Idées grecques sur l'homme et sur Dieu


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French Pages 402 [411] Year 1971

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Idées grecques sur l'homme et sur Dieu

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IDÉES GRECQUES SUR L'HOMME ET SUR DIEU

DU M:ÊME AUTEUR Recherchessur le sens et les originesde l'expression CAEL VM CAELI dans le livre XII des « Confessions » de saint Augustin, dans « Archivum Latinitatis Medii Aevi » (« Bulletin du Cange»), 2.3, Bruxelles, 1 953·

J.4ythe et Allégorie. Les origines grecques et les contestations judio-chrétiennes, collection « Philosophie de !'Esprit», Paris, Aubier, 1958. Les deux approches du christianisme, Paris, Les Éditions de Minuit, 1961.

ÉPICTÈTE, Manuel, traduction nouvelle avec notice et notes, dans Les Stoïciens de la « Bibliothèque de la Pléiade», Paris, Gallimard, 1962.. Théologiecosmiqueet Théologiechrétienne( Ambroise, « Exam. » I I, I-4), dans « Bibliothèque de Philosophie contemporaine», Paris, P.U.F., 1964. Dante et la tradition de l'allégorie ( « Conférence Albertle-Grand », 1969), Montréal, Institut d'Études médiévales - Paris, Vrin, 1970.

COLLECTION

D'ÉTUDES

ANCIENNES

publin.ro11.1lepatronagede l'ASSOCIATION

GUILLAUME

BUDÉ

IDÉESGRECQUES SURL'HOMME ET SURDIEU PAR

Jean

PÉPIN

PARIS SOCIÉTÉ

D'ÉDITION

95,

« LES

BOULEVARD

BELLES

LETTRES»

RASPAIL

1971 Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique

A Monsieur Pierre B~ancé. A Monsiellf' Joseph Moreau.

AVANT-PROPOS

Plusieurs des problèmes dont je traite dans les pages que l'on va lire ont été dijà abordés par moi dans divers articles1• Naturellement, j'ai emprunté à ces premières esquisses. Mais en m'appliquant totefours à les dépasser. D'abord en tenant compte des travaux paru.r depuis lors, particulièrement nombreux sur de tels stefets, et parfois important.r. En voyant les choses .rou.rde.r angle.r nouveaux, qui m'avaient échappé naguère. En corrigeant enfin de.r erreur.r, en précisant des ana(yses demeurée.; floue.r, en considérant de.r oijection.r imprévue.r ; à cet égard, j'ai reçu l'aide de savant.rlecteur.rqui, qyant regardémes première.r rédaction.r, ont bien voulu m'en écrire ; ainsi ai-je pu recueillir et méditer l'avis de Mgr. A. Mansion (qui m'adressa sans doute l'une de ses dernières lettres), du professeur H. Cherniss, du R.P. É. de Strycker, du professeur W. Theiler. M. P. Boyancé a eu la bonté de lire en manuscrit toutes les pages que)' ai consacréesau Premier Alcibiade ; bien davantage, il m'a révélé l'importance de ce dialogue, qu'il connait mieux que personne ; je lui dois plus queje ne saurais le dire, surtout peut-être quand il m'arrive de hasarder de.r conclusionsdifférentes des siennes. Ma gratitude va aussi à MM. ]. Irigoin et F. Robert, qui ont favorisé la publication de ce livre ; à A. Ph. Segonds, qui m'a aidé à en corriger les épreuves.

(1) Cf. Revue du Études grecques,77, 1964, et 82, 1969 ; Aristote, De la rkhesse, etc., Paris, P.U.F., 1968 ; L'ailualità della probkmatica aristotelka, Atti del Convegno franco-italiano su Aristotele (1967), Padova, Antenore, 1970 ; Dialogue (Canada), 8, 1970. Je remercie les éditeurs qui m'ont autorisé à remployer certaines de ces pages.

ABRÉVIATIONS

USUELLES

DIELS, Doxogr.. . . .

Doxographi graeci, collegit, recensuit, prolegomenis indicibusque instruxit H. DrnLs, Berolini 1879.

DIELS-KRANZ......

Die Fragmente der Vorsokratiker, griechisch und deutsch von H. DrnLs, 8. Aufl.age herausgegeben von W. KRANZ, 3 vol., Berlin 1956.

PC...............

Patrologiae cursus completus, series graeca, accurante J.-P. MIGNE, Parisiis 1 856 sq.

PL..............

. Patrologiae cursus completus, series latina, accurante Parisiis 1844 sq.

J.-P.

MIGNE,

RAC.............

Reallexikon für Antike und Christentum, herausgegeben von TH. KLAUSER, Stuttgart 1950 sq.

RE...............

Pau/ys Real Encyclopadieder classischen Altertum swissenschaft, herausgegeben von G. WissowA (quem seq. W. KROLL, K. MITTELHAUS, K. ZIEGLER), Stuttgart 1893 sq.

SVP.............

Stoicorum Veterum Fragmenta, collegit I. AB ARNIM, 3 vol., Lipsiae 1903-1905.

INTRODUCTION

ANTHROPOLOGIE ET THÉOLOGIE I

UNE MÉPRISE A ÉVITER Le lecteur qui, comme il sied, entrera dans cet ouvrage par la table des matières aura sans doute l'impression d'une discontinuité entre les deux pièces qui le constituent : selon un plan sinueux, mais, je l'espère, limpide, qui suit l'ordoinueniendiplus que l'ordre chronologique, la Première partie retrace l'histoire ancienne d'une conception platonicienne de l'homme, son origine, son développement immédiat, ses répercussions tardives jusqu'à la fin de l' Antiquité païenne et chrétienne ; la Deuxième partie, quant à elle, essaye de restituer les vues d'Aristote sur Dieu, sa nature, ses opérations ; et, comme l'habitude s'est imposée aujourd'hui, à juste titre, d'étudier ce philosophe en termes de « développement », elle montrera les variations en même temps que les constantes de sa doctrine, en s'arrêtant particulièrement à deux des plus anciennes expressions de celle-ci, formulées respectivement dans les dialogues Sur la prière et Sur la philosophie.C'est dire qu'à une recherche sur l'anthropologieplatonicienne et son histoire succède ici une investigation sur la théologie

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ANTHROPOLOGIE ET THÉOLOGIE

aristotélicienne et son évolution. Il est à craindre que le premier sentiment ne soit que ces deux ensembles juxtaposés constituent malaisément un tout. C'est ce qu'il ne faut pas. On pourrait arguer que la rupture entre le platonisme et l'aristotélisme est moins universelle qu'on ne le croit d'ordinaire, et en particulier que traiter de l' Aristote encore platonisant, dont il sera surtout question dans ces pages, est une autre façon de parler encore de Platon. On pourrait aussi montrer que l'homogénéité des deux parties de ce livre semble garantie par le fait que quantité de thèmes abordés dans la première s'imposent à nouveau à l'examen dans la seconde, comme en témoignent de nombreux renvois. Mais la véritable justification est ailleurs : elle est dans la constatation que, chez les Grecs aussi bien que dans le christianisme primitif, la spéculation sur l'homme et la spéculation sur Dieu sont inséparables ; chacune se nourrit de l'autre, et l'alimente à son tour. On connaît bien la liaison qui existe, dans la plupart des cantons de la pensée grecque, entre l'anthropologie et la cosmologie, du fait notamment de l'image microcosmique, selon laquelle l'homme est regardé comme une miniaturisation de l'univers, et l'univers comme un agrandissement gigantesque de l'homme ; mais on pourrait parler avec autant de raison d'une sorte de « microthéisme », qui fait concevoir l'homme comme le diminutif de la divinité, et la divinité comme le superlatif de l'homme. En vertu de quoi l'on peut tenir pour assuré que le Grec moyen de la plupart des époques eût réagi validement à un test du genre de : dis-moi quel est ton homme, et je te dirai quel est ton Dieu, ou l'inverse ; aussi bien est-ce à peu près le discours que Théophile d'Antioche, contemporain de Marc-Aurèle, adresse à son adversaire païen : « Peut-être est-ce encore en raison de ta propre inutilité au service de Dieu que tu as sur Dieu ces idées. Si en outre tu me disais : ' Montre-moi ton Dieu ', je te dirais

LES NOTIONS ET LES MOTS

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à mon tour

: ' Montre-moi ton homme, et moi je te montrerai mon Dieu' »i. Que si cette réciprocité entre anthropologie et théologie n'apparaît pas expressis uerbis dans les textes anciens, la raison en est simple : à la différence du mot 0s:o).oy(ouc;~µiic; 8e:lxvucrw. dO-re:µèv yœp ~&µe:v,oµo[ooc;-roïc;6e:oïc;xoclpo[µ]e:v(cf. CICÉRON,De fin. l 19, 63 et II 27, 87), et LucRÈcE, De rer. nat. m 322 : « ut nil inpediat dignam dis degere uitam ». Épicure lui-même est regardé par ses disciples comme un dieu, cf. LucRÈCE, V 51 : « hune hominem numero diuom dignarier esse», et CICÉRON, Tuscul. I 21, 48. Les cyniques avaient, sur ce point, montré la voie aux épicuriens, cf. DION CHRYS.,Oral. VI ;1, disant de Diogène : µciÀLcrToc èµLµeÏTo -r&v 6e:&v-rov ~[ov. Peut-être faut-il ajouter ÉPICURE,Epùt. III 124 : "oùc; ôµo[ouc; &rro8éx_ovTocL, texte controversé, mais où beaucoup d'historiens voient l'idée que les dieux accueillent dans leur compagnie les hommes qui leur ressemblent ; cf. W. ScHMrn, Giitter und Menschen in der Theo/ogieEpikurs, dans Rhein. Museum, 94, 1951, p. 105-115, et É. DES PLACES, op. cit., p. 142-143. (1) Tim. 90 c; cf. Républ. IX 589 e: T0 &IXUTOU 6e:L6TetTOV; Tim. 73 a: Tou 6e:toTci-rou TWVrrocp'~µïv ; 88 b : T0 6eL6Toc-rov "&v èv ~µîv, etc. (2) Eth. Eud. VIII 2, 1248 a z7 ; cf. Eth. Nic. X 7, 1177 a 16 : Tù)VÈ\I ~µÏV '°'06e:L6TIXTOV; b 28: 6e:î6VTLèv OCÙTcj> [se, : '°'cj> civ6pwmj>] Ul't'cXpx_eL.

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ANTHROPOLOGIE ET THÉOLOGIE

retiendra l'attention par sa netteté et sa concision : « l'intellect, c'est, en nous, Dieu» (o voue;yixp ~µ.&v o 6e:6c;);si le contenu en apparaît clairement, elle pose de délicats problèmes d'ordre littéraire ; elle est tirée du Protreptique de Jamblique, qui doit la tenir de l'ouvrage homonyme d'Aristote ; mais d'autres auteurs la citent, l'attribuant tantôt à Ménandre, tantôt à Euripide ; on verra les raisons que l'on a de la faire remonter en définitive jusqu'à Anaxagore, à qui la rapporte d'ailleurs Jamblique ; c'est à Anaxagore qu'Aristote l'aura empruntée, la jugeant particulièrement propre à rendre la croyance platonicienne à la divinité de l'intellect humain. La doctrine ne trouvera pas d'expression plus absolue ; mais elle en trouvera de plus imagées, dont on aura aussi à connaître. C'est ainsi que Cicéron compare l'intellect de l'homme à une statue consacrée, sicut simulacrumaliquoddicatum (De leg. I 22, 59) ; mais il n'est lui-même, ce faisant, qu'un relais dans une tradition qui le précède, et que l'on suivra jusqu'à Proclus ; dans cette continuité, on remarquera la place d'Épictète, qui assimile l'homme à une statue exécutée par Zeus lui-même et, à ce titre, combien plus vénérable que le Zeus de Phidias. Épictète encore et Marc-Aurèle emploieront souvent une autre image pour donner à entendre la nature divine de notre intellect : reprenant une formule déjà employée peut-être par leurs prédécesseurs stoïciens Chrysippe, Apollodore et Posidonius 1 , ils le regarderont de la divinité. comme un fragment détaché (&.1t6crnoccrµ.oc) Beaucoup d'autres exemples montreront, sous la diversité des expressions, la continuité de la doctrine. Si Platon, pour décrire la relation de l'homme à Dieu, il parle aussi, une fois au parle souvent de cruyyévs:Loc, moins, d'ôµ.o(Cùmç; c'est dans la célèbre page du Théétète 1 76 b, qui aura tant de retentissement dans le néoplatonisme, et où l'on voit définie la fuite qui, du mal régnant ici-bas, (1) a. DxoG. LAËRCE,VII 142.-143,= SVF II 633, p. 191, 3s-40,

« PARENTÉ » ET « ASSIMILATION »

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doit nous conduire auprès des dieux : cette fuite, c'est de devenir semblable à Dieu dans la mesure du possible 1 • Nulle synonymie entre (oµ.o(wnç 8scj>xci:roc-rà 8uvoc-r6v) les deux mots : la cruyyévstocdésigne un état de fait, qui est le lot de tout homme sans initiative de sa part, cependant que l'oµ.o(wcriç marque une action à assumer, dont le résultat ne peut être garanti 2 • Mais nulle contradiction non plus entre les deux notions : la parenté divine étant une simple virtualité, un point de départ nécessaire mais insuffisant, il appartient à l'homme soit d'en tirer parti par un effort positif d'assimilation, soit de renoncer par négligence à en bénéficier ; l'assimilation ne peut s'engager si elle ne prend appui sur une parenté préexistante ; mais la parenté ne mène à rien si elle n'est ratifiée et fécondée par une volonté d'assimilation. Deux observations confirment cette analyse. D'une part, tous les textes platoniciens qui appellent à l'oµ.owücr8ocL6scj> ajoutent une réserve sur l'issue de l'entreprise, telle que xoc-roc-rà 8uvoc-r6v,5-rL µixÀtcr-roc,etc., alors qu'aucune précaution de ce genre n'affecte les affirmations de la cruyyévsioc. D'autre part, on ne voit pas que la cruyyévstoccomporte un contraire ; mais l'oµo(wmç a le sien, qui est naturellement l'&.voµo(wcrtç, conçue soit comme assimilation au principe antagoniste de Dieu (par exemple Théétète 1 76 e-1 77 a : en présence

( 1) Cf. encore Républ. VI 5oo ç : -re:Tl)(yµévl)( &ni)( XI)(!Xl)(TIX Tl)(\JTIX &d ~XOV't"I)( [ ... ] µLµda!hl 't"S Xl)(Le't"L µetÀLO"'t"I)( &qioµornücr61)(L ; X 613 a : e:tç&crov8UVl)(TO\I &v6pw7t oµornücr61)(L fü:éj); II 383 t; Tim. 90 d; Lois IV 716 cd,· et H. MERKI, 'OMOif.ŒU:: 0E1). Von

der platoni.rcbenAngleicbung an Coll zur Gottabnlfrbkeit bei Gregor von Nyssa, collect. « Paradosis », 7, Freiburg Schw. 1952, p. 1-7. (2) Que l'oµolrocriç soit bien une visée, c'est ce qui apparaît encore lorsque les doxographes la donnent pour un TéÀoç; ainsi Arius Didyme(?) apud SToBÉE,Antbol. II 7, 31, éd. Wachsmuth, II, p. 49, 8-9 : ~roxp&.TI)ç,IIMTrov Tl)(Ô-rcx T Ilu6ocy6pqi;,-réÀoçoµotrocrLv6eéj); ce témoignage a en outre l'intérêt de rattacher la doctrine platonicienne à Pythagore, selon une filiation admise par W. K. C. GuTHRm, A Hi1tory of Greek Pbilo1opby, I : Tbe furlier Pruocratic1 and tbe Pytbagorean1, Cambridge 1962, p. 199, n. 1.

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ANTHROPOLOGIE ET THÉOLOGIE

des deux paradigmes opposés, l'un divin, l'autre athée, les méchants se rendent semblables (oµmouµi::voL) au second, c'est-à-dire dissemblables (ocvoµowuµi::voL) au premier), soit comme chute dans la dissemblance pure (de; -rov -njc; &.voµoL6TI)TOÇ [ ... ] rr:6v-rov(T6rr:ovcodd.), comme il est dit du monde dans le mythe du Politique, 2.73 d). On comprend maintenant comment les deux concepts sont à la fois distincts et complémentaires : la parenté divine de l'homme se présente comme un donné, que rien ne compromet parce que, de lui-même, il n'assure pas de salut ; son rôle est de fournir une base à la tentative de l'assimilation à Dieu, entreprise difficile et menacée, mais porteuse d'un espoir de libération. C'est entre la cruyyévi::Loc et l'oµo[wcrLc;que, dans la tradition platonicienne, se joue la vie de l'homme. Ou encore, pour reprendre la terminologie signalée précédemment, entre le divin en nous et le divin en soi ; faire se rejoindre l'un et l'autre, voilà l'unique nécessaire. On connaît la dernière parole de Plotin mourant : « il dit qu'il s'efforçait de ramener le divin qui est en nous au divin qui est dans le Tout (rr:1::Lp1fo6ocL 't'Ô&v~µ"r:v6z"r:ovocvcx.yi::w rr:pôc;TÔ &v 't"CÎ)TCOCV't't 61::"r:ov) » 1 ; les ultima uerba du philosophe, dont on n'a

(1) PORPHYRE, Vita Plot. 2, 2.5-2.7, éd. Henry-Schwyzer, p. 3. Il faut ajouter que cette phrase est trop belle pour être tout à fait sûre. Après avoir publié en 1951 le texte que l'on vient de lire, P. HENRY, La tkrnière parole de Plotin, dans Studi c!a.r.ricie orienta!i, 2., 1953, p. 11313~, a reconsidéré minutieusement le problème: paléographiquement, trois leçons ont des chances égales, pour avoir toutes appartenu à l'archétype : -ro &vl)µ.Îv fü:fov, -ro tv ôµ.îv 6dov et -rov tv ôµ.iv 6e:6v; pour des raisons de doctrine et de tradition indirecte (Synésius), P. Henry préfère maintenant la troisième leçon, et c'est elle qu'avec H.-R. Schwyzer il a homologuée en 1964 dans les Plotini opera de la « Scriptorum class. Bibliotheca oxon. », t. I, p. 2.. R. HARDER,Plotins Schriften, Bd. V c, Hamburg 1958, p. 80-82, qui reste fidèle au texte traditionnel, a montré les faiblesses de la démonstration de P. Henry ; des contre-arguments de Harder, retenons ceux-ci : 1 o bien que les critères stylistiques usuels soient peu applicables à Plotin, la rupture entre le style indirect (n-e:Lpiicr6aL) et le style direct (ôµ.iv) est difficile

LA DERNIÈRE PAROLE DE PLOTIN

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aucune raison de suspecter l'authenticité, ne peuvent être insignifiants ; d'après les réflexions qui précèdent, ils traduiraient exactement l'accomplissement de la cruyytveLoc par l'oµ.o(wmç, et le coefficient d'incertitude que Platon attachait à ce dernier terme aura été bien rendu chez Plotin par la notion de tentative (1reipoccr6ocL). On ne connaît dans l' Antiquité qu'une référence expresse à ce texte, et elle est le fait du chrétien Synésius (fin du ive siècle-début du ve) ; dans une lettre, cet auteur se flatte d'adresser à son correspondant un conseil tiré des mots que Plotin mourant livra aux assistants, et c'est : « ramène le divin qui est en toi-même au divin primordial (--ràÈv crocu--rcï> 0e'r:ov&vocye¾1rt --rà1rp6yovov 0e'r:ov)» 1 • Mais bien d'autres pages néoplatoniciennes font état de cette dualité du divin en nous et du divin en soi, et voient dans le retour du premier au sein du second l'essentiel de la vie spirituelle ; ainsi, c'est par le fait qu'elle favorise une telle résorption que Jamblique, dans un passage sur lequel on aura à revenir, apprécie la valeur de la prière : « Le divin qui est en nous (Tà [... ] 0e'1:ov¾v~µ.'1:v)[...] se réveille alors, bien en évidence, dans les prières ; réveillé, il tend à ce qui, de façon éminente, lui est semblable, et il se conjoint à la perfection en soi (cruvix1r--re--rocL 7t'poç OCÙ't'O-"t"eÀe(OTI)'t'OC) » 2 ; entendons que la prière tire le divin en nous de son assoupissement, le met en pleine lumière, et ainsi rend possible sa réunion au divin absolu ; c'est bien la même démarche qu'avec moins d'assurance tentait Plotin, dans la ligne de l' oµo(wcriç platonicienne.

à admettre ; 2° comme on l'a vu ici même, les mots -rà sv'YJ[l,ÎV8e:îov ont un passé platonicien et aristotélicien ; sur les lèvres de Plotin, ils ne peuvent être qu'une réminiscence, presque une citation, ce qui en accroît la vraisemblance. (1) SrnÉsms, Episl. 139, 276 a, éd. Hercher, p. 725 ; cité par P. HENRY,art. ât., p. 126-128, (2) JAMBLIQUE, De myst. I 15, 46, 13-16, éd. des Places, p. 65.

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ANTHROPOLOGIE ET THÉOLOGIE

z.. De la connaissance de l'homme à la connaissancede Dieu. Dans cette constitution de la notion de -roF;V~fLÎ:V0ei:ov, dans son identification à la partie intellectuelle de l'âme, dans le devoir qu'on lui trace de réintégrer, par un effort d'ofLo(wcr~ç,le divin originel, on accordera qu'il y a déjà une notable compénétration d'analyse anthropologique et de réflexion religieuse. La conviction s'en impose davantage encore si l'on passe de l'ordre de l'être à celui de la connaissance. S'il est vrai que la structure de l'homme comporte un élément divin qui n'est autre que son intellect, il doit en résulter que la connaissance de l'intellect humain procure dans une certaine mesure la connaissance de Dieu. De ce principe général, les Grecs ont tiré les applications les plus diverses. Certaines se situent à un humble niveau. Constituer, comme fait Homère, les dieux à l'image des hommes, projeter notamment en ceux-là les bassesses de ceux-ci, voilà déjà, sans nul doute, une façon d'extraire de la connaissance de l'homme une représentation de la divinité. On sait quelle levée de boucliers cette théologie anthropomorphique a provoquée chez les penseurs plus rigoureux, de Xénophane à Épicure en passant par l'ancien pythagorisme et par Platon 1 ; rappelons simplement la protestation de Cicéron, qui offre l'intérêt de renverser le sens de l'inférence en souhaitant que l'on représente plutôt les hommes sur le modèle des dieux : en racontant le rapt de Ganymède, « Homère fabulait et transportait aux dieux les attributs humains : je préférerais qu'il eût transporté en nous les attributs divins »2 ; c'était demander qu'à la théologie anthropomorphique des poètes se substituât (1) Par exemple XÉNOPHANE,fgts 11 et 12 DrELS-KRANz, I, p. 132, ; Pythagore apud DIOG. LAËRCE, VIII 21 ; PLATON, Républ. II 377 d-383 c; ÊPrcuRE, testim. 228-229 UsENER, p. 171, 31-172, 23, etc. (2.) CrcÉRON, Tuscul. I 26, 65 : « Fingebat haec Homerus et humana ad deos transferebat ; diuina mallem ad nos >>; cité avec éloge par AuGUSTIN, Conf. I 16, 25 et De ciu. dû IV 26. 1-11

ANTHROPOMORPHISMES ET THÉURGIE

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une anthropologie théomorphique. Une autre catégorie de lecteurs n'appréciaient pas davantage les anthropomorphismes de la théologie homérique, mais n'envisageaient pas pour autant de rien sacrifier de leur admiration pour le poète ; il est bien connu que c'est le conflit entre cette répulsion et cet attachement qui, psychologiquement et sans doute historiquement, suscita l'invention de l'exégèse allégorique ; grâce à cette thérapeutique des mythes les plus inconvenants, on se crut muni d'une alternative à l'impiété d'Homère ; tel est le sens d'une célèbre sentence du commentateur Héraclite (sans doute ne siècle de notre ère) : « Son impiété fut universelle s'il n'a usé d'aucune allégorie » 1 • C'est encore une façon de projeter dans la divinité les aspects les moins relevés de la psychologie humaine que de professer, avec les épicuriens romains, que PrimtJS in orbe deosfecit timor 2 • Dernier exemple, dans une tout autre mentalité, de cette réduction du divin à l'humain : la théurgie née des Oracles chaldaïqueset florissante à la fin de l' Antiquité ; car le théurge, de par son nom même (6eoupy6ç), veut se distinguer du simple théologien (6eoMyoç) : non content de parler des dieux, il prétend faire œuvre divine. Psellus expose ainsi la nature de la 6eoupyla : le théurge transforme les hommes en dieux, ce qui lui vaut d'être appelé « père divin » ; il divinise l'homme en le délivrant de la matière et des passions, en sorte que celui-ci devienne théurge à son tour et d'un autre homme fasse un autre dieu 3 • De (1) HÉRACLITE,Quae.rt.homer. 1, 1 ; cf. de même 22, 1. (2) PÉTRONE,fgt 27, 1 ERNouT, p. 190 ; STACE,Theb. III 661. (3) PsELLus, De omnif. doctr. 74, 1-3, éd. Westerink, p. 47 : 'O µèv

· timll'I} yàp ~xc,wTIJIIfü:oupytX'l}II&peni116eomh-rop xoc't'o11oµoc~e-roct 6e:oùç 't'O\>Ç&116pwrcouçoihoç èpyoc~e:'t'oct,lltà 't'OCÜ't'OC fü:oTCOC't'(J}f) 6eorcote:î11cx116prorco11 xocÀe:Ï-roct ; 71, 9-11, p. 46 : -ro llè: M11occr6oct xocl njç 6À'I)) de saint Augustin, dans Archives de Philos., 20, 1957, p. 45 5-462, dont les conclusions sont admises par P. HADOT, Porphyre et Victorinus, thèse Paris 1968, I, p. 90-91 et notes. 8

22

ANTHROPOLOGIE ET THÉOLOGIE

sance de Dieu dans la connaissance de soi, et sur l'assimilation à Dieu comme résultat de la connaissance de Dieu :

ÉO'.:U'C'OV yocp 'C'LǾav yvëjl, fü:ov s:foë'C'O'.:L, 6s:ov aè s:tawç 1 • On retrouvera chez Clément bien des èl;oµoLw6~az-.cxL 6s:i:> thèmes dont on vient de signaler la présence dans la tradition platonicienne ; ainsi le rapprochement entre la statue de Zeus due au ciseau de Phidias et l'effigie divine scellée dans l'intellect de l'homme ; et encore l'idée que l'intellect d'autrui est comme un miroir où l'on aperçoit le reflet de Dieu et de soi-même. Nul n'est plus enclin que lui, ni plus avisé, à repérer dans le platonisme et dans l'Écriture les traits capables de s'accorder et de se renforcer mutuellement ; on le verra par exemple associer le miroir de la Jre Ép. aux Corinthiens 13, 12 et le miroir de l' « homme intérieur » de la l' Alcibiade, rapprocher République IX 589 a et celui de la /Je Ép. aux Corinthiens 4, 16, illustrer (dans le texte du Pédagogueque l'on vient de citer) par des souvenirs platoniciens le passage de la Jre Ép. de Jean 3, 2 sur l'assimilation à Dieu comme conséquence de la vision eschatologique de Dieu (O'lacxµs:véhL ¾av

q>o.:vepw6îjoµoLOLcxù-.éj>fo6µs:6cx, O't'Lôtji6µs:6cxcxù-.ov xcx6wç&O"C'L'II). 2.

Deux apports fondamentaux.

Les derniers exemples cités montrent que !'Écriture ne manque pas de textes qu'il était facile, sans aucune sollicitation, de mettre en harmonie avec certaines images, formules et doctrines platoniciennes. Parmi les versets bibliques capables de consonner ainsi avec le platonisme et de lui conférer une physionomie proprement chrétienne, aucun n'a joué un plus grand rôle que celui de la Genèse 1, 26 sur l'homme fait « selon l'image et la ressemblance » de Dieu (xoc-.' dx6vcx ~µe-répcxvxa.l xa.8' ôµolCùO'L'II), Il a été (1) CLÉMENTn'ALEx., Paed.III 1, 1, 1, éd. Stahlin, p. 235, 21-22.

L' « IMAGE » ET LA « RESSEMBLANCE »

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indéfiniment commenté, et souvent dans des termes où l'influence platonicienne est patente. Beaucoup d'auteurs n'accordent pas de portée doctrinale au fait que la formule comporte deux termes, et ils les prennent conjointement, comme les prenait d'ailleurs la Genèse. Mais certains autres donnent une valeur différente à dxwv et à OfLOtw x oc0' ofLo l w . (4) R. ROQUES, L'univer.r dionysien, Stru.lure hiérarchique du monde 29, Paris 1954, p. ;05. .relon le pseudo-Deny.r, collect. «Théologie»,

28

ANTHROPOLOGm ET THOOLOGIB

0eG(vapLx6,; « ce n'est pas en tant que Dieu qu'il a fait les choses divines, ce n'est pas en homme qu'il a fait les choses humaines, mais, Dieu-fait-homme, c'est une nouvelle activité, [son activité] théandrique, qu'il a exercée en notre faveur » 1 • A la fin du vue siècle, Jean Damascène s'inspirera de cette page en lui adjoignant quelques subtilités de son cru: « Ce que montre donc l'activité théandrique, c'est que, Dieu ayant été fait homme, autrement dit s'étant fait homme 2, et son activité humaine était divine, ou encore déifiée, participant de son activité divine, et son activité divine participait de son activité humaine, chacune des deux étant considérée en union avec l'autre »3• Dans ces raffinements de la basse patristique, bien fin qui prétendrait tracer la frontière entre l'anthropologie et la théologie ; comparées à eux, les réflexions de Platon sur la \I 'îÔ yévoc;. A la place des points de suspension, le scholiaste s'explique sur le témoignage d'Hésiode : à l'aide de citations (Théog. 126-127 et Trav. 60-62), il montre que, par la médiation de Pandore, fille d'Héphaïstos, Hésiode a établi une généalogie ininterrompue depuis le couple divin initial, Gaia et Ouranos, jusqu'aux hommes d'aujourd'hui.

LES TROIS

REGISTRES

DU FRAGMENT

39

Entendus de cette façon, les vers de Pindare prennent un relief certain et aident sans aucun doute à donner au fragment d'Héraclite un sens acceptable. De ce que les &0&.voc-rot du philosophe désignent probablement les dieux, s'ensuit-il qu'ils ne puissent plus se rapporter aux âmes humaines conçues dans la perspective orphique? En fait, il semble que les deux interprétations doivent être maintenues simultanément, et intégrées à une plus vaste conception d'ensemble qui est celle de l'échange ininterrompu comme loi suprême de toute réalité ; d'autres fragments attestent en effet qu'Héraclite pensait en termes de vie et mort réciproques la transformation cyclique des éléments, qu'il disait par exemple que « le feu vit la mort de la terre et l'air vit la mort du feu, l'eau vit la mort de l'air, la terre celle de l'eau » 1 • En sorte que la loi universelle qui veut que toute vie soit l'envers de toute mort, toute mort l'envers de toute vie, aurait reçu chez lui au moins trois grandes applications : une application cosmique, au niveau des éléments matériels ; une application anthropologique, vraie des âmes et des corps ; une application théologique enfin, concernant la relation entre les dieux et les hommes 2 • De ces trois expressions, les deux dernières seraient sûrement présentes dans le fragment 62 ; mais la première aussi, sans doute, s'il est vrai que, comme il ressort du fragment 36, la vie et la mort des âmes sont annexées au cycle de transformation des éléments cosmiques. (1) B 76, p. 168, 4-6, = MAxrME DE TYR XII 4; cf. les autres textes de B 76, et aussi B 36. B 76 a été suspecté de contamination stoïcienne par KIRK et RAVEN, op. cit., p. 206, n. 1, pour la raison qu'Héraclite n'aurait pas admis l'air au nombre des éléments ; voir en sens contraire GuTHRIE, op. cit., p. 453 et n. 2. C'est cette mutation perpétuelle de tous les éléments les uns dans les autres qui a conduit à refuser à Héraclite la thèse de l'ÈxrrupC;J Çwv &v!lpc.moç È11&!locv1hotç&yoc6o"Cç ; et encore Ratae XIX et XX.

sent.

HOMO MORTALIS

DEUS

43

Varron 1, et encore chez Quintilien 3 • Il faut reconnaître qu'une telle formule, si largement diffusée, apporte une contribution de première importance au problème des rapports entre l'humain et le divin ; faire de l'homme un dieu mortel est une nouvelle façon, et non la moindre, de concevoir la divinité comme une réplique, à peine sublimée, de l'humanité dans ses plus hautes réussites ; en d'autres termes, on a là une manifestation supplémentaire de ce que l'on a appelé plus haut la solidarité grecque de l'anthropologie et de la théologie. S'il est vrai, comme semble bien le montrer le texte de Lucien, que l'expression se rattache en dernière analyse au fragment 62 d'Héraclite, totalement détourné d'ailleurs de son sens originel, voilà pour ce fragment une postérité considérable, même si l'auteur n'en eût sans doute pas avoué la paternité ; du reste, le fait n'est pas pour surprendre si l'on songe que les stoïciens, principaux représentants de la thèse, avaient coutume de se réclamer de la doctrine du philosophe présocratique. Encore a-t-on gardé pour la lin les deux manifestations les plus intéressantes de la tradition, qui se trouvent aussi bien en être les dernières chronologiquement ; leur lien à Héraclite tel que l'a interprété Lucien est d'ailleurs plus étroit, en ce qu'elles offrent non seulement l'idée que l'homme est un dieu mortel, mais aussi sa réciproque, selon laquelle les dieux seraient des hommes immortels. De façon imprévue, le premier texte a pour auteur l'historien Dion Cassius (lin du ne siècle-début du me) : « Seuls (d'entre les êtres vivants) nous fixons les yeux vers le haut, nous avons commerce avec le ciel même et, si nous dédaignons les choses de la terre, nous sommes en liaison avec les dieux eux-mêmes en tant qu'ils sont semblables à nous, puisque nous sommes leurs rejetons et leur ouvrage, (1) Sent, 1, éd. Riese, p. 2.65 : « Di essemus, ni moreremur >>. (2.) lnst. oral. I 10, 5 : les philosophes décrivent le sage comme un être qui serait expert achevé dans toutes les connaissances « et, ut dicunt, mortalis quidam deus ».

44

ANTHROPOLOGIE ET THÉOLOGIE

non de la terre, mais du ciel ; en vertu de quoi nous les dessinons et les façonnons eux-mêmes selon notre propre figure ; car, s'il faut parler encore de façon bien audacieuse, ni l'homme n'est rien d'autre qu'un dieu pourvu d'un corps mortel, ni le dieu n'est autre qu'un homme incorporel et par suite immortel » 1• L'autre important groupe de textes est moins surprenant quant à sa provenance, dès lors qu'il appartient au corpus hermeticum.La glorification de l'homme est un thème connu de l'hermétisme : l'homme porteur de l'image du Père 2 ; l'homme ne peut comprendre Dieu que s'il se rend égal à Dieu et s'estime immortel, puisque le semblable n'est intelligible qu'au semblable 3 ; l'homme passe dans la nature d'un dieu comme si lui-même était dieu, il est uni aux dieux par sa parenté divine, il comprend la divinité par l'intellect qui est son privilège 4, etc. Dans ces conditions, on n'est (1) DIONCASSIUS, Hist., fgt 28, 3, éd. Melber, I, p. 84, notamment: oil-r' &v6pCùl't'OÇ ou8~v &Mo fo-rtv 716e:oçcrwµ(X6v7l't'OV !xCùvo(he: 6e:oç &Mo 't'~ 71&v6pCùl't'OÇ &crwµ(X't'OÇ X(Xl8ux 't'OU't'OX(Xl&0iiV(X't'0Ç ; les lignes qui précèdent dépendent étroitement du Tim. 90 ab, notamment pour la station droite propre à l'homme, sa parenté divine, sa qualité de qiu-rovoux iyyetov &Ma oup&v~ov; sur la justification des effigies divines anthropomorphes, cf. supra, p. 14-17. Dion Cassius revient brièvement sur la thèse stoïcienne du bonheur divin, supérieur à celui des hommes en cela seul qu'il est immortel, en Hist. LVI 2, 3 : nous devons nous consoler de notre mortalité individuelle en songeant à la succession indéfinie des générations, comparable à celle des coureurs de relais qui se passent l'un à l'autre la torche, tv' bJ é[>µ6vCp 'l'ljç 6d(XÇ e:M(Xtf)-OVt(XÇ 7)Trwµe:6(X,'t'O\J't'' l~ W~ÀCùV &6&v(X't'OV X(X0tcr,wµe:0(X. (2) Corp. hermet. I (Poimandrès) 12, éd. Nock, p. 10, 17 : .--iJv't'OU l't'(X,p/;çe:tx6v°'!!xCùv; comparer à Gen. 1, 26 et aux exégèses chrétiennes, cf. supra, p. 22-25. (3) XI 20, p. 155' 11-13 : 'Eav oi5vµ~ ô'E(XU't'OV &~tô'/Xô'î)Ç 't'0 fü:0, 'l"OV6e:ov vo'ijcroctou MV(Xô'(Xt . 't'O yap oµotov 't'0 oµ.ol(:l V07l,6V; p. 155, 16 : cre:(XU't'OV 'lîY7Jô'(Xt &.6ii'l(X't'OV; comparer le témoignage de Sextus Empiricus sur Empédocle signalé supra, p. 18, et étudié infra, p. 73-74. (4) Asclépius 6, p. 301, 18-19 : « magnum miraculum est homo» ; p. 302, 1-2 : « in naturam dei transit, quasi ipse sit deus » ; p. 302, 6-7: « diis cognata diuinitate coniunctus est>> ; p. 303, 9-10: 1 (Xénocrate et Aristote nommés en 6, 15) ; de même 8, 19 ; en 10, 25-26, la liaison entre la double nature de l'homme et la définition du souverain bien est mieux affirmée encore : « sequitur illud, ut animaduertamus, qui simus ipsi, ut nos, quales oportet esse, seruemus. Sumus igitur homines ; ex anima constamus et corpore, [... ] nosque oportet [... ] haec diligere constituereque ex his finem illum summi boni atque ultimi ; quem, si prima uera sunt, ita constitui necesse est [... ] Hune igitur finem illi tenuerunt ».

56

DEUX ATTITUDES DE CICÉRON

vertu passe avant celle du corps 1 ; plus loin, la même définition du souverain bien est mise en relation avec le précepte d'Apollon sur la connaissance de soi 2. D'autres textes cicéroniens encore défendent la même conception ; ainsi les Seconds Académiques, dans le résumé d'histoire de la philosophie mis sur les lèvres de Varron : pour les académiciens comme pour les péripatéticiens, le bien du corps entre, quoique à la deuxième place, dans la constitution tripartite du souverain bien ; de sorte que, si la uita beata réside bien dans la seule vertu de l'esprit, la uita beatissima requiert en outre celle du corps (et aussi, ajoute Varron, d'autres biens favorables à l'exercice de la vertu) 3 •

(1) De fin. V 13, 37 : ccEx quo perspicuum est, quoniam ipsi a nobis diligamur omniaque et in animo et in corpore perfecta uelimus esse, ea nobis ipsa cara esse propter se, et in iis esse ad bene uiuendum momenta maxima [... ] ea enim uita expetitur, quae sit animi corporisque expleta uirtutibus, in eoque summum bonum poni necesse est » ; 14, 40 : cc••• ut ad summum perueniret, quod cumuiatur ex integritate corporis et ex mentis ratione perfecta » ; 12, 34 : ; 45, 137: >; Tuscul. V 8, 21 : ccauctore Aristo et Antiocho [ ... ] sit bonum aliquod praeter uirtutem >l. (2.) Luculb~s 45, 139 : « ... quamquam a Polemonis et Peripateticorum et Antiochi finibus non facile diuellor nec quicquam habeo adhuc probabilius >>.Ce texte et les trois précédents constituent les fgts 41 à 43 et 81 d'Antiochus dans le recueil de Luck, p. 82-83 et 92.. (3) De fin. V 3, 7 : ccaudebo te ab hac Academia noua ad ueterem illam uocare, in qua, ut dicere Antiochum audiebas, non ii soli numerantur qui Academici uocantur, Speusippus, Xenocrates, Polemo, Cranter ceterique, sed etiam Peripatetici ueteres, quorum princeps Aristoteles >>; 3, 8 : a· oµ'iv 6e:oç &µopoToç, OùKéTL6v7l't'6,;l't'WÀe:uµoci µe:'t'OC (une partie de la formule sera citée avec éloge, à l'appui de l'essence divine de l'âme purifiée, par PLOTIN,Enn. IV 7, 10, 37-,9, éd. Henry-Schwyzer, p. 215, cf. W. THEILER,Die Vorbereitung de.rNeuplatoni.rmu.r, p. 109, et reprise, à la 2e personne, en Carm. aur. 71) ; mais ce sentiment superbe est démenti par la conscience de son péché et de son exil dans le monde de la mort, cf. B 115, p. 358, 7-8, et W. )AEGER, The Theology of the Ear!J Greek Philo.ropher.r (« The Gifford Lectures>> 1936), Oxford 1947, p. 143-147 (qui observe combien la façon dont Empédocle se dépeint lui-même comme un « dieu immortel » est unique dans l'histoire de l'ancienne religion grecque).

RESSEMBLANCES AVEC CICÉRON

75

corps, ceux de la fortune ; mais on avait observé la même tripartition des biens en Acad. I 5, 19-6, 2.2. et en Tuscul. V 30, 85 1 • Seulement, il est clair que la ressemblance avec Antiochus s'arrête là ; car, au problème de la définition de l'homme qu'ils posent dans les mêmes termes, Antiochus et l'auteur du Jer Alcibiade choisissent des réponses nettement différentes, le premier voyant l'homme dans l'ensemble de son âme et de son corps, alors que le second ne retient que l'âme seule. En sorte que ce n'est pas avec la première attitude de Cicéron, mais bien avec la deuxième que le dialogue grec se trouve vraiment d'accord. De plus, les attestations de cette seconde attitude, a-t-on vu, sont la plupart du temps incluses dans une démonstration de la nature divine propre à l'âme, plus exactement à l'intellect2 ; voilà qui coïncide avec les développements du dialogue sur le caractère divin accordé à la partie intellectuelle de l'âme humaine. Dès lors, on n'est pas surpris de rencontrer de part et d'autre une interprétation identique de la maxime delphique, au point que le Cum igitur « Nosce te » dicit, hoc dicit: « Nosce animum tuum » de Tuscul. I 2.2., 52. traduirait correctement la page 130 e du dialogue : 'Yux.~v

(1) Cités .rupra, p. 56, note (3), et p. 63, note (1). Classement identique des biens chez PLATON,Apol. 30 ab; Gorgia.r 477 ab; Philèbe 48 c-e (en relation avec l'inscription de Delphes) ; Loi.r III 697 ab; V 726 a-72.9a ; 743 d-744 a ; IX 870 b (cité infra, p. 88, note (o) ; moins nets, Euthyd. 279 a-280 a et Lois I 631 b-e; et aussi chez ARISTOTE, Eth. Nic. I 8, 1098 b 12-20, etc. Le classement est plus systématique chez Aristote ; d'autre part, on sait que celui-ci accorde aux biens corporels et extérieurs plus de considération que ne faisait Platon, au point de déclarer qu'ils sont indispensables au bonheur (Polit. IV [VII] 1, 1323 a 24-27 ; et aussi Eth. Nic. I 9). (2) Cf. par exemple De leg. I 22, 59 et Tu.rcul.V 25, 70, cités supra, p. 59, notes (1) et (3). En Somn. Scip. 8, 26, la même idée est exprimée par la notion d'une correspondance entre la façon dont le Dieu suprême gouverne le monde et celle dont l'esprit humain régit le corps placé sous ses ordres ( id corpus cui praepositus est) ,· cette dernière notation rejoint un thème fondamental du Jer Alcibiade, à savoir que la distinction de l'âme et du corps est celle du commandant (ro 't'OUcrroµoc't'OÇ è:ISv-roc 1jµ&v lxoccr-rov

(1) Cf. P. CoRSSEN,Cicero's Quelle für das erste Buch der Tusculanen, dans Rhein. Museum, 36, 1881, p. p6 (pour Tuscu!. I zz, 52) ; P. BoYANcÉ, Études sur le Songe de Scipion, p. 124 (pour Somn. Scip. 8, 26) ; R. PHILIPPSON,art. cit., col. 1144-1145, va jusqu'à voir dans ce dialogue l'une des sources de Tuscul. I, alors que Corssen pensait plus sagement à une source commune ; enfin L. ALFONS!, L' Assioco pseudoplatonico. Ricerca su/le fonti, dans Studi di Filosojia greca in onore di R. MoNDOLFO(,7, Berlin 1929, p. 232 et n. 3, et F. DIRL"lo!',llIER, Aristoteles, Magna moralia, dans « Arist. Werke in deutscher Ubersetzung » (E. Grumach), 8, Berlin 1958, p. 469, qui voient dans ce texte un souvenir de l'Alcib. 132 d sq. et du Phèdre z55 d. (1) ARISTOTE,Metaph. H 3, 1043 a 29-b 4, surtout b 3-4 : &v0pJmei> iè xixl &.v0pwrroçoù -rixù-r6v,e:l µ71 xixt Yj 'f'UXYJ &.vOpwrroç),s;.:0-fiae:-rCXL, Sur ce passage et quelques-uns de ceux qui viennent d'être extraits d'Eth. Nic., voir F. NuYENS, op. cit., p. 179 et 190-192. (:z) On a supposé, - de façon gratuite, mais sans invraisemblance, - que la définition de l'homme véritable par son seul intellect devait avoir été professée aussi par un académicien contemporain d'Aristote, Xénocrate ; l'hypothèse a été avancée par R. HErNZE, Xenokrates. Darstellung der Lehre und Sammlung der Fragmente, Leipzig 1892, p. 143 et n. 1, et reprise récemment par M. GrGANTE, Poe.riae critica letteraria ne//' Academia antica, dans Miscel/anea... A. RosTAGNI, Torino 1963, p. 236-237 ; cette conjecture de Heinze s'insérait dans sa tentative de faire de Xénocrate la source du mythe eschatologique du De facie de Plutarque, qui comporte effectivement une semblable définition de l'homme, comme on le verra infra, p. 93-94.

DÉFINITIONS INDIRECTES DE L'HOMME

85

cette époque pour l'instant, et venons-en à Philon d'Alexandrie, dont l'équipement philosophique présente tant d'affinités avec celui de Cicéron. Le parfait politique, dont Joseph est la figure, n'a rien à craindre de la tyrannie des hommes : ils ont pouvoir sur son corps, mais non pas sur lui-même ; car il agit au nom du principe le plus puissant, sa raison, et il se soucie peu de son corps mortel qui l'entoure à la façon d'un coquillage 1 ; c'est dire que le corps n'entre pas dans la constitution de la véritable personnalité, laquelle s'identifie à la 8Locvoux; la comparaison du coquillage rappelle celles que Cicéron employait, en Tuscul. I 22, 51-5 2, pour exprimer la même doctrine ; or elle provient sans aucun doute du Phèdre 250 c, détail qui rend probable l'inspiration platonicienne de tout le passage. Autre façon pour Philon de traduire la même conviction : quand !'Écriture parle d'un « homme », entendre qu'il s'agit de notre intellect ; sont interprétés ainsi le premier homme à qui Gen. 1, 26-29 donne pouvoir sur les végétaux et les animaux 2, l'homme puni par le déluge (Gen. 6, 7)3, l'homme qui rencontre Joseph errant (Gen. 37, 1 5)4, etc. Ce dernier texte introduit une notion qui est loin (1) PHILON, De losepho 14, 71, éd. Cohn-Wendland, IV, p. 76, 7-11 : , AAA' ou-ro( ye: TIJV0"6lfl.OCTOÇ émypa.tpO\ITOCL xupe:!ocv,oô T1)\I

xoc-r'trié · tyoo yocp &no TOÜxpe:(-r-rovoi;;, T'iji;;év tfLOCUTCÏ> 8iocvoloci;;, XP'/Jfl.OC,l,oo, xoi:6' 'l}v nocpe:crxeuoccrriocL ~ioüv ô).[yoc cppov-rt,oov-roü ô x&v ocr-rpéouIHx'l)Vm:pme:q,uxoi;; ... ; sur le corps 6v'l)TOÜ cr&>rioc-roi;;, comparé à une coquille, voir encore De sacrif. Ab. et Caini 29, 95 ; De uirt. 12, 76 ; et P. COURCELLE, Le corps-tombeau. Platon, f.l-CX't"6ç 't"L"(L"(V6>0"Xe:L, 't"i);cxù-rou, &,1,.1,.' OûXc-tù-rovfyvwxe:v, 131 a)? En réalité, la distance des deux auteurs pourrait être moindre qu'elle n'en a l'air ; car le dialogue, 133 de, ne supprime pas exactement la connaissance du corps, il la subordonne à la connaissance de soi comme à sa condition préalable ; il va même jusqu'à professer que la connaissance de soi, celle du corps et celle de ce qui s'y rapporte sont toutes trois l'acte d'un même sujet et d'un art unique (!oLxe:yocp7t!XV't"OC 't"OCU't"OC e:LVOCL XC't't"L~e:i:vév6ç -re: xocl f.l-LCXÇ -réxv"l)Ç,c-tù-r6v,'t"i);ocù-rou,'t"OC -r&v éocu-rou); cette concession n'empêche pas l'auteur de l' Alcibiade de maintenir fermement que l'homme se réduit à son âme. On doit pourtant reconnaître que Philon a élargi considérablement l'étroite marge que son modèle ménageait sur ce point ; en cela, il sera d'ailleurs suivi par d'autres auteurs que l'on verra bientôt. 3. Plutarque. Toutes les écoles philosophiques n'admettaient pas la définition de l'homme défendue par le Jer Alcibiade. C'est ainsi que les épicuriens étaient d'avis de faire entrer le (1) De spec. leg. I (De sacrif.) 2, 263-264, V, p. 64, 5-11 : ~ooÀe:'t"CXL 't"oÙc;èid TIJV 't"OÜilv't"oc;6.:pcme:locvt6v't"occ; yvwvocL1tp6't"e:pov &CXU't"oùc; xocl.TIJV la(ocv oùcr(ocv[ ... ] "Ecr't"LVoi'iv "IJµwv "IJxomlG'l"O 8Lœ 'l"ljc;xoc0&:pcre:wc;, crwµcx oùcr(oc,yYj xocl.{l8wp, ~c; Ù1toµLµvflcrxe:L CXÙ't"O 't"OÜ6'Ù1t0Àocµô&:vwv dvocL TI)V roqie:ÀLµCù't"aTI}V x&:6ocpcrLv, 'l"O yvwvocl 't"LV(X eocu't"OV xocl è~ 0rwv [ ..• l cruve:xp&:611. (2) Cet aspect de la connaissance de soi a été bien dégagé par E. G. WILKINS, ccKnow Thyself » in Greek and Latin Literature, diss. Chicago 1917, p. 61-62.

L'ANTHROPOLOGIE DU DE FACIE

93

corps dans cette définition 1 • Plutarque, par qui cette position est attestée, ne s'y limite pas quant à lui : le problème de la définition de l'homme comporte d'autres réponses, dont aucune ne compromet la possibilité de vivre ; ainsi peut-on faire consister l'homme soit dans le mélange de l'âme et du corps, soit plutôt dans une âme qui se sert du corps - de même que le cavalier est un homme qui se sert d'un cheval et non pas le composé d'un homme et d'un cheval -, soit enfin dans la partie maîtresse de l'âme, celle qui pense et agit, dont toutes les autres parties de l'âme et du corps sont les instruments 2 • Conception instrumentiste du rapport de l'âme et du corps, prééminence de la partie intellectuelle de l'âme, on reconnaît les thèmes du Jer Alcibiade. La thèse centrale du dialogue platonicien est la seule qui soit retenue dans l'eschatologie du De facie in orbe lunae; auparavant, Plutarque transporte à l'anthropologie une constitution ternaire que le Timée 30 b appliquait naguère à la cosmologie : l'homme comporte un intellect, une âme et un corps, respectivement fournis par le soleil, la lune et la terre au moment de la naissance, et rendus par la mort à chacun de ces trois lieux ; mais (1) PLUTARQUE,Adu. Colotem 20, 1118 D, = testim. 314 UsENER, p. 218, 5-6: El y(Xp-ro è;1;&µ,; xpiiµoc, -ro µe:µtyµévov ltx -re:tjç o/ux'ij,;xocl.-roü crooµoci;oç, ~ µiiÀÀO\I Tlo/UX'Y) -réî;crooµocnxpwµévî), xo:6&.1te:p LTl:'m:uç pov-lJae:t, q>7Ja(,xo:t -rè 6Àov-rcï>è:v"tjµîv6e:cï> · & 37)xo:t o:ÙTo,; xuptw't"o:-rov è:v "tjµîv ~ux'ij.; e:!3o.; lqi7J; les derniers mots amorcent une citation du Tim. 90 a. Et encore 16, 69 d-70 a : o:ù-rov µév 't"L'ltX q:>7JOL IlÀtX't"ùl'I 't"O'Ivoüv xo:t ~'I (jiux-fiv,o:ù-roü31:'t"Oaooµo: xat ~v xtjatv. Tout ce développement a pour but de montrer qu'on du Ménex. ne dénature pas la pensée de Platon en substituant à i!:o:uT6v 247 e soit voüv xo:t q:>p6117Jat11, soit même -ro116e:6v(15, 68 c; 16, 70 ab). Sur l'intellect identifié à Dieu en nous, cf. de même Oral. IX 15, 196 d-197 a : -rê;>tv i)µîv Oe:ê;>, -roü't"'fo-rt -r0 v0 ( ... ] -ro µév è:a-rt tj,; ~ux'ij,; 1jµ00116e:t6i-e:po11, & 37) voüv xo:t qip6117Jalv q:>o:µe:v ; comparer avec le texte d'Aristote compilé par

JAMBLIQUE,

Protrept. 8, éd.

LE l" ALCIBIADE ET SA POSTÉRITÉ

108

avoir été inspirées par !'Alcibiade 131 ab et 133 c. Quant à l'objet de la connaissance recommandée par le précepte de Delphes, Julien est très loin de le limiter à l'âme ou à l'intellect ; sans doute, à ses yeux, le rvw0i crcw,6vinvite-t-il principalement à une investigation approfondie de l'âme : on ne se contentera pas d'apprendre que l'homme est une âme qui se sert d'un corps, on recherchera en outre l'essence de l'âme et ses facultés, on se demandera s'il y a en elle un élément supérieur, de caractère divin et céleste ; cela dit, on s'intéressera aussi à la partie passionnelle de l'âme et aux techniques qui la flattent, ne serait-ce que pour les mépriser ; surtout, on s'informera du corps, de ses principes, de son harmonie, de ses passions, de ses facultés, des arts qui aident à le maintenir ; bref, puisque nous sommes composés d'une partie divine et d'une partie mortelle, la connaissance de soi unira dans son objet l'âme et le corps, attribuant à la première la suprématie, au second la sujétion 1. Voilà une analyse bien prolixe, comparée

Pistelli, p. 48, 9-18, cité .rupra, p. 80, note (4) ; le fait que l'on rencontre là aussi l'association voù xcd qipov~cre:ooc; montre que Julien s'inspire ici de Jamblique, plus précisément de son Comment. perdu .rur l'Altib., comme l'a indiqué R. AsMus, Der Alkibiades-Kommentar des ]amblichos ais Hauptquelle f ür Kaiser Julian, dans >; comparer au texte d'Augustin l'exposé antiochéen de Pison en De fin. V 1 1, 3 1-32 : « •.. non modo carum sibi quemque, uerum etiam uehemenJercarum esse [... ] Quis

LE CORPS, MAISON ÉTRANGÈRE

121

La théorie de la destinée humaine développée dans le 2.2., 51-5 2., au moyen de deux images de grand intérêt : l'esprit, présent dans le corps comme dans une maison étrangère ( qualis animus incorpore sit tanquam alienae domui), gagnera sa propre maison quand il sera sorti du corps et rendu à la liberté du ciel ( cum exierit et in liberum caelum quasi domum suam uenerit); peu après, c'est à un vase ou autre récipient de l'esprit que le corps est assimilé (corpus quidem quasi uas est aut aliquod animi receptaculum)1. La mention de la maison ou du domicile de l'esprit revient plusieurs fois chez Cicéron même, qu'il s'agisse de sa demeure corporelle 2, ou, plus souvent, de son séjour céleste3, ou encore de l'une et l'autre 4 ; le texte le plus proche de Tuscul. I 2.2., 51 appartient au Cato maior, de senectute : l'opposition entre la vie corporelle et l'immortalité céleste y est rendue par la distinction de l'auberge où l'on passe et de la maison où l'on s'établit 5• Mais la comparaison n'a pas été inventée par Cicéron, puisqu'on la rencontre assez souvent chez Philon 6 ; les néoplatoniciens l'associeront fréquemment

Songe et en Tuscul. I s'exprime, en Tuscul. I

autem de ipso .rapienle aliter existimat, quin, etiam cum decreuerit esse moriendum ... >>),cf. G. LANGENBERG, op. cil., p. 70 ; les dernières lignes sont en antithèse avec T rum/.13 1, 75 cité dans la note précédente; le début montre qu' Antiochus admettait le suicide, ce dont Augustin tire argument. (1) Texte cité supra, p. 60, note (1). (2) Tuscul. I 24, 58, (3) Somn. Scip. 9, 29 ; De leg. I 9, 26 ; Tuscul. I 11, 24 ; 49, 118 ; Calo maior 21, 77. (4) Hortens., fgt 93 RucH in fine, p. 163. (5) Calo 23, 84 : c>; la double image sera reprise par SÉNÈQUE, Epi.ri. 120, 14 : c> ; 16 : « Hoc euenire solet in alieno habitantibus ». (6) Par exemple De agric. 14, 65, II, p. 108, 17-19 : 1tifoa. o/U)(~

aocpoi31ta.'t'pl8a.µè:11oùpa.v611,~év"l)\I8è: yîjv t>..a.xe, xr.d voµl~eL 't'OV µè:vaocpla.c;o!xov t8to11,'l'OV8è:crwµa.Toc;ô6vefov, ci>xa.11ta.pem8"1)µti:v ote:Ta.L(à propos de Gen. 47, 4) ; de même De somn. I 31, 181; contra, De praem. et poenis (De bened.) 20, uo.

122

LE /., ALCIBIADE

ET SA POSTÉRITÉ

à l'exégèse allégorique du retour d'Ulysse 1 ; l'un de ses plus anciens emplois apparaît dans l' Eudème d' Aristote 2 • Il est difficile de dire à qui Cicéron pourrait l'avoir empruntée ; mais il n'y a guère de chances pour que ce soit à Antiochus, tant la représentation du corps comme une résidence étrangère et, par bonheur, provisoire est incompatible avec l'idée antiochéenne que l'homme in hac coniunctionecorporisadque animae uiuere uelit uehementeradque adpetat. L'image du vase est plus révélatrice encore3. Appliquée au corps dans son rapport à l'âme, elle est employée volontiers dans l' Antiquité, soit que, comme Cicéron, on la tienne pour valable (Lucrèce, Philon, MarcAurèle, etc.), soit que l'on proscrive la représentation qu'elle (1) Connexion

bien indiquée par P. BoYANCÉ, Écho des exégèses

de la mythologiegrecquechez Philon, dans Philon d' Alex. Colloque... , p. 171172; sur l'histoire de la comparaison, voir aussi F. HusNER, Leib und Seele in tkr Sprache Senecas. Ein Beitrag zur sprachlichen Formulierung der moralischen Adhortatio, dans « Philologus n, Supplemtbd. XVII 3, Leipzig 1924, p. 60-76. (2) Fgt 1 a Ross, p. 16, = CICÉRON, De diuinat. I 25, 53 : « ita illud somnium esse interpretatum ut, cum animus Eudemi e corpore excesserit, tum domum reuertisse uideatur ll. P. BOYANCÉ, /oc. cit., cite également l'Axiochos 365 b : 1t01:pe:m811µl01: -rlc; ècnw o ~loc; (à quoi il faut ajouter 365 e : njc; \jiux}ie;e:tc;-ràv otxe:i:ov !8pu0e:(ITT)c; -r61tov,ce qui montre que cette comparaison est liée à la définition de l'homme par l'âme seule, tout comme chez Cicéron). (3) Il n'est pas inutile de se demander, dans l'hypothèse - extrêmement probable - où cette image viendrait à Cicéron d'une source grecque, par quels termes elle s'exprimait à l'origine. Le mot grec que traduit uas est facile à identifier : c'est &yye:fov,présent dans tous les textes auxqµels renvoie la bibliographie de la note suivante. Quant à l'original grec de receptaculum, une piste est offerte par la traduction du Timée due à Calcidius ; car cet auteur rend ainsi, à deux reprises (49 a et p a, éd. Waszink, p. 46, 20 et 49, 8; cf. aussi 50 e, p. 48, 24), le par lequel Platon désigne le principe matériel du monde, mot t'ma8o:x_~, le ccréceptacle ll de toute génération ; la ressemblance avec Cicéron est d'autant plus notable que, dans son commentaire, Calcidius choisit le même mot receptaculum pour exprimer le rapport du corps humain à l'âme correspondante : « Consequenter deinde iubet factis a se (Tim. 42 d) animadiis, id est stellis, fingere humana corpora rum competentium receptacula >> (In Plat. Tim. ,omment. 2.01, éd.

LE CORPS COMME VASE DE L'ÂME

123

implique (Alexandre d' Aphrodise, Plotin, Porphyre, etc. )1. Dans sa forme précise, elle n'est pas très ancienne, et on ne la fait pas, d'ordinaire, remonter plus haut que l'époque de Cicéron. En réalité, un témoignage montre qu'elle est un peu antérieure. En De ciu. dei XIX 32, Augustin rapporte en effet au Liber de philosophia de Varron une discussion sur diverses comparaisons plus ou moins propres à illustrer le rapport du corps et de l'âme ; selon l'une d'elles, le corps serait à l'âme comme la coupe au breuvage, sicut poculum (ou calix) ad potionem. Sans doute le mot «coupe» est-il plus spécifié que le mot « vase » ; mais il est clair qu'il s'agit bien de la même image que chez Cicéron 3 • Avec une Waszink, p. 220, 18-221, 1). Toutefois, l'exemple de Calcidius ne garantit pas que Cicéron, quant à lui, ait également visé à rendre le grec u-,,;o/Soxiiquand il écrit receptacu!um; cependant, une phrase du De nat. deorum II 54, 136 donne à penser qu'il en est bien ainsi ; en effet, décrivant le mécanisme de la nutrition, Cicéron y écrit : « Sed cum alui natura subiecta stomacho cibi et potionis sit receptaculum, •.• » ; or, il est facile de constater, comme le montre le parallélisme des mots soulignés, que Cicéron, excellent connaisseur du Timée qu'il avait lui aussi traduit, a alors dans l'esprit une phrase du dialogue, 73 a: (les dieux) 'r'ÎÎ -.oü m:ptyevricroµ.évou-,,;6.)µ.cc-.oç è8écrµ.cc't'6ç n ll;et TIJVOVOIJ.CC~OIJ,éVl)V X.Ç &v ÀÉyote:vaùrijc; Tov 0e6v, &c; ~v l)iux-!Jv-roi3crwµctToc;(voir aussi Diogène de Babyl. apud PmLODÈME,De piet. 15, = SVP III ;3, p. 217,

L'ÂME HUMAINE ET L'ÂME DU MONDE

131

t-on insuffisante une attestation limitée à ces trois textes ; il conviendrait alors d'observer que l'idée de ce rapprochement, sous une forme plus elliptique, mais bien reconnaissable, se trouve déjà incluse dans l'habitude stoïcienne - cautionnée, celle-ci, par de multiples documents 1 d'identifier la divinité à l'âme ou à l'intellect du monde. Sans doute l'homologie discernée entre l'âme humaine et la divine âme de l'univers est-elle d'abord une ·thèse platonicienne, clairement exprimée par exemple en Lois X 896 a-899 d 2 ; mais il n'est certainement pas indifférent de 10-12, = DœLs, Doxogr., p. 548 b-549 b: '!OVx6crµov [... ] m:ptéze:w '!OV ~la; (identifié à l'âme du monde) xct6cbt"e:p&v6pCùi't"OV q;ux1iv). L'idée se retrouvera largement dans le stoïcisme tardif ; ainsi MANILIUS,Astron. IV 886 sq. : le corps et l'esprit de l'homme sont la réplique du corps du monde et du spiritus divin; 893-895 : « Quid mirum, noscere mundum J si possunt homines, quibus est et mundus in ipsis I exemplumque dei quisque est in imagine parua? » ; on rapprochera le dernier vers de CicÉRON, De leg. I 22, 59, cité supra, p. 59, note (1), sur l'esprit de l'homme comme simulacrum divin ; cf. aussi p. 88, note (2), p. 90, note (o), p. 106, note (1) ; SÉNÈQUE, Epi.ri. 65, 24: crooµocTtWÇ6pyocvepxpooµtvl) (lignes 16-17) ; si Épictète, È:s:tlllou,~ 'AO'l)vii.'lJ O Ze:ùç, èµéµv'l)crOèèv xo:l cro:u-roüxo:l -roü -re:x11hou[ ... ] vü113é cre:o-rL o Ze:uc;1te:1tol'l)xe:11 ... Selon F. J. DOLGER,Da.r Apollobildcben von De/phi ais Krieg.ramulett de.r Sulla, Giiiierbildchenal.r Reiseamulette, dans Antike und Chri.rtentum, IV, Münster 1934, p. 69-70, Épictète pense aux amulettes à l'effigie d'un dieu. Cf. encore I 14, 14 : o 6e:oc;ltllllov ècr-rl xo:l o uµéi:e:poc;30:lµCil11 ècri:lv. L'opposition entre l'image divine dans l'homme et la statuaire de Phidias se trouve encore chez le contemporain d'Épictète PLUTARQUE, Ad princ. inerud. 3, 780 EF : &p::(Cilll 3' e:lxe:illlou3e:6µe:voç1tÀch-rov-roç [... ], (i),.),.' ocù-roç0:ÛTOV e:lc;oµot6'r'l)'r0:6e:éi>3t' &pe-njç xo:Otcr-ràcc; xo:l 3l)µtoupywv &yo:Àµœ-rwv-ro -l\3tcr-rovôq:,6'ij110:L xocl 6e:01tpe:1técr-ro:-rov.

L'INTELLECT,

EFFIGIE

DIVINE

139

comme une effigie divine intérieure à l'homme 1 • Quant à la théorie des différents biens, Épictète se réfère moins à la tripartition proprement stoïcienne 2 qu'à la division usuelle en biens de l'âme, du corps et de l'extérieur, qu'il dit admise par à peu près tout le monde 3 • Entre les trois espèces du bien, il donne naturellement la palme à celui de l'âme : l'âme étant notre partie maîtresse, ses biens seront les maîtres biens4, ceux dont il faut s'assurer soimême, tandis que l'on confie à des tiers le soin des biens corporels et extérieurs 5 ; plus exactement, l'essence du bien, qui ne diffère pas de celle de Dieu, n'est en rien chair ni richesses, mais intellect et raison 6 • Autant de thèses et d'arguments qui se situent sans aucun doute dans la ligne du dialogue socratique. Il est bien connu que Marc-Aurèle distingue dans plus souvent l'homme trois constituants: 1° le corps (cr&µ.o::, crwµ.chwv, cro::pido::, mxpxlôwv), instrument des sensations ; 2° l'âme (~ux:fi,~ux&.ptov, mais aussi souffle, 7tVEU!J,O::, 7tVEUµ&:nov), siège des inclinations et des passions; 3° l'intellect hégémonique (vouç, ~yeµ.ovix6v, également puissance de choix, 1tpoo::ipe·nx6v),responsable des jugements 7 • Cette tripartition n'est pas inédite ; on l'a rencontrée chez Plutarque, à propos du mythe du Defacie, et plus ancienne-

(1) CT. supra, p. 59, note (1), p. 88, note (2), p. 90, note o, p. 106, note (1), p. 113, note (3), p. 130, note (3). (2) Cf. supra, p. 132-et notes (1)-(2). (3) III 7, 2 : "0-n µ/;v yocp -rpla tcr-rl m:pl TOV&v6pc,l7t'OV, >; à ces deux conceptions contraires de l'obtdCùatux·~ &v0peù1't"OÇ ; Oi>x · &ÀÀ' &v0p@1't"ou crwµcx él.'10pCù1't"OÇ ; Oi5x · cîÀÀ' &v0p@1't"OU tJ>ux~- M~ oùv WXÀOÎ't"O cri1µcx xcxÀe:hcxL.Etm:p oùv xoc't"' t8lcxv fl-€\1 't"OU't"OO\I où81he:pov &v0poo1't"6Ç È:cr't"L, 't"O 81: tx 't"-îjç cîfJ- xocÀC)) cpocL3p6v ). Mentionnant les mains de Dieu et l'insertion dans le monde, Méthode montre bien qu'il entend par cet of.yocÀµoc le corps de l'homme aussi; de même en I 35, 2, et surtout en I 35, 4, p. 275, 4-9, où il est dit que l'art souverain de Dieu (0e:àc;o ixpLcr't"oTéxvocc;) a fait immortel l'homme, qui est sa statue raisonnable ('t"àof.yocÀµoc 't"OÀoyixàv !oc1noü,'t"O\I&.v6pCù1tov); car c'est l'immortalité du corps de l'homme qui importe dans un traité sur la résurrection. Voir sur ces textes J. FARGES, op. cit., p. 91-92, (2) JUSTINIEN, Liberadu. Origenem,PC 86 I 953 A,= E. SCHWARTZ, Acta concil. œcum., III, Berolini 1940, p. 192, 29-31 : "Aµoc ycl:pcrwµoc

ô 0e:àc;xocl TY)\I4IUX7JV i:lhiµmupY7Jcre: TÉ:Àe:mv Tàv of.v0pc,mov l1tÀoccre:v &7:onÀÉ:crocc; • où3è ycl:p crwµoc XCùfllÇtJ;ux'ijc;,où3è ljlUX7Jxwplc; crwµocToc;of.v6pCù1toc;. (3) PROCOPE DE GAZA, Comment. in Cen. II 7, PC 87 I 157 A : "AvOpCù1toc; 3è xup!Cùc;'t"à cruvocµcp6't"e:pov • ixÀÀ'où3é't"e:povXct't"'ctÙ't"o TW\Icruvn0év't"Cù\l 't"O\I&116pCù1tO\I ; noter la ressemblance dans le vocabulaire, en même temps que l'opposition dans la pensée, avec l' Alcib. 130 c; le refus de définir l'homme par un seul composant Xct't"'ctÙTÔ rappelle le même refus opposé à la tJ;ux7JxxO' ocutjv, cf. supra, p. 171 et note (1).

LA CHRISTOLOGIE APOLLINARISTE

175

notations platoniciennes qui rappellent la thèse des adversaires du pseudo-Justin 1 : infiniment plus que le corps, réalité extérieure, l'âme, principe interne, vit en conjonction (ot'.xe:tCùcnc;) avec Dieu qu'elle connaît et qui est son pédagogue ; c'est elle qui vaut au corps la résurrection 2 ; mais ces concessions au platonisme ne vont pas, tant s'en faut, jusqu'à réserver le salut à l'âme, comme c'était la pensée des gnostiques et des origéniens. 2.

L'Incarnation du Verbe.

Une autre considération empêchait les théologiens chrétiens de se rallier à l'anthropologie platonicienne du Jer Alcibiade: celle du dogme de l'Incarnation. L'adversaire était ici l'hérésie apollinariste. Selon Apollinaire de Laodicée (fin du rve siècle), soucieux de sauver l'unité de la personne du Christ, le Verbe n'aurait pas assumé une nature humaine complète, mais seulement le corps d'un homme, à l'exclusion de l'âme, ou seulement le corps et l'âme d'un homme, à l'exclusion de l'intellect 3 • Contre cette hérésie, la riposte de l'orthodoxie consistera principalement à arguer que l'homme total ne pouvait être sauvé que s'il avait été assumé dans sa totalité par le Verbe ; comme le dit Grégoire de Nazianze, c'est inintelligence que d'imaginer qu'un homme sans intellect, uni à la divinité, aurait pu procurer

(1) Cf. supra, p. 171 et note (2). (2) Comment. in Gen. II 7, PG 156 A : ... t1td xctl tv iiµî11 l!/;CùfJe:11

µè11TO o-wµoi, f11aovaè î) ~ux~.7tÀE:ÎO"'t"OV 000"0( -r fJe:0 otxe:Lo-repoi 't"OÜo-ooµoi-roi;.rwooo-xe:t n: yocp Otl>'t"OV xoil 1toitaeuE't"O(t 1toip' oiù-roü • x&.xEï:voatoc 't"OCUTI)V &.1toÀOC1JEL -nji; &.voiO"'t"IXO"ECùÇ ' -rotyoipoü11)(.O(L otxdCùo-tç 1te:plTOCUTIJ'I µEL~Cùv ifµqiotlve't"oit. (3) Cf. J. TIXERONT, Histoire des dogmes dans /'Antiquité chrétienne, II: De saint Athanase à saint Augustin (p8-430), dans «Biblioth. de l'enseignement de l'hist. ecclés. )), Paris 10 1931, p. 97. On reconnaît une nouvelle référence à la tripartition platonicienne et aristotélicienne de l'homme en o-wµoi,~ux~et vouç, cf. supra, p. 94, note (1).

176

LE I" ALCIBIADE

ET LES CHRÉTIENS

le salut total ; car ce qui n'était pas assumé par le Verbe ne pouvait être rendu à la santé 1. On comprend que cette argumentation reposait sur une certaine notion de l'homme, qui trouvera souvent l'occasion de s'exprimer. C'est ainsi que, s'attaquant à la forme la plus sommaire, mais non pas sans doute la plus ancienne 2 , de l'apollinarisme, saint Athanase expose que le salut procuré par l'Incarnation ne peut concerner le corps seul, puisque l'homme dans sa totalité est véritablement âme et corps 3 • Quant à l'autre présentation de l'apollinarisme, qui, dans l'homme, distingue de l'âme l'intellect, elle fut combattue notamment par Grégoire de Nazianze, au moyen d'une anthropologie bien arrêtée : la nature humaine se composant de trois éléments, le corps, l'âme et l'intellect, l'intellect suprême du Verbe se l'est attachée tout entière 4 ; n'en déplaise à Apollinaire, la divinité était incapable de remplacer l'intellect humain : on ne fait pas un homme en ajoutant la divinité à la chair seule, ou à l'âme seule, ou à l'une et l'autre si l'on oublie l'intellect, qui est le principal de l'homme ; c'est à la totalité de l'homme qu'il faut joindre la divinité 5• Dans le monde (1) GRÉG. DENAZ., Epi.ri. 101 {adC!edonium),PG 37,181 C-184A:

Et ·nç e:lç &vouv &v!:lpc,movi)Àrmte:v,&v67JTOÇ /Sv,;ooçfo,;(, xo:l oùx &~wç OÀCilÇ O'Cil~e:cr!:lo:L. Tà yixp &n-p6crÀ7J7t'TOV, &fü:p&n-e:\lTOV • & 8è ~VCilTO:L TCÏ>!:le:4>,TOUTOxo:t O'Cil~e:TO:t ; cf. J. TIXERONT,op. cit., p. 114-115. (2.) Cf. AuGUSTIN, De diu. quaest. LXXXIII, quaest. 80, 1. (3) ATHANASE,Epist. ad Epict. 7, PG 2.6, 1061 B, = éd. Ludwig, p. 11, 11-13 : où > chez CLAUDIANus·MAMERTUS,De statu animae I 24, éd. Engelbrecht, p. 85, 15 : cchomo uerus, hoc est anima rationalis »; de même I 5, p. 40, 8-9.

L' « HOMME WRITABLE »

185

Logos est image de Dieu et fils de l'Intellect, de même l'homme véritable, c'est-à-dire l'intellect qui est dans l'homme, est image du Logos ; c'est ainsi par l'intermédiaire du Logos divin, auquel il est assimilé par sa nature raisonnable, que l'homme est dit avoir été fait à l'image et ressemblance de Dieu 1 • On voit vers quoi, dans la théologie chrétienne comme dans l'anthropologie platonicienne, convergent toutes les notations qui précèdent : vers l'idée du Jer Alcibiade selon laquelle l'homme n'est pas autre chose que son âme. Sans être formulée explicitement, la thèse affieure plusieurs fois chez Origène par des allusions ; on l'a déjà trouvée sousjacente à un passage des Homéliessur les Juges, où l'homme est décrit comme le principe qui se sert du corps 2 ; elle apparaît encore à deux reprises dans le De principiis, quand l'homme est défini par l'âme et distingué du corps 3 • On aimerait savoir si c'est en durcissant des textes comme ceux-là ou en s'inspirant d'une œuvre inconnue de nous que Photius, aussitôt après avoir recopié la page de Méthode que l'on a vue4, ajoute en antithèse : « Origène, (1) CLÉMENTn'ALEx., Protrept. X 98, 4, éd. Stahlin, p. 71, 2.4-2.9: Eixwv µè:v yà:p TOÜ 8e;oü (II Cor. 4, 4) 6 Myoç IXÔTOÜ (xctL u!ôç TOÜ voü yv-fi,:noç6 8doç À6yoç, qlù>TÔÇ ocpxhunov cpwç), dxwv 6 voüç 6 èv ocv0p 1XÀ'1)0Lv6ç, 6 Xct-r' e:tx6voc -roü Oeoü xoct xocO' àµolwcnv (Gen. 1, 2.6) 8tà: Tél> Od11) -roü-ro yeye:vîjcrOoct Àe:y6µe:voç,T'/ixoc-rà:xocp8locvcppov-ficre:1 nocpe:txix1;:6µe:voç À6y11)xocLTIXUT7l Àoyix6ç ; sur le rattachement de ce texte à l'anthropologie platonicienne, voir L. ALFONS!, Motivi tradizionali... , p. 135-138. Pour Clément donc, comme on vient de le voir chez Origène, c'est l'intellect humain qui est l'image de Dieu ; cf. J. DANIÉLOU,Meuage évangélique ... , p. 374-376. (2) a . .rupra,p. 178 et note (3). (3) ÜRIGÈNE, De princ. (trad. Rufin) III 4, 1, éd. Koetschau, p. 2.64, 4-5 : « ex nobis, id est ex animabus corpus materiale uiuificatur >> ( dans la description d'une opinion sur le corps comme origine du mal) ; IV 2., 7 (14), p. 318, 12-319, 1 : ocvOpcimouç 8è vüv :>.éyw-rà:ç XPW[J.Évocç 41ux_±çcr6:1µ1Xmv; C. Cel.r.VII 38, p. 188, 2.4 : &vOpwnoç µè:v oùv, -rou-rfon YJUXîJ xpwµé:v'1)cr6:lµoc-rt ; outre Alcib. 12.9 e-130 a, comparer ce dernier texte avec ceux de Plutarque et de Porphyre cités .rupra,p. 93 et note (2), et p. 101 et note (1). (4) Cf . .rupra,p. 173 et note (2.).

186

LE /" ALCIBIADE

ET LES CHRÉTIENS

comme Platon, disait que l'homme est l'âme seule »1 ; mais, qu'il ait lu cette formule ou l'ait forgée par amplification, Photius ne trahissait sûrement pas la pensée d'Origène 2 • Aussi bien, à l'époque de celui-ci, était-il courant de poser le problème de la définition de l'homme dans des termes tout proches du Jer Alcibiade, comme le montre un passage du traité antimanichéen d'Alexandre de Lycopolis (fin du me siècle-début du ive) ; pour embarrasser ses adversaires, Alexandre les met en demeure de choisir parmi ces possibilités : l'homme est-il le mélange fait de l'âme et du corps, ou bien l'un de ces deux constituants pris seul, ou enfin l'intellect supérieur à la totalité de l'âme ?3 Dans le courant du rve siècle, saint Basile fait état d'une « sage maxime » (qui pourrait désigner l' Alcibiade même) selon laquelle l'homme n'est pas ce que l'on voit de lui ; rechercher la perfection de son corps n'est donc pas se connaître soi-même, ce qui exige une sagesse supérieure~ ; une telle notation revient sans aucun doute à identifier

·o

(1) PHOTIUS, Biblioth. 234, 293 a 33-34 : 8' '!1pLyévi)c; 't'~V tJiux~v µ6v7Jv~Àqev &v6pc.mov,wc; 6 ll),,,h·wv (texte communiqué par P. Thillet). (2) Cf. H. RAHNER, art. fit., p. 203-204 : pour Origène comme pour Philon, c'est le voue;qui fait que l'homme est homme. (3) ALEXANDREDE LYCOPOLIS,C. Manich. opin. 23, éd. Brinkmann, p. 33, 6-9 : Tlc; 8è xot-r' otû't"oûc;6 &v6pw71"oç;éxp&ye -ro lx -njc; tJiux'ijc;XO(L cr&µot't"OÇ µ1:yµot"IJ't'Ôi't"epov"IJo),7)ÇtJiux'ijc;&vw't"épwvoue;; après quoi, p. 33, 9-18, l'auteur examine les quatre hypothèses (voue;, tJiux-fi,crroµot,-rô &x 't'OU't"WV cruvecr-r6c;),et montre que dans aucun des quatre cas l'homme ne peut être, comme le prétendent les manichéens, l'œuvre de la matière; sur le mot µ1:yµot,voir supra, p. 93 et note (2); comparer l'ensemble avec Alcib. 130 a; le texte d'Alexandre est cité par K. GRoNAU, Poseidonios ... , p. 283-284. (4) BASILE,Ad adulesc.7, PG 31, :,81 C, = 9, 28-33, éd. Boulenger, p. 5 5 : To yœp 't"~V7\"ŒO"O(V 0"7\"0U8-/;v e:tmpépecr6ocL 07\"WÇ wc; XliÀÀLO"'t"O( otù't"0 -rà crroµotéfi;moù 8LotyLv6:>crxov-r6c; Ècr't"LV 1:ocu-r6v, oùaè cruvLév-roc; 't"OUcroq:,ou7\"0CpotyyéÀµot-roc;, O't'Loù 't'Ô op&µev6v fonv 6 &v0pW7l"OÇ, Q:ÀÀ!i 't"L\IOÇ 8e1:7\"epL't"'t"O't"O:potç croq:,locç, ih' "ijçl!xotcr-roc; "i)µrovocrnc; 7\"0't"€ Ècr't'LV 1:otu't"OV i:myv&cre't"otL ; comparer A!cib. 13 1 ab, et plus encore les textes de Cicéron, Porphyre et Lactance cités supra, p. 60, notes ( 1)-(2), p. 103, note (1) début, p. 179, note (4) début.

IDENTITÉ DE L'HOMME ET DE SON ÂME

187

l'homme à son âme invisible 1 • Ambroise, quant à lui, formule la thèse expressément, encore qu'il le fasse sous deux formes un peu différentes. Dans l' Exameron, il professe l'identité de l'homme et de son anima, en l'établissant par des arguments scripturaires et linguistiques : l'âme n'est pas une partie de l'homme, mais la totalité de l'homme, puisqu'il n'est rien sans elle ; cette vérité est sanctionnée par certains passages de la Bible, où le mot « âme » est employé pour désigner l'homme ; c'est ainsi qu'en Gen. 46, 27, les personnes de la suite de Joseph sont dites des «âmes» ; l'étymologie enfin confirme cet usage, puisque le mot « homme » provient en latin de l'humanité, en grec de la vivacité du regard, deux qualités qui, sans aucun doute, conviennent mieux à l'âme qu'au corps 2 • Dans le De Noe, Ambroise modifie légèrement sa perspective ; ce n'est plus à l'anima que l'homme est identifié, mais à la mens, partie supérieure de l'âme, et qui est dite, selon un schéma platonicien connu, entretenir avec l'âme le même rapport

(1) Basile exprime encore la même idée en disant que l'intellect et la raison constituent la totalité de la nature humaine : voüv xoi:t À6yov cruµ1tÀ1)poüv-roi: 1iµvniv >; 11, 38, p. 436, 27-437, 6 : « Quod enim in anima mens, hoc anima in corpore [... ] intra tu (Gen. 7, 1), hoc est : in te ipsum intra, in tuam mentem, in tuae animae principale >>. Textes signalés par W. SEIBEL,op. &it., p. 28. Sur mens-anima-corpus, leur inclusion et leur proportionnalité, voir les passages de Platon et de Plutarque cités supra, p. 94, note (1), et aussi PHILON, Quaest. in Gen. II 11, qui est probablement la source d'Ambroise. (2) In uerba « Faciamus hominem» oral. I, PG 44, 264 B : "Ecroo

-ro[vuvlxoµe:v &v6poorrov,xott 8mi,,oi:-rwéç foµev, xotl -r6 ye: &:i,,1J6èç Àey6µevov iht lv8ov foµév. 'Eyw yà:p Xot-rà:-rov fooo &vOpoorrov. Te1 li;w, oùx èyw, &:Mà:èµ&.. Où yà:p -1]xe:tp èy©, &:llà: èyw -ro ),O"(LXOV -r'ijç r7JV , 0eàv .efoe-r°'t; voir encore, sur le I'vw0t cr°'uT6v,Strom. I 14, 60, 3-4. (2) Voir en dernier lieu A. MÉHAT, op. cit., p. 452-453. Pour -rà tv i)µÏ:v 0dov de Strom. I 19, 94, 4, cf. notamment Républ. IX 589 e et Tim. 90 c; et encore ARISTOTE,Eth. Eud. VIII 2, 1248 a 27 ; Eth. Nic. X 7, 1177 a 16 et b 28 ; Plotin apud PORPHYRE,Vita Plot. 2, 26 ; il a été touché à cette formule supra, p. 7-11. (3) La citation de I Cor. en Strom. I 19, 94, 4 a peu de rapport doctrinal avec les lignes qui la suivent, et aura été suggérée simplement par la notion de « miroir 11, l' Alcibiade demeurant, semble-t-il, la véritable source. N. HuGEDÉ, La métaphore du miroir dans les Épitres de saint Paul aux Corinthiens, dans « Biblioth. théologique 11, NeuchâtelParis 1957, p. 109-112, a rassemblé quelques textes probablement influencés par l'Alcib. 132 d-133 c (et non pas, comme il le dit, par l'interpolation conservée par Eusèbe) ; mais aucun d'entre eux n'est, il s'en faut, aussi proche du dialogue que le Strom. I 19, 94, 4-5, que N. Hugedé ne cite d'ailleurs pas à ce propos. Même omission chez H. LEISEGANG,Die Erkenntnis Cottes im Spiegel der Seele und der Natur, dans Zeitschrift für philos. Forschung, 4, 1949, p. 165 sq., qui consacre quelques pages à l'Alcib. 132 d sq. et à sa postérité. En revanche, le rapprochement avec l' Alâb. a été parfaitement signalé par E. MoLLAND, Clement of Alexandria on the Origin of Greek Philosophy, dans Symbolae osloenses, 15-16, 1936, p. 76-81, qui montre le caractère platonicien de l'expression de Oément >,35, Ithaca 1966, p. 332-334. - Le 1t'a:v-rwv µé:ytcr-rovµ°'07lµ&-rwvde Paed. III 1, 1, 1 n'est pas non plus sans intérêt; il évoque immédiatement le µé:yLcr-rov µ&071µ°'de Républ. VI 505 a (cf. 504 a et e; VII 519 c) ; mais le contexte est entièrement différent de part et d'autre ; en revanche, l' Alcib. 126 e-127 a fait état de divers µoc0~µ°'-roc, propres les uns à la femme, les autres à l'homme, pour conclure, en 12.8 e-129 a, qu'une science les conditionne tous, à savoir la connaissance de soi ; voilà encore qui rejoint sensiblement la pensée de Oément.

194

LE l" ALCIBIADE

ET LES CHRÉTIENS

Le thème du miroir, associé à celui de la connaissance de soi, apparaît également dans le De mortuis de Grégoire de Nysse 1 • Le point de départ est ici une sentence des Proverbes 13, 10 : « Les connaisseurs d'eux-mêmes sont sages »2 • Non plus que les yeux, commence Grégoire, l'âme ne peut se voir elle-même ; comme eux, elle a besoin d'un miroir. Ce début rappelle !'Alcibiade 132 de. Mais, alors que Clément continuait de suivre le dialogue en pensant que ce miroir tendu à l'âme est constitué par une autre âme, Grégoire ici s'en sépare : l'image privilégiée dans laquelle l'âme va découvrir indirectement sa propre réalité, ce n'est plus pour lui une autre âme, mais bien la matrice transcendante à la ressemblance de laquelle l'âme a été faite, autrement dit la beauté divine ; il faut donc, dans le cas présent, corriger la comparaison du miroir ; car l'image offerte par le miroir n'est que le reflet de son archétype, tandis que l'intermédiaire grâce auquel l'âme se découvre n'est autre que son archétype même ; bref, c'est en levant les yeux sur son propre archétype que l'âme se voit exactement elle-même 3 • Dieu étant intellectuel (1) Et dans bien d'autres textes du même auteur ; on les verra chez DANIÉLOU, Platonisme et théologie my.rtique. E.;.rai .rur la doctrine .rpiritue/le de .raint Grégoire de Nyue, collect. « Théologie )), 2, Paris

J.

1944, p. 223-235 (qui ne parle malheureusement pas de la page du De mortui.r). (.z) GRÉG. DE NYSSE, De mortui.r, éd. Heil, p. 40, 20-21 : r.:'16>[J.e:6,x -ro(w" X>.

202

LE l" ALCIBIADE

ET LES CHRÉTIENS

qu'elle fut créée à l'image de Dieu ; en même temps, comme Clément l'avait fait pour le Deutér. 4, 9, Origène rapproche ce verset du Cantiquedu rvw6L crixu-r6v, et estime que Salomon inspira celui des Sept sages à qui l'on doit cette célèbre sentence 1 . Grégoire de Nysse voit également dans le texte en question une invitation à la connaissance de soi : se connaître soi-même pour se garder, c'est d'abord ne nous confondre avec aucun des biens qui sont en nous, comme la force, la beauté, la gloire, etc. ; dans cette exhor-rwvm:pt ixù-ràv~tixxplvi::w, on reconnaît, tation à éixu-ràv&:rtà formulée en d'autres termes, une distinction essentielle au Jer Alcibiade; une fois accomplie cette discrimination, poursuit Grégoire, que reste-t-il qui soit le propre de la nature humaine? la raison, qui permet de mépriser tout commerce irrationnel, et de dénier toute beauté à ce qui ne profite pas à l'âme ; agir autrement, s'attacher aux valeurs terrestres, c'est ce que l'auteur sacré appelle suivre les traces des troupeaux et partager la pâture des boucs 2 • Dans la diffusion de cette exégèse, Ambroise joua un rôle (1) ORIGÈNE,Comment. in Cant. cant. (trad. Rufin) II, éd. Baehrens, p. 141, 19-2.7 : « Vnius ex septem, quos apud Graecos singulares in sapientia fuisse fama concelebrat, haec inter cetera mirabilis fertur esse sententia, qui ait : 'scito te ipsum' uel 'cognosce te ipsum '. Quod tamen Solomon, quem praecessisse omnes hos tempore et sapientia ac rerum scientia in praefatione nostra docuimus, ad animam quasi ad mulierem sub comminatione quadam loquens dicit : nisi cognoueris temet ipsam, o pulchra inter mulieres, et agnoueris pulchritudinis tuae causas inde descendere, quod ad imaginem dei facta es (Gen. 1, 2.7), per quod inest tibi plurimum naturalis decoris, et agnoueris, quam pulchra eras ex initio, ..• » ; on comprend comment cette célébration de la beauté initiale des âmes s'insère dans les vues d'Origène sur leur préexistence. (2) GRÉG, DE NYSSE,Comment. in Cant. cant. II, éd, Langerbeck, p. 63, 18 sq. ; p. 64, 4-8 : Oôxoüv &crcpo:Àe:cr..-&TIJ cppoup(X..-wvtv ~[L~V

&yo:6wv"t'0 €0:U't'OUÇ [L-J)&yvo'ijcro:L xo:l "t'0 yvwvo:t l:XO:O""t'OV €0:U"t'0V Ôrte:pé:cr..-1 xo:l àxptôwc; €0:U't'0V &rto "t'WVm:pl o:ù..-àv8to:xplve:tv,wc; ôlv [L')JM6m cpuMcrcrrov&v6' Éo:u..-oü-;o&JJ..6-;pwv; p. 66, 4-7 : 'O 8è rtpoc; "t'0 t8tov "t"ijc;&v6prortlv1}c; q>ucre:roc; ~ÀÉ:rtCùV (-;oiho 8é: É:cr-rtv6 Myoc;) xo:-;o:q>pOVIJO"Et [Lèv"t"ijc;àÀ6you cruv'1)6e:lo:c;, oô8èv 8è ô µ71't1Î ljiuxiicpé:pe:t"t't xé:p8oc;. wc; XO:ÀOV o:lp~cre:-ro:t,

CONJONCTION DES DEUX VERSETS

203

plus considérable encore qu'on ne vient de le voir pour la précédente ; non seulement, comme Origène, il comprit que la femme du Cantique désignait l'âme à la beauté immarcescible, et il rapporta à Salomon la paternité du cognoscete ipsum prétendu d'Apollon Pythien ; mais il réunit dans une même interprétation la formule du Cantique et, bien antérieur selon lui, l' Adtende tibi du Deutéronome; surtout, il répéta à cette occasion la thèse platonicienne traditionnelle, selon laquelle l'âme ou l'intellect constitue la meilleure partie de l'homme, plus exactement la totalité de son être, auquel la chair n'a aucune part 1. (1) .AMBROISE,Exam. VI 6, 39, p. 230, 9-24 : « cognosce te ipsum, o homo, quod non, ut feront, Apollinis Pythii, sed Solomonis sancti est, qui ait : nisi scias te, formonsa in mulieribus, quamquam multo ante Moyses in Deuteronomio scripsit : adtende tibi. Homo, tibi adtende ait !ex et propheta ait : nisi scias te. Cui inquit in mulieribus. Quae est pulchra hoc dicit ? Formonsa in mulieribus nisi anima, quae in utroque sexu praestantiam possidet pulchritudinis ? Et merito decora est, quae non terrena sed caelestia, non corruptibilia sed incorrupta desiderat, in quibus decus perire non soleat ; corporalia enim omnia processu aetatis aut aegritudinis inaequalitate marcescunt. Huic adtende, dicit Moyses, in qua tu totus es, in qua melior tui portio est. Denique interpretatus est dominus qui sis tu dicens : adtendite uobis a falsis prophetis (Mattb. 7, 15) ; isti enim animam debilitant, mentem subruunt. Non igitur caro tu es» ; de même Expos. psalmi CXVIII 10, 10, 2, p. 208, 23-209, 1 : « Nosce te ipsum, homo ; tuae animae dicitur in Canticis : nisi cognoueris te formosam in mulieribus. Cognosce te, anima [... ] Adtende tibi, ut !ex dicit; hoc est tibi, id est animae tuae >>.Voir sur ces deux textes W. SEIBEL, op. ,it., p. 20. Dans le premier d'entre eux, l'opposition entre la beauté impérissable de l'âme et celle du corps que l'âge flétrit fait penser à l' Akib. 131 c-e, de même que le De bono mortis cité supra, p. 181, note (2) ; pour in qua tu tolus ,s (que semble d'ailleurs contredire in qua melior tui portio est), comparer Exam. VI 7, 43, cité supra, p. 187 et note (2). - Sur les théories anthropologiques des Pères (notamment Lactance, Grégoire de Nysse, Ambroise), ajouter, à la bibliographie donnée ci-dessus, l'article d'E. voN.)VANKA, Die stoiscbe Anthropologie in der lateiniscbenLiteratur, dans Osterrekb. Akad. der Wiss., Philos.-hist. KI., Anzeiger, 87, 1950, p. 178-192.

DEUXIÈME

PARTIE

PERMANENCES ET VARIATIONS DANS LA THÉOLOGIE D'ARISTOTE

CHAPITRE

PREMIER

ÉVOLUTION ET STRUCTURES Dans le domaine de la théologie comme dans la plupart des autres, il est difficile de restituer les idées d'Aristote de façon strictement univoque. Peut-être plus qu'ailleurs, la surprise commence ici dès l'examen du vocabulaire de base. En effet, comme l'a observé déjà W. Jaeger1, Aristote eût accepté avec honneur la réputation de s'adonner à la «théologie», mais il aurait certainement refusé qu'on fît de lui un « théologien ». C'est qu'à ses yeux, la OsoÀO"(LX~ è1rn1Tfiµ,1J est la philosophie première, la plus prestigieuse parmi les sciences les plus prestigieuses, celle qui a l'objet le plus précieux, à savoir l'être éternel, immobile et séparé, lieu par excellence du divin 2 ; elle est doublement la (1) The Theology of the Barly Greek Philo.topher.r ((( The Gifford Lectures » 1936), Oxford 1947, p. 4-6 et 194. (2) Metaph. E 1, 1026 a 10-32; passage parallèle en K 7, 1064 a 28-b Epist. ad Themistium 10, 264 14. Une tradition, attestée par JULIEN, d-265 a, prête à Aristote la composition d'une 6s:oÀoyŒ't)cruyyp1X0dep -r6nov &noaLMoccrL) ; si donc il existe un être divin, comme c'est bien le cas, voilà qui confirme l'exposé sur la première substance corporelle (E'C1te:p ouv fo-rLTLOe:'i:ov, cilrme:pfo-rL, xoct-rixvüv dpYJµév!X nept T~Çnp>. (6) Comme l'affirme Simplicius dans le fgt 16 Ross, p. 84 ; aussi De cae!o19,279 a 17-279 b 3 constitue-t-ille fgt 28 WALZER, p. 94-95, etle fgt 38 UNTERSTEINER, p. 58, du De philos.

216

LA THÉOLOGIE D'ARISTOTE

sions au début du De caelo, et notamment à la: croyance populaire selon laquelle un corps en mouvement incessant comme est l'éther doit avoir une nature divine 1 • 30 Il ne s'agit plus de l'éther supracéleste lorsque le De caelo II 12 introduit la considération d'une certaine 0eLo-rcx.-,'1l &pz~ (292 b 22) ; car ce principe le plus divin apparaît immobile et séparé même du premier ciel : doué de la plus haute perfection, il possède son excellence indépendamment de toute activité (-rcï>µ.èv ocpLG'C"OC ezov-rL U7t"œpzeLv -ràeo &.veu1tp&!;e{ùç, 292 a 22-23), à la différence des (b 1) ; de quelle activité astres qui, eux, exercent une 1t'pii1;Lç aurait-il besoin, puisqu'il est lui-même la fin, et que l'activité requiert la dualité de la fin et de l'être dont elle est la fin (b 4-6)? Cette conception immobiliste, finaliste et transcendante de la divinité fait penser au Moteur immobile 2 ; elle est en tout cas nettement différente des deux orientations théologiques précédentes. 2.

Éthique à Eudème VII-VIII.

L' Éthique à Eudème est regardée généralement comme le plus ancien traité de morale d'Aristote, non éloigné du Protreptique3, et auquel l'auteur aurait pris trois livres (IV à VI) pour les transporter dans l' Éthique à Nicomaque (V à VII) composée plus tard. Le livre VII de la première Éthique, comme le seront

(1) Meteor. I 3, 339 b 2.5-2.6: TO ycxp &d crwµcx 0é:ov &µex xcxL folxcxcnvUl't"oÀcxÔdv (jeu de mots sur 0é:ov- 0e:ï:ov); 0d6v Tt tjv >,51, Paris 1964, p. 65-99) ; pour 6µolwo-Lç,Répub/. X 613 ab (tdç llcrovl>uvoc-ràv &v0p6>7t(p 6µoLoÜcr0ocL 0.:),Théét. 176 b, Tim. 90 d; pour µ1We:~Li;, Phèdre 25 3 a (xoc0' llcrov lluvoc-ràv0e:oü &v0p6>7tep µe:-roccrxdv);pour 0e:foç&v~p,Ménon 99d(où l'expression est, comme chez Aristote, donnée pour un laconisme), Lois VII 818 c; pour &0ocvoccrloc enfin, Tim. 90 c (xoc0' iîcrov Il' oco µ.:-roccrxe:rv &v0pw1tlvnµè:v ixpLCi"t'OC ~X.OV't'L, II 12, 292 a 22), ou de l'être divin premier et suprême ("t'àfü:fov .•• 1tiiv -rà 1tpw"t'ovxixl &xpÔ"t'IX"t'OV), à qui ne manque aucune perfection (I 9, 279 a 32-35). Dans ce dernier passage, la même idée se trouve confirmée au moyen d'une formule notable : il n'y a aucun principe supérieur à l'être divin et capable de le mouvoir, car un tel principe serait plus divin que lui (oC-reyocp !XMOxpiû:nôv ècr·nv (.••] - èxiû:vo yocp &v et'1) 0etô-repov) ; cette précision attribue à Dieu la qualité d'être insurpassable, et avertit que c'est bien de lui qu'il s'agit. Or elle revient plus d'une fois ; on l'a rencontrée par exemple dans le De anim. mot. 6, 700 b 34-35, dans la Métaph. A 9, 1074 b 29-30, et aussi dans la Grande morale II 15, 1213 a 2-3 ; elle se trouve déjà de la façon la plus nette dans un fragment du De philosophia, qui expose une démonstration de l'existence de Dieu connue sous le nom d' argumentum ex gradibus : si certains êtres sont meilleurs que d'autres, l'un d'eux doit être le meilleur de tous, et c'est précisément l'être divin ; autre manière, toujours dans le même texte, de montrer que c'est bien la divinité suprême que l'on a en vue : elle n'a rien de plus puissant qu'elle, sous l'influence de quoi elle pourrait changer, car ce principe plus puissant serait aussi plus divin 1. Seuls, semble-t-il, dans l'œuvre entière d'Aristote, le fragment du dialogue Sur la prière et, avec moins d'hésita-

(1) De philos., fgt 16, p. 84, = SIMPLICIUS,In Arist. De caelo I 9, 279 a 18 sq., éd. Heiberg, p. 289, 3-4 : tm:( oùv fo·nv tv -roî,; oùcri étÀÀoétÀÀou~ÉÀ-riov,fo-rw étpcx-ri xcx(étpicr-rov,ISl't'e:p e:t'I) &11 -rà 6e:ï:ov; p. 85, = p. 289, 7-8 : ,;à at 6e:ï:ovo!h·e: xpe:î-r-r6v-ri ~xe:i!cxu,;oi3,û,:p'

où µe:'t''t'OU XOCL -r&v ~crxoc-rc,>V) y parviennent aussi, mais par des mouvements plus nombreux (2.92.b 19-2.5). Quant à la solution de la deuxième aporie, elle s'opère au moyen de deux justifications : ~ q>ù(nç)1 - La nature établit un équilibre (&vLcroc~i::L en attribuant de multiples astres à la première translation, qui est unique, et de multiples translations à chacune des planètes prise séparément (2.92.b 2.5-2.93a 4). - En réalité, chacune des translations planétaires intéresse plusieurs corps, à savoir les différentes sphères qui provoquent le mouvement de chaque planète (2.93 a 4-11). (1) En recourant ainsi au principe de l'équilibre naturel, Aristote s'insère dans une tradition déjà ancienne ; cf. Alcméon apud AÉTius, Plac. V 30, 1, = B 4 D1ELs-KRANZ,I, p. 2.15, 11-14: la santé est maintenue par l'taovo!LtiXdes qualités élémentaires, alors que la maladie de l'une d'elles; PLATON,Protag. 32.0d-32.1 a: provient de la 1-LOvocpxloc Épiméthée distribue les diverses qualités aux différentes espèces mortelles en maintenant un équilibre par compensation (èn-avLafuv ~eµ.ev). On sait que la théologie épicurienne invoquera la même loi d'équilibre pour établir le grand nombre des dieux ; cf. CICÉRON, De nat. deor.I 19, 50, = testim. 352.UsENBR,p. 2.35, 9-11 (et aussi I 39, 109, = p. 2.35, note) : « intellegi necesse est eam esse naturam, ut omnia omnibus paribus paria respondeant. Hanc laovot-Llocv appellat Epicurus, id est aequabilem tributionem », etc. Voir G. FREYMUTH, Eine Anwendung von Epikur.r 1.ronomiege.retz(Cicero, De nat. deor. I 50), dans Philologu.r,98, 1954, p. 101-115 ; J. MAu-E. G. SCHMIDT, I.ronomia. Studien zur Gleichheitsvorstel!ung im griechi.tchen Denken, dans « Deutsche Akad. der Wiss .. zu Berlin, Inst. für griechisch-rôm. Altertumskunde, Philosophie», 9, Berlin 1964.

253

LE COMMENTAIRE DE SIMPLICIUS

Vient enfin (293 a 11-14) la conclusion générale des chapitres 7 à 12. 2.

Le commentairede Simplicius; sa substancenéoplatonicienne.

Voici maintenant en quels termes Simplicius commente le cœur de De caeloII 12, à savoir 292 b 10-13, les dernières lignes citées (à partir de 5-n ycxp èvvo.:î:...) constituant le fragment du II.: pt .: ù Xîj c;;tel que l'impriment les éditeurs : Aé-.y.:Loùv (Aristote), 5-n T&v 6nwv OUT€ TO 1rp&Tov 8.:î:-ro:L1.pix~.:wc;;OUT€ -rà foxix-rov, .à µ.èv ~rry_r;.-rov,5Tt [J."fjaè,i;uyxixv.:L 1.poo-.:x&c;;-roü TéÀouc;;,TO Sè 1.p&,i;ov, 5Tt où 8twptO'TIXLTOÜ &yix0oü, &i:; d1twv, 2 TL TOÜVOÜ • iSTLO0eoç ~ VOÜÇÈcrTW~ x.oct1 rn&X.€LVIX

Pour la commodité de l'analyse, ce texte se laisse diviser en trois parties : 1° Aéy.:i oùv ••. µ.e,i;éz.:LixÙToÜ. Simplicius paraphrase Aristote, soit qu'il conserve le vocabulaire aristotélicien

qei

(a.:'1:TIXL 1tpcx.~.:wc;;, TO~O')'.IXTOV, TUY)'.IXV€L TOÜ't'SÀoui:;, x.ixt soit qu'il donne aux mots d'Aristote un autre µ..:TS)'_EL), emploi (il nomme le premier être TO 1tp&,i;ov, alors (1) Omis par deux manuscrits et l'édit. Karsten, xod est rétabli - avec raison, semble-t-il - par Heiberg ; c'est donc par simple distraction que Ross, qui reproduit le texte de Heiberg, omet ce XOl:l. On verra dans la suite que ce point peut n'être pas dénué de quelque importance. (.i) SIMPLICIUS, In AriJt. De cado II 12, ad 292 b 10, éd. Heiberg, p. 485, u-22.

254

LE DIALOGUE SUR LA PRIIJRE

qu'Aristote appliquait cette désignation au ciel des fixes, et appelait le principe suprême -ro oêpunoc1!.xovou 0s:LOTOC'ti') &.pz1j),soit enfin qu'il introduise des termes et des concepts absents chez Aristote (-rou &.yoc0oü,où Aristote disait -ro di ou -ro oêpur-rov; oùo-(ocv; -rwv iSv-rwv,substitué aux O"ù>f-1,0CTOC ou 1fo-rpocd'Aristote, montre que Simplicius quitte le domaine particulier des astres pour envisager celui de l'être tout entier). 2° Kocl s:'l't)&v ... ÀocµMvovµs:-rqs:iv. Simplicius reproche à Aristote de n'avoir pas distingué cy_s:Lv et µs:-réze:w; pour le commentateur en effet, 1!.ze:ivdoit se dire du rapport d'un être à sa propre essence, µs:-réxs:Lvdu rapport d'un être à un autre être. Simplicius applique le premier verbe à l'um:poucnoc;;&.yoc06T't)c;; ou gv, le second au voüc;;uni à 1'&.yo:06v; l'apparition de ces notions nouvelles montre que le point de départ aristotélicien est complètement abandonné. 3° IS-riyiip èvvod ... -roü voü. Il est fait retour à Aristote, qui, apprend-on, conçoit pourtant quelque chose de supérieur au voüc;et à l'oùo-lo:,puisqu'il dit que Dieu est soit voue;;,soit è1téxe:ivoc-ri -roü voü; c'est le fragment supposé du Ils:pl s:ùx9jc;;. On aura perçu que, plus on avance dans le texte de Simplicius, plus on se trouve en présence de schèmes de pensée néoplatoniciens. La première partie elle-même, la plus « aristotélicienne », ne l'est pas exclusivement. Ainsi, c'est bien Aristote qui dit que le premier être n'a besoin d'aucune activité ; mais, pour Plotin également, 1. le Premier principe n'exerce aucune 1tpoc1;ic;; L'inspiration néoplatonicienne est patente dans la deuxième partie. Les deux principes introduits par (1) Bien que l'on manque d'un texte formel, ce point n'est pas douteux, cf. R. ARNou, IIP A:SIS et 0EQPIA. !:.tutie de détail .rurle vocabulaireet la pen.rée des « Ennéade.r>> de Plotin, thèse Paris 192.1, p. 2.1-2.2.

FORMULES ET IDÉES NÉOPLATONICIENNES

255

Simplièius, Bonté superessentielle ou Un et Intellect, sont de toute évidence les deux premières hypostases de Plotin ; sans doute cet auteur, autant qu'on peut le savoir, 1 ; ne parle-t-il pas, pour l'Un, d'imepoumoç &:y1X0o-niç mais Porphyre applique au même principe l'adverbe 2 ; Proclus surtout emploie de façon répétée Û1tepouo-tCùç l'adjectif correspondant 3 , et il offre au moins une fois 4 ; ces données la formule complète Û1tepoumoç &.y1X06,niç se trouvent tout à fait en harmonie avec la pratique de Simplicius, qui est de s'approvisionner dans le néoplatonisme tardif. En revanche, nul besoin de descendre plus bas que Plotin pour découvrir une théorie de la participation distinguée de la « possession », exactement semblable à celle que l'on vient de rencontrer sous la plume de Simplicius : la participation, dit Plotin, exige la dualité du participant et du participé 5 ; il ajoute, employant les verbes mêmes de Simplicius (et d'Aristote), que l'Un, objet par excellence de la participation universelle, n'est celui d'aucune possession 6 • Mais c'est la troisième partie du commentaire, c'est-à-dire le texte même du fragment donné pour aristotélicien, qui accuse la plus grande ressemblance avec les dogmes (1) Il dit simplement, dans le même sens, que l'Un est urre:p6nc.ù èm:xe:tvoc&:ve:wo~Tc.ùÇè:1toxouµevov-tjj V01J-r'/i (3) I 8, 2, 25, p. 123 : 't"OV0e:ov8L' o:ù-:-ou~Àé1te:L. (4) V 1, 11, 6-7, p. 286 : vouv è:v1iµiv dvo:L, dvo:L 8è xo:l niv vou &px-Jivxo:t o:hlo:v xo:l 6e:6v. (5) Par exemple VI 7, 20, 17-21, éd. Bréhier, p. 93 : où -rà ~crxo:-rov b voue;KCI.L VOUµèv où 7tOCV'rCI. [.rc. : ÈJ, LouvainLa Haye-Paris 1948, p. 132.-133. (2) Tels W. JAEGER, Aristotle. Fundamentals of the History of his Development, translatcd by R. ROBINSON, Oxford •1948, p. 160 et 2.40 (il a en outre proposé un important rapprochement avec Eth. Eud. VIII 2, sur lequel nous reviendrons) ; A. J. FESTUGIÈRE, La révélation d'Hermès Trismégiste, IV : Le Dieu inconnu et la Gnose, coll. « Études bibliques», Paris 19H, p. 314. (3) Op.cit., p. 123.

NATURE NOÉTIQUE DE DIEU

265

celui èlu dialogue, on devait y trouver auparavant les fondements de cette théologie, à savoir la doctrine du Dieu immobile, immuable, inactif ; mais une telle représentation commandait strictement les vues d'Aristote sur la forme appropriée et les résultats possibles de la prière : dès lors que la divinité n'exerce pas d'activité ad extra, se trouve exclue toute intention d'appeler l'intervention divine dans le cours des événements extérieurs ; telle devait être l'idée directrice du Ile:pt e:ùx:rjc;. L'essentiel de l'exégèse ·n -rou de Bernays, c'est-à-dire l'équivalence de l'è1téxe:~voc vou avec la v6'Y)m.:; vo-fiae:wc;décrite comme étant au-delà de l'intellect humain, fut accepté par H. Cherniss1, et récemment par E. Berti 2 • Cette interprétation ne manque pas d'assise. On peut la schématiser en disant qu'elle ramène le fragment d'Aristote à deux propositions : (1) Dieu est voü.:; (2) le voüc;divin est au-delà du voü.:;humain. Or il est facile d'établir que ces deux propositions appartiennent à la théologie dont on trouve l'expression dans les autres ouvrages du philosophe. La démonstration a été amorcée par les historiens en question ; il vaut la peine de déployer leurs trop rapides suggestions. (1) Que la divinité soit de nature noétique, c'est ce qui apparaît incidemment dans un traité d'histoire naturelle comme le De part. anim. IV 10, 686 a 29 : !pyov 8è: -rou 0e:to-rif-rou-rà voe:ï:v.Dans l'.Eth. Nic. I 4, 1096 a 24-25, la notion de Dieu et celle d'intellect sont associées, ofov ô 0e:àc;xcd ô voüc;, pour désigner le bien envisagé comme (1) Aristotle's Critici.rm of Plato and the Academy, I, Baltimore 1944, Appendix X, p. 592, et App. XI, p. 609. (2) La ftlosofta del primo Aristotele, coll. ccUniv. di Padova. Pubblic. della Fac. di Lettere e Filos. », 38, Padova 1962, p. 386. C'est aussi la façon de voir proposée brièvement par É. DES PLACES, La prière des philosophesgrecs, dans Gregorianum,41, 1960, p. 256.

266

LE DIALOGUE SUR LA PRIÈRE

substance. Mais c'est dans la Métaph. A que la doctrine s'exprime avec le plus d'ampleur et de netteté : Dieu est l'acte de l'intellect, voü tvspye:t..-ljv 0e:6c;; [... ] "Exoum ycl:p &:px-lJv't"Oltz\J'n)V ~ xpe:krùlv TOUvou x°'l T'iji; ~ou">..e:ucre:ùlc;. Sur la relation entre 't"O èv ~µ.1v 0dov et l'idée de prière, cf. JAMBLIQUE,De myst. I 15, éd. des Places, p. 65, disant que ce qui en nous est divin s'éveille dans les prières (To ycl:pOdov èv -1)µ.îv[... ] èydp~'t"O(('t"6tt EVO(pywi; èv TO(ÎÇ e:ùx°'îç), pour aspirer à la divinité qui lui est semblable et s'unir à la perfection en soi ; texte cité par H. P. EssER, diss. cil., p. 71 et n. 4.

FAIBLESSES DE L'INTERPRÉTATION

DE BERNAYS

271

en douter. Dans la perspective de ces historiens en effet, à la première partie du texte d'Aristote (à 0eàç ~ voüç fo-nv), la seconde (~ xocl.ènéxeLvoc·n -roü voü) apporterait une précision complémentaire, que l'on peut par exemple introduire par « plus exactement » : « Dieu est intellect, plus exactement un intellect qui transcende celui de l'homme » ; nulle rupture d'un membre à l'autre de la phrase, mais un développement, une progression, une continuité. Que l'on nous explique alors comment Aristote, pour rendre cette continuité, a justement choisi une tournure disjonctive (~ ... ~ xocl.... ) dont le propre est d'exprimer la discontinuité ! De plus, l'interprétation de Bernays impose au mot voüç un notable changement de sens entre le premier emploi et le second : il y aurait de l'un à l'autre, si l'on peut dire, passage du genre à l'espèce, du voüç en général au voüç humain. Mais un tel glissement sémantique, en si peu d'intervalle, apparaîtra bien improbable ; il enlève tout son nerf à la phrase, dont le mouvement naturel exige, semble-t-il, que l'on conserve au mot voüç la même pleine extension du premier membre au second. La façon dont Simplicius utilise le fragment est certes loin de faire foi ; on ne peut pourtant la négliger ; or, nul doute qu'il a entendu rnéxeLvoc -rL -roü voü dans l'acception la plus ample, et non pas dans le sens restrictif d'un principe supérieur seulement à l'intellect humain ; on se rappelle en effet qu'il invoque cette formule pour établir qu'Aristote a conçu l'existence d'une réalité qui transcende le voüç et l'oùcrloc, c'est-à-dire la deuxième hypostase plotinienne, sans aucune limitation. Quant à l'identification de l'ènéxeLvoc 't"L-roü voü à la v6îJO"LÇ vo~crewç, elle est solidaire de la réduction du voüç à l'intellect humain, et donc vulnérable aux objections précédentes. Peut-être se heurte-t-elle aussi à un obstacle particulier, que voici. A supposer, comme le veut Bernays, que la doctrine de la v6îJO"LÇ vo~crewç ait commandé tout un dialogue IIe pl. e ù X=ijç, il a dû nécessairement s'établir

272

LE DIALOGUE SUR LA PRIÈRE

un lien entre cette doctrine et la pratique, ou du moins la notion de la prière. Dans ces conditions, il devient inexplicable que les développements relatifs à la v6ricnc; vo~ae:wç dans les traités scolaires d'Aristote, à commencer par la Métaph. A, n'accordent pas à la prière la moindre mention. Non que les mots e:ùx~ et e:üxe:a0ocL soient absents du corpus aristote!icum; mais, quand ils y apparaissent, ce n'est jamais, semble-t-il, pour véhiculer un contenu religieux ou philosophique authentique1, c'est chaque fois pour fournir un exemple en rhétorique ou en logique 2, pour évoquer une «prière» historique ou mythique 3, ou enfin pour rendre l'idée banale et en quelque sorte laïque de «souhait» ou de « souhaiter »4. L'absence de toute référence à la prière en Métaph. A, la considération dont la prière était forcément l'objet dans le Il e:pl. e:ùx-ïjc;, voilà le signe que ces deux écrits ne pouvaient procéder de la même théologie ; c'est dire que la théorie de la v6l)O"LÇ vo~ae:wç a peu de chances d'avoir inspiré l'auteur du dialogue ; Bernays aura été abusé par le désir de découvrir coûte que coûte dans les dialogues d'Aristote un « rapport à ses œuvres conservées »5• Enfin, l'invocation de l' Éth. Eud. VIII 2, pour appuyer l'explication de Bernays 6, semble bien être une initiative (1) Comme l'a observé H. SCHMIDT,op. cil., p. 18. (2) Ainsi Rhet. III 2, 1405 a 18 (exemple de métaphore) ; Poe/. 19, )..é:E,e:w,;) ; De interpr. 4, 17 a 4 1456 b 11 et 16 (la prière comme crx_'ijµct (ex. de discours ni vrai ni faux). (3) Par exemple Polit. I 9, 1257 b 16 (vœu de Midas) ; III 16, 1287 b 14 (d'Agamemnon) ; IV 11, 1295 b 33 (de Phocylide). (4) Nombreux exemples, notamment dans la Polit.; cf. H. BONITZ, Index aristot., p. 303 a 42-59. (~) Je m'aperçois tardivement que deux points essentiels de ma démonstration (irréductibilité à l'intellect humain du voü,; de la seconde partie du fragment ; irréductibilité de la théologie du II. e ÙX.'ij,; à celle de la Métaph. A) sont déjà admis par H. J. KRAMER, Der Ursprung der Geistmetaphysik. Untersuchungen z.ur Geschkhte des Platonismus zwischen Platon und Plotin, Amsterdam 1964, p. 135-136. (6) Bernays lui-même ne fait pas appel à ce texte ; quant à Jaeger, qui le rapproche du fgt du II. e:ùx'ij,;, il s'abstient d'attribuer à ce

LA PAGE D'ETH. EUD. VIII 2

273

peu opportune. Sans doute ce texte, comme on l'a vu, parle-t-il clairement d'un Dieu supérieur à l'intellect humain ; mais la suite donne à entendre non moins clairement qu'un tel Dieu n'est pas l'intellect qui se pense lui-même. On connaît l'intention du passage : il s'agit de déterminer le secret de la réussite ; on ne peut le trouver au niveau des opérations psychologiques de l'homme qui réussit, car on en remonterait en vain l'enchaînement sans jamais arriver à une origine ; il faut donc les rattacher à un principe d'un autre ordre, lui-même dépourvu de principe, supérieur à l'intellect humain et à ses facultés, et qui ne peut être que Dieu. Cette page présente, dans le détail, de grandes difficultés d'interprétation, mais le sens général en est assez limpide 1 • Or, comme l'a fortement montré H. von Arnim 2, elle atteste des conceptions théologiques tout à fait différentes de celles que l'on relève dans les autres œuvres d'Aristote, en particulier ~c:;oùx fonv OCMYJ dans la Métaph. A. Sans doute cette &.px_~, Ë~w (1248 a 23) ferait-elle à la rigueur penser au Moteur immobile. Mais, à côté de cette analogie, que d'oppositions ! Si le Dieu de l' Éth. Eud. est le principe du succès propre aux hommes fortunés, il est dépourvu de l'immutadialogue la doctrine de la v6ricrn; vo~cre:roç; c'est H. CHERNrss,op. cit., p. 609, qui juxtapose l'explication par la v. v. et le recours à l'Éth. Eud. (1) Elle a été souvent étudiée ; cf. par exemple J. CROISSANT, Aristote et les mystères, dans cVè:v~(J-LV, xocl.'t'ù>Vyvwo--r&v,1ts:pl.& voüc;). Enfin, la Métaph. A 7, 1072 a 26-27 définit sans équivoque que le suprêmement désirable, qui caractérise sans aucun doute la divinité, est aussi le suprême intelligible (Ktvs:î: 8è: w3s: 't'O Ôps:x-rèvxocl.'t'O VOYJ't'OV · XLVEL où XtVOU[J-EVOC. Tou"t'wv-roc1tp&"t'oc -rococù-rcx.).

o

On comprend que de telles considérations

o

aient pu

(1) Bien noté par R. A. GAUTHIERet J. Y. JouF, op. çit., II : Commentaire, 2, p. 858. (2) Voir notamment les fgts 11 et 12 b Ross, p. 44-45 et 47, = JAMBLIQUE, Proirept. 9· (3) Fgt 13, p. 4s, = JAMBLIQUE, 10 : oô yo:p ivBéxE't'a:tµ-IJxa:Àoü µlµllµet KCtÀOVdva:t, µll8è 6i;;lou xa:t ~EOOl:LOU 't'l)V tpucrtv ~?i &.0&.voi:'t'ov xa:t ~éôa:wv [•..] M6voç yo:p rrpàç 't'l)V tpucnv ~ÀÉ:rroov xa:t rrpàç -ro 0i;;î:ov. (4) F~ 14, p. 5':, = JAMBLIQUE, 11 : 6 tpp6vtµoç [...] lha:v tvi;;pY7i xa:t TUYXCtV1) 6e:oopwv't"OµocÀtO''t"ct 't"WVilv-roovyvwptµov. (5) Cf. Phèdre 247 a; Tim .. 29 e (la divinité exempte de jalousie) ; Epin. 988 ab (encouragement à spéculer sur les choses divines). Rapprocher Eth. Nic. X 7, 1177 b 31 sq., avec W. JAEGER,op. cit., p. 72 et n. 1.

L'INTERPRl1TATION DE FRANK

279

induire à retirer purement et simplement à Aristote la paternité d'une représentation selon laquelle Dieu serait rnéx&LVCX ·n TOÜ voü. L'authenticité du fragment n'est pas pour autant mise en cause ; il ne semble pas d'ailleurs qu'aucun historien ait jamais songé à la nier. Le texte demeure tout entier de la main d'Aristote ; mais seule la première proposition (la nature noétique de Dieu) y exprimerait la pensée de l'auteur; dans la seconde, il aurait, à côté de son propre point de vue, condensé l'essentiel de la théologie de Platon. Telle est l'explication proposée par E. Frank1, qui voit dans la relation de Dieu au voüç un aspect majeur de l' « opposition fondamentale » entre les deux philosophes. Bien mieux que la précédente, cette interprétation concorde avec la lettre du fragment : si le dessein d'Aristote a été d'opposer à sa propre conception celle de son maître, on s'explique qu'il ait usé de la formule disjonctive. Frank n'exploite pas les facilités que lui offrait la forme probablement dialoguée du Ilept eù;(rjç; mais il est concevable qu'ainsi entendue, la phrase conservée par Simplicius pourrait récapituler un échange de vues auquel Aristote se serait antérieurement livré avec Platon, interlocuteur habituel (suppose-t-on le plus souvent) des dialogues exotériques. L'important reste évidemment de savoir si Aristote pouvait légitimement attribuer à Platon d'avoir défini la divinité comme è1téxe~vcx n TOÜ voü; la réponse à une telle question exigerait une laborieuse enquête, qui se heurterait à la grande imprécision théologique des dialogues platoniciens ; on ne peut ici que se borner

(1) The FundamentalOppositionof Plato and Arùtotle, dans Amerkan Journalof Philo!ogy,61, 1940, p. 179, n. 60 ; les pages 178-180 produisent de nombreux textes du corpus destinés à montrer qu'Aristote n'a jamais admis l'existence d'un principe supérieur à l'intellect. Cette étude a été reprise dans E. FRANK,Knowledge,Will and Belief. collected Essays ed. by L. EDELSTEIN,Zürich-Stuttgart 1955, p. 86-119 et 470-485 ; mais je cite la pagination du périodique.

280

LE DIALOGUE SUR LA PRIÊRE

à quelques sondages, qui suffisent, semble-t-il, à donner corps à l'explication avancée par Frank. Le premier texte auquel on pense est naturellement celui de la Républ. VI 509 b, qui donne le bien pour différent de l'essence et la dépassant en dignité comme en puissance, &:'J.:A' ~TLÈ:1téxeL'\ICX. Tijç oûcrtcx.ç. oùx oùcrfo:ç/Snoç TOÜ&.ycx.0oü, Sans doute l'oûcr(cx.n'est-elle pas le vouç. Mais la présence du mot È:1téxeLvcx. (rare chez Platon en contexte philosophique) est notable, et donne à penser qu'Aristote, s'il vise Platon, devait avoir cette phrase en tête, au moins dans sa forme. Peut-être même dans son fond. Car les proches environs du passage offrent des traces d'une confrontation entre l'idée du bien et l'intellect : s'il n'est pas dit qu'elle le transcende, du moins lit-on qu'elle se situe au terme du connaissable et qu'on a peine à la voir (È:vTcj>yvwcrTcj>TEÀë:UTCX.[cx. ~ TOU &.ycx.0ou rnécx.xcx.t µ.6yLç VII 517 b), ou encore que la saisir par la pensée, opiicr0cx.L, .. ] Tcj>Tou c'est arriver au bout de l'intelligible (rn' cx.ÙTCÏ>[VO"IJTOU TéÀeL,53z ab). Bien plus, certains textes donnent à entendre qu'une certaine génération de l'intellect est accomplie par l'être ou par le bien, d'où l'on pourrait induire que ces principes sont effectivement È:1téxewocTL Tou voü : l'homme qui s'unit à l'être véritable engendre l'intellect (1tÀ"IJO"Loccrcx.ç xcx.tµ.Lydç Tcj>ISvTLISvTwç,yew~crcx.çvouv, VI 490 b) ; comme le soleil rend possible la vue, le bien rend possible l'intellect (T&.ycx.0àv[ ... ] np6ç n vouv, 508 be); l'idée du bien procure l'intellect (voüv 1tcx.pcx.crxoµ.évY), VII 517 c)1. D'autres dialogues platoniciens pourraient fournir divers éléments propres à compléter le témoignage de la République. Aux termes du mythe du Phèdre, la divine réalité supracéleste se laisse contempler par l'intellect, qui est dit sa nourriture (0ecx.nivcj>[... ] vcj>[... ] Tpeqioµ.év"/J, z4 7 cd).

(1) Voir l'interprétation de ces textes par A. D1Ès, Autour de Platon. E.r~ai.rde critiqueet d'hi.rtoirq,dans . Aussi est-ce de Platon, plus que du Protrept. d'Aristote, que serait inspirée la célèbre formule de CrcÉRON, Somn. Scip. 8, 2.6 : « Deum te igitur scito esse», selon Ch. JossERANn, L'âme-dieu. A propos d'un passage du « Songe de Scipion >>,dans l' Antiq. class., 4, 1935, p. 144-145. (1) Cf. G. FRANçms, op. cit., p. 263. (2) Comparer avec l'appréciation d'A. DrÈs, op. cit., p. 564: « Ainsi, pour la pensée platonicienne, on peut dire et l'on doit dire que !'Intellect est Dieu, mais que l'Être est plus divin que l'Intellect, parce que l'Être ou le divin est la source à laquelle Dieu lui-même participe >>.

OBJECTIONS CONTRE LA THÈSE DE FRANK

285

surprenant ; certes, Aristote n'a pas l'habitude de rien celer des thèses de ses adversaires ; mais, comme il l'a souvent rappelé1, il les considère comme des apories destinées à éveiller et à éprouver ses propres conceptions ; la logique veut donc qu'il énonce d'abord les opinions étrangères, au rebours de ce qui se passerait, veut-on nous faire croire, dans le cas présent. Enfin, si le II s:pt s:Ù X"1jç rapportait à Platon la notion d'un Dieu supérieur à l'intellect, cette attribution devait apparaître clairement dans le contexte, soit que la doctrine fût mise dans la bouche de l'interlocuteur platonicien du dialogue, soit par tout autre moyen ; ce point ne pouvait échapper, sinon à Simplicius, du moins à tel informateur intermédiaire encore capable de connaître l'environnement du fragment ; or, manifestement, Simplicius ne soupçonne en rien que la thèse de l'ènéxs:woc ''C"L't"OÜ voü ait été imputée à Platon, puisque c'est justement sur elle qu'il fait fonds pour poser qu'Aristote admettait l'existence d'une réalité supérieure à l'intellect et à l'essence ; le commentateur, notre seule source de renseignements touchant le contenu du dialogue, nous engage sans aucun doute à tenir pour aristotélicienne la seconde partie du fragment tout autant que la première 2 •

(1) Par exemple en De caeloI 10,279 b 4-12; cf. notamment 5-6: 8ii;~e:À06v-c-e:ç r:p6-rie;pov TCXÇTWV &"AÀwv u1toÀ'Î)•Jmç.Voir P. AuBENQUB, Sur la notion ari.rtotélicienned'aporie, dans Aristote et le.r problème.rde méthode, p. 8 (sur le caractère préalable de l'aporie doxographique) ; antérieure.r S. MANSION, Le rôle del' expo.réet de la critiquede.rphilo.rophie.r chez Ari.rtote, même recueil, p. 38 (sur le passage du De caelo). (2) Il faut ajouter que, comme veut bien me le rappeler le P. É. de Strycker, Platon, à la différence d'Aristote, n'entend pas par voüç l'intellect au sens d'une substance ou d'une faculté, mais toujours l'acte de !'intellection ou le savoir qui en résulte ; or, dans le fragment, par un emploi néoplatonicien avant la lettre, le mot semble bien désigner l'intellect comme hypostase ; c'est une raison supplémentaire de ne pas y voir la trace d'une opinion de Platon.

286

LE DIALOGUE SUR LA PRIÈRE

3. L'hypothèsed'une référenceà la théologiecosmiquede I' Arfrtote platonisant.

Peut-être existe-t-il un moyen de profiter des apports positifs propres aux explications antithétiques de Bernays et de Frank, tout en évitant les obstacles auxquels elles se heurtent ; autrement dit : de maintenir une notable inspiration platonicienne du fragment, sans renoncer pour autant à en rapporter à Aristote tout le contenu doctrinal. Il faudrait alors penser à l'époque initiale où le philosophe était encore imprégné de certains aspects du platonisme. L'idée n'est pas entièrement nouvelle. Elle fut lancée d'un mot, voilà quarante ans, par P. Friedlander 1 , qui voyait dans l'auteur du Ile: pt e:ôx_'Yj i; un « Aristote encore très platonisant ». Elle fut reprise récemment par R. A. Gauthier et J. Y. Jolif2, qui trouvèrent cette possibilité de concilier l'authenticité aristotélicienne du fragment avec la répugnance avérée de l'auteur du corpus aristotelicum pour toute divinité qui transcenderait l'intellect. A cette façon de voir, on peut espérer apporter, non pas une démonstration, mais les précisions et les indices favorables dont elle est encore démunie. On peut hésiter à tirer du corpusaristotelicumdes conclusions positives touchant la religion de son auteur. Mais il est hors de doute 3 qu'Aristote a traversé au moins (1) Platon, I : Eidos, Paideia, Dialogos, Berlin-Leipzig 1928, p. 73,

n.

1.

(z) Op. cit., p. 856 : (à propos d'Eth. Nk. X 6-9) ccEn ce sens, la contemplation aristotélicienne ne saurait être que strictement intellectuelle : son ambition est d'achever le sujet qu'est l'intellect, non de le dépasser pour atteindre, au-delà de lui, un objet transcendant. Au moment où il écrivait son dialogue De Ja prière, le jeune Aristote avait, il est vrai, retenu l'idée platonicienne d'un dieu qui serait TL-.oü vou [.••] Cette idée ne semble un au-delà de l'intellect, t1t&xe1voc plus apparaître dans ses écrits postérieurs ». (3) Notamment depuis A. J. FESTUGIÈRE, La révélation d'Herm~s Trismégiste, II : Le dieu cosmique, coll. « Études bibliques», Paris 1949, p. 219-259.

LA PRIÈRE

COSMIQUE

287

une période pendant laquelle les préoccupations religieuses, dans leur aspect non seulement théorique, mais affectif, n'étaient pas pour lui lettre morte : dans ce moment, qui se reflète dans son célèbre dialogue De philosophia, il traitait comme dieu l'univers pris dans sa totalité autant que dans ses principales parties, et il lui appliquait les honneurs divins, partageant en gros l'attitude du dernier platonisme et de l'ancienne Académie. Or il faut savoir que, comme l'a bien montré A. J. Festugière 1, cette religion cosmique était pour une part une piété exotique, importée d'Orient en Grèce ; à ce titre, elle ne se réduisait pas à une pure religiomentis, elle comportait aussi un culte. De ce culte, on trouve des traces dans l' Epinomi.r notamment, qui parle des honneurs (-nµ:l')-réov, 984a; 't"LfLVxix,' oùpixvàv[...] µix0dv[ ...] µè:xpi't"OU µ~ ~ÀM(jlî)fJ.ELV 7têpLwh&, [... ] èv sùxix!ç sùxoµè:vouçEûcrdi&ç, 821 cd') ; ailleurs, il évoque les prières traditionnelles adressées aux dieux (fü:o!ç sùxixtç 1tpocraiixÀEyoµè:vouç, X 887 e) chaque fois que se lèvent et se couchent le soleil et la lune. Et déjà le Banquet rapportait comment, au lever du soleil, Socrate fit sa prière à cet astre (1tpocrsu1;&µevoç 'rcj)·~Àt(p,220 a) 1 • Un autre document sur la prière cosmique est fourni par Théophraste ; il confirme accessoirement les vues de Festugière sur l'origine orientale de cette religion du monde ; car il concerne les Syriens qui, est-il dit, s'entretiennent de la divinité, s'adonnent de nuit à la contemplation des astres, levant les yeux vers eux et les invoquant par des prières 2 • Entre Platon et Théophraste se situe Aristote. Bien que l'on manque de tout témoignage précis, il est peu probable que ce philosophe ait pu apporter à la religion cosmique l'adhésion que l'on sait, sans s'intéresser à la prière qui en était inséparable. Dans ces conditions, il est permis de conjecturer que le Ihpt sùxljç pouvait avoir en quelque façon pour objet la prière cosmique. Le contenu du fragment s'accorde-t-il à cette hypothèse? C'est le moment d'examiner de plus près, dans sa structure grammaticale, la formule conservée par Simplicius : ô 0eàç ~ vouç ècr't"w~ xixt è:1tè:xsivoc 'ri -rou vou. On sait que la conjonction ~' répétée, disjoint d'ordinaire les termes

(1) Cf. E. R. DODDS, The Greeks and the lrrational, p. 220-221, et n. 70, qui montre, par le témoignage d'Hésiode, de p. 232-233, Sophocle et d' Aristophane, que cette prière astrale, certainement influ• encée par l'Orient, n'était pourtant pas étrangère à la tradition grecque. (2) THÉOPHRASTE, II. e:ùcre:odocç, fgt 13, 7-10 PoTSCHER,p. 172, = PoRPHYRE, De abstin. II 26 : xocTtt8è: 7t'ocnocTOÜTov-.àv xp6vov, &n qnMcroÇètppe:voi: Àe:uoucrocv, -Y)v-rtvoi: n-pocroi:yope:ue:t xoct Z'ijvoi:xoct m:pt-r-rèv xoct voüv, iScr-rt,;fo-rlv ocù-r0n-péi'>-ro,; 0e:6,;).Sans doute l'un et l'autre accordent-ils la nature divine à l'intellect, mais avec cette différence capitale que le premier établit cet Intellect au deuxième rang, tandis que le second le place au sommet de la hiérarchie et l'identifie à l'Un. Dans ces conditions, il est tentant de supposer qu'Aristote, - qui, dans ses œuvres scolaires (Metaph. A), se rangera nettement du côté de Xénocrate, - n'avait pas encore choisi entre les deux options à l'époque de sa fréquentation de l'Académie, et que le fragment du II. e:ùx'ij,; reflète cette indécision ; on pourrait même imaginer le II . e:ùX'ii,; antérieur aux prises de position de Speusippe et de Xénocrate, et que chacun de ceux-ci se serait engagé dans l'une des deux voies ouvertes simultanément par le dialogue, amorçant ainsi la double tradition dont on a vu quelques exemples. Dans sa minutieuse enquête, H. J. KRAMERa naturellement rencontré plusieurs des textes invoqués ci-dessus ; c'est ainsi qu'il traite du C. Cels. VII 38 p. 286-287 ; de CALCIDIUS,176 p. 278; d'ALBINUS, 10, 2 p. 381-382; il résume la position de ce dernier auteur de la façon suivante : « Gott, der entweder (reiner) Nus oder (Nus und) etwas über dem Nus ist » ; cette formule très élaborée correspondrait admirablement au sens du fragment aristotélicien tel que j'ai essayé de le dégager .rupra, p. 288-289.

CHAPITRE

III

LE DIALOGUE SUR LA PHILOSOPHIE

En 1962. et 1963 ont paru trois recherches importantes consacrées, dans des proportions diverses, au dialogue d'Aristote Ihp1. qnÀoaocp(ixç. L'une d'elles, menée par M. Mario Untersteiner1, est tout entière appliquée à cette œuvre perdue ; elle en présente les fragments de façon aussi complète que possible, et les accompagne d'un commentaire détaillé. Dans les deux autres, le De philosophia, sans être le thème unique, occupe une place prépondérante : il s'agit, d'une part, de l'ouvrage très documenté de M. Enrico Berti 2 sur la philosophie du « premier Aristote» ; d'autre part, du vigoureux article dans lequel M. Paul Moraux 3 a retracé l'histoire ancienne de la notion de « cinquième essence». Tous ces travaux sont de premier ordre, tant par la richesse de l'information

(1) ARISTOTELE, Della ft!osofia, Introduzione, testo, traduzione e commenta esegetico, collect. « Terni e testi ll, 10, Roma 1963. On ajoutera à cet ouvrage, qui en a d'ailleurs repris la substance, deux articles du même auteur : Arùtote!e LÀocroq>(ocç, dans Rivi.rta di Filo!ogia e di Istruz.. dau., 87, 1959, p. 1-23, et Il Ile:pl q>LÀocroq>tocç di Aristotele, I et II, même revue, 88, 1960, p. 337-362, et 89, 1961, p. 121-159. (2) La ftlo.roftadel primo Ari.rtotele, collect. de l'« Univ. di Padova, Pubblic. della Fac. di Lettere e Filos. », 38, Padova 1962 ; tout le chapitre IV, p. 3 1 7-409, concerne le De philos. (3) Art. quinta euentia de la Realencydopadiede PAULY-WrssowA, XXIV 1, 1963, col. 1171-1266.

304

LE DIALOGUE SUR LA PHIWSOPHIE

que par l'aisance de la mise en œuvre. Ils ne s'accordent pas toujours dans leurs conclusions ; mais ces divergences mêmes doivent être fécondes. A cette fin, il a paru utile d'interroger les trois historiens sur quelques-uns des principaux problèmes que pose encore le dialogue d'Aristote. Sans égaler l'ampleur de cette trilogie, d'autres études ont été publiées depuis sur certains aspects du même sujet ; leurs auteurs se nomment A. H. Chroust, C. J. De V ogel, I. Düring, H. J. Easterling, B. Effe, K. Gaiser, W. Haase, etc. ; on ne manquera pas, le moment venu, de faire état aussi de l'apport propre à chacun de ces savants. C'est seulement à cette condition que l'on peut espérer, dans les pages qui suivent, rendre exactement compte de l'interprétation que l'on donne aujourd'hui de la théologie du De philosophia, ... ou que l'on en devrait donner 1 •

L

LA

NOTION

DE NATURE

La considération de la >oral, I. -

[GRÉG.

JAMBLIQUE De 111y1I.I 15. -

JULIEN Oral. III 15-16. -

I88,

HÉRACLIDE Fgt 99

-

Jfi.

JUSTIN

HÉRACLITE B 62 D1BLs-KRAN2:. Apud

SEXTUS

III 230. -

u-J9. Hypotyp.

EMPIR.,

Dia/. fU1l1 Trypb. IV 1-3. - 20-2r. UusTIN], De re.rurr, 8. - I70.

JI•

JUSTINIEN Liber adu. Origenem, -

HÉRACLITE LE COMMENTATEUR Quaut.

homer. 24, 3-4. Hermeti,a

De opif dei I 10-11 et XIX 9. 1 19· Diuin. in.rtil. II 3, 8, - r79.

LUCIEN

41, 269

-

114.

LACTANCE

40-42.

Aullpius 37- - IJ,I (o). Corp. hermet. X 25. - 41•

XII 1. (o).

ro7.

VIII 6. - J21 ( 4). IX 4 et 11. - roS. -15, - 107, 268 (o).

PONTIQUE

WBHRLI.

u, 270 (2).

Vil. aucl. 14. -

40-42.

MACROBE HERMIAS In Plat. Pbaedrum 245 ,. -

I!J,

Comment. in Somn. Scip. II 6-11. Io9.

HIÉROCLÈS

MANILIUS

Comment. in Aureum ,armen I 41-46.

1. -

HIPPOLYTE

A.rlron. IV 886-895. -

MAXIME Philos. IV 4 h. -

Elen,bo.r IX 10, 6-12. -

47-49.

HOMÈRE Il. XXIII. - 71 ( o). Od. XI 90-91. - II2, IJ,I. - 601-603. - 94, IIO-II2,

DE TYR 40-42.

r74. - IJJ. - 3,, 2-4. - r14. - 5o, 3· - I?J• 1. -

NÉMÉSIUS

IRÉNÉE 1. -

IJI ( o).

MÉTHODE De resurr. I 34, - -4.

IJ,I-IJf,

Adu. haer. V 6,

12,

De nat. hom. 1, PG 40, 505 AB. r68.

IOI.

26

390

IDÉES GRECQUES

OLYMPIODORE In Plat. Akib. I comment., éd. Creuzer, p. 8, 21-9, 7. - II4. ORIGÈNE Comment. in Cant. &ant. II. 20I-202. - Epist. ad Rom. VII 4• - I8J, C. Cels. VII 38. - 299-Joo. VIII 17-18. - r90-r9r. - 30. - I78. De princ. III 6, 1. - 24-2;. In ]oh. XIII 33. - 1;6 (J). In Iud. hom. VI 5. - 178. In Num. hom. XXIV 2. - 18218J. Apud PHOTIUS,Biblioth. 234. 18;-186. PANAETIUS Fgt 83

VAN STRAATEN,

-

144.

PHILON De fuga et inuent. 8, 46. - 90-9r. De Io.repho14, 71. - 8;. De migr. Abrah. 33, 185-35, 195. - 89-9I, De .robr. 12, 60-13, 68. - 87. De sper. leg. I 2, 263-264. - 91-92. De uirt. 1, 187-188. - 88. Leg. alleg. I 29, 91. - rp (1). Quaest. in Gen. III 16. - 87-88. IV215.-88(0). Quis rer. diuin. heressil 57, 283. JJJ.

Quod det. pot. insid. soleat ;, 7-4, 9. - 88. Quod deus .rit immut. 11, 53-56. 28-29.

PINDARE 1-2. - I·

Ném. VI -

-

1,

-

1-11.

Schol. à Ném. VI

1. -

J6-J8. J8.

PLATON Apol. 36 c. - 79. Ion 534 b-d. - 222, 281. Lois VII 821 a-d. - 287-288. - X 896 d-899 b. - 292. - - 897 b. - 28J, 291-292. - - 899 d. - 221. - XII 959 ab. - 78-79. - 967 de. - 29J. Ménon 99 c-e. - 221, 281. Phèdre 230 a. - 118 (2). 255 d. 80. Philèbe 22 c-30 d. - 28J. Républ. VI 509 b. - 280, 291299. IX 588 b sq. - J,. - 589 d-591 a. - 22;. Théét. 176 b. - 8-10, 24. Tim. 30 b. - 94 (r). 42 b. - Jf8. 44 a. - JI (2). 90 a. - JJ8. -a-&. 22;. [?] fer Alcib. 129 e-133 c. - 72JJ. 130 e. - 71-76. 131 a. - 92. 132. d-133 c. - If, 192-1n. 1H be. - 221. 1H c. - 7, 16, 191-196, 284. 1 33 de. 92. [ ?] Epin. 977 a-988 a. - 287. 981 C, - Jll. 983 be. - 292. [PLATON], Axiocbos 365 b et e. 122 (2). 365 e-370 d. -78. ANoN., Proleg. philos. platon. XI 27, - l!J (1).

391

INDEX DES TEXTES CITÉS

PLOTIN Enn. I

-

7. - 98, 99. II 3, 9. - 100. III 5, 5. - 100-101.

-

N

-

-4, -7,

-

-

1,

98. 18. - 97. 1.-97. - 10. 6 ( 2). V 3, 4. -99. --7. -100. VI 7, 2-6. - 96-97. --20 et 22.. - 2J7. 3,

27. -

PLUTARQUE Adprinc. inerud. 3. -138 (4). Adu. Colot. 20-21. - 93. 21. 1J8 (2), De Jade 28-30. - 94. De /ibid. el aegril. 7. - 9J, [PLUTARQUE], De uita et poesi Hom. 123. - 134-13J.

Apud DroG. LAfl.RcE,VII 138139. - 148. ÉPIPHANE, Panar. III 2, 9. - 162 (r). GALIEN, De plaç, Hippo,r. et Plat. V. - 147, If7• JEAN LYDus, De 111en.r. IV 71. 148 (3). SÉNÈQUE,Epist. 87, 31-35. - 162-loJ. Epi.ri. 92, 10. 1JJ-1JO. Epi.ri. 92, 11-13. - 164. Epi.ri. 121, 1-3. - lJJ, Epis/. 121, 14. 1J9• SEXTUS EMPIR., Adu. mathem. VII 93. - 147.

PROCLUS

PORPHYRE Ad Marc. 8. 11.

-

13. -

19. 26.

-

10J. 106 (1). lOJ-106. 106 (r). 100 (1). I0J.

32, De abstin. I 29 et III 27. - I0J. Epist. ad Aneb., fgt II 11 SooANo. - 2J7 (J). Il.'l'OÜ rvCi6t IJOCU't'6v

I. - 102. IV. - 103-104. Sent. 32, 8 et 40, 5. - 104. Vita Plot. z, 25-27. - 10-11. POSIDONIUS Apud CrcÉRON, De diuin. I 30, 64. - 146-147. DroG. LAËRCE, VII 103 et 128. - 162.

In Plat. Crai, comment. 133. 113, In Plat. Remp. comment., éd. Kroll, I, p. 120, 22-26. - 110. In Plat. Remp. comment., éd. Kroll, I, p. 171, 20-172, 30, 111-112,

PROCOPE DE GAZA Comment.in Gen. II 7, -

174-171,

SÉNÈQUE Ad Mar,. de consol.25, 1. - 133. Epi.ri. 65, 24. - rp (o). 76, 9-10, - 133 (3). 92, 5• - 16J. 9-10, ll7-IJ8, - 14. - lof, 102, 22, IJJ (3), Fgt 123 HAAsE, - 134 (o).

392

IDÉES GRECQUES

SYNÉSIUS

SERVIUS 111 Verg. Aen. ,ommenl. II 772 et IV 6'4. - II2 (2).

SEXTUS EMPIRICUS Adu. maJhem. I

303.

-

IX 70. -

269 IJ,f.

-

71-74. I/2.

-

130-131.

(o). ( 4). IJI-

-

(r). XI 45. -

r48

6J (r).

SIMPLICIUS 111Ari.rJ. De ,114/o II 12, 2.92.b - 2JJ-2J8. Ibid., trad. lat. par GUILLAUME -

DE

II.

TERTULLIEN Adu. Marr. IV 37. V 10. -

r69-r70.

I2J r24 (o). 2-3. I 2J

(J)-

De an. 40, ( J)r 24 (o). D, re.rurr. ,arni.r 16. - I 2J ( J)r 24 (o). 34.-r70 (r). 40. - r69.

10.

(r). Commmf. in Epicl. Enchir., praef. - IJ7 (4). MoERBEJŒ.

Epi.ri. 139. -

THÉOPHRASTE De piel., fgt

260

13 PèiTSCHER.

28 8.

-

VARRON Anliq. rer. diuin. I,

fgt

12

h

AGAHD.

SPEUSIPPE Fgt

38 LANG.

-

IJO.

JOI (r).

Stoici

SVFII

1047. -

IJO (J).

XVI, fgt 3. r49. Liber dephilos., fgts 1-5 LANGENBERG. 66-67,

- III 96. - IJ2 (r). Apud ÉPIPHANE, Panar. I 5. -

II8, I2J-I 24. fgt 10, I 20, I/9 (2).

IJO ( J).

Diuin.

Îll.rJiJ. 14. Ps.-GALIEN, Hi.rtor. philos. 24. - r6o (r). SEXTUS EMPIR., Hypotyp. III 181. - IJ2. LAcrANCE,

III

18,

1-5.

-

XÉNOCRATE

I

Fgt

15 HE1NZE.

-

JOI

ZÉNON SVF I 146. -

r29-r30.

(r).

TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS..................................

IX

ABRÉVIATIONS

XI

INTRODUCTION.

I. -

USUELLES..........................

-

ANTHROPOLOGIE

ET THÉOLOGIE..

1

Une méprise à éviter. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1

La solidarité des représentations sur l'homme et sur Dieu, z, masquée par l'absence du mot anthropologia, 3.

Il.

Spéculations grecques et chrétiennes .......

.

1. Points de vue grecs .................. . 1. Le divin dans l'homme. . . . . . . . . . . . .

j

Deux races ou une seule?, 5. - « Le divin en nous », 7. - De la « parenté » à l'« assimilation », 8. - La dernière parole de Plotin, 10. 2.. De la connaissance de l'homme à la connaissance de Dieu. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

12.

La réduction du divin à l'humain chez Homère, 12 ; dans la théurgie, 13 ; dans la fabrication des statues magiques, 14. - La connaissance introspective de Dieu, 15. - Les présupposés de la statuaire anthropomorphe, 16.

3, Les deux théologies................ II. Points de vue chrétiens............... 1. Continuité du platonisme. . . . . . . . . . . L'immanentisme platonicien, parfois rejeté par les chrétiens, zo, mais plus souvent adopté, z 1.

18 2.0 2.0

394

IDÉES GRECQUES

2.. Deux apports fondamentaux........

2.2.

sur