma actuel de l'industrie en Afrique

49

III. Quelques notes sur le développement industriel hors d'Afrique

79

IV. Les perspectives de croissance industrielle en Afrique

91

V. Commerce extérieur et intégration VI. La formation du capital VII. Les préalables du développement industriel VIII. Les agents de l'industrialisation IX. Quelques conclusions

135 151 167 193 215

Index

221

Table des matières

230

Achevé d'imprimer sur les presses de l'Imprimerie de Châtelaudren (22) Dépôt légal : 3' trimestre 1970

Ce qui est difficile, ce n'est pas d'accepter des idées nouvelles, mais bien de se dégager des anciennes qui, pour ceux qui ont été élevés comme la plupart Centre nous, pénètrent les moindres recoins de l'esprit... Les idées des économistes et des philosophes politiques, qu'ils aient tort ou raison, ont une emprise bien plus considérable qu'on ne le croit en général. En fait, elles sont à peu près seules à gouverner le monde. Des hommes pratiques qui se croient libres de toute influence intellectuelle sont souvent les esclaves d'un économiste défunt. Des fous dotés d'autorité, qui entendent des voix dans l'espace, distillent leur délire à partir des élucubrations de quelque écrivassier abstrait disparu depuis plusieurs années. Je suis persuadé que l'empire des droits acquis est bien moins dangereux que l'envahissement progressif des idées. Non pas certes dans l'immédiat, mais avec un certain décalage, car, dans le domaine de la philosophie économique et politique, peu nombreux sont les hommes de plus de vingt ou trente ans qui se laissent influencer par les théories nouvelles, si bien que selon toute vraisemblance, les idées que les fonctionnaires, les politiciens et même les agitateurs mettront en pratique dans l'actualité ne seront pas des plus récentes. Mais tôt ou tard, ce sont les idées et non pas les droits acquis qui finissent par dominer, « pour le meilleur ou pour le pire ». J.M.

KEYNES

AVANT-PROPOS

1. Dans ce livre, M. A.F. Ewing a discuté dans un style simple mais avec une compétence toute professionnelle le problème de l'industrie en Afrique. Il a abordé son sujet avec sympathie et l'a traité de façon constructive et réaliste. Evitant autant que possible le jargon terminologique, mais serrant de près une analyse scientifique et objective, M. Ewing a consacré à l'étude de l'industrialisation de l'Afrique l'expérience acquise au cours des cinq années pendant lesquelles il a travaillé à la Commission économique pour l'Afrique. Il s'adresse en premier lieu aux concepteurs de politiques dont l'objectif est le développement industriel rapide de ce continent, mais son livre ne manquera pas d'intéresser également tous ceux qui étudient sérieusement les questions africaines. 2. Sans alourdir son développement et son analyse d'une profusion de données, l'auteur met en évidence les caractéristiques essentielles de la structure industrielle actuelle des divers pays africains. Il insiste sur le fait que pour une transformation rapide de la situation économique, ce n'est pas de n'importe quelle industrie que l'Afrique a besoin, mais d'industries capables d'amener la transformation des structures. Les possibilités de remplacement des importations sont naturellement limitées. C'est la production de biens intermédiaires et de biens d'équipement qui doit être développée pour modifier la structure actuelle des économies et donner une forte impulsion à la croissance économique. Cette conception n'enlève rien de leur importance dans la conjoncture africaine aux industries productrices de biens de consommation non plus qu'aux petites industries, mais elle ouvre à la planification des perspectives d'une importance vitale. 3. Si la production de biens intermédiaires et de biens d'équipement est indispensable pour que l'Afrique puisse atteindre une élévation rapide des taux de croissance, la planification et le développement économique sur le plan multinational et sous-régional préconisés par la Commission économique pour l'Afrique constituent manifestement la seule solution logique. Dans l'ensemble, ces industries sont fortement capitalisées et exigent des techniques modernes et progressistes. La production optimale qu'elles

12

Industrie en

Afrique

doivent atteindre pour être rentables, dépasse de loin la capacité d'absorption individuelle de la plupart des pays africains. En ce qui concerne les matières premières et l'énergie, ceux-ci ont également intérêt à se regrouper pour exploiter ensemble des industries de ce type. M. Ewing a réaffirmé l'opportunité d'une coopération à l'échelon multinational et sous-régional pour l'implantation d'industries productrices de biens intermédiaires et de biens d'équipement, en citant à l'appui des exemples à la fois logiques et concrets. On reconnaît de plus en plus la nécessité d'un effort commun dans ce domaine et il est de bon augure qu'à la conférence sous-régionale de la C.E.A. tenue à Accra, des mesures aient été prises en vue de la constitution d'une communauté économique de l'Afrique de l'Ouest. Depuis lors un accord a été d'autre part signé en vue de l'établissement d'une communauté économique de l'Afrique de l'Est. 4. Tout en préconisant un développement industriel fondé sur des arrangements multinationaux et sous-régionaux, M. Ewing a cherché à donner une indication générale des perspectives qui s'offrent en Afrique à diverses industries dans les trente-cinq ou quarante années à venir, c'est-à-dire jusqu'à la fin du siècle. Il s'agit plus de conjectures reposant sur des faits que de projections statistiques, mais dans le cadre du développement économique du continent évoqué par l'auteur, elles sont intéressantes. Elles constituent en quelque sorte un plan possible d'industrialisation de l'Afrique qui devrait permettre d'orienter les conceptions et les efforts. A noter que les « perspectives industrielles » présentées par M. Ewing, si elles peuvent paraître ambitieuses, ne sont nullement irréalisables. Compte tenu de la variété et de la qualité des ressources naturelles et des ressources énergétiques en puissance dont dispose le continent, il n'y a pas de raisons pour que le niveau de développement actuel de l'Europe de l'Ouest ne puisse pas être atteint en Afrique au début du siècle prochain. Mais il est indispensable que les efforts soient bien organisés. 5. Tout en considérant avec optimisme le problème de l'industrie en Afrique, M. Ewing prend soin d'énumérer les préalables sans lesquels les perspectives qu'il évoque seraient difficilement réalisables. La science et la technique, l'éducation, la planification et la formation de la main-d'œuvre, l'énergie et les transports sont tout particulièrement mentionnés. D'autre part, il estime que l'essentiel des capitaux nécessaires à la mise en œuvre d'un programme de production de biens intermédiaires et de biens d'équipement devrait et pourrait provenir du continent même. Mais il insiste, à juste titre, sur le facteur humain, car « en dernière analyse, ce sont les

Avant-propos

13

populations qui conditionnent toute forme de développement ». La publication de L'Industrie en Afrique de M. Ewing au moment où la stratégie du développement économique du continent est encore en cours d'élaboration est extrêmement opportune et ne manquera pas d'en faciliter la conception. Robert G A R D I N E R Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l'Afrique

INTRODUCTION AU TEXTE

FRANÇAIS

Le texte français d'Industrie en Afrique paraît deux ans après la publication par l'Oxford University Press du texte original anglais, et plus de trois ans après l'achèvement du manuscrit. Puisque cette étude concerne une partie du monde où l'inattendu tend à être normal et où, par conséquent, les opinions sont floues, il est pertinent de se demander jusqu'à quel point elle demeure valable après ce laps de temps, d'autant plus qu'elle esquisse un programme de développement assez audacieux, dans un contexte où, jusqu'ici, le progrès économique a été décevant, à la fois pour les Africains et pour ceux qui veulent leur bien-être et leur prospérité. Le thème essentiel de l'étude est basé sur le fait que, parce que l'élasticité de la demande par revenu pour les importations en Afrique est forcément plus élevée que celle de la demande pour l'exportation (essentiellement des produits agricoles) — tendance qui est renforcée par la détérioration des prix à l'exportation des produits africains par rapport aux prix des produits importés —, une politique de substitution des importations s'impose. Une capacité d'exportation inadéquate ne se manifeste pas encore dans le cas des pays possédant actuellement des ressources en minerais, dont certains sont très demandés, et en pétrole. Mais même dans ces domaines il se fera, dans un avenir plus lointain, une substitution partielle de certains minerais, et la découverte de nouveaux gisements de pétrole rendra vraisemblablement les grands consommateurs de plus en plus capables de subvenir à leurs propres besoins — les découvertes récentes et dramatiques en Alaska en sont un poteau indicateur. Cependant, la substitution des importations sur une base nationale, où la plupart des marchés sont petits, est un processus qui s'annule de soi-même, et qui tend à l'implantation dans les pays en question de biens de consommation d'un prix de revient élevé, et souvent superflus ou luxueux, et où fréquemment la valeur ajoutée est basse, ou à l'implantation de produits intermédiaires où l'échelle de production est trop limitée pour être économiquement valable. Le niveau déjà très bas du commerce intra-africain en est réduit, puisque les produits de substitution les plus faciles à implanter proviennent souvent de pays

16

Industrie en

Afrique

voisins. Il faut donc concevoir et planifier ce qui est en fait un programme de substitution des importations sur une base multinationale, afin de rendre possible le groupement des marchés. Cette idée pousse même à sa limite la notion de substitution des importations telle que conçue à l'origine. L'économie africaine ne peut être développée que s'il y a une politique délibérée de transformation de la structure économique. L'expérience historique démontre que, malgré les divergences entre systèmes économiques et sociaux, quand le produit national augmente, l'apport du secteur primaire diminue, tandis que celui du secteur secondaire augmente. D'où, inévitablement, le processus de l'industrialisation. Mais l'expérience universelle démontre qu'il ne suffit pas de « n'importe quelle industrie ». La production de biens de consommation entraîne une demande accrue pour des produits intermédiaires et des biens de capital qui, étant donné le manque de devises, ne peuvent être importés en quantités suffisantes. Ce sont les biens de capital qui transforment la structure d'une économie : autrement dit, des machines qui produisent d'autres machines. La démonstration de cet argument, dans le contexte de la pensée moderne au sujet du développement, doit beaucoup à de Bernis. Cependant, il peut se présenter des circonstances économiques légitimes justifiant un « démarrage avec des biens de consommation ». On a fait allusion, au chapitre I, à l'argument entre de Bernis et Lacroix. Un critique de l'étude s'est élevé contre son plaidoyer quelque peu trop « automatique » en faveur de la priorité pour les produits intermédiaires et les biens de capital, soulignant que le moment le plus favorable pour installer ces catégories d'industrie peut différer d'un pays à l'autre 1 . Cependant, l'essentiel d'une stratégie correcte est clair, et mène à son tour au groupement des économies africaines ; Perroux, en premier lieu, l'a pleinement démontrée et décrite : la spécialisation industrielle, les économies de dimensions (particulièrement importantes pour les industries fabriquant des produits intermédiaires et des biens de capital), et la possibilité de créer le plus possible d'économies externes, et de promouvoir les effets d'entraînement en aval et en amont. Perroux et son école ont également démontré l'importance des pôles de croissance, et l'imprudence d'une répartition trop dispersée des ressources d'investissement, même si une telle politique a pour conséquence une distribution moins équitable des

1. The New African,

n° 52, 1969. Phnom-Penh, octobre 1969.

Introduction

17

industries dans des programmes de développement industriel touchant plusieurs pays. Une grande partie de ce livre est consacrée à l'élaboration des arguments en faveur de la coopération économique entre pays africains. Vu l'étendue et la diversité géographique du continent, le problème est abordé sur le plan sous-régional, correspondant à la politique adoptée par la Commission économique pour l'Afrique des Nations-Unies. La nécessité d'une coopération économique découle de la politique d'industrialisation. Il va sans dire qu'une telle coopération est essentielle pour construire un meilleur réseau de transport, ainsi que pour la production d'énergie, en particulier d'énergie hydraulique, et de raffineries de pétrole. Mais la demande pour une telle infrastructure dépend des besoins de l'industrialisation, et sa justification économique remonte à un raisonnement à la fois imaginatif et quantitatif quant aux programmes de développement industriels, multinationaux ou à long terme. Le chapitre VII se réfère aux ouvrages de Louis Gélineau au sujet de l'économie du transport en Afrique 2 . Les discussions consacrées de part et d'autre au thème du développement industriel de l'Afrique (et d'autres pays ou continents en voie de développement) ont en grande partie été faussées par un argument stérile qui oppose l'industrie à l'agriculture. On a tenté ici d'équilibrer les arguments, sans toutefois se dérober à la vérité économique essentielle, c'est-à-dire le manque de ressources d'investissements, ainsi qu'ont tendance à le faire certains avocats de balanced growth. L'interdépendance de l'industrie et de l'agriculture est analysée. L'importance de la production des inputs pour l'agriculture est maintenant un principe accepté ; elle commence à être reconnue en pratique, et comme étant rentable, dans une partie de l'Asie (en particulier par le dosage des engrais, la qualité améliorée des graines et l'irrigation contrôlée), mais l'est encore insuffisamment en Afrique. Le rôle que joue une augmentation de la demande effective émanant du secteur industriel, en tant qu'élément essentiel dans la stimulation du développement agricole, n'a pas encore été suffisamment compris. Une partie importante d'Industrie en Afrique est consacrée à la discussion de ce qu'il est convenu de nommer les conditions préalables et les agents du développement industriel. Mention a déjà été faite de l'infrastruc-

2. Cf. aussi Stanton R. SMITH dans Dams in Africa, Londres, 1968 et, en collaboration avec J. Sorton JONES, « Necessity for Pan African Railways », élaboré pour International Railway Journal, juin 1969. 2

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Industrie en

Afrique

ture physique. Deux autres points clefs qui sont le plus souvent encore négligés sont soulignés : la préparation de projets, et l'infrastructure humaine 3 . Jusqu'ici, à la connaissance de l'auteur, les critiques d'Industrie en Afrique n'ont trouvé que peu à reprocher à la stratégie esquissée — et ceci est vrai tant des revues et hebdomadaires du tiers-monde que de celles du continent africain. Certains critiques éprouvent quelque difficulté à accepter les quantifications tant soit peu dramatiques des voies ainsi ouvertes — il ne s'agit, bien entendu, ni de prévisions, ni de projections — et ceci, peut-être, à cause des difficultés de démarrage qui sont devenues évidentes au cours des dernières années. Cependant, ils sont peu à s'opposer à la nature intrinsèque de la tâche à affronter. A ce propos, il est intéressant de noter qu'un critique a attiré l'attention sur une étude présentée par Okita et Onishi (lors d'une conférence convoquée par le Japan Economie Research Centre), qui prétend que les pays en voie de développement en Asie pourraient rejoindre, au tournant du siècle, le niveau de développement atteint par le Japon dans les années 1950 ; la critique souligne la similarité des deux hypothèses, basées l'une et l'autre sur l'intégration régionale 4 . Mais en Afrique, la bataille, loin d'être gagnée, n'est le plus souvent pas encore engagée. La stratégie de développement ici esquissée a été acceptée par la plupart des dirigeants africains, mais ses implications ne sont pas toujours pleinement comprises en théorie ou appliquées en pratique. Si l'élite intellectuelle africaine est généralement en accord avec cette stratégie, et renforcée par un nombre croissant d'économistes appartenant au monde évolué, les idées traditionnelles correspondant, sciemment ou non, aux intérêts établis font longue vie, ainsi que l'a si éloquemment exposé Keynes. Il est important de retenir aussi que quand les politiques requises pour développer une coopération économique réelle entre pays africains sont mises à l'épreuve, il s'ensuit hésitation et délai, ou, tout simplement, elles ne sont pas mises en vigueur. Par exemple, au début des années 1960, des plans ont été établis pour la construction d'une usine sidérurgique au Libéria, qui offrait pour le marché de l'Afrique de l'Ouest la possibilité d'un prix de revient intéressant. Des efforts répétés pour réaliser ce projet

3. chir of 4.

L'Economie Journal (Londres), mars 1969, fait allusion à l'importance « de réfléclairement à ces aspects plus micro du développement » (these more micro aspects development). International Labour Review, Genève, vol. 98, n° 5.

Introduction

19

n'ont pas encore abouti, faute de coopération entre pays voisins. L a presse rapporte à l'heure actuelle des projets d'implantation de petites sidérurgies, inévitablement non économiques, dans d'autres pays de cette région, par exemple le Sénégal et la Côte d'Ivoire. Malgré la décision du Congo (Kinshasa) de construire une usine sidérurgique d'une dimension économiquement raisonnable, les pays voisins en Afrique centrale, le Cameroun et le Gabon, ont, semble-t-il, décidé de construire leurs propres usines. La Côte d'Ivoire envisage la production de soude caustique et d'acide chlorhydrique, malgré le fait que des études comparatives ont montré que le Ghana serait économiquement plus favorable dans cette partie de l'Afrique de l'Ouest. Le Gabon envisage la production d'ammoniaque, où les économies de dimensions sont très importantes, malgré un projet plus intéressant en cours d'étude au Cameroun. Les usines textiles se multiplient partout, bien qu'une harmonisation rationnelle du développement de cette industrie voudrait que les pays cotonniers éloignés de la mer et n'ayant actuellement que peu d'autres ressources industrielles, devraient être encouragés à se spécialiser dans l'industrie textile. Ces exemples pourraient se multiplier, et si un certain nombre de produits intermédiaires commencent à être introduits, tels que le ciment et des produits métalliques simples, il se manifeste jusqu'à aujourd'hui peu d'intérêt quant à l'installation de biens de capital : industries mécaniques et électriques et équipement de transport. Comment expliquer l'échec des tentatives d'arriver à une vraie coopération économique ? Il est tentant de se servir d'arguments tels que les nouveaux dirigeants assoiffés de pouvoir ; les rivalités tribales ; les anciens liens avec, et l'influence existante, des ex-maîtres impérialistes ; les différences marquées entre la grandeur, les ressources économiques et le niveau de développement des pays voisins ; et le choix, commun aux hommes, entre « aujourd'hui » plutôt que « demain ». Il est évident que chacun de ces points possède son grain de vérité. Cependant, une grande partie des difficultés est due à la sous-estimation de l'envergure des problèmes présentés et au temps requis pour les résoudre afin de pouvoir établir sur une base solide des institutions multinationales munies de personnel permanent et ressortissant des pays intéressés. A cet égard, l'on ne peut trop louer les efforts patients et minutieux du secrétariat de la Commission économique pour l'Afrique des Nations-Unies, dont le travail commence à porter fruit en Afrique de l'Est et au Maghreb. En Afrique centrale, si pleine de promesses par la voie de l'U.D.E.A.C., il y a eu récemment un certain désarroi, dû partiellement aux problèmes posés par la dimension géogra-

20

Industrie en

Afrique

phique et le potentiel économique du Congo (Kinshasa) en comparaison avec les autres membres de cette sous-région. L'Afrique de l'Ouest pose le défi le plus important, une fois encore en raison des différences marquées entre pays en grandeur et ressources économiques, mais aussi à cause de l'héritage des deux grands anciens maîtres coloniaux. Toutefois, les réalités de la logique économique dans cette partie de l'Afrique doivent tôt ou tard s'imposer sur les liens et les traditions du passé, et même du présent 5 . Inutile de dire que le tableau n'est pas entièrement sombre. Il est vrai qu'une coopération industrielle véritable est toujours à venir, mais les efforts sérieux qui commencent à être entrepris pour établir des institutions multinationales sont encourageants. L'industrialisation se poursuit dans un certain nombre de pays, bien que selon des plans différents : dans la R.A.U. et en Tunisie, qui tous deux ont commencé à installer des produits intermédiaires et des biens de capital ; au Kenya, en Tanzanie et en Zambie, qui sont capables, s'il y a coopération des pays voisins, de mener à bien un programme harmonisé ; au Congo (Kinshasa), déjà relativement industrialisé et doté d'un grand potentiel ; au Cameroun et en Côte d'Ivoire, qui ont chacun jusqu'ici poursuivi indépendamment leurs efforts sur le plan national. Un progrès constant est enregistré vers la réalisation de la première étape du projet I.N.G.A. et des industries associées. Un nouveau complexe phosphatique est en train d'être installé en Algérie, qui doit vraisemblablement être suivi d'une industrie pétrochimique. Le démarrage de la construction du chemin de fer Tanzam, tellement discuté, est prévu pour 1970, avec son énorme potentiel pour le développement économique de l'Afrique de l'Est. Le trans-Cameroun poursuit inlassablement son chemin vers le nord ; il est la clef du désenclavement du Tchad et de la République centrafricaine, et donc d'une véritable coopération en Afrique centrale. Selon certains critiques, Industrie en Afrique aurait examiné un peu à la légère les problèmes d'ordre financier. Peut-être, en ce qui concerne la discussion des moyens de mobiliser les ressources financières intérieures. Mais cet accent sur le financement intérieur est délibéré : d'abord, parce que les possibilités intérieures non utilisées sont évidentes, ensuite parce

5. Pour une discussion des activités récentes dans le domaine de la coopération économique, ainsi que des difficultés rencontrées, cf. « African Economic Cooperation Revisited », Journal of World Trade Law, mars 1970. Cf. également G. BAZA, « Pour une stratégie de l'intégration économique africaine », Cahiers économiques et sociaux, Lovanium, VI, n° 2.

Introduction

21

que les possibilités d'une augmentation importante de l'aide extérieure ne se présentent pas d'une façon très brillante. D'autre part, l'un des meilleurs moyens d'attirer une aide étrangère revêt la forme d'un supplément à une politique intérieure efficace. Ici encore, le manque de préparation de projets nationaux porte préjudice à l'apport de fonds extérieurs — fonds qui seraient plus facilement disponibles si les projets étaient réellement banquables. Industrie en Afrique est en soi une étude préliminaire, basée principalement sur les études de la Commission économique pour l'Afrique — pour la plupart préliminaires aussi. Cependant, elle présente une esquisse des perspectives et une stratégie qui conserveront leur validité. Si leur trace en est perdue, il semble peu probable que l'Afrique fasse un grand ou rapide pas en avant vers son développement économique. Mais une stratégie de base bien fondée, pour essentielle qu'elle soit, n'est qu'une première étape. On tend trop souvent à supposer que, l'industrialisation en soi étant nécessaire, et les occasions ne manquant pas, les investisseurs arriveront sur place, d'autant plus qu'ils y sont souvent encouragés. Ceci donne lieu à des luttes acharnées entre, d'une part, les dirigeants africains et, d'autre part, les investisseurs probables qui cherchent à s'assurer un bénéfice facile et rapide, et à une compétition serrée entre pays « donateurs », qui ne sont évidemment pas uniquement motivés par le bien-être des pays « récipients ». La place manque ici pour approfondir la question de la création d'institutions multinationales permanentes, ayant pour tâche de promouvoir et de gérer un système de coopération économique. Elles sont prévues, en contrepartie, à l'échelon national par la programmation industrielle et la planification : effort sérieux visant l'augmentation de l'épargne, l'attribution de fonds aux industries intéressées, compréhension du temps requis et du détail immensément compliqué pour former le personnel de direction, les techniciens et les ouvriers qualifiés. Quelles que soient les perspectives, quelle que soit la mesure dans laquelle a été comprise la stratégie, quel que soit l'esprit de désintéressement de l'assistance extérieure accordée, le développement industriel ne progressera, ni très loin, ni très rapidement, tant que ces considérations essentiellement pratiques n'auront pas été examinées et résolues, en majeure partie par les Africains eux-mêmes. Les économistes, en Afrique et ailleurs, ont, bien entendu, un rôle important à jouer dans la poursuite de ces objectifs. Mais leurs activités doivent s'orienter de plus en plus vers la recherche appliquée et interdisciplinaire, et concernent à tout le moins l'ingénieur, le comptable et le spécialiste finan-

Industrie en Afrique

22

cier. A cet égard, les très intéressants travaux de Hirschman viennent à l'esprit, ainsi que, plus proches de notre pensée, les activités de l'Institut de Recherches Economiques et Sociales (I.R.E.S.) de l'Université Lovanium de Kinshasa, tant dans le domaine de la recherche sociale que par sa préoccupation constante des problèmes pratiques du Congo (Kinshasa). A . F . EWING

Phnom-Penh, 30 octobre 1969.

NOTE LIMINAIRE

Ce livre repose sur la proposition que l'industrie est le principal pivot du développement africain. Mais l'industrie ne saurait se développer indépendamment des autres secteurs clés de l'économie. Travaillant depuis cinq ou six ans à la Commission économique des Nations-Unies pour l'Afrique, l'auteur a appris par l'expérience à quel point il est difficile de définir la place exacte de l'industrie dans l'ensemble du complexe du développement et, en outre, combien sont nombreux les facteurs qui entrent dans la conception d'une stratégie du développement industriel susceptible d'une application valable. Je n'ai pas négligé les aspects théoriques du problème, mais j'ai essentiellement cherché à réaliser une synthèse, encore que celle-ci ne puisse être que provisoire. J'espère que cet ouvrage présentera un intérêt pour ceux qui s'attachent aux problèmes du développement de l'Afrique, notamment les concepteurs des politiques et les conseillers ; peut-être moins du reste ceux de la génération actuelle que de la prochaine. Il pourra être également utile à ceux qui s'intéressent aux investissements industriels, surtout s'il réussit à attirer leur attention sur les diverses sources auxquelles j'ai puisé, et en particulier sur la très riche documentation mise au point par la C.E.A. qui offre un stimulant pour l'élaboration d'études de préinvestissement plus détaillées. Le premier chapitre traite du rôle du développement industriel, en partant des principales tendances économiques qui se sont manifestées en Afrique depuis la seconde guerre mondiale ; de la nature et des limites de l'apport que constituent pour les économies africaines les exportations de produits miniers et agricoles, et des perspectives du marché mondial dans ce domaine ; de la complémentarité de l'industrie et de l'agriculture ; du remplacement des produits d'importation et de ses limites ; de la nécessité de créer des secteurs de haute productivité ; de la mesure dans laquelle l'industrie peut contribuer à modifier la structure d'une économie ; et de la manière dont la croissance économique exige en même temps qu'elle permet la formation de capital ; pour en arriver à démontrer la nécessité de l'industrialisation qui, en l'occurrence, consiste essentiellement à créer des

24

Industrie

en

Afrique

industries destinées à alimenter les marchés africains. On y passe en revue la question des économies d'échelle et de la spécialisation internationale ainsi que des économies de situation et des effets d'entraînement, ce qui mène à conclure à la nécessité des groupements de pays. Le deuxième chapitre indique brièvement la structure actuelle de l'industrie en Afrique, son évolution au cours des dernières années et les objectifs immédiats du développement industriel des pays africains. Bien que les statistiques soient insuffisantes, on dispose d'un grand nombre de données. Je n'ai nullement visé à présenter un tableau complet, mais ai adopté une méthode sélective. Le troisième chapitre expose succinctement l'expérience de certains pays en voie de développement en matière d'expansion industrielle. Dans le quatrième chapitre, les perspectives de croissance industrielle de l'Afrique sont évaluées. On y présente ensuite des hypothèses pour 1975-1980 ainsi que certaines indications générales sur ce qui pourrait être réalisé d'ici la fin du siècle. Les résultats obtenus au cours de la première moitié de la décennie 1960-1969 (c'est-à-dire de la « décennie des NationsUnies pour le développement ») ne sont guère encourageants. La plupart des plans de développement africains en sont encore à un stade élémentaire et, comme nous le verrons plus loin, le cadre institutionnel et social indispensable à un développement industriel rapide n'est pas encore établi. Néanmoins il est toujours utile et nécessaire d'envisager des perspectives vastes et lointaines. La Commission économique pour l'Afrique a déterminé ces perspectives avec précision, mais je me suis contenté, dans cette étude, de mettre en évidence quelques exemples représentatifs. Le cinquième chapitre a trait aux échanges internationaux et au regroupement des pays africains ; aux possibilités d'exportation hors d'Afrique de produits industriels ; aux échanges intra-africains ; au rapport entre l'intégration en général et l'intégration industrielle ; au problème d'un marché commun ; aux leçons à tirer de l'expérience d'autres régions du monde ; aux possibilités qui s'offrent aux quatre sous-régions de l'Afrique et, ultérieurement, à l'ensemble du continent. Le sixième chapitre traite du rôle du capital : en premier lieu, possibilité de relever le taux de l'épargne, puis problèmes posés par l'apport de capitaux étrangers. Le septième chapitre contient un bref exposé des problèmes d'infrastructure : éducation et main-d'œuvre, découvertes de matières premières, énergie et transports.

Note

liminaire

25

Dans le huitième chapitre est abordée la question des instruments du développement industriel, qu'on a eu jusqu'ici tendance à négliger en Afrique. Au neuvième et dernier chapitre on a formulé quelques brèves conclusions. On n'a pas tenu compte de l'Afrique du Sud, qui n'est mentionnée qu'à des fins de comparaison. Ce livre trouve en partie son origine dans des conférences ou des documents que j'ai préparés récemment pour des groupes de travail et d'études, ainsi que dans les travaux de la Commission économique pour l'Afrique auxquels j'ai contribué. Aussi ai-je pu faire un large usage des travaux et des idées de certains de mes collègues, trop nombreux pour que je puisse citer leurs noms. J'ai d'autre part une lourde dette intellectuelle à l'égard d'auteurs « modernes », spécialistes du développement économique, en particulier de Gunnar Myrdal, mon premier chef au sein de l'O.N.U., Destanne de Bernis, Surendra Patel, Dudley Seers et Hans Singer. J'aimerais également mentionner trois de mes collègues actuels : mon chef, Robert Gardiner, dont la phobie du sous-développement et le sens profond des réalités ont constitué pour moi un puissant stimulant, et mes deux successeurs, qui sont actuellement responsables des activités de la C.E.A. dans le domaine de l'industrie, des transports et des ressources naturelles : Bax Nomvete et Godfrey Lardner. La première rédaction de ce livre a été terminée en août 1966 ; je me suis efforcé au cours de la révision, effectuée à la fin de 1966, de mettre les données à jour, mais il est évident que ce n'est pas là une tâche aisée, la situation évoluant rapidement et le volume de la documentation augmentant à un rythme accéléré. Quelques notes de bas de page se réfèrent à des informations obtenues en 1967, au moment de la mise sous presse du texte original. . Je désire exprimer ma gratitude à ceux qui ont bien voulu me présenter leurs observations sur le premier projet : Samir Amin, Bernard Chidzero, Fred Clairmonte, Jack Dalton, Gérard Dekker, Maurice Dobb, James Ewing, Jean-Louis Lacroix, Alemayu Makonnen, Marc Nerfin, Surendra Patel, Robert Robson, Hans Singer ; et à Max de Henseler dans la partie cartographique. J'ai une dette de reconnaissance à l'égard de Yeworkwoha Mulugeta, qui a prêté son concours pour la frappe du manuscrit, et plus encore de Betty Blackburn qui a contribué dès le début à l'élaboration de ce livre, non seulement pour la dactylographie, mais par une révision systématique de

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Afrique

la forme et, surtout, par la persistance de ses encouragements. Je dois aussi beaucoup à Oxford University Press pour son soutien et pour les observations judicieuses de ses lecteurs. Enfin et surtout, je souhaite remercier David Kimble qui m'a obligé à écrire ce livre et m'a présenté à mon éditeur. La traduction de Françoise Calvet reproduit, à mes yeux, à la fois simplement et fidèlement le contenu factuel de ce livre et, non moins important, la pensée de l'auteur, et je tiens à lui exprimer ici ma profonde reconnaissance. Il va de soi que j'assume seul la responsabilité des faits présentés ainsi que de l'analyse et des conclusions proposées, qui ne sont pas nécessairement entérinées par le secrétariat de l'O.N.U. A . F . EWING

Kinshasa, 31 décembre 1966

CHAPITRE 1

LE RÔLE DE L'INDUSTRIE DANS LE DÉVELOPPEMENT Il n'est plus nécessaire désormais de chercher à démontrer que l'industrialisation est un élément essentiel du processus de développement. Mais un certain nombre de questions prêtent encore à controverse, aussi exposeronsnous rapidement dans ce premier chapitre la méthode d'approche adoptée dans l'ensemble de notre étude, c'est-à-dire la stratégie même du développement et de l'industrialisation. Les raisons essentielles qui justifient l'industrialisation du point de vue économique sont indiquées ; les relations entre industries et agriculture sont discutées ; le remplacement des importations et ses limites sont examinés. Le schéma type de la croissance industrielle sera montré, et par extension, la nécessité de produire rapidement des biens intermédiaires et des biens d'équipement. La plupart des marchés africains étant exigus et les économies d'échelle d'une importance capitale, il est indispensable que les économies se regroupent. Les économies de situation et les effets d'entraînement sont impossibles au sein de marchés restreints, et c'est là une autre raison qui justifie l'élaboration de programmes communs. Au stade initial du développement économique, le principe générateur est l'exportation de matières premières : agricoles, minières ou pétrolières. L'économie est habituellement tributaire d'un nombre limité de produits, parfois même d'un seul. Les possibilités de remplacement des importations sont réduites, l'économie étant en général dominée par une puissance métropolitaine. A quelques exceptions près, les marchés d'exportation des matières premières s'étendent assez lentement en raison de l'élasticité relative de la demande par rapport au revenu. On a calculé qu'une augmentation de 1 % du revenu par habitant d'un pays industrialisé ne provoque qu'une augmentation de 0,6 % de la demande de produits alimentaires et de matières premières, mais que la même augmentation du revenu par habitant dans un pays importateur d'articles manufacturés correspond à un accroissement de 1,8 % de la demande de produits d'importation. Bien que les conclusions tirées des statistiques aient pu être contestées, on peut également avancer que, parallèlement à cette tendance fondamentale, on a constaté, au moins depuis la seconde guerre mondiale, que les termes

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Industrie

en

Afrique

de l'échange accusaient une tendance défavorable aux pays en voie de développement. Même s'il en est ainsi, il ne faut nullement en conclure que cette tendance se perpétuera. Ce sont les élasticités relatives par rapport au revenu qui sont essentielles, bien plus que les mouvements relatifs des prix. Cette image succincte de la nature et des principaux problèmes d'une économie aux premiers stades du développement a un caractère général qui s'applique particulièrement bien à l'Afrique, et il est inutile de donner ici le détail des preuves à l'appui 1 . Ni les principes ni l'expérience ne permettent d'avancer que l'exportation des matières premières offre des perspectives d'avenir meilleures que dans le passé. La F.A.O. a calculé que l'indice du volume projeté des importations nettes de certains produits agricoles se situerait comme suit en 1970 (1957-1959 étant choisi comme période de base ; les importateurs considérés sont des pays à revenu élevé, plus la zone sino-soviétique) 2 : Sucre Huiles Café Cacao Thé Coton, laine et jute Caoutchouc Ensemble des produits énumérés plus agrumes

142-143 100-100 138-149 150-158 106-115 100-127 111-141 123-137

Les produits qui accusent les augmentations les plus importantes sont le cacao, le café, les bois tropicaux (non mentionnés ci-dessus) et, dans une moindre mesure, le caoutchouc. Les importations nettes de l'Europe de l'Ouest augmenteraient de 1,5 % par an ; l'augmentation serait légèrement moindre en Amérique du Nord, plus accentuée au Japon, le chiffre le plus élevé correspondant à la zone sino-soviétique. Si l'on considère l'ensemble des pays à revenu élevé plus les pays à économie planifiée, le taux d'accroissement le plus fort qu'on puisse escompter 1. Cf. Vers une nouvelle politique commerciale en vue du développement, rapport du secrétaire général de l'U.N.C.T.A.D., Nations-Unies, New York, 1964. 2. On trouvera l'évaluation la plus récente, qui est dans l'ensemble assez déprimante, dans l'Enquête sur les produits de l'U.N.C.T.A.D., 1966, qui ne contient pas toutefois de prévisions spécifiques (pour un résumé, voir TD/B/C.l/23/Add.3, décembre 1966). On y étudie les problèmes qui se posent actuellement, notamment en ce qui concerne les marchés du sucre, du cacao, du café, du minerai de fer, de l'étain, du plomb, du zinc, du cuivre, du caoutchouc et des fibres dures.

Le rôle de

l'industrie

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serait de l'ordre de 2,5 % par an, peut-être légèrement inférieur au taux de croissance démographique projeté 3 . Suivant une opinion plus optimiste, parfois exprimée sur la foi des déclarations officielles faites par l'U.R.S.S. et d'autres pays de l'Europe de l'Est au cours de la conférence mondiale sur le commerce réunie à Genève en 1964, il y a tout lieu de prévoir que les politiques que ces pays adopteront en matière d'importations amélioreront les perspectives des exportateurs de matières premières agricoles ; mais on ne saurait compter sur une transformation aussi radicale de la situation pour encourager les pays africains à se maintenir dans l'état de sujétion qui est actuellement le leur. Pour certains produits miniers et pour le pétrole, les perspectives sont naturellement plus encourageantes que pour les produits agricoles. On prévoit une augmentation de la part de l'Afrique dans le marché mondial en expansion du minerai de fer, comme l'indique une étude de la Commission économique pour l'Europe qui, dans l'ensemble, semble adopter un point de vue assez pessimiste en ce qui concerne les perspectives du continent dans ce domaine 4 . Il est vraisemblable que le cuivre restera longtemps encore un produit rare et l'Afrique devrait certainement pouvoir s'adjuger une part plus importante du marché mondial en expansion. Ceci n'est pas seulement vrai pour les producteurs actuels (Zambie et République démocratique du Congo) : des travaux de prospection plus poussés devraient permettre l'entrée sur le marché de nouveaux producteurs tels que le Nigeria, la République du Congo, la République centrafricaine et la Mauritanie. Parmi d'autres produits présentant des perspectives de croissances encourageantes et pour lesquels l'Afrique peut espérer obtenir une part plus importante du marché en intensifiant la prospection et le développement, citons l'aluminium et l'étain, sans parler d'un bon nombre de métaux semiprécieux. La connaissance imparfaite des ressources minières du continent demeure l'un des grands problèmes. Il y a peu à dire sur le pétrole. Tous les pays africains offrant la moindre possibilité se livrent, naturellement et à juste titre, à des activités de prospection intensives. Nul n'ignore les modifications radicales qu'ont connues les perspectives économiques de pays tels que l'Algérie, le Nigeria et le Gabon. 3. Rapport de la F.A.O. sur les produits, supplément spécial : Les produits agricoles:, projections pour 1970. 4. The World Market for Iron Ore, Nations Unies (numéro de vente E.69.II.E.10), New York, 1969.

30

Industrie

en

Afrique

Du point de vue technique et économique, les possibilités de transformation des produits primaires avant exportations sont assez évidentes : beurre de cacao et chocolat au lieu de cacao, farine de poisson, conserves de viande, meubles au lieu de bois d'œuvre, margarine et savon au lieu d'huiles végétales brutes, articles manufacturés en cuivre simples, etc. Cette question a longuement retenu l'attention à la conférence des Nations-Unies pour le commerce et le développement de 1964. Les structures tarifaires des pays industrialisés sont défavorables à la transformation élémentaire des produits, primaires et il est inquiétant de constater à quel point les progrès accomplis depuis ont été faibles. On peut tirer de ce qui précède trois conclusions générales. La première est que, lorsque le marché mondial d'un produit offre des perspectives à long terme favorables, il est de l'intérêt de l'Afrique d'intensifier la production pour l'exportation en vue d'acquérir des devises ; toutefois, il y a à cette proposition un corollaire qu'on perd parfois de vue, c'est que l'Afrique n'a aucun intérêt à consacrer des ressources au développement de la production pour l'exportation de produits dont le marché mondial est stagnant ou en faible expansion B. Deuxièmement, en ce qui concerne les accords de produits, les intérêts de l'Afrique ne sont pas nécessairement les mêmesque ceux des autres régions en voie de développement. Lorsqu'elle peut en retirer un avantage relatif, il est raisonnable que l'Afrique favorise desarrangements qui ne soient pas exagérément restrictifs, de façon à obtenir la part maximale du marché potentiel 6 . Troisièmement, si encourageantes; que puissent être les perspectives dans certaines zones, l'équation de base formulée au début du présent chapitre en ce qui concerne les taux de 5. J.W.F. Rowe critique sévèrement la pratique du contrôle des produits visant àgonfler artificiellement les prix, ce qui revient à encourager le gaspillage des ressources. Il expose les dangers présentés par ces pratiques qui consistent à apporter une aide indirecte sous une forme déguisée au lieu d'une aide directe. Il établit une distinction importante entre les pratiques de contrôle des produits proprement dites, qui sont un moyen de régulariser les marchés mais ne doivent pas être utilisées pour maintenir les prix à un niveau artificiellement élevé, et les arrangements compensatoires envisagés à la conférence de Genève, destinés à atténuer les baisses de recettes à court terme, auxquels peuvent participer producteurs et consommateurs, et qu'il considère comme une formule parfaitement acceptable (J.W.F. ROWE, Primary Commodities in International Trade, Cambridge, 1965, p. 215 sq.). 6. Rowe donne un bon exemple en critiquant l'Accord du café de 1962, conçu délibérément en vue de maintenir les cours du Brésil à un niveau artificiellement élevé (inspiré par les Etats-Unis qui l'ont, d'après lui, utilisé comme une arme dans la guerre froide). Cet Accord a eu notamment pour conséquence de permettre le maintien de capacités désuètes et dispendieuses et d'empêcher l'expansion de nouvellesindustries peu coûteuses « telles que l'industrie africaine au Kenya » (ibid., p. 1S1).

Le rôle de l'industrie

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croissance relatifs aux marchés des produits de base et des articles manufacturés reste valable, ce qui entraîne la nécessité d'une modification rapide des structures dans les économies africaines. Telle est donc la thèse principale qui inspire cette étude. Si, comme on cherchera à le démontrer, l'industrialisation est la clé du développement, il convient tout d'abord d'éliminer l'antithèse qui oppose à tort l'agriculture et l'industrie. Les partisans de l'industrie contre l'agriculture disposent, à première vue, de bons arguments. Il est en effet bien prouvé que les pays en voie de développement emploient 80 % au moins de leur population à l'agriculture et un très faible pourcentage à l'industrie, alors que dans les pays industrialisés ce chiffre est habituellement de moins de 20 % et atteint parfois 5 %. En simplifiant au maximum, on peut dire que le développement économique n'est autre que le renversement de cette proportion. D'autre part, les pays en voie de développement ne sont que trop pénétrés du conseil qu'ils ont si souvent reçu de la part de politiciens et d'économistes des pays industrialisés et suivant lequel ils ne doivent pas s'inquiéter exagérément de l'industrie, mais s'attaquer en premier lieu à améliorer leur agriculture. On a déjà indiqué à quel point les perspectives que présente le développement de la production agricole en vue de l'exportation sont limitées. Mais les possibilités de remplacement des denrées alimentaires et des matières premières agricoles sont en Afrique presque aussi vastes que pour les produits industriels. Le principe qu'on exposera plus loin en ce qui concerne l'industrie s'applique ici de la même façon : il s'agit d'accroître la production agricole en vue d'alimenter les marchés africains, qu'ils soient nationaux ou multinationaux. La croissance industrielle exige des marchés plus vastes dans le secteur agricole pour les biens d'équipement tels qu'outils et machines agricoles et pour les biens intermédiaires tels qu'engrais et antiparasites, de même que pour les biens de consommation. La production agricole doit s'intensifier pour répondre non seulement aux besoins croissants du secteur agricole lui-même, mais aussi à la demande de denrées alimentaires et de matières premières du secteur industriel, toujours plus importante à mesure que les revenus s'élèvent et que la production industrielle augmente. Faute de quoi, comme on ne l'a constaté que trop souvent dans les économies en voie de développement, la demande de produits d'importation croît rapidement, ce qui provoque des difficultés de balance des paiements. Il ne faut pas oublier, d'autre part, que l'industrialisation restera longtemps encore un moyen de relever les revenus et la productivité, mais qu'elle ne contri-

Industrie

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en

Afrique

buera que faiblement à la création d'emplois, l'industrie étant nécessairement assez fortement capitalisée. A cet égard, on devra surtout compter sur la modernisation du secteur rural et notamment, comme on le verra plus loin, de l'infrastructure. On peut résumer l'interdépendance de l'agriculture et de l'industrie en six points : l'agriculture est un fournisseur de denrées alimentaires et de matières premières ; elle est une source de devises ; elle fournit à la fois des capitaux et de la main-d'œuvre à l'industrie ; elle offre des débouchés aux produits industriels ; elle constitue, grâce aux industries qui lui sont liées, une des bases les plus solides de l'industrialisation ; et, ce qui est peut-être le point le plus important, la demande croissante du secteur non agricole est le principal moteur du développement agricole lui-même 7 . Le caractère complémentaire du développement agricole et industriel est maintenant beaucoup mieux compris, mais ceux qui prêchent l'agriculture à tout prix conservent une inquiétude née d'une évaluation apparemment trop pessimiste du rendement de l'agriculture africaine dans les dernières années 8 . On trouvera au tableau ci-dessous quelques estimations récentes des taux de croissance annuels de l'ensemble de la production agricole.

T A U X DE CROISSANCE ANNUELS D E L'ENSEMBLE D E LA PRODUCTION AGRICOLE {en % par Pays

1957-1965

an) Pays

1961-1965

C ô t e d'Ivoire

8,1

C ô t e d'Ivoire

9,7

Ghana

7,0

Tunisie

9,7

Ancienne Fédération

5,5

Angola

4,9

Maroc

7,6

Kenya

4,2

Burundi

6,6

Soudan

3,5

Libéria

)

Togo

3,4

Ghana

)

4,8

7. Ce problème est exposé avec lucidité dans State oj Food and Agriculture (F.A.O., Rome, 1966, chap. Ill), encore qu'on n'y insiste peut-être pas assez sur la nécessité de développer parallèlement la production de biens d'équipement dans le cadre du groupement des marchés africains. 8. Inspiré par le Service de la recherche économique du Département de l'Agriculture des Etats-Unis.

he rôle de Vindustrie Afrique du Sud Sénégal Tanzanie Haute-Volto Ouganda Mali R.A.U. Nigeria Cameroun Sierra Leone Madagascar Maroc Niger Ethiopie Libye Guinée Dahomey Libéria Algérie Tunisie

33 3,2 3,1 2,9

2,8

Haute-Volta 2,7

ï ) ) )

R.A.U. I Togo ) Ancienne Fédération Sénégal Tanzanie Madagascar Angola \ Ouganda ) Cameroun \

2,5 1,9 1,7 1,4 0,8 0,5 0,3

Rwanda — 2,5 Burundi — 2,7 République démocratique — 3,6 du Congo

4,3

} )

|

Libye 1 Niger Nigeria Ethiopie Sierra Leone Algérie Afrique du Sud Dahomey Soudan \ Mali ) Kenya Guinée République démocratique du Congo Rwanda

3,9 3.5 3,1

2.6 24 2.3 2,2 1.5 1.4 1,2 1,1

0,9 0,3

0,0 0,2 2.6 5,6

Source : Chiffres calculés par Jack Dalton à partir de Indices of Agricultural Production in 29 African countries, U.S. Department of Agriculture, Economic Research Service, décembre 1965, Washington D.C.

S'il est vrai que la modification des pratiques et de l'organisation traditionnelles dans le secteur agricole, la multiplication des centres urbains et autres pôles de développement, l'amélioration qualitative des régimes alimentaires, la transformation plus poussée des produits agricoles, notamment pour l'exportation et le remplacement des denrées alimentaires importées, ne semblent guère se réaliser, il n'en demeure pas moins qu'il n'y a pas lieu de se montrer exagérément pessimiste ni de croire que les servi3

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Industrie en Afrique

tudes du développement agricole sont telles qu'il est impossible de le mener de front avec le développement industriel9. L'étape suivante consiste donc à essayer d'intégrer l'industrie dans une stratégie du développement économique. La théorie du développement économique demande à être totalement révisée en ce qui concerne l'Afrique. Cependant, les ouvrages parus depuis la seconde guerre mondiale ont fourni nombre d'indications précieuses. Il ne sera pas inutile, pour notre propos, de résumer de façon assez dogmatique les éléments essentiels d'une méthode d'approche10. On admet de plus en plus largement qu'une spécialisation internationale dans une économie mondiale de libre échange ne suffirait pas à assurer automatiquement l'équilibre ; bien au contraire, l'écart entre nations riches et nations pauvres tendrait à s'accentuer en raison de la forte incidence dans le monde industrialisé de ce que Myrdal appelle les effets de « remous » (backwash effects), par opposition aux effets d'« étalement » (spread effects), et du jeu du principe de la < causation cumulative » (cumulative causation)11. La théorie traditionnelle repose en grande partie sur l'hypothèse que les ressources en capital, en main-d'œuvre, en connaissances techniques et en talents sont constantes et les économistes se sont longtemps préoccupés essentiellement du rapport des prix au sein d'un équilibre statique. Mais les ressources augmentent et, qui plus est, elles 9. Ajoutons pour être justes que certains commencent à convenir que, dans la perspective d'ensemble du développement mondial, les pays en voie de développement pourraient disposer de plus d'avantages dans le domaine des industries manufacturières que dans l'agriculture. Lewis dit, par exemple : « Certains d'entre nous pensent même que le moment n'est pas loin où les pays en voie de développement deviendront importateurs nets de produits primaires et exportateurs nets de produits manufacturés » («A Review of Economic Development », conférence de Richard T. Ely, American Economic Review, LV, n° 2, mai 1965). Un correspondant de The Economist (28 mai-3 juin 1966) a présenté la même thèse avec plus de force encore, se fondant sur le caractère de plus en plus capitalisé de l'agriculture dans les pays industrialisés, les avantages matériels et naturels des zones tempérées et la simple difficulté d'élever la productivité agricole, notamment dans les zones tropicales en voie de développement. Dumont a également étudié ces difficultés dans le cadre africain (Développement agricole africain, Paris, Presses Universitaires de France, 1965), mais ses conclusions sont évidemment plus positives en ce qui concerne les perspectives de développement agricole de l'Afrique. Un examen détaillé de cette question déborderait le cadre de la présente étude. 10. Nous ne donnons pas ici de références détaillées. On a cherché ailleurs à présenter une revue des contributions récentes (voir A.F. Ewino, « Some Recent Contribution to the Literature on Economic Development », Journal of Modem African Studies, IV, n° 3), qui comporte une cinquantaine de références. 11. G. Mykdal, An International Economy, Londres, 1956 ; Economic Theory and Under-developed Regions, Londres, 1957.

Le rôle de l'industrie

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n'augmentent pas uniformément. Prebisch et l'école de la C.E.P.A.L. ont expliqué en détail pourquoi les pays en voie de développement ne peuvent compter pour leurs recettes d'exportation que sur un éventail réduit de produits primaires, et en ont tiré les conclusions de principe appropriées : modification des structures, remplacement des produits d'importation, industrialisation sous protection et exportation de produits manufacturés. Le remplacement des produits d'importation, au stade qu'on qualifie de * facile >, tend à atteindre assez rapidement ses limites, comme on l'a constaté en Amérique latine et en Inde. Mais l'Afrique, largement tributaire du commerce extérieur, a encore beaucoup à faire. Le tableau suivant indique les importations effectuées par l'Afrique en dix ans ou plus, réparties par catégories principales de produits. L'Afrique du Sud est exclue et les valeurs sont exprimées en millions d'U.S. dollars.

TOTAL DES IMPORTATIONS

DENRÉES ALIMENTAIRES BOISSONS ET TABAC

Valeur Valeur 1954 1958 1960 1963 1964

4 6 6 6 7

782 035 077 547 170

823 1074 1 133 1 328 1431

AUTRES BIENS DE CONSOMMATION

%

Valeur

%

17,2 17,8 18,6 20,3 20,0

1 520 1 704 1 442 1 410 1489

31,8 28,3 23,7 21,5 20,8

BIENS

BIENS

INTERMÉDIAIRES

D'ÉQUIPEMENT

Valeur 1 1 1 1 2

492 975 699 867 050

%

Valeur

%

31,2 32,7 28,0 28,5 28,6

947 1 282 1 803 1 942 2 200

19,8 21,2 29,7 29,7 30,6

Note. — Les chiffres sont tirés de statistiques commerciales officielles ; à noter que les ventilations pour 1954 et 1958 ne sont pas strictement comparables avec celles des années postérieures.

Il ressort des chiffres ci-dessus que les importations de denrées alimentaires, de boissons et de tabac ont augmenté, que les effets du remplacement des importations d'autres biens de consommation ont commencé à se faire sentir et que les importations de biens intermédiaires et de biens d'équipement n'ont cessé d'augmenter. A noter que les voitures particulières sont comprises dans les biens d'équipement. D'autre part, même en Afrique, le remplacement des importations, tout au moins en ce qui concerne les biens de consommation, ne peut orienter les politiques que dans certaines limites. Il n'explique pas l'expansion industrielle, mais constitue seulement un de ses éléments. En tant que

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industrie en Afrique

moyen, il met trop l'accent sur la demande actuelle sans tenir suffisamment compte de la demande future ou prévisible qui résultera du développement et des modifications structurelles. Il ressort nettement de l'expérience vécue par l'Amérique latine depuis la guerre, qu'un développement axé, d'une part, sur les exportations de produits primaires et, d'autre part, sur le remplacement des importations s'épuise rapidement. Dans la plupart des pays d'Amérique latine, le stade facile du remplacement des importations est dépassé. Les importations représentent actuellement 12 % environ du revenu global de l'Amérique latine, contre 28 % avant la crise mondiale, chiffres révélateurs du progrès accompli. Les remplacements deviennent de plus en plus complexes et coûteux et le problème du manque de devises continue de se poser. « L'effet du remplacement des importations en tant que moyen de compenser ce déséquilibre ne dure pas très longtemps, car un nouvel accroissement de la demande de produits d'importation, que n'accompagne pas une augmentation correspondante des exportations, aura une fois de plus pour résultat un goulot d'étranglement à l'extérieur 12 . » On a pu dire, en pensant particulièrement à l'expérience de l'Argentine, que le remplacement des importations constituait un excellent moyen de remplacer des importations par des importations. Il est vrai qu'à première vue le remplacement des importations a joué un rôle remarquable dans certains pays d'Amérique latine 13 et nous reviendrons au chapitre III sur l'expérience de plusieurs d'entre eux. C'est ainsi que Baer et Kerstenetzky, analysant la modification de la structure de l'industrie brésilienne entre 1950 et 1960, montrent que « les industries traditionnelles des textiles, des produits alimentaires et du vêtement ont accusé un déclin dans leurs positions relatives, tandis que la croissance la plus marquée se manifestait dans des industries clés de remplacement des importations : matériel de transport, machines, matériel et appareils électriques et produits chimiques 14 ». Après quoi ils font observer que les industries qui contribuent le plus au remplacement des importations sont 12. R. Prebisch, Towards a Dynamic Development Policy jor Latin America, Nations Unies (numéro de vente 64.II.9.4), New York, 1963. 13. Voir un exposé détaillé dans The Economic Development of Latin America in the Post-War Period, Nations Unies (numéro de vente 64.II.9.6), New York, 1964. 14. W. Baek et I. Kekstbnbtzky, « Import Substitution and Industrialization in Brazil », American Economic Review, LIV, n° 3, mais 1964, p. 416 ; voix également W. Baek, Industrialization and Economic Development in Brazil, Homewood, Illinois, 1965, chap. VI.

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également celles qui ont les répercussions les plus prononcées sur l'économie par le jeu des effets d'entraînement en aval et en amont Assurément, c'est là jouer sur le terme de remplacement des importations jusqu'à lui ôter toute signification précise. Le Brésil a, en fait, pris des mesures énergiques en vue de transformer la structure de son économie. Le remplacement des importations, au sens le plus strict du terme, est impuissant à cet égard. En ce qui concerne l'Afrique, la structure de la demande passée de biens de consommation ne fournit que peu d'indications pour l'avenir, en partie du fait que les biens de consommation auront ou devraient avoir moins d'importance et, d'autre part, parce que le volume des importations était lié à l'existence d'une classe riche et pourrait maintenant se réduire. Par définition, le passé n'a qu'un faible rapport avec l'avenir pour ce qui est des biens intermédiaires et des biens d'équipement. Enfin, la fabrication sur place de biens de consommation précédemment importés, réalisée souvent dans des conditions coûteuses à l'abri de barrières douanières élevées, risque fort (à moins que les fonds d'investissement proviennent intégralement de l'extérieur et que l'investisseur se refuse à les investir dans tout autre projet) d'absorber des ressources en capital limitées qui pourraient être consacrées à l'implantation d'industries productrices de biens intermédiaires et de biens d'équipement propres à modifier la structure de l'économie 15. Lorsque le remplacement des importations a atteint ses limites, il devient évident qu'on doit trouver des débouchés à l'exportation pour les produits manufacturés, et c'était là un des thèmes principaux de la conférence de Genève sur le commerce en 1964 : la volonté des pays en voie de développement de forcer les marchés des pays industrialisés. Une autre solution s'offre aux pays africains, tout au moins pour bon nombre d'années : échanger entre eux leurs produits manufacturés. C'est là l'argument qui commande le principe du regroupement des marchés des pays africains et du développement industriel coordonné, thèse majeure de 15. Chudson fait observer que l'industrie textile africaine demande une protection bien au-dessus de la moyenne, notamment à l'égard des exportations indiennes, et risque de ne pas acquérir avant longtemps une position concurrentielle (voir W.A. CHUDSON, « Comparative Costs and Economie Development : The African Case », American Economie Review, LIV, n° 3, mars 1964, p. 407). Les textiles constituent un bon exemple d'industrie pouvant facilement assurer le remplacement des importations et pour laquelle les économies d'échelle ne sont pas trop importantes. Il ne s'ensuit nullement que la plupart des pays africains devraient développer l'industrie textile, souvent au détriment d'industries peut-être plus productives du point de vue de l'ensemble de l'économie.

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Perroux 19 et élément moteur de la plupart des activités de la Commission économique des Nations-Unies pour l'Afrique. Il ne faut pas en chercher bien loin la justification. D'une part, quelles que soient les perspectives de l'Amérique latine ou de l'Inde, l'Afrique ne peut guère espérer jouer avant longtemps un rôle marquant sur le marché mondial des produits manufacturés. D'autre part, la plupart des marchés africains sont exigus, du fait que nombre de pays ont une faible population et que le revenu par habitant y est très bas. Les industries ne peuvent en général être rentables sans un marché suffisant, en raison de l'importance des économies d'échelle. Les avantages de la spécialisation internationale sont évidents. Les économies de situation non plus que les effets d'entraînement ne sont pleinement exploitables dans la limite des frontières de pays n'appartenant pas à un groupe quelconque. Perroux et ses disciples sont également les principaux promoteurs de la théorie des pôles de croissance 17, qui insiste sur la nécessité de concentrer les ressources dans un petit nombre de zones en vue de provoquer une expansion autonome et de sélectionner les industries qui ont des effets d'entraînement réels en amont et en aval. Des possibilités de cet ordre apparaissent en Afrique dans le cadre du développement coordonné entre groupes de pays, lequel exige, à son tour, ce que la C.E.A. a appelé la coopération sous-régionale et la création éventuelle de zones de libre échange ou de marchés communs. Mais ce principe renferme une contradiction. La concentration des ressources permet une croissance plus rapide, mais elle tend également à élargir l'écart entre les pays ou les zones plus et moins favorisés. Ce phénomène est particulièrement apparent en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale dans le cas des zones côtières et de l'hinterland 18 . Il faut trouver une solution à ce problème. Même au sein d'un pays industrialisé, on constate d'une région à l'autre des différences qui persistent jusqu'à ce qu'apparaisse un élément puissant de planification dans le cadre du gouvernement central. C'est ainsi qu'en France et au Royaume-Uni, le gouvernement a commencé à s'attacher à ce problème dès la fin de la seconde guerre mondiale. 16. F. PERROUX, L'économie des jeunes nations, Paris, 1962. 17. F. PERROUX, « Note sur la notion de 'pôles de croissance' », Economie appliquées, VIII, n - 1-2. 18. Le même problème se pose au Brésil où, en dépit d'importants programmes spécialement consacrés au Nord-Est, l'écart entre cette région et le Centre-Sud continue de s'élargir (voir BAER, Industrialization and Economie Development in Brazil, op. cit.).

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Tout au long de son histoire, l'U.R.S.S. s'est efforcée de redresser dans son territoire les inégalités marquées héritées de l'époque tsariste. Pourtant, en dépit des efforts des planificateurs, Moscou, Léningrad, et l'Ukraine demeurent les régions les plus industrialisées du pays, encore que l'équilibre continue de se modifier 19 . Les leçons de l'histoire confirment l'importance primordiale du rôle de l'industrie dans le développement, démontrée, comme nous l'avons déjà indiqué, par la simple relation entre l'emploi dans l'agriculture et dans l'industrie dans les pays industrialisés et dans les pays en voie de développement. Maizels donne dans une étude statistique décisive un résumé complet de la démonstration 20. Il montre en premier lieu que l'industrialisation a constitué la clé du progrès économique dans la plupart des pays pour la raison essentielle qu'elle tend à élever la production matérielle par habitant. Il y a à cela plusieurs causes : la part des industries manufacturières dans la production nationale augmente, et dans les économies à faible revenu la production moyenne par ouvrier est plus élevée dans les industries manufacturières que dans l'agriculture ; à mesure que l'industrialisation progresse, la productivité dans les industries manufacturières elles-mêmes tend à s'améliorer relativement vite grâce aux économies d'échelle, à l'augmentation des biens d'équipement et à l'acquisition de nouvelles compétences et de nouvelles méthodes de travail ; enfin, la productivité tend à s'améliorer également dans les autres secteurs de l'économie par suite de l'industrialisation : par action directe, comme nous l'avons déjà vu, dans l'agriculture et par action indirecte grâce à l'amélioration de l'infrastructure humaine et matérielle. L'industrialisation modifie aussi la structure de la production manufacturière en conséquence de la modification de la structure de la demande. La demande de biens d'équipement, de produits chimiques et de biens de consommation durables subit une augmentation relativement rapide et la demande de denrées alimentaires et de textiles croît assez lentement. Comme le dit Maizels : < Le développement industriel des pays économiquement avancés prouve empiriquement l'existence d'un schéma général de croissance commun... Les résultats indiquent un déclin assez brutal de l'importance relative de la transformation des produits alimentaires et des textiles aux premiers stades du développement, ce déclin se poursuivant par la suite, encore qu'à un rythme ralenti. Les métaux et les 19. Voir Etude de la situation économique de l'Europe en 1959, Commission économique pour l'Europe, Genève, 1960. 20. A . MAIZELS, Industrial Growth and World Trade, Cambridge, 1963.

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produits des industries mécaniques accusent un mouvement inverse, le taux de croissance se réduisant (par rapport au total) lorsqu'on atteint les stades ultérieurs du développement. Les produits chimiques opèrent une ascension continue, tandis que le groupe des produits manufacturés divers commence par marquer un progrès pour perdre ensuite lentement de son importance relative 21 . » Maizels fait observer ensuite que ce schéma bien établi n'implique aucune règle précise quant au stade de développement des pays non encore industrialisés, et que la disponibilité d'assistance et de compétences techniques notamment, permet la modification du schéma et l'accélération de la croissance industrielle et du développement économique Néanmoins, les grandes leçons du passé en ce qui concerne la place de l'industrie dans le développement et les structures générales de la croissance industrielle sont parfaitement évidentes. Le point essentiel est que l'industrie offre le seul moyen de relever la productivité d'une économie. C'est à partir de là que se dessine le schéma de l'industrialisation. Le processus dépend en partie des effets d'entraînement déjà mentionnés et, par conséquent, d'un certain nombre d'industries de base ; en partie aussi de la transmission et de la mise au point de nouvelles techniques et également du développement des compétences à tous les niveaux. En dépit des enseignements de l'histoire, la voie de l'industrialisation a soulevé des controverses qui ont engendré une certaine confusion, d'origine parfois terminologique et parfois conceptuelle. La distinction établie entre grandes et petites industries peut être souvent déroutante, encore qu'il soit bien évident que les petites industries ont un rôle à jouer, surtout en Afrique ; nous reviendrons plus loin sur ce point. La distinction entre industrie lourde et industrie légère est parfois obscure et il en va de même

21. lbid., p. 9. 22. L'Afrique du Sud constitue une exception intéressante (voir Etude de la situation économique de l'Afrique, C.E.A., Nations Unies, numéro de vente II.K.3), New York, 1966. La part des biens d'équipement et des métaux dans la production d'articles manufacturés est près de deux fois supérieure au chiffre normal pour un pays de cette dimension et à ce niveau de revenu. Elle correspond en fait à un revenu triple. La part des textiles et plus encore des denrées alimentaires, des boissons et du tabac est anormalement faible en raison de l'extrême inégalité de la répartition du revenu. Ainsi, pour son niveau de développement, l'économie de l'Afrique du Sud est à la fois structuralement avancée et déséquilibrée. Comme le fait ressortir l'étude de la C.E.A., cet état de fait provoquera de graves difficultés et de nouvelles tensions au fur et à mesure que l'Afrique du Sud s'isolera davantage du reste du continent.

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pour la plupart des discussions portant sur le choix de la technologie 23 . Pour un grand nombre d'industries, il n'y a pas vraiment de choix, notamment pour le type d'industries indispensables au relèvement de la productivité dans l'ensemble de l'économie, qui exigent nécessairement des capitaux plus importants, ce qui va souvent de pair avec des économies de maind'œuvre qualifiée. Le choix de la technologie se pose et, par conséquent, il est évidemment raisonnable pour un pays en voie de développement d'adopter des méthodes exigeantes en main-d'œuvre dans le domaine de l'irrigation, de la construction routière, du bâtiment et des travaux publics, par exemple. Parmi celles qui présentent une certaine souplesse du point de vue technologique, citons les industries du tissage, du vêtement, du bois, du cuir, des produits en caoutchouc, certaines industries alimentaires, la manufacture de briques et de tuiles, certaines industries chimiques et la plupart des fabrications d'ouvrages en métaux simples. Certaines industries de montage (radio, télévision et bicyclettes, par exemple) sont, également, peu exigeantes en capital. Pour celles-ci, il serait intéressant de déterminer à quel point les techniques exigeantes en main-d'œuvre sont économiques ; il n'est pas prouvé qu'elles le soient toujours. On peut encore appliquer des méthodes exigeantes en main-d'œuvre à certaines opérations auxiliaires (manutention et emballage, par exemple) dans des industries n'offrant pas de flexibilité du point de vue technologique. Le vrai problème n'en est pas moins qu'il faut, si l'on envisage un développement valable, lancer un programme de production de biens d'équipement et de biens intermédiaires — ce que de Bernis appelle (à la suite de Marx, évidemment) la production de machines produisant des machines — en vue de modifier la structure de l'économie. De Bernis fait également observer que les principaux arguments en faveur de la production de fer et d'acier et de produits chimiques en Afrique reposent sur la nécessité de

23. Dobb fait remarquer que, dans la plupart des ouvrages, on suppose que le choix de la technique doit dépendre des ressources existant dans un pays à un stade donné du développement et que, d'autre part, il ne devrait pas être nécessaire de préciser que le choix de la technique pour un investissement donné et la répartition de l'investissement sont deux questions totalement distinctes (voir M.H. D O B B , Economic Growth and Planning, New York, 1960, p. 33 et 65). Cependant, il note également que les mêmes arguments qui justifient un taux élevé d'investissement justifient aussi un fort degré de capitalisation dans le choix de la forme d'investissement (cf. « A Note on the So-called Degree of Capital Intensity of Investment in Under-developed Countries », Economie appliquée, Paris, 1954).

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fabriquer des intrants pour l'agriculture : outils, machines agricoles, engrais et insecticides 24. Bien que sa thèse soit à bien des égards proche de celle de de Bernis, Lacroix affirme que la stratégie proposée par celui-ci, si elle convient probablement à l'Afrique du Nord, ne saurait s'appliquer au Congo ni, par déduction, à d'autres pays tropicaux, notamment en Afrique de l'Ouest et du Centre 25 . La controverse est subtile et il n'est guère possible d'y apporter une conclusion définitive sans effectuer des recherches plus approfondies dans d'autres pays d'Afrique. De Bernis avance que ce qui est, en fait, un besoin urgent de biens de consommation au premier stade de l'industrialisation, risque fort de détourner des capitaux d'investissement rares de la production de biens intermédiaires et de biens d'équipement qui, seuls, peuvent permettre la transformation de la structure de l'économie et, surtout, du secteur agricole. Lacroix reproche à de Bernis de trop insister sur la production d'intrants pour l'agriculture sans se préoccuper suffisamment de la demande. Pour qu'une proportion plus importante de la production agricole arrive sur le marché, il ne faut pas seulement utiliser des intrants modernes, mais aussi provoquer une transformation sociale profonde 26 et disposer de produits d'échange provenant du secteur industriel, en d'autres termes de biens de consommation. Les conclusions qu'on peut tirer du débat n'ont qu'un intérêt pratique limité en ce qui concerne le Congo, puisque le premier stade du remplacement des importations (de biens de consommation) est largement réalisé et que de Bernis et Lacroix sont entièrement d'accord sur ce qui s'impose pour le second stade. Mais la controverse est importante pour ce qui est de la priorité à accorder dans les pays tropicaux d'Afrique au remplacement des biens de consommation importés. Il semble bien, comme l'affirme de Bernis, 24. G. de BERNIS, « Industrie lourde et industrie légère », dans Industrialisation au Maghreb, Paris, 1963. 2 5 . Voir J . - L . LACROIX, Industrialisation au Congo. La transformation des structures économiques, Paris, Mouton, 1966. Voir également une critique de cet ouvrage par A.F. EWING, utilisée ici et parue dans Modem African Studies, IV, n° 2 ; on trouvera une autre critique plus poussée dans Cahiers économiques et sociaux, IV, n° 4. 26. Voir à cet égard E . YOUNES et G . BERREBI, « Les places respectives de la réforme agraire et de l'industrialisation dans la stratégie du développement économique », Agricultural Land Reforms and Economic Development, Polish Scientific Publishers, Varsovie, 1964. Les auteurs pensent en particulier à l'expérience tunisienne et critiquent de Bemis à peu près pour les mêmes raisons que Lacroix. Cependant, le problème particulier de réforme agraire auquel ils se réfèrent n'a guère de rapport avec l'Afrique tropicale.

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qu'en se concentrant presque exclusivement sur le remplacement de ces biens de consommation, dont beaucoup ne représentent qu'une faible valeur ajoutée, on doit nécessairement sacrifier la fabrication de biens intermédiaires et de biens d'équipement (réalisée, dans le cas des petits pays, même dans le cadre de groupements de territoires voisins). Il est indispensable de produire une certaine quantité de biens de consommation, notamment ceux qui sont fabriqués à partir de matières premières agricoles, de même qu'il est indispensable d'en importer une certaine quantité. Le tout est de déterminer la proportion adéquate et, à cet égard, Lacroix est loin d'être juste à l'égard de de Bernis lorsqu'il lui reproche de tomber dans l'erreur de Nurkse, c'est-à-dire d'ignorer le problème économique fondamental de la pénurie. On pourrait peut-être trouver une solution partielle dans la suggestion présentée par Lacroix lui-même, selon laquelle les voisins du Congo membres de l'U.D.E.A.C. pourraient abréger le stade du remplacement des biens de consommation importés et envisager immédiatement la fabrication de biens d'équipement et de biens intermédiaires (nécessairement dans le cadre d'un groupement multinational) en important les biens de consommation que le Congo produit déjà. Mais le problème essentiel demeure celui de la transformation structurale des économies africaines. Aussi, lorsqu'on classifie les industries du point de vue du développement, doit-on avant tout distinguer les biens d'équipement, les biens intermédiaires et les biens de consommation. La Commission économique pour l'Afrique a été la première à dépeindre les perspectives qu'ouvre une industrialisation rapide 27 . Elle a avancé que l'Afrique pourrait, en gros, atteindre le niveau de développement économique actuel de l'Europe de l'Ouest à la fin du siècle si elle doublait sa production agricole et multipliait par 25 sa production industrielle par habitant. Une transformation structurale de cet ordre aurait pour corollaire que la part de l'agriculture dans le P.I.B. devrait tomber de 35 à 20 % d'ici la fin du siècle et celle de l'industrie passer de 20 à 40 %. La production indus27. Le développement industriel en Afrique, Nations Unies (numéro do vente 62.II.K.3), New York, 1963, p. 14-15. La méthode de calcul utilisée dans cette étude pour les perspectives de croissance industrielle de l'Afrique est inspirée de l'article précurseur de S.J. PATEL, « Economie Distance between Nations : The Oiigin, Measurement and Outlook », paru tout d'abord dans l'Economie Journal et réimprimé dans Essays in Economie Transition, Bombay, 1965. Voir également les documents établis par de Bemis et ses collègues pour une série de réunions sur l'harmonisation du développement industriel en Afrique de l'Ouest, convoquées par le président de la République du Niger entre 1962 et 1964 : The Growth of World Industries 1953-65, Nations Unies (numéro de vente 63.XVII.10) ; et A Study of Industrial Growth, Nations Unies (numéro de vente 63.II.B.2), New York.

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trielle totale devrait augmenter de 8 % par an entre 1960 et 1980 et de 9 % par la suite, le taux de croissance étant légèrement inférieur pour les industries extractives et légèrement supérieur pour les industries manufacturières. Dans le groupe des industries manufacturières, les industries légères devraient connaître une expansion un peu plus lente que les industries lourdes, conformément à l'expérience historique exposée plus haut. On trouvera au chapitre IV le détail des incidences de ce programme. L'Afrique comprend 23 pays dont la population ne dépasse pas 4 millions d'habitants, 12 qui ont moins de 2 millions d'habitants et 7 qui en ont moins de 1 million. Comme, en outre, le revenu par habitant est extrêmement bas, il est bien évident que le développement industriel exposé ci-dessus n'est possible en Afrique que si les pays se regroupent entre eux. Il y a à cela trois raisons dont la première est la nécessité des économies d'échelle. Pour la plupart des industries de base, l'échelle minimale de production est relativement vaste. C'est ainsi qu'une aciérie moderne intégrée, même si elle ne produit que des ouvrages en acier légers, exige une production minimale de 500 000 tonnes de lingots par an. Les échelles optimales sont beaucoup plus élevées : 5 millions de tonnes de lingots pour un laminoir à bandes larges, 3,5 millions de tonnes de lingot pour une usine intégrée à fabrications multiples et 1 million de tonnes de lingots pour une usine non intégrée. On peut produire de l'ammoniac (nécessaire pour la fabrication d'engrais azotés) dans des conditions raisonnablement économiques à raison de 50 000 tonnes au minimum, encore qu'il soit possible de réaliser des économies notables en élevant sensiblement le niveau. Les chiffres sont plus bas » ce qui concerne les acides et les alcalis de base, mais encore élevés par rapport aux marchés africains : 5 000 à 10 000 tonnes par exemple pour l'acide sulfurique, l'acide nitrique, l'acide chlorhydrique et la soude caustique. Les produits chimiques de base et les engrais, qui constituent normalement les premiers objectifs d'une industrie chimique dans un pays en voie de développement, exigent des combinaisons ou des complexes. Des surplus et des sous-produits résultent de la fabrication d'un produit principal, et pour que l'ensemble de l'usine fonctionne dans des conditions rentables, il est indispensable de disposer pour ces sous-produits de débouchés appropriés : c'est ainsi que le chlore résultant de la production de soude caustique peut servir à la fabrication d'insecticides ou de matières premières plastiques (C.P.V.). Pour une usine de papier et de pâte à papier intégrée, l'échelle de production minimale généralement reconnue est d'enviroa 40 000 tonnes ; pour le verre à vitre elle est de l'ordre de 10 000 tonnes. On peut produire le ciment à une échelle relati-

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veinent réduite en raison de la protection offerte par les frais de transport élevés, encore que des économies notables soient possibles lorsque la capacité augmente. Les textiles peuvent être fabriqués à assez bon marché sur une relativement petite échelle, à l'exception de la rayonne viscose qui exige une production minimale de 20 000 à 30 000 tonnes. D'autre part, l'industrie textile fournit une vaste gamme de produits finis, dont la totalité exigerait un marché étendu. Une spécialisation internationale présente des avantages manifestes à cet égard. Dans le groupe des articles manufacturés en métal, les échelles minimales présentent beaucoup plus de variations, et la production, sur une relativement petite échelle, peut être économique pour un grand nombre d'ouvrages en métaux et de petits articles électriques. Le montage de matériel de transport se fait souvent sur une échelle réduite, mais si l'on envisage de passer progressivement à la fabrication de pièces détachées, il est indispensable d'avoir accès à de vastes marchés. L'équipement électrique lourd, les machines-outils et la quasi-totalité de l'équipement industriel spécialisé exigent également des marchés importants. Nous examinerons en détail au chapitre IV les incidences prévisibles de ce qui précède sur les marchés africains d'ici dix ou quinze ans. Nous ne donnerons ici que quelques exemples des dimensions qui seraient nécessaires si les pays africains continuaient de chercher à s'industrialiser indépendamment les uns les autres et en fonction de leur demande probable vers 1970, fin de la période de la plupart des plans de développement en cours. A supposer, pour notre propos, qu'il n'y ait pas d'exportations hors d'Afrique, seule la R.A.U. peut entretenir une industrie sidérurgique viable, une usine d'engrais azotés, un complexe soude caustique-chlore, une usine de papier et de pâte à papier et une fabrication de verre plat. Aucun pays ne pourrait dépasser la production d'articles électriques et mécaniques simples. La moitié environ ne pourrait aller au-delà des types les plus élémentaires d'ouvrages en métaux et plusieurs n'auraient pas un marché suffisant pour une cimenterie. Kaldor a fait une large place au rôle des économies d'échelle dans le développement dans la conférence inaugurale qu'il a prononcée en prenant sa chaire de sciences économiques à Cambridge ; il y déclarait que les économies d'échelle sont loppement industriel visant à la manufacture de biens intermédiaires et de biens d'équipement, exigeant à son tour une coopération étroite avec les pays voisins. L'ancien gouvernement ghanéen prônait l'idéal de la coopération panafricaine, mais adoptait en pratique une attitude assez peu réaliste et ne se préoccupait guère de collaborer effectivement avec les pays voisins. Nous en arrivons maintenant aux deux pays du dernier groupe défini plus haut, qui non seulement ont adopté une stratégie rationnelle du développement industriel, mais ont également réalisé des progrès effectifs : la Tunisie et la République arabe unie. La Tunisie est un petit pays qui a une population de 4 millions d'habitants environ. Dans les années 50, le taux de croissance du P.I.B. était de 3,5 % et reposait sur un secteur agricole bien développé, orienté vers les marchés européens, et sur une assez large gamme d'industries. Le taux de croissance s'est élevé à 6 % entre 1960 et 1964, les trois dernières années étant couvertes par le premier plan de développement. Les investissements étaient importants et le taux marginal d'épargne intérieure était de 20 %. L'apport de capitaux à long terme a atteint 12 % en 1964, mais ce chiffre était inférieur aux prévisions. Le plan de 1965-1968 prévoit le même taux de croissance qu'au cours des cinq années précédentes et un taux d'investissement de 23 % du P.I.B. On espère porter le taux marginal d'épargne à 35 %. Le pays possède actuellement une variété considérable d'industries. Outre un secteur minier important, il existe un grand nombre d'industries alimentaires et textiles et d'industries du vêtement, un secteur non négligeable 28. R.H. GREEN, « Four African Development Plans », loc. cit., p. 275-276.

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des industries chimiques de base axé sur la production d'engrais phosphatés, une industrie des ouvrages en métaux, du papier et du matériel d'emballage, de la chaussure et de la maroquinerie, des industries forestières, une industrie des minerais non métalliques et des articles manufacturés en caoutchouc 29. Une usine sidérurgique est entrée en exploitation ; on prévoit qu'elle produira 80 000 tonnes de produits laminés en 1968, mais il est certain qu'étant donné la modicité de ce chiffre, le coût des investissements par tonne sera élevé (515 dollars). Jusqu'ici, les effets d'entraînement amont provenant de produits manufacturés d'origine locale ont été plutôt limités, mais la valeur de tels produits basés sur des importations est relativement basse, de 20 à 25 %. Le deuxième plan de développement se base sur un taux d'accroissement industriel de 15,3 %. Les éléments significatifs en sont l'expansion régulière de la production d'engrais phosphatés, ce qui donne lieu également à la production d'ammoniac (dérivé du naphte de la raffinerie), de sulfate d'ammonium, d'acide phosphorique, d'acide sulfurique, de di-phosphate d'ammonium et de nitrate d'ammonium. Les matériaux de construction occupent une place importante, avec pour objectif une production de ciment de 630 000 tonnes. Il existe des installations de montage de camions, camionnettes et autobus, mais également de dimensions peu économiques, situées en grande partie dans le complexe Menzel-Bourguiba. Un démarrage notable s'est opéré dans le domaine des industries mécaniques : travail du métal, pièces détachées pour machines, montage de moteurs diesel, fabrication de métiers, montage de tracteurs et équipement ménager. La Tunisie a établi un plan de développement rationnel et a également pris des mesures sérieuses pour son exécution, reposant sur un personnel qualifié beaucoup plus nombreux à tous les niveaux que dans la plupart des autres pays d'Afrique. Le secteur public a pris une grande importance, tant du point de vue des investissements que du nombre des entreprises industrielles, non pas, d'après le gouvernement, sous l'effet de préoccupations doctrinaires ou d'une attitude hostile à l'entreprise privée, mais par nécessité. Les progrès réalisés par la Tunisie dans la transformation de sa structure économique sont l'un des aspects les plus encourageants de la conjoncture africaine, mais ils risquent d'être mis en échec si des débouchés suffisants 29. Cf. R. GENOUD, Evolution

AMIN, op. cit. (note 13), p . 4 7

sq.

de l'économie

tunisienne,

Genève, 1965, et Samir

Le schéma actuel

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ne sont pas assurés, notamment grâce à une coopération étroite avec les autres pays du Maghreb. La République arabe unie est de loin le pays le plus industrialisé d'Afrique. Il a en outre l'avantage d'une population relativement nombreuse (30 millions d'habitants environ). Il est vrai que le revenu par tête y est encore assez bas. Aussi la R.A.U. a-t-elle pu planifier son développement dans le cadre de son marché national. Elle pourrait gagner à coopérer avec ses voisins mais, jusqu'ici, n'en a guère manifesté le désir. Nous ne pouvons ici exposer comme elles le méritent les politiques de développement du pays. Nous nous contenterons, dans le cadre de notre étude, d'indiquer les grandes lignes de ce qui a été réalisé. La zone géographique de la R.A.U. n'est pas très étendue et la densité de la population est plus forte que dans beaucoup de pays africains. Malgré un effort intensif dans le domaine des intrants, irrigation et engrais en particulier, l'agriculture continue de freiner l'expansion, les difficultés normales surgissant dans la balance des paiements au fur et à mesure que le développement économique progresse. On trouve la gamme complète des industries alimentaires, en plus, évidemment, des produits tropicaux et de quelques industries forestières. Les textiles sont largement représentés dans toutes les branches, tant pour le marché intérieur que pour l'exportation. Tous les matériaux de construction sont fabriqués sur place. La R.A.U. produit du fer et de l'acier, dans des conditions onéreuses, il est vrai, à partir de matières premières locales, ainsi que quelques métaux non ferreux. Elle compte produire de l'aluminium dans un avenir proche. Elle possède une industrie chimique de base et fabrique la gamme habituelle des ouvrages en métaux. Dans le domaine des industries mécaniques, la production comprend des moteurs à combustion interne, des machines agricoles, des foreuses verticales, des scies à métal et à bois, des machines à meuler, des balances, des treuils et du matériel de levage, des machines à coudre, des valves et pompes légères. Une grande variété de machines électriques est également fabriquée : moteurs, transformateurs, interrupteurs, câbles isolés et isolateurs, électrodes pour soudure, ainsi que des biens de consommation durables tels que fers électriques, cuisinières, réfrigérateurs, ampoules et tubes, radios à transistors et postes de télévision. Le montage de matériel de transport est effectué et la production de pièces détachées s'organise peu à peu. Les premiers fondements de l'industrie moderne remontent aux années 30, mais le développement n'a connu une véritable impulsion qu'avec la révolution de 1952. On a estimé que le taux annuel de crois-

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sance des industries manufacturières était de 7 à 8 % entre 1951 et 1962, deux fois environ celui du P.I.B. Les politiques qui président au développement industriel ont été résumées dans une récente étude 30. Tout d'abord, les droits d'importation sur les machines et les matières premières qui ne sont pas disponibles sur place ont été réduits, mais ils ont été sensiblement relevés pour la plupart des produits, et des permis d'importation ont été exigés. Deuxièmement, des stimulants financiers ont été offerts aux industries jugées aptes à contribuer au développement économique national. Troisièmement, le développement industriel a été favorisé par le gouvernement mais il a, en outre, été planifié par un organisme de développement économique constitué en 1957, habilité à participer directement à la production industrielle. Quatrièmement, des dispositions ont été prises non seulement pour encourager l'épargne intérieure, mais encore pour l'orienter vers le développement industriel. Cinquièmement, on a évité une augmentation des salaires grâce au contrôle des prix des biens de consommation essentiels et à une assistance au titre de la loi publique 480 des Etats-Unis. Le taux de croissance de la production des industries manufacturières a augmenté à partir de 1957 à un tel rythme qu'en 1960, la part de ces industries dans le P.I.B. s'était accrue d'un tiers. Un phénomène particulièrement important a été l'expansion des industries de remplacement des importations bénéficiant d'une protection ; elle a atteint un degré tel que les possibilités sont maintenant très limitées dans le domaine des biens de consommation. Parallèlement, les industries des métaux de base et les industries mécaniques et électriques ont connu un développement rapide. En outre, il s'est révélé possible de développer les exportations de produits manufacturés : textiles principalement, mais aussi ciment, produits chimiques et pharmaceutiques, papier et ouvrages en papier et en caoutchouc. Il ressort clairement de ce qui précède que la R.A.U. est déjà passée au stade de la production de biens intermédiaires et de biens d'équipement, visant essentiellement à la transformation de la structure de l'économie, mais qu'elle commence également à exporter des produits manufacturés.

3 0 . R . HANSEN et Amsterdam, 1965.

G . A . MARZOUK,

Development and Economic Policy in the

U.A.R.,

CHAPITRE III

QUELQUES NOTES SUR LE DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL HORS D'AFRIQUE Dans les deux premiers chapitres, nous avons indiqué le rôle de l'industrie dans le développement et le degré d'industrialisation atteint en Afrique : ce qui existe, l'évolution au cours des dernières années et les intentions des gouvernements intéressés. Dans le présent chapitre, nous examinerons d'abord brièvement l'expérience de quelques autres pays en voie de développement. Ceux-ci ont fait plus de progrès que la plupart des pays africains et ont, dans l'ensemble, un P.I.B. par habitant nettement plus élevé. Ils sont aussi, presque tous, beaucoup plus peuplés que les pays d'Afrique, à l'exception de deux ou trois de ceux-ci ; c'est là un avantage dont les Etats africains ne pourront bénéficier que dans le cadre d'un regroupement de leurs économies. Dans l'ensemble, l'expérience de l'Asie n'est guère utile à l'Afrique dans les circonstances actuelles. Ce n'est pas un continent homogène et il présente tous les stades et tous les niveaux du développement. L'intégration économique y revêt moins d'importance qu'en Afrique et, en tout état de cause, les pays d'Asie n'ont que peu d'expérience dans ce domaine. Nous mentionnerons cependant brièvement les étapes intéressantes du développement du Japon, ainsi que d'Israël. Les économies du Japon et d'Israël ont connu une expansion rapide au cours des dix dernières années (plus de 10 % par an). Ce rythme s'explique en partie du fait que ces deux pays disposent d'une main-d'œuvre qualifiée abondante et de nombreux chefs d'entreprises ; cette explication n'est cependant pas suffisante. Dans les cinq premières années de la décennie, le Japon a investi au rythme de 39 % du P.I.B. par an, chiffre qui a été porté à 44 % en 1961. En Israël, le taux d'investissement a été de 30 % du P.I.B. entre 1960 et 1963. Dans le cas du Japon, les importations nettes de biens d'équipement étaient assez réduites, mais en Israël elles atteignaient 50 % du total des investissements. Les deux pays ont maintenu des taux d'investissement élevés grâce à de faibles coefficients de capital (entre 2 et 3). L'un et l'autre font largement appel à la petite entreprise, mais il ne faut pas oublier que cela est possible du fait qu'une maind'œuvre qualifiée nombreuse peut être employée au maniement de

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machines peu coûteuses. Ils possèdent un stock de capital relativement récent et ont adopté une politique souple permettant l'orientation des capitaux vers les activités qui accusent une croissance marquée de la productivité de la main-d'œuvre. L'épargne privée est largement mobilisée par l'intermédiaire des banques commerciales et il n'existe pas de marché de capitaux d'origines très diverses 1 . L'expérience japonaise présente d'autres traits intéressants pour les pays en voie de développement. C'est ainsi que le pays a encore une économie double caractérisée par la coexistence d'une agriculture à prédominance de main-d'œuvre et de petites industries, d'une part, et d'industries fortement capitalisées, d'autre part. Malgré la forte densité de la population, il n'y a pas surpeuplement, du fait du niveau de l'éducation et du degré de formation de la main-d'œuvre ouvrière. L'agriculture est forcément intensive, étant donné la superficie réduite du pays. Les matières premières sont limitées, ce qui a stimulé une application constante de la technique aux économies de matériaux. Il est aussi intéressant de noter la limitation dans le temps du développement japonais. En 1910, le revenu par habitant s'élevait à 110 dollars aux prix de 1951, chiffre assez voisin de la moyenne actuelle en Afrique. Dans les vingt-cinq années suivantes, le développement industriel a véritablement démarré. Au cours de cette période, les modifications de la structure de la production sont provenues presque exclusivement de la demande intérieure et étrangère ; on constatait l'existence d'un secteur des exportations concurrentiel et un degré assez limité de remplacement des importations. Dans les vingt années suivantes, des difficultés d'exportations ont commencé de se manifester, et c'est alors que le remplacement des importations et l'évolution de la technique ont pris de l'importance. La troisième période (à partir de 1955) révèle des modifications de structures capitales : l'industrie lourde représente alors 50 % de la production industrielle totale et l'accent est mis davantage sur les exportations de matériel lourd. En 1960, les produits de l'industrie lourde constituaient 41 % des exportations du Japon et ceux de l'industrie légère 37 %. On estime qu'en 1970 l'industrie lourde représentera 73 % de la production industrielle 2. 1. O.W. MCDIARMID, « Japan and Israel », Finance Washington, 1966. 2. Report o) the Seminar on Industriai Programming,

and Development,

III, n° 2,

C.E.P.A.L., E/CN.12/663, 1963.

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Les vingt pays d'Amérique latine peuvent être répartis en trois groupes, suivant le chiffre approximatif de leur revenu annuel réel par habitant 3 . Dans les six pays du premier groupe le revenu par habitant varie entre 780 dollars en Argentine et 420 dollars à Panama ; ce groupe comprend également le Venezuela, l'Uruguay, le Chili et le Mexique. Dans les trois pays du groupe moyen, le revenu varie entre 390 dollars (Brésil et Colombie) et 350 dollars (Costa Rica). Dans les dix pays les plus pauvres, il varie entre 320 dollars (Nicaragua) et 120 dollars (Haïti) ; ce groupe comporte également la République dominicaine, le Pérou, El Salvador, le Guatemala, le Honduras, l'Equateur, le Paraguay et la Bolivie. Avant la révolution, Cuba faisait partie du premier groupe, mais on ne dispose pas à son sujet de données récentes. Cinq pays d'Amérique latine ont une population de 11 millions d'habitants ou plus : le Pérou (11 millions), la Colombie (17 millions), l'Argentine (21 millions), le Mexique (40 millions) et le Brésil (80 millions). Trois pays du premier groupe (l'Argentine, l'Uruguay et le Chili) sont situés dans la zone tempérée et étaient relativement prospères avant la crise des années 30. Les trois autres (Venezuela, Mexique et Panama) sont en assez bonne position grâce au pétrole, au tourisme et à la zone du canal respectivement. Les trois pays du groupe intermédiaire sont tous lourdement tributaires des exportations de café. Les pays les plus pauvres comptent essentiellement sur l'exportation d'un ou deux produits agricoles, à l'exception de la Bolivie qui vit sur l'étain. Chacun de ces pays a implanté quelques-unes des industries habituelles de remplacement des importations du premier stade. Depuis la guerre, la structure de la production s'est sensiblement modifiée dans l'ensemble de l'Amérique latine, encore que dans une mesure variable suivant les pays. L'étude de la C.E.P.A.L. déjà mentionnée présente une analyse de cette évolution en quatre points : le chiffre du revenu, sa répartition et ses variations ; les dépenses publiques ; la demande extérieure ; le processus du remplacement des importations. Il en ressort que la répartition du revenu est très inégale et que son nivellement aurait un 3. Les données relatives aux pays d'Amérique latine sont tirées de deux sources principales : The Economic Development of Latin America in the Post-War Period, Nations Unies (numéro de vente 64.II.G.6), New York, et « An Economic Survey of Latin America », The Economist, 25 septembre 1965. Cf. également The Process o/ Industrial Development in Latin America, E.C.A. (numéro de vente 66.II.G.4), New York, 1966. 6

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effet notable sur l'évolution de la production 4 . En ce qui concerne le second point, dépenses publiques, on indique qu'au cours des cinq dernières années, elles ont représenté 13 % de la demande finale. La demande extérieure joue un rôle de premier plan. C'est ainsi que 90 % de la production minière de la Bolivie, du Chili, du Mexique et du Pérou sont exportés. Les denrées agricoles vendues à l'étranger représentent un tiers environ de la production totale de ce secteur au Brésil et en Colombie, et plus des trois quarts en Costa Rica, en Equateur et à El Salvador. Si, comme nous l'avons déjà indiqué, le remplacement des importations perd actuellement de son importance, il a joué un rôle prépondérant. Depuis la guerre, la production des biens de consommation manufacturés a augmenté au rythme de 3 à 4 % par an, tandis que celle des biens intermédiaires ou des biens de consommation durables, destinés essentiellement au remplacement des importations, ainsi que celle des installations de montage, a suivi un taux de croissance annuel de 10 % ou plus. On trouve une mesure quantitative de l'importance des industries de remplacement dans le fait qu'en cours de la période de l'après-guerre, le taux de croissance des importations n'atteignait que 75 % de celui du produit intérieur et du revenu intérieur, et 60 % de celui de la production manufacturière. Sauf en ce qui concerne l'Equateur et le Mexique, le taux de croissance de la production agricole a freiné le développement des pays d'Amérique latine, tandis que l'industrie et le bâtiment se montraient particulièrement dynamiques. Le secteur primaire, qui représentait 35 % du produit intérieur entre 1936 et 1940, ne compte plus que pour 38 %, tandis que la part des industries manufacturières et du bâtiment est passée de 18 à 24 %. Deux faits s'imposent. Tout d'abord, le secteur extérieur a amené un ralentissement progressif du développement de l'Amérique latine, du fait notamment de la difficulté que pose une expansion suffisamment rapide du marché des produits primaires, et à cause de la détérioration des termes de l'échange. On estime en effet qu'entre 1955 et 1961, le volume des exportations de l'Amérique latine avait augmenté de 34 % par rapport à la période précédente, mais que leur pouvoir d'achat n'avait augmenté que de 13 %. Le second point est que le développement de l'Amérique latine a été essentiellement orienté vers l'extérieur. « Dans les années 50, le processus du remplacement des importations s'est étendu aux biens de consommation, aux matériaux de construction et, dans une certaine mesure, aux biens d'équipement également. Cependant, en ce qui concerne 4. Cette question est reprise plus en détail au chap. VI.

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les carburants et les biens intermédiaires, le processus a été incontestablement moins intensif, en termes relatifs, à moins que le remplacement de certains biens ait été contrebalancé par un accroissement d'autres importations 5 . » Nous verrons plus loin que depuis lors, on n'a enregistré que peu de progrès dans la zone de libre échange de l'Amérique latine (sauf peut-être en Amérique centrale), si bien que la possibilité d'élargir le marché des biens intermédiaires et des biens d'équipement au moyen d'exportations au sein de la zone est pour l'instant limitée ; il n'est donc pas surprenant que les politiques des pays d'Amérique latine visent essentiellement à forcer l'accès des marchés des pays industrialisés pour l'écoulement de leurs produits manufacturés. L'Argentine demeure le pays le plus riche d'Amérique latine pour ce qui est du revenu réel par habitant et possède, d'autre part, une population relativement nombreuse (plus de 20 millions d'habitants). Il y a quarante ans, avant la crise mondiale, elle était l'un des six ou sept pays les plus riches du monde. Mais elle a, par la suite, pratiquement stagné. 45 % de ses exportations environ consistent en viande, laine et autres produits animaux, et 25 % en céréales. Seule de ces divers produits, la viande risque de bénéficier d'un accroissement constant de la demande mondiale, et la part de l'Argentine dans le marché mondial a subi une chute brutale. Le problème réside en grande partie dans le fait que, si l'Argentine est bien dotée par la nature en ressources agricoles, elle n'a pas fait grandchose pour la modernisation de ce secteur : c'est ainsi par exemple qu'elle fait des engrais un usage limité et que le rendement du bétail est faible. Autre difficulté, le système de transports a été négligé. Ce sont là peutêtre les réformes les plus urgentes qui s'imposent, comme en témoigne, d'un autre côté, le faible taux de croissance de l'industrie manufacturière. Si l'on prend 1945-1949 comme base, l'indice était de 106,08 en 19501954 et de 123,7 en 1956-1961. Pour le Brésil, les indices correspondants étaient de 155,0 et de 280,8. Plusieurs caractéristiques du Brésil sont déjà bien connues. Sa population est deux fois plus nombreuse que celle du pays d'Amérique latine qui vient au second rang, sa superficie est vaste, il est bien doté en ressources naturelles, il a atteint un niveau élevé de développement industriel, comme l'indiquent les chiffres que nous venons de citer, ainsi que le fait que le remplacement des importations a été poussé jusqu'aux biens intermédiaires 5. The Economic Development of Latin America in the Post-War Period (cf. note 3), p. 23.

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Afrique

et à quelques biens d'équipement 6 . Deux graves problèmes se posent. Le premier est le retard de l'agriculture : une main-d'œuvre trop nombreuse est occupée au travail de la terre et le taux de croissance est faible, ce qui s'explique en partie du fait que 10 % des propriétaires terriens possèdent 80 % des terres arables, les 90 % se partageant les 20 % restants, une forte proportion de la main-d'œuvre agricole ne possédant rien. Le second problème réside dans le fait que dans les dernières années, le taux annuel d'inflation (60 %) a été deux fois plus élevé que dans les autres pays d'Amérique latine où les prix montent rapidement : Argentine, Uruguay et Chili. La C.E.P.A.L. a pu expérimenter au Brésil sa théorie de l'inflation « structuraliste », opposée à l'inflation « monétaire ». Ce pays a encore une économie double, et des difficultés surgissant dans un secteur provoquent des hausses de prix qui non seulement ont un caractère cumulatif, mais encore laissent prévoir d'autres augmentations. Dans ces conditions, on ne peut guère compter sur la déflation 7 . Le Mexique est le pays d'Amérique latine qui a marqué le plus de progrès dans le domaine du développement, qu'on en juge par le taux de croissance du revenu réel par habitant au cours d'une longue période, par le développement agricole et industriel ou par la stabilité du niveau des prix. La seconde guerre mondiale a donné une forte impulsion à l'expansion, mais celle-ci s'est poursuivie par la suite, favorisée par le tourisme, le remplacement des importations et l'apport de capitaux étrangers ainsi que d'assistance technique. Mais, ce qui est peut-être plus important encore, un équilibre judicieux semble s'être établi entre le rôle de l'Etat et la création d'un climat favorable à l'entreprise privée autochtone 8 . Au Mexique comme dans d'autres pays d'Amérique latine, la croissance est provenue en partie du secteur extérieur, mais le pays a eu la chance de pouvoir disposer d'une variété considérable de produits primaires et d'augmenter, au cours des ans, la gamme de ses exportations. Parmi les produits d'exportation traditionnels, citons le café, les fruits, les légumes, le coton et les métaux non ferreux. Plus récemment s'y sont ajoutés le soufre, le bétail, le poisson, le sucre et les tomates. Nous avons déjà parlé de l'industrie florissante du tourisme. Dans les dernières années s'est manifesté un ralentissement du rythme de croissance de l'économie ainsi qu'une certaine incertitude quant à l'avenir, l'un et l'autre allant de pair avec le pro6. BAER, Industrialisation and Economie Development in Brazil, op. cit., chap. III et VI. 7. lbid. chap. VII. 8. Au sujet de l'ensemble de cette section, voir R. VER NON, The Dilemma O/ Mexico's Development, Harvard, 1963.

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blême bien connu de l'Amérique latine, que nous avons déjà examiné : l'affaiblissement de la demande extérieure et le terme du stade facile du remplacement des importations. Au début des années 60, les biens de consommation représentaient moins d'un cinquième des importations du Mexique. Des biens intermédiaires tels que produits chimiques de base, fibres artificielles et acier, sont actuellement produits en grandes quantités. Mais pour aller plus loin et, notamment, pour devenir un grand producteur de biens d'équipement, le pays doit nécessairement, en raison des économies d'échelle, trouver des débouchés à l'extérieur, en Amérique latine ou dans les pays industrialisés. La population déjà importante (40 millions d'habitants) augmente rapidement, mais seule une fraction relativement faible de l'économie représente un revenu par habitant suffisant pour constituer un vaste marché. Il est vrai qu'il est très possible, en théorie, d'améliorer la répartition du revenu, mais en dépit du rôle important intelligemment joué par l'Etat, l'économie est encore largement dépendante de l'entreprise privée étrangère et nationale. D'où la difficulté d'imposer des mesures radicales en vue de la redistribution du revenu. Le dernier exemple emprunté à l'Amérique latine est celui du Pérou, pays dont les caractéristiques sont beaucoup plus proches de celles de l'Afrique 9 . En 1955, le revenu par habitant était de 190 dollars et la population de près de 9 millions (elle dépasse actuellement 11 millions). 60 % en étaient employés dans l'agriculture mais ne constituaient que 30 % du revenu national, tandis que 2 % travaillaient dans l'industrie manufacturière et constituaient 17 % du revenu national. Le pays était caractérisé par une économie double, reposant largement sur le commerce extérieur. D'autre part, les ressources naturelles sont abondantes ; entre 1945 et 1955, le taux de croissance a été élevé et quelques modifications de structure se sont produites. Outre la nécessité de développer l'agriculture, le problème crucial qui confrontait l'économie en 1955 était celui de l'industrialisation : il importait en effet, d'une part d'absorber la maind'œuvre excédentaire résultant du taux élevé de l'expansion démographique, et d'autre part, de remplacer les importations. La structure de l'industrie péruvienne était à cette époque fortement axée sur la transformation des denrées alimentaires, les boissons et les textiles. Les analyses et des projections détaillées effectuées par la C.E.P.A.L. ont mis en lumière et ont exposé des possibilités de développement dans une grande variété 9. Les données résumées ici sont reprises d'une des plus détaillées des études consacrées à l'industrie : The Industriai Development of Perù, Secrétariat de la C.E.P.A.L., Nations Unies (numéro de vente 59.II.G.2), New York, 1959.

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d'industries alimentaires (notamment poisson) et papier, cuir, caoutchouc, engrais, acide sulfurique, un complexe de soude-chlore, produits pharmaceutiques, fibres synthétiques, dérivés du pétrole et du charbon, divers minerais non métalliques, machines agricoles, machines pour industries extractives, machines pour le travail du bois, équipement électrique, construction navale (en vue du développement de l'industrie de la pêche), véhicules commerciaux et matériel ferroviaire. Ce ne sont là que des exemples. La gamme des industries manufacturières à partir du métal considérées comme rentables et mises en projet, était remarquablement étendue pour un pays aussi peu développé. On ne dispose pas de données permettant de déterminer dans quelle mesure ces projections ont été réalisées, mais les progrès effectués depuis par l'économie ont été encourageants, le P.I.B. dépassant actuellement 300 dollars par habitant. Une industrie moderne de la pêche a été implantée et a connu une expansion phénoménale. Nous compléterons ce tableau préliminaire de l'expérience des pays en voie de développement par celle d'un pays européen, la Yougoslavie, qui, il y a peu de temps encore, était sous-développé et dépendant. Le passage suivant d'un rapport de la C.E.A., cité in extenso, visait à donner un aperçu de ce qui pourrait être fait en Afrique centrale en vue de la production de biens intermédiaires et de biens d'équipement à partir de métaux locaux, c'est-à-dire de la mise en œuvre de la stratégie préconisée dans la présente étude. Il semble que l'expérience yougoslave présenterait le même intérêt pour d'autres zones économiques africaines. < En 1939, la Yougoslavie était un pauvre pays sous-développé, avec toutes les caractéristiques que ce terme sous-entend. Les trois quarts environ de la population se consacraient à l'agriculture. L'activité principale était l'exploitation minière en vue de l'exportation de minerais non ferreux qui n'étaient que dans une très faible mesure transformés dans le pays. Les quelques industries existantes se situaient à un niveau technique très bas. La production d'ouvrages en métaux était très limitée et celle de machines pratiquement inexistante. Le secteur primaire représentait environ 55 % et l'industrie moins de 20 % du revenu national. » (Au sujet de ces données et pour ce qui suit, voir Study of Requirements of European Countries in Process of Industrialization for Engineering Products : Yugoslavia, ENG/CONF/WP.5, Commission économique pour l'Europe, Genève, mars 1965). Le pays a subi des dommages de guerre importants. Pendant la période 1948-1952, le taux de croissance annuel moyen du revenu national a été de 1,9 %. Il a atteint 8,4 % pendant la période 1953-1956

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et 12,9 % pendant la période 1957-1960. Dès 1956, l'industrie représentait 44 % du revenu national et l'agriculture 41 %. Pendant les dix années de la période 1952-1963, le taux de croissance moyen des investissements dans le domaine des industries mécaniques et des métaux manufacturés a atteint un niveau élevé, de beaucoup supérieur à celui des investissements dans l'ensemble du secteur industriel. Les investissements totaux dans l'industrie ont augmenté de 200 %, les investissements dans les industries mécaniques de 340 %. La part de l'ensemble des industries mécaniques dans le total des investissements s'élevait à 14,4 % en 1963. En 1962, la métallurgie et les industries mécaniques représentaient 24,6 % de la valeur totale de la production industrielle. Le tableau suivant indique la production de certaines industries manufacturières du métal en Yougoslavie en 1939 et en 1963. PRODUCTION D E CERTAINES INDUSTRIES MANUFACTURIÈRES D U MÉTAL EN YOUGOSLAVIE, 1939-1963 Type d'industrie Roulements à billes Machines-outils Matériaux et équipements de construction Matériel de réfrigération Moteurs à combustion interne Machines agricoles Tracteurs Camions Camionnettes Autobus Motocyclettes Bicyclettes Wagons de marchandises Moteurs électriques Transformateurs Lampes incandescentes à haute tension

Unité de mesure

1939

1963

tonne

nul 84 108 nul nul 1 085 nul nul nul nul nul

1 596 6 240 7 305 860 67 849 * 22 207 8 092 7 975 20 923 1 028 43 113

nul nul

290 2 762

nul

644

nul

2 301

2 522

21 119

— — —

pièce — — — — — —

milliers de pièces pièces milliers de kW milliers dekVA milliers de pièces

Source : Study of Requirements of European Countries in Process of Industrialization for Engineering Products : Yugoslavia, op. cit., tableau 10. * 1962.

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On n'a pas tenu compte des ouvrages en métaux. En effet, si la production a marqué une augmentation très importante, un grand nombre d'articles étaient déjà fabriqués en 1939, ce secteur étant normalement le premier du groupe à démarrer, ainsi qu'on l'a indiqué plus haut. L'élément remarquable est l'augmentation de la production de biens d'équipement de base à partir de très bas niveaux ou même de zéro. « La Yougoslavie comptait environ 14,5 millions d'habitants en 1938, et 18,6 millions en 1963. Le produit intérieur brut a augmenté de 42 dollars par habitant en 1945 (date à laquelle il n'était certainement pas supérieur au chiffre d'avant-guerre) à 274 dollars en 1963 » (source : Annuaire démographique 1962-1963 des Nations-Unies ; Growth and Stagnation of the European Economy, C.E.E., Genève, 1954, p. 237 ; Nations-Unies, Annuaire des statistiques des comptabilités nationales, 1952 et 1963). « L'expérience de la Yougoslavie montre comment un pays qui avait en 1939 une population, un P.I.B. par habitant et des caractères structuraux assez peu différents de ceux de la sous-région de l'Afrique centrale aujourd'hui, a pu, en l'espace de moins de vingt ans, transformer complètement sa structure industrielle et créer une industrie mécanique relativement avancée 10. » Bien que la comparaison entre la Yougoslavie et les pays d'Afrique centrale considérés en bloc, et par conséquent l'indication de ce que pourraient accomplir les derniers en vertu de l'expérience, soient parfaitement raisonnables, un facteur important a été négligé. En effet, en dépit de son retard économique et de la domination étrangère qu'elle avait subie en 1939, la Yougoslavie était déjà à cette époque plus riche en matériel humain que l'Afrique centrale ne l'est à l'heure actuelle. Nous verrons aux chapitres VII et VIII les enseignements qu'on peut en tirer. Il ne serait pas inutile, d'autre part, de comparer les progrès de la Yougoslavie avec ceux de ses voisins de l'Europe méridionale. Cette comparaison est possible grâce à une étude de la C.E.E. 1 1 qui contient une analyse du développement et des problèmes de la Yougoslavie, de la Grèce, de la Turquie, de l'Espagne, du Portugal, de l'Italie du Sud (ainsi que de l'Irlande). Compte non tenu de l'Italie du Sud, qui est un cas particulier puisque faisant partie de l'Italie et ainsi reliée aux riches régions du Nord, c'est la Yougoslavie qui a réalisé les progrès les plus marquants, que ce soit en 10. Rapport de la mission de la C.E.A. sur la coopération économique en Afrique du Centre, op. cit., chap. VII. 11. Voir Etude de la situation économique de l'Europe en 1959, Nations-Unies (numéro de vente 60.11.E.l), Genève, chap. VII et VIII.

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matière d'expansion industrielle et agricole, de transformation de la structure économique (grâce à la production de biens intermédiaires et de biens d'équipement, au remplacement des importations et à la réduction des importations inutiles), de diversification des exportations, d'accroissement de l'épargne ou de relèvement du taux des investissements. Ces résultats ont été obtenus en grande partie grâce à une politique délibérée du gouvernement et à une intervention de l'Etat, sous une forme ou sous une autre, dans de nombreux domaines.

CHAPITRE IV

LES PERSPECTIVES DE CROISSANCE INDUSTRIELLE EN AFRIQUE On trouvera dans le présent chapitre le schéma d'un cadre propre au développement de l'Afrique pour 1960-1980 et, en termes très généraux, pour la fin du siècle. Ces chiffres ne sont que des conjectures quantitatives. Ce qui est suggéré pourrait être accompli si les politiques appropriées étaient adoptées, mais nous n'avons pas cherché à faire des prophéties. Il est évident que toute indication d'un développement industriel éventuel n'a de valeur que si elle est considérée dans la perspective du mouvement général de l'économie africaine et de l'ensemble de l'économie mondiale. L'étape suivante consistera à examiner ce que l'Afrique pourrait faire, pour chaque type d'industrie. Certaines études préliminaires réalisées jusqu'ici, notamment par la C.E.A., offrent à cet égard des indications détaillées. Ce que nous avons retenu a essentiellement une valeur d'exemple et a été délibérément choisi en fonction de la stratégie du développement industriel exposée dans le premier chapitre et dont on a démontré, au second, la nécessité urgente en vue d'un progrès notable. Après avoir passé en revue les divers types d'industries, nous nous trouverons amenés, au fil de la discussion, à conclure en faveur de groupements économiques entre pays africains, mesure indispensable à un progrès réel. Nous avons donc, en premier lieu, indiqué sous une forme schématique les possibilités de développement de l'Afrique. Nous nous sommes fondés sur l'hypothèse que la coopération économique entre pays s'intensifiera continuellement pour aboutir à une intégration au sein de groupements adéquats. Le cadre est ébauché dans le tableau suivant :

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