Éléments de grammaire générative, applications au français

À partir des travaux de Noam Chomsky, la théorie générative et transformationnelle s'est développée depuis près de

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French Pages [145] Year 1975

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Table of contents :
Couverture
Page de titre
Avant-propos
Chapitre 1 - Principes et méthode du distributionnalisme
1.1. Principes
1.2. La méthode
1.3. L'analyse en constituants immédiats
Exercices
Chapitre 2 - Les grammaires indépendantes du contexte
2.1. Notations
2.2. Dérivations et arbres
2.3. Les ambiguïtés
2.4. Les contraintes auto-enchâssées
2.5. Les dérivations à droite et à gauche
Exercices
Chapitre 3 - Le modèle syntagmatique
3.1. Définitions
3.2. Les règles dépendantes du contexte
3.3. Les permutations
APPENDICE
Exercices
Chapitre 4 - Le constituant Temps et une transformation obligatoire : [T affixe]
4.1. Analyse du système verbal français
4.2. Le constituant « temps » dans le modèle syntagmatique
4.3. Une transformation obligatoire : (T affixe)
4.4. Problèmes annexes
Exercices
Chapitre 5 - Le passif
5.1. Le passif en grammaire traditionnelle
5.2. La transformation passive
5.3. Le complément d'objet direct
Exercices
Chapitre 6 - Le modèle transformationnel
Chapitre 7 - Les propositions complétives
7.1. Les cadres
7.2. Les complétives sont des syntagmes nominaux
7.3. La structure de base des complétives
7.4. La transformation [p.c.z]
Exercices
Chapitre 8 - Transformations sur les complétives
8.1. Transformation de réduction de complétive
8.2. Transformation de formation d'objet (F.O.)
8.3. Transformation d'extraposition des complétives
Exercices
Chapitre 9 - Problèmes de syntaxe
9.1. Adjectifs et participes passés
9.2. A propos de savoir et connaître
9.3. « La règle de cacophonie »
INDEX DES TRANSFORMATIONS
BIBLIOGRAPHIE
CORRIGÉS ET ÉLÉMENTS DE SOLUTIONS DES EXERCICES
Table des matières
Quatrième de couverture
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Éléments de grammaire générative, applications au français

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Dans la collection "Linguistique" dirigée par Jean-Claude Chevallier et Simone Delesalle : Andrée Borillo, Francoise Soublin, Joëlle Tamine, Exercices de syntaxe transformationnelle du francais. Christian Nique, Initiation méthodique à la grammaire générative. H.-E. Brekle, Sémantique. Emmon Bach, Introduction aux grammaires transformationnelles. Régine Robin, Histoire et linguistique. André Jacob, Genèse de la pensée linguistique. R.H. Robins, Linguistique générale : une introduction. Chez le même éditeur : A. Martinet, Eléments de linguistique générale. D. Girard, Linguistique appliquée et didactique des langues.

ÉLÉMENTS DE GRAMMAIRE GÉNÉRATIVE : APPLICATIONS AU FRANÇAIS /

Lélia Picabia

ÉLÉMENTS DE GRAMMAIREGÉNÉRATIVE APPLICATIONS AU FRANCAIS /

LIBRAIRIE ARMAND COLIN 103, boulevard Saint-Michel Paris-V

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part que les «copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, «toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite» (alinéa 1er de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. @ LIBRAIRIE ARMAND COLIN, PARIS, 1975

Avant-propos

Ce livre est, à l'origine, un cours fait à l'Université de Paris VIII. Il s'adresse à des étudiants et à des enseignants qui voudraient s'initier à la grammaire générative et à ses méthodes d'analyse en syntaxe. Cet ouvrage se veut essentiellement pédagogique. Les problèmes étudiés sont limités au français. Une série d'exercices sont proposés, ou bien pour permettre d'acquérir un certain mécanisme dans la manipulation de règles, ou bien pour proposer quelques points de syntaxe à analyser dans le cadre des théories transformationnelles. La théorie générative et transformationnelle s'est développée depuis presque vingt ans principalement au Massachussetts Institute of Technology, à partir notamment des travaux de Noam Chomsky. Cette théorie, peu étudiée en France avant 1965, a introduit un renouvellement dans les méthodes pédagogiques d'enseignement du français. Il revient à Jean Dubois, à Maurice Gross et à Nicolas Ruwet le mérite d'avoir introduit en France cette théorie linguistique par la publication de leurs travaux. Je tiens à remercier ici tous ceux qui m'ont aidée à mener à bien cet ouvrage et en particulier : —Maurice Gross qui a accepté de relire certains chapitres et conseillé quelques remaniements. - Jean-Claude Chevallier et Simone Delesalle qui m'ont encouragée. —Jean-Paul Boons qui a pris la peine de relire le manuscrit. —A. Meunier qui m'a aidée à mettre au point un certain nombre d'exercices.

Chapitre 1

Principes et méthode du distributionnalisme

Le linguiste américain L. Bloomfield propose, en 1933, une théorie générale du langage. Celle-ci, systématisée par ses élèves sous le nom de Distributionnalisme a dominéjusqu'aux années 1950 toutes les recherches en linguistique. Pour L. Bloomfield, tout comportement humain est prédictible à partir des situations dans lesquelles il apparaît, y compris un acte de parole, type particulier de comportement humain. Si le linguiste se propose, entre autres, de décrire une langue naturelle donnée, l'anglais par exemple ou le français, il lui faut rassembler un matériau de travail qui puisse être conçu comme un ensemble d'actes de parole. Cela revient d'abord à réunir un corpus, c'est-à-dire un ensemble, aussi varié et aussi exhaustifque possible, d'énoncés émis par les sujets parlant une langue donnée. Devant ce corpus, la tâche du linguiste est de faire apparaître des régularités. Les régularités seront des constantes d'apparition de phénomènes syntaxiques, dans des conditions déterminées, que l'on peut analyser et définir. Ces régularités donneront une image de la structure de la langue. Ces premiers types de recherches ayant été faites sur des langues non écrites, en particulier les langues amérindiennes, il semblait préférable de ne pas travailler à partir du sens des énoncés. Puisque le recours au sens était exclu, une façon d'aborder la recherche des régularités était d'étudier les contextes ou environnements des énoncés du corpus, et des éléments formant ces énoncés. Z. S. Harris est sans doute le linguiste qui a poussé le plus loin la formalisation des problèmes pour la recherche de ces régularités. Z. S. Harris est un des linguistes les plus importants de la linguistique contemporaine. En 1950 paraît Methods in Structural Linguistics qui synthétise l'ensemble de ses recherches. Elles seront ensuite le point de départ

des théories génératives et transformationnelles. Aussi abordons-nous l'exposé des principes et méthode du distributionnalisme à partir des ouvrages de Z. S. Harris et plus particulièrement de Structures mathématiques du langage. 1.1. Principes

Les principes du distributionnalisme, tels que les expose Z. S. Harris, reposent sur quelques propriétés fondamentales du langage1. 1.1.1. Le langage estformé d'éléments discrets On pourrait définir le caractère discret d'un élément quelconque comme une coupe faite dans un continuum, tels les nombres entiers (0, 1, 2 ...) dans l'ensemble continu des nombres réels. De même, dans le continuum physique que représente le flux verbal, l'analyse du langage reconnaît des éléments discrets. La plus petite unité discrète reconnue est le phonème. En fait ces unités sont comme des pièces de mécano qui peuvent se combiner entre elles pour donner des constructions plus importantes, des unités supérieures, des morphèmes, des mots, des séquences de mots... Les phonèmes sont les plus petites unités non significatives et leur description dans le système phonologique d'une langue donnée peut se faire en termes d'éléments définis par certains composants physiques. Soit (p) par exemple, occlusive (l'air est retenu à un moment donné et sort en explosant), bilabiale (le locuteur utilise les deux lèvres), sourde (l'air ne fait pas vibrer les cordes vocales); la variation d'un des composants entraîne un changement qualitatif. Si le caractère sourd devient sonore (l'air fait vibrer les cordes vocales) on obtient (b). 1.1.2. Le langage estformé d'éléments arbitraires Lorsqu'un énoncé est émis, l'auditeur le «décode »à l'aide des éléments qu'il possède, c'est-à-dire des morphèmes, phonèmes, règles syntaxiques. L'auditeur, devenant locuteur à son tour « reproduit » le message avec ces mêmes éléments. Ceci implique que tout sujet parlant doit acquérir, au cours des années d'apprentissage du langage, à reconnaître un ensemble de faits grammaticaux : les structures de la langue, ou en d'autres termes, les éléments discrets de la langue et leurs lois de combinaisons. Les sujets parlants apprennent une suite arbitraire de sons. En effet s'il existait une relation directe entre sens et sons commedans les onomatopées, l'instabilité du système 1. L'exposé qui va suivre est tiré des deux premiers chapitres de Z. S. Harris (17).

d'une langue serait grande. Les sujets parlants ne seraient pas forcément d'accord sur ces relations. Le système ne pourrait être vraiment appris, ni rester identique, et la communication, dans la mesure où elle pourrait se faire, comprendrait un maximum d'erreurs. A ces suites arbitraires de sons, sont associées des significations selon le type de combinaisons dans lesquelles elles entrent. Du fait que l'on peut considérer la langue comme des séries de combinaisons d'éléments, discrets, arbitraires —dans la mesure où le lien au sens l'est — on peut traiter ces éléments comme des objets mathématiques, et décrire la langue d'un point de vue formel. De ces propriétés sur les éléments du langage Z. S. Harris déduit quelques principes combinatoires. 1.1.3. Le caractère linéaire etfini des combinaisons d'éléments Z. S. Harris définit un morphème comme une séquence de phonèmes, un mot comme une séquence de morphèmes, une phrase comme une séquence de mots, et un discours comme une séquence de phrases1 ; ainsi la phrase Le chat amusait Pierre est susceptible d'être décomposée en une séquence de mots : Le, chat, amusait, Pierre. Chaque mot est alors décomposé en une séquence de morphèmes, le mot pouvant coïncider avec un morphème. C'est le cas des mots de notre exemple, excepté le mot amusait : le, chat, amus-, ait, Pierre. Chaque morphème enfin est décomposé en une suite de phonèmes : (la, fa, amvz, s, pjer) Ainsi tout énoncé linguistique est une combinaison d'éléments ordonnés linéairement. 1.1.4. Une séquence d'éléments qui est une phrase a un début et une fin Une phrase est donc de longueur finie. Mais si toute phrase est de longueur finie, il n'existe pas de limite supérieure à cette longueur. Par exemple, supposons une règle qui prend les éléments cette, rouge,fleur, est, pour donner la phrase : Cettefleur est rouge. 1. La définition du morphème comme une combinaison de phonèmes, du mot comme une combinaison de morphèmes est celle de Z. S. Harris.

D'autres règles peuvent intervenir pour placer les éléments jolie et très afin d'avoir : Cettejolie fleur est très rouge. Ces mêmes règles peuvent se répéter et l'on aurait : Cettejolie fleur est très très rouge. ou Cettejolie joliefleur est très rouge. ou Cettejolie jolie fleur est très très rouge et ainsi de suite indéfiniment, où la phrase, toujours finie, est aussi longue que l'on veut. Il s'ensuit que l'ensemble des phrases d'une langue est infini, puisqu'il est toujours possible de coordonner des noms, d'ajouter à chacun de ces noms une relative, ou de répéter des mots tels que très. Cet ensemble infini de phrases peut être alors décrit par un ensemble fini de règles, mais des règles récurrentes. S'il n'en était pas ainsi, c'est-à-dire si les règles et les opérateurs formant ces règles n'étaient pas en nombre fini, il serait impossible que les individus d'une mêmecommunauté linguistique aient un fond commun d'éléments grammaticaux pour communiquer. En effet, s'il y avait un nombre infini de règles syntaxiques ou d'éléments grammaticaux, les sujets parlant la même langue pourraient ne pas avoir le mêmefond commun de règles, puisque le nombre en serait infini. La communication deviendrait par là même impossible. Les restrictions sur les combinaisons d'éléments Une première définition des morphèmes et des phrases a été donnée, comme étant respectivement une combinaison de phonèmes, et une combinaison de morphèmes. Mais toute combinaison de phonèmes ne donne pas nécessairement un morphème, et toute combinaison de morphèmes ne constitue pas nécessairement une phrase. Certaines combinaisons sont permises et d'autres non, ce que montre le tableau ci-dessous, où l'on a recherché toutes les combinaisons de trois phonèmes à partir de Ifl, Ikl, /a/.

Sur ces 27 combinaisons, seules les combinaisons (8), (16), (21) donnent un morphème du français : /fak/ = «lac»; /kaf/ = «cal»; /ala/ = «alla». Cependant, on ne peut dire que toutes les autres combinaisons sont interdites, (15) par exemple est une syllabe possible du français : /kla/ = cla dans claque,

clapier etc. Les combinaisons (3), (7), (17), (20), (22), (24) sont des suites que l'on retrouve à l'intérieur de morphèmes du français :

Il n'existe pas de consonnes ou de voyelles géminées en français sauf aux frontières de mots (23), donc les combinaisons (6), (9), (12), (18), (19), (23), (25), (26) ne peuvent se trouver que dans des combinaisons de morphèmes, par exemple : (6) : /Ha/ dans /bbaUamyz/=«le ball'amuse». Les combinaisons strictement interdites sont marquées d'une étoile (*). Onpourrait refaire cetravail et montrerquetoute combinaisondemorphèmes ne donne pas une phrase. Sur les 27 combinaisons de 3 éléments, à partir de le, garçon, dort, seule la combinaison legarçon dort est permise1. Nousne donnons qu'un fragment du tableau, le reste pouvant se reconstituer facilement :

1. En ce qui concerne les règles phonologiques du français, voir S. Schane (22), « Rules of truncation ». 2. Nous avons mis un point d'interrogation devant la suite le garçon le, car elle pourrait être le début d'une phrase comme : le garçon le voit.

La question que l'on peut se poser est alors de distinguer les séquences permises de celles qui ne le sont pas; ce problème consiste finalement à rechercher les régularités dans les séquences permises, et à constituer des classes, classes de phonèmes, de morphèmes, de groupement de morphèmes (ou syntagmes) et classes de phrase. 1.2. La méthode Rechercher les régularités revient à établir les occurrences relatives des différents éléments d'un corpus donné, c'est-à-dire comment ces éléments apparaissent, à côté de quels autres éléments ils figurent, quels sont, en d'autres termes, leurs environnements. Le résultat devra être un tableau indiquant l'ensemble des schémas d'occurrence à travers tout le corpus, c'est-à-dire leur distribution. Prenons par exemple le corpus restreint d'un dialecte aztèque1 : (a) nikita (b) kita (c) kinita (d) kitas (e) kitak (f) tikinita (g) nikitak (h) nikinitak et les deux définitions de Z. S. Harris (15). (1) Une séquence est dite indépendante si elle peut figurer ou non dans un environnement identique (...) et si, dans un environnement donné, cette 1. Nous avons éliminé du texte le sens des séquences pour montrer que l'on peut arriver à un découpage en morphèmes sans référence aux significations des énoncés étudiés. Si l'on considère le sens des séquences = «Je le vois» (a) nikita (b) kita = «Il le voit» (c) kinita = «Il les voit» (d) kitas = «Il le verra» (e) kitak = «Il le vit» (f) tikinita = «Vous (sg.) les voyez» (g) nikitak = «Je le vis» (h) nikinitak = «Je les vis» les conclusions sont les suivantes : —ita est le radical du verbe voir. - ni et ti correspondent respectivement àje et vous (forme de politesse) ; Il est un morphème zéro. —k/ -ita et kin sont respectivement le et les - k/ - ^, s correspondent respectivementà un imparfait et à un futur. Leprésent n'est pas marqué.

séquence peut être remplacée par une autre. Cela revient à dire que C et D sont des morphèmes de la même classe, s'ils commutent dans le même environnement A —B. (2) Si les substituts d'une séquence sont partiellement identiques, on est fondé à distinguer la portion identique d'une part et la portion non identique d'autre part. Aprésent comparons : I— (a) et (b) : nikita, kita. On isole ni de kita. On obtient un constituant ni/i= —kital, mais on ne peut rien dire de plus pour kita (déf. 1). II— (b) et (c) : kita, kinita. On obtient k et km/^ —ita, constituants d'une même classe et ita (déf. 1). III— (b), (d), (e) : kita, kitas, kitak. On reconnaît kj# —ita. On isole s et k/ita— constituants d'une même classe (déf. 1). IV— (a), (b), (f) : nikita, kita, tikinita. La définition (2) permet de distinguer k de in dans le constituant kin, ni et tij i= —k, constituants d'une même classe sont isolés (déf. 1). V - Si on pose X = Y = ^ k j* Z = t Sj* onpeut réécrireles phrases du corpus et en donner la composition :

En résumé, la procédure employée consiste essentiellement en des répétitions de substitutions : si à une forme C, dans un environnement A —B, on peut substituer une forme D, et que les séquences ACBet ADBapparaissent dans la langue, on peut dire en général que Cet Dfont partie d'une même classe de morphèmes, ou plus généralement d'une classe de séquences de morphèmes. Les morphèmes uniques de la classe sont alors simplement des cas particuliers 1. (a) ni/ —kila ou plus généralement X/A —Bs'interprète comme suit : un élément Xdans le contexte A—B. (b) =1=est le symbole pour représenter les frontières de mots ou de séquences. 2. Les accolades veulent dire que l'on considère soit l'un, soit l'autre des éléments, maisjamais les deux à la fois.

où la séquence ne comporte qu'un seul morphème. Le résultat de ce travail indique la composition des phrases, plus précisément la distribution des classes d'équivalences. 1.3. L'analyse en constituants immédiats Étant donné la procédure de substitution définie précédemment, on peut donner une représentation de la structure de toute phrase. Le linguiste qui étudie sa langue maternelle utilise non seulement un corpus d'énoncés, mais aussi le « sentiment linguistique » de sa langue, il travaille sur des énoncés parallèles, en substituant, dans la phrase à décrire, un élément ou une séquence d'éléments à une séquence de cette phrase, le résultat de la substitution devant être une phrase de la langue. Dans ce cas, le recours au sentiment linguistique fait intervenir, dans une certaine mesure, le sens des phrases. Cette procédure de substitution n'est possible que si l'on travaille sur un corpus de sa langue maternelle ou d'une langue parfaitement assimilée. Cette procédure est en quelque sorte équivalente à la précédente où l'on ne travaillait que sur les environnements, mais elle est plus rapide. Soit l'exemple : P = le petit garçon regardait le chat. (I) : Pierre, il, l'enfant... sont substituables à le petit garçon, le résultat est encore une phrase : ' lepetit garçon * Pierre >regardait le chat regarde Det —> le Adj —> petit La différence entre cet ensemble de règles et l'ensemble de règles du chapitre précédent n'est pas due à un jeu d'écriture, qui remplace «se constitue de » par une flèche. La différence vient d'une autre optique que l'on a de l'objet étudié. En travaillant sur un corpus, on fait des classifications d'inventaire; les objets P, SN, V, Det, Adj... sont des objets définis mécaniquement par une règle de procédure, des objets définis en extension. Chomsky fait de la linguistique une science théorique. On ne travaille plus sur un corpus, mais à partir d'un nombre limité de faits (des phrases en l'occurrence). De ces faits on tire une hypothèse, la façon dont la grammaire s'organise. Si l'hypothèse estjuste, cette grammaire devra vérifier les faits de départ et prédire de nouveaux faits, c'est-à-dire l'ensemble des phrases de la langue étudiée. Les règles de cette grammaire sont de la forme X —> You X est P, SN, V, Det, Adj... Ces éléments ne sont plus des « objets »définis en extension mais des symboles. Le symbole P a un statut particulier. C'est l'axiome «phrase ». En effet, on ne part pas d'une définition de la phrase lorsque l'on réunit les faits de départ, mais on pose que tout individu parlant sa langue maternelle est capable de dire si une séquence est ou non une phrase. Le sentiment linguistique est très sûr. Quiconque ayant le français pour langue maternelle reconnaît que (1) est une phrase : (1) la table est blanche, et que (2) n'en est pas une : (2) *table blanche la est. L'ensemble des symboles SN, SV, N, V, Det, Adj... définit la partie de la grammaireappeléele vocabulaireauxiliaire (VA).Levocabulaireest unensemble qui comprend de fait toutes les catégories grammaticales. L'ensemble de tous les morphèmes du langage à décrire (regarde, le, la, garçon, ...) constitue le vocabulaire terminal (Vx). Une grammaire indépendante du contexte est alors définie par trois ensembles : l'ensemble contenant comme seul élément

l'axiome (A), le vocabulaire (V), union du vocabulaire terminal (VT) et du vocabulaire auxiliaire (VA), et l'ensemble des règles (R) :

Notons que P fait aussi partie du vocabulaire auxiliaire VA.

Les paragraphes suivants s'articulent autour de quelques exemples de C-grammaires dont l'étude doit faire apparaître quelques notions essentielles sur les langues naturelles. 2.1. Notations Soit

Le langage décrit par cette grammaire est le langage L noté L(G1). (On lit « Lde »). L(GJ est l'ensemble de toutes les séquences produites par Gi soit l'ensemble {anbn : n > 0 }1 Par convention nous présenterons désormais les grammaires sous une forme simplifiée : on

1. Nous donnons la formule générale du langage (Gj) pour que l'exemple soit complet. La méthode pour arriver à ce résultat est celle suivie dans l'exemple 2-2 (grammaire G2). Disons que L(G,) est formé d'un nombre infini de séquences ayant toutes la même forme : une suite d'un nombre quelconque de a, suivie de la même suite de b.

On peut toujours reconstituer l'axiome et l'ensemble V. L'axiome est le symbole de gauche de la première règle1. Pour les grammaires formelles (par exemple (G,», le vocabulaire auxiliaire est l'ensemble des symboles écrits en lettres majuscules, et le vocabulaire terminal, les éléments écrits en lettres minuscules2. 2.2. Dérivations et arbres

Pour obtenir une phrase du langage décrit par (G2), soit L(G2), on remplace successivement, à partir de la première règle, un symbole auxiliaire de droite par ce que dit une règle de la grammaire jusqu'à ce que l'on obtienne une séquence terminale. Soit la dérivation de la phrase a a c b bac b :

Ainsi II est obtenue à partie de 1en remplaçant Rpar a Rb par application de la règle R - a R b. III est obtenue en répétant la même opération. IV utilise la règle R —> c et Vla règle R —> a Rb. VI est la séquence terminale. Il n'y a plus aucun symbole du vocabulaire auxiliaire qui permette d'appliquer une règle de (G2). Toutes les séquences dérivées de (G2) ont la même forme : une suite d'un nombre quelconque dea, suivie dumêmenombre debde part et d'autre d'un c, puis à nouveau une autre suite de a, suivie du même nombre de b, de part et d'autre d'un c. Donc le langage décrit par (G2) sera l'ensemble de toutes les séquences amcbmancbn. Laplus petite séquence étant cc on obtient : L(G2) = {a' cbman cbn : n, m^ 0 } 1. La notion de première règle est en vérité fausse puisque les règles ne sont pas ordonnées. Par convention, on écrit toujours en premier la règle ayant l'axiome. 2. Éléments de bibliographie pour une étude des grammaires « context-free » : Chomsky, Miller (7), Gross (10), Gross-Lantin (14).

Achaque séquence, on peut associer un graphe sous forme d'« arbre ». Soit l'arbre de la séquence a a c b bac b :

Achaque symbole auxiliaire se trouvant à la gauche de « —> », correspond un « noeud »de l'arbre. Souschaque nœud, les « branches »qui sedéveloppent déterminent une suite de symboles correspondant à la « réécriture » (i.e. la partie droite) de la règle. Quand tous les nœuds sont devenus des nœuds terminaux, la lecture de la séquence décrite se fait de gauche à droite. Pour chaque séquence, on a plusieurs dérivations possibles, mais un seul arbre. La séquence a c b c est obtenue par 3 dérivations :

C'est-à-dire qu'il y a pour a c b c trois dérivations différentes entre elles par l'ordre d'application des règles et aboutissant au même résultat final, mais il n'y a qu'un arbre et un seul.

Les arbres sont associés aux dérivations. Pour une séquence donnée, les différentes étapes des dérivations possibles correspondent aux analyses de l'arbre de la séquence. Les analyses sont des coupes faites vers les branches sans passer par les nœuds. Si l'on part de l'axiome jusqu'à un nœud terminal, on trace un chemin dans l'arbre, par exemple le chemin (double arête sur le dessin) P - R-b. Uneanalyse ne doit pas passer deux fois par le mêmechemin. Nous marquons d'une étoile le tracé dans l'arbre ci-dessus. La lecture des symboles immédiatement sous la ligne coupant l'arbre constitue l'analyse, soit la séquence a c b c.

Analyse (1) : RR, étapes (a) (e) (i) des dérivations

(1)

Analyse (2) : a Rb R, étapes (b) (f) des dérivations ,(2)

Analyse (3) : a Rb c, étapes (c) (k) des dérivations (3)

Analyse (4) : a c b R, étape (g) des dérivations (4)

Analyse (5) : Rc, étape ü) des dérivations (5)

Analyse (6) : a c b c, étapes (d) (h) (1) des dérivations (6)

Les analyses (1), (2), (3), (4), (5), (6) sont toutes les analyses possibles faites dans l'arbre de la séquence a c b c de L(G2). Toutes ces définitions sont immédiatement transposables sur un exemple linguistique. Soit (G1) (cf. exemple 1). Cette grammaire décrit la phrase : le garçon mange le gâteau. Une des dérivations possible de cette phrase est : P - SN SV SN V SN Det N V SN le N V SN le garçon VSN le garçon mange SN le garçon mange Det N le garçon mange le N le garçon mange le gâteau. L'arbre associé à cette phrase est : (7)

Deplus, les arbres permettent de définir en termes de certaines configurations, les notions de fonctions et de relations grammaticales, par exemple est sujet de la phrase le SN directement rattaché au nœud P; l'analyse (7) donne une analyse de la structure de la phrase en sujet, verbe, complément direct. 2.3. Les ambiguïtés Il existe des cas où, pour une séquence donnée, différentes dérivations sont associées à des arbres différents. Ces séquences sont autant de fois ambiguës qu'il y a d'arbres. Soit (G3) :

La séquence a a a c a est trois fois ambiguë par rapport à (G3). Les dérivations de cette séquence sont :

(1)

(2) (3) Trois arbres sont associés à ces dérivations :

L(G3) est ambigu par rapport à la grammaire (G3), mais non par rapport à d'autre C-grammaires. Soit (G3) = P —> a P a P— Q Q> a Q Q —> c Le langage décrit est l'ensemble des séquences { am c an : m, n ^ 0 }

L'arbre qui correspond à la séquence a a a c a est unique :

Il existe des C-Langages qui sont ambigus quelles que soient les C-grammaires qui les décrivent. Dans ce cas le langage est dit avoir une ambiguïté inhérente. C'est le cas par exemple du langage {x x y y }où x et y sont des séquences quelconques de a et de b (soit a b b a a a par exemple) et ou de a(a a a a) ou de b(b bbbb b). x est l'image «miroir »de x et y l'image «miroir »de y. Par image miroir on entend la séquence inversée : si a a ba best une séquence, b a b a a en est l'image miroir1. Les langues naturelles possèdent d'innombrables phrases ambiguës. La grammaire doit avoir des règles qui puissent décrire ces ambiguïtés. Un exemple parmi d'autres de phrase ambiguë pourrait être : La cheminée de cette usine qui se dresse au loin est rouge. Les deux interprétations du sujet de la phrase sont (a), « la cheminée se dresse au loin », et (b), « l'usine se dresse au loin ». Intuitivement on pourrait associer à ces deux interprétations les arbres suivants (mais d'autres solutions sont possibles).

(1)

1. Chomsky donne comme exemple linguistique d'une construction en image miroir les phrases en Si Pl alors P2. (cf. Chomsky (4) (5)).

(2)

A (I) correspondrait l'interprétation (a) et à (II), l'interprétation (b). Le fragment de grammaire décrivant ceci serait :

2.4. Les contraintes auto-enchâssées Décrire l'analyse syntaxique d'une phrase, c'est décrire les dépendances entre les différents éléments de cette phrase. La forme même de certaines des règles desC-grammaires, permetderendrecomptedecontraintes entredeuxéléments, contraintes binaires qu'on pourrait appeler contraintes en «arche»1. Soit la grammaire (G4)

Une règle telle R —> bRbplace automatiquement deux bde part et d^autre d'un ou de plusieurs éléments précisés ultérieurement par les autres règles de la grammaire.

1. Le terme : contraintes « en arche » est de M. Gross.

Ces deux b sont dépendants l'un de l'autre et reliés entre eux par un type de contraintes suggérées par les branches de l'arbre et quel'on pourrait symboliser par « l'arche » suivante : ... b R bi ... Dans la séquence a a b c b a a de L(G4), les a et les b sont liés entre eux par 1 une série d'« arches » qui ne se croisent pas :

Arbre de la séquence

La description des dépendances des éléments de la séquence a a b c b a a suggère un autre type de phénomènes : l'auto-enchâssement des éléments. Lorsque nous avons une règle du type P —> a Qa, le symbole auxiliaire Q peut être le point de départ d'une dérivation. On dira que Q est enchâssé dans P. Qpeut se réécrire en a Qa et le processus peut se répéter indéfiniment. Le symbole auxiliaire Q est un symbole auto-enchâssé, lui-même enchâssé dans P. Le mécanisme se répète pour le symbole auxiliaire R(Q —>• b Rb; R —> bRb), R, symbole auto-enchâssé, lui-même enchâssé dans Q, symbole auto-enchâssé, lui-même enchâssé dans P. La grammaire correspondante est une grammaire auto-enchâssée. Les contraintes en «arche »et l'auto-enchâssement d'éléments correspondent à certains phénomènes syntaxiques des langues naturelles. La concordance des temps en français en est un exemple. Soit : Pl = Pierre voit que Paul boit. On a un présent de l'indicatif pour le verbe de la principale (voit) et de la subordonnée (boit). On ne peut avoir dans la subordonnée un verbe au subjonctif comme dans la phrase Pierre veut que Paul boive. Il y a donc une dépendance entre les deux temps, respectivement celui de la

principale et celui de la subordonnée que l'on peut suggérer par la figure suivante : Il en est de même pour la phrase (P2). Dans la phrase Des que Pl alors P2, nous obtenons une série de contraintes «en arche ». Un exemple de symbole auto-enchâssé, pourrait être SN, dans la règle SN —> SN de SNde la grammaire (G,). 2.5. Les dérivations à droite et à gauche La règle SN - SN de SN permet de dériver une infinité de syntagmes nominaux. Les arbres peuvent se ramifier soit à droite (fig. 1), soit à gauche (fig. 2), soit à droite et à gauche (fig. 3).

Fig. 1

Fig. 2

Fig. 3

De façon plus générale, un symbole auxiliaire Xest dit récursif à droite s'il existe un élément cpnon nul, tel que X —> X SN Rel est récursif à gauche, de sorte qu'avec le fragment de grammaire (G3) on pourrait avoir des dérivations dont la représentation en arbre serait par exemple :

la phrase le chou que la chèvre que le loup que le chasseur a tué a dévorée a mangé manque de vitamines. est ininterprétable, elle est formée d'une série de relatives enchâssées à gauche :

Seul, l'enchâssement de la lre relative (I) donne une phrase possible (représentée fig. 4). En résumé, la grammaire à construire est conçue comme un ensemble de règles de la torme X - Y.Cette grammaire assigne à chaque phrase de la langue une description structurale que l'on peut représenter par un graphe (l'arbre).

Si la phrase est n fois ambiguë, la grammaire devra assigner n descriptions structurales. Certains types de règles devront permettre de décrire les contraintes des langues naturelles, comme l'auto-enchâssement de symboles, les dérivations à droite et à gauche, les ambiguïtés. Exercices 1 Soit la grammaire GA:

Quelles sont parmi les séquences qui suivent celles qui ne peuvent être engendrées par GA:abcba, a b b c b b b a, a a b b c h a a, a a abc b b a a a, abc b b a, a a b b c b b b a, aaaabbcbbbbaaaa. 2 Soit la grammaire GB:

Les séquences a a a a a a, bbbbbbbb, engendrées par GBsont ambiguës. Donner pour chacune des interprétations une représentation sous forme d'arbre. 3 Trouver le langage décrit par les grammaires Gcet GD:

4 Trouver une grammaire qui décrit chacun des langages suivants : L(GE) = {a" c an; n ^ 1} L(GF) = {a" bn aP : n, p > 0; p > n } 5 Soit la grammaire GH: Prep = Préposition Np = Nompropre a- Donner sous forme d'arbre l'ensemble des structures que peut décrire GHb- Trouver une phrase du français qui illustrerait chacune de ces structures.

Chapitre 3

Le modèle syntagmatique

Quelques caractères essentiels des langues naturelles ayant été reconnus au chapitre précédent à propos des grammaires indépendantes ducontexte, nous proposons dedéfinir plus précisément ces types degrammairesennedéveloppant que des exemples linguistiques. 3.1. Définitions Pour se conformer à l'usage, nous appelons, désormais, grammaire syntagmatique, le type de grammaire générative qui se définit selon les trois ensembles, l'axiome, l'ensemble des règles X --+ Y, et le vocabulaire1. Le terme génératif appelle quelques explications. La grammaire conçue comme un ensemble de règles doit être capable d'énumérer explicitement toutes les phrases de la langue étudiée, et rien que celles-ci. Une grammaire générative n'est rien d'autre qu'une grammaire explicite, qui « engendre » (traduction du terme anglais to generate) les phrases d'une langue, c'est-à-dire qui «énumère explicitement au moyen de règles »toutes et rien que les phrases grammaticales de cette langue. C'est un modèle de la compétence linguistique du sujet parlant. Par compétence linguistique, on entend les aptitudes qu'a le sujet parlant à émettre ou comprendre un nombre indéfini de phrases qu'il n'a jamais émises ou entendues auparavant. En d'autres termes, pour reprendre les définitions de Chomsky (6) la compétence linguistique est « la connaissance que le locuteur-auditeur a de sa langue ». Cette connaissance est, pour un adulte parlant sa langue maternelle, intuitive. Par opposition à compétence, 1. Éléments de bibliographie pour le chapitre 3 : Chomsky (4) (5) (6), Ruwet (20). Gross (10).

laperformance est «l'emploi effectifde la langue dans des situations concrètes. » Par exemple, vouloir étudier une phrase comportant n compléments propositionnels comme dans la phrase (1) Pierre pense que Paul croit que Jacques espère que Marie vienne, c'est vouloir étudier cette phrase en compétence. Un locuteur, dans une situation concrète, limitera automatiquement le nombre des compléments propositionnels. Cette limitation appartient à la performance. Le modèle syntagmatique est donc une grammaire générative, conçue comme un modèle de la compétence linguistique des sujets parlant une langue donnée, et il doit assigner à toutes les phrases grammaticales de cette langue une description structurale. La notion de « grammatical » ne doit pas être confondue- avec « doué de sens » d'une part, et « acceptable » d'autre part. Le célèbre exemple de L. Tesnière c'est-à-dire la phrase (2) et la phrase (3) sont deux phrases non douées de sens : (2) Le silence vertébral indispose la voile licite. (3) * Le indispose silence la licite vertébral voile. Mais seule (2) est grammaticale. On peut mettre sur cette séquence le schème intonatoire d'une phrase normale, alors qu'il est impossible de le faire pour (3). La notion de grammaticalité doit donc être définie indépendamment de toute considération sémantique. La notion d'« acceptabilité » est différente. C'est un concept qui appartient à la performance. La phrase (1) et la phrase (4) : (4) La chèvre que le loup a tué a mangé le chou1 sont toutes deux grammaticales au sens technique du mot. La grammaire leur assigne une description structurale au même titre qu'à la phrase (5) Pierre pense que Paul est malade. Mais les phrases (1) et (4) sont plus ou moins « acceptables » pour le lecteur français, dans la mesure où en performance elles ont peu de chance d'être produites. Elles sont maladroites, peu aisément compréhensibles, en un certain sens peu « naturelles »2. On pourrait parler de degré d'acceptabilité. La phrase (1) est certainement plus acceptable pour un locuteur français que la 1. Se reporter aux problèmes dus à la dérivation à gauche, chapitre 2. 2. Les notions de « grammatical » et « d'acceptable » ne sont pas objectivement définies, et ne peuvent l'être. Pour plus de précision, cf. Chomsky (6) p. 20 et sv.

phrase (4); sans doute est-ce dû au fait que (1)sedérive à droite et (4)à gauche, ce que montrent les arbres simplifiés ci-dessous :

Nous insistons sur le fait que ces arbres sont très simplifiés et à la limite contestables, car les règles qui décrivent les relatives et les compléments propositionnels n'ont pas été expliquées (cf. en particulier chapitre 6). Les arbres ne veulent que mettre en relief le déploiement à droite et à gauche des phénomènes qui nous intéressent actuellement. Une grammaire syntagmatique, conçue comme un modèle de la compétence des sujets parlant une langue donnée, est définie formellement par l'ensemble des règles de réécriture (X - Y), et l'ensemble du vocabulaire (cf. chap. 2). Se demander, alors, si elle est capable de décrire toutes et rien que les phrases de la langue, c'est poser le problème de la capacité générative de la grammaire et de ses limites. D'un point de vue tout à fait général, on distingue la capacité faible de la capacité forte d'une grammaire1. Au sens faible, la capacité générative d'une grammaire est la possibilité d'engendrer un ensemble de phrases ; au sens fort, c'est la capacité pour une grammaire d'engendrer des descriptions structurales. Il n'est pas intéressant de concevoir une grammaire qui n'engendrerait que des phrases, sans descriptions structurales. Le modèle syntagmatique est un type de grammaire de capacité générative forte. A partir des trois exemples qui vont suivre, on abordera l'adéquation et les limites de cette grammaire, qui, rappelons-le, est une théorie sur l'organisation delalangue, c'est-à-dire unmodèledecompétence. Pourévitertout malentendu, il est sans doute utile de préciser que ce modèle n'engage en rien sur la manière dont un sujet parlant procède effectivement lorsqu'il émet ou entend une phrase. Ceci appartient à la performance qui doit expliciter un modèle de perception et de production de la parole. 3.2. Les règles dépendantes du contexte Les règles que nous utilisons jusqu'à présent sont des règles indépendantes du contexte, règles que nous avons définies au chapitre précédent. Ces règles sont trop générales. Il suffit de vouloir décrire les phrases (6) et (7) pour s'en rendre compte : (6) Pierre écrit cette lettre. (7) Cette lettre amuse Pierre

1. Bibliographie sur les notions decapacité génératived'une grammaire :Chomsky (6), p. 86et sv., Ruwet (20) p. 40 et sv.

On peut utiliser l'ensemble des règles (I) :

(I) décrit aussi bien (6) et (7) que les phrases suivantes, car les règles de réécriture qui introduisent les éléments lexicaux sont indépendants du contexte : (8) *Cette lettre écrit Pierre. (9) *Pierre écrit Pierre. (10) *Cette lettre écrit cette lettre. (11) *Pierre amuse cette lettre. (12) Pierre amuse Pierre1. (13) *Cette lettre amuse cette lettre. Il faudrait que les phrases (8), (9), (10), (11), (13) ne soient pas engendrées. Pour cela, il faut introduire des règles de sous-catégorisation qui spécifieront que le verbe amuser ne peut se construire qu'avec un complément direct « humain », et que le verbe écrire ne peut avoir q u ' u n sujet « h u m a i n » 2. On peut concevoir des règles qui font intervenir le contexte, et qui permettent de décrire les phrases (6), (7), (12), seulement :

-t-nuiii

Les règles disent, simplement, qu'il faut sous-catégoriser le symbole SN, et que Vse réécrit amuse dans un contexte droit SN +hum, et écrit dans un 1. Il n'y a pas de * devant la phrase (12), car dans la mesure où les deux Pierre ne se réfèrent pas à la même personne, cette phrase est possible. Ce qui est important en fait, c'est que le verbe amuser puisse avoir en position sujet et en position complément un SA^hum: Pierre amuse Paul. 2. Les notions de « humain » et de « non-humain » doivent être définies syntaxiquement si l'on veut qu'elles soient des critères opératoires dans les règles de sous-catégorisation. En fait, les recherches entreprises au laboratoire d'automatique documentaire et linguistique (cf. Gross (12), Boons-Guillet-Leclere (2), Picabia (19)) montrent que seule la notion « humain »est un tout petit peu cernable. En pratique, le critère utilisé est la possibilité de mettre un nom propre dans la position étudiée.

contexte gauche SN +hum. Lorsqu'on rencontre dans une des dérivations possibles l'étape V, dans notre exemple précis, ne peut être que amuser. Ces trois règles, néanmoins, ne peuvent pas résoudre entièrement la description des trois phrases1. Cen'est qu'une indication sur la démarche à suivre, et sur le nouveau type de règles que l'on doit inclure dans une grammaire syntagmatique. Nous proposons un autre exemple de règle faisant intervenir le contexte. Supposons que l'on veuille décrire les phrases (14) Pierre part. (15) Pierre considère cette proposition. à partir des règles suivantes :

(III)

nous obtenons aussi (16) *Pierre considère (17) *Cetteproposition considère. (18) *Pierre part cette proposition. (19) * Cetteproposition part cetteproposition. (20) *Pierrepart Pierre. (31) *Cettepropositionpart Pierre. (22) *Cettepropositionpart. (23) *Cetteproposition considère Pierre. (24) *? Cetteproposition considère cetteproposition. (25) *? Pierre considère Pierre. 1. Il faudrait, entre autres, desrèglespour spécifier queécrire nepeutavoirenposition complément direct n'importe quel SN non-humain. On peut écrire un livre, mais non *écrire une table. De même, il faudrait préciser que amuser a en position sujet n'importe quel type de SN.

Onpeut éliminer les phrases (22), (23), (24), (25) en faisant intervenir les règles contextuelles analogues à celles proposées en (II). Pour les phrases (18), (19), (20), (21) le problème est différent dans la mesure où part n'accepte pas de complément direct; c'est traditionnellement ce que l'on appelle un verbe intransitif (F;) par opposition aux verbes transitifs (Vt). Il faut donc avoir des règles qui sous-catégorisent le symbole V, et qui spécifient que les verbes intransitifs se construisent sans complément direct, par exemple :

(IV)

Les phrases (16) (17) posent encore un autre problème. Le verbe considérer est unverbe transitifqui demande uncomplément direct. La règle V—> Vt/-SN permet d'éliminer (16), mais ceci ne peut être généralisé, car tous les verbes transitifs ne se construisent pas obligatoirement avec un complément direct, comme le verbe écrire par exemple, ou lire : (26) Pierre lit unpoème. (27) Pierre lit. Nous ne proposons pas de solution. Chomsky (6) a posé un certain nombre de problèmes pour introduire les règles lexicales sans donner de véritable solution. Gross (10) (12), Boons, Guillet, Leclere (2) ont construit des tables exhaustives de verbes, ceux-ci étant définis par des critères syntaxiques. Les tables amorcent un début de véritables solutions pour l'intégration du lexique dans la grammaire. Ici, nous essayons simplement de donner une vue de la complexité des problèmes. D ' u n point de vue plus général, étant donné un vocabulaire auxiliaire (VA)

et un vocabulaire terminal (Vr) les règles de la forme

sont appelées règles dépendantes du contexte (en anglais : context-sentitives rules). On peut aussi formuler ces règles de la façon suivante : x ----> y/ol p qui se lit «Xse réécrit en Ydans le contexte droit Î1. et le contexte gauche f3». Les règles indépendantes du contexte ne sont, en fait, que des cas particuliers de ces règles-là, cas où Î1. et f3 sont vides.

3.3. Les permutations Il n'existe pas de règles du"type YX (R) = XY qui pourraient s'interpréter comme des règles de permutation d'éléments au cours d'une dérivation. Elles seraient nécessaires, par exemple, pour décrire Pars-tu ?, à partir de Tupars. De telles règles ne répondent pas à la définition que nous avons donnée des règles dépendantes du contexte. Cependant, on peut formellement remplacer (R) par un ensemble de règles dépendantes du contexte qui ont exactement le même effet. Considérons un symbole auxiliaire Q. Les trois règles sont des règles dépendantes du contexte et sont équivalentes à (R) : X, Ysont permutés.

D'un point de vue linguistique, de telles permutations en termes de règles dépendantes du contexte, donnent des résultats catastrophiques. Soit (V) un ensemble de règles qui peut décrire : Tupars

l'arbre correspondant aux dérivations est alors : 1. Éléments de bibliographie sur les propriétés formelles des contraintes décrites dans le paragraphe (2) : cf. Gross (11) p. 193 et sv., p. 210 et sv., Ruwet (20).

Pour décrire

Pars-tu ? qui est formée en permutant les éléments de Tupars, il suffirait de rajouter à (V) les trois règles suivantes, après introduction d'un symbole auxiliaire Q :

On obtient l'arbre correspondant :

En considérant l'arbre de Pars-tu ?on est amené à dire que tu est un syntagme verbal, puisque tu est dominé par un nœud SV et que Pars est un pronom, car il est dominé par un nœud Pro. Ce résultat est contraire à l'intuition linguistique de n'importe quel locuteur français. Il est donc nécessaire d'interdire dans une grammaire syntagmatique les règles permettant les permutations. Une telle interdiction a des conséquences importantes pour la description des morphèmes discontinus. Les morphèmes discontinus sont des morphèmes qui dans une phrase ne sont pas contigus par exemple nous ... ons, morphème de la Vepersonne du pluriel, dans nous partons, nous allons etc. L'existence de tels morphèmes ne repose pas sur quelques présupposés sémantiques, mais sur le fait que l'un des éléments implique l'autre. Il existe une contrainte entre les éléments d'un même morphème discontinu, que des règles syntagmatiques ne montreraient pas si elles les introduisaient séparément. Supposons une séquence xlXyf3z avec une contrainte entre a et /?. Des règles telles que A —► elet B —> f3n'indiquent aucune contrainte enX l et f3. Sil'on introduit une règle C —> elf3 une des étapes de la dérivation de cette séquence est xctfiyz, et ceci suppose une permutation des éléments /? et y. Les règles syntagmatiques ne peuvent faire cette permutation. Il faut donc introduire

d'autres types de règles pour résoudre ce problème. Ce sera la solution transformationnelle. Il y a dans les langues naturelles de nombreux exemples d'une telle situation. Le SN sujet impose les affixes de personne-nombre (pn) à la droite du verbe (V), et la paire (SNpn) peut être décrite comme une seule unité. En russe et en allemand, la préposition à la gauche du nom détermine sur sa droite le suffixe de la déclinaison. Dans tous les cas, les paires (déterminants-genre nombre), (préposition, cas), (auxiliaire-suffixe verbal) par exemple être participe passé dans il est parti sont des unités discontinues et ne peuvent être décrites par une grammaire syntagmatique. Il existe d'autres types de contraintes qui ne peuvent être décrites par les grammaires syntagmatiques. Considérons la phrase : (28) L'émeraude, le saphir, le rubis sont respectivement vert, bleu, rouge. De part et d'autre de sont respectivement, on trouve trois noms qui correspondent à trois adjectifs. Les contraintes entre ces noms et ces adjectifs peuvent être représentées par le schéma suivant :

Le processus est infini. Si l'on rajoute un nom à la gauche immédiate de sont respectivement, on rajoute de même un adjectif, mais à la droite et en fin de phrase. Les contraintes sont différentes de celles décrites à propos des C-langages (cf. Chapitre 2) et que nous avons appelés contraintes en « arches ». Nous en rappelons un exemple :

De ce fait, les règles syntagmatiques sont inadéquates. Elles peuvent décrire séparément les phrases (28) l'émeraude est bleue. (29) le saphir est vert. (30) Le rubis est rouge. mais non la phrase où tous ces éléments sont coordonnés de part et d'autre de sont respectivement. Là encore, nous constatons intuitivement une autre limite du modèle syntagmatique.

Nous bornerons à ces deux exemples l'étude des limites du modèle syntagmatique. Nous donnons, en fin de chapitre, une bibliographie sommaire des textes relatifs àceproblème1. Cependant, enjustifiant diverses transformations qui font l'objet des chapitres suivants, nous aborderons d'autres cas d'inadéquation de ce modèle. La définition exacte de ces nouvelles règles et les implications théoriques dues à l'introduction de ces règles dans la grammaire seront analysées ultérieurement, après l'étude détaillée de quelques problèmes.

1. Chomsky (4) p. 38-54, Ruwet (20) p. 140 et sv. Pour une approche différente de la notion de « transformation »cf. Harris (16).

APPENDICE

Principales règles syntagmatiques utilisées : RI: P - > SN T SV R2 : f V SN SV —> J V Prep SN ]V R(être) SAdj J R3 : T —> Tel (Fut)(Pft) R4 : Tel —> f Présent 1 l Imparfait J R5 : Pft —> f R(être) pp/ - Ve1 \ R(avoir) pp J R6 : Fut —> f Inf 1 l R(aller) Inf J R7 : f Det N SN —> I Np | Que P f* LPro R8 : S Adj —> Adj (Prep SN)

Signification des symboles :

P = Phrase SN = syntagme nominal T = temps SV = syntagme verbal V = verbe Ve = verbe se conjuguant avec être Sadj = syntagme adjectival Adj = adjectif (e.g. Adj —> rouge, heureux...) N —nom (e.g. N - table, homme...) Np = nom propre (e.g. Np —> Pierre, Marie...) Pro = pronom (e.g. Pro - je, tu, lui...) Det = déterminant (e.g. Det —*■le, ce, mon...) Prep = préposition (e.g. Prep —^ à, de...) Les règles R 3, R 4, R 5, R 6 sont explicitées au chapitre 4.

Exercices 1 Soit les deux phrases : (a) = Pierre tient à ce que Marie vienne (b) —Pierre tient à ce que Marie suggère 1—(a) et (b) ont des structures différentes. Montrez-le aux moyens de critères distributionnels et syntaxiques. 2- Proposez des règles syntagmatiques qui puissent décrire ces deux phrases. 2 Les mots suivants sont considérés traditionnellement comme des adverbes : longtemps probablement péniblement ailleurs maintenant sûrement ici courageusement 1—Est-iljustifié dedire qu'ils sont tousdesconstituants demêmetype?Distinguez-les en termes de distribution, de rapports de paraphrases entre les phrases où ils peuvent figurer et d'autres phrases. 2—Regroupez-les en constituants de même type. 3-- Soit à présent les quatre phrases : (a) = Pierre va dans lejardin (b) = Pierre va ailleurs (c) ~ Pierre part dans un instant (d) = Pierre part maintenant Proposez un ensemble de règles syntagmatiques qui décrivent (a), (b), (c), (d). 3 Les phrases suivantes sont ambiguës : (a) = Pierre a trouvé Paulmalade. (b) = La critique de Paulfut sévère. (c) = Pierre a reçu un livre de Paul. (d) —Pierre a loué unappartement à Paul. (e) = Pierre a acheté un livre à Paul. (f) = Pierre a heureusement organisé la soirée. (g) = Pierre contrôle effectivement la réunion. (h) = La cible n'a pas été atteinte par une seuleflèche. 1—Faire apparaître les ambiguïtés au moyen de paraphrases ou en imaginant des contextes qui ne permettent que l'une des interprétations. 2 - Existe-t-il parmi ces phrases certaines qui peuvent être correctement décrites par des règles syntagmatiques; donnez alors les structures sous forme d'arbre. 3 - Pourquoi le modèle syntagmatique est inadéquat à décrire les autres phrases ?

4 Soit les paires de phrases (a) = f Pierre est difficile à vivre. 1 \ Pierre est difficile à comprendre. J (b) = f Pierre conduit une voiture rouge.1 \ Pierre mange le clafoutis chaud. f Les phrases formant respectivement (a) et (b) sont formellement identiques en surface, c'est-à-dire Np est Adj Prep V¡nf pour (a) (Vinf = Verbe à l'infinitif) Np VDet NAdj pour (b) mais pour chacune de cesphrases, les contraintes entre les éléments sont différentes. 1—Montrer les contraintes entre les éléments des phrases de (a) d'une part, et les éléments des phrases de (b) d'autre part. 2 - Pourquoi le modèle syntagmatique est-il inadéquat à rendre compte de ces contraintes ?

Chapitre 4

Le constituant Temps et une transformation obligatoire : [T affixe]

Les règles syntagmatiques proposées au chapitre 3 posent de prime abord quelques problèmes pour la description desphrases. D'une part, elles décrivent de façon unique des phrases à des temps différents : Pierre chante. Pierre chantait. Pierre chantera. Ces trois phrases ont dans notre système la mêmedescription structurale :

D'autre part, si l'on décide comme dans l'analyse en constituant immédiat de séparer le temps du radical verbal, on aurait évidemment des analyses

structurales différentes pour les trois phrases, mais il serait très difficile d'établir des règles syntagmatiques pour décrire les phrases : Pierre avait chanté. Pierre a chanté. car le temps est de part et d'autre du radical verbal «chant » :

or nous avons vu que les règles syntagmatiques ne peuvent rendre compte des morphèmes discontinus (cf. chapitre 3). Pour résoudre ces points, c'est-à-dire pour établir des règles syntagmatiques qui satisfont les données dans le cadre de la théorie proposée, nous allons partir des faits linguistiques, plus précisément nous allons partir de l'étude du système verbal français. Ensuite seront établies des règles précises qui décriront n'importe quel temps du français. 4.1. Analyse du système verbal français

Cette analyse du système verbal français s'inspire des travaux de Gross (10). Elle s'écarte des analyses traditionnelles en ce sens qu'elle ne s'attache qu'aux propriétés morphologiques et syntaxiques des temps. Les temps étudiés seront uniquement ceux de l'indicatif. Laterminologie traditionnelle employée ne se réfère alors qu'aux propriétés morphologiques mises en évidence. Pour des raisons qui ne seront données qu'après l'analyse détaillée du système verbal, seront exclus de l'étude : Il ne sera pas fait mention du subjonctif ni de l'impératif. Ils sont introduits par transformations (cf. Gross (10) chapitre 5). Une forme verbale est définie par sa racine (R(V)), un temps (T) et un affixe de personne-nombre (pn). L'affixepn est indépendant du verbe; ons, ez, par 1. Éléments de bibliographie pour l'analyse du système verbal français : Gross (10), de Felice (8), Schane (22) (23).

exemple sont indiqués quels que soient le verbe et le temps. L'affixe pn est rattaché au syntagme nominal sujet et forme avec lui un constituant discontinu (cf. chapitre 3). Tout temps peut se présenter sous deux formes morphologiques, l'une simple, les affixes de temps sont portés par le radical du verbe, par exemple Je march\âîs\, l'autre composée, les affixes de temps sont portés par l'un des auxiliaires être ou avoir qui sert à la conjugaison du verbe1 : tu av\ais\ fini, tu ét\ais\ parti. Leradical du verbe porte alors l'affixe participe passé (pp). Étant donné quepp dépend de la présence de l'un des auxiliaires, il forme avec lui un constituant discontinu, soit : R(avoir)pp, R(être)pp (cf. chapitre 3). Pourfaire apparaître lespropriétés morphologiques destemps, nousprésentons la conjugaison d'un verbe transcrite phonétiquement (aimer par exemple) aux temps simples, soit le présent, l'imparfait, le futur et le conditionnel présent2, Présent Imparfait eme em em eme em eme emo emjô eme emje sm eme Futur Emare emara emara emsrô emsre emaro

Conditionnel présent emsre emsre F,morFemarjo emarje emare

1. L'analyse des temps en deux formes, l'une simple, l'autre composée, n'est pas nouvelle. La grammaire de Wagner-Pinchon (24) et la grammaire Larousse (3) par exemple proposent de telles analyses. 2. Le conditionnel est traditionnellement considéré comme un mode. D'un point de vue strictement morphologique, le conditionnel est un temps formé à partir des mêmes éléments que les autres temps de l'indicatif et est donc analysé en tant que tel.

En examinant cette conjugaison, on constate que : —le présent n'est pas phonétiquement marqué. En règle générale, un verbe au présent se décompose en un radical et un affixe zéro (0). Il existe des exceptions à cette règle, en particulier pour les verbes avoir, aller, être1 ; - l'imparfait est marqué par la voyelle /e/ et la semi-voyelle /JI pour les Ve et 2e personnes du pluriel. Schane (22) utilise une voyelle unique sousjacente à /e/ et ///. Pour simplifier nous dirons que l'affixe imparfait est /e/. - un verbe au futur se décompose en un radical, dans notre exemple If.m(d)/, un affixe Irl et une suite d'affixes/e, a, a, o, e, o/. Cette suite est très voisine des formes du verbe avoir au présent : le, a, a, avÕ,ave, oj On peut même dire qu'elle est identique au présent du verbe avoir, sauf pour les lre et 2e personnes du pluriel où l'on trouve l'un des radicaux du verbe avoir : /av/. L'affixe Irl étant l'affixe marquant l'infinitif (Schane (20)), on peut dire en dernière analyse, que le futur est la combinaison de l'infinitif et d'un présent. —le conditionnel présent est de même une combinaison de deux affixes, l'affixe /r/, c'est-à-dire l'affixe infinitif et l'affixe /e/, c'est-à-dire l'affixe imparfait. Nous avons vu qu'à chaque temps simple correspond une forme composée, forme où l'on a inséré soit R(avoir)pp soit R(être)pp dans la forme verbale. Les affixes de temps sont alors portés par le radical de l'auxiliaire : au présent (j'aime) correspond le passé composé (j'ai aimé), à l'imparfait (j'aimais) correspond le plus-que-parfait (j'avais aimé) au futur (j'aimerai) correspond lefutur antérieur (j'aurai aimé) au conditionnelprésent (j'aimerais) correspond le conditionnelpassé premièreforme (j'aurais aimé). Les affixes des temps composés sont alors les mêmes que les affixes des temps simples correspondants, auxquels on adjoint selon le verbe soit R(être)pp soit R(avoir)pp. Ladécomposition des huit temps est alors la suivante : présent : affixeprésent (Prés) passé-composé : R(avoir)pp (Prés) imparfait : affixe imparfait (Impft.) plus-que-parfait : R(avoir)pp. Impft. futur : affixes Prés Inf. futur antérieur : R(avoir)pp Prés Inf. conditionnelprésent : affixes Impft. Inf. conditionnelpassé : R(avoir)pp Impft. Inf. 1. Cf. Schane (22).

Pour la suite immédiate de cet exposé, nous allons utiliser un formalisme mis au point par Schützenberger et employé par Gross (10) dans tous ses ouvrages, formalisme qui s'apparente au calcul algébrique ordinaire : - P = X Ysignifie qu'un élément Pest analysé endeuxcomposants Xet Y. ± est l'opérateur de concaténationl. —Les parenthèses et i s'utilisent comme dans le calcul ordinaire : les parenthèses indiquent des produits de facteurs, le produit est la concaténation, opération associative non commutative. Le signe ± s'interprète comme un «ou »logique. —L'élément neutre par rapport à la concaténation est noté E. La formule : P = (X + Y)(E + Z) représente le polynôme : P = X + y + XZ + YZ. Aprésent, si l'on examine la décomposition des huit temps, on constate que le présent ou l'imparfait font toujours partie de tout temps. Nous les appellerons des Tempsélémentaires : Tel = Prés + Impft Lanotion de «futur » (Fut) est marqué par l'affixe Infet cet affixe secombine avec l'un des temps élémentaires pour donner soit lefutur, soit le conditionnel présent. La notion de «passé »oude «parfait »(Pft) est rendue par l'un des auxiliaires dans tous ces temps. Si l'on appelle T, l'ensemble des temps, on peut résumer ces temps au moyen des formules : T = (Prés + Impft) (E + Fut)(E + Pft) Fut = Inf Pft = (R(avoir)pp + R(être)pp) (i.e. R(Aux)pp) La décomposition de T donne le polynôme : Prés + Impft + Prés Inf + Impft Inf + Prés R(Aux)pp + Impft R(aux)pp + Prés Inf R(Aux)pp + Impft Inf R(Aux)pp. qui représente lui-même la disjonction des huits structures de temps énumérées précédemment. 1. Tout à fait intuitivement, la concaténation est la juxtaposition d'éléments discrets. Une suite de morphèmes est une suite d'éléments concaténés. Plus précisément, nous proposons pour la concaténation les définitions de Chomsky-Miller (7) p. 4 et sv.

Il est tout à fait remarquable que l'on puisse donner une analyse des temps qui aboutisse à une mise en facteur des caractéristiques morphologiques. Ce sont de tels faits qui permettent de parler de système verbal au sens strict dumotsystème et qui permettent d'exclure dans une analyse formelle lestemps qui ne sont pas les temps du « discours », c'est-à-dire le passé-simple (tu aimas), le passé antérieur (tu eus aimé), le conditionnel passé deuxième forme (tu eusses aimé). L'étude de ces trois temps, et la survivance de l'emploi dans le « discours » du passé simple dans certaines régions du Midi de la France appartiennent à la linguistique diachronique. 4.2. Le constituant « temps » dans le modèle syntagmatique

Pour toute phrase l'analyse morphologique du temps est indépendante du verbe. Letemps donc forme unconstituant (T)autonomepar rapport auverbe, c'est-à-dire que dans la dérivation de toute phrase on aura une étape P —> SN T VQ où Vest la racine du verbe de la phrase, Q les compléments possibles. QueTsemette à la gauche de Vaété démontré pour l'anglais par Chomsky (4). Nous le démontrerons pour le français, à propos de la transformation « affixe » (cf. suite du chapitre 4). Comme toutes les règles syntagmatiques que l'on a pu introduire jusqu'à présent, les règles syntagmatiques décrivant T seront tirées de la description linguistique des faits, en l'occurrence pour T, de la description morphologique du système verbal français. Nous rappelons la formule générale T —(Prés + Impft)(E + Fut)(E + Pft) Fut —Inf Pft = (R(avoir)pp + R(être)pp) dont le commentaire pourrait être : tout temps se constitue obligatoirement d'un temps élémentaire quiest soit le présent, soit l'imparfait, et accessoirement d'éléments «futur »et/ou «parfait ». Ceci setranscrit enrègles syntagmatiques de la façon suivante : (1) = T —> Tel (Fut) (Pft) Lesparenthèses marquent le caractère non obligatoire des élémentsconsidérés.

Les accolades indiquent que le temps élémentaire se réécrit soit en présent, soit en imparfait.

Comment utiliser ces règles pour décrire les phrases du français ? Nous proposons l'analyse des trois phrases (a) = Pierrefinit son travail. (b) = Pierre avaitfini son travail. (c) = Pierre aurafini son travail. à partir du fragment de grammaire suivant :

La règle P - SN TSVappelle certains commentaires. Test placé entre le syntagme nominal sujet et le syntagme verbal, de cefait Test considéré comme un constituant immédiat de la phrase. Description de la phrase (a) : Le temps de cette phrase est le présent. Les règles syntagmatiques que nous allons utiliser pour décrire Tsont : T —> Tel Tel —> Prés

La description structurale sous forme d'arbre de (a) est :

Description de la phase (b) Cette phrase est au plus-que-parfait. D'après l'analyse destemps, le plus-queparfaitestlacombinaisondel'affixeImpft, et deR(avoir)pp, (finir seconjugue avec avoir) ; la règle sur le constituant Tdoit introduire, en plus du temps élémentaire, le constituant Pft, c'est-à-dire : T —> Tel (Pft) Tel —> Impft Pft - R(avoir)pp La description structurale de (b) est alors :

Description de la phase (c) : La phrase (c) est au futur antérieur, c'est-à-dire d'après l'analyse des temps, la combinaison des affixes Prst et Infi et de R(avoir)pp. La règle sur le constituant Tdoit introduire le temps élémentaire, le constituant Fut, et le constituant Pft : T Tel (Fut)(Pft) Tel —> Prés Fut - Inf Pft - R(avoir)pp

La description structurale de (c) est alors la suivante :

Il n'est pas difficile de constater que le résultat des dérivations de (a), (b), (c), ne sont pas des phrases du français. Pour passer de la suite terminale (a') = Pierre Prés R(finir) son travail à (a) = Pierre finit son travail. il faudrait permuter Prés et R(finir) dans un premier temps, puis dans un deuxième temps «coller »l'affixe Prés sur le radical du verbefinir. De même pour passer de la suite terminale (b') = Pierre Impft R(avoir)pp R(finir) son travail à (b) = Pierre avaitfini son travail. il faut permuter Impft et R(avoir), et pp avec R(finir) puis «coller » les affixessurlesradicaux desverbescorrespondantsc'est-à-dire R(avoir) + Impft, R(finir) + pp. De telles opérations sont interdites dans le modèle syntagmatique (cf. chapitre 3). Il faut donc concevoir d'autres types de règles, les transformations, et par là-même un modèle différent de descriptions des langues naturelles, que Chomsky (4) a appelé modèle génératif et transformationnel1. 4.3. Une transformation obligatoire : (T affixe)

Si l'on reprend la suite terminale (b') = Pierre Impft R(avoir)pp R(finir) son travail, on constate qu'il y a entre le syntagme nominal sujet Pierre, et le syntagme 1. Cf. chapitre 6.

nominal complément son travail, une alternance régulière d'affixe (a/x) et de radical verbal (V) :

La suite terminale peut être convertie en une suite de morphèmes ordonnés normalement par la règle (T affixe) : afx V- V+ afx qui dit simplement que lorsqu'il y a une suite afx, V, on convertit cette suite en la suite V+ afx. La double flèche (==» indique que la règle n'est pas une règle syntagmatique, mais une transformation, le signe marque alors la jonction des deux éléments. Cette règle, qui opère à partir d'une suite terminale, permet ce qu'interdisaient les règles syntagmatiques, entre autres les permutations d'éléments. La suite terminale (b') devient après application de (T affixe) : Pierre R(avoir) + Impft R(finir) +pp son travail Enfin, les règles phonologiques du français convertiront cette suite en une suite transcrite graphiquement par : Pierre avait fini son travail. Le processus est absolument identique pour convertir la suite terminale (a') en la phrase (a). Un problème se pose pour convertir la suite terminale : (c') = Pierre Prés Inf R(avoir) pp R(finir) son travail. en la phrase (c) correspondante. Il n'y a pas d'alternance régulière afx, V: On appliquera alors (T affixe) sur la première suite afx, V, c'est-à-dire dans notre exemple Inf R(avoir) ==> R(avoir) + Inf le résultat de l'opération sera une forme verbale notée v(X), sur laquelle on appliquera (T affixe) : c'est-à-dire : Pour finir de convertir (c') en la phrase (c), la suite des opérations se fait tout à fait régulièrement.

Nous donnons alors pour la règle (T affixe) en français, la formulation qu'a proposée Gross (13), la première formulation étant celle de Chomsky (4) pour l'anglais, reprise par Ruwet (20) : Cette règle est une transformation obligatoire. Il est nécessaire de l'appliquer sur la suite terminale de la dérivation de toute phrase, si l'on veut obtenir une phrase du français. 4.4. Problèmes annexes Il est possible d'analyser d'un point devue formel les caractéristiques morphologiques de ce que l'on appelle traditionnellement lefutur immédiat, et d'intégrer ce futur dans le constituant T. Les phrases au futur immédiat telle (1) = Pierre va travailler. sont décrites par les grammaires comme contenant l'auxiliaire du futur immédiat aller. On peut remarquer tout de suite les contraintes entre certains éléments de la phrase dues à l'introduction de aller dans ce cas : aller implique l'infinitif pour le verbe qui suit et forme donc avec cet affixe un constituant discontinu : R(aller) Inf Si l'on veut parler defutur dans le cas dufutur immédiat et l'intégrer dans la description générale du système verbal T, il faut démontrer deux choses, d'une part que le futur immédiat est morphologiquement un futur, et d'autre part, que aller, auxiliaire du futur, se distingue de aller « verbe de mouvement »1 commedans la phrase (2) = Pierre va aux champs. Aller : Auxiliaire dufutur ou « verbe de mouvement » 1. Les verbes de « mouvement » forment une classe de verbes définie syntaxiquement par les critères suivants (cf. Gross (10) p. 13et sv.) - ils peuvent avoir pour complément un prédicat à l'infinitif : Pierre court chercher un livre. —ce complément ne peut en aucun cas commuter avec un SNdu type Det N : *Pierre court la recherche d'un livre - le complément répond à la question où où court Pierre ? Pierre court chercher un livre. —le complément se pronominalise selon la particule pré-verbale y : Pierre y court.

La démarche purement théorique pour démontrer que les formes avec R(aller) tion de Infsont des futurs est la suivante : il faut que l'on ait dans la descripT = (Prés + Impft)(E + Fut)(E + Pft) une formule Fut = R(aller) Inf c'est-à-dire que la formule générale pour Fut serait Fut = Inf + R(aller) Inf ou après mise en facteur de l'affixe Inf : Fut = (E + R(aller)) Inf Dans la décomposition de T en polynôme, on donne alors les structures suivantes : (I) = Prés R(aller) Inf (II) = ImpfR(aller) Inf Si les faits linguistiques correspondent à cela, ou en d'autres termes si le temps des phrases au futur immédiat peut se décomposer en (I), (II), et rien qu'en ces structures là, on aura démontré que le futur immédiat est morphologiquement un futur. Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur le sens du verbe aller, nous utiliserons la phrase (3) Pierre va revenir. où revenir est un verbe de « mouvement » et aller par là-même n'est que —Dans une phrase simple on ne peut avoir qu'un seul verbe de « mouvement » : *Pierre court monter chercher un livre. De ce fait la phrase Pierre va aller chercher un livre contient d'une part l'auxiliaire du futur aller, et d'autre part, le verbe de mouvement aller. —Les verbes de « mouvement » ne peuvent apparaître devant certains verbes : Les phrases

sont correctes. Aller est donc dans ce cas l'auxiliaire du futur. —Lesverbes de«mouvement »n'ont quedessujets «animés». Aucunerestriction neporte sur le sujet de Aller auxiliaire du futur : La table vatomber. Ontrouve dans cette classe, entre autres, les verbes monter, descendre, courir, aller.

l'auxiliaire du futur (cf. note § 4.4). Si l'on conjugue aller à tous les temps possibles on est devant les faits suivants : (4) Pierre va revenir. (5) Pierre allait revenir. (6) *Pierre est allé revenir. (7) *Pierre était allé revenir. (8) *Pierre ira revenir. (9) *Pierre sera allé revenir. (10) *Pierre irait revenir. (11) *Pierre serait allé revenir. On peut remarquer que les seuls temps possibles de aller sont les temps qui correspondent aux structures (I) et (II). Les phrases (6), (7), (9), (11) montrent qu'il est impossible d'avoir untempscomposé, la phrase (8)montre quele futur est impossible, et la phrase (10), que le conditionnel l'est de même. Aller, verbe de « mouvement »n'est pas défectif. La phrase (2) se conjugue sans problème à tous les temps. Ces faits permettent de raffiner les règles syntagmatiques du constituant T : T-

Tel (Fut) (Pft)

On aurait pour description structurale de la phrase (5) Pierre allait revenir l'arbre suivant :

(T affixe) s'applique normalement sur cette suite terminale : Pierre R(aller) + Impft R(revenir) + inf. Les règles morphophonologiques du français donneront ensuite la phrase (5).

Pour finir, nous proposons sur cet exemple la démonstration de la règle qui place T à la gauche de V, et non à la droite (cf. chapitre 4, §4.2). Cette démonstration est simple. Elle est fondée sur l'impossibilité d'appliquer (T affixe) si Test à la droite de V. En effet, si la suite terminale de (5) était : Pierre R(revenir) Impft R(aller) Inf il serait impossible d'appliquer normalement la règle afx V==> V+ afx Exercices 1 1—Pourquoi distingue-t-on deuxverbes aller, l'un étant unauxiliaire, l'autre unverbe de «mouvement »? 2 - Montrer l'ambiguïté de la phrase : Pierre va travailler en trouvant des environnements où seule l'une des interprétations est possible. 3—Donner des arguments qui démontreraient que dans la phrase Pierre va aller travailler l'ordre relatif des verbes aller est Auxiliaire, verbe de « mouvement » et non verbe de mouvement, Auxiliaire. 4— Montrer que les affixes présents entrant dans la formation du temps futur pourraient être les affixes du verbe aller au présent. 2 1—Montrer que le verbe venir de est l'auxiliaire du «passé immédiat »comme dans les phrases du type Pierre vient departir. 2 - Quelles sont les règles syntagmatiques qui engendreraient les phrases au «passé immédiat ». 3—Quels sont les problèmes que posent la règle T —> Tel (Fut) (Pft) 3 Admettons que l'on ait les données suivantes : (1) Jean viendra (2) Jean afini son travail (3) Jean aurafini son travail dans cinq minutes (4) *? Jean afini son travail dans cinq minutes (5) SiJeanafinisontravaildanscinqminutes, alorsilviendra. (6) *SiJeanaurafinisontravaildanscinqminutes,alors il viendra. Des données de ce genre ont amené Gross (10) à poser l'existence d'une règle qui efface le futur dans les phrases en si P, alors Pi;, Commenter ces données et expliquer pourquoi elles fournissent des arguments en faveur decette règle.

Chapitre 5

Le passif

Le chapitre précédent posait un problème de syntaxe, à savoir l'étude du système verbal français, qui s'écartait des analyses traditionnelles. Nous présentons dans ce chapitre une notion traditionnelle bien connue : le passif. Les deux démarches, l'opération dite de transformation passive d'une part, et l'analyse traditionnelle du passif d'autre part ne sont pas vraiment différentes l'une de l'autre. Nous allons aborder successivement les deux types d'analyses et montrer les apports des grammaires traditionnelles aux analyses faites dans le cadre de la théorie transformationnelle. 5.1. Le passif en grammaire traditionnelle Nous partirons de la définition que donne Grévisse dans le Bon Usage1. Grévisse écrit : lepassif«indique que le sujet subit l'action ; celle-ci est considérée à partir de l'objet du procès (...)». Enprincipe on peut mettre au passif tout verbe transitif direct : l'objet direct du verbe actif devient le complément du verbe passif, et le sujet du verbe actif devient le complément d'agent du verbe « passif ». La définition de Grévisse, comme toute définition traditionnelle, est une définition sémantico-formelle ; définition sémantique dans la mesure où un verbe au passif est défini par son type de sujet, celui-ci subit l'action ; définition formelle, car le passif est défini à partir de la construction active. C'est une opération qui revient àpermuter des éléments, en l'occurrence les sujets et compléments d'objet direct du verbe actif. 1. Nous n'utiliserons en principe que les définitions du Bon Usage de Grévisse, car cette grammaire regroupe brièvement eL simplement les faits des autres grammaires. De fait les principales grammaires étudiées sont Grévisse (9), La grammaire Larousse (2), Wagner et Pinchon (24).

En fait, la définition du passif repose sur celle d'une classe de verbe, les verbes transitifs directs qui sont définis par leur type decomplément, les compléments d'objet direct. « Le complément d'objet, écrit Grévisse, énonce la personne ou la chose sur laquelle passe l'action dusujet ;cette personne oucettechoseest présentée (...) comme étant l'objet de l'action (...). Lecomplément d'objet direct se rattache ordinairement au verbe directement, sans mot-outil (...). Pour identifier le complément d'objet direct, on peut observer qu'il répond à une des questions (...) qui? quoi?, faite après le verbe et en outre qu'il peut servir de sujet, quand la proposition est tournée par le passif. » Nous ne nous attarderons pas sur l'aspect sémantique de ces définitions qui est facilement critiquable. Il suffit de trouver des contre-exemples comme le verbe subir dans Pierre subit un affront qui n'est pas un verbe d'action, mais néanmoins un verbe transitif. L'importance deces définitions réside dans le fait queGrévisseprésente lepassifcomme une opération formelle. Elle indique que certains éléments d'une phrase active sont permutés pour obtenir la phrase passive correspondante. Cette opération n'est possible que si la classe de verbe qui rentre dans la structure active est définie et cette classe est définie formellement par le type de complément du verbe (réponses aux questions qui et quoi). La démarche suivie d'un point de vue transformationnel est très voisine. L'angle sous lequel les problèmes sont envisagés est simplement différent. De façon générale, l'apport des grammaires traditionnelles pour les analyses transformationnelles est important, car elles offrent un champ de recherches et d'exemples à étudier considérables. 5.2. La transformation passive L'introduction d'une nouvelle règle dans la grammaire demande une justification. La démarche suivie, et quelle que soit la nouvelle transformation envisagée, est toujours la même. Nous prenons le passif comme exemple de cette démarche. Elle peut se résumer à ces quelques points : a— On part d'un ensemble de faits, en l'occurrence d'un ensemble de phrases dont la description par des règles syntagmatiques pose un problème. b— On émet alors l'hypothèse qu'une transformation peut résoudre les problèmes. c—Cette transformation convertit une analyse structurale en une autre analyse. La formulation exacte de cette règle doit être alors donnée.

d—Il reste ensuite àexaminerquelles sont lesconséquencesdans la grammaire de l'existence de cette nouvelle opération. Nous allons reprendre ceci point par point à propos du passif. Le problème que l'on se pose, dans le cadre de ce chapitre, est la description des faits suivants. (1) Pierre aime Marie (2) Marie est aimée de Pierre (3) Marie aime Pierre (4) Paul a battu Pierre (5) Pierre a été battu par Paul (6) Pierre a battu Paul (7) La rouille mange lefer (8) Lefer est mangé par la rouille Il semble possible de concevoir un ensemble de règles syntagmatiques qui décrivent chacune de ces phrases. On pourrait proposer le fragment de grammaire suivant : P —> SN T SV T ----> Tel (Fut)(Pft)

Il faudrait rajouter les règles lexicales pour obtenir les suites terminales voulues. Les arbres correspondants aux dérivations de ces phrases sont par exemple pour (1) et (2) :

La dérivation de la phrase (2) présente déjà une difficulté. Pour analyser le temps de cette phrase, nous n'avons à notre disposition que les règles T —^ Tel (Fut)(Pft)

Il est impossible d'utiliser la règle réécrivant le parfait pour décrire « est aimée » puisque ce n'est pas un parfait mais une autre forme verbale que les grammaires traditionnelles appellent voiepassive. Cette difficulté ressort mieux encore si l'on veut décrire (4).

car cette phrase est au passé composé. Les règles décrivant le temps font intervenir le parfait. Il faut concevoir une autre règle pour introduire être. On pourrait imaginer une règle syntagmatique du type Passif —* R(être}pp. Cette solution est purement « ad hoc ». De plus elle accumule les problèmes. En effet, si l'on introduit une règle syntagmatique «passif » elle ne peut pas être applicable, comme le sont les autres règles syntagmatiques décrivant le temps, à tous les verbes du français. Seule, une catégorie spécifique de verbes acceptent le passif. Il faudrait alors indiquer par des règles contextuelles très compliquées quels sont les verbes qui acceptent le passif et quels sont les

verbes qui le refusent, sinon la grammaire produirait des phrases inacceptables du type : *Pierre a été marché Il ressort de ce que l'on vient de voir que les règles syntagmatiques décrivant le temps perdent de leur généralité si l'on essaye de décrire les phrases passives, même si l'on parvient à résoudre les différents problèmes posés. Plus graves, ces règles syntagmatiques nepeuvent montrer cequi nous intéresse le plus, à savoir le lien systématique qui unit (1) à (2), (4) à (5), (7) à (8), puisque les dérivations de ces phrases sont tout à fait indépendantes. Les relations quiexistent entre Pierre et Mariedans (1)sont les mêmesquedans (2), et n'ont rien à voir avec celles qui lient les mêmes termes dans (3). Il en est de mêmepour les relations entre les termes Pierre et Pauldes phrases (4), (5)et (6), ou pour les relations entrefer et rouille des phrases (7) et (8). Ce sont ces types derelations quel'on aimerait décrire et quenepeuvent faire les règles syntagmatiques. Une transformation qui lierait l'actif et le passif montrerait ce lien. D'une manière générale, une grammaire syntagmatique est souvent incapable de montrer les différences qui existent dans des phrases à structures superficielles semblables telles que (1), (3) ou (4), (6), et les liens systématiques qui unissent des phrases, en rapport de paraphrase et dont les morphèmes sont agencés différemment en surface. Les transformations dans ce cas décrivent ces liens systématiques. La nécessité d'une transformation liant passif à actif étant posée, nous proposons la formulation de Chomsky (4). Cette transformation doit convertir une phrase active quelconque en la phrase passive correspondante. Plus généralement, une transformation peut être caractérisée par la description du type d'arbre auquel elle s'applique en décrivant le changement structural qu'elle effectue. Plus simplement, une transformation convertit ou « transforme » une analyse en une autre analyse. Dans le cas précis du passif, cette opération doit indiquer la permutation des syntagmes nominaux sujet et complément direct, l'addition de l'auxiliaire être et d'une préposition. C'est ainsi que la transformation passive s'applique à toute phrase à laquelle est assignée par sa dérivation syntagmatique l'analyse (9) : qui formalise la structure d'une phrase active, et elle transforme cette analyse en l'analyse suivante

(10)

Ainsi la phrase (11) Paul a battu Pierre analysée en

sera reconvertie en : (12) Cette opération entièrement mécanique s'applique donc à toute phrase qui a, dans sa dérivation syntagmatique, l'analyse SN T VSN, et elle indique le lien systématique qui unit actif et passif. On peut résumer le tout en donnant la formulation suivante de la transformation passive :

Cependant, si l'on veut que cette opération soit complètement mécanique, on doit reposer le mêmeproblème que mentionnait déjà Grévisse, c'est-à-dire la définition de la classe des verbes transitifs. En effet, si l'on considère les deux phrases, (13) Pierre a lu cette nuit (14) Pierre a mangé unepomme analysées respectivement en (15) Pierre Prés R(avoir) pp R(lire) cette nuit (16) Pierre Prés R(avoir) pp R(manger) cette pomme par suite des dérivations syntagmatiques, nous constatons que chacune d'elles correspond à une structure SN T VSN. Mais s'il est possible d'obtenir Cette pomme a été mangéepar Pierre nous refusons *Cette nuit a été luepar Pierre

5.3. Le complément d'objet direct

Il reste donc à définir ce que l'on entend par construction transitive directe. Il existe dans la littérature transformationnelle peu de tentatives systématiques de telles définitions. Nous proposons à partir des « remarques sur la notion d'objet direct en français »1 de M. Gross une définition formelle de ce type de complément, et par là-même sera spécifiée d'une certaine manière la classe des verbes transitifs, verbes acceptant un complément d'objet direct. Quelques propriétés syntaxiques sont liées à l'objet direct : la question souvent mentionnée par les grammaires traditionnelles est la pronominalisation. La pronominalisation du complément direct se fait en le, la, ou les : Pierre voit Paul; Pierre le voit Pierre voit la maison; Pierre la voit Pierre voit les enfants; Pierre les voit. La question qui caractérise le complément d'objet direct est introduite par qui ouque : Que voit-il ? la maison Qui voit-il ?Paul Il est à noter que ces propriétés sont indépendantes, et que tous les verbes transitifs ayant un complément d'objet direct ne peuvent être mis au passif, tel par exemple le verbe avoir : pronominalisation et question sont permises, le passif est impossible : Pierre a ce livre Pierre l'a Qu'a Pierre ? *Ce livre est eupar Pierre. Le verbe coûter a un complément qui se pronominalise en le ou les, mais question et passif sont impossibles. Ce livre coûte dixfrancs. *Que coûte ce livre? 1. Languefrançaise, n° 1, pp. 63-73.

mais

Combien coûte ce livre ? ce livre les coûte * dix francs ont été coûtés par ce livre. Le verbe obéir a un passif, mais c'est un verbe à complément indirect en à : Pierre obéit à Jean Jean est obéi de Pierre.

Tous ces exemples peuvent se multiplier1. Il ressort d'une étude systématique que le critère le plus général pour caractériser les verbes transitifs est la pronominalisation du complément direct en le (la ou les). Pour finir, nous dirons donc que la transformation passive peut s'appliquer à toute structure SN T Vt SN où Vt est un verbe transitif. Nous laissons pour l'instant ce chapitre ouvert. Nous n'avons pas examiné quelles étaient les conséquences, dans la grammaire, de l'existence de cette nouvelle règle, à savoir la transformation passive. Nous y consacrons le 1. Nous complétons cette série d'exemples par les remarques suivantes analysées par Gross. Les compléments propositionnels et les infinitives se comportent comme des substantifs (cf. ch. 7 et 8) et peuvent être soumis à la pronominalisation : Einstein a démontré que e = mc2 la pronominalisation est celle des compléments directs : Einstein l'a démontré le passif est possible : Que e = mc2 a été démontrépar Einstein le verbe chercher dans Il cherche à ce qu'elle vienneplus souvent se comporte comme un verbe transitif par rapport à la question et la pronominalisation : Il le cherche Que cherche-t-il ? mais le passif est impossible *à ce qu'elle vienneplus souvent est cherchépar lui Dans les constructions causatives du type : Jeanfait tomber le livre Quefait tomber Jean ? ♦Le livre estfait tomber par Jean. le passif est impossible.

chapitre suivant en généralisant quelques problèmes d'un point de vue théorique, afin de donner une idée d'ensemble du modèle transformationnel1. Exercices Les exercices sur lepassifont intervenir d'autres transformations. De cefait la plupart d'entre eux sont regroupés à la fin du chapitre 8. 1 Quelle pourrait être la structure de base des phrases suivantes : 1. Pierre est obéi de Paul. 2. Pierre est las de ce livre. 3. Le vinaigre est contenu dans la bouteille rouge. Pourquoi pourrait-on penser que la transformation passive intervient dans la dérivation des phrases (1), (2), (3)? Quels sont alors les problèmes soulevés par l'application de cette transformation ? 1. Le passif est peut-être l'un des problèmes de syntaxe qui a soulevé le plus de discussions en grammaire transformationnelle. Chomsky (6) expose le passif d'un point de vue qui diffère totalement de ce que nous avons présenté. Le chapitre 8 propose quelques problèmes de syntaxe où certaines limites de la transformation sont posées. Ruwet (21) présente un argument de plus en faveur de [T passif] telle qu'elle a été formulée dans Chomsky (4) : En principe, un substantif n'apparaît pas en français sans déterminant : Pierre a mangé un gâteau *Pierre a mangé gâteau. Il existe néanmoins des expressions du type : reprendre haleine crier grâce prendre froid rendrejustice prêter assistance donner tort. où un substantif sans déterminant est complément d'un verbe. Certaines de ces expressions peuvent être mises au passif : justice a été rendue assistance a été prêtée aux personnes en danger tort a été donné à Paul. et d'autres non : *haleine a été reprise par Pierre. Quel que soit le caractère exeptionnel de ces expressions, une grammaire doit en rendre compte, et s'il n'y avait pas de rapport établi entre passif et actif, toutes ces phrases seraient décrites séparément. Il serait alors très difficile d'exprimer le fait que Justice a été rendue est grammatical, et *Justice est inflexible est impossible.

Chapitre 6

Le modèle transformationnel

Pour définir ce que l'on entend par modèle transformationnel, nous allons reprendre l'histoire dérivationnelle d'une phrase passive, à savoir comment cette phrase peut être décrite par les règles syntagmatiques et transformationnelles, pour ensuite élargir le débat en répondant en partie à la question laissée ensuspens au chapitre précédent, c'est-à-dire l'implication des transformations dans la théorie sur la structure de la langue. Soit la phrase (1) : (1) Lefer est mangépar la rouille. Si l'on pose le problème de son histoire dérivationnelle, on peut dire que (1) est une phrase passive. Cette phrase a donc subi plusieurs transformations. Nous dirons que la phrase de base de (1) est (2) : (2) La rouille mange lefer (2) est décrit par des règles syntagmatiques. Les règles pourraient être les suivantes : P —> SN T SV SN Det N T —* Tel (Fut) (Pft) Tel —> Prés SV —> V SN Det —> le, la N —> fer, rouille V —> R(manger)

et l'arbre correspondant aux dérivations de (2) est alors :

sur l'analyse (3)

(3)

on applique la transformation passive, on obtient (4). Rappelons que : alors (4) :

Le fer Prés R(être) pp R(manger) par la rouille Il est certain que l'analyse (4) n'est pas une phrase du français. C'est l'analyse structurale d'une phrase du français à une certaine étape de sa dérivation. Pour obtenir la phrase voulue c'est-à-dire (1), on convertit (4) en (5) par application de la transformation affixe.

(5) lefer R(être) + Prés R(manger) + pppar la rouille la suite (5) n'est pas encore une phrase du français. Il faut des règles morphophonologiquespourconvertirR(être) + Présenestet R(manger) +pp en mangé (1). Nous avons étudié deux règles qui simplifient sensiblement la description du français, ces deux règles étant la transformation affixe et le passif. Il en existe d'autres ; nous en étudierons quelques-unes au chapitre 8. Ces deux exemples suffisent pour examiner quelques implications de ces nouvelles règles dans la théorie sur la structure de la langue. 1. Nous n'avons pas tenu compte et supposé résolus les problèmes de rattachement des affixes personne-nombre. Ace sujet voir Chomsky (4).

Pour l'instant, les transformations ont été définies comme une opération qui convertit une structure syntagmatique (structure abstraite du type la rouille Prés R(manger) lefer) enuneséquencequi est unenouvelle structure syntagmatique dérivée de la première. Si l'on reprend point par point l'histoire dérivationnelle de (1), il est clair qu'il faut définir un ordre des transformations. En effet, pour obtenir (1), nous avons appliqué successivement la transformation passive et la transformation affixe. L'ordre inverse d'application des transformations sur (1)ne donne pas l'ordre correct des éléments. Il suffit d'essayer d'appliquer d'abord la transformation affixe, puis la transformation passive pour s'en rendre compte. Soit (3) La rouille Prés R(manger) le fer Par application de [T afx] on obtient (6) La rouille R(manger) + Prés le fer La nouvelle structure dérivée ne permet pas d'appliquer mécaniquement [Tpassif]. Letempss'est déplacé àla droite duverbe, alors que dans la formule de [T passif] le temps est à la gauche du verbe. De plus, la transformation passive introduit le morphème discontinu R(être)pp sur lequel devrait être réappliqué [T afx]. Cette série de problèmes et mêmel'impossibilité d'obtenir la phrase voulue disparaît si l'on applique dans l'ordre, le passif, puis la transformation affixe. D'une manière générale, les transformations sont ordonnées les unes par rapport aux autres. Ainsi, toutes les fois qu'une nouvelle transformation est étudiée, il faut examinerson ordre d'application par rapport aux autres transformations. Notons ensuite que certaines transformations sont facultatives et d'autres obligatoires. Par exemple, la transformation affixe est une transformation obligatoire. Elle doit s'appliquer à toutes les dérivations, faute de quoi on n'obtiendrait pas une phrase. Le passif, en revanche, est une transformation facultative. Toute phrase du français n'est pas une phrase passive. Cette transformation s'applique ou non aux dérivations selon le cas particulier. Cesconsidérations nous conduisent à une conception entièrement nouvelle de la structure de la langue. La grammaire s'organise en trois parties : - un niveau profond correspondant au niveau syntagmatique. Les règles ont la forme X —> Y. —un niveau de surface, où l'on a des règles morphophonologiques. - les transformations relient les deux niveaux. Elles sont ordonnées. Pour engendrer une phrase à partir de cette grammaire, on fait une dérivation, dont le point de départ est l'axiome Phrase jusqu'à ce que l'on obtienne une séquence terminale. On utilise pour cela les règles syntagmatiques.

Par exemple : P —> SN T SV SN T V SN Np T V SN Np T V Det N Np Tel Pft V Det N Np Tel R(avoir) pp V Det N Np Prés R(avoir) pp V Det N Pierre Prés R(avoir) pp VDet N Pierre Prés R(avoir) pp R(raconter) Det N Pierre Prés R(avoir) pp R(raconter) cette N Pierre Prés R(avoir) pp R(raconter) cette histoire. Un arLre correspond à cette dérivation :

La séquence terminale est la séquence (7) Pierre Prés R(avoir) pp R(raconter) cette histoire La suite des morphèmes de (7) n'est pas dans l'ordre correct. Alors la suite des transformations Tl —Tn convertit cette suite terminale en une nouvelle suite. Appliquons par exemple le passif et la transformation affixe obligatoire sur (7). On obtient (8) après application de [T passif] : (8) Cette histoire Prés R(avoir) pp R(être) pp R(raconter) par Pierre. et (9) après application de [Tafx] (9) Cette histoire R(avoir) + Prés R(être) + pp R(raconter) + pppar Pierre. Les règles morphophonologiques convertissent (9) en la phrase Cette histoire a été racontée par Pierre.

Onpourrait résumer l'allure générale de la grammairepar le schéma suivant1 : Phrase

1. Bibliographie : Chomsky (4), Ruwet (20).

Chapitre 7

Les propositions complétives

Ce chapitre est consacré à l'étude des propositions complétives, dites encore complétives. De mêmeque pour le passif, Grévisse (9) fournit un large champ de recherches. Les généralisations sur les complétives seront faites à partir des travaux de Gross (12) et Picabia (19). 7.1. Les cadres Les structures syntaxiques dans lesquelles se rencontrent les complétives sont les suivantes : —position directe

On peut résumer la structure de ces phrases en écrivant pour (1) (la) SN T V que P et pour (2) (2a) SN T V que P Subj

(la) et (2a) sont des analyses de (1)et (2). Ces analyses disent que (1)et (2) ont un syntagme nominal en position sujet, un temps, un verbe. Leverbe est suivi de que, lui-même suivi d'une phrase. Le symbole Subj donne une information supplémentaire. Il indique simplement que le verbe de la phrase suivant queest au subjonctif. —après la préposition à

La structure de ces phrases peut s'écrire (3a) SN V à ce que P Subj (4a) SN être Adj à ce que P Subj —après la préposition de

(5a) SN

V

(6a) SN être Adj —position sujet

de ce que P Subj de ce que P Subj

La structure résumée des phrases (7) et (8) est respectivement : (7a) Que P Subj T V SN (8a) Que P Subj T R(être) AdjQ Qreprésente des compléments possibles de l'adjectif.

Il faut noter d'une part que la présence d'une complétive dans une phrase n'est pas incompatible avec des compléments directs ou prépositionnels du verbe, comme dans les exemples (9) Pierre exige de son chien qu'il lui rapporte lejournal (10) Pierre dresse son chien à ce qu'il lui rapporte lejournal et d'autre part, on peut trouver deux complétives dans la même phrase mais nécessairement l'une en position sujet, et l'autre en position complément : (11) Que Pierre parte équivaut à ce que Paul vienne. (12) Que Marie vienne est différent de ce quePierre parte. (13) Que Pierre parte exige de Marie qu'elle reste. Lescadres dans lesquels serencontrent lescomplétives étant posés, le problème est de savoir à quelles catégories se rattachent les complétives. Grévisse, en étudiant leur fonction dans la phrase, parle de sujet, complément de verbe et d'adjectif. Implicitement, il les considère donc comme des noms. De façon plus générale, nous allons démontrer que les complétives sont des syntagmes nominaux. 7.2. Les complétives sont des syntagmes nominaux

Il est souvent difficile de faire en syntaxe une démonstration au sens mathématique du terme, mais il est possible d'accumuler un ensemble de faits qui tous convergent vers la même conclusion, ici que les complétives sont des SN. Ces faits sont déduits de plusieurs tests. Soit : —test distributionnel Silescomplétives sont des syntagmesnominaux, elles doivent être substituables à des syntagmes nominaux déjà connus du type Det Npar exemple. Il suffit de reprendre quelques exemples traités précédemment pour constater le phénomène : (1b) (2b) (3b) (4b) (5b) (6b)

On pourrait multiplier les exemples à l'infini, mais nous arrêterons là le test de la commutation. Il faut remarquer tout de suite un fait qui sera repris plus loin dans les généralisations sur les complétives : en position directe ouen position sujet, les syntagmes nominaux commutent avec QuePou QueP Subj; en position prépositionnelle, les syntagmes nominaux commutent avec ce Que P Subj (phrases (3b), (4b), (5b), (6b)). Test de la pronominalisation Defaçon très générale on peut dire que la pronominalisation est une transformation qui substitue à un syntagme nominal un pronom, en position préverbale. Le pronom diffère selon que : —le syntagme nominal est un complément d'objet direct : le pronom est le (la ou les en fonction des marques de genre et nombre), commedans la phrase [Pro] =►

Pierre mange un gâteau Pierre le mange

—le syntagme nominal est introduit par la préposition à; le pronom est alors y (ou lui ou leur) Pierre pense à son livre [Pro] =» Pierre ypense Pierre raconte une histoire à ses enfants Pierre leur raconte une histoire [Pro] —> —le syntagme nominal est introduit par la préposition de; le pronom est en Pierre rêve de ses livres disparus [Pro] —> Pierre en rêve. Ceci étant posé, si les complétives sont des syntagmes nominaux, elles doivent pouvoir être pronominalisables selon les pronoms le, y et en, si elles sont respectivement en position de complément direct, introduite par à, introduite par de. Nous constatons immédiatement le résultat sur les exemples suivants : Pierre veut que Marie vienne [Pro] ==> Pierre le veut. Pierre Fconsent 1 à ce que Marie vienne \ est hostile J [Pro] ==> Pierre y Fconsent 1 \ est hostile J

[Pro] =>

Pierre f doute 1 de ce que Marie réussisse \ est content J Pierre en Fdoute "1 \ est content J

Après une étude systématique et exhaustive des complétives en français, Gross (12) n'a relevé qu'une véritable exception à la pronominalisation, exception du verbe chercher. Pierre cherche à ce que Marie vienne ce soir La complétive est précédée de à. La pronominalisation en y est impossible *Pierre y cherche mais Pierre le cherche. Test dupassif La transformation passive a été formulée au chapitre 5. Nous en rappelons le mécanisme : Si les complétives sont des syntagmes nominaux, les phrases à complétives directes, ou complétives sujets doivent pouvoir être soumises à la transformation passive. Considérons la phrase (14) Pierre a exigé de Paul qu'il vienne. La phrase passive correspondante (15) existe, bien qu'elle ne soit pas très élégante : (15) Qu'il vienne a été exigé de Paulpar Pierre. La phrase serait plus confortable si l'agent par Pierre était omis. Le mécanisme qui relie (14) à (15) est fort proche du mécanisme de la transformation passive : permutation des syntagmes nominaux sujets et des complétives, insertion de l'auxiliaire être et d'une préposition. Si l'on ne dit pas que les complétives sont des syntagmes nominaux, il faut réécrire le passif pour des phrases semblables à (14). On pourrait proposer par exemple : L'existence de [T passif 2] fait perdre à la transformation passive de sa généralité. Une régularisation consiste à considérer les complétives comme des syntagmes nominaux.

Plus délicates à traiter sont les phrases à complétives en position sujet. Soit (16) Que Paulparte sidère Pierre. la phrase passive correspondante pourrait être (17) Pierre est sidéré que Paulparte. La difficulté que nous rencontrons est la suivante : la complétive de la phrase (17) est en position directe. D'une part, on n'a pas l'insertion d'une préposition comme dans les phrases passives. Il est alors difficile d'utiliser la formule de [T passif] pour régulariser le statut de ces complétives et les considérer comme des syntagmes nominaux. D'autre part, la complétive directe de (17) ne réagit pas comme un complément direct. En effet, prenons le cas d'une complétive qui se comporte comme un complément direct : (18) Pierre aurait aimé que Marie chante. On peut sur la complétive poser une question : (19) Qu'aurait aimé Pierre ? le même type de question sur la complétive du (17) est impossible : (20) *Qu'est sidéré Pierre ? la seule question qui est possible est (21) De quoi est sidéré Pierre ? où l'on voit apparaître la préposition de. La pronominalisation de la complétive de la phrase (17) met davantage en évidence ce phénomène : [Pro] ==> (22) Pierre en est sidéré Lepronom en fait penser à l'existence d'une préposition desous-jacente devant la complétive. On constate par ailleurs qu'il existe une autre phrase, peu différente de (17), moins naturelle, mais acceptable. (23) Pierre est sidéré de ce que Paulparte La différence entre (17) et (23) réside dans le fait que la complétive de (23) est introduite par de et ce. Par là-même (23) est plus proche formellement de la structure d'une phrase passive que (17) mais si l'on pose que (23) est le passif de (16), on pose aussi que la transformation passive introduit non seulement la préposition de, mais aussi le morphème ce. Ceci n'entre pas dans la formule du passif. Onen revient à proposer une autre formule pour le passif par exemple : et à considérer les complétives comme un cas particulier de syntagmes nominaux.

Une solution possible pour régulariser la situation consiste à ne pas changer la description structurale du passif, et à considérer les complétives comme des syntagmes nominaux. La structure de base des complétives serait alors ce que P (Subj) Dans certains contextes, le de et ce sont effacés. Pour résumer, disons que : - les complétives sujets ont une structure de base ce que P(subj) —en position sujet ce est effacé par une transformation ce => 0 —au passif, une autre règle intervient qui efface de ce de ce ==> 0 Ceci n'est pas une solution « ad hoc »au problème. L'intérêt est de généraliser ces règles et de régulariser un nombre de phénomènes à propos des complétives. 7.3. La structure de base des complétives Si l'on examine les faits de départ —phrases de (1) à (13) —on note que les complétives prépositionnelles sont précédées de ce, maisjamais les complétives sujets, ni les complétives directes. Pour régulariser la structure des complétives, onpourrait dire quelemorphèmeceest toujours présent dans la basequelle que soit la structure syntaxique dans laquelle elles entrent. Le ce disparaît en surface par la règle ce ==> 0 pour les complétives sujets et directes. Nous venons de voir, à propos du passif, une série d'arguments qui rendent cette hypothèse nécessaire pour les phrases à complétive sujet. Aucun argument pour l'instant ne permet d'émettre cette hypothèse pour les complétives directes. Il en existe au moins un à propos de la nominalisation. La nominalisation est une transformation qui généralise certaines dérivations morphologiques. Aulieu de dire que crainte et craindre dérivent l'un de l'autre par exemple, on pose une transformation entre la phrase dont le verbe est craindre et le syntagme nominal dont le substantif est crainte, par exemple : Tu crains Pierre. ==> Ta crainte de Pierre. ou bien Tuachètes ce livre. =» Ton achat de ce livre. la transformation de nominalisation peut se résumer de la façon suivante : si l'on a une phrase dont la structure est Pro T V SN Pro étant un pronom sujet, la structure du syntagme nominal dérivé est Adj-poss Vn de SN

Pro devient un adjectif possessif (Adj. poss), le verbe se nominalise (Vn), la préposition de est introduite devant le syntagme nominal complément direct qui devient ainsi complément de nom. Aprésent, si SNest une complétive comme dans Tu crains qu'il ne vienne l'application mécanique de la règle de nominalisation donne un résultat incorrect : * Ta crainte de qu'il ne vienne. la phrase correcte est Ta crainte de ce qu'il ne vienne, où l'on voit apparaître le morphème ce devant la complétive. Nous retrouverons le même problème que pour le passif : ou bien on fait des complétives un cas particulier de syntagme nominal et l'on écrit deux règles pour la nominalisation, ou bien on pose que les complétives ont une forme Ce Que P(Subj) en structure profonde, ce qui régularise les faits, et la règle de nominalisation garde toute sa généralité. Pour résumer, nous dirons que toutes les complétives ont la forme ce Qu P(Subj), le morphème ce disparaît par la règle ce ==> 0 quand les complétives sont en tête de phrase, ou bien introduites directement1. 1. La forme de base des complétives proposée par Gross (10) est en fait plus compliquée. Elles auraient en structure profonde la forme Ce lui, Que P La démonstration se résume aux points suivants -- on remarque que les complétives commutent avec ci ou la (noté (ci+la) :

D'après ces exemples on peut dire que (ci + la) se réfèrent à une phrase entière. - par ailleurs (ci + la) ont des positions en distributions complémentaires avec les relatives

On peut considérer alors (ci + la) comme modifieurs de substantifs.

7.4. La transformation [p.c.z] Unfait lié à ceque nous venons de voir, est l'effacement de la préposition et du morphème ce, dans certains contextes. Nous en avons rencontré un exemple à propos du passif, nous le redonnons : (17) Pierre est sidéré que Paulparte. ce même verbe accepte également une complétive prépositionnelle : (23) Pierre est sidéré de ce que Paulparte. Dans les deux cas, le complément se pronominalise de la même façon : il est source du pronom en. Les phrases (17) et (23) ont le même sens, elles sont formées des mêmes éléments, à la préposition et au morphème ce près. On dérivera (17) de (23) par une transformation notée [p.c.z] qui se lie effacement (z) de la préposition (/?.) et du ce (c.), autrement ces deux phrases devraient être décrites indépendamment l'une de l'autre. Cette transformation est assez générale, elle s'applique aussi —à des verbes ayant des complétives prépositionnelles en à : Pierre songe à ce que Marie est partie Pierre songe que Marie est partie Dans les deux cas, la complétive est source du pronom y Pierre y songe —à des adjectifs ayant des complétives prépositionnelles en de

Dans les deux cas, les phrases ont même sens et les complétives se pronominalisent selon le pronom en. - Si alors on dit que les complétives sont aussi des modifieurs de noms, puisqu'elles commutent avec (ci + la) alors la forme de base des complétives devrait être quelque chose comme Ce N Qu P - Attribuer à Nla forme lui que l'on peut effacer (luiz) a été suggéré par le fait que la forme primitive des pronoms est lui (Gross (10)).

Exercices 1 Trouver plusieurs exemples de verbes et d'adjectifs entrant dans les structures suivantes : - SN V Qu P (Subj) - SN V à ce Qu P (Subj) - SN être Adj à ce Qu P (Subj) - SN V de ce Qu P (Subj) - SN être Adj de ce Qu P (Subj) - SN V Qu P (Subj) à SN - SN V Qu P (Subj) de SN - SN V SN à ce Qu P (Subj) - SN V SN de ce Qu P (Subj) - Qu P (Subj) V SN - Qu P (Subj) être Adj à SN - Qu P (Subj) être Adj de SN 2 Donner les formes de base des phrases suivantes : (1) Pierre suggère qu'il vienne. (2) Pierre pense qu'il viendra. (3) Pierre doute qu'il vienne. (4) Pierre a intérêt qu'il vienne. (5) Pierre est furieux qu'il vienne. (6) Pierre affirme qu'il viendra (7) Pierre est d'avis qu'il vienne. (8) Pierre est satisfait qu'il vienne (9) Pierre a du plaisir qu'il vienne. (10) Pierre est sûr qu'il viendra. (11) Pierre est désespéré qu'il vienne. (12) Pierre songe qu'il viendra. (13) Pierre rêvequ'il viendra. (14) Pierre estjaloux qu'il vienne. (15) Pierre est consterné qu'il vienne. 3 Donner l'histoire dérivationnelle de la phrase : Paul a été impressionné que Pierre réussisse. (Traiter le subjonctif de la complétive comme un indicatif. Le subjonctif est ensuite introduit par transformation (voir Gross (10) ch. 7).

Chapitre 8

Transformations sur les complétives

Nous présentons trois transformations qui opèrent sur les complétives : les transformations de réduction des complétives, d'extraposition des complétives, et la transformation de formation d'objet1. Dans les trois cas, la démarche sera la même, et sera identique à celle que nous avons utilisée pour le passif. On part d'un ensemble de faits. Apartir de ces faits, on émet l'hypothèse qu'une transformation simplifie un certain nombre de problèmes, puis on formule cette opération. 8.1. Transformation de réduction de complétive Lorsqu'on examine un grand nombre de constructions ayant des complétives, on se rend compte qu'il existe souvent dans la mêmeposition un complément à l'infinitif dont le sens est identique ou voisin de celui de la complétive. Soit cette série d'exemples : (la) Pierre croit qu'ilpartira. (1b) Pierre croit partir. (2a) Pierre est certain qu'il partira. (2b) Pierre est certain departir. (3a) Pierre veut qu'il parte. (3b) Pierre veut partir. 1. Éléments de bibliographie pour ce chapitre : Gross (10), Picabia (19), Ruwet (21).

(4a) Pierre est heureux qu'il parte. (4b) Pierre est heureux departir. (5a) Pierre condamne Paul à ce qu'il parte. (5b) Pierre condamne Paul à partir. (6a) Pierre autorise Paul à ce qu'il parte. (6b) Pierre autorise Paul à partir. (7a) Que Pierre parte amuse Marie. (7b) (De) partir amuse Marie. Examinons les exemples les uns après les autres : —Laphrase (la) est ambiguë. L'une des interprétations est que Pierre partira, l'autre interprétation est que quelqu'un d'autre que Pierre partira. La phrase (1b) a la première interprétation, et l'on peut interpréter le complément à l'infinitif comme une forme réduite de la complétive : ce que SN T est effacé et le verbe de la complétive se met à l'infinitif. —Les phrases (2a) et (2b) s'analysent de la même façon que les phrases (la) et (1b), la seule différence est que l'on a des complétives compléments d'adjectif au lieu de complétives compléments de verbe. —La phrase (3a) n'est pas ambiguë. La seule interprétation possible est que le il de la complétive est différent du sujet Pierre. A la différence du verbe croire, l'interprétation où ilest égalà Pierre n'est donnée quepar la phrase (3b), phrase où l'on a le complément à l'infinitif. —Les phrases (4a) et (4b)s'analysent commeles phrases (3), mais complétive et complément à l'infinitif sont compléments d'adjectif. —La phrase (5a) est ambiguë : c'est soit Paul, soit Pierre qui part. La phrase (5b) n'a que la première interprétation, le sujet du verbe à l'infinitif n'est plus identique au sujet duverbeprincipal commedans lesphrases (1)à (4), mais identique au complément du verbe principal. —La phrase (6a) n'est pas ambiguë, le sujet de la complétive est différent du complément du verbe principal. La phrase (6b) a l'interprétation où le sujet de la complétive est identique au complément du verbe principal. —Les exemples (7) présentent un cas de complétive sujet où l'on trouve dans la même position une infinitive. Le sujet de l'infinitive est identique au complément direct du verbe. Le morphème de en tête de la phrase (7b) est facultatif. On retrouve ce mêmemorphème dedevant des complétives compléments comme dans (8a) Pierre exige qu'il parte. (8b) Pierre exige departir. l'infinitive n'est pas un complément prépositionnel en de, puisqu'elle se pronominalise selon le pronom le :

(10) *Pierre en exige. (11) Pierre l'exige. c'est un complément direct. Il ressort de l'analyse de ces exemples que la réduction de la complétive a lieu quand le sujet dela complétive amêmeréférence que lesujet duverbe principal, ou bien a même référence qu'un des compléments du verbe principal. Si l'on ne pose pas de transformation entre complétives entières et prédicats à l'infinitif, le lien systématique qui les unit n'est pas décrit. Cependant cette règle opère différemment selon la structure de la phrase à complétive entière. Nous allons étudier diverses formulations decette règle ainsi que les conditions dans lesquelles elles s'appliquent. On peut envisager quatre cas : 1- Les exemples (1) (2) (5) peuvent être regroupés et analysés de la même façon. Nous appellerons désormais SN, le sujet du verbe principal, SN2 le complément possible du verbe principal, SN3 le sujet de la complétive entière. Les phrases (la), (2a), (5a), sont correctes lorsque SN3 a même référence que SN, ou SN2 (c'est ou l'un ou l'autre, ou est exclusif). Nous modifions un peu les exemples pour mettre en évidence le phénomène : SN3 = SN, Tu crois que tu partiras. Tu es certain que tu partiras. SN3 = SN, Tu te condamnes à ce que tu partes SN3 = SN, Ondira dans ce cas que la réduction de la complétive à un prédicat à l'infinitif est facultative, et l'opération peut se formuler de la façon suivante :

Les parenthèses brisées reprennent le ou exclusif. On réfère 6 à 1 ou à 3. X —2 représente tout ce qu'il peut y avoir entre SNi et SN2, c'est-à-dire le temps, le verbe, une préposition possible devant SN2. Les crochets délimitent la complétive. X —4 indique une préposition possible devant la complétive. Xpeut être nul, encas decomplétive directe, (X = 0). X = 9sont descompléments possibles du verbe de la complétive. 1. Cette formulation est reprise de Ruwet qui l'avait proposée dans un séminaire à Paris VIII (année 1969-1970).

Sur l'exemple (1), le processus de la transformation est le suivant : (la) a pour analyse structurale [T. Réduction] ==> Nous avons 6 = 1. 2— Les exemples (3) (4) et (6) peuvent former le deuxième cas de réduction de complétive. Les phrases (3a) (4a) et (6a) sont incorrectes lorsque SN3 se réfère à SN, (ou SN.) * Tupeux que tu partes. * Tu es heureux que tu partes. *? Pierre t'autorise à ce que tu partes. Si SN3 doit se référer soit à SNi soit à SN2, la réduction de la complétive est alors obligatoire. La formulation de l'opération sefera commeprécédemment, si ce n'est que OBL (obligatoire) remplace FAC (facultatif ). 3 - Il existe des complétives qui ne peuvent jamais être réduites c'est le cas dereconnaître. Pierre reconnaît Paul à ce qu'il porte un chapeau mou. on n'a jamais *Pierre reconnaît Paul à porter un chapeau mou. Avec un adjectif, on trouve l'exemple d'allergique : Pierre est allergique à ce que Paulfasse de la musique. *Pierre est allergique àfaire de la musique. Cette catégorie de verbes et d'adjectifs n'accepte jamais la transformation de réduction de complétive. 4—Al'inverse, il y a toute une série de verbes et d'adjectifs qui sont obligatoirement suivis d'un prédicat à l'infinitif, sans qu'il y ait de complétives entières attestées : Pierre commence à écrire. Pierre osepartir. Pierre court acheter unjournal. Pierre doit penser à son livre.

Avec les adjectifs, on trouve les exemples suivants : Pierre est désireux departir. Pierre estfichu de s'absenter. Pierre est impuissant à résoudre ceproblème. Ils sont unanimes à accepter cette solution. Considérer ces verbes et ces adjectifs comme ayant des complétives réduites sans forme de base attestée, et dériver ces phrases par la transformation de réduction de complétives, dans ce cas obligatoire pourrait donner une généralisation del'ensemble desfaits étudiés ici, àsavoir la description desprédicats à l'infinitif. Cependant ces prédicats, à l'infinitif, n'ont pas les mêmes propriétés nominales. Les infinitives ne commutent pas avec des syntagmes nominaux :

Parmi tous ces verbes, on trouve des classes définies par un ensemble de critères syntaxiques et qui ont, de plus, la propriété remarquable d'être sémantiquement apparentés. Nous présentons en particulier la classe des verbes de « mouvement » (Vint). Elle est constituée des verbes aller, courir, monter, descendre, voler etc. Tous ces verbes entrent dans la construction SN Vmtinf VSN Le prédicat (c'est-à-dire inf VSN) se comporte comme un adverbe de lieu. Soit : La question, posée sur le prédicat, se fait en où : Où court Pierre ? réponse : La pronominalisation du prédicat est celle des adverbes de lieu : elle se fait selon le pronom y : Pierre y court. Nous ne donnons pas vraiment de solution pour le traitement de ces complétives réduites sans source attestée. Les traiter par la transformation de

réduction obligatoire n'est pas déraisonnable. Ceci implique obligatoirement dans la base l'identité des sujets. Cette supposition n'est pas arbitraire dans la mesure où il existe des contraintes très voisines pour d'autres verbes, mais cette solution n'est pas satisfaisante étant donné les propriétés syntaxiques de ces prédicats à l'infinitif1. 8.2. Transformation de formation d'objet (F.O.) Cette transformation est une forme particulière de réduction de complétive. Elle intervient dans la dérivation de phrases telles que (12) Pierre estime Paul insignifiant. (13) Pierre croit Paul capable departir2. Lastructure profonde de (12)et (13)est respectivement quelque chosecomme : (14) Pierre estime que Paul est insignifiant. (15) Pierre croit que Paul est capable departir. Cette transformation a essentiellement pour effet de faire du sujet de la complétive, le complément d'objet direct du verbe principal. Plus précisément cette règle opère sur des complétives rattachées à une classe de verbes particuliers de type juger, croire, estimer3... Si la complétive a la structure SN T R(être) Adj. la réduction opère. Mais puisqu'il n'y a pas identité du sujet de la complétive avec le sujet du verbe principal, le sujet de la complétive Pierre est devenu complément d'objet direct du verbe estimer, ce qui est vérifié par le test de la pronominalisation : (17) Pierre l'estime insignifiant. 1. On pourrait concevoir des règles syntagmatiques du type SV —> Vinf VSN (cf. Ruwet (21)). Gross propose aussi une solution de Harris : traiter ces verbes comme des auxiliaires, et les introduire dans la structure de base par une règle analogue à celle qui introduit le temps. Cette solution est suggérée par le fait que certains d'entre eux ont des contraintes particulières par rapport aux auxiliaires de temps. Par exemple, on peut avoir Pierre a commencé à travailler mais non # Pierre commence à avoir travaillé. Ceci signifie que la classe des verbes où l'on trouve commencer à ne peut être introduit qu'après T. Si l'on nomme cette classe, classe des aspectuels (ASP) on aurait une règle du type P - SN T ASP SV. 2. Dans cette phrase le prédicat à l'infinitif de partir est une complétive sans source de base attestée. 3. On trouve dans cette classe les verbes aimer, apprécier, craindre, croire, décréter, détester, espérer, estimer, exiger, haïr, juger, mépriser, penser, percevoir, postuler, pressentir, présumer, présupposer, prévoir, projeter, propager, regretter, réprouver, savoir, se figurer, sentir, souhaiter, supposer, supputer, tabler, trouver, tolérer, vouloir, voir.

8.3. Transformation d'extraposition des complétives

La transformation d'extraposition des complétives explique la formation de phrases impersonnelles du type Il estfaux que Pierre soit malade. Il plaît à Paul que Pierre vienne. Là encore nous proposons de partir d'un ensemble de faits qui cernent le problème. On trouve des paires de phrases qui ont une complétive soit en position sujet soit en fin de phrases : (1) a. QuePierre vienneplaît à Paul. b. Il plaît à Paul que Pierre vienne. (2) a. Que Marieparte tombe malpour Pierre. b. Il tombe malpour Pierre que Marieparte. (3) a. Que les hypothèses soientfausses ressort de l'analyse. b. Il ressort de l'analyse que les hypothèses sontfausses. Avec les adjectifs on a par exemple : (4) a. Que Pierre soitfou est vrai. b. Il est vrai que Pierre estfou. (5) a. Que Marie vienne estjuste. b. Il estjuste que Marie vienne. (6) a. Qu'il échoue est indigne de Pierre. b. Il est indigne de Pierre qu'il échoue. Pour toutes ces paires, la structure des phrases (a) se résume par Qu P (Subj) T Vprep SN ou Qu P (Subj) TR(être) Adj (prep SN) et la structure des phrases (b) par : Il T V prep SN Qu P ou Il T R(être) Adj (prep SN) Qu P Il est intéressant derelier lesphrases (a)auxphrases (b)par une transformation. Ces phrases ont même sens, elles sont formées des mêmes éléments à une constante près : le il impersonnel. Si ces phrases sont décrites séparément, le lien systématique qui les unit est omis. Mais on peut se demander si la règle va dans le sens a ==> b, ou b =^> a. Il existe au moins deux types d'arguments pour dire que la règle transforme b à partir de a.

1- Tout élémentdulexique, et tout verbeenparticulier imposedescontraintes sur la nature de son sujet et des compléments qu'il peut avoir. Plaire par exemple a un sujet non-contraint, c'est-à-dire qu'on peut avoir en position sujet n'importe quel type de substantif : Lorsque la complétive est en fin de phrase, elle ne commute plus avec un syntagme nominal : A présent, nous allons montrer que la règle qui déplace la complétive fonctionne dans le sens a ===> b, en faisant apparaître que si la règle transforme a à partir de b (i.e. b ==> a), alors on multiplie les problèmes. En effet, si b ===> a, on n'obtiendra jamais par transformation que la phrase Qu P Subjplaît à SN Il faut alors concevoir d'autres dérivations pour obtenir les phrases SNplaît à SN où SN sujet n'est pas une complétive. Ceci multiplie dans le lexique de la grammaire les verbes plaire et ce résultat n'est pas intéressant. Dans le cas contraire, c'est-à-dire si la transformation opère dans le sens a ==> b, ces problèmes disparaissent. 2 - Le deuxième type d'argument est plus formel. Si l'on examine les trois phrases suivantes (7) (a) Jean a dit à Pierre que Paul a été malade (P) Que Paul a été malade a été dit à Pierre par Jean. (y) Il a été dit à Pierre par Jean que Paul a été malade. on remarque que (7a) est une phrase active, (7p) est une phrase passive, (7y) une phrase ayant même sens que les précédentes, mais de tournure impersonnelle. On sait que (7p) est obtenue à partir de (7cx) par la transformation passive (chapitre 5) c'est-à-dire (7cx) ==> (7(3). Si (7y) ==> (70), alors la phrase (7p) a deux représentations sous-jacentes différentes. Ceci n'est possible que si (7p) est ambiguë. Or (7p) n'est pas ambiguë, elle ne peut avoir 1. Laphrase

*Il plaît à Paul ce livre. est inacceptable. La même phrase avec une pause après Paul est acceptable Il plaît à Paul, ce livre. mais ce sont d'autres phénomènes syntaxiques que nous ne traitons pas ici.

qu'une seule représentation sous-jacente. L'ordre des opérations est alors le (T passif) suivant : (7(X) =>(7p) puis (7p) donne (7y) par une transformation à formuler. Ceci revient à dire que la structure impersonnelle est une transformée de la structure où la complétive est en tête de phrase. La transformation que nous appellerons désormais transformation d'extraposition de complétive [T extrap] se formule de la façon suivante : lorsqu'on a une structure

Étant donné que les adjectifs n'ont jamais de complément direct, l'extraposition est une opération très générale, même si Prep SN est omis comme dans les exemples (3) et (4)1. La transformation d'extraposition s'étend de façon naturelle à des structures à complétives directes qui peuvent être passivées, c'est le cas de l'exemple (7). Demême,certains substantifs, complémentdirect et précédés d'un déterminant bien spécifique, peuvent être soumis à la transformation d'extraposition, après avoir été passivés : Ona acheté beaucoup de livres. Beaucoup de livres ont été achetés T passif] ==> T extrap] ==> Il a été acheté beaucoup de livres. 1. Éléments de bibliographie à ce sujet : Picabia (19). Il semble en fait que la seule forme adjectivale sans complément prépositionnel est censé suivi obligatoirement d'un prédicat à l'infinitif : Jean est censéfaire ce travail. Si l'on se refuse à considérer censé comme une exception on peut traiter être censé comme un verbe à caractère morphologique complexe, ayant une complétive sans source de base attestée. Une autre analyse m'a été suggérée par N. Ruwet : censé est un participe passé et l'on pose la forme de base suivante non attestée : (i) *On cense que Pierre a travaillé. Par la même on suppose un verbe *censer, se construisant sur le type de supposer. S'applique ensuite sur (i) la règle de formation d'objet : (ii) *On cense Pierre avoir travaillé. Ensuite le passif sur (ii) avec suppression du complément d'agent permet d'obtenir la forme (iii) Pierre est censé avoir travaillé. Ces solutions ne sont pas satisfaisantes ; la première parce qu'elle est purement ad hoc, la seconde parce qu'elle repose sur des formes non attestées. Admettre une forme non attestée n'est possible que si, lui appliquant des transformations, on obtient des formes qui le sont, comme c'est le cas par exemple du verbe connaître (chapitre 9).

Les articles définis, les démonstratifs, les possessifs, devant le syntagme nominal direct, bloquent la règle

Il existe des verbes tels que falloir, sembler, neiger qui entrent dans des structures impersonnelles uniquement : Il faut que Pierre vienne. Il semble que Pierre est malade Il neige. Onne trouve pas

*QuP (subj) faut *QuP semble. *SN neige

On considérera alors que la forme de base de ces verbes est la structure impersonnelle.

Exercices 1 Certains éléments lexicaux s'intègrent dans des constructions syntaxiques différentes que l'on ne peut pas relier par transformation. C'est le cas par exemple de l'adjectif heureux qui entre dans les constructions suivantes : Paulestheureuxde (son livre + sonfils + partir) Il est heureux pour Paul qu'il puisse partir. Heureux se construit, d'une part, avec un sujet /humain/ et un complément prépositionnel en de, pronominalisable selon en, ce complément peut être une complétive sur laquelle la réduction opère facultativement, et d'autre part heureux se construit avec une complétive sujet extraposable et un complément en pour. Dans de tels cas, il est convenu de dire que le vocabulaire de la grammaire contient deux adjectifs heureux.

Trouver pour les verbes et les adjectifs qui suivent les différentes constructions syntaxiques dans lesquelles ils entrent : 1 donner 7 regarder 8 curieux 2 empêcher 9 digne 3 exiger 4 déterminer 10 fort Il honteux 5 penser 12 sûr 6 résulter 2 Tous les exemples suivants comportent un verbe suivi d'au moins un complément, et celui-ci est un prédicat à l'infinitif : 1 Il déteste partir 2 Je promets de rester 3 Il brûle d'obtenir ce poste 4 Il exige d'être à l'heure 5 Il mérite de réussir 6 Il l'autorise à prendre la voiture. 7 Il obtient de lui d'être pris. 8 Il reconnaît être malade. 9 Il incite à partir vite. 10 II le convainc de rester. 11 Cela décourage à prévoir les vacances. 12 Il craint être évincé. 13 Il le décide à venir. 14 Il lui convient d'avoir des vacances d'automne. 15 Il le menace de partir. 16 Il doute de partir. 17 Il lui ordonne de remettre son livre. 18 Cela force à faire des économies. 19 Il répugne à trahir ses amis. 20 Il lui dit de s'en aller. 1—Faire un classement des verbes à partir de la construction syntaxique de base, et d'après les prépositions, zéro, à, de. 2— Certains des verbes employés ici n'apparaissent pas dans leur construction maximale : un verbe apparaÍt dans sa construction maximale lorsqu'il a tous ses compléments. Les adverbiaux et les circonstanciels sont omis. Le verbe écrire peut avoir par exemple deux compléments, l'un direct, l'autre introduit en à. Pierre écrit une lettre à Paul. C'est la construction maximale. Dans certains contextes l'un ou l'autre ou les deux compléments peuvent être omis. Donner pour chacun de ces verbes la construction maximale.

5 Dans les phrases suivantes : Jeanpense qu'ilfera ce travail. Jeanpense àfaire ce travail. Jean songequ'ilfera ce travail. Jean songe àfaire ce travail. Jean aime qu'ilfasse ce travail. Jean aimeàfaire ce travail. Les verbespenser, songer, aimer, entrent dans des structures formellement identiques que l'on peut résumer par SN T V que P (Subj) SN T Và inf VSN Trouver des critères syntaxiques (distributionnels et transformationnels) qui permettent de distinguer le comportement syntaxique de ces trois verbes. 4 Donner l'histoire dérivationnelle des phrases suivantes : (1) Pierre a été cru malade. (2) Il a été dit que lefilm sera censuré. (3) D'arrêter lejeu a été demandé expressémentpar l'arbitre. (4) Il a été impossible pour Jean de démontrer le théorème. 5 Donner la structure de base de la phrase : Il a été réfléchipar tous à ceproblème. Quels sont les problèmes posés par la dérivation de cette phrase?

Chapitre 9

Problèmes de syntaxe

Ce chapitre1 propose trois analyses différentes sur des points de syntaxe du français. Dans ces trois analyses, la démarche pour poser le problème et parvenir à des éléments de solutions est différente. La première pose des problèmes de catégories et de classes d'éléments du lexique, la seconde pose un problème théorique du point de vue de la grammaire transformationnelle ; la troisième enfin peut être proposée comme un exemple d'étude distributionnelle qui amène à poser des solutions transformationnelles. 9.1. Adjectifs et participes passés

Le problème est posé par la phrase (1) Ce livre lasse Pierre Deux phrases pourraient être le passif de (1) (2) Pierre est las de ce livre (3) Pierre est lassé par ce livre 1. Bibliographie : M. GROSS « About the French Verb to know », Studia Linguistica, 1972, M. GROSS, « Sur une règle de cacophonie », Langages 7, Paris, Didier-Larousse, 1967, L. PICABIA,«DesAdjectifset quelques problèmes deformalisation dulexique », Languefrançaise II Paris, Larousse, 1971.

(3) serait le passif de (1) après application mécanique de la transformation passive, c'est-à-dire que la règle insère la préposition par, l'auxiliaire être et l'affixe participe passé. (2) pourrait être une variante du passif, où la règle insère la préposition de, l'auxiliaire êtreet unaffixezérocequi revient àl'emploi de l'adjectif. Ceci amène à poser le statut des adjectifs tels que las (classe où l'on trouve aussi content, mécontent) : a-t-on a faire à des adjectifs ou à des participes passés ? Pour trancher il faut trouver un critère syntaxique qui oppose très généralement adjectifs et participes passés, et appliquer ensuite ce critère sur cette classe particulière d'adjectifs. L'extraposition des complétives fournit un très bon test. Nous rappelons que la transformation d'extraposition des complétives opère sur les structures : Qu P V prep SN [T extrap] ==> Il V prep SN Qu P. Cette règle s'étend aux structures à complétive directe qui ont été passivées : (4) Jacques a cru que Paule était malade. (5) Que Paule était malade a été crupar Jacques. (6) Il a été cru par Jacques que Paule était malade. Cette propriété s'élargit aux substantifs. (7) Le libraire a vendu beaucoup de romanspoliciers. (8) Beaucoup de romans policiers ont été venduspar le libraire. (9) Il a été vendupar le libraire beaucoup de romans policiers. Si un adjectif entre dans la structure Qu P être Adj (prep SN) L'extraposition opère de même sans exception : [T extrap] ==> Il être Adj (prep SN) Qu P maisjamais elle ne s'étend aux substantifs (10) Que Pierre échoue est possible. (11) Il est possible que Pierre échoue. (12) Des échecs sont possibles. (13) *Il est possible des échecs. Sauf si l'on a affaire à un participe passé : (14) Des échecs sont prévus à l'examen. (15) Il est prévu des échecs à l'examen. Ainsi, c'est l'impossibilité d'extraposer des substantifs dans des structures adjectivales qui fournit le test syntaxique qui oppose adjectifet participe passé. Si l'on applique le test sur les phrases suivantes : (16) Les romans noir.s ont lassé ungrand nombre depersonnes.

(17) Ungrand nombre depersonnes ont été lassées par les romans noirs. (18) Ungrand nombre depersonnes ont été lasses des romans noirs. L'extraposition s'applique sur (17) et ne s'applique pas sur (18) : (19) Il a été lassé un grand nombre depersonnes par les romans noirs. (20) *Il a été las un grand nombre depersonnes des romans noirs. Ainsi la phrase (2), c'est-à-dire Pierre est las de ce livre, n'est pas un passif, et las n'est pas une forme verbale. Ceci est confirmé par un autre test : dans la phrase (21) Les mauvaispolars ont lassé Pierre de cette littérature. On a d'une part (22) Pierre a été lassé de cette littérature par les mauvais polars. Mais on n'a pas (23) *Pierre a été las de cette littérature des mauvaispolars phrase où l'on voit bien que las n'est pas une forme verbale car sinon il accepterait comme lassé les deux compléments. On pourrait croire à priori que c'est la succession de deux syntagmes nominaux précédés de dequi rend la phrase (23) inacceptable. Ceci est infirmé par le fait qu'une telle succession est possible en français : Pierre aime Marie d'un amourfou. Marie est aimée de Pierre d'un amour fou. 9.2. A propos de savoir et connaître

Les deux verbes savoir et connaître ont des comportements syntaxiques tels qu'ils suggèrent l'existence de relations entre eux. Lorsqu'on étudie le type de complémentd'objet directqu'acceptent cesdeuxverbes ontrouve par exemple : (1) a. b. (2) a. b. (3) a. b.

Pierre sait (sa leçon + l'anglais) 1 Pierre connaît (sa leçon + l'anglais) Pierre sait que Paul est venu. Pierre connaît que Paul est venu. * Pierre sait (Paul + cette maison). Pierre connaît (Paul + cette maison).

Les phrases (1) sont parfaitement synonymes. Les verbes savoir et connaître acceptent le même type de compléments d'objet direct. Dans l'exemple (2), seule la phrase (a) est acceptable : savoir admet une complétive, et non connaître. L'exemple (3) présente d'autres classes de substantifs, compléments 1. Nous rappelons que le signe + est à interpréter comme une disjonction.

directs possibles du verbe connaître. Dans les mêmes contextes, savoir est inacceptable. On pourrait allonger la liste des exemples, où dans des environnements identiques, ou bien connaître et savoir sont synonymes, ou bien c'est ou l'un ou l'autre de ces deux verbes qui est possible. Ces faits distributionnels suggèrent que les verbes savoir et connaître sont les deux représentations d'un seul verbe 'U en structure profonde. Des règles lexicales dutype 'U —> savoirl —CI U—>

connaître j — C2

placeraient soit l'un soit l'autre de ces verbes. Dans ces règles CI et C2 sont « complémentaires ». Ils englobent l'ensemble des compléments de savoir et connaître. Il est à remarquer que la traduction en anglais des exemples (1) (2) (3), nécessite un seul verbe : to know. Si par exemple dans ce contexte on a une structure SN T cU QuP c'est la règle 'U —> savoir qui intervienl. Les faits cependant sont plus complexes que cela. Les exemples (4) (5) (6) imposent un complément d'analyse : (4) a. Cette histoire est sue de tout le monde. b. Cette histoire est connue de tout le monde. (5) a. Que Pierre arrive est su de tout le monde. b. Que Pierre arrive est connu de tout le monde. (6) a. Il est su de tout le monde que Pierre arrive. b. Il est connu de tout le monde que Pierre arrive. L'exemple (4) veut simplement montrer que le passif de savoir et connaître est plus confortable si la règle introduit la préposition de plutôt que la préposition par. Les phrases (5a) et (5b) sont encore des passifs de savoir et connaître, et les phrases (6) sont les formes à complétives extraposées des phrases (5). Les phrases de base de (5a) et (6a) d'une part, et de (5b) et (6b) d'autre part sont respectivement (7) a. Tout le monde sait que Pierre arrive. . b. * Tout le monde connaît que Pierre arrive. Il faut donc admettre que (5b) et (6b) sont dérivées à partir d'une forme de base inacceptable

(8) *SN connaît que pI L'application du passif sur cette forme de base est alors obligatoire pour obtenir des phrases du type (5b) et (6b). 9.3. « La règle de cacophonie » Nous présentons l'étude dela distribution dessyntagmes nominauxen fonction du déterminant qu'ils comportent comme un exemple d'analyse en syntaxe : à partir de l'analyse distributionnelle d'un ensemble de faits, des règles sont proposées, règles qui doivent décrire ces faits et expliquer les exceptions apparentes. Cette analyse doit être prise en quelque sorte comme un exemple type de démarche méthodologique. D'un point de vue distributionnel, l'article partitif des, du, dela, commute avec n'importe quel type de déterminant. On le constate sur l'exemple suivant : devant (9) —livres amusent Pierre. tous les déterminants suivants font de (9) une phrase acceptable : les, ces, deux, quelques, ses, certains, des. Si on suppose satisfaites les contraintes de genre et de nombre qui s'établissent entre le déterminant et le substantif, alors on peut proposer les règles suivantes

Nous considérons pour la suite de l'exposé que les trois déterminants du, des, de la sont formés de la même façon : une préposition de suivie de l'article défini le, la, les. Des règles morphophonologiques réajustent en surface de le en du, de les en des. Ceci étant posé, nous proposons d'étudier la distribution des syntagmes nominaux en fonction du déterminant, dans une structure donnée : —Structure directe par exemple Pierre veut SN 1. Dire d'une structure telle que

*SN connaît que P qu'elle est agrammaticale, et reconstruire des formes de base abstraites du type ce lui que P procède de deux niveaux d'analyses différents.

(10) a. Pierre veut (le gâteau + ce gâteau + son gâteau). b. Pierre veut (certains gâteaux + trois gâteaux). c. Pierre veut (du gâteau + des gâteaux).

—structure prépositionnelle en à. Soit Pierre pense à SN (11) a. Pierre pense à (la voisine + cette voisine + sa voisine). b. Pierre pense à (certaine voisine + deux voisines). c. Pierre pense à des voisines. —structure prépositionnelle en de. Soit Pierre parle de SN. (12) a. Pierre parle de (lafillle + cettefille + safille). b. Pierre parle de (certainesfilles + troisfilles). c. *Pierreparle de (desfilles + dugâteau + dela tarte). On remarque que les syntagmes nominaux sujet (9), complément direct (10), complément prépositionnel en à (11) répondent aux lois de composition de (A) : tous les déterminants sont permis. Il n'en est pas de même pour les exemples (12), oùle partitifest interdit après lapréposition de. Lesphrases (12c) seraient correctes avec les substantifs sans déterminant : Pierre parle de (filles + gâteau + tarte) Les règles, pour être correctes, doivent décrire les observations précédentes. Si nous proposons l'ensemble de règles (B) :

alors, les suites de de la, de de la, de de les, sont décrites comme acceptables. Pour corriger cet effet, une règle transformationnelle est nécessaire, règle qui supprime une des prépositions de et l'article défini générique (Artg), règle que l'on peut formuler de la façon quivante : de de Artg. ==> de Cette transformation a été appelée par Gross règle de « cacophonie ». Le nom vient de ce que les grammairiens de Port-Royal avaient mentionné ce problème dans la Grammaire générale et raisonnée, mais l'impossibilité d'avoir de de n'est pas dû à un phénomène d'euphonie. On trouve de telle suite en français Je lui ai dit de demander le livre. L'intérêt de cette nouvelle transformation est de permettre la généralisation d'autres phénomènes syntaxiques. Si l'on reprend la règle du passif et qu'on l'applique mécaniquement sur (13)

(13) Despersonnages étranges connaissent Marie. On obtient la phrase inacceptable (14) * Marie est connue de despersonnages étranges. La règle de cacophonie appliquée à (14) fournit (15) Marie est connue de personnages étranges. On retrouve un problème analogue avec la nominalisation de phrases. Nous rappelons le mécanisme de cette transformation (cf. chapitre 6) Pro T V SN [T nom] => Adj-poss Vnde SN Ainsi (16) Tu achètes ce livre. est transformée par [T nom] en (17) Ton achat de ce livre. Prenons à présent la phrase (18) Tuachètes des livres. la règle fournit un résultat incorrect (19) Ton achat de des livres. La règle de «cacophonie » intervient alors pour corriger le résultat. Dans les deux cas, passif et nominalisation, la règle de « cacophonie » fait que ces transformations peuvent s'appliquer sans contrainte et en toute généralité. Néanmoins, la règle de « cacophonie » telle qu'elle est formulée ne permet pas de décrire (20) Pierre rêve des vacances. (le verbe rêver entre dans une structure SN rêver de SN). Elle décrit simplement (21) Pierre rêve de vacances. D'un point de vue formel, on peut dire que la règle de «cacophonie » peut décrire non seulement (21) mais aussi (20), si elle est formulée en deux règles, au lieu d'une, ces deux règles étant : (a) de ==> 0 (b) Artg ==> 0 La combinaison de ces deux règles revient à la formulation précédente. Pour garder ces deux règles, il suffit alors de trouver des points de syntaxe où intervient soit de ==> 0, soit Artg ==> 0. Dans ce cas seulement, il n'est pas «ad hoc »de transformer la règle de «cacophonie »en deux règles.

Nous avons déjà utilisé de => 0 à propos de la transformation [p.c.z.] (chapitre 7). Nous rappelons un exemple. On passe de Jean est heureux de ce que Paul arrive. à Jean est heureux que Paul arrive. par suppression de la préposition (ici de ==> 0) et du ce. Sans entrer dans le détail des transformations on peut dire que Artg —> 0 intervient dans certains cas de négation. La négation (ne...pas) peut se décrire transformationnellement par la règle : SN T VQ SNne T Vpas Q [neg] => Neetpas sont insérés de part et d'autre du verbe (avec son temps). Qreprésente des compléments possibles de V. Ainsi la négation de Je prends ce livre est Je neprends pas ce livre. Aprésent, la négation de Je prends de la bière. n'est pas Je neprends pas de la bière. mais Je neprends pas de bière. phrase où l'on voit la suppression de l'article défini. Ainsi la règle de cacophonie peut se décomposer en deux règles : de 0 (a) Artg => 0 (b)

Pour décrire

Pierre rêve de vacances. les règles (a) et (b) interviennent. Pour décrire Pierre rêve des vacances. seule la règle (a) intervient. Ainsi généralisées, ces règles permettent de résoudre des problèmes de syntaxe, qui mettent en jeu d'autres phénomènes.

INDEX DES TRANSFORMATIONS

1. Transformation « affixe » 2. Règle de «cacophonie » 3. Extraposition des

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CORRIGÉS ET ÉLÉMENTS DE SOLUTIONS DES EXERCICES Chapitre 1 1. Les suites non permises sont marquées d'une étoile. Chaque suite permise est soit un morphème du français (/sak/=«sac»), soit une suite possible dans une séquence du français, ainsi /ssa/ : lilpan:ssavwarupartirl (= « Ils paraissent savoir où partir. ») /ska/ : Iskafàdrol (= « scaphandre ») /aks/ : Itaksal (= «taxa ») 1 2. Exemplesdedécomposition : 1. chatte. écriture phonétique : Ifatl deux morphèmes : -Ifal /t/, morphème, marque du féminin. 8. vendiez. écriture phonétique : /vâdje/ trois morphèmes : -/vad/ : radical du verbe vendre. -/j/ : morphème, marque de l'imparfait. -/e/ : morphème, marque de la deuxième personne du pluriel. 1 3. —morphèmediscontinu, marquedelapremière personnedupluriel : nous...ons. —morphèmediscontinu, auxiliaire du«futur immédiat» :radical du verbe aller et morphème « infinitif », affixe /r/ de avoir. —morphème discontinu du « parfait » : radical du verbe avoir et morphème /i/, participe passé du verbefinir —morphème « imparfait » : /j/ —radical du verbefinir. —ce —travail. 1 4. Liste des morphèmes : tam (l), t'uv (2), t'utu (3), t'aat'ii (4), kiis (5), kaaw (10), p'usam (20), nahaac (9). On remarque que : - un nombre à deux chiffres (ex. 21, 32) est formé en mettant à la droite de ce qui représente le chiffre des dizaines, le chiffre des unités. Cet ordre représente une addition : Lagap'usamtam 20 + 1 = 21

Lagap'usamkaawt'uy 20 + 10 + 2 = 32 —100 est formé par 5 x 20 : kiisp'usam 5 x 20 - un nombre à trois chiffres (ex. 500) est formé en mettant à la gauche de 100, le chiffre qui multiplié par 100, donne la centaine voulue : Lagakiiskiisp'usam 5 x 5 x 20 = 500 En fonction de ce qui vient d'être dit —9 = nahaac —25 —p'usamkiis —34 = p'usamtamt'aat'ii —300 = t'utukiisp'usam Le corpus est trop restreint pour écrire 324. On peut écrire 300, 24. Si on dit que 324 est l'addition de 300 et 24, on peut proposer : Lagat'utukiisp'usamp'usamt'aat'ii. 1 5. L'environnement d'un élément rx est présenté sous la forme /? —y où P représente le contexte immédiat gauche et y le contexte immédiat droit. Un contexte vide sera noté #. environnement de z environnement de x * y =F --- y * u =F w y --- 0 y --- =F * t 9* t y --- t t y y w environnement de u environnement dey z 7* x =F w :0 z =F x z t — # z z z x w t — e w x w z t x t --- z

environnement de w environnement de t x u z u x y z -- y x --- / x y x 4 z ——-=1= On remarque que tous les environnements de u, sans exception, se retrouvent dans les environnements de y et uniquement là. On peut dire alors que y et u font partie d'une même catégorie et l'on pose (1) : Ase constitue de y et/ou de u. Ensuite, on remarque que tous les environnements de z se retrouvent dans les environnements de x, excepté l'environnement -1= u. On vient de poser que y et u appartiennent à la même catégorie A. y et -1= u sont alors équivalents Les environnements -1= et l'on peut poser la catégorie B. (2) : Bse constitue de x et/ou z. Dans la mesure où les environnements x u et x y sont équivalents (cf. (1)), t et wfont partie d'une même catégorie C (3) : Cse constitue de t et/ou de w. les structures possibles des séquences du corpus se résument à : (4) : BA BAB BCA BCAB BCABC etla grammairequidécrit l'ensemble decesséquencesestla grammaire (G) = (1) (2) (3) (4). Une séquence produite par (G), autre qu'une séquence du corpus

Séquence bbbbbbbb :

2 3. L(Gd = {a' b'cab' ; m> 0, n > 1} L(GD) = {xc x } où x est une séquence quelconque de a et de b.

2 4.

2 5. Exemple de structure :

Chapitre 3 1. Formellement (a) et (b) ont une structure analogue : SN tenir à ce que SN V Il faut montrer que la séquence que SN Vde (a) est une proposition

complétive, et celle de (b) une relative. Quelques critères syntaxiques distinguent leur comportement, entre autres : —au subjonctif près, Marie vienne est une phrase (Marie vient), Marie suggère n'en est pas une. —cedans (b)commuteavec «la chose », «l'idée », et pas dans (a). La réponse à la question (2) est donnée au chapitre 7. 3 2. Par exemple la question posée sur l'adverbe départage ceux-ci en 3 classes, les adverbes de lieu (question où), les adverbes de temps (question quand), les adverbes de manière (question comment). D'un point de vue distributionnel, les adverbes de lieu et de temps commutent respectivement avec des compléments circonstanciels de lieu et de temps. Les comportements syntaxiques sont analogues, par exemple les compléments et adverbes de lieu se pronominalisent selon le pronom y : question : réponse :

Pierre y va Où va-t-il ? J Là-bas 1 t Dans lejardin j

Il faut donc regrouper dans une même catégorie adverbes et circonstanciels de temps, et adverbes et circonstanciels de lieu, et concevoir enfin des règles syntagmatiques qui décrivent ceci. 3 3. Exemples d'ambiguïtés : —Phrase (a) : deux interprétations. 1—Pierre a trouvé que Paul est malade. 2 - Pierre a trouvé Paul qui est malade. Dans la première interprétation, le verbe a pourcomplément une proposition complétive, dans la deuxième interprétation le verbe a un complément d'objet direct suivi d'une relative. L'ambiguïté de la phrase (a) est syntaxique, et deux arbres correspondent aux deux interprétations. Cependant, le modèle syntagmatique est inadéquat pour transformer ces deux arbres qui correspondent aux deux interprétations en une phrase qui est ambiguë. —Phrase (e) : deux interprétations. 1—Pierre a acheté un livre et l'a offert à Paul. 2 - Paul vend des livres et Pierre lui en a acheté un. L'ambiguïté n'est pas syntaxique mais elle est due au sémantisme mêmeduverbe. Desrègles syntagmatiques sontincapables d'en rendre compte. Seules une étude du lexique (cf. travaux de Gross) et des règles lexicales adéquates pourront lever l'ambiguïté. 3 4. Le sens de la phrase Pierre est difficile à comprendre n'est pas très éloignée de Pierre est difficile. L'omission du complément est

impossible dans la phrase Pierre est difficile à vivre. Une bonne paraphrase de Pierre est difficile à comprendre pourrait être il est difficile de comprendre Pierre, ce type de paraphrase est impossible pour l'autre phrase : *il est difficile de vivre Pierre. Dans les phrases (b), les adjectifs rouge et chaudn'ont pas les mêmes comportements syntaxiques : —par rapport à la pronominalisation : Pierre le mangechaud. *Pierre la conduit rouge. —par rapport à la question : Commentle mange-t-il? Chaud. Commentla conduit-il? *Rouge. Ces faits rapprochent le comportement syntaxique de l'adjectif chaud de celui des adverbes de manières. Chapitre 4 1. Pierre va travailler est ambiguë. L'une des interprétations est «Pierres'en vatravailler»,leverbeallerestunverbede«mouvement». Si l'on met la phrase au futur, alors elle n'est plus ambiguë : Pierre ira travailler. L'autre interprétation est celle de aller, auxiliaire du «futur immédiat ». Onretrouve cette interprétation dans la phrase Pierre va courir travailler. Pour trouver l'ordre relatif des deux verbes aller dans la phrase Pierre va aller travailler, on peut remplacer aller, verbe de « mouvement » par un autre verbe de « mouvement », courir par exemple. Ona : Pierre va courir travailler. et non *Pierre court aller travailler. L'ordre relatif des deux verbes est donc auxiliaire, « verbe de mouvement». 4 2. Il faut faire pour le passé immédiat un raisonnement analogue à celui qui a été tenu pour poser l'existence du futur immédiat. Onremarque que venir de, auxiliaire du passé immédiat est défectif : Pierre vient de travailler. Pierre venait de travailler. *Pierre viendra de travailler. *Pierre viendrait de travailler. *Pierre sera venu de travailler. *Pierre serait venu de travailler. *Pierre est venu de travailler. *Pierre était venude travailler.

La formule des temps pourrait être alors : (Prés. + Impft.)(E + (E + aller) Inf.)(E + Aux. pp + venir de Inf.) mais l'auxiliaire du passé immédiat ne se combine avec aucun des temps « futur ». 4 3. L'adverbe de temps dans cinq minutes impose un temps « futur » aux phrases. C'est l'exemple de la phrase (3). Néanmoins, le présent est possible (phrase (4)). Cependant, le degré de grammaticalité de la phrase (4) dépend de la nature de l'adverbe de temps : Pierre aurafini sa thèse dans huit ans. ?* Pierre afini sa thèse dans huit ans. De ce fait, on peut poser que (3) donne (4) par effacement de l'affixe Inf. : (3) Pierre Prés. lflj R(avoir) pp R(finir) son travail... (4) Pierre Prés. R(avoir) pp R(finir) son travail... Une phrase en si Pii alors Pi est formée en combinant deux phrases Pi et Pii. Posons Pi : phrase (1), et Pii phrase (3). La combinaison de Pi et Pii est la phrase (6) inacceptable. La phrase acceptable est la phrase (5). Mais (6) est la phrase de base de (5), et l'on passe de (6) à (5) par effacement de l'affixe Inf On peut dire que si impose l'effacement du « futur » dans les phrases en si Pi alors Pii. Il est à remarquer qu'une faute traditionnelle des enfants : sij'aurais su, ..., correspond à la phrase sous-jacente de la phrase acceptable, si j'avais su, ... On peut montrer d'une autre façon que l'effacement du « futur » est obligatoire dans les phrases en si Pi alors Pii, en prenant pour exemple des phrases au « futur immédiat » : l'affixe infinitif est disjoint de l'auxiliaire aller, et la présence de l'auxiliaire dans une phrase impose la présence de l'affixe. L'affixe n'est pas effaçable et les phrases seront inacceptables. Posons : Pi : Jean va arriver dans cinq minutes. Pii : Paul partira. Si Pi alors Pii : * Si Jean va arriver dans cinq minutes, alors Paul partira. Chapitre 5 1. Ces phrases ont une paraphrase formée des mêmes éléments mais l'ordre des morphèmes est différent : La bouteille rouge contient le vinaigre. Le vinaigre est contenu dans la bouteille rouge. Pour passer d'une phrase à l'autre, une opération analogue à [T. passif] est nécessaire mais l'application stricte de [T. passif] n'est pas possible : verbes intransitif en à, introduction d'une préposition dans, etc. Les problèmes sont posés, quelques solutions seront données ultérieurement (chapitres 8 et 9), mais beaucoup restent en suspens.

Chapitre 6 1. Soit un exemple pour chacune de ces structures : Jeanpense que Varie viendra. - penser Jean tient à ce que Marie vienne. - tenir - prêt Jean estprêt à cequePierre et Paulserencontrent. - douter Pierre doute de ce que Mariepuisse venir. - heureux Pierre est heureux de ce qu'elle soit là. - dire Pierre dit à Paul qu'il est malade. - exiger Pierre exige de Jean qu'il vienne. - encourager PierreencouragePaulàcequ'ilseprésenteauxconcours. - excuser Pierre excuse Paulde cequ'il n'ait paspu venir. - amuser QuePierre vienne amuse Paul. QuePierre vienne est utile à Paul. - utile - indigne Que lafête échoue est indigne de Paul. 6 2. Formes de base : (1) : SNsuggère que P Subj. (2) : SN pense que P (3) : SNdoute de ce que P Subj. (4) : SNa intérêt à ce que P Subj. (5) : SNest furieux de ce que P Subj. (6) : SNaffirme queP. (7) : SN est d'avis que P Subj. (8) : Que P Subj. satisfait SN (9) : SNa du plaisir de ce que P Subj. (10) : SN est sûr de ce que P. (11) : Que P Subj. désespère SN (12) : SN songe à ce que P Subj. (13) : SNrêve de ce que P Subj. (14) : Que P Subj. consterne SN. 6 3. [Base] : ce que Pierre Prés. R(réussir) Prés. R(avoir) pp R(impressionner) Paul. [T. passif] ==> : PaulPrés. R(avoir)pp R(être)pp R(impressionner) de ce que Pierre Prés. R(réussir). [pc.z] => : Paul Prés. R(avoir)pp R(être)ppR(impressionner) que Pierre Prés. R(réussir). [T. Afx.] => : Paul R(avoir) + Prés. R(être) + pp R(impressionner) + pp que Pierre (réussir) + Prés. L'introduction du subjonctif et les règles morphophonologiques convertissent cette suite en la phrase voulue. Chapitre 8 2. Constructions maximales : (1) : SNdéteste que PSubj. (2) : SNpromet que Pà SN (3) : SN brûle que P Subj.

(4) : SN exige que P Subj. de SN (5) : SN mérite que P Subj. (6) : SNautorise SNà ce que P Subj. (7) : SN obtient que P Subj. de SN (8) : SN reconnaît que P (9) : SNincite SNà ce que P Subj. (10) : SNconvaint SNde ce que P Subj. (11) : SN décourage SNde ce que P Subj. (12) : SNcraint que P Subj. (13) : SN décide SNà ce que P Subj. (14) : Que P Subj. convient à SN (15) : SN menace SNde Inf. V (16) : SNdoute de ce que P Subj. (17) : SN ordonne que P Subj. à SN (18) : SNforce SNà ce que P Subj. (19) : SN répugne à ce que P Subj. (20) : SN dit que P à SN. 8 3. Pour distinguer le comportement syntaxiques de ces trois verbes ont peut utiliser —la pronominalisation des complétives entières et réduites. —la substitution des complétives avec un syntagme nominal du type Det N. —la réduction des complétives entières. 8 4. Phrase (1) Base : AT R(croire) ce que Pierre T R(être) malade. Appliquer : 1) transformation passive avec omission de l'agent (par A). 2) transformation de formation d'objet. 3) transformation affixe. Phrase (2) Base : AT R(dire) ce que le film T R(être) mauvais Appliquer : 1) transformation passive. 2) transformation d'extraposition des complétives. 3) omission de l'agent (par A). 4) transformation affixe. Phrase (3) Base : L'arbitre T R(demander) expressement ce que l'arbitre T R(arrêter) lejeu. Appliquer : 1) transformation passive. 2) transformation de réduction de complétives. 3) transformation affixe.

Phrase (4) Base : Ceque Jean TR(démontrer) le théorème TR(être) impossible pourJean. Appliquer : 1) transformation d'extraposition de la complétive. 2) transformation de réduction de complétives. 3) transformation affixe. 8 5. Pour obtenir la phrase voulue, il faut appliquer le passif sur une structure indirecte en à. On obtient une structure intermédiaire inacceptable mais nécessaire pour appliquer ensuite l'extraposition. Les problèmes théoriques sont analogues à ceux discutés à propos de savoir et connaître (chapitre 9).

Table des matières

AVANT-PROPOS CHAPITRE 1. PRINCIPES ETMÉTHODEDUDISTRIBUTIONNALISME 1.1. Principes 1.1.1. Le langage estformé d'éléments discrets 1.1.2. Le langage estformé d'éléments arbitraires 1.1.3. Le caractère linéaire etfini des combinaisons d'éléments 1.1.4. Uneséquence d'éléments quiest unephrase a undébut et unefin 1.2. Laméthode 1.3. L'analyse en constituants immédiats Exercices CHAPITRE 2. LES GRAMMAIRES INDÉPENDANTES DU CONTEXTE 2.1. Notations 2.2. Dérivations et arbres 2.3. Les ambiguïtés 2.4. Les contraintes auto-enchâssées 2.5. Dérivations à droite et à gauche Exercices CHAPITRE 3. LE MODÈLESYNTAGMATIQUE 3.1. Définitions 3.2. Les règles dépendantes du contexte 3.3. Les permutations Appendice Exercices ............................................

5 7 8 8 8 9 9 13 15 17 19 21 22 26 29 31 34 35 35 38 42 46 47

CHAPITRE 4. LECONSTITUANT Temps ETUNETRANSFORMATIONOBLIGATOIRE: [T AFFIXE] 4.1. Analyse du système verbal français 4.2. Le constituant Temps dans le modèle syntagmatique 4.3. Une transformation obligatoire : [T affixe] 4.4. Problèmes annexes Exercices CHAPITRE 5. LE PASSIF 5.1. Le passif en grammaire traditionnelle 5.2. La transformation passive 5.3. Le complément d'objet direct Exercices CHAPITRE 6. LE MODÈLETRANSFORMATIONNEL CHAPITRE 7. LESPROPOSITIONS COMPLÉTIVES 7.1. Les cadres 7.2. Lescomplétives sont syntagmes nominaux 7.3. Lastructure de basedescomplétives 7.4. La transformation [p.c.z] Exercices CHAPITRE 8. TRANSFORMATIONSSURLESCOMPLÉTIVES 8.1. Transformation de réduction des complétives 8.2. Transformation de formation d'objet 8.3. Transformation d'extraposition des complétives ........... Exercices CHAPITRE 9. PROBLÈMES DESYNTAXE 9.1. Adjectifs et participes passés 9.2. Apropos de savoir et connaître 9.3. « La règle de cacophonie » INDEXDESTRANSFORMATIONS BIBLIOGRAPHIE CORRIGÉSETÉLÉMENTSDESOLUTIONSDESEXERCICES.................

49 50 54 57 59 62 63 63 64 69 71 73 79 79 81 85 87 88 89 89 94 95 98 101 101 103 105 109 110 111

7167. - IMPRIMERIE NOUVELLE, ORLÉANS. - 9/1975. LIBRAIRIE ARMAND COLIN N" 6862. Dépôt légal 3° trimestre 1975. Imprimé en France.

Lélia PICABIAest maître-assistante à l'Université de Paris VIII, et rattachée au Laboratoire d'automatique documentaire et linguistique E.R.A.du C.N.R.S.

LÉLIAPICABIA ÉLÉMENTSDEGRAMMAIREGÉNÉRATIVE ' APPLICATIONSAUFRANC fAIS

Apartir des travaux de Noam Chomsky, la théorie générative et transformationnelle s'est développée depuis près de vingt ans et a introduit un renouvellement dans les méthodes pédagogiques d'enseignement dufrançais. Cet ouvrage s'adresse à tous ceux - étudiants, enseignants - qui veulent s'initier à la grammaire générative et à ses méthodes d'analyse en syntaxe. Après trois chapitres d'exposés théoriques (Qu'est-ce qu'une grammaire ? Une règle ? Un"arbre" ?) il propose des analyses de domaines particuliers : le passif, les temps, les compléments complétifs. Chaque chapitre est accompagné d'exercices dont les corrigés oudes éléments de solution -figurenten finde volume.

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